Google
This is a digital copy of a book that was preserved for generations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project
to make the world’s books discoverable online.
It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject
to copyright or whose legal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books
are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that’s often difficult to discover.
Marks, notations and other marginalia present in the original volume will appear in this file - a reminder of this book’s long journey from the
publisher to a library and finally to you.
Usage guidelines
Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we have taken steps to
prevent abuse by commercial parties, including placing technical restrictions on automated querying.
We also ask that you:
+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use these files for
personal, non-commercial purposes.
+ Refrain from automated querying Do not send automated queries of any sort to Google’s system: If you are conducting research on machine
translation, optical character recognition or other areas where access to a large amount of text is helpful, please contact us. We encourage the
use of public domain materials for these purposes and may be able to help.
+ Maintain attribution The Google “watermark” you see on each file is essential for informing people about this project and helping them find
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it.
+ Keep it legal Whatever your use, remember that you are responsible for ensuring that what you are doing is legal. Do not assume that just
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other
countries. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can’t offer guidance on whether any specific use of
any specific book is allowed. Please do not assume that a book’s appearance in Google Book Search means it can be used in any manner
anywhere in the world. Copyright infringement liability can be quite severe.
About Google Book Search
Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps readers
discover the world’s books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full text of this book on the web
al[http://books. google. com/]
OI TRE Ef CR tante ee
Hebde eer at
| F ER lost | rt di û | #
OM CE
ji
| ij
‘ | to supplement frs | Es =
relating to Ht
|
dr. »
M | fi
4
FE
|
Pad
.
DAANEN
|
UE"
.
XX° Congrès archéologique et historique
de Belgique (Gand, 1907).
TOME 11.
FÉDÉRATION ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DE BELGIQUE
SOUS LE HAUT PATRONAGE DE S. M. LE ROI.
ANNALES
DU
XX CONGRES
(GAND, 1907),
PUBLIÉES PAR
PAUL BERGMANS,
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONGRÈS.
TOME II.
RAPPORTS ET MÉMOIRES.
GAND,
IMPRIMERIE A. SIFFER,
PLACE SAINT-BAVON.
1907.
NARD COL
rn En
AUG 11 1920
LIBRARY
Jb Kavel fra
RÉSUMÉ
des connaissances acquises sur la préhistoire
de la Flandre à l’époque de la pierre,
par A. RUTOT,
Conservateur au Musée Royal d'Histoire Naturelle de Bruxelles.
Les richesses préhistoriques de la Flandre sont encore
peu connues.
Elles ne manquent pas, cependant, mais leur peu de
diffusion est, en grande partie, due à un état d’esprit bizarre
et incompréhensible à l'heure actuelle, qui fait que certaines
personnes ayant commencé l’exploration du pays au point de
vue archéologique et préhistorique, ont enfermé jalousement
leurs collections de manière à les soustraire, autant qu’il était
possible, à l’étude des connaisseurs.
Ces personnes disparues, les objets qu’elles avaient ras-
semblés ont été délaissés ou dispersés, ou ont perdu toute
valeur scientifique par l’absence d’étiquettes, d'indications ou
de catalogue.
Ce triste genre de collectionneurs a, heureusement, à peu
près disparu de nos jours, mais le mal qu’ils ont fait est irré-
parable, car leurs recherches out été opérées alors que les
gisements offraient toutes leurs richesses, ce qui, pour beau-
coup d’entre eux, est loin d’être le cas aujourd’hui.
D'autre part, certaines circonstances favorables, qui se
présentaient autrefois, ont cessé actuellement d’exister.
C'est ainsi que l’extraction de la tourbe, dans toutes nos
larges vallées, s’est éteinte, alors qu'elle avait fourni, au
commencement du siècle dernier, quantité de documents
remarquables ; de même, les grands travaux publics, tels que
— 6—
creusement de canaux, de tranchées, grands terrassements, se
font de plus en plus rares, et avec eux les chances de décou-
vertes.
Mais il est inutile de nous attarder en regrets superflus ;
ce qui est perdu est bien perdu et tous nos efforts doivent
actuellement porter sur la recherche de nouvelles trouvailles,
sur leur étude sérieuse et sur leur conservation certaine.
Dans le petit mémoire dont nous avons accepté la rédac-
tion, nous nous efforcerons de fournir les quelques indications
relatives à ce que l’on connait au sujet des découvertes faites,
en Flandre, relativement à la longue partie de la Préhistoire
qui a reçu le nom d’ « Zpogue de la Pierre».
Nous trouvant actuellement en état de démontrer scienti-
fiquement et pratiquement, sur des matériaux authentiques,
l'existence d’une industrie primitive qui a été dénommée
« industrie éolilhique », nous rappellerons que l’on peut,
maintenant, diviser Epoque de la pierre en trois grandes
périodes qui sont dans l’ordre de succession : l’Eolithique, le
Paléolithique et le Néolithique.
C’est dans cet ordre que nous présenterons aux membres
du Congrès la série des découvertes parvenues à notre connais- .
sance.
I. — Industrie éolithique.
Dans l’état actuel des connaissances, l'industrie éolithi-
que commence à apparaître, en Europe, dans des dépôts
fluviaux à Maslodon et à Hipparion, développés dans le
Cantal, en France, aux environs d’Aurillac; dépôts que les
géologues sont unanimes à rapporter au Miocène supérieur.
Un peu plus tard se développe à la fois dans la France
septentrionale et centrale, dans le Sud-Est de l’Angleterre et
dans la Haute-Belgique, une industrie éolithique dont l’âge a
été déterminé : Pliocène moyen.
Plus tard encore, se rencontre en France et en Angleterre,
une industrie primitive, dans les couches à Élephas meridio-
nalis, datées : Pliocène supérieur.
Cette succession termine l’époque tertiaire, mais l’arrivée
— 77 —
des temps quaternaires ne modifie en rien l’industrie humaine
à facies primitif, car nous reconnaissons à la base, au milieu
et au sommet du Quattrnaire inférieur, l’existence de trois
niveaux éolithiques : le Reutélien, le Mafflien et le Mesvinien,
après lesquels la mentalité humaine se transforme par l'in-
vention des instruments intentionnellement taillés et, dès la
base du Quaternaire moyen, nous entrons ainsi dans la grande
division dite « Paléolithique ».
Les industries éolithiques tertiaires n’ont laissé aucune
trace in-silu dans la Flandre, mais dans le niveau reutélien
formant la base des dépôts quaternaires de la moyenne terrasse
‘de la vallée de la Lys (30 à 65 mètres au-dessus du niveau
“actuel de l’eau dans la vallée), on rencontre des instruments
fortement patinés et roulés, qui ont été apportés, par charriage
du cailloutis de la haute terrasse des vallées (100 mètres au-
dessus du niveau actnel des eaux) étendu sur la crète de
l’Artois.
Sur cette crête existent, en effet, des gisements de silex
éolithiques d’âge pliocène moyen, qui constituent l’équivalent
exact des gisements anglais de même âge, rencontrés sur le
Chalk-plateau du Kent et sur le côté opposé du bumbement du
Weald.
C’est avec l’aurore du Quaternaire, que commencent à
apparaître les gisements in-situ des industries éolithiques de
la Flandre.
Tout à la fin des temps tertiaires, le creusement de la
pente rapide séparant la haute terrasse de la moyenne terrasse
de la vallée de la Lys a pris fin, et les cailloux charriés par
la vitesse des eaux se sont arrêtés et déposés sur le fond,
destiné, dans la suite, à devenir la moyenne terrasse, lors de la
continuation du creusement.
Les eaux s’étant retirées dans le thalweg, des populations
humaines descendant directement de celles qui étaient con-
temporaines de l’Ælephas meridionalis, se sont aventurées sur
les berges couvertes de silex en rognons, ou éclatés, charriés
de la crête de l’Artois et, la situation se trouvant satisfaire
aux trois principales conditions d’habitabilité aux époques
préhistoriques qui sont : présence immédiate de l'eau, pré-
— 8 —
sence d’un lit ou tapis de silex ou de matière utilisable pour
la confection de l’outillage, existence de territoires de chasse
et de pêche étendus, les populations se sont établies en ces
points favorables.
Ces tribus, très peu nombreuses, qui occupèrent la vallée
de la Lys, en étaient encore à la culture éolithique. Elles
abandonnèrent donc à la surface du cailloutis constituant les
berges de la vallée, les instruments qu’elles utilisèrent.
Ces instruments composés de percuteurs, d'enclumes, de
couteaux, de racloirs, de grattoirs et de percoirs, constituent
une industrie qui, morphologiquement, ne se distingue pas
des précédentes, mais qu’il est utile de mettre en relief et de
dénommer à cause de sa présence, à un niveau géologique
précis, qui la date d’une manière tout à fait remarquable.
Cette industrie est le Rentélien (1), que personnellement
nous avons découverte pour la première fois dans la vallée de
la Lys, mais que nous connaissons maintenant très bien dans
les vallées de la Haine, de la Trouille, de la Sambre et de la
Meuse, en position identique.
Mais les silex reutéliens de la Flandre ne se rencontrent
pas seulement le long de la moyenne terrasse de la vallée
actuelle de la Lys depuis les environs de Messines jusque
Staden.
Les cailloux charriés de la crête de l’Artois ont été trans-
portés plus loin vers le Nord, et ils recouvrent en partie les
sommets des collines d'Ursel, de Knesselaere, de Somergem,
autrefois parcourus par de petites troupes reutéliennes qui y
ont abandonné les outils, peu abondants, qu elles avaient
utilisés sur place.
Pendant que la tribu reutélienn: occupait les berges
caillouteuses de la Lys, par suite d'un mouvement de soulève-
ment du sol, les eaux, assez basses, reprirent l'allure torren-
tielle et érosive. Elles creusèrent ainsi la partie de la vallée à
pente rapide située en contrebas de la moyenne terrasse et
(1) De riches collections d’Eolithes reutéliens de la Flandre occidentale
sont exposées dans les galeries publiques du Musée royal d'Histoire naturelle
de Bruxelles.
— 9 —
finirent par établir leur fond à une trentaine de mètres plus
bas. |
Mais l'érosion prenant fin, les cailloux charriés, relative-
ment peu nombreux, se répandirent sur le nouveau lit, puis
peu à peu les eaux se retirèrent dans le thalweg, émergeant
sur leurs bords des amas caillouteux peu importants, formés
de matériaux d'assez petit volume, qui semblent n’a voir guère
tenté les primitifs.
On sait que les populations à industrie éolithique, qui
sont venues occuper les bords du nouveau lit des cours d’eau,
ont reçu le nom de « Maffliennes ».
Ce nouveau lit, correspondant à ce que nous appelons
de nos jours la basse terrasse (5 à 10 m. au-dessus du niveau
actuel des eaux), représente en effet un stade chronologique
important et précis qu'il y avait lieu de faire ressortir et de
distinguer à légal du Reutélien.
Il ne m'a pas été possible, jusqu'ici, de savoir avec certi-
tude si des tribus Maffliennes ont occupé le nouveau fond de
la vallée de la Lys, comme ils l'ont fait pour la Dendre, la
Haiue, la Trouille, etc.
Il est très rare que l’un effectue des travaux importants
sur la basse terrasse de la vallée de la Lys, de sorte que le
niveau caillouteux Mafflien n’est presque jamais visible.
Peut-être, un jour, des conditions favorables se présente-
ront, qui permettront de trancher la question de l'occupation
de la vallée de la Lys par les Maffliens.
Si ceux-ci ont réellement vécu dans la vallée, ils en ont
été chassés au bout d’un certain temps par une crue considérable
qui a fait monter, dans toutes les vallées, les eaux de 65 m.
environ.
Toutefois cette crue, due à l'impossibilité dans laquelle
se trouvaient les eaux de se jeter dans la mer par suite d'un
phénomène géologique ayant rapport aux extensions glaci-
„aires, fut tranquille, en ce sens que les eaux s’enflèrent sans
prendre de la vitesse, ce que démontrent les dépôts de sable
et de’ sable argileux ou glaise, abandonnés sur tout le vaste
„territoire soumis à l’inondation.
Par suite de la hauteur de la crue, la moyenne terrasse,
— 10 —
comme Ja basse terrasse, se trouvèrent couvertes de sable très
argileux et c'est à travers ces épais sédiments que les eaux
durent recreuser leur vallée.
Seuls des lambeaux de ces dépôts subsistèrent et la fin
du mouvement d’érosion fut marquée par l’abandon d’un
troisième cailloutis, assez important, tant sur la moyenne que
sur la basse terrasse.
J'ignore si, dans la vallée de la Lys, le fond fut occupé
_ par de nouveaux habitants, mais ce qui est certain, c'est que
de maigres populations à industrie éolithique s’établirent
momentanément sur les nouveaux cailloutis de la moyenne
terrasse qui venaient d’être mis à découvert.
Ces populations, établies sur le cuilloutis supérieur du
Quaternaire inférieur, ou Moséen, se trouvent encore une fois
dans une situation stratigraphique précise ; leurs restes consti-
tuent un point de repère important de la chronologie et c’est
pour ce motif qu’on leur a donné le nom de « Mesviniennes ».
J'ai pu m'assurer à Wytschaete, à Moorslede, à Petit
Zillebeek, à Gheluvelt, que l’industrie Mesvinienne, assez
faiblement représentée, existe bien certainement dans le mince
niveau caillouteux que l'on rencontre recouvrant la glaise
Moséenne.
Comme on peut s'en convaincre, le Reutélien et le Mesvi-
nien sont donc représentés en divers points de la Flandre, le
premier d’une manière assez développée, le second est plutôt
rare.
II. -— Industrie paléolithique.
L'industrie mesvinienne clôt la série des industries éoli-
thiques.
Aux points les plus favorables, comme dans les vallées
de la Haine et de la Trouille, le Paléolithique commence par
un terme nouveau qui a recu le nom de Sérényien et qui pré-
cède le Chelléen.
Ce Strépyien, comme toutes les industries éolithiques et
comme le Chelléen, ne se développe qu’aux points où la matière
première utilisable est abondante et en éléments volumineux.
— U —
Tel n’est pas le cas pour lu vallée de la Lys, sur la basse
terrasse de laquelle lé cailloutis utilisable est très rare.
Je n’ai rencontré jusqu'ici en Flandre aucun instrument
- pouvant être rapporté au Strépyien.
Pour ce qui concerne le Chelléen, les chances de trou-
vailles sont également très faibles et aucun instrument de ce
type n’a été rencontré en réalité; mais, aussitôt après, nous
touchons à des-temps pénibles pour les populations paléoli-
thiques et nous avons pu faire, à ce sujet, des observations
intéressantes.
: En effet, pendant le Chelléen, la grande calotte glaciaire
septentrionale s’approchait, pour la troisième fois de son point
de progression maximum, au Nord de la Tamise.
Le climat s'en ressentait vivement dans nos régions,
surtout l’hiver. Sous les accumulations de neiges, les végé-
taux disparaissaient et les vastes forêts rabougries devenaient
solitaires.
La faune des carnassiers suivait celle des herbivores en
pleine retraite vers le Midi et l’homine, au milieu de cette
perturbation profonde, se trouvait désorienté.
Mais aucune résistance n’était possible : il fallut se déci-
der, faute de subsistances, à quitter les rives des cours d’eau
tranquilles, les riches gisements de silex, la lisière des forêts
jadis giboyeuses, où tant de générations s'étaient succédées.
Bref, l'émigration avec tous ses hasards et tous ses dan-
gers fut la seule ressource des malheureuses populations et, à
partir de la fin du Chelléen jusqu’à l’Acheuléen, ce fut un sauf
qui peut de familles errantes, cherchant la voie du salut.
Dans cette fuite, les instruments que l’on possédait
étaient emportés, puis, ceux hors d'usage étaient semés ca et
là, au hasard des campements et c'est ainsi que, sur une assez
vaste étendue de notre pays, nous rencontrons, épars, souvent
brisés, des instruments et des outils dont les formes caracté-
risent la transition du Chelléen à l’Acheuléen et cette dernière
industrie proprement dite.
J'ai personnellement recueilli, aux environs d’Y pres, à la
base du limon hesbayen étendu sur la moyenne terrasse de la
vallée de la Lys, des instruments rassemblés en petites stations
— .]2 —
d'étape, ou isolés, de type acheuléen, montrant que des famil-
les errantes avaient passé dans cette région de la Flandre (1).
D’autres traces des émigrants ont-elle été rencontrées le
long des vallées de l’Escaut ou de la Dendre? je l’ignore; cer-
taines collections disparues auraient peut-être pu nous fournir
des renseignements intéressants à ce sujet.
Les personnes en possession de données précices feraient
œuvre utile en signalant les faits en leur connaissance.
Avec l’Achenléen inférieur, dont le niveau géologique
se trouve au sommet des couches dites « Campiniennes », se
termine, en Belgique, ce que nous savons des populations du
Paléolithique moyen.
Du reste, si ces populations n’avaient pas été chassées par
la rigueur du climat, elles eussent été inévitablement anéanties
par un formidable phénomène géologique qui a occasionné le
dépôt, en Belgique et dans le Nord de la France, du vaste
manteau de limon hesbayen.
Ce phénomène est la répétition, à échelle double, de
énorme crue déjà signalée alors que les éolithiques Maffliens
vivaient sur le cailloutis de la terrasse inférieure des vallées.
À l’époque du Quaternaire inférieur ou Moséen, la. crue,
due à la fusion des glaciers vosgiens et alpins, a pu être évaluée
à 65 mètres; celle que la géologie nous montre, aussitôt après
lAcheuléen inférieur, u’est pas moindre de 120 mètres.
Ces phénomènes grandioses, qui ne pourraient plus se
reproduire de nos jours, sont dus à deux causes principales
qui résident en ce que la Grande Bretagne était largement
rattachée au continent, d'où suppression de la Manche, du
Pas de Calais et de la Mer du Nord, et en ce que toute cette
région Nord était barrée par le front de immense calotte de
glaces septentrionale supprimant tout exutoire aux eaux
douces vers la mer.
Celles-ci ont donc dù s’accumuler successivement au-
(1) Ces instruments sont déposés dans les collections du Musée royal
d'Histoire naturelle de Bruxelles; ils proviennent spécialement de Petit
Zillebeke et des environs de Gheluvelt. Un instrument amygdaloïde brisé a
été également recueilli par le Dr V. Jacques à la base du limon hesbayen,
dans la tranchée de Wytschaete.
— 13 —
dessus des crêtes de partage des vallées de la Somme et de la
Seine, pour se déverser eufin, par un chemin transversal, dans
l'Océan atlantique au large de la Bretagne.
En France, le long de la bordure sud de la zone inondée,
les Acheuléens vivaient, épiant le retrait des eaux et, après ce
départ, quelques familles poussètent jusqu’en Belgique, mais
ne semblent pas y avoir séjourné longtemps.
Les faits qui se sont passés dans notre pays, à cette
époque, n’ont pu être encore complètement élucidés.
Avec la fin de l’époque hesbayenne se termine le Quater-
paire moyen et commence le Quaternaire supérieur qui, dans
tous les pays de l'Europe centrale, représente l’époque de
l’habitation des cavernes ou troglodytique.
Cette époque est magnifiquement représentée dans la
région rocheuse de la Belgique, mais quelques unes des tribus
nomades, qui passaient sans doute la mauvaise saison à l'abri,
ont laissé des traces, hors des cavernes, dans le Hainaut et
dans le Brabant.
Rien de semblable n’a encore été constaté, à ma connais-
sance, dans la Flandre et il n'y a que bien peu de chances
que l’on y rencontre de ces vestiges.
À part quelques incursions rapides de l’une ou l’autre
compagnie de chasseurs de Reune, la Flandre paraît avoir été
complètement déserte pendant toute l’époque troglodytique.
III. — Industrie néolithique.
Si les populations paléolithiques semblent avoir à peine
fait quelques apparitions momentanées en Flandre, au con-
traire les Néolithiques s’y sont installés, mais en aggloméra-
tion moins denses que daus les autres parties du pays.
Les principales causes de cette occupation clairsemée
résident d’abord dans l’absence de matière première utilisable
et dans la nature humide et marécageuse de toute les parties
basses de la région et notamment du fond des vallées. On sait,
en effet, que l’époque néolithique concorde avec le maximum
d'extension des tourbières.
D'une manière générale en Flandre, les Néolithiques ont
_ U —
plus spécialement habité les hauteurs; toutefois Mr E. van
Overloop en a rencontré dans le pays de Waes, aux environs
de Mendonck, et Delvaux a signalé des trouvailles faites dans
la tourbe du fond de la vallée de l'Escaut, notamment aux
environs d’ Audenarde (1).
A l'heure actuelle, un bon nombre de prébistoriens s’ima-
ginent encore que Néolithique et époque de la pierre polie sont
synonymes, et, comme on acceptait qu’il avait dû s’écouler un
temps assez long entre la fin de l’époque les cavernes, avec son
industrie si spéciale et le commencement de l’époque de la
pierre polie, on avait imaginé de créer un hiatus que, pendant
longtemps, on a cherché à combler.
C’est à E. Piette que l’on doit les premiers rémplissages;
mais l'Azylien et l'Arisien sont peu de chose par rapport au
‘trou béant.
: Successivement sont venus le Tardenoisien de G. de
Mortillet et le Campignyien de Salmon, Capitan et d’Ault du
Mesnil, qui ont fortement réduit l’hiatus et ce qui restait à.
combler l’a récemment été par le Flénusien, découvert. par
l'ingénieur G. Neirynck vers 1868, mais que j'ai fait con-.
naître récemment. :
Inutile de dire que ces nouvelles divisions n’ont pas eu
heur de plaire à bon nombre de. préhistoriens. Il y a encore
beaucoup de personnes qui préfèrent croire à l’hiatus parceque
lon trouve des haches polies dispersées dans les gisements
fournissant les matériaux des nouvelles divisions. Pour elles,
la découverte, dans n’importe quelle station, d'une hache
polie, entraine forcément l’âge de la pierre polie pour cette
station. 2.
Que feraient alors ces mêmes personnés, explorant. Je
centre et le Midi de la France et trouvant côte à côte, à la:
(1) Lé Musée róyal d'Histoire naturelle de Bruxelles renferme, outre les
pièces recueillfes par Delvaux, de magnifiques haches en bois de cerf et des
gaînes de haches découvertes dans des tombières, notamment à Rooborst.
Le même établissement expose également de beaux objets recueillis dans la.
tourbe, à Anvers. Tous ces instruments étaient accompagnés de nombreux
ossements humains et d'animaux, qui ont également été précieusement"
couservés. . oo
— 15 —
surface du sol, ainsi que j'ai pu le vérifier moi-même, des
coups de poing du plus pur type chelléen, des instruments
amy gdaloïdes très soignés du type acheuléen, des outils auri-
gnaciens et des haches polies? |
Tous ces instruments seraient-ils aussi de l'âge de la
pierre polie ? :
ILn'’est cependant pas difficile de concevoir qu'il a existé
dés régions où aucun dépôt sensible ne s’est formé pendant
une suité de temps plus ou moins longue, d’où l’accumu-
lation, sur le même sol, des instruments de toutes les indus-
tries qui se sont succédées. |
- Or, en dehors du fond des vallées, du bas des pentes,
des tourbières et des régions dunales, c’est-à-dire sur des
vastes étendues de pays, aucun dépôt sensible n’a été aban-
donné pendant le Néolithique, de sorte qu’il n’y a rien d’éton-
nant à ce qu’on rencontre, un peu partout, des haches taillées
ou polies, perdues au hasard des périgrinations des habitänts
de l’époque de la pierre polie. |
Il ya même un fait intéressant à constater, c'est que ce
sont précisément ceux qui critiquent le plus l'établissement
des nouvelles divisions, qui les connaissent le moins.
Forts des recherches et des observations de nos prédé-
cesseurs et des nôtres, forts des énormes matériaux recueillis
et parfaitement étudiés (1), nous laisserons donc les critiques
à. leurs occupations favorites et nous affirmerons, pièces en :
mains, avec preuves à l'appui, qu’actuellement, entre la fin
du. Magdalénien et l’époque de la pierre polie ou Robenhau-
(1) On se rappellera que peu après le Congrès international d’Anthro-
pologie et d'Archéologie préhistoriques, tenu à Bruxelles en 1872, l’ingé-
nieur G. Neirynck a légué au Musée royal d'Histoire naturelle de Belgique
ses immenses collections éolithiques, paléolithiques et néolithiques. Le
nombre des pièces, pour le seul Néolithique, dépasse 20,000. Les séries
récoltées dans la vallée de la Meuse par les soins de la Direction du Musée
se-montent à environ 5000 pièces, celles récoltés dans le Hainaut à plus de
-6000, puis viennent les collections E. de Munck se montant à 2000 pièces,
celles de M le Professeur Gilson, de Louvain, à plus de 3000, et d’ autres,
môins importantes, portent à environ 50,000 le total des spécimens quiont
été tous étudiés un ä u un pour l'établissement des subdivisions du Néoli-
thique.
— 16 —
sien, viennent s’intercaler trois industries successives, très bien.
caractérisées, qui sont, dans l’ordre de leur apparition : le.
Tardenoisien, le Flénusien et le Campignyien. Ensuite vient
donc le Æobenhausien, puis, pour finir, nous avons encore à
prendre en considération 1’ Omalien.
On se rappellera que le Tardenoisien est une industrie
microlithique, composée uniquement de très petits instruments
dont beaucoup ont des contours rectilignes dits « géomé-.
triques ».
Contrairement à ce que l'on croit généralement, le Tar-
denoisien, réduit à ses petits éléments, est une industrie:
complète, composée de percuteurs, de nucles, d’éclats de débi-
tage et de petits instruments qui sont des couteax, des:
racloirs, des grattoirs, des percoirs et des pointes de fièches de
quatre modèles différents. |
On trouve sur les sommets dominant la Meuse et plu--
sieurs de ses affluents, et entre les marécages de la Campine, -
ainsi que notre zélé confrère Mr le D" Raeymaekers l’a.
démontré, des statious de cette industrie, souvent très pures.
Eufin, on sait, depuis peu de temps, que le Tardenoisien .
a ses racines dans les cavernes et que les premières formes
tardenoisiennes accompagnent les derniers instruments mag-
daléniens, alors que le Renne existait encore dans notre pays.
M: Ed. Dupont avait déjà remarqué le fait avant 1870
dans le « Trou du Chêne » et dans le « Trou du Sureau », dans
la vallée de la Molignée et confirmation éclatante de cette
observation a pu être faite par M" E. Van den Broeck, lors de
ses fouilles dans la salle d'entrée de la Grotte de Remou-
champs (Vallée de l’Amblève).
Depuis, le fait a encore été signalé à Engis par M' Dou-
dou et voilà les fameuses grottes de Menton qui montrent la
même association au sommet de la Caverne des Enfants.
Dans les cavernes, il ne peut être question d’un
« mélange » accidentel ; lames magdaléniennes et petits instru-
ments géométriques sont bien contemporains dans le même
niveau et ce n’est que plus tard, à l’aurore des temps néolithi-
ques, lorsque la Renne a disparu, que le Tardenoisien s’afñirme ,
comme industrie autonome et se développe à l'extérieur. '
—
— ]7 —
Par suite de ses attaches avec les cavernes, le Tardenoi-
sien doit donc être considéré comme la plus ancienne industrie
néolithique ; c'est celle qui florissait en Belgique lorsqu’a eu
lieu l’invasion brutale des grossiers Flénusiens.
La petite industrie si intéressante dont nous nous oecu-
pons a-t-elle existé dans la Flandre ?
Pour ce qui me concerne, je n’en sais rien et notre con-
frère M" le D' Raeymaekers pourra peut-être répondre à cette
question.
Il existe toutefois une raison pour laquelle il se pourrait
que l'occupation des Flandres par les Tardenoisiens soit nulle
ou se réduiss à peu de choses, c’est l’éloignement de la région
des cavernes; mais l'observation directe nous en dira plus à
ce sujet que toutes les argumentations du monde.
Un peu partout dans le pays, mais principalement dans
le Hainaut, aux environs de Mons, là où existent les riches
gisements de silex, on remarque la présence, au milieu de
régions où se rencontrent des stations ou des objets isolés de
l’époque de la pierre polie, des amas de silex utilisés qui
détonnent dans Je milieu robenhausien.
Certains gisements comme ceux du Flénu et de Jemappes,
découverts par Neirynck vers 1868 et d’autres, comme celui
de Spiennes (1), découvert par moi-même en 1896, sont suffi-
samment riches et purs pour qu'on y recounaisse, comme des
intrus, les instruments robenhausiens qui viennent s’y
mélanger.
D’autres encore, comme celui de S'-Symphorien, sont
disséminés en plein atelier robenhausien, et se remarquent
peu au premier abord (2).
Toutefois on s’aperçoit rapidement de la présence des
instruments flénusiens par la nature du silex employé, par les
formes grossières des instruments et par leur poli générale-
ment brillant, alors que les pièces robenhuusiennes restent
mates ou sont fortement patinées en blanc.
(1) Le seul gisement flénusien de Spiennes m'a fourni plus d’un millier
de pièces très bien caractérisées, conservées au Musée d'Histoire naturelle
de Bruxelles.
(2) C'est à Mr KE. de Munck qu'est due la connaissance de cette riche et
im portante station.
— ]8 —
Enfin, au « Camp-à-cayaux », à Spiennes, j'ai vu nette-
ment le gisement flénusien passer sous l’amas d’éclats de
débitage et de taille qui constitue le célèbre atelier roben-
hausien.
Bref, cette industrie du Flénu présente des caractères
très spéciaux qui la font distinguer de l’industrie de la pierre
polie en ce que la plupart des instruments montrent un facies
primitif ou éolithique et, naturellement, qu'il n'y existe
aucune pièce polie.
Lorsqu’en 1896 j’ai découvert le gisement flénusien de
Spiennes, n’ayant encore aucune connaissance des richesses
de la station du Flénu, j’ai cru avoir affaire à un gisement
éolithique tellement les ressemblances avec le Mesvinien
étaient grandes.
Ce n'est qu'une étude approfondie des lieux qui m'a
permis de voir que je m'étais trompé.
L'industrie flénusienne comprend principalement des
percuteurs divers assez rares, de belles enclumes, des nuclei
de débitage assez abondants, des couteaux, peu communs, des
racloirs, dont beaucoup à encoches, des grattoirs assez nom-
breux, des perçoirs droits ou obliques, plus quelques formes
parfois bizarres et peu compréhensibles parmi lesquelles on
reconnaît des tranchets, des casse-têtes, des ébauches gros-
sières de haches, etc.
Cette industrie a son principal centre dans le Hainaut,
aux environs de Mons, mais elle étend des ramifications dans
le Brabant et dans les provinces de Liége et de Namur.
Le Flénusien existe-t-il en Flandre ?
Je le crois et j”’y rapporte une partie des trouvailles faites,
dans la région Nord de la Flandre orientale, par M' E. van
Overloop.
Parmi les objets rencontrés par cet éminent préhistorien,
se remarquent en effet une quantité de pièces de formes
bizarres, en silex noir, présentant de nombreuses encoches,
comme beaucoup de spécimens du Flénu.
Il est certain, à mon avis, que ces pièces dérivent du
cailloutis à Eolithes reutéliens qui couvre encore actuelle-
ment le sommet des collines du Nord de la Flandre. Ce
— Ì9 —
cailloutis, lors du creusement maximum de l’ancienne vallé:
de l’Es’aut correspondant au Campinien des géologues, a été :
remanié et transporté du haut des collines au bas des allu-
sions campiniennes du vieil Escaut, dont le cours se dirigeait
droit au Nord de Gand, au lieu de tourner vers Termonde et
Anvers comme actuellement.
Mes recherches et mes comparaisons m'ont amené à
admettre que les Flénusiens ont perfectionné peu à peu, sur
place, leur grossier ontillage.
Ils ont mieux soigné les retouches, ont arrondi les con-
tours et ils ont également amélioré notablement un instrument
dit « tranchet », qui devient abondant et caractéristique. Des
indices de taille intentionnelle se retrouvent également dans
certains instruments allongés, dits « pics ».
Ce facies, connu depuis longtemps en Scandinavie et
principalement en Danemark, où il est renfermé spécialement
dans les « rebuts de cuisine » ou « Ajökkenmödinger », existe
aussi très bien représenté en France où il a recu de MM. Ph.
Salmon, D" Capitan et d'Ault du Mesnil, le nom de « industrie
des fonds de cabanes du Campigny » ou « Campignyien ».
Charles Debove, d'Elouges, et E. de Munck ont exploré
une station de ce type, bien caractérisée, à Elouges et, avant
eux, Neirynck et Percenaire en avaient découvert une autre à
Ghlin, au Nord Ouest de Mons.
Tous ces précieux matériaux fout partie des collections du
Musée Royal d'Histoire Naturelle de Bruxelles.
À ces stations, Mr E. de Munck a pu en ajouter une
autre, mélangée de Flénusien et de Robenhansien à St Sym-
phorien et vers l’an 1900 j'en ai personnellement découvert
une quatrième au sommet d'une colline près de Masnuy-
S' Pierre.
Ces séries font également partie des collections du Musée
royal d'Histoire naturelle.
Dans d’autres régions, le Campignyien a été rencontré
sporadiquement, comme le Flénusien, dans le Brabant, en des
points occupés ensuite largement par les Robenhausiens.
Le Campignyien est-il représenté dans la Flandre ?
Je ne suis pas à même de pouvoir répondre à cette ques-
— 90 —
tion, mais nos excellents coufrères MM. D' Raeymaekers,
Baron Ch. Gillès de Pélichy et abbé Claerhout seront sans
doute en mesure de nous fournir de précieux renseignements à
ce sujet.
Après étude et comparaisons, je suis également d’avis que
le Robenhausien a succédé, par évolution directe et sur place,
au Campignyien, avec cette réserve que l’idée du polissage de
certains instruments a pu être importée de l'étranger.
Cette industrie, la seule dans laquelle existent des instru-
ments polis, est trop connue pour que nous nous arrêtions à
donner ses caractères.
Existe-t-elle en Flandre ?
Ici, nous pouvons donner uue réponse complètement
affirmative.
Les Robenhausiens ont occupé la Flandre en beaucoup
plus grand nombre que leurs prédécesseurs et la liste des
localités où des stations existent serait sans doute déjà assez
longue.
On peut citer comme jadis très riches, les sommets des
collines de Renaix et à ce sujet le géologue Einile Delvaux
raconte qu’un collectionneur de cette ville, M' Joly, avait
réuni de nombreuses et précieuses séries qu’il conservait
jalousement à l'abri des regards de toutes les personnes
compétentes.
A force de démarches, Delvaux est parvenu, un jour, à
pouvoir jeter un coup d'œil sur ces collections et les quelques
mots qu’il en dit sont tout ce que l’on en connaît.
Il m'est reveuu que cette collection, si importante par la
quantité de documents qu'elle renfermait, est actuellement
perdue pour la science.
J'ai pu apercevoir aussi, il y a une quinzaine d’années,
une intéressante série de belles pièces robenhausiennes recueil-
lies par Mr Dedeyn, autour de Ninove; j'espère que ces maté-
riaux ont été conservés.
Heureusement E. Delvaux a pu encore rassembler une
collection assez satisfaisante de silex robenhausiens des col-
lines de Renaix et il a publié à ce sujet un mémoire étendu.
Le Musée royal d'Histoire naturelle a recueilli les collec-
— U —
tions délaissées à la mort de Delvaux et on peut en voir un
bon choix dans les galeries publiques de l'Etablissement.
Le même Musée possède aussi la série d’instruments de
silex et d’os travaillés récoltés par le même géologue dans la
tourbe de la vallée de l’Escaut aux environs d’Audenarde. Ces
documents sont également exposés.
Sau vées également pour la science, sont les belles collec-
tions recueillies par M" E. van Overloop, directeur des
Musées royaux des Arts décoratifs à Bruxelles, dans la région
de Mendonck.
Il en est de même, croyons-nous, pour les très intéres-
santes trouvailles de M' le baron Ch. Gillès de Pélichy et de
l’abbé Claerhout qui, tous deux ont si brillamment contribué
à la connaissance du Néolithique et notamment du Roben-
hausien dans la Flandre Occidentale,
Une mention toute spéciale doit être accordée aux belles
et fructueuses recherches de M" l’abbé Claerhout dans les
palaffites de la Mandel et dans les stations des environs de
Pitthem.
Enfin, pour terminer, nous saluons en la personne du
D" Raeymaekers un pionnier des sciences archéologiques et
préhistoriques, dont les explorations minutieuses et assidues
ont fait comme sortir de terre des récoltes que tout le monde
croyait absentes et c’est avec une vive satisfaction que nous
avons vu figurer au programme du Congrès, une communica-
tion de notre zélé et sympathique confrère sur ses trouvailles
néolithiques autour de Gand.
Là ne s'arrête certainement pas l'inventaire des gise-
ments préhistoriques de l’époque de la pierre, en Flandre ; car
nos confrères du Pays de Waes nous réservent sans doute
quelqu’agréable surprise.
Je termine donc ici le court et fort incomplet exposé de
la question des connaissances préhistoriques en Flandre, avec
l'espoir de voir combler, par leurs auteurs, les trop nom-
breuses lacunes que certainement il présente.
Ce n’est même pas un exposé que j'ai eu l'intention de
faire, c'est en vérité une sorte de mise en train, un projet de
plan d’ensemble qui, grâce à la science et à l'activité de nos
— 22 —
confrères, ne tarderait pas à se réaliser en un imposant édifice
si chacun voulait apporter ici l'exposé succinct de ses décou-
vertes.
Ce devrait être l’un des principaux résultats du Congrès
que cette condensation, faite par les auteurs, de l’ensemble
de leurs découvertes, souvent décrites dans des publications
diverses et où on ne songe parfois pas à aller les trouver
lorsque l’on désire se livrer à des études synthétiques.
Chacun devrait fournir une boune bibliographie de ses
travaux et indiquer le lieu où existent les collections décrites.
C’est pour cette raison que j'ai signalé avec soin, dans le
cours de ce petit travail, les collections relatives à la Flandre,
conservées au Musée royal d'Histoire naturelle de Bruxelles
et où elles peuvent être consultées.
La Confection d’un album belge de paléographie,
par le R. P. J. VAN DEN GHEYN,
Conservateur des manuscrits de la Bibliothèque royale de Belgique.
La plupart des pays possèdent aujourd’hui des recueils
offrant des reproductions des principaux monuments paléo-
graphiques qui les intéressent (r).
Notre pays, qui pourtant s’est distingué par tant d’autres
initiatives utiles, n’a jusqu’à ce jour produit en ce genre que
les £'léments de paléograghie du chanoine Reusens. Ce recueil
comprend, il est vrai, soixante planches en phototypie, dont
un certain nombre reproduit des documents belges.
Toutefois, malgré son réel mérite, cet ouvrage ne répond
pas adéquatement au desideralum qui nous occupe. En effet,
la plupart des fac-similés sont réduits ou partiels, et un trop
grand nombre d’entre eux n’ont aucun rapport avec la
Belgique, ce qui se conçoit du reste pour un traité de paléo-
graphie générale. |
Le recueil dont on demande un peu partout la réalisation,
est un album belge de paléographie, c’est-à-dire une collection
choisie de documents typiques écrits dans nos contrées au
cours des âges.
Pour réaliser ce dessein, les éléments ne font point défaut.
Nos bibliothèques et nos dépôts d’archives renferment, en
grand nombre, d'intéressants manuscrits et de belles chartes.
On peut dire qu’il n’y a que l’embarras du choix.
Mais, pour fixer ce choix, il y a lieu d’arrêter quelques
principes nettement définis, et pour aboutir à l'exécution
(1) Cf. R. PoupampiN et M. Prou, Liste des recueils de fac-simile de
chartes, dans Actes du Congrès international pour la reproduction des manu—
scrits, des monnaies et des sceaux, pp. 219-517.
— U —
pratique, de préciser les procédés de reproduction qui seront
jugés préférables et le mode de publication qui apparaitra le
plus avantageux.
C’est tout l’objet de ce rapport.
Avant de l’aborder plus directement, .il importe d'établir
une distinction capitale.
Sous le titre général d'album paléographique peuvent
se confondre deux choses pourtant très distinctes, les textes
paléographiques proprement dits, ou spécimens d’anciennes
écritures, et les documents diplomatiques. En réalité donc, ce
sont deux recueils qu’il conviendrait de confectionner; l’un
pourrait s'appeler album belge de paléographie, l’autre album
belge de diplomatique.
Aussi bien, ces deux albums répondent chacun à des
besoins spéciaux. Le premier servira surtout aux philologues,
les historiens tireront plus grande utilité du second.
De plus, les caractères propres des écritures anciennes
diffèreut assez notablement, personne ne l'ignore, dans les
manuscrits de longue haleine et dans les pièces émanées des
chancelleries. Scribes et copistes ont des procédés absolument
distincts de ceux des notaires publics. Donc, au seul point de
vue paléographique, c’est-à-dire du déchiffrement des ancien-
nes écritures, la distinction s'impose entre les reproductions
de livres proprement dits et celles des documents d’archives.
Il est, croyons-nous, superflu, d’insister longuement sur
la grande utilité et les services des: albums paléographiques
dont on préconise la confection. Pour l'enseignement, ils pour-
ront suppléer à l’absence des originaux, qu’il est souvent
malaisé, voire même impossible, de mettre aux mains des
étudiants, surtout pendant les lecons mêmes du professeur.
Après ces préliminaires, nous allons, sans plus tarder,
nous acquitter de la tâche que nous avons assumée.
Je m'occuperai de l’album paléographique proprement
dit. Dans un autre rapport, M" Pirenne traitera la question
spéciale du recueil de diplomatique.
On peut ramener à trois chefs principaux tout ce qui
semble devoir être dit sur la confection d'un album paléogra-
phique.
— 95 —
1. De quels manuscrits faut-il reproduire des spécimens ?
2. Combien de fac-similés convient-il de donner ?
3. Sous quelle forme matérielle doit se présenter ce choix
de reproductions ? |
L.
À la première question, je réponds d’abord, d’une facon
générale, qu’il faut reproduire des manuscrits exclusivement
belges, c’est-à-dire ceux exécutés par nos ancêtres. Il ne peut
donc s’agir de volumes étrangers égarés dans quelques biblio-
thèques de notre pays. Il ne saurait davantage être question
d'œuvres trauscrites par des étrangers temporairement établis
ou de passage parmi nous, et, pour intéressantes qu’elles soient,
j'exclus la lettre de Jeanne d'Arc aux Tournaisieus et la copie
du Pro Archia faite par Pétrarque avec l'encre jaunâtre de
Liége.
Au contraire, j'admets des manuscrits belges conservés
au British Museum ou à la Bibliothèque nationale de Paris, ou
un texte transcrit par un de nos compatriotes se trouvant hors
de son pays.
Le recueil doit contenir les différents types d'écritures
qui furent successivement en usage dans nos provinces, depuis
leur première apparition au V[° siècle jusqu’au milieu du
XVI: siècle,
Il conviendra donc d’avoir un ou plusieurs spécimens de
chaque siècle, suivant l'importance paléographique de chacun
d'eux. De préférence, quand la chose sera possible, on donnera
le choix aux textes qui portent une date absolument précise.
Ce n’est pas tout : autant que faire se pourra, on accor-
dera la préférence à des autographes de personnages plus ou
moins célèbres. À la condition pourtant que ces autographes
soient suffisamment typiques et représentent convenablement
l'écriture de leur temps. En effet, les hommes célèbres ne sont
pas toujours ceux qui écrivent le mieux.
Eufin, il ne faut pas négliger les écritures féminines ; il
convient qu’elles soient représentées dans l’album.
Ces principes posés, nous allons dresser une liste des
documents dont l'album pourrait fournir la reproduction. Cette
— 6 —
liste est naturellement provisoire. Elle appelle la discussion et
c’est dans ce but qu’elle est soumise au Congrès. Tous les
documents proposés ne rallieront peut-être pas les suffrages;
il en est sans doute d’autres que nous ne connaissons pas ou
auxquels nous n’avons pas songé et que les délibérations
futures du Congrès appelleront à l'honneur de la reproduction.
1. Pour le VT* siècle, il y a à la bibliothèque de l’Uni-
versité de Gand, une des quatre pages en tête du manuscrit
de Sedulius, provenant de l’abbaye de Saint-Pierre,
2. À la Bibiiothèque royale de Belgique, se trouve un
feuillet en onciales de Paul Orose, datant du VII: siècle et
provenant de Stavelot (n° 19609).
3. L’évangéliaire d'Eyck, écrit au VIII siècle par les
saintes Harlinde et Relinde, conservé dans le trésor de l’église
de Maeseyck, fournirait un spécimen unique de lécriture
anglo-saxonne, que les moines irlandais importèrent en notre
pays (1).
4, Du IX° siècle, la bibliothèque de l’Université de Liége
possède un exemplaire des œuvres de saint Jérôme que l’on
croit avoir été écrit en 834.
. La lettre de Notger, évêque de Liége, à Womare, abbé
de Saint-Pierre à Gand, conservée aux archives de l’État à
Gand, fournit, puisqu'elle est écrite en 980, un bon spécimen
de l'écriture carolingienne du X* siècle.
6-7, On pourra représenter le XI* siècle par la Bible que
copia en 1084, le moine Goderan et que garde la biblio-
thèque du Séminaire de Tournai.
Toutefois, comme cette date nous mène un peu loin dans
ce siècle et se rapproche plus du commencement du XII: siècle,
il y aurait lieu d’y ajouter le manuscrit des œuvres de
Grégoire de Tours (2) exécuté vers 1034 à Saint-Laurent de
Liège (n° 9920-31 de la Bibliothèque royale de Belgique). Ce
(1) Cf. J. Gieren, L'Évangéliaire d'Eyck lez Maeseyck du VIII: siècle,
dans Bulletin des Commissions royales d'art et d'archéologie, 1891.
(2) Cf. J. VAN DEN GHEYN, Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque
royale de Belgique, t. V, p. 223.
_ 97 —
volume se recommande surtout, parce qu'il offre un type
parfait de l’écriture caroline complètement développée.
8-11. Pour le XII° siècle, il y a déjà plus de choix.
La Bibliothèque royale possède l’autographe de Sigebert de
Gembloux qui écrivait entre 1101 et 1106 (n° 18239-40) et la
bible d'Henri de Bonne-Espérance, copiée de 1132 à 1135
(n° IL. 2524). A la bibliothèque de lu ville de Mons se trouve
le livre du frère Guillaume de Liessies, daté de 1160 à 1180,
et à la bibliothèque de l’Université de Louvain un volume de
Renier de Liége, écrit en 1182.
12-15. Gilles d'Orval et Maurice de Neufmoustier, dont
on possède à la bibliothèque du grand Séminaire de Luxem-
bourg des spécimens d’écritures qui remonteut à 1250, un
certain Amalric, qui a copié en 1255 le mauuscrit n° 1179-84
de la Bibliothèque royale, Guillaume de Ryckel, dont le
Polypiyque daté de 1255 à 1273 est à la bibliothèque de l'Uni- |
versité de Liège, et Jean luussens, moine de Cambron, qui
transcrivit en 1255 les œuvres de Saint Augustin (n° IT. 229%
de la Bibliothèque royale de Belgique) conviennent assurément
pour représenter la seconde moitié du XII siècle.
Pour la première moitié, nous n'avons pas rencontré de
nom particulier à signaler, mais le n° 9200-1 de la Biblio-
thèque royale de Belgique, copié en 1225, peut servir de
spécimen paléographique de cette époque.
16-21. Au XIV: siècle, je relève à la Bibliotl:èque royale
de Belgique (n° 11. 986) un mauuscrit de Jean de Rivo pour
1315, un autre (n° 8544 de la Bibliothèque royale) exécuté
par Nicolas Galensis en 1321. Un certain Prient calligraphie
en 1348 le manuscrit n° 7450 eten 1378, le mauuscrit n° 7501.
Citons encore Guillaume de Vottem en 1373 (n° IL. 1159) et
Jérôme Obritze en 1388 (manuscrit n° 2695-719). Tous ces
volumes appartiennent à la Bibliothèque royale de Belgique:
22-30. Du XV: siècle on possède un nombre considérable
de manuscrits datés, et ici le choix devient particulièrement
malaisé. De 1402 à 1403, Raoul de Rivo écrit le volume coté
n° 1996-2000 de la Bibliothèque royale de Belgique. Dans le
même dépôt, le ms. n° 9332-40 offre un spécimen de l'écri-
ture de Jean de Stavelot et trois de celle de Corneille Zantfliet
— 28 —
(1420-1433), dans les nn° 2146-50, 19593-96 et 2056. L'auto=
graphe de Thomas a Kempis (n° 5853-61) daté de 1441 a sa
place marquée dans notre recueil; de même, le chroniqueur
Adrien d’Oudenbosch, dont la Bibliothèque royale possède
cinq manuscrits datés de 1460 à 1467 (nn°* 9700-41, 7920-31,
9374-75,10827-35 et 11055-58).Jean Miélot et David Aubert,
les deux calligraphes attitrés de la cour de Bourgogne, ne
devront pas être omis. Du premier, la Bibliothèque royale a le
n° 9249-50, écrit en 1448-49 et du second, le n° 9270, qui
date de 1461. |
Comme spécimen d’écritures de femmes, il y a à la Biblio-
thèque royale de Belgique, le n° 15069, œuvre d’Élisabeth
Wytens et de Marguerite Raes en 1471-74 (1).
31-32. Il n’est guère utile de prolonger beaucoup la
série des reproductions phototypiques de manuscrits du XVI:
siècle. Faisons une exception, à cause de leur caractère histori-
que, pour une lettre toute entière de la main de Charles-
Quint, écrite à Henri de Nassau et datée de 1518, que possède
la Bibliothèque royale de Belgique (n° II. 2270), et pour une
autre de Gérard Mercator (1567), que nous fournira également
la Bibliothèque royale de Belgique (n° II. 482) (2).
IT.
Nous arrivons ainsi à un total de trente-deux reproduc-
tions pour l’album paléographique qui est en projet.
Ce nombre est-il satisfaisant? N'est-il pas trop considé-
rable, ou, au contraire, ne faut-il pas l’augmenter?
Le chiffre fixé nous paraît suffisant, parce qu’en exumi-
nant la liste des manuscrits dont se compose la précédente
_ énumération, on se convaincra aisément que toutes les épo-
ques paléographiques et les divers genres d'écritures sont
représentés dans la série.
(1) Cf. P. BERGMANS, Une Copiste bruxelloise du XVe siècle, dans Revue
des bibliothèques et archives de Belgique, t. TI (1905), p. 285-86.
(2) Voir J. VAN RAEMDONCK, Za Géographie ancienne de la Palestine.
Lettre de Gérard Mercator à André Masius, dans Annales du Cercle archéolo-
gique du Pays de Waes, t. X, 1884.
— 99 —
Nous sommes donc d’avis qu'il ne faudrait pas allonger
beaucoup la liste proposée, d'abord pour ne pas rendre l’album
inabordable aux bourses modestes, et puis aussi parce qu'à
multiplier le nombre des spécimens on tomberait aisément
dans une fastidieuse monotonie. IÌ est, en effet, absolument
superflu de multiplier les spécimens d'un même genre d'écri-
tures.
Ainsi, nous ne nous dissimulons pas que l’amour de
l’autographe nous a peut-être fait exagérer quelque peu le
nombre des reproductions pour le XV* siècle. Il y aurait donc
là, le cas échéant, à opérer des réductions.
D'autre part, si de nouvelles propositions justifiées par
des oublis ou des omissions devaient utilement faire grossir
ce nombre, nous nous déclarons prêt d'avance à y souscrire.
Il est du reste fort probable que l'exécution pratique amènera
encore quelques modifications au programme tracé.
IL.
Uu mot de la forme matérielle de l’album paléographique.
En d’autres termes, quel est le mode de reproduction à
préconiser et dans quel format le recueil devra-t-il être
présenté ?
Sur le choix du procédé à suivre, l’accord, croyons-nous,
se fera aisément. Tout le monde aujourd'hui est unanime à
reconnaître les excellents services rendus, pour la production
des fac-similés, par la photocollographie, communément ap-
pelée phototypie (1).
En particulier, pour la reproduction de l'écriture, le
procédé peut produire des résultats absolument parfaits.
Il y a lieu d’attirer l'attention de ceux qui présideront à
la confection de l’album paléographique sur la question du
papier à choisir pour les fac-similés. Le papier couché doit être
(1) Cf. A. Barot, L' Etat actuel des publications de fac-simile de manuscrits,
dans Actes du Congrès international pour la reproduction des manuscrits, des
monnaies et des sceaux, pp. 181-85. Cf. p. 310.
résolument proscrit, S'il donne, avec la simili-gravure, des
reproductions d’une grande finesse, il ne présente, comme on
sait, aucune garantie de durée.
A côté de la feuille avec le spécimen d'écriture, sur une
autre sera l'indication sommaire, mais complète, du type
paléographique représenté, du scribe, de l’âge du volume et
du dépôt du spécimen en question.
On peut se demander s’il ne convient pas d’ajouter une
transcription du document reproduit. Je suis d’avis que cette
transcription est utile. L'album ne sera pas fait uniquement
pour des maîtres ; il est donc bon que les étudiants du cours de
paléographie puissent contrôler leur propre déchiffrement.
Aussi bien, la plupart des traités de paléographie fournissent
cette transcription, même les feuilles de la Palaeographical
Society.
Quant au format de la reproduction, il le faut très mania-
ble. Celui des feuilles de la Palaeographical Society est beau-
coup trop considérable. On évitera cependant de le réduire
trop fortement pour ne pas ajouter encore aux difficultés de
la lecture.
Je proposerais comme très commode et de justes propor-
tions le format de la publication du British Museum. Illumi-
nated Manuscripts in the British Museum.La hauteur de 0",375
et la largeur de 0”,275, soit le grand in-4°, me paraissent
très suffisantes.
Enfin, je suis d’avis que les feuillets restent libres et ne
soient pas reliés.
Reste la question du prix de revient de l’album. S'il n’est
pas possible de donner à cet égard une indication absolument
définitive, il ya pourtant moyen de formuler certaines pré-
visions. Une entreprise similaire, mais malheureusement
avortée, celle des Codices belgici selecti, avait été lancée sur la
base du coût de 0,30 la feuille de reproduction in-4°. A ce
compte, il semble que l'album de paléographie pourrait être
fourni au prix relativement avantageux de dix à douze francs,
qu’il faudrait du reste tâcher de ne pas dépasser de beaucoup.
C'est, croyons-nous, un maximum qui ne serait pas atteint
en fait.
— 31 —
Telles sont les observations que nous a suggérées le
projet de confection d’un album paléographique. M" Pirenne
dira de quelle façon devrait être compris un recueil de repro-
ductions de documents diplomatiques belges.
RAPPORT
sur le projet de publication d’un recueil de fac-similés
pour servir
à l’étude de la diplomatique des provinces belges,
par Henri PIRENNE,
Professeur à l’Université de Gand.
Au mois d’août 1905, le Congrès international pour la
reproduction des manuscrits, des monnaies et des sceaux,
réuni à Liége, adoptait un vœu ainsi conçu : « Le Congrès,
considérant l’état actuel des études de diplomatique, engage les
pouvoirs publics à favoriser les travaux de reproduction de
chartes privées. Il invite tout particulièrement le gouverne-
ment belge, qui a pris l'initiative de sa réunion, à faire entre-
prendre ou à soutenir la publication d’un recueil de fac-
similés pour servir à l’étude et à l’enseignement de la diplo-
matique des principautés belges ». Ce vœu est-il destiné,
comme il arrive si souvent, à demeurer purement platonique ?
Quelques personnes ont pensé qu'il méritait mieux que ce
sort déplorable. Elles ont cru que, dans la voie indiquée par
le Congrès de Liége, le Congrès de Gand pourrait avoir l’hon-
eur de fuire le premier pas. Elles sont persuadées, en tous
cas, qu'il ne manquera pas de s’intéresser à un projet dont Ja
réalisation comblerait une lacune sensible dans notre outil-
lage scientifique et ne présenterait, d'autre part, aucune diffi-
culté d'ordre pratique, C'est à mettre rapidement ces deux
points en lumière qu’est consacré le présent rapport.
I.
Bien que les études de diplomatique aient fait, au cours.
du XIX° siècle, d'étonnants et décisifs progrès, et bien que la
reproduction des documents paléographiques soit devenue,
— 33 —
dans le même temps, plus aisée, plus exacte et moins coùteuse
qu'elle ne l’avait jamais été auparavant, il est curieux de
constater que cette époque n’a guère vu paraître de recueils
de fac-similés consacrés spécialement à l’étude de la diplo-
matique. Les diplomatistes du XVIII: siècle, les Papebroch,
les Mabillon, les Heumann, les Baring et tant d’autres,
ont été à cet égard, et si étrange que la chose paraisse à pre-
mière vue, plus actifs que leurs successeurs. Sans doute, on
a reproduit depuis un demi siècle et on reproduit encore con-
stamment une quantité de chartes et de diplômes. Mais presque
toutes les collections de fac-similés parues de nos jours out un
but spécialement paléographique. C’est l’étude de l'écriture en
soi, ce n’est pas l’étude des caractères externes des actes qui
ont déterminé le choix de leurs. auteurs. Le plus souvent, ils
font voisiner pêle-mêle les chartes avec les manuscrits (1). Je
ne vois guère à citer, comme destinés exclusivement aux diplo-
matistes, que les Diplomata et chartae merovingicae aetatis
de Letronne (1851), les Fac-simile de chartes et diplômes
mérovingiens de J. Tardif (1866), les Diplomi imperiali e reali
delle cancellarie d'Italia (1892), les Specimina selecta charta-
rum ponlificum Romanorum, de MrJ. von Pflugk-Harttung
(1885-87), et surtout la grande collection des Kaiserurkunden
in Abbildungen, publiée de 1881 à 1891 par H. von Sybel et
Th. Sickel.
Comme leur nom l'indique suffisamment, ces ouvrages
n'intéressent que l’étude des grandes chancelleries de l’Europe
médiévale : celle des papes, celle des Empereurs, celle des rois
francs. En revanche, pour l'étude des actes innombrables aux-
quels, faute de mieux, on donne habituellement le nom d’actes
privés (chartes d’évêques, d’abbés, de princes laïques, de
particuliers, etc.), presque rien encore n’a été fait. L’A/buin
paléographique du Nord de la France, édité par Jules Flamnier-
mont en 1896, ne contient, il est vrai, que des reproductions
dechartes privées, maisceschartesn’ont étérecueillies et choisies
—
(1) Voyez l'excellente Liste des recueils de fac-simile de chartes dressée
par MM. R. POUPARDIN et M. Prou, dans les Actes du Congrès international
pour la reproduction des manuscrits, etc. p. 219 et suiv. (Liége, 1905).
— 34 —
que comme spécimens paléographiques : c'est encore une fois
de l'écriture que l’auteur s’est exclusivement occupé. Il n’en
va pas de même pour un ouvrage paru vers le même moment.
Les planchesannexées par M"O. Posse à son remarquable travail
intitulé : Die Lehre von den Privaturkunden (Leipzig, 1887)
n’ont d’autre but que de servir à l’étude et à la critique des
‘documents d’archives envisagés, non plus comme modèles
d’écriture, mais comme actes authentiques. Ce qui a déter-
miné le choix de l’auteur, ce n’est plus le caractère gra-
phique, c’est le caractère diplomatique des pièces reproduites.
Nous lui devons le premier essai scientifique d’un recueil de
documents dressé en vue de la diplomatique privée. Malheu-
reusement ce recueil ne constitue, pour ainsi dire, que les
pièces justificatives d’un traité de diplomatique théorique. Il
n’y faut voir que les preuves de la doctrine exposée par son
auteur. Il n'existe point pour lui-même ; il n’est ni assez com-
plet, ni assez maniable pour répondre complètement au but
que doit atteindre un véritable recueil de documents diploma-
tiques conçu en vue de l'étude et de l’enseignement. Mais du
moins v trouve-t-on la méthode qui devrait être celle d’un
recueil de fac-similés se rapportant au domaine immense et
encore si mal connu de la diplomatique privée. Je m'explique.
On sait aujourd’hui que, durant les premiers siècles du
moyen-âge, la très grande majorité des documents privés
n'ont pas été écrits, à la différence des documents pubiics,
dans les chancelleries (tj. Tandis que les papes, les empereurs
et les rois, faisaient dresser par leurs scribes les chartes éma-
nées d'eux, il en était autrement pour les princes territoriaux.
En règle générale, les actes dressés au nom de ces princes ont
été rédigés et mis en forme par les destinataires de ces mêmes
actes, le prince se bornant à y faire apposer son sceau. C'est
là ce qui explique que, tandis que les chartes pontificales,
a ———— ee — _— _—
(1) Sur l'époque où apparaissent les chancelleries princières en Belgique,
voir H. Pirenne, La chancellerie et les notaires des comtes de Flandre avant le
XIIe siècle, dans les Melanges Julien Havet (Paris, 1895), et E. Reusens, Zes
chancelleries inférieures en Belgique depuis leur origine jusqu'au commence-
ment du XIII siècle, dans les Analectes pour servir à l'histoire ecclésiastique
de la Belgique, t. XX VI.
impériales ou royales présentent, à la même époque on tout
au moins durant un même règne, une physionomie presque
identique, celles d'un même comte ou d'un même évêque, au
contraire, se distinguent par une extrême variété non seule-
-ment-dans les formules, mais aussi dans la disposition générale
et dans l'écriture. Rien d'étonnant à cela si l’on songe, en effet,
que ces chartes ont été dressées dans un grand nombre de
couvents possédant chacun son formulaire spécial et sa calli-
graphie particulière. De là, dans les études de diplomatique
privée, une très grande difficulté qui n’existe point dans celles
de diplomatique publique. Ici, il suffit, pour juger de l’authen-
ticité d’une bulle de pape par exemple ou d'un diplôme impé-
rial, de connaître l'écriture de la chancellerie du pape ou de
l’empereur en question. Là, cette méthode ne donnera aucun
résultat, puisque les documents privés n’ont pas été dressés
dans une chancellerie, mais par des scribes monastiques (1).
C'est donc à l’écriture de ces scribes qu'il convient de s'attacher.
Il faudra appliquer, en d’autres termes, pour chaque princi-
pauté ou pour chaque diocèse, à l’écriture monacale, les mêmes
procédés de critique que l’école de Sickel a appliqués si heureuse-
ment à l'écriture des notaires impériaux. Il faudra procéder,
par exemple, pour le comté de Flandre, le duché de Brabant,
ou le Pays de Liège, comme M" Posse a procédé pour la Saxe,
c'est-à-dire, établir avec soin la filiation des écritures monas-
tiques, reconnaître le ductus propre à chacune d'elles,
reconstituer enfin les diverses écoles de calligraphie d’où sont
sortis les actes portant le noin d’un même prince (2). C'est là
un travail indispensable et sans lequel il faut renoncer à
me ee ae ee
(1) Je ne parle bien entendu que de l'époque du moyen âge antérieure à
la création des chancelleries princières. Dèsque celles-ci existent, la méthode
devient identique pour l'étude des documents dits privés et pour celle des
documents publics.
(2 Cette méthode a déjà été appliquée très heureusement en Belgique à
des cas particuliers. Voir par exemple des études toutes récentes de Mr H.
Nélis : Deux chartes de Charles le Bon pour l'abbaye de Suint-Baron, dans les
Annales de la Societe d'Émulation de Bruges, t. LVL 15906, et Charte fausse
de l'église de Grimde, dans la Revue des Bibliothèques et Archives de Belgique,
t. IV, 1906.
— 36 —
aboutir jamais, à des conclusions certaines. Or, si l’on songe
à la quantité innombrable des actes privés, on s’étonnera
qu’une besogne si urgente soit à peine entamée encore. Elle ne
peut l’être sans la confection d’un recueil de fac-similés dressé
suivant les principes que je viens d’exposer, et il ne faudra
sans doute pas insister plus longtemps pour en persuader le
Congrès (1).
IT.
Comme je le disais en commençant, la confection d’un
album de ce genre, pour la Belgique, serait aisément réali-
sable. Une commission composée de spécialistes se partagerait
le travail. On choisirait, pour les différents territoires, Flandre,
Brabant, Hainaut, Pays de Liége, Luxembourg, etc., un
certain nombre de spécimens de chartes suffisamment carac-
téristiques. Une notice serait destinée à expliquer chaque
planche ou chaque groupe de planches. L'ouvrage paraîtrait
par fascicules comprenant chacun quelques planches appar-
tenant aux diverses séries dont la publication aurait été
décidée. Les moyens de reproduction seraient les mêmes que
ceux exposés dans son rapport par le R. P. Van den Gheyn.
Quant au succès, il est certain d’avance. La nouveauté et
l'utilité d’une telle œuvre lui fourniraient sans aucun doute
dé très nombreux souscripteurs tant en Belgique qu’à l'étran-
ger. Et le gouvernement d’un pays où, eu 1675, Papebroch
publiait en tête d’un volume des Acla Sanctorum les premiers
fac-similés gravés de chartes et de diplômes qui aient vu le
jour, pourrait-il se désintéresser d’une publication qui consti-
tuerait aussi, dans le domaine des études de diplomatique,
une initiative si honorable ?
18 janvier 1907.
(1) Je ne puis naturellement, dans un simple rapport, insister sur tous les
avantages que retirerait, de la publication du recucil dont il est question
ici, l'étude d’une foule de questions relatives à la date, au sceau, aux souscrip-
tions des actes et même à leur rôle juridique. Il est évident qu'on ne se borne-
rait pas, d'ailleurs, à reproduire des originaux. Il y aurait lieu, dans certains
cas, de publier des minutes, des copies, des pages de cartulaires et de regis-
(rez, ete.
La figure hybride dans l’art décoratif,
par Henry ROUSSEAU,
Conservateur aux Musées royaux des arts décoratifs et industriels.
Dès la haute antiquité, la figure hybride occupa dans
l’art décoratif une place des plus importantes. Une étude
complète et méthodiquement conduite de cet élément si pitto-
resque et qui prête à des combinaisons si variées, serait,
sans nul doute, utile et intéressante à divers titres :
l’arrhéologie ne pourrait que profiter d’un classement
chronologique des modifications successivement apportées à
aspect des principaux types de figures hybrides, depuis leur
invention jusqu'à leur disparition, ou jusqu’à nos jours;
de nombreuses catégories d’artistes, ou d’artisans prati-
quant les diverses industries d'art, y trouveraient un fonds
précieux de modèles judicieusement choisis et classés, de
sujets infiniment variés et applicables aux travaux décoratifs
de toute espèce comme de tous styles;
l’amateur jouirait de plaisirs nouveaux à comprendre, à
considérer sous un jour imprévu les œuvres de tous genres
embellies par l’art décoratif;
enfin, l’enseignement de l’art pur, tout aussi bien que
celui de l’art industriel, retirerait d’une telle étude des béné-
fices sur lesquels il paraîtrait superflu d’insister.
Cette étude doit être méthodique ; il importe donc d’en
établir, avant tout, le programme ; c’est l’objet que nous nous
proposons en rédigeant ce mémoire,
Le tout premier point à fixer nettement est la détermi-
nation exacte du sens de notre titre : « La figure hybride dans
l'art décoratif ».
— 8 —
Précis en apparence, ce titre est cependant fort élasti-
que . où limiterons-nous le domaine de « l’Art décoratif? »
qu’entendrons-nous, eu réalité, par « figure hybride? »
Nous prendrons l’art décoratif dans la plus large accep-
tion de ce terme : toute œuvre d'art servant à décorer.
La décoration monumentale d’abord : les frises et les
bas-reliefs, les statues, les pilastres, les chapiteaux ; toutes
lés œuvres que le statuaire cu l’ornemaniste ont semées tant
sur les facades qu’à l'intérieur des édifices, et cela depuis le
début des époques historiques ; puis, les peintures murales,
les grandes compositions peintes ou dessinées; les tapisseries
même; nous verrons aussi les meubles, sur le bois plus ou
moins précieux desquels s’est exercé le talent du sculpteur.
À côté du sculpteur, il y a l’orfèvre, statuaire en minia-
ture, dont le ciseau ne connaît guère que les métaux précieux ;
à côté du peintre, il y a le miniaturiste, l'enlumineur des
vénérables manuscrits de nos archives ; — et le peintre ver-
rier, — et le mosaïste.…
à côté du huchier qui sculpte les meubles d'art, il y a
cent artisans qui font de petits objets usuels, susceptibles,
eux aussi, de recevoir une décoration artistique …
et le céramiste, depuis le simple potier dont les ouvra-
ges sont enluminés par d’autres jusqu’à celui qui modèle les
figures dans la terre et la revêt de polychromie; depuis les :
curieux vases de Corinthe jusqu’aux merveilles sorties du four
des Bernard Palissy.
Tous ceux-là, qu’ils aient pour outil le ciseau ou le
piuceau, l’ébauchoir ou le burin, le métier ou le tour, — que
leurs talents s'appliquent à un monument, à un lieu public, à
une salle, à un meuble, à un livre, à un objet usuel quel-
conque, — tous ceux-là, dis-je, dès que leurs productions
décorent et qu'elles ont un caractère artistique, font œuvre
d’art décoratif ; et c’est dans toutes leurs œuvres, indistincte-
ment, que nous puiserons nos exemples.
On voit combien vaste est le champ que nous aurons
à exploiter. Il va de soi que nous devrons, sous peine de
dépasser notre but, nous contenter de quelques exemples
choisis dans chacune des branches de l’art décoratif.
— 39 —.
Si nous savons, maintenant, dans quelle large accep-
tion nous entendons « l’art décoratif », il nous reste à déter-
miner ce que nous admettrons comme « figure hybride ».
Ouvrons le dictionnaire au mot « hybride »; il nous
donne cette définition : « Qui provient de deux sujets apparte- |
nant à des espèces différentes »
Voilà donc le point de départ de notre étude : Les figures
dans lesquelles les espèces sont mélangées; c’est à dire ces
créatures de rêve que l’on rencontre surtout dans les œuvres
de l'époque gothique, fuites d’une étrange réunion de mem-
bres appartenant à diverses espèces d'animaux; c’est à dire
aussi, à plus forte raison, ces figures si caractérisques appa-
rues dès la plus haute antiquité égyptienne, et qui ont une
tête d'homme sur un corps d’animal, ou bien encore une tête
d'animal sur le corps d’un homme; c’est à dire, enfin, les
personnages ou les animaux dits « issant de rinceaux », qui
ont un torse humain et dont les jambes sont remplacées par de
gracieux enroulements de feuillage.
Mais ce n’est pas tout : uous limiter à ces figures « hybri-
des » au sens propre donné par le dictionnaire serait exclure
de notre étude des catégories, hautement intéressantes, de
figures qui, sans être formées de fragments appartenant à
différentes espèces, ne sont pas, cependant, la reproduction
exacte de la nature.
Montrons-nous donc aussi larges dans l’acception du mot
« hybride » que dans celle de l’expression « art décoratif », et
admettons, dans l’objet de nos recherches, les représentations
d’hommes ou d’animaux qui comportent l’addition de têtes,
de bras, de jambes appartenant à la même espèce que la figure
principale, mais en nombre supérieur à celui fixé par la nature;
et du moment que nous admettons ces figures « à membres
multipliés », nous devons, pour être logiques, admettre aussi
leurs contraires, celles qui n’ont pas le nombre de membres
réglementaire : les figures « à membres retranchés »
Nous recevrons donc, conventionnellement, sous ce titre
général de « hybrides », toute figuration d’un être vivant
dans laquelle les lois de la nature sont modifiées, d’une façon
quelconque,
— 40 —
I] ne pourrait nous suffire, toutefois, d'établir un classe-
ment de ces figures en diverses catégories et de les examiner
l’une après l’autre ; il n’est pas moins intéressant d'étudier la
genèse de ces créations fantaisistes, de pénétrer les idées sous
l'empire desquelles elles ont été inventées.
Lorsque les archéologues, les érudits dont la science
sagace porte une lumière de jour en jour plus éclatante dans
ce que l’on est convenu d'appeler « Ja nuit des temps », lors-
que ces savants veulent nous donner l’idée du degré de civili-
sation des peuples qui s’agitaient dans cette nuit, si opaque
naguère encore, lorsqu'ils s'efforcent de nous faire toucher du
doigt la mentalité qui guidait les actes de nos lointains
ancêtres, ils ont recours à l'indice le plus implacablement
exact de cette mentalité des peuples : ils nous montrent leurs
œuvres d'art.
À des distances de notre époque telles que l'esprit peut
à peine se reudre compte de leur éloignement, à plus de
quarante, à plus de cinquante siècles avant notre ère —
vieille elle-même déjà de plus de dix-neuf cents ans —
l'homme avait le souci de décorer sa demeure; il concevait
aussi l'intérêt, l'agrément des outils, des ustensiles usuels
ornés de dessins ou taillés en formes pittoresques; il était
frappé par les aspects extérieurs des choses, tenté de les
reproduire; et il gravait, il taillait, il sculptait, il peignait
même — Dieu sait avec quels instruments, aux temps primi-
tifs — et voici que l'on retrouve sous les sables des déserts,
dans les poussières amoncelées des cités mortes, voire dans les
grottes souterraines, des preuves palpables de ces préoccupa-
tions artistiques, traduites par des traits, des contours gravés,
des objets qui paraissent plus ou moins informes au premier
abord, mais dans lesquels un examen quelque peu attentif
permet bientôt de reconnaître tel ou tel être qui fut vivant.
Ce sont des animaux qu’il reproduit d'abord.
Passant des animaux à son semblable, l’homme trace des
figures humaines; sa faculté d'observation venant en aide à
l’habileté progressivement conquise, et son esprit satirique
s’en mêlant, il ne se contente plus de portraiturer son sem-
blable : ses infirmités le frappent, il les rend, les souligne,
— 4] —
et la caricature est née. Bossus et tortus, bancals et ban-
croches, passeront désormais à la postérité ; tant il est vrai
qu'il n'est rien de nouveau sous le soleil, et que, si nos
ancêtres n'étaient pas plus que nous exempts des misères
physiques, la verve moqueuse, cette surabondance d'esprit qui
si facilement peut dégénérer en misère morale, ne leur était
pas davantage étrangère.
Mais l'artiste ne se borne pas à ces rendus, fidèles ou
fantaisistes, de types qu’il a constamment sous les yeux ; les
talents acquis le rendent ambitieux : il veut reproduire ce
qu’il ne voit qu’en rêve, ce qui n'existe que dans son imagina-
tion.
Son instinct lui donne la notion des dieux bons et des
dieux terribles. Il conçoit les puissances surhumaines, que lui
révèlent à chaque instant les phénomènes de la nature ; il
apprécie les bienfaits du dieu Soleil qui l’éclaire, le réchauffe,
et donne à la terre l’heureuse fécondité qui nourrit tous les
êtres ; il sait ce qu’il doit de reconnaissance au dieu Fleuve,
qui le désaltère, le réconforte, joint son action à celle du Soleil
pour fertiliser la terre nourricière, soulève et entraîne son
embarcation rudimentaire, emportant comme une plume les
fardeaux si lourds à l’échine des faibles humains. Et le vent,
et le feu, et tout ce qui facilite et rend fructueux son labeur,
si désespérément aride, dès que les insaisissables puissances
lui retirent leur concours.
Mais hélas ! ces bienveillants coadjuteurs ne sont pas
seuls à s'occuper des œuvres de l’homme : une légion de
pouvoirs méchants luttent sans cesse autour d'eux, s’efforçant
d'opposer aux autres leur fatale influence. Ce sont les génies
des eaux, qui chavirent les embarcations et entraînent les
navigateurs en des gouffres cachés; c'est l'ouragan qui
dévaste, et la foudre qui consume, avec le bruit effroyable
des armées invisibles s’entrechoquant dans les ténèbres de
la voûte céleste obscurcie soudain. Le soleil et l’eau ont
fait germer les graines — l'orage et le torrent emportent
les épis ; la tempête déracine les arbres, dont les rameaux se
balancaient mollement au souffle caressant de la brise. Ainsi
les mauvais génies n’ont qu’à augmenter, à exagérer l’action
CS 00 ee
— 4) —
des bienf aisants, pour transformer le secours en attaque, faire
du bien le mal et de la prospérité, le désastre.
%
* *
L'homme primitif compare aux siennes ces forces occul-
tes ; il les attribue à des êtres construits à son image peut-être,
mais plus grands que lui, de toute la différence de puissance
de leur effort : il invente les Géants.
Mais, sont-ils bien en tout semblables à lui, ces Génies
bons ou mauvais, qui. tour à tour le favorisent et l’accablent ?
Cela ne lui paraît pas possible : le démon dont la voix formi-
dable mugit dans les ciels d'orage avec des éclats qui font
trembler le sol, celui dont les coups d’ailes amènent la tem-
pête, ces dieux infernaux terrifiants par les signes de leur
présence autant que par leurs œuvres, doivent être aussi terri- .
fiants d’aspect; s'ils ont le corps de l’homme, leur tête, dans
laquelle s’agitent tant de funestes desseins, doit être celle des
fauves les plus cruels, des plus redoutables ennemis des
humains: ou bien, ils n’ont rien d'humain, et la méchanceté
de plusieurs animaux concentrée en eux s'y traduit par l’as-
semblage des formes de chacun d’eux ; guidée par cette pensée,
la main de l’artiste trace des monstres moitié homme moitié
panthère, des lions armés des cornes du taureau, de la queue
enlacante du serpent : la figure hybride est créée.
Tout n’est pas, cependant, du domaine exclusif de la fable
dans ces individus d'apparence fantastique, et l’on ne doit pas
trop se bâter de considérer tel d’entre eux comme dù à une
fantaisie d’artiste, pour ce motif seul que nous ne connais-
sons rien de pareil. L’imagination n’a pas enfanté sans con-
cours aucun tous ces êtres étranges, qui abondent dans les
œuvres d'art, depuis des temps fort reculés ; la réalité lui est
venue en aide en plus d’une occasion, et tel animal, qui nous
apparaît comme un amalgame de membres empruntés à diffé-
rentes espèces, peut n'être que la traduction d’un souvenir,
ou la représentation, plus ou moins altérée, d’une chose vue
et qui déjà parut assez étrange pour frapper l’esprit jusqu’à
susciter l'addition de quelques détails inventés; car, en ceci
— 43 —
comme en bien d’autres choses, l’homme est porté vers l'exa--
gération. |
Que penserions-nous d’un crocodile de douze à quinze
mètres de longueur, ayant une tête de cheval au bout d’un
cou de girafe, deux immenses bras lui permettant d’étreindre
sa proie pour l’étouffer contre sa poitrine, et deux jambes sur
lesquelles il marcherait debout à l'instar de l’homme, ou tout
au moins, de l’orang-outang ? Fantaisie délirante, rêve insensé ?
Point du tout ! C’est l’iguanodon.
Sans remonter aussi haut l’échelle des êtres, sans même
aller au-delà de nos contemporains, n’avons-nous pas, dans
les jardins zoologiques, un animal qui joint à la queue et à
l'arrière-train du cheval, l’encolure formidable et les terribles
cornes du taureau ? C'est une antilope, le gnou d’Afrique —
un descendant, je n’en doute point pour ma part, des fameux
remu mentionnés si souvent dans les récits des exploits cyné-
gétiques des rois d’Assyrie.
Certains animaux plus ou moins fabuleux n’ont que des
membres appartenant à leur propre espèce, mais multipliés :
exemple: Cerbère.Eh bien ‚quoi d’invraisemblable dans ce chien
au triple chef? Les collections tératologiques ne sont-elles
pas formées de sujets d’une extravagante fautaisie, et à côté
desquels le fameux veau à deux têtes n’est plus qu’une banale
curiosité de foire ? D'ailleurs, l’espèce humaine elle-même ne
nous offre-t-elle pas les frères Siamois, Radica et Dodica, et
tant d’autres « phénomènes » qui paraissent dus anx fantai-
sies les plus cruelles de la nature? Ce n'est pas, toutefois,
parmi les phénomènes de cet ordre qu'il faut classer Cerbère ;
le farouche gardien des Enfers est l’emblême de la vigilance;
son invention est due au symbolisme. |
Le symbolisme, voilà, en effet, l’un des facteurs primor-
diaux et essentiels de l'invention des figures hybrides ; je dirai
même qu’il en est le facteur unique dans le principe, le réel
créateur.
En effet, lorsque l’homme des temps primitifs se fait l’idée
d'êtres divins d’une grandeur colossale, la différence qu'il
imagine entre leur taille et la sienne n’est que l’expression
symbolique de la différence de leurs forces respectives, et les
figures qu’il trace sont des symboles de la proportion de ces
forces. Dans cet ordre d'idées, à une époque relativement
avancée de l’existence du monde — quoique fort lointaine par
rapport à nous — les artistes égyptiens dotent le pharaon,
leur tout-puissant chef spirituel et temporel, d’une stature
colossale, qui suffit à exprimer l’immensité de son pouvoir,
comparativement à la faiblesse du commun des mortels.
Or, les Egyptiens voyaient le pharaon ; ils savaient que
sa taille réelle n’excédait pas ainsi la leur; ils ont donc, en
l'exagérant, fait œuvre de symbolisme volontaire et raisonué.
Il n'en a pas été ainsi de toutes les créations fantaisistes de
l’Antiquité.
Lorsque des génies malfaisants viennent à l’improviste
ravager ses moissons, incendier sa demeure, noyer ses trou-
peaux, déraciner ses plantations, l’homme coustate que le
démon possède la ruse du serpent, la force du lion, la cruauté
du chacal, et lorsqu'il veut représenter ces mauvais géuies,
il les compose de parties du corps de chacun des animaux
auxquels ils empruntent une partie de leur caractère.
L'homme, à l’époque de la « genèse intellectuelle » (si
je puis m’exprimer ainsi), s’imaginait-il de bonne foi que ces
divinités étaient composées, en réalité, telles qu’il les représen-
tait, ou bien u’a-t-il en d’autre intention que de traduire d’une
manière visible tout ce qu’il y avait en elles de redoutable ?
La première hypothèse touche certainement à la vérité;
les Egyptiens croyaient à l'existence des Sphinx, errant dans
l’immensité du désert ; les têtes animales de certaines de leurs
divinités n'étaient que des attributs destinés à les faire recon-
naître, des masques, analogues à ceux qui servirent, dans la
suite, à distinguer ies personnages de la comédie grecque.
Le symbolisme, c’est nous qui le cherchons, c’est nous
qui le trouvons dans les œuvres antiques; mais leurs auteurs
ont fait, la plupart du temps, du symbolisme sans le savoir.
Ils se sont, parfois, rencontrés dans l’expression d’une pensée;
ainsi, les païens ont mis des ailes aux talons d’Hermès, le
messager de l'Olympe, et les chrétiens, au dos des anges, les
messagers célestes.
*
*k *
— 45 —
Après le symbolisme, 1l y a — je l’ai fait pressentir tantôt
— la caricature.
La caricature est positive et personnelle lorsqu'elle se
borne à la caractérisalion outrée d’un individu, c'est-à-dire à
l’exagération dans la notation d’un défaut physique : formes
ou dimensions du nez, de la bouche, des oreilles; épaules
inégales, colonne vertébrale déviée, jambes torses — en un
mot, de toutes les misères, petites ou grandes, dont le Destin
s’est plu à affliger notre aspect extérieur ; mais la caricature
elle-même devient . symbolique — et engendre la figure
hybride — dès qu’elle s’applique à un travers d’ordre moral.
La caricature n’est pas toujours exclusivement person-
nelle: elle peut s'étendre à toute une famille, à toute une
cité, à tout un peuple, et d’individuelle, devenir ainsi géné-
rale et politique.
La caricature est née avec la verve, spirituelle ou sar-
castique ; c'est dire que son origine se perd dans la nuit des
temps. Nous verrons un croquis sur papyrus, vieux de 33 siè-
cles et plus, où les provinces de l’antique Egypte sont figurées
par des animaux musiciens, auxquels on a ajouté des membres
humains, pour les besoins de l’action. .
*%
* %
A côté de la caricature se place le moralisme.
Par ce mot, je n’entends poiut faire allusion au système
religieux basé sur les seules bonnes œuvres, à l’exclusion des
dogmes et du culte; j'entends par moralisme l'œuvre de l’ar-
tiste moralisateur qui montre sous une figure tangible les
défauts et les vices envisagés en eux-mêmes, et non plus loca-
lisés chez tel individu, telle famille on telle nation, co:nme le
fait le caricaturiste.
Celui-ci dénouce, pour le livrer au ridicule ou au mépris
public, l’homme ou le peuple chez qui prédomine tel travers,
tel défaut, tel vice. Le moraliste, lui, dédaigneux des simples
imperfections du corps ou de l'esprit, s'attaque au vice lui-
même; il s'applique à nous faire voir l’éternel et satanique
ennemi dans sa lutte contre l’éternelle Bonté, contre tout ce
— 46 —
qui est au monde de Beau et de Bien ; il se complaît à l’étaler
sous nos yeux dans tout l'éclat de sa hideur.
Nous faire trembler, nous inspirer la répulsion : tel est
l’ordre d'idées sous l’influence duquel des artistes à l'imagi-
nation ardente, exubérante, produisirent ces monstres fautas-
tiques, ces cauchemars matérialisés, qui semblent avoir hanté
les rêves des sculpteurs de nos cathédrales gothiques, et plus
tard des Jérome Bosch, des Breughel, des Romain de Hoog,
des Jacques Callot, des David Teniers, des (iustave Doré.
La chute des anges, la Tentation de saint Antoine, les cycles
infernaux... quels thèmes pour le déploiement de ces con-
ceptions d’une surhumaine horreur ! Quels champs à peupler
de ces monstres horrifiques, attirant, agrippant, brûlant,
déchiquetant, par les yeux, par la gueule, par les crocs, par
les griffes, par tout ce que l'Univers possèds d'instruments de
torture ! Les mauvaises pensées, les tentations dangereuses, les
passions ignobles, y sont flagellées, stigmatisées impitoyable-
ment ; ciseau, pinceau, crayon, burin, enfantent à l'envi des
combiaaisons les plus délirautes, prenant à tâche d'évoquer la
honte et la terreur.
A ces obsédantes visions, il est doux de pouvoir opposer
les créations poétiques de la mythologie, autre forme du sym-
bolisme moralisateur — quand elle nons montre le danger
caché sous le plaisir — mais celle-ci attrayante et charmante
autant que la première était effroyable.
Ce sont les gracieuses sirènes, dont un conte d'Audersen
nous a si délicieusement décrit les ébats dans l’écume des
vagues, sous la tiède clarté d’un rayon de soleil ; leurs chants
attirent les matelots…. les nefs vont se briser sur les écueils.
Ce sont encore les dryades, ces aimables nymphes sylves-
tres, mi-femmes, mi-arbres, aux chairs épanouies de toute la
sève vigourense de la plante qu’elles ont mission de protéger ;
ce sont les faunes, les satyres, les rapides centaures, les tritons,
toute la foule d'habitants des forêts et des eaux présentant des
assemblages de membres hétérogènes, mais appropriés au
Caractère, à la nature, au genre de vie dont les a dotés l’inven-
tion mythologique.
— 47] —
Moins philosophique en son origine, moins moralisatrice
en son but apparait la figure hybride créée par la seule
fantaisie décorative. |
Sans doute on trouve souvent, dans la décoration monu-
mentale, des motifs harmonisés avec la nature de l’édificé ou
du meuble qu'il s’agit de décorer; mais plus souvent encore
l'artiste n'a d'autre guide que sa fantaisie, d'autre but que la
trouvaille d'un effet gracieux.
Le motif décoratif typique de cette catégorie, depuis
l'Antiquité jusqu’à l’époque contemporaine, est le rinceau,
des froudaisons duquel issent des demi-figures humaines ou
des animaux. Il ne faut voir dans ces œuvres que le seul aspect
extérieur, et ne pas s'évertuer à chercher des sens cachés ou
sous-entendus à ces compositions, dont la grâce ou la richesse
sont les seules raisons d’être.
*
* *
Voilà, sommairement tracées, les origines principales des
figures hybrides dans l’Art.
La figure hybride est donc l’expression sincère et typique
d’une mentalité spéciale; création d’une morale élevée ou
d’une simple fantaisie, elle représente un courant, durable où
passager, d'idées religieuses ou politiques, satiriques ou
somptueuses.
A l'attrait pittoresque qu'elle prête à la décoration, au
talent dépensé dans son exécution, s'ajoute ainsi l'intérêt d'un
état d'âme dont la figure hybride est la traduction fidèle ;
n'est-ce point assez pour que l’étude en paraisse attrayante et
utile ?
Si nous voulons maintenant faire cette étude de façon
méthodique, nous établirons d'abord deux classes de sujets
principaux :
A. — L'homme.
B. — L'animal. |
Dans chacune de ces deux grandes divisions, nous verrons
le sujet principal mélangé successivement :
— 48 —
1° à une autre espèce;
2° à un autre règne.
Puis viendront les deux catégories que nous avons admi-
ses, par convention, parmi les hybrides et dans lesquelles le-
sujet principal a : |
83° certains membres multipliés ;
4° certains membres retranchés.
Ainsi, pour la première de nos deux grandes classes, nous
aurons à voir successivement :
l° les figures formées d’une partie humaine et d’une
partie animale (type : le sphinx et les divinités égvptiennes);
2° les figures formées d’une partie humaine et d’une
partie végétale (type : les dryades, qui ont donné naissance
aux « personnages issant de rinceaux ») ;
3 les figures humaines modifiées par la multiplication
de certains membres (type : les divinités hindoues) ;
4° les figures humaines modifiées par la suppression de
certains membres (type : les termes et les cariatides).
Suivant la même distribution, nous classerons dans la
seconde de nos deux divisions principales :
1° les animaux fabuleux composés de parties de corps
appartenant à deux ou à plusieurs espèces différentes (type :
la chimère) ;
2° les animaux ayant une partie du corps empruntée au
règne végétal. Il existe dans la nature des pseudo-hybrides
de cette espèce, la phyllie, par exemple; toutefois, dans l’art
décoratif, nous ne trouverons guère que l’animal issant de
rinceaux ;
3° les animaux à membres multipliés (type : l’hydre);
4° les animaux à membres retranchés (type : la merlette :
héraldique).
Enfin nous mentionnerons simplement pour mémoire,
eu égard à leur peu d’importance au point de vue où nous
nous placons, les fragments d'hommes ou d'animaux qui
apparaissent cà et là, seuls ou accompagnés d’ornements,
dans la sculpture décorative; tels sont les mascarons, les
muffles de lions tenant un anneau ou une anse, les pieds
de biche, etc.
— 49 —
Voilà donc établies les grandes lignes de notre classifi-
cation générale.
Je me hâte d’ajouter que nous n’allons pas faire de la
science naturelle et nous cantonner dans uu classement méti-
culeux d'espèces, de variétés, de familles. Si l'étude d’une
question d'art doit être méthodique, elle demande cependant
une certaine liberté que ne pourrait comporter celle d’une
question purement scientifique.
La marche la plus logique que nous ayons à suivre est
celle le la Civilisation, qui progresse avec le Temps.
Nous placerons donc notre point de départ aussi haut que
possible sur l’échelle des Temps historiques; puis, la descen-
daut époque par époque, nous visiterons sommairement les
grandes contrées où se marquent les étapes des progrès de la
civilisation ; l’Egvpte d'abord, puis l’Asie, puis l’Europe;
nous verrons, pour chaque période et dans chacune de ces
contrées, quelles sont les productions artistiques comportant
des hybrides, et parmi celles-ci nous déterminerons à quelle
catégorie de notre classification chacune appartient.
Nous prendrons, autant que faire se pourra, chaque
figure hybride depuis son apparition, et nous suivrons à
travers les âges les diverses transformations qu'elle a subies
jusqu'à l’époque moderne; enfin nous verrons, pour chacune
d'elles, si l'origine en est symbolique, moraliste, mytholo-
gique, caricaturale ou simplement fantaisiste.
*
*# *
Quand nous aurons parcouru ce vaste champ d'étude,
quel intérêt n’acquerront pas à nos yeux les monuments, les
meubles, les tableaux, les sculptures, les armes, les bijoux,
voire les simples objets usuels, où nous trouverons de ces
figures tantôt fantastiques, tantôt sublimes, auxquelles nous
n’accordions naguère qu’une attention passagère et incom-
préhensive, ne voyant en eïles que des créations chimériques
ou d’aimables fantaisies d'artistes ?
Plan d’étude méthodique de l’habitation
urbaine eu Belgique,
par Ca. BULS,
Président du Comité du Vieux Bruxelles.
On ne pourra songer à faire l’histoire de l’architecture
civile de la Belgique que lorsque son historien pourra s’ap-
puyer sur des monographies locales comparables entre elles.
La monographie la plus considérable publiée jusqu’à ce
jour est le beau livre de Mr E.-J. Soil de Moriamé : « L’habita-
tion tournaisienne », dont la première partie (475 pages) est
uniquement consacrée à l'architecture des façades. L'auteur se
propose d’étudier ensuite la distribution et la décoration inté-
rieures, le mobilier, les costumes, les usages locaux.
Quiconque a suivi les publications parues à propos de
l'architecture privée de nos autres villes constate immédiate-
ment de grandes différences entre les styles de leurs maisons.
Cette variété a des causes qu’il serait intéressant de recher-
cher. Mais pour les déterminer, il serait indispensable que les
archéologues s’entendissent pour adopter un plan méthodique
d’investigations. Cela ne faciliterait pas seulement les com-
paraisons, mais éviterait les omissions, les études incomplètes.
L'objet principal des Congrès de Sociétés scientifiques
étant d'établir de pareils accords entre savants, nous pensons
que le Congrès d'histoire et d’archéologie, qui se tiendra à
Gand en 1907, fait bien de mettre à son ordre du jour: Un
plan d'étude méthodique de l'habilation urbaine en Belgique.
La Ville de Bruxelles ayant institué une Commission
chargée de la publication de phototypies représentant les
anciennes maisons de Bruxelles encore existantes, et cette
Commission m'ayant fait l'honneur de me désigner pour
Président, je me propose de lui présenter le programme sui-
— 51 —
vant que je voudrais voir discuter, compléter et perfectionner
par les éminents archéologues qui prendront part au Congrès
de 1907.
Etudes préliminaires.
a) Déterminer les régions architecturales de la Belgique,
{dans l’état actuel de nos connaissances, cette géographie
architecturale de notre pays ne pourra être que provisoire ; ce
n’est qu'après la publication des monographies de l’habita-
tion rurale et urbaine de notre pays que ces régions pourront
être fixées définitivement).
b) Etablir les rapports des caractères de ces régions avec
leur ethnographie, leur histoire politique et économique.
c) Etablir l’influence qu’ont en sur les modes de construc-
tion : 1° le climat ; 2° la topographie ; 3° les voies de communi-
cation : rivières, routes, canaux, servant au transport des
matériaux ; 4° la géologie : carrières qui ont fourni les pierres,
terrains dont on a fait les briques, forêts dont on a tiré les bois.
d) Caractériser spécialement, à ces différents points de
vue, la région dans laquelle se trouve la ville dont on étudie
l'habitation.
Monographie spéciale.
I. Revue sommaire de l'habitation rurale de la région;
elle x dû précéder l’habitation urbaine qui, sans doute, a
hérité de quelques-uns de ces caractères, modifiés ensuite par
les mœurs urbaines et la nécessité de construire sur un espace
restreint par les murailles de la ville.
II. Après avoir déterminé la plus ancienne habitation
encore existante, rechercher dans les tableaux, bas-reliefs,
miniatures, anciens plans, gravures, dessins, etc., des repré-
sentations authentiques de maisons démolies.
Présenter la suite chronologique des plans et façades des
maisons de la ville étudiée.
Programme d'examen critique de ces documents.
I. Rechercher l’expression des facteurs qui ont déterminé
la disposition, la forme et le décor de la maison.
— 52 —
a) Expression du plan, dans ses rapports avec les mœurs,
les habitudes locales, les conditions économiques des classes
de la population.
Y a-t-il eu une influence des lois et règlements, de la
fiscalité, de l’organisation du travail, des corporations de:
métier ?
b) Influence du plan sur la facade, disposition des ouver-
tures : portes, fenêtres, soupiraux, lncarnes, échauguettes,
loggius, etc., nombre d'étages.
II. Facade.
a) Symboles de la direction.
Direction horizontale : Eléments qui la déterminent.
Direction perpendiculaire :
1. Arrêtée dans son ascension.
2. Sélancant librement.
Direction intermédiaire :
1. Horizontale et verticale.
2. Ascendante et descendante.
3. Oblique.
4. Neutre. |
Eléments générateurs : tirés des végétaux, des minéraux,
des animaux, des liaisons, de nécessités pratiques, tech-
niques, etc.
b) Symboles de la liaison.
I. Eléments de la liaison organique, par fusion.
IT. Eléments de la liaison mécanique, par juxtaposition.
c) Symboles de l'espace.
Il. Eléments encadrant les ouvertures.
IT. Eléments décorant les surfaces.
a) Surfaces extérieures.
b) Surfaces intérieures.
Le Campinien et l’Age du Mammouth en Flandre,
par Micxez MOURLON,
Directeur du service géologique de Belgique.
Si l’on jette un coup d'œil sur la carte géologique du sol
de la Belgique que publia André Dumont, vers 1852, on
constate que toute la Flandre est recouverte par un munteau
de sable auquel lillustre géologue a donné le nom de
Campinien.
Plus récemment, en 1885, MM. Rutot et Van den Broeck
ont montré que l’on a confondu, sous ce nom, des dépôts
d'âges fort différents (1). Ils ont proposé de réserver le nom
de « Campinien » aux plus anciens, formés de cailloux et de
sables, et celui de « Flandrien », aux plus récents, constitués
presque exclusivement par un sable, tout au moins en partie,
d'origine marine, très homogène et renfermant des lentilles
limoneuses, qui correspond à un certain limon fluvial, parti-
culièrement bien développé dans le Hainaut où il est connu:
sous le nom d’ « Ergeron ». |
Entre le Campinien et le Flandrien s'observe toute la
série des limons proprement dits comprenant, à la base, le
limon stratifié grisâtre et brunâtre ou limon hesbayen et, à la
partie supérieure, le limon jaunâtre friable, homogène, éolien
ou limon brabancien.
Ce classement a été adopté dans la légende de la nou-
velle carte géologique et marque un progrès sensible dans
l'étude de nos dépôts quaternaires.
Seulement, en pratique, il n'est pas toujours aisé de
s'orienter dans le dédale de nos couches superficielles quater-.
naires, et c'est probablement ce qui explique pourquoi quel-
ques rares gévlogues semblent hésiter encore à se rallier au
nouveau classement.
(4) Note sur la nouvelle classification du terrain quaternaire dans la
dasse et dans la moyenne Belgique (Annales de la Soc. royale malacologique
de Belgique, t. XX, 1885, Bull., pp. LX XVIII-LXXXII).
— 54 —
Il est bien certain que si l’on pouvait, partout et toujours,
observ er au grand complet le groupe de nos couches quater-
naires, il n’y aurait aucune difficulté à distinguer les dépôts
flandriens et campiniens séparés par les limons hesbayens et
brabanciens. Mais, on peut dire qu’en général la nature ne
semble pas vouloir nous présenter les choses aussi simple-
ment, et met souvent à de rudes épreuves notre esprit d’inves-
tigation.
J'ai eu l’occasion d'en fournir récemment quelques exem-
ples pour la question qui nous occupe en ce moment. C'était
à l’occasion de la rupture d’une digue de l’Escaut près de
Thielrode (Tamise), sur les résultats de laquelle j'ai pu réunir
de précieuses indications, grâce surtout au bienveillant con-
cours de M' G. Willemsen, le zélé président du Cercle archéo-
logique de Saint-Nicolas; elles se trouvent consignées dans
le Bulletin de l’Académie royale de Belgique (Classe des scien-
ces), 1906, n° 4, pp. 227-232.
Après avoir fait remarquer que parmi les ossements
ärrachés au sous-sol, par la marée extraordinaire du 12 mars
1906, et sauvés d'une destruction certaine, grâce aux soins
intelligents d'un industriel de Thielrode, Mr Victor Lapage,
se trouvent, d'après les précieuses déterminations de M" De
Pauw, des débris non roulés d'Zlephas primigenius ou Mam-
mouth et autres vertébrés tels que Æhinoceros tichorinus,
ÆEquus caballus, etc... qui caractérisent le Campinien propre-
ment dit, j'ai montré combien il était intéressant de rechercher
quelles pouvaient être, dans le sous-sol, les couches assimila-
bles à oe dépôt quaternaire et constituant, par conséquent,
le gisement des ossements.
J'ai fait connaitre le résultat de mes investigations à ce
sujet dans le truvail déjà cité et, d’une façon plus détaillée,
dans une autre communication qui parut un mois plus tard (1).
Les travaux et les cartes publiés antérieurement à mes
recherches ne me fournirent aucune indication, et j'en serais
encore à chercher la solution du problème si je n'avais eu
(1) Sur l'existence du quaternaire campinien à « Elephas primigenius »
dans la vallée de l'Escaut au Poys de Waes (Bull. de la Soc. belge de geologie,
t. XX, 1906, pp. 116-121).
— 55 —
l’idée de me livrer à un nouvel examen de mes propres docu-
ments réunis à l’occasion de mes levés de la carte en 1894.
C'est ainsi que la coupe du sondage tubé que je fis pratiquer
le 16 avril 1894 au hameau de Wintham (Hingene), se trouve
renseignée sur la carte comme présentant, sous 7.30 m. de:
sable flandrien (q4), 2.70 m. d'un dépôt (q4 m.) formé de
« sable grossier très quartzeux, légèrement glauconifère,
avec petits cailloux de silex disséminés dans la masse ».
Or, ce dépôt, que je considérais comme formant la base
du Flandrien, est le seul qui ait pu fournir les ossements et
qui soit par conséquent d'âge campinien. Au surplus, j'ai
reconnu dans les interstices des fractures de quelques-uns des
ossements, les mêmes éléments de sable grossier que ceux du
dépôt que j'assimile maintenant au Campinien.
Dans les deux publications mentionnées plus haut, je
me suis borné à citer l'exemple fourni par la coupe de
Wintham; mais, à l’ouest de celle-ci, sur le territoire de la
planchette de Saint-Nicolas, la coupe du puits artésien, foré
le 23 août 1903 à l'Amidonnerie de Mr Charles Vermeire à
Hamme, va en donner un nouvel exemple.
Et, en effet, la série des dépôts quaternaires reposant sur
le terrain tertiaire rupélien peut être interprétée comme suit :
1. Remblai et terrain remanié. . . , 4m. R
2. Sable jaunâtre quaternaire demi-fin Flandrien
avec points de glauconie . . . . 11 (qd)
3. Sable très quartzeux gris jaunâtre avec
gravier . . . . 1 (q2 m)
4. Limon gris très argileux, légèrement
bigarré de jaunêtre, parfois tacheté
de rouge sanguine. . . À (421)
5. Sable quartzeux gris jaunâtre a: avec pe-
tits graviers présentant, vers le bas,
des fragments roulés d'argile durcie
jaunâtre colorée en rouge sanguine
à la surface, avec concrétions pyri-
poruidue,)
teuses. . . . 2 (q2 m) ‘
6. Sable quartzeux demi fin gris bleu-
âtre, légèrement glauconifère avec Rupélien
concrétions pyriteuses. . . , . 1 Res ,
_— 56 —
Enfin, plus à l'ouest encore, sur le territoire de la
planchette de Lokeren, un sondage que j'ai fait effectuer,
en mai 1894, m'a fourni une coupe dont j'ai interprété,
de même que pour les sondages de Wintham et de Sainte-
Anne, les couches quaternaires surmontant le Tertiaire rupé-
lien, comme appartenant exclusivement au Flandrien, alors
qu'au moins la moitié de leur épaisseur doit être rapportée au
Campinien, comme suit :
mètres
1. Sable quartzeux jaune à grains moyens 6.10 Flandrien
2. Sable quartzeux assez grossier avec par- | (q4)
ties un peu durcies et débris de cuil-
loux . . . . . . . . . . 4.40 Camvinien
3. Sable quartzeux, grossier, gris blan- 5 m
châtre, avec rares petits cailloux, dé- qe m)
bris de coquilles et quelques Num-
_ _mulites. . . . . . . . . . 1.70
4. Sable tertiaire rupélien. |
Je pourrais encore multiplier ces exemples pour la
partie des levés de la Flandre qui m’incombèrent personnel-
lement, et montrer combien les géologues chargés de colla-
borer aux levés de la carte pour d’autres parties de cette
même région, fout en y annonçant parfois l'existence du
Campinien, ont eu souvent de peine à le distinguer net-
tement des autres dépôts quaternaires.
M'étant trouvé dans l'obligation de fixer le gisement
exact des innombrables vertébrés, à l’endroit même où ils
étaient recueillis au Pays de Waes, je serai heureux si, par
mes nouvelles observations et par la révision de mes recher-
ches antérieures, il m'a été donné de fixer définitivement le
niveau lithologique quaternaire où ont été ensevelis les Elé-
phants et autres grands vertébrés, tels que Rhinoceros, Che-
vaux et Elans qui parcouraient à l'époque campinienne, la
région boisée des vallées de l'Escaut et de la Durme.
Les Inventaires des Petites Archives,
par Emir DONY,
Professeur à l’Athénée royal de Mons.
Nous n'avons pas à rappeler ici comment la très impor-
tante proposition de M" le Professeur H. Pirenne amena, il
y a trois ans (XVIII: Congrès, Mons, 1904), la création de
la C. I. P. A. Les commissions officielles et autres sont
nombreuses, très nombreuses même, en Belgique. Il en existe,
paraît-il, de deux espèces : celles qui travaillent et celles
qui ne... travaillent pas. Nous voudrions qu’il fût clairement
prouvé, par le rapport sommaire que nous avons l’honneur
de présenter ici, que notre Commission est d'ores et déjà au
nombre de celles qui désirent travailler et surtout fournir du
travail utile.
Sous le nom de Petites Archives, les historiens englo-
bent tous les documents d’archives autres que ceux de nos
dépôts d’Archives de l'Etat. En excluant de ces petites archi-
ves tous les documents, manuscrits ou imprimés, qui se rap-
portent à l’époque la plus rapprochée de nous, l'attention
doit se fixer sur d'innombrables séries de documents du
moyen-âge et des temps modernes, restés pour la plupart dans
l'oubli ou encore inutilisés par les historiens. Nos Petites
Archives offrent donc aux chercheurs un si ‘vaste champ
d'études que, — nous laissons ici parler M° H. Pirenne, —
« sans paradoxe, on peut se demander ce qui sera le plus
vite épuisé dans notre pays, de nos mines de houille ou de
ces fonds d’archives. » L’homme d’études qui scrute le passé
estime aujourd’hui que les sources de l’histoire ne sont pas
seulement dans les vicissitudes politiques et diplomatiques,
mais autant sinon davantage dans la vie sociale et écono-
mique. Pourquoi ces fonds d’archives lui sont-ils pour la
Sr re
—_ 58 —
plupart inaccessibles? Pour la raison qu’il n’en existe pas
le plus souvent d’inventaires analytiques.
C’est à la tâche la plus urgente, la seule pratiquement
réalisable que M" Pirenne nous a conviés, c’est-à-dire à celle
de la formation d’inventaires sommaires, mais suffisamment
précis, qui puissent orienter les chercheurs et que les histo-
riens puissent utiliser. Une adhésion chaleureuse a été donnée
à la proposition de M" H. Pireune et M' Houzeau de Lehaie
prit engagement, au nom de la Société des Sciences, des
Arts et des Lettres du Hainaut, de fonder à bref délai l'organe
permanent et central qui préparerait l'exécution méthodique
de ce travail collectif. Après une discussion approfondie du
projet exposé par M' Pirenne, les décisions suivantes furent
prises en séance de sectiun et ratifiées en Assemblée générale :
Le travail des Inventaires des Petites Archives sera entamé
par les Archives Communales. En principe, les inventaires
engloberont la totalité des archives de nos communes à l’ex-
ception de celles des grandes communes ayant un archiviste.
Lront répertoriés, par la suite, outre les archives commu-
uales, les archives paroissiales, les registres d'Etat Civil, les
archives des fondations charitables et hospitalières, celles des
cures, des familles et des notaires. Les inventaires seront
présentés sous forme très somimaire et s’arréteront à la date
de 1836 (date de la promulgation de la loi communale), sauf
dans certaius cas justifiant une exception à la règle commune.
Il s'agissait donc tout d’abord d'élaborer uu plan type
d’inventaires de petites archives. C’est à cette tâche que la
Commission s'est employée au lendemain du dernier Congrès
de Mons.
Le savant Dom Ursm. Berlière, absorbé pur les travaux
de l’Institut historique belge de Rome, n’ayant pu à son
grand regret répondre à notre appel, M" L. Devillers voulut
bien nous venir en aide, ainsi que M' Poncelet, conser-
vateur des Archives de l'Etat à Mons. Disposant, outre
des indications précieuses de MM. Devillers et Poncelet, des
notes provenant d’inventaires de petites archives que venaient
de dresser M" Ernest Matthieu et le Secrétaire de la Commis
sion, une conférence tenue à Mons et à laquelle assistaient
— 99 —
MM. Poncelet, Matthieu et Dony élabora un projet d’inven-
faire de petites archives communales (antérienres à 1836)
qui pût s'appliquer aussi aux archives paroissiales, hospita-
lières et privées. Ce texte en quatorze titres successifs fut
envoyé de Mons à Rome, où Dom Berlière voulut bien l’exa-
miner, revint ensuite à Gand, puis à Louvain et enfin à Mons
et, dûment amendé, recut l’approbation de la Commission.
Les rédacteurs de ce plan d’inventaires, — nous croyons
pouvoir le dire en leur nom, — ne se sont pas évertués à
fournir un modèle impeccable, mais seulement un guide qui
pùt servir aux travailleurs désireux de collaborer à l’entreprise
de la Fédération. Ce plan fut publié dès le mois de Mars 1905,
précédé du texte du Discours prononcé en Assemblée Générale
par M" Pirenne et qui lui sert d'introduction magistrale. Nous
y avons joint quelques notes complémentaires, seulement rédi-
gées en vue des inventaires de petites archives du Hainaut,
(étant donné le siège du Congrès de la Fédération en 1904),
notes préalablement soumises, à leur tour, à l' examen de la
Commission et nous avons fait suivre ces dernières du texte de
deux inventaires, donnés à titre d'exemples : Znrentaires
des Archives de la Commune de Bernissart, par Mr L.
Devillers et des Archives communales, paroisstales et - pri-
zées de la commune de Forges-lez-Chimay, dressé par le
Secrétaire de la Commission. Ces documents prépara-
toires sont publiés en extrait du Volume II du tome XVIII
des Annales de la Fédération et tirés à 400 exemplaires. La
brochure fut ensuite adressée aux dépôts d’Archives de Etat
et à ceux des Archives de nos villes, ainsi qu’aux Secrétariats
de nos revues historiques ou bibliographiques. Les membres
de la Commission et le Secrétaire en ont répandu autour d’eux
un certain nombre d'exemplaires. Déjà aussi des exemplaires
ont été adressés à plusieurs sociétés savantes. Nous avons
tenu à garder les autres en réserve, bon nombre de membres
des sociétés affiliées à la Fédération devant recevoir ces Docu-
ments préparatoires avec le volume du Compte-Rendu du
Congrès de 1904.
Un accueil bienveillant, nous ne craignons pas de le dire,
a été fait aux Documents préparaloires. de la Commission des
Inventaires. Cet accueil, empressé même de-ci de-là, est de
bon augure. La correspondance recueillie au Secrétariat pour-
rait témoigner de l'intérêt réel que suscite l’entreprise projetée.
Parmi les documents récemment publiés, où les collaborateurs
de la Commission pourront trouver des informations très utiles
et des plus précieuses, signalons l’important article rédigé par
M" J. Cuvelier, Chef de Section aux Archives Générales du
Royaume, en collaboration avec M' H. Pirenne et publié dans
la Revue des Bibliothèques et Archives de Belgique (1905,
n° 3, mai-juin, pp. 196-216). Cet article, intitulé Les petites
archives, donne des indications très précises sur les inventaires
de petites archives antérieurement exécutés dans les pays
voisins, notamment en France, en Angleterre, en Allemagne,
en Autriche, en Italie et même en Espagne. MM. Pirenne et
Cuvelier y ajoutent des instructions raisonnées pour le classe-
ment méthodique des fonds d'archives.
La Commission possède en portefeuille, attendant l'im-
pression, les inventaires suivants dressés conformément au
plan admis par la Commission :
1. Archives communales de Marcq (canton d’Enghien),
par M" Ern. Matthieu.
2. Archives de la Ville de Verviers, par M' Faway-
Harroy, Conservateur des Archives de la Ville.
3. Archives communales, paroissiales et privées d'Osti-
ches (canton d’Ath), par M' J. Dewert, Professeur à l’Athénée
Royal d’Ath.
4. Archives communales, paroissiales et privées d’ Attre
{canton de Chièvres), par le même.
5. Archives communales et paroissiales de Rebaix (can-
ton de Lessines), par le même.
6. Saventhem-lez-Bruxelles. Archives communales,
paroissiales et privées; documents conservés aux Archives
générales du Royaume, aux Archives de l’Archevéché de
Malines et aux Archives du Nord (Lille), par M' J.-L. De
Ceuster, Archiviste à Saventhem.
7. Archives de la paroisse de Limerlé (décanat de Houf-
falize), par M" J. Theissen, Curé à Limerlé.
8. Archives de la paroisse de Bœur-Tavigny et de l’Ecole.
— 61 —-
communale de Bœur, par M' A. Cahay, Curé à Buret-lez-
Houffalize. |
9. Archives de la Ville de Chimay, par Em. Dony.
10. Le Secrétaire de la Commission a en outre dressé
l'inventaire des Archives communales et paroissiales, malheu-
reusement peu importantes pour la plupart, des dix com nunes
suivantes du canton de Chimay : Saint-Remy, Bailièvre,
Salles, Seloignes, Villers-la-Tour, Robechies, Virelles, Vaulx,
Lompret et Baileux. Parmi les inventaires en préparation et
dont l'envoi plus on moins prochain a été promis à la Com-
mission, nous citerons : celui des archives de la Cure de
Houffalize (ancien couvent des Augustins), par Mr l'abbé A.J.
Robert, curé doyen de Houffalize, celui des archives de la
paroisse de Sommerain-lez-Houffalize, par M" Theissen, Curé
à Limerlé-lez-Gouvy, celui des Archives communales d'Ensi-
val, par MrJ. Feller, Professeur à l’Athénée royal de Ver-
viers, et les inventaires des archives de plusieurs communes
du canton d’Enghien, par M" Ern. Matthieu, du canton d’Ath,
par M" J. Dewert, et du canton de Tournai, par Mr Soil de
Moriamé, Président du Tribunal de première instance de
Tournai.
Si le département des finances du Congrès de Chimay-
Laon veut bien nous assurer les moyens de publier une pre-
mière série d’inventaires de petites archives, les inventaires
que nous avons déjà recus et qui ont été soumis à l’examen
des membres de la Commission se trouveront ainsi, à très
bref délai, prêts pour l'impression.
Il y aurait surtout, dans cette première série, des inven-
taires d’Archives communales. C’est par là que la Commission
a cru devoir entamer d’abord son travail. Dans cet ordre
d'idées, la Commission avait même songé à prendre l’initia-
tive de démarches auprès de nos Gouverneurs de province et
des Commissaires d’Arrondissement, dans le but de pouvoir
réunir, en faisant appel à l’intervention des Secrétaires com-
munaux, les inventaires des Archives conservées actuellement
dans les locaux des Administration communales. La Commis-
sion n’a pas cru devoir agir dans cette voie pour la raison
que, comme l’écrivaient récemment MM. Pirenne et Cuvelier
4
ee ee
PRES ba
— 62 —
dans l’article sur les geliles archives que nous avons cité plus
haut, la plupart de ces inventaires d'archives (classées d’après
un plan uniforme à la suite d'instructions officielles, datées
notamment du 10 Novembre 1829 et du 15 Octobre 1840), ne
constituent que de simples listes, « avec des indications très
vagues », sans utiiité pour les historiens qui voudraient les
consulter. Il ne faut pas perdre de vue que beaucoup de docu-
ments provenant des fonds d’Archives communales, notam-
ment les parchemins des anciens greffes scabinaux, ont pu
échapper à la destruction et être versés dans les dépôts
d’Archives de l’Etat. Ce service, nous le devons au soin avec
lequel les Conservateurs des dépôts d’Archives de l'Etat ont
exécuté naguère les instructions qu’ils avaient recues du Gou-
vernement, pour le transport des plus importants fonds
d'archives communales dans les Archives de l'Etat.
Quant aux archives paroissiales, la Commission a recu
un projet de classement de cette catégorie d’archives qu'a bien
voulu lui remettre Mr Wins, juge au Tribunal civil de Mons,
d'après les inventaires manuscrits, dressés par M' Wins, des
Archives de la fabrique de l'Eglise de Saint-Nicolas-en-Havré,
à Mons et des archives de la Confrérie de la Miséricorde (dite
de Saint-Jean Décollé), à Mons. La Commission suitavecun vif
intérêt les progrès que, dans ces deux dernières années, a
déjà fait le travail de rédaction des Zibri memoriales de nos
paroisses. Parti du diocèse de Cambrai, stimulé par des
iustructions épiscopales et guidé par des questionnaires types
ou même déjà par la publication de monographies dues à
plusieurs de nos érudits des plus estimés, ce mouvement en
faveur des études historiques a déjà pénétré dans les diocèses
de Bruges, de Malineset récemment dans le diocèse de Namur,
— ainsi que dans le diocèse de Liège, d’après une communica-
tion faite par Mr Huybrechts au Congrès de Chimay-Laon (sept.
1906). Bien qu'il s’agisse en l'occurrence de monographies
puroissiales plutôt que d’inventaires d’archives, la préparation
des premières ne peut se faire sans que les inventaires d’archi-
ves paroissiales soient constitués au préalable ou en même
temps. Dans une lettre qu’il a bien voulu nous adresser le 31
juillet dernier, Mr le Chanoine Cauchie exprime le vœu que
— 63 —
le comité du Congrès de Gand se mette dès à présent en rap-
port avec les organismes qui ont entrepris la préparation des
monographies paroissiales dans le but « de travailler », dit
M: le Chanoine Cauchie, « à l'élaboration d’un plan de travail
commun ». M: leChauoine Callewaert a eu l’obligeance de nous
faire remettre, pour être déposés dans les Archives de la
Commission des Inventaires des petites archives, trois exem-
plaires de la brochure qu’il a publiée sous ce titre : Ze liber
memorialis des Eglises du diocèse de Bruges, (Bruges 1905.)
La question des archives notariales a fait l’objet d’un
échange de vues en séance de section, lors du Congrès de
Mons. Bon nombre de notaires de l’arrondissement de Char-
leroi et de Mons ont remis antérieurement leurs archives
anciennes au dépôt des Archives de l'Etat, à Mons. La plupart
des notaires, d’après l'avis exprimé par Mr A. Demeuldre,
ancien notaire, ne demanderaient pas mieux que de se
dessaisir de leurs protocoles. Mais il serait désirable qu’ils y
fussent autorisés formellement en vertu d’une loi. Aussi Mr
Demeuldre a-t-il invité M" Houzeau de Lehaie à prendre l’ini-
tiative d’un projet de loi dans ce sens, loi qui porterait ses
effets éventuels sur les actes antérieurs à la loi de ventôse.
Pour ce qui concerne les archives des fondations hospi-
talières et charitables, souvent si importantes et si riches et
quant aux archives privées des familles, nous sommes fondés à
compter, pour vaincre les résistances et les méfiances parfois
obstinées, sur la force morale provenant des premiers inven-
taires qui seront prochainement publiés par les soins de la
Fédération archéologique et historique. Les collaborateurs de
la Commission des inventaires n'ont d'autre mobile que
celui de faire œuvre utile; ils sauront mettre, dans leurs
démarches auprès des possesseurs de fonds d’archives privées,
tout le tact et la discrétion nécessaires.
La question des inventaires des petites archives a été
inscrite à l’ordre du jour du Congrès que la Fédération
archéologique et historique tiendra à Gand en 1907. La sec- .
tion historique du Congrès de Gand recueillera les observa-
tions et les avis que, d’une part, le plan approuvé par la
Commission et, d'autre part, les inventaires déjà publiés
— 64 —
auront suggérés aux archivistes comme aux historiens et aux
érudits. Déjà est posée la question de savoir s’il ne convien—
drait pas de mentionner, dans chaque inventaire sommaire
d’archives communales, le transport qui a été effectué de ces
fonds d’archives dans les dépôts d’Archives de l'Etat. La
bibliographie est, elle aussi, importante dans la question qui
nous occupe : avant d'élever un édifice, il convient d'apporter
les matériaux nécessaires à pied d'œuvre. La bibliographie
des inventaires existants, imprimés et manuscrits, de petites
archives belges est déjà, semble-t-il, assez importante pour
attirer l'attention. Nous songeons à préparer, en vue du con-
grès de Gand, les éléments d’un inventaire des inven-
taires de nos petites archives, en nous aidant notamment
des documents recueillis déjà par l’/nslilut international de
bibliographie, par la Revue des Bibliothèques et Archives de
Belgique et par la Revue d’historiographie nationale les
Archives Belges. Ce travail, nous ne nous le dissimulons pas,
sera long et minutieux, comme nous l’écrivait M' Pirenne;
mais nous espérons réunir, à tout le moins sur fiches, les plus
importants éléments de ce répertoire bibliographique d'ici à
quelques mois, — avec la collaboration de M' Leo Verriest,
Archiviste aux Archives de l'Etat, à Mons.
Aux termes d’une décision prise au Congrès de 1904 et
grâce à l'intervention de M' Pirenne, la Commission Royale
‘d'Histoire a été saisie de l'initiative prise par la Fédération ;
le plan type approuvé par la Commission lui a été soumis.
Nous avons l’espoir que la C. R. H. se montrera favorable à
la mise à exécution du travail, bien qu’un des rédacteurs des
Archives Belges ait formulé, il y a quelque temps, le vœu,
— qui lui est exclusivement personnel, croyons-nous, — de
voir la C. R. H. se charger elle-même, eu augmentant son
budget annuel, du travail de la publication des inventaires
sommaires. L'entreprise est trop vaste, nous paraît-il, pour
que le concours désintéressé des travailleurs consciencieux
soit négligé ou tenu en médiocre estime et, par certains côtés,
Ja tâche est trop ingrate pour qu’on décourage ou qu’on rebute-
les bonnes volontés qui ont déjà surgi ou qui se produiront
)
€eucore.
—.65 —
Il conviendra aussi d'examiner prochainement dans quelle
forme le Gouvernement pourrait être sollicité d'intervenir en
faveur de l’entreprise, à laquelle un commencement d’exé-
cution va décidément être donné. Indépendamment d’autres
questions qui se présenteront encore, le Congrès de Gand aura
à émettre son avis sur la proposition formulée par Mr Léop.
Devillers, à laquelle Mr le Chanoïine Cauchie et Mr Pirenne ont
donné déjà leur adhésion, d’agir de concert avec l’administra-
tion des Archives de l’Etat et sur une proposition du Secré-
taire, à laquelle la Commission des Inventaires paraît elle-
même favorable, de faire également appel, pour la publication
de nos inventaires, au concours de la Revue des Bibliolhèques
et Archives, dont un des directeurs, M: Cuvelier, s'intéresse
vivement, depuis le début, au projet de la Fédération,
« Partout autour de nous, » écrivaient récemment MM.
Pirenne et Cuvelier, « nous constatons lu préoccupation de
« conserver intacts les précieux vestiges du passé, tout en
« cherchant le meilleur moyen de les classer, de les invento-
« rier et de les livrer au grand jour de la publicité. » Pour
désespérer du succès de l’œuvre entreprise par la Fédération
sur l'initiative de M: le professeur Pirenne, il faudrait douter
du désintéressement et du labeur de nos érudits, de nos histo-
riens, de tous ceux qui s'intéressent au passé de la terre natale;
il faudrait douter aussi de l'esprit de solidarité qui imprègne
de plus en plus tout le mouvement scientifique, et avec lui le
mouvement historique. L'entreprise est trop belle et trop impé-
rieusement utile pour ne pas avoir l’aboutissement fécond
qu'elle porte en elle. Puissions-nous ne pas nous tromper,
en affirmant avec conviction qu’il n’aura pas été fait en vain
appel à nos sociétés locales d’histoire par un des chefs les plus
écoutés de l’école historique belge!
Les petites Archives,
par J. CUVELIER,
Sous-chef de section aux Archives générales du Royaume.
Depuis longtemps les congrès archéologiques se sont
intéressés au sort des petites archives. Il était réservé à celui
de Mons (1904) de formuler, pour la première fois, des con-
clusions pratiques suivies d’un commencement d'exécution.
Les organisateurs du congrès archéologique de Gand se
devaient donc d'inscrire à leur ordre du jour cette question à
la solution de laquelle tous les historiens doivent s'intéresser
et qui présente un réel caractère d'urgence. Aussi bien,
auront-ils à cœur de démontrer que le reproche adressé à
l’Archivtag de Dantzig, aux sociétés historiques provinciales
en Allemagne, n’est plus applicable à la Belgique et que la
défiance que l’on nourrit encore contre elles dans certaines
sphères ne se justifie pas davantage.
Le fait seul de montrer l’importance capitale qu’aurait
pour l’histoire de Belgique une inventorisation systématique
de toutes les petites archives, qui échappent jusqu'à ce jour
aux investigations des historiens, ne constitue-t-il pas la
meilleure preuve des préoccupations d’ordre scientifique qui
caractérisent désormais les discussions des congrès archéo-
logiques ?
Ceux-ci présentent, en outre, l’immense avantage de
pénétrer, grâce aux nombreux membres de toutes les sociétés
affiliées, dans les milieux propices où les commissions offi-
cielles ne seraient reçues qu’avec une réserve significative.
Or, dans l'espèce, il importe avant tout d’avoir des
ramifications jusque dans les plus petites communes, puisque
c'est là précisément que les archives courent le plus grand
danger d'anéantissement.
Le patronage des Congrès d’archéologie étant bien choisi,
— 67 —
il convient de créer dans chaque province un bon comité qui
prendrait la direction des travaux. À notre avis, le Conser-
vateur des Archives de l'Etat est tout désigné pour en faire
partie. Grâce à ses fonctions il a plus que tout autre les con-
naissances et les aptitudes nécessaires pour prendre la direc-
tion des travaux d'inventaire qui s'opéreront dans sa province.
À côté de lui nous voudrions voir l’archiviste diocésain ou, à
son défaut, l’ecclésiastique qui s'occupe le plus des archives
dans la province. En dehors de ses connaissances spéciales
pour tout ce qui regarde les archives ecclésiastiques, sa pré-
sence sera des plus utile lorsqu'il s'agira d’avoir accès aux
archives des cures, des communautés religieuses, des fabri-
ques d'église, etc. Eufin, nous aimerions de voir entrer dans
la commission un délégué de chacune des sociétés d’histoire
ou d'archéologie des diverses régions ou villes de la province,
publiant un bulletin ou des annales. Le rôle de ces derniers
membres consisterait spécialement à surveiller les travaux
d'inventaire dans leur ville, canton ou arrondissement, et à
communiquer aux travailleurs les conseils et instructions de
Ja Commission, de facon à donner aux publications le plus
d’unifurmité possible.
Il serait évidemment an!iscientifique de prescrire un plan
invariable à suivre pour tous les inventaires de petites archi-
ves. Tout au plus peut-on affirmer quelques principes dont il
serait utile de ne pas s’écarter, et donner quelques règles géné-
rales auxquelles on peut se conformer en toutes circon-
stances (1).
Partout où la chose est possible, il faut classer les archi-
ves comme elles le furent à l’époque où existèrent les corps et
administrations dont elles proviennent et l’inventaire doit
réfiéter co classement. Pour retrouver ce classement on peut
surtout s’aider des anciens inventaires et des annotations
consignées au dos des documents.
Dans les dépôts d'archives communales, il faut classer
séparément : 1° les archives de l’ancienne administration
(1) Voir H. PIRENNE et J. CUVeLIER, Les petites Archives dans Revue des
Bibliothèques et Archives de Belgique, tome III (1905), pp. 196-216.
— 68 —
communale; 2° celles de l'administration communale présente;
3° celles des administrations, collèges ou personnes dont les
droits ou fonctions ont été transportés à l'administration
communale; 4° celles des collèges ou personnes ayant fonc-
tionné sur le territoire actuel de la commune et qui, par mesure
administrative, ont été déposées aux archives commuuales.
Si, dans les archives des villages, il suffit généralement
de deux ou trois grandes divisions correspondant à l’admi-
nistration, à la justice, aux affaires ecclésiastiques, dans les
villes, les divisions, pour être plus nombreuses, s’indiquent
tout aussi facilement : administration de la ville en géné-
ral, privilèges, législation, composition de l’administration
urbaine, finances, etc., dont respectivement les registres aux
résolutions, aux privilèges, aux chartes, les séries de lettres
concernant l'installation des échevins et les comptes consti-
tuent le noyau.
Il n’est pas nécessaire, cela va de soi, de suivre servile-
ment, pour ce qui regarde les subdivisions, l’ancienne organi-
sation et on peut introduire ici des rubriques qui n’ont jamais
existé dans celle-ci. En règle générale, il sera utile de con-
sacrer aux documents ancieus une description plus étendue
qu'aux pièces modernes, mais il ne faudra à aucun moment
perdre de vue que l'inventaire ne doit donner qu’un aperçu
du contenu d’un fonds d’archives, non le contenu des docu-
ments mêmes.
Chaque numéro de l'inventaire doit comprendre : a) l’an-
cien titre s’il existe, 5) une description générale du contenu,
c) l’année ou les années sur lesquelles le numéro s’étend,
d) l'indication si le numéro se compose d’un ou de plusieurs
volumes, paquets, liasses, documents ou chartes, e) une énu-
mération des documents que l’on y rencontre et qui n'ont
aucun rapport avec le reste du contenu, f) en note, les indi-
cations non prévues ici.
On emploiera de préférence des lettres capitales pour
indiquer chacun des inventaires des divers fonds paraissant
dans un volume, dés chiffres romaius pour les grandes divi-
sions de chaque inventaire, des chiffres arabes pour les divers
numéros d’un inventaire et enfin de petites lettres cursives
pour les analyses des numéros.
— 69 —
Les cartes, plans, chartes, documents avec sceaux, etc.,
doivent évidemment être placés à part dans le dépôt, mais dans
l'inventaire ils doivent se trouver près des pièces auxquelles
ils se rapportent ou avec lesquelles ils sont arrivés dans les
archives. |
En annexe, une liste des régestes des actes que l’on
rencontre dans la collection, en original ou en copie, tout en
ne faisant pas directement partie de l’inventaire, peut rendre
de grands services. [uutile de dire que tout bon inventaire doit
être pourvu de tables alphabétiques des noms propres et des
matières et même des sceaux.
La confection des inventaires d’archives doit être confiée,
cela va sans dire, à des archivistes et même de préférence aux
érudits ayant subi l'examen de candidat-archiviste.
Tel est le principe. Mais il va de soi qu’en attendant le
jour où ils seront assez nombreux pour pouvoir exécuter seuls
et rapidement ce gigantesque travail, rien n’empéche de con-
fier cette tâche à des érudits qui, sans appartenir à la corpora-
tion, se sont familiarisés depuis longtemps avec les archives
et qui ont donné des preuves de leur savoir faire. N’ayant
nullement le fétichisme du mandarinat, nous ne verrions
même aucun inconvénient à voir charger de ces travaux les
jeunes gens, prêtres ou laïques, qui, ayant pris goût aux
choses du passé, aux faits d'histoire locale, voudraient se
mettre en rapport avec la commission provinciale et pren-
draient chez elle des instructions pour la bonne exécution du
travail. | »:
C'est que nous sommes d’avis aussi qu’il importe de
courir au plus pressé, puisque chaque jour qui s'écoule peut
être cause de la perte irrémédiable de documents précieux.
Comme conclusion, nous proposons que le Congrès de
Gand nomme les membres de la Commission de la Flandre
Orientale, et que la Commission centrale à laquelle nous
proposons d’adjoindre l’archiviste général du Royaume, se
mette sans retard en rapport avec les conservateurs des
Archives de l’Etat dans les diverses autres provinces aux fins
de la constitution des autres commissions provinciales.
Parmi les antiquités romaines et franques
recueillies dans la Flandre maritime, s’en
trouve-t-il qui portent des emblèmes chrétiens?
Note de M' le Chan. Ap. DUCLOS, à Bruges.
Il y a eu des chrétiens parmi les soldats des légions
romaines. Ce sont ces lésions qui ont disséminé sur nos côtes
des monnaies et autres antiquités romaines.
P. Claessens dit, aux pp. 11-12 de Zes civilisateurs
en Belgique : « Parmi les antiquités romaines que les fouilles.
ont fait découvrir, il en est qui portent des signes manifeste-
ment chrétiens. A Wyk-te-Duurstede, l’ancien Dorestadium,
on a trouvé dans le sol une lampe funéraire marquée de la
Croix; à Nimègue, on a exhumé des gemmes, ornées d’une
ancre et de figures symboliques de poissons. Ces objets indi-
quent incontestablement que les chrétiens romains ont résidé
de temps à autre en ces endroits. »
Les Francs aussi, avant leur arrivée en notre contrée,
peuvent avoir été en contact avec l’expansion chrétienne.
Est-ce que purmi les antiquités franques trouvées dans nos
parages, il y en a qui portent des marques chrétiennes? I]
serait utile d'appeler l'attention des chercheurs sur ce point
qui n'a pus encore été traité pour la Flandre maritime.
Jl serait important de ne pas négliger l'examen des
objets conservés dans les musées de la Zélande.
Les reconstitutions archéologiques
de la section « Belgique Ancienne »
des Musées Royaux du Cinquantenaire,
par E. RAHIR,
Attaché des Musées Royaux du Cinquantenaire.
En écrivant ces lignes notre intention n'est pas de faire
une longue démoustration de l'évidente utilité instructive des
reconstitutions pour vulgariser l'étude archéologique des
. périodes plutôt arides de la préhistoire et des époques romai-
ues et franques dans notre pays. Nous la ferons d'autant moins
que nous nous adressons ici à des personnes particulièrement
compétentes.
Nous nous contenterons donc d'exposer assez rapidement
dans quelles conditions spéciales nous nous trouvons pour
mener à bonne fin le travail de reconstitution dont il va
être question ici. Eusuite nous décrirons assez sommairement
quelques types de maquettes, afin que l’on puisse se rendre
suffisamment compte des moyens dont nous disposons pour
arriver à réaliser pratiquement les idées émises depuis long-
temps par M" le baron de Loë, conservateur de la section de
Ja « Belgique Ancienne ».
Rappelons que depuis quelques années le Gouvernement
a organisé, au sein des Musées Royaux du Cinquantenaire, un
service méthodique de fouilles et de recherches, s'étendant à
tout le pays et embrassant plus particulièrement les époques
préhistoriques, romaines et franques, auquel nous avons été
spécialement attaché. Depuis lors nous avons donc suivi pas à
pas ce genre de recherches, aussi consciencieusement que nous
le pouvions. De plus nous avions dans nos attributions de
prendre, au cours de ces recherches, tous les renseignements
et documents nécessaires sous forme de plans, coupes, photo=
nt —
— 72 —
graphies, etc., de manière à être en possession de tous es
éléments nécessaires pour refaire, pourrait-on dire, ce que
nous avions vu sur place.
De cette facon nous avons pu réunir une importante
documentation, nous permettant de pouvoir entreprendre, en
certaine connaissance de cause, le travail de reconstitution
archéologique, suivant des vues méthodiques d'ensemble à
arrêter préalablement par le conservateur de la section.
Vers la fin de l’année 1905, Monsieur le Ministre de
l'Agriculture et des Beaux-Arts a bien voulu nous accorder un
subside spécial à l'effet d'entreprendre une série de reconstitu-
tions. Nous nous sommes mis alors immédiatement à l'œuvre,
animé du vif désir dé mettre sur pied, aussi parfaitement que
nous le pouvions, les premières bases de l'important pro-
gramme de vulgarisation scientifique dont l'initiative revient
à M' le baron de Loë.
Parmi les différentes maquettes dont nous nous sommes
occupé alors, signalons, plus particulièrement, deux sépultures
néolitiques fouillées à Furfooz et à Vaucelles, ainsi que le site
des stations protohistoriques et belwo-romaines de La Panne
(Adinkerke).
Comme nous le disions précédemment, nous nous sommes
efforcé de nous rapprocher, autant que possible, de la réalité,
mais nous avons cherché aussi à combiner cette réalité des
choses avec le but essentiellement instructif, qui, évidemment,
devait être notre principale préoccupation. Nous n'avons rien
négligé non plus pour représenter la reconstitution sous son
vrai caractère décoratif.
Afin de permettre aux membre du Congrès de Gand de
pouvoir bien juger et discuter notre t'avail, en connaissance
de cause, nous croyons nécessaire de donner maintenant une
courte description des trois maquettes mentionnées ci-dessus,
puis nous nous bornerons à dire quelques mots de la deuxième
série des reconstitutions qui sont, maintenant, en cours d'exé-
cution. |
Sépullure néolilhique de Vaucelles. La sépulture dont il
est question ici fait partie de la série des sépultures mises au
jour, par le service des fouilles du Musée, à la base de la
vgarraane A
op onbrugopu oaugmndps ur oP UONNNSLOOE
— 73 —
muraille calcaire surplombante qui précède l'entrée de la
petite grotte dite « Trou des Blaireaux ». Une communication
sur ces travaux ayant été faite à la Sociéte d'Anthropologie
de Bruxelles, nous n’avons pas à en reparler ici. Nous nous
contenterons de décrire succinctement la reconstitution, qui
reproduit la principale de ces sépultures, type fort intéressant
d'inhumation à deux degrés.
Une portion de la base du rocher — celle qui surplombe
la sépulture — a été exécutée en grandeur réelle (1,60 m. de
longueur sur 1,00 m. de hauteur); c’est à dire que nous avons
donné à ce rocher une dimension suffisante pour que l’on
puisse allonger aisément devant lui les restes humains que
nous avons recueillis avec tous les soins désirables (voir la
figure ci-jointe). Au moyen de limon jaune (dépôt de la sépul-
ture) que nous avons fait adhérer à la partie inférieure du
rocher — sur environ 0,50 m. de hauteur — nous avons
représenté le niveau du sol avant la fouille et, au-dessus de ce
niveau, le rocher est figuré avec l'allure et le coloris qu'il
avait en réalité. Au pied de ce rocher artificiel nous avons
replacé le crâne et les ossements humains, en grande partie
en connexion anaomique (inhumation corps en place), tels
qu'ils se trouvaient à Vaucelles ; ce qui nous a été facile en
utilisant pour cela les documents graphiques et photographi-
ques que nous avions pris au cours de la fouille.
Sous la roche surplombante, dont nous venons de parler,
il y avait, en réalité, deux squelettes, mais l'un de ceux-ci
seulement était hien nettement en connexion anatomique,
ainsì qu'on peut s'en rendre compte par la figure.
La hache polie que l'on remarque à l'avant-plan de cette
figure et qui représente un élément de mobilier funéraire a été
replacée à l'endroit et à la distance respective qu'elle occupait
par rapport aux squelettes.
Sur le devant a été déposé ensuite le paquet d'ossements
humains, appartenant à plusieurs individus, qui représente
l'ossuaire; c'est à dire des ossements provenant, sans doute,
soit d'une caverne sépulcrale, jusqu'à présent inconnue pour
nous, soit, plus probablement encore, d’un abri voisin, vidé
par le néolithique pour faire place à de nouveaux occupants.
— T4 —
Le tout, inhumation et ossuaire, était recouvert d’un lit
continu de pierres, ce qui constitue, ainsi que nous le savons,
un caractère très général aux sépultures néolithiques. Ce lit
de pierres était évidemment destiné à préserver les morts de
diverses actions destructrices, que nous n'avons pas à énumé-
rer ici. Intentionnellement, nous n'avons fait figurer aucune
de ces pierres sur les squelettes, de manière à ne pas les mas-
quer et nous n'en avons placé que fort peu sur l'ossuaire
afin de dégager, autant que possible, la sépulture corps
en place qui était l’objet principal de la reconstitution.
Dans un des angles de la maquette a été placée une petite
carte de la région, afin que l’on puisse se rendre exactement
compte de l'endroit où se trouvait la sépulture, et, de l’autre
côté, faisant pendant à cette carte, on remarque une photo-
graphie du site préhistorique de Vaucelles.
Le tout est hermétiquement clôturé; de face, par une
glace inclinée en arrière, de manière à luisser pénétrer le plus
de lumière possible à l’intérieur de la reconstitution ; des côtés,
par des glace verticales.
Pour compléter cet ensemble, MrJ. Du Fief a bien voulu
nous prêter gracieusement son concours, pour exécuter, à notre
intention, une peinture représentant le rocher de Vaucelles
avec figuration de chacune des sépultures, que nous avons
reconnues à la base de ce massif. Ajoutons que M" Du Fief
n'est qu'un amateur; mais il a pour nous le grand mérite
de savoir reproduire très fidèlement ce qu'il a vu; en d'autres
termes, il nous fait de la peinture documentaire.
Pour toutes les peintures, dont celle-ci est un exemple,
nous avons adopté le format général de 0,56 m. de hauteur
sur 1,10 m. de longueur.
Ossuaire néolithique de Furfooz.
Comme la précédente, cette sépulture a été reconstituée
en grandeur réelle et elle est contenue dans un meuble exac-
tement semblable au premier.
Le rocher formant abri, qui est ici d’allure fort pittores-
que, a été reproduit aussi exactement que nous le permet-
taient les documents graphiques et photographiques que nous
avions en mains Sur les parois du massif artificiel nous
— 75 —
avons appliqué la véritable végétation des mousses provenant
du rocher même et qui le colorait de ses teintes vertes carac-
téristiques, teintes que nous avons reconstituées. En un mot
nous nous sommes efforcé d'en reproduire l'ensemble tel qu'il
était en nature.
Le niveau de l’humus de surface qui recouvrait l’ossuaire
est indiqué sur le rocher comme nous l'avons fait précédem-
ment, c'est à dire par application du dépôt meuble provenant
de la fouille.
Les ossements humains, appartenant à une quinzaine
d'individus ont été replacés pêle-mêle sous l'abri — comme
ils l’étaient en réalité — en une couche de 10 à 15 centimètres
d'épaisseur moyenne et recouverte du lit de pierres, qui, ainsi
que nous le disions plus haut, caractérise si généralement la
sépulture néolithique. a
Comme pour la reconstitution précédente, celle dont
nous parlons ici est accompagnée d'une petite carte, d'une
photographie du milieu où se trouvait l'ossuaire, et elle est
complétée par une peinture du site, exécutée par M'J. Du Fief.
Stations protohisloriques et belgo-romaines de La Panne.
Nous avons également entrepris l'exécution d'une maquette,
de un mètre carré, représentant la portion des dunes de La
Panne où ont été découvertes et. bien étudiées récemment les
intéressante: stations protohistoriques et belgo-romaines, dont
on connaissait déjà l'existence depuis assez longtemps.
Préalablement à ce travail, nous avons fait un minutieux
levé topographique de la région en question et nous avons
noté alors sur place toutes les teintes de végétations avec indi-
cation de l'emplacement respectif de chacune de ces nuances.
Ces multiples renseignements nous ont permis de reproduire
assez fidèlement l’allure et le riche coloris de cette attrayante
région. Nous nous sommes efforcé aussi de donner une appa-
rence de relief à la végétation au moyen d'un procédé de
superposition de teintes différentes appliquées sur un fond
sableux qui lui-même, ajoutons-le, n’est pas d'un ton uniforme.
Les deux principales stations préhistoriques-romaines, si
nettement visibles en nature grâce aux amoncellements, d’une
blancheur neigeuse, de Cardium (débris de repas), ont été.
représentées au moyen de couleurs.
_ 76 —
Comme toujours la carte de la région accompagne la
. reconstitution.
I] nous paraît utile de donner encore quelques indications
— nous le ferons très sommairement — sur la deuxième série
des reconstitutions, en ce moment en voie d'exécution, qu'il
nous a été donné de pouvoir mettre sur pied grâce à l'octroi
d'un nouveau subside, qu'a bien voulu nous accorder MF le
Ministre de l'Agriculture et des Beaux-Arts. Il serait évidem-
ment superflu de décrire les quatre types de marchets (âge du
fer) et les trois maquettes de Tumulus (époque romaine) qui
constituent cette deuxième série, mais nous croyons cependant
qu'il ne sera pas sans intérêt de donner ici divers renseigne-
ments sur les moyens que nous avons employés pour repro-
duire, avec autant de vérité que possible, le Marchet et le
Tumulus.
Comme nous reproduisons plusieurs marchets, nous avons
tenu à ce qu'il existe, autant que possible, un rapport propor-
tionnel de grandeur entre les divers types représentés ; autre-
ment dit, nous les avons construits à la même échelle. Ajoutons
aussi que nous n'avons pas forcé l'échelle des hauteurs qui est
donc en rapport avec celle des longueurs. Il en est de même
pour les Tumulus. De cette facon on peut se rendre immédia-
tement compte, de visu, que les tombes ne sont pas d'égales
dimensions.
Marchet. Comme élément de construction d’un marchet,
nous avons tout d’abord recueilli, sur le plateau calcaire même
où s'élevait la tombe que nous avions en vue de représenter,
de nombreux fragments de roches corrodés et patinés de petite
dimension, mais en rapport avec la réduction que nous nous
étions proposé de faire. En d'autres termes, si le marchet
authentique était formé de pierres en moyenne de 0,10 à
0,30 m. de diamètre, nous récoltions des pierres d’une dimen-
sion approximative variant entre 1 et 3 centimètres de diamè-
tre. Les parois de la tranchée pratiquée dans le marchet
reproduit — tranchée nécessuire pour montrer le ou les sque-
lettes, l'incinération, etc., que renferme la tombe — sont
formées de petites pierres calcaires non patinées; c’est à dire.
recueillies sous la surface du sol, là où elles étaient 4 l’abri
— 71 —
des influences atmosphériques. L'élément meuble du: marchet
est représenté comme il existe à l’état nature.
Le squelette humain ou les ossements incinérés, etc.,
sont figurés en rapport de proportions avec la grandeur de la
tombe et aux emplacements exacts occupés par eux.
La végétation qui environne le marchet est provisoire-
ment reproduite par des superpositions de teintes, jusqu’au
moment où nous pourrous remplacer ce procédé par un dispo-
sitif imitant mieux les herbages ou autres plantes en réduction ;
ce qui ne constitue pas un problème facile à résoudre.
La carte de la région, ainsi qu'une peinture représentant
le plateau calcaire des marchets avec son aspect dénudé et son
coloris fauve si caractéristique, accompagnent aussi la reconsti-
tution.
Tumulus. De même que pour les marchets, les maquettes
des grands tumulus belgo-romains sont égaiement ouvertes
par une trauchée suffisante pour permettre d'examiner aisé-
ment le contenu de la tombe, mais pas trop large cependant
afin de ne pas en déformer l'aspect général.
À l’intérieur de la chambre sépulcrale qui, on le sait, se
trouve au centre du tumulus et sous le niveau du sol naturel,
nous avons figuré sous leur aspect réel, les principaux objets
du mobilier funéraire : poteries, verreries, vases en bronze,
objets d'art, etc. |
Ce que nous avons dit plus haut au sujet de la végétation
des marchets peut s'appliquer point par point aux tumulus.
Comme complément aux reconstitutions de tumulus iso-
lés, nous avons commencé l'exécution d'une maquette de grande
dimension, qui représentera, avec son relief réel, le remar-
quable groupe des cinq tumulus d'Omal traversé par la grande
voie romaine de Bavay à Cologue.
1 ne peut certes entrer dans notre intention de donner
ici une énumération de ce qu'il reste encore à faire dans cet
ordre d'idées : la liste en serait trop longue. Qu'il nous suffise
seulement de dire que la période romaine, à elle seule, avec
ses sépultures variées, ses habitats, ses monuments, etc.,
exigera un nombre considérable de reconstitutions.
— 18 —
Nous croyons pouvoir affirmer, sans être taxé d'exagéra-
tion, que l'ensemble de ces travaux destinés à mettre à la
portée de tous ce que nous connaissons des débuts de l'histoire
de l’homme, contribuera, pour une bonne part, à faire de la
« Belgique Ancienne » des Musées Royaux du Cinquante-
naire, une section archéologique des plus instructives et des
plus intéressantes de notre pays.
Eo terminant ces lignes nous souhaitons que les membres
du congrès archéologique de Gand, après avoir pris connais-
sauce de ce rapport sommaire, voudront bien émettre un vœu
en faveur des travaux dont il est question ici; vœu qui serait
pour nous un précieux encouragement pour continuer la réa-
lisation du programme d'ensemble conçu depuis longtemps
déjà, ainsi que nous le disions précédemment, par Mr le
baron de. Loë.
La villa romaine de Mersch,
par Crarres ARENDT,
Architecte de l'Etat hee à Luxembourg.
Mersch(1), chef-lieu de canton, à 3 lieues de Luxembourg,
et 4 lieues d’Arlon, est situé au point d’intersection des
(sbhtntt= Rpmerweg
Eisentann
men Strasse .
No 1. — Villa romaine de Mersch.
voies romaiues d’Altrier-Arlon et de Helpert (resp' d'Ingel-
(1) Dans des chartes du 9e et du 10e siècles, « Marisch, Mariska, Ma-
rich, » plus tard Merisch, Mersch — (mar, mer = humor, liquor vel mor,
locus paludosus — marais). Il y lieu d'admettre qu’au temps des Romaine,
tout le bas da village formait un grand marais ou lac, duquel surgissait,
pareil à une île, le promontoire actuel appelé « Mies ». (D'après le Dic-
tionnaire de Rockefort « Meix » signifie village, colonie).
— B) —
dorf) Luxembourg, au confluent de l'Zisch, de la Mamer et
de l’AZzette. C'est au centre du polygone formé par ces trois
ruisseaux que s'élève le plateau dénommé « Æfiës », sur le
point culminant duquel furent découvertes les substructions
de la villa romaine, dont nous allons décrire les particularités.
Les fouilles furent effectuées en 1905 et 1906 sous notre
direction, en partie aux frais de la section historique de l’In-
stitut Grand Ducal, en partie aux frais du gouvernement.
*
*# *
Le « Merscherthal » est une des plus fertiles et pitto-
resques vallées du Grand-Duché. C'est cet avantage, joint
à la situation stratégiquement favorable de la « Miès », qui,
sans doute, avait engagé les Romains à y fonder uue petite
colonie, dont les premières traces furent retrouvées il y a
plus d'un demi siècle (1). Déjà alors on recueillit en divers
endroits des monnaies en moyen et petit bronze de Domitien,
de Constantin, de Z'austine etc., et deux médailles en or. —
A l'occasion de la démoli-
tion de l’ancienne église du
village, on trouva dans les
fondations de grandes pierres
de taille (2) ornées de sculptu-
res et d'inscriptions diverses,
proveuaut de mausolées gallo-
romains. Voici eutre autres
l’une de ces inscriptions, dont nous complétons les abré-
viations.
D (iis) M (anibus)
SENNIO MAI
__IORI. DEFVN (ct)
O. CONIVGI. SA (bin)
A. SIBI. V ‘ovite).
*
% *
Nous donnons ci-contre (cliché n° 2) une vue cavalière
des substructions de la villa, prise au cours de nos fouilles.
Un coup d'œil jeté sur l’hypocauste, situé au premier
plan, suffit pour apprécier la bonne conservation du carre-
(1) V. Majerus, Geschichte von Blersch, herausgrgeben ton J. Groë.
(2) Ces pierres sont aujourd'hui conservées au Musée lapidaire de la
Section hist. de l’Institut grand-ducal.
— 81 —
lage composé de dalles en terre cuite de 0"50 x 0"29 x 0°045
posées dans un béton de 0"15 d'épaisseur, et du revête-
ment des murs d'enveloppe, composé de carreaux pareils
de 0=36 x 0"26 x 0"03. — Les piles (suspensurae) de 090
livraient passige aux ramoneurs de l’hypocauste qui mesure
7®90 x 6®. Ces piles sont couvertes de magnifiques dalles
en terre cuite de 0"50 x 0"53 X0"04 recouvertes d’un béton
poli de 0"18 d'épaisseur.
Le foyer (fornaz), logé dans un épais massif de macon-
— 82 —
nerie, forme un ellipsoïde revêtu de petites briques, et se
prolonge dans l’hypocauste au moyen d’un canal aspirateur
à ouvertures latérales obliques. Des boulettes}de prix, retrou-
vées dans les décombres, servaient à activer le feu. La fumée
s'évacuait par des tuyaux de terre cuite({ubuli) de 0"17 x 018
RÜMER-VILLA AUF MIES BEIMERSEH.
UNTERLESCHOS5. DBERBA U. {Rrstaurctie
Am
ir en
Ne 3, — Villa romaine de Mersch.
d'ouverture, logés dans l’épaisseur des murs d'enveloppe. Les
trous dont leurs parois sont percées, permettent au mortier
de la maçonnerie de s’y introduire et d'assurer leur stabi-
lité (1). Devant le dit fornaz gisait le praefurnium et le
dépôt du charbon de bois servant de combustible.
(1) Détail technique ingénieux, aujourd'hui oublié. On a trouvé auss
des tubali à parois pleines ; ce sont ceux surgissant au-dessus des murs.
JEINTURES MURALES
SS
k
De:
an!
— 83 —
Le cliché n° 3, fig. 1, donne le plan des substructions à
l'échelle de 1,200 : B == hypocauste; A = fornax; P —
praefurnium; c et À — caves ou celliers. OO
Dans la fig. 2 du même cliché, nous avons essayé de
dresser un plan de restauration du rez-de-chaussée de la villa,
qui semble avoir été un pavillon de chasse, En voici le libellé :
T'== salle à manger (triclinium); U et S = chambre à coucher
et antichambre ({ab/inum)avec larges ouvertures à coins arron-
dis et munies d’un velum ; À — vestibule (vestibulum), O ==
entrée (ostium); Q — cuisine, avec fournaise g et chaudière À
placée sur une plaque en fer, recouvrant le fornax 4; V ==
veranda (peristilium) avec fragments de colonnes en grès;
Z = passage (fauces); Wet X = loges pour l’esclave et les
chiens. — À proximité du péristyle on trouva autrefois une
citerne de 1"60 de diamètre, ainsi que des tuyaux d’une
conduite d’eau. Dans un coin des caves gisaient des frag-
ments de bois de cerf, des mâchoires de sanglier, d’autres os
de gibier et un tas d’écailles d’huitres.
En fait de monnaies on a trouvé:
3 petits bronzes de Victorinus 1 (265-67) pesant 2; gr. RE AVG:
k ’
1 petit bronze de Zéefricus I (267-283?) pesant 2,15 gr. | PAX Ge LE
. 5
1 Constans fort avarié;
1 Nero (barbaris) (54- 68, pesant 6,9 gr. ;
(de droite à gauche) IM (p) NERO (c) A (es) A. (r) AVG P MAX TRI (b. p.):
1 grand bronze de Domifien (51-96) pesant 12; gr. IMP. CAES. DIVES. P. P.
DOMITIANVS. V. C. F. M, (tête à droite, laurée), Revers : entre les
lettres S et C, Minerve debout avec lance et bouclier;
1 grand bronze de Wéron (54-68) pesant 81 gr. IMP. NER. CAES. AVG.
(tête à droite, laurée). Revers : Minerve entre S et C.
3 moyens bronzes de Faustina, pesant 1,75 gr., frustes;
4 petits bronzes, fin 4e siècle, pesant 2 gr. et
S fragments de monnaies détruites par le feu. — Total 15 monnaies.
Il a été recueilli ensuite les objets marqués sur le cliché
n° 4 savoir :
Fig. 1. Grande broche (fbula) en bronze verdâtre, dont
l’aiguille fonctionne encore ;
Fig. 2. Agrafe en étain durci;
Fig. 3. Petite. fibula en laiton, ornée d’une croix grecque;
Fig, 4. Patite fibula en bronze ;
€
— #4 —
Fig. 5. Bouton en bronze;
Fig. 6. Perle en pasta ;
Fig. 7. Fragment de bracelet ;
Fig. 8. Fragment d’anneau en laiton;
FUNDSTÜCKE BEÏ DEN AUSLRABUNGEN AMIE
Tm lag
Ne 4. — Villa romaine de Mersch.
Fig. 9. Fragment d’une lampe en terre cuite;
Fig. 10. Fragment d’un vase en cristal avec ornements
gravés; enfin quantités de fragments de poteries en terre
cuite, de tasses en terra sigillata rouge et noire; de grands
— 55 —
clous en fer, de grandes tuiles plates à rebord (canali), des
tuiles courbes (tegulae), de gros verres à vitre verdâtres, une
mosaïque à dessins rectilignes blanc et noir, et des amphores.
Des restes de bois calciné et de cendres indiquent que la villa
a été saccagée par le feu, probablement lors de la première
invasion des barbares du Nord.
Mais ce qu’il y a de plus intéressant dans tout ce qui a
été retiré des décombres de cette villa gallo-romaine, ce sont
les fragments de peintures murales. Nous en avons repro-
duit une partie sur la planche coloriée ci-annexée. Ces pein-
tures al fresco sur stuc poli, sont d’une étonnante conserva-
tion. Elles figurent des portions d'encadrement de panneaux,
à fond alternativement rouge (fig. 5), vert (fig. 6), blanc et
noir (fig. 11 et 13), qui ornèrent les murailles des salles prin-
cipales 7, U et S de la villa. Ces encadrements se composent
de bambous jaunes, veinés en rouge et bordés de filets noirs,
blancs et rouges. Là, où le fond est blanc (fig. 12), il est
orné de nénuphars verts à tiges rouges. — Ici le peintre
romain avait, comme d'usage alors, cherché ses motifs de
décoration dans la flore locale, qui, en ces temps reculés,
fut encore lacustre. Sur le même dessin (fig. 7 et 8), nous
avons marqué les fragments de moulures de plafonds et de
mosaïques. Chose fort rare, ce sont les fragments d'aire
(Estrich) en béton poli, peint en rouge avec motif globuli-
forme en blanc (fig. 3). Sur quelques fragments, le fond
rouge est orné de stries blanches ondulées, et le fond vert
de courbes noires (fig. 1 et 3).
*
% *
En considération du grand intérêt que les substructions
de cette luxueuse villa gallo-romaine présentent pour les nom-
breux touristes qui chaque année visitent le Grand-Duché,
le Gouvernement, sur notre proposition, les a fait abriter sous
un grand hangar maconné et couvert en tuiles. Sur une longue
table en pierre, adossée à la paroi intérieure, à droite de la
porte d’entrée, sont exposés tous les objets retirés des décom-
bres et spécifiés ci-dessus.
f
— 86 —
ES - dd
Comme presqu’en tous points du plateau de la « Miés »
qui mesure 14000"*, le sol est parsemé de fragments de bri-
ques, nous avons fait continuer les fouilles au printemps de
1906. Mais les résultats furent moins heureux que la pre-
mière fois. On a bien retrouvé les vestiges de quatre autres.
bâtisses romaines (voir cliché n° 5), mais dont aucune n’offrait
N | | : — He ; d | UT
. t
EL DS | TARN IR AUFFUES- ED MERSCR ANGIEKTER RON: SUESTRULTIENER . |
No 5. — Villa romaine de Mersch.
un intérêt spécial. C'étaient apparemment les demeures, fermes
et dépendances des colons, qui, durant les quatre premiers
siècles de notre ère, occupèrent sur la Miés un grand village
(vicus). Cette fois aussi on a retiré des décombres plusieurs
monnaies, des tuyaux et tuiles romaines, etc., qui ont été
réunies aux autres antiques du hangar prémentionné.
Les sources de l’histoire
du règne des archiducs Albert et Isabelle,
par H. LONCHAY,
Professeur à l'Université de Bruxelles.
À première vue la littérature historique de l’époque des
archiducs est extrêmement riche. Le début de leur règne a
été raconté par un grand nombre’ d’auteurs de l’esprit le plus
différent, par des nationaux comme par des étrangers, par
des catholiques aussi bien que par des protestants. Les uns
ont écrit en flamand ou en français, d’autres en italien ou
en espagnol, quelques uns en latin. À côté d’histoires pro-
prement dites il y a des mémoires qui ne traitent que des évé-
nements dont les rédacteurs ont été les témoins, des panégy-
riques qui-exaltent les vertus d'Albert et d'{sabelle, des
pamphlets où se réflètent les passions politiques ou religieuses
du temps. Les histoires générales de Pompeo Giustiniano, de
Bentivoglio, de Carnero, de Lanurio, de Grotius, de Galucci,
s'arrêtent à la trève de douze ans; l’œuvre de Van Meteren
va jusqu'en 1612; les mémoires de Baudartius qui en sont
la continuation s'étendent jusqu’en 1624 (1). Les événement:
militaires ont attiré surtout ces écrivains. La Flandre était
aldrs une grande école d'armes où se rendaient tous ceux
qui voulaient apprendre l’art de la guerre. Les récits des cam-
pagnes et des prises des villes étaient lus avec assiduité. De là
la vogue de certaines œuvres qui rappellent par la composition
les commentaires de César, tels — pour ne citer que les plus
importantes — les Mémoires guerriers de Charles Alexandre,
sire et duc de Croy, qui dépeignent si bien les mutineries des
Ê
(1) Sur les sources historiques de cette époque, beljes et hollandaises,
ontre la Bibliographie de l'histosre ue Belgique de H. PIRENNE, voir DE WIND :
Bibliotheek der Nederlandsche Geschiedschrijvers (Middelbourg 1831, les
remarquables articles critiques de R. Fruin qui ont été réimprimés dans les
tomes VII et VIII des Verspreide Geschriften du même auteur, et pour les
éditions : la Bsbliotheca belgica de F. VAN DER HAEGHEN, ARNOLD et VAN.
DEN BERGHE.
— 88 —
soldats espagnols; tel le mémorable siège d'Ostende de Chris-
tophe de Bonours, qui rappelle ‘dans ses moindres détails un
des plus glorieux faits d'armes de ce siècle, complétant le
Journael de H. Van Haesten et les Commentaries de sir
Francis Vere, le gouverneur de la place. L'histoire diploma-
tique n'a pas non plus été négligée. Veut-on connaître les
négociations qui précédèrent la conclusion de la trève de
douze ans, on doit lire les lettres ou les mémoires des
diplomates et des hommes d'Etat qui y ont été mêlés, comme
Paul Choart, seigneur de Buzanval, le président Jeannin,
Ralph Winwood, Jean Oldenbarnevelt; les dissertations éru-
dites de Baudius et de Meursius; la relation du cardinal Ben-
tioglio ; les pamphlets (1) et tous les écrits polémiques que cet
événement suscita dans les deux pays, les Provinces Unies
et les Pays-Bas catholiques. 11 nous est venu aussi un écho des
agitations politiques ; la Justification apologétique pour l'avocat
Rombaut Van Uden nous explique les troubles survenus à
Bruxelles en 1619. Tout le monde, enfin, trouvera dans les
célèbres relations de Bentivoglio une description exacte et
colorée de la cour des archiducs ainsi que de la situation
politique et religieuse des provinces rebelles et des provinces
obéissantes au commencement du XVII: siècle.
Il semble donc qu’on n’xit plus qu'à prendre la plume
pour retracer l'histoire de cette époque. Mais on s'aperçoit
vite que cette richesse: d'informations est plus apparente que
réelle. Si l’on met à part les relations militaires qui n’intéres-
sent plus qu’un petit nombre de lecteurs, les sources écrites
de ce règne sont généralement incomplètes et inexactes. Dans
la plupart le récit manque d’ampleur et l’impartialité en est
souvent absente. Elles sont élogieuses ou médisantes, selon
qu'elles sont d'origine belge ou hollandaise, qu’elles sortent
d'une plume catholique ou protestante. Il était difficile à un
aumônier de la Cour, comme Aubert le Mire, ou à un professeur
(1) Pour les pamphlets en général, voir les catalogues de VANDER Wur,
‘TieLE, Perir, KNUTTEL, etc. Pour la paix entre les Provinces Unies et
l'Espagne, les Considérations d'Elat sur le traite de la paix aver les sérénissimes
archiducz d'Autriche, publiées par Cr. RALHENBECK pour la Societé de l'his-
doire de Belgique (Bruxelles 1869).
— 59 amer
«de Louvain, comme Vernuieus, ou encure à un prédicateur,
comme D. B. de Montgaillard, parlant d'Albert ou d'Isabelle
de garder la juste mesure dans l'appréciation des événements
politiques ou religieux (1). La même [difficulté — il faut le
reconnaître — existait pour les publicistes hollandais ou
étrangers qui avaient à juger la politique espagnole.
Seuls Van Meteren et Bentivoglio s'élèvent au dessus:
de leur sujet. Consul des marchands hollandais à Londres,
Emmanuel Van Meteren était, par ses relations et sa situation
personnelle, à même de recueillir des informations sûres.
Son histoire des Pays-Bas (2) est souvent celle des Etats
voisins ; malgré les longueurs qui la déparent, elle est toujours
intéressante. En certaines matières, les questions de commerce
et de finances, notamment, Van Meteren est le plus compétent
des historiens de son temps, et certains passages de son livre.
par exemple, celui où il explique la grande conversion de la
dette espagnole de 1608, ont presque la valeur d'un document
original. C'est le plus important des historiens protestants de
cette époque. |
Le cardinal Bentivoglio, de son côté, est le plus remar-
quable des écrivains catholiques. L'œuvre historique de ce
diplomate, qui représenta le Saint Siège à Bruxelles de 1607
à 1615, est considérable: Elle comprend une histoire de la
guerre de Flandre, des mémoires, des lettres, des relations
sur les Provinces Unies, les Provinces obéissantes, le Dune-
mark, les Huguenots de France, la trève de douze ans, la
fuite de France du prince de Condé, la campagne du Pala-
tinat de 1614, sans compter toute la correspondarice diplo-
(1) Cette remarque s'applique à l'Histoire de l'archtduc Albert de Jean
BrusLÉ, dit Montpleinchamp. que ROBAULX DE SOUMOY a rééditée en 1870
pour la Société de l'Histoire de Belgique. Cette compilation qui date de la fin
du siècle ne méritait pas les ‘honneurs d'une réimpression. Elle a beaucoup
moins de valeur que les notes de l éditeur qui forment un commentaire
perpétuel fort savant.
. (2) L'œuvre de VAN METEREN a été traduite en français, mais cette tra-
duction est souvent défectueuse. Quant au travail original, il a été remanié
par l’auteur, et il faut tenir compte des variantes que présentent les diffé.
rentes éditions. Voir à ce sujet l’article.critique de FRUIN : De Aistoriën van
Emanuel van Meteren dans les Verspreide Geschriften, Deel VII; pp. 382-411.
er. 90 —
matique du cardinal avec la cour de Rome qui n'a pas été
jusqu'ici entièrement publiée (1). Il est peu de ces travaux
qui n'intéressent directement la Belgique. Homme d'Eglise
et diplomate, Bentivoglio parle avec une admiration marquée
des souverains catholiques auprès desquels il fut accrédité.
Mais il ne montre pas moins de sympathie à nos provinces où
plusieurs de ses parents avaient combattu pour la cause
catholique. Il a décrit nos institutions et la cour des archiducs
dans des pages dont la sobriété n'exclut pas l'élégance. Ben-
tivoglio passe en Italie pour un grand écrivain. I] sait rendre
ce qu'il a vu et ne se perd jamais dans des détails oiseux.
Si Van Meteren est le plus consciencieux des historiens de
cette époque, Bentivoglio en est le plus agréable.
Les sources imprimées étant insuffisantes, peut-on y
suppléer par les documents manuscrits? En d’autres termes,
que nous apprennent les archives sur le règne d’Albert et.
d'Isabelle ?
Les papiers d'Etat, du moins les correspondances poli-
tiques que notre pays possède encore de ce temps sont con-
servées aux Archives générales du Royaume dans trois fonds :
(1) Le: principales œuvres du cardinal ont été réunies sous le titre de :
Opere del cardinal Bentrvoglio (Paris 1615; in fol.). Elles comprennent la
reiatione delle province unite di Fiandra,la r'elatione detle provincie abbidienti di
Fiandra, la relatione di Danimarca, la relutione de gli L'gonotti di Franc, le
trattato della tregua di Fiandra, la relatione della mossa d'arme per le cose di
Clèves e di Giulers, ln relalione della fugua di Francia del principe de Conde,
la guerra di Finndra, une ruccolta di letirre del cardinat Bentivoglio scritte à
dsversi in lempo delle sue nuncrature de Fiandra e di Francia.
Il faut y ajouter les Memorte ou Diario, qui furent édités à Amsterdam en
1618. Erycius Puteanus avait publié à Cologne en 1629 les re/atione; la guerra
di Fiandra parut dans la même ville en 1633.
La correspondance diplomatique du cardinal avec le cardinal Borghèse,
secrétaire de Paul V, pendant sa nonciature en France, a été publiée à Flo-
rence par Liugi de Steffani, 4 vol. in 12 ,1863-70,. De sa nonciature à Bru-
xelles nous ne connaissons que les lettres que Gachard a publiées ou analysées
dans son étude : le cardinal Bentivoglio : sa nonciature à Bruxelles, 1607-1645,
réimprimée dans les Ztudes et notices concernant l'histoire des Pays-Bus, tome
LIT, pp. 95-168. Les instructions remises à Bentivoglio lors de sa mission dans
notre pays ont été publiées par MM. Cauchie et Maere : Recueil des instruc-
tions générales aux nonces de Flandre (1596-1635) dans les publications de la
Commission royale d'histoire, in 8°, Bruxelles, 1904.
— 9L—
celui de l’Audience, celui de la Secretairerie d'Etat et de
guerre et celui de la Secrétairerie d'Etat allemande (1). Le
premier, formé des documents qui étaient confiés à la garde
de l’Audiencier, le principal secrétaire d'Etat des Pays-Bas,
a subi de grandes pertes (2). À la fin du XVIII: siècle l'archi-
viste Wynants transporta à Vienne les lettres et les pièces
diplomatiques les plus importantes, et jusqu’à présent l’Au-
triche ne nous en «x restitué qu'une partie. Elle a retenu un
nombre considérable de lettres des archiducs avec les Etats
voisins. Aussi c'est à Vienne qu'on étudiera le mieux l’his-
toire. de nos relations avec la France et l'Angleterre. On y
trouvera, dit M° l'abbé J. Laenen, une série ininterrompue
de missives diplomatiques qui se suivent dans un ordre
chronologique à peu près exact. Il y a là, en dehors des lettres
des archiducs eux-mêmes, des correspondances de Richardot,
du comte d’Ayala, de Jean Simon, de de Prats, de Pecquius,
de Renon de Bailly, de Sébastien Zanetti, de Ferdinand de
Boischot, d'Henri de Vinch, du sire de Meulevelt, de C. de
Clercq, de l’archevéque de Patras, nonce à Paris, etc., etc,
en un mot, de tous les chefs de ministère en Belgique et de
tous les ambassadeurs à Paris et à Londres (3).
Les correspondances remises à l’Audience étaient en
français. Celles que conservait le secrétaire d'Etat et de
. guerre, fonctionnaire qui apparait à la fin du XVI" siècle,
étaient en espagnol. C'étaient les minutes des dépêche:
envoyées à Madrid par le gouvernement de Bruxelles, ou les
originaux des lettres royales qui nous venaient d'Espagne.
Ce fonds est très riche (4). Indépendamment des missives
(1) Je pourrais citer aussi les registres des Ztats Généraux. Mais, pour
l'époque qui nous concerne, ce fonds a été épuisé par Gachard, qui a publié les
Actes des Etats Généraux de 1600 et de 1632,
(2) Ainsi nos archives n'ont conservé qu'une partie de la correspon-
dance de Pecquius. Elle a été utilisée par HENRARD pour son livre : Henré
IV et le princesse de Condé 1609-1600 (Bruxelles, 1870 ; in 8°. Publication de
la Société de l'Histoire de Belgique).
(3) Voir la lettre à la Commission royale d'histoire du 14 juin 1906, où -
il rend compte de sa mission aux archives de Vienne. Bulletin, tome 5.
(4) On peut en juger par l'Znventaire sommaire, dressé par MM. À.
GALLARD et E. DE BREYNK.
— 92 —
officiellès échangées entre les cours de Madrid et de Bruxelles,
il renferme toute une série de documents relatifs à l’admi-
nistration financière de l’armée et de nombreuses correspon-
dances particulières.
Malheureusement il ne contient presque rien de la cor-
respondance secrète des gouverneurs des Pays-Bas et des
ambassadeurs ou des agents espagnols placés auprès d'eux
avec la cour de Madrid, non plus que les instructions con-
fidentielles qui étaient remises à ces mêmes agents. Ces docu-
ments restèrent en la possession de ceux à qui ils étaient
destinés, puis après leur mort furent détruits ou vendus.
L'Espagne a pu en garder un certain nombre. Ainsi les deux
grandes bibliothèques de Madrid, la Nationale et la biblio-
thèque de l’Académie royale d'histoire, possèdent un nombre
considérable de lettres des archiducs-avec le duc de Lerme.
La plupart ont été éditées avec d'autres écrits du même
genre dans la grande collection dites des documentos inéditos
para la historia de España (1), ou ont fait l'objet de publica-
tions spéciales (2).
Mais c'est aux archives de Simancas que sont les docu-
ments les plus intéressants de l’époque des archiducs. Dans ce
grand dépôt des titres et des papiers historiques de l'Espagne,
on a gardé la correspondance de Philippe III avec Albert et
Isabelle, les procès verbaux ou consullas des séances du con-
seil d'Etat de Castille. où il fut question de notre pays, les
instructions secrètes remises aux agents de l'Espagne à
Bruxelles, entre autres celles données à Ambroise Spinola,
qui de 1603 à 1627, c'est-à-dire pendant tout le temps qu'il
résidu en Belgique, fut l’homme de confiance de la cour de
Madrid, les rapports confidentiels de ces mêmes agents, parmi
lesquels ceux de Spinola (3), de Baltasar de Zuñiga, du mar-
(1) Voir la Bibliographie de l'histoire de Belgique de H. PIRENNE.
(2) Par exemple : la corespondancia de la infanta archiduguesa doña Isabel
Clara Eugenia de Austria con el duque de Lerma, que Mr A. Rodriguez Villa
vient de publier dans le Boletén de la real Academia de la historria, 1905 et 1906.
(3) C'est à l'aide des documents de Simancas que l'érudit précité a
composé sa biographie de Spinola : Ambrosio Spinola, primer marqués de los
Balbases (Madrid, 1905, 770 pp.).
— 93 —
quis de Guadaleste, et du cardinal de la Cueva, méritent une
mention toute spéciale. Ce sont là des documents de la plus
haute valeur et sans lesquels il est impossible de se rendre un
compte exact des rapports des archidues avec l'Espagne, non
plus de la situation politique et morale de notre pays pendant
les vingt premières années du XVII° siècle (r).
Les témoignages les plus précieux de l’histoire des ar-
chiducs sont donc à l'étranger, à Vienne et à Simancas. Tant
qu'on ne les aura pas recueillis, on ne pourra faire qu'un
récit incomplet et inexact des grands événements de cette
époque. De là l'embarras où se sont trouvés tous ceux qui ont
tenté de les décrire. En 1843 le Gouvernement fonduit un
prix de 3000 francs en faveur du meilleur ouvrage sur le
règne d' Albert et Isabelle. L'Académie royale des lettres des
sciences et des arts était juge du concours; elle dut le proroger
à plusieurs reprises et, en définitive, écarter pour insuffisance
les mémoires qu'elle reçut. Depuis lors il n’a plus paru sur
ce sujet qué des travaux fragmentaires, comme celui de
Potvin (2) et les études récentes de MM. Brants (3) et Wil-
laert (4). Espérons que nous aurons bientôt un ouvrage d'en-
semble qui nous montrera, dans son vrai jour, la situation de
notre pays sous le règne d' Albert et d'Isabelle (5).
(1) L'an passé, la Commission royale d'histoire m'a chargé d'une mission
à Simancas. J'en ai rendu compte dans une lettre qui a paru dans le Bulletin
{n° 3 de 1906) et dans un rapport plus étendu qui paraîtra prochainernent.
(2) Albert et Isabelle, fragments sur leur règne (Paris et Bruxelles, 1861).
(3) JEHAN RiICHARDOT (Louvain, 1891; in 8°, extrait du Museon). Les
Théories potitigues des Pays-Bas sous les Archiducs Bruxelles, 1898 ; in 80.
Bulletin de l'Académie).
(4) Végoctations politico-religieuses entre l'Angleterre et les Provinces Unies
(1598-1625), dans la Revue d'histoire ecclésiastique; en cours de publication
depuis 1905.
(5) Dans cette revue rapide des sources du règne des archiducs nous
n'avons envisagé que l’histoire de notre pays et non les affaires étrangères à
la Belgique dans lesquels ces princes intervinrent, comme la guerre d’Alle-
magne, que novus connaissons par d'importants mémoires contemporains,
tels ceux du seigneur du Cornet édités par DR ROBAULX DE Soumoyx en 1868
pour la Sociélé d'histoire de Belgique, et la Relation des campagnes du bas
Palatinat en 1620 et 1621, de don Francisco de Ibarra, publiée par MOREL.
Fario dans l'Espagne au XVIe et au XVIIe siècle, pp. 315-488 (Paris, 1878).
Développement
à donner au système des fiches archéologiques,
par L. CLOQUET,
Professeur à l'Université de Gand.
La nécessité s'impose, dans les pays de civilisation
avancée, d’un vaste travail, qui n’est encore qu’ébauché, à
savoir une enquête générale sur les richesses monumentales
et artistiques publiques et privées. Des recueils doivent être
formés par les Gouvernements pour constituer les archives
monumentales de leur pays. |
En France la Commission des monuments historiques, créée
en 1837 sur l'initiative de Vitet et de Mérimée, et réorganisée
en 1889, a amassé une collection de photographies des monu-
ments anciens contenant environ 25,000 pièces ; mais elle est
bien loin d’avoir achevé la vaste entreprise commencée en
1877, pour constituer l’/nventaire général des richesses de la
France (1).
En Allemagne, dès 1819, Von Stein préconisait l’idée
de réunir, pour les mettre à la portée des chercheurs, les docu-
ments originaux de l’histoire de l’empire. Le Gouvernement a
cherché dans la photogrammétrie le moyen de faire des rele-
vés exacts des édifices et M° Meydenbauer a créé à Berlin,
„dans ce but, un institut spécial qui a dressé les reproductions
de plusieurs centaines de monuments. Le Gouvernement x
‘d'autre part entrepris la rédaction d’inventaires archéologi-
ques, rédigés d’une manière vraiment scientifique. D'un autre
côté, MM. Dehio et Von Bezoid, P. Clemen, J. Kohte et
(1) La France n'a guère encore classé, en moyenne, qu'une vingtaine
- de monuments par départemént, sur une vingtaine de milles; le Répertoire
archéologique n'a donné encore que huit départements (V. Rapport de
‚Mr Couyba à Ja chambre des députés, k budsret général de 10).
EE |
— 95 —
'E. Polaczck ont publié des inventaires contenant la notice
abrégée des principaux édifices anciens du pays (1). |
En Belgique la Commission royale des monuments a fait
appel à ses comités provinciaux pour élaborer un inventaire
archéologique des édifices publics (2).
*
% *
Le travail dont il s'agitest d’une importance considérable.
C'est une opération préalable et indispensable à une étude
définitive sur l’histoire de l’art ancien dans les différents pays,
‘comme à la connaissance intégrale de l'archéologie européenne,
dans toutes les branches de cette vaste science.
Ce travail est urgent, à cause des pertes continues et irré-
parables que subit l'archéologie, par suite de la disparition
incessante des objets sur lesquels portent les études. Il y a là
une diminution progressive des éléments d'investigation. Le
tempus edazx fatal annihile chaque année par centaines, pour
ne pas dire par milliers, les documents concrets. sur lesquels
sont basées les études d'archéologie artistique, lesquels pour-
raient être remplacés dans une certaine mesure par des descrip-
tions précises.
Cette urgence accroît l'énorme difficulté de la tâche. Elle
exige une procédure universelle et rapide, en même temps
qu'une exactitude toute scientifique et une entière compétence
de la part de ceux qui se partageront l'immense besogne.
Nous croyons que l’entreprise est condamnée à un échec
certain, ou du moins à des retards indéfinis, ce qui revient au
même, si elle doit être réalisée par des méthodes centralisa-
trices.
*
x #
(1; Derio et Vor BezoLp. Handbuch der deutchen Kunsldenkmäler.
Berlin, 1906. - P. CLEMEN. Die Kunstdenkmäüler der Rhein-provinz, 8 vol.
€. Sehwana, Dusseldorf, 1906. — J. Kounrg. Der stand der Inventarisatión
der Kunstdenkmüler im Deutschen Rsiche (Denkmalsnflege, 1, 3:, 1899. —
.Æ. Pocaczck. Die Denkmäler-Inventarisation in Deutschland. (Deutsch Gbil.
t. I, 11, III), 1899-1902.
(2) V. Compte rendu du Congrès de l'art public en 1905, rapport de Mr
TL CLOQUET, rapporteur de la 5° section.
— 96 —
L'État, malgré ses ressources puissantes, tenterait en vai
de mettre en activité un personnel assez nombreux et assez
compétent, pour opérer d'office un inventaire général et une
description. convenable des objets en cause. On ne se figure pas
que, dans l’espace d’un petit nombre d’années, des gens compé-
tents, agissant en vertu d'un mandat spécial, puissent se trans-
porter dans toutes les localités du pays, y atteindre tant
d'objets. d'art anciens dispersés dans les lieux publics et chez
les particuliers, les dessiner, les photographier et surtout les
décrire tous avec la pertinence requise, alors que ces objets
relèvent d'une multitude de spécialités diverses. Il faudrait en
‘quêlque sorte qu'une académie de savants aux connaissances
encyclopédiques parcoure tout le territoire, et y opère avec
une activité surhumaine et avec des mnyens d’ investigation
hors de sa portée.
Ce travail réclame au contraire et essentiellement la
division du travail. C'est ce qu’a compris la Commission royale
des monuments de Belgique, qui a mis à l'œuvre ses correspon-
dants des différentes provinces. Cet excellent organisme, qui
dispose de l'élite de nos.archéolngues, parviendra, non sans
‘peine, à dresser l'inventaire sommaire de nos principales riches-
ses publiques. en l'espèce; il n'arrivera jamais à établir
celui de toutes les œuvres d'art ancien notables, et laissera for-
cément à l'écart celles surtout, qui n'ont pas été publiées dans
Tes ouvrages d’érudition.
| ‘Le problème qui nous occupe a reçu au contraire un com-
mencement de solution partielle, dans le sens le pius désira-
ble, c. a. d. celui d’une investigation très précise et très.
fouillée. Le meilleur mode de tr: avail a été inauguré, selon
nous, par l'institution des Wiches archéologiques de la Société
d'histoire et d'archéologie de Gand. A la suite du Congrès
de 1896, et sur la proposition de MM. P. Bergmans et A.
Heins, celle-ci a créé l'instrument efficace, qui permettra de
mener à bonne fin l’entreprise, si sa méthode se généralise.
Remarquons en effet, qu'aucun archéologue assez com-
pétent n'est disponible, (sauf de rares exceptions), pour
procéder sur commande, consécutivemeni ou à un moment
donné, à l'étude de tous les objets que doit embrasser une
— 97 —
section déterminée, quelque restreinte qu'elle soit, d’un inven-
ventaire. Si même il entreprenait de le faire, il serait néces-
sairement arrêté par j'insuffisance de la documentation, nul
homme n'étant capable de faire à point nommé une série de
découvertes sur des problèmes déterminés. D'ailleurs on ne
pourrait pas, même au prix de dépenses fabuleuses, atteler
d'office à pareille besogne, sur un programme donné, les
capacités requises.
en
Au contraire il se trouve partout, grâce au mouvement
d'études propagé par les sociétés d'archéologie, des hommes
de science, qui orienteni librement leurs recherches dans
différentes parties du domaine archéologique, des spécialistes
indépendants, les plus compétents dans telie ou telle matière,
qui sont les auxiliaires tout désignés pour ces inventaires,
et qu'on tenterait vainement d'enchaîner à un travail
d'ensemble et à une entreprise officielle. A ces spécialistes,
on ne pourrait imposer la discipline voulue, pour la rédaction
consécutive d'une série des monographies sommaires que
. réclame tout objet compris dans l'inventaire général. Mais
chacun, dans sa sphère, est disposé à faire au jour le jour et
librement des études occasionnelles, qui peuvent constituer
des matériaux précieux, quoique nullement coordonnés, de
‘l'inventaire final. Laissons les se produire, stimulons le travail
individuel, nous coordonnerons plus tard ses résultats et nous
donnerons l'unité à l’ensemble.
Si l’un de ces travailleurs libres se trouve de manière
adventice propriétaire ou dépositaire d'objets d'art ancien,
s’il se trouve amené par les hasards de ses recherches à pous-
ser à fond l'examen d’une pièce ou d’une série de pièces,
si par suite d’heureuses découvertes il peut reconstituer l’his-
toire d’une œuvre historique, etc., il fera volontiers profiter la
collectivité des travailleurs de son travail ou de sa bonne
fortune. Il importe seulement, que les travailleurs de ce genre
soient sollicités d’une manière générale, et qu’il acceptent
une formule pour la présentation de leurs communications, de
manière qu’elles puissent ultérieurement être incorporées dans
‘un recueil général.
— 98 —
Qu'on veuille bien le remarquer, la description scientifi-
que d'une œuvre d'art ancien exige des connaissances précises
sur son origine, sur son milieu, sur son histoire, sur son style,
etc., en même temps que sur sa technique, son interprétation
iconographique, sa valeur esthétique, etc., et ces connaissances
ne sont pas tous les jours en la possession de l’érudit qui est
mis en présence de l’objet. Mais il vient un moment où un docu-
ment,une révélation, une intuition quelconque nous est fournie,
qui nous ouvre les veux et dissipe les obscurités qui enve-
loppaient le sujet ; et ce jour-là, il nous est donné de rédiger
la notice définitive, exacte et complète, que nous n'aurions
pu fournir au moment où elle nous aurait été réclamée d'office ;
un plus savant que nous, mandé pour procéder au même tra-
vail, n'aurait fait que pauvre besogne. Il faut laisser naître et
se produire à leur jour, les travaux que favorisent les circon-
stances. Mais il faut que nous soyons incités à rechercher ces
bonnes fortunes, et avertis que pareilles notices sont constam-
ment attendues par la communauté des érudits, pour contri-
buer à une œuvre nationale.
Mais ainsi, objectera-t-on, ne se produiront que des tra-
vaux de hasard, des notices isolées, un ensemble décousu de
documents sans coordination. — C'est vrai; mais du moins l’on
amassera des documents de valeur, d’excellents matériaux
pour l'œuvre définitive. Ces travaux particuliers, à la longue,
peut-être dans un temps assez court, formeront les éléments
principaux de l'inventaire général.
*
# %
Pour cela, deux conditions sont nécessaires.
La première, c'est que pareil travail soit préconisé par
une large propagande, et encouragé notamment par les Congrès
d'archéologie; qu'on fasse appel à tous les travailleurs parti-
culiers, pour que chacun contribue à l’œuvre collective; et
qu'enfin les notices ainsi rédigées soient centralisées dans les
mains d'un comité actif, qui en contrôle la valeur avant de
les publier.
La seconde condition, c'est qu’on arrête ne varietur et
qu'on vulgarise une formule à suivre, pour que les notices en
— 99 —
question rentrent dans un cadre général et puissent un jour
ètre réunies en un corpus unique, moyennant une dernière
mise au point. Cette formule, il ne faut pas la chercher bien
loin ; le type existe des fiches en question, dans celles de la
Société gantoise d'histoire et d'archéologie.
Une condition matérielle importante, c'est l'adoption d’un
format unique. Que toutes les sociétés, toutes les institutions
appelées à rédiger des descriptions sommaires de monument:
et objets d'art, modèlent leur travail sur un prototype tel que
celui que nous indiquons. Que par une généreuse condescen-
dance, chaque éditeur de fiches accepte, sinon la formule, du
moins le format des fiches gantoises,qui ont le mérite de la pre-
mière initiative. Que chaque société archéologique sollicite de
ses membres la description, sous cette forme, des antiquités
locales, à mesure qu'ils auront chucun le goût de les étudier
à fond, mais dans l’ordre de leurs convenances.
Tous les membres des sociétés archéologiques ne sont pas
appelés à produire des travaux d'érudition approfondis; mais
la plupart peuvent, en se cantonnant dans leur compétence,
produire de très utiles monographies fragmentaires, dont
l'ensemble constituera bientôt une collection très riche. Il
suffit pour s'en convaincre de jeter un coup d'œil sur la col-
lection de quatre cent vingt fiches que contient déjà l'inven-
taire gantois.
Supposons que sa méthode se généralise; le jour ne
serait pas très éloigné, où les matériaux d'un inventaire
wénéral seraient amassés en bonne partie sous forme de
fiches aisées à classer. À un moment qu'on entrevoit, il
deviendrait enfin possible de compléter les lacunes, au moins
pour certaines séries et pour certaines branches de l'archéo-
logie, et il se trouvera des travailleurs d'élite pour entrepren-
dre la mise au point définitive.
Nous pensons que les comités provinciaux des monu-
inents feraient œuvre vraiment méritoire, s'ils consentaient à
adopter le format, sinon les formules, créé par le Comilé des
fiches archéologiques de Gand, et à consacrer des feuillets
séparés à chaque objet.
Le format des fiches gantoises est de 25 sur 18 centimè-
— 100 —
tres. Il peut s'inscrire et s'encadrer dans celui des fiches
moyennes du Æéperloire iconographique de U Institut interna-
tional de bibliographie, lequel est de 27 1/2 sur 21 1/2 centi-
mètres (1).
Le Comité de Art monumental, siégeant au palais du
Cinquantenaire, a consenti, sur ma proposition, à adopter cette
mesure. Son distingué secrétaire, M° H. Rousseau, chargé de
rédiger le catalogue du Musée des moulages, a bien voulu
montrer l’exemple avec une bonne volonté dont il doit étre
hautement remercié, en adoptant le format gantois pour son
catalogue officiel, et nous espérons qu'il pourra l’adopter égale-
ment pour une édition privée et illustrée de cet intéressant
recueil.
Nous insisterons en terminant sur la facilité qui résulte-
rait pour les études particulières de chaque archéologue de ce
mode de publication par feuillets indépendants, que chacun
pourrait insérer dans ses dossiers d'étude suivant son classe-
ment personnel.
(1) V. Za Documentation de l'iconographie dans le Bulletin de Institut
international de bibliographie, 1906, p. 129, Bruxelles, rue du Musée. :
Faut-il encourager la création de Musées locaux
et régionaux ?
Rapport de Josepæ CASIER.
« Les prisons de l’art, ce sont les Musées », a dit un
écrivain de talent, critique estimé de la Revue des Deux-
Mondes.
Pour tenter la justification de cet aphorisme, M' de la
Sizeranne, en des pages émues, signale le vandalisme ou
lincurie des administrations qui, peu soucieuses des souvenirs
du passé, les abandonnent ou les recueillent sans soin dans
des locaux parfois obscurs ou trop exigus.
Le changement est grand pour tant d'objets privés de
leur cadre; tel portique, telle statue, tel fronton, tel crêtage,
telle galerie ou balustrade charmaient l'œil lorsqu'ils occu-
paient la place et accomplissaient la mission que leur avaient
assignées l’architecte et le sculpteur.
Arrachées de leur milieu, privées de la lumière qui en
accentuait ou en harmonisuit les formes, rangées et catu-
loguées dans un musée, ces épaves du passé paraissent
dépaysées sous le dôme de verre qui leur servira d'abri.
Mais sont-elles en prison, suivant le mot cité plus haut?
Ah! certes, elles ne parlent plus à l'artiste ni à l’esthète:
comme au temps où elles occupaient la place choisie par leur
auteur. Mais la pioche a passé; de gré ou de force, ces débris
du passé doivent quitter leur emplacement.
Faut-il les abandonner à une totale destruction et leur :
refuser l’hospitalisation ? Poser la question, c'est la résoudre;
un musée bien organisé ne sera pas une prison, mais un
hospice de vieillards que des soins vigilants maintiendront :
en vie, en les disputant à l’effritement et à la mort qui les
guettent. |
— 102 —
Les musées sont nécessaires; nul ne pourrait en contester
-sérieusement l'utilité à des points de vue nombreux et divers.
1 serait oiseux du reste d'insister au sein d'un Congrès d’his-
toire et d'archéologie, en présence de savants qui out voué
leur vie à réunir, classer, faire connaître, aimer et admirer
les reliques du passé ou les chefs d'œuvre du génie humain
confiés à leurs soins vigilants.
Les musées étant des institutions utiles, il convient d'en
créer; si J'en crois le critique dont je rappelais l’aphorisme au
début de ce rapport, « jamais, » affirme-t-il, « jamais on n'en
« vit tant bâtir pour tant d'objets ni de tant de sortes ».
Il semblerait donc que tout le monde fût d'accord et
qu'un courant généreux et unanime ralliât tous ceux que
préoccupe cette question.
Il s'en faut que l’entente soit aussi complète. Si le prin-
cipe de l'utilité sociale et scientifique des musées est recon-
nue, on se divise sur la question de leur diffusion; d'aucuns
préfèrent concentrer les efforts et centraliser les résultats
dans la capitale ou dans quelque ville importante.
À ces partisans de la centralisation, moins nombreux
que les décentralisateurs, mais plus puissants parfois parce
que plus proches du pouvoir, les musées de province portent
ombrage; pour peu, on leur reprocherait parfois le zèle mis
à réunir les objets de provenance locale.
Cette tendance est regrettable; à nos yeux, elle est con-
traire à l'intérêt général. Combattre l'excès de la centralisation
et favoriser la création de musées locaux ou régionaux, tel me
paraît devoir être le but de nos efforts; j'en forme le vœu et
voudrais le justifier par quelques courtes considérations.
Une distinction préalable s'impose entre les diverses
sortes de musées.
Il en est qui, à raison de l’origine, de la nature, de la
valeur exceptionnelle ou de la rareté des ohjets exposés, ne
sauraient être multipliés; je classerai dans cette catégorie les
musées de préhistoire générale, d’antiquités égyptiennes,
grecques ou romaines, voire d'archéologie générale, bref
toute coliection formée par des recherches à l’étranger, ou pour
l'étude synthétique de l’histoire de l’art.
— 103 —
Pareils musées nécessitent des frais trop considérables,
tels que missions à l'étranger, subsides importants de l'Etat,
personnel choisi et savant.
D'autres musées offrent un intérêt trop restreint ou ne
peuvent être appréciés que par une élite de savants; leur mul-
tiplicité ne s'impose pas.
La départition entre ces divers genres est une question
de fait, facile à résoudre dans chaque cas; encore peut-on
facilement éterrdre l'utilité de certains musées par des repro-
ductious en moulages et le dépôt de ceux-ci dans les musées
locaux. |
Il en va autrement à mes yeux pour les musées d'archéo-
logie, de peinture et sculpture locales ou régionales, d’art
industriel et décoratif.
En principe, il est préférable de laisser les œuvres d'art
et en général les productions du génie ou de l'activité
humains daus le milieu qui les a fait éclore et, si possible,
dans le cadre pour lequel leur auteur les a concues. Le
milieu, l'ambiance expliquent parfois une étrangeté, une
naïveté, uu procédé, une formule de style qui ailleurs ne-
trouveraient pas leur justification.
Aussi, dès l'instant qu’uu objet quelconque digne d’inté-
rêt perd sa destination locale, il faut le recueillir dans le
musée régional et l’éloigner ainsi le moins possible de son lieu
d’origine. Sans doute, chaque ville ou village n’aura pas son
musée ; les ressources et les objets intéressants feraient défaut.
Mais dans la mesure du possible, je voudrais voir se
multiplier les musées et empécher la centralisation. De nom-
breuses raisons peuvent étayer cette thèse; je me borne à en.
signaler quelques-unes.
Le culte du souvenir, le respect du passé, l'amour du.
sol natal, la fierté nationale sont des sentiments dignes d'être.
cultivés et développés. Le passé renferme toujours une leçon. :.
initier le peuple à ce passé, lui faire sentir, palper, apprécier,
admirer les phases de son histoire, par la vue des œuvres et
des travaux de ses ancêtres, c’est faire œuvre utile et sociale
au premier chef.
Mettre sous les yeux et à la disposition de l'artisan les.
— 104 —
modèles ou documents capables de perfectionner son métier
par le développement du sentiment artistique, c'est ennoblir-
sa tâche quotidienne; c'est faire œuvre utile et sociale.
Inculquer au public la connaissance des œuvres d'art, les
Jui faire apprécier et aimer, susciter dans l'âme d'une élite la
compréhension du beau, éveiller peut-être des vocations artis-
tiques, n'est-ce pas également faire œuvre utile et sociale?
Un musée d'archéologie, un musée d'art décoratif, un
musée des Beaux-Arts atteignent ces divers buts, à condition
d'être d'un accès facile pour le public.
La masse est indifférente parce qu'ignorante; elle est
comme l'enfant privé d'école et de maître: elle ne s'instruit
pas sans voir. Si la Belgique entière ne possédait qu'une
école, que serait linstruction? Poser la question, c'est la
résoudre.
Et n'en serait-il pas de même au point de vue de l’art,
s'il n'y avait qu’une seule académie de dessin? Ne priverait-on
pas la grande majorité du pays de toute culture artistique?
Le musée est également une école, école d'une nature
spéciale peut-être, mais école quand même. Il faut mettre:
ses lecons à la portée du plus grand nombre. .
Multiplier les musées, c’est répaudre l'instruction, émou-
voir le culte du passé, susciter l'amour du beau; c'est éveiller
peut-être des talents qui sommeillent et s'ignorent; c'est
mettre aux mains d’un plus grand nombre les outils qui leur:
faciliteront le chemin de la vie. !
A ces considérations, j'en veux ajouter de plus spéciales
encore, au sujet du type de musée archéologique, dans la plus
large acception du mot. C'est ici que le musée local s’impose
le plus impérieusement.
La transformation des villes est un fait que rien ne. peut
enrayer; il résulte des nécessités sans cesse croissantes de la
vie moderne, des exigences justifiées de l’industrie et du com-
merce, de l'augmentation de la population des villes, des
besoins de l'hygiène et des exigences du progrès. Ce fait s'im-:
pose ; il est juste et nécessaire de l'accepter.
Mais si le progrès impose des sacrifices, il faut qu ‘ils soient:
justifiés ; car l’histoire a ses droits également ; et lorsque celle-
— 105 —
ci réclame la conservation de quelque monument ou souvenir
du passé, un administrateur soucieux de justice ne peut porter
légèrement la main sur eux; ils ne seront jamais mieux qu’à
la place assignée par leur auteur.
Si leur disparition ne peut être évitée, il convient de les
recueillir pieusement et de les garder dans l'atmosphère qui
les vit éclore. Hospitalisés au musée local, ces épaves parleront
à ceux qui les ont vues en place ou sont familiarisés avec le
passé de leur ville. Ce langage sera moins clair, obscur peut-
être pour l'étranger qui ne s'y intéressera pas. Et de l'indiffé-
rence à l’oubli, de celui-ci à l'abandon, à la destruction, il n'y
a qu'un pas; il est vite franchi.
Et ainsi par l'absence de musée, le passé d’une ville
disparait.
Etudier, analyser, classer, cataloguer ces débris du passé
afin d’en former ensuite une synthèse instructive, nul ne le
pourrait mieux que ceux qui ont vécu parmi ces souvenirs et
les ont arrachés à l'indifférence ou à la cupidité. L'étranger ne
saurait se passionner pour des objets qui lui paraissent insigni-
fiants, mais que l'œil de l’autochtone reconnaît aisément, qu’il
aime et dans lesquels il retrouve le filon d’une tradition locale
ou la marque d’une origine.
L'étude de l’histoire et de l'archéologie n'est qu'une vaste
enquête, d'autant plus précise, plus exacte, plus vraie, plus
fructueuse en un mot, qu'elle s’appuie sur des documents plus
nombreux et mieux contrôlés. La multiplication des musées
divise le travail et partant le rend meilleur et plus productif ;
c'est la ruche qui produit d'autant plus de miel que les alvéoles
et les abeilles sont plus nombreuses.
Combien de talents s'ignoreraient, combien de chercheurs
seraient demeurés inertes, si la vue de quelques souvenirs,
soigneusement conservés dans la maison communale ou dans
le trésor de l’église paroissiale, n'avaient éveillé leur curiosité
et déterminé leur volonté vers l’étude du passé.
Le. musée local est encore l’accessoire sinon nécessaire, du
moins utile, de tout groupement scientifique, société ou cercle
d'histoire ou d'archéologie. Il excite l’amour-propre, suscite
l'émulation, flatte la vanité.
— 106 —
L'heureux possesseur d’un objet intéressant, œuvre d'art
ou souvenir de famille, en confiera le dépôt au musée de sa
ville. La vanité est bonne conseillère à ce propos ; et pourquoi
ne la flatterait-on pas? Peu importe d’ailleurs le mobile, si les
objets sont mis sous les yeux du public et si le champ des con-
paissances s'étend.
Un musée local fournit à des administrateurs zélés l’occa-
sion d'associer la générosité privée aux ressources publiques;
pareil appoint peut être parfois considérable ; et ne fût-il que
modeste, il aurait encore à mes yeux le mérite d'élargir
le cercle des collaborateurs et des amateurs; on apprécie
d'autant mieux nue chose qu'on s'est imposé des sacrifices
pour elle.
On me permettra de citer un exemple qui me parait
péremptoire. |
En 1897, s’est fondée à Gand une société d’ullure modeste;
sous le nom des « Amis du Musée de Gand », ses promoteurs
ont tâché de réunir tous ceux qui s'intéressent à Gand aux
choses de l'art.
Le but de la société est d'enrichir la seciion ancienne du
musée des Beaux-Arts. Elle laisse à chacun de ses membres le
soin de fixer sa cotisation annuelle: en fait, celle-ci varie de
3 à 200 francs.
Depuis sa fondation, trois fêtes d'art ont augmenté les
ressources; et celles-ci ont été accrues largement par les
subsides des pouvoirs publics. Ces subsides étant donnés en
proportion des ressources propres de la société, il en résulte
pour celle-ci un précieux encouragement et un stimulant pour
rechercher sans cesse de nouveaux adhérents.
Le résultat de cet effort d'apparence modeste a été consi-
dérable : en moins de dix ans, les Amis du Musée de Gand
ont offert au musée de leur ville, 36 tableaux anciens, 5 scuip-
tures et 1 dessin, au total 42 œuvres d'art, dout quelques-unes
de premier ordre.
Telle est la moisson récoltée par l'initiative de quelques
amateurs, initiative qui ne se serait pas produite eu faveur
du musée d'une autre ville.
Bruges a un groupement pareil, moins ancien que celui
— 107 —
de Gand, mais très actif et dont ies efforts ont été couronnés
de succès.
Ces groupements ont produit ce double résultat d’accroi-
tre les collections et d’intéresser le public aux choses de l’art.
Je souhaite que cet exemple soit suivi dans toutes les villes
qui ont un musée ; ce serait le signe indubitable d'un mouve-
ment intense d'art et d'archéologie.
Ceux qui auront coopéré à cet effort d'une haute portée
sociale prouveront qu'ils ont compris le mot de William
Morris : « Je ne veux pas d’un art pour le petit nombre, non
« plus que d’une éducation pour le petit nombre. »
À tous, aux petits comme aux grands, aux pauvres
comme aux riches, je voudrais avec l’appui et le concours du
Congrès, inspirer un peu plus d'idéal et avec lui, un peu plus
de joie dans la vie.
Gand, 4: février 1907.
Note sur l’influence brabançonne sur les édifices
flamands de style flamboyant,
par le Chanoine MAERE,
Professeur à l’Université de Louvain.
La question de l'influence brabançonne sur les édifices
flamands de style flamboyant suppose un double problème :
quels sont les caractères communs aux édifices brabancons et
à ceux de la Flandre à l'époque du gothique tertiaire? est-on
en droit d'attribuer au Brabant l’origine des caractéristiques
communes ? |
Pour résoudre adéquatement ces problèmes il est néces-
saire d'étudier les monuments civils, les églises rurales et les
grandes collégiales de style flamboyant qui ‘existent dans
l'ancienne Flandre et de les comparer avec les monuments de
même genre conservés dans l’ancien Brabant. L'étude, dans
les deux contrées, de ce qu’on peut appeler l'architecture
mineure, représentée par les cheminées, les retables, les jubés
etc., peut fournir des éléments importants pour la solution de .
la question.
D'autre part l'examen peut porter sur plusieurs périodes
distinctes, car le style flamboyant, pas plus en Belgique que
dans les autres pays, ne demeura le même durant tout le temps
de sa vogue. — Il peut porter aussi sur une région restreinte
ou même sur un édifice isolé.
Les sources écrites et les sources monumentales peuvent
présenter pour nos recherches une égale utilité. Les premières
font connaître le nom, l’origine, les relations, l'activité des
architectes et des artistes, l'âge des monuments et des œuvres
d'art; les secondes permettent de constater les ressemblances
et les différences entre les édifices quant au plan, à la moulu-
ration, au tracé des arcs et des baies, aux proportions, à
l’ornementation sculpturale, etc., etc.
Les recherches que comporte la question sont donc éten-
dues, mais d’autre part on peut les circonscrire sans difficulté
à un point spécial et précis.
EE
Relevé des stations belgo-romaines
actuellement connues dans le Pays de Waes,
par G. WILLEMSEN,
Président du Cercle archéologique du Pays de Waes, à Saint-Nicolas.
I.
Relevé des objets romains découverts au
Pays de Waes (1).
BELCELE.
1° En 1780 un cultivateur a déterré à Belcele une urne
funéraire (2).
2° Vers 1840 on a mis à nu des substructions mucon-
nées (3) au lieu dit : Steenwerk.
3° De tout temps les débris de tegula, d'imbrez et d'autres
objets céramiques venus à la surface du sol ont été employés
pour remblayer les ornières des chemins de terre (4).
(1) Sigles employés :
DBR = Recueil d'Antiquités Romaines et Gauloises trouvées dans la
Flandre proprement dite &2 par M.-J. de Bast. A Gand, chez A.-B.
Steven, Imprimeur, Marché aux Grains, an XII, 1804. |
DBS* == Second supplément au recueil d’Antiquités Romaines et Gauloi-
ses &a, par M.-J. de Bast, à Gand, chez la Veuve A.-B. Stev en,
Imprimeur-Libraire, Marché aux Grains, 1813.
VDB == J" A.-J.-L. vanden Bognerde. Het distrikt St. Nikolaas voorheen
Land van Waes. Bij E. Dorey, drukker van het distrikts- kommis-
sariaat, 1825.
BARAB — Bulletin de l’Académie Royale d'Archéologie de Belgique.
APW = Annales du Cercle Archéologique du Pays de Waes.
AT = Annales du Cercle Archéologique de la Ville et!de l'ancien Pays
de Termonde.
(2) DBR. 188.
(3) APW. II, 209 ss.
(4) Ibid,
— 110 —
4° À une date indéterminée, au même endroit il a été
découvert un petit puits formé par deux pierres portant des
caractères ressemblant à la lettre L; il s’y trouvait un petit
vase en pâte blanche, il était vide (1).
5° À des époques indéterminées il a été trouvé, toujours
au Steenwerk, des jetons, médailles ou monnaies (2,.
6° Vers 1865, un écolier a trouvé dans la cour de 1’ école
communale une médaille en cuivre rouge représentant une
tête casquée avec l'exergue VRBS ROMA. Feu le D' van
Raemdonck suppose que c'est une médaille de Constantin le
Grand, frappée à Constantinople, mais il ne dit pas sur
quelles bases il étaie sa supposition (3).
7° Près du Cleemstraat (ancienne voie romaine); on a mis
à découvert à une date indéterminée des voûtes de cave (4).
8° Au lieu-dit de kauter, il a été trouvé à une époque
non déterminée un vase brisé et vide (5).
9° Le 6 juin 1865, on a découvert des fragments de
tegula dans une pièce de terre à 100 mètres de l’église (6).
10° En 1864-65 le Cercle archéologique du Pays de Waes
effectua des fouilles méthodiques dans la parcelle n° 1391 du
Sleenmerk, sous la direction de feu le D' van Raemdonck (7).
Le Steenwerk a une étendue de 140 hectares environ. Il
est ondulé, les parties hautes sont sablonneuses, les parties bas-
ses, grasses. Il est entièrement parsemé de tessons et de
débris céramiques. Il est situé entre deux diverticula, dont
l'un n'est éloigné que de 400 à 500 mètres de la parcelle
explorée. Il se trouve actuellement à la côte 30.
Diverses légendes se rapportent au Steenwerk :
A 1° à l'époque où Belcele était grand comme Paris, il
y avait à cet endroit une grande église dont les cloches ont
été enfouies dans la terre.
— en ae
(1) APW. II, 209 ss.
(2) Ibid.
(3) Ibid.
(4) Ibid.
(5) Ibid.
(6) Ibid.
(7) Ibid.
— 1 —
2° les cloches se sont enfouies à la suite des blasphèmes
_ du voiturier qui les transportait.
3° L'église. et les cloches ont été englouties en même
‚temps.
L'endroit où les cloches se sont engouffrées, s'appelle
encore Klokput ; pendant la nuit de Noël les paysans se ren-
dent sur ce champ, appliquent l'oreille contre terre et enten-
dent une sonnerie souterraine.
B. Il ya un grand nombre de siècles c'était le séjour
d'Egyptiennes. Elles habitaient des trous ou fossés, se mon-
traient peu, parlaient des langues étrangères, prédisaient
l'avenir, se vengeaient des paysans qui les repoussaient,
étaient bienveillantes pour les autres; personne n'osait s’ap-
procher de leurs retraites. La nuit elles faisaient du feu contre
les granges et les meules sans les incendier, se rendaient
dans les fermes pour y faire la lessive. Le matin, au réveil,
celle-ci était achevée, quelle qu'eût été la quantité de linge
à laver.
C. Le Steenwerk continue à être hanté, on y a vu maintes
fois des feux follets. Un jour deux paysans convinrent de par-
tager tout ce qu’ils trouveraient. L'un d’eux trouva un pot
noir rempli d'argent, n'en dit rien à l'autre, se proposa de
revenir plus tard pour avoir seul le butin. À son retour, tout
avait disparu. Si au moment de la découverte il n'avait
emporté qu’une pièce, le charme eût été rompu et il aurait
pu tout prendre le lendemain.
Les fouilles de 1864-65 mirent au jour les objets suivants:
Objets céramiques :
Potgries : pseudo-samien (dontuneaveclesigle PRVAF-O),
noires,
blanches,
diverses (rouge, jaune, gris, &* de petite dimension).
Briques.
Tuiles (tegula et imbrex).
Boîtes d'hypocauste.
Pierres réfractaires.
Objets lithiques :
Moëllons en pierre de taille contenant des coquillages
fossiles communs dans les carrières de Tournai;
— 112 —
Pierre calcaire (pyramide tronquée).
Fragments de pierres à aiguiser.
Parties de deux meules à moudre le blé.
3 fragments de lave d'Andernach (fragments de meules?).
Objets métalliques :
Bronze :
bague (diam. extérieur 0.020").
anneau (diam. ext. 0.045") muni d’une forte pointe
(long. 0.070")
Fer :
Dent de fourche.
Crochet en fer ayant la forme d'une gaffe de bate-
lier qui a servi probablement à attacher les réci-
pients servant à puiser l’eau. |
Cendres de bois.
Pierres réfractaires.
Mortiers :
dà maconner (chaux, sable et brique ou petit cailloutis
concussé);
& revélir (chaux, sable et brique ou charbon pilé);
d pavage (sur un lit de briques, couche de mortier de
brique concassée (0"09 épaisseur), sur laquelle on
verse un bain de chaux comprenant des fragments
de briques ou de poteries).
Débris animaux :
Porc, cheval, vache, sanglier, mouton, chien, oiseaux
de basse-cour.
Enceinte murée : 7".
Partie superieure d'un mur (à 0"96 sous le sol).
Partage (à 1°40 sous le sol) Dimensions : 4"94 x 4982.
Murs : Hauteur : 0749
Epaisseur : 045
Longueur : 3"55
0280
1"30
2267
Composés de briques, mais en grande partie de tegel
brisées, reliées au moyen du mortier décrit ci-dessus:
— 113 —
11° Le 1" février 1892, on trouva dans la parcelle n° 1415,
du steenwerk à 0"40 de profondeur, sous un rogsteen, un petit
vase en terre cuite, rond et sans ouverture contenant 1526
monnaies ou médailles romaines, représentant à l'avers les
effigies de trente empereurs ou impératrices et au revers trois
cent vingt-quatre légendes différentes (1).
Voici l’énumération des effigies :
Antonin le Pieux (138-161) 2 pièces
Marc-Aurèle (161-180) 1 »
Septime Sévère (193-211) 1 »
Julie Domme (198-204) 3 »
Caracalla (211-217) 3 »
Julie Maesa (218-223) 3 »
Macrin (217 ) 1 »
Elagabale (218-221) 10 »
Alexandre Sévère (222-235) 4 »
Maximin I (238-245) 4 »
Maxime (238 ) 1 »
Balbin (238 ) 2 »
Pupien (238 ) 2 »
Gordien le Pieux (238-244) 480 »
Philippe (Père) (244-249) 307 »
Otalicie (244-249) 54 »
Philippe (Fils) (247-251) 37 »
Trajan-Dèce (249-251) 94 »
Etrucille (249-251) 28 »
Herennius (249-251) 9 »
Hostilien (249-251)
Tribonien Galle (251-254) 954 »
Volusien (252-254) 51 »
Emilien (253-254) 7 »
Valérien (253-260) 72 »
Mariniana (254 ) 3 »
Gallien (253-268) 112 »
Salonine (253-268) 66 »
1) APW. XIV, 41.
— 114 —
Sulonin (253-259) 39 pièces
Posthume (258-267) 72 »
Tous les objets énumérés ci-dessus aux n°* 9°, 10° et 11°
sont déposés au Musée archéologique du Pays de Waes, à
Saint-Nicolas.
BEVEREN-WAES.
le En 1816 on a déterré à Beveren, à un endroit non
déterminé, 54 pièces romaines, dont 21 furent acquises par
la collection Le Bègue, fils. à Gand. Ce sont:
À. Moyens bronze: :
Caracalla 1 exemplaire (fleur de coin).
Géta 1 »
Balbinus ] > ( » )
Sevère 1 >
Volusien 3 > (dont 1 » )
B. Petits bronzes :
Alexandre Sevère 1 > ( > ).
Julia Mamea 1 »
Philippe, père 2 »
Severine 3 » (dont 1. » ).
C. Non indiqué :
Tacite l » ( » )
Probus 2 > ( » .
Les Constantins 4 » (dont 1 » )(4).
2° En faisant des fouilles pour la construction des fonda-
tions du nouvel Hôtel-de-Ville, on a mis au jour 3 bronzes
romains dont les effigies n’ont pas été décrites (2). Cette
trouvaille a été faite vers 1865.
BORNHEM.
re
Les 7 et 8 mai 1781, en jetant les fondations de la
nvuvelle écluse, à l'embouchure du Vieil-Escaut dans l'Escaut
actuel, en face de Tamise, à 33 pieds de profondeur et à 7
(1) VDB. I, 17.
(2) APW. 11, 235.
— 115 —
à 8 pieds au dessus des eaux de la rivière, les ouvriers mirent
les objets suivants au jour :
1° Plusieurs médailles de Commode en bronze (180-193.
2 Un petit casque.
3° Une tête, un braset une jambe brisée. La tête était
haute de cinq pouces environ. La jambe et le bras paraissaient
fraîchement rompus.
4 Un mortier.
5° Une petite statue de Jupiter (Huut. 10 '/, pouces)
lancant la foudre d'une main; l'autre bras de la statuette fut
retrouvé un peu plus loin.
6° Le piédestal de la statuette.
7° Une pierre votive portant l'inscription suivante :
I. O. M.
IMBRIVS
VERAT
TIVS
V.S. L. M.
Que l’on peut lire :
Jovi Optimo Maximo
Imbrius Veratius
Votum solvit lubens merito
ou : libente merito. (1)
En 1786, de Bast acquit 42 médailles en bronze trouvées
au même endroit et à la même époque. |
Cet achat se décompose comme suit :
1° 25 grands bronzes :
Antonin le Pieux 3 exemplaires.
Lucius Verus 2 »
Lucille ] »
Commode 9 »
Helvius Pertinax | »
Didius Julianus l »
— — —_— ‘ee ae ——
(1) Heylen, mémoires de l'ancienne Académie de Bruxelles, IV, 463:
DBR, 189; APW, VI, 309 (E. Best, Bornhein, sa Châtellenie, son Château,
ses seigneurieg).
— 116 —
Albin l exemplaire.
Septime Sévère 3 >
Julie (Ux. du précédent) 3 »
Caracalla 1 »
2° 17 moyens bronzes :
Faustine la mère 1
Marc-Aurèle 1
Lucius Verus 2
Commode ti
Faustine la Jeune 3
Pescennius Niger 1
Crispine 1
Septime Sévère 1
Vv U y EE y Vv Vv v
(1)
DACKNAM.
En 1819 il fut découvert aux environs de Dacknam
plusieurs médailles et monnaies en argent :
Jules César,
Auguste,
Commode,
Nerva,
les Philippe,
Decius,
Gallus,
et deux médailles consulaires :
gens Marcia,
gens Minuccia.
Toutes ces pièces faisaient partie en 1825 des collections
de Jacques de Naeyere à Gand. (2)
HAESDONCK.
Quoique les trouvailles aient été faites principalement
sur le territoire ‘le Tamise, nous en faisons mention sous cette
rubrique, d’abord parce que l'endroit où elles furent faites est
(1) DBR. pp. 193 ss.
(2) VDB. II, 13.
— 117 —
plus rapproché de Haesdonck que de Tamise et ensuite parce
qu'elles sont plus connues sous le nom de : Cimetière belgo-
romain de Haesdonch. |
La première urne fut découverte en 1878 (1), mais j’atten-
tion ne fut sérieusement attirée que vers 1885 lorsqu'on com-
menca l'exploitation industrielle (sablière) des parcelles situées
à Tamise, Veldmolenwijk n° 462, 463 et 464 du cadastre, et
Haesdonck, Gavers n° 547 et 548, et successivement, en sui-
vant attentivement et patiemment les travaux d'extraction du
sable, nous pûmes, le D'J. van Raemdonck d’abord, nous
ensuite, ramener à la surface 82 vases, grands et petits, qui
sont tous déposés actuellement au Musée du Cercle Archéolo-
gique du Pays de Waes, à S'-Nicolas. Ces urnes étaient
symétriquement déposées dans le sol sur des lignes droites et
presque parallèles allant du S. au N. Cette même disposition
semble exister de E. à W., mais elle est moins nettement
accusée.
Les urnes retrouvées nous mettent en présence de trois
civilisations distinctes qui nous mènent jusque vers l'époque
franque. La plupart des urnes cinéraires renfermaient une
petite urne d'offrande posée, soit debout, soit renversée.
Près de ces vases furent trouvés divers objets en bronze
qui attestent qu'ils appartiennent à la période belgo-romaine.
On y mit aussi au jour un clou semblable à ceux que nous
avons retrouvés dans la charpente du puits romain de
Thielrode et dans les puits quadrilatéraux de Steendorp. On
y a aussi exhumé des perles en terre cuite et quelques petits
couteaux grattoirs, et une magnifique hachette en silex poli
qui fut probablement une arme d’offrande pour funérailles (2).
KEMSEKE.
Alvinusberg. — D'après la tradition il existait à cet
endroit une sépulture romaine ou espagnole. En 1864-65 il y
a été pratiqué des fouilles par les soins du Cercle Archéologi-
(1) APW. XI, 235.
(2) APW. XI, 338 ss; APW. XII, 199; AT. 2 série XI, 251 as.
— 118 —
que du Pays de Waes. On n’a pas découvert de substructions,
on n'y a trouvé qu'un certain nombre de débris de poteries
romaines. (1)
LOKEREN.
1° Antérieurement à 1804 on a déterré à diverses époques
dans les environs de Lokeren des médailles romaines en
argent aux effigies suivantes :
Trajan 2 exemplaires.
Constance Chlore 1 »
Constance II ] »
Julien l’Apostat 1 »
Valens | p
Honorius 1 »
Victor 1 »
La médaille de Constance Chlore représente au revers
quatre soldats sacrifiant devant la porte d'un camp; légende :
Victoria Sarmat.
Sur le revers de celle de Victor : Rome assise tenant un
globe et une haste; légende: Virtus Romanorum; Exergue
MD. P. 5. (mediolani pecunia signata).
Toutes ces pièces faisaient partie de la Collection de
Bast. (2)
2° En novembre 1810, un cultivateur en déracinant un
arbre a rencontré deux médailles de Néron, moyen bronze.
Les types et les légendes étaient frustes. (3)
3° En 1819, entre Seveneecken et le Keersmaeker, on a
mis au jour en bêchant un champ plusieurs pièces romaines.
Les principales ont été achetées alors par Ze Bègue, fils, de
Gand, et faisaient partie de ses collections. Ce sont :
Albinus (argent) 1 exemplaire.
Septime Sévère (argenté) 1 >
» (non indiqué) 1 »
en + en
(1) APW. II, 191.
(2) DBR. 179.
(3) DBS. 2, 217.
— 119 —
Marcia Otilicia, ux. Philippe père (grand or) l exempl.
Postumus (argenté) l exemplaire. (4)
4° En 1823, on a déterré dans un champ entre Lokeren
et le Keersmacker 20 pièces romaines ; quatre furent acquises
par Jacq. de Naeyere, de Gand. C'étaient :
Constance IT (argent).
Constantin le Jeune (petit bronze).
Zénon (id.)
Pescennius Niger (or fleur de coin). (2)
MELSELE.
En 1862 on y a mis au jour des urnes cinéraires qui ont
été détruites par ceux qui les avaient trouvées. On y a
découvert aussi des monnaies et des médailles romaines qui
ont été brocantées par les inventeurs, et qu’on n'a pu par
conséquent déterminer ni décrire. (3)
MOERBEKE-WAES.
1° En 1806 un paysan a déterré à Moerbeke des médailles
romaines qui faisaient partie en 1825 de la collection Jacques
de Naeyere, à Gand. En voici l’énumération :
Grand bronze : Trajan 2 exemplaires.
Alexandre Sevère 1 >
Philippe fils 1 »
Antonin le Pieux 1 $
Gallien ] »
2° D'autres monnaies ont encore été découvertes à Moer-
beke à diverses époques indéterminées; elles étaient aux
effigies de : Claude, Domitien, Marc-Aurèle, Lucille et
Gallien. Elles sont entrées dans la méme collection. (1)
(1) VDB. IL, 194.
(2) VDB. II, 14.
(3) APW. XIIT, 106.
(4) VDB. II, pp. 11, 12, 13.
— 120 —
NIEUKERKEN-WAES.
Le 24 juin 1811, Jacques de Cauwer, journalier, bêchant
la terre sur la propriété de Pierre de Cauwer, cultivateur, au
lieu dit Caumermiÿk, derrière l'auberge les Quatre seaux, y
déterra à 2 '/, pieds de profondeur deux vases romains. L’un
contenait deux ustensiles en cuivre qui semblent avoir servi
à attacher un couvercle. Le lendemain on rencontra cinq
autres vases, dont quatre étaient posés à la distance d'un
peu plus d'un pied l’un de l'autre. Enfin, on découvrit
encore un vase renfermant des ossements calcinés et des
cendres, et une espèce d'agrafe en cuivre, mangée de rouille.
Tous les objets céramiques avaient été brisés; les fragments
en ont été remis à de Bast par l'avocat D'Hanens établi à
Bruxelles. Il y eu a de blaochâtres, de noirs et de rouges.
Non loin de là on a aussi recueilli divers fragments de
vases, d'urnes et de poteries diverses. (1)
=
SAINT-GILLES-WAES.
1° Le 15 mai 1856 et les jours suivants on découvrit à 60
ou 70 centimètres de profondeur, sur la parcelle située section
E n° 71, 42 vases en argile contenant des ossements calcinés.
En mai 1868 et avril 1871 on mit au jour, à la même
profondeur, sur la parcelle voisine (n° 70) plusieurs autres
urnes. (2)
Le 8 mars 1873 on trouva sur la même parcelle deux
autres vases, et dans leur voisinage immédiat une épingle à
cheveux faite d'une mince lame de fer forgé roulée sur elle-
même, et une pierre de lest en terre cuite pour filet de pêche. (3)
Toutes ces urnes étaient disposéss symétriquement et
formaient une sépulture commune, composée de 150 à 200
vases, à en juger par les débris recueillis, et placée parallèle-
ment à la ’s Aeerenstraat.
(1) DBS2. p. 217.
(2) APW. IV, 253 ss.
(43) APW. V, 31.
— 121 —
2° En mai 1871, près du Cluyzendijk, on trouva en deux
endroits sur la parcelle section B, n° 326 encore trois vases. (1)
3° En mai 1876 on découvrit encore des urnes cinéraires
sur la pièce de terre située section C, n° 421, éwalement à
une profondeur de 70 centimètres. (1)
Toutes ces urnes trouvées à Saint-Gilles-Waes sont iden-
tiques à celles découvertes à Tamise-Haesdonck. Quoique le
Dr van Raemdonck les qualifie de Germano-Belges, nous
n'hésitons pas à dire qu'elles sont Belgo-Romaines. Elles se
trouvent toutes au Musée du Cercle Archéologique du Pays de
Waes.
4° En 1876 on déterra à un endroit non indiqué une
pièce à l'effigie de C. Cæsar; c'est uu petit bronze.
SAINT-NICOLAS.
1° En 1802 il y fut trouvé quelques pièces romaines en
mauvais état ; quatre seulement présentaient quelque intérêt.
Elles étaient aux effigies de :
Gratien (moyen brouze).
Domitien ( > ).
Antonin le Pieux ( > ).
Trajan (grand bronze). (3)
En 1825 elles faisnient partie de la collection Cardo-de
Grave à Saint-Nicolas.
2° En 1872 un petit bronze fut déterré sur les terrains du
château de Walbourg. Il fait partie des collections du Cercle
Archéologique du Pays de Waes. (4)
3° À une date indéterminée une pièce en argent de Trajan
fut trouvée à proximité de Saint-Nicolas, sans qu'on puisse
déterminer le lieu de la découverte. En 1825 elle se trouvait
en possession de Vermorgen, bijoutier à Saint-Nicolas. (s)
(1) APW. IV, 253.
(2) APW. VI, 209.
(8) VDB. II, 27.
(4) APW. V, 17.
(5) VDB. IL, 28.
— 122 —
1° À une date indéterminée on y a trouvé quelques
médailles ou monnaies romaines qui n’ont pas été décrites. En
1825, elles faisaient partie de la collection Delrée à Saint-
Nicolas- Waes. (1)
2° Vers 1866 une hache en bronze v fut repêchée dans le
Moervaart. (2) ;
STEENDORP.
1° En novembre 1870, des ouvriers terrassiers mirent à
nu, à une profondeur de 1 mètre, un tronc de chêne creusé
(diamètre intérieur 0“70, épaisseur des parois 0"05). Ce chêne
creusé dout les extrémités avaient été nettement sciées était
placé sur la tête dans le sable jaune; il était muni de trous
latéraux. Ce tronc qui avait servi de puits renfermait des
débris de tuiles (tegula et imbrex), de poteries et le métacar-
pien d’une jeune vache.
Cette découverte se fit dans la briqueterie de MM. Ver-
heven, Boodts et van Wouwe, sur la parcelle de terre dite :
Roomkauter, connue alors au cadastre de Basel section C,
n° 1135a (3), située à 600 m. du Zeege Heirmeg et à 750 m.
de l’Escaut, un peu au dessous du ÆVotelaerveer. (4)
Deux autres puits de même nature, et contenant des
objets romains furent encore mis au jour, le premier en jan-
vier 1877, sur la pièce n° 1138a, l’autre en novembre de la
même année sur la pièce n° 1135e, toutes deux également
situées au Zoomkauter.
Ces puits présentent une analogie presque entière avec
ceux découverts à Contich, le 8 septembre 1905, et décrits par
M' le Baron de Loë dans le Bulletin des Musées Royaux (s),
(1) VDB. IT, 33
(2) APW. III, 15.
(3) Steendorp. qui faisait alors encore partie de la commune de Basel,
ne fut érigée en commune distincte que par la loi lu 20 août 1881.
(4) APW. v, 33.
(5) 1905, 4° année, pp. 95, ss.
— 123 —
avec cette différence, qu'ici la nature des objets trouvés
permet nettement de rattacher l’âge de ces cuvelages à la
période belgo-romaine. |
2° En novembre 1872, dans la briqueterie Paul Verheyen,
située également au Æoomhauter (section C, n° 1143° du
cadastre de Basel, à cette époque) des terrassiers découvrirent
un puits quadrilatéral en chêne à 1"20 sous la surface du sol.
Les extrémités supérieures des montants étaient brisées.
Mode de construction : quatre poutres équarries, proba-
blement à l’herminette (1), formant montants. Ceux-ci Sont
reliés par des entretoises alternant par paires sur les deux
faces opposées. Les entretoises retenaut les montants étaient
fixées par tenons et mortaises; elles étaient échancrées en
segment de cercle du côté intérieur. La première puire était
posée à 0"21 et la deuxième à 0®31 du fond. L'intervalle
entre les entretoises était fermé par des planches épaisses
de 0"04 à 0"07 et lurges de 0"IL à 0"31. Le fond était
formé d'un plancher. Les puits mesuraient intérieurement
1"25 x 1915. Is traversaient de bas en haut la terre à brique,
le sable mouvant, le sable jaune, l'argile jaune et la terre
arable. Leur huuteur probable, du foud à la surface du sol,
était de 4*70.
Le puits découvert en novembre 1872 contenait des terres
de remblai, une tegula intacte, des débris de £egula, une meule
intacte en lave d' Andernach, des parties de deux autres meules,
l’anse et deux cercles en fer d’un seau, un crochet de perche
à puiser de l'eau — ce crochet a la forme d’une gaffe de
batelier.
Toponymie: Roomkauter signifie-t-il Champ ou camp des
Romains ? C’est possible et même probable.
Steendorp est en général désigné sous le nom : het Steen-
dorp (village des pierres) par les habitants des envirous. C'est
un ancien hameau de Basel érigé en commune séparée en 1881.
Le grand nombre de débris céramiques qui y ont été trouvés
démontre qu'il y eut là un important centre de fabrication
de tuiles et de poteries.
(1) Voir à cet égard la rubrique : Zhdelrode.
— 124 —
Légendes : Dans la nuit des temps il y eut au Æoomkauler
une population remuante, d'une très grande méchanceté,
vivant isolée, sa principale occupation était le vol et le meurtre.
Ce furent les premiers briquetiers. On les appelait Aweekers ou
kwijkers. Ils furent chassés à cause de leurs crimes par le
prince alors régnant et leurs exploitations passèrent en pro-
priété au comte de Rupelmonde. Ils étaient fort superstitieux,
à ce point qu'ils exécutaient pendant le jour les rêves qu'ils
avaient eus la nuit précédente.
* D’après une autre version, dont le fond est le même quant
aux vols et aux crimes, les Aweekers ou Awijkers disparurent
un beau matin, abandonnant leurs briqueteries, sans laisser
de traces (4).
TAMISE.
1° En 1798, un manche de couteau en bronze orné d’une
tête de lion fut trouvé dans la Veldstraat, ainsi que deux lances
en fer (2).
2° Eu 1806, une statuette en bronze, paraissant représen-
ter Cupidon, ayant la jambe gauche détériorée (Hauteur :
5 pouces) fut découverte à un endroit non déterminé (3).
Ces divers objets figuraient encore en 1825 dans la collec-
tion Pierre-Joseph Versturme, à Gand.
3° En 1813, à un endroit non déterminé, fut mis au jour
un petit vase étrusque (?) noir (Hauteur : 1/2 palme).
4° En 1814, on découvrit, également à un endroit non
précisé, un gobelet en terre rouge à reliefs (Hauteur : 6 pouces).
Ces différents objets se trouvaient en 1825 dans la collection
Charles Bodart, à Gand (4).
5° En 1822, aussi à un endroit non indiqué, on découvrit
les pièces suivantes :
À. Petits bronze: :
Dioclétien l exemplaire.
(1) APW. V, 33 ss.
(2) VDB. II, 26.
(8) VDB. II, 26.
(4) VDB. II, 25.
— 125 —
Verus 1 exemplaire.
Gordien l’Africain 1 »
B. Moyens bronzes :
Maxence 3 »
Faustine la Jeune 1] »
C. Grand bronze :
Faustine la Jeune 1 p
Ces médailles entrèrent dans la collection Le Bègue, fils,
a Gand, où elles figuraient encore en 1825 (4).
6° La sépulture commune belgo-romaine fut découverte
en 1885 et fouillée jusqu’en 1905 par le Cercle Archéologique. -
Nous renvoyons, en ce qui la concerne, à _a rubrique:
Haesdonck.
7° En 1905, un écolier trouva, pendant les travaux de
déblai et de remblai effectués pour la construction du chemin
de fer viciual de Tamise à Basel, au lieu dit : de Vliet, un petit
bronze de Gallien. Cette médaille entra dans les collections du
Cercle Archéologique du Pays de Waes, grâce à Mr Revns,
instituteur à Tamise.
THIELRODE.
Ainsi que nous l’avons annoucé d'abord dans une note
préliminaire (2) et confirmé ensuite dans une note sommaire (à),
mon confrère M' Th. de Decker et moi, nous fùmes avertis
le 24 avril 1904 par M Victor Lapage, directeur des Briquete-
ries de Thielrode, que les ouvriersavaient mis à nu un cuvelage
carré de puits, en bois.
Ce cuvelage avait été trouvé au bord du lit majeur de
l'Escaut, au sommet de la colline, à une hauteur de 17 mètres
au dessus du niveau de la rivière et à 1080 mètres du lit
actuel. Il se trouvait sur la limite des parcelles 692 et 696
de la section À, du cadastre de Thielrode, à l'endroit où il y
avait autrefois un fossé, avant l'exploitation des briqueteries.
(1) VDB. II, 21.
(2) APW. XXII, 907.
(3) BARAB, 1905, 94, 35.
— 126 —
Dès le 25 avril les fouilles commencèrent, et le 31 octobre
la base du puits fut atteinte à une profondeur de 19 mètres.
Le cuvelage, tel qu'il fut trouvé et tel qu’une partie en
subsiste encore dans le sol, est incliné de 5° environ vers
l'ouest.
Ce cuvelage est formé de quatre poutres en chêne de
19 m. de hauteur, équarries à l'herminette, au sommet à
0"165 et à 0,220 à la base, formant montants. Ceux-ci sont
reliés par des entretoises évidées du côté intérieur en segment
de cercle et posées par couples sur les faces opposées et fixées
par tenons et mortaises. L'intervalle entre les poussards est
rempli par deux planches épaisses en moyenne de 0"073
{environ 1 palmus romain) et de largeurs diverses variant
0"19 à 0"35, fixées en général au moyen d’un clou quadran-
gulaire, quelquefois par deux clous. Le cuvelage affecte la
forme d'un obélisque tronqué. Les dimensions latérales
extérieures au sommet sont 1"20, 1"20, 120, 1"27, tandis
qu'elles sont à la base 1°48 sur trois faces et 1"38 sur la
quatrième. Le puits n'est donc pas exactement carré.
La partie supérieure des montants était brisée et les
premiers vestiges se trouvaient à 0"60 sous le niveau du sol
actuel,
Le fond du puits était planchéié et ce parquet était
surmonté de deux entretoises croisées destinées à maintenir
les quatre montants à leur écartement.
La disposition du cuvelage dans le sol et l’état du terrain
qui l'entourait immédiatement permettent de croire, sans que
toutefois on puisse l’affirmer avec certitude, que les montants
ont été dressés à la surface du sol, qu'ils y ont été joints et
reliés, et que la charpente s'est insensiblement enfoncée
dans le sol, le creusement se faisant par en dessous. C'est ce
qui explique problablement l'inclinaison du cuvelage vers
l'ouest. Ce qui le confirme, c'est qu’à la profondeur de 13
mètres les montants sont munis d'encoches destinées probla-
blement à soutenir le cuvelage dans sa descente.
Le puits était rempli de terres coulées de l’est à l’ouest.
En le vidant il a été trouvé divers objets en fer, notamment :
un crochet de perche à puiser l’eau, en forme de gaffe de
a
— 127 —
batelier, une anse de seau à peu près semblable à celles trou-
vées par M' Gustav Eichhorn dans les fouilles de Camburg (1),
des crochets destinés à retenir ces anses, des clous. On en
retira aussi des ossements d'animaux : bœuf, cheval, léporides,
chiens. |
Nous en avons retiré environ trois mille tessons de
poteries, avec lesquels nous sommes parvenus, Mr Th. de
Decker et moi, à rassembler et à reconstituer, soit entièrement,
soit partiellement les vases primitifs. Ceux-ci appartiennent
principalement aux espèces suivantes : agualis, dolium, capis,
guttus, lagena, patina, urna, etc.
Le cuvelage de Thielrode est, sauf en ce qui concerne les
dimensions en profondeur, semblable aux puits quadrangu-
lnires de Steendorp.
Le grand nombre de tuiles ({egula, imbrer) entières,
brisées, cuites, mi-cuites, ayant formé le fond d'un four de
campagne, la grande quantité de débris de poteries cuites et
mi-cuites trouvées autour du puits nous permettent de conclure
qu'il y eut là une importante exploitation de briqueterie et de
poterie. Il est à remarquer que tant les tuiles que les poteries
sont fabriquées avec l'argile jaune supérieure, et jamais avec
la terre à briques bleue.
Le 23 octobre 1905, Mr Th. de Decker et moi, nous
continuâmes nos fouilles à 800 m. environ au N.N.E. de
l'endroit où se trouve le puits (2), dans un champ indiqué au
cadastre de Thielrode section A, n° 636. Ce champ d'une
étendue de 1 hect. 51 a. 40 fait partie du lieu dit Steenakker
qui s'étend sur une superficie de plus de 14 hectares.
Le Steenakker est à ce point rempli de débris de
tegula, d’imbrex et de poteries romaines, que ces tessons, à
mesure qu'ils revenaient à la surface à la suite du labourage,
ont annuellement suffi pour remblaver les ornières de l’anti-
que sentier dit : Schrynwegel qui traverse le Steenakker du
S. au N.
(1) Gustav Eichhorn, Di: Vor, und frühgeschichtlichen Funde der
Grafschaft Camburg (Zeitschrift des Vereins für Thuringische Geschichte
und Altertumskunde (Band 22, pp. 274 ss).
(2) BARAB. 1906, 219 ss.
— 128 —
Nous y avons mis au jour à 043 sous la surface du sol
actuel un dallage en carreaux de terre cuite rouge. À l’extré--
mité E. de ce carrelage nous avons rencontré un foyer con-
struit avec des dalles de même nature, mais de dimension:
différentes. Devant le foyer se trouvait une rigole, aussi carre-
lée, au fond de laquelle nous avons trouvé une couche de
cendres de bois variant selon les endroits de 003 à 0"04, ce
qui nous a permis de supposer que cette rigole servait de
cendrier. Là où se trouvait le foyer proprement dit nous avons
trouvé aussi une couche de cendres de bois dont l'épaisseur
atteignait en certains endroits 0"05. Sous les dalles du foyer
la terre était à moitié cuite et transformée en grumeaux
rouges.
Nous avons conclu de cette trouvaille que nous uous
trouvions devant l'habitation ou une des habitations des potiers
et des tuiliers qui utilisaient le puits en bois situé à 800 m. en
decà.
Près du foyer nous avons aussi mis au jour un col de:
dolium dont la circonférence intérieure devait être de 0,434°/,,
un fragment de boite d’hvpocauste et un carreau de forme
hexagonale irrégulière.
Au même endroit nous avons recueilli deux fragments de
poterie en pseudo-samien. Le premier est une partie d'une
patina portant au fond et à l'intérieur le sigle
| VENICARVS |
marque de potier dont des exemplaires ont été trouvés à
Nimègue, Vechten et Voorburg (1).
L'autre fragment (hauteur 0,098*/,,, longueur 0,100",
corde de l’arc de cercle 0,097"/,,) est aussi une partie de patine.
Elle ne porte pas la marque du potier, mais à l’extérieur celle
du fabricant du moule.
(1) H. Schuermans. Sigles figulins. Annales de l’Académie d'Archéo-
logie de Belgique, 2° série, tome III, p. 264.
— 129 —
ALBVCI.
Ce fragment est orné à sa partie supérieure, à 0,030"/,
sous le bord d'un cordon formé d’oves, avec au dessous une
panthère ou un lion rampant, sous celui-ci un dauphin
nageant. À gauche, on ne voit que le bras d’un Mercure tenant
le caducée; à droite un Jupiter (?) avec sur le côté, à gauche, la
marque. Celle-ci, ainsi que les figures, est en relief; cha-
cune de ces dernières est séparée de sa voisine par une
torsade, soit verticale, soit horizontale, soit en guirlande.
Les poteries portant le sigle ALBVCI ont été rencontrées
en de nombreux endroits en France, en Belgique, en Suisse,
en Italie, en Angleterre, près des frontières de la Prusse
Orientale. 62 exemplaires des œuvres de ce potier ont été
retrouvés.
Albucius était un des grands fabricants de poterie de
Lezoux (1). Ceux-ci ne commencèrent à exporter leurs produits
en graudes quantités vers le nord de l’Empire et vers l'Est
jusqu'aux frontières de la Prusse Orientale qu'à partir de
l'époque de Trajan (98-117) (2). Il est probable, dit M" Georges
Cumont (3), que la destruction de ce centre céramique (Zezoux)
eut lieu au milieu du III® siècle de notre ère ou, plus exacte-
ment, dans la seconde moitié de ce siècle.
Nous en concluons que le puits de Thielrode et l'habita-
tion ou les habitations qui en dépendaient, furent établis dans
le courant du II: siècle ou dans la première moitié du III° siècle
de notre ère.
Particularilés lopographiques et légendes. — La brique-
terie de Thielrode est bornée à l'Est par l'autique sentier dit :
Schrynwegel ou sentier de la châsse. Il tire son nom de la
procession (ommegang) annuelle qui le parcourt, promenant la
(1 Petite localité de l’ancienne Arvernie, dans l'arrondissement actuel
de Thiees, à 27 kilomètres à l’est de Clermont-Ferrand.
(2) Déchelette. Les vases céramiques ornés de la Garde Romaine (Nar-
bonnaise, Aquitaine et Lyonnaise), tome 1, p. 197.
(3) Quelques observations sur les poteries trouvées à Castre (Brabant).
Annales de la Société d'Archéologie de Bruxelles. Tome 20, p. 434 (note 3
de la page 433).
— 130 —
châsse de sainte Amelberge, patronne de Tamise. A l'Ouest elle
est délimitée par la Fortstraat ou rue du Fort. Cette dénomi-
nation ne tire pas son origine d'un travail de défense militaire
qui aurait existé autrefois anx environs, mais simplement
de ce qu’il y a eu antérieurement dans cette rue une cité
ouvrière (appelée partout dans la contrée : For!) dont quel-
ques maisonnettes subsistent encore. D'où la dénomination de
Fortakkers ou champs de la cilé ouvrière, donué aux parcelles
692, 693, 694 et 696, limitrophes de la Fortstraal, et sur
l’une desquelles (entre 692 et 696) fut découvert le puits
quadrangulaire en bois.
La parcelle 636 de la section À, faisant partie du Steen-
akker, et sur laquelle furent mis au jour les vestiges d'habi-
tation, porte le nom de Kloosterakker ou champ du couvent.
Les vieillards de la commune racontent qu'il ÿ eut autrefois,
dans des temps fort reculés, à cet emplacement une église
ou une chapelle qui fut engloutie dans le sol pendant une
nuit. Les habitant: de cette époque pouvaient encore parfuite-
ment entendre sonner les cloches en appliquant l'oreille au
sol. Uu cultivateur dont la niche à chien maçonnée est recou-
verte d'une espèce de fonts baptismaux en pierre de taille,
raconte que ces fonts proviennent de l’église engloutie (r).
Mais il ne nous étonnerait guère que ces prétendus fonts
baptismaux, qui semblent appartenir au XVI[° ou au XVIII*
siècle, ne fussent qu'une vasque de fontaine, provenant peut-
être de l'ancien château de Cauwerburg qui se trouvait autre-
fois dans le voisinage.
D'après une autre version, les Kloosterakkers avaient
appartenu à un couvent de Templiers qui fut englouti une nuit
en punition des méfaits de ses habitants. Mais s’il faut en
croire les traditions populaires, le pays aurait été littéralement
couvert de couvents de Templiers.
Ce qui est plus possible c'est que les Kloosterakkers appar-
tenaient autrefois à l’abbaye de Saint-Pierre à ‘Gand, grand
propriétaire à Thielrode et à Tamise, ou à une autre abbaye et
(1) Communication de MF Victor Lapage, directeur des Briqueteries de
Thielrode.
— 131 —
que la légende de l'engloutissement n'est née que lorsque ces
biens furent vendus comme biens nationaux pendant la tour-
mente révolutionnaire qui suivit 1789.
WAESMUNSTER.
1° £ndroils indélerminés.
A. — À deux époque: différentes, mais non déterminée,
on a déterré deux médailles d'argent, l’une l'Antonin le
Pieux, l’autre de Philippe, père.
Sur la première autour de la tête d’Antonin, on lit :
ANTONINVS AVG. PIVS P. P.TR. P. COS III.
Au revers la tête de Marc-Aurèle, avec la léwende :
AVRELIVS CAESAR AVG. PH, F. COS.
Au revers de la seconde médaille on voit quatre enseignes
militaires, avec l'inscription : |
FIDES EXERCITVS.
Ces deux médailles faisnient partie de la Gollection de
Bast (1).
B. — À une autre époque non indiquée on à mis au jour
une demie patina ornée de petites branches sur le rebord. Elle
est semblable à une autre patina trouvé: antérieurement à
Bavai. De Bast croit ces poteries originaires de Nimes.
Le fragment trouvé à Waesmunster faisait partie de la
Collection de Bast (2).
C. — Encore à une autre époque non déterminée on
trouva une statuette en bronze représentant Pallas. Elle
mesurait quatre pouces de hauteur et figurait en 1825 dans la
Collection Pierre-Joseph Versturme à Gand (3).
D. — À une autre date non indiquée on découvrit deux
médailles, la première argentée à l'effigie de Postumus, la
seconde à celle de Gallien Ces deux pièces étaient en 1825
entre les mains de Vermorgen, bijoutier à Saint-Nicolas (+).
— ———
(1) DBR. pp. 180, 188.
(2) DBS2. p. 32.
(3) VDB. II, 21.
(4) VDB. Il, 27, 28.
— 132 —
E. — Depuis 1785 un grand nombre de pièces romaines
trouvées à des dates diverses et à des endroits différents
vinrent prendre place dans la Collection André- Francois van
den Bogaerde. En voici la nomenclature :
Grands bronzes :
Néron 1] exemplaire.
Trajan 2 »
Adrien 3 »
Antonin le Pieux 2 »
Marc-Aurèle 2° »
Les 2 Faustine 2 >
Commode 2 »
Moyens bronzes :
Adrien 2 >
Vespasien »
Antonia (f* M. Antoine ux. Drusus) Ì >
Petits bronzes :
Licinius
Constantin le Grand
Sa femme;Hélène
Constance
Constantin le Jeune
Gallien
Argent:
Domitien
Caracalla
Sévère
Julia Meesa
Alex. Sévère
Philippe, fils
Postumus
Constance
lt bd bed peus GO plan
»
» (1).
F. — En 1797, un cultivateur, faisant des fouilles dans
un bois, dont l'emplacement n’est pas mentionné, trouva, à
une profondeur de 3 ou 4 pieds une quantité considérable
Det put bent bent QU) ben bi ft
(A) VDB. IT, 31.
— 133 —
d’urnes cinéraires en terre cuite. Elles furent toutes détruites
par les ouvriers, à l'exception d’une seule et de deux autres
vases.
De Bast dit que l’urne munie de deux anses est superbe
et semblable à celles découvertes ailleurs en Flandre, notam-
ment à Velsique {Marchantius, Flandriæ descriptio, p. 37), à
Vollezeele et Belcele. Ces vases sont de trois couleurs différentes
{blanchâtre, noire et rouge, cette dernière couleur est claire et
à peu près pareille à celle que les Etrusques donnaient à leurs
ouvrages). On peut se demander si ces vases rouges n'étaient
pas du pseudo-samien.
Ces différents vases qui figuraient primitivement dans la
Collection André- Francois van den Bogaerde, entrèrent à une
date non indiquée dans la Collection de Bast (1).
G. — Vers 1797, on mit au jour dans un champ du
village une hache. à coulisse en bronze.
Longueur : 5 pouces 11 lignes, longueur de la coulisse :
3 pouces. De Bast se demande si cet objet est Gaulois ou
Romain. Il est indiscutable que ces haches sont belgo-romuines.
La hache dont il est ici question figurait dans la Collec-
tion de Bast (2).
H.— En 1811, lors de la fondation des piles du pont, une
hache semblable fut ramenée à la surface, ainsi qu’une
statuette en bronze représentant un homme à longue barbe,
et deux manches de stylet figurant un joueur d> cornemuse,
de plus, une plaque de bronze dont le haut relief montre un
satyre portant un fardeau sur la tête. Ces différents objets
faisaient partie en 1825 de la Collection Pierre-Joseph
Versturme à Gand (3).
2° Pontrave.
Ce lieu dit est situé sur une hauteur au bord de la
(1) DBR. pp. 180-188. D’après van den Bogaerde (II, 8). Cette trouvaille
fut faite à environ mille pas de « Ponfrave ».
(2) DBR. pp. 180, 188.
(3) VDB. IE, 25. Le Musée Archéologique du Pays de Waes possède un
de ces manches de stylet, reproduits dans l'auteur cité. Nous prétendons
qu'ils appartiennent tout bonnement au XVIe siècle. Nous ne les avons
donc cités ici que pour mémoire.
— 134 —.
Durme, en face du hameau S'° Anne; il défendait le passage
d’eau. Van den Bogaerde (1) dit qu’il y eut là un camp fortifié
où les Romains séjournèrent pendant leur marche vers
l’Angleterre. Il ajoute que la seigneurie de Pontrave était
très renommée par son antiquité. Sa dénomination, d’après ce
qu’on voit dans les anciens titres et dans les documents de la
cour féodale de Waes, était connue comme dérivant de 7raja-
nusbrug (Pons Trajani); ces anciens titres portent : Pontrave,
afgeleid van Pons Trajani. (2)
À. — Deécouvertes faites à des époques indélerminées :
a) Un fragment de grand vase romain (figurait en 1825
dans la collection Le Bèque, fils, à Gand). (3)
b) Un moyen bronze de Marc-Aurèle. Il faisait partie en
1825 de la Collection Ed. van Doorslaer de ten Ryen, à
Hamme. (4)
c) Une urne en terre noire contenant :
Moyen bronzede Tibère 1 exemplaire.
» Claude 1 »
» Domitien 1 >
Cette urne avait une hauteur de 1 palme.
Un plat en terre rouge à bords ornés de pampres
(diamètre : plus de 6 palmes).
Un vase en terre rouge à reliefs représentant uue chasse
(hauteur : '/, palme).
Quatre petites urnes.
Une urne en terre rouge unie (hauteur : 2 palmes), une
tegula.
Ces divers objets qui figuraient primitivement dans la
Collection van den Bogaerde de Terbruggen, père, faisaient
partie en 1825 de celle de l'abbé Kervyn, à Gand. (5)
B. — En 1810 et 1811, on y a déterré plusieurs pièces
romaines :
(1) VDB. II, 8.
(2) VDB. III, 356.
(3) VDB. II, 24.
(4) VDB. II, 29.
(5) VDB. II, 29 ss.
— 135 —
Tibère
Caligula
Claude
Maximus (grand bronze)
Pupien, ({ » )
et différentes autres du bas-empire.
Ces objets figuraient en 1825 dans la Collection Coppe-
nolle, médecin à Gand. (1)
C. — En 1823, sur une pièce de terre appelée Steen-
akker, encore actuellement parsemée d’une grande quantité
de tessons de poteries et de débris de tegula, on trouva les
pièces suivantes :
Argent :
Gordien III ] exemplaire.
Moven bronze :
Claude 1 »
Néron | »
Adrien 3 »
Grand bronze :
Marc-Aurèle 1 »
Faustine jeune 1 »
Elles faisnieut partie en 1825 dela Collection F.van Doors-
laer à Waesmunster.
Une autre eu argent et une vingtaine en bronze, toutes
détériorées, trouvées au même endroit, appartenaient à la
même époque à un peintre de Lokeren, nommé Pharazyn (3).
D. — En 1877 on trouva des fragments de poteries
romaines et un jeton d'argent à l’effigie de Septima Sévère.
Ces objets furent donnés au usée du Cercle Archéologique
du Pays de Waes par M' le chevalier Emile de Nève de
Roilen (3).
E. — Le 28 mai 1878 on mit au jour au Steenakker,
des substructions, une médaille, des carreaux, des tuiles
(1) VDB. II, 24.
(2 VDB. II, 8.
(8) APW. VII, 287.
— 136 —
(legula, imbrezx) et des cendres de bois à une profondeur de 20
à 25 centimètres (1).
F. — En 1885, un anneau de clef romaine en branze fut
déterré au château de Pontrave. Il fut déposé au Musée
du Cercle Archéologique du Pays de Waes par M le chevalier
Emile de Nève de Roden (?).
G. — En 1888 divers objets furent encore ramenés à la
surface :
Une dalle carrée pour foyer
Une partie de meule à bras
Des tessons de vases en pseudo-samien -
Un couperet en fer
Une imbrex.
Ces divers objets furent donnés au Musée du Cercle
Archéologique du Pays de Waes par Mr le Chevalier Emile
de Nève de Roden. (3)
3° Heynyk.
Eu Janvier 1866 on y découvrit trois urnes belgo-
‘romaines. Elles se trouvent au Musée du Cercle Archéologique
du Pays de Waes. (4)
4 Ten Ryen.
À une époque indéterminée on y a trouvé une urne
cinéraire en terre noire.
En 1806 on y découvrit une autre urne identique conte-
nant un petit bronze de Trajan et deux crochets émaillés.
Un peu plus tard on y mit au jour un grand bronze de
Galba.
Ces différents objets faisaient partie en 1825 de la Collec-
tion Ed. van Doorslaer de ten Ryen, à Hamme. (5)
(1) Dr J. van Raemdonck. Le Pays de W aes préhistorique (St Nicolas,
J. Edom, 1878), p. 125, note 2.
(2) APW. XI, 23.
(3) APW. XII, 19.
(4) APW. Il, 303:
(5) VDB. II, 28 et 29.
— 137 —
IT.
Considérations générales.
Note relative à la contribution pour la confection d’une carte des
stations Belgo-Romaines au Pays de Waes.
Le sommaire des objets romains trouvés au Pays de Waes
qui accompagne l'essai de carte, étant aussi détaillé que pos-
side et lui servant pour ainsi dire de commentaire, nous
pourrons nous borner à quelques considérations d'ordre divers.
Nous avons compris dans notre essai de carte les com-
munes qui faisaient partie du Pays de Waes sous l’ancien
régime : Moerbeke, Waesmunster et Bornhem, et qui en sont
actuellement séparées administrativement.
Nous n'y avons pas compris les communes qui se trou-
vent situées dans les polders, parce que nous croyons à bon
droit que ceux-ci n'étaient pas encore endigués à l'époque de
l'occupation romaine.
Le relief du sol est resté, pensons-nous, à peu près le
même, à l'exception que le cours de l’Escaut fut modifié après
1240 à l'embouchure de ia Durme.
Ce qui tend à démontrer la permanence de ce relief, c'est
la profondeur à peu près uniforme et minime à laquelle sont
trouvées les sépultures et les nécropoles.
*
*k %&
Les tables de Peutinger (r) ne font mention d'aucune
voie romaine traversant le Pays de Waes, mais il y avait
dans la contrée trois grands diverticula : Neder-Heirweg ou
Neder-Heirbaan longeant la Durme depuis Lokeren jusqu'à
(1) Weltkarte des Castorius genannt die Peutinger'sche Tafel, in Farben
herausgegeben und eingeleitet von Dr. Konrad Miller. Ravensberg, Otto
Mayer (Dorn'sche Buchhandlung), 1888.
‘alain ‘aood ep 401(83v °Y — {#10 Us BIN ‘d — 8uO1}jU}IQuU,p UOJ}UINtI
t
0023y Tr — former — ‘or — 10 UD 60/0 ‘6 — ‘ozuoiq U BANKUOWN '8 fOA1OA Al3ld *L — ‘°938 ‘sanbguo ‘Sauury
‘gauouH ‘9 — {soyons *Q — € (°930 ‘SOM ‘sonbriq ‘souajod senbjureasn) ‘hp — :S9JBUNOR "€ — Ss AANZINTS ‘3 — Sf UONUHAUH *[ — '9 oN
sens,
4 Mij
SIM a 12A2G 6 peru” aus . had
(OSP 204 5 GO comsSinn 8 tr % 2
82 „prijs NE Jas LT en £
2 ee Ser’
NN
— 139 —
son embouchure et ensuite 1 Escaut jusqu'à Burght, le Zooge-
Heirxeg ou Hooge-Heirbaan se divisant au Keersmaker, près
de Lokeren, en deux troncons qui traversent les terres hautes,
l'un allant vers la Tète de Flandre actuelle, l’autre rejoignant
le Veder-Heirmeg près de Burght. Le troisième diverticulum,
le ’s Heerenstraat, longe les polders actuels depuis Moerbeke
et rejoint le Mooge-Heirweg près de Beveren.
C'est le long de ces voies secondaires que se rencontrent
toutes les stations qui ont été découvertes jusqu'à ce jour. A
l'exception de la station du Steensverk à Belcele et de celle de
Tamise-Haesdonck, les principales agglomérations sont situées
à proximité de la Veder-Heirbaan qui longe la Durme d'abord
et l'Escaut ensuite : Steendorp, Thielrode et Waesmunster.
Les deux premières étaient le centre d'une industrie céramique
(poterie, tuilerie et briqueterie) importante.
*" x
Les sépultures communes découvertes au Pays de Waes
ont été déterminées par feu le D’ Van Raemdonck, celle de
Saint-Gilles-Waes, comme germano=belge, et celle de Tamise-
Haesdonck comme gallo-romaine.
Il est hors de doute que cette dernière est bien belgo-
romaine. Quant à celle de Saint-Gilles-Waes, les urnes qui ont
été mises au jour sont identiques de forme et de matière à
celles de Tamise-Haesdonck.
En admettant que les habitants de la Belgique au mo-
ment de l'invasion romaine étaient d'origine germaine, la
qualification du Dr Van Raemdonck n'en serait pis moins
inexacte, ce serait un pléonasme. Mais il est aujourd'hui
démontré que les Belges de cette époque n'avaient pas cette
origine (1). De plus, étant hors de doute que la sépulture de
Tamise-Haesdonck est belgo-romaine, et les urnes trouvées à
St-Gilles-Waes étant identiques de forme et de matière à celles
de Tamise-Haesdonck, il n'est plus contestable que la quali-
(+) Victor Tourneur. Recherches sur la Belwique Celtique. I, Inscrip-
tion de Neutto, fils de Tagausius (Celles lez-Dinant . Musée Belge, VI, pp.
423 et 54,
— 140 —
fication germano-belge, donnée par feu le F} Van Raemdonck
est à tous points de vue vicieuse.
%
% &
Un point qui mérite aussi d’être relevé, c'est la commu-
nauté, on pourrait dire la quasi-identité des légendes atta-
chées à plusieurs endroits où des stations romaines ont été
retrouvées.
À Belcele et à Thielrode on raconte qu'une église fut
engloutie et qu'en appliquant l'oreille au sol on pouvait
encore distinctement entendre le son des cloches. A Belcele
et à Steendorp il y eut une population mystérieuse, ne frayant
pas avec les habitants, hargneuse et vindicative à l'égard de
ceux-ci et disparaissant sans laisser de traces.
Si les légendes relatives à ces populations étranges
peuvent, peut-être, constituer un souvenir lointain de l’an-
cienne occupation romaine, il ne faut cependant pas y attacher
trop d'importance dans l'espèce, cur ces traditions peuvent
fort bien être moins anciennes et se rapporter aussi bien soit
aux invasions des Barbares au IV* siècle ou à celle des Nor-
mands au IX°.
Quant aux légendes des églises englouties, nous croyons
qu'elles sont encore beaucoup moins anciennes et qu'elles
découlent simplement de ce fait que les terres auxquelles elles
se rapportent, sont d'anciennes propriétés ecclésiastiques
vendues comme biens nationaux pendant la période française.
L'industrie céramique (poterie, tuilerie et briqueterie)
s'exerçait non seulemeut à Thielrode et à Steendorp, mais
aussi à Belcele et peut-être bien à Waesmunster. C'était
l'argile jaune grasse susjacente à l'argile bleue (rupélien) qui
fut exploitée par les Belgo-romains du Pays de Waes, et qui
leur servit à la confection des poteries communes, des briques,
des carreaux de dallage, des tegule et des imbrices qu'on
retrouve régulièrement là où les noms des lieux-dits sont :
Steenakker (Waesmunster et Thielrode), Steenwerk (Belcele),
— 141 —
Steendorp (simple hameau de Basel, devenu plus tard com-
mune distincte), qui tous ont une signification à peu près
semblable : champ des pierres, chantier des pierres, village
des pierres. Ces dénominations sont-elles la survivance du
souvenir de cette industrie primitive? Ce n'est pas impossible.
Mais ne proviendraieut-elles pas peut-être de la nature même
du sol de ces endroits, sol réellement truffé de tessons céra-
miques ? .
Quoiqu'il en soit, il y eut là une industrie qui dut être
prospère et avoir une certaine importance, vu la grande quan-
. tité de débris qu'on en a retrouvés.
+
% *
Cette industrie donna naissance à la construction de ces
puits à cuvelage quadrilatéral que nous avons rencontrés à
Steendorp et à Thielrode.
La partie inférieure de ce dernier subsiste encore 2x situ
sur une hauteur d'environ six mètres. Il est encore utilisé au
moyen d'un pulsomètre pour les besoins de l’industrie brique-
tière qui s'exerce au même endroit.
Nous reproduisons ce puits sur une hauteur de treize
mètres à partir de la partie supérieure, sur deux faces : 1° les
côtés E. et S. nous montrent ce puits tel qu'il a été retrouvé
dans le sol (PI. IT), 2° le côté N., photographié (1) après ouver-
ture, nous fait voir la construction intérieure du cuvelage
(PI. III).
De plus le plan et l'élévation de ce puits nous font encore
plus intimement connaître le travail de l'ingénieur hydrau-
licien de cette époque reculée (PI. IV).
Ces puits de Steendorp et de Thielrode ne peuvent être
comparés qu'à celui découvert à Assche-la-Chaussée (Brabant)
en 1899 (2). Ce dernier est intermédiaire comme profondeur
(13"59) entre le puits de Steendorp (4"70) et celui de Thielrode
(19%). Celui-ci est le plus grand exemplaire découvert jusqu'à
(1) Clichés de M! l'abbé de Sutter, Inspecteur des écoles à Tamise.
(Q) Annuaire de la Société d'Archéologie de Bruxelles, tome XI,
1900, p. 34,
— 142 —
présent. Un puits quadrangulaire en bois a, d’après une lettre
de novembre 1905 de M' Boeles à Mr le Baron de Loë (1), été
découvert à Hoogebenitum et sert encore aux paysans. La
construction est presque semblable, mais les planches laté-
rales sont chevillées (gespijkerd) aux montants, au lieu d'y
être clouées comme ici. M" Boeles rattache ce puits à l'époque
Carolingienne, d’après les poteries qui y ont été trouvées.
Des cuvelages semblables sont encore d'un usage courant
en Roumanie (2).
Quant aux terpputten et aux puits de Vechten, etc., ils
n'ont rien de commun avec les puits quadrangulaires du Pays
de Waes.
Il ressort de tous ces éléments que, dès l'époque de Trajan,
ou un peu plus tard, il v avait au Pays de Waes, le long des
diverticula, et surtout le long des rivières, une population
d'une civilisation fort avancée, qui y exercait, principalement
sur les bords des cours d'eau, l'industrie céramique (poterie,
tuilerie et briqueterie). Et, à en juger par le nombre des sta-
tions et le nombre de sépultures sur les parties hautes, cette
population devait être relativement dense. Mais à considérer
les vestiges qu'on en a ramenés à la lumière, elle devait
être fort pauvre.
(1; Nous réitérons nos remerctments à Mr le Baron de Loë qui a bien
voulu nous communiquer cette missive,
(8) Cf. G. Willemsen et L. de Pauw, Les puits romains du Pays de
‘Waes et les puits roumains en bois (sous presse’.
Le puits romain de Thielrode.
Cliché de M l'ALbé Edin. de Sutter, à Tamise,
— 144 —
Flandre orientale. Gand : deux façades intérieures €
l’hôtel de ville; facade rue de la Lieve; facade latérale d'ur
maison, place Saint-Bavon.
Hainaut. Tournai : facade rue de Paris. |
Hollande. Sluis : facade Hoogstraat n° 155; — Midde
burg : travées au dessus de la porte de l'abbaye.
France Hondschoote : facade de l'hôtel de ville; «
Bailleul : une facade; — Bergues : deux facades; pignon
transept Sud de l’église ; — Aire : une façade; — Arras :
facade grand place; — Saint-Omer : cinq ou six façudes.
Notons qu’en 1511 Jan Van de Poele, le fameux mai
macon brugeois, a exécuté à l’église Notre-Dame de Said
_Omer, le portail sous la tour.
Î
… |
Ces différentes facades sont loin de présenter le sty
brugeois absolument pur : ainsi, celles de Gand sont recoupé 6v 7
. de cordons; celles d’Y pres et de Nieuport montrent des ard
inusités à Bruges, etc. Toutes cependant possèdent le principes
caractère du style brugeois : la travée. C'est ce que no
avons voulu faire remarquer.
Quelques Stations néolithiques découvertes
dans la Flandre occidentale,
par le Baron pg MAERE p'AERTRYCKE.
i
Sous ce titre, nous nous efforcerons de résumer quelques-
unes des notions recueillies par rapport à des trouvailles, bien
déterminées, en ce qui concerne l’industrie des Néolithiques
dans la Flandre occidentale. Nous regrettons de ne pouvoir
mentionner, faute de l’obtention des renseignements voulus,
d’autres lieux de découvertes que ceux signalés.
Le développement du texte des principales sources, aux-
quelles nous nous trouvons forcé de renvoyer constamment,
nécessite le recours à des abréviations; celles-ci sont indiquées
ci-dessous :
IL. — C.R.C. G. Compte-rendu du Congrès archéolo-
gique de Gand (1896). Gand, Siffer, 1897. T. II. |
IT. — R. G. F. B. Rapport Général sur les recherches et
les fouilles exécutées par la Société d'Archéologie de Bruxelles.
Bruxelles, Vromant.
II. — An. A. B. Annales de la Société d'Archéologie de
Bruxelles, Vromant.
IV. — An. Em. Annales de la Société d'Emulation de
Bruges. Bruges, De Plancke,
La désignation des stations, par un chiffre romain, corres-
pond à l’ordre adopté dans l'établissement du croquis ci-après.
STATIONS. ..
I. — Bruges. (Fort Lapin). Vers la cote 3. Monsieur
A. Rutot, qui l’a découverte, y signale (1) comme trouvailles
de nombreuses dents de chevaux, des ossaments et des dents
de beenf et de sanglier, ainsi que : « quelques éclats de silex
« taillés ou utilisés, parmi lesquels un fragment subtriangu-
(1) A. Rutot. — Sur les antiquités découvertes... etc. dans la plaine
maritime, dana Mémoires de la Société d’ Anthropologie de Bruxelles.
Bruxelles, Hayez, 1903. T. XXI, page 23 (tiré à part).
10
— 146 —
< laire, retouché en forme de pointe moustérienne, et un
« débris de hache polie. »
IL. — Ryckevelde (cote 8).
Ne 7. — Stations néolithiques de la Flandre occidentale.
. Les relèvements accentués du terrain sur le sol avoisinant, sont indiqués
par des hachures enveloppant des traits parallèles orientés du S-W au N-E.
Les alluvions poldériennes sont marquées par l'indication en pointillé.
III. — Steenbrugge (cote 5), près du « Geertruyd Leydeken ».
IV. — Bois de Tilleghem(7), arrosé par le « Kerke beek».
— 147 —
V. — Lophem (8), le long du « Marsbeek ».
Monsieur le Baron Ch. Gillès de Pélichy, qui a découvert
ces quatre stations sur la pente septentrionale de la crête-de
partage, entre bassins côtiers du littoral westflamand, y
récolta (1} des nuclei, grattoirs, éclats de taille, fragments de
haches, des pointes de flèches, parmi lesquelles il y en a en
forme d'amande, etc. La station de Steenbrugge se caractérise
par la petitesse des dimensions (2) des objets recueillis,
présentant de l'analogie avec les menus instruments en silex
qui proviennent de certaines régions de la Meuse (3).
VI. — Zedelghem. (Nord de la Clabouterie), (20), au
Nord du Zabbeek. Cette station a été découverte le 17 octobre
1906, par.le Baron A. de Loë, qui y trouva en notre présence
quelques spécimen: de l'industrie néolithique, en silex noir.
Depuis, nous y avons fait de nouvelles récoltes avec d’autres
chercheurs. Monsieur l'abbé KR. Ingelbeen, notamment, y
recueillit une pointe de flèche (longueur Om.05) en forme de
feuille de saule; nous y avons trouvé plusieurs nuclei et
grattoirs en silex noir.
VII. — Aertrycke. (35), à la source du Moubeek. — A
la fin d’octobre 1906, Monsieur l'abbé R. Ingelbeen ramassa
dans le thalweg un fort beau grattoir en silex noir. Depuis ce
moment, les exploitants de terres avoisinantes nous ont fourni
plus de quarante échantillons des types habituellement ren-
contrés. Le silex noir et le silex blond-gris dominent; parmi
ceux appartenant à la dernière catégorie, figurent une série
de grattoirs (forme tronc de py ramide à grande base variant
de 3 centimètres à 16 centimètres).
VIII. — Eeghem. (37). A été relevée et explorée (4) par
Monsieur l'abbé J. Claerhout. Nous relaterons, dans l'étude
(1) Baron C. Gillès de Pélichy. — Zes stations préhistoriques de la
Flandre Occidentale dans C. R. G. C. o. c, p.28 ets.
(2) Baron Ch. Gillès de Pélichy, o. c. dans C. R. C. G. page 29.
(3) EB. de Pierpont. Observations sur de très petits instruments en silex.
Bulletin de la Soc. d’Anthr. de Bruxelles, T. XIII, 1891-95, p. 228 et Ann.
Soo. Archéol. Namur, t. XX, 4° livr. p. 469.
_ Van Orerloop. Zes silez de la station pr historique de Mendonck. Bruxele
des, F. Hayez, 1886.
(4) J. Claerhout. Rapport, etc. dans R. G. F. B. 1902, page 45.
— ]48 —
des trouvailles, faites par Monsieur Claerhout aux environs de
Pitthem, quelles ont été les principales découvertes effectuées
dans ces parages.
IX. — Lichtervelde. (45-49), au Wynandsveld. —
X. — Mamelon 45, de la station du chemin de fer, à Gits
(Onlede Molenhoek). — XI. — Gitsberg. — XII. — Ter
Herst (33). L'existence de ces quatre stations a été signalée
par Moxisieur le Baron Ch. Gillès de Pélichy (4), dont les
recherches furent couronnées de succès. En dehors des
objets du modèle habituel, mentionnons des pointes de fièche-
à tranchant transversal.
XIII. — Forêt d’Houthulst. (Vrijbusch) (16-30). Feu
l'abbé J. Gezelle avait recueilli dans cette région quatre
hachettes; la plus belle, en silex jaunâtre et -polie, mesurait:
près de 15 centimètres de longueur. En 1876, il en avait vu
cinq en forme de coin à tranchant droit. (2
XIV. — Emelghem. (18-19), à proximité de la Mandel
(r. g.), trouvée et décrite par le Baron C. Gillès de Pélichy. (s)
XV. — Iseghem (17), et XVI. — Ingelmunster (16),
toutes deux sur la rive droite de la Mandel. Le Baron Ch. Gillès-
y a trouvé des « fonds de cabanes, » ainsi qu'à Emelghem-
d’ailleurs. Ces fonds de cabanes sembleraient ne pas appartenir
tous à la même époque.
L’auteur de la description et de la découverte y recueillit-
plusieurs échantillons de poteries et des silex différents des
types retrouvés ailleurs : « le silex récolté autour des foyers
d’Iseghem et d’Ingelmunster est noir et ressemble à celui
d'Obourg (4) ». Celui d'Emelghem se rapproche, plus par les
formes que par la nature du silex, de l'outillage des stations à
ciel ouvert.
a
(IC R. G.G. o c. page 31.
(2) Baron Ch. Gillès de PéHohy, o. c. dans C. R. C. G. page 82.
(3: C. R. C. G. page 34.
“_ (3C. R.C. G. pages 33 et 34. — Zentralblatt fur Anthropologie T. XI,
1906, page 41. Compte-Rendu des Cougrès archéologiques de Bruges, en
1902 (Bruges, De Plancke 1903), T. XVI des Ann. pages 204 et s.; de
Dinant 9 13 Août, 1903, dans An. 4.-H. Belgique 1904, ire partie, p. 451-
459; An. Em. Tome LV, Nov. 1905, page 450.
— 149 —
XVII. — Ingelmunster. (rive droite) (15). — XVIII, —
Ardoye. (Bergmolen), (40)entre les « Gestel et Roodebeeken. »
— XIX. Pitthem. (Berghoek), (35), trois stations relevées à
Ja suite des investigations du Baron Ch. Gillès de Pélichy, ef et
décrites, en 1896, dans C. R. C. G. o. c.
XX à XXIII, inclusivement. — Voici quatre stations
découvertes et explorées par le Rév. abbé J. Claerhout. Elles
ont été dénommées par lui {1} stations : du château, du bois
de l'Enfer, du Mont de Pitthem, de la route de Wyngene.
Mais, une des 4 reproductions de la carte au 3555 de l'I. C. M.
belge assigne comme emplacement d’une station, celle men-
tionnée plus haut sous le n° XIX: Pitthem (Berghoek), et
décrite dans C. R.C. G. p. 31.
La récolte a été fructueuse en nuclei, lames, grattoirs,
déchets de taille.
En 1902, les stations du Mont de Pilthem et de la route
de Wyngene ont fourni des fragments de haches polies, des
pointes de flèche, en forme d'amande, une pointe de flèche très
curieuse eu silex noir du type dit d’Obourg, en forme de feuille
de laurier, avec bouts aigus; une pointe de flèche triangulaire
munie d'un pédoncule et de deux atlerons; puis au cours
d'exercices suivauts le tranchant d’une hache polie, une espèce
de pointe de lance en silex gris, des pointes de flèches à
pédoncules, à barbelures verticales, à barbelures obliques, etc.
XXIV. — Denterghem. (vers la cote 11), le long du
Peperlabeek, dit aussi Pepelaerbeek, etc. Nous voici en pré-
sence de palafittes rencontrées et décrites par le Rév. abbé
Claerhout (2). — Nous ne nous occuperons pas ici des décou-
vertes similaires faites par le même explorateur, en ce qui
(1) J. Claerhout — Rapport dans R. G. F. B. 1902, page 45; en 1904, page
24; Cfr: An. AB. t. XIX. 1905, page 272, aussi p. 170-171; An. Em. T. LV,
1905, p. 357. T. LVI, 1906, page 109, art. 24. |
(2) J. Claerhout. Rapport dans R. G. F.B. 1899, page 28; en 1901,
page 52; en 1902, page 25. Cfr. J. Claerhout. Mémoire sur la palafitte de
Denterghem, dans les Ann. de la Fédér. arch. et hist. de Belgique, Congrès de
Bruges, 1902, o. c. Tome XVI, 2° partie, pages 194 et suiv. — Cfr, encore
An. AB. 1902, T. XVI, page 719; — An. AB. 1901, p. 182; — Revue des
guestions scientifiques à Bruxelles, 1905, 3° série, t. VII, pages 342-346 ; —
An. Em. Tome LV. 3° faseicule, août 1905, page 858.
= 150 —
concerne l’âge du bronze. — En 1899, le Rév. ablé Claerhout
ÿ recueillit une centaine de petits instruments en silex, un
tognon de silex noir d'Obourg; en 1900, une cinquantaine
d'instruments en silex, grattoirs, pointes de flèches, couteaux,
un fragment de patin fait d’un canon de cheval, des poinçons
et une superbe pioche en bois de cerf.
Quant à la trouvaille de Roulers (1), nous renvoyons aux
indications bibliographiques fournies en note, une détermiua-
tion précise, relative à cette découverte, ne pouvant encore
être établie faute de documents complémentaires.
Les sept stations suivantes ont été découvertes par le
Baron Ch. Gillès de Pélichy, et décrites par lui dans C.R.C.G.
o. C. — Nous nous efforcerons de présenter brièvement les
particularités les plus caractéristiques de ces intéressantes
trouvailles.
__ XXV. — Lendelede. (42), Bergcappelleken : « nom-
breux silex taillés ainsi qu’une petite hache polie originaire
de Spiennes » (2).
XXVI. — Tieghem. (76), Arnoldusberg : « le sommet
dela colline est parsemé de silex taillés » (3).
XX VII. — Heestert. (65), dans le domaine du « Baen-
hout » : a procuré quelques lames en silex dont une finement
retouchée sur les bords » (+).
XXVIII. — Scherpenberg. (121). — XXIX. — Mont
Noir. (133). — XXX. — Mont Rouge, (140), enfin XXXI. —
Mont Kemmel. (162). Ces quatre stations se trouvent sur la
crête de séparation des eaux de l’Yzer et de la Lys. Elles se
distinguent par l’abondance des silex taillés. Le Mont Noir a
fourni quelques pointes finement retouchées (3), du type de
celles décrites dans l’exposé concernant la station de Steen-
brugge. Au Mont Rouge, au Mont Noir et au Mont Kemmel,
(1) J. Claerhout. dans An. Em Tome LV, 8° fasc. Août 1905, p. 857 ; —
An. AB, t. XIX, 1905, p. 169.
(2: C.R. C. G. o c. page 36.
(3, C. R. C. G o c. page 35.
(4) C. R. C. G. o. c. page 36.
(©) C. R. C. G o. c. pages 34 et 35.
— 151 —
l'auteur de la description a recueilli: « d'innombrables cou-
teaux, de superbes grattoirs et plusieurs éclats de haches
polies »; mais la série la plus remarquable est celle des
tranchets, des pointes de flèches à tranchant transversal et
d’autres pointes en forme d’umande, d’un très beau travail (1).
L'auteur signale aussi la découverte de quelques fragments de
poteries néolithiques, au haut du Kemmel, dans une tranchée.
QUELQUES LIEUX DE DÉCOUVERTES ISOLÉS.
L'indicalion de ces emplacements figure, en chiffres arabes,
au croquis ci-dessus.
1. — Duinbergen, sur l'estran. Le Baron de Loë y
mentionne : « une abondante récolte de silex utilisés » (2).
2. — Ostende-Mariakerke, également le long de
l’estran. Il convient de citer un bel échantillon recueilli par
Monsieur Georges Cumont (3) et une jolie pièce trouvée par
le Baron Ch. Gillès de Pélichy. En notre présence, Monsieur
l’abbé R. Ingelbeen y recueillit un grattoir fort bien taillé,
gisant à la laisse de haute mer, à hauteur du méridien du
clocher de Mariakerke.
Le Baron de Loë, qui trouva aussi un grattoir à Mariu-
kerke, veut bien nous signaler la découverte de silex utilisés,
en face de l’hippodrome Wellington, faite, il y a plusieurs
années, par Monsieur le docteur Raeymaekers.
3. — La Panne. Cet endroit est déclassé comme station.
Monsieur G. Cumont émet l’avis que ses silex ne sont que :
« des pièces rapportées pour servir à battre le briquet » (4).
4. — Ichteghem, hameau « Geuzenbosch » (40). Outre
un morceau de silex de Spiennes, uyant servi de percuteur,
nous avons recueilli dans ces parages, pendant l'automne
(1) C. R. C. G. o. c. page 35.
(2) Baron de Loë. Bulletin des Musées. Royaux, etc., août 1905, page 85,
col. 1.
(8) C. R. C. G. o. c. page 30.
(4) Ann. AB. o. c. Tome XX, 1906, page 502. Le Baron de Lob estime
que cette station ne remonte pas au delà de l'âge du fer. Cfr. loc. cit. page S(2.
— 152 —
1906, une demi-douzaine d’éclats de taille, également en silex
de Spiennes. |
5. — Aertrycke, 500 m. à l’Est de la source du Mou-
beek. C'est là, qu’en septembre 1906, nous trouvâmes le
premier silex taillé (un bon grattoir), de la région du faîte
de séparation, entre bassins côtiers.
Terminons cette Énumération par la nomenclature de
cinq belles haches en pierre polie. Outre celles de Lampernisse,
Thourout, Houthulst, Bruges, déjà mentionnées (1), il faut
signaler la superbe hache (propriété de Monsieur le Baron
J.-B. de Bethunede Villers) recueillie, à Bruges, non loin
de la « porte de Gand ».
CONCLUSIONS.
Le relevé, fait ci-dessus, des différents types d’échantil-
lons récoltés, nous permet, une fois de plus, de remarquer
l’analogie, voire l'identité des modèles observés dans les cinq
continents (2).
Ces constatations, signalées à tout propos, notamment
par le Marquis de Nadaillac, Messieurs Piette, Boule, Jones,
etc. etc., ainsi que toutes les considérations relatives aux
migrations (3), nous obligent, en l'état actuel des connais-
sances, à être fort circonspects quaut à tout essai de classifi-
cation.
(1) C. R. C. G. o.c page 36.
(2) B. Piette. Etudes d'ethnographie préhistorigre (Extrait de l'Anthro-
pologie). T. VII, no 3, Paris, Massou, page 399 — Boule. Anthr. 1893,
page 36. — Rupert Jones. AxtAr. Instit. New Seii s Tome I, page 50. —
Marquis de Nadaillao. L'Art préhistorique, dans « Le Correspondant » (Paris)
du 10 juin 1900, page 931 : « Les pointes de flèches du Dakotah, celles des
« Apaches ou des Commanches montrent une étrange ressemblance avec
« celles de nos régions … Les nuclei de la Scandinavie peuvent se compa-
« rer à ceux du Mexique. » — A propos du Mexique, il convient de citer les
magnifiques échantillons d'armes primitives en cristal de roche venant de
ce pays. On voit de ces exemplaires au British Museum de Londres;
dans les superbes collections de Monsieur G. Cumont, nous avons égale-
ment pu admirer quelques beaux modèles en obsidienne, rapportés du
Mexique.
(81 Baron van Ertborn. Ze Système pliocène en Belgique. L'âge vrai du
#rai Moséen, etc. Bruxelles, Weissenbruch, 1903, page 6.
Moyen pratique
de populariser. l’Histoire nationale,
par Caarzxs ARENDT,
Architecte de l'Etat hre, à Luxembourg.
Parmi les sciences modernes, l’histoire, notamment l’his-
toire nationale, occupe un rang élevé. On l'appelle à juste
titre la Magistra Vitae. Que ce grand moyen d'éducation
du peuple n’ait guère produit jusqu'ici des résultats satis-
faisants, à quoi faut-il l’attribuer? A notre avis la cause
réside dans la sécheresse de la méthode employée pour ensei-
gner l’histoire nationale. Si au lieu de se borner à des récits
qui souvent fatiguent l’esprit du public et s'oublient, on
s'attachait à frapper son imagination par la vue de l’image
authentique des ancêtres illustres, dont on prône les hauts
faits et les vertus civiques, nul doute que son attention serait
doublée, et qu’il garderait dans son cœur une impression
durable. Et son âme s’ouvrant à des sentiments nobles et
élevés, l’homme du peuple, l’ouvrier apprendrait à aimer la
Patrie.
De cette manière aussi, la mémoire de maint homme de
grand mérite serait sauvée de l’oubli. D’un autre côté, la
classe ouvrière gagnerait la conviction que, même dans son
sein si humble, des personnages illustres ont pris naissance.
%
*X *
C'est dans cet ordre d’idées, que, profitant des progrès
de la phototypie, nous avons pris à tâche de publier dans notre
Pays (1) un album populaire in 4°, intitulé :
(1) La galerie d'hommes illustres, qui jadis avait commencé à
paraître en Belgique et en France, n'a jamais pénétré dans les grandes
masses.
— IM —
Porträl-Gallerie hervorragender Persönlichkeiten aus
der Geschichte des Luxemburger Landes, von ihren Anfängen
bis zur Neuzeit. (Mit biographischen Notizen). Cet ouvrage,
d’un prix modique (1), a eu un succès inespéré. Le premier
volume, donnant 90 portraits avec texte et 7 scènes historiques,
a paru en 1904; il est presqu' épuisé. — Le volume IT, avec
114 portraits, vient de paraitre; et le volume III, avec
80 portraits, se trouve en préparation. — L'ouvrage relié
avec goût, sert en outre comme livre de prix et comme album
de salon (3).
Eufin, détail non moins digne d’être relevé, les 285
clichés d’impression, transposés sur verre, servent encore aux
projections lumineuses des conférences populaires sur l’histoire
nationale, conférence, qui, chaque fois, font salle comble.
Luxembourg. février 1907.
(1) Cheque portrait, de 45 à 50 c. m. carrés, ne revient qu’à un sou environ.
(2) Nous avons fait don au Congrès de Gand d’un exemplaire du volume II.
Quelques ‘considérations
sur le servage dans l’ancien pays de Looz (1),
par À. HANSAY,
Conservateur des Archives de l'Etat, à Hasselt.
L'histoire du servage dans l’ancien pays de Looz, qui
reste à faire, embrasse dix siècles, depuis le 9° jusqu'à la
fin du 18°. On peut la diviser en deux grandes périodes :
(1) Sources: a) Manuscrites; cf. H. VAN Neuss, /nventaire sommaire des
archives de l'Etat, à Hasselt, Bruxelles, Guyot, 1901, et A. Hansay Supplé-
ment à UInventaire des archives de l'Elat, à Hasselt, dans la Revue des
Bibliothèques et archives de Belgique, t. IV, fasc. I, 1906, notamment les
chartriers, les cartulaires et les registres censaux.
b) Imprimées; cf. C. LE BORMAN, Chronique de l'abbaye de St. Trond,
Liège, 1872-77, 2 vol. in-8°; Prior, Cartulaire de l'abbaye de St. Trond
(741-1596), Bruxelles, 1870-75, 2 vol. in-4°; H. PIRENNE, Le livre de l'abbé
Guillaume de Ryckel (1219-72). Polyptyqus et comptes de l'abbaye de St. Trond
au milieu du XIII° siècle. Bruxelles, 1896, in-8°; P. DANIËLS, Le droit de
mortemain ou KEUR dans l'ancien pays de Vogelsanck, dans l'Almanack
administratif... de la province de Limbourg, Hasselt, 1888, p. 167 à 180
(Cf, le règlement p. 169 à 175). Voir aussi les Coutumes de Reckheim, dans
les Coutumes du pays de Looz, t. II, et notamment le chapitre XLVIII, p.
454, rubriqué « Van keur goederen ».
Ouvrages à consulter : VANDERKINDERE, Les serfs d'église, dans leg
Bulletins de l'Académie royale de Belgique, 1897, p. 420 à 483 (Cf. une
critique de A, HANSAY, dans la Revue de l'Instruction publique de Belgique,
1897, p. 420 à 423); ajoutez A.HANgay. Etude sur la formation el l'organi:-
sation économique du domaine de l'abbaye de SE. Trond, jusqu'à la fin du
XIIIe siècle, Gand, 1899, passim et particulièrement au chapitre ll, le
paragraphe rubriqué « Ministeriales », p. 19 à 82, ainsi que le chapitre IV,
intitulé De la condition personnelle des « censuales » et des « cerocensuales »
dans les domaines de l'abbaye de St. Trond, p. 103 à 109. — En outre
C. LecLère, Les avoués de St. Trond, 1902, passim. Enfin, G. SIMENON,
Le servage à l'abbaye de St. Trond, dans la Revue apologetigue des 16 juillet
et 16 août 1903, publié également à part en 1903 en une brochure de
36 pages (Cf. le compte rendu de A. HANSAY, dans les Archives belges,
1908, no 262).
— 156 —
la première allant du 9° siècle à la fin du 13°, la seconde
s'étendant depuis le 14° siècle jusqu’à la fin du 18°. Pendant
la première période, l'institution du servage occupe une place
importante dans la vie sociale; dans la seconde période, on
ne trouve plus de cette institution que des vestiges qui vont
s'évanouissant dans le cours des siècles jusqu'à ce qu'ils
disparaissent définitivement avec la conquête francaise à la
fin du 18° siècle.
4° Période : Il convient de distinguer les différentes caté-
gories de serfs qui apparaissent dans les documents.
Ce sont : 1° des serfs attachés à l'exploitation d'un grand
domaine, de ceux qu'on désigna plus tard du nom de serfs de
la glèbe.
2° Des serfs exerçant des fonctions domaniales ou astreints
à des obligations militaires.
3° Des serfs qu'un lien très lâche de dépendance pure-
ment personnelle rattache à un établissement religieux et
auxquels convient le nom de serfs d'église.
Cette distinction faite, divers problèmes sollicitent notre
examen :
a) l’origine de ces diverses catégories de serfs,
b) la nature et l'importance de leurs obligations,
c) les transformations qui, au cours des siècles, s'opé=
rèrent daus leur condition, le sens de ces transformations et
les causes qui les provoquèrent.
Eo ce qui concerne plus particulièrement les causes des
transformations du servage, les uns les ont cherchées dans
l'influence des idées chrétiennes, d’autres dans l’influence
d'un désir de liberté en quelque sorte inné chez l'homme,
d’autres enfin dans l’action des causes économiques. Ces
hypothèses ne sont pas à dédaigner, mais il semble bien
qu'elles soient insuffisantes. Je dirai même que serait insuf-
fisante une explication plus générale qui, combinant ces
diverses hypothèses, voudrait à chacune d'elles faire sa place.
2e Période. Au 14° siècle encore, on constate quelques
traces de servitude personnelle. Mais, en général, pendant ce
siècle et les siècles qui ont suivi, le servage ne se manifeste
plus que par la survie d’une prestation, celle de la mortemain
— 157 —
(keur en flamand). Ce droit de mortemain, de personnel (1)
d’ailleurs qu’il était originairement, était devenu réel, et il
frappait certaines terres au décès de l'occupant quel qu'il fût.
Cette taxe, qui se payait sait en nature, soit en argeut,
se vit même, à la fin du 18° siècle, remplacée par une taxe
annuelle. Du coup, de l’ancienne prestation, il ne restait que
le nom (mortemain ou Keur). Et avec la conquête francaise le
nom aussi disparut.
(1) Le droit de mortemain était une des trois prestations qui, dès
l'origine, avaient frappé la personne du serf. Les deux autres prestations -
étaient le cens capital, ou capitation, et le droit de mariage.
L’Archéologie campanaire en Belgique,
par F&RNAND DONNET,
Secrétaire de l’Académie royale d'Archéologie de Belgique.
L'archéologie campanaire qui, dans les pays voisins,
compte bon nombre de fervents, et qui, depuis assez bien
d’années, a provoqué la publication de nombreux travaux
spéciaux, n’est pas sérieusement étudiée en Belgique depuis
bien longtemps. C'est en France surtout, que l’étude des
cloches, de leur histoire, de leur caractère artistique, de leur
passé légendaire, a provoqué le mouvement le plus actif. La
bibliographie relative à ce sujet est des plus copieuses. En
Allemagne, en Angleterre, en Hollande, ailleurs encore, de
nombreux savants ont livré à l'impression les résultats de
leurs recherches dans ce domaine. Dans notre pays, quelques
auteurs s'étaient, il est vrai, occupés des cloches au point de vue
religieux ou littéraire, en avaient parlé, en étudiant plus
particulièrement les carillons, en avaient fourni, de ci de là,
quelques indications dans des recueils épigraphiques, mais ce
n'est guère que depuis une dizaine d'années, que des travaux
spéciaux ont vu le jour, dans lesquels les cloches, sous toutes
leurs formes, à toutes les époques, dans tous leurs emplois, ont
été étudiées, décrites et analysées. Les dépôts d’archives ont
été patiemment fouillés, les vieux clochers ont été visités, et,
du résultat de ces multiples investigations, sont issus bon nom-
bre d'ouvrages archéologiques d’un indéniable intérêt. Toute-
fois, sur ce terrain, une ample moisson scientifiqu peut encore
être recueiilie, et nous croyons faire chose utile en résumant
brièvement les indications produites jusqu'ici, dans l'espoir
que d’autres chercheurs, à leur tour, s’intéresseront à la cam-
panalogie, et par de futures découvertes, voudront contribuer
au développement de cette branche si intéressante de l’archéo-
logie nationale.
#
* %
— 159 —
Il est évident, que, dans nos provinces, l'emploi des cloches
remonte à une époque aussi ancienne que dans les pays
voisins. Dès que le temple chrétien fut complété et couronné
par une tour ou un campanile, si modeste fût-il, des cloches
dureut y être appendues pour appeler le peuple fidèle à la
prière. Toutefois les témoins véridiques, datant des premiers
siècles de l’organisation du culte catholique, nous manquent.
Seules, quelques rares indications, plus ou moins sûres,
permettent de fournir certaines données relatives à la période
romane. |
Un gentilhomme flamand, Jehan Lhermite, qui fut
_ attaché à la Cour du roi Philippe II et passa une grande partie
de son existence en Espagne, décrit dans son Passetemps les
cloches du carillon de l’Escurial, dont bon nombre provenaient
d'ateliers de nos provinces. Parmi celles-ci, il en existait une
qui remontait à une très haute antiquité, s toutefois on peut
admettre l'entière exactitude du rapport de Lhermite : « il y en
avait une, écrit-il, apportée de la ville de Veurne à Steenkerke,
qui est au pays de Flandre, entre Duynkerke et Nieupoorte,
qui était fondue l’an 418, et à ce compte vieille de mille cent
et septante neuf ans, qui ne serait petite antiquité pour approu-
ver l’ancienneté de notre foy chrestienne et catholique que
nous professons par delà, si le millier n’y fut obmis, comme
j'en crains. »
Parmi les cloches que vendit, en 1579, le magistrat d’Aude-
narde, il s'en trouva une d’un âge respectable. du moins
l'inventaire dressé lors de l’aliénation semble le prouver.
On y renseigne une cloche pesant 950 livres, dont l’in-
scription paraissait fort ancienne et qui portait la date de 606.
Noch eene andere clocke, met eene onvulgotene croone ende
lee galen in de croone van de selve, met seer antychsche
delteren, ghegoten anno VIVI, weghende neghen hondert
vyftich ponden, Ghecoteerd n° 1717.
Le chroniqueur Godeschalc, qui écrivait au VIIT: siècle,
fait mention d'une cloche, en parlant du séjour que l’évêque
de Liège, saint Lambert, fit au monastère de Stavelot. Ailleurs
encore, dans les anriales de l’abbaye de Saint-Ghislain, il est
rapporté, qu’en 959, saint Gérard, sentant approcher sa fin, :
— 160 —
après avoir donné la bénédiction à ses religieux et recu le
saint viatique, ordonna qu’on sonnât son trépas avec la cloche.
qu’il avait fait bénir autrefois par son évêque. L'emploi de
cloches peut encore être constaté dans la chronique de Sigebert
de Gembloux en 1080, et dans une lettre datée de 1130, par
laquelle un abbé du monastère de Saint-Amand proposa aux
chanoines de Saint-Servais de s'engager mutuellement à faire.
célébrer des services religieux annoncés par des sonneries de .
cloches. |
Les annales de Flandre, en relatant les détails du meur-
tre du comte Charles le Bon, rappellent que les conjurés
s'étaient réfugiés dans la tour de l’église Saint-Donat, et que.
pour empêcher qu'on sonnât les cloches, ils avaient retiré.
à eux les cordes. |
._ L'usage de cloches, considérées comme attributs des.
libertés communales, est attesté par un passage de la charte
de Tournai de 1187, qui autorise les bourgeois à posséder uue
cloche et à l’utiliser pour les affaires de la ville. .
De toutes ces cloches, il ne reste plus autre chose que le
souvenir; elles ont disparu, soit qu’elles aient été fondues pour -
être remplacées par d'autres plus importantes, soit qu’elles
aient été mises hors d’usage par suite d'usure, soit enfin qu’el-.
les aient été enlevées lors des désordres incessants de ces
époques troublées.
nf
Au XIIT° siècle, il faut déjà des cloches plus lourdes. Sous
l'influence du style ogival, les clochers des églises se sont
élevés davautage, et, d'autre part, les agglomérations bâties
s'étant développées, il a fallu donner aux cloches une puissance
plus grande, afin que leur sonorité puiëse porter plus loin. Si
dans d’autres pays, en Allemagne surtout, on retrouve encore .
assez bien de cloches datant de cette époque, dans nos provin-
ces, elles sont rarissimes. Cependant de nombreuses mentions
sont faites de leur existence dans les comptes ou les autres
documents de l’époque.
En Flandre, dans lecanton d'Avelghem, existait encore -
au XVI: siècle une cloche datée de 1232. Dans une commune.
— ]61 —
voisine, une autre portait la date de 1235. L’église d'Eyne en
possédait une depuis 1255.
Ailleurs, d'anciennes coutumes témoignent de l’emploi
de cloches au XIII* siècle. C’est ainsi qu’à Ypres, à cette
époque, les mariages étaient annoncés par des sonneries, et
qu'à Louvain, en vertu d’un rescrit ducal de 1282, la cessa-
tion du travail dans les ateliers était indiquée de la même
manière.
A Liège, il y a cinquante ans, on refondit une cloche de
1275 que possédait l’église Saint-Paul. Par contre, dans la
même ville, il en existe encore deux qui datent de cette époque
éloignée. L’une, qui appartient à la même église, fut fondue
également en 1275 par Jean et Gérard de Liège: la seconde,
qui est conservée dans l’église Saint-Denis, porte la date
de 1283.
x»
Le XIV* siècle, par contre, peut fournir des éléments
d'étude bien plus nombreux et plus importants. Les cloches
datant de cette époque se retrouvent encore en maintes locali-
tés de nos provinces. Déjà alors elles n’ont plus le caractère de
grande simplicité usité pendant les siècles antérieurs. Leur
robe d’airain s’embhellit d'ornements divers : rinceaux, arca-
tures, sujets religieux, images pieuses, etc. D'autre part, les
inscriptions deviennent plus prolixes. Elles nous permettent
d'apprendre le nom de la cloche, celui da fondeur auquel elle
doit l'existence, et l’année de sa naissance. De plus, à ces
renseignements d’état-civil, s’ajoute une invocation pieuse, ou
une prière, ou bien encore une brève indication du rôle préser-
vateur ou propitiatoire que doivent jouer les cloches. D'autre
fois, ces textes énumèrent déjà les divers usages auxquels elles
sont destinées. Mais toujours ces inscriptions sont imprégnées
d'un caractère franchement religieux ; elles sont en tout
d'accord avec la liturgie, et parfois mème elles revêtent une
forme non dépourvue de poésie. Les vanitenses réclames
qui, plus tard, devaient les contaminer, ne sont pas encore
venues en ternir la forme si archaïque.
Il ne serait guère possible d’examiner ici toutes les cloches
11
— 162 —
du XIV° siècle que possèdent encore nos'églises ou nos
bâtiments civils. Nous nous bornerous à en indiquer quelques-
unes.
Le fameux bourdon du beffroi de Gand, l'antique
Roelant. dout l'inscription, dans son énergique concision,
résumait les divers usages, avait été fondu en 1314. À la même
catégorie appartient le bourdon de Furnes, Bomke, que Guil-
laume de Haerlebeque fabriqua en 1378, et celui qui, depuis
l’année 1377, est en service dans la tour des halles d’Ypres.
Ces cloches, appartenant à la commune, constituaient l’em-
blème de la puissance du peuple, et leur possession formait un
des privilèges dont le maintien était le plus âprement défendu.
Quand en 1318, Philippe de Valois confisqua les droits de la
commune d’Ypres, il eut soin de faire enlever la cloche du
beffroi. À la fin du XIV: siècle, furent aussi placées dans la
tour communale de Tournai une cloche de même nature,
ainsi qu'une autre servant à indiquer les heures et mue par
le mécanisme de l'horloge.
En Flandre, on constate qu’autrefois des cloches du XIV®
siècle existaient dans les églises d'Eyne, de Caster, de Kerc-
hove et dans quatre autres localités voisines d’Audenarde. A
Termonde, les comptes communaux témoignent de l’usage
à la même époque de différentes cloches. C’est alors aussi
qu’un fondeur bruxellois se rendait, en 1383, à Malines, pour y
refondre les cloches communales. Du reste, dès 1347, on trouve
trace dans cette dernière ville de fondeurs qui y habitaient et
y exercaient leur métier.
À Mons, il exista jusqu'à la fin du XVIII siècle une
cloche à l'église Sainte-Waudru, qui était ornée du millésime
de 1388, et à l'hôtel de ville de la même localité, est encore
conservée aujourd'hui une autre cloche que M° Henri le Rou-
sillon, de Dinant, coula en 1390.
Daus l’église St-Martin, à Courtrai, on peut retrouver une
cloche provenant de la fabrication de Jean de Leenknecht et
exécutée en 1345.
Si l’on veut considérer les si nombreuses causes de des-
truction qui se sont multipliées dans nos provinces, depuis le
XIV® jusqu’au XIX° siècle, on sera sans doute étonné de
— 163 —
constater qu’il existe encore de ci de là des cloches qui ont
pu leur échapper et parvenir intactes jusqu’à nous.
ze
Par contre, les cloches du XV* siècle qui existent encore
sont bien plus nombreuses. Presque pas de ville belge, où l'on
n'en puisse retrouver, et même dans bon nombre de villages,
on peut encore en découvrir. Du reste, sur cette époque, les
documents d’archives sont déjà plus explicites, et il v a moven
de reconstituer l’histoire de l'art campanaire dans nos
provinces.
C'est surtout au XVT° siècle que l'efflnrescence attei-
guit son apogée. Les cloches se multiplièrent d'une facon
considérable ; les carillous furent placés dans de nombreuses
localités, et d'autre part, le poids et l’importance des cloches
furent portés à des limitesqui n'avaient pasencoreété atteintes.
En cette étude résumée, il est inntile d'examiner plus
minutieusement les cloches des XVeet X VI siècles existantes:
ce serait une tâche bien trop étendue.
Pendant cette période, le caractère artistique des cioches
fait d'incontestables progres. Sur leur robe d’airain sont
appliqués divers motifs religieux : le Christ en croix, la Vierge
ou le patron dont elles portent le nom. Parfois des sujets profa-
nes sont aussi moulés dans le bronze. Tel est par exen ple le
cas pour la belle cloche de Wechelderzande qui porte la date de
1526, et autour de laquelle on voit se dérouler des scènes
appartenant à une période plus ancienne et représentant une
chasse au sanglier, des motifs héraldiques, des blasons, etc.
Des sujets exécutés à cette époque sont encore appliqués un
siècle plus tard sur certaines cloches, notamment à Ypres où,
à côté du millésime de 1683, se développent les scènes
fort caractéristiques d’une danse des morts dont le modèle
est certainement antérieur.
Il était alors d'usage aussi d'appliquer sur les cloches des
médaillons artistiques, commémorant des scènes religieuses ou
profanes, voire même mythologiques. Ce furent surtout les
œuvres des médailleurs du XVIe siècle qui servirent à ce genre
d'ornementation.
— 164 —
Ailleurs encore, et cette coutume était même fort répan-
due, le fondeur imprimait sur la cloche des empreintes de
monnaies, des médailles, des sceaux de villes, de communautés.
religieuses ou de particuliers, des blasons de divers genres.
Et pour ce genre d’ornementation, on utilisait souvent des
matrices représentant des documents numismatiques ou
héraldiques bien antérieurs à l'époque pendant laquelle la
cloche était fondue.
À ces motifs divers s’ajoutaient des rinceaux, des frises :
composées de fleurs et de fruits, au milieu desquels se jouaient
des angelots, des cordons formés de motifs architectoniques.
Ce fut surtout sous l'influence de la renaissance, que ce genre
d’ornementation se développa. Plus tard, il devait, en tombant
dans l’exagération, se signaler par le mauvais goût et une
composition souvent baroque.
Pendant cette période, les inscriptions campanaires de-
viennent moins concises; leur importance s'accroît sensible-
ment. Toutefois, elles ne perdent pas encore leur caractère
religieux. Elles constituent, comme avant, une invocation ou
une prière, énumèrent le rôle religieux que doivent jouer les
cloches, attestent la vertu protectrice qui leur a été attribuée
par la consécration baptismale, et ne manquent pas de préci-
ser expressément les noms des saints patrons sous la protec-
tion desquels elles ont vu le jour.
kk
Les troubles religieux du XVI° siècle devaient nécessaire-
ment être fatals aux cloches. Les protestants qui, de tous côtés,
avaient attaqué les églises pour détruire ou enlever les riches-
ses mobilières immenses qu'elles renfermaient, ne de-
vaient pas respecter les clochers. Presque partout les cloches
furent arrachées de leurs retraites aériennes, et la soldatesque
pillarde en fit la matière d’un commerce des plus productifs.
C'est alors qu'on put voir les cloches provenant des diverses
églises de nos provinces, réunies, chargées sur des chariots,
conduites au delà des frontières, ou bien encore traînées
jusqu’à quelque quai d'embarquement, où l’on pût aisément
les transporter à bord du bateau qui devait les exporter vers
— 165 —
des contrées dans lesquelles il était possible de les vendre
facilement.
C’est ainsi, que le 15 janvier 1579, arrivait à Anvers un
bateau d'intérieur, qui avait été expédié de Berghe-S'-Win-
noc. Il avait été chargé d’une forte quantité de cloches de
toutes dimensions, grandes et moyennes, qui avaient été
enlevées des églises situées dans les environs de cette ville. Le
bateau fut dirigé vers la Zélande, et peut-être sa cargaison y
fut-elle transbordée sur d’autres vaisseaux qui la conduisirent
outre-mer. Un autre jour, «le Bonaventure », entièrement
chargé de cloches, conduit par le capitaine Goes, fit voiles
pour Rouen, mais, assailli en mer par une violente tempête, il
périt avec toute sa charge. En 1578, à Maestricht, on fondit,
pour en faire des pièces d'artillerie, tout un lot de cloches
provenant du territoire belge. Les cloches de Malines, volées
par la soldatesque, furent transportées à Anvers où on s’effor-
ca de les vendre comme métal hors d’usage. Dans certaines
villes étrangères, telle Lisbonne par exemple, il existait un
marché régulier, où les acheteurs pouvaient avec facilité
s'approvisionner de cloches provenant de nos provinces.
Il n’est donc nullement étonnant de retrouver à l'étranger
tant de cloches portant des inscriptions flamandes ou des
indications prouvant qu’elles furent fondues dans notre pays.
Quelques-unes sans doute y furent régulièrement comman-
dées ou acquises, mais la plupart firent partie du butin réuni
par les soldats pillards du XVI: siècle.
C’est ainsi que le carillon de l’église Saint-Laurent de
l’Escurial, à Madrid, est en grande partie composé de cloches
provenant de l'atelier des vanden Gheyn. On en trouve
également qui portent le nom de ces fondeurs malinois, ou
bien encore ceux des Waghevens, des Zeelstman, des Hemony,
à Martofino près de Gênes, à Canettemont près de Frevent
dans le département français du Pas-de-Calais, à la chapelle
de Saint-Martin à Avesnes-lez-Herly (canton d’Hucqueliers), à
Ligny-sur-Canche, à Baincthun, près Boulogne, à Lottinghem,
à La Lande-de-Cubzac, et dans diverses localités de la Somme,
de la Haute-Vienne, de la Haute-Marne, etc. Puis, on peut
encore citer les cloches qui sont conservées à Churchkirk, en
. — 166 —
Angleterre, ou à Cambridge, à la cathédrale de Glasgow, à
Nichalastau (comté de Glamorgan), à Whalley dans le Lan-
cashire, sans oublier de remarquables spécimens de l’art
campanaire qui ont été retrouvés dans le Limousin et ailleurs
encore. |
La disparition violente des cloches pendant les troubles
du XVI‘ siècle, et la nécessité sans cesse plus impérieuse de
posséder des ipstruments d’une sonorité plus grande, furent
cause, aux XVII: et X VIII: siècles, de la confection de cloches
nouvelles. Mais celles-ci, en augmentant de volume, perdirent
progressivement tout caractère artistique. On ne les enrichit
plus de motifs élégants, de médaillons ou d'empreintes numis-
matiques; tout au plus y retrouve-t’on quelque figure pieuse,
souvent d’une banalité déplorable, Par contre, les inscriptions
se multiplient et deviennent parfois d’une longueur insensée.
Elles servent de prétexte aux énumérations les plus pompeuses,
aux qualifications les plus exagérées. Plus de prière, plus
d’invocation pieuse, mais les noms des donateurs, des curés,
des marguilliers, des parrains ou des marraines, suivis de
litanies interminables de titres et de qualificatifs qui souvent
n'ont avec la vérité que des relations fort éloignées.
Alors aussi apparaissent les cloches décimales. Celles-ci
étaient données à l’église par les personualités collectives ou
particulières qui jouissaient des dimes à percevoir dans la
paroisse. Ces cloches devaient être de dimension suffisante,
pour: que leur son pût être percu jusqu'aux limites extrèmes
du territoire dans lequel opéraient les décimateurs.
Ed
À cette époque, un nouveau danger fort grave menaca
l'existence de nos cloches. Pendant les interminables guerres
qui désolèrent nos provinces, surtout depuis le milieu du XVIT°
siècle, il fut admis que les cloches faisaient légalement partie
du butin auquel les vainqueurs pouvaient prétendre. Les
besoins d’une artillerie souvent renouvelée et sans cesse
— 167 —
augmentée, nécessitaient uue consommation fort grande de
métal, et l’iutendance des armées ennemies avait jugé ne
pouvoir s’en procurer à meilleur compte et de plus parfaite
qualité, que dans les clochers de nos églises. Pour éviter ces
déprédations parfaitement prévues, les curés des campagnes
transportaient leurs cloches dans les villes voisines. Et quand
celles-ci, à la suite de quelque siège plus ou moins long, tom-
baient au pouvoir de l'ennemi, la récolte en métal étnit
d'uutaut plus abondante, qu’aux nombreuses cloches urbaines,
veuaient s’ajouter toutes celles qui provenaient des cainpa-
œnes environnantes.
Bientôt la coutume s’établit de racheter les cloches, et il
fut parfaitement accepté, qu'après la reddition d’une place
forte, les assiégés avaient le droit, moyennant une somine à
stipuler ou à établir après estimation, d'obtenir du grand-
maitre de l’artillerie ennemie, la faveur de couserver tous les
objets en métal dont ils étaient propriétaires. Et c’est ainsi
qu'on vit, grâc: aux fortunes diverses de la guerre, des
places fortes prises et reprises, Contraintes, en une période de
peu d'années, de racheter quatre ou cinq fois les mêmes
cloches, Ce triste sort échut à la ville d’Ypres qui, en 1648,
1658, 1678, 1744, fut forcée chaque fois de trouver les capitaux
néCessaires pour racheter à l’armée française « les cloches,
Oranements, chandeliers et autres ustensiles qui leur appartien-
nent tant concernant le service divin que la décoration des
églises et le service public. » Eu 1678, la ville de Gand dut
Payer 48,000 livres de France pour pouvoir conserver les
cloches que l’armée de Louis XIV voulait utiliser pour le
rvice de son artillerie. Lors de la prise d’ Audenarde, en 1706,
Une Stipulation du même genre fut insérée dans l'acte de
@pitulation.
Il advint parfois que les habitants de certaines places
tres prétendirent que semblable rachat, après une première
@Pitu lation, constituait uue franchise pour l’avenir. Pareille
théorie n'eut en général pas grand succès; à Tournai toutefois,
le réussit en 1709. Il est vrai, que pour assurer sun SUCCÈS,
le Ma œistrait avait eu soin de faire certains dons en espèces
OND an tes aux officiers qui commandaient l'artillerie ennemie.
*
* *
— 168 —
Les cloches qui avaient pu être soustraites aux pillages
de la soldatesque du XVI: siècle, aux confiscations des artil-
leurs du XVIT°*, devaient bientôt courir un danger bien plus
grand. A la fin du XVIII siècle, les républicains francais
s'étaient emparés de nos provinces. Ils s’empressèrent de
s'attaquer à la religion dont ils devaient bientôt prohiber
l'exercice et persécuter de toutes les manières les ministres.
Dès qu’ils eurent fermé les églises, ils en confisquèrent ou
livrèrent aux enchères le mobilier et les inestimables trésors
artistiques qu'elles renfermaient. Les cloches ne devaient pas
être épargnées. La Convention avait décidé que, sur tout le
territoire de la République, les cloches seraient mises à la
disposition du ministre de la guerre. Une seule cloche devait
être épargnée dans chaque paroisse ou plutôt dans chaque
localité; elle devait servir à transmettre et annoncer les
ordres de l'autorité. A la campagne, elle était surtout utilisée
pour le service de l’horloge de la tour. Le métal des cloches
confisquées devait servir à la fonte de canons ou à la frappe
de monnaies de billon. Ces instructions furent exécutées
dans nos provinces en 1798 et 1799. Partout les cloches
furent saisies; parfois la force armée dut être requise pour
assurer le succès de cette opération ; transportées dans certains
chefs-lieux ou villes importantes, les cloches y furent systé-
matiquement brisées, et leurs débris furent transportés en
France, soit par voie d’eau, soit par voie de terre. À Anvers,
ce fut dans l’ancien couvent des Récollets que toutes les
cloches de la ville et des villages de la province furent emma-
gasinées. Elles y furent brisées, et le métal qui en provint fut
chargé sur des bateaux qui devaient le transporter en France.
Les cloches enlevées des environs d'Alust, furent envoyées
aux forges du Creuzot; celles qui furent trouvées dans les
églises de la banlieue bruxelloise, furent destinées à alimenter
les mêmes ateliers, et furent dans ce but réunies par les soins
de Lannoy, « munitionnaire général des vivres et viande des
armées du Nord et de Sambre et Meuse. »
La rage de destruction des cloches s’accrut encore pen-
dant la sanglante épopée de la guerre des paysans. C'est au
son du tocsin que les gars des campagnes se réunissaient
— 169 —
pour courir sus aux soldats de la République. Il fallait à tout
prix empêcher que les « brigands » n’usassent de ce moyen
de ralliement.
Et pourtant, assez bien de cloches échappèrent aux
vigilantes recherches des sans-culottes. Dans les campagnes
surtout, ou s’empressa de les descendre des clochers et de les
cacher dans des tas de fumier, ou simplement dans la terre,
plus souvent encore dans les puits ou les étangs. Beaucoup
d’entre elles purent ainsi être recouvrées après le rétablisse-
ment du culte, et de temps en temps, le hasard en fait encore
découvrir, dont la cachette avait été oubliée. |
*
% %
Depuis le commencement du XIX° siècle, après que le
Concordat eut rendu la paix religieuse à nos provinces, on
s’empressa partout de repeupler les clochers déserts. Au-
jourd’hui encore, dès qu’une tour nouvelle est érigée, elle
est sans retard pourvue de plusieurs cloches. Bien souvent,
d'anciennes cloches, parfois fort intéressantes, ont servi à
fournir le métal nécessaire à la fonte des nouvelles. Celles-ci,
en général, sont d’une banalité désespérante. Sur leur robe
d’airain le plus souvent s'étalent des ornements néo-gothiques
d'un goût fort douteux, encadrant des figures pieuses sans
caractère. Les inscriptions antérieures ont fait place à de
simples énumérations de noms, parmi lesquels se retrouvent
ceux du curé de la paroisse, du doyen du district, du parrain,
de la marraine, de tous les membres de la fabrique d'église,
des donateurs, souvent des membres du conseil communal,
sans oublier celui du fondeur. Cette banale énumération,
sans le moindre intérêt, rappelle l’usage récent mis en
honneur par certains fondeurs, qui, moyennant l’octroi d’une
légère rénumération, ajoutaient sur la cloche le nom du
premier venu désireux de voir son souvenir passer à la postérité
grâce à ce moyen économique. On se demande comment il
est possible de concilier des inscriptions de ce genre avec le
texte des prières, si belles, prescrites par le rituel pour la
bénédiction des cloches. A l'exemple des anciens, il serait
— 170 — °
facile de puiser dans le formulaire religieux des textes plus en
rapport uvec la mission des cloches et avec leur caractère d’une
symbolique si pure et si élevée.
*%.
+ H
L'industrie de la fabrication des cloches a de tout temps
été fort importante dans nos provinces. A l’origine, les
fondeurs ne possédaient pas d'atelier permanent, ou du
moins, presque toujours, ils exécutaient leur travail à pied
d'œuvre. C'est dans le cimetière, dans quelque terrain proche
de l’église, voire même dans un hangar voisin, que la fosse
destinée aux opérations de la fonte, étiit creusée. Ce travail
se faisait souvent en grande pompe; le clergé appelait la
bénédiction du Ciel sur l'opération; les autorités scabinales
et la foule du peuple suivaient avec intérêt et anxiété les
diverses péripéties de la fonte; des cadeaux, parfois importants,
étaient distribués au fondeur et à ses ouvriers, et c'est an
milieu de l’allégresse générale, que s’afBrmait l'heureuse
naissance de la nouvelle cloche.
Les plus importauts fondeurs possédaient aussi un
atelier parfaitement installé, et plus tard, c'est presque tou-
jours dans ces ateliers que le travail s'opérait. Dans nos
provinces, il existait de nombreux foudeurs; dans presque
tous les parages on signale leurs installations, mais deux
villes surtout, Malines et Anvers, s: distinguèrent par
l'activité de leurs établissements campunuires. A Malines,
deux familles se signalèrent principalement dans cette indus-
trie, dans l’exercice de laquelle leurs membres se succédèrent
nombreux, pendant plusieurs siècles. Ce furent d’abord les
Waghevens, qui pendant plusieurs générations livièrent de
nombreuses cloches dont les plus anciennes portent des millé-
simes du milieu du XV° siècle. A la fin du même siècle,
apparaissent les vanden Gheyn. Ceux-ci furent très nombreux,
et les produits qui sortirent de leurs ateliers furent innom-
brables; on les retrouve dans presque toutes les localités du
pays et dans nombre de contrées étrangères. Leur industrie
séculaire se trausporta ensuite à Tirlemont et à Louvain, où elle
— 171 —
a prospéré jusqu'à nos jours. À Malines, on rencontre encore
parmi les fondeurs de cloches les noms des van Casbroec,
van Kerssevoort et Hazaert au XIV° siècle; Zeelstinan, Jan
Coppens, Quaey vas, au X V®siècle; Erix, De Backere, Steylaert,
Cauthals, les De Clerck, Popenruyter, au XVI* siècle: De
Clerck au XVII siècle, et maints autres.
A Anvers, on constate l'existence des ateliers de plusieurs
fondeurs travaillant au XV* siècle et notamment de Georges
vander Weenhagen, Gérard Buytendyck, Pierre van Dor-
meyde. Pendant les siècles suivants, saus parler de membres
des familles Waghevens et vanden Gheyn, qui travaillèrent à
Anvers, on peut citer Melchior de Haze, dont la production fut
fort grande, Georges Dumery, qui, plus tard, s'établit à
Bruges, Guillaume Witlockx, Jean-Baptiste Huaert, Paschier
Melliaert, et beaucoup d’autres.
Ailleurs daus le pays, on retrouve les produits des ateliers
de Tournai qui appartenaient aux Colard Bachin, François
Legrand, Guillaume Duhem, Antoine Scaveruin, François
Barbieux et Jean-Baptiste Flincon, les Drouot, etc . etc. Citons
eucore, parmi les fondeurs les plus connus, les Groguart, de
Dinant, dunt les descendants travaillèrent aussi à Nivelles, à
Gand et à Mons. Dans cette même ville de Nivelles, il faut
mentionner au XVII siècle Thotnas Tordeur et son fils Jean
Tordeur; à Bruges, les descendants de Georges Dumery ; à
Tirlemont, Jean Broeckaert ; à Dinant encore, Henri le Rousil-
lon; à Mons, Jean Houzeau, Francois de la Paix; à Gand,
Jean van Roosebeke, le fondeur de la célèbre cloche Roelant :
à Liège, maitres Jean et Gérard, qui florissaient au XIV“ siècle;
à Huy, Jean et Joseph Plumere, etc. Nous en passons, ne
pouvant songer à donner ici une nomenclature complète des
fondeurs anciens établis daus nos provinces.
Ce n'’étaient pas seulement les ateliers appartenant à des
fondeurs belges qui fournissaient les cloches religieuses et
communsles en usage dans nos églises, nos mouastères ou
nos beffrois communaux. Sans tenir compte des achats faits
— 172 —
directement, hors des frontières, il ne peut être omis de signa-
ler les fondeurs étrangers qui venaient travailler dans notre
pays. Souvent ils étaieut appelés pour exécuter un ouvrage
déterminé ; ils procédaient alors à la fonte des cloches, à proxi-
mité des églises auxquelies elles étaient destinées. Tel fut par
exemple le cas pour les frères Moer, de Bois-le-Duc, qui fon-
dirent à Anvers, en 1507, la célèbre cloche Carolus de l’église
Notre Dame.
Ce furent surtout les fondeurs lorrains qui opérèrent dans
notre pays. Ces artisans voyagaient régulièrement dans les
diverses provinces françaises et dansles contréés vaisines.Leurs
habitudes étaient si connues, que ces étrangers étaient appelé:
les « fondeurs ambulants », et qu’on les rencontrait, par-
courant nos villes et nos campagnes, et offrant partout les
produits de leur industrie spéciale. Chaque année, comme le
dit un de leurs historiens, les fondeurs de cloches des vallées
de la Meuse, du Mouzon, et plus généralement de la petite
province mi-champenoise, mi-lorraine, quis’appelait le Bassi-
gny, partaient, bissac au dos, pour opérer sur place. Beaucoup
avaient leur région attitrée. [ls rentraient au pays, quand la
bise était venue et que l’hiver empêchait le moulage en plein
vent On les rencontre travaillant dans ces conditions en Bel-
gique, aux XVII, XVIII* et jusqu’au milieu du XIX* siècle.
Les plus connus de ceux qui visitèrent pendant cette
période notre pays, sont les Barret, Bernard, Chapelle, Plume-
ret, Gaulard, Drouot, Regnaud et maints autres.
N'oublions pas les principaux d’entre eux, les Hemony
qui, originaires eux aussi de Lorraine, du village de Levecourt,
fondirent en Belgique des quantités cousidérables de cloches,
et finirent par se fixeren Hollande, où on les retrouve au
XVII siècle à Utrecht et à Amsterdam.
“
% *
Les cloches ne furent pas toujours employées isolément.
Il advint à certain moment que, réunies en séries parfois
nombreuses, variant de dimensions et de ton, elles servirent
à former les carillons, et devinrent les agents harmonieux
— 173 —
d'un genre musical bien spécial. C'est évidemment dans
nos provinces qu’il faut rechercher l’origine des carillons, et
leur emploi est resté en quelque sorte un monopole, dont
notre pays seul a usé, et qu'il a conservé florissant jusqu’à
nos jours.
Il paraît que l'usage d'annoncer l'heure au moyén d’une
sonnerie spéciale, de voerslage, produite au moyen de deux
ou trois cloches, aurait, en se développant, donné naissance
aux carillons. C’est au XVI° siècle que remonte leur emploi.
La sonnerie de ces deux ou trois cloches amena, par l’adjonc-
tion de cloches plus nombreuses, l’établissement d’une octave
complète. Plus tard, les octaves se multiplièrent, et on trouve
au XVIT- ou au XVIIT: siècle des carillons qui comptent jus-
qu’à soixante cloches.
Quoiqu’on connaisse des carillons dans presque toutes les
villes belges, c’est cependant dans la partie flamande du pays
qu’ils furent le plus en honneur. On constate leur existence,
non seulement dans les clochers des églises de nos grandes
villes, mais même dans les humbles villages de nos campa-
gnes, dans les monastères et aussi dans les beffrois des hôtels
de ville. Déjà Sweertius, dans le traité de tintinnabulis, de
Hieronymus Magius, donna en 1664, une vue du carillon
d'Anvers. Cette ville en possédait plusieurs; celui de la
cathédrale était le plus important. À Malines, siège florissant
des principales fonderies, les carillons étaient célèbres; celui
de Saint-Rombsut daterait du commencement du XVI: siècle;
les autres, à Notre-Dame au delà de la Dyle et au couvent des
Dominicains, étaient moins anciens. En Flandre, les chroni-
queurs font l'éloge des carillons d’Alost, d’Audenarde,
d’Oudenburg, d’Ypres, de Gand, de Bruges et de nombre
d’autres localités. Ce fut également le cas en Brabant, à
Louvain, Diest, Tirlemont, Léau, ailleurs encore. Puis, dans
la partie wallonne du pays, peut se constater l’existence de
carillons, entre autres, à Mons, à Namur, à Ath, à Liège, etc.
Queiques villes possédaient plusieurs orchestres aériens de
ce genre. N'oublions pas de mentionner les puissantes
abbayes de Tongerloo, d'Averbode ou d’Afflighem, ni les
beffrois de Tournai, de Mons, de Gand ou de Bruxelles.
eee © —
— 174 —
Pour l'usage de ces instruments, des artistes spéciaux,
des carillonneura, dont plusieurs acquirent, par leur talent,
une juste réputation, étaient attachés au service des princi-
paux hôtels communaux ou églises. Mais s'occuper davantage
de ces musiciens, serait faire une incursion dans le domaine
. de l'archéologie musicale. Les carillons ne peuvent nous
intéresser ici qu’au point de vue des cloches qui les compo-
saient. Les fondeurs qui livraient les cloches isolées, entre-
prenaient aussi In fonte de celles qui devaient servir à
constituer les carillons. C'est toutefois aux vanden Gheyn et
à Hemony que l'on doit la confection des carillons les plus
réputés.
LL
À côté des cloches colossales, destinées aux puissantes
cathédrales ou des clochettes de toutes dimensions réservées
aux carillons, les fondeurs exécutaient aussi des sonnettes.
Celles-ci, de proportions parfois fort réduites, étaient destinées
à être employées à ia main; on les utilisait pour le service de
l'autel dans les ézlises, mais surtout dans les maisons parti-
culières pour les usages journaliers. On assure que l'intéres-
sante sonnette romane en cuivre du musée de Lille aurait
été fabriquée par un des batteur: de cuivre du bord de la
Meuse Quoiqu'il en soit, c'est au XVI siècle surtont, et même
au commencement du XVII", que leur vogue fut la plus
répandue. On dut en fondre des quantités fort grandes, et bon
nombre d'exemplaires sont parvenus jusqu'à nous.
L'ornementation des sonnettes est parfois riche, toujours
gracieuse. Deux sujets surtout jouissaient d'une grande vogue
et se retrouvent sur presque toutes les sonnettes de cette
époque. C'est l’Annonciation, composée des figures de la
Vierge et de l'ange, que sépare ordinairement un vase dans
lequel fleurit le lys symbolique. Ou bien c'est Orphée char-
mant dex animaux. De courtes inscriptions accompagnent
souvent ces figurations; elles consistent en une formule de
louange à Dien ou de salutation à la Vierge. Puis, ordinaire-
ment, peuvent se lire circulairement : le nom du fondeur et la
date de la foute. De no:nbreux ornements : rinceaux fleuris,
palmettes, œuirlandes de fleurs, etc., séparent ou encadrent
ces divers motifs. Quant au manche, il ext ordinairement
formé de feuilles d’acanthes ou de petits amours adossés.
Beaucoup de ces sonnettes étaient fondues sur commande,
et souvent des armoiries indiquaient à quelle famille elles
appartenaient; parfois même le nom du propriétaire y était
inscrit en toutes lettres.
Les sonnettes les plu< rares proviennent de l'atelier de
Jean vanden Eynde ou A Fine. Celles-ci sont avidement
recherchées par les collectionneurs, et exactement cataloguées.
Ce fondeur, qui pendant une grande partie de sa vie fut
établi à Anvers, est originaire de Malines où il aurait même
terminé son existence. Les vanden Gheyn lui succédèrent,
et pendant longtemps, pour le: sonnettes, employèrent des
moules dans le genre de ceux dont vanden Eynde s'était servi
pour embellir les produits de son atelier. Les sonnettes qui
portent le nom d’un des vanden Gheyn sont excessivement
nombreuses. Ces mêmes fondeurs exécutèrent aussi quautité
de mortiers de tous formats pour lesquels ils utilisaient aussi
le métal de cloches.
Si les vanden Gheyn et les vanden Eynde furent les
principaux fondeurs de sonnettes, d’autres toutefois, à l’occa-
sion, en coulèrent aussi, et on en rencontre qui portent les
noms de Declerck, Witlockx, Dumery, Lefever, Melliaert, ou
d'autres encore.
Des clochettes de plus petit format s’employaient encore
à divers usages. On les réunissait à plusieurs daus uu couver-
cle circulaire, ordinairement orné de motifs découpés, et alors
elles servaient, en guise de carillon d’autel, pour produire les
sonneries liturgiques pendant le saint sacrifice de la messe.
D'autres fois, fixées à des roues,appelées alors roues de prières,
où à des traverses placées sur une hampe, elles étaient égale-
ment agitée pendant certaines cérémonies religieuses. Enfin,
les clochettes des formats les plus réduits servaient même de
parure, et étaient fixées à diverses parties de certains vète-
ments d'apparat.
— 176 —
C’est le plus souvent à l'exercice du culte religieux que
les cloches sont appelées à contribuer. Il faut donc qu’une
consécration spéciale, qu’une bénédiction liturgique les appro-
prie à ce pieux usage. L’Eglise, par les cérémonies symboliques
dont elle entoure leur baptême, témoigne de toute l'importance
du rôle qu’elle reconnaît aux cloches.
Voici d’abord le prêtre officiant qui, dans l’eau devant
servir aux onctions, répand du sel et de i’huile, pour indiquer
Ja sagesse chrétienne et la douceur des vertus évangéliques,
qui comptent parmi les grâces les plus insignes conférées par
le baptême. Pendant ce temps le chœur entonne les psaumes
inspirés, dans lesquels le barde divin engage les éléments
divers et la nature toute entière à rendre hommage au Créateur
de toutes choses.
D'autre part, l’officiant, après avoir lavé la cloche inté-
rieurement et extérieurement, adresse à Dieu une fervente
prière pour qu'il lui accorde la vertu, quand elle sera mise en
branle, d'appeler les chrétiens au temple saint, de conjurer
les dangers qui peuvent les menacer, et de transmettre au
Seigueur les supplications de ses fidèles.
Le prêtre essuie ensuite la cloche, tandis que les assistants
entonnent un autre psaume, dans lequel le saint roi David
célèbre éloquemment la puissance de la voix du Seigneur,
dont la cloche devra dorénavant être l’emblème fidèle.
Il faut ensuite que, par une onction spéciale, le pouvoir
soit accordé à la cloche d’obtenir, pour les fidèles, la force pour
résister et vaincre les tentations. Ces onctions, faites au moyen
du saint chrême, sont extérieurement au nombre de sept et
intérieurement de quatre. L’officiant les trace en forme de croix,
tandis qu’en même temps, il adresse au Ciel de nouvelles
supplications.
La cloche est ensuite encensée ; puis, dans une dernière
oraison, le prêtre demande à Dieu, que partout elle puisse
répandre le calme et la joie, et qu’elle obtienne, pour tous les
fidèles, l'assistance constante et continuelle de la divine
Providence.
On donne enfin la parole à la cloche, c’est à dire, qu'après
lui avoir imposé le nom que désormais elle portera, le prêtre
— 177 —
ainsi que le parrain et la marraine la frappent chacun de trois
coups de battant.
Désormais elle est apte à exercer la mission religieuse
pour laquelle elle a été créée.
*
* *#
Le baptême des cloches emprunte au symbolisme sa prin-
cipale raison d'être et y rattache ses multiples cérémonies.
C'est ordinairement au prédicateur qu’elles sont comparées ;
en quelque sorte on les personnifie, on leur reconnaît un
pouvoir presque surnaturel. De là découle la mission toute de
prédication et de défense que la cloche est appelée à remplir.
Sa voix éclatante a le don de mettre en fuite l’ange des
ténèbres; elle porte jusqu’au Ciel la prière que traduit sa
sonnerie, et ses appels divers commémorent aux fidèles les
devoirs les plus importants qui leur incombent. Ces missions
si précieuses sout en quelque sorte les mêmes que celles qui
sont imposées au prêtre, au prédicateur sacré. Et c'est dans cet.
ordre d'idées que le ministre du Seigneur, lors de son entrée
dans la carrière sacerdotale, en une symbolique action, reçoit
en mains la corde de la cloche qu’il devra agiter souvent, et
qu'il devra faire vibrer de la même manière que sa voix devra
répandre parmi tous les fidèles les vérités de la religion, et
sans cesse leur rappeler leurs devoirs et leurs obligations.
C'est de cette symbolique qu'est issu l'usage de sonner
les cloches pendant les orages. D’aucuns seront sans doute
tentés de voir dans cette coutume une action purement
matérielle, destinée à provoquer une conséquence physique
naturelle. C’est une erreur manifeste.
La liturgie ne prescrivait pas, pendant les tempêtes, de
sonner les cloches à toute volée, mais simplement de produire
de lents tintements. Ceux-ci ne devaient pas empécher les
nuées orageuses de décharger sur les clochers l'électricité
dont elles étaient porteuses. Mais la cloche ne devait ici
exercer qu’une mission, en quelque sorte sacramentelle. La
bénédiction liturgique lui avait attribué des vertus spéciales,
et ses sonneries constituaient en réalité une prière, assez puis-
tante pour vaincre la force du fléau des tempêtes.
12
— 178 —
Mais ce but fut, dans la suite des siècles, perdu de vue,
et la coutume s'établit de sonner les cloches pendant ies orages
pour annihiler les effets funeste: de la foudre. A Anvers,
des employés communaux étaient spécialement chargéx de
cette mission, et, dès que les premiers symptômes orageux se
manifestaient, les membres de la congrégation aérienne de
Donder en blirem, étaient tenus de gravir en hâte les innombra-
bles marches menant au sommet de la tour de la cathédrale
et de mettre en branle une des cloches, jusqu'à ce que la
fureur des éléments se fût apaisée,
“e
Les cloches servaient encore à des usages plus ration-
nels et universellement établis. Ceux-ci se retrouvent aussi
bien dans le domaine religieux que dans le domaine civil.
Pas une cérémonie religieuse ne pouvait se célébrer sans
qu’elle eût été portée à la connaissance des fidèles par les
sonneries des cloches. Celles-ci annoncaient les services jour-
paliers et dominicaux; elles sonnaient joyeusement lors des
naissances et des mariages ; elles tintaient lugubrement quand
elles étaient mises en branle pour les enterrements; elles se
faisaient également entendre, quand il s’agissait de commé-
morer une victoire ou de célébrer quelqu’événement officiel ;
enfin, trois fois par jour, bien doucement, elles engageaient
les chrétiens à élever leur cœur vers Dieu et à saluer la divine
mère du Christ.
D'autre part, les sonneries des cloches étaient intimement
mèêlées à la vie journalière et aux usages de nos pères. Elles
indiquaient l'heure à laquelle les ouvriers et les artisans
devaient se rendre à leur besogne, et annoncaient ensuite le
moment de la cessation du travail de chaque jour. L’ouver-
ture des portes des villex, et l’heure à lagnelle on les fermait
chaque soir, étaient rappelées par les hruyantes vibrations de
cloches, spécialement destinées à cet usage. Peu après résonnait
le couvre-feu, engageant tous les bourgeois à éteindre les
lumières et à se livrer au repos. Un incendie éclatait-il, sans
— 179 —
tarder, les cloches frappées de coups rapides, donnaient
l'alarme et conviaient tous ceux qui le pouvaient à combattre
le terrible élément. Pendant les inondations, si fréquentes
dans nos provinces septentrionales, les mêmes signaux étaient
donnés. Enfin, s’agissait-1l de signaler un danger pressant,
d'annoncer la présence de l'ennemi, de convier tous les
citoyens à la défense de la patrie, les sons lagubres du tocsin
jetaient partout l’alarme et la crainte.
Dans des circonstances moinstragiques, les cloches étaient
encore utilisées. C'était gràce à elles que s’annoncaient les
ventes publiques, que se transmettaient les ordres et se
publiaient les arrêtés de l'autorité, que se réglaient les distri-
butions de certains secours aux malheureux, que souvraient
et se clôturaient plusieurs réunions publiques, telles que celles
qui se tenaient daus les bourses de commerce, les tribunaux,
etc. Enfin, quand un brouillard opaque dérobe anx naviga-
teurs les dangers semés sur la route des mers, c'est au son
de la cloche, qu’ils tâchent de se diriger et de signaler leur
présence aux vaisseaux perdus dans leur voisinage.
*
# *
La cloche est encore employée dans quelques sciences
subsidiaires, telles par exemple, l’héraldique et le folklore.
Le modeste campanile, élevé sur quelque toit campagnard
et abritant une clochette, servit plus d'une fois de preuve
nobiliaire à certains généalogistes avides de découvrir des
signes de noblesse chez des ancêtres, qui ne se seraient peut-
être jamais doutés du rôle que, plus tard, on aurait fait jouer
à la prosaïque sonnette servant à les ramener au home
familial, à l'heure des repas.
Plusieurs familles belges placèrent des cloches, sonnettes
ou grelots parmi les meubles de leurs écus. Ordinairement ces
signes avaient une signification parlante et rappelaient le nom
ou parfois la profession de leur propriétaire. Il serait bien difti-
cile de leur prêter une autre raison d'être,
D'autre part, la légende s'en est emparée ; dans les cam-
pagnes flamandes, surtout en Campine et dans les Flandres,
— 180 —
le peuple affirme qu’en maints endroits il existe des marais,
des étangs ou des puits, dans lesquels des cloches sont cachées.
Une fois par an, à minuit, on entend leurs sons lugubrement
se répandre dans le silence de la nuit. C’est ordinairement
à minuit, à la Noël, que ces sonneries retentissent.
Le démon parfois a joué un rôle dans ces légendes; ce
“sont des cloches non bénites qui d'elles mêmes quittent les
clochers pour s’enfoncer dans les eaux de quelqu'’étang voisin,
ou bien encore, quelques diables mal intentionnés qui les y
précipitent. Peut-être faut-il voir dans ces légendaires croyan-
ces quelqu'héritage, transmis par le moyen-âge, du culte païen,
que les peuplades primitives exercèrent autrefois en ces
endroits solitaires, au milieu des bois touffus ou des vastes
bruyères.
a
I] serait intéressant d'établir la bibliographie complète des
‘études campanalogiques publiées en Belgique.
Il a naturellement été question des cloches, de leur
histoire, de leurs inscriptions, de leurs légendes dans nombre
de publications d'un intérêt plus général, telles les descriptions
de monuments, les monographies de villes ou villages, les
recueils épigraphiques, les traités d'histoire musicale, les
ouvrages d'archéologie ou les revues de folklore. Mais nous ne
voulons renseigner ici que les études ayant exclusivement et
directement trait aux cloches. Il y a lieu de remarquer encore,
que nombre de renseignements pourront être puisés dans des
publications parues à l'étranger et notamment en France,
mais nous ne voulons nous occuper que de celles qui se rappor-
tent exclusivement à des cloches belges ou originaires de
Belgique.
En voici une première liste :
1608. Hieronymus Magius. De tintinnabulis cum notis
Francisci Sweertii. Diverses éditions : Hanovre 1608.
— Ainsterdam 1664. — Amsterdam 1689. — La Haye
1724.
1631. Laurentius Beyerlinck. Magnum theatrum humanæ
vitæ sub vocibus campana, tintinnabulum, etc. Cologne.
— 181 —
Abbé Needham. Recherches sur la question si le son
des cloches, pendant les orages, fait éclater la foudre
en la faisant descendre sur le clocher, etc. Bruxelles.
. Arn. Schaepkens. Jean de Venloo, fondeur du XV°
siècle. Gand.
. G. J. Avontroodt. Iets over de uerwerken en klokken
op de torens. Antwerpen.
. Georges Dumery, fondeur de cloches et ses descendants
fondeurs de cloches. Bruges.
Le carillon de Bruges. Bruges.
. Abbé Stroobant. Les cloches. Bruxelles.
. Ed. Gregoir. Schetsen over de bijzonderste en tot hier
toe weinig gekende belgische en nederlandsche klok-
gieters en beiaardmakers. Louvain.
. H. Vande Velde, Anciennes cloches. Le Bumke de
Furnes. Bruges.
. Alexandre Schaepkens. Des cloches et de leur usage.
Bruxelles.
. P.-V. Bets. Bijzonderheden over de beijaerden van
Thienen. Louvain.
Abbé Bets. Le carillon de Tirlemont. Louvain.
. Xavier van Elewyck. Mathias Vanden Gheyn, le plus
grand organiste et carillonneur belge du X VIIT: siècle
et les fondeurs de cloches de ce nom depuis 1450
jusqu’à nos jours. Paris,
. Raymakers et dela Faille. Geschiedkundige wandeling
op de St. Rumoldus toren te Mechelen. Malines.
. Ed. Gregoir. Over het klokkenspel. Louvain.
Ed. Gregoir. Verhandeling over de klok. Louvain.
. Ed. Gregoir. Schetsen over belgische en nederlandsche
klokgieters en beiaardmakers. Louvain.
Ed. Gregoir. Het oudste klokkenspel van Nederland.
Gand.
. Voisin. De l’orgue, des cloches et du carillon. Tournai.
G. Fourdin. La tour et le carillon d’Ath. Mons.
J. Andries. Remarques sur les cloches et les carillons,
suivies d’une description de la grande horloge de la
cathédraie de Strasbourg et d’une notice sur le carillon
de Gand.
— 182 —
H. Bormans. Clcches liégeoises dans la cathédrale de
Rouen. Liége.
. De la Grange et Cloquet. Fondeurs de cloches tournai-
siens. Tournai.
. Des cloches et de l'usage légal qu’il est permis d'en
faire, par un ancien magisirat de Flandre. Bruges.
. Jules Sabbe. De klokke Roeland. Bruges.
J. Steurs. De toren van Sint Rombautskerk te Meche-
len. Malines.
. Edouard-G.-J. Gregoir. Bibliothèque musicale popu-
laire, II. Les carillons. Bruxelles.
. De la sonnerie des cloches des églises. Régime légal pour
les deux Flandres. Bruges.
. L. St. (C'* de Limburg Stirum). Le carillon d’Ath.
Gand.
. C' de Limburg Stirum. Le rachat des cloches de Gand
en 1678. Gand.
. Paul Bergmans. Pierre Joseph Le Blan, carillonneur de
la ville de Gand au XVIÏIT siècle. Gand.
. B" de Rivières. Cloches et clochettes. A propos d’une
nouvelle clochette de Joannes à Fine. Montauban.
. B" de Rivières. Clochettes. Une douzième de Johannes
à Fine. Clochette du XVIIT: siècle. Montauban.
Fonderie Severin Van Aerschodt. Louvain.
G. Matthieu. Thomas Tordeur, fondeur nivellois.
Nivelles.
Pol Demont. Van groote klokke en van kleine. Gand.
Eenige aanteekeningen rakende de Mechelsche klok-
gieters. Malines.
lets over klokken en klokgieters. Malines.
À. Van Redichem. Iets over de klokken. Gand.
. F. M. Peard. The belfry bell of Bruges. Londres.
. Ad. Delvigne. La bénédiction des cloches. St. Josse-
ten-Noode.
Alf. Harou. De klokken. Anvers.
.J. Neghy. L'exportation des cloches des fondeurs
belges au XVI: siècle. Bruxelles.
. Dr G. Van Doorslaer. Le carillon et les carillonneurs
de Ja tour de Saint Rombaut. Malines.
1898.
»
1899.
— 183 —
3. Dr G. Van Doorslaer. De Mechelsche klokgieters. Ma-
lines.
. Fernand Donnet.Notes historiques relatives aux beaux-
arts au XV siècle. Anvers.
. E. Matthieu. Les fondeurs de cloches nivellois. Jean
Tordeur. Nivelles.
Fernand Donnet. La refonte de la grosse cloche de
l’église de Tamise en 1675. St.-Nicolas.
Charles Laurent. Les cloches. Anvers.
Dr G. Van Doorslaer. Le carillon et les carillonneurs de
l’église Notre-Dame au delà de la Dyle. Malines.
. F. Golenvaux. Esquisses namuroises. Cloches et caril-
lons. Namur.
Mgr. X. Barbier de Montault. Une clochette flamande à
l'exposition d'Angers. Montauban.
P.-G. De Maesschalck. Klokkenagie van Dendermonde.
Termonde.
D' G. Van Doorslaer. Les carillons et les carillonneurs
à Malines.
. Dr Van Ramdonck. Onze beiaard. St. Nicolas.
Mgr. X. Barbier de Montault. Une clochette à main du
X VII: siècle. Poitiers.
D' G. Van Doorslaer. Eenige aanteekeningen rakende
de Mechelsche klokgieters. Malines.
Baron de Rivières. Une nouvelle collecte de clochettes
de Johannes à Fine. Montauban.
Jos Berthelé. La cloche italienne de l’église de Charly
sur-Marne et les cloches hollandaises de l'église de
Saulcherry. Château-Thierry.
Comte de Marsy. Les sonnettes des fondeurs malinois.
Malines.
P. Notes sur quelques cloches de la Flandre.
Charles Hodevaere. L’estimation des cloches trouvées à
Mons, lors du siège de 1709. Mons.
P.-G. De Maeschalck. Klokkenagie der gemeenten van
het arrondissement Dendermonde. Termonde.
Fernand Donnet. Les cloches d'Anvers. Les fondeurs
anversois. Anvers.
1900.
— ]84 —
Baron de Rivières. Les cloches d'Anvers et les docu-
ments historiques sur Joannes à Fine. Montauban.
Comte de Marsy. Les cloches d'Anvers. Les fondeurs
anversois. Caen.
L. Stroobant. Notes sur les fondeurs de cloches mali-
pois. Malines.
Fr. Steurs. De toren van Sint-Rumbautskerk te Meche-
len. Malines.
. Arm. de Behault de Dornon. Notice historique sur les
clochettes et les carillons de Mons. Anvers.
Paul Bergmans. Variétés musicologiques. Documents
inédits ou peu connus. 2° série. Gand.
. Edm. Geudens. Jean-Jacq. Huaert, fondeur de cloches,
d'après ses mémoires. Anvers.
Louis Stroobant. Miscellanés malinois. Notes historiques
sur les familles d'artistes fondeurs de cloches de
Malines. Malines.
À Paquay. De klokken der abdij van Sint-Truiden.
Hasselt.
M. Maris. Klokken en beiaarden. Hasselt.
1903. Edm. Geudens. Les cloches de Puiderbosch et de Mys-
»
»
hagen, et le carillon de Hasselt. Anvers.
Baron de Rivières. Les cloches, clochettes et marteaux
pilons des fondeurs van den Gheyn. Montauban.
S. De Schryver. Quelques anciennes cloches d'église de
fabrication belge en Italie et eu Angleterre. Bruxelles.
1904. Arm. de Behault de Dornon. Les fondeurs de cuivre
Grognart de Dinant. Namur.
Comte du Chastel dela Howarderie Neuvireuil. Epita-
phes de l’église de Jollain-Merlaiu, et inscriptions de
ses cloches. Soignies.
L. Claeys. Ignatius De Cock. Gand.
1905. Jos. Berthelé. Archives campanaires belges et rhénanes.
Vv U uv Vv
Auvers.
Dr F. Desmons. Les cloches de Tournai. Anvers.
Fernand Donnet. Variétés campanaires. Anvers.
D' G. van Doorslaer. Onze klokgieters. Malines.
Jules Dewert. Les sonneries de cloches pendant les
orages. Liège.
— 185 —
1905. Fernand Donnet. Trois cloches flamandes du Limousin.
Anvers.
1906. Ernest Matthieu. L'horloge et le carillon du beffroi de
Tournai en 1543-1544. Anvers.
Dr Desmons. Marie Pontoise. Tournai.
Fr. De Ridder. Opschriften der klokken van Neer Hei-
lissen. Donk.
» Beiaard en klokken. Malines.
» Ophet klokkenspel van Jef Denyn te Mechelen. Malines.
» Baron de Rivières. Les clochettes de Johennes à Fine
Nouvelle collecte recueillie par M' Fernand Donnet
d'Anvers. Montauban. |
> Ern. Matthieu. Les fondeurs de cloches nivellois. Les
Tordeur. Nivelles. |
1907. Dr van Doorslaer. Johannes à Fine ou les vanden
Eynde, fondeurs à Malines. Anvers.
En ce résumé très succinct, nous croyons avoir donné une
idée assez fidèle des débuts de l’archévlogie campanaire en
Belgique. Il n'y a pas longtemps que ces études sont en
honneur chez nous. Dans ce domaine beaucoup reste encore
à faire. Le champ de travail est vaste et la récolte peut encore
être fructueuse.
Il serait à souhaiter que l’on recueille toutes les mentions
faites dans les auteurs du moyen-âge, dans les comptes et
autres documents de cette époque, dans lesquels il est ques-
tion des cloches, de leur fabrication et de leur emploi.
On devrait s'appliquer à signaler, en les décrivant,
toutes les anciennes cloches existant encore dans notre pays,
soit qu’elles aient été conservées dans les églises ou les monu-
ments civils, soit qu’on les ait recueillies dans des collections
publiques ou privées. On pourrait en même temps décrire
celles qui proviennent d’ateliers belges et qui sont détenues à
étranger. ‘
En même temps, il faudrait dans nos différentes pro-
vinces, en compulsant toutes les archives, en dépouillant
les comptes des églises, en réunissant les documents de toute
nature, s’efforcer de condenser et de classer tous les matériaux
— 186 —
qui peuvent contribuer au développement des études campa-
nalogiques.
Il y aurait intérêt, d’autre part, à compléter la biblio-
graphie spéciale que nous avons esquissée plus haut.
Enfin, il serait hautement désirable que l'étude, au point
de vue liturgique et archéologique, de la question que nons
venons d'analyser brièvement, amène une réaction salutaire
dans la composition des inscriptions dont on dépare trop sou-
vent aujourd’hui nos cloches nouvelles. Qu'on en revienne aux
saines traditions du passé, qu'on ne perde plus de vue le
symbolisme si pur et si élevé dont la cloche est l'emblème,
qu'on s'imprègne de l'esprit religieux qui se manifeste si
clairement dans les cérémonies de la bénédiction ; et l’on verra
les banales et insipides inscriptions, les vaniteuses énuméra-
tions de noms quelconques, remplacées comme autrefois par
de concises indications, par de pieuses in vocations, qui rappelle-
ront en termes précis, et le rôle que doit jouer la clache, et la
gloire des puissances célestes auxquelles elle transmet l’hom-
mage de ses accents harmonieux.
Pour atteindre ces buts nous croyons que, sans contredit,
un des moyens les plus efficaces sera certainement l'étude
approfondie et sérieuse de l'archéologie campanaire en
Belgique.
Etude sur la déesse gallo-romaine Epona,
par Cuarces ARENDT,
Architecte de l'Etat lire, à Luxembourg.
Maint touriste, qui visite les musées lapidaires de Trèves,
de Metz, de Luxembourg, d’Arlon, etc., ignore la signi-
fication de la femme assise sur un cheval ou mulet, figurée sur
des bas-reliefs romains. C’est la déesse Epona, protectrice des
chevaux, mulets, etc., mentionnée par les auteurs romains
Juvenal (1), Apuleius (2), Fulgentius (3), et ies auteurs chrétiens
Félix Octavianus (4), Tertullien (5) et Prudentius (6). La
présente étude nous a été suggérée par les laborieux rapports
de Messieurs Reinach et Keune, insérés respectivement dans
Ja Revue archéologique et l'Encyclopédie de Pauly.
L'origine gauloise de la déesse en question est incontes-
table. Elle est prouvée : a) par l'étymologié du nom, qui dérive
de la racine celtique « epo », qui signifie « cheval »; 5) par le
grand nombre de bas-reliefs et d'inscriptions votives qu’on a
trouvés notoirement dans les pays appartenant à l’ancienne
Gaule. C’est en effet dans la « Germania superior », dans
le pays de Trèves (Civitas Trevirorum) et la « Gallia
Belgica », que le culte de la déesse Epona semble avoir été
le plus répandu. Les Gaulois, en général, jouissnient d’une
grande réputation dans le voiturage et dans l'élevage des
chevaux et mulets (7); et spécialement les Trévires étaient
(1) Juv 8, 155-157.
(2) Apul. met. IIT, 27.
(3) Fulg. sermon antiq. 11.
(4) Fel. Oct. 28, 7.
(5) Tertull. apolog, 16.
(6) Prud. apoth. 197-199,
(7) Varro r. r. 11, 10, 4. Et Caesar, b. G. IV, 2, 2,
— 188 —
cités comme d’excellents cavaliers (1), ce qui leur valut l’hon-
neur d’être incorporés dans les « Equites singulares » de
Rome (garde impériale à cheval).
*
* *
Iconographie : Voici une courte énumération, illustrée de
quelques clichés, de bas-reliefs où la déesse est figurée à
_ cheval.
Æ Les premières ci-
SN tations se trouvent
, À dans l’ouvrage de
Sr YF | Wiltheim (2). Les
dessins à la plu-
Ine sont fort rudi-
mentalres, comme
l'indiquentles deux
réductions _ ci-con-
tre. N° 8. Epona,
à cheval, est placée
de face, tenant dans
la main gauche la
bride et dans la
droite une corbeille
remplie de fruits,
qui repose sur son
N° 8. Bas-relief trouvé à Contern (G.-D.). giron. Cet attribut,
emprunté aux « Matres », ainsi que le poulain sous le cheval,
symbolisent la fécondité. La déesse porte un voile et une
tunique, dont le bas est décemment plissé sur les pieds. La
CN CU
en
vente
AE LEE: EE
(1) Caes. b. G. 1I. 24, 2, et Servius Lucan, I, 425. Ces soins pour l'éle-
vage des chevaux, mulets et ânes s'expliquent par les fréquents transports,
commandés par les florissantes relations commerciales entre Trèves, Reims,
Tongres, Mayence, Strasbourg, etc. et l'Italie.
(2) Luciliburgensia sive Luxsmburgum Romanum. Edition Aug.
Neyen. — Album, PI. 31, fig. 112, et PL. 54, fig. 207.
(3) L'amalgamation du culte des Déesses-Mères avec le culte d'Epona
se manifeste encore dans les inssriptions votives de cette dernière. — Voir
plus loin.
— 169 —
monture, fort cheval de labour,
marche de gauche à droite. Wil-
theim rappelle la définition de Var-
ron : « Ops Mater, quod Terras
nutriat ».
N° 9. Ici la déesse, égale-
ment assise de face sur un cheval
de labour qui marche en sens
inverse,tient dans la main gauche
un légume ou un fruit sur son
giron, et la bride dans la main
droite. Elle est coiffée d’une espèce
de turban ou de nimbe, et a les
bras nus. Les pieds sontcachéssous
la robe ornée d’une large bordure.
N° 10. Sur ce bas-relief,
bien conservé, de 0"63 de hauteur,
Epona est assise à califourchon
sur un cheval de race, dont elle
tient la bridedans la main gauche,
tandis que sa main
droite se pose contre
un petit chien placé
sur son giron. La
déesse a la tête, le cou
et les avant-bras nus.
Elle est habillée d’une
longue robe élégam-
ment drapée.
Au total il a été
trouvé dix bas-reliefs
d'Epona, daus l’an-
cien duché de Luxem-
bourg,dont un à Wey-
merskirsch, un à Al-
trier (1),et un àGrand-
court-Ruette lez Virton.
(1) Actuellement au Musée de Bonn.
No 9. Fragment d'un bas re-
lief en grès, provenant du ci-de-
vant Gaudin du Mansfeld (G.-D.).
No 10. Bas-reliefen grèa trouvé
à Dalheim (G.-D.)(Musée de Luxembourg).
— 199 —
N°11 Epona de Grandcourt Ruette.
N° 12, Epona trouvée en 1902 à Ja
Hvrgne-uu-Sab!
N°11. Ce der-
nier est ‘conservé
au musée d’Arlon.
La déesse assise de
face sur un cheval
marchant vers la
droite, est nu-tête,
et habillée d’une
simple robe resser-
rée entre les jam-
bes. La main droite
tient une fleur;
l’autre la bride: Le
travail est des plus
rudimentaires.
En Alsace on a
trouvé un relief
d’Epona à Belfort.
On connait 12 bas-re-
liefs d’Epona trouvés
dans le pays de Zrêves ;
2tronvés dans le Wire
temberg; 1 à Loisia, dans
le Jura (la déesse est
décolletée et couronnée
d'uu diadème); 1 à Bre-
gance(Raetia); 1 à Tienne
(Gallia Narbonensis); 1 à
Reims (bronze); 1 à
Heidelberg (avec socle
montrant sur l’une des
faces la déesse marchant
vers un temple, et sur
l'autre des vases de sa-
crifices); et divers autres
conservés au Musée de
Saint-Germain (France).
Les trouvailles les
— 191 —
plus récentes ont été faites dans le pays Messin (Civitas
Mediomatricorum).
N°12. Sur le bas-relief marqué n°5, la déesse coiffée
d’un bonnet plat, dont les rubans lui tombent sur les épaules,
est habillée d’une longue robe, et assise de face sur un beau
coursier, qui galope vers la droite. La sculpture est trop
avariée pour pouvoir préciser l’objet teuu par la main
droite.
N° 13. Ici Epona,
coiffée d’un haut bonnet,
tient la bride flottante
d'un cheval vigoureux
qui marche vers la droi-
te. Elle est assise de
face, dans une position
courbée, et drapée dans
une longue robe.
Sur le bas-relief
n° 14, très fruste hélas,
la déesse est assise à
califourchon sur un ma-
gnifique cheval de race,
qui se cabre, et dont elle
tient les brides, Elle est
drapée dans une lon-
gue robe à collet, et
coiffée d'une espèce de
turban.
D'autres reliefs en
pierre, figurant Epona à
cheval, furent découverts
antérieurement déjà en Lorraine, à Sarpaigne lez-Dieulouard
(Sarpona), à Fentsch, et à Murville. Ce dernier fut recueilli
dans une écurie.
On admet généralement que lei bas-reliefs d'Epona à
cheval, tous de petites dimensions d’ailleurs, étaisnt placés
dans une niche ménagée au-dessus de In porte d’écurie, ou
bien à l’intérieur de celle-ci.
No 13. Trouvé à La Horgne-a.-5., en 1903.
— 192 —
On connait deux cas, où la déesse tient une clef d’écurie en
main (1). 11 existe également d'Epo-
ua 20 reliefs, 12 en bronze et 1
en bois. Dans le plus grand nombre,
l'influence de l'art romain est ma-
nifeste.
*
Li
Mais il ne faut pas croire
qu’Epona soit exclusivement figu-
rée à cheval. Nous connaissons 17
bas-reliefs, dont 2 avec inscrip-
tions, qui représentent la même
déesse debout, ou assise sur un
trône, ayant à ses côtés deux ou plu-
sieurs chevaux qu'elle caresse, ou
auxquels elle donne à manger.
Comme tels nous mentionnerons
les bas-reliefs de Dalheim (G.-D. de
Luxembourg); de Forbacherhof,
conservé au musée de Sarbrück,
et dont un bon moulage se trouve
au Musée provincial de Trèves;
de Worms, d'Elouges (Hainaut);
de Kaperburg (2) (Castel-frontière,
N° 14. Bas-relief trouvé Limes); de Heddersheim; de Naiz (3)
en 19238 La HorgneauSablon. …(Nasium); de Jabreilles (lez Limo-
ges). Ici Epona tient dans sa main gauche une corne d’abon-
(1) En visitant le Tyrol, pays réputé sincèrement religieux, nous avons
eu l'occasion de remarquer, dans une niche au-dessus d'une porte d'écuric,
une statuette de suirt nyant à ses pieds un petit cheval. Interrogé sur le
nom de ce saint, le prysan nous répond : « Mais c'est saint Léonard, notre
patron pour les chevaux ». Ne sersit-ce pas là une réminiscence du culte
gaulois d'Epona ? Chez nous, à la campagne, on vénère saint Vendelin
comme patron des moutons, saint Pelagius comme patron des bêtes à cor-
ces, saint Hubert comme protecteur ces chiens, ete. (Comp. D'H. Alt,
Iconographie des sainte, 1845, p. 268).
(2) Avec inscription.
(8) Avec inscription.
— 193 —
dance, et dans sa droite la bride d'un cheval; de Æéris
(Allier); sur ce relief la déess> marche à côté d'un cheval,
dont le pied droit est soutenu par un génie assis par terre ; de
Rouillac (Charente); de Saint-Leu (Algérie); de Rome (3 reliefs
et une fresque dans un cirque); d' Adria (2 gemmes avec
inscription); de Milan; de Wurtemberg (Epona assise sur uu
trône ayant d'un côté 3 chevaux et de l'autre côté 4 chevaux;
en dessous un second relief figure un chariot attelé de 3 che-
vaux devant une scène de sacrifice); d'Angleterre (brouze). .
C'est dans cette derniers catégorie de bas-reliefs surtout que
se manifeste l'influence de l'art romain.
*
% *
Epigraphie. Non moins fréquentes, quant au culte
d'Epona, sont les inscriptions, trouvées sur des autels votifs,
(cippi) et des restes de temples. Voici d'abord l'inscription
d'un autel votif rapporté de Æeingeratk, cercle de Bernkastel,
dans le Musé2 provincial de Trèves : « IN H.(onorem) D.(omus)
D.(ivinae). DEA.(e) EPONE VICA.(u)[ BELG.(inates)P.(osue-
ruot),CVRANTE G.(aio) VELORIO SACRILLIO Q.(uaestore)».
— Tra luction : « En l'honneur de la Maison Impériale. Les
habitants du village Belginum (1) posèrent cette invocation à
la dézsse Epona par les soins du trésorier Cajus Velorius
Sacrillius ».
Quelquefois l'inscription est courte, comme celle de Zug-
mantel (camp d’une cohors Trevirorum) « D(eae) EPON(ae)
(sub) CVRA. T. (des) VO. PO. (suit.) » et celle de Æaper-
burg : «IN H.(onorum) D.(omus D.(ivinae) DE.(ae) EPON. (ue)
BILICG)VS GEMATVS COLIEG()S SV(ijS DE IV.(ssu)
DE(ae) »
Plus longue est l'inscription sur un reste de temple à
Entrains(Intaranum, Gallia Lugdunensis, Lyon) : «AVGVSTO
SACRVM, DEAE EPONAE CANNONIVS ICOTASGI FIL.
(ius) TEMPLVM CVM SVIS ORNAMENIS OMNIBVS DE
(1) Le vicus Belginum, dans les ruines duquel on a trouvé cette
inscription, est marqué sur la carte de Peutinger entre Noviomagus
(Neumagen) et Dumnissus (Kirchberg), sur la route Bingen-Trèves.
13
— 194 —
SVO DONNAVIT L(ibens) M{erito).» Et l'inscription d'Z/osta. :
castel de l’ala I Tungrorum frontoniana : « EPO(nae) ALA. I.
(Tun)GR(orum) FRO(ntoniana) CVI.P.(raest) C.IVL.(ius) S(ol-
vit) L.(ibens) M(erito) ».
A l’exception de dix ou onze, les 71 inscriptions conuues
émanent, soit de simples soldats, soit de chefs militaires ou
de corps de troupe; très souvent on voit des noms de
divinités ou de génies locaux (Genius Leucorum, Genius terrae
Britannicae, Matres campestres, Mairae, etc.) associés à
Epona. Celle-ci est qualifiée parfois « Regina Augusta »,
« Regina Sancta. »
À Rome nou: connaissons, outre une chapelle dédiée à
Epona, plus de dix inscriptions provenant du sanctuaire de la
caserne des « Equites singulares » susmentionnés (1); il
n'est pas difficile de constater la nationalité gauloise des
soldats dont les noms (2) y sont cités comme fondateurs de
l'invocation, et parmi lesquels on trouve parfois un « decurio »,
voire même un centurion. |
On peut en conclure que le culte d'Epona semble avoir
été implanté en Italie par des soldats de la garde impériale à
cheval, recrutés comme il a déjà été dit, dans les provinces
autrefois gauloises ou germaines. |
Luxembourg, février 1907.
(1) En voici une : « IOVI OPTIMO MAXIMO, IVNONI, MINERVA;
MARTI, VICTORIAE; HERCYLI. FORT VNAE,; MERCVRIO, FELICITATI;
SALVTI, FATIS, CAMPESTRIBVS: SILVANO, APOLLINI, DIANAE ;
EPON#, MATRIBVS, SVLEVIS ET GENIO SINGVLARIVM AVGVSTI
CETERISQVE DIS IMMORTALIBVS ».
Toutes les inscriptions susmentionnées sont enregistrées dans le
« Corpus Inscriptionum Latinarum » édité par l’Académie royale des
sciences à L’erlin.
(2) Luxius, Gallio, Ripanus, Gematue, Marcus, Belicius, Trever,
Frigo, etc.
Dispositions adoptées en Belgique
dans la construction des donjons romans,
par Josepx DE WAELE,
Architecte, à Gand.
Lorsque les barbares s'emparèrent du sol des Gaules, le
territoire fut partagé entre les chefs conquérants; ceux-ci
s'isolèrent en entrainant chacun un noyau de guerriers et
s'installèrent à demeure dans l'endroit de leur domaine qui
leur semblait le plus favorable.
L'égalité, née de lu vie des camps, dut souffrir de ce
nouvel ordre de choses et disparaître à mesure que l'idée de
propriété s'étendait chez les conquérants; du reste, il fallut
quatre siècles pour en arriver à l’état de sujétion que fut le
régime féodal.
La demeure du chef, ou plutôt le fort qu’il habitait, fut
établi en plaine ou sur une colline suivant la nature du pays.
Dans le premier cas, le réduit était entouré d’une palissade
bordant un fossé, généralement de forme ovale. La demeure
s'élevait sur une motte de terre rapportée, au milieu de l’espace
enclos. Elle garda le nom de donjon quand, plus tard, l'agglo-
mération de bâtiments, élevés autour de ce point culminant,
mérita le nom de château.
Quand la demeure était établie sur un escarpement, on
profitait d’un plateau naturel dont la configuration était alors
adoptée pour le tracé de l’enceinte. Si l'assiette, soit en plaine,
soit sur une colline, n'était pas assez vaste, on faisait deux
enceintes laissant entre elles une cour dans laquelle on repor-
tait les magasins, écuries, ete.
Le château féodal, c'est-à-dire l'ensemble des bâtiments
destinés en même temps à la défense et à l'habitation, ne
parait qu'à la fin du douzième siècie. Avant cette époque, la
— 196 —
demeure noble était un poste militaire dans lequel les besoins
de l'habitation sont absolument sacrifiés à la défense; elle ne
consistait qu’en une forte tour carrée ou rectangulaire entourée
à l’origine de quelques ouvrages de peu d'importance, plus
tard d’une enceinte crénelée et flanquée de tours.
Le seigneur, en temps de paix, habitait l'étage principal
du donjon avec quelques serviteurs et, en temps de guerre, il
appelait autour de lui ses tenanciers nobles, ses vavasseurs,
ses paysans, qui se logeaient dans des baraquements élevés à
la hâte derrière l’enceinte.
Quand au treizième siècle la demeure se complète par des
bâtiments d'habitation, le donjon n'est plus habité en temps
de paix et sert de dernier refuge en temps de guerre.
Viollet-le-Duc, dans ses magistrales études sur le moyen
âge, signale une série de donjons français, présentant les
caractères du réduit fortifié, notammeutceux d’Arques, Loches,
Beaugency, Domfront, Falaise, Broue, Pons, Nogent-le-
Rotrou, Montrichard, Montbazon, Chauvigny, etc.
L'Angleterre nous offre aussi une série de donjons datant
de la conquête. Nommons, parmi les principaux, ceux de
Londres, Douvres, Rochester, Newcastle.
Enfin en Belgique nous possédons encore quelques don-
jons typiques, entre autres, celui du Château des Comtes à
Gand et celui du château d' Ath appelé « Tour Burbant ».
La Palestine est restée riche en donjons élevés par les
croisés dans les gorges du Liban pour défendre les princi-
pautés chrétiennes fondées le long des côtes. Ils sont parfois
isolés comme celui de Sahoum, mais parfois aussi on les a
entouré d’admirables défenses, comme au Krak des Chevaliers
(Kalaat el hodn), dont l’ensemble constituait une forteresse
de premier ordre.
Nous devons mentionner parmi les donjons de moindre
importance qui sont venus jusqu’à nous :
Les tours échelonnées le long des côtes de la Méditerra-
née et qui ont dû être de véritables nids de pirates.
Les casteras ou manoirs;du Bordelais.
Les tours-postes défendant les passages et les ponts et,
parmi celles-ci, les nombreuses tours établies par les chevaliers
— 197 —
du Temple, tant en Europe qu’en Asie. Celle de Toklé en
Syrie, qui est décrite longuement par E.-G. Rey dans son
Essai sur la domination francaise en Syrie durant le moyen-
âge (1866), donne le programme généralement suivi dans
ces constructions. On y pénétrait par une porte défendue par
un machicoulis. La salle basse pouvait servir d’écurie et
surmontait une citerne. L'escalier droit, pratiqué en plein mur
et conduisant à la salle de l’étage, était à mi-hauteur de ce
rez-de-chaussée et ne pouvait être atteint qu'à l'aide d'une
échelle. Une plate-forme crénelée était établie sur la voûte
surmontant la salle de l'étage.
*
Les donjons romans de notre pays sont généralement
construits en maconneries de blocages noyés dans un bain de
mortier grossier et parementés aux angles par des pierres de
moyen appareil. Le souterrain est couvert en voûte, et celle-ci
émerge du sol environnant; mais les étages sont généralement
séparés par des gitages en bois et communiquent entre eux
par des escaliers droits, en pierre, établis en plein mur. Ils
sont parfois couverts en plate-forme, probablement en imita-
tion des donjons de la Palestine. Cette plate-forme est alors
établie soit sur voûte, soit sur un grillage en bois.
Une porte donne accès au souterrain, une autre au rez-
de-chaussée, sans qu'il y ait communication intérieure entre
les deux niveaux. Les fenêtres sont très rares. Des latrines en
encorbellement se voient sur une des faces. Enfin les murs
extérieurs, exhaussés en parapet, sont crénelés et souvent
flanqués de tours d'angle.
%
% *
Les donjons du Château des Comtes à Gand.
Donjon primitif.
Le donjon construit par Philippe d'Alsace en 1180 s'élève
sur un bâtiment primitif datant du neuvième ou du dixième
siècle, qui se composait de trois étages dont les deux inférieurs
— 198 —
sont encore intacts. La salle du bas semble avoir eu une aire
faite par un coulis de béton peu consistant. Cette salle est
entourée de meurtrières; comme celles-ci sont placées à 1"80
du sol primitif, on devait douc, pour la défense, se servir
d'échafaudages volants.
Les trous des poutres du premier étage se trouvent immé-
diatement au-dessus des meurtrières susdites. Le premier étage,
outre les données en tout semblables à celles du rez-de chaus-
sée, possède deux âtres creusé; en niche dans une des parois
(Est).
Le façade Ouest est dédoublée sur la moitié de sa longueur
et donne des réduits superposés dont les supérieurs étaient
seuls accessibles par des portes donnant dans la salle du
premier étage. Ces réduits, très exigus et très sombres, étaient
probablement les cachots du donjou primitif.
Une des petites façades, celle du Nord, est également
dédoublée aux deux étages inférieurs. Une voûte rampante
couvre l’escalier qui reliait les deux étages.
Les murs, renforcés par des contreforts, sont bâtis en
appareil oblique, appelé en aréte de poisson.
Donjon de Philippe d’Alsace.
Les deux étages inférieurs de l’ancienne tour que nous
venons de décrire furent entourés de terre et transformés en
souterrain par Philippe d'Alsace (1180). Il fit enlever les
poutres en bois et exhausser le sol inférieur. Quatre colonnes,
reliées par des arcs en pierre, ayant très peu de flèche, divi-
sèrent la salle souterraine en deux nefs, jadis couvertes de
voûtes cylindriques en briques, dont les reins sunt encore
visibles.
Üne porte, accessible par une échelle, s’ouvrait sur le
rez-de-chaussée du nouveau donjon qui émergeait du sol
environnant (une porte de date plus récente, accessible par des
gradins en pierre, la remplaca quand des annexes vinrent
entourer la nouvelle construction). :
La moit:é inférieure de la grande salle appartient au
deuxième étage de la tour primitive; cette partie ancienne ne
porte aucune trace de fenêtres, ni même de meurtrières.
— 199 —
Philippe d'Alsace exhaussa les mursanciens pour parfaire
son donjon; la ligne de suture des deux constructions super-
‘posées est encore parfaitement visible.
La grande salle du rez-de-chaussée nous montre un
plafond sur poutres, dout les encastrements, existant sur toute
Ja longueur des murs, ont indiqué et la place et les dimensions;
puis des arrachements et des fragments de reins de grands
arcs, qui appartiennent également à la construction de 1180.
U est donc probable qu'on aura suivi ici, partiellement, les
traditions syriennes, en adoptaut une ossature d’arcs suppor-
tant les poutres croisées qui formaient les panneaux-plans
intermédiaires.
Le petit nombre de baies et l’exiguïté de celles-ci, néces-
sitée par la défense, mettent la grande salle du rez-de-chaussée
dans une demi-obscurité.
Un des murs du donjon se dédouble en empiétant sur la
cour. Cette saillie contient la cage d’un escalier droit condui-
sant à la grande salle du premier étage.
Cette dernière salle nous offre un beau spécimen de salle
romane. Elle est éclairée sur les quatre faces par des fenêtres
dont les embrasures sont garnies de bancs.
Avant la construction des bâtiments d’habitation qui
entourent le donjon, cette salle était évidemment destinée au
logement du châtelain. Une cheminée est adossée au mur
Ouest, daus l'épaisseur duquel se développent les escaliers
droits reliant les étages et ceux-ci à la plate-forme.
Dans le fond de la salle émergent des escaliers faits après
coup pour relier les bâtitnents nouveaux qu'on venait d'ad-
joindre de part et d’autre an donjon, et aussi pour établir un
second accès à la plate-forme.
Quand on continue à monter par l'escalier pratiqué dans
le mur dédoublé, on rencontre la porte d’un magasin de pro=
jectiles (1). Celui-ci forme un étage bas contenant les puis-
santes poutres armées destinées à résister aux vibrations des
engins projecteurs établis sur la plate-forme.
(1) Dans la tonr de Toklé, citée précédemment, on voit les traces d’un
plancher qui subdivisait la salle supérieure pour former également, sous la
plate-forme, un magasin de projectiles.
— 200 —
Avant d'arriver à ce magasin,ontrouvedes latrines placées
en .encorbellemeut sur le parement extérieur du mur Ouest.
Au-dessus du magasin de projectiles se trouve la plate-
forme à laquelle on accède de part et d'autre par un escalier
circulaire pratiqué dans une tour d’augle. Les corbeaux
destinés à porter des lambourdes le long des murs sont placés
à des ‘hauteurs inégales, de façon à mettre le sol en déclivité
vers l'Ouest. La décharge des eaux pluviales se fait encore
par des percées anciennes.
La plate-forme est entourée d’un chemin de ronde d’où
les défenseurs pouvaient lancer des projectiles qu'ils retiraieut
du magasin par deux pertuis.
Trois des quatre tourelles d’angle sont placées en encor-
bellement. On atteint l'étage de deux de ces tourelles au
moyen d'escaliers en pierre; celui des deux autres s'établit,
en cas de danger, au moyeu d'un plaucher volant.
On voit par la description des donjons du Château des
Comtes que ces constructions n’étaient guère, à l’époque où
elles ont été établies, que « des défenses passives, se gardant
« plutôt par leur masse, par l'épaisseur de leurs murs, que par
« des défenses proprement dites. C’ét-ient des retraites excel-
« lentes lorsqu'on n'avait besoin que de se garantir contre
« des troupes armées d’arcs et d’arbalètes, possédant quelques
«engins imparfaits et ne pouvant recourir, en dernier
«ressort, qu'à la sape. Mais si de l'intérieur de ces demeures
<on méprisait des assaillants munis de machines de guerre
« d'une faible puissance, onne pouvait non plus leur causer
« des pertes sérieuses.
« Les seigneurs assiégés n’avaient cu’à veiller sur leurs
« hommes et faire des rondes fréquentes, s'assurer de la fer-
« meture des portes, lancer quelques projectiles du haut des
acréneaux, si les assaillants tentaient de s'approcher des
« murs, contre-miner si on minuit; ils pouvaieut ainsi rester
« des mois entiers mème devant un gros corps d'armée sans
< avoir rien à craindre. Aussi était-ce presque toujours par la
« famine que l’on prenait ces forteresses (1) ».
(1) Voir le Dictionnaire de Viollet-le-Duc au mot donjon.
— 901 —
Château d’Ath.
Le donjon et l'enceinte du Château d'Ath ont été bâtis
au XIII siècle par Baudouin le Bâtisseur.
Le donjon est construit sur un plan carré; il est pare-
menté sur les quatre faces en pierres régulières de grand et de
moyen appareil. Les divisions intérieures présentent un sou-
terrain surmonté de deux étages et d’une plate-forme établie
sur la voûte du dernier étage.
Le rez-de-chaussée était élevé au-dessus du sol euviron-
pant et avait sa porte d'entrée sur une autre fuce que celle qui
donne accès au souterrain.
Les murs extérieurs montent de fond, c'est-à-dire que
leurs parements intérieur et extérieur affleurent ceux des
souterrains, mais ils sont évidés et contiennent dans deux des
faces (en retour d'équerie) des escaliers droits; dans la
troisième face, deux grandes cheminées dont les tuyaux de
fumée se superposent ‘dans l’épaisseur du mur; enfin dans la
quatrième face, un réduit menant à ‘les latrines qui saillajent
à l'extérieur et portaieut sur des corbeaux.
Le sol entre le rez-de-chaussée et l'étage était formé par
des poutres entrecroisées.
L'étage était couvert d'une voûte qui portait l’aire de la
p'ate-forme. Celle-ci devait être entourée de parapets créne-
nés, mais les angles ne présentent pas de trace d'échauguettes.
%
% *
Des bâtiments d’'habitation furent construits au château
des Comtes daps les dernières années du XII° siècle; ils
entourent le donjon, dont ils couvrent partiellement les
facades Nord, Est et Ouest.
Au château d’Ath, les adjonctions se firent plus tard (fin
du XIV* et commencement du XV* siècle) et furent disposées
contre le mur d'enceinte qu’on suréleva pour le faire servir de
mur goutterot aux nouveaux locaux.
*
* *
— 202 —
Les donjons à caractère mixte, c'est-à-dire concus comme
des habitations fortifiées, sont représentés dans notre pays par
quelques exemples; citons les suivants :
Château de Franchimont (1).
Ce château fort se compose d'un donjon rectangulaire
contenant une cour; ce donjon est isolé au centre d’une
enceinte pentagonale flanquée de tours d'angle.
Il est probable que dès l'an mil Franchimont appartenait
aux évêques de Liège et qu'il était habité par un châtelain.
L'histoire mentionne qu'il tombait déjà en ruines vers 1146 et
que ce fut l’évêque Henri de Leyen qui le remit en état de
défense.
Le nom de « Castrum Franchiermont » apparaît pour la
première fois dans un diplôme daté de l’an 1155.
Vers 1390 environ, on y effectue de nouveaux travaux;
mais en 1387 l’évêque Arnould de Hornes « reconstruisit » le
château. On ne doit cependant pas prendre à la lettre le terme
employé; ce fut probablement une reconstruction partielle.
L'enceinte paraît, en effet, appartenir à l'époque indiquée,
puisqu'elle est construite en vue d'utiliser l'artillerie très
primitive de la fin du quatorzième siècle. Il en est de même
pour la façade Est du donjon qui forme revêtement sur un
noyau ancien. Ces maconneries de rapplique dénotent, et par
leur appareil et par certaines dispositions conformes aux
exigences créées par l'emploi des armes à feu, qu'elles sont
de la même époque que l'enceinte pentagonale.
=‘ Un donjon existait au douzième siècle. Est-ce le donjon
qu'on retrouve derrière le revêtement susdit?... Si oui, ce
donjon n'avait pas le caractère d'un simple poste militaire,
car on s'était préoccupé, en le construisant, d'y aménager des
locaux d'habitation.
(1) Nous empruntons ici la plupart de nos renseignements aux études
de Mr Lhoëst sur les châteaux de Franchimont et de Bouillon.
— 203 —
Château de Bouillon.
Ce château fameux est déjà signalé dans une charte
datant de l’année 852.
Il paraît certain que la construction primitive se compo-
sait d'un donjon rectangulaire entouré d'un mur crénelé.
Il y eut là, comme au Château des Comtes de Gand, une
reconstruction à une époque reculée; elle semble pouvoir être
reportée au XI° siècle, et dut avoir lieu sous le règne de
Godefroid IV, après sa captivité.
Godefroid de Bouillon, au moment de partir pour la
Palestine, engagea ou vendit le château de Bouillon à l’évêque
‚de Liège, Otbert.
La possession du château de Bouillon par les évêques de
Liège dura de 1095 à 1676. A cette dernière date il passa aux
princes de la Tour d'Auvergne, qui en restèrent possesseurs
jusqu'à la révolution francaise.
On peut admettre que le XIe siècle vit le développement
complet du château tel que nous le voyons de nos jours, sauf
peut-être l'ouvrage avancé qui en défend l'entrée et la tour
dite d'Autriche, parce qu’elle fut restaurée par l'évêque Georges
d'Autriche dans le courant du XVI: siècle.
C'était donc dès lors un ensemble important de construc-
tions, et non un simple poste militaire.
Le donjon rectangulaire fut probablement rebâti sur des
ruines anciennes, comme il est arrivé pour le donjon de
Philippe d'Alsace au chât-au de Gand.
La forteresse subit de uombreux sièges, mais ce fut en
1521 qu'elle eut le plus à souffrir. Elle fut prise par les
troupes de Charles-Quint commaudées par Henri de Nassau;
celui-ci fit démanteler ses défens2s après la réduction de la place.
Sous Louis XIV l'illustre Vauban dénatura le caractère
féodal du château en établissant les batteries qui devaient,
dans sa conception, en faire un boulevard pour protéger Sedan .
et commander les avenues principales des Ardennes.
Enfin le gouvernement holiandais voulut faire du châ-
teau une citadelle moderne, et à cette fin détruisit le donjon,
la chapelle et l'habitation des Gouverneurs.
*
% %
RL TT
— 204 —
D’autres donjons appropriés ou en ruines se trouvent
encore disséminés sur le territoire de la Belgique ou proche de
ses frontières actuelles. Leur étude serait hautement désirable
afin de pouvoir déterminer les modes de construction de nos
forteresses primitives, qui semblent présenter deux types
distincts, et pour pouvoir les comparer aux donjons dont les
vestiges couvrent les pays voisins et principalement la Franee
et l'Angleterre.
Voici une liste des ruines dans lesquelles on pourrait
découvrir des tracés-plans ou des fragments de murs appar-
tenant à l’époque qui forme l’objet de notre étude.
gnd.
Noms
des communes. | AT: adm.
Désig nation des objets.
PROVINCE D'ANVERS.
Bornhem . Anvers tours du château.
Broecken » ruines d’un ancien château (Hallmall s'hof).
Deurne » re stes d'anciens châteaux.
Westmalle » château avec donjon.
Thielen Turnhout | restes d’un ancien château.
PROVINCE DE BRABANT.
Aerschot Louvain | ruines d'une tour (tour d'Orléans).
Archenne Nivelles | ruines d’un château fort (château de la Motte):
Ceroux-Mousty . tour de Moriensart.
Ittre » substructions d’un ch. fort (ch. de Faucuwez).
Leefdael Louvain | donjon.
Nil St. Vinc. St. Mart. | Nivelles tour del Vaulx.
Oetinghem Bruxelles | château ancien.
Sichem-lez-Diest Louvain tour d'un ancien château.
Steen-Ockerzeel Bruxelles | restes d’un arcien château.
Thines lez-Nivelles . restes d'un ancien ch. (ch. de Vaillempont).
Virginal Samme Nivelles tour de Hasquempont.
Walhain St. Paul . ruines d'un ancien château (ch. de Walhain).
PROVINCE DE LA FLANDRE OCCIDENTALE.
Vinchem | Furnes ruines d'un château fort.
Zantvoorde Ypres vestiges d'un clâteau féodal.
PROVINCE DE LA FLANDRE ORIENTALE.
Herzele Alost ruines d’un château féodal.
Laerne Termonde | château féodal.
Rupelmonde St-Nicolas | ruines du château.
Wieze Termonde | château avec ancienne tour.
— 205 —
Noms
des communes.
Arquennes
Bailleul
Beaumont
Bernissart
Blaton
Bouffioulx
Brayelle
Chaussée N.D. Louvi
Chièvres
Couillet
Eoghien
Ere
Estinnes-au- Val
Farciennes
Fayt-le-Franc
Flobecq
Arr, adm.
Désignation des objets.
gn.
Forchies la Marche
Forest-lez-Anvaing
Gougnies
Grandglise
Haine-St-Pierre
Hainin
Hempiront
Heppignies
Herchies
Hoves
Huissignies
Irchonwelz
Labuissière
La Hamaide
Landelies
Liberchies
Lompret
Loverval
Montreuilsur Haine
Néchin
St. Léger lez-Pecq
Thirimont
Thuin
Vaulx-lez-Tournai
Viesville
Wasmes-Audemez
PROVINCE DE HAINAUT.
Charleroi
Tournai
Thuin
Tournai
Charleroi
Tournai
Mons
»
Charleroi
Soignies
Tournai
Soignies
Charleroi
Mons
Ath
Charleroi
Ath
Charleroi
Ath
Thuin
Mons
Soignies
Charleroi
Mons
Soignies
Ath
Thnin
Ath
Charleroi
. 9
Thuin .
Charleroi
Mons
Tournai
Mons
Tournai
Thuin
Mons
Thuin
Tournai
Thuin
»
Tournai
Charleroi
Tournai
restes d’un château fort.
restes d'un château fort.
ruines d'un donjon (tour de Salamandre).
enceinte de château fort.
restes d'un ancien château.
restes d’un ancien ch. (manoir de Montrou).
ruines d'un anc. château (ch. de Diesbach).
tour des Sarrasins.
ancienne enceinte.
donjon de la Tourette.
donjon converti en chapelle.
restes d’un anc. château.
restes d'un anc château.
restes d'un anc. château (ch. de St. François).
restes d’un anc. châ‘eau (ch. de Rampemont).
restes d'un château féodal.
tour ancienne.
ruines d’un anc. château (ch. de Miremont).
ruines d'un anc. château (ch. de la Buissière).
ruines d'un ane. château.
restes d’un anc. château.
restes d'an anc. château (ch. de Hainin).
ruines d’un château féodal.
ruines d’un château fort.
tour et substructions d’un château féodal.
château ancien converti en ferme.
château ancien (ch. Muluise).
restes d'un châtean fort.
restes d’un ancien château.
restes d’un ancien château (ch. d'Egmont).
restes d'un ancien château (ch. des Gueux).
ruines d’un vieux château.
restes d’un château fort
château fort dé Loverval.
restes d’un ancien château.
ruines d'un château fort (ch. de la Royère).
chât. ruiné converti en ferme.
restes de l’anc. château de Pecq.
ruines du château seigneurial.
ruines appelées le « Castinu d'dinle ».
restes d’un anc. château avec 4 tours.
restes d'un ane. château des templiers.
ruines d’an château roman.
tour de Notger.
château dit de César.
ruines du château furt de Viesville.
ruines du château fort de Briffæi).
— 206 —
nnen
des RE es. | Arr. adm. Désignation des objets.
EEN
PROVINCE DE LIEGE.
Argenteau Liège ruines de l'ancienne forteresse.
Awans donjon de l’ancien manoir de Waroux.
Bas-Oha Huy ruines du manoir féodal de Beaufort.
Esneux Liège ruines du donjon de Montfort.
Grand-Hallet Waremme | aucienne tour.
Herstal » restes de l'ancien palais de Pepin le Gros.
Jehay-Bodegnée Huy tour dite romaine,
Dolin-Limbourg Verviers | restes d'un château (bâti en 1(64).
Lixé Liège ruines d'un anc. château.
Vieuxviile Huy ruines du chât. fort (ch de Logne).
Louveigué Liège ruines d'un vieux château.
Moha Huy ruines d'un ancien château.
Oupeye Liège ancienne tour.
Rouvreux » ruinesdech.fort(ch.d'Amblève-Warnoumont).
Saive » donjon.
Sprimont , ruines du château d'Amblève.
Stavelot Verviers | ruines du ch. des princes-abbés.
Vierset barse Huy vestiges de deux châteaux forts.
Villers St Siméon : Liège vestiges de deux châteaux forts.
Warzée Huy restes d'un château féodal.
PROVINCE DE LIMBOURG.
Achel Maeseck | vestiges de chât. fort (ch. de Grevenbroeck).
Brusthem Hasselt ruines de château ancien.
Cannes Tongres | ruines de deux châteaux anciens.
Looz » château datant du Xl° siècle.
Stockheim » ruines de château fort.
PROVINCE DE LUXEMBOURG.
Autelbas Arlon restes du château des comtes d'Autel.
Grand Halleux . Bastogne | ruines du château de Rogister.
Herbeumont Neufchâteau | ruines du château d'Herbeumont.
Laroche Marche ruines du château de La Roche.
My » ruines d'un château (häti en 1112).
Vieilsalm Bastogne | ruines du château de Vielsalm.
Vivy Neufchâteau | ruines du château de Liresse.
PROVINCE DE NAMUR.
Bouvignes Dinant ruines de la tour de Crèvecceur.
Dourbes Philippeville! ruines du château de Hauteroche.
Eprave Dinant ruines d’un ancien château.
Fagnolles Philippeville! restes du château de Fagnolles,
Falaën Dinant restes du château de Montaigie.
l'almignoul » restes du château-Thierrv.
Heure . restes d'un vieux château à Moressée.
Houx , ruines du château de Poilvache.
ne . à amart.
Philippeville . ruines des chât. de Santour.
Rochefort » ruines du château de Rochefort.
Sombreffe Namur château à donjon.
Thon ruines du château de Samson.
Thy le-Château Philipper ille| restes du manoir de Tby.
*
# *
— 207 —
Nous terminerons par une description des enceintes qui
entouraient primitivement le donjon-poste militaire dans nos
contrées.
L'enceinte la plus complète qui soit parvenue jusqu’à
nous est celle du Château des Comtes à Gand.
Elle se compose d'un mur très épais de forme elliptique,
interrompu par un bâtiment d'entrée. Ce mur est surmonté
d’un chemin de ronde avec parapet crénelé; il est flanqué de
24 tours établies sur des contreforts rectangulaires. Ces tours
sont à deux étages de défense : l'étage inférieur, au niveau du
chemin de ronde, a des meurtrières; l'étage supérieur, qui ne
s’établissait qu’en cas de guerre (au moyen de poutres fixées
sur des consoles ou dans des encoches), a des créneaux.
L'étage supérieur de l’une des tourelles au Nord est obtenu
par une voûte. Cette tourelle contient les latrines destinées
aux défenseurs qui étaient de garde sur le chemin de ronde.
Tous les créneaux étaient pourvus à l'extérieur de man-
telets tournant dans des crochets et reposant sur des pierres
saillautes. Ces mantelets pouvaient être relevés au moyen de
chandeliers en fer, Les créneaux avec leurs mantelets permet-
talent aux défenseurs de jeter des pierres sur les assiégeants,
tout en étant partiellement à l'abri des projectiles lancés du
dehors. | |
Deux machicoulis, pratiqués dans le pavé de l'étage
inférieur de chaque tour, permettaient aux assiégés de jeter
des matières pondéreuses sur les ennemis arrivés à se loger
dans les encoignures des contreforts.
Les tours, conçues d’après la tradition antique (c'est-à-
dire ouvertes et non couvertes), n’iuterceptaient pas le chemin
de ronde. Une seule, plus forte que les autres, forme saillie
sur le parement intérieur; seule aussi, elle est couverte et
fermée. Cette dernière commandait deux escaliers, montant de
la cour qui entoure le donjon, et donne accès aux deux côtés
du chemin de ronde. Cette tour exceptionnelle servait de
poste aux hommes préposés à la défense de l'enceinte.
Le bâtiment d'entrée, entièrement en saillie sur le mur
d'enceinte, pouvait au besoin devenir un châtelet isolé. IÌ se
compose d’un corridor surbâti, percé de part et d'autre de
meurtrières et compris entre deux portes.
— 208 —
On n’atteint l'étage du châtelet que par le chemin de
ronde. [1 se compose d’une salle carrée et d’une salle longue
dans laquelle on remarque, de chaque côté de l’entrée, un
machicoulis défendant la seconde porte du rez-de-chaussée.
Deux réduits sont établis dans les tourelles flanquant la façade.
Au-dessus de l'étage se trouve une plate-forme à parapets
crénelés, à laquelle on accède par un escalier établi sur
une vis de St. Gilles.
*
% *
Nous trouvons d’autres fragments d'enceintes qui pré-
sentent les éléments susdits, notamment au Steen d'Anvers et
au château de Bornhem. Les tours y sont également cylin-
driques et plantées sur des contreforts rectangulaires, à l'aide
d'arcs en encorbellement.
Pour ce qui concerns le château d’Ath, nous ne pouvons
que constater la forme elliptique de l’enceinte; les flanque-
ients primitifs ont dû disparaître lors de la construction des
locaux adjacents, qui existent encore partiellement. _
Les enceintes offrent à nos spécialistes un nouveau
champ d’études. Celles-ci viendraient compléter heureuse-
ment les recherches que nous espérons voir entreprendre pour
élucider les questions qui concernent nos vieux donjons
belges |
Avant-projet de loi
sur la Conservation des Monuments et des Objets
mobiliers historiques ou artistiques,
par ARMAND DE BEHAULT pe DORNON,
Membre titulaire de l’Académie royale d'Archéologie de Belgique, à Bruxelles,
L'absolue nécessité de posséder en Belgique une loi sur
Ja Conservation des Monuments et des Objets mobiliers
historiques ou artistiques, n'a plus besoin d’être démontrée.
Depuis le Congrès de Gand de 1858, où la question fut discutée
pour la première fois et à la suite duquel le Gouvernement
nomma des Membres correspondants de la Commission royale
des Monuments dans les provinces f1), presque tous les Con=
grès, la Commission royale précitée, plusieurs Sociétés archéo-
logiques et un grand nombre d’archéologues n’ont cessé de
s occuper de catte question d'intérêt vraiment national et qui,
depuis 50 ans, continue à présenter « un réel caractère
d'urgence »! Au Congrès de Bruges, en 1886, et au Congrès
de Gand, en 1896, on espéra faire un pas en avant ; mais cet
objet, le plus important peut-on dire de tous ceux qui ont été
portés devant nos assises fédérales, finit toujours par échouer
devant la complexité des éléments en cause. Peut-être a-t-on
voulu trop obtenir, alors qu'il eût été p'us sage de se déclarer
momentanément satisfaits, quitte à modifier, dans la suite,
certains articles de la loi, modifications qui se seraient impo-
sées par la force des choses même, tout comme dans la plupart
des lois votées par le Parlement.
Au Congrès de Mons de 1904, un pas décisif semblait,
(1) Cinquantième anniversaire de la fondation de la Société royale des
Beaux-Arts et de Lillérature de Gand, 1859, pp. 36 à 83 et 145.
14
— 210 —
enfin, devoir être fait daus cet ordre d'idées. J'eus l'honneur
d'y développer un avant-projet de loi sur la Conservation
des Monuments et des Objets mobiliers historiques ou
artistiques (1), et notre savant confrère, M' Emile de Munck,
de son côté, publia, en vue de la discussion, un travail des
plus intéressauts visant spécialement le chapitre consacré aux
Objets trouvés daris les fouilles (2).
La question fut portée devant l'assemblée générale du
30 septembre 1904, et je terminai ma démonstration en
demandant au Congrès de voter la constitution d'un comité
chargé de discuter notre avant-projet de loi et d'élaborer uu
texte définitif qui serait déposé sur le bureau de la Chambre
par un de nos savants confrères. Ce Comité, composé d'un
membre de chaque Société fédérée, aurait siégé à Bruxelles.
C'est à la Commission royale des Monuments que nous
proposions de confier l'exercice des différentes attributions
énumérées dans notre avant-projet de loi. Cette Commission,
instituée dans le but de veiller à la conservation des monu-
ments dignes d'intérêt, composée d'hommes distingués et
compétents, serait, en effet, mieux que tout autre collège, en
mesure d'apporter, dans cet exercice, tout le savoir et l'autorité
désirables. Nous proposions, qu'en cas de mauvaise volonté
de la part du propriétaire, l'Etat ait le droit d'expropriation.
M" Le Tellier fit valoir que, jusqu'ici, le principe de
l'expropriation en matière artistique n'avait pas été admis par
la législature. Il proposait d'émettre le vœu de voir le principe
de l'expropriation appliqué à un intérêt artistique ou scienti-
fique. Lorsque le principe aurait été admis, à l'occasion du
projet de loi dépnsé sur l'expropriation en général, on récla-
meratt une loi d'application.
Mr Houzeau ‘le Lehave s'attacha à démontrer que les
pouvoirs publies ont détruit plus de monumeuts historiques
que les particuliers, quoique le Gouvernement soit armé pour
empêcher la destruction des monuments publics.
(1) Annales de la. Fédération archéologique et historique de Belgique,
t. XVIII, Fascicule 2 des travaux préparatoires.
(2) Mêmes Annales, Fasc. G des dits travaux.
— ?21l —
Mr Van der Linden, représentant, appuya notre demande
de constitution d’un comité chargé d'élaborer un projet de loi
pour la conservation des monuments, mais il fit remarquer
que notre esprit national répugne aux mesures coërcitives;
aussi faudrait-il pour l’ « expropriation » l'accord de tous les
intéressés. | |
M: Lefèvre-Pontalis, président de la Fédération archéo-
logique et historique de France, dit que, quoiqu’en France on
consacre annuellement une somme de deux millions pour la
conservation des monuments historiques, le but n'est pas
atteint En ce pays, la loi du 30 mars 1887 est insuffisante
pour la conservation des monuments municipaux; il faudrait
renforcer cette loi en ce qui concerne les municipalités.
A la suite de cette discussion, l'assemblée géuérale
chargea le bureau du Congrès de Mons de 1904, de nommer
une Commission composée comme il est dit ci-dessus, pour
étudier mon avant-projet de loi, le vœu de M" Le Tellier étant
toutefois voté. |
Nous ignorons pour quels motifs cette Commission n'a
pus été convoquée. Mais la question présentant le plus haut
intérêt, nous ne pouvons nous arrêter à des circonstances
imprévues et nous exprimons l'espoir de voir le bureau du
Congrès de Gand constituer cette Commission. A lui reviendra
l'honneur d’avoir enfin provoqué le dépôt d’un projet de loi
sur la Conservation des Monuments et des objets mobiliers
historiques ou artistiques sur le bureau de la Chambre, vœu
depuis si longtemps exprimé dans notre pays.
Note sur les objets barbares recueillis dans les
stations de La Panne-Bray Dunes,
par le B* A, pe LOE,
Conservateur des Musées Royaux, à Bruxelles.
Il existe dans les panne: interdunales, entre La Panne et
Bray Dunes, quatre gisements archéologiques bien distincts
formés par l’accumulation, autour de nombreux foyers, des
restes de repas, des fragments de poteries, des ustensiles
divers et des monnaies qu'ont laissés les anciennes populations
du littoral. |
Ils sont échelonnés suivant une ligne parallèle à la côte.
Le premier est situé à 3,800 mètres nord-ouest de la tour de
l’église d’Adinkerke et à 300 mètres de la laisse actuelle de
marée haute. Le second est distant du premier d’enviren
‘250 mètres. Le troisième se trouve à 600 m. plus loin et déjà
sur le territoire français. Le quatrième, enfin, est situé à
900 m. au nord de la tour de l’église de Bray Dunes-village
et à 250 m. de la laisse de haute mer. Une distance de 1609 m.
le sépare du gisement n° 3 de La Panne.
Ces gisements sont parfaitement ex place. Ils reposent
sur le sol ancien constitué sans doute par un de ces îlots de
sable fandrien que l’on retrouve jusqu’à plusieurs kilomètres
de la côte actuelle et la couche archéologique passe sous la
dune moderne. Ces points, qui n’ont plus été envahis par la
mer depuis trois ou quatre siècles au. moins avant l’ère chré-
tienne, ont été fréquentés depuis l’âge du fer jusqu’au com-
mencement du moyen âge proprement dit, par des populations
qui, semble-t-il, y étaient plutôt campées qu’établies à demeure.
On y trouve des objets barbares (voir la figure n° 15) et
des sceattas anglo-saxons.
— 213 —
Échelle 40 eitt?
No 15. Objets recueillis à La Panne-Bray Dunes.
— 214 —
Comme les nuances purement archéologiques sont insuf-
fisantes, tant est grande l’unité de l’art barbare, pour nous
permettre de distinguer nettement un milieu franc d’un
milieu burgonde, saxon, etc..., nous demandons aux histo-
riens et aux linguistes du congrès de bien vouloir nous dire
s’il convient d'attribuer aux Saxons ou aux Frisons plutôt
qu'aux Francs, les objets dont il s’agit.
|
l
t
i
Histoire et étymologie du nom de Gend,
par Vicror TOURNEUR,
Attaché à la Bibliothèque royale de Belgique.
Depuis des siècles, le nom de Gand n'a cessé d’exciter la
curiosité des érudits; intrigués par ce mot bref et obscur, ils se
sont efforcés d'en pénétrer le sens, et en ont proposé des inter-
prétations plus funtaisistes les unes que les autres,
À la fin du X{UT° siècle, THiELRODE (1) assurait que César
avait construit la ville et que celle-ci avait été nommée Ganda
de son prénom Gaius.
MARC VAN VAERNEWIJCK (2j remontait encore plus haut :
d'après lui, trois cents ans avant le Christ, il y aurait eu à
Gaud un commandant appelé Gandanus qui aurait donné son
nom à la cité.
JacoB Meyer (3) rapporte, entre autres explications, que
l'on aurait trouvé dans un ancien fort l'inscription C. ANT;
les uns l’interprétaient Caîus Antislius; les autres Caius
Antonius; mais en tout cas, elle serait devenue le nom de la
forteresse.
L’étymologie qui paraît avoir été le plus en faveur est
celle qui consiste à rapprocher le nom de Gand de celui des
Vandales. Successivement elle a été admise par Meyer (4),
SANDERUS (5), GRAMAYE (6), VINCHANT (7), et finalement par
LESBROUSSART (8).
(1) Monumenta Germania historica, Scriptores, XXV, 560 et 565.
(2) Die historie van Belgis Gand, 1574), fo CXIII, vo.
(3) Compendium chronicorum Flandria (Nuremberg, 1538), fo 11.
(4, Compendium chronicorum Flandria (Nuremberg, 1538), fo 4 vo.
(5) Flandria illustrata (La Have, 1730), p. 144.
(6) Rerum flandricarum primitie (Lille, 1612), p. 13.
_ (Fa. VINCHANT. Annales de la province et comté du Hainaut Bruxelles
1848), I, p. 307-38.
(8) Nouveaux memoires de l'Académie royale de Bruxelles, 1, 1820, p. 182.
— 216 —
WiiLeMs (1) le premier fit des recherches dans une autre
direction : il partit de la forme Gent. Kirran (2) donne à Gent le
sens de jars. « En supposant que le monastère de St. Bavon
ait été d’abord connu sous le nom de Gantiwijk vu de Ganzen-
hoek, on peut en conclure que le nom de Gent seul est resté à
la ville et signifie par conséquent uid d'oies. »
Infiniment supérieure est l'interprétation proposée par
GugLoozr (3). Lui aussi prend pour base la forme Gent; il
la rapproche du celtique Venta, attesté par Venta Belgarum,
aujourd'hui Winchester, en Gallois Caer Grent. Quelque inté-
ressante qu’elle soit, cette étymologie est erronée parcequ'elle
ne tient pas compte de la forme Gand qui est antérieure à
Gent.
De Suer (4), tout en écrivaut que cette explication ue le
satisfait pas entièrement, s’y est rallié, parce que c’est la plus
scientifique,
Evfiz, quoique À. ve VrLAMINCK (5) ait reconnu que l’éty-
mologi de Gand reste un mystère, il u’a pu s'empêcher d'en
proposer une dernière : « César raconte, écrit-il, que les
peuplades belges établies dans l'ile de Bretagne avaient
presque toutes conservé les noms des pays dont elles étaient
originaires. Ne serait-ce pas le cas pour les habitants du
comté de Kent (le Cantium des Romains, le Chent du moyeu-
âge), que l’on pourrait ainsi considérer comme les descendants
d'une colonie flamande (sic!) originaire du pagus Ganden-
ss? » (6).
Les Bretons du Cantium colonie flamande, voilà qui con-
stitue un joli anachronisme.
En résumé, malgré les efforts tentés jnsqu’ ici, l” étymolo-
gie du nom de Gand reste encore à découvrir. En réalité,
(1) D'après J.-J. De SMET, Bullettins de l'Académie royale de Belgique,
XIII, 2e partie (1846), p. 212.
(2) C. Kiniani. Dictionarium teutonico-latinum ‘Anvers, 1574), Ghent,
anser mas.
(3) WARNKOENIG. Histotre de la ville de Gard (Bruxelles, 1846), p. 10
et 11, n. (His{oire de la Flandre, trad. Gleldolf, T. 1II.)
(4) Bulletins de l'Académie royale de Belgique, XIII, 2e part. (1846), p. 214.
(5) Les origines de la ville de Gand (Bruxelles, 1891), p. 18.
(6) O. c. p. 7, n. 2.
= 217 =
personne jusqu'à présent n'a étudié cette question avec
méthode.
En effet, pour atteindre le but proposé, il importe d’abord
d'établir dans ses graudes lignes l’histoire des origines de la
cité; puis, de dresser une liste chronologique des formes les
plus anciennes du nom de la ville, et enfin, d’étudier, en
remontant le cours des siècles, l'évolution phonétique qui a
produit ces diverses formes, en l'éclairant au moyen des
données de l’histoire.
En
Lorsque César envahit la Gaule Belgique, il trouva; le
territoire qui s’appelle aujourd’hui les Flandres, occupé par
deux peuples, les Morins et les Ménapiens.
Les uns et les autres parlaient un idiôme celtique (1).
Ils n'avaient pas de villes, comme c'était, du reste, le
cas de tous les autres peuples qui habitaient alors notre sol;
- aussi, ni César, ni les historiens latins postérieurs n’ont-ils
jugé à propos de mentionner le nom de leurs bourgades ; seul,
Portus Itius (2) a été noté par le conquérant, pour la senle
raison qu'il fut le théâtre d'opérations militaires et navales.
Après la conquête, à part Wervicq (3) et Courtrai (4),
aucune localité n'est citée en Flandre dans les documents
romains tels que les Zinéraires et la Notice. des dignilés.
Toutefois, on ne pourrait tirer argument de ce fait pour
prétendre qu'il n’en n’existait pas; la situation économique
des Méuapiens devait être excellente ; ils faisaient avec Rome
un commerce actif, et, à l'époque de Dioclétien, leurs jambons
étaient renommés dans tout l'empire (5). Le tarif proclamant
qu ‘ils devaient être vendus vingt deniers la livre, était affiché
jusqu’à Stratonicée de Carie (6 6). |
(4) G. Zeuss. Die Deutschen und die Nachbarstämme (Muni ch, 189),
p. 188-189.
(2) César. De bello gallico, V ‚1. |
(3) Viroviacum. Ilinératre d' Antonin.
(4) Curtoriacum. C£, Cortoriäcenses, Notitia dignitatum occ . 5, 96.
(5) Edit de Diocletien, 1V, 1, 8.
(6) Le BAS-WADDINGTON. Voyage archéologique on Grèce et en Asie
mineure, Ve part. (Paris, 1858), p. 55
— 218 —
Lorsque la ville de Gand apparait pour la première fois
dans l’histoire, c'est à l'époque du Haut-empire : on y a
découvert des vases de ce temps (1), et les monnaies romaines
trouvées en grand nombre, éparses dans le sol, en 1810 et
1811 lors du nivellement du quartier St. Pierre (2), démon-
trent qu’elle existait déjà sous Néron, et qu'elle fut florissante
sous les Antonins.
Grâce au rempart naturel que constituait le vaste estuaire
du Hont, et aux expélitious de Coustance-Chlore (3) au delà
du fleuve, Gand se maintint assez tard dans le Bas-empire;
la ville devait s'étendre non seulement sur l'espace compris
entre l’Escaut et la Lys, mais même sur la rive gauche de ces
deux cours d’eau : certains murs de l’abbaye de St. Baron
sont bâtis sur des substructions datant de l'époque constanti-
nienne, et Wauters prétend mème avoir retrouvé dans les
murs de l’abbaye un cimetière romain (+) de basse époque.
Sous le règne de Julien, la ville fut probablement déjà
fortement menacée par les Fraucs-Saliens qui s'étaient établis
effrontément sur le sol romain; l'énergie de cet empereur la
sauva certainement de la destruction. Mais, après la mort de
Julien (s), les Francs poursuivirent leur prise de possession
de la Belgique : la série des monnaies romaines signalée
ci-dessus est ininterrompue jusqu'à Valentinien I, mais s'ar-
rête brusquement avec cet empereur. On peut.en conclure avec
certitude que la ville romaine de Gand fut détruite sous son
règne, soit entre 364 et 375 de notre ère (6).
Peut-être est il possible de déterminer la date de cet
(1) Exposition universelle de 1867 à Paris. Catalogue général. Histoire
du travail et monuments historiques (Paris. 1867), p. 78.
(2 De Bast. Second supplément au Recueil d'antiquités romaines et
gauloises (Gand, 1813), pp. 197-198.
(3, Pancgyrique de Maximien et de Constantin. 4, (Paneg. lat. VL.) Cf.
Panégyrique de Constance, 8.
(4) WAUTERS. L'architecture romane dans ses diverses transformations
(Bruxelles, 1899). p. 28.
(5) AMMIEN MARCELLIN, XVII. 9, 3.
(6) A. BLANCHET. Les trésors de monnaies romaines et les invasions ger-
_mantques en Gaule (Paris, 1900), p 63.
— 219 —
événement d’une manière encore plus exacte : en 368,
Ammien Marcellin (1) signale de nouvelles incursions des
Francs. Comme ceux-ci occupaient à ce moment l'île des
Bataves (2), il est très vraisemblable que Gand succomba sous
leurs coups précisément en cette année.
*
* *
Comment s'appelait cette cité? Nul ne le sait : on a déjà
vu que pi les historiens anciens, ni les Zlinéraires, ni même
la Carte de Peutinger n’en fout mention. Ou ne connaît pas
non plus d’iucription latine capable de nous éclairer à ce sujet.
Mais le nom de la ville disparut-il avec l'administration
romaine? La chose est tout à fait improbable : d’abord, les
Francs qui vinrent s'établir à Gand n'en ignoraient pas le
nom, puisque, depuis longtemps déjà, ils vivaient à proximité;
d'autre part les villes romaines du voisinage, telles Curtoria-
cum et Viroviacum ont vu leur nom ancien adopté par les
barbares qui en ont fait Kortrijck et Wervik; par couséquent,
pour établir quel fut le nom porté par Gand à l'époque
romaine, il est nécessaire de déterminer avant tout comment
la future cité des co:ntes s’appela sous les Mé:ovingieus et
les Carlovingiens.
*
% *
Tombé au pouvoir des Franc:, l’ancien Gand romain
rentre dans l'obscurité pour plusieurs centaines d'années;
vers la fin du VII: siècle seulement, on acquiert la certitude
que Gand avait reconquis quelque importance : il avait
donné son nom à un pagus (3). En effet, Baudemout (4) nous
(1) AMMIEN MARCHLLIN, XXVII, 8, 5.
(2) Zosiue, 1.I, 6.
(3) Peu importe ici que pagus gandavus ait servi à désigner une division
politique, ou ait été une simple locution géographique, comme on dit
aujourd'hui « le pays de Herve », le « pays de Waes ». Le fuit intéressant
à constater, c'est que l'expression pagus de Gand existait.
(4 Vita Si Amandi, 3, 12, A. SS. 6 févr. I, p. 850 E.
— 220 —
fait connaître le ragus gandavus, qui, quelques années plus
tard, en 703, est dénommé pagus gandensis (1). - |
Et, dès lors, les mentions du nom de Gand se succèdent
nombreuses, d’abord dans les diplômes et les chartes, sous lá
plume des chroniqueurs, puis, bientôt aussi, sur les monnaies.
Voici la liste des principales formes sous lesquelles appa-
raît le mot :
Gandavus, um, pagus gandavus (2) VIT: siècle; castrum
gandavum (3) VIIT° siècle et très fréquemment dans la suite;
vicus gandatus 953 (4), 958 (3); Gandarum seul sur les mon-
naies de Charles le Chauve frappées à Gand (6), (castrum est
évidemment sous entendu); enfin, actum Gandati 960 (1);
actum in Gandavo (x), 988. | |
Gandensis, e, pagus gandensis en 703 (9) et régulière-
ment dans la suite; monasterium gandense 977 (to).
Ganth, monasterium quod cocatur Ganth, 864 (11);
ecclesia de Gant, 964 (12); Gant cirilas sur un denier de
Baudouin IV (13). |
Ganda, monasteriun quod vocatur... Ganda 967 (11),
976 (15), én loco nuncupalo Ganda 976 (16) etc:
‘1, BREQUIGNY et PARDESSUS. Diplomata, IL, 262. .
(2) Cf. n. 4, p. 5.
(3) Vita Bavonis. AA. SS. 1 oct. I pp. 230 F; 252 A et D; 231 F.
(4) MiRAEUS et Foppens, II, 959.
(9, SERRURE. Cartulaire de St Bavon, p. 5.
(G) Prou. Catalogue des Aonnaïes françaises de la Bibliothèque nationale.
Les Monnates carolingiennes (Paris, 1896, p. 28, 29).
(7) DUCHESNE. Histoire généalogique des maisons de Guines, (Paris, 1631),
preuves, p. 41.
. (8, MiRAEUS et Forrens, IL, 493.
(9) BREQUIGNY et PARDESSUS. Diplomala, 11, 462.
(10) SERRURE. Cartulatre de St Bavon, p. 13.
(11) SERRURE, ibid p 4.
(12) GRAMAYE. Rerum fandricarum pr imitiæ (Lille, 1612), p. 83.
(13) GAILLARD. Recherches sur les monnaies des Comtes de Flandre Gand,
1852), p. 18.
(14) SERRURE. Cartulaire de St Bavon, p. 6.
(15) SERRURE, ibid p. 10.
(16) SERRURE, ib d. p. 11.
— 221 —
Gantum, in. Ganlo (IX: siècle) (1); én pago Ganto
(Xe siècle) (2); én portu Ganto (3). |
Gaent, in loco qui dicitur Gaent, fin du IX° siècle (4).
Ghendt, Gendt (5), Ghend (6), commencement du
XII siècle et ensuite régulièrement dans ies actes en flamand.
Gendenses (7), même époque.
Il résulte de lexamen attentif de ce relevé, que le nom
de Gand apparait pour la première fois sous sa forme substan-
tive dans un diplôme de Charles le Chauve donné à Peteghem
en 864. Il y est question du monastère de Saint-Pierre et de
Saint-Bavon guod vocatur GANTH super fluvium SCALTH.
Ce passage est d'une importance capitale pour la résolu-
tion de la question qui nous o*:upe : lorsqu'on compare à la
. forme Gant les adjectifs gandaous et gandensis, les substan-
tifs Ganda et Gantum, on constate qu'il y avait chez les
rédacteurs des actes latins où ces mots apparaissent, une
hésitation, un tâtonnement nettement caractérisé, dans le
choix des terminaisons latines.
Il en résulte : 1° que le seul nom connu alors était Gan/k;:
2° que le souvenir du nom latin de Gand s'était perdu pendant
les premiers siècles de l'ozcupation de la ville par les Francs.
Si donc on veut retrouver la forme primitive du nom de
Gand, c'est Ganth qui doit être le point de départ de toutes
les investigations. Avant tout, il importe d'examiner, à la
lumière de la grammaire historique, la valeur des différents
sons qui le composent.
- Pour commencer par la fin, le 4 final est une graphie
peu fréquente en vlenx-bas-francique; mais, heureusement, le
mot Scallh.qui voisine avec Gant dans le diplôme de Charles
le Chauve peut fournir certains éclaircissements.
—
(1) Dom Bouquer, VIIE p. 35.
(2 Acta Sanct. ord. S Benedicti, p. 395.
(3) Acta Sanclorum, 1 oct. I, p. 199.
4Y Pita Aelfredi. Aonumenta historica Brilannie(Landres, 181S),1,p.+#71.
(5) Acta Sanctorum, 2 mars, IT, p. 190 etc.
(6) Ibid. 199F.
(7) Ibid. 191 B
— 222 —
En moyen-néerlandais, Scalth est devenu Scelt (1). Notre
th est donc uue simple notation de l, comme c'est le cas, en
vieux-bas-francique, pour arbeitha, arvith (2), etc.
Ce !A, dans Scalth, provient d’un d final, étant donné que
Scallh dérive de ‚Scaldis ou Scaldim; il est donc possible,
a priori, que la même évolution se soit produite pour Gantk.
Les formes Gandavus, Gandensis, Ganda témoignent en
faveur de cette hypothèse; l'ancien bas-francique note par-
faitement par { un d final, dans des mots comme arbeit, felt,
urkuntschap (:), etc.
Ganth n'est donc rien d'autre qu’une notation d’une
forme Gand qui est précisément celle qui nous est conservée
en francais.
En résumé, Gand est une forme germanique Sous laquelle
il s'agira de retrouver le nom belgo-romain qui lui a donné
palssance.
Au cours de cette recherche, il y aura lieu de tenir compte
de deux ordres de phénomènes : 1° des altérations principale-
ment vocaliques que la langue franque aura fait subir au
mot belgo-romain au cours du travail d'adaptation; 2° des
éléments qui auront disparu sous l'influence de l'accent
tonique intensif des Germains.
+
+ *
L'une des modifications vocaliques les mieux attestées
dans le passage du latin au germanique est le changement de
ö belgo-romain en a tonique germanique : Móösa est devenu
Mäsa, Maes; Orolaunum a donné Arel (+). Il est donc possible
que l'a de Gand remonte à un o.
D'autre part, si Gand a plus tard donné Gent, c'est que,
originairement le d était suivi d’une voyelle e ou z qui a
(DJ. FnanCx. Mittelniederländische Grammatik (Leipzig, 1833), p. 32.
(2) P. Tack. Proeve van oud nederfrankische Grammatica (Gand, 1897),
p. 51. 8105, rem. 1.
(3) Tack, o. c. p. 51, 8 105.
(4) Vicror ToURNEUR. Recherches sur la Belgique celtique. UI. Orolaunv,
Arlon, Arel. Musée belge, 1905, p. 45.
— 223 —
communiqué sa coloration à la consonne finale. Cette dernière,
à son tour, a influencé la voyelle précédente (1).
Ou est donc amené à reconstruire une forme minimum
* (onde qui a pu être, si on tient compte des éléments vraisem-
blablement détruits par l’accent tonique germanique, *Gon-
dete. Or, au IV° siècle de notre ère, une semblable forme
provient d’un *Gondate du premier siècle de notre ère : en
effet sous l'influence de l’e final, l’a touique du latin populaire
avait évolué en € (2).
Enfin, la forme *Gondate n'est rien d'autre qu'un doublet
de Condate. En effet, dans les mots gaulois latinisés, il existe
un grand nombre de doubles formes qui présentent l’alternance
c: g. Citons : Gardellaca, Cardelaca ; Garronenses, Carronen-
ses ; Gatus, Catus; Gea, Cea; Gemalua, Cematua ; Genomani,
Cenomani; Gervasium, Cervasium ; Gintussa, Cintussa : Gia-
milos, Ciamilos: Giamatus, Ciamatus; Giamillius, Ciamil-
lius: Glanon, Clanon; Glevum, Clevum; Gontius, Contius;
Gornacum, Cornacum; Gracina, Cracina; Grazius, Crazius;
Grovi, Crovius ; Guttie, Cuttie (3), etc.
Selon toute apparence, le nom de Gand tire donc son
origine du celtique latinisé Condate dont le sens est con-
fuent (4). Nl y a, en France et en Allemagne, plus de vingt
localités dont le nom remonte à ce mot (s).
Inutile de faire remarquer ici combien la dénomination
est adéquate à la position géographique.
Si donc la reconstitution hypothétique dont vient d’être
l'objet le nom de Gand est exacte, l’origine de la ville devrait
être reportée à l'époque celtique.
(1) L'umlaut de Gant en Gent est, à mon avis, identique à celui de
Scalt (= Scaldis) en Ssel/. Inutile d’invoquer pour expliquer ce fait l’analo-
gie des formes des cas obliques, comme on le fait d'ordinaire. Cf. bef venant
de batis. FRANCK. 0 c. p. 32.
(2) J. Pirson. La langue des tnscriplions lalines de la Gaule (Bruxelles,
1901), p. 2.
(3) On trouvera l'indication de toutes les sources qui fournissent ces
noms dans A. Horper. Altceltischer Sprachschatz (Leipzig, depuis 1896),
sus chacun de ces mots Je ne crois pas utile de surcharger les mots en les
reproduisant ici.
(4) Zeuss-EBeL. Grammatica celtica® (Berlin, 1871), p. 992, no 16,
(5) On les trouvera énumérées dans HOLDER, 0. c. 8. v. condate.
— 224 —
Vers les temps de la Guerre des Gaules, il y aurait eu au
confluent de la Lys et de l'Escaut une petite agglomération
qui, d'après sa position géographique, aurait été désignée
sous le nom de confluent, Condate.
Ce nom, passant successivement par les bouches belgo-
romaines, franques, puis romanes, aurait évolué pour aboutir
aux formes modernes Gand et Gent. |
Le français a adopté la forme franque primitive, Gand,
qui y a subsisté en quelque sorte à l'état de stéréotype, parce
que, en francais, a tonique entravé se conserve intact,
La forme franque, au contraire, dans les bouches flaman-
des continua de se transformer de facon à devenir Gent,
conformément aux lois qui dans cette langue régissent la vie
des mots.
mt
n
-
POTERIES
trouvées dans les dunes d’Oostduinkerke.
Note du B® A. ne LOË,
Conservateur des Musées Royaux, à Bruxelles.
Le Service des fouilles des Musées Royaux du Cinquan-
tenaire a fait faire, lan dernier, des recherches dans les
dunes d'Oostduinkerke, en un endroit que lui avait signalé
M l’abbé Claerhout, et qui paraît être l'emplacement d’un
ancien village de pêcheurs que les cuprices de la mer et des
éléments ont aujourd’hui complètement ensablé.
Nous avons trouvé là, associés à des tessons de vases
des XIVe, XVe, XVIe, XVII: et XVIII: siècles, des fragments
de ces sortes d’objets en poterie rougeâtre ou gris-jaunâtre,
d'un grain dur, affectant la forme de tampons à mauique ou
de couvercles plats, épais et sans rebord, diversement ornés,
que l’on a recueillis déjà en plusieurs exemplaires dans la
Flandre maritime, mais dont on ignore la destination et
l’âge (voir la figure n° 16).
De plus, ce même gisement nous a fourni quelques
méreaux et d'assez nombreuses monnaies, que M" Georges
Cumont a déterminés comme suit :
Méreaux de plomb, d’un usage assez général en Artois.
Les trois plus petits des six méreaux trouvés à Oostduin-
kerke sont de la grandeur des mailles. Ils semblent être les
plus anciens et datent probablement du XIIIe siècle.
Les autres sont sans doute du XIV*ou du commencement
du XV° siècle.
Les monnaies sont toutes en bronze, en cuivre ou e
billon : 7
Charles II, comte de Provenee, d'Anjou et du Maine
(1285-1292).
15
TEE
— 226 —
Gui de Collemède ou Gui IT, 54° évêque de Cambrai
(1296-1306).
Louis de Crécy, comte de Flandre (1322-1346).
Jeton à compter du XV° siècle, type au lion de Saint Marc.
A9 eme
Ne 16. — Fragments de poteries trouvés dans les dunes d'Oostduinkerke.
Charles-Quint, majorité (1515).
Philippe II (1555-1598).
Les objets en question seraient donc du moyen âge et pas
antérieurs au XIII: siècle.
ee ee — en =
Echelle stratigraphique
des systèmes pleistocène (« Quaternaire ») |
et pliocène de la Belgique,
par le Baron O. van ERTBORN,
Membre de l'Académie d'Archéologie,
Ancien Président de la Société géologique de Belgique (Liège),
Ancien Vice Président de la Société belge de Géologie (Bruxelles),
| Avec la collaboration de
MM. le D' HARMER, G. DOLLFUS, et le Dr Eua. DUBOIS.
Je ne doute nullement que la Préhistoire joue un rôle
important dans les travaux du Congrès. La connaissance de
la stratigraphie des terrains tertiaires supérieurs, comprenant,
entre autres, le système généralement désigné sous le nom de
Quaternaire, est de toute première importance au point de
vue de l'étude de la succession des divers âges de la Pierre.
La Legende de la Carte géologique de la Belgique à.
l'échelle du 40000° dressée par ordre du gouvernement (édi-
tion de mars 1900) donne une classification des assises qua-
ternaires et tertiaires que je considère comme renfermant des
erreurs très graves. Afin d'empêcher de s’accréditer parmi les
préhistoriens l’idée que cette classification est admise par tous -
les géologues, belges et étrangers, je me suis décidé à pré-
senter au Congrès la partie supérieure de mon Echelle strati-
. graphique des terrains tertiaires de la Belgique. Cette échelle
est dressée avec la collaboration des géologues anglais, fran-
cais et néerlandais les plus compétents en la matière : MM. le
Dr Harmer, le doyen des géologues du sud de l'Angleterre,
Gustave Dollfus, collaborateur principal de la carte géologique
de France, et le D" Eugène Dubois, professeur à l'Université
d'Amsterdam et conservateur du Musée Teyler, à Haarlem.
ES
PLEISTOCÈNE.
— 9298 —
Echelle stratigraphique du Baron | Légende de la carte
O. van Ertborn (avec la collabora-
tion de MM. le D' Harmer, G. Dollfus
et Dr Eug. Dubois).
MODERNE.
| SUPÉRIEUR ou POSTMAMMOUTHIEN.
je Glaciaire belge; 3° Glaciaire de Mr Boule.
Campinien de P. Cogels et O. van Ertborn
(1880)
Brabantien de MM. Rutot et Van den
Broeck
Hesbayen de Dumont .
Remarque. — Pour le Campinien (nobis)
voir : Tete explicatif du levé géologique de la
planchette de Lierre,p. 40, sondage 23 (Bruxel-
les, Hayez, 1880).
MorYEN ou MAMMOUTHIEN.
| (Interglaciaire. Climat froid. Hivers conti-
nentaux.)
Quaternaire moyen ou fluviatile de P. Co-
gels et O. van Ertborn (1830). Lierrien de
0. van Ertborn (19051.
Gisement principal : Lierre (squelettes en-
tiers d'E. primigenius RR. tichorhinus etc.).
Entre le Pleistocène inférieur et le Pleisto -
cène moyen, un mouvement de bascule im-
merge les Pays-Bas et émerge la Belgique.
L'auteur établira l’époque précise de ce mou-
vement dans un mémoire présenté à la Socrété
belge de Géologie (1907).
{
INFÉRIEUR OU PRÉMAMMOUTHIEN.
(l' Glaciaire belge, 2° Glaciaire de Mr Boule).
Quatérnaire inférieur de P. Cogels et O. van
Ertborn (1889), Hubokénien de van Ertborn
(1905).
Gisement type : Hoboken lez Anvers (sque-
lette entier d'E, antiquus; Rh. Merchin,
géologique de la Bel-
gique à l’échelle du
40000: (édition de mars
1900).
MODERNE.
Flandrien (q4).
| zresbayen (g3).
Campinien (q3).
Remarque. — Semble ne pas
exister en Campine, où l'on n'a
jamais signalé de squelettes en-
tiers d'E primigenius, mais seu-
lement des ossements isolés (mo-
laire et tibia conservés au château
de Terlaeken-Boisschoti. :
Moséen (q1).
Remarques. — Les argiles de
la Campine (qfa) appartiennent
au Pliocène supérieur et les sa-
bles de Moll (g#s) au Pliocène
inférieur (Diestien).
L'âge du limon non ossifére
des hauts plateaux de la Sambre
et de la Meuse (g#n) et des cail-
loux .des niveaux supérieurs
(74m) n'est pas fixé paléontolo-
gidaemente :
PLIOCÈNE.
— 229 —
SUPÉRIEUR.
Etage tégélénion d'E. Dubois (1905). Argi-
les de la Campine et de Tegelen (Pays-Bas) à
faune et flore pliocènes supérieures : Cervus
Falconeri, à Rijckevoorsel (Belgique), Hippo-
potamus amphibius et Rh. etruscus etc., à
Tegelen (Pays-Bas).
MOYEN.
Etage scaldision de Dumont (rétabli dans
son intégrité par le D' Harmer.)
Sables de Merxem à Corbula gibba (var.
rotundata).
Sables du Nord d'Anvers à Fusus (Chrysodo-
mus) contrarius.
INFÉRIEUR.
Etage diestien de Dumont [rétabli dans son
intégrité par G. Dollfus et O. van Ertborn
(1907)].
Sables d'Anvers à /socardia cor et Sables
de Moli.
Dépôts lagunaires de Heyst op den Berg.
Sables de Diest à Terebratula perforata.
SUPÉRIEUR.
Etage poederlien (Po).
Cet étage n'a pas d'individuali-
té paléontologique. Les sables de
Merxem à Corbula gibba doivent
rentrer dans le Scaldisien (D°
Harmer).
MOYEN.
Etage scaldisien (Sc).
Incomplet dans la Légende de
la Carte géologique qui en déta-
che à tort les sables de Merxem.
INFÉRIEUR.
Etage diestien (D).
Sables à Zsocardia cor.
Sables à Terebratula perforata,
etc.
Cet étage est incomplet dans
la Légende de la Carte géologi-
que qui en détache à tort les sa-
bles de Moll.
Les Sources de la Géographie historique
de la Flandre,
par HERMAN VANDER LINDEN,
Chargé de cours à l'Université de Liège,
Parmi les sciences auxiliaires de l’histoire, l’une de celles
qui ont progressé le plus dans ces derniers temps est certaine-
ment la géographie historique. Dans les pays voisins un grand .
nombre de sociétés savantes en ont favorisé l'étude et plusieurs
congrès se sont occupés de questions qui s’y rattachent et
leur ont accordé une large place dans leur programme. C’est
surtout en France et en Allemagne que l’on a vu se dessiner
ce mouvement: dans le premier de ces pays, il a pris une
vigoureux essor grâce à l'impulsion de maîtres tels que
P. Vidal de la Blache et L. Gallois; nous devons même à l’un
de leurs élèves la première étude d'ensemble sur la Flandre,
dans laquelle la méthode historique soit appliquée à la géogra-
phie. Mr Blanchard a fourni un travail (1) qui contient une
foule de données précieuses concernant la géographie de la
Flandre à différentes époques de son histoire. Le nombre de
sources auxquelles il a puisé, est vraiment prodigieux; mais en
lisant son étude on est frappé de ce fait que ces sources n'ont
généralement pas été soumises à une critique approfondie et
_qu'’elles auraient besoin d'être épurées; on constate en outre
que celles qui sont publiées sont relativement rares.
En Allemagne, beaucoup d'érudits se sont attachés à des
travaux de géographie historique, surtout depuis que Fr. Ratzel
a montré l'intérêt de cette science par la publication de sa
(1) R. Blanchard, La Flandre, étude géographique de la plaine flamande
en France, Belgique et Hollande (publication de la Société Dunkerguoise pour
l'encouragement des Sciences, des Lettres et des Arts), Paris 1906).
— 231 —
Polkitisehe Geographie. Il n'y a qu’un petit nombre de ces
travaux donnant des renseignements sur les sources de la
géographie historique de la Flandre. On peut y trouver
cependant des indications sur celle des contrées voisines et des
détails instruetifs sur les différentes catégories de sources et
sur la manière de les utiliser (1).
Chez nouségalement, les travaux de géographie historique
sont à l’ordre du jour. On a compris qu’ils doivent se trouver
à la base de toute œuvre historique proprement dite; les faits
de l’histoire doivent être étudiés aussi bien dans l’espace que
dans le temps; il est nécessaire de connaître aussi bien que
possible le milieu où 1ls se sont passés.
Jusqu'aujourd’hui les recherches de nos historiens ont
porté presque exclusivement, pour ce qui concerne la Flandre,
sur les fluctuations territoriales du pays au point de vue de son
évolution politique et religieuse. Le premier volume du bel
ouvrage de L. Vanderkindere sur la Formation territoriale des
principautés belges au moyen áge est consacré tout entier à la
Flandre. I] constitue un instrument de travail indispensable à
quiconque veut entreprendre des recherches sur l’histoire de
l'ancien comté de Flandre et de la Flandre impériale, ainsi que
des pays avoisinants qui se sont trouvés à un moment donné
dans la sphère d'influence des comtes de Flandre, comme le
Tournaisis, l'Ostrevant, le Cambrésis et la Zélande. On peut y
suivre par le détail les vicissitudes des territoires qui ont été
au pouvoir des comtes jusqu’au XIV° siècle. On y trouve en
outre en appendice des chapitres consacrés à l’organisation
ecclésiastique, aux pagi de la Flandre et à la chronologie des
comtes de Flandre et des princes qui ont régné sur les terri-
_toires voisins jusqu'à l'avènement des ducs de Bourgogne.
(1) Les ouvrages suivants constituent les premiers essafs de géographie
historique générale de l'Allemagne. Ils contiennent une abondante biblio-
graphie : K. KRETSCHMER, Historische Geographie von Mitteleuropa, Munich,
Berlin, 1904; B. KNürr, Historische Geographie Deutschlands im Mittelalter,
Breslau, 1908 ; W. Görz, Historische Geographie, Leipzig et Vienne, 1905. —
Au sujet de l'intérêt que présentent les questions de géographie historique,
voy. l'article suggestif de O. RepLicn, Historisch-geographische Probleme
dans les Mitteilungen des Instituts für Oesterreichische Geschichtsforschung,
1906.
Nous possédons donc un ouvrage fondamental, et en bien
des. points définitif, sur l’évolution des circonscriptions politi-
ques et ecclésiastiques pendant une période considérable du
moyen âge. Par contre, nous n'avons pas encore de travaux
d'ensemble sur les phénomènes géographiques qui ont trait à
la constitution physique de la région, à la répartition des agglo-
mérations et des centres économiques, aux voies de communi-
cations, etc... Pour reconstituer la physionomie d'un pays à
telle ou telle époque, il ne suffit pas évidemment d’en fixer les
limites et d'en connaître les divisions politiques et ecclésiasti-
ques; on doit pouvoir se rendre compte des conditions naturel-
les dans lesquelles il se trouve (configuration des côtes, réseau
des fleuves, rivières, etc.…; distribution des forêts, climat, etc.),
de la colonisation interne qui s’y est opérée, des voies de
communications dont il dispose, de la distribution des régions
économiques, etc. Il faut, en un mot, étudier sa géographie à
tous les points de vue.
L'étude de la géographie historique de la Fiandre pré-
sente de grandes difficultés, surtout pour la période médiévale.
Les sources auxquelles il faut puiser, ne sont publiées qu'en
petit nombre {r). On a bien déjà une série de cartulaires et de
registres de donations qui peuvent fournir beaucoup de don-
nées, comme par exemple le Ziber Tradilionum Sancti Petri
Blandiniensis, publié par Mr A. Fayen sous les auspices de la
ville de Gand (2). Mais il y a des quantités de livres de cens,
de rentes, de relevés de fiefs, etc., sources des plus précieuses
pour la géographie historique, qui reposent dans les archives
et qui sont par conséquent relativement difficiles à consulter.
Les listes des prix des denrées et les comptes de toute
sorte pourraient donner une foule d'indications sur les fluctua-
tions du climat, les retours périodiques des épidémies, des
(1) Au moyen âge même, la géographie régionale a été très peu étudiée.
Quelques encyclopédies ou manuels fournissent de maigres données, par
exemple le De proprietatibus rerum 11240), de Bartholomeus Anglicus, sur-
nommé Glanville (Voy. A.-E. SCHÜNBACH, Des Bartholomeus Anglicus Be-
schreibung Deutschlands gegen 1240. dans Mitteilungen des Instituts für
Oesterreichische Geschichtsforschung, 1906, p. 54).
(2) Les chroniques mentionnent un certain nombre de phénomènes
géographiques importants, mais elles n’ont guère été étudiées encore à
ce point de vue.
mm
— 933 —
famines, etc. (1). Les renseignements sur les voies de com-
munications sont éparpillés dans une foule de documents, la
plupart inédits, notamment les comptes des frais de voyage de
princes ou de particuliers, les comptes des villes, les docu-
ments commerciaux, etc.
Enfin, pour se faire une idée de l’aspect du pays, les récits
de voyage seraient des plus utiles à consulter. Malheureuse-
ment il n’existe pour la Flandre médiévale, à ma connaissance,
que deux sources de ce genre, qui soient publiées, et encore
elles datent de la fin du moyen âge : ce sont quelques pages
du castillan Pero Tafur, qui visita notre pays en 1439 (2),
et quelques unes de Léon Rosmital, beau-frère du roi de
Bohême Georges Podiebrad, qui parcourut l’Europe occi-
dentale de 1465 à 1467 (3).
En ce qui concerne la période moderne, les sources sont
beaucoup plus abondantes, mais le nombre de celles qui ont
été utilisées, est relativement restreint. Les rapports d’ambassa-
deurs ou de commissaires gouvernementaux, entre autres ceux
des ambasssdeurs vénitiens, ont été surtout mis à profit
jusqu'à présent. Souvent on aeu recours aussi aux descriptions
géographiques, comme celle de Guichardin pour le XVI
siècle et celle de Sanderus pour le XVII°, sans en avoir au
préalable établi la valeur historique. Il resterait encore beau-
coup à glaner dans les correspondances et les mémoires, mais
les détails relatifs à des faits géographiques y sont perdus
pour ainsi dire dans la masse. Les récits de voyages offrent
bien plus de ressources : l’un des plus intéressants pour le
début du XVI: siècle est celui d’A. de Beatis, secrétaire du
cardinal Louis d'Aragon (4).
(1) Des listes des prix importantes ont cependant déjà été publiées par
H. Van HOUTTE (Documents pour servir à l'histoire des priv de 1387 à 1794,
Bruxelles, 1902).
(2) P. TaruR, Viajes y Andances, dans Coleccion de libros raros 6 curio-
s08, t. VIII, Madrid, 1874.
(3: La relation de ce voyage est publiée en latin dans la Bibliothek des
lilerarischen Vereins von Stuttgart, t. VII, Stuttgart, 1844.
(4) A. De BEATIS. Die Reise des Kardinals Luigi d'Aragona durch Deutsch-
land, die Niederlände, Frankreich und Oberitalien, 1517-1518 (dans Ærlüu-
terungen und Ergänzungen zu Janssens Geschichte des Deutschen Volkes, IV, 4.
Freiburg, 1905).
— WA —
En outre, pour déterminer notamment la répartition et
l'importance desagglomérations et des établissements humains
en général, il y a une catégorie de sources nouvelles: les
registres paroissiaux. Pour une série de localités, ils devruient
faire l'objet d'études spéciales dans le genre de l'intéressante
monographie que M' Willemsen a publiée sur Saint-Nicolas
dans les Annales de l’Académie d'Archéologie, t. LVI, 1904.
Enfin il existe pour la période moderne une quantité de
documents cartographiques, non seulement dans les divers
dépôts d'archives et les bibliothèques qui se trouvent dans les
deux provinces de Flandre occidentale et de Flandre orientale,
mais aussi aux Archives du royaume et à la Bibliothèque royale
à Bruxelles. Malheureusemeut on ne possède pas encore d'in-
ventaire complet des documents cartographiques qui reposent
aux archives du royaume, et il n’a pas encore paru d'inventaire
quelconque des cartes et plans que possède la Bibliothèque
royale. |
Les sources de la géographie historique restent donc en
grande partie encore cachées ou difficilement accessibles ; en
outre celles qui sont publiées, sont éparpillées un peu partout
dans une foule d'ouvrages et de collections de caractère divers.
Dansle but de faire connaître les documents relatifs à l’ancienne
Flandre et de les rendre plus abordables, ii serait de la plus
haute utilité d'en dresser une liste détaillée. Ce travail ne
pourrait être mené à bien qu'avec la collaboration d'un grand
nombre de personnes, archivistes, bibliothécaires, membres de
. Sociétés savantes, etc , et il serait désirable qu'il fùt préparé par
une commission spécialement nommée à cet effet par le congrès.
Cette commission examinerait les moyens pratiques de recueil-
lir les sources relatives à la géographie historique dela Flandre
et rendrait compte du résultat de ses travaux à la prochaine
session du Congrès d'histoire et d'archéologie. On pourrait
laisser au bureau le soin de nommer les membres de cette
commission. Enfin j'ai honneur de proposer au Congrès de
bien vouloir émettre le vœu que le Gouvernement fasse publier
le plus tôt possible l’inventaire complet des documents carto-
graphiques qui se trouvent à la Bibliothèque royale et aux
Archives du royaume.
Les paroisses primitives et les anciens domaines,
par Josepa BRASSINNE,
Sous-bibliothécaire de l'Université de Liège.
Malgré d'excellents travaux, la géographie historique
de notre pays au moyen âge est loin d'être entièrement con-
stituée.
Pour aider à sa formation, la reconstitution du territoire
des paroisses primitives me paraît offrir une aide précieuse.
Il faut enteudre par paroisses primitives, celles qui
furent directement détachées du ressort de l’église où l’évêque
avait son siège et dotées d’un prêtre spécial, chargé de sup-
pléer l’évêque pour ie ministère paroissial daus les limites de
la circonscription nouvelle. |
Ces paroisses furent naturellement établies au centre des
groupements, c'est à dire en dehors des villes et des bourgs,
dans les villas. |
= Par conséquent, il semble logique d'admettre que l'éta-
blissement des limites d’une paroisse primitive fera, dans.
bien des cas, retrouver du même coup les limites d'un ancien
domaine. Voilà le principe posé; il s’agit d'en vérifier l’appli-
cation (1).
Les exemples que l’on trouvera ici ont été choisis à
dessein dans le concile de Saiut-Remacle, subdivision de
l’ancien diocèse de Liège : j'ai publié, il y a quelques années,
(1) Je tiens à signaler une difficulté. Pour des recherches générales, on
se trouve forcé de prendre, pour point de départ de ces reconstitutions, les
limites des communes modernes ; ces limites peuvent parfois ne plus corres-
pondre exactement à celles des territoires des villages de l’ancien régime.
Par conséquent, pour arriver à une exactitude absolue, il y aurait lieu de.
tenir compte de ces divergences.
— 236 —
sur les paroisses de cette contrée une étude dont les résultats
n'ont pas été, que je sache, contestés (1).
"x
La paroisse primitive de Jupille couvrait rune étendue de
territoire relativement considérable : les points extrêmes en
étaient la section de Souverain-Wandre, les communes
modernes de Saive, de Retinne, de Micheroux, de Fléron, de
Magnée, de Forêt, de Gomzé-Andoumont, de Beaufays, de
Chaudfontaine, d'Embourg, de Chênée, de Grivegnée, de la
paroisse de Saint-Remacle (Liège), les communes de Bressoux
et de Jupille.
Cette circonscription de la paroisse primitive concorde
d’une facon remarquable avec celle du bailliage d'Amercœur,
subdivision de la principauté de Liège, dont un record du
1" avril 1322 (n. st.) permet de fixer les limites.
Pour couvrir exactement le territoire de la paroisse
primitive de Jupille, il ne manque à ce bailliage que les
localités qui, jusqu'à la fin de l’ancien régime, formèrent
l’avouerie de Notre-Dame, ou avouerie de Fléron, et la
seigneurie de Saive.
Cette avouerie de Fléron s'étendait aux territoires qui
entouraient l’abbaye de Chèvremont et dont la possession lui
avait été, dès le VIIT siècle, assurée par les souverains.
L'abbaye et ses dépendances furent données en 972 à la
collégiale Notre-Dame d’Aix-la-Chapelle.
Quant à la seigneurie de Saive, la première mention que
l’on en trouve n’est pas antérieure au XIII° siècle; on ignore
donc son origine, et je dois me borner à rappeler que son
église dépendit jusqu’en 1279 de l’église mère de Jupille.
Le bailliage d’Amercœur représentait, au commencement
du XIV: siècle, le domaine de Jupille tel qu'à la fin du siècle
précédent, l’église de Liège l'avait acquis des évêques
Verdunois.
(1) Pour le détail et les preuves alléguées, je me permets de renvoyer
à cette étude (Bulletin de la société d'Art et d'Histoire du diocèse de Liège,
t. XIV, 1904).
— 237 —
Ceux-ci le tenaient en vertu de la donation faite à l’évêque
Heimon, par l’empereur Henri II, en 1008. Les empereurs
avaient reçu ce domaine des Carolingiens : un acte de 714
parle de la Villa publica de Jupille Vet, dès le VIT siècle,
nous voyons les souverains y séjourner.
Résumons à présent ce que nous savons de son passé :
la circonscription de la paroisse primitive de Jupille est
égale à celle du bailliage d’Amercœur, de l’avouerie de Fléron
et de la seigneurie de Saive.
Nous savons que le bailliage d’Amercœur n’est autre que
le territoire donné par Henri II à l’évêque de Verdun et que,
d’autre part, l’avouerie de Fléron avait pour origine une
donation des empereurs.
Dès lors, et malgré le léger doute qui pourrait s’élever
au sujet de la seigneurie de Saive, je n'hésiterai pas à
conclure que la paroisse primitive de Jupille n’était autre que
le domaine impérial de même nom, la Villa Joppiliensis des
Carolingiens.
Il est même permis, me paraît-il, de remonter plus haut:
les Carolingiens avaient naturellement hérité des biens du
fisc de leurs prédécesseurs, et beaucoup de ces biens n ‘étaient,
pour les Mérovingiens, qu’un legs de l’Empire romain.
Il se pourrait donc que la paroisse primitive de Jupille
aurait eu les mêmes limites que le fundus sur lequel s'élevait,
dès avant le II° siècle, la villa romaine de Jupille.
*
* %
Un fait analogue se constate pour Walhorn.
La paroisse primitive de ce nom comprenait Walhorn,
Eynatten, Hauset, Hergenrath, Kettenis, Raeren et leurs
dépendances.
Ces mêmes localités formèrent précisément jusqu'à la fin
de l’ancien régime le ban de Walhorn, au duché de Limbourg.
D'autre part, au IX° siècle, Walhorn est signalé parmi
les villas du fisc impérial.
Fera-t-on difficulté de retrouver, dans la circonscription
identique de la paroisse primitive et du ban, la survivance du
domaine carolingien ?
*
* *
— 938 —
Les localités de Baelen, de Limbourg, de Bilstain, de
Goé, de Membach, de Henri-Chapelle, de Tupen et de Wel-
kenraedt constituèrent également, jusqu'à la fin de l’ancien
régime, le ban de Baelen, autre subdivision du duché de Lim-
bourg.
Ce sont précisément ces mêmes localités que l’on retrouve
en reconstituant la paroisse primitive de Baelen.
Et de nouveau encore, le nom de Baelen apparait parmi
ceux des villas impériales du IX° siècle.
se
Il serait possible de multiplier les exemples, mais je pense
que ceux qui viennent d'être allégués suffiront à attirer
l’attention sur ce genre d'investigation.
En résumé, l'unité économique, la villa, le fundus, a
dans nos régions fréquemment donné naissance à la subdivi-
sion politique, la seigneurie, le ban, l'avouerie.
Il est clair qu’une sérieuse vérification s’imposera dans
le détail, mais il me paraît permis de dire qu’en bien des
cas la reconstitution d’une paroisse primitive fournira du
même coup la reconstitution d’un ancien domaine.
C’est ce que Mr Imbart de la Tour constatait dans son
beau livre sur Zes paroisses rurales du IV° au XF siècle : cle
second mode de formation territoriale, l’unité de la paroisse et
de la villa, nous apparaît à l’époque carolingienne, surtout
dans les régions du Nord (de la Gaule), dans la Septimanie et
la Marche d'Espagne ».
Le droit d'imposition dans l’ancien
Duché de Luxembourg.
De la signification en terminologie fiscale des mots
feu, Herd, Feuerstätte, ménage, Haus,
par J. GROB,
Curé à Bivingen-Berchem (Gr. Duché de Luxembourg).
La création du Duché de Luxembourg.
À la diète de l’Empire tenue à Metz en 1354, l'empereur
Charles IV créa le 13 mars son frère cadet, Wenceslas de
Luxembourg, Duc de l'empire et érigea les comtés et seigneu-
ries possédés par lui en Duché (1). La portée de cet acte ne
consiste pas tant dans la distinction honorifique conférée à
Wenceslas, mais dans les effets constitutionnels qu'il avait
pour le nouveau Duché. Jusqu'à cette date les différents
comtés, marquisats et seigneuries possédés par Wenceslas
étaient restés absolument ind#pendants les uns des autres;
ils ne tenaient ensemble que par l'union personnelle. Par
suite de l’érection en Duché, ils ne formaient plus qu’un état
unique et indivisible.
L'édit de l’empereur fixe exactement les droits et obli-
gations du nouveau duc et de son duché à l'égard de l'empire
ainsi que des autres états de l’empire, mais les droits du
nouveau duc à l'égard de ses sujets et réciproquement ne sont
pas touchés d'un mot; en conséquence rien n'y fut changé.
(1) Le texte est publié : J. Grob, Eustach von Wiltheims historische
Werke, p. 163; le texte donné par Miraeus, Opera dipl., I, p 221, est
incomplet vers la fin. ,
— 240 —
Effectivement les droits d'un duc de Luxembourg sur ses
sujets n’ont jamais été les mêmes pour toute l'étendue du
Duché de Luxembourg.
Les terres franches du Duché de Luxembourg.
L'existence des Terres franches, ainsi nommées à cause de
leur privilège d’être exemptes du paiement de l’aide, atteste
que particulièrement les droits fiscaux du duc à l'égard des
différents membres formant le Duché du Luxembourg n'étaient
pas les mêmes dans toute son étendue. Ces Terres franches se
répartissaient sur les différentes contrées du Duché de Luxem-
bourg et comté de Chiny; c'étaient les suivantes :
En Wallonie : le comté d’ Agimont,
la terre frauche de Bertrix,
la seigneurie de Chassepierre,
Ja terre franche de Cugnon,
la seigneurie de Masbourg,
Ja terre franche de Muno,
la terre franche de Nassogne,
la seigneurie de Saint-Hubert,
la terre franche de Wibrin;
dans l’Eifel : la seigneurie de Cronenburg,
le comté de Manderscheid,
la seigneurie de Schleiden (1);
près de Thionville : la seigneurie de Busbach (2);
en Lorraine : les enclaves du Duché de Luxembourg
en Lorraine (3), dont la seigneurie de
Raville sur la Nied allemande.
Ce fait de l'existence des Terres franches, exemptes du
paiement des aides et subsides, prouve qu’après l'érection du
Duché de Luxembourg le droit d'imposition n’était pas le
(1) Cadastre de Marie-Thérèse aux Archives du Gouvernement à
Luxembourg. M' Rouppert en a publié les tables d'après un manuscrit des
mêmes archives. Publication de la sect. hist. de l'Institut, t. 46, p. 38.
(2) Arch. générales du Royaume à Bruxelles, Acquits du Brabant
n° 3357. Déclaration de la seigneurie de Busbach.
(3) Ces enclaves ne sont taxées dans aucun dénombrement, excepté
celui de 1473.
— Ul —
même pour les. différents membres qui le composaient et que
par suite il faudrait étudier la question pour chacun d’eux
avant leur érection en Duché. Puisque cela nous mènerait trop
loin, nous ne traiterons la question que pour le seul comté de
Luxembourg proprement dit.
Le droit d’imposition dans l’ancien comté de
Luxembourg.
LA FORMATION DB L'ANCIEN COMTÉ DE LUX&MBOURG (1). —
Sigefroi, le fondateur de la maison de Luxembourg, était comte
du comté mosellan, dit encore « comitatus Judiciacensis »,
comté d'Yutz. Les limites du comté mosellan se confondent
avec celles du doyenné de Thionville et de la future prévôté de
Thionville, géuéralement parlant. Le château de Luxembourg,
acquis par Sigefroi en 963, était situé en dehors du comté
mosellan, quoique assez près de ses frontières.
Vers la fin du X° siècle la partie allemande du futur
duché de Luxembourg était partagée en quatre comtés : 1° le
comitatus Waldeleuinga, administré par Gisilbert, fils
cadet du comte Sigefroi; 2° le comitatus ardennensis,
auquel Henri, l’aîné des fils de Sigefroi, était préposé; 3° le
comitatus Godefridi in pago Methingouui, dans lequel
le château de Luxembourg était situé, et 4° le comitatus
Bedensis, le comté de Bitburg; en faisant abstraction des
voisinages d’Arlon et de Bastogne qui étaient réunis à des
comtés wallons, et du comté mosellan.
De nos recherches sur les Comitatus du Luxembourg
allemand, il ressort que ces comitatus correspondaient en
général aux doyennés respectifs, en sorte qu’on pent admettre
que le « comitatus ardennensis » correspondait au doyenné de
Mersch, comprenant, outre la vallée de l’Alzette en aval de
Luxembourg, une bonne partie des Ardennes Luxembour-
geoises; le «comitatus Godefridi in Methingouui » au doyenné
de Luxembourg; le « comitatus Waldelevinga » au doyenné de
(1) Cet exposé de la formation du comté de Luxembourg est le résumé
d'un travail sur cette question, que nous publierons sous peu; nous nous
abstenons pour ce motif d'indiquer ici les sources et pièces justificatives,
16
— 242 —
Remich, et le « comitatus Bedensis» au doyenné de Bitburg; le
< comitatus mosellanus » de Sigefroi au doyenné de Thionville.
À partir de l’an mil, les comtés de Waldelvinga et de
l’Ardenne disparaissent; il en est de même de celui où était si-
tué le château de Luxembourg. Les grandes abbayes de Prum,
d’Echternach et de Saint-Maximin-lez Trèves possédant la
majeure partie de ces comtés, leurs avoués ne laissaient guère
de champ d’action à l'exercice des droits des comtes respectifs.
Or ces avoués n'étaient autres que les descendants de Sige-
froi; ainsi son fils aîné, Henri, était avoué de Saint-Maximin.
Mais il n’en est pas de même du comté de Sigefroi, le
comté Mosellan. Il en est fait encore mention en l’an 1065
et son comte, nommé à cette occasion, est «Chuonradus»s. Une
autre charte de la même année cite ce comte Conrad comme
avoué de Saint-Maximin. En d'autres termes, ce comte Conrad
n’est autre que Conrad I, comte de Luxembourg et avoué de
Saint-Maximin, le premier de nos comtes, duquel nous pou-
vons prouver qu'il ait porté le nom de comte de Luxembourg,
car son sceau porte: «Conrardus, comes de Luccelemburg » (1).
Nous sommes ainsi en mesure d'établir sur pièces authen-
tiques les origines du comté de Luxembourg : le « comitatus
Muslensis », administré encor en 997 par Sigefroi, est au
4 avril 1065 aux mains d’un descendant du comte Sigefroi :
par le comté mosellan la dignité comtale est devenue héréditaire
dans la maison de Sigefroi.
Au commencement du XT° siècle, les grandes abbayes de
Prum, de Saint-Maximin et d'Echternach et quelques autres
établissements ecclésiastiques de moindre importance possé-
daient presque la totalité des quatre comtés, le « Waldelevingu »,
l’« ardennensis », le « bedensis » et le « comitatus Godefridi »,
comprenant le château de Luxembourg ; or toutes ces proprié-
tés avaient passé en 1065 aux mains des descendants du comte
Sigefroi : une partie de ces biens y avait passé, du consente-
ment plus où moins volontaires de ces établissements, à titre
de fief, de l’autre partie ils avaient l’administration à titre
(1) Voir la reproduction en autotypie, J. Grob., Eustach von Wiltheims
historische Werke, p. 84. Dans le contexte même de cette charte datée de
1083, Conrad se désigne simplement comme : « Ego Conradus comes ».
— 243 —
d'avoués. L'ancien « comitatus Mu:lensis » se confondit avec
ces biens et Conrad, qui, en 1065, n’était officiellement que
le « comes Chuonradus », porte sur son sceau en 1083 le titre
de « Conradus comes de Luccelemburg ».
Le Comté de Luxembourg est donc composé dès son
origine de trois éléments constitutifs bien hétérogènes :
1° le « comitatus Muslensis », où les descendants de Sige-
froi exercaient les fonctious comtales à titre de vassal de
Empire;
2° les biens qu’ils tenaient à titre de fief des grandes
abbayes de Prum, d'Echternach et de Saint-Maximin et
d'autres établissements ecclésiastiques ;
3° le reste des biens de ces établissements, sis dans les
quaire comtés, sur lesquels ils exercaient leur juridiction
comme seigneurs haut-justiciers, en vertu de leur qualité
d'avoués de ces abbayes, les abbayes n’en ayant conservé que
la seigneurie foncière. L’avouerie des trois grandes abbayes,
nos comtes la tenaient également à titre de fief de l’Empire.
À ces trois éléments vinrent s’en ajouter deux autres :
4° les acquêts, soit à titre d'achat ou d’héritage ou à titre
de fief, et
o° les seigneuries hant-justicières, enclavées dans ces
biens; les seigneurs de ces domaines n'étaient devenus à
l’origine les vassaux de nos comtes que pour l’une ou l’antre
de leurs propriétés; mais, dans la suite des temps, la coutume
transforma toutes ces seigneuries en fiefs du comté de Luxem-
bourg.
LES DROITS FISCAUX DES COMTES AU COMTÉ DE LUXEM-
BourG. — De cette origine du comté de Luxembourg il appert
que les pouvoirs et les droits exercés par nos comtes dans les
différentes localités devaient varier d’une localité à l’autre
suivant leur provenance, tant sous le rapport de la justice,
que sous le rapport des droits fiscaux.
Dans l’ancien comté mosellan, les droits et pouvoirs des
comtes étaient fixés par le droit commun de l’Empire.
Dans les domaines des grandes abbayes que les comtes
de Luxembourg tenaient en fief, quelque fragiles que fussent
— 944 —
les liens qui les réunissaient encore à ces abbayes, les droits
qui les régissaient n'avaient pas changé.
Pour l’autre partie des domaines des mêmes abbayes,
administrée par les descendants de Sigefroi en leur qualité
d'avoués, des édits des empereurs avaient fixé les droits et
pouvoirs qui leur compétaient comme avoués (1).
Quant aux acquêts, les comtes de Luxembourg ne pou-
vaient faire valoir que les droits qu’ils venaient d’acquérir.
Par contre, les rapports du comte avec les seigneurs
haut-justiciers, devenus ses vassaux, se réglaient et étaient
déterminés par le droit de vasselage, qui était encore loin
d’être le même pour tous les vassaux, et n’est jamais devenu
le même pour tous les vassaux, comme le prouve l’existence
des terres franches encore à la fin du régime féodal.
De cette formation du comté de Luxembourg d'éléments
si hétérogènes il appert que les droits fiscaux des comtes de
Luxembourg ne pouvaient être les mêmes dans tout le comté,
mais qu'ils devaient varier d’après les éléments dont le comté
s'était formé, et l'exemple des terres franches atteste que ces
droits fiscaux ne sont jamais devenus identiques pour tout le
Duché de Luxembourg.
Les archives sont extrêmement pauvres en documents
relatifs aux droits fiscaux exercés par le comte de Luxem-
bourg dans son comté; nous n’avons en somme que les
chartes d’affranchissement des bonues villes et les pieds-
terriers des différentes parties du comté de Luxembourg,
étant sous la souveraineté directe du comte, dressés de 1309
à 1318.
Pour les chartes d’affranchissement, il suffira d'analyser
celle de la ville de Luxembourg (2), les différentes chartes ne
variant que sur des détails. |
Et d’abord la charte établit que les droits fiscaux, tels
(1) Voir les chartes respectives : Mittelrheinisches Urkundenbuch, t. I,
p. 401, 403, 414 et 483 ; les dates de ces chartes sont : 30 juin 1056, 1065, et
8 août 1112; une de Henri III est sans date.
(2) J'ai publié la charte d’affranchissement de la ville ‘de Luxemburg
datée du mois d'août 1244, sur l'original conservé aux archives de la ville de-
Luxembourg (J. Grob, Eustach von Wiltheims historisthe Werke, p. 62).
— 245 —
qu'ils y sont stipulés sont le résultat d’un accord bilatéral
entre les bourgeois et le comte : « BURGENSES ASSENSU COM-
MUNI IN HOC CONVENERUNT ».
Ces droits fiscaux du comte à l'égard des bourgeois de
Luxembourg sont :
1° un droit de capitation de 14 deniers à payer par
an par chaque bourgeois;
2° un droit sur le produit de la vente : pour le blé vendu
on payait 2°/,, pour tous les autres objets, 0,833 °/ du
prix de vente ;
3° un don de 200 livres lorsque l’aîné des fils du comte
est créé chevalier, et, s’il n'y a pas de mâle, la même somme
lors du mariage de la fille aînée.
Ces impôts, fixés « ne varientur », étaient établis du con-
sentement réciproque des deux parties, et le comte n’avait pas
le droit de les majorer, moins encore d’en imposer d’autres.
Aussi lorsqu’au commencement du XV° siècle Elisabeth de
Görlitz essaya d’élever le « Herdpenning » de 14 deniers,
les Luxembourgeois en appelèrent à l’empereur Sigismond,
qui, par son édit du 9 avril 1531, fait droit aux réclamations
des Luxembourgeois et interdit formellement à la comtesse
d'introduire des impôts sans l’assentiment des bourgeois (1).
Les pieds-terriers de la partie du comté de Luxembourg
soumise directement au souverain, dressés de 1309 à 1318 (2),
nous offrent également la liste des redevances dues au comte,
variant d’une localité à l’autre; mais aucune mention n'y est
faite d’un droit d'imposition dont aurait joui le prince.
1 faut en conclure que dans l’ancien comté de Luxem-
bourg ni le comte ni le pouvoir exécutif n’avait un droit
d'imposition : ses droits fiscaux étaient limités et ne pouvaient
être modifiés que du consentement des contribuables.
Les pieds-terriers de l’ancien comté de Luxembourg
attestent qu’à l'exception :
(1) La charte est du 9 avril 1431; elle est publiée dans J. Grob, Eustach
von Wiltheims historische Werke, p. 189.
(2) Ils ont été publiés par Mr N. van Werveke au tome III de Lamprecht,
Deutsches Wirtschaftsleben im Mittelalter, sous le titre de Urbar der Graf-
schaft Luxemburg aus den Jahren 1304-1317, et en tiré à part.
— 946 —
1° des dimes qui, par leur origine et par la transformation
qu’elles subirent au cours des temps, se distinguent nettement
des autres impôts et dont nous parlerons ci-après ;
2° des droits prélevés sur le produit des ventes dans les
villes affranchies ; |
3° de la nône.
Toutes les autres charges grevant les sujets au profit du
seigneur, et que l’on désigne souvent sous le nom de « droits
seigneuriaux », proviennent des charges imposées par le
haut-propriétaire au tenancier en lui cédant ses terres à bail
perpétuel et héréditaire. Les relations du haut-propriétaire et
du tenancier peuvent avoir été à leur origine soit celles du
maître libre vis-à-vis de son serf, soit celles d'homme libre à
homme libre, les différences qui existaient primitivement entre
les deux espèces de preueurs à bail ayant presque complète-
tement disparu pendant le cours du moyen-âge.
Dans cette catégorie d'impôts il faut ranger, en écartant
toujours la dime et la nône, toutes les redevances soit en
nature : froment, seigle, avoine, poules, porcs, soit en argent
à titre de « schaftgeld » ou « Herdpfennig ». Ces redevances
variaient non seulement d’un village à l’autre, mais dans le
même village d’une vouerie à l’autre, voire même d'une pièce
de terre à l’autre.
Le caractère essentiel de ces droits seigneuriaux était leur
stabilité, et, s’il y a changement, ce sont des diminutions
de ces redevances concédées plus ou moins librement par le
seigneur; les lettres d’affranchissement sous le rapport fiscal
ne sont pas autre chose.
La nône est le prix de fermage des terres que le seigneur
exploitait primitivement lui-même, soit par ses domestiques,
soit au moyen de corvées à fournir par ses serfs. Les grands
seigneurs, ne trouvant plusleur compte dans cetteexploitation,
louaient ces terres et le preneur en payuit la nône comme fer-
mage. Par son origine la nône ne se payait que de certaines
terres déterminées : les croues, croadae, Aachten des chartes.
La dime était d’origine et de caractère un impôt ecclé-
siastique, destiné à subvenir aux frais du culte; mais de cette
destination elle était déjà détouruée en majeure partie dès ou
même avant le temps des Pepins.
— 247 —
Quant aux dimes perçues dans l’ancien duché de Luxem-
bourg, les résultats de nos recherches se résument dans les
propositions suivantes :
1° dans l’ancien pays de Luxembourg Ja dime n’a jamais
été payée de toutes les terres. Encore au XVIII: siècle on ren-
contre des actes parlant de pièce de terre libre de toute dime;
2° probablement la dime dite salique, « Seelzehnten »,
c'est-à-dire la dime payée par les terres saliques, « Seelgut »,
n'a jamais été un impôt ecclésiastique, mais une redevance
due au souverain;
3° déjà du temps des Pepins la majeure partie des dimes
était désaffectée de l'entretien du clergé et du culte, et avait
passé aux mains des laïcs et des monastères;
4° au XIII: siècle la possession des dimes était fractionnée
à l'infini; la dîime avait complètement revêtu le caractère
d'une charge foncière grevant le sol, s’achetant et se vendant
comme toute autre propriété.
Ce fractionnement s'était fait, soit par le détachement des
dimes dues par certaines pièces de terre de la totalité d’un ban
déterminé (dans ce cas ces dimes se désignaient généralement
par le nom du propriétaire des terrains payant ces dimes), soit
en fractionnaut la dime totale d’un ban donné; on connaît
des exemples où des personnes ne possèdent qu'un soixante-
quatrième de la dime d’un petit ban;
5° néanmoins la dime, dans son ensemble, conservait tou-
jours son caractère ecclésiastique par la charge d’entretenir et
de reconstruire les bâtiments servant au culte qui incombait,
en partie du moins, aux décimateurs.
Le droit d’imposition au Duché de Luxembourg.
Ce qui caractérise essentiellement toutes ces contribu-
tions et redevauces dues à leur souverain par les sujets du
comté de Luxembourg est, d’une part, le fait qu'aucun chan-
gement n’y pouvait être opéré de par la volonté du souverain,
et leur durée illimitée, d’autre part.
Par l'érection en Duché rien ne fut changé par rapport
aux droits fiscaux du nouveau duc : après l'érection du comté
de Luxembourg et des autres propriétés possédées par le
ET —
— 248 —
comté en duché de Luxembourg, comme auparavant, leur
souverain ne jouissait d'aucun droit d'imposition sur ses
sujets ; ce qui le prouve, c'est le vote d’un impôt proprement
dit: par les Etats du nouveau Duché, et l’acceptation de la part
‘du prince des conditions auxquelles les mêmes Etats avaient
subordonné l’octroi de cet impôt, peu après l'érection du
duché de Luxembourg.
Vers le commencement de l’année 1360, les nobles et les
bonnes villes du Duché de Luxembourg accordèrent à leur
souverain de lever, pendant un terme de trois années consé-
cutives, sur le produit des ventes faites dans les dites villes, un
impôt de huit deniers, par vingt sols (1); devaient payer cet
impôt : bourgeois. prêtres, clercs, ainsi que tous les
manants et sujets de la noblesse.
L’octroi de cet impôt était subordonné à trois conditions,
auxquelles il devait être satisfait, avant que le souverain ne
pût procéder à sa levée.
Les Etats du Duché de Luxembourg exigeaient :
l° que le souverain délivrât aux Etats des lettres de
non préjudice avant de commencer la levée de l'impôt voté;
2° que le produit de l’impôt voté ne fût affecté qu'aux
fins stipulés dans le départ des Etats qui l’accordait, et
3° que les quatre chevaliers du Couseil, que le duc char-
gerait de la perception de l’impôt en question, ainsi que tous
ceux que les assisteraient dans cette besogne, jurassent d'ob-
server les conditions posées par les Etats.
Le 13 janvier 1360 le duc de Luxembourg, Wenceslas,
accepta l'impôt et s’engagea à observer les conditions aux-
quelles les Etats avaient subordonné l’accord ; en même
temps, il donna les lettres de non préjudice exigées (2).
Le produit de l’impôt était destiné au paiement des dettes
que Wenceslas avait contractées à l’occasion de sa guerre
contre l’évêque et la cité de Verdun et à d’autres occasions,
afin de mettre de cette manière bourgeois et manants du
Duché de Luxembourg à l’abri des tracasseries que leur sus-
(1) Archives du Gouvernement à Luxembourg, farde : Départs des Etats.
(2) Ibidem.
— 249 —
citaient les créanciers du Duc; c’est le motif, ainsi le déclarent
les Etats dans leur départ, que «nous avons octroyé et octroyons
« a nostre dit tres cher Signeur une aide et subside à faire
« en la manière qui sensuit…. » (1).
Le nom d’ « aide et subside » (2) est resté dans la suite à
ces impôts accordés par les Etats du Duché de Luxembourg à
leur souverain pour un temps déterminé et un but déterminé.
Les archives nous renseignent encore sur trois autres
aides accordées sous le règne de Wenceslas I, savoir :
1° une aide qui prit cours au mois d'avril et se termina
le 1 octobre 1375;
2° une aide accordée pour trois ans en 1375;
3° une aide votée par les Etats et commencant le 6 juin
1378 (3).
Vers la même époque, Wenceslas demanda également
au clergé de lui accorder une aide sur les biens de l'église,
« ut subsidia temporalia de bonis temporalibus eorundem sibi
« praestarent et darent, aut saltem super hujus modi subsidiis
« cum officiatis suis in ducatu Luxemburgensi componerent
« et convenirent in certis terminis persolvendis ». Il est plus
que probable que le clergé luxembourgeois accéda à la
demande de son souverain, tandis qu’il conste que le clergé
étranger, ayant des biens au Duché de Luxembourg, nommé-
ment le chapitre de Trèves et les abbayes de Saint-Maximin,
de Saint-Mathias etc. de Trèves s’y opposèrent. Wenceslas passa
outre et fit exécuter les abbayes et chapitres refusants, ce
qui lui valut l’excommunication, et au pays de Luxembourg
linterdit. Dans ce conflit, le clergé luxembourgeois tint le
parti du duc Wenceslas (4).
(1) Voir J. Grob, Eustach von Wiltheims historische Werke, p. 157. Le
texte d'un édit de l’empereur Charles IV, dit « bulle d'or » du 28 décembre
1357, par lequel l’empereur défendait aux créanciers du duc de Luxembourg
de rendre les habitants du duché de Luxembourg responsables des dettes de
leur duc.
(2) « Beede », prière, n’est jamais employé au duché de Luxembourg en
terminologie fiscale.
3) Pour ces trois aides, voir les comptes, Archives générales du Roy-
aume,n° 15,904 ; l’aide de 1375 n’y est que citée.
(4) Régestes de Wurth-Paquet, Publications de la Section hist. de l’In-
stituc, t. 24, p. 152 et suivantes, n° 720-727, d'après les Archives de l'Etat
à Coblence, Cartulaire du Chapitre de la Cathédrale de Trèves,
— 250 —
Pourtant cette demande d’un subside du clergé, de la
part du souverain de Luxembourg, n'était guère une innova-
tion; seulement Wenceslas, ayant eu l’accord du clergé luxem-
tourgeois, aura négligé d'en demander à Rome la dispense
nécessaire ; nous connaissons de pareilles autorisations, don-
nées par Rome à l’empereur Henri VII en 1308 (1), et à Jean
l’Aveugle, roi de Bohême et comte de Luxembourg (2), les
grand-père et père de Wenceslas.
Ce sont même ces autorisations, combinées avec ce que
nous savons des accordsd'aides et subsides postérieurs, qui nous
forcent d'admettre que l’aide accordée à Wenceslas vers le com-
mencement de l’année 1360 par les Etats de Luxembourg ne
fut guère une innovation, mais que les autorisations du Pape
accordées en 1308 et après ne représentent que la part du
clergé dans des aides et subsides accordés par les Etats aux
comtes de Luxembourg.
Dans les aides et subsides accordés par les Etats de
Luxembourg à leur souverain, le clergé a payé de tout temps
sa part, ainsi qu'il conste des dccuments; le clergé luxem-
bourgeois les accordait, seulement il exigeait que le souve-
rain demandât au Pape la dispense nécessaire pour les lever;
opposition n’y fut jamais faite, excepté par le clergé forain
ayant des biens-fonds au pays de Luxembourg (3).
L’aide accordée au duc de Luxembourg à la fin de l’année
1359 ou au commencement de 1360 constituait un impôt sur le
produit de vente, c’est-à-dire un impôt indirect. Pour les
aides de 1374 et 1578, nous possédous les comptes sommaires
rendus par le prévôt d’Ivoix, Thierry Gehel, chargé de leur
perception. La nature de l'impôt, vu direct ou indirect, n'y
est pas explicitement caractérisée, mais la tournure de cette
phrase : « pourtant que les prières dou pays ont esteit
jectees a petit florins » semble insinuer que, pour ces der-
(1) Régestes de Wurth Paquet, Publicatious de Ja Section hist. de
l'Institut, t. 17, p. 129, n° 437.
(2) Ibidem, T. 22, p. 21, n° 1951; T. 19, p. 32, n° 608; p. 37, n° 637; T. 21,
p. 22, n° 1595.
(8) Les archives de l'Etat à Coblence, farde Papiers de Prum, contien-
nent les documents relatifs à une telle opposition faite en 1440.
— 251 —
nières années de 1374 et 1378, il s’agit d'un impôt direct
accordé par les Etats « sur chaque feu taillable », suivant
l'expression devenue technique en matière de terminologie
fiscale des aides.
Le sens des mots feu ‚en allemand Herd, Feuerstätte,
- et ménage, Haus, en terminologie fiscale au Duché
de Luxembourg.
1244. Ermesinde, comtesse de Luxembourg, dit être con-
venue avec les bourgeois de Luxembourg que chaque bour-
geois lui payerait annuellement quatorze deniers (1).
1478. L'aide accordée à Charles-le-Téméraire montait à
12,000 écus; pour la couvrir, chaque feu était imposé annuel-
lement de 12 sols (2 (2).
1492. Les Trois Etats accordent une aide de 16 gros par
feu (3).
1495. Aide accordée par les Etats de 24 nouveaux gros
de Luxembourg imposés sur chaque feu ou ménage (4).
1501. « Comme les prelatz, nobles et deputes des bonnes
« villes, representans les trois estats de nos pays et Duchée
« de Luxembourg et conte de Chiny ayent naigarees liberale-
« ment accorde par forme dayde le temps et terme de trois ans,
s assavoir les prelatz et ceulx des villes demy florin dor sur
« chacun feu et les dits nobles vng quart de florin d'or pour
« chacun feu par chacun an les dits trois aus durans » (5).
1625, décembre 16. Aide de seize patars, monnaie de
Luxembourg « par les estatz dudit Luxembourg... accorde a
sa maieste » (6).
1528. « Aydes accorder a l’empereur nostre sire par les
«estaz de son duche de Luxembourg … assavoir sur vng
(1; Charte d'affranchissement de la ville de Luxembourg.
(2) Archives du Gouvernement à Luxembourg. Liasse Clergé, dénom-
brement de l’année 1473.
(8) Archives gén. du Royaume, Chambre des comptes, n° 15,906.
(4) Ibidem.
(5) Ibidem, fe 1 du Compte de l’aide de 1501.
(6) Ibicem, f° 1 du Compte de l’aide de 1525.
LE. SR
— 252 —
« chacun feu ou mesnaige vng florin dor au pris de 28 sols
« monnaie de brabant » {1). |
1681. Aide de « vf eyn yeder husz eyn philippus, ye
« 25 stuber vor ein gulden gelaicht » (2).
1587. « Ayde de deux florins Karolus ou quarante patars
« sur chacun feu au pays de Luxembourg et conte de Chiny
« accorde a l’empereur par les estatz desdits pays... lan 1536
« le 20° jour de mars stile de treves » (3).
1541. « Les estatz de nostre pays et duchie de Luxem-
« bourg et conte de Chiny a nostre requeste et pour nous
« servir et complaire nous ayant le 7° de janvier derrenier libe-
« rallement accorde trois florins de seigneur de vingt huit
« pattar piece sur chacun feu a payer en quattre annees » (4).
De l’ensemble de ces documents il conste que, de 1473 à
1541, toutes les aides accordées au souverain l'ont été sous
forme d’un impôt direct à lever par feu, en allemand Herd,
Feuerstätte, ou ménage, en allemand Haus, taillable, et
il en fut ainsi jusqu’à la révolution française.
L'aide du 16 décembre 1525 fut accordée à l'empereur
«a condition que chacun vassal ou gentilhomme en sa
« Seigneurie; item chacun prevost en sa prevoste et pareille-
« ment chacun justicier et justice en leur villes prendreront de
« leurs subiectes la declaration et nombre des feuaiges que
* « chacun a dedens les limites de sa jurisdiction;
« et que dedens vng mois apres le dit accord chacun deulx
« levroit la portion dicelle ayde soubz son quartier pour le
« relivrer es mains du Receveur general » (5).
Ce qui est ici ordonné pour la levée de l’aide de 1525, le
fut pareillement pour toutes les aides, dont nous avons con-
naissance de 1473 à 1541 ; c'est à dire que chaque fois qu'il y
(1) Archives gén. du Royaume, f° 1 du Compte de l'aide de 1528.
(2) Archives du Gouvernement à Luxembourg. Liasse Clergé, Sommaire
du dénombrement de 1531.
(3) Archives générales du Royaume à Bruxelles, Chambre des Comptes,
n° 15906. Compte de l'aide de 1537, f° 1.
(4) Archives du Gouvernement à Luxembourg. Dénombrement de 1541.
(5) Archives générales du Royaume. Chambre des comptes, n° 15,906.
Compte de l'aide de 1525, fo 1.
— 253 —
avait accord d'aide, les Etats exigeaient de dresser un dénom-
brement des « feux taillables », par seigneuries, prévôtés et _
villes.
Pour dresser ces dénombrements, les sujets étaieut tenus
de faire la déclaration des feux. Comme nous l’apprennent les
déclarations qui nous sont parvenues des dénombrements de
1528 et de 1541, c'était ou bien le centenier de la localité, ou
la justice ou encore le délégué des contribuables, ou tous
ensemble qui faisaient ces déclarations des feux sous Ja foi du
serment qu’ils prêtaient auparavant.
Pour ces dénombrements, il n'y a d'autre différence que
dans les personnes chargées de recevoir les déclarations des
sujets : en 1525 ce sont les seigneurs, prévôts et justiciers et
justices des seigneuries, prévôtés et villes respectives; en
1528 ce sont les seigneurs pour les seigneuries; mais, pour
les prévôtés et les villes, ce sont des commissaires nommés
par le Gouvernement; en 154], c'est un commissaire assisté
d’un délégué de la noblesse.
L'aide de 1537 devait être levée, selon toute apparence,
d'après un nouveau dénombrement; mais, par ordre du
Gouvernement de Luxembourg, à l'insu du Gouvernement
central, elle fut levée sur le pied du dénombrement de 1531
après qu’on y eût apporté les changements nécessaires.
Après 1541 la pratique introduite en 1537 devint la
règle et la confection d’un nouveau dénombrement des feux
l'exception.
Généralement les abrégés des dénombrements donnent
le nombre des feux de chaque village, si ce village était en
entier sous la même juridiction, ou de la partie du village étant
sous la même juridiction. C'est ce qui explique que certains
villages figurent jusqu'à six ou sept fois au même dénombre-
ment. Le montant de la somme à payer par une telle commu-
nauté s’appelait taxe, et l’ensemble des habitants d’une même
communauté était responsable du paiement de toute cette
taxe; ce qui s’exprimait en terminologie fiscal par l’adage :
le riche soutenant le pauvre, énoncé déjà au dénombrement
de 1495.
Les records de justice définissent le mot feu ou ménage
— 254 —
en disant qu’il y a feu ou ménage « où la fumée monte »,
« wo Rauch aufgeht », c'est à dire où l’on allume le foyer
pour préparer la soupe de la famille; et sont réputés faire
partie de la même famille, ceux qui mangent du même pain.
Il n'y a pas à douter que telle fut aussi à l’origine In
signification du mot feu dans les dénombrements (les aides
étaient donc un impôt direct de capitation), et que chaque
localité comptait autant de feux qu'il y avait de chefs de
famille, sous la seule réserve des deux exceptions suivantes :
le les veuves, non assistées d’un frère ou d’un fils ou
d'un autre proche parent adulte, vivant dans la même famille;
2° les pauvres vivant uniquement d'aumôÔnes.
Les veuves dépourvues d’assistance ne payaient qu’un
demi feu, et les pauvres vivant uniquement d’aumônes en
étaient, comme tels, exempts.
Le principe « le riche soutenant le pauvre », dans le
paiement de l’aide, semble insinuer que, dans les dénombre-
ments, le mot feu a la signification que lui donne la définition
des records de justice. Bien plus, plusieurs des déclarations
produites au dénombrement de 1528, entre autres celles
d'Echternach la ville et d'Echternach la prévôté, paraissent
l’affirmer. Mais, en analysant l'ensemble des déclaration:
produites an dénombrement de 1528, on reconnaît aisément
que feu n’y est plús pris dans le sens que lui attribuent les
records de justice. Sans entrer ici dans les détails, nous
ferons observer que les plus importantes de ces déclara-
tions précisent le nom de feu en disant : « Declaration des
feux et conduitz », ou remplacent le nom de feu par celui de
« Vogtey », vouerie.
Or « conduit », dans l’ancien Luxembourg, est synonyme
de « charrue » dans le sens d’une étendue de terre qu’on peut
mettre en valeur avec une charrue. Seulement, au lieu de
désigner cette étendue de terre par le nom de l’instrument, on
la désignait dans le Luxembourg par l’attelage. On avait le
conduit complet, c'est-à-dire de quatre chevaux, et le demi-
conduit, ou de deux chevaux.
Le nom de « Vogtey », d'après la définition des coutumes
luxembourgeoises, n'est autre que la « manse servile » des
— 255 —
chartes du commencement du moyen-âge (1), et, comme alors
déjà on avait des « dimidium mansum » et des « quartale », il
faut en conclure que les déclarations produites au dénombre-
ment de 1528 n’entendent guère donner le nombre des chefs de
famille, mais bien le nombre total des « conduits complets »;
en d’autres termes que le nombre des feux donnés est propor-
tionnel à la propriété ou faculté du village. Le mot feu dans
ce cas prend alors le sens d’unité d'imposition.
Que tel est bien le cas, ressort encore plus clairement du
dénombrement de 1541. Pour le dénombrement de 1605 il
devient évident, car jusqu’à 12 et 16 chefs de ménage y sont
réunis parfois pour parfaire un feu.
Dans Ja répartition de l’aide de 1726, on dit simplement :
« La valeur du feu est de 93 florins 12 sols, le florin à 20 sols ».
Nous concluons : En terminologie fiscale de la fin du
moyen-âge et jusqu'à la révolution francaise, les termes « feu,
Herd, Feuerstätte, et ménage, Haus » désignent uniquement
l'unité d'imposition à payer par le ménage normal type,
mais rien de plus, et le nombre des feux ne correspond aucu-
nement au nombre des chefs de famille.
Au dénombrement de 1605 la franchise de Neufchâteau
est taxée à 6 feux, mais le dénombrement donne les noms de
83 chefs de famille (2).
La levée des aides et subsides.
Dans les seigneuries hautaines, c'était le seigneur qui
avait le droit et l'obligation de lever la somme à laquelle sa
seigneurie était taxée ; il devait en remettre le montant total
au receveur général de l’aide. |
Pour les parties du Duché soumises directement au sou-
verain, c'étaient les commissaires nommés par le conseil pro-
vincial qui avaient à s'occuper du même devoir.
(1) Coutumes générales du Duché de Luxembourg, chapitre I, Titre If,
art. 3, édition de Leclercq, T. IL, p. 6. °
(2) Dénombrement des feux de 1605, Manuscrit aux Archives du G91-
vernement à Luxembourg, T. III, f. 15 à 18. .
— 256 —
Pour les différentes localités ou parties de localités sou-
mises à la même juridiction, c'était la justice locale qui faisait
la répartition de la somme totale à payer entre tous les habi-
tants non exempts, au marc le franc, selon les moyens de
chacun; seuls les pauvres vivant uniquement d’aumônes
étaient exempts.
Pour la répartition de l’aide on faisait, en 1605, au témoi-
gnage du dénombrement (1), état des dettes de chacun. L’aide
était donc un véritable 2mpôl sur le revenu.
La répartition faite, le maire, respectivement l’écoutète
ou justicier, faisait lever, par le sergent de la justice locale, la
quote part de chacun, et remettait le produit à son Seigneur,
respectivement au commissaire nommé par le Gouverneur.
Les exemptions du paiement des aides.
Les aides et subsides, étant par origine un impôt de
capitation accordé par les contribuables, touchaient tous les
accordants; l’exemption dans le sens strict du mot, c’est à dire
comme privilège, n'existait pas dans le Duché du Luxembourg,
du moins, pas avant le XVIII: siècle. Les dénombrements des
feux et les comptes des recettes et dépenses des aides et subsi-
des le prouvent. Eu effet :
l° le clergé payuit de tout temps sa part et sa très forte
part des aides et subsides; les comptes des aides en font foi.
Si le clergé ne figure jamuis dans les dénombrements,
c’est que la part à payer par le clergé, part fixée pour chaque
accord, était levée séparément. La quote part des aides à
payer par le clergé était répartie au marc le franc du revenu,
levée par des membres du clergé et remise au receveur général
des aides ;
2° les nobles, comme tels, et les francs-homme: ne
payaient jamuis les aides et subsides, non pas par privilège,
mais comme ayant à fournir un impôt plus onéreux, le service
militaire à cheval et à leurs frais.
(1) Dénombrement des feux de 1605, Manuscrit aux Archives du Gou-
vernement à Luxembourg, T. I, Chapitre Remich,
— 257 —
Cet impôt était si lourd que les dénombrements fournis-
sent des exemples où des francs-hommes renoncent volon-
tairement et librement à leur exemption, ne pouvant soutenir
la charge du service militaire.
D'autre part, lors des dénombrements, les exempts pour
noblesse devaient faire la preuve de leur équipement en cheval:
et en armes, et étaient passés en revue avant d’être inscrits
sur la liste des exempts.
En couséquence cette exemption, loin d’être un privilège,
constituait une charge onéreuse;
3° les officiers et employés du souverain, et en partie ceux”
des seigneurs, ne payaient pas non plus les aides et subsides ;
ils se rangeaient dans la catégorie des exempts, mais cette
exemption constituait une partie de leurs gages; pour les
officiers des seigneurs, exemption leur était attribuée à titre
d'indemuité pour la levée de l’aide;
4 n'étaient réellement exempts que les pauvres vivant
exclusivement de l’aumône, car même les pâtres étaient taxés
s'ils avaient quelque propriété.
À part l’aide accordée vers le commencement de 1360 à
Wenc-slas I, toutes les autres aides subséquentes étaient cou-
vertes par un impôt sur le revenu. Au courant du X VIT: siècle,
lors des grands besoins d'argent, provoqués par la guerre de
Trente ans et par les guerres contre la France, le gouverne-
ment et la noblesse essayèrent de revenir aux errements du
temps de Wenceslas I, et proposèrent de recourir, au moins en
partie, à des impôts indiretts pour couvrir les aides accor-
dé:s ; mais la résistance que leur opposait la bourgeoisie était
si forte qu'on dut abandonner ces projets. Les délégués des
bonnes villes avaient fait grève; ils étaient montés à cheval
et étaient partis.
Après le traité des Pyrénées, le gouvernement espagnol
introduisit au duché de Luxembourg des droits de douane
malgré la résistance des Trois-Etats, qui dans leurs départs
ne cessaient de protester contre cette innovation, comme con-
traire à leurs privilèges et au droit luxembourgeois.
17
— 258 —
Survint l’année 1684, et avec elle la domivation fran-
caise, pendant laquelle le Duché de Luxembourg subit les lois
fiscales de la France.
Depuis l’avènement de Charles-Quint, la seule idée qui
dominait toute la politique intérieure du gouvernement espa-
gnol uu Duché du Luxembourg était d'anéantir les privilèges
des Trois-Etats, particulièrement leurs prérogatives en fait
d'impôt; l'introduction des douanes avait été une des étapes
dans cette lutte non interrompue. Aussi, lorsque par le traité
de Ryswyck le Luxembourg fut rendu à l'Espagne, le gou-
vernement reprit son ancienne politique, et cette fois avec
plus de succès. Il réussit à introduire de graves changements
dans la constitution des Trois Etats et par là à s’en rendre
maître, brisant le seul rempart qui s'opposait à l’achemine-
ment vers le pouvoir absolu.
Après le court règne de Maximilien-Emmanuel, duc de
Bavière, le Luxembourg passa avec les autres Pays-Bas espa-
gnols à l’Autriche, qui continua la même politique à l'égard
des libertés du Duché de Luxembourg. Mais les suites ne se
firent pas attendre : le contrôle gènant des Trois Etats ayant
été écarté, les plus graves abus s’introduisirent dans le régime
fiscal; on chercha à y remédier par le cadastre de Marie-
Thérèse qui changeait l'impôt sur le revenu en impôt foncier.
L Rapport sur les travaux de chronologie .
publiés en Belgique et en Hollande depuis 1830,
par H. Neuis,
Archiviste aux Archives du Royaume, à Bruxelles.
Le moment semble particulièrement bien choisi pour faire
le bilan de toutes les recherches entreprises en Belgique et en
Hollande dans le domaine très restreint de la chronologie histo-
rique. Des monographies, des discussions récentes ont attiré
l’attention sur un ensemble de petits problèmes, non entière-
ment résolus encore, qui ont montré l’impérieuse nécessité de
changer d’anciens points de vue qui paraissaient devoir être
définitivement conservés.
Mais, étant la plus décevante des disciplines historiques,
la chronologie oblige à chaque instant à modifier ses con-
clusions et à élargir ses cadres. Si l’on veut apprécier la
valeur des résultats nouveaux qui viendront grossir nos con-
naissances en ces matières, il est indispensable de savoir ce
qui a été fait jusqu'ici pour mieux se rendre compte de ce qui
reste à accomplir.
La bibliographie relative aux travaux de chronologie des
anciens Pays-Bas depuis 1830 n'est pas fort vaste. Ce qui
caractérise en général cette littérature, c'est le but avant tout
pratique que les auteurs ont eu en vue, et l’objet trop peu
précis de ces recherches.
On fait de la chronologie non par dilettantisme, ou par
goût, mais bien par nécessité. Le jour où Alph. Wauters
entreprit la mise au jour de la Table des diplômes et
chartes de Belgique, il fut naturellement amené, et sans
le désirer peut-être, à s'occuper des systèmes chronolo-
giques en vigueur au moyen-âge. De même, les éditeurs
— 260 —
de chartes sont forcément obligés de bien dater les pièces
qu’ils publient et d'étudier les questions qui se rattachent à
la chronologie.
D'autre part, les recherches entreprises jusqu'ici ont eu
généralement des cadres trop larges. Depuis quelques années
pourtant, une réaction s'est produite et l’on commence à voir
que le meilleur moyen de connaitre les habitudes chronolo-
giques suivies par nos aïeux, c'est de procéder par enquêtes
portant sur un groupe spécial de chartes, sur un ensemble
de documents provenant d’uue même contrée, d'un même
diocèse, ou sortis d’une même chancellerie, d'un même
scriptorium. Les travaux de Mr Ede. de Marneffe sur les
styles de Liége et de M' le chanoine C. Callewaert sur ceux
de la Flandre sont dans ce genre d’études d'excellents modèles.
Nous avons groupé ici tous les travaux qui, à un point de
vue quelconque, s'occupent de la chronologie historique des
Pays-Bas. Pour la Belgique nous avons pris comme point de
départ 1830 ; pour la Hollande, par contre, nous avons choisi
l’année 1890, pour ce double motif que c’est à partir de cette
année que d'importants travaux ont vu le jour, et que depuis
ce moment la littérature historique de ce pays nous était
plus facilement abordable.
À propos de chaque article, groupé par ordre d’appari-
tion, nous faisons connaître : 1° le titre exact de la publica-
tion; 2° ses conclusions; 3° les preuves apportées à l’appui de
celles-ci. Rarement nous avons émis une appréciation person-
nelle pour les notices inventoriées. Mais, dans lu plupart des
cas, le lecteur verra bien, s’il est avisé et s’il a de la critique,
si des conclusions légitimes peuvent être tirées des preuves
que les auteurs lui mettent sous les yeux.
1. Le style d'Utrecht et le style de Tournay. Extrait d’une
lettre à M. Kervyn de Lettenhove, par le R. P. DE Buck
(Annales de la Sociélé d' Emulation pour l’élude de l’histoire
et des antiquilés de la Flandre. Série III, t. X, 1855-1856,
pp. 394-398).
Le style d’Utrecht ou de la Nativité a été usité dans les
environs de Bruges. L'auteur attire l'attention sur deux pas-
— 261 —
sages peu connus en 1856 de Gilles le Muisit, où il est dit
qu’en France, en Flandre, dans le Tournaisis et ailleurs, le
millésime de l’année changeait le Vendredi Saint, à l'heure de
midi environ. Les exemples donnés par le R. P. De Buck ne
gout pas, de son propre aveu, décisifs.
2. Eu. Gacuer. Recherches sur les noms des mois et des
grandes fétles chréliennes (Bulletin Comm. royale d'histoire.
Série III, t. VII, 1865, pp. 383-548) (Ouvrage posthume).
Truvail précieux pour la chronologie, l’auteur ayant mis à
profit non seulement les graudes collections diplomatiques de
sop époque, mais encore une foule de documents manuscrits :
chartes, cartulaires, comptes, calendriers, etc. Comprend deux
parties. Dans la première (pp. 384-413), on passe en revue les
différents noms donnés au moyen âge en Belgique aux mois :
noms populaires, flamands, français et latins. La seconde par-
tie : Les grandes fétes chrétiennes, était consacrée, dans l'in-
tention de Gachet, à l'examen des quatre grandes fêtes litur-
giques de l'Eglise catholique : Noël, Pâques, Pentecôte et
Toussaint. La mort a enlevé l’auteur avant d’avoir pas'occuper
de ces deux dernières fêtes. Dans le cycle de Noël sont traités
séparément l’Avent (p. 417-421), la Noël (p. 421-489), la Cir-
coucision (p. 440-456) et l’Epiphanie (p. 456-486). Dans le
cycle de Pâques Gachet étudie le temps du Carême (p. 476-
548). Le reste de cette notice n’a malheureusement jamais vu
le jour. | |
8. À. Waurers. De quelques dificullés que présente la
chronologie des diplômes, bulles et chartes au X1I° siècle et au
commencement du X111 siècle (Table chronologique des char-
tes et diplômes imprimés concernant l'histoire de la Belgique,
t. III, 1871, pp. xxxtnI-Lvi).
Considérations d'ordre général sur la chronologie des
bulles papales, des chartes des comtes de Flandre et des ducs
de Brabant au XII: siècle. La plupart du temps, les chartes ne
sont pas datées, mais renferment des annotations historiques
qui permettent de leur fixer parfois approximativement une
date. Au début du XIÏl° siècle, on semble avoir suivi en Bel
— 262 —
gique le style de Pâques; mais il y a beaucoup d’exceptions à
cette règle. Assez bien de chartes présentent des dates incer-
taines et contiennent des anomalies.
4. À. Waurers. Des différentes manières de dater qui ont
élé successivement adoptées (Table..…., t. I, 1866, Zntroduclion,
Pp. XLVII-LXX).
Généralités concernant les styles chronologiques suivis
par les anciens Romains (calendrier romain}, les Mérovingiens
et les Carolingiens (années des règnes), les empereurs alle-
mands des maisons de Saxe et de Franconie, les Souverains
pontifes. Chronologie spéciale au Pays-Bas : styles gallican et
de Noël.
5. À. WauTERS. À propos de la manière de compter que
l’on suivait dans la partie du Brabant ressortissant à l'évêché
de Liége (Bull. Comm. d'histoire. Série IV, t. I, 1873,
pp. 203-210).
Montre que dans le Brabant wallon, ressortissant au
spirituel de l'évêché de Liége, la réforme de 1333 n’a pas été
suivie d'une manière régulière par les échevinages commu-
naux. Les exemples cités à l'appui appartiennent surtout au
XVI: siècle. Dans ces localités règne la plus étrange diver-
sité dans la manière de changer le millésime de l’année ; on
y rencontre tantôt le style de Brabant, tantôt le style de
Liége; de plus, il y a diversité de localité à localité et de
cours de justice à cours de justice dans une même commune;
enfin, les scribes d’une cour échevinale ne sont parfois pas
d’accord sur le style qu’ils emploient dans les chartes et les
registres. Adoptaient le style liégeoïis au XVI° siècle : Perwez,
Thorembais-St-Trond, Rosières-St.-Symphorien, Chenoy (à
Rosière-N.-Dume), Incourt, Lathuy, Jauche, Piétrain,
Noville-sur-Méhaigne. Par contre, les cours échevinales sui-
vantes admettaient à cette époque le style de Pâques : Mont-
St.-André, Bomal-sur-Gette, Linden, Aerschot, Bierbeek,
Jodoigne (cour des alloyers). Dataient des deux manières diffé-
rentes : les cours de Jauchelette (échevinage de l’abbaye de
Nivelles), d'Opprebais, de Velthem (?) et d'Héverlé.
— 263 —
6. A. Waurers. De quelques parlicularilés concernant la
manière de dater les actes (Table... t. IV, 1874, pp. LvrrI-Lxni).
Attire l'attention sur les usages devenus constants en
France au XIII siècle de changer le millésime de l’année à
Pâques et à la Noël en Allemagne et en Italie. Discussion sur
le sens des mots : Anno incarnationis Domini. Cette appella-
tion ne signifie pas toujours que l’année commence le 25 mars.
L'année pascale doit avoir commencé à Liége, vers 1230,
à une autre époque qu'à Pâques. |
7. H. Gorriner, S. J. De la suppulation des années (au
comle de Chiny) (Cartulaire de l’abbaye d'Orval. Introduction
1879, pp. XXXVII-XXXVIHI).
Le millésime de l’année changeait dans le comté de Chiny
du XII au XV* siècle le jour de l’Annonciation (25 mars),
comme dans le diocèse de Trèves. Néanmoins, on trouve des
exceptions assez nombreuses à cette règle provenant, d'après
l’auteur, du voisinage de la France.
8. L. Gizionrs-van SEVEREN. Jnventaire des chartes
de la ville de Bruges. Introduction (Notes chronologiques),
1878, pp. 81-130.
Considérations générales sur la chronologie depuis les
premiers siècles de notre ère. L'auteur soutient qu’à Bruges
deux styles semblent avoir été en usage au moyen-âge: celui
de la cour spirituelle d'Utrecht (Nativité) et de Tournai (style
pascal avec changement du millésime au Vendredi Saint).
Reconstitution du calendrier brugeois de la fin du XIIT: siècle,
au moyen de pièces d'archives de cette ville. Fragment de
calendrier brugeois du XIV* siècle.
9. S. Murren, Fz. Bijdragen voor een oorkondenboek van
het sticht Utrecht. Programma. La Haye, 1890; in-8°,
69 pages. |
Programme destiné à faire connaître le plan d'un Cartu-
laire de l’évêché d'Utrecht. Travail indispensable pour la
connaissance de la chronologie utrechtoise du moyen-âge.
Conclusions : On doit admettre que « l’évèque (d'Utrecht) et
— 964 —
le clergé de son diocèse ont suivi avaut l’année 1310 le style
pascal, mais qu'après cette date ils ont adopté le style de
Noël. La ville d'Utrecht, elle, l’a également adopté, tandis
que les comtes de Hollande suivaient celui de Pâques à partir
de 1310 » (p. 24). M' Muller établit ce « singulier fait qu à
Utrecht on a suivi un style chronoiogique opposé à celui
employé en Hollande. Deux styles différents se sont donc
développés en sens contraire à la même époque. Car, tandis
qu’à Utrecht le style pascal fait déjà son apparition depuis
917, il cède la place en 1310 à celui de Noël, grâce à l'in-
fluence du haut clergé de Cologne. En Hoilande, au contraire,
où le renouvellement du millésime à la Noël se constate au
XII et au XIII siècle à l’abbaye d' Egmond et dans la chan-
cellerie de Thierry VII, l'emploi du style pascal commença à
s'introduire dans la seconde moitié du XIII: siècle, vraisem-
blablement sous l'influence de la dynastie flandro-hennuyère.
Au début du XIV siècle, cet emploi était quasi-général auprès
des administrations laïques ».
En annexe (pp. 33-41), Mr Muller publie un important
Calendarium Trajectense, donnant la liste de tous les saints
dont la fête était célébrée au moyen-âge par l’église d'Utrecht.
Pour dresser ce précieux tableau, l'auteur a consulté un
Missale Trajectense (Paris, 1497; Bibl. Mss. Utrecht), le nécro-
loge du chapitre cathédral du XIV: siècle, ainsi que l’ordi-
naire du même siècle. Les autres sources sont : la lettre syno-
dale de 1342 (Cf. Van BrusseL, Batavia sacra, 1714, p. 190),
un martyrologe de l’église d'Utrecht du XV* siècle, puis les
registres des écherins de la ville du XV* siècle et les comptes
de l’évêque du XIV: siècle. Un glossaire des mots latins et
flamands clôture ce remarquable travail de chronologie.
10. —- H. GrorerenD. Zeitrechnung des Deutschen Mit-
telalters und der Neuzeit. Hannover, 1892.
Donne les calendriers des évêchés d'Allemagne. Parmi
eux, il y en a deux qui nous intéressent :
1° Calendrier d’Utrecht (d'après le travail de M" S. Muller,
Fz. Voyez n° 9).
2° Calendrier de l'évêché de Liége (pp. 105-109). Sour-
— 265 —
ces : Breviarium ecclesie majoris Leodiensis (vers 1480) à la
Bibl. de la ville de Cologne; Breviarium Leodiense du XV°
siècle à la Bibliothèque de Darmstadt, n° 394; Vecrologium
ecclesie B. Marie Virginis Aquensis, du XV° siècle.
3° Calendrier de l'archevêché de Trèves (pp. 187-192).
Sources : missel de Trèves (vers 1480) à la Bibliothèque du
gymnase de Coblence; missel de Trèves (1547), ibidem; Bre-
viarum Trevirense (s. d.) à la bibl. de Francfort-sur-Main.
11. E. Reusens. Questions de chronologie et d'histoire à
propos de la Table chronclogique des chartes et diplômes impri-
més concernant l’histoire de Belgique par A. Wauters, t. VIII,
1892 (Analectes pour servir à l'histoire ecclésiastique de Bel-
gique, t. XXIV, 1893, pp. 113-168).
__ Examen sévère du volume VIIT de la Table chronolo-
gique d'A. Wauters. L'auteur relève les multiples erreurs,
inévitables dans une œuvré d’aussi longue haleine, ét divise
son travail en paragraphes. $ 1 : Dates douteuses, résultant
de l’emploi du style gallican, non signalées (pp. 114-117);
$ 2: Absence de règles et inconséquences dans la réduction des
dates du moyen-âge à notre style actuel (117-125); $ 3 : Les
actes des notaires impériaux et apostoliques (pp. 125-126);
$ 4 : Fêtes mobiles mal assignées (pp. 126-127); $ 5 : Fêtes
de saints mal déterminées (pp. 127-130); $7 : Dates du calen-
drier ecclésiastique mal résolues (pp. 131-138); $ 8 : Le calen-
drier romain (pp. 138-149); $ 9 : Erreurs chronologiques
diverses (pp. 140-144); $ 12 : Les noms romains des jours de
la semaine (pp. 151-152); $ 13 : Les noms du mois : Jugnet et
juignet mal traduits par juin (pp. 152-154); $ 14 : Andach
traduit par lendemain au lieu d’octave (pp. 154-156); $ 15 :
Sint Pietersdach in zelle et in den lenten mal traduits
(pp. 155-157). |
a
Dull.
12. A. Waurenrs. Mote en réponse aux critiques dg
Table chronologique des chartes et diplômes a été l'abg
Comm. d'histoire, Série V, t. 3, 1893, pp dé
Justification des critiques £
VIIT, 1892) pa
able chronolo-
WE. Reusens. Les erreurs
— 266 —
qu'on y rencontre sont inévitables dans une publication de ce
genre. Discussion à propos du Sint Pietersdach in zelle, de
junet, juignet et quindena Paschae. Style du 1° janvier suivi
en Hollande au XVI° siècle.
13. S. Murcer, HznN. De jaarstijl te Rotterdam voor de
Hervorming (Bijdragen voor Vaderlandsche geschiedenis.
Reeks III, 1893, B. 6, blz. 268-270).
Démontre, au moyen de 12 exemples pris entre les années
1357 et 1523, que l'échevinage de Rotterdam a constamment
fait emploi au moyen âge du style de Noël. Sous la dynastie
autrichienne ce style s’appelait à Rotterdam : s/ilus communis,
tgemeen scriven, den gemoonen loop, en opposition avec le style
pascal indiqué par les mots : stilus curie, tscriven in den hove
van Hollant, den loop van den hove.
14. R. Fruin, Tu. Az. De jaarstijl der heeren van Mont-
foort (1bidem, t. 8, 1894, pp. 319-321).
Conclut, en se fondaut sur 4 exemples (1 «du XIV: siècle,
2 du XV: et 1 Au XVI‘) que les seigneurs de Montfort ne sui-
vaient ni le style de la Nativité n1 le style de Pâques, mais
celui de la ville de Montfort, c'est à dire celui du 1° janvier.
15. R. Fruin. Verslag omtrent de oude gemeente en water-
schaps-archieven in Utrecht over 1892 (Verslagen omtrent
’s Rijks oude archieven, t. XV, 1894, pp. 529-568).
Etablit, au moyen de quatre exemples (deux de 1491, un
de 1500 et un de 1523) empruntés à des registres, que dans la
commune d’Yselstein, dans la province d’ Utrecht, on renouve-
lait le millésime de l'année au 1“ janvier (pp. 564-566). Le .
style des seigneurs d'Yselstein est impossible à déterminer.
Ce travail est le premier publié en Hollande (écrit en 1892 et
édité en 1894) où l’on démontre que le style du 1* janvier a
été en usage dans ce pays.
16. E. Reusens. Examen de la « Note en réponse aux
critiques dont la Table chronologique des charles It. VIII] a
été l'objet » (Bull. Comm. d'histoire, Série V, t. V, 1895,
pp. 6-37)
— 267 —
Reprise de la discussion à propos de St. Pieters dach in
zelle. C'est la fête de saint Pierre qui se célèbre le 22 février.
Signification de jugnet et jwignet. Différents styles suivis en
Belgique au moyen âge. Généralités à ce sujet. Impossibilité
d'admettre que les chancelleries du comte Guillaume aient
employé deux styles chronologiques, un spécial au Hainaut
et un autre, propre à la Hollande. Discussion à propos du com-
mencement de l’année au l‘ janvier dans la chancellerie de ce
comté au XIV* siècle. Signification du mot jaersdach.
17. E. Reusens. Revue critique. Carlulaire de l'église
St. Lambert de Liége, publié par St. Bormans et HE. School-
meesters, t. I, 1893 (Analecles pour servir à l'histoire ecclé-
siastigue de Belgique, t. XXV, 1895, pp. 93-140).
Dans cette attaque dirigée contre le cartulaire de Saint-
Lambert on trouve mentionnée une série d'erreurs chronolo-
giques, mais trop peu importantes pour être relevées ici. La
réponse au chanoine Reusens, écrite par M" St. Bormans, a
pour titre : Za Commission royale d'histoire el son détracleur.
18. Epa. pe Marxerrg. Styles et indictions suivis dans
les anciens documents liégeois. Bruxelles, 1896; in-12°, 56 p.
L'auteur établit que « le style de Pâqués n'était employé
à Liége que depuis environ un siècle, à l’époque du change-
ment indiqué par Hocsem. Au XI°et au XII° siècle et pendant
les trente premières années du XIIIe siècle, on y employa le
styie de la Nativité. Rétablit le 25 décembre 1333, ce dernier
style continua à être suivi jusqu'à la fin de l’ancien régime ».
Pour les iudictions, nous avons les règles suivantes :
« L'indiction romaiue changeant le 1° janvier, fut employée à
Liége, concurremment avec le style de lu Nativité, au XI° siècle
au XII et au XIII: siècle. Elle y fut remplacée par l'indiction
de Bède, durant le temps qu'on suivit le style de Pâques.
Reprise, quand l'emploi du style de la Nativité fut rétabli,
elle changea le 25 décembre. Les notaires liégeois qui dataient
leurs actes d'après le style de la Nativité, employèrent dès le
XIIT: siècle l’indiction romaine et conservèrent constamment
cet usage ».
— 268 —
19. A. Waurers. Des modifications qui s’introduisirent
en Belgique au XIV® siècle, dans la manière de commencer les
années (Table chronologique, t. IX, 1896, pp. xxmi-xLvi).
Á partir du XIV* siècle, trois styles chronologiques exis-
tent dans les Pays-Bas : le style gallican (Flandre, Hainaut
et Brabant), le style de Noël (Liége) et celui de l’Annon-
ciation (partie sud-est du pays). Abandon du style pascal à
Liége en 1333 et introduction du style de Noël. L'usage de
spécifier de quel style on se sert, rare au XV* siècle, devient
général au XVI: siècle. Exemples du style suivi dans les loca-
lités du Brabant oriental. Incertitudes à cet égard. Le style
de Liége est adopté à partir de 1334 dans le comté de Namur;
dans la partie du Luxembourg soumise à l’autorité spirituelle
des évêques de Trêves on commence au XIV* siècle l’année à
l’Annonciation. Réforme d'Utrecht en 1310. Emploi du style
de Noël. Renouvellement du millésime au 25 décembre dans
le comté de Hollande au XVI: siècle.
20. R. SHieRIDAN. La chronologie en Flandre. Le commen-
cement de l'année dans le style gallicun (Annales de la Société
d' Emulation de Bruges, t. XLVI, 1896, p 64 et suiv.).
Travail dont les conclusions neuves méritent d’être rete-
nues. L'auteur défend cette théorie parfaitement juste « que le
style gallican a toujours fait coïncider le renouvellement du
millésime avec l'heure de la célébration de l'office de la nuit
de Pâques ». Au X1° siècle, l'heure de cet office fut avancée de
telle facon qu'au siècle suivant les Cisterciens le célébraient déjà
le samedi saint, entre none et vêpres. Au XIII: siècle, l’année
pascale commençait ce jour-là vers 4 heures de l’après-midi;
un peu plus tard, les heures canoniales sont encore avancées
de manière à pouvoir être chantées, comme de nos jours, dans
la matinée.
Exemples tirés des comptes de la ville de Bruges, des
Hallegeboden et des comptes de la léproserie de la Madeleine,
montrant qu'au XVI° siècle on changeait le millésime de
l’année le samedi saint, après la bénédiction des fonts baptis-
maux. Discussion sur les deux passages de Gilles le Muisit
relatifs au renouvellement de l’année au vendredi saint. À
— 269 —
l'exemple du XVI siècle fourni par Mr Gilliodts, l'auteur en
ajoute un du l' avril 1328 (n. st.). Mais ces deux exemples -
sont insuffisants pour faire de l’assertion de Gilles le Muisit la
règle générale pour les pays de style gallican.
21. J.G. Cu. Joosrinc. Des anderen dages (Bijdragen
voor vaderlandsche geschiedenis, Série III, t. IX, 1896,
pp. 294-274).
Signale un grand nombre de textes des XIV®, XV*et XVI
siècles où le mot anderen dages a incontestablement le sens
de altera die, deuxième jour, lendemain, x crastino die. On
trouve aussi l'expression des neesten dages. |
22. James DE Fremery. De jaardagstijl, de jaarstijl der
heeren van Naaldwyk, der heeren van Voorne tot 1372, en de
gemeene styl van Holland (lbidem, Série III, t. IX, 1896,
pp. 105-152). |
Démontre par des exemples certains qu'an moyen-âge on
a employé en Hollande le style du 1° janvier. Cet emploi se
laisse surtout constater à partir du XV* siècle par des adminis-
trations communales qui n'avaient sans doute pas l'habitude
de faire usage d’un style ecclésiastique.
Dans la ville de Heusden le renouvellement du millésime
au lef janvier est officiellement introduit en 1404 dans les
bureaux de la cour écheviuale.
En se basant sur des indications de registres l’auteur
signale comme certain, à partir de 1372, l'emploi du style du
ler janvier dans la ville de Leyde. Quant aux seigneurs de
Voorne, on constate qu'ils ont employé jusqu’en 1372 le
style du nouvel an, et que depuis ils ont adopté celui de
Pâques.
23. E. Reusexs. Deuxième supplément aux questions de
chronologie et d'histoire, ou Examen crilique du tome IX de la
Table chronologique par A. Wauters (Analectes pour servir à
l’histoire ecclésiastique de Belgique,t.xxvi, 1896, pp. 485-508).
Signale les nombreuses erreurs dont le tome IX de la
table est entâché. Soutient contre A. Wauters que jamais la
chancellerie de Guillaume 1°", comte de Hollande, n'a employé
— 270 —
dans cette province le style de Noël ; c'était toujours le style
de Pâques.
24. R. Fruin. Over de dateering van eenige oorkonden der
Hollandsche graven (Bijdragen voor vaderlandsche geschiede-
nis. Série III, t. X, 1898, pp. 125-146).
Contient trois notices :
1° Les années du règne d'empire d'Henri V dans deux
chartes du comte de Hollande Florent V (pp. 125-132).
2° L'âge de la lune dans les chartes du comte Thierry VII
(pp. 132-133).
3° Style et indiction dans les chartes du comte de Hol-
lande, Guillaume IV, roi des Romains (pp. 134-146).
29. J. DE FREMERY. Dateeringen van graven uit het
Hollandsche huis, alsmede van eenige Hollandsche en Zeeuw-
sche steden (1bidem. Série III, t. X, 1899, pp. 147-175).
Discussion de l'article de R. Fruin (voyez n° 24) au sujet
de la chronologie des comtes de Hollande du XIII° siècle.
Signification des mots jaersavand et paaschavond. Les chartes
datées du jaersavond n'ont pas encore renouvelé le millésime
de l’année ; paaschavond indique le jour du samedi saint, mais
les dates qui portent cette mention peuvent être du nouveau
ou de l’ancien style, d’après l'heure du jour où les chartes ont
été rédigées.
Styles de quelques localités hollandaises : Brielle (1 jan-
vier avec emploi du mot a nativitate), Brouwershaven (1' janvier,
au XVI: siècle), Delft (emploi certain du style de 1’ Annoncia-
tion au XVI: siècle), Dordrecht (style de Pâques aux XIV°-X Ve
siècles, avec changement le vendredi saint), Goes (style de la
Circoncision, au XVI: siècle), Gouda (Ì°“" janvier au XVI° siècle),
seigneurie de Mathenesse (1°r janvier au XVI° siècle), Reimers-
waal (1° janvier au XVI siècle), Æotlerdam (1% janvier au
XVIe siècle), Veere (1* janvier au XVI° siècle), Zierikzee (style
de la Nativité au XIV* siècle; style inconnu pour l'époque
postérieure).
26. R. Fruin. Waschrift op het opstel van den heer de
Fremery (Ibidem. Série III, t. X, 1899, pp. 176-182).
— 971 —
Maintient contre J. de Fremery (n° 25) ses opinions au
sujet des indictions et du style suivis dans les chartes du :
comte de Hollande, Guillaume IV.
27. J. ne Fremery. Grafelijke dateeringen. Naschrift
verbeteringen (Ibidem, pp. 183-184).
28. J. De Fremery. Dateeringen van graven uit het
Hollandsche huis (lbidem. Série IV, t. I, 1899, pp. 138-140).
29. Oorkondenboek van Groningen en Drenthe, t. II,
1899, $ 5 : De tijdrekening, pp. 504-509, par ZerP GRATAMA.
Généralités concernant le style suivi avant 1810 par les
évêques d’Utrecht. Admet les opinions émises à ce sujet par
M' S. Muller Fz. (Programma). Détails sur le style chrono-
logique suivi par les évêques de Munster et sur les usuges
locaux de la Frise. Incertitude de déterminer avec exactitude
un style quelconque.
30. Cu. Duvivier. Mote sur l’abandon du style de Pâques
dans les chartes de Baudouin de Conslantinople (Bulletin
de la Commission royale d'histoire, t. 70, 1901, pp. 37-43).
Prouve que « le comte Baudouin IX a abandonné, à un
certain moment, le strle de Pâques. Ce changement est certain
pour l’année 1202; il ne remonte pas au début du règne,
mais il paraît avoir débuté au cours de l’année 1200 ». Quand
Baudouin fut devenu empereur de Constantinople le 9 mai
1204, il reprit le style de Pâques, comme le montrent sept
chartes où ce prince prend le titre d'empereur et qui sont _
datées des mois de février et de mars 1204.
31. M. ScuoexGex. Jets over den iaarstijl in klooster-
orden gebruikt. Met naschrift door R. Fruin (Nederlandsch
Archievenblad, t. X, 1901-1902, p. 18-25).
Cherche à démontrer, en s'appuyant sur les recherches
de Janauschek et O. Posse, que l’année se renouvelait partout
et toujours chez les Cisterciens au jour de l’Annonciation de
N. S. (25 mars). Les Prémontrés ne se sont pas toujours ralliés
À ce style : exemples du XVI° siècle. Les Frères de la vie
— 272 —
commune employaient le style de Noël au XV* siècle, ainsi
que les chevaliers de l'Ordre Teutonique. Les Bénédictins ne
semblent. pas avoir eu de style spécial pour leur ordre et se
sont conformés au style du diocèse ou de l'endroit où ils
étaient établis. Incertitude au sujet du style des Dominicaius
et des Frauciscains. Dans le Naschrift, M' Fruin soutient
qu'à l’abbaye de Middelbourg, l'année se renouvelait au
moyen-âge le 1‘ janvier. |
32. H. Nerrs. Le commencement de l'année au premier
janvier dans les registres aux actes de l’Université de Louvain
du. moyen-âge (Revue des bibliothèques el archives de Bel-
gique, t. Ï, 1903, p. 240-245).
Modifie l'opinion émise en 1891 par le chanoine E. Reusens
(£léments de paléographie et de diplomatique du moyen-âge,
p. 97) au sujet du commencement de l’année au 1° janvier
à l’ancienne Université louvaniste. L'auteur établit que les
scribes renouvelaieut dans les registres aux procès-verbaux
des facultés le millésime de l’année à la Noël, comme toutes
les institutions ecclésiastiques du diocèse de Liége. « L'erreur
de M' Reusens trouve son origine dans une fausse interpréta-
tion des rubriques indiquant le changement du millésime
dans ces mèmes registres ». « Il faut prendre comme base
d'observation les dates placées entre la fête de Noël et celle
de la Circoncision ».
33. C. CarrrwauRT. Zes origines du style pascal en
Flandre (Annales de la Société d’ Emulation de Bruges, t. LV,
1905, p. 13-26; 121-143).
Contrairement à l'opinion généralement reçue qui veut
que le commencement de l’année à Pâques aurait été intro-
duit en Flandre au début du XII° siècle, ce consciencieux
travail établit que « le style de Pâques a été une rarissime
exception en Flandre jusque dans les tout dernières années
du XIT siècle. Ce n'est que sous le règne de Baudouin de
Constantinople qu'il devient d’un usage plus fréquent, con-
curremment avec l'emploi de l'ancien style de Noël qui
semble encore prédominer ».
— 273 —
Examen des chartes des comtes de Flandre, des évêques
de Térouanne et de Tournai. Pour les premières, l’auteur
remonte à une charte du 6 janvier 1093 de Robert II de
Jérusalem et il termine son étude en 1202. « Jusqu'à la fin
du règne de Thierry d'Alsace, on trouve dans les documents
diplomatiques une série de preuves contre l'emploi du style
pascal; on n’en connaît aucune en faveur de ce style ». Sous
Philippe d'Alsace, le style de Noël, bien qu’encore souvent
employé, perd néanmoins de ses adhérents; enfin, avec
Baudouin de Constantinople, le style pascal cominence à se
généraliser de plus en plus.
34. H. Neus. Le commencement de l’année au Vendredi
saint à Tournai au KIV siècle (Zbidem, t. LVI, 1906, pp. 5-13).
(Voyez le compte rendu critique de L. Verriest dans les
Annales du Nord et de l'Est, t. II, 1906, p. 558, et la répouse
à ce compte rendu par le chanoine Callewaert dans les
Annales de la Société d' Emulation, t. LVI, 1906, pp. 476-477.)
Prouve, au moyen de chartes émanées de la cour échevi-
nale de la cité de Tournai et des Voirs-jurés de cette ville, qu'au
XIV: siècle on changeait le millésime de l’année le j jour du
vendredi saint, après la célébration de l'office religieux, c’est à
dire vers midi. Mais on constate aussi qu'à la même époque
Ja matinée du samedi saint est prise comme point de départ
d’une année nouvelle. L'assertion de Gilles le Muisit qui fait
commencer l'année le vendredi saint n’est donc pas aussi
erronée qu'on a bien voulu le dire; mais son affirmation est
trop exclusive.
35. C. CacrewagnT. Mote complémentaire sur le com-
mencement de l'année à Bruges(Zbidem, t. LVI, 1906, pp.14-15).
Détermine la signification des mots neune et noen qu'on
rencontre parfois au moyen-àge dans des chartes datées du
vendredi ou du samedi saints. Voen, neune signifient none ou
l'office canonial qui au XIVE siècle se chantait un peu avant
l’heure de midi. Déjà à la fin du XIII siècle, le mot flamand
noen était synonyme de midi. L'auteur cite un texte du Rym-
bybel de Maerlant où il a nettement le sens qu'il a encore
aujourd hui.
18
— 274 —
36. S. Murren, Fz. De Jaarstylen in het sticht Utrecht
gebruikt voor het synodaal-besluit van 1310 (Verslagen en
Mededeelingen der Koninklijke Akademie van Wet. en lelter-
kunde (de Hollande). Reeks IV, deel VII, 1905, blz. 309-341).
(Voyez les comptes rendus du chanoine Callewaert. Anu.
Soc. Emul. de Bruges, t. LVI, 1906, pp. 107-108, et d’H.
Nelis. Revue des bibl. et arch. de Belgique, t. IV, 1906, pp.
122-124).
M' Muller modifie les opinions soutenues en 1890 dans
son Programma voor een oorkondenboek van het sticht Utrecht
(cf. n°9) au sujet du style chronologique suivi par les évêques
et le clergé de leur diocèse. il établit les quatre conclusions
suivantes :
1° Il est nécessaire d'adopter le style de la circoncision
dans toutes les chartes émanant du Sticht avant 1224, où
l'emploi d’un autre style ne se laisse pas constater.
2° A partir de cette date, les actes des évèques présentent
une grande variété dans l'emploi du style chronologique.
On peut les dater de la sorte :
Othon de Lippe (1* janvier parfois st. pascal).
Willibrand d'Oldenbourg (1°" janvier).
Othon de Hollande (st. pascal).
L'élu Gossuin de Randerode (st. indéterminable).
Henri de Vianden (st. pascal ou de l’Annonciation; excep-
tionnellement celui du 1‘ janv ier).
L'élu Jean de Nassau (1° janvier ou st. pascal).
Jean de Sierck (st. pascal).
Guillaume de Malines (st. pascal).
Guy d’Avesnes (probablement st. pascal).
3° [1 faut admettre l'emploi du style pascal pour les
institutions religieuses suivantes : chapitres d'Ondmunster
(depuis 1248); Saint-Pierre (1258); Saint-Jean (1263) ; cha-
pitre cathédral (1274) ; abbaye d'Oostbroeck (1277) et de Saint-
Paul (1287).
4 Admettent encore le style de la Circoncision avant
1310 : la cour spirituelle d'Utrecht, la ville d'Utrecht, des
paroisses de cette ville, les cinq chapitres, ainsi que le cha-
pitre de Sainte-Marie et la Maison Teutonique.
— 275 —
Les preuves apportées à l'appui de la première des con-
clusions sont les unes empruntées à des considérations géné-
rales, les autres des exemples empruntés aux usages des
provinces du Nord. Pendant tout le moyen âge, l’ancien com-
mencement de l’année des Romains au l‘ janvier a été connu
et a eu des adhérents, car il est impossible d'admettre qu’au
XVI: siècle, quand cette manière de compter fut introduite
dans notre pays par Philippe II, ce style constituait une
nouveauté. D'autre part, le mot nyejaersdach se rencontre
dans des chartes à partir du XIIT° siècle, et est même usité
dans des chancelleries où l’on suivait le style pascal. Qu'est-ce
à dire sinon que pour le peuple le 1‘ janvier n’a jamais cessé
d’être le premier jour de l’an, date à laquelle commence une
année nouvelle.
L’auteur se fonde encore sur les recherches de R. Fruin
et J. de Fremery (voyez n° 14, 15, 22 et 24) établissant
qu'en Hollande le millésime de l’année s’est changé au
XV: siècle le ler janvier. Un compte de l’abbaye d'Oudwyk
du même siècle montre un usage analogue; il en est de même
d’une charte de l’official d’Utrecht de 1294.
37. S. Murren, Fz. Le style de la Circoncision (Rev. des
Bibl. el archives de Belgique, t. IV, 1906, pp. 259-271).
Réponse au compte rendu de H. Nelis (idem, pp. 122-124)
qui avait déclaré que la thèse de M" Muller (à savoir que
doules les chartes utrechtoises d'avant 1310 devaient être datées
du style du 1°" janvier) n’est pas prouvée. L'auteur justifie sa
manière de voir en développant les arguments qu'il a fait
valoir. N'apporte aucun argument nouveau dans le débat.
38. (Le style de la Circoncision.) Réponse de M. H. Nelis
{1bidem, pp. 272-280).
Fait observer que M" Muller confond deux choses dis-
tinctes, des habitudes de chancellerie et des coutumes popu-
laires ; le changement du millésime par les secrétaireries et le
commencement de l’année civile, suivi par les Romains. Un
texte du liturgiste francais G. Durand prouve qu’au XIII siè-
cle on changeait en France le millésime au 25 mars et à la
— 276 —
Noël et que néanmoins l'an née civile commençait au 1° janvier.
À Utrecht on a pu changer le millésime avant 1310 au 1° jan-
vier, mais il n’est pas permis, il n’est pas possible de faire de
cette date le point de départ duvariadle de l’année, comme le
prétend Mr Muller.
39. J. Cuveuiur. Cartulaire de l'abbaye du Val-Benoît.
Introduction (Remarques chronologiques), 1906, pp. xxix-
XXXIX.
Conteste que le style de l’Annonciation ait été suivi
partout par les cisterciens. Exemple d’une décision du chapitre
général de l’ordre du 27 décembre 1365. « Les Cisterciens
ont employé le style en usage dans le diocèse où ils étaient
établis » (p. xxx). Les légats pontificuux, Gui de Préneste et
Conrad de Porto, n'employèrent pas le style de la Nativité dans
des chartes rédigées dans le diocèse de Liége au début du
XIII: siècle. D'autre part, « le style de la Nativité, tout en
étant en usage dans la chancellerie épiscopale liégeoise, ne
peut cependant être indifféremment appliqué à tous les actes
passés dans le diocèse, même dans le palais épiscopal ». Exem-
ples tirés des chartes du Val-Benoit.
40. J.-G.-C. Joostine. De jaarstijl der bisschoppen van
Utrecht (Ned. Archievenblad, t. XIV, 1905-1906, pp. 20-22).
Au moyen de six chartes données en 1139, 1141, 1169,
1178, 1218 et 1226, l'auteur établit que les évêques d'Utrecht
ont probablement fait renouveler le millésime de l’année ie
jour de Noël.
41. M. SCHOENGEN. De oorkonden uit het archief van het
Fraterhuis te Zwolle (lbidem, t. XV, 1906-1907, pp. 34-42 -
S2 : De dateering).
Les Frères de la vie commune semblent s'être conformés
à l’ordonnance du synode d’Utrecht de 1310, qui faisait
débuter l’année à la Noël. Importance du style du 1‘ janvier
au moven-âge dans les provinces de la Hollande. Assertion
du canoniste du XVIII? siècle Vincent Petra au sujet de
l'emploi de ce style dans les Congrégations romaines, et dans
les tribunaux de curie. Sens des expressions : annus a nati-
vilate, annus Domint, etc.
— 271 —
_ 42. S. Muuer, Fz. Le style de la Circoncision. Réponse à
M. H. Nelis (Revue des bibl. et arch. de Belgique, t. IV,
1906, pp. 399-401).
L'auteur maintient son idée au sujet du renouvellement
du millésime au 1° janvier dans toutes les chartes utrechtoises
d’avant 1310. Discussion à propos du texte de G. Durand;
l’assertion de ce liturgiste prouverait le fondé de sa thèse.
. 43. H. Neus. (Ze style de la Circoncision.) Un dernier
mot à M. S. Muller (1bidem, pp. 402-403).
Fin de la polémique; l’auteur juge non recevables les
idées émises par son contradicteur : M° Muller interprète mal
le texte de G. Durand et se trompe quant au style s suivi par
les Congrégations romaines.
44, R. Fruin. De jaarstijl der Middelburgsche abdij
(Wed. Archievenblad, t. XV, 1906-1907, pp. 86-92). (Voyez le
compte-reudu critique de Jos. Cuvelier dans la Rev. des bibl.
el archives de Belgique, t. V, 1907, p. 50.)
M: Fruin croit pouvoir établir avec beaucoup de vraisem-
blance qu’on a fait débuter l’année au 1° janvier à partir du
XIVe siècle à l’abbaye de Middelbourg. Deux exemples de
1349 et 1361 paraitraient entièrement concluants s'ils ne
pouvaient s’interpréter, comme l’a suggéré M" Cuvelier, avec
un emploi occasionnel du style de l’Annonciation. D'uutre
part, deux exemples sont insuffisants pour établir une thèse
générale; car il est fort possible,comme l’a montré Mr Sheridan
(n° 46), que les rédacteurs de chartes aient oublié de changer
le millésime dans les premiers jours de l'an. Que chacun inter-
roge sa mémoire et dise si des distractions semblables ne lui
sont pas arrivées plus d'une fois! Si l’abbaye a changé à
cette époque le millésime au 1° janvier, c'est en imitation
de ce qui se faisait alors à la secrétairerie communale de
Middelbourg.
45. H. OBrBEN. Over de jaarstylen door Floris Ven zyne
voogden gebruikt, 1256-1296 (Zbidem, pp. 92-103).
Etablit que Florent V, comte.de Hollande, son oncle et
sa tante, ont employé dans leurs chartes les styles pascal et
mue —
— 278 —
de la Circoncision. L'emploi de ce dernier style n’est pas
prouvé.
46. P. SmEripan. Ztudes de chronologie brabançonne.
Chap. I. Les erreurs de date dans les chartes brabangonnes
(Rev. des bibl. et archives de Belgique, t. V, 1907, pp. 101-
116).
| Montre que les erreurs de chronologie sont nombreuses
et distingue trois sortes de fautes : 1) indication erronée du jour
de la semaine ou du quantième du mois; 2) indication erronée
du mois; 3) indication erronée du millésime. L'auteur tire
deux conclusions importantes de ces exemples : la première
d'ordre juridique, à savoir que « jusqu'à la fin du XIV: siècle,
lon n’a accordé, en Brabant, qu’une valeur très minime à
l'exactitude de la date dans les actes juridiques » ; la seconde
qu’ «ilest peu sûr d'édifier tout un système chronologique
sur les dates apparentes de deux ou de trois chartes seulement».
47. P. Dorerer. Bijdrage lot de geschiedenis der tijdre-
kenkunde te Maastricht in de Middeleeuwen (Publications de
la Soc. hist. et archéol. dans le Limbourg à Maestricht. 1907,
t. XLIT, pp. 211-230).
Avant le XIII° siècle, on a fait usage à Maestricht du
style de Noël, à l'exemple de la chancellerie des évêques de
Liège. Il est probable que, vers le milieu de ce même siècle,
le style pascal aura été adopté; en tout cas le changement
du millésime à Pâques fut maintenu par les échevins de
Maestricht jusque vers 1385, et fut alors remplacé par le style
liégeois de la nativité.
Ancienneté relative des vestiges
de la période hallstattienne en Belgique.
Quel est l’âge des tombelles de la Campine?
par Louis STROOBANT,
Président de la Société d'Histoire et d'Archéologie de la Campine « Taxan-
dria », à Merxplas.
Nous avons eu, au cours de ces dernières années, l’occa-
sion d'explorer plusieurs nécropoles par incinération de la
Campine, notamment à Weelde, Raevels, Luiks-Gestel, Turn-
hout, Baarle-Nassau, Bergeik, Alphen, Ryckevorsel, Hoog-
straeten, Grobbendonck, Santhoven, Veldhoven, Riethoven,
Beersse, Meir, Casterlé, Achterlé, Rysbergen, Sprundel,
Loenhout, Leur, etc. |
Quelques-uns seulement de nos procès-verbaux de fouilles
ont paru jusqu'à ce jour (1), mais nous possédons suffisamment
d'éléments pour déterminer les caractères généraux de ces
nécropoles.
En Campine on découvre très rarement une tombelle
dans un terrain bas, marécageux. On les trouve au contraire
groupées en lignes parallèles sur des champs élevés à quel-
(1) L. STROOBANT. Les lombelles de Weelde dans le Bulletin de l'Académie
royale d'archéologie de Belgique, 1902, — Exploration de quelques tumuli de
la Campine anversoise et Note sur la nécropole antéromaine de Luiks-Gestel
dans les Annales et le Bulletin de l'Académie, 1903. — La nécropole par
sncinération de Grobbendonck; La nécropole par incinération du Looy à Turn-
hout, dans le Bulletin de l'Académie, 1905. — Le Puits antéromain de Beersse ;
La Tazandrie préhistorique dans le Bulletin de Taxandria, 1905. — Urne
lebtera du Haut Empire trouvée en Campine, dans le Bulletin de l’Académie,
1906.
— 280 —
que distance du centre des villages actuels. Il est fort rare de
retrouver les nécropoles dans leur état primitif. Ce sont pres-
que toujours des terrains communaux, situés aux confins des
territoires et restés longtemps en friche. Une crainte supersti-
tieuse en éloigne le paysan et souvent le gibet s'est élevé à
cette place maudite parce que païenne. A Heerlen, Cuyck,
Broeckhem, Maeseyck notamment, la potence surmontait
d'anciennes nécropoles par incinération. A Ryckevorsel nous
trouvons le Galgeheiveld à proximité de la nécropole; près de
la nécropole du Zooy à Turnhout se trouve le gibet ; à Bladel
on a trouvé des urnes au Galgeveld; à Staden, la Vierschaere
(ancienne justice) se trouve près du Zillenhoek (coin de Hellia)
et probablement nécropole. Ceci doit être vrai pour quantité
d'autres communes.
De nos jours on trouve le plus souvent que deux ou trois
plantations successives de sapins sont venues bouleverser
complètement nos antiques cimetières, d'où nivellement assez
sensible des tombelles et destruction de la plupart des urnes.
A proximité se trouve, d’une manière constante, une mare
mystérieuse dont il sera question plus loin et au sujet
de laquelle on raconte quautité de légendes : cloches qui
sonnent au solstice; les baigneurs s'y noient; l'eau ne gèle
Jamais; on y trouve de l’eau en toute saison; profondeur
insondable; vertus curatives, etc.
Dans le voisiuage se trouve une colline qui porte des
noms caractéristiques (Veuusberg, Wodenberg, etc.) et qui
semble avoir servi au culte. On y conserve aussi le souvenir
confus d’un arbre sacré auquel on va lier la fièvre. Un lieu
dit stokt, de stoken (?), rappelle l'ustrinum.
La nécropole proprement dite, d'une étendue parfois
considérable, est souvent enclose de levées de terre (vallen)
mesurant en moyenne ] m. de hauteur sur 2 à 3 m. de
largeur. Il en subsiste des parties à Ryckevorsel, à Luiks-
Gestel, à Grobbendonck, à Turnhout, à Alphen, etc. Le plus
souvent un chemin antique, Aeirbaan, longe la nécropole
(Casterlé, Grobbendonck, Meir, Ryckevorsel, etc.).
Toutes ces nécropoles, sans exception, sont exposées à
l'est. C'est à dire qu’elles se trouvent sur la déclivité d'un
— Bl —
terrain descendant en pente vers l’est. Aux endroits où cette
pente n'est pas assez marquée, nous avons trouvé les urnes
inclinées, ayant l'ouverture orientée vers le soleil levant. Ce
dispositif est conforme aux croyances scandinaves qui placent
le Walhalla près de l'orbite du soleil.
Les tombelles sont presque toujours alignées sur plu-
sieurs rangées parallèles du nord au sud, de manière à se
trouver en rangs étendus, face à l’est. Au milieu des tom-
belles se remarque souvent un tertre plus élevé.
Les tombelles ont généralement moins d’un mètre de
haut et ont un diamètre de 5 à 15 pas. Quelquefois un petit
ravin entoure la tombelle, mais le plus souvent ce petit fossé,
s'il a existé, a été comblé par l’épandage du sable.
Généralement on trouve l’urne cinéraire au centre de
la tombelle, du premier coup de bêche, à fleur de sol.
Ce fait s'explique par la nature du sable campinois très
meuble et se nivelaut sous l'action du vent. L'écobuage
des bruyères, opération consistant à enlever des souches
de bruyères, a eu souvent pour résultat de décapiter l’urne
cinéraire. C'est dire combien celle-ci a été exposée à la
destruction et la raison pour laquelle on la trouve rarement
entière.
L'urne ciuéraire proprement dit: mesure généralement
de 25 à 30 cm. de haut. Elle se trouve déposée sur le sol
primitif, . rarement dans une excavation. À l'intérieur de
l'urne de menus ossements calcinés entremélés de charbons ‘de
bois et de sable. Vers l’ouverture de l’urne on trouve rare-
ment un bracelet ou une épingle en bronze, mais assez
souvent des gouttelettes de bronze provenant d'objets fondus
au feu de l’ustrinum. A l'intérieur de certaines urnes et
notamment à Taimise, Haesdonck et à Weert, on a trouvé des
silex tuillés. Quelquefois une, deux, même trois urnes minus-
cules, que nous considérons comme des urnes d’offrande,
accompagnent la grande urne. Ces petits vases sont souvent
renversés, c'est à dire l'ouverture en dessous, sur les osse-
ments contenus dans la grande urne.
Quantité de tombelles ne contiennent autre chose que les
ossements calcinés placés en tas, dans la terre, sans que l'on
— 282 —
découvre le moindre tesson d’urne. Le volume de ces dépôts
est approximativement celui d’une tête d'homme (r).
Dans le sable qui sert de remblai, on rencontre assez bien
de charbon de bois, mais en quantité insuffisante pour faire
croire que les corps ont été brûlés à l'emplacement de chaque
tombelle. Il semble plus probable qu'il existait un wstrinum
commun d’où les ossements calcinés étaient transportés dans
la nécropole proprement dite.
Le mobilier funéraire des tombelles campinoises est assez
pauvre et peu varié. Ce sont la plupart du temps des objets en
bronze et des silex taillés (2). Le fer est rare. Nous avons
trouvé des objets en fer à Turnhout et à Bergeik.
A Turnhout nous avons trouvé des broyeurs, des molettes
pour meules à bras et quelques fusaïoles.
Jamais, à notre connaissance, on n’a découvert des mon-
naies à l'intérieur des urnes campinoises.
Souvent à proximité des nécropoles, et rarement sur
leur emplacement même (à Baarle-Nassau), on a trouvé des
objets de facture romaine.
On dirait, d’après l’ensemble de nos constatations, qu’un
poste romain (ou poste de barbares romanisés) a été établi dans
(1) Des fouilles antérieures ont fait constater, dans les tombelles dites
germaniques, l’absence d'urnes. Parmi les ossements incinérés et entremêlés
de cendres on ne trouvait que des débris de fibules ou autres fragments de
bronze, mais aucun débris de poterie. Cf. P. CuyrEers, Berigt omtrent
eenige oude grafheuvelen, onder Baarle-Nassau in Noord-Brabant (Arnhem,
Is.-An. Nyhoff, 1844). — WESTENDORP en REUVENS, Antiquiteiten, I, 199. —
WESTENDORP, Voorlezing over de oude grofheuvelen met betrekking tot de
provincie Drenthe, dans Antiquiteiten, 1, bl. T1. — JANSSEN, Over de oudste
vaderlandsche schansen. Berigt enz., dans les Bijdragen voor Vaderlandsche
Geschiedenis en Oudheidkunde (Arnhem, 1843). IV, p. 181 et suivantes.
(2) Mr le Bez de Loë a récolté des vilex taillés sur des nécropoles cam-
pinoises et notamment à Contich (Duffelschen hoek), à Loenhout (Zommel-
berg) et à Moll (Alverenberg). Cf. E. VAN OverLoop et Bon A. DE LOE, Explo-
rations dans la province d’ Anvers (1898), pp. 4, 5 et 9.
M',Ubagbs cite vingt localités du Limbourg hollandais où il a trouvé
des urnes dites germaniques, accompagnées onze fois d'objets en bronze et
huit fois de silex; 34 localités du Brabant hollandais ont livré 19 fois du
bronze et 7 fois du silex ; 20 localités de la Campine belge ont livré presque
toutes des silex taillés.
__ 983 —
le voisinage de chacune de nos nécropoles qui révèlent une
population absolument barbare.
L'urne campinoise est du type nettement Hallstattien.
Afin d'en mieux faire connaitre les formes caractéristiques
pous reproduisons ci-contre quelques urnes de diverses pro-
venances, Nous les avons placées intentionnellement en
regard d’urnes à col droit de Court-Suint-Etienne, Haesdonck,
Biez, Louette-St.-Pierre et Gedinne. Nous aurions pu y
ajouter des types d'urnes de Weelde, de Casterlé, de Turn-
hout, de Luiks-Gestel, de Santhoven, de Bergeik, de Rae-
vels, de Beersss, etc., mais la démonstration n'y aurait rien
gagné.
Nous regrettons de devoir contredire ici la plupart des
auteurs qui déclarent que ces urnes grossières sont faites sans
l’aide du tour de potier. Elles sont faites au tour. Seulement
elles sont l’œuvre de potiers inexpérimentés ou peu soigneux.
Afin de nous rendre compte de leur fabrication, nous nous
. sommes appliqué à les imiter en suivant les procédés les plus
primitifs. Aidé d'un potier expérimenté nous sommes parvenu
au bout de quelques séances — à l’aide du tour — à produire
des urnes rugueuses, d'épaisseur inégale, mal conformées,
mais leur cuisson a toujours donné des produits sonores, durs
et rouges, qui prouvent que nos anciens potiers ne se servaient
pas du four. Par contre, toutes nos tentatives pour former un
Vase, sans employer le tour du potier, sont restées vaines. Si,
comme on l’a prétendu, le tour était inconnu à nos primitifs
ancêtres, il leur eût été plus facile de faire des espèces de bacs
carrés en argile, plutôt que d'adopter la forme circulaire qui,
nous le répétons, nous parait d'une exécution quasi impos-
sible sans l’emploi du tour.
L'argile dont ces vases sont tournés renferme presque
toujours des petits cailloux blancs ou éclats de quartz Notre
potier nous affirme que ce mélange est intentionnel afin
d’empêcher le rétrécissement de l’argile avant la cuisson.
La plupart des nécropoles contiennent à la fois des urnes
à grosses parois rugueuses. grossières, inégales et mal cuites,
et d’autre plus régulières, lissées extérieurement et de couleur
brun-chocolat. Panken, Cuypers, Degrez, Hermans, qui ont
— 94 —
fouillé des nécropoles campinoises en 1842-46, ont fait la
même constatation.
Nous pensons que ce lissage a été obtenu par le frottement
d'un iustrument en pierre polie. Pour ce qui est de leur couleur
foncée, nons partageons l'avis du professeur Virchow qui écrit
à Schliemann, que c'est la fumée abondante qui pénètre
l'argile et qui produit la coloration (1).
Ce qui est certain, c’est que les urnes lisses et les urnes
grossières sont contemporaines et qu’elles ne marquent pas
des stades de civilisation différents.
L'ornementation des urnes campinoises consiste en quel-
ques lignes circulaires, points, lignes verticales ou en redents
faits à main levée, au bâtonnet, à l'ongle ou à l'aide d’une
espèce de peigne. Le plus souvent l’urne ne porte aucune
ornementation. Nous n'avons jamuis rencontré l’ornementa-
tion curactéristique, par estampage ou d la roulelte, des pote-
ries des Franks inhumeés.
Parfois le bord supérieur de l’urne a été piqueté dans le
sens de son épaisseur à l'aide d’un bâtonnet, de manière à
présenter sur son pourtour une série de petites: cavités. Nous
possédons quantité de tessons (environ 50 types différents)
provenant de la nécropole du Looy à Turnhout et présentant
cette particularité. Nous avons récolté des bords absolument
semblables dans les stations de La Panne et de Malo-les-
Bains. M" Dens signale des urnes du Limbourg portant la
‘même décoration (Dens, pl. IX, fig. 4, 5, 6, 8 et 9).
Il résulte de l’ensemble de la technique des urnes, de
leur ornementation, de la coupe des tombelles et du mobilier
funéraire que les nécropoles de la Campine révèlent la civili-
sation d’Hallstatt, et à ne considérer que ces facteurs, nous
devons faire remonter les nécropoles de la Campine au pre-
mier âge du fer, dont le cimetière de Biez nous offre le type (2).
(1) H. SCHLIEMANN, Zléos, traduction E. Egger (Paris, Firmin-Didot
et Cie, 1885). p. 271. :
(2) Bon A. DE LoË, Fouille d'un cimetière du premier âge du fer à Biez
(Brabant), dans les Annales de la Société d'archéologie de Bruxelles, t. XII,
le livraison, 1898.
— 985 —
Mais tandis que quantité de préhistoriens se bornent à
faire l’étude comparative des pièces de fouille et à les classer
d’après la méthode des savants français, nous avons étudié
de près les lieux-dits de nos découvertes et nous avons cherché
à analyser les légendes qui s’v racontent.
Ce sont là deux nouveaux facteurs des plus sérieux dont
il convient de tenir compte et qui sont de nature à modifier
notre premier jugement.
Les groupements toponymiques des nécropoles campi-
noises ne sont pas quelconques. Leur étude comparative
permet de constater que dans chacune d'elles les mêmes
éléments se retrouvent. :
C'est le bois sacré dans lequel s’alignent les tombelles.
Il s'appelle Boschhof, comme de nos jours on dit Kerkhof
(cimetière), Zaag (haie sainte), Looy (de Loo), etc. A proxi-
mité se retrouve, d'une manière constante, le puits,
mare ou cours d'eau, par lequel les âmes des trépassés s'en
vont chez Hellia. On l'appelle Kattespoel à Beersse (où
on trouve des urnes), Alokkeven à Ryckevorsel (près de la
nécropole). Ælokkenkuillje à Vosselaer (hache en silex),
Duivelswiel à Engelen (près de la nécropole de Woerd),
Doodenput à la nécropole de Luiks-Gestel, Duivelswiel à
Hoogstraeten (où on a trouvé des urnes), Veckerspoel à
Malines (urnes à col droit), Mellegat à Oerle (urnes à col
droit), Duivelsven à Dommelen, Duirelsrten à Riethoven,
Duivelskolken à Lochem, Duivelsbrug à Breda, Æattenkuil à
Budel, Kattekuil à Merxplas, Alokkeven à Westmalle, etc.
Les mêmes légendes relatives à des cloches qui sonnent
au solstice d’hiver, à des trésors qui remontent à la surface,
à certaines vertus curatives de l'eau de ces puits, se racontent,
avec quelques variautes, à ces endroits.
À proximité de la nécropole et de la fontaine sacrée se
trouve souvent une colline, Venusberg, Berg, Kattenberg,
Kabauterberg, où se conserve le souvenir d’un arbre sacré;
Wodsboom (arbre de Wodan), Met boomke (le petit arbre),
den Heesboom (l'arbre de Hesus ou simplement le jeune chêne
Heester?). Souvent à ces endroits on trouve de nos jours une
petite chapelle où les pèlerins viennent lier la fièvre (de koorts
ee
EE
— 286 --
afbinden). pratique évidemment d'origine paienne, qui consiste
à lier un ruban ou une jarretière à un arbre, à observer
certains rites et à s'enfuir sans se retourner. Moyennant
quoi le fièvreux peut transmettre sa fièvre à l'arbre qui
dépérit.
Le chemin qui conduit à la nécropole, à l'arbre et à la
fontaine sacrée, s'appelle souvent Zijkweg (chemin des cada-
vres), à Oploo; Baarsteeg (Sentier de la Civière) qui conduit
au Woerd, nécropole de Genderen ; Zelsteeg (Sentier de Hellia),
à Megen; Lijkstraat, près du Potberg à Achterlé. C’est dans
ce chemin que l'imagination populaire fait circuler le loup-
garou, de W'eerwolf; het ijzeren zog, qui est un porc ayant
une patte en fer; de Langemapper, revenant qui se grandit
et se rapetisse à volonté.
Ces légendes et traditions qui peuvent s'expliquer par
la mythologie nordique (1) sont presque des constantes. C’est
ainsi que le moyen le plus simple de rechercher d'anciennes
nécropoles consiste à s'informer de l'endroit hanté. Nous ne
manquons jamais de nous informer de l'existence d’une mare
à cloches, de l’endroit où les Æabaulers ont habité, du Aatten-
dans, ronde des sorcières, où se promène le Aellewagen, où
se trouvait le gibet, etc.; et bien souvent les indications topo-
nymiques nous confirment l'existence voisine d’une nécro-
pole.
Voici quelques exemples de groupements toponymiques :
Achel : den Heksendans (la danse des sorcières), Wolfs-
ven (mare aux loups) Keiserbosch (bois de l’empereur).
Baarle-Duc : Groot tommel (grande tombe) ou Mortel-
berg (colline de Mortel?); ce dernier terme, dont nous ignorons
la signification, se rencontre d’une manière constante à
proximité des nécropoles : De Mortels à côté du Duivelsbosch
à Meir; le Moortelhoek à Belcele où apparaissent des chats;
le Aorlelhoek à Deurne (Anvers); le Moortedeek à Dilbeek
(1) Le weerirolf, loup-garou qui fait entendre un bruit de chaînes, est le
loup Fenrers, fils de Loki et d'Angerbode et frère de Hellia; comme cette
dernière il savait prédire l'avenir. Les dieux, craignant qu’il ne leur portât
malheur, le firent charger de chaînes par les nses,
— 287 —
(de Helbeek); Hondseind à Ossendrecht (ailleurs Hondsmor-
tels); Æondseind à Ulecnten; Mondseind à la nécropole du
Grand Bedaf à Baarle; Zondmortelvelde à Hove; Moortelstraat
à Thielrode; Æondseind à côté de la nécropole du Molenheide
à Alphen; den Hondsberg à Esschen, etc. |
Peut-être les Moortel ou Hondsmortel désignent-ils les
lieux de sacrifices où l'on égorgeait le bétail destiné aux repas
funéraires? Moortel, de Moort, Meurtre (1), Heesboom (arbre
de Hees, peut-être de Hésus), Molenheide (bruyère du moulin).
Des nécropoles par incinération se rencontrent souvent à des
Molenheide, notamment à Alphen, Meerhout; Molenwerf à
Horssen. Boschhoven (cour au bois), lieu-dit qui constitue un
indice certain de l'existence d’une nécropole à tombelles.
Bergeik : het Hemelrijck (le paradis); de Kattenberg (la
colline aux chats), qui est un tumulus fouillé par feu Panken.
Beersse : le Katlespoel (la mare aux chats), à proximité
de laquelle on a trouvé des urnes du type d'Hallstatt.
Casterlé : De Venusberg (colline de Vénus). Duivelskuil
(puits du diable), à côté duquel nous avons trouvé des urnes
à col droit. Le Kabauterberg (colline des nutons). Bosck-
hoven (cour au bois), que nous considérons comme un ancien
bois sacré et où se trouve une nécropole par incinération.
Diepenbeek : De Caetsbeek (ruisseau aux chats), où l’on
a trouvé une pointe de lance en bronze.
Diest : De Venusberg, de Kalenberg (colline chauve
ou colline des Callen, nymphes aquatiques).
Gheel : Den Aschberg (colline aux cendres) et Zombroe-
ken (marais des tombes?), où l'on a trouvé des urnes à col -
droit. De Belderbergen (collines de Balder?), où l’on a ex-
humé des urnes; les Wolfsbosschen (bois aux loups), où l'on
a également trouvé des urnes, etc.
Grobbendonck : uécropole au lieu-dit Boschhoven
(bois sacré). Urnes et silex au Æallesleert (queue du chat),
qui se trouve à proximité d'une Klokkeven (mare à cloche).
Le Duivelsberg, (colline dn Diable) et le Doodsberg (colline des
morts), où se trouve eufoui un veau d’or.
Hasselt (Limbourg belge) : de Zelle (la « dea Hellia »),
où l’on trouve des silex taillés.
— 988 —
Gruitrode: Donnerslag (au radical Thor), où se trouvent
des tombelles.
Gronsfeld : près de la fontaine (sacrée) de Dor (Thor)
au Zomveld (champ des tombes), Zommelweg (chemin des
Tombes) au Mel (Hellia), Wodsboom (arbre de Wodan) au
‚ Venushof (cour de Vénus), Panhof (cour de Pan?) onu Veldhof
(cour aux champs?), etc. A tous ces endroits des urnes et
substructions.
Hechtel : au nord du Katterschebeek (ruisseau des chats)
on trouve des silex taillés.
Hoogeloon : au Kabauterberg (colline des Kobolts),
objets romains; au Z#æartberg (colline noire), une hache en
bronze.
Horssen : urnes à col droit au Molenwerf (moulin), à
proximité des Wolfskuilen (trous à loups).
Meerhout : les A/vinebergen (collines des Elfes), où se
trouvent des silex taillés. Le Foddenberg (colline de Wodau).
De Duivelsketelheide (bruyère du chaudron du diable) où se
trouvent des silex taillés. Urnes cinéraires au Windmolenblok
(bloc ou terre du moulin à vent), au Galgeheide (bruyère de la
potence). Substructions au S. Mertens Kerkhof (cimetière de
Saint-Martin), etc.
Moll : urnes cinéraires au (rijdt, au Alverenberg (colline
des Elfes). Pointes de flèches en silex au Alverenberg et à
Wezel (peut-être we de geweid et cella (?))
Ryckevorsel : la nécropole du Zelhoekheide (bruyère du
coin de Hellia) à proximité du Venusberg (colline de Vénus),
du Hellegat (trou de Hellin). Bloedberg (colline sanglante).
Ælokkeven (mare de la cloche). Zooy, bois sacré, etc.
De même dans les Flandres nous trouvons des noms de
lieux dont le groupement révèle l'existence d'anciens bois
sacrés ou de nécropoles : |
Au nord de Rolleghem-capelle, den ouden God (le
vieux Dieu), den God (le Dieu), Oudenroodbaart (la vieille
barbe rouge), Æoodbaart (barbe rouge de Thor?). Au nord de
Heestert, Aadestraat (rue mauvaise, peut-être païenne),
Kattestraat (rue des chats), Æeyberg (colline aux cailloux),
Olieberg (colline de l’huile?). Au sud de Comines, le viel
Dieu, le Grand Hel, le petit Hel.
— 289 —
Au sud de Kemmel, sur le mont Kemmel, le Kaltekerk-
hof (cimetière des chats), Zindenhoek (coin du tilleuli.
Au nord de Nevele, de Boschstraat (rue du bois sacré ?),
het veldeken (le petit champ), de vier boomen (les quatre
arbres).
Au sud de l’étang de Dickebusch-lez-Y pres, de Æael-
put (le puit des Callen, nymphes d’eau), de Vrouwdijk (rem-
blai ou digue des femmes), Goude zonne (Soleil d'or), Halle-
bast (au radical Hel ?).
Au sud de Roulers, le Duyvelshoeksken (petit coin du
diable), S. Antoniuskapel (chapelle de Saint-Antoine), Ziver-
berg (colline d'argent), Toveresseknok (knok des sorcières).
Au sud de Hooglede, Koningshoek (coin du roi), Mei-
boomhoek (coin de l’arbre de Mai).
Au nord de Staden, den Hillehoek (le coin de Hellia) et
la Vierschaere (banc de justice).
A l’est de Thielt, Zaeghoek (coin de la haie sainte, bois
sacré), Meikensbosschen (bois de Mai? peut être champ de Mai),
Kappelhoek (coin de la chapelle), Katteknok (knok des chats),
Poelberg (colline du marais) (r).
Encore convient-il de remarquer que ces lieux-dits
sont notés à la simple lecture des cartes militaires. Mais que
d'indications précieuses pour le préhistorien dans les noms des
parcelles renseignées aux plans cadastraux ou aux anciens
terriers.
Ce n'est que très exceptionnellement que les plans
modernes ont conservé un ensemble d’indications comme
nous en rencontrons par exemple au sud d'Ossendrecht (au
nord d'Anvers) : Zooverberg (colline de la sorcellerie), Asch-
berg van Putte (colline aux cendres), Galgenberg (colline
de la potence — la potence est élevée souvent sur une
nécropole païenne), Æoudeheide (bruyère froide), Hageland
(champ de la haie), de Hemel (le paradis), Meiduinen, (dunes
de Mai — champ de Mai?), Hondseind, Zwarten duin (dune
noire).
(1) Théoriquement, des légendes, semblables à celles de la Campine,
son! à recueillir à ces endroits.
19
— 290 —
La plupart du temps nous ne trouvons sur les cartes
modernes qu’une seule indication utile aux recherches pré-
historiques. Telles sont :
Cortemarck, de Helle.
Lichtervelde, Beersechags.
Oostnieuwkerke, Sleyhage.
Iseghem, Emelghem.
Wacken, Toorerhoek.
Ingelmunster, Maaneghem.
Ledeberg, Boschstraete.
La Pinte, Hemelrijck.
Saint-Gilles-lez-Termonde, Haegstraet,
Merchtem-Brabant, Sleeuwhagen.
Moorsel, Klairhage.
Baerdeghem, Terhagen,
Opwijk, Doodstraat.
Perck, de Helle.
Humbeek, de Wolfiinde, Kattemeuterbosch.
Impde, Boschkant.
Hombeek, Expoel.
Boom, Terhaegen et Boschstraat.
Termoude, Boschstraat.
Nevele, Baerle.
Auwegem, Werhaage.
Thielt. Tommehoek, (au nord).
Erpe, Mael.
Hautem-Saint-Liévin, Zonnegem.
Maire, Boschstraete.
Courtrai, de Hrlle, den Hemel.
Saint-Genois, Helchin.
Vlamertinghe, Brandhoek. (ustrinum ?)
Sweveghem, Evangelieboom, Katteknok.
Tieghem. Xlokkehock.
Mouscron, Tombrouck.
Renaix, Zonnestraat, Fortuinberg, Matersreld, Vrankryk, Ellezelles
(Sala van Hellia?) Camp, Haies, Tombelle,“ Arbre Saint-Pierre. Près
cu Musiekberg on a élevé quantité de chapelles; on y rencontre
le Stoktstraat, Kermisstraat, Boschgat, Steenberg et Tomveld.
Audenarde, Ommeloosen boom.
Menin, Katerhoek.
Everbeek, ZZemelr{jck.
Linkebeek, Tmberghof.
Boeylaert, Dumberg.
Segelsem, Haeghoek, Pottenberg, Tomveld.
Lombeek-Sainte-Marie, Ten Helleken.
Rhode-Sainte-Genèse, Kwade bron.
Hemelverdegem, Aeyberg.
Hoorebeke-Saint-Corueille, Boschoeld, Haeghoek.
— 291 —
Syngem, Hemel, Ommegang.
Horpmael, Tomberg.
Jesseren, Montagne d'or.
Heurrne-Saint-Pierre, Le Paradis.
Vaals, Hilleshagen, Wolfshaag.
Bleyberg-ter-Eyken, Dellegraet.
Rochefort. Mont de la Justice.
Mechelen-les-Epen, hasneau hel.
Slypskapelte. Schathoek.
Esschen, /londsberg. Hemelrijk, Peerdenhoek, Vroonberg, (colline du
Seigneur), Wolfsheuvel.
Genck, Kattevenne, Wolfsberg, Loyenheide, Meyheibosch.
Mechelen-sur-Meuse, Boscheynde.
Poperinghe, Hillehoek.
Niel (Limbourg) Kattenberg.
Loxberges, Klein Vrankryk.
Pael, Venusberg, Meelberg. |
Helchteren, Bergbosch, Sonnischeheide.
Berchem-Sainte Agathe, Kattebroek et Elegem.
Droogenbosch, Wolrenberg.
Overpelt, Hersackersheide (tombelles).
Gyselbrechteghem, Weedriesch, Bergstraat, Boschkant.
Waereghem, Droogenboom.
Avelghem, Hemelrijk, Vierschaar, le bois de l'Enclus.
Rixensart, Froidmont, Belloy.
Lummen, Bolderberg, Galgenberg, De Groene Delle grand étang qui
se trouve à proximité du château Hagendat,
Brasschaet. Vaegerunrhof.
Santvliet, Aschberg.
Langdorp, den Oudenstok.
Bavai, le forêt de Mormal (Mors Malorum?) près de Noyelles (de
Hellia? et de la rivière la grande Helpe (au rudical Hel?) dans
le bois Englefontaine.
Tesssenderloo, den Weutsberg, klein Vrankrÿk, Gerhaegen, Schoon-
hees, Hunberg (près de Deurne) de Del, Kerkeneyken, Fransberg,
Baal, Kepkensberg, Veldhoren.
Herck-la-ville, la ferme de Halbeek (ruisseau de Hellia ?)
Boncle-Saiat-Blaise, Boschveld, Pottenberg, Haaghoek.
Segelsem, Tumveld, Steenberg.
Le groupement de Boucle-Saint-Denis, Boucle-Sainte-Blalse,
Audeuhove-Saint-Gery, Audenhove-Sainte-Marie, Laet-
hem-Sainte-Marie, Hoorebeke-Sainte-Marie, Hoorebeke-
Saint-Corneille, Lierde-Saint-Martin, Lierde-Sainte-Marie,
Ksschene-Saint- Liévin.
Rolleghem. Geusenhoek, Kattebeek, IJserenhand.
Ghislenghienu, Stoguoi, le hameau Hellebecg (beek van Hellia).
Viane, Klein Vrankryk, Haie de Viane, Boschstraete.
Berlaer, Venushoek,
Koningshoyckt, Donder (Thor).
Etichove, Dondereie.
— 292 —
Bornhem. Dooregem (heim de Thor?)
Molenbeek-Wersbeek, Dorshage. (bois de Thor?)
Brecht, Venusstraat.
Hersselt, Venusberg.
Oeleghem, Venusstraat.
Wodan peut être à Wodecg-lez-Flobecq, Wodemont-lez-Neufchâteau
(Liége) Wodergnies-lez-Braffe, Wodon-lez-Cortil, Voddehoek-lez-
Zandvoorde, Vodecte (Namur) Vodelée (Namur), etc.
Lombeek-Sainte-Marie, Tuitenberg, Ten Helleken.
Entre Hal et Brages, le hameau Helbeek.
Lennick-Saint-Martin, 7omberg.
Dans le Herzogenwald le Brandehaeg (bois sacré incandescent) et
le ruisseau La Helle.
Zonhoven, Aoningsberg, Haagdoornheide, Holsteen (pierre creuse),
Bulewater, Molenheide.
Et des centaines d’autres qu'il serait fastidieux de citer ici, mais qui
devraient être relevées par commune, dans un dictionnaire de folklore, de
préhistoire et de toponymie.
Sans doute, beaucoup de ces étymologies sont contes-
tables en ce qui concerne leur origine païenne; mais il est
indéniable que, dans leur ensemble, elles constituent des indi-
cations précieuses pour la recherche de nos antiquités natio-
nales.
Que la toponymie des nécropoles campinoises répond à
des règles constantes, résulte de ce fait que nous trouvons des
tombelles contenant des urnes cinéraires à col droit à Grob-
bendonck au hameau Boschhoven; à Weert au hameau Bosch-
hoven; à Riethoven au hameau BoschAoven; à Luiks-Gestel au
lieu-dit Poscheind; à Baarle-Nassau au hameau Boschhoven ;
à Alphen au hameau Boschhoven; à Turnhout au Zooibosch
près du Zofeinde; à Meir au Zoy (qui signifie bois).
Dans chacun de ces Boschhoven nous constatons l’exis-
tence de clôtures anciennes formées de banquettes de terre,
qui étaient probablement plantés de haies, d'où le nom de
Haag, Scheidhaag, Heilige haag, donné le plus souvent à
Yenceinte même. >)
L'ustrinum est toujours À” proximité des tombelles et
porte régulièrement le nom$de Stokt, du verbe Stooken, faire
du feu. Il y a un hameau S{o4t près de la nécropole du Looy
à Turnhout, Slokstraat à Renaix, Prandhoek à Vlamertingen,
Stoguoi à Ghislenghien, den ouden Stock à Langdorp, etc.
A l'est d'Elversele nous trouvons le Galgewijck près du
— 293 —
Stokthoeck, c'est à dire le champ de la potence, ancien champ
de mai ou #allum à proximité du bûcher funéraire.
La fontaine sacrée du paganisme se retrouve rarement
sous sa dénomination primitive. Ou bien elle a été christia-
nisée, et alors elle devient het Heiligputteken, het Valentijns-
puiteken (Westerhoven), hel Mirakelkuiltje (Vessem), et reste
un lieu de pèlerinage chrétien ; ou bien on lui donne, après
l'introduction du christianisme, un nom injurieux : Duivelsven
(mare du diable) à Riethoven, Duivelsput (puits du diable)
à Aerseele, Duivelskuil (trou du diable) à Casterlé, Fontaine
de l’Enfer à Frasnes-lez-Buissenal, où ont été trouvées des
monnaies et des torques en or en 1864, Xwadebron, Duivels-
wiel à Engelen. |
Le nom primitif semble avoir été Melleput (puits de la
Dea Hellia) ou Hellegat.
Hellia est la déesse nordique de la mort, dont le souvenir
s'est conservé particulièrement aux nécropoles par incinération
de la Campine. Il n’en est pas une seule, pensons-nous, qui,
même de nos jours, n’ait conservé un Melleweg, Helhoek,
Helleborne, de Helle. Hal ou Halle. Quantité de noms de
cours d’eau semblent contenir le radical. Hel, comme la
Helbeek à Hasselt, Hellebeek à Berlaer, Helsebecg à Bois de
Lessines, Melle ruisseau de Hertogenwald, Mellebecg-lez-
Ath, la Dyle (de Hel?), Hellebronne (Réty, Pas-de-Calais)
l’Alie (de Helle) ruisseau à Bruly (Namur), la Velpe, rivelet
du Brabant et quantité d'autres dont nous parlerons plus
longuement dans une étude spéciale que nous consacrerons
à Hellia.
Ce fait provient, pensons-nous, de ce que dans la mytho-
logie du Nord les cours d’eau étaient supposés servir au
transport des âmes des trépassés qu'un nautonier invisible,
semblable à Caron, transportait vers une île mystérieuse
(Helgoland, l’île de Sein, l’île de Walcheren, ou l'Angle-
terre) ou pour d'autres au centre de la terre.
Les chats étant voués à Hellia, on s'explique sans peine
les nombreuses mares à chats, Kattepoelen (1), les rondes de
(1) Katterogge, Kattereiland, Katsand, Katswonde, Kattendijk, Catshoek, .
Catsrok, sont tous situés en Zélande, le pays de Vehallenia (Nova Hellia), et
— 294 —
chats, Kattendans, qui ne sont autre chose que la survivance
de danses religieuses auxquelles se livraient les prêtresses
de Hellia. Dans une étude que nous espérons pouvoir consa-
crer au sabbat, nous démontrerons que les sorcières du moyen-
âge ne sont autres que des femmes qui continuaient à prati-
quer les rites païens dans les bois sacrés.
Mais revenons à notre sujet et, par déduction, disons que
nous découvrons, d’après les indications typonymiques, qu'il
existe ou qu'il a existé des nécropoles par incinération dans
la Campine, au nord de Sint-Michiels-Gestel ou se rencon-
trent des lieux-dits : Overberg, ÆRurmenberg, Mariënberg,
Hemelrijck, de Elst, Bellebroek.
Au nord de Haaren (Brabant hollandais), où l'on trouve:
De Helvoirt, Helvoirtschebroek (marais du chemin de Hellia),
Guldenberg, Kruisberg, Heesakker, Roomschestraat.
A l’ouest de Boxtel : près du pont sur la petite Aa se
trouve le Helweg.
A l'ouest de Heeze : le Heezerenbosch, Kerkhof, Wit
ven, Muggenberg, Bree eik straat, Lijkstraat.
À l’ouest de Reusel, au Aattenbdosch.
où nous trouvons Zlmare, Elleboog, Hellenhurg, Hellsgat, Helvoet, Ellemeet,
Meicherzee, Helle, toutes au radical Hel et rappelant le Helium des Latins.
De même à l’île de Sein nous trouvons un îlot appelé pont des chats
et la baie des trépassés près du phare de Zevennec.
Strabon et Denys le Périégète, dans son poème géographique, parlent
de cette île où étaient célébrés de soi-disant mystères de Bacchus.
Le poëte gallois Cynddelw, cité par Davies (p. 16, d'après l'Archéologie
de Galles), nous montre druides et bardes se mouvant rapidement en cercle
et en nombres impairs, comme les astres dans leur course, en célébrant le
conducteur.
Les prêtresses de l'île de Sein prédisaient l'avenir, guérissaient les
maux incurables et provoquaient les tempêtes. Elles assistaient à des sacri-
fices nocturnes, toutes nues, le corps teint de noir (comme Hellia).
C'est dans ces pratiques que semblent devoir être recherchées les
influences des Afatres et des Matronae qui s'adonnaient à la divination. Le
prestige des ile #üven, dames blanches, des Aeksenfamilièn, familles de
sorcières et autres bonnes femmes qui se trarsmettaient les secrets de leurs
incantations, alla s'affaiblissant après l’introduction du christianisme. Les
sorcières du moyen-âge, avec leurs danses nocturnes, leurs sortilèges et
surtout leur faculté de provoquer les tempêtes et la grêle, semblent être une
survivance des pratiques des prêtresses de Hellia.
— 295 —
Au nord d'Enschot : Doodekraan, Eikendosch.
Au sud de Zundert : Groot Malbergen, Klein Malbergen,
de Lint, Zwarte put, de Krochten, de Zaagput, Wit ven.
Au nord de Rijsbergen, à proximité de l'endroit où a
été trouvé l'autel de la Dea Sandraudiga : Mellegat, zwart
Moerken (Marais noir), t” Boomken, Boomkensberg (colline de
l'arbre sacré), Klappenberg.
- Au sud de Klein Zundert, de Bosschen, Vagevuur.
Au Sud-ouest de Helmond {embouchure du cours d’eau
qui conduit à la Dea Hellia), de Haag (la haie sainte, bois
sacré), Brandevoort (gué ou passage de l’ustrinum?) Haags-
loop (rivelet de la haie sainte), etc.
Au sud de Mierlo, Aet loo (le bois sacré), Aeesbosch (bois
de Hees).
Au nord de Bladel (Pladella villa, résidence des rois
Francs de la première race), on trouve Duivelsbempt, Galgen-
veld, Heesterbuschkhe, Heleind, Doolland, Helleindshetke,
Vorsel (voor cella, ante cella), Près de la Pladella villa étaient
groupées les Sala des principaux chefs Franks, à Dwizel,
Steensel, Reusel, Knechsel, Hulsel, Netersel, Eersel, échelon-
nées de l’est à l’ouest sur une distance d'environ trois lieues.
À proximité de toutes ces cella, qui n’ont rien de préhisto-
rique, on trouve quantité de tombelles avec urnes à col droit.
Parmi les autres heim, cella, et curia voisines de Bladel, il
faut citer Riethoven, Veldhoven, Meerveldhoven, Eindhoven,
Woensel, Blaarthem, Vessem, etc.
Au sud de Veldhoven, de Heers, den Heiberg, de
Donkerakkers.
Au sud de Hulsel, de Fransche hoeve, Zwarte akker,
Boschoelden.
Au nord de Oostel-Beers, de Fransche baan, Katten=
berg, Wolfsven. A l'est du mème village, de Sint-Martensberg.
À lest de Schayk, de Kerksteeg, de Haag, de Helstraat.
Au sud-est de Uden, Kattenhol, Kikenheuvel, Volkel,
het Hemelrijk.
Au nord-ouest de Schijndel, Zischot, den Vossenberg,
Heuvel, Schutsboom.
Entre Esch et Vught, de Hal (Hellia), het Malsche
cater, Eikenhorst, de Haag, etc.
— 296 —
Toute cette toponymie est presque du flamand pur, par-
faitement intelligible pour les Campinois.
Mais iorsque, d’autre part, on considère que les mêmes
nécropoles, que la plupart des sources ou mares légendaires,
que les collines ou bois sacrés qui avoisinent les nécropoles
portent encore de nos jours des désignations toponymiques
identiques, on arrive à cette conclusion que cette toponymie
est contemporaine ou presque contemporaine des tombelles et
que, par conséquent, les incinérés devaient parler une langue
se rapprochant sensiblement du flamand.
Les urnes ainsi que le mobilier funéraire des nécropoles
campinoises sont incontestablement du type d’Hallstatt. L'in-
cinération est la règle : les tombelles sont donc antérieures à
l'introduction du christianisme en Campine, c’est à dire au
VII: siècle de notre ère. Mais datent-elles de 10 à 9 siècles
avant le Christ comme on le prétend, appartiennent-elles à
ce nébuleux âge du bronze, sont-elles néolithiques? C'est ce
que nous allons examiner.
Il résulte du tableau comparatif des nécropoles que nous
Joignons à cette étude, que les anciens Campinois dont nous
remuons les cendres, employaient à la fois des instruments en
silex taillé et poli, des objets en bronze et en fer. MM.
Ubaghs (1), J. Habets et le docteur Cloquet (2) ont fait d’ail-
leurs la même constatation. Nous pouvons citer quantité
d'exemples où des silex taillés ont été trouvés avec du bronze
en Campine. Le fer toutetois est rare dans les tombelles. Son
emploi semble être peu répandu, peut-être à cause de sa
mauvaise épuration qui lui donnait peu de consistance.
Les caractères généraux de nos urnenvelden, champs
d’urnes, comme les appellent les Hollandais, peuvent utile-
ment être comparés aux cimetières de Louette-Saint-Pierre et
(1) UBAGHS, Les poteries anté-romaines et les objets de bronze découverts
dans le Limbourg hollandais. Congrès archéologique de 1891. — Procès-
verbaux de la le Section. p. 29.
(2) Dr N. CLOQUET. Tumulus du canton de Wavre et cimetière cellique de
Court-Saint-Elienne dans les Annales de la Société Archéologique de Nivelles,
vol. II, p. 32,
me
— 297 —
de Gedinne qui ont été attribués, avec raison selon nous, par
MM. Dujardin et Gravet à des envahisseurs d'origine germa-
nique (1). Nous y retrouvons les mêmes urnes à col droit,
d'autres avec une toute petite anse, des débris de bronze
fondu, de petites urnes d'offrande, retournées au dessus de
Yurne cinéraire, avec une bordure de gros cailloux qui rem-
placent ici les levées de terre, wallen, enclosant les nécropoles
campinoises. La fosse aux morts ÿ voisine avec la colline de
Grwédo (Wodan).
De même à Haesdonck (Pays de Waes), où nous retrou-
vons les alignements caractéristiques de nos tombelles ainsi
que des urnes de même technique (2).
Il nous paraît problable que l'on pourrait recueillir tant à
Louette-Saint-Pierre qu'à Gedinne et à Haesdonck, les mêmes
légendes que celles que nous trouvons d’une manière con-
stante là où nous explorons nos nécropoles.
Nous le répétons, ces légendes ue sont pas quelconques.
Il y a des variantes évidemment, mais elles peuvent être
ramenées à une dizaine de types, toujours les mêmes, pour
toute la Campine.
Ce sont d’abord les Kabauters (nutons) de la mythologie
nordique, que l’on suppose avoir habité les tombelles et qui
viennent exécuter lu nuit les travaux que l'on sait. Le
Kattendans ou Hexendans, dause nocturne de chats, sorcières
qui tournent en cercle.
Le repas diabolique nocturne dont il est si souvent
question n’est autre que le repas pris en commun sur la
tombelle. C’est le dadsisas défendu au concile de Leptines.
La mare diabolique (Duivelskuil, Kattekuil), que nous trou-
vons toujours à côté de nos nécropoles et où il se produit des
événements extraordinaires au solstice d'hiver (Joel, retour
(1) DUJARDIN et GRAVET, Cimetières gallo-germnins de Louette-Saint-Pierre
et de Gedinne, dans les Annales dz la Société Archéologique de Namur, 1861,
p. 39.
(2) WILLEMSEN, Compte rendu de la IVe Session de la Fédération Arché-
ologique de la Flandre Orientale, Termonde, 1906, p. 264.
A propos de la nécropole de Haesdonck nous trouvons dans J.-J.-A.
Worsaar, Wordiske oldsager, Det kongelige Museum 1 Kjôbenhavn, fig. 99,
un vase presque identique à celui de la fig. V du Compte rendu.
— 98 —
du soleil}, est la mare de Hellia. C’est le chemin emprunté par
les âmes des trépassés pour se rendre dans le domaine
souterrain de la déesse macabre à figure noire. Comme nous
le: disions ci-dessus, dans quantité de communes la fontaine
ou mare sacrée païenne a été christianisée et c'est notamment
à ces endroits que nous retrouvons le culte des Vierges noires
où les pèlerins attribuent encore des vertus curatives aux
puits. Nous avons relevé quantité d'exemples de ce phéno-
mène. En d’autres localités, les fontaines ou mures n’ont pas
été christianisées et alors elles ont recu une qualification
injurieuse méprisante. Tels sont les Kwade poelen, Duirels-
huilen et Kattepoel que nous avons cités ci-dessus.
Mais cette qualification même, donnée par les nouveaux
chrétiens, implique une idée de quasi contemporanéité, tandis
que, si les nécropoles, avec leurs bois et fontaines sacrés,
dataient de plusieurs siècles avant le Christ, il est certain que
les nouveaux convertis, vivant au VII: siècle après le Christ,
c’est à dire de douze à seize siècles plus tard, ne s’en seraient
plus guère préoccupés.
Il en est de même des légendes relatives au culte rendu
à des arbres (1) possédant des vertus curatives, à la coutume
de passer par des pierres creuses (2), et quantité d'autres
pratiques superstitieuses défendues par le concile de Leptines
en 743. |
Les premiers apôtres venus en Campine furent impuis-
sants à réprimer les pratiques extérieures du paganisme, et
les légendes que nous notons de nos jours aux nécropoles sont
(1) Nullus christianus ad fana, vel ad petras, vel ad fontes, vel ad
arbores, aut ad cellas, vel per trivia, luminaria faciat. Allocution de saint Eloi
(588 + 659) en Flandre.
(2) Som liepense onder den boem
Dus quam hem voren in haren droem
Dat si van den boem genasen.
VAN VELTHEM, Spiegel Historsael, p. 281.
La coutume de passer sous la pierre s'est conservée de nos jours par
les pèlerins à Sainte-Gertrude à Nivelles. A Andenne on passait sous la
fameuse table de marbre noir, dite table de sainte-Begge. Il ya un hameau
Andenelle, peut-être au radical Hel.
— 299 —
des survivances de la mythologie scandinave, qui prouvent
combien les superstitions anciennesétaient ancrées dans l'esprit
des nou veaux convertis. Malgré l’absence des symboles de leurs
antiques divinités tutélaires, dit Lansens (1), « les convertis
« continuaient leurs pèlerinages pour l’obtention de la guéri-
« son de leurs maux. L'art médical se séparant très lentement
« de la divination et de la superstition, le peuple toujours
« avide du merveilleux, affubla d’un manteau neuf les an-
« ciennes idées concernant la guérison ». Telle est notamment
l'origine de la coutume de lier la fièvre, d’abord aux arbres
sacrés et plus tard aux portes des chapelles. Nous possédons
environ une centaine d'exemples d’endroits en Brabant et
en Campine où l’on va suspendre des rubans à la porte de
certaines chapelles.
Nous avons cité ailleurs (2) des textes qui démontrent que
le paganisme régnait encore parmi les Frauks au VII: et
même au VIII siècle (3). IÌ est donc à présumer qu’en Cam-
pine l’inhumation ne fut pratiquée qu'après le VIII: siècle.
Or à cette époque les Franks Saliens avaient abandonné pour
la plupart leurs Sala campinoises pour aller à la conquête de
terres plus fertiles à l'ouest et vers le midi. C’est pourquoi les
trouvailles de tombeaux Franks, comme ceux d'Anderlecht par
exemple, sont rarissimes en Campine. On n’y trouvera d’autres
Franks que ceux ayant pratiqué l’inciuération (4).
(1) LANSENS. De l'imposition des mains.
(2) L. STROOBANT. La nécropole par incinération de Grobbendonck (Turn-
bout, 1905).
(3) Saint Willibrord aurait renversé les autels païens dans le nord de la
Campine, au N. E. dela Nèthe et aussi à Westkapel, en Zélande, en Flandre,
en Frise, à Clèves et dans le Luxembourg. Saint Lambert aurait prêché plus
au sud. en Brabant, près de la Dyle, la Nèthe et le Demer. Îl aurait détruit un
autel des 9 muses (?) à Battel lez Malines et une déesse Semele : ?) à Sempst (?)
(4) M' Salomon Reinach fait remarquer judicieusement. dans son Cata-
logue de Saint-Germain en Laye, p. 183, que certains éléments des bijoux de
style mérovingien se trouvent déjà, bien antérieurement à l'ère chrétienne,
dans les objets des nécropoles de Hallstatt et de Koban dans le Caucase. Le
poignard de Hallstatt est décoré de pierres transparentes, comme les armes
de luxe et les boucles mérovingiennes. M' Reinach suppose que les orfèvres
de la Russie méridionale pratiqnant l’art dit improprement mérovingien ou :
— 300 —
La toponymie de nos nécropoles, comme nous l’avons
exposé plus haut, .obéit à des règles trop constantes pour qu'on
pe puisse en conclure que la toponymie et les nécropoles sont
contemporaines. Cette toponymie est non seulement germa-
nique, mais elle possède en majorité une terminologie nette-
ment Frank-Salienne (1).
Ici encore nous nous demandons, tout comme pour les
légendes: pourquoi les Saliens auraient-ils qualifié de la même
appellation les boschhoven contenant des nécropoles si, comme
on le prétend, celles-ci remontent de dix à cinq siècles avant
le Christ? |
Ces nécropoles abondent d’ailleurs particulièrement dans
le voisinage des Sala, à Eersel, Hulsel, Steensel, Knechsel,
Netersel, etc., toutes antiques cella ou habitations de chefs
Franks, groupées au coeur de la Taxandrie.
germanique auraient émigré vers Constantinople,tandis que d'autres remon-
tèrent la vallée du Danube et portèrent leur art vers l'Occident à la suite des
envahisseurs barbares.
Ceci est absolument conforme à nos propres constatations. Les tom-
belles de la Campine sont celles des Sardares, c'est à dire des Germains de
Tacite, des Francs antérieurs au christianisme. Les Francs qui inhument
leurs morts. porteurs de bijoux en verroterie cloisonnée d’or et employant
les zirconites et len grenats, sont venus plus tard, à la suite des envahisseurs
barbares. C'est pourquoi on ne les trouve pas en Campine. Ils n'ont fait qu'y
passer, probablement en suivant la graude voie Maestricht-Bavai, et, trou- .
vant partout le chemin libre, ils ne se seront fixés que dans les parties fertiles
du Brabart et du pays de Namur, tandis que les barbares sont maintenus en
Campine par les garnisons romaines jusque vers le VIe siècle. Mais ici il
importe de relever une contradiction dans l'évaluation de l'âge de l’art dit
mérovingien, par M'Reinach. Le savant conservateur du musée de Saint-Ger-
main Jit (p. 183) que les éléments de ce style ge trouvent dans les objets de
la nécropole d'Hallstatt, dien antérieurement à l'ère chrétienne. Il dit d'autre
part (p. 182) : « Les motifs de la décoration barbare, comme ceux de l’orne-
« mentation byzantine, trahissent avec évidence l’influence de l'Orient, en
« particulier celle de l'art Sassanide, ainsi nommé d'une dynastie Persane
« qui fut fondée en 226 après Jésus Christ. Ce courant artistique arriva en
« Europe en passant par l'Arménie et le Caucase ».
Si le style dit mérovingien procède de l'art Sassanide, né vers le
Ille siècle après J.-C., nous nous demandons comment on peut en trouver
les éléments dans la nécropole de Hallstatt que l’on date de quatre à neuf
siècles avant J.-C. Serait-elle, comme nous le pensons, plus récente?
(1) Cf. Kurru. La frontière linguistique en Belgique et dans le nord de la
France (Bruxelles, Hayez, 1895), p. 365.
— 301 —
Elles trahissent encore leur origine Franke par le fait
qu’elles sont encloses de ces wallen, levées de terre bien
connues en Campine et dont il est souvent question dans
la loi salique. Bien souvent nous trouvons le champ de
mai, Meiveld, le Mallum, le Weisberg Frank sur la nécro-
pole même, et ceci explique ce fait qu’en plusieurs endroits
nous trouvons la potence établie au moyen-âge sur des
nécropoles par incinération. C'est tout simplement que dans
ces commuues on est resté fidèle à la tradition qui voulait que
la butstein, pierre d'expiation des tribunaux germaniques, fût
placée à gauche, objectivement, du tribunal siégeant face à
l’est (1).
Nous avons la conviction que les groupements compre-
nant une nécropole par incinération, un chemin d’accès, un
bois sacré, un ustrinwm, une colline à sacrifice où se prenaient
les repas funéraires, un mallum, une mare ou fontaine sacrée,
groupements dont nous avons parlé à propos de la toponymie,
obéissent à des règles fixes, déterminant l’orientation et le
dispositif de chacune de ces parcelles relativement l’une à
l’autre. L'étude comparative approfondie de la topographie des
groupements qui sont, pensons-nous, signalés pour la pre-
mière fois, sera féconde en observations utiles et nous permet
de déterminer théoriquement l’emplacement de nécropoles
que seul le hasard a fait connaître jusqu'ici.
Que sont les Franks-Saliens à l’époque de leur pénétra-
tion en Campine, c’est à dire dans les premiers siècles de
notre ère? (3) Ce sont des barbares Bructères, Tenctères,
(1) Ce sont les Boting steen (Boet steenen, pierres d'expiation), que l'on
trouve dans la vallée du Rhin. Les landdag steinen, pierres de la diète, du
plaid, sont remplacées chez nous et en Hollande par les #allen en terre.
Les juges auraient prononcé au début leurs sentences dans les églises;
mais, les prêtres s’y étant opposés, ils prononcèrent au cimetière, ce qui leur
permit de se conformer aux règles : en plein air — dans un lieu sacré et en
public.
Au moyen-âge on rencontre bon nombre d'actes civils passés dans les
églises ou dans les cimetières. Stallaert, dans son Glossarium, eu cite
plusieurs.
(2) En 254, sous Gallien, les Franks envahissent la Gaule et percent à
travers l'Espagne jusqu'en Mauritanie (Zozime, 1. I p. 646). En 277, Probus
— 302 —
Clamaves, Ansibariens, Sicambres, d'origine germanique, qui
se flattent de conserver toute ln rudesse de leurs mœurs et qui
rejettent systématiquement la civilisation romaine comme
amolissante et destructive des énergies ancestrales. Est-il
étonnant dès lors que leurs nécropoles révèlent la barbarie de
ceux qui, en 358 de notre ère, obtiennent de l'empereur Julien
l'autorisation de se fixer en Taxaudrie, à la condition de se
coustituer les gardiens des marches de l’Empire ?
C'est ce qui explique encore la rareté relative des décou-
vertes d'objets de facture romaine en Campine, ailleurs que
le long de la grande voie militaire de Bavai, Maestricht,
Nimègue.
La contemporanéité de l’âge de nos tombelles et de
l'occupation romaine se démontre encore par la nécropole de
Baarle-Nassau, fouillée par De Grez et Cuypers en 1842-44,
où, à côté de haches en bronze et de silex polis, on a trouvé,
en même temps, des objets rowains et des urnes à col droit.
Ce sont là,non pas des iutrusions postérieures qu’excluent
le dispogitif régulier et les alignements des tombelles, mais
bien des objets romains importés par des cohortes de passage.
À ce propos nous devons signaler ici qu'au Ausiekberg près
de Renaix, où l’on trouva des objets de l’âge de brouze{?) en
même temps que des monnaies romaines du IV° siècle,
Mr le Capitaine Delvaux, après le chanoine Desmet (1), déclara
qu'il s'agissait de sépultures anté-romaines. Le même fait se
bat deux fois les Franks sur le Rhin. Ils sont établis sur les bords de la mer
Noire d’où ils viennent aborder en Batavie (Zozime. I, 666).
_ À la faveur de la révolte de Carausius (286-298), à qui avait été confiée
la surveillance du littoral, les Franks Saiiens s'emparent de l’île des
Bataves par le nord, comme les Ripuaires les menacent vers l'est.
En 358, Julien, vainqueur des Saliens, au lieu de les refouler au-delà du
fleuve, leur permet de se fixer dans les sotitudes de la Taxandrie (Campine).
C'est à vrai dire à titre de sujets de Rome qu'ils habitaient cette contrée.
mais quand, au commencement du Ve siècle, Stilicon, pour défendre l'Italie
contre les Goths, eut rappelé à lui les légions du Nord, les tribus Frankes,
voyant l'espace libre devant elles, se répandirent dans la Belgique et
commencèrent à coloniser les vallées de l’Escaut et de la Lys (PIREXXE, I,
p. 9).
(1) Bulletin de l'Académie des sciences de Bruxelles, tome V, p. 279.
passa en 1861 pour les marchets du grand Gard, près de Harr-
sur-Lesse. Les monnaies romaines du [II° siècle qu'on y
découvrit furent déclarées d’intrusion postérieure parce que
l’un des squelettes portait un diadème en bronze tordu (r).
Pourquoi cette tendance à exagérer l'ancienneté des trou-
vailles? On peut fort bien admettre la présence d'objets, dits de
l’âge du bronze (2), daus des sépultures du ITT° et du IV: siècle.
Nous voyons dans ce fait une manifestation de la persistance
des usages nationaux. Le même phénomène ethnographique
se remarque de nos jours au Congo,où les indigènes conservent
leur mauière de vivre au centre de stations civilisées. A côté
de produits européens que débitent les factoreries, ils conser-
vent et préfèrent même les fabricats indigènes.
Nous nous sommes demandé pourquoi l’on découvre si
rarement des monnaies romaines à proximité de os nécropoles
et pourquoi encore plus exceptionnellement des monnaies
unifaces imitées de Philippe de Macédoine. C'est, pensons-
nous, qu'après la conquête le monnayage national tomba
en désuétude et que les Romains imposèrent aux vaincus
leur système monétaire, tout en tolérant peut-être le cours
des anciennes monnaies nationales an cheval désarticulé,
imitées grossièrement du statère macédonien. Le monnayage
national ne réapparaît que dans la seconde moitié du VI°
siècle, époque à laquelle les rois mérovingiens imitent les
monnaies de Byzance et de l’empereur Justinien. Les Franks-
Saliens des cinq ou six premiers siècles ne battirent pas
monnaie.
La Campine est la partie du pays où se sont conservées
intactes les traditions flamandes. Nous dirons, avec Alphonse
Wauters, que la race flamande entière, avec la toponymie
(1) Annales de la Sociëté Archéologique de Namur, vol. XVIII, p. 297.
(2) Nl est à remarquer que des haches en bronze trouvées à Hoogstrae-
ten, Turnhout et dans le Limbourg hollandais, contiennent de 12 à 47 o/, de
plomb, ce qui les classe dans les objets de l'âge du bronze le plus récent,
correspondant à la Ve période de la classification de Montélius. Cf. J.
JACOBSEN. L'âge du bronze en Belgique. La plupart sont à douille carrée,
nstruments pénélrés, relativement récents d'après J. Evans, L'âge du bronze.
— 304 —
d’outre-Rhin, est un résultat de l’occupation Salienne (1). De
nos jours encore, le dispositif des fermes campinoises, où
domine l’emploi des clayonnages enduits d’argile, est nette-
ment Frank. Quantité de coutumes, qu’il serait fastidieux
d’énumérer ici, l’emploi de la meule à bras, la cuisson du
pain sur la pierre brûlante de l’âtre, etc., prouvent la perdu-
rance de techniques des plus primitives et démontrent à
toute évidence combien le Campinois est resté fidèle aux
rudes mœurs de ses ancêtres.
Que nos urnes à col droit n’appartiennent pas à des
peuples pasteurs nomades, mais bien à des populations établies
à demeure dans la contrée, se démontre encore par la grande
régularité des alignements (2) des tombelles, fréquemment
encloses de grosses levées de terre, et par le dispositif des
bois consacrés au culte. Quelques rares descendants immé-
diats des Francs-Saliens auront constitué le noyau de nos
villages, tandis que la grande masse se sera élancée vers le
midi, à la conquête de terres plus fertiles, dès l’époque où la
puissance de Rome faiblit.
Il n’est donc pas sage de vouloir classer nos nécropoles
dans la chronologie de la civilisation latine. Les Flamands
sont restés des barbares longtemps après l'invasion, et il
semble logique d’admettre que les techniques d’Hallstatt
peuvent avoir subsisté dans le nord de la Belgique longtemps
après la romauisation des provinces wallonnes. Tout au plus
la présence du type Hallstattien permet-elle de supposer
l’origine dauubienne des Franks-Saiiens, dont les migrations
supposées, à travers la Silésie, la Prusse orientale et la vallée
(1) A. WAUTERS. A propos d'un nouveau système historique relatif à
l'élablissement des Franksen Belgique, dans le Bulletin de l'Académie Royale
des Sciences des Lettres et des Beaux-arts de Belgique, 1888, p. 991.
(2) Il serait utile d'étudier comparativement les alignements campinois
avec ceux du Finistère par exemple. À Pen- Hir, près de Camaret, il y a un
alignement de 41 pierres plantées N. S. Deux autres alignements parallèles
E. O. viennent se rencontrer au milieu du premier alignement.
À Carnac (Morbihan), les alignements sont dirigés du S. O. au N.E. Au
Menec il se compose de onze lignes. A Kermario il y a dix rangées. À Kerles-
cant il y a treize rangées. Le nombre de pierres levées n'est plus que de 1000
à Carnac. Au XVIe siècle on en comptait encore de 12 à 15000.
— 305 —
du Rhin, peut s'être poursuivie durant des siècles. Rien ne
démontre au surplus que les Franks classiques, ornant leurs
poteries à la roulette et inhumés à Anderlecht et dans le sud
de la Belgique, soient apparentés avec les Franks-Saliens
établis en Campine où l'on a vainement recherché leurs
tombeaux (1). |
Telles sont les raisons qui nous portent à croire que ce
sont les Franks-Saliens, antérieurs au christianisme, dont
nous retrouvons les restes incinérés en Campine.
Merzplas, mars 1907.
(1) Un dernier argument consiste dans ce fait que dans chaque localité
de la Campine il n'existe qu’un seul endroit suspect aux paysans, {à cause
des apparitions de loup-garou, etc., c'est la nécropole à £incinération. I] est
donc inutile d'y rechercher des cimetières Franks à inhumation :’on*n’en
découvrira pas.
2)
— 306 —
Provenance des urnes représentées.
ts
Nos 1 à 3 Grobbendonck (Anvers). Mr Stroobant. Echelle 1/6.
4 Limbourg belge. M° Dens. B. 1/10.
5 Ryckevorsel (Anvers). Mr Stroobant.
6 à 8 Limbourg belge. Mr Dens. E. 1/10.
9 et 10 Grobbendonck (Anvers). Mr Stroobant. E. 1/6.
11 Limbourg belge. Mr Dens. E. 1/10.
12 Tamise-Haesdonck. Mt Willemsen.
13 à 15 Limbourg belge. Mr Dens. E. 1/10.
Grobbendonck (Anvers). Mr Stroobant. E. 1/6.
et 18 Ryckevorsel (Anvers). Mr Stroobant.
Tamise-Haesdonck (Waes). Mr Willemsen.
et 21 Limbourg belge. Mr Dens. EK. 1/10.
Tamise-Haesdonck. Mr Willemsen.
Grobbendonck (Anvers). Mr Stroobant. E 1/6.
Limbourg belge. Mr Dens. E. 1/10.
Grobbendonck (Anvers). Mr Stroobant. E. 1/6.
Ryckevorsel (Anvers). Mr Stroobant.
à 29 Limbourg belge. Mr Dens. E. 1/10.
Biez (Brabant). Mr le Bea de Loë.
Grobbendonck (Anvers). Mr Stroobant. E. 1/6.
Tamise-Haesdonck (Waes). Mr Willemsen.
Oostham (Limbourg belge). M° Bamps. E. 1/8.
à 38 Biez (Brabant). Mr le Bea de Loë.
Grobbendonck (Anvers). Mr Stroobant. E. 3/6.
à 42 Ryckevorsel (Anvers). Mr Stroobant.
et 44 Baarle-Nassau (Brabant holl.). Musée de Bois-le-Duc.
à 48 Ryckevorsel (Anvers). Mr Stroobant.
Saint-Gilles (Waes). Musée de Saint-Nicolas.
Weert (Limbourg holl.). Mr Habets. E. 1/3.
MA
= pr
haal: cal homer 2
LERSSLSLEBLENSRRERSSIS
sl Weert (Limbourg holl.). Mr Ubaghs. E. 1/4.
52 Baarle-Nassau (Brabant holl.). Musée de Bois-le-Duc.
953 à 55 Court-Saint-Etienne. Mr Cloquet.
56 Weert (Limbourg holl.). Mr Habets. E. 1/4.
51 à 63 Louette-Saint-Pierre et Gedinne. MM. Dujardin et Gravet.
\
r est l'âge ded
Les anciennes bibliothèques de Flandre,
par NaPoLéON DR PAUW,
Membre de la Commission Royale d'Histoire, à Gand.
J’ai déjà attiré l'attention sur ce sujet important, il y
a près de trente ans, après avoir examiné, pour un ouvrage
historique local, les cinquante mille actes des registres éche-
vinaux de la ville de Gand au XIV: siècle (1). Chose étonnante,
dans un nombre aussi considérable de documents constatant
des contrats de vente, des testaments, et surtout des états de
biens, meubles et immeubles, le nombre des inventaires de
livres, ou bibliothèques, ne s'élevait pas à plus de cinq ou siz!
Leur publication n’en produisit pas moins une certaine sensa-
tion. Le célèbre Jonckbloet, en les résumant, y voyait la
preuve de l'intérêt que la bourgeoisie de Flandre prenait au
mouvement littéraire de cette époque (2). On trouvait, en
effet, chez un simple gantier de Gand en 1352, cinq manus-
crits flamands : un Z'vangile, un Bestiaire, un Lucidaire, un
poème Van den Landheren, et le fameux dialogue de Jacques
Van Maerlant avec Afartin. En 1365, un riche bourgeois,
marchand de draps, possédait la moitié du Spieghel Historiael,
en deux livres. Le chirurgien, maître Simon Elyaes, avait en
1375 dans un coffre trois livres : un Barlaam, un petit Spieghel
et la moitié de la Bible. Enfin, un simple bourgeois de Gand,
Jean Wasselins, en possédait en 1388, plus de trente, parmi
lesquels le Reynaert de Vos, le Wapen Martin et l’ Alexandre
de Maerlant, le Doctrinael et Jans Tesleye de Boendale, une
chronique de Flandre et de Brabant, plusieurs petits poèmes :
(1) Büdragen tot de geschiedenis der Middelnederlandsche letterkunde in
Vlaandéren dans le Nederlandsch Museum (18179), t. II, pp. 129-176.
(2) Geschiedenis der Nederlandsche Letterkunde (1885), t. II, p. 392.
— 308 —
Ogier, Seghelijn, Isenbaert, etc., de nombreux ouvrages
d’hagiographie, d'astronomie et de médecine.
[1 n’est pas douteux que, si de modestes praticiens et
même de besogneux artisans de cette ville se trouvaient en
possession de bibliothèques aussi importantes, il y a lieu de
supposer que le nombre de ces dernières devait être très con-
sidérable, bien qu’elles ne figurent pas dans les actes publics.
La quantité immense de fragments de manuscrits que l’on a
découverts dans toutes les bibliothèques de l’Europe, en ce qui
touche seulement nos anciens poèmes flamands, établit que
chacun d’eux était reproduit par les copistes à un très grand
nombre d’exemplaires (1). Pour n’en citer qu’un exemple, les
disjecta membra du Spieghel Historiael de Maerlant, retrouvés
dans plus de vingt villes différentes, prouvent qu’il en a
existé au moins autant de manuscrits (2). |
Il y aurait donc lieu de réunir, en un volume, tous les
inventaires de livres que l'on a découverts jusqu’ici pour les
Flandres, et de faire de nouvelles recherches en ce sens dans
les dépôts d’archives, et surtout dans les pelites archives,
notamment celles des églises, couvents, hospices et familles,
qui n’ont pas été jusqu’à ce jour assez explorées. C’est ainsi
que, pour me borner à mon voisinage immédiat, j'ai pris
copie d’un inventaire de soixante-dix livres flamands donnés
en 1458 par Dame Elisabeth de Gruutere, veuve de Simon
Borluut, au Béguinage de Notre-Dame du Pré-Vert à Gand,
et d’un autre, de 1508, contenant trente-et-un ouvrages en la
même langue, donnés ou légués au couvent de Sainte-Claire
à Gendbrugge, par les sœurs Elisabeth et Claire Heyman,
Marguerite et Marie Vyt, et Marguerite van Vaernewijck.
Ces livres sont, pour la plupart, des ouvrages ascétiques.
Parmi les dons de la dernière figure cependant un Spieghel
Historiael, dont les indications précises de pagination per-
mettront de reconstituer l’œuvre encore incomplète du grand
historien flamand. J’ai enfin une liste de vingt-et-une pièces
(1) L. PETIT. Afiddelnederlandsche Bibliographie, couronné en 1888 par
l’Académie Royale Fiamande.
(2) DE VR'Es. Spieghel Historiael (Leiden 1863), t. I, p. xcvj.
— 309 —
de théâtre, ayant appartenu en 1532 à la chapelle de Sainte-
Catherine, aujourd’hui l'église Sainte-Anne à Gand (r). La
mission confiée par le Gouvernement depuis plus de cinq ans
à M' Wrccem De VReese, de l’Académie flamande, pour
rechercher dans tous les dépôts publics de l’Europe la Biblio-
theca Neerlandica Manuscripta, et dont il nous a donné un
premier résumé en 1905 (2), nous fournira, à n’en pas douter,
des éléments inappréciables pour la recoustitution de nos
anciennes bibliothèques.
En attendant, il importe, comme je l’ai déjà dit, de
compléter et de réunir les titres et les inventaires épars,
comme l'ont fait les Moll et Meinsma pour les Pays-Bas,
Gottlieb pour l’Allemagne, Léopold Delisle pour la France,
James Weale et autres chercheurs pour la Belgique (3).
(1) W. DE VREESE, dans le Zyydschrift de Leiden, 1896, p. 222.
. (2) Verslagen der Koninklijke Vlaamsche Academie (1905), pp. 368 et
481-448.
(8) Moru, Kerkgeschiedenis van Nederland dans le Kerkhistorisch Archief
(1866), t. 1V, p. 209; (1887), t. II, pp. 127-170, — MEINSMA, Middeleeunsche
Bibliotheken (Zutphen, 1903), pp. 249-317. — Gortuies, Veder Mittelalterliche
Bibliotheken (Leipzig, 1890), pp. 255et 257 (Audenarde et Gand). — DELISLE,
Cabinet des Manuscrits de la Bibliothèque Nationale à Paris, t. LI et III. —
WEALE, Le couvent des sœurs de Notre Dame de Sion à Bruges, dans Le
Berreoi (Bruges), t. III, pp. 46, 76, 218, 401.
Les raisons à faire valoir contre
envoi aux expositions d’art rétrospectif des
objets appartenant aux dépôts publics,
par le Chanoine G. VANDEN GHEYN,
Président de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Gand.
Depuis quelques années sévit partout une véritable fièvre
d'exposition. Chaque année en voit s;ouvrir une nouvelle sur
quelque coin du pays, pour ne pas parler de celles, plus nom-
breuses encore, qui s'organisent à l'étranger.
Or une attraction d'invention plus récente a été créée
pour rendre plus intéressantes encore ces multiples exhibi-
tions: ce sont les expositions rétrospectives d’art ancien. Dans
toutes les expositions actuelles il y a toujours du « rétrospec-
tif » à un titre quelconque.
Certes nous ne nions pas le réel succès de curiosité qu’ob-
tiennent ces collections réunies de toute part, et à première
vue il semble que tous les archéologues devraient se réjouir de
voir le goût de l’ancien pénétrer chaque jour davantage chez
le public, jadis si indifférent pour tout ce qui touchait au passé.
Et néanmoins nous croyons que l’heure est venue d’appe-
ler l'attention des membres d'un congrès belge d’archéologie
sur l'opportunité de pareilles expositions, et il nous serait bien
agréable, si un débat sur cette question pouvait aboutir à
quelque solution pratique, dont on pourrait s'inspirer à
l'avenir.
Comme on a pu le remarquer par l’énoncé même de la
question, nous cherchons à circonscrire le débat à la partici-
pation des dépôts ou collections publiques à ces expositions
d’art ancien. Nous nous sommes toujours réjouis de voir les
particuliers y prendre part, car ainsi 1l nous a été donné de
connaître en maintes occasions des objets très précieux, ou
simplement intéressants, qui jusqu’à cette heure étaient
— 311 —
demeurés soigneusement cachés dans le secret de collections
inaccessibles.
Ce résultat sans aucun doute mérite d’être signalé, et
constitue un argument très probant en faveur de l’opportunité
de ces expositions.
Nous voudrions même que, malgré les raisons que nous
ferons valoir en faveur de nos idées, les organisateurs d’exhi-
bitions similaires dirigent exclusivement dans le sens des
collections privées, l’effort de leurs patientes et fructueuses
recherches.
Il convient tout d’abord d'établir une distinction entre le
genre d’expositions rétrospectives projetées.
D'aucunes ont pour but d'étudier l'œuvre d’un maître, et
c'est ainsi que dans ces derniers temps nous avons eu en
Belgique les expositions Van Dyck, Jordaens, H. Leys et de
Brackeleer, tout récemment celle de Stevens.
Il est incontestable que le but même de ces expositions
ne pourrait être atteint, si les musées de peinture et les églises,
qui précisément possèdent généralement les meilleures œuvres
du peintre, se retranchaient dans une abstention systématique.
D'autre part, qui pourrait nier au point de vue de l’histoire de
l’art l'intérêt capital qui s'attache à pareille exposition? Les
résultats définitifs qui ont été acquis à la suite de l'exposition
des primitifs à Bruges, suffisent pour prouver non seulement
l'utilité, mais la nécessité d’une telle entreprise pour la classifi-
cation de certaines œuvres, et leur judicieuse attribution à
tel peintre, plutôt qu’à tel autre.
Et néanmoins, contre ces expositions nous avons à soule-
ver une objection sérieuse, qui, si elle ne prouve pas leur
inopportunité, du moins doit établir leur fréquence peu répé-
tée. L'objection se réduit à ces deux mots : le danger de
l'incendie.
Ce n’est pas en effet les sommes énormes que les compa-
gnies d'assurances auraient à payer aux intéressés à la suite
d’un sinistre, qui pourraient servir de compensation à l’irrépa-
rable désastre, dont tous les amis de l’art ont le droit de prévoir
l'éventualité. Cette cruinte n'est d’ailleurs pas purement
chimérique, et tout récemment nous avons vu cette catastrophe
— 312 —
se produire à l'exposition de Milan. Et ce qui doit. donner à
réfléchir à tout le monde, c’est que, s’il faut en croire les
journaux, l'incendie a été allumé par ceux-là même qui
avaient été constitués les gardiens de ces trésors artistiques.
Nous le reconnaissons volontiers, nous touchons ici à un
point très délicat, et nous voulons d'avance nous mettre en
garde contre le reproche qu’on pourrait nous faire, de déduire
d'un fait isolé des conclusions trop larges. Nous ne prétendons
nullement donner quelque apparence même de vérité, à l'adage
trop souvent répété ab uno disce omnes.
Mais sans médire de personne, et sans juger du passé,
nous nous demandons si le personnel temporaire, et souvent
hâtivement recruté, de ces passagères exhibitions, offre toujours
les garanties, je ne dis pas de l’honnéteté, mais de la
conscience artistique, que nous exigeons de ceux qui sont
préposés à la garde de nos trésors publics ?
Nous n’hésitons pas non plus à croire que 1 importance
réelle de ces expositions, dont nous admettons le principe, ne
justifie néanmoins pas qu’on les renouvelle trop souvent. Un
exemple éclaircira ma pensée.
.. Au lendemain de l'exposition des primitifs à Bruges, on
a songé à faire à Gand une exposition Van Eyck.
Un instant on y a nourri le secret espoir de reconstituer
l'immortel polyptyque des frères Van Eyck. Devant la possi-
bilité d'un pareil événement artistique, il est clair que toutes
les préventions devaient tomber, et que toutes les volontés
devaient s'unir pour la réalisation de ce projet. Inutile
d'exposer et de discuter ici les motifs qui ont fait avorter
cette généreuse et magnifique tentative. Mais même si uotre
espoir n'avait pas été déçu, eùt-il été opportun de livrer une
seconde fois aux risques d’un voyage à Gand, les tableaux
des Van Eyck exposés à Bruges ?
Nous ne le croyons pas. Ces œuvres ont été d'après nous
suffisamment étudiées et scrutées à Bruges, pour qu’elles
puissent désormais se fixer définitivement daus le milieu où
elles se sont conservées jusqu'à nous. Nous n'avons plus à
prendre la grave responsabilité d'une détérioration possible à
Ja suite d’un transport, qui, malgré tous les soins qu'on y
— 313 —
donne, n'offre cependant aucune garantie contre d' éventuelles
et irréparables avaries.
Nous conclurons done cette première partie de notre
exposé en disant : la craiute d'un incendie qui peut détruire
toute l'œuvre d’un maître, réuvie par le hasard d’uneexposition
temporaire, nous porte à croire qu’il est sage et prudent de ne
pas répéter trop souvent ces tentatives à cause du danger réel
qu'elles présentent. Nous estimons que si le congrès voulait
admettre cette conclusion, celle-ci serait de nature à ralentir
un zèle très bien intentionné, mais qui menace de devenir
intempestif.
Faut-il pour des expositions d'art ancien, qui actuelle-
ment s'organisent «dans toutes les expositions universelles
du pays ou de l'étranger, faut-il dépouiller nos musées locaux
d'archéologie? Telle est laseconde question qu'imposela distinc-
tion que je croyais utile d'établir dès le début de ce rapport.
Si, à l’origine, ces expositious d'art ancien ont présenté une
réelle utilité, il n'en est plus de même aujourd'hui. En raison
même de la fréquence de ces exhibitions, ce sont générale-
ment les mêmes objets qui font le tour du pays, et, pendant
ce temps relativement considérable, le musée local, privé de
ses pièces les plus importantes. perd de son intérêt.
C'est souvent l'occasion d'un profond désappointement
pour le visiteur s’arrétant devant une vitrine vide, où la place
de l'objet est marquée par la laconique pancarte : envoyé à
l'exposition de la ville de X, ou d’Y.
N fut un temps sans doute, où les expositions pouvaient
fournir aux musées un moyen efficace de publicité, et un
mode facile de mettre en valeur leur collection insuffisamment
connue. Mais ces temps ne sont plus, et la facilité actuelle du
voyage permet les visites fréquentes et suivies à nos musées,
visites qui seront fructueuses, si le musée qui a mérité l'atten-
tion de l’érudit ou de l’amateur, peut se réclamer d’un
catalogue méthodique et suffisamment descriptif.
Dès lors pour se rendre compte de l'opportunité de
l'envoi des objets de nos musées, il s’agit de voir si cette
expédition ininterrompue de nos meilleures pièces est suffi-
samment justifiée par les avantages qu'elle procure.
— 314 —
Et pour n'être point taxé d’exagération, nous citerons
un cas bien probant de l’obsession que subit actuellement
tout comité d'un musée archéologique, qui a la bonne fortune
de posséder quelques pièces intéressantes. Voici, en effet, la
liste des demandes faites au musée d'archéologie de Gand
depuis 1900 :
1900. Liège: exposition des anciennesgildes et corporations.
1902. Bruges : exposition des primitifs.
1903. Dinant : exposition de dinanderie.
1905. Anvers : exposition maritime.
1906. Tourcoing : exposition textile.
1907. Bruges : exposition de ln Toison d'or.
Si une suite toujours favorable avait été donnée à ces
incessantes requêtes, on peut dire que, pendant la période des
sept dernières années, le musée de Gand aurait, pendant un
espace de deux ans à deux ans et demi, été privé de ses
bonnes pièces.
À notre avis donc, l'intérêt de ces expositions d'art ancien
ne compense plus actuellement le préjudice sérieux causé à
nos collections publiques par l'absence des objets, qu'on y
vient examiner plus volontiers et mieux à loisir que dans
l'encombrement d’une exposition universelle.
Les raisons que nous venons de faire valoir, nous les
invoquous également pour les trésors des églises, à la condi-
tion que ceux-ci soient suffisamment accessibles au public, et
que les objets qu'ils renferment soient mis dans de bonnes
conditions à la portée du visiteur.
Mais, il faut bien le reconnaître, beaucoup de nos sacristies
cachent avec un soin jaloux des choses bien intéressantes, et
qui la plupart du temps ne servent plus au culte. Une exposi-
tion d'art ancien peut devenir l'excellent moyen de les mettre
en pleine valeur, et de leur donner la notoriétéqu'elles méritent.
En d’autres termes, nos sacristies peuvent être assimilées
aux collections privées, et c’est de ce côté encore que les orga-
nisateurs des futures expositions d'art ancien pourront utile-
ment diriger leurs investigations.
WICMAN II,
| Comte du Hamaland, bienfaiteur de Saint-Pierre
de Gand au X° siècle,
par J. DEPOIN,
Secrétaire général de la Société historique du Vexin, membre de la Société
Française d'Archáologie, correspondant des Antiquaires de France.
Le but de cette étude est, contrairement à l'opinion de
Gramaye (1) et des écrivains belges qui l'ont suivi, opinion
d’abord accréditée en Allemagne par Wedekind (2) et Dümm-
ler (3), puis accueillie par les plus récents historiens francais (4),
d'établir qu'aucun comte du nom de Wicman n’a commandé
en Flandre au X° siècle et que le Wicman bienfaiteur du
monastère de Saint-Pierre de Gand est Wicman Il, comte du
Hamaland et du pays forestier de Drenthe.
Deux autres parties de cette notice seront consacrées,
l’une à déterminer l’origine, les alliances et le rôle social de
Wicman II et de ses enfants; l’autre à dégager sa personna-
lité de celle d’autres comtes homonymes contemporains.
I.
Une chronique de la fin du XIIT° siècle, écrite par Jean
de Thielrode (5), paraît être la première source de l’erreur que
nous combattons. Dans le chapitre 8, intitulé : De origine
(1) Antiquitates Flandria. De Teneremunda, p. 86.
(2) Noten, 1, 144.
(3) Otto der Grosse, Excurs III, pp. 579-583.
(4) Ferdinand Lot. Les Derniers Carolingiens, p. 181.
(5) Editée dans Pertz, Monumenta Germaniæ historica, Scriptores,
XXV, 563. |
— 316 —
castri (Gandensis, cet auteur raconte fort sérieusement que
« l’empereur Otton fit creuser un fossé du pont St. Jacques
jusqu'à la mer, en partant de l’Escaut, pour séparer la
Flandre française de la Flandre impériale ». Cette hypothèse
a naturellement flatté les historiens germaniques; ils sont
unanimes à l’admettre et à faire honneur de ce grand travail
à Otton le Grand, qui gouverna la Germanie de 936 à 973 (1).
Jean ajoute « qu'avant Otton, le château de Gand
(castrum quod ad ripam Leie situm est) fut construit, non par
les rois de France ou par les comtes de Flandre, mais par les
Empereurs, sur Ja terre de St. Bavon, que ce monastère possé-
dait en franchise, et que, de ce chef, un cens n’a cessé d'être
payé à cette abbaye ».
« À ce château, continue-t-il, ne furent point commis
des châtelains mais des comtes, auxquels étaient soumis
Assenede, Bouchout, Axel, Hulst et toute la terre de Waes;
l’un de ces comtes fut Wicman qui pour l’âme de sa femme
Luitgarde, donna la villa de Desselberghe à St. Pierre et à
St. Bavon ».
Le récit de Jean de Thielrode suppose les Empereurs —
c'est à dire les rois de Germanie — maîtres de Gand avant
Otton, et celui-ci y commandant après ses devanciers. Ce
serait donc eux qui auraient confié le château non à de simples
châtelains, mais à des comtes, et notamment à Wicman.
Ce que le chroniqueur rapporte de ce dernier personnage
a pour fondement deux actes qui nous ont été conservés (2).
C'est d’abord une charte du 18 octobre 962 portant donation
par un comte Wicman, à l’abbaye de Saint-Pierre, de la villa
Thessela (Desselberghe). Mais cet acte, comme l'a fort bien
remarqué Ferd. Lot, est daté du règne de Lothaire, roi de
France : bien plus, la libéralité de Wicman fut confirmée par
ce prince, le 22 février 964. Il est donc hors de conteste
(1) Siegfried Hirsch n'a pas manqué de l’adopter dans ses Yahrbücher
des Deutschen Reiches unter Heinrich II, t. 1, pp. 507-529.
(2) Van Lokeren, Chartes de l'abbaye de Saint-Pierre de Gand, t. I,
p. 35-36. — Les précédentes recensions de ces deux actes ont introduit des
dates erronées : 1 novembre 962 et 22 février 963.
— 317 —
qu’en 962-964, Gand appartenait à Lothaire. Mais ces deux
dates coïncident avec l’apogée de la puissance d’Otton le
Grand, qui vient, le 2 février 962, de placer sur sa tête la
couronne impériale.
. Fidèle allié de Louis d'Outremer, son beau-frère, Otton
lui porta le plus efficace secours, en 946, contre Hugues le
Grand, lorsque, avec l’aide d'Arnoul, marquis de Flandre, il
lui fit recouvrer Reims et le mit en mesure, quatre ans plus
tard, d'obliger le duc son rival à se dessaisir de Laon et à
redevenir un vassal soumis. L'intervention d'Otton assura
quarante aus de prolongation de pouvoir à la dynastie caro-
lingienne. Quant aux rapports de Lothaire, fils et successeur
de Louis IV, avec le roi de Germanie, F. Lot les résume d’un
mot (1): « De 954 à 965 et même 973, ces rapports sont
amicaux et avantageux aux deux partis ».
Cet exposé ne permet pas d'admettre que, si Otton avait
vraiment reçu le château. de Gand de ses devanciers, cette
place ait pu lui échapper entre 936 et 962 pour passer sous
la domination française. Van Lokeren a donc eu parfaitement
raison (2) de dénier sur ce point toute autorité à la chronique
de Jean de Thielrode. Mais de ses récits, dont la base s'écroule,
faut-il retenir ce qui concerne le comte Wicman? Faut-il,
sur sa seule foi, distinguer, avec Dümmler et Lot, « le beau-
fils d’Arnoul le Grand, Wicman comte de Gand et vassal de
la couronne de France, d'avec le comte homonyme du Hama-
land, tout dévoué à Otton I? »
Nous possédons, outre les Annales Sancti Petri Blandi-
niensis éditées par F. Van de Putte, de nombreuses chartes
du X° siècle concernant la Flandre occidentale. Nulle part on
ne rencontre la souscription d’un comte de Gand du nom de
Wicman. L'abbaye de Saint-Pierre est, durant tout ce temps,
aux mains des comtes de Flandre qui, tous, s’y font inhumer
dans la chapelle de Notre-Dame.
La charte de 962 est loin de prouver ce qu’on en induit.
| (1) Lot, Les Derniers Carolingiens, pp. 6, 176. .
(2) Van Lokeren, Histoire de l'abbaye de Saint-Bavon, pp. 25-21.
— 318 —
Wicman a cédé aux instantes prières de sa femme dangereu-
sement malade, en lamenant du dehors (deduæil) au sanc-
tuaire de Saint-Pierre et de Saint-Bavon. Si Wicman eût été
comte de Gand, habitant avec les siens le château, la comtesse
ne se fût point exposée à ce tardif et funeste pèlerinage : les
moines eussent satisfait à sa dévotion en lui apportant eux-
mêmes — on en a cent exemples — un reliquaire devant lequel
elle aurait prié sans sortir de son oratoire.
Wicman est un comte du dehors, d'un pays ussez
éloigné. Pourquoi Luitgarde veut-elle être ramenée à Gand
lorsqu’elle se sent en péril de mort? Elle espère y guérir sans
doute par l’intercession de saint Bavon, mais, si elle doit suc-
comber au mal, elle veut être inhumée près de sa mère et de son
unique frère, qu'elle vient de perdre coup sur coup. Luitgarde
est en effet la fille du marquis Arnoul : sa mère, Adèle de
Vermandois, est morte le 16 septembre 960; Baudoin, son
frère a été enlevé par la variole noire le ler janvier 962;
Luitgarde elle-même vient mourir à Gand le 29 septembre
suivant (1).
Desselberghe, donné à l’église pour son anniversaire, est
une terre provenant du douaire assigné pur Arnoul à Adèle
et dont leur fille a hérité. C’est de ce chef, et non à titre de
comte de Gand, que Wicman avait pu contracter un lien
fugitif de vassalité à l'égard de Lothaire.
La confusion qui se produisit dans l’esprit de Jean de
Thielrode a dù provenir de la lecture de chartes où se trouvait
le nom d'un Winemarus — orthographié quelquefois
Wincmarus — avec le titre d'avoué (advocatus) de Saint-Pierre
de Gand. On rencontre dès 937 le premier personnage de ce
nom (2); c'est le Winedmarus laicus qui, l’année suivante,
accompagnait la marquise Adèle, mère de Luitgarde, lors-
qu'avec l'autorisation spéciale des évêques de Térouanne et
mn nn
(1) Van de Putte, Chronique de l'abbaye de Saint-Pierre du mont
Blandin, p. 159. — Annales Blandinienses, dans Pertz, Scriptores, V, 26.
(2) Miræus, Opera diplomatica, 1, 39.
— 319 —
de Cambrai, elle pénétra dans le cloître de Saint-Bertin (4).
A cette famille des Winemar se rattache le chevalier que
Baudoin II, en 899, envoya vers Foulques, archevêque de
Reims et qui fut le meurtrier de ce prélat. D'autres Gwinemar
furent, au XI° siècle, châtelains de villes au Nord-Est de
Paris, vers les frontières du Hainaut et des Flandres. Tous
appartenaient à la dernière classe des nobles, qui ne pouvait
prétendre à s’allier aux marquis de Flandre, petits-fils des
empereurs d'Occident et des rois d'Angleterre.
Pourquoi, si rien n'autorise à voir dans le Wicman,
gendre d'Arnoul, un comte de Gand, proposons-nous de
l'identifier avec Wicman If, comte du Hamaland, cité de 952
à 974, et fondateur de l’abbaye d'Elten? C'est que celui-ci
n'ayant que deux filles, imposa le prénom d’Adèle à l’aînée
et celui de Luitgarde à la cadette. C’est évidemment ce
qu’aurait dû faire le comte Wicman mari de Luitgarde de
Flandre et gendre d’Adèle de Vermandois. Une particularité
si caractéristique constitue, à nos yeux, uu indice onomasti-
que d'où se dégage une quasi-certitude; car ne serait-ce pas
vraiment une coïncidence par trop merveilleuse que ces deux
mêmes prénoms aient été choisis par un comte homonyme,
contemporain, localisé dans la même région entre le Rhin
et l’Issel, la mer du Nord et la Picardie ?
La date de naissance des filles de Wicman de Hamaland,
qui nous est connue, s'accorde parfaitement, d’ailleurs, avec
la conclusion à laquelle nous aboutissons, qu’elles étaient les
petites-filles du marquis Arnoul.
IT.
Le Hamaland, suivant l'opinion d'un savaut ethno-
graphe, le juriscorsulte Schroeder (2), a gardé le nom de la
tribu des Chamaves ou Hamaves, qui, à une époque fort
(1) Folcoin. Cartulaire de Saint-Bertin, éd. par Guérard; cf. coll.
Moreau, VI, 100 ; Bibl. Nat. de Paris.
(2) Cf. ses ouvrages: Die Franken und ihr Recht; — Untersuchungen zu
„den fraenksschen Volksrechten (Monatschrift fir die Geschichte West-Deutsch-
Jands, VI, 492).
— 320 —
ancienne, peupla les cantons situés entre le Rhin, la mer
du Nord et l’Issel, et ceux situés autour de ee dernier bras
du Rhin, sur sa rive orientale. Les points situés avec certi-
tude daus le Hamaland au X° siècle, Deventer, Boecklo,
Elten, se trouvent sur cette. rive, entre Emmerich et Zwolle.
: Au X° siècle, le Hamaland était un pays saxon. Sigebert
de- Gembloux l’affirme dans la vie de Thierti I, évêque de
Metz, qui en était originaire (1). Cette assertion, soutenue par
le géographe Van den Bergh (2), est plus ou moins contestée
par Gaupp, Wilmans, Waitz, Dederich et d’autres auteurs
dont les opinions discordantes sont exposées avec clarté par
R. Parisot (3). Le nouvel historien du Royaume de Lorraine
n'accorde aucun crédit à Sigebert et s'écrie : « Que vaut
cet unique témoiguage, provenant d'un écrivain qui vivait
à la fin du XI° et au début du XII° siècle, et qui ne con-
naissait pas le Hamaland? » Ce dernier reproche est gratuit :
rien ne permet de dire que Sigebert ait ignoré la géographie
de pays situés à moins de cinquante lieues de Gembloux.
La première critique est moins juste encore. Qu'importe la
date où mourut Sigebert? Ce qu'il faut savoir, c’est à quel
moment il composa la biographie de Thierri.
C'est justemeut une œuvre de la prime jeunesse de
Sigebert, né entre 1027 et 1030; cette composition, suivant
la judicieuse remarque de Waitz, « juvenem ostendit bene-
volum, pium, veri sucrique amantem... delectatur versibus
et vocibus poetarum decerptis » (4). C'est donc vers 1050,
soixante-cinq ans après la mort de Thierri, que Sigebert
écrivait sa vie, d'après les sources les plus récentes et les
plus authentiques, puisqu'il la rédigea au monastère de
Saint-Vincent de Metz qui avait ce prélat pour fondateur.
Enfin le témoignage de Sigebert n’est pas un « unique
témoignage ». Il en existe un autre, à peu près contemporain,
et fort explicite. C’est celui du biographe de Meinwerc,
(1) Pertz, Scriptores, IV, 464.
(2) Handboek der Middelnederlandsche Geographic, p. 182.
(3) Le Royaume de Lorraine, p. 103, n. 2.
(4) Pertz, Scriptores, IV, 461.
— 321 —
évêque de Paderborn : il affirme qu’Inmed, père de Meinwerc,
nobilem duzit uxorem de terra Saxona (1). Cette épouse était
Adèle, fille de Wicman II de Hamaland, qui plus tard
réclama la rescision des libéralités de son père à l’abbaye
d'Elten en s’appuyant sur le droit saxon (2).
Le plus ancien comte connu du Hamaland, Wicman I,
porte un nom qui le rattache à l’histoire de la Saxe. Il vivait
en 855 (3) et périt avec onze autres comtes et deux évêques
saxons aux côtés du duc Brunon, dans la funeste journée
où les Normands écrasèrent l’armée saxonne dans les bruyères
d'Ebsdorf, le 2 février 880 (4). Ce fut sans doute à ce moment
que le Hamaland passa aux mains d’une dynastie qui n'a
jamais été l’objet d’une étude spéciale et que nous allons
essayer de mieux faire connaître.
Les pays situés entre Utrecht et le Rhin, à gauche de
l'Issel, étaient au VIIT* et au IX* siècles administrés par une
famille de comtes que le cartulaire de Werden am Ruhr nous
présente au nombre des plus anciens bienfaiteurs du monastère
de saint Luidger. Ce sont : Brunhar, Euvrahar son fils,
Meinhard, fils d'Euvrahar, cité avec son père en 794; enfin
Meinhard II, avoué de l’abbaye en 841 et 847 (5): celui-ci et
Gonthard, son frère ou son beau-frère, donnèrent à Werden
un domaine à Oeft. Wyk by Duurstede était alors connu sous
le non de Vicus Meginhardi, et situé sur le Rhin, à neuf
milles en amont de Dorestad (6). En 847, les Normands
s’emparèrent de Wyk, et, à partir de cette époque, des expé-
(1) Ib., XI, 108.
(2) Diplomata, 11, 649 (Monumenta Germanie).
(3) Lacomblet, Urkundenbuch für die Geschichte des Niederrheins, 1,
30 ; Binterim, n° 9.
(4) Eckbart, Commentarius de rebus Francia orientalts, II, 649.
(5) Euvrahar (Uvraharius filius quondam Brunhari) donne, en ‘794, sans
prendre aucun titre, son domaine de Wigmond sur l'Issel à Luidger; mais
cette cession est rappelée en 800 comme fuite par un comte (Uvrahario
comite). — Lacomblet, Urkundenbuch für die Geschichte des Niederrheins,
pp. 3, 10 (donations d'Euvrahar); p. 2 (situation de Wichmund); pp. 25-31
(sur Meinhard II).
(6) Parisot, Le Royaume de Lorraine, pe 51, 61.
21
— 322 —
ditions de pirates sillonnèrent sans cesse le Wahal, le Rhin
et l’'Escaut. En 850, Lothaire [*" concéda Duurstede (Dorestad)
au normand Rurik, petit-fils du roi danois converti Harald
à qui Louis le Pieux avait déjà concédé des comtés maritimes.
Harald le jeune, frère de Rurik, avait deux fils, Godfrid et
Rolf, qui se mirent à leur tour à la tête de bandes de pirates.
On retrouve Godfrid, en 880, dévastant le Hainaut; en 881,
établi à Elsloo dans un palais fortifié, il en part pour piller
Maestricht, Liège et Cambrai (1).
Dans l'intervalle, il s'était installé dans un autre palais,
celui de Nimègue, qui présentait des défenses inexpugnables.
L'armée du roi de Germanie Louis III fit de vains efforts pour
l'en déloger. Dans un des combats qu'elle livra, Eberhard, fils
du comte Meinhard, fut surpris par les Normands et emmené
captif. Meinhard périt sans doute peu après, car ce fut Eveza,
mère d'Eberhard, qui prit soin de racheter à grand prix la
liberté de son fils (2).
L'année suivante, Charles le Gros, héritier de son frère
Louis III, concluait avec Godfrid une paix humiliante; il lui
concédait en pleine possession plusieurs comtés entre le Rhin
et I'Issel, et Godfrid, devenu chrétien, épousait bientôt après
Gisèle, fille de Lothaire IT, le feu roi de Lorraine (3). Eberhard,
non par l'effet du traité, mais par un coup de force ultérieur de
Godfrid, dont l’insolence ne connaissait plus de bornes, fut
dépouillé de tout ce que possédait son père Meinhard. Il se
retira près du duc Henri, un cadet de la famille de Grapfeld
devenu le favori de Louis III et à qui Charles le Gros avait
confié un commandement militaire considérable sur une partie
de la France orientale, la Saxe (westphalienne) et la Frise.
Eberhard était, en 885, pourvu de comtés parmi lesquels se
trouvaient — car on les rencontre un peu plus tard aux mains
de ses descendants — ceux de Hamaland et de Drenthe. Ce
dernier pays, indifféremment appelé pagus Thriente ou pagus
(1) Parisot, Le Royaume de Lorraine, pp. 448, 458.
(2) Reginon, Chronicon, dans Pertz, Scriptores, T1, 592.
(3) Parisot, p. 465. |
— 323 —
Forestensis, s'étendait le long de l'Issel, vers le nord, entre
Zwolle et la mer.
Henri, dont il était l’homme de confiance, lui avait
fait obtenir ces comtés, que la mort de Wicman I laissait
vacauts. Toute la fleur de la noblesse saxonne ayant été mois-
sonnée dans le désastre d'Ebsdorf, il se peut que les héritiers
de Wicman aient disparu dans l’hécatombe de l’armée saxonne;
Eberhard était d’ailleurs, suivant les vraisemblances, un allié
de Wicman puisque l’un de ses petits-fils porta le nom du feu
comte de Hamaland. >
Une alliance très proche existait entre le duc Henri et
Eberhard. Le premier avait épousé Babe, sœur d'Otton
l'Illustre, duc de Saxe orientale ou Ostphalie (1). Eberhard,
Saxon lui-même (Reginon le surnomme Zberhardus Saxo),
épousa à son tour une autre fille de Ludolf, sœur du duc
Brunon tué à Ebsdorf et d'Otton l'Illustre. |
C'était Vota, qualifiée par Otton le Grand son petit-neveu,
amita nostra, ce qui s'entend aussi bien d’une tante que d’une
grand'tante du côté paternel. Faute d'avoir fait cette
remarque, une confusion tout à fait injustifiable s’est établie
entre Uota et Oda, femme du roi de Lorraine Zventebold (2).
Le duc Henri avait acquis la conviction qu’il était indis-
pensable de se défaire de Godfrid, qui, devenu le beau-frère du
comte de Toul Hugues, fils de Lothaire IT, favorisait les pré-
tentions de ce fils de Lothaire et de Waldrade au trône de
Lorraine.
Il résolut de tendre à Godfrid des embûches et l'attira à
une entrevue dans l’île des Bataves (3). Dès que le duc et le
Danois furent en présence, Eberhard, qui accompagnuit
Henri, apostropha Godfrid, lui réclamant avec véhémence
l'héritage paternel. Godfrid lui répondit par les plus mépri-
santes injures.
(1) Agius, Vita Hathumode, dans Pertz, Scriptores, TV, 166. — Adalbert
de Bamberg, fils du duc Henri, était « nepos » d'Otton l'Illustre (Annal. Saxo,
dans Pertz, VI, 590), mais la chronologie s’oppose à ce que les fils d'Henri et
de Babe, nés eutre 870 et 880, soient les petits-fils du duc Otton.
(2) Elle ge retrouve dans Parisot (Le Royaume de Lorraine, p. 522,
n, l,et 537.)
(8) Parisot, p. 476.
— 324 —
Eberhard, tirant son épée, se jeta sur le Normand encore
assis, et déchargea de toute sa force un coup terrible sur la
tête de son ennemi. Godfrid s’affaissa, et les compagnons du
duc se hâtèrent de l’achever.
Il n’est pas douteux que, bien loin de soutenir les intérêts
du roi de Germanie et des peuples chrétiens contre ses compa-
triotes, Godfrid n'avait cessé d'attirer d’autres vikings dans la
région et de favoriser ieurs ravages. C'est ainsi qu’en 882,
Deventer, le port fluviai du Hamaland, avait été surpris et
saccagé par les pirates, qui massacrèrent la plupart des
habitants (1).
À la mort de Godfrid, Eberhard fut certainement remis
en possession de tout ce que ses aïeux avaient possédé dans
l'ancienne terre des Chamaves. Nous retrouverons son fils à
Baarn, son petit-fils à Velp, chefs-lieux de comtés situés entre
le Rhin et le Zuiderzee. |
Le 28 mai 886, le duc Henri succombait devant Paris,
qu'il était allé secourir contre les Normands. Eberhard,
perdant ce protecteur, en trouva un autre dans la personne du
prince Pepin, qui lui fit acquérir l’île d'Issel (2). Pepin était un
carolingien, issu de Bernard, roi d'Italie, qui s'était retiré près
de Lothaire I‘ et en avait obtenu, entre autres faveurs, l’ab-
baye de Moyenmoutier. Lothaire II dépouilla ce monastère de
presque tous ses biens pour les donner au duc d'Alsace, parce
que Pepin se refusait à lui fournir l'aile de trente cuirasses,
contingent auquel on l'avait taxé pour le service militaire dû
par l’abbaye (3).
Sous le règne de Zventebold — ou peut-être déjà sous
celui d’Arnoul, Eberhard fut pourvu d'un duché, sans doute
celui de la Westphalie uni à l’ancien duché de Frise et au
duché des Ripuaires, dont le comte Henri de Grabfeld, son
allié, devint titulaire quand il ceignit une triple couronne
ducale. En racontant l’assassinat d'Eberhard, fils de Meinhard,
en 898, par le comte frison Wautier, fils de Gérulf, qui, en
(1) Parisot, p. 468,
(2) Acta Sanctorum Septembris, V, 107-110.
(3) Libellus de S. Hidulfi successoribus, c. 6, ap. Pertz, Scriptores, IV , 89.
— 325 —
885, avait été l’un des vassaux par lesquels Godfrid fut trahi,
Reginon, abbé de Prüm, qualifie Eberhard simplement duz,
sans indication de province. On peut en conclure que c'est
Yautorité d’Eberhard qu’on reconnaissait en Basse-Lorraine (1).
Le duché d'Eberbard fut confié à son frère Meinhard III.
Les fils de la victime de Wautierétaient trop.jeunes sans doute
pour assumer une si haute charge, si lourde surtout dans cette
période troublée par d’incessantes invasions. Eberhard, en
effet, laissait plusieurs fils. Deux nous sont connus par une
ancienne cantilène : un comte Luithard, qui épousa une prin-
cesse ou du moins une fille de sang royal, Berthe; et un
évêque, Bérenger de Tholey (Berengarius Tholetanus).
Luithard n'est probablement pas différent d’un Luithar,
bisaïeul de Thietmar de Merseburg, qui périt en 929 (2), dans
une bataille où succomba un autre bisaïeul homonyme du
chroniqueur saxon. Thietmar les qualifie duo duces Luithari,
abavi mei. L'un était sans doute le duc à qui Henri l’Oiseleur,
en devenant roi en 919, avait confié son propre duché, l’Ost-
phalie ; l’autre devait-être le duc de Westphalie et dès lors le
successeur d'Eberhard.
L'abbaye de Tholey était unie à l’évêché de Verdun. L'une
et l’autre furent données, en 940, à un Bérenger, orlu Saxoni-
cus el consanguineus Ottonis magni (3).
Il est d'autant plus indiqué de l'identifier avec le Beren-
garius episcopus Tholelanus que, dans la même cantilène de
Luithard, celui-ci est déclaré regali stirpe editus et comes
inchytus (4) ; et c’est de Tholey que Bérenger tira les moines
(1) Parisot (p. 518-520) hésite sur l'attribution du duché de Frise à
Eberhard. — Gérulf obtint d'Arnoul, le 4 août 889, une concession de biens
dans son comté situé entre le Rhin et le Zuiderzee (Ib., p. 493, n. 2).
(2) Le 5 septembre (nonis septembris), en assiégeant Lenzen, occupée
par les Redarii (peuples du Mecklembourg). Thietmar, I, 10.
(3) Mabillon, Vetera analecta, p. 319. Acta sanctorum Septembris, V,
p. 108, Beka. (Chron. episcoporum Trajectensium, p. 34) fait de Luithard
un comte de Clèves, aïeul de Baudri, évêque d’Utrecht. — Sur l'union
de Tholey à l'évêché de Verdun, cf. Bertaire, Gesta epp. Virdunensium,
dans Pertz, Scr., IV, 36.
(4) II Idus Augusti 959. Obiit recolende memorie domnus Berengarius,
episcopus Virdunensis, nobilis institutor hujus loct, qui, ejectis clericis, hoc
— 326 —
qu’en 951, il mit à la place des chanoines expulsés, à Saint-
Vannes de Verdun, pour réformer ce monastère.
Bérenger avait conservé dés attaches avec la région que
baigne le cours inférieur du Rhin, car en 948 avec Jean,
chorévêque de Cambrai, on le voit assister à la dédicace d’un
oratoire établi par l'archevêque Wicfroi dans le monastère de
Saint-Severin de Cologne (1). Ce prélat, aux côtés duquel on
rencontre, en 927, un comte Eberhard qui pourrait être Eber-
hard II, paraît un allié des comtes du Hamaland, de même
que ses deux homonymes: Wicfroi évêque de Verdun,
sobrinus d'un comte Luithard, et Wicfroi, chorévêque de
Trèves, dont ce comte Luithard était le frère.
Nous verrons tout à l'heure qu'il faut attribuer à Eber-
hard, tué en 898, un troisième fils, homonyme, qualifié de
consanguineus par Henri l'Oiseleur, et père de Thierri évêque
de Metz, qu'Otton le Grand déclare ex nostra progenie et que
les plus anciennes sources disent issu de la souche royale,
ortus regio sanguine.
La source de cette parenté remonte à Uota, qui fut
certainement une comtesse de Hamaland, puisque tous ses
biens dotaux étaient à Deventer, à Boecklo et sur d’autres
points du bassin de l’Issel. A la fin de sa vie, elle céda à
Otton le Grand, son neveu, qui en fit don au chapitre de
Saint-Maurice de Magdeburg le 30 décembre 952, le domaine
exploité qu'elle possédait à Deventer, « predium in loco
Davindre, in pago qui dicitur Hamalant, in comitatu Vuig-
manni, quod nobis nostra amita, mulier Deo nobisque devota,
nomine Cota, tradidit » (2). |
Huit ans après, Otton adjoignait à cette dotation de
in loco monachos introduxit, ad quorum victum dedit abbatiam Sti Amantii. —
XVIII Kal. Fulii 1046, obiit domnus abbas Richardus, anno. introductionis
monastice in nostro cenobio facte a domno Berengario episcopo 95 (Nécrologe
de Saint- Vannes, nouv. acquis. lat. 1417. Bibl. nat. de Paris). — Cf. D. Cal-
met, I, 199.
(1) Cardauns. Rheinische Urkunden des X-XII Jahrhunderts, p. 10. —
Charte d’Alfwin pour Sainte-Urtule de Cologne, du 12 mars 927, dans
Lacomblet, I, 47,
(2) Diplomata, I, 264.
— 327 —
Saint-Maurice beaucoup d'autres biens qu'il avait également
acquis d'une de ses parentes : « quasdam res proprietatis
nostre, que nobis Uda nostra nepta (sic) legitime hereditando
permisit, hoc est : in civitate que vocatur Daventri curtem
dominicalem... ». Suivent d’autres biens dans les comtés de
Wicman, à droite de l’Issel, et d'Eberhard, à gauche de ce
fleuve (1).
À partir d'Otton le Grand, la diplomatique impériale
emploie xepos, neptis dans leur acception saxonne : cousin,
cousine aussi bien que neveu, nièce ou petit fils, petite fille, —
c'est à dire avec le sens de natus post, étymologie trouvée
après coup — donc descendant ou collatéral plus jeune.
Uda est une cousine d'Otton, donc une fille ou une petite
fille d’Uota, et elle aussi a Aérité, à Deventer, de biens
féodaux (curtem dominicalem).
Cette Uota, veuve consacrée à Dieu, et sans aucun titre
honorifique, n’a rien de commun avec Oda, reine de Lorraine,
qui en 900, après le meurtre de son époux Zventebold, se
remaria avec l'assassin de ce prince, le comte Gérard. Il est
tout à fait impossible d'expliquer à quel titre cette Oda aurait
pu acquérir des biens à Deventer qui était uue cité (civitas),
un port, et nullement une villa royale, et où il ne se voit pas
de vraisemblance que, soit les ducs de Saxe, soit le comte
lorrain Gérard, aient possédé quelque bien.
Nous considérons Uota comme taute et non comme sœur
de Henri l'Oiseleur : le terme de proamita étant inusité, celui
d'amita est susceptible d'un sens extensif. Le mariage d’Eber-
hard, fils de Meinhard et d'Eveza, se place, d'après les pro-
babilités qu'on peut dégager du récit de Reginon, entre 882
et 885. Uota, comme Eberhard, appartient donc à une généra-
tion antérieure à celle de Henri l'Oiseleur. L’objection tirée de
l’âge d'Oda, femme du duc Ludolf, qui serait, dit-on, morte à
cent sept aus en mai 914, et dont la naissance, dès lors, se
placerait en 808, n'est pas absolue. Le témoignage de Hros-
11) Diplomata, 1, 299. Le texte de ce diplôme, incorrect dans ce passage,
est peut-être altéré, mais la critique grammaticale qu’il soulève ne touche
en rien au fond.
— 328 —
vitha prouve uniquement qu’on attribuait cet âge extraordi-
naire à Oda lorsqu'elle mourut (1) :
Cum decies denos septem quoque vixerat annos.
Il est bien permis d'admettre que ce calcul était erroné de
quelques années, et il n’y a rien d’impossible, d’ailleurs, à
ce qu'Oda, née même en 808, ait eu son dernier enfant vers
858. C'est l’époque où peut se placer aussi la naissance d’Eber-
hard; on ne peut guère lui supposer moins de 40 ans lors-
qu'il périt, étaut déjà pourvu des fonctions ducales.
Eberhard II que les circonstances de lieu, de temps et
d'homonymie nous engagent à considérer comme un fils
d'Eberhard I et d'Uota, occupait le comté de Baarn-have
(pagus Pernaffa) le 16 juin 913 (s).
Quelque temps après, l'administration des comtés de
Toulois et de Chaumontois lui fut confiée. Hugues, fils de
Lothuire IT, qui fut aveuglé en 885 par ordre de Charles le
Gros, à Gondreville, dans son comté de Toulois, laissait de
Friderade, qu'il avait épousée après avoir fait assassiner
Bernier, le premier mari de celle-ci (3), un fils, Hugues II, qui
dès 891, est cité dans un diplôme d' Arnoul comme comte du
Saintois (9 octobre), et dans un autre diplôme, comme comte
du Toulois (l novembre) (4).
Ce second comte Hugues mourut à la fleur de l’âge
laissant un fils homonyme, qu’un acte du 29 octobre 907
présente comme tout enfent : « Actum in villa Nansiide
(Nancy), IV kal. Novembris, anno VIII Ludovici regis, Hugone
parvulo comite, Herveo item comite, Giraldo vicecomite » (3).
Hugues III était encore, en 922, comte du Chaumon-
(1) Pertz, Scriptores, IV, 316.
(2) Mühlbacher, Regesta Karolinorum, pp. 748-749. Baarn est entre
Hilversum et Amersfoort, à une faible distance du Zuiderzee.
(©) Parieot, p. 468, 478 et 469, n. 4.
(4) Parisot, p. 496, n° 5; p. 497, n. 2. Les noms du chapelain Egwolf et
du domaine royal de Tundolvesdorf doivent être rectifiés en Eginolf et
Gondelvesdorf (Gondreville) d'après le Cartulaire G 1384 des Archives de
Meurthe et Moselle, fol. 110.
(5) Cartulaire de Saint-Mihiel, Nouv. acquis. lat. 1283, fol. 38. Bibl. Nat.
de Paris, Le nom du second comte est celui du tuteur de Hugues III.
— 329 —
tois (1). C’est peu après, en 928-929, qu'Eberhard fut chargé
de l'administration du Toulois. Il obtint, à ces deux dates, des
diplômes de Henri l'Oiseleur en faveur de l’église de Toul et
de son évêque Gauslin. Dans le premier, l’exemption des
droits régaliens, déjà octroyée par Arnoul en 891, est renou-
velée par Henri [* « rogatu Eberhardi fidelis et dilecti comitis
atque propinqui nosiri ».
Dans le second, le domaine royal de Gondreville et son
ancien palais sont donnés à la mense épiscopale, ainsi que
l’a demandé Eberhard : « dilectus consanguineus noster comes
Eberhardus expetiit » (2).
Ces deux qualifications : propinquus et consanguineus,
ont un seus bien différent. La première s'applique à des
beaux-frères ou à de très proches parents de la femme; la
secoude implique, tout au contraire, une communauté de
souche, donc une parenté antérieure au mariage (3). Ainsi
Eberhard, consanguineus du roi de Germanie, lui était devenu
eu 928, propinquus, et cette parenté plus rapprochée avait
alors été préférée. Sigebert nous apprend, en effet, que
Thierri, évêque de Metz, avait pour père Eberhard, comte du
Hamaland, et pour mère Amaurée (Amalrada) sœur de
Mathilde, femme de Henri l’Oiseleur.
Amaurée, fille du comte saxon Thierri, avait eu plu-
sieurs maris avant d'épouser Eberhard. Le premier fut Wige-
rie, comte du Blois, veuf de Cunégonde, petite-fille de Louis
le Bègue, dont il avait eu plusieurs fils parmi lesquels Adal-
béron I, évêque de Metz. Wigeric étant mort (après janvier
916, date où il figure à Heristal avec le titre de comte du
palais dans un plaid tenu par Charles le Simple), sa veuve
{Amaurée) épousa Ricoin, comte de Verdun, qui est qualifié
citricus d'Adalbéron dans la Vie du B. Jean de Gorze. Ce
(1) Cartulaire de Gorze, no 91; Mettensta, 11, 168, 487. Dans ce comté se
trouvait Raville (canton de Lunéville-Nord), sur le Sânon.
(2) Diplomata, 1, 52, 57.
(3) Nous avons présenté au Congrès des Sociétés Savant2s, en 1907, une
Communication détaillée sur la Terminologie des relations de parenté au
début du Moyen-Age, où ces points sont établis par des exemples.
— 330 —
terme a incité tous les généalogistes modernes, Heinrich
Beyer, Lot (1) et Parisot (2) notamment, à considérer Ricoin
comme le second mari de Cunégonde. Mais on aurait peine à
concevoir alors comment il aurait pu chercher à dépouiller
Adalbéron de ses bénéfices et de son patrimoine, et l’aurait
poussé tellement à bout que le fils de Cunégonde aurait été
réduit à faire appel au bras d'un allié, le comte Boson, frère
du roi Raoul, qui surprit Ricoin dans son lit et le massacra, le
14 mars 923 (3).
Du reste, Sigebert, élevé à Gembloux puis moine de
Saint-Vincent de Metz dans la première moitié du XI° siècle, et
très au courant des alliances des chefs lorrains au X°, écrit
dans sa chronographie (4) : « Deoderico Metensi episcopo
defuncto, successit ei Adalbero fratruelis ejus ». Thierri 1 de
Metz, fils d' Eberhard et d'Amaurée, eut donc pour successeur
le fils d'un de ses frères (fratruelis); mais ce successeur, Adal-
béron II, avait pour père Frédéric I, duc de Haute-Lorraine,
fils lui-même de Wigeric. Frédéric se dit germanus d’Adal-
béron I, mais ce terme n’a d'autre sens, au X° siècle, que
frère de père, et le biographe du B. Jean de Gorze, voulant
distinguer certains des frères d’'Adalbéron I, dit avec inten-
tion qu’ils lui étaient german de malre, termes qui seraient
un uon-sens si germanus seul avait eu, sous sa plume, l’accep-
tion de frère du même lil.
D'ailleurs Gerbert, dans l'épitaphe de Frédéric, dit en
vantant sa noblesse : « Quem proati fudere Duces de sanguine
Regum ». Si Frédéric eût été fils de Cunégonde, il aurait eu
un proavus rez, ce que Gerbert n'aurait pas manqué de rele-
ver de préférence.
Pour que Frédéric ait été frère de l'évêque Thierri, il
faut nécessairement qu’il ait eu pour mère Amaurée. Ceci
(1) Les Derniers Carolingiens, p. 65 et 409.
(2) Le Royaume de Lorraine, pp. 468, n. 5; 580, 581, 604, 608, n. 4; De
prima domo qua Superioris Lotharingiæ ducatum tenuit, p. 2.
(o) Parisot, p. 663. Cet auteur ne peut comprendre la conduite d’Adal-
béron : elle serait sans excuse, en effet, si Ricoin eût été le mari de la mère
du prélat ; mais le mari de sa belle-mère lui était absolument étranger.
(4) Pertz, Scriptores, VI, 358,
— 381 —
du reste explique à merveille, comment Eberhard a pu être
chargé de l'administration du Toulois et du Chaumontois :
c'est comme mari de la veuve de Ricoin et tuteur de ses
enfants. Regiuon nous apprend en effet que, de son premier
mari Bernier, que Hugues de Lorraine fit périr en 888,
Friderade eut une fille unie au comte Ricoin et que celui-ci fit
décapiter pour adultère. Le Ricoin, antérieur au comte de
Verdun tué en 923, est identifiable au Ziguinus duz que le
nécrologe de Remiremont distingue nettement du mari
d'Amaurée en inscrivant son obit à la date du 15 novembre(1).
C'est le Riceuvindus dur qui figure, dans un diplôme faux,
mais reconstitué d'après des données certaines, comme inter-
cesseur eu faveur de l’église de Toul en 894 (2).
À cette date, Hugues IT, fils de Hugues et de Friderade,
né au plus tôt en 884, était mineur, et l'intervention du beau-
frère de cet enfant, le duc Ricoin, pour défendre les droits de
l'église de Toul contre des envahisseurs, est pleinement
justifiée.
Plus tard, en 912, pendant la minorité de Hugues III —
encore garvulus en octobre 907 — Dreux évêque de Toul, et
le comte Ricoin (de Verdun) sollicitent du nouveau roi de
Lorraine Charles le Simple, la confirmation d’une cession de
biens en Chaumontois à l’église de Toul (3).
Ainsi pendant les minorités successives de trois comtes
du Toulois, Hugues II, Hugues III et Arnoul (4), se
manifeste tour à tour l’intervention de Ricoin I, de Ricoin II
et d'Eberliard, mari de la veuve de Ricoin II. C'est la confir-
mation de notre interprétation du problème généalogique
posé par le texte de Sigebert.
(1) Neues Archiv, XIX, 70.
(2) L'orthographe du diplôme est Vilenvindus que certaines recensions
ont travestie en Vizemundus. L'altération du nom réel se reconnaît dans la
première graphie: cf sur ce diplôme, les remarques de Parisot (pp. 506-507).
(8) Parisot. p. 586-587. D. Calmet a publié cet acte (t. I. Preuves, col.
335) ; une copie collationnée à l'original existe dans la coll. Moreau, IV, 18.
(Bibl. Nat. de Paris).
(4) Hugues III est le nobilissimus comes mari d'Eve, père du comte
Arnoul et de l’archevêque de Reims Odalric.
— 332 —
La construction généalogique que nous venons d'établir
entraîne une conséquence indirecte, c’est de fixer l’origine
d'Hedvige, femme de Hugues le Grand. Il est hors de conteste
qu’elle était fille de Henri l'Oiseleur, mais celui-ci contracta
deux unions; la première, anti-canonique, avec Hatheburge,
veuve voilée, fille du comte Erwin ; la seconde avec Mathilde.
De quel lit Hedvige était-elle issue? Les généalogistes désireux
de flatter les Capétiens ont affirmé sans hésitation qu’elie eut
pour mère Mathilde. Mais Hedvige maria sa fille Béatrice
à Frédéric I". Cette union n'eùt certainement pas été tolérée
par l'Eglise si Frédéric et Hedvige eussent été enfants de
deux sœurs. Hedvige est donc fille de Hatheburge, que
répudia Hepri l’Oiseleur pour épouser Mathilde. Dès lors
l'inimitié persistante de Hugues le Grand, mari d'Hedvige,
contre Louis IV, mari de Gerberge, fille de Mathilde, trouve
sa source dans des excitations conjugales non moins que dans
des manœuvres politiques, et l'on conçoit le parti-pris d’Otton
le Grand en faveur de Louis IV, mari de sa sœur de père et
de mère, et le soutien constant qu’il lui apporta contre leur
commun beau-frère Hugues le Grand.
Si Eberhard, désigné en 928 comme le propinquus de
Henri l’Oiseleur, avait perdu ce lien le 29 décembre 929
pour ne conserver alors que le rapport moins intime que
marque le terme consanguineus, c'est que la propinguitas est
une relation éphémère, qu'anéautit la mort de la personne
qui l'a créée entre deux individus de souche différente.
Amaurée était morte le 7 septembre 929 (1).
Thierri, son fils, fut en effet orphelin de très bonne
heure; car dès sa plus tendre enfance il fut envoyé à
Halberstadt et confié aux soins le Brunon, fils de sa tante
Mathilde, de près de quinze ans plus âgé que lui. Thierri était
encore un jeune homme lorsque Brunon, ayánt été pourvu en
953, de la miître archiépiscopale de Colugne, l'emmena,
comme son disciple et son familier, dans sa ville métropoli-
1) Le quantième est fourni par le Calendarium necrologicum Gorziense :
VII Idus Septembris. Obiit Amarrada comitissa (Coll. Baluze, XL, 128. Bibl.
Nat. de Paris),
— 333 —
taine et l’y fit entrer dans l’université (gymnasium) pour y
apprendre les arts libéraux (Ziberali tyrocinio exercilalus).
Thierri y trouva comme condisciples Gérard, le futur évêque
de Toul (963-23 avril 994) (1), et Wicfroi, le futur évêque de
Verdun, un Teuton né en Bavière (2), que Brunon à la veille
de sa mort (11 octobre 965) chargea, de concert avec Thierri,
de recueillir son testament (3). Sigebert, dans sa biographie,
qualifie Thierri tantôt consobrinus, tantôt nepos (dans l’ac-
ception saxonne du mot) de l'archevêque Brunon. Thierri,
dans un acte solennel, appelle ce prélat domnus Bruno sobri-
nus noster (4). Le continuateur de Reginon rapporte en 945,
l'élection au siège de Metz de Diedericus, consobrinus impera-
toris. On retrouve ce terme dans une cantilène funèbre
relatée par Sigebert, et composée sur le neveu de Thierri, le
jeune Eberhard :
Hic consobrinus Cœsaris inclyti
Herebat illi mililie et domi.
Otton le Grand qualifie Thierri dilectissimus sobrinus
nosler dans deux diplômes, l'un de 968 (5), l'autre de 977 (6);
mais dans un autre du 29 juin 972, il le désigne ainsi :
« Deodericum venerabilem antistitem sancte Metensis ecclesie
ñostraque ex progenie ortum » (1). Ces deux ordres de relations
de famille auxquels la diplomatique impériale fait indiffé-
remment appel se rencontrent juxtaposés dans un document
de 970 utilisé per Sigebert (8) : « Venerabilis episcopus
(1) Pertz, Scriptores, IV, 53.
(2) Ib., IV, 37.
(3) Ib., IV, 467; cf. ibid., 276.
(4) Acte sans date, tiré des Archives de Saint-Araoul de Metz : Coll.
Moreau, XII, 13.
(5) Calimet, Hest. de Lorraine, t. \, Preuves, col. 382.
(6) Il obtient de l’empereur en faveur de Jean abbé de Saint-Arnoul
de Metz, l'approbation d’une charte de précaire conclue avec Gislebert
(Orig. Arch. de Metz, H 130).
(7) Diplomata, 1, 564. | |
(8) Pertz, Scriptores, IV, 478. Notre but n'est pas d'écrire la biographie
de Thierri, mais d'y puiser ce qui confirme nos conclusions «ur la généa-
logie des comtes de Hamaland. |
— 331 —
Deodericus ipsi magnifico Imperatori (Ottoni) sanguine ac
mira dilectione atgue consanguinitale conjunctus. » La pre-
mière relation provenait d’Amaurée, mère de Thierri et faute
malernelle d'Otton; l’autre, plus ancienne, d'Uota, aïeule de
Thierri et grand’ tante paternelle de l'Empereur.
Le prédécesseur de Thierri sur le siège de Metz, Adal-
bérou I, était pauvre : Ricoin l’avait dépouillé, ainsi que les
autres enfants de Wigeric et de Cunégonde, de tout ce qu'il
avait pu leur prendre, notamment de l’abbaye d’Hastières,
donnée à Adalbéron par Charles le Simple et que nous
retrouvons la propriété de Thierri, fils d'Amaurée, en 968.
Adalbéron en fut réduit, à son très grand regret, à ne pas
restituer au patrimoine de Gorze les biens qui lui avaient été
enlevés, et à les attribuer à ses frères de mère (germanos de
maire) qu'il voulait tirer d’une situation difficile : il avait
trouvé l’église de Metz tellement appauvrie par les dilapida-
tions de ses devanciers qu’elle ne possédait plus de bénéfices
disponibles.
À la pénurie que connut Adalbéron, un historien des
évêques de Metz, écrivant en 1021, Alpert, opposait la
richesse de Thierri : « Deodericus longe aliter generositate
parentum et excellentia majorum ex innata quoque copia
magna prædiorum clarissimus habebatur » (1).
Thierri, nous l’avons vu, naquit en Hamaland et c’est
par le nom de son pays qu'on avait coutume de le distinguer
de ses successeurs homonymes. En 1119, Ricoin, évêque de
Toul, rappelle que son prédécesseur Gérard dédia l'église
d’Epinal à la prière de son ami, « beate memorie Zkeodericus
de Hamelant, Metensis episcopus », qui avait élevé cet édifice
auprès d’un cloître où il établit une congrégation de Béné-
dictines (2).
Bertrand, évêque de Metz, citant dans une de ses chartes
l'œuvre de Sigebert, s'exprime de la même façon : « In vita
(1) Pertz, Scriptores, IV, 694. L'épithète de ditissimus est appliquée par
Alpert à Wicman II du Hamaland, et par la cantilène de Luithard, à
Eberhard 1.
(2) Cartulaire d'Epinal, ms. n° 7 du fonds Salie, à la Bibl. de Metz.
— 335 —
Theoderici de Hamelland, episcopi Metensis et ecclesie S. Vin-
cencii de ultra Mosam fundatoris, accepimus... » (1).
Eberhard, père de Thierri, était comte (2), et ce prélat
perdit pendant son épiscopat, un neveu portant aussi le nom
d’Eberhard, dont l'obit, au 2 septembre, est iuscrit au nécro-
loge de Gorze sous cette forme : Zverardus comes. Celui-ci
qui succomba à l’âge de dix ans (vizdum decennem) en 974 (3)
était le fils d'un frère de Thierri (fratruelem), d'après ies
termes d’une inscription placée sur le tombeau que son oncle
lui fit ériger en 978 (4) et composée par Thierri lui-même, —
termes reproduits dans le texte de la fondation faite par ce
prélat pour le repos de l'âme d'Eberhard au monastère de
Saint-Arnoul de Metz (5).
Puisque Thierri de Hamaland, fils d’un comte Eberhard,
eut un frère qui, en 964, devint père d’un autre comte
Eberhard, il est de toute nécessité que Thierri ait eu un frère
comte du Hamaland. Or cinq diplômes de 952, 956, 960, 968,
973 (6) montrent que, durant toute cette période, le Hamaland
fut administré par Wicman II. Force est de conclure que
Wicman II, comme Thierri, fut fils d'Eberhard II et petit-fils
d'Eberhard I et d’Uota. Mais avait-il pour mère Amaurée?
Nous ne saurions l’admettre. Otton le Grand n’attribue à
Wicman, dans le diplôme de 970, que l’épithète : « comes
fidelis », négative d'une parenté immédiate, et l'on ne saurait
s'expliquer que sa chancellerie ait refusé au comte du Hama-
land, dans un acte en sa faveur, le témoignage de parenté
qui est toujours accordé à l’évêque de Metz.
Une difficulté beaucoup plus grave s'oppose à ce que
Wicmaa Il ait été fils d'Amaurée. Adèle, l’ainée des filles de
(1) Martene, .Amplissima Collectio, 1, 1063.
(21 Kalendis Maii. Obiit Everardus comes pater domni Theoderict primi-
fundatoris hujus ecclesie (Necrologium S. Vincentii Metensis, Coll. Baluze,
XL, 129,
(3) Annales S. Vincentii Metensis, dans Pertz, XXIII, 1295.
(4) Pertz. Scriptores, IV, 480.
(5) Charte de Saint-Arnoul de Metz, dans Coll. Moreau, XI], 19.
(6) Diplomata, 1, 211, 264, 299, 491, 539; Lacomblet, p. 67. 70.
— 336 —
ce comte, naquit en 936 comme nous le verrons, et treize ans
seulement séparent les dernières semaines de cette année du
14 septembre 923, date où expirait le deuil légal d’Amaurée
Six mois après la mort de Ricoin. Il est impossible qu’un fils
né du dernier mariage d'Amaurée, et qui n’a pu venir au
monde avant le printemps de 924, ait été père de famille en
936. Wicman était donc issu d'une première alliance d’Eber-
hard II : il serait d’ailleurs peu explicable que celui-ci, dont
le père mourut en 898, et qui dès 912 administrait un comté
— ce qui reporte sa naissance à 892 environ — ait attendu
l’âge de 32 ans pour se marier : c’est absolument contraire
aux mœurs des familles nobles de ce temps.
Il est vraisemblable qu'Eberhard II épousa entre 912 et
918, une fille de Wicman I, comte du pagus Wimodia, le
frère aîné d'Hermann, duc de Saxe; fille issue de la première
union de ce comte sur lequel nous reviendrons plus loin.
Telle serait l’origine du nom de Wicman II du Hamaland et
la source de la confusion qui s’est établie plus tard entre
lui et Wicman II de Wimodia.
Nous avons vu qu'Eberhard II administrait en même
temps des comtés situés à droite et à gauche de l’Issel, le
Hamaland et le Baarn-have. En 944 nous le retrouvons à la
tête d’un comté forestier, celui de Drenthe (pagus Thriente
ou pagus Forestensis), entre Zwolle et la mer du Nord.
Baudri, évêque d’Utrecht, obtient alors d’Otton le Grand la
concession du wild-ban ou droit de chasse sur les bêtes sau-
vages, au profit de son église (1). En 1005 et 1006 cette
région est administrée par Baudri, gendre de Wicman II :
Otton l’avait donc confiée à son cousin Eberhard II et celui-
ci la transmit à son fils aîné.
Eberhard IT mourut le 1‘ mai d’une année comprise
entre 945 et 951. Ceux de ses comtés situés à l'est de l'Issel
passèrent à Wicman IT; ceux situés à gauche de ce fleuve à
un cadet, Eberhard III. Daus le comté de celui-ci se trouvait la
cilla Tongoron. qui n’a rien de commun qu’une paronymie
avec Tongres, civitas ayant été jadis le chef-lieu de l’évèché de
(1) Diplomata, 1, 143; 111, 112, 138,
— 337 —
Liège. Ce lieu était dans le Salaland (1) ou Isselgau, d’où il
suit qu Eberhard III administrait ce district aux dates du
2 juillet 956 (3) et du 28 août 960 : à la seconde de ces dates,
il gouvernait également le pays de Velp, contigu — siuon
identique — au Baarn-have (1). |
Cecomte accompagnait à Derneburg, le 16 novembre 958,
Otton le Grand; il intercède auprès d’Otton avec l’arche-
vêque Adalbert pour faire accorder au fidèle Redold un
bénéfice à Grosseneder en Hesse, que le comte Bruning et
son fils Amalong ont autrefois possédé (3). L’Annalista Saxo
note la mort d’Eberhard III en 966 (4).
A une époque antérieure à 964, Eberhard s'était allié
par un mariage contracté sans doute avec une cousine issue
de germaine, à la famille de l’empereur Otton. C’est lui,
en effet, et non Wicman, qui fut père du jeune comte
Eberhurd IV, le nourrisson chéri de l’évêque Thierri de Metz.
Celui-ci prit soin de mettre dans l’épitaphe de son neveu ($)
qu'il était « orthodoxis regüique sanguinis parentibus clarum ».
La mère d’Eberhard IV était donc, comme son père, de sang
royal : car, du côté paternel, l’enfant possédait, comme son
oncle Thierri, l'augustalis amplitudo sanguinis dont parle le
récit de la fondation de Saint-Vincent de Metz transcrit par
Sigebert, et qu’affirme l’épitaphe du prélat (6) :
Hic Deodericus, generoso sanguine natus,
Regum progenie, nomen habens celebre,
Cesaris Oltonis tetigit quem linea carnis,
Cujus consilis jura dedit populis.
HI.
Vers 935, Wicman II, fils aîné d'Eberhard II, épousait
Luitgarde, fille du marquis Arnoul de Flandre, qui le 10 sep-
d— ———
(1) Diplomata, X, 299.
(2) Diplomata, I, 264. -
(3) Diplomata, 1, 2TI.
(4) Pertz, Scriptores, VI, 597.
(S) Pertz, Scriptores, IV, 480.
(6) Pertz, Scriptores, IV, 488.
— 338 —
tembre 918 avait succédé à son père Baudoin II, enterré à
Saint-Pierre de Gand.
Dès l’année 936 naissait de ieur union une fille, Adèle,
relevant le nom de son aïeule maternelle, Adèle de Verman-
dois, et, quelque temps après, une autre fille, Luitgarde. Il ne
paraît pas qu’elles aient eu des frères; en tout cas Wicman
ne laissa pas de fils survivants.
La Chronique de Saint-Pierre de Gand (1) rapporte qu'en
mai 960, le marquis Arnoul fit commencer les travaux de
reconstruction du monastère sur un plan beaucoup plus beau
(majori elegantia). La même année, la marquise Adèle mourut
le 16 septembre (2); elle fut inhumée dans la chapelle de la
Vierge où reposait son beau-père et où son époux devait la
rejoindre le 27 mars 965. A ses côtés la mort, dans l'inter-
valle, amena successivement ses deux enfants, Baudoin enlevé
le 1‘ janvier 962, peu après son mariage avec Mathilde, fille
d’Hermann, duc de Saxe; puis bientôt Luitgarde, qui vint
s'éteindre à Gand le 29 septembre suivant (1).
Wicman, immensément riche, — ditissimus, selon l’ex-
pression d’Alpert — avait assez de fortune pour doter en
même temps ses deux filles. Ce ne purent être que des motifs
physiologiques qui lui firent vouer Luitgarde, la seconde de
ses filles, au célibat religieux. Valétudinaire sans doute comme
sa mère, la jeune Luitgarde ne parut pas apte au rôle, parfois
très pénible en ces temps agités, de mère de famille.
À son intention et pour lui assurer une existence indé-
pendante et sûre, son père éleva le monastère d’Elten dans
son propre comté, in comilatu de Hamalant, et pour mettre
à couvert des revendications ultérieures de son autre fille
cette fondation qu’il voulait doter princièrement, il obtint
d’Otton le Grand, qu’il accompagnait en Italie, un diplôme
daté de Pistoie, le 29 juin 960, placant Elten sous la sauve-
garde impériale. Outre l’abbaye elle-même et ses dépendances,
la première dotation de l'établissement comprenait Urk en
(1) Edit. Van de Putte, p. 159.
(2) Annales Blandinienses, dans Pertz, Scriptores, V, 21,
— 339 —
Salaland, au comté du jeune Eberhard IV, et de moindres
propriétés dans le Hamaland et le Nerdinckland (1). Peu
après, Luitgarde, instituée abbesse, et ses religieuses deve-
naient, avec l’approbation du souverain, grâce à la munifi-
cence de Wicman, propriétaires d’une étendue considérable
d’autres territoires (2), notamment d'Emmerich en Dubalgau,
entre Elten et Wesel. Enfin un dernier privilèe général
d’immunité vint couvrir Elten le 14 décembre 973 (3). Il
émanait d'Otton II qui, depuis quelques mais, avait remplacé
son père. Wicman mourut peu de temps après : nous appre-
nons en effet par un diplôme d Otton III que, durant tout le
règne d'Otton IT, la fille aînée de Wicman, Adèle, ne cessa
de protester contre les libéralités de son père, qu’elle jugeait
excessives; elle se basait sur la loi saxonne, qui ne permet
pas au père de disposer de ses biens héréditaires sans le con-
sentement expressément formulé de ses enfants (4).
Vers 955, Adèle avait épousé un arrière-cousin issu des
comtes de Derneburg, Immed II[, arrière-petit-fils d'Immed I,
le second des frères de la reine Mathilde et d’Amaurée.
Immed I et ses frères avaient fondé le monastère de Ringel-
heim (s),.dont Emmehilde, fille d'Immed, fut la première
abbesse (6). Ce comte eut trois fils, Wolfhard, Immed II,
Sibeth (Sibodon ou Siegbodon), et mourut en 953, laissant
la réputation d’avoir été l’un des principaux et des plus
puissants seigneurs du royaume de Germanie (7). C’est bien
à cette souche qu’'Immed III, le mari d'Adèle, se rattache,
car Widukind (8) assure que le second de leurs fils, Meinwerc,
(1) Diplomata, I, 491.
12, Diplomata, 1, 539 (3 août 970).
(3) Lacomblet, p. 67, 79.
(4) Diplomata, II, 651.
(5) Chronicon Luntburgicum, dans Eckhart, Corpus historicum Medië
LEvi, 1, 1331.
(6) Diplôme (faux dans sa teneur actuelle) d'Otton I, donné un 17 jan-
vier (entre 937 et 953) (Diplomata, I, 581; Janicke, Urkundenbuch der
Hochstift Hildesheim, n° 23, p. 19). |
(3) Widukiad, III, 28.
(8) Widukind, III, 69.
né en 959, descendait « paterno genere a Thiedrico, Mathildis
regine fratre, materno a Wichmano, Hermanni ducis nepote,
propinquo Ottonis primi ». Widukind fait là une série de
confusions ; on ne connaît à Mathilde que trois frères, Witi-
kind, Immed et Reimbern; Thierri était leur père. Immed
III administrait un comté où il avait remplacé son père et qui
se trouvait situé auprès du Rhin, à l'extrémité du diocèse
d’Utrecht, dans la partie septentrionale de la Basse-Germanie,
et qu'on avait toujours commis à des mains nobles et vaillan-
tes, car il s'agissait de défendre des ports commerciaux de la
plus haute importance(1).
Cette description ne saurait convenir qu’aux comtés dont
Eberhard III avait été titulaire. À sa mort, en 964, son fils
Eberhard IV n’était âgé que de deux aus. Si loncle de
celui-ci, Thierri se chargea de son éducation, ce prélat ne
pouvait assumer les devoirs militaires inhérents au titre de
comte. La garde de cette région dut être confiée au plus
proche parent de l'enfant-apte à en assumer la responsabilité.
Il est naturel qu’Otton en ait chargé Immed II, second fils
d’un oncle maternel du comte défunt. Eberhard IV, moissonné
dès la première fleur de l’adolescence, ne prit jamais posses-
sion des fonctions dont il avait le titre. Ainsi ses comtés
durent passer naturellement des mains d’Immed II à celles
d’Immed III, l'Empereur y ayant maintenu, à titre définitif,
cette branche de la famille de sa mère.
Les deux filles de Wicman étaient de mœurs bien diffé-
rentes : Adèle était une femme dissolue, Luitgarde une âme
chaste et pieuse (2). Elles ne pouvaient vivre en bonne har-
monie; d’ailleurs Adèle haïssait sa sœur, dont la vocation
religieuse avait provoqué l'aliénation définitive d'une grosse
part de son patrimoine. Lorsque mourut Wicman, un 15
octobre, vers 978 (3), Immed et Adèle essayèrent de faire
triompher par la force les revendications restées sans succès
devant la justice impériale.
(1) Vita Meinwerci, dans Pertz, Scriptores, XI, 108.
(2) Alpert, De Diversitate Temporum, dans Pertz, Scriptores, IV, 702.
Ce récit dramatique d’un grand intérêt se trouvera fort éclairé pour le
lecteur par la présente étude.
(3) Wedekind, Noten, II, 69.
— 41 —
Luitgarde, chassée d' Elten, fit appel à son cousin le comte
d’Anvers Godizon, fils de Richizon, qu’on rencontre encore en
1008 (1), et qui, le 29 juillet 1018, devait succomber aux bles-
sures reçues la veille au combat livré près de Dordrecht entre
le duc Godefroi, dont il était le vassal, et Thierri III de
Hollande (2).
De concert avec Baudri, fils du comte de Gennep Erenfroi
jadis destitué et qui, par compensation, avait obtenu le comté
de Deutz (3), Godizon, tandis qu’Immed était à Elten, attaqua
le château où résidait Adèle, s'en empara et le réduisit en
cendres. Après ces représailles, la paix se fit. Luitgarde reprit
possession d’Elten, dont en 980 Otton II confirma de nouveau
les possessions et les privilèges, en accordant aux religieuses,
ainsi qu'aux communautés d’Essen, Quedlimbourg et Gan-
dersheim, le libre droit d'élection de leurs abbesses (4).
Un nouveau sujet d'animosité devait bientôt surgir entre
les deux sœurs. Immed étant venu à mourir, Adèle, déjà
presque quinquagénaire ($), concut l'idée d’épouser Baudri,
celui-là même qui avait aidé Godizon à brûler son château et
dont elle s’était sans doute éprise alors comme d’un vigoureux
et martial capitaine. Elle se heurta à la très vive opposition de
(1) Bormaus, Cartulaire de Saint-Lambert de Liège, p. 29.
(2) Thietmar, 1X, 27; édit. Kurze, p. 253. Le Nécrologe de Merseburg le
qualifie Godizo comes; son inscription dans ce mémorial lui suppose, du côté
maternel tout au moins, une origine saxonne. D’après Alpert, Godizon était
consanguineus harum sororum (Adèle et Luitgarde). Richizon son père
pouvait avoir épousé une fille d'Eberhard II.
(3) Lacomblet, 87, 98.
(4) Binterim, n° 17,
(5) Immed III mourut un 29 janvier, peut-être dès 981. En cette même
année une charte d'Egbert, archevêque de Trèves, porte la souscription d'un
comte Thierri qui paraît être le fils aîné d'Immed III. Cette charte a pour
but, en effet, de confirmer spécialement à l'église de Trèves les bieus précé-
demment concédés en bénéfice à un comte Luithard, mort sans hoirs
directs (Brower, Antig. Treverenses, p. 484). Ce Luithard pourrait être un
cousin germain d'Adèle, car il est qualifié en 973 de « sobrinus » par Wicfroi,
évêque de Verdun, probablement parent de son devancier Bérenger : il se
distingue de Luithard comte de Longwy qui embrassa la vie monastique
vers l’an 1010 et qui fit des libéralités à Saint- Vannes. En 971, ce Luithard
Âgure encore comme le mandataire (advocatus) de son frère Wicfroi, chor-
évêque de Trèves.
— 342 —
sa sœur, qui réussit, grâce à l'influence dont elle Jouissait, à
retarder indéfiniment ce mariage, qu'elle avait fait envisager
comme une mésalliance. Baudri avait une belle charge, il était
fort, riche, puissant, mais de médiocre noblesse (1:; le sang
royal ne coulait pas dans ses veines comme dans celles d’ Adèle.
Sa famille, alliée de Renier au Long col, avait pris parti
pour le comte de Hainaut, lorsqu'il eut l’audace de s’emparer
des alleus de Gerberge, sœur d'Otton le Grand, faisant partie
de la dot que son premier mari, Gislebert de Lorraine, lui avait
constituée. Renier, aux ancêtres directs duquel ces alleus
avaient appartenu, ies reprit violemment ; l'exil le châtia de sa
témérité ; Erenfroi de Gennep, son allié, fut privé de son comté
qui fut donné en 958 à Arnoul, beau-père d'Erenfroi et beau-
fils du comte Eilbert, fondateur de Waulsort. Arnoul transmit
à son fils Godefroi le comté de Gennep; mais Baudri, dont le
grand oncle homonyme, évêque d'Utrecht, avait été le précep-
teur de Brunon, frère d’Otton le Grand, ne partagea pas la
disgrâce de son père, et obtint un comté sur l’autre rive du
Rhin.
Adèle parvint pourtant à réaliser son projet. Un jour
Luitgarde, empoisonnée, s’éteignit entre les bras de ses reli-
gieuses ; et tandis que celles-ci lui rendaient, tout en larmes,
les derniers honneurs, Adèle, déjà prévenue, envahissait le
couvent, faisant main basse sur tout ce qu'il renfermait, s'en
_ déclarant abbesse et propriétaire, et réduisait les malheureuses
nonnes au plus triste sort.
Puis, malgré les représentations de son fils Meinwerc qui
lui faisait honte de se remarier à soixante ans, elle épousait le
comte de Deutz.
Les religieuses d'Elten, cependant, s'étaient réunies,
avaient élu abbesse une homonyme de leur premièresupérieure,
et cette Luitgarde II s’était adressée à l'Empereur pour être
(1) Videbatur (Baldricus) quamuis loco nobilitatus, genere tamen medio-
‘cris, dit Alpert. — Plus tard, Meinwere, fils d'Adèle, voulait dissuader
sa mère de ce mariage, jugeant Baudii hominem fortem, divitem et potentem,
non tamen ejus matrimonio congruentem. — Erenfroi, père de Baudri, admi-
nistrait aussi le Dubalgau en 948: peut être en 957, ce pagus futil
“confié à Wicman qui y possédait le domaine d'Emmerich en 970.
— 343 —
remise en possession de ses droits. Otton IIT fit expulser
Adèle; mais bientôt celle-ci décidait son mari à revenir à la
charge. Baudri s'empara des terres qui dépendaient d’Elten,
puis du couvent lui-même où les tenanciers s'étaient réfugiés.
L'Empereur, averti de ces nouveaux méfaits, convoqua
les deux parties au parlement qu'il tint à Nimègue, le 18 dé-
cembre 996. Baudri, sur l’ordre du souverain, remit le monas-
tère sous la sauvegarde impériale. Otton, pour lui donner
quelque satisfaction, lui fit abandonner quatre fermes, avec
défense de rien entreprendre désormais contre le monastère (1).
Cette défense fut respectée tant que vécut Otton, bien que,
dès 1001, le fils d' Adèle, Meinwerc, sorti du séminaire d’Hal-
berstadt, eût été nommé chapelain de l'Empereur (2). Mais
l’année suivante, la mort d’Otton III changea la face des
choses. Le principal allié de Baudri, Gérard de Mosellane
devenait tout d’un coup très puissant, sa femme Eve étant a
sœur de Cunégonde, la contectalis — mais non la contho:
ralis — du nouveau roi Henri II.
Adèle se mit de nouveau en possession d’Elten, et, sûre
de la protection d’un beau-frère du roi, elle suggéra à son
mari une entreprise hardie, qui devait auginenter considérable-
ment son pouvoir.
Le comte de Gennep, Godefroi, était fort âgé lorsque, en
1006, les Normands s’elnparèrent de Tiel, importante place
commandant toutes les relations du Rhin avec la mer. L'âge
avait rendu impuissant à défendre son pays. Peu après, il
terminuit ses jours laissant un fils dépourvu de santé, de pru-
dence et de vaillance, qui dut pourtant au vieux renom de
sagesse et d'honneur dont avait joui son père, de succéder à sa
charge.
Quelques années après le convol d’Adèle, Godefroi avait
marié sa fille à Wicman — un descendant de Wicman de
Wimodia — qui déjà, sous Otton III, avait eu avec Baudri de
longs et sanglauts démélés. La paix entre eux s'était faite, mais
la jalousie de Wicman, attisée par la nouvelle fortune de
Baudri, à qui le comté de Drenthe avait été donné, l'excita
(1) Diplomata, II, 651.
(2) Pertz, Scriptores, XI, 108.
— 844 —
à persuader à son faible beau-frère, le nouveau comte de Gen-
nep, de prendre avec lui les armes contre Baudri.
Pour repousser leur attaque Baudri fit appel à ses alliés,
Lambert, comte de Louvain, petit-fils\de Renter au Long col,
et Gérard de Mosellane. Leurs forces jointes assiégèrent le
château de Wicman; menacé d'être fait prisonnier, celui-ci
s'enfuit, traversa le Rhin et se réfugia dans une place qu'il
possédait, Monne, où il se fortifia.
Par les soins de Henri II et de son confesseur Adelbold,
archevêque de Cologne, protecteur de Baudri, Wicman et lui
se réconcilièreut, mais ce fut au détriment du comte de Gennep.
Adèle détermina son marià tenter auprès du Roi une démarche
décisive : « Preefecturam quæ justius ex linea consavguinitatis
et prosapia majorum tibi obtigit, postulato », lui dit-elle. Il
le fit, et Henri, fixé sur l'incapacité du comte de Gennep,
rendit à Baudri la charge que ses aïeux jadis avaient remplie.
Une insatiable et féroce ambition tourmentait le cœur de
Baudri. Sa femme, assurément beaucoup plus âgée que lui,
avait eu quatre enfants de son premier époux. Deux ne comp-
taient plus pour le monde : Mein werc, devenu en 1009 évêque
de Paderborn, et Adèle, religieuse d'Elten. Glismode, leur
sœur, s'était mariée en Bavière, à l'âge de trente ans; l’ainé
de la famille, Thierri, n'avait pas de postérité. Baudri se
disait que si Thierri mourait avaut samère, Adèle hériterait du
Hamaland et qu’il acquerrait de ce chef un surcroît de puis-
sance considérable : la réunion de ces divers comtés le rendrait
le maître du cours inférieur du Rhin et de celui de l'Issel. Sur ses
instigations, Adèle fit tuer son propre fils par des affidés, le
4 avril 1014 (1) à Upplan, cité fortifiée du Hamaland, proche
d'Elten.
Ce meurtre, dissimulé sans doute sous d’autres appa-
rences, ne fut pas poursuivi; du moins ses vrais auteurs
échappèrent à toute atteinte. Meinwerc aimait son frère
« comme son âme, » mais, quoiqu'il sût les causes de sa perte,
il ne pouvait se faire l’accusateur de sa mère.
(1) Vita Meinwerci, dans Pertz, Scriptores, XI, 133. Le biographe de
Meinwerc, écho de ses confidences, ajoute des traits affreux au portrait du
couple déjà bien noirci par la plume d’Alpert.
— 345 —
L'impunité enhardit les criminels. Deux ans plus tard, un
vouveau drame allait ensanglanter la sinistre citadelle d’Up-
plan. Wicman, gendre de Godefroi de Gennep, n'avait pas
pardonné à Baudri l’éviction de son beau-frère. Effrayé de ses
menaces, Baudri l’attirait, sur la foi des serments et sous
ombre de conclure une entente, daus sa forteresse, et Wicman
y trouvait la mort le 6 octobre 1015. Deux écuyers l’avaient
poignardé sous les yeux de ses ‘hôtes, comme il quittait le
festin où, dans le vin qu’on lui servait, il avait reconnu la
préseuce d’un poison.
La coupe de sang avait débordé. Déclaré tuteur du jeune
fils de Wicman, Bernhard duc de Saxe, son cousin, requit, par
ordre du roi, l'archevêque de Cologne, de lui prêter main-
forte pour investir Upplan. Adelbold, quoi qu’il eùt pu con-
server de son ancienue bienveillance pour Baudri, dut concourir
à cet acte de justice. Les troupes du duc et du métropolitain
prirent d’assaut la forteresse et la détruisirent, laissant en
liberté la femme de Baudri. Proscrit et dépouillé de ses biens,
celui-ci s'était réfugié chez Adelbold.
Adèle ne put survivre à ce désastre. Elle expirait, aban-
donnée de tous, le 6 août 1016 (1). Meinwerc et Glismode, ses
seuls héritiers, partagèrent ses biens personnels. Meinwerc
vécut jusqu’en 1036, donnant d'admirables exemples d’expia-
tion, et fut canonisé peu après sa mort.
Baudri n’avait pas renoncé à tout espuir de revanche. Son
fidèle ami Gérard lui confia le château de Heimbach, près de
Birkenfeld. Bientôt un de ses partisans réussit à s'emparer de
Monne, le château du fils de Wicman, le 1 avril 1017 (2). Il y
appela Baudri, qui s’y fortifia, bravant la justice impériale.
Mais la patience de Henri IT était à bout. Au parlement
de Nimègue, le 16 mars 1018, la destruction de Monne fut
décrétée. Gérard de Mosellane et l'archevêque Herbert furent
chargés de l’exécution. Baudri, emprisonné pour répondre du
meurtre de Wicman, offrit de s’en purger par les serments
juridiques : mais les ducs Bernhard de Saxe et Godefroi de
(1) Necrologium Abdinghofense, dans Pertz, Scriptores, XI, 108.
(2) Thietmar, VII, 38.
— 346 —
Lorraine s'opposèrent à ce qu’on les reçut, invoquant la foi
jurée et mentie par Baudri lui-même à Wicman. La sentence
prononcée par Henri II exila Baudri à Heimbach où il mourut
oublié en 1021 (1).
Ainsi fut close la dernière page de ce terrible roman vécu,
dont la plume d’Alpert a si bien retracé les principaux épi-
sodes dans son récit contemporain les Vicissitudes des Temps:
De Diversilate Temporum. Il offre un intérêt d’autant plus
grand, que les points laissés dans l'ombre (+ peuvent être
éclairés par la biographie de Meinwerc et par les mémoires
de l’évêque Thietmar de Merseburg.
La personnalité d' Adèle, meurtrière de sa sœur et de son
fils, constitue un véritable problème psychologique. D'où put
lui venir une telle férocité? Le tempérament d'hystérique que
lui impute le biographe de Meinwerc, même après l'exaspéra-
tion d'une longue attente apportée par l'opposition des siens
à une union passionnément souhaitée, ne suffit pas à expli-
quer ses forfaits. Deux de ses aïeux, Baudoin IT de Flaudre et
Eberhard I avaient sur la conscience des assassinats politiques.
Mais c’est surtout dans l’atavisme suxon qu’il faut chercher
les éléments constitutifs d’un caractère si atroce.
En 956 on vit à Cambrai un phénomène étrange et dou-
loureux. Un clerc transrhénan, ignorant la langue du pays,
ne parlant qu’un idiome incompréhensible et aussi barbare
que ses mœurs, fut implanté sur le siège épiscopal de cette
ville. |
Il ne tarda pas à se faire haïr par sa morgue qu’exaltait
l'auctorilas regi generis et par sa brutalité. Une révolte
terrible éclata, les Cambrésiens proclamèrent une sorte de
commune. L'évêque triompha pourtant de l’insurrection et la
noya dans le sang, avec des raffinements de cruauté qui
soulevèrent l’indignation universelle. Quand ce monstre mitré
mourut, après six ans de tyrannie, son souvenir fut effacé des
(1) Alpert, dans Pertz, Scriptores, IV, 716.
(2) Alpert ne prononce pas le rom du premier mari d’Adèle et ne dit
pas un mot de ses enfants.
— 347 —
mémoriaux de l'Eglise et nul obituaire ne relate le jour de son
anniversaire (4).
Cet évêque, sorti d'un pays de langue barbare, d'au dela
du Rhin, — définition qui convient au Hamaland, — se
nommait Bérenger, comme l’évêque de Verdun, frère d’Eber-
hard II; comme lui, et de la même manière, il était cousin de
l’empereur Otton [*, mais à un degré de plus d'éloignement
(prozime consanguineus).
On reconnaît, grâce à cet ensemble de circonstances, un
frère de Wicman II, né de la même alliance d’Eberhard II
avec une Saxonne du Wimodia; c'est de ce côté, sans doute,
qu'il faut chercher, et les raisons d’être d’un choix si funeste
à l’église de Cambrai, et les origines héréditaires de cette
effroyable dureté de cœur de la comtesse Adèle.
IV.
Dans les recherches critiques réunies sous le nom de
Noten, Wedekind a consacré aux divers personnages du nom
de Wicmän une étude savante, et on lui doit notamment la
distinction définitive entre le Wicman du Hamaland et le
Wicman de Wimodia, confondus par une méprise du moine
Widukind. Nous retracerons d'après lui la biographie de ce
dernier Wicman et de son fils.
Un comte saxon du nom de Billung eut plusieurs fils,
dont l'un, Wicman, reçut des charges importantes et de
grandes richesses, tandis qu’un autre, Hermann, doté seule-
ment de quelques fermes, servait comme simple chevalier.
En 936, le roi de Germanie Otton le Grand, ayant à
désigner un connétable, fit choix d'Hermaun, dont il avait
apprécié la prudence et la bravoure. Wicman en concut une
effroyable jalousie et se retira dans sa province (2). 1] occupait
notamment le comté de Wimodia, dont une des principales
places était Lesum, dans le bassin du Weser. Par ses ancêtres,
il se rattachait d’une part à Hermann, son devancier dans ce
(1) Gesta epp. Cameracensium, dans Pertz, Scriptores, VII, 431.
(2) Widukind, II, 4 ; dans Pertz, Scriptores, III, 439.
— 348 —
comté dès 860 ; de l’autre à la dynastie des Amolong, comtes
de Paderborn.
Wicman mourut le 23 avril 944, laissant un fils homo-
pyme, Wicman II, lequel, d'après Thietmar de Merseburg,
eut pour confrater Ecbert, fils d’une tante maternelle d'Otton
le Grand, c’est à dire d’une sœur de la reine Mathilde. Outre
Amaurée, Mathilde eut en effet deux autres sœurs, Bia,
femme de Frédéric (ancêtre des comtes de Wettin), et Frédé-
rone (1). C'est sans doute celui-ci qui fut mère d’Ecbert.
Le sens du mot confrater est fixé par Thietmar lui-même :
il eut personnellement un confrater, et sa mère n’avait été
mariée qu’une fois : il s’agit donc de frères de père, de lils
différents. Il faut rectifier en ce sens l’opinion de Wedekind.
Wicman avait ainsi été marié deux fois, et en secondes noces
il avait épousé une sœur de Mathilde dont il eut Ecbert.
Wicman IT naquit d'un premier mariage. Wedekind,
ayant coufondu Billung père de Wicman et d’Hermann, avec
un homonyme qui mourut le 26 mai 967, a été amené à
rajeunir considérablement. ses fils et à supposer que le second
fut nommé connétable à 26 ans. C'est absolument invraisem-
blable. Il admet aussi que leur frère Amolong, évêque de
Verden, mort le 5 mai 962, avait alors 54 ans, tandis que
Thietmar dit qu'il atteignit une grande vieillesse. Les enfants
de Billung sont certainement nés entre 880 et 895, et non
entre 908 et 911, comme le prétend Wedekind.
Si Wicman II de Hamaland, dont la fille aînée Adèle
naquit en 936, avait alors 20 ans, et que sa mère eût 16 ans
lors de sa naissance, elle a pu voir le jour en 900 et être
parfaitement la fille de Wicman (fils de Billung) et de sa
première femme, et être la sœur de Wicman II de Wimodia.
Dès lors l’origine de cette première femme de Wicman I nous
sera relativement connue. En effet, Bérenger de Cambrai, que
nous avons envisagé plus haut comme le frère utérin de
Wicman II de Hamaland, était, au rapport de Flodoard, nepos
de Bovon, évêque de Châlons-sur-Marne, lequel était frère de
(1) Brower, Annales Trevirenses, 1, 470.
— 949 —
la reine Fréderone. Mais Bérenger de Cambrai élu en 956,
mort en 963, se place certainement, non pas à la première,
mais à la seconde génération après Bovon, qui fut évêque de
916 à 947, et Fréderone qui fut reine de 907 à 917. La femme
que Wicman [ de Wimodia épousa d’abord était donc, très
probablement, une sœur de l’évêque de Châlons et de la reine
de France. Si Wicman II du Hamaland était le petit neveu
de la première femme de Charles le Simple, son alliance avec
la fille du marquis Arnoul, arrière-cousiue de ce roi, n'a rien
que de fort compréhensible.
Quant à l’origine de la reine Fréderone et de son frère
Bovon, elle rentre dans le cadre d'une autre étude que nous
préparons sur le comte Eilbert, fondateur de Waulsort, dou-
blement lié à Thierri de Metz, à qui il fit don de cette abbaye,
‘par une origine commune (Deoderici gloriabalur consanguini-
tate) et par une parenté indirecte (erat genere propinquus
Deoderici), au rapport de Sigebert.
A la mort de son frère aiué, le duc de Saxe Hermann
abusa de son pouvoir pour s approprier une part de son héri-
tage et se faire concéder des honneurs ou des bénéfices que
ses fils étaieut fondés à revendiquer. N’ayant pu obtenir
justice, Wicman II et Ecbert firent alliance avec les Redarti et
soulevèrent la province voisine de Mecklembourg. Cette
révolte coïncidait avec une des plus redoutables invasions des
Hongrois. Otton le Grand triompha de ceux-ci en les écrasant
sur les bords du Lech le 10 août 955 : alors il tourna ses forces
vers les contrées au nord de l’Elbe, les pacifia : Wicman.et
Ecbert furent proscrits et leurs biens confisqués.
Ils se réfugièrent en France, près de Hugues le Grand.
Le bon accueil que Hugues fit à ces rebelles est une preuve
de plus à l’appui de la thèse précédemment soutenue sur la
nature des liens qui l’unissaient aux rois saxons. En 957
Ecbert fut gracié et reçut le comté d'Ambergau en Ostphalie,
entre le Netter et la Lamme.
Mais le Wimodia resta acquis au duc Hermann, qui le
transmit à l’un de ses fils, Liuther (rt). Wicman avait été
mn
(1) Ce point résulte de la possession de Lesum par Liuther. Cf. Wede-
kind, Noten, 11, 86.
— 350 —
autorisé à quitter l'exil et à revenir en Saxe en jouissant des
biens que sa femme lui avait apportés.
Il profita de cette amnistie pour tramer ua complot contre
son oncle le duc. Découverte, ses complices furent punis ; lui
s'échappa, et, quelque temps après, périt dans un combat
contre le roi de Pologne Miesco [*, le 22 septembre 967.
Otton le Grand partagea les biens de Wicman II entre deux
monastères : Saint-Michel de Lüneburg, fondé par le duc
Hermann, et Kemnade, fondé par Fréderone, sœur de mère
d'Ecbert, et sœur de père du jeune Wicman. La décision
royale montre que ce dernier ne luissait pas d’enfants.
Wedekind a parfaitement établi que le comté d’Ecbert
surnommé le Borgne (Monoculus) était l’Ambergau ; en 1001,
en effet, Otton III constate que dans ce pagus est situé le
comté des fils de son neveu Ecbert, comitatus filiorum ÆFcbrakli
comitis et nepolis nostri.
Mais on ne saurait suivre Wedekind quand il identifie
cet Ecbert, nepos d'Otton III avec Ecbert le Borgne. Quelle
que soit l’élasticité du vocable nepos dans l’acception saxonne,
il n’a pu être appliqué à un cousin plus âgé d'un demi-siècle.
Dès 979 un Wicman III, qu'il faut bien prendre pour un
veveu de Wicman II, apparaît comme comte d'Ambergau (t);
si Wedekind a raison d'identifier Ecbert le Borgne avec le
marquis de Saxe mort en 994, il faut rattacher alors Wic-
man III à un autre fils de Wicman I et de Fréderone, Thierri,
cité par Widukind comme nepos Herimanni ducis, et dont
Gramaye a voulu faire un comte de Gand.
C'est ce Wicman III qui recut, à un moment donné, la
garde d’un comté bien plus rapproché de Cologne et le laissa
à son fils Wicman IV, tandis qu’un autre fils, Ecbert II,
conservaitl’ Ambergau. La Chronique de Quedlimbourg appelle
Wicman IV comes occidentalis (Westphalien), tandis que
l’Ambergau est en Ostphalie.
(1) Diplomata, II, 229. — En 993, Wicman III vivait encore; il était
avoué du couvent saxon de Metelen, quand le roi confirma aux nonnes le
droit d'élire leurs abbesses, à la prière de Bernhard, duc de Saxe, fils
d'Hermann, et du comte Ecbert (sans doute le marquis Kecbert, mort en
994), — Ib., II, 523.
— dol —
Si Ecbert II fut le zepos d'Otton II, Wicman IV était
aussi un très proche parent de ce prince. Avec Otton de
Lorraine et Henri de Bavière, tous deux petits-neveux d’Otton
le Grand, il conduisit en janvier 1002, d'Italie en Allemagne
la pompe funèbre du jeune empereur, tâche que la rigueur
de l'hiver rendit extrêmement pénible et qui ne put être
assumée que par des hommes dans la pleine vigueur de
l'âge (1).
Le rival de Baudri est certainement de la même généra-
tion qu'Otton III, car c'est vers l’an 1000 qu'il se maria (2) à
la fille de Godefroi de Gennep, et, lorsqu'il périt en 1016, il
laissait un héritier mineur dont le tuteur fut Bernhard, duc
de Saxe.
Ecbert II d'Ambergau, son cadet, pouvait être à peu près
de l'âge d’Otton III (né en 980); les fils qu’il laissait en
mourant devaient être fort jeunes en 1001 puisque la succes-
sion d’Ecbert était éncore indivise.
Les remarques précédentes engagent à se rallier à la
critique sì souvent sagace de Wedekind pour rattacher à la
souche des Billung le Wicman qui fut l’adversaire et la
victime de Baudri. La question, d’ailleurs, n’a qu’un intérêt
fort accessoire au point de vue de l’objet principal de cette
étude.
{1) Adelbold, Vita Henrici II, dans Pertz, Scriptores, IV, 684.
{2) Aliquot annos post nuptias Baldrict, d'après Alpert.
NET TK |
No 17. — Reconstitution du cours des Schijns au 15* siècle, au nord d'Anvers.
Les parties en traits hâchurés : cours reconstitué des Schijns. — Les parties en
traits continus : cours d’eau encore existants. — Les parties en traits inter-
rompus : contour du bassin et de l'enceinte d'Anvers de 1860. — Les parties
en traits continus et pointillés associés : enceinte de 1500. — Les traits droits
coupant les parties hâchurées indiquent les relevés de coupes géologiques.
A, B, nouveaux bassins intercalaires. C, bassin America. D, bassin Lefebvre.
E, bassin Kattendijk. F, bassin aux bois. G, bassin Asia. H, bassin aux mine-
rais. 1, Grand bassin. J, Petit bassin.
1, à l'angle vers l'Escaut dans le bassin D: point où ont été découvertes cinq
barques en 1884. — 2, au bassin intercalaire A: une barque du 11° siècle. —
3, au bassin intercalaire A : débris de barques du 77° siècle.
Les barques de pêche
trouvées à Anvers en 1884 et 1904-1905,
par Groroes HASSE,
Médecin-Vétérinaire, Membre de la Société d’Anthropologie de Bruxelles
et de la Société belge de Géologie.
Les grands travaux exécutés à Anvers pendant les années
1902 à 1907, nouveaux fossés et nouveaux bassins, ont été
une occasion unique d'étudier, sur plus de 50 hectares de
fouilles, les formations géologiques du nord de la ville; le
hasard a voulu que le tracé de ces travaux englobat précisé-
ment tout un réseau de rivières disparues, tant par suite du
Comblement naturel, que par suite des travaux de rectification
des cours d’eau par la main de l’homme.
J'ai pu étudier les dépôts fluviatiles d'une façon complète
au Nord d'Anvers, à la suite d'innombrables coupes géologi-
ques et levés faits dans le polder de Steenborgerweert, tant par
moi que par M" l'avocat Bernays et M" Eug. Van de Wouwer.
Ayant aiusi reconstitué le cours des Schijns primitifs sur toute
l'étendue du polder de Steenborgerweert à l’aide de la géolo-
gie, j'ai voulu refaire, dans les polders Ferdinand, d’Austru-
weel, de Steenborgerweert et d’Eeckeren et Merxem, le tracé
complet. Je me suis servi tout d’abord des coupes géologiques
nombreuses relevées par Messieurs Paul Cogels, Van den
Broeck, van Ertborn, Rutot et Dejardin dans les bassins
Kattendijk (E), Lefebvre (D), America {C), aux Bois, de la
Campine (F. G. H.); ensuite pour la partie du Loo en Schijn-
broeck et dans la ville d'Anvers, je me suis servi des plans
d'Anvers de 1500, 1604, 1605 (Van Lijdert), 1661 (Van
Langren), du XVII siècle (Max Grimm, de Wit, P. Verbiest,
Aug. Vindeli.), 1748 (Stijnen), et de tous les plans du XVIIT°
| siècle, arrivant ainsi à compléter et unir les tracés géologique
et historique tel qu’ils figurent à la fig. 17.
— 354 —
Ayant ainsi suivi pendant cinq aus les fouilles, j'eus
l'occasion de retrouver bien en place d'innombrables vestiges
des siècles disparus; et parmi ceux-ci les plus intéressants au
point de vue archéologique sont certes ceux ayant rapport
à des barques de construction primitive.
Ce sont ces restes et ces barques dont il va être question ;
mais qu'il me soit permis auparavant de donner une coupe
géologique propre à expliquer les niveaux archéologiques et
les gisements (1, 2, 3 du plan, fig. 17) dont il sera fait état.
L'étude attentive et constante de ces dépôts fluviatiles
m'a permis de relever une coupe démonstrative transversale
(n° 3 du plan) sur 120 mètres de lougueur et 5,50 mètres de
hauteur, montrant les divers dépôts en ordre chronologique
et stratigraphique normal et permettant, grâce à de nombreux
témoins retrouvés, de dater parfaitemeut ces couches :
No 18. Coupe géologique montrant les dépôts fluviatiles dans le polder
de Steenborgerweert à Anvers (L'échelle des hauteurs est 20 fois plus
grande que celle des longueurs:.
1. — Argile des Polders, en stratifications régulièrement
horizontales, déposée dans le polder de Steenborgerweert depuis
1583, date des inondations défensives contre le prince de
Parme; de nombreuses pièces en cuivre à l'effigie de Philippe
IL, roi des Pays-Bas, de 1590 et 1592, ont été retrouvées au
contact de la tourbe ou des dépôts fluviatiles sous-jacents.
2. — Couche compacte de fourbe, formée depuis la période
néolithique jusque vers le XI° siècle, date à laquelle les forêts
disparurent à cause de nombreuses inondations; une hache
en silex poli a été retrouvée dans la tourbe, au contact de
l'argile verte sous-jacente.
3. — Dépôts fluviatiles argilo-limono-sableux, à stratifi-
cations horizontales régulières, formés depuis le XI° siècle,
date des premiers endiguements, jusqu'en 1583.
— 399 —
Des poteries noires du XI° siècle furent retrouvées au
contact des couches 3 et 4, puis de nombreux fonds de pots à
pincées, des grès vernissés, des fragments de tuiles flmandes
du XITLesiècle et, vers l'argile des polders, des débris de poteries
rouges bien vernissées du XV* siècle.
4. — Dépôts fluvialiles sableuz blancs par décoloration, à :
stratifications irrégulières, entrecroisées, formés depuis le
III: et IV* siècles jusqu’au XT° siècle.
En ordre stratigraphique, nous retrouvons d’abord, au
contact entre les couches 4 et 5, de nombreux ossements
entaillés; puis des tegulae romaines, des meules romaines
en lave, des fragments de canalisation en poterie romaine;
puis, vers le contact entre les couches 3 et 4, des débris de
poteries noires mal cuites, à pincées.
5. — Dépôls fuviatiles limono-sableux, à stratifications
régulières avec coquilles d’eau douce, formés depuis le creu-
sement des Schijns, à l'époque initiale du néolithique, jusque
vers le IIT° et IVe siècles.
En ordre stratigraphique, nous y retrouvons des osse-
ments entaillés au silex, des silex utilisés et taillés, un marteau
en bois de cerf, des poids de filets en grès bruxellien, et enfin,
au contact des couches 4 et 5, des ossements entaillés au silex
et au métal.
6. — Terrains pliocènes (poederlien, scaldisien et argile
verte).
I.
De tout temps les habitants de la région d’Anvers ont:
navigué sur les cours d'eau (larges de 10 à 15 mètres avec
2 à 3 mètres de profondeur), et, si nous n’avons pas retrouvé
de barque préhistorique, la trouvaille de Malines est là pour
combler la lacune. ,
Comme dans toute l'Europe, l’embarcation était un tronc
d'arbre simplement creusé, mais déjà en forme de pirogue
pointue, pour notre région flamande.
Ce type de dug-out persiste jusqu'à l'époque où l’arrivée
des Romuins et plus tard celle des Normands amènent un
changement notable dans la construction navale.
— 356 —
La première barque qui nous occupe a été retrouvée dans
les bassins intercasaires, en juin 1905, au milieu de la couche
sableuse à stratifications entrecroisées (4 de la coupe n° 1), au
point 3 du plau (fig. 17), à la côte — 2,00.
Elle y était représentée par les restes suivants, en bois
de chêne (fig. 19) :
a) Une membrure de 1 mètre de longueur, à section
rectangulaire (0"105 x 0"05) présentant 3 trous de chevilles,
5 où 2 chevilles, l’une cylindrique,
l'autre à section carrée, étaient en-
core fixées (1);
B) Des fragments de bordage
avec nombreuses traces de trous à
chevilles (2, 3, 4, 5);
€) Un fragment de traverse (6).
D'après ces débris ressemblant
beaucoup à certaines pièces de bur-
ques normandes du V: siècle trou-
vées en Norwège, nous pouvons
donner, par comparaison, à cette
barque les dimensions approxima-
tives suivantes : longueur 8 à 10
mètres, largeur 1,20 à 1,30 m.,
profondeur 1 mètre, mesures cor-
respondant parfaitement avec les
nécessités de la navigation dans
des rivières étroites.
e
"
> Depuis l'invasion des Nor-
Ne 19. mands jusqu’au XI‘ siècle, la région
d’Anvers semble retomber dans la solitude, et rien ne vient
nous donner des renseignements sur la construction des bar-
ques pendant cette longue période de plus de trois siècles.
La seconde barque trouvée à Anvers fut découverte, le
13 septembre 1905, dans les bassins intercalaires (2 du plan,
fig. 17), dans un gouffre formé par l'affouillement des dépôts
sous-jacents (4 et 5 de la coupe, fig. 18 et 22); elle reposait,
“simof-aanoo senanouurd gal ‘0 ‘o — “souniquiem xI8 Bol ‘9 ‘Gp (£ ‘g ‘{ — ‘SOUUIpN)
“18uo{ gozse ‘q “0 — “2 Bup194 op SMUUId zoop 321 ‘,p ‘p — "[fausoano] np oyduvar of JUVLSIAZ NON D — “NUD | op Jawa noo, ANOÏ nou *,V
— “puoj np oogid vj ep jueau,[ & sa1nssy ‘,V — “(soJuopgogid sop 01129 op atuesngIp 82 By 2700 op ,12429.1) Ie11oanog ‘5 BUT — 8 SU
#1 op y ua ‘onbseq 8{ ep JUUAR,| 4 opanoay SOU ‘8 ‘Bid — ‘oreruozjaou aunojAY}u} ON A *& ‘Bid — ‘onbaug 8j op puoy np ezuajdpyxa on A *{ eANBIJ
“(L1'3g vr ep uejd np 3 ue) 1oaM19B10qu02jS op zaprod ef sup GOGT US PANQI 019918 o11 NP enbaeg — ‘08 oN
27 ‚> TT ee ES
*9 10 & vaanaqweu sep ow0A -g “Bil — “D 90 1 SANIQUIOU sop OULIOA “Pp "BIT
— ‘p 39 8 soanaqwow Baj oujuo ‘ojuszoasurr odnog *$ “BI — ‘orvujpnjBuof odn0) ‘8 MA — ‘ooneB 99 np ‘jyoad op onA ‘I PARAIT
08 “By el anod emmoo sean sop UONOUIUAIS ‘e;ogie oL1 np ‘onbrug ewQN — “TS oN
— 359 —
bien à piat, à la côte -5, soit à 6.20 m. sous le niveau du
sol arable. Ce gouffre, qui avait environ 25 mètres de
diamètre, contenait, outre la barque en question, une poterie
ronde en terre noire fine et légère du XI° siècle (retrouvée à
2 mètres de la barque et à la même côte) et deux grandes
planches en chêne de 8 mètres de long chacune, sur 0.50 m.
de large et 0.12 m. d'épaisseur, avec un trou en forme de
trèfle à une extrémité et un trou en 8 au centre (retrouvées
tout à côté de la barque).
La barque fut découverte le 13 septembre, et, pendant
les quatre jours qu’on employa à la dégager avec précaution,
jai pu suivre sa sortie graduelle de la fouille, relever et
étudier toute sa construction sans être dérangé dans mon
N° 22. Gisement de la 2° barque: coupe dans le sens de la ligne indiquée
en 2 sur la fig. 17.
travail, grâce à la très aimable bienveillance des entrepre-
neurs, Messieurs Bolsée et Hargot.
La longueur de l’embarcation était de 5.50 m. pour
1.50 m. de largeur au milieu, l m. de profondeur au centre
et 0.50 m. vers les extrémités.
On se trouve ici en présence d’un type en forme de
pirogue un peu veutrue, à extrémités arrondies légèrement,
à gouveruail latéral, come dans les constructions les plus
primitives ; le bois employé était le chène et provenait très
probablement d’un des nombreux et grands chênes poussant
encore alors au bord des Schyns et dont les troncs ont été
retrouvés en place. |
La barque comprenait (voir fig. 20 et 21) :
— 360 —
1) Un fond d’une seule pièce, creusé dans un demi-tronc
de chêne à l’aide du feu et d'instruments en métal ; le travail
en est irrégulier : l'épaisseur varie de 3 à 6 centimètres.
Extérieurement, ce fond est arrondi sans aucune crête formant
quille.
A l'avant, se remarquent des fissures qui se sont produites
lors du creusement et que l’on a fermées avec de la mousse et
des clous-rivets couvre-joints (A’, fig. l et 2, fig. 20).
A l'arrière, un bouchon de 5 centimètres de diamètre
assurait la sortie de l'eau de la barque; il se trouvait à un
endroit (A) où primitivement le bois formait un nœud.
2) Deux longues planches (d et d’) formaient, de chaque
côté, le bordage et avaient 20 à 30 centimètres de largeur
pour une moyenne de 2 centimètres d'épaisseur.
Les joints entre ces pièces longitudinales étaient fermés
intérieurement par un calfatage de mousse et de sable blanc, sur
lequel une mince lame triangulaire en chêne de 2 centimètres
de large était fixée par des clous en U, en fer; extérieurement,
les joints étaient bouchés par le même calfatage, recouvert
d'une mince lame triangulaire en chêne, puis de planches
minces, de 10 centim. de large pour le joint iuférieur et de
30 centimètres de large pour le joint supérieur ; ces dernières
étaient fixées par des clous seulement pour le joint inférieur,
par des clous et des chevilles en chêne pour le joint supérieur
(fig. 1, 2, fig. 23).
Les clous-rivets en fer employés ici sont plutôt de
simples clous en U larges et aplatis, très irréguliers comme
longueur et largeur; les autres clous, du type ordinaire, sont
irréguliers comme longueur et les têtes en sont rondes, ovales
ou carrées ; leur pointe est souvent entourée d'herbes pressées.
À l'arrière (en G), la planche-bordage est percée d’un
trou arrondi garni extérieurement d’un anneau en fer caunelé
et fixé par 4 clous; cet orifice donnait passage au mauche du
gouvernail.
3) A l'intérieur, au fond, deux barres (b) sont fixées à
l'aide de chevilles et servent, avec deux autres barres (a)
fixées plus haut, à maintenir en place quatre des six membrures.
No 23, — Même barque du 11e siècle.
Figure 1. En coupe transversale, calfatage du joint (J) entre le fond (A) et le bordage
D. — C, planche recouvrant le couvre-joint. — CH, cheville de bois unissant le
fond et une membrure. — Fig. 2. En coupe transversale, le joint entre les deux
bordages D et D’. — Fig. 3. Clous et têtes des clous employés pour la fixation
des planches C et C’.
Barque du commencement du 13° siècle.
Figare 4. Calfatage des joints entre les planches du fond. — Fig. 5. Calfatage d'un
joint entre 2 bordages latéraux. — Fig. 6. Un des clous employé pour l'union
Lux bordages.
— 362 —
4) Ces six membrures sont taillées dans le sens longitu-
dinal du bois et, quoiqu'elles soient appareillées deux à
deux, la rusticité du travail a fait qu’elles ne sont pas
absolument pareilles.
5) Au fond et en avant (en À), fut retrouvée une planche,
fixée primitivement sur la deruière membrure; elle présente
de nombreuses, larges et profondes entailles (fig. 20, 3).
6) Le gouvernail (fig. 20, 4) fut retrouvé par moi à -
côté de la barque; il ressemble à une palette de pirogue; il
avait une forme rectangulaire et mesurait 30 x 41 x 2 à 4 cm;
son manche était court et percé d'un trou dans le sens trans-
versal : il est donc probable qu’on le fixait dans l'anneau de la
barque au moyen d'une cheville.
Nous nous trouvous ici devant uu type de construction
évidemment très rustique; si nous considérons les soins
apportés à élaborer cette construction, nous devons admirer
Ja méticulosité et l’ingéuiosité de l’ouvrier du XI: siècle.
Deux membrures analogues à celles de cette barque
furent retrouvées dans le même niveau archéologique, à
30 mètres du gouffre où vint échouer la barque décrite ci-
dessus : elles appartiennent à une seconde barque dont aucun
autre vestige ne nous est parvenu.
HI.
Le nord d'Anvers, dans les XII° et XIII: siècles, reste
toujours habité; la population qui s'occupe de la pêche
s'accroit et se perfectionne lentement; les endiguements
s'opèrent graduellement, mais tout le réseau fluvial reste
dans son état primitif, aucune rectification de cours ne s'opère
et les eaux restent toujours aussi claires et poissonneuses que
jadis.
Les dépôts fluviatiles de ces époques nous ont conservé
des types intéressants de barques de pêche; elles sont deve-
nues plus graudes en longueur et en largeur, bien que les
cours d'eaux ne se soient. pas élargis de plus de 2 mètres en
trois siècles.
— 363 —
En 1884, lors du creusement du mur de quai du bassin
Lefebvre, une tranchée mit à jour des vestiges de barques; la
ville s'occupa de les dégager et fit faire une photographie de
la coupe géologique et un levé des cinq embarcations en
position de gisement ; ces documents ne furent jamais publiés,
de même qu'aucun détail de leur construction.
. Grâce à l’aimable complaisance de M" l'Ingénieur en chef
Royers et de M" Haenen, chef du 4° bureau, j'ai pu étudier à
l'hôtel de ville d'Anvers le dossier complet s’y rattachant, et,
aidé par la fidèle mémoire de Mr Paul Cogels, j'ai pu com-
pléter mon étude sur les barques d'Anvers.
N° 24. A. Position initiale hypothétique, en I-V, des cinq barques consi-
dérées. B. Position observée, après le remaniement de 1421.
La seule préoccupation que l’on eut alors, en 1884, fut de
discuter l’âge des barques en s'en tenant à la coupe géolo-
gique; seules les suppositions de M" Cogels et van Ertborn se
rapprochèrent de la vérité archéologique, mais n'y parvinrent
pas entièrement, leurs auteurs n'ayant pas eu comme moi
l'occasion d'étudier, sur plus de 50 hectares, les dépôts fluvia-
tiles modernes.
J'airepréseuté en B de la figure 24 ci-dessus la coupe stra-
tigraphique du gisement ; la photographie (fig. 26) donne l’as-
pect de la tranchée observée. Le dos d'âne en (a) et la direction
oblique des lignes de stratification témoignent de caractères
anormaux dans la couche observée correspondant à la couche 3,
“OLIS «1 np onbaeg ‘g — ‘91098 eBL NP UD el op Sen bauq ‘p Je 8 — “010218 BL NP Inq9p np sonbauQ ‘3 10 1
vesaq9jeT uijeseg up znw of 1nod zuemasneso np
Sa0[ ‘HRSI ue zopwngyko sorbreg — ‘BIOAUY,P O[IJA U[ OP SOAJUOIU XHU gAJO8UOD UEId UND UOlzonposdoy — GS eN
— 365 —
mélengée de subles de la couche 4. Pour moi, il y a eu en ce
point un remaniement des couches, attribuable à l’inondation
de 1421, qui submergea les polders d'Austruweel, Wilmars-
donck, Oorderen, Oordam, Kieldrecht et Verrebroeck : les
eaux, poussées avec violence contre la bifurcation du cours
d’eau au point considéré, affouillèrent les couches 4 et 5 et
Ne 26. Photographie de la tranchée représentée sur le schéma B de la figure 24.
firent passer en dessous d’une zône de la couche 3 des frag-
ments remaniés voisins. Les figures À et B ci-dessus (fig. 24),
dont la première est hypothétique, représentent le phénomène
tel que je me l'explique.
Il eut pour résultat de faire passer les barques que nous
étudions sous des couches plus anciennes et de bouleverser
leur position respective et chronologique.
*
“+
Les barques dont il est question’ sont, & fond plat pour
quatre d'entre elles, et à carène pour la cinquième; la fig. 25,
réduction du piau conservé aux Archives de la Ville, les
— 366 —
représente dans la position observée. Les quatre premières
seules présentent un intérêt archéologique, en raison des points
de rapprochement avec la barque du XI* siècle d'Anvers.
Les barques 1 et 2 du gisement avaient respectivement
20 et 15 mètres de long et 4 et 3 mètres de large pour 1 mètre
‚ et 1,20 m. de profondeur au centre : elles étaient absolument
_ complètes dans le gisement, chose qui eût été impossible si
elles avaient été prises, avec les trois autres, dans un tourbillon
, capables de les enfouir aussi profondément (fig. 25 et 27).
: Le fond comprenait 6 planches de 15 à 20 centimètres, de
„large et 2 à 3 cm. d'épaisseur, dont les joints étaient fermés
intérieurement et extérieurement par du calfatage en mousse
: et des clous-rivets eu U, en fer; à l’intérieur un couvre-joint
. triangulaire en bois complétait le joint; le tout d’un travail
. identique à la barque du XI: siècle (fig. 23, 4).
Les planches du bordage étaient au nombre de 8, séparées
par du calfatage en mousse et réunies par des clous en fer
de forme régulière, à tête en pyrainide (fig. 23, 5).
Quatre membrures complètes se trouvaient consolider,
avec d'innombrables membrures incomplètes, ces longues
embarcations : leur nombre si considérable doit être attribué
à de fréquentes réparations et consolidations de ces embarca-
tions de forme trop longue et d'exécution si rustique.
L'avant et l'arrière étaient de forme semblable, coupés
currés; on n’a aucune particularité concernant le gouvernail.
Nous devons rapporter les barques 1 et 2 au début du
XIIL siècle, eu égard aux dépôts considérés quant à leur
épaisseur, déduction faite des parties déplacées.
Les barques 3 et 4 ont respectivement 9 et 13 mètres de
long, un fond plat, mais assez étroit; et elles se terminent
en avant et en arrière en pointe bien accusée.
Les caractéristiques de leur construction sont les mêmes
que pour les burques 1 et 2; les matériaux sont encore en
bois de chêne, le calfatage en mousse, les clous et c'ous-rivets
(en U) en fer. |
“woyporSuo] ommezBuiq 6 "SIA — ‘Sotaogo ep uopjedd er juenbpu! 1INUIOd uo syjeIg 8077 — ‘ejussoasuer odn09 *& ‘SIA
— "HISAUY,P OIIIA BL ep 8041408 XN8 gAaOMUOO u8jd un,p uorjonpau ‘(3 ‘BU 81 ep ‘& oU) o[9QI8 «81 NP JUeWEAUOWMO) np onbrug — ‘LE oN
— 368 —
Leur modèle présente une grande amélioration dans l'art
de la construction bien que les mêmes façons d’utiliser les
mêmes matériaux aient subsisté.
Ces deux barques (3 et 4) doivent être rapportées à la fin
du XIIT° siècle, par la considération, encore une fais, de l’épais-
seur des dépôts et la déduction faite des parties déplacées.
La barque n° 5 ne présente aucun intérêt archéologique
nouveau, car sa construction représente un type de yole décrit
dans des ouvrages hollandais du XV* et XVI° siècle: elle
devait avoir 13 mètres de long, et date de 1421, époque de
l'affouillement et du déplacement des couches fluviatiles.
— 369 —
BIBLIOGRAPHIK.
BOEHMER, H.-G. Prehistoric naval architecture of North of Europe dans:
Report of the U. S. Nation. Mus. Smithson. Instit. Washington, 1893.
-CLAEBRHOUT, Abbé J. La statson palustre de Denterghem. Bruxelles, Annales
de la Société d'Archéologie, 3° et 4° livr., 1903.
COGELS P. et VAN DEN BROECK. Observations géologiques à Anvers. Bruxel-
les, 1882.
Cocecs et VAN ERTBORN. Observations géologiques à Anvers. Bruxelles,
Weissenbruch, 1888.
DRJARDIN (Capitainel. Les dépôts de pliocènes à Anvers. Bull. de l'Acad. de
Belgique, 1877.
DE LOË (baron Alfred). Découverte de palafittes en Belgique. Cougrès internat.
d'anthrop., XIIe session, Paris, 1900.
DE LOË (baron Alfred). Découverte de vestiges d'une station palustre au
Neckerspoel. Bull. des Musées Royaux, Bruxelles, octobre 1904.
D'HONDT et VALCKENEER. La navigation à travers les âges. Bruxelles, 1900;
in-8°.
DE MORTILLET, M. Origine de la navigation ct de la pêche. Paris, 1861.
JONKHEERE, Ed. Le bateau de Bruges et la Flandre maritime. Bruges, 1904;
1 vol. et 1 atlas. |
KUMMER, J. Fascinage des digues et histoire des Polders. Bruxelles, 1904;
1 vol. et 1 portefeuille de pl.
KRAUSE, Ed. Vorgeschichtliche Fischeveigeräte und neuere Verglichstücke.
| Berlin, Gebrüder Bornstraeger, 1904.
Le Roy. Sur la marine des anciens, dans : Mém. de l'Acad. des Inscrip. et des
lettres, 31, 1877. .
MERTENS en Torrs. Geschiedenis van Antwerpen. Antwerpen, 1845-1853.
MorisoTo, Cl.-Bart. Orbis maritimi historia. Anvers, 1648; in-fol.
Plans de la ville d'Anvers et de ses environs, figurant la topographie au
15e, 16°, 17e, 18e siècles : Archives de la ville d'Anvers, Musée Plantin,
Archives du Royaume à Bruxelles, Collection Paul Cogels.
Ruror, A. Antiquités dans la partie belge de la plaine maritime. Annales de
la Soc. d'Anthr. de Bruxelles, 21 octobre 1902.
VAN ERTBORN (baron O.). Les barques de l'Afrikadok. Congrès archéol.,
Anvers, 1885. Bull. Soc. de Géogr. d'Anvers, 1885.
VAN DEN BROECK, E. Les barques de l’Afrikadok. Bull. Soc. d' Anthrop. de
Bruxelles, 28 mai 1884.
WiLpe (sir W.). Descriptive catalogue of the antiquities of the Museum of the
Royal Academy. Dublin, 1863.
WirseN, Nicolaas. Aloude en hedendaegsche scheeps-bouw, en bestier. Am-
sterdam, 1871; in-fol.
24
Les tapisseries historiées signées
-par Jean van Room, alias Jean de Bruxelles,
peintre de Marguerite d'Autriche,
par le Ch" A. THIÉRY,
Professeur à l'Université de Louvain.
| M' Destrée, conservateur au musée du Cinquantenaire à
Bruxelles, a fait remarquer que, si les mentions qui figurent
sur les tapisseries du moyen-âge sont ordinairement un aligne-
ment de lettres quelconques, les tapisseries de Bruxelles font
exception à cette règle, et que leurs inscriptions méritent
d'être relevées et étudiées.
Nous avons entrepris de confirmer l’observation de
M" Destrée en étudiant les œuvres d'un maître qui florissait
pendant tout le premier quart du XVI: siècle.
Un document d'archives (quittance) nous dit que Jean
van Room a fait en 1513 le petit patron d'une tapisserie que
nous possédons : c’est la tapisserie de la Communion d Her-
kenbald, au musée du Cinquantenaire. Or cette tapisserie
porte, tissée en grandes capitales, la signature Joanes.
Nous relevons la même signature dans une série de
cartons et de tapisseries de même faire et de même facture;
de telle sorte que nous pouvons dresser la liste suivante :
Passion de la cathédrale d'Angers antérieure à 1505.
Quatre pièces (deux autres sont perdues).
Passion de Somzée, au musée du Cinquantenaire (Répli-
que partielle du précédent). Une pièce.
Passion de Castro, exposition de Barcelone, 1878 (Répli-
que du précédent). Une pièce.
Passion de Monistrol (même désignation). Une pièce.
Destruction de Troie. Une pièce est au musée Victoria et
Albert à Londres; jusqu’à ces dernières années, elle avait été
_ 3 —
divisée en trois fragments. Sept fragments sont à Issoire (France),
mais sont des sections de trois pièces. Trois fragments dans
la collection Schouvaloff. Deux fragments existent à Monte-
reau (France). On en conserve aussi au château de Sully et à
l'église de Zamora. L'ensemble comptait 28 scènes réunies en
sept pièces de quatre scènes chacune. Le petit patron de cette
série existe en majeure partie au Louvre (daté de 1500). Il est
signé par Van Room, comme les tapisseries de Londres et
d’Issoire dont il est le petit patron.
Siège de Jérusalem. à l'église Notre Dame de Nantilly, à
Saumur. Quatre fragments réunissables en trois pièces (vers
1503).
ar de Darid de Somzée, au Cinquantenaire, à
Bruxelles. Une pièce (vers 1510).
Histoire de David el de Belhsabée, à la couronne d'Espa-
gne (1520). Quatre pièces.
Sainte Véronique et la Descente de croix. à la couronne
d'Espagne (1525).
Les Tentures de Treute (réplique partielle du précédent).
Sept pièces.
La Sybille et Auguste, du musée de Cluny. Une pièce.
L' Hercule, du musée des arts décoratifs à Paris. Une pièce.
Les inscriptions que portent ces pièces sont : soit les signa-
tures de prénom seul :
Jonanrs, IoANgs, loanus, TAN, lou, JAN, J., soit les signa-
tures de nom seul. Ron, Rox, Roew, Raouw. R., soit encore
— 372 —
les signatures complètes : Jonanes Romeus, Ion. Raouue,
Jan DE Ron, rom, J, R., [AN van Rom, A. Rom. — Parfois
le lieu de provenance où le tissage a eu lieu est indiqué :
Brus. BraB. (Bruxelles, Brabant), parfois un autre nom de
peintre : VAN OIRLE, OSLE, ou de tisseur : VAN AELST, ou une
date : 15°.
Au cours de sa longue carrière, la manière de Jean van
Room se modifie seulement pour les modes et pour les acces-
soires, mais elle reste fidèle au caractère national belge. Elle
n'adopte rien ou presque rien de la manière italique ou
raphaélique dont s'engouaient les artistes contemporains.
C'est un drapé plus étoffé, une plus grande recherche du
type accentué et naturaliste qui caractérisent notre maître et
font de lui un des peintres les plus nationaux que nous ayons
eus. La fidélité avec laquelle il prodigue ses signatures, non
moins que l’accentuation toute personnelle de sa manière per-
mettront sans doute de lui restituer un œuvre beaucoup plus.
nombreux.
+
X *
Concluons que Jean van Room mérite infiniment plus
que l'oubli dont on l'entoure : Mr A.-J. Wauters, qui a écrit
dans la Gazette, de Bruxelles (21 sept. 1904), un article sur
Jean van Room, était arrivé à la même conclusion par une
toute autre voie.
L'Evaluation
des monnaies anciennes en monnaies modernes,
par Huserr VAN HOUTTE,
Chargé de cours à l’Université de Gand.
Est-il possible de traduire en langage moderne la termi-
nologie monétaire ancienne? Exemple : Trouvant, dans le
Registre du Cop de l'Espier de Flandre, que le froment est
estimé à Furnes en 1381 à 1 livre, 9 sous, 1 denier parisis, et
en 1440, à 2 livres, 6 sous, 10 deniers parisis, puis-je
convertir ces indications de « livres, sous et deniers » en
« francs et centimes »? |
Ecartons d’abord la question du pouvoir de l'argent. Il
ne s’agit pas ici de savoir combien de fois la puissance d’achat
de cinq grammes d'argent fin, par exemple, est plus grande
en 1381 et en 1440 qu'à l'heure actuelle (1). Il s’agit tout
simplement de la question que voici : pouvons-nous dans
l’état actuel de la science, déterminer couramment la quantité
de métal précieux que représente une livre parisis ou tournois,
un écu, un ducat, que sais-je, aux différents moments de
notre histoire? Il va de soi que si nous ne pouvons déterminer
d’une manière suffisamment précise cette valeur intrinsèque
de nos monnaies anciennes, nous pouvons encore moins
connaître leur valeur eztrinsègue, leur pouvoir ou puissance
d'achat.
Formulée en ces termes, la question étonnera un grand
(1) Un ouvrage qui indique très bien l’état de cette question du pouvoir
de l'argent est celui de A. LUSCHIN VON EBENGREUTH : Allgemeine Minzkunde
and Geldgeschichte, 1902, pp. 188-192. On y trouve une bonne critique som-
maire des théories de Leber, Lamprecht, d’Avenel, etc. Cf. À. DE FoviLLe: .
La monnaie, 1907, pp. 195-200.
— 314 —
nombre de nos confrères. Car nous avons constaté plus d’une
fois que, dans beaucoup de milieux, très au courant d’ailleurs
des choses de l’histoire, on ne se doute pas même des difficul-
tés que présente la solution de cette question en apparence si
simple.
Ces difficultés proviennent surtout de ce que les anciens
termes monétaires ne désignent pas toujours des monnaies
réelles, c'est à dire des rondelles de métal d’un poids et d’un
titre donnés, mais qu’ils désignent souvent une monnaie de
compte, c’est à dire une monnaie imaginaire.
Expliquons-nous.
De nos jours, le mot « franc » désigne un poids d'argent
déterminé (5 gr. au titre de 9/10 de fin), ou, dans les Etats qui
font partie de l’Union latine, un poids d’or au même titre
mais 15 1/2 fois moins considérable. Le mot « franc » a donc
chez nous un sens précis; et les espèces supérieures ou
inférieures à cette unité portent le chiffre indicatif de leur
valeur nominale. Au lieu de s'appeler ducat, écu, noble,
carolus, patacon, ducaton, nos monnaies d'or et d'argent
s'appellent pièces de vingt, de dix, de cinq, de deux francs,
comme nos pièces de nickel ou de bronze se nomment non des
oboles, des gigots ou des mites, mais pièces de vingt, de dix,
de cinq, de deux, de un centimes ou centièmes du franc (1). Il
en résulte que toutes ces monnaies ont une valeur nominale
five par rapport à l’unilé monétaire. De la sorte, leur estima-
tion dans le commerce se trouve à l’abri des changements
qui surviennent dans le rapport de valeur entre les différents
métaux et entre les différents types de même métal plus ou
moins neufs ou plus ou moins bien faits. Autrefois, il n’en
était pas ainsi. Le plus souvent, les monnaies d'or et d'argent
ne portaient pas l'indication de leur valeur. De là vient que
le rapport entre ces monnaies variait constamment d’après la
loi de l’offre et de la demande, influencée non seulement par
le marché des métaux précieux, mais encore par l'usure
(1) Cf. H. LoxcHAY. Recherches sur l'origine et la valeur des ducats et
des écus espagnols. Les monnaies réelles et les monnaies de compte (Extrait des
Bulletins de l’Académie royale de Belgique, 1906), p. 67.
… 975 —
raturelle des pièces et par les pratiques du billonnage (démo-.
nétisation des meilleures espèces et des meilleurs types par
les spéculateurs en métaux précieux). Ces variations conti-
nuelles des rapports entre les différentes monnaies nécessi-
taient l'emploi d’un commun dénominateur abstrait. Ce ou
plutôt ces communs dénominateurs s'appellent monnaies de
compte. La monnaie de compte la plus usuelle dans nos
provinces fut la livre (livre tournois, livre parisis, livre de
gros) avec ses sous-multiples, les sous et deniers : ] livre
valant généralement 20 sous, 1 sou valant 12 deniers. Ces
livres, sous, deniers, avaient été, durant le haut moyen-âge,
des monnaies réelles, c'est à dire des monnaies sonnantes et
trébuchantes, représentant uue quantité donnée de métal
précieux. Mais durant le bas moyen âge, ces termes ne
désignent plus que des monnuies imaginaires, destinées à
servir de commune mesure. Ainsi, en supposant qu’une pièce
de monnaie d'argent soit tarifée en 1530 à 40 sous parisis et
une autre d’or, à 60 sous parisis, cela veut dire tout simple-
ment que la première de ces monnaies est à la seconde comme
40 est à 60, ou comme 2 est à 3. Si, dans la suite, l'or devient
plus rare comparativement à l'argent, la seconde monnaie
montera en valeur par rapport à la première, et s1 celle-ci
continue d'être tarifée à 40 sous, celle-là le sera peu à peu à
61, 62, 65, 70 sous. Il se peut aussi que les deux types
supposés, par l'entrée dans la circulation d’autres types moins
parfaits ou moins riches en métal précieux et dont l’estima-
tion officielle est surfaite, haussent dans la même proportion,
de sorte que la monnaie d'argent tarifée en 1530 à 40 sous,
le soit en 1630 à 50 sous et celle d’or, tarifée en 1530 à 60
sous, monte en 1630 à 75, 76, 80 sous. Le terme sou, son
multiple livre et son sous-multiple denier, n’ont donc pas de
valeur concrète. Ils ne font qu'indiquer un rapport entre les
monnaies différentes.
Conséquemment pour convertir en francs des indications
de sommes d’argent exprimées en monnaie de compte, il faut
savoir 1° à quelles monnaies réelles correspondaient, en telle
année, ces indications, 2° quel était le poids et le titre de ces
monnaies réelles, 3° dans quel rapport de valeur se trouvaient
— 376 —
l'or et l’argent l’un vis à vis de l’autre. Alors, et alors seule-
ment, il est possible dé calculer en francs la valeur intrin-
sèque des sommes ainsi exprimés.
Tels sont les termes du problème. Mais autre chose est
de le poser, autre chose de le résoudre.
PREMIÈRE QUESTION.
A quelles monnaies réelles correspondent les
monnaies de compte ?
Pour pouvoir répondre à cette 1'° question, il faudrait
qu'on fasse au préalable l’histoire des différentes monnaies de
compte qui furent en usage dans. nos provinces. Rien de
systématique n’a été fait à cet égard. Sans doute dans les
ouvrages des Van Loon, Van der Chijs, Serrure, V. Gaillard,
Chalon, De Witte, de Chestret de Haneffe, Cumont, on trouve
des évaluations nombreuses, mais éparses. Toutes ces évalua-
tions devraient être recueillies dans un ouvrage pareil à celui
de Natalis de Wailly sur la livre tournois (r). Au surplus la
plupart de ces évaluations devraient être contrôlées. Car il ne
suffit pas, comme le fait N. de Wailly et comme le font la
plupart des numismates, de se contenter des évaluations
officielles, c'est à dire des évaluations faites dans les ordon-
nances monétaires. Elles ne répondent guère à la réalité. Le
public en effet ne se laissait pas duper par les ordonnances
gouvernementales. Il cédait bien en apparence. « Il consen-
« tait à appeler livre une quantité de métal fin moins grande
« qu'auparavant et à prendre pour une livre (20 sous) une
« monnaie qui par son titre ou son poids ne valait précédem-
« ment, par exemple, que 18 sous; mais il rehaussait nomi-
« nalement dans la même proportion, du dixième, toutes les
« espèces d'argent nationales ou étrangères en circulation
« dans le moment. Celles qui valaient jusque là 1 livre
« (20 sous) se trouvaient dès lors valoir dans le commerce
(1) Recherches sur les variations de la livre tournois depuis le règne de
St. Louis jusqu'à l'établissement du système décimal Mémoires de l'Académie :
des Inscriptions et belles-lettres, t. XXI, 2, 1867).
_— 917 —
« 22 sous; et l'opinion agissait de même envers toutes les
« espèces d'or » (1). En voici une preuve concernant nos pro-
vinces. L'ordonnance du 10 décembre 1526 (2), qui se rapporte
précisément au cours des monnaies, commence par ces mots :
« que les deniers d’or et d'argent de nostre coing et forge et
aultres deniers par nostre dicte ordonnance coursabies et
évaluez, se sont baillez et allouez et journellement se baillent
et allouent d plus haull pris qu'icelle ordonnance ne porte ».
Voilà le cours officiel reconnu fictif et illusoire par ceux-là
mêmes qui l'ont fixé. Les doléances de ce genre sont extrême-
ment nombreuses. C’est que les gouvernements de l’ancien
régime croyaient à tort qu'il leur était donné d’imposer une
valeur déterminée à telle rondelle de métal précieux qu’ils
voulaient, sans se douter que ce métal n’était qu’une mar-
chandise sujette aux fluctuations du marché, aux caprices du
change, aux lois inéluctables de l'offre et de la demande.
Ainsi, celui qui voudrait faire l’histoire de la valeur de
nos monnaies de compte en monnaies réelles, ne pourrait se.
baser exclusivement sur le cours officiel de ces monnaies, tel
qu’on le trouve dans les « Placcards de Flandre », dans le
« Recueil des anciennes ordonnances » ou ailleurs (3). Cette :
méthode serait défectueuse, comme la méthode de Natalis de
Wailly est défectueuse. Pour déterminer le plus approxima-
tivement possible la valeur réelle de nos monnaies de compte,
il faut recourir aux estimations réelles, c'est-à-dire aux estima-
tions commerciales, telles qu’on les trouve dans les lettres de
foire, dans les livres de compte des marchands et des ban-
_quiers (4), dans les différentes pièces comptables des archives des
grandes communes et des établissements charitables. M" Edw.
Gailliard a recueilli quelques estimations de ce genre dans le.
glossaire annexé à son édition de la Keure d’Hazebrouck (s).
(1) Vte D'AVENEL. Histoire économique de la propriété, etc…, tome 1 (1894),
p. 68.
(2) Placcaeten van Vlaenderen, t. I., pp. 47 et suiv.
(8 Voir la liste des ordonnances monétaires concernant la Belgique
dans G. Cumont. Bibliographie générale et raisonnée de la numismatique belge
(Bruxelles, 1883), pp. 383 et suivantes.
(4) Cf. A. LUSCHIN VON ÉBENGREUTH, ouvr. cité, pp. 182-183.
(5) Tome IV, ve lib. par.
— JIE —
En poursuivant à fond le travail tel qu’il est indiqué dans les.
colonnes de ce glossaire, en recueillant et en classant systéma-
tiquement un plus grand nombre d'indications de ce genre —
elles abondent dans nos archives —, on pourrait faire un jour
de facon vraiment scientifique l’histoire des sommes, en mox-
naies réelles, que la livre parisis représenta successivement
dans nos provinces. Et il faudrait en faire autant pour la livre
de gros (1} et pour les autres monnaies de compte qui furent en
usage chez nous. Car il n’y a pas que la livre monnaie de
compte, il y a encore, au XV[° et au XVII* siècle, le ducat et
l'écu, qui sont à la fois monnaie réelle et monnaie de compte!{2).
Il y a de même, au XVIII: siècle, le florin de 20 patards. Et
nous n'épuisons pas la série. Bref, il n'y a pas #x travail à
faire au sujet de nos monnaies de compte, mais des travaux.
Néanmoins nous croyons que, par une intelligente collabora-
tion, nos archivistes, nos numismates et nos historiens, pour-
raient mener à bonne fin cette première œuvre d'évaluation (3).
(1) Mr G. Cumont a publié des estimations de la livre de gros de Flandre
dans le Brabant, sous les règnes de Jean III, de Wenceslas et de la duchesse
Jeanne, d'après les registres des receveurs généraux de Brabant (Voir
Annales de la Société d'archéologie de Bruxelles, tomes XV et XVI). Ces
estimations plus ou moins officielles sont-elles conformes aux estimations
commerciales? Nous posons la question sans toutefois la résoudre.
(2) Cf. H. Lonchay, ouvrage cité.
(8) Mr d'Avenel (ouvrage cité, t. I, pp. 65 et 484) et, déjà longtemps avant
lui, l’érconomiste Leber (Essai sur l'appréciation de la fortune privée au moyen
âge, 2e édit.), exprimèrent l'avis que le cours réel de la livre de compte se
retrouve dans le prix moyen, exprimé en livres, du mare, c'est à-dire de
245 grammes d'argent fin. Ainsi Mr d’Avenel fait le calcul suivant: 245 gr.
d'argent fin se vendaient en moyenne. de 1200 à 1225, 2 1. 10 8. :50 s.). Donc
21. 10 s — 245 grammes d'argent fin, et 1 livre — 98 grammes d'argent fin.
Or, 1 franc de notre monnaie actuelle == 4 yr. 50 d'argent fin ; donc 98 gram-
mes: 4 gr. 50 == 21,77. La livre tournois valait donc en moyenne, de 1200 à
1225, fr. 21,77.
Si cette méthode était exacte. elle simplifierait singulièrement la
question. Mais elle présente de très graves défauts. Le prix de l'argent
monnayé n'est pas équivalent au prix de l'argent brut. Dans l'estimation de
argent monnayé, il faut tenir compte des frais de fabrication et du bénéfice
de seigneurie souvent très considérables. De plus. dans le cours del'argent
monnayé, il y a un élément subjectif, l'opinion publique. — Pour plus de
détails, voir notre mémoire intitulé : Documents pour servir à l'histoire des
prix de 1381 à 1794 (Commission royale d’histoire, in-4°, 1902), pp. 26-29.
_ 379 —
DEUXIÈME QUESTION.
Quel est le poids et le titre des différentes monnaies
réelles P
Je dis première œuvre d'évaluation. Car il y en a une
seconde, plus facile, et que les numismates de bonne volonté
pourraient faire du jour «u lendemain. Elle consisterait à
indiquer, en grammes, la quantité de métal précieux que con-
tiennent ou contenuient les anciennes monnaies réelles que
nous possédons dans nos grandes collections.
Si j'ai en main un mouton d'or du règne de Louis de
Maele, « je puis en déterminer le poids avec une balance, le
titre avec une pierre dé touche ou mieux par voie d’essai chimi-
que » (1); et si je trouve ainsi que la pièce contient x grammes
d’or fin, j'en conclurai provisoirement, par comparaison avec
notre pièce de 20 francs, que ce mouton d'or valait Re ie len
y francs (2).
Je dis que je conclurai provisoirement. Et cela pour deux
motifs. Le premier est le suivant. C'est que l'indication z
grammes n'est qu’une indication empirique, viciée peut-être
par l’usure ou l’imperfection de la pièce expertisée (le mouton
d’or). On pourrait alors, pour mieux faire, prendre le texte de
l’ordonnance ou des ordonnances dans lesquelles il est question
du poids et du titre du mouton d’or et corriger la première
indication (empirique) par la seconde {légale ou théorique, (3).
Le second motif, pour lequel ma comparaison entre le mouton
d’or et notre pièce de 20 fr. ne sera que provisoire, tient aux
variations du rapport entre la valeur du métal argent et du
métal or. Nous parlerons de ce rapport sous la troisième ques-
tion. Au demeurant, souhaitons que les numismates nous four-
nissent le plus tôt possible un glossaire de toutes les mon-
(1) A. de Foville, ouvrage cité, p. 193.
(2) 5 gr. 80644 est la quantité d'or pur contenu dans la pièce de 20 fr ,
son poids droit étant de 6 gr. 4516 au titre de 5, de fin.
(3) Cf. A. de Foville, ouvrage cité, ibidem. |
— 380 —
naies réelles qui ont eu cours dans notre pays et dont nous
possédons desspécimens dans nos cabinets numismatiques, en
ayant soin d'en indiquer le poids et le titre constatés par des
procédés empiriques. Ce glossaire constituerait un instrument
de travail précieux pour les historiens-économistes et leur
permettrait d'évaluer en grammes de métal fin, sans trop de
peine, toutes les monnaies réelles dont il est question dans les
documents anciens. Quoique cette question ne paruisse pas être
la première qui se pose au point de vue logique, on pourrait
la résoudre en fait avant les autres. Elle est la plus facile et
donnerait des résultats immédiats. Beaucoup d'indications
monétaires anciennes sont faites d’ailleurs en monnaiesréelles.
Il va de soi que pour celles-ci la première question ne se pose
pas.
TROISIÈME QUESTION.
Dans quel rapport de valeur se trouvaient lor et
argent l’un vis-à-vis de l’autre P
Dans les Etats de l'Union latine le rapport officiel entre
la valeur de l'or et de l’argent est de 1 à 15,5. Ce rapport ne
fut pas toujours aussi élevé. D’après les calculs de M" H. Lon-
chay, il n'était en 1497 que de 1 à 10,10 (1).
Il importe de tenir compte, dans les évaluations de
monnaies anciennes, de ces variations de rapport. En effet, sur
la base du rapport — ‚le gramme d'argent fin valant 0, f 22,
le gramme d'or vaudrait 0,f22 x 15,6 = 3 f 41 ; tandis que
1 . Des
1010 il ne vaudrait que 2 f 22. Ce
serait donc fortement augmenter la valeur des anciennes mon-
paies d'or que d'admettre, pour leur évaluation, le rapport
légal qui existe actuellement entre les deux métaux précieux
Pour faire ces évaluations d'une manière relativement exacte,
il faudrait connaître l’histoire des variations de rapport qui
sur la base du rapport
(1) Ouvrage cité, p. 52.
— 38! —
-sont survenues entre l'or et l'argent dans nos provinces depuis
le moyen âge jusqu'à l'introduction du système monétaire
actuel. En attendant que cette histoire soit faite, on pourrait
se contenter de suivre les rapports successifs qui ont été établis
pour les pays voisins, l'Allemagne et la France notamment,
où la science est plus avancée en cette matière (1).
Mais il y a autre chuse. Les rapports entre la valeur des
deux métaux une fois établis pour telle ou telle année, il s’agit
encore de s'entendre sur le choix du métal régulateur. En
effet, d’après qu’on part de la base argent ou de la base or, on
arrive à des résultats notablement différents.
Comme nous l’avons vu tout à l’heure, si on déduit la
valeur du gramme or de la valeur du gramme argent, nous
trouvons, pour 1497, que le gramme or vaut fr. 2,22. Seule-
ment si on fait l'opération en sens contraire, le gramme or
valant actuellement dans l'union latine fr. 3,44, le gramme
argent, suivant le rapport existant en 1497 (1) vaudrait
fr. $%4 = fr. 0,31. On dira donc, si l’on prend l'argent
comme métal régulateur, qu'en 1497 un gramme d’argent
fin vaut fr. 0,22 et un gramme d’or fin fr. 2,22; si au con-
traire, on prend l’or comme métal régulateur, on dira qu’en
1497 un gramme d'argent fin vaut fr. 0,31 et un gramme
d’or fin fr. 3,44. Il importe donc de s’entendre sur la base de
ces calculs.
Il règne, à ce sujet, des opinions très diverses. Les uns
estiment qu'il faut prendre le pied de l’or, les autres le pied
de l'argent; d’autres encore, tel Natalis de Wailly, diront
qu'il faut combiner les deux pieds.
Voici les motifs que fait valoir Mr H. Lonchay pour
préférer, dans les évaluations relatives au XVI: siècle, le pied
de l'argent : « L'historien doit comprendre les phénomènes
« économiques comme les contemporains les comprenaient
« eux-mêmes. Or, il y a trois siècles, l'argent avait par rapport
(1) On peut affirmer, sans doute, que ces rapports ont été approximative-
ment les mêmes dans toute l'Europe centrale et occidentale. Cependant il y
a des différences dont il faut tenir compte. Au moyen âge et durant les
temps modernes les phénomènes économiques se répercutent plus lentement
dans les pays voisins qu'à l’heure actuelle.
— 382 —
« aux choses une valeur beaucoup plus considérable que de
« nos jours. Son poutoir d'achat était, de l'avis de quelques
« économistes, six fois plus fort que maintenant. L'argent
« n'était donc pas un métal inférieur, il l’est devenu depuis.
« Quoique, après la mise en exploitation des mines du Potosi,
«il fût devenu plus abondant sur le marché et qu'il eût
« diminué de valeur, il resta longtemps, aux yeux des contem-
« porains, comme le signe par excellence de la richesse. On
« ne parlait pas encore de la baisse de l’argent, mais on
« remarquait la hausse de l'or. L'argent était donc au XVI:
« siècle le métal régulateur » (r).
Ces raisons nous paraissent décisives pour le XVI* et le
XVII: siècle. Au surplus, elles nous paraissent avoir la même
force, sinon plus de force encore, pour les siècles antérieurs.
Evidemment on peut formuler, contre l’emploi exclusif du
pied de l'argent, certaines objections qui ne sont pas dépour-
vues de gravité. Mais on peut en formuler davantage encore
contre tout autre système. En cette matière il faut bien se
résigner à choisir le système le moins imparfait. Nos évalua-
tions, d’ailleurs, ne seront jamais qu’approximatives. Vouloir
leur donner les apparences d’une rigueur mathématique, n’est
rien moins que scientifique.
Conclusion.
De tout ce qui précède nous concluons que les historiens
belges ne disposent pas encore d'un instrument de travail
convenable pour convertir couramment les indications moné-
taires qu'ils rencontrent dans les documents, même quand
ces indications sont faites en monnaies réelles. Ils ne dispo-
sent que d'indications éparses, souvent difficiles à retrouver.
Ce serait une œuvre hautement méritoire pour un numismate
de recueillir et de compléter systématiquement ces indications
et de les publier sous forme de glossaire. Ce travail pourrait
se réaliser, croyons-nous, en un temps relativement court.
En ce qui concerne l'évaluation des indications faites en
(1) Loxcxay, ouvr. cité, pp. 54-55.
— 383 —
monnaie de compte, la tâche à accomplir est plus considérable.
Les historiens de l'actuelle génération n'auront probablement
pas le bonheur de disposer un jour d’une histoire vraiment
scientifique des fluctuations de nos différentes monnaies de
compte. À cet égard, Cependant, « quelques auteurs se flattent
d’un optimisme aussi naïf qu’ignorant des sources ». C’est
ainsi que M" Des Marez, professeur à l’université de Bruxelles,
exprima jadis le regret dans une « Notice critique » (1) sur mes
« Documents pour servir à l’histoire des prix », que je n’eusse
pas indiqué ces prix en argent fin, tout au moins de distance
en distance.
Nous le répétons, beaucoup d’historiens et d’archéologues
semblent ne pas se douter des difficultés énormes que soulève
. le problème ici abordé. Il faut espérer pourtant que tôt ou tard
ces difficultés seront levées. Si la tâche dépasse vraisemblable-
ment les forces d’un homme isolé, le travail collectif, qui entre
- de plus en plus dans nos mœurs, finira bien par en avoir
Entre temps puissent ces quelques pages eontribuer à
faire réfléchir ceux de nos confrères qui ont l'habitude, au
cours de leurs travaux, de donner à la légère des évaluations
de monnaies anciennes en monnaies modernes. Les théories
que nous avons résumées ici ne sont pas neuves. Elles ont été
souvent exposées par de savants spécialistes. Seulement elles
sont, ou perdues de vue, ou ignorées dans bien des sociétés
d'histoire et d'archéologie. Notre but est d'attirer sur elles
l'attention des membres de ces sociétés.
(1) Voir Revue de l'Université de Bruxelles, Te année, n° 10 (juillet 1902),
. pp. 157 etsuiv.
Les STEENEN et les HOVEN en Flandre,
par ARMAND HEINS,
Secrétaire-adjoint de la Commission locale des monuments, à Gand.
Dès le haut moyen-âge, comme l’attestent les textes des
. plus anciens chroniqueurs, nos deux grandes villes de Flandre,
Gand et Bruges, ainsi qu’Ypres et certaines autres communes
encore, étaient pourvues d’un grand nombre de maisons en
. pierre, qu’on appela des steenen.
C’étaient des sortes de forteresses orgueilleuses, apparte-
nant à des particuliers, à des patriciens ou à des bourgeois
enrichis, que le commerce et l’industrie avaient élevés au
rang de ceux qui s'étaient anoblis au service des princes.
Ces steenen avaient des similitudes de formes avec les
. solides palais qui subsistent encore dans les anciennes villes
républicaines du Nord de l'Italie.
Ici, comme là-bas, les nobles et les récents parvenus se
construisirent des demeures hautes et fières, couronnées la
plupart du temps par des créneaux et des tourelles de guet
ou de défense.
Le plus souvent aussi, une tour principale se dressait
dans les cours ou les enceintes de ces maisons fortifiées. Il nous
reste, à Gand comme à Bruges, quelques exemples du motif
architectural en question.
La tour primitive y a été conservée ou bien elle a été
remplacée par une autre de date plus récente.
Nous allons examiner spécialement les restes, encore
debout en Flandre et dans les régions voisines, de ces demeures
urbaines, ayant parfois la forme générale, la silhouette ou la
disposition avec fossé d’enceinte, des manoirs du plat pays.
Si pas plus tôt, du moins en même temps que Bruges,
— 385 —
Gand vit s'élever ces doujons, ces palais rudes dont la façade,
la masse imposante accusaient lu richesse, la force du proprié-
taire, marquaient sa volonté de dominer des vassaux, des serfs,
des manants, la populace voisine.
Ce que nous connaissons de ces steenen prouve, chez le
constructeur, le souci d'employer les moyens les plus propres
à résister à un assaut, à une émeute, si fréquents en ces temps
troublés.
Les incendies effrayants qui anéantissaient d’immenses
quartiers de nos vieilles villes, où les maisons des bourgeois
étaient généralement construites en bois, venaient s'arrêter
devant les murailles épaisses des steenen.
Leurs hautes parois en pierre préservaient ainsi les biens
et les installations plus ou moins luxueuses de ces patriciens
d’ancienne ou de fraiche date. Elles abritaient les chefs des
citoyens de notre ville batailleuse, remuante comme pas une.
Pour Gand, en dehors de certains steenen dont des parties
ont résisté au temps, il reste, soit en documents écrits, soit en
dessins ou autres pièces graphiques, un bon nombre de souve-
nirs de ces « pierres » ou « pierriers », comme on les appelle
quelquefois.
Le travail que nous entamons à leur sujet pourra donc
être un chapitre, intéressant pensons-nous, de la grande étude
d'ensemble que le congrès de Gand de 1907 inscrit à son
questionnaire, sur l'habitation privée en Belgique.
LL
Dans l’histoire de Gand, les citations de steenen sont
nombreuses.
On se représente d'ordinaire ces constructions comme de
hauts, fiers et solides donjons; on les voit, se dressant dans
nos rues étroites, couronnées de tourelles, de terrasses, canton-
nées de murs crénelés.
En fait, quelques-uns de nos steenen gantois avaient ces
formes générales,et c'est ainsi qu'ils nous apparaissent le plus
souvent, au cours de nos lectures. Des images, plus ou moins
exactes, nous ont familiarisés avec ces silhouettes et on pouvait
25
j No 28. — Gand. Le steen de la Grande Ameede, rue aux Vaches,
d'après un dessin de la 1re moitié du XIX siècle (Bibl. de Gand).
— 387 —
encore, jusqu'il y a quelques années, rencontrer des parties de
ces maisons, en place et intactes. C'est donc sous cette forme de
haute facade cré-
nelée que nous con-
naissions les stee-
nen, et nous pou-
vions croire que cet
aspect typique était
unique ou du moins
prédominant.
Mais il y eut
aussi d’autres mo-
des de couronne-
ment de ces demeu-
res, tel celui du
haut pignon à gra-
dins, fermant de
part et d'autre le
bloc habité, couvert
de tuiles ou d’ar-
doises.
Cetteformegé-
nérale, moins con-
nue, a frappé notre
attention dans nos
recherches, et nous
avons voulu fixer No 29, — Gand. La Grande Ameede, steen du X1II®
ls caractéristiques LE eh, ar ae ph
de ces homes patri- (vers 1870).
ciens du moyen-âge.
Les deux types principaux que nous venons de signaler
ont donc coexisté.
C'est au bord des rues, des ruelles extrêmement étroites
et tortueuses, que nous trouvons ces grandes maisons en
pierre, et elles se groupent principalement dans la « cuve » de
Gand. Cette cuve, sorte d'ile circulaire formée par le cours de
l'Escaut et de la Lys, était coupée en croix par quelques voies
principales que nous devons examiner rapidement.
— 338 —
Ces artères s'étendaient du Sud au Nord et de l'Est à
l'Ouest; le point de rencontre était occupé par la première
église de la ville commencante, Saint-Jean (depuis cathédrale
Saint-Bavon). Quelques modestes constructions civiles, telles
la maison des échevins, la Halle, etc., se trouvaient aux
alentours de cette église et de celles de Saint-Nicolas et de
Saint. Jacques, les plus anciennes après elle.
C'est sur ces voies primitives que nous rencontrerons les
steenen, tandis que nous verrons plus tard les hoven plus
largement et plus confortablement établis dans des quartiers
presqu’excentriques de la ville, dans des parties nouvelles, des
accroissements de son territoire qui, de bonne heure, vinrent
lui donner, à peu près, son immense périmètre actuel.
Celle de ces voies, qui allait du Sud au Nord, reliait
probablement de toute antiquité la colline Saint-Pierre aux
mouticules de sable de Mont-Saint-Amand, en passant au
dessus d’un relèvement du sol qui est le Sablon, et dont le
pourtour, aux temps primitifs, devait ètre extrèmement maréca-
geux et humide. Elle servait de communication directe entre
la très puissante abbaye de Saint-Pierre au mont Blandin et sa
filiale de Saint-Bavon. Sur cette artère nous rencontrons beau-
coup de demeures féodales.
L'autre voie, coupant la première à angle droit, suivant
la direction actuelle de la rue Hant- -port, partait du Wiedenaert,
ou grand marché, au bord de l’Escaut, près du steen de Gérard
le diable (en réalité notre place de Grève), et reliait ainsi ce
point initial du commerce naissant, à la ville du Comte, ou
Vieux-bourg, au delà de la Lys.
C'est sur ces quatre tronçons de rues se croisant, sur
quelques autres rues parallèles, et près du Sablon, centre du
Portus, que nous pouvons fixer exuctement emplacement
des steenen et de quelques hoven. Il y eut ainsi beaucoup de
ces « maisons en pierre » rue du Gouvernement, rue Haut-
Port, rue du Bas-polder, rue Basse; puis dans d’autres rues
encore du centre, ét dans certains quartiers longeant la Lys,
comme dans la rue des Champs, les Meire, la rue des Fou-
_lons, etc.
| En cette rapideexposition de notre sujet, nous ne pouvons
nous attarder à des indications topographiques.
— 389 —
Cependant, avant d'aborder la sommaire fixation des
types architecturaux de nos vieilles maisons patriciennes, il est
nécessaire de dire encore un mot des moyens que l'on peut,
depuis un certain temps, utiliser pour en faire le relevé et en
déterminer les emplacements.
Au cours de recherches récentes faites par nous pour
essayer de reconstituer la physionomie ancienne d’un coin de
- =
No 30. — Gand. Cave de la Cour ou Hof de Ravestein, XIIIe siècle (Cf. Znvent. archéol, de Gand. f. 392).
Gand, d’un de ses plus importants quartiers, celui de Saint-
Jean, avant le XVI: siècle, nous eùmes la chance de pouvoir
compulser un recueil précieux de notes d'archives formé par
F. vanden Bemden. A la mort du passionné fureteur, ce
recueil entra à la bibliothèque de Gand, et fut relié en vingt
et un volumes; ceux-ci contiennent des milliers d'annotations
sur nos familles, nos maisons, nos biens fonciers, les trye
huizen en vrye erven, etc. Grâce à cette précieuse source, il sera
possible, pensons-nous, de réaliser un travail complet sur ces
— 390 —
vieux murs noircis, sur ces caves mystérieuses, sur ces immen-
ses souterrains où des colonnes romanes s’alignent dans l’om-
bre, sur ces blocs rébarbatifs que les démolitions renversent
autour de nous, au cœur de la ville.
Parmi les notices qui les concernaient, dans tant de
publications parues jusqu'ici, il en était de si manifestement
fautives que le désir d’entreprendre le redressement de ces
erreurs nous hanta de plus en plus.
Les opuscules et les notices de Van Lokeren, de Vander
Meersch, de Saint-Genois, de De Potter, nous avaient toujours
intéressé, mais aussi leurs déroutantes affirmations contradic-
toires nous paraissaient devoir être examinées sérieusement.
Diericx, lui aussi, le plus ancien des descripteurs de Gand
et de sa topographie, errait bien souvent ; les textes invoqués
par ses successeurs ne concordaient pas. Les fausses identifica-
tions de ces demeures vétustes étaient si nombreuses que je
résolus d’en avoir le cœur net, et je pensai que le Congrès de
Gand offrait l’occasion de revoir ce chapitre important de notre
histoire architecturale.
Cette première notice succinte, sorte d’esquisse d'un travail
plus complet, ne peut contenir tous les renseignements
nouveaux et inédits que nous avons recueillis. Elle ne peut
signaler aussi que d’une facon générale les erreurs de nos
devanciers, les lacunes, les vides importants dans les listes
publiées jusqu'ici; les meilleurs documents qui, à notre
connaissance, parurent sur la question, ceux de M" V. Van der
Haeghen, sont incomplets, eux aussi, à certains égards. L'ar-
chiviste gantois a étudié spécialement le vieux Gand dans ses
textes descriptifs accompagnant les reproductions du panorama
de cette ville, peint en 1534, et du plan de la deuxième
moitié du XVI: siècle, par J. van Deventer (ce dernier inédit
jusqu'ici). Il y mentionne un certain nombre de steenen et de
hoven, mais nous croyons qu’il serait possible, actuellement,
d’en doubler, ou d’en tripler la liste, d’après les seules notes
que fournit le recueil de vanden Bemden.
C'est là un travail d’archiviste, et il sera certaine-
ment plutôt de la compétence de M" Van der Haeghen et de
ses collaborateurs, de le mener à bonne fin, que de la mienne.
— 391 —
Mais si notre étude sur cette question des vieilles demeu-
res en pierre, à Gand, a pu nous convaincre qu’il y a, de ce
côté, encore beaucoup à faire, elle nous a surtout entraîné à
démêler les formes qu'elles peuvent revêtir, et nous allons
nous en occuper.
PL
Les steenen gantois pourraient être classés en quatre caté-
gories distinctes par leurs formes, silhouettes, dimensions,
orientations et caractéristiques particulières.
ZA
No 81. — Gand. Claeys Cranenkuus, steen qui se trouvait à l'angle de la rue aux Vaches
et du marché aux Oiseaux, d'après un dessin d'A. Van Lokeren, 1820,
Si nous admettons que le nom de steen a pu être, parfois
un peu arbitrairement, étendu à toutes les habitations en
pierre dure, quand les archives les signalent sous ce vocable,
il est probable que beaucoup de ces constructions n’ont pas
eu les dimensions des vraies demeures patriciennes, de celles
— 392 —
que, pour mieux nous faire comprendre, nous pouvons con-
sidérer comme ayant eu un système défensif indéniable. :
Quelles étaient donc les formes extérieures de celles-là ?
A la première catégorie peuvent se rapporter les steenen
disposés comme suit : bâtiment allongé en sens perpendi-
culaire à la rue, couvert par deux longs pans avec pignon
derrière et croupe devant; à la façade règne devant le chéneau
une corniche à créneaux; aux angles se dressent deux ou
quatre tourelles en encorbellement. Une entrée charretière
traverse un mur de clôture; au-dessus d’un souterrain voûté,
règne le bel étage surélevé, qui est surmonté de deux autres
et auquel on accède par un perron ou steegher.
Un deuxième type comprend la même ordonnance géné-
rale, mais avec façade plus large, plus ornée, et avec un toit
à deux versants et tourné en sens inverse. Le plus complet
exemplaire connu de ce type est l’Utenhovesteen du marché
du Vendredi (pl. 3, I).
Un troisième type, plus rare naturellement puisqu'il
s'agit dans l’exemple à citer de la maison, du château plutôt,
d'un vrai seigneur, d’un personnage très important, Gérard le
diable, c'est le steen à donjon (Voir planche 1, B). Le domaine
important du châtelain en question, Vilain de Gand, était,
du reste, une véritable forteresse située aux confins de la ville
primitive, au XIIT siècle, et ayant, du fait de sa situation
au bord de l’Escaut ou Reep, un large et efficace fossé de
défense, du côté le plus exposé de ses facades. La silhouette
de son donjon ne nous semble pas avoir été suffisamment
étudiée, lors de la récente restauration. Nous pourrions citer
des documeuts, paraissant probants, lui assignant une forme
plus haute, lui donnant, en somme, un étage en plus.
Enfin la quatrième catégorie serait celle des steenen à
pignons à gradins, qui, dès l’origine, ont dù certainement
coexister avec ceux du type à mur plat, avec rang de cré-
neaux.
Cette forme spéciale de la facade à grand triangle dé-
coupé au sommet, dont le toit s'en va en équerre sur la rue,
se rencontre encore dans plusieurs de nos maisons en pierre
à Gand, et nous ne citerons ici que le Borluut steen du mar-
— 393 —
ché aux Grains (1), le Zyhove steen de la rue Basse, et la belle
façade à pignons jumeaux de la Grande Faucille ou Zikkel.
Il y aurait à citer aussi des
‘ types spéciaux, uniques ou
rares, dont les planches qui
illustrent notre revue mo-
numentale, tiennent compte
et font ressortir les formes peu
usitées. Citons, comme exem-
ple, la façade de la Vederschel-
strate et celle de la prévôté
deSaint-Bavon reproduites ci-
dessous d’après des documents
du XVI: siècle.
Dans une étude approfon-
die que nous nous réservons
de publier plus tard, nous
aurons à examiner les détails
de construction, notamment à
signaler les différences nota-
bles dans l'appareil de ces di-
verses façades en pierre bleue;
dspris un Mare aux. ‚grains
eiggin de
J Vermeersch
+ Ct du axes. Borkutt steen.
Gand
No 32. — Gand.
l'emploi de la brique énorme dans quelques-unes de ces
Nederscheldstrate. Reep
No 33. — Gand.
he
Prevôte de ‘talhaye
de S* Bavon « Gand.
Plan de 1534.
No34. — Gand.
(1) Voir Bull. Soc. hist. et arch. de Gand, 1907, n° 5.
— 394 —
demeures seigneuriales ou dans certaines parties accessoires,
sera examiné aussi, et peut-être pourrous-nous faire une
esquisse des éléments décoratifs qui intervenaient dans la fa-
cade et même dans la distribution intérieure de ces immeubles.
Dans cette étude ultérieure, nous donnerons aussi quel-
ques aperçus sur l’Ao/, ou « cour », que devint vers le XIV et
le XV° siècle la demeure seigneuriale, quand le luxe et la
recherche du confort firent abandonner la construction des
steenen rébarbatifs, sombres et rudes demeures, pour des hôtels
plus agréables, plus riants, plus vastes, avec leurs galeries
voûtées à colonnades, leurs jardins, leurs dépendances
étendues.
Notre enquête pourra augmenter, nous l’espérons, la
somme des connaissances sur le chapitre de l’habitation
urbaine à Gand. Afin qu'il en soit de même pour d'autres
villes du pays, nous devons faire maintenant un appel, dont
les quelques pages qui suivent indiquent le sens et la portée.
Nous souhaitons vivement qu'il soit entendu et que notre
étude sur la vieille capitale des Flandres et ses restes monu-
mentaux d'origine civile, ne demeure pas isolée; que, pour
d’autres villes, des recherches similaires puissent être faites
et que le résultat en puisse être communiqué au Congrès de
Gaud.
IT.
Prenons Bruxelles, d’abord parce qu’il semble que là le
nom de steen ou stein a vraiment eu le même sens qu'à Gand,
ensuite parce qu’il serait, à notre avis, désirable que l’on puisse
fixer avec certitude le plus ou moins de légende qui se mêle
à l’histoire des familles qui leur donnaient leur nom.
Nous n'avons pu rencontrer, pour Bruxelles et ses steenen
du moyen-âge, que des textes assez vagues et peu nombreux.
Cependant dans leur Mistoire de la ville de Bruxelles
(1845), Henne et Wauters examinent (pp. 21 et suiv.) les
origines des sept lignages, traditionnels ou authentiques qui,
dès le X° siècle, vers 950 environ, auraient possédé des biens
et serfs sur son territoire, et dont les membres auraient occupé
des fonctions plus ou moins importantes dans son admi-
nistration.
— 395 —
Ces auteurs donnent les noms et les armoiries de ces sept
familles patriciennes, privilégiées ou adelborsten, ayant occupé
des maisons en pierre ou hôtels-refuges ayant nom steenen,
lapis ou « pierres », et qui, de ce fait, auraient donné à ces
habitations solides et fortes leurs noms respectifs de : Canter-
steen, Machiaensteen, Serhuygskuisieen, Valkenborg, Sout-
huys, Paeyhuys et Plallesleen.
Dans les notes de 1’ istoire de Brucelles, ces steenen sont
cités d’après des chartes ou documents d’archives et leur
situation dans le périmètre de la ville est recherchée avec la
plus grande exactitude possible.
Il paraît peu probable qu’un tracé graphique quelconque
de ces « pierres » bruxellois, subsiste encore. Nous devons à
M'Schweisthal quelques renseignements qui permettraient de
croire toutefois que les archives de Bruxelles recèlent des
documents à cet égard. Il y aurait lieu de les parcourir
et peut-être y trouverait-on des pièces apportant quelque
lumière sur l’aspect de ces manoirs urbains. Mais, de l'avis
de notre très obligeant confrère, la topographie du Vieux
Bruxelles est peu connue, et il reste beaucoup à faire dans cet
ordre d'idées. Souhaitons que les recherches que nous fimes à
Gand puissent être imitées à Bruxelles et qu'elles nous don-
nent, pour cette ville, les résultats inespérés que nous avons
pu atteindre ici.
Ces célèbres lignages de Bruxelles auraient eu de très
nombreuses filiations et descendances dont la nomenclature se
trouve dans Bruxelles à travers les âges de L. Hymans. Il ne
peut entrer dans notre programme de suivre ces familles des
's Leeuws, ’s Weerts, 's Huyghe, Ser Roelofs, Coudenberg,
Utensteen, Weghe et Rodenbeke à travers les siècles, dans
leurs relations de toutes sortes, mais il sera utile aux cher-
cheurs de les connaître pour identifier leurs demeures an-
ciennes. |
Au point de vue graphique non plus, nous ne pouvons
insister sur les steenen de notre capitale; la connaissance de
leurs formes et dimensions nous parait faire totalement défaut.
Plusieurs « cours » ou Aoven ont existé aussi dans cette
ville, et notamment le Ravenstein, ce joli hôtel de sociétés
— 396 —
savantes, un exemple remarquable de ces résidences urbaines
de familles patriciennes locales ou étrangères.
I est donc certain que le mot Aof ou « cour» a été
employé à Bruxelles pour désigner ces immeubles, parfois
énormes, avec parcs, etc., et que le mot steen n'y a pas été
inconnu. Répétons que, pour ces steenen de Bruxelles, la liste
extrêmement développée des patriciens du XIV: siècle, aspi-
rant à l'échevinage, qui parut dans Henne et Wauters
{t. I. p. 158, en note), pourrait mettre le chercheur local à
même de rencontrer des biens ayant conservé, de leurs anciens
possesseurs, un nom spécial. Cette liste, qui comprend une
infinité de noms encore répandus actuellement dans la haute
société de notre capitale, se compose d’un dénombrement,
classé par lignages; ces groupements peuvent avoir un vif
intérêt pour faciliter l'identification que nous désirons voir
entreprendre.
Ajoutons que ces mêmes historiens donnent (p. 161,
pl. 2) un plan de cette ville au XV° siècle, qui peut nous
arrêter pour certains détails.
Dans la légende en marge de ce plan, le n° 36 se rapporte
au bloc dit Cantersleen;, c'est l’actuel emplacement de Ja
« Grande Harmonie », au bas de la rue Montagne de la cour.
Au n° 18, un étang, dit le Cluting, anciennement situé à
gauche du parc ou Warande (à peu près à l'endroit où se
trouve la statue du général Belliard), semble avoir pris ce nom
de la famille patricienne des Clutinghe, qui, probablement,
avait sa demeure aux environs de cet étang.
Il faut donc, et c’est là le principal, retenir de tout ceci
que Bruxelles connut le steen très tôt, si, bien entendu, les
textes originaux du X° siècle emploient le mot correspondant
en latin, qui serait « lapis », comme le donne l’histoire de
Bruxelles citée.
en
Anvers, si nous ne nous trompons, ne peut plus nous
donner actuellement qu’un exemple de ce même mot, et
il s'applique au burg primitif : le mot Sleen est resté à cette
construction qui abrite en ce moment le musée d'antiquités
locales.
— 397 —
Ses restes vénérables, avec des traces d’un vieux mur
d’enceinte aux environs, si malheureusement sacrifié par des
travaux d’aligneinent récents, ont été assez piètrement habil-
lés à neuf, il y a quelques années.
*
% *
Bruges, cette vieille ville, riche et opulente au moyen-
âge, a eu des hôtels seigneuriaux ou Aoren en quantité. Le
mot steen n'est guère connu ni employé dans les textes
d'archives et Gilliodts-Van Severen ne mentionne que la
prison ou steen dans l’ancien Bruges.
Le Roodensteen est une maison en briques et nous paraît
avoir donc usurpé le nom de steen, qui, selon nous, doit
s'appliquer aux bâtiments en pierre. Nous avons dû nous
occuper de cette construction, située place Van Eyck, dans
notre travail, récemment paru, sur une vue de ville de ce
peintre. Nous avons, au cours de cette étude ayant pour but
la détermination défiuitive de cette vue, pu nous assurer que
le Roodensteen de Bruges a subi des remanieinents qui lui
enlèvent beaucoup de sou intérèt.
Mais il y eut, eu cette ville, de beaux et importants
types d'hôtels ou Aoven, et, dans son étude topographique
consacrée au plan de J. van Deventer au XV[° siècle, M° Gil-
liodts cite, avec quelques détails, les horen suivants : n° 139,
l'Hôtel Bladeliu, rue des Aiguilles, ayant appartenu d'abord
aux Portinari, puis aux de Fiennes, Egmont; c'est en ce
moment un couvent (voir plauche 5, F.); — n° 145, Clèves; —
n° 146, Croy dit Fluweelhof;, — n° 152, Ghistelles ; — n° 15»,
Gruthuuse; — n° 161, Male ou des sept tours (bâti vers 1320);
— n° 170, S' Pol, au XVI° siècle Ravensteen. Parmi les
maisons historiques, il en est une qui nous intéresse spécia-
lement, c'est le n° 208, Genthof, vaste construction, ornée
autrefois d’une belle tour cylindrique, et mentionnée déjà en
1299. La cour du Prince, Princenhof (au chiffre XVII de ce
plan ancien}, serait à citer aussi ici.
Le mot de Princenhof, que nous avons rencontré pour
Bruges, revient dans l’atlas de J. van Deventer, texte de
— 398 —
M" Max Rooses, à propos de l'hôtel du Prince que possédait
la ville de Termonde, loué à des Lombards dès le XIII: siècle (1).
Mais ne quittons pas Bruges sans insister sur l'intérêt
qu'il y a à consulter le plan de Marc Gheeraerts pour retrouver
ia silhouette des grandes maisons patriciennes, de cette ville
au XVI° siècle. Nous en avons groupé un certain nombre
sur la planche 7.
Nous avons interprété comme steenen ou hoven beaucoup
de ces constructions ayant des créneaux au sommet de la
facade, à tourelles d'angle, avec d’autres signes caractéris-
tiques de leur force ou de leur importance. Ces maisons, dont
la silhouette rappelle celles de Gand, furent cependant,
pensons-nous, toutes construites en briques, à Bruges, ces
matériaux étant presqu’exclusivement usités daus cette ville.
Le palais des Comtes à Bruges, la Zove, aussi le Graven-
steen, qui lui cependant, sans nul doute, était en pierre, a
été l'objet d'une étude bien intéressante de Hermann Van
Duyse (1891) à propos de la tactique des Gantois quand ils
attaquèrent ce Burg, ce castellum, en 1127.
*
* *
Ypres, si important au moyen-âge, a construit beau-
coup de ses monuments en matériaux durs, en pierre. Peut-
être utilisait-on le granit de Tournai, peut-être aussi la pierre
rosée du Nord de la France. En tous cas, il reste à Ypres des
traces de constructions de maisons en pierre et entr'autres
la superbe facade de l'Hôtel des postes qui, restaurée et
complétée, est une magnifique épave du XIII: siècle. C’est
un exemple à citer ici en première ligne, car cette soi-
disant « maison des Templiers », qui fut une halle d’après
(1) Pour compléter ce renseignement à propos de Termonde, rappe-
lons l'étude sur le château féodal de cette ville qui parut dans les Anna-
les du congrès de Gand de 1896 (pp. 403-346). L'auteur, Alphonse
De Vlaminck, lui donne la qualification de Steen (p. 134). Ce travail est
un modèle de monographie, et je me plais à Je citer ici comme exemple
de ce qu'il serait désirable de voir entreprendre pour la plupart, si pas
pour tous nos anciens châteaux ou maisons féodales,
— 399 —
Mr Cloquet, a toutes les apparences d'un steen d’une superbe
architecture, élégante et riche.
Comme nous avons pu faire, sur le plan de Marc
Gheernerts, un relevé des façades à créneaux, à aspect de
steen, pour Bruges, — une reproduction d’un plan de la ville
d’Ypres, gravé sur bois au XVI° siècle et reproduit dans
l'atlas des villes de la Belgique de Van Deventer publié par
Ruelens, nous a aidé à connaître les maisons de même
silhouette, dans cette dernière ville (voir planche 8).
En faisant ces relevés, nous savions bien que cet aspect
de façades à créneaux n’impliquait pas nécessairement une
origine très ancienne, véritablement médiévale. Certes, à
Bruges, ce crénelage s'est perpétué longtemps et bien des
maisons du XVII ont conservé cette apparence de système
défensif. Les murs extérieurs du Franc de Bruges, vers la
rivière, portent la date de 1608 et sont une preuve de ce long
emploi d'un système de bordure de chéneau, de cache-
gouttière, par un crénelage n'ayant plus qu’un aspect pure-
ment décoratif.
*" x
Les archives de la ville d’Audenarde possèdent un
dessin datant vraisemblablement du XVI: siècle, donnant la
vue d’un château crénelé à tourelles, qui se trouvait au
confluent de l'Escaut et de la Bourgschelde. C'est l’ÆZuus
vanden heere van Voorde que nous reproduisons ci-contre,
parce que il nous paraît être un steen, et dont les caractères
architecturaux marquent l’époque romane.
*
* *
Nous aurions pu poursuivre notre étude, au sujet des
maisons fortifiés ou steenen, dont Gand nous donne certes
le type le plus accusé et le plus probant, en cherchant à
retrouver leurs images dans des manuscrits à miniatures,
dans des tableaux anciens.
Nous avons rencontré beaucoup de ces vues de maisons
en pierre dans des œuvres de l’école primitive, et c'est princi-
palement à la présence de deux maisons en pierre, ou steenen.
— 400 —
sur-un tableau, qu’il nous a été donné de pouvoir déterminer,
avec uue certitude qui est de plus en plus grande en notre
esprit, uue œuvre des Van Eyck (nous disons plus, de Hubert}
représentant une vue de Gand au début du XV: siècle.
Pour illustrer cette étude, nons avons dressé, avec
Mr V, Fris, le plan d’un quartier de cette ville, celui de la
paroisse Saint-Jean (actuellement Saint-Bavon), au XV* siècle,
Aucknarde.
LA
n Lee
No 35. — Audenarde.
montrant l'emplacement exact de quelques uns des steenen du
centre de la ville.
Nous donnons sur la planche 6 la reproduction de
détails de façades de ces maisons patriciennes, principalement
ceux qui ornent ies entrées, les s{eegher ou escaliers d'accès,
avec leurs auvents; ces motifs sont empruntés à la reproduc-
tion, si utile et si bien faite, d’un manuscrit flamand en deux
tomes : les Miracles de Notre-Dame, de la Bibliothèque natio-
nale de Paris (Ms. fr., n°9198 et 9199).
GAND.
PL.1.
JEN ENE ANEMIE |!
GAND:
PL.2.
GAND.
GAND.
"s3ond
PL.6.
Tl. PL.58.
STEENEN FLAMANDS.
Lith.N. Heins, Gand
BRUGES. PL.F.
EN
N
5 AN N
ue
ee HN
Ie
a
a Ee A
l
EXPLICATION DES PLANCHES.
Planche 1.
A. — Le château des Comtes de Flandre à Gand, XII siècle.
(Anno 1180).
Le bâtiment (en restauration en ce moment), qui se voit entre le chemin de
ronde à tourelles et le donjon, est le Palais du comte, la domus lapidea ou steen
du XIl° siècle, | .
Voir, pour sa silhouette complète, à pigaous à gradins, la vignette d'après
le tableau de P. Pieters (XVIIe siècle), pl. 4, I.
* * * ‚
B. — Le château ou « steen » de Gérard le Diable, ou Vilain
de Gand, XIIIe siècle (restauration récente).
Des vues du XVI° siècle indiquent à la façade vers le Reep, ou Bas-Escaut,
des fenètres romanes à megeau central au lieu de celles en ogives qui existent
actuellement.
Planche 2.
A. — La cour ou préau de l’Achter-Zikkel, à Gand.
La grande tour en pierre blanche est du XIV®e siècle probablement, sauf la
partie supérieure qui doit être du XVIIe siècle.
Le bâtiment en briques, à tourelle d’augle, pourrait être aussi du XIVe
siècle, L'annexe à la tour, ce pstit édicule d’élégante silhouette, abritait autrefois
un puits et contenait à l'etage une minuscule chapelle; elle date du XVe siècle.
*
k %
B. — La façade de la Groote Zikkel à Gand.
Les deux pignons à gradius, en pierre de Tournai, seraient du XIVe siècle
et formaient un steen. Le bâtiment à deux lucarnes et à porte cochère ornée de
motifs sculptés est la « Zaale », construction ajoutée à la flo du XVe siècle, aux
bâtiments primitifs.
(Le tout sert actuellement de local au Conservatoire Royal de Musique,
rue Haut-port).
26
— 402 —
Planche 8.
I. — Le grand steen du Marché du Vendredi.
Il appartint à la famille patricieune des Utenhove au moycn-âge. Les der-
niers restes de ce vaste bâtiment disparurent il y a quelques années. -- Voir,
dans «l’ancieone Flandre» par A. Heius, diverses planches et notice sur ce
steen.
*
k *
II. — L'Huus metten tween turren (rue des Champs).
Ce steen, ayant deux tourelles d'angle au sommet de le façade, doit son nom
à cette particularité ; il n'en existe d'autre souvenir que sur la vue panoramique de
Ganden 1534. Les dessins qui en ont été faits au siècle dernier, notamment ceux
de van den Eyade déposés à la Bibliothèque, ne sont que des interprétations de
ce que ce tableau indique vaguement.
C'est ainsi que nous. n’avons pas cru devoir donner aux fenêtres la forme
| ogivale que donnent ces dessins; sur l'original on ne voit guère que des trous
de forme très indéterminée. Pour l’historique, voir Monuments de Gand de
P. Claeys.
“+
III. — Le grooten steen, comme il est cité dans certains documents ; situé à
côté de celui du médecin Grape, au Bas-Escaut ou Reep.
Il est désigué, au XVe siècle notamment, sous ce nom de « grooten steen,
met den steeghere » (avec escalier ou perron). Pieter Tollins y habitait en 1438.
Une porte cochère au bas de la façade, à droite, psurrait être celle de la
maison même ou hien l'accès de la propriété situés derrière, appartenant à
Ghyselbrecht van Massemine en 1428. 11 y avait là un « gang » en 1521.
(D'après un document du XVI° siècle à la Bibliothèque de la ville.)
*
+ *
IV.—Un steen que van Lokeren, sur un dessin qu'il fit en 1835 au moment
de la démolition, appelle fief qui appartenait au vicomte d'Oombergen.
Il était situé rue du Verger (Bogaertstraete), parallèle au quai aux Oignons
ou de la Grue. Il se distingue par son couronnement à trois lucarnes en pierre et
uoe tourelle en eucorbellement avec petit pignon. Il avait deux pignons à gradios,
en équerre sur la rue. Uue porte à plein cintre doane entrée à cette rule
construction qui remontait probablement au XIIIe ou XIVe siècle (Voir
Ancienne Flandre par A. Heins, 1906).
Planche 4.
I. — Le Steen ou « domus Japidea » du Comte (château des
Comtes de Flandre à Gand). Fia XII° siècle.
D'après un tableau de Pierre Pieters (1609-1610). Voir Inventaire archéo-
logique de Gand (fiche 299), et aussi, pour une autre vue de ce bâtiment à
— 403 —
pignons à gradias, la planche gravé» du château des Comtes daus Sanderus,
Flaadria Illustrata.
(Cette construction est actuellement en voie de restauration.)
*
* *
II. — Maison en pierre, d'apparence romaue (d'après un dessin colorié
du XVIe siècle, appartenant à la Bibliothèque de Gand).
Située au quai du Bas-Escaut ou Reep, aussi Nederscheldestrate, au coia
de la ruelle Borresteghe; elle était habités en 1447 par le médecin Liévin Grape,
Voir plan d'un quartier de Gand au XVe siècle par MM. Heins et Fris, dans
« Une vue de Gand » etc., (1907).
*
+ «*
III. — Le pignon à gradins (f1cade postérieure) de la construction appelé:
Rijhovesteen depu's le XVIe siècle (rue Basse).
Remarquer les remaniements relativement récents de cette façade; les
fenêtres, entr'autres, ont é é allongées, cs qui peut se voir aux cordons iuter-
rompus.
Caves curieuses à poutres, au lieu de colonnes. Il y a aussi un bâtiment sur
la cour, du XIVe siècle probablement, ayant conservé une vieille cheminée (Voir
L'Ancien foyer en Flandre par A. Heins, dans la revue : l'Art flamand et
hollandais).
*
*k %
IV. — Un steen carré à quatre tours d'angle, d’après la vue à vol
d'oiseau de Gand de 1534.
Il était situé à l’extrémité Est du vieux Marché au bétail, à l'entrés de la
rue d'Argent actuelle, et est désigué par Mr V’. van der Haegheo, archiviste de la
ville, dans sa notice accompagoant cette vue de 1534 (au n° 137), comme é’a’.t
la Hof van Nevele. Voir, à la Bibliothèque de Gand, les documents qui concer-
nent ce bien et ceux qui l’euvironuent, dans les notes d'archives de feu van den
Bemden.
Planche 6.
A. — Un vieux steen à Bruges, rue des Tonneliers, n° 23.
Maison dite « Maison Noire » et aussi, à tort, Maison des Templiers ; elle
date des dernières années du XVe siècle (vers 1480).
C'est l'aocienne « Huys van Valencya », o:cupée par les marchands drapiers
de Valenciennes (voir M. Verkest, Guide de Bruges, p. 71).
Oa va la restaurer; les travaux sont commencés.
*
* *
— 404 —
B, — Hôtel Bladelin à Bruges, type de « hof » du XVe siècle en cette
, ville (rue des Aiguilles, n° 19).
Construit par Pierre Bladelin, garde du Trésor royal, chambellan de
Charles le Téméraire et trésorier de l'ordre de la Toison d’or.
Habité aussi par Thomas Portunari en 1479; puis il appartint à Jacques
de Fiennes et au comte d'Egmont. Actuellement école de Foere; un couvent de
sœurs de l'Assomption y est établi (Même auteur, p. 77).
N. B. Aux eovirons de cet hôtel Bladelin oo peut voir aussi l'hof van
Ghistele, avec tour cylindrique en briques (XVe siècle); voir aussi à Bruges,
l'hof ou cour de Gruuthuse, aux intéressants tâtimeuts du XVe siè:le (1120—
1470), et d’autres hoven. |
Planche 6.
Quelques aspects de steenen flamands et de leurs
perrons ou « steeghers ».
Ces croquis sont puisés dans les reproductions des miniatures orvant le-
manuscrit de la traduction des Miracles de Notre- Dame, faite par Jean Mielot
pour Philippe le Bon, ms. termi: é en 1456-1460 (Bibl. nationale, Paris, mss.
fr. 9198-9199), Les Los correspondent aux plauches du fac-similé de ce manus-
crit, publié récemment par la maison Berthaud frères, à Paris.
Dans l’un de ces dessins, celui marqué pl. 59, on voit un steen flanqué de
tourelles partant de fond, c'est à dire du sol. Cette particularité se remarquait
à un eteen de Gand, celui qui avait vom Papeghem steen, au coin de la rue de
Brabant.
(Voir détails dans A. Heins, « Uoe vue de Gand par Hubert vaa Eyck ».}
Le système d'application de tourelles montaut ainsi au flarc de bâtimeuts
civils, parait avoir été inspiré par la même donuée qui se retrouve daos le pignon:
principal et les pignons latéraux de l'église Saint-Nicolas à Gaud, et à celui qui
torme la façade priucipale de Notre-Dame à Bruges (voir eucors les églises d’Au-
denarde et de Pamele, comme aussi quelques-unes de celles de Tournai).
Remarquer les détails curieux de ces façades et des entrées de ces
maisons fortifiées, avec leurs auvents, rampes, bancs, etc. Les minia-
tures sont certainement d'origine flamande, probablement brugeoise;
les vues et motifs représentés par les artistes qui illustrèrent ces
« Miracles de Notre-Dame » ont donc un vif intérêt pour la connaissance
de nos « steenen » flamands et de certains de leurs détails.
Planche ‘7.
Aspects de maisons brugeoises à apparence de steenen.
— Croquis d'après le grand plan à vol d'oiseau de Marc Gheeraerts, publié
en 1562.
Les petits croquis portent des vuméros correspondant au nom des rues avec
les dénomivations arciences que donne le plan gravé ce grande dimension :
el:
pre
— 405 —
1. Spangnaerstraete. — 2, Spangnaerstraete. — 8. Hoogstraete, — 4. Visch-
markt. — 5. Dijver. — 6. Hoogstraete. — ‘7. Eechoutstraete. — 8. Eechout-
atraete. — 9. Oudenburg. — 10. Oosterlinge plaetse. — 11, Viamijokdam. —
12. Steenhauwersdijck. — 13. Siut Jansstraete. — 14. Mariastraete, — 15.
Steenhauwersdijck, — 16. Spinolareye.
Une reproduction des principales parties de ce beau document iconogra-
pbique a paru à Ja maison d'art N. Heins (rue de Brabant, 9, à Gaad), avec texte
et notes par A. Heins (Le vieux Bruges; plan à vol d'oiseau).
Sur la planche 1 du dit travail, à côté du Bourg, qui contenait le steen du
Comte, on voit la maison ou Hof aux sept tours, et, sur les autres planches, des
maisons à tourelles ayant aspect de manoirs urbaips, comme à côté de l'église
Notre-Dame, l'Hôtel ou Hof van Gruuthuse profilant ses élégantes tourelles.
Planches 8.
D'après le plan à vol d’oiseau de la ville d’Ypres en 1504.
Gravure de Maillard Destrée, graveur sur bois et imprimeur, d'après les
dessins de Jeaa Thévelio, peintre.
Cette grande planche mesure 1,70 X 1,10;elle porte comme eu-tête ces mots :
Hypra Flandrlarum Civitas Munitissima. Les bois en sont conservés au musée
d’Ypres.
Une reproduction réduite en fut faite en 1887, dans la publication dirigée
par Charles Ruelens, Atlas des villes de la Belgique au XVIe siècle, Ge livrai-
son, n° 5, La notice, par H. Hosdey, doune des iudicatious sur les constructions
principales, marquées sur le plan; nous en avons extrait les silhouettes de
maisons ayaut apparence de steeneu, ou du moins Celles que leurs formes,
dimensions, crénelage ou tourelles peuvent permettre d’assimiler à des steenen.
La Mots le Conte, ou Palais du Comte de Flandre, datait du XIIe siècle.
Note relative à l’iconographie
sculpturale de la cathédrale de Bois-le-Duc,
par C.-F.-Xavier SMITS,
Archiviste-adjoint à Bois-le- Duc.
Le chœur de la cathédrale de Bois-le-Duc est couvert à
l'extérieur de riches sculptures anciennes, qui n’ont jamais
été expliquées.
Les bas-côtés du chœur sont entourés de neuf chapelles
latérales et l’abside de sept chapelles rayonnantes. Autour
des parties hautes du chevet méme se dressent encore, sur
le sommet des contreforts, quelques statues isolées très endom-
magées, et, en haut des fenêtres du chœur et des chapelles
rayonnantes et absidales, on voit les tympans couverts de
figures qui passent jusqu'à présent pour énigmaliques.
Sur les arcs boutants de la nef sont sculptées partout, en
guise de crochets, des figures très caractéristiques. Aux stalles
du chœur, une sculpture abondante, d'un genre tout spécial,
était mal expliquée jusqu’à présent.
Ces erreurs d'interprétation ont exercé une influence
regrettable sur la restauration de la nef de la cathédrale de
Bois-le-Duc, Mais comment retrouver l'interprétation véri-
table de ces sculptures ?
Faut-il y voir une simple fantaisie de l'artiste, ou quel-
que source plus générale a-t-elle donné l’idée de ces repré-
ntations?
Si l’on consulte les sources de l’histoire locale, il semble
que ces sculptures répondent les unes à la description des
jeux et des cortèges célébrés à l'occasion du chapitre de la
Toison d'Or à Bois-le-Duc le 18 mai 148], les autres à des
drames religieux se rapportant aux deux grands cycles
— 407 —
liturgiques de l’année chrétienne : la Nativité du Seigneur et
la Passion suivie des solennités pascales.
Les sculptures des stalles du chœur trouvent, elles, leur
explication dans les contes et les légendes populaires, la
légende du fondateur du Brabant, Brabon, guidé par son
cygne, etc.
On en peut conclure que les représentations de mystères
et de miracles, les cortèges avec leurs symboles et leurs
allégories, ont exercé dans le Brabant une influence sur les
arts figurés.
Dans un autre ordre d'idées, la restauration de nos
sculptures anciennes, si l’on n’en établit pas au préalable la
signification, sera faite à l’aveugle.
Note sur des poteries recueillies dans la
Flandre maritime,
par le B* Ca. GILLES DE PÉLICHY,
Membre de la Chambre des Représentants, à Iseghe:m.
Les plauches ci-jointes nous dispensent d'une longue
description. Ces poteries rudes, dures, sonores, non vernis-
sées, de teinte gris pâle, jaunâtre ou rougeâtre, ont été
recueillies dans la plaine maritime de la Flandre occidentale
par M' l'ingénieur Rutot et par l’auteur de ces lignes, lors du
creusement du canal qui relie Bruges à la mer.
Elles sont actuellement déposées, au chef-lieu de la pro-
vince, dans les vitrines du Musée Gruuthuuse.
Des membres français du dernier Congrès d'histoire et
d'archéologie de Bruges nous disaient, en les examinant,
que des objets fort semblables avaient été recueillis dans la
plaine maritime du Nord de leur pays et déposés au Musée
de Lille.
Le grain si dur de ces poteries et certaines particularités
telles que les bords festonnés à l’ébauchoir, ornementation
retrouvée, lors des mêmes fouilles, sur certaines terrines à
lait du haut moyen-âge, font penser que ces objets pour-
raient bien se rapporter à cette époque. Plusieurs autres
détails de l’ornementation, tels que les dessins imprimés à
l'aide d'un cachet tout primitif et qui rappellent parfuitement
les motifs, tels que les croix et les X, que les Francs impri-
maient à la roulette (1), puis encore certaines mouchetures (2),
(1) Voir LINDENSCHMIT. Handbuch der deutschen Alterthumskunde,
erster Theil. Die aiter:hümer der Merovingischen Zeit, Braunschweig, 1889,
Tafel XXXV, no 1.
(2) Idem. Tafel XXXIV, no 6.
ng ng TT —
“aut SIPUVIT BL suep FaIIION2E1 S2H9]04
.
‘eupjrtu oxpuerd e{ Soup seryjtfenser 59119104
en
“euiluew SUBIT UI SUSP
-
— 409 —
paraissent être des réminiscences des procédés employés jadis
par les barbares (1).
Ces particularités, jointes âu fait que ces poteries si carüc-
téristiques ont été inhumées de la plaine maritime belge ét
francaise, ne feraient-elles pas supposer qu'elles pourraient bien
.avoir appartenu aux descendants d'une de ces peuplades
d'origine germanique, telle que les Frisons ou les Saxons (2),
qui, à diverses reprises, envahirent nos côtes et finirent par
se fixer sur cette partie du territoire ?
L'usage auquel ces objets étaient destinés ne paraît pus
facile à déterminer. ; ;
À première vue ou les prendrait pour des couvercles.
Tous sont munis d'une manique qui affecte tantôt la forme
d'un animal (3), tantôt celle d’une anse ou d'une poignée (4).
Mais, chose digne de remarque, aucun vase ou frag-
ment de vase de même fabrication et ornementation n’a été
retrouvé dans cette région.
On émit alors l'hypothèse que ces objets auraient pu
servir, dans les métairies primitives, à la préparation du
beurre.
Mais pourquoi, sur leur surface plane, ces objets porte-
raient-1ls alors des traces de brûlures ?
C'est précisément cette particularité d'une surface si
parfaitement lisse marquée, ca et là, de taches noires
témoignant d'un séjour plus ou moins prolongé sur le feu,
qui fit naître bientôt une troisième opinion : ces objets si
frustes, mais d’un aspect si original, n'auraient-ils pas été
employés par les ancêtres de nos foulons flamands ou peut-
être aussi par d'humbles ménagères pour lisser ou repasser
leurs étoffes ?
(1; Voir aussi D. van BASTELAER. Les vases de formes purement fran-
gues et leurs ornements à la roulette, l*r mémoire, 1891.
(2, Bulletin de la Société d'anthropologie de Bruxelles, t. 20, p. CXI,
communication de M. Cumont au sujet d'une trouvaille de monnaies fri-
sonnes et anglo-saxonnes faite à la Panne, et p. CVIL communication de
M: l'abbé Cinerhout sur l'emploi d'un ornement frison, dit oorÿizer, dans la
plaine maritime de la Flandre Occidentale.
(3 PL. IL.
(4) PL. I.
— 410 —
à Telles sont les diverses hypothèses qui virent le jour lors
du Congrès de Bruges.
Laissons à nos collèèues du Congrès de Gand, le
soin et l'honneur d’éclaircir ce mystère. Bornons-nous à
constater, à cette occasion, avec le savant auteur des Arts
industriels des peuples barbares de la Gaule, que trop sou-
vent jusqu'ici « les investigations des chercheurs n'ont été
« dirigées que sur des poteries en quelque sorte d'exception,
« qui par leurs formes, leurs ornementations on leur prove-
.« nance, étaient plus particulièrement dignes d’attirer l’atten-
« tion. |
« On a eu le tort de négliger la poterie vulgaire, celle du
« peuple, comme on a longtemps dédaigné l'étude de l’art
‚« grossier des peuples primitifs ou barbares, pour n'appro-
.« fondir qu’un art de commande, aristocratique en quelque
« sorte, qui ne répond nullemeut aux inspirations, au carac-
« tère, au sentiment artistique d'un peuple.
« C'est la poterie commuue, et, par opposition à toute
« autre, la poterie démocratique que l'on doit interroger,
« ainsi que le dit fort justement M" de Saint-Venant dans son
« Etude de géographie céramique (1), pour connaître et péné-
« trer le secret de la vie domestique de nos ancêtres » (2).
(1) J. DE SAINT-VENANT, Anciens vases à bec Etude de géographie cera-
mique (Bulletin monumental, 3° série, t. IV, 1899 .
(2) C. BARRIÈRE FLAvy, Les Arts Industriels des peuples barbares de la
Gaule du Ve au VIIIe siècle, t. I, p. 242,
Quelques stations tardenoisiennes et
néolithiques découvertes aux environs de Gand,
par le D' RAEYMAEKERS,
Membre de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Gand.
Mettant à profit nos rares loisirs, nous avons exploré au
point de vue préhistorique les environs de Gand. Dans cette
note, nous ne relaterons que nos recherches personnelles et
quelques trouvailles isolées restées inédites. Néanmoins,
nous avons tenu à signaler les rares pièces qui se trouvent
dans les collections de l’Université de Gand et du Muse
d'Archéologie de cette ville en les complétant par les indica-
tions de découvertes d'objets néolithiques faites antérieure-
ment dans les mêmes localités.
Alost (Environs). Trouvaille de 2 haches polies en silex
jaunâtre (avant 1808). Voir description dans De Bast, Recueil
des antiquilés, etc. pp. 122-123 ; renseignement reproduit dans
Schayes, La Belgique avant et pendant la domination romaine.
(Bruxelles 1859), t. 3, p. 401.
Nucleus de petite taille en silex jaune-brunâtre, n'* 2596
et 1026. Collection de l’Université de Gand. Don de M: L.
Fredericq.
Aeltre. Mr O. Goeminne (1), industriel à Deynze, est
propriétaire d’une belle hache polie en silex gris-noirâtre et
recou verte d’une patine jaunâtre. Elle est éhréchée en plusieurs
endroits et surtout aux deux extrémités. Elle a été trouvée en
1904 à l’emplacement d’une station romaine, bien connue à la
suite de la découverte d’une statuette aujourd’hui dans les
collections de M" Warocqué.
(1) Décédé le 6 mai 1907.
— 412 —
Dimensions approximatives de la hache :
longueur : 17 centimètres.
au niveau du talon : 96 millimètres.
largeur ‘ au niveau de la partie médiane : 87 millimètres.
au niveau du tranchant : 90 millimètres.
Berlaere-Donck. Le lac d'Overmeire, comme nous le
dirons plus loin, peut être considéré comme un ancien lit de
l'Escaut. D’après Frans de Potter (Historische schets der
gemeenten Overmeire en Uitbergen, Brussel, 1863, p. 1), le
nom de « de Meire » serait cité dès 1306. En avril dernier,
nous avons voulu explorer, au point de vue préhistorique, les
bords du lac; mais nos recherches n’ont guère été fructueuses à
cause des récoites. Néanmoins, à la surface d’un champ au
hameau de Donck et en face de la Villa Prince Albert qui sert
actuellement de station biologique, nous avons pu recueillir,
au milieu de débris de poteries anciennes, deux silex retouchés
gris-noirâtres.
= Dans le but d'amender la terre, les paysans recueillent
les plantes aquatiques du lac voisin.
Les recherches à la surface du mamelon + 15.00,au N.E.
de la chapelle de Donck sont actuellement impraticables, car
un bois de sapins le couronne.
Mr Van Dessel rapporte, d’après M' Schuermans,la décou-
verte d'une hache en silex à Berlaere. Durant l'hiver pro-
chain, nous comptons explorer les mamelons flandriens de ce
village en commençant les recherches, ainsi que nous l'avons,
du reste, fait pour Uytbergen, à partir de la limite des zones
exondées.
Deynze. Rive Sud du Zeverenbeek, ruisseau, et tout à
l'entour du moulin à vent (altitude + 20) situé à 1500 m. N.0.
par rapport à l’église de Deynze. Le moulin se trouve établi
sur une colline formée de sable flandrien jaunâtre, un peu
argileux, stratifié et employé pour le moulage daus les fonde-
ries de fer de Gand et de la Hollande. L'exploitation, sise à
côté du moulin, se fait sur une profondeur de 4 m. jusqu'au
niveau d’eau. Au point de vue de sa composition et de la nature
de ses strates, le sable a une structure homogène. Jadis,
dans cette région, on amendait la terre au moyen de la craie
— 413 —
des environs de Mons. C’est ainsi qu'on trouve à la surface du
terroir des blocs de silex encore encroùtés de craie. En très
peu de temps, nous avons réuni les pièces suivantes :
Lames-couteaux en silex, 4
Grattoirs-racloirs, 5
Fragment de hache polie en silex de Spiennes, 1
Débris de taille en silex divers, 8
Total 18.
Gand. Hache en Lois de cerf. Un moulage en plâtre de
celle-ci a figuré dans la collection belge de la section d'An-
thropologie à l'Exposition uuiverselle de Paris de 1889. Voir
le Catalogue du D" Jacques.
Dans les enllections du Musée d'Archéologie de Gand, on
voit 11 belles haches polies sans indications de provenance,
de formes différentes et non cataloguées. L'une d’entre elles
est en forme de ciseau et paraît être en phtanite noir. Les
n° 20, 150, 151 et 10 sont en silex. Une autre, en silex
brunâtre, est retouchée sur ses bords latéraux. Il y aurait lieu,
en consultant les registres d'entrée, de faire l'historique de
ces pièces assurément intéressantes et de faire l’étude micros-
copique de la roche pour certaines d’entre elles.
Jadis, notre père a eu l’occasion de voir, dans les collec-
tions de Mr" Versturme, quelques haches polies que leur
propriétaire affirmait avoir été trouvées aux environs de
Gand.
Déjà De Bast (Recueil des Antiquités, 1808, p. 124) ren-
seignaït que des instruments de l'espèze étaient communs aux
environs de Gand.
Pour le canal de Terneuzen, nous avons plusieurs cita-
tions : |
Trois haches en corne brute, de chevreuil; voir le Cata-
logue du Musée d' Antiquités de Bruxelles, n° 1 à 3.
Schayes. Za Belgique arant el pendant la domination
romaine (Bruxelles, 1859), t. 3, p. 400.
Silex dans les terres provenant des draguages du canal.
Pour M" Eug. Van Overloop, ce sont des éclats noirs retou-
chés; voir Recherches sur les silex éclatés sous l'influence des
— 414 —
agents aimosphériques, par E. de Munck, dans les Bulletins de
la Société d'Anthropologie de Bruxelles, tome IV, 1885-86.
Gentbrugge. Grand fragment de hache polie, retaillé,
en silex brueâtre, n° 2311. Collection de l’Université de
Gand. Don de Mr L. Frédericq.
Gontrode. À 500 m. au N. 0. de l’église de Gontrode et
en face du cabaret « in het Lichtveld » côte +- 20.00, à la
surface du sol, un éclat retouché en silex jaunâtre (28 octobre
1902).
Heusden. À 300 m. au Nord du pont sur l’Escaut et le
long de la rive gauche, on observe de grands tas de sable et
de grès provenant du redressement du fleuve. En cet endroit,
l’Escaut décrivait, il y a dix ans, une boucle. Le sable est
grisâtre, assez doux au toucher, avec points glauconieux,
verdâtres, ou siliceux, noirâtres, et montre des grès panise-
liens dont quelques-uns sont fossilifères (Otodus Vincenti
Winkl, Lamna sp? Cardita planicosta Lmek). Dans la masse,
on voit encore quelques linéoles d'argile grise-noirâtre, fine,
schistoïde. Ces terres sont d'âge paniselien et sont exploitées
à l'heure actuelle par les briqueteries environnantes. A la
surface du tas, nous avons trouvé, le 20 octobre 1903, deux
racloirs-percuteurs en silex gris-noirâtre ainsi que deux
cailloux quaternaires éclatés en silex jaunâtre-noirâtre et
montrant une partie nettement retouchée. Des recherches faites
le long de la rive droite de l'Escaut et en face de ce remblai
ont été infuctueuses. Pour ce village, De Potter et Broeckaert
renseignent (1) la découverte d'objets en silex.
Meirelbeke. Hache de silex. Catalogue du Musée FT An-
tiquités de Bruxelles, 2° édition, p. 188, “reproduit dans Van
Dessel, Topographie des voies romaines, p. 147.
Nueleus entre Meirelbeke et Melle, en silex jaune-brunâtre
et de petite taille. Voir les n° 2595 et 1025, coliections de
l'Université de Gand. Don de M' le Professeur L. Frédericq.
Melle. Le 20 octobre 1903, à l’endroit « Mellehoek »,
nous avons trouvé le long de la rive gauche de l’Escaut, une
(1) Geschiedents.…, Heusden, p. 4 et5, reproduit dans Van Dessel, 7opo-
graphie des voies romaines, p. 113.
— 415 —
station franchement néolithique dont voici le bilan des récoltes
faites postérieurement à cette date :
Couteaux, racloirs, grattoirs en silex de provenances
diverses (Obourg, Spiennes, etc.). Un fragment de couteau
est en silex résineux, brunâtre, probablement étranger au
pays. 24
Eclats de taille en silex divers dont beaucoup mon- |
trent les atteintes du feu, 91
Percuteur en silex brunâtre, À
Grattoir discoïde en silex grisâtre, 1
Nucleus en silex gris-jaunâtre, L
Fragments de haches polies en silex de Spiennes, 6
Fragments de polissoir ou de meule en grès paniselien, 2
Total 126.
Pas d’éclats ou d'outils en quartzite de Wommersom.
Notre champ d’exploration se trouve à 500 m. E. N. E.
environ par rapport à l’église de Melle. La carte topographique
au 1/20,000 y renseigne les côtes d'altitude de + 5m.à +8 m.
Le terrain est constitué par une pellicule de flandrien reposant
sur le paniselien inférieur.
Nos recherches nous ont permis également d’y voir une
ancienne occupation romaine, franque et du haut moyen-âge.
Outre de nombreux fragments de poteries, nous y avons
observé plusieurs fragments de tegula et un morceau d'un
collet de vase franc avec un dessin à la roulette. Nous signale-
rons également la découverte que nous avons pu faire en ce
point d’une belle intaille en cornaline, actuellement dans les
collections des musées du Cinquantenaire à Bruxelles. Mr le
Baron de Loë a bien voulu nous donner les renseignements
suivants la concernant : |
Epoqueromaine? Inventaire n° 1230. Intaille en cornaline
représentant un personnage en buste. Forme ovale. Dimen-
sions 0.014, 0.012.
À 1100 m. N. O. par rapport à l’église de Quatrecht et
contre une ancienne boucle de l’Escaut, à la surface d’un
champ couvert de débris du moyen-âge, nous avons recueilli,
Je 22 août 1904, un percuteur allongé, en silex grès-noiràtre,
d'Orp-le-Grand. Altitude + 5,50 m.
— 416 —
Devant la campagne de Mr Le Grand-de Sejournet, il
existe une terrasse en pente vers une boucle du Vieil Escaut.
Le 22 août 1904, nous avons trouvé, à la surface du sol
flandrien, trois éclats gris-noirâtres, retouchés dont un en
silex d’Orp-le-Grand. Altitude + 5 m. à + 9 m.
Le 14 avril 1905, étant de passage à Melle, nous avons
été visiter les travaux de creusement d’un étang destiné à
alimenter les pompes du chemin de fer de l'Etat. Comme on
sait, Mr" Maertens y a découvert les vestiges de l’homme
néolithique ainsi que des poteries, des armes, des outils de la
période hallstattienne, romaine et franque. Dans un coin de
l'excavation, près de la Gonte et de la ferme indiquée sur les
cartes topographiques, nous avons eu l’occasion d’y recueillir
in situ sous 1.25 m. de campinien et au sein de la base
caillouteuse à Zlephas primigenius, trois silex reutéliens. En
cet eudroit, le campiuien repose au moyen d’un gravier sur le
paniselien inférieur. Ce terme du tertiaire, actuellement
visible dans le lit de la Gonte, est représenté par une argile
grise-jaunâtre, sableuse et glauconifère. |
La localité de Melle est citée par M' De Potter et
Broeckuert ((reschiedenis, t. IV. urt. Melle, p. 3) pour la
trouvaille d’une hache polie en silex (vuur steenen bijl) dépo-
sée daus les collections du Musée des Joséphites de Melle. La
Notice sur les collections scientifiques et sur le Musée Com-
mercial du même établissement (Gand, Annoot Braeckman,
1871, p. 16) renseigne « une hache polie en jade trouvée à
Melle ». Nos investigations à ce sujet sont négatives : la
pièce en question aurait été égarée, parait-il.
Melsen. M" Cordier, briquetier à Vurste, nous rapporte
que son frère, aujourd hui décédé, a recueilli jadis, dans une
briqueterie située en pleine vallée de l'Escaut à Melsen, une
hache polie en silex gris-bleuâtre et de grande dimension. Il
nous a promis de faire des recherches à l’effet de la re-
trouver.
Oostacker-Meulestede. À 200 m. N. N. E. du vieux
moulin aujourd’hui démoli, et près du chemin de fer de Gaud à
Bruges, nous avons recueilli, le 5 mai 1903, à la surface du sol
flandrien (altitude + 7.00), deux lames-racloirs en silex
— 417 —
grisâtre, probablement de Spiennes. Le terrain en question est
actuellement englobé dans Je canal de Terneuzen. |
Saint-Denis- Westrem. Plaine d'exercices, Dans leur
histoire des communes de la Flandre Orientale, De Potter et
Broeckaert (art. Saint-Denis-Westrem) décrivent ce point sous
le nom de « Buchten ». Limité au Sud par le ruisseau de
Zwijnaerdebeek, à l'Est par le même sous le nom de Riet-
gracht, au Nord per la Lys et enfin à l'Ouest par la route
pavée partant de la chaussée de Courtrai à Afsné, Ce stationne-
ment permettait à l’homme préhistorique un ravitaillement
en eau potable. La carte topographique au 1/20.000 de
l’Iustitut cartographique militaire renseigne, pour la plaine
Saint-Denis, les côtes : + 8, + 9, + 10 et l'altitude + 11 vers le
centre de celle-ci. Le sol est constitué par du sable jaunâtre,
grisâtre, meuble, assez doux, non micacé, d’origine flan-
drienne, surmontant l’argile sableuse glauconifère avec psam-
mites dont quelques-uns sont fossilifères (Nucules). Cette
dernière formation est rangée dans le paniselien inférieur et
retient un niveau d’eau vers 4.00 à 5.00 mètres de profondeur.
Le 6 août 1904, nous y trouvèmes un premier éclat de
silex. Nous y avons continué nos recherches et, à l'heure
actuelle, nous pouvons établir un bilan de récolte de 405
pièces, se répartissant de la façon suivante :
Grattoirs, racloirs, percuteurs en silex de diverses prove-
nances (Spieunes, Obourg, Orp-le-Grand, Wanzin, etc.).
Beaucoup sont fort usagés et certains d’entre eux sont à
encoche. 44
Grattoirs discoïdes et semi-discoïdes en silex gris-
noirâtre, gris-jaunâtre, quelques-uns sont fort beaux, 10
Fragment de grès paniselien retouché, 1
Fraginent de polissoir ou de meule en grès landenien
supérieur, 1
Fragment de polissoir ou de meule en grès pani-
sélien, Î
Fragments de haches polies en silex gris-jaunâtre
et gris-noirâtre de Spiennes, 7
Pointes de flèche en silex gris-jaunâtre et grisâtre;
forme à ailerons latéraux et à pédoncule, 2
27
— 418 —
Pointe de flèche en silex brunâtre ; type lancéolé (1), 1
Pointe de flèche en silex jaunâtre-grisâtre, trans-
parent; type à base légèrement excavée, 1
Pointes de flèche en silex, à tranchant transversal
dont une brûlée et les 2 autres en silex gris-noirâtre
transparent sur les bords, 3
Pointe tardenoisienne en silex gris-jaunâtre (burin), 1
Nucleus en silex jaune-brunâtre brûlé, Ì
Couteaux-lames en silex de provenances diverses,
dont un en silex d'Obourg, 41
Déchets et éclats de taille, silex plus ou moins retou-
chés d’origine variée (Maestrichtien, Orp-le-Grand, Mes-
vin, etc.). Dans le nombre, quelques-uns sont brûlés;
d'autres ont été taillés aux dépens de cailloux quater-
naires 291
| Total 405.
Fait à noter : jusqu'à présent, nous n’avons pas encore
rencontré, dans nos recherches, le moindre éclat en quartzite
de Wommersom.
Il résulte de l'examen de cette r“cole que la station de la
plaine Saint-Denis peut être rangé dans le Tardenoisien et
présente un mélange de néolithique. La présence d’un burin,
de plusieurs pointes de flèche à tranchant transversal, de
grattoirs discoïdes et semi-discoïdes dont plusieurs présentent
une facture très-achevée, de couteaux petits et relativement
nombreux, et, enfin, l'utilisation de petits instruments ainsi
que l’usage prolongé d'outils à encoches semblent indiquer
une industrie tardenoisienne. Le néoiithique proprement dit
n'est confirmé que par quelques débris de haches polies en
silex de Spiennes et par des grattoirs-racloirs en silex de prove-
nances variées. La matière première des outils est variable.
C'est ainsi qu'on note le silex Maestrichtien roulé, ramassé
à la surface des gisements de craie belges, le silex d’Orp-le-
(1) Ressemble à celle figurée sous le n° 9 de la planche XVII, dans le
travail de Mr l'abbé Claerhout : Le néolithique de la Flandre Occidentale;
dans les Annales de la Soc. d'archéologie de Bruxelles, t. XXI, 1907, p. 171.
— 419 —
Grand, de Wanzin et enfin la variété noire d'Obourg (r).
Certains instruments ou éclats ont été taillés aux dépens d’une
roche du Maestrichtien. Leur aspect siliceux, transparent est
bien connu de tous ceux qui s'occupent de recherches pré-
historiques. L'examen des déchets de taille avec la croûte
attenante, trouvés dans des stations tardenoisiennes pures de
toute mélange du Limbourg et de la Campine anversoise, nous
a permis de l’identifier avec le silex Maestrichtien. Il y a lieu
toutefois de ne pas le confondre avec celui in situ du Maes-
trichtien proprement dit : la texture et la couleur grise-
noirâtre sombre différent. Nous signalerons, également, un
fragment de. polissoir ou de meule en grès landenien ; la
texture et le grain font rapporter ce morceau au grès de la
Grande-Gèthe. Cette dernière roche diffère de celle qu’on
rencontre à la surface du sol aux environs d’Ypres. Selon nous,
le grès tongrien d'Ypres est analogue à celui des environs de
Saint-Trond. L'un et l’autre sont descendus verticalement. La
petitesse des instruments a déjà été signalée par le D' Van
Raemdonck pour le Pays de Waes et par M° Eug. Van
Overloop pour les environs de Mendonck. — La matière
première venant de bien loin a dû être utilisée dans ses
moindres éclats. Aussi, ces derniers portent-ils la trace
d’un usage fréquent. Quelques rares cailloux quaternaires
portent des retouches manifestes. — Enfin, comme on sait,
l’homme tardenoisien avait également des statiounements
au N. N. E., à l'Ouest et à l’Est de Gand. Chose digne
de remarque, dans la Campine anversoise et dans le Lim-
bourg, son industrie se caractérise surtout par la présence
d'outils faconnés en quartzite de Wommersom. Aux environs
de Gand, nous n'avons pas rencontré cette roche dans le
cours de nos recherches aiusi que nous le signalerons encore
dans ce travail.
———
(1) Le silex d'Obourg a également été rencontré dans les régions de
Mendonck et du Pays de Waes. Même plus, au Kauter à Kieldrecht, à la base
dn Campinien, en creusant des puits, on a pu recueillir des blocs de grandes
dimensions de cette assise crétacée. Ces rognons sont visibles dans les
collections du Musée archéologique de Saint-Nicolas.
À Saint-Denis, la grande loi sociologique de l'adoption du
milieu se vérifie une fois de plus. Après l’homme préhisto-
rique, uve population d’origine romaine est venue s’y instal-
ler, et, pendant la période si obscure du haut moyen-âge, des
habitations s'y sont établies. Pendant le cours de nos re-
cherches, nous avons eu l’occasion d’y ramasser des fragments
de tegula, de meule en lave tephrinique de Niedermendig,
des débris d’olla, de poteries, de plats en vrai et en faux
samien dont deux morceaux sont ornementés. Nous signale-
rons aussi une monnaie en bronze de petit module, d'une
conservation déplorable, des crayats de Sarrazins et enfin
un ardillon en bronze. Cette dernière pièce a été remise à
notre ami, M' le Baron A. de Loë, pour les collections du
Ciuquantenaire (1). Des dents de cheval fort anciennes, hap-
pantes à la langue complètent ce bilan. Le haut moyen-âge
est caractérisé par des poteries plus ou moins grossières, plus
ou moins épaisses, des fonds de vases modelés au pouce et
des fragments de tuiles et de carreaux vernissés.
Quatrecht. A 750 m. N. O. par rapport à l’église de
Quatrecht et au bord des alluvions de la rive gauche de
l’Escaut, nous avons recueilli, le 22 août 1904, un caillou
quaternaire fortement retouché. I] est à remarquer que les
cailloux sont rares à la surface du «ol flandrien.
Altitude, + 4,50 m. environ.
Ruysselede. M' O. Goeminne de Deynze possède une
hache polie trouvée, il y a 20 ans environ, par un bûcheron en
abattant un chène dans cette localité. Elle est en silex gris-
noirâtre avec patine jaunâtre. Le tranchant est légèrement
ébrèché.
Dimensions approximatives: Longueur = 21 centim.
Largeur au niveau du tranchant 47 mill., et au niveau du
talon 3 centimètres.
(1) Ces lignes étaient déjà écrites, lorsque nous avons trouvé, dans le
Messager des sciences historiques de 1838 (pp. 419-480), la relation de la
découverte au même endroit par MM. Roelandt et Roulez, en 1837, de
vestiges rapportés par ces archéologues à une sépulture gallo-romaine. Un
fond de plat samien avec le sigle (S) everus fut déposé au Cabinet d'Anti-
quités de l'Université de Gand.
— 421 —
Tronchiennes. Hameau Regenboog. Le 10 mai 1905, à
la surface du terroir flandrien et dans une aspergerie, nous
avons trouvé les pièces suivantes :
Racloirs en silex gris-noirâtre et noirâtre, : 2
Fragment de nucleus en silex noirâtre, | 1
Couteaux de petite taille, en silex noirâtre, . à
Pointe tardenoisienne en grès landenien supérieur
dont la roche provient d'un gisement bien localisé au
S. S. O. de Tirlemont et que nous ne pouvons autrement
désigner en ce moment, | 1
Débris de taille en silex divers. 7 _ 4
Total 20 20,
Fragments nombreux de poteries ‘anciennes.
Cette station tardenoisienne? fort pauvre se trouve à:
800 m. S. par. rapport à l’église de Mariakerke. Le champ
d'exploration se trouve compris entre les côtes + 7 et + 8,
alors que les alluvions de la vallée de la Lys atteignént la.
côte -- 6 environ.
Hameau « Stroomken ». Station néolithique pauvre, située
à 1800 m. N. N. O. par rapport à l’église de Tronchiennes.
Champ en pente vers la Lys et présentant les altitudes + 7 et
+ 8. Le fond de la vallée est à la côte - 6 environ. Le terrain
est sabieux, gris-jaunâtre, assez doux et appartient au flan-:
drien. Outre quelques fragments de poteries paraissant ancien-
nes, nous avons trouvé ce qui suit :
Racloirs en silex dont un a été faconné dans la roche
d'Obourg, 3
Lame en silex de Spiennes, | 1
Fragment de couteau en silex de Spiennes, 1
Débris de taille en silex de provenances diverses. 12
Total 17
Uytbergen. Ce village est établi à la surface d’une
grande dune de sable flandrien reposant profondément sur le
paniselien. La masse flandrienne est entourée par les alluvions
de l’Escaut. Dans ses débordements périodiques de moyenne
intensité, le fleuve atteint la côte + 5,00 environ et baigne
les bords de cette colline. Avant le IX: siècle, l’Escaut et la Lys
/
— 499 —
écoulaient leurs eaux vers la mer au N. E. de l'emplacement
actuel de Gand. Aucun grand cours d’eau ne reliait Gand à
Termonde. À partir du IX* siècle, le chenal au nord de Gand
s'étant ensablé, le fleuve se creusa un lit secondaire entre ces
deux villes(1). En examinant une carte topographique à grande
échelle des régions d’Uytbergen-Overmeire-Berlaere, on
observe fort bien la direction que prit l’Escaut à cette période
lointaine de l’histoire.
La lenteur de son cours,
l'existence de nombreu-
ses boucles favorisaient
les inondations. Puis, des
modifications séculaires
dues à des causes natu-
relles ou amenées par le
travail modérateur de
l’homme ont amené une
course moins capricieuse
de l'élément liquide.
Uytbergen préhistorique
se détacha à partir du
IX siècle de la terre con-
tinentale. La grande ma-
re dite Hersbroeck et le
————— lace d'Overmeire repré-
No 36. — Région d'Uytbergeu. sentent les vestiges de
l’ancien Escaut. Il en est de même du Broeck aujourd'hui
desséché. Ces considérations et d’autres d’un ordre plus
spécial nous amenèrent en avril 1904-1907 à étudier le région
d' Uytbergen.
Observation I. Altitude + 7,00. Un bois de sapin, dit de
Stakelbosch, limite au Nord un champ en pente douce vers le
Sud et surnommé de Spetting. L'exploration du terrain nous
a donné, outre des débris de poteries anciennes, les pièces
suivantes :
Er,
LE
=\
Z Pd JN
One en-dessous Kd
dela côte des ]non-
dations ls kt
e).
Mo
ef
ED) e
oP tbe
or
7
x
——
(1) Nous reproduisons ici les idées qui ont été émises récemment dans
les séances de la Société belge de géologie, de paléontologie et d'bydrologie.
Voir les Annales de cette société de 1906 et 1907.
— 423 —
Racloir-grattoir en silex de Spiennes, 1
Racloir en silex d’Obourg, 1
Fragments de haches polies en silex de Spiennes, 2
Couteau, de petites dimensions, en silex grisâtre, 1
Eclats de silex de provenances diverses dont quel-
ques-uns sont brûlés, 12
Total 17,
A l'Ouest du Spetting, nous avons trouvé un beau
grattoir semi-discoïde en silex de Spiennes. Pas de quartzite
de Wominersam. Néolithique.
Observation II. Altitude du sommet + 9,00. Lieu dit:
« Rysberg ». A la surface, quelques débris de poteries ancien-
nes et deux éclats de silex grisâtre provenant de couteaux.
Observation IIL.-À droite d'un chemin et près d’un bois
de sapin, à la surface des champs, petit éclat de silex noir.
Observation IV. Un racloir en silex grisâtre.
Observation V. Lieu dit « Sperrebosch », éclat de silex
gris-noirâtre.
Observation VI. Sommet + 15,00, jadis surmonté d'un
moulin à vent, aujourd’hui démoli. Lieu dit : « Stuyvenberg »,
Fragments de poteries anciennes.
Éclats retouchés en silex grisâtre, gris-bleuâtre, 3
Nucleus obtenu aux dépens d’un caillou quaternaire. 1
Total 4.
La terre à Uytbergen est des plus arides. Aussi, depuis des
temps immémoriaux jusque dans ces dernières années, les
paysans recueillent les plantes aquatiques du Hersbroeck et les
incorporent dans le sol en guise d’engrais. Telle est la raison de
la grande abondance des coquilles fluviatiles qu’on observe
partout à la surface du terrain.
Uytbergen offre un stationnement néolithique faiblement
représenté et une fois de plus nous y constatons l’absence du
quartzite de Wommersom.
Vurste. Hache polie en silex gris-noirâtre avec patine
jaunâtre, montrant les traces de polissage dans le sens de la
longueur et sur la partie médiane. Le tranchant en est légère-
ment ébréché.
— 424 —
Mesures : 123 mill.environ de longueur, 40 mill. environ
de largeur près du trauchaut et 20 mill. de largeur environ
près du talon. Cette pièce a étè trouvée dans une briqueterie
établie dans la vallée de l'Escaut et près du fleuve. Le proprié-
taire de la briqueterie, M" Cordier en a fait cadeau à M" O. Goe-
minne, industriel à Deynze.
__ Wontergem. Côte de surfnce + 10 09: à la limite des
communes de Wontergem et de Vynekt, Mr le sous-lieutenant
Martin, du 1" régiment de ligne, nous a remis un beau grattoir
semi-discoïde en silex gris-noirâtre. À gauche de la chaussée
de Thouraut à Anvers (borne 6) et près de la jonction du Mael-
beek, ruisseau et du Zeverenbeek, autre ruisseau, il existe un
champ à explorer au point de vue préhistorique. La carte
militaire au 1/40,000 porte sur la rive gauche du Maelbeek la
mention d'une rencontre eu 1695.
Zeveren. Station tardenoisienne et néplithique splendide
au point de vue de l’aboudance des outils et de son orieutation
typique. A 400 m. à l'Est de l’église de Zeveren et en rayon-
nant vers le N. E., on trouve un champ avec une pente tournée
yers le S. E., dans la direction de la boucle du Zeverenbeek,
ruisseau. Le sol est constitué par la masse argilo-sablense déjà
signalée au moulin de Deynze. Le terroir ne moutrant pas de
galets, la présence d’un silex taillé se remarque immédiate-
ment.L'endroit est surtout à visiter après une pluie, car la terre
-est meuble. La station nous paraît très étendue et s’éteudrait
depuis Leenwekenhoek jusque de l'autre côté de l’église de
zeveren dans la direction de Kauwenhoek. Outre une quantité
ae racloirs, grattoirs, lames, couteaux, nous avons trouvé des
débris de haches polies en silex de Spiennes, deux pointes de
flèche à tranchant transversal et une poiute tardenoisienue
(burin). Il s’agit ici incontestablement d’une station tardenoi-
sienne avec passage au néolithique. M" le sous-lieutenant
Martin, du Ìr régiment de ligne, nous. a mis à même de la
connaître en soumettant à notre examen quelques outils dont
il svupconnait la nature.
—— 495 —
Nos recherches aux environs de Gand nous permettent de
conclure à des stationnements proprement dits de peuplades
préhistoriques. C’est ainsi que les localités de Zeveren, Deynze,
Saint-Denis-Westrem, Melle et Tronchiennes ont été habitées
par des populations tardenoisiennes et néolithiques.La petitesse
de l'outillage et l’utilisation des silex de Spiennes et d’Obourg
les caractérisent. Chose digne de remarque, nulle part nous
n’avous pu mettre la main sur le moindre éclat en quartzite de
Wommersom.Dans laCampine anversoise et le Limbourg, cette
roche, dans certaines stations tardenoisiennes pures et néoli-
thiques, est parfois représentée par le 1/5 ou le 1/6 de la masse
totale de la récolte. Elle a même servi à faconner des instru-
ments des plus délicats tels que des pointes de tatouage, des
pointes à buriner et ces beaux grattoirs discoïdes qui ne dépas-
sent pas la largeur du pouce.
A Tronchienues, nous avons trouvé une bonne pointe
tardenoisienne (burin) faconnée dans un quartzite landénien
supérieur spécial aux euvirons de Tirlemont. Nous avons ren-
contré la même roche près d Anvers dans uue station tarde-
noisienne néolithique.
Dans ia banlieue gantoise, les outils parfaits sont rares
en comparaison des éclats. La pénurie du silex a amené parfois
l’homme préhistorique à utiliser les cailloux roulés du quater-
naire. D'une façon générale, les stations préindiquées sont
pauvres et il nous a fallu beaucoup de recherches pour recueil-
lir ce que nous présentons ce jour aux membres du Congrès.
Nous en exceptons toutefois celles de Deynze et de Zeveren
qui nous promettent de bonnes trouvailles. Nos devoirs profes-
sionnels, nombreux pendant l'époque où les champs ne sont
pas ensemencés, ne nous ont pas permis une exploration bien
assidue. Nous signalons ces endroits à l'attention d'un de nos
collègues, M" l'abbé Claerhout.
Parfois, après avoir jeté un regard sur les cartes topogra-
phiques à grande échelle dans le but de pouvoir trouver un
point à étudier au point de vue préhistorique, nous avons
dirigé nos pas vers des endroits udmirablement situés et
réunissant toutes les conditions désirables pour un établisse-
ment préhistorique. Nos investigations n'ont pas toujours été
— 426 —
couronnées de succès. À ce sujet, nous citerons deux emplace-
ments qui semblaient réaliser tous les desiderata : le pro-
montoire de Deurle avec la Lys au pied de la colline, et
les champs avec versant tourné vers le Sud entre Gavre et
Dickelvenne.
Les Origines de la Réforme
Constitutionnelle de Gand de 1360-1369,
par Vicror FRIS,
Professeur à l’Athénée royal de Gand.
Depuis la révolte démocratique qui avait renversé le gou-
vernement patricien des XXXIX au lendemain de la bataille
de Courtrai (12 juillet 1302), la commune de Gand avait été
divisée en trois membres, les tisserands, les petits métiers et
les foulons. Vers le milieu du siècle, le premier membre
comprenait 59 petits métiers; les tisserands étaient répartis en
23 quartiers (rijken) et les foulons en 19 quartiers (1).
Chacun de ces membres s’administrait d’une façon auto-
nome. Le beleeder ou opperdeken des métiers était élu pour
deux ans le 14 août, en même temps que l’on renouvelait le
magistrat communal (2). La veille de Pâques Closes, les tisse-
rands nommaient leur doyen, tandis que les foulons élisaient
le leur au 1‘ mai (Meidag) (3). Ces trois divisions du commun
eurent leurs représentants sur les bancs scabinaux et partici-
pèrent ainsi au gouvernement de la commune.
Le métier de la laine, composé en majorité d'ouvriers à
la semaine, élément très remuaut et avide de nouveautés, était
particulièrement hostile aux familles de leurs anciens oppres-
(1) Juzrus VUYLSTEKE, Cartulaire de Gand (Gand, 1900). p. 71, à l’année
1314-1315; la liste des quartiers des tisserands, dans J. HUYTTExS. Recherches
sur les corporations gantoises, p. 39, n. 1; la liste des 59 métiers et des 19
quartiers de foulons, dans N. DE Pauw, Voorgeboden der stad Gent, p. 165-
167, et Rekeningen van Facob van Artevelde, t. LIT, p. 485.
(2, F. DE POTTER, Gent, t. I, p. 443-444. |
(8)N. DE Pauw et J VuyLSsTEkE, De Rekeningen der stad Gent tijdens
Jacob van Artevelde (Gent, 1814), t. 11. p. 388, à l'année 1344; VAN Durse,
Inventaire des chartes de Gand, p. 341, no 951.
— 498 —
seurs, les lignages ou le patriciat, grands propriétaires de
maisons ou patrons drapiers. L'animosité des tisserands s’ac-
crut encore quand ils virent les patriciens, forts de l’appui de
Robert de Béthune qui cherchait à se rapprocher d'eux (1),
tendre à récupérer le pouvoir perdu.
Un soulèvement éclata à Gand, les4 et 11 août 1311, dans
lequel les patriciens furent vaincus; et la plèbe garda Je
pouvoir (s).
Nous n’avons aucune chronique pour nous expliquer
comment s'opéra la chute des tisserands en 1319; tout ce que
nous savons, par un acte de Robert de Béthune du 29 novem-
bre 1319, c’est que les Gantois, au cours d’une émeute, avaient
gravement insulté les deux fils du comte (3). Quoiqu'il en
soit, cette même année les patriciens reprirent en mains les
rênes de l'administration et nommèrent cinq capitaines, à côté
des échevins, pour gouverner la ville (4). Pendant dix-huit
ans, les fils des XXXIX gardèrent l'administration de la
ville, jusqu'en 1337 (5). Sous le gouvernement des cinq capi-
taines, réactionnaires et partisans du comte, de 1319 à 1329 (6),
on n’épargna rien pour vexer les tisserands : en mars 1326,
la ville leur uvait même imposé une taxe hebdomadaire
d'un inghelsche, qui ne prit fiu qu'en 1335 (2); privés d'ail-
(1) Annales Gandenses (61. K. Funck-Brentano , p. 95, 98.
(à) J. Vuxisrexe, Uitleggingen tot de Stadsrekeningen (Gent, 1906),
p. 181-188. J. ne Mevere. Annales Flandriæ (Antverpiæ, 1361), fo 119 re,
date par erreur ces faits de 1313. Cf. Memortebock der stad Ghestt (6d, P.-C.
Van der Meersch, Gert, 1859,, t. L, p. 19; Chronique Tournaisienne, à la suite
de la Chronique Artésienne éd. F. Funck- -Brentano), p. 93.
(3) FR. DE POTTER, Petit Cartulaire, p. 29-30, à rapprocher de
J. VUYLSTERE, Cartulaire, p. 134.
(4) TH. DE LIMBURG-STIRUM, Codex diplomaticus, t. II, p. 837-338; VAN
Duyse, Inventaire, p. 99, n° 302; J. VUYLSTEKE, Cartulaire, t. 1, p. 160,
et suiv.,t. IL, p. 620; Memorieboek, t. I, p. 27; J. DE Sr. GENOIS, fnventaire
des chartes des Comtes de Flandre, p. 992, no 1369.
(SJ. VUYLSTERE, Cartulaire de Gand, pp. 121, 426, 529, 646, 708, 560,
704, 830, 886, 953, 993; N. ve Pauw et J. VUYLSTEKE, Stadrekeningen van
Gent, t. I, p. 38.
(6) J. VUYLSTEKE, Cartulaire de Gand, PP. 134, 250, 329, 388, 397, 498,
566, 642.
CT) J. VUYLSTEKE, Cartulaire, p. 407, ibid., p. 932.
— 499 —
leurs de leurs droits politiques, ils s'étaient vu enlever leur
doyen et imposer des beleeders (1). |
La crise économico-politique de 1337 et la révolution
démocratique de janvier 1338 qui en résulta, supprime du
coup Ìa taxe et fit revenir les tisserands au pouvoir. Durant
tout le gouvernement de Jacques van Artevelde, c'est même
le doyen du métier de la laine qui a le pas sur ses collègues
des petits métiers et des foulons (?). Plus encore, à la suite de
l’écrasement des foulons au Æwaden Maandag (2 mai 1345) (3),
la foulerie (volderij) avait été soumise à deux beleeders et.
avait momentanément perdu son importance dans l’admini-
stration de la ville (4).
Dès l’année suivante pourtant, après l’assassinat du grand
tribun gantois, réupparaît le doyen des foulons à côté de ceux
des deux autres membres (5). Les tisserands faiblissaient.
D'ailleurs, Jacques Van Artevelde incarnait tellement la
politique tisserande (6), que sa mort marquait l’imminence de
la chute politique et sociale du métier de la laine gantois, qui
durant dix ans avait dominé la Flandre entière. Cette chute
fut précipitée par la réconciliation de Bruges (14 septembre
1348) avec le jeune comte Louis de Maele, qui venait de succé-
der à son père (7).
(1) « Die versien ten weveambachte », Cartulaire, p. 951.
(2: 3. VurLsTEKE, Stadsrekeningen tijdens Jacob van Artevelde, t. I, p.
388, t. II, p. 372.
(8) Memoriebock, t. I. p. 59 ; Gitres Li Muisis, Chronica (J.J. DE SMET,
Corpus, t. IN), p. 237; Excellente Cronike van Vlaenderen, ein vo; Kronijk
van Vlaenderen,t I, p. 205.
(4) Stadsrekeningen tijdens Jacob van Artevelde, t. II, p. ais. 476.
(5) Tbid., t. III, pp. 44-45.
(6) Les sergeants gantois commandés par Gilles Rypegheerste à Cassel
en 1316 (N. De Pauw et J. VUYLSTEKE, Stadsrekeningen, t. ILL. pp. 135,
241), sont appelés par le rédacteur brugeois de l’Excellente Cronike van
Vlaenderen, fo lx vo : « dye wevers van Gendt ».
(7) L. GILLIODTS-VAN SEVEREN, Coutumes de Bruges, t. 1, pp. 408-109.
|
— 439 —
Feu Julius Vuylsteke, dans sa remarquable notice sur
le « Goede Disendach » (1), a narré les diverses péripéties
de la lutte à Gand, entre les tisserands et les deux autres
membres, qui aboutit à la défaite complète des ouvriers de la
draperie (13 janvier 1349). De même qu'à Bruges et à Ypres,
où dès leur rentrée, le comte, la noblesse et le patriciat
avaient sévi contre les révolutionnaires avec une réelle rage
{octobre 1348), la répression de la domination des tisserands
fut terrible. Dès le lendemain du sanglant massacre au Marché
du Vendredi, les nouveaux échevins commencèrent par
désarmer leurs adversaires vaincus (2). Cent cinquante ôtages
furent emprisonnés et parmi eux Jean et Jacques van Arte-
velde, fils du grand capitaine. Une foule de membres du
parti déchu furent exilés, dont dix des échevins déposés (3).
Ceux d'entr'eux qui crurent trouver un refuge par delà
l’Escaut, furent poursuivis, à la prière de leurs successeurs,
par le duc de Brabant (4), qui du reste n’était pas resté étran-
ger au meurtre de Van Artevelde (5). D'une foule de tisse-
rands et même de foulons qui s'étaient compromis durant la
révolte, on fit cruelle justice, tant publique que privée (6). Les
biens de plusieurs anciens auxiliaires du tribun, tel que Pierre
van der Asselt (7), furent donnés aux fauteurs de la contre-
(1) Annales du Cercle Historique et Archéologique de Gand (1891), t. I,
p. 30.
(2) En août 1331, on avait fait de même, J. VurLSTEKE, Cartulaire de
Gand, p. 382. N. pe Pauw et J. VUYLSTEKE, Stadrekeningen van Gent,
t. III, pp. 372, 382.
(3) Zbid.,t. IT, pp. 273, 409, 464, 467,
(4) Ibid., p. 371.
5) JEAN FROISSART Chroniques, t. III, p. 317; GIOVANNI ViLLANI, Jstorie
Fiorentine, liv. XII, ch. 46 (dans Muratori, Rerusn Ital. SS ,t. XII, col. 926).
(6) Gives Lr Mussis, Chronica (apud J.J. pe SMET, Corpus Chronicoruns
Flandrta, t.1!-, p. 340; TH DE LIMBURG-STIRUM, Cartulaire de Louis de
Maele, t. 1, p. <99, no CCCXXV: N. DE Pauw et J. VUrLSTEKE, Séadsreke-
ningen, t. III, p. 384.
(7) Memorieboek der stad Ghendt, t. T, pp. 48, 55; échevin en 1840 et
1344 ; J. pe St GENOIS, Inventaire des chartes des Comtes de Flandre, n° 1803,
p. 507. :
— 43] —
»
révolution, comme Jean Yoens (r) et Simon Serthomaes (2).
Une taxe onéreuse fut imposée aux adhérents principaux de
la politique révolutionnaire (3); on frappa particulièrement les
veuves de Jacques van Artevelde et de Gelnoot van Leyns,
pon moins que Guillaume van Vaernewijc, l’un des capitaines
qui s'était particulièrement distingué durant cette longue
révolte (4).
Parmi les ôtages, Willem van Huusse, Thomas van
Vaernewijc, Willem van Artevelde et les deux fils précités
du tribun gantois furent fortement imposés (s). De plus, la
composition légale, acquittée en 1341 par le trésor munici-
pal (6), pour le meurtre du chevalier Foucard Uter Rosen,
commis par leur père en 1338 (1), les fils de Jacques van
Artevelde durent la rembourser à la ville (8).
Quoique le Comte eût ordonné, par décret du 10 février
1349, de restituer aux gens de Gand les biens qu’il avait
(1) Receveur le 18 janvier 1349 (N. DE Pauw et J. VUYLSTERE, Stadsre-
keningen, t. IUI, p. 327), deuxième échevin de la keure en 1350 (Memorieboek,
t. I, p. 67); plus tard, il reçut encore vingt livres de gros par an; le comte
l'appelle « onsen gheminden vrient » dans sa lettre du 12 février 1350,
TH. DE LIMBURG-STIRUM, Cartulairede Louis de Maele, t. I,p. 160;t II, p. 21.
(2) Le 2 octobre 1349, il reçut une partie des biens de la dame de Halen,
veuve de Simon de Mirabello, sœur bâtarde du Comte, Cartulaire de Louis
de Maele, t. I, pp. 83, 390.
(3) Stadsrekeningen, t. III, pp. 306-344.
(4 Ibid., pp. 343, 344 et 341. J. Vuyisrere, De Goede Disendach,
p. 35, a spirituellement relevé la bévue de Kervijn de Lettenhove, Jacques
d’ Artevelde (1863, 2° édition), p. 114, qui a pris cette taxe pour un don patrio-
tique de la veuve du tribun gantois, et a entraîné dans son erreur le peintre
Pauwels et le poète J. de Geyter.
(5) Pour des sommes variant entre 100 et 30 livres, N. DE Pauw et
J. VUYLSTEKE, Stadsrekeningen, t. III, pp. 409-410, 464-467; cf. la quittance
délivrée aux habitants de Gand (11 février 1350) de la somme de 20 liv. de
gros dues à R. de Poucke sur la taxation à laquelle avaient été soumis les
héritiers de J, van Artevelde. TH, DE LIMBURG-STIRUM, Cartulaire de Louis
de Maele, t. I, p.279.
(6: N. DE Pauw et J. VUYLSTEKE, Stadsrekeningen, t. III, pp. 115 et 143.
(7) Cronike Van Vlaenderen, MS. de la Bibliothèque de Bruges, no 437,
fo 159 ro, traduit par J. de Meyere, Annales Flandria, f 138; cf. F. De
POTTER, Petit Cartulaire de Gand (Gand, 1888), p. 41-43.
(8) N. DE Pauw et J. VUYLSTEKE, Siadsrekeningen, t. IIT, p.40.
— 432 —
confisqués sur eux (1), et défendu (afin d’apaiser l’efferves-
ceuce des esprits) à ses officiers de les retenir (2), les violences
contre le parti vaincu ont certainement continué contre les
anciens rebelles, particulièrement dans la châtellenie : de
mauvais traitements, tels que ceux infligés par Alard d'Es-
pierres, entr'autres à un messager de la ville de Courtrai (3),
n'ont pas dû rester isolés.
«+
Nous nous sommes laissé entrainer un instant par le
récit des événements politiques de cette période. Revenons aux
modifications de la Constitution municipale gantoise.
Lorsqu’en 1338, les amis de Van Artevelde conquirent
les bancs de l’échevinat, les partisans de la politique franco-
comtale et patricienne, — Salomon et Jean Borluut, Baudouin
et Sander Rijm, Liévin et Gelnoot Damman, Henri et Everdey
de Grutere, Jéan Jours, Jean Speliaert, Jean Zoetamijs, Gee-
rolf Bette, Jean van Wiendeke, Hugues van Lembeke, Gilles
de Tollenere, Philippe van Audenaerde (4), — en un mot, toute
cette coterie d’udministrateurs qui s'étaient partagé le pouvoir
durant vingt-cinq ans, avaient été précipités de leur siège, et
remplacés par des hommes entièrement étrangers à l’admini-
stration, tels que Henri Goethals, Gilles Rijnvisch, Baudouin
uten Meerham, Gilles de Contersvoorde, Liévin van Vuerne,
Guillaume van Coudenbrouc, Jean van Bost, Michel van West,
Guillaume de Meersman, Jacques et Baudouin Rugghestul,
Pierre Dulhuuset Liévin Bruunpere (3). Pendant dix ans, ceux-
ci occupèrent par intervalles le gouvernement de la ville. Mais,
chose curieuse, et dont nous n'avons pu détermiuer la cause,
en 1348 les derniers magistrats de l'époque tisseraude étaient
(1) TH DE LiMBURG-STIRUM, Cartulaire, t. I, p. 22.
«(2 «bid., t. I. p. 26, lettres du 3 mars 1349; cf. J. VurLSTEKE, De Goede
Disendach (dans les Annales de notre société, t. I), p. 40, note 1.
(3) La sentence du 15 juillet 1349, dans TH. vz, LIMBURG-STIRUM, Cartue
laire de Louis de Maele, t. 1, p. 218.
(4) Memorieboek der stad Ghendt, t. I, pp. 41-45, aux années 1335, 1386,
1337.
(5) 1bid., pp. 46-£9, aux années 1338-1347.
— 433 —
tous des hommes nouveaux (1), à l'exception du premier éche-
vin Liévin van Vuerne (2), de Liévin van Wettere (3) et de
Jean van Loo (4). |
Le 14 janvier 1349, aulendemain du « Goede Disendach »,
Liévin van Vuerne et ses collègues furent remplacés par les
patriciens alliés du comte et par des membres de la foulerie et
des petits métiers mécontents. Les 'sheerenkiesers Gilles Rijn-
visch et Jean Yoens, qui six mois plus tard siégèrent en qualité
des deux premiers échevins, et les stedekiesers Jean Breethuert
et Francois Soetaert, quatre partisans du comte, appelèrent
sur les bancs échevinaux plusieurs des hommes tombés en
1337 (s), tels que Everdey et Henri de Grutere, Jean Jours,
Geerolf Bette, Jean et Salomon Borluut, Jacques Rijnvisch,
Jean van Wiendeke, Henri de Pape, Jean Speliaert, Sander
et Jordan Sersanders, Guillaume van den Pitte, Simon Ser-
thomaes, Philippe van Audenaerde, Hugues van Lembeke,
Jeanet Liévin Damman, Henriet Sohier Boele (6). Ces représen-
tants des grandes familles gantoises occupèrent tour à tour le
pouvoir, se partageant toutes les administrations, et s’ad-
joignant du reste des hommes inconnus, tirés des deux mem-
bres inférieurs. Plusieurs de ces derniers parvinrent pourtant à
une carrière administrative durant ies dix ans du régime du
« Goede Disendach », tels, par exemple, les foulons Jean van den
Keerchove, Pierre de Brune, Pierre van den Bossche, Jean van
Meeren, Jean: Diederix, Jean de Pape; puis Gilles de Curte,
Simon Metter Scapen, Henri de Peystere, Jacques Parijs,
(1) Memorieboek, t. I, p. 63, premier échevinage de 1348; les données sur
les magistrats sont le fruit d'études comparatives sur les listes d’échevins,
recherches qui n’ont pas toujours donné ce qu'on en attendait,
(21 Ibid., t. I, pp. 46, 52, 58, 63, échevin de la keure en 1338, 1342, 1318,
des parchons en 1345.
(3) Zbid., pp. 45, 48, 63, échevin en 1337, 1339, 1348.
(4) Ibid., pp. 51, 63,50. 73, échevin en 1341, 13148; nous ne croyons pas
qu'en 1351, 53, ce soit le même, car il y a deux Jean van Loo. .
(5) Ibid., p. 66.
(6) Zbid., t. I, pp. 35 à 47, entre 1325 et 1337. On les retrouve ensuite
des. pp. 66 à 79, des années 1318 à 1358. Aj. N. DE Pauw et J, VUYLSTEKE,
Stadsrekeningen, t. 1], p. 327.
23
-- 434 —
Jacques de Puur, Jean Coevoet, Jean van Calckene, Jean van
Waelputte et Gossuin van Hoorebeke (1).
Nous avons vu que, sous le gouvernement révolution-
paire, les trois membres de la ville avaient été les tisserands,
les foulons ei les petits métiers (2). Désormais, ce furent les
doyens des foulons, des petits métiers et des patriciens qui
partagèrent avec les échevins l’administration de la cité (3). Le
métier de la laiue u’eut plus que deux beleeders, « die versien
ten wolambachte », imposés par les magistrats, l’un sans
doute pris dans la foulerie et l'autre dans les petits métiers (4).
Donc, les tisserands cessèrent de former un membre de la cité.
Réduits à l’état d'ilotes, ils furent à nouveau soumis au wevers-
geld, qui fut élevé cette fois à douze mites par semaine, soit un
demi-denier de gros (3); cette taxe onéreuse pesait lourdement
sur le métier de la laine. Et pour bien marquer leur triomphe,
les nouveaux gouvernants mirent le Goede Disendach au rang
des fêtes communales (6).
Une série de voorgeboden furent édictés contre les tisse-
rands, les uns plus vexatoires que les autres. Tout d’abord on
(1) Memorieboek, pp, 65-19; ces indicutions ont été complétées par des
recherches dans les Staten van goederen, aux archives de la ville de Gand;
les plus riches foulons de cette époque sont : Simon Borluut, Pierre De
Brune, Jean van der Hage, Jean Pape, Jean van West, Guillaume Boele,
Guillaume van Munte, les dovens Jean Diedericx et Pierre van den Bossche,
Jean van den Kerckhove, Jean van Meeren, Baudouin de Grutere, Jean van
Liedekerke et Jean Goethals.
(2, N. DE Pauw et J. VUYLSTEKE, Stadsrekeningen, t. I, p.275 (année
1338), p. 388 (année 1339,; t. II, p. 24 (année 1810), p. 372 (anrée 1844),
pp. 475476 (année 1345) ; t. 111, p. 44 (année 1846), p. 2C0'(année 1347),
pp. 298-299 (commencement de l'année 1348).
(3) Stadsrekeningen, t 1[1, pp. 3:8-359, 392393, deuxième compte de
année 1348; p.412, année 1349, Gilles de Tolneere. doven des petits métiers ;
Jean Brebaert, doyen des foulons; Nicolas de Joughe, doyen de ia poorterij.
(4) Ibid, t. HI, p. 393.
(5) Ibid., t. III, p. 345, à l'année 1318; p. 4US, à l'année 1349 ; on le
percut jusqu’en 1309, Comptes communaux de Gand de 1338-59, fo 9 ro,
(6) Stadsrekeningen, t. 11], p, 441, à l'année 1349; Comptes communaux
de Gand de 1358-59, fo 30 vo: « Item Persemiere ende sinen gesellen die
trompten ende bliesen in Alreheleghendaghe, 's margins in Kerstendaghe,
‘s dicendaghes na Dertiendashe :6 Januari) ».
— 435 —
leur défendit strictement le port des armes, et cet édit fut
fréquemment renouvelé (r).
Beaucoup de tisserands avuient tâché de se soustraire par
Ja fuite à cet état d’humiliation ; d’autres avaient essayé de
gagner leur pain en s’exerçant à quelqu’autre occupation. Le
29 novembre 1349, on publia l’édit suivant: « Qu'aucun tisse-
rand ne s’entremette de faire autre métier que de tisser ; le
contrevenant sera banni pour trois ans » (2), peine portée plus
tard à cinquante ans. Huit jours après, l’échevinage ordonna :
« Que tous ceux qui sont tisserands et ont quitté la ville,
qu'ils retournent à Gand en déans les huit jours pour y exercer
leur métier. Le contrevenant sera banni de la Flandre pour
dix ans. De plus, tout tisserand pourra commencer à tisser si-
tôt qu'il le voudra et cesser son travail si tard qu'il lui plaira,
sans encourir d'amende » (3). Le magistrat défendit le
13 décembre « d’apporter ou de vendre du drap à Gand, s’il
n'est tissé et foulé dans la ville, ou même d'en faire des habits,
sur de furtes peines » (4). Il fut même prohibé « à trois tisse-
rands de s’assembler ou de se rendre en un même endroit; qui
les trouverait réunis pourrait leur enlever leur vêtement supé-
rieur et le garder pour lui » (s).
Une telle situation, qui allait à l’encontre de l’organi-
sation sociale et économique de la cité, ne pouvait perdurer.
On peut établir par un calcul très simple qu'en 1330, la ville
de Gand possédait au moins 2,300 tisserands (6); en appliquant
ce calcul au werersgeld de 1349, on ne trouve plus, il est vrai,
que 1,314 hommes « die men vant wevende » (7), mais on a vu
(1) N. pe Pauw, Voorgeboden der stad Gent, pp. 41, 51, 52, 53, 65.
(2) Voorgeboden, p. 42; répété le 6 janv. et le 6 juillet 1350, pp. 45 et 53,
(8: Ibid., p. 43, le 6 décembre 1349.
(4) Ibid., p. 44, le 13 décembre 1319; ajoutez-y l'édit du 14 juin 1350,
qui défend l'importation de la laine pour filer et peigner chez soi, à moins
qu'on ne Ja foulât et la tissât en ville, p. 51.
(5) Ibid., p. 53.
(6) J. VuyzsrTexe, Cartulaire de Gand, pp. 633, 733, 814, 864; avec les
huits petits métiers qui en dépendaient leur nombre était de plus de 4,500
en l'anuée 1845; Stadsrekeningen van Gent, t. II, p. 526, note 1.
(7) Ibid, t. III, p. 408; nous avons fait une erreur de calcul dans notre
évaluation de la population gantoise au n° 189, p. 139, de la Bibliographie
de l'Histoire de Gand (Gand, 1907).
— 436 —
par les Voorgeboden cités plus haut, combien d'individus
tâchaient de renoncer an métier de la laine. La fowlerie,
dans sa plus grande expansion en 1356, lorsqu'elle se fut
adjoint les scerres, les strikers, les vouders, les Auutslaghers,
les ghereeders et les lakenboeters, n'arrive qu'au chiffre de
1,715 à 1900 hommes valides (1).
Mais, outre la supériorité numérique indéniable des
tisserands, en temps normaux, sur les foulons, il faut tenir
compte de leur ascendant sur ces derniers au point de vue de
l'organisation du travail (2). Le tisserand est un artisan, dont
le métier exige un long apprentissage, en vue de l'acquisition
de certaines connaissances techniques et d'une habilité pra-
tique ; le foulon, par contre, est un vulgaire mauœuvre, ache-
vant simplement le travail du tisserand, en donnant au drap
la souplesse et le lustre qui lui manquaient. La suprématie des
foulons sur les tisserands était douc chose factice et anormale.
C’est donc en fait par la coalition des cinq mille membres
des petits métiers et du nouveau membre de la poorterij que
les tisserands étaient maintenus dans l’obéissance. Mais com-
ment avait-on recruté cette poorterij? Parmi ses membres,
on compte, comme avant 1337, des descendants des anciens
lignages parmi lesquels se recrutaient les XXXIX, puis d’an-
ciensartisans enrichis devenus propriétaires fonciers, de grands
drapiers fournissant du travail aux tisserands comme aux
foulons, peut-être même des ex-courtiers. L'alliance de ces
capitalistes avec les deux corps ouvriers ne pouvait que tour-
ner à leur plus grand profit.
(1) Comptes Communaux de Gand de 1356-57, fo 155 et fo 159 : voyez N. DE
PaAuw, Voorgeboden der stad Gent, p. 165. La liste des membres valides des
59 petits métiers (Comptes Communaux de 1356-57, fo 153 vo et 154 r°, impri-
mée par N. DE Pauw, loco citato, pp. 165-167), s'élève d'après N. ne Pauw,
à 4,834 hommes; elle a été corrigée par J. VUYLSTEKE, Rekeningen der Stad
Gent onder Philips van Artevelde, p. 525, n. 1, qui trouve 4,959 hommes:
les Comptes Communaux de 1356, fo 159, donnent 5237 membres des petits
métiers. Avant 1349, les six métiers « volghende der volrie » Cépendaient
des tisserar.ds, Stadsrekeningen, t. Il, p 526, n. 1.
(2) Cf. J. HUYxTTENS, Recherches sur les Corporations Gantoises, pp. 34-39,
189 et suivantes.
— 437 —
Rien de plus naturel que les tisserands aient cherché à
secouer le joug si dur qui pesait sur eux.
*
* *
Nous avons vu que la soumission de Gand n'avait nulle-
ment pacifié le pays, par suite du grand mouvement réac-
tionnaire, patricien et aristocratique, qu'atteste le Recueil des
Décrets de Louis de Maeie. A Ypres, le comte dut envoyer
des membres de son Conseil pour apaiser toutes les dissen-
sions et discordes survenues depuis douze ans (1). À Gand, le
comte nomma Jacques de Hemsrode, châteluin et garde du
*s Gravensteen, sans doute pour maintenir la ville dans l’obéis-
sance avec quelques troupes (2). Il fit rentrer une foule de ban- _
nis de l’ancien régime (3), et par contre, il ordonna à ses baillis
de saisir et justicier toute personne bannie par le magistrat de
Gand, qui rentrerait en Flandre sans être reconciliée avec la
partie ud verse et sans le consentement préalable des échevins(4).
Le 1 août, le comte ordonna une vaste enquête dans
toute la Flandre au sujet des troubles (35). A Audenarde (6), le
chevalier Louis Cooeman fut banni, sans doute à cause de ses
relations avec les anciens rebelles (1). A Bruges, quatre cent
soixante quatre individus furent bannis de la Flandre à perpé-
tuité comme coupables de s’être montrés trop favorables à
l’Angleterre (8). Pour s'assurer de la fidélité du magistrat
(1) Ta. DE LiMBURG -STIRUM, Cartulaire de Louis de Maele, t. I, P. 40,
Lettres données à Audenarde, le 10 février 1819.
(2) Cariulaire de Louis de Maele, t. 1, p. 74, Lettres du 11 juillet 1350,
Maele.
(8) Ibid, passim.
(4) GrEELDOLF, Coutumes, t. 1, pp. 520-521, Lettres du 3 août 1851.
(5) Diemcx, Mémoires sur les Lois des Gantois, t. I, p. 68, Ordonnance
d’une enquête en Flandre; TH. DE LIMBURG-STIRUM, Cartulaire de Louis de
Maele, t. I, p. 78, Lettres de non-préjudice accordées à la ville de Gand au
aujet de l' ordonnance de l'enquête générale, 5 août 1349, Gand.
(6) Ibid, t. I, p. 385, Lettres du 21 Septembre 1851, Audenarde.
(1) Il fut rappelé de ban en Juillet 1356. Cartulaire, t. I, p. 550.
(8) GILLIODTS-VAN SEVEREN, Inventaire de la ville de Bruges, t. II, p. 9,
n° 497, Lettres du 5 octobre 1351 ; dès le 25 septembre 1351, Eduard III
avait ordonné de bien recevoir en Angleterre, tous les bannis de Flandre,
Ryruee, Fœdera, t. III, 1° p., p. 74.
— 438 —
Yprois, quatre électeurs du prince furent désormais adjoints
aux prud'hommes bourgeois pour le renouvellement de la
loi (1).
Pourtant, à la demande des villes de Flandre, le comte
dut envoyer une commission spéciale à Courtrai, où les violen-
ces du seigneur d'Espierres et de son beau-frère d’Halewijn
ne connaissaient plus de bornes. Les délégués enquêteurs
prononcèrent contre eux la peiue de mort (2) : Alard d’Espier-
res et Wautier d'Halewijn furent décapités la veille de la
Noël 1351 (3). Beaucoup d’autres chevaliers et nobles furent
exilés de la Flandre.
Au retour de l'exécution de Courtrai, les échevins de
Gand (+) furent assaillis à Vijve St. Bavon par un parent des
sires exécutés, le chevalier Gérard de Steenhuize ; deux éche-
vins de la Keure, Simon Boele et Otton van Gheetscure, furent
tués; mais le meurtrier paya cette odieuse violation de la paix
de la destruction de son château (5).
D'autres difficultés s'élévèrent vers la mi-décembre 1352
aux environs de Gand, mais leur nature nous échappe (6). Tout
(1) A. VAN DEN PEEREBOOM, Ypriana, t. VII, p. 115, en 1352. — Un docu-
ment non daté aux Archives de la Flandre Orientale semble contenir une
Liste de [tisserands gantois ?] 290 individus qui ont fait leur soumission au
comte et qui ont juré de ne plusse rebeller contre le comte et la loi de Gand.
(2) Cartulaire, t. 11, p. :95, n° 1,223, Sentence du 29 Novembre 1351,
Deinze; cf. Gizces Li Mursis, p. 415.
(3) Cartulaire, t. 1, p. 398, n° 450, Lettres de Louis de Maele se portant
garant pour les gens de Courtrai qui ont été à l'enquête contre les seigneurs
de Halewijn et d’Espierres, 4 janvier 13:2, Bruges; cf. Excellente Cronike
van Vlaenderen, fo 63 r°.
(4) Cartulaire, t. 1, p. 397, n° 449, Lettres du 4 janvier 1852, Bruges, de
même contenu que les précédentes pour les échevins de Gand dont les noms
sont cités.
(5) Gizces Li Muisis, p. 415; GreLvoLr, Coutumes de Gand, t. I,
pp. 522-523 : Jugement prononcé par les échevins de Gand ordonnant l'ar-
sin des maisons de Gérard, seigneur de Steenhuize et de ses complices,
avec la confiscation de tous leurs biens, pour crime commis contre Solier
Boele et Otton van Gheetscure; cf. #b#d., p. 529, et Cartulaire de Louis de
Maele, t. 1, p. 423.
(6) Comptes Communaux de Gand, de 1352 1353, fo 234 vo : « Dit es den
cost die ghedaen was doe men de kerke be!eide te Wondelghem, in S Ni-
chasis daghe, deer inne lach Hugo vsnden Zomple, Ghenin sijn broeder,
Annekin van der Bils ende Boidin gijn broeder ».
— 439 —
cela malgré l'ordonnance d’une nouvelle enquête générale con-
venue à Bruges entre le comte et ses villes, le 1 Juin 1352 (1).
Rien d'étonnant à ce que les tisserands aient cherché à
profiter de ces troubles pour reprendre leur rang ancien.
*
* *
On sait que le doyen des tisserands était habituellement
élu la veille de Pâques Closes (2). Le métier de la laine essaya-
t-il en mars 1353 d'obtenir à nouveau un doyen? Toujours
est-il que des troubles s'élevèrent le lundi de Pâques et le
jeudi suivant (29 mars) (3). Les tisserands se réunirent en
armes’à trois places afin de tuer les magistrats et les doyens,
mais ceux-ci prévenus, leur résistèrent et en firent arrêter un
certain nombre. Plusieurs furent exécutés ; mais les rebelles
étaient tellement nombreux que le comte, de peur des torts
incessants causés au pays par les bannis, se contenta d'un
serment général de fidélité (4). Des soupçons de participation
à l’émeute planèrent sur le chef-doyen des métiers, le meunier
Lambert van Tideghem (5), mais celui-ci fit déclarer par les
échevins devant le comte et la commune que c'était lui au con-
traire qui avait prévenu le magistrat du complot (6). Croyant
la ville en repos, Louis partit pour Deinze pour arbitrer la paix
(l) DIEGERICK, Inventaire, t. II, p. 155-156.
(2) N. ve Pauw et J. VUYLSTERKE, Rekeningen der stad Gent, t. I, p.388;
Comptes Communaux de Gand de 1147 à 1448, f° 895 ve (publiés dans Dagboek
van Gent, éd. Fris, t. I, p. 36, n. 4).
(3) Comptes Communaux de Gand de 1352-1358, f° 224 vo; « Item, van
perdebure die men omme reet metten trompette 's maendachs in Paescdaghe
ende donresdaghs doe men ghewapent was ende ’s nacht den roep te voer-
ne III 1b.X sc. >.
(4) Cartulaire de Louis de Maele, t. I, p. 421, Lettres du 8 avril 1353,
Gand.
(5) Electeur de la ville en août 1352 (Comptes Communaux de Gand de
1352-53, f° 237 ro), il avait nommé échevin de la keure son parent Jean de
Tideghem (Memorieboek der stad Ghendt, t. I, p.72; Comptes Communaux de
Gand de 1352-53, fo 219 ro).
(6, Cartulaire de Louis de Maele,t. I, p. 422, Lettres de rémission à
Lambert de Tideghem, 8 avril 1353, Gand.
— 440 —
entre les échevins gantois et les parents du sire de Steen-
huize (1). Mais il apprit bientôt que les esprits étaient loin
d'être calmés à Gand. Le comte y revint donc le jour de St.
Georges (23 avril) (2).
Or, déjà le métier de la laine, uni à celui des meuniers,
avait pris les armes et descendait du Galgenberg au Marché
aux Grains (3). Les tisserands réclanaient à grands cris la
suppression de la taxe hebdomedaire qui pesait sur eux. Louis
de Maele, entouré de ses nobles et assisté des échevins Simon
Serthomaes (4), Philips van Audenaarde, Giselbert Polleyn et
d'autres, quitta l'Hôtel de Ville et marcha à leur rencontre.
Dès que le comte et sa suite débouchèrent sur la place, tout
ce peuple cria : « À bas les douze mites! » (5). La bannière
du prince flottait déployée devant lui, mais Louis n'étant
point revêtu comme à l'ordinaire de sa cotte d’armes, le
commun ne le reconnut pas, ce qui faillit lui coùter cher. Car
un meunier ne sachant qui il était, se lança sur lui, essayant
de le frapper; il ne put que blesser grièvement au geuou
et au pied un homme du peuple quise jeta entr'eux deux.
L'alarme courut que le prince était percé du coups. Aussi
comme les nobles et les magistrats criaient : « Sauvez le
prince! », le peuple effrayé de sa propre audace prit la fuite.
De nombreux tisserands et meuuiers furent arrêtés et empri-
(1) Ibid., t: 1, p. 428, et GreLpoLr, Coutumes de Gand, t. I, p. 528; le
comte était le 16 avril à Deinze.
(2) Comptes Communaux de Gand de 1352 53, fo 224 vo: « Item Jacob
Tiendewaghe voer ’s dicendaghs voer St. Marxdach (23 avril) jeghen minen
heere van Vlaenderen »
(3) KERVIJN DE LETTENHUVE, Histoire de Flandre (le édit., Gand, 1847),
t. III, p. 371, dit quelques mots vagues de ces évéuements; L. VAN DER
KiINDERE, Lestècle des Artevelde (Bruxelles 1879), p. 140, les passe sous silence,
(4) Memorieboek der stadt Ghendt, t. 1, p. 72.
(5) lbid.,t. I, p. 73: « Item, in dit jaer ende schependom op Sente
Joorisdach was eene groote wapeninghete Ghent op den Coorenaert, daer
* volc zeer liep ende riep de XIII schepenen af ». — « Item in dit jaer op
Sint Jooris lach was de groete wapeninghe up de Coorenaert ende men riep
of de XN initen van den gentsclhie biere ». Je crois qu'il faut combiner avec
ces textes, l’annotation de l’année 1353-24, p. 34 : « Lieu, in dit jaer qunmen
te Ghent ter Mudepoorte inne XL bullinghen ende was op Sente Gregorius-
nacht ».
— 441 —
sonnés, beaucoup d’entr’eux furent bannis, d’autres enfin con-
damnés à de fortes amendes (rj.
Cette fois le principal meneur avait été réellement lé
doyen des petits métiers, Lambert van Tideghem, pourtant
gracié quinze jours auparavant. Il fut démis de ses fonc-
tions (2), banni, et remplacé par le courtier Gilles Seyssone (3).
Au reste, la ville avait, dès le lendemain de l’émeute, envoyé
un messager à la comtesse, pour apaiser ses appréhensions et
la rassurer sur le sorte du comte (4).
Louis de Maele resta à Gand (3) pour enquêter sur les
émeutiers. Puis en juin, comme il se trouvait à Grammont (6),
une nouvelle « trahison » éclata à Gand, dont nous connais-
sons l’auteur, un certain Pierre Oste, mais dont les détails
(1) Tous ces faits d'après la source inédite Cronike van Vlaenderen,
Mavuscrit 437 de Bruges, fo 201, de JACQUES DE MEYERE (+ 1552), Commen-
larit sive Annales Flandria, publiés par A.de Meyere (Antw., 1561), fo 156 vo;
retraduite par N. Despars (+ 1597), Cronijcke van den lande ende graefscepe
van Vlaenderen, 61. J. DE JONGHE (Bruges, 1840, t. Il, p. 431. Chose
curieuse, à la dute du 24 avril 1353, VEREKCKE, Histoire militaire de la ville
d'Ypres (Ypres, 1858, p. 31, mentionne ur.e lutte terrible livrée en cette
ville entre les tisserands et les foulors.
(2) Comptes communaux de Gand de 1352-53, f 216 ro : « Item, den here
Lambrechte van Thideghem, deken ende beleedre van den cleenen nerrin-
ghen van der stede, van sinen pensioenen van den jare V scilde, maken
IX scell. IL den. gr., van den taflen van der vischmaerct. Item, sondaeghs
naer St. Dyoniisdagh, XXII scilde, maken XL scell. III gr. Item, in
St. Nicasiis avonde XXIII scilde. Item, XIX oude scilde, maken XL gr.
III inghelsche. Item, XL sc. gr., XV daghe in April. Item, III scilde per
Symoen Serthomaes, dat comt al VIII lib. XIX sc. gr. III ing. dat was tote
's wondaeghs op St. Marxavont, dat hi ghebannen waert. »
(3) Ibid. fe 216 ro : « Ende up den zelven St. Marxavond was ghemaect
deken van clenen nerringhen der Gillis Zeyszone, gheleent up syn pensioen
XXVI flor, stie XVIII gr. Il inghelsche, maken XL sc. V d. gr. 1 ing.
*s vrindae,rs XIII daghe in wedemaend ». Son frère, Jean Seyssone, était
échevin, bid, fe 220 ve.
(4) Ibid., f° 224 vo : « Item, Jan van den Casteele die voer an miere
vrouwen van Vlaenderen metten botscepen van dat gheviel up den Core-
nard ’s wondaeghs up St. Marxavond III lib. ».
(5) Cartulaire de Louis de Maele, t. 1, p. 428, il était à Gand le 6 mai
1353 pour règler la succession de Simon de Mirabello, dit de Halen.
(6) Cartulaire, t. I, pp. 431-433, 5 et 6 Juin.
— 442 —
nous échappent (1). Toujours est-il que nous voyons les éche-
vins poursuivre les exécutions jusqu'après l’août de 1353 (2).
Un guet de plus de cent personnes fut institué durant
. l’élection scabinale en août 1353 sous la direction des deux
doyens, Gilles Seyssone des petits métiers et Jean Diederix des
foulons, des receveurs et des échevins (3). Le 10 novembre,
on renouvela l’édit contre les tisserands d’après lequel ils ne
pouvaient plus tisser que sur deux métiers, et quelques jours
plus tard, on défeudit le port de toute arme (4).
A la lutte entre les foulons et les tisserands, la tradition
a rattaché la veete entre les Rijm et les Alijn (s) qui ensan-
(1) Comptes communaux de Gand de 1352-58, fo 225 r° : « Item, Jan
Driege voer ’s donresdaeghs up St. Godewaledach (6 Juin) te Brugghe, ende
voert te Ypre au miere vrouwen van Vlaenderen. » — « Item, Jan van den
Casteele te Gheroudsberghe up den selven dach un minen heere van Vluen-
deren, omme te latene wetene de verranesge van Pieter Osten ».
(2) Comptes communaux de 1353 54. f° 32 re : « Item, ghaven sy (de ontfan-
ghers) Claise den Grave, Gherem Brunpere, Jan Erpine ende Jan de Blau-
were XL Ib. van dat-sy vinghen Jan van der Looven ende Lievin van der
Lede, daer justicie af ghedaen was »; on décapita aussi Zegher van
Mendonc, Jan de Backere, Coppin van der Balcolnns.
(3) Comptes communaux de Gand de 13593 54, fo 29 ro et vo : « Item, den
aweyters die wieken verjare voer alf oost van hare achter tellen eer sy
verlaten waren, dat was ’s wonsdaghes voer St. Laureinsdach tote 's wons-
daghes ’s marghins naer Onser Vrouwendach alf oost dat waren XIII
nachte, dat waren Ser Gillis Zeyszonensenapen XIJ, een ontdeckere, van
Ser Jan Diedericx VIIJ cnapen, den V ontfanghers elc iiij cnapen elc onder
hemlieden V garsoene, Symoen Serthomaes V cnapen, Jan Seride I cnape
ende uten prochien XXXVII. » Hetzelfde voor Jan van Maldeghem met
18 gezellen, en den « coninc van den ribauden ende sine IX ghesellen »,
Ibid., fo 29 vo : « Item was gheordinerd dat waken zoude een nieuwe aweit
ende die begonsten te wakene haren eersten nacht 's wonslaghes 's avonts
naer Onser Vrouwendach alf Oust dat waren van Ser Gillys Zeyszones
cnapen XVIIJ, van Ser Jan Diederiexs X1J, van den V ontfanghers X, van
Jacop Parisijs [, van St. Baves II, dat waren sy XLIII 's nachts, liep elke
nacht VII se. IL d. gr , dat quam d'eerste maend die ute ghinc 's wonsdaghes
voer St Matheusdach X lb. VIII d. gr., maken SCCC Ib XXVJ se. VEI d. »
Cela dura toute l'année, et fut continué en 1854-55, voir Comptes, fis 58
et 59.
(4) N. DE Pauw, De Voorgeboden der stad Gent, pp. 63 et 65.
(5) Ces faits ont été exposés par J. pr ST-GENOIS, Origine de l'hospice
Sainte-Catherine, dit kinderen Alyn's hospitael, à Gand (dans le Messager des
Sciences historiques, 1850, pp. 98-138, ; voir surtout, p 99.
— 443 —
glanta Gand, en mars 1354; mais les pièces du procès ne nous
permettent point de rattacher ces meurtres avec certitude à
cette grande discorde sociale (1).
*
% *
La guerre de Louis de Maele contre le Brabant vint
heureusement offrir au comte une diversion aux difficultés
intérieures (2). Il fit appel aux milices communales; et dès le
18 juin 1356 (3), Gand mit sur pied 7486 hommes, dont 5237
fournis par les petits métiers et 1900 par la foulerie (4). Les
tisserands ne participèrent point à l’expédition, mais furent
contraints de fournir « une aide », c. à d. de contribuer aux
frais de l’expédition.
Lors de la première invasion dans le Brabant (20 au 24
juin), les tisserands durent payer une contribution de 103 liv.
6 ex. 8 den. gr. (s). Et ils payèrent encore la même somme
lors de la seconde invasion, deux mois plus tard (St. Laureins-
avond, 9 août 1356 et suiv.) (6). Durant cette expédition, ils
(1) HENRI ALYN avait été échevin en 1348 et 1351, Memorteboek, t. I,
pp. 66 et 70; Gossuin Rijm, son meurtrier, était échevin en 1350 et 1353,
ibid, t. 1, pp. 69 et 73.
(2) Voyez snr cette guerre, JEAN LE BEL, Chroniques (éd. L. Polain),
ch. 42-44, pp. 208-222; Brabantsche Yeesten (éd. J.-K. Willems, t. VI,
ch. XIU-XIX, t. II, pp. 43-23; Chronicon Breve Clerict Anonymi (éd. J.-J. de
Smet, Corpus, t. II, pp. 25-30; E. De Dynter, Chronicon ducum Brabantia
(éd. F. de Rum), t. LILI, pp. 23-39; Gesta abbatum Trudonensium, in Mon. Germ.
Historica, t. X, p. 436; Matteo Villani, ap. Muratori, Scriptores rerum
Italtac., t. XIV, col. 399-102. Cf A. HENNE et A. WAUTERS. Histoire de la
ville de Bruxelles, t. 1, pp. 115-12i ; A. Goovaerts, La flotte de Louis de
Maele devant Anvers en 1356, dans les Bullet. de la Comm. Royale d'Histoire,
4e série, t XLIL (1886), pp. 33-58. Nous ne citons pas le mémoire vieilli de
J.-J, DE SMET.
(3) Comptes Communaux de Gand de 1355-56, ftis 105 ro-1(9 v>: « Ute-
gheven van den Orloghe in Brabaut ».
(4) Comptes de 1356-57, fie 158 vo, 159 ro, 155 vo.
5, Comptes Communaux de 1855-1356, fo 107 ro et 79 vo,
(6) Ibid., fe 164 vo à 174 vo: « Ontfaen van onsen poorters die holpe
ghedaen hebben ten costen ende laste van der achterster her vaerd doe men
voer te Brabant waerd 's dicendaghs op sente Louwerens avont: Van den
goeden lieden van der weverien, 103 lb. 6 s. 4d. gr. ». Cf. J. VUYLSTEKE, De
Goede Disendach, p. 39-40.
— 444 —
furent même contraints de fournir un prêt de 200 liv. gr.,
mois dont on leur garantit le montant sur les accises du blé et
des châssis-séchoirs (1), et qui leur fut effectivement rendu
l’année d'après (2). Enfin, lors des deux petites incursions des
Flamands dans le Brabant du 2 au 5 février 1357 (3), et du 15
au 18 février (4), les tisserands durent à nouveau payer 86 liv.
de gros (s). La paix d'Ath (4 juin 1357) fit cesser les hostilités.
*
% *
Durant l’année scabinale 1357-58, un fait sans précédent
et dont la cause nous est peu connue, vint troubler les gou-
vernants : le premier échevin de la-ville, le patricien Liévin
Damman, accusé de concussion, fut banni par ses collègues,
ainsi que l’amman (6). Cette sentence ne contribua pas peu à jeter
le discrédit sur le régime instauré par le Goede Disendach.
L'année d’après, le 29 juin 1358, on renouvela contre le
métier de la laine l’édit draconien de 1350 : « Qu’aucun
drapier ou tissérand ne fasse d'autre métier, soit en vin, en
froment ou en n'importe quelle autre chose, si ce n'est de
travailler la laine et de faire le drap qu'ils savent, sur l’amende
de 50 livres pour qui y contreviendrait; de plus, si quelqu'un
demandait de pouvoir exercer un autre métier, il serait banni
pour trois ans, quelqu'il fût » (1). Par contre, le 5 juillet, les
échevins et la collace résolurent que dorénavant on ne ban-
(1) Zbid., fo 122 r°: « Item der weverien gheassigneerd CC lb. gr. up
coren ende ramen »; cf. fe 163 r”.
(2) Comptes Communaux de 1356, f 122.
(3) Ibid. fo 152 ro : Schepenen, serganten, chirurgijnen « die ute voeren
t'Haelst waerd eude t'Assce in Onser Vrouwendaghe Lichtmesse metten
goeden lieden van der stede omme reise te doene up Brabant, dewelke sy
daden in d'eere van minen Heere van Vlaenderen, ende wert Assce verbarnen
ende ghesconfiert ende vloên die daer binnen waren ».
(4) Ibid, fe 152 vo: « Dit es dat uteghegheven es van der vaerd dat onse
liede ute trocken t'Haelstwaert ende t'Merchtine met minen Here van
Vlaenderen XV daghe in Sporkele ».
(5) Ibid., fo 117 ro : « Van der weverien t'ulpen den vaerden t'Assce
ende te Merechtine ».
(6) Memorieboek, t.1, p. 78-19; FR. DE POTTER, Geschiedenis van het
Schependom, p. 242.
(7) Voorgeboden, p. 72.
— 445 —
nira plus de personnes, comme rebelles au Comte, que pour
des faits très graves et mérités (1); et Louis de Maele con-
sentit au rappel de nombreux émeutiers (2).
C’est qu’en effet une grande agitation commençait à
fermenter dans lesesprits en Flandre; l'influence du gouverne-
ment démocratique instauré à Paris par Etienne Marcel ne
pouvait rester sans contre-coup sur nos villes, où les passions
sociales avaient été remuées si profondément durant la période
de Van Artevelde.
Etienne Marcel (3) ne s’était pas trompé sur la situation
en Flandre; en correspondance avec les tisserands gantois, .
dont il vendait les draps rayés, le prévôt des marchands de
Paris avait adressé des lettres à nos villes pour se coaliser
avec lui, au moment où il sentait que le terrain se dérobait
sous ses pieds. Le 28 juin 1358, Etienne Marcel traca aux
magistrats communaux flamands un tableau des excès commis
par les nobles contre les églises et les villes, et les supplia
« d’assembler leur commun au plus grand nombre de gen:
d'armes comme il poiront, tant de pié que de cheval » et de
marcher sur Paris (4). Il répète ce cri d’alarme le 11 juillet,
quelques jours avant son assassinat, en insistant sur les rava-
ges et les violences perpétrées par la noblesse en Flandre, en
Artois et en Vermandois, et sur le vol de quarante cinq mules
chargées de drap de Flandre commis par ces nobles brigands ;
il prie les échevinages d’en informer le comte de Flandre, et
de veiller à leurs intérêts commerciaux (5.
(1) GreLpoLF, Coutumes, t. 1, pp. 541-542; cette décision fut prise « by
scepenen van beede de baucken. dekenen, ontfanghers, bi den groten rade:
up den zolre ende eendrachteleec met den gheellen ende ghemeenen corpse
van der gheelre steden… -. On parle déjà du Kollactesolre en 1361. — C'est
aussi vers 1358 que les Petits Doyens se mirent d'accord sur le mode
d'élection de leur Grand-Doyen; FR. DE POTTER, Gent, t. I, p. 443-444.
(2) TH. DE LIMBURG-STIRUM, Cartulaire de Louis de Maele, t. 1, p. 610,
610, 641, 650.
(3: Voyez sur lui, F.-T. PERRENS, Etienne Marcel, (Paris, 1874) et S. Luce,
Histoire de la Facquerie Paris, 1859), p. 123-124.
(41 Publiée par VAN DEN PEEREBOOM, Ypriana, t. VII, p. 430.
(5) Publiée par KERVIJN DE LETTENHOVE, Bulletins de l'Académie Royale
de Belgique, t. XX, 3° p. (1853), pp. 95-104.
Il nous serait très difficile d'affirmer jusqu’à quel point
ces lettres ont trouvé de l'écho au sein des villes flamandes.
Toujours est-il qu’elles sont le présage des émeutes qui libère-
ront, à Gand du moins, le métier de la laine du joug imposé.
Le 24 mai 1359 des troubles éclatèrent à Bruges, qui se
répétèrent le 13 juin (1). Deux jours après, vingt neuf doyens
des métiers furent envoyés en Parlement à Gand, afin de s’y
aboucher avec les meneurs de la démocratie, et ils y retour-
nèrent encore le 17 et le 20 juin, et au début de juillet (2).
Aussi le 12 juillet, la Weverie se souleva à Gand aux cris de:
« Voisin! Voisin! », et réclama l'égalité dans l’administra-
tion de la ville, c. à. d. son rétablissement comme tiers
membre de la ville. Une grande lütte eut lieu entre tisserands
et foulons, dans laquelle ces derniers eurent le dessous (3).
Immédiatement le métier de la laine reprit son ancien
rang, et se fit rendre ses armes et ses bannières ; les jurés
élurent un chef-doyen, Justaes van den Hole, et reprirent
l'administration des biens de leur corporation (4). Les tisse-
rands firent rédiger un vrai programme de revendications et
exigèrent la participation au Groote Raad (5).
Pourtant la Folrie garda son doyen, Francois van Hanse-
beke (6). Il semble que le patriciat fut excln à nouveau du
gouvernement de la ville. Les trois membres de la ville furent
donc, jusqu’à nouvel ordre, lex tisserands, les petits métiers et
les foulons, comme durant la période révolutionnaire.
Aux élections de la mi-août 1359, l'influence de cette
révolution municipale se fit vivement sentir sur la composition
du banc échevinal. Les amis de Jacques van Artevelde, Willem
an —————— oe
(1) GirLroprts, Inventaire des archives de Bruges, t. IT, pp. 90, 98-99.
(2) Ibid, t. IT, 101-102.
(3) Memoricbock, t. T, p. 80; Comptes communaux de 1358-59, f 26 re,
mentionnent seulement, à la date du 13 juillet 1359, ce qui suit : « Item uten
neringhen Willem van Huse, Jacop van Zele, Symoen Metterscapen voeren
up den selven dagh te Malen an minen heere van Vlaendren ende alsoe voert
te Audenarde minen heere volghende, ende bidden dat hi wilde commente
sinen goeden lieden van Ghent, d'welke hi vriendelike ende gherne dede ».
(4) Comptes Communaux de 1359-1360, f° 49 ro.
(5) N. pe Pauw, Voorgeboden, p. 74.
(6) Comptes communaux de 1359-1360, fo 49 ve,
— 447 —
van Huusse, Claeys Daens, Jan de Crane, ou leurs fils, comme
Jan van Vaernewijc, Arend Zelle, Jan Storem, siégèrent de
nouveau à l'Hôtel de ville (1).
Les événements qui se déroulaient en Flandre allaient
bientôt modifier une nouvelle fois l'administration de la com-
mune. Dès le 17 juillet 1359, à Bruges une sanglante querelle
s'était engagée au Marché entre tisserands et foulons d’une
part et les petits métiers de l’autre; cinquante-sept artisans
tombèrent massacrés en présence du comte, auquel d’ailleurs
on ne fit aucun mal. L'émeute s’apaisa pourtant avec une
promptitude qui provoque l’étonnement de Matteo Villani (9).
A Ypres également, les tisserands décidés à se soustruire
à leur longue humiliation, se soulevèrent le 26 juillet,
menacèrent le comte et sa fille, alors dans leurs murs, et les
obligèrent à s'enfuir. La démocratie triomphante s’aboucha
dès le 18 août avec les Brugeois (3). Le 28 août, le peuple
massacra l’avoué Georges Belle, et la révolte reprit de plus
belle en octobre et novembre, si bien que le populaire resta
durant dix-huit mois le maître de la ville (4).
L'émeute semble avoir eu partout les mêmes causes :
oppression du parti tisserand, exactions des fonctionnaires
comtaux, violences des hobereaux sur le plat pays.
Gand, Bruges et les autres villes exigérent alors de Louis
de Maele une enquête contre les excès des nobles, contre les
abus de pouvoir des baillis et contre le magistrat de Courtrai.
Le 2 août, le comte institua la commission d'enquête qui siégeu
durant quarante jours à Courtrai ; Bruges et Gand y envoyè-
rent une véritable expédition; puis l'enquête se poursuivit à
Gand en août et septembre (5).
(11 Memoriebock, t I, p. SL, et cf., p. 50 à 58.
(2) MATTEO ViLLANI, liv. IX, ch. 33, dans Muratori, Scriptores, t‚ XIV,
col. 565-567; GiLLIODTS, Inventaire, t. 1, p. 99.
(3) GiLLroorts, Inventaire, t. II, p. 105.
(t) Sur la grande révolte d'Ypres, voyez DIEGERICK, Inventaire, t. I],
p. 187, n° DLXXxVIN; A. VAN DEN PEEREBOOM, Ypriana, t. VII, p.138 et
suiv., p. 432.
(5) GizLu1oDTS, Inventaire, t. II, p. 99-109; DELEPIERRE, Précis Analy-
fique, t. Il, p. xvm; A. DE GHELLINCK, Généalogie des Van Vaernewijck,
pp. 192-194, n° cxvcxvu; Comptes Communaux de 1359-1360, f° 45 r° :
— 448 —
Entretemps, le métier de la laine s'était réorganisé à
Gand. Nous avons vu qu’au lendemain de sa libération, les
tisserands avaient dressé une liste de leurs exigences qu’ils
avaient soumise à l’échevinat. Le magistrat la promulgua
bientôt sous forme d’ordonnance (1).
D'autre part, le Comte approuva l’organisation : quasi-
autonome que le métier s'était donnée, par acte du 10 octobre
1359 (2) : elle consacrait entr’autres le droit du métier de se
faire représenter au sein du corps échevinal, d’élire directe-
ment son doyen et ses jurés, de réglementer le travail et le
salaire de ses membres; pour le reste, le prince confirmait
les privilèges anciens des tisserands, entr'autres le privilège
de la lieve ou le monopole de la fabrication des draps à cinq
lieues à la ronde (3), et le monopole de la vente des tissus à
‘la halle.
De plus, on remboursa annuellement aux tisserands ie
weversgeld qui leur avait été extorqué durant les dix années
précédentes; on rappela une foule de bannis du parti démo-
„eratique; on indemnisa de nombreux citoyens des taxes per-
sonnelles qui leur avaient été arbitrairement imposées (4).
Le mouvement populaire, qui s’accentuait à Bruges et à
« Dit es dat uteghegheven e3 binnen degen jars van der vaert dat onse
goede liede van der stede ute tro:ken omme inqueste te hoorne in ’t lant
van Vlaenderen, metgaders den anderen steden Brugghe, Ypre ende andre
die ghedeputert waren dertoe uten lande ter eere van minen heere van
Vlaendren ende sinen lande ende sinen lieden ». Les tisserands et les petits-
métiers envoyèrent 140 sergeants, et les foulons 90.
(1) N. DE Pauw, Voorgeboden, p 14.
(2) Fr. DE POTTER, Gest, t. VIIL, p. 165-167.
(3) J. VurssreKE, Uitleggingen tot de Stadsrekeningen, p. 205 210.
(4) Comptes Communaux de 1369-61, f 8t vo : « Dit es dat huuteghe-
gheven es binnen desen jare den goeden lieden van der cleenen neeringhen
in minderinghen van der achterstellen van der soudsye, van den ghenen
die waren voor Brucele (13561, ende den goeden lieden van der weverien, in
restitutien van den xij miten die sv voertijis ghaven der stede, ende hier af
waren ontfangheren over de cleene neeringhen van den pachte van den
wijne ende poerten Jan van Meeren, Pieter van Buxtalle, Heynric Goethals
ende Jan de Peyster, ende over de weverie Nijs de Luede, Jan van Mendonc
ende haren ghesellen. Somme 34,227 Ib. 16 sc. 8d. payements of 855 lb.
13 sc. 11 d. gros ». Aj. J. VUYLSTEKE, De Goede Disendach, p. 24.
— 449 —
Ypres et qui menacait de prendre les proportions de celui qui
avait produit Jacques van Artevelde, se manifesta bientôt à
Gand, au sein de tous les métiers, d’une facon non moins
alarmante.
Le 13 janvier 1360, treize échevins de Gand durent se
transporter à Courtrai, sous la pression du populaire, pour
continuer l'enquête (1). Le 31 de ce mois, une ambassade de
tous les doyens des petits métiers de Gand alla sceller à
Bruges l'alliance avec tous les doyens de cette ville (2).
La veille de la Chandeleur (3), le 1 février (4), une lutte
terrible s’engagea au Marché du Vendredi entre les tisserands
et les foulons ; ces derniers furent écrasés.
(1) MusseLx, Cartulaire de Notre Dame de Courtrai, p. 120, n° 39.
(2) GizzivDrs, Inventaire, t. II, p. 102.
(3) Pri. DE L’Espinoy, Antiquités de Flandre, p. 5C9, d'après un
manuscrit perdu du Memorieboek : « En ceste année à la Chandeleuse arriva
une dissertion entre les foulons et les tisserans de ceste ville, par laquelle
ils firent ure grande assemblée sur le marché avec leurs bannières ».
(4) Le 1 février est la date la plus probable. Eu effet, la date n’est pas
certaine, car en cet endroit encore la chronologie des Ccmptes Communaux :
est fautive. Voici les trois passages en quettion : Comptes Communaux de
1359-60, fo 49 r° : « Dit es dat ute ghegheven es binnen desen jare van den
aweite dat de dekenen ende hare cnapen ghewaect hebben bi Gillis van
Laethem, Justaes van den Hole ende Franchois van Hansebeke, den tijt
dat hij 't was. t’ Eersten. soe was gheordineert dat de drie dekene waken
souden, dat es te wetene Gillis van Laethem, Justaes van den Hole ende
Franchois van Hansebeke, ende adde ele iij mottoene de maend, ende hare
xxxviij cnapen die met hein wieken ende dages met hem omme ghinghen
ele enen mottoen de maent, dat liep eleke maend xlvij mottoene, ende dit
duurde van 's wonsdaghes voer sente Bertelmeeusdagh tote 's dicendags
’s avonts voer sente Pietersdagh in Sporkele (18 Février, dat waren vij
maende, maken xxxviij lb. xij se. groete, maken in payemente xv xliiij lb.,
ende doe was verlaten Franchois van Hansebeke ende vj van sinen cnapen »,
Fo 48 r° : « Item, Franchois van Hansebeke, beleedre van den volleambachte
van sinen pensione van verjaere meye tot onse vrouwen avont in spel-
maent (7 septembre; nous proposons de lire : én sprokkelmaent; alors ce
serait le 1 février: il y a en tout cas une erreur, puisque l'année scabinale
finit au 15 août), dat hi verlaten was, ix lb. gr. maken 111°Lx lb. paym. ».
Fe £6 vo : « Item, Jacoppe van Merlebeke ende Willem Baerde die gheset
waren viij daghe binnen sporkele (8 jours du mois de février) in de stede
van Franchoise van Hansebeke omme de volrie te beleedene van haren
pensione in minderinghen Jacoppe xxvij sc. vj d. gr. ende Willem Baerde
xxxv }/2 sc. gr., comt teede iij lb. iij ec. gr. waken cxxvj Ib, ».
29
— 450 —
Le 18 février, leur doyen Francois van Hansebeke, qui
depuis le 1 mai 1359, avait succédé à Pierre van den Bossche,
fut déposé. Le métier des foulons fut réduit à cet état d’ilotis-
me auquel il avait jadis condamné ses adversaires. Les éche-
vins édictèrent une ordonnance par laquelle il fut défendu aux
membres de la Fo/rie de se reconstituer comme corps sans le
consentement des métiers, sous peine de la perte de leurs vies
et leurs biens ; désormais, la foulerie fut soumise à un beleeder,
choisi parmi les petits et nommé par le magistrat (1).
Malgré ses efforts, la foulerie ne sortit plus jamais de
cette condition humiliante. Elle fut remplacée comme membre
par le Patriciat. Et ainsi fut constituée définitivement cette
division des citoyens en trois membres : Bourgeoisie, Petits-
Métiers et Tisserands, qui se maintint jusqu'en 1455 (2) et ne
fut supprimée finalement qu'en 1540 (3).
Comme le patriciat n'eut pas de doyen en titre (4), les
deux véritables seigneurs de Gand (5) furent désormais le
doyen des petits-métiers et le doyen des tisserands; ce dernier
reprit immédiatement l'autorité sur les sept ou huit petits-
métiers ressortissant du métier de la laine et que les foulons
s'étaient adjoints en 1349 (6). Le Large Conseil de la Ville
ou Collace, qui fonctionnait régulièrement depuis 1358, fut
remanié dans le même sens : il se composa des 53 petits-
doyens, des 23 jurés des tisserands, et d’une dizaine de
patriciens, chaque membre ayant une voix (7).
(1) Memorieboek, t. IL, 0. 81; Comptes Communaux de 1860-1361, f° 94 vo:
« Willem van den Hijshoute, beleeder van de volderij 34 Ib. ».
(2) Memorieboek, t. I, p. 245.
(3) A. Du Rois et L. De HoxoT, Coutumes de Gand, t. II, p. 169.
(4)Sauf durant la periode révolutionnaire de 1380 à 1883 ; J. VUYLSTEKE,
Rekeningen van Philips van Artevelde, pp. 126, 191, 223, 238-239, 277, 295,
339. Le chef des poorters, en temps ordinaire, fut le patricien qui siégeait
comme voorscepene van der Keure.
(£) Expression de Philippe le Bon en 1450, Dagboek van Gent (éd. Fris),
t Ip. 119, cf. p. 117, 124, 125.
(6) Dagboek van Gent, t. I, p. 28: Comptes communaux de 1360-61,
fo 99ro : « Lij personen uten cleenen neringhen ende uter weverien ende die
hem toebehooren xxx persoene ».
(71 Dagboek van Gent, t. I, p. 20-21; Comptes communaux de 1361-62,
fo 139 ro (Kolaciesolre).
— 451 —
Dès le début de la nouvelle ère tisserande, une commis-
sion d'enquête fut instituée pour examiner la gestion des
magistrats du régime du Goede Disendach et revoir tous les
comptes depuis janvier 1349 à l’août 1359 (1). On remarquera
que, tandis que les petits-métiers et les tisserands comptent
chacun quatre membres parmi les commissaires, les foulons
n’en possèdent que deux. De plus, pour maintenir l'ordre et
comprimer toute révolte des foulons, un guet fut organisé par
les deux membres dominants (2).
L’émeute continuait à gronder à Bruges; tellement que
le Comte, après l'acte d’alliance conclu entre tous les métiers
de cette ville (2 mars 1360) (3), dut maintenir en fonctions
(17 novembre) jusqu’au 2 février suivant, les échevins bru-
geois institués en 1359 (4). L'échevinat de Bruges, afin de
parer à la crise provoquée par le départ des Hanséates (5),
n’hésita pas à renouer des rapports avec Edouard d’Angle-
terre (20 octobre 1360) (6). Louis dé Maele, d’ailleurs, à
(1) Comptes communaux de 1359-1360, fo 48 ro : « Item was gheordineert
dat van den goeden lieden van der wet ende van den goeden lieden uter
neringhen sitten souden up scepenenhuus omme te hoorne ende te versiene
de bouke van den rekeninghen van Heinrie Gruters’ scependomme dat was
in t jaer xlviij. ende alsoe voert ele scependom naervolgende tot in ’t jaer
lviij, ende dat waren alse scepenen : Jan van Varnewijc, Arnoud Selle, Jan
Brandins, Jacob Bette, Jan de Crane; uter weverien : Jacop van Gheraerds-
berghe, Lievin van Allindriesch, Lievin de Bosscere, Jan Slepestaf ; uten
clenen neringhen: Heinrie Ekard, Pieter van den Damme, Janne van
Meren, backere, Jan van den Zomple; uter volrien : Jan van Houthem,
Pieter de Rom; clerke : Jan Herteliefs, Jan de Visch ende Augustijn, etc. »
(2) Comptes communaux de 1359-1360, fo 49 ro: « Item bleven doe waken-
de der Gillis ende Juetaes ende hare cnapen van 's wonsdaghes xv. daghe
in april tot ’s dicendaghes vij. daghe in Hoymaend, dat waren iij maenden
ende liep hare wake, mids dat de beleedere van der volrien verlaten waren,
xiij lb. vj sc. gr., maken vc xxxij lb. ».
(3) GirLrovrs, Inventaire, t. II, p. 107-109.
(4) Ibid.,t. II. p. 75.
(5) Depuis le 1 mars 1358, les marchands de la Hanse avaient décidé
de transporter leur comptoir de Bruges à Dordrecht pour trois ans:
KoppMAN. Hanserecesse, t 1, p. 135-180, t. III, p. 14, 17, et G. vaN DER
OSTEN, Die Handels-und Verkehrssperre des Deutschen Kaufmanns jegen
Flandern (Kiel. 1889).
(6) GuroorTs, Inventaire, t. II, p. 103-104. Edouard III allait signer
pourtant le 24 octobre la ratification du traité de Brétignv (8 mai), par
lequel il promettait d'abindonner toute alliance avec les Flamands et ne
leur donnerait plus aucun secours; J. FROISSART, Chroniques (éd. Luce),
t. VI, p. 33-50 ; Grandes chroniques de St. Denis, t. VI, p. 193 et suiv.
— 452 —
l’approche de la libération de son suzerain, Jean-le-Bon,
s'était également rapproché du roi anglais. Le 21 octobre
1360, nous le voyons même, à la prière d'Edouard III, gracier
Jacques et Jean van Artevelde, les fils du tribun, et casser
leur sentence de bannissement (1).
Cette dernière mesure marque bien le désir du Comte
de se concilier la population gantoise, dont il redoutait un
nouveau soulèvement. En effet, malgré la proclamation sous
forme d'ordonnance scabinale de toutes les revendications des
tisserands (6 septembre) (2), une wapeninghe (3) avait éclaté
dans la ville le 5 octobre, mais elle fut promptement réprimée.
Le pardon accordé par Louis de Maele aux Artevelde semble
bien avoir eu pour but d’apaiser le parti tisserand.
En effet, la situation du Comte était fort critique. La
révolte à Ypres et à Bruges prenait des proportions de plus
en plus inquiétantes; de la Flandre, l'agitation passa même
dans le Brabant : à Louvain, le parti démocratique triompha
avec Pierre Coutereel (4), mais à Bruxelles sa tentative
d'émeute fut étouffée le même jour daus le sang (22 juillet
1360) (5).
Pourtant Gand ne bougea pas, bien que le tisserand y domi-
nàt en maitre. Sur les bancs scabinaux avaient pris place les
membres les plus actifs du groupe révolutionnaire de 1338-
1348, tels que Gilles Rypegheerste (6}, et durant la semaine
de Pâques 1361, Willem van Huusse avait été proclamé doyen
(1) Fr. DE POTTER, Petit Cariulaire de Gand, p. 41-48.
(2) N. DE Pauw, Voorgeboden, p. 78-19.
(3) Comptes communaux de 1360-61, fo 109 vo : « Item. van den costen die
de dekene, ontfanghers eude die uten neeringhen met hemlieden omme-
ghingen daden, ’s donresdaghes 5 daghe in octobre doe de onruste ende
wapeninghe was daer af dat men orconscepe hoerde.…. ».
(4) WirLEMsS, Brabantsche Yeesten, t. II, p. 160; L. VAN DER KINDEzE,
Le Siècle de Artevelde, p. 181; H. VAN DER LINDEN, La révolution démocra-
tique du XIVe siècle à Louvain, p. 22.
(5) Wirems, Brabantsche Yeesten, t. II, p. 166-171; De DrYNTER,
Chronicon ducum Brabantia, t. III, p. 151-153; HENNE et WAUTERS, Histoire
de Bruxelles, t. 1, p. 125-127.
(6, Memoriebock, t. I, p. 84.
des tisserands à la place de Justaes van den Hole (1). Le
métier de la draperie s’attacha surtout à se fortifier duns la
ville et à tirer le plus grand profit des avantages que le prince
venait de lui accorder. Loin de se mêler aux troubles de la
Flaudre, il se maintint neutre.
Car lorsqu’en mai 1361, les Yprois tuèrent leur bailli et
fomentèrent une terrible révolte (2), cependant que le comte
s'apprêtait à fêter à Audenarde le mariage de sa fille Margue-
rite avec Philippe du Rouvre (3), les Gantois refusèrent tout
secours à la ville qui fut assiégée, prise et punie par le prince
(24 août 1361 (4); d'autre part, ils amenèrent Bruges à sceller
sa paix avec Louis de Maele (2 septembre) (s).
Le Comte témoigna sa bienveillance aux tisserands, pour
l'ordre qu’ils firent régner à Gand et l’appuiqu'ils lui prêtèrent
en Flandre, en accordant aux institutions hospitalières de
leur métier de nombreux avantages par le privilège du
20 décembre 1365; seulement en retour il exigeait des tisse-
rands la plus parfaite tranquillité et fidélité (6). Comme leur
corporation avait annexé vers 1360 à l'ancien Wevershuis,
prés de la Walpoort, une chapelle consacrée à St. Léonard,
le comte en amortit même le terrain en leur faveur (8 avril
1372) (7). Et l’année d'après, comme les foulons s'étaient mis
(1) Comptes communaux de 1360-61, f 109 vo.
(2) Excellente Cronike van Vlaenderen, fo 1xiv vo; A. VAN DEN PEERE-
BOOM, Ypriana, t. VIT, p. 158, 432.
(3) DOM PLANCHER, Histoire de Bourgogne, t. II, p. 238, le 1 juillet 1361;
Philippe mourut le 21 novembre de la même année.
. (4) A. VAN DEN PEEREBOOM, Ypriana, t. VII, p. 158, 437-142; GILLIODTS,
Inventaire, t. II. p. 110, et Coutumes du Franc, t. II, p. 125 ; Comptes commu-
naux de 1361-1362, fo 134 ro : Envoi d'une députation « ‘t sondaghes XXij
daghe in Oughst som te Brugghewaert eude som te Audenaerde an myn
heere van Vlaenderen omme met hem te vaerne t’ Ypre daer mijn heere van
Vlaenderen correxie dede doen…. ».
(5) Comptes communaux de 1361-62, fo 134 ro : Envoi d'une députation
« ’t swonsdaghes op Sente Gillisdach ten Damme tot mijn heere van
Vlaendren omme te biddene over de goede lieden van Brugge » ; G:LLIODTS,
Inventaire, t. IL, p. 113; Gizciobrs, Coutumes, t. [, p. 416-421; J. De ST.
Genois, Messager des Sciences, 1842, p. 400 et suiv.
(6) F. De Porrenr, Second cartulaire de Gand, p. 88- 89 ; F. DE POTTER,
Gent, t. 1V, p. 432.
(7) Ibid, t. IV, p. 484; Second cartulaire, p. 95-96.
— 454 —
en grève à cause de l'insuffisance de leur salaire et de leur
servitude vis-à-vis des tisserands, puis s'étaient retirés en
masse à Audenarde et à Berchem, Louis de Maele, prenant
le parti des tisserands, les obligea à rentrer dans leur cité,
et résolut le différend en faveur du métier de la laine (1).
L'importance croissante du membre des tisserands dans
la politique communale avait naturellement renforcé dans la
même proportion le nombre de leurs représentunts sur les bancs
scabinaux; si l’on consulte p. ex. la liste du magistrat de
1361 (2), nous y trouvons, parmi les membres connus du métier
de la laine, Justaes van den Hole, Willem van den Ryse,
Govaert van Riemelant, Simon van de Pitte, Gillis Rype-
gheerste, Nijs De Leude, et dans les années suivantes les
noms des familles démocratiques connues : les Storem, les
van Mendonc, les van Munte, les de Vriese, etc.
Ce fut cet envahissement du magistrat par l'élément
tisserand qui obligea les trois membres à chercher une base
d'équilibre et à adapter aux rouages gouvernementaux de
la commune ce système de représentation proportionnelle,
qui fonctionnait encore du temps de Ph. Wielant (3) et de -
Jacques de Meyere (4).
C'est à Julius Vuylsteke que revient l'honneur d’avoir
le premier attiré l'attention sur cette curieuse répartition des
échevins de chaque membre (5), qu'un document officiel de
1488, inséré dans le Dagboek van Gent (6), nous expose dans
tous ses détails.
(1) Actes du 4 sept. 1978, du 26 juillet et du 2 août 1979, Fr. DE Por-
TER, Petit cartulaire, p: 48, 5}, 54, 55; N. DE Pauw, Voorgeboden der stad
Gent, p. 162; Rijmkronijk van Vlaenderen (apud J.J. de Smet, Corpus, t. IV),
P. 652; Comptes communaux de 1372-1313, fo 80 vo.
(2) Memoriebotk, t. I, p. 84. |
(3) Antiquités de Flandre, dans J.-J. DE Smet, Corpus Chronicorum
Flandria, t. IV, p. 288. Wielant mourut en 1520. |
(4) Flandricarum rerum tomi X (Brugis, 1531), fe 36; Annales Flandria
ad annum 1453, f° 315. De Meyere mourut en 1552.
(5) De Rekeningen der stad Gent, tijdvak van Phelps van Artevelde, appen- .
dice, p. 527.
© (6) Dagboek van Gent (éd. Erle), p. 120- 122,
— 455 —
On sait que l’organisation constitutionnelle de Gand avait
été réglée par Philippe-le-Bel, roi de France, lors de sa visite
à la Flandre en novembre 1301 (r). Pour mettre fin au régime
arbitraire des XXXIX, le prince décida que « les eschevins,
en la fin de l’année de leur eschevinaige, à certain jour
dénommé, esliront quatre notables personnes bourgois de la
ville, non allevans eu parenté que en tiers degré [ce sont les
électeurs de la ville]; pareillement que le prince, ou celluy
qui lors y sera de par luy, ausy eslira quatre aultres notables
personnes les plus proffytables et souffisans qu’ilz porront
[ce sont les électeurs du prince, les 's Aeerenksesers). Et,
que ces personnes eslues, ils yront ensamble et esliront
par leur serement XXVI notables personnes, bourgois de la
ville; et les partiront en deulx tresaines, l’une XIII pour
estre eschevins et l’autre XIII pour estre conseilliers de la
ville » (2).
C'est pour la répartition équitable de leurs représentants,
dans ces deux bancs des Echevins de la Keure ou banc supé-
rieur, et des Zchevins des Parchons ou banc inférieur, que les
trois membres durent chercher un terrain d'entente.
À notre avis, ce fut en 1368, durant l’échevinat de Jac-
ques Willebaert et de Jan van Lede et leurs compagnons (3)
que l'accord suivant fut conclu :
« Veu que chascun des deux membres des mestiers a sans
comparaison beaucoup plus de peuple que le membre de la
bourgoisie, et en toutes charges survenues à la ville avoit
soustenu la plus grant charge, il est ausy bien raysonnable
qu’ils aient le plus grand nombre en la Loy. C'est pourquoy
chascun des membres des mestiers et tixerans ont dix esche-
vins, cincq en chascun ‘banc, et le membre de la bourgoisie
que six, troix en chascun banc » (4i.
(1) Annales Gandenses (éd. F unck), p. 27.
(2) Cu. L. Digricx, Mémoires sur la ville de Gand, t. I, p. 179; Fr. De
POTTER, Gent, t. 1, p. 236-238 (voyez J. VUYLSTEKE, Rekeningen van Philips
Artevelde, p. 521, n. 1). Nous citons ioi d'après le Dagboek van Gent, t. II,
p. 120.
(3) Memorieboek, t. 1, p. 92.
(4) Dagboek van Gent, t. II, p. 121 et 147.
— 456 —
De plus, on donna aux échevins dans chaque treizaine
une place déterminée. |
Dans ses Annales (1), J. de Meyere, nous apprend que les
trois patriciens occupaient dans chaque banc la première, la
quatrième et la septième place; mais, il se trompe quand il
afirme que les petits-métiers recevaient toujours les 2°, 5°,
8°, 10° et 12° places, et les tisserauds toujours la 3°, 6°, 9°,
11° et 13° places.
J. Vuylsteke (2) a prouvé, par contre, que les petits-
métiers et les tisserands occupaient alternativement la 2° ou 3°,
la 5° ou la 6° place etc., de sorte que dans les années où, au
banc de la Keure, l’un de ces deux membres occupait la
2°, 9°, 8, 10° et 12° places, l'autre membre occupait les mêmes
places au banc des Parchons, quitte à changer l’ordre en
l’année d’après.
Nous avons pu déterminer que c’est dans les années
paires que les tisserauds avaient le pas dans le banc d'en haut,
et les petits-métiers dans celui d'en bas; dans les années im-
paires, les petits-métiers avaient les premiers rangs dans la
Keure, les tisserauds dans le second banc. De là, impossibilité
de conflits de préséance.
Voici, d'après le Memorieboek der stad Ghent (3) la liste
des magistrats de l’année 1369; les sigles P, N, W, désignent
respectivement les patriciens, les membres des métiers et les
tisserands.
(1: Annales Flandria, f° 515 :
« Introductus est et iste abusus, ut exterzis illis tribubus civitatis XX VI
illi eligantur senatores : ita ut in utroque scamno ex: vat tres cives, primus,
quartus et septimus; quinque ex opificibus seu quæstu, secundus, quintus,
octavus, decimus et duodecimus; ex textoribus item quinque,tertius,sextus,
nonus, undecimus et decimustertius. » |
(2) Rekeningen van Philips van Artevelde, p. 521-528.
(3) Memorieboek, t. 1, p. 93. Cet ordre n'est pas encore observé à l'année
1366. Memorieboek, t. I. p. 90, car les tisserands Jan Oadertmaerc, Jan
Sleepstaf et Jan van Mendonc occupent sur la liste des Parchons la 2e, 5e
et 8° place, et le brasseur Gilles Van Deynze la 6e. Mèmes remarques
pour les années 1367 et 1368.
— 457 —
Echevins de la Keure. _ Echevins des Parchons.
P. Jan van der Zickelen (1). P Jan van Lede (1).
N Jan Mayhuus [batelier] (2. W Ghyselbrecht van Coudenhove.
W Robrecht van Eeke (81 N Willem Boele [cordier] (9).
. P Boudyn de Beere (1). P Ghyselbrecht de Grutere (1).
N Jan van den Somple[brassear](4). | W Jan Sleepstaf (10).
W Godevaert van Riemelant (5). N Pieter Coolman (tanneurdeblane)(lÌ).
P Jan Utenhove (1). P Heynric van Adeghem (1).
N Gillis Beyaert [boulanger] (6). W Arnoud de Dobbelere.
W Arnoud Veelloven. N Jan van der Vurst [magon] (12).
N Heynric Louf [boucher (7 P Pieter van Deynse.
W Jan van Dormen. N Pieter van den Wale. :
N Martin de Witte [charpentier] (8). | W Boudin van Baeyghem.
W Jan van den Damme. N Joos Deynoot [boucher] (18).
On ne se borna pas là : tous les emplois à l'hôtel de ville
furent également partagés entre les trois membres, depuis les
(1) Les familles Van der Zickelen, de Beere, Utenhove, Van Lede, De
Grutere et Van Adeghem se trouvent sur la liste des patriciens gantois,
imprimée en 1524 par Pierre De Keysere.
(2) Ordonnantien en Wijsdommen van dekenen, f° 26-21; de la célèbre
famille Mahieu, de Froissart.
(3) Fournisseur de drap à la ville, Comptes Communaux de 1369-70,
fe 8 vo,
(4) Ordonnantien en Wijsdommen, ® 22, doyen des brasseurs en 1359-1369.
(5) Fournisseur du drap de la ville, Comptes Communaux de 1360-70,
fv 8 ve,
(8) Doyen des boulangers en 1371, Fr. De Porter, Gent, t. VII, p. 543.
(7) Jean Louf est doyen des bouchérs en 1364, Ordonnantien en Wijs-
dommen, f° 26.
(8, Doyen des charpentiers en 1368, Fr. De Porreg, Gent, t. III, p. 528.
(9) Jan Boele, doyen d28 cordiers, fut doyen des petits-métiers en 1378,
Ordonnantien en Wijsdommen, f 33 r°.
(10) Jan Sleepstaf est tisserand, J. VUYLSTEKE, Rekeningen v van Philips
van Artevelde, p. 184.
(11) Corroyeur de blanc; Pierre Coolman, doyan des witteledertouwers
en 1360, Ordonnantien, fo 25.
(12, Ailleurs Jan de Vustere, doyen des maçons en 1360, Ordonnantien,
fo 25.
(13) Jan Deynoot fut doyen des bouchers en 1376, Ordonnantien, f° 15.
— 458 —
importantes fonctions de secrétaires (1) et de clercs (2), jus-
qu'aux services inférieurs de sergeants et messagers (3) et
de ribauds (4). | |
On appliqua également cette représentation proportion-
nelle aux membres des justices inferieures ou vinderien (5),
aux administrations des gildes militaires officielles telles que
la vieille et la jeune gilde de St. Georges (6), mais même aux
fondations religieuses et charitables dépendant de la ville,
telles que les sœurs de l’hôpital de St. Jean (1).
Même pour éviter toute rivalité de prééminence au sein
des métiers, après avoir, vers 1356, assigné à chaqne corpo-
ration sa place déterminée sur la liste officielle (8), on décida
de leur donner à l'hôtel de ville un nombre de représentants
proportionnel à l'importance de chaque métier. Voici cette
répartition d’après le Mémoire des Gantois de 1452 :
« Au membre des mestiers, il y a certains mestiers qui
ont en la Loy prérogative d'avoir eschevins, comme les mes-
tiers des bouchiers, boulengiers et brasseurs, lesquelz chascun
ont chascun an ung eschevin, les VI mestiers de la Place
[charpentiers, maçons, plafonneurs, tuiliers, scieurs, cou-
vreurs de paille] ont entre eulx six ung eschevin, les VI mes-
tiers du Cuier [tanneurs, pelletiers, agneliers, cordonniers, cor-
royeurs de blanc, corroveurs de noir] ont samblablement chas-
cun an ung eschevin, le mestier des navieurs deux eschevins,
en chascun bancq ung; ainsy au dit membre des mestiers
restent trois eschevins que l’on appelle Coureurs, et ces trois
. (1) Voyez pour tout ceci : J. VUYLSTEKE, Stadsreheningen ten tijde van
Philips van Artevelde, p. 531-538, et Dagboek van Gent, t. 1, p. 141.
(2) Ibid., t. 1, p. 299; t. II, p. 77.
(3) Ibid., t Il, p. 87.
(4 D'ERICx, Mémoires sur la ville de Gand, t. II, p 35.
(6) Fr. Du POTTER, Gent, t. L, p. 349.
(6) Ibid, t. IT, p. 127, 214-216, 521.
(7) Wid., t. VI, p. 198.
(8) NAP. DE PAUW, Stadirkningen 4 ten tijde van Jacobv van Artevelde,
t. IU, P- 485. . '
— 459 —
coureurs partist-on aux aultres mestiers qui n’ont point
d’eschevins assignez » (1).
Ce régime à tendances démocratiques, dont on a attri-
bué à tort l’organisation à Jacques van Artevelde (2) et dont il
faut fixer l’origine et l’élaboration de 1360 à 1369, fut mal-
heureusement faussé par l'influence illimitée accordée aux
deux chefs-doyens. Néanmoins, cette curieuse organisation
constitutionnelle persista, sauf une courte interruption de
1455 à 1477, jusqu’en 1540.
(1) Dagboek van Gent, t. Il, P- 122; supprimez ia note 2, qui est com-
plètement erronée.
(2) Memorisbock, t. I, p. CO.
Les diverses civilisations, antérieures au
VI‘ siècle, observées en Hesbaye,
par Fr. HuyBicrs,
Secrétaire de la Société scientifique et littéraire du Limbourg, à Tongres.
Les plus anciennes trouvailles, dont je désire parler, se
rapportent à des fonds de cabanes, rencontrés dans des fouil-
les assez récentes le long du Jeker.
De ces recherches se sont occupés MM. de Puydt, Davin-
Rigo, le curé Guillard et nous-mêmes, et nous sommes con-
vaincu que le Jeker nous réserve encore des surprises. Il
présente une terrasse moyenne, très développée, si développée
même que sur cette terrasse se sont installés des hameaux,
des villages, notamment Sluse, Bassenge, Wonck, Eben,
Emael, Canne etc.
Jusqu'ici les fouilles se sont simplement étendues aux
champs de la partie supérieure de la colline ou plutôt aux
villages des néolithiques qui habitaient, groupés dans des
cabanes, séparées par des chemins d'accès ayant une dizuine
de mètres de largeur, des cabanes plus ou moins éloignées.
Chaque cabane ou hutte formait une fosse d'environ
2°50 sur 2" et 1" de profondeur, au milieu la fosse était plus
profonde que vers l'extérieur.
Examinons brièvement le contenu d’une de ces fosses.
Nous y trouvons le produit de la taille de pierres silex
ou de blocs matrices. Ces blocs de silex sont tirés de la colline
des environs où ils se trouvent par bancs, entre les couches de
marne.
De nombreuses grottes ont des entrées vers la partie supé-
rieure des talus de vieux chemins de 20 à 30" de profondeur.
Malheureusement ces grottes ont été réoccupées posté-
rieurement, car de tout temps on a creusé des grottes pour
— 461 —
l'extraction de silex pour les chemins, et de marne pour
l'amendement de terres; aussi ces grottes ont-elles perdu leurs
caractères primitifs, constatons seulement que le silex de
leurs bancs est identique à celui des cabanes.
Après avoir extrait de gros blocs, ils les ébouchaient sur
les lieux d'extraction ou dans le voisinage et transportaient
les bons morceaux dans les cabanes.
No 37. — Objets de fouille de l'é
oque néolithique,
celtique ou gau
Là, et avant l'évaporation de l'eau de carrière, ils en
débitaient des instruments variés.
Nous trouvons parfois dans une même cabane 30 à 40
lames; quelques-unes ont même la forme de couteaux (Voir la
fig. n° 37 : Époque néolithique).
Le débit des blocs matrices se faisait dans les cabanes
car chacune en contenait au moins 5 on 6.
— 462 —
A côté des matrices on trouve les percuteurs qui, en
général, ne sont que de gros cailloux appropriés.
Des petits éclats on faisait des pointes de flèches et des
pointes pour percer.
Nous avons trouvé de grands morceaux de grès, fort
creusés par un très long usage, et une meule, complète,
formée d’une grosse pierre dormante et d’une molette.
Pour broyer les grains plus rapidement et plus aisé-
ment, on pratiquait dans la face inférieure de ia molette,
en contact avec la dormante, des entailles formées de nom-
breuses lignes courbes approximativement parallèles, bien que
se rapprochant d’un côté un peu plus que de l’autre; c'est
peut-être ia première fois qu'on ait trouvé une molette
aiguisée, aujourd’hui encore on emploie le même moyen pour
aiguiser nos meules à grains.
De la présence de meules dans les fonds de cabanes,
nous pouvons conclure que nos néolithiques paraissent avoir
vécu dans des conditions plus convenables que l’homme de
l'époque paléolithique.
En effet ils cultivaient un champ aux abords du village,
et il se fait que, précisément, les plateaux que nous avons
explorés sont des champs très fertiles aux abords de la rivière.
Ils savaient done choisir leurs plateaux.
Une autre considération ressort de ces trouvailles, c'est
la domestication des animaux, car, pour cultiver, l’homme
avait besoin de leur aide.
Art du potier. Ce sont aussi les néolithiques qui, du
travail du potier, ont fait un véritable art; il est même assez
difficile de distinguer les produits néolithiques des produits des
Francs de l’époque romaine, et bien des archéologues se sont
mépris à cet égard.
Les néolithiques faconnaient leurs vases à la main, les
Francs au tour. La poterie des néolithiques est parfois plus
délicate que celle au tour des Francs, car la pâte de la poterie
néolithique est généralement beaucoup mieux pétrie.
Il est à constater que la forme des vases des néolithiques
est celle des vases fabriqués par tout peuple au début de sa
civilisation.
— 463 —
Le fond et le milieu de leurs vases sont habituellement
arrondis afin de leur donner une résistance plus grande et une
forme qu’on obtient aisément en tenant de la main gauche la
pâte et en tournant la matière de l’autre main suivant la forme
arrondie. |
Les vases de cette époque présentent des dessins analo-
gues à ceux qu'on trouve sur les vases de l'époque franque et
aussi, actuellement, sur ceux du Congo : ce sont des tracés
simples, des lignes parallèles, des zigzags, des triangles.
Commerce. À la dernière époque les néolithiques se sont
aussi occupés du polissage de la pierre ; mais il est à remarquer
que peu de cabanes explorées nons ont fourni des morceaux
importants ou nombreux de pierres polies, ces pierres sont
rarement d’origine locale, c’est souvent du phtanite noir dit
« pierre de touche ». Cette pierre ne se rencontre pas dans la
contrée ; il devait donc exister, entre les villages de nos con-
trées et d’autres tribus, assez éloignées, un certain mouve-
ment commercial.
Le polissage de la pierre paraît avoir été une occupation
peu commune, car peu de cabanes fournissent des échantil-
lons importants.
Récemment, cependant, nous avons fait des trouvailles à
Tongres de huches polies très importantes placées à 0"70 de
profondeur ; au moyen de 4 haches, on avait formé une sorte
de rectangle; entre elles se trouvait un peu de cendres. Une
description spéciale sera faite de ce dépôt intéressant.
Parmi ces haches il y en a une qui a 0"30 de longueur,
009 de largeur, pesant 1 1/2 kilogr.
Les haches polies ne sont pas toujours en silex ou en
phtanite poli, nous en avons en granite et en grès polis, même
des marteaux-haches troués ou casse-têtes.
Dans les grottes escarpées de nos fleuves et rivières les
dépôts néolithiques ont été si bien cachés que jusqu'ici on n’est
pas parvenu à les découvrir en nombre bien important. Ce
sont aussi les néolithiques qui ont élevés les dolmens, les
cromlechs qui sont aussi des dépôts funéraires des néolithi-
ques, mais érigés surtout dans les plaines où les escarpements,
le long des fleuves et rivières, ont fait défaut. Ces dolmens
— 464 —
contiennent également la variété de haches et autres objets
trouvés dans les fonds de cabane.
Dans nos contrées, soumises à la grande culture, les
dolmens sont devenus rares; nous pouvons cependant citer celui
de Diepenbeek (Limbourg), que nous avons découvert il y a
une trentaine d’années (1).
D'une époque plus rapprochée de nous, il a été trouvé
un peu partout des haches et autres instruments en bronze,
même des statuettes en métal, notamment d’Epone à cheval,
dont un exemplaire se trouve parmi nos collections.
En ce qui concerne les rites funéraires, c'est l’inhuma-
tion soit dans les dolmens, soit dans les cavernes le long des
fleuves et rivières qui est généralement pratiquée.
L'art de travailler les métaux a été introduit dans nos
contrées par des nomades qui avaient appris cet art en passant
par la Grèce, la Thrace, la Macédoine, et c'est également dans
ces contrées que, par contact, ils ont appris l'art de frapper
la monnaie que nous trouvons encore abondamment.
En effet les monnaies de ces temps, que ces peuples nous
ont laissées en si grand nombre, sont des imitations des mon-
naies grecques et macédoniennes.
D'après les trouvailles, deux espèces de monnaies appar-
tiennent spécialement à ces occupations; les unes portent
d’un côté un cheval au repos et, au dessus du dos du cheval,
l'inscription AVAVC; le revers porte 4 bustes de chevaux
autour d'un cercle (voir fig. n° 38 : époque germanique).
D'autres sont en argent ou en potin; elles portent d'un
côté un cheval au repos, de l'autre une espèce de croix
formée de globules puis des signes peu caractérisés. Toutes
ces monnaies sont des imitations des monnaies macédoniennes.
Ce qui est surtout à remarquer c'est que ces trouvailles
de monnaies n’ont pour ainsi dire jamais été faites qu'aux
abords de la Meuse et de ses affluents, d’où l’on peut conclure
que ces peuples n'ont jamais occupé que leurs bords immé»
dints. — Mais ne perdons pas de vue que c’est précisément
(1) Bulletin de la Société scientifique et littéraire du Limbourg,t. XVII, p.38.
— 465 —
aux mêmes endroits que nous avons trouvé les installations
des agriculteurs celtes, c'est à dire des tailleurs de haches
de pierre, d'où l’on peut déduire que les derniers arrivés,
que nous pouvons désigner sous la dénomination de Germains
à cause de leur séjour prolongé et de leurs pérégrinations en
Germanie, ont transformé ces paisibles habitants des rivières
en esclaves ou les ont dispersés.
Au sujet de l'occupation des Germains aux abords immé-
Ne 38. — Objets de fouille de l'époque germanique.
diats de Tongres, nous avons fait, assez récemment, d’intéres-
sautes trouvailles. Nous avons trouvé des puits d'un mètre de
diamètre creusés dans une colline de sable gris-blanc,
refermés au moyen de paquets de glaise. Ces puits pénètrent
dans le banc de sable à une profondeur de 6"50 sous le niveau
du sol de la colline, et, au fond, il a été trouvé un dépôt
funéraire d'un temps bien antérieur à l’époque romaine,
30
-— 466 —
notamment un vase en terre grise, devenu noir comme s’il
avait servi à préparer des aliments, sa hauteur est de IL c.,
son ouverture a 16 c. et le fond a 10 c. de diamètre. Nous
avons trouvé aussi des braises de bois, 2 pierres à aiguiser en
grès gris qui ont beaucoup servi, des morceaux d'un instru-
ment en fer, puis le fond d’une urne faconnée à la main. Ces
puits n'ont jamais pu avoir été destinés à contenir de l'eau;
les objets, d’un travail tout à fait primitif, n’ont aucun rapport
avec les objets de fabrication romaine ou franque.
Un dépôt analogue se trouvait au fond de chaque puits.
A en juger d’après les objets trouvés, les puits de
Tongres doivent avoir été creusés bien avant l'occupation
romaine, à l’époque de l'âge du bronze et du fer, et probable-
ment par les aucêtres des peuples qui, ultérieurement chassés
par les Romains de nos contrées, sont allés occuper diverses
contrées écartées de la France (1).
L'idée d’enterrer les morts dans des. puits, n’appartient
pas aux Celtes ou aux descendants des néolithiques qui, en
pays plat, enterraient leurs morts dans la couche végétale et
même au dessus de cette couche dans de petits tertres ou dans
des dolmens et en pays de collines dans des grottes naturelles
ou creusées.
L'usage de faire des enterrements dans des puits profonds
a eu pour but de soustraire, d'une manière durable, à la
profanation les restes de ceux qui furent chers aux vivants;
aussi tout prouve que nous avons eu à faire à une population
ayant eu uue civilisation plus éclairée que celle des peuples
pratiquant des enterrements sommaires.
C’est dans la vallée, entre Tongres et Koningsheim et
tout près de Tongres, qu'on trouve toujours cette énorme
quantité de monnaies germaniques et consulaires perdues
pendant la mélée qui a causé la destruction de la légion
romaine (700 de Rome, 53 av. J. C.)
Voici la désignation des monnaies des populations ger-
(1) Les puits funéraires, rapport de Quicherat au Comité des sociétés
savantes, octobre 1866 (Magasin pitloresque, 1878, p. 1).
— 467 —
maniques, trouvées assez récemment, isolément, à Tongres,
et appartenant à nos collections.
Monnaies germaniques.
Aduatuques.
Cheval galopant, autour AVAVC.
R) 4 bustes de chevaux. 20 p.
Monnaies anépigraphes.
Une tête de cheval.
R) 4 bustes de chevaux. 50 p.
Monnaies des Trévires.
Buste d’Indutiomare.
R) Un taureau en position d’attaque et de défense, au
dessus GERMANIS. 15 p.
Monnaies inconnues.
Buste d’un chef germain. 20 p.
Des découvertes isolées d’un assez grand nombre de
monnaies des Trévires, on peut déduire que ces Germains ont
également fait partie de l’alliance des Eburons et des Adua-
tuques contre les Romains.
Quant aux pièces consulaires en argent et en bronze,
antérieures à l’année 700 de Rome, trouvées pendant les
20 dernières années aux abords de Tongres vers l’ouest et
toujours dans la même vallée, on peut les évaluer à plusieurs
centaines appartenant toutes aux familles consulaires, savoir :
Julia, Servilia, Calpurnia, Cassia, Marcia, Sursio, Rufus,
Pompeïa, Cœlia, Fonteïa, Claudia, etc.
Les plus anciens travaux exécutés par les Romains, aux
abords de Tongres, doivent avoir été les deux tumulus sur le
territoire de Koningsheim. .
Les fouilles que nous y avons pratiquées nous ont
révélé, sous le plus grand, une couche de terre de 0"30 à 0"40
d’épaisseur, devenue noire par le gras de cadavre ; dans cette
couche nous avons trouvé des ossements, des cendres, des
phalanges, etc., puis une petite hache en silex taillé, l’extrémi-
té d’un ciseau en brouze, des monnaies consulaires bien
caractéristiques antérieures à l’année 700 de Rome, des
tessons de poterie en verre et en terre cuite, un tombeau,
violé, sous forme de dolmen, composé de pierres en trass
— 468 —
d'Andernach ou du Rhin placées debout et couvert d’une
immense dalle. Ce tombeau a 1730 de long, 0"92 de large
et 0"60 de hauteur. Sur une des pierres se trouvent les
2 lettres L, E. Sous l’autre tumulus nous avons trouvé les
cendres des corps incinérés. Tous les objets recueillis sont
déposés au musée du Cinquantenaire à Bruxelles.
Après ces tumulus a été faite la grande enceinte de la
ville. Elle est datée par une monnaie consulaire et un grand
bronze portant au droit NERO CLAVDIVS DRVSVS et les
contremarques du règne de Tibère IMP TA PR’.
Il en résulte que sous le règne de Tibère, 14 après J. C.,
la grande enceinte de Tongres était eu construction. Elle date
ainsi du commencement de l’occupation -romaine et elle existe
encore en bonne partie; elle a 2"20 en fondation et 1"80 en
élévation. Elle à résisté aux sièges durant les occupations
romaines et franques, aux bouleversements du moyen âge et
aux Vandales des temps modernes.
Cette enceinte constitue les uniques travaux du 1‘ siècle
existant encore en Belgique (ajoutons en passaut qu’il est
urgent de songer à leur conservation au moyen de travaux de
soutènement et de consolidation).
Les tours, dont une douzaine subsistent, ont en fondation
8270 de diamètre et en élévation 8"30 de diamètre.
A cette immense enceinte de 4500" de développement,
complétée, vers l’est par la rivière le Jeker, correspond un
castellum aux abords de l’église Notre-Dame, dont les tours
et les murs ont les mêmes dimensions que ceux de l'en-
ceinte extérieure.
A l’intérieur de la grande enceinte nous avons mis à nu
de nombreuses substructions de grandes habitations romaines
avec salles d’hypocauste; nous avons rencontré aussi l’em-
placement de rues, au moyen de substructions ayant appar-
tenu à de petites habitations bien primitives contenant des.
monnaies d’ Auguste et des débris de poterie.
C’est par centaines que nous trouvons, parmi les ruines.
et les cultures, les monnaies du I" et du II: triumvirat et
d’Auguste empereur.
Le nombre des tombeaux, marqués au moyen des mon-
— 469 —
naies d'Auguste, est aussi très considérable et nous indique
importance de l’occupation de Tongres durant ce règne
d'organisation.
C'est vers la même époque qu'on a commencé aussi l’im-
mense voirie dont bien peu de personnes, en parcourant nos
contrées, voient et sentent l'importance. Cette voirie a été
réellement une œuvre gigantesque, tellement elle est nom-
breuse et bien faite (1). Jusqu'ici nous n'avons guère étendu,
en détail, nos recherches beaucoup an delà de la Hesbaye,
mais bientôt nous comptons y consacrer plus de temps, car
plus on vérifie, plus on trouve, surtout en Hesbaye où elle
forme un réseau presque inextricable. Et l’on ne peut dire,
sans preuves, que ces routes n existäient pas simultanément ;
elles existaient presque toutes avant le milieu du 2° siècle
ainsi que le prouvent les monnaies des tombeaux, des cime-
tières à proximité des villas et des voies de communication.
Les grandes routes romaines de nos contrées, connues et
construites dans le courant des deux premiers siècles, sont :
Tongres, Gembloux, Bavay, Amiens. — Tongres,
Waremme, Gembloux. — Tongres, Millen, Maestricht, Aix-
la-Chapelle, Cologne. — Tongres, Herderen, Vroenhoven,
Maestricht, Meerssen, Cologne. — Tongres, Petit-Spauuen,
Asch, Brée, Helmond, Nimègue. — Tongres, Lanaken,
Vucht (longeant la rive gauche de la Meuse), Nimègue. —
Tongres, Hechtel, Leyde. — Tongres, Stevoort, Herck-la-
ville, Tessenderloo, Anvers et Leyde. — Tongres, Konings-
heim, Hertstappe, Fexhe, Clavier, Ciney, Bavay, Amiens. —
Tongres, Othée, Noville, Clavier. — Tongres, Grand-Looz,
Tirlemont, Bruxelles, Assche, Alost, Gand, et un embranche-
ment de Assche vers Renaix. — Tongres. Herstal, Jupille,
Arlon, Trèves. — Tongres, Clavier, Arlon.
Des milliers de chemins d'exploitation reliaient en outre
les villas; nous avons découvert plus de 200 de celles-ci
dans le sud de la province de Limbourg. 7
Les premières routes ont été établies au moyen de gravier
(1) Voir carte annexe aut. XIX du Bulletin de la Soc. sc. et litt. du
Limbourg, 1901.
— 470 —
de la Meuse parce que, à cette époque, les carrières de silex
n'étaient pas encore suffisamment connues ou en expioitation,
ainsi la partie dure de la grande route entre Cologne par
Maestricht, Tongres, Gembloux, Amiens, a été faite en gravier
jusque dans le Brabant; près de Tongres la couche de
gravier atteint des proportions énormes.
Tongres était, pendant les deux premiers siècles, le point
de concentration de tout le mouvement militaire, commercial et
agricole, car toutes les routes romaines de cette époque se diri-
gaient vers un point unique, qui était Tongres.
Tongres n’était pas la capitale de la 2° Germanie, mais à
Tongres se faisait la concentration de tout le mouvement du
Nord vers le Sud. En évaluant à 200 ou 300 habitants la
population de chaque villa de la Hesbaye, dont on retrouve
aisément les ruines le long de la voirie romaine, on peut se
rendre compte de l'occupation de cette contrée à l’éppque
romaine.
Par l’examen des fouilles des villas, on constate aisément
que les Romains, durant les deux premiers siècles, ne se sont
nullement occupés de les assurer ou de les garantir contre les
invasions. Toutefois ils ont érigé de nombreux observatoires
dans le plat pays destinés à avertir la garnison. Ces observa-
toires sont les tumulus de 12 à 18 m. de hauteur, dont un cer-
tain nombre subsistent encore. Sur ces tumulus ils faisaient
des feux qui constituaient des signaux. De cesfeux on retrouve
encore les cendres.
Nous avons souvent remarqué que les dépôts funéraires
des habitants des villas sont généralement plus importants
que ceux trouvés au cimetière militaire de la ville de Tongres
où tout devuit être réglé suivant les prescriptions déterminées
et fixées par la loi des XII tables. C’est ainsi que l’on trouve,
aux cimetières de nombreuses villas, des tumulus de 12 à 15 m.
de hauteur élevés sur le tombeau de colons, de femmes de
colons, ou de bergères.
La découverte de tombeaux de l'espèce mérite spéciale-
ment l'attention du fouilleur; les fouilles d’nn tombeau intact,
sous tumulus, paient toujours largement les peines. En effet,
la plupart de ces dépôts contiennent deux ou trois objets réelle-
— 471 —
ment remarquables, par exemple des bijoux en or, des vases en
bronze à reliefs, des chandeliers en argent, des lampes gravées,
tous objets de haute valeur qui furent chers aux défunts.
La trouvaille, sous tumulus, à Herne-St-Hubert, à 7 kil.
de Tongres, du dépôt funéraire d'un peintre du 2° siècle et de
toutes ses décorations, de tous ses instruments, ustensiles,
couleurs et couleurs fabriquées, démontre qu’à cette époque
on peignait déjà suivant le système actuel. Aussi cette trou-
vaille est-elle du plus haut intérèt. De nombreux comptes-rendus
de cette trouvaille ont été publiés tant en Belgique qu'en Alle-
magne.
Il est regrettable qu’à cause de la rareté de la pierre en
Hesbaye, les coffres, qui ont recu le mobilier et les cendres,
aient été en bois. Il en résulte que les terres du tumulus sont
tombées dans la caisse et sur les objets quand le couvercle a
cédé sous le poids de la charge; aussi la plupart des objets
fragiles ne sont trouvés qu'à l’état de débris.
Partout où l’on rencontre de hauts tumulus sur les tom-
beaux de l’époque romaine, on peut dire que le pays était
occupé pendant les deux premiers siècles, car on n’en a pas
trouvé un seul appartenant aux 3° et 4° siècles.
Les tombeaux ont été datés, non seulement au moyen de
la monnaie de l’époque, destinée au passage du Styx, mais
encore au moyen des vases; ainsi les belles bouteilles carrées
en gros verre bleu avec large ause, la poterie sigillée en terre
rouge d'Italie, très dure, dont la couleur rouge est absolument
adhérente à la matière, etc., appartiennent aux deux premiers
siècles de notre ère. Ces vases, on ne les trouve plus au 3° siècle
que sous la forme d'imitations faciles à reconnaitre.
En général,durant les deux premierssiècles,toute la poterie
sigillée soit en terre rouge dure, et couleur adhérente, soit en
terre jaune dorée ou en fine terre noire, ainsi que les grandes
bouteilles en gros verre bleu et large anse, les vases en bronze,
à reliefs, les grosses fibules sont tous d'origine étrangère à
nos contrées, car à cette époque il n'y existait pas encore des
établissements produisant des objets de fabrication difficile et
spéciale. Aussi, si même la monnaie n'a pas été trouvée dans le
tombeau, on peut encore distinguer l’époque à laquelle appar-
— 472 —
tient le dépôt. Ainsi, les objets trouvés, sans monnaies, dans
les tumulus de Grimde lez-Tirlemont, appartiennent, incon-
. testablement, au Haut-Empire.
Quant aux monnaies, tant en or qu'en argent et en bronze,
elles sont gravées d’une manière remarquable, fortement en
saillie (voir fig. n° 39 : Æaut-Fmpire).
No 39. — Objets de fouille du Haut-Empire.
Les fouilles des substructions des villas, tant au nord
qu'au sud de Tongres, nous ont procuré des résultats fort
intéressants.
Au nord de Tongres, le mobilier se trouve, brisé, parmi les
substructions, et même on y rencontre parfois de beaux vases
intacts'; de certaines de ces villas on a retiré des charretées
de débris.
— 473 —
Au sud de Tongres, parmi toutes les ruines, on trouve
bien peu de chose ayant plus qu'une valeur de curiosité; les
<olons doivent donc avoir eu le temps d'emporter tout leur
avoir.
Parmi les ruines qui n’ont plus été réoccupées ultérieure-
ment, jamais une monnaie, postérieure au règne. de Marc
Aurèle, n’a été mise au jour, et tous les objets portent les carac-
tères propres aux deux premiers siècles.
Que sont devenus les colons de la Hesbaye ?
En tout cas ils ne sont pas revenus dans nos contrées dans
le courant du 2° ni au commencement du 3° siècle, car les
fouilles aux cimetières des villas et aux cimetières de Tongres
ne font constater que de bien rares dépôts funéraires apparte-
nant à ces époques.
Nous constatons aussi que les monnaies de ces temps
parmi les ruines de Tongres et des environs sont extrêmement
rares, dans nos coutrées ce n'était plus qu’une occupation
réduite, et, parmi nos collections, les règnes, compris entre
l'avènement de Commode (180) et le commencement du gou-
vernement de Postume (260), sont extrêmement mal repré-
sentés.
Par contre aux cimetières de Tongres, les fouilles consta-
tent la présence de dépôts funéraires à inhumation de Francs
qui, en général, sont fort pauvres; ces dépôts se sont faits, en
moyenne, à 3,50 m. de profondeur. Le mobilier de ces dépôts
n'est en général composé que d'un senl petit pot, parfois em-
prunté à un dépôt funéraire romain, car, à Tongres, les Francs
se sont fait euterrer aux cimetières romains.
Ce qui est encore une preuve que déjà les Francs étaient
arrivés daus nos contrées au [II siècle, c'est que, parmi maints
dépôts romains à incinération, se trouvent les armes de
l'ennemi abattu, notamment la courte hache et la petite lance;
Si en Hesbaye l'occupation romaine a presque disparu, il
n'en est pas de même au sud de la Sambre-Meuse; en effet, le
musée de Namur nous prouve, au contraire, par des objets pro-
venus de nombreuses et fructueuses fouilles, que ces contrées
étaient largement occupées vers la fin du Il[° et au commence-
ment du [I]° siècle. Du reste, les objets réunis au musée de Namur
— 474 —
diffèrent notablement de ceux des deux premiers siècles, trou-
vés en Hesbaye.
Déjà à cette époque, c'est à dire vers la fin du Il° et au
commencement du III siècle, la fabrication locale était large-
ment organisée.
Les fouilles, si productives, parmi les substructions des
villas de Flavion et d'Anthée, dans l’Entre-Sambre et Meuse,
on fait connaître l’importance d'une fabrication de bijoux
variés, fibules, broches, émaux, etc., déjà parvenue à un haut
degré de perfection. Nulle part on ne trouve une collection de
ces bijoux comparable à celle du Musée de Namur (1).
À noter que ces bijoux, qui appartiennent aux II° et
III: siècles et qui sont de fabrication locale, n'ont que peu de
rapports avec les objets de même usage des deux premiers
siècles trouvés au Nord de la Sambre-Meuse et qui sont de
fabrication étrangère.
Quand les fabriques de bijoux de Flavion et d’ Anthée
étaient en activité, leurs produits ont été dispersés dans toutes
les contrées des environs et nous les rencontruns aussi parmi
les dépôts funéraires des II° et IIT* siècles du Nord, mais jamais
parmi le mobilier des grands tumulus. |
Il est aussi à remarquer que plusieurs villas de la pro-
vince de Namur ont été défendues au moyen d’enceintes
maconnées, notamment Anthée et d’autres encore. De fortifi-
cations semblables nous n'avons jamais constaté la moindre
trace aux environs de Tongres ou en Hesbaye, et il a fallu un
cataclysme pour arriver à une innovation aussi coûteuse (2),
car les murs d’enceinte d’Authée comportent 2000 mètres de
pourtour.
L'occupation de la fertile Hesbaye durant les deux pre-
miers siècles et une paix profonde laissaient le loisir aux
colons d’honorer, en paix, les morts au moyen de monuments
durables, bien que d’une construction difficile.
La destruction, au II° siècle, de toutes les villas de la
Hesbaye avait anéanti cette belle confiance, et, à partir de cette
invasion, c'est-à-dire apiès le règne de Marc-Aurèle, les
(1) Annales de la Société d'archéologie de Namur,t. XXV, fase. 3.
(2) Annales de la Societe d'archéologie de Namur, t. XIV et XV.
— 475 —
colons n'ont plus voulu, au moyen de tumulus, honorer la
mémoire de leurs bienfaiteurs ou parents et signaler ainsi les
lieux des dépôts funéraires. Donc, l'occupation romaine dans
nos contrées, où les colons n’ont plus érigé de hauts tumulus,
est postérieure à celle du Haut-Empire de la Hesbaye, et cette
preuve est faite tant par les monuuies que par les objets dont se
composent les mobiiiers funéraires des cimetières de cette
époque. |
Nous avons fouillé de nombreux tumulus (environ 25),
et les comptes-rendus d’autres fouilles antérieures donnent le
même résultat, c’est-à-dire qu'après l'invasion qui a eu lieu
vers la fin du règne de Marc-Aurèle on n'a plus érigé de
hauts tumulus. Là où, par système, les Romains n’en ont plus
érigé, leurs occupations sont postérieures.
Ce qui ressort de nos fouiiles et trouvailles c’est que vers
la fin du III: siècle, vers 260 environ, nos contrées out été
réoccupées insensiblement : en effet, nos collections contiennent
plus de 500 monnaies de Claude IT, plus de 1000 de Tétricus
et de Poxstumus. Toutes ces monnaies ont été trouvées, isolé-
ment, à l’'emplacenent qui paraît avoir été le centre de la ville
à cette époque, c'est-à-dire les terrains entre les routes de
Koningsheim et de Saint-Trond.
L'étude des revers des monnaies de Postume suffirait
presque à recoustitner l'histoire de ces temps de barbarie.
Il faut croire qu'il en était à Tongres comme en France,
pour beaucoup de villes : l’enceinte du I°r siècle de la ville de
Tongres était trop grande pour pouvoir être défendue conve-
nablement; aussi l'enceinte maconuée, érigée sous le règne de
Tibère, a été réduite au 1/3, euviron, de la surface primitive.
Une partie des substructions de cette seconde enceinte subaiste
ainsi que celles de l’enceinte du Castellum de la même époque;
les murs ont une épaisseur de 1"70 et 2"10 en fondation ; les
substructions énormes de 2 forts, à l'emplacement où l'en-
ceinte réduite rejoint l'enceinte du [rr siècle, existent aussi.
Afin d'engager les colons à venir réoccuper les villas, en
ruines, aux abords de Tongres, on a construit une enceinte en
terre enveloppant une surface de terre arable de 1200 hectares
pouvant, en cas de nouvelles invasions, servir de refuge aux
colons des environs et à leur bétail. Ce refuge, qui existe encore
— 476 —
en bonne partie, est constitué d'un côté au moyen d’un
rempart de 6700" de développement, qui, en certains endroits,
a encore 25 à 30" de hauteur, de l'autre, au moyeu d'une
partie de 4000" de longueur de la rivière, le Jeker, permet-
tant l'inondation d'immenses prairies.
Ce formidable rempart porte aujourd'hui le nom de
Zeedyken, et forme une superbe promenade publique.
Pour expliquer comment on a trouvé utile de faire con-
struire une si formidable enceinte à Tongres, il faut se rappeler
que Tongres était la porte d'entrée vers les contrées du sud ; il
se trouvait à la jonction de toutes les routes, qui, de toutes les
directions, y aboutissaient. C'est un des ouvrages les plus con-
sidérables du IIT siècle dans le Nord.
Quand ce refuge a été construit, l'enceinte du I°r siècle ne
servait plus, car cette dernière enceinte et le refuge peu dis-
tant sont parallèles sur environ 200 mètres. La levée en terre du
refuge commence juste à l'endroit où le mur en maçonnerie de
la même épuque part de l’enceinte du I" siècle. Donc, la levée
en terre formant le refuge est bien de l’époque de la restaura-
tion de la puissance romaine dans nos contrées, c’est à dire de
l'époque de Constance Chlore et de Dioclétien, qui, du reste,
ont fait faire le rétrécissement des enceintes de toutes les
villes de France existant à cette époque. Des fouilles ou
tranchées pratiquées dans cette enceinte ont mis au jour des
débris appartenant aux deux premiers siècles.
Toutes ces dispositions ont eu pour but le repeuplement
du pays. Aussi beaucoup de villas ont-elles été reconstruites et
réoccupées ainsi que le prouve les découvertes de monnaies
parmi les substructions fouillées dans nos contrées. Ainsi,
parmi les substructions de villas, notamment à Reckheim,
Neer-Haeren, Maestricht, Koningsheim la villa, Tongres,
Vechmael, etc. (1), il a été trouvé de nombreuses monnaies du
Bas-Empire et surtout de l'époque de Constance Chlore et de
Constantin le Grand.
(1) HABETS, Découvertes d'antiguités dans le Limbourg (Ruremonde). —
BaMPs et VAN NEUSS. Villa belgo-romaine de Neer: Haeren (Bull. des Comm.
roy. d'art et d'archéologie. Bulletin de la Soctelé Scientifique et Littéraire du
Limbourg, t. XVII, XVIII, XIX, XX.
— 477 —
Nous avons trouvé parmi ces décombres plus de 1000 de
ces monnaies.
En ce qui concerne les ornements, les bijoux, les usten-
siles de ménage ou objets destinés aux tombeaux, nas contrées
n'étaient plus tributaires de Rome, tout se fäbriquait dans le
No 40. — Objets de fouille du Bas-Empire.
pays, presque sur place, en imitant ou en simplifiant les
formes anciennes. C'est une époque de décadence.
La monnaie, tant celle en or, que celle en argent ou en
bronze est devenue plate, peu artistique, presque sans saillie;
celle en argent surtout est fortement fulsifiée ; les beaux vases
en terre rouge dure sont faits en terre vernissée ; les grandes
bouteilles en gros verre bleu ne sont plus connues : elles sont
remplacées par-des vases en verre commun, blanc ou bleu.
— 478 —
Quant aux vases en terre, ils n’ont plus la forme, si carac-
téristique, si délicate de ceux des deux premiers siècles (voir
fig. n° 40 : Bas-E'mpire).
A Tongres on trouve des milliers de monnaies à l'effi-
gie d'empereurs qui ont régné entre les années 270-408. On y
trouve des monnaies que, même en Italie, on considère comme
des raretés, notamment d’Alectus, de Marius, de Quiétus, etc.
Nos collections contiennent des monnaies de 100 empereurs,
et toutes ces monnaies ont été trouvées à Tongres ou aux
environs.
La ville de Tongres a été entièrement reconstruite vers
280 dans son enceinte réduite, avec un castellum de plus
grandes dimensions que celui du l* siècle. Nous constatons
des maisons de ville de dimensions énormes bâties à l'emplace-
ment de ruines anciennes et pourvues de salles d’hypocauste
comme on n'en trouve guère le long du Rhin; en effet nous
en avons découvert une dont les petites colonnes, formées de
15 rondelles, ont 0"70 de hauteur soutenant trois épaisseurs
de carreaux dont les derniers ont 0"60 de longueur et 0"50
de largeur. Aucun hypocauste des villas le long du Rhin
n'a l'importance d’un de ceux que nous avons conservés à
Tongres.
Malgré l’importance de l'occupation romaine de la Hes-
bave au Bas-Empire, on n’a plus érigé un seul tumulus dans
le plat pays. Les dépôts funéraires n’ont plus été signalés
dans la crainte des profanations lors des invasions.
Après le règne de Constantin le Grand, vers le milieu du
IV: siècle, la population franque augmente rapidement tant à
Tongres qu'en d'autres endroits de nos contrées.
Leur présence est signalé par les bouleversements dans
les cimetières romains.
Il est assez aisé de distinguer les dépôts funéraires des
Francs de la 1" invasion de ceux des Romuins païens et de
ceux des Francs arrivés aux [Vr et V° siècles.
En effet, les dépôts funéraires des Francs de la 1" inva-
sion sont à inhumation ; ils se trouvent d'habitude à 3%50 de
profondeur, et les Francs ont employé, en général, des vases
romains ayant servi à des sépultures romaines.
— 479 —
_ IÌs ont aussi placé, à côté du corps, les armes ayant appar-
tenu au défunt, ce qui, pour les Romains, ne se faisait qu'ex-
ceptionnellement pour les colons.
Vers la fin du IV: siècle et après la grande invasion des
Vandales, au commencement du V* siècle, vers 408, une autre
occupation franque s’est répandue en Hesbaye. Elle n’a pas
été limitée à Tongres car, par nos fouilles, nous constatons
la présence des Francs en divers endroits, et toujours ils ont
occupé les champs cultivés antérieurement, par les colons
romains.
Nous citerons Tongres et ses abords immédiats : Konings-
heim, résidence ou habitation du Roi, Berg lez-Petit-Spau-
wen, Hollogne aux Pierres, etc.
C’est à eux qu'on doit du reste cette énorme quantité
de monnaies, assez barbares, frappées à Trèves et ailleurs, à
l'effigie des empereurs romains Gratien, Honorius, Arcadius,
Constantin III, etc. Og en découvre isolément des milliers à
Tongres, ainsi que le constatent nos collections.
Il faut croire que le bronze n’était pas commun, car la
plupart de ces petites monnaies ne pèsent pas même un
gramme.
L'ornementation des bijoux francs des V° et VI: siècles,
ou même d’objets d’un usage courant, a généralement pour
base, non pas un tracé curviligne comme les objets romains
de la belle époque, mais plutôt des dessins géométriques recti-
lignes ; ainsi le vase à cachets ou portant des ornements à la
roulette, présente des dessins rectilignes.
Au point de vue de l’ornement, deux choses sont à distin-
guer : la forme et l’ornement (voir fig. n° 41 : Æ£’poque franque
et mérovingienne).
En ce qui concerne la forme, on peut dire qu’elle procède
toujours d'une figure géométrique rectiligne.
Quant aux ornements du champ ou de l'intérieur du
cadre, ils appartiennent ordinairement à deux types dont les
sujets étaient habituellement sous les yeux de leurs auteurs,
c'est à dire la forme humaine et celle des animaux domestiques
ou malfaisants. Par inexpérience, les graveurs ont donné à
ces types les formes les plus fantaisistes, accusant ainsi des
— 480 —
relations peu fréquentes, peu suivies, avec les artisans romains.
S'ils ont donné des formes bizarres, c'est qu’ils n'avaient
pas connaissance des modèles d'ornements employés avant
eux par les Romains ou qu'ils ne savaient pas les imiter.
C'est donc une manière de faire naïve, qui leur est propre,
que les Francs de la 24 période, des V* et VI‘ siècles, ont intro-
duite dans nos contrées; c'est un procédé original, qu'il est
Ne 41. — Objets de fouille de l'époque franque.
intéressant d'analyser et de suivre dans ses développements
au moyen âge, parce qu'il n'est pas emprunté aux Romains.
L'art franc s'est done substitué à l'art romain dès le
V siècle, voilà ce qui est établi par les dépôts funéraires.
Le panthéon des dieux grecs et romains n’y figure plus;
par contre on commence à y introduire quelques événements
— 481 —
de la vie du Christ : ainsi nous trouvons déjà, sur maints
cercueils des V° et VI: siècles, des croix en fer de la forme des
croix de saint André.
Beaucoup de fibules sont ornées de croix ; leur variété va
à l'infini.
Des variétés de fibules ont aussi la partie centrale ornée
de têtes d'animaux fantastiques.
Des peignes en ivoire sont ornés de figures géométriques,
de lignes croisées ou parallèles.
Une variété d'objets en jayet, tels que bracelets, épingles,
etc., ont des formes géométriques.
Quant aux vases, la patère est devenue plate comme une
assiette ou un grand plat, le galbe des vases à boire, de l’épo-
que romain, est toujours curviligne comme celui d’une poire,
le galbe des vases francs est rectiligne, de forme conique.
Certains vases à boire ont le corps formé de deux troncs
de cône réunis par la base, et, sur le tronc de cône supérieur,
on a appliqué un troisième tronc de cône renversé.
L'umbo des boucliers est de forme sphérique à l’époque
romaine, le profil de celui des Francs est pointu.
Au moyen âge c'est le goût naïf ou barbare des Francs
qui a prévalu, et l’art romain, si fin, mais si difficile à imiter,
a eu peu ou pas d'influence. Ainsi que nous l'avons déjà fait
remarquer, beaucoup de vases, travaillés au tour à l’époque
franque, ne sont pas d’un travail beaucoup plus fin ou mieux
soigné que certains vases de l’époque de la pierre polie.
Ajoutons, pour terminer, que les arts grecs ont passé par
Rome pour se répandre le long du Rhin et dans nos contrées
aux deux premiers siècles, quand nos contrées étuient devenues
le grenier de Rome.
Ils sont retournés, tout en étant sollicités à Rome par
Constantin le Grand, à Byzance devenu Constantinople, où
ils se sont endormis.
Tongres, 11 juin 1907.
31
L'Evolution corporative en Flandre à la fin
du XIII: siècle
par G. DES MAREZ,
Professeur à l’Université libre de Bruxelles.
Les origines des associations professionnelles en Belgique
n'ont pas fait jusqu’à présent l'objet de recherches spéciales,
et les historiens se sont contentés d’appliquer à notre pays les
théories générales émises en Allemagne. On croit communé-
ment que les corporations sont anciennes; affirmer qu’elles
n’existaient pas encore au XIII° siècle, ce serait certainement
heurter des idées reçues et faire naître aussitôt les plus grandes
réserves. Or, nos recherches en la matière nous ont convaincu
qu’à la fin du XIII: siècle, la corporation n'était pas encore
établie en Flandre, et pur corporation nous entendons une
association professionnelle, investie d'une certaine autonomie,
munie de règlements officiellement reconnus, et dirigée par
des chefs librement choisis par elle.
Avant l’éclosion définitive de la corporation, les artisans
constituaient des groupements économiques. Ceux-ci tendent
à l'émancipation, et soutiennent contre le pouvoir urbain
aristocratique une lutte acharnée. Cette hostilité de la part
des échevinages patriciens flamands s'explique en grande
partie par le caractère politique que le groupement profession-
nel a revêtu. Conçu au début comme une association à base
économique, il ne tarde pas à servir aux artisaus d'arme de
combat et d’émancipation politique. Au fur et à mesure que
les artisans se rapprochent du but final de leurs efforts, nous
voyons l’idée corporative se fortifier sans cesse davantage.
Dans la seconde moitié du XIII siècle, les ouvriers de
la draperie ont réussi à former des groupements, qui se sont
— 483 —
imposés à l'attention du pouvoir urbain. C’est ainsi qu'en
1252, à Bruges, il est question du doyen et des vinders ou
inventores des tisserands. Ces mêmes magistrats se retrouvent
dans l’ordonnance du 28 septembre 1280, où il est dit que
« tout artisan, arrivé dans la ville de Bruges depuis le mois
d'août et désireux d'exercer sa profession, doit se présenter
accompagné du doyen de son métier, de deux vinders, et du
maître, avec lequel il veut travailler, afin de se faire inscrire
dans les registres de la ville et gagner sa bourgeoisie ». Ces
magistrats n’existent pas encore pour toutes les professions,
car « s’il se faisait que pour une profession il n’existait pas
de doyen ou de vinders, dans ce cas l'artisan devait se pré-
senter avec deux bonnes gens de son métier, et gagner ainsi
sa bourgeoisie. » (WARNKÖNIG-GHELDOLF, Aisloire constitu-
tionnelle de la ville de Bruges, Bruxelles, s. d. Pièce n° 13,
$ 4). — Le doyen, dont il est question ici, est le decanus
draperie. IÌ a la surveillance des tisserands. À ses côtés fono-
tionne un autre decanus, qu'on appelle le decanus sagorum,
qui surveille les foulons et les tondeurs. — À Bruges, on
rencontre également un decanus pour les tanneurs; de même
aussi, un decanus pour les fabricants de chandelles. Les
autres groupements professionnels semblent ne pas avoir de
decanus (Texte de 1297, traitant de la reddition de la ville
de Bruges à Philippe le Bel. Girioptrs-VAN SEVEREN. Zno.
des Arch. de la ville de Bruges, 1, p. 54, note 1).
Or, et c’est ici le point important de la théorie que nous
entendons développer, ces doyens et vinders sont des fonc-
tionnaires désignés par le pouvoir échevinal pour surveiller
certaines branches de la production urbaine et certaines
réunions d'artisans. Dans la suite, ils vont disparaitre, et
faire place à des jurés ou jwrati, chefs élus par les artisans
directement, et qui prendront également dans la suite le titre
de doyens. Cette substitution du titre de doyen à celui de
juré (juralus, gezwoorne) a été cause de la confusion faite
entre deux espèces de magistrats absolument distincts.
En 1284, les tisserands de Bruges constituent parmi eux
une mutualité ou société charitable. On mentionne toujours
les, deken. et vinders. En 1294, les statuts de 1284 sont
— 484 —
élaborés de rechef, mais, au lieu de vinders (texte de 1284),
on inscrit dans le texte renouvelé gesworene (Pirenne et
Espixas, Recueil de documents relatifs à l'industrie drapière
en Flandre, I, pp. 398 et suivantes, ordonnance de 1284, à
comparer à celle de 1294, pp. 464 et suiv.). Les foulons, la
même année, ont un semonceur (maenre) et des jurés (Zbidem,
page 485); les tondeurs ont aussi des jurés (/bidem, page 496).
Ces différents textes prouvent que ce sont les artisans de la
draperie, les tisserands, les foulons et les tondeurs, qui ont
réalisé le plus rapidement l’idée corporative. |
À Ypres, le soulèvement de 1280, connu sous le nom de
Cockerulle, eut pour les artisans une portée économique très
grande. La sentence, rendue par Guy de Dampierre, le
jer avril 1281 (WarnkôniG-Gneznozr, Mistoire de la ville
d’Ypres. Pièce n° 44), est particulièrement instructive. Elle
fait voir que les artisans avaient formé entr’eux des associa-
tions jurées, qui sont déclarées dissoutes, et, pour empécher
leur retour, elle édicte des mesures draconiennes. L’émeute
de 1280 ne fut cependant pas inutile à la cause ouvrière, et
c’est à partir de cette époque que nous trouvons une législa-
tion du travail écrite, reconnaissant certains usages observés
de fait par les artisans. Toutefois nulle part, avant 1302,
nous ne découvrons la moindre trace d’organes ou de chefs
corporatifs.
Cependant à Ypres, comme à Bruges, il existait des
groupements économiques, parmi lesquels les groupements
des tisserands, des foulons et des tondeurs étaient les plus
solides. Ils sont dirigés par des circuilores, assistés d’un
clericus. D'autre part, il y a des sigillatores. Pour la surveil-
lance des denrées alimentaires, il y a les circuilores panis, et
ceux qui inspectent la viande et le poisson. Ces circuitores,
semblables aux vinders de Bruges, aux eswardeurs de Douai,
sont des fonctionnaires délégués par le pouvoir urbain
(Comptes communaux d'Fpres, 1267, 1280, 1281, aux Archi-
ves de la ville d’Y pres).
Les groupements économiques, qui accusent très nette-
ment déjà leur action à la fin du XIIIe siècle, arrivent au
stade final de leur évolution lors de la victoire démocratique
— 485 —
de 1302 (bataille des Eperons d’or). À Bruges, les corpora-
tions s'organisent, avec des chefs propres, dans toutes les
branches de l’industrie, et toutes ensemble elles sont répar-
ties en neuf catégories, appelées memöres. À Ypres, chose
significative, les corporations apparaissent brusquement, entiè-
rement achevées, au lendemain de la bataille de Courtrai.
Elles ont désormais des chefs, des doyens, et même cinq
d’entr’elles — les tisserands, les foulons, les tondeurs, les
bouchers et les poissonniers — ont des sceaux, indice d’une
autonomie largement accentuée. Toutefois, en 1328, il s'opère
une certaine réaction. La liberté corporative est restreinte, et
les sceaux disparaissent.
En résumé, nous croyons qu’en règle générale les cor-
porations, contrairement aux idées reçues, n’avaient pas
achevé leur évolution à la fin du XIII siècle, Celle-ci s’accom-
plit après 1302. Il existait simplement des groupements éco-
nomiques, dirigés par des fonctionnaires municipaux.
Les Archives Farnésiennes de Naples
au point de vue des Pays-Bas,
par le Chanoine ArrrED CAUCHIE,
Professeur à l’université de Louvain,
et LÉon VAN DER ESSEN,
Docteur en philosophie et lettres.
De tous les dépôts d’archives signalés à l'attention de la
Belgique et de l'Europe par Gachard, l’un des plus riches pour
notre histoire nationale au XVI siècle est incontestablement
le Grande Archivio di Stato à Naples. Le fonds des Archives
Farnésiennes contient de si nombreuses et de si importantes
sources, que « c'est en vain », selon la parole de l’illustre
historien, « qu'on rechercherait de pareils documents dans les
archives de la Belgique, de l'Espagne, de Vienne, de La Haye».
Depuis 1868, date de la laborieuse enquête de l’infatigable
chercheur dans ces archives, celles-ci ont donné lieu à diver-
ses publications de Gachard même et de Piot et fourni de
considérables matériaux à la publication, faite sous les auspices
de la Commission royale d'histoire, de la Correspondance du
cardinal de Granvelle (12 vol. Bruxelles, 1878-1896), tandis
que l’un ou l’autre écrit insistait sur l'utilité d'y entreprendre
de nouvelles fouilles.
Mais, alors que des savants de tous pays n'ont cessé
d'explorer ces richesses, alors qu’un historien italien, M° P.
Fea, a composé, à l’aide de ce fonds, un volume des plus
importants pour notre histoire (Alessandro Farnese, duca di
Parma. Rome, 1886), voici que, depuis l’achèvement de la
publication de la Correspondance du cardinal de Granvelle,
ce précieux patrimoine de notre histoire a été en quelque
sorte délaissé par les Belges. Voilà pourquoi, à l'heure
où l'esprit d'initiative de la Belgique s’affirme de plus en
— 487 —
plus dans le domaine des recherches scientifiques, à l’heure
où la Commission royale d'histoire, grâce à la libéralité de
notre gouvernement, organise des missions en vue de réper-
torier à l'étranger les documents relatifs à l’histoire de Bel-
gique, il nous a semblé opportun d'attirer de nouveau l’atten-
tion des érudits sur les Archives Farnésiennes.
On peut tout d’abord se demander quelles sont les
richesses qu'elles contiennent, particulièrement au point de
vue des Pays-Bas.
I.
Aujourd'hui l’ensemble de cette collection comprend
environ 1800 fardes constituant, au Grande Archivio di Stato
à Naples, la Zavola X7V de la prima sezione du secondo uficio
des archives (1). Pour en donner une idée, nous ferons rapide-
ment ici l’historique de ces Archives Farnésiennes; en même
temps nous indiquerons les divers inventaires qui en ont été
dressés depuis une cinquantaine d’années (2).
En 1592, Ranuccio I Farnèse, fils d’ Alexandre Farnèse,
créa à Parme un dépôt d’archives ducales (3). Les documents
relatifs au gouvernement de Marguerite de Parme et de son
fils Alexandre en Flandre, les actes concernant le douaire de
Marguerite et les fiefs de la famille Karnèse, les lettres et
correspondances avec les souverains d’Espagne et les autres
souverains, princes et magnats, furent sur l’ordre de Ranuc-
cio rassemblés et placés dans cet archivio (4). Les archives
ducales étaient secrètes.
(1) TRINCHERA, Degli archief napolitan:i. Naples, 1872.
(2) Quelques anciens inventaires sont d’ailleurs cités plus loin. Voir
aussi A. CAUCHIE, Znventaires des archives de Marguerite de Parme, dresses
après la mort de cette princesse, précédés d'une liste d'anciens inventaires
d'archives et de joyaux conservés aux Archives farnésiennes à Naples, dans
les CRHBull., t. LX XVI (1907), pp. 61 svv.
(3, Cf. Notizie risguardanti l'Archivio Farnesiano ora conservato nele
Archivio di Stato in Napoli, raccolte dal sottoarchivista NICOLA BARONE e
pubblicate a cura della direzione di questo archivio medesimo. Naples, 1898.
(4) Cf. GACHARD, Les Archives Farnésiennes à Naples, dans les CRH
Bull, 3° sér., t. III (18701, p. 245. — Vazio, Relazione sugli archiv: di stato
#aliani, p. 168. Rome, 1883. . .
— 488 —
En 1597 Ranuccio chargea l'archiviste Cesare Ripa,
titulaire de la maison, de cenfectionner an inventaire alpha-
bétique, conservé aujourd’hui parmi les papiers farnésiens (1).
D'après cet inventaire on voit que l’archivio ducal comprenait
deux chambres, où les documents étaient répartis dans 116
cassetti. Mais de nouveaux documents affluaient continuelle-
ment. Ces accroissement: sollicitèrent en 1621, l’interven-
tiou d’un second archivista, Francesco Moresco, peut-être lui
aussi archiviste ducal. Ranuccio lui fit rédiger un rapport;
Moresco envoya sa relatiou à la cour de Parme. D’après ce
rapport on voit que les archives, contenues dans les cassetli,
étaient conservées dans deux credenzoni, placés l'un dans la
chambre dite « Scura », l'autre dans la chambre dite « della
Parma ». Le premier credenzone conprenait 240 cassetti, le
second 216, numérotés progressivement. Il y avait de plus
cinq cantoni, avec 40 cassetti de duplicata, ce qui porte le
nombre à 496 cassetti. À druite de la stanza scura, se trouvait
un autre credenzone avec inventaire « fatto per alfabeto »
pour effectuer des recherches dans les 240 cuisses de la Scura.
L'archivio comptait sous Moresco 584 cassettes; il s'était donc
accrû de 80 cassetti.
Durant la période de 1621 à 1725, on transporta à Parme
plusieurs collections de documents reposant au palais Farnèse
à Rome, et en diverses villes où la famille Farnèse avait exercé
des droits souverains et avait accrédité des ministres ducaux.
Cela résulte de divers inventaires compilés alors. Ainsi, en
1627 Magno compile un inventaire des écritures renvoyées
du palais Farnèse de Rome en 1626 : c'étaient des documents
regardant les personnes, droits et états de In « casa Farnese. »
Ds furent reliés en fascicules mis dans la Scura, comme il
résulte de l’Arca scriplurarum domus farnesiane facta a me
Alexandro Magno anno 1627 (9). Cette même année fut com
posé un Jndex generalis totius archivi ducelis eztractus ez
diverses indicibus el reperloriis eiusdem Archivi (3).
: " À) Carte Farnesiane, filza 6, 32 num.
12) BARONE, op. cit., p. 3,n. 1. -
\8) Carte Farnesiane, filza 1, 32 num.
— 489 —
D’après cet inventaire général, on voit que les documents
étaient mis en #/ze (file) ou liés en bottes (mazzi), numérotés et
placés dans des boîtes (capsulae). Le désordre s’y mit bientôt
parce que des documents furent enlevés pour être consultés.
Le 24 août 1725, le duc Francois Farnèse, de sa résidence de
Colorno, chargea le comte Pagani de se rendre à « l'archivio
segreto » pour rechercher un concordat qui avait été conclu
vers le milieu du siècle précédent entre la: cour ducale et le roi
d’Espagne. A cette occasion, Pagani rédigea un mémoire :
Memoria delle cause per le quale si rende dificultoso il
rinvenire le scritture dell’ A. S. di S. A. S. con dl loro
provedimento (1).
Cependant, à la mort du duc Antoine Farnèse (1931), la
succession aux états de Parme et de Plaisance revint au pre-
mier né d’Élisabeth Farnèse, épouse du roi Philippe V
d’Espagne depuis 1714. En vertu du traité de Londres de
1718, Charles de Bourbon, fils d’Élisabeth, devint donc duc
de Parme et de Plaisance. Mais en 1734, il fut appelé au
trône de Naples. En allaut se fixer au palais royal de Naples,
Charles emmena, outre le médailler et la bibliothèque, beau-
coup de documents avec lui, tels les documents signés
Memorie genealogiche e documenti per interesse particolare
della F. F. — Casa ducale — Segretaria farnesiana — Cause
civile e criminale — Carteggio tenulo dai governatori e dalla
communitd di Parma e Piacenza con la Segretaria ducale —
Afari ecclesiastici — Milizie — Affari estere — Camerino ;
cilla e ducalo, On a retrouvé quelques listes des documents
envoyés alors à Naples (du 29 décembre 1735 au 4 janvier
1736, etc.).
Ces archives, qui, malgré leur secret, voyageaient ainsi,
furent pourtant tenues fermées aux savants. Les documents
qui avaient été emmenés à Naples furent jalousement enfer:
més au palais royal durant le règne de Charles III et pendant
plusieurs années du règne de son fils Ferdinand IV. À Parme,
Muratori ne put examiner les archives pour. des motifs de
(1) Publié par BARONE, op. cif., pp. 15-18.
= ‘490 —
rivalité politique, Le premier qui put-les consulter fut Pezzana
(1774), lors de ses recherches préparatoires en vue de l’histoire
de Guastalla.
Il rapporte que les plus importants des documents jadis
‘emmenés à Naples furent renvoyés à Parme en 1769 par
Ferdinand IV. En effet, en 1766, le duc de Parme, Ferdinand
de Bourbon, s’était décidé, sur le conseil de son célèbre
ministre Du Tillot, à réclamer au roi de Naples les documents
farnésiens jadis emmenés par Charles III. Ferdinand IV ren-
voya 33 caisses de papiers, se rapportant essentiellement aux
intérêts privés de la famille Farnèse. Ils s’identifient avec les
documents que nous avons cités ci-devant (en caractères
italiques) comme ayant été emmenés par Charles III. Actuel-
lement ils constituent, en majeure partie, le fonds farnésien
des archives de Parme.
Plus tard on constate que l’archivio ducal de Parme
contenait, outre les documents restitués, une partie du Carteg-
gio Farnesiano pour matières ecclésiastiques et politiques,
traitéés par le cardinal Alexandre Farnèse (1): il contenait
aussi des actes divers regardant les ducs de Parme et leurs
ministres. Cet archivio ducal forma, sous le nom de Archivio
dei Farnesiet d’Archivio di Borbone, une section de \’. Archivio
generale di Stato, appelé d’abord ainsi par décret de Marie=
Louise d'Autriche, en date du 15 octobre 1816, puis nommé
Archivio di Stato, lorsque, lors du « risorgimento », il fut
placé sous la dépendance du ministère de l'Intérieur aussi
bien que les archives de Milan, Brescia, Turin, Gènes,;
Cagliari, Palerme. -
Les autres documents non restitués par | Ferdinand IV
restèrent à Naples au palais royal. En 1799, lors d’une
émeute populaire, plusieurs documents furent sur le point
d’être brûlés par la populace, mais ils furent sauvés par des
particuliers et puis déposés dans la Biblioteca Bor bonica, du
moins à èn croire le comte Greppi.
"Lorsque en 1868 Gachard les demanda en communication;
_
(1) Ce Carteggio avait été transporté de Rome à Parme en 1590,
"= 491 —
l'administration de la Biblioteca Borbonica (aujourd’hui la
Bibliothèque Nationale) lui répondit que jamais on n’y avait
possédé des archives farnésiennes. Alors Gachard, ayant lu
dans Bonaini (Gli archivi delle provincie dell Emilia e le loro
condisione al finire del 1860, p. 168. Florence, 1861) que, en
1853, M' Binchi avait eutendu dire que des documents farné-
siens se trouvaient aux archives du Royaume (1) et principale-
ment dans les archives de la Consulta, se rendit à l’.Archivio
di Stato (2).
Là on le renvoya au palais royal, où enfin il trouva
réellement le reste des archives farnésiennes (3). « Dans les
années qui précédèrent la chute du trône des Bourbons, un
bibliothécaire du roi Ferdinand IV, M" Rossi, avait mis un
certain ordre dans ces archives; il en avait formé de grosses
liasses, étiquetées et numérotées, et les avait distribuées par
armoires, selon les pays ou les affaires qu’elles concernaient :
ainsi l’une renfermait les papiers rubriqués Fiandra, d’autres
qui portaient les rubriques de Spagna, Francia, Roma, Porto-
gallo, Parma, etc. » (1). On voulait que Mr Rossi en avait fait
un certain inventaire qu'il conservait chez lui (s). Mais
Gachard ne trouva pas ces’‘archives dans un endroit digne de
leur valeur. « Mr Sacco (intendant de la Casa Reale) m'avait
prévenu », écrit-il, « que l'examen des archives farnésiennes
serait difficile, car elles étaient reléguées dans un grenier, et
il n’en existait pas d'inventaire. Je fus conduit à l° "endroit où
elles étaient déposées. Je trouvai là une vingtaine de grandes
_ (1) Cf. GACHARD, op. cil, loc. cit., pp. 251-254.
(2) Il savait que au Grande Archiviose trouvaient un petit nombre de do -
cuments de comptabilité sans intérêt historique, y transportés en 1860. Cela
régultait d’une. communication de Belmonte, directeur du G. A., à Greppt
lorsque celui-ci, entre 1857 et 1858, allait à la recherche de documents
concernant Marguerite et Alexandre Farnèse. Avec cette comptabilité
furent renvoyés les Punzoni farnesiane, dont M" Barone a dressé un inven-
taire.
(8) L'Archivio generale della Casa reale et celui de la Consulta Se trou-
vaient au couvent della Solitaria an Pizzofalcone, jusqu'à ce ‘qu’on y établit
Ja guardia marina; alors-ils furent transportés à la Reggia (palais royal).
(4) GACHARD, op. cit., loc. cit., pp. 21 et Bv.
(5) BARONE, op. cit, p. 7.
1
— 492 —
et profondes armoires toutes remplies de papiers (1). Je dus,
avant tout, retirer de chacune de ces armoires les liasses qui
y étaient rangées ou plutôt entassées, afin d’y jeter un coup
d’æœil et de prendre note de celles qui, d’après leur étiquette,
devaient avoir rapport aux affaires des Pays-Bas. Ce fut, je
l’assure, une opération luborieuse et pénible. Il y avait là un
millier de liasses au moins, composées généralement de plu-
sieurs centaines de pièces; et, dans le déplacement qui en
avait eu lieu, l’arrangement que Mr Rossi s'était appliqué à
y introduire avait été bouleversé » (2).
Un mois après la visite de Gachard, le ministre de la
Real Casa permit le transport des archives à l’Archivio di
Stato, dont l'administration avait jusque-là en vain réclamé
cette urgente mesure. D’après le procès verbal du 13 Mai
1868 il est dit qu'un inventaire sera fait d'après les notes de
Mt Rossi sur les fascicules respeclifs (3). C'est probablement
l'inventaire général qui existe encore aujourd'hui.
Les Archives Farnésiennes ne sont pas complètes. Il y a
encore des papiers farnésiens en circulatiou. En revanche,
vers 1870 l’Archivio s’est enrichi de cinq nouvelles fardes et
il eneexiste encore beaucoup aux archives du Vatican (4).
Léon XIII en acquit en 1890 huit volumes nouveaux, où se
trouvent notamment des lettres de Marguerite de Parme.
En juin 1889, Mr Piot, archiviste général du royaume
de Belgique, demanda à l'aîné d’entre nous d'exécuter quel-
ques travaux aux Archives Farnésiennes de Naples. Il trouva
les archives au grand Archivio, au local magnifique que
constitue l'ancien couvent de San Severino. Le surintendant (3)
avait corroboré les paroles de Gachard concernant la richesse
de ce dépôt, et avait travaillé à l'ordonner. « Le souffle créateur
de M: Trinchera, avait passé sur le chaos : les dix-huit cents
(1) GACHARD, loc. cit.
(21 Zidem.
(3) BARONE. op. ci, p. 9.
(4) A. Caucure, Les archives farnésiennes à Naples, dans les CRHBull.,
4° sér., t. XVII (1890), p. 85, n. 1.
(S) Degli Archivi Napolitani, p. 66.
— 493 —
fardes de cette collection reposent maintenant dans une
ordonnance régulière. Elles constituent la Zuvola X1V de la
prima sezione du secondo ufizio des archives » (1). De plus s’y
trouvait l'inventaire manuscrit qui fut probablement rédigé
en 1868, en exécution des instructions ministérielles, lors du
transport des papiers farnésiens de la Reggia au local actuel.
C'est un recueil, d’après l'ordre numérique, des indications
qui se trouvaient autrefois sur les divers volumes de cette
collection (2).
À. Cauchie conçut le projet d'en prendre copie, au moins
dans les parties intéressant notre histoire nationale, et « après
bien des instances » (3), l’archiviste Batti accorda l’autori:a-
“tion d’en faire extraire par un employé des archives les indi-
cations concernant la Belgique. Mais déjà Mr Bacha avait
envoyé à la Commission royale d'histoire la publication des
numéros 1622-1727 de linventaire manuscrit, extrait que
éelui-ci avait obtenu grâce à l'intermédiaire de M! le ministre
Van Loo (4). En comparant ces numéros-avec l’index édité par
Gachard, on voit que ce dernier ne correspond plus à l’ordre
réel des manuscrits et ne peut donc servir, les liasses ayant
subi en 1868 une ordonnance nouvelle (3). A. Cauchie publin
alors les autres numéros de l'inventaire manuscrit, regar-
dant la Belgique, en annexe au rapport cité (6).
Cet inventaire manuscrit, « comme la plupart des cata-
logues de ce genre, est loin d'être parfait, et pèche souvent
par défaut de détails et de précision … ; il ne peut guère servir
à diriger les recherches de détail » (1).
En 1900, le professeur hollandais M. Blok fut envoyé en
Italie par son gouvernement pour y rechercher et répertorier
(1) A. CAUCHIE, op. cit., loc. cit., p. 85.
(2) Zbidem.
(3) idem.
(4) EB. BACHA, Les archives farnésiennes de Naples, dans les CRHBull „
ae sér ,t. XVI (1889), pp. 530-537.
(5) A. CAUCHIE, op. cit, p. 86.
(6) Loc. cit., pp. 90 et sv.
(7) Zbidem, pp. 7-8.
— 494 —
les archives importantes pour l’histoire des Pays-Bas. Comme
il s’agissait d’un inventaire sommaire, il ne put ajouter beau-
coup de neuf, et se contenta de quelques indications supplé-
mentaires consignées dans son rapport (Verslag van onder-
zoekingen naar Archivalia in Italië, belangrijk voor de Geschie-
denis van Nederland, op last der Regeering ingesteld, pp-79-76.
La Haye, 1901).
L’insuffisance de l'inventaire manuscrit poussa Mr Bar-
tolomeo Capasso, surintendant-directeur du Grande Archivio
di Napoli, et Mr Batti, chef de la section politico-diplomati-
que, à entreprendre la rédaction d’un nouvel inventaire.
Les Archives Farnésiennes comprenant une section de docu-
ments sur papiers et une autre section de Pergamene, con- .
servés dans la Sala Diplomatica (second étage), on a com-
mencé par l'inventaire des Pergamene, reliés d’une façon
remarquablement pratique, et classés par matières : Di-
plomi. — Atli di Curia ecclesiastica. — Bolle e brevi
pontifici. — Atli vescorili. — Alti di pronolari aposlolici. —
Atli di nolari pontifici. On les a ensuite numérotés par
ordre chronologique. Enfin, ils sont consignés séparément
d’après cette double classification. L'inventaire est fini pour les
Diplomi, les Brevi pontifici et les Atli notarili. La page est
divisée en 10 colonnes : 1° numéro d'ordre ; 2° objet de l'acte;
3° lieu; 4° année ; 5° mois; 6° jour; 7° indiction; 8° nom du
souverain ; 9° indication sphragistique ou sigillographique ;
10° remarques. Dans-le répertoire de chaque série se trouve
une table onomastique et géographique. On a commencé le
même travail pour les séries restantes.
Simultanément on a commencé par ordonner les docu-
ments en papier (cartacee). Mais avant de décrire ce travail,
disons d’abord quelques mots des inventaires manuscrits de
cette section.
Nous avons déjà signalé celui de 1868. C'est un volume
relié, grand in 4°, où les indications de chaque. fascio sont
flanquées à gauche du numéro d'ordre, à droite de l'indication
de l’année initiale et finale. Sans interrompre la progression
numérique, au milieu est consignée la rubrique, Fiandra,
Spagna, etc. Il s'y trouve des indications sur l’état matériel
— 495 —
des documents, p. ex. « avariato dall’ aqua.» (1), des notes
complémentaires, des rectifications (1). |
A la fin du répertoire se trouve la liste des rubriques,
avec parfois les numéros correspondants (3) :
Spagna. — Milano. — Fiandra, 75 a 76,1622a 1727,
1764, 1766. — Toscana. — (Genova. — Siena. — Vienna
— Venezia. — Lione. — Modena. — Bologna. — Ferrara.
— Torino. — Stato dei Presidi. — Mantova. — Germania.
— Portogallo. — Francia. — Londra. — Roma (4). — Cas=
tro e Ronciglione. -— Napoli. — Parma e Piacenza. —
Sicilia. — Olanda. — Russia. — Benevento e Pontecarra. —
(1) Môme en ces derniefs temps, les Archives Farnésiennes n'ont pas
toujours échappé aux avaries. Ainsi le fascio 1685 contient un paquet de
minutes des lettres d'Alexandre Farnèse, dont la plupart sont en bonne
partie illisibles. C'est que, en 1893, la pluie a pénétré dans les Carte Farne-
siane. Nous avons rencontré bon nombre d'autres fasci de la rubrique
Fiandra endommagés : l'eau avait lavé le papier et enlevé l'encre ; ensuite
la moisiesure était venue et les feuilles collaient l'une à l'autre. De même
le fascio 1678 est presque entièrement détruit. Il en est de même des fasci
1721 et 1722, qui renferment des documents des plus importants.
(2) Sans que Mr Bacha en soit responsable, la copie qu'on lui a
procurée de la rubrique Fiandra n'est pas très exacte. Par exemple :
INv. Ms. CRHBuLL.
Ne L.Fiandra — Minute di lettere Ne 1. F. — Minute di lettere di
di S. A. Margherita al Duca Ottavio, | S. A. Margherita al Duca, al Cardi-
al Cardinate Alessandro ed al Prin- | nale, al Re, all’ Imperatore ed a suoi
cipe, ed ai suoi agenti Lulli e Machia- | agents nel regno di Napoli.
velli; lettere e rimostranze al Re di
Spagna e all Imperatore, al Vicere ed
ai vari suoi agents nel regno ed in
Roma, ‘tanto dalle Fiandre, quanto
dagli Abruzzi.
(3) A la fin de cet inventaire se trouve l'indication suivante : « Dai fasci
coi nn da 1356 a 1999 furono tutti gl'incartamenti riguardanti le pruove de
nobilità fatte nell’ ordine constantiniano, i quali formano ora sette volumi
distinti in quatro categorie (cioè registri, cavalieri, cappellani, patenti) e
trovansi notati in appositi elenchi in fine dal repertorio ed indiche col titolo
« Ordine Costantiniano » eseguito per registrarvi le altre pratiche rimasti nei -
fasci medesimi e non concernenti pruove di nobilità. I predetti sette volumi
sono stati collocati dopo il n° 1842 delle filze dell’ archivio farnesiano. »
Cfr no 9607 di corrispondenza dell’ Ufficio politico.
(4) Sous le titre Roma, on a ajouté les « carteggi » de Pier Luigi Far-
nèse et des correspondants du cardiaal Alexandre. Ces fasci forment 9 nou-
veaux fascicules. Signalons le fo 6 : Avuvisi (1526 à 1593).
— 496 —
Svizzera. — Polonia. — Ordine di Malta. — Toson d'Oro. —
Ordine Costantiniano. — Collegio Aucarana. — Musei, bibl.
— Archivio. — Industrie ducale e reale. — Inventari. —
Aulographi. — Generalilà. — Islrumenti. — Teslamenti. —
Cifre.
Enfin, sur papier administratif, co-relié dans l'inven-
taire manuscrit on trouve : « Elencho delle rubriche diverse
preesistenti in Archivio e non riportate nell’ultimo Inven-
tario di consegna delle carte farnesiane ».
Il est à noter que la division, dans cet inventaire de 1868,
en Von-autografi et Autograft est absolument fantaisiste. La
première section contient énormement d’autograplies (1).
Il existe ensuite des inventaires manuscrits particuliers,
coufectionnés après la visite de A. Cauchie aux archives. Ils
sont au nombre de 11 et correspondent chacun aux rubriques
spéciales des Archives Farnésiennes. A raison de leur impor-
tance exceptionelle pour les travailleurs, on ne peut omettre
d'en dire quelques mots. |
I. Un inventaire volumineux, intitulé : Carte Farnesiane —
Roma. C’est un grand registre in 4°, qui contient successive-
ment a) l'index alphabétiqne des noms des correspondants des
documents classés sous la rubrique Roma, avec, en regard,
les années correspondantes et les endroits d’où ces lettres
sont datées. 6) Un index chronologique. En haut de la feuille
est renseignée l’année, et en dessous, dans une première
colonne, sont rangés les noms des correspondants des iettres
datant de cette année; dans une seconde colonne sont indiqués
les numéros des fasci contenant ces documents. c) Un index
des dates topiques, divisé en deux colonnes. Dans là première
sont notés les endroits, dans la seconde les fasci correspon-
dants. Cet inventaire se rapporte aux fasci 687-777.
IT. Une série d'inventaires grand in 4°, reliés en toile
grise, récents :
(1) Cf. A. CAUCHIE, Episodes de l'histoire religieuse de la ville d'Anvers
durant le second semestre de l'année 1566. Correspondance de Daniel di
Bomalès avec François di Marchi, dans les Analectes pour servir à l'histoire
ecclésiastique de la Belgique, 2° sér., t. VII (1892), p. 20.
— 497 —
1. Un inventaire intitulé : ? Farnesiane — Spagna, fasci
1a 66 e 1735 a 1738. — Après une introduction substan-
tielle indiquant globalement l’objet des correspondances des
fasci inventoriés, et le changement introduit dans l’ordre
progressif des /asci, on trouve l'inventaire. La page du
registre est subdivisée en 4 colonnes. La première porte le
numéro d'ordre du fascio inventorié. La seconde renseigne
avec précision l'objet général des correspondances. Si les
correspondants sont nombreux, cette colonne se subdivise à
son tour en trois colonnes subordounées, renseignant respec-
tivement le numéro, le nom du correspondant, le nom
du destinataire. La troisième colonne principale indique
l’année initiale, la quatrième l’année finale des documeuts
inventoriés. À la fin, avec pagination spéciale, est annexée
une table alphabétique des correspondants et des lieux, avec
l'indication soit de la page correspondante de l'inventaire,
soit du fascio où on trouve leurslettres. Un index particulier
iudique aussi les clefs de chiffres, les plans et dessins, les
documents les plus importants des fascé inventoriés. — Cet
inventaire date de mai 1895, et est dû aux soins du sous-
archiviste Dr L. Volpicella. |
2. Un inventaire intitulé : ZZ° Farnesiane — Milano,
Fiandra e Spagna, Parma e Spagna, fasci 67 a 74, 75
e 76, 77 a 88. — Mème système que le précédent. Même
auteur. Il date de décembre 1897.
3. Un inventaire intitulé : 77° Farnesiane — Parma e
Toscana. j'asci 85 a 99. — Ici on a suivi un autre système.
Au milieu de la feuille, en haut, est renseigné le numéro des
fasci inventoriés. Puis, en dessous, sont rangées les indica-
tions des années, avec les noms des correspondants et des
destinataires. À la fin de cette liste, une note indique briève-
ment l'objet principal des documents surtout intéressants au
point de vue de l'Italie. — Cet inventaire est dû au sous-
archiviste Th. Gaeta.
4. Un inventaire intitulé : ZV° Farnesiane — Genova,
Siena, Toscana, jasci 100 a 127. — C'est à peu près le
même système que le précédent, mais ici on n'indique plus
les noms des correspondants. En regard des années, il y a
32
— 498 —
une note renseignant brièvement l’objet de la correspondance.
L'inventaire est du même auteur que le précédent. Il ne
possède pas de table.
5. Un inventaire intitulé : V° Farnesiane — Vienna,
fasci 128 a 161 e1734, 1735 a 1756. — Au milieu de la page
est renseigné le numéro du fascio inventorié. En dessous, on
indique 1° les années, 2 les noms des correspondants,
3° l’objet sommaire des lettres. En tête du volume, il y a une
excellente table des noms de personnes et de lieux. Cet inven-
taire est dû au sous-archiviste S. de Crescenzo et date de
1892-1893.
6. Un inventaire intitulé : VZ° Farnesiane — Venezia,
Lione, Alta Italia, Boemia, Portogallo, asci 162 a
184. — Il est dû au Dr L. Volpicella et présente donc le
même système que les Inventaires [° et II°. Il date de mars
1899, et contient aussi une table de « Cose notevoli ».
7. Un inventaire intitulé : VZ/° Farnesiane — Francia,
fasci 185 a 255. — Il contient d’abord une table de concor-
dance des nouveaux numéros avec les anciens, puis une liste
des lettres transportées sous d’autres rubriques et duns d’autres
fasci. Suivent alors: 1. Un répertoire chronologique des
minutes et lettres des Farnèse à la maison de France ou à
leurs agents et ministres en France, et vice-versa. 2. Un index
alphabétique des noms des correspondants avec les Farnèse,
rangés par fascio. 3. Un index sommaire des affaires poli-
tiques et militaires de France et des Farnèse, rangées par
fascio et par année. 4. Un index alphabétique des noms des
correspondants les plus illustres, rangés par fascio et par
année. 5. Un index des lettres les plus importantes, par fascio
et par année. 6. Un index des lettres chiffrées, dans le même
ordre. 7. Un index alphabétique des signatures autographes.
8. Un index, par fascio et par année, des lettres écrites en
latin, français, espagnol, allemand. — Cet inventaire est dû
à Th. Gaeta.
8. Un inventaire intitulé : F777bis Furnesiane — Londra,
fasci 256 a 247. — Même système et même auteur que le
précédent.
9. Un inventaire intitulé : V/72 Farnesiane — Parma, -
— 499 —
fasci 248 a 275. — Il est dû au Dr L. Volpicella et présente
donc le système des inventaires I°, II°, VI°. I] date d'août 1900.
10. Un inventaire intitulé : ZÆ° Farnesiane — Parma,
fasci 276 a 307. — Même auteur et même système que le
précédent. Il date de janvier 1902.
11. Un inventaire intitulé : Æ° Farnesiane. Parma,
fasci 508 a 384. Même auteur et même système que le
précédent. Il date de mai 1904. |
Un douzième (Parma) est en préparation.
Nous croyons que le meilleur hommage à rendre à la
direction des Archives Farnésiennes, c’est de faire connaître,
comme nous venons de le faire, ces précieux inventaires. Ils
constituent un instrument de travail excellent, tant par leur
étendue que par leur précision (1). On remarquera que, excep-
tés pour les fasci 75 et 76, inventoriés — et non pas d’une
manière systématique — dans l'inventaire IIe, il n'existe pas
encore d'inventaire particulier pour les innombrables docu-
ments classés sous la rubrique }'iandra (fasci 1622-1727),
qui regardent spécifiquement les Pays-Pas. D'autre part,
l'examen de ces inventaires manuscrits assez détaillés permet
de constater que les fasci classés sous les autres rubriques
contiennent, en dépit du titre, d'innombrables documents —
et des plus importants — concernant directement les Pays-
Bas. C’est d’ailleurs ce qui avait été déjà été plusieurs fois
constaté et c'est aussi ce que montreront les renseignements
fournis dans la seconde partie de ce Rapport.
En même temps qu’on a entrepris l'inventaire des Perga-
mene, on à commencé, comme nous le disions plus haut, par
ordonner les papiers (cartacee), qui étaient dans un état lamen-
table, bouleversés et avec pièces manquantes.
Les papiers ont toujours été réunis en grosses liasses,
pressées entre deux cartons, dont le supérieur porte une éti-
quette (bleue) : Farnesiane, Fascio (numéro). Au cours de la
révision actuelle, on a introduit des incartamenti ou fascicoli,
où les papiers de chaque fascio sout réunis entre un feuillet de
(1) Il nous est agréable d'ajouter que la direction les eommunique aves
une serviabilité sans égale.
… 500 —
garde, et rangés soit par époque ou par correspondants et dans
ce dernier cas, on suit aussi pour chaque correspondant l’ordre
alphabétique dans chaque des fascicoli.
Simultanément on a résumé les diverses matières, notant
les principaux faits d'histoire politique, civile, littéraire, ærtis-
tique, et indiquant les noms et les prénoms des correspondants
en vue de la confection d’uné table alphabétique. C’est de ces.
dispositions que sont sortis les inventaires particuliers dont
nous avons parlé.
En 1898, alors qu’on avait fini d'arranger et de réperto-
rier les fasci classés sous la rubrique Vienne, Espagne, Rome.
Milan, Flandre, Toscane, le sous-archiviste, maintenant chef
de section, Cav. Nicola Barone, professeur de paléographie et
de diplomatique à l'Université de Naples, a publié la notice
historique sur l'A. F. que nous avons citée plusieurs fois déjà.
Ajontons que récemment M' G. Coggiola, sous-bibliothé-
caire à la Bibliothèque Marcienne à Venise, a publié un intéres-
sant article, intitulé Proposta di reintegrazione nella sede
naturale dei fondi farnesiani degli archivi di Napoli e di
Parma (Rivisla delle Biblioleche e degli Archivi, t. XIV
(1903), pp. 75 et suiv.). Après avoir tâché d'établir par des
raisonnements divers que « les lettres et les documents
doivent se lire là où ils furent écrits », et après avoir retracé
brièvement l’histoire des archives farnésiennes de Parme et de
Naples (rj, l’auteur propose-de fusionner ces archives « dont
les deux troncons sont conservés quasi aux têtes extrêmes de
la péninsule », et de les réunir dans le Palazzo del Pilata,
leur ancien dépôt naturel, à Parme. Quoique plusieurs raisons
plaident en faveur de cette proposition, nous croyous pourtant
que la direction des Archives Farnésiennes de Naples pourrait
difficilement se dessaisir des richesses, actuellement confiées à
<e3 SOÏNS.
Pour terminer cette notice générale, il convient d’insister
(1) Il ne sera peut-être pas sans intérêt de relever que l'auteur dit, à la
page 78 de son étude, que « d’un écrit de Gachard sur les archives farnésien-
nes de Naples, il n'a pas réussi à prendre connaissance, nonobstant les
recherches faites dans toutes les bibliothèques de Naples et ailleurs. »
a 501 —
sur ce poiut qu'un nombre considérable de /æsci de cette
précieuse collection intéressent particulièrement l’histoire des
eneiens Pays-Bas espagnols. Pour s'en convaincre, il suffit de
parcourir les listes fournies par MM. Guchard, Bacha et Cauchie
dans les articles signalés plus haut. Il serait trop long et d’ail-
leurs parfaitement inutile de les répéter ici. Nous ferons pour-
tant remarquer que ces archives sont avant tout riches pour
toute l'étendue du xvr° siècle. Si elles illustrent surtout le gou-
vernement d' Alexandre Farnèse, elles donnent aussi des ren-
seigpements inconnus sur le gouvernement de Marguerite de
Parme, celui du duc d’Albe, celui de Don Juan, l’intérim de
Mansfelt et de Fuentès, et surtout elles contiennent des cen-
taines de lettres intéressant l'époque si peu connue de l’archiduc
Ernest. De plus le xvir siècle y est largement représenté,
mais pour l’histoire des Pays-Bas à cette époque, il faut surtout
chercher sous les rubriques Francia, Londra. Enfin, les fasci de
la section Vienna contiennent d'intéressants documents pour
le xvuu* siècle et les fasci 240, 244, 245, 246 de la section
Londra sont précieux pour l’histoire de la Compagnie d'Ostende.
Après cette revue générale, on peut se poser une question
pratique importante. Indépendamment des anciennes copies
exécutées pour les Archives du royaume ou pour l'édition de la
correspondance du cardinal de Granvelle, quel est à l'heure
actuelle l'état des recherches faites aux Archives Farnésiennes
au point de vue de l’histoire des anciens Pays-Bas ?
IL.
Tous deux nous avons eu l'avantage de fouiller dans ces
archives : le travail de répertorisation jadis entrepris par
À.Cauchie, mais forcément interrompu, a été récemment repris
par L. Van der Essen. Il ne peut être question d'exposer ici en
détail les résultats de nos recherches : nous nous bornerons à
quelques constatations générales.
I. — Et tout d’abord, en combimant nos efforts, nous
avons pu parcourir, pour y relever, tantôt sous forme d’inven-
taire sommuire, tantôt sous forme d'inventaire analytique, la
liste des pièces intéressant la Belgique, toute la série des asci
rubriqués Fiandra, c'est-à-dire, les fasri 1622-1727.
Nm 4»
— 502 —
De plus les jasci suivants des autres rubriques :
Non autograf : 3, 5, 6, 7, 9, 11, 12, 75, 76, 122, 162,
170, 185, 252, 262, 270, 278, 279, 403, 404, 411, 415, 416,
426, 430, 553, 705, 720, 724, 737, 783, 809, 1317, 1319,
1400, 1401, 1402, 1403, 1735, 1736, 1737, 1738, 1761, 1764,
1765, 1766, 1776.
Autograñ : 1,2, 4, 6, 7, 8.
Pour ne pas rester dans ces généralités abstraites, voici à
titre d'exemple concret, les indications relevées dans le
dépouillement des Æasci non autograñ 75, 76, 1622 et
1628 (1). |
NON AUTOGRAFI.
1. Fascio '75 (1550-1584).
A) Correspondance du régent Geronimo Albertino avec Marguerite d'Autriche
et avec son secrétaire Pietro Lipp: (1550-1558). Renseignements sur la
Diète et les évènements politiques en Allemagne durant cette période.
B) Correspondance du docteur 7. B. Balestra avec Marguerite de Parme
(1565-1585). Avant tout renseignements, au jour le jour, sur la cam-
pagne du prince d'Orange aux Pays-Bas et les opérations du duc d’Albe,
sur la répression des troubles et les guerres civiles de France.
c) Lettres de Paolo Bava, maître de comptes de Marguerite, en voyage en
Allemagne (1566).
. D) Lettres de Mario Cardoino, maître de camp, à Marguerite, à Farnèse et à
Masi (1582). Renseignements sur les opérations militaires.
B) Lettres du sergent-major Mario Corti à Mast. Difficultés financières à
Audenarde (1582-3).
F) Lettres du capitaine Ercole Magno à Farnèse et à Masi sur sa situation
précaire à Lierre (1582).
G) Lettres de F. de Piozasco à Marguerite et à Armenteros (1557-1560), sur la
vie que mène le jeune Farnèse à Bruxelles.
H) Lettres du majordome Prospero Tedesco à Marguerite et à son secrétaire
Machiavel. Comptabilité (1560-1582).
1) Lettres du marquis Vilelli à Marguerite et à Armenteros (1560-1582). Opé-
rations militaires et répressions des troubles iconoclastes.
3) Lettres diverses à Marguerite d'Autriche (1550-1565). Opérations militaires,
renseignements financiers, etc.
K) Idem (1566-1580). Opérations militaires. Lettres à Farnèse. Immense
misère de l’armée espagnole en 1578-1580.
L) Lettres diverses (1581-1582). Correspondants militaires. Misères et diffi-
cultés financières.
M) Lettres diverses (1583-1590). Correspondants militaires. Opérations de
Farnèse dans le Nord des Pays-Bas Breda, etc.
(1) Pour ne pas allonger ce rapport, nous ne donnons pas de spécimen
de notre inventaire analytique, qui est en partie déjà dressé.
— 003 —
2. Fascio 76.
A) Lettres originales du duc d'Albe à Marguerite (1556-1568. Affaires plutôt
privées.
B) Lettres originales du marquis de Berghes, grand bailli de Hainaut, à Mar-
guerite (1563). Procès pour diffamation contre la douairière de Berlay-
mont, où intervient le privilège de la bulle d'or brabantine. Lettres
du comte de Berghes (1582-1585). Divers.
C) Lettres originales d' Antonio de Dourini à Marguerite (1552-1953). Affaires
, privées, p. ex. achat de haquenées en Flandre, etc.
D) Leitres autographes et originales du comte d'Egmont à Marguerite (1563-
1565). Intéressantessurtout pour la mission d'Egmont en Espagne en 1565.
E) Lettres du duc et de la duchesse de Lorraine à Marguerite (1580-1581).
Affaires privées.
Fr) Lettres de F. B. de Tassis, à Marguerite, à Armenteros, à Masi (1559 et
. _ 1684). Misère de l’armée espagnole.
G) Lettres de Melchior de Astudillo à Armenteros (1559). Affaires privées et
financières.
H) Lettres de Gregorio et de Giovanni de Ayala (1559-1566). Érection des
nouveaux évêchés : négociations laborieuses à Rome.
1) Le comte de Chinchon à Armenteros (1559-1560). Affaires privées.
3) Correspondance financière de Géronimo de Curiel avec Marguerite et avec
Armenteros. Opérations financières à Anvers, campagne du prince
d'Orange contre Albe (1559-1568). Important.
K) Lettres de Christofaro Luigi de Haros (1559 1560) à Armenteros. Opéra-
tions financières, paye de l’armée espagnole en Flandre.
L) Le maître de camp Sancio de Londoño à Marguerite et à Armenteros (1559-
1568). Affaires privées surtout. Rapport sur la bataille de Femminghen,
très circonstancié.
M) Giovanni Manriquez à Armenteros (1559-1562). Recommandations de
personnes.
N) Martino de Muxica Guevara à Armenteros (1559-1563). Voyage de Phi-
lippe II en Zélande (1569).
o) Lettres d'André de Prado à Marguerite (1576-71). Opérations militaires
et gouvernement de Don Juan.
Pp) Lettres de Gaspar Rodriguez à Armenteros (1559). Opérations financières.
Q) Giovanni Saganta à Armenteros (1559 et 1564). Opérations financières
surtout.
R) Geronimo de Salamanca à Marguerite et à Armenteros (1560). Affaires
- financières.
s) Francesco de Salamanca aux mêmes (1561). Affaires privées (haquenées).
r) Bartolomeo de Santoyo à Armenteros (1559). Voyage de Philippe Il en
Zélande.
u) Lettres de Melchior, de Giovanni et d’ Antonio de la Vega, agents financiers,
à Anvers, adressées à Armenteros et à Marguerite (1560-1561). Important.
v) Lettres de Vergosa et de Ibarra à Armenteros (1559). Affaires particulières.
w) Lettres diverses à Marguerite (1518-1582). Recommandations, finances,
nouvelles sur ja révolution, etc.
x) Lettres diverses au secrétaire Armenteros (1539-1588). Renceignements
surtout militaires de la guerre de 1559 contre la France. Un mémoire
de Madame de Fontaines présenté au conseil de Brabant contre M. de
Berghes. (Complète le n° 8.)
— 504 —
8. Fascio 1622. (Important.)
A) Minutes de la secrétairerie de Marguerite, datées de Parme, Aquila, Bruxet-
les (1563-1566). Correspondances avec Egmont, l'Empereur (66), avec
le duc Octave : mécontentement de Marguerite en 1561 et projet de se
retirer du gouvernement; affaires financières, mission d'Armenteros
en Espagne en 1563. (Chiffrées).
B) Correspondance de Marguerite avec son fils Alexandre Farnèse (1536-1STI).
Administration de Don Juan, situation précaire en Flandre, uógocia-
tions de Farnèse pour être envoyé au secuurs de Don Juan. Important.
C) Lettres au duc Octave (1562-64). Mécontentement de Marguerite. Ren-
seignements sur les menées en Flandre. Projet de se démettre. (Chiffres)
D) Lettres de Marguerite au duc sur les opérations autour de St-Quentin (1559).
4. Fascio 1628.
A) Doléances de Marguerite à propas de son gouvernement de Flandre et
reproches à Philippe II :Autograplie).
B) Instructions de Charles V pour l'artillerie.
C) Rapport sur la situation critique de Marguerite au milieu des troubles de
‘ 1566 et son projet de fuir à Mons.
D) Instruction pour Orange et Egmont à propos de leur abouchement avec
les Gueux à Vilvorde.
B) Ordonnance de Hembyze pour la paix de religion à Gand (1578).
P) Inventaire des archives d’État et des finances.
G) Indulte de Marguerite pour les prébendes aux Pays-Bas.
H) Règlement des Finances.
1) Mémoirs sur lu somme de 30,000 florins offerts à Marguerite lors de son
départ en 1567, par les États de Flandre.
3) Lettres de Philippe II aux évêques des Pays-Bas sur le fait de religion
(1559) (Copies).
K) Idem. Aux gouverneurs et conseils des Pays-Bas
L) Description de Nimègue et projet de la surprendre pour l'enlever aux
rebelles (1585).
M) Réclamations de Bruxelles contre les exactions et la misère sous le duc
d’Albe.
N) Remontrance de Guillaume Boxhoorn, conseiller de Brabant.
©) Ordonnances de Charles V, sur les finances. Réorganisation de 1545
(très long).
P) Lettres patentes du duc d' Albe.
Q) Ordonnances de Charles V pour le conseil d'État, adressées à Marie de
Hongrie.
R) Projet de confédération des provinces des Pays-Bas contre l'extérieur en
1534. Réponse des États Généraux, et délibérations du conseil privé
(Procèsverbal'.
8) États des soldes et organisation de l'armée sous s Charles V, en Flandre et
en Allemagne. Brevets de nomination, serments militaires, etc.
T) Informations et enquêtes daus le doyenné de Binche, à Tholen, à St-Mi-
chel à Anvers, à St-Servais, à Utrecht, à Ste-Marguerite à Gand, à
Afflighem, à Hautmont, à Liessies, à Cercamp en Artois. Vie et mœurs
.. des religieux, revenus, charges de ces monastères (1564 1565 .
y) Lettres diverses sur les affaires de Flandre (finances, opérations mili-
taires) 1510-1582.
— 505 —
II. — Dans les fasci dépouillés, nous avons été très
frappés de l’immensité et de l'intérêt de la Correspondance
d'Alexandre Farnèse. Nous nous bornons aussi à des indica-
tions générales.
Ll. Correspondance d'Alexandre Farnèse avec sa mère,
Marguerite de Parme. Elle est surtout importante depuis
l’arrivée d’Alexandre Farnèse aux Pays-Bas, en 1577. Von
autografs : 403, 553, 1622, 1624, 1626, 1630, 1632, 1639,
1640, 1644, 1653, 1659, 1660, 1665, 1667, 1671, 1672,
1676, 1682, 1686, 1688, 1691, 1693, 1694, 1700, 1720,
1723, 1764, 1766.
2. Correspondance d'Alexandre Farnèse avec Philippe II.
Non autografi : 403, 415, 1624, 1639, 1647, 1656, 1660,
1686, 1706, 1709.
3. Correspondance d’Alexaudre Farnèse avec son père,
Octave Farnèse. Non autograñ : 252, 262, 403, 411, 416,
1624, 1626, 1636, 1640, 1653, 1659, 1661, 1666, 1671,
1672, 1676, 1679, 1700, 1706, 1714, 1715, 1717, 1719,
1723, 1725 (surtout).
4. Correspondance d’ Alexandre Farnèse avec son oncle, le
cardinal Alexandre Farnèse. Non aulograf : 252, 403, 404,
411, 416, 703, 724, 1624, 1640, 1653, 1659, 1672, 1674,
1676, 1687, 1700, 1706, 1715, 1717, 1719.
. 5. Correspondance d'Alexandre Farnèse avec ses enfants.
Chaque fois que nous avons rencontré les lettres d'Alexandre
Farnèse à son fils Ranuccio, nous avons constaté qu'elles
renfermaient ordinairement moins de détails sur les Pays-Bas
que les lettres d'Alexandre à son père et à sa mère. On peut
cependant y glaner des renseignements utiles. Ainsi, dans
une lettre datée de Parme, le 26 septembre 1591, Duarte
recommande à son père Alexandre Farnèse, le capitaine
Gonzales Francesco de Ayala, le plus ancien des capitaines qui
vont servir eu Flandre-avec « la suldatesca di Napoli » (Won
autografi, fascio 724). Or l’on n'a pas encore mis assez en
relief le rôle des Italiens dans les guerres des Pays-Bas. De
plus, par exemple, le fascio 1720 contient un volumineux
mémoire d'Alexandre Farnèse, écrit par Richardot, adressé à
son fils Ranuccio. C’est un écrasant réquisitoire contre les
comtes de Mansfelt, que Farnèse dressa quelques jours avant
— 906 —
sa mort, pour que Ranuccio le transmit au roi. Il contient
des renseignements précieux sur la situation aux Pays-Bas en
1592). On trouve cette correspondance dans les Von autograf :
1624, 1626, 1636, 1640, 1649, 1661, 1640, 1672, 1677,
1679, 1689, 1694, 1695. 1700, 1706, 1717, 1718, 1719,
1720, 1723, 1725 (surtout).
6. Brefs des papes a Alexandre Farnèse. Aulograñ : 4.
7. Correspondance d'Alexandre Farnèse avec l'évêque de
Cayazzo, nonce de Cologne. Non autograf : 1663, 1670, 1703.
8. Correspondance d'Alexandre Farnèse el de Samaniego.
Non aulograñ : 5, 9.
9. Correspondance d'Alexandre Farnèse avec ses subal-
ternes. Non autograf : 3, 7, 11, 12, 75, 279, 1624, 1628,
1630, 1631, 1638, 1644, 1646, 1647, 1648, 1653, 1656,
1659, 1660, 1662, 1663, 1664, 1665, 1666, 1667, 1668,
1669, 1670, 1671, 1672, 1673, 1674, 1675, 1676, 1677,
1678, 1679, 1680, 1681, 1683, 1684, 1685, 1686, 1687,
1688, 1689, 1690, 1691, 1692, 1693, 1694, 1695, 1696,
1697, 1698, 1699, 1700, 1701, 1702, 1703, 1704, 1706,
1707, 1708, 1709, 1710, 1711, 1712, 1713, 1720, 1722,
1723, 1724, 1726, 1727, 1765, 1776.
10. Correspondance concernant l'intervention militaire
d'Alexandre Farnèse contre Élisabeth d'Angleterre. Non auto-
graf : 12, 1631, 1636, 1644, 1663, 1668, 1697, 1706,
1707, 1720.
11. Correspondance concernant l'intervention d'Alexandre
Farnèse en France. Non aulograf : 3, 185, 1631, 1644,
1648, 1664, 1666, 1668, 1669, 1670, 1671, 1672, 1677,
1679, 1684, 1689, 1691, 1692, 1693, 1694, 1697, 1698,
1699, 1700, 1704, 1706, 1707, 1708, 1710, 1711, 1720,
1724, 1726.
Pour bien d'autres correspondances, nous pourrions
donner un relevé du même genre. Mais cet exemple suffit,
croyons-nous (1).
(11 Ainsi ce dépouillement nous « permis de constater que Gachard est
loin d’avoir connu tontes les pièces des quatre séries de lettres adressées à
Marguerite de Parme, dont il parle et dont il indique le nombre (loc. cit.
pp. 218 40 : lo Lettres de Charles Quint. 2: Celles de Philippe II. 3° Celles
de Don Juan d'Autriche. 4° Celles du cardinal de Granvelle.
— 507 —
III. — Signalons plutôt une série d’interressauts Aovisí.
Non autograf : 162, 272, 426, 724, 809, 1400, 1402, 1403,
1630, 1646, 1651, 1671, 1716, 1721.
IV. — Des documents abondent aussi qui sont de la plus
grande valeur pour l'histoire économique. En effet, ils contien-
nent la correspondance des banquiers anversois, des agents
des Fugger, des Capponi, etc. et, chose du plus haut prix,
des mémoires volumineux sur le cours de l'argent, les monts-
de-piété, les doctrines économiques, etc. Beaucoup se trouvent
dans les correspondances déjà signalées, p. ex. dans les corres-
pondances des fonctionnaires et agents d'Alexandre Farnèse.
Signalons cependant Vox autograf : 76, 1317, 1628, 1630,
1633, 1634, 1637, 1644, 1648, 1650 (surtout), 1663, 1665,
1669, 1670, 1677, 1678, 1683, 1684, 1686, 1689, 1690,
1693, 1699, 1704, 1705, 1706, 1711, 1722, 1726, 1727. —
Autografi : 2, 6.
On pourrait poursuivre cette uride énumération ; mais ce
qui précède aura suffi, nous l’espérons, pour rappeler à
l'attention des historiens belges l’importance des Archives
Farné:iennes.
ke
Voilà très sommairement ce qui existe, voilà ce qui s’est
fait et se fait de notre part aux Archives Farnésiennes.
Quelle conclusion tirer de cet exposé? Puisque l’inven-
taire sommaire est dressé et que déjà un inventaire analytique
est en partie exécuté, la première préoccupation doit être,
semble-t-il bien, de poursuivre et d’achever cet inventaire
analytiqne. Mais vous nous permettrez de ne pas insister. Car
depuis 1906, grâce à la libéralité du gouvernement, la Com-
mission royale d'histoire organise des missions d'exploration
scientifique à l'étranger. C’est à elle qu’au moment opportun
nous proposerons de décider ce qu’il convient d’entreprendre
aux Archives Farnésiennes. Du moins, puisse cette communi-
cation recevoir un accueil sympathique qui prouve à la Com-
mission royale d'histoire qu’elle est sûre de répondre au vœu
des historiens réunis à Gand, en reprenant et poursuivant
avec ardeur les initiatives de notre illustre Gachard !
Les sociétés populaires en Belgique,
per E. MATTHIEU,
Avocat, à Enghien.
À la suite de Ja conquête des provinces belges par les
armées de la Révolution française en 1792, il se constitua
dans un grand nombre de localités, à l’instar du club des
Jacobins à Paris, des sociétés populaires sous le nom des amis
de la liberté et d'égalité et d’autres analogues.
Ces associations, constituées en vue de développer, dans
les villes principalement, un esprit public favorable à l'intro-
duction du régime politique établi en France et à l’applica-
tion des lois révolutionnaires, exercèrent une action énergi-
que surtout sur les autorités municipales. La constitution
d’administrations locales que les conquérants substituaient
aux institutions séculaires avait été laborieuse. Bien des per-
sonnes honorables surmontant leurs répugnances avaient fini
par accepter une fonction municipale en vue surtout de pro-
téger les intérêts de leurs concitoyens.
Ces municipalités s'efforcaient avant tout de modé-
rer et même d'entraver l'exécution des décrets violents et
persécuteurs dont l'application répugnait à la population.
Les sociétés populaires combattirent vigoureusement cette
tendance modératrice, et, par des discours violents, des dénon-
ciations, elles contraignirent fréquemment les municipalités à
faire exécuter des mesures vexatoires, spécialement contre
l'exercice du culte catholique, les prêtres et les émigrés.
L'influence de ces sociétés fut considérable pendant les
premières années de la conquête française. Ainsi que l'écrivait
Jasmin Lamotz, commissaire de la République à Mons, aux
officiers municipaux de Binche, le 18 thermidor an II : « péné-
trez-vous de cette idée, ce sont les sociétés populaires qui ont
fait et soutenu la révolution ».
L'histoire de ces associations n’a pas été écrite jusqu'ici
et cependant le sujet serait d’un grand intérêt. Malheureuse-
— 909 —
ment, on ne possède guère de documents sur leur fonctionne-
ment et leur personnel. Nombre de leurs membres s'étaient
fort compromis par leur violence, et, sans doute, lorsque une
situation plus calme succéda à cette période révolutionnaire,
les meneurs de ces sociétés populaires s’efforcèrent-ils de
faire disparaître leurs archives.
Dans le but de susciter des recherches à leur sujet, nous
donnons l'énumération des sociétés populaires qui ont été éta-
blies dans les localités qui ont formé le département de
Jemappes, ainsi que l'indication des documents propres à en
retracer les annales.
1. Mons. Société des amis s de a liberté et de l'égalité.
Aux archives de l’Etat, on trouve un registre aux procès-
verbaux des séances et pièces y jointes du 28 messidor au
21 fructidor an II (16 juillet-9 septembre 1794). — Mémoires
de Descamps et d’HARMIGNIE publiés par la Société des biblio-
philes belges. — H. Roussezce, Bibliographie montoise,
pp- 968, 572, 600 à 603 et 617-619. — Wauguikgg, Mons
pendant la première inrasion républicaine, 1792-93.
2. Arn. Société populaire. Archives communales d’Ath,
n° 1079, 1086, 1091 de l’/Znventaire, publié par Em. Fourdin.
— BeERTRAND, Mistovre de la ville d' Ath, d'après ses archives.
3. BincHe. Société populaire et républicaine. Archives
communales, registre de l’audience.
4. Caarzrror. Société des amis de la liberté et de l’éga-
lité de la ville de Charles-sur-Sambre. — D. VAN BASTELAER,
Collection d’acles de franchises, privilèges, etc. donnés spécia-
lement à la ville de Charleroi.
* 5. SOIGNIES. Société des amis de la liberté et de l'égalité.
Son existence est attestée par la présence à Mons du citoyen
Pletincx, son député près de l'association montoise. L. Devic-
LERS, /nventaire des archives des états de Hainaut, t. II.
6. Tournaï. Les amis de la liberté et de l’égalité. Hovzr-
LANT, Zssai sur Tournay, vol. 105 (tome 96). — Drsua-
Z1ÈRES, Bibliographie lournaisienne.
Nous espérons que plusieurs de nos collègues voudront
bien présenter un relevé analogue pour les autres provinces.
HUGO VAN DER GOES.
Notes pour servir à une communication accompagnée
de projections lumineuses,
par Jos. DESTRÉE,
Conservateur des Musées royaux des Arts décoratifs et industriels, à Bruxelles.
Alphonse Wauters a publié, il y a quelques années, des
études intéressantes sur Hugo van der Goes, et elles n’ont pas
peu contribué à mettre en lumière sa physionomie originale.
M: H. Hymans, de son côté, a entouré de notes et de commen-
taires la biographie due à la plume de Karl van Mander.
Crowe et Cavalcaselle, A. Michiels, A.-J. Wauters ont apporté
leur tribut d'admiration à l’œuvre du grand artiste. Mais c'est
en Allemagne qu’on semble s'être le plus préoccupé de
retrouver les productions de Hugo. Il nous suffira de mention-
ner les noms de Carl Justi, de Scheibler, de Bode, de Tschudi,
de Firmenich-Richartz. Il convient encore de citer les contri-
butions du Baron von Bodenhausen, de Mr G. Hulin et de
M' James Weale.
Il n’y a pas lieu, pour le moment, de rappeler les événe-
ments de sa carrière. Ils sont en général bien connus, du
moins aucune circonstance ignorée n’a été révélée depuis les
biographies de M" A. Wauters ei de Mr Firmenich-Richartz. À
vrai dire, il eût été intéressant d'examiner, à l’occasion du con-
-grès, la valeur des assertions des érudits qui rejettent l’origine
gantoise de Hugo. Sans préjuger la solution, on peut dire
qu’ils n’apportent, ce semble, aucun argument péremptoire en
faveur de leur thèse. |
L'œuvre de Hugo nous est parvenu bien incomplet, et
— 511 —
cela s'explique par la nature même de ses travaux. En effet,
il a travaillé beaucoup à la détrempe. Nous ne parlerons pas
des décors qu'il exécuta à Bruges, car ils ne devaient guère:
survivre aux fêtes pour lesquelles ils étaient commandés;
mais on sait que Hugo exécuta des modèles pour des vitraux,
entre autres pour ceux qui se trouvaient dans l'église abbatiale
de Saint-Pierre à Gand. Sans nul doute il travailla aussi pour
les artistes tapissiers. Seulement ses cartons ont subi le sort
de la plupart des modèles du XV* et du XVI: siècles : ils ont
été anéantis par l’action du temps ou l'indifférence des hom-
mes, et aucun des vitraux dont le maître avait fourni le dessin
n existe plus; on verra plus loin ce qu’on pourrait peut-être
lui attribuer en fait de tapisseries exécutées d'après ses com-
positions.
Jusqu'en ces dernières années, la critique ne reconnaissait
à ce maître que le triptyque des Portinari, conservé actuelle-
ment dans le Musée des Offices à Florence; mais, grâce à
des investigations consciencieuses, plusieurs historiens de l’art
ont réussi à soulever un coin du voile qui couvre son œuvre.
Il ne sera pas inopportun de passer en revue les résultats
obtenus jusqu’à présent; cette entreprise, pour étre complète,
exigerait, à vrai dire, des développements assez longs; mais
comme ceux-ci seraient déplacés en l’occurrence, nous nous
contenterons d’un exposé sommaire.
Cet essai, nous en sommes persuadé, pèchera en maints
endroits, mais nous osons attendre quelque indulgence à raison
des difficultés que présente la tâche.
Hugo van der Goes est un génie inquiet, chercheur et
qui, partant, se trouve comme dans une incessante évolution.
Son œuvre, pour le motif qui a été indiqué plus haut, nous est
arrivé avec des lacunes considérables. De là pour celui qui
s'efforce de découvrir un processus dans ses diverses produc-
tions, les embarras les plus grands. Génie puissant, et par cela
même irrégulier, Hugo van der Goes n'a-t-il pas eu des heures
de défaillance? Il serait malaisé pour le moment d'entrevoir
et encore moins de préciser le caractère de ces défaillances,
mais la nature du mal qui l’emporta, ne semble-t-elle pas
autoriser cette supposition ?
— 512 —
Une autre circonstance contribue encore à rendre la tâche
délicate, c'est la disparition d'œuvres qui ne nous sont connues
que par d'anciennes copies plus ou moins fidèles.
L'influence de Hugo s’est fait sentir non seulement sur
ses contemporains : sur Memling, sur Gérard David, sur Albert
Bouts, sur le maître des Bourbons, sur divers peintres et
enlumineurs de l’école ganto-brugeoise. Il exerca égale-
ment son action sur des auteurs de grandes compositions,
et il re nous surprendrait nullement que le « Maëtre
du Combat des vices et des verlus » n'eût été fortement
impressionné par ses compositions grandioses (t). En tout
cas, on retrouve sa conception dans diverses tapisseries, soit
qu'elles constituent des traductions immédiates de ses créa-
tions ou bien des interprétations plus ou moins éloignées.
Les frères van Eyck se sont affirmés par la sérénité de
leur génie et les ressources d'uve technique merveilleuse. Le
plus grand après eux, Hugo, a déployé dans l’étude des
pbysionomies une acuité de vision et une sûreté de main
incomparables. Il reste, pour le XV* siècle, le portraitiste le
plus fidèle et le plus puissant, celui qui rend d’une manière
adéquate les physionomies florentines les plus distinguées,
comme lez natures les plus frustes du monde rustique. Qui
mieux que lui, parmi les artistes de cette époque, a analysé
les sentiments intimes de l’âme? Et sous les dehors d'une cer-
taine sécheresse, on devine le cœur de l’homme qui a souffert
et qui a prié.
Dans ce qui nous est parvenu de son œuvre on peut déjà
a lmirer l’homme aux vastes compositions conçues d’après des
plans très personnels. 1l s'y révèle à ce point novateur qu’il lui
arrive à certains moments de se mettre d’un bond sur la même
ligne que les artistes des temps modernes. On a dit qu’il
forme la transition entre les Van Eyck et Quentin Metsys.
On a même comparé certaines de ses grandes figures à celles
d' Albert Dürer. Serait-il outré, dès lors, d'affirmer que notre
(1) La tapisserie représentant ce sujet a été exposée en 1905 au Cercle
artiztique à Bruxelles; mais c'est dans la tapisserie du Jugement dernter
du Musée du Louvre que cette constatation est facile à faire.
- 513 —
maitre les égale souvent, qu'il les dépasse même par la puis-
sance, l'originalité et la variété des conceptions, par l’inten-
sité du sentiment religieux, la grandeur du style, et le
caractère des physionomies ? |
Il conviendrait encore d’examiner la valeur du techui-
cien. Presque partout il s'affirme comme un dessinateur hors
de pair. Les têtes de ses personnages sont étudiées avec une
conscience extrême ; le modelé en est si précis qu'il en résulte
même une certaine sécheresse. On serait tenté parfois d’y voir
des sculptures en bois polychromé. Les mains et les pieds des
personnages sont étudiés et fouillés jusque dans les moindres
détails ; ils offrent une telle perfection de. facture. qu'ils ser-
vent de véritables critères aux historiens de l’art.
Si Hugo s'impose à notre admiration par la perfection du
trait, comme les artistes de son temps se plaisaient déjà à le
reconnaître, il occupe aussi une place considérable comme
coloriste,
Rien de plus fin ni de plus riche, que le diptyque de la
galerie impériale de Vienne. Dans le triptyque de la galerie
Lichtenstein, il atteint, dans le rendu des étoffes, aux tons les
plus chaudement colorés. Dans le triptyque des Portinari, le
peintre est à la hauteur du dessinateur, par la puissance et
la richesse du coloris. Malheureusement des retouches indis-
crètes ont enlevé presque partout les charmes primitifs à ce
monument incomparable de l'art flamand.
Plus éclatante encore et plus sonore est la tonalité de
l'Adoration des bergers du Musée de Berlin. Ce panneau
suffirait à montrer les ressources et les audaces du grand
artiste. Sa couleur n’a rien des grâces ni des joliesses qu’on
remarque dans Memling et dans Gérard David ; mais elle est
bien en harmonie avec les compositions graves et fortement
observées de l’artiste. Hugo n'est pas un charmeur qui nous
gagne par des dehors agréables : il est le maître qui subjugue.
Il soigne les grands effets, mais il ne dédaigne pas les
détails et il s'applique tout particulièrement à rendre les
bijoux, les étoffes et les brocarts avec une fidélité extrême.
Le volet du triptyque de saint Hippolyte, conservé dans l’église
Saint-Sauveur à Bruges, est d’une tonalité sobre presque
33
— 514 —
froide, si on la compare à celle des autres panneaux dus à
Thierry Bouts. Cette sécheresse de coloris, voulue ou non, ne
puit pas, loin de là, à la présentation des donateurs. La figure
du mari surtout est d'un caractère et d’une intensité de vie
qui détruit en quelque sorte tout ce qui lentoure.
{l arrive parfois à Hugo de demander tout au dessin et
au modelé et d'atteindre quand même à un effet surprenant.
Tel est le cas de la Mort de la Vierge du Musée de l’Acadé-
mie à Bruges. Page d'une observation très pénétrante, d'une
minutieuse exécution et d'un sentiment profond. Le dualisme
que nous nous bornons à signaler s'explique par les aptitudes
diverses et les besognes variées auxquelles il consacra son
activité. Tantôt il exécute de précieux triptyques où il s’aban-
donne aux séductions de la couleur, tantôt il aborde le carton
du maître verrier ou du tapissier, et alors il doit, pour se
conformer aux exigences de sa tâche, fixer des traits, indiquer
des modelés pour prévenir les tâtonnements dans l’exécution.
Avant tout le maître a le sentiment des silhouettes nette-
ment découpées et des reliefs accusés ; et l’on serait en droit
de se demander ce qui fût sorti de ses mains, s'il avait quitté
de temps à autre le pinceau pour l'ébauchoir à l'instar
d'André Beauneveu.
Les lignes qui précèdent n’ont pas la prétention de
définir l’œuvre et la manière du maître; elles n’ont d’autre
but que de servir d'introduction à l'essai qui suit.
Nous n'avons pas cru devoir examiner les nombreuses
attributions qui, si elles étaient établies, constitueraient en
faveur de Hugo un ensemble considérable. Nous nous sommes
borué à envisager celles qui sont admises par les critiques
les plus autorisés. |
Le point de départ des restitutions reste le triptyque des
Portinari; c'est d’ailleurs la seule production de Hugo au
sujet de laquelle il existe une donnée formelle, et c’est tou-
jours à ce monument, en fin de compte, qu'il faut aboutir.
Dans cette création le maître se laisse étudier sous tous
les aspects, comme peintre du portrait, et comme peintre
religieux. Hugo s’y montre, ou peu s’en faut, à l'apogée de
son talent. Là, rien ne pourrait faire supposer qu'il ait ren-
— 515 —
contré ou étudié les œuvres des Van Eyck, de Thierry Bouts,
de Roger van der Weyden : il est lui-même et domine de sa
haute taille tous les artistes contemporains des anciens Pays-
Bas.
Mise au tombeau du Musée national de Naples. L'original
n'existe plus ou bien il n’a pas été retrouvé; cette composi-
tion a été très répandue, seulement les interprétations s'éloi-
guent parfois du modèle, tant le caractère des têtes en a été
modifié ; toutefois la copie de Naples, en dépit de ses défauts,
nous laisse mieux entrevoir ce que devait être l'original, et
c'est avec raison que M' M. Friedländer lui donne la préfé-
rence sur toutes celles qui nous sont parvenues.
La présentation du corps du Sauveur a je ne sais quoi de
violemment pathétique dont l'inspiration a sa source dans
Roger van der Weyden. Cette circonstance explique l’attri-
bution qu’en a faite à ce dernier M' H. Hymans (Van Mander,
_t. I, p. 106). D'après Mr E. Firmenich-Richartz, ce sujet se
rapporterait peut-être à la Descente de Croix qui se trouvait
daus l’église Saint-Jacques à Bruges.
Mr M. Friedländer, qui a restitué cette composition à
Hugo, justifie son assertion par plusieurs rapprochements avec
des figures du triptyque des Portinari et du triptyque de la
galerie de Lichtenstein.
Diptyque de la galerie impériale de Vienne. Quand il
est ouvert il présente deux scènes : la Chute de nos premiers
parents dans le Jardin terrestre ; -— la Pieta. — Fermé, il
nous montre la figure, en grisaille, de sainte Geneviève. —
Cette ceuvre de dimensions restreintes est d'une exécution
très soignée et d’un coloris riche.
Dans l'inventaire des collections de l’Archiduc Léopold-
Wilhelm de 1659, n° 860, il est désigné comme un original
de Jean Van Eyck. — Les deux volets furent exposés sépa-
rément, dans la galerie Ambras comme Memling. C’est à
Memling que l’attribua également Mr A.-J. Wauters. Mr H.
Hymans inclinait à les rendre à Roger van der Weyden (Van
Mander, IT, p. 104).
À tort M' von Wurzbach l'identifie avec un diptyque de
la main de maître Hans (Van Eyck) ayant appartenu à Mar-
— 516 —
guerite d'Autriche. Ce tableau, dit-il, a deux feuillets repré-
sentant « Notre-Dame », « Saint Jean, Sainte Barbe, Adam
et Eve ». Il rejette l'attribution à Hugo van der Goes. Celle-
ci, qui remonte à 1875, est due à Carl Justi. Scheibler,
MM. Hymans, Tchudi, Frimmel, Bode, Friedländer se
sont ralliés à cette opinion, et on est assez surpris que
tout récemment M' von Wurzbach ait pu écrire que cette
œuvre ne semble avoir rien de commun avec Hugo van der
Goes.
Fragment d'une Mise au lombeau (Musée de Berlin).
C'est encore à la première partie de la carrière du maître
que semble appartenir le fragment de peinture sur toile
provenant de la collection Panciatichi de Florence et con-
servé au Musée de Berlin. Marie est entourée de saint Jean
et de saintes femmes. Ce débris doit avoir appartenu à une
composition représentant une Mise au tombeau. C'est avec
cette scène, en effet, que cadrent le mieux les attitudes et les
sentiments de tous les personnages de la scène. Mr Friedlän-
der en avait cherché la signification réelle, mais sans se
décider. Une Mise au lombeau des Heures de Hennessy attri-
buées à Simon Bening, nous permet d'être très précis à cet
égard. Marie s y retrouve dans une attitude identique; d'ail-
leurs l'esprit, le caractère de la composition et le fond du
paysage sont à ce point dans le caractère de Hugo que la
miniature apparaît comme une copie ou une interprétation
très voisine du maître gantois.
Le triptyque de l'Adoration des Mages de la galerie Lich-
tenstein attribué à Jean van Eyck et à Memling, est restitué à
Hugo par plusieurs critiques; lors de l'exposition des Primitifs
flamands à Bruges c’est l’opinion qui a prévalu. Plus haut il
a é‘é parlé de cette production qui se distingue par un très
somptueux coloris.
Vierge du Musée Städel à Francfort s/Main.
Le tvpe de la Vierge rappelle celui de l'Eve du triptyque
de la galerie impériale de Vienne. La bouche est un peu plus
longue; mais l’ovale de la face est le même. Dans les deux
têtes, le front offre le même caractère; la chevelure semble,
de part et d'autre, traitée d’après le mème procédé et les mains
— 517 —
sont d’un modelé soigné. Quant à l'Enfant Jésus, il évoque par
sa laideur certains petits anges souffreteux du triptyque des
Portinari. Le panneau appartient encore à la première partie de
la carrière du maître (Scheibler, Repertorium, IX, 280).
Tableau représentant Sainte Anne, la Vierge et l'Enfant
Jésus, avec un religieux franciscain en prière (Musée royal
de peinture et de sculpture de Bruxelles). Ce panneau, reproduit
dans l’étude de M' Firmenich-Richartz (Zeitschrift für christ-
liche Kunst, t. 10, 1897), est attribué à Hugo par Scheibler,
Tschudi, et par M' A.-J. Wauters, dans la dernière édition
du catalogue de la galerie de peinture. La tête de la Vierge
rappelle celle du Musée Städel. C'est une œuvre d'un dessin
moins précis, mais qui n'est pas dépourvue de charmes. Le
paysage a de l’étendue et sort des complexités du thème
médiéval. Le coloris a cette froideur qui caractérise certaines
productions du maître. L'attribution reste cependant contestée
par plusieurs critiques. Quoi qu'il en soit, l'œuvre est d'une
valeur de second ordre si on la compare à celles considé-
rées, unanimement, comme émanant de Hugo van der Goes.
David et Abigail. Cette scène n'est connue que par des
copies. L’original était une peinture murale qui décorait autre-
fois le manteau de la cheminée de Jacques Weytens à Gand.
Une copie provenant de Gand se trouve aux Musées royaux
du Cinquantenaire à Bruxelles; une deuxième copie, plus
petite (095 x 1730), se trouve dans la collection Novak (voir
dans la Chronique des Arts, 1896, n° 17, l'étude du dr Frimmel,
et, dans la Gazette des Beaux-Arts, l’article de M" Hymans).
Copie de la collection Merzenich à Cologne; elle a été
photographiée par Schmitz. Il nous a été impossible de voir la
copie ni la photographie. Copie vendue chez M'Fievé, expert, en
1907. Il existe encore une copie que le D° Hülsemann de Wies-
baden a découverte dans le cercle de Kempen et qu'il a acquise.
Je n’ai pasréussi à m'en procurer de reproduction. La première
de ces copies me paraît l'emporter par une compréhensien
plus nette du sujet; la seconde est soignée dans les détails
mais ne rappelle pas les qualités maîtresses de l'original, tant
le caractère des têtes a été amoindri. L'avant-dernière, que j'ai
fait photographier, donne l'impression d’une copie d'un sen-
timent plus moderne que celles citées en premier lieu.
— 518 —
La peinture murale de David et Abigaïl a joui d'un grand
renom ; au témoignage de Van Mander, on admirait beaucoup
la grâce pudique d’Abigaïl.
Il serait malaisé de se prononcer, d'après des copies qui
sont loin d’être parfaites, sur la valeur de certaines figures;
mais du moins est-il permis d'envisager la composition. Celle-
ci révèle de l’originalité, de l'ampleur et de l’ingéniosité dans
la distribution des diverses scènes. Aussi est-il permis de con-
sidérer la scène biblique comme une manifestation d’un talent
qui s’affirme et d’une personnalité qui se dégage des conven-
tions; elle n’annonce pas encore les imposantes manifesta-
tions du triptyque des Offices ; elle ne fait pas encore pres-
sentir le dessin dont il va être question.
Dessin d'Oxford. Les adieux de Jacob à Rebecca.
Jacob vient d'apprendre qu’Isaü marche à sa rencontre ; il
divise en deux troupes les gens et les bestiaux qu'il avait avec
lui, persuadé que si Esaü venait battre l’une, il pourrait sauver
l’autre. Jacob est représenté, le front soucieux, au moment où
il dépose un baiser sur le front de sa compagne. A gauche des
bergers qui gardent leurs troupeaux assistent avec intérêt à
cette séparation. À gauche du groupe médian une jeune
femme fait avancer ses chèvres. Au second plan on voit la
rencontre des deux frères qui sont agenouillés et se tiennent
enlacés par les bras. Des collines peu élevées dont le pied est
entouré de bouquets d’arbres ferment l'horizon de toutes
parts. Les figures sont admirablement campées, les attitudes
ont du naturel, et une grâce un peu austère. Le tempérament
réaliste de Hugo se manifeste surtout dans l’observation avec
laquelle il traduit les physionomies des pasteurs et décrit
leurs troupeaux de bœufs et de moutons.
Ce dessin à l’encre avec desrehauts blancs est d’une sûreté
de main extraordinaire; il constitue comme le projet ou
modèle de petit pied d’un modèle tapisserie ou d’une des
toiles peintes que l'artiste en fit en diverses circonstances. On
sait, en effet, qu'Hugo avait dirigé à Gand, par ordre de la
municipalité, la partie artistique des fêtes célébrées à l'occasion
de l’avènement de Charles le Téméraire comme duc de Bour-
gogne, et que, l’année suivante, il travailla aux diverses déco-
A —
— 519 —
rations auxquelles donna lieu le mariage de ce prince avec
Marguerite d’York. Chronologiquement, le dessin d’Oxford
vient se placer un peu avant le triptyque des Portinari; les dra-
peries très décoratives n’y ont pas encore l’ampleur et la
simplicité qui distinguent les grandes figures du triptyque. Il
y a lieu de noter l’élégaute allure de la jeune chevrière qui
ferait penser à une production de l’école florentine de la meil-
leure époque (1).
Triptyque des Portinari (Musée des Offices à Florence).
Cette œuvre, qui se trouvait naguère dans le Musée de
l'hôpital Santa Maria Nuova, a été popularisée par la gravure
et la photographie. C'est grâce à un passage de Vasari (t. I,
p. 185, édition de Milanesi, 1878), que l’auteur en est connu :
« Ugo d’Anversa che fe la tavola ai Santa Maria Nuova di
Fiorenza ». L'œuvre est encore mentionnée au t. VIII, p. 581
du même ouvrage. La méprise au sujet de la ville d’origine
importe peu en l'occurrence. Personne n’a hésité à y voir
« Hugues de Gand, qui tant eut les tretz netz », comme l’a dit
si justement Lemaire de Belges, dans sa Couronne Margaritigue.
On place l’exécution de ce triptyque vers 1470 : c’est l’œuvre
de la maturité du maître. Les volets, avec leurs grandes figures
de saints et les portraits des donateurs, produisent une impres-
sion prodigieuse. Le groupe des pasteurs, animés d’un senti-
ment de foi si profonde et si naïve, restera toujours l’une des
belles mauifestations de l'art flamand. On connait moins
les grisailles représentant l’Annonciation qui occupent l'exté-
rieur; en dépit de l’état de délabrement dans lequel elles se
trouvent, on ne laisse pas d’être gagné par cette scène d'une
simplicité grandiose. Hugo fait bon marché de tous les acces-
soires pour ne montrer que deux figures.
Marie est dans un profond recueillement; elle écoute la
parole de l’archauge, qui, le sceptre en main, lui montre le
ciel. Le messager céleste est d’une majesté suprême; il paraît
(1) Je dois à l'obligeance de Mr S. Colvin de recevoir avant la publica-
tion, une reproduction de ce dessin. Cette planche paraîtra, si elle n'a déjà
paru, dans son magnifique ouvrage : Oxford Drarmings. Selected drarvings
from Old Masters in the University Galleries, and in the Library at Christ
Church, Oz ford.
— 920 —
comme effrayé à l’idée du mystère qui va s’accomplir. La sil-
houette de cette figure est merveilleuse, et je ne sache pas
qu'aucun maître ait eu une idée plus sublime de cette scène
qui a cependant tenté le pinceau de légions d'artistes. Plusieurs
panneaux du triptyque ont subi des retouches compromet-
tantes.
Au Musée du Cinquantenaire, il existe une copie due au
pinceau de Frantz Meerts. Malheureusement le copiste n’a pas
réussi à rendre certains tons. Les rouges et les verts man-
quent d'éclat et de transparence; en revanche l'artiste s'est
montré plus habile dans l'exécution des brocarts.
Le Couronnement de la Vierge, copie ancienne, triptyque
conservé à Buckingham Palace. Waagen l’attribuait à Goswin
van der Weyden (vers 1480), à qui l'on donnait les deux Assomp-
tions de la Vierge. Ces deux morceaux passent ensuite à un
anonyme, dénommé pour la facilité de l'étude le maitre des
deux Assomplions. et qui s'identifierait maintenant avec Albert
Bouts. Mr Friedländer a vu dans ce triptyque une copie très
intéressante d'une œuvre disparue de Hugo van der Goes.
M: G. Hulin avait, sans connaître l'avis émis par le savant
directeur de la galerie berlinoise, partagé la même manière
de voir. Grâce à l'aimable intervention de M" Lionel Cust,
il nous a été donné de voir et d’étudier à l’aise ce triptyque
d'une composition très riche. Le peintre s'est ingénié à varier
les types, les attitudes et il a donné de la vie et du sentiment à
tous les personnages. La distinction et la grâce font défaut
aux figures féminines ; mais leurs physionomies sont emprein-
tes de recueillement. Le triptyque de Buckingham Palace
doit appartenir à la première partie de la carrière de Hugo et
précède peut-être David et Abigaïl (1).
Panneaux conservés dans le château d'Holyrood (Edim-
bourg).
1. Volet droit extérieur. La sainte Trinité. Le Père
éternel assis sur un trône tient le corps iuanimé de son Fils
au-dessus de qui plane le Saint-Esprit. -
(1) HuGo vaN DER Goes. Zine Nachtese-Jahrbuch der Kôntglich preussi-
schen Kunstsammlungen, 1904. Heft IT,
— 521 —
2. Volet gauche extérieur. Sir Edouard Bonkle, président
du Collège de 1462 à 1496, agenouillé et accompagné de deux
anges qui se trouvent à l'orgue.
3. Sur le côté intérieur, le roi Jacques III d’Ecosse, qui
régna de 1453 à 1484, et derrière lui son frère Alexandre, duc
d'Albany.
4. La reine Marguerite, princesse de Danemarck, assistée
de saint Canut, et nou de saint Georges, comme le fait remar-
quer Mr J. Weale.
Ces volets proviennent du maître-autel de l’église de la
Sainte-Trinité à Edimbourg, M' J. Weale (1) considère comme
erronée l'opinion exprimée par von Wurzbach qu'ils n’au-
raient pas été peints avant 1480. L'église fut fondée en 1462
par Marie de Gueldre, femme de Jacques IL. Sur l'extérieur
d'un des volets est représeuté le prévôt de l’église, Sir Edouard
Bonkie, à genoux devant la sainte Trinité. Derrière lui se
trouvent deux anges, l’un au clavier, l’autre manceuvrant les
soufflets d'un orgue flamand, et c'est sans nul doute cet
instrument à l'achat duquel Jacques II[ contribua, en 1466-
67, pour la somme de 10 livres. Le prévôt fut certainement
peint d’après nature lorsqu'il se trouvait en visite chez son
frère Alexandre, un des marchands écossais en vue établis à
Bruges. Les portraits de Jacques III, de son frère Alexandre,
duc d’Albany, de la reine Marguerite, ont été peints sans nul
doute d'après des dessins fournis par sir Edouard Bonkle;
il doit en être de même des écus armoriés et des détails de
l'intérieur d'église représentée sur l’un des panneaux, Cette
peinture, ajoute encore M" J. Weale, fut commandée probable-
ment en 1469-70 et complétée avant la naissance de Jacques,
et certainement pas plus tard que 1472.
Donateur et patron, saint Jean-Baptiste.
Ce panneau raccourci du Musée dl’ Amsterdam, provenant
d'un triptyque, est indiqué d’abord dans le catalogue comme
une œuvre dans la direction de Hugo van der Goes. MrJ. Six
l'avait, pour sa part, attribué au célèbre artiste. M' E. Durand-
(1) Voir Burlington Magazine, septembre 1906, p. 418.
__— 522 —
Gréville, prenant texte du Catalogue of the piclures in the
Rijksmuseum À mslerdam, revu dans une certaine mesure par
M° B.-W.-F. van Riemsdijck, écrivait (p. 346, Chronique des
Arts, 1905) : « Peint dans la mauière du maitre, mais il y a là
à notre avis quelque those de plus que la manière du maitre.
Si ce n’est pas un original de Hugo, ce serait une œuvre qui
aurait été faite par un élève très pénétré de ses principes ». Il
n’y a pas à hésiter, ce me semble. Le portrait réalise toutes les
qualités du maître : netteté du dessin, solidité du modelé,
caractère intense de la figure. Nuus croyons l’œuvre contem-
poraine du volet du triptyque du martyre de saiut Hippolyte
de l’église Saint-Sauveur à Bruges.
Volet du triplyque du Martyre de saint Hyppolyte
(cathédrale Saint-Sauveur). Ce triptyque a paru lors de l’exposi-
tion des primitifs flamands sous le nom de Thierry Bouts. Cette
attribution n'a pas, que je sache, été mise en doute. Il existe
cependant une divergence manifeste entre le volet de droite,
objectivement parlant, et les deux autres parties. Le paunean
dont il s'agit représente deux donateurs, Hippolyte de Berthoz
et Elisabeth de Keverwyck, et, selon toute vraisemblance,
mari et femme. Ils portent des vêtements de couleur sombre qui
constituent comme une dissonance avec les figures aux riches
costumes éclatants des autres scèues. Cette divergence se fait
sentir d'une manière encore plus surprenante daus les carna-
tions pâles et austères des donateurs, tandis que les carna-
tions des autres personuages sont d'une tonalité chaude.
Les deux têtes sont empreintes de caractère, la tête de
l’homme a je ne sais quoi de ferme et d'énergique qui va
jusqu’à la dureté ; les mains sont d'un dessin plus ferme et
plus observé que celles dues au pinceau de Bouts. Ce contraste,
qui avait frappé l'attention de M' Tschudi, l’ameua, après
examen, à attribuer cette œuvre à Hugo van der Goes. Cette
hypothèse est d’ailleurs confirmée par le fait que le maitre
était allé de Rouge-Cloitre à Louvain pour expertiser des
œuvres délaissées par Bouts, et il aura été, sans nul doute,
invité à terminer le travail commandé. Le rendu des chairs
rappelle du reste celui qu’on remarque dans les anges d'un
panneau de Holy Rood. — Pour Mr Friedländer, les figures
— 523 —
des saints qui se trouvent au revers du volet, semblent plutôt
procéder de Hugo que de Bouts.
Adoration des mages. — Musée de Berlin, copie d’un
anonyme. — Pinacothèque de Munich, copie de Gérard David.
Original disparu, ou inconnu. |
Cette création appartient à la dernière partie de sa
carrière. Elle est d’une ordounance originale. Marie, au lieu
d'occuper le centre de la composition, se trouve tout à fait à
gauche contre un bâtiment en ruine; saint Joseph se tient
à la gauche de la Mère de Dieu. Le groupe des rois et des
personnages de leur suite, à genoux ou debout, occupent le
reste du premier plun. Deux anges, qui planent au dessus de
la sainte famille, l’homme qui sourit, la tête encadrée dans
une lucarne, le bœuf et l’âue sont distribués très habilement de
manière à éviter des vides. Le paysage est formé d’üne colline
au pied de laquelle se trouvent des constructions, et devant
celles-ci un groupe du cavaliers complètent le found. Il y a
beaucoup d’aisance et d’ampleur dans l’agencement de cette
scène. — La copie de Berlin est, comme le fait remarquer
MF Friedländer, d’un maître médiocre, mais qui a su, dans une
certaine mesure, transcrire fidèlement l'original qu’ilavait sous
les yeux. — La copie de Munich a les qualités et les élégances
qu'on est en droit d'attendre d’un maître de grande valeur;
elle atténue la robustesse et la solidité du modèle; elle nous
aide cependant, avec la copie de Berlin, à entrevoir nettement
les mérites de l'original.
Nous trouvous dans le rieur dont la tête s’encadre dans
la lucarne le personnage agenouillé à gauche de |’ 4do-
ration des Bergers du Musée de Berlin; nous croyons
que ce dernier tableau doit être postérieur à l’Adoration
des Mages. Le motif en est que le type de la Vierge, qui
ne nous est connu que par une copie, correspoud à celui
que l’on remarque dans la Mort de la Vierge du Musée de
Bruges.
Il ne sera pas hors de propos de rappeler que l'Adoration
des Mages du Musée de Bruxelles, rendue depuis longtemps à
Gérard David, se rattache à uue production de Hugo van der
Goes. — C'est à MF Friedländer que nous devons d'ingénieux
rapprochements (JaArbuch der Königlich preussischen Kunst-
sammlungen, 1904, Heft IT).
L'Adoration des Mages de la Galerie artistique de Bath
(Angleterre). |
| La revue The Connoisseur publia, au mois de novembre
1904, un panneau qui avait été légué à la corporation de la
ville de Bath, par feu la comtesse Conollv, de Midford Castle,
dans le Somerset. Un auteur anonyme attribuait la peinture
à Hans Memling, et il prenait pour point de comparaison
l’Adoration des Mages de l'hôpital Saint-Jean, à Bruges.
J'opposai à cette étude un article qui parut dans la même
revue, au mois de juin de l’année suivante (p. 8R à 92).
L’attitude de la Vierge de la Galerie artistique de Bath, comme
je le démontrai, avait son équivalent dans la Madone de la
Pinacothèque de Munich de Gérard David, dont la composition
remonte directement à Hugo van der Goes, comme M" Max
Friedländer l'a fort bien établi. Je pris également comme
terme de comparaison certaines têtes de la Mort de la Vierge,
du Musée de l'Académie à Bruges, qui est considérée par
la plupart des critiques comme une œuvre authentique de
Hugo van der Goes.
L'attribution que j'avais faite a prévalu, et c'est
sous le nom du peintre gantois que le panneau de Bath
a figuré à l'exposition des peintres flamands, organisée
au Guild Hall à Londres pendant le printemps et l’été
de 1906. J'ai pu, à cette occasion, étudier ce morceau d’une
conception intéressante, mais qui était malheureusement
placé d’une façon très défectueuse. Ce panneau se distingue
par l'éclat et la richesse du coloris. Les rouges et les verts
sont puissants et rappellent ceux du triptyque des Portinari.
C'est une œuvre d'une belle venue, mais il y a certaines
défectuosités. L'Enfant Jésus est d'un dessin et d’un modelé
peu habiles. Eu revanche, le roi vieillard et saint Joseph
paraissent bien interprétés. L'œuvre sort-elle des mains du
maître? M°G. Hulin est pour l'affirmative. M" Roger Fry professe
une opinion diamétralement opposée. Pour ma part, je crois le
panneau contemporain de Hugo van der Goes, et je penche-
rais à le donner à son atelier. Ce n’est pas, en tout cas, une
— 595 —
production de tout premier choix. Faut-il la placer dans la
première partie de la carrière du maître? — Deux faits me
font pencher pour la négative : Le type du roi vieillard, qui se
représente dans la Mort de la Vierge, et le type de la Vierge
elle-même, qui n'est pas celui de ses débuts. Le brocart du
dosseret est le même que celui de la manche de Marie Made-
leine, dans le diptyque de la galerie impériale de Vienne.
Adoration des Bergers de Wilton House, appartenant
à Lord Pembroke (panneau). M" Fry considère cette œuvre
comme originale. Il ne nous a pas été douné de voir
l'original; mais, grâce à l’obligeance de Mr le capitaine
Neville R. Wilkinson, nous disposons d’une excellente photo-
graphie à la grandeur exacte du panneau. Par l'ordonnance,
ce tableau rappelle le tableau de Bath représentant l'Adoration
des Mages. Les personnages sont aussi à mi-corps.
La Vierge rappelle manifestement celle de l’ Adoration des
Bergers de la galerie de Berlin. Il en est de même pour saint
Joseph, mais il est plus âgé sur le panneau de Wilton House.
Il est presque chauve et les traits sont altérés par la fatigue et
les soucis. On remarquera facilement les incorrections de
dessiu qui déparent la tête de la Vierge, dont l’ovale est mala-
droitement exagéré, les anges adorateurs et même les bergers.
C’est donc une copie, car Hugo n’a jamais eu, que je sache,
semblable défaillance. Pour le choix des types, le panneau de
Wilton House vient se placer non loin du tableau de Berlin
(l’Adoration des Bergers). Et, mème si l’observation relative
à saint Joseph est exacte, il lui est postérieur.
Adoration des Bergers du Musée de Berlin. — On a
critiqué maintes fois l’éparpillement des personnages qui
existe dans le panneau médian du triptyque des Portinari.
Hugo avait voulu former comme une couronne autour de
l'Enfant. A cet Enfant sauveur il n’avait pas même donné
de langes, pour mieux marquer le dénuement du Dieu fuit
homme; mais il lui avait offert une couronne d’adorateurs.
Marie, Joseph, les anges, les pasteurs entourent le Nouveau
né, et, conformément à la tradition, le bœuf et l’âne n'en sont
pas exclus. — Dans le panneau de Berlin, c'est la même idée
qui domine, mais mieux conçue, plus harmonieuse et plus
— 926 —
sereine. Marie prie dans un recueillement souriant ; elle n’a
plus cet air navré qu'on remarque dans le triptyque de
Florence. Du reste sa physionomie plus agréable rappelle celle
de l’Eve du diptyque de la galerie impériale de Vienne, mais
elle est moins jeune. Les anges ont perdu leur aspect souffre-
teux et l'Enfant a au moins une crèche. Les deux pro-
phètes à mi-corps, qui sont à l’avant plan, sont d’un art plein
de vie, de souplesse et d'éclat, et enfin d'un sentiment plus
moderne que les grandes figures de saints du triptyque de
Florence. Cette page si pleine, si riche à tous égards, est
rehaussée par la somptuosité de colorations chaudes et écla-
tantes.
Mort de la Vierge. — Musée de l’Académie, à Bruges.
Cette œuvre, dont il existe une copie dans la cathédrale Saint-
Sauveur, ne rappelle en rien pour la couleur les productions da
maître ; mais ce qui semble faire défaut sous ce rapport, est
compensé par de grandes qualités de composition et de style.
On y voit toutes les facultés du dessinateur, de l’obser-
vateur et de l’artiste chrétien dans son complet épanouisse-
ment. Hugo a compris et admirablement rendu la tristesse
paisible, mais profonde, de tous ces hommes déjà fatigués par
les soucis de l'apostolat, et qui, dans quelques instants, seront
privés de leur plus ferme appui. Les avis sont partagés quant
à la conservation de ce chef-d'œuvre. Les uns estiment qu'il
a subi un nettoyage regrettable; d’autres considèrent qu'il
a, à peu de choses près, conservé son aspect primitif.
*
* *
Hugo Van der Goes a-t-il fait des cartons pour les
tapissiers?
C'est vraisemblable, c'est même probable. — Il y aurait
lieu d'examiner si les tapisseries du XV° siècle reprásen-
tant l’Annoncialion et l’Adoration des Mages, exposées au
Cercle artistique, en 1905, par la Manufacture nationale des
Gobelins, n'ont pas de parenté avec le maître flamand. C'est
la thèse que nous avons soutenue en plusieurs écrits. Des
objections nous ont été faites et nous songeons à y répondre.
On serait également autorisé, à notre avis, à reconnaître
— 927 —
le caractère et le style de Hugo dans la petite tapisserie du
trésor de la cathédrale de Sens, représentant l’Adoration des
Mages.
D'une façon plus précise, on retrouve des analogies cer-
taines entre la petite tapisserie de l’Adoration des Bergers qui
a passé de la collection Spitzer dans celle de feu le chevalier
Mayer Van der Bergh. On constate aussi des analogies entre
cette page et le triptyque de la galerie Lichtenstein.
Hugo Van der Goes a-l-il fait des miniatures? — Ce
n'est pas impossible mais ce n’est. pas prouvé. Il a surgi à cet
égard une intéressante discussion à laquelle ont été mêlés Mr
Sander Pierron et plusieurs journaux d’art, entre autres 1’ Art
moderne et Durendal. La question a été débattue également à
la Société d’archéologie de Bruxelles, dans la séance du mois
de mars 1905 (Annales de la Soc., t. XIX, p. 471 et 472).
On sait que Hugo van der Goes, qui concevait très grand et
exécutait sur une grande échelle, ne dédaignait pas de traiter
des travaux délicats. On cite une merveille de finesse qui était
conservée dans une église de Gand, et le diptyque de la galerie
impériale de Vienne montre à quel raffinement il savait
recourir pour rivaliser avec ses devanciers et ses émules les
plus raffinés.
Un fait est acquis, c’est la faveur dont les productions de
Hugo van der Goes ont joui chez les enlumineurs. D'ailleurs
des liens du sang le rattachaient à une famille d'enlumineurs.
Alexandre Bening avait épousé la sœur de Hugo, et c’est de
ce mariage qu'est issu Simon Bening. Il est certain que
l'influence de Hugo se constate dans les Heures de Hennessy
enluminées par Simon Bening, dans plusieurs endroits, surtout
daus la Descente de croix et dans la Mise au tombeau (1).
Déjà en 1905, à une séance de la Société d'archéologie de
Bruxelles, dont il a été question plus haut, je mentionnai
les traces de l'influence de Hugo. Ou la sent très vive dans
plusieurs pages du Grimani : dans le paradis terrestre (pl. 45
(1) Voir notre étude : les Heures ds: N. Dame dites d: Hennessy (Bruxel-
les, 1896).
— 528 —
du recueil photographique de Zanotto), le serpent à corps de
femme est manifestement apparenté à celui du sujet similaire
de Hugo qui se trouve au Musée impérial de Vienne. Il faut
encore citer l’Adoration des Mages (pl. 22), l’Adoration des
Bergers (pl. 27), saint Paul (pl. 73), la Vierge et l'Enfant Jésus
(pl. 109), etc. Pour la dernière scène, il serait intéressant de la
comparer pour l'esprit, le paysage et même le choix des types,
avec le petit tableau du Musée de Bruxelles représentant
sainte Anne, la Vierge el l'Enfant Jésus. M' Alph. Wauters
avait déjà reconnu Hugo Van der Goes dans les deux
Adorations; seulement il y voyait la main du maitre, et non,
comme c’est le cas, des copies ou des interprétations du maître.
Il partait d’ailleurs de cette idée fausse que le bréviaire datait
de la seconde moitié du XV* siècle, tandis qu'il date du pre-
mier tiers du XVIe siècle.
= On retrouve, trèscaractérisée, l’influence dn maître flamand
dans un manuscrit enluminé appartenant à Mgr le ducd’Aren-
berg (1).Mr E. Laloire l’a signalée pour l’Adoration des Bergers.
L'auteur cite même plusieurs miniatures. Il mentionne une
sainte Barbe qu’il rapproche de l’Abigaïl de Gand. Notons
que l’Adoration des Mages du livre d'heures de Philippe de
Clèves est la reproduction da tableau de Hugo disparu, connu
par les copies du Musée de Berlin et de la Pinacothèque de
Munich.
Il existe une autre copie remarquable de cette Adoration
des Mages dans le bréviaire offert à Isabelle, reine d’Espagne
et de Sicile, vers 1497, par Francisco Royas, qui se qualifie
dans une inscription du manuscrit... eiusdem Majestatis
humillimus servus et creatura. Le roi vieillard rappelle le
personnage de la copie du Musée de Berlin. Bien que l’enlu-
mineur ait simplifié son interprétation par la suppression de
plusieurs personnages, il semble néanmoins avoir connu
l’œuvre originale (2).
(1) Le livre d' Heures de Philippe de Clèves et de la Marck, Seigneur de
Ravestein, extrait des Anciens Arts de Flandre, 1906.
(2) On peut voir une bonne reproduction de cette copie dans l'ouvrage
de G.-F. Warner, Zlluminaled manuscripts in the British Museum scith
descriptive text, 1re série, 1903.
— 529 —
L'influence de Hugo s’est fait sentir chez les enlumi-
neurs lorsqu'ils représentent des personnages tels que les
apôtres. Elle est sensible dans des miniatures de la Biblio-
thèque de Cassel (Allemagne) qui s’apparentent au bréviaire
Grimani, comme je l’ai prouvé dans la Revue de l'Art chré-
tien. Dans le même recueil de miniatures on note plusieurs
sujets qui sont identiques à ceux du livre d’Heures de Philippe
de Clèves, mais d’une facture autrement soignée. Nous cite-
rons entre autres saint Georges combattant le dragon. Les
apôtres ont quelque chose du caractère des figures créées par
Hugo. Et puis elle est encore comme imprégnée de son inspira-
tion, l’ Annonce de la bonne nouvelle aux pasteurs, tant pour la
scène que pour le paysage. Le manuscrit 41 cimel. de la Hofbi-
bliothek de Munich nous montre une Adoration des Mages où
il n’est pas difficile de rencontrer maintes particularités propres
au maître, surtout si on rapproche cette page du tableau de la
Galerie artistique de Bath. Dans le même manuscrit on voit
aussi une Piéta tout à fait dans le style et l’esprit de Hugo.
Qu'il me soit permis de rappeler une autre Adoration des Mages,
d’une composition mieux ordonnée, plus grande et d’un aspect
plus pittoresque, que l'on voit dans le manuscrit de Vienne de
l’'Hortulus anima christiane, ayant appartenu à Marguerite
d'Autriche, dans la série des miniatures de Cassel et dans le
livre d'heures Weingärtner de Nuremberg.
Dans le livre d’heures du Musée national de Munich
n° 861, on retrouve encore l’influence de Hugo, surtout dans
la scène représentant la chute de nos premiers parents. Cette
page, supérieure à la même scène du bréviaire Grimani, nous
apparaît comme une copie directe d’une œuvre du maîtreet non
comme une interprétation. En tout cas, les types d'Adam et
d'Eve rappellent d’une manière surprenante ceux du diptyque
de la Galerie impériale de Vienne. Seulement l'ange tentateur
ne s’y tient pas dans un coin, mais il se trouve dans les
branches de l’arbre du bien et du mal, sous les traits d’une
femme dont le corps finit en serpent.
Note sur la |
Représentation du retable de l’Agneau mystique
des Van Eyck,
en tableau vivant, à Gand en 1458,
par Pauz BERGMANS,
Sous-bibliothécaire de l'Université de Gand.
M: L. Maeterlinck a appelé naguère mon attention sur le
passage suivant du mémoire de M' Gustave Cohen, couronné
par l’Académie royale de Belgique, Aistoire de la mise en
scène dans le théâtre religieux francais du moyen-âge (1) :
« …les rhétoriciens de Gand essaient d’imiter la célèbre
« Adoration » de Van Eyck... ». Pour satisfuire au désir de
notre confrère, j'ai fait quelques recherches en vue d’éta-
blir la réalité de cette assertion, et j'ai pu constater que le
polyptyque des frères Van Eyck avait, en effet, été représenté
à Gand, sous forme de tableau vivant, à l’occasion de l'entrée
de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, le 23 avril 1458.
M' Cohen renvoie d'abord à l'ouvrage de P. Weber,
Geistliches Schauspiel und kirchliche Kunst (Stuttgart, Ebner,
1894), que je n'ai pu me procurer.
Puis il cite le premier volume de l’ouvrage de J.-A. Worp
sur l’histoire du théâtre dans les Pays-Bas (Geschiedenis van
het drama en van hel tooneel in Nederland, Groningen, 1904,
pp. 42-43) et le compte-rendu consacré à ce livre par G. Huet
dans la Aevue critique. En consultant ces références, j'ai pu
remonter au document justifiant l’assertion de M" Cohen, et
qui n'est autre qu une source bien connue : la Ærouyk van
(1) Mémoires de l'Académie royale de Belgique, classe des lettres,
collection in-8o, nouvelle série, t. I, fascicule VI, p. 138.
— 531 —
Vlaenderen (580-1467), publiée par les Bibliophiles flamands,
en deux volumes, en 1839-1840.
Cette chronique, sans valeur au début, est très précieuse
pour le récit des événements du XV° siècle. C'est ainsi qu'elle
nous donne un récit bien détaillé de l'entrée du duc Philippe
le Bon à Gend, en 1458, après la bataille de Gand.
Ce récit parait même devoir être, comme me l'a fait
remarquer M' V. Fris, une relation officielle, à l'instar
d'autres récits d'entrée solennelle, tels que celui de l'entrée
à Bruges en 1440, daus l’£Zrcellente Croxicke, celui de l’entré:
à Bruges en 1468 (probablement rédigé par Antoine de
Roovere), publié par Brill (Historisch genootschap, 1885),
celui du tir à l’arbalète à Gand en 1497, dans l’Æxcel-
lente Cronicke.
Ce qui prouve ce caractère officiel, abstraction faite de la
longueur et de la minutie de la relation, c'est la concordance
qui existe entre l’ordre des différents métiers et celui que nous
trouvons dans le registre Van Ordonnancien en Wijsdommen
der neiringen van Gead (Archives communales).
Il n'entre pas dans notre cadre de retracer toute cette
entrée du duc Philippe, qui fut d’une richesse extraordinaire
de décoration (r). Nous nous bornerons à citer le passage, où
l'aunaliste décrit le tableau vivant représenté à la place du
Marais, au moment du passage du cortège princier qui venait
de la porte de Bruges.
(1) Memoriebnek der Stad Ghent, éd. des Vlaemsche Bibliophilen, 2° série,
n° 15, t. 1 (Gand, 1852), p. 249 :
« Item in dit jaer [1457 = 1458 n. style] dede hertoge Philips zyne eerste
iatreye binnen Ghent, sichtent den slach van Gavere, ende was zeer heerlic
ontfangen op den XXiij® April, ende was Sente Joorisdach, ende was
binnen Ghent tot den XViijer in Meye.
« Item, in de voornoemde incoinste waren binnen Ghent ontsteken ende
verberrent bet dan X Vilij dusent ende }x toortschen, ende men vierde doen
boven den cruuse van Bente Niclaeys torre, ende hy quam te Brugsche-
poorte inne, daer groote genouchte alle avonde binnen Ghent bedreven was
in alle gebuerten ».
Ua autre manuscrit du Memorieboek ajoute, en rapportant l'entrée du
prince [datée ici du 24 avril]: « ende daer was groote triomphe ghedaen van
vierne ende veele sehone figureu aen de strate becleet met drie colueren
. van lekene ende ootmoedighe devysen. » (Ibid , p. 250).
— 59 —
Nous avons fait quelques recherches dans les comptes
communaux de 1457-1458, afin d’essayer de découvrir une
mention relative au tableau vivant. Nous n'avons trouvé que des
indications assez générales, que nous donnons en note; on y
remarquera cependant le passage concernant des esbatimenten| ).
Voici la reproduction du passage de la Kronyk van
Vlaenderen :
Item, up den Poul stont gemnect eene groete hoghe stellagie,
met drye stagien upgaende L. voeten lanc, ende xxviij voeten
breedt, al verdect met blauwen lakenen, voren ghesloten met
witten gordinen, de misterye diere upatont was dusdanich : Chorus
beatorwm in sacrificium agni pascalis; in de middewaert van der
hogster stagien was een guldin troen, daer in ’t personnagie van
God den Vadre, sittende in eenen costelyken setele, heerlijc ver-
(1) Comptes communaux 1457-1458 :
(Fe 25). Item ghegheven den speellieden ons vors. gheduchts heeren
tharen Kerssavonde, Xs. VIIJ d. gr.
(Fo 26). Item ghegheven ten beveelne van scepenen eenen gheselle van
consten die ter presencien van minen heere den hooch bailliu, scepenen ende
anderen speelde up den Colacysoldere den IJ sten dach in Decembre anno
LVIJ in hooscheden, IJ s. III d. gr.
(Fo 26 vo). Item ghegheven bij laste van scepenen bij Meester Janne de
Keghele zekeren ghesellen, die voor minen heeren vanden grooten Rade
ons harde geduchts heeren speelden, wezende ten huuse van Pieteren
ser-Symoens den XXJes dach in Haumaent anno LVIJ in hooscheden XX d. gr.
(Fo 26 vo). … onzen haerden gheduchten heere toegheleyt te zijnder
blijder incomst binnen dezer zijnder stede, ghedaen den XXI[Jes dach in
Aprille ao LVIIJ...
(Fo 21). 't Steecspel… up de Vrindachmaerct den VIJe» dach in Meye
LVIJ. ’
(Fe 27). Item ghecocht jeghen Janne van den Moure, goudsmet, XI
zelverin scalen, te wetene de IIJ weghende elke IIIJ oncheu ende de VIIJ
weghende XLVIIJ onchen J inghelschen, comt t’zamen VIJ marc troysch ILIJ
onchen I ioghelschen, die ghepresenteert waren diverschen neeringhen
ende anderen binnen dezer stede, die den scoonsten staet hildan in vierne
ende anderssins ter blijder incomst ons harde gheduchts heeren ende ooc
den ghenen, die best ende ghenouchelicxt esbatementen ; coste d'onche van
den vors. scalen IJs. IIJ d. gr. ende van den zelven te voramelgierne
ende makene metter stede wapene, van den sticke XIJ d. gr., hieraf
getrocken IJ houde amausen die der stede toebehoorden, blijft
X £ Is. VIIJd. gr.
(Fo 27 vo). Item ghegheven ten bevoelnè van scepenen eenen gheselle
van consten, die up den reep speelde voor t'scepenenhuus, t'Sondaechs
XXX dach in Aprile anno LVLIJ in hooscheden : IJ 8. gr.
“enbijuuipuos
uboxg “enb
Sur nvauêy‚l op onbsydstod — 8b oN
— 54 —
chiert, met eender keyserlyker croenen up 't hooft, eenen septre
in de handt, onder voer sijn voeten, eene gulden croene, onder de
croene stont ghescreven, met gulden letteren, aldus : Vita sine
morte in capite, juventus sine senectute in fronte, gandium sine
merore a dezteris, securitas sine limore a sinisiris. Boven omme
de diademe : Hic est Deus potentissimus propter divinam majesta-
tem ; summus omnium optimus propter dulcedinis bonitatem; remu-
nerator liberalissimus propter inmensam largitatem. 't Personnagie
van der Maget Maria zittende t' sijnre rechter hant, uutnemende
costelic verchiert, boven rondsomme hare diademe stont ghescre-
ven : Hec est speciosior sole et super omnem stellarum dispositionem
lucis compacta invenitur. Ende sent Jans Baptiste t’ sijnre slinker
hant, wat neerdere dan Maria, rondsomme sine diademe stont
ghescreven : Mic est Baptista Johannes, major nomine, par angelis,
legis summa evangelisatio. Ende an de rechte zyde van Marien,
wat neerdere, was eenen choer van inghelen, die maniere maecten
als men dese figure toghde van singhene, voer hemlieden stont
ghescreven ; Melos Deo, laus prophetis, graciarum actio. In ‘t ghe-
lyke was ter slinker zyde van sent Janne een choer van inghelen,
die maniere maecten van speelene up orghelen ende andere veele
diversschen instrumenten van musiken, als men dese figure toghde
voer hemlieden stont ghescreven : Laudate eum in cordis et organo.
Ende emmer waren de selve inghelen in biede de choren naer
toghen van desen figueren, als de gordinen toegheschuuft waren,
altoes singhende ende speelende zeere melodieuzelijc ende ghe-
nouchlijc.
Item, up de tweeste ende dardde stagie stonden ter rechter
zyden, eerst vj. confessoren ghecleedt als bisschoppen, in ponti-
ficale blauwe habyten, ende voer hemlieden stont ghescreven :
Beati pacific.
Item, neffens die, bet achterwaerts stonden vj. oude vaders
ghelijc patriarken ende propheten, vercleedt met peersschen ende
roeden heyken lanc tot der heerden ende al met langhe barden;
voer hemlieden stont ghescreven : Beati qui esuriunt et scitiunt
justiliam.
Item, daer neffens stonden bet achterwaerts vj. oude vaders
met blauwen ende zwartten habyten totter heerden met mudtschen
up ’t hoovet; voer hemlieden stont ghescreven : Beati misericordes.
Item, doe volghden daer an de selve zyde oec bet achter waert
vj. Gods ridders, als sent Joerijs, sente Victor, sente Maurissius,
sente Sebastiaen, sente Quirijn, sente Gandolf, wylen hertoghe
— 535 —
van Bourgognen, elc met sinen standarde van sijnder wapenen in
sijn handt; voor hemlieden stont ghescreven : CAristi mililes.
Item, nevens die stonden vj. oude vaders met groenen haby-
ten an, elc als een rechtere; voer hemlieden stont ghescreven :
Justi judices. |
Item, up de selve tweeste ende dardde stagien, stonden ter
slinker zyden, ierst jeghen over de vj. confessoren, vj. jonghe
maghden met schoenen hanghenden hare; voer hemlieden stont
ghescreven : Beati mundo corde.
Item, daer an achterwaert jeghen over de Patriarken stonden
vj. Áppostelen ; voer hemlieden stont ghescreven : Beati pauperes
spirilu.
Item, daer naer jeghen over de Oude Vaders met blauwen
ende zwartten habiten stonden vj. Heremiten, onder de welke
stonden Maria Magdalena ende Maria Egipciaka; voer hemlieden
stont ghescreven : Zeremiti sancti.
Item, daer nar jegheu over de vj. Gods ridders stonden vj.
Martelaers, als bisschoppen ende priesteren, vercleedt al met
roeden pontificalen habyten; voer hemlieden stont ghescreven :
Beatt qui persecutionem patiuntur propter jusliciam.
Item, jeghen over de vj. Oude Vaders metten groenen habyten
stonden vj. Peelgryms, d'een van hemlieden sijnde sente Chris-
toffels uutnemende groet boven d'andere; voer hemlieden stont
ghescreven : Peregrini Sancti, ende waren alle dese voorscreven
personnagien zo uutnemende rykelic ende costelic verchiert ghea-
‘billiert ende ghepareert elc naer sinen heessch ende staet als dat
onmoghelije ware volcomelic te declareren oft te scrivene.
Item, up ’t selve stellagie in midden van de vorseide person-
nagien stont eenen schoenen outaer, dierbaerlic ende kerckelic
ghedect ende gheparreert ende voren up de dwale van dien outare
stont ghescreven, met guldenen letteren : Æcce agnus Dei qui
tollit peccata mundi. Ende up den selven outaer stont eene figuere
van eenen Lamme ghemaect naer dlevende uut sijnre burst loe-
pende bloet in eenen kelict ; rontomme dien outare stonden veele
inghelen, daer aff dat d’een hilt teekin van den cruce, een ander
de columme, ende alle d'andere elc een teekin van den instrumenten
ende tiekenen der passcien ons liefs heeren Jhesu Christi.
Item, voor elcken houc van den outare knielde een inghele,
die hadden ele een wieroecvat stijf staende in manieren off sy
gheworpen hadden ten vorseiden outare waert, ende voer de
inghelen stont ghescreven : Beati mites.
— 536 —
Item. up de figure van den vorseiden Lamme, ende up ele
van den vorseiden andereù staten, waren gemaect, comende
ende sprutende uut der personnagie van God den Vader, rayen
in midden den welken scheen vlieghende eene schoene witte duve,
in manieren van den Heylighen Gheest, de selve duve houdende
een rolle daer in dat ghescreven stont : Repleti sunt omnes Spiritu
sancto.
Item, recht vore de stellagie stont ghemaect eene schoene
fonteyne verchiert ghelijc witten ende groenen marbre, de pilaer
xxv. voeted hooghe boven de stellagien staende up eenen steenen
voet, drye stieghers hoghe upgaende; daer aff den uppersten
was dbat van der fonteynen, ende boven up den appel daer uut.
dat drye gorgelen liepen met wine, als mijn vorseide gheduchten
heere daer leedt, stont een inghele houdende eene rolle daer in
dat ghescreven stont : Fong vite; ende omme den vorseiden
appele stont ghescreven : Fluvius egrediebatur de loco voluptatis,
ad irrigandum Paradisum. Genes. 29 Ende an den buc van der
fonteynen vorseit stont ghescreven ter eender zyden : Pocula
guerenti fons noster dabit amena, ende ten ander zyde stont
ghescreven : ic est fons aque cite procedens de sede Dei et agni.
Comme on le voit, nous sommes en présence d'une des-
cription si minutieuse qu'il est impossible de ne pas recon-
naître le polyptyque de Saint-Bavon. Et cepeudant aucun des
érudits qui ont manié la Aronyk van Vlaenderen ne s'en est
apercu.
Bien plus, Emile Varenbergh, en donnant une traduction
francaise de la relation de l'entrée de 1458 dans les Annales
de la Sociëté royale des beaux-arts et de lillérature de Gand (1),
n'a pas remarqué l'intérêt tout spécial du passage.
Comme nous l'avons dit, c'est G. Fuet qui établit, le
premier, l'identification de cette description avec le tableau de
Van Eyck, en rendant compte de l'ouvrage de J.-A. Worp.
Au cours d’une série d'observations de détail, nous relevons,
en effet, cette mention : « P. 42. Le tableau vivant représenté
à Gand, en 1458, est évidemment la mise en scène du célèbre
rétable des frères Van Eyck, l'Adoration de l'Agneau... » (2).
(1) T. XII (1869-1872), pp. 1-36.
(2) Revue critique d'histoire et de littérature (Paris), 1904, ler semestre,
p. 266.
— 537 —
La description si minutieuse de la Aronyk est un docu-
ment très important sur le polyptyque, et il devra faire partie
du Corpus Eyckien que la Société d'histoire et d'archéologie
de Gand prépare à l'initiative de M' A. Van Werveke.
J'appellerai notamment l'attention sur les légendes don-
nées par l’annaliste et qui présentent des variantes parfois
importantes. Notons aussi que la description ne fait pas men-
tion de la prédelle représentant le Jugement dernier qui aurait
formé la zone inférieure du retable.
Cette représentation de 1458 est une confirmation déci-
sive de ce qu'on savait déjà; c'est à dire la glorieuse répu-
tation de l’œuvre des Van Eyck et l’estime toute particulière
en laquelle la tenaient les Gantois.
Mais elle a encore une importance plus considérable
parce qu'elle soulève une question générale des plus délicates,
celle de l'influence des œuvres d'art sur les représentations
scéniques.
Du moment que nous avons la preuve que le tableau
vivant représenté à Gand en 1458 est la représentation d’un
tableau existant, nous pouvons rechercher les originaux des
autres tableaux vivants dont les chroniques nous ont laissé le
souvenir. Il ya là une étude pour laquelle je ne suis pas
documenté, mais que je signale aux historiens d’art, persuadé
qu'elle pourra donner des résultats très curieux.
Déjà Mr L. Maeterlinck, en s’occupant lui-même de ce
sujet dans son article : L'art et les rhéloriciens flamands (1),
rapproche la description d'une Histoire de David et Abigail
représentée également à Gand en 1458, d'une œuvre perdue
d'Hugo Van der Goes.
(1) Bulletin du bibliophile, Paris, 1906. Cf. les notes de Mr Maeterlinck
dans le Bulletin de l'Art ancien et moderne (Paris), du 28 juillet 1906,
et dans /'Art moderne (Bruxelles, du 5 août 1906.
= ee st
TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS.
ARENDT (CH). — La villa romaine de Mersch . . . . . .
ARENDT (Cx.). — Moyen pratique de populariser l'histoire nationale.
ARENDT (Cr). — Étude sur la déesse gallo-romaine Epona . . .
BERGMANS (P.). — Note sur la représentation du retable de l’'Agneau
mystique des Van Eyck, en tableau vivant, à Gand en 1458. .
BRASSINNE (J.). — Les paroisses primitives et les anciens domaines.
Bus (CH ). — Plan d'étude méthodique de l'habitation urbaine en
Belgique . « . . . . . ee +
CASIER (JOSEPH). — Faut-il encourager la création de musées locaux
régionaux? . . . . . ee ee ee + + +
CAUCHIE (A.) et VANDER ESSEN (L.). — Les Archives Farnésiennes de
Naples au point de vue des Pays-Bas. . . . . .
CLOQUET (L.). — Développement à donner au système des fiches
archéologiques . . . . . … « . «ee .
CUVELIER (J.). — Les petites archives .
DE BEHAULT DE DORNON (A.). — Avant-projet de loi sur la conser-
vation des monuments et des objets mobiliers historiques ou
artistiques.
DE LOË (Bon A.) — Note sur les objets barbares recueillis dans les
stations de La Panne-Bray-Dunes . . . . . . . e . .
DE LOE (Bon A.). — Poteries trouvées dans les dunes d'Oostduinkerke.
DE MAERE D'AERTRYCKE (B°r). — Quelques stations néolithiques
découvertes dans la Flandre occidentale. . . . . . . . e
Dgpoin (J.). — Wicman II, comte du Hamaland, bienfaiteur de
Saint-Pierre de Gand au Xe siècle. . . . . . . … .
DE PAUW (NAP.). — Les anciennes bibliothèques de Flandre .
Des Marez (G.). — L'évolution corporative en Flandre à la fin du
XIIIe siècle. . . ee + ee .
DESTRÉE (Jos.). — Hugo van der Goes . . . .. es . . . ,
De WAELE (Jos.). — Diapositions adoptées en Belgique dans la con-
struction des donjons romans. eee ee ee
DONNET (FERNAND). — L'archéologie campanaire en Belgique . .
mg nn RE
212
225
145
315
307
483
510
195
158
— 540 —
Dony (Em). — Les inventaires des petites archives . . . .
DucLos (AD.). — Parmi les antiquités romaines et franques recueil-
lies dans la Flandre maritime, s'en trouve-til qui portent des
emblèmes chrétiens? . . . . . . …_. ee. + . .
Fris (V.). — Les origines de la réforme constitutionnelle de Gand
de 1360-1369, . . - .. ee ee ee eee
GizLÈS DE PÉLicuy (B°2 Cr). — Note sur des poteries recueillies
dans la Flandre maritime . . . . . . . . « .
GRoB (J.). — Le droit d'imposition dans l'ancien duché de Luxem-
bourg. De la signification en terminologie fiscale des mots feu,
Herd, Feuerstätte, ménage, Haus . . . . . … . + … ©
HaANsAY (A. ). — Quelques considérations sur le servage dans l’ancien
pays de Looz . « . e … «a ee ee ee + «+ +
HASSE (G.). — Les barques de Péehe trouvées à Anvers en 1884 et
1904. 1905 . . . . . . ns ee ee
Heins (A.). — Les Steenen et les Hoven en Flandre. . . . .
Hoste (Hus.). — L'expansion du style brugeois (architecture domes-
tique) . e C2 e . . . 0 C1 e ° ° . LJ e e . e e Ld e
HUY88RIGTS (FR.). — Les diverses civilisations, antérieures au Vie
siècle, observées en Hesbaye. . . . . . . . e . .
LONCHAY (H.). — Les sources de l’histoire du règne des archiducs
Albert et Isabelle . . .
Marre (Chan.). — Note sur l'influence brabançonne sur les édifices
flamands de style flamboyant . .
MATTHIEU (E.). — Les sociétés populaires en Belgique .
MourLox (M.). — Le Campinien et l'âge du mammouth en Flandre.
Neus (H.). — Rapport sur les travaux de chronologie publiés en
Belgique et en Hollande depuis 1830 . . . . . . . . . .
PIRENNE (H.). — Rapport sur le projet de publication d’un recueil de
fac-similés pour servir à l’étude de la diplomatique des provinces
belges . . . . . . +. . . ss
RARYMAEKERS (Dr). — Quelques stations tardenoisiennes et néolithi-
ques découvertes aux environs de Gand. . . . . . . .
Ramm (E.). — Les reconstitutions archéologiques de la section « Bel-
gique ancienne » des musées royaux du Cinquantenaire. . .
Rousszau (H.). — La figure hybride dans l'art décoratif .
RUTOT (A.), — Résumé des connaissances acquises sur la préhis-
toire de la Flandre à l'époque de la pierre. . . . . . . .
SMITS (C.-F.-XAvIER). — Note relative à l’iconographie sculpturale
de la cathédrale de Bois-le-Due . . . . . . ee.
460
108
— 54] —
STROOBANT (L.). — Ancienneté relative des vestiges de la période
hallstattienne en Belgique. — Quel est l’âge des tombelles de la
Campine? . . . ee ee ee ee
TruéÉrx (A.). — Les tapisseries historiées signées par Jean van Room,
alias Jean de Bruxelles, peintre de Marguerite d'Autriche .
TOURNEUR (V.). — Histoire et étymologie du nom de Gand . .
VAN DEN GHEYN (R. P. J.). — La confection d'un album belge de
paléographie. e . e e e ee _ ee e e . e ® Q . e e .
VAN DEN GHEYN (Chan. G.). — Les raisons à faire valoir contre l'envoi
aux expositions d'art rétrospectif Jes objets appartenant aux
dépôts publics . . . . . + + + +
VANDER ESSEN (L.). Voir A. CAUCHIE.
VANDER LINDEN (H.). — Les sources de la géographie historique
de la F landre e 0 e e e . e e e e . e 0 e . . e
VAN ERTBORN (Bee O.). — Echelle stratigraphique des systèmes
pleistocène (« Quaternaire ») et pliocène de la Belgique .
Van Hourre (H.). — L'évaluation des monnaies anciennes en mon-
naies modernes. . « . , . «ea + * + + + + + +
WILLEMSEN (G.). — Relevé des stations belgo-romaines actuellement
connues dans le pays de Waes. . . . . . … « . . . «
Pages.
279
310
227
109
SR RR men en e muet
TABLE DES PLANCHES HORS TEXTE .
I. — Reconstitution de la sépulture néolithique de Vaucelles
IT. — Villa romaîne de Mersch . . . . . . . . .
TII-IV. — Le puits romain de Thielrode. . . . . . .
V. — Relevé du puits de Thielrode. . .°. . . . .
VL, — Urnes provenant des tombelles de la Campine . .
VII-XIII. — Steenen et Hoven en Flandre /1-8) . . . .
XIV-XVI. — Poteries de la Flandre maritime . . . .
Fages.
+ }41-142
(1) Le Secrétaire général tient à faire remarquer qu'il a, de parti pris,
exclu des publications du Congrès les papiers dits couchés, afin de se
conformer aux vœux du Congrès international pour la reproduction deg
manuscrits, etc., tenu à Liége en 1905.
Le papier de première qualité, sur lequel les planches hors texte ont
été tirées, ne peut donner, pour les similigravures, la finesse d'impression
des papiers couchés, mais il présente des garanties sérieuses de conser-
vation, ce qui a paru préférable.
JT
This book should be returned to
the Library on or before the last date
stamped below.
A fine of five cents a day is incurred
by retaining it beyond the specified
time.
Please return promptly.
mn