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Full text of "Annales [du congrès]"

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XX° Congrès archéologique et historique 
de Belgique (Gand, 1907). 


TOME 11. 


FÉDÉRATION ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DE BELGIQUE 
SOUS LE HAUT PATRONAGE DE S. M. LE ROI. 





ANNALES 


DU 


XX CONGRES 


(GAND, 1907), 





PUBLIÉES PAR 


PAUL BERGMANS, 


SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONGRÈS. 


TOME II. 
RAPPORTS ET MÉMOIRES. 


GAND, 
IMPRIMERIE A. SIFFER, 


PLACE SAINT-BAVON. 


1907. 


NARD COL 
rn En 
AUG 11 1920 
LIBRARY 


Jb Kavel fra 






RÉSUMÉ 


des connaissances acquises sur la préhistoire 
de la Flandre à l’époque de la pierre, 


par A. RUTOT, 


Conservateur au Musée Royal d'Histoire Naturelle de Bruxelles. 


Les richesses préhistoriques de la Flandre sont encore 
peu connues. 

Elles ne manquent pas, cependant, mais leur peu de 
diffusion est, en grande partie, due à un état d’esprit bizarre 
et incompréhensible à l'heure actuelle, qui fait que certaines 
personnes ayant commencé l’exploration du pays au point de 
vue archéologique et préhistorique, ont enfermé jalousement 
leurs collections de manière à les soustraire, autant qu’il était 
possible, à l’étude des connaisseurs. 

Ces personnes disparues, les objets qu’elles avaient ras- 
semblés ont été délaissés ou dispersés, ou ont perdu toute 
valeur scientifique par l’absence d’étiquettes, d'indications ou 
de catalogue. 

Ce triste genre de collectionneurs a, heureusement, à peu 
près disparu de nos jours, mais le mal qu’ils ont fait est irré- 
parable, car leurs recherches out été opérées alors que les 
gisements offraient toutes leurs richesses, ce qui, pour beau- 
coup d’entre eux, est loin d’être le cas aujourd’hui. 

D'autre part, certaines circonstances favorables, qui se 
présentaient autrefois, ont cessé actuellement d’exister. 

C'est ainsi que l’extraction de la tourbe, dans toutes nos 
larges vallées, s’est éteinte, alors qu'elle avait fourni, au 
commencement du siècle dernier, quantité de documents 
remarquables ; de même, les grands travaux publics, tels que 


— 6— 


creusement de canaux, de tranchées, grands terrassements, se 
font de plus en plus rares, et avec eux les chances de décou- 
vertes. 

Mais il est inutile de nous attarder en regrets superflus ; 
ce qui est perdu est bien perdu et tous nos efforts doivent 
actuellement porter sur la recherche de nouvelles trouvailles, 
sur leur étude sérieuse et sur leur conservation certaine. 

Dans le petit mémoire dont nous avons accepté la rédac- 
tion, nous nous efforcerons de fournir les quelques indications 
relatives à ce que l’on connait au sujet des découvertes faites, 
en Flandre, relativement à la longue partie de la Préhistoire 
qui a reçu le nom d’ « Zpogue de la Pierre». 

Nous trouvant actuellement en état de démontrer scienti- 
fiquement et pratiquement, sur des matériaux authentiques, 
l'existence d’une industrie primitive qui a été dénommée 
« industrie éolilhique », nous rappellerons que l’on peut, 
maintenant, diviser Epoque de la pierre en trois grandes 
périodes qui sont dans l’ordre de succession : l’Eolithique, le 
Paléolithique et le Néolithique. 

C’est dans cet ordre que nous présenterons aux membres 
du Congrès la série des découvertes parvenues à notre connais- . 
sance. 


I. — Industrie éolithique. 


Dans l’état actuel des connaissances, l'industrie éolithi- 
que commence à apparaître, en Europe, dans des dépôts 
fluviaux à Maslodon et à Hipparion, développés dans le 
Cantal, en France, aux environs d’Aurillac; dépôts que les 
géologues sont unanimes à rapporter au Miocène supérieur. 

Un peu plus tard se développe à la fois dans la France 
septentrionale et centrale, dans le Sud-Est de l’Angleterre et 
dans la Haute-Belgique, une industrie éolithique dont l’âge a 
été déterminé : Pliocène moyen. 

Plus tard encore, se rencontre en France et en Angleterre, 
une industrie primitive, dans les couches à Élephas meridio- 
nalis, datées : Pliocène supérieur. 

Cette succession termine l’époque tertiaire, mais l’arrivée 


— 77 — 


des temps quaternaires ne modifie en rien l’industrie humaine 
à facies primitif, car nous reconnaissons à la base, au milieu 
et au sommet du Quattrnaire inférieur, l’existence de trois 
niveaux éolithiques : le Reutélien, le Mafflien et le Mesvinien, 
après lesquels la mentalité humaine se transforme par l'in- 
vention des instruments intentionnellement taillés et, dès la 
base du Quaternaire moyen, nous entrons ainsi dans la grande 
division dite « Paléolithique ». 

Les industries éolithiques tertiaires n’ont laissé aucune 
trace in-silu dans la Flandre, mais dans le niveau reutélien 
formant la base des dépôts quaternaires de la moyenne terrasse 
‘de la vallée de la Lys (30 à 65 mètres au-dessus du niveau 
“actuel de l’eau dans la vallée), on rencontre des instruments 
fortement patinés et roulés, qui ont été apportés, par charriage 
du cailloutis de la haute terrasse des vallées (100 mètres au- 
dessus du niveau actnel des eaux) étendu sur la crète de 
l’Artois. 

Sur cette crête existent, en effet, des gisements de silex 
éolithiques d’âge pliocène moyen, qui constituent l’équivalent 
exact des gisements anglais de même âge, rencontrés sur le 
Chalk-plateau du Kent et sur le côté opposé du bumbement du 
Weald. 

C’est avec l’aurore du Quaternaire, que commencent à 
apparaître les gisements in-situ des industries éolithiques de 
la Flandre. 

Tout à la fin des temps tertiaires, le creusement de la 
pente rapide séparant la haute terrasse de la moyenne terrasse 
de la vallée de la Lys a pris fin, et les cailloux charriés par 
la vitesse des eaux se sont arrêtés et déposés sur le fond, 
destiné, dans la suite, à devenir la moyenne terrasse, lors de la 
continuation du creusement. 

Les eaux s’étant retirées dans le thalweg, des populations 
humaines descendant directement de celles qui étaient con- 
temporaines de l’Ælephas meridionalis, se sont aventurées sur 
les berges couvertes de silex en rognons, ou éclatés, charriés 
de la crête de l’Artois et, la situation se trouvant satisfaire 
aux trois principales conditions d’habitabilité aux époques 
préhistoriques qui sont : présence immédiate de l'eau, pré- 


— 8 — 


sence d’un lit ou tapis de silex ou de matière utilisable pour 
la confection de l’outillage, existence de territoires de chasse 
et de pêche étendus, les populations se sont établies en ces 
points favorables. 

Ces tribus, très peu nombreuses, qui occupèrent la vallée 
de la Lys, en étaient encore à la culture éolithique. Elles 
abandonnèrent donc à la surface du cailloutis constituant les 
berges de la vallée, les instruments qu’elles utilisèrent. 

Ces instruments composés de percuteurs, d'enclumes, de 
couteaux, de racloirs, de grattoirs et de percoirs, constituent 
une industrie qui, morphologiquement, ne se distingue pas 
des précédentes, mais qu’il est utile de mettre en relief et de 
dénommer à cause de sa présence, à un niveau géologique 
précis, qui la date d’une manière tout à fait remarquable. 

Cette industrie est le Rentélien (1), que personnellement 
nous avons découverte pour la première fois dans la vallée de 
la Lys, mais que nous connaissons maintenant très bien dans 
les vallées de la Haine, de la Trouille, de la Sambre et de la 
Meuse, en position identique. 

Mais les silex reutéliens de la Flandre ne se rencontrent 
pas seulement le long de la moyenne terrasse de la vallée 
actuelle de la Lys depuis les environs de Messines jusque 
Staden. 

Les cailloux charriés de la crête de l’Artois ont été trans- 
portés plus loin vers le Nord, et ils recouvrent en partie les 
sommets des collines d'Ursel, de Knesselaere, de Somergem, 
autrefois parcourus par de petites troupes reutéliennes qui y 
ont abandonné les outils, peu abondants, qu elles avaient 
utilisés sur place. 

Pendant que la tribu reutélienn: occupait les berges 
caillouteuses de la Lys, par suite d'un mouvement de soulève- 
ment du sol, les eaux, assez basses, reprirent l'allure torren- 
tielle et érosive. Elles creusèrent ainsi la partie de la vallée à 
pente rapide située en contrebas de la moyenne terrasse et 


(1) De riches collections d’Eolithes reutéliens de la Flandre occidentale 
sont exposées dans les galeries publiques du Musée royal d'Histoire naturelle 
de Bruxelles. 


— 9 — 


finirent par établir leur fond à une trentaine de mètres plus 
bas. | 

Mais l'érosion prenant fin, les cailloux charriés, relative- 
ment peu nombreux, se répandirent sur le nouveau lit, puis 
peu à peu les eaux se retirèrent dans le thalweg, émergeant 
sur leurs bords des amas caillouteux peu importants, formés 
de matériaux d'assez petit volume, qui semblent n’a voir guère 
tenté les primitifs. 

On sait que les populations à industrie éolithique, qui 
sont venues occuper les bords du nouveau lit des cours d’eau, 
ont reçu le nom de « Maffliennes ». 

Ce nouveau lit, correspondant à ce que nous appelons 
de nos jours la basse terrasse (5 à 10 m. au-dessus du niveau 
actuel des eaux), représente en effet un stade chronologique 
important et précis qu'il y avait lieu de faire ressortir et de 
distinguer à légal du Reutélien. 

Il ne m'a pas été possible, jusqu'ici, de savoir avec certi- 
tude si des tribus Maffliennes ont occupé le nouveau fond de 
la vallée de la Lys, comme ils l'ont fait pour la Dendre, la 
Haiue, la Trouille, etc. 

Il est très rare que l’un effectue des travaux importants 
sur la basse terrasse de la vallée de la Lys, de sorte que le 
niveau caillouteux Mafflien n’est presque jamais visible. 

Peut-être, un jour, des conditions favorables se présente- 
ront, qui permettront de trancher la question de l'occupation 
de la vallée de la Lys par les Maffliens. 

Si ceux-ci ont réellement vécu dans la vallée, ils en ont 
été chassés au bout d’un certain temps par une crue considérable 
qui a fait monter, dans toutes les vallées, les eaux de 65 m. 
environ. 

Toutefois cette crue, due à l'impossibilité dans laquelle 
se trouvaient les eaux de se jeter dans la mer par suite d'un 
phénomène géologique ayant rapport aux extensions glaci- 
„aires, fut tranquille, en ce sens que les eaux s’enflèrent sans 
prendre de la vitesse, ce que démontrent les dépôts de sable 
et de’ sable argileux ou glaise, abandonnés sur tout le vaste 

„territoire soumis à l’inondation. 
Par suite de la hauteur de la crue, la moyenne terrasse, 


— 10 — 


comme Ja basse terrasse, se trouvèrent couvertes de sable très 
argileux et c'est à travers ces épais sédiments que les eaux 
durent recreuser leur vallée. 

Seuls des lambeaux de ces dépôts subsistèrent et la fin 
du mouvement d’érosion fut marquée par l’abandon d’un 
troisième cailloutis, assez important, tant sur la moyenne que 
sur la basse terrasse. 

J'ignore si, dans la vallée de la Lys, le fond fut occupé 
_ par de nouveaux habitants, mais ce qui est certain, c'est que 
de maigres populations à industrie éolithique s’établirent 
momentanément sur les nouveaux cailloutis de la moyenne 
terrasse qui venaient d’être mis à découvert. 

Ces populations, établies sur le cuilloutis supérieur du 
Quaternaire inférieur, ou Moséen, se trouvent encore une fois 
dans une situation stratigraphique précise ; leurs restes consti- 
tuent un point de repère important de la chronologie et c’est 
pour ce motif qu’on leur a donné le nom de « Mesviniennes ». 

J'ai pu m'assurer à Wytschaete, à Moorslede, à Petit 
Zillebeek, à Gheluvelt, que l’industrie Mesvinienne, assez 
faiblement représentée, existe bien certainement dans le mince 
niveau caillouteux que l'on rencontre recouvrant la glaise 
Moséenne. 

Comme on peut s'en convaincre, le Reutélien et le Mesvi- 
nien sont donc représentés en divers points de la Flandre, le 
premier d’une manière assez développée, le second est plutôt 
rare. 


II. -— Industrie paléolithique. 


L'industrie mesvinienne clôt la série des industries éoli- 
thiques. 

Aux points les plus favorables, comme dans les vallées 
de la Haine et de la Trouille, le Paléolithique commence par 
un terme nouveau qui a recu le nom de Sérényien et qui pré- 
cède le Chelléen. 

Ce Strépyien, comme toutes les industries éolithiques et 
comme le Chelléen, ne se développe qu’aux points où la matière 
première utilisable est abondante et en éléments volumineux. 


— U — 


Tel n’est pas le cas pour lu vallée de la Lys, sur la basse 
terrasse de laquelle lé cailloutis utilisable est très rare. 

Je n’ai rencontré jusqu'ici en Flandre aucun instrument 
- pouvant être rapporté au Strépyien. 

Pour ce qui concerne le Chelléen, les chances de trou- 
vailles sont également très faibles et aucun instrument de ce 
type n’a été rencontré en réalité; mais, aussitôt après, nous 
touchons à des-temps pénibles pour les populations paléoli- 
thiques et nous avons pu faire, à ce sujet, des observations 
intéressantes. 

: En effet, pendant le Chelléen, la grande calotte glaciaire 
septentrionale s’approchait, pour la troisième fois de son point 
de progression maximum, au Nord de la Tamise. 

Le climat s'en ressentait vivement dans nos régions, 
surtout l’hiver. Sous les accumulations de neiges, les végé- 
taux disparaissaient et les vastes forêts rabougries devenaient 
solitaires. 

La faune des carnassiers suivait celle des herbivores en 
pleine retraite vers le Midi et l’homine, au milieu de cette 
perturbation profonde, se trouvait désorienté. 

Mais aucune résistance n’était possible : il fallut se déci- 
der, faute de subsistances, à quitter les rives des cours d’eau 
tranquilles, les riches gisements de silex, la lisière des forêts 
jadis giboyeuses, où tant de générations s'étaient succédées. 

Bref, l'émigration avec tous ses hasards et tous ses dan- 
gers fut la seule ressource des malheureuses populations et, à 
partir de la fin du Chelléen jusqu’à l’Acheuléen, ce fut un sauf 
qui peut de familles errantes, cherchant la voie du salut. 

Dans cette fuite, les instruments que l’on possédait 
étaient emportés, puis, ceux hors d'usage étaient semés ca et 
là, au hasard des campements et c'est ainsi que, sur une assez 
vaste étendue de notre pays, nous rencontrons, épars, souvent 
brisés, des instruments et des outils dont les formes caracté- 
risent la transition du Chelléen à l’Acheuléen et cette dernière 
industrie proprement dite. 

J'ai personnellement recueilli, aux environs d’Y pres, à la 
base du limon hesbayen étendu sur la moyenne terrasse de la 
vallée de la Lys, des instruments rassemblés en petites stations 


— .]2 — 


d'étape, ou isolés, de type acheuléen, montrant que des famil- 
les errantes avaient passé dans cette région de la Flandre (1). 

D’autres traces des émigrants ont-elle été rencontrées le 
long des vallées de l’Escaut ou de la Dendre? je l’ignore; cer- 
taines collections disparues auraient peut-être pu nous fournir 
des renseignements intéressants à ce sujet. 

Les personnes en possession de données précices feraient 
œuvre utile en signalant les faits en leur connaissance. 

Avec l’Achenléen inférieur, dont le niveau géologique 
se trouve au sommet des couches dites « Campiniennes », se 
termine, en Belgique, ce que nous savons des populations du 
Paléolithique moyen. 

Du reste, si ces populations n’avaient pas été chassées par 
la rigueur du climat, elles eussent été inévitablement anéanties 
par un formidable phénomène géologique qui a occasionné le 
dépôt, en Belgique et dans le Nord de la France, du vaste 
manteau de limon hesbayen. 

Ce phénomène est la répétition, à échelle double, de 
énorme crue déjà signalée alors que les éolithiques Maffliens 
vivaient sur le cailloutis de la terrasse inférieure des vallées. 

À l’époque du Quaternaire inférieur ou Moséen, la. crue, 
due à la fusion des glaciers vosgiens et alpins, a pu être évaluée 
à 65 mètres; celle que la géologie nous montre, aussitôt après 
lAcheuléen inférieur, u’est pas moindre de 120 mètres. 

Ces phénomènes grandioses, qui ne pourraient plus se 
reproduire de nos jours, sont dus à deux causes principales 
qui résident en ce que la Grande Bretagne était largement 
rattachée au continent, d'où suppression de la Manche, du 
Pas de Calais et de la Mer du Nord, et en ce que toute cette 
région Nord était barrée par le front de immense calotte de 
glaces septentrionale supprimant tout exutoire aux eaux 
douces vers la mer. 

Celles-ci ont donc dù s’accumuler successivement au- 


(1) Ces instruments sont déposés dans les collections du Musée royal 
d'Histoire naturelle de Bruxelles; ils proviennent spécialement de Petit 
Zillebeke et des environs de Gheluvelt. Un instrument amygdaloïde brisé a 
été également recueilli par le Dr V. Jacques à la base du limon hesbayen, 
dans la tranchée de Wytschaete. 


— 13 — 


dessus des crêtes de partage des vallées de la Somme et de la 
Seine, pour se déverser eufin, par un chemin transversal, dans 
l'Océan atlantique au large de la Bretagne. 

En France, le long de la bordure sud de la zone inondée, 
les Acheuléens vivaient, épiant le retrait des eaux et, après ce 
départ, quelques familles poussètent jusqu’en Belgique, mais 
ne semblent pas y avoir séjourné longtemps. 

Les faits qui se sont passés dans notre pays, à cette 
époque, n’ont pu être encore complètement élucidés. 

Avec la fin de l’époque hesbayenne se termine le Quater- 
paire moyen et commence le Quaternaire supérieur qui, dans 
tous les pays de l'Europe centrale, représente l’époque de 
l’habitation des cavernes ou troglodytique. 

Cette époque est magnifiquement représentée dans la 
région rocheuse de la Belgique, mais quelques unes des tribus 
nomades, qui passaient sans doute la mauvaise saison à l'abri, 
ont laissé des traces, hors des cavernes, dans le Hainaut et 
dans le Brabant. 

Rien de semblable n’a encore été constaté, à ma connais- 
sance, dans la Flandre et il n'y a que bien peu de chances 
que l’on y rencontre de ces vestiges. 

À part quelques incursions rapides de l’une ou l’autre 
compagnie de chasseurs de Reune, la Flandre paraît avoir été 
complètement déserte pendant toute l’époque troglodytique. 


III. — Industrie néolithique. 


Si les populations paléolithiques semblent avoir à peine 
fait quelques apparitions momentanées en Flandre, au con- 
traire les Néolithiques s’y sont installés, mais en aggloméra- 
tion moins denses que daus les autres parties du pays. 

Les principales causes de cette occupation clairsemée 
résident d’abord dans l’absence de matière première utilisable 
et dans la nature humide et marécageuse de toute les parties 
basses de la région et notamment du fond des vallées. On sait, 
en effet, que l’époque néolithique concorde avec le maximum 
d'extension des tourbières. 

D'une manière générale en Flandre, les Néolithiques ont 


_ U — 


plus spécialement habité les hauteurs; toutefois Mr E. van 
Overloop en a rencontré dans le pays de Waes, aux environs 
de Mendonck, et Delvaux a signalé des trouvailles faites dans 
la tourbe du fond de la vallée de l'Escaut, notamment aux 
environs d’ Audenarde (1). 

A l'heure actuelle, un bon nombre de prébistoriens s’ima- 
ginent encore que Néolithique et époque de la pierre polie sont 
synonymes, et, comme on acceptait qu’il avait dû s’écouler un 
temps assez long entre la fin de l’époque les cavernes, avec son 
industrie si spéciale et le commencement de l’époque de la 
pierre polie, on avait imaginé de créer un hiatus que, pendant 
longtemps, on a cherché à combler. 

C’est à E. Piette que l’on doit les premiers rémplissages; 
mais l'Azylien et l'Arisien sont peu de chose par rapport au 
‘trou béant. 

: Successivement sont venus le Tardenoisien de G. de 
Mortillet et le Campignyien de Salmon, Capitan et d’Ault du 
Mesnil, qui ont fortement réduit l’hiatus et ce qui restait à. 
combler l’a récemment été par le Flénusien, découvert. par 
l'ingénieur G. Neirynck vers 1868, mais que j'ai fait con-. 
naître récemment. : 

Inutile de dire que ces nouvelles divisions n’ont pas eu 
heur de plaire à bon nombre de. préhistoriens. Il y a encore 
beaucoup de personnes qui préfèrent croire à l’hiatus parceque 
lon trouve des haches polies dispersées dans les gisements 
fournissant les matériaux des nouvelles divisions. Pour elles, 
la découverte, dans n’importe quelle station, d'une hache 
polie, entraine forcément l’âge de la pierre polie pour cette 
station. 2. 
Que feraient alors ces mêmes personnés, explorant. Je 
centre et le Midi de la France et trouvant côte à côte, à la: 





(1) Lé Musée róyal d'Histoire naturelle de Bruxelles renferme, outre les 
pièces recueillfes par Delvaux, de magnifiques haches en bois de cerf et des 
gaînes de haches découvertes dans des tombières, notamment à Rooborst. 
Le même établissement expose également de beaux objets recueillis dans la. 
tourbe, à Anvers. Tous ces instruments étaient accompagnés de nombreux 
ossements humains et d'animaux, qui ont également été précieusement" 
couservés. . oo 


— 15 — 


surface du sol, ainsi que j'ai pu le vérifier moi-même, des 
coups de poing du plus pur type chelléen, des instruments 
amy gdaloïdes très soignés du type acheuléen, des outils auri- 
gnaciens et des haches polies? | 

Tous ces instruments seraient-ils aussi de l'âge de la 
pierre polie ? : 

ILn'’est cependant pas difficile de concevoir qu'il a existé 
dés régions où aucun dépôt sensible ne s’est formé pendant 
une suité de temps plus ou moins longue, d’où l’accumu- 
lation, sur le même sol, des instruments de toutes les indus- 
tries qui se sont succédées. | 

- Or, en dehors du fond des vallées, du bas des pentes, 
des tourbières et des régions dunales, c’est-à-dire sur des 
vastes étendues de pays, aucun dépôt sensible n’a été aban- 
donné pendant le Néolithique, de sorte qu’il n’y a rien d’éton- 
nant à ce qu’on rencontre, un peu partout, des haches taillées 
ou polies, perdues au hasard des périgrinations des habitänts 
de l’époque de la pierre polie. | 

Il ya même un fait intéressant à constater, c'est que ce 
sont précisément ceux qui critiquent le plus l'établissement 
des nouvelles divisions, qui les connaissent le moins. 

Forts des recherches et des observations de nos prédé- 
cesseurs et des nôtres, forts des énormes matériaux recueillis 
et parfaitement étudiés (1), nous laisserons donc les critiques 
à. leurs occupations favorites et nous affirmerons, pièces en : 
mains, avec preuves à l'appui, qu’actuellement, entre la fin 
du. Magdalénien et l’époque de la pierre polie ou Robenhau- 


(1) On se rappellera que peu après le Congrès international d’Anthro- 
pologie et d'Archéologie préhistoriques, tenu à Bruxelles en 1872, l’ingé- 
nieur G. Neirynck a légué au Musée royal d'Histoire naturelle de Belgique 
ses immenses collections éolithiques, paléolithiques et néolithiques. Le 
nombre des pièces, pour le seul Néolithique, dépasse 20,000. Les séries 
récoltées dans la vallée de la Meuse par les soins de la Direction du Musée 
se-montent à environ 5000 pièces, celles récoltés dans le Hainaut à plus de 
-6000, puis viennent les collections E. de Munck se montant à 2000 pièces, 
celles de M le Professeur Gilson, de Louvain, à plus de 3000, et d’ autres, 
môins importantes, portent à environ 50,000 le total des spécimens quiont 
été tous étudiés un ä u un pour l'établissement des subdivisions du Néoli- 
thique. 


— 16 — 


sien, viennent s’intercaler trois industries successives, très bien. 
caractérisées, qui sont, dans l’ordre de leur apparition : le. 
Tardenoisien, le Flénusien et le Campignyien. Ensuite vient 
donc le Æobenhausien, puis, pour finir, nous avons encore à 
prendre en considération 1’ Omalien. 

On se rappellera que le Tardenoisien est une industrie 
microlithique, composée uniquement de très petits instruments 
dont beaucoup ont des contours rectilignes dits « géomé-. 
triques ». 

Contrairement à ce que l'on croit généralement, le Tar- 
denoisien, réduit à ses petits éléments, est une industrie: 
complète, composée de percuteurs, de nucles, d’éclats de débi- 
tage et de petits instruments qui sont des couteax, des: 
racloirs, des grattoirs, des percoirs et des pointes de fièches de 
quatre modèles différents. | 

On trouve sur les sommets dominant la Meuse et plu-- 
sieurs de ses affluents, et entre les marécages de la Campine, - 
ainsi que notre zélé confrère Mr le D" Raeymaekers l’a. 
démontré, des statious de cette industrie, souvent très pures. 

Eufin, on sait, depuis peu de temps, que le Tardenoisien . 
a ses racines dans les cavernes et que les premières formes 
tardenoisiennes accompagnent les derniers instruments mag- 
daléniens, alors que le Renne existait encore dans notre pays. 

M: Ed. Dupont avait déjà remarqué le fait avant 1870 
dans le « Trou du Chêne » et dans le « Trou du Sureau », dans 
la vallée de la Molignée et confirmation éclatante de cette 
observation a pu être faite par M" E. Van den Broeck, lors de 
ses fouilles dans la salle d'entrée de la Grotte de Remou- 
champs (Vallée de l’Amblève). 

Depuis, le fait a encore été signalé à Engis par M' Dou- 
dou et voilà les fameuses grottes de Menton qui montrent la 
même association au sommet de la Caverne des Enfants. 

Dans les cavernes, il ne peut être question d’un 
« mélange » accidentel ; lames magdaléniennes et petits instru- 
ments géométriques sont bien contemporains dans le même 
niveau et ce n’est que plus tard, à l’aurore des temps néolithi- 
ques, lorsque la Renne a disparu, que le Tardenoisien s’afñirme , 
comme industrie autonome et se développe à l'extérieur. ' 


— 


— ]7 — 


Par suite de ses attaches avec les cavernes, le Tardenoi- 
sien doit donc être considéré comme la plus ancienne industrie 
néolithique ; c'est celle qui florissait en Belgique lorsqu’a eu 
lieu l’invasion brutale des grossiers Flénusiens. 

La petite industrie si intéressante dont nous nous oecu- 
pons a-t-elle existé dans la Flandre ? 

Pour ce qui me concerne, je n’en sais rien et notre con- 
frère M" le D' Raeymaekers pourra peut-être répondre à cette 
question. 

Il existe toutefois une raison pour laquelle il se pourrait 
que l'occupation des Flandres par les Tardenoisiens soit nulle 
ou se réduiss à peu de choses, c’est l’éloignement de la région 
des cavernes; mais l'observation directe nous en dira plus à 
ce sujet que toutes les argumentations du monde. 

Un peu partout dans le pays, mais principalement dans 
le Hainaut, aux environs de Mons, là où existent les riches 
gisements de silex, on remarque la présence, au milieu de 
régions où se rencontrent des stations ou des objets isolés de 
l’époque de la pierre polie, des amas de silex utilisés qui 
détonnent dans Je milieu robenhausien. 

Certains gisements comme ceux du Flénu et de Jemappes, 
découverts par Neirynck vers 1868 et d’autres, comme celui 
de Spiennes (1), découvert par moi-même en 1896, sont suffi- 
samment riches et purs pour qu'on y recounaisse, comme des 
intrus, les instruments robenhausiens qui viennent s’y 
mélanger. 

D’autres encore, comme celui de S'-Symphorien, sont 
disséminés en plein atelier robenhausien, et se remarquent 
peu au premier abord (2). 

Toutefois on s’aperçoit rapidement de la présence des 
instruments flénusiens par la nature du silex employé, par les 
formes grossières des instruments et par leur poli générale- 
ment brillant, alors que les pièces robenhuusiennes restent 
mates ou sont fortement patinées en blanc. 





(1) Le seul gisement flénusien de Spiennes m'a fourni plus d’un millier 
de pièces très bien caractérisées, conservées au Musée d'Histoire naturelle 
de Bruxelles. 

(2) C'est à Mr KE. de Munck qu'est due la connaissance de cette riche et 
im portante station. 


— ]8 — 


Enfin, au « Camp-à-cayaux », à Spiennes, j'ai vu nette- 
ment le gisement flénusien passer sous l’amas d’éclats de 
débitage et de taille qui constitue le célèbre atelier roben- 
hausien. 

Bref, cette industrie du Flénu présente des caractères 
très spéciaux qui la font distinguer de l’industrie de la pierre 
polie en ce que la plupart des instruments montrent un facies 
primitif ou éolithique et, naturellement, qu'il n'y existe 
aucune pièce polie. 

Lorsqu’en 1896 j’ai découvert le gisement flénusien de 
Spiennes, n’ayant encore aucune connaissance des richesses 
de la station du Flénu, j’ai cru avoir affaire à un gisement 
éolithique tellement les ressemblances avec le Mesvinien 
étaient grandes. 

Ce n'est qu'une étude approfondie des lieux qui m'a 
permis de voir que je m'étais trompé. 

L'industrie flénusienne comprend principalement des 
percuteurs divers assez rares, de belles enclumes, des nuclei 
de débitage assez abondants, des couteaux, peu communs, des 
racloirs, dont beaucoup à encoches, des grattoirs assez nom- 
breux, des perçoirs droits ou obliques, plus quelques formes 
parfois bizarres et peu compréhensibles parmi lesquelles on 
reconnaît des tranchets, des casse-têtes, des ébauches gros- 
sières de haches, etc. 

Cette industrie a son principal centre dans le Hainaut, 
aux environs de Mons, mais elle étend des ramifications dans 
le Brabant et dans les provinces de Liége et de Namur. 

Le Flénusien existe-t-il en Flandre ? 

Je le crois et j”’y rapporte une partie des trouvailles faites, 
dans la région Nord de la Flandre orientale, par M' E. van 
Overloop. 

Parmi les objets rencontrés par cet éminent préhistorien, 
se remarquent en effet une quantité de pièces de formes 
bizarres, en silex noir, présentant de nombreuses encoches, 
comme beaucoup de spécimens du Flénu. 

Il est certain, à mon avis, que ces pièces dérivent du 
cailloutis à Eolithes reutéliens qui couvre encore actuelle- 
ment le sommet des collines du Nord de la Flandre. Ce 


— Ì9 — 


cailloutis, lors du creusement maximum de l’ancienne vallé: 
de l’Es’aut correspondant au Campinien des géologues, a été : 
remanié et transporté du haut des collines au bas des allu- 
sions campiniennes du vieil Escaut, dont le cours se dirigeait 
droit au Nord de Gand, au lieu de tourner vers Termonde et 
Anvers comme actuellement. 

Mes recherches et mes comparaisons m'ont amené à 
admettre que les Flénusiens ont perfectionné peu à peu, sur 
place, leur grossier ontillage. 

Ils ont mieux soigné les retouches, ont arrondi les con- 
tours et ils ont également amélioré notablement un instrument 
dit « tranchet », qui devient abondant et caractéristique. Des 
indices de taille intentionnelle se retrouvent également dans 
certains instruments allongés, dits « pics ». 

Ce facies, connu depuis longtemps en Scandinavie et 
principalement en Danemark, où il est renfermé spécialement 
dans les « rebuts de cuisine » ou « Ajökkenmödinger », existe 
aussi très bien représenté en France où il a recu de MM. Ph. 
Salmon, D" Capitan et d'Ault du Mesnil, le nom de « industrie 
des fonds de cabanes du Campigny » ou « Campignyien ». 

Charles Debove, d'Elouges, et E. de Munck ont exploré 
une station de ce type, bien caractérisée, à Elouges et, avant 
eux, Neirynck et Percenaire en avaient découvert une autre à 
Ghlin, au Nord Ouest de Mons. 

Tous ces précieux matériaux fout partie des collections du 
Musée Royal d'Histoire Naturelle de Bruxelles. 

À ces stations, Mr E. de Munck a pu en ajouter une 
autre, mélangée de Flénusien et de Robenhansien à St Sym- 
phorien et vers l’an 1900 j'en ai personnellement découvert 
une quatrième au sommet d'une colline près de Masnuy- 
S' Pierre. 

Ces séries font également partie des collections du Musée 
royal d'Histoire naturelle. 

Dans d’autres régions, le Campignyien a été rencontré 
sporadiquement, comme le Flénusien, dans le Brabant, en des 
points occupés ensuite largement par les Robenhausiens. 

Le Campignyien est-il représenté dans la Flandre ? 

Je ne suis pas à même de pouvoir répondre à cette ques- 


— 90 — 


tion, mais nos excellents coufrères MM. D' Raeymaekers, 
Baron Ch. Gillès de Pélichy et abbé Claerhout seront sans 
doute en mesure de nous fournir de précieux renseignements à 
ce sujet. 

Après étude et comparaisons, je suis également d’avis que 
le Robenhausien a succédé, par évolution directe et sur place, 
au Campignyien, avec cette réserve que l’idée du polissage de 
certains instruments a pu être importée de l'étranger. 

Cette industrie, la seule dans laquelle existent des instru- 
ments polis, est trop connue pour que nous nous arrêtions à 
donner ses caractères. 

Existe-t-elle en Flandre ? 

Ici, nous pouvons donner uue réponse complètement 
affirmative. 

Les Robenhausiens ont occupé la Flandre en beaucoup 
plus grand nombre que leurs prédécesseurs et la liste des 
localités où des stations existent serait sans doute déjà assez 
longue. 

On peut citer comme jadis très riches, les sommets des 
collines de Renaix et à ce sujet le géologue Einile Delvaux 
raconte qu’un collectionneur de cette ville, M' Joly, avait 
réuni de nombreuses et précieuses séries qu’il conservait 
jalousement à l'abri des regards de toutes les personnes 
compétentes. 

A force de démarches, Delvaux est parvenu, un jour, à 
pouvoir jeter un coup d'œil sur ces collections et les quelques 
mots qu’il en dit sont tout ce que l’on en connaît. 

Il m'est reveuu que cette collection, si importante par la 
quantité de documents qu'elle renfermait, est actuellement 
perdue pour la science. 

J'ai pu apercevoir aussi, il y a une quinzaine d’années, 
une intéressante série de belles pièces robenhausiennes recueil- 
lies par Mr Dedeyn, autour de Ninove; j'espère que ces maté- 
riaux ont été conservés. 

Heureusement E. Delvaux a pu encore rassembler une 
collection assez satisfaisante de silex robenhausiens des col- 
lines de Renaix et il a publié à ce sujet un mémoire étendu. 

Le Musée royal d'Histoire naturelle a recueilli les collec- 


— U — 


tions délaissées à la mort de Delvaux et on peut en voir un 
bon choix dans les galeries publiques de l'Etablissement. 

Le même Musée possède aussi la série d’instruments de 
silex et d’os travaillés récoltés par le même géologue dans la 
tourbe de la vallée de l’Escaut aux environs d’Audenarde. Ces 
documents sont également exposés. 

Sau vées également pour la science, sont les belles collec- 
tions recueillies par M" E. van Overloop, directeur des 
Musées royaux des Arts décoratifs à Bruxelles, dans la région 
de Mendonck. 

Il en est de même, croyons-nous, pour les très intéres- 
santes trouvailles de M' le baron Ch. Gillès de Pélichy et de 
l’abbé Claerhout qui, tous deux ont si brillamment contribué 
à la connaissance du Néolithique et notamment du Roben- 
hausien dans la Flandre Occidentale, 

Une mention toute spéciale doit être accordée aux belles 
et fructueuses recherches de M" l’abbé Claerhout dans les 
palaffites de la Mandel et dans les stations des environs de 
Pitthem. 

Enfin, pour terminer, nous saluons en la personne du 
D" Raeymaekers un pionnier des sciences archéologiques et 
préhistoriques, dont les explorations minutieuses et assidues 
ont fait comme sortir de terre des récoltes que tout le monde 
croyait absentes et c’est avec une vive satisfaction que nous 
avons vu figurer au programme du Congrès, une communica- 
tion de notre zélé et sympathique confrère sur ses trouvailles 
néolithiques autour de Gand. 

Là ne s'arrête certainement pas l'inventaire des gise- 
ments préhistoriques de l’époque de la pierre, en Flandre ; car 
nos confrères du Pays de Waes nous réservent sans doute 
quelqu’agréable surprise. 

Je termine donc ici le court et fort incomplet exposé de 
la question des connaissances préhistoriques en Flandre, avec 
l'espoir de voir combler, par leurs auteurs, les trop nom- 
breuses lacunes que certainement il présente. 

Ce n’est même pas un exposé que j'ai eu l'intention de 
faire, c'est en vérité une sorte de mise en train, un projet de 
plan d’ensemble qui, grâce à la science et à l'activité de nos 


— 22 — 


confrères, ne tarderait pas à se réaliser en un imposant édifice 
si chacun voulait apporter ici l'exposé succinct de ses décou- 
vertes. 

Ce devrait être l’un des principaux résultats du Congrès 
que cette condensation, faite par les auteurs, de l’ensemble 
de leurs découvertes, souvent décrites dans des publications 
diverses et où on ne songe parfois pas à aller les trouver 
lorsque l’on désire se livrer à des études synthétiques. 

Chacun devrait fournir une boune bibliographie de ses 
travaux et indiquer le lieu où existent les collections décrites. 
C’est pour cette raison que j'ai signalé avec soin, dans le 
cours de ce petit travail, les collections relatives à la Flandre, 
conservées au Musée royal d'Histoire naturelle de Bruxelles 
et où elles peuvent être consultées. 





La Confection d’un album belge de paléographie, 
par le R. P. J. VAN DEN GHEYN, 


Conservateur des manuscrits de la Bibliothèque royale de Belgique. 


La plupart des pays possèdent aujourd’hui des recueils 
offrant des reproductions des principaux monuments paléo- 
graphiques qui les intéressent (r). 

Notre pays, qui pourtant s’est distingué par tant d’autres 
initiatives utiles, n’a jusqu’à ce jour produit en ce genre que 
les £'léments de paléograghie du chanoine Reusens. Ce recueil 
comprend, il est vrai, soixante planches en phototypie, dont 
un certain nombre reproduit des documents belges. 

Toutefois, malgré son réel mérite, cet ouvrage ne répond 
pas adéquatement au desideralum qui nous occupe. En effet, 
la plupart des fac-similés sont réduits ou partiels, et un trop 
grand nombre d’entre eux n’ont aucun rapport avec la 
Belgique, ce qui se conçoit du reste pour un traité de paléo- 
graphie générale. | 

Le recueil dont on demande un peu partout la réalisation, 
est un album belge de paléographie, c’est-à-dire une collection 
choisie de documents typiques écrits dans nos contrées au 
cours des âges. 

Pour réaliser ce dessein, les éléments ne font point défaut. 
Nos bibliothèques et nos dépôts d’archives renferment, en 
grand nombre, d'intéressants manuscrits et de belles chartes. 
On peut dire qu’il n’y a que l’embarras du choix. 

Mais, pour fixer ce choix, il y a lieu d’arrêter quelques 
principes nettement définis, et pour aboutir à l'exécution 


(1) Cf. R. PoupampiN et M. Prou, Liste des recueils de fac-simile de 
chartes, dans Actes du Congrès international pour la reproduction des manu— 
scrits, des monnaies et des sceaux, pp. 219-517. 


— U — 


pratique, de préciser les procédés de reproduction qui seront 
jugés préférables et le mode de publication qui apparaitra le 
plus avantageux. 

C’est tout l’objet de ce rapport. 

Avant de l’aborder plus directement, .il importe d'établir 
une distinction capitale. 

Sous le titre général d'album paléographique peuvent 
se confondre deux choses pourtant très distinctes, les textes 
paléographiques proprement dits, ou spécimens d’anciennes 
écritures, et les documents diplomatiques. En réalité donc, ce 
sont deux recueils qu’il conviendrait de confectionner; l’un 
pourrait s'appeler album belge de paléographie, l’autre album 
belge de diplomatique. 

Aussi bien, ces deux albums répondent chacun à des 
besoins spéciaux. Le premier servira surtout aux philologues, 
les historiens tireront plus grande utilité du second. 

De plus, les caractères propres des écritures anciennes 
diffèreut assez notablement, personne ne l'ignore, dans les 
manuscrits de longue haleine et dans les pièces émanées des 
chancelleries. Scribes et copistes ont des procédés absolument 
distincts de ceux des notaires publics. Donc, au seul point de 
vue paléographique, c’est-à-dire du déchiffrement des ancien- 
nes écritures, la distinction s'impose entre les reproductions 
de livres proprement dits et celles des documents d’archives. 

Il est, croyons-nous, superflu, d’insister longuement sur 
la grande utilité et les services des: albums paléographiques 
dont on préconise la confection. Pour l'enseignement, ils pour- 
ront suppléer à l’absence des originaux, qu’il est souvent 
malaisé, voire même impossible, de mettre aux mains des 
étudiants, surtout pendant les lecons mêmes du professeur. 

Après ces préliminaires, nous allons, sans plus tarder, 
nous acquitter de la tâche que nous avons assumée. 

Je m'occuperai de l’album paléographique proprement 
dit. Dans un autre rapport, M" Pirenne traitera la question 
spéciale du recueil de diplomatique. 

On peut ramener à trois chefs principaux tout ce qui 
semble devoir être dit sur la confection d'un album paléogra- 
phique. 


— 95 — 


1. De quels manuscrits faut-il reproduire des spécimens ? 

2. Combien de fac-similés convient-il de donner ? 

3. Sous quelle forme matérielle doit se présenter ce choix 
de reproductions ? | 


L. 


À la première question, je réponds d’abord, d’une facon 
générale, qu’il faut reproduire des manuscrits exclusivement 
belges, c’est-à-dire ceux exécutés par nos ancêtres. Il ne peut 
donc s’agir de volumes étrangers égarés dans quelques biblio- 
thèques de notre pays. Il ne saurait davantage être question 
d'œuvres trauscrites par des étrangers temporairement établis 
ou de passage parmi nous, et, pour intéressantes qu’elles soient, 
j'exclus la lettre de Jeanne d'Arc aux Tournaisieus et la copie 
du Pro Archia faite par Pétrarque avec l'encre jaunâtre de 
Liége. 

Au contraire, j'admets des manuscrits belges conservés 
au British Museum ou à la Bibliothèque nationale de Paris, ou 
un texte transcrit par un de nos compatriotes se trouvant hors 
de son pays. 

Le recueil doit contenir les différents types d'écritures 
qui furent successivement en usage dans nos provinces, depuis 
leur première apparition au V[° siècle jusqu’au milieu du 
XVI: siècle, 

Il conviendra donc d’avoir un ou plusieurs spécimens de 
chaque siècle, suivant l'importance paléographique de chacun 
d'eux. De préférence, quand la chose sera possible, on donnera 
le choix aux textes qui portent une date absolument précise. 

Ce n’est pas tout : autant que faire se pourra, on accor- 
dera la préférence à des autographes de personnages plus ou 
moins célèbres. À la condition pourtant que ces autographes 
soient suffisamment typiques et représentent convenablement 
l'écriture de leur temps. En effet, les hommes célèbres ne sont 
pas toujours ceux qui écrivent le mieux. 

Eufin, il ne faut pas négliger les écritures féminines ; il 
convient qu’elles soient représentées dans l’album. 

Ces principes posés, nous allons dresser une liste des 
documents dont l'album pourrait fournir la reproduction. Cette 


— 6 — 


liste est naturellement provisoire. Elle appelle la discussion et 
c’est dans ce but qu’elle est soumise au Congrès. Tous les 
documents proposés ne rallieront peut-être pas les suffrages; 
il en est sans doute d’autres que nous ne connaissons pas ou 
auxquels nous n’avons pas songé et que les délibérations 
futures du Congrès appelleront à l'honneur de la reproduction. 


1. Pour le VT* siècle, il y a à la bibliothèque de l’Uni- 
versité de Gand, une des quatre pages en tête du manuscrit 
de Sedulius, provenant de l’abbaye de Saint-Pierre, 

2. À la Bibiiothèque royale de Belgique, se trouve un 
feuillet en onciales de Paul Orose, datant du VII: siècle et 
provenant de Stavelot (n° 19609). 

3. L’évangéliaire d'Eyck, écrit au VIII siècle par les 
saintes Harlinde et Relinde, conservé dans le trésor de l’église 
de Maeseyck, fournirait un spécimen unique de lécriture 
anglo-saxonne, que les moines irlandais importèrent en notre 
pays (1). 

4, Du IX° siècle, la bibliothèque de l’Université de Liége 
possède un exemplaire des œuvres de saint Jérôme que l’on 
croit avoir été écrit en 834. 

. La lettre de Notger, évêque de Liége, à Womare, abbé 
de Saint-Pierre à Gand, conservée aux archives de l’État à 
Gand, fournit, puisqu'elle est écrite en 980, un bon spécimen 
de l'écriture carolingienne du X* siècle. 

6-7, On pourra représenter le XI* siècle par la Bible que 
copia en 1084, le moine Goderan et que garde la biblio- 
thèque du Séminaire de Tournai. 

Toutefois, comme cette date nous mène un peu loin dans 
ce siècle et se rapproche plus du commencement du XII: siècle, 
il y aurait lieu d’y ajouter le manuscrit des œuvres de 
Grégoire de Tours (2) exécuté vers 1034 à Saint-Laurent de 
Liège (n° 9920-31 de la Bibliothèque royale de Belgique). Ce 


(1) Cf. J. Gieren, L'Évangéliaire d'Eyck lez Maeseyck du VIII: siècle, 
dans Bulletin des Commissions royales d'art et d'archéologie, 1891. 


(2) Cf. J. VAN DEN GHEYN, Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque 
royale de Belgique, t. V, p. 223. 


_ 97 — 


volume se recommande surtout, parce qu'il offre un type 
parfait de l’écriture caroline complètement développée. 

8-11. Pour le XII° siècle, il y a déjà plus de choix. 
La Bibliothèque royale possède l’autographe de Sigebert de 
Gembloux qui écrivait entre 1101 et 1106 (n° 18239-40) et la 
bible d'Henri de Bonne-Espérance, copiée de 1132 à 1135 
(n° IL. 2524). A la bibliothèque de lu ville de Mons se trouve 
le livre du frère Guillaume de Liessies, daté de 1160 à 1180, 
et à la bibliothèque de l’Université de Louvain un volume de 
Renier de Liége, écrit en 1182. 

12-15. Gilles d'Orval et Maurice de Neufmoustier, dont 
on possède à la bibliothèque du grand Séminaire de Luxem- 
bourg des spécimens d’écritures qui remonteut à 1250, un 
certain Amalric, qui a copié en 1255 le mauuscrit n° 1179-84 
de la Bibliothèque royale, Guillaume de Ryckel, dont le 
Polypiyque daté de 1255 à 1273 est à la bibliothèque de l'Uni- | 
versité de Liège, et Jean luussens, moine de Cambron, qui 
transcrivit en 1255 les œuvres de Saint Augustin (n° IT. 229% 
de la Bibliothèque royale de Belgique) conviennent assurément 
pour représenter la seconde moitié du XII siècle. 

Pour la première moitié, nous n'avons pas rencontré de 
nom particulier à signaler, mais le n° 9200-1 de la Biblio- 
thèque royale de Belgique, copié en 1225, peut servir de 
spécimen paléographique de cette époque. 

16-21. Au XIV: siècle, je relève à la Bibliotl:èque royale 
de Belgique (n° 11. 986) un mauuscrit de Jean de Rivo pour 
1315, un autre (n° 8544 de la Bibliothèque royale) exécuté 
par Nicolas Galensis en 1321. Un certain Prient calligraphie 
en 1348 le manuscrit n° 7450 eten 1378, le mauuscrit n° 7501. 
Citons encore Guillaume de Vottem en 1373 (n° IL. 1159) et 
Jérôme Obritze en 1388 (manuscrit n° 2695-719). Tous ces 
volumes appartiennent à la Bibliothèque royale de Belgique: 

22-30. Du XV: siècle on possède un nombre considérable 
de manuscrits datés, et ici le choix devient particulièrement 
malaisé. De 1402 à 1403, Raoul de Rivo écrit le volume coté 
n° 1996-2000 de la Bibliothèque royale de Belgique. Dans le 
même dépôt, le ms. n° 9332-40 offre un spécimen de l'écri- 
ture de Jean de Stavelot et trois de celle de Corneille Zantfliet 


— 28 — 


(1420-1433), dans les nn° 2146-50, 19593-96 et 2056. L'auto= 
graphe de Thomas a Kempis (n° 5853-61) daté de 1441 a sa 
place marquée dans notre recueil; de même, le chroniqueur 
Adrien d’Oudenbosch, dont la Bibliothèque royale possède 
cinq manuscrits datés de 1460 à 1467 (nn°* 9700-41, 7920-31, 
9374-75,10827-35 et 11055-58).Jean Miélot et David Aubert, 
les deux calligraphes attitrés de la cour de Bourgogne, ne 
devront pas être omis. Du premier, la Bibliothèque royale a le 
n° 9249-50, écrit en 1448-49 et du second, le n° 9270, qui 
date de 1461. | 

Comme spécimen d’écritures de femmes, il y a à la Biblio- 
thèque royale de Belgique, le n° 15069, œuvre d’Élisabeth 
Wytens et de Marguerite Raes en 1471-74 (1). 

31-32. Il n’est guère utile de prolonger beaucoup la 
série des reproductions phototypiques de manuscrits du XVI: 
siècle. Faisons une exception, à cause de leur caractère histori- 
que, pour une lettre toute entière de la main de Charles- 
Quint, écrite à Henri de Nassau et datée de 1518, que possède 
la Bibliothèque royale de Belgique (n° II. 2270), et pour une 
autre de Gérard Mercator (1567), que nous fournira également 
la Bibliothèque royale de Belgique (n° II. 482) (2). 


IT. 


Nous arrivons ainsi à un total de trente-deux reproduc- 
tions pour l’album paléographique qui est en projet. 

Ce nombre est-il satisfaisant? N'est-il pas trop considé- 
rable, ou, au contraire, ne faut-il pas l’augmenter? 

Le chiffre fixé nous paraît suffisant, parce qu’en exumi- 
nant la liste des manuscrits dont se compose la précédente 
_ énumération, on se convaincra aisément que toutes les épo- 
ques paléographiques et les divers genres d'écritures sont 
représentés dans la série. 


(1) Cf. P. BERGMANS, Une Copiste bruxelloise du XVe siècle, dans Revue 
des bibliothèques et archives de Belgique, t. TI (1905), p. 285-86. 

(2) Voir J. VAN RAEMDONCK, Za Géographie ancienne de la Palestine. 
Lettre de Gérard Mercator à André Masius, dans Annales du Cercle archéolo- 
gique du Pays de Waes, t. X, 1884. 


— 99 — 


Nous sommes donc d’avis qu'il ne faudrait pas allonger 
beaucoup la liste proposée, d'abord pour ne pas rendre l’album 
inabordable aux bourses modestes, et puis aussi parce qu'à 
multiplier le nombre des spécimens on tomberait aisément 
dans une fastidieuse monotonie. IÌ est, en effet, absolument 
superflu de multiplier les spécimens d'un même genre d'écri- 
tures. 

Ainsi, nous ne nous dissimulons pas que l’amour de 
l’autographe nous a peut-être fait exagérer quelque peu le 
nombre des reproductions pour le XV* siècle. Il y aurait donc 
là, le cas échéant, à opérer des réductions. 

D'autre part, si de nouvelles propositions justifiées par 
des oublis ou des omissions devaient utilement faire grossir 
ce nombre, nous nous déclarons prêt d'avance à y souscrire. 
Il est du reste fort probable que l'exécution pratique amènera 
encore quelques modifications au programme tracé. 


IL. 


Uu mot de la forme matérielle de l’album paléographique. 

En d’autres termes, quel est le mode de reproduction à 
préconiser et dans quel format le recueil devra-t-il être 
présenté ? 

Sur le choix du procédé à suivre, l’accord, croyons-nous, 
se fera aisément. Tout le monde aujourd'hui est unanime à 
reconnaître les excellents services rendus, pour la production 
des fac-similés, par la photocollographie, communément ap- 
pelée phototypie (1). 

En particulier, pour la reproduction de l'écriture, le 
procédé peut produire des résultats absolument parfaits. 

Il y a lieu d’attirer l'attention de ceux qui présideront à 
la confection de l’album paléographique sur la question du 
papier à choisir pour les fac-similés. Le papier couché doit être 


(1) Cf. A. Barot, L' Etat actuel des publications de fac-simile de manuscrits, 
dans Actes du Congrès international pour la reproduction des manuscrits, des 
monnaies et des sceaux, pp. 181-85. Cf. p. 310. 


résolument proscrit, S'il donne, avec la simili-gravure, des 
reproductions d’une grande finesse, il ne présente, comme on 
sait, aucune garantie de durée. 

A côté de la feuille avec le spécimen d'écriture, sur une 
autre sera l'indication sommaire, mais complète, du type 
paléographique représenté, du scribe, de l’âge du volume et 
du dépôt du spécimen en question. 

On peut se demander s’il ne convient pas d’ajouter une 
transcription du document reproduit. Je suis d’avis que cette 
transcription est utile. L'album ne sera pas fait uniquement 
pour des maîtres ; il est donc bon que les étudiants du cours de 
paléographie puissent contrôler leur propre déchiffrement. 
Aussi bien, la plupart des traités de paléographie fournissent 
cette transcription, même les feuilles de la Palaeographical 
Society. 

Quant au format de la reproduction, il le faut très mania- 
ble. Celui des feuilles de la Palaeographical Society est beau- 
coup trop considérable. On évitera cependant de le réduire 
trop fortement pour ne pas ajouter encore aux difficultés de 
la lecture. 

Je proposerais comme très commode et de justes propor- 
tions le format de la publication du British Museum. Illumi- 
nated Manuscripts in the British Museum.La hauteur de 0",375 
et la largeur de 0”,275, soit le grand in-4°, me paraissent 
très suffisantes. 

Enfin, je suis d’avis que les feuillets restent libres et ne 
soient pas reliés. 

Reste la question du prix de revient de l’album. S'il n’est 
pas possible de donner à cet égard une indication absolument 
définitive, il ya pourtant moyen de formuler certaines pré- 
visions. Une entreprise similaire, mais malheureusement 
avortée, celle des Codices belgici selecti, avait été lancée sur la 
base du coût de 0,30 la feuille de reproduction in-4°. A ce 
compte, il semble que l'album de paléographie pourrait être 
fourni au prix relativement avantageux de dix à douze francs, 
qu’il faudrait du reste tâcher de ne pas dépasser de beaucoup. 
C'est, croyons-nous, un maximum qui ne serait pas atteint 
en fait. 


— 31 — 


Telles sont les observations que nous a suggérées le 
projet de confection d’un album paléographique. M" Pirenne 
dira de quelle façon devrait être compris un recueil de repro- 
ductions de documents diplomatiques belges. 


RAPPORT 


sur le projet de publication d’un recueil de fac-similés 
pour servir 
à l’étude de la diplomatique des provinces belges, 
par Henri PIRENNE, 


Professeur à l’Université de Gand. 


Au mois d’août 1905, le Congrès international pour la 
reproduction des manuscrits, des monnaies et des sceaux, 
réuni à Liége, adoptait un vœu ainsi conçu : « Le Congrès, 
considérant l’état actuel des études de diplomatique, engage les 
pouvoirs publics à favoriser les travaux de reproduction de 
chartes privées. Il invite tout particulièrement le gouverne- 
ment belge, qui a pris l'initiative de sa réunion, à faire entre- 
prendre ou à soutenir la publication d’un recueil de fac- 
similés pour servir à l’étude et à l’enseignement de la diplo- 
matique des principautés belges ». Ce vœu est-il destiné, 
comme il arrive si souvent, à demeurer purement platonique ? 
Quelques personnes ont pensé qu'il méritait mieux que ce 
sort déplorable. Elles ont cru que, dans la voie indiquée par 
le Congrès de Liége, le Congrès de Gand pourrait avoir l’hon- 
eur de fuire le premier pas. Elles sont persuadées, en tous 
cas, qu'il ne manquera pas de s’intéresser à un projet dont Ja 
réalisation comblerait une lacune sensible dans notre outil- 
lage scientifique et ne présenterait, d'autre part, aucune diffi- 
culté d'ordre pratique, C'est à mettre rapidement ces deux 
points en lumière qu’est consacré le présent rapport. 


I. 


Bien que les études de diplomatique aient fait, au cours. 
du XIX° siècle, d'étonnants et décisifs progrès, et bien que la 
reproduction des documents paléographiques soit devenue, 


— 33 — 


dans le même temps, plus aisée, plus exacte et moins coùteuse 
qu'elle ne l’avait jamais été auparavant, il est curieux de 
constater que cette époque n’a guère vu paraître de recueils 
de fac-similés consacrés spécialement à l’étude de la diplo- 
matique. Les diplomatistes du XVIII: siècle, les Papebroch, 
les Mabillon, les Heumann, les Baring et tant d’autres, 
ont été à cet égard, et si étrange que la chose paraisse à pre- 
mière vue, plus actifs que leurs successeurs. Sans doute, on 
a reproduit depuis un demi siècle et on reproduit encore con- 
stamment une quantité de chartes et de diplômes. Mais presque 
toutes les collections de fac-similés parues de nos jours out un 
but spécialement paléographique. C’est l’étude de l'écriture en 
soi, ce n’est pas l’étude des caractères externes des actes qui 
ont déterminé le choix de leurs. auteurs. Le plus souvent, ils 
font voisiner pêle-mêle les chartes avec les manuscrits (1). Je 
ne vois guère à citer, comme destinés exclusivement aux diplo- 
matistes, que les Diplomata et chartae merovingicae aetatis 
de Letronne (1851), les Fac-simile de chartes et diplômes 
mérovingiens de J. Tardif (1866), les Diplomi imperiali e reali 
delle cancellarie d'Italia (1892), les Specimina selecta charta- 
rum ponlificum Romanorum, de MrJ. von Pflugk-Harttung 
(1885-87), et surtout la grande collection des Kaiserurkunden 
in Abbildungen, publiée de 1881 à 1891 par H. von Sybel et 
Th. Sickel. 

Comme leur nom l'indique suffisamment, ces ouvrages 
n'intéressent que l’étude des grandes chancelleries de l’Europe 
médiévale : celle des papes, celle des Empereurs, celle des rois 
francs. En revanche, pour l'étude des actes innombrables aux- 
quels, faute de mieux, on donne habituellement le nom d’actes 
privés (chartes d’évêques, d’abbés, de princes laïques, de 
particuliers, etc.), presque rien encore n’a été fait. L’A/buin 
paléographique du Nord de la France, édité par Jules Flamnier- 
mont en 1896, ne contient, il est vrai, que des reproductions 
dechartes privées, maisceschartesn’ont étérecueillies et choisies 





— 


(1) Voyez l'excellente Liste des recueils de fac-simile de chartes dressée 
par MM. R. POUPARDIN et M. Prou, dans les Actes du Congrès international 
pour la reproduction des manuscrits, etc. p. 219 et suiv. (Liége, 1905). 


— 34 — 


que comme spécimens paléographiques : c'est encore une fois 
de l'écriture que l’auteur s’est exclusivement occupé. Il n’en 
va pas de même pour un ouvrage paru vers le même moment. 
Les planchesannexées par M"O. Posse à son remarquable travail 
intitulé : Die Lehre von den Privaturkunden (Leipzig, 1887) 
n’ont d’autre but que de servir à l’étude et à la critique des 
‘documents d’archives envisagés, non plus comme modèles 
d’écriture, mais comme actes authentiques. Ce qui a déter- 
miné le choix de l’auteur, ce n’est plus le caractère gra- 
phique, c’est le caractère diplomatique des pièces reproduites. 
Nous lui devons le premier essai scientifique d’un recueil de 
documents dressé en vue de la diplomatique privée. Malheu- 
reusement ce recueil ne constitue, pour ainsi dire, que les 
pièces justificatives d’un traité de diplomatique théorique. Il 
n’y faut voir que les preuves de la doctrine exposée par son 
auteur. Il n'existe point pour lui-même ; il n’est ni assez com- 
plet, ni assez maniable pour répondre complètement au but 
que doit atteindre un véritable recueil de documents diploma- 
tiques conçu en vue de l'étude et de l’enseignement. Mais du 
moins v trouve-t-on la méthode qui devrait être celle d’un 
recueil de fac-similés se rapportant au domaine immense et 
encore si mal connu de la diplomatique privée. Je m'explique. 

On sait aujourd’hui que, durant les premiers siècles du 
moyen-âge, la très grande majorité des documents privés 
n'ont pas été écrits, à la différence des documents pubiics, 
dans les chancelleries (tj. Tandis que les papes, les empereurs 
et les rois, faisaient dresser par leurs scribes les chartes éma- 
nées d'eux, il en était autrement pour les princes territoriaux. 
En règle générale, les actes dressés au nom de ces princes ont 
été rédigés et mis en forme par les destinataires de ces mêmes 
actes, le prince se bornant à y faire apposer son sceau. C'est 
là ce qui explique que, tandis que les chartes pontificales, 


a ———— ee — _— _— 


(1) Sur l'époque où apparaissent les chancelleries princières en Belgique, 
voir H. Pirenne, La chancellerie et les notaires des comtes de Flandre avant le 
XIIe siècle, dans les Melanges Julien Havet (Paris, 1895), et E. Reusens, Zes 
chancelleries inférieures en Belgique depuis leur origine jusqu'au commence- 
ment du XIII siècle, dans les Analectes pour servir à l'histoire ecclésiastique 
de la Belgique, t. XX VI. 


impériales ou royales présentent, à la même époque on tout 
au moins durant un même règne, une physionomie presque 
identique, celles d'un même comte ou d'un même évêque, au 
contraire, se distinguent par une extrême variété non seule- 
-ment-dans les formules, mais aussi dans la disposition générale 
et dans l'écriture. Rien d'étonnant à cela si l’on songe, en effet, 
que ces chartes ont été dressées dans un grand nombre de 
couvents possédant chacun son formulaire spécial et sa calli- 
graphie particulière. De là, dans les études de diplomatique 
privée, une très grande difficulté qui n’existe point dans celles 
de diplomatique publique. Ici, il suffit, pour juger de l’authen- 
ticité d’une bulle de pape par exemple ou d'un diplôme impé- 
rial, de connaître l'écriture de la chancellerie du pape ou de 
l’empereur en question. Là, cette méthode ne donnera aucun 
résultat, puisque les documents privés n’ont pas été dressés 
dans une chancellerie, mais par des scribes monastiques (1). 
C'est donc à l’écriture de ces scribes qu'il convient de s'attacher. 
Il faudra appliquer, en d’autres termes, pour chaque princi- 
pauté ou pour chaque diocèse, à l’écriture monacale, les mêmes 
procédés de critique que l’école de Sickel a appliqués si heureuse- 
ment à l'écriture des notaires impériaux. Il faudra procéder, 
par exemple, pour le comté de Flandre, le duché de Brabant, 
ou le Pays de Liège, comme M" Posse a procédé pour la Saxe, 
c'est-à-dire, établir avec soin la filiation des écritures monas- 
tiques, reconnaître le ductus propre à chacune d'elles, 
reconstituer enfin les diverses écoles de calligraphie d’où sont 
sortis les actes portant le noin d’un même prince (2). C'est là 
un travail indispensable et sans lequel il faut renoncer à 


me ee ae ee 


(1) Je ne parle bien entendu que de l'époque du moyen âge antérieure à 
la création des chancelleries princières. Dèsque celles-ci existent, la méthode 
devient identique pour l'étude des documents dits privés et pour celle des 
documents publics. 

(2 Cette méthode a déjà été appliquée très heureusement en Belgique à 
des cas particuliers. Voir par exemple des études toutes récentes de Mr H. 
Nélis : Deux chartes de Charles le Bon pour l'abbaye de Suint-Baron, dans les 
Annales de la Societe d'Émulation de Bruges, t. LVL 15906, et Charte fausse 
de l'église de Grimde, dans la Revue des Bibliothèques et Archives de Belgique, 
t. IV, 1906. 


— 36 — 


aboutir jamais, à des conclusions certaines. Or, si l’on songe 
à la quantité innombrable des actes privés, on s’étonnera 
qu’une besogne si urgente soit à peine entamée encore. Elle ne 
peut l’être sans la confection d’un recueil de fac-similés dressé 
suivant les principes que je viens d’exposer, et il ne faudra 
sans doute pas insister plus longtemps pour en persuader le 
Congrès (1). 


IT. 


Comme je le disais en commençant, la confection d’un 
album de ce genre, pour la Belgique, serait aisément réali- 
sable. Une commission composée de spécialistes se partagerait 
le travail. On choisirait, pour les différents territoires, Flandre, 
Brabant, Hainaut, Pays de Liége, Luxembourg, etc., un 
certain nombre de spécimens de chartes suffisamment carac- 
téristiques. Une notice serait destinée à expliquer chaque 
planche ou chaque groupe de planches. L'ouvrage paraîtrait 
par fascicules comprenant chacun quelques planches appar- 
tenant aux diverses séries dont la publication aurait été 
décidée. Les moyens de reproduction seraient les mêmes que 
ceux exposés dans son rapport par le R. P. Van den Gheyn. 
Quant au succès, il est certain d’avance. La nouveauté et 
l'utilité d’une telle œuvre lui fourniraient sans aucun doute 
dé très nombreux souscripteurs tant en Belgique qu’à l'étran- 
ger. Et le gouvernement d’un pays où, eu 1675, Papebroch 
publiait en tête d’un volume des Acla Sanctorum les premiers 
fac-similés gravés de chartes et de diplômes qui aient vu le 
jour, pourrait-il se désintéresser d’une publication qui consti- 
tuerait aussi, dans le domaine des études de diplomatique, 
une initiative si honorable ? 


18 janvier 1907. 


(1) Je ne puis naturellement, dans un simple rapport, insister sur tous les 
avantages que retirerait, de la publication du recucil dont il est question 
ici, l'étude d’une foule de questions relatives à la date, au sceau, aux souscrip- 
tions des actes et même à leur rôle juridique. Il est évident qu'on ne se borne- 
rait pas, d'ailleurs, à reproduire des originaux. Il y aurait lieu, dans certains 
cas, de publier des minutes, des copies, des pages de cartulaires et de regis- 
(rez, ete. 


La figure hybride dans l’art décoratif, 
par Henry ROUSSEAU, 


Conservateur aux Musées royaux des arts décoratifs et industriels. 


Dès la haute antiquité, la figure hybride occupa dans 
l’art décoratif une place des plus importantes. Une étude 
complète et méthodiquement conduite de cet élément si pitto- 
resque et qui prête à des combinaisons si variées, serait, 
sans nul doute, utile et intéressante à divers titres : 

l’arrhéologie ne pourrait que profiter d’un classement 
chronologique des modifications successivement apportées à 
aspect des principaux types de figures hybrides, depuis leur 
invention jusqu'à leur disparition, ou jusqu’à nos jours; 

de nombreuses catégories d’artistes, ou d’artisans prati- 
quant les diverses industries d'art, y trouveraient un fonds 
précieux de modèles judicieusement choisis et classés, de 
sujets infiniment variés et applicables aux travaux décoratifs 
de toute espèce comme de tous styles; 

l’amateur jouirait de plaisirs nouveaux à comprendre, à 
considérer sous un jour imprévu les œuvres de tous genres 
embellies par l’art décoratif; 

enfin, l’enseignement de l’art pur, tout aussi bien que 
celui de l’art industriel, retirerait d’une telle étude des béné- 
fices sur lesquels il paraîtrait superflu d’insister. 

Cette étude doit être méthodique ; il importe donc d’en 
établir, avant tout, le programme ; c’est l’objet que nous nous 
proposons en rédigeant ce mémoire, 

Le tout premier point à fixer nettement est la détermi- 
nation exacte du sens de notre titre : « La figure hybride dans 
l'art décoratif ». 


— 8 — 


Précis en apparence, ce titre est cependant fort élasti- 
que . où limiterons-nous le domaine de « l’Art décoratif? » 
qu’entendrons-nous, eu réalité, par « figure hybride? » 

Nous prendrons l’art décoratif dans la plus large accep- 
tion de ce terme : toute œuvre d'art servant à décorer. 

La décoration monumentale d’abord : les frises et les 
bas-reliefs, les statues, les pilastres, les chapiteaux ; toutes 
lés œuvres que le statuaire cu l’ornemaniste ont semées tant 
sur les facades qu’à l'intérieur des édifices, et cela depuis le 
début des époques historiques ; puis, les peintures murales, 
les grandes compositions peintes ou dessinées; les tapisseries 
même; nous verrons aussi les meubles, sur le bois plus ou 
moins précieux desquels s’est exercé le talent du sculpteur. 

À côté du sculpteur, il y a l’orfèvre, statuaire en minia- 
ture, dont le ciseau ne connaît guère que les métaux précieux ; 

à côté du peintre, il y a le miniaturiste, l'enlumineur des 
vénérables manuscrits de nos archives ; — et le peintre ver- 
rier, — et le mosaïste.… 

à côté du huchier qui sculpte les meubles d'art, il y a 
cent artisans qui font de petits objets usuels, susceptibles, 
eux aussi, de recevoir une décoration artistique … 

et le céramiste, depuis le simple potier dont les ouvra- 
ges sont enluminés par d’autres jusqu’à celui qui modèle les 
figures dans la terre et la revêt de polychromie; depuis les : 
curieux vases de Corinthe jusqu’aux merveilles sorties du four 
des Bernard Palissy. 

Tous ceux-là, qu’ils aient pour outil le ciseau ou le 
piuceau, l’ébauchoir ou le burin, le métier ou le tour, — que 
leurs talents s'appliquent à un monument, à un lieu public, à 
une salle, à un meuble, à un livre, à un objet usuel quel- 


conque, — tous ceux-là, dis-je, dès que leurs productions 


décorent et qu'elles ont un caractère artistique, font œuvre 
d’art décoratif ; et c’est dans toutes leurs œuvres, indistincte- 
ment, que nous puiserons nos exemples. 

On voit combien vaste est le champ que nous aurons 
à exploiter. Il va de soi que nous devrons, sous peine de 
dépasser notre but, nous contenter de quelques exemples 
choisis dans chacune des branches de l’art décoratif. 


— 39 —. 


Si nous savons, maintenant, dans quelle large accep- 
tion nous entendons « l’art décoratif », il nous reste à déter- 
miner ce que nous admettrons comme « figure hybride ». 

Ouvrons le dictionnaire au mot « hybride »; il nous 
donne cette définition : « Qui provient de deux sujets apparte- | 
nant à des espèces différentes » 

Voilà donc le point de départ de notre étude : Les figures 
dans lesquelles les espèces sont mélangées; c’est à dire ces 
créatures de rêve que l’on rencontre surtout dans les œuvres 
de l'époque gothique, fuites d’une étrange réunion de mem- 
bres appartenant à diverses espèces d'animaux; c’est à dire 
aussi, à plus forte raison, ces figures si caractérisques appa- 
rues dès la plus haute antiquité égyptienne, et qui ont une 
tête d'homme sur un corps d’animal, ou bien encore une tête 
d'animal sur le corps d’un homme; c’est à dire, enfin, les 
personnages ou les animaux dits « issant de rinceaux », qui 
ont un torse humain et dont les jambes sont remplacées par de 
gracieux enroulements de feuillage. 

Mais ce n’est pas tout : uous limiter à ces figures « hybri- 
des » au sens propre donné par le dictionnaire serait exclure 
de notre étude des catégories, hautement intéressantes, de 
figures qui, sans être formées de fragments appartenant à 
différentes espèces, ne sont pas, cependant, la reproduction 
exacte de la nature. 

Montrons-nous donc aussi larges dans l’acception du mot 
« hybride » que dans celle de l’expression « art décoratif », et 
admettons, dans l’objet de nos recherches, les représentations 
d’hommes ou d’animaux qui comportent l’addition de têtes, 
de bras, de jambes appartenant à la même espèce que la figure 
principale, mais en nombre supérieur à celui fixé par la nature; 
et du moment que nous admettons ces figures « à membres 
multipliés », nous devons, pour être logiques, admettre aussi 
leurs contraires, celles qui n’ont pas le nombre de membres 
réglementaire : les figures « à membres retranchés » 

Nous recevrons donc, conventionnellement, sous ce titre 
général de « hybrides », toute figuration d’un être vivant 
dans laquelle les lois de la nature sont modifiées, d’une façon 
quelconque, 


— 40 — 


I] ne pourrait nous suffire, toutefois, d'établir un classe- 
ment de ces figures en diverses catégories et de les examiner 
l’une après l’autre ; il n’est pas moins intéressant d'étudier la 
genèse de ces créations fantaisistes, de pénétrer les idées sous 
l'empire desquelles elles ont été inventées. 

Lorsque les archéologues, les érudits dont la science 
sagace porte une lumière de jour en jour plus éclatante dans 
ce que l’on est convenu d'appeler « Ja nuit des temps », lors- 
que ces savants veulent nous donner l’idée du degré de civili- 
sation des peuples qui s’agitaient dans cette nuit, si opaque 
naguère encore, lorsqu'ils s'efforcent de nous faire toucher du 
doigt la mentalité qui guidait les actes de nos lointains 
ancêtres, ils ont recours à l'indice le plus implacablement 
exact de cette mentalité des peuples : ils nous montrent leurs 
œuvres d'art. 

À des distances de notre époque telles que l'esprit peut 
à peine se reudre compte de leur éloignement, à plus de 
quarante, à plus de cinquante siècles avant notre ère — 
vieille elle-même déjà de plus de dix-neuf cents ans — 
l'homme avait le souci de décorer sa demeure; il concevait 
aussi l'intérêt, l'agrément des outils, des ustensiles usuels 
ornés de dessins ou taillés en formes pittoresques; il était 
frappé par les aspects extérieurs des choses, tenté de les 
reproduire; et il gravait, il taillait, il sculptait, il peignait 
même — Dieu sait avec quels instruments, aux temps primi- 
tifs — et voici que l'on retrouve sous les sables des déserts, 
dans les poussières amoncelées des cités mortes, voire dans les 
grottes souterraines, des preuves palpables de ces préoccupa- 
tions artistiques, traduites par des traits, des contours gravés, 
des objets qui paraissent plus ou moins informes au premier 
abord, mais dans lesquels un examen quelque peu attentif 
permet bientôt de reconnaître tel ou tel être qui fut vivant. 

Ce sont des animaux qu’il reproduit d'abord. 

Passant des animaux à son semblable, l’homme trace des 
figures humaines; sa faculté d'observation venant en aide à 
l’habileté progressivement conquise, et son esprit satirique 
s’en mêlant, il ne se contente plus de portraiturer son sem- 
blable : ses infirmités le frappent, il les rend, les souligne, 


— 4] — 


et la caricature est née. Bossus et tortus, bancals et ban- 
croches, passeront désormais à la postérité ; tant il est vrai 
qu'il n'est rien de nouveau sous le soleil, et que, si nos 
ancêtres n'étaient pas plus que nous exempts des misères 
physiques, la verve moqueuse, cette surabondance d'esprit qui 
si facilement peut dégénérer en misère morale, ne leur était 
pas davantage étrangère. 

Mais l'artiste ne se borne pas à ces rendus, fidèles ou 
fantaisistes, de types qu’il a constamment sous les yeux ; les 
talents acquis le rendent ambitieux : il veut reproduire ce 
qu’il ne voit qu’en rêve, ce qui n'existe que dans son imagina- 
tion. 

Son instinct lui donne la notion des dieux bons et des 
dieux terribles. Il conçoit les puissances surhumaines, que lui 
révèlent à chaque instant les phénomènes de la nature ; il 
apprécie les bienfaits du dieu Soleil qui l’éclaire, le réchauffe, 
et donne à la terre l’heureuse fécondité qui nourrit tous les 
êtres ; il sait ce qu’il doit de reconnaissance au dieu Fleuve, 
qui le désaltère, le réconforte, joint son action à celle du Soleil 
pour fertiliser la terre nourricière, soulève et entraîne son 
embarcation rudimentaire, emportant comme une plume les 
fardeaux si lourds à l’échine des faibles humains. Et le vent, 
et le feu, et tout ce qui facilite et rend fructueux son labeur, 
si désespérément aride, dès que les insaisissables puissances 
lui retirent leur concours. 

Mais hélas ! ces bienveillants coadjuteurs ne sont pas 
seuls à s'occuper des œuvres de l’homme : une légion de 
pouvoirs méchants luttent sans cesse autour d'eux, s’efforçant 
d'opposer aux autres leur fatale influence. Ce sont les génies 
des eaux, qui chavirent les embarcations et entraînent les 
navigateurs en des gouffres cachés; c'est l'ouragan qui 
dévaste, et la foudre qui consume, avec le bruit effroyable 
des armées invisibles s’entrechoquant dans les ténèbres de 
la voûte céleste obscurcie soudain. Le soleil et l’eau ont 
fait germer les graines — l'orage et le torrent emportent 
les épis ; la tempête déracine les arbres, dont les rameaux se 
balancaient mollement au souffle caressant de la brise. Ainsi 
les mauvais génies n’ont qu’à augmenter, à exagérer l’action 


CS 00 ee 


— 4) — 


des bienf aisants, pour transformer le secours en attaque, faire 
du bien le mal et de la prospérité, le désastre. 


% 
* * 


L'homme primitif compare aux siennes ces forces occul- 
tes ; il les attribue à des êtres construits à son image peut-être, 
mais plus grands que lui, de toute la différence de puissance 
de leur effort : il invente les Géants. 

Mais, sont-ils bien en tout semblables à lui, ces Génies 
bons ou mauvais, qui. tour à tour le favorisent et l’accablent ? 
Cela ne lui paraît pas possible : le démon dont la voix formi- 
dable mugit dans les ciels d'orage avec des éclats qui font 
trembler le sol, celui dont les coups d’ailes amènent la tem- 
pête, ces dieux infernaux terrifiants par les signes de leur 
présence autant que par leurs œuvres, doivent être aussi terri- . 
fiants d’aspect; s'ils ont le corps de l’homme, leur tête, dans 
laquelle s’agitent tant de funestes desseins, doit être celle des 
fauves les plus cruels, des plus redoutables ennemis des 
humains: ou bien, ils n’ont rien d'humain, et la méchanceté 
de plusieurs animaux concentrée en eux s'y traduit par l’as- 
semblage des formes de chacun d’eux ; guidée par cette pensée, 
la main de l’artiste trace des monstres moitié homme moitié 
panthère, des lions armés des cornes du taureau, de la queue 
enlacante du serpent : la figure hybride est créée. 

Tout n’est pas, cependant, du domaine exclusif de la fable 
dans ces individus d'apparence fantastique, et l’on ne doit pas 
trop se bâter de considérer tel d’entre eux comme dù à une 
fantaisie d’artiste, pour ce motif seul que nous ne connais- 
sons rien de pareil. L’imagination n’a pas enfanté sans con- 
cours aucun tous ces êtres étranges, qui abondent dans les 
œuvres d'art, depuis des temps fort reculés ; la réalité lui est 
venue en aide en plus d’une occasion, et tel animal, qui nous 
apparaît comme un amalgame de membres empruntés à diffé- 
rentes espèces, peut n'être que la traduction d’un souvenir, 
ou la représentation, plus ou moins altérée, d’une chose vue 
et qui déjà parut assez étrange pour frapper l’esprit jusqu’à 
susciter l'addition de quelques détails inventés; car, en ceci 


— 43 — 


comme en bien d’autres choses, l’homme est porté vers l'exa-- 
gération. | 

Que penserions-nous d’un crocodile de douze à quinze 
mètres de longueur, ayant une tête de cheval au bout d’un 
cou de girafe, deux immenses bras lui permettant d’étreindre 
sa proie pour l’étouffer contre sa poitrine, et deux jambes sur 
lesquelles il marcherait debout à l'instar de l’homme, ou tout 
au moins, de l’orang-outang ? Fantaisie délirante, rêve insensé ? 
Point du tout ! C’est l’iguanodon. 

Sans remonter aussi haut l’échelle des êtres, sans même 
aller au-delà de nos contemporains, n’avons-nous pas, dans 
les jardins zoologiques, un animal qui joint à la queue et à 
l'arrière-train du cheval, l’encolure formidable et les terribles 
cornes du taureau ? C'est une antilope, le gnou d’Afrique — 
un descendant, je n’en doute point pour ma part, des fameux 
remu mentionnés si souvent dans les récits des exploits cyné- 
gétiques des rois d’Assyrie. 

Certains animaux plus ou moins fabuleux n’ont que des 
membres appartenant à leur propre espèce, mais multipliés : 
exemple: Cerbère.Eh bien ‚quoi d’invraisemblable dans ce chien 
au triple chef? Les collections tératologiques ne sont-elles 
pas formées de sujets d’une extravagante fautaisie, et à côté 
desquels le fameux veau à deux têtes n’est plus qu’une banale 
curiosité de foire ? D'ailleurs, l’espèce humaine elle-même ne 
nous offre-t-elle pas les frères Siamois, Radica et Dodica, et 
tant d’autres « phénomènes » qui paraissent dus anx fantai- 
sies les plus cruelles de la nature? Ce n'est pas, toutefois, 
parmi les phénomènes de cet ordre qu'il faut classer Cerbère ; 
le farouche gardien des Enfers est l’emblême de la vigilance; 
son invention est due au symbolisme. | 

Le symbolisme, voilà, en effet, l’un des facteurs primor- 
diaux et essentiels de l'invention des figures hybrides ; je dirai 
même qu’il en est le facteur unique dans le principe, le réel 
créateur. 

En effet, lorsque l’homme des temps primitifs se fait l’idée 
d'êtres divins d’une grandeur colossale, la différence qu'il 
imagine entre leur taille et la sienne n’est que l’expression 
symbolique de la différence de leurs forces respectives, et les 


figures qu’il trace sont des symboles de la proportion de ces 
forces. Dans cet ordre d'idées, à une époque relativement 
avancée de l’existence du monde — quoique fort lointaine par 
rapport à nous — les artistes égyptiens dotent le pharaon, 
leur tout-puissant chef spirituel et temporel, d’une stature 
colossale, qui suffit à exprimer l’immensité de son pouvoir, 
comparativement à la faiblesse du commun des mortels. 

Or, les Egyptiens voyaient le pharaon ; ils savaient que 
sa taille réelle n’excédait pas ainsi la leur; ils ont donc, en 
l'exagérant, fait œuvre de symbolisme volontaire et raisonué. 
Il n'en a pas été ainsi de toutes les créations fantaisistes de 
l’Antiquité. 

Lorsque des génies malfaisants viennent à l’improviste 
ravager ses moissons, incendier sa demeure, noyer ses trou- 
peaux, déraciner ses plantations, l’homme coustate que le 
démon possède la ruse du serpent, la force du lion, la cruauté 
du chacal, et lorsqu'il veut représenter ces mauvais géuies, 
il les compose de parties du corps de chacun des animaux 
auxquels ils empruntent une partie de leur caractère. 

L'homme, à l’époque de la « genèse intellectuelle » (si 
je puis m’exprimer ainsi), s’imaginait-il de bonne foi que ces 
divinités étaient composées, en réalité, telles qu’il les représen- 
tait, ou bien u’a-t-il en d’autre intention que de traduire d’une 
manière visible tout ce qu’il y avait en elles de redoutable ? 

La première hypothèse touche certainement à la vérité; 
les Egyptiens croyaient à l'existence des Sphinx, errant dans 
l’immensité du désert ; les têtes animales de certaines de leurs 
divinités n'étaient que des attributs destinés à les faire recon- 
naître, des masques, analogues à ceux qui servirent, dans la 


suite, à distinguer ies personnages de la comédie grecque. 


Le symbolisme, c’est nous qui le cherchons, c’est nous 
qui le trouvons dans les œuvres antiques; mais leurs auteurs 
ont fait, la plupart du temps, du symbolisme sans le savoir. 
Ils se sont, parfois, rencontrés dans l’expression d’une pensée; 
ainsi, les païens ont mis des ailes aux talons d’Hermès, le 
messager de l'Olympe, et les chrétiens, au dos des anges, les 


messagers célestes. 


* 
*k * 


— 45 — 


Après le symbolisme, 1l y a — je l’ai fait pressentir tantôt 
— la caricature. 

La caricature est positive et personnelle lorsqu'elle se 
borne à la caractérisalion outrée d’un individu, c'est-à-dire à 
l’exagération dans la notation d’un défaut physique : formes 
ou dimensions du nez, de la bouche, des oreilles; épaules 
inégales, colonne vertébrale déviée, jambes torses — en un 
mot, de toutes les misères, petites ou grandes, dont le Destin 
s’est plu à affliger notre aspect extérieur ; mais la caricature 
elle-même devient . symbolique — et engendre la figure 
hybride — dès qu’elle s’applique à un travers d’ordre moral. 

La caricature n’est pas toujours exclusivement person- 
nelle: elle peut s'étendre à toute une famille, à toute une 
cité, à tout un peuple, et d’individuelle, devenir ainsi géné- 
rale et politique. 

La caricature est née avec la verve, spirituelle ou sar- 
castique ; c'est dire que son origine se perd dans la nuit des 
temps. Nous verrons un croquis sur papyrus, vieux de 33 siè- 
cles et plus, où les provinces de l’antique Egypte sont figurées 
par des animaux musiciens, auxquels on a ajouté des membres 
humains, pour les besoins de l’action. . 


*% 
* % 


A côté de la caricature se place le moralisme. 

Par ce mot, je n’entends poiut faire allusion au système 
religieux basé sur les seules bonnes œuvres, à l’exclusion des 
dogmes et du culte; j'entends par moralisme l'œuvre de l’ar- 
tiste moralisateur qui montre sous une figure tangible les 
défauts et les vices envisagés en eux-mêmes, et non plus loca- 
lisés chez tel individu, telle famille on telle nation, co:nme le 
fait le caricaturiste. 

Celui-ci dénouce, pour le livrer au ridicule ou au mépris 
public, l’homme ou le peuple chez qui prédomine tel travers, 
tel défaut, tel vice. Le moraliste, lui, dédaigneux des simples 
imperfections du corps ou de l'esprit, s'attaque au vice lui- 
même; il s'applique à nous faire voir l’éternel et satanique 
ennemi dans sa lutte contre l’éternelle Bonté, contre tout ce 


— 46 — 


qui est au monde de Beau et de Bien ; il se complaît à l’étaler 
sous nos yeux dans tout l'éclat de sa hideur. 

Nous faire trembler, nous inspirer la répulsion : tel est 
l’ordre d'idées sous l’influence duquel des artistes à l'imagi- 
nation ardente, exubérante, produisirent ces monstres fautas- 
tiques, ces cauchemars matérialisés, qui semblent avoir hanté 
les rêves des sculpteurs de nos cathédrales gothiques, et plus 
tard des Jérome Bosch, des Breughel, des Romain de Hoog, 
des Jacques Callot, des David Teniers, des (iustave Doré. 
La chute des anges, la Tentation de saint Antoine, les cycles 
infernaux... quels thèmes pour le déploiement de ces con- 
ceptions d’une surhumaine horreur ! Quels champs à peupler 
de ces monstres horrifiques, attirant, agrippant, brûlant, 
déchiquetant, par les yeux, par la gueule, par les crocs, par 
les griffes, par tout ce que l'Univers possèds d'instruments de 
torture ! Les mauvaises pensées, les tentations dangereuses, les 
passions ignobles, y sont flagellées, stigmatisées impitoyable- 
ment ; ciseau, pinceau, crayon, burin, enfantent à l'envi des 
combiaaisons les plus délirautes, prenant à tâche d'évoquer la 
honte et la terreur. 

A ces obsédantes visions, il est doux de pouvoir opposer 
les créations poétiques de la mythologie, autre forme du sym- 
bolisme moralisateur — quand elle nons montre le danger 
caché sous le plaisir — mais celle-ci attrayante et charmante 
autant que la première était effroyable. 

Ce sont les gracieuses sirènes, dont un conte d'Audersen 
nous a si délicieusement décrit les ébats dans l’écume des 
vagues, sous la tiède clarté d’un rayon de soleil ; leurs chants 
attirent les matelots…. les nefs vont se briser sur les écueils. 

Ce sont encore les dryades, ces aimables nymphes sylves- 
tres, mi-femmes, mi-arbres, aux chairs épanouies de toute la 
sève vigourense de la plante qu’elles ont mission de protéger ; 
ce sont les faunes, les satyres, les rapides centaures, les tritons, 
toute la foule d'habitants des forêts et des eaux présentant des 
assemblages de membres hétérogènes, mais appropriés au 
Caractère, à la nature, au genre de vie dont les a dotés l’inven- 
tion mythologique. 


— 47] — 


Moins philosophique en son origine, moins moralisatrice 
en son but apparait la figure hybride créée par la seule 
fantaisie décorative. | 

Sans doute on trouve souvent, dans la décoration monu- 
mentale, des motifs harmonisés avec la nature de l’édificé ou 
du meuble qu'il s’agit de décorer; mais plus souvent encore 
l'artiste n'a d'autre guide que sa fantaisie, d'autre but que la 
trouvaille d'un effet gracieux. 

Le motif décoratif typique de cette catégorie, depuis 
l'Antiquité jusqu’à l’époque contemporaine, est le rinceau, 
des froudaisons duquel issent des demi-figures humaines ou 
des animaux. Il ne faut voir dans ces œuvres que le seul aspect 
extérieur, et ne pas s'évertuer à chercher des sens cachés ou 
sous-entendus à ces compositions, dont la grâce ou la richesse 
sont les seules raisons d’être. 


* 
* * 


Voilà, sommairement tracées, les origines principales des 
figures hybrides dans l’Art. 

La figure hybride est donc l’expression sincère et typique 
d’une mentalité spéciale; création d’une morale élevée ou 
d’une simple fantaisie, elle représente un courant, durable où 
passager, d'idées religieuses ou politiques, satiriques ou 
somptueuses. 

A l'attrait pittoresque qu'elle prête à la décoration, au 
talent dépensé dans son exécution, s'ajoute ainsi l'intérêt d'un 
état d'âme dont la figure hybride est la traduction fidèle ; 
n'est-ce point assez pour que l’étude en paraisse attrayante et 
utile ? 

Si nous voulons maintenant faire cette étude de façon 
méthodique, nous établirons d'abord deux classes de sujets 
principaux : 

A. — L'homme. 

B. — L'animal. | 

Dans chacune de ces deux grandes divisions, nous verrons 
le sujet principal mélangé successivement : 


— 48 — 


1° à une autre espèce; 

2° à un autre règne. 

Puis viendront les deux catégories que nous avons admi- 
ses, par convention, parmi les hybrides et dans lesquelles le- 
sujet principal a : | 

83° certains membres multipliés ; 

4° certains membres retranchés. 

Ainsi, pour la première de nos deux grandes classes, nous 
aurons à voir successivement : 

l° les figures formées d’une partie humaine et d’une 
partie animale (type : le sphinx et les divinités égvptiennes); 

2° les figures formées d’une partie humaine et d’une 
partie végétale (type : les dryades, qui ont donné naissance 
aux « personnages issant de rinceaux ») ; 

3 les figures humaines modifiées par la multiplication 
de certains membres (type : les divinités hindoues) ; 

4° les figures humaines modifiées par la suppression de 
certains membres (type : les termes et les cariatides). 

Suivant la même distribution, nous classerons dans la 
seconde de nos deux divisions principales : 

1° les animaux fabuleux composés de parties de corps 
appartenant à deux ou à plusieurs espèces différentes (type : 
la chimère) ; 

2° les animaux ayant une partie du corps empruntée au 
règne végétal. Il existe dans la nature des pseudo-hybrides 
de cette espèce, la phyllie, par exemple; toutefois, dans l’art 
décoratif, nous ne trouverons guère que l’animal issant de 
rinceaux ; 

3° les animaux à membres multipliés (type : l’hydre); 

4° les animaux à membres retranchés (type : la merlette : 
héraldique). 

Enfin nous mentionnerons simplement pour mémoire, 
eu égard à leur peu d’importance au point de vue où nous 
nous placons, les fragments d'hommes ou d'animaux qui 
apparaissent cà et là, seuls ou accompagnés d’ornements, 
dans la sculpture décorative; tels sont les mascarons, les 
muffles de lions tenant un anneau ou une anse, les pieds 
de biche, etc. 


— 49 — 


Voilà donc établies les grandes lignes de notre classifi- 
cation générale. 

Je me hâte d’ajouter que nous n’allons pas faire de la 
science naturelle et nous cantonner dans uu classement méti- 
culeux d'espèces, de variétés, de familles. Si l'étude d’une 
question d'art doit être méthodique, elle demande cependant 
une certaine liberté que ne pourrait comporter celle d’une 
question purement scientifique. 

La marche la plus logique que nous ayons à suivre est 
celle le la Civilisation, qui progresse avec le Temps. 

Nous placerons donc notre point de départ aussi haut que 
possible sur l’échelle des Temps historiques; puis, la descen- 
daut époque par époque, nous visiterons sommairement les 
grandes contrées où se marquent les étapes des progrès de la 
civilisation ; l’Egvpte d'abord, puis l’Asie, puis l’Europe; 
nous verrons, pour chaque période et dans chacune de ces 
contrées, quelles sont les productions artistiques comportant 
des hybrides, et parmi celles-ci nous déterminerons à quelle 
catégorie de notre classification chacune appartient. 

Nous prendrons, autant que faire se pourra, chaque 
figure hybride depuis son apparition, et nous suivrons à 
travers les âges les diverses transformations qu'elle a subies 
jusqu'à l’époque moderne; enfin nous verrons, pour chacune 
d'elles, si l'origine en est symbolique, moraliste, mytholo- 
gique, caricaturale ou simplement fantaisiste. 


* 
*# * 


Quand nous aurons parcouru ce vaste champ d'étude, 
quel intérêt n’acquerront pas à nos yeux les monuments, les 
meubles, les tableaux, les sculptures, les armes, les bijoux, 
voire les simples objets usuels, où nous trouverons de ces 
figures tantôt fantastiques, tantôt sublimes, auxquelles nous 
n’accordions naguère qu’une attention passagère et incom- 
préhensive, ne voyant en eïles que des créations chimériques 
ou d’aimables fantaisies d'artistes ? 


Plan d’étude méthodique de l’habitation 
urbaine eu Belgique, 
par Ca. BULS, 


Président du Comité du Vieux Bruxelles. 


On ne pourra songer à faire l’histoire de l’architecture 
civile de la Belgique que lorsque son historien pourra s’ap- 
puyer sur des monographies locales comparables entre elles. 

La monographie la plus considérable publiée jusqu’à ce 
jour est le beau livre de Mr E.-J. Soil de Moriamé : « L’habita- 
tion tournaisienne », dont la première partie (475 pages) est 
uniquement consacrée à l'architecture des façades. L'auteur se 
propose d’étudier ensuite la distribution et la décoration inté- 
rieures, le mobilier, les costumes, les usages locaux. 

Quiconque a suivi les publications parues à propos de 
l'architecture privée de nos autres villes constate immédiate- 
ment de grandes différences entre les styles de leurs maisons. 
Cette variété a des causes qu’il serait intéressant de recher- 
cher. Mais pour les déterminer, il serait indispensable que les 
archéologues s’entendissent pour adopter un plan méthodique 
d’investigations. Cela ne faciliterait pas seulement les com- 
paraisons, mais éviterait les omissions, les études incomplètes. 

L'objet principal des Congrès de Sociétés scientifiques 
étant d'établir de pareils accords entre savants, nous pensons 
que le Congrès d'histoire et d’archéologie, qui se tiendra à 
Gand en 1907, fait bien de mettre à son ordre du jour: Un 
plan d'étude méthodique de l'habilation urbaine en Belgique. 

La Ville de Bruxelles ayant institué une Commission 
chargée de la publication de phototypies représentant les 
anciennes maisons de Bruxelles encore existantes, et cette 
Commission m'ayant fait l'honneur de me désigner pour 
Président, je me propose de lui présenter le programme sui- 


— 51 — 


vant que je voudrais voir discuter, compléter et perfectionner 


par les éminents archéologues qui prendront part au Congrès 
de 1907. 


Etudes préliminaires. 


a) Déterminer les régions architecturales de la Belgique, 
{dans l’état actuel de nos connaissances, cette géographie 
architecturale de notre pays ne pourra être que provisoire ; ce 
n’est qu'après la publication des monographies de l’habita- 
tion rurale et urbaine de notre pays que ces régions pourront 
être fixées définitivement). 

b) Etablir les rapports des caractères de ces régions avec 
leur ethnographie, leur histoire politique et économique. 

c) Etablir l’influence qu’ont en sur les modes de construc- 
tion : 1° le climat ; 2° la topographie ; 3° les voies de communi- 
cation : rivières, routes, canaux, servant au transport des 
matériaux ; 4° la géologie : carrières qui ont fourni les pierres, 
terrains dont on a fait les briques, forêts dont on a tiré les bois. 

d) Caractériser spécialement, à ces différents points de 
vue, la région dans laquelle se trouve la ville dont on étudie 
l'habitation. 


Monographie spéciale. 


I. Revue sommaire de l'habitation rurale de la région; 
elle x dû précéder l’habitation urbaine qui, sans doute, a 
hérité de quelques-uns de ces caractères, modifiés ensuite par 
les mœurs urbaines et la nécessité de construire sur un espace 
restreint par les murailles de la ville. 

II. Après avoir déterminé la plus ancienne habitation 
encore existante, rechercher dans les tableaux, bas-reliefs, 
miniatures, anciens plans, gravures, dessins, etc., des repré- 
sentations authentiques de maisons démolies. 

Présenter la suite chronologique des plans et façades des 
maisons de la ville étudiée. 


Programme d'examen critique de ces documents. 


I. Rechercher l’expression des facteurs qui ont déterminé 
la disposition, la forme et le décor de la maison. 


— 52 — 


a) Expression du plan, dans ses rapports avec les mœurs, 
les habitudes locales, les conditions économiques des classes 
de la population. 

Y a-t-il eu une influence des lois et règlements, de la 
fiscalité, de l’organisation du travail, des corporations de: 
métier ? 

b) Influence du plan sur la facade, disposition des ouver- 
tures : portes, fenêtres, soupiraux, lncarnes, échauguettes, 
loggius, etc., nombre d'étages. 

II. Facade. 

a) Symboles de la direction. 

Direction horizontale : Eléments qui la déterminent. 

Direction perpendiculaire : 

1. Arrêtée dans son ascension. 

2. Sélancant librement. 

Direction intermédiaire : 

1. Horizontale et verticale. 

2. Ascendante et descendante. 

3. Oblique. 

4. Neutre. | 

Eléments générateurs : tirés des végétaux, des minéraux, 
des animaux, des liaisons, de nécessités pratiques, tech- 
niques, etc. 

b) Symboles de la liaison. 

I. Eléments de la liaison organique, par fusion. 

IT. Eléments de la liaison mécanique, par juxtaposition. 

c) Symboles de l'espace. 

Il. Eléments encadrant les ouvertures. 

IT. Eléments décorant les surfaces. 

a) Surfaces extérieures. 


b) Surfaces intérieures. 


Le Campinien et l’Age du Mammouth en Flandre, 
par Micxez MOURLON, 


Directeur du service géologique de Belgique. 


Si l’on jette un coup d'œil sur la carte géologique du sol 
de la Belgique que publia André Dumont, vers 1852, on 
constate que toute la Flandre est recouverte par un munteau 
de sable auquel lillustre géologue a donné le nom de 
Campinien. 

Plus récemment, en 1885, MM. Rutot et Van den Broeck 
ont montré que l’on a confondu, sous ce nom, des dépôts 
d'âges fort différents (1). Ils ont proposé de réserver le nom 
de « Campinien » aux plus anciens, formés de cailloux et de 
sables, et celui de « Flandrien », aux plus récents, constitués 
presque exclusivement par un sable, tout au moins en partie, 
d'origine marine, très homogène et renfermant des lentilles 
limoneuses, qui correspond à un certain limon fluvial, parti- 
culièrement bien développé dans le Hainaut où il est connu: 
sous le nom d’ « Ergeron ». | 

Entre le Campinien et le Flandrien s'observe toute la 
série des limons proprement dits comprenant, à la base, le 
limon stratifié grisâtre et brunâtre ou limon hesbayen et, à la 
partie supérieure, le limon jaunâtre friable, homogène, éolien 
ou limon brabancien. 

Ce classement a été adopté dans la légende de la nou- 
velle carte géologique et marque un progrès sensible dans 
l'étude de nos dépôts quaternaires. 

Seulement, en pratique, il n'est pas toujours aisé de 
s'orienter dans le dédale de nos couches superficielles quater-. 
naires, et c'est probablement ce qui explique pourquoi quel- 
ques rares gévlogues semblent hésiter encore à se rallier au 
nouveau classement. 


(4) Note sur la nouvelle classification du terrain quaternaire dans la 
dasse et dans la moyenne Belgique (Annales de la Soc. royale malacologique 
de Belgique, t. XX, 1885, Bull., pp. LX XVIII-LXXXII). 


— 54 — 


Il est bien certain que si l’on pouvait, partout et toujours, 
observ er au grand complet le groupe de nos couches quater- 
naires, il n’y aurait aucune difficulté à distinguer les dépôts 
flandriens et campiniens séparés par les limons hesbayens et 
brabanciens. Mais, on peut dire qu’en général la nature ne 
semble pas vouloir nous présenter les choses aussi simple- 
ment, et met souvent à de rudes épreuves notre esprit d’inves- 
tigation. 

J'ai eu l’occasion d'en fournir récemment quelques exem- 
ples pour la question qui nous occupe en ce moment. C'était 
à l’occasion de la rupture d’une digue de l’Escaut près de 
Thielrode (Tamise), sur les résultats de laquelle j'ai pu réunir 
de précieuses indications, grâce surtout au bienveillant con- 
cours de M' G. Willemsen, le zélé président du Cercle archéo- 
logique de Saint-Nicolas; elles se trouvent consignées dans 
le Bulletin de l’Académie royale de Belgique (Classe des scien- 
ces), 1906, n° 4, pp. 227-232. 

Après avoir fait remarquer que parmi les ossements 
ärrachés au sous-sol, par la marée extraordinaire du 12 mars 
1906, et sauvés d'une destruction certaine, grâce aux soins 
intelligents d'un industriel de Thielrode, Mr Victor Lapage, 
se trouvent, d'après les précieuses déterminations de M" De 
Pauw, des débris non roulés d'Zlephas primigenius ou Mam- 
mouth et autres vertébrés tels que Æhinoceros tichorinus, 
ÆEquus caballus, etc... qui caractérisent le Campinien propre- 
ment dit, j'ai montré combien il était intéressant de rechercher 
quelles pouvaient être, dans le sous-sol, les couches assimila- 
bles à oe dépôt quaternaire et constituant, par conséquent, 
le gisement des ossements. 

J'ai fait connaitre le résultat de mes investigations à ce 
sujet dans le truvail déjà cité et, d’une façon plus détaillée, 
dans une autre communication qui parut un mois plus tard (1). 

Les travaux et les cartes publiés antérieurement à mes 
recherches ne me fournirent aucune indication, et j'en serais 
encore à chercher la solution du problème si je n'avais eu 


(1) Sur l'existence du quaternaire campinien à « Elephas primigenius » 
dans la vallée de l'Escaut au Poys de Waes (Bull. de la Soc. belge de geologie, 
t. XX, 1906, pp. 116-121). 


— 55 — 


l’idée de me livrer à un nouvel examen de mes propres docu- 
ments réunis à l’occasion de mes levés de la carte en 1894. 
C'est ainsi que la coupe du sondage tubé que je fis pratiquer 
le 16 avril 1894 au hameau de Wintham (Hingene), se trouve 
renseignée sur la carte comme présentant, sous 7.30 m. de: 
sable flandrien (q4), 2.70 m. d'un dépôt (q4 m.) formé de 
« sable grossier très quartzeux, légèrement glauconifère, 
avec petits cailloux de silex disséminés dans la masse ». 

Or, ce dépôt, que je considérais comme formant la base 
du Flandrien, est le seul qui ait pu fournir les ossements et 
qui soit par conséquent d'âge campinien. Au surplus, j'ai 
reconnu dans les interstices des fractures de quelques-uns des 
ossements, les mêmes éléments de sable grossier que ceux du 
dépôt que j'assimile maintenant au Campinien. 

Dans les deux publications mentionnées plus haut, je 
me suis borné à citer l'exemple fourni par la coupe de 
Wintham; mais, à l’ouest de celle-ci, sur le territoire de la 
planchette de Saint-Nicolas, la coupe du puits artésien, foré 
le 23 août 1903 à l'Amidonnerie de Mr Charles Vermeire à 
Hamme, va en donner un nouvel exemple. 

Et, en effet, la série des dépôts quaternaires reposant sur 
le terrain tertiaire rupélien peut être interprétée comme suit : 


1. Remblai et terrain remanié. . . , 4m. R 

2. Sable jaunâtre quaternaire demi-fin Flandrien 
avec points de glauconie . . . . 11 (qd) 

3. Sable très quartzeux gris jaunâtre avec 
gravier . . . . 1 (q2 m) 


4. Limon gris très argileux, légèrement 

bigarré de jaunêtre, parfois tacheté 

de rouge sanguine. . . À (421) 
5. Sable quartzeux gris jaunâtre a: avec pe- 

tits graviers présentant, vers le bas, 

des fragments roulés d'argile durcie 

jaunâtre colorée en rouge sanguine 

à la surface, avec concrétions pyri- 


poruidue,) 


teuses. . . . 2 (q2 m) ‘ 
6. Sable quartzeux demi fin gris bleu- 
âtre, légèrement glauconifère avec Rupélien 


concrétions pyriteuses. . . , . 1 Res , 


_— 56 — 


Enfin, plus à l'ouest encore, sur le territoire de la 
planchette de Lokeren, un sondage que j'ai fait effectuer, 
en mai 1894, m'a fourni une coupe dont j'ai interprété, 
de même que pour les sondages de Wintham et de Sainte- 
Anne, les couches quaternaires surmontant le Tertiaire rupé- 
lien, comme appartenant exclusivement au Flandrien, alors 
qu'au moins la moitié de leur épaisseur doit être rapportée au 
Campinien, comme suit : 


mètres 
1. Sable quartzeux jaune à grains moyens 6.10 Flandrien 
2. Sable quartzeux assez grossier avec par- | (q4) 
ties un peu durcies et débris de cuil- 
loux . . . . . . . . . . 4.40 Camvinien 
3. Sable quartzeux, grossier, gris blan- 5 m 
châtre, avec rares petits cailloux, dé- qe m) 
bris de coquilles et quelques Num- 


_ _mulites. . . . . . . . . . 1.70 
4. Sable tertiaire rupélien. | 


Je pourrais encore multiplier ces exemples pour la 
partie des levés de la Flandre qui m’incombèrent personnel- 
lement, et montrer combien les géologues chargés de colla- 
borer aux levés de la carte pour d’autres parties de cette 
même région, fout en y annonçant parfois l'existence du 
Campinien, ont eu souvent de peine à le distinguer net- 
tement des autres dépôts quaternaires. 

M'étant trouvé dans l'obligation de fixer le gisement 
exact des innombrables vertébrés, à l’endroit même où ils 
étaient recueillis au Pays de Waes, je serai heureux si, par 
mes nouvelles observations et par la révision de mes recher- 
ches antérieures, il m'a été donné de fixer définitivement le 
niveau lithologique quaternaire où ont été ensevelis les Elé- 
phants et autres grands vertébrés, tels que Rhinoceros, Che- 
vaux et Elans qui parcouraient à l'époque campinienne, la 
région boisée des vallées de l'Escaut et de la Durme. 


Les Inventaires des Petites Archives, 


par Emir DONY, 
Professeur à l’Athénée royal de Mons. 





Nous n'avons pas à rappeler ici comment la très impor- 
tante proposition de M" le Professeur H. Pirenne amena, il 
y a trois ans (XVIII: Congrès, Mons, 1904), la création de 
la C. I. P. A. Les commissions officielles et autres sont 
nombreuses, très nombreuses même, en Belgique. Il en existe, 
paraît-il, de deux espèces : celles qui travaillent et celles 
qui ne... travaillent pas. Nous voudrions qu’il fût clairement 
prouvé, par le rapport sommaire que nous avons l’honneur 
de présenter ici, que notre Commission est d'ores et déjà au 
nombre de celles qui désirent travailler et surtout fournir du 
travail utile. 

Sous le nom de Petites Archives, les historiens englo- 
bent tous les documents d’archives autres que ceux de nos 
dépôts d’Archives de l'Etat. En excluant de ces petites archi- 
ves tous les documents, manuscrits ou imprimés, qui se rap- 
portent à l’époque la plus rapprochée de nous, l'attention 
doit se fixer sur d'innombrables séries de documents du 
moyen-âge et des temps modernes, restés pour la plupart dans 
l'oubli ou encore inutilisés par les historiens. Nos Petites 
Archives offrent donc aux chercheurs un si ‘vaste champ 
d'études que, — nous laissons ici parler M° H. Pirenne, — 
« sans paradoxe, on peut se demander ce qui sera le plus 
vite épuisé dans notre pays, de nos mines de houille ou de 
ces fonds d’archives. » L’homme d’études qui scrute le passé 
estime aujourd’hui que les sources de l’histoire ne sont pas 
seulement dans les vicissitudes politiques et diplomatiques, 
mais autant sinon davantage dans la vie sociale et écono- 
mique. Pourquoi ces fonds d’archives lui sont-ils pour la 


Sr re 


—_ 58 — 


plupart inaccessibles? Pour la raison qu’il n’en existe pas 
le plus souvent d’inventaires analytiques. 

C’est à la tâche la plus urgente, la seule pratiquement 
réalisable que M" Pirenne nous a conviés, c’est-à-dire à celle 
de la formation d’inventaires sommaires, mais suffisamment 
précis, qui puissent orienter les chercheurs et que les histo- 
riens puissent utiliser. Une adhésion chaleureuse a été donnée 
à la proposition de M" H. Pireune et M' Houzeau de Lehaie 
prit engagement, au nom de la Société des Sciences, des 
Arts et des Lettres du Hainaut, de fonder à bref délai l'organe 
permanent et central qui préparerait l'exécution méthodique 
de ce travail collectif. Après une discussion approfondie du 
projet exposé par M' Pirenne, les décisions suivantes furent 
prises en séance de sectiun et ratifiées en Assemblée générale : 
Le travail des Inventaires des Petites Archives sera entamé 
par les Archives Communales. En principe, les inventaires 
engloberont la totalité des archives de nos communes à l’ex- 
ception de celles des grandes communes ayant un archiviste. 
Lront répertoriés, par la suite, outre les archives commu- 
uales, les archives paroissiales, les registres d'Etat Civil, les 
archives des fondations charitables et hospitalières, celles des 
cures, des familles et des notaires. Les inventaires seront 
présentés sous forme très somimaire et s’arréteront à la date 
de 1836 (date de la promulgation de la loi communale), sauf 
dans certaius cas justifiant une exception à la règle commune. 

Il s'agissait donc tout d’abord d'élaborer uu plan type 
d’inventaires de petites archives. C’est à cette tâche que la 
Commission s'est employée au lendemain du dernier Congrès 
de Mons. 

Le savant Dom Ursm. Berlière, absorbé pur les travaux 
de l’Institut historique belge de Rome, n’ayant pu à son 
grand regret répondre à notre appel, M" L. Devillers voulut 
bien nous venir en aide, ainsi que M' Poncelet, conser- 
vateur des Archives de l'Etat à Mons. Disposant, outre 
des indications précieuses de MM. Devillers et Poncelet, des 
notes provenant d’inventaires de petites archives que venaient 
de dresser M" Ernest Matthieu et le Secrétaire de la Commis 
sion, une conférence tenue à Mons et à laquelle assistaient 





— 99 — 


MM. Poncelet, Matthieu et Dony élabora un projet d’inven- 
faire de petites archives communales (antérienres à 1836) 
qui pût s'appliquer aussi aux archives paroissiales, hospita- 
lières et privées. Ce texte en quatorze titres successifs fut 
envoyé de Mons à Rome, où Dom Berlière voulut bien l’exa- 
miner, revint ensuite à Gand, puis à Louvain et enfin à Mons 
et, dûment amendé, recut l’approbation de la Commission. 
Les rédacteurs de ce plan d’inventaires, — nous croyons 
pouvoir le dire en leur nom, — ne se sont pas évertués à 
fournir un modèle impeccable, mais seulement un guide qui 


pùt servir aux travailleurs désireux de collaborer à l’entreprise 
de la Fédération. Ce plan fut publié dès le mois de Mars 1905, 


précédé du texte du Discours prononcé en Assemblée Générale 


par M" Pirenne et qui lui sert d'introduction magistrale. Nous 
y avons joint quelques notes complémentaires, seulement rédi- 


gées en vue des inventaires de petites archives du Hainaut, 
(étant donné le siège du Congrès de la Fédération en 1904), 
notes préalablement soumises, à leur tour, à l' examen de la 
Commission et nous avons fait suivre ces dernières du texte de 
deux inventaires, donnés à titre d'exemples : Znrentaires 
des Archives de la Commune de Bernissart, par Mr L. 
Devillers et des Archives communales, paroisstales et - pri- 
zées de la commune de Forges-lez-Chimay, dressé par le 
Secrétaire de la Commission. Ces documents prépara- 
toires sont publiés en extrait du Volume II du tome XVIII 
des Annales de la Fédération et tirés à 400 exemplaires. La 
brochure fut ensuite adressée aux dépôts d’Archives de Etat 
et à ceux des Archives de nos villes, ainsi qu’aux Secrétariats 
de nos revues historiques ou bibliographiques. Les membres 
de la Commission et le Secrétaire en ont répandu autour d’eux 
un certain nombre d'exemplaires. Déjà aussi des exemplaires 
ont été adressés à plusieurs sociétés savantes. Nous avons 
tenu à garder les autres en réserve, bon nombre de membres 
des sociétés affiliées à la Fédération devant recevoir ces Docu- 
ments préparatoires avec le volume du Compte-Rendu du 
Congrès de 1904. 

Un accueil bienveillant, nous ne craignons pas de le dire, 
a été fait aux Documents préparaloires. de la Commission des 


Inventaires. Cet accueil, empressé même de-ci de-là, est de 
bon augure. La correspondance recueillie au Secrétariat pour- 
rait témoigner de l'intérêt réel que suscite l’entreprise projetée. 
Parmi les documents récemment publiés, où les collaborateurs 
de la Commission pourront trouver des informations très utiles 
et des plus précieuses, signalons l’important article rédigé par 
M" J. Cuvelier, Chef de Section aux Archives Générales du 
Royaume, en collaboration avec M' H. Pirenne et publié dans 
la Revue des Bibliothèques et Archives de Belgique (1905, 
n° 3, mai-juin, pp. 196-216). Cet article, intitulé Les petites 
archives, donne des indications très précises sur les inventaires 
de petites archives antérieurement exécutés dans les pays 
voisins, notamment en France, en Angleterre, en Allemagne, 
en Autriche, en Italie et même en Espagne. MM. Pirenne et 
Cuvelier y ajoutent des instructions raisonnées pour le classe- 
ment méthodique des fonds d'archives. 

La Commission possède en portefeuille, attendant l'im- 
pression, les inventaires suivants dressés conformément au 
plan admis par la Commission : 

1. Archives communales de Marcq (canton d’Enghien), 
par M" Ern. Matthieu. 

2. Archives de la Ville de Verviers, par M' Faway- 
Harroy, Conservateur des Archives de la Ville. 

3. Archives communales, paroissiales et privées d'Osti- 
ches (canton d’Ath), par M' J. Dewert, Professeur à l’Athénée 
Royal d’Ath. 

4. Archives communales, paroissiales et privées d’ Attre 
{canton de Chièvres), par le même. 

5. Archives communales et paroissiales de Rebaix (can- 
ton de Lessines), par le même. 

6. Saventhem-lez-Bruxelles. Archives communales, 
paroissiales et privées; documents conservés aux Archives 
générales du Royaume, aux Archives de l’Archevéché de 
Malines et aux Archives du Nord (Lille), par M' J.-L. De 
Ceuster, Archiviste à Saventhem. 

7. Archives de la paroisse de Limerlé (décanat de Houf- 
falize), par M" J. Theissen, Curé à Limerlé. 

8. Archives de la paroisse de Bœur-Tavigny et de l’Ecole. 


— 61 —- 


communale de Bœur, par M' A. Cahay, Curé à Buret-lez- 
Houffalize. | 

9. Archives de la Ville de Chimay, par Em. Dony. 

10. Le Secrétaire de la Commission a en outre dressé 
l'inventaire des Archives communales et paroissiales, malheu- 
reusement peu importantes pour la plupart, des dix com nunes 
suivantes du canton de Chimay : Saint-Remy, Bailièvre, 
Salles, Seloignes, Villers-la-Tour, Robechies, Virelles, Vaulx, 
Lompret et Baileux. Parmi les inventaires en préparation et 
dont l'envoi plus on moins prochain a été promis à la Com- 
mission, nous citerons : celui des archives de la Cure de 
Houffalize (ancien couvent des Augustins), par Mr l'abbé A.J. 
Robert, curé doyen de Houffalize, celui des archives de la 
paroisse de Sommerain-lez-Houffalize, par M" Theissen, Curé 
à Limerlé-lez-Gouvy, celui des Archives communales d'Ensi- 
val, par MrJ. Feller, Professeur à l’Athénée royal de Ver- 
viers, et les inventaires des archives de plusieurs communes 
du canton d’Enghien, par M" Ern. Matthieu, du canton d’Ath, 
par M" J. Dewert, et du canton de Tournai, par Mr Soil de 
Moriamé, Président du Tribunal de première instance de 
Tournai. 

Si le département des finances du Congrès de Chimay- 
Laon veut bien nous assurer les moyens de publier une pre- 
mière série d’inventaires de petites archives, les inventaires 
que nous avons déjà recus et qui ont été soumis à l’examen 
des membres de la Commission se trouveront ainsi, à très 
bref délai, prêts pour l'impression. 

Il y aurait surtout, dans cette première série, des inven- 
taires d’Archives communales. C’est par là que la Commission 
a cru devoir entamer d’abord son travail. Dans cet ordre 
d'idées, la Commission avait même songé à prendre l’initia- 
tive de démarches auprès de nos Gouverneurs de province et 
des Commissaires d’Arrondissement, dans le but de pouvoir 


réunir, en faisant appel à l’intervention des Secrétaires com- 


munaux, les inventaires des Archives conservées actuellement 
dans les locaux des Administration communales. La Commis- 
sion n’a pas cru devoir agir dans cette voie pour la raison 
que, comme l’écrivaient récemment MM. Pirenne et Cuvelier 


4 


ee ee 


PRES ba 


— 62 — 


dans l’article sur les geliles archives que nous avons cité plus 
haut, la plupart de ces inventaires d'archives (classées d’après 
un plan uniforme à la suite d'instructions officielles, datées 
notamment du 10 Novembre 1829 et du 15 Octobre 1840), ne 
constituent que de simples listes, « avec des indications très 
vagues », sans utiiité pour les historiens qui voudraient les 
consulter. Il ne faut pas perdre de vue que beaucoup de docu- 
ments provenant des fonds d’Archives communales, notam- 
ment les parchemins des anciens greffes scabinaux, ont pu 
échapper à la destruction et être versés dans les dépôts 
d’Archives de l’Etat. Ce service, nous le devons au soin avec 
lequel les Conservateurs des dépôts d’Archives de l'Etat ont 
exécuté naguère les instructions qu’ils avaient recues du Gou- 
vernement, pour le transport des plus importants fonds 
d'archives communales dans les Archives de l'Etat. 

Quant aux archives paroissiales, la Commission a recu 
un projet de classement de cette catégorie d’archives qu'a bien 
voulu lui remettre Mr Wins, juge au Tribunal civil de Mons, 
d'après les inventaires manuscrits, dressés par M' Wins, des 
Archives de la fabrique de l'Eglise de Saint-Nicolas-en-Havré, 
à Mons et des archives de la Confrérie de la Miséricorde (dite 
de Saint-Jean Décollé), à Mons. La Commission suitavecun vif 
intérêt les progrès que, dans ces deux dernières années, a 
déjà fait le travail de rédaction des Zibri memoriales de nos 
paroisses. Parti du diocèse de Cambrai, stimulé par des 
iustructions épiscopales et guidé par des questionnaires types 
ou même déjà par la publication de monographies dues à 
plusieurs de nos érudits des plus estimés, ce mouvement en 
faveur des études historiques a déjà pénétré dans les diocèses 
de Bruges, de Malineset récemment dans le diocèse de Namur, 
— ainsi que dans le diocèse de Liège, d’après une communica- 
tion faite par Mr Huybrechts au Congrès de Chimay-Laon (sept. 
1906). Bien qu'il s’agisse en l'occurrence de monographies 
puroissiales plutôt que d’inventaires d’archives, la préparation 
des premières ne peut se faire sans que les inventaires d’archi- 
ves paroissiales soient constitués au préalable ou en même 
temps. Dans une lettre qu’il a bien voulu nous adresser le 31 
juillet dernier, Mr le Chanoine Cauchie exprime le vœu que 


— 63 — 


le comité du Congrès de Gand se mette dès à présent en rap- 
port avec les organismes qui ont entrepris la préparation des 
monographies paroissiales dans le but « de travailler », dit 
M: le Chanoine Cauchie, « à l'élaboration d’un plan de travail 
commun ». M: leChauoine Callewaert a eu l’obligeance de nous 
faire remettre, pour être déposés dans les Archives de la 
Commission des Inventaires des petites archives, trois exem- 
plaires de la brochure qu’il a publiée sous ce titre : Ze liber 
memorialis des Eglises du diocèse de Bruges, (Bruges 1905.) 

La question des archives notariales a fait l’objet d’un 
échange de vues en séance de section, lors du Congrès de 
Mons. Bon nombre de notaires de l’arrondissement de Char- 
leroi et de Mons ont remis antérieurement leurs archives 
anciennes au dépôt des Archives de l'Etat, à Mons. La plupart 
des notaires, d’après l'avis exprimé par Mr A. Demeuldre, 
ancien notaire, ne demanderaient pas mieux que de se 
dessaisir de leurs protocoles. Mais il serait désirable qu’ils y 
fussent autorisés formellement en vertu d’une loi. Aussi Mr 
Demeuldre a-t-il invité M" Houzeau de Lehaie à prendre l’ini- 
tiative d’un projet de loi dans ce sens, loi qui porterait ses 
effets éventuels sur les actes antérieurs à la loi de ventôse. 

Pour ce qui concerne les archives des fondations hospi- 
talières et charitables, souvent si importantes et si riches et 
quant aux archives privées des familles, nous sommes fondés à 
compter, pour vaincre les résistances et les méfiances parfois 
obstinées, sur la force morale provenant des premiers inven- 
taires qui seront prochainement publiés par les soins de la 
Fédération archéologique et historique. Les collaborateurs de 
la Commission des inventaires n'ont d'autre mobile que 
celui de faire œuvre utile; ils sauront mettre, dans leurs 
démarches auprès des possesseurs de fonds d’archives privées, 
tout le tact et la discrétion nécessaires. 

La question des inventaires des petites archives a été 
inscrite à l’ordre du jour du Congrès que la Fédération 


archéologique et historique tiendra à Gand en 1907. La sec- . 


tion historique du Congrès de Gand recueillera les observa- 
tions et les avis que, d’une part, le plan approuvé par la 
Commission et, d'autre part, les inventaires déjà publiés 


— 64 — 


auront suggérés aux archivistes comme aux historiens et aux 
érudits. Déjà est posée la question de savoir s’il ne convien— 
drait pas de mentionner, dans chaque inventaire sommaire 
d’archives communales, le transport qui a été effectué de ces 
fonds d’archives dans les dépôts d’Archives de l'Etat. La 
bibliographie est, elle aussi, importante dans la question qui 
nous occupe : avant d'élever un édifice, il convient d'apporter 
les matériaux nécessaires à pied d'œuvre. La bibliographie 
des inventaires existants, imprimés et manuscrits, de petites 
archives belges est déjà, semble-t-il, assez importante pour 
attirer l'attention. Nous songeons à préparer, en vue du con- 
grès de Gand, les éléments d’un inventaire des inven- 
taires de nos petites archives, en nous aidant notamment 
des documents recueillis déjà par l’/nslilut international de 
bibliographie, par la Revue des Bibliothèques et Archives de 
Belgique et par la Revue d’historiographie nationale les 
Archives Belges. Ce travail, nous ne nous le dissimulons pas, 
sera long et minutieux, comme nous l’écrivait M' Pirenne; 
mais nous espérons réunir, à tout le moins sur fiches, les plus 


importants éléments de ce répertoire bibliographique d'ici à 


quelques mois, — avec la collaboration de M' Leo Verriest, 

Archiviste aux Archives de l'Etat, à Mons. 
Aux termes d’une décision prise au Congrès de 1904 et 

grâce à l'intervention de M' Pirenne, la Commission Royale 


‘d'Histoire a été saisie de l'initiative prise par la Fédération ; 


le plan type approuvé par la Commission lui a été soumis. 
Nous avons l’espoir que la C. R. H. se montrera favorable à 
la mise à exécution du travail, bien qu’un des rédacteurs des 
Archives Belges ait formulé, il y a quelque temps, le vœu, 
— qui lui est exclusivement personnel, croyons-nous, — de 
voir la C. R. H. se charger elle-même, eu augmentant son 
budget annuel, du travail de la publication des inventaires 
sommaires. L'entreprise est trop vaste, nous paraît-il, pour 
que le concours désintéressé des travailleurs consciencieux 
soit négligé ou tenu en médiocre estime et, par certains côtés, 
Ja tâche est trop ingrate pour qu’on décourage ou qu’on rebute- 
les bonnes volontés qui ont déjà surgi ou qui se produiront 
) 


€eucore. 


—.65 — 


Il conviendra aussi d'examiner prochainement dans quelle 
forme le Gouvernement pourrait être sollicité d'intervenir en 
faveur de l’entreprise, à laquelle un commencement d’exé- 
cution va décidément être donné. Indépendamment d’autres 
questions qui se présenteront encore, le Congrès de Gand aura 
à émettre son avis sur la proposition formulée par Mr Léop. 
Devillers, à laquelle Mr le Chanoïine Cauchie et Mr Pirenne ont 
donné déjà leur adhésion, d’agir de concert avec l’administra- 
tion des Archives de l’Etat et sur une proposition du Secré- 
taire, à laquelle la Commission des Inventaires paraît elle- 
même favorable, de faire également appel, pour la publication 
de nos inventaires, au concours de la Revue des Bibliolhèques 
et Archives, dont un des directeurs, M: Cuvelier, s'intéresse 
vivement, depuis le début, au projet de la Fédération, 

« Partout autour de nous, » écrivaient récemment MM. 
Pirenne et Cuvelier, « nous constatons lu préoccupation de 
« conserver intacts les précieux vestiges du passé, tout en 
« cherchant le meilleur moyen de les classer, de les invento- 
« rier et de les livrer au grand jour de la publicité. » Pour 
désespérer du succès de l’œuvre entreprise par la Fédération 
sur l'initiative de M: le professeur Pirenne, il faudrait douter 
du désintéressement et du labeur de nos érudits, de nos histo- 
riens, de tous ceux qui s'intéressent au passé de la terre natale; 
il faudrait douter aussi de l'esprit de solidarité qui imprègne 
de plus en plus tout le mouvement scientifique, et avec lui le 
mouvement historique. L'entreprise est trop belle et trop impé- 
rieusement utile pour ne pas avoir l’aboutissement fécond 
qu'elle porte en elle. Puissions-nous ne pas nous tromper, 
en affirmant avec conviction qu’il n’aura pas été fait en vain 
appel à nos sociétés locales d’histoire par un des chefs les plus 
écoutés de l’école historique belge! 


Les petites Archives, 
par J. CUVELIER, 


Sous-chef de section aux Archives générales du Royaume. 


Depuis longtemps les congrès archéologiques se sont 
intéressés au sort des petites archives. Il était réservé à celui 
de Mons (1904) de formuler, pour la première fois, des con- 
clusions pratiques suivies d’un commencement d'exécution. 

Les organisateurs du congrès archéologique de Gand se 
devaient donc d'inscrire à leur ordre du jour cette question à 
la solution de laquelle tous les historiens doivent s'intéresser 
et qui présente un réel caractère d'urgence. Aussi bien, 
auront-ils à cœur de démontrer que le reproche adressé à 
l’Archivtag de Dantzig, aux sociétés historiques provinciales 
en Allemagne, n’est plus applicable à la Belgique et que la 
défiance que l’on nourrit encore contre elles dans certaines 
sphères ne se justifie pas davantage. 

Le fait seul de montrer l’importance capitale qu’aurait 
pour l’histoire de Belgique une inventorisation systématique 
de toutes les petites archives, qui échappent jusqu'à ce jour 
aux investigations des historiens, ne constitue-t-il pas la 
meilleure preuve des préoccupations d’ordre scientifique qui 
caractérisent désormais les discussions des congrès archéo- 
logiques ? 

Ceux-ci présentent, en outre, l’immense avantage de 
pénétrer, grâce aux nombreux membres de toutes les sociétés 
affiliées, dans les milieux propices où les commissions offi- 
cielles ne seraient reçues qu’avec une réserve significative. 

Or, dans l'espèce, il importe avant tout d’avoir des 
ramifications jusque dans les plus petites communes, puisque 
c'est là précisément que les archives courent le plus grand 
danger d'anéantissement. 

Le patronage des Congrès d’archéologie étant bien choisi, 


— 67 — 


il convient de créer dans chaque province un bon comité qui 
prendrait la direction des travaux. À notre avis, le Conser- 
vateur des Archives de l'Etat est tout désigné pour en faire 
partie. Grâce à ses fonctions il a plus que tout autre les con- 
naissances et les aptitudes nécessaires pour prendre la direc- 
tion des travaux d'inventaire qui s'opéreront dans sa province. 
À côté de lui nous voudrions voir l’archiviste diocésain ou, à 
son défaut, l’ecclésiastique qui s'occupe le plus des archives 
dans la province. En dehors de ses connaissances spéciales 
pour tout ce qui regarde les archives ecclésiastiques, sa pré- 
sence sera des plus utile lorsqu'il s'agira d’avoir accès aux 
archives des cures, des communautés religieuses, des fabri- 
ques d'église, etc. Eufin, nous aimerions de voir entrer dans 
la commission un délégué de chacune des sociétés d’histoire 
ou d'archéologie des diverses régions ou villes de la province, 
publiant un bulletin ou des annales. Le rôle de ces derniers 
membres consisterait spécialement à surveiller les travaux 
d'inventaire dans leur ville, canton ou arrondissement, et à 
communiquer aux travailleurs les conseils et instructions de 
Ja Commission, de facon à donner aux publications le plus 
d’unifurmité possible. 

Il serait évidemment an!iscientifique de prescrire un plan 
invariable à suivre pour tous les inventaires de petites archi- 
ves. Tout au plus peut-on affirmer quelques principes dont il 
serait utile de ne pas s’écarter, et donner quelques règles géné- 
rales auxquelles on peut se conformer en toutes circon- 
stances (1). 

Partout où la chose est possible, il faut classer les archi- 
ves comme elles le furent à l’époque où existèrent les corps et 
administrations dont elles proviennent et l’inventaire doit 
réfiéter co classement. Pour retrouver ce classement on peut 
surtout s’aider des anciens inventaires et des annotations 
consignées au dos des documents. 

Dans les dépôts d'archives communales, il faut classer 
séparément : 1° les archives de l’ancienne administration 


(1) Voir H. PIRENNE et J. CUVeLIER, Les petites Archives dans Revue des 
Bibliothèques et Archives de Belgique, tome III (1905), pp. 196-216. 





— 68 — 


communale; 2° celles de l'administration communale présente; 
3° celles des administrations, collèges ou personnes dont les 
droits ou fonctions ont été transportés à l'administration 
communale; 4° celles des collèges ou personnes ayant fonc- 
tionné sur le territoire actuel de la commune et qui, par mesure 
administrative, ont été déposées aux archives commuuales. 

Si, dans les archives des villages, il suffit généralement 
de deux ou trois grandes divisions correspondant à l’admi- 
nistration, à la justice, aux affaires ecclésiastiques, dans les 
villes, les divisions, pour être plus nombreuses, s’indiquent 
tout aussi facilement : administration de la ville en géné- 
ral, privilèges, législation, composition de l’administration 
urbaine, finances, etc., dont respectivement les registres aux 
résolutions, aux privilèges, aux chartes, les séries de lettres 
concernant l'installation des échevins et les comptes consti- 
tuent le noyau. 

Il n’est pas nécessaire, cela va de soi, de suivre servile- 
ment, pour ce qui regarde les subdivisions, l’ancienne organi- 
sation et on peut introduire ici des rubriques qui n’ont jamais 
existé dans celle-ci. En règle générale, il sera utile de con- 
sacrer aux documents ancieus une description plus étendue 
qu'aux pièces modernes, mais il ne faudra à aucun moment 
perdre de vue que l'inventaire ne doit donner qu’un aperçu 
du contenu d’un fonds d’archives, non le contenu des docu- 
ments mêmes. 

Chaque numéro de l'inventaire doit comprendre : a) l’an- 
cien titre s’il existe, 5) une description générale du contenu, 
c) l’année ou les années sur lesquelles le numéro s’étend, 
d) l'indication si le numéro se compose d’un ou de plusieurs 
volumes, paquets, liasses, documents ou chartes, e) une énu- 
mération des documents que l’on y rencontre et qui n'ont 
aucun rapport avec le reste du contenu, f) en note, les indi- 
cations non prévues ici. 

On emploiera de préférence des lettres capitales pour 
indiquer chacun des inventaires des divers fonds paraissant 
dans un volume, dés chiffres romaius pour les grandes divi- 
sions de chaque inventaire, des chiffres arabes pour les divers 
numéros d’un inventaire et enfin de petites lettres cursives 
pour les analyses des numéros. 


— 69 — 


Les cartes, plans, chartes, documents avec sceaux, etc., 
doivent évidemment être placés à part dans le dépôt, mais dans 
l'inventaire ils doivent se trouver près des pièces auxquelles 
ils se rapportent ou avec lesquelles ils sont arrivés dans les 
archives. | 

En annexe, une liste des régestes des actes que l’on 
rencontre dans la collection, en original ou en copie, tout en 
ne faisant pas directement partie de l’inventaire, peut rendre 
de grands services. [uutile de dire que tout bon inventaire doit 
être pourvu de tables alphabétiques des noms propres et des 
matières et même des sceaux. 

La confection des inventaires d’archives doit être confiée, 
cela va sans dire, à des archivistes et même de préférence aux 
érudits ayant subi l'examen de candidat-archiviste. 

Tel est le principe. Mais il va de soi qu’en attendant le 
jour où ils seront assez nombreux pour pouvoir exécuter seuls 
et rapidement ce gigantesque travail, rien n’empéche de con- 
fier cette tâche à des érudits qui, sans appartenir à la corpora- 
tion, se sont familiarisés depuis longtemps avec les archives 
et qui ont donné des preuves de leur savoir faire. N’ayant 
nullement le fétichisme du mandarinat, nous ne verrions 
même aucun inconvénient à voir charger de ces travaux les 
jeunes gens, prêtres ou laïques, qui, ayant pris goût aux 
choses du passé, aux faits d'histoire locale, voudraient se 
mettre en rapport avec la commission provinciale et pren- 
draient chez elle des instructions pour la bonne exécution du 
travail. | »: 

C'est que nous sommes d’avis aussi qu’il importe de 
courir au plus pressé, puisque chaque jour qui s'écoule peut 
être cause de la perte irrémédiable de documents précieux. 

Comme conclusion, nous proposons que le Congrès de 
Gand nomme les membres de la Commission de la Flandre 
Orientale, et que la Commission centrale à laquelle nous 
proposons d’adjoindre l’archiviste général du Royaume, se 
mette sans retard en rapport avec les conservateurs des 
Archives de l’Etat dans les diverses autres provinces aux fins 
de la constitution des autres commissions provinciales. 


Parmi les antiquités romaines et franques 
recueillies dans la Flandre maritime, s’en 
trouve-t-il qui portent des emblèmes chrétiens? 


Note de M' le Chan. Ap. DUCLOS, à Bruges. 


Il y a eu des chrétiens parmi les soldats des légions 
romaines. Ce sont ces lésions qui ont disséminé sur nos côtes 
des monnaies et autres antiquités romaines. 

P. Claessens dit, aux pp. 11-12 de Zes civilisateurs 
en Belgique : « Parmi les antiquités romaines que les fouilles. 
ont fait découvrir, il en est qui portent des signes manifeste- 
ment chrétiens. A Wyk-te-Duurstede, l’ancien Dorestadium, 
on a trouvé dans le sol une lampe funéraire marquée de la 
Croix; à Nimègue, on a exhumé des gemmes, ornées d’une 
ancre et de figures symboliques de poissons. Ces objets indi- 
quent incontestablement que les chrétiens romains ont résidé 
de temps à autre en ces endroits. » 

Les Francs aussi, avant leur arrivée en notre contrée, 
peuvent avoir été en contact avec l’expansion chrétienne. 
Est-ce que purmi les antiquités franques trouvées dans nos 
parages, il y en a qui portent des marques chrétiennes? I] 
serait utile d'appeler l'attention des chercheurs sur ce point 
qui n'a pus encore été traité pour la Flandre maritime. 

Jl serait important de ne pas négliger l'examen des 
objets conservés dans les musées de la Zélande. 





Les reconstitutions archéologiques 
de la section « Belgique Ancienne » 
des Musées Royaux du Cinquantenaire, 


par E. RAHIR, 


Attaché des Musées Royaux du Cinquantenaire. 


En écrivant ces lignes notre intention n'est pas de faire 
une longue démoustration de l'évidente utilité instructive des 
reconstitutions pour vulgariser l'étude archéologique des 
. périodes plutôt arides de la préhistoire et des époques romai- 
ues et franques dans notre pays. Nous la ferons d'autant moins 
que nous nous adressons ici à des personnes particulièrement 
compétentes. 

Nous nous contenterons donc d'exposer assez rapidement 
dans quelles conditions spéciales nous nous trouvons pour 
mener à bonne fin le travail de reconstitution dont il va 
être question ici. Eusuite nous décrirons assez sommairement 
quelques types de maquettes, afin que l’on puisse se rendre 
suffisamment compte des moyens dont nous disposons pour 
arriver à réaliser pratiquement les idées émises depuis long- 
temps par M" le baron de Loë, conservateur de la section de 
Ja « Belgique Ancienne ». 

Rappelons que depuis quelques années le Gouvernement 
a organisé, au sein des Musées Royaux du Cinquantenaire, un 
service méthodique de fouilles et de recherches, s'étendant à 
tout le pays et embrassant plus particulièrement les époques 
préhistoriques, romaines et franques, auquel nous avons été 
spécialement attaché. Depuis lors nous avons donc suivi pas à 
pas ce genre de recherches, aussi consciencieusement que nous 
le pouvions. De plus nous avions dans nos attributions de 


prendre, au cours de ces recherches, tous les renseignements 


et documents nécessaires sous forme de plans, coupes, photo= 


nt — 


— 72 — 


graphies, etc., de manière à être en possession de tous es 
éléments nécessaires pour refaire, pourrait-on dire, ce que 
nous avions vu sur place. 

De cette facon nous avons pu réunir une importante 
documentation, nous permettant de pouvoir entreprendre, en 
certaine connaissance de cause, le travail de reconstitution 
archéologique, suivant des vues méthodiques d'ensemble à 
arrêter préalablement par le conservateur de la section. 

Vers la fin de l’année 1905, Monsieur le Ministre de 

l'Agriculture et des Beaux-Arts a bien voulu nous accorder un 
subside spécial à l'effet d'entreprendre une série de reconstitu- 
tions. Nous nous sommes mis alors immédiatement à l'œuvre, 
animé du vif désir dé mettre sur pied, aussi parfaitement que 
nous le pouvions, les premières bases de l'important pro- 
gramme de vulgarisation scientifique dont l'initiative revient 
à M' le baron de Loë. 
Parmi les différentes maquettes dont nous nous sommes 
occupé alors, signalons, plus particulièrement, deux sépultures 
néolitiques fouillées à Furfooz et à Vaucelles, ainsi que le site 
des stations protohistoriques et belwo-romaines de La Panne 
(Adinkerke). 

Comme nous le disions précédemment, nous nous sommes 
efforcé de nous rapprocher, autant que possible, de la réalité, 
mais nous avons cherché aussi à combiner cette réalité des 
choses avec le but essentiellement instructif, qui, évidemment, 
devait être notre principale préoccupation. Nous n'avons rien 
négligé non plus pour représenter la reconstitution sous son 
vrai caractère décoratif. 

Afin de permettre aux membre du Congrès de Gand de 
pouvoir bien juger et discuter notre t'avail, en connaissance 
de cause, nous croyons nécessaire de donner maintenant une 
courte description des trois maquettes mentionnées ci-dessus, 
puis nous nous bornerons à dire quelques mots de la deuxième 
série des reconstitutions qui sont, maintenant, en cours d'exé- 
cution. | 

Sépullure néolilhique de Vaucelles. La sépulture dont il 
est question ici fait partie de la série des sépultures mises au 
jour, par le service des fouilles du Musée, à la base de la 


vgarraane A 


op onbrugopu oaugmndps ur oP UONNNSLOOE 


— 73 — 


muraille calcaire surplombante qui précède l'entrée de la 
petite grotte dite « Trou des Blaireaux ». Une communication 
sur ces travaux ayant été faite à la Sociéte d'Anthropologie 
de Bruxelles, nous n’avons pas à en reparler ici. Nous nous 
contenterons de décrire succinctement la reconstitution, qui 
reproduit la principale de ces sépultures, type fort intéressant 
d'inhumation à deux degrés. 

Une portion de la base du rocher — celle qui surplombe 
la sépulture — a été exécutée en grandeur réelle (1,60 m. de 
longueur sur 1,00 m. de hauteur); c’est à dire que nous avons 
donné à ce rocher une dimension suffisante pour que l’on 
puisse allonger aisément devant lui les restes humains que 
nous avons recueillis avec tous les soins désirables (voir la 
figure ci-jointe). Au moyen de limon jaune (dépôt de la sépul- 
ture) que nous avons fait adhérer à la partie inférieure du 
rocher — sur environ 0,50 m. de hauteur — nous avons 
représenté le niveau du sol avant la fouille et, au-dessus de ce 
niveau, le rocher est figuré avec l'allure et le coloris qu'il 
avait en réalité. Au pied de ce rocher artificiel nous avons 
replacé le crâne et les ossements humains, en grande partie 
en connexion anaomique (inhumation corps en place), tels 
qu'ils se trouvaient à Vaucelles ; ce qui nous a été facile en 
utilisant pour cela les documents graphiques et photographi- 
ques que nous avions pris au cours de la fouille. 

Sous la roche surplombante, dont nous venons de parler, 
il y avait, en réalité, deux squelettes, mais l'un de ceux-ci 
seulement était hien nettement en connexion anatomique, 
ainsì qu'on peut s'en rendre compte par la figure. 

La hache polie que l'on remarque à l'avant-plan de cette 
figure et qui représente un élément de mobilier funéraire a été 
replacée à l'endroit et à la distance respective qu'elle occupait 
par rapport aux squelettes. 

Sur le devant a été déposé ensuite le paquet d'ossements 
humains, appartenant à plusieurs individus, qui représente 
l'ossuaire; c'est à dire des ossements provenant, sans doute, 
soit d'une caverne sépulcrale, jusqu'à présent inconnue pour 
nous, soit, plus probablement encore, d’un abri voisin, vidé 
par le néolithique pour faire place à de nouveaux occupants. 


— T4 — 


Le tout, inhumation et ossuaire, était recouvert d’un lit 
continu de pierres, ce qui constitue, ainsi que nous le savons, 
un caractère très général aux sépultures néolithiques. Ce lit 
de pierres était évidemment destiné à préserver les morts de 
diverses actions destructrices, que nous n'avons pas à énumé- 
rer ici. Intentionnellement, nous n'avons fait figurer aucune 
de ces pierres sur les squelettes, de manière à ne pas les mas- 
quer et nous n'en avons placé que fort peu sur l'ossuaire 
afin de dégager, autant que possible, la sépulture corps 
en place qui était l’objet principal de la reconstitution. 

Dans un des angles de la maquette a été placée une petite 
carte de la région, afin que l’on puisse se rendre exactement 
compte de l'endroit où se trouvait la sépulture, et, de l’autre 
côté, faisant pendant à cette carte, on remarque une photo- 
graphie du site préhistorique de Vaucelles. 

Le tout est hermétiquement clôturé; de face, par une 
glace inclinée en arrière, de manière à luisser pénétrer le plus 
de lumière possible à l’intérieur de la reconstitution ; des côtés, 
par des glace verticales. 

Pour compléter cet ensemble, MrJ. Du Fief a bien voulu 
nous prêter gracieusement son concours, pour exécuter, à notre 
intention, une peinture représentant le rocher de Vaucelles 
avec figuration de chacune des sépultures, que nous avons 
reconnues à la base de ce massif. Ajoutons que M" Du Fief 
n'est qu'un amateur; mais il a pour nous le grand mérite 
de savoir reproduire très fidèlement ce qu'il a vu; en d'autres 
termes, il nous fait de la peinture documentaire. 

Pour toutes les peintures, dont celle-ci est un exemple, 
nous avons adopté le format général de 0,56 m. de hauteur 
sur 1,10 m. de longueur. 

Ossuaire néolithique de Furfooz. 

Comme la précédente, cette sépulture a été reconstituée 
en grandeur réelle et elle est contenue dans un meuble exac- 
tement semblable au premier. 

Le rocher formant abri, qui est ici d’allure fort pittores- 
que, a été reproduit aussi exactement que nous le permet- 
taient les documents graphiques et photographiques que nous 
avions en mains Sur les parois du massif artificiel nous 


— 75 — 


avons appliqué la véritable végétation des mousses provenant 
du rocher même et qui le colorait de ses teintes vertes carac- 
téristiques, teintes que nous avons reconstituées. En un mot 
nous nous sommes efforcé d'en reproduire l'ensemble tel qu'il 
était en nature. 

Le niveau de l’humus de surface qui recouvrait l’ossuaire 
est indiqué sur le rocher comme nous l'avons fait précédem- 
ment, c'est à dire par application du dépôt meuble provenant 
de la fouille. 

Les ossements humains, appartenant à une quinzaine 
d'individus ont été replacés pêle-mêle sous l'abri — comme 
ils l’étaient en réalité — en une couche de 10 à 15 centimètres 
d'épaisseur moyenne et recouverte du lit de pierres, qui, ainsi 
que nous le disions plus haut, caractérise si généralement la 
sépulture néolithique. a 

Comme pour la reconstitution précédente, celle dont 
nous parlons ici est accompagnée d'une petite carte, d'une 
photographie du milieu où se trouvait l'ossuaire, et elle est 
complétée par une peinture du site, exécutée par M'J. Du Fief. 

Stations protohisloriques et belgo-romaines de La Panne. 
Nous avons également entrepris l'exécution d'une maquette, 
de un mètre carré, représentant la portion des dunes de La 
Panne où ont été découvertes et. bien étudiées récemment les 
intéressante: stations protohistoriques et belgo-romaines, dont 
on connaissait déjà l'existence depuis assez longtemps. 

Préalablement à ce travail, nous avons fait un minutieux 
levé topographique de la région en question et nous avons 
noté alors sur place toutes les teintes de végétations avec indi- 
cation de l'emplacement respectif de chacune de ces nuances. 
Ces multiples renseignements nous ont permis de reproduire 
assez fidèlement l’allure et le riche coloris de cette attrayante 
région. Nous nous sommes efforcé aussi de donner une appa- 
rence de relief à la végétation au moyen d'un procédé de 
superposition de teintes différentes appliquées sur un fond 
sableux qui lui-même, ajoutons-le, n’est pas d'un ton uniforme. 

Les deux principales stations préhistoriques-romaines, si 
nettement visibles en nature grâce aux amoncellements, d’une 
blancheur neigeuse, de Cardium (débris de repas), ont été. 
représentées au moyen de couleurs. 


_ 76 — 


Comme toujours la carte de la région accompagne la 
. reconstitution. 

I] nous paraît utile de donner encore quelques indications 
— nous le ferons très sommairement — sur la deuxième série 
des reconstitutions, en ce moment en voie d'exécution, qu'il 
nous a été donné de pouvoir mettre sur pied grâce à l'octroi 
d'un nouveau subside, qu'a bien voulu nous accorder MF le 
Ministre de l'Agriculture et des Beaux-Arts. Il serait évidem- 
ment superflu de décrire les quatre types de marchets (âge du 
fer) et les trois maquettes de Tumulus (époque romaine) qui 
constituent cette deuxième série, mais nous croyons cependant 
qu'il ne sera pas sans intérêt de donner ici divers renseigne- 
ments sur les moyens que nous avons employés pour repro- 
duire, avec autant de vérité que possible, le Marchet et le 
Tumulus. 

Comme nous reproduisons plusieurs marchets, nous avons 
tenu à ce qu'il existe, autant que possible, un rapport propor- 
tionnel de grandeur entre les divers types représentés ; autre- 
ment dit, nous les avons construits à la même échelle. Ajoutons 
aussi que nous n'avons pas forcé l'échelle des hauteurs qui est 
donc en rapport avec celle des longueurs. Il en est de même 
pour les Tumulus. De cette facon on peut se rendre immédia- 
tement compte, de visu, que les tombes ne sont pas d'égales 
dimensions. 

Marchet. Comme élément de construction d’un marchet, 
nous avons tout d’abord recueilli, sur le plateau calcaire même 
où s'élevait la tombe que nous avions en vue de représenter, 
de nombreux fragments de roches corrodés et patinés de petite 
dimension, mais en rapport avec la réduction que nous nous 
étions proposé de faire. En d'autres termes, si le marchet 
authentique était formé de pierres en moyenne de 0,10 à 
0,30 m. de diamètre, nous récoltions des pierres d’une dimen- 
sion approximative variant entre 1 et 3 centimètres de diamè- 
tre. Les parois de la tranchée pratiquée dans le marchet 
reproduit — tranchée nécessuire pour montrer le ou les sque- 
lettes, l'incinération, etc., que renferme la tombe — sont 
formées de petites pierres calcaires non patinées; c’est à dire. 
recueillies sous la surface du sol, là où elles étaient 4 l’abri 





— 71 — 


des influences atmosphériques. L'élément meuble du: marchet 
est représenté comme il existe à l’état nature. 

Le squelette humain ou les ossements incinérés, etc., 
sont figurés en rapport de proportions avec la grandeur de la 
tombe et aux emplacements exacts occupés par eux. 

La végétation qui environne le marchet est provisoire- 
ment reproduite par des superpositions de teintes, jusqu’au 
moment où nous pourrous remplacer ce procédé par un dispo- 
sitif imitant mieux les herbages ou autres plantes en réduction ; 
ce qui ne constitue pas un problème facile à résoudre. 

La carte de la région, ainsi qu'une peinture représentant 
le plateau calcaire des marchets avec son aspect dénudé et son 
coloris fauve si caractéristique, accompagnent aussi la reconsti- 
tution. 

Tumulus. De même que pour les marchets, les maquettes 
des grands tumulus belgo-romains sont égaiement ouvertes 
par une trauchée suffisante pour permettre d'examiner aisé- 
ment le contenu de la tombe, mais pas trop large cependant 
afin de ne pas en déformer l'aspect général. 

À l’intérieur de la chambre sépulcrale qui, on le sait, se 
trouve au centre du tumulus et sous le niveau du sol naturel, 
nous avons figuré sous leur aspect réel, les principaux objets 
du mobilier funéraire : poteries, verreries, vases en bronze, 
objets d'art, etc. | 

Ce que nous avons dit plus haut au sujet de la végétation 
des marchets peut s'appliquer point par point aux tumulus. 

Comme complément aux reconstitutions de tumulus iso- 
lés, nous avons commencé l'exécution d'une maquette de grande 
dimension, qui représentera, avec son relief réel, le remar- 
quable groupe des cinq tumulus d'Omal traversé par la grande 
voie romaine de Bavay à Cologue. 


1 ne peut certes entrer dans notre intention de donner 
ici une énumération de ce qu'il reste encore à faire dans cet 
ordre d'idées : la liste en serait trop longue. Qu'il nous suffise 
seulement de dire que la période romaine, à elle seule, avec 
ses sépultures variées, ses habitats, ses monuments, etc., 
exigera un nombre considérable de reconstitutions. 


— 18 — 


Nous croyons pouvoir affirmer, sans être taxé d'exagéra- 
tion, que l'ensemble de ces travaux destinés à mettre à la 
portée de tous ce que nous connaissons des débuts de l'histoire 
de l’homme, contribuera, pour une bonne part, à faire de la 
« Belgique Ancienne » des Musées Royaux du Cinquante- 
naire, une section archéologique des plus instructives et des 
plus intéressantes de notre pays. 

Eo terminant ces lignes nous souhaitons que les membres 
du congrès archéologique de Gand, après avoir pris connais- 
sauce de ce rapport sommaire, voudront bien émettre un vœu 
en faveur des travaux dont il est question ici; vœu qui serait 
pour nous un précieux encouragement pour continuer la réa- 
lisation du programme d'ensemble conçu depuis longtemps 
déjà, ainsi que nous le disions précédemment, par Mr le 
baron de. Loë. 


La villa romaine de Mersch, 
par Crarres ARENDT, 


Architecte de l'Etat hee à Luxembourg. 


Mersch(1), chef-lieu de canton, à 3 lieues de Luxembourg, 
et 4 lieues d’Arlon, est situé au point d’intersection des 


(sbhtntt= Rpmerweg 
Eisentann 
men Strasse . 





No 1. — Villa romaine de Mersch. 


voies romaiues d’Altrier-Arlon et de Helpert (resp' d'Ingel- 


(1) Dans des chartes du 9e et du 10e siècles, « Marisch, Mariska, Ma- 
rich, » plus tard Merisch, Mersch — (mar, mer = humor, liquor vel mor, 
locus paludosus — marais). Il y lieu d'admettre qu’au temps des Romaine, 
tout le bas da village formait un grand marais ou lac, duquel surgissait, 
pareil à une île, le promontoire actuel appelé « Mies ». (D'après le Dic- 
tionnaire de Rockefort « Meix » signifie village, colonie). 


— B) — 


dorf) Luxembourg, au confluent de l'Zisch, de la Mamer et 
de l’AZzette. C'est au centre du polygone formé par ces trois 
ruisseaux que s'élève le plateau dénommé « Æfiës », sur le 
point culminant duquel furent découvertes les substructions 
de la villa romaine, dont nous allons décrire les particularités. 
Les fouilles furent effectuées en 1905 et 1906 sous notre 
direction, en partie aux frais de la section historique de l’In- 
stitut Grand Ducal, en partie aux frais du gouvernement. 


* 
*# * 


Le « Merscherthal » est une des plus fertiles et pitto- 
resques vallées du Grand-Duché. C'est cet avantage, joint 
à la situation stratégiquement favorable de la « Miès », qui, 
sans doute, avait engagé les Romains à y fonder uue petite 
colonie, dont les premières traces furent retrouvées il y a 
plus d'un demi siècle (1). Déjà alors on recueillit en divers 
endroits des monnaies en moyen et petit bronze de Domitien, 
de Constantin, de Z'austine etc., et deux médailles en or. — 
A l'occasion de la démoli- 
tion de l’ancienne église du 
village, on trouva dans les 
fondations de grandes pierres 
de taille (2) ornées de sculptu- 
res et d'inscriptions diverses, 
proveuaut de mausolées gallo- 
romains. Voici eutre autres 
l’une de ces inscriptions, dont nous complétons les abré- 
viations. 


D (iis) M (anibus) 
SENNIO MAI 
__IORI. DEFVN (ct) 
O. CONIVGI. SA (bin) 
A. SIBI. V ‘ovite). 





* 
% * 


Nous donnons ci-contre (cliché n° 2) une vue cavalière 
des substructions de la villa, prise au cours de nos fouilles. 
Un coup d'œil jeté sur l’hypocauste, situé au premier 
plan, suffit pour apprécier la bonne conservation du carre- 


(1) V. Majerus, Geschichte von Blersch, herausgrgeben ton J. Groë. 


(2) Ces pierres sont aujourd'hui conservées au Musée lapidaire de la 
Section hist. de l’Institut grand-ducal. 


— 81 — 


lage composé de dalles en terre cuite de 0"50 x 0"29 x 0°045 
posées dans un béton de 0"15 d'épaisseur, et du revête- 
ment des murs d'enveloppe, composé de carreaux pareils 
de 0=36 x 0"26 x 0"03. — Les piles (suspensurae) de 090 


livraient passige aux ramoneurs de l’hypocauste qui mesure 
7®90 x 6®. Ces piles sont couvertes de magnifiques dalles 
en terre cuite de 0"50 x 0"53 X0"04 recouvertes d’un béton 
poli de 0"18 d'épaisseur. 

Le foyer (fornaz), logé dans un épais massif de macon- 


— 82 — 


nerie, forme un ellipsoïde revêtu de petites briques, et se 
prolonge dans l’hypocauste au moyen d’un canal aspirateur 
à ouvertures latérales obliques. Des boulettes}de prix, retrou- 
vées dans les décombres, servaient à activer le feu. La fumée 
s'évacuait par des tuyaux de terre cuite({ubuli) de 0"17 x 018 


RÜMER-VILLA AUF MIES BEIMERSEH. 
































UNTERLESCHOS5. DBERBA U. {Rrstaurctie 
Am 





ir en 

Ne 3, — Villa romaine de Mersch. 
d'ouverture, logés dans l’épaisseur des murs d'enveloppe. Les 
trous dont leurs parois sont percées, permettent au mortier 
de la maçonnerie de s’y introduire et d'assurer leur stabi- 
lité (1). Devant le dit fornaz gisait le praefurnium et le 
dépôt du charbon de bois servant de combustible. 


(1) Détail technique ingénieux, aujourd'hui oublié. On a trouvé auss 
des tubali à parois pleines ; ce sont ceux surgissant au-dessus des murs. 


JEINTURES MURALES 
SS 


k 


De: 





an! 


— 83 — 


Le cliché n° 3, fig. 1, donne le plan des substructions à 
l'échelle de 1,200 : B == hypocauste; A = fornax; P — 
praefurnium; c et À — caves ou celliers. OO 

Dans la fig. 2 du même cliché, nous avons essayé de 
dresser un plan de restauration du rez-de-chaussée de la villa, 
qui semble avoir été un pavillon de chasse, En voici le libellé : 
T'== salle à manger (triclinium); U et S = chambre à coucher 
et antichambre ({ab/inum)avec larges ouvertures à coins arron- 
dis et munies d’un velum ; À — vestibule (vestibulum), O == 
entrée (ostium); Q — cuisine, avec fournaise g et chaudière À 
placée sur une plaque en fer, recouvrant le fornax 4; V == 
veranda (peristilium) avec fragments de colonnes en grès; 
Z = passage (fauces); Wet X = loges pour l’esclave et les 
chiens. — À proximité du péristyle on trouva autrefois une 
citerne de 1"60 de diamètre, ainsi que des tuyaux d’une 
conduite d’eau. Dans un coin des caves gisaient des frag- 
ments de bois de cerf, des mâchoires de sanglier, d’autres os 
de gibier et un tas d’écailles d’huitres. 

En fait de monnaies on a trouvé: 


3 petits bronzes de Victorinus 1 (265-67) pesant 2; gr. RE AVG: 
k ’ 


1 petit bronze de Zéefricus I (267-283?) pesant 2,15 gr. | PAX Ge LE 
. 5 


1 Constans fort avarié; 

1 Nero (barbaris) (54- 68, pesant 6,9 gr. ; 

(de droite à gauche) IM (p) NERO (c) A (es) A. (r) AVG P MAX TRI (b. p.): 

1 grand bronze de Domifien (51-96) pesant 12; gr. IMP. CAES. DIVES. P. P. 
DOMITIANVS. V. C. F. M, (tête à droite, laurée), Revers : entre les 
lettres S et C, Minerve debout avec lance et bouclier; 

1 grand bronze de Wéron (54-68) pesant 81 gr. IMP. NER. CAES. AVG. 
(tête à droite, laurée). Revers : Minerve entre S et C. 

3 moyens bronzes de Faustina, pesant 1,75 gr., frustes; 

4 petits bronzes, fin 4e siècle, pesant 2 gr. et 

S fragments de monnaies détruites par le feu. — Total 15 monnaies. 


Il a été recueilli ensuite les objets marqués sur le cliché 
n° 4 savoir : 

Fig. 1. Grande broche (fbula) en bronze verdâtre, dont 
l’aiguille fonctionne encore ; 

Fig. 2. Agrafe en étain durci; 

Fig. 3. Petite. fibula en laiton, ornée d’une croix grecque; 

Fig, 4. Patite fibula en bronze ; 


€ 


— #4 — 


Fig. 5. Bouton en bronze; 

Fig. 6. Perle en pasta ; 

Fig. 7. Fragment de bracelet ; 

Fig. 8. Fragment d’anneau en laiton; 






FUNDSTÜCKE BEÏ DEN AUSLRABUNGEN AMIE 
Tm lag 











Ne 4. — Villa romaine de Mersch. 


Fig. 9. Fragment d’une lampe en terre cuite; 

Fig. 10. Fragment d’un vase en cristal avec ornements 
gravés; enfin quantités de fragments de poteries en terre 
cuite, de tasses en terra sigillata rouge et noire; de grands 


— 55 — 


clous en fer, de grandes tuiles plates à rebord (canali), des 
tuiles courbes (tegulae), de gros verres à vitre verdâtres, une 
mosaïque à dessins rectilignes blanc et noir, et des amphores. 
Des restes de bois calciné et de cendres indiquent que la villa 
a été saccagée par le feu, probablement lors de la première 
invasion des barbares du Nord. 

Mais ce qu’il y a de plus intéressant dans tout ce qui a 
été retiré des décombres de cette villa gallo-romaine, ce sont 
les fragments de peintures murales. Nous en avons repro- 
duit une partie sur la planche coloriée ci-annexée. Ces pein- 
tures al fresco sur stuc poli, sont d’une étonnante conserva- 
tion. Elles figurent des portions d'encadrement de panneaux, 
à fond alternativement rouge (fig. 5), vert (fig. 6), blanc et 
noir (fig. 11 et 13), qui ornèrent les murailles des salles prin- 
cipales 7, U et S de la villa. Ces encadrements se composent 
de bambous jaunes, veinés en rouge et bordés de filets noirs, 
blancs et rouges. Là, où le fond est blanc (fig. 12), il est 
orné de nénuphars verts à tiges rouges. — Ici le peintre 
romain avait, comme d'usage alors, cherché ses motifs de 
décoration dans la flore locale, qui, en ces temps reculés, 
fut encore lacustre. Sur le même dessin (fig. 7 et 8), nous 
avons marqué les fragments de moulures de plafonds et de 
mosaïques. Chose fort rare, ce sont les fragments d'aire 
(Estrich) en béton poli, peint en rouge avec motif globuli- 
forme en blanc (fig. 3). Sur quelques fragments, le fond 
rouge est orné de stries blanches ondulées, et le fond vert 
de courbes noires (fig. 1 et 3). 


* 
% * 


En considération du grand intérêt que les substructions 
de cette luxueuse villa gallo-romaine présentent pour les nom- 
breux touristes qui chaque année visitent le Grand-Duché, 
le Gouvernement, sur notre proposition, les a fait abriter sous 
un grand hangar maconné et couvert en tuiles. Sur une longue 
table en pierre, adossée à la paroi intérieure, à droite de la 
porte d’entrée, sont exposés tous les objets retirés des décom- 
bres et spécifiés ci-dessus. 


f 
— 86 — 
ES - dd 


Comme presqu’en tous points du plateau de la « Miés » 
qui mesure 14000"*, le sol est parsemé de fragments de bri- 
ques, nous avons fait continuer les fouilles au printemps de 
1906. Mais les résultats furent moins heureux que la pre- 
mière fois. On a bien retrouvé les vestiges de quatre autres. 
bâtisses romaines (voir cliché n° 5), mais dont aucune n’offrait 





N | | : — He ; d | UT 
. t 
EL DS | TARN IR AUFFUES- ED MERSCR ANGIEKTER RON: SUESTRULTIENER . | 


No 5. — Villa romaine de Mersch. 





un intérêt spécial. C'étaient apparemment les demeures, fermes 
et dépendances des colons, qui, durant les quatre premiers 
siècles de notre ère, occupèrent sur la Miés un grand village 
(vicus). Cette fois aussi on a retiré des décombres plusieurs 
monnaies, des tuyaux et tuiles romaines, etc., qui ont été 
réunies aux autres antiques du hangar prémentionné. 





Les sources de l’histoire 
du règne des archiducs Albert et Isabelle, 


par H. LONCHAY, 


Professeur à l'Université de Bruxelles. 


À première vue la littérature historique de l’époque des 
archiducs est extrêmement riche. Le début de leur règne a 
été raconté par un grand nombre’ d’auteurs de l’esprit le plus 
différent, par des nationaux comme par des étrangers, par 
des catholiques aussi bien que par des protestants. Les uns 
ont écrit en flamand ou en français, d’autres en italien ou 
en espagnol, quelques uns en latin. À côté d’histoires pro- 
prement dites il y a des mémoires qui ne traitent que des évé- 
nements dont les rédacteurs ont été les témoins, des panégy- 
riques qui-exaltent les vertus d'Albert et d'{sabelle, des 
pamphlets où se réflètent les passions politiques ou religieuses 
du temps. Les histoires générales de Pompeo Giustiniano, de 
Bentivoglio, de Carnero, de Lanurio, de Grotius, de Galucci, 
s'arrêtent à la trève de douze ans; l’œuvre de Van Meteren 
va jusqu'en 1612; les mémoires de Baudartius qui en sont 
la continuation s'étendent jusqu’en 1624 (1). Les événement: 
militaires ont attiré surtout ces écrivains. La Flandre était 
aldrs une grande école d'armes où se rendaient tous ceux 
qui voulaient apprendre l’art de la guerre. Les récits des cam- 
pagnes et des prises des villes étaient lus avec assiduité. De là 
la vogue de certaines œuvres qui rappellent par la composition 
les commentaires de César, tels — pour ne citer que les plus 
importantes — les Mémoires guerriers de Charles Alexandre, 
sire et duc de Croy, qui dépeignent si bien les mutineries des 


Ê 


(1) Sur les sources historiques de cette époque, beljes et hollandaises, 
ontre la Bibliographie de l'histosre ue Belgique de H. PIRENNE, voir DE WIND : 
Bibliotheek der Nederlandsche Geschiedschrijvers (Middelbourg 1831, les 
remarquables articles critiques de R. Fruin qui ont été réimprimés dans les 
tomes VII et VIII des Verspreide Geschriften du même auteur, et pour les 
éditions : la Bsbliotheca belgica de F. VAN DER HAEGHEN, ARNOLD et VAN. 
DEN BERGHE. 


— 88 — 


soldats espagnols; tel le mémorable siège d'Ostende de Chris- 
tophe de Bonours, qui rappelle ‘dans ses moindres détails un 
des plus glorieux faits d'armes de ce siècle, complétant le 
Journael de H. Van Haesten et les Commentaries de sir 
Francis Vere, le gouverneur de la place. L'histoire diploma- 
tique n'a pas non plus été négligée. Veut-on connaître les 
négociations qui précédèrent la conclusion de la trève de 
douze ans, on doit lire les lettres ou les mémoires des 
diplomates et des hommes d'Etat qui y ont été mêlés, comme 
Paul Choart, seigneur de Buzanval, le président Jeannin, 
Ralph Winwood, Jean Oldenbarnevelt; les dissertations éru- 
dites de Baudius et de Meursius; la relation du cardinal Ben- 
tioglio ; les pamphlets (1) et tous les écrits polémiques que cet 
événement suscita dans les deux pays, les Provinces Unies 
et les Pays-Bas catholiques. 11 nous est venu aussi un écho des 
agitations politiques ; la Justification apologétique pour l'avocat 
Rombaut Van Uden nous explique les troubles survenus à 
Bruxelles en 1619. Tout le monde, enfin, trouvera dans les 
célèbres relations de Bentivoglio une description exacte et 
colorée de la cour des archiducs ainsi que de la situation 
politique et religieuse des provinces rebelles et des provinces 
obéissantes au commencement du XVII: siècle. 

Il semble donc qu’on n’xit plus qu'à prendre la plume 
pour retracer l'histoire de cette époque. Mais on s'aperçoit 
vite que cette richesse: d'informations est plus apparente que 
réelle. Si l’on met à part les relations militaires qui n’intéres- 
sent plus qu’un petit nombre de lecteurs, les sources écrites 
de ce règne sont généralement incomplètes et inexactes. Dans 
la plupart le récit manque d’ampleur et l’impartialité en est 
souvent absente. Elles sont élogieuses ou médisantes, selon 
qu'elles sont d'origine belge ou hollandaise, qu’elles sortent 
d'une plume catholique ou protestante. Il était difficile à un 
aumônier de la Cour, comme Aubert le Mire, ou à un professeur 


(1) Pour les pamphlets en général, voir les catalogues de VANDER Wur, 
‘TieLE, Perir, KNUTTEL, etc. Pour la paix entre les Provinces Unies et 
l'Espagne, les Considérations d'Elat sur le traite de la paix aver les sérénissimes 
archiducz d'Autriche, publiées par Cr. RALHENBECK pour la Societé de l'his- 
doire de Belgique (Bruxelles 1869). 





— 59 amer 


«de Louvain, comme Vernuieus, ou encure à un prédicateur, 
comme D. B. de Montgaillard, parlant d'Albert ou d'Isabelle 
de garder la juste mesure dans l'appréciation des événements 
politiques ou religieux (1). La même [difficulté — il faut le 
reconnaître — existait pour les publicistes hollandais ou 
étrangers qui avaient à juger la politique espagnole. 

Seuls Van Meteren et Bentivoglio s'élèvent au dessus: 
de leur sujet. Consul des marchands hollandais à Londres, 
Emmanuel Van Meteren était, par ses relations et sa situation 
personnelle, à même de recueillir des informations sûres. 
Son histoire des Pays-Bas (2) est souvent celle des Etats 
voisins ; malgré les longueurs qui la déparent, elle est toujours 
intéressante. En certaines matières, les questions de commerce 
et de finances, notamment, Van Meteren est le plus compétent 
des historiens de son temps, et certains passages de son livre. 
par exemple, celui où il explique la grande conversion de la 
dette espagnole de 1608, ont presque la valeur d'un document 
original. C'est le plus important des historiens protestants de 
cette époque. | 

Le cardinal Bentivoglio, de son côté, est le plus remar- 
quable des écrivains catholiques. L'œuvre historique de ce 
diplomate, qui représenta le Saint Siège à Bruxelles de 1607 
à 1615, est considérable: Elle comprend une histoire de la 
guerre de Flandre, des mémoires, des lettres, des relations 
sur les Provinces Unies, les Provinces obéissantes, le Dune- 
mark, les Huguenots de France, la trève de douze ans, la 
fuite de France du prince de Condé, la campagne du Pala- 
tinat de 1614, sans compter toute la correspondarice diplo- 


(1) Cette remarque s'applique à l'Histoire de l'archtduc Albert de Jean 
BrusLÉ, dit Montpleinchamp. que ROBAULX DE SOUMOY a rééditée en 1870 
pour la Société de l'Histoire de Belgique. Cette compilation qui date de la fin 
du siècle ne méritait pas les ‘honneurs d'une réimpression. Elle a beaucoup 
moins de valeur que les notes de l éditeur qui forment un commentaire 
perpétuel fort savant. 

. (2) L'œuvre de VAN METEREN a été traduite en français, mais cette tra- 
duction est souvent défectueuse. Quant au travail original, il a été remanié 
par l’auteur, et il faut tenir compte des variantes que présentent les diffé. 
rentes éditions. Voir à ce sujet l’article.critique de FRUIN : De Aistoriën van 
Emanuel van Meteren dans les Verspreide Geschriften, Deel VII; pp. 382-411. 


er. 90 — 


matique du cardinal avec la cour de Rome qui n'a pas été 
jusqu'ici entièrement publiée (1). Il est peu de ces travaux 
qui n'intéressent directement la Belgique. Homme d'Eglise 
et diplomate, Bentivoglio parle avec une admiration marquée 
des souverains catholiques auprès desquels il fut accrédité. 
Mais il ne montre pas moins de sympathie à nos provinces où 
plusieurs de ses parents avaient combattu pour la cause 
catholique. Il a décrit nos institutions et la cour des archiducs 
dans des pages dont la sobriété n'exclut pas l'élégance. Ben- 
tivoglio passe en Italie pour un grand écrivain. I] sait rendre 
ce qu'il a vu et ne se perd jamais dans des détails oiseux. 
Si Van Meteren est le plus consciencieux des historiens de 
cette époque, Bentivoglio en est le plus agréable. 

Les sources imprimées étant insuffisantes, peut-on y 
suppléer par les documents manuscrits? En d’autres termes, 
que nous apprennent les archives sur le règne d’Albert et. 
d'Isabelle ? 

Les papiers d'Etat, du moins les correspondances poli- 
tiques que notre pays possède encore de ce temps sont con- 
servées aux Archives générales du Royaume dans trois fonds : 


(1) Le: principales œuvres du cardinal ont été réunies sous le titre de : 
Opere del cardinal Bentrvoglio (Paris 1615; in fol.). Elles comprennent la 
reiatione delle province unite di Fiandra,la r'elatione detle provincie abbidienti di 
Fiandra, la relatione di Danimarca, la relutione de gli L'gonotti di Franc, le 
trattato della tregua di Fiandra, la relatione della mossa d'arme per le cose di 
Clèves e di Giulers, ln relalione della fugua di Francia del principe de Conde, 
la guerra di Finndra, une ruccolta di letirre del cardinat Bentivoglio scritte à 
dsversi in lempo delle sue nuncrature de Fiandra e di Francia. 

Il faut y ajouter les Memorte ou Diario, qui furent édités à Amsterdam en 
1618. Erycius Puteanus avait publié à Cologne en 1629 les re/atione; la guerra 
di Fiandra parut dans la même ville en 1633. 

La correspondance diplomatique du cardinal avec le cardinal Borghèse, 
secrétaire de Paul V, pendant sa nonciature en France, a été publiée à Flo- 
rence par Liugi de Steffani, 4 vol. in 12 ,1863-70,. De sa nonciature à Bru- 
xelles nous ne connaissons que les lettres que Gachard a publiées ou analysées 
dans son étude : le cardinal Bentivoglio : sa nonciature à Bruxelles, 1607-1645, 
réimprimée dans les Ztudes et notices concernant l'histoire des Pays-Bus, tome 
LIT, pp. 95-168. Les instructions remises à Bentivoglio lors de sa mission dans 
notre pays ont été publiées par MM. Cauchie et Maere : Recueil des instruc- 
tions générales aux nonces de Flandre (1596-1635) dans les publications de la 
Commission royale d'histoire, in 8°, Bruxelles, 1904. 


— 9L— 


celui de l’Audience, celui de la Secretairerie d'Etat et de 
guerre et celui de la Secrétairerie d'Etat allemande (1). Le 
premier, formé des documents qui étaient confiés à la garde 
de l’Audiencier, le principal secrétaire d'Etat des Pays-Bas, 
a subi de grandes pertes (2). À la fin du XVIII: siècle l'archi- 
viste Wynants transporta à Vienne les lettres et les pièces 
diplomatiques les plus importantes, et jusqu’à présent l’Au- 
triche ne nous en «x restitué qu'une partie. Elle a retenu un 
nombre considérable de lettres des archiducs avec les Etats 
voisins. Aussi c'est à Vienne qu'on étudiera le mieux l’his- 
toire. de nos relations avec la France et l'Angleterre. On y 
trouvera, dit M° l'abbé J. Laenen, une série ininterrompue 
de missives diplomatiques qui se suivent dans un ordre 
chronologique à peu près exact. Il y a là, en dehors des lettres 
des archiducs eux-mêmes, des correspondances de Richardot, 
du comte d’Ayala, de Jean Simon, de de Prats, de Pecquius, 
de Renon de Bailly, de Sébastien Zanetti, de Ferdinand de 
Boischot, d'Henri de Vinch, du sire de Meulevelt, de C. de 
Clercq, de l’archevéque de Patras, nonce à Paris, etc., etc, 
en un mot, de tous les chefs de ministère en Belgique et de 
tous les ambassadeurs à Paris et à Londres (3). 

Les correspondances remises à l’Audience étaient en 
français. Celles que conservait le secrétaire d'Etat et de 


. guerre, fonctionnaire qui apparait à la fin du XVI" siècle, 


étaient en espagnol. C'étaient les minutes des dépêche: 
envoyées à Madrid par le gouvernement de Bruxelles, ou les 
originaux des lettres royales qui nous venaient d'Espagne. 
Ce fonds est très riche (4). Indépendamment des missives 


(1) Je pourrais citer aussi les registres des Ztats Généraux. Mais, pour 
l'époque qui nous concerne, ce fonds a été épuisé par Gachard, qui a publié les 
Actes des Etats Généraux de 1600 et de 1632, 

(2) Ainsi nos archives n'ont conservé qu'une partie de la correspon- 
dance de Pecquius. Elle a été utilisée par HENRARD pour son livre : Henré 
IV et le princesse de Condé 1609-1600 (Bruxelles, 1870 ; in 8°. Publication de 
la Société de l'Histoire de Belgique). 

(3) Voir la lettre à la Commission royale d'histoire du 14 juin 1906, où - 
il rend compte de sa mission aux archives de Vienne. Bulletin, tome 5. 

(4) On peut en juger par l'Znventaire sommaire, dressé par MM. À. 
GALLARD et E. DE BREYNK. 


— 92 — 


officiellès échangées entre les cours de Madrid et de Bruxelles, 
il renferme toute une série de documents relatifs à l’admi- 
nistration financière de l’armée et de nombreuses correspon- 
dances particulières. 

Malheureusement il ne contient presque rien de la cor- 
respondance secrète des gouverneurs des Pays-Bas et des 
ambassadeurs ou des agents espagnols placés auprès d'eux 
avec la cour de Madrid, non plus que les instructions con- 
fidentielles qui étaient remises à ces mêmes agents. Ces docu- 
ments restèrent en la possession de ceux à qui ils étaient 
destinés, puis après leur mort furent détruits ou vendus. 
L'Espagne a pu en garder un certain nombre. Ainsi les deux 
grandes bibliothèques de Madrid, la Nationale et la biblio- 
thèque de l’Académie royale d'histoire, possèdent un nombre 
considérable de lettres des archiducs-avec le duc de Lerme. 
La plupart ont été éditées avec d'autres écrits du même 
genre dans la grande collection dites des documentos inéditos 
para la historia de España (1), ou ont fait l'objet de publica- 
tions spéciales (2). 

Mais c'est aux archives de Simancas que sont les docu- 
ments les plus intéressants de l’époque des archiducs. Dans ce 
grand dépôt des titres et des papiers historiques de l'Espagne, 
on a gardé la correspondance de Philippe III avec Albert et 
Isabelle, les procès verbaux ou consullas des séances du con- 
seil d'Etat de Castille. où il fut question de notre pays, les 
instructions secrètes remises aux agents de l'Espagne à 
Bruxelles, entre autres celles données à Ambroise Spinola, 
qui de 1603 à 1627, c'est-à-dire pendant tout le temps qu'il 
résidu en Belgique, fut l’homme de confiance de la cour de 
Madrid, les rapports confidentiels de ces mêmes agents, parmi 
lesquels ceux de Spinola (3), de Baltasar de Zuñiga, du mar- 


(1) Voir la Bibliographie de l'histoire de Belgique de H. PIRENNE. 

(2) Par exemple : la corespondancia de la infanta archiduguesa doña Isabel 
Clara Eugenia de Austria con el duque de Lerma, que Mr A. Rodriguez Villa 
vient de publier dans le Boletén de la real Academia de la historria, 1905 et 1906. 

(3) C'est à l'aide des documents de Simancas que l'érudit précité a 
composé sa biographie de Spinola : Ambrosio Spinola, primer marqués de los 
Balbases (Madrid, 1905, 770 pp.). 


— 93 — 


quis de Guadaleste, et du cardinal de la Cueva, méritent une 
mention toute spéciale. Ce sont là des documents de la plus 
haute valeur et sans lesquels il est impossible de se rendre un 
compte exact des rapports des archidues avec l'Espagne, non 
plus de la situation politique et morale de notre pays pendant 
les vingt premières années du XVII° siècle (r). 

Les témoignages les plus précieux de l’histoire des ar- 
chiducs sont donc à l'étranger, à Vienne et à Simancas. Tant 
qu'on ne les aura pas recueillis, on ne pourra faire qu'un 
récit incomplet et inexact des grands événements de cette 
époque. De là l'embarras où se sont trouvés tous ceux qui ont 
tenté de les décrire. En 1843 le Gouvernement fonduit un 
prix de 3000 francs en faveur du meilleur ouvrage sur le 
règne d' Albert et Isabelle. L'Académie royale des lettres des 
sciences et des arts était juge du concours; elle dut le proroger 
à plusieurs reprises et, en définitive, écarter pour insuffisance 
les mémoires qu'elle reçut. Depuis lors il n’a plus paru sur 
ce sujet qué des travaux fragmentaires, comme celui de 
Potvin (2) et les études récentes de MM. Brants (3) et Wil- 
laert (4). Espérons que nous aurons bientôt un ouvrage d'en- 
semble qui nous montrera, dans son vrai jour, la situation de 
notre pays sous le règne d' Albert et d'Isabelle (5). 


(1) L'an passé, la Commission royale d'histoire m'a chargé d'une mission 
à Simancas. J'en ai rendu compte dans une lettre qui a paru dans le Bulletin 
{n° 3 de 1906) et dans un rapport plus étendu qui paraîtra prochainernent. 

(2) Albert et Isabelle, fragments sur leur règne (Paris et Bruxelles, 1861). 

(3) JEHAN RiICHARDOT (Louvain, 1891; in 8°, extrait du Museon). Les 
Théories potitigues des Pays-Bas sous les Archiducs Bruxelles, 1898 ; in 80. 
Bulletin de l'Académie). 

(4) Végoctations politico-religieuses entre l'Angleterre et les Provinces Unies 
(1598-1625), dans la Revue d'histoire ecclésiastique; en cours de publication 
depuis 1905. 

(5) Dans cette revue rapide des sources du règne des archiducs nous 
n'avons envisagé que l’histoire de notre pays et non les affaires étrangères à 
la Belgique dans lesquels ces princes intervinrent, comme la guerre d’Alle- 
magne, que novus connaissons par d'importants mémoires contemporains, 
tels ceux du seigneur du Cornet édités par DR ROBAULX DE Soumoyx en 1868 
pour la Sociélé d'histoire de Belgique, et la Relation des campagnes du bas 
Palatinat en 1620 et 1621, de don Francisco de Ibarra, publiée par MOREL. 
Fario dans l'Espagne au XVIe et au XVIIe siècle, pp. 315-488 (Paris, 1878). 


Développement 
à donner au système des fiches archéologiques, 


par L. CLOQUET, 


Professeur à l'Université de Gand. 





La nécessité s'impose, dans les pays de civilisation 
avancée, d’un vaste travail, qui n’est encore qu’ébauché, à 
savoir une enquête générale sur les richesses monumentales 
et artistiques publiques et privées. Des recueils doivent être 
formés par les Gouvernements pour constituer les archives 
monumentales de leur pays. | 

En France la Commission des monuments historiques, créée 
en 1837 sur l'initiative de Vitet et de Mérimée, et réorganisée 
en 1889, a amassé une collection de photographies des monu- 
ments anciens contenant environ 25,000 pièces ; mais elle est 
bien loin d’avoir achevé la vaste entreprise commencée en 
1877, pour constituer l’/nventaire général des richesses de la 
France (1). 

En Allemagne, dès 1819, Von Stein préconisait l’idée 
de réunir, pour les mettre à la portée des chercheurs, les docu- 
ments originaux de l’histoire de l’empire. Le Gouvernement a 
cherché dans la photogrammétrie le moyen de faire des rele- 
vés exacts des édifices et M° Meydenbauer a créé à Berlin, 

„dans ce but, un institut spécial qui a dressé les reproductions 
de plusieurs centaines de monuments. Le Gouvernement x 
‘d'autre part entrepris la rédaction d’inventaires archéologi- 
ques, rédigés d’une manière vraiment scientifique. D'un autre 
côté, MM. Dehio et Von Bezoid, P. Clemen, J. Kohte et 


(1) La France n'a guère encore classé, en moyenne, qu'une vingtaine 

- de monuments par départemént, sur une vingtaine de milles; le Répertoire 

archéologique n'a donné encore que huit départements (V. Rapport de 
‚Mr Couyba à Ja chambre des députés, k budsret général de 10). 


EE | 


— 95 — 


'E. Polaczck ont publié des inventaires contenant la notice 


abrégée des principaux édifices anciens du pays (1). | 

En Belgique la Commission royale des monuments a fait 
appel à ses comités provinciaux pour élaborer un inventaire 
archéologique des édifices publics (2). 


* 
% * 


Le travail dont il s'agitest d’une importance considérable. 
C'est une opération préalable et indispensable à une étude 
définitive sur l’histoire de l’art ancien dans les différents pays, 


‘comme à la connaissance intégrale de l'archéologie européenne, 
dans toutes les branches de cette vaste science. 


Ce travail est urgent, à cause des pertes continues et irré- 
parables que subit l'archéologie, par suite de la disparition 
incessante des objets sur lesquels portent les études. Il y a là 
une diminution progressive des éléments d'investigation. Le 
tempus edazx fatal annihile chaque année par centaines, pour 


ne pas dire par milliers, les documents concrets. sur lesquels 


sont basées les études d'archéologie artistique, lesquels pour- 
raient être remplacés dans une certaine mesure par des descrip- 


tions précises. 


Cette urgence accroît l'énorme difficulté de la tâche. Elle 


exige une procédure universelle et rapide, en même temps 
qu'une exactitude toute scientifique et une entière compétence 


de la part de ceux qui se partageront l'immense besogne. 
Nous croyons que l’entreprise est condamnée à un échec 
certain, ou du moins à des retards indéfinis, ce qui revient au 
même, si elle doit être réalisée par des méthodes centralisa- 
trices. 
* 
x # 


(1; Derio et Vor BezoLp. Handbuch der deutchen Kunsldenkmäler. 
Berlin, 1906. - P. CLEMEN. Die Kunstdenkmäüler der Rhein-provinz, 8 vol. 
€. Sehwana, Dusseldorf, 1906. — J. Kounrg. Der stand der Inventarisatión 
der Kunstdenkmüler im Deutschen Rsiche (Denkmalsnflege, 1, 3:, 1899. — 


.Æ. Pocaczck. Die Denkmäler-Inventarisation in Deutschland. (Deutsch Gbil. 


t. I, 11, III), 1899-1902. 
(2) V. Compte rendu du Congrès de l'art public en 1905, rapport de Mr 


TL CLOQUET, rapporteur de la 5° section. 





— 96 — 


L'État, malgré ses ressources puissantes, tenterait en vai 
de mettre en activité un personnel assez nombreux et assez 
compétent, pour opérer d'office un inventaire général et une 
description. convenable des objets en cause. On ne se figure pas 
que, dans l’espace d’un petit nombre d’années, des gens compé- 
tents, agissant en vertu d'un mandat spécial, puissent se trans- 
porter dans toutes les localités du pays, y atteindre tant 
d'objets. d'art anciens dispersés dans les lieux publics et chez 
les particuliers, les dessiner, les photographier et surtout les 
décrire tous avec la pertinence requise, alors que ces objets 
relèvent d'une multitude de spécialités diverses. Il faudrait en 
‘quêlque sorte qu'une académie de savants aux connaissances 
encyclopédiques parcoure tout le territoire, et y opère avec 
une activité surhumaine et avec des mnyens d’ investigation 
hors de sa portée. 
Ce travail réclame au contraire et essentiellement la 
division du travail. C'est ce qu’a compris la Commission royale 
des monuments de Belgique, qui a mis à l'œuvre ses correspon- 
dants des différentes provinces. Cet excellent organisme, qui 
dispose de l'élite de nos.archéolngues, parviendra, non sans 
‘peine, à dresser l'inventaire sommaire de nos principales riches- 
ses publiques. en l'espèce; il n'arrivera jamais à établir 
celui de toutes les œuvres d'art ancien notables, et laissera for- 
cément à l'écart celles surtout, qui n'ont pas été publiées dans 
Tes ouvrages d’érudition. 
| ‘Le problème qui nous occupe a reçu au contraire un com- 
mencement de solution partielle, dans le sens le pius désira- 
ble, c. a. d. celui d’une investigation très précise et très. 
fouillée. Le meilleur mode de tr: avail a été inauguré, selon 
nous, par l'institution des Wiches archéologiques de la Société 
d'histoire et d'archéologie de Gand. A la suite du Congrès 
de 1896, et sur la proposition de MM. P. Bergmans et A. 
Heins, celle-ci a créé l'instrument efficace, qui permettra de 
mener à bonne fin l’entreprise, si sa méthode se généralise. 
Remarquons en effet, qu'aucun archéologue assez com- 
pétent n'est disponible, (sauf de rares exceptions), pour 
procéder sur commande, consécutivemeni ou à un moment 
donné, à l'étude de tous les objets que doit embrasser une 


— 97 — 


section déterminée, quelque restreinte qu'elle soit, d’un inven- 
ventaire. Si même il entreprenait de le faire, il serait néces- 
sairement arrêté par j'insuffisance de la documentation, nul 
homme n'étant capable de faire à point nommé une série de 
découvertes sur des problèmes déterminés. D'ailleurs on ne 
pourrait pas, même au prix de dépenses fabuleuses, atteler 
d'office à pareille besogne, sur un programme donné, les 
capacités requises. 
en 


Au contraire il se trouve partout, grâce au mouvement 
d'études propagé par les sociétés d'archéologie, des hommes 
de science, qui orienteni librement leurs recherches dans 
différentes parties du domaine archéologique, des spécialistes 
indépendants, les plus compétents dans telie ou telle matière, 
qui sont les auxiliaires tout désignés pour ces inventaires, 
et qu'on tenterait vainement d'enchaîner à un travail 
d'ensemble et à une entreprise officielle. A ces spécialistes, 
on ne pourrait imposer la discipline voulue, pour la rédaction 
consécutive d'une série des monographies sommaires que 
. réclame tout objet compris dans l'inventaire général. Mais 
chacun, dans sa sphère, est disposé à faire au jour le jour et 
librement des études occasionnelles, qui peuvent constituer 
des matériaux précieux, quoique nullement coordonnés, de 
‘l'inventaire final. Laissons les se produire, stimulons le travail 
individuel, nous coordonnerons plus tard ses résultats et nous 
donnerons l'unité à l’ensemble. 

Si l’un de ces travailleurs libres se trouve de manière 
adventice propriétaire ou dépositaire d'objets d'art ancien, 
s’il se trouve amené par les hasards de ses recherches à pous- 
ser à fond l'examen d’une pièce ou d’une série de pièces, 
si par suite d’heureuses découvertes il peut reconstituer l’his- 
toire d’une œuvre historique, etc., il fera volontiers profiter la 
collectivité des travailleurs de son travail ou de sa bonne 
fortune. Il importe seulement, que les travailleurs de ce genre 
soient sollicités d’une manière générale, et qu’il acceptent 
une formule pour la présentation de leurs communications, de 
manière qu’elles puissent ultérieurement être incorporées dans 
‘un recueil général. 


— 98 — 


Qu'on veuille bien le remarquer, la description scientifi- 
que d'une œuvre d'art ancien exige des connaissances précises 
sur son origine, sur son milieu, sur son histoire, sur son style, 
etc., en même temps que sur sa technique, son interprétation 
iconographique, sa valeur esthétique, etc., et ces connaissances 
ne sont pas tous les jours en la possession de l’érudit qui est 
mis en présence de l’objet. Mais il vient un moment où un docu- 
ment,une révélation, une intuition quelconque nous est fournie, 
qui nous ouvre les veux et dissipe les obscurités qui enve- 
loppaient le sujet ; et ce jour-là, il nous est donné de rédiger 
la notice définitive, exacte et complète, que nous n'aurions 
pu fournir au moment où elle nous aurait été réclamée d'office ; 
un plus savant que nous, mandé pour procéder au même tra- 
vail, n'aurait fait que pauvre besogne. Il faut laisser naître et 
se produire à leur jour, les travaux que favorisent les circon- 
stances. Mais il faut que nous soyons incités à rechercher ces 
bonnes fortunes, et avertis que pareilles notices sont constam- 
ment attendues par la communauté des érudits, pour contri- 
buer à une œuvre nationale. 

Mais ainsi, objectera-t-on, ne se produiront que des tra- 
vaux de hasard, des notices isolées, un ensemble décousu de 
documents sans coordination. — C'est vrai; mais du moins l’on 
amassera des documents de valeur, d’excellents matériaux 
pour l'œuvre définitive. Ces travaux particuliers, à la longue, 
peut-être dans un temps assez court, formeront les éléments 
principaux de l'inventaire général. 


* 
# % 


Pour cela, deux conditions sont nécessaires. 

La première, c'est que pareil travail soit préconisé par 
une large propagande, et encouragé notamment par les Congrès 
d'archéologie; qu'on fasse appel à tous les travailleurs parti- 
culiers, pour que chacun contribue à l’œuvre collective; et 
qu'enfin les notices ainsi rédigées soient centralisées dans les 
mains d'un comité actif, qui en contrôle la valeur avant de 
les publier. 

La seconde condition, c'est qu’on arrête ne varietur et 
qu'on vulgarise une formule à suivre, pour que les notices en 


— 99 — 


question rentrent dans un cadre général et puissent un jour 
ètre réunies en un corpus unique, moyennant une dernière 
mise au point. Cette formule, il ne faut pas la chercher bien 
loin ; le type existe des fiches en question, dans celles de la 
Société gantoise d'histoire et d'archéologie. 

Une condition matérielle importante, c'est l'adoption d’un 
format unique. Que toutes les sociétés, toutes les institutions 
appelées à rédiger des descriptions sommaires de monument: 
et objets d'art, modèlent leur travail sur un prototype tel que 
celui que nous indiquons. Que par une généreuse condescen- 
dance, chaque éditeur de fiches accepte, sinon la formule, du 
moins le format des fiches gantoises,qui ont le mérite de la pre- 
mière initiative. Que chaque société archéologique sollicite de 
ses membres la description, sous cette forme, des antiquités 
locales, à mesure qu'ils auront chucun le goût de les étudier 
à fond, mais dans l’ordre de leurs convenances. 

Tous les membres des sociétés archéologiques ne sont pas 
appelés à produire des travaux d'érudition approfondis; mais 
la plupart peuvent, en se cantonnant dans leur compétence, 
produire de très utiles monographies fragmentaires, dont 
l'ensemble constituera bientôt une collection très riche. Il 
suffit pour s'en convaincre de jeter un coup d'œil sur la col- 
lection de quatre cent vingt fiches que contient déjà l'inven- 
taire gantois. 

Supposons que sa méthode se généralise; le jour ne 
serait pas très éloigné, où les matériaux d'un inventaire 
wénéral seraient amassés en bonne partie sous forme de 
fiches aisées à classer. À un moment qu'on entrevoit, il 
deviendrait enfin possible de compléter les lacunes, au moins 
pour certaines séries et pour certaines branches de l'archéo- 
logie, et il se trouvera des travailleurs d'élite pour entrepren- 
dre la mise au point définitive. 

Nous pensons que les comités provinciaux des monu- 
inents feraient œuvre vraiment méritoire, s'ils consentaient à 
adopter le format, sinon les formules, créé par le Comilé des 
fiches archéologiques de Gand, et à consacrer des feuillets 
séparés à chaque objet. 

Le format des fiches gantoises est de 25 sur 18 centimè- 


— 100 — 


tres. Il peut s'inscrire et s'encadrer dans celui des fiches 
moyennes du Æéperloire iconographique de U Institut interna- 
tional de bibliographie, lequel est de 27 1/2 sur 21 1/2 centi- 
mètres (1). 

Le Comité de Art monumental, siégeant au palais du 
Cinquantenaire, a consenti, sur ma proposition, à adopter cette 
mesure. Son distingué secrétaire, M° H. Rousseau, chargé de 
rédiger le catalogue du Musée des moulages, a bien voulu 
montrer l’exemple avec une bonne volonté dont il doit étre 
hautement remercié, en adoptant le format gantois pour son 
catalogue officiel, et nous espérons qu'il pourra l’adopter égale- 
ment pour une édition privée et illustrée de cet intéressant 
recueil. 

Nous insisterons en terminant sur la facilité qui résulte- 
rait pour les études particulières de chaque archéologue de ce 
mode de publication par feuillets indépendants, que chacun 
pourrait insérer dans ses dossiers d'étude suivant son classe- 
ment personnel. 


(1) V. Za Documentation de l'iconographie dans le Bulletin de Institut 
international de bibliographie, 1906, p. 129, Bruxelles, rue du Musée. : 


Faut-il encourager la création de Musées locaux 
et régionaux ? 


Rapport de Josepæ CASIER. 





« Les prisons de l’art, ce sont les Musées », a dit un 
écrivain de talent, critique estimé de la Revue des Deux- 
Mondes. 

Pour tenter la justification de cet aphorisme, M' de la 
Sizeranne, en des pages émues, signale le vandalisme ou 
lincurie des administrations qui, peu soucieuses des souvenirs 
du passé, les abandonnent ou les recueillent sans soin dans 
des locaux parfois obscurs ou trop exigus. 

Le changement est grand pour tant d'objets privés de 
leur cadre; tel portique, telle statue, tel fronton, tel crêtage, 
telle galerie ou balustrade charmaient l'œil lorsqu'ils occu- 
paient la place et accomplissaient la mission que leur avaient 
assignées l’architecte et le sculpteur. 

Arrachées de leur milieu, privées de la lumière qui en 
accentuait ou en harmonisuit les formes, rangées et catu- 
loguées dans un musée, ces épaves du passé paraissent 
dépaysées sous le dôme de verre qui leur servira d'abri. 

Mais sont-elles en prison, suivant le mot cité plus haut? 
Ah! certes, elles ne parlent plus à l'artiste ni à l’esthète: 
comme au temps où elles occupaient la place choisie par leur 
auteur. Mais la pioche a passé; de gré ou de force, ces débris 
du passé doivent quitter leur emplacement. 

Faut-il les abandonner à une totale destruction et leur : 
refuser l’hospitalisation ? Poser la question, c'est la résoudre; 
un musée bien organisé ne sera pas une prison, mais un 
hospice de vieillards que des soins vigilants maintiendront : 
en vie, en les disputant à l’effritement et à la mort qui les 
guettent. | 


— 102 — 


Les musées sont nécessaires; nul ne pourrait en contester 
-sérieusement l'utilité à des points de vue nombreux et divers. 
1 serait oiseux du reste d'insister au sein d'un Congrès d’his- 
toire et d'archéologie, en présence de savants qui out voué 
leur vie à réunir, classer, faire connaître, aimer et admirer 
les reliques du passé ou les chefs d'œuvre du génie humain 
confiés à leurs soins vigilants. 

Les musées étant des institutions utiles, il convient d'en 
créer; si J'en crois le critique dont je rappelais l’aphorisme au 
début de ce rapport, « jamais, » affirme-t-il, « jamais on n'en 
« vit tant bâtir pour tant d'objets ni de tant de sortes ». 

Il semblerait donc que tout le monde fût d'accord et 
qu'un courant généreux et unanime ralliât tous ceux que 
préoccupe cette question. 

Il s'en faut que l’entente soit aussi complète. Si le prin- 
cipe de l'utilité sociale et scientifique des musées est recon- 
nue, on se divise sur la question de leur diffusion; d'aucuns 
préfèrent concentrer les efforts et centraliser les résultats 
dans la capitale ou dans quelque ville importante. 

À ces partisans de la centralisation, moins nombreux 
que les décentralisateurs, mais plus puissants parfois parce 
que plus proches du pouvoir, les musées de province portent 
ombrage; pour peu, on leur reprocherait parfois le zèle mis 
à réunir les objets de provenance locale. 

Cette tendance est regrettable; à nos yeux, elle est con- 
traire à l'intérêt général. Combattre l'excès de la centralisation 
et favoriser la création de musées locaux ou régionaux, tel me 
paraît devoir être le but de nos efforts; j'en forme le vœu et 
voudrais le justifier par quelques courtes considérations. 

Une distinction préalable s'impose entre les diverses 
sortes de musées. 

Il en est qui, à raison de l’origine, de la nature, de la 
valeur exceptionnelle ou de la rareté des ohjets exposés, ne 
sauraient être multipliés; je classerai dans cette catégorie les 
musées de préhistoire générale, d’antiquités égyptiennes, 
grecques ou romaines, voire d'archéologie générale, bref 
toute coliection formée par des recherches à l’étranger, ou pour 
l'étude synthétique de l’histoire de l’art. 








— 103 — 


Pareils musées nécessitent des frais trop considérables, 
tels que missions à l'étranger, subsides importants de l'Etat, 
personnel choisi et savant. 

D'autres musées offrent un intérêt trop restreint ou ne 
peuvent être appréciés que par une élite de savants; leur mul- 
tiplicité ne s'impose pas. 

La départition entre ces divers genres est une question 
de fait, facile à résoudre dans chaque cas; encore peut-on 
facilement éterrdre l'utilité de certains musées par des repro- 
ductious en moulages et le dépôt de ceux-ci dans les musées 
locaux. | 

Il en va autrement à mes yeux pour les musées d'archéo- 
logie, de peinture et sculpture locales ou régionales, d’art 
industriel et décoratif. 

En principe, il est préférable de laisser les œuvres d'art 
et en général les productions du génie ou de l'activité 
humains daus le milieu qui les a fait éclore et, si possible, 
dans le cadre pour lequel leur auteur les a concues. Le 
milieu, l'ambiance expliquent parfois une étrangeté, une 
naïveté, uu procédé, une formule de style qui ailleurs ne- 
trouveraient pas leur justification. 

Aussi, dès l'instant qu’uu objet quelconque digne d’inté- 
rêt perd sa destination locale, il faut le recueillir dans le 
musée régional et l’éloigner ainsi le moins possible de son lieu 
d’origine. Sans doute, chaque ville ou village n’aura pas son 
musée ; les ressources et les objets intéressants feraient défaut. 

Mais dans la mesure du possible, je voudrais voir se 
multiplier les musées et empécher la centralisation. De nom- 
breuses raisons peuvent étayer cette thèse; je me borne à en. 
signaler quelques-unes. 

Le culte du souvenir, le respect du passé, l'amour du. 
sol natal, la fierté nationale sont des sentiments dignes d'être. 
cultivés et développés. Le passé renferme toujours une leçon. :. 
initier le peuple à ce passé, lui faire sentir, palper, apprécier, 
admirer les phases de son histoire, par la vue des œuvres et 
des travaux de ses ancêtres, c’est faire œuvre utile et sociale 
au premier chef. 

Mettre sous les yeux et à la disposition de l'artisan les. 


— 104 — 


modèles ou documents capables de perfectionner son métier 
par le développement du sentiment artistique, c'est ennoblir- 
sa tâche quotidienne; c'est faire œuvre utile et sociale. 

Inculquer au public la connaissance des œuvres d'art, les 
Jui faire apprécier et aimer, susciter dans l'âme d'une élite la 
compréhension du beau, éveiller peut-être des vocations artis- 
tiques, n'est-ce pas également faire œuvre utile et sociale? 

Un musée d'archéologie, un musée d'art décoratif, un 
musée des Beaux-Arts atteignent ces divers buts, à condition 
d'être d'un accès facile pour le public. 

La masse est indifférente parce qu'ignorante; elle est 
comme l'enfant privé d'école et de maître: elle ne s'instruit 
pas sans voir. Si la Belgique entière ne possédait qu'une 
école, que serait linstruction? Poser la question, c'est la 
résoudre. 

Et n'en serait-il pas de même au point de vue de l’art, 
s'il n'y avait qu’une seule académie de dessin? Ne priverait-on 
pas la grande majorité du pays de toute culture artistique? 

Le musée est également une école, école d'une nature 
spéciale peut-être, mais école quand même. Il faut mettre: 
ses lecons à la portée du plus grand nombre. . 

Multiplier les musées, c’est répaudre l'instruction, émou- 
voir le culte du passé, susciter l'amour du beau; c'est éveiller 
peut-être des talents qui sommeillent et s'ignorent; c'est 
mettre aux mains d’un plus grand nombre les outils qui leur: 
faciliteront le chemin de la vie. ! 

A ces considérations, j'en veux ajouter de plus spéciales 
encore, au sujet du type de musée archéologique, dans la plus 
large acception du mot. C'est ici que le musée local s’impose 
le plus impérieusement. 

La transformation des villes est un fait que rien ne. peut 
enrayer; il résulte des nécessités sans cesse croissantes de la 
vie moderne, des exigences justifiées de l’industrie et du com- 
merce, de l'augmentation de la population des villes, des 
besoins de l'hygiène et des exigences du progrès. Ce fait s'im-: 
pose ; il est juste et nécessaire de l'accepter. 

Mais si le progrès impose des sacrifices, il faut qu ‘ils soient: 
justifiés ; car l’histoire a ses droits également ; et lorsque celle- 





— 105 — 


ci réclame la conservation de quelque monument ou souvenir 
du passé, un administrateur soucieux de justice ne peut porter 
légèrement la main sur eux; ils ne seront jamais mieux qu’à 
la place assignée par leur auteur. 

Si leur disparition ne peut être évitée, il convient de les 
recueillir pieusement et de les garder dans l'atmosphère qui 
les vit éclore. Hospitalisés au musée local, ces épaves parleront 
à ceux qui les ont vues en place ou sont familiarisés avec le 
passé de leur ville. Ce langage sera moins clair, obscur peut- 
être pour l'étranger qui ne s'y intéressera pas. Et de l'indiffé- 
rence à l’oubli, de celui-ci à l'abandon, à la destruction, il n'y 
a qu'un pas; il est vite franchi. 

Et ainsi par l'absence de musée, le passé d’une ville 
disparait. 

Etudier, analyser, classer, cataloguer ces débris du passé 
afin d’en former ensuite une synthèse instructive, nul ne le 
pourrait mieux que ceux qui ont vécu parmi ces souvenirs et 
les ont arrachés à l'indifférence ou à la cupidité. L'étranger ne 
saurait se passionner pour des objets qui lui paraissent insigni- 
fiants, mais que l'œil de l’autochtone reconnaît aisément, qu’il 
aime et dans lesquels il retrouve le filon d’une tradition locale 
ou la marque d’une origine. 

L'étude de l’histoire et de l'archéologie n'est qu'une vaste 
enquête, d'autant plus précise, plus exacte, plus vraie, plus 
fructueuse en un mot, qu'elle s’appuie sur des documents plus 
nombreux et mieux contrôlés. La multiplication des musées 
divise le travail et partant le rend meilleur et plus productif ; 
c'est la ruche qui produit d'autant plus de miel que les alvéoles 
et les abeilles sont plus nombreuses. 

Combien de talents s'ignoreraient, combien de chercheurs 
seraient demeurés inertes, si la vue de quelques souvenirs, 
soigneusement conservés dans la maison communale ou dans 
le trésor de l’église paroissiale, n'avaient éveillé leur curiosité 
et déterminé leur volonté vers l’étude du passé. 

Le. musée local est encore l’accessoire sinon nécessaire, du 
moins utile, de tout groupement scientifique, société ou cercle 
d'histoire ou d'archéologie. Il excite l’amour-propre, suscite 
l'émulation, flatte la vanité. 


— 106 — 


L'heureux possesseur d’un objet intéressant, œuvre d'art 
ou souvenir de famille, en confiera le dépôt au musée de sa 
ville. La vanité est bonne conseillère à ce propos ; et pourquoi 
ne la flatterait-on pas? Peu importe d’ailleurs le mobile, si les 
objets sont mis sous les yeux du public et si le champ des con- 
paissances s'étend. 

Un musée local fournit à des administrateurs zélés l’occa- 
sion d'associer la générosité privée aux ressources publiques; 
pareil appoint peut être parfois considérable ; et ne fût-il que 
modeste, il aurait encore à mes yeux le mérite d'élargir 
le cercle des collaborateurs et des amateurs; on apprécie 
d'autant mieux nue chose qu'on s'est imposé des sacrifices 
pour elle. 

On me permettra de citer un exemple qui me parait 
péremptoire. | 

En 1897, s’est fondée à Gand une société d’ullure modeste; 
sous le nom des « Amis du Musée de Gand », ses promoteurs 
ont tâché de réunir tous ceux qui s'intéressent à Gand aux 
choses de l'art. 

Le but de la société est d'enrichir la seciion ancienne du 
musée des Beaux-Arts. Elle laisse à chacun de ses membres le 
soin de fixer sa cotisation annuelle: en fait, celle-ci varie de 
3 à 200 francs. 

Depuis sa fondation, trois fêtes d'art ont augmenté les 
ressources; et celles-ci ont été accrues largement par les 
subsides des pouvoirs publics. Ces subsides étant donnés en 
proportion des ressources propres de la société, il en résulte 
pour celle-ci un précieux encouragement et un stimulant pour 
rechercher sans cesse de nouveaux adhérents. 

Le résultat de cet effort d'apparence modeste a été consi- 
dérable : en moins de dix ans, les Amis du Musée de Gand 
ont offert au musée de leur ville, 36 tableaux anciens, 5 scuip- 
tures et 1 dessin, au total 42 œuvres d'art, dout quelques-unes 
de premier ordre. 

Telle est la moisson récoltée par l'initiative de quelques 
amateurs, initiative qui ne se serait pas produite eu faveur 
du musée d'une autre ville. 

Bruges a un groupement pareil, moins ancien que celui 





— 107 — 


de Gand, mais très actif et dont ies efforts ont été couronnés 
de succès. 

Ces groupements ont produit ce double résultat d’accroi- 
tre les collections et d’intéresser le public aux choses de l’art. 

Je souhaite que cet exemple soit suivi dans toutes les villes 
qui ont un musée ; ce serait le signe indubitable d'un mouve- 
ment intense d'art et d'archéologie. 

Ceux qui auront coopéré à cet effort d'une haute portée 
sociale prouveront qu'ils ont compris le mot de William 
Morris : « Je ne veux pas d’un art pour le petit nombre, non 
« plus que d’une éducation pour le petit nombre. » 

À tous, aux petits comme aux grands, aux pauvres 
comme aux riches, je voudrais avec l’appui et le concours du 
Congrès, inspirer un peu plus d'idéal et avec lui, un peu plus 
de joie dans la vie. 


Gand, 4: février 1907. 


Note sur l’influence brabançonne sur les édifices 
flamands de style flamboyant, 
par le Chanoine MAERE, 


Professeur à l’Université de Louvain. 


La question de l'influence brabançonne sur les édifices 
flamands de style flamboyant suppose un double problème : 
quels sont les caractères communs aux édifices brabancons et 
à ceux de la Flandre à l'époque du gothique tertiaire? est-on 
en droit d'attribuer au Brabant l’origine des caractéristiques 
communes ? | 

Pour résoudre adéquatement ces problèmes il est néces- 
saire d'étudier les monuments civils, les églises rurales et les 
grandes collégiales de style flamboyant qui ‘existent dans 
l'ancienne Flandre et de les comparer avec les monuments de 
même genre conservés dans l’ancien Brabant. L'étude, dans 
les deux contrées, de ce qu’on peut appeler l'architecture 
mineure, représentée par les cheminées, les retables, les jubés 
etc., peut fournir des éléments importants pour la solution de . 
la question. 

D'autre part l'examen peut porter sur plusieurs périodes 
distinctes, car le style flamboyant, pas plus en Belgique que 
dans les autres pays, ne demeura le même durant tout le temps 
de sa vogue. — Il peut porter aussi sur une région restreinte 
ou même sur un édifice isolé. 

Les sources écrites et les sources monumentales peuvent 
présenter pour nos recherches une égale utilité. Les premières 
font connaître le nom, l’origine, les relations, l'activité des 
architectes et des artistes, l'âge des monuments et des œuvres 
d'art; les secondes permettent de constater les ressemblances 
et les différences entre les édifices quant au plan, à la moulu- 
ration, au tracé des arcs et des baies, aux proportions, à 
l’ornementation sculpturale, etc., etc. 

Les recherches que comporte la question sont donc éten- 
dues, mais d’autre part on peut les circonscrire sans difficulté 
à un point spécial et précis. 


EE 





Relevé des stations belgo-romaines 
actuellement connues dans le Pays de Waes, 
par G. WILLEMSEN, 


Président du Cercle archéologique du Pays de Waes, à Saint-Nicolas. 


I. 


Relevé des objets romains découverts au 
Pays de Waes (1). 





BELCELE. 


1° En 1780 un cultivateur a déterré à Belcele une urne 
funéraire (2). 

2° Vers 1840 on a mis à nu des substructions mucon- 
nées (3) au lieu dit : Steenwerk. 

3° De tout temps les débris de tegula, d'imbrez et d'autres 
objets céramiques venus à la surface du sol ont été employés 
pour remblayer les ornières des chemins de terre (4). 


(1) Sigles employés : 
DBR = Recueil d'Antiquités Romaines et Gauloises trouvées dans la 
Flandre proprement dite &2 par M.-J. de Bast. A Gand, chez A.-B. 
Steven, Imprimeur, Marché aux Grains, an XII, 1804. | 
DBS* == Second supplément au recueil d’Antiquités Romaines et Gauloi- 
ses &a, par M.-J. de Bast, à Gand, chez la Veuve A.-B. Stev en, 
Imprimeur-Libraire, Marché aux Grains, 1813. 
VDB == J" A.-J.-L. vanden Bognerde. Het distrikt St. Nikolaas voorheen 
Land van Waes. Bij E. Dorey, drukker van het distrikts- kommis- 
sariaat, 1825. 
BARAB — Bulletin de l’Académie Royale d'Archéologie de Belgique. 
APW = Annales du Cercle Archéologique du Pays de Waes. 
AT = Annales du Cercle Archéologique de la Ville et!de l'ancien Pays 
de Termonde. 
(2) DBR. 188. 
(3) APW. II, 209 ss. 
(4) Ibid, 


— 110 — 


4° À une date indéterminée, au même endroit il a été 
découvert un petit puits formé par deux pierres portant des 
caractères ressemblant à la lettre L; il s’y trouvait un petit 
vase en pâte blanche, il était vide (1). 

5° À des époques indéterminées il a été trouvé, toujours 
au Steenwerk, des jetons, médailles ou monnaies (2,. 

6° Vers 1865, un écolier a trouvé dans la cour de 1’ école 
communale une médaille en cuivre rouge représentant une 
tête casquée avec l'exergue VRBS ROMA. Feu le D' van 
Raemdonck suppose que c'est une médaille de Constantin le 
Grand, frappée à Constantinople, mais il ne dit pas sur 
quelles bases il étaie sa supposition (3). 

7° Près du Cleemstraat (ancienne voie romaine); on a mis 
à découvert à une date indéterminée des voûtes de cave (4). 

8° Au lieu-dit de kauter, il a été trouvé à une époque 
non déterminée un vase brisé et vide (5). 

9° Le 6 juin 1865, on a découvert des fragments de 
tegula dans une pièce de terre à 100 mètres de l’église (6). 

10° En 1864-65 le Cercle archéologique du Pays de Waes 
effectua des fouilles méthodiques dans la parcelle n° 1391 du 
Sleenmerk, sous la direction de feu le D' van Raemdonck (7). 

Le Steenwerk a une étendue de 140 hectares environ. Il 
est ondulé, les parties hautes sont sablonneuses, les parties bas- 
ses, grasses. Il est entièrement parsemé de tessons et de 
débris céramiques. Il est situé entre deux diverticula, dont 
l'un n'est éloigné que de 400 à 500 mètres de la parcelle 
explorée. Il se trouve actuellement à la côte 30. 

Diverses légendes se rapportent au Steenwerk : 

A 1° à l'époque où Belcele était grand comme Paris, il 
y avait à cet endroit une grande église dont les cloches ont 
été enfouies dans la terre. 


— en ae 


(1) APW. II, 209 ss. 
(2) Ibid. 
(3) Ibid. 
(4) Ibid. 
(5) Ibid. 
(6) Ibid. 
(7) Ibid. 





— 1 — 


2° les cloches se sont enfouies à la suite des blasphèmes 


_ du voiturier qui les transportait. 


3° L'église. et les cloches ont été englouties en même 
‚temps. 

L'endroit où les cloches se sont engouffrées, s'appelle 
encore Klokput ; pendant la nuit de Noël les paysans se ren- 
dent sur ce champ, appliquent l'oreille contre terre et enten- 
dent une sonnerie souterraine. 

B. Il ya un grand nombre de siècles c'était le séjour 
d'Egyptiennes. Elles habitaient des trous ou fossés, se mon- 
traient peu, parlaient des langues étrangères, prédisaient 
l'avenir, se vengeaient des paysans qui les repoussaient, 
étaient bienveillantes pour les autres; personne n'osait s’ap- 
procher de leurs retraites. La nuit elles faisaient du feu contre 
les granges et les meules sans les incendier, se rendaient 
dans les fermes pour y faire la lessive. Le matin, au réveil, 
celle-ci était achevée, quelle qu'eût été la quantité de linge 
à laver. 

C. Le Steenwerk continue à être hanté, on y a vu maintes 
fois des feux follets. Un jour deux paysans convinrent de par- 
tager tout ce qu’ils trouveraient. L'un d’eux trouva un pot 
noir rempli d'argent, n'en dit rien à l'autre, se proposa de 
revenir plus tard pour avoir seul le butin. À son retour, tout 
avait disparu. Si au moment de la découverte il n'avait 
emporté qu’une pièce, le charme eût été rompu et il aurait 
pu tout prendre le lendemain. 

Les fouilles de 1864-65 mirent au jour les objets suivants: 
Objets céramiques : 

Potgries : pseudo-samien (dontuneaveclesigle PRVAF-O), 

noires, 
blanches, 
diverses (rouge, jaune, gris, &* de petite dimension). 

Briques. 

Tuiles (tegula et imbrex). 

Boîtes d'hypocauste. 

Pierres réfractaires. 

Objets lithiques : 
 Moëllons en pierre de taille contenant des coquillages 
fossiles communs dans les carrières de Tournai; 


— 112 — 


Pierre calcaire (pyramide tronquée). 

Fragments de pierres à aiguiser. 

Parties de deux meules à moudre le blé. 

3 fragments de lave d'Andernach (fragments de meules?). 

Objets métalliques : 

Bronze : 
bague (diam. extérieur 0.020"). 
anneau (diam. ext. 0.045") muni d’une forte pointe 

(long. 0.070") 

Fer : 

Dent de fourche. 

Crochet en fer ayant la forme d'une gaffe de bate- 
lier qui a servi probablement à attacher les réci- 
pients servant à puiser l’eau. | 

Cendres de bois. 
Pierres réfractaires. 
Mortiers : 

dà maconner (chaux, sable et brique ou petit cailloutis 
concussé); 

& revélir (chaux, sable et brique ou charbon pilé); 

d pavage (sur un lit de briques, couche de mortier de 
brique concassée (0"09 épaisseur), sur laquelle on 
verse un bain de chaux comprenant des fragments 
de briques ou de poteries). 

Débris animaux : 

Porc, cheval, vache, sanglier, mouton, chien, oiseaux 
de basse-cour. 

Enceinte murée : 7". 

Partie superieure d'un mur (à 0"96 sous le sol). 
Partage (à 1°40 sous le sol) Dimensions : 4"94 x 4982. 
Murs : Hauteur : 0749 

Epaisseur : 045 
Longueur : 3"55 
0280 
1"30 
2267 

Composés de briques, mais en grande partie de tegel 

brisées, reliées au moyen du mortier décrit ci-dessus: 


— 113 — 


11° Le 1" février 1892, on trouva dans la parcelle n° 1415, 
du steenwerk à 0"40 de profondeur, sous un rogsteen, un petit 
vase en terre cuite, rond et sans ouverture contenant 1526 
monnaies ou médailles romaines, représentant à l'avers les 
effigies de trente empereurs ou impératrices et au revers trois 
cent vingt-quatre légendes différentes (1). 


Voici l’énumération des effigies : 


Antonin le Pieux (138-161) 2 pièces 
Marc-Aurèle (161-180) 1 » 
Septime Sévère (193-211) 1 » 
Julie Domme (198-204) 3 » 
Caracalla (211-217) 3 » 
Julie Maesa (218-223) 3 » 
Macrin (217 ) 1 » 
Elagabale (218-221) 10 » 
Alexandre Sévère (222-235) 4 » 
Maximin I (238-245) 4 » 
Maxime (238 ) 1 » 
Balbin (238 ) 2 » 
Pupien (238 ) 2 » 
Gordien le Pieux (238-244) 480 » 
Philippe (Père) (244-249) 307 » 
Otalicie (244-249) 54 » 
Philippe (Fils) (247-251) 37 » 
Trajan-Dèce (249-251) 94 » 
Etrucille (249-251) 28 » 
Herennius (249-251) 9 » 
Hostilien (249-251) 
Tribonien Galle (251-254) 954 » 
Volusien (252-254) 51 » 
Emilien (253-254) 7 » 
Valérien (253-260) 72 » 
Mariniana (254 ) 3 » 
Gallien (253-268) 112 » 
Salonine (253-268) 66 » 


1) APW. XIV, 41. 


— 114 — 


Sulonin (253-259) 39 pièces 
Posthume (258-267) 72 » 
Tous les objets énumérés ci-dessus aux n°* 9°, 10° et 11° 
sont déposés au Musée archéologique du Pays de Waes, à 
Saint-Nicolas. 


BEVEREN-WAES. 


le En 1816 on a déterré à Beveren, à un endroit non 
déterminé, 54 pièces romaines, dont 21 furent acquises par 
la collection Le Bègue, fils. à Gand. Ce sont: 

À. Moyens bronze: : 


Caracalla 1 exemplaire (fleur de coin). 
Géta 1 » 
Balbinus ] > ( » ) 
Sevère 1 > 
Volusien 3 > (dont 1 » ) 
B. Petits bronzes : 
Alexandre Sevère 1 > ( > ). 
Julia Mamea 1 » 
Philippe, père 2 » 
Severine 3 » (dont 1. » ). 
C. Non indiqué : 
Tacite l » ( » ) 
Probus 2 > ( » . 
Les Constantins 4 » (dont 1 » )(4). 


2° En faisant des fouilles pour la construction des fonda- 
tions du nouvel Hôtel-de-Ville, on a mis au jour 3 bronzes 
romains dont les effigies n’ont pas été décrites (2). Cette 
trouvaille a été faite vers 1865. 


BORNHEM. 


re 


Les 7 et 8 mai 1781, en jetant les fondations de la 
nvuvelle écluse, à l'embouchure du Vieil-Escaut dans l'Escaut 
actuel, en face de Tamise, à 33 pieds de profondeur et à 7 





(1) VDB. I, 17. 
(2) APW. 11, 235. 


— 115 — 


à 8 pieds au dessus des eaux de la rivière, les ouvriers mirent 
les objets suivants au jour : 

1° Plusieurs médailles de Commode en bronze (180-193. 

2 Un petit casque. 

3° Une tête, un braset une jambe brisée. La tête était 
haute de cinq pouces environ. La jambe et le bras paraissaient 
fraîchement rompus. 

4 Un mortier. 

5° Une petite statue de Jupiter (Huut. 10 '/, pouces) 
lancant la foudre d'une main; l'autre bras de la statuette fut 
retrouvé un peu plus loin. 

6° Le piédestal de la statuette. 

7° Une pierre votive portant l'inscription suivante : 


I. O. M. 
IMBRIVS 
VERAT 
TIVS 
V.S. L. M. 
Que l’on peut lire : 
Jovi Optimo Maximo 
Imbrius Veratius 
Votum solvit lubens merito 
ou : libente merito. (1) 


En 1786, de Bast acquit 42 médailles en bronze trouvées 
au même endroit et à la même époque. | 

Cet achat se décompose comme suit : 

1° 25 grands bronzes : 


Antonin le Pieux 3 exemplaires. 
Lucius Verus 2 » 
Lucille ] » 
Commode 9 » 
Helvius Pertinax | » 
Didius Julianus l » 


— — —_— ‘ee ae —— 


(1) Heylen, mémoires de l'ancienne Académie de Bruxelles, IV, 463: 
DBR, 189; APW, VI, 309 (E. Best, Bornhein, sa Châtellenie, son Château, 
ses seigneurieg). 


— 116 — 


Albin l exemplaire. 

Septime Sévère 3 > 

Julie (Ux. du précédent) 3 » 

Caracalla 1 » 

2° 17 moyens bronzes : 
Faustine la mère 1 
Marc-Aurèle 1 
Lucius Verus 2 
Commode ti 
Faustine la Jeune 3 
Pescennius Niger 1 
Crispine 1 
Septime Sévère 1 


Vv U y EE y Vv Vv v 


(1) 
DACKNAM. 


En 1819 il fut découvert aux environs de Dacknam 
plusieurs médailles et monnaies en argent : 
Jules César, 
Auguste, 
Commode, 
Nerva, 
les Philippe, 
Decius, 
Gallus, 
et deux médailles consulaires : 
gens Marcia, 
gens Minuccia. 
Toutes ces pièces faisaient partie en 1825 des collections 
de Jacques de Naeyere à Gand. (2) 


HAESDONCK. 


Quoique les trouvailles aient été faites principalement 
sur le territoire ‘le Tamise, nous en faisons mention sous cette 
rubrique, d’abord parce que l'endroit où elles furent faites est 


(1) DBR. pp. 193 ss. 
(2) VDB. II, 13. 


— 117 — 


plus rapproché de Haesdonck que de Tamise et ensuite parce 
qu'elles sont plus connues sous le nom de : Cimetière belgo- 
romain de Haesdonch. | 

La première urne fut découverte en 1878 (1), mais j’atten- 
tion ne fut sérieusement attirée que vers 1885 lorsqu'on com- 
menca l'exploitation industrielle (sablière) des parcelles situées 
à Tamise, Veldmolenwijk n° 462, 463 et 464 du cadastre, et 
Haesdonck, Gavers n° 547 et 548, et successivement, en sui- 
vant attentivement et patiemment les travaux d'extraction du 
sable, nous pûmes, le D'J. van Raemdonck d’abord, nous 
ensuite, ramener à la surface 82 vases, grands et petits, qui 
sont tous déposés actuellement au Musée du Cercle Archéolo- 
gique du Pays de Waes, à S'-Nicolas. Ces urnes étaient 
symétriquement déposées dans le sol sur des lignes droites et 
presque parallèles allant du S. au N. Cette même disposition 
semble exister de E. à W., mais elle est moins nettement 
accusée. 

Les urnes retrouvées nous mettent en présence de trois 
civilisations distinctes qui nous mènent jusque vers l'époque 
franque. La plupart des urnes cinéraires renfermaient une 
petite urne d'offrande posée, soit debout, soit renversée. 

Près de ces vases furent trouvés divers objets en bronze 
qui attestent qu'ils appartiennent à la période belgo-romaine. 
On y mit aussi au jour un clou semblable à ceux que nous 
avons retrouvés dans la charpente du puits romain de 
Thielrode et dans les puits quadrilatéraux de Steendorp. On 
y a aussi exhumé des perles en terre cuite et quelques petits 
couteaux grattoirs, et une magnifique hachette en silex poli 
qui fut probablement une arme d’offrande pour funérailles (2). 


KEMSEKE. 


Alvinusberg. — D'après la tradition il existait à cet 
endroit une sépulture romaine ou espagnole. En 1864-65 il y 
a été pratiqué des fouilles par les soins du Cercle Archéologi- 


(1) APW. XI, 235. 
(2) APW. XI, 338 ss; APW. XII, 199; AT. 2 série XI, 251 as. 


— 118 — 


que du Pays de Waes. On n’a pas découvert de substructions, 
on n'y a trouvé qu'un certain nombre de débris de poteries 
romaines. (1) 


LOKEREN. 
1° Antérieurement à 1804 on a déterré à diverses époques 


dans les environs de Lokeren des médailles romaines en 
argent aux effigies suivantes : 


Trajan 2 exemplaires. 
Constance Chlore 1 » 
Constance II ] » 
Julien l’Apostat 1 » 
Valens | p 
Honorius 1 » 
Victor 1 » 


La médaille de Constance Chlore représente au revers 
quatre soldats sacrifiant devant la porte d'un camp; légende : 
Victoria Sarmat. 

Sur le revers de celle de Victor : Rome assise tenant un 
globe et une haste; légende: Virtus Romanorum; Exergue 
MD. P. 5. (mediolani pecunia signata). 

Toutes ces pièces faisaient partie de la Collection de 
Bast. (2) 

2° En novembre 1810, un cultivateur en déracinant un 
arbre a rencontré deux médailles de Néron, moyen bronze. 
Les types et les légendes étaient frustes. (3) 

3° En 1819, entre Seveneecken et le Keersmaeker, on a 
mis au jour en bêchant un champ plusieurs pièces romaines. 
Les principales ont été achetées alors par Ze Bègue, fils, de 
Gand, et faisaient partie de ses collections. Ce sont : 


Albinus (argent) 1 exemplaire. 
Septime Sévère (argenté) 1 > 
» (non indiqué) 1 » 


en + en 


(1) APW. II, 191. 
(2) DBR. 179. 
(3) DBS. 2, 217. 


— 119 — 


Marcia Otilicia, ux. Philippe père (grand or) l exempl. 
Postumus (argenté) l exemplaire. (4) 
4° En 1823, on a déterré dans un champ entre Lokeren 

et le Keersmacker 20 pièces romaines ; quatre furent acquises 
par Jacq. de Naeyere, de Gand. C'étaient : 

Constance IT (argent). 

Constantin le Jeune (petit bronze). 

Zénon (id.) 

Pescennius Niger (or fleur de coin). (2) 


MELSELE. 


En 1862 on y a mis au jour des urnes cinéraires qui ont 
été détruites par ceux qui les avaient trouvées. On y a 
découvert aussi des monnaies et des médailles romaines qui 
ont été brocantées par les inventeurs, et qu’on n'a pu par 
conséquent déterminer ni décrire. (3) 


MOERBEKE-WAES. 


1° En 1806 un paysan a déterré à Moerbeke des médailles 
romaines qui faisaient partie en 1825 de la collection Jacques 
de Naeyere, à Gand. En voici l’énumération : 
Grand bronze : Trajan 2 exemplaires. 
Alexandre Sevère 1 > 
Philippe fils 1 » 
Antonin le Pieux 1 $ 
Gallien ] » 
2° D'autres monnaies ont encore été découvertes à Moer- 
beke à diverses époques indéterminées; elles étaient aux 
effigies de : Claude, Domitien, Marc-Aurèle, Lucille et 
Gallien. Elles sont entrées dans la méme collection. (1) 


(1) VDB. IL, 194. 

(2) VDB. II, 14. 

(3) APW. XIIT, 106. 

(4) VDB. II, pp. 11, 12, 13. 


— 120 — 


NIEUKERKEN-WAES. 


Le 24 juin 1811, Jacques de Cauwer, journalier, bêchant 
la terre sur la propriété de Pierre de Cauwer, cultivateur, au 
lieu dit Caumermiÿk, derrière l'auberge les Quatre seaux, y 
déterra à 2 '/, pieds de profondeur deux vases romains. L’un 
contenait deux ustensiles en cuivre qui semblent avoir servi 
à attacher un couvercle. Le lendemain on rencontra cinq 
autres vases, dont quatre étaient posés à la distance d'un 
peu plus d'un pied l’un de l'autre. Enfin, on découvrit 
encore un vase renfermant des ossements calcinés et des 
cendres, et une espèce d'agrafe en cuivre, mangée de rouille. 
Tous les objets céramiques avaient été brisés; les fragments 
en ont été remis à de Bast par l'avocat D'Hanens établi à 
Bruxelles. Il y eu a de blaochâtres, de noirs et de rouges. 

Non loin de là on a aussi recueilli divers fragments de 
vases, d'urnes et de poteries diverses. (1) 


= 


SAINT-GILLES-WAES. 


1° Le 15 mai 1856 et les jours suivants on découvrit à 60 
ou 70 centimètres de profondeur, sur la parcelle située section 
E n° 71, 42 vases en argile contenant des ossements calcinés. 

En mai 1868 et avril 1871 on mit au jour, à la même 
profondeur, sur la parcelle voisine (n° 70) plusieurs autres 
urnes. (2) 

Le 8 mars 1873 on trouva sur la même parcelle deux 
autres vases, et dans leur voisinage immédiat une épingle à 
cheveux faite d'une mince lame de fer forgé roulée sur elle- 
même, et une pierre de lest en terre cuite pour filet de pêche. (3) 

Toutes ces urnes étaient disposéss symétriquement et 
formaient une sépulture commune, composée de 150 à 200 
vases, à en juger par les débris recueillis, et placée parallèle- 
ment à la ’s Aeerenstraat. 


(1) DBS2. p. 217. 
(2) APW. IV, 253 ss. 
(43) APW. V, 31. 


— 121 — 


2° En mai 1871, près du Cluyzendijk, on trouva en deux 
endroits sur la parcelle section B, n° 326 encore trois vases. (1) 

3° En mai 1876 on découvrit encore des urnes cinéraires 
sur la pièce de terre située section C, n° 421, éwalement à 
une profondeur de 70 centimètres. (1) 

Toutes ces urnes trouvées à Saint-Gilles-Waes sont iden- 
tiques à celles découvertes à Tamise-Haesdonck. Quoique le 
Dr van Raemdonck les qualifie de Germano-Belges, nous 
n'hésitons pas à dire qu'elles sont Belgo-Romaines. Elles se 
trouvent toutes au Musée du Cercle Archéologique du Pays de 
Waes. 

4° En 1876 on déterra à un endroit non indiqué une 
pièce à l'effigie de C. Cæsar; c'est uu petit bronze. 


SAINT-NICOLAS. 


1° En 1802 il y fut trouvé quelques pièces romaines en 
mauvais état ; quatre seulement présentaient quelque intérêt. 
Elles étaient aux effigies de : 


Gratien (moyen brouze). 
Domitien ( > ). 
Antonin le Pieux ( > ). 
Trajan (grand bronze). (3) 


En 1825 elles faisnient partie de la collection Cardo-de 
Grave à Saint-Nicolas. 

2° En 1872 un petit bronze fut déterré sur les terrains du 
château de Walbourg. Il fait partie des collections du Cercle 
Archéologique du Pays de Waes. (4) 

3° À une date indéterminée une pièce en argent de Trajan 
fut trouvée à proximité de Saint-Nicolas, sans qu'on puisse 
déterminer le lieu de la découverte. En 1825 elle se trouvait 
en possession de Vermorgen, bijoutier à Saint-Nicolas. (s) 


(1) APW. IV, 253. 
(2) APW. VI, 209. 
(8) VDB. II, 27. 
(4) APW. V, 17. 
(5) VDB. IL, 28. 


— 122 — 


1° À une date indéterminée on y a trouvé quelques 
médailles ou monnaies romaines qui n’ont pas été décrites. En 
1825, elles faisaient partie de la collection Delrée à Saint- 
Nicolas- Waes. (1) 

2° Vers 1866 une hache en bronze v fut repêchée dans le 
Moervaart. (2) ; 


STEENDORP. 


1° En novembre 1870, des ouvriers terrassiers mirent à 


nu, à une profondeur de 1 mètre, un tronc de chêne creusé 
(diamètre intérieur 0“70, épaisseur des parois 0"05). Ce chêne 
creusé dout les extrémités avaient été nettement sciées était 
placé sur la tête dans le sable jaune; il était muni de trous 
latéraux. Ce tronc qui avait servi de puits renfermait des 
débris de tuiles (tegula et imbrex), de poteries et le métacar- 
pien d’une jeune vache. 

Cette découverte se fit dans la briqueterie de MM. Ver- 
heven, Boodts et van Wouwe, sur la parcelle de terre dite : 
Roomkauter, connue alors au cadastre de Basel section C, 
n° 1135a (3), située à 600 m. du Zeege Heirmeg et à 750 m. 
de l’Escaut, un peu au dessous du ÆVotelaerveer. (4) 

Deux autres puits de même nature, et contenant des 
objets romains furent encore mis au jour, le premier en jan- 
vier 1877, sur la pièce n° 1138a, l’autre en novembre de la 
même année sur la pièce n° 1135e, toutes deux également 
situées au Zoomkauter. 

Ces puits présentent une analogie presque entière avec 
ceux découverts à Contich, le 8 septembre 1905, et décrits par 
M' le Baron de Loë dans le Bulletin des Musées Royaux (s), 


(1) VDB. IT, 33 

(2) APW. III, 15. 

(3) Steendorp. qui faisait alors encore partie de la commune de Basel, 
ne fut érigée en commune distincte que par la loi lu 20 août 1881. 

(4) APW. v, 33. 

(5) 1905, 4° année, pp. 95, ss. 


— 123 — 


avec cette différence, qu'ici la nature des objets trouvés 
permet nettement de rattacher l’âge de ces cuvelages à la 
période belgo-romaine. | 

2° En novembre 1872, dans la briqueterie Paul Verheyen, 
située également au Æoomhauter (section C, n° 1143° du 
cadastre de Basel, à cette époque) des terrassiers découvrirent 
un puits quadrilatéral en chêne à 1"20 sous la surface du sol. 
Les extrémités supérieures des montants étaient brisées. 

Mode de construction : quatre poutres équarries, proba- 
blement à l’herminette (1), formant montants. Ceux-ci Sont 
reliés par des entretoises alternant par paires sur les deux 
faces opposées. Les entretoises retenaut les montants étaient 
fixées par tenons et mortaises; elles étaient échancrées en 
segment de cercle du côté intérieur. La première puire était 
posée à 0"21 et la deuxième à 0®31 du fond. L'intervalle 
entre les entretoises était fermé par des planches épaisses 
de 0"04 à 0"07 et lurges de 0"IL à 0"31. Le fond était 
formé d'un plancher. Les puits mesuraient intérieurement 
1"25 x 1915. Is traversaient de bas en haut la terre à brique, 
le sable mouvant, le sable jaune, l'argile jaune et la terre 
arable. Leur huuteur probable, du foud à la surface du sol, 
était de 4*70. 

Le puits découvert en novembre 1872 contenait des terres 
de remblai, une tegula intacte, des débris de £egula, une meule 
intacte en lave d' Andernach, des parties de deux autres meules, 
l’anse et deux cercles en fer d’un seau, un crochet de perche 
à puiser de l'eau — ce crochet a la forme d’une gaffe de 
batelier. 

Toponymie: Roomkauter signifie-t-il Champ ou camp des 
Romains ? C’est possible et même probable. 

Steendorp est en général désigné sous le nom : het Steen- 
dorp (village des pierres) par les habitants des envirous. C'est 
un ancien hameau de Basel érigé en commune séparée en 1881. 
Le grand nombre de débris céramiques qui y ont été trouvés 
démontre qu'il y eut là un important centre de fabrication 
de tuiles et de poteries. 


(1) Voir à cet égard la rubrique : Zhdelrode. 


— 124 — 


Légendes : Dans la nuit des temps il y eut au Æoomkauler 
une population remuante, d'une très grande méchanceté, 
vivant isolée, sa principale occupation était le vol et le meurtre. 
Ce furent les premiers briquetiers. On les appelait Aweekers ou 
kwijkers. Ils furent chassés à cause de leurs crimes par le 
prince alors régnant et leurs exploitations passèrent en pro- 
priété au comte de Rupelmonde. Ils étaient fort superstitieux, 
à ce point qu'ils exécutaient pendant le jour les rêves qu'ils 
avaient eus la nuit précédente. 

* D’après une autre version, dont le fond est le même quant 
aux vols et aux crimes, les Aweekers ou Awijkers disparurent 
un beau matin, abandonnant leurs briqueteries, sans laisser 
de traces (4). 


TAMISE. 


1° En 1798, un manche de couteau en bronze orné d’une 
tête de lion fut trouvé dans la Veldstraat, ainsi que deux lances 
en fer (2). 

2° Eu 1806, une statuette en bronze, paraissant représen- 
ter Cupidon, ayant la jambe gauche détériorée (Hauteur : 
5 pouces) fut découverte à un endroit non déterminé (3). 

Ces divers objets figuraient encore en 1825 dans la collec- 
tion Pierre-Joseph Versturme, à Gand. 

3° En 1813, à un endroit non déterminé, fut mis au jour 
un petit vase étrusque (?) noir (Hauteur : 1/2 palme). 

4° En 1814, on découvrit, également à un endroit non 
précisé, un gobelet en terre rouge à reliefs (Hauteur : 6 pouces). 
Ces différents objets se trouvaient en 1825 dans la collection 
Charles Bodart, à Gand (4). 

5° En 1822, aussi à un endroit non indiqué, on découvrit 
les pièces suivantes : 


À. Petits bronze: : 
Dioclétien l exemplaire. 


(1) APW. V, 33 ss. 
(2) VDB. II, 26. 
(8) VDB. II, 26. 
(4) VDB. II, 25. 


— 125 — 


Verus 1 exemplaire. 
Gordien l’Africain 1 » 

B. Moyens bronzes : 
Maxence 3 » 
Faustine la Jeune 1] » 

C. Grand bronze : 
Faustine la Jeune 1 p 


Ces médailles entrèrent dans la collection Le Bègue, fils, 
a Gand, où elles figuraient encore en 1825 (4). 

6° La sépulture commune belgo-romaine fut découverte 
en 1885 et fouillée jusqu’en 1905 par le Cercle Archéologique. - 
Nous renvoyons, en ce qui la concerne, à _a rubrique: 
Haesdonck. 

7° En 1905, un écolier trouva, pendant les travaux de 
déblai et de remblai effectués pour la construction du chemin 
de fer viciual de Tamise à Basel, au lieu dit : de Vliet, un petit 
bronze de Gallien. Cette médaille entra dans les collections du 
Cercle Archéologique du Pays de Waes, grâce à Mr Revns, 
instituteur à Tamise. 


THIELRODE. 


Ainsi que nous l’avons annoucé d'abord dans une note 
préliminaire (2) et confirmé ensuite dans une note sommaire (à), 
mon confrère M' Th. de Decker et moi, nous fùmes avertis 
le 24 avril 1904 par M Victor Lapage, directeur des Briquete- 
ries de Thielrode, que les ouvriersavaient mis à nu un cuvelage 
carré de puits, en bois. 

Ce cuvelage avait été trouvé au bord du lit majeur de 
l'Escaut, au sommet de la colline, à une hauteur de 17 mètres 
au dessus du niveau de la rivière et à 1080 mètres du lit 
actuel. Il se trouvait sur la limite des parcelles 692 et 696 
de la section À, du cadastre de Thielrode, à l'endroit où il y 
avait autrefois un fossé, avant l'exploitation des briqueteries. 


(1) VDB. II, 21. 
(2) APW. XXII, 907. 
(3) BARAB, 1905, 94, 35. 


— 126 — 


Dès le 25 avril les fouilles commencèrent, et le 31 octobre 
la base du puits fut atteinte à une profondeur de 19 mètres. 

Le cuvelage, tel qu'il fut trouvé et tel qu’une partie en 
subsiste encore dans le sol, est incliné de 5° environ vers 
l'ouest. 

Ce cuvelage est formé de quatre poutres en chêne de 
19 m. de hauteur, équarries à l'herminette, au sommet à 
0"165 et à 0,220 à la base, formant montants. Ceux-ci sont 
reliés par des entretoises évidées du côté intérieur en segment 
de cercle et posées par couples sur les faces opposées et fixées 


par tenons et mortaises. L'intervalle entre les poussards est 


rempli par deux planches épaisses en moyenne de 0"073 
{environ 1 palmus romain) et de largeurs diverses variant 
0"19 à 0"35, fixées en général au moyen d’un clou quadran- 
gulaire, quelquefois par deux clous. Le cuvelage affecte la 
forme d'un obélisque tronqué. Les dimensions latérales 
extérieures au sommet sont 1"20, 1"20, 120, 1"27, tandis 
qu'elles sont à la base 1°48 sur trois faces et 1"38 sur la 
quatrième. Le puits n'est donc pas exactement carré. 

La partie supérieure des montants était brisée et les 
premiers vestiges se trouvaient à 0"60 sous le niveau du sol 
actuel, 

Le fond du puits était planchéié et ce parquet était 
surmonté de deux entretoises croisées destinées à maintenir 
les quatre montants à leur écartement. 

La disposition du cuvelage dans le sol et l’état du terrain 
qui l'entourait immédiatement permettent de croire, sans que 
toutefois on puisse l’affirmer avec certitude, que les montants 
ont été dressés à la surface du sol, qu'ils y ont été joints et 
reliés, et que la charpente s'est insensiblement enfoncée 
dans le sol, le creusement se faisant par en dessous. C'est ce 
qui explique problablement l'inclinaison du cuvelage vers 
l'ouest. Ce qui le confirme, c'est qu’à la profondeur de 13 
mètres les montants sont munis d'encoches destinées probla- 
blement à soutenir le cuvelage dans sa descente. 

Le puits était rempli de terres coulées de l’est à l’ouest. 
En le vidant il a été trouvé divers objets en fer, notamment : 
un crochet de perche à puiser l’eau, en forme de gaffe de 





a 


— 127 — 


batelier, une anse de seau à peu près semblable à celles trou- 
vées par M' Gustav Eichhorn dans les fouilles de Camburg (1), 
des crochets destinés à retenir ces anses, des clous. On en 
retira aussi des ossements d'animaux : bœuf, cheval, léporides, 
chiens. | 

Nous en avons retiré environ trois mille tessons de 
poteries, avec lesquels nous sommes parvenus, Mr Th. de 
Decker et moi, à rassembler et à reconstituer, soit entièrement, 
soit partiellement les vases primitifs. Ceux-ci appartiennent 
principalement aux espèces suivantes : agualis, dolium, capis, 
guttus, lagena, patina, urna, etc. 

Le cuvelage de Thielrode est, sauf en ce qui concerne les 
dimensions en profondeur, semblable aux puits quadrangu- 
lnires de Steendorp. 

Le grand nombre de tuiles ({egula, imbrer) entières, 
brisées, cuites, mi-cuites, ayant formé le fond d'un four de 
campagne, la grande quantité de débris de poteries cuites et 
mi-cuites trouvées autour du puits nous permettent de conclure 
qu'il y eut là une importante exploitation de briqueterie et de 
poterie. Il est à remarquer que tant les tuiles que les poteries 
sont fabriquées avec l'argile jaune supérieure, et jamais avec 
la terre à briques bleue. 

Le 23 octobre 1905, Mr Th. de Decker et moi, nous 
continuâmes nos fouilles à 800 m. environ au N.N.E. de 
l'endroit où se trouve le puits (2), dans un champ indiqué au 
cadastre de Thielrode section A, n° 636. Ce champ d'une 
étendue de 1 hect. 51 a. 40 fait partie du lieu dit Steenakker 
qui s'étend sur une superficie de plus de 14 hectares. 

Le Steenakker est à ce point rempli de débris de 
tegula, d’imbrex et de poteries romaines, que ces tessons, à 
mesure qu'ils revenaient à la surface à la suite du labourage, 
ont annuellement suffi pour remblaver les ornières de l’anti- 
que sentier dit : Schrynwegel qui traverse le Steenakker du 
S. au N. 


(1) Gustav Eichhorn, Di: Vor, und frühgeschichtlichen Funde der 
Grafschaft Camburg (Zeitschrift des Vereins für Thuringische Geschichte 
und Altertumskunde (Band 22, pp. 274 ss). 


(2) BARAB. 1906, 219 ss. 


— 128 — 


Nous y avons mis au jour à 043 sous la surface du sol 
actuel un dallage en carreaux de terre cuite rouge. À l’extré-- 
mité E. de ce carrelage nous avons rencontré un foyer con- 
struit avec des dalles de même nature, mais de dimension: 
différentes. Devant le foyer se trouvait une rigole, aussi carre- 
lée, au fond de laquelle nous avons trouvé une couche de 
cendres de bois variant selon les endroits de 003 à 0"04, ce 
qui nous a permis de supposer que cette rigole servait de 
cendrier. Là où se trouvait le foyer proprement dit nous avons 
trouvé aussi une couche de cendres de bois dont l'épaisseur 
atteignait en certains endroits 0"05. Sous les dalles du foyer 
la terre était à moitié cuite et transformée en grumeaux 
rouges. 

Nous avons conclu de cette trouvaille que nous uous 
trouvions devant l'habitation ou une des habitations des potiers 
et des tuiliers qui utilisaient le puits en bois situé à 800 m. en 
decà. 
Près du foyer nous avons aussi mis au jour un col de: 
dolium dont la circonférence intérieure devait être de 0,434°/,, 
un fragment de boite d’hvpocauste et un carreau de forme 
hexagonale irrégulière. 

Au même endroit nous avons recueilli deux fragments de 
poterie en pseudo-samien. Le premier est une partie d'une 
patina portant au fond et à l'intérieur le sigle 


| VENICARVS | 


marque de potier dont des exemplaires ont été trouvés à 
Nimègue, Vechten et Voorburg (1). 

L'autre fragment (hauteur 0,098*/,,, longueur 0,100", 
corde de l’arc de cercle 0,097"/,,) est aussi une partie de patine. 
Elle ne porte pas la marque du potier, mais à l’extérieur celle 
du fabricant du moule. 


(1) H. Schuermans. Sigles figulins. Annales de l’Académie d'Archéo- 
logie de Belgique, 2° série, tome III, p. 264. 


— 129 — 


ALBVCI. 


Ce fragment est orné à sa partie supérieure, à 0,030"/, 
sous le bord d'un cordon formé d’oves, avec au dessous une 
panthère ou un lion rampant, sous celui-ci un dauphin 
nageant. À gauche, on ne voit que le bras d’un Mercure tenant 
le caducée; à droite un Jupiter (?) avec sur le côté, à gauche, la 
marque. Celle-ci, ainsi que les figures, est en relief; cha- 
cune de ces dernières est séparée de sa voisine par une 
torsade, soit verticale, soit horizontale, soit en guirlande. 

Les poteries portant le sigle ALBVCI ont été rencontrées 
en de nombreux endroits en France, en Belgique, en Suisse, 
en Italie, en Angleterre, près des frontières de la Prusse 
Orientale. 62 exemplaires des œuvres de ce potier ont été 
retrouvés. 

Albucius était un des grands fabricants de poterie de 
Lezoux (1). Ceux-ci ne commencèrent à exporter leurs produits 
en graudes quantités vers le nord de l’Empire et vers l'Est 
jusqu'aux frontières de la Prusse Orientale qu'à partir de 
l'époque de Trajan (98-117) (2). Il est probable, dit M" Georges 
Cumont (3), que la destruction de ce centre céramique (Zezoux) 
eut lieu au milieu du III® siècle de notre ère ou, plus exacte- 
ment, dans la seconde moitié de ce siècle. 

Nous en concluons que le puits de Thielrode et l'habita- 
tion ou les habitations qui en dépendaient, furent établis dans 
le courant du II: siècle ou dans la première moitié du III° siècle 
de notre ère. 

Particularilés lopographiques et légendes. — La brique- 
terie de Thielrode est bornée à l'Est par l'autique sentier dit : 
Schrynwegel ou sentier de la châsse. Il tire son nom de la 
procession (ommegang) annuelle qui le parcourt, promenant la 


(1 Petite localité de l’ancienne Arvernie, dans l'arrondissement actuel 
de Thiees, à 27 kilomètres à l’est de Clermont-Ferrand. 

(2) Déchelette. Les vases céramiques ornés de la Garde Romaine (Nar- 
bonnaise, Aquitaine et Lyonnaise), tome 1, p. 197. 

(3) Quelques observations sur les poteries trouvées à Castre (Brabant). 
Annales de la Société d'Archéologie de Bruxelles. Tome 20, p. 434 (note 3 
de la page 433). 


— 130 — 


châsse de sainte Amelberge, patronne de Tamise. A l'Ouest elle 
est délimitée par la Fortstraat ou rue du Fort. Cette dénomi- 
nation ne tire pas son origine d'un travail de défense militaire 
qui aurait existé autrefois anx environs, mais simplement 
de ce qu’il y a eu antérieurement dans cette rue une cité 
ouvrière (appelée partout dans la contrée : For!) dont quel- 
ques maisonnettes subsistent encore. D'où la dénomination de 
Fortakkers ou champs de la cilé ouvrière, donué aux parcelles 
692, 693, 694 et 696, limitrophes de la Fortstraal, et sur 
l’une desquelles (entre 692 et 696) fut découvert le puits 
quadrangulaire en bois. 

La parcelle 636 de la section À, faisant partie du Steen- 
akker, et sur laquelle furent mis au jour les vestiges d'habi- 
tation, porte le nom de Kloosterakker ou champ du couvent. 
Les vieillards de la commune racontent qu'il ÿ eut autrefois, 
dans des temps fort reculés, à cet emplacement une église 
ou une chapelle qui fut engloutie dans le sol pendant une 
nuit. Les habitant: de cette époque pouvaient encore parfuite- 
ment entendre sonner les cloches en appliquant l'oreille au 
sol. Uu cultivateur dont la niche à chien maçonnée est recou- 
verte d'une espèce de fonts baptismaux en pierre de taille, 
raconte que ces fonts proviennent de l’église engloutie (r). 
Mais il ne nous étonnerait guère que ces prétendus fonts 
baptismaux, qui semblent appartenir au XVI[° ou au XVIII* 
siècle, ne fussent qu'une vasque de fontaine, provenant peut- 
être de l'ancien château de Cauwerburg qui se trouvait autre- 
fois dans le voisinage. 

D'après une autre version, les Kloosterakkers avaient 
appartenu à un couvent de Templiers qui fut englouti une nuit 
en punition des méfaits de ses habitants. Mais s’il faut en 
croire les traditions populaires, le pays aurait été littéralement 
couvert de couvents de Templiers. 

Ce qui est plus possible c'est que les Kloosterakkers appar- 
tenaient autrefois à l’abbaye de Saint-Pierre à ‘Gand, grand 
propriétaire à Thielrode et à Tamise, ou à une autre abbaye et 


(1) Communication de MF Victor Lapage, directeur des Briqueteries de 
Thielrode. 


— 131 — 


que la légende de l'engloutissement n'est née que lorsque ces 
biens furent vendus comme biens nationaux pendant la tour- 
mente révolutionnaire qui suivit 1789. 


WAESMUNSTER. 


1° £ndroils indélerminés. 

A. — À deux époque: différentes, mais non déterminée, 
on a déterré deux médailles d'argent, l’une l'Antonin le 
Pieux, l’autre de Philippe, père. 

Sur la première autour de la tête d’Antonin, on lit : 

ANTONINVS AVG. PIVS P. P.TR. P. COS III. 

Au revers la tête de Marc-Aurèle, avec la léwende : 

AVRELIVS CAESAR AVG. PH, F. COS. 


Au revers de la seconde médaille on voit quatre enseignes 
militaires, avec l'inscription : | 
FIDES EXERCITVS. 


Ces deux médailles faisnient partie de la Gollection de 
Bast (1). 

B. — À une autre époque non indiquée on à mis au jour 
une demie patina ornée de petites branches sur le rebord. Elle 
est semblable à une autre patina trouvé: antérieurement à 
Bavai. De Bast croit ces poteries originaires de Nimes. 

Le fragment trouvé à Waesmunster faisait partie de la 
Collection de Bast (2). 

C. — Encore à une autre époque non déterminée on 
trouva une statuette en bronze représentant Pallas. Elle 
mesurait quatre pouces de hauteur et figurait en 1825 dans la 
Collection Pierre-Joseph Versturme à Gand (3). 

D. — À une autre date non indiquée on découvrit deux 
médailles, la première argentée à l'effigie de Postumus, la 
seconde à celle de Gallien Ces deux pièces étaient en 1825 
entre les mains de Vermorgen, bijoutier à Saint-Nicolas (+). 


—  ——— 


(1) DBR. pp. 180, 188. 
(2) DBS2. p. 32. 

(3) VDB. II, 21. 

(4) VDB. Il, 27, 28. 


— 132 — 


E. — Depuis 1785 un grand nombre de pièces romaines 
trouvées à des dates diverses et à des endroits différents 
vinrent prendre place dans la Collection André- Francois van 
den Bogaerde. En voici la nomenclature : 

Grands bronzes : 


Néron 1] exemplaire. 
Trajan 2 » 
Adrien 3 » 
Antonin le Pieux 2 » 
Marc-Aurèle 2° » 
Les 2 Faustine 2 > 
Commode 2 » 
Moyens bronzes : 
Adrien 2 > 
Vespasien » 
Antonia (f* M. Antoine ux. Drusus) Ì > 


Petits bronzes : 
Licinius 
Constantin le Grand 
Sa femme;Hélène 
Constance 
Constantin le Jeune 
Gallien 

Argent: 
Domitien 
Caracalla 
Sévère 
Julia Meesa 
Alex. Sévère 
Philippe, fils 
Postumus 
Constance 


lt bd bed peus GO plan 


» 
» (1). 

F. — En 1797, un cultivateur, faisant des fouilles dans 
un bois, dont l'emplacement n’est pas mentionné, trouva, à 
une profondeur de 3 ou 4 pieds une quantité considérable 


Det put bent bent QU) ben bi ft 


(A) VDB. IT, 31. 


— 133 — 


d’urnes cinéraires en terre cuite. Elles furent toutes détruites 
par les ouvriers, à l'exception d’une seule et de deux autres 
vases. 

De Bast dit que l’urne munie de deux anses est superbe 
et semblable à celles découvertes ailleurs en Flandre, notam- 
ment à Velsique {Marchantius, Flandriæ descriptio, p. 37), à 
Vollezeele et Belcele. Ces vases sont de trois couleurs différentes 
{blanchâtre, noire et rouge, cette dernière couleur est claire et 
à peu près pareille à celle que les Etrusques donnaient à leurs 
ouvrages). On peut se demander si ces vases rouges n'étaient 
pas du pseudo-samien. 

Ces différents vases qui figuraient primitivement dans la 
Collection André- Francois van den Bogaerde, entrèrent à une 
date non indiquée dans la Collection de Bast (1). 

G. — Vers 1797, on mit au jour dans un champ du 
village une hache. à coulisse en bronze. 

Longueur : 5 pouces 11 lignes, longueur de la coulisse : 
3 pouces. De Bast se demande si cet objet est Gaulois ou 
Romain. Il est indiscutable que ces haches sont belgo-romuines. 

La hache dont il est ici question figurait dans la Collec- 
tion de Bast (2). 

H.— En 1811, lors de la fondation des piles du pont, une 
hache semblable fut ramenée à la surface, ainsi qu’une 
statuette en bronze représentant un homme à longue barbe, 
et deux manches de stylet figurant un joueur d> cornemuse, 
de plus, une plaque de bronze dont le haut relief montre un 
satyre portant un fardeau sur la tête. Ces différents objets 
faisaient partie en 1825 de la Collection Pierre-Joseph 
Versturme à Gand (3). 

2° Pontrave. 

Ce lieu dit est situé sur une hauteur au bord de la 


(1) DBR. pp. 180-188. D’après van den Bogaerde (II, 8). Cette trouvaille 
fut faite à environ mille pas de « Ponfrave ». 

(2) DBR. pp. 180, 188. 

(3) VDB. IE, 25. Le Musée Archéologique du Pays de Waes possède un 
de ces manches de stylet, reproduits dans l'auteur cité. Nous prétendons 
qu'ils appartiennent tout bonnement au XVIe siècle. Nous ne les avons 
donc cités ici que pour mémoire. 


— 134 —. 


Durme, en face du hameau S'° Anne; il défendait le passage 
d’eau. Van den Bogaerde (1) dit qu’il y eut là un camp fortifié 
où les Romains séjournèrent pendant leur marche vers 
l’Angleterre. Il ajoute que la seigneurie de Pontrave était 
très renommée par son antiquité. Sa dénomination, d’après ce 
qu’on voit dans les anciens titres et dans les documents de la 
cour féodale de Waes, était connue comme dérivant de 7raja- 
nusbrug (Pons Trajani); ces anciens titres portent : Pontrave, 
afgeleid van Pons Trajani. (2) 

À. — Deécouvertes faites à des époques indélerminées : 

a) Un fragment de grand vase romain (figurait en 1825 
dans la collection Le Bèque, fils, à Gand). (3) 

b) Un moyen bronze de Marc-Aurèle. Il faisait partie en 
1825 de la Collection Ed. van Doorslaer de ten Ryen, à 
Hamme. (4) 

c) Une urne en terre noire contenant : 

Moyen bronzede Tibère 1 exemplaire. 
» Claude 1 » 
» Domitien 1 > 

Cette urne avait une hauteur de 1 palme. 

Un plat en terre rouge à bords ornés de pampres 
(diamètre : plus de 6 palmes). 

Un vase en terre rouge à reliefs représentant uue chasse 
(hauteur : '/, palme). 

Quatre petites urnes. 

Une urne en terre rouge unie (hauteur : 2 palmes), une 
tegula. 

Ces divers objets qui figuraient primitivement dans la 
Collection van den Bogaerde de Terbruggen, père, faisaient 
partie en 1825 de celle de l'abbé Kervyn, à Gand. (5) 

B. — En 1810 et 1811, on y a déterré plusieurs pièces 
romaines : 


(1) VDB. II, 8. 

(2) VDB. III, 356. 
(3) VDB. II, 24. 
(4) VDB. II, 29. 
(5) VDB. II, 29 ss. 


— 135 — 


Tibère 

Caligula 

Claude 

Maximus (grand bronze) 

Pupien, ({ » ) 

et différentes autres du bas-empire. 

Ces objets figuraient en 1825 dans la Collection Coppe- 
nolle, médecin à Gand. (1) 

C. — En 1823, sur une pièce de terre appelée Steen- 
akker, encore actuellement parsemée d’une grande quantité 
de tessons de poteries et de débris de tegula, on trouva les 
pièces suivantes : 


Argent : 
Gordien III ] exemplaire. 
Moven bronze : 
Claude 1 » 
Néron | » 
Adrien 3 » 


Grand bronze : 
Marc-Aurèle 1 » 
Faustine jeune 1 » 

Elles faisnieut partie en 1825 dela Collection F.van Doors- 
laer à Waesmunster. 

Une autre eu argent et une vingtaine en bronze, toutes 
détériorées, trouvées au même endroit, appartenaient à la 
même époque à un peintre de Lokeren, nommé Pharazyn (3). 

D. — En 1877 on trouva des fragments de poteries 
romaines et un jeton d'argent à l’effigie de Septima Sévère. 
Ces objets furent donnés au usée du Cercle Archéologique 
du Pays de Waes par M' le chevalier Emile de Nève de 
Roilen (3). 

E. — Le 28 mai 1878 on mit au jour au Steenakker, 
des substructions, une médaille, des carreaux, des tuiles 


(1) VDB. II, 24. 
(2 VDB. II, 8. 
(8) APW. VII, 287. 


— 136 — 


(legula, imbrezx) et des cendres de bois à une profondeur de 20 
à 25 centimètres (1). 

F. — En 1885, un anneau de clef romaine en branze fut 
déterré au château de Pontrave. Il fut déposé au Musée 
du Cercle Archéologique du Pays de Waes par M le chevalier 
Emile de Nève de Roden (?). 

G. — En 1888 divers objets furent encore ramenés à la 
surface : 

Une dalle carrée pour foyer 

Une partie de meule à bras 

Des tessons de vases en pseudo-samien - 
Un couperet en fer 

Une imbrex. 

Ces divers objets furent donnés au Musée du Cercle 
Archéologique du Pays de Waes par Mr le Chevalier Emile 
de Nève de Roden. (3) 

3° Heynyk. 

Eu Janvier 1866 on y découvrit trois urnes belgo- 
‘romaines. Elles se trouvent au Musée du Cercle Archéologique 
du Pays de Waes. (4) 

4 Ten Ryen. 

À une époque indéterminée on y a trouvé une urne 
cinéraire en terre noire. 

En 1806 on y découvrit une autre urne identique conte- 
nant un petit bronze de Trajan et deux crochets émaillés. 

Un peu plus tard on y mit au jour un grand bronze de 
Galba. 

Ces différents objets faisaient partie en 1825 de la Collec- 
tion Ed. van Doorslaer de ten Ryen, à Hamme. (5) 


(1) Dr J. van Raemdonck. Le Pays de W aes préhistorique (St Nicolas, 
J. Edom, 1878), p. 125, note 2. 


(2) APW. XI, 23. 

(3) APW. XII, 19. 
(4) APW. Il, 303: 

(5) VDB. II, 28 et 29. 





— 137 — 


IT. 


Considérations générales. 


Note relative à la contribution pour la confection d’une carte des 
stations Belgo-Romaines au Pays de Waes. 


Le sommaire des objets romains trouvés au Pays de Waes 
qui accompagne l'essai de carte, étant aussi détaillé que pos- 
side et lui servant pour ainsi dire de commentaire, nous 
pourrons nous borner à quelques considérations d'ordre divers. 


Nous avons compris dans notre essai de carte les com- 
munes qui faisaient partie du Pays de Waes sous l’ancien 
régime : Moerbeke, Waesmunster et Bornhem, et qui en sont 
actuellement séparées administrativement. 

Nous n'y avons pas compris les communes qui se trou- 
vent situées dans les polders, parce que nous croyons à bon 
droit que ceux-ci n'étaient pas encore endigués à l'époque de 
l'occupation romaine. 

Le relief du sol est resté, pensons-nous, à peu près le 
même, à l'exception que le cours de l’Escaut fut modifié après 
1240 à l'embouchure de ia Durme. 

Ce qui tend à démontrer la permanence de ce relief, c'est 
la profondeur à peu près uniforme et minime à laquelle sont 
trouvées les sépultures et les nécropoles. 


* 
*k %& 


Les tables de Peutinger (r) ne font mention d'aucune 
voie romaine traversant le Pays de Waes, mais il y avait 
dans la contrée trois grands diverticula : Neder-Heirweg ou 
Neder-Heirbaan longeant la Durme depuis Lokeren jusqu'à 


(1) Weltkarte des Castorius genannt die Peutinger'sche Tafel, in Farben 
herausgegeben und eingeleitet von Dr. Konrad Miller. Ravensberg, Otto 
Mayer (Dorn'sche Buchhandlung), 1888. 


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— 139 — 


son embouchure et ensuite 1 Escaut jusqu'à Burght, le Zooge- 
Heirxeg ou Hooge-Heirbaan se divisant au Keersmaker, près 
de Lokeren, en deux troncons qui traversent les terres hautes, 
l'un allant vers la Tète de Flandre actuelle, l’autre rejoignant 
le Veder-Heirmeg près de Burght. Le troisième diverticulum, 
le ’s Heerenstraat, longe les polders actuels depuis Moerbeke 
et rejoint le Mooge-Heirweg près de Beveren. 

C'est le long de ces voies secondaires que se rencontrent 
toutes les stations qui ont été découvertes jusqu'à ce jour. A 
l'exception de la station du Steensverk à Belcele et de celle de 
Tamise-Haesdonck, les principales agglomérations sont situées 
à proximité de la Veder-Heirbaan qui longe la Durme d'abord 
et l'Escaut ensuite : Steendorp, Thielrode et Waesmunster. 
Les deux premières étaient le centre d'une industrie céramique 
(poterie, tuilerie et briqueterie) importante. 


*" x 

Les sépultures communes découvertes au Pays de Waes 
ont été déterminées par feu le D’ Van Raemdonck, celle de 
Saint-Gilles-Waes, comme germano=belge, et celle de Tamise- 
Haesdonck comme gallo-romaine. 

Il est hors de doute que cette dernière est bien belgo- 
romaine. Quant à celle de Saint-Gilles-Waes, les urnes qui ont 
été mises au jour sont identiques de forme et de matière à 
celles de Tamise-Haesdonck. 

En admettant que les habitants de la Belgique au mo- 
ment de l'invasion romaine étaient d'origine germaine, la 
qualification du Dr Van Raemdonck n'en serait pis moins 
inexacte, ce serait un pléonasme. Mais il est aujourd'hui 
démontré que les Belges de cette époque n'avaient pas cette 
origine (1). De plus, étant hors de doute que la sépulture de 
Tamise-Haesdonck est belgo-romaine, et les urnes trouvées à 
St-Gilles-Waes étant identiques de forme et de matière à celles 
de Tamise-Haesdonck, il n'est plus contestable que la quali- 


(+) Victor Tourneur. Recherches sur la Belwique Celtique. I, Inscrip- 
tion de Neutto, fils de Tagausius (Celles lez-Dinant . Musée Belge, VI, pp. 
423 et 54, 


— 140 — 


fication germano-belge, donnée par feu le F} Van Raemdonck 
est à tous points de vue vicieuse. 


% 
% & 


Un point qui mérite aussi d’être relevé, c'est la commu- 
nauté, on pourrait dire la quasi-identité des légendes atta- 
chées à plusieurs endroits où des stations romaines ont été 
retrouvées. 

À Belcele et à Thielrode on raconte qu'une église fut 
engloutie et qu'en appliquant l'oreille au sol on pouvait 
encore distinctement entendre le son des cloches. A Belcele 
et à Steendorp il y eut une population mystérieuse, ne frayant 
pas avec les habitants, hargneuse et vindicative à l'égard de 
ceux-ci et disparaissant sans laisser de traces. 

Si les légendes relatives à ces populations étranges 
peuvent, peut-être, constituer un souvenir lointain de l’an- 
cienne occupation romaine, il ne faut cependant pas y attacher 
trop d'importance dans l'espèce, cur ces traditions peuvent 
fort bien être moins anciennes et se rapporter aussi bien soit 
aux invasions des Barbares au IV* siècle ou à celle des Nor- 
mands au IX°. 

Quant aux légendes des églises englouties, nous croyons 
qu'elles sont encore beaucoup moins anciennes et qu'elles 
découlent simplement de ce fait que les terres auxquelles elles 
se rapportent, sont d'anciennes propriétés ecclésiastiques 
vendues comme biens nationaux pendant la période française. 


L'industrie céramique (poterie, tuilerie et briqueterie) 
s'exerçait non seulemeut à Thielrode et à Steendorp, mais 
aussi à Belcele et peut-être bien à Waesmunster. C'était 
l'argile jaune grasse susjacente à l'argile bleue (rupélien) qui 
fut exploitée par les Belgo-romains du Pays de Waes, et qui 
leur servit à la confection des poteries communes, des briques, 
des carreaux de dallage, des tegule et des imbrices qu'on 
retrouve régulièrement là où les noms des lieux-dits sont : 
Steenakker (Waesmunster et Thielrode), Steenwerk (Belcele), 


— 141 — 


Steendorp (simple hameau de Basel, devenu plus tard com- 
mune distincte), qui tous ont une signification à peu près 
semblable : champ des pierres, chantier des pierres, village 
des pierres. Ces dénominations sont-elles la survivance du 
souvenir de cette industrie primitive? Ce n'est pas impossible. 
Mais ne proviendraieut-elles pas peut-être de la nature même 
du sol de ces endroits, sol réellement truffé de tessons céra- 
miques ? . 

Quoiqu'il en soit, il y eut là une industrie qui dut être 
prospère et avoir une certaine importance, vu la grande quan- 
. tité de débris qu'on en a retrouvés. 


+ 
% * 


Cette industrie donna naissance à la construction de ces 
puits à cuvelage quadrilatéral que nous avons rencontrés à 
Steendorp et à Thielrode. 

La partie inférieure de ce dernier subsiste encore 2x situ 
sur une hauteur d'environ six mètres. Il est encore utilisé au 
moyen d'un pulsomètre pour les besoins de l’industrie brique- 
tière qui s'exerce au même endroit. 

Nous reproduisons ce puits sur une hauteur de treize 
mètres à partir de la partie supérieure, sur deux faces : 1° les 
côtés E. et S. nous montrent ce puits tel qu'il a été retrouvé 
dans le sol (PI. IT), 2° le côté N., photographié (1) après ouver- 
ture, nous fait voir la construction intérieure du cuvelage 
(PI. III). 

De plus le plan et l'élévation de ce puits nous font encore 
plus intimement connaître le travail de l'ingénieur hydrau- 
licien de cette époque reculée (PI. IV). 

Ces puits de Steendorp et de Thielrode ne peuvent être 
comparés qu'à celui découvert à Assche-la-Chaussée (Brabant) 
en 1899 (2). Ce dernier est intermédiaire comme profondeur 
(13"59) entre le puits de Steendorp (4"70) et celui de Thielrode 
(19%). Celui-ci est le plus grand exemplaire découvert jusqu'à 


(1) Clichés de M! l'abbé de Sutter, Inspecteur des écoles à Tamise. 


(Q) Annuaire de la Société d'Archéologie de Bruxelles, tome XI, 
1900, p. 34, 


— 142 — 


présent. Un puits quadrangulaire en bois a, d’après une lettre 
de novembre 1905 de M' Boeles à Mr le Baron de Loë (1), été 
découvert à Hoogebenitum et sert encore aux paysans. La 
construction est presque semblable, mais les planches laté- 
rales sont chevillées (gespijkerd) aux montants, au lieu d'y 
être clouées comme ici. M" Boeles rattache ce puits à l'époque 
Carolingienne, d’après les poteries qui y ont été trouvées. 

Des cuvelages semblables sont encore d'un usage courant 
en Roumanie (2). 

Quant aux terpputten et aux puits de Vechten, etc., ils 
n'ont rien de commun avec les puits quadrangulaires du Pays 
de Waes. 


Il ressort de tous ces éléments que, dès l'époque de Trajan, 
ou un peu plus tard, il v avait au Pays de Waes, le long des 
diverticula, et surtout le long des rivières, une population 
d'une civilisation fort avancée, qui y exercait, principalement 
sur les bords des cours d'eau, l'industrie céramique (poterie, 
tuilerie et briqueterie). Et, à en juger par le nombre des sta- 
tions et le nombre de sépultures sur les parties hautes, cette 
population devait être relativement dense. Mais à considérer 
les vestiges qu'on en a ramenés à la lumière, elle devait 
être fort pauvre. 


(1; Nous réitérons nos remerctments à Mr le Baron de Loë qui a bien 
voulu nous communiquer cette missive, 

(8) Cf. G. Willemsen et L. de Pauw, Les puits romains du Pays de 
‘Waes et les puits roumains en bois (sous presse’. 


Le puits romain de Thielrode. 


Cliché de M l'ALbé Edin. de Sutter, à Tamise, 


— 144 — 


Flandre orientale. Gand : deux façades intérieures € 
l’hôtel de ville; facade rue de la Lieve; facade latérale d'ur 
maison, place Saint-Bavon. 

Hainaut. Tournai : facade rue de Paris. | 

Hollande. Sluis : facade Hoogstraat n° 155; — Midde 
burg : travées au dessus de la porte de l'abbaye. 

France Hondschoote : facade de l'hôtel de ville; « 
Bailleul : une facade; — Bergues : deux facades; pignon 
transept Sud de l’église ; — Aire : une façade; — Arras : 
facade grand place; — Saint-Omer : cinq ou six façudes. 

Notons qu’en 1511 Jan Van de Poele, le fameux mai 
macon brugeois, a exécuté à l’église Notre-Dame de Said 
_Omer, le portail sous la tour. 


Î 

… | 

Ces différentes facades sont loin de présenter le sty 
brugeois absolument pur : ainsi, celles de Gand sont recoupé 6v 7 

. de cordons; celles d’Y pres et de Nieuport montrent des ard 
inusités à Bruges, etc. Toutes cependant possèdent le principes 


caractère du style brugeois : la travée. C'est ce que no 
avons voulu faire remarquer. 





Quelques Stations néolithiques découvertes 
dans la Flandre occidentale, 
par le Baron pg MAERE p'AERTRYCKE. 


i 





Sous ce titre, nous nous efforcerons de résumer quelques- 
unes des notions recueillies par rapport à des trouvailles, bien 
déterminées, en ce qui concerne l’industrie des Néolithiques 
dans la Flandre occidentale. Nous regrettons de ne pouvoir 
mentionner, faute de l’obtention des renseignements voulus, 
d’autres lieux de découvertes que ceux signalés. 

Le développement du texte des principales sources, aux- 
quelles nous nous trouvons forcé de renvoyer constamment, 
nécessite le recours à des abréviations; celles-ci sont indiquées 
ci-dessous : 

IL. — C.R.C. G. Compte-rendu du Congrès archéolo- 
gique de Gand (1896). Gand, Siffer, 1897. T. II. | 

IT. — R. G. F. B. Rapport Général sur les recherches et 
les fouilles exécutées par la Société d'Archéologie de Bruxelles. 
Bruxelles, Vromant. 

II. — An. A. B. Annales de la Société d'Archéologie de 
Bruxelles, Vromant. 

IV. — An. Em. Annales de la Société d'Emulation de 
Bruges. Bruges, De Plancke, 

La désignation des stations, par un chiffre romain, corres- 
pond à l’ordre adopté dans l'établissement du croquis ci-après. 


STATIONS. .. 
I. — Bruges. (Fort Lapin). Vers la cote 3. Monsieur 
A. Rutot, qui l’a découverte, y signale (1) comme trouvailles 
de nombreuses dents de chevaux, des ossaments et des dents 


de beenf et de sanglier, ainsi que : « quelques éclats de silex 
« taillés ou utilisés, parmi lesquels un fragment subtriangu- 


(1) A. Rutot. — Sur les antiquités découvertes... etc. dans la plaine 
maritime, dana Mémoires de la Société d’ Anthropologie de Bruxelles. 
Bruxelles, Hayez, 1903. T. XXI, page 23 (tiré à part). 


10 


— 146 — 


< laire, retouché en forme de pointe moustérienne, et un 
« débris de hache polie. » 


IL. — Ryckevelde (cote 8). 


Ne 7. — Stations néolithiques de la Flandre occidentale. 
. Les relèvements accentués du terrain sur le sol avoisinant, sont indiqués 
par des hachures enveloppant des traits parallèles orientés du S-W au N-E. 
Les alluvions poldériennes sont marquées par l'indication en pointillé. 


III. — Steenbrugge (cote 5), près du « Geertruyd Leydeken ». 
IV. — Bois de Tilleghem(7), arrosé par le « Kerke beek». 


— 147 — 


V. — Lophem (8), le long du « Marsbeek ». 

Monsieur le Baron Ch. Gillès de Pélichy, qui a découvert 
ces quatre stations sur la pente septentrionale de la crête-de 
partage, entre bassins côtiers du littoral westflamand, y 
récolta (1} des nuclei, grattoirs, éclats de taille, fragments de 
haches, des pointes de flèches, parmi lesquelles il y en a en 
forme d'amande, etc. La station de Steenbrugge se caractérise 
par la petitesse des dimensions (2) des objets recueillis, 
présentant de l'analogie avec les menus instruments en silex 
qui proviennent de certaines régions de la Meuse (3). 

VI. — Zedelghem. (Nord de la Clabouterie), (20), au 
Nord du Zabbeek. Cette station a été découverte le 17 octobre 
1906, par.le Baron A. de Loë, qui y trouva en notre présence 
quelques spécimen: de l'industrie néolithique, en silex noir. 
Depuis, nous y avons fait de nouvelles récoltes avec d’autres 
chercheurs. Monsieur l'abbé KR. Ingelbeen, notamment, y 
recueillit une pointe de flèche (longueur Om.05) en forme de 
feuille de saule; nous y avons trouvé plusieurs nuclei et 
grattoirs en silex noir. 

VII. — Aertrycke. (35), à la source du Moubeek. — A 
la fin d’octobre 1906, Monsieur l'abbé R. Ingelbeen ramassa 
dans le thalweg un fort beau grattoir en silex noir. Depuis ce 
moment, les exploitants de terres avoisinantes nous ont fourni 
plus de quarante échantillons des types habituellement ren- 
contrés. Le silex noir et le silex blond-gris dominent; parmi 
ceux appartenant à la dernière catégorie, figurent une série 
de grattoirs (forme tronc de py ramide à grande base variant 
de 3 centimètres à 16 centimètres). 

VIII. — Eeghem. (37). A été relevée et explorée (4) par 
Monsieur l'abbé J. Claerhout. Nous relaterons, dans l'étude 


(1) Baron C. Gillès de Pélichy. — Zes stations préhistoriques de la 
Flandre Occidentale dans C. R. G. C. o. c, p.28 ets. 

(2) Baron Ch. Gillès de Pélichy, o. c. dans C. R. C. G. page 29. 

(3) EB. de Pierpont. Observations sur de très petits instruments en silex. 
Bulletin de la Soc. d’Anthr. de Bruxelles, T. XIII, 1891-95, p. 228 et Ann. 
Soo. Archéol. Namur, t. XX, 4° livr. p. 469. 

_ Van Orerloop. Zes silez de la station pr historique de Mendonck. Bruxele 
des, F. Hayez, 1886. 
(4) J. Claerhout. Rapport, etc. dans R. G. F. B. 1902, page 45. 


— ]48 — 


des trouvailles, faites par Monsieur Claerhout aux environs de 
Pitthem, quelles ont été les principales découvertes effectuées 
dans ces parages. 

IX. — Lichtervelde. (45-49), au Wynandsveld. — 
X. — Mamelon 45, de la station du chemin de fer, à Gits 
(Onlede Molenhoek). — XI. — Gitsberg. — XII. — Ter 
Herst (33). L'existence de ces quatre stations a été signalée 
par Moxisieur le Baron Ch. Gillès de Pélichy (4), dont les 
recherches furent couronnées de succès. En dehors des 
objets du modèle habituel, mentionnons des pointes de fièche- 
à tranchant transversal. 

XIII. — Forêt d’Houthulst. (Vrijbusch) (16-30). Feu 
l'abbé J. Gezelle avait recueilli dans cette région quatre 
hachettes; la plus belle, en silex jaunâtre et -polie, mesurait: 
près de 15 centimètres de longueur. En 1876, il en avait vu 
cinq en forme de coin à tranchant droit. (2 

XIV. — Emelghem. (18-19), à proximité de la Mandel 
(r. g.), trouvée et décrite par le Baron C. Gillès de Pélichy. (s) 

XV. — Iseghem (17), et XVI. — Ingelmunster (16), 
toutes deux sur la rive droite de la Mandel. Le Baron Ch. Gillès- 
y a trouvé des « fonds de cabanes, » ainsi qu'à Emelghem- 
d’ailleurs. Ces fonds de cabanes sembleraient ne pas appartenir 
tous à la même époque. 

L’auteur de la description et de la découverte y recueillit- 
plusieurs échantillons de poteries et des silex différents des 
types retrouvés ailleurs : « le silex récolté autour des foyers 
d’Iseghem et d’Ingelmunster est noir et ressemble à celui 
d'Obourg (4) ». Celui d'Emelghem se rapproche, plus par les 
formes que par la nature du silex, de l'outillage des stations à 
ciel ouvert. 


a 


(IC R. G.G. o c. page 31. 
(2) Baron Ch. Gillès de PéHohy, o. c. dans C. R. C. G. page 82. 
(3: C. R. C. G. page 34. 

“_ (3C. R.C. G. pages 33 et 34. — Zentralblatt fur Anthropologie T. XI, 
1906, page 41. Compte-Rendu des Cougrès archéologiques de Bruges, en 
1902 (Bruges, De Plancke 1903), T. XVI des Ann. pages 204 et s.; de 
Dinant 9 13 Août, 1903, dans An. 4.-H. Belgique 1904, ire partie, p. 451- 
459; An. Em. Tome LV, Nov. 1905, page 450. 


— 149 — 


XVII. — Ingelmunster. (rive droite) (15). — XVIII, — 
Ardoye. (Bergmolen), (40)entre les « Gestel et Roodebeeken. » 
— XIX. Pitthem. (Berghoek), (35), trois stations relevées à 
Ja suite des investigations du Baron Ch. Gillès de Pélichy, ef et 
décrites, en 1896, dans C. R. C. G. o. c. 

XX à XXIII, inclusivement. — Voici quatre stations 
découvertes et explorées par le Rév. abbé J. Claerhout. Elles 
ont été dénommées par lui {1} stations : du château, du bois 
de l'Enfer, du Mont de Pitthem, de la route de Wyngene. 
Mais, une des 4 reproductions de la carte au 3555 de l'I. C. M. 
belge assigne comme emplacement d’une station, celle men- 
tionnée plus haut sous le n° XIX: Pitthem (Berghoek), et 
décrite dans C. R.C. G. p. 31. 

La récolte a été fructueuse en nuclei, lames, grattoirs, 
déchets de taille. 

En 1902, les stations du Mont de Pilthem et de la route 
de Wyngene ont fourni des fragments de haches polies, des 
pointes de flèche, en forme d'amande, une pointe de flèche très 
curieuse eu silex noir du type dit d’Obourg, en forme de feuille 
de laurier, avec bouts aigus; une pointe de flèche triangulaire 
munie d'un pédoncule et de deux atlerons; puis au cours 
d'exercices suivauts le tranchant d’une hache polie, une espèce 
de pointe de lance en silex gris, des pointes de flèches à 
pédoncules, à barbelures verticales, à barbelures obliques, etc. 

XXIV. — Denterghem. (vers la cote 11), le long du 
Peperlabeek, dit aussi Pepelaerbeek, etc. Nous voici en pré- 
sence de palafittes rencontrées et décrites par le Rév. abbé 
Claerhout (2). — Nous ne nous occuperons pas ici des décou- 
vertes similaires faites par le même explorateur, en ce qui 





(1) J. Claerhout — Rapport dans R. G. F. B. 1902, page 45; en 1904, page 
24; Cfr: An. AB. t. XIX. 1905, page 272, aussi p. 170-171; An. Em. T. LV, 
1905, p. 357. T. LVI, 1906, page 109, art. 24. | 

(2) J. Claerhout. Rapport dans R. G. F.B. 1899, page 28; en 1901, 
page 52; en 1902, page 25. Cfr. J. Claerhout. Mémoire sur la palafitte de 
Denterghem, dans les Ann. de la Fédér. arch. et hist. de Belgique, Congrès de 
Bruges, 1902, o. c. Tome XVI, 2° partie, pages 194 et suiv. — Cfr, encore 
An. AB. 1902, T. XVI, page 719; — An. AB. 1901, p. 182; — Revue des 
guestions scientifiques à Bruxelles, 1905, 3° série, t. VII, pages 342-346 ; — 
An. Em. Tome LV. 3° faseicule, août 1905, page 858. 


= 150 — 


concerne l’âge du bronze. — En 1899, le Rév. ablé Claerhout 
ÿ recueillit une centaine de petits instruments en silex, un 
tognon de silex noir d'Obourg; en 1900, une cinquantaine 
d'instruments en silex, grattoirs, pointes de flèches, couteaux, 
un fragment de patin fait d’un canon de cheval, des poinçons 
et une superbe pioche en bois de cerf. 

Quant à la trouvaille de Roulers (1), nous renvoyons aux 
indications bibliographiques fournies en note, une détermiua- 
tion précise, relative à cette découverte, ne pouvant encore 
être établie faute de documents complémentaires. 

Les sept stations suivantes ont été découvertes par le 
Baron Ch. Gillès de Pélichy, et décrites par lui dans C.R.C.G. 
o. C. — Nous nous efforcerons de présenter brièvement les 
particularités les plus caractéristiques de ces intéressantes 
trouvailles. 

__ XXV. — Lendelede. (42), Bergcappelleken : « nom- 
breux silex taillés ainsi qu’une petite hache polie originaire 
de Spiennes » (2). 

XXVI. — Tieghem. (76), Arnoldusberg : « le sommet 
dela colline est parsemé de silex taillés » (3). 

XX VII. — Heestert. (65), dans le domaine du « Baen- 
hout » : a procuré quelques lames en silex dont une finement 
retouchée sur les bords » (+). 

XXVIII. — Scherpenberg. (121). — XXIX. — Mont 
Noir. (133). — XXX. — Mont Rouge, (140), enfin XXXI. — 
Mont Kemmel. (162). Ces quatre stations se trouvent sur la 
crête de séparation des eaux de l’Yzer et de la Lys. Elles se 
distinguent par l’abondance des silex taillés. Le Mont Noir a 
fourni quelques pointes finement retouchées (3), du type de 
celles décrites dans l’exposé concernant la station de Steen- 
brugge. Au Mont Rouge, au Mont Noir et au Mont Kemmel, 


(1) J. Claerhout. dans An. Em Tome LV, 8° fasc. Août 1905, p. 857 ; — 
An. AB, t. XIX, 1905, p. 169. 

(2: C.R. C. G. o c. page 36. 

(3, C. R. C. G o c. page 35. 

(4) C. R. C. G. o. c. page 36. 

(©) C. R. C. G o. c. pages 34 et 35. 


— 151 — 


l'auteur de la description a recueilli: « d'innombrables cou- 
teaux, de superbes grattoirs et plusieurs éclats de haches 
polies »; mais la série la plus remarquable est celle des 
tranchets, des pointes de flèches à tranchant transversal et 
d’autres pointes en forme d’umande, d’un très beau travail (1). 
L'auteur signale aussi la découverte de quelques fragments de 
poteries néolithiques, au haut du Kemmel, dans une tranchée. 


QUELQUES LIEUX DE DÉCOUVERTES ISOLÉS. 


L'indicalion de ces emplacements figure, en chiffres arabes, 
au croquis ci-dessus. 


1. — Duinbergen, sur l'estran. Le Baron de Loë y 
mentionne : « une abondante récolte de silex utilisés » (2). 

2. — Ostende-Mariakerke, également le long de 
l’estran. Il convient de citer un bel échantillon recueilli par 
Monsieur Georges Cumont (3) et une jolie pièce trouvée par 
le Baron Ch. Gillès de Pélichy. En notre présence, Monsieur 
l’abbé R. Ingelbeen y recueillit un grattoir fort bien taillé, 
gisant à la laisse de haute mer, à hauteur du méridien du 
clocher de Mariakerke. 

Le Baron de Loë, qui trouva aussi un grattoir à Mariu- 
kerke, veut bien nous signaler la découverte de silex utilisés, 
en face de l’hippodrome Wellington, faite, il y a plusieurs 
années, par Monsieur le docteur Raeymaekers. 

3. — La Panne. Cet endroit est déclassé comme station. 
Monsieur G. Cumont émet l’avis que ses silex ne sont que : 
« des pièces rapportées pour servir à battre le briquet » (4). 

4. — Ichteghem, hameau « Geuzenbosch » (40). Outre 
un morceau de silex de Spiennes, uyant servi de percuteur, 
nous avons recueilli dans ces parages, pendant l'automne 


(1) C. R. C. G. o. c. page 35. 

(2) Baron de Loë. Bulletin des Musées. Royaux, etc., août 1905, page 85, 
col. 1. 

(8) C. R. C. G. o. c. page 30. 

(4) Ann. AB. o. c. Tome XX, 1906, page 502. Le Baron de Lob estime 
que cette station ne remonte pas au delà de l'âge du fer. Cfr. loc. cit. page S(2. 


— 152 — 


1906, une demi-douzaine d’éclats de taille, également en silex 
de Spiennes. | 

5. — Aertrycke, 500 m. à l’Est de la source du Mou- 
beek. C'est là, qu’en septembre 1906, nous trouvâmes le 
premier silex taillé (un bon grattoir), de la région du faîte 
de séparation, entre bassins côtiers. 

Terminons cette Énumération par la nomenclature de 
cinq belles haches en pierre polie. Outre celles de Lampernisse, 
Thourout, Houthulst, Bruges, déjà mentionnées (1), il faut 
signaler la superbe hache (propriété de Monsieur le Baron 
J.-B. de Bethunede Villers) recueillie, à Bruges, non loin 
de la « porte de Gand ». 


CONCLUSIONS. 


Le relevé, fait ci-dessus, des différents types d’échantil- 
lons récoltés, nous permet, une fois de plus, de remarquer 
l’analogie, voire l'identité des modèles observés dans les cinq 
continents (2). 

Ces constatations, signalées à tout propos, notamment 
par le Marquis de Nadaillac, Messieurs Piette, Boule, Jones, 
etc. etc., ainsi que toutes les considérations relatives aux 
migrations (3), nous obligent, en l'état actuel des connais- 
sances, à être fort circonspects quaut à tout essai de classifi- 
cation. 


(1) C. R. C. G. o.c page 36. 

(2) B. Piette. Etudes d'ethnographie préhistorigre (Extrait de l'Anthro- 
pologie). T. VII, no 3, Paris, Massou, page 399 — Boule. Anthr. 1893, 
page 36. — Rupert Jones. AxtAr. Instit. New Seii s Tome I, page 50. — 
Marquis de Nadaillao. L'Art préhistorique, dans « Le Correspondant » (Paris) 
du 10 juin 1900, page 931 : « Les pointes de flèches du Dakotah, celles des 
« Apaches ou des Commanches montrent une étrange ressemblance avec 
« celles de nos régions … Les nuclei de la Scandinavie peuvent se compa- 
« rer à ceux du Mexique. » — A propos du Mexique, il convient de citer les 
magnifiques échantillons d'armes primitives en cristal de roche venant de 
ce pays. On voit de ces exemplaires au British Museum de Londres; 
dans les superbes collections de Monsieur G. Cumont, nous avons égale- 
ment pu admirer quelques beaux modèles en obsidienne, rapportés du 
Mexique. 

(81 Baron van Ertborn. Ze Système pliocène en Belgique. L'âge vrai du 
#rai Moséen, etc. Bruxelles, Weissenbruch, 1903, page 6. 





Moyen pratique 
de populariser. l’Histoire nationale, 


par Caarzxs ARENDT, 
Architecte de l'Etat hre, à Luxembourg. 


Parmi les sciences modernes, l’histoire, notamment l’his- 
toire nationale, occupe un rang élevé. On l'appelle à juste 
titre la Magistra Vitae. Que ce grand moyen d'éducation 
du peuple n’ait guère produit jusqu'ici des résultats satis- 
faisants, à quoi faut-il l’attribuer? A notre avis la cause 
réside dans la sécheresse de la méthode employée pour ensei- 
gner l’histoire nationale. Si au lieu de se borner à des récits 
qui souvent fatiguent l’esprit du public et s'oublient, on 
s'attachait à frapper son imagination par la vue de l’image 
authentique des ancêtres illustres, dont on prône les hauts 
faits et les vertus civiques, nul doute que son attention serait 
doublée, et qu’il garderait dans son cœur une impression 
durable. Et son âme s’ouvrant à des sentiments nobles et 
élevés, l’homme du peuple, l’ouvrier apprendrait à aimer la 
Patrie. 

De cette manière aussi, la mémoire de maint homme de 
grand mérite serait sauvée de l’oubli. D’un autre côté, la 
classe ouvrière gagnerait la conviction que, même dans son 
sein si humble, des personnages illustres ont pris naissance. 


% 
*X * 


C'est dans cet ordre d’idées, que, profitant des progrès 
de la phototypie, nous avons pris à tâche de publier dans notre 
Pays (1) un album populaire in 4°, intitulé : 


(1) La galerie d'hommes illustres, qui jadis avait commencé à 
paraître en Belgique et en France, n'a jamais pénétré dans les grandes 
masses. 





— IM — 


Porträl-Gallerie hervorragender Persönlichkeiten aus 
der Geschichte des Luxemburger Landes, von ihren Anfängen 
bis zur Neuzeit. (Mit biographischen Notizen). Cet ouvrage, 
d’un prix modique (1), a eu un succès inespéré. Le premier 
volume, donnant 90 portraits avec texte et 7 scènes historiques, 
a paru en 1904; il est presqu' épuisé. — Le volume IT, avec 
114 portraits, vient de paraitre; et le volume III, avec 


80 portraits, se trouve en préparation. — L'ouvrage relié 
avec goût, sert en outre comme livre de prix et comme album 
de salon (3). 


Eufin, détail non moins digne d’être relevé, les 285 
clichés d’impression, transposés sur verre, servent encore aux 
projections lumineuses des conférences populaires sur l’histoire 
nationale, conférence, qui, chaque fois, font salle comble. 


Luxembourg. février 1907. 


(1) Cheque portrait, de 45 à 50 c. m. carrés, ne revient qu’à un sou environ. 
(2) Nous avons fait don au Congrès de Gand d’un exemplaire du volume II. 


Quelques ‘considérations 
sur le servage dans l’ancien pays de Looz (1), 


par À. HANSAY, 


Conservateur des Archives de l'Etat, à Hasselt. 


L'histoire du servage dans l’ancien pays de Looz, qui 
reste à faire, embrasse dix siècles, depuis le 9° jusqu'à la 
fin du 18°. On peut la diviser en deux grandes périodes : 


(1) Sources: a) Manuscrites; cf. H. VAN Neuss, /nventaire sommaire des 
archives de l'Etat, à Hasselt, Bruxelles, Guyot, 1901, et A. Hansay Supplé- 
ment à UInventaire des archives de l'Elat, à Hasselt, dans la Revue des 
Bibliothèques et archives de Belgique, t. IV, fasc. I, 1906, notamment les 
chartriers, les cartulaires et les registres censaux. 

b) Imprimées; cf. C. LE BORMAN, Chronique de l'abbaye de St. Trond, 
Liège, 1872-77, 2 vol. in-8°; Prior, Cartulaire de l'abbaye de St. Trond 
(741-1596), Bruxelles, 1870-75, 2 vol. in-4°; H. PIRENNE, Le livre de l'abbé 
Guillaume de Ryckel (1219-72). Polyptyqus et comptes de l'abbaye de St. Trond 
au milieu du XIII° siècle. Bruxelles, 1896, in-8°; P. DANIËLS, Le droit de 
mortemain ou KEUR dans l'ancien pays de Vogelsanck, dans l'Almanack 
administratif... de la province de Limbourg, Hasselt, 1888, p. 167 à 180 
(Cf, le règlement p. 169 à 175). Voir aussi les Coutumes de Reckheim, dans 
les Coutumes du pays de Looz, t. II, et notamment le chapitre XLVIII, p. 
454, rubriqué « Van keur goederen ». 

Ouvrages à consulter : VANDERKINDERE, Les serfs d'église, dans leg 
Bulletins de l'Académie royale de Belgique, 1897, p. 420 à 483 (Cf. une 
critique de A, HANSAY, dans la Revue de l'Instruction publique de Belgique, 
1897, p. 420 à 423); ajoutez A.HANgay. Etude sur la formation el l'organi:- 
sation économique du domaine de l'abbaye de SE. Trond, jusqu'à la fin du 
XIIIe siècle, Gand, 1899, passim et particulièrement au chapitre ll, le 
paragraphe rubriqué « Ministeriales », p. 19 à 82, ainsi que le chapitre IV, 
intitulé De la condition personnelle des « censuales » et des « cerocensuales » 
dans les domaines de l'abbaye de St. Trond, p. 103 à 109. — En outre 
C. LecLère, Les avoués de St. Trond, 1902, passim. Enfin, G. SIMENON, 
Le servage à l'abbaye de St. Trond, dans la Revue apologetigue des 16 juillet 
et 16 août 1903, publié également à part en 1903 en une brochure de 
36 pages (Cf. le compte rendu de A. HANSAY, dans les Archives belges, 
1908, no 262). 


— 156 — 


la première allant du 9° siècle à la fin du 13°, la seconde 
s'étendant depuis le 14° siècle jusqu’à la fin du 18°. Pendant 
la première période, l'institution du servage occupe une place 
importante dans la vie sociale; dans la seconde période, on 
ne trouve plus de cette institution que des vestiges qui vont 
s'évanouissant dans le cours des siècles jusqu'à ce qu'ils 
disparaissent définitivement avec la conquête francaise à la 
fin du 18° siècle. 

4° Période : Il convient de distinguer les différentes caté- 
gories de serfs qui apparaissent dans les documents. 

Ce sont : 1° des serfs attachés à l'exploitation d'un grand 
domaine, de ceux qu'on désigna plus tard du nom de serfs de 
la glèbe. 

2° Des serfs exerçant des fonctions domaniales ou astreints 
à des obligations militaires. 

3° Des serfs qu'un lien très lâche de dépendance pure- 
ment personnelle rattache à un établissement religieux et 
auxquels convient le nom de serfs d'église. 

Cette distinction faite, divers problèmes sollicitent notre 
examen : 

a) l’origine de ces diverses catégories de serfs, 

b) la nature et l'importance de leurs obligations, 

c) les transformations qui, au cours des siècles, s'opé= 
rèrent daus leur condition, le sens de ces transformations et 
les causes qui les provoquèrent. 

Eo ce qui concerne plus particulièrement les causes des 
transformations du servage, les uns les ont cherchées dans 
l'influence des idées chrétiennes, d’autres dans l’influence 
d'un désir de liberté en quelque sorte inné chez l'homme, 
d’autres enfin dans l’action des causes économiques. Ces 
hypothèses ne sont pas à dédaigner, mais il semble bien 
qu'elles soient insuffisantes. Je dirai même que serait insuf- 
fisante une explication plus générale qui, combinant ces 
diverses hypothèses, voudrait à chacune d'elles faire sa place. 

2e Période. Au 14° siècle encore, on constate quelques 
traces de servitude personnelle. Mais, en général, pendant ce 
siècle et les siècles qui ont suivi, le servage ne se manifeste 
plus que par la survie d’une prestation, celle de la mortemain 


— 157 — 


(keur en flamand). Ce droit de mortemain, de personnel (1) 
d’ailleurs qu’il était originairement, était devenu réel, et il 
frappait certaines terres au décès de l'occupant quel qu'il fût. 

Cette taxe, qui se payait sait en nature, soit en argeut, 
se vit même, à la fin du 18° siècle, remplacée par une taxe 
annuelle. Du coup, de l’ancienne prestation, il ne restait que 
le nom (mortemain ou Keur). Et avec la conquête francaise le 
nom aussi disparut. 


(1) Le droit de mortemain était une des trois prestations qui, dès 
l'origine, avaient frappé la personne du serf. Les deux autres prestations - 
étaient le cens capital, ou capitation, et le droit de mariage. 


L’Archéologie campanaire en Belgique, 


par F&RNAND DONNET, 
Secrétaire de l’Académie royale d'Archéologie de Belgique. 


L'archéologie campanaire qui, dans les pays voisins, 
compte bon nombre de fervents, et qui, depuis assez bien 
d’années, a provoqué la publication de nombreux travaux 
spéciaux, n’est pas sérieusement étudiée en Belgique depuis 
bien longtemps. C'est en France surtout, que l’étude des 
cloches, de leur histoire, de leur caractère artistique, de leur 
passé légendaire, a provoqué le mouvement le plus actif. La 
bibliographie relative à ce sujet est des plus copieuses. En 
Allemagne, en Angleterre, en Hollande, ailleurs encore, de 
nombreux savants ont livré à l'impression les résultats de 
leurs recherches dans ce domaine. Dans notre pays, quelques 
auteurs s'étaient, il est vrai, occupés des cloches au point de vue 
religieux ou littéraire, en avaient parlé, en étudiant plus 
particulièrement les carillons, en avaient fourni, de ci de là, 
quelques indications dans des recueils épigraphiques, mais ce 
n'est guère que depuis une dizaine d'années, que des travaux 
spéciaux ont vu le jour, dans lesquels les cloches, sous toutes 
leurs formes, à toutes les époques, dans tous leurs emplois, ont 
été étudiées, décrites et analysées. Les dépôts d’archives ont 
été patiemment fouillés, les vieux clochers ont été visités, et, 
du résultat de ces multiples investigations, sont issus bon nom- 
bre d'ouvrages archéologiques d’un indéniable intérêt. Toute- 
fois, sur ce terrain, une ample moisson scientifiqu peut encore 
être recueiilie, et nous croyons faire chose utile en résumant 
brièvement les indications produites jusqu'ici, dans l'espoir 
que d’autres chercheurs, à leur tour, s’intéresseront à la cam- 
panalogie, et par de futures découvertes, voudront contribuer 
au développement de cette branche si intéressante de l’archéo- 


logie nationale. 


# 
* % 


— 159 — 


Il est évident, que, dans nos provinces, l'emploi des cloches 
remonte à une époque aussi ancienne que dans les pays 
voisins. Dès que le temple chrétien fut complété et couronné 
par une tour ou un campanile, si modeste fût-il, des cloches 
dureut y être appendues pour appeler le peuple fidèle à la 
prière. Toutefois les témoins véridiques, datant des premiers 
siècles de l’organisation du culte catholique, nous manquent. 
Seules, quelques rares indications, plus ou moins sûres, 
permettent de fournir certaines données relatives à la période 
romane. | 

Un gentilhomme flamand, Jehan Lhermite, qui fut 
_ attaché à la Cour du roi Philippe II et passa une grande partie 

de son existence en Espagne, décrit dans son Passetemps les 
cloches du carillon de l’Escurial, dont bon nombre provenaient 
d'ateliers de nos provinces. Parmi celles-ci, il en existait une 
qui remontait à une très haute antiquité, s toutefois on peut 
admettre l'entière exactitude du rapport de Lhermite : « il y en 
avait une, écrit-il, apportée de la ville de Veurne à Steenkerke, 
qui est au pays de Flandre, entre Duynkerke et Nieupoorte, 
qui était fondue l’an 418, et à ce compte vieille de mille cent 
et septante neuf ans, qui ne serait petite antiquité pour approu- 
ver l’ancienneté de notre foy chrestienne et catholique que 
nous professons par delà, si le millier n’y fut obmis, comme 
j'en crains. » 

Parmi les cloches que vendit, en 1579, le magistrat d’Aude- 
narde, il s'en trouva une d’un âge respectable. du moins 
l'inventaire dressé lors de l’aliénation semble le prouver. 

On y renseigne une cloche pesant 950 livres, dont l’in- 
scription paraissait fort ancienne et qui portait la date de 606. 

Noch eene andere clocke, met eene onvulgotene croone ende 
lee galen in de croone van de selve, met seer antychsche 
delteren, ghegoten anno VIVI, weghende neghen hondert 
vyftich ponden, Ghecoteerd n° 1717. 

Le chroniqueur Godeschalc, qui écrivait au VIIT: siècle, 
fait mention d'une cloche, en parlant du séjour que l’évêque 
de Liège, saint Lambert, fit au monastère de Stavelot. Ailleurs 
encore, dans les anriales de l’abbaye de Saint-Ghislain, il est 
rapporté, qu’en 959, saint Gérard, sentant approcher sa fin, : 


— 160 — 


après avoir donné la bénédiction à ses religieux et recu le 
saint viatique, ordonna qu’on sonnât son trépas avec la cloche. 
qu’il avait fait bénir autrefois par son évêque. L'emploi de 
cloches peut encore être constaté dans la chronique de Sigebert 
de Gembloux en 1080, et dans une lettre datée de 1130, par 
laquelle un abbé du monastère de Saint-Amand proposa aux 
chanoines de Saint-Servais de s'engager mutuellement à faire. 
célébrer des services religieux annoncés par des sonneries de . 
cloches. | 

Les annales de Flandre, en relatant les détails du meur- 
tre du comte Charles le Bon, rappellent que les conjurés 
s'étaient réfugiés dans la tour de l’église Saint-Donat, et que. 
pour empêcher qu'on sonnât les cloches, ils avaient retiré. 
à eux les cordes. | 

._ L'usage de cloches, considérées comme attributs des. 

libertés communales, est attesté par un passage de la charte 
de Tournai de 1187, qui autorise les bourgeois à posséder uue 
cloche et à l’utiliser pour les affaires de la ville. . 

De toutes ces cloches, il ne reste plus autre chose que le 
souvenir; elles ont disparu, soit qu’elles aient été fondues pour - 
être remplacées par d'autres plus importantes, soit qu’elles 
aient été mises hors d’usage par suite d'usure, soit enfin qu’el-. 
les aient été enlevées lors des désordres incessants de ces 
époques troublées. 

nf 

Au XIIT° siècle, il faut déjà des cloches plus lourdes. Sous 
l'influence du style ogival, les clochers des églises se sont 
élevés davautage, et, d'autre part, les agglomérations bâties 
s'étant développées, il a fallu donner aux cloches une puissance 
plus grande, afin que leur sonorité puiëse porter plus loin. Si 
dans d’autres pays, en Allemagne surtout, on retrouve encore . 
assez bien de cloches datant de cette époque, dans nos provin- 
ces, elles sont rarissimes. Cependant de nombreuses mentions 
sont faites de leur existence dans les comptes ou les autres 
documents de l’époque. 

En Flandre, dans lecanton d'Avelghem, existait encore - 
au XVI: siècle une cloche datée de 1232. Dans une commune. 


— ]61 — 


voisine, une autre portait la date de 1235. L’église d'Eyne en 
possédait une depuis 1255. 

Ailleurs, d'anciennes coutumes témoignent de l’emploi 
de cloches au XIII* siècle. C’est ainsi qu’à Ypres, à cette 
époque, les mariages étaient annoncés par des sonneries, et 
qu'à Louvain, en vertu d’un rescrit ducal de 1282, la cessa- 
tion du travail dans les ateliers était indiquée de la même 
manière. 

A Liège, il y a cinquante ans, on refondit une cloche de 
1275 que possédait l’église Saint-Paul. Par contre, dans la 
même ville, il en existe encore deux qui datent de cette époque 
éloignée. L’une, qui appartient à la même église, fut fondue 
également en 1275 par Jean et Gérard de Liège: la seconde, 
qui est conservée dans l’église Saint-Denis, porte la date 
de 1283. 


x» 
Le XIV* siècle, par contre, peut fournir des éléments 
d'étude bien plus nombreux et plus importants. Les cloches 
datant de cette époque se retrouvent encore en maintes locali- 
tés de nos provinces. Déjà alors elles n’ont plus le caractère de 
grande simplicité usité pendant les siècles antérieurs. Leur 
robe d’airain s’embhellit d'ornements divers : rinceaux, arca- 
tures, sujets religieux, images pieuses, etc. D'autre part, les 
inscriptions deviennent plus prolixes. Elles nous permettent 
d'apprendre le nom de la cloche, celui da fondeur auquel elle 
doit l'existence, et l’année de sa naissance. De plus, à ces 
renseignements d’état-civil, s’ajoute une invocation pieuse, ou 
une prière, ou bien encore une brève indication du rôle préser- 
vateur ou propitiatoire que doivent jouer les cloches. D'autre 
fois, ces textes énumèrent déjà les divers usages auxquels elles 
sont destinées. Mais toujours ces inscriptions sont imprégnées 
d'un caractère franchement religieux ; elles sont en tout 
d'accord avec la liturgie, et parfois mème elles revêtent une 
forme non dépourvue de poésie. Les vanitenses réclames 
qui, plus tard, devaient les contaminer, ne sont pas encore 
venues en ternir la forme si archaïque. 
Il ne serait guère possible d’examiner ici toutes les cloches 


11 


— 162 — 


du XIV° siècle que possèdent encore nos'églises ou nos 
bâtiments civils. Nous nous bornerous à en indiquer quelques- 
unes. 

Le fameux bourdon du beffroi de Gand, l'antique 
Roelant. dout l'inscription, dans son énergique concision, 
résumait les divers usages, avait été fondu en 1314. À la même 
catégorie appartient le bourdon de Furnes, Bomke, que Guil- 
laume de Haerlebeque fabriqua en 1378, et celui qui, depuis 
l’année 1377, est en service dans la tour des halles d’Ypres. 
Ces cloches, appartenant à la commune, constituaient l’em- 
blème de la puissance du peuple, et leur possession formait un 
des privilèges dont le maintien était le plus âprement défendu. 
Quand en 1318, Philippe de Valois confisqua les droits de la 
commune d’Ypres, il eut soin de faire enlever la cloche du 
beffroi. À la fin du XIV: siècle, furent aussi placées dans la 
tour communale de Tournai une cloche de même nature, 
ainsi qu'une autre servant à indiquer les heures et mue par 
le mécanisme de l'horloge. 

En Flandre, on constate qu’autrefois des cloches du XIV® 
siècle existaient dans les églises d'Eyne, de Caster, de Kerc- 
hove et dans quatre autres localités voisines d’Audenarde. A 
Termonde, les comptes communaux témoignent de l’usage 
à la même époque de différentes cloches. C’est alors aussi 
qu’un fondeur bruxellois se rendait, en 1383, à Malines, pour y 
refondre les cloches communales. Du reste, dès 1347, on trouve 
trace dans cette dernière ville de fondeurs qui y habitaient et 
y exercaient leur métier. 

À Mons, il exista jusqu'à la fin du XVIII siècle une 
cloche à l'église Sainte-Waudru, qui était ornée du millésime 
de 1388, et à l'hôtel de ville de la même localité, est encore 
conservée aujourd'hui une autre cloche que M° Henri le Rou- 
sillon, de Dinant, coula en 1390. 

Daus l’église St-Martin, à Courtrai, on peut retrouver une 
cloche provenant de la fabrication de Jean de Leenknecht et 
exécutée en 1345. 

Si l’on veut considérer les si nombreuses causes de des- 
truction qui se sont multipliées dans nos provinces, depuis le 
XIV® jusqu’au XIX° siècle, on sera sans doute étonné de 





— 163 — 


constater qu’il existe encore de ci de là des cloches qui ont 
pu leur échapper et parvenir intactes jusqu’à nous. 


ze 


Par contre, les cloches du XV* siècle qui existent encore 
sont bien plus nombreuses. Presque pas de ville belge, où l'on 
n'en puisse retrouver, et même dans bon nombre de villages, 
on peut encore en découvrir. Du reste, sur cette époque, les 
documents d’archives sont déjà plus explicites, et il v a moven 
de reconstituer l’histoire de l'art campanaire dans nos 
provinces. 

C'est surtout au XVT° siècle que l'efflnrescence attei- 
guit son apogée. Les cloches se multiplièrent d'une facon 
considérable ; les carillous furent placés dans de nombreuses 
localités, et d'autre part, le poids et l’importance des cloches 
furent portés à des limitesqui n'avaient pasencoreété atteintes. 

En cette étude résumée, il est inntile d'examiner plus 
minutieusement les cloches des XVeet X VI siècles existantes: 
ce serait une tâche bien trop étendue. 

Pendant cette période, le caractère artistique des cioches 
fait d'incontestables progres. Sur leur robe d’airain sont 
appliqués divers motifs religieux : le Christ en croix, la Vierge 
ou le patron dont elles portent le nom. Parfois des sujets profa- 
nes sont aussi moulés dans le bronze. Tel est par exen ple le 
cas pour la belle cloche de Wechelderzande qui porte la date de 
1526, et autour de laquelle on voit se dérouler des scènes 
appartenant à une période plus ancienne et représentant une 
chasse au sanglier, des motifs héraldiques, des blasons, etc. 
Des sujets exécutés à cette époque sont encore appliqués un 
siècle plus tard sur certaines cloches, notamment à Ypres où, 
à côté du millésime de 1683, se développent les scènes 
fort caractéristiques d’une danse des morts dont le modèle 
est certainement antérieur. 

Il était alors d'usage aussi d'appliquer sur les cloches des 
médaillons artistiques, commémorant des scènes religieuses ou 
profanes, voire même mythologiques. Ce furent surtout les 
œuvres des médailleurs du XVIe siècle qui servirent à ce genre 
d'ornementation. 


— 164 — 


Ailleurs encore, et cette coutume était même fort répan- 
due, le fondeur imprimait sur la cloche des empreintes de 
monnaies, des médailles, des sceaux de villes, de communautés. 
religieuses ou de particuliers, des blasons de divers genres. 
Et pour ce genre d’ornementation, on utilisait souvent des 
matrices représentant des documents numismatiques ou 
héraldiques bien antérieurs à l'époque pendant laquelle la 
cloche était fondue. 

À ces motifs divers s’ajoutaient des rinceaux, des frises : 
composées de fleurs et de fruits, au milieu desquels se jouaient 
des angelots, des cordons formés de motifs architectoniques. 
Ce fut surtout sous l'influence de la renaissance, que ce genre 
d’ornementation se développa. Plus tard, il devait, en tombant 
dans l’exagération, se signaler par le mauvais goût et une 
composition souvent baroque. 

Pendant cette période, les inscriptions campanaires de- 
viennent moins concises; leur importance s'accroît sensible- 
ment. Toutefois, elles ne perdent pas encore leur caractère 
religieux. Elles constituent, comme avant, une invocation ou 
une prière, énumèrent le rôle religieux que doivent jouer les 
cloches, attestent la vertu protectrice qui leur a été attribuée 
par la consécration baptismale, et ne manquent pas de préci- 
ser expressément les noms des saints patrons sous la protec- 
tion desquels elles ont vu le jour. 

kk 

Les troubles religieux du XVI° siècle devaient nécessaire- 
ment être fatals aux cloches. Les protestants qui, de tous côtés, 
avaient attaqué les églises pour détruire ou enlever les riches- 
ses mobilières immenses qu'elles renfermaient, ne de- 
vaient pas respecter les clochers. Presque partout les cloches 
furent arrachées de leurs retraites aériennes, et la soldatesque 
pillarde en fit la matière d’un commerce des plus productifs. 
C'est alors qu'on put voir les cloches provenant des diverses 
églises de nos provinces, réunies, chargées sur des chariots, 
conduites au delà des frontières, ou bien encore traînées 
jusqu’à quelque quai d'embarquement, où l’on pût aisément 
les transporter à bord du bateau qui devait les exporter vers 


— 165 — 


des contrées dans lesquelles il était possible de les vendre 
facilement. 

C’est ainsi, que le 15 janvier 1579, arrivait à Anvers un 
bateau d'intérieur, qui avait été expédié de Berghe-S'-Win- 
noc. Il avait été chargé d’une forte quantité de cloches de 
toutes dimensions, grandes et moyennes, qui avaient été 
enlevées des églises situées dans les environs de cette ville. Le 
bateau fut dirigé vers la Zélande, et peut-être sa cargaison y 
fut-elle transbordée sur d’autres vaisseaux qui la conduisirent 
outre-mer. Un autre jour, «le Bonaventure », entièrement 
chargé de cloches, conduit par le capitaine Goes, fit voiles 
pour Rouen, mais, assailli en mer par une violente tempête, il 
périt avec toute sa charge. En 1578, à Maestricht, on fondit, 
pour en faire des pièces d'artillerie, tout un lot de cloches 
provenant du territoire belge. Les cloches de Malines, volées 
par la soldatesque, furent transportées à Anvers où on s’effor- 
ca de les vendre comme métal hors d’usage. Dans certaines 
villes étrangères, telle Lisbonne par exemple, il existait un 
marché régulier, où les acheteurs pouvaient avec facilité 
s'approvisionner de cloches provenant de nos provinces. 

Il n’est donc nullement étonnant de retrouver à l'étranger 
tant de cloches portant des inscriptions flamandes ou des 
indications prouvant qu’elles furent fondues dans notre pays. 
Quelques-unes sans doute y furent régulièrement comman- 
dées ou acquises, mais la plupart firent partie du butin réuni 
par les soldats pillards du XVI: siècle. 

C’est ainsi que le carillon de l’église Saint-Laurent de 
l’Escurial, à Madrid, est en grande partie composé de cloches 
provenant de l'atelier des vanden Gheyn. On en trouve 
également qui portent le nom de ces fondeurs malinois, ou 
bien encore ceux des Waghevens, des Zeelstman, des Hemony, 
à Martofino près de Gênes, à Canettemont près de Frevent 
dans le département français du Pas-de-Calais, à la chapelle 
de Saint-Martin à Avesnes-lez-Herly (canton d’Hucqueliers), à 
Ligny-sur-Canche, à Baincthun, près Boulogne, à Lottinghem, 
à La Lande-de-Cubzac, et dans diverses localités de la Somme, 
de la Haute-Vienne, de la Haute-Marne, etc. Puis, on peut 
encore citer les cloches qui sont conservées à Churchkirk, en 


. — 166 — 


Angleterre, ou à Cambridge, à la cathédrale de Glasgow, à 
Nichalastau (comté de Glamorgan), à Whalley dans le Lan- 
cashire, sans oublier de remarquables spécimens de l’art 
campanaire qui ont été retrouvés dans le Limousin et ailleurs 
encore. | 


La disparition violente des cloches pendant les troubles 
du XVI‘ siècle, et la nécessité sans cesse plus impérieuse de 
posséder des ipstruments d’une sonorité plus grande, furent 
cause, aux XVII: et X VIII: siècles, de la confection de cloches 
nouvelles. Mais celles-ci, en augmentant de volume, perdirent 
progressivement tout caractère artistique. On ne les enrichit 
plus de motifs élégants, de médaillons ou d'empreintes numis- 
matiques; tout au plus y retrouve-t’on quelque figure pieuse, 
souvent d’une banalité déplorable, Par contre, les inscriptions 
se multiplient et deviennent parfois d’une longueur insensée. 
Elles servent de prétexte aux énumérations les plus pompeuses, 
aux qualifications les plus exagérées. Plus de prière, plus 
d’invocation pieuse, mais les noms des donateurs, des curés, 
des marguilliers, des parrains ou des marraines, suivis de 
litanies interminables de titres et de qualificatifs qui souvent 
n'ont avec la vérité que des relations fort éloignées. 

Alors aussi apparaissent les cloches décimales. Celles-ci 
étaient données à l’église par les personualités collectives ou 
particulières qui jouissaient des dimes à percevoir dans la 
paroisse. Ces cloches devaient être de dimension suffisante, 
pour: que leur son pût être percu jusqu'aux limites extrèmes 
du territoire dans lequel opéraient les décimateurs. 


Ed 


À cette époque, un nouveau danger fort grave menaca 
l'existence de nos cloches. Pendant les interminables guerres 
qui désolèrent nos provinces, surtout depuis le milieu du XVIT° 
siècle, il fut admis que les cloches faisaient légalement partie 
du butin auquel les vainqueurs pouvaient prétendre. Les 
besoins d’une artillerie souvent renouvelée et sans cesse 


— 167 — 


augmentée, nécessitaient uue consommation fort grande de 
métal, et l’iutendance des armées ennemies avait jugé ne 
pouvoir s’en procurer à meilleur compte et de plus parfaite 
qualité, que dans les clochers de nos églises. Pour éviter ces 
déprédations parfaitement prévues, les curés des campagnes 
transportaient leurs cloches dans les villes voisines. Et quand 
celles-ci, à la suite de quelque siège plus ou moins long, tom- 
baient au pouvoir de l'ennemi, la récolte en métal étnit 
d'uutaut plus abondante, qu’aux nombreuses cloches urbaines, 
veuaient s’ajouter toutes celles qui provenaient des cainpa- 
œnes environnantes. 
Bientôt la coutume s’établit de racheter les cloches, et il 
fut parfaitement accepté, qu'après la reddition d’une place 
forte, les assiégés avaient le droit, moyennant une somine à 
stipuler ou à établir après estimation, d'obtenir du grand- 
maitre de l’artillerie ennemie, la faveur de couserver tous les 
objets en métal dont ils étaient propriétaires. Et c’est ainsi 
qu'on vit, grâc: aux fortunes diverses de la guerre, des 
places fortes prises et reprises, Contraintes, en une période de 
peu d'années, de racheter quatre ou cinq fois les mêmes 
cloches, Ce triste sort échut à la ville d’Ypres qui, en 1648, 
1658, 1678, 1744, fut forcée chaque fois de trouver les capitaux 
néCessaires pour racheter à l’armée française « les cloches, 
Oranements, chandeliers et autres ustensiles qui leur appartien- 
nent tant concernant le service divin que la décoration des 
églises et le service public. » Eu 1678, la ville de Gand dut 
Payer 48,000 livres de France pour pouvoir conserver les 
cloches que l’armée de Louis XIV voulait utiliser pour le 
rvice de son artillerie. Lors de la prise d’ Audenarde, en 1706, 
Une Stipulation du même genre fut insérée dans l'acte de 
@pitulation. 

Il advint parfois que les habitants de certaines places 
tres prétendirent que semblable rachat, après une première 
@Pitu lation, constituait uue franchise pour l’avenir. Pareille 
théorie n'eut en général pas grand succès; à Tournai toutefois, 
le réussit en 1709. Il est vrai, que pour assurer sun SUCCÈS, 
le Ma œistrait avait eu soin de faire certains dons en espèces 
OND an tes aux officiers qui commandaient l'artillerie ennemie. 


* 
* * 


— 168 — 


Les cloches qui avaient pu être soustraites aux pillages 
de la soldatesque du XVI: siècle, aux confiscations des artil- 
leurs du XVIT°*, devaient bientôt courir un danger bien plus 
grand. A la fin du XVIII siècle, les républicains francais 
s'étaient emparés de nos provinces. Ils s’empressèrent de 
s'attaquer à la religion dont ils devaient bientôt prohiber 
l'exercice et persécuter de toutes les manières les ministres. 
Dès qu’ils eurent fermé les églises, ils en confisquèrent ou 
livrèrent aux enchères le mobilier et les inestimables trésors 
artistiques qu'elles renfermaient. Les cloches ne devaient pas 
être épargnées. La Convention avait décidé que, sur tout le 
territoire de la République, les cloches seraient mises à la 
disposition du ministre de la guerre. Une seule cloche devait 
être épargnée dans chaque paroisse ou plutôt dans chaque 
localité; elle devait servir à transmettre et annoncer les 
ordres de l'autorité. A la campagne, elle était surtout utilisée 
pour le service de l’horloge de la tour. Le métal des cloches 
confisquées devait servir à la fonte de canons ou à la frappe 
de monnaies de billon. Ces instructions furent exécutées 
dans nos provinces en 1798 et 1799. Partout les cloches 
furent saisies; parfois la force armée dut être requise pour 
assurer le succès de cette opération ; transportées dans certains 
chefs-lieux ou villes importantes, les cloches y furent systé- 
matiquement brisées, et leurs débris furent transportés en 
France, soit par voie d’eau, soit par voie de terre. À Anvers, 
ce fut dans l’ancien couvent des Récollets que toutes les 
cloches de la ville et des villages de la province furent emma- 
gasinées. Elles y furent brisées, et le métal qui en provint fut 
chargé sur des bateaux qui devaient le transporter en France. 
Les cloches enlevées des environs d'Alust, furent envoyées 
aux forges du Creuzot; celles qui furent trouvées dans les 
églises de la banlieue bruxelloise, furent destinées à alimenter 
les mêmes ateliers, et furent dans ce but réunies par les soins 
de Lannoy, « munitionnaire général des vivres et viande des 
armées du Nord et de Sambre et Meuse. » 

La rage de destruction des cloches s’accrut encore pen- 
dant la sanglante épopée de la guerre des paysans. C'est au 
son du tocsin que les gars des campagnes se réunissaient 











— 169 — 


pour courir sus aux soldats de la République. Il fallait à tout 
prix empêcher que les « brigands » n’usassent de ce moyen 
de ralliement. 

Et pourtant, assez bien de cloches échappèrent aux 
vigilantes recherches des sans-culottes. Dans les campagnes 
surtout, ou s’empressa de les descendre des clochers et de les 
cacher dans des tas de fumier, ou simplement dans la terre, 
plus souvent encore dans les puits ou les étangs. Beaucoup 
d’entre elles purent ainsi être recouvrées après le rétablisse- 
ment du culte, et de temps en temps, le hasard en fait encore 
découvrir, dont la cachette avait été oubliée. | 


* 
% % 


Depuis le commencement du XIX° siècle, après que le 
Concordat eut rendu la paix religieuse à nos provinces, on 
s’empressa partout de repeupler les clochers déserts. Au- 
jourd’hui encore, dès qu’une tour nouvelle est érigée, elle 
est sans retard pourvue de plusieurs cloches. Bien souvent, 
d'anciennes cloches, parfois fort intéressantes, ont servi à 
fournir le métal nécessaire à la fonte des nouvelles. Celles-ci, 
en général, sont d’une banalité désespérante. Sur leur robe 
d’airain le plus souvent s'étalent des ornements néo-gothiques 
d'un goût fort douteux, encadrant des figures pieuses sans 
caractère. Les inscriptions antérieures ont fait place à de 
simples énumérations de noms, parmi lesquels se retrouvent 
ceux du curé de la paroisse, du doyen du district, du parrain, 
de la marraine, de tous les membres de la fabrique d'église, 
des donateurs, souvent des membres du conseil communal, 
sans oublier celui du fondeur. Cette banale énumération, 
sans le moindre intérêt, rappelle l’usage récent mis en 
honneur par certains fondeurs, qui, moyennant l’octroi d’une 
légère rénumération, ajoutaient sur la cloche le nom du 
premier venu désireux de voir son souvenir passer à la postérité 
grâce à ce moyen économique. On se demande comment il 
est possible de concilier des inscriptions de ce genre avec le 
texte des prières, si belles, prescrites par le rituel pour la 
bénédiction des cloches. A l'exemple des anciens, il serait 


— 170 — ° 


facile de puiser dans le formulaire religieux des textes plus en 
rapport uvec la mission des cloches et avec leur caractère d’une 
symbolique si pure et si élevée. 


 *%. 
+ H 


L'industrie de la fabrication des cloches a de tout temps 
été fort importante dans nos provinces. A l’origine, les 
fondeurs ne possédaient pas d'atelier permanent, ou du 
moins, presque toujours, ils exécutaient leur travail à pied 
d'œuvre. C'est dans le cimetière, dans quelque terrain proche 
de l’église, voire même dans un hangar voisin, que la fosse 
destinée aux opérations de la fonte, étiit creusée. Ce travail 
se faisait souvent en grande pompe; le clergé appelait la 
bénédiction du Ciel sur l'opération; les autorités scabinales 
et la foule du peuple suivaient avec intérêt et anxiété les 
diverses péripéties de la fonte; des cadeaux, parfois importants, 
étaient distribués au fondeur et à ses ouvriers, et c'est an 
milieu de l’allégresse générale, que s’afBrmait l'heureuse 
naissance de la nouvelle cloche. 

Les plus importauts fondeurs possédaient aussi un 
atelier parfaitement installé, et plus tard, c'est presque tou- 
jours dans ces ateliers que le travail s'opérait. Dans nos 
provinces, il existait de nombreux foudeurs; dans presque 
tous les parages on signale leurs installations, mais deux 
villes surtout, Malines et Anvers, s: distinguèrent par 
l'activité de leurs établissements campunuires. A Malines, 
deux familles se signalèrent principalement dans cette indus- 
trie, dans l’exercice de laquelle leurs membres se succédèrent 
nombreux, pendant plusieurs siècles. Ce furent d’abord les 
Waghevens, qui pendant plusieurs générations livièrent de 
nombreuses cloches dont les plus anciennes portent des millé- 
simes du milieu du XV° siècle. A la fin du même siècle, 
apparaissent les vanden Gheyn. Ceux-ci furent très nombreux, 
et les produits qui sortirent de leurs ateliers furent innom- 
brables; on les retrouve dans presque toutes les localités du 
pays et dans nombre de contrées étrangères. Leur industrie 
séculaire se trausporta ensuite à Tirlemont et à Louvain, où elle 





— 171 — 


a prospéré jusqu'à nos jours. À Malines, on rencontre encore 
parmi les fondeurs de cloches les noms des van Casbroec, 
van Kerssevoort et Hazaert au XIV° siècle; Zeelstinan, Jan 
Coppens, Quaey vas, au X V®siècle; Erix, De Backere, Steylaert, 
Cauthals, les De Clerck, Popenruyter, au XVI* siècle: De 
Clerck au XVII siècle, et maints autres. 

A Anvers, on constate l'existence des ateliers de plusieurs 
fondeurs travaillant au XV* siècle et notamment de Georges 
vander Weenhagen, Gérard Buytendyck, Pierre van Dor- 
meyde. Pendant les siècles suivants, saus parler de membres 
des familles Waghevens et vanden Gheyn, qui travaillèrent à 
Anvers, on peut citer Melchior de Haze, dont la production fut 
fort grande, Georges Dumery, qui, plus tard, s'établit à 
Bruges, Guillaume Witlockx, Jean-Baptiste Huaert, Paschier 
Melliaert, et beaucoup d’autres. 

Ailleurs daus le pays, on retrouve les produits des ateliers 
de Tournai qui appartenaient aux Colard Bachin, François 
Legrand, Guillaume Duhem, Antoine Scaveruin, François 
Barbieux et Jean-Baptiste Flincon, les Drouot, etc . etc. Citons 
eucore, parmi les fondeurs les plus connus, les Groguart, de 
Dinant, dunt les descendants travaillèrent aussi à Nivelles, à 
Gand et à Mons. Dans cette même ville de Nivelles, il faut 
mentionner au XVII siècle Thotnas Tordeur et son fils Jean 
Tordeur; à Bruges, les descendants de Georges Dumery ; à 
Tirlemont, Jean Broeckaert ; à Dinant encore, Henri le Rousil- 
lon; à Mons, Jean Houzeau, Francois de la Paix; à Gand, 
Jean van Roosebeke, le fondeur de la célèbre cloche Roelant : 
à Liège, maitres Jean et Gérard, qui florissaient au XIV“ siècle; 
à Huy, Jean et Joseph Plumere, etc. Nous en passons, ne 
pouvant songer à donner ici une nomenclature complète des 
fondeurs anciens établis daus nos provinces. 


Ce n'’étaient pas seulement les ateliers appartenant à des 
fondeurs belges qui fournissaient les cloches religieuses et 
communsles en usage dans nos églises, nos mouastères ou 
nos beffrois communaux. Sans tenir compte des achats faits 


— 172 — 


directement, hors des frontières, il ne peut être omis de signa- 
ler les fondeurs étrangers qui venaient travailler dans notre 
pays. Souvent ils étaieut appelés pour exécuter un ouvrage 
déterminé ; ils procédaient alors à la fonte des cloches, à proxi- 
mité des églises auxquelies elles étaient destinées. Tel fut par 
exemple le cas pour les frères Moer, de Bois-le-Duc, qui fon- 
dirent à Anvers, en 1507, la célèbre cloche Carolus de l’église 
Notre Dame. 

Ce furent surtout les fondeurs lorrains qui opérèrent dans 
notre pays. Ces artisans voyagaient régulièrement dans les 
diverses provinces françaises et dansles contréés vaisines.Leurs 
habitudes étaient si connues, que ces étrangers étaient appelé: 
les « fondeurs ambulants », et qu’on les rencontrait, par- 
courant nos villes et nos campagnes, et offrant partout les 
produits de leur industrie spéciale. Chaque année, comme le 
dit un de leurs historiens, les fondeurs de cloches des vallées 
de la Meuse, du Mouzon, et plus généralement de la petite 
province mi-champenoise, mi-lorraine, quis’appelait le Bassi- 
gny, partaient, bissac au dos, pour opérer sur place. Beaucoup 
avaient leur région attitrée. [ls rentraient au pays, quand la 
bise était venue et que l’hiver empêchait le moulage en plein 
vent On les rencontre travaillant dans ces conditions en Bel- 
gique, aux XVII, XVIII* et jusqu’au milieu du XIX* siècle. 

Les plus connus de ceux qui visitèrent pendant cette 
période notre pays, sont les Barret, Bernard, Chapelle, Plume- 
ret, Gaulard, Drouot, Regnaud et maints autres. 

N'oublions pas les principaux d’entre eux, les Hemony 
qui, originaires eux aussi de Lorraine, du village de Levecourt, 
fondirent en Belgique des quantités cousidérables de cloches, 
et finirent par se fixeren Hollande, où on les retrouve au 
XVII siècle à Utrecht et à Amsterdam. 


“ 
% * 


Les cloches ne furent pas toujours employées isolément. 
Il advint à certain moment que, réunies en séries parfois 
nombreuses, variant de dimensions et de ton, elles servirent 
à former les carillons, et devinrent les agents harmonieux 


— 173 — 


d'un genre musical bien spécial. C'est évidemment dans 
nos provinces qu’il faut rechercher l’origine des carillons, et 
leur emploi est resté en quelque sorte un monopole, dont 
notre pays seul a usé, et qu'il a conservé florissant jusqu’à 
nos jours. 

Il paraît que l'usage d'annoncer l'heure au moyén d’une 
sonnerie spéciale, de voerslage, produite au moyen de deux 
ou trois cloches, aurait, en se développant, donné naissance 
aux carillons. C’est au XVI° siècle que remonte leur emploi. 
La sonnerie de ces deux ou trois cloches amena, par l’adjonc- 
tion de cloches plus nombreuses, l’établissement d’une octave 
complète. Plus tard, les octaves se multiplièrent, et on trouve 
au XVIT- ou au XVIIT: siècle des carillons qui comptent jus- 
qu’à soixante cloches. 

Quoiqu’on connaisse des carillons dans presque toutes les 
villes belges, c’est cependant dans la partie flamande du pays 
qu’ils furent le plus en honneur. On constate leur existence, 
non seulement dans les clochers des églises de nos grandes 
villes, mais même dans les humbles villages de nos campa- 
gnes, dans les monastères et aussi dans les beffrois des hôtels 
de ville. Déjà Sweertius, dans le traité de tintinnabulis, de 
Hieronymus Magius, donna en 1664, une vue du carillon 
d'Anvers. Cette ville en possédait plusieurs; celui de la 
cathédrale était le plus important. À Malines, siège florissant 
des principales fonderies, les carillons étaient célèbres; celui 
de Saint-Rombsut daterait du commencement du XVI: siècle; 
les autres, à Notre-Dame au delà de la Dyle et au couvent des 
Dominicains, étaient moins anciens. En Flandre, les chroni- 
queurs font l'éloge des carillons d’Alost, d’Audenarde, 
d’Oudenburg, d’Ypres, de Gand, de Bruges et de nombre 
d’autres localités. Ce fut également le cas en Brabant, à 
Louvain, Diest, Tirlemont, Léau, ailleurs encore. Puis, dans 
la partie wallonne du pays, peut se constater l’existence de 
carillons, entre autres, à Mons, à Namur, à Ath, à Liège, etc. 
Queiques villes possédaient plusieurs orchestres aériens de 
ce genre. N'oublions pas de mentionner les puissantes 
abbayes de Tongerloo, d'Averbode ou d’Afflighem, ni les 
beffrois de Tournai, de Mons, de Gand ou de Bruxelles. 


eee © — 


— 174 — 


Pour l'usage de ces instruments, des artistes spéciaux, 
des carillonneura, dont plusieurs acquirent, par leur talent, 
une juste réputation, étaient attachés au service des princi- 
paux hôtels communaux ou églises. Mais s'occuper davantage 
de ces musiciens, serait faire une incursion dans le domaine 


. de l'archéologie musicale. Les carillons ne peuvent nous 


intéresser ici qu’au point de vue des cloches qui les compo- 
saient. Les fondeurs qui livraient les cloches isolées, entre- 
prenaient aussi In fonte de celles qui devaient servir à 
constituer les carillons. C'est toutefois aux vanden Gheyn et 
à Hemony que l'on doit la confection des carillons les plus 
réputés. 


LL 


À côté des cloches colossales, destinées aux puissantes 
cathédrales ou des clochettes de toutes dimensions réservées 
aux carillons, les fondeurs exécutaient aussi des sonnettes. 
Celles-ci, de proportions parfois fort réduites, étaient destinées 
à être employées à ia main; on les utilisait pour le service de 
l'autel dans les ézlises, mais surtout dans les maisons parti- 
culières pour les usages journaliers. On assure que l'intéres- 
sante sonnette romane en cuivre du musée de Lille aurait 
été fabriquée par un des batteur: de cuivre du bord de la 
Meuse Quoiqu'il en soit, c'est au XVI siècle surtont, et même 
au commencement du XVII", que leur vogue fut la plus 
répandue. On dut en fondre des quantités fort grandes, et bon 
nombre d'exemplaires sont parvenus jusqu'à nous. 

L'ornementation des sonnettes est parfois riche, toujours 
gracieuse. Deux sujets surtout jouissaient d'une grande vogue 
et se retrouvent sur presque toutes les sonnettes de cette 
époque. C'est l’Annonciation, composée des figures de la 
Vierge et de l'ange, que sépare ordinairement un vase dans 
lequel fleurit le lys symbolique. Ou bien c'est Orphée char- 
mant dex animaux. De courtes inscriptions accompagnent 
souvent ces figurations; elles consistent en une formule de 
louange à Dien ou de salutation à la Vierge. Puis, ordinaire- 
ment, peuvent se lire circulairement : le nom du fondeur et la 








date de la foute. De no:nbreux ornements : rinceaux fleuris, 
palmettes, œuirlandes de fleurs, etc., séparent ou encadrent 
ces divers motifs. Quant au manche, il ext ordinairement 
formé de feuilles d’acanthes ou de petits amours adossés. 

Beaucoup de ces sonnettes étaient fondues sur commande, 
et souvent des armoiries indiquaient à quelle famille elles 
appartenaient; parfois même le nom du propriétaire y était 
inscrit en toutes lettres. 

Les sonnettes les plu< rares proviennent de l'atelier de 
Jean vanden Eynde ou A Fine. Celles-ci sont avidement 
recherchées par les collectionneurs, et exactement cataloguées. 
Ce fondeur, qui pendant une grande partie de sa vie fut 
établi à Anvers, est originaire de Malines où il aurait même 
terminé son existence. Les vanden Gheyn lui succédèrent, 
et pendant longtemps, pour le: sonnettes, employèrent des 
moules dans le genre de ceux dont vanden Eynde s'était servi 
pour embellir les produits de son atelier. Les sonnettes qui 
portent le nom d’un des vanden Gheyn sont excessivement 
nombreuses. Ces mêmes fondeurs exécutèrent aussi quautité 
de mortiers de tous formats pour lesquels ils utilisaient aussi 
le métal de cloches. 

Si les vanden Gheyn et les vanden Eynde furent les 
principaux fondeurs de sonnettes, d’autres toutefois, à l’occa- 
sion, en coulèrent aussi, et on en rencontre qui portent les 
noms de Declerck, Witlockx, Dumery, Lefever, Melliaert, ou 
d'autres encore. 

Des clochettes de plus petit format s’employaient encore 
à divers usages. On les réunissait à plusieurs daus uu couver- 
cle circulaire, ordinairement orné de motifs découpés, et alors 
elles servaient, en guise de carillon d’autel, pour produire les 
sonneries liturgiques pendant le saint sacrifice de la messe. 
D'autres fois, fixées à des roues,appelées alors roues de prières, 
où à des traverses placées sur une hampe, elles étaient égale- 
ment agitée pendant certaines cérémonies religieuses. Enfin, 
les clochettes des formats les plus réduits servaient même de 
parure, et étaient fixées à diverses parties de certains vète- 
ments d'apparat. 


— 176 — 


C’est le plus souvent à l'exercice du culte religieux que 
les cloches sont appelées à contribuer. Il faut donc qu’une 
consécration spéciale, qu’une bénédiction liturgique les appro- 
prie à ce pieux usage. L’Eglise, par les cérémonies symboliques 
dont elle entoure leur baptême, témoigne de toute l'importance 
du rôle qu’elle reconnaît aux cloches. 

Voici d’abord le prêtre officiant qui, dans l’eau devant 
servir aux onctions, répand du sel et de i’huile, pour indiquer 
Ja sagesse chrétienne et la douceur des vertus évangéliques, 
qui comptent parmi les grâces les plus insignes conférées par 
le baptême. Pendant ce temps le chœur entonne les psaumes 
inspirés, dans lesquels le barde divin engage les éléments 
divers et la nature toute entière à rendre hommage au Créateur 
de toutes choses. 

D'autre part, l’officiant, après avoir lavé la cloche inté- 
rieurement et extérieurement, adresse à Dieu une fervente 
prière pour qu'il lui accorde la vertu, quand elle sera mise en 
branle, d'appeler les chrétiens au temple saint, de conjurer 
les dangers qui peuvent les menacer, et de transmettre au 
Seigueur les supplications de ses fidèles. 

Le prêtre essuie ensuite la cloche, tandis que les assistants 
entonnent un autre psaume, dans lequel le saint roi David 
célèbre éloquemment la puissance de la voix du Seigneur, 
dont la cloche devra dorénavant être l’emblème fidèle. 

Il faut ensuite que, par une onction spéciale, le pouvoir 
soit accordé à la cloche d’obtenir, pour les fidèles, la force pour 
résister et vaincre les tentations. Ces onctions, faites au moyen 
du saint chrême, sont extérieurement au nombre de sept et 
intérieurement de quatre. L’officiant les trace en forme de croix, 
tandis qu’en même temps, il adresse au Ciel de nouvelles 
supplications. 

La cloche est ensuite encensée ; puis, dans une dernière 
oraison, le prêtre demande à Dieu, que partout elle puisse 
répandre le calme et la joie, et qu’elle obtienne, pour tous les 
fidèles, l'assistance constante et continuelle de la divine 
Providence. 

On donne enfin la parole à la cloche, c’est à dire, qu'après 
lui avoir imposé le nom que désormais elle portera, le prêtre 





— 177 — 


ainsi que le parrain et la marraine la frappent chacun de trois 
coups de battant. 

Désormais elle est apte à exercer la mission religieuse 
pour laquelle elle a été créée. 


* 
* *# 


Le baptême des cloches emprunte au symbolisme sa prin- 
cipale raison d'être et y rattache ses multiples cérémonies. 
C'est ordinairement au prédicateur qu’elles sont comparées ; 
en quelque sorte on les personnifie, on leur reconnaît un 
pouvoir presque surnaturel. De là découle la mission toute de 
prédication et de défense que la cloche est appelée à remplir. 
Sa voix éclatante a le don de mettre en fuite l’ange des 
ténèbres; elle porte jusqu’au Ciel la prière que traduit sa 
sonnerie, et ses appels divers commémorent aux fidèles les 
devoirs les plus importants qui leur incombent. Ces missions 
si précieuses sout en quelque sorte les mêmes que celles qui 
sont imposées au prêtre, au prédicateur sacré. Et c'est dans cet. 
ordre d'idées que le ministre du Seigneur, lors de son entrée 
dans la carrière sacerdotale, en une symbolique action, reçoit 
en mains la corde de la cloche qu’il devra agiter souvent, et 
qu'il devra faire vibrer de la même manière que sa voix devra 
répandre parmi tous les fidèles les vérités de la religion, et 
sans cesse leur rappeler leurs devoirs et leurs obligations. 

C'est de cette symbolique qu'est issu l'usage de sonner 
les cloches pendant les orages. D’aucuns seront sans doute 
tentés de voir dans cette coutume une action purement 
matérielle, destinée à provoquer une conséquence physique 
naturelle. C’est une erreur manifeste. 

La liturgie ne prescrivait pas, pendant les tempêtes, de 
sonner les cloches à toute volée, mais simplement de produire 
de lents tintements. Ceux-ci ne devaient pas empécher les 
nuées orageuses de décharger sur les clochers l'électricité 
dont elles étaient porteuses. Mais la cloche ne devait ici 
exercer qu’une mission, en quelque sorte sacramentelle. La 
bénédiction liturgique lui avait attribué des vertus spéciales, 
et ses sonneries constituaient en réalité une prière, assez puis- 
tante pour vaincre la force du fléau des tempêtes. 


12 


— 178 — 


Mais ce but fut, dans la suite des siècles, perdu de vue, 
et la coutume s'établit de sonner les cloches pendant ies orages 
pour annihiler les effets funeste: de la foudre. A Anvers, 
des employés communaux étaient spécialement chargéx de 
cette mission, et, dès que les premiers symptômes orageux se 
manifestaient, les membres de la congrégation aérienne de 
Donder en blirem, étaient tenus de gravir en hâte les innombra- 
bles marches menant au sommet de la tour de la cathédrale 
et de mettre en branle une des cloches, jusqu'à ce que la 
fureur des éléments se fût apaisée, 


“e 


Les cloches servaient encore à des usages plus ration- 
nels et universellement établis. Ceux-ci se retrouvent aussi 
bien dans le domaine religieux que dans le domaine civil. 

Pas une cérémonie religieuse ne pouvait se célébrer sans 
qu’elle eût été portée à la connaissance des fidèles par les 
sonneries des cloches. Celles-ci annoncaient les services jour- 
paliers et dominicaux; elles sonnaient joyeusement lors des 
naissances et des mariages ; elles tintaient lugubrement quand 
elles étaient mises en branle pour les enterrements; elles se 
faisaient également entendre, quand il s’agissait de commé- 
morer une victoire ou de célébrer quelqu’événement officiel ; 
enfin, trois fois par jour, bien doucement, elles engageaient 
les chrétiens à élever leur cœur vers Dieu et à saluer la divine 
mère du Christ. 

D'autre part, les sonneries des cloches étaient intimement 
mèêlées à la vie journalière et aux usages de nos pères. Elles 
indiquaient l'heure à laquelle les ouvriers et les artisans 
devaient se rendre à leur besogne, et annoncaient ensuite le 
moment de la cessation du travail de chaque jour. L’ouver- 
ture des portes des villex, et l’heure à lagnelle on les fermait 
chaque soir, étaient rappelées par les hruyantes vibrations de 
cloches, spécialement destinées à cet usage. Peu après résonnait 
le couvre-feu, engageant tous les bourgeois à éteindre les 
lumières et à se livrer au repos. Un incendie éclatait-il, sans 








— 179 — 


tarder, les cloches frappées de coups rapides, donnaient 
l'alarme et conviaient tous ceux qui le pouvaient à combattre 
le terrible élément. Pendant les inondations, si fréquentes 
dans nos provinces septentrionales, les mêmes signaux étaient 
donnés. Enfin, s’agissait-1l de signaler un danger pressant, 
d'annoncer la présence de l'ennemi, de convier tous les 
citoyens à la défense de la patrie, les sons lagubres du tocsin 
jetaient partout l’alarme et la crainte. 

Dans des circonstances moinstragiques, les cloches étaient 
encore utilisées. C'était gràce à elles que s’annoncaient les 
ventes publiques, que se transmettaient les ordres et se 
publiaient les arrêtés de l'autorité, que se réglaient les distri- 
butions de certains secours aux malheureux, que souvraient 
et se clôturaient plusieurs réunions publiques, telles que celles 
qui se tenaient daus les bourses de commerce, les tribunaux, 
etc. Enfin, quand un brouillard opaque dérobe anx naviga- 
teurs les dangers semés sur la route des mers, c'est au son 
de la cloche, qu’ils tâchent de se diriger et de signaler leur 
présence aux vaisseaux perdus dans leur voisinage. 


* 
# * 


La cloche est encore employée dans quelques sciences 
subsidiaires, telles par exemple, l’héraldique et le folklore. 

Le modeste campanile, élevé sur quelque toit campagnard 
et abritant une clochette, servit plus d'une fois de preuve 
nobiliaire à certains généalogistes avides de découvrir des 
signes de noblesse chez des ancêtres, qui ne se seraient peut- 
être jamais doutés du rôle que, plus tard, on aurait fait jouer 
à la prosaïque sonnette servant à les ramener au home 
familial, à l'heure des repas. 

Plusieurs familles belges placèrent des cloches, sonnettes 
ou grelots parmi les meubles de leurs écus. Ordinairement ces 
signes avaient une signification parlante et rappelaient le nom 
ou parfois la profession de leur propriétaire. Il serait bien difti- 
cile de leur prêter une autre raison d'être, 

D'autre part, la légende s'en est emparée ; dans les cam- 
pagnes flamandes, surtout en Campine et dans les Flandres, 


— 180 — 


le peuple affirme qu’en maints endroits il existe des marais, 
des étangs ou des puits, dans lesquels des cloches sont cachées. 
Une fois par an, à minuit, on entend leurs sons lugubrement 
se répandre dans le silence de la nuit. C’est ordinairement 
à minuit, à la Noël, que ces sonneries retentissent. 

Le démon parfois a joué un rôle dans ces légendes; ce 
“sont des cloches non bénites qui d'elles mêmes quittent les 
clochers pour s’enfoncer dans les eaux de quelqu'’étang voisin, 
ou bien encore, quelques diables mal intentionnés qui les y 
précipitent. Peut-être faut-il voir dans ces légendaires croyan- 
ces quelqu'héritage, transmis par le moyen-âge, du culte païen, 
que les peuplades primitives exercèrent autrefois en ces 
endroits solitaires, au milieu des bois touffus ou des vastes 
bruyères. 


a 
I] serait intéressant d'établir la bibliographie complète des 
‘études campanalogiques publiées en Belgique. 

Il a naturellement été question des cloches, de leur 
histoire, de leurs inscriptions, de leurs légendes dans nombre 
de publications d'un intérêt plus général, telles les descriptions 
de monuments, les monographies de villes ou villages, les 
recueils épigraphiques, les traités d'histoire musicale, les 
ouvrages d'archéologie ou les revues de folklore. Mais nous ne 
voulons renseigner ici que les études ayant exclusivement et 
directement trait aux cloches. Il y a lieu de remarquer encore, 
que nombre de renseignements pourront être puisés dans des 
publications parues à l'étranger et notamment en France, 
mais nous ne voulons nous occuper que de celles qui se rappor- 
tent exclusivement à des cloches belges ou originaires de 
Belgique. 

En voici une première liste : 

1608. Hieronymus Magius. De tintinnabulis cum notis 
Francisci Sweertii. Diverses éditions : Hanovre 1608. 
— Ainsterdam 1664. — Amsterdam 1689. — La Haye 
1724. 

1631. Laurentius Beyerlinck. Magnum theatrum humanæ 
vitæ sub vocibus campana, tintinnabulum, etc. Cologne. 


— 181 — 


Abbé Needham. Recherches sur la question si le son 
des cloches, pendant les orages, fait éclater la foudre 
en la faisant descendre sur le clocher, etc. Bruxelles. 


. Arn. Schaepkens. Jean de Venloo, fondeur du XV° 


siècle. Gand. 


. G. J. Avontroodt. Iets over de uerwerken en klokken 


op de torens. Antwerpen. 


. Georges Dumery, fondeur de cloches et ses descendants 


fondeurs de cloches. Bruges. 
Le carillon de Bruges. Bruges. 


. Abbé Stroobant. Les cloches. Bruxelles. 
. Ed. Gregoir. Schetsen over de bijzonderste en tot hier 


toe weinig gekende belgische en nederlandsche klok- 
gieters en beiaardmakers. Louvain. 


. H. Vande Velde, Anciennes cloches. Le Bumke de 


Furnes. Bruges. 


. Alexandre Schaepkens. Des cloches et de leur usage. 


Bruxelles. 


. P.-V. Bets. Bijzonderheden over de beijaerden van 


Thienen. Louvain. 
Abbé Bets. Le carillon de Tirlemont. Louvain. 


. Xavier van Elewyck. Mathias Vanden Gheyn, le plus 


grand organiste et carillonneur belge du X VIIT: siècle 
et les fondeurs de cloches de ce nom depuis 1450 
jusqu’à nos jours. Paris, 


. Raymakers et dela Faille. Geschiedkundige wandeling 


op de St. Rumoldus toren te Mechelen. Malines. 


. Ed. Gregoir. Over het klokkenspel. Louvain. 


Ed. Gregoir. Verhandeling over de klok. Louvain. 


. Ed. Gregoir. Schetsen over belgische en nederlandsche 


klokgieters en beiaardmakers. Louvain. 
Ed. Gregoir. Het oudste klokkenspel van Nederland. 
Gand. 


. Voisin. De l’orgue, des cloches et du carillon. Tournai. 


G. Fourdin. La tour et le carillon d’Ath. Mons. 

J. Andries. Remarques sur les cloches et les carillons, 
suivies d’une description de la grande horloge de la 
cathédraie de Strasbourg et d’une notice sur le carillon 
de Gand. 


— 182 — 


H. Bormans. Clcches liégeoises dans la cathédrale de 
Rouen. Liége. 


. De la Grange et Cloquet. Fondeurs de cloches tournai- 


siens. Tournai. 


. Des cloches et de l'usage légal qu’il est permis d'en 


faire, par un ancien magisirat de Flandre. Bruges. 


. Jules Sabbe. De klokke Roeland. Bruges. 


J. Steurs. De toren van Sint Rombautskerk te Meche- 
len. Malines. 


. Edouard-G.-J. Gregoir. Bibliothèque musicale popu- 


laire, II. Les carillons. Bruxelles. 


. De la sonnerie des cloches des églises. Régime légal pour 


les deux Flandres. Bruges. 


. L. St. (C'* de Limburg Stirum). Le carillon d’Ath. 


Gand. 


. C' de Limburg Stirum. Le rachat des cloches de Gand 


en 1678. Gand. 


. Paul Bergmans. Pierre Joseph Le Blan, carillonneur de 


la ville de Gand au XVIÏIT siècle. Gand. 


. B" de Rivières. Cloches et clochettes. A propos d’une 


nouvelle clochette de Joannes à Fine. Montauban. 


. B" de Rivières. Clochettes. Une douzième de Johannes 


à Fine. Clochette du XVIIT: siècle. Montauban. 
Fonderie Severin Van Aerschodt. Louvain. 

G. Matthieu. Thomas Tordeur, fondeur nivellois. 
Nivelles. 

Pol Demont. Van groote klokke en van kleine. Gand. 
Eenige aanteekeningen rakende de Mechelsche klok- 
gieters. Malines. 

lets over klokken en klokgieters. Malines. 

À. Van Redichem. Iets over de klokken. Gand. 


. F. M. Peard. The belfry bell of Bruges. Londres. 
. Ad. Delvigne. La bénédiction des cloches. St. Josse- 


ten-Noode. 
Alf. Harou. De klokken. Anvers. 


.J. Neghy. L'exportation des cloches des fondeurs 


belges au XVI: siècle. Bruxelles. 


. Dr G. Van Doorslaer. Le carillon et les carillonneurs 


de Ja tour de Saint Rombaut. Malines. 


1898. 


» 
1899. 


— 183 — 


3. Dr G. Van Doorslaer. De Mechelsche klokgieters. Ma- 


lines. 


. Fernand Donnet.Notes historiques relatives aux beaux- 


arts au XV siècle. Anvers. 


. E. Matthieu. Les fondeurs de cloches nivellois. Jean 


Tordeur. Nivelles. 

Fernand Donnet. La refonte de la grosse cloche de 
l’église de Tamise en 1675. St.-Nicolas. 

Charles Laurent. Les cloches. Anvers. 

Dr G. Van Doorslaer. Le carillon et les carillonneurs de 
l’église Notre-Dame au delà de la Dyle. Malines. 


. F. Golenvaux. Esquisses namuroises. Cloches et caril- 


lons. Namur. 

Mgr. X. Barbier de Montault. Une clochette flamande à 
l'exposition d'Angers. Montauban. 

P.-G. De Maesschalck. Klokkenagie van Dendermonde. 
Termonde. 

D' G. Van Doorslaer. Les carillons et les carillonneurs 
à Malines. 


. Dr Van Ramdonck. Onze beiaard. St. Nicolas. 


Mgr. X. Barbier de Montault. Une clochette à main du 
X VII: siècle. Poitiers. 

D' G. Van Doorslaer. Eenige aanteekeningen rakende 
de Mechelsche klokgieters. Malines. 

Baron de Rivières. Une nouvelle collecte de clochettes 
de Johannes à Fine. Montauban. 

Jos Berthelé. La cloche italienne de l’église de Charly 
sur-Marne et les cloches hollandaises de l'église de 
Saulcherry. Château-Thierry. 

Comte de Marsy. Les sonnettes des fondeurs malinois. 
Malines. 

P. Notes sur quelques cloches de la Flandre. 

Charles Hodevaere. L’estimation des cloches trouvées à 
Mons, lors du siège de 1709. Mons. 

P.-G. De Maeschalck. Klokkenagie der gemeenten van 
het arrondissement Dendermonde. Termonde. 
Fernand Donnet. Les cloches d'Anvers. Les fondeurs 
anversois. Anvers. 


1900. 


— ]84 — 


Baron de Rivières. Les cloches d'Anvers et les docu- 
ments historiques sur Joannes à Fine. Montauban. 
Comte de Marsy. Les cloches d'Anvers. Les fondeurs 
anversois. Caen. 

L. Stroobant. Notes sur les fondeurs de cloches mali- 


pois. Malines. 
Fr. Steurs. De toren van Sint-Rumbautskerk te Meche- 
len. Malines. 


. Arm. de Behault de Dornon. Notice historique sur les 


clochettes et les carillons de Mons. Anvers. 
Paul Bergmans. Variétés musicologiques. Documents 
inédits ou peu connus. 2° série. Gand. 


. Edm. Geudens. Jean-Jacq. Huaert, fondeur de cloches, 


d'après ses mémoires. Anvers. 

Louis Stroobant. Miscellanés malinois. Notes historiques 
sur les familles d'artistes fondeurs de cloches de 
Malines. Malines. 

À Paquay. De klokken der abdij van Sint-Truiden. 
Hasselt. 

M. Maris. Klokken en beiaarden. Hasselt. 


1903. Edm. Geudens. Les cloches de Puiderbosch et de Mys- 


» 


» 


hagen, et le carillon de Hasselt. Anvers. 

Baron de Rivières. Les cloches, clochettes et marteaux 
pilons des fondeurs van den Gheyn. Montauban. 

S. De Schryver. Quelques anciennes cloches d'église de 
fabrication belge en Italie et eu Angleterre. Bruxelles. 


1904. Arm. de Behault de Dornon. Les fondeurs de cuivre 


Grognart de Dinant. Namur. 

Comte du Chastel dela Howarderie Neuvireuil. Epita- 
phes de l’église de Jollain-Merlaiu, et inscriptions de 
ses cloches. Soignies. 

L. Claeys. Ignatius De Cock. Gand. 


1905. Jos. Berthelé. Archives campanaires belges et rhénanes. 


Vv U uv Vv 


Auvers. 

Dr F. Desmons. Les cloches de Tournai. Anvers. 
Fernand Donnet. Variétés campanaires. Anvers. 

D' G. van Doorslaer. Onze klokgieters. Malines. 

Jules Dewert. Les sonneries de cloches pendant les 
orages. Liège. 


— 185 — 


1905. Fernand Donnet. Trois cloches flamandes du Limousin. 
Anvers. 
1906. Ernest Matthieu. L'horloge et le carillon du beffroi de 
Tournai en 1543-1544. Anvers. 
Dr Desmons. Marie Pontoise. Tournai. 
Fr. De Ridder. Opschriften der klokken van Neer Hei- 
lissen. Donk. 
» Beiaard en klokken. Malines. 
» Ophet klokkenspel van Jef Denyn te Mechelen. Malines. 
» Baron de Rivières. Les clochettes de Johennes à Fine 
Nouvelle collecte recueillie par M' Fernand Donnet 
d'Anvers. Montauban. | 
> Ern. Matthieu. Les fondeurs de cloches nivellois. Les 
Tordeur. Nivelles. | 
1907. Dr van Doorslaer. Johannes à Fine ou les vanden 
Eynde, fondeurs à Malines. Anvers. 


En ce résumé très succinct, nous croyons avoir donné une 
idée assez fidèle des débuts de l’archévlogie campanaire en 
Belgique. Il n'y a pas longtemps que ces études sont en 
honneur chez nous. Dans ce domaine beaucoup reste encore 
à faire. Le champ de travail est vaste et la récolte peut encore 
être fructueuse. 

Il serait à souhaiter que l’on recueille toutes les mentions 
faites dans les auteurs du moyen-âge, dans les comptes et 
autres documents de cette époque, dans lesquels il est ques- 
tion des cloches, de leur fabrication et de leur emploi. 

On devrait s'appliquer à signaler, en les décrivant, 
toutes les anciennes cloches existant encore dans notre pays, 
soit qu’elles aient été conservées dans les églises ou les monu- 
ments civils, soit qu’on les ait recueillies dans des collections 
publiques ou privées. On pourrait en même temps décrire 
celles qui proviennent d’ateliers belges et qui sont détenues à 
étranger. ‘ 

En même temps, il faudrait dans nos différentes pro- 
vinces, en compulsant toutes les archives, en dépouillant 
les comptes des églises, en réunissant les documents de toute 
nature, s’efforcer de condenser et de classer tous les matériaux 


— 186 — 


qui peuvent contribuer au développement des études campa- 
nalogiques. 

Il y aurait intérêt, d’autre part, à compléter la biblio- 
graphie spéciale que nous avons esquissée plus haut. 

Enfin, il serait hautement désirable que l'étude, au point 
de vue liturgique et archéologique, de la question que nons 
venons d'analyser brièvement, amène une réaction salutaire 
dans la composition des inscriptions dont on dépare trop sou- 
vent aujourd’hui nos cloches nouvelles. Qu'on en revienne aux 
saines traditions du passé, qu'on ne perde plus de vue le 
symbolisme si pur et si élevé dont la cloche est l'emblème, 
qu'on s'imprègne de l'esprit religieux qui se manifeste si 
clairement dans les cérémonies de la bénédiction ; et l’on verra 
les banales et insipides inscriptions, les vaniteuses énuméra- 
tions de noms quelconques, remplacées comme autrefois par 
de concises indications, par de pieuses in vocations, qui rappelle- 
ront en termes précis, et le rôle que doit jouer la clache, et la 
gloire des puissances célestes auxquelles elle transmet l’hom- 
mage de ses accents harmonieux. 

Pour atteindre ces buts nous croyons que, sans contredit, 
un des moyens les plus efficaces sera certainement l'étude 
approfondie et sérieuse de l'archéologie campanaire en 
Belgique. 





Etude sur la déesse gallo-romaine Epona, 
par Cuarces ARENDT, 


Architecte de l'Etat lire, à Luxembourg. 


Maint touriste, qui visite les musées lapidaires de Trèves, 
de Metz, de Luxembourg, d’Arlon, etc., ignore la signi- 
fication de la femme assise sur un cheval ou mulet, figurée sur 
des bas-reliefs romains. C’est la déesse Epona, protectrice des 
chevaux, mulets, etc., mentionnée par les auteurs romains 
Juvenal (1), Apuleius (2), Fulgentius (3), et ies auteurs chrétiens 
Félix Octavianus (4), Tertullien (5) et Prudentius (6). La 
présente étude nous a été suggérée par les laborieux rapports 
de Messieurs Reinach et Keune, insérés respectivement dans 
Ja Revue archéologique et l'Encyclopédie de Pauly. 

L'origine gauloise de la déesse en question est incontes- 
table. Elle est prouvée : a) par l'étymologié du nom, qui dérive 
de la racine celtique « epo », qui signifie « cheval »; 5) par le 
grand nombre de bas-reliefs et d'inscriptions votives qu’on a 
trouvés notoirement dans les pays appartenant à l’ancienne 
Gaule. C’est en effet dans la « Germania superior », dans 
le pays de Trèves (Civitas Trevirorum) et la « Gallia 
Belgica », que le culte de la déesse Epona semble avoir été 
le plus répandu. Les Gaulois, en général, jouissnient d’une 
grande réputation dans le voiturage et dans l'élevage des 
chevaux et mulets (7); et spécialement les Trévires étaient 


(1) Juv 8, 155-157. 

(2) Apul. met. IIT, 27. 

(3) Fulg. sermon antiq. 11. 

(4) Fel. Oct. 28, 7. 

(5) Tertull. apolog, 16. 

(6) Prud. apoth. 197-199, 

(7) Varro r. r. 11, 10, 4. Et Caesar, b. G. IV, 2, 2, 


— 188 — 


cités comme d’excellents cavaliers (1), ce qui leur valut l’hon- 


neur d’être incorporés dans les « Equites singulares » de 
Rome (garde impériale à cheval). 


* 
* * 


Iconographie : Voici une courte énumération, illustrée de 
quelques clichés, de bas-reliefs où la déesse est figurée à 





_ cheval. 

Æ Les premières ci- 

SN tations se trouvent 
, À dans l’ouvrage de 
Sr YF | Wiltheim (2). Les 


dessins à la plu- 
Ine sont fort rudi- 
mentalres, comme 
l'indiquentles deux 
réductions _ ci-con- 
tre. N° 8. Epona, 
à cheval, est placée 
de face, tenant dans 
la main gauche la 
bride et dans la 
droite une corbeille 
remplie de fruits, 
qui repose sur son 

N° 8. Bas-relief trouvé à Contern (G.-D.). giron. Cet attribut, 
emprunté aux « Matres », ainsi que le poulain sous le cheval, 
symbolisent la fécondité. La déesse porte un voile et une 
tunique, dont le bas est décemment plissé sur les pieds. La 





CN CU 
en 
vente 


AE LEE: EE 


(1) Caes. b. G. 1I. 24, 2, et Servius Lucan, I, 425. Ces soins pour l'éle- 
vage des chevaux, mulets et ânes s'expliquent par les fréquents transports, 
commandés par les florissantes relations commerciales entre Trèves, Reims, 
Tongres, Mayence, Strasbourg, etc. et l'Italie. 

(2) Luciliburgensia sive Luxsmburgum Romanum. Edition Aug. 
Neyen. — Album, PI. 31, fig. 112, et PL. 54, fig. 207. 

(3) L'amalgamation du culte des Déesses-Mères avec le culte d'Epona 
se manifeste encore dans les inssriptions votives de cette dernière. — Voir 
plus loin. 


— 169 — 


monture, fort cheval de labour, 
marche de gauche à droite. Wil- 
theim rappelle la définition de Var- 
ron : « Ops Mater, quod Terras 
nutriat ». 

N° 9. Ici la déesse, égale- 
ment assise de face sur un cheval 
de labour qui marche en sens 
inverse,tient dans la main gauche 
un légume ou un fruit sur son 
giron, et la bride dans la main 
droite. Elle est coiffée d’une espèce 
de turban ou de nimbe, et a les 
bras nus. Les pieds sontcachéssous 
la robe ornée d’une large bordure. 

N° 10. Sur ce bas-relief, 
bien conservé, de 0"63 de hauteur, 
Epona est assise à califourchon 
sur un cheval de race, dont elle 
tient la bridedans la main gauche, 
tandis que sa main 
droite se pose contre 
un petit chien placé 
sur son giron. La 
déesse a la tête, le cou 
et les avant-bras nus. 
Elle est habillée d’une 
longue robe élégam- 
ment drapée. 

Au total il a été 
trouvé dix bas-reliefs 
d'Epona, daus l’an- 
cien duché de Luxem- 
bourg,dont un à Wey- 
merskirsch, un à Al- 
trier (1),et un àGrand- 
court-Ruette lez Virton. 


(1) Actuellement au Musée de Bonn. 





No 9. Fragment d'un bas re- 


lief en grès, provenant du ci-de- 
vant Gaudin du Mansfeld (G.-D.). 


No 10. Bas-reliefen grèa trouvé 
à Dalheim (G.-D.)(Musée de Luxembourg). 


— 199 — 


N°11 Epona de Grandcourt Ruette. 


N° 12, Epona trouvée en 1902 à Ja 
Hvrgne-uu-Sab! 





N°11. Ce der- 
nier est ‘conservé 
au musée d’Arlon. 
La déesse assise de 
face sur un cheval 
marchant vers la 
droite, est nu-tête, 
et habillée d’une 
simple robe resser- 
rée entre les jam- 
bes. La main droite 
tient une fleur; 
l’autre la bride: Le 
travail est des plus 
rudimentaires. 

En Alsace on a 
trouvé un relief 
d’Epona à Belfort. 

On connait 12 bas-re- 
liefs d’Epona trouvés 
dans le pays de Zrêves ; 
2tronvés dans le Wire 
temberg; 1 à Loisia, dans 
le Jura (la déesse est 
décolletée et couronnée 
d'uu diadème); 1 à Bre- 
gance(Raetia); 1 à Tienne 
(Gallia Narbonensis); 1 à 
Reims (bronze); 1 à 
Heidelberg (avec socle 
montrant sur l’une des 
faces la déesse marchant 
vers un temple, et sur 
l'autre des vases de sa- 
crifices); et divers autres 
conservés au Musée de 
Saint-Germain (France). 

Les trouvailles les 





— 191 — 


plus récentes ont été faites dans le pays Messin (Civitas 
Mediomatricorum). 

N°12. Sur le bas-relief marqué n°5, la déesse coiffée 
d’un bonnet plat, dont les rubans lui tombent sur les épaules, 
est habillée d’une longue robe, et assise de face sur un beau 
coursier, qui galope vers la droite. La sculpture est trop 
avariée pour pouvoir préciser l’objet teuu par la main 
droite. 

N° 13. Ici Epona, 
coiffée d’un haut bonnet, 
tient la bride flottante 
d'un cheval vigoureux 
qui marche vers la droi- 
te. Elle est assise de 
face, dans une position 
courbée, et drapée dans 
une longue robe. 

Sur le bas-relief 
n° 14, très fruste hélas, 
la déesse est assise à 
califourchon sur un ma- 
gnifique cheval de race, 
qui se cabre, et dont elle 
tient les brides, Elle est 
drapée dans une lon- 
gue robe à collet, et 
coiffée d'une espèce de 
turban. 

D'autres reliefs en 
pierre, figurant Epona à 
cheval, furent découverts 
antérieurement déjà en Lorraine, à Sarpaigne lez-Dieulouard 
(Sarpona), à Fentsch, et à Murville. Ce dernier fut recueilli 
dans une écurie. 

On admet généralement que lei bas-reliefs d'Epona à 
cheval, tous de petites dimensions d’ailleurs, étaisnt placés 
dans une niche ménagée au-dessus de In porte d’écurie, ou 
bien à l’intérieur de celle-ci. 


No 13. Trouvé à La Horgne-a.-5., en 1903. 


— 192 — 


On connait deux cas, où la déesse tient une clef d’écurie en 
main (1). 11 existe également d'Epo- 
ua 20 reliefs, 12 en bronze et 1 
en bois. Dans le plus grand nombre, 
l'influence de l'art romain est ma- 


nifeste. 


* 
Li 


Mais il ne faut pas croire 

qu’Epona soit exclusivement figu- 

rée à cheval. Nous connaissons 17 

bas-reliefs, dont 2 avec inscrip- 

tions, qui représentent la même 

déesse debout, ou assise sur un 

trône, ayant à ses côtés deux ou plu- 

sieurs chevaux qu'elle caresse, ou 

auxquels elle donne à manger. 

Comme tels nous mentionnerons 

les bas-reliefs de Dalheim (G.-D. de 

Luxembourg); de Forbacherhof, 

conservé au musée de Sarbrück, 

et dont un bon moulage se trouve 

au Musée provincial de Trèves; 

de Worms, d'Elouges (Hainaut); 

de Kaperburg (2) (Castel-frontière, 

N° 14. Bas-relief trouvé Limes); de Heddersheim; de Naiz (3) 
en 19238 La HorgneauSablon. …(Nasium); de Jabreilles (lez Limo- 
ges). Ici Epona tient dans sa main gauche une corne d’abon- 


(1) En visitant le Tyrol, pays réputé sincèrement religieux, nous avons 
eu l'occasion de remarquer, dans une niche au-dessus d'une porte d'écuric, 
une statuette de suirt nyant à ses pieds un petit cheval. Interrogé sur le 
nom de ce saint, le prysan nous répond : « Mais c'est saint Léonard, notre 
patron pour les chevaux ». Ne sersit-ce pas là une réminiscence du culte 
gaulois d'Epona ? Chez nous, à la campagne, on vénère saint Vendelin 
comme patron des moutons, saint Pelagius comme patron des bêtes à cor- 
ces, saint Hubert comme protecteur ces chiens, ete. (Comp. D'H. Alt, 
Iconographie des sainte, 1845, p. 268). 

(2) Avec inscription. 

(8) Avec inscription. 








— 193 — 


dance, et dans sa droite la bride d'un cheval; de Æéris 
(Allier); sur ce relief la déess> marche à côté d'un cheval, 
dont le pied droit est soutenu par un génie assis par terre ; de 
Rouillac (Charente); de Saint-Leu (Algérie); de Rome (3 reliefs 
et une fresque dans un cirque); d' Adria (2 gemmes avec 
inscription); de Milan; de Wurtemberg (Epona assise sur uu 
trône ayant d'un côté 3 chevaux et de l'autre côté 4 chevaux; 
en dessous un second relief figure un chariot attelé de 3 che- 
vaux devant une scène de sacrifice); d'Angleterre (brouze). . 
C'est dans cette derniers catégorie de bas-reliefs surtout que 
se manifeste l'influence de l'art romain. 


* 
% * 


Epigraphie. Non moins fréquentes, quant au culte 
d'Epona, sont les inscriptions, trouvées sur des autels votifs, 
(cippi) et des restes de temples. Voici d'abord l'inscription 
d'un autel votif rapporté de Æeingeratk, cercle de Bernkastel, 
dans le Musé2 provincial de Trèves : « IN H.(onorem) D.(omus) 
D.(ivinae). DEA.(e) EPONE VICA.(u)[ BELG.(inates)P.(osue- 
ruot),CVRANTE G.(aio) VELORIO SACRILLIO Q.(uaestore)». 
— Tra luction : « En l'honneur de la Maison Impériale. Les 
habitants du village Belginum (1) posèrent cette invocation à 
la dézsse Epona par les soins du trésorier Cajus Velorius 
Sacrillius ». 

Quelquefois l'inscription est courte, comme celle de Zug- 
mantel (camp d’une cohors Trevirorum) « D(eae) EPON(ae) 
(sub) CVRA. T. (des) VO. PO. (suit.) » et celle de Æaper- 
burg : «IN H.(onorum) D.(omus D.(ivinae) DE.(ae) EPON. (ue) 
BILICG)VS GEMATVS COLIEG()S SV(ijS DE IV.(ssu) 
DE(ae) » 

Plus longue est l'inscription sur un reste de temple à 
Entrains(Intaranum, Gallia Lugdunensis, Lyon) : «AVGVSTO 
SACRVM, DEAE EPONAE CANNONIVS ICOTASGI FIL. 
(ius) TEMPLVM CVM SVIS ORNAMENIS OMNIBVS DE 


(1) Le vicus Belginum, dans les ruines duquel on a trouvé cette 
inscription, est marqué sur la carte de Peutinger entre Noviomagus 
(Neumagen) et Dumnissus (Kirchberg), sur la route Bingen-Trèves. 


13 


— 194 — 


SVO DONNAVIT L(ibens) M{erito).» Et l'inscription d'Z/osta. : 
castel de l’ala I Tungrorum frontoniana : « EPO(nae) ALA. I. 
(Tun)GR(orum) FRO(ntoniana) CVI.P.(raest) C.IVL.(ius) S(ol- 
vit) L.(ibens) M(erito) ». 

A l’exception de dix ou onze, les 71 inscriptions conuues 
émanent, soit de simples soldats, soit de chefs militaires ou 
de corps de troupe; très souvent on voit des noms de 
divinités ou de génies locaux (Genius Leucorum, Genius terrae 
Britannicae, Matres campestres, Mairae, etc.) associés à 
Epona. Celle-ci est qualifiée parfois « Regina Augusta », 
« Regina Sancta. » 

À Rome nou: connaissons, outre une chapelle dédiée à 
Epona, plus de dix inscriptions provenant du sanctuaire de la 
caserne des « Equites singulares » susmentionnés (1); il 
n'est pas difficile de constater la nationalité gauloise des 
soldats dont les noms (2) y sont cités comme fondateurs de 
l'invocation, et parmi lesquels on trouve parfois un « decurio », 
voire même un centurion. | 

On peut en conclure que le culte d'Epona semble avoir 
été implanté en Italie par des soldats de la garde impériale à 
cheval, recrutés comme il a déjà été dit, dans les provinces 
autrefois gauloises ou germaines. | 


Luxembourg, février 1907. 


(1) En voici une : « IOVI OPTIMO MAXIMO, IVNONI, MINERVA; 
MARTI, VICTORIAE; HERCYLI. FORT VNAE,; MERCVRIO, FELICITATI; 
SALVTI, FATIS, CAMPESTRIBVS: SILVANO, APOLLINI, DIANAE ; 
EPON#, MATRIBVS, SVLEVIS ET GENIO SINGVLARIVM AVGVSTI 
CETERISQVE DIS IMMORTALIBVS ». 

Toutes les inscriptions susmentionnées sont enregistrées dans le 
« Corpus Inscriptionum Latinarum » édité par l’Académie royale des 
sciences à L’erlin. 

(2) Luxius, Gallio, Ripanus, Gematue, Marcus, Belicius, Trever, 
Frigo, etc. 








Dispositions adoptées en Belgique 
dans la construction des donjons romans, 


par Josepx DE WAELE, 


Architecte, à Gand. 


Lorsque les barbares s'emparèrent du sol des Gaules, le 
territoire fut partagé entre les chefs conquérants; ceux-ci 
s'isolèrent en entrainant chacun un noyau de guerriers et 
s'installèrent à demeure dans l'endroit de leur domaine qui 
leur semblait le plus favorable. 

L'égalité, née de lu vie des camps, dut souffrir de ce 
nouvel ordre de choses et disparaître à mesure que l'idée de 
propriété s'étendait chez les conquérants; du reste, il fallut 
quatre siècles pour en arriver à l’état de sujétion que fut le 
régime féodal. 

La demeure du chef, ou plutôt le fort qu’il habitait, fut 
établi en plaine ou sur une colline suivant la nature du pays. 
Dans le premier cas, le réduit était entouré d’une palissade 
bordant un fossé, généralement de forme ovale. La demeure 
s'élevait sur une motte de terre rapportée, au milieu de l’espace 
enclos. Elle garda le nom de donjon quand, plus tard, l'agglo- 
mération de bâtiments, élevés autour de ce point culminant, 
mérita le nom de château. 

Quand la demeure était établie sur un escarpement, on 
profitait d’un plateau naturel dont la configuration était alors 
adoptée pour le tracé de l’enceinte. Si l'assiette, soit en plaine, 
soit sur une colline, n'était pas assez vaste, on faisait deux 
enceintes laissant entre elles une cour dans laquelle on repor- 
tait les magasins, écuries, ete. 

Le château féodal, c'est-à-dire l'ensemble des bâtiments 
destinés en même temps à la défense et à l'habitation, ne 
parait qu'à la fin du douzième siècie. Avant cette époque, la 


— 196 — 


demeure noble était un poste militaire dans lequel les besoins 
de l'habitation sont absolument sacrifiés à la défense; elle ne 
consistait qu’en une forte tour carrée ou rectangulaire entourée 
à l’origine de quelques ouvrages de peu d'importance, plus 
tard d’une enceinte crénelée et flanquée de tours. 

Le seigneur, en temps de paix, habitait l'étage principal 
du donjon avec quelques serviteurs et, en temps de guerre, il 
appelait autour de lui ses tenanciers nobles, ses vavasseurs, 
ses paysans, qui se logeaient dans des baraquements élevés à 
la hâte derrière l’enceinte. 

Quand au treizième siècle la demeure se complète par des 
bâtiments d'habitation, le donjon n'est plus habité en temps 
de paix et sert de dernier refuge en temps de guerre. 

Viollet-le-Duc, dans ses magistrales études sur le moyen 
âge, signale une série de donjons français, présentant les 
caractères du réduit fortifié, notammeutceux d’Arques, Loches, 
Beaugency, Domfront, Falaise, Broue, Pons, Nogent-le- 
Rotrou, Montrichard, Montbazon, Chauvigny, etc. 

L'Angleterre nous offre aussi une série de donjons datant 
de la conquête. Nommons, parmi les principaux, ceux de 
Londres, Douvres, Rochester, Newcastle. 

Enfin en Belgique nous possédons encore quelques don- 
jons typiques, entre autres, celui du Château des Comtes à 
Gand et celui du château d' Ath appelé « Tour Burbant ». 

La Palestine est restée riche en donjons élevés par les 
croisés dans les gorges du Liban pour défendre les princi- 
pautés chrétiennes fondées le long des côtes. Ils sont parfois 
isolés comme celui de Sahoum, mais parfois aussi on les a 
entouré d’admirables défenses, comme au Krak des Chevaliers 
(Kalaat el hodn), dont l’ensemble constituait une forteresse 
de premier ordre. 

Nous devons mentionner parmi les donjons de moindre 
importance qui sont venus jusqu’à nous : 

Les tours échelonnées le long des côtes de la Méditerra- 
née et qui ont dû être de véritables nids de pirates. 

Les casteras ou manoirs;du Bordelais. 

Les tours-postes défendant les passages et les ponts et, 
parmi celles-ci, les nombreuses tours établies par les chevaliers 





— 197 — 

du Temple, tant en Europe qu’en Asie. Celle de Toklé en 
Syrie, qui est décrite longuement par E.-G. Rey dans son 
Essai sur la domination francaise en Syrie durant le moyen- 
âge (1866), donne le programme généralement suivi dans 
ces constructions. On y pénétrait par une porte défendue par 
un machicoulis. La salle basse pouvait servir d’écurie et 
surmontait une citerne. L'escalier droit, pratiqué en plein mur 
et conduisant à la salle de l’étage, était à mi-hauteur de ce 
rez-de-chaussée et ne pouvait être atteint qu'à l'aide d'une 
échelle. Une plate-forme crénelée était établie sur la voûte 
surmontant la salle de l'étage. 


* 


Les donjons romans de notre pays sont généralement 
construits en maconneries de blocages noyés dans un bain de 
mortier grossier et parementés aux angles par des pierres de 
moyen appareil. Le souterrain est couvert en voûte, et celle-ci 
émerge du sol environnant; mais les étages sont généralement 
séparés par des gitages en bois et communiquent entre eux 
par des escaliers droits, en pierre, établis en plein mur. Ils 
sont parfois couverts en plate-forme, probablement en imita- 
tion des donjons de la Palestine. Cette plate-forme est alors 
établie soit sur voûte, soit sur un grillage en bois. 

Une porte donne accès au souterrain, une autre au rez- 
de-chaussée, sans qu'il y ait communication intérieure entre 
les deux niveaux. Les fenêtres sont très rares. Des latrines en 
encorbellement se voient sur une des faces. Enfin les murs 
extérieurs, exhaussés en parapet, sont crénelés et souvent 
flanqués de tours d'angle. 


% 
% * 


Les donjons du Château des Comtes à Gand. 


Donjon primitif. 


Le donjon construit par Philippe d'Alsace en 1180 s'élève 
sur un bâtiment primitif datant du neuvième ou du dixième 
siècle, qui se composait de trois étages dont les deux inférieurs 


— 198 — 


sont encore intacts. La salle du bas semble avoir eu une aire 
faite par un coulis de béton peu consistant. Cette salle est 
entourée de meurtrières; comme celles-ci sont placées à 1"80 
du sol primitif, on devait douc, pour la défense, se servir 
d'échafaudages volants. 

Les trous des poutres du premier étage se trouvent immé- 
diatement au-dessus des meurtrières susdites. Le premier étage, 
outre les données en tout semblables à celles du rez-de chaus- 
sée, possède deux âtres creusé; en niche dans une des parois 
(Est). 

Le façade Ouest est dédoublée sur la moitié de sa longueur 
et donne des réduits superposés dont les supérieurs étaient 
seuls accessibles par des portes donnant dans la salle du 
premier étage. Ces réduits, très exigus et très sombres, étaient 
probablement les cachots du donjou primitif. 

Une des petites façades, celle du Nord, est également 
dédoublée aux deux étages inférieurs. Une voûte rampante 
couvre l’escalier qui reliait les deux étages. 

Les murs, renforcés par des contreforts, sont bâtis en 
appareil oblique, appelé en aréte de poisson. 


Donjon de Philippe d’Alsace. 


Les deux étages inférieurs de l’ancienne tour que nous 
venons de décrire furent entourés de terre et transformés en 
souterrain par Philippe d'Alsace (1180). Il fit enlever les 
poutres en bois et exhausser le sol inférieur. Quatre colonnes, 
reliées par des arcs en pierre, ayant très peu de flèche, divi- 
sèrent la salle souterraine en deux nefs, jadis couvertes de 
voûtes cylindriques en briques, dont les reins sunt encore 
visibles. 

Üne porte, accessible par une échelle, s’ouvrait sur le 
rez-de-chaussée du nouveau donjon qui émergeait du sol 
environnant (une porte de date plus récente, accessible par des 
gradins en pierre, la remplaca quand des annexes vinrent 
entourer la nouvelle construction). : 

La moit:é inférieure de la grande salle appartient au 
deuxième étage de la tour primitive; cette partie ancienne ne 
porte aucune trace de fenêtres, ni même de meurtrières. 


— 199 — 


Philippe d'Alsace exhaussa les mursanciens pour parfaire 


son donjon; la ligne de suture des deux constructions super- 
‘posées est encore parfaitement visible. 


La grande salle du rez-de-chaussée nous montre un 
plafond sur poutres, dout les encastrements, existant sur toute 
Ja longueur des murs, ont indiqué et la place et les dimensions; 
puis des arrachements et des fragments de reins de grands 
arcs, qui appartiennent également à la construction de 1180. 
U est donc probable qu'on aura suivi ici, partiellement, les 
traditions syriennes, en adoptaut une ossature d’arcs suppor- 
tant les poutres croisées qui formaient les panneaux-plans 
intermédiaires. 

Le petit nombre de baies et l’exiguïté de celles-ci, néces- 
sitée par la défense, mettent la grande salle du rez-de-chaussée 
dans une demi-obscurité. 

Un des murs du donjon se dédouble en empiétant sur la 
cour. Cette saillie contient la cage d’un escalier droit condui- 
sant à la grande salle du premier étage. 

Cette dernière salle nous offre un beau spécimen de salle 
romane. Elle est éclairée sur les quatre faces par des fenêtres 
dont les embrasures sont garnies de bancs. 

Avant la construction des bâtiments d’habitation qui 
entourent le donjon, cette salle était évidemment destinée au 
logement du châtelain. Une cheminée est adossée au mur 
Ouest, daus l'épaisseur duquel se développent les escaliers 
droits reliant les étages et ceux-ci à la plate-forme. 

Dans le fond de la salle émergent des escaliers faits après 
coup pour relier les bâtitnents nouveaux qu'on venait d'ad- 
joindre de part et d’autre an donjon, et aussi pour établir un 
second accès à la plate-forme. 

Quand on continue à monter par l'escalier pratiqué dans 
le mur dédoublé, on rencontre la porte d’un magasin de pro= 
jectiles (1). Celui-ci forme un étage bas contenant les puis- 
santes poutres armées destinées à résister aux vibrations des 
engins projecteurs établis sur la plate-forme. 





(1) Dans la tonr de Toklé, citée précédemment, on voit les traces d’un 
plancher qui subdivisait la salle supérieure pour former également, sous la 
plate-forme, un magasin de projectiles. 


— 200 — 


Avant d'arriver à ce magasin,ontrouvedes latrines placées 
en .encorbellemeut sur le parement extérieur du mur Ouest. 

Au-dessus du magasin de projectiles se trouve la plate- 
forme à laquelle on accède de part et d'autre par un escalier 
circulaire pratiqué dans une tour d’augle. Les corbeaux 
destinés à porter des lambourdes le long des murs sont placés 
à des ‘hauteurs inégales, de façon à mettre le sol en déclivité 
vers l'Ouest. La décharge des eaux pluviales se fait encore 
par des percées anciennes. 


La plate-forme est entourée d’un chemin de ronde d’où 
les défenseurs pouvaient lancer des projectiles qu'ils retiraieut 
du magasin par deux pertuis. 

Trois des quatre tourelles d’angle sont placées en encor- 
bellement. On atteint l'étage de deux de ces tourelles au 
moyen d'escaliers en pierre; celui des deux autres s'établit, 
en cas de danger, au moyeu d'un plaucher volant. 

On voit par la description des donjons du Château des 
Comtes que ces constructions n’étaient guère, à l’époque où 
elles ont été établies, que « des défenses passives, se gardant 
« plutôt par leur masse, par l'épaisseur de leurs murs, que par 
« des défenses proprement dites. C’ét-ient des retraites excel- 
« lentes lorsqu'on n'avait besoin que de se garantir contre 
« des troupes armées d’arcs et d’arbalètes, possédant quelques 
«engins imparfaits et ne pouvant recourir, en dernier 
«ressort, qu'à la sape. Mais si de l'intérieur de ces demeures 
<on méprisait des assaillants munis de machines de guerre 
« d'une faible puissance, onne pouvait non plus leur causer 
« des pertes sérieuses. 

« Les seigneurs assiégés n’avaient cu’à veiller sur leurs 
« hommes et faire des rondes fréquentes, s'assurer de la fer- 
« meture des portes, lancer quelques projectiles du haut des 
acréneaux, si les assaillants tentaient de s'approcher des 
« murs, contre-miner si on minuit; ils pouvaieut ainsi rester 
« des mois entiers mème devant un gros corps d'armée sans 

< avoir rien à craindre. Aussi était-ce presque toujours par la 
« famine que l’on prenait ces forteresses (1) ». 


(1) Voir le Dictionnaire de Viollet-le-Duc au mot donjon. 





— 901 — 
Château d’Ath. 


Le donjon et l'enceinte du Château d'Ath ont été bâtis 
au XIII siècle par Baudouin le Bâtisseur. 

Le donjon est construit sur un plan carré; il est pare- 
menté sur les quatre faces en pierres régulières de grand et de 
moyen appareil. Les divisions intérieures présentent un sou- 
terrain surmonté de deux étages et d’une plate-forme établie 
sur la voûte du dernier étage. 

Le rez-de-chaussée était élevé au-dessus du sol euviron- 
pant et avait sa porte d'entrée sur une autre fuce que celle qui 
donne accès au souterrain. 

Les murs extérieurs montent de fond, c'est-à-dire que 
leurs parements intérieur et extérieur affleurent ceux des 
souterrains, mais ils sont évidés et contiennent dans deux des 
faces (en retour d'équerie) des escaliers droits; dans la 
troisième face, deux grandes cheminées dont les tuyaux de 
fumée se superposent ‘dans l’épaisseur du mur; enfin dans la 
quatrième face, un réduit menant à ‘les latrines qui saillajent 
à l'extérieur et portaieut sur des corbeaux. 

Le sol entre le rez-de-chaussée et l'étage était formé par 
des poutres entrecroisées. 

L'étage était couvert d'une voûte qui portait l’aire de la 
p'ate-forme. Celle-ci devait être entourée de parapets créne- 
nés, mais les angles ne présentent pas de trace d'échauguettes. 


% 
% * 


Des bâtiments d’'habitation furent construits au château 
des Comtes daps les dernières années du XII° siècle; ils 


entourent le donjon, dont ils couvrent partiellement les 


facades Nord, Est et Ouest. 

Au château d’Ath, les adjonctions se firent plus tard (fin 
du XIV* et commencement du XV* siècle) et furent disposées 
contre le mur d'enceinte qu’on suréleva pour le faire servir de 
mur goutterot aux nouveaux locaux. 


* 
* * 


— 202 — 


Les donjons à caractère mixte, c'est-à-dire concus comme 
des habitations fortifiées, sont représentés dans notre pays par 
quelques exemples; citons les suivants : 


Château de Franchimont (1). 


Ce château fort se compose d'un donjon rectangulaire 
contenant une cour; ce donjon est isolé au centre d’une 
enceinte pentagonale flanquée de tours d'angle. 

Il est probable que dès l'an mil Franchimont appartenait 
aux évêques de Liège et qu'il était habité par un châtelain. 
L'histoire mentionne qu'il tombait déjà en ruines vers 1146 et 
que ce fut l’évêque Henri de Leyen qui le remit en état de 
défense. 

Le nom de « Castrum Franchiermont » apparaît pour la 
première fois dans un diplôme daté de l’an 1155. 

Vers 1390 environ, on y effectue de nouveaux travaux; 
mais en 1387 l’évêque Arnould de Hornes « reconstruisit » le 
château. On ne doit cependant pas prendre à la lettre le terme 
employé; ce fut probablement une reconstruction partielle. 
L'enceinte paraît, en effet, appartenir à l'époque indiquée, 
puisqu'elle est construite en vue d'utiliser l'artillerie très 
primitive de la fin du quatorzième siècle. Il en est de même 
pour la façade Est du donjon qui forme revêtement sur un 
noyau ancien. Ces maconneries de rapplique dénotent, et par 
leur appareil et par certaines dispositions conformes aux 
exigences créées par l'emploi des armes à feu, qu'elles sont 

de la même époque que l'enceinte pentagonale. 
=‘ Un donjon existait au douzième siècle. Est-ce le donjon 
qu'on retrouve derrière le revêtement susdit?... Si oui, ce 
donjon n'avait pas le caractère d'un simple poste militaire, 
car on s'était préoccupé, en le construisant, d'y aménager des 
locaux d'habitation. 


(1) Nous empruntons ici la plupart de nos renseignements aux études 
de Mr Lhoëst sur les châteaux de Franchimont et de Bouillon. 





— 203 — 
Château de Bouillon. 


Ce château fameux est déjà signalé dans une charte 
datant de l’année 852. 

Il paraît certain que la construction primitive se compo- 
sait d'un donjon rectangulaire entouré d'un mur crénelé. 

Il y eut là, comme au Château des Comtes de Gand, une 
reconstruction à une époque reculée; elle semble pouvoir être 
reportée au XI° siècle, et dut avoir lieu sous le règne de 
Godefroid IV, après sa captivité. 

Godefroid de Bouillon, au moment de partir pour la 
Palestine, engagea ou vendit le château de Bouillon à l’évêque 


‚de Liège, Otbert. 


La possession du château de Bouillon par les évêques de 
Liège dura de 1095 à 1676. A cette dernière date il passa aux 
princes de la Tour d'Auvergne, qui en restèrent possesseurs 
jusqu'à la révolution francaise. 

On peut admettre que le XIe siècle vit le développement 
complet du château tel que nous le voyons de nos jours, sauf 
peut-être l'ouvrage avancé qui en défend l'entrée et la tour 
dite d'Autriche, parce qu’elle fut restaurée par l'évêque Georges 
d'Autriche dans le courant du XVI: siècle. 

C'était donc dès lors un ensemble important de construc- 
tions, et non un simple poste militaire. 

Le donjon rectangulaire fut probablement rebâti sur des 
ruines anciennes, comme il est arrivé pour le donjon de 
Philippe d'Alsace au chât-au de Gand. 

La forteresse subit de uombreux sièges, mais ce fut en 
1521 qu'elle eut le plus à souffrir. Elle fut prise par les 
troupes de Charles-Quint commaudées par Henri de Nassau; 
celui-ci fit démanteler ses défens2s après la réduction de la place. 

Sous Louis XIV l'illustre Vauban dénatura le caractère 
féodal du château en établissant les batteries qui devaient, 
dans sa conception, en faire un boulevard pour protéger Sedan . 
et commander les avenues principales des Ardennes. 

Enfin le gouvernement holiandais voulut faire du châ- 
teau une citadelle moderne, et à cette fin détruisit le donjon, 

la chapelle et l'habitation des Gouverneurs. 


* 
% % 


RL TT 


— 204 — 


D’autres donjons appropriés ou en ruines se trouvent 
encore disséminés sur le territoire de la Belgique ou proche de 
ses frontières actuelles. Leur étude serait hautement désirable 
afin de pouvoir déterminer les modes de construction de nos 
forteresses primitives, qui semblent présenter deux types 
distincts, et pour pouvoir les comparer aux donjons dont les 
vestiges couvrent les pays voisins et principalement la Franee 
et l'Angleterre. 

Voici une liste des ruines dans lesquelles on pourrait 
découvrir des tracés-plans ou des fragments de murs appar- 
tenant à l’époque qui forme l’objet de notre étude. 

gnd. 
Noms 


des communes. | AT: adm. 


Désig nation des objets. 














PROVINCE D'ANVERS. 


Bornhem . Anvers tours du château. 

Broecken » ruines d’un ancien château (Hallmall s'hof). 
Deurne » re stes d'anciens châteaux. 

Westmalle » château avec donjon. 

Thielen Turnhout | restes d’un ancien château. 


PROVINCE DE BRABANT. 


Aerschot Louvain | ruines d'une tour (tour d'Orléans). 

Archenne Nivelles | ruines d’un château fort (château de la Motte): 
Ceroux-Mousty . tour de Moriensart. 

Ittre » substructions d’un ch. fort (ch. de Faucuwez). 
Leefdael Louvain | donjon. 

Nil St. Vinc. St. Mart. | Nivelles tour del Vaulx. 

Oetinghem Bruxelles | château ancien. 

Sichem-lez-Diest Louvain tour d'un ancien château. 

Steen-Ockerzeel Bruxelles | restes d’un arcien château. 

Thines lez-Nivelles . restes d'un ancien ch. (ch. de Vaillempont). 
Virginal Samme Nivelles tour de Hasquempont. 

Walhain St. Paul . ruines d'un ancien château (ch. de Walhain). 


PROVINCE DE LA FLANDRE OCCIDENTALE. 


Vinchem | Furnes ruines d'un château fort. 
Zantvoorde Ypres vestiges d'un clâteau féodal. 


PROVINCE DE LA FLANDRE ORIENTALE. 








Herzele Alost ruines d’un château féodal. 
Laerne Termonde | château féodal. 
Rupelmonde St-Nicolas | ruines du château. 

Wieze Termonde | château avec ancienne tour. 








— 205 — 





Noms 
des communes. 


Arquennes 


Bailleul 
Beaumont 
Bernissart 
Blaton 
Bouffioulx 
Brayelle 


Chaussée N.D. Louvi 


Chièvres 
Couillet 

Eoghien 
Ere 


Estinnes-au- Val 
Farciennes 
Fayt-le-Franc 


Flobecq 








Arr, adm. 


Désignation des objets. 





gn. 


Forchies la Marche 
Forest-lez-Anvaing 


Gougnies 


Grandglise 
Haine-St-Pierre 


Hainin 


Hempiront 
Heppignies 


Herchies 
Hoves 


Huissignies 
Irchonwelz 
Labuissière 
La Hamaide 


Landelies 


Liberchies 


Lompret 
Loverval 


Montreuilsur Haine 


Néchin 


St. Léger lez-Pecq 


Thirimont 
Thuin 


Vaulx-lez-Tournai 


Viesville 


Wasmes-Audemez 


PROVINCE DE HAINAUT. 


Charleroi 


Tournai 
Thuin 
Tournai 
Charleroi 
Tournai 
Mons 


» 
Charleroi 
Soignies 
Tournai 
Soignies 
Charleroi 
Mons 
Ath 
Charleroi 
Ath 
Charleroi 
Ath 
Thuin 
Mons 
Soignies 
Charleroi 
Mons 
Soignies 
Ath 


Thnin 
Ath 
Charleroi 


. 9 
Thuin . 
Charleroi 
Mons 
Tournai 
Mons 
Tournai 
Thuin 
Mons 
Thuin 
Tournai 
Thuin 
» 
Tournai 
Charleroi 
Tournai 


restes d’un château fort. 

restes d'un château fort. 

ruines d'un donjon (tour de Salamandre). 
enceinte de château fort. 

restes d'un ancien château. 

restes d’un ancien ch. (manoir de Montrou). 
ruines d'un anc. château (ch. de Diesbach). 
tour des Sarrasins. 

ancienne enceinte. 

donjon de la Tourette. 

donjon converti en chapelle. 

restes d’un anc. château. 

restes d'un anc château. 

restes d'un anc. château (ch. de St. François). 
restes d’un anc. châ‘eau (ch. de Rampemont). 
restes d'un château féodal. 

tour ancienne. 

ruines d’un anc. château (ch. de Miremont). 
ruines d'un anc. château (ch. de la Buissière). 
ruines d'un ane. château. 

restes d’un anc. château. 

restes d'an anc. château (ch. de Hainin). 
ruines d’un château féodal. 

ruines d’un château fort. 

tour et substructions d’un château féodal. 
château ancien converti en ferme. 

château ancien (ch. Muluise). 

restes d'un châtean fort. 

restes d’un ancien château. 

restes d’un ancien château (ch. d'Egmont). 
restes d'un ancien château (ch. des Gueux). 


ruines d’un vieux château. 


restes d’un château fort 

château fort dé Loverval. 

restes d’un ancien château. 

ruines d'un château fort (ch. de la Royère). 
chât. ruiné converti en ferme. 

restes de l’anc. château de Pecq. 
ruines du château seigneurial. 

ruines appelées le « Castinu d'dinle ». 
restes d’un anc. château avec 4 tours. 
restes d'un ane. château des templiers. 
ruines d’an château roman. 

tour de Notger. 

château dit de César. 

ruines du château furt de Viesville. 
ruines du château fort de Briffæi). 


— 206 — 


nnen 











des RE es. | Arr. adm. Désignation des objets. 
EEN 
PROVINCE DE LIEGE. 
Argenteau Liège ruines de l'ancienne forteresse. 
Awans donjon de l’ancien manoir de Waroux. 
Bas-Oha Huy ruines du manoir féodal de Beaufort. 
Esneux Liège ruines du donjon de Montfort. 
Grand-Hallet Waremme | aucienne tour. 
Herstal » restes de l'ancien palais de Pepin le Gros. 
Jehay-Bodegnée Huy tour dite romaine, 
Dolin-Limbourg Verviers | restes d'un château (bâti en 1(64). 
Lixé Liège ruines d'un anc. château. 
Vieuxviile Huy ruines du chât. fort (ch de Logne). 
Louveigué Liège ruines d'un vieux château. 
Moha Huy ruines d'un ancien château. 
Oupeye Liège ancienne tour. 
Rouvreux » ruinesdech.fort(ch.d'Amblève-Warnoumont). 
Saive » donjon. 
Sprimont , ruines du château d'Amblève. 
Stavelot Verviers | ruines du ch. des princes-abbés. 
Vierset barse Huy vestiges de deux châteaux forts. 
Villers St Siméon : Liège vestiges de deux châteaux forts. 
Warzée Huy restes d'un château féodal. 
PROVINCE DE LIMBOURG. 
Achel Maeseck | vestiges de chât. fort (ch. de Grevenbroeck). 
Brusthem Hasselt ruines de château ancien. 
Cannes Tongres | ruines de deux châteaux anciens. 
Looz » château datant du Xl° siècle. 
Stockheim » ruines de château fort. 
PROVINCE DE LUXEMBOURG. 
Autelbas Arlon restes du château des comtes d'Autel. 
Grand Halleux . Bastogne | ruines du château de Rogister. 
Herbeumont Neufchâteau | ruines du château d'Herbeumont. 
Laroche Marche ruines du château de La Roche. 
My » ruines d'un château (häti en 1112). 
Vieilsalm Bastogne | ruines du château de Vielsalm. 
Vivy Neufchâteau | ruines du château de Liresse. 
PROVINCE DE NAMUR. 

Bouvignes Dinant ruines de la tour de Crèvecceur. 
Dourbes Philippeville! ruines du château de Hauteroche. 
Eprave Dinant ruines d’un ancien château. 
Fagnolles Philippeville! restes du château de Fagnolles, 
Falaën Dinant restes du château de Montaigie. 
l'almignoul » restes du château-Thierrv. 
Heure . restes d'un vieux château à Moressée. 
Houx , ruines du château de Poilvache. 

ne . à amart. 
Philippeville . ruines des chât. de Santour. 
Rochefort » ruines du château de Rochefort. 
Sombreffe Namur château à donjon. 
Thon ruines du château de Samson. 
Thy le-Château Philipper ille| restes du manoir de Tby. 


* 
# * 


— 207 — 


Nous terminerons par une description des enceintes qui 
entouraient primitivement le donjon-poste militaire dans nos 
contrées. 

L'enceinte la plus complète qui soit parvenue jusqu’à 
nous est celle du Château des Comtes à Gand. 

Elle se compose d'un mur très épais de forme elliptique, 
interrompu par un bâtiment d'entrée. Ce mur est surmonté 
d’un chemin de ronde avec parapet crénelé; il est flanqué de 
24 tours établies sur des contreforts rectangulaires. Ces tours 
sont à deux étages de défense : l'étage inférieur, au niveau du 
chemin de ronde, a des meurtrières; l'étage supérieur, qui ne 
s’établissait qu’en cas de guerre (au moyen de poutres fixées 
sur des consoles ou dans des encoches), a des créneaux. 
L'étage supérieur de l’une des tourelles au Nord est obtenu 
par une voûte. Cette tourelle contient les latrines destinées 
aux défenseurs qui étaient de garde sur le chemin de ronde. 

Tous les créneaux étaient pourvus à l'extérieur de man- 
telets tournant dans des crochets et reposant sur des pierres 
saillautes. Ces mantelets pouvaient être relevés au moyen de 
chandeliers en fer, Les créneaux avec leurs mantelets permet- 
talent aux défenseurs de jeter des pierres sur les assiégeants, 
tout en étant partiellement à l'abri des projectiles lancés du 
dehors. | | 

Deux machicoulis, pratiqués dans le pavé de l'étage 
inférieur de chaque tour, permettaient aux assiégés de jeter 
des matières pondéreuses sur les ennemis arrivés à se loger 
dans les encoignures des contreforts. 

Les tours, conçues d’après la tradition antique (c'est-à- 
dire ouvertes et non couvertes), n’iuterceptaient pas le chemin 
de ronde. Une seule, plus forte que les autres, forme saillie 
sur le parement intérieur; seule aussi, elle est couverte et 
fermée. Cette dernière commandait deux escaliers, montant de 
la cour qui entoure le donjon, et donne accès aux deux côtés 
du chemin de ronde. Cette tour exceptionnelle servait de 
poste aux hommes préposés à la défense de l'enceinte. 

Le bâtiment d'entrée, entièrement en saillie sur le mur 
d'enceinte, pouvait au besoin devenir un châtelet isolé. IÌ se 
compose d’un corridor surbâti, percé de part et d'autre de 
meurtrières et compris entre deux portes. 


— 208 — 


On n’atteint l'étage du châtelet que par le chemin de 
ronde. [1 se compose d’une salle carrée et d’une salle longue 
dans laquelle on remarque, de chaque côté de l’entrée, un 
machicoulis défendant la seconde porte du rez-de-chaussée. 
Deux réduits sont établis dans les tourelles flanquant la façade. 

Au-dessus de l'étage se trouve une plate-forme à parapets 
crénelés, à laquelle on accède par un escalier établi sur 
une vis de St. Gilles. 


* 
% * 


Nous trouvons d’autres fragments d'enceintes qui pré- 
sentent les éléments susdits, notamment au Steen d'Anvers et 
au château de Bornhem. Les tours y sont également cylin- 
driques et plantées sur des contreforts rectangulaires, à l'aide 
d'arcs en encorbellement. 

Pour ce qui concerns le château d’Ath, nous ne pouvons 
que constater la forme elliptique de l’enceinte; les flanque- 
ients primitifs ont dû disparaître lors de la construction des 
locaux adjacents, qui existent encore partiellement. _ 

Les enceintes offrent à nos spécialistes un nouveau 
champ d’études. Celles-ci viendraient compléter heureuse- 
ment les recherches que nous espérons voir entreprendre pour 
élucider les questions qui concernent nos vieux donjons 
belges | 





Avant-projet de loi 
sur la Conservation des Monuments et des Objets 
mobiliers historiques ou artistiques, 


par ARMAND DE BEHAULT pe DORNON, 


Membre titulaire de l’Académie royale d'Archéologie de Belgique, à Bruxelles, 


L'absolue nécessité de posséder en Belgique une loi sur 
Ja Conservation des Monuments et des Objets mobiliers 
historiques ou artistiques, n'a plus besoin d’être démontrée. 
Depuis le Congrès de Gand de 1858, où la question fut discutée 
pour la première fois et à la suite duquel le Gouvernement 
nomma des Membres correspondants de la Commission royale 
des Monuments dans les provinces f1), presque tous les Con= 
grès, la Commission royale précitée, plusieurs Sociétés archéo- 
logiques et un grand nombre d’archéologues n’ont cessé de 
s occuper de catte question d'intérêt vraiment national et qui, 
depuis 50 ans, continue à présenter « un réel caractère 
d'urgence »! Au Congrès de Bruges, en 1886, et au Congrès 
de Gand, en 1896, on espéra faire un pas en avant ; mais cet 
objet, le plus important peut-on dire de tous ceux qui ont été 
portés devant nos assises fédérales, finit toujours par échouer 
devant la complexité des éléments en cause. Peut-être a-t-on 
voulu trop obtenir, alors qu'il eût été p'us sage de se déclarer 
momentanément satisfaits, quitte à modifier, dans la suite, 
certains articles de la loi, modifications qui se seraient impo- 
sées par la force des choses même, tout comme dans la plupart 
des lois votées par le Parlement. 

Au Congrès de Mons de 1904, un pas décisif semblait, 


(1) Cinquantième anniversaire de la fondation de la Société royale des 
Beaux-Arts et de Lillérature de Gand, 1859, pp. 36 à 83 et 145. 


14 


— 210 — 


enfin, devoir être fait daus cet ordre d'idées. J'eus l'honneur 
d'y développer un avant-projet de loi sur la Conservation 
des Monuments et des Objets mobiliers historiques ou 
artistiques (1), et notre savant confrère, M' Emile de Munck, 
de son côté, publia, en vue de la discussion, un travail des 
plus intéressauts visant spécialement le chapitre consacré aux 
Objets trouvés daris les fouilles (2). 

La question fut portée devant l'assemblée générale du 
30 septembre 1904, et je terminai ma démonstration en 
demandant au Congrès de voter la constitution d'un comité 
chargé de discuter notre avant-projet de loi et d'élaborer uu 
texte définitif qui serait déposé sur le bureau de la Chambre 
par un de nos savants confrères. Ce Comité, composé d'un 
membre de chaque Société fédérée, aurait siégé à Bruxelles. 

C'est à la Commission royale des Monuments que nous 
proposions de confier l'exercice des différentes attributions 
énumérées dans notre avant-projet de loi. Cette Commission, 
instituée dans le but de veiller à la conservation des monu- 
ments dignes d'intérêt, composée d'hommes distingués et 
compétents, serait, en effet, mieux que tout autre collège, en 
mesure d'apporter, dans cet exercice, tout le savoir et l'autorité 
désirables. Nous proposions, qu'en cas de mauvaise volonté 
de la part du propriétaire, l'Etat ait le droit d'expropriation. 

M" Le Tellier fit valoir que, jusqu'ici, le principe de 
l'expropriation en matière artistique n'avait pas été admis par 
la législature. Il proposait d'émettre le vœu de voir le principe 
de l'expropriation appliqué à un intérêt artistique ou scienti- 
fique. Lorsque le principe aurait été admis, à l'occasion du 
projet de loi dépnsé sur l'expropriation en général, on récla- 
meratt une loi d'application. 

Mr Houzeau ‘le Lehave s'attacha à démontrer que les 
pouvoirs publies ont détruit plus de monumeuts historiques 
que les particuliers, quoique le Gouvernement soit armé pour 
empêcher la destruction des monuments publics. 


(1) Annales de la. Fédération archéologique et historique de Belgique, 
t. XVIII, Fascicule 2 des travaux préparatoires. 


(2) Mêmes Annales, Fasc. G des dits travaux. 





— ?21l — 


Mr Van der Linden, représentant, appuya notre demande 
de constitution d’un comité chargé d'élaborer un projet de loi 
pour la conservation des monuments, mais il fit remarquer 
que notre esprit national répugne aux mesures coërcitives; 
aussi faudrait-il pour l’ « expropriation » l'accord de tous les 
intéressés. | | 

M: Lefèvre-Pontalis, président de la Fédération archéo- 
logique et historique de France, dit que, quoiqu’en France on 
consacre annuellement une somme de deux millions pour la 
conservation des monuments historiques, le but n'est pas 
atteint En ce pays, la loi du 30 mars 1887 est insuffisante 
pour la conservation des monuments municipaux; il faudrait 
renforcer cette loi en ce qui concerne les municipalités. 

A la suite de cette discussion, l'assemblée géuérale 
chargea le bureau du Congrès de Mons de 1904, de nommer 
une Commission composée comme il est dit ci-dessus, pour 
étudier mon avant-projet de loi, le vœu de M" Le Tellier étant 
toutefois voté. | 

Nous ignorons pour quels motifs cette Commission n'a 
pus été convoquée. Mais la question présentant le plus haut 
intérêt, nous ne pouvons nous arrêter à des circonstances 
imprévues et nous exprimons l'espoir de voir le bureau du 
Congrès de Gand constituer cette Commission. A lui reviendra 
l'honneur d’avoir enfin provoqué le dépôt d’un projet de loi 
sur la Conservation des Monuments et des objets mobiliers 
historiques ou artistiques sur le bureau de la Chambre, vœu 


depuis si longtemps exprimé dans notre pays. 


Note sur les objets barbares recueillis dans les 
stations de La Panne-Bray Dunes, 


par le B* A, pe LOE, 


Conservateur des Musées Royaux, à Bruxelles. 





Il existe dans les panne: interdunales, entre La Panne et 
Bray Dunes, quatre gisements archéologiques bien distincts 
formés par l’accumulation, autour de nombreux foyers, des 
restes de repas, des fragments de poteries, des ustensiles 
divers et des monnaies qu'ont laissés les anciennes populations 
du littoral. | 

Ils sont échelonnés suivant une ligne parallèle à la côte. 
Le premier est situé à 3,800 mètres nord-ouest de la tour de 
l’église d’Adinkerke et à 300 mètres de la laisse actuelle de 
marée haute. Le second est distant du premier d’enviren 
‘250 mètres. Le troisième se trouve à 600 m. plus loin et déjà 
sur le territoire français. Le quatrième, enfin, est situé à 
900 m. au nord de la tour de l’église de Bray Dunes-village 
et à 250 m. de la laisse de haute mer. Une distance de 1609 m. 
le sépare du gisement n° 3 de La Panne. 

Ces gisements sont parfaitement ex place. Ils reposent 
sur le sol ancien constitué sans doute par un de ces îlots de 
sable fandrien que l’on retrouve jusqu’à plusieurs kilomètres 
de la côte actuelle et la couche archéologique passe sous la 
dune moderne. Ces points, qui n’ont plus été envahis par la 
mer depuis trois ou quatre siècles au. moins avant l’ère chré- 
tienne, ont été fréquentés depuis l’âge du fer jusqu’au com- 
mencement du moyen âge proprement dit, par des populations 
qui, semble-t-il, y étaient plutôt campées qu’établies à demeure. 
On y trouve des objets barbares (voir la figure n° 15) et 
des sceattas anglo-saxons. 





— 213 — 





Échelle 40 eitt? 


No 15. Objets recueillis à La Panne-Bray Dunes. 


— 214 — 


Comme les nuances purement archéologiques sont insuf- 
fisantes, tant est grande l’unité de l’art barbare, pour nous 
permettre de distinguer nettement un milieu franc d’un 
milieu burgonde, saxon, etc..., nous demandons aux histo- 
riens et aux linguistes du congrès de bien vouloir nous dire 
s’il convient d'attribuer aux Saxons ou aux Frisons plutôt 
qu'aux Francs, les objets dont il s’agit. 


| 
l 
t 
i 


Histoire et étymologie du nom de Gend, 
par Vicror TOURNEUR, 


Attaché à la Bibliothèque royale de Belgique. 


Depuis des siècles, le nom de Gand n'a cessé d’exciter la 
curiosité des érudits; intrigués par ce mot bref et obscur, ils se 
sont efforcés d'en pénétrer le sens, et en ont proposé des inter- 
prétations plus funtaisistes les unes que les autres, 

À la fin du X{UT° siècle, THiELRODE (1) assurait que César 
avait construit la ville et que celle-ci avait été nommée Ganda 
de son prénom Gaius. 

MARC VAN VAERNEWIJCK (2j remontait encore plus haut : 
d'après lui, trois cents ans avant le Christ, il y aurait eu à 
Gaud un commandant appelé Gandanus qui aurait donné son 
nom à la cité. 

JacoB Meyer (3) rapporte, entre autres explications, que 
l'on aurait trouvé dans un ancien fort l'inscription C. ANT; 
les uns l’interprétaient Caîus Antislius; les autres Caius 
Antonius; mais en tout cas, elle serait devenue le nom de la 
forteresse. 

L’étymologie qui paraît avoir été le plus en faveur est 
celle qui consiste à rapprocher le nom de Gand de celui des 
Vandales. Successivement elle a été admise par Meyer (4), 
SANDERUS (5), GRAMAYE (6), VINCHANT (7), et finalement par 
LESBROUSSART (8). 


(1) Monumenta Germania historica, Scriptores, XXV, 560 et 565. 

(2) Die historie van Belgis Gand, 1574), fo CXIII, vo. 

(3) Compendium chronicorum Flandria (Nuremberg, 1538), fo 11. 

(4, Compendium chronicorum Flandria (Nuremberg, 1538), fo 4 vo. 

(5) Flandria illustrata (La Have, 1730), p. 144. 

(6) Rerum flandricarum primitie (Lille, 1612), p. 13. 
_ (Fa. VINCHANT. Annales de la province et comté du Hainaut Bruxelles 
1848), I, p. 307-38. 

(8) Nouveaux memoires de l'Académie royale de Bruxelles, 1, 1820, p. 182. 


— 216 — 


WiiLeMs (1) le premier fit des recherches dans une autre 
direction : il partit de la forme Gent. Kirran (2) donne à Gent le 
sens de jars. « En supposant que le monastère de St. Bavon 
ait été d’abord connu sous le nom de Gantiwijk vu de Ganzen- 
hoek, on peut en conclure que le nom de Gent seul est resté à 
la ville et signifie par conséquent uid d'oies. » 

Infiniment supérieure est l'interprétation proposée par 
GugLoozr (3). Lui aussi prend pour base la forme Gent; il 
la rapproche du celtique Venta, attesté par Venta Belgarum, 
aujourd'hui Winchester, en Gallois Caer Grent. Quelque inté- 
ressante qu’elle soit, cette étymologie est erronée parcequ'elle 
ne tient pas compte de la forme Gand qui est antérieure à 
Gent. 

De Suer (4), tout en écrivaut que cette explication ue le 
satisfait pas entièrement, s’y est rallié, parce que c’est la plus 
scientifique, 

Evfiz, quoique À. ve VrLAMINCK (5) ait reconnu que l’éty- 
mologi de Gand reste un mystère, il u’a pu s'empêcher d'en 
proposer une dernière : « César raconte, écrit-il, que les 
peuplades belges établies dans l'ile de Bretagne avaient 
presque toutes conservé les noms des pays dont elles étaient 
originaires. Ne serait-ce pas le cas pour les habitants du 
comté de Kent (le Cantium des Romains, le Chent du moyeu- 
âge), que l’on pourrait ainsi considérer comme les descendants 
d'une colonie flamande (sic!) originaire du pagus Ganden- 
ss? » (6). 

Les Bretons du Cantium colonie flamande, voilà qui con- 
stitue un joli anachronisme. 

En résumé, malgré les efforts tentés jnsqu’ ici, l” étymolo- 
gie du nom de Gand reste encore à découvrir. En réalité, 


(1) D'après J.-J. De SMET, Bullettins de l'Académie royale de Belgique, 
XIII, 2e partie (1846), p. 212. 

(2) C. Kiniani. Dictionarium teutonico-latinum ‘Anvers, 1574), Ghent, 
anser mas. 


(3) WARNKOENIG. Histotre de la ville de Gard (Bruxelles, 1846), p. 10 
et 11, n. (His{oire de la Flandre, trad. Gleldolf, T. 1II.) 


(4) Bulletins de l'Académie royale de Belgique, XIII, 2e part. (1846), p. 214. 
(5) Les origines de la ville de Gand (Bruxelles, 1891), p. 18. 
(6) O. c. p. 7, n. 2. 





= 217 = 


personne jusqu'à présent n'a étudié cette question avec 
méthode. 

En effet, pour atteindre le but proposé, il importe d’abord 
d'établir dans ses graudes lignes l’histoire des origines de la 
cité; puis, de dresser une liste chronologique des formes les 
plus anciennes du nom de la ville, et enfin, d’étudier, en 
remontant le cours des siècles, l'évolution phonétique qui a 
produit ces diverses formes, en l'éclairant au moyen des 
données de l’histoire. 

En 

Lorsque César envahit la Gaule Belgique, il trouva; le 
territoire qui s’appelle aujourd’hui les Flandres, occupé par 
deux peuples, les Morins et les Ménapiens. 

Les uns et les autres parlaient un idiôme celtique (1). 

Ils n'avaient pas de villes, comme c'était, du reste, le 
cas de tous les autres peuples qui habitaient alors notre sol; 


- aussi, ni César, ni les historiens latins postérieurs n’ont-ils 


jugé à propos de mentionner le nom de leurs bourgades ; seul, 
Portus Itius (2) a été noté par le conquérant, pour la senle 
raison qu'il fut le théâtre d'opérations militaires et navales. 

Après la conquête, à part Wervicq (3) et Courtrai (4), 
aucune localité n'est citée en Flandre dans les documents 
romains tels que les Zinéraires et la Notice. des dignilés. 
Toutefois, on ne pourrait tirer argument de ce fait pour 
prétendre qu'il n’en n’existait pas; la situation économique 
des Méuapiens devait être excellente ; ils faisaient avec Rome 
un commerce actif, et, à l'époque de Dioclétien, leurs jambons 
étaient renommés dans tout l'empire (5). Le tarif proclamant 
qu ‘ils devaient être vendus vingt deniers la livre, était affiché 
jusqu’à Stratonicée de Carie (6 6). | 


(4) G. Zeuss. Die Deutschen und die Nachbarstämme (Muni ch, 189), 
p. 188-189. 


(2) César. De bello gallico, V ‚1. | 

(3) Viroviacum. Ilinératre d' Antonin. 

(4) Curtoriacum. C£, Cortoriäcenses, Notitia dignitatum occ . 5, 96. 
(5) Edit de Diocletien, 1V, 1, 8. 


(6) Le BAS-WADDINGTON. Voyage archéologique on Grèce et en Asie 
mineure, Ve part. (Paris, 1858), p. 55 


— 218 — 


Lorsque la ville de Gand apparait pour la première fois 
dans l’histoire, c'est à l'époque du Haut-empire : on y a 
découvert des vases de ce temps (1), et les monnaies romaines 
trouvées en grand nombre, éparses dans le sol, en 1810 et 
1811 lors du nivellement du quartier St. Pierre (2), démon- 
trent qu’elle existait déjà sous Néron, et qu'elle fut florissante 
sous les Antonins. 

Grâce au rempart naturel que constituait le vaste estuaire 
du Hont, et aux expélitious de Coustance-Chlore (3) au delà 
du fleuve, Gand se maintint assez tard dans le Bas-empire; 
la ville devait s'étendre non seulement sur l'espace compris 
entre l’Escaut et la Lys, mais même sur la rive gauche de ces 
deux cours d’eau : certains murs de l’abbaye de St. Baron 
sont bâtis sur des substructions datant de l'époque constanti- 
nienne, et Wauters prétend mème avoir retrouvé dans les 
murs de l’abbaye un cimetière romain (+) de basse époque. 

Sous le règne de Julien, la ville fut probablement déjà 
fortement menacée par les Fraucs-Saliens qui s'étaient établis 
effrontément sur le sol romain; l'énergie de cet empereur la 
sauva certainement de la destruction. Mais, après la mort de 
Julien (s), les Francs poursuivirent leur prise de possession 
de la Belgique : la série des monnaies romaines signalée 
ci-dessus est ininterrompue jusqu'à Valentinien I, mais s'ar- 
rête brusquement avec cet empereur. On peut.en conclure avec 
certitude que la ville romaine de Gand fut détruite sous son 
règne, soit entre 364 et 375 de notre ère (6). 

Peut-être est il possible de déterminer la date de cet 


(1) Exposition universelle de 1867 à Paris. Catalogue général. Histoire 
du travail et monuments historiques (Paris. 1867), p. 78. 

(2 De Bast. Second supplément au Recueil d'antiquités romaines et 
gauloises (Gand, 1813), pp. 197-198. 

(3, Pancgyrique de Maximien et de Constantin. 4, (Paneg. lat. VL.) Cf. 
Panégyrique de Constance, 8. 

(4) WAUTERS. L'architecture romane dans ses diverses transformations 
(Bruxelles, 1899). p. 28. 

(5) AMMIEN MARCELLIN, XVII. 9, 3. 

(6) A. BLANCHET. Les trésors de monnaies romaines et les invasions ger- 
_mantques en Gaule (Paris, 1900), p 63. 


— 219 — 


événement d’une manière encore plus exacte : en 368, 
Ammien Marcellin (1) signale de nouvelles incursions des 
Francs. Comme ceux-ci occupaient à ce moment l'île des 
Bataves (2), il est très vraisemblable que Gand succomba sous 
leurs coups précisément en cette année. 


* 
* * 


Comment s'appelait cette cité? Nul ne le sait : on a déjà 
vu que pi les historiens anciens, ni les Zlinéraires, ni même 
la Carte de Peutinger n’en fout mention. Ou ne connaît pas 
non plus d’iucription latine capable de nous éclairer à ce sujet. 

Mais le nom de la ville disparut-il avec l'administration 
romaine? La chose est tout à fait improbable : d’abord, les 
Francs qui vinrent s'établir à Gand n'en ignoraient pas le 
nom, puisque, depuis longtemps déjà, ils vivaient à proximité; 
d'autre part les villes romaines du voisinage, telles Curtoria- 
cum et Viroviacum ont vu leur nom ancien adopté par les 
barbares qui en ont fait Kortrijck et Wervik; par couséquent, 
pour établir quel fut le nom porté par Gand à l'époque 
romaine, il est nécessaire de déterminer avant tout comment 
la future cité des co:ntes s’appela sous les Mé:ovingieus et 
les Carlovingiens. 


* 
% * 


Tombé au pouvoir des Franc:, l’ancien Gand romain 
rentre dans l'obscurité pour plusieurs centaines d'années; 
vers la fin du VII: siècle seulement, on acquiert la certitude 
que Gand avait reconquis quelque importance : il avait 
donné son nom à un pagus (3). En effet, Baudemout (4) nous 


(1) AMMIEN MARCHLLIN, XXVII, 8, 5. 

(2) Zosiue, 1.I, 6. 

(3) Peu importe ici que pagus gandavus ait servi à désigner une division 
politique, ou ait été une simple locution géographique, comme on dit 
aujourd'hui « le pays de Herve », le « pays de Waes ». Le fuit intéressant 
à constater, c'est que l'expression pagus de Gand existait. 

(4 Vita Si Amandi, 3, 12, A. SS. 6 févr. I, p. 850 E. 


— 220 — 


fait connaître le ragus gandavus, qui, quelques années plus 
tard, en 703, est dénommé pagus gandensis (1). - | 

Et, dès lors, les mentions du nom de Gand se succèdent 
nombreuses, d’abord dans les diplômes et les chartes, sous lá 
plume des chroniqueurs, puis, bientôt aussi, sur les monnaies. 

Voici la liste des principales formes sous lesquelles appa- 
raît le mot : 

Gandavus, um, pagus gandavus (2) VIT: siècle; castrum 
gandavum (3) VIIT° siècle et très fréquemment dans la suite; 
vicus gandatus 953 (4), 958 (3); Gandarum seul sur les mon- 
naies de Charles le Chauve frappées à Gand (6), (castrum est 
évidemment sous entendu); enfin, actum Gandati 960 (1); 
actum in Gandavo (x), 988. | | 

Gandensis, e, pagus gandensis en 703 (9) et régulière- 
ment dans la suite; monasterium gandense 977 (to). 

Ganth, monasterium quod cocatur Ganth, 864 (11); 
ecclesia de Gant, 964 (12); Gant cirilas sur un denier de 
Baudouin IV (13). | 

Ganda, monasteriun quod vocatur... Ganda 967 (11), 
976 (15), én loco nuncupalo Ganda 976 (16) etc: 





‘1, BREQUIGNY et PARDESSUS. Diplomata, IL, 262. . 

(2) Cf. n. 4, p. 5. 

(3) Vita Bavonis. AA. SS. 1 oct. I pp. 230 F; 252 A et D; 231 F. 
(4) MiRAEUS et Foppens, II, 959. 

(9, SERRURE. Cartulaire de St Bavon, p. 5. 


(G) Prou. Catalogue des Aonnaïes françaises de la Bibliothèque nationale. 
Les Monnates carolingiennes (Paris, 1896, p. 28, 29). 


(7) DUCHESNE. Histoire généalogique des maisons de Guines, (Paris, 1631), 
preuves, p. 41. 


. (8, MiRAEUS et Forrens, IL, 493. 
(9) BREQUIGNY et PARDESSUS. Diplomala, 11, 462. 
(10) SERRURE. Cartulatre de St Bavon, p. 13. 
(11) SERRURE, ibid p 4. 
(12) GRAMAYE. Rerum fandricarum pr imitiæ (Lille, 1612), p. 83. 


(13) GAILLARD. Recherches sur les monnaies des Comtes de Flandre Gand, 
1852), p. 18. 


(14) SERRURE. Cartulaire de St Bavon, p. 6. 
(15) SERRURE, ibid p. 10. 
(16) SERRURE, ib d. p. 11. 


— 221 — 


Gantum, in. Ganlo (IX: siècle) (1); én pago Ganto 
(Xe siècle) (2); én portu Ganto (3). | 

Gaent, in loco qui dicitur Gaent, fin du IX° siècle (4). 

Ghendt, Gendt (5), Ghend (6), commencement du 
XII siècle et ensuite régulièrement dans ies actes en flamand. 

Gendenses (7), même époque. 

Il résulte de lexamen attentif de ce relevé, que le nom 


de Gand apparait pour la première fois sous sa forme substan- 


tive dans un diplôme de Charles le Chauve donné à Peteghem 
en 864. Il y est question du monastère de Saint-Pierre et de 
Saint-Bavon guod vocatur GANTH super fluvium SCALTH. 

Ce passage est d'une importance capitale pour la résolu- 
tion de la question qui nous o*:upe : lorsqu'on compare à la 


. forme Gant les adjectifs gandaous et gandensis, les substan- 


tifs Ganda et Gantum, on constate qu'il y avait chez les 
rédacteurs des actes latins où ces mots apparaissent, une 
hésitation, un tâtonnement nettement caractérisé, dans le 


choix des terminaisons latines. 


Il en résulte : 1° que le seul nom connu alors était Gan/k;: 
2° que le souvenir du nom latin de Gand s'était perdu pendant 
les premiers siècles de l'ozcupation de la ville par les Francs. 

Si donc on veut retrouver la forme primitive du nom de 
Gand, c'est Ganth qui doit être le point de départ de toutes 
les investigations. Avant tout, il importe d'examiner, à la 
lumière de la grammaire historique, la valeur des différents 
sons qui le composent. 

- Pour commencer par la fin, le 4 final est une graphie 
peu fréquente en vlenx-bas-francique; mais, heureusement, le 
mot Scallh.qui voisine avec Gant dans le diplôme de Charles 
le Chauve peut fournir certains éclaircissements. 


— 


(1) Dom Bouquer, VIIE p. 35. 
(2 Acta Sanct. ord. S Benedicti, p. 395. 
(3) Acta Sanclorum, 1 oct. I, p. 199. 
4Y Pita Aelfredi. Aonumenta historica Brilannie(Landres, 181S),1,p.+#71. 
(5) Acta Sanctorum, 2 mars, IT, p. 190 etc. 
(6) Ibid. 199F. 
(7) Ibid. 191 B 


— 222 — 


En moyen-néerlandais, Scalth est devenu Scelt (1). Notre 
th est donc uue simple notation de l, comme c'est le cas, en 
vieux-bas-francique, pour arbeitha, arvith (2), etc. 

Ce !A, dans Scalth, provient d’un d final, étant donné que 
Scallh dérive de ‚Scaldis ou Scaldim; il est donc possible, 
a priori, que la même évolution se soit produite pour Gantk. 
Les formes Gandavus, Gandensis, Ganda témoignent en 
faveur de cette hypothèse; l'ancien bas-francique note par- 
faitement par { un d final, dans des mots comme arbeit, felt, 
urkuntschap (:), etc. 

Ganth n'est donc rien d'autre qu’une notation d’une 
forme Gand qui est précisément celle qui nous est conservée 
en francais. 

En résumé, Gand est une forme germanique Sous laquelle 
il s'agira de retrouver le nom belgo-romain qui lui a donné 
palssance. 

Au cours de cette recherche, il y aura lieu de tenir compte 
de deux ordres de phénomènes : 1° des altérations principale- 
ment vocaliques que la langue franque aura fait subir au 
mot belgo-romain au cours du travail d'adaptation; 2° des 
éléments qui auront disparu sous l'influence de l'accent 
tonique intensif des Germains. 


+ 
+ * 


L'une des modifications vocaliques les mieux attestées 
dans le passage du latin au germanique est le changement de 
ö belgo-romain en a tonique germanique : Móösa est devenu 


Mäsa, Maes; Orolaunum a donné Arel (+). Il est donc possible 
que l'a de Gand remonte à un o. 

D'autre part, si Gand a plus tard donné Gent, c'est que, 
originairement le d était suivi d’une voyelle e ou z qui a 


(DJ. FnanCx. Mittelniederländische Grammatik (Leipzig, 1833), p. 32. 

(2) P. Tack. Proeve van oud nederfrankische Grammatica (Gand, 1897), 
p. 51. 8105, rem. 1. 

(3) Tack, o. c. p. 51, 8 105. 

(4) Vicror ToURNEUR. Recherches sur la Belgique celtique. UI. Orolaunv, 
Arlon, Arel. Musée belge, 1905, p. 45. 





— 223 — 


communiqué sa coloration à la consonne finale. Cette dernière, 
à son tour, a influencé la voyelle précédente (1). 

Ou est donc amené à reconstruire une forme minimum 
* (onde qui a pu être, si on tient compte des éléments vraisem- 
blablement détruits par l’accent tonique germanique, *Gon- 
dete. Or, au IV° siècle de notre ère, une semblable forme 
provient d’un *Gondate du premier siècle de notre ère : en 
effet sous l'influence de l’e final, l’a touique du latin populaire 
avait évolué en € (2). 

Enfin, la forme *Gondate n'est rien d'autre qu'un doublet 
de Condate. En effet, dans les mots gaulois latinisés, il existe 
un grand nombre de doubles formes qui présentent l’alternance 
c: g. Citons : Gardellaca, Cardelaca ; Garronenses, Carronen- 
ses ; Gatus, Catus; Gea, Cea; Gemalua, Cematua ; Genomani, 
Cenomani; Gervasium, Cervasium ; Gintussa, Cintussa : Gia- 
milos, Ciamilos: Giamatus, Ciamatus; Giamillius, Ciamil- 
lius: Glanon, Clanon; Glevum, Clevum; Gontius, Contius; 
Gornacum, Cornacum; Gracina, Cracina; Grazius, Crazius; 
Grovi, Crovius ; Guttie, Cuttie (3), etc. 

Selon toute apparence, le nom de Gand tire donc son 
origine du celtique latinisé Condate dont le sens est con- 
fuent (4). Nl y a, en France et en Allemagne, plus de vingt 
localités dont le nom remonte à ce mot (s). 

Inutile de faire remarquer ici combien la dénomination 
est adéquate à la position géographique. 

Si donc la reconstitution hypothétique dont vient d’être 
l'objet le nom de Gand est exacte, l’origine de la ville devrait 
être reportée à l'époque celtique. 


(1) L'umlaut de Gant en Gent est, à mon avis, identique à celui de 
Scalt (= Scaldis) en Ssel/. Inutile d’invoquer pour expliquer ce fait l’analo- 
gie des formes des cas obliques, comme on le fait d'ordinaire. Cf. bef venant 
de batis. FRANCK. 0 c. p. 32. 

(2) J. Pirson. La langue des tnscriplions lalines de la Gaule (Bruxelles, 
1901), p. 2. 

(3) On trouvera l'indication de toutes les sources qui fournissent ces 
noms dans A. Horper. Altceltischer Sprachschatz (Leipzig, depuis 1896), 
sus chacun de ces mots Je ne crois pas utile de surcharger les mots en les 
reproduisant ici. 

(4) Zeuss-EBeL. Grammatica celtica® (Berlin, 1871), p. 992, no 16, 

(5) On les trouvera énumérées dans HOLDER, 0. c. 8. v. condate. 


— 224 — 


Vers les temps de la Guerre des Gaules, il y aurait eu au 
confluent de la Lys et de l'Escaut une petite agglomération 
qui, d'après sa position géographique, aurait été désignée 
sous le nom de confluent, Condate. 

Ce nom, passant successivement par les bouches belgo- 
romaines, franques, puis romanes, aurait évolué pour aboutir 
aux formes modernes Gand et Gent. | 

Le français a adopté la forme franque primitive, Gand, 
qui y a subsisté en quelque sorte à l'état de stéréotype, parce 
que, en francais, a tonique entravé se conserve intact, 

La forme franque, au contraire, dans les bouches flaman- 
des continua de se transformer de facon à devenir Gent, 
conformément aux lois qui dans cette langue régissent la vie 
des mots. 





mt 
n 
- 


POTERIES 
trouvées dans les dunes d’Oostduinkerke. 
Note du B® A. ne LOË, 


Conservateur des Musées Royaux, à Bruxelles. 





Le Service des fouilles des Musées Royaux du Cinquan- 
tenaire a fait faire, lan dernier, des recherches dans les 
dunes d'Oostduinkerke, en un endroit que lui avait signalé 
M l’abbé Claerhout, et qui paraît être l'emplacement d’un 
ancien village de pêcheurs que les cuprices de la mer et des 
éléments ont aujourd’hui complètement ensablé. 

Nous avons trouvé là, associés à des tessons de vases 
des XIVe, XVe, XVIe, XVII: et XVIII: siècles, des fragments 
de ces sortes d’objets en poterie rougeâtre ou gris-jaunâtre, 
d'un grain dur, affectant la forme de tampons à mauique ou 
de couvercles plats, épais et sans rebord, diversement ornés, 
que l’on a recueillis déjà en plusieurs exemplaires dans la 
Flandre maritime, mais dont on ignore la destination et 
l’âge (voir la figure n° 16). 

De plus, ce même gisement nous a fourni quelques 
méreaux et d'assez nombreuses monnaies, que M" Georges 
Cumont a déterminés comme suit : 

Méreaux de plomb, d’un usage assez général en Artois. 

Les trois plus petits des six méreaux trouvés à Oostduin- 
kerke sont de la grandeur des mailles. Ils semblent être les 
plus anciens et datent probablement du XIIIe siècle. 

Les autres sont sans doute du XIV*ou du commencement 
du XV° siècle. 

Les monnaies sont toutes en bronze, en cuivre ou e 
billon : 7 

Charles II, comte de Provenee, d'Anjou et du Maine 
(1285-1292). 


15 


TEE 


— 226 — 


Gui de Collemède ou Gui IT, 54° évêque de Cambrai 
(1296-1306). 

Louis de Crécy, comte de Flandre (1322-1346). 

Jeton à compter du XV° siècle, type au lion de Saint Marc. 








A9 eme 
Ne 16. — Fragments de poteries trouvés dans les dunes d'Oostduinkerke. 


Charles-Quint, majorité (1515). 

Philippe II (1555-1598). 

Les objets en question seraient donc du moyen âge et pas 
antérieurs au XIII: siècle. 








ee ee  — en = 


Echelle stratigraphique 


des systèmes pleistocène (« Quaternaire ») | 


et pliocène de la Belgique, 


par le Baron O. van ERTBORN, 


Membre de l'Académie d'Archéologie, 
Ancien Président de la Société géologique de Belgique (Liège), 
Ancien Vice Président de la Société belge de Géologie (Bruxelles), 


| Avec la collaboration de 
MM. le D' HARMER, G. DOLLFUS, et le Dr Eua. DUBOIS. 





Je ne doute nullement que la Préhistoire joue un rôle 
important dans les travaux du Congrès. La connaissance de 
la stratigraphie des terrains tertiaires supérieurs, comprenant, 
entre autres, le système généralement désigné sous le nom de 
Quaternaire, est de toute première importance au point de 
vue de l'étude de la succession des divers âges de la Pierre. 


La Legende de la Carte géologique de la Belgique à. 


l'échelle du 40000° dressée par ordre du gouvernement (édi- 
tion de mars 1900) donne une classification des assises qua- 
ternaires et tertiaires que je considère comme renfermant des 
erreurs très graves. Afin d'empêcher de s’accréditer parmi les 


préhistoriens l’idée que cette classification est admise par tous - 


les géologues, belges et étrangers, je me suis décidé à pré- 
senter au Congrès la partie supérieure de mon Echelle strati- 


. graphique des terrains tertiaires de la Belgique. Cette échelle 


est dressée avec la collaboration des géologues anglais, fran- 
cais et néerlandais les plus compétents en la matière : MM. le 
Dr Harmer, le doyen des géologues du sud de l'Angleterre, 
Gustave Dollfus, collaborateur principal de la carte géologique 
de France, et le D" Eugène Dubois, professeur à l'Université 
d'Amsterdam et conservateur du Musée Teyler, à Haarlem. 


ES 


PLEISTOCÈNE. 


— 9298 — 


Echelle stratigraphique du Baron | Légende de la carte 


O. van Ertborn (avec la collabora- 
tion de MM. le D' Harmer, G. Dollfus 
et Dr Eug. Dubois). 


MODERNE. 
| SUPÉRIEUR ou POSTMAMMOUTHIEN. 


je Glaciaire belge; 3° Glaciaire de Mr Boule. 
Campinien de P. Cogels et O. van Ertborn 
(1880) 


Brabantien de MM. Rutot et Van den 
Broeck 
Hesbayen de Dumont . 

Remarque. — Pour le Campinien (nobis) 
voir : Tete explicatif du levé géologique de la 
planchette de Lierre,p. 40, sondage 23 (Bruxel- 
les, Hayez, 1880). 





MorYEN ou MAMMOUTHIEN. 


| (Interglaciaire. Climat froid. Hivers conti- 
nentaux.) 

Quaternaire moyen ou fluviatile de P. Co- 
gels et O. van Ertborn (1830). Lierrien de 
0. van Ertborn (19051. 

Gisement principal : Lierre (squelettes en- 
tiers d'E. primigenius RR. tichorhinus etc.). 





Entre le Pleistocène inférieur et le Pleisto - 
cène moyen, un mouvement de bascule im- 
merge les Pays-Bas et émerge la Belgique. 
L'auteur établira l’époque précise de ce mou- 
vement dans un mémoire présenté à la Socrété 
belge de Géologie (1907). 

{ 


INFÉRIEUR OU PRÉMAMMOUTHIEN. 


(l' Glaciaire belge, 2° Glaciaire de Mr Boule). 
Quatérnaire inférieur de P. Cogels et O. van 
Ertborn (1889), Hubokénien de van Ertborn 
(1905). 
Gisement type : Hoboken lez Anvers (sque- 
lette entier d'E, antiquus; Rh. Merchin, 


géologique de la Bel- 
gique à l’échelle du 
40000: (édition de mars 
1900). 


MODERNE. 


Flandrien (q4). 
| zresbayen (g3). 


Campinien (q3). 


Remarque. — Semble ne pas 
exister en Campine, où l'on n'a 
jamais signalé de squelettes en- 
tiers d'E primigenius, mais seu- 
lement des ossements isolés (mo- 
laire et tibia conservés au château 
de Terlaeken-Boisschoti. : 


Moséen (q1). 


Remarques. — Les argiles de 
la Campine (qfa) appartiennent 
au Pliocène supérieur et les sa- 
bles de Moll (g#s) au Pliocène 
inférieur (Diestien). 

L'âge du limon non ossifére 
des hauts plateaux de la Sambre 
et de la Meuse (g#n) et des cail- 
loux .des niveaux supérieurs 
(74m) n'est pas fixé paléontolo- 


gidaemente : 





PLIOCÈNE. 


— 229 — 


SUPÉRIEUR. 


Etage tégélénion d'E. Dubois (1905). Argi- 
les de la Campine et de Tegelen (Pays-Bas) à 
faune et flore pliocènes supérieures : Cervus 
Falconeri, à Rijckevoorsel (Belgique), Hippo- 
potamus amphibius et Rh. etruscus etc., à 
Tegelen (Pays-Bas). 


MOYEN. 


Etage scaldision de Dumont (rétabli dans 
son intégrité par le D' Harmer.) 

Sables de Merxem à Corbula gibba (var. 
rotundata). 

Sables du Nord d'Anvers à Fusus (Chrysodo- 
mus) contrarius. 


INFÉRIEUR. 


Etage diestien de Dumont [rétabli dans son 
intégrité par G. Dollfus et O. van Ertborn 
(1907)]. 

Sables d'Anvers à /socardia cor et Sables 
de Moli. 

Dépôts lagunaires de Heyst op den Berg. 

Sables de Diest à Terebratula perforata. 


SUPÉRIEUR. 


Etage poederlien (Po). 

Cet étage n'a pas d'individuali- 
té paléontologique. Les sables de 
Merxem à Corbula gibba doivent 
rentrer dans le Scaldisien (D° 
Harmer). 


MOYEN. 


Etage scaldisien (Sc). 

Incomplet dans la Légende de 
la Carte géologique qui en déta- 
che à tort les sables de Merxem. 


INFÉRIEUR. 


Etage diestien (D). 

Sables à Zsocardia cor. 

Sables à Terebratula perforata, 
etc. 

Cet étage est incomplet dans 
la Légende de la Carte géologi- 
que qui en détache à tort les sa- 
bles de Moll. 


Les Sources de la Géographie historique 
de la Flandre, 
par HERMAN VANDER LINDEN, 
Chargé de cours à l'Université de Liège, 





Parmi les sciences auxiliaires de l’histoire, l’une de celles 
qui ont progressé le plus dans ces derniers temps est certaine- 
ment la géographie historique. Dans les pays voisins un grand . 
nombre de sociétés savantes en ont favorisé l'étude et plusieurs 
congrès se sont occupés de questions qui s’y rattachent et 
leur ont accordé une large place dans leur programme. C’est 
surtout en France et en Allemagne que l’on a vu se dessiner 
ce mouvement: dans le premier de ces pays, il a pris une 
vigoureux essor grâce à l'impulsion de maîtres tels que 
P. Vidal de la Blache et L. Gallois; nous devons même à l’un 
de leurs élèves la première étude d'ensemble sur la Flandre, 
dans laquelle la méthode historique soit appliquée à la géogra- 
phie. Mr Blanchard a fourni un travail (1) qui contient une 
foule de données précieuses concernant la géographie de la 
Flandre à différentes époques de son histoire. Le nombre de 
sources auxquelles il a puisé, est vraiment prodigieux; mais en 
lisant son étude on est frappé de ce fait que ces sources n'ont 
généralement pas été soumises à une critique approfondie et 
_qu'’elles auraient besoin d'être épurées; on constate en outre 
que celles qui sont publiées sont relativement rares. 

En Allemagne, beaucoup d'érudits se sont attachés à des 
travaux de géographie historique, surtout depuis que Fr. Ratzel 
a montré l'intérêt de cette science par la publication de sa 


(1) R. Blanchard, La Flandre, étude géographique de la plaine flamande 
en France, Belgique et Hollande (publication de la Société Dunkerguoise pour 
l'encouragement des Sciences, des Lettres et des Arts), Paris 1906). 





— 231 — 


Polkitisehe Geographie. Il n'y a qu’un petit nombre de ces 
travaux donnant des renseignements sur les sources de la 
géographie historique de la Flandre. On peut y trouver 
cependant des indications sur celle des contrées voisines et des 
détails instruetifs sur les différentes catégories de sources et 


sur la manière de les utiliser (1). 

Chez nouségalement, les travaux de géographie historique 
sont à l’ordre du jour. On a compris qu’ils doivent se trouver 
à la base de toute œuvre historique proprement dite; les faits 
de l’histoire doivent être étudiés aussi bien dans l’espace que 
dans le temps; il est nécessaire de connaître aussi bien que 
possible le milieu où 1ls se sont passés. 

Jusqu'aujourd’hui les recherches de nos historiens ont 
porté presque exclusivement, pour ce qui concerne la Flandre, 
sur les fluctuations territoriales du pays au point de vue de son 
évolution politique et religieuse. Le premier volume du bel 
ouvrage de L. Vanderkindere sur la Formation territoriale des 
principautés belges au moyen áge est consacré tout entier à la 
Flandre. I] constitue un instrument de travail indispensable à 
quiconque veut entreprendre des recherches sur l’histoire de 
l'ancien comté de Flandre et de la Flandre impériale, ainsi que 
des pays avoisinants qui se sont trouvés à un moment donné 
dans la sphère d'influence des comtes de Flandre, comme le 
Tournaisis, l'Ostrevant, le Cambrésis et la Zélande. On peut y 
suivre par le détail les vicissitudes des territoires qui ont été 
au pouvoir des comtes jusqu’au XIV° siècle. On y trouve en 
outre en appendice des chapitres consacrés à l’organisation 
ecclésiastique, aux pagi de la Flandre et à la chronologie des 
comtes de Flandre et des princes qui ont régné sur les terri- 


_toires voisins jusqu'à l'avènement des ducs de Bourgogne. 


(1) Les ouvrages suivants constituent les premiers essafs de géographie 
historique générale de l'Allemagne. Ils contiennent une abondante biblio- 
graphie : K. KRETSCHMER, Historische Geographie von Mitteleuropa, Munich, 
Berlin, 1904; B. KNürr, Historische Geographie Deutschlands im Mittelalter, 
Breslau, 1908 ; W. Görz, Historische Geographie, Leipzig et Vienne, 1905. — 
Au sujet de l'intérêt que présentent les questions de géographie historique, 
voy. l'article suggestif de O. RepLicn, Historisch-geographische Probleme 
dans les Mitteilungen des Instituts für Oesterreichische Geschichtsforschung, 
1906. 


Nous possédons donc un ouvrage fondamental, et en bien 
des. points définitif, sur l’évolution des circonscriptions politi- 
ques et ecclésiastiques pendant une période considérable du 
moyen âge. Par contre, nous n'avons pas encore de travaux 
d'ensemble sur les phénomènes géographiques qui ont trait à 
la constitution physique de la région, à la répartition des agglo- 
mérations et des centres économiques, aux voies de communi- 
cations, etc... Pour reconstituer la physionomie d'un pays à 
telle ou telle époque, il ne suffit pas évidemment d’en fixer les 
limites et d'en connaître les divisions politiques et ecclésiasti- 
ques; on doit pouvoir se rendre compte des conditions naturel- 
les dans lesquelles il se trouve (configuration des côtes, réseau 
des fleuves, rivières, etc.…; distribution des forêts, climat, etc.), 
de la colonisation interne qui s’y est opérée, des voies de 
communications dont il dispose, de la distribution des régions 
économiques, etc. Il faut, en un mot, étudier sa géographie à 
tous les points de vue. 

L'étude de la géographie historique de la Fiandre pré- 
sente de grandes difficultés, surtout pour la période médiévale. 
Les sources auxquelles il faut puiser, ne sont publiées qu'en 
petit nombre {r). On a bien déjà une série de cartulaires et de 
registres de donations qui peuvent fournir beaucoup de don- 
nées, comme par exemple le Ziber Tradilionum Sancti Petri 
Blandiniensis, publié par Mr A. Fayen sous les auspices de la 
ville de Gand (2). Mais il y a des quantités de livres de cens, 
de rentes, de relevés de fiefs, etc., sources des plus précieuses 
pour la géographie historique, qui reposent dans les archives 
et qui sont par conséquent relativement difficiles à consulter. 

Les listes des prix des denrées et les comptes de toute 
sorte pourraient donner une foule d'indications sur les fluctua- 
tions du climat, les retours périodiques des épidémies, des 


(1) Au moyen âge même, la géographie régionale a été très peu étudiée. 
Quelques encyclopédies ou manuels fournissent de maigres données, par 
exemple le De proprietatibus rerum 11240), de Bartholomeus Anglicus, sur- 
nommé Glanville (Voy. A.-E. SCHÜNBACH, Des Bartholomeus Anglicus Be- 
schreibung Deutschlands gegen 1240. dans Mitteilungen des Instituts für 
Oesterreichische Geschichtsforschung, 1906, p. 54). 

(2) Les chroniques mentionnent un certain nombre de phénomènes 
géographiques importants, mais elles n’ont guère été étudiées encore à 
ce point de vue. 


mm 


— 933 — 


famines, etc. (1). Les renseignements sur les voies de com- 
munications sont éparpillés dans une foule de documents, la 
plupart inédits, notamment les comptes des frais de voyage de 
princes ou de particuliers, les comptes des villes, les docu- 
ments commerciaux, etc. 

Enfin, pour se faire une idée de l’aspect du pays, les récits 
de voyage seraient des plus utiles à consulter. Malheureuse- 
ment il n’existe pour la Flandre médiévale, à ma connaissance, 
que deux sources de ce genre, qui soient publiées, et encore 
elles datent de la fin du moyen âge : ce sont quelques pages 
du castillan Pero Tafur, qui visita notre pays en 1439 (2), 
et quelques unes de Léon Rosmital, beau-frère du roi de 
Bohême Georges Podiebrad, qui parcourut l’Europe occi- 
dentale de 1465 à 1467 (3). 


En ce qui concerne la période moderne, les sources sont 
beaucoup plus abondantes, mais le nombre de celles qui ont 
été utilisées, est relativement restreint. Les rapports d’ambassa- 
deurs ou de commissaires gouvernementaux, entre autres ceux 
des ambasssdeurs vénitiens, ont été surtout mis à profit 
jusqu'à présent. Souvent on aeu recours aussi aux descriptions 
géographiques, comme celle de Guichardin pour le XVI 
siècle et celle de Sanderus pour le XVII°, sans en avoir au 
préalable établi la valeur historique. Il resterait encore beau- 
coup à glaner dans les correspondances et les mémoires, mais 
les détails relatifs à des faits géographiques y sont perdus 
pour ainsi dire dans la masse. Les récits de voyages offrent 
bien plus de ressources : l’un des plus intéressants pour le 
début du XVI: siècle est celui d’A. de Beatis, secrétaire du 
cardinal Louis d'Aragon (4). 


(1) Des listes des prix importantes ont cependant déjà été publiées par 
H. Van HOUTTE (Documents pour servir à l'histoire des priv de 1387 à 1794, 
Bruxelles, 1902). 

(2) P. TaruR, Viajes y Andances, dans Coleccion de libros raros 6 curio- 
s08, t. VIII, Madrid, 1874. 

(3: La relation de ce voyage est publiée en latin dans la Bibliothek des 
lilerarischen Vereins von Stuttgart, t. VII, Stuttgart, 1844. 

(4) A. De BEATIS. Die Reise des Kardinals Luigi d'Aragona durch Deutsch- 
land, die Niederlände, Frankreich und Oberitalien, 1517-1518 (dans Ærlüu- 
terungen und Ergänzungen zu Janssens Geschichte des Deutschen Volkes, IV, 4. 
Freiburg, 1905). 


— WA — 


En outre, pour déterminer notamment la répartition et 
l'importance desagglomérations et des établissements humains 
en général, il y a une catégorie de sources nouvelles: les 
registres paroissiaux. Pour une série de localités, ils devruient 
faire l'objet d'études spéciales dans le genre de l'intéressante 
monographie que M' Willemsen a publiée sur Saint-Nicolas 
dans les Annales de l’Académie d'Archéologie, t. LVI, 1904. 

Enfin il existe pour la période moderne une quantité de 
documents cartographiques, non seulement dans les divers 
dépôts d'archives et les bibliothèques qui se trouvent dans les 
deux provinces de Flandre occidentale et de Flandre orientale, 
mais aussi aux Archives du royaume et à la Bibliothèque royale 
à Bruxelles. Malheureusemeut on ne possède pas encore d'in- 
ventaire complet des documents cartographiques qui reposent 
aux archives du royaume, et il n’a pas encore paru d'inventaire 
quelconque des cartes et plans que possède la Bibliothèque 
royale. | 
Les sources de la géographie historique restent donc en 
grande partie encore cachées ou difficilement accessibles ; en 
outre celles qui sont publiées, sont éparpillées un peu partout 
dans une foule d'ouvrages et de collections de caractère divers. 
Dansle but de faire connaître les documents relatifs à l’ancienne 
Flandre et de les rendre plus abordables, ii serait de la plus 
haute utilité d'en dresser une liste détaillée. Ce travail ne 
pourrait être mené à bien qu'avec la collaboration d'un grand 
nombre de personnes, archivistes, bibliothécaires, membres de 
. Sociétés savantes, etc , et il serait désirable qu'il fùt préparé par 
une commission spécialement nommée à cet effet par le congrès. 
Cette commission examinerait les moyens pratiques de recueil- 
lir les sources relatives à la géographie historique dela Flandre 
et rendrait compte du résultat de ses travaux à la prochaine 
session du Congrès d'histoire et d'archéologie. On pourrait 
laisser au bureau le soin de nommer les membres de cette 
commission. Enfin j'ai honneur de proposer au Congrès de 
bien vouloir émettre le vœu que le Gouvernement fasse publier 
le plus tôt possible l’inventaire complet des documents carto- 
graphiques qui se trouvent à la Bibliothèque royale et aux 
Archives du royaume. 


Les paroisses primitives et les anciens domaines, 
par Josepa BRASSINNE, 


Sous-bibliothécaire de l'Université de Liège. 





Malgré d'excellents travaux, la géographie historique 
de notre pays au moyen âge est loin d'être entièrement con- 
stituée. 

Pour aider à sa formation, la reconstitution du territoire 
des paroisses primitives me paraît offrir une aide précieuse. 

Il faut enteudre par paroisses primitives, celles qui 
furent directement détachées du ressort de l’église où l’évêque 
avait son siège et dotées d’un prêtre spécial, chargé de sup- 
pléer l’évêque pour ie ministère paroissial daus les limites de 
la circonscription nouvelle. | 

Ces paroisses furent naturellement établies au centre des 
groupements, c'est à dire en dehors des villes et des bourgs, 
dans les villas. | 

= Par conséquent, il semble logique d'admettre que l'éta- 

blissement des limites d’une paroisse primitive fera, dans. 
bien des cas, retrouver du même coup les limites d'un ancien 
domaine. Voilà le principe posé; il s’agit d'en vérifier l’appli- 
cation (1). 

Les exemples que l’on trouvera ici ont été choisis à 
dessein dans le concile de Saiut-Remacle, subdivision de 
l’ancien diocèse de Liège : j'ai publié, il y a quelques années, 


(1) Je tiens à signaler une difficulté. Pour des recherches générales, on 
se trouve forcé de prendre, pour point de départ de ces reconstitutions, les 
limites des communes modernes ; ces limites peuvent parfois ne plus corres- 
pondre exactement à celles des territoires des villages de l’ancien régime. 
Par conséquent, pour arriver à une exactitude absolue, il y aurait lieu de. 
tenir compte de ces divergences. 


— 236 — 


sur les paroisses de cette contrée une étude dont les résultats 
n'ont pas été, que je sache, contestés (1). 
"x 

La paroisse primitive de Jupille couvrait rune étendue de 
territoire relativement considérable : les points extrêmes en 
étaient la section de Souverain-Wandre, les communes 
modernes de Saive, de Retinne, de Micheroux, de Fléron, de 
Magnée, de Forêt, de Gomzé-Andoumont, de Beaufays, de 
Chaudfontaine, d'Embourg, de Chênée, de Grivegnée, de la 
paroisse de Saint-Remacle (Liège), les communes de Bressoux 
et de Jupille. 

Cette circonscription de la paroisse primitive concorde 
d’une facon remarquable avec celle du bailliage d'Amercœur, 
subdivision de la principauté de Liège, dont un record du 
1" avril 1322 (n. st.) permet de fixer les limites. 

Pour couvrir exactement le territoire de la paroisse 
primitive de Jupille, il ne manque à ce bailliage que les 
localités qui, jusqu'à la fin de l’ancien régime, formèrent 
l’avouerie de Notre-Dame, ou avouerie de Fléron, et la 
seigneurie de Saive. 

Cette avouerie de Fléron s'étendait aux territoires qui 
entouraient l’abbaye de Chèvremont et dont la possession lui 
avait été, dès le VIIT siècle, assurée par les souverains. 
L'abbaye et ses dépendances furent données en 972 à la 
collégiale Notre-Dame d’Aix-la-Chapelle. 

Quant à la seigneurie de Saive, la première mention que 
l’on en trouve n’est pas antérieure au XIII° siècle; on ignore 
donc son origine, et je dois me borner à rappeler que son 
église dépendit jusqu’en 1279 de l’église mère de Jupille. 

Le bailliage d’Amercœur représentait, au commencement 
du XIV: siècle, le domaine de Jupille tel qu'à la fin du siècle 
précédent, l’église de Liège l'avait acquis des évêques 
Verdunois. 


(1) Pour le détail et les preuves alléguées, je me permets de renvoyer 
à cette étude (Bulletin de la société d'Art et d'Histoire du diocèse de Liège, 
t. XIV, 1904). 


— 237 — 


Ceux-ci le tenaient en vertu de la donation faite à l’évêque 
Heimon, par l’empereur Henri II, en 1008. Les empereurs 
avaient reçu ce domaine des Carolingiens : un acte de 714 
parle de la Villa publica de Jupille Vet, dès le VIT siècle, 
nous voyons les souverains y séjourner. 

Résumons à présent ce que nous savons de son passé : 
la circonscription de la paroisse primitive de Jupille est 
égale à celle du bailliage d’Amercœur, de l’avouerie de Fléron 
et de la seigneurie de Saive. 

Nous savons que le bailliage d’Amercœur n’est autre que 
le territoire donné par Henri II à l’évêque de Verdun et que, 
d’autre part, l’avouerie de Fléron avait pour origine une 
donation des empereurs. 

Dès lors, et malgré le léger doute qui pourrait s’élever 
au sujet de la seigneurie de Saive, je n'hésiterai pas à 
conclure que la paroisse primitive de Jupille n’était autre que 
le domaine impérial de même nom, la Villa Joppiliensis des 
Carolingiens. 

Il est même permis, me paraît-il, de remonter plus haut: 
les Carolingiens avaient naturellement hérité des biens du 
fisc de leurs prédécesseurs, et beaucoup de ces biens n ‘étaient, 
pour les Mérovingiens, qu’un legs de l’Empire romain. 

Il se pourrait donc que la paroisse primitive de Jupille 
aurait eu les mêmes limites que le fundus sur lequel s'élevait, 
dès avant le II° siècle, la villa romaine de Jupille. 


* 
* % 


Un fait analogue se constate pour Walhorn. 

La paroisse primitive de ce nom comprenait Walhorn, 
Eynatten, Hauset, Hergenrath, Kettenis, Raeren et leurs 
dépendances. 

Ces mêmes localités formèrent précisément jusqu'à la fin 
de l’ancien régime le ban de Walhorn, au duché de Limbourg. 

D'autre part, au IX° siècle, Walhorn est signalé parmi 
les villas du fisc impérial. 

Fera-t-on difficulté de retrouver, dans la circonscription 
identique de la paroisse primitive et du ban, la survivance du 
domaine carolingien ? 


* 
* * 


— 938 — 


Les localités de Baelen, de Limbourg, de Bilstain, de 
Goé, de Membach, de Henri-Chapelle, de Tupen et de Wel- 
kenraedt constituèrent également, jusqu'à la fin de l’ancien 
régime, le ban de Baelen, autre subdivision du duché de Lim- 
bourg. 

Ce sont précisément ces mêmes localités que l’on retrouve 
en reconstituant la paroisse primitive de Baelen. 

Et de nouveau encore, le nom de Baelen apparait parmi 
ceux des villas impériales du IX° siècle. 

se 

Il serait possible de multiplier les exemples, mais je pense 
que ceux qui viennent d'être allégués suffiront à attirer 
l’attention sur ce genre d'investigation. 

En résumé, l'unité économique, la villa, le fundus, a 
dans nos régions fréquemment donné naissance à la subdivi- 
sion politique, la seigneurie, le ban, l'avouerie. 

Il est clair qu’une sérieuse vérification s’imposera dans 
le détail, mais il me paraît permis de dire qu’en bien des 
cas la reconstitution d’une paroisse primitive fournira du 
même coup la reconstitution d’un ancien domaine. 

C’est ce que Mr Imbart de la Tour constatait dans son 
beau livre sur Zes paroisses rurales du IV° au XF siècle : cle 
second mode de formation territoriale, l’unité de la paroisse et 
de la villa, nous apparaît à l’époque carolingienne, surtout 
dans les régions du Nord (de la Gaule), dans la Septimanie et 
la Marche d'Espagne ». 


Le droit d'imposition dans l’ancien 
Duché de Luxembourg. 


De la signification en terminologie fiscale des mots 
feu, Herd, Feuerstätte, ménage, Haus, 


par J. GROB, 


Curé à Bivingen-Berchem (Gr. Duché de Luxembourg). 





La création du Duché de Luxembourg. 


À la diète de l’Empire tenue à Metz en 1354, l'empereur 
Charles IV créa le 13 mars son frère cadet, Wenceslas de 
Luxembourg, Duc de l'empire et érigea les comtés et seigneu- 
ries possédés par lui en Duché (1). La portée de cet acte ne 
consiste pas tant dans la distinction honorifique conférée à 
Wenceslas, mais dans les effets constitutionnels qu'il avait 
pour le nouveau Duché. Jusqu'à cette date les différents 
comtés, marquisats et seigneuries possédés par Wenceslas 
étaient restés absolument ind#pendants les uns des autres; 
ils ne tenaient ensemble que par l'union personnelle. Par 
suite de l’érection en Duché, ils ne formaient plus qu’un état 
unique et indivisible. 

L'édit de l’empereur fixe exactement les droits et obli- 
gations du nouveau duc et de son duché à l'égard de l'empire 
ainsi que des autres états de l’empire, mais les droits du 
nouveau duc à l'égard de ses sujets et réciproquement ne sont 
pas touchés d'un mot; en conséquence rien n'y fut changé. 


(1) Le texte est publié : J. Grob, Eustach von Wiltheims historische 
Werke, p. 163; le texte donné par Miraeus, Opera dipl., I, p 221, est 
incomplet vers la fin. , 


— 240 — 


Effectivement les droits d'un duc de Luxembourg sur ses 
sujets n’ont jamais été les mêmes pour toute l'étendue du 
Duché de Luxembourg. 


Les terres franches du Duché de Luxembourg. 


L'existence des Terres franches, ainsi nommées à cause de 
leur privilège d’être exemptes du paiement de l’aide, atteste 
que particulièrement les droits fiscaux du duc à l'égard des 
différents membres formant le Duché du Luxembourg n'étaient 
pas les mêmes dans toute son étendue. Ces Terres franches se 
répartissaient sur les différentes contrées du Duché de Luxem- 
bourg et comté de Chiny; c'étaient les suivantes : 

En Wallonie : le comté d’ Agimont, 

la terre frauche de Bertrix, 
la seigneurie de Chassepierre, 
Ja terre franche de Cugnon, 
la seigneurie de Masbourg, 
Ja terre franche de Muno, 
la terre franche de Nassogne, 
la seigneurie de Saint-Hubert, 
la terre franche de Wibrin; 
dans l’Eifel : la seigneurie de Cronenburg, 
le comté de Manderscheid, 
la seigneurie de Schleiden (1); 
près de Thionville : la seigneurie de Busbach (2); 
en Lorraine : les enclaves du Duché de Luxembourg 
en Lorraine (3), dont la seigneurie de 
Raville sur la Nied allemande. 

Ce fait de l'existence des Terres franches, exemptes du 
paiement des aides et subsides, prouve qu’après l'érection du 
Duché de Luxembourg le droit d'imposition n’était pas le 


(1) Cadastre de Marie-Thérèse aux Archives du Gouvernement à 
Luxembourg. M' Rouppert en a publié les tables d'après un manuscrit des 
mêmes archives. Publication de la sect. hist. de l'Institut, t. 46, p. 38. 

(2) Arch. générales du Royaume à Bruxelles, Acquits du Brabant 
n° 3357. Déclaration de la seigneurie de Busbach. 

(3) Ces enclaves ne sont taxées dans aucun dénombrement, excepté 
celui de 1473. 


— Ul — 


même pour les. différents membres qui le composaient et que 
par suite il faudrait étudier la question pour chacun d’eux 
avant leur érection en Duché. Puisque cela nous mènerait trop 
loin, nous ne traiterons la question que pour le seul comté de 
Luxembourg proprement dit. 


Le droit d’imposition dans l’ancien comté de 
Luxembourg. 


LA FORMATION DB L'ANCIEN COMTÉ DE LUX&MBOURG (1). — 
Sigefroi, le fondateur de la maison de Luxembourg, était comte 
du comté mosellan, dit encore « comitatus Judiciacensis », 
comté d'Yutz. Les limites du comté mosellan se confondent 
avec celles du doyenné de Thionville et de la future prévôté de 
Thionville, géuéralement parlant. Le château de Luxembourg, 
acquis par Sigefroi en 963, était situé en dehors du comté 
mosellan, quoique assez près de ses frontières. 

Vers la fin du X° siècle la partie allemande du futur 
duché de Luxembourg était partagée en quatre comtés : 1° le 
comitatus Waldeleuinga, administré par Gisilbert, fils 
cadet du comte Sigefroi; 2° le comitatus ardennensis, 
auquel Henri, l’aîné des fils de Sigefroi, était préposé; 3° le 
comitatus Godefridi in pago Methingouui, dans lequel 
le château de Luxembourg était situé, et 4° le comitatus 
Bedensis, le comté de Bitburg; en faisant abstraction des 
voisinages d’Arlon et de Bastogne qui étaient réunis à des 
comtés wallons, et du comté mosellan. 

De nos recherches sur les Comitatus du Luxembourg 
allemand, il ressort que ces comitatus correspondaient en 
général aux doyennés respectifs, en sorte qu’on pent admettre 
que le « comitatus ardennensis » correspondait au doyenné de 
Mersch, comprenant, outre la vallée de l’Alzette en aval de 
Luxembourg, une bonne partie des Ardennes Luxembour- 
geoises; le «comitatus Godefridi in Methingouui » au doyenné 
de Luxembourg; le « comitatus Waldelevinga » au doyenné de 


(1) Cet exposé de la formation du comté de Luxembourg est le résumé 
d'un travail sur cette question, que nous publierons sous peu; nous nous 
abstenons pour ce motif d'indiquer ici les sources et pièces justificatives, 


16 


— 242 — 


Remich, et le « comitatus Bedensis» au doyenné de Bitburg; le 
< comitatus mosellanus » de Sigefroi au doyenné de Thionville. 
À partir de l’an mil, les comtés de Waldelvinga et de 
l’Ardenne disparaissent; il en est de même de celui où était si- 
tué le château de Luxembourg. Les grandes abbayes de Prum, 
d’Echternach et de Saint-Maximin-lez Trèves possédant la 
majeure partie de ces comtés, leurs avoués ne laissaient guère 
de champ d’action à l'exercice des droits des comtes respectifs. 
Or ces avoués n'étaient autres que les descendants de Sige- 
froi; ainsi son fils aîné, Henri, était avoué de Saint-Maximin. 

Mais il n’en est pas de même du comté de Sigefroi, le 
comté Mosellan. Il en est fait encore mention en l’an 1065 
et son comte, nommé à cette occasion, est «Chuonradus»s. Une 
autre charte de la même année cite ce comte Conrad comme 
avoué de Saint-Maximin. En d'autres termes, ce comte Conrad 
n’est autre que Conrad I, comte de Luxembourg et avoué de 
Saint-Maximin, le premier de nos comtes, duquel nous pou- 
vons prouver qu'il ait porté le nom de comte de Luxembourg, 
car son sceau porte: «Conrardus, comes de Luccelemburg » (1). 

Nous sommes ainsi en mesure d'établir sur pièces authen- 
tiques les origines du comté de Luxembourg : le « comitatus 
Muslensis », administré encor en 997 par Sigefroi, est au 
4 avril 1065 aux mains d’un descendant du comte Sigefroi : 
par le comté mosellan la dignité comtale est devenue héréditaire 
dans la maison de Sigefroi. 

Au commencement du XT° siècle, les grandes abbayes de 
Prum, de Saint-Maximin et d'Echternach et quelques autres 
établissements ecclésiastiques de moindre importance possé- 
daient presque la totalité des quatre comtés, le « Waldelevingu », 
l’« ardennensis », le « bedensis » et le « comitatus Godefridi », 
comprenant le château de Luxembourg ; or toutes ces proprié- 
tés avaient passé en 1065 aux mains des descendants du comte 
Sigefroi : une partie de ces biens y avait passé, du consente- 
ment plus où moins volontaires de ces établissements, à titre 
de fief, de l’autre partie ils avaient l’administration à titre 


(1) Voir la reproduction en autotypie, J. Grob., Eustach von Wiltheims 
historische Werke, p. 84. Dans le contexte même de cette charte datée de 
1083, Conrad se désigne simplement comme : « Ego Conradus comes ». 





— 243 — 


d'avoués. L'ancien « comitatus Mu:lensis » se confondit avec 
ces biens et Conrad, qui, en 1065, n’était officiellement que 
le « comes Chuonradus », porte sur son sceau en 1083 le titre 
de « Conradus comes de Luccelemburg ». 

Le Comté de Luxembourg est donc composé dès son 
origine de trois éléments constitutifs bien hétérogènes : 

1° le « comitatus Muslensis », où les descendants de Sige- 
froi exercaient les fonctious comtales à titre de vassal de 
Empire; 

2° les biens qu’ils tenaient à titre de fief des grandes 
abbayes de Prum, d'Echternach et de Saint-Maximin et 
d'autres établissements ecclésiastiques ; 

3° le reste des biens de ces établissements, sis dans les 
quaire comtés, sur lesquels ils exercaient leur juridiction 
comme seigneurs haut-justiciers, en vertu de leur qualité 
d'avoués de ces abbayes, les abbayes n’en ayant conservé que 
la seigneurie foncière. L’avouerie des trois grandes abbayes, 
nos comtes la tenaient également à titre de fief de l’Empire. 

À ces trois éléments vinrent s’en ajouter deux autres : 

4° les acquêts, soit à titre d'achat ou d’héritage ou à titre 
de fief, et 

o° les seigneuries hant-justicières, enclavées dans ces 
biens; les seigneurs de ces domaines n'étaient devenus à 
l’origine les vassaux de nos comtes que pour l’une ou l’antre 
de leurs propriétés; mais, dans la suite des temps, la coutume 
transforma toutes ces seigneuries en fiefs du comté de Luxem- 
bourg. 


LES DROITS FISCAUX DES COMTES AU COMTÉ DE LUXEM- 
BourG. — De cette origine du comté de Luxembourg il appert 
que les pouvoirs et les droits exercés par nos comtes dans les 
différentes localités devaient varier d’une localité à l’autre 
suivant leur provenance, tant sous le rapport de la justice, 
que sous le rapport des droits fiscaux. 

Dans l’ancien comté mosellan, les droits et pouvoirs des 
comtes étaient fixés par le droit commun de l’Empire. 

Dans les domaines des grandes abbayes que les comtes 
de Luxembourg tenaient en fief, quelque fragiles que fussent 


— 944 — 


les liens qui les réunissaient encore à ces abbayes, les droits 
qui les régissaient n'avaient pas changé. 

Pour l’autre partie des domaines des mêmes abbayes, 
administrée par les descendants de Sigefroi en leur qualité 
d'avoués, des édits des empereurs avaient fixé les droits et 
pouvoirs qui leur compétaient comme avoués (1). 

Quant aux acquêts, les comtes de Luxembourg ne pou- 
vaient faire valoir que les droits qu’ils venaient d’acquérir. 

Par contre, les rapports du comte avec les seigneurs 
haut-justiciers, devenus ses vassaux, se réglaient et étaient 
déterminés par le droit de vasselage, qui était encore loin 
d’être le même pour tous les vassaux, et n’est jamais devenu 
le même pour tous les vassaux, comme le prouve l’existence 
des terres franches encore à la fin du régime féodal. 

De cette formation du comté de Luxembourg d'éléments 
si hétérogènes il appert que les droits fiscaux des comtes de 
Luxembourg ne pouvaient être les mêmes dans tout le comté, 
mais qu'ils devaient varier d’après les éléments dont le comté 
s'était formé, et l'exemple des terres franches atteste que ces 
droits fiscaux ne sont jamais devenus identiques pour tout le 
Duché de Luxembourg. 

Les archives sont extrêmement pauvres en documents 
relatifs aux droits fiscaux exercés par le comte de Luxem- 
bourg dans son comté; nous n’avons en somme que les 
chartes d’affranchissement des bonues villes et les pieds- 
terriers des différentes parties du comté de Luxembourg, 
étant sous la souveraineté directe du comte, dressés de 1309 
à 1318. 

Pour les chartes d’affranchissement, il suffira d'analyser 
celle de la ville de Luxembourg (2), les différentes chartes ne 
variant que sur des détails. | 

Et d’abord la charte établit que les droits fiscaux, tels 


(1) Voir les chartes respectives : Mittelrheinisches Urkundenbuch, t. I, 
p. 401, 403, 414 et 483 ; les dates de ces chartes sont : 30 juin 1056, 1065, et 
8 août 1112; une de Henri III est sans date. 

(2) J'ai publié la charte d’affranchissement de la ville ‘de Luxemburg 
datée du mois d'août 1244, sur l'original conservé aux archives de la ville de- 
Luxembourg (J. Grob, Eustach von Wiltheims historisthe Werke, p. 62). 


— 245 — 


qu'ils y sont stipulés sont le résultat d’un accord bilatéral 
entre les bourgeois et le comte : « BURGENSES ASSENSU COM- 
MUNI IN HOC CONVENERUNT ». 

Ces droits fiscaux du comte à l'égard des bourgeois de 
Luxembourg sont : 

1° un droit de capitation de 14 deniers à payer par 
an par chaque bourgeois; 

2° un droit sur le produit de la vente : pour le blé vendu 
on payait 2°/,, pour tous les autres objets, 0,833 °/ du 
prix de vente ; 

3° un don de 200 livres lorsque l’aîné des fils du comte 
est créé chevalier, et, s’il n'y a pas de mâle, la même somme 
lors du mariage de la fille aînée. 

Ces impôts, fixés « ne varientur », étaient établis du con- 
sentement réciproque des deux parties, et le comte n’avait pas 
le droit de les majorer, moins encore d’en imposer d’autres. 
Aussi lorsqu’au commencement du XV° siècle Elisabeth de 
Görlitz essaya d’élever le « Herdpenning » de 14 deniers, 
les Luxembourgeois en appelèrent à l’empereur Sigismond, 
qui, par son édit du 9 avril 1531, fait droit aux réclamations 
des Luxembourgeois et interdit formellement à la comtesse 
d'introduire des impôts sans l’assentiment des bourgeois (1). 

Les pieds-terriers de la partie du comté de Luxembourg 
soumise directement au souverain, dressés de 1309 à 1318 (2), 
nous offrent également la liste des redevances dues au comte, 
variant d’une localité à l’autre; mais aucune mention n'y est 
faite d’un droit d'imposition dont aurait joui le prince. 

1 faut en conclure que dans l’ancien comté de Luxem- 
bourg ni le comte ni le pouvoir exécutif n’avait un droit 
d'imposition : ses droits fiscaux étaient limités et ne pouvaient 
être modifiés que du consentement des contribuables. 

Les pieds-terriers de l’ancien comté de Luxembourg 
attestent qu’à l'exception : 


(1) La charte est du 9 avril 1431; elle est publiée dans J. Grob, Eustach 
von Wiltheims historische Werke, p. 189. 

(2) Ils ont été publiés par Mr N. van Werveke au tome III de Lamprecht, 
Deutsches Wirtschaftsleben im Mittelalter, sous le titre de Urbar der Graf- 
schaft Luxemburg aus den Jahren 1304-1317, et en tiré à part. 


— 946 — 


1° des dimes qui, par leur origine et par la transformation 
qu’elles subirent au cours des temps, se distinguent nettement 
des autres impôts et dont nous parlerons ci-après ; 

2° des droits prélevés sur le produit des ventes dans les 
villes affranchies ; | 

3° de la nône. 

Toutes les autres charges grevant les sujets au profit du 
seigneur, et que l’on désigne souvent sous le nom de « droits 
seigneuriaux », proviennent des charges imposées par le 
haut-propriétaire au tenancier en lui cédant ses terres à bail 
perpétuel et héréditaire. Les relations du haut-propriétaire et 
du tenancier peuvent avoir été à leur origine soit celles du 
maître libre vis-à-vis de son serf, soit celles d'homme libre à 
homme libre, les différences qui existaient primitivement entre 
les deux espèces de preueurs à bail ayant presque complète- 
tement disparu pendant le cours du moyen-âge. 

Dans cette catégorie d'impôts il faut ranger, en écartant 
toujours la dime et la nône, toutes les redevances soit en 
nature : froment, seigle, avoine, poules, porcs, soit en argent 
à titre de « schaftgeld » ou « Herdpfennig ». Ces redevances 
variaient non seulement d’un village à l’autre, mais dans le 
même village d’une vouerie à l’autre, voire même d'une pièce 
de terre à l’autre. 

Le caractère essentiel de ces droits seigneuriaux était leur 
stabilité, et, s’il y a changement, ce sont des diminutions 
de ces redevances concédées plus ou moins librement par le 
seigneur; les lettres d’affranchissement sous le rapport fiscal 
ne sont pas autre chose. 

La nône est le prix de fermage des terres que le seigneur 
exploitait primitivement lui-même, soit par ses domestiques, 
soit au moyen de corvées à fournir par ses serfs. Les grands 
seigneurs, ne trouvant plusleur compte dans cetteexploitation, 
louaient ces terres et le preneur en payuit la nône comme fer- 
mage. Par son origine la nône ne se payait que de certaines 
terres déterminées : les croues, croadae, Aachten des chartes. 

La dime était d’origine et de caractère un impôt ecclé- 
siastique, destiné à subvenir aux frais du culte; mais de cette 
destination elle était déjà détouruée en majeure partie dès ou 
même avant le temps des Pepins. 


— 247 — 


Quant aux dimes perçues dans l’ancien duché de Luxem- 
bourg, les résultats de nos recherches se résument dans les 
propositions suivantes : 

1° dans l’ancien pays de Luxembourg Ja dime n’a jamais 
été payée de toutes les terres. Encore au XVIII: siècle on ren- 
contre des actes parlant de pièce de terre libre de toute dime; 

2° probablement la dime dite salique, « Seelzehnten », 
c'est-à-dire la dime payée par les terres saliques, « Seelgut », 
n'a jamais été un impôt ecclésiastique, mais une redevance 
due au souverain; 

3° déjà du temps des Pepins la majeure partie des dimes 
était désaffectée de l'entretien du clergé et du culte, et avait 
passé aux mains des laïcs et des monastères; 

4° au XIII: siècle la possession des dimes était fractionnée 
à l'infini; la dîime avait complètement revêtu le caractère 
d'une charge foncière grevant le sol, s’achetant et se vendant 
comme toute autre propriété. 

Ce fractionnement s'était fait, soit par le détachement des 
dimes dues par certaines pièces de terre de la totalité d’un ban 
déterminé (dans ce cas ces dimes se désignaient généralement 
par le nom du propriétaire des terrains payant ces dimes), soit 
en fractionnaut la dime totale d’un ban donné; on connaît 
des exemples où des personnes ne possèdent qu'un soixante- 
quatrième de la dime d’un petit ban; 

5° néanmoins la dime, dans son ensemble, conservait tou- 
jours son caractère ecclésiastique par la charge d’entretenir et 
de reconstruire les bâtiments servant au culte qui incombait, 
en partie du moins, aux décimateurs. 


Le droit d’imposition au Duché de Luxembourg. 


Ce qui caractérise essentiellement toutes ces contribu- 
tions et redevauces dues à leur souverain par les sujets du 
comté de Luxembourg est, d’une part, le fait qu'aucun chan- 
gement n’y pouvait être opéré de par la volonté du souverain, 
et leur durée illimitée, d’autre part. 

Par l'érection en Duché rien ne fut changé par rapport 
aux droits fiscaux du nouveau duc : après l'érection du comté 
de Luxembourg et des autres propriétés possédées par le 


ET — 


— 248 — 


comté en duché de Luxembourg, comme auparavant, leur 


souverain ne jouissait d'aucun droit d'imposition sur ses 
sujets ; ce qui le prouve, c'est le vote d’un impôt proprement 
dit: par les Etats du nouveau Duché, et l’acceptation de la part 


‘du prince des conditions auxquelles les mêmes Etats avaient 


subordonné l’octroi de cet impôt, peu après l'érection du 
duché de Luxembourg. 

Vers le commencement de l’année 1360, les nobles et les 
bonnes villes du Duché de Luxembourg accordèrent à leur 
souverain de lever, pendant un terme de trois années consé- 
cutives, sur le produit des ventes faites dans les dites villes, un 
impôt de huit deniers, par vingt sols (1); devaient payer cet 
impôt : bourgeois. prêtres, clercs, ainsi que tous les 
manants et sujets de la noblesse. 

L’octroi de cet impôt était subordonné à trois conditions, 
auxquelles il devait être satisfait, avant que le souverain ne 
pût procéder à sa levée. 

Les Etats du Duché de Luxembourg exigeaient : 

l° que le souverain délivrât aux Etats des lettres de 
non préjudice avant de commencer la levée de l'impôt voté; 

2° que le produit de l’impôt voté ne fût affecté qu'aux 
fins stipulés dans le départ des Etats qui l’accordait, et 

3° que les quatre chevaliers du Couseil, que le duc char- 
gerait de la perception de l’impôt en question, ainsi que tous 
ceux que les assisteraient dans cette besogne, jurassent d'ob- 
server les conditions posées par les Etats. 

Le 13 janvier 1360 le duc de Luxembourg, Wenceslas, 
accepta l'impôt et s’engagea à observer les conditions aux- 
quelles les Etats avaient subordonné l’accord ; en même 
temps, il donna les lettres de non préjudice exigées (2). 

Le produit de l’impôt était destiné au paiement des dettes 
que Wenceslas avait contractées à l’occasion de sa guerre 
contre l’évêque et la cité de Verdun et à d’autres occasions, 
afin de mettre de cette manière bourgeois et manants du 
Duché de Luxembourg à l’abri des tracasseries que leur sus- 


(1) Archives du Gouvernement à Luxembourg, farde : Départs des Etats. 
(2) Ibidem. 


— 249 — 


citaient les créanciers du Duc; c’est le motif, ainsi le déclarent 
les Etats dans leur départ, que «nous avons octroyé et octroyons 
« a nostre dit tres cher Signeur une aide et subside à faire 
« en la manière qui sensuit…. » (1). 

Le nom d’ « aide et subside » (2) est resté dans la suite à 
ces impôts accordés par les Etats du Duché de Luxembourg à 
leur souverain pour un temps déterminé et un but déterminé. 

Les archives nous renseignent encore sur trois autres 
aides accordées sous le règne de Wenceslas I, savoir : 

1° une aide qui prit cours au mois d'avril et se termina 
le 1 octobre 1375; 

2° une aide accordée pour trois ans en 1375; 

3° une aide votée par les Etats et commencant le 6 juin 
1378 (3). 

Vers la même époque, Wenceslas demanda également 
au clergé de lui accorder une aide sur les biens de l'église, 
« ut subsidia temporalia de bonis temporalibus eorundem sibi 
« praestarent et darent, aut saltem super hujus modi subsidiis 
« cum officiatis suis in ducatu Luxemburgensi componerent 
« et convenirent in certis terminis persolvendis ». Il est plus 
que probable que le clergé luxembourgeois accéda à la 
demande de son souverain, tandis qu’il conste que le clergé 
étranger, ayant des biens au Duché de Luxembourg, nommé- 
ment le chapitre de Trèves et les abbayes de Saint-Maximin, 
de Saint-Mathias etc. de Trèves s’y opposèrent. Wenceslas passa 
outre et fit exécuter les abbayes et chapitres refusants, ce 
qui lui valut l’excommunication, et au pays de Luxembourg 
linterdit. Dans ce conflit, le clergé luxembourgeois tint le 
parti du duc Wenceslas (4). 


(1) Voir J. Grob, Eustach von Wiltheims historische Werke, p. 157. Le 
texte d'un édit de l’empereur Charles IV, dit « bulle d'or » du 28 décembre 
1357, par lequel l’empereur défendait aux créanciers du duc de Luxembourg 
de rendre les habitants du duché de Luxembourg responsables des dettes de 
leur duc. 

(2) « Beede », prière, n’est jamais employé au duché de Luxembourg en 
terminologie fiscale. 

3) Pour ces trois aides, voir les comptes, Archives générales du Roy- 
aume,n° 15,904 ; l’aide de 1375 n’y est que citée. 

(4) Régestes de Wurth-Paquet, Publications de la Section hist. de l’In- 
stituc, t. 24, p. 152 et suivantes, n° 720-727, d'après les Archives de l'Etat 
à Coblence, Cartulaire du Chapitre de la Cathédrale de Trèves, 


— 250 — 


Pourtant cette demande d’un subside du clergé, de la 
part du souverain de Luxembourg, n'était guère une innova- 
tion; seulement Wenceslas, ayant eu l’accord du clergé luxem- 
tourgeois, aura négligé d'en demander à Rome la dispense 
nécessaire ; nous connaissons de pareilles autorisations, don- 
nées par Rome à l’empereur Henri VII en 1308 (1), et à Jean 
l’Aveugle, roi de Bohême et comte de Luxembourg (2), les 
grand-père et père de Wenceslas. 

Ce sont même ces autorisations, combinées avec ce que 
nous savons des accordsd'aides et subsides postérieurs, qui nous 
forcent d'admettre que l’aide accordée à Wenceslas vers le com- 
mencement de l’année 1360 par les Etats de Luxembourg ne 
fut guère une innovation, mais que les autorisations du Pape 
accordées en 1308 et après ne représentent que la part du 
clergé dans des aides et subsides accordés par les Etats aux 
comtes de Luxembourg. 

Dans les aides et subsides accordés par les Etats de 
Luxembourg à leur souverain, le clergé a payé de tout temps 
sa part, ainsi qu'il conste des dccuments; le clergé luxem- 
bourgeois les accordait, seulement il exigeait que le souve- 
rain demandât au Pape la dispense nécessaire pour les lever; 
opposition n’y fut jamais faite, excepté par le clergé forain 
ayant des biens-fonds au pays de Luxembourg (3). 

L’aide accordée au duc de Luxembourg à la fin de l’année 
1359 ou au commencement de 1360 constituait un impôt sur le 
produit de vente, c’est-à-dire un impôt indirect. Pour les 
aides de 1374 et 1578, nous possédous les comptes sommaires 
rendus par le prévôt d’Ivoix, Thierry Gehel, chargé de leur 
perception. La nature de l'impôt, vu direct ou indirect, n'y 
est pas explicitement caractérisée, mais la tournure de cette 
phrase : « pourtant que les prières dou pays ont esteit 
jectees a petit florins » semble insinuer que, pour ces der- 


(1) Régestes de Wurth Paquet, Publicatious de Ja Section hist. de 
l'Institut, t. 17, p. 129, n° 437. 

(2) Ibidem, T. 22, p. 21, n° 1951; T. 19, p. 32, n° 608; p. 37, n° 637; T. 21, 
p. 22, n° 1595. 

(8) Les archives de l'Etat à Coblence, farde Papiers de Prum, contien- 
nent les documents relatifs à une telle opposition faite en 1440. 


— 251 — 


nières années de 1374 et 1378, il s’agit d'un impôt direct 
accordé par les Etats « sur chaque feu taillable », suivant 
l'expression devenue technique en matière de terminologie 
fiscale des aides. 


Le sens des mots feu ‚en allemand Herd, Feuerstätte, 
- et ménage, Haus, en terminologie fiscale au Duché 
de Luxembourg. 


1244. Ermesinde, comtesse de Luxembourg, dit être con- 
venue avec les bourgeois de Luxembourg que chaque bour- 
geois lui payerait annuellement quatorze deniers (1). 

1478. L'aide accordée à Charles-le-Téméraire montait à 
12,000 écus; pour la couvrir, chaque feu était imposé annuel- 
lement de 12 sols (2 (2). 

1492. Les Trois Etats accordent une aide de 16 gros par 
feu (3). 

1495. Aide accordée par les Etats de 24 nouveaux gros 
de Luxembourg imposés sur chaque feu ou ménage (4). 

1501. « Comme les prelatz, nobles et deputes des bonnes 
« villes, representans les trois estats de nos pays et Duchée 
« de Luxembourg et conte de Chiny ayent naigarees liberale- 
« ment accorde par forme dayde le temps et terme de trois ans, 
s assavoir les prelatz et ceulx des villes demy florin dor sur 
« chacun feu et les dits nobles vng quart de florin d'or pour 
« chacun feu par chacun an les dits trois aus durans » (5). 

1625, décembre 16. Aide de seize patars, monnaie de 
Luxembourg « par les estatz dudit Luxembourg... accorde a 
sa maieste » (6). 

1528. « Aydes accorder a l’empereur nostre sire par les 
«estaz de son duche de Luxembourg … assavoir sur vng 


(1; Charte d'affranchissement de la ville de Luxembourg. 

(2) Archives du Gouvernement à Luxembourg. Liasse Clergé, dénom- 
brement de l’année 1473. 

(8) Archives gén. du Royaume, Chambre des comptes, n° 15,906. 

(4) Ibidem. 

(5) Ibidem, fe 1 du Compte de l’aide de 1501. 

(6) Ibicem, f° 1 du Compte de l’aide de 1525. 


LE. SR 


— 252 — 


« chacun feu ou mesnaige vng florin dor au pris de 28 sols 
« monnaie de brabant » {1). | 

1681. Aide de « vf eyn yeder husz eyn philippus, ye 
« 25 stuber vor ein gulden gelaicht » (2). 

1587. « Ayde de deux florins Karolus ou quarante patars 
« sur chacun feu au pays de Luxembourg et conte de Chiny 
« accorde a l’empereur par les estatz desdits pays... lan 1536 
« le 20° jour de mars stile de treves » (3). 

1541. « Les estatz de nostre pays et duchie de Luxem- 
« bourg et conte de Chiny a nostre requeste et pour nous 
« servir et complaire nous ayant le 7° de janvier derrenier libe- 
« rallement accorde trois florins de seigneur de vingt huit 
« pattar piece sur chacun feu a payer en quattre annees » (4). 

De l’ensemble de ces documents il conste que, de 1473 à 
1541, toutes les aides accordées au souverain l'ont été sous 
forme d’un impôt direct à lever par feu, en allemand Herd, 
Feuerstätte, ou ménage, en allemand Haus, taillable, et 
il en fut ainsi jusqu’à la révolution française. 

L'aide du 16 décembre 1525 fut accordée à l'empereur 
«a condition que chacun vassal ou gentilhomme en sa 
« Seigneurie; item chacun prevost en sa prevoste et pareille- 
« ment chacun justicier et justice en leur villes prendreront de 
« leurs subiectes la declaration et nombre des feuaiges que 


* « chacun a dedens les limites de sa jurisdiction; 


« et que dedens vng mois apres le dit accord chacun deulx 
« levroit la portion dicelle ayde soubz son quartier pour le 
« relivrer es mains du Receveur general » (5). 

Ce qui est ici ordonné pour la levée de l’aide de 1525, le 
fut pareillement pour toutes les aides, dont nous avons con- 
naissance de 1473 à 1541 ; c'est à dire que chaque fois qu'il y 


(1) Archives gén. du Royaume, f° 1 du Compte de l'aide de 1528. 

(2) Archives du Gouvernement à Luxembourg. Liasse Clergé, Sommaire 
du dénombrement de 1531. 

(3) Archives générales du Royaume à Bruxelles, Chambre des Comptes, 
n° 15906. Compte de l'aide de 1537, f° 1. 

(4) Archives du Gouvernement à Luxembourg. Dénombrement de 1541. 

(5) Archives générales du Royaume. Chambre des comptes, n° 15,906. 
Compte de l'aide de 1525, fo 1. 


— 253 — 


avait accord d'aide, les Etats exigeaient de dresser un dénom- 


brement des « feux taillables », par seigneuries, prévôtés et _ 


villes. 

Pour dresser ces dénombrements, les sujets étaieut tenus 
de faire la déclaration des feux. Comme nous l’apprennent les 
déclarations qui nous sont parvenues des dénombrements de 
1528 et de 1541, c'était ou bien le centenier de la localité, ou 
la justice ou encore le délégué des contribuables, ou tous 
ensemble qui faisaient ces déclarations des feux sous Ja foi du 
serment qu’ils prêtaient auparavant. 

Pour ces dénombrements, il n'y a d'autre différence que 
dans les personnes chargées de recevoir les déclarations des 
sujets : en 1525 ce sont les seigneurs, prévôts et justiciers et 
justices des seigneuries, prévôtés et villes respectives; en 
1528 ce sont les seigneurs pour les seigneuries; mais, pour 
les prévôtés et les villes, ce sont des commissaires nommés 
par le Gouvernement; en 154], c'est un commissaire assisté 
d’un délégué de la noblesse. 

L'aide de 1537 devait être levée, selon toute apparence, 
d'après un nouveau dénombrement; mais, par ordre du 
Gouvernement de Luxembourg, à l'insu du Gouvernement 
central, elle fut levée sur le pied du dénombrement de 1531 
après qu’on y eût apporté les changements nécessaires. 

Après 1541 la pratique introduite en 1537 devint la 
règle et la confection d’un nouveau dénombrement des feux 
l'exception. 


Généralement les abrégés des dénombrements donnent 


le nombre des feux de chaque village, si ce village était en 
entier sous la même juridiction, ou de la partie du village étant 
sous la même juridiction. C'est ce qui explique que certains 
villages figurent jusqu'à six ou sept fois au même dénombre- 
ment. Le montant de la somme à payer par une telle commu- 
nauté s’appelait taxe, et l’ensemble des habitants d’une même 
communauté était responsable du paiement de toute cette 
taxe; ce qui s’exprimait en terminologie fiscal par l’adage : 
le riche soutenant le pauvre, énoncé déjà au dénombrement 
de 1495. 

Les records de justice définissent le mot feu ou ménage 


— 254 — 


en disant qu’il y a feu ou ménage « où la fumée monte », 
« wo Rauch aufgeht », c'est à dire où l’on allume le foyer 
pour préparer la soupe de la famille; et sont réputés faire 
partie de la même famille, ceux qui mangent du même pain. 

Il n'y a pas à douter que telle fut aussi à l’origine In 
signification du mot feu dans les dénombrements (les aides 
étaient donc un impôt direct de capitation), et que chaque 
localité comptait autant de feux qu'il y avait de chefs de 
famille, sous la seule réserve des deux exceptions suivantes : 

le les veuves, non assistées d’un frère ou d’un fils ou 
d'un autre proche parent adulte, vivant dans la même famille; 

2° les pauvres vivant uniquement d'aumôÔnes. 

Les veuves dépourvues d’assistance ne payaient qu’un 
demi feu, et les pauvres vivant uniquement d’aumônes en 
étaient, comme tels, exempts. 

Le principe « le riche soutenant le pauvre », dans le 
paiement de l’aide, semble insinuer que, dans les dénombre- 
ments, le mot feu a la signification que lui donne la définition 
des records de justice. Bien plus, plusieurs des déclarations 
produites au dénombrement de 1528, entre autres celles 
d'Echternach la ville et d'Echternach la prévôté, paraissent 
l’affirmer. Mais, en analysant l'ensemble des déclaration: 
produites an dénombrement de 1528, on reconnaît aisément 
que feu n’y est plús pris dans le sens que lui attribuent les 
records de justice. Sans entrer ici dans les détails, nous 
ferons observer que les plus importantes de ces déclara- 
tions précisent le nom de feu en disant : « Declaration des 
feux et conduitz », ou remplacent le nom de feu par celui de 
« Vogtey », vouerie. 

Or « conduit », dans l’ancien Luxembourg, est synonyme 
de « charrue » dans le sens d’une étendue de terre qu’on peut 
mettre en valeur avec une charrue. Seulement, au lieu de 
désigner cette étendue de terre par le nom de l’instrument, on 
la désignait dans le Luxembourg par l’attelage. On avait le 
conduit complet, c'est-à-dire de quatre chevaux, et le demi- 
conduit, ou de deux chevaux. 

Le nom de « Vogtey », d'après la définition des coutumes 
luxembourgeoises, n'est autre que la « manse servile » des 


— 255 — 


chartes du commencement du moyen-âge (1), et, comme alors 
déjà on avait des « dimidium mansum » et des « quartale », il 
faut en conclure que les déclarations produites au dénombre- 
ment de 1528 n’entendent guère donner le nombre des chefs de 

famille, mais bien le nombre total des « conduits complets »; 

en d’autres termes que le nombre des feux donnés est propor- 

tionnel à la propriété ou faculté du village. Le mot feu dans 

ce cas prend alors le sens d’unité d'imposition. 

Que tel est bien le cas, ressort encore plus clairement du 
dénombrement de 1541. Pour le dénombrement de 1605 il 
devient évident, car jusqu’à 12 et 16 chefs de ménage y sont 
réunis parfois pour parfaire un feu. 

Dans Ja répartition de l’aide de 1726, on dit simplement : 
« La valeur du feu est de 93 florins 12 sols, le florin à 20 sols ». 

Nous concluons : En terminologie fiscale de la fin du 
moyen-âge et jusqu'à la révolution francaise, les termes « feu, 
Herd, Feuerstätte, et ménage, Haus » désignent uniquement 
l'unité d'imposition à payer par le ménage normal type, 
mais rien de plus, et le nombre des feux ne correspond aucu- 
nement au nombre des chefs de famille. 

Au dénombrement de 1605 la franchise de Neufchâteau 
est taxée à 6 feux, mais le dénombrement donne les noms de 
83 chefs de famille (2). 


La levée des aides et subsides. 


Dans les seigneuries hautaines, c'était le seigneur qui 
avait le droit et l'obligation de lever la somme à laquelle sa 
seigneurie était taxée ; il devait en remettre le montant total 
au receveur général de l’aide. | 

Pour les parties du Duché soumises directement au sou- 
verain, c'étaient les commissaires nommés par le conseil pro- 
vincial qui avaient à s'occuper du même devoir. 


(1) Coutumes générales du Duché de Luxembourg, chapitre I, Titre If, 
art. 3, édition de Leclercq, T. IL, p. 6. ° 

(2) Dénombrement des feux de 1605, Manuscrit aux Archives du G91- 
vernement à Luxembourg, T. III, f. 15 à 18. . 


— 256 — 


Pour les différentes localités ou parties de localités sou- 
mises à la même juridiction, c'était la justice locale qui faisait 
la répartition de la somme totale à payer entre tous les habi- 
tants non exempts, au marc le franc, selon les moyens de 
chacun; seuls les pauvres vivant uniquement d’aumônes 
étaient exempts. 

Pour la répartition de l’aide on faisait, en 1605, au témoi- 
gnage du dénombrement (1), état des dettes de chacun. L’aide 
était donc un véritable 2mpôl sur le revenu. 

La répartition faite, le maire, respectivement l’écoutète 
ou justicier, faisait lever, par le sergent de la justice locale, la 
quote part de chacun, et remettait le produit à son Seigneur, 
respectivement au commissaire nommé par le Gouverneur. 


Les exemptions du paiement des aides. 


Les aides et subsides, étant par origine un impôt de 
capitation accordé par les contribuables, touchaient tous les 
accordants; l’exemption dans le sens strict du mot, c’est à dire 
comme privilège, n'existait pas dans le Duché du Luxembourg, 
du moins, pas avant le XVIII: siècle. Les dénombrements des 
feux et les comptes des recettes et dépenses des aides et subsi- 
des le prouvent. Eu effet : 

l° le clergé payuit de tout temps sa part et sa très forte 
part des aides et subsides; les comptes des aides en font foi. 

Si le clergé ne figure jamuis dans les dénombrements, 
c’est que la part à payer par le clergé, part fixée pour chaque 
accord, était levée séparément. La quote part des aides à 
payer par le clergé était répartie au marc le franc du revenu, 
levée par des membres du clergé et remise au receveur général 
des aides ; 

2° les nobles, comme tels, et les francs-homme: ne 
payaient jamuis les aides et subsides, non pas par privilège, 
mais comme ayant à fournir un impôt plus onéreux, le service 
militaire à cheval et à leurs frais. 





(1) Dénombrement des feux de 1605, Manuscrit aux Archives du Gou- 
vernement à Luxembourg, T. I, Chapitre Remich, 


— 257 — 


Cet impôt était si lourd que les dénombrements fournis- 
sent des exemples où des francs-hommes renoncent volon- 
tairement et librement à leur exemption, ne pouvant soutenir 
la charge du service militaire. 

D'autre part, lors des dénombrements, les exempts pour 
noblesse devaient faire la preuve de leur équipement en cheval: 
et en armes, et étaient passés en revue avant d’être inscrits 
sur la liste des exempts. 

En couséquence cette exemption, loin d’être un privilège, 
constituait une charge onéreuse; 

3° les officiers et employés du souverain, et en partie ceux” 
des seigneurs, ne payaient pas non plus les aides et subsides ; 
ils se rangeaient dans la catégorie des exempts, mais cette 
exemption constituait une partie de leurs gages; pour les 
officiers des seigneurs, exemption leur était attribuée à titre 
d'indemuité pour la levée de l’aide; 

4 n'étaient réellement exempts que les pauvres vivant 
exclusivement de l’aumône, car même les pâtres étaient taxés 
s'ils avaient quelque propriété. 


À part l’aide accordée vers le commencement de 1360 à 
Wenc-slas I, toutes les autres aides subséquentes étaient cou- 
vertes par un impôt sur le revenu. Au courant du X VIT: siècle, 
lors des grands besoins d'argent, provoqués par la guerre de 
Trente ans et par les guerres contre la France, le gouverne- 
ment et la noblesse essayèrent de revenir aux errements du 
temps de Wenceslas I, et proposèrent de recourir, au moins en 
partie, à des impôts indiretts pour couvrir les aides accor- 
dé:s ; mais la résistance que leur opposait la bourgeoisie était 
si forte qu'on dut abandonner ces projets. Les délégués des 
bonnes villes avaient fait grève; ils étaient montés à cheval 
et étaient partis. 


Après le traité des Pyrénées, le gouvernement espagnol 
introduisit au duché de Luxembourg des droits de douane 
malgré la résistance des Trois-Etats, qui dans leurs départs 
ne cessaient de protester contre cette innovation, comme con- 
traire à leurs privilèges et au droit luxembourgeois. 


17 


— 258 — 


Survint l’année 1684, et avec elle la domivation fran- 
caise, pendant laquelle le Duché de Luxembourg subit les lois 
fiscales de la France. 


Depuis l’avènement de Charles-Quint, la seule idée qui 
dominait toute la politique intérieure du gouvernement espa- 
gnol uu Duché du Luxembourg était d'anéantir les privilèges 
des Trois-Etats, particulièrement leurs prérogatives en fait 
d'impôt; l'introduction des douanes avait été une des étapes 
dans cette lutte non interrompue. Aussi, lorsque par le traité 
de Ryswyck le Luxembourg fut rendu à l'Espagne, le gou- 
vernement reprit son ancienne politique, et cette fois avec 
plus de succès. Il réussit à introduire de graves changements 
dans la constitution des Trois Etats et par là à s’en rendre 
maître, brisant le seul rempart qui s'opposait à l’achemine- 
ment vers le pouvoir absolu. 


Après le court règne de Maximilien-Emmanuel, duc de 
Bavière, le Luxembourg passa avec les autres Pays-Bas espa- 
gnols à l’Autriche, qui continua la même politique à l'égard 
des libertés du Duché de Luxembourg. Mais les suites ne se 
firent pas attendre : le contrôle gènant des Trois Etats ayant 
été écarté, les plus graves abus s’introduisirent dans le régime 
fiscal; on chercha à y remédier par le cadastre de Marie- 
Thérèse qui changeait l'impôt sur le revenu en impôt foncier. 


L Rapport sur les travaux de chronologie . 
publiés en Belgique et en Hollande depuis 1830, 
par H. Neuis, 


Archiviste aux Archives du Royaume, à Bruxelles. 


Le moment semble particulièrement bien choisi pour faire 
le bilan de toutes les recherches entreprises en Belgique et en 
Hollande dans le domaine très restreint de la chronologie histo- 
rique. Des monographies, des discussions récentes ont attiré 
l’attention sur un ensemble de petits problèmes, non entière- 
ment résolus encore, qui ont montré l’impérieuse nécessité de 
changer d’anciens points de vue qui paraissaient devoir être 
définitivement conservés. 

Mais, étant la plus décevante des disciplines historiques, 
la chronologie oblige à chaque instant à modifier ses con- 
clusions et à élargir ses cadres. Si l’on veut apprécier la 
valeur des résultats nouveaux qui viendront grossir nos con- 
naissances en ces matières, il est indispensable de savoir ce 
qui a été fait jusqu'ici pour mieux se rendre compte de ce qui 
reste à accomplir. 

La bibliographie relative aux travaux de chronologie des 
anciens Pays-Bas depuis 1830 n'est pas fort vaste. Ce qui 
caractérise en général cette littérature, c'est le but avant tout 
pratique que les auteurs ont eu en vue, et l’objet trop peu 
précis de ces recherches. 

On fait de la chronologie non par dilettantisme, ou par 
goût, mais bien par nécessité. Le jour où Alph. Wauters 
entreprit la mise au jour de la Table des diplômes et 
chartes de Belgique, il fut naturellement amené, et sans 
le désirer peut-être, à s'occuper des systèmes chronolo- 
giques en vigueur au moyen-âge. De même, les éditeurs 


— 260 — 


de chartes sont forcément obligés de bien dater les pièces 
qu’ils publient et d'étudier les questions qui se rattachent à 
la chronologie. 

D'autre part, les recherches entreprises jusqu'ici ont eu 
généralement des cadres trop larges. Depuis quelques années 
pourtant, une réaction s'est produite et l’on commence à voir 
que le meilleur moyen de connaitre les habitudes chronolo- 
giques suivies par nos aïeux, c'est de procéder par enquêtes 
portant sur un groupe spécial de chartes, sur un ensemble 
de documents provenant d’uue même contrée, d'un même 
diocèse, ou sortis d’une même chancellerie, d'un même 
scriptorium. Les travaux de Mr Ede. de Marneffe sur les 
styles de Liége et de M' le chanoine C. Callewaert sur ceux 
de la Flandre sont dans ce genre d’études d'excellents modèles. 

Nous avons groupé ici tous les travaux qui, à un point de 
vue quelconque, s'occupent de la chronologie historique des 
Pays-Bas. Pour la Belgique nous avons pris comme point de 
départ 1830 ; pour la Hollande, par contre, nous avons choisi 
l’année 1890, pour ce double motif que c’est à partir de cette 
année que d'importants travaux ont vu le jour, et que depuis 
ce moment la littérature historique de ce pays nous était 
plus facilement abordable. 

À propos de chaque article, groupé par ordre d’appari- 
tion, nous faisons connaître : 1° le titre exact de la publica- 
tion; 2° ses conclusions; 3° les preuves apportées à l’appui de 
celles-ci. Rarement nous avons émis une appréciation person- 
nelle pour les notices inventoriées. Mais, dans lu plupart des 
cas, le lecteur verra bien, s’il est avisé et s’il a de la critique, 
si des conclusions légitimes peuvent être tirées des preuves 
que les auteurs lui mettent sous les yeux. 


1. Le style d'Utrecht et le style de Tournay. Extrait d’une 
lettre à M. Kervyn de Lettenhove, par le R. P. DE Buck 
(Annales de la Sociélé d' Emulation pour l’élude de l’histoire 
et des antiquilés de la Flandre. Série III, t. X, 1855-1856, 
pp. 394-398). 

Le style d’Utrecht ou de la Nativité a été usité dans les 
environs de Bruges. L'auteur attire l'attention sur deux pas- 


— 261 — 


sages peu connus en 1856 de Gilles le Muisit, où il est dit 
qu’en France, en Flandre, dans le Tournaisis et ailleurs, le 
millésime de l’année changeait le Vendredi Saint, à l'heure de 
midi environ. Les exemples donnés par le R. P. De Buck ne 
gout pas, de son propre aveu, décisifs. 


2. Eu. Gacuer. Recherches sur les noms des mois et des 
grandes fétles chréliennes (Bulletin Comm. royale d'histoire. 
Série III, t. VII, 1865, pp. 383-548) (Ouvrage posthume). 

Truvail précieux pour la chronologie, l’auteur ayant mis à 
profit non seulement les graudes collections diplomatiques de 
sop époque, mais encore une foule de documents manuscrits : 
chartes, cartulaires, comptes, calendriers, etc. Comprend deux 
parties. Dans la première (pp. 384-413), on passe en revue les 
différents noms donnés au moyen âge en Belgique aux mois : 
noms populaires, flamands, français et latins. La seconde par- 
tie : Les grandes fétes chrétiennes, était consacrée, dans l'in- 
tention de Gachet, à l'examen des quatre grandes fêtes litur- 
giques de l'Eglise catholique : Noël, Pâques, Pentecôte et 
Toussaint. La mort a enlevé l’auteur avant d’avoir pas'occuper 
de ces deux dernières fêtes. Dans le cycle de Noël sont traités 
séparément l’Avent (p. 417-421), la Noël (p. 421-489), la Cir- 
coucision (p. 440-456) et l’Epiphanie (p. 456-486). Dans le 
cycle de Pâques Gachet étudie le temps du Carême (p. 476- 
548). Le reste de cette notice n’a malheureusement jamais vu 
le jour. | | 


8. À. Waurers. De quelques dificullés que présente la 
chronologie des diplômes, bulles et chartes au X1I° siècle et au 
commencement du X111 siècle (Table chronologique des char- 
tes et diplômes imprimés concernant l'histoire de la Belgique, 
t. III, 1871, pp. xxxtnI-Lvi). 

Considérations d'ordre général sur la chronologie des 
bulles papales, des chartes des comtes de Flandre et des ducs 
de Brabant au XII: siècle. La plupart du temps, les chartes ne 
sont pas datées, mais renferment des annotations historiques 
qui permettent de leur fixer parfois approximativement une 
date. Au début du XIÏl° siècle, on semble avoir suivi en Bel 


— 262 — 


gique le style de Pâques; mais il y a beaucoup d’exceptions à 
cette règle. Assez bien de chartes présentent des dates incer- 
taines et contiennent des anomalies. 


4. À. Waurers. Des différentes manières de dater qui ont 
élé successivement adoptées (Table..…., t. I, 1866, Zntroduclion, 
Pp. XLVII-LXX). 

Généralités concernant les styles chronologiques suivis 
par les anciens Romains (calendrier romain}, les Mérovingiens 
et les Carolingiens (années des règnes), les empereurs alle- 
mands des maisons de Saxe et de Franconie, les Souverains 
pontifes. Chronologie spéciale au Pays-Bas : styles gallican et 
de Noël. 


5. À. WauTERS. À propos de la manière de compter que 
l’on suivait dans la partie du Brabant ressortissant à l'évêché 
de Liége (Bull. Comm. d'histoire. Série IV, t. I, 1873, 
pp. 203-210). 

Montre que dans le Brabant wallon, ressortissant au 
spirituel de l'évêché de Liége, la réforme de 1333 n’a pas été 
suivie d'une manière régulière par les échevinages commu- 
naux. Les exemples cités à l'appui appartiennent surtout au 
XVI: siècle. Dans ces localités règne la plus étrange diver- 
sité dans la manière de changer le millésime de l’année ; on 
y rencontre tantôt le style de Brabant, tantôt le style de 
Liége; de plus, il y a diversité de localité à localité et de 
cours de justice à cours de justice dans une même commune; 
enfin, les scribes d’une cour échevinale ne sont parfois pas 
d’accord sur le style qu’ils emploient dans les chartes et les 
registres. Adoptaient le style liégeoïis au XVI° siècle : Perwez, 
Thorembais-St-Trond, Rosières-St.-Symphorien, Chenoy (à 
Rosière-N.-Dume), Incourt, Lathuy, Jauche, Piétrain, 
Noville-sur-Méhaigne. Par contre, les cours échevinales sui- 
vantes admettaient à cette époque le style de Pâques : Mont- 
St.-André, Bomal-sur-Gette, Linden, Aerschot, Bierbeek, 
Jodoigne (cour des alloyers). Dataient des deux manières diffé- 
rentes : les cours de Jauchelette (échevinage de l’abbaye de 
Nivelles), d'Opprebais, de Velthem (?) et d'Héverlé. 


— 263 — 


6. A. Waurers. De quelques parlicularilés concernant la 
manière de dater les actes (Table... t. IV, 1874, pp. LvrrI-Lxni). 

Attire l'attention sur les usages devenus constants en 
France au XIII siècle de changer le millésime de l’année à 
Pâques et à la Noël en Allemagne et en Italie. Discussion sur 
le sens des mots : Anno incarnationis Domini. Cette appella- 
tion ne signifie pas toujours que l’année commence le 25 mars. 
L'année pascale doit avoir commencé à Liége, vers 1230, 
à une autre époque qu'à Pâques. | 


7. H. Gorriner, S. J. De la suppulation des années (au 
comle de Chiny) (Cartulaire de l’abbaye d'Orval. Introduction 
1879, pp. XXXVII-XXXVIHI). 

Le millésime de l’année changeait dans le comté de Chiny 
du XII au XV* siècle le jour de l’Annonciation (25 mars), 
comme dans le diocèse de Trèves. Néanmoins, on trouve des 
exceptions assez nombreuses à cette règle provenant, d'après 
l’auteur, du voisinage de la France. 


8. L. Gizionrs-van SEVEREN. Jnventaire des chartes 
de la ville de Bruges. Introduction (Notes chronologiques), 
1878, pp. 81-130. 

Considérations générales sur la chronologie depuis les 
premiers siècles de notre ère. L'auteur soutient qu’à Bruges 
deux styles semblent avoir été en usage au moyen-âge: celui 
de la cour spirituelle d'Utrecht (Nativité) et de Tournai (style 
pascal avec changement du millésime au Vendredi Saint). 
Reconstitution du calendrier brugeois de la fin du XIIT: siècle, 
au moyen de pièces d'archives de cette ville. Fragment de 
calendrier brugeois du XIV* siècle. 


9. S. Murren, Fz. Bijdragen voor een oorkondenboek van 
het sticht Utrecht. Programma. La Haye, 1890; in-8°, 
69 pages. | 

Programme destiné à faire connaître le plan d'un Cartu- 
laire de l’évêché d'Utrecht. Travail indispensable pour la 
connaissance de la chronologie utrechtoise du moyen-âge. 
Conclusions : On doit admettre que « l’évèque (d'Utrecht) et 


— 964 — 


le clergé de son diocèse ont suivi avaut l’année 1310 le style 
pascal, mais qu'après cette date ils ont adopté le style de 
Noël. La ville d'Utrecht, elle, l’a également adopté, tandis 
que les comtes de Hollande suivaient celui de Pâques à partir 
de 1310 » (p. 24). M' Muller établit ce « singulier fait qu à 
Utrecht on a suivi un style chronoiogique opposé à celui 
employé en Hollande. Deux styles différents se sont donc 
développés en sens contraire à la même époque. Car, tandis 
qu’à Utrecht le style pascal fait déjà son apparition depuis 
917, il cède la place en 1310 à celui de Noël, grâce à l'in- 
fluence du haut clergé de Cologne. En Hoilande, au contraire, 
où le renouvellement du millésime à la Noël se constate au 
XII et au XIII siècle à l’abbaye d' Egmond et dans la chan- 
cellerie de Thierry VII, l'emploi du style pascal commença à 
s'introduire dans la seconde moitié du XIII: siècle, vraisem- 
blablement sous l'influence de la dynastie flandro-hennuyère. 
Au début du XIV siècle, cet emploi était quasi-général auprès 
des administrations laïques ». 

En annexe (pp. 33-41), Mr Muller publie un important 
Calendarium Trajectense, donnant la liste de tous les saints 
dont la fête était célébrée au moyen-âge par l’église d'Utrecht. 
Pour dresser ce précieux tableau, l'auteur a consulté un 
Missale Trajectense (Paris, 1497; Bibl. Mss. Utrecht), le nécro- 
loge du chapitre cathédral du XIV: siècle, ainsi que l’ordi- 
naire du même siècle. Les autres sources sont : la lettre syno- 
dale de 1342 (Cf. Van BrusseL, Batavia sacra, 1714, p. 190), 
un martyrologe de l’église d'Utrecht du XV* siècle, puis les 
registres des écherins de la ville du XV* siècle et les comptes 
de l’évêque du XIV: siècle. Un glossaire des mots latins et 
flamands clôture ce remarquable travail de chronologie. 


10. —- H. GrorerenD. Zeitrechnung des Deutschen Mit- 
telalters und der Neuzeit. Hannover, 1892. 

Donne les calendriers des évêchés d'Allemagne. Parmi 
eux, il y en a deux qui nous intéressent : 

1° Calendrier d’Utrecht (d'après le travail de M" S. Muller, 
Fz. Voyez n° 9). 

2° Calendrier de l'évêché de Liége (pp. 105-109). Sour- 












— 265 — 


ces : Breviarium ecclesie majoris Leodiensis (vers 1480) à la 
Bibl. de la ville de Cologne; Breviarium Leodiense du XV° 
siècle à la Bibliothèque de Darmstadt, n° 394; Vecrologium 
ecclesie B. Marie Virginis Aquensis, du XV° siècle. 

3° Calendrier de l'archevêché de Trèves (pp. 187-192). 
Sources : missel de Trèves (vers 1480) à la Bibliothèque du 
gymnase de Coblence; missel de Trèves (1547), ibidem; Bre- 
viarum Trevirense (s. d.) à la bibl. de Francfort-sur-Main. 


11. E. Reusens. Questions de chronologie et d'histoire à 

propos de la Table chronclogique des chartes et diplômes impri- 
més concernant l’histoire de Belgique par A. Wauters, t. VIII, 
1892 (Analectes pour servir à l'histoire ecclésiastique de Bel- 
gique, t. XXIV, 1893, pp. 113-168). 
__ Examen sévère du volume VIIT de la Table chronolo- 
gique d'A. Wauters. L'auteur relève les multiples erreurs, 
inévitables dans une œuvré d’aussi longue haleine, ét divise 
son travail en paragraphes. $ 1 : Dates douteuses, résultant 
de l’emploi du style gallican, non signalées (pp. 114-117); 
$ 2: Absence de règles et inconséquences dans la réduction des 
dates du moyen-âge à notre style actuel (117-125); $ 3 : Les 
actes des notaires impériaux et apostoliques (pp. 125-126); 
$ 4 : Fêtes mobiles mal assignées (pp. 126-127); $ 5 : Fêtes 
de saints mal déterminées (pp. 127-130); $7 : Dates du calen- 
drier ecclésiastique mal résolues (pp. 131-138); $ 8 : Le calen- 
drier romain (pp. 138-149); $ 9 : Erreurs chronologiques 
diverses (pp. 140-144); $ 12 : Les noms romains des jours de 
la semaine (pp. 151-152); $ 13 : Les noms du mois : Jugnet et 
juignet mal traduits par juin (pp. 152-154); $ 14 : Andach 
traduit par lendemain au lieu d’octave (pp. 154-156); $ 15 : 
Sint Pietersdach in zelle et in den lenten mal traduits 
(pp. 155-157). | 






a 
Dull. 


12. A. Waurenrs. Mote en réponse aux critiques dg 
Table chronologique des chartes et diplômes a été l'abg 
Comm. d'histoire, Série V, t. 3, 1893, pp dé 
Justification des critiques £ 
VIIT, 1892) pa 








able chronolo- 
WE. Reusens. Les erreurs 









— 266 — 


qu'on y rencontre sont inévitables dans une publication de ce 
genre. Discussion à propos du Sint Pietersdach in zelle, de 
junet, juignet et quindena Paschae. Style du 1° janvier suivi 
en Hollande au XVI° siècle. 


13. S. Murcer, HznN. De jaarstijl te Rotterdam voor de 
Hervorming (Bijdragen voor Vaderlandsche geschiedenis. 
Reeks III, 1893, B. 6, blz. 268-270). 

Démontre, au moyen de 12 exemples pris entre les années 
1357 et 1523, que l'échevinage de Rotterdam a constamment 
fait emploi au moyen âge du style de Noël. Sous la dynastie 
autrichienne ce style s’appelait à Rotterdam : s/ilus communis, 
tgemeen scriven, den gemoonen loop, en opposition avec le style 
pascal indiqué par les mots : stilus curie, tscriven in den hove 
van Hollant, den loop van den hove. 


14. R. Fruin, Tu. Az. De jaarstijl der heeren van Mont- 
foort (1bidem, t. 8, 1894, pp. 319-321). 

Conclut, en se fondaut sur 4 exemples (1 «du XIV: siècle, 
2 du XV: et 1 Au XVI‘) que les seigneurs de Montfort ne sui- 
vaient ni le style de la Nativité n1 le style de Pâques, mais 
celui de la ville de Montfort, c'est à dire celui du 1° janvier. 


15. R. Fruin. Verslag omtrent de oude gemeente en water- 
schaps-archieven in Utrecht over 1892 (Verslagen omtrent 
’s Rijks oude archieven, t. XV, 1894, pp. 529-568). 

Etablit, au moyen de quatre exemples (deux de 1491, un 
de 1500 et un de 1523) empruntés à des registres, que dans la 
commune d’Yselstein, dans la province d’ Utrecht, on renouve- 
lait le millésime de l'année au 1“ janvier (pp. 564-566). Le . 
style des seigneurs d'Yselstein est impossible à déterminer. 
Ce travail est le premier publié en Hollande (écrit en 1892 et 
édité en 1894) où l’on démontre que le style du 1* janvier a 
été en usage dans ce pays. 


16. E. Reusens. Examen de la « Note en réponse aux 
critiques dont la Table chronologique des charles It. VIII] a 
été l'objet » (Bull. Comm. d'histoire, Série V, t. V, 1895, 
pp. 6-37) 


— 267 — 


Reprise de la discussion à propos de St. Pieters dach in 
zelle. C'est la fête de saint Pierre qui se célèbre le 22 février. 
Signification de jugnet et jwignet. Différents styles suivis en 
Belgique au moyen âge. Généralités à ce sujet. Impossibilité 
d'admettre que les chancelleries du comte Guillaume aient 
employé deux styles chronologiques, un spécial au Hainaut 
et un autre, propre à la Hollande. Discussion à propos du com- 
mencement de l’année au l‘ janvier dans la chancellerie de ce 
comté au XIV* siècle. Signification du mot jaersdach. 


17. E. Reusens. Revue critique. Carlulaire de l'église 
St. Lambert de Liége, publié par St. Bormans et HE. School- 
meesters, t. I, 1893 (Analecles pour servir à l'histoire ecclé- 
siastigue de Belgique, t. XXV, 1895, pp. 93-140). 

Dans cette attaque dirigée contre le cartulaire de Saint- 
Lambert on trouve mentionnée une série d'erreurs chronolo- 
giques, mais trop peu importantes pour être relevées ici. La 
réponse au chanoine Reusens, écrite par M" St. Bormans, a 
pour titre : Za Commission royale d'histoire el son détracleur. 


18. Epa. pe Marxerrg. Styles et indictions suivis dans 
les anciens documents liégeois. Bruxelles, 1896; in-12°, 56 p. 

L'auteur établit que « le style de Pâqués n'était employé 
à Liége que depuis environ un siècle, à l’époque du change- 
ment indiqué par Hocsem. Au XI°et au XII° siècle et pendant 
les trente premières années du XIIIe siècle, on y employa le 
styie de la Nativité. Rétablit le 25 décembre 1333, ce dernier 
style continua à être suivi jusqu'à la fin de l’ancien régime ». 

Pour les iudictions, nous avons les règles suivantes : 
« L'indiction romaiue changeant le 1° janvier, fut employée à 
Liége, concurremment avec le style de lu Nativité, au XI° siècle 
au XII et au XIII: siècle. Elle y fut remplacée par l'indiction 
de Bède, durant le temps qu'on suivit le style de Pâques. 
Reprise, quand l'emploi du style de la Nativité fut rétabli, 
elle changea le 25 décembre. Les notaires liégeois qui dataient 
leurs actes d'après le style de la Nativité, employèrent dès le 
XIIT: siècle l’indiction romaine et conservèrent constamment 
cet usage ». 


— 268 — 


19. A. Waurers. Des modifications qui s’introduisirent 
en Belgique au XIV® siècle, dans la manière de commencer les 
années (Table chronologique, t. IX, 1896, pp. xxmi-xLvi). 

Á partir du XIV* siècle, trois styles chronologiques exis- 
tent dans les Pays-Bas : le style gallican (Flandre, Hainaut 
et Brabant), le style de Noël (Liége) et celui de l’Annon- 
ciation (partie sud-est du pays). Abandon du style pascal à 
Liége en 1333 et introduction du style de Noël. L'usage de 
spécifier de quel style on se sert, rare au XV* siècle, devient 
général au XVI: siècle. Exemples du style suivi dans les loca- 
lités du Brabant oriental. Incertitudes à cet égard. Le style 
de Liége est adopté à partir de 1334 dans le comté de Namur; 
dans la partie du Luxembourg soumise à l’autorité spirituelle 
des évêques de Trêves on commence au XIV* siècle l’année à 
l’Annonciation. Réforme d'Utrecht en 1310. Emploi du style 
de Noël. Renouvellement du millésime au 25 décembre dans 
le comté de Hollande au XVI: siècle. 


20. R. SHieRIDAN. La chronologie en Flandre. Le commen- 
cement de l'année dans le style gallicun (Annales de la Société 
d' Emulation de Bruges, t. XLVI, 1896, p 64 et suiv.). 

Travail dont les conclusions neuves méritent d’être rete- 
nues. L'auteur défend cette théorie parfaitement juste « que le 
style gallican a toujours fait coïncider le renouvellement du 
millésime avec l'heure de la célébration de l'office de la nuit 
de Pâques ». Au X1° siècle, l'heure de cet office fut avancée de 
telle facon qu'au siècle suivant les Cisterciens le célébraient déjà 
le samedi saint, entre none et vêpres. Au XIII: siècle, l’année 
pascale commençait ce jour-là vers 4 heures de l’après-midi; 
un peu plus tard, les heures canoniales sont encore avancées 
de manière à pouvoir être chantées, comme de nos jours, dans 
la matinée. 

Exemples tirés des comptes de la ville de Bruges, des 
Hallegeboden et des comptes de la léproserie de la Madeleine, 
montrant qu'au XVI° siècle on changeait le millésime de 
l’année le samedi saint, après la bénédiction des fonts baptis- 
maux. Discussion sur les deux passages de Gilles le Muisit 
relatifs au renouvellement de l’année au vendredi saint. À 


— 269 — 


l'exemple du XVI siècle fourni par Mr Gilliodts, l'auteur en 
ajoute un du l' avril 1328 (n. st.). Mais ces deux exemples - 
sont insuffisants pour faire de l’assertion de Gilles le Muisit la 
règle générale pour les pays de style gallican. 


21. J.G. Cu. Joosrinc. Des anderen dages (Bijdragen 
voor vaderlandsche geschiedenis, Série III, t. IX, 1896, 
pp. 294-274). 

Signale un grand nombre de textes des XIV®, XV*et XVI 
siècles où le mot anderen dages a incontestablement le sens 
de altera die, deuxième jour, lendemain, x crastino die. On 
trouve aussi l'expression des neesten dages. | 


22. James DE Fremery. De jaardagstijl, de jaarstijl der 
heeren van Naaldwyk, der heeren van Voorne tot 1372, en de 
gemeene styl van Holland (lbidem, Série III, t. IX, 1896, 
pp. 105-152). | 

Démontre par des exemples certains qu'an moyen-âge on 
a employé en Hollande le style du 1° janvier. Cet emploi se 
laisse surtout constater à partir du XV* siècle par des adminis- 
trations communales qui n'avaient sans doute pas l'habitude 
de faire usage d’un style ecclésiastique. 

Dans la ville de Heusden le renouvellement du millésime 
au lef janvier est officiellement introduit en 1404 dans les 
bureaux de la cour écheviuale. 

En se basant sur des indications de registres l’auteur 
signale comme certain, à partir de 1372, l'emploi du style du 
ler janvier dans la ville de Leyde. Quant aux seigneurs de 
Voorne, on constate qu'ils ont employé jusqu’en 1372 le 
style du nouvel an, et que depuis ils ont adopté celui de 
Pâques. 


23. E. Reusexs. Deuxième supplément aux questions de 
chronologie et d'histoire, ou Examen crilique du tome IX de la 
Table chronologique par A. Wauters (Analectes pour servir à 
l’histoire ecclésiastique de Belgique,t.xxvi, 1896, pp. 485-508). 

Signale les nombreuses erreurs dont le tome IX de la 
table est entâché. Soutient contre A. Wauters que jamais la 
chancellerie de Guillaume 1°", comte de Hollande, n'a employé 


— 270 — 


dans cette province le style de Noël ; c'était toujours le style 
de Pâques. 


24. R. Fruin. Over de dateering van eenige oorkonden der 
Hollandsche graven (Bijdragen voor vaderlandsche geschiede- 
nis. Série III, t. X, 1898, pp. 125-146). 

Contient trois notices : 

1° Les années du règne d'empire d'Henri V dans deux 
chartes du comte de Hollande Florent V (pp. 125-132). 

2° L'âge de la lune dans les chartes du comte Thierry VII 
(pp. 132-133). 

3° Style et indiction dans les chartes du comte de Hol- 
lande, Guillaume IV, roi des Romains (pp. 134-146). 


29. J. DE FREMERY. Dateeringen van graven uit het 
Hollandsche huis, alsmede van eenige Hollandsche en Zeeuw- 
sche steden (1bidem. Série III, t. X, 1899, pp. 147-175). 

Discussion de l'article de R. Fruin (voyez n° 24) au sujet 
de la chronologie des comtes de Hollande du XIII° siècle. 
Signification des mots jaersavand et paaschavond. Les chartes 
datées du jaersavond n'ont pas encore renouvelé le millésime 
de l’année ; paaschavond indique le jour du samedi saint, mais 
les dates qui portent cette mention peuvent être du nouveau 
ou de l’ancien style, d’après l'heure du jour où les chartes ont 
été rédigées. 

Styles de quelques localités hollandaises : Brielle (1 jan- 
vier avec emploi du mot a nativitate), Brouwershaven (1' janvier, 
au XVI: siècle), Delft (emploi certain du style de 1’ Annoncia- 
tion au XVI: siècle), Dordrecht (style de Pâques aux XIV°-X Ve 
siècles, avec changement le vendredi saint), Goes (style de la 
Circoncision, au XVI: siècle), Gouda (Ì°“" janvier au XVI° siècle), 
seigneurie de Mathenesse (1°r janvier au XVI° siècle), Reimers- 
waal (1° janvier au XVI siècle), Æotlerdam (1% janvier au 
XVIe siècle), Veere (1* janvier au XVI° siècle), Zierikzee (style 
de la Nativité au XIV* siècle; style inconnu pour l'époque 
postérieure). 


26. R. Fruin. Waschrift op het opstel van den heer de 
Fremery (Ibidem. Série III, t. X, 1899, pp. 176-182). 


— 971 — 


Maintient contre J. de Fremery (n° 25) ses opinions au 
sujet des indictions et du style suivis dans les chartes du : 
comte de Hollande, Guillaume IV. 


27. J. ne Fremery. Grafelijke dateeringen. Naschrift 
verbeteringen (Ibidem, pp. 183-184). 


28. J. De Fremery. Dateeringen van graven uit het 
Hollandsche huis (lbidem. Série IV, t. I, 1899, pp. 138-140). 


29. Oorkondenboek van Groningen en Drenthe, t. II, 
1899, $ 5 : De tijdrekening, pp. 504-509, par ZerP GRATAMA. 

Généralités concernant le style suivi avant 1810 par les 
évêques d’Utrecht. Admet les opinions émises à ce sujet par 
M' S. Muller Fz. (Programma). Détails sur le style chrono- 
logique suivi par les évêques de Munster et sur les usuges 
locaux de la Frise. Incertitude de déterminer avec exactitude 
un style quelconque. 


30. Cu. Duvivier. Mote sur l’abandon du style de Pâques 
dans les chartes de Baudouin de Conslantinople (Bulletin 
de la Commission royale d'histoire, t. 70, 1901, pp. 37-43). 

Prouve que « le comte Baudouin IX a abandonné, à un 
certain moment, le strle de Pâques. Ce changement est certain 
pour l’année 1202; il ne remonte pas au début du règne, 
mais il paraît avoir débuté au cours de l’année 1200 ». Quand 
Baudouin fut devenu empereur de Constantinople le 9 mai 
1204, il reprit le style de Pâques, comme le montrent sept 
chartes où ce prince prend le titre d'empereur et qui sont _ 
datées des mois de février et de mars 1204. 


31. M. ScuoexGex. Jets over den iaarstijl in klooster- 
orden gebruikt. Met naschrift door R. Fruin (Nederlandsch 
Archievenblad, t. X, 1901-1902, p. 18-25). 

Cherche à démontrer, en s'appuyant sur les recherches 
de Janauschek et O. Posse, que l’année se renouvelait partout 
et toujours chez les Cisterciens au jour de l’Annonciation de 
N. S. (25 mars). Les Prémontrés ne se sont pas toujours ralliés 
À ce style : exemples du XVI° siècle. Les Frères de la vie 


— 272 — 


commune employaient le style de Noël au XV* siècle, ainsi 
que les chevaliers de l'Ordre Teutonique. Les Bénédictins ne 
semblent. pas avoir eu de style spécial pour leur ordre et se 
sont conformés au style du diocèse ou de l'endroit où ils 
étaient établis. Incertitude au sujet du style des Dominicaius 
et des Frauciscains. Dans le Naschrift, M' Fruin soutient 
qu'à l’abbaye de Middelbourg, l'année se renouvelait au 
moyen-âge le 1‘ janvier. | 


32. H. Nerrs. Le commencement de l'année au premier 
janvier dans les registres aux actes de l’Université de Louvain 
du. moyen-âge (Revue des bibliothèques el archives de Bel- 
gique, t. Ï, 1903, p. 240-245). 

Modifie l'opinion émise en 1891 par le chanoine E. Reusens 
(£léments de paléographie et de diplomatique du moyen-âge, 
p. 97) au sujet du commencement de l’année au 1° janvier 
à l’ancienne Université louvaniste. L'auteur établit que les 
scribes renouvelaieut dans les registres aux procès-verbaux 
des facultés le millésime de l’année à la Noël, comme toutes 
les institutions ecclésiastiques du diocèse de Liége. « L'erreur 
de M' Reusens trouve son origine dans une fausse interpréta- 
tion des rubriques indiquant le changement du millésime 
dans ces mèmes registres ». « Il faut prendre comme base 
d'observation les dates placées entre la fête de Noël et celle 
de la Circoncision ». 


33. C. CarrrwauRT. Zes origines du style pascal en 
Flandre (Annales de la Société d’ Emulation de Bruges, t. LV, 
1905, p. 13-26; 121-143). 

Contrairement à l'opinion généralement reçue qui veut 
que le commencement de l’année à Pâques aurait été intro- 
duit en Flandre au début du XII° siècle, ce consciencieux 
travail établit que « le style de Pâques a été une rarissime 
exception en Flandre jusque dans les tout dernières années 
du XIT siècle. Ce n'est que sous le règne de Baudouin de 
Constantinople qu'il devient d’un usage plus fréquent, con- 
curremment avec l'emploi de l'ancien style de Noël qui 
semble encore prédominer ». 


— 273 — 


Examen des chartes des comtes de Flandre, des évêques 
de Térouanne et de Tournai. Pour les premières, l’auteur 
remonte à une charte du 6 janvier 1093 de Robert II de 
Jérusalem et il termine son étude en 1202. « Jusqu'à la fin 
du règne de Thierry d'Alsace, on trouve dans les documents 
diplomatiques une série de preuves contre l'emploi du style 
pascal; on n’en connaît aucune en faveur de ce style ». Sous 
Philippe d'Alsace, le style de Noël, bien qu’encore souvent 
employé, perd néanmoins de ses adhérents; enfin, avec 
Baudouin de Constantinople, le style pascal cominence à se 
généraliser de plus en plus. 


34. H. Neus. Le commencement de l’année au Vendredi 
saint à Tournai au KIV siècle (Zbidem, t. LVI, 1906, pp. 5-13). 
(Voyez le compte rendu critique de L. Verriest dans les 
Annales du Nord et de l'Est, t. II, 1906, p. 558, et la répouse 
à ce compte rendu par le chanoine Callewaert dans les 
Annales de la Société d' Emulation, t. LVI, 1906, pp. 476-477.) 

Prouve, au moyen de chartes émanées de la cour échevi- 
nale de la cité de Tournai et des Voirs-jurés de cette ville, qu'au 
XIV: siècle on changeait le millésime de l’année le j jour du 
vendredi saint, après la célébration de l'office religieux, c’est à 
dire vers midi. Mais on constate aussi qu'à la même époque 
Ja matinée du samedi saint est prise comme point de départ 
d’une année nouvelle. L'assertion de Gilles le Muisit qui fait 
commencer l'année le vendredi saint n’est donc pas aussi 
erronée qu'on a bien voulu le dire; mais son affirmation est 
trop exclusive. 


35. C. CacrewagnT. Mote complémentaire sur le com- 
mencement de l'année à Bruges(Zbidem, t. LVI, 1906, pp.14-15). 

Détermine la signification des mots neune et noen qu'on 
rencontre parfois au moyen-àge dans des chartes datées du 
vendredi ou du samedi saints. Voen, neune signifient none ou 
l'office canonial qui au XIVE siècle se chantait un peu avant 
l’heure de midi. Déjà à la fin du XIII siècle, le mot flamand 
noen était synonyme de midi. L'auteur cite un texte du Rym- 
bybel de Maerlant où il a nettement le sens qu'il a encore 
aujourd hui. 


18 


— 274 — 


36. S. Murren, Fz. De Jaarstylen in het sticht Utrecht 
gebruikt voor het synodaal-besluit van 1310 (Verslagen en 
Mededeelingen der Koninklijke Akademie van Wet. en lelter- 
kunde (de Hollande). Reeks IV, deel VII, 1905, blz. 309-341). 
(Voyez les comptes rendus du chanoine Callewaert. Anu. 
Soc. Emul. de Bruges, t. LVI, 1906, pp. 107-108, et d’H. 
Nelis. Revue des bibl. et arch. de Belgique, t. IV, 1906, pp. 
122-124). 

M' Muller modifie les opinions soutenues en 1890 dans 
son Programma voor een oorkondenboek van het sticht Utrecht 
(cf. n°9) au sujet du style chronologique suivi par les évêques 
et le clergé de leur diocèse. il établit les quatre conclusions 
suivantes : 

1° Il est nécessaire d'adopter le style de la circoncision 
dans toutes les chartes émanant du Sticht avant 1224, où 
l'emploi d’un autre style ne se laisse pas constater. 


2° A partir de cette date, les actes des évèques présentent 
une grande variété dans l'emploi du style chronologique. 
On peut les dater de la sorte : 

Othon de Lippe (1* janvier parfois st. pascal). 

Willibrand d'Oldenbourg (1°" janvier). 

Othon de Hollande (st. pascal). 

L'élu Gossuin de Randerode (st. indéterminable). 

Henri de Vianden (st. pascal ou de l’Annonciation; excep- 
tionnellement celui du 1‘ janv ier). 

L'élu Jean de Nassau (1° janvier ou st. pascal). 

Jean de Sierck (st. pascal). 

Guillaume de Malines (st. pascal). 

Guy d’Avesnes (probablement st. pascal). 

3° [1 faut admettre l'emploi du style pascal pour les 
institutions religieuses suivantes : chapitres d'Ondmunster 
(depuis 1248); Saint-Pierre (1258); Saint-Jean (1263) ; cha- 
pitre cathédral (1274) ; abbaye d'Oostbroeck (1277) et de Saint- 
Paul (1287). 

4 Admettent encore le style de la Circoncision avant 
1310 : la cour spirituelle d'Utrecht, la ville d'Utrecht, des 
paroisses de cette ville, les cinq chapitres, ainsi que le cha- 
pitre de Sainte-Marie et la Maison Teutonique. 


— 275 — 


Les preuves apportées à l'appui de la première des con- 
clusions sont les unes empruntées à des considérations géné- 
rales, les autres des exemples empruntés aux usages des 
provinces du Nord. Pendant tout le moyen âge, l’ancien com- 
mencement de l’année des Romains au l‘ janvier a été connu 
et a eu des adhérents, car il est impossible d'admettre qu’au 
XVI: siècle, quand cette manière de compter fut introduite 
dans notre pays par Philippe II, ce style constituait une 
nouveauté. D'autre part, le mot nyejaersdach se rencontre 
dans des chartes à partir du XIIT° siècle, et est même usité 
dans des chancelleries où l’on suivait le style pascal. Qu'est-ce 
à dire sinon que pour le peuple le 1‘ janvier n’a jamais cessé 
d’être le premier jour de l’an, date à laquelle commence une 
année nouvelle. 

L’auteur se fonde encore sur les recherches de R. Fruin 
et J. de Fremery (voyez n° 14, 15, 22 et 24) établissant 
qu'en Hollande le millésime de l’année s’est changé au 
XV: siècle le ler janvier. Un compte de l’abbaye d'Oudwyk 
du même siècle montre un usage analogue; il en est de même 
d’une charte de l’official d’Utrecht de 1294. 


37. S. Murren, Fz. Le style de la Circoncision (Rev. des 
Bibl. el archives de Belgique, t. IV, 1906, pp. 259-271). 

Réponse au compte rendu de H. Nelis (idem, pp. 122-124) 
qui avait déclaré que la thèse de M" Muller (à savoir que 
doules les chartes utrechtoises d'avant 1310 devaient être datées 
du style du 1°" janvier) n’est pas prouvée. L'auteur justifie sa 
manière de voir en développant les arguments qu'il a fait 
valoir. N'apporte aucun argument nouveau dans le débat. 


38. (Le style de la Circoncision.) Réponse de M. H. Nelis 
{1bidem, pp. 272-280). 

Fait observer que M" Muller confond deux choses dis- 
tinctes, des habitudes de chancellerie et des coutumes popu- 
laires ; le changement du millésime par les secrétaireries et le 
commencement de l’année civile, suivi par les Romains. Un 
texte du liturgiste francais G. Durand prouve qu’au XIII siè- 
cle on changeait en France le millésime au 25 mars et à la 


— 276 — 


Noël et que néanmoins l'an née civile commençait au 1° janvier. 
À Utrecht on a pu changer le millésime avant 1310 au 1° jan- 
vier, mais il n’est pas permis, il n’est pas possible de faire de 
cette date le point de départ duvariadle de l’année, comme le 
prétend Mr Muller. 


39. J. Cuveuiur. Cartulaire de l'abbaye du Val-Benoît. 
Introduction (Remarques chronologiques), 1906, pp. xxix- 
XXXIX. 

Conteste que le style de l’Annonciation ait été suivi 
partout par les cisterciens. Exemple d’une décision du chapitre 
général de l’ordre du 27 décembre 1365. « Les Cisterciens 
ont employé le style en usage dans le diocèse où ils étaient 
établis » (p. xxx). Les légats pontificuux, Gui de Préneste et 
Conrad de Porto, n'employèrent pas le style de la Nativité dans 
des chartes rédigées dans le diocèse de Liége au début du 
XIII: siècle. D'autre part, « le style de la Nativité, tout en 
étant en usage dans la chancellerie épiscopale liégeoise, ne 
peut cependant être indifféremment appliqué à tous les actes 
passés dans le diocèse, même dans le palais épiscopal ». Exem- 
ples tirés des chartes du Val-Benoit. 


40. J.-G.-C. Joostine. De jaarstijl der bisschoppen van 
Utrecht (Ned. Archievenblad, t. XIV, 1905-1906, pp. 20-22). 

Au moyen de six chartes données en 1139, 1141, 1169, 
1178, 1218 et 1226, l'auteur établit que les évêques d'Utrecht 
ont probablement fait renouveler le millésime de l’année ie 
jour de Noël. 


41. M. SCHOENGEN. De oorkonden uit het archief van het 
Fraterhuis te Zwolle (lbidem, t. XV, 1906-1907, pp. 34-42 - 
S2 : De dateering). 

Les Frères de la vie commune semblent s'être conformés 
à l’ordonnance du synode d’Utrecht de 1310, qui faisait 
débuter l’année à la Noël. Importance du style du 1‘ janvier 
au moven-âge dans les provinces de la Hollande. Assertion 
du canoniste du XVIII? siècle Vincent Petra au sujet de 
l'emploi de ce style dans les Congrégations romaines, et dans 
les tribunaux de curie. Sens des expressions : annus a nati- 
vilate, annus Domint, etc. 


— 271 — 


_ 42. S. Muuer, Fz. Le style de la Circoncision. Réponse à 
M. H. Nelis (Revue des bibl. et arch. de Belgique, t. IV, 
1906, pp. 399-401). 

L'auteur maintient son idée au sujet du renouvellement 
du millésime au 1° janvier dans toutes les chartes utrechtoises 
d’avant 1310. Discussion à propos du texte de G. Durand; 
l’assertion de ce liturgiste prouverait le fondé de sa thèse. 


. 43. H. Neus. (Ze style de la Circoncision.) Un dernier 
mot à M. S. Muller (1bidem, pp. 402-403). 

Fin de la polémique; l’auteur juge non recevables les 
idées émises par son contradicteur : M° Muller interprète mal 
le texte de G. Durand et se trompe quant au style s suivi par 
les Congrégations romaines. 


44, R. Fruin. De jaarstijl der Middelburgsche abdij 
(Wed. Archievenblad, t. XV, 1906-1907, pp. 86-92). (Voyez le 
compte-reudu critique de Jos. Cuvelier dans la Rev. des bibl. 
el archives de Belgique, t. V, 1907, p. 50.) 


M: Fruin croit pouvoir établir avec beaucoup de vraisem- 
blance qu’on a fait débuter l’année au 1° janvier à partir du 
XIVe siècle à l’abbaye de Middelbourg. Deux exemples de 
1349 et 1361 paraitraient entièrement concluants s'ils ne 
pouvaient s’interpréter, comme l’a suggéré M" Cuvelier, avec 
un emploi occasionnel du style de l’Annonciation. D'uutre 
part, deux exemples sont insuffisants pour établir une thèse 
générale; car il est fort possible,comme l’a montré Mr Sheridan 
(n° 46), que les rédacteurs de chartes aient oublié de changer 
le millésime dans les premiers jours de l'an. Que chacun inter- 
roge sa mémoire et dise si des distractions semblables ne lui 
sont pas arrivées plus d'une fois! Si l’abbaye a changé à 
cette époque le millésime au 1° janvier, c'est en imitation 


de ce qui se faisait alors à la secrétairerie communale de 
Middelbourg. 


45. H. OBrBEN. Over de jaarstylen door Floris Ven zyne 
voogden gebruikt, 1256-1296 (Zbidem, pp. 92-103). 

Etablit que Florent V, comte.de Hollande, son oncle et 
sa tante, ont employé dans leurs chartes les styles pascal et 


mue — 


— 278 — 


de la Circoncision. L'emploi de ce dernier style n’est pas 
prouvé. 


46. P. SmEripan. Ztudes de chronologie brabançonne. 
Chap. I. Les erreurs de date dans les chartes brabangonnes 
(Rev. des bibl. et archives de Belgique, t. V, 1907, pp. 101- 
116). 

| Montre que les erreurs de chronologie sont nombreuses 
et distingue trois sortes de fautes : 1) indication erronée du jour 
de la semaine ou du quantième du mois; 2) indication erronée 
du mois; 3) indication erronée du millésime. L'auteur tire 
deux conclusions importantes de ces exemples : la première 
d'ordre juridique, à savoir que « jusqu'à la fin du XIV: siècle, 
lon n’a accordé, en Brabant, qu’une valeur très minime à 
l'exactitude de la date dans les actes juridiques » ; la seconde 
qu’ «ilest peu sûr d'édifier tout un système chronologique 
sur les dates apparentes de deux ou de trois chartes seulement». 


47. P. Dorerer. Bijdrage lot de geschiedenis der tijdre- 
kenkunde te Maastricht in de Middeleeuwen (Publications de 
la Soc. hist. et archéol. dans le Limbourg à Maestricht. 1907, 
t. XLIT, pp. 211-230). 

Avant le XIII° siècle, on a fait usage à Maestricht du 
style de Noël, à l'exemple de la chancellerie des évêques de 
Liège. Il est probable que, vers le milieu de ce même siècle, 
le style pascal aura été adopté; en tout cas le changement 
du millésime à Pâques fut maintenu par les échevins de 
Maestricht jusque vers 1385, et fut alors remplacé par le style 
liégeois de la nativité. 


Ancienneté relative des vestiges 
de la période hallstattienne en Belgique. 


Quel est l’âge des tombelles de la Campine? 
par Louis STROOBANT, 


Président de la Société d'Histoire et d'Archéologie de la Campine « Taxan- 
dria », à Merxplas. 





Nous avons eu, au cours de ces dernières années, l’occa- 
sion d'explorer plusieurs nécropoles par incinération de la 
Campine, notamment à Weelde, Raevels, Luiks-Gestel, Turn- 
hout, Baarle-Nassau, Bergeik, Alphen, Ryckevorsel, Hoog- 
straeten, Grobbendonck, Santhoven, Veldhoven, Riethoven, 
Beersse, Meir, Casterlé, Achterlé, Rysbergen, Sprundel, 
Loenhout, Leur, etc. | 

Quelques-uns seulement de nos procès-verbaux de fouilles 
ont paru jusqu'à ce jour (1), mais nous possédons suffisamment 
d'éléments pour déterminer les caractères généraux de ces 
nécropoles. 

En Campine on découvre très rarement une tombelle 
dans un terrain bas, marécageux. On les trouve au contraire 
groupées en lignes parallèles sur des champs élevés à quel- 


(1) L. STROOBANT. Les lombelles de Weelde dans le Bulletin de l'Académie 
royale d'archéologie de Belgique, 1902, — Exploration de quelques tumuli de 
la Campine anversoise et Note sur la nécropole antéromaine de Luiks-Gestel 
dans les Annales et le Bulletin de l'Académie, 1903. — La nécropole par 
sncinération de Grobbendonck; La nécropole par incinération du Looy à Turn- 
hout, dans le Bulletin de l'Académie, 1905. — Le Puits antéromain de Beersse ; 
La Tazandrie préhistorique dans le Bulletin de Taxandria, 1905. — Urne 
lebtera du Haut Empire trouvée en Campine, dans le Bulletin de l’Académie, 
1906. 


— 280 — 


que distance du centre des villages actuels. Il est fort rare de 
retrouver les nécropoles dans leur état primitif. Ce sont pres- 
que toujours des terrains communaux, situés aux confins des 
territoires et restés longtemps en friche. Une crainte supersti- 
tieuse en éloigne le paysan et souvent le gibet s'est élevé à 
cette place maudite parce que païenne. A Heerlen, Cuyck, 
Broeckhem, Maeseyck notamment, la potence surmontait 
d'anciennes nécropoles par incinération. A Ryckevorsel nous 
trouvons le Galgeheiveld à proximité de la nécropole; près de 
la nécropole du Zooy à Turnhout se trouve le gibet ; à Bladel 
on a trouvé des urnes au Galgeveld; à Staden, la Vierschaere 
(ancienne justice) se trouve près du Zillenhoek (coin de Hellia) 
et probablement nécropole. Ceci doit être vrai pour quantité 
d'autres communes. 

De nos jours on trouve le plus souvent que deux ou trois 
plantations successives de sapins sont venues bouleverser 
complètement nos antiques cimetières, d'où nivellement assez 
sensible des tombelles et destruction de la plupart des urnes. 
A proximité se trouve, d’une manière constante, une mare 
mystérieuse dont il sera question plus loin et au sujet 
de laquelle on raconte quautité de légendes : cloches qui 
sonnent au solstice; les baigneurs s'y noient; l'eau ne gèle 
Jamais; on y trouve de l’eau en toute saison; profondeur 
insondable; vertus curatives, etc. 

Dans le voisiuage se trouve une colline qui porte des 
noms caractéristiques (Veuusberg, Wodenberg, etc.) et qui 
semble avoir servi au culte. On y conserve aussi le souvenir 
confus d’un arbre sacré auquel on va lier la fièvre. Un lieu 
dit stokt, de stoken (?), rappelle l'ustrinum. 

La nécropole proprement dite, d'une étendue parfois 
considérable, est souvent enclose de levées de terre (vallen) 
mesurant en moyenne ] m. de hauteur sur 2 à 3 m. de 
largeur. Il en subsiste des parties à Ryckevorsel, à Luiks- 
Gestel, à Grobbendonck, à Turnhout, à Alphen, etc. Le plus 
souvent un chemin antique, Aeirbaan, longe la nécropole 
(Casterlé, Grobbendonck, Meir, Ryckevorsel, etc.). 

Toutes ces nécropoles, sans exception, sont exposées à 
l'est. C'est à dire qu’elles se trouvent sur la déclivité d'un 


— Bl — 


terrain descendant en pente vers l’est. Aux endroits où cette 
pente n'est pas assez marquée, nous avons trouvé les urnes 
inclinées, ayant l'ouverture orientée vers le soleil levant. Ce 
dispositif est conforme aux croyances scandinaves qui placent 
le Walhalla près de l'orbite du soleil. 

Les tombelles sont presque toujours alignées sur plu- 
sieurs rangées parallèles du nord au sud, de manière à se 
trouver en rangs étendus, face à l’est. Au milieu des tom- 
belles se remarque souvent un tertre plus élevé. 

Les tombelles ont généralement moins d’un mètre de 
haut et ont un diamètre de 5 à 15 pas. Quelquefois un petit 
ravin entoure la tombelle, mais le plus souvent ce petit fossé, 
s'il a existé, a été comblé par l’épandage du sable. 

Généralement on trouve l’urne cinéraire au centre de 
la tombelle, du premier coup de bêche, à fleur de sol. 
Ce fait s'explique par la nature du sable campinois très 
meuble et se nivelaut sous l'action du vent. L'écobuage 
des bruyères, opération consistant à enlever des souches 
de bruyères, a eu souvent pour résultat de décapiter l’urne 
cinéraire. C'est dire combien celle-ci a été exposée à la 
destruction et la raison pour laquelle on la trouve rarement 
entière. 

L'urne ciuéraire proprement dit: mesure généralement 
de 25 à 30 cm. de haut. Elle se trouve déposée sur le sol 
primitif, . rarement dans une excavation. À l'intérieur de 
l'urne de menus ossements calcinés entremélés de charbons ‘de 
bois et de sable. Vers l’ouverture de l’urne on trouve rare- 
ment un bracelet ou une épingle en bronze, mais assez 
souvent des gouttelettes de bronze provenant d'objets fondus 
au feu de l’ustrinum. A l'intérieur de certaines urnes et 
notamment à Taimise, Haesdonck et à Weert, on a trouvé des 
silex tuillés. Quelquefois une, deux, même trois urnes minus- 
cules, que nous considérons comme des urnes d’offrande, 
accompagnent la grande urne. Ces petits vases sont souvent 
renversés, c'est à dire l'ouverture en dessous, sur les osse- 
ments contenus dans la grande urne. 

Quantité de tombelles ne contiennent autre chose que les 
ossements calcinés placés en tas, dans la terre, sans que l'on 


— 282 — 


découvre le moindre tesson d’urne. Le volume de ces dépôts 
est approximativement celui d’une tête d'homme (r). 

Dans le sable qui sert de remblai, on rencontre assez bien 
de charbon de bois, mais en quantité insuffisante pour faire 
croire que les corps ont été brûlés à l'emplacement de chaque 
tombelle. Il semble plus probable qu'il existait un wstrinum 
commun d’où les ossements calcinés étaient transportés dans 
la nécropole proprement dite. 

Le mobilier funéraire des tombelles campinoises est assez 
pauvre et peu varié. Ce sont la plupart du temps des objets en 
bronze et des silex taillés (2). Le fer est rare. Nous avons 
trouvé des objets en fer à Turnhout et à Bergeik. 

A Turnhout nous avons trouvé des broyeurs, des molettes 
pour meules à bras et quelques fusaïoles. 

Jamais, à notre connaissance, on n’a découvert des mon- 
naies à l'intérieur des urnes campinoises. 

Souvent à proximité des nécropoles, et rarement sur 
leur emplacement même (à Baarle-Nassau), on a trouvé des 
objets de facture romaine. 

On dirait, d’après l’ensemble de nos constatations, qu’un 
poste romain (ou poste de barbares romanisés) a été établi dans 


(1) Des fouilles antérieures ont fait constater, dans les tombelles dites 
germaniques, l’absence d'urnes. Parmi les ossements incinérés et entremêlés 
de cendres on ne trouvait que des débris de fibules ou autres fragments de 
bronze, mais aucun débris de poterie. Cf. P. CuyrEers, Berigt omtrent 
eenige oude grafheuvelen, onder Baarle-Nassau in Noord-Brabant (Arnhem, 
Is.-An. Nyhoff, 1844). — WESTENDORP en REUVENS, Antiquiteiten, I, 199. — 
WESTENDORP, Voorlezing over de oude grofheuvelen met betrekking tot de 
provincie Drenthe, dans Antiquiteiten, 1, bl. T1. — JANSSEN, Over de oudste 
vaderlandsche schansen. Berigt enz., dans les Bijdragen voor Vaderlandsche 
Geschiedenis en Oudheidkunde (Arnhem, 1843). IV, p. 181 et suivantes. 

(2) Mr le Bez de Loë a récolté des vilex taillés sur des nécropoles cam- 
pinoises et notamment à Contich (Duffelschen hoek), à Loenhout (Zommel- 
berg) et à Moll (Alverenberg). Cf. E. VAN OverLoop et Bon A. DE LOE, Explo- 
rations dans la province d’ Anvers (1898), pp. 4, 5 et 9. 

M',Ubagbs cite vingt localités du Limbourg hollandais où il a trouvé 
des urnes dites germaniques, accompagnées onze fois d'objets en bronze et 
huit fois de silex; 34 localités du Brabant hollandais ont livré 19 fois du 
bronze et 7 fois du silex ; 20 localités de la Campine belge ont livré presque 
toutes des silex taillés. 


__ 983 — 


le voisinage de chacune de nos nécropoles qui révèlent une 
population absolument barbare. 

L'urne campinoise est du type nettement Hallstattien. 
Afin d'en mieux faire connaitre les formes caractéristiques 
pous reproduisons ci-contre quelques urnes de diverses pro- 
venances, Nous les avons placées intentionnellement en 
regard d’urnes à col droit de Court-Suint-Etienne, Haesdonck, 
Biez, Louette-St.-Pierre et Gedinne. Nous aurions pu y 
ajouter des types d'urnes de Weelde, de Casterlé, de Turn- 
hout, de Luiks-Gestel, de Santhoven, de Bergeik, de Rae- 
vels, de Beersss, etc., mais la démonstration n'y aurait rien 
gagné. 

Nous regrettons de devoir contredire ici la plupart des 
auteurs qui déclarent que ces urnes grossières sont faites sans 
l’aide du tour de potier. Elles sont faites au tour. Seulement 
elles sont l’œuvre de potiers inexpérimentés ou peu soigneux. 

Afin de nous rendre compte de leur fabrication, nous nous 
. sommes appliqué à les imiter en suivant les procédés les plus 
primitifs. Aidé d'un potier expérimenté nous sommes parvenu 
au bout de quelques séances — à l’aide du tour — à produire 
des urnes rugueuses, d'épaisseur inégale, mal conformées, 
mais leur cuisson a toujours donné des produits sonores, durs 
et rouges, qui prouvent que nos anciens potiers ne se servaient 
pas du four. Par contre, toutes nos tentatives pour former un 
Vase, sans employer le tour du potier, sont restées vaines. Si, 
comme on l’a prétendu, le tour était inconnu à nos primitifs 
ancêtres, il leur eût été plus facile de faire des espèces de bacs 
carrés en argile, plutôt que d'adopter la forme circulaire qui, 
nous le répétons, nous parait d'une exécution quasi impos- 
sible sans l’emploi du tour. 

L'argile dont ces vases sont tournés renferme presque 
toujours des petits cailloux blancs ou éclats de quartz Notre 
potier nous affirme que ce mélange est intentionnel afin 
d’empêcher le rétrécissement de l’argile avant la cuisson. 

La plupart des nécropoles contiennent à la fois des urnes 
à grosses parois rugueuses. grossières, inégales et mal cuites, 
et d’autre plus régulières, lissées extérieurement et de couleur 
brun-chocolat. Panken, Cuypers, Degrez, Hermans, qui ont 


— 94 — 


fouillé des nécropoles campinoises en 1842-46, ont fait la 
même constatation. 

Nous pensons que ce lissage a été obtenu par le frottement 
d'un iustrument en pierre polie. Pour ce qui est de leur couleur 
foncée, nons partageons l'avis du professeur Virchow qui écrit 
à Schliemann, que c'est la fumée abondante qui pénètre 
l'argile et qui produit la coloration (1). 

Ce qui est certain, c’est que les urnes lisses et les urnes 
grossières sont contemporaines et qu’elles ne marquent pas 
des stades de civilisation différents. 

L'ornementation des urnes campinoises consiste en quel- 
ques lignes circulaires, points, lignes verticales ou en redents 
faits à main levée, au bâtonnet, à l'ongle ou à l'aide d’une 
espèce de peigne. Le plus souvent l’urne ne porte aucune 
ornementation. Nous n'avons jamuis rencontré l’ornementa- 
tion curactéristique, par estampage ou d la roulelte, des pote- 
ries des Franks inhumeés. 

Parfois le bord supérieur de l’urne a été piqueté dans le 
sens de son épaisseur à l'aide d’un bâtonnet, de manière à 
présenter sur son pourtour une série de petites: cavités. Nous 
possédons quantité de tessons (environ 50 types différents) 
provenant de la nécropole du Looy à Turnhout et présentant 
cette particularité. Nous avons récolté des bords absolument 
semblables dans les stations de La Panne et de Malo-les- 
Bains. M" Dens signale des urnes du Limbourg portant la 

‘même décoration (Dens, pl. IX, fig. 4, 5, 6, 8 et 9). 

Il résulte de l’ensemble de la technique des urnes, de 
leur ornementation, de la coupe des tombelles et du mobilier 
funéraire que les nécropoles de la Campine révèlent la civili- 
sation d’Hallstatt, et à ne considérer que ces facteurs, nous 
devons faire remonter les nécropoles de la Campine au pre- 
mier âge du fer, dont le cimetière de Biez nous offre le type (2). 


(1) H. SCHLIEMANN, Zléos, traduction E. Egger (Paris, Firmin-Didot 
et Cie, 1885). p. 271. : 

(2) Bon A. DE LoË, Fouille d'un cimetière du premier âge du fer à Biez 
(Brabant), dans les Annales de la Société d'archéologie de Bruxelles, t. XII, 
le livraison, 1898. 


— 985 — 


Mais tandis que quantité de préhistoriens se bornent à 
faire l’étude comparative des pièces de fouille et à les classer 
d’après la méthode des savants français, nous avons étudié 
de près les lieux-dits de nos découvertes et nous avons cherché 
à analyser les légendes qui s’v racontent. 

Ce sont là deux nouveaux facteurs des plus sérieux dont 
il convient de tenir compte et qui sont de nature à modifier 
notre premier jugement. 

Les groupements toponymiques des nécropoles campi- 
noises ne sont pas quelconques. Leur étude comparative 
permet de constater que dans chacune d'elles les mêmes 
éléments se retrouvent. : 

C'est le bois sacré dans lequel s’alignent les tombelles. 
Il s'appelle Boschhof, comme de nos jours on dit Kerkhof 
(cimetière), Zaag (haie sainte), Looy (de Loo), etc. A proxi- 
mité se retrouve, d'une manière constante, le puits, 
mare ou cours d'eau, par lequel les âmes des trépassés s'en 
vont chez Hellia. On l'appelle Kattespoel à Beersse (où 
on trouve des urnes), Alokkeven à Ryckevorsel (près de la 
nécropole). Ælokkenkuillje à Vosselaer (hache en silex), 
Duivelswiel à Engelen (près de la nécropole de Woerd), 
Doodenput à la nécropole de Luiks-Gestel, Duivelswiel à 
Hoogstraeten (où on a trouvé des urnes), Veckerspoel à 
Malines (urnes à col droit), Mellegat à Oerle (urnes à col 
droit), Duivelsven à Dommelen, Duirelsrten à Riethoven, 
Duivelskolken à Lochem, Duivelsbrug à Breda, Æattenkuil à 
Budel, Kattekuil à Merxplas, Alokkeven à Westmalle, etc. 

Les mêmes légendes relatives à des cloches qui sonnent 
au solstice d’hiver, à des trésors qui remontent à la surface, 
à certaines vertus curatives de l'eau de ces puits, se racontent, 
avec quelques variautes, à ces endroits. 

À proximité de la nécropole et de la fontaine sacrée se 
trouve souvent une colline, Venusberg, Berg, Kattenberg, 
Kabauterberg, où se conserve le souvenir d’un arbre sacré; 
Wodsboom (arbre de Wodan), Met boomke (le petit arbre), 
den Heesboom (l'arbre de Hesus ou simplement le jeune chêne 
Heester?). Souvent à ces endroits on trouve de nos jours une 
petite chapelle où les pèlerins viennent lier la fièvre (de koorts 


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— 286 -- 


afbinden). pratique évidemment d'origine paienne, qui consiste 
à lier un ruban ou une jarretière à un arbre, à observer 
certains rites et à s'enfuir sans se retourner. Moyennant 
quoi le fièvreux peut transmettre sa fièvre à l'arbre qui 
dépérit. 

Le chemin qui conduit à la nécropole, à l'arbre et à la 
fontaine sacrée, s'appelle souvent Zijkweg (chemin des cada- 
vres), à Oploo; Baarsteeg (Sentier de la Civière) qui conduit 
au Woerd, nécropole de Genderen ; Zelsteeg (Sentier de Hellia), 
à Megen; Lijkstraat, près du Potberg à Achterlé. C’est dans 
ce chemin que l'imagination populaire fait circuler le loup- 
garou, de W'eerwolf; het ijzeren zog, qui est un porc ayant 
une patte en fer; de Langemapper, revenant qui se grandit 
et se rapetisse à volonté. 

Ces légendes et traditions qui peuvent s'expliquer par 
la mythologie nordique (1) sont presque des constantes. C’est 
ainsi que le moyen le plus simple de rechercher d'anciennes 
nécropoles consiste à s'informer de l'endroit hanté. Nous ne 
manquons jamais de nous informer de l'existence d’une mare 
à cloches, de l’endroit où les Æabaulers ont habité, du Aatten- 
dans, ronde des sorcières, où se promène le Aellewagen, où 
se trouvait le gibet, etc.; et bien souvent les indications topo- 
nymiques nous confirment l'existence voisine d’une nécro- 
pole. 

Voici quelques exemples de groupements toponymiques : 

Achel : den Heksendans (la danse des sorcières), Wolfs- 
ven (mare aux loups) Keiserbosch (bois de l’empereur). 

Baarle-Duc : Groot tommel (grande tombe) ou Mortel- 
berg (colline de Mortel?); ce dernier terme, dont nous ignorons 
la signification, se rencontre d’une manière constante à 
proximité des nécropoles : De Mortels à côté du Duivelsbosch 
à Meir; le Moortelhoek à Belcele où apparaissent des chats; 
le Aorlelhoek à Deurne (Anvers); le Moortedeek à Dilbeek 


(1) Le weerirolf, loup-garou qui fait entendre un bruit de chaînes, est le 
loup Fenrers, fils de Loki et d'Angerbode et frère de Hellia; comme cette 
dernière il savait prédire l'avenir. Les dieux, craignant qu’il ne leur portât 
malheur, le firent charger de chaînes par les nses, 


— 287 — 


(de Helbeek); Hondseind à Ossendrecht (ailleurs Hondsmor- 
tels); Æondseind à Ulecnten; Mondseind à la nécropole du 
Grand Bedaf à Baarle; Zondmortelvelde à Hove; Moortelstraat 
à Thielrode; Æondseind à côté de la nécropole du Molenheide 
à Alphen; den Hondsberg à Esschen, etc. | 

Peut-être les Moortel ou Hondsmortel désignent-ils les 
lieux de sacrifices où l'on égorgeait le bétail destiné aux repas 
funéraires? Moortel, de Moort, Meurtre (1), Heesboom (arbre 
de Hees, peut-être de Hésus), Molenheide (bruyère du moulin). 
Des nécropoles par incinération se rencontrent souvent à des 
Molenheide, notamment à Alphen, Meerhout; Molenwerf à 
Horssen. Boschhoven (cour au bois), lieu-dit qui constitue un 
indice certain de l'existence d’une nécropole à tombelles. 

Bergeik : het Hemelrijck (le paradis); de Kattenberg (la 
colline aux chats), qui est un tumulus fouillé par feu Panken. 

Beersse : le Katlespoel (la mare aux chats), à proximité 
de laquelle on a trouvé des urnes du type d'Hallstatt. 

Casterlé : De Venusberg (colline de Vénus). Duivelskuil 
(puits du diable), à côté duquel nous avons trouvé des urnes 
à col droit. Le Kabauterberg (colline des nutons). Bosck- 
hoven (cour au bois), que nous considérons comme un ancien 
bois sacré et où se trouve une nécropole par incinération. 

Diepenbeek : De Caetsbeek (ruisseau aux chats), où l’on 
a trouvé une pointe de lance en bronze. 

Diest : De Venusberg, de Kalenberg (colline chauve 
ou colline des Callen, nymphes aquatiques). 

Gheel : Den Aschberg (colline aux cendres) et Zombroe- 
ken (marais des tombes?), où l'on a trouvé des urnes à col - 
droit. De Belderbergen (collines de Balder?), où l’on a ex- 
humé des urnes; les Wolfsbosschen (bois aux loups), où l'on 
a également trouvé des urnes, etc. 

Grobbendonck : uécropole au lieu-dit Boschhoven 
(bois sacré). Urnes et silex au Æallesleert (queue du chat), 
qui se trouve à proximité d'une Klokkeven (mare à cloche). 
Le Duivelsberg, (colline dn Diable) et le Doodsberg (colline des 
morts), où se trouve eufoui un veau d’or. 

Hasselt (Limbourg belge) : de Zelle (la « dea Hellia »), 
où l’on trouve des silex taillés. 


— 988 — 


Gruitrode: Donnerslag (au radical Thor), où se trouvent 
des tombelles. 

Gronsfeld : près de la fontaine (sacrée) de Dor (Thor) 
au Zomveld (champ des tombes), Zommelweg (chemin des 
Tombes) au Mel (Hellia), Wodsboom (arbre de Wodan) au 
‚ Venushof (cour de Vénus), Panhof (cour de Pan?) onu Veldhof 
(cour aux champs?), etc. A tous ces endroits des urnes et 
substructions. 

Hechtel : au nord du Katterschebeek (ruisseau des chats) 
on trouve des silex taillés. 

Hoogeloon : au Kabauterberg (colline des Kobolts), 
objets romains; au Z#æartberg (colline noire), une hache en 
bronze. 

Horssen : urnes à col droit au Molenwerf (moulin), à 
proximité des Wolfskuilen (trous à loups). 

Meerhout : les A/vinebergen (collines des Elfes), où se 
trouvent des silex taillés. Le Foddenberg (colline de Wodau). 
De Duivelsketelheide (bruyère du chaudron du diable) où se 
trouvent des silex taillés. Urnes cinéraires au Windmolenblok 
(bloc ou terre du moulin à vent), au Galgeheide (bruyère de la 
potence). Substructions au S. Mertens Kerkhof (cimetière de 
Saint-Martin), etc. 

Moll : urnes cinéraires au (rijdt, au Alverenberg (colline 
des Elfes). Pointes de flèches en silex au Alverenberg et à 
Wezel (peut-être we de geweid et cella (?)) 

Ryckevorsel : la nécropole du Zelhoekheide (bruyère du 
coin de Hellia) à proximité du Venusberg (colline de Vénus), 
du Hellegat (trou de Hellin). Bloedberg (colline sanglante). 
Ælokkeven (mare de la cloche). Zooy, bois sacré, etc. 

De même dans les Flandres nous trouvons des noms de 
lieux dont le groupement révèle l'existence d'anciens bois 
sacrés ou de nécropoles : | 

Au nord de Rolleghem-capelle, den ouden God (le 
vieux Dieu), den God (le Dieu), Oudenroodbaart (la vieille 
barbe rouge), Æoodbaart (barbe rouge de Thor?). Au nord de 
Heestert, Aadestraat (rue mauvaise, peut-être païenne), 
Kattestraat (rue des chats), Æeyberg (colline aux cailloux), 
Olieberg (colline de l’huile?). Au sud de Comines, le viel 
Dieu, le Grand Hel, le petit Hel. 


— 289 — 


Au sud de Kemmel, sur le mont Kemmel, le Kaltekerk- 
hof (cimetière des chats), Zindenhoek (coin du tilleuli. 

Au nord de Nevele, de Boschstraat (rue du bois sacré ?), 
het veldeken (le petit champ), de vier boomen (les quatre 
arbres). 

Au sud de l’étang de Dickebusch-lez-Y pres, de Æael- 
put (le puit des Callen, nymphes d’eau), de Vrouwdijk (rem- 
blai ou digue des femmes), Goude zonne (Soleil d'or), Halle- 
bast (au radical Hel ?). 

Au sud de Roulers, le Duyvelshoeksken (petit coin du 
diable), S. Antoniuskapel (chapelle de Saint-Antoine), Ziver- 
berg (colline d'argent), Toveresseknok (knok des sorcières). 

Au sud de Hooglede, Koningshoek (coin du roi), Mei- 
boomhoek (coin de l’arbre de Mai). 

Au nord de Staden, den Hillehoek (le coin de Hellia) et 
la Vierschaere (banc de justice). 

A l’est de Thielt, Zaeghoek (coin de la haie sainte, bois 
sacré), Meikensbosschen (bois de Mai? peut être champ de Mai), 
Kappelhoek (coin de la chapelle), Katteknok (knok des chats), 
Poelberg (colline du marais) (r). 

Encore convient-il de remarquer que ces lieux-dits 
sont notés à la simple lecture des cartes militaires. Mais que 
d'indications précieuses pour le préhistorien dans les noms des 
parcelles renseignées aux plans cadastraux ou aux anciens 
terriers. 

Ce n'est que très exceptionnellement que les plans 
modernes ont conservé un ensemble d’indications comme 
nous en rencontrons par exemple au sud d'Ossendrecht (au 
nord d'Anvers) : Zooverberg (colline de la sorcellerie), Asch- 
berg van Putte (colline aux cendres), Galgenberg (colline 
de la potence — la potence est élevée souvent sur une 
nécropole païenne), Æoudeheide (bruyère froide), Hageland 
(champ de la haie), de Hemel (le paradis), Meiduinen, (dunes 
de Mai — champ de Mai?), Hondseind, Zwarten duin (dune 
noire). 


(1) Théoriquement, des légendes, semblables à celles de la Campine, 
son! à recueillir à ces endroits. 


19 


— 290 — 


La plupart du temps nous ne trouvons sur les cartes 
modernes qu’une seule indication utile aux recherches pré- 
historiques. Telles sont : 


Cortemarck, de Helle. 

Lichtervelde, Beersechags. 

Oostnieuwkerke, Sleyhage. 

Iseghem, Emelghem. 

Wacken, Toorerhoek. 

Ingelmunster, Maaneghem. 

Ledeberg, Boschstraete. 

La Pinte, Hemelrijck. 

Saint-Gilles-lez-Termonde, Haegstraet, 

Merchtem-Brabant, Sleeuwhagen. 

Moorsel, Klairhage. 

Baerdeghem, Terhagen, 

Opwijk, Doodstraat. 

Perck, de Helle. 

Humbeek, de Wolfiinde, Kattemeuterbosch. 

Impde, Boschkant. 

Hombeek, Expoel. 

Boom, Terhaegen et Boschstraat. 

Termoude, Boschstraat. 

Nevele, Baerle. 

Auwegem, Werhaage. 

Thielt. Tommehoek, (au nord). 

Erpe, Mael. 

Hautem-Saint-Liévin, Zonnegem. 

Maire, Boschstraete. 

Courtrai, de Hrlle, den Hemel. 

Saint-Genois, Helchin. 

Vlamertinghe, Brandhoek. (ustrinum ?) 

Sweveghem, Evangelieboom, Katteknok. 

Tieghem. Xlokkehock. 

Mouscron, Tombrouck. 

Renaix, Zonnestraat, Fortuinberg, Matersreld, Vrankryk, Ellezelles 
(Sala van Hellia?) Camp, Haies, Tombelle,“ Arbre Saint-Pierre. Près 
cu Musiekberg on a élevé quantité de chapelles; on y rencontre 
le Stoktstraat, Kermisstraat, Boschgat, Steenberg et Tomveld. 

Audenarde, Ommeloosen boom. 

Menin, Katerhoek. 

Everbeek, ZZemelr{jck. 

Linkebeek, Tmberghof. 

Boeylaert, Dumberg. 

Segelsem, Haeghoek, Pottenberg, Tomveld. 

Lombeek-Sainte-Marie, Ten Helleken. 

Rhode-Sainte-Genèse, Kwade bron. 

Hemelverdegem, Aeyberg. 

Hoorebeke-Saint-Corueille, Boschoeld, Haeghoek. 


— 291 — 


Syngem, Hemel, Ommegang. 

Horpmael, Tomberg. 

Jesseren, Montagne d'or. 

Heurrne-Saint-Pierre, Le Paradis. 

Vaals, Hilleshagen, Wolfshaag. 

Bleyberg-ter-Eyken, Dellegraet. 

Rochefort. Mont de la Justice. 

Mechelen-les-Epen, hasneau hel. 

Slypskapelte. Schathoek. 

Esschen, /londsberg. Hemelrijk, Peerdenhoek, Vroonberg, (colline du 
Seigneur), Wolfsheuvel. 

Genck, Kattevenne, Wolfsberg, Loyenheide, Meyheibosch. 

Mechelen-sur-Meuse, Boscheynde. 

Poperinghe, Hillehoek. 

Niel (Limbourg) Kattenberg. 

Loxberges, Klein Vrankryk. 

Pael, Venusberg, Meelberg. | 

Helchteren, Bergbosch, Sonnischeheide. 

Berchem-Sainte Agathe, Kattebroek et Elegem. 

Droogenbosch, Wolrenberg. 

Overpelt, Hersackersheide (tombelles). 

Gyselbrechteghem, Weedriesch, Bergstraat, Boschkant. 

Waereghem, Droogenboom. 

Avelghem, Hemelrijk, Vierschaar, le bois de l'Enclus. 

Rixensart, Froidmont, Belloy. 

Lummen, Bolderberg, Galgenberg, De Groene Delle grand étang qui 
se trouve à proximité du château Hagendat, 

Brasschaet. Vaegerunrhof. 

Santvliet, Aschberg. 

Langdorp, den Oudenstok. 

Bavai, le forêt de Mormal (Mors Malorum?) près de Noyelles (de 
Hellia? et de la rivière la grande Helpe (au rudical Hel?) dans 
le bois Englefontaine. 

Tesssenderloo, den Weutsberg, klein Vrankrÿk, Gerhaegen, Schoon- 
hees, Hunberg (près de Deurne) de Del, Kerkeneyken, Fransberg, 
Baal, Kepkensberg, Veldhoren. 

Herck-la-ville, la ferme de Halbeek (ruisseau de Hellia ?) 

Boncle-Saiat-Blaise, Boschveld, Pottenberg, Haaghoek. 

Segelsem, Tumveld, Steenberg. 

Le groupement de Boucle-Saint-Denis, Boucle-Sainte-Blalse, 
Audeuhove-Saint-Gery, Audenhove-Sainte-Marie, Laet- 
hem-Sainte-Marie, Hoorebeke-Sainte-Marie, Hoorebeke- 
Saint-Corneille, Lierde-Saint-Martin, Lierde-Sainte-Marie, 
Ksschene-Saint- Liévin. 

Rolleghem. Geusenhoek, Kattebeek, IJserenhand. 

Ghislenghienu, Stoguoi, le hameau Hellebecg (beek van Hellia). 

Viane, Klein Vrankryk, Haie de Viane, Boschstraete. 

Berlaer, Venushoek, 

Koningshoyckt, Donder (Thor). 

Etichove, Dondereie. 


— 292 — 


Bornhem. Dooregem (heim de Thor?) 

Molenbeek-Wersbeek, Dorshage. (bois de Thor?) 

Brecht, Venusstraat. 

Hersselt, Venusberg. 

Oeleghem, Venusstraat. 

Wodan peut être à Wodecg-lez-Flobecq, Wodemont-lez-Neufchâteau 
(Liége) Wodergnies-lez-Braffe, Wodon-lez-Cortil, Voddehoek-lez- 
Zandvoorde, Vodecte (Namur) Vodelée (Namur), etc. 

Lombeek-Sainte-Marie, Tuitenberg, Ten Helleken. 

Entre Hal et Brages, le hameau Helbeek. 

Lennick-Saint-Martin, 7omberg. 

Dans le Herzogenwald le Brandehaeg (bois sacré incandescent) et 
le ruisseau La Helle. 

Zonhoven, Aoningsberg, Haagdoornheide, Holsteen (pierre creuse), 
Bulewater, Molenheide. 

Et des centaines d’autres qu'il serait fastidieux de citer ici, mais qui 

devraient être relevées par commune, dans un dictionnaire de folklore, de 
préhistoire et de toponymie. 


Sans doute, beaucoup de ces étymologies sont contes- 
tables en ce qui concerne leur origine païenne; mais il est 
indéniable que, dans leur ensemble, elles constituent des indi- 
cations précieuses pour la recherche de nos antiquités natio- 
nales. 

Que la toponymie des nécropoles campinoises répond à 
des règles constantes, résulte de ce fait que nous trouvons des 
tombelles contenant des urnes cinéraires à col droit à Grob- 
bendonck au hameau Boschhoven; à Weert au hameau Bosch- 
hoven; à Riethoven au hameau BoschAoven; à Luiks-Gestel au 
lieu-dit Poscheind; à Baarle-Nassau au hameau Boschhoven ; 
à Alphen au hameau Boschhoven; à Turnhout au Zooibosch 
près du Zofeinde; à Meir au Zoy (qui signifie bois). 

Dans chacun de ces Boschhoven nous constatons l’exis- 
tence de clôtures anciennes formées de banquettes de terre, 
qui étaient probablement plantés de haies, d'où le nom de 
Haag, Scheidhaag, Heilige haag, donné le plus souvent à 
Yenceinte même. >) 

L'ustrinum est toujours À” proximité des tombelles et 
porte régulièrement le nom$de Stokt, du verbe Stooken, faire 
du feu. Il y a un hameau S{o4t près de la nécropole du Looy 
à Turnhout, Slokstraat à Renaix, Prandhoek à Vlamertingen, 
Stoguoi à Ghislenghien, den ouden Stock à Langdorp, etc. 

A l'est d'Elversele nous trouvons le Galgewijck près du 


— 293 — 


Stokthoeck, c'est à dire le champ de la potence, ancien champ 
de mai ou #allum à proximité du bûcher funéraire. 

La fontaine sacrée du paganisme se retrouve rarement 
sous sa dénomination primitive. Ou bien elle a été christia- 
nisée, et alors elle devient het Heiligputteken, het Valentijns- 
puiteken (Westerhoven), hel Mirakelkuiltje (Vessem), et reste 
un lieu de pèlerinage chrétien ; ou bien on lui donne, après 
l'introduction du christianisme, un nom injurieux : Duivelsven 
(mare du diable) à Riethoven, Duivelsput (puits du diable) 
à Aerseele, Duivelskuil (trou du diable) à Casterlé, Fontaine 
de l’Enfer à Frasnes-lez-Buissenal, où ont été trouvées des 
monnaies et des torques en or en 1864, Xwadebron, Duivels- 
wiel à Engelen. | 

Le nom primitif semble avoir été Melleput (puits de la 
Dea Hellia) ou Hellegat. 

Hellia est la déesse nordique de la mort, dont le souvenir 
s'est conservé particulièrement aux nécropoles par incinération 
de la Campine. Il n’en est pas une seule, pensons-nous, qui, 
même de nos jours, n’ait conservé un Melleweg, Helhoek, 
Helleborne, de Helle. Hal ou Halle. Quantité de noms de 
cours d’eau semblent contenir le radical. Hel, comme la 
Helbeek à Hasselt, Hellebeek à Berlaer, Helsebecg à Bois de 
Lessines, Melle ruisseau de Hertogenwald, Mellebecg-lez- 
Ath, la Dyle (de Hel?), Hellebronne (Réty, Pas-de-Calais) 
l’Alie (de Helle) ruisseau à Bruly (Namur), la Velpe, rivelet 
du Brabant et quantité d'autres dont nous parlerons plus 
longuement dans une étude spéciale que nous consacrerons 
à Hellia. 

Ce fait provient, pensons-nous, de ce que dans la mytho- 
logie du Nord les cours d’eau étaient supposés servir au 
transport des âmes des trépassés qu'un nautonier invisible, 
semblable à Caron, transportait vers une île mystérieuse 
(Helgoland, l’île de Sein, l’île de Walcheren, ou l'Angle- 
terre) ou pour d'autres au centre de la terre. 

Les chats étant voués à Hellia, on s'explique sans peine 
les nombreuses mares à chats, Kattepoelen (1), les rondes de 





(1) Katterogge, Kattereiland, Katsand, Katswonde, Kattendijk, Catshoek, . 
Catsrok, sont tous situés en Zélande, le pays de Vehallenia (Nova Hellia), et 


— 294 — 


chats, Kattendans, qui ne sont autre chose que la survivance 
de danses religieuses auxquelles se livraient les prêtresses 
de Hellia. Dans une étude que nous espérons pouvoir consa- 
crer au sabbat, nous démontrerons que les sorcières du moyen- 
âge ne sont autres que des femmes qui continuaient à prati- 
quer les rites païens dans les bois sacrés. 

Mais revenons à notre sujet et, par déduction, disons que 
nous découvrons, d’après les indications typonymiques, qu'il 
existe ou qu'il a existé des nécropoles par incinération dans 
la Campine, au nord de Sint-Michiels-Gestel ou se rencon- 
trent des lieux-dits : Overberg, ÆRurmenberg, Mariënberg, 
Hemelrijck, de Elst, Bellebroek. 

Au nord de Haaren (Brabant hollandais), où l'on trouve: 
De Helvoirt, Helvoirtschebroek (marais du chemin de Hellia), 
Guldenberg, Kruisberg, Heesakker, Roomschestraat. 

A l’ouest de Boxtel : près du pont sur la petite Aa se 
trouve le Helweg. 

A l'ouest de Heeze : le Heezerenbosch, Kerkhof, Wit 


ven, Muggenberg, Bree eik straat, Lijkstraat. 


À l’ouest de Reusel, au Aattenbdosch. 


où nous trouvons Zlmare, Elleboog, Hellenhurg, Hellsgat, Helvoet, Ellemeet, 
Meicherzee, Helle, toutes au radical Hel et rappelant le Helium des Latins. 

De même à l’île de Sein nous trouvons un îlot appelé pont des chats 
et la baie des trépassés près du phare de Zevennec. 

Strabon et Denys le Périégète, dans son poème géographique, parlent 
de cette île où étaient célébrés de soi-disant mystères de Bacchus. 

Le poëte gallois Cynddelw, cité par Davies (p. 16, d'après l'Archéologie 
de Galles), nous montre druides et bardes se mouvant rapidement en cercle 
et en nombres impairs, comme les astres dans leur course, en célébrant le 
conducteur. 

Les prêtresses de l'île de Sein prédisaient l'avenir, guérissaient les 
maux incurables et provoquaient les tempêtes. Elles assistaient à des sacri- 
fices nocturnes, toutes nues, le corps teint de noir (comme Hellia). 

C'est dans ces pratiques que semblent devoir être recherchées les 
influences des Afatres et des Matronae qui s'adonnaient à la divination. Le 
prestige des ile #üven, dames blanches, des Aeksenfamilièn, familles de 
sorcières et autres bonnes femmes qui se trarsmettaient les secrets de leurs 
incantations, alla s'affaiblissant après l’introduction du christianisme. Les 
sorcières du moyen-âge, avec leurs danses nocturnes, leurs sortilèges et 
surtout leur faculté de provoquer les tempêtes et la grêle, semblent être une 
survivance des pratiques des prêtresses de Hellia. 


— 295 — 


Au nord d'Enschot : Doodekraan, Eikendosch. 

Au sud de Zundert : Groot Malbergen, Klein Malbergen, 
de Lint, Zwarte put, de Krochten, de Zaagput, Wit ven. 

Au nord de Rijsbergen, à proximité de l'endroit où a 
été trouvé l'autel de la Dea Sandraudiga : Mellegat, zwart 
Moerken (Marais noir), t” Boomken, Boomkensberg (colline de 
l'arbre sacré), Klappenberg. 

- Au sud de Klein Zundert, de Bosschen, Vagevuur. 

Au Sud-ouest de Helmond {embouchure du cours d’eau 
qui conduit à la Dea Hellia), de Haag (la haie sainte, bois 
sacré), Brandevoort (gué ou passage de l’ustrinum?) Haags- 
loop (rivelet de la haie sainte), etc. 

Au sud de Mierlo, Aet loo (le bois sacré), Aeesbosch (bois 
de Hees). 

Au nord de Bladel (Pladella villa, résidence des rois 
Francs de la première race), on trouve Duivelsbempt, Galgen- 
veld, Heesterbuschkhe, Heleind, Doolland, Helleindshetke, 
Vorsel (voor cella, ante cella), Près de la Pladella villa étaient 
groupées les Sala des principaux chefs Franks, à Dwizel, 
Steensel, Reusel, Knechsel, Hulsel, Netersel, Eersel, échelon- 
nées de l’est à l’ouest sur une distance d'environ trois lieues. 
À proximité de toutes ces cella, qui n’ont rien de préhisto- 
rique, on trouve quantité de tombelles avec urnes à col droit. 
Parmi les autres heim, cella, et curia voisines de Bladel, il 
faut citer Riethoven, Veldhoven, Meerveldhoven, Eindhoven, 
Woensel, Blaarthem, Vessem, etc. 

Au sud de Veldhoven, de Heers, den Heiberg, de 
Donkerakkers. 

Au sud de Hulsel, de Fransche hoeve, Zwarte akker, 
Boschoelden. 

Au nord de Oostel-Beers, de Fransche baan, Katten= 
berg, Wolfsven. A l'est du mème village, de Sint-Martensberg. 

À lest de Schayk, de Kerksteeg, de Haag, de Helstraat. 

Au sud-est de Uden, Kattenhol, Kikenheuvel, Volkel, 
het Hemelrijk. 

Au nord-ouest de Schijndel, Zischot, den Vossenberg, 
Heuvel, Schutsboom. 

Entre Esch et Vught, de Hal (Hellia), het Malsche 
cater, Eikenhorst, de Haag, etc. 


— 296 — 


Toute cette toponymie est presque du flamand pur, par- 
faitement intelligible pour les Campinois. 

Mais iorsque, d’autre part, on considère que les mêmes 
nécropoles, que la plupart des sources ou mares légendaires, 
que les collines ou bois sacrés qui avoisinent les nécropoles 
portent encore de nos jours des désignations toponymiques 
identiques, on arrive à cette conclusion que cette toponymie 
est contemporaine ou presque contemporaine des tombelles et 
que, par conséquent, les incinérés devaient parler une langue 

se rapprochant sensiblement du flamand. 

Les urnes ainsi que le mobilier funéraire des nécropoles 
campinoises sont incontestablement du type d’Hallstatt. L'in- 
cinération est la règle : les tombelles sont donc antérieures à 
l'introduction du christianisme en Campine, c’est à dire au 
VII: siècle de notre ère. Mais datent-elles de 10 à 9 siècles 
avant le Christ comme on le prétend, appartiennent-elles à 
ce nébuleux âge du bronze, sont-elles néolithiques? C'est ce 
que nous allons examiner. 

Il résulte du tableau comparatif des nécropoles que nous 
Joignons à cette étude, que les anciens Campinois dont nous 
remuons les cendres, employaient à la fois des instruments en 
silex taillé et poli, des objets en bronze et en fer. MM. 
Ubaghs (1), J. Habets et le docteur Cloquet (2) ont fait d’ail- 
leurs la même constatation. Nous pouvons citer quantité 
d'exemples où des silex taillés ont été trouvés avec du bronze 
en Campine. Le fer toutetois est rare dans les tombelles. Son 
emploi semble être peu répandu, peut-être à cause de sa 
mauvaise épuration qui lui donnait peu de consistance. 

Les caractères généraux de nos urnenvelden, champs 
d’urnes, comme les appellent les Hollandais, peuvent utile- 
ment être comparés aux cimetières de Louette-Saint-Pierre et 


(1) UBAGHS, Les poteries anté-romaines et les objets de bronze découverts 
dans le Limbourg hollandais. Congrès archéologique de 1891. — Procès- 
verbaux de la le Section. p. 29. 

(2) Dr N. CLOQUET. Tumulus du canton de Wavre et cimetière cellique de 
Court-Saint-Elienne dans les Annales de la Société Archéologique de Nivelles, 
vol. II, p. 32, 





me 


— 297 — 


de Gedinne qui ont été attribués, avec raison selon nous, par 
MM. Dujardin et Gravet à des envahisseurs d'origine germa- 
nique (1). Nous y retrouvons les mêmes urnes à col droit, 
d'autres avec une toute petite anse, des débris de bronze 
fondu, de petites urnes d'offrande, retournées au dessus de 
Yurne cinéraire, avec une bordure de gros cailloux qui rem- 
placent ici les levées de terre, wallen, enclosant les nécropoles 
campinoises. La fosse aux morts ÿ voisine avec la colline de 
Grwédo (Wodan). 

De même à Haesdonck (Pays de Waes), où nous retrou- 
vons les alignements caractéristiques de nos tombelles ainsi 
que des urnes de même technique (2). 

Il nous paraît problable que l'on pourrait recueillir tant à 
Louette-Saint-Pierre qu'à Gedinne et à Haesdonck, les mêmes 
légendes que celles que nous trouvons d’une manière con- 
stante là où nous explorons nos nécropoles. 

Nous le répétons, ces légendes ue sont pas quelconques. 
Il y a des variantes évidemment, mais elles peuvent être 
ramenées à une dizaine de types, toujours les mêmes, pour 
toute la Campine. 

Ce sont d’abord les Kabauters (nutons) de la mythologie 
nordique, que l’on suppose avoir habité les tombelles et qui 
viennent exécuter lu nuit les travaux que l'on sait. Le 
Kattendans ou Hexendans, dause nocturne de chats, sorcières 
qui tournent en cercle. 

Le repas diabolique nocturne dont il est si souvent 
question n’est autre que le repas pris en commun sur la 
tombelle. C’est le dadsisas défendu au concile de Leptines. 
La mare diabolique (Duivelskuil, Kattekuil), que nous trou- 
vons toujours à côté de nos nécropoles et où il se produit des 
événements extraordinaires au solstice d'hiver (Joel, retour 


(1) DUJARDIN et GRAVET, Cimetières gallo-germnins de Louette-Saint-Pierre 
et de Gedinne, dans les Annales dz la Société Archéologique de Namur, 1861, 
p. 39. 

(2) WILLEMSEN, Compte rendu de la IVe Session de la Fédération Arché- 
ologique de la Flandre Orientale, Termonde, 1906, p. 264. 

A propos de la nécropole de Haesdonck nous trouvons dans J.-J.-A. 
Worsaar, Wordiske oldsager, Det kongelige Museum 1 Kjôbenhavn, fig. 99, 
un vase presque identique à celui de la fig. V du Compte rendu. 


— 98 — 


du soleil}, est la mare de Hellia. C’est le chemin emprunté par 


les âmes des trépassés pour se rendre dans le domaine 
souterrain de la déesse macabre à figure noire. Comme nous 
le: disions ci-dessus, dans quantité de communes la fontaine 
ou mare sacrée païenne a été christianisée et c'est notamment 
à ces endroits que nous retrouvons le culte des Vierges noires 
où les pèlerins attribuent encore des vertus curatives aux 
puits. Nous avons relevé quantité d'exemples de ce phéno- 
mène. En d’autres localités, les fontaines ou mures n’ont pas 
été christianisées et alors elles ont recu une qualification 


injurieuse méprisante. Tels sont les Kwade poelen, Duirels- 


huilen et Kattepoel que nous avons cités ci-dessus. 

Mais cette qualification même, donnée par les nouveaux 
chrétiens, implique une idée de quasi contemporanéité, tandis 
que, si les nécropoles, avec leurs bois et fontaines sacrés, 
dataient de plusieurs siècles avant le Christ, il est certain que 
les nouveaux convertis, vivant au VII: siècle après le Christ, 
c’est à dire de douze à seize siècles plus tard, ne s’en seraient 
plus guère préoccupés. 

Il en est de même des légendes relatives au culte rendu 
à des arbres (1) possédant des vertus curatives, à la coutume 
de passer par des pierres creuses (2), et quantité d'autres 
pratiques superstitieuses défendues par le concile de Leptines 
en 743. | 

Les premiers apôtres venus en Campine furent impuis- 
sants à réprimer les pratiques extérieures du paganisme, et 
les légendes que nous notons de nos jours aux nécropoles sont 


(1) Nullus christianus ad fana, vel ad petras, vel ad fontes, vel ad 
arbores, aut ad cellas, vel per trivia, luminaria faciat. Allocution de saint Eloi 
(588 + 659) en Flandre. 

(2) Som liepense onder den boem 

Dus quam hem voren in haren droem 
Dat si van den boem genasen. 

VAN VELTHEM, Spiegel Historsael, p. 281. 

La coutume de passer sous la pierre s'est conservée de nos jours par 
les pèlerins à Sainte-Gertrude à Nivelles. A Andenne on passait sous la 
fameuse table de marbre noir, dite table de sainte-Begge. Il ya un hameau 
Andenelle, peut-être au radical Hel. 


— 299 — 


des survivances de la mythologie scandinave, qui prouvent 
combien les superstitions anciennesétaient ancrées dans l'esprit 
des nou veaux convertis. Malgré l’absence des symboles de leurs 
antiques divinités tutélaires, dit Lansens (1), « les convertis 
« continuaient leurs pèlerinages pour l’obtention de la guéri- 
« son de leurs maux. L'art médical se séparant très lentement 
« de la divination et de la superstition, le peuple toujours 
« avide du merveilleux, affubla d’un manteau neuf les an- 
« ciennes idées concernant la guérison ». Telle est notamment 
l'origine de la coutume de lier la fièvre, d’abord aux arbres 
sacrés et plus tard aux portes des chapelles. Nous possédons 
environ une centaine d'exemples d’endroits en Brabant et 
en Campine où l’on va suspendre des rubans à la porte de 
certaines chapelles. 

Nous avons cité ailleurs (2) des textes qui démontrent que 
le paganisme régnait encore parmi les Frauks au VII: et 
même au VIII siècle (3). IÌ est donc à présumer qu’en Cam- 
pine l’inhumation ne fut pratiquée qu'après le VIII: siècle. 
Or à cette époque les Franks Saliens avaient abandonné pour 
la plupart leurs Sala campinoises pour aller à la conquête de 
terres plus fertiles à l'ouest et vers le midi. C’est pourquoi les 
trouvailles de tombeaux Franks, comme ceux d'Anderlecht par 
exemple, sont rarissimes en Campine. On n’y trouvera d’autres 
Franks que ceux ayant pratiqué l’inciuération (4). 


(1) LANSENS. De l'imposition des mains. 

(2) L. STROOBANT. La nécropole par incinération de Grobbendonck (Turn- 
bout, 1905). 

(3) Saint Willibrord aurait renversé les autels païens dans le nord de la 
Campine, au N. E. dela Nèthe et aussi à Westkapel, en Zélande, en Flandre, 
en Frise, à Clèves et dans le Luxembourg. Saint Lambert aurait prêché plus 
au sud. en Brabant, près de la Dyle, la Nèthe et le Demer. Îl aurait détruit un 
autel des 9 muses (?) à Battel lez Malines et une déesse Semele : ?) à Sempst (?) 

(4) M' Salomon Reinach fait remarquer judicieusement. dans son Cata- 
logue de Saint-Germain en Laye, p. 183, que certains éléments des bijoux de 
style mérovingien se trouvent déjà, bien antérieurement à l'ère chrétienne, 
dans les objets des nécropoles de Hallstatt et de Koban dans le Caucase. Le 
poignard de Hallstatt est décoré de pierres transparentes, comme les armes 
de luxe et les boucles mérovingiennes. M' Reinach suppose que les orfèvres 
de la Russie méridionale pratiqnant l’art dit improprement mérovingien ou : 


— 300 — 


La toponymie de nos nécropoles, comme nous l’avons 
exposé plus haut, .obéit à des règles trop constantes pour qu'on 
pe puisse en conclure que la toponymie et les nécropoles sont 
contemporaines. Cette toponymie est non seulement germa- 
nique, mais elle possède en majorité une terminologie nette- 
ment Frank-Salienne (1). 


Ici encore nous nous demandons, tout comme pour les 
légendes: pourquoi les Saliens auraient-ils qualifié de la même 
appellation les boschhoven contenant des nécropoles si, comme 


on le prétend, celles-ci remontent de dix à cinq siècles avant 
le Christ? | 


Ces nécropoles abondent d’ailleurs particulièrement dans 
le voisinage des Sala, à Eersel, Hulsel, Steensel, Knechsel, 
Netersel, etc., toutes antiques cella ou habitations de chefs 
Franks, groupées au coeur de la Taxandrie. 


germanique auraient émigré vers Constantinople,tandis que d'autres remon- 
tèrent la vallée du Danube et portèrent leur art vers l'Occident à la suite des 
envahisseurs barbares. 

Ceci est absolument conforme à nos propres constatations. Les tom- 
belles de la Campine sont celles des Sardares, c'est à dire des Germains de 
Tacite, des Francs antérieurs au christianisme. Les Francs qui inhument 
leurs morts. porteurs de bijoux en verroterie cloisonnée d’or et employant 
les zirconites et len grenats, sont venus plus tard, à la suite des envahisseurs 
barbares. C'est pourquoi on ne les trouve pas en Campine. Ils n'ont fait qu'y 
passer, probablement en suivant la graude voie Maestricht-Bavai, et, trou- . 
vant partout le chemin libre, ils ne se seront fixés que dans les parties fertiles 
du Brabart et du pays de Namur, tandis que les barbares sont maintenus en 
Campine par les garnisons romaines jusque vers le VIe siècle. Mais ici il 
importe de relever une contradiction dans l'évaluation de l'âge de l’art dit 
mérovingien, par M'Reinach. Le savant conservateur du musée de Saint-Ger- 
main Jit (p. 183) que les éléments de ce style ge trouvent dans les objets de 
la nécropole d'Hallstatt, dien antérieurement à l'ère chrétienne. Il dit d'autre 
part (p. 182) : « Les motifs de la décoration barbare, comme ceux de l’orne- 
« mentation byzantine, trahissent avec évidence l’influence de l'Orient, en 
« particulier celle de l'art Sassanide, ainsi nommé d'une dynastie Persane 
« qui fut fondée en 226 après Jésus Christ. Ce courant artistique arriva en 
« Europe en passant par l'Arménie et le Caucase ». 

Si le style dit mérovingien procède de l'art Sassanide, né vers le 
Ille siècle après J.-C., nous nous demandons comment on peut en trouver 
les éléments dans la nécropole de Hallstatt que l’on date de quatre à neuf 
siècles avant J.-C. Serait-elle, comme nous le pensons, plus récente? 

(1) Cf. Kurru. La frontière linguistique en Belgique et dans le nord de la 
France (Bruxelles, Hayez, 1895), p. 365. 


— 301 — 


Elles trahissent encore leur origine Franke par le fait 
qu’elles sont encloses de ces wallen, levées de terre bien 
connues en Campine et dont il est souvent question dans 
la loi salique. Bien souvent nous trouvons le champ de 
mai, Meiveld, le Mallum, le Weisberg Frank sur la nécro- 
pole même, et ceci explique ce fait qu’en plusieurs endroits 
nous trouvons la potence établie au moyen-âge sur des 
nécropoles par incinération. C'est tout simplement que dans 
ces commuues on est resté fidèle à la tradition qui voulait que 
la butstein, pierre d'expiation des tribunaux germaniques, fût 
placée à gauche, objectivement, du tribunal siégeant face à 
l’est (1). 

Nous avons la conviction que les groupements compre- 
nant une nécropole par incinération, un chemin d’accès, un 
bois sacré, un ustrinwm, une colline à sacrifice où se prenaient 
les repas funéraires, un mallum, une mare ou fontaine sacrée, 
groupements dont nous avons parlé à propos de la toponymie, 
obéissent à des règles fixes, déterminant l’orientation et le 
dispositif de chacune de ces parcelles relativement l’une à 
l’autre. L'étude comparative approfondie de la topographie des 
groupements qui sont, pensons-nous, signalés pour la pre- 
mière fois, sera féconde en observations utiles et nous permet 
de déterminer théoriquement l’emplacement de nécropoles 
que seul le hasard a fait connaître jusqu'ici. 

Que sont les Franks-Saliens à l’époque de leur pénétra- 
tion en Campine, c’est à dire dans les premiers siècles de 
notre ère? (3) Ce sont des barbares Bructères, Tenctères, 


(1) Ce sont les Boting steen (Boet steenen, pierres d'expiation), que l'on 
trouve dans la vallée du Rhin. Les landdag steinen, pierres de la diète, du 
plaid, sont remplacées chez nous et en Hollande par les #allen en terre. 

Les juges auraient prononcé au début leurs sentences dans les églises; 
mais, les prêtres s’y étant opposés, ils prononcèrent au cimetière, ce qui leur 
permit de se conformer aux règles : en plein air — dans un lieu sacré et en 
public. 

Au moyen-âge on rencontre bon nombre d'actes civils passés dans les 
églises ou dans les cimetières. Stallaert, dans son Glossarium, eu cite 
plusieurs. 

(2) En 254, sous Gallien, les Franks envahissent la Gaule et percent à 
travers l'Espagne jusqu'en Mauritanie (Zozime, 1. I p. 646). En 277, Probus 


— 302 — 


Clamaves, Ansibariens, Sicambres, d'origine germanique, qui 
se flattent de conserver toute ln rudesse de leurs mœurs et qui 
rejettent systématiquement la civilisation romaine comme 
amolissante et destructive des énergies ancestrales. Est-il 
étonnant dès lors que leurs nécropoles révèlent la barbarie de 
ceux qui, en 358 de notre ère, obtiennent de l'empereur Julien 
l'autorisation de se fixer en Taxaudrie, à la condition de se 
coustituer les gardiens des marches de l’Empire ? 

C'est ce qui explique encore la rareté relative des décou- 
vertes d'objets de facture romaine en Campine, ailleurs que 
le long de la grande voie militaire de Bavai, Maestricht, 
Nimègue. 

La contemporanéité de l’âge de nos tombelles et de 
l'occupation romaine se démontre encore par la nécropole de 
Baarle-Nassau, fouillée par De Grez et Cuypers en 1842-44, 
où, à côté de haches en bronze et de silex polis, on a trouvé, 
en même temps, des objets rowains et des urnes à col droit. 

Ce sont là,non pas des iutrusions postérieures qu’excluent 
le dispogitif régulier et les alignements des tombelles, mais 
bien des objets romains importés par des cohortes de passage. 
À ce propos nous devons signaler ici qu'au Ausiekberg près 
de Renaix, où l’on trouva des objets de l’âge de brouze{?) en 
même temps que des monnaies romaines du IV° siècle, 
Mr le Capitaine Delvaux, après le chanoine Desmet (1), déclara 
qu'il s'agissait de sépultures anté-romaines. Le même fait se 


bat deux fois les Franks sur le Rhin. Ils sont établis sur les bords de la mer 
Noire d’où ils viennent aborder en Batavie (Zozime. I, 666). 

_ À la faveur de la révolte de Carausius (286-298), à qui avait été confiée 
la surveillance du littoral, les Franks Saiiens s'emparent de l’île des 
Bataves par le nord, comme les Ripuaires les menacent vers l'est. 

En 358, Julien, vainqueur des Saliens, au lieu de les refouler au-delà du 
fleuve, leur permet de se fixer dans les sotitudes de la Taxandrie (Campine). 
C'est à vrai dire à titre de sujets de Rome qu'ils habitaient cette contrée. 

mais quand, au commencement du Ve siècle, Stilicon, pour défendre l'Italie 
contre les Goths, eut rappelé à lui les légions du Nord, les tribus Frankes, 
voyant l'espace libre devant elles, se répandirent dans la Belgique et 
commencèrent à coloniser les vallées de l’Escaut et de la Lys (PIREXXE, I, 
p. 9). 

(1) Bulletin de l'Académie des sciences de Bruxelles, tome V, p. 279. 


passa en 1861 pour les marchets du grand Gard, près de Harr- 
sur-Lesse. Les monnaies romaines du [II° siècle qu'on y 
découvrit furent déclarées d’intrusion postérieure parce que 
l’un des squelettes portait un diadème en bronze tordu (r). 
Pourquoi cette tendance à exagérer l'ancienneté des trou- 
vailles? On peut fort bien admettre la présence d'objets, dits de 
l’âge du bronze (2), daus des sépultures du ITT° et du IV: siècle. 
Nous voyons dans ce fait une manifestation de la persistance 
des usages nationaux. Le même phénomène ethnographique 
se remarque de nos jours au Congo,où les indigènes conservent 
leur mauière de vivre au centre de stations civilisées. A côté 
de produits européens que débitent les factoreries, ils conser- 
vent et préfèrent même les fabricats indigènes. 

Nous nous sommes demandé pourquoi l’on découvre si 
rarement des monnaies romaines à proximité de os nécropoles 
et pourquoi encore plus exceptionnellement des monnaies 
unifaces imitées de Philippe de Macédoine. C'est, pensons- 
nous, qu'après la conquête le monnayage national tomba 
en désuétude et que les Romains imposèrent aux vaincus 
leur système monétaire, tout en tolérant peut-être le cours 
des anciennes monnaies nationales an cheval désarticulé, 
imitées grossièrement du statère macédonien. Le monnayage 
national ne réapparaît que dans la seconde moitié du VI° 
siècle, époque à laquelle les rois mérovingiens imitent les 
monnaies de Byzance et de l’empereur Justinien. Les Franks- 
Saliens des cinq ou six premiers siècles ne battirent pas 
monnaie. 

La Campine est la partie du pays où se sont conservées 
intactes les traditions flamandes. Nous dirons, avec Alphonse 
Wauters, que la race flamande entière, avec la toponymie 


(1) Annales de la Sociëté Archéologique de Namur, vol. XVIII, p. 297. 

(2) Nl est à remarquer que des haches en bronze trouvées à Hoogstrae- 
ten, Turnhout et dans le Limbourg hollandais, contiennent de 12 à 47 o/, de 
plomb, ce qui les classe dans les objets de l'âge du bronze le plus récent, 
correspondant à la Ve période de la classification de Montélius. Cf. J. 
JACOBSEN. L'âge du bronze en Belgique. La plupart sont à douille carrée, 

nstruments pénélrés, relativement récents d'après J. Evans, L'âge du bronze. 


— 304 — 


d’outre-Rhin, est un résultat de l’occupation Salienne (1). De 
nos jours encore, le dispositif des fermes campinoises, où 
domine l’emploi des clayonnages enduits d’argile, est nette- 
ment Frank. Quantité de coutumes, qu’il serait fastidieux 
d’énumérer ici, l’emploi de la meule à bras, la cuisson du 
pain sur la pierre brûlante de l’âtre, etc., prouvent la perdu- 
rance de techniques des plus primitives et démontrent à 
toute évidence combien le Campinois est resté fidèle aux 
rudes mœurs de ses ancêtres. 

Que nos urnes à col droit n’appartiennent pas à des 
peuples pasteurs nomades, mais bien à des populations établies 
à demeure dans la contrée, se démontre encore par la grande 
régularité des alignements (2) des tombelles, fréquemment 
encloses de grosses levées de terre, et par le dispositif des 
bois consacrés au culte. Quelques rares descendants immé- 
diats des Francs-Saliens auront constitué le noyau de nos 
villages, tandis que la grande masse se sera élancée vers le 
midi, à la conquête de terres plus fertiles, dès l’époque où la 
puissance de Rome faiblit. 

Il n’est donc pas sage de vouloir classer nos nécropoles 
dans la chronologie de la civilisation latine. Les Flamands 
sont restés des barbares longtemps après l'invasion, et il 
semble logique d’admettre que les techniques d’Hallstatt 
peuvent avoir subsisté dans le nord de la Belgique longtemps 
après la romauisation des provinces wallonnes. Tout au plus 
la présence du type Hallstattien permet-elle de supposer 
l’origine dauubienne des Franks-Saiiens, dont les migrations 
supposées, à travers la Silésie, la Prusse orientale et la vallée 


(1) A. WAUTERS. A propos d'un nouveau système historique relatif à 
l'élablissement des Franksen Belgique, dans le Bulletin de l'Académie Royale 
des Sciences des Lettres et des Beaux-arts de Belgique, 1888, p. 991. 

(2) Il serait utile d'étudier comparativement les alignements campinois 
avec ceux du Finistère par exemple. À Pen- Hir, près de Camaret, il y a un 
alignement de 41 pierres plantées N. S. Deux autres alignements parallèles 
E. O. viennent se rencontrer au milieu du premier alignement. 

À Carnac (Morbihan), les alignements sont dirigés du S. O. au N.E. Au 
Menec il se compose de onze lignes. A Kermario il y a dix rangées. À Kerles- 
cant il y a treize rangées. Le nombre de pierres levées n'est plus que de 1000 
à Carnac. Au XVIe siècle on en comptait encore de 12 à 15000. 


— 305 — 


du Rhin, peut s'être poursuivie durant des siècles. Rien ne 
démontre au surplus que les Franks classiques, ornant leurs 
poteries à la roulette et inhumés à Anderlecht et dans le sud 
de la Belgique, soient apparentés avec les Franks-Saliens 
établis en Campine où l'on a vainement recherché leurs 
tombeaux (1). | 

Telles sont les raisons qui nous portent à croire que ce 
sont les Franks-Saliens, antérieurs au christianisme, dont 
nous retrouvons les restes incinérés en Campine. 


Merzplas, mars 1907. 


(1) Un dernier argument consiste dans ce fait que dans chaque localité 
de la Campine il n'existe qu’un seul endroit suspect aux paysans, {à cause 
des apparitions de loup-garou, etc., c'est la nécropole à £incinération. I] est 
donc inutile d'y rechercher des cimetières Franks à inhumation :’on*n’en 
découvrira pas. 


2) 


— 306 — 


Provenance des urnes représentées. 


ts 


Nos 1 à 3 Grobbendonck (Anvers). Mr Stroobant. Echelle 1/6. 
4 Limbourg belge. M° Dens. B. 1/10. 
5 Ryckevorsel (Anvers). Mr Stroobant. 
6 à 8 Limbourg belge. Mr Dens. E. 1/10. 
9 et 10 Grobbendonck (Anvers). Mr Stroobant. E. 1/6. 
11 Limbourg belge. Mr Dens. E. 1/10. 
12 Tamise-Haesdonck. Mt Willemsen. 
13 à 15 Limbourg belge. Mr Dens. E. 1/10. 
Grobbendonck (Anvers). Mr Stroobant. E. 1/6. 
et 18 Ryckevorsel (Anvers). Mr Stroobant. 
Tamise-Haesdonck (Waes). Mr Willemsen. 
et 21 Limbourg belge. Mr Dens. EK. 1/10. 
Tamise-Haesdonck. Mr Willemsen. 
Grobbendonck (Anvers). Mr Stroobant. E 1/6. 
Limbourg belge. Mr Dens. E. 1/10. 
Grobbendonck (Anvers). Mr Stroobant. E. 1/6. 
Ryckevorsel (Anvers). Mr Stroobant. 
à 29 Limbourg belge. Mr Dens. E. 1/10. 
Biez (Brabant). Mr le Bea de Loë. 
Grobbendonck (Anvers). Mr Stroobant. E. 1/6. 
Tamise-Haesdonck (Waes). Mr Willemsen. 
Oostham (Limbourg belge). M° Bamps. E. 1/8. 
à 38 Biez (Brabant). Mr le Bea de Loë. 
Grobbendonck (Anvers). Mr Stroobant. E. 3/6. 
à 42 Ryckevorsel (Anvers). Mr Stroobant. 
et 44 Baarle-Nassau (Brabant holl.). Musée de Bois-le-Duc. 
à 48 Ryckevorsel (Anvers). Mr Stroobant. 
Saint-Gilles (Waes). Musée de Saint-Nicolas. 
Weert (Limbourg holl.). Mr Habets. E. 1/3. 


MA 


= pr 


haal: cal homer 2 


LERSSLSLEBLENSRRERSSIS 


sl Weert (Limbourg holl.). Mr Ubaghs. E. 1/4. 

52 Baarle-Nassau (Brabant holl.). Musée de Bois-le-Duc. 
953 à 55 Court-Saint-Etienne. Mr Cloquet. 

56 Weert (Limbourg holl.). Mr Habets. E. 1/4. 


51 à 63 Louette-Saint-Pierre et Gedinne. MM. Dujardin et Gravet. 





\ 





r est l'âge ded 





Les anciennes bibliothèques de Flandre, 
par NaPoLéON DR PAUW, 


Membre de la Commission Royale d'Histoire, à Gand. 





J’ai déjà attiré l'attention sur ce sujet important, il y 
a près de trente ans, après avoir examiné, pour un ouvrage 
historique local, les cinquante mille actes des registres éche- 
vinaux de la ville de Gand au XIV: siècle (1). Chose étonnante, 
dans un nombre aussi considérable de documents constatant 
des contrats de vente, des testaments, et surtout des états de 
biens, meubles et immeubles, le nombre des inventaires de 


livres, ou bibliothèques, ne s'élevait pas à plus de cinq ou siz! 


Leur publication n’en produisit pas moins une certaine sensa- 
tion. Le célèbre Jonckbloet, en les résumant, y voyait la 
preuve de l'intérêt que la bourgeoisie de Flandre prenait au 
mouvement littéraire de cette époque (2). On trouvait, en 
effet, chez un simple gantier de Gand en 1352, cinq manus- 
crits flamands : un Z'vangile, un Bestiaire, un Lucidaire, un 
poème Van den Landheren, et le fameux dialogue de Jacques 
Van Maerlant avec Afartin. En 1365, un riche bourgeois, 
marchand de draps, possédait la moitié du Spieghel Historiael, 
en deux livres. Le chirurgien, maître Simon Elyaes, avait en 
1375 dans un coffre trois livres : un Barlaam, un petit Spieghel 
et la moitié de la Bible. Enfin, un simple bourgeois de Gand, 
Jean Wasselins, en possédait en 1388, plus de trente, parmi 
lesquels le Reynaert de Vos, le Wapen Martin et l’ Alexandre 
de Maerlant, le Doctrinael et Jans Tesleye de Boendale, une 
chronique de Flandre et de Brabant, plusieurs petits poèmes : 





(1) Büdragen tot de geschiedenis der Middelnederlandsche letterkunde in 
Vlaandéren dans le Nederlandsch Museum (18179), t. II, pp. 129-176. 


(2) Geschiedenis der Nederlandsche Letterkunde (1885), t. II, p. 392. 


— 308 — 


Ogier, Seghelijn, Isenbaert, etc., de nombreux ouvrages 
d’hagiographie, d'astronomie et de médecine. 

[1 n’est pas douteux que, si de modestes praticiens et 
même de besogneux artisans de cette ville se trouvaient en 
possession de bibliothèques aussi importantes, il y a lieu de 
supposer que le nombre de ces dernières devait être très con- 
sidérable, bien qu’elles ne figurent pas dans les actes publics. 
La quantité immense de fragments de manuscrits que l’on a 
découverts dans toutes les bibliothèques de l’Europe, en ce qui 
touche seulement nos anciens poèmes flamands, établit que 
chacun d’eux était reproduit par les copistes à un très grand 
nombre d’exemplaires (1). Pour n’en citer qu’un exemple, les 
disjecta membra du Spieghel Historiael de Maerlant, retrouvés 
dans plus de vingt villes différentes, prouvent qu’il en a 
existé au moins autant de manuscrits (2). | 

Il y aurait donc lieu de réunir, en un volume, tous les 
inventaires de livres que l'on a découverts jusqu’ici pour les 
Flandres, et de faire de nouvelles recherches en ce sens dans 
les dépôts d’archives, et surtout dans les pelites archives, 
notamment celles des églises, couvents, hospices et familles, 
qui n’ont pas été jusqu’à ce jour assez explorées. C’est ainsi 
que, pour me borner à mon voisinage immédiat, j'ai pris 
copie d’un inventaire de soixante-dix livres flamands donnés 
en 1458 par Dame Elisabeth de Gruutere, veuve de Simon 
Borluut, au Béguinage de Notre-Dame du Pré-Vert à Gand, 
et d’un autre, de 1508, contenant trente-et-un ouvrages en la 
même langue, donnés ou légués au couvent de Sainte-Claire 
à Gendbrugge, par les sœurs Elisabeth et Claire Heyman, 
Marguerite et Marie Vyt, et Marguerite van Vaernewijck. 
Ces livres sont, pour la plupart, des ouvrages ascétiques. 
Parmi les dons de la dernière figure cependant un Spieghel 
Historiael, dont les indications précises de pagination per- 
mettront de reconstituer l’œuvre encore incomplète du grand 
historien flamand. J’ai enfin une liste de vingt-et-une pièces 


(1) L. PETIT. Afiddelnederlandsche Bibliographie, couronné en 1888 par 
l’Académie Royale Fiamande. 


(2) DE VR'Es. Spieghel Historiael (Leiden 1863), t. I, p. xcvj. 


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de théâtre, ayant appartenu en 1532 à la chapelle de Sainte- 
Catherine, aujourd’hui l'église Sainte-Anne à Gand (r). La 
mission confiée par le Gouvernement depuis plus de cinq ans 
à M' Wrccem De VReese, de l’Académie flamande, pour 
rechercher dans tous les dépôts publics de l’Europe la Biblio- 
theca Neerlandica Manuscripta, et dont il nous a donné un 
premier résumé en 1905 (2), nous fournira, à n’en pas douter, 
des éléments inappréciables pour la recoustitution de nos 
anciennes bibliothèques. 

En attendant, il importe, comme je l’ai déjà dit, de 
compléter et de réunir les titres et les inventaires épars, 
comme l'ont fait les Moll et Meinsma pour les Pays-Bas, 
Gottlieb pour l’Allemagne, Léopold Delisle pour la France, 
James Weale et autres chercheurs pour la Belgique (3). 


(1) W. DE VREESE, dans le Zyydschrift de Leiden, 1896, p. 222. 

. (2) Verslagen der Koninklijke Vlaamsche Academie (1905), pp. 368 et 
481-448. 

(8) Moru, Kerkgeschiedenis van Nederland dans le Kerkhistorisch Archief 
(1866), t. 1V, p. 209; (1887), t. II, pp. 127-170, — MEINSMA, Middeleeunsche 
Bibliotheken (Zutphen, 1903), pp. 249-317. — Gortuies, Veder Mittelalterliche 
Bibliotheken (Leipzig, 1890), pp. 255et 257 (Audenarde et Gand). — DELISLE, 
Cabinet des Manuscrits de la Bibliothèque Nationale à Paris, t. LI et III. — 
WEALE, Le couvent des sœurs de Notre Dame de Sion à Bruges, dans Le 
Berreoi (Bruges), t. III, pp. 46, 76, 218, 401. 


Les raisons à faire valoir contre 
envoi aux expositions d’art rétrospectif des 
objets appartenant aux dépôts publics, 


par le Chanoine G. VANDEN GHEYN, 
Président de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Gand. 





Depuis quelques années sévit partout une véritable fièvre 
d'exposition. Chaque année en voit s;ouvrir une nouvelle sur 
quelque coin du pays, pour ne pas parler de celles, plus nom- 
breuses encore, qui s'organisent à l'étranger. 

Or une attraction d'invention plus récente a été créée 
pour rendre plus intéressantes encore ces multiples exhibi- 
tions: ce sont les expositions rétrospectives d’art ancien. Dans 
toutes les expositions actuelles il y a toujours du « rétrospec- 
tif » à un titre quelconque. 

Certes nous ne nions pas le réel succès de curiosité qu’ob- 
tiennent ces collections réunies de toute part, et à première 
vue il semble que tous les archéologues devraient se réjouir de 
voir le goût de l’ancien pénétrer chaque jour davantage chez 
le public, jadis si indifférent pour tout ce qui touchait au passé. 

Et néanmoins nous croyons que l’heure est venue d’appe- 
ler l'attention des membres d'un congrès belge d’archéologie 
sur l'opportunité de pareilles expositions, et il nous serait bien 
agréable, si un débat sur cette question pouvait aboutir à 
quelque solution pratique, dont on pourrait s'inspirer à 
l'avenir. 

Comme on a pu le remarquer par l’énoncé même de la 
question, nous cherchons à circonscrire le débat à la partici- 
pation des dépôts ou collections publiques à ces expositions 
d’art ancien. Nous nous sommes toujours réjouis de voir les 
particuliers y prendre part, car ainsi 1l nous a été donné de 
connaître en maintes occasions des objets très précieux, ou 
simplement intéressants, qui jusqu’à cette heure étaient 


— 311 — 


demeurés soigneusement cachés dans le secret de collections 
inaccessibles. 

Ce résultat sans aucun doute mérite d’être signalé, et 
constitue un argument très probant en faveur de l’opportunité 
de ces expositions. 

Nous voudrions même que, malgré les raisons que nous 
ferons valoir en faveur de nos idées, les organisateurs d’exhi- 
bitions similaires dirigent exclusivement dans le sens des 
collections privées, l’effort de leurs patientes et fructueuses 
recherches. 

Il convient tout d’abord d'établir une distinction entre le 
genre d’expositions rétrospectives projetées. 

D'aucunes ont pour but d'étudier l'œuvre d’un maître, et 
c'est ainsi que dans ces derniers temps nous avons eu en 
Belgique les expositions Van Dyck, Jordaens, H. Leys et de 
Brackeleer, tout récemment celle de Stevens. 

Il est incontestable que le but même de ces expositions 
ne pourrait être atteint, si les musées de peinture et les églises, 
qui précisément possèdent généralement les meilleures œuvres 
du peintre, se retranchaient dans une abstention systématique. 
D'autre part, qui pourrait nier au point de vue de l’histoire de 
l’art l'intérêt capital qui s'attache à pareille exposition? Les 
résultats définitifs qui ont été acquis à la suite de l'exposition 
des primitifs à Bruges, suffisent pour prouver non seulement 
l'utilité, mais la nécessité d’une telle entreprise pour la classifi- 
cation de certaines œuvres, et leur judicieuse attribution à 
tel peintre, plutôt qu’à tel autre. 

Et néanmoins, contre ces expositions nous avons à soule- 
ver une objection sérieuse, qui, si elle ne prouve pas leur 
inopportunité, du moins doit établir leur fréquence peu répé- 
tée. L'objection se réduit à ces deux mots : le danger de 
l'incendie. 

Ce n’est pas en effet les sommes énormes que les compa- 
gnies d'assurances auraient à payer aux intéressés à la suite 
d’un sinistre, qui pourraient servir de compensation à l’irrépa- 
rable désastre, dont tous les amis de l’art ont le droit de prévoir 
l'éventualité. Cette cruinte n'est d’ailleurs pas purement 
chimérique, et tout récemment nous avons vu cette catastrophe 


— 312 — 


se produire à l'exposition de Milan. Et ce qui doit. donner à 
réfléchir à tout le monde, c’est que, s’il faut en croire les 
journaux, l'incendie a été allumé par ceux-là même qui 
avaient été constitués les gardiens de ces trésors artistiques. 

Nous le reconnaissons volontiers, nous touchons ici à un 
point très délicat, et nous voulons d'avance nous mettre en 
garde contre le reproche qu’on pourrait nous faire, de déduire 
d'un fait isolé des conclusions trop larges. Nous ne prétendons 
nullement donner quelque apparence même de vérité, à l'adage 
trop souvent répété ab uno disce omnes. 

Mais sans médire de personne, et sans juger du passé, 
nous nous demandons si le personnel temporaire, et souvent 
hâtivement recruté, de ces passagères exhibitions, offre toujours 
les garanties, je ne dis pas de l’honnéteté, mais de la 
conscience artistique, que nous exigeons de ceux qui sont 
préposés à la garde de nos trésors publics ? 

Nous n’hésitons pas non plus à croire que 1 importance 
réelle de ces expositions, dont nous admettons le principe, ne 
justifie néanmoins pas qu’on les renouvelle trop souvent. Un 
exemple éclaircira ma pensée. 

.. Au lendemain de l'exposition des primitifs à Bruges, on 
a songé à faire à Gand une exposition Van Eyck. 

Un instant on y a nourri le secret espoir de reconstituer 
l'immortel polyptyque des frères Van Eyck. Devant la possi- 
bilité d'un pareil événement artistique, il est clair que toutes 
les préventions devaient tomber, et que toutes les volontés 
devaient s'unir pour la réalisation de ce projet. Inutile 
d'exposer et de discuter ici les motifs qui ont fait avorter 
cette généreuse et magnifique tentative. Mais même si uotre 
espoir n'avait pas été déçu, eùt-il été opportun de livrer une 
seconde fois aux risques d’un voyage à Gand, les tableaux 
des Van Eyck exposés à Bruges ? 

Nous ne le croyons pas. Ces œuvres ont été d'après nous 
suffisamment étudiées et scrutées à Bruges, pour qu’elles 
puissent désormais se fixer définitivement daus le milieu où 
elles se sont conservées jusqu'à nous. Nous n'avons plus à 
prendre la grave responsabilité d'une détérioration possible à 
Ja suite d’un transport, qui, malgré tous les soins qu'on y 








— 313 — 


donne, n'offre cependant aucune garantie contre d' éventuelles 
et irréparables avaries. 

Nous conclurons done cette première partie de notre 
exposé en disant : la craiute d'un incendie qui peut détruire 
toute l'œuvre d’un maître, réuvie par le hasard d’uneexposition 
temporaire, nous porte à croire qu’il est sage et prudent de ne 
pas répéter trop souvent ces tentatives à cause du danger réel 
qu'elles présentent. Nous estimons que si le congrès voulait 
admettre cette conclusion, celle-ci serait de nature à ralentir 
un zèle très bien intentionné, mais qui menace de devenir 
intempestif. 

Faut-il pour des expositions d'art ancien, qui actuelle- 
ment s'organisent «dans toutes les expositions universelles 
du pays ou de l'étranger, faut-il dépouiller nos musées locaux 
d'archéologie? Telle est laseconde question qu'imposela distinc- 
tion que je croyais utile d'établir dès le début de ce rapport. 

Si, à l’origine, ces expositious d'art ancien ont présenté une 
réelle utilité, il n'en est plus de même aujourd'hui. En raison 
même de la fréquence de ces exhibitions, ce sont générale- 
ment les mêmes objets qui font le tour du pays, et, pendant 
ce temps relativement considérable, le musée local, privé de 
ses pièces les plus importantes. perd de son intérêt. 

C'est souvent l'occasion d'un profond désappointement 
pour le visiteur s’arrétant devant une vitrine vide, où la place 
de l'objet est marquée par la laconique pancarte : envoyé à 
l'exposition de la ville de X, ou d’Y. 

N fut un temps sans doute, où les expositions pouvaient 
fournir aux musées un moyen efficace de publicité, et un 
mode facile de mettre en valeur leur collection insuffisamment 
connue. Mais ces temps ne sont plus, et la facilité actuelle du 
voyage permet les visites fréquentes et suivies à nos musées, 
visites qui seront fructueuses, si le musée qui a mérité l'atten- 
tion de l’érudit ou de l’amateur, peut se réclamer d’un 
catalogue méthodique et suffisamment descriptif. 

Dès lors pour se rendre compte de l'opportunité de 
l'envoi des objets de nos musées, il s’agit de voir si cette 
expédition ininterrompue de nos meilleures pièces est suffi- 
samment justifiée par les avantages qu'elle procure. 


— 314 — 


Et pour n'être point taxé d’exagération, nous citerons 
un cas bien probant de l’obsession que subit actuellement 
tout comité d'un musée archéologique, qui a la bonne fortune 
de posséder quelques pièces intéressantes. Voici, en effet, la 
liste des demandes faites au musée d'archéologie de Gand 
depuis 1900 : 

1900. Liège: exposition des anciennesgildes et corporations. 
1902. Bruges : exposition des primitifs. 

1903. Dinant : exposition de dinanderie. 

1905. Anvers : exposition maritime. 

1906. Tourcoing : exposition textile. 

1907. Bruges : exposition de ln Toison d'or. 

Si une suite toujours favorable avait été donnée à ces 
incessantes requêtes, on peut dire que, pendant la période des 
sept dernières années, le musée de Gand aurait, pendant un 
espace de deux ans à deux ans et demi, été privé de ses 
bonnes pièces. 

À notre avis donc, l'intérêt de ces expositions d'art ancien 
ne compense plus actuellement le préjudice sérieux causé à 
nos collections publiques par l'absence des objets, qu'on y 
vient examiner plus volontiers et mieux à loisir que dans 
l'encombrement d’une exposition universelle. 

Les raisons que nous venons de faire valoir, nous les 
invoquous également pour les trésors des églises, à la condi- 
tion que ceux-ci soient suffisamment accessibles au public, et 
que les objets qu'ils renferment soient mis dans de bonnes 
conditions à la portée du visiteur. 

Mais, il faut bien le reconnaître, beaucoup de nos sacristies 
cachent avec un soin jaloux des choses bien intéressantes, et 
qui la plupart du temps ne servent plus au culte. Une exposi- 
tion d'art ancien peut devenir l'excellent moyen de les mettre 
en pleine valeur, et de leur donner la notoriétéqu'elles méritent. 

En d’autres termes, nos sacristies peuvent être assimilées 
aux collections privées, et c’est de ce côté encore que les orga- 
nisateurs des futures expositions d'art ancien pourront utile- 
ment diriger leurs investigations. 


WICMAN II, 


| Comte du Hamaland, bienfaiteur de Saint-Pierre 
de Gand au X° siècle, 


par J. DEPOIN, 


Secrétaire général de la Société historique du Vexin, membre de la Société 
Française d'Archáologie, correspondant des Antiquaires de France. 


Le but de cette étude est, contrairement à l'opinion de 
Gramaye (1) et des écrivains belges qui l'ont suivi, opinion 
d’abord accréditée en Allemagne par Wedekind (2) et Dümm- 
ler (3), puis accueillie par les plus récents historiens francais (4), 
d'établir qu'aucun comte du nom de Wicman n’a commandé 
en Flandre au X° siècle et que le Wicman bienfaiteur du 
monastère de Saint-Pierre de Gand est Wicman Il, comte du 
Hamaland et du pays forestier de Drenthe. 

Deux autres parties de cette notice seront consacrées, 
l’une à déterminer l’origine, les alliances et le rôle social de 
Wicman II et de ses enfants; l’autre à dégager sa personna- 
lité de celle d’autres comtes homonymes contemporains. 


I. 


Une chronique de la fin du XIIT° siècle, écrite par Jean 
de Thielrode (5), paraît être la première source de l’erreur que 
nous combattons. Dans le chapitre 8, intitulé : De origine 


(1) Antiquitates Flandria. De Teneremunda, p. 86. 

(2) Noten, 1, 144. 
(3) Otto der Grosse, Excurs III, pp. 579-583. 

(4) Ferdinand Lot. Les Derniers Carolingiens, p. 181. 


(5) Editée dans Pertz, Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, 
XXV, 563. | 


— 316 — 


castri (Gandensis, cet auteur raconte fort sérieusement que 
« l’empereur Otton fit creuser un fossé du pont St. Jacques 
jusqu'à la mer, en partant de l’Escaut, pour séparer la 
Flandre française de la Flandre impériale ». Cette hypothèse 
a naturellement flatté les historiens germaniques; ils sont 
unanimes à l’admettre et à faire honneur de ce grand travail 
à Otton le Grand, qui gouverna la Germanie de 936 à 973 (1). 

Jean ajoute « qu'avant Otton, le château de Gand 
(castrum quod ad ripam Leie situm est) fut construit, non par 
les rois de France ou par les comtes de Flandre, mais par les 
Empereurs, sur Ja terre de St. Bavon, que ce monastère possé- 
dait en franchise, et que, de ce chef, un cens n’a cessé d'être 
payé à cette abbaye ». 

« À ce château, continue-t-il, ne furent point commis 
des châtelains mais des comtes, auxquels étaient soumis 
Assenede, Bouchout, Axel, Hulst et toute la terre de Waes; 
l’un de ces comtes fut Wicman qui pour l’âme de sa femme 
Luitgarde, donna la villa de Desselberghe à St. Pierre et à 
St. Bavon ». 

Le récit de Jean de Thielrode suppose les Empereurs — 
c'est à dire les rois de Germanie — maîtres de Gand avant 
Otton, et celui-ci y commandant après ses devanciers. Ce 
serait donc eux qui auraient confié le château non à de simples 
châtelains, mais à des comtes, et notamment à Wicman. 

Ce que le chroniqueur rapporte de ce dernier personnage 
a pour fondement deux actes qui nous ont été conservés (2). 
C'est d’abord une charte du 18 octobre 962 portant donation 
par un comte Wicman, à l’abbaye de Saint-Pierre, de la villa 
Thessela (Desselberghe). Mais cet acte, comme l'a fort bien 
remarqué Ferd. Lot, est daté du règne de Lothaire, roi de 
France : bien plus, la libéralité de Wicman fut confirmée par 
ce prince, le 22 février 964. Il est donc hors de conteste 


(1) Siegfried Hirsch n'a pas manqué de l’adopter dans ses Yahrbücher 
des Deutschen Reiches unter Heinrich II, t. 1, pp. 507-529. 

(2) Van Lokeren, Chartes de l'abbaye de Saint-Pierre de Gand, t. I, 
p. 35-36. — Les précédentes recensions de ces deux actes ont introduit des 
dates erronées : 1 novembre 962 et 22 février 963. 


— 317 — 


qu’en 962-964, Gand appartenait à Lothaire. Mais ces deux 
dates coïncident avec l’apogée de la puissance d’Otton le 
Grand, qui vient, le 2 février 962, de placer sur sa tête la 
couronne impériale. 

. Fidèle allié de Louis d'Outremer, son beau-frère, Otton 
lui porta le plus efficace secours, en 946, contre Hugues le 
Grand, lorsque, avec l’aide d'Arnoul, marquis de Flandre, il 
lui fit recouvrer Reims et le mit en mesure, quatre ans plus 
tard, d'obliger le duc son rival à se dessaisir de Laon et à 
redevenir un vassal soumis. L'intervention d'Otton assura 
quarante aus de prolongation de pouvoir à la dynastie caro- 
lingienne. Quant aux rapports de Lothaire, fils et successeur 
de Louis IV, avec le roi de Germanie, F. Lot les résume d’un 
mot (1): « De 954 à 965 et même 973, ces rapports sont 
amicaux et avantageux aux deux partis ». 

Cet exposé ne permet pas d'admettre que, si Otton avait 
vraiment reçu le château. de Gand de ses devanciers, cette 
place ait pu lui échapper entre 936 et 962 pour passer sous 
la domination française. Van Lokeren a donc eu parfaitement 
raison (2) de dénier sur ce point toute autorité à la chronique 
de Jean de Thielrode. Mais de ses récits, dont la base s'écroule, 
faut-il retenir ce qui concerne le comte Wicman? Faut-il, 
sur sa seule foi, distinguer, avec Dümmler et Lot, « le beau- 
fils d’Arnoul le Grand, Wicman comte de Gand et vassal de 
la couronne de France, d'avec le comte homonyme du Hama- 
land, tout dévoué à Otton I? » 

Nous possédons, outre les Annales Sancti Petri Blandi- 
niensis éditées par F. Van de Putte, de nombreuses chartes 
du X° siècle concernant la Flandre occidentale. Nulle part on 
ne rencontre la souscription d’un comte de Gand du nom de 
Wicman. L'abbaye de Saint-Pierre est, durant tout ce temps, 
aux mains des comtes de Flandre qui, tous, s’y font inhumer 
dans la chapelle de Notre-Dame. 


La charte de 962 est loin de prouver ce qu’on en induit. 


| (1) Lot, Les Derniers Carolingiens, pp. 6, 176. . 
(2) Van Lokeren, Histoire de l'abbaye de Saint-Bavon, pp. 25-21. 


— 318 — 


Wicman a cédé aux instantes prières de sa femme dangereu- 
sement malade, en lamenant du dehors (deduæil) au sanc- 
tuaire de Saint-Pierre et de Saint-Bavon. Si Wicman eût été 
comte de Gand, habitant avec les siens le château, la comtesse 
ne se fût point exposée à ce tardif et funeste pèlerinage : les 
moines eussent satisfait à sa dévotion en lui apportant eux- 
mêmes — on en a cent exemples — un reliquaire devant lequel 
elle aurait prié sans sortir de son oratoire. 

Wicman est un comte du dehors, d'un pays ussez 
éloigné. Pourquoi Luitgarde veut-elle être ramenée à Gand 
lorsqu’elle se sent en péril de mort? Elle espère y guérir sans 
doute par l’intercession de saint Bavon, mais, si elle doit suc- 
comber au mal, elle veut être inhumée près de sa mère et de son 
unique frère, qu'elle vient de perdre coup sur coup. Luitgarde 
est en effet la fille du marquis Arnoul : sa mère, Adèle de 
Vermandois, est morte le 16 septembre 960; Baudoin, son 
frère a été enlevé par la variole noire le ler janvier 962; 
Luitgarde elle-même vient mourir à Gand le 29 septembre 
suivant (1). 

Desselberghe, donné à l’église pour son anniversaire, est 
une terre provenant du douaire assigné pur Arnoul à Adèle 
et dont leur fille a hérité. C’est de ce chef, et non à titre de 
comte de Gand, que Wicman avait pu contracter un lien 
fugitif de vassalité à l'égard de Lothaire. 

La confusion qui se produisit dans l’esprit de Jean de 
Thielrode a dù provenir de la lecture de chartes où se trouvait 
le nom d'un Winemarus —  orthographié quelquefois 
Wincmarus — avec le titre d'avoué (advocatus) de Saint-Pierre 
de Gand. On rencontre dès 937 le premier personnage de ce 
nom (2); c'est le Winedmarus laicus qui, l’année suivante, 
accompagnait la marquise Adèle, mère de Luitgarde, lors- 
qu'avec l'autorisation spéciale des évêques de Térouanne et 


mn nn 


(1) Van de Putte, Chronique de l'abbaye de Saint-Pierre du mont 
Blandin, p. 159. — Annales Blandinienses, dans Pertz, Scriptores, V, 26. 
(2) Miræus, Opera diplomatica, 1, 39. 


— 319 — 


de Cambrai, elle pénétra dans le cloître de Saint-Bertin (4). 
A cette famille des Winemar se rattache le chevalier que 
Baudoin II, en 899, envoya vers Foulques, archevêque de 
Reims et qui fut le meurtrier de ce prélat. D'autres Gwinemar 
furent, au XI° siècle, châtelains de villes au Nord-Est de 
Paris, vers les frontières du Hainaut et des Flandres. Tous 
appartenaient à la dernière classe des nobles, qui ne pouvait 
prétendre à s’allier aux marquis de Flandre, petits-fils des 
empereurs d'Occident et des rois d'Angleterre. 

Pourquoi, si rien n'autorise à voir dans le Wicman, 
gendre d'Arnoul, un comte de Gand, proposons-nous de 
l'identifier avec Wicman If, comte du Hamaland, cité de 952 
à 974, et fondateur de l’abbaye d'Elten? C'est que celui-ci 
n'ayant que deux filles, imposa le prénom d’Adèle à l’aînée 
et celui de Luitgarde à la cadette. C’est évidemment ce 
qu’aurait dû faire le comte Wicman mari de Luitgarde de 
Flandre et gendre d’Adèle de Vermandois. Une particularité 
si caractéristique constitue, à nos yeux, uu indice onomasti- 
que d'où se dégage une quasi-certitude; car ne serait-ce pas 
vraiment une coïncidence par trop merveilleuse que ces deux 
mêmes prénoms aient été choisis par un comte homonyme, 
contemporain, localisé dans la même région entre le Rhin 
et l’Issel, la mer du Nord et la Picardie ? 

La date de naissance des filles de Wicman de Hamaland, 
qui nous est connue, s'accorde parfaitement, d’ailleurs, avec 
la conclusion à laquelle nous aboutissons, qu’elles étaient les 
petites-filles du marquis Arnoul. 


IT. 


Le Hamaland, suivant l'opinion d'un savaut ethno- 
graphe, le juriscorsulte Schroeder (2), a gardé le nom de la 
tribu des Chamaves ou Hamaves, qui, à une époque fort 


(1) Folcoin. Cartulaire de Saint-Bertin, éd. par Guérard; cf. coll. 
Moreau, VI, 100 ; Bibl. Nat. de Paris. 


(2) Cf. ses ouvrages: Die Franken und ihr Recht; — Untersuchungen zu 


„den fraenksschen Volksrechten (Monatschrift fir die Geschichte West-Deutsch- 
Jands, VI, 492). 


— 320 — 


ancienne, peupla les cantons situés entre le Rhin, la mer 
du Nord et l’Issel, et ceux situés autour de ee dernier bras 
du Rhin, sur sa rive orientale. Les points situés avec certi- 
tude daus le Hamaland au X° siècle, Deventer, Boecklo, 
Elten, se trouvent sur cette. rive, entre Emmerich et Zwolle. 
: Au X° siècle, le Hamaland était un pays saxon. Sigebert 
de- Gembloux l’affirme dans la vie de Thierti I, évêque de 
Metz, qui en était originaire (1). Cette assertion, soutenue par 
le géographe Van den Bergh (2), est plus ou moins contestée 
par Gaupp, Wilmans, Waitz, Dederich et d’autres auteurs 
dont les opinions discordantes sont exposées avec clarté par 
R. Parisot (3). Le nouvel historien du Royaume de Lorraine 
n'accorde aucun crédit à Sigebert et s'écrie : « Que vaut 
cet unique témoiguage, provenant d'un écrivain qui vivait 
à la fin du XI° et au début du XII° siècle, et qui ne con- 
naissait pas le Hamaland? » Ce dernier reproche est gratuit : 
rien ne permet de dire que Sigebert ait ignoré la géographie 
de pays situés à moins de cinquante lieues de Gembloux. 
La première critique est moins juste encore. Qu'importe la 
date où mourut Sigebert? Ce qu'il faut savoir, c’est à quel 
moment il composa la biographie de Thierri. 

C'est justemeut une œuvre de la prime jeunesse de 
Sigebert, né entre 1027 et 1030; cette composition, suivant 
la judicieuse remarque de Waitz, « juvenem ostendit bene- 
volum, pium, veri sucrique amantem... delectatur versibus 
et vocibus poetarum decerptis » (4). C'est donc vers 1050, 
soixante-cinq ans après la mort de Thierri, que Sigebert 
écrivait sa vie, d'après les sources les plus récentes et les 
plus authentiques, puisqu'il la rédigea au monastère de 
Saint-Vincent de Metz qui avait ce prélat pour fondateur. 

Enfin le témoignage de Sigebert n’est pas un « unique 
témoignage ». Il en existe un autre, à peu près contemporain, 
et fort explicite. C’est celui du biographe de Meinwerc, 


(1) Pertz, Scriptores, IV, 464. 

(2) Handboek der Middelnederlandsche Geographic, p. 182. 
(3) Le Royaume de Lorraine, p. 103, n. 2. 

(4) Pertz, Scriptores, IV, 461. 


— 321 — 


évêque de Paderborn : il affirme qu’Inmed, père de Meinwerc, 
nobilem duzit uxorem de terra Saxona (1). Cette épouse était 
Adèle, fille de Wicman II de Hamaland, qui plus tard 
réclama la rescision des libéralités de son père à l’abbaye 
d'Elten en s’appuyant sur le droit saxon (2). 

Le plus ancien comte connu du Hamaland, Wicman I, 
porte un nom qui le rattache à l’histoire de la Saxe. Il vivait 
en 855 (3) et périt avec onze autres comtes et deux évêques 
saxons aux côtés du duc Brunon, dans la funeste journée 
où les Normands écrasèrent l’armée saxonne dans les bruyères 
d'Ebsdorf, le 2 février 880 (4). Ce fut sans doute à ce moment 
que le Hamaland passa aux mains d’une dynastie qui n'a 
jamais été l’objet d’une étude spéciale et que nous allons 
essayer de mieux faire connaître. 

Les pays situés entre Utrecht et le Rhin, à gauche de 
l'Issel, étaient au VIIT* et au IX* siècles administrés par une 
famille de comtes que le cartulaire de Werden am Ruhr nous 
présente au nombre des plus anciens bienfaiteurs du monastère 
de saint Luidger. Ce sont : Brunhar, Euvrahar son fils, 
Meinhard, fils d'Euvrahar, cité avec son père en 794; enfin 
Meinhard II, avoué de l’abbaye en 841 et 847 (5): celui-ci et 
Gonthard, son frère ou son beau-frère, donnèrent à Werden 
un domaine à Oeft. Wyk by Duurstede était alors connu sous 
le non de Vicus Meginhardi, et situé sur le Rhin, à neuf 
milles en amont de Dorestad (6). En 847, les Normands 
s’emparèrent de Wyk, et, à partir de cette époque, des expé- 


(1) Ib., XI, 108. 

(2) Diplomata, 11, 649 (Monumenta Germanie). 

(3) Lacomblet, Urkundenbuch für die Geschichte des Niederrheins, 1, 
30 ; Binterim, n° 9. 

(4) Eckbart, Commentarius de rebus Francia orientalts, II, 649. 


(5) Euvrahar (Uvraharius filius quondam Brunhari) donne, en ‘794, sans 
prendre aucun titre, son domaine de Wigmond sur l'Issel à Luidger; mais 
cette cession est rappelée en 800 comme fuite par un comte (Uvrahario 
comite). — Lacomblet, Urkundenbuch für die Geschichte des Niederrheins, 
pp. 3, 10 (donations d'Euvrahar); p. 2 (situation de Wichmund); pp. 25-31 
(sur Meinhard II). 


(6) Parisot, Le Royaume de Lorraine, pe 51, 61. 


21 


— 322 — 


ditions de pirates sillonnèrent sans cesse le Wahal, le Rhin 
et l’'Escaut. En 850, Lothaire [*" concéda Duurstede (Dorestad) 
au normand Rurik, petit-fils du roi danois converti Harald 
à qui Louis le Pieux avait déjà concédé des comtés maritimes. 
Harald le jeune, frère de Rurik, avait deux fils, Godfrid et 
Rolf, qui se mirent à leur tour à la tête de bandes de pirates. 
On retrouve Godfrid, en 880, dévastant le Hainaut; en 881, 
établi à Elsloo dans un palais fortifié, il en part pour piller 
Maestricht, Liège et Cambrai (1). 

Dans l'intervalle, il s'était installé dans un autre palais, 
celui de Nimègue, qui présentait des défenses inexpugnables. 
L'armée du roi de Germanie Louis III fit de vains efforts pour 
l'en déloger. Dans un des combats qu'elle livra, Eberhard, fils 
du comte Meinhard, fut surpris par les Normands et emmené 
captif. Meinhard périt sans doute peu après, car ce fut Eveza, 
mère d'Eberhard, qui prit soin de racheter à grand prix la 
liberté de son fils (2). 

L'année suivante, Charles le Gros, héritier de son frère 
Louis III, concluait avec Godfrid une paix humiliante; il lui 
concédait en pleine possession plusieurs comtés entre le Rhin 
et I'Issel, et Godfrid, devenu chrétien, épousait bientôt après 
Gisèle, fille de Lothaire IT, le feu roi de Lorraine (3). Eberhard, 
non par l'effet du traité, mais par un coup de force ultérieur de 
Godfrid, dont l’insolence ne connaissait plus de bornes, fut 
dépouillé de tout ce que possédait son père Meinhard. Il se 
retira près du duc Henri, un cadet de la famille de Grapfeld 
devenu le favori de Louis III et à qui Charles le Gros avait 
confié un commandement militaire considérable sur une partie 
de la France orientale, la Saxe (westphalienne) et la Frise. 
Eberhard était, en 885, pourvu de comtés parmi lesquels se 
trouvaient — car on les rencontre un peu plus tard aux mains 
de ses descendants — ceux de Hamaland et de Drenthe. Ce 
dernier pays, indifféremment appelé pagus Thriente ou pagus 


(1) Parisot, Le Royaume de Lorraine, pp. 448, 458. 
(2) Reginon, Chronicon, dans Pertz, Scriptores, T1, 592. 
(3) Parisot, p. 465. | 


— 323 — 


Forestensis, s'étendait le long de l'Issel, vers le nord, entre 
Zwolle et la mer. 

Henri, dont il était l’homme de confiance, lui avait 
fait obtenir ces comtés, que la mort de Wicman I laissait 
vacauts. Toute la fleur de la noblesse saxonne ayant été mois- 
sonnée dans le désastre d'Ebsdorf, il se peut que les héritiers 
de Wicman aient disparu dans l’hécatombe de l’armée saxonne; 
Eberhard était d’ailleurs, suivant les vraisemblances, un allié 
de Wicman puisque l’un de ses petits-fils porta le nom du feu 
comte de Hamaland. > 

Une alliance très proche existait entre le duc Henri et 
Eberhard. Le premier avait épousé Babe, sœur d'Otton 
l'Illustre, duc de Saxe orientale ou Ostphalie (1). Eberhard, 
Saxon lui-même (Reginon le surnomme Zberhardus Saxo), 
épousa à son tour une autre fille de Ludolf, sœur du duc 
Brunon tué à Ebsdorf et d'Otton l'Illustre. | 

C'était Vota, qualifiée par Otton le Grand son petit-neveu, 
amita nostra, ce qui s'entend aussi bien d’une tante que d’une 
grand'tante du côté paternel. Faute d'avoir fait cette 
remarque, une confusion tout à fait injustifiable s’est établie 
entre Uota et Oda, femme du roi de Lorraine Zventebold (2). 

Le duc Henri avait acquis la conviction qu’il était indis- 
pensable de se défaire de Godfrid, qui, devenu le beau-frère du 
comte de Toul Hugues, fils de Lothaire IT, favorisait les pré- 
tentions de ce fils de Lothaire et de Waldrade au trône de 
Lorraine. 

Il résolut de tendre à Godfrid des embûches et l'attira à 
une entrevue dans l’île des Bataves (3). Dès que le duc et le 
Danois furent en présence, Eberhard, qui accompagnuit 
Henri, apostropha Godfrid, lui réclamant avec véhémence 
l'héritage paternel. Godfrid lui répondit par les plus mépri- 
santes injures. 


(1) Agius, Vita Hathumode, dans Pertz, Scriptores, TV, 166. — Adalbert 
de Bamberg, fils du duc Henri, était « nepos » d'Otton l'Illustre (Annal. Saxo, 
dans Pertz, VI, 590), mais la chronologie s’oppose à ce que les fils d'Henri et 
de Babe, nés eutre 870 et 880, soient les petits-fils du duc Otton. 

(2) Elle ge retrouve dans Parisot (Le Royaume de Lorraine, p. 522, 
n, l,et 537.) 


(8) Parisot, p. 476. 


— 324 — 


Eberhard, tirant son épée, se jeta sur le Normand encore 
assis, et déchargea de toute sa force un coup terrible sur la 
tête de son ennemi. Godfrid s’affaissa, et les compagnons du 
duc se hâtèrent de l’achever. 

Il n’est pas douteux que, bien loin de soutenir les intérêts 
du roi de Germanie et des peuples chrétiens contre ses compa- 
triotes, Godfrid n'avait cessé d'attirer d’autres vikings dans la 
région et de favoriser ieurs ravages. C'est ainsi qu’en 882, 
Deventer, le port fluviai du Hamaland, avait été surpris et 
saccagé par les pirates, qui massacrèrent la plupart des 
habitants (1). 

À la mort de Godfrid, Eberhard fut certainement remis 
en possession de tout ce que ses aïeux avaient possédé dans 
l'ancienne terre des Chamaves. Nous retrouverons son fils à 
Baarn, son petit-fils à Velp, chefs-lieux de comtés situés entre 
le Rhin et le Zuiderzee. | 

Le 28 mai 886, le duc Henri succombait devant Paris, 
qu'il était allé secourir contre les Normands. Eberhard, 
perdant ce protecteur, en trouva un autre dans la personne du 
prince Pepin, qui lui fit acquérir l’île d'Issel (2). Pepin était un 
carolingien, issu de Bernard, roi d'Italie, qui s'était retiré près 
de Lothaire I‘ et en avait obtenu, entre autres faveurs, l’ab- 
baye de Moyenmoutier. Lothaire II dépouilla ce monastère de 
presque tous ses biens pour les donner au duc d'Alsace, parce 
que Pepin se refusait à lui fournir l'aile de trente cuirasses, 
contingent auquel on l'avait taxé pour le service militaire dû 
par l’abbaye (3). 

Sous le règne de Zventebold — ou peut-être déjà sous 
celui d’Arnoul, Eberhard fut pourvu d'un duché, sans doute 
celui de la Westphalie uni à l’ancien duché de Frise et au 
duché des Ripuaires, dont le comte Henri de Grabfeld, son 
allié, devint titulaire quand il ceignit une triple couronne 
ducale. En racontant l’assassinat d'Eberhard, fils de Meinhard, 
en 898, par le comte frison Wautier, fils de Gérulf, qui, en 


(1) Parisot, p. 468, 
(2) Acta Sanctorum Septembris, V, 107-110. 
(3) Libellus de S. Hidulfi successoribus, c. 6, ap. Pertz, Scriptores, IV , 89. 


— 325 — 


885, avait été l’un des vassaux par lesquels Godfrid fut trahi, 
Reginon, abbé de Prüm, qualifie Eberhard simplement duz, 
sans indication de province. On peut en conclure que c'est 
Yautorité d’Eberhard qu’on reconnaissait en Basse-Lorraine (1). 

Le duché d'Eberbard fut confié à son frère Meinhard III. 
Les fils de la victime de Wautierétaient trop.jeunes sans doute 
pour assumer une si haute charge, si lourde surtout dans cette 
période troublée par d’incessantes invasions. Eberhard, en 
effet, laissait plusieurs fils. Deux nous sont connus par une 
ancienne cantilène : un comte Luithard, qui épousa une prin- 
cesse ou du moins une fille de sang royal, Berthe; et un 
évêque, Bérenger de Tholey (Berengarius Tholetanus). 

Luithard n'est probablement pas différent d’un Luithar, 
bisaïeul de Thietmar de Merseburg, qui périt en 929 (2), dans 
une bataille où succomba un autre bisaïeul homonyme du 
chroniqueur saxon. Thietmar les qualifie duo duces Luithari, 
abavi mei. L'un était sans doute le duc à qui Henri l’Oiseleur, 
en devenant roi en 919, avait confié son propre duché, l’Ost- 
phalie ; l’autre devait-être le duc de Westphalie et dès lors le 
successeur d'Eberhard. 

L'abbaye de Tholey était unie à l’évêché de Verdun. L'une 
et l’autre furent données, en 940, à un Bérenger, orlu Saxoni- 
cus el consanguineus Ottonis magni (3). 

Il est d'autant plus indiqué de l'identifier avec le Beren- 
garius episcopus Tholelanus que, dans la même cantilène de 
Luithard, celui-ci est déclaré regali stirpe editus et comes 
inchytus (4) ; et c’est de Tholey que Bérenger tira les moines 


(1) Parisot (p. 518-520) hésite sur l'attribution du duché de Frise à 
Eberhard. — Gérulf obtint d'Arnoul, le 4 août 889, une concession de biens 
dans son comté situé entre le Rhin et le Zuiderzee (Ib., p. 493, n. 2). 

(2) Le 5 septembre (nonis septembris), en assiégeant Lenzen, occupée 
par les Redarii (peuples du Mecklembourg). Thietmar, I, 10. 

(3) Mabillon, Vetera analecta, p. 319. Acta sanctorum Septembris, V, 
p. 108, Beka. (Chron. episcoporum Trajectensium, p. 34) fait de Luithard 
un comte de Clèves, aïeul de Baudri, évêque d’Utrecht. — Sur l'union 
de Tholey à l'évêché de Verdun, cf. Bertaire, Gesta epp. Virdunensium, 
dans Pertz, Scr., IV, 36. 

(4) II Idus Augusti 959. Obiit recolende memorie domnus Berengarius, 
episcopus Virdunensis, nobilis institutor hujus loct, qui, ejectis clericis, hoc 


— 326 — 


qu’en 951, il mit à la place des chanoines expulsés, à Saint- 
Vannes de Verdun, pour réformer ce monastère. 

Bérenger avait conservé dés attaches avec la région que 
baigne le cours inférieur du Rhin, car en 948 avec Jean, 
chorévêque de Cambrai, on le voit assister à la dédicace d’un 
oratoire établi par l'archevêque Wicfroi dans le monastère de 
Saint-Severin de Cologne (1). Ce prélat, aux côtés duquel on 
rencontre, en 927, un comte Eberhard qui pourrait être Eber- 
hard II, paraît un allié des comtes du Hamaland, de même 
que ses deux homonymes: Wicfroi évêque de Verdun, 
sobrinus d'un comte Luithard, et Wicfroi, chorévêque de 
Trèves, dont ce comte Luithard était le frère. 

Nous verrons tout à l'heure qu'il faut attribuer à Eber- 
hard, tué en 898, un troisième fils, homonyme, qualifié de 
consanguineus par Henri l'Oiseleur, et père de Thierri évêque 
de Metz, qu'Otton le Grand déclare ex nostra progenie et que 
les plus anciennes sources disent issu de la souche royale, 
ortus regio sanguine. 

La source de cette parenté remonte à Uota, qui fut 
certainement une comtesse de Hamaland, puisque tous ses 
biens dotaux étaient à Deventer, à Boecklo et sur d’autres 
points du bassin de l’Issel. A la fin de sa vie, elle céda à 
Otton le Grand, son neveu, qui en fit don au chapitre de 
Saint-Maurice de Magdeburg le 30 décembre 952, le domaine 
exploité qu'elle possédait à Deventer, « predium in loco 
Davindre, in pago qui dicitur Hamalant, in comitatu Vuig- 
manni, quod nobis nostra amita, mulier Deo nobisque devota, 
nomine Cota, tradidit » (2). | 

Huit ans après, Otton adjoignait à cette dotation de 


in loco monachos introduxit, ad quorum victum dedit abbatiam Sti Amantii. — 
XVIII Kal. Fulii 1046, obiit domnus abbas Richardus, anno. introductionis 
monastice in nostro cenobio facte a domno Berengario episcopo 95 (Nécrologe 
de Saint- Vannes, nouv. acquis. lat. 1417. Bibl. nat. de Paris). — Cf. D. Cal- 
met, I, 199. 

(1) Cardauns. Rheinische Urkunden des X-XII Jahrhunderts, p. 10. — 
Charte d’Alfwin pour Sainte-Urtule de Cologne, du 12 mars 927, dans 
Lacomblet, I, 47, 


(2) Diplomata, I, 264. 


— 327 — 


Saint-Maurice beaucoup d'autres biens qu'il avait également 
acquis d'une de ses parentes : « quasdam res proprietatis 
nostre, que nobis Uda nostra nepta (sic) legitime hereditando 
permisit, hoc est : in civitate que vocatur Daventri curtem 
dominicalem... ». Suivent d’autres biens dans les comtés de 
Wicman, à droite de l’Issel, et d'Eberhard, à gauche de ce 
fleuve (1). 

À partir d'Otton le Grand, la diplomatique impériale 
emploie xepos, neptis dans leur acception saxonne : cousin, 
cousine aussi bien que neveu, nièce ou petit fils, petite fille, — 
c'est à dire avec le sens de natus post, étymologie trouvée 
après coup — donc descendant ou collatéral plus jeune. 

Uda est une cousine d'Otton, donc une fille ou une petite 
fille d’Uota, et elle aussi a Aérité, à Deventer, de biens 
féodaux (curtem dominicalem). 

Cette Uota, veuve consacrée à Dieu, et sans aucun titre 
honorifique, n’a rien de commun avec Oda, reine de Lorraine, 
qui en 900, après le meurtre de son époux Zventebold, se 
remaria avec l'assassin de ce prince, le comte Gérard. Il est 
tout à fait impossible d'expliquer à quel titre cette Oda aurait 
pu acquérir des biens à Deventer qui était uue cité (civitas), 
un port, et nullement une villa royale, et où il ne se voit pas 
de vraisemblance que, soit les ducs de Saxe, soit le comte 
lorrain Gérard, aient possédé quelque bien. 

Nous considérons Uota comme taute et non comme sœur 
de Henri l'Oiseleur : le terme de proamita étant inusité, celui 
d'amita est susceptible d'un sens extensif. Le mariage d’Eber- 
hard, fils de Meinhard et d'Eveza, se place, d'après les pro- 
babilités qu'on peut dégager du récit de Reginon, entre 882 
et 885. Uota, comme Eberhard, appartient donc à une généra- 
tion antérieure à celle de Henri l'Oiseleur. L’objection tirée de 
l’âge d'Oda, femme du duc Ludolf, qui serait, dit-on, morte à 
cent sept aus en mai 914, et dont la naissance, dès lors, se 
placerait en 808, n'est pas absolue. Le témoignage de Hros- 


11) Diplomata, 1, 299. Le texte de ce diplôme, incorrect dans ce passage, 
est peut-être altéré, mais la critique grammaticale qu’il soulève ne touche 
en rien au fond. 


— 328 — 


vitha prouve uniquement qu’on attribuait cet âge extraordi- 
naire à Oda lorsqu'elle mourut (1) : 

Cum decies denos septem quoque vixerat annos. 

Il est bien permis d'admettre que ce calcul était erroné de 
quelques années, et il n’y a rien d’impossible, d’ailleurs, à 
ce qu'Oda, née même en 808, ait eu son dernier enfant vers 
858. C'est l’époque où peut se placer aussi la naissance d’Eber- 
hard; on ne peut guère lui supposer moins de 40 ans lors- 
qu'il périt, étaut déjà pourvu des fonctions ducales. 

Eberhard II que les circonstances de lieu, de temps et 
d'homonymie nous engagent à considérer comme un fils 
d'Eberhard I et d'Uota, occupait le comté de Baarn-have 
(pagus Pernaffa) le 16 juin 913 (s). 

Quelque temps après, l'administration des comtés de 
Toulois et de Chaumontois lui fut confiée. Hugues, fils de 
Lothuire IT, qui fut aveuglé en 885 par ordre de Charles le 
Gros, à Gondreville, dans son comté de Toulois, laissait de 
Friderade, qu'il avait épousée après avoir fait assassiner 
Bernier, le premier mari de celle-ci (3), un fils, Hugues II, qui 
dès 891, est cité dans un diplôme d' Arnoul comme comte du 
Saintois (9 octobre), et dans un autre diplôme, comme comte 
du Toulois (l novembre) (4). 

Ce second comte Hugues mourut à la fleur de l’âge 
laissant un fils homonyme, qu’un acte du 29 octobre 907 
présente comme tout enfent : « Actum in villa Nansiide 
(Nancy), IV kal. Novembris, anno VIII Ludovici regis, Hugone 
parvulo comite, Herveo item comite, Giraldo vicecomite » (3). 

Hugues III était encore, en 922, comte du Chaumon- 


(1) Pertz, Scriptores, IV, 316. 

(2) Mühlbacher, Regesta Karolinorum, pp. 748-749. Baarn est entre 
Hilversum et Amersfoort, à une faible distance du Zuiderzee. 

(©) Parieot, p. 468, 478 et 469, n. 4. 

(4) Parisot, p. 496, n° 5; p. 497, n. 2. Les noms du chapelain Egwolf et 
du domaine royal de Tundolvesdorf doivent être rectifiés en Eginolf et 
Gondelvesdorf (Gondreville) d'après le Cartulaire G 1384 des Archives de 
Meurthe et Moselle, fol. 110. 

(5) Cartulaire de Saint-Mihiel, Nouv. acquis. lat. 1283, fol. 38. Bibl. Nat. 
de Paris, Le nom du second comte est celui du tuteur de Hugues III. 








— 329 — 


tois (1). C’est peu après, en 928-929, qu'Eberhard fut chargé 
de l'administration du Toulois. Il obtint, à ces deux dates, des 
diplômes de Henri l'Oiseleur en faveur de l’église de Toul et 
de son évêque Gauslin. Dans le premier, l’exemption des 
droits régaliens, déjà octroyée par Arnoul en 891, est renou- 
velée par Henri [* « rogatu Eberhardi fidelis et dilecti comitis 
atque propinqui nosiri ». 

Dans le second, le domaine royal de Gondreville et son 
ancien palais sont donnés à la mense épiscopale, ainsi que 
l’a demandé Eberhard : « dilectus consanguineus noster comes 
Eberhardus expetiit » (2). 

Ces deux qualifications : propinquus et consanguineus, 
ont un seus bien différent. La première s'applique à des 
beaux-frères ou à de très proches parents de la femme; la 
secoude implique, tout au contraire, une communauté de 
souche, donc une parenté antérieure au mariage (3). Ainsi 
Eberhard, consanguineus du roi de Germanie, lui était devenu 
eu 928, propinquus, et cette parenté plus rapprochée avait 
alors été préférée. Sigebert nous apprend, en effet, que 
Thierri, évêque de Metz, avait pour père Eberhard, comte du 
Hamaland, et pour mère Amaurée (Amalrada) sœur de 
Mathilde, femme de Henri l’Oiseleur. 

Amaurée, fille du comte saxon Thierri, avait eu plu- 
sieurs maris avant d'épouser Eberhard. Le premier fut Wige- 
rie, comte du Blois, veuf de Cunégonde, petite-fille de Louis 
le Bègue, dont il avait eu plusieurs fils parmi lesquels Adal- 
béron I, évêque de Metz. Wigeric étant mort (après janvier 
916, date où il figure à Heristal avec le titre de comte du 
palais dans un plaid tenu par Charles le Simple), sa veuve 
{Amaurée) épousa Ricoin, comte de Verdun, qui est qualifié 
citricus d'Adalbéron dans la Vie du B. Jean de Gorze. Ce 


(1) Cartulaire de Gorze, no 91; Mettensta, 11, 168, 487. Dans ce comté se 
trouvait Raville (canton de Lunéville-Nord), sur le Sânon. 

(2) Diplomata, 1, 52, 57. 

(3) Nous avons présenté au Congrès des Sociétés Savant2s, en 1907, une 
Communication détaillée sur la Terminologie des relations de parenté au 
début du Moyen-Age, où ces points sont établis par des exemples. 


— 330 — 


terme a incité tous les généalogistes modernes, Heinrich 
Beyer, Lot (1) et Parisot (2) notamment, à considérer Ricoin 
comme le second mari de Cunégonde. Mais on aurait peine à 
concevoir alors comment il aurait pu chercher à dépouiller 
Adalbéron de ses bénéfices et de son patrimoine, et l’aurait 
poussé tellement à bout que le fils de Cunégonde aurait été 
réduit à faire appel au bras d'un allié, le comte Boson, frère 
du roi Raoul, qui surprit Ricoin dans son lit et le massacra, le 
14 mars 923 (3). 

Du reste, Sigebert, élevé à Gembloux puis moine de 
Saint-Vincent de Metz dans la première moitié du XI° siècle, et 
très au courant des alliances des chefs lorrains au X°, écrit 
dans sa chronographie (4) : « Deoderico Metensi episcopo 
defuncto, successit ei Adalbero fratruelis ejus ». Thierri 1 de 
Metz, fils d' Eberhard et d'Amaurée, eut donc pour successeur 
le fils d'un de ses frères (fratruelis); mais ce successeur, Adal- 
béron II, avait pour père Frédéric I, duc de Haute-Lorraine, 
fils lui-même de Wigeric. Frédéric se dit germanus d’Adal- 
béron I, mais ce terme n’a d'autre sens, au X° siècle, que 
frère de père, et le biographe du B. Jean de Gorze, voulant 
distinguer certains des frères d’'Adalbéron I, dit avec inten- 
tion qu’ils lui étaient german de malre, termes qui seraient 
un uon-sens si germanus seul avait eu, sous sa plume, l’accep- 
tion de frère du même lil. 

D'ailleurs Gerbert, dans l'épitaphe de Frédéric, dit en 
vantant sa noblesse : « Quem proati fudere Duces de sanguine 
Regum ». Si Frédéric eût été fils de Cunégonde, il aurait eu 
un proavus rez, ce que Gerbert n'aurait pas manqué de rele- 
ver de préférence. 

Pour que Frédéric ait été frère de l'évêque Thierri, il 
faut nécessairement qu’il ait eu pour mère Amaurée. Ceci 


(1) Les Derniers Carolingiens, p. 65 et 409. 

(2) Le Royaume de Lorraine, pp. 468, n. 5; 580, 581, 604, 608, n. 4; De 
prima domo qua Superioris Lotharingiæ ducatum tenuit, p. 2. 

(o) Parisot, p. 663. Cet auteur ne peut comprendre la conduite d’Adal- 
béron : elle serait sans excuse, en effet, si Ricoin eût été le mari de la mère 
du prélat ; mais le mari de sa belle-mère lui était absolument étranger. 

(4) Pertz, Scriptores, VI, 358, 


— 381 — 


du reste explique à merveille, comment Eberhard a pu être 
chargé de l'administration du Toulois et du Chaumontois : 
c'est comme mari de la veuve de Ricoin et tuteur de ses 
enfants. Regiuon nous apprend en effet que, de son premier 
mari Bernier, que Hugues de Lorraine fit périr en 888, 
Friderade eut une fille unie au comte Ricoin et que celui-ci fit 
décapiter pour adultère. Le Ricoin, antérieur au comte de 
Verdun tué en 923, est identifiable au Ziguinus duz que le 
nécrologe de Remiremont distingue nettement du mari 
d'Amaurée en inscrivant son obit à la date du 15 novembre(1). 
C'est le Riceuvindus dur qui figure, dans un diplôme faux, 
mais reconstitué d'après des données certaines, comme inter- 
cesseur eu faveur de l’église de Toul en 894 (2). 

À cette date, Hugues IT, fils de Hugues et de Friderade, 
né au plus tôt en 884, était mineur, et l'intervention du beau- 
frère de cet enfant, le duc Ricoin, pour défendre les droits de 
l'église de Toul contre des envahisseurs, est pleinement 
justifiée. 

Plus tard, en 912, pendant la minorité de Hugues III — 
encore garvulus en octobre 907 — Dreux évêque de Toul, et 
le comte Ricoin (de Verdun) sollicitent du nouveau roi de 
Lorraine Charles le Simple, la confirmation d’une cession de 
biens en Chaumontois à l’église de Toul (3). 

Ainsi pendant les minorités successives de trois comtes 
du Toulois, Hugues II, Hugues III et Arnoul (4), se 
manifeste tour à tour l’intervention de Ricoin I, de Ricoin II 
et d'Eberliard, mari de la veuve de Ricoin II. C'est la confir- 
mation de notre interprétation du problème généalogique 
posé par le texte de Sigebert. 


(1) Neues Archiv, XIX, 70. 

(2) L'orthographe du diplôme est Vilenvindus que certaines recensions 
ont travestie en Vizemundus. L'altération du nom réel se reconnaît dans la 
première graphie: cf sur ce diplôme, les remarques de Parisot (pp. 506-507). 

(8) Parisot. p. 586-587. D. Calmet a publié cet acte (t. I. Preuves, col. 
335) ; une copie collationnée à l'original existe dans la coll. Moreau, IV, 18. 
(Bibl. Nat. de Paris). 

(4) Hugues III est le nobilissimus comes mari d'Eve, père du comte 
Arnoul et de l’archevêque de Reims Odalric. 


— 332 — 


La construction généalogique que nous venons d'établir 
entraîne une conséquence indirecte, c’est de fixer l’origine 
d'Hedvige, femme de Hugues le Grand. Il est hors de conteste 
qu’elle était fille de Henri l'Oiseleur, mais celui-ci contracta 
deux unions; la première, anti-canonique, avec Hatheburge, 
veuve voilée, fille du comte Erwin ; la seconde avec Mathilde. 
De quel lit Hedvige était-elle issue? Les généalogistes désireux 
de flatter les Capétiens ont affirmé sans hésitation qu’elie eut 
pour mère Mathilde. Mais Hedvige maria sa fille Béatrice 
à Frédéric I". Cette union n'eùt certainement pas été tolérée 
par l'Eglise si Frédéric et Hedvige eussent été enfants de 
deux sœurs. Hedvige est donc fille de Hatheburge, que 
répudia Hepri l’Oiseleur pour épouser Mathilde. Dès lors 
l'inimitié persistante de Hugues le Grand, mari d'Hedvige, 
contre Louis IV, mari de Gerberge, fille de Mathilde, trouve 
sa source dans des excitations conjugales non moins que dans 
des manœuvres politiques, et l'on conçoit le parti-pris d’Otton 
le Grand en faveur de Louis IV, mari de sa sœur de père et 
de mère, et le soutien constant qu’il lui apporta contre leur 
commun beau-frère Hugues le Grand. 

Si Eberhard, désigné en 928 comme le propinquus de 
Henri l’Oiseleur, avait perdu ce lien le 29 décembre 929 
pour ne conserver alors que le rapport moins intime que 
marque le terme consanguineus, c'est que la propinguitas est 
une relation éphémère, qu'anéautit la mort de la personne 
qui l'a créée entre deux individus de souche différente. 
Amaurée était morte le 7 septembre 929 (1). 

Thierri, son fils, fut en effet orphelin de très bonne 
heure; car dès sa plus tendre enfance il fut envoyé à 
Halberstadt et confié aux soins le Brunon, fils de sa tante 
Mathilde, de près de quinze ans plus âgé que lui. Thierri était 
encore un jeune homme lorsque Brunon, ayánt été pourvu en 
953, de la miître archiépiscopale de Colugne, l'emmena, 
comme son disciple et son familier, dans sa ville métropoli- 


1) Le quantième est fourni par le Calendarium necrologicum Gorziense : 
VII Idus Septembris. Obiit Amarrada comitissa (Coll. Baluze, XL, 128. Bibl. 
Nat. de Paris), 





— 333 — 


taine et l’y fit entrer dans l’université (gymnasium) pour y 
apprendre les arts libéraux (Ziberali tyrocinio exercilalus). 
Thierri y trouva comme condisciples Gérard, le futur évêque 
de Toul (963-23 avril 994) (1), et Wicfroi, le futur évêque de 
Verdun, un Teuton né en Bavière (2), que Brunon à la veille 
de sa mort (11 octobre 965) chargea, de concert avec Thierri, 
de recueillir son testament (3). Sigebert, dans sa biographie, 
qualifie Thierri tantôt consobrinus, tantôt nepos (dans l’ac- 
ception saxonne du mot) de l'archevêque Brunon. Thierri, 
dans un acte solennel, appelle ce prélat domnus Bruno sobri- 
nus noster (4). Le continuateur de Reginon rapporte en 945, 
l'élection au siège de Metz de Diedericus, consobrinus impera- 
toris. On retrouve ce terme dans une cantilène funèbre 
relatée par Sigebert, et composée sur le neveu de Thierri, le 
jeune Eberhard : 


Hic consobrinus Cœsaris inclyti 
Herebat illi mililie et domi. 


Otton le Grand qualifie Thierri dilectissimus sobrinus 
nosler dans deux diplômes, l'un de 968 (5), l'autre de 977 (6); 
mais dans un autre du 29 juin 972, il le désigne ainsi : 
« Deodericum venerabilem antistitem sancte Metensis ecclesie 
ñostraque ex progenie ortum » (1). Ces deux ordres de relations 
de famille auxquels la diplomatique impériale fait indiffé- 
remment appel se rencontrent juxtaposés dans un document 
de 970 utilisé per Sigebert (8) : « Venerabilis episcopus 


(1) Pertz, Scriptores, IV, 53. 

(2) Ib., IV, 37. 

(3) Ib., IV, 467; cf. ibid., 276. 

(4) Acte sans date, tiré des Archives de Saint-Araoul de Metz : Coll. 
Moreau, XII, 13. 

(5) Calimet, Hest. de Lorraine, t. \, Preuves, col. 382. 

(6) Il obtient de l’empereur en faveur de Jean abbé de Saint-Arnoul 


de Metz, l'approbation d’une charte de précaire conclue avec Gislebert 
(Orig. Arch. de Metz, H 130). 
(7) Diplomata, 1, 564. | | 
(8) Pertz, Scriptores, IV, 478. Notre but n'est pas d'écrire la biographie 
de Thierri, mais d'y puiser ce qui confirme nos conclusions «ur la généa- 
logie des comtes de Hamaland. | 


— 331 — 


Deodericus ipsi magnifico Imperatori (Ottoni) sanguine ac 
mira dilectione atgue consanguinitale conjunctus. » La pre- 
mière relation provenait d’Amaurée, mère de Thierri et faute 
malernelle d'Otton; l’autre, plus ancienne, d'Uota, aïeule de 
Thierri et grand’ tante paternelle de l'Empereur. 

Le prédécesseur de Thierri sur le siège de Metz, Adal- 
bérou I, était pauvre : Ricoin l’avait dépouillé, ainsi que les 
autres enfants de Wigeric et de Cunégonde, de tout ce qu'il 
avait pu leur prendre, notamment de l’abbaye d’Hastières, 
donnée à Adalbéron par Charles le Simple et que nous 
retrouvons la propriété de Thierri, fils d'Amaurée, en 968. 
Adalbéron en fut réduit, à son très grand regret, à ne pas 
restituer au patrimoine de Gorze les biens qui lui avaient été 
enlevés, et à les attribuer à ses frères de mère (germanos de 
maire) qu'il voulait tirer d’une situation difficile : il avait 
trouvé l’église de Metz tellement appauvrie par les dilapida- 
tions de ses devanciers qu’elle ne possédait plus de bénéfices 
disponibles. 

À la pénurie que connut Adalbéron, un historien des 
évêques de Metz, écrivant en 1021, Alpert, opposait la 
richesse de Thierri : « Deodericus longe aliter generositate 
parentum et excellentia majorum ex innata quoque copia 
magna prædiorum clarissimus habebatur » (1). 

Thierri, nous l’avons vu, naquit en Hamaland et c’est 
par le nom de son pays qu'on avait coutume de le distinguer 
de ses successeurs homonymes. En 1119, Ricoin, évêque de 
Toul, rappelle que son prédécesseur Gérard dédia l'église 
d’Epinal à la prière de son ami, « beate memorie Zkeodericus 
de Hamelant, Metensis episcopus », qui avait élevé cet édifice 
auprès d’un cloître où il établit une congrégation de Béné- 
dictines (2). 

Bertrand, évêque de Metz, citant dans une de ses chartes 
l'œuvre de Sigebert, s'exprime de la même façon : « In vita 


(1) Pertz, Scriptores, IV, 694. L'épithète de ditissimus est appliquée par 
Alpert à Wicman II du Hamaland, et par la cantilène de Luithard, à 
Eberhard 1. 


(2) Cartulaire d'Epinal, ms. n° 7 du fonds Salie, à la Bibl. de Metz. 





— 335 — 


Theoderici de Hamelland, episcopi Metensis et ecclesie S. Vin- 
cencii de ultra Mosam fundatoris, accepimus... » (1). 

Eberhard, père de Thierri, était comte (2), et ce prélat 
perdit pendant son épiscopat, un neveu portant aussi le nom 
d’Eberhard, dont l'obit, au 2 septembre, est iuscrit au nécro- 
loge de Gorze sous cette forme : Zverardus comes. Celui-ci 
qui succomba à l’âge de dix ans (vizdum decennem) en 974 (3) 
était le fils d'un frère de Thierri (fratruelem), d'après ies 
termes d’une inscription placée sur le tombeau que son oncle 
lui fit ériger en 978 (4) et composée par Thierri lui-même, — 
termes reproduits dans le texte de la fondation faite par ce 
prélat pour le repos de l'âme d'Eberhard au monastère de 
Saint-Arnoul de Metz (5). 

Puisque Thierri de Hamaland, fils d’un comte Eberhard, 
eut un frère qui, en 964, devint père d’un autre comte 
Eberhard, il est de toute nécessité que Thierri ait eu un frère 
comte du Hamaland. Or cinq diplômes de 952, 956, 960, 968, 
973 (6) montrent que, durant toute cette période, le Hamaland 
fut administré par Wicman II. Force est de conclure que 
Wicman II, comme Thierri, fut fils d'Eberhard II et petit-fils 
d'Eberhard I et d’Uota. Mais avait-il pour mère Amaurée? 
Nous ne saurions l’admettre. Otton le Grand n’attribue à 
Wicman, dans le diplôme de 970, que l’épithète : « comes 
fidelis », négative d'une parenté immédiate, et l'on ne saurait 
s'expliquer que sa chancellerie ait refusé au comte du Hama- 
land, dans un acte en sa faveur, le témoignage de parenté 
qui est toujours accordé à l’évêque de Metz. 

Une difficulté beaucoup plus grave s'oppose à ce que 
Wicmaa Il ait été fils d'Amaurée. Adèle, l’ainée des filles de 


(1) Martene, .Amplissima Collectio, 1, 1063. 

(21 Kalendis Maii. Obiit Everardus comes pater domni Theoderict primi- 
fundatoris hujus ecclesie (Necrologium S. Vincentii Metensis, Coll. Baluze, 
XL, 129, 


(3) Annales S. Vincentii Metensis, dans Pertz, XXIII, 1295. 

(4) Pertz. Scriptores, IV, 480. 

(5) Charte de Saint-Arnoul de Metz, dans Coll. Moreau, XI], 19. 
(6) Diplomata, 1, 211, 264, 299, 491, 539; Lacomblet, p. 67. 70. 


— 336 — 


ce comte, naquit en 936 comme nous le verrons, et treize ans 
seulement séparent les dernières semaines de cette année du 
14 septembre 923, date où expirait le deuil légal d’Amaurée 
Six mois après la mort de Ricoin. Il est impossible qu’un fils 
né du dernier mariage d'Amaurée, et qui n’a pu venir au 
monde avant le printemps de 924, ait été père de famille en 
936. Wicman était donc issu d'une première alliance d’Eber- 
hard II : il serait d’ailleurs peu explicable que celui-ci, dont 
le père mourut en 898, et qui dès 912 administrait un comté 
— ce qui reporte sa naissance à 892 environ — ait attendu 
l’âge de 32 ans pour se marier : c’est absolument contraire 
aux mœurs des familles nobles de ce temps. 

Il est vraisemblable qu'Eberhard II épousa entre 912 et 
918, une fille de Wicman I, comte du pagus Wimodia, le 
frère aîné d'Hermann, duc de Saxe; fille issue de la première 
union de ce comte sur lequel nous reviendrons plus loin. 
Telle serait l’origine du nom de Wicman II du Hamaland et 
la source de la confusion qui s’est établie plus tard entre 
lui et Wicman II de Wimodia. 

Nous avons vu qu'Eberhard II administrait en même 
temps des comtés situés à droite et à gauche de l’Issel, le 
Hamaland et le Baarn-have. En 944 nous le retrouvons à la 
tête d’un comté forestier, celui de Drenthe (pagus Thriente 
ou pagus Forestensis), entre Zwolle et la mer du Nord. 
Baudri, évêque d’Utrecht, obtient alors d’Otton le Grand la 
concession du wild-ban ou droit de chasse sur les bêtes sau- 
vages, au profit de son église (1). En 1005 et 1006 cette 
région est administrée par Baudri, gendre de Wicman II : 
Otton l’avait donc confiée à son cousin Eberhard II et celui- 
ci la transmit à son fils aîné. 

Eberhard IT mourut le 1‘ mai d’une année comprise 
entre 945 et 951. Ceux de ses comtés situés à l'est de l'Issel 
passèrent à Wicman IT; ceux situés à gauche de ce fleuve à 
un cadet, Eberhard III. Daus le comté de celui-ci se trouvait la 
cilla Tongoron. qui n’a rien de commun qu’une paronymie 
avec Tongres, civitas ayant été jadis le chef-lieu de l’évèché de 


(1) Diplomata, 1, 143; 111, 112, 138, 





— 337 — 


Liège. Ce lieu était dans le Salaland (1) ou Isselgau, d’où il 
suit qu Eberhard III administrait ce district aux dates du 
2 juillet 956 (3) et du 28 août 960 : à la seconde de ces dates, 
il gouvernait également le pays de Velp, contigu — siuon 
identique — au Baarn-have (1). | 

Cecomte accompagnait à Derneburg, le 16 novembre 958, 
Otton le Grand; il intercède auprès d’Otton avec l’arche- 
vêque Adalbert pour faire accorder au fidèle Redold un 
bénéfice à Grosseneder en Hesse, que le comte Bruning et 
son fils Amalong ont autrefois possédé (3). L’Annalista Saxo 
note la mort d’Eberhard III en 966 (4). 

A une époque antérieure à 964, Eberhard s'était allié 
par un mariage contracté sans doute avec une cousine issue 
de germaine, à la famille de l’empereur Otton. C’est lui, 
en effet, et non Wicman, qui fut père du jeune comte 
Eberhurd IV, le nourrisson chéri de l’évêque Thierri de Metz. 
Celui-ci prit soin de mettre dans l’épitaphe de son neveu ($) 
qu'il était « orthodoxis regüique sanguinis parentibus clarum ». 
La mère d’Eberhard IV était donc, comme son père, de sang 
royal : car, du côté paternel, l’enfant possédait, comme son 
oncle Thierri, l'augustalis amplitudo sanguinis dont parle le 
récit de la fondation de Saint-Vincent de Metz transcrit par 
Sigebert, et qu’affirme l’épitaphe du prélat (6) : 


Hic Deodericus, generoso sanguine natus, 
Regum progenie, nomen habens celebre, 

Cesaris Oltonis tetigit quem linea carnis, 
Cujus consilis jura dedit populis. 


HI. 


Vers 935, Wicman II, fils aîné d'Eberhard II, épousait 
Luitgarde, fille du marquis Arnoul de Flandre, qui le 10 sep- 


d— ——— 


(1) Diplomata, X, 299. 

(2) Diplomata, I, 264. - 

(3) Diplomata, 1, 2TI. 

(4) Pertz, Scriptores, VI, 597. 
(S) Pertz, Scriptores, IV, 480. 
(6) Pertz, Scriptores, IV, 488. 


— 338 — 


tembre 918 avait succédé à son père Baudoin II, enterré à 
Saint-Pierre de Gand. 

Dès l’année 936 naissait de ieur union une fille, Adèle, 
relevant le nom de son aïeule maternelle, Adèle de Verman- 
dois, et, quelque temps après, une autre fille, Luitgarde. Il ne 
paraît pas qu’elles aient eu des frères; en tout cas Wicman 
ne laissa pas de fils survivants. 

La Chronique de Saint-Pierre de Gand (1) rapporte qu'en 
mai 960, le marquis Arnoul fit commencer les travaux de 
reconstruction du monastère sur un plan beaucoup plus beau 
(majori elegantia). La même année, la marquise Adèle mourut 
le 16 septembre (2); elle fut inhumée dans la chapelle de la 
Vierge où reposait son beau-père et où son époux devait la 
rejoindre le 27 mars 965. A ses côtés la mort, dans l'inter- 
valle, amena successivement ses deux enfants, Baudoin enlevé 
le 1‘ janvier 962, peu après son mariage avec Mathilde, fille 
d’Hermann, duc de Saxe; puis bientôt Luitgarde, qui vint 
s'éteindre à Gand le 29 septembre suivant (1). 

Wicman, immensément riche, — ditissimus, selon l’ex- 
pression d’Alpert — avait assez de fortune pour doter en 
même temps ses deux filles. Ce ne purent être que des motifs 
physiologiques qui lui firent vouer Luitgarde, la seconde de 
ses filles, au célibat religieux. Valétudinaire sans doute comme 
sa mère, la jeune Luitgarde ne parut pas apte au rôle, parfois 
très pénible en ces temps agités, de mère de famille. 

À son intention et pour lui assurer une existence indé- 
pendante et sûre, son père éleva le monastère d’Elten dans 
son propre comté, in comilatu de Hamalant, et pour mettre 
à couvert des revendications ultérieures de son autre fille 
cette fondation qu’il voulait doter princièrement, il obtint 
d’Otton le Grand, qu’il accompagnait en Italie, un diplôme 
daté de Pistoie, le 29 juin 960, placant Elten sous la sauve- 
garde impériale. Outre l’abbaye elle-même et ses dépendances, 
la première dotation de l'établissement comprenait Urk en 


(1) Edit. Van de Putte, p. 159. 
(2) Annales Blandinienses, dans Pertz, Scriptores, V, 21, 


— 339 — 


Salaland, au comté du jeune Eberhard IV, et de moindres 
propriétés dans le Hamaland et le Nerdinckland (1). Peu 
après, Luitgarde, instituée abbesse, et ses religieuses deve- 
naient, avec l’approbation du souverain, grâce à la munifi- 
cence de Wicman, propriétaires d’une étendue considérable 
d’autres territoires (2), notamment d'Emmerich en Dubalgau, 
entre Elten et Wesel. Enfin un dernier privilèe général 
d’immunité vint couvrir Elten le 14 décembre 973 (3). Il 
émanait d'Otton II qui, depuis quelques mais, avait remplacé 
son père. Wicman mourut peu de temps après : nous appre- 
nons en effet par un diplôme d Otton III que, durant tout le 
règne d'Otton IT, la fille aînée de Wicman, Adèle, ne cessa 
de protester contre les libéralités de son père, qu’elle jugeait 
excessives; elle se basait sur la loi saxonne, qui ne permet 
pas au père de disposer de ses biens héréditaires sans le con- 
sentement expressément formulé de ses enfants (4). 

Vers 955, Adèle avait épousé un arrière-cousin issu des 
comtes de Derneburg, Immed II[, arrière-petit-fils d'Immed I, 
le second des frères de la reine Mathilde et d’Amaurée. 
Immed I et ses frères avaient fondé le monastère de Ringel- 
heim (s),.dont Emmehilde, fille d'Immed, fut la première 
abbesse (6). Ce comte eut trois fils, Wolfhard, Immed II, 
Sibeth (Sibodon ou Siegbodon), et mourut en 953, laissant 
la réputation d’avoir été l’un des principaux et des plus 
puissants seigneurs du royaume de Germanie (7). C’est bien 
à cette souche qu’'Immed III, le mari d'Adèle, se rattache, 
car Widukind (8) assure que le second de leurs fils, Meinwerc, 


(1) Diplomata, I, 491. 

12, Diplomata, 1, 539 (3 août 970). 

(3) Lacomblet, p. 67, 79. 

(4) Diplomata, II, 651. 

(5) Chronicon Luntburgicum, dans Eckhart, Corpus historicum Medië 
LEvi, 1, 1331. 

(6) Diplôme (faux dans sa teneur actuelle) d'Otton I, donné un 17 jan- 
vier (entre 937 et 953) (Diplomata, I, 581; Janicke, Urkundenbuch der 
Hochstift Hildesheim, n° 23, p. 19). | 

(3) Widukiad, III, 28. 

(8) Widukind, III, 69. 


né en 959, descendait « paterno genere a Thiedrico, Mathildis 
regine fratre, materno a Wichmano, Hermanni ducis nepote, 
propinquo Ottonis primi ». Widukind fait là une série de 
confusions ; on ne connaît à Mathilde que trois frères, Witi- 
kind, Immed et Reimbern; Thierri était leur père. Immed 
III administrait un comté où il avait remplacé son père et qui 
se trouvait situé auprès du Rhin, à l'extrémité du diocèse 
d’Utrecht, dans la partie septentrionale de la Basse-Germanie, 
et qu'on avait toujours commis à des mains nobles et vaillan- 
tes, car il s'agissait de défendre des ports commerciaux de la 
plus haute importance(1). 

Cette description ne saurait convenir qu’aux comtés dont 
Eberhard III avait été titulaire. À sa mort, en 964, son fils 
Eberhard IV n’était âgé que de deux aus. Si loncle de 
celui-ci, Thierri se chargea de son éducation, ce prélat ne 
pouvait assumer les devoirs militaires inhérents au titre de 
comte. La garde de cette région dut être confiée au plus 
proche parent de l'enfant-apte à en assumer la responsabilité. 
Il est naturel qu’Otton en ait chargé Immed II, second fils 
d’un oncle maternel du comte défunt. Eberhard IV, moissonné 
dès la première fleur de l’adolescence, ne prit jamais posses- 
sion des fonctions dont il avait le titre. Ainsi ses comtés 
durent passer naturellement des mains d’Immed II à celles 
d’Immed III, l'Empereur y ayant maintenu, à titre définitif, 
cette branche de la famille de sa mère. 

Les deux filles de Wicman étaient de mœurs bien diffé- 
rentes : Adèle était une femme dissolue, Luitgarde une âme 
chaste et pieuse (2). Elles ne pouvaient vivre en bonne har- 
monie; d’ailleurs Adèle haïssait sa sœur, dont la vocation 
religieuse avait provoqué l'aliénation définitive d'une grosse 
part de son patrimoine. Lorsque mourut Wicman, un 15 
octobre, vers 978 (3), Immed et Adèle essayèrent de faire 
triompher par la force les revendications restées sans succès 
devant la justice impériale. 





(1) Vita Meinwerci, dans Pertz, Scriptores, XI, 108. 

(2) Alpert, De Diversitate Temporum, dans Pertz, Scriptores, IV, 702. 
Ce récit dramatique d’un grand intérêt se trouvera fort éclairé pour le 
lecteur par la présente étude. 


(3) Wedekind, Noten, II, 69. 





— 41 — 


Luitgarde, chassée d' Elten, fit appel à son cousin le comte 
d’Anvers Godizon, fils de Richizon, qu’on rencontre encore en 
1008 (1), et qui, le 29 juillet 1018, devait succomber aux bles- 
sures reçues la veille au combat livré près de Dordrecht entre 
le duc Godefroi, dont il était le vassal, et Thierri III de 
Hollande (2). 

De concert avec Baudri, fils du comte de Gennep Erenfroi 
jadis destitué et qui, par compensation, avait obtenu le comté 
de Deutz (3), Godizon, tandis qu’Immed était à Elten, attaqua 
le château où résidait Adèle, s'en empara et le réduisit en 
cendres. Après ces représailles, la paix se fit. Luitgarde reprit 
possession d’Elten, dont en 980 Otton II confirma de nouveau 
les possessions et les privilèges, en accordant aux religieuses, 
ainsi qu'aux communautés d’Essen, Quedlimbourg et Gan- 
dersheim, le libre droit d'élection de leurs abbesses (4). 

Un nouveau sujet d'animosité devait bientôt surgir entre 
les deux sœurs. Immed étant venu à mourir, Adèle, déjà 
presque quinquagénaire ($), concut l'idée d’épouser Baudri, 
celui-là même qui avait aidé Godizon à brûler son château et 
dont elle s’était sans doute éprise alors comme d’un vigoureux 
et martial capitaine. Elle se heurta à la très vive opposition de 


(1) Bormaus, Cartulaire de Saint-Lambert de Liège, p. 29. 

(2) Thietmar, 1X, 27; édit. Kurze, p. 253. Le Nécrologe de Merseburg le 
qualifie Godizo comes; son inscription dans ce mémorial lui suppose, du côté 
maternel tout au moins, une origine saxonne. D’après Alpert, Godizon était 
consanguineus harum sororum (Adèle et Luitgarde). Richizon son père 
pouvait avoir épousé une fille d'Eberhard II. 

(3) Lacomblet, 87, 98. 

(4) Binterim, n° 17, 

(5) Immed III mourut un 29 janvier, peut-être dès 981. En cette même 
année une charte d'Egbert, archevêque de Trèves, porte la souscription d'un 
comte Thierri qui paraît être le fils aîné d'Immed III. Cette charte a pour 
but, en effet, de confirmer spécialement à l'église de Trèves les bieus précé- 
demment concédés en bénéfice à un comte Luithard, mort sans hoirs 
directs (Brower, Antig. Treverenses, p. 484). Ce Luithard pourrait être un 
cousin germain d'Adèle, car il est qualifié en 973 de « sobrinus » par Wicfroi, 
évêque de Verdun, probablement parent de son devancier Bérenger : il se 
distingue de Luithard comte de Longwy qui embrassa la vie monastique 
vers l’an 1010 et qui fit des libéralités à Saint- Vannes. En 971, ce Luithard 
Âgure encore comme le mandataire (advocatus) de son frère Wicfroi, chor- 
évêque de Trèves. 


— 342 — 


sa sœur, qui réussit, grâce à l'influence dont elle Jouissait, à 
retarder indéfiniment ce mariage, qu'elle avait fait envisager 
comme une mésalliance. Baudri avait une belle charge, il était 
fort, riche, puissant, mais de médiocre noblesse (1:; le sang 
royal ne coulait pas dans ses veines comme dans celles d’ Adèle. 

Sa famille, alliée de Renier au Long col, avait pris parti 
pour le comte de Hainaut, lorsqu'il eut l’audace de s’emparer 
des alleus de Gerberge, sœur d'Otton le Grand, faisant partie 
de la dot que son premier mari, Gislebert de Lorraine, lui avait 
constituée. Renier, aux ancêtres directs duquel ces alleus 
avaient appartenu, ies reprit violemment ; l'exil le châtia de sa 
témérité ; Erenfroi de Gennep, son allié, fut privé de son comté 
qui fut donné en 958 à Arnoul, beau-père d'Erenfroi et beau- 
fils du comte Eilbert, fondateur de Waulsort. Arnoul transmit 
à son fils Godefroi le comté de Gennep; mais Baudri, dont le 
grand oncle homonyme, évêque d'Utrecht, avait été le précep- 
teur de Brunon, frère d’Otton le Grand, ne partagea pas la 
disgrâce de son père, et obtint un comté sur l’autre rive du 
Rhin. 

Adèle parvint pourtant à réaliser son projet. Un jour 
Luitgarde, empoisonnée, s’éteignit entre les bras de ses reli- 
gieuses ; et tandis que celles-ci lui rendaient, tout en larmes, 
les derniers honneurs, Adèle, déjà prévenue, envahissait le 
couvent, faisant main basse sur tout ce qu'il renfermait, s'en 
_ déclarant abbesse et propriétaire, et réduisait les malheureuses 
nonnes au plus triste sort. 

Puis, malgré les représentations de son fils Meinwerc qui 
lui faisait honte de se remarier à soixante ans, elle épousait le 
comte de Deutz. 

Les religieuses d'Elten, cependant, s'étaient réunies, 
avaient élu abbesse une homonyme de leur premièresupérieure, 
et cette Luitgarde II s’était adressée à l'Empereur pour être 


(1) Videbatur (Baldricus) quamuis loco nobilitatus, genere tamen medio- 
‘cris, dit Alpert. — Plus tard, Meinwere, fils d'Adèle, voulait dissuader 
sa mère de ce mariage, jugeant Baudii hominem fortem, divitem et potentem, 
non tamen ejus matrimonio congruentem. — Erenfroi, père de Baudri, admi- 
nistrait aussi le Dubalgau en 948: peut être en 957, ce pagus futil 
“confié à Wicman qui y possédait le domaine d'Emmerich en 970. 


— 343 — 


remise en possession de ses droits. Otton IIT fit expulser 
Adèle; mais bientôt celle-ci décidait son mari à revenir à la 
charge. Baudri s'empara des terres qui dépendaient d’Elten, 
puis du couvent lui-même où les tenanciers s'étaient réfugiés. 

L'Empereur, averti de ces nouveaux méfaits, convoqua 
les deux parties au parlement qu'il tint à Nimègue, le 18 dé- 
cembre 996. Baudri, sur l’ordre du souverain, remit le monas- 
tère sous la sauvegarde impériale. Otton, pour lui donner 
quelque satisfaction, lui fit abandonner quatre fermes, avec 
défense de rien entreprendre désormais contre le monastère (1). 
Cette défense fut respectée tant que vécut Otton, bien que, 
dès 1001, le fils d' Adèle, Meinwerc, sorti du séminaire d’Hal- 
berstadt, eût été nommé chapelain de l'Empereur (2). Mais 
l’année suivante, la mort d’Otton III changea la face des 
choses. Le principal allié de Baudri, Gérard de Mosellane 
devenait tout d’un coup très puissant, sa femme Eve étant a 
sœur de Cunégonde, la contectalis — mais non la contho: 
ralis — du nouveau roi Henri II. 

Adèle se mit de nouveau en possession d’Elten, et, sûre 
de la protection d’un beau-frère du roi, elle suggéra à son 
mari une entreprise hardie, qui devait auginenter considérable- 
ment son pouvoir. 

Le comte de Gennep, Godefroi, était fort âgé lorsque, en 
1006, les Normands s’elnparèrent de Tiel, importante place 
commandant toutes les relations du Rhin avec la mer. L'âge 
avait rendu impuissant à défendre son pays. Peu après, il 
terminuit ses jours laissant un fils dépourvu de santé, de pru- 
dence et de vaillance, qui dut pourtant au vieux renom de 
sagesse et d'honneur dont avait joui son père, de succéder à sa 


charge. 
Quelques années après le convol d’Adèle, Godefroi avait 
marié sa fille à Wicman — un descendant de Wicman de 


Wimodia — qui déjà, sous Otton III, avait eu avec Baudri de 
longs et sanglauts démélés. La paix entre eux s'était faite, mais 
la jalousie de Wicman, attisée par la nouvelle fortune de 
Baudri, à qui le comté de Drenthe avait été donné, l'excita 


(1) Diplomata, II, 651. 
(2) Pertz, Scriptores, XI, 108. 


— 844 — 


à persuader à son faible beau-frère, le nouveau comte de Gen- 
nep, de prendre avec lui les armes contre Baudri. 

Pour repousser leur attaque Baudri fit appel à ses alliés, 
Lambert, comte de Louvain, petit-fils\de Renter au Long col, 
et Gérard de Mosellane. Leurs forces jointes assiégèrent le 
château de Wicman; menacé d'être fait prisonnier, celui-ci 
s'enfuit, traversa le Rhin et se réfugia dans une place qu'il 
possédait, Monne, où il se fortifia. 

Par les soins de Henri II et de son confesseur Adelbold, 
archevêque de Cologne, protecteur de Baudri, Wicman et lui 
se réconcilièreut, mais ce fut au détriment du comte de Gennep. 
Adèle détermina son marià tenter auprès du Roi une démarche 
décisive : « Preefecturam quæ justius ex linea consavguinitatis 
et prosapia majorum tibi obtigit, postulato », lui dit-elle. Il 
le fit, et Henri, fixé sur l'incapacité du comte de Gennep, 
rendit à Baudri la charge que ses aïeux jadis avaient remplie. 

Une insatiable et féroce ambition tourmentait le cœur de 
Baudri. Sa femme, assurément beaucoup plus âgée que lui, 
avait eu quatre enfants de son premier époux. Deux ne comp- 
taient plus pour le monde : Mein werc, devenu en 1009 évêque 
de Paderborn, et Adèle, religieuse d'Elten. Glismode, leur 
sœur, s'était mariée en Bavière, à l'âge de trente ans; l’ainé 
de la famille, Thierri, n'avait pas de postérité. Baudri se 
disait que si Thierri mourait avaut samère, Adèle hériterait du 
Hamaland et qu’il acquerrait de ce chef un surcroît de puis- 
sance considérable : la réunion de ces divers comtés le rendrait 
le maître du cours inférieur du Rhin et de celui de l'Issel. Sur ses 
instigations, Adèle fit tuer son propre fils par des affidés, le 
4 avril 1014 (1) à Upplan, cité fortifiée du Hamaland, proche 
d'Elten. 

Ce meurtre, dissimulé sans doute sous d’autres appa- 
rences, ne fut pas poursuivi; du moins ses vrais auteurs 
échappèrent à toute atteinte. Meinwerc aimait son frère 
« comme son âme, » mais, quoiqu'il sût les causes de sa perte, 
il ne pouvait se faire l’accusateur de sa mère. 


(1) Vita Meinwerci, dans Pertz, Scriptores, XI, 133. Le biographe de 
Meinwerc, écho de ses confidences, ajoute des traits affreux au portrait du 
couple déjà bien noirci par la plume d’Alpert. 


— 345 — 


L'impunité enhardit les criminels. Deux ans plus tard, un 
vouveau drame allait ensanglanter la sinistre citadelle d’Up- 
plan. Wicman, gendre de Godefroi de Gennep, n'avait pas 
pardonné à Baudri l’éviction de son beau-frère. Effrayé de ses 
menaces, Baudri l’attirait, sur la foi des serments et sous 
ombre de conclure une entente, daus sa forteresse, et Wicman 
y trouvait la mort le 6 octobre 1015. Deux écuyers l’avaient 
poignardé sous les yeux de ses ‘hôtes, comme il quittait le 
festin où, dans le vin qu’on lui servait, il avait reconnu la 
préseuce d’un poison. 

La coupe de sang avait débordé. Déclaré tuteur du jeune 
fils de Wicman, Bernhard duc de Saxe, son cousin, requit, par 
ordre du roi, l'archevêque de Cologne, de lui prêter main- 
forte pour investir Upplan. Adelbold, quoi qu’il eùt pu con- 
server de son ancienue bienveillance pour Baudri, dut concourir 
à cet acte de justice. Les troupes du duc et du métropolitain 
prirent d’assaut la forteresse et la détruisirent, laissant en 
liberté la femme de Baudri. Proscrit et dépouillé de ses biens, 
celui-ci s'était réfugié chez Adelbold. 

Adèle ne put survivre à ce désastre. Elle expirait, aban- 
donnée de tous, le 6 août 1016 (1). Meinwerc et Glismode, ses 
seuls héritiers, partagèrent ses biens personnels. Meinwerc 
vécut jusqu’en 1036, donnant d'admirables exemples d’expia- 
tion, et fut canonisé peu après sa mort. 

Baudri n’avait pas renoncé à tout espuir de revanche. Son 
fidèle ami Gérard lui confia le château de Heimbach, près de 
Birkenfeld. Bientôt un de ses partisans réussit à s'emparer de 
Monne, le château du fils de Wicman, le 1 avril 1017 (2). Il y 
appela Baudri, qui s’y fortifia, bravant la justice impériale. 

Mais la patience de Henri IT était à bout. Au parlement 
de Nimègue, le 16 mars 1018, la destruction de Monne fut 
décrétée. Gérard de Mosellane et l'archevêque Herbert furent 
chargés de l’exécution. Baudri, emprisonné pour répondre du 
meurtre de Wicman, offrit de s’en purger par les serments 
juridiques : mais les ducs Bernhard de Saxe et Godefroi de 


(1) Necrologium Abdinghofense, dans Pertz, Scriptores, XI, 108. 
(2) Thietmar, VII, 38. 


— 346 — 


Lorraine s'opposèrent à ce qu’on les reçut, invoquant la foi 
jurée et mentie par Baudri lui-même à Wicman. La sentence 
prononcée par Henri II exila Baudri à Heimbach où il mourut 
oublié en 1021 (1). 

Ainsi fut close la dernière page de ce terrible roman vécu, 
dont la plume d’Alpert a si bien retracé les principaux épi- 
sodes dans son récit contemporain les Vicissitudes des Temps: 
De Diversilate Temporum. Il offre un intérêt d’autant plus 
grand, que les points laissés dans l'ombre (+ peuvent être 
éclairés par la biographie de Meinwerc et par les mémoires 
de l’évêque Thietmar de Merseburg. 

La personnalité d' Adèle, meurtrière de sa sœur et de son 
fils, constitue un véritable problème psychologique. D'où put 
lui venir une telle férocité? Le tempérament d'hystérique que 
lui impute le biographe de Meinwerc, même après l'exaspéra- 
tion d'une longue attente apportée par l'opposition des siens 
à une union passionnément souhaitée, ne suffit pas à expli- 
quer ses forfaits. Deux de ses aïeux, Baudoin IT de Flaudre et 
Eberhard I avaient sur la conscience des assassinats politiques. 
Mais c’est surtout dans l’atavisme suxon qu’il faut chercher 
les éléments constitutifs d’un caractère si atroce. 

En 956 on vit à Cambrai un phénomène étrange et dou- 
loureux. Un clerc transrhénan, ignorant la langue du pays, 
ne parlant qu’un idiome incompréhensible et aussi barbare 
que ses mœurs, fut implanté sur le siège épiscopal de cette 
ville. | 

Il ne tarda pas à se faire haïr par sa morgue qu’exaltait 
l'auctorilas regi generis et par sa brutalité. Une révolte 
terrible éclata, les Cambrésiens proclamèrent une sorte de 
commune. L'évêque triompha pourtant de l’insurrection et la 
noya dans le sang, avec des raffinements de cruauté qui 
soulevèrent l’indignation universelle. Quand ce monstre mitré 
mourut, après six ans de tyrannie, son souvenir fut effacé des 


(1) Alpert, dans Pertz, Scriptores, IV, 716. 
(2) Alpert ne prononce pas le rom du premier mari d’Adèle et ne dit 
pas un mot de ses enfants. 





— 347 — 


mémoriaux de l'Eglise et nul obituaire ne relate le jour de son 
anniversaire (4). 

Cet évêque, sorti d'un pays de langue barbare, d'au dela 
du Rhin, — définition qui convient au Hamaland, — se 
nommait Bérenger, comme l’évêque de Verdun, frère d’Eber- 
hard II; comme lui, et de la même manière, il était cousin de 
l’empereur Otton [*, mais à un degré de plus d'éloignement 
(prozime consanguineus). 

On reconnaît, grâce à cet ensemble de circonstances, un 
frère de Wicman II, né de la même alliance d’Eberhard II 
avec une Saxonne du Wimodia; c'est de ce côté, sans doute, 
qu'il faut chercher, et les raisons d’être d’un choix si funeste 
à l’église de Cambrai, et les origines héréditaires de cette 
effroyable dureté de cœur de la comtesse Adèle. 


IV. 


Dans les recherches critiques réunies sous le nom de 
Noten, Wedekind a consacré aux divers personnages du nom 
de Wicmän une étude savante, et on lui doit notamment la 
distinction définitive entre le Wicman du Hamaland et le 
Wicman de Wimodia, confondus par une méprise du moine 
Widukind. Nous retracerons d'après lui la biographie de ce 
dernier Wicman et de son fils. 

Un comte saxon du nom de Billung eut plusieurs fils, 
dont l'un, Wicman, reçut des charges importantes et de 
grandes richesses, tandis qu’un autre, Hermann, doté seule- 
ment de quelques fermes, servait comme simple chevalier. 

En 936, le roi de Germanie Otton le Grand, ayant à 
désigner un connétable, fit choix d'Hermaun, dont il avait 
apprécié la prudence et la bravoure. Wicman en concut une 
effroyable jalousie et se retira dans sa province (2). 1] occupait 
notamment le comté de Wimodia, dont une des principales 
places était Lesum, dans le bassin du Weser. Par ses ancêtres, 
il se rattachait d’une part à Hermann, son devancier dans ce 


(1) Gesta epp. Cameracensium, dans Pertz, Scriptores, VII, 431. 
(2) Widukind, II, 4 ; dans Pertz, Scriptores, III, 439. 


— 348 — 


comté dès 860 ; de l’autre à la dynastie des Amolong, comtes 
de Paderborn. 

Wicman mourut le 23 avril 944, laissant un fils homo- 
pyme, Wicman II, lequel, d'après Thietmar de Merseburg, 
eut pour confrater Ecbert, fils d’une tante maternelle d'Otton 
le Grand, c’est à dire d’une sœur de la reine Mathilde. Outre 
Amaurée, Mathilde eut en effet deux autres sœurs, Bia, 
femme de Frédéric (ancêtre des comtes de Wettin), et Frédé- 
rone (1). C'est sans doute celui-ci qui fut mère d’Ecbert. 

Le sens du mot confrater est fixé par Thietmar lui-même : 
il eut personnellement un confrater, et sa mère n’avait été 
mariée qu’une fois : il s’agit donc de frères de père, de lils 
différents. Il faut rectifier en ce sens l’opinion de Wedekind. 
Wicman avait ainsi été marié deux fois, et en secondes noces 
il avait épousé une sœur de Mathilde dont il eut Ecbert. 

Wicman IT naquit d'un premier mariage. Wedekind, 
ayant coufondu Billung père de Wicman et d’Hermann, avec 
un homonyme qui mourut le 26 mai 967, a été amené à 
rajeunir considérablement. ses fils et à supposer que le second 
fut nommé connétable à 26 ans. C'est absolument invraisem- 
blable. Il admet aussi que leur frère Amolong, évêque de 
Verden, mort le 5 mai 962, avait alors 54 ans, tandis que 
Thietmar dit qu'il atteignit une grande vieillesse. Les enfants 
de Billung sont certainement nés entre 880 et 895, et non 
entre 908 et 911, comme le prétend Wedekind. 

Si Wicman II de Hamaland, dont la fille aînée Adèle 
naquit en 936, avait alors 20 ans, et que sa mère eût 16 ans 
lors de sa naissance, elle a pu voir le jour en 900 et être 
parfaitement la fille de Wicman (fils de Billung) et de sa 
première femme, et être la sœur de Wicman II de Wimodia. 
Dès lors l’origine de cette première femme de Wicman I nous 
sera relativement connue. En effet, Bérenger de Cambrai, que 
nous avons envisagé plus haut comme le frère utérin de 
Wicman II de Hamaland, était, au rapport de Flodoard, nepos 
de Bovon, évêque de Châlons-sur-Marne, lequel était frère de 


(1) Brower, Annales Trevirenses, 1, 470. 


— 949 — 


la reine Fréderone. Mais Bérenger de Cambrai élu en 956, 
mort en 963, se place certainement, non pas à la première, 
mais à la seconde génération après Bovon, qui fut évêque de 
916 à 947, et Fréderone qui fut reine de 907 à 917. La femme 
que Wicman [ de Wimodia épousa d’abord était donc, très 
probablement, une sœur de l’évêque de Châlons et de la reine 
de France. Si Wicman II du Hamaland était le petit neveu 
de la première femme de Charles le Simple, son alliance avec 
la fille du marquis Arnoul, arrière-cousiue de ce roi, n'a rien 
que de fort compréhensible. 

Quant à l’origine de la reine Fréderone et de son frère 
Bovon, elle rentre dans le cadre d'une autre étude que nous 
préparons sur le comte Eilbert, fondateur de Waulsort, dou- 
blement lié à Thierri de Metz, à qui il fit don de cette abbaye, 
‘par une origine commune (Deoderici gloriabalur consanguini- 
tate) et par une parenté indirecte (erat genere propinquus 
Deoderici), au rapport de Sigebert. 

A la mort de son frère aiué, le duc de Saxe Hermann 
abusa de son pouvoir pour s approprier une part de son héri- 
tage et se faire concéder des honneurs ou des bénéfices que 
ses fils étaieut fondés à revendiquer. N’ayant pu obtenir 
justice, Wicman II et Ecbert firent alliance avec les Redarti et 
soulevèrent la province voisine de Mecklembourg. Cette 
révolte coïncidait avec une des plus redoutables invasions des 
Hongrois. Otton le Grand triompha de ceux-ci en les écrasant 
sur les bords du Lech le 10 août 955 : alors il tourna ses forces 
vers les contrées au nord de l’Elbe, les pacifia : Wicman.et 
Ecbert furent proscrits et leurs biens confisqués. 

Ils se réfugièrent en France, près de Hugues le Grand. 
Le bon accueil que Hugues fit à ces rebelles est une preuve 
de plus à l’appui de la thèse précédemment soutenue sur la 
nature des liens qui l’unissaient aux rois saxons. En 957 
Ecbert fut gracié et reçut le comté d'Ambergau en Ostphalie, 
entre le Netter et la Lamme. 

Mais le Wimodia resta acquis au duc Hermann, qui le 

transmit à l’un de ses fils, Liuther (rt). Wicman avait été 


mn 


(1) Ce point résulte de la possession de Lesum par Liuther. Cf. Wede- 
kind, Noten, 11, 86. 


— 350 — 


autorisé à quitter l'exil et à revenir en Saxe en jouissant des 
biens que sa femme lui avait apportés. 

Il profita de cette amnistie pour tramer ua complot contre 
son oncle le duc. Découverte, ses complices furent punis ; lui 
s'échappa, et, quelque temps après, périt dans un combat 
contre le roi de Pologne Miesco [*, le 22 septembre 967. 
Otton le Grand partagea les biens de Wicman II entre deux 
monastères : Saint-Michel de Lüneburg, fondé par le duc 
Hermann, et Kemnade, fondé par Fréderone, sœur de mère 
d'Ecbert, et sœur de père du jeune Wicman. La décision 
royale montre que ce dernier ne luissait pas d’enfants. 

Wedekind a parfaitement établi que le comté d’Ecbert 
surnommé le Borgne (Monoculus) était l’Ambergau ; en 1001, 
en effet, Otton III constate que dans ce pagus est situé le 
comté des fils de son neveu Ecbert, comitatus filiorum ÆFcbrakli 
comitis et nepolis nostri. 

Mais on ne saurait suivre Wedekind quand il identifie 
cet Ecbert, nepos d'Otton III avec Ecbert le Borgne. Quelle 
que soit l’élasticité du vocable nepos dans l’acception saxonne, 
il n’a pu être appliqué à un cousin plus âgé d'un demi-siècle. 
Dès 979 un Wicman III, qu'il faut bien prendre pour un 
veveu de Wicman II, apparaît comme comte d'Ambergau (t); 
si Wedekind a raison d'identifier Ecbert le Borgne avec le 
marquis de Saxe mort en 994, il faut rattacher alors Wic- 
man III à un autre fils de Wicman I et de Fréderone, Thierri, 
cité par Widukind comme nepos Herimanni ducis, et dont 
Gramaye a voulu faire un comte de Gand. 

C'est ce Wicman III qui recut, à un moment donné, la 
garde d’un comté bien plus rapproché de Cologne et le laissa 
à son fils Wicman IV, tandis qu’un autre fils, Ecbert II, 
conservaitl’ Ambergau. La Chronique de Quedlimbourg appelle 
Wicman IV comes occidentalis (Westphalien), tandis que 
l’Ambergau est en Ostphalie. 


(1) Diplomata, II, 229. — En 993, Wicman III vivait encore; il était 
avoué du couvent saxon de Metelen, quand le roi confirma aux nonnes le 
droit d'élire leurs abbesses, à la prière de Bernhard, duc de Saxe, fils 
d'Hermann, et du comte Ecbert (sans doute le marquis Kecbert, mort en 
994), — Ib., II, 523. 





— dol — 


Si Ecbert II fut le zepos d'Otton II, Wicman IV était 
aussi un très proche parent de ce prince. Avec Otton de 
Lorraine et Henri de Bavière, tous deux petits-neveux d’Otton 
le Grand, il conduisit en janvier 1002, d'Italie en Allemagne 
la pompe funèbre du jeune empereur, tâche que la rigueur 
de l'hiver rendit extrêmement pénible et qui ne put être 
assumée que par des hommes dans la pleine vigueur de 
l'âge (1). 

Le rival de Baudri est certainement de la même généra- 
tion qu'Otton III, car c'est vers l’an 1000 qu'il se maria (2) à 
la fille de Godefroi de Gennep, et, lorsqu'il périt en 1016, il 
laissait un héritier mineur dont le tuteur fut Bernhard, duc 
de Saxe. 

Ecbert II d'Ambergau, son cadet, pouvait être à peu près 
de l'âge d’Otton III (né en 980); les fils qu’il laissait en 
mourant devaient être fort jeunes en 1001 puisque la succes- 
sion d’Ecbert était éncore indivise. 

Les remarques précédentes engagent à se rallier à la 
critique sì souvent sagace de Wedekind pour rattacher à la 
souche des Billung le Wicman qui fut l’adversaire et la 
victime de Baudri. La question, d’ailleurs, n’a qu’un intérêt 
fort accessoire au point de vue de l’objet principal de cette 
étude. 


{1) Adelbold, Vita Henrici II, dans Pertz, Scriptores, IV, 684. 
{2) Aliquot annos post nuptias Baldrict, d'après Alpert. 





NET TK | 


No 17. — Reconstitution du cours des Schijns au 15* siècle, au nord d'Anvers. 


Les parties en traits hâchurés : cours reconstitué des Schijns. — Les parties en 
traits continus : cours d’eau encore existants. — Les parties en traits inter- 
rompus : contour du bassin et de l'enceinte d'Anvers de 1860. — Les parties 
en traits continus et pointillés associés : enceinte de 1500. — Les traits droits 
coupant les parties hâchurées indiquent les relevés de coupes géologiques. 

A, B, nouveaux bassins intercalaires. C, bassin America. D, bassin Lefebvre. 
E, bassin Kattendijk. F, bassin aux bois. G, bassin Asia. H, bassin aux mine- 
rais. 1, Grand bassin. J, Petit bassin. 

1, à l'angle vers l'Escaut dans le bassin D: point où ont été découvertes cinq 
barques en 1884. — 2, au bassin intercalaire A: une barque du 11° siècle. — 
3, au bassin intercalaire A : débris de barques du 77° siècle. 


Les barques de pêche 
trouvées à Anvers en 1884 et 1904-1905, 


par Groroes HASSE, 


Médecin-Vétérinaire, Membre de la Société d’Anthropologie de Bruxelles 
et de la Société belge de Géologie. 





Les grands travaux exécutés à Anvers pendant les années 
1902 à 1907, nouveaux fossés et nouveaux bassins, ont été 
une occasion unique d'étudier, sur plus de 50 hectares de 
fouilles, les formations géologiques du nord de la ville; le 
hasard a voulu que le tracé de ces travaux englobat précisé- 
ment tout un réseau de rivières disparues, tant par suite du 
Comblement naturel, que par suite des travaux de rectification 
des cours d’eau par la main de l’homme. 

J'ai pu étudier les dépôts fluviatiles d'une façon complète 
au Nord d'Anvers, à la suite d'innombrables coupes géologi- 
ques et levés faits dans le polder de Steenborgerweert, tant par 
moi que par M" l'avocat Bernays et M" Eug. Van de Wouwer. 
Ayant aiusi reconstitué le cours des Schijns primitifs sur toute 
l'étendue du polder de Steenborgerweert à l’aide de la géolo- 
gie, j'ai voulu refaire, dans les polders Ferdinand, d’Austru- 
weel, de Steenborgerweert et d’Eeckeren et Merxem, le tracé 
complet. Je me suis servi tout d’abord des coupes géologiques 
nombreuses relevées par Messieurs Paul Cogels, Van den 
Broeck, van Ertborn, Rutot et Dejardin dans les bassins 
Kattendijk (E), Lefebvre (D), America {C), aux Bois, de la 
Campine (F. G. H.); ensuite pour la partie du Loo en Schijn- 
broeck et dans la ville d'Anvers, je me suis servi des plans 
d'Anvers de 1500, 1604, 1605 (Van Lijdert), 1661 (Van 
Langren), du XVII siècle (Max Grimm, de Wit, P. Verbiest, 
Aug. Vindeli.), 1748 (Stijnen), et de tous les plans du XVIIT° 
| siècle, arrivant ainsi à compléter et unir les tracés géologique 
et historique tel qu’ils figurent à la fig. 17. 


— 354 — 


Ayant ainsi suivi pendant cinq aus les fouilles, j'eus 
l'occasion de retrouver bien en place d'innombrables vestiges 
des siècles disparus; et parmi ceux-ci les plus intéressants au 
point de vue archéologique sont certes ceux ayant rapport 
à des barques de construction primitive. 

Ce sont ces restes et ces barques dont il va être question ; 
mais qu'il me soit permis auparavant de donner une coupe 
géologique propre à expliquer les niveaux archéologiques et 
les gisements (1, 2, 3 du plan, fig. 17) dont il sera fait état. 

L'étude attentive et constante de ces dépôts fluviatiles 
m'a permis de relever une coupe démonstrative transversale 
(n° 3 du plan) sur 120 mètres de lougueur et 5,50 mètres de 
hauteur, montrant les divers dépôts en ordre chronologique 
et stratigraphique normal et permettant, grâce à de nombreux 
témoins retrouvés, de dater parfaitemeut ces couches : 





No 18. Coupe géologique montrant les dépôts fluviatiles dans le polder 
de Steenborgerweert à Anvers (L'échelle des hauteurs est 20 fois plus 
grande que celle des longueurs:. 


1. — Argile des Polders, en stratifications régulièrement 
horizontales, déposée dans le polder de Steenborgerweert depuis 
1583, date des inondations défensives contre le prince de 
Parme; de nombreuses pièces en cuivre à l'effigie de Philippe 
IL, roi des Pays-Bas, de 1590 et 1592, ont été retrouvées au 
contact de la tourbe ou des dépôts fluviatiles sous-jacents. 


2. — Couche compacte de fourbe, formée depuis la période 
néolithique jusque vers le XI° siècle, date à laquelle les forêts 
disparurent à cause de nombreuses inondations; une hache 
en silex poli a été retrouvée dans la tourbe, au contact de 
l'argile verte sous-jacente. 


3. — Dépôts fluviatiles argilo-limono-sableux, à stratifi- 
cations horizontales régulières, formés depuis le XI° siècle, 
date des premiers endiguements, jusqu'en 1583. 


— 399 — 


Des poteries noires du XI° siècle furent retrouvées au 
contact des couches 3 et 4, puis de nombreux fonds de pots à 
pincées, des grès vernissés, des fragments de tuiles flmandes 
du XITLesiècle et, vers l'argile des polders, des débris de poteries 
rouges bien vernissées du XV* siècle. 


4. — Dépôts fluvialiles sableuz blancs par décoloration, à : 
stratifications irrégulières, entrecroisées, formés depuis le 
III: et IV* siècles jusqu’au XT° siècle. 

En ordre stratigraphique, nous retrouvons d’abord, au 
contact entre les couches 4 et 5, de nombreux ossements 
entaillés; puis des tegulae romaines, des meules romaines 
en lave, des fragments de canalisation en poterie romaine; 
puis, vers le contact entre les couches 3 et 4, des débris de 
poteries noires mal cuites, à pincées. 


5. — Dépôls fuviatiles limono-sableux, à stratifications 
régulières avec coquilles d’eau douce, formés depuis le creu- 
sement des Schijns, à l'époque initiale du néolithique, jusque 
vers le IIT° et IVe siècles. 

En ordre stratigraphique, nous y retrouvons des osse- 
ments entaillés au silex, des silex utilisés et taillés, un marteau 
en bois de cerf, des poids de filets en grès bruxellien, et enfin, 
au contact des couches 4 et 5, des ossements entaillés au silex 
et au métal. 


6. — Terrains pliocènes (poederlien, scaldisien et argile 
verte). 


I. 


De tout temps les habitants de la région d’Anvers ont: 
navigué sur les cours d'eau (larges de 10 à 15 mètres avec 
2 à 3 mètres de profondeur), et, si nous n’avons pas retrouvé 
de barque préhistorique, la trouvaille de Malines est là pour 
combler la lacune. , 

Comme dans toute l'Europe, l’embarcation était un tronc 
d'arbre simplement creusé, mais déjà en forme de pirogue 
pointue, pour notre région flamande. 

Ce type de dug-out persiste jusqu'à l'époque où l’arrivée 
des Romuins et plus tard celle des Normands amènent un 
changement notable dans la construction navale. 


— 356 — 


La première barque qui nous occupe a été retrouvée dans 
les bassins intercasaires, en juin 1905, au milieu de la couche 
sableuse à stratifications entrecroisées (4 de la coupe n° 1), au 
point 3 du plau (fig. 17), à la côte — 2,00. 

Elle y était représentée par les restes suivants, en bois 
de chêne (fig. 19) : 

a) Une membrure de 1 mètre de longueur, à section 
rectangulaire (0"105 x 0"05) présentant 3 trous de chevilles, 

5 où 2 chevilles, l’une cylindrique, 
l'autre à section carrée, étaient en- 
core fixées (1); 

B) Des fragments de bordage 
avec nombreuses traces de trous à 
chevilles (2, 3, 4, 5); 

€) Un fragment de traverse (6). 

D'après ces débris ressemblant 
beaucoup à certaines pièces de bur- 
ques normandes du V: siècle trou- 
vées en Norwège, nous pouvons 
donner, par comparaison, à cette 
barque les dimensions approxima- 
tives suivantes : longueur 8 à 10 
mètres, largeur 1,20 à 1,30 m., 
profondeur 1 mètre, mesures cor- 
respondant parfaitement avec les 
nécessités de la navigation dans 
des rivières étroites. 


e 
" 
> Depuis l'invasion des Nor- 
Ne 19. mands jusqu’au XI‘ siècle, la région 
d’Anvers semble retomber dans la solitude, et rien ne vient 
nous donner des renseignements sur la construction des bar- 
ques pendant cette longue période de plus de trois siècles. 
La seconde barque trouvée à Anvers fut découverte, le 
13 septembre 1905, dans les bassins intercalaires (2 du plan, 
fig. 17), dans un gouffre formé par l'affouillement des dépôts 
sous-jacents (4 et 5 de la coupe, fig. 18 et 22); elle reposait, 





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— 359 — 


bien à piat, à la côte -5, soit à 6.20 m. sous le niveau du 
sol arable. Ce gouffre, qui avait environ 25 mètres de 
diamètre, contenait, outre la barque en question, une poterie 
ronde en terre noire fine et légère du XI° siècle (retrouvée à 
2 mètres de la barque et à la même côte) et deux grandes 
planches en chêne de 8 mètres de long chacune, sur 0.50 m. 
de large et 0.12 m. d'épaisseur, avec un trou en forme de 
trèfle à une extrémité et un trou en 8 au centre (retrouvées 
tout à côté de la barque). 

La barque fut découverte le 13 septembre, et, pendant 
les quatre jours qu’on employa à la dégager avec précaution, 
jai pu suivre sa sortie graduelle de la fouille, relever et 
étudier toute sa construction sans être dérangé dans mon 





N° 22. Gisement de la 2° barque: coupe dans le sens de la ligne indiquée 
en 2 sur la fig. 17. 


travail, grâce à la très aimable bienveillance des entrepre- 
neurs, Messieurs Bolsée et Hargot. 

La longueur de l’embarcation était de 5.50 m. pour 
1.50 m. de largeur au milieu, l m. de profondeur au centre 
et 0.50 m. vers les extrémités. 

On se trouve ici en présence d’un type en forme de 
pirogue un peu veutrue, à extrémités arrondies légèrement, 
à gouveruail latéral, come dans les constructions les plus 
primitives ; le bois employé était le chène et provenait très 
probablement d’un des nombreux et grands chênes poussant 
encore alors au bord des Schyns et dont les troncs ont été 
retrouvés en place. | 

La barque comprenait (voir fig. 20 et 21) : 


— 360 — 


1) Un fond d’une seule pièce, creusé dans un demi-tronc 
de chêne à l’aide du feu et d'instruments en métal ; le travail 
en est irrégulier : l'épaisseur varie de 3 à 6 centimètres. 
Extérieurement, ce fond est arrondi sans aucune crête formant 
quille. 

A l'avant, se remarquent des fissures qui se sont produites 
lors du creusement et que l’on a fermées avec de la mousse et 
des clous-rivets couvre-joints (A’, fig. l et 2, fig. 20). 

A l'arrière, un bouchon de 5 centimètres de diamètre 
assurait la sortie de l'eau de la barque; il se trouvait à un 
endroit (A) où primitivement le bois formait un nœud. 


2) Deux longues planches (d et d’) formaient, de chaque 
côté, le bordage et avaient 20 à 30 centimètres de largeur 
pour une moyenne de 2 centimètres d'épaisseur. 

Les joints entre ces pièces longitudinales étaient fermés 
intérieurement par un calfatage de mousse et de sable blanc, sur 
lequel une mince lame triangulaire en chêne de 2 centimètres 
de large était fixée par des clous en U, en fer; extérieurement, 
les joints étaient bouchés par le même calfatage, recouvert 
d'une mince lame triangulaire en chêne, puis de planches 
minces, de 10 centim. de large pour le joint iuférieur et de 
30 centimètres de large pour le joint supérieur ; ces dernières 
étaient fixées par des clous seulement pour le joint inférieur, 
par des clous et des chevilles en chêne pour le joint supérieur 
(fig. 1, 2, fig. 23). 

Les clous-rivets en fer employés ici sont plutôt de 
simples clous en U larges et aplatis, très irréguliers comme 
longueur et largeur; les autres clous, du type ordinaire, sont 
irréguliers comme longueur et les têtes en sont rondes, ovales 
ou carrées ; leur pointe est souvent entourée d'herbes pressées. 

À l'arrière (en G), la planche-bordage est percée d’un 
trou arrondi garni extérieurement d’un anneau en fer caunelé 
et fixé par 4 clous; cet orifice donnait passage au mauche du 
gouvernail. 


3) A l'intérieur, au fond, deux barres (b) sont fixées à 


l'aide de chevilles et servent, avec deux autres barres (a) 
fixées plus haut, à maintenir en place quatre des six membrures. 


No 23, — Même barque du 11e siècle. 

Figure 1. En coupe transversale, calfatage du joint (J) entre le fond (A) et le bordage 
D. — C, planche recouvrant le couvre-joint. — CH, cheville de bois unissant le 
fond et une membrure. — Fig. 2. En coupe transversale, le joint entre les deux 
bordages D et D’. — Fig. 3. Clous et têtes des clous employés pour la fixation 
des planches C et C’. 

Barque du commencement du 13° siècle. 

Figare 4. Calfatage des joints entre les planches du fond. — Fig. 5. Calfatage d'un 
joint entre 2 bordages latéraux. — Fig. 6. Un des clous employé pour l'union 
Lux bordages. 





— 362 — 


4) Ces six membrures sont taillées dans le sens longitu- 
dinal du bois et, quoiqu'elles soient appareillées deux à 
deux, la rusticité du travail a fait qu’elles ne sont pas 
absolument pareilles. 


5) Au fond et en avant (en À), fut retrouvée une planche, 
fixée primitivement sur la deruière membrure; elle présente 
de nombreuses, larges et profondes entailles (fig. 20, 3). 


6) Le gouvernail (fig. 20, 4) fut retrouvé par moi à - 
côté de la barque; il ressemble à une palette de pirogue; il 
avait une forme rectangulaire et mesurait 30 x 41 x 2 à 4 cm; 
son manche était court et percé d'un trou dans le sens trans- 
versal : il est donc probable qu’on le fixait dans l'anneau de la 
barque au moyen d'une cheville. 

Nous nous trouvous ici devant uu type de construction 
évidemment très rustique; si nous considérons les soins 
apportés à élaborer cette construction, nous devons admirer 
Ja méticulosité et l’ingéuiosité de l’ouvrier du XI: siècle. 

Deux membrures analogues à celles de cette barque 
furent retrouvées dans le même niveau archéologique, à 
30 mètres du gouffre où vint échouer la barque décrite ci- 
dessus : elles appartiennent à une seconde barque dont aucun 
autre vestige ne nous est parvenu. 


HI. 


Le nord d'Anvers, dans les XII° et XIII: siècles, reste 
toujours habité; la population qui s'occupe de la pêche 
s'accroit et se perfectionne lentement; les endiguements 
s'opèrent graduellement, mais tout le réseau fluvial reste 
dans son état primitif, aucune rectification de cours ne s'opère 
et les eaux restent toujours aussi claires et poissonneuses que 
jadis. 

Les dépôts fluviatiles de ces époques nous ont conservé 
des types intéressants de barques de pêche; elles sont deve- 
nues plus graudes en longueur et en largeur, bien que les 
cours d'eaux ne se soient. pas élargis de plus de 2 mètres en 
trois siècles. 


— 363 — 


En 1884, lors du creusement du mur de quai du bassin 
Lefebvre, une tranchée mit à jour des vestiges de barques; la 
ville s'occupa de les dégager et fit faire une photographie de 
la coupe géologique et un levé des cinq embarcations en 
position de gisement ; ces documents ne furent jamais publiés, 
de même qu'aucun détail de leur construction. 

. Grâce à l’aimable complaisance de M" l'Ingénieur en chef 
Royers et de M" Haenen, chef du 4° bureau, j'ai pu étudier à 
l'hôtel de ville d'Anvers le dossier complet s’y rattachant, et, 
aidé par la fidèle mémoire de Mr Paul Cogels, j'ai pu com- 
pléter mon étude sur les barques d'Anvers. 





N° 24. A. Position initiale hypothétique, en I-V, des cinq barques consi- 
dérées. B. Position observée, après le remaniement de 1421. 


La seule préoccupation que l’on eut alors, en 1884, fut de 
discuter l’âge des barques en s'en tenant à la coupe géolo- 
gique; seules les suppositions de M" Cogels et van Ertborn se 
rapprochèrent de la vérité archéologique, mais n'y parvinrent 
pas entièrement, leurs auteurs n'ayant pas eu comme moi 

l'occasion d'étudier, sur plus de 50 hectares, les dépôts fluvia- 
tiles modernes. 

J'airepréseuté en B de la figure 24 ci-dessus la coupe stra- 
tigraphique du gisement ; la photographie (fig. 26) donne l’as- 
pect de la tranchée observée. Le dos d'âne en (a) et la direction 
oblique des lignes de stratification témoignent de caractères 
anormaux dans la couche observée correspondant à la couche 3, 


“OLIS «1 np onbaeg ‘g — ‘91098 eBL NP UD el op Sen bauq ‘p Je 8 — “010218 BL NP Inq9p np sonbauQ ‘3 10 1 
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Sa0[ ‘HRSI ue zopwngyko sorbreg — ‘BIOAUY,P O[IJA U[ OP SOAJUOIU XHU gAJO8UOD UEId UND UOlzonposdoy — GS eN 





— 365 — 


mélengée de subles de la couche 4. Pour moi, il y a eu en ce 
point un remaniement des couches, attribuable à l’inondation 
de 1421, qui submergea les polders d'Austruweel, Wilmars- 
donck, Oorderen, Oordam, Kieldrecht et Verrebroeck : les 
eaux, poussées avec violence contre la bifurcation du cours 
d’eau au point considéré, affouillèrent les couches 4 et 5 et 


Ne 26. Photographie de la tranchée représentée sur le schéma B de la figure 24. 


firent passer en dessous d’une zône de la couche 3 des frag- 
ments remaniés voisins. Les figures À et B ci-dessus (fig. 24), 
dont la première est hypothétique, représentent le phénomène 
tel que je me l'explique. 

Il eut pour résultat de faire passer les barques que nous 
étudions sous des couches plus anciennes et de bouleverser 
leur position respective et chronologique. 

* 
“+ 

Les barques dont il est question’ sont, & fond plat pour 
quatre d'entre elles, et à carène pour la cinquième; la fig. 25, 
réduction du piau conservé aux Archives de la Ville, les 


— 366 — 


représente dans la position observée. Les quatre premières 
seules présentent un intérêt archéologique, en raison des points 
de rapprochement avec la barque du XI* siècle d'Anvers. 


Les barques 1 et 2 du gisement avaient respectivement 
20 et 15 mètres de long et 4 et 3 mètres de large pour 1 mètre 
‚ et 1,20 m. de profondeur au centre : elles étaient absolument 
_ complètes dans le gisement, chose qui eût été impossible si 
elles avaient été prises, avec les trois autres, dans un tourbillon 
, capables de les enfouir aussi profondément (fig. 25 et 27). 

: Le fond comprenait 6 planches de 15 à 20 centimètres, de 
„large et 2 à 3 cm. d'épaisseur, dont les joints étaient fermés 

intérieurement et extérieurement par du calfatage en mousse 
: et des clous-rivets eu U, en fer; à l’intérieur un couvre-joint 
. triangulaire en bois complétait le joint; le tout d’un travail 
. identique à la barque du XI: siècle (fig. 23, 4). 

Les planches du bordage étaient au nombre de 8, séparées 
par du calfatage en mousse et réunies par des clous en fer 
de forme régulière, à tête en pyrainide (fig. 23, 5). 

Quatre membrures complètes se trouvaient consolider, 
avec d'innombrables membrures incomplètes, ces longues 
embarcations : leur nombre si considérable doit être attribué 
à de fréquentes réparations et consolidations de ces embarca- 
tions de forme trop longue et d'exécution si rustique. 

L'avant et l'arrière étaient de forme semblable, coupés 
currés; on n’a aucune particularité concernant le gouvernail. 

Nous devons rapporter les barques 1 et 2 au début du 
XIIL siècle, eu égard aux dépôts considérés quant à leur 
épaisseur, déduction faite des parties déplacées. 


Les barques 3 et 4 ont respectivement 9 et 13 mètres de 
long, un fond plat, mais assez étroit; et elles se terminent 
en avant et en arrière en pointe bien accusée. 

Les caractéristiques de leur construction sont les mêmes 
que pour les burques 1 et 2; les matériaux sont encore en 
bois de chêne, le calfatage en mousse, les clous et c'ous-rivets 
(en U) en fer. | 


“woyporSuo] ommezBuiq 6 "SIA — ‘Sotaogo ep uopjedd er juenbpu! 1INUIOd uo syjeIg 8077 — ‘ejussoasuer odn09 *& ‘SIA 
— "HISAUY,P OIIIA BL ep 8041408 XN8 gAaOMUOO u8jd un,p uorjonpau ‘(3 ‘BU 81 ep ‘& oU) o[9QI8 «81 NP JUeWEAUOWMO) np onbrug — ‘LE oN 





— 368 — 


Leur modèle présente une grande amélioration dans l'art 
de la construction bien que les mêmes façons d’utiliser les 
mêmes matériaux aient subsisté. 

Ces deux barques (3 et 4) doivent être rapportées à la fin 
du XIIT° siècle, par la considération, encore une fais, de l’épais- 
seur des dépôts et la déduction faite des parties déplacées. 


La barque n° 5 ne présente aucun intérêt archéologique 
nouveau, car sa construction représente un type de yole décrit 
dans des ouvrages hollandais du XV* et XVI° siècle: elle 
devait avoir 13 mètres de long, et date de 1421, époque de 
l'affouillement et du déplacement des couches fluviatiles. 


— 369 — 


BIBLIOGRAPHIK. 





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WirseN, Nicolaas. Aloude en hedendaegsche scheeps-bouw, en bestier. Am- 
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24 


Les tapisseries historiées signées 
-par Jean van Room, alias Jean de Bruxelles, 
peintre de Marguerite d'Autriche, 
par le Ch" A. THIÉRY, 


Professeur à l'Université de Louvain. 





| M' Destrée, conservateur au musée du Cinquantenaire à 
Bruxelles, a fait remarquer que, si les mentions qui figurent 
sur les tapisseries du moyen-âge sont ordinairement un aligne- 

ment de lettres quelconques, les tapisseries de Bruxelles font 
exception à cette règle, et que leurs inscriptions méritent 
d'être relevées et étudiées. 

Nous avons entrepris de confirmer l’observation de 
M" Destrée en étudiant les œuvres d'un maître qui florissait 
pendant tout le premier quart du XVI: siècle. 

Un document d'archives (quittance) nous dit que Jean 
van Room a fait en 1513 le petit patron d'une tapisserie que 
nous possédons : c’est la tapisserie de la Communion d Her- 
kenbald, au musée du Cinquantenaire. Or cette tapisserie 
porte, tissée en grandes capitales, la signature Joanes. 

Nous relevons la même signature dans une série de 
cartons et de tapisseries de même faire et de même facture; 
de telle sorte que nous pouvons dresser la liste suivante : 

Passion de la cathédrale d'Angers antérieure à 1505. 
Quatre pièces (deux autres sont perdues). 

Passion de Somzée, au musée du Cinquantenaire (Répli- 
que partielle du précédent). Une pièce. 

Passion de Castro, exposition de Barcelone, 1878 (Répli- 
que du précédent). Une pièce. 

Passion de Monistrol (même désignation). Une pièce. 

Destruction de Troie. Une pièce est au musée Victoria et 
Albert à Londres; jusqu’à ces dernières années, elle avait été 


_ 3 — 


divisée en trois fragments. Sept fragments sont à Issoire (France), 
mais sont des sections de trois pièces. Trois fragments dans 
la collection Schouvaloff. Deux fragments existent à Monte- 
reau (France). On en conserve aussi au château de Sully et à 
l'église de Zamora. L'ensemble comptait 28 scènes réunies en 
sept pièces de quatre scènes chacune. Le petit patron de cette 
série existe en majeure partie au Louvre (daté de 1500). Il est 
signé par Van Room, comme les tapisseries de Londres et 
d’Issoire dont il est le petit patron. 

Siège de Jérusalem. à l'église Notre Dame de Nantilly, à 
Saumur. Quatre fragments réunissables en trois pièces (vers 
1503). 

ar de Darid de Somzée, au Cinquantenaire, à 
Bruxelles. Une pièce (vers 1510). 

Histoire de David el de Belhsabée, à la couronne d'Espa- 
gne (1520). Quatre pièces. 

Sainte Véronique et la Descente de croix. à la couronne 
d'Espagne (1525). 

Les Tentures de Treute (réplique partielle du précédent). 
Sept pièces. 

La Sybille et Auguste, du musée de Cluny. Une pièce. 

L' Hercule, du musée des arts décoratifs à Paris. Une pièce. 

Les inscriptions que portent ces pièces sont : soit les signa- 
tures de prénom seul : 


Jonanrs, IoANgs, loanus, TAN, lou, JAN, J., soit les signa- 
tures de nom seul. Ron, Rox, Roew, Raouw. R., soit encore 


— 372 — 


les signatures complètes : Jonanes Romeus, Ion. Raouue, 
Jan DE Ron, rom, J, R., [AN van Rom, A. Rom. — Parfois 
le lieu de provenance où le tissage a eu lieu est indiqué : 
Brus. BraB. (Bruxelles, Brabant), parfois un autre nom de 
peintre : VAN OIRLE, OSLE, ou de tisseur : VAN AELST, ou une 
date : 15°. 

Au cours de sa longue carrière, la manière de Jean van 
Room se modifie seulement pour les modes et pour les acces- 
soires, mais elle reste fidèle au caractère national belge. Elle 
n'adopte rien ou presque rien de la manière italique ou 
raphaélique dont s'engouaient les artistes contemporains. 
C'est un drapé plus étoffé, une plus grande recherche du 
type accentué et naturaliste qui caractérisent notre maître et 
font de lui un des peintres les plus nationaux que nous ayons 
eus. La fidélité avec laquelle il prodigue ses signatures, non 
moins que l’accentuation toute personnelle de sa manière per- 
mettront sans doute de lui restituer un œuvre beaucoup plus. 
nombreux. 


+ 
X * 


Concluons que Jean van Room mérite infiniment plus 
que l'oubli dont on l'entoure : Mr A.-J. Wauters, qui a écrit 
dans la Gazette, de Bruxelles (21 sept. 1904), un article sur 
Jean van Room, était arrivé à la même conclusion par une 
toute autre voie. 


L'Evaluation 
des monnaies anciennes en monnaies modernes, 


par Huserr VAN HOUTTE, 
Chargé de cours à l’Université de Gand. 


Est-il possible de traduire en langage moderne la termi- 
nologie monétaire ancienne? Exemple : Trouvant, dans le 
Registre du Cop de l'Espier de Flandre, que le froment est 
estimé à Furnes en 1381 à 1 livre, 9 sous, 1 denier parisis, et 
en 1440, à 2 livres, 6 sous, 10 deniers parisis, puis-je 
convertir ces indications de « livres, sous et deniers » en 
« francs et centimes »? | 

Ecartons d’abord la question du pouvoir de l'argent. Il 
ne s’agit pas ici de savoir combien de fois la puissance d’achat 
de cinq grammes d'argent fin, par exemple, est plus grande 
en 1381 et en 1440 qu'à l'heure actuelle (1). Il s’agit tout 
simplement de la question que voici : pouvons-nous dans 
l’état actuel de la science, déterminer couramment la quantité 
de métal précieux que représente une livre parisis ou tournois, 
un écu, un ducat, que sais-je, aux différents moments de 
notre histoire? Il va de soi que si nous ne pouvons déterminer 
d’une manière suffisamment précise cette valeur intrinsèque 
de nos monnaies anciennes, nous pouvons encore moins 
connaître leur valeur eztrinsègue, leur pouvoir ou puissance 
d'achat. 

Formulée en ces termes, la question étonnera un grand 


(1) Un ouvrage qui indique très bien l’état de cette question du pouvoir 
de l'argent est celui de A. LUSCHIN VON EBENGREUTH : Allgemeine Minzkunde 
and Geldgeschichte, 1902, pp. 188-192. On y trouve une bonne critique som- 
maire des théories de Leber, Lamprecht, d’Avenel, etc. Cf. À. DE FoviLLe: . 
La monnaie, 1907, pp. 195-200. 


— 314 — 


nombre de nos confrères. Car nous avons constaté plus d’une 
fois que, dans beaucoup de milieux, très au courant d’ailleurs 
des choses de l’histoire, on ne se doute pas même des difficul- 
tés que présente la solution de cette question en apparence si 
simple. 

Ces difficultés proviennent surtout de ce que les anciens 
termes monétaires ne désignent pas toujours des monnaies 
réelles, c'est à dire des rondelles de métal d’un poids et d’un 
titre donnés, mais qu’ils désignent souvent une monnaie de 
compte, c’est à dire une monnaie imaginaire. 

Expliquons-nous. 

De nos jours, le mot « franc » désigne un poids d'argent 
déterminé (5 gr. au titre de 9/10 de fin), ou, dans les Etats qui 
font partie de l’Union latine, un poids d’or au même titre 
mais 15 1/2 fois moins considérable. Le mot « franc » a donc 
chez nous un sens précis; et les espèces supérieures ou 
inférieures à cette unité portent le chiffre indicatif de leur 
valeur nominale. Au lieu de s'appeler ducat, écu, noble, 
carolus, patacon, ducaton, nos monnaies d'or et d'argent 
s'appellent pièces de vingt, de dix, de cinq, de deux francs, 
comme nos pièces de nickel ou de bronze se nomment non des 
oboles, des gigots ou des mites, mais pièces de vingt, de dix, 
de cinq, de deux, de un centimes ou centièmes du franc (1). Il 
en résulte que toutes ces monnaies ont une valeur nominale 
five par rapport à l’unilé monétaire. De la sorte, leur estima- 
tion dans le commerce se trouve à l’abri des changements 
qui surviennent dans le rapport de valeur entre les différents 
métaux et entre les différents types de même métal plus ou 
moins neufs ou plus ou moins bien faits. Autrefois, il n’en 
était pas ainsi. Le plus souvent, les monnaies d'or et d'argent 
ne portaient pas l'indication de leur valeur. De là vient que 
le rapport entre ces monnaies variait constamment d’après la 
loi de l’offre et de la demande, influencée non seulement par 
le marché des métaux précieux, mais encore par l'usure 


(1) Cf. H. LoxcHAY. Recherches sur l'origine et la valeur des ducats et 
des écus espagnols. Les monnaies réelles et les monnaies de compte (Extrait des 
Bulletins de l’Académie royale de Belgique, 1906), p. 67. 


… 975 — 


raturelle des pièces et par les pratiques du billonnage (démo-. 
nétisation des meilleures espèces et des meilleurs types par 
les spéculateurs en métaux précieux). Ces variations conti- 
nuelles des rapports entre les différentes monnaies nécessi- 
taient l'emploi d’un commun dénominateur abstrait. Ce ou 
plutôt ces communs dénominateurs s'appellent monnaies de 
compte. La monnaie de compte la plus usuelle dans nos 
provinces fut la livre (livre tournois, livre parisis, livre de 
gros) avec ses sous-multiples, les sous et deniers : ] livre 
valant généralement 20 sous, 1 sou valant 12 deniers. Ces 
livres, sous, deniers, avaient été, durant le haut moyen-âge, 
des monnaies réelles, c'est à dire des monnaies sonnantes et 
trébuchantes, représentant uue quantité donnée de métal 
précieux. Mais durant le bas moyen âge, ces termes ne 
désignent plus que des monnuies imaginaires, destinées à 
servir de commune mesure. Ainsi, en supposant qu’une pièce 
de monnaie d'argent soit tarifée en 1530 à 40 sous parisis et 
une autre d’or, à 60 sous parisis, cela veut dire tout simple- 
ment que la première de ces monnaies est à la seconde comme 
40 est à 60, ou comme 2 est à 3. Si, dans la suite, l'or devient 
plus rare comparativement à l'argent, la seconde monnaie 
montera en valeur par rapport à la première, et s1 celle-ci 
continue d'être tarifée à 40 sous, celle-là le sera peu à peu à 
61, 62, 65, 70 sous. Il se peut aussi que les deux types 
supposés, par l'entrée dans la circulation d’autres types moins 
parfaits ou moins riches en métal précieux et dont l’estima- 
tion officielle est surfaite, haussent dans la même proportion, 
de sorte que la monnaie d'argent tarifée en 1530 à 40 sous, 
le soit en 1630 à 50 sous et celle d’or, tarifée en 1530 à 60 
sous, monte en 1630 à 75, 76, 80 sous. Le terme sou, son 
multiple livre et son sous-multiple denier, n’ont donc pas de 
valeur concrète. Ils ne font qu'indiquer un rapport entre les 
monnaies différentes. 

Conséquemment pour convertir en francs des indications 
de sommes d’argent exprimées en monnaie de compte, il faut 
savoir 1° à quelles monnaies réelles correspondaient, en telle 
année, ces indications, 2° quel était le poids et le titre de ces 
monnaies réelles, 3° dans quel rapport de valeur se trouvaient 


— 376 — 


l'or et l’argent l’un vis à vis de l’autre. Alors, et alors seule- 
ment, il est possible dé calculer en francs la valeur intrin- 
sèque des sommes ainsi exprimés. 

Tels sont les termes du problème. Mais autre chose est 
de le poser, autre chose de le résoudre. 


PREMIÈRE QUESTION. 


A quelles monnaies réelles correspondent les 
monnaies de compte ? 


Pour pouvoir répondre à cette 1'° question, il faudrait 
qu'on fasse au préalable l’histoire des différentes monnaies de 
compte qui furent en usage dans. nos provinces. Rien de 
systématique n’a été fait à cet égard. Sans doute dans les 
ouvrages des Van Loon, Van der Chijs, Serrure, V. Gaillard, 
Chalon, De Witte, de Chestret de Haneffe, Cumont, on trouve 
des évaluations nombreuses, mais éparses. Toutes ces évalua- 
tions devraient être recueillies dans un ouvrage pareil à celui 
de Natalis de Wailly sur la livre tournois (r). Au surplus la 
plupart de ces évaluations devraient être contrôlées. Car il ne 
suffit pas, comme le fait N. de Wailly et comme le font la 
plupart des numismates, de se contenter des évaluations 
officielles, c'est à dire des évaluations faites dans les ordon- 
nances monétaires. Elles ne répondent guère à la réalité. Le 
public en effet ne se laissait pas duper par les ordonnances 
gouvernementales. Il cédait bien en apparence. « Il consen- 
« tait à appeler livre une quantité de métal fin moins grande 
« qu'auparavant et à prendre pour une livre (20 sous) une 
« monnaie qui par son titre ou son poids ne valait précédem- 
« ment, par exemple, que 18 sous; mais il rehaussait nomi- 
« nalement dans la même proportion, du dixième, toutes les 
« espèces d'argent nationales ou étrangères en circulation 
« dans le moment. Celles qui valaient jusque là 1 livre 
« (20 sous) se trouvaient dès lors valoir dans le commerce 


(1) Recherches sur les variations de la livre tournois depuis le règne de 
St. Louis jusqu'à l'établissement du système décimal Mémoires de l'Académie : 
des Inscriptions et belles-lettres, t. XXI, 2, 1867). 


_— 917 — 


« 22 sous; et l'opinion agissait de même envers toutes les 
« espèces d'or » (1). En voici une preuve concernant nos pro- 
vinces. L'ordonnance du 10 décembre 1526 (2), qui se rapporte 
précisément au cours des monnaies, commence par ces mots : 
« que les deniers d’or et d'argent de nostre coing et forge et 
aultres deniers par nostre dicte ordonnance coursabies et 
évaluez, se sont baillez et allouez et journellement se baillent 
et allouent d plus haull pris qu'icelle ordonnance ne porte ». 
Voilà le cours officiel reconnu fictif et illusoire par ceux-là 
mêmes qui l'ont fixé. Les doléances de ce genre sont extrême- 
ment nombreuses. C’est que les gouvernements de l’ancien 
régime croyaient à tort qu'il leur était donné d’imposer une 
valeur déterminée à telle rondelle de métal précieux qu’ils 
voulaient, sans se douter que ce métal n’était qu’une mar- 
chandise sujette aux fluctuations du marché, aux caprices du 
change, aux lois inéluctables de l'offre et de la demande. 
Ainsi, celui qui voudrait faire l’histoire de la valeur de 

nos monnaies de compte en monnaies réelles, ne pourrait se. 
baser exclusivement sur le cours officiel de ces monnaies, tel 
qu’on le trouve dans les « Placcards de Flandre », dans le 
« Recueil des anciennes ordonnances » ou ailleurs (3). Cette : 
méthode serait défectueuse, comme la méthode de Natalis de 
Wailly est défectueuse. Pour déterminer le plus approxima- 
tivement possible la valeur réelle de nos monnaies de compte, 
il faut recourir aux estimations réelles, c'est-à-dire aux estima- 
tions commerciales, telles qu’on les trouve dans les lettres de 
foire, dans les livres de compte des marchands et des ban- 
_quiers (4), dans les différentes pièces comptables des archives des 
grandes communes et des établissements charitables. M" Edw. 
Gailliard a recueilli quelques estimations de ce genre dans le. 
glossaire annexé à son édition de la Keure d’Hazebrouck (s). 


(1) Vte D'AVENEL. Histoire économique de la propriété, etc…, tome 1 (1894), 
p. 68. 

(2) Placcaeten van Vlaenderen, t. I., pp. 47 et suiv. 

(8 Voir la liste des ordonnances monétaires concernant la Belgique 
dans G. Cumont. Bibliographie générale et raisonnée de la numismatique belge 
(Bruxelles, 1883), pp. 383 et suivantes. 

(4) Cf. A. LUSCHIN VON ÉBENGREUTH, ouvr. cité, pp. 182-183. 

(5) Tome IV, ve lib. par. 


— JIE — 


En poursuivant à fond le travail tel qu’il est indiqué dans les. 
colonnes de ce glossaire, en recueillant et en classant systéma- 
tiquement un plus grand nombre d'indications de ce genre — 
elles abondent dans nos archives —, on pourrait faire un jour 
de facon vraiment scientifique l’histoire des sommes, en mox- 
naies réelles, que la livre parisis représenta successivement 
dans nos provinces. Et il faudrait en faire autant pour la livre 
de gros (1} et pour les autres monnaies de compte qui furent en 
usage chez nous. Car il n’y a pas que la livre monnaie de 
compte, il y a encore, au XV[° et au XVII* siècle, le ducat et 
l'écu, qui sont à la fois monnaie réelle et monnaie de compte!{2). 
Il y a de même, au XVIII: siècle, le florin de 20 patards. Et 
nous n'épuisons pas la série. Bref, il n'y a pas #x travail à 
faire au sujet de nos monnaies de compte, mais des travaux. 
Néanmoins nous croyons que, par une intelligente collabora- 
tion, nos archivistes, nos numismates et nos historiens, pour- 
raient mener à bonne fin cette première œuvre d'évaluation (3). 


(1) Mr G. Cumont a publié des estimations de la livre de gros de Flandre 
dans le Brabant, sous les règnes de Jean III, de Wenceslas et de la duchesse 
Jeanne, d'après les registres des receveurs généraux de Brabant (Voir 
Annales de la Société d'archéologie de Bruxelles, tomes XV et XVI). Ces 
estimations plus ou moins officielles sont-elles conformes aux estimations 
commerciales? Nous posons la question sans toutefois la résoudre. 

(2) Cf. H. Lonchay, ouvrage cité. 

(8) Mr d'Avenel (ouvrage cité, t. I, pp. 65 et 484) et, déjà longtemps avant 
lui, l’érconomiste Leber (Essai sur l'appréciation de la fortune privée au moyen 
âge, 2e édit.), exprimèrent l'avis que le cours réel de la livre de compte se 
retrouve dans le prix moyen, exprimé en livres, du mare, c'est à-dire de 
245 grammes d'argent fin. Ainsi Mr d’Avenel fait le calcul suivant: 245 gr. 
d'argent fin se vendaient en moyenne. de 1200 à 1225, 2 1. 10 8. :50 s.). Donc 
21. 10 s — 245 grammes d'argent fin, et 1 livre — 98 grammes d'argent fin. 
Or, 1 franc de notre monnaie actuelle == 4 yr. 50 d'argent fin ; donc 98 gram- 
mes: 4 gr. 50 == 21,77. La livre tournois valait donc en moyenne, de 1200 à 
1225, fr. 21,77. 

Si cette méthode était exacte. elle simplifierait singulièrement la 
question. Mais elle présente de très graves défauts. Le prix de l'argent 
monnayé n'est pas équivalent au prix de l'argent brut. Dans l'estimation de 
argent monnayé, il faut tenir compte des frais de fabrication et du bénéfice 
de seigneurie souvent très considérables. De plus. dans le cours del'argent 
monnayé, il y a un élément subjectif, l'opinion publique. — Pour plus de 
détails, voir notre mémoire intitulé : Documents pour servir à l'histoire des 
prix de 1381 à 1794 (Commission royale d’histoire, in-4°, 1902), pp. 26-29. 





_ 379 — 


DEUXIÈME QUESTION. 


Quel est le poids et le titre des différentes monnaies 
réelles P 


Je dis première œuvre d'évaluation. Car il y en a une 
seconde, plus facile, et que les numismates de bonne volonté 
pourraient faire du jour «u lendemain. Elle consisterait à 
indiquer, en grammes, la quantité de métal précieux que con- 
tiennent ou contenuient les anciennes monnaies réelles que 
nous possédons dans nos grandes collections. 

Si j'ai en main un mouton d'or du règne de Louis de 
Maele, « je puis en déterminer le poids avec une balance, le 
titre avec une pierre dé touche ou mieux par voie d’essai chimi- 
que » (1); et si je trouve ainsi que la pièce contient x grammes 
d’or fin, j'en conclurai provisoirement, par comparaison avec 
notre pièce de 20 francs, que ce mouton d'or valait Re ie len 
y francs (2). 

Je dis que je conclurai provisoirement. Et cela pour deux 
motifs. Le premier est le suivant. C'est que l'indication z 
grammes n'est qu’une indication empirique, viciée peut-être 
par l’usure ou l’imperfection de la pièce expertisée (le mouton 
d’or). On pourrait alors, pour mieux faire, prendre le texte de 
l’ordonnance ou des ordonnances dans lesquelles il est question 
du poids et du titre du mouton d’or et corriger la première 
indication (empirique) par la seconde {légale ou théorique, (3). 
Le second motif, pour lequel ma comparaison entre le mouton 
d’or et notre pièce de 20 fr. ne sera que provisoire, tient aux 
variations du rapport entre la valeur du métal argent et du 
métal or. Nous parlerons de ce rapport sous la troisième ques- 
tion. Au demeurant, souhaitons que les numismates nous four- 
nissent le plus tôt possible un glossaire de toutes les mon- 


(1) A. de Foville, ouvrage cité, p. 193. 

(2) 5 gr. 80644 est la quantité d'or pur contenu dans la pièce de 20 fr , 
son poids droit étant de 6 gr. 4516 au titre de 5, de fin. 

(3) Cf. A. de Foville, ouvrage cité, ibidem. | 


— 380 — 


naies réelles qui ont eu cours dans notre pays et dont nous 
possédons desspécimens dans nos cabinets numismatiques, en 
ayant soin d'en indiquer le poids et le titre constatés par des 
procédés empiriques. Ce glossaire constituerait un instrument 
de travail précieux pour les historiens-économistes et leur 
permettrait d'évaluer en grammes de métal fin, sans trop de 
peine, toutes les monnaies réelles dont il est question dans les 
documents anciens. Quoique cette question ne paruisse pas être 
la première qui se pose au point de vue logique, on pourrait 
la résoudre en fait avant les autres. Elle est la plus facile et 
donnerait des résultats immédiats. Beaucoup d'indications 
monétaires anciennes sont faites d’ailleurs en monnaiesréelles. 
Il va de soi que pour celles-ci la première question ne se pose 


pas. 
TROISIÈME QUESTION. 


Dans quel rapport de valeur se trouvaient lor et 
argent l’un vis-à-vis de l’autre P 


Dans les Etats de l'Union latine le rapport officiel entre 
la valeur de l'or et de l’argent est de 1 à 15,5. Ce rapport ne 
fut pas toujours aussi élevé. D’après les calculs de M" H. Lon- 
chay, il n'était en 1497 que de 1 à 10,10 (1). 

Il importe de tenir compte, dans les évaluations de 
monnaies anciennes, de ces variations de rapport. En effet, sur 
la base du rapport — ‚le gramme d'argent fin valant 0, f 22, 
le gramme d'or vaudrait 0,f22 x 15,6 = 3 f 41 ; tandis que 


1 . Des 
1010 il ne vaudrait que 2 f 22. Ce 


serait donc fortement augmenter la valeur des anciennes mon- 
paies d'or que d'admettre, pour leur évaluation, le rapport 
légal qui existe actuellement entre les deux métaux précieux 

Pour faire ces évaluations d'une manière relativement exacte, 
il faudrait connaître l’histoire des variations de rapport qui 


sur la base du rapport 


(1) Ouvrage cité, p. 52. 


— 38! — 


-sont survenues entre l'or et l'argent dans nos provinces depuis 
le moyen âge jusqu'à l'introduction du système monétaire 
actuel. En attendant que cette histoire soit faite, on pourrait 
se contenter de suivre les rapports successifs qui ont été établis 
pour les pays voisins, l'Allemagne et la France notamment, 
où la science est plus avancée en cette matière (1). 

Mais il y a autre chuse. Les rapports entre la valeur des 
deux métaux une fois établis pour telle ou telle année, il s’agit 
encore de s'entendre sur le choix du métal régulateur. En 
effet, d’après qu’on part de la base argent ou de la base or, on 
arrive à des résultats notablement différents. 

Comme nous l’avons vu tout à l’heure, si on déduit la 
valeur du gramme or de la valeur du gramme argent, nous 
trouvons, pour 1497, que le gramme or vaut fr. 2,22. Seule- 
ment si on fait l'opération en sens contraire, le gramme or 
valant actuellement dans l'union latine fr. 3,44, le gramme 
argent, suivant le rapport existant en 1497 (1) vaudrait 
fr. $%4 = fr. 0,31. On dira donc, si l’on prend l'argent 
comme métal régulateur, qu'en 1497 un gramme d’argent 
fin vaut fr. 0,22 et un gramme d’or fin fr. 2,22; si au con- 
traire, on prend l’or comme métal régulateur, on dira qu’en 
1497 un gramme d'argent fin vaut fr. 0,31 et un gramme 
d’or fin fr. 3,44. Il importe donc de s’entendre sur la base de 
ces calculs. 

Il règne, à ce sujet, des opinions très diverses. Les uns 
estiment qu'il faut prendre le pied de l’or, les autres le pied 
de l'argent; d’autres encore, tel Natalis de Wailly, diront 
qu'il faut combiner les deux pieds. 

Voici les motifs que fait valoir Mr H. Lonchay pour 
préférer, dans les évaluations relatives au XVI: siècle, le pied 
de l'argent : « L'historien doit comprendre les phénomènes 
« économiques comme les contemporains les comprenaient 
« eux-mêmes. Or, il y a trois siècles, l'argent avait par rapport 


(1) On peut affirmer, sans doute, que ces rapports ont été approximative- 
ment les mêmes dans toute l'Europe centrale et occidentale. Cependant il y 
a des différences dont il faut tenir compte. Au moyen âge et durant les 
temps modernes les phénomènes économiques se répercutent plus lentement 
dans les pays voisins qu'à l’heure actuelle. 


— 382 — 


« aux choses une valeur beaucoup plus considérable que de 
« nos jours. Son poutoir d'achat était, de l'avis de quelques 
« économistes, six fois plus fort que maintenant. L'argent 
« n'était donc pas un métal inférieur, il l’est devenu depuis. 
« Quoique, après la mise en exploitation des mines du Potosi, 
«il fût devenu plus abondant sur le marché et qu'il eût 
« diminué de valeur, il resta longtemps, aux yeux des contem- 
« porains, comme le signe par excellence de la richesse. On 
« ne parlait pas encore de la baisse de l’argent, mais on 
« remarquait la hausse de l'or. L'argent était donc au XVI: 
« siècle le métal régulateur » (r). 

Ces raisons nous paraissent décisives pour le XVI* et le 
XVII: siècle. Au surplus, elles nous paraissent avoir la même 
force, sinon plus de force encore, pour les siècles antérieurs. 
Evidemment on peut formuler, contre l’emploi exclusif du 
pied de l'argent, certaines objections qui ne sont pas dépour- 
vues de gravité. Mais on peut en formuler davantage encore 
contre tout autre système. En cette matière il faut bien se 
résigner à choisir le système le moins imparfait. Nos évalua- 
tions, d’ailleurs, ne seront jamais qu’approximatives. Vouloir 
leur donner les apparences d’une rigueur mathématique, n’est 
rien moins que scientifique. 


Conclusion. 


De tout ce qui précède nous concluons que les historiens 
belges ne disposent pas encore d'un instrument de travail 
convenable pour convertir couramment les indications moné- 
taires qu'ils rencontrent dans les documents, même quand 
ces indications sont faites en monnaies réelles. Ils ne dispo- 
sent que d'indications éparses, souvent difficiles à retrouver. 
Ce serait une œuvre hautement méritoire pour un numismate 
de recueillir et de compléter systématiquement ces indications 
et de les publier sous forme de glossaire. Ce travail pourrait 
se réaliser, croyons-nous, en un temps relativement court. 

En ce qui concerne l'évaluation des indications faites en 


(1) Loxcxay, ouvr. cité, pp. 54-55. 





— 383 — 


monnaie de compte, la tâche à accomplir est plus considérable. 
Les historiens de l'actuelle génération n'auront probablement 
pas le bonheur de disposer un jour d’une histoire vraiment 
scientifique des fluctuations de nos différentes monnaies de 
compte. À cet égard, Cependant, « quelques auteurs se flattent 
d’un optimisme aussi naïf qu’ignorant des sources ». C’est 
ainsi que M" Des Marez, professeur à l’université de Bruxelles, 
exprima jadis le regret dans une « Notice critique » (1) sur mes 
« Documents pour servir à l’histoire des prix », que je n’eusse 
pas indiqué ces prix en argent fin, tout au moins de distance 
en distance. 
Nous le répétons, beaucoup d’historiens et d’archéologues 
semblent ne pas se douter des difficultés énormes que soulève 
. le problème ici abordé. Il faut espérer pourtant que tôt ou tard 
ces difficultés seront levées. Si la tâche dépasse vraisemblable- 
ment les forces d’un homme isolé, le travail collectif, qui entre 
- de plus en plus dans nos mœurs, finira bien par en avoir 
Entre temps puissent ces quelques pages eontribuer à 
faire réfléchir ceux de nos confrères qui ont l'habitude, au 
cours de leurs travaux, de donner à la légère des évaluations 
de monnaies anciennes en monnaies modernes. Les théories 
que nous avons résumées ici ne sont pas neuves. Elles ont été 
souvent exposées par de savants spécialistes. Seulement elles 
sont, ou perdues de vue, ou ignorées dans bien des sociétés 
d'histoire et d'archéologie. Notre but est d'attirer sur elles 
l'attention des membres de ces sociétés. 


(1) Voir Revue de l'Université de Bruxelles, Te année, n° 10 (juillet 1902), 
. pp. 157 etsuiv. 


Les STEENEN et les HOVEN en Flandre, 
par ARMAND HEINS, 


Secrétaire-adjoint de la Commission locale des monuments, à Gand. 


Dès le haut moyen-âge, comme l’attestent les textes des 
. plus anciens chroniqueurs, nos deux grandes villes de Flandre, 
Gand et Bruges, ainsi qu’Ypres et certaines autres communes 
encore, étaient pourvues d’un grand nombre de maisons en 
. pierre, qu’on appela des steenen. 

C’étaient des sortes de forteresses orgueilleuses, apparte- 
nant à des particuliers, à des patriciens ou à des bourgeois 
enrichis, que le commerce et l’industrie avaient élevés au 
rang de ceux qui s'étaient anoblis au service des princes. 

Ces steenen avaient des similitudes de formes avec les 
. solides palais qui subsistent encore dans les anciennes villes 
républicaines du Nord de l'Italie. 

Ici, comme là-bas, les nobles et les récents parvenus se 
construisirent des demeures hautes et fières, couronnées la 
plupart du temps par des créneaux et des tourelles de guet 
ou de défense. 

Le plus souvent aussi, une tour principale se dressait 
dans les cours ou les enceintes de ces maisons fortifiées. Il nous 
reste, à Gand comme à Bruges, quelques exemples du motif 
architectural en question. 

La tour primitive y a été conservée ou bien elle a été 
remplacée par une autre de date plus récente. 

Nous allons examiner spécialement les restes, encore 
debout en Flandre et dans les régions voisines, de ces demeures 
urbaines, ayant parfois la forme générale, la silhouette ou la 
disposition avec fossé d’enceinte, des manoirs du plat pays. 

Si pas plus tôt, du moins en même temps que Bruges, 


— 385 — 


Gand vit s'élever ces doujons, ces palais rudes dont la façade, 
la masse imposante accusaient lu richesse, la force du proprié- 
taire, marquaient sa volonté de dominer des vassaux, des serfs, 
des manants, la populace voisine. 

Ce que nous connaissons de ces steenen prouve, chez le 
constructeur, le souci d'employer les moyens les plus propres 
à résister à un assaut, à une émeute, si fréquents en ces temps 
troublés. 

Les incendies effrayants qui anéantissaient d’immenses 
quartiers de nos vieilles villes, où les maisons des bourgeois 
étaient généralement construites en bois, venaient s'arrêter 
devant les murailles épaisses des steenen. 

Leurs hautes parois en pierre préservaient ainsi les biens 
et les installations plus ou moins luxueuses de ces patriciens 
d’ancienne ou de fraiche date. Elles abritaient les chefs des 
citoyens de notre ville batailleuse, remuante comme pas une. 

Pour Gand, en dehors de certains steenen dont des parties 
ont résisté au temps, il reste, soit en documents écrits, soit en 
dessins ou autres pièces graphiques, un bon nombre de souve- 
nirs de ces « pierres » ou « pierriers », comme on les appelle 
quelquefois. 

Le travail que nous entamons à leur sujet pourra donc 
être un chapitre, intéressant pensons-nous, de la grande étude 
d'ensemble que le congrès de Gand de 1907 inscrit à son 
questionnaire, sur l'habitation privée en Belgique. 


LL 


Dans l’histoire de Gand, les citations de steenen sont 
nombreuses. 

On se représente d'ordinaire ces constructions comme de 
hauts, fiers et solides donjons; on les voit, se dressant dans 
nos rues étroites, couronnées de tourelles, de terrasses, canton- 
nées de murs crénelés. 

En fait, quelques-uns de nos steenen gantois avaient ces 
formes générales,et c'est ainsi qu'ils nous apparaissent le plus 
souvent, au cours de nos lectures. Des images, plus ou moins 
exactes, nous ont familiarisés avec ces silhouettes et on pouvait 


25 


j No 28. — Gand. Le steen de la Grande Ameede, rue aux Vaches, 
d'après un dessin de la 1re moitié du XIX siècle (Bibl. de Gand). 


— 387 — 


encore, jusqu'il y a quelques années, rencontrer des parties de 
ces maisons, en place et intactes. C'est donc sous cette forme de 
haute facade cré- 

nelée que nous con- 

naissions les stee- 

nen, et nous pou- 

vions croire que cet 

aspect typique était 

unique ou du moins 

prédominant. 

Mais il y eut 
aussi d’autres mo- 
des de couronne- 
ment de ces demeu- 
res, tel celui du 
haut pignon à gra- 
dins, fermant de 
part et d'autre le 
bloc habité, couvert 
de tuiles ou d’ar- 
doises. 

Cetteformegé- 
nérale, moins con- 
nue, a frappé notre 
attention dans nos 
recherches, et nous 
avons voulu fixer No 29, — Gand. La Grande Ameede, steen du X1II® 
ls caractéristiques LE eh, ar ae ph 
de ces homes patri- (vers 1870). 
ciens du moyen-âge. 

Les deux types principaux que nous venons de signaler 
ont donc coexisté. 

C'est au bord des rues, des ruelles extrêmement étroites 
et tortueuses, que nous trouvons ces grandes maisons en 
pierre, et elles se groupent principalement dans la « cuve » de 
Gand. Cette cuve, sorte d'ile circulaire formée par le cours de 
l'Escaut et de la Lys, était coupée en croix par quelques voies 
principales que nous devons examiner rapidement. 


— 338 — 


Ces artères s'étendaient du Sud au Nord et de l'Est à 
l'Ouest; le point de rencontre était occupé par la première 
église de la ville commencante, Saint-Jean (depuis cathédrale 
Saint-Bavon). Quelques modestes constructions civiles, telles 
la maison des échevins, la Halle, etc., se trouvaient aux 
alentours de cette église et de celles de Saint-Nicolas et de 
Saint. Jacques, les plus anciennes après elle. 

C'est sur ces voies primitives que nous rencontrerons les 
steenen, tandis que nous verrons plus tard les hoven plus 
largement et plus confortablement établis dans des quartiers 
presqu’excentriques de la ville, dans des parties nouvelles, des 
accroissements de son territoire qui, de bonne heure, vinrent 
lui donner, à peu près, son immense périmètre actuel. 

Celle de ces voies, qui allait du Sud au Nord, reliait 
probablement de toute antiquité la colline Saint-Pierre aux 
mouticules de sable de Mont-Saint-Amand, en passant au 
dessus d’un relèvement du sol qui est le Sablon, et dont le 
pourtour, aux temps primitifs, devait ètre extrèmement maréca- 
geux et humide. Elle servait de communication directe entre 
la très puissante abbaye de Saint-Pierre au mont Blandin et sa 
filiale de Saint-Bavon. Sur cette artère nous rencontrons beau- 
coup de demeures féodales. 

L'autre voie, coupant la première à angle droit, suivant 
la direction actuelle de la rue Hant- -port, partait du Wiedenaert, 
ou grand marché, au bord de l’Escaut, près du steen de Gérard 
le diable (en réalité notre place de Grève), et reliait ainsi ce 
point initial du commerce naissant, à la ville du Comte, ou 
Vieux-bourg, au delà de la Lys. 

C'est sur ces quatre tronçons de rues se croisant, sur 
quelques autres rues parallèles, et près du Sablon, centre du 
Portus, que nous pouvons fixer exuctement emplacement 
des steenen et de quelques hoven. Il y eut ainsi beaucoup de 
ces « maisons en pierre » rue du Gouvernement, rue Haut- 
Port, rue du Bas-polder, rue Basse; puis dans d’autres rues 
encore du centre, ét dans certains quartiers longeant la Lys, 
comme dans la rue des Champs, les Meire, la rue des Fou- 
_lons, etc. 
| En cette rapideexposition de notre sujet, nous ne pouvons 
nous attarder à des indications topographiques. 


— 389 — 


Cependant, avant d'aborder la sommaire fixation des 
types architecturaux de nos vieilles maisons patriciennes, il est 
nécessaire de dire encore un mot des moyens que l'on peut, 
depuis un certain temps, utiliser pour en faire le relevé et en 
déterminer les emplacements. 

Au cours de recherches récentes faites par nous pour 
essayer de reconstituer la physionomie ancienne d’un coin de 


- = 


No 30. — Gand. Cave de la Cour ou Hof de Ravestein, XIIIe siècle (Cf. Znvent. archéol, de Gand. f. 392). 


Gand, d’un de ses plus importants quartiers, celui de Saint- 
Jean, avant le XVI: siècle, nous eùmes la chance de pouvoir 
compulser un recueil précieux de notes d'archives formé par 
F. vanden Bemden. A la mort du passionné fureteur, ce 
recueil entra à la bibliothèque de Gand, et fut relié en vingt 
et un volumes; ceux-ci contiennent des milliers d'annotations 
sur nos familles, nos maisons, nos biens fonciers, les trye 
huizen en vrye erven, etc. Grâce à cette précieuse source, il sera 
possible, pensons-nous, de réaliser un travail complet sur ces 


— 390 — 


vieux murs noircis, sur ces caves mystérieuses, sur ces immen- 
ses souterrains où des colonnes romanes s’alignent dans l’om- 
bre, sur ces blocs rébarbatifs que les démolitions renversent 
autour de nous, au cœur de la ville. 

Parmi les notices qui les concernaient, dans tant de 
publications parues jusqu'ici, il en était de si manifestement 
fautives que le désir d’entreprendre le redressement de ces 
erreurs nous hanta de plus en plus. 

Les opuscules et les notices de Van Lokeren, de Vander 
Meersch, de Saint-Genois, de De Potter, nous avaient toujours 
intéressé, mais aussi leurs déroutantes affirmations contradic- 
toires nous paraissaient devoir être examinées sérieusement. 

Diericx, lui aussi, le plus ancien des descripteurs de Gand 
et de sa topographie, errait bien souvent ; les textes invoqués 
par ses successeurs ne concordaient pas. Les fausses identifica- 
tions de ces demeures vétustes étaient si nombreuses que je 
résolus d’en avoir le cœur net, et je pensai que le Congrès de 
Gand offrait l’occasion de revoir ce chapitre important de notre 
histoire architecturale. 

Cette première notice succinte, sorte d’esquisse d'un travail 
plus complet, ne peut contenir tous les renseignements 
nouveaux et inédits que nous avons recueillis. Elle ne peut 
signaler aussi que d’une facon générale les erreurs de nos 
devanciers, les lacunes, les vides importants dans les listes 
publiées jusqu'ici; les meilleurs documents qui, à notre 
connaissance, parurent sur la question, ceux de M" V. Van der 
Haeghen, sont incomplets, eux aussi, à certains égards. L'ar- 
chiviste gantois a étudié spécialement le vieux Gand dans ses 
textes descriptifs accompagnant les reproductions du panorama 
de cette ville, peint en 1534, et du plan de la deuxième 
moitié du XVI: siècle, par J. van Deventer (ce dernier inédit 
jusqu'ici). Il y mentionne un certain nombre de steenen et de 
hoven, mais nous croyons qu’il serait possible, actuellement, 
d’en doubler, ou d’en tripler la liste, d’après les seules notes 
que fournit le recueil de vanden Bemden. 

C'est là un travail d’archiviste, et il sera certaine- 
ment plutôt de la compétence de M" Van der Haeghen et de 
ses collaborateurs, de le mener à bonne fin, que de la mienne. 


— 391 — 


Mais si notre étude sur cette question des vieilles demeu- 
res en pierre, à Gand, a pu nous convaincre qu’il y a, de ce 
côté, encore beaucoup à faire, elle nous a surtout entraîné à 
démêler les formes qu'elles peuvent revêtir, et nous allons 
nous en occuper. 

PL 

Les steenen gantois pourraient être classés en quatre caté- 
gories distinctes par leurs formes, silhouettes, dimensions, 
orientations et caractéristiques particulières. 


ZA 
No 81. — Gand. Claeys Cranenkuus, steen qui se trouvait à l'angle de la rue aux Vaches 
et du marché aux Oiseaux, d'après un dessin d'A. Van Lokeren, 1820, 


Si nous admettons que le nom de steen a pu être, parfois 
un peu arbitrairement, étendu à toutes les habitations en 
pierre dure, quand les archives les signalent sous ce vocable, 
il est probable que beaucoup de ces constructions n’ont pas 
eu les dimensions des vraies demeures patriciennes, de celles 


— 392 — 


que, pour mieux nous faire comprendre, nous pouvons con- 
sidérer comme ayant eu un système défensif indéniable. : 

Quelles étaient donc les formes extérieures de celles-là ? 

A la première catégorie peuvent se rapporter les steenen 
disposés comme suit : bâtiment allongé en sens perpendi- 
culaire à la rue, couvert par deux longs pans avec pignon 
derrière et croupe devant; à la façade règne devant le chéneau 
une corniche à créneaux; aux angles se dressent deux ou 
quatre tourelles en encorbellement. Une entrée charretière 
traverse un mur de clôture; au-dessus d’un souterrain voûté, 
règne le bel étage surélevé, qui est surmonté de deux autres 
et auquel on accède par un perron ou steegher. 

Un deuxième type comprend la même ordonnance géné- 
rale, mais avec façade plus large, plus ornée, et avec un toit 
à deux versants et tourné en sens inverse. Le plus complet 
exemplaire connu de ce type est l’Utenhovesteen du marché 
du Vendredi (pl. 3, I). 

Un troisième type, plus rare naturellement puisqu'il 
s'agit dans l’exemple à citer de la maison, du château plutôt, 
d'un vrai seigneur, d’un personnage très important, Gérard le 
diable, c'est le steen à donjon (Voir planche 1, B). Le domaine 
important du châtelain en question, Vilain de Gand, était, 
du reste, une véritable forteresse située aux confins de la ville 
primitive, au XIIT siècle, et ayant, du fait de sa situation 
au bord de l’Escaut ou Reep, un large et efficace fossé de 
défense, du côté le plus exposé de ses facades. La silhouette 
de son donjon ne nous semble pas avoir été suffisamment 
étudiée, lors de la récente restauration. Nous pourrions citer 
des documeuts, paraissant probants, lui assignant une forme 
plus haute, lui donnant, en somme, un étage en plus. 

Enfin la quatrième catégorie serait celle des steenen à 
pignons à gradins, qui, dès l’origine, ont dù certainement 
coexister avec ceux du type à mur plat, avec rang de cré- 
neaux. 

Cette forme spéciale de la facade à grand triangle dé- 
coupé au sommet, dont le toit s'en va en équerre sur la rue, 
se rencontre encore dans plusieurs de nos maisons en pierre 
à Gand, et nous ne citerons ici que le Borluut steen du mar- 


— 393 — 


ché aux Grains (1), le Zyhove steen de la rue Basse, et la belle 
façade à pignons jumeaux de la Grande Faucille ou Zikkel. 


Il y aurait à citer aussi des 
‘ types spéciaux, uniques ou 
rares, dont les planches qui 
illustrent notre revue mo- 
numentale, tiennent compte 
et font ressortir les formes peu 
usitées. Citons, comme exem- 
ple, la façade de la Vederschel- 
strate et celle de la prévôté 
deSaint-Bavon reproduites ci- 
dessous d’après des documents 
du XVI: siècle. 

Dans une étude approfon- 
die que nous nous réservons 
de publier plus tard, nous 
aurons à examiner les détails 
de construction, notamment à 
signaler les différences nota- 
bles dans l'appareil de ces di- 
verses façades en pierre bleue; 


dspris un Mare aux. ‚grains 


eiggin de 


J Vermeersch 
+ Ct du axes. Borkutt steen. 


Gand 





No 32. — Gand. 


l'emploi de la brique énorme dans quelques-unes de ces 


Nederscheldstrate. Reep 
No 33. — Gand. 





he 
Prevôte de ‘talhaye 
de S* Bavon « Gand. 
Plan de 1534. 
No34. — Gand. 


(1) Voir Bull. Soc. hist. et arch. de Gand, 1907, n° 5. 


— 394 — 


demeures seigneuriales ou dans certaines parties accessoires, 
sera examiné aussi, et peut-être pourrous-nous faire une 
esquisse des éléments décoratifs qui intervenaient dans la fa- 
cade et même dans la distribution intérieure de ces immeubles. 

Dans cette étude ultérieure, nous donnerons aussi quel- 
ques aperçus sur l’Ao/, ou « cour », que devint vers le XIV et 
le XV° siècle la demeure seigneuriale, quand le luxe et la 
recherche du confort firent abandonner la construction des 
steenen rébarbatifs, sombres et rudes demeures, pour des hôtels 
plus agréables, plus riants, plus vastes, avec leurs galeries 
voûtées à colonnades, leurs jardins, leurs dépendances 
étendues. 

Notre enquête pourra augmenter, nous l’espérons, la 
somme des connaissances sur le chapitre de l’habitation 
urbaine à Gand. Afin qu'il en soit de même pour d'autres 
villes du pays, nous devons faire maintenant un appel, dont 
les quelques pages qui suivent indiquent le sens et la portée. 

Nous souhaitons vivement qu'il soit entendu et que notre 
étude sur la vieille capitale des Flandres et ses restes monu- 
mentaux d'origine civile, ne demeure pas isolée; que, pour 
d’autres villes, des recherches similaires puissent être faites 
et que le résultat en puisse être communiqué au Congrès de 
Gaud. 


IT. 


Prenons Bruxelles, d’abord parce qu’il semble que là le 
nom de steen ou stein a vraiment eu le même sens qu'à Gand, 
ensuite parce qu’il serait, à notre avis, désirable que l’on puisse 
fixer avec certitude le plus ou moins de légende qui se mêle 
à l’histoire des familles qui leur donnaient leur nom. 

Nous n'avons pu rencontrer, pour Bruxelles et ses steenen 
du moyen-âge, que des textes assez vagues et peu nombreux. 

Cependant dans leur Mistoire de la ville de Bruxelles 
(1845), Henne et Wauters examinent (pp. 21 et suiv.) les 
origines des sept lignages, traditionnels ou authentiques qui, 
dès le X° siècle, vers 950 environ, auraient possédé des biens 
et serfs sur son territoire, et dont les membres auraient occupé 
des fonctions plus ou moins importantes dans son admi- 
nistration. 


— 395 — 


Ces auteurs donnent les noms et les armoiries de ces sept 
familles patriciennes, privilégiées ou adelborsten, ayant occupé 
des maisons en pierre ou hôtels-refuges ayant nom steenen, 
lapis ou « pierres », et qui, de ce fait, auraient donné à ces 
habitations solides et fortes leurs noms respectifs de : Canter- 
steen, Machiaensteen, Serhuygskuisieen, Valkenborg, Sout- 
huys, Paeyhuys et Plallesleen. 

Dans les notes de 1’ istoire de Brucelles, ces steenen sont 
cités d’après des chartes ou documents d’archives et leur 
situation dans le périmètre de la ville est recherchée avec la 
plus grande exactitude possible. 

Il paraît peu probable qu’un tracé graphique quelconque 
de ces « pierres » bruxellois, subsiste encore. Nous devons à 
M'Schweisthal quelques renseignements qui permettraient de 
croire toutefois que les archives de Bruxelles recèlent des 
documents à cet égard. Il y aurait lieu de les parcourir 
et peut-être y trouverait-on des pièces apportant quelque 
lumière sur l’aspect de ces manoirs urbains. Mais, de l'avis 
de notre très obligeant confrère, la topographie du Vieux 
Bruxelles est peu connue, et il reste beaucoup à faire dans cet 
ordre d'idées. Souhaitons que les recherches que nous fimes à 
Gand puissent être imitées à Bruxelles et qu'elles nous don- 
nent, pour cette ville, les résultats inespérés que nous avons 
pu atteindre ici. 

Ces célèbres lignages de Bruxelles auraient eu de très 
nombreuses filiations et descendances dont la nomenclature se 
trouve dans Bruxelles à travers les âges de L. Hymans. Il ne 
peut entrer dans notre programme de suivre ces familles des 
's Leeuws, ’s Weerts, 's Huyghe, Ser Roelofs, Coudenberg, 
Utensteen, Weghe et Rodenbeke à travers les siècles, dans 
leurs relations de toutes sortes, mais il sera utile aux cher- 
cheurs de les connaître pour identifier leurs demeures an- 
ciennes. | 

Au point de vue graphique non plus, nous ne pouvons 
insister sur les steenen de notre capitale; la connaissance de 
leurs formes et dimensions nous parait faire totalement défaut. 

Plusieurs « cours » ou Aoven ont existé aussi dans cette 
ville, et notamment le Ravenstein, ce joli hôtel de sociétés 


— 396 — 


savantes, un exemple remarquable de ces résidences urbaines 
de familles patriciennes locales ou étrangères. 

I est donc certain que le mot Aof ou « cour» a été 
employé à Bruxelles pour désigner ces immeubles, parfois 
énormes, avec parcs, etc., et que le mot steen n'y a pas été 
inconnu. Répétons que, pour ces steenen de Bruxelles, la liste 
extrêmement développée des patriciens du XIV: siècle, aspi- 
rant à l'échevinage, qui parut dans Henne et Wauters 
{t. I. p. 158, en note), pourrait mettre le chercheur local à 
même de rencontrer des biens ayant conservé, de leurs anciens 
possesseurs, un nom spécial. Cette liste, qui comprend une 
infinité de noms encore répandus actuellement dans la haute 
société de notre capitale, se compose d’un dénombrement, 
classé par lignages; ces groupements peuvent avoir un vif 
intérêt pour faciliter l'identification que nous désirons voir 
entreprendre. 

Ajoutons que ces mêmes historiens donnent (p. 161, 
pl. 2) un plan de cette ville au XV° siècle, qui peut nous 
arrêter pour certains détails. 

Dans la légende en marge de ce plan, le n° 36 se rapporte 
au bloc dit Cantersleen;, c'est l’actuel emplacement de Ja 
« Grande Harmonie », au bas de la rue Montagne de la cour. 
Au n° 18, un étang, dit le Cluting, anciennement situé à 
gauche du parc ou Warande (à peu près à l'endroit où se 
trouve la statue du général Belliard), semble avoir pris ce nom 
de la famille patricienne des Clutinghe, qui, probablement, 
avait sa demeure aux environs de cet étang. 

Il faut donc, et c’est là le principal, retenir de tout ceci 
que Bruxelles connut le steen très tôt, si, bien entendu, les 
textes originaux du X° siècle emploient le mot correspondant 
en latin, qui serait « lapis », comme le donne l’histoire de 
Bruxelles citée. 

en 

Anvers, si nous ne nous trompons, ne peut plus nous 
donner actuellement qu’un exemple de ce même mot, et 
il s'applique au burg primitif : le mot Sleen est resté à cette 
construction qui abrite en ce moment le musée d'antiquités 
locales. 


— 397 — 


Ses restes vénérables, avec des traces d’un vieux mur 
d’enceinte aux environs, si malheureusement sacrifié par des 
travaux d’aligneinent récents, ont été assez piètrement habil- 
lés à neuf, il y a quelques années. 


* 
% * 


Bruges, cette vieille ville, riche et opulente au moyen- 
âge, a eu des hôtels seigneuriaux ou Aoren en quantité. Le 
mot steen n'est guère connu ni employé dans les textes 
d'archives et Gilliodts-Van Severen ne mentionne que la 
prison ou steen dans l’ancien Bruges. 

Le Roodensteen est une maison en briques et nous paraît 
avoir donc usurpé le nom de steen, qui, selon nous, doit 
s'appliquer aux bâtiments en pierre. Nous avons dû nous 
occuper de cette construction, située place Van Eyck, dans 
notre travail, récemment paru, sur une vue de ville de ce 
peintre. Nous avons, au cours de cette étude ayant pour but 
la détermination défiuitive de cette vue, pu nous assurer que 
le Roodensteen de Bruges a subi des remanieinents qui lui 
enlèvent beaucoup de sou intérèt. 

Mais il y eut, eu cette ville, de beaux et importants 
types d'hôtels ou Aoven, et, dans son étude topographique 
consacrée au plan de J. van Deventer au XV[° siècle, M° Gil- 
liodts cite, avec quelques détails, les horen suivants : n° 139, 
l'Hôtel Bladeliu, rue des Aiguilles, ayant appartenu d'abord 
aux Portinari, puis aux de Fiennes, Egmont; c'est en ce 
moment un couvent (voir plauche 5, F.); — n° 145, Clèves; — 
n° 146, Croy dit Fluweelhof;, — n° 152, Ghistelles ; — n° 15», 
Gruthuuse; — n° 161, Male ou des sept tours (bâti vers 1320); 
— n° 170, S' Pol, au XVI° siècle Ravensteen. Parmi les 
maisons historiques, il en est une qui nous intéresse spécia- 
lement, c'est le n° 208, Genthof, vaste construction, ornée 
autrefois d’une belle tour cylindrique, et mentionnée déjà en 
1299. La cour du Prince, Princenhof (au chiffre XVII de ce 
plan ancien}, serait à citer aussi ici. 

Le mot de Princenhof, que nous avons rencontré pour 
Bruges, revient dans l’atlas de J. van Deventer, texte de 





— 398 — 


M" Max Rooses, à propos de l'hôtel du Prince que possédait 
la ville de Termonde, loué à des Lombards dès le XIII: siècle (1). 

Mais ne quittons pas Bruges sans insister sur l'intérêt 
qu'il y a à consulter le plan de Marc Gheeraerts pour retrouver 
ia silhouette des grandes maisons patriciennes, de cette ville 
au XVI° siècle. Nous en avons groupé un certain nombre 
sur la planche 7. 

Nous avons interprété comme steenen ou hoven beaucoup 
de ces constructions ayant des créneaux au sommet de la 
facade, à tourelles d'angle, avec d’autres signes caractéris- 
tiques de leur force ou de leur importance. Ces maisons, dont 
la silhouette rappelle celles de Gand, furent cependant, 
pensons-nous, toutes construites en briques, à Bruges, ces 
matériaux étant presqu’exclusivement usités daus cette ville. 

Le palais des Comtes à Bruges, la Zove, aussi le Graven- 
steen, qui lui cependant, sans nul doute, était en pierre, a 
été l'objet d'une étude bien intéressante de Hermann Van 
Duyse (1891) à propos de la tactique des Gantois quand ils 
attaquèrent ce Burg, ce castellum, en 1127. 


* 
* * 


Ypres, si important au moyen-âge, a construit beau- 
coup de ses monuments en matériaux durs, en pierre. Peut- 
être utilisait-on le granit de Tournai, peut-être aussi la pierre 
rosée du Nord de la France. En tous cas, il reste à Ypres des 
traces de constructions de maisons en pierre et entr'autres 
la superbe facade de l'Hôtel des postes qui, restaurée et 
complétée, est une magnifique épave du XIII: siècle. C’est 


un exemple à citer ici en première ligne, car cette soi- 
disant « maison des Templiers », qui fut une halle d’après 


(1) Pour compléter ce renseignement à propos de Termonde, rappe- 
lons l'étude sur le château féodal de cette ville qui parut dans les Anna- 
les du congrès de Gand de 1896 (pp. 403-346). L'auteur, Alphonse 
De Vlaminck, lui donne la qualification de Steen (p. 134). Ce travail est 
un modèle de monographie, et je me plais à Je citer ici comme exemple 


de ce qu'il serait désirable de voir entreprendre pour la plupart, si pas 


pour tous nos anciens châteaux ou maisons féodales, 


— 399 — 


Mr Cloquet, a toutes les apparences d'un steen d’une superbe 
architecture, élégante et riche. 

Comme nous avons pu faire, sur le plan de Marc 
Gheernerts, un relevé des façades à créneaux, à aspect de 
steen, pour Bruges, — une reproduction d’un plan de la ville 
d’Ypres, gravé sur bois au XVI° siècle et reproduit dans 
l'atlas des villes de la Belgique de Van Deventer publié par 
Ruelens, nous a aidé à connaître les maisons de même 
silhouette, dans cette dernière ville (voir planche 8). 

En faisant ces relevés, nous savions bien que cet aspect 
de façades à créneaux n’impliquait pas nécessairement une 
origine très ancienne, véritablement médiévale. Certes, à 
Bruges, ce crénelage s'est perpétué longtemps et bien des 
maisons du XVII ont conservé cette apparence de système 
défensif. Les murs extérieurs du Franc de Bruges, vers la 
rivière, portent la date de 1608 et sont une preuve de ce long 
emploi d'un système de bordure de chéneau, de cache- 
gouttière, par un crénelage n'ayant plus qu’un aspect pure- 
ment décoratif. 

*" x 

Les archives de la ville d’Audenarde possèdent un 
dessin datant vraisemblablement du XVI: siècle, donnant la 
vue d’un château crénelé à tourelles, qui se trouvait au 
confluent de l'Escaut et de la Bourgschelde. C'est l’ÆZuus 
vanden heere van Voorde que nous reproduisons ci-contre, 
parce que il nous paraît être un steen, et dont les caractères 
architecturaux marquent l’époque romane. 


* 
* * 


Nous aurions pu poursuivre notre étude, au sujet des 
maisons fortifiés ou steenen, dont Gand nous donne certes 
le type le plus accusé et le plus probant, en cherchant à 
retrouver leurs images dans des manuscrits à miniatures, 
dans des tableaux anciens. 

Nous avons rencontré beaucoup de ces vues de maisons 
en pierre dans des œuvres de l’école primitive, et c'est princi- 
palement à la présence de deux maisons en pierre, ou steenen. 


— 400 — 


sur-un tableau, qu’il nous a été donné de pouvoir déterminer, 
avec uue certitude qui est de plus en plus grande en notre 
esprit, uue œuvre des Van Eyck (nous disons plus, de Hubert} 
représentant une vue de Gand au début du XV: siècle. 

Pour illustrer cette étude, nons avons dressé, avec 
Mr V, Fris, le plan d’un quartier de cette ville, celui de la 
paroisse Saint-Jean (actuellement Saint-Bavon), au XV* siècle, 


Aucknarde. 


LA 


n Lee 


No 35. — Audenarde. 


montrant l'emplacement exact de quelques uns des steenen du 
centre de la ville. 

Nous donnons sur la planche 6 la reproduction de 
détails de façades de ces maisons patriciennes, principalement 
ceux qui ornent ies entrées, les s{eegher ou escaliers d'accès, 
avec leurs auvents; ces motifs sont empruntés à la reproduc- 
tion, si utile et si bien faite, d’un manuscrit flamand en deux 
tomes : les Miracles de Notre-Dame, de la Bibliothèque natio- 
nale de Paris (Ms. fr., n°9198 et 9199). 


GAND. 


PL.1. 


JEN ENE ANEMIE |! 





GAND: 


PL.2. 


GAND. 





GAND. 





"s3ond 





PL.6. 


Tl. PL.58. 





STEENEN FLAMANDS. 


Lith.N. Heins, Gand 





BRUGES. PL.F. 











EN 
N 


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l 





EXPLICATION DES PLANCHES. 


Planche 1. 


A. — Le château des Comtes de Flandre à Gand, XII siècle. 
(Anno 1180). 


Le bâtiment (en restauration en ce moment), qui se voit entre le chemin de 
ronde à tourelles et le donjon, est le Palais du comte, la domus lapidea ou steen 
du XIl° siècle, | . 

Voir, pour sa silhouette complète, à pigaous à gradins, la vignette d'après 
le tableau de P. Pieters (XVIIe siècle), pl. 4, I. 


* * * ‚ 
B. — Le château ou « steen » de Gérard le Diable, ou Vilain 
de Gand, XIIIe siècle (restauration récente). 


Des vues du XVI° siècle indiquent à la façade vers le Reep, ou Bas-Escaut, 
des fenètres romanes à megeau central au lieu de celles en ogives qui existent 
actuellement. 


Planche 2. 
A. — La cour ou préau de l’Achter-Zikkel, à Gand. 


La grande tour en pierre blanche est du XIV®e siècle probablement, sauf la 
partie supérieure qui doit être du XVIIe siècle. 

Le bâtiment en briques, à tourelle d’augle, pourrait être aussi du XIVe 
siècle, L'annexe à la tour, ce pstit édicule d’élégante silhouette, abritait autrefois 
un puits et contenait à l'etage une minuscule chapelle; elle date du XVe siècle. 


* 
k % 


B. — La façade de la Groote Zikkel à Gand. 


Les deux pignons à gradius, en pierre de Tournai, seraient du XIVe siècle 
et formaient un steen. Le bâtiment à deux lucarnes et à porte cochère ornée de 
motifs sculptés est la « Zaale », construction ajoutée à la flo du XVe siècle, aux 
bâtiments primitifs. 

(Le tout sert actuellement de local au Conservatoire Royal de Musique, 
rue Haut-port). 


26 


— 402 — 


Planche 8. 
I. — Le grand steen du Marché du Vendredi. 


Il appartint à la famille patricieune des Utenhove au moycn-âge. Les der- 
niers restes de ce vaste bâtiment disparurent il y a quelques années. -- Voir, 
dans «l’ancieone Flandre» par A. Heius, diverses planches et notice sur ce 
steen. 


* 
k * 


II. — L'Huus metten tween turren (rue des Champs). 


Ce steen, ayant deux tourelles d'angle au sommet de le façade, doit son nom 
à cette particularité ; il n'en existe d'autre souvenir que sur la vue panoramique de 
Ganden 1534. Les dessins qui en ont été faits au siècle dernier, notamment ceux 
de van den Eyade déposés à la Bibliothèque, ne sont que des interprétations de 
ce que ce tableau indique vaguement. 

C'est ainsi que nous. n’avons pas cru devoir donner aux fenêtres la forme 
| ogivale que donnent ces dessins; sur l'original on ne voit guère que des trous 
de forme très indéterminée. Pour l’historique, voir Monuments de Gand de 


P. Claeys. 
“+ 


III. — Le grooten steen, comme il est cité dans certains documents ; situé à 
côté de celui du médecin Grape, au Bas-Escaut ou Reep. 


Il est désigué, au XVe siècle notamment, sous ce nom de « grooten steen, 
met den steeghere » (avec escalier ou perron). Pieter Tollins y habitait en 1438. 

Une porte cochère au bas de la façade, à droite, psurrait être celle de la 
maison même ou hien l'accès de la propriété situés derrière, appartenant à 
Ghyselbrecht van Massemine en 1428. 11 y avait là un « gang » en 1521. 

(D'après un document du XVI° siècle à la Bibliothèque de la ville.) 


* 
+ * 
IV.—Un steen que van Lokeren, sur un dessin qu'il fit en 1835 au moment 
de la démolition, appelle fief qui appartenait au vicomte d'Oombergen. 


Il était situé rue du Verger (Bogaertstraete), parallèle au quai aux Oignons 
ou de la Grue. Il se distingue par son couronnement à trois lucarnes en pierre et 
uoe tourelle en eucorbellement avec petit pignon. Il avait deux pignons à gradios, 
en équerre sur la rue. Uue porte à plein cintre doane entrée à cette rule 
construction qui remontait probablement au XIIIe ou XIVe siècle (Voir 
Ancienne Flandre par A. Heins, 1906). 


Planche 4. 


I. — Le Steen ou « domus Japidea » du Comte (château des 
Comtes de Flandre à Gand). Fia XII° siècle. 


D'après un tableau de Pierre Pieters (1609-1610). Voir Inventaire archéo- 
logique de Gand (fiche 299), et aussi, pour une autre vue de ce bâtiment à 


— 403 — 


pignons à gradias, la planche gravé» du château des Comtes daus Sanderus, 


Flaadria Illustrata. 
(Cette construction est actuellement en voie de restauration.) 


* 
*  * 


II. — Maison en pierre, d'apparence romaue (d'après un dessin colorié 
du XVIe siècle, appartenant à la Bibliothèque de Gand). 


Située au quai du Bas-Escaut ou Reep, aussi Nederscheldestrate, au coia 
de la ruelle Borresteghe; elle était habités en 1447 par le médecin Liévin Grape, 
Voir plan d'un quartier de Gand au XVe siècle par MM. Heins et Fris, dans 
« Une vue de Gand » etc., (1907). 


* 
+ «* 


III. — Le pignon à gradins (f1cade postérieure) de la construction appelé: 
Rijhovesteen depu's le XVIe siècle (rue Basse). 


Remarquer les remaniements relativement récents de cette façade; les 
fenêtres, entr'autres, ont é é allongées, cs qui peut se voir aux cordons iuter- 
rompus. 

Caves curieuses à poutres, au lieu de colonnes. Il y a aussi un bâtiment sur 
la cour, du XIVe siècle probablement, ayant conservé une vieille cheminée (Voir 
L'Ancien foyer en Flandre par A. Heins, dans la revue : l'Art flamand et 
hollandais). 


* 
*k % 


IV. — Un steen carré à quatre tours d'angle, d’après la vue à vol 
d'oiseau de Gand de 1534. 


Il était situé à l’extrémité Est du vieux Marché au bétail, à l'entrés de la 
rue d'Argent actuelle, et est désigué par Mr V’. van der Haegheo, archiviste de la 
ville, dans sa notice accompagoant cette vue de 1534 (au n° 137), comme é’a’.t 
la Hof van Nevele. Voir, à la Bibliothèque de Gand, les documents qui concer- 
nent ce bien et ceux qui l’euvironuent, dans les notes d'archives de feu van den 
Bemden. 


Planche 6. 


A. — Un vieux steen à Bruges, rue des Tonneliers, n° 23. 


Maison dite « Maison Noire » et aussi, à tort, Maison des Templiers ; elle 
date des dernières années du XVe siècle (vers 1480). 

C'est l'aocienne « Huys van Valencya », o:cupée par les marchands drapiers 
de Valenciennes (voir M. Verkest, Guide de Bruges, p. 71). 

Oa va la restaurer; les travaux sont commencés. 


* 
* * 


— 404 — 


B, — Hôtel Bladelin à Bruges, type de « hof » du XVe siècle en cette 
, ville (rue des Aiguilles, n° 19). 


Construit par Pierre Bladelin, garde du Trésor royal, chambellan de 
Charles le Téméraire et trésorier de l'ordre de la Toison d’or. 

Habité aussi par Thomas Portunari en 1479; puis il appartint à Jacques 
de Fiennes et au comte d'Egmont. Actuellement école de Foere; un couvent de 
sœurs de l'Assomption y est établi (Même auteur, p. 77). 

N. B. Aux eovirons de cet hôtel Bladelin oo peut voir aussi l'hof van 
Ghistele, avec tour cylindrique en briques (XVe siècle); voir aussi à Bruges, 
l'hof ou cour de Gruuthuse, aux intéressants tâtimeuts du XVe siè:le (1120— 
1470), et d’autres hoven. | 


Planche 6. 


Quelques aspects de steenen flamands et de leurs 
perrons ou « steeghers ». 


Ces croquis sont puisés dans les reproductions des miniatures orvant le- 
manuscrit de la traduction des Miracles de Notre- Dame, faite par Jean Mielot 
pour Philippe le Bon, ms. termi: é en 1456-1460 (Bibl. nationale, Paris, mss. 
fr. 9198-9199), Les Los correspondent aux plauches du fac-similé de ce manus- 
crit, publié récemment par la maison Berthaud frères, à Paris. 

Dans l’un de ces dessins, celui marqué pl. 59, on voit un steen flanqué de 
tourelles partant de fond, c'est à dire du sol. Cette particularité se remarquait 
à un eteen de Gand, celui qui avait vom Papeghem steen, au coin de la rue de 
Brabant. 

(Voir détails dans A. Heins, « Uoe vue de Gand par Hubert vaa Eyck ».} 

Le système d'application de tourelles montaut ainsi au flarc de bâtimeuts 
civils, parait avoir été inspiré par la même donuée qui se retrouve daos le pignon: 
principal et les pignons latéraux de l'église Saint-Nicolas à Gaud, et à celui qui 
torme la façade priucipale de Notre-Dame à Bruges (voir eucors les églises d’Au- 
denarde et de Pamele, comme aussi quelques-unes de celles de Tournai). 


Remarquer les détails curieux de ces façades et des entrées de ces 
maisons fortifiées, avec leurs auvents, rampes, bancs, etc. Les minia- 
tures sont certainement d'origine flamande, probablement brugeoise; 
les vues et motifs représentés par les artistes qui illustrèrent ces 
« Miracles de Notre-Dame » ont donc un vif intérêt pour la connaissance 
de nos « steenen » flamands et de certains de leurs détails. 





Planche ‘7. 


Aspects de maisons brugeoises à apparence de steenen. 
— Croquis d'après le grand plan à vol d'oiseau de Marc Gheeraerts, publié 
en 1562. 


Les petits croquis portent des vuméros correspondant au nom des rues avec 
les dénomivations arciences que donne le plan gravé ce grande dimension : 


el: 


pre 


— 405 — 


1. Spangnaerstraete. — 2, Spangnaerstraete. — 8. Hoogstraete, — 4. Visch- 
markt. — 5. Dijver. — 6. Hoogstraete. — ‘7. Eechoutstraete. — 8. Eechout- 
atraete. — 9. Oudenburg. — 10. Oosterlinge plaetse. — 11, Viamijokdam. — 
12. Steenhauwersdijck. — 13. Siut Jansstraete. — 14. Mariastraete, — 15. 
Steenhauwersdijck, — 16. Spinolareye. 

Une reproduction des principales parties de ce beau document iconogra- 
pbique a paru à Ja maison d'art N. Heins (rue de Brabant, 9, à Gaad), avec texte 
et notes par A. Heins (Le vieux Bruges; plan à vol d'oiseau). 

Sur la planche 1 du dit travail, à côté du Bourg, qui contenait le steen du 
Comte, on voit la maison ou Hof aux sept tours, et, sur les autres planches, des 
maisons à tourelles ayant aspect de manoirs urbaips, comme à côté de l'église 
Notre-Dame, l'Hôtel ou Hof van Gruuthuse profilant ses élégantes tourelles. 


Planches 8. 
D'après le plan à vol d’oiseau de la ville d’Ypres en 1504. 


Gravure de Maillard Destrée, graveur sur bois et imprimeur, d'après les 
dessins de Jeaa Thévelio, peintre. 

Cette grande planche mesure 1,70 X 1,10;elle porte comme eu-tête ces mots : 
Hypra Flandrlarum Civitas Munitissima. Les bois en sont conservés au musée 
d’Ypres. 

Une reproduction réduite en fut faite en 1887, dans la publication dirigée 
par Charles Ruelens, Atlas des villes de la Belgique au XVIe siècle, Ge livrai- 
son, n° 5, La notice, par H. Hosdey, doune des iudicatious sur les constructions 
principales, marquées sur le plan; nous en avons extrait les silhouettes de 
maisons ayaut apparence de steeneu, ou du moins Celles que leurs formes, 
dimensions, crénelage ou tourelles peuvent permettre d’assimiler à des steenen. 

La Mots le Conte, ou Palais du Comte de Flandre, datait du XIIe siècle. 


Note relative à l’iconographie 
sculpturale de la cathédrale de Bois-le-Duc, 


par C.-F.-Xavier SMITS, 


Archiviste-adjoint à Bois-le- Duc. 





Le chœur de la cathédrale de Bois-le-Duc est couvert à 
l'extérieur de riches sculptures anciennes, qui n’ont jamais 
été expliquées. 

Les bas-côtés du chœur sont entourés de neuf chapelles 
latérales et l’abside de sept chapelles rayonnantes. Autour 
des parties hautes du chevet méme se dressent encore, sur 
le sommet des contreforts, quelques statues isolées très endom- 
magées, et, en haut des fenêtres du chœur et des chapelles 
rayonnantes et absidales, on voit les tympans couverts de 
figures qui passent jusqu'à présent pour énigmaliques. 

Sur les arcs boutants de la nef sont sculptées partout, en 
guise de crochets, des figures très caractéristiques. Aux stalles 
du chœur, une sculpture abondante, d'un genre tout spécial, 
était mal expliquée jusqu’à présent. 

Ces erreurs d'interprétation ont exercé une influence 
regrettable sur la restauration de la nef de la cathédrale de 
Bois-le-Duc, Mais comment retrouver l'interprétation véri- 
table de ces sculptures ? 

Faut-il y voir une simple fantaisie de l'artiste, ou quel- 
que source plus générale a-t-elle donné l’idée de ces repré- 

ntations? 

Si l’on consulte les sources de l’histoire locale, il semble 
que ces sculptures répondent les unes à la description des 
jeux et des cortèges célébrés à l'occasion du chapitre de la 
Toison d'Or à Bois-le-Duc le 18 mai 148], les autres à des 
drames religieux se rapportant aux deux grands cycles 


— 407 — 


liturgiques de l’année chrétienne : la Nativité du Seigneur et 
la Passion suivie des solennités pascales. 

Les sculptures des stalles du chœur trouvent, elles, leur 
explication dans les contes et les légendes populaires, la 
légende du fondateur du Brabant, Brabon, guidé par son 
cygne, etc. 

On en peut conclure que les représentations de mystères 
et de miracles, les cortèges avec leurs symboles et leurs 
allégories, ont exercé dans le Brabant une influence sur les 
arts figurés. 

Dans un autre ordre d'idées, la restauration de nos 
sculptures anciennes, si l’on n’en établit pas au préalable la 
signification, sera faite à l’aveugle. 


Note sur des poteries recueillies dans la 
Flandre maritime, 


par le B* Ca. GILLES DE PÉLICHY, 
Membre de la Chambre des Représentants, à Iseghe:m. 


Les plauches ci-jointes nous dispensent d'une longue 
description. Ces poteries rudes, dures, sonores, non vernis- 
sées, de teinte gris pâle, jaunâtre ou rougeâtre, ont été 
recueillies dans la plaine maritime de la Flandre occidentale 
par M' l'ingénieur Rutot et par l’auteur de ces lignes, lors du 
creusement du canal qui relie Bruges à la mer. 

Elles sont actuellement déposées, au chef-lieu de la pro- 
vince, dans les vitrines du Musée Gruuthuuse. 

Des membres français du dernier Congrès d'histoire et 
d'archéologie de Bruges nous disaient, en les examinant, 
que des objets fort semblables avaient été recueillis dans la 
plaine maritime du Nord de leur pays et déposés au Musée 
de Lille. 

Le grain si dur de ces poteries et certaines particularités 
telles que les bords festonnés à l’ébauchoir, ornementation 
retrouvée, lors des mêmes fouilles, sur certaines terrines à 
lait du haut moyen-âge, font penser que ces objets pour- 
raient bien se rapporter à cette époque. Plusieurs autres 
détails de l’ornementation, tels que les dessins imprimés à 
l'aide d'un cachet tout primitif et qui rappellent parfuitement 
les motifs, tels que les croix et les X, que les Francs impri- 
maient à la roulette (1), puis encore certaines mouchetures (2), 


(1) Voir LINDENSCHMIT. Handbuch der deutschen Alterthumskunde, 
erster Theil. Die aiter:hümer der Merovingischen Zeit, Braunschweig, 1889, 
Tafel XXXV, no 1. 


(2) Idem. Tafel XXXIV, no 6. 





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— 409 — 


paraissent être des réminiscences des procédés employés jadis 
par les barbares (1). 

Ces particularités, jointes âu fait que ces poteries si carüc- 
téristiques ont été inhumées de la plaine maritime belge ét 
francaise, ne feraient-elles pas supposer qu'elles pourraient bien 
.avoir appartenu aux descendants d'une de ces peuplades 
d'origine germanique, telle que les Frisons ou les Saxons (2), 
qui, à diverses reprises, envahirent nos côtes et finirent par 
se fixer sur cette partie du territoire ? 

L'usage auquel ces objets étaient destinés ne paraît pus 
facile à déterminer. ; ; 

À première vue ou les prendrait pour des couvercles. 
Tous sont munis d'une manique qui affecte tantôt la forme 
d'un animal (3), tantôt celle d’une anse ou d'une poignée (4). 

Mais, chose digne de remarque, aucun vase ou frag- 
ment de vase de même fabrication et ornementation n’a été 
retrouvé dans cette région. 

On émit alors l'hypothèse que ces objets auraient pu 
servir, dans les métairies primitives, à la préparation du 
beurre. 

Mais pourquoi, sur leur surface plane, ces objets porte- 
raient-1ls alors des traces de brûlures ? 

C'est précisément cette particularité d'une surface si 
parfaitement lisse marquée, ca et là, de taches noires 
témoignant d'un séjour plus ou moins prolongé sur le feu, 
qui fit naître bientôt une troisième opinion : ces objets si 
frustes, mais d’un aspect si original, n'auraient-ils pas été 
employés par les ancêtres de nos foulons flamands ou peut- 
être aussi par d'humbles ménagères pour lisser ou repasser 
leurs étoffes ? 


(1; Voir aussi D. van BASTELAER. Les vases de formes purement fran- 
gues et leurs ornements à la roulette, l*r mémoire, 1891. 

(2, Bulletin de la Société d'anthropologie de Bruxelles, t. 20, p. CXI, 
communication de M. Cumont au sujet d'une trouvaille de monnaies fri- 
sonnes et anglo-saxonnes faite à la Panne, et p. CVIL communication de 
M: l'abbé Cinerhout sur l'emploi d'un ornement frison, dit oorÿizer, dans la 
plaine maritime de la Flandre Occidentale. 

(3 PL. IL. 

(4) PL. I. 


— 410 — 


à Telles sont les diverses hypothèses qui virent le jour lors 
du Congrès de Bruges. 
Laissons à nos collèèues du Congrès de Gand, le 
soin et l'honneur d’éclaircir ce mystère. Bornons-nous à 
constater, à cette occasion, avec le savant auteur des Arts 
industriels des peuples barbares de la Gaule, que trop sou- 
vent jusqu'ici « les investigations des chercheurs n'ont été 
« dirigées que sur des poteries en quelque sorte d'exception, 
« qui par leurs formes, leurs ornementations on leur prove- 
.« nance, étaient plus particulièrement dignes d’attirer l’atten- 
« tion. | 
« On a eu le tort de négliger la poterie vulgaire, celle du 
« peuple, comme on a longtemps dédaigné l'étude de l’art 
‚« grossier des peuples primitifs ou barbares, pour n'appro- 
.« fondir qu’un art de commande, aristocratique en quelque 
« sorte, qui ne répond nullemeut aux inspirations, au carac- 
« tère, au sentiment artistique d'un peuple. 
« C'est la poterie commuue, et, par opposition à toute 
« autre, la poterie démocratique que l'on doit interroger, 
« ainsi que le dit fort justement M" de Saint-Venant dans son 
« Etude de géographie céramique (1), pour connaître et péné- 
« trer le secret de la vie domestique de nos ancêtres » (2). 


(1) J. DE SAINT-VENANT, Anciens vases à bec Etude de géographie cera- 
mique (Bulletin monumental, 3° série, t. IV, 1899 . 

(2) C. BARRIÈRE FLAvy, Les Arts Industriels des peuples barbares de la 
Gaule du Ve au VIIIe siècle, t. I, p. 242, 


Quelques stations tardenoisiennes et 
néolithiques découvertes aux environs de Gand, 


par le D' RAEYMAEKERS, 


Membre de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Gand. 





Mettant à profit nos rares loisirs, nous avons exploré au 
point de vue préhistorique les environs de Gand. Dans cette 
note, nous ne relaterons que nos recherches personnelles et 
quelques trouvailles isolées restées inédites. Néanmoins, 
nous avons tenu à signaler les rares pièces qui se trouvent 
dans les collections de l’Université de Gand et du Muse 
d'Archéologie de cette ville en les complétant par les indica- 
tions de découvertes d'objets néolithiques faites antérieure- 
ment dans les mêmes localités. 

Alost (Environs). Trouvaille de 2 haches polies en silex 
jaunâtre (avant 1808). Voir description dans De Bast, Recueil 
des antiquilés, etc. pp. 122-123 ; renseignement reproduit dans 
Schayes, La Belgique avant et pendant la domination romaine. 
(Bruxelles 1859), t. 3, p. 401. 

Nucleus de petite taille en silex jaune-brunâtre, n'* 2596 
et 1026. Collection de l’Université de Gand. Don de M: L. 
Fredericq. 

Aeltre. Mr O. Goeminne (1), industriel à Deynze, est 
propriétaire d’une belle hache polie en silex gris-noirâtre et 
recou verte d’une patine jaunâtre. Elle est éhréchée en plusieurs 
endroits et surtout aux deux extrémités. Elle a été trouvée en 
1904 à l’emplacement d’une station romaine, bien connue à la 
suite de la découverte d’une statuette aujourd’hui dans les 
collections de M" Warocqué. 


(1) Décédé le 6 mai 1907. 


— 412 — 


Dimensions approximatives de la hache : 
longueur : 17 centimètres. 
au niveau du talon : 96 millimètres. 
largeur ‘ au niveau de la partie médiane : 87 millimètres. 
au niveau du tranchant : 90 millimètres. 

Berlaere-Donck. Le lac d'Overmeire, comme nous le 
dirons plus loin, peut être considéré comme un ancien lit de 
l'Escaut. D’après Frans de Potter (Historische schets der 
gemeenten Overmeire en Uitbergen, Brussel, 1863, p. 1), le 
nom de « de Meire » serait cité dès 1306. En avril dernier, 
nous avons voulu explorer, au point de vue préhistorique, les 
bords du lac; mais nos recherches n’ont guère été fructueuses à 
cause des récoites. Néanmoins, à la surface d’un champ au 
hameau de Donck et en face de la Villa Prince Albert qui sert 
actuellement de station biologique, nous avons pu recueillir, 
au milieu de débris de poteries anciennes, deux silex retouchés 
gris-noirâtres. 

= Dans le but d'amender la terre, les paysans recueillent 
les plantes aquatiques du lac voisin. 

Les recherches à la surface du mamelon + 15.00,au N.E. 
de la chapelle de Donck sont actuellement impraticables, car 
un bois de sapins le couronne. 

Mr Van Dessel rapporte, d’après M' Schuermans,la décou- 
verte d'une hache en silex à Berlaere. Durant l'hiver pro- 
chain, nous comptons explorer les mamelons flandriens de ce 
village en commençant les recherches, ainsi que nous l'avons, 
du reste, fait pour Uytbergen, à partir de la limite des zones 
exondées. 

Deynze. Rive Sud du Zeverenbeek, ruisseau, et tout à 
l'entour du moulin à vent (altitude + 20) situé à 1500 m. N.0. 
par rapport à l’église de Deynze. Le moulin se trouve établi 
sur une colline formée de sable flandrien jaunâtre, un peu 
argileux, stratifié et employé pour le moulage daus les fonde- 
ries de fer de Gand et de la Hollande. L'exploitation, sise à 
côté du moulin, se fait sur une profondeur de 4 m. jusqu'au 
niveau d’eau. Au point de vue de sa composition et de la nature 
de ses strates, le sable a une structure homogène. Jadis, 
dans cette région, on amendait la terre au moyen de la craie 


— 413 — 


des environs de Mons. C’est ainsi qu'on trouve à la surface du 
terroir des blocs de silex encore encroùtés de craie. En très 
peu de temps, nous avons réuni les pièces suivantes : 


Lames-couteaux en silex, 4 
Grattoirs-racloirs, 5 
Fragment de hache polie en silex de Spiennes, 1 
Débris de taille en silex divers, 8 
Total 18. 


Gand. Hache en Lois de cerf. Un moulage en plâtre de 
celle-ci a figuré dans la collection belge de la section d'An- 
thropologie à l'Exposition uuiverselle de Paris de 1889. Voir 
le Catalogue du D" Jacques. 

Dans les enllections du Musée d'Archéologie de Gand, on 
voit 11 belles haches polies sans indications de provenance, 
de formes différentes et non cataloguées. L'une d’entre elles 
est en forme de ciseau et paraît être en phtanite noir. Les 
n° 20, 150, 151 et 10 sont en silex. Une autre, en silex 
brunâtre, est retouchée sur ses bords latéraux. Il y aurait lieu, 
en consultant les registres d'entrée, de faire l'historique de 
ces pièces assurément intéressantes et de faire l’étude micros- 
copique de la roche pour certaines d’entre elles. 

Jadis, notre père a eu l’occasion de voir, dans les collec- 
tions de Mr" Versturme, quelques haches polies que leur 
propriétaire affirmait avoir été trouvées aux environs de 
Gand. 

Déjà De Bast (Recueil des Antiquités, 1808, p. 124) ren- 
seignaït que des instruments de l'espèze étaient communs aux 
environs de Gand. 

Pour le canal de Terneuzen, nous avons plusieurs cita- 
tions : | 

Trois haches en corne brute, de chevreuil; voir le Cata- 
logue du Musée d' Antiquités de Bruxelles, n° 1 à 3. 

Schayes. Za Belgique arant el pendant la domination 
romaine (Bruxelles, 1859), t. 3, p. 400. 

Silex dans les terres provenant des draguages du canal. 
Pour M" Eug. Van Overloop, ce sont des éclats noirs retou- 
chés; voir Recherches sur les silex éclatés sous l'influence des 


— 414 — 


agents aimosphériques, par E. de Munck, dans les Bulletins de 
la Société d'Anthropologie de Bruxelles, tome IV, 1885-86. 

Gentbrugge. Grand fragment de hache polie, retaillé, 
en silex brueâtre, n° 2311. Collection de l’Université de 
Gand. Don de Mr L. Frédericq. 

Gontrode. À 500 m. au N. 0. de l’église de Gontrode et 
en face du cabaret « in het Lichtveld » côte +- 20.00, à la 
surface du sol, un éclat retouché en silex jaunâtre (28 octobre 
1902). 

Heusden. À 300 m. au Nord du pont sur l’Escaut et le 
long de la rive gauche, on observe de grands tas de sable et 
de grès provenant du redressement du fleuve. En cet endroit, 
l’Escaut décrivait, il y a dix ans, une boucle. Le sable est 
grisâtre, assez doux au toucher, avec points glauconieux, 
verdâtres, ou siliceux, noirâtres, et montre des grès panise- 
liens dont quelques-uns sont fossilifères (Otodus Vincenti 
Winkl, Lamna sp? Cardita planicosta Lmek). Dans la masse, 
on voit encore quelques linéoles d'argile grise-noirâtre, fine, 
schistoïde. Ces terres sont d'âge paniselien et sont exploitées 
à l'heure actuelle par les briqueteries environnantes. A la 
surface du tas, nous avons trouvé, le 20 octobre 1903, deux 
racloirs-percuteurs en silex gris-noirâtre ainsi que deux 
cailloux quaternaires éclatés en silex jaunâtre-noirâtre et 
montrant une partie nettement retouchée. Des recherches faites 
le long de la rive droite de l'Escaut et en face de ce remblai 
ont été infuctueuses. Pour ce village, De Potter et Broeckaert 
renseignent (1) la découverte d'objets en silex. 

Meirelbeke. Hache de silex. Catalogue du Musée FT An- 
tiquités de Bruxelles, 2° édition, p. 188, “reproduit dans Van 
Dessel, Topographie des voies romaines, p. 147. 

Nueleus entre Meirelbeke et Melle, en silex jaune-brunâtre 
et de petite taille. Voir les n° 2595 et 1025, coliections de 
l'Université de Gand. Don de M' le Professeur L. Frédericq. 

Melle. Le 20 octobre 1903, à l’endroit « Mellehoek », 
nous avons trouvé le long de la rive gauche de l’Escaut, une 


(1) Geschiedents.…, Heusden, p. 4 et5, reproduit dans Van Dessel, 7opo- 
graphie des voies romaines, p. 113. 





— 415 — 


station franchement néolithique dont voici le bilan des récoltes 
faites postérieurement à cette date : 

Couteaux, racloirs, grattoirs en silex de provenances 
diverses (Obourg, Spiennes, etc.). Un fragment de couteau 
est en silex résineux, brunâtre, probablement étranger au 


pays. 24 
Eclats de taille en silex divers dont beaucoup mon- | 

trent les atteintes du feu, 91 
Percuteur en silex brunâtre, À 
Grattoir discoïde en silex grisâtre, 1 
Nucleus en silex gris-jaunâtre, L 
Fragments de haches polies en silex de Spiennes, 6 


Fragments de polissoir ou de meule en grès paniselien, 2 


Total 126. 
Pas d’éclats ou d'outils en quartzite de Wommersom. 
Notre champ d’exploration se trouve à 500 m. E. N. E. 
environ par rapport à l’église de Melle. La carte topographique 
au 1/20,000 y renseigne les côtes d'altitude de + 5m.à +8 m. 
Le terrain est constitué par une pellicule de flandrien reposant 
sur le paniselien inférieur. 

Nos recherches nous ont permis également d’y voir une 
ancienne occupation romaine, franque et du haut moyen-âge. 
Outre de nombreux fragments de poteries, nous y avons 
observé plusieurs fragments de tegula et un morceau d'un 
collet de vase franc avec un dessin à la roulette. Nous signale- 
rons également la découverte que nous avons pu faire en ce 
point d’une belle intaille en cornaline, actuellement dans les 
collections des musées du Cinquantenaire à Bruxelles. Mr le 
Baron de Loë a bien voulu nous donner les renseignements 
suivants la concernant : | 

Epoqueromaine? Inventaire n° 1230. Intaille en cornaline 
représentant un personnage en buste. Forme ovale. Dimen- 
sions 0.014, 0.012. 

À 1100 m. N. O. par rapport à l’église de Quatrecht et 
contre une ancienne boucle de l’Escaut, à la surface d’un 
champ couvert de débris du moyen-âge, nous avons recueilli, 
Je 22 août 1904, un percuteur allongé, en silex grès-noiràtre, 
d'Orp-le-Grand. Altitude + 5,50 m. 


— 416 — 


Devant la campagne de Mr Le Grand-de Sejournet, il 
existe une terrasse en pente vers une boucle du Vieil Escaut. 
Le 22 août 1904, nous avons trouvé, à la surface du sol 
flandrien, trois éclats gris-noirâtres, retouchés dont un en 
silex d’Orp-le-Grand. Altitude + 5 m. à + 9 m. 

Le 14 avril 1905, étant de passage à Melle, nous avons 
été visiter les travaux de creusement d’un étang destiné à 
alimenter les pompes du chemin de fer de l'Etat. Comme on 
sait, Mr" Maertens y a découvert les vestiges de l’homme 
néolithique ainsi que des poteries, des armes, des outils de la 
période hallstattienne, romaine et franque. Dans un coin de 
l'excavation, près de la Gonte et de la ferme indiquée sur les 
cartes topographiques, nous avons eu l’occasion d’y recueillir 
in situ sous 1.25 m. de campinien et au sein de la base 
caillouteuse à Zlephas primigenius, trois silex reutéliens. En 
cet eudroit, le campiuien repose au moyen d’un gravier sur le 
paniselien inférieur. Ce terme du tertiaire, actuellement 
visible dans le lit de la Gonte, est représenté par une argile 
grise-jaunâtre, sableuse et glauconifère. | 

La localité de Melle est citée par M' De Potter et 
Broeckuert ((reschiedenis, t. IV. urt. Melle, p. 3) pour la 
trouvaille d’une hache polie en silex (vuur steenen bijl) dépo- 
sée daus les collections du Musée des Joséphites de Melle. La 
Notice sur les collections scientifiques et sur le Musée Com- 
mercial du même établissement (Gand, Annoot Braeckman, 
1871, p. 16) renseigne « une hache polie en jade trouvée à 
Melle ». Nos investigations à ce sujet sont négatives : la 
pièce en question aurait été égarée, parait-il. 

Melsen. M" Cordier, briquetier à Vurste, nous rapporte 
que son frère, aujourd hui décédé, a recueilli jadis, dans une 
briqueterie située en pleine vallée de l'Escaut à Melsen, une 
hache polie en silex gris-bleuâtre et de grande dimension. Il 
nous a promis de faire des recherches à l’effet de la re- 
trouver. 

Oostacker-Meulestede. À 200 m. N. N. E. du vieux 
moulin aujourd’hui démoli, et près du chemin de fer de Gaud à 
Bruges, nous avons recueilli, le 5 mai 1903, à la surface du sol 
flandrien (altitude + 7.00), deux lames-racloirs en silex 


— 417 — 


grisâtre, probablement de Spiennes. Le terrain en question est 
actuellement englobé dans Je canal de Terneuzen. | 

Saint-Denis- Westrem. Plaine d'exercices, Dans leur 
histoire des communes de la Flandre Orientale, De Potter et 
Broeckaert (art. Saint-Denis-Westrem) décrivent ce point sous 
le nom de « Buchten ». Limité au Sud par le ruisseau de 
Zwijnaerdebeek, à l'Est par le même sous le nom de Riet- 
gracht, au Nord per la Lys et enfin à l'Ouest par la route 
pavée partant de la chaussée de Courtrai à Afsné, Ce stationne- 
ment permettait à l’homme préhistorique un ravitaillement 
en eau potable. La carte topographique au 1/20.000 de 
l’Iustitut cartographique militaire renseigne, pour la plaine 
Saint-Denis, les côtes : + 8, + 9, + 10 et l'altitude + 11 vers le 
centre de celle-ci. Le sol est constitué par du sable jaunâtre, 
grisâtre, meuble, assez doux, non micacé, d’origine flan- 
drienne, surmontant l’argile sableuse glauconifère avec psam- 
mites dont quelques-uns sont fossilifères (Nucules). Cette 
dernière formation est rangée dans le paniselien inférieur et 
retient un niveau d’eau vers 4.00 à 5.00 mètres de profondeur. 

Le 6 août 1904, nous y trouvèmes un premier éclat de 
silex. Nous y avons continué nos recherches et, à l'heure 
actuelle, nous pouvons établir un bilan de récolte de 405 
pièces, se répartissant de la façon suivante : 

Grattoirs, racloirs, percuteurs en silex de diverses prove- 
nances (Spieunes, Obourg, Orp-le-Grand, Wanzin, etc.). 
Beaucoup sont fort usagés et certains d’entre eux sont à 


encoche. 44 
Grattoirs discoïdes et semi-discoïdes en silex gris- 
noirâtre, gris-jaunâtre, quelques-uns sont fort beaux, 10 

Fragment de grès paniselien retouché, 1 
Fraginent de polissoir ou de meule en grès landenien 
supérieur, 1 
Fragment de polissoir ou de meule en grès pani- 
sélien, Î 
Fragments de haches polies en silex gris-jaunâtre 
et gris-noirâtre de Spiennes, 7 
Pointes de flèche en silex gris-jaunâtre et grisâtre; 
forme à ailerons latéraux et à pédoncule, 2 


27 


— 418 — 


Pointe de flèche en silex brunâtre ; type lancéolé (1), 1 
Pointe de flèche en silex jaunâtre-grisâtre, trans- 
parent; type à base légèrement excavée, 1 
Pointes de flèche en silex, à tranchant transversal 

dont une brûlée et les 2 autres en silex gris-noirâtre 


transparent sur les bords, 3 
Pointe tardenoisienne en silex gris-jaunâtre (burin), 1 
Nucleus en silex jaune-brunâtre brûlé, Ì 
Couteaux-lames en silex de provenances diverses, 

dont un en silex d'Obourg, 41 


Déchets et éclats de taille, silex plus ou moins retou- 
chés d’origine variée (Maestrichtien, Orp-le-Grand, Mes- 
vin, etc.). Dans le nombre, quelques-uns sont brûlés; 
d'autres ont été taillés aux dépens de cailloux quater- 
naires 291 


| Total 405. 

Fait à noter : jusqu'à présent, nous n’avons pas encore 
rencontré, dans nos recherches, le moindre éclat en quartzite 
de Wommersom. 

Il résulte de l'examen de cette r“cole que la station de la 
plaine Saint-Denis peut être rangé dans le Tardenoisien et 
présente un mélange de néolithique. La présence d’un burin, 
de plusieurs pointes de flèche à tranchant transversal, de 
grattoirs discoïdes et semi-discoïdes dont plusieurs présentent 
une facture très-achevée, de couteaux petits et relativement 
nombreux, et, enfin, l'utilisation de petits instruments ainsi 
que l’usage prolongé d'outils à encoches semblent indiquer 
une industrie tardenoisienne. Le néoiithique proprement dit 
n'est confirmé que par quelques débris de haches polies en 
silex de Spiennes et par des grattoirs-racloirs en silex de prove- 
nances variées. La matière première des outils est variable. 
C'est ainsi qu'on note le silex Maestrichtien roulé, ramassé 
à la surface des gisements de craie belges, le silex d’Orp-le- 





(1) Ressemble à celle figurée sous le n° 9 de la planche XVII, dans le 
travail de Mr l'abbé Claerhout : Le néolithique de la Flandre Occidentale; 
dans les Annales de la Soc. d'archéologie de Bruxelles, t. XXI, 1907, p. 171. 








— 419 — 


Grand, de Wanzin et enfin la variété noire d'Obourg (r). 
Certains instruments ou éclats ont été taillés aux dépens d’une 
roche du Maestrichtien. Leur aspect siliceux, transparent est 
bien connu de tous ceux qui s'occupent de recherches pré- 
historiques. L'examen des déchets de taille avec la croûte 
attenante, trouvés dans des stations tardenoisiennes pures de 
toute mélange du Limbourg et de la Campine anversoise, nous 
a permis de l’identifier avec le silex Maestrichtien. Il y a lieu 
toutefois de ne pas le confondre avec celui in situ du Maes- 
trichtien proprement dit : la texture et la couleur grise- 
noirâtre sombre différent. Nous signalerons, également, un 
fragment de. polissoir ou de meule en grès landenien ; la 
texture et le grain font rapporter ce morceau au grès de la 
Grande-Gèthe. Cette dernière roche diffère de celle qu’on 
rencontre à la surface du sol aux environs d’Ypres. Selon nous, 
le grès tongrien d'Ypres est analogue à celui des environs de 
Saint-Trond. L'un et l’autre sont descendus verticalement. La 
petitesse des instruments a déjà été signalée par le D' Van 
Raemdonck pour le Pays de Waes et par M° Eug. Van 
Overloop pour les environs de Mendonck. — La matière 
première venant de bien loin a dû être utilisée dans ses 
moindres éclats. Aussi, ces derniers portent-ils la trace 
d’un usage fréquent. Quelques rares cailloux quaternaires 
portent des retouches manifestes. — Enfin, comme on sait, 
l’homme tardenoisien avait également des statiounements 
au N. N. E., à l'Ouest et à l’Est de Gand. Chose digne 
de remarque, dans la Campine anversoise et dans le Lim- 
bourg, son industrie se caractérise surtout par la présence 
d'outils faconnés en quartzite de Wommersom. Aux environs 
de Gand, nous n'avons pas rencontré cette roche dans le 
cours de nos recherches aiusi que nous le signalerons encore 
dans ce travail. 


——— 


(1) Le silex d'Obourg a également été rencontré dans les régions de 
Mendonck et du Pays de Waes. Même plus, au Kauter à Kieldrecht, à la base 
dn Campinien, en creusant des puits, on a pu recueillir des blocs de grandes 
dimensions de cette assise crétacée. Ces rognons sont visibles dans les 
collections du Musée archéologique de Saint-Nicolas. 


À Saint-Denis, la grande loi sociologique de l'adoption du 
milieu se vérifie une fois de plus. Après l’homme préhisto- 
rique, uve population d’origine romaine est venue s’y instal- 
ler, et, pendant la période si obscure du haut moyen-âge, des 
habitations s'y sont établies. Pendant le cours de nos re- 
cherches, nous avons eu l’occasion d’y ramasser des fragments 
de tegula, de meule en lave tephrinique de Niedermendig, 
des débris d’olla, de poteries, de plats en vrai et en faux 
samien dont deux morceaux sont ornementés. Nous signale- 
rons aussi une monnaie en bronze de petit module, d'une 
conservation déplorable, des crayats de Sarrazins et enfin 
un ardillon en bronze. Cette dernière pièce a été remise à 
notre ami, M' le Baron A. de Loë, pour les collections du 
Ciuquantenaire (1). Des dents de cheval fort anciennes, hap- 
pantes à la langue complètent ce bilan. Le haut moyen-âge 
est caractérisé par des poteries plus ou moins grossières, plus 
ou moins épaisses, des fonds de vases modelés au pouce et 
des fragments de tuiles et de carreaux vernissés. 

 Quatrecht. A 750 m. N. O. par rapport à l’église de 
Quatrecht et au bord des alluvions de la rive gauche de 
l’Escaut, nous avons recueilli, le 22 août 1904, un caillou 
quaternaire fortement retouché. I] est à remarquer que les 
cailloux sont rares à la surface du «ol flandrien. 

Altitude, + 4,50 m. environ. 

Ruysselede. M' O. Goeminne de Deynze possède une 
hache polie trouvée, il y a 20 ans environ, par un bûcheron en 
abattant un chène dans cette localité. Elle est en silex gris- 
noirâtre avec patine jaunâtre. Le tranchant est légèrement 
ébrèché. 

Dimensions approximatives: Longueur = 21 centim. 
Largeur au niveau du tranchant 47 mill., et au niveau du 
talon 3 centimètres. 


(1) Ces lignes étaient déjà écrites, lorsque nous avons trouvé, dans le 
Messager des sciences historiques de 1838 (pp. 419-480), la relation de la 
découverte au même endroit par MM. Roelandt et Roulez, en 1837, de 
vestiges rapportés par ces archéologues à une sépulture gallo-romaine. Un 
fond de plat samien avec le sigle (S) everus fut déposé au Cabinet d'Anti- 
quités de l'Université de Gand. 


— 421 — 


Tronchiennes. Hameau Regenboog. Le 10 mai 1905, à 
la surface du terroir flandrien et dans une aspergerie, nous 
avons trouvé les pièces suivantes : 


Racloirs en silex gris-noirâtre et noirâtre, : 2 
Fragment de nucleus en silex noirâtre, | 1 
Couteaux de petite taille, en silex noirâtre, . à 


Pointe tardenoisienne en grès landenien supérieur 
dont la roche provient d'un gisement bien localisé au 
S. S. O. de Tirlemont et que nous ne pouvons autrement 


désigner en ce moment, | 1 
Débris de taille en silex divers. 7 _ 4 
Total 20 20, 


Fragments nombreux de poteries ‘anciennes. 

Cette station tardenoisienne? fort pauvre se trouve à: 
800 m. S. par. rapport à l’église de Mariakerke. Le champ 
d'exploration se trouve compris entre les côtes + 7 et + 8, 
alors que les alluvions de la vallée de la Lys atteignént la. 
côte -- 6 environ. 

Hameau « Stroomken ». Station néolithique pauvre, située 
à 1800 m. N. N. O. par rapport à l’église de Tronchiennes. 
Champ en pente vers la Lys et présentant les altitudes + 7 et 
+ 8. Le fond de la vallée est à la côte - 6 environ. Le terrain 
est sabieux, gris-jaunâtre, assez doux et appartient au flan-: 
drien. Outre quelques fragments de poteries paraissant ancien- 
nes, nous avons trouvé ce qui suit : 

Racloirs en silex dont un a été faconné dans la roche 


d'Obourg, 3 
Lame en silex de Spiennes, | 1 
Fragment de couteau en silex de Spiennes, 1 
Débris de taille en silex de provenances diverses. 12 

Total 17 


Uytbergen. Ce village est établi à la surface d’une 
grande dune de sable flandrien reposant profondément sur le 
paniselien. La masse flandrienne est entourée par les alluvions 
de l’Escaut. Dans ses débordements périodiques de moyenne 
intensité, le fleuve atteint la côte + 5,00 environ et baigne 
les bords de cette colline. Avant le IX: siècle, l’Escaut et la Lys 


/ 


— 499 — 


écoulaient leurs eaux vers la mer au N. E. de l'emplacement 
actuel de Gand. Aucun grand cours d’eau ne reliait Gand à 
Termonde. À partir du IX* siècle, le chenal au nord de Gand 
s'étant ensablé, le fleuve se creusa un lit secondaire entre ces 
deux villes(1). En examinant une carte topographique à grande 
échelle des régions d’Uytbergen-Overmeire-Berlaere, on 
observe fort bien la direction que prit l’Escaut à cette période 
lointaine de l’histoire. 
La lenteur de son cours, 
l'existence de nombreu- 
ses boucles favorisaient 
les inondations. Puis, des 
modifications séculaires 
dues à des causes natu- 
relles ou amenées par le 
travail modérateur de 
l’homme ont amené une 
course moins capricieuse 
de l'élément liquide. 
Uytbergen préhistorique 
se détacha à partir du 
IX siècle de la terre con- 
tinentale. La grande ma- 
re dite Hersbroeck et le 
————— lace d'Overmeire repré- 

No 36. — Région d'Uytbergeu. sentent les vestiges de 
l’ancien Escaut. Il en est de même du Broeck aujourd'hui 
desséché. Ces considérations et d’autres d’un ordre plus 
spécial nous amenèrent en avril 1904-1907 à étudier le région 
d' Uytbergen. 

Observation I. Altitude + 7,00. Un bois de sapin, dit de 
Stakelbosch, limite au Nord un champ en pente douce vers le 
Sud et surnommé de Spetting. L'exploration du terrain nous 
a donné, outre des débris de poteries anciennes, les pièces 
suivantes : 


Er, 
LE 
=\ 
Z Pd JN 
One en-dessous Kd 


dela côte des ]non- 


dations ls kt 


e). 
Mo 
ef 
ED) e 
oP tbe 


or 















7 
x 






—— 


(1) Nous reproduisons ici les idées qui ont été émises récemment dans 
les séances de la Société belge de géologie, de paléontologie et d'bydrologie. 
Voir les Annales de cette société de 1906 et 1907. 


— 423 — 


Racloir-grattoir en silex de Spiennes, 1 
Racloir en silex d’Obourg, 1 
Fragments de haches polies en silex de Spiennes, 2 
Couteau, de petites dimensions, en silex grisâtre, 1 
Eclats de silex de provenances diverses dont quel- 
ques-uns sont brûlés, 12 


Total 17, 

A l'Ouest du Spetting, nous avons trouvé un beau 
grattoir semi-discoïde en silex de Spiennes. Pas de quartzite 
de Wominersam. Néolithique. 

Observation II. Altitude du sommet + 9,00. Lieu dit: 
« Rysberg ». A la surface, quelques débris de poteries ancien- 
nes et deux éclats de silex grisâtre provenant de couteaux. 

Observation IIL.-À droite d'un chemin et près d’un bois 
de sapin, à la surface des champs, petit éclat de silex noir. 

Observation IV. Un racloir en silex grisâtre. 

Observation V. Lieu dit « Sperrebosch », éclat de silex 
gris-noirâtre. 

Observation VI. Sommet + 15,00, jadis surmonté d'un 
moulin à vent, aujourd’hui démoli. Lieu dit : « Stuyvenberg », 


Fragments de poteries anciennes. 


Éclats retouchés en silex grisâtre, gris-bleuâtre, 3 
Nucleus obtenu aux dépens d’un caillou quaternaire. 1 
Total 4. 


La terre à Uytbergen est des plus arides. Aussi, depuis des 
temps immémoriaux jusque dans ces dernières années, les 
paysans recueillent les plantes aquatiques du Hersbroeck et les 
incorporent dans le sol en guise d’engrais. Telle est la raison de 
la grande abondance des coquilles fluviatiles qu’on observe 
partout à la surface du terrain. 

Uytbergen offre un stationnement néolithique faiblement 
représenté et une fois de plus nous y constatons l’absence du 
quartzite de Wommersom. 

Vurste. Hache polie en silex gris-noirâtre avec patine 
jaunâtre, montrant les traces de polissage dans le sens de la 
longueur et sur la partie médiane. Le tranchant en est légère- 
ment ébréché. 


— 424 — 


Mesures : 123 mill.environ de longueur, 40 mill. environ 
de largeur près du trauchaut et 20 mill. de largeur environ 
près du talon. Cette pièce a étè trouvée dans une briqueterie 
établie dans la vallée de l'Escaut et près du fleuve. Le proprié- 
taire de la briqueterie, M" Cordier en a fait cadeau à M" O. Goe- 
minne, industriel à Deynze. 

__ Wontergem. Côte de surfnce + 10 09: à la limite des 
communes de Wontergem et de Vynekt, Mr le sous-lieutenant 
Martin, du 1" régiment de ligne, nous a remis un beau grattoir 
semi-discoïde en silex gris-noirâtre. À gauche de la chaussée 
de Thouraut à Anvers (borne 6) et près de la jonction du Mael- 
beek, ruisseau et du Zeverenbeek, autre ruisseau, il existe un 
champ à explorer au point de vue préhistorique. La carte 
militaire au 1/40,000 porte sur la rive gauche du Maelbeek la 
mention d'une rencontre eu 1695. 

Zeveren. Station tardenoisienne et néplithique splendide 
au point de vue de l’aboudance des outils et de son orieutation 
typique. A 400 m. à l'Est de l’église de Zeveren et en rayon- 
nant vers le N. E., on trouve un champ avec une pente tournée 
yers le S. E., dans la direction de la boucle du Zeverenbeek, 
ruisseau. Le sol est constitué par la masse argilo-sablense déjà 
signalée au moulin de Deynze. Le terroir ne moutrant pas de 
galets, la présence d’un silex taillé se remarque immédiate- 
ment.L'endroit est surtout à visiter après une pluie, car la terre 

-est meuble. La station nous paraît très étendue et s’éteudrait 
depuis Leenwekenhoek jusque de l'autre côté de l’église de 
zeveren dans la direction de Kauwenhoek. Outre une quantité 
ae racloirs, grattoirs, lames, couteaux, nous avons trouvé des 
débris de haches polies en silex de Spiennes, deux pointes de 
flèche à tranchant transversal et une poiute tardenoisienue 
(burin). Il s’agit ici incontestablement d’une station tardenoi- 
sienne avec passage au néolithique. M" le sous-lieutenant 
Martin, du Ìr régiment de ligne, nous. a mis à même de la 
connaître en soumettant à notre examen quelques outils dont 
il svupconnait la nature. 


—— 495 — 


Nos recherches aux environs de Gand nous permettent de 
conclure à des stationnements proprement dits de peuplades 
préhistoriques. C’est ainsi que les localités de Zeveren, Deynze, 
Saint-Denis-Westrem, Melle et Tronchiennes ont été habitées 
par des populations tardenoisiennes et néolithiques.La petitesse 
de l'outillage et l’utilisation des silex de Spiennes et d’Obourg 
les caractérisent. Chose digne de remarque, nulle part nous 
n’avous pu mettre la main sur le moindre éclat en quartzite de 
Wommersom.Dans laCampine anversoise et le Limbourg, cette 
roche, dans certaines stations tardenoisiennes pures et néoli- 
thiques, est parfois représentée par le 1/5 ou le 1/6 de la masse 
totale de la récolte. Elle a même servi à faconner des instru- 
ments des plus délicats tels que des pointes de tatouage, des 
pointes à buriner et ces beaux grattoirs discoïdes qui ne dépas- 
sent pas la largeur du pouce. 

A Tronchienues, nous avons trouvé une bonne pointe 
tardenoisienne (burin) faconnée dans un quartzite landénien 
supérieur spécial aux euvirons de Tirlemont. Nous avons ren- 
contré la même roche près d Anvers dans uue station tarde- 
noisienne néolithique. 

Dans ia banlieue gantoise, les outils parfaits sont rares 
en comparaison des éclats. La pénurie du silex a amené parfois 
l’homme préhistorique à utiliser les cailloux roulés du quater- 
naire. D'une façon générale, les stations préindiquées sont 
pauvres et il nous a fallu beaucoup de recherches pour recueil- 
lir ce que nous présentons ce jour aux membres du Congrès. 
Nous en exceptons toutefois celles de Deynze et de Zeveren 
qui nous promettent de bonnes trouvailles. Nos devoirs profes- 
sionnels, nombreux pendant l'époque où les champs ne sont 
pas ensemencés, ne nous ont pas permis une exploration bien 
assidue. Nous signalons ces endroits à l'attention d'un de nos 
collègues, M" l'abbé Claerhout. 

Parfois, après avoir jeté un regard sur les cartes topogra- 
phiques à grande échelle dans le but de pouvoir trouver un 
point à étudier au point de vue préhistorique, nous avons 
dirigé nos pas vers des endroits udmirablement situés et 
réunissant toutes les conditions désirables pour un établisse- 
ment préhistorique. Nos investigations n'ont pas toujours été 


— 426 — 


couronnées de succès. À ce sujet, nous citerons deux emplace- 
ments qui semblaient réaliser tous les desiderata : le pro- 
montoire de Deurle avec la Lys au pied de la colline, et 
les champs avec versant tourné vers le Sud entre Gavre et 
Dickelvenne. 


Les Origines de la Réforme 
Constitutionnelle de Gand de 1360-1369, 


par Vicror FRIS, 
Professeur à l’Athénée royal de Gand. 


Depuis la révolte démocratique qui avait renversé le gou- 
vernement patricien des XXXIX au lendemain de la bataille 
de Courtrai (12 juillet 1302), la commune de Gand avait été 
divisée en trois membres, les tisserands, les petits métiers et 
les foulons. Vers le milieu du siècle, le premier membre 
comprenait 59 petits métiers; les tisserands étaient répartis en 
23 quartiers (rijken) et les foulons en 19 quartiers (1). 

Chacun de ces membres s’administrait d’une façon auto- 
nome. Le beleeder ou opperdeken des métiers était élu pour 
deux ans le 14 août, en même temps que l’on renouvelait le 
magistrat communal (2). La veille de Pâques Closes, les tisse- 
rands nommaient leur doyen, tandis que les foulons élisaient 
le leur au 1‘ mai (Meidag) (3). Ces trois divisions du commun 
eurent leurs représentants sur les bancs scabinaux et partici- 
pèrent ainsi au gouvernement de la commune. 

Le métier de la laine, composé en majorité d'ouvriers à 
la semaine, élément très remuaut et avide de nouveautés, était 
particulièrement hostile aux familles de leurs anciens oppres- 


(1) Juzrus VUYLSTEKE, Cartulaire de Gand (Gand, 1900). p. 71, à l’année 
1314-1315; la liste des quartiers des tisserands, dans J. HUYTTExS. Recherches 
sur les corporations gantoises, p. 39, n. 1; la liste des 59 métiers et des 19 
quartiers de foulons, dans N. DE Pauw, Voorgeboden der stad Gent, p. 165- 
167, et Rekeningen van Facob van Artevelde, t. LIT, p. 485. 

(2, F. DE POTTER, Gent, t. I, p. 443-444. | 

(8)N. DE Pauw et J VuyLSsTEkE, De Rekeningen der stad Gent tijdens 
Jacob van Artevelde (Gent, 1814), t. 11. p. 388, à l'année 1344; VAN Durse, 
Inventaire des chartes de Gand, p. 341, no 951. 


— 498 — 


seurs, les lignages ou le patriciat, grands propriétaires de 
maisons ou patrons drapiers. L'animosité des tisserands s’ac- 
crut encore quand ils virent les patriciens, forts de l’appui de 
Robert de Béthune qui cherchait à se rapprocher d'eux (1), 
tendre à récupérer le pouvoir perdu. 

Un soulèvement éclata à Gand, les4 et 11 août 1311, dans 
lequel les patriciens furent vaincus; et la plèbe garda Je 
pouvoir (s). 

Nous n’avons aucune chronique pour nous expliquer 
comment s'opéra la chute des tisserands en 1319; tout ce que 
nous savons, par un acte de Robert de Béthune du 29 novem- 
bre 1319, c’est que les Gantois, au cours d’une émeute, avaient 
gravement insulté les deux fils du comte (3). Quoiqu'il en 
soit, cette même année les patriciens reprirent en mains les 
rênes de l'administration et nommèrent cinq capitaines, à côté 
des échevins, pour gouverner la ville (4). Pendant dix-huit 
ans, les fils des XXXIX gardèrent l'administration de la 
ville, jusqu'en 1337 (5). Sous le gouvernement des cinq capi- 
taines, réactionnaires et partisans du comte, de 1319 à 1329 (6), 
on n’épargna rien pour vexer les tisserands : en mars 1326, 
la ville leur uvait même imposé une taxe hebdomadaire 
d'un inghelsche, qui ne prit fiu qu'en 1335 (2); privés d'ail- 


(1) Annales Gandenses (61. K. Funck-Brentano , p. 95, 98. 

(à) J. Vuxisrexe, Uitleggingen tot de Stadsrekeningen (Gent, 1906), 
p. 181-188. J. ne Mevere. Annales Flandriæ (Antverpiæ, 1361), fo 119 re, 
date par erreur ces faits de 1313. Cf. Memortebock der stad Ghestt (6d, P.-C. 
Van der Meersch, Gert, 1859,, t. L, p. 19; Chronique Tournaisienne, à la suite 
de la Chronique Artésienne éd. F. Funck- -Brentano), p. 93. 

(3) FR. DE POTTER, Petit Cartulaire, p. 29-30, à rapprocher de 
J. VUYLSTERE, Cartulaire, p. 134. 

(4) TH. DE LIMBURG-STIRUM, Codex diplomaticus, t. II, p. 837-338; VAN 
Duyse, Inventaire, p. 99, n° 302; J. VUYLSTEKE, Cartulaire, t. 1, p. 160, 
et suiv.,t. IL, p. 620; Memorieboek, t. I, p. 27; J. DE Sr. GENOIS, fnventaire 
des chartes des Comtes de Flandre, p. 992, no 1369. 

(SJ. VUYLSTERE, Cartulaire de Gand, pp. 121, 426, 529, 646, 708, 560, 
704, 830, 886, 953, 993; N. ve Pauw et J. VUYLSTEKE, Stadrekeningen van 
Gent, t. I, p. 38. 

(6) J. VUYLSTEKE, Cartulaire de Gand, PP. 134, 250, 329, 388, 397, 498, 
566, 642. 

CT) J. VUYLSTEKE, Cartulaire, p. 407, ibid., p. 932. 


— 499 — 


leurs de leurs droits politiques, ils s'étaient vu enlever leur 
doyen et imposer des beleeders (1). | 

La crise économico-politique de 1337 et la révolution 
démocratique de janvier 1338 qui en résulta, supprime du 
coup Ìa taxe et fit revenir les tisserands au pouvoir. Durant 
tout le gouvernement de Jacques van Artevelde, c'est même 
le doyen du métier de la laine qui a le pas sur ses collègues 
des petits métiers et des foulons (?). Plus encore, à la suite de 
l’écrasement des foulons au Æwaden Maandag (2 mai 1345) (3), 
la foulerie (volderij) avait été soumise à deux beleeders et. 
avait momentanément perdu son importance dans l’admini- 
stration de la ville (4). 

Dès l’année suivante pourtant, après l’assassinat du grand 
tribun gantois, réupparaît le doyen des foulons à côté de ceux 
des deux autres membres (5). Les tisserands faiblissaient. 

D'ailleurs, Jacques Van Artevelde incarnait tellement la 
politique tisserande (6), que sa mort marquait l’imminence de 
la chute politique et sociale du métier de la laine gantois, qui 
durant dix ans avait dominé la Flandre entière. Cette chute 
fut précipitée par la réconciliation de Bruges (14 septembre 
1348) avec le jeune comte Louis de Maele, qui venait de succé- 
der à son père (7). 


(1) « Die versien ten weveambachte », Cartulaire, p. 951. 

(2: 3. VurLsTEKE, Stadsrekeningen tijdens Jacob van Artevelde, t. I, p. 
388, t. II, p. 372. 

(8) Memoriebock, t. I. p. 59 ; Gitres Li Muisis, Chronica (J.J. DE SMET, 
Corpus, t. IN), p. 237; Excellente Cronike van Vlaenderen, ein vo; Kronijk 
van Vlaenderen,t I, p. 205. 

(4) Stadsrekeningen tijdens Jacob van Artevelde, t. II, p. ais. 476. 

(5) Tbid., t. III, pp. 44-45. 

(6) Les sergeants gantois commandés par Gilles Rypegheerste à Cassel 
en 1316 (N. De Pauw et J. VUYLSTEKE, Stadsrekeningen, t. ILL. pp. 135, 
241), sont appelés par le rédacteur brugeois de l’Excellente Cronike van 
Vlaenderen, fo lx vo : « dye wevers van Gendt ». 

(7) L. GILLIODTS-VAN SEVEREN, Coutumes de Bruges, t. 1, pp. 408-109. 


| 


— 439 — 


Feu Julius Vuylsteke, dans sa remarquable notice sur 
le « Goede Disendach » (1), a narré les diverses péripéties 
de la lutte à Gand, entre les tisserands et les deux autres 
membres, qui aboutit à la défaite complète des ouvriers de la 
draperie (13 janvier 1349). De même qu'à Bruges et à Ypres, 
où dès leur rentrée, le comte, la noblesse et le patriciat 
avaient sévi contre les révolutionnaires avec une réelle rage 
{octobre 1348), la répression de la domination des tisserands 
fut terrible. Dès le lendemain du sanglant massacre au Marché 
du Vendredi, les nouveaux échevins commencèrent par 
désarmer leurs adversaires vaincus (2). Cent cinquante ôtages 
furent emprisonnés et parmi eux Jean et Jacques van Arte- 
velde, fils du grand capitaine. Une foule de membres du 
parti déchu furent exilés, dont dix des échevins déposés (3). 
Ceux d'entr'eux qui crurent trouver un refuge par delà 
l’Escaut, furent poursuivis, à la prière de leurs successeurs, 
par le duc de Brabant (4), qui du reste n’était pas resté étran- 
ger au meurtre de Van Artevelde (5). D'une foule de tisse- 
rands et même de foulons qui s'étaient compromis durant la 
révolte, on fit cruelle justice, tant publique que privée (6). Les 
biens de plusieurs anciens auxiliaires du tribun, tel que Pierre 
van der Asselt (7), furent donnés aux fauteurs de la contre- 


(1) Annales du Cercle Historique et Archéologique de Gand (1891), t. I, 
p. 30. 

(2) En août 1331, on avait fait de même, J. VurLSTEKE, Cartulaire de 
Gand, p. 382. N. pe Pauw et J. VUYLSTEKE, Stadrekeningen van Gent, 
t. III, pp. 372, 382. 

(3) Zbid.,t. IT, pp. 273, 409, 464, 467, 

(4) Ibid., p. 371. 

5) JEAN FROISSART Chroniques, t. III, p. 317; GIOVANNI ViLLANI, Jstorie 
Fiorentine, liv. XII, ch. 46 (dans Muratori, Rerusn Ital. SS ,t. XII, col. 926). 

(6) Gives Lr Mussis, Chronica (apud J.J. pe SMET, Corpus Chronicoruns 
Flandrta, t.1!-, p. 340; TH DE LIMBURG-STIRUM, Cartulaire de Louis de 
Maele, t. 1, p. <99, no CCCXXV: N. DE Pauw et J. VUrLSTEKE, Séadsreke- 
ningen, t. III, p. 384. 

(7) Memorieboek der stad Ghendt, t. T, pp. 48, 55; échevin en 1840 et 
1344 ; J. pe St GENOIS, Inventaire des chartes des Comtes de Flandre, n° 1803, 
p. 507. : 


— 43] — 


» 


révolution, comme Jean Yoens (r) et Simon Serthomaes (2). 
Une taxe onéreuse fut imposée aux adhérents principaux de 
la politique révolutionnaire (3); on frappa particulièrement les 
veuves de Jacques van Artevelde et de Gelnoot van Leyns, 
pon moins que Guillaume van Vaernewijc, l’un des capitaines 
qui s'était particulièrement distingué durant cette longue 
révolte (4). 

Parmi les ôtages, Willem van Huusse, Thomas van 
Vaernewijc, Willem van Artevelde et les deux fils précités 
du tribun gantois furent fortement imposés (s). De plus, la 
composition légale, acquittée en 1341 par le trésor munici- 
pal (6), pour le meurtre du chevalier Foucard Uter Rosen, 
commis par leur père en 1338 (1), les fils de Jacques van 
Artevelde durent la rembourser à la ville (8). 

Quoique le Comte eût ordonné, par décret du 10 février 
1349, de restituer aux gens de Gand les biens qu’il avait 


(1) Receveur le 18 janvier 1349 (N. DE Pauw et J. VUYLSTERE, Stadsre- 
keningen, t. IUI, p. 327), deuxième échevin de la keure en 1350 (Memorieboek, 
t. I, p. 67); plus tard, il reçut encore vingt livres de gros par an; le comte 
l'appelle « onsen gheminden vrient » dans sa lettre du 12 février 1350, 
TH. DE LIMBURG-STIRUM, Cartulairede Louis de Maele, t. I,p. 160;t II, p. 21. 

(2) Le 2 octobre 1349, il reçut une partie des biens de la dame de Halen, 
veuve de Simon de Mirabello, sœur bâtarde du Comte, Cartulaire de Louis 
de Maele, t. I, pp. 83, 390. 

(3) Stadsrekeningen, t. III, pp. 306-344. 

(4 Ibid., pp. 343, 344 et 341. J. Vuyisrere, De Goede Disendach, 
p. 35, a spirituellement relevé la bévue de Kervijn de Lettenhove, Jacques 
d’ Artevelde (1863, 2° édition), p. 114, qui a pris cette taxe pour un don patrio- 
tique de la veuve du tribun gantois, et a entraîné dans son erreur le peintre 
Pauwels et le poète J. de Geyter. 

(5) Pour des sommes variant entre 100 et 30 livres, N. DE Pauw et 
J. VUYLSTEKE, Stadsrekeningen, t. III, pp. 409-410, 464-467; cf. la quittance 
délivrée aux habitants de Gand (11 février 1350) de la somme de 20 liv. de 
gros dues à R. de Poucke sur la taxation à laquelle avaient été soumis les 
héritiers de J, van Artevelde. TH, DE LIMBURG-STIRUM, Cartulaire de Louis 
de Maele, t. I, p.279. 

(6: N. DE Pauw et J. VUYLSTEKE, Stadsrekeningen, t. III, pp. 115 et 143. 

(7) Cronike Van Vlaenderen, MS. de la Bibliothèque de Bruges, no 437, 
fo 159 ro, traduit par J. de Meyere, Annales Flandria, f 138; cf. F. De 
POTTER, Petit Cartulaire de Gand (Gand, 1888), p. 41-43. 

(8) N. DE Pauw et J. VUYLSTEKE, Siadsrekeningen, t. IIT, p.40. 


— 432 — 


confisqués sur eux (1), et défendu (afin d’apaiser l’efferves- 
ceuce des esprits) à ses officiers de les retenir (2), les violences 
contre le parti vaincu ont certainement continué contre les 
anciens rebelles, particulièrement dans la châtellenie : de 
mauvais traitements, tels que ceux infligés par Alard d'Es- 
pierres, entr'autres à un messager de la ville de Courtrai (3), 
n'ont pas dû rester isolés. 
«+ 

Nous nous sommes laissé entrainer un instant par le 
récit des événements politiques de cette période. Revenons aux 
modifications de la Constitution municipale gantoise. 

Lorsqu’en 1338, les amis de Van Artevelde conquirent 
les bancs de l’échevinat, les partisans de la politique franco- 
comtale et patricienne, — Salomon et Jean Borluut, Baudouin 
et Sander Rijm, Liévin et Gelnoot Damman, Henri et Everdey 
de Grutere, Jéan Jours, Jean Speliaert, Jean Zoetamijs, Gee- 
rolf Bette, Jean van Wiendeke, Hugues van Lembeke, Gilles 
de Tollenere, Philippe van Audenaerde (4), — en un mot, toute 
cette coterie d’udministrateurs qui s'étaient partagé le pouvoir 
durant vingt-cinq ans, avaient été précipités de leur siège, et 
remplacés par des hommes entièrement étrangers à l’admini- 
stration, tels que Henri Goethals, Gilles Rijnvisch, Baudouin 
uten Meerham, Gilles de Contersvoorde, Liévin van Vuerne, 
Guillaume van Coudenbrouc, Jean van Bost, Michel van West, 
Guillaume de Meersman, Jacques et Baudouin Rugghestul, 
Pierre Dulhuuset Liévin Bruunpere (3). Pendant dix ans, ceux- 
ci occupèrent par intervalles le gouvernement de la ville. Mais, 
chose curieuse, et dont nous n'avons pu détermiuer la cause, 
en 1348 les derniers magistrats de l'époque tisseraude étaient 


(1) TH DE LiMBURG-STIRUM, Cartulaire, t. I, p. 22. 


«(2 «bid., t. I. p. 26, lettres du 3 mars 1349; cf. J. VurLSTEKE, De Goede 
Disendach (dans les Annales de notre société, t. I), p. 40, note 1. 


(3) La sentence du 15 juillet 1349, dans TH. vz, LIMBURG-STIRUM, Cartue 
laire de Louis de Maele, t. 1, p. 218. 

(4) Memorieboek der stad Ghendt, t. I, pp. 41-45, aux années 1335, 1386, 
1337. 
(5) 1bid., pp. 46-£9, aux années 1338-1347. 


— 433 — 


tous des hommes nouveaux (1), à l'exception du premier éche- 
vin Liévin van Vuerne (2), de Liévin van Wettere (3) et de 
Jean van Loo (4). | 

Le 14 janvier 1349, aulendemain du « Goede Disendach », 
Liévin van Vuerne et ses collègues furent remplacés par les 
patriciens alliés du comte et par des membres de la foulerie et 
des petits métiers mécontents. Les 'sheerenkiesers Gilles Rijn- 
visch et Jean Yoens, qui six mois plus tard siégèrent en qualité 
des deux premiers échevins, et les stedekiesers Jean Breethuert 
et Francois Soetaert, quatre partisans du comte, appelèrent 
sur les bancs échevinaux plusieurs des hommes tombés en 
1337 (s), tels que Everdey et Henri de Grutere, Jean Jours, 
Geerolf Bette, Jean et Salomon Borluut, Jacques Rijnvisch, 
Jean van Wiendeke, Henri de Pape, Jean Speliaert, Sander 
et Jordan Sersanders, Guillaume van den Pitte, Simon Ser- 
thomaes, Philippe van Audenaerde, Hugues van Lembeke, 
Jeanet Liévin Damman, Henriet Sohier Boele (6). Ces représen- 
tants des grandes familles gantoises occupèrent tour à tour le 
pouvoir, se partageant toutes les administrations, et s’ad- 
joignant du reste des hommes inconnus, tirés des deux mem- 
bres inférieurs. Plusieurs de ces derniers parvinrent pourtant à 
une carrière administrative durant ies dix ans du régime du 
« Goede Disendach », tels, par exemple, les foulons Jean van den 
Keerchove, Pierre de Brune, Pierre van den Bossche, Jean van 
Meeren, Jean: Diederix, Jean de Pape; puis Gilles de Curte, 
Simon Metter Scapen, Henri de Peystere, Jacques Parijs, 


(1) Memorieboek, t. I, p. 63, premier échevinage de 1348; les données sur 
les magistrats sont le fruit d'études comparatives sur les listes d’échevins, 
recherches qui n’ont pas toujours donné ce qu'on en attendait, 

(21 Ibid., t. I, pp. 46, 52, 58, 63, échevin de la keure en 1338, 1342, 1318, 
des parchons en 1345. 

(3) Zbid., pp. 45, 48, 63, échevin en 1337, 1339, 1348. 

(4) Ibid., pp. 51, 63,50. 73, échevin en 1341, 13148; nous ne croyons pas 
qu'en 1351, 53, ce soit le même, car il y a deux Jean van Loo. . 

(5) Ibid., p. 66. 

(6) Zbid., t. I, pp. 35 à 47, entre 1325 et 1337. On les retrouve ensuite 
des. pp. 66 à 79, des années 1318 à 1358. Aj. N. DE Pauw et J, VUYLSTEKE, 
Stadsrekeningen, t. 1], p. 327. 


23 


-- 434 — 


Jacques de Puur, Jean Coevoet, Jean van Calckene, Jean van 
Waelputte et Gossuin van Hoorebeke (1). 

Nous avons vu que, sous le gouvernement révolution- 
paire, les trois membres de la ville avaient été les tisserands, 
les foulons ei les petits métiers (2). Désormais, ce furent les 
doyens des foulons, des petits métiers et des patriciens qui 
partagèrent avec les échevins l’administration de la cité (3). Le 
métier de la laiue u’eut plus que deux beleeders, « die versien 
ten wolambachte », imposés par les magistrats, l’un sans 
doute pris dans la foulerie et l'autre dans les petits métiers (4). 
Donc, les tisserands cessèrent de former un membre de la cité. 
Réduits à l’état d'ilotes, ils furent à nouveau soumis au wevers- 
geld, qui fut élevé cette fois à douze mites par semaine, soit un 
demi-denier de gros (3); cette taxe onéreuse pesait lourdement 
sur le métier de la laine. Et pour bien marquer leur triomphe, 
les nouveaux gouvernants mirent le Goede Disendach au rang 
des fêtes communales (6). 

Une série de voorgeboden furent édictés contre les tisse- 
rands, les uns plus vexatoires que les autres. Tout d’abord on 


(1) Memorieboek, pp, 65-19; ces indicutions ont été complétées par des 
recherches dans les Staten van goederen, aux archives de la ville de Gand; 
les plus riches foulons de cette époque sont : Simon Borluut, Pierre De 
Brune, Jean van der Hage, Jean Pape, Jean van West, Guillaume Boele, 
Guillaume van Munte, les dovens Jean Diedericx et Pierre van den Bossche, 
Jean van den Kerckhove, Jean van Meeren, Baudouin de Grutere, Jean van 
Liedekerke et Jean Goethals. 

(2, N. DE Pauw et J. VUYLSTEKE, Stadsrekeningen, t. I, p.275 (année 
1338), p. 388 (année 1339,; t. II, p. 24 (année 1810), p. 372 (anrée 1844), 
pp. 475476 (année 1345) ; t. 111, p. 44 (année 1846), p. 2C0'(année 1347), 
pp. 298-299 (commencement de l'année 1348). 

(3) Stadsrekeningen, t 1[1, pp. 3:8-359, 392393, deuxième compte de 
année 1348; p.412, année 1349, Gilles de Tolneere. doven des petits métiers ; 
Jean Brebaert, doyen des foulons; Nicolas de Joughe, doyen de ia poorterij. 

(4) Ibid, t. HI, p. 393. 

(5) Ibid., t. III, p. 345, à l'année 1318; p. 4US, à l'année 1349 ; on le 
percut jusqu’en 1309, Comptes communaux de Gand de 1338-59, fo 9 ro, 

(6) Stadsrekeningen, t. 11], p, 441, à l'année 1349; Comptes communaux 
de Gand de 1358-59, fo 30 vo: « Item Persemiere ende sinen gesellen die 
trompten ende bliesen in Alreheleghendaghe, 's margins in Kerstendaghe, 
‘s dicendaghes na Dertiendashe :6 Januari) ». 


— 435 — 


leur défendit strictement le port des armes, et cet édit fut 
fréquemment renouvelé (r). 

Beaucoup de tisserands avuient tâché de se soustraire par 
Ja fuite à cet état d’humiliation ; d’autres avaient essayé de 
gagner leur pain en s’exerçant à quelqu’autre occupation. Le 
29 novembre 1349, on publia l’édit suivant: « Qu'aucun tisse- 
rand ne s’entremette de faire autre métier que de tisser ; le 
contrevenant sera banni pour trois ans » (2), peine portée plus 
tard à cinquante ans. Huit jours après, l’échevinage ordonna : 
« Que tous ceux qui sont tisserands et ont quitté la ville, 
qu'ils retournent à Gand en déans les huit jours pour y exercer 
leur métier. Le contrevenant sera banni de la Flandre pour 
dix ans. De plus, tout tisserand pourra commencer à tisser si- 
tôt qu'il le voudra et cesser son travail si tard qu'il lui plaira, 
sans encourir d'amende » (3). Le magistrat défendit le 
13 décembre « d’apporter ou de vendre du drap à Gand, s’il 
n'est tissé et foulé dans la ville, ou même d'en faire des habits, 
sur de furtes peines » (4). Il fut même prohibé « à trois tisse- 
rands de s’assembler ou de se rendre en un même endroit; qui 
les trouverait réunis pourrait leur enlever leur vêtement supé- 
rieur et le garder pour lui » (s). 

Une telle situation, qui allait à l’encontre de l’organi- 
sation sociale et économique de la cité, ne pouvait perdurer. 
On peut établir par un calcul très simple qu'en 1330, la ville 
de Gand possédait au moins 2,300 tisserands (6); en appliquant 
ce calcul au werersgeld de 1349, on ne trouve plus, il est vrai, 
que 1,314 hommes « die men vant wevende » (7), mais on a vu 


(1) N. pe Pauw, Voorgeboden der stad Gent, pp. 41, 51, 52, 53, 65. 

(2) Voorgeboden, p. 42; répété le 6 janv. et le 6 juillet 1350, pp. 45 et 53, 

(8: Ibid., p. 43, le 6 décembre 1349. 

(4) Ibid., p. 44, le 13 décembre 1319; ajoutez-y l'édit du 14 juin 1350, 
qui défend l'importation de la laine pour filer et peigner chez soi, à moins 
qu'on ne Ja foulât et la tissât en ville, p. 51. 

(5) Ibid., p. 53. 

(6) J. VuyzsrTexe, Cartulaire de Gand, pp. 633, 733, 814, 864; avec les 
huits petits métiers qui en dépendaient leur nombre était de plus de 4,500 
en l'anuée 1845; Stadsrekeningen van Gent, t. II, p. 526, note 1. 

(7) Ibid, t. III, p. 408; nous avons fait une erreur de calcul dans notre 
évaluation de la population gantoise au n° 189, p. 139, de la Bibliographie 
de l'Histoire de Gand (Gand, 1907). 


— 436 — 


par les Voorgeboden cités plus haut, combien d'individus 
tâchaient de renoncer an métier de la laine. La fowlerie, 
dans sa plus grande expansion en 1356, lorsqu'elle se fut 
adjoint les scerres, les strikers, les vouders, les Auutslaghers, 
les ghereeders et les lakenboeters, n'arrive qu'au chiffre de 
1,715 à 1900 hommes valides (1). 

Mais, outre la supériorité numérique indéniable des 
tisserands, en temps normaux, sur les foulons, il faut tenir 
compte de leur ascendant sur ces derniers au point de vue de 
l'organisation du travail (2). Le tisserand est un artisan, dont 
le métier exige un long apprentissage, en vue de l'acquisition 
de certaines connaissances techniques et d'une habilité pra- 
tique ; le foulon, par contre, est un vulgaire mauœuvre, ache- 
vant simplement le travail du tisserand, en donnant au drap 
la souplesse et le lustre qui lui manquaient. La suprématie des 
foulons sur les tisserands était douc chose factice et anormale. 

C’est donc en fait par la coalition des cinq mille membres 
des petits métiers et du nouveau membre de la poorterij que 
les tisserands étaient maintenus dans l’obéissance. Mais com- 
ment avait-on recruté cette poorterij? Parmi ses membres, 
on compte, comme avant 1337, des descendants des anciens 
lignages parmi lesquels se recrutaient les XXXIX, puis d’an- 
ciensartisans enrichis devenus propriétaires fonciers, de grands 
drapiers fournissant du travail aux tisserands comme aux 
foulons, peut-être même des ex-courtiers. L'alliance de ces 
capitalistes avec les deux corps ouvriers ne pouvait que tour- 
ner à leur plus grand profit. 


(1) Comptes Communaux de Gand de 1356-57, fo 155 et fo 159 : voyez N. DE 
PaAuw, Voorgeboden der stad Gent, p. 165. La liste des membres valides des 
59 petits métiers (Comptes Communaux de 1356-57, fo 153 vo et 154 r°, impri- 
mée par N. DE Pauw, loco citato, pp. 165-167), s'élève d'après N. ne Pauw, 
à 4,834 hommes; elle a été corrigée par J. VUYLSTEKE, Rekeningen der Stad 
Gent onder Philips van Artevelde, p. 525, n. 1, qui trouve 4,959 hommes: 
les Comptes Communaux de 1356, fo 159, donnent 5237 membres des petits 
métiers. Avant 1349, les six métiers « volghende der volrie » Cépendaient 
des tisserar.ds, Stadsrekeningen, t. Il, p 526, n. 1. 


(2) Cf. J. HUYxTTENS, Recherches sur les Corporations Gantoises, pp. 34-39, 
189 et suivantes. 





— 437 — 


Rien de plus naturel que les tisserands aient cherché à 
secouer le joug si dur qui pesait sur eux. 


* 
* * 
Nous avons vu que la soumission de Gand n'avait nulle- 
ment pacifié le pays, par suite du grand mouvement réac- 
tionnaire, patricien et aristocratique, qu'atteste le Recueil des 


Décrets de Louis de Maeie. A Ypres, le comte dut envoyer 


des membres de son Conseil pour apaiser toutes les dissen- 
sions et discordes survenues depuis douze ans (1). À Gand, le 
comte nomma Jacques de Hemsrode, châteluin et garde du 
*s Gravensteen, sans doute pour maintenir la ville dans l’obéis- 
sance avec quelques troupes (2). Il fit rentrer une foule de ban- _ 
nis de l’ancien régime (3), et par contre, il ordonna à ses baillis 
de saisir et justicier toute personne bannie par le magistrat de 
Gand, qui rentrerait en Flandre sans être reconciliée avec la 
partie ud verse et sans le consentement préalable des échevins(4). 

Le 1 août, le comte ordonna une vaste enquête dans 
toute la Flandre au sujet des troubles (35). A Audenarde (6), le 
chevalier Louis Cooeman fut banni, sans doute à cause de ses 
relations avec les anciens rebelles (1). A Bruges, quatre cent 
soixante quatre individus furent bannis de la Flandre à perpé- 
tuité comme coupables de s’être montrés trop favorables à 
l’Angleterre (8). Pour s'assurer de la fidélité du magistrat 


(1) Ta. DE LiMBURG -STIRUM, Cartulaire de Louis de Maele, t. I, P. 40, 
Lettres données à Audenarde, le 10 février 1819. 

(2) Cariulaire de Louis de Maele, t. 1, p. 74, Lettres du 11 juillet 1350, 
Maele. 

(8) Ibid, passim. 

(4) GrEELDOLF, Coutumes, t. 1, pp. 520-521, Lettres du 3 août 1851. 

(5) Diemcx, Mémoires sur les Lois des Gantois, t. I, p. 68, Ordonnance 
d’une enquête en Flandre; TH. DE LIMBURG-STIRUM, Cartulaire de Louis de 
Maele, t. I, p. 78, Lettres de non-préjudice accordées à la ville de Gand au 
aujet de l' ordonnance de l'enquête générale, 5 août 1349, Gand. 

(6) Ibid, t. I, p. 385, Lettres du 21 Septembre 1851, Audenarde. 

(1) Il fut rappelé de ban en Juillet 1356. Cartulaire, t. I, p. 550. 

(8) GILLIODTS-VAN SEVEREN, Inventaire de la ville de Bruges, t. II, p. 9, 
n° 497, Lettres du 5 octobre 1351 ; dès le 25 septembre 1351, Eduard III 


avait ordonné de bien recevoir en Angleterre, tous les bannis de Flandre, 
Ryruee, Fœdera, t. III, 1° p., p. 74. 


— 438 — 


Yprois, quatre électeurs du prince furent désormais adjoints 
aux prud'hommes bourgeois pour le renouvellement de la 
loi (1). 

Pourtant, à la demande des villes de Flandre, le comte 
dut envoyer une commission spéciale à Courtrai, où les violen- 
ces du seigneur d'Espierres et de son beau-frère d’Halewijn 
ne connaissaient plus de bornes. Les délégués enquêteurs 
prononcèrent contre eux la peiue de mort (2) : Alard d’Espier- 
res et Wautier d'Halewijn furent décapités la veille de la 
Noël 1351 (3). Beaucoup d’autres chevaliers et nobles furent 
exilés de la Flandre. 

Au retour de l'exécution de Courtrai, les échevins de 
Gand (+) furent assaillis à Vijve St. Bavon par un parent des 
sires exécutés, le chevalier Gérard de Steenhuize ; deux éche- 
vins de la Keure, Simon Boele et Otton van Gheetscure, furent 
tués; mais le meurtrier paya cette odieuse violation de la paix 
de la destruction de son château (5). 

D'autres difficultés s'élévèrent vers la mi-décembre 1352 
aux environs de Gand, mais leur nature nous échappe (6). Tout 


(1) A. VAN DEN PEEREBOOM, Ypriana, t. VII, p. 115, en 1352. — Un docu- 
ment non daté aux Archives de la Flandre Orientale semble contenir une 
Liste de [tisserands gantois ?] 290 individus qui ont fait leur soumission au 
comte et qui ont juré de ne plusse rebeller contre le comte et la loi de Gand. 

(2) Cartulaire, t. 11, p. :95, n° 1,223, Sentence du 29 Novembre 1351, 
Deinze; cf. Gizces Li Mursis, p. 415. 

(3) Cartulaire, t. 1, p. 398, n° 450, Lettres de Louis de Maele se portant 
garant pour les gens de Courtrai qui ont été à l'enquête contre les seigneurs 
de Halewijn et d’Espierres, 4 janvier 13:2, Bruges; cf. Excellente Cronike 
van Vlaenderen, fo 63 r°. 

(4) Cartulaire, t. 1, p. 397, n° 449, Lettres du 4 janvier 1852, Bruges, de 
même contenu que les précédentes pour les échevins de Gand dont les noms 
sont cités. 

(5) Gizces Li Muisis, p. 415; GreLvoLr, Coutumes de Gand, t. I, 
pp. 522-523 : Jugement prononcé par les échevins de Gand ordonnant l'ar- 
sin des maisons de Gérard, seigneur de Steenhuize et de ses complices, 
avec la confiscation de tous leurs biens, pour crime commis contre Solier 
Boele et Otton van Gheetscure; cf. #b#d., p. 529, et Cartulaire de Louis de 
Maele, t. 1, p. 423. 

(6) Comptes Communaux de Gand, de 1352 1353, fo 234 vo : « Dit es den 
cost die ghedaen was doe men de kerke be!eide te Wondelghem, in S Ni- 
chasis daghe, deer inne lach Hugo vsnden Zomple, Ghenin sijn broeder, 
Annekin van der Bils ende Boidin gijn broeder ». 


— 439 — 


cela malgré l'ordonnance d’une nouvelle enquête générale con- 

venue à Bruges entre le comte et ses villes, le 1 Juin 1352 (1). 
Rien d'étonnant à ce que les tisserands aient cherché à 

profiter de ces troubles pour reprendre leur rang ancien. 


* 
* * 


On sait que le doyen des tisserands était habituellement 
élu la veille de Pâques Closes (2). Le métier de la laine essaya- 
t-il en mars 1353 d'obtenir à nouveau un doyen? Toujours 
est-il que des troubles s'élevèrent le lundi de Pâques et le 
jeudi suivant (29 mars) (3). Les tisserands se réunirent en 
armes’à trois places afin de tuer les magistrats et les doyens, 
mais ceux-ci prévenus, leur résistèrent et en firent arrêter un 
certain nombre. Plusieurs furent exécutés ; mais les rebelles 
étaient tellement nombreux que le comte, de peur des torts 


incessants causés au pays par les bannis, se contenta d'un 


serment général de fidélité (4). Des soupçons de participation 
à l’émeute planèrent sur le chef-doyen des métiers, le meunier 


Lambert van Tideghem (5), mais celui-ci fit déclarer par les 


échevins devant le comte et la commune que c'était lui au con- 
traire qui avait prévenu le magistrat du complot (6). Croyant 


la ville en repos, Louis partit pour Deinze pour arbitrer la paix 


(l) DIEGERICK, Inventaire, t. II, p. 155-156. 


(2) N. ve Pauw et J. VUYLSTERKE, Rekeningen der stad Gent, t. I, p.388; 
Comptes Communaux de Gand de 1147 à 1448, f° 895 ve (publiés dans Dagboek 


van Gent, éd. Fris, t. I, p. 36, n. 4). 

(3) Comptes Communaux de Gand de 1352-1358, f° 224 vo; « Item, van 
perdebure die men omme reet metten trompette 's maendachs in Paescdaghe 
ende donresdaghs doe men ghewapent was ende ’s nacht den roep te voer- 
ne III 1b.X sc. >. 

(4) Cartulaire de Louis de Maele, t. I, p. 421, Lettres du 8 avril 1353, 
Gand. 

(5) Electeur de la ville en août 1352 (Comptes Communaux de Gand de 
1352-53, f° 237 ro), il avait nommé échevin de la keure son parent Jean de 
Tideghem (Memorieboek der stad Ghendt, t. I, p.72; Comptes Communaux de 
Gand de 1352-53, fo 219 ro). 


(6, Cartulaire de Louis de Maele,t. I, p. 422, Lettres de rémission à 


Lambert de Tideghem, 8 avril 1353, Gand. 


— 440 — 


entre les échevins gantois et les parents du sire de Steen- 
huize (1). Mais il apprit bientôt que les esprits étaient loin 
d'être calmés à Gand. Le comte y revint donc le jour de St. 
Georges (23 avril) (2). 

Or, déjà le métier de la laine, uni à celui des meuniers, 
avait pris les armes et descendait du Galgenberg au Marché 
aux Grains (3). Les tisserands réclanaient à grands cris la 
suppression de la taxe hebdomedaire qui pesait sur eux. Louis 
de Maele, entouré de ses nobles et assisté des échevins Simon 
Serthomaes (4), Philips van Audenaarde, Giselbert Polleyn et 
d'autres, quitta l'Hôtel de Ville et marcha à leur rencontre. 
Dès que le comte et sa suite débouchèrent sur la place, tout 
ce peuple cria : « À bas les douze mites! » (5). La bannière 
du prince flottait déployée devant lui, mais Louis n'étant 
point revêtu comme à l'ordinaire de sa cotte d’armes, le 
commun ne le reconnut pas, ce qui faillit lui coùter cher. Car 
un meunier ne sachant qui il était, se lança sur lui, essayant 
de le frapper; il ne put que blesser grièvement au geuou 
et au pied un homme du peuple quise jeta entr'eux deux. 
L'alarme courut que le prince était percé du coups. Aussi 
comme les nobles et les magistrats criaient : « Sauvez le 
prince! », le peuple effrayé de sa propre audace prit la fuite. 
De nombreux tisserands et meuuiers furent arrêtés et empri- 


(1) Ibid., t: 1, p. 428, et GreLpoLr, Coutumes de Gand, t. I, p. 528; le 
comte était le 16 avril à Deinze. 

(2) Comptes Communaux de Gand de 1352 53, fo 224 vo: « Item Jacob 
Tiendewaghe voer ’s dicendaghs voer St. Marxdach (23 avril) jeghen minen 
heere van Vlaenderen » 

(3) KERVIJN DE LETTENHUVE, Histoire de Flandre (le édit., Gand, 1847), 
t. III, p. 371, dit quelques mots vagues de ces évéuements; L. VAN DER 
KiINDERE, Lestècle des Artevelde (Bruxelles 1879), p. 140, les passe sous silence, 

(4) Memorieboek der stadt Ghendt, t. 1, p. 72. 

(5) lbid.,t. I, p. 73: « Item, in dit jaer ende schependom op Sente 
Joorisdach was eene groote wapeninghete Ghent op den Coorenaert, daer 
* volc zeer liep ende riep de XIII schepenen af ». — « Item in dit jaer op 
Sint Jooris lach was de groete wapeninghe up de Coorenaert ende men riep 
of de XN initen van den gentsclhie biere ». Je crois qu'il faut combiner avec 
ces textes, l’annotation de l’année 1353-24, p. 34 : « Lieu, in dit jaer qunmen 
te Ghent ter Mudepoorte inne XL bullinghen ende was op Sente Gregorius- 
nacht ». 


— 441 — 


sonnés, beaucoup d’entr’eux furent bannis, d’autres enfin con- 
damnés à de fortes amendes (rj. 

Cette fois le principal meneur avait été réellement lé 
doyen des petits métiers, Lambert van Tideghem, pourtant 
gracié quinze jours auparavant. Il fut démis de ses fonc- 
tions (2), banni, et remplacé par le courtier Gilles Seyssone (3). 
Au reste, la ville avait, dès le lendemain de l’émeute, envoyé 
un messager à la comtesse, pour apaiser ses appréhensions et 
la rassurer sur le sorte du comte (4). 

Louis de Maele resta à Gand (3) pour enquêter sur les 
émeutiers. Puis en juin, comme il se trouvait à Grammont (6), 
une nouvelle « trahison » éclata à Gand, dont nous connais- 
sons l’auteur, un certain Pierre Oste, mais dont les détails 


(1) Tous ces faits d'après la source inédite Cronike van Vlaenderen, 
Mavuscrit 437 de Bruges, fo 201, de JACQUES DE MEYERE (+ 1552), Commen- 
larit sive Annales Flandria, publiés par A.de Meyere (Antw., 1561), fo 156 vo; 
retraduite par N. Despars (+ 1597), Cronijcke van den lande ende graefscepe 
van Vlaenderen, 61. J. DE JONGHE (Bruges, 1840, t. Il, p. 431. Chose 
curieuse, à la dute du 24 avril 1353, VEREKCKE, Histoire militaire de la ville 
d'Ypres (Ypres, 1858, p. 31, mentionne ur.e lutte terrible livrée en cette 
ville entre les tisserands et les foulors. 

(2) Comptes communaux de Gand de 1352-53, f 216 ro : « Item, den here 
Lambrechte van Thideghem, deken ende beleedre van den cleenen nerrin- 
ghen van der stede, van sinen pensioenen van den jare V scilde, maken 
IX scell. IL den. gr., van den taflen van der vischmaerct. Item, sondaeghs 
naer St. Dyoniisdagh, XXII scilde, maken XL scell. III gr. Item, in 
St. Nicasiis avonde XXIII scilde. Item, XIX oude scilde, maken XL gr. 
III inghelsche. Item, XL sc. gr., XV daghe in April. Item, III scilde per 
Symoen Serthomaes, dat comt al VIII lib. XIX sc. gr. III ing. dat was tote 
's wondaeghs op St. Marxavont, dat hi ghebannen waert. » 

(3) Ibid. fe 216 ro : « Ende up den zelven St. Marxavond was ghemaect 
deken van clenen nerringhen der Gillis Zeyszone, gheleent up syn pensioen 
XXVI flor, stie XVIII gr. Il inghelsche, maken XL sc. V d. gr. 1 ing. 
*s vrindae,rs XIII daghe in wedemaend ». Son frère, Jean Seyssone, était 
échevin, bid, fe 220 ve. 

(4) Ibid., f° 224 vo : « Item, Jan van den Casteele die voer an miere 
vrouwen van Vlaenderen metten botscepen van dat gheviel up den Core- 
nard ’s wondaeghs up St. Marxavond III lib. ». 

(5) Cartulaire de Louis de Maele, t. 1, p. 428, il était à Gand le 6 mai 
1353 pour règler la succession de Simon de Mirabello, dit de Halen. 

(6) Cartulaire, t. I, pp. 431-433, 5 et 6 Juin. 


— 442 — 


nous échappent (1). Toujours est-il que nous voyons les éche- 
vins poursuivre les exécutions jusqu'après l’août de 1353 (2). 

Un guet de plus de cent personnes fut institué durant 
. l’élection scabinale en août 1353 sous la direction des deux 
doyens, Gilles Seyssone des petits métiers et Jean Diederix des 
foulons, des receveurs et des échevins (3). Le 10 novembre, 
on renouvela l’édit contre les tisserands d’après lequel ils ne 
pouvaient plus tisser que sur deux métiers, et quelques jours 
plus tard, on défeudit le port de toute arme (4). 

A la lutte entre les foulons et les tisserands, la tradition 
a rattaché la veete entre les Rijm et les Alijn (s) qui ensan- 


(1) Comptes communaux de Gand de 1352-58, fo 225 r° : « Item, Jan 
Driege voer ’s donresdaeghs up St. Godewaledach (6 Juin) te Brugghe, ende 
voert te Ypre au miere vrouwen van Vlaenderen. » — « Item, Jan van den 
Casteele te Gheroudsberghe up den selven dach un minen heere van Vluen- 
deren, omme te latene wetene de verranesge van Pieter Osten ». 

(2) Comptes communaux de 1353 54. f° 32 re : « Item, ghaven sy (de ontfan- 
ghers) Claise den Grave, Gherem Brunpere, Jan Erpine ende Jan de Blau- 
were XL Ib. van dat-sy vinghen Jan van der Looven ende Lievin van der 
Lede, daer justicie af ghedaen was »; on décapita aussi Zegher van 
Mendonc, Jan de Backere, Coppin van der Balcolnns. 

(3) Comptes communaux de Gand de 13593 54, fo 29 ro et vo : « Item, den 
aweyters die wieken verjare voer alf oost van hare achter tellen eer sy 
verlaten waren, dat was ’s wonsdaghes voer St. Laureinsdach tote 's wons- 
daghes ’s marghins naer Onser Vrouwendach alf oost dat waren XIII 
nachte, dat waren Ser Gillis Zeyszonensenapen XIJ, een ontdeckere, van 
Ser Jan Diedericx VIIJ cnapen, den V ontfanghers elc iiij cnapen elc onder 
hemlieden V garsoene, Symoen Serthomaes V cnapen, Jan Seride I cnape 
ende uten prochien XXXVII. » Hetzelfde voor Jan van Maldeghem met 
18 gezellen, en den « coninc van den ribauden ende sine IX ghesellen », 
Ibid., fo 29 vo : « Item was gheordinerd dat waken zoude een nieuwe aweit 
ende die begonsten te wakene haren eersten nacht 's wonslaghes 's avonts 
naer Onser Vrouwendach alf Oust dat waren van Ser Gillys Zeyszones 
cnapen XVIIJ, van Ser Jan Diederiexs X1J, van den V ontfanghers X, van 
Jacop Parisijs [, van St. Baves II, dat waren sy XLIII 's nachts, liep elke 
nacht VII se. IL d. gr , dat quam d'eerste maend die ute ghinc 's wonsdaghes 
voer St Matheusdach X lb. VIII d. gr., maken SCCC Ib XXVJ se. VEI d. » 
Cela dura toute l'année, et fut continué en 1854-55, voir Comptes, fis 58 
et 59. 


(4) N. DE Pauw, De Voorgeboden der stad Gent, pp. 63 et 65. 


(5) Ces faits ont été exposés par J. pr ST-GENOIS, Origine de l'hospice 
Sainte-Catherine, dit kinderen Alyn's hospitael, à Gand (dans le Messager des 
Sciences historiques, 1850, pp. 98-138, ; voir surtout, p 99. 


— 443 — 


glanta Gand, en mars 1354; mais les pièces du procès ne nous 
permettent point de rattacher ces meurtres avec certitude à 
cette grande discorde sociale (1). 


* 
% * 


La guerre de Louis de Maele contre le Brabant vint 
heureusement offrir au comte une diversion aux difficultés 
intérieures (2). Il fit appel aux milices communales; et dès le 
18 juin 1356 (3), Gand mit sur pied 7486 hommes, dont 5237 
fournis par les petits métiers et 1900 par la foulerie (4). Les 
tisserands ne participèrent point à l’expédition, mais furent 
contraints de fournir « une aide », c. à d. de contribuer aux 
frais de l’expédition. 

Lors de la première invasion dans le Brabant (20 au 24 
juin), les tisserands durent payer une contribution de 103 liv. 
6 ex. 8 den. gr. (s). Et ils payèrent encore la même somme 
lors de la seconde invasion, deux mois plus tard (St. Laureins- 
avond, 9 août 1356 et suiv.) (6). Durant cette expédition, ils 


(1) HENRI ALYN avait été échevin en 1348 et 1351, Memorteboek, t. I, 
pp. 66 et 70; Gossuin Rijm, son meurtrier, était échevin en 1350 et 1353, 
ibid, t. 1, pp. 69 et 73. 

(2) Voyez snr cette guerre, JEAN LE BEL, Chroniques (éd. L. Polain), 
ch. 42-44, pp. 208-222; Brabantsche Yeesten (éd. J.-K. Willems, t. VI, 
ch. XIU-XIX, t. II, pp. 43-23; Chronicon Breve Clerict Anonymi (éd. J.-J. de 
Smet, Corpus, t. II, pp. 25-30; E. De Dynter, Chronicon ducum Brabantia 
(éd. F. de Rum), t. LILI, pp. 23-39; Gesta abbatum Trudonensium, in Mon. Germ. 
Historica, t. X, p. 436; Matteo Villani, ap. Muratori, Scriptores rerum 
Italtac., t. XIV, col. 399-102. Cf A. HENNE et A. WAUTERS. Histoire de la 
ville de Bruxelles, t. 1, pp. 115-12i ; A. Goovaerts, La flotte de Louis de 
Maele devant Anvers en 1356, dans les Bullet. de la Comm. Royale d'Histoire, 
4e série, t XLIL (1886), pp. 33-58. Nous ne citons pas le mémoire vieilli de 
J.-J, DE SMET. 

(3) Comptes Communaux de Gand de 1355-56, ftis 105 ro-1(9 v>: « Ute- 
gheven van den Orloghe in Brabaut ». 

(4) Comptes de 1356-57, fie 158 vo, 159 ro, 155 vo. 

5, Comptes Communaux de 1855-1356, fo 107 ro et 79 vo, 

(6) Ibid., fe 164 vo à 174 vo: « Ontfaen van onsen poorters die holpe 
ghedaen hebben ten costen ende laste van der achterster her vaerd doe men 
voer te Brabant waerd 's dicendaghs op sente Louwerens avont: Van den 
goeden lieden van der weverien, 103 lb. 6 s. 4d. gr. ». Cf. J. VUYLSTEKE, De 
Goede Disendach, p. 39-40. 


— 444 — 


furent même contraints de fournir un prêt de 200 liv. gr., 
mois dont on leur garantit le montant sur les accises du blé et 
des châssis-séchoirs (1), et qui leur fut effectivement rendu 
l’année d'après (2). Enfin, lors des deux petites incursions des 
Flamands dans le Brabant du 2 au 5 février 1357 (3), et du 15 
au 18 février (4), les tisserands durent à nouveau payer 86 liv. 
de gros (s). La paix d'Ath (4 juin 1357) fit cesser les hostilités. 


* 
% * 


Durant l’année scabinale 1357-58, un fait sans précédent 
et dont la cause nous est peu connue, vint troubler les gou- 
vernants : le premier échevin de la-ville, le patricien Liévin 
Damman, accusé de concussion, fut banni par ses collègues, 
ainsi que l’amman (6). Cette sentence ne contribua pas peu à jeter 
le discrédit sur le régime instauré par le Goede Disendach. 

L'année d’après, le 29 juin 1358, on renouvela contre le 
métier de la laine l’édit draconien de 1350 : « Qu’aucun 
drapier ou tissérand ne fasse d'autre métier, soit en vin, en 
froment ou en n'importe quelle autre chose, si ce n'est de 
travailler la laine et de faire le drap qu'ils savent, sur l’amende 
de 50 livres pour qui y contreviendrait; de plus, si quelqu'un 
demandait de pouvoir exercer un autre métier, il serait banni 
pour trois ans, quelqu'il fût » (1). Par contre, le 5 juillet, les 
échevins et la collace résolurent que dorénavant on ne ban- 


(1) Zbid., fo 122 r°: « Item der weverien gheassigneerd CC lb. gr. up 
coren ende ramen »; cf. fe 163 r”. 

(2) Comptes Communaux de 1356, f 122. 

(3) Ibid. fo 152 ro : Schepenen, serganten, chirurgijnen « die ute voeren 
t'Haelst waerd eude t'Assce in Onser Vrouwendaghe Lichtmesse metten 
goeden lieden van der stede omme reise te doene up Brabant, dewelke sy 
daden in d'eere van minen Heere van Vlaenderen, ende wert Assce verbarnen 
ende ghesconfiert ende vloên die daer binnen waren ». 

(4) Ibid, fe 152 vo: « Dit es dat uteghegheven es van der vaerd dat onse 
liede ute trocken t'Haelstwaert ende t'Merchtine met minen Here van 
Vlaenderen XV daghe in Sporkele ». 

(5) Ibid., fo 117 ro : « Van der weverien t'ulpen den vaerden t'Assce 
ende te Merechtine ». 

(6) Memorieboek, t.1, p. 78-19; FR. DE POTTER, Geschiedenis van het 
Schependom, p. 242. 

(7) Voorgeboden, p. 72. 


— 445 — 


nira plus de personnes, comme rebelles au Comte, que pour 
des faits très graves et mérités (1); et Louis de Maele con- 
sentit au rappel de nombreux émeutiers (2). 

C’est qu’en effet une grande agitation commençait à 
fermenter dans lesesprits en Flandre; l'influence du gouverne- 
ment démocratique instauré à Paris par Etienne Marcel ne 
pouvait rester sans contre-coup sur nos villes, où les passions 
sociales avaient été remuées si profondément durant la période 
de Van Artevelde. 

Etienne Marcel (3) ne s’était pas trompé sur la situation 
en Flandre; en correspondance avec les tisserands gantois, . 
dont il vendait les draps rayés, le prévôt des marchands de 
Paris avait adressé des lettres à nos villes pour se coaliser 
avec lui, au moment où il sentait que le terrain se dérobait 
sous ses pieds. Le 28 juin 1358, Etienne Marcel traca aux 
magistrats communaux flamands un tableau des excès commis 
par les nobles contre les églises et les villes, et les supplia 
« d’assembler leur commun au plus grand nombre de gen: 
d'armes comme il poiront, tant de pié que de cheval » et de 
marcher sur Paris (4). Il répète ce cri d’alarme le 11 juillet, 
quelques jours avant son assassinat, en insistant sur les rava- 
ges et les violences perpétrées par la noblesse en Flandre, en 
Artois et en Vermandois, et sur le vol de quarante cinq mules 
chargées de drap de Flandre commis par ces nobles brigands ; 
il prie les échevinages d’en informer le comte de Flandre, et 
de veiller à leurs intérêts commerciaux (5. 


(1) GreLpoLF, Coutumes, t. 1, pp. 541-542; cette décision fut prise « by 
scepenen van beede de baucken. dekenen, ontfanghers, bi den groten rade: 
up den zolre ende eendrachteleec met den gheellen ende ghemeenen corpse 
van der gheelre steden… -. On parle déjà du Kollactesolre en 1361. — C'est 
aussi vers 1358 que les Petits Doyens se mirent d'accord sur le mode 
d'élection de leur Grand-Doyen; FR. DE POTTER, Gent, t. I, p. 443-444. 

(2) TH. DE LIMBURG-STIRUM, Cartulaire de Louis de Maele, t. 1, p. 610, 
610, 641, 650. 

(3: Voyez sur lui, F.-T. PERRENS, Etienne Marcel, (Paris, 1874) et S. Luce, 
Histoire de la Facquerie Paris, 1859), p. 123-124. 

(41 Publiée par VAN DEN PEEREBOOM, Ypriana, t. VII, p. 430. 

(5) Publiée par KERVIJN DE LETTENHOVE, Bulletins de l'Académie Royale 
de Belgique, t. XX, 3° p. (1853), pp. 95-104. 


Il nous serait très difficile d'affirmer jusqu’à quel point 
ces lettres ont trouvé de l'écho au sein des villes flamandes. 
Toujours est-il qu’elles sont le présage des émeutes qui libère- 
ront, à Gand du moins, le métier de la laine du joug imposé. 

Le 24 mai 1359 des troubles éclatèrent à Bruges, qui se 
répétèrent le 13 juin (1). Deux jours après, vingt neuf doyens 
des métiers furent envoyés en Parlement à Gand, afin de s’y 
aboucher avec les meneurs de la démocratie, et ils y retour- 
nèrent encore le 17 et le 20 juin, et au début de juillet (2). 
Aussi le 12 juillet, la Weverie se souleva à Gand aux cris de: 
« Voisin! Voisin! », et réclama l'égalité dans l’administra- 
tion de la ville, c. à. d. son rétablissement comme tiers 
membre de la ville. Une grande lütte eut lieu entre tisserands 
et foulons, dans laquelle ces derniers eurent le dessous (3). 

Immédiatement le métier de la laine reprit son ancien 
rang, et se fit rendre ses armes et ses bannières ; les jurés 
élurent un chef-doyen, Justaes van den Hole, et reprirent 
l'administration des biens de leur corporation (4). Les tisse- 
rands firent rédiger un vrai programme de revendications et 
exigèrent la participation au Groote Raad (5). 

Pourtant la Folrie garda son doyen, Francois van Hanse- 
beke (6). Il semble que le patriciat fut excln à nouveau du 
gouvernement de la ville. Les trois membres de la ville furent 
donc, jusqu’à nouvel ordre, lex tisserands, les petits métiers et 
les foulons, comme durant la période révolutionnaire. 

Aux élections de la mi-août 1359, l'influence de cette 
révolution municipale se fit vivement sentir sur la composition 
du banc échevinal. Les amis de Jacques van Artevelde, Willem 


an —————— oe 


(1) GirLroprts, Inventaire des archives de Bruges, t. IT, pp. 90, 98-99. 

(2) Ibid, t. IT, 101-102. 

(3) Memoricbock, t. T, p. 80; Comptes communaux de 1358-59, f 26 re, 
mentionnent seulement, à la date du 13 juillet 1359, ce qui suit : « Item uten 
neringhen Willem van Huse, Jacop van Zele, Symoen Metterscapen voeren 
up den selven dagh te Malen an minen heere van Vlaendren ende alsoe voert 
te Audenarde minen heere volghende, ende bidden dat hi wilde commente 
sinen goeden lieden van Ghent, d'welke hi vriendelike ende gherne dede ». 

(4) Comptes Communaux de 1359-1360, f° 49 ro. 

(5) N. pe Pauw, Voorgeboden, p. 74. 

(6) Comptes communaux de 1359-1360, fo 49 ve, 


— 447 — 


van Huusse, Claeys Daens, Jan de Crane, ou leurs fils, comme 
Jan van Vaernewijc, Arend Zelle, Jan Storem, siégèrent de 
nouveau à l'Hôtel de ville (1). 

Les événements qui se déroulaient en Flandre allaient 
bientôt modifier une nouvelle fois l'administration de la com- 
mune. Dès le 17 juillet 1359, à Bruges une sanglante querelle 
s'était engagée au Marché entre tisserands et foulons d’une 
part et les petits métiers de l’autre; cinquante-sept artisans 
tombèrent massacrés en présence du comte, auquel d’ailleurs 
on ne fit aucun mal. L'émeute s’apaisa pourtant avec une 
promptitude qui provoque l’étonnement de Matteo Villani (9). 

A Ypres également, les tisserands décidés à se soustruire 
à leur longue humiliation, se soulevèrent le 26 juillet, 
menacèrent le comte et sa fille, alors dans leurs murs, et les 
obligèrent à s'enfuir. La démocratie triomphante s’aboucha 
dès le 18 août avec les Brugeois (3). Le 28 août, le peuple 
massacra l’avoué Georges Belle, et la révolte reprit de plus 
belle en octobre et novembre, si bien que le populaire resta 
durant dix-huit mois le maître de la ville (4). 

L'émeute semble avoir eu partout les mêmes causes : 
oppression du parti tisserand, exactions des fonctionnaires 
comtaux, violences des hobereaux sur le plat pays. 

Gand, Bruges et les autres villes exigérent alors de Louis 
de Maele une enquête contre les excès des nobles, contre les 
abus de pouvoir des baillis et contre le magistrat de Courtrai. 
Le 2 août, le comte institua la commission d'enquête qui siégeu 
durant quarante jours à Courtrai ; Bruges et Gand y envoyè- 
rent une véritable expédition; puis l'enquête se poursuivit à 
Gand en août et septembre (5). 


(11 Memoriebock, t I, p. SL, et cf., p. 50 à 58. 

(2) MATTEO ViLLANI, liv. IX, ch. 33, dans Muratori, Scriptores, t‚ XIV, 
col. 565-567; GiLLIODTS, Inventaire, t. 1, p. 99. 

(3) GiLLroorts, Inventaire, t. II, p. 105. 

(t) Sur la grande révolte d'Ypres, voyez DIEGERICK, Inventaire, t. I], 
p. 187, n° DLXXxVIN; A. VAN DEN PEEREBOOM, Ypriana, t. VII, p.138 et 
suiv., p. 432. 

(5) GizLu1oDTS, Inventaire, t. II, p. 99-109; DELEPIERRE, Précis Analy- 
fique, t. Il, p. xvm; A. DE GHELLINCK, Généalogie des Van Vaernewijck, 
pp. 192-194, n° cxvcxvu; Comptes Communaux de 1359-1360, f° 45 r° : 





— 448 — 


Entretemps, le métier de la laine s'était réorganisé à 
Gand. Nous avons vu qu’au lendemain de sa libération, les 
tisserands avaient dressé une liste de leurs exigences qu’ils 
avaient soumise à l’échevinat. Le magistrat la promulgua 
bientôt sous forme d’ordonnance (1). 

D'autre part, le Comte approuva l’organisation : quasi- 
autonome que le métier s'était donnée, par acte du 10 octobre 
1359 (2) : elle consacrait entr’autres le droit du métier de se 
faire représenter au sein du corps échevinal, d’élire directe- 
ment son doyen et ses jurés, de réglementer le travail et le 
salaire de ses membres; pour le reste, le prince confirmait 
les privilèges anciens des tisserands, entr'autres le privilège 
de la lieve ou le monopole de la fabrication des draps à cinq 
lieues à la ronde (3), et le monopole de la vente des tissus à 


‘la halle. 


De plus, on remboursa annuellement aux tisserands ie 
weversgeld qui leur avait été extorqué durant les dix années 
précédentes; on rappela une foule de bannis du parti démo- 


„eratique; on indemnisa de nombreux citoyens des taxes per- 


sonnelles qui leur avaient été arbitrairement imposées (4). 
Le mouvement populaire, qui s’accentuait à Bruges et à 


« Dit es dat uteghegheven e3 binnen degen jars van der vaert dat onse 
goede liede van der stede ute tro:ken omme inqueste te hoorne in ’t lant 
van Vlaenderen, metgaders den anderen steden Brugghe, Ypre ende andre 
die ghedeputert waren dertoe uten lande ter eere van minen heere van 
Vlaendren ende sinen lande ende sinen lieden ». Les tisserands et les petits- 
métiers envoyèrent 140 sergeants, et les foulons 90. 

(1) N. DE Pauw, Voorgeboden, p 14. 

(2) Fr. DE POTTER, Gest, t. VIIL, p. 165-167. 

(3) J. VurssreKE, Uitleggingen tot de Stadsrekeningen, p. 205 210. 

(4) Comptes Communaux de 1369-61, f 8t vo : « Dit es dat huuteghe- 
gheven es binnen desen jare den goeden lieden van der cleenen neeringhen 
in minderinghen van der achterstellen van der soudsye, van den ghenen 
die waren voor Brucele (13561, ende den goeden lieden van der weverien, in 
restitutien van den xij miten die sv voertijis ghaven der stede, ende hier af 
waren ontfangheren over de cleene neeringhen van den pachte van den 
wijne ende poerten Jan van Meeren, Pieter van Buxtalle, Heynric Goethals 
ende Jan de Peyster, ende over de weverie Nijs de Luede, Jan van Mendonc 
ende haren ghesellen. Somme 34,227 Ib. 16 sc. 8d. payements of 855 lb. 
13 sc. 11 d. gros ». Aj. J. VUYLSTEKE, De Goede Disendach, p. 24. 


— 449 — 


Ypres et qui menacait de prendre les proportions de celui qui 
avait produit Jacques van Artevelde, se manifesta bientôt à 
Gand, au sein de tous les métiers, d’une facon non moins 
alarmante. 

Le 13 janvier 1360, treize échevins de Gand durent se 
transporter à Courtrai, sous la pression du populaire, pour 
continuer l'enquête (1). Le 31 de ce mois, une ambassade de 
tous les doyens des petits métiers de Gand alla sceller à 
Bruges l'alliance avec tous les doyens de cette ville (2). 

La veille de la Chandeleur (3), le 1 février (4), une lutte 
terrible s’engagea au Marché du Vendredi entre les tisserands 
et les foulons ; ces derniers furent écrasés. 


(1) MusseLx, Cartulaire de Notre Dame de Courtrai, p. 120, n° 39. 
(2) GizzivDrs, Inventaire, t. II, p. 102. 


(3) Pri. DE L’Espinoy, Antiquités de Flandre, p. 5C9, d'après un 
manuscrit perdu du Memorieboek : « En ceste année à la Chandeleuse arriva 
une dissertion entre les foulons et les tisserans de ceste ville, par laquelle 
ils firent ure grande assemblée sur le marché avec leurs bannières ». 


(4) Le 1 février est la date la plus probable. Eu effet, la date n’est pas 
certaine, car en cet endroit encore la chronologie des Ccmptes Communaux : 
est fautive. Voici les trois passages en quettion : Comptes Communaux de 
1359-60, fo 49 r° : « Dit es dat ute ghegheven es binnen desen jare van den 
aweite dat de dekenen ende hare cnapen ghewaect hebben bi Gillis van 
Laethem, Justaes van den Hole ende Franchois van Hansebeke, den tijt 
dat hij 't was. t’ Eersten. soe was gheordineert dat de drie dekene waken 
souden, dat es te wetene Gillis van Laethem, Justaes van den Hole ende 
Franchois van Hansebeke, ende adde ele iij mottoene de maend, ende hare 
xxxviij cnapen die met hein wieken ende dages met hem omme ghinghen 
ele enen mottoen de maent, dat liep eleke maend xlvij mottoene, ende dit 
duurde van 's wonsdaghes voer sente Bertelmeeusdagh tote 's dicendags 
’s avonts voer sente Pietersdagh in Sporkele (18 Février, dat waren vij 
maende, maken xxxviij lb. xij se. groete, maken in payemente xv xliiij lb., 
ende doe was verlaten Franchois van Hansebeke ende vj van sinen cnapen », 
Fo 48 r° : « Item, Franchois van Hansebeke, beleedre van den volleambachte 
van sinen pensione van verjaere meye tot onse vrouwen avont in spel- 
maent (7 septembre; nous proposons de lire : én sprokkelmaent; alors ce 
serait le 1 février: il y a en tout cas une erreur, puisque l'année scabinale 
finit au 15 août), dat hi verlaten was, ix lb. gr. maken 111°Lx lb. paym. ». 
Fe £6 vo : « Item, Jacoppe van Merlebeke ende Willem Baerde die gheset 
waren viij daghe binnen sporkele (8 jours du mois de février) in de stede 
van Franchoise van Hansebeke omme de volrie te beleedene van haren 
pensione in minderinghen Jacoppe xxvij sc. vj d. gr. ende Willem Baerde 
xxxv }/2 sc. gr., comt teede iij lb. iij ec. gr. waken cxxvj Ib, ». 


29 


— 450 — 


Le 18 février, leur doyen Francois van Hansebeke, qui 
depuis le 1 mai 1359, avait succédé à Pierre van den Bossche, 
fut déposé. Le métier des foulons fut réduit à cet état d’ilotis- 
me auquel il avait jadis condamné ses adversaires. Les éche- 
vins édictèrent une ordonnance par laquelle il fut défendu aux 
membres de la Fo/rie de se reconstituer comme corps sans le 
consentement des métiers, sous peine de la perte de leurs vies 
et leurs biens ; désormais, la foulerie fut soumise à un beleeder, 
choisi parmi les petits et nommé par le magistrat (1). 

Malgré ses efforts, la foulerie ne sortit plus jamais de 
cette condition humiliante. Elle fut remplacée comme membre 
par le Patriciat. Et ainsi fut constituée définitivement cette 
division des citoyens en trois membres : Bourgeoisie, Petits- 
Métiers et Tisserands, qui se maintint jusqu'en 1455 (2) et ne 
fut supprimée finalement qu'en 1540 (3). 

Comme le patriciat n'eut pas de doyen en titre (4), les 
deux véritables seigneurs de Gand (5) furent désormais le 
doyen des petits-métiers et le doyen des tisserands; ce dernier 
reprit immédiatement l'autorité sur les sept ou huit petits- 
métiers ressortissant du métier de la laine et que les foulons 
s'étaient adjoints en 1349 (6). Le Large Conseil de la Ville 
ou Collace, qui fonctionnait régulièrement depuis 1358, fut 
remanié dans le même sens : il se composa des 53 petits- 
doyens, des 23 jurés des tisserands, et d’une dizaine de 
patriciens, chaque membre ayant une voix (7). 


(1) Memorieboek, t. IL, 0. 81; Comptes Communaux de 1860-1361, f° 94 vo: 
« Willem van den Hijshoute, beleeder van de volderij 34 Ib. ». 

(2) Memorieboek, t. I, p. 245. 

(3) A. Du Rois et L. De HoxoT, Coutumes de Gand, t. II, p. 169. 

(4)Sauf durant la periode révolutionnaire de 1380 à 1883 ; J. VUYLSTEKE, 
Rekeningen van Philips van Artevelde, pp. 126, 191, 223, 238-239, 277, 295, 
339. Le chef des poorters, en temps ordinaire, fut le patricien qui siégeait 
comme voorscepene van der Keure. 

(£) Expression de Philippe le Bon en 1450, Dagboek van Gent (éd. Fris), 
t Ip. 119, cf. p. 117, 124, 125. 

(6) Dagboek van Gent, t. I, p. 28: Comptes communaux de 1360-61, 
fo 99ro : « Lij personen uten cleenen neringhen ende uter weverien ende die 
hem toebehooren xxx persoene ». 

(71 Dagboek van Gent, t. I, p. 20-21; Comptes communaux de 1361-62, 
fo 139 ro (Kolaciesolre). 


— 451 — 


Dès le début de la nouvelle ère tisserande, une commis- 
sion d'enquête fut instituée pour examiner la gestion des 
magistrats du régime du Goede Disendach et revoir tous les 
comptes depuis janvier 1349 à l’août 1359 (1). On remarquera 
que, tandis que les petits-métiers et les tisserands comptent 
chacun quatre membres parmi les commissaires, les foulons 
n’en possèdent que deux. De plus, pour maintenir l'ordre et 
comprimer toute révolte des foulons, un guet fut organisé par 
les deux membres dominants (2). 

L’émeute continuait à gronder à Bruges; tellement que 
le Comte, après l'acte d’alliance conclu entre tous les métiers 
de cette ville (2 mars 1360) (3), dut maintenir en fonctions 
(17 novembre) jusqu’au 2 février suivant, les échevins bru- 
geois institués en 1359 (4). L'échevinat de Bruges, afin de 
parer à la crise provoquée par le départ des Hanséates (5), 
n’hésita pas à renouer des rapports avec Edouard d’Angle- 
terre (20 octobre 1360) (6). Louis dé Maele, d’ailleurs, à 


(1) Comptes communaux de 1359-1360, fo 48 ro : « Item was gheordineert 
dat van den goeden lieden van der wet ende van den goeden lieden uter 
neringhen sitten souden up scepenenhuus omme te hoorne ende te versiene 
de bouke van den rekeninghen van Heinrie Gruters’ scependomme dat was 
in t jaer xlviij. ende alsoe voert ele scependom naervolgende tot in ’t jaer 
lviij, ende dat waren alse scepenen : Jan van Varnewijc, Arnoud Selle, Jan 
Brandins, Jacob Bette, Jan de Crane; uter weverien : Jacop van Gheraerds- 
berghe, Lievin van Allindriesch, Lievin de Bosscere, Jan Slepestaf ; uten 
clenen neringhen: Heinrie Ekard, Pieter van den Damme, Janne van 
Meren, backere, Jan van den Zomple; uter volrien : Jan van Houthem, 
Pieter de Rom; clerke : Jan Herteliefs, Jan de Visch ende Augustijn, etc. » 

(2) Comptes communaux de 1359-1360, fo 49 ro: « Item bleven doe waken- 
de der Gillis ende Juetaes ende hare cnapen van 's wonsdaghes xv. daghe 
in april tot ’s dicendaghes vij. daghe in Hoymaend, dat waren iij maenden 
ende liep hare wake, mids dat de beleedere van der volrien verlaten waren, 
xiij lb. vj sc. gr., maken vc xxxij lb. ». 

(3) GirLrovrs, Inventaire, t. II, p. 107-109. 

(4) Ibid.,t. II. p. 75. 

(5) Depuis le 1 mars 1358, les marchands de la Hanse avaient décidé 
de transporter leur comptoir de Bruges à Dordrecht pour trois ans: 
KoppMAN. Hanserecesse, t 1, p. 135-180, t. III, p. 14, 17, et G. vaN DER 
OSTEN, Die Handels-und Verkehrssperre des Deutschen Kaufmanns jegen 
Flandern (Kiel. 1889). 

(6) GuroorTs, Inventaire, t. II, p. 103-104. Edouard III allait signer 
pourtant le 24 octobre la ratification du traité de Brétignv (8 mai), par 
lequel il promettait d'abindonner toute alliance avec les Flamands et ne 
leur donnerait plus aucun secours; J. FROISSART, Chroniques (éd. Luce), 
t. VI, p. 33-50 ; Grandes chroniques de St. Denis, t. VI, p. 193 et suiv. 


— 452 — 


l’approche de la libération de son suzerain, Jean-le-Bon, 
s'était également rapproché du roi anglais. Le 21 octobre 
1360, nous le voyons même, à la prière d'Edouard III, gracier 
Jacques et Jean van Artevelde, les fils du tribun, et casser 
leur sentence de bannissement (1). 

Cette dernière mesure marque bien le désir du Comte 
de se concilier la population gantoise, dont il redoutait un 
nouveau soulèvement. En effet, malgré la proclamation sous 
forme d'ordonnance scabinale de toutes les revendications des 
tisserands (6 septembre) (2), une wapeninghe (3) avait éclaté 
dans la ville le 5 octobre, mais elle fut promptement réprimée. 
Le pardon accordé par Louis de Maele aux Artevelde semble 
bien avoir eu pour but d’apaiser le parti tisserand. 

En effet, la situation du Comte était fort critique. La 
révolte à Ypres et à Bruges prenait des proportions de plus 
en plus inquiétantes; de la Flandre, l'agitation passa même 
dans le Brabant : à Louvain, le parti démocratique triompha 
avec Pierre Coutereel (4), mais à Bruxelles sa tentative 
d'émeute fut étouffée le même jour daus le sang (22 juillet 
1360) (5). 

Pourtant Gand ne bougea pas, bien que le tisserand y domi- 
nàt en maitre. Sur les bancs scabinaux avaient pris place les 
membres les plus actifs du groupe révolutionnaire de 1338- 
1348, tels que Gilles Rypegheerste (6}, et durant la semaine 
de Pâques 1361, Willem van Huusse avait été proclamé doyen 


(1) Fr. DE POTTER, Petit Cariulaire de Gand, p. 41-48. 

(2) N. DE Pauw, Voorgeboden, p. 78-19. 

(3) Comptes communaux de 1360-61, fo 109 vo : « Item. van den costen die 
de dekene, ontfanghers eude die uten neeringhen met hemlieden omme- 
ghingen daden, ’s donresdaghes 5 daghe in octobre doe de onruste ende 
wapeninghe was daer af dat men orconscepe hoerde.…. ». 

(4) WirLEMsS, Brabantsche Yeesten, t. II, p. 160; L. VAN DER KINDEzE, 
Le Siècle de Artevelde, p. 181; H. VAN DER LINDEN, La révolution démocra- 
tique du XIVe siècle à Louvain, p. 22. 

(5) Wirems, Brabantsche Yeesten, t. II, p. 166-171; De DrYNTER, 
Chronicon ducum Brabantia, t. III, p. 151-153; HENNE et WAUTERS, Histoire 
de Bruxelles, t. 1, p. 125-127. 

(6, Memoriebock, t. I, p. 84. 





des tisserands à la place de Justaes van den Hole (1). Le 
métier de la draperie s’attacha surtout à se fortifier duns la 
ville et à tirer le plus grand profit des avantages que le prince 
venait de lui accorder. Loin de se mêler aux troubles de la 
Flaudre, il se maintint neutre. 

Car lorsqu’en mai 1361, les Yprois tuèrent leur bailli et 
fomentèrent une terrible révolte (2), cependant que le comte 
s'apprêtait à fêter à Audenarde le mariage de sa fille Margue- 
rite avec Philippe du Rouvre (3), les Gantois refusèrent tout 
secours à la ville qui fut assiégée, prise et punie par le prince 
(24 août 1361 (4); d'autre part, ils amenèrent Bruges à sceller 
sa paix avec Louis de Maele (2 septembre) (s). 

Le Comte témoigna sa bienveillance aux tisserands, pour 
l'ordre qu’ils firent régner à Gand et l’appuiqu'ils lui prêtèrent 
en Flandre, en accordant aux institutions hospitalières de 
leur métier de nombreux avantages par le privilège du 
20 décembre 1365; seulement en retour il exigeait des tisse- 
rands la plus parfaite tranquillité et fidélité (6). Comme leur 
corporation avait annexé vers 1360 à l'ancien Wevershuis, 
prés de la Walpoort, une chapelle consacrée à St. Léonard, 
le comte en amortit même le terrain en leur faveur (8 avril 
1372) (7). Et l’année d'après, comme les foulons s'étaient mis 


(1) Comptes communaux de 1360-61, f 109 vo. 

(2) Excellente Cronike van Vlaenderen, fo 1xiv vo; A. VAN DEN PEERE- 
BOOM, Ypriana, t. VIT, p. 158, 432. 

(3) DOM PLANCHER, Histoire de Bourgogne, t. II, p. 238, le 1 juillet 1361; 
Philippe mourut le 21 novembre de la même année. 

. (4) A. VAN DEN PEEREBOOM, Ypriana, t. VII, p. 158, 437-142; GILLIODTS, 
Inventaire, t. II. p. 110, et Coutumes du Franc, t. II, p. 125 ; Comptes commu- 
naux de 1361-1362, fo 134 ro : Envoi d'une députation « ‘t sondaghes XXij 
daghe in Oughst som te Brugghewaert eude som te Audenaerde an myn 
heere van Vlaenderen omme met hem te vaerne t’ Ypre daer mijn heere van 
Vlaenderen correxie dede doen…. ». 

(5) Comptes communaux de 1361-62, fo 134 ro : Envoi d'une députation 
« ’t swonsdaghes op Sente Gillisdach ten Damme tot mijn heere van 
Vlaendren omme te biddene over de goede lieden van Brugge » ; G:LLIODTS, 
Inventaire, t. IL, p. 113; Gizciobrs, Coutumes, t. [, p. 416-421; J. De ST. 
Genois, Messager des Sciences, 1842, p. 400 et suiv. 

(6) F. De Porrenr, Second cartulaire de Gand, p. 88- 89 ; F. DE POTTER, 
Gent, t. 1V, p. 432. 

(7) Ibid, t. IV, p. 484; Second cartulaire, p. 95-96. 


— 454 — 


en grève à cause de l'insuffisance de leur salaire et de leur 
servitude vis-à-vis des tisserands, puis s'étaient retirés en 
masse à Audenarde et à Berchem, Louis de Maele, prenant 
le parti des tisserands, les obligea à rentrer dans leur cité, 
et résolut le différend en faveur du métier de la laine (1). 

L'importance croissante du membre des tisserands dans 
la politique communale avait naturellement renforcé dans la 
même proportion le nombre de leurs représentunts sur les bancs 
scabinaux; si l’on consulte p. ex. la liste du magistrat de 
1361 (2), nous y trouvons, parmi les membres connus du métier 
de la laine, Justaes van den Hole, Willem van den Ryse, 
Govaert van Riemelant, Simon van de Pitte, Gillis Rype- 
gheerste, Nijs De Leude, et dans les années suivantes les 
noms des familles démocratiques connues : les Storem, les 
van Mendonc, les van Munte, les de Vriese, etc. 

Ce fut cet envahissement du magistrat par l'élément 
tisserand qui obligea les trois membres à chercher une base 
d'équilibre et à adapter aux rouages gouvernementaux de 
la commune ce système de représentation proportionnelle, 
qui fonctionnait encore du temps de Ph. Wielant (3) et de - 
Jacques de Meyere (4). 

C'est à Julius Vuylsteke que revient l'honneur d’avoir 
le premier attiré l'attention sur cette curieuse répartition des 
échevins de chaque membre (5), qu'un document officiel de 
1488, inséré dans le Dagboek van Gent (6), nous expose dans 
tous ses détails. 


(1) Actes du 4 sept. 1978, du 26 juillet et du 2 août 1979, Fr. DE Por- 
TER, Petit cartulaire, p: 48, 5}, 54, 55; N. DE Pauw, Voorgeboden der stad 
Gent, p. 162; Rijmkronijk van Vlaenderen (apud J.J. de Smet, Corpus, t. IV), 
P. 652; Comptes communaux de 1372-1313, fo 80 vo. 

(2) Memoriebotk, t. I, p. 84. | 

(3) Antiquités de Flandre, dans J.-J. DE Smet, Corpus Chronicorum 
Flandria, t. IV, p. 288. Wielant mourut en 1520. | 

(4) Flandricarum rerum tomi X (Brugis, 1531), fe 36; Annales Flandria 
ad annum 1453, f° 315. De Meyere mourut en 1552. 

(5) De Rekeningen der stad Gent, tijdvak van Phelps van Artevelde, appen- . 

dice, p. 527. 
© (6) Dagboek van Gent (éd. Erle), p. 120- 122, 


— 455 — 


On sait que l’organisation constitutionnelle de Gand avait 
été réglée par Philippe-le-Bel, roi de France, lors de sa visite 
à la Flandre en novembre 1301 (r). Pour mettre fin au régime 
arbitraire des XXXIX, le prince décida que « les eschevins, 
en la fin de l’année de leur eschevinaige, à certain jour 
dénommé, esliront quatre notables personnes bourgois de la 
ville, non allevans eu parenté que en tiers degré [ce sont les 
électeurs de la ville]; pareillement que le prince, ou celluy 
qui lors y sera de par luy, ausy eslira quatre aultres notables 
personnes les plus proffytables et souffisans qu’ilz porront 
[ce sont les électeurs du prince, les 's Aeerenksesers). Et, 
que ces personnes eslues, ils yront ensamble et esliront 
par leur serement XXVI notables personnes, bourgois de la 
ville; et les partiront en deulx tresaines, l’une XIII pour 
estre eschevins et l’autre XIII pour estre conseilliers de la 
ville » (2). 

C'est pour la répartition équitable de leurs représentants, 
dans ces deux bancs des Echevins de la Keure ou banc supé- 
rieur, et des Zchevins des Parchons ou banc inférieur, que les 
trois membres durent chercher un terrain d'entente. 

À notre avis, ce fut en 1368, durant l’échevinat de Jac- 
ques Willebaert et de Jan van Lede et leurs compagnons (3) 
que l'accord suivant fut conclu : 

« Veu que chascun des deux membres des mestiers a sans 
comparaison beaucoup plus de peuple que le membre de la 
bourgoisie, et en toutes charges survenues à la ville avoit 
soustenu la plus grant charge, il est ausy bien raysonnable 
qu’ils aient le plus grand nombre en la Loy. C'est pourquoy 
chascun des membres des mestiers et tixerans ont dix esche- 
vins, cincq en chascun ‘banc, et le membre de la bourgoisie 
que six, troix en chascun banc » (4i. 


(1) Annales Gandenses (éd. F unck), p. 27. 

(2) Cu. L. Digricx, Mémoires sur la ville de Gand, t. I, p. 179; Fr. De 
POTTER, Gent, t. 1, p. 236-238 (voyez J. VUYLSTEKE, Rekeningen van Philips 
Artevelde, p. 521, n. 1). Nous citons ioi d'après le Dagboek van Gent, t. II, 
p. 120. 

(3) Memorieboek, t. 1, p. 92. 

(4) Dagboek van Gent, t. II, p. 121 et 147. 


— 456 — 


De plus, on donna aux échevins dans chaque treizaine 

une place déterminée. | 

Dans ses Annales (1), J. de Meyere, nous apprend que les 
trois patriciens occupaient dans chaque banc la première, la 
quatrième et la septième place; mais, il se trompe quand il 
afirme que les petits-métiers recevaient toujours les 2°, 5°, 
8°, 10° et 12° places, et les tisserauds toujours la 3°, 6°, 9°, 
11° et 13° places. 

J. Vuylsteke (2) a prouvé, par contre, que les petits- 
métiers et les tisserands occupaient alternativement la 2° ou 3°, 
la 5° ou la 6° place etc., de sorte que dans les années où, au 
banc de la Keure, l’un de ces deux membres occupait la 
2°, 9°, 8, 10° et 12° places, l'autre membre occupait les mêmes 
places au banc des Parchons, quitte à changer l’ordre en 
l’année d’après. 

Nous avons pu déterminer que c’est dans les années 
paires que les tisserauds avaient le pas dans le banc d'en haut, 
et les petits-métiers dans celui d'en bas; dans les années im- 
paires, les petits-métiers avaient les premiers rangs dans la 
Keure, les tisserauds dans le second banc. De là, impossibilité 
de conflits de préséance. 

Voici, d'après le Memorieboek der stad Ghent (3) la liste 
des magistrats de l’année 1369; les sigles P, N, W, désignent 
respectivement les patriciens, les membres des métiers et les 
tisserands. 


(1: Annales Flandria, f° 515 : 

« Introductus est et iste abusus, ut exterzis illis tribubus civitatis XX VI 
illi eligantur senatores : ita ut in utroque scamno ex: vat tres cives, primus, 
quartus et septimus; quinque ex opificibus seu quæstu, secundus, quintus, 
octavus, decimus et duodecimus; ex textoribus item quinque,tertius,sextus, 
nonus, undecimus et decimustertius. » | 


(2) Rekeningen van Philips van Artevelde, p. 521-528. 


(3) Memorieboek, t. 1, p. 93. Cet ordre n'est pas encore observé à l'année 
1366. Memorieboek, t. I. p. 90, car les tisserands Jan Oadertmaerc, Jan 
Sleepstaf et Jan van Mendonc occupent sur la liste des Parchons la 2e, 5e 
et 8° place, et le brasseur Gilles Van Deynze la 6e. Mèmes remarques 
pour les années 1367 et 1368. 


— 457 — 


Echevins de la Keure. _ Echevins des Parchons. 
P. Jan van der Zickelen (1). P Jan van Lede (1). 
N Jan Mayhuus [batelier] (2. W Ghyselbrecht van Coudenhove. 
W Robrecht van Eeke (81 N Willem Boele [cordier] (9). 
. P Boudyn de Beere (1). P Ghyselbrecht de Grutere (1). 
N Jan van den Somple[brassear](4). | W Jan Sleepstaf (10). 
W Godevaert van Riemelant (5). N Pieter Coolman (tanneurdeblane)(lÌ). 
P Jan Utenhove (1). P Heynric van Adeghem (1). 
N Gillis Beyaert [boulanger] (6). W Arnoud de Dobbelere. 
W Arnoud Veelloven. N Jan van der Vurst [magon] (12). 
N Heynric Louf [boucher (7 P Pieter van Deynse. 
W Jan van Dormen. N Pieter van den Wale. : 
N Martin de Witte [charpentier] (8). | W Boudin van Baeyghem. 
W Jan van den Damme. N Joos Deynoot [boucher] (18). 


On ne se borna pas là : tous les emplois à l'hôtel de ville 
furent également partagés entre les trois membres, depuis les 


(1) Les familles Van der Zickelen, de Beere, Utenhove, Van Lede, De 
Grutere et Van Adeghem se trouvent sur la liste des patriciens gantois, 
imprimée en 1524 par Pierre De Keysere. 


(2) Ordonnantien en Wijsdommen van dekenen, f° 26-21; de la célèbre 
famille Mahieu, de Froissart. 


(3) Fournisseur de drap à la ville, Comptes Communaux de 1369-70, 
fe 8 vo, 


(4) Ordonnantien en Wijsdommen, ® 22, doyen des brasseurs en 1359-1369. 


(5) Fournisseur du drap de la ville, Comptes Communaux de 1360-70, 
fv 8 ve, 


(8) Doyen des boulangers en 1371, Fr. De Porter, Gent, t. VII, p. 543. 


(7) Jean Louf est doyen des bouchérs en 1364, Ordonnantien en Wijs- 
dommen, f° 26. 


(8, Doyen des charpentiers en 1368, Fr. De Porreg, Gent, t. III, p. 528. 


(9) Jan Boele, doyen d28 cordiers, fut doyen des petits-métiers en 1378, 
Ordonnantien en Wijsdommen, f 33 r°. 


(10) Jan Sleepstaf est tisserand, J. VUYLSTEKE, Rekeningen v van Philips 
van Artevelde, p. 184. 


(11) Corroyeur de blanc; Pierre Coolman, doyan des witteledertouwers 
en 1360, Ordonnantien, fo 25. 


(12, Ailleurs Jan de Vustere, doyen des maçons en 1360, Ordonnantien, 
fo 25. 


(13) Jan Deynoot fut doyen des bouchers en 1376, Ordonnantien, f° 15. 


— 458 — 


importantes fonctions de secrétaires (1) et de clercs (2), jus- 
qu'aux services inférieurs de sergeants et messagers (3) et 
de ribauds (4). | | 

On appliqua également cette représentation proportion- 
nelle aux membres des justices inferieures ou vinderien (5), 
aux administrations des gildes militaires officielles telles que 
la vieille et la jeune gilde de St. Georges (6), mais même aux 
fondations religieuses et charitables dépendant de la ville, 
telles que les sœurs de l’hôpital de St. Jean (1). 

Même pour éviter toute rivalité de prééminence au sein 
des métiers, après avoir, vers 1356, assigné à chaqne corpo- 
ration sa place déterminée sur la liste officielle (8), on décida 
de leur donner à l'hôtel de ville un nombre de représentants 
proportionnel à l'importance de chaque métier. Voici cette 
répartition d’après le Mémoire des Gantois de 1452 : 

« Au membre des mestiers, il y a certains mestiers qui 
ont en la Loy prérogative d'avoir eschevins, comme les mes- 
tiers des bouchiers, boulengiers et brasseurs, lesquelz chascun 
ont chascun an ung eschevin, les VI mestiers de la Place 
[charpentiers, maçons, plafonneurs, tuiliers, scieurs, cou- 
vreurs de paille] ont entre eulx six ung eschevin, les VI mes- 
tiers du Cuier [tanneurs, pelletiers, agneliers, cordonniers, cor- 
royeurs de blanc, corroveurs de noir] ont samblablement chas- 
cun an ung eschevin, le mestier des navieurs deux eschevins, 
en chascun bancq ung; ainsy au dit membre des mestiers 
restent trois eschevins que l’on appelle Coureurs, et ces trois 


. (1) Voyez pour tout ceci : J. VUYLSTEKE, Stadsreheningen ten tijde van 
Philips van Artevelde, p. 531-538, et Dagboek van Gent, t. 1, p. 141. 


(2) Ibid., t. 1, p. 299; t. II, p. 77. 

(3) Ibid., t Il, p. 87. 
(4 D'ERICx, Mémoires sur la ville de Gand, t. II, p 35. 
(6) Fr. Du POTTER, Gent, t. L, p. 349. 

(6) Ibid, t. IT, p. 127, 214-216, 521. 

(7) Wid., t. VI, p. 198. 


(8) NAP. DE PAUW, Stadirkningen 4 ten tijde van Jacobv van Artevelde, 
t. IU, P- 485. . ' 


— 459 — 


coureurs partist-on aux aultres mestiers qui n’ont point 
d’eschevins assignez » (1). 

Ce régime à tendances démocratiques, dont on a attri- 
bué à tort l’organisation à Jacques van Artevelde (2) et dont il 
faut fixer l’origine et l’élaboration de 1360 à 1369, fut mal- 
heureusement faussé par l'influence illimitée accordée aux 
deux chefs-doyens. Néanmoins, cette curieuse organisation 
constitutionnelle persista, sauf une courte interruption de 
1455 à 1477, jusqu’en 1540. 


(1) Dagboek van Gent, t. Il, P- 122; supprimez ia note 2, qui est com- 
plètement erronée. 
(2) Memorisbock, t. I, p. CO. 


Les diverses civilisations, antérieures au 
VI‘ siècle, observées en Hesbaye, 
par Fr. HuyBicrs, 
Secrétaire de la Société scientifique et littéraire du Limbourg, à Tongres. 





Les plus anciennes trouvailles, dont je désire parler, se 
rapportent à des fonds de cabanes, rencontrés dans des fouil- 
les assez récentes le long du Jeker. 

De ces recherches se sont occupés MM. de Puydt, Davin- 
Rigo, le curé Guillard et nous-mêmes, et nous sommes con- 
vaincu que le Jeker nous réserve encore des surprises. Il 
présente une terrasse moyenne, très développée, si développée 
même que sur cette terrasse se sont installés des hameaux, 
des villages, notamment Sluse, Bassenge, Wonck, Eben, 
Emael, Canne etc. 

Jusqu'ici les fouilles se sont simplement étendues aux 
champs de la partie supérieure de la colline ou plutôt aux 
villages des néolithiques qui habitaient, groupés dans des 
cabanes, séparées par des chemins d'accès ayant une dizuine 
de mètres de largeur, des cabanes plus ou moins éloignées. 

Chaque cabane ou hutte formait une fosse d'environ 
2°50 sur 2" et 1" de profondeur, au milieu la fosse était plus 
profonde que vers l'extérieur. 

Examinons brièvement le contenu d’une de ces fosses. 

Nous y trouvons le produit de la taille de pierres silex 
ou de blocs matrices. Ces blocs de silex sont tirés de la colline 
des environs où ils se trouvent par bancs, entre les couches de 
marne. 

De nombreuses grottes ont des entrées vers la partie supé- 
rieure des talus de vieux chemins de 20 à 30" de profondeur. 

Malheureusement ces grottes ont été réoccupées posté- 
rieurement, car de tout temps on a creusé des grottes pour 


— 461 — 


l'extraction de silex pour les chemins, et de marne pour 
l'amendement de terres; aussi ces grottes ont-elles perdu leurs 
caractères primitifs, constatons seulement que le silex de 
leurs bancs est identique à celui des cabanes. 

Après avoir extrait de gros blocs, ils les ébouchaient sur 
les lieux d'extraction ou dans le voisinage et transportaient 
les bons morceaux dans les cabanes. 


No 37. — Objets de fouille de l'é 


oque néolithique, 
celtique ou gau 





Là, et avant l'évaporation de l'eau de carrière, ils en 
débitaient des instruments variés. 

Nous trouvons parfois dans une même cabane 30 à 40 
lames; quelques-unes ont même la forme de couteaux (Voir la 
fig. n° 37 : Époque néolithique). 

Le débit des blocs matrices se faisait dans les cabanes 
car chacune en contenait au moins 5 on 6. 


— 462 — 


A côté des matrices on trouve les percuteurs qui, en 
général, ne sont que de gros cailloux appropriés. 

Des petits éclats on faisait des pointes de flèches et des 
pointes pour percer. 

Nous avons trouvé de grands morceaux de grès, fort 
creusés par un très long usage, et une meule, complète, 
formée d’une grosse pierre dormante et d’une molette. 

Pour broyer les grains plus rapidement et plus aisé- 
ment, on pratiquait dans la face inférieure de ia molette, 
en contact avec la dormante, des entailles formées de nom- 
breuses lignes courbes approximativement parallèles, bien que 
se rapprochant d’un côté un peu plus que de l’autre; c'est 
peut-être ia première fois qu'on ait trouvé une molette 
aiguisée, aujourd’hui encore on emploie le même moyen pour 
aiguiser nos meules à grains. 

De la présence de meules dans les fonds de cabanes, 
nous pouvons conclure que nos néolithiques paraissent avoir 
vécu dans des conditions plus convenables que l’homme de 
l'époque paléolithique. 

En effet ils cultivaient un champ aux abords du village, 
et il se fait que, précisément, les plateaux que nous avons 
explorés sont des champs très fertiles aux abords de la rivière. 
Ils savaient done choisir leurs plateaux. 

Une autre considération ressort de ces trouvailles, c'est 
la domestication des animaux, car, pour cultiver, l’homme 
avait besoin de leur aide. 

Art du potier. Ce sont aussi les néolithiques qui, du 
travail du potier, ont fait un véritable art; il est même assez 
difficile de distinguer les produits néolithiques des produits des 
Francs de l’époque romaine, et bien des archéologues se sont 
mépris à cet égard. 

Les néolithiques faconnaient leurs vases à la main, les 
Francs au tour. La poterie des néolithiques est parfois plus 
délicate que celle au tour des Francs, car la pâte de la poterie 
néolithique est généralement beaucoup mieux pétrie. 

Il est à constater que la forme des vases des néolithiques 
est celle des vases fabriqués par tout peuple au début de sa 
civilisation. 


— 463 — 


Le fond et le milieu de leurs vases sont habituellement 
arrondis afin de leur donner une résistance plus grande et une 
forme qu’on obtient aisément en tenant de la main gauche la 
pâte et en tournant la matière de l’autre main suivant la forme 
arrondie. | 

Les vases de cette époque présentent des dessins analo- 
gues à ceux qu'on trouve sur les vases de l'époque franque et 
aussi, actuellement, sur ceux du Congo : ce sont des tracés 
simples, des lignes parallèles, des zigzags, des triangles. 

Commerce. À la dernière époque les néolithiques se sont 
aussi occupés du polissage de la pierre ; mais il est à remarquer 
que peu de cabanes explorées nons ont fourni des morceaux 
importants ou nombreux de pierres polies, ces pierres sont 
rarement d’origine locale, c’est souvent du phtanite noir dit 
« pierre de touche ». Cette pierre ne se rencontre pas dans la 
contrée ; il devait donc exister, entre les villages de nos con- 
trées et d’autres tribus, assez éloignées, un certain mouve- 
ment commercial. 

Le polissage de la pierre paraît avoir été une occupation 
peu commune, car peu de cabanes fournissent des échantil- 
lons importants. 

Récemment, cependant, nous avons fait des trouvailles à 
Tongres de huches polies très importantes placées à 0"70 de 
profondeur ; au moyen de 4 haches, on avait formé une sorte 
de rectangle; entre elles se trouvait un peu de cendres. Une 
description spéciale sera faite de ce dépôt intéressant. 

Parmi ces haches il y en a une qui a 0"30 de longueur, 
009 de largeur, pesant 1 1/2 kilogr. 

Les haches polies ne sont pas toujours en silex ou en 
phtanite poli, nous en avons en granite et en grès polis, même 
des marteaux-haches troués ou casse-têtes. 

Dans les grottes escarpées de nos fleuves et rivières les 
dépôts néolithiques ont été si bien cachés que jusqu'ici on n’est 
pas parvenu à les découvrir en nombre bien important. Ce 
sont aussi les néolithiques qui ont élevés les dolmens, les 
cromlechs qui sont aussi des dépôts funéraires des néolithi- 
ques, mais érigés surtout dans les plaines où les escarpements, 
le long des fleuves et rivières, ont fait défaut. Ces dolmens 


— 464 — 


contiennent également la variété de haches et autres objets 
trouvés dans les fonds de cabane. 

Dans nos contrées, soumises à la grande culture, les 
dolmens sont devenus rares; nous pouvons cependant citer celui 
de Diepenbeek (Limbourg), que nous avons découvert il y a 
une trentaine d’années (1). 

D'une époque plus rapprochée de nous, il a été trouvé 
un peu partout des haches et autres instruments en bronze, 
même des statuettes en métal, notamment d’Epone à cheval, 
dont un exemplaire se trouve parmi nos collections. 

En ce qui concerne les rites funéraires, c'est l’inhuma- 
tion soit dans les dolmens, soit dans les cavernes le long des 
fleuves et rivières qui est généralement pratiquée. 

L'art de travailler les métaux a été introduit dans nos 
contrées par des nomades qui avaient appris cet art en passant 
par la Grèce, la Thrace, la Macédoine, et c'est également dans 
ces contrées que, par contact, ils ont appris l'art de frapper 
la monnaie que nous trouvons encore abondamment. 

En effet les monnaies de ces temps, que ces peuples nous 
ont laissées en si grand nombre, sont des imitations des mon- 
naies grecques et macédoniennes. 

D'après les trouvailles, deux espèces de monnaies appar- 
tiennent spécialement à ces occupations; les unes portent 
d’un côté un cheval au repos et, au dessus du dos du cheval, 
l'inscription AVAVC; le revers porte 4 bustes de chevaux 
autour d'un cercle (voir fig. n° 38 : époque germanique). 

D'autres sont en argent ou en potin; elles portent d'un 
côté un cheval au repos, de l'autre une espèce de croix 
formée de globules puis des signes peu caractérisés. Toutes 
ces monnaies sont des imitations des monnaies macédoniennes. 

Ce qui est surtout à remarquer c'est que ces trouvailles 
de monnaies n’ont pour ainsi dire jamais été faites qu'aux 
abords de la Meuse et de ses affluents, d’où l’on peut conclure 
que ces peuples n'ont jamais occupé que leurs bords immé» 
dints. — Mais ne perdons pas de vue que c’est précisément 


(1) Bulletin de la Société scientifique et littéraire du Limbourg,t. XVII, p.38. 


— 465 — 


aux mêmes endroits que nous avons trouvé les installations 
des agriculteurs celtes, c'est à dire des tailleurs de haches 
de pierre, d'où l’on peut déduire que les derniers arrivés, 
que nous pouvons désigner sous la dénomination de Germains 
à cause de leur séjour prolongé et de leurs pérégrinations en 
Germanie, ont transformé ces paisibles habitants des rivières 
en esclaves ou les ont dispersés. 

Au sujet de l'occupation des Germains aux abords immé- 


Ne 38. — Objets de fouille de l'époque germanique. 


diats de Tongres, nous avons fait, assez récemment, d’intéres- 
sautes trouvailles. Nous avons trouvé des puits d'un mètre de 
diamètre creusés dans une colline de sable gris-blanc, 
refermés au moyen de paquets de glaise. Ces puits pénètrent 
dans le banc de sable à une profondeur de 6"50 sous le niveau 
du sol de la colline, et, au fond, il a été trouvé un dépôt 
funéraire d'un temps bien antérieur à l’époque romaine, 


30 


-— 466 — 


notamment un vase en terre grise, devenu noir comme s’il 
avait servi à préparer des aliments, sa hauteur est de IL c., 
son ouverture a 16 c. et le fond a 10 c. de diamètre. Nous 
avons trouvé aussi des braises de bois, 2 pierres à aiguiser en 
grès gris qui ont beaucoup servi, des morceaux d'un instru- 
ment en fer, puis le fond d’une urne faconnée à la main. Ces 
puits n'ont jamais pu avoir été destinés à contenir de l'eau; 
les objets, d’un travail tout à fait primitif, n’ont aucun rapport 
avec les objets de fabrication romaine ou franque. 

Un dépôt analogue se trouvait au fond de chaque puits. 

A en juger d’après les objets trouvés, les puits de 
Tongres doivent avoir été creusés bien avant l'occupation 
romaine, à l’époque de l'âge du bronze et du fer, et probable- 
ment par les aucêtres des peuples qui, ultérieurement chassés 
par les Romains de nos contrées, sont allés occuper diverses 
contrées écartées de la France (1). 

L'idée d’enterrer les morts dans des. puits, n’appartient 
pas aux Celtes ou aux descendants des néolithiques qui, en 
pays plat, enterraient leurs morts dans la couche végétale et 
même au dessus de cette couche dans de petits tertres ou dans 
des dolmens et en pays de collines dans des grottes naturelles 
ou creusées. 

L'usage de faire des enterrements dans des puits profonds 
a eu pour but de soustraire, d'une manière durable, à la 
profanation les restes de ceux qui furent chers aux vivants; 
aussi tout prouve que nous avons eu à faire à une population 
ayant eu uue civilisation plus éclairée que celle des peuples 
pratiquant des enterrements sommaires. 

C’est dans la vallée, entre Tongres et Koningsheim et 
tout près de Tongres, qu'on trouve toujours cette énorme 
quantité de monnaies germaniques et consulaires perdues 
pendant la mélée qui a causé la destruction de la légion 
romaine (700 de Rome, 53 av. J. C.) 

Voici la désignation des monnaies des populations ger- 


(1) Les puits funéraires, rapport de Quicherat au Comité des sociétés 
savantes, octobre 1866 (Magasin pitloresque, 1878, p. 1). 





— 467 — 


maniques, trouvées assez récemment, isolément, à Tongres, 
et appartenant à nos collections. 

Monnaies germaniques. 

Aduatuques. 

Cheval galopant, autour AVAVC. 

R) 4 bustes de chevaux. 20 p. 

Monnaies anépigraphes. 

Une tête de cheval. 
R) 4 bustes de chevaux. 50 p. 
Monnaies des Trévires. 

Buste d’Indutiomare. 

R) Un taureau en position d’attaque et de défense, au 
dessus GERMANIS. 15 p. 

Monnaies inconnues. 

Buste d’un chef germain. 20 p. 

Des découvertes isolées d’un assez grand nombre de 
monnaies des Trévires, on peut déduire que ces Germains ont 
également fait partie de l’alliance des Eburons et des Adua- 
tuques contre les Romains. 

Quant aux pièces consulaires en argent et en bronze, 
antérieures à l’année 700 de Rome, trouvées pendant les 
20 dernières années aux abords de Tongres vers l’ouest et 
toujours dans la même vallée, on peut les évaluer à plusieurs 
centaines appartenant toutes aux familles consulaires, savoir : 

Julia, Servilia, Calpurnia, Cassia, Marcia, Sursio, Rufus, 
Pompeïa, Cœlia, Fonteïa, Claudia, etc. 

Les plus anciens travaux exécutés par les Romains, aux 
abords de Tongres, doivent avoir été les deux tumulus sur le 
territoire de Koningsheim. . 

Les fouilles que nous y avons pratiquées nous ont 
révélé, sous le plus grand, une couche de terre de 0"30 à 0"40 
d’épaisseur, devenue noire par le gras de cadavre ; dans cette 
couche nous avons trouvé des ossements, des cendres, des 
phalanges, etc., puis une petite hache en silex taillé, l’extrémi- 
té d’un ciseau en brouze, des monnaies consulaires bien 
caractéristiques antérieures à l’année 700 de Rome, des 
tessons de poterie en verre et en terre cuite, un tombeau, 
violé, sous forme de dolmen, composé de pierres en trass 


— 468 — 


d'Andernach ou du Rhin placées debout et couvert d’une 
immense dalle. Ce tombeau a 1730 de long, 0"92 de large 
et 0"60 de hauteur. Sur une des pierres se trouvent les 
2 lettres L, E. Sous l’autre tumulus nous avons trouvé les 
cendres des corps incinérés. Tous les objets recueillis sont 
déposés au musée du Cinquantenaire à Bruxelles. 

Après ces tumulus a été faite la grande enceinte de la 
ville. Elle est datée par une monnaie consulaire et un grand 
bronze portant au droit NERO CLAVDIVS DRVSVS et les 
contremarques du règne de Tibère IMP TA PR’. 

Il en résulte que sous le règne de Tibère, 14 après J. C., 
la grande enceinte de Tongres était eu construction. Elle date 
ainsi du commencement de l’occupation -romaine et elle existe 
encore en bonne partie; elle a 2"20 en fondation et 1"80 en 
élévation. Elle à résisté aux sièges durant les occupations 
romaines et franques, aux bouleversements du moyen âge et 
aux Vandales des temps modernes. 

Cette enceinte constitue les uniques travaux du 1‘ siècle 
existant encore en Belgique (ajoutons en passaut qu’il est 
urgent de songer à leur conservation au moyen de travaux de 
soutènement et de consolidation). 

Les tours, dont une douzaine subsistent, ont en fondation 
8270 de diamètre et en élévation 8"30 de diamètre. 

A cette immense enceinte de 4500" de développement, 
complétée, vers l’est par la rivière le Jeker, correspond un 
castellum aux abords de l’église Notre-Dame, dont les tours 
et les murs ont les mêmes dimensions que ceux de l'en- 
ceinte extérieure. 

A l’intérieur de la grande enceinte nous avons mis à nu 
de nombreuses substructions de grandes habitations romaines 
avec salles d’hypocauste; nous avons rencontré aussi l’em- 
placement de rues, au moyen de substructions ayant appar- 
tenu à de petites habitations bien primitives contenant des. 
monnaies d’ Auguste et des débris de poterie. 

C’est par centaines que nous trouvons, parmi les ruines. 
et les cultures, les monnaies du I" et du II: triumvirat et 
d’Auguste empereur. 

Le nombre des tombeaux, marqués au moyen des mon- 


— 469 — 


naies d'Auguste, est aussi très considérable et nous indique 
importance de l’occupation de Tongres durant ce règne 
d'organisation. 

C'est vers la même époque qu'on a commencé aussi l’im- 
mense voirie dont bien peu de personnes, en parcourant nos 
contrées, voient et sentent l'importance. Cette voirie a été 
réellement une œuvre gigantesque, tellement elle est nom- 
breuse et bien faite (1). Jusqu'ici nous n'avons guère étendu, 
en détail, nos recherches beaucoup an delà de la Hesbaye, 
mais bientôt nous comptons y consacrer plus de temps, car 
plus on vérifie, plus on trouve, surtout en Hesbaye où elle 
forme un réseau presque inextricable. Et l’on ne peut dire, 
sans preuves, que ces routes n existäient pas simultanément ; 
elles existaient presque toutes avant le milieu du 2° siècle 
ainsi que le prouvent les monnaies des tombeaux, des cime- 
tières à proximité des villas et des voies de communication. 

Les grandes routes romaines de nos contrées, connues et 
construites dans le courant des deux premiers siècles, sont : 

Tongres, Gembloux, Bavay, Amiens. — Tongres, 
Waremme, Gembloux. — Tongres, Millen, Maestricht, Aix- 
la-Chapelle, Cologne. — Tongres, Herderen, Vroenhoven, 
Maestricht, Meerssen, Cologne. — Tongres, Petit-Spauuen, 
Asch, Brée, Helmond, Nimègue. — Tongres, Lanaken, 
Vucht (longeant la rive gauche de la Meuse), Nimègue. — 
Tongres, Hechtel, Leyde. — Tongres, Stevoort, Herck-la- 
ville, Tessenderloo, Anvers et Leyde. — Tongres, Konings- 
heim, Hertstappe, Fexhe, Clavier, Ciney, Bavay, Amiens. — 
Tongres, Othée, Noville, Clavier. — Tongres, Grand-Looz, 
Tirlemont, Bruxelles, Assche, Alost, Gand, et un embranche- 
ment de Assche vers Renaix. — Tongres. Herstal, Jupille, 
Arlon, Trèves. — Tongres, Clavier, Arlon. 

Des milliers de chemins d'exploitation reliaient en outre 
les villas; nous avons découvert plus de 200 de celles-ci 
dans le sud de la province de Limbourg. 7 

Les premières routes ont été établies au moyen de gravier 


(1) Voir carte annexe aut. XIX du Bulletin de la Soc. sc. et litt. du 
Limbourg, 1901. 


— 470 — 


de la Meuse parce que, à cette époque, les carrières de silex 
n'étaient pas encore suffisamment connues ou en expioitation, 
ainsi la partie dure de la grande route entre Cologne par 
Maestricht, Tongres, Gembloux, Amiens, a été faite en gravier 
jusque dans le Brabant; près de Tongres la couche de 
gravier atteint des proportions énormes. 

Tongres était, pendant les deux premiers siècles, le point 
de concentration de tout le mouvement militaire, commercial et 
agricole, car toutes les routes romaines de cette époque se diri- 
gaient vers un point unique, qui était Tongres. 

Tongres n’était pas la capitale de la 2° Germanie, mais à 
Tongres se faisait la concentration de tout le mouvement du 
Nord vers le Sud. En évaluant à 200 ou 300 habitants la 
population de chaque villa de la Hesbaye, dont on retrouve 
aisément les ruines le long de la voirie romaine, on peut se 
rendre compte de l'occupation de cette contrée à l’éppque 
romaine. 

Par l’examen des fouilles des villas, on constate aisément 
que les Romains, durant les deux premiers siècles, ne se sont 
nullement occupés de les assurer ou de les garantir contre les 
invasions. Toutefois ils ont érigé de nombreux observatoires 
dans le plat pays destinés à avertir la garnison. Ces observa- 
toires sont les tumulus de 12 à 18 m. de hauteur, dont un cer- 
tain nombre subsistent encore. Sur ces tumulus ils faisaient 
des feux qui constituaient des signaux. De cesfeux on retrouve 
encore les cendres. 

Nous avons souvent remarqué que les dépôts funéraires 
des habitants des villas sont généralement plus importants 
que ceux trouvés au cimetière militaire de la ville de Tongres 
où tout devuit être réglé suivant les prescriptions déterminées 
et fixées par la loi des XII tables. C’est ainsi que l’on trouve, 
aux cimetières de nombreuses villas, des tumulus de 12 à 15 m. 
de hauteur élevés sur le tombeau de colons, de femmes de 
colons, ou de bergères. 

La découverte de tombeaux de l'espèce mérite spéciale- 
ment l'attention du fouilleur; les fouilles d’nn tombeau intact, 
sous tumulus, paient toujours largement les peines. En effet, 
la plupart de ces dépôts contiennent deux ou trois objets réelle- 





— 471 — 


ment remarquables, par exemple des bijoux en or, des vases en 
bronze à reliefs, des chandeliers en argent, des lampes gravées, 
tous objets de haute valeur qui furent chers aux défunts. 

La trouvaille, sous tumulus, à Herne-St-Hubert, à 7 kil. 
de Tongres, du dépôt funéraire d'un peintre du 2° siècle et de 
toutes ses décorations, de tous ses instruments, ustensiles, 
couleurs et couleurs fabriquées, démontre qu’à cette époque 
on peignait déjà suivant le système actuel. Aussi cette trou- 
vaille est-elle du plus haut intérèt. De nombreux comptes-rendus 
de cette trouvaille ont été publiés tant en Belgique qu'en Alle- 
magne. 

Il est regrettable qu’à cause de la rareté de la pierre en 
Hesbaye, les coffres, qui ont recu le mobilier et les cendres, 
aient été en bois. Il en résulte que les terres du tumulus sont 
tombées dans la caisse et sur les objets quand le couvercle a 
cédé sous le poids de la charge; aussi la plupart des objets 
fragiles ne sont trouvés qu'à l’état de débris. 

Partout où l’on rencontre de hauts tumulus sur les tom- 
beaux de l’époque romaine, on peut dire que le pays était 
occupé pendant les deux premiers siècles, car on n’en a pas 
trouvé un seul appartenant aux 3° et 4° siècles. 

Les tombeaux ont été datés, non seulement au moyen de 
la monnaie de l’époque, destinée au passage du Styx, mais 
encore au moyen des vases; ainsi les belles bouteilles carrées 
en gros verre bleu avec large ause, la poterie sigillée en terre 
rouge d'Italie, très dure, dont la couleur rouge est absolument 
adhérente à la matière, etc., appartiennent aux deux premiers 
siècles de notre ère. Ces vases, on ne les trouve plus au 3° siècle 
que sous la forme d'imitations faciles à reconnaitre. 

En général,durant les deux premierssiècles,toute la poterie 
sigillée soit en terre rouge dure, et couleur adhérente, soit en 
terre jaune dorée ou en fine terre noire, ainsi que les grandes 
bouteilles en gros verre bleu et large anse, les vases en bronze, 
à reliefs, les grosses fibules sont tous d'origine étrangère à 
nos contrées, car à cette époque il n'y existait pas encore des 
établissements produisant des objets de fabrication difficile et 
spéciale. Aussi, si même la monnaie n'a pas été trouvée dans le 
tombeau, on peut encore distinguer l’époque à laquelle appar- 


— 472 — 


tient le dépôt. Ainsi, les objets trouvés, sans monnaies, dans 
les tumulus de Grimde lez-Tirlemont, appartiennent, incon- 
. testablement, au Haut-Empire. 
Quant aux monnaies, tant en or qu'en argent et en bronze, 
elles sont gravées d’une manière remarquable, fortement en 
saillie (voir fig. n° 39 : Æaut-Fmpire). 


No 39. — Objets de fouille du Haut-Empire. 


Les fouilles des substructions des villas, tant au nord 
qu'au sud de Tongres, nous ont procuré des résultats fort 
intéressants. 

Au nord de Tongres, le mobilier se trouve, brisé, parmi les 
substructions, et même on y rencontre parfois de beaux vases 
intacts'; de certaines de ces villas on a retiré des charretées 
de débris. 


— 473 — 


Au sud de Tongres, parmi toutes les ruines, on trouve 
bien peu de chose ayant plus qu'une valeur de curiosité; les 
<olons doivent donc avoir eu le temps d'emporter tout leur 
avoir. 

Parmi les ruines qui n’ont plus été réoccupées ultérieure- 
ment, jamais une monnaie, postérieure au règne. de Marc 
Aurèle, n’a été mise au jour, et tous les objets portent les carac- 
tères propres aux deux premiers siècles. 

Que sont devenus les colons de la Hesbaye ? 

En tout cas ils ne sont pas revenus dans nos contrées dans 
le courant du 2° ni au commencement du 3° siècle, car les 
fouilles aux cimetières des villas et aux cimetières de Tongres 
ne font constater que de bien rares dépôts funéraires apparte- 
nant à ces époques. 

Nous constatons aussi que les monnaies de ces temps 
parmi les ruines de Tongres et des environs sont extrêmement 
rares, dans nos coutrées ce n'était plus qu’une occupation 
réduite, et, parmi nos collections, les règnes, compris entre 
l'avènement de Commode (180) et le commencement du gou- 
vernement de Postume (260), sont extrêmement mal repré- 
sentés. 

Par contre aux cimetières de Tongres, les fouilles consta- 
tent la présence de dépôts funéraires à inhumation de Francs 
qui, en général, sont fort pauvres; ces dépôts se sont faits, en 
moyenne, à 3,50 m. de profondeur. Le mobilier de ces dépôts 
n'est en général composé que d'un senl petit pot, parfois em- 
prunté à un dépôt funéraire romain, car, à Tongres, les Francs 
se sont fait euterrer aux cimetières romains. 

Ce qui est encore une preuve que déjà les Francs étaient 
arrivés daus nos contrées au [II siècle, c'est que, parmi maints 
dépôts romains à incinération, se trouvent les armes de 
l'ennemi abattu, notamment la courte hache et la petite lance; 

Si en Hesbaye l'occupation romaine a presque disparu, il 
n'en est pas de même au sud de la Sambre-Meuse; en effet, le 
musée de Namur nous prouve, au contraire, par des objets pro- 
venus de nombreuses et fructueuses fouilles, que ces contrées 
étaient largement occupées vers la fin du Il[° et au commence- 
ment du [I]° siècle. Du reste, les objets réunis au musée de Namur 


— 474 — 


diffèrent notablement de ceux des deux premiers siècles, trou- 
vés en Hesbaye. 

Déjà à cette époque, c'est à dire vers la fin du Il° et au 
commencement du III siècle, la fabrication locale était large- 
ment organisée. 

Les fouilles, si productives, parmi les substructions des 
villas de Flavion et d'Anthée, dans l’Entre-Sambre et Meuse, 
on fait connaître l’importance d'une fabrication de bijoux 
variés, fibules, broches, émaux, etc., déjà parvenue à un haut 
degré de perfection. Nulle part on ne trouve une collection de 
ces bijoux comparable à celle du Musée de Namur (1). 

À noter que ces bijoux, qui appartiennent aux II° et 
III: siècles et qui sont de fabrication locale, n'ont que peu de 
rapports avec les objets de même usage des deux premiers 
siècles trouvés au Nord de la Sambre-Meuse et qui sont de 
fabrication étrangère. 

Quand les fabriques de bijoux de Flavion et d’ Anthée 
étaient en activité, leurs produits ont été dispersés dans toutes 
les contrées des environs et nous les rencontruns aussi parmi 
les dépôts funéraires des II° et IIT* siècles du Nord, mais jamais 
parmi le mobilier des grands tumulus. | 

Il est aussi à remarquer que plusieurs villas de la pro- 
vince de Namur ont été défendues au moyen d’enceintes 
maconnées, notamment Anthée et d’autres encore. De fortifi- 
cations semblables nous n'avons jamais constaté la moindre 
trace aux environs de Tongres ou en Hesbaye, et il a fallu un 
cataclysme pour arriver à une innovation aussi coûteuse (2), 
car les murs d’enceinte d’Authée comportent 2000 mètres de 
pourtour. 

L'occupation de la fertile Hesbaye durant les deux pre- 
miers siècles et une paix profonde laissaient le loisir aux 
colons d’honorer, en paix, les morts au moyen de monuments 
durables, bien que d’une construction difficile. 

La destruction, au II° siècle, de toutes les villas de la 
Hesbaye avait anéanti cette belle confiance, et, à partir de cette 
invasion, c'est-à-dire apiès le règne de Marc-Aurèle, les 


(1) Annales de la Société d'archéologie de Namur,t. XXV, fase. 3. 
(2) Annales de la Societe d'archéologie de Namur, t. XIV et XV. 


— 475 — 


colons n'ont plus voulu, au moyen de tumulus, honorer la 
mémoire de leurs bienfaiteurs ou parents et signaler ainsi les 
lieux des dépôts funéraires. Donc, l'occupation romaine dans 
nos contrées, où les colons n’ont plus érigé de hauts tumulus, 
est postérieure à celle du Haut-Empire de la Hesbaye, et cette 
preuve est faite tant par les monuuies que par les objets dont se 
composent les mobiiiers funéraires des cimetières de cette 
époque. | 

Nous avons fouillé de nombreux tumulus (environ 25), 
et les comptes-rendus d’autres fouilles antérieures donnent le 
même résultat, c’est-à-dire qu'après l'invasion qui a eu lieu 
vers la fin du règne de Marc-Aurèle on n'a plus érigé de 
hauts tumulus. Là où, par système, les Romains n’en ont plus 
érigé, leurs occupations sont postérieures. 

Ce qui ressort de nos fouiiles et trouvailles c’est que vers 
la fin du III: siècle, vers 260 environ, nos contrées out été 
réoccupées insensiblement : en effet, nos collections contiennent 
plus de 500 monnaies de Claude IT, plus de 1000 de Tétricus 
et de Poxstumus. Toutes ces monnaies ont été trouvées, isolé- 
ment, à l’'emplacenent qui paraît avoir été le centre de la ville 
à cette époque, c'est-à-dire les terrains entre les routes de 
Koningsheim et de Saint-Trond. 

L'étude des revers des monnaies de Postume suffirait 
presque à recoustitner l'histoire de ces temps de barbarie. 

Il faut croire qu'il en était à Tongres comme en France, 
pour beaucoup de villes : l’enceinte du I°r siècle de la ville de 
Tongres était trop grande pour pouvoir être défendue conve- 
nablement; aussi l'enceinte maconuée, érigée sous le règne de 
Tibère, a été réduite au 1/3, euviron, de la surface primitive. 
Une partie des substructions de cette seconde enceinte subaiste 
ainsi que celles de l’enceinte du Castellum de la même époque; 
les murs ont une épaisseur de 1"70 et 2"10 en fondation ; les 
substructions énormes de 2 forts, à l'emplacement où l'en- 
ceinte réduite rejoint l'enceinte du [rr siècle, existent aussi. 

Afin d'engager les colons à venir réoccuper les villas, en 
ruines, aux abords de Tongres, on a construit une enceinte en 
terre enveloppant une surface de terre arable de 1200 hectares 
pouvant, en cas de nouvelles invasions, servir de refuge aux 
colons des environs et à leur bétail. Ce refuge, qui existe encore 


— 476 — 


en bonne partie, est constitué d'un côté au moyen d’un 
rempart de 6700" de développement, qui, en certains endroits, 
a encore 25 à 30" de hauteur, de l'autre, au moyeu d'une 


partie de 4000" de longueur de la rivière, le Jeker, permet- 


tant l'inondation d'immenses prairies. 

Ce formidable rempart porte aujourd'hui le nom de 
Zeedyken, et forme une superbe promenade publique. 

Pour expliquer comment on a trouvé utile de faire con- 
struire une si formidable enceinte à Tongres, il faut se rappeler 
que Tongres était la porte d'entrée vers les contrées du sud ; il 
se trouvait à la jonction de toutes les routes, qui, de toutes les 
directions, y aboutissaient. C'est un des ouvrages les plus con- 
sidérables du IIT siècle dans le Nord. 

Quand ce refuge a été construit, l'enceinte du I°r siècle ne 
servait plus, car cette dernière enceinte et le refuge peu dis- 
tant sont parallèles sur environ 200 mètres. La levée en terre du 
refuge commence juste à l'endroit où le mur en maçonnerie de 
la même épuque part de l’enceinte du I" siècle. Donc, la levée 
en terre formant le refuge est bien de l’époque de la restaura- 
tion de la puissance romaine dans nos contrées, c’est à dire de 
l'époque de Constance Chlore et de Dioclétien, qui, du reste, 
ont fait faire le rétrécissement des enceintes de toutes les 
villes de France existant à cette époque. Des fouilles ou 
tranchées pratiquées dans cette enceinte ont mis au jour des 
débris appartenant aux deux premiers siècles. 

Toutes ces dispositions ont eu pour but le repeuplement 
du pays. Aussi beaucoup de villas ont-elles été reconstruites et 
réoccupées ainsi que le prouve les découvertes de monnaies 
parmi les substructions fouillées dans nos contrées. Ainsi, 
parmi les substructions de villas, notamment à Reckheim, 
Neer-Haeren, Maestricht, Koningsheim la villa, Tongres, 
Vechmael, etc. (1), il a été trouvé de nombreuses monnaies du 
Bas-Empire et surtout de l'époque de Constance Chlore et de 
Constantin le Grand. 


(1) HABETS, Découvertes d'antiguités dans le Limbourg (Ruremonde). — 
BaMPs et VAN NEUSS. Villa belgo-romaine de Neer: Haeren (Bull. des Comm. 
roy. d'art et d'archéologie. Bulletin de la Soctelé Scientifique et Littéraire du 
Limbourg, t. XVII, XVIII, XIX, XX. 


— 477 — 


Nous avons trouvé parmi ces décombres plus de 1000 de 
ces monnaies. 

En ce qui concerne les ornements, les bijoux, les usten- 
siles de ménage ou objets destinés aux tombeaux, nas contrées 
n'étaient plus tributaires de Rome, tout se fäbriquait dans le 


No 40. — Objets de fouille du Bas-Empire. 


pays, presque sur place, en imitant ou en simplifiant les 
formes anciennes. C'est une époque de décadence. 

La monnaie, tant celle en or, que celle en argent ou en 
bronze est devenue plate, peu artistique, presque sans saillie; 
celle en argent surtout est fortement fulsifiée ; les beaux vases 
en terre rouge dure sont faits en terre vernissée ; les grandes 
bouteilles en gros verre bleu ne sont plus connues : elles sont 
remplacées par-des vases en verre commun, blanc ou bleu. 


— 478 — 


Quant aux vases en terre, ils n’ont plus la forme, si carac- 
téristique, si délicate de ceux des deux premiers siècles (voir 
fig. n° 40 : Bas-E'mpire). 

A Tongres on trouve des milliers de monnaies à l'effi- 
gie d'empereurs qui ont régné entre les années 270-408. On y 
trouve des monnaies que, même en Italie, on considère comme 
des raretés, notamment d’Alectus, de Marius, de Quiétus, etc. 
Nos collections contiennent des monnaies de 100 empereurs, 
et toutes ces monnaies ont été trouvées à Tongres ou aux 
environs. 

La ville de Tongres a été entièrement reconstruite vers 
280 dans son enceinte réduite, avec un castellum de plus 
grandes dimensions que celui du l* siècle. Nous constatons 
des maisons de ville de dimensions énormes bâties à l'emplace- 
ment de ruines anciennes et pourvues de salles d’hypocauste 
comme on n'en trouve guère le long du Rhin; en effet nous 
en avons découvert une dont les petites colonnes, formées de 
15 rondelles, ont 0"70 de hauteur soutenant trois épaisseurs 
de carreaux dont les derniers ont 0"60 de longueur et 0"50 
de largeur. Aucun hypocauste des villas le long du Rhin 
n'a l'importance d’un de ceux que nous avons conservés à 
Tongres. 

Malgré l’importance de l'occupation romaine de la Hes- 
bave au Bas-Empire, on n’a plus érigé un seul tumulus dans 
le plat pays. Les dépôts funéraires n’ont plus été signalés 
dans la crainte des profanations lors des invasions. 

Après le règne de Constantin le Grand, vers le milieu du 
IV: siècle, la population franque augmente rapidement tant à 
Tongres qu'en d'autres endroits de nos contrées. 

Leur présence est signalé par les bouleversements dans 
les cimetières romains. 

Il est assez aisé de distinguer les dépôts funéraires des 
Francs de la 1" invasion de ceux des Romuins païens et de 
ceux des Francs arrivés aux [Vr et V° siècles. 

En effet, les dépôts funéraires des Francs de la 1" inva- 
sion sont à inhumation ; ils se trouvent d'habitude à 3%50 de 
profondeur, et les Francs ont employé, en général, des vases 
romains ayant servi à des sépultures romaines. 


— 479 — 


_ IÌs ont aussi placé, à côté du corps, les armes ayant appar- 
tenu au défunt, ce qui, pour les Romains, ne se faisait qu'ex- 
ceptionnellement pour les colons. 

Vers la fin du IV: siècle et après la grande invasion des 
Vandales, au commencement du V* siècle, vers 408, une autre 
occupation franque s’est répandue en Hesbaye. Elle n’a pas 
été limitée à Tongres car, par nos fouilles, nous constatons 
la présence des Francs en divers endroits, et toujours ils ont 
occupé les champs cultivés antérieurement, par les colons 
romains. 

Nous citerons Tongres et ses abords immédiats : Konings- 
heim, résidence ou habitation du Roi, Berg lez-Petit-Spau- 
wen, Hollogne aux Pierres, etc. 

C’est à eux qu'on doit du reste cette énorme quantité 
de monnaies, assez barbares, frappées à Trèves et ailleurs, à 
l'effigie des empereurs romains Gratien, Honorius, Arcadius, 
Constantin III, etc. Og en découvre isolément des milliers à 
Tongres, ainsi que le constatent nos collections. 

Il faut croire que le bronze n’était pas commun, car la 
plupart de ces petites monnaies ne pèsent pas même un 
gramme. 

L'ornementation des bijoux francs des V° et VI: siècles, 
ou même d’objets d’un usage courant, a généralement pour 
base, non pas un tracé curviligne comme les objets romains 
de la belle époque, mais plutôt des dessins géométriques recti- 
lignes ; ainsi le vase à cachets ou portant des ornements à la 
roulette, présente des dessins rectilignes. 

Au point de vue de l’ornement, deux choses sont à distin- 
guer : la forme et l’ornement (voir fig. n° 41 : Æ£’poque franque 
et mérovingienne). 

En ce qui concerne la forme, on peut dire qu’elle procède 
toujours d'une figure géométrique rectiligne. 

Quant aux ornements du champ ou de l'intérieur du 
cadre, ils appartiennent ordinairement à deux types dont les 
sujets étaient habituellement sous les yeux de leurs auteurs, 
c'est à dire la forme humaine et celle des animaux domestiques 
ou malfaisants. Par inexpérience, les graveurs ont donné à 
ces types les formes les plus fantaisistes, accusant ainsi des 





— 480 — 


relations peu fréquentes, peu suivies, avec les artisans romains. 
S'ils ont donné des formes bizarres, c'est qu’ils n'avaient 
pas connaissance des modèles d'ornements employés avant 
eux par les Romains ou qu'ils ne savaient pas les imiter. 
C'est donc une manière de faire naïve, qui leur est propre, 
que les Francs de la 24 période, des V* et VI‘ siècles, ont intro- 
duite dans nos contrées; c'est un procédé original, qu'il est 


Ne 41. — Objets de fouille de l'époque franque. 


intéressant d'analyser et de suivre dans ses développements 
au moyen âge, parce qu'il n'est pas emprunté aux Romains. 
L'art franc s'est done substitué à l'art romain dès le 
V siècle, voilà ce qui est établi par les dépôts funéraires. 
Le panthéon des dieux grecs et romains n’y figure plus; 
par contre on commence à y introduire quelques événements 


— 481 — 


de la vie du Christ : ainsi nous trouvons déjà, sur maints 
cercueils des V° et VI: siècles, des croix en fer de la forme des 
croix de saint André. 

Beaucoup de fibules sont ornées de croix ; leur variété va 

à l'infini. 

Des variétés de fibules ont aussi la partie centrale ornée 
de têtes d'animaux fantastiques. 

Des peignes en ivoire sont ornés de figures géométriques, 
de lignes croisées ou parallèles. 

Une variété d'objets en jayet, tels que bracelets, épingles, 
etc., ont des formes géométriques. 

Quant aux vases, la patère est devenue plate comme une 
assiette ou un grand plat, le galbe des vases à boire, de l’épo- 
que romain, est toujours curviligne comme celui d’une poire, 
le galbe des vases francs est rectiligne, de forme conique. 

Certains vases à boire ont le corps formé de deux troncs 
de cône réunis par la base, et, sur le tronc de cône supérieur, 
on a appliqué un troisième tronc de cône renversé. 

L'umbo des boucliers est de forme sphérique à l’époque 
romaine, le profil de celui des Francs est pointu. 

Au moyen âge c'est le goût naïf ou barbare des Francs 
qui a prévalu, et l’art romain, si fin, mais si difficile à imiter, 
a eu peu ou pas d'influence. Ainsi que nous l'avons déjà fait 
remarquer, beaucoup de vases, travaillés au tour à l’époque 
franque, ne sont pas d’un travail beaucoup plus fin ou mieux 
soigné que certains vases de l’époque de la pierre polie. 

Ajoutons, pour terminer, que les arts grecs ont passé par 
Rome pour se répandre le long du Rhin et dans nos contrées 
aux deux premiers siècles, quand nos contrées étuient devenues 
le grenier de Rome. 

Ils sont retournés, tout en étant sollicités à Rome par 
Constantin le Grand, à Byzance devenu Constantinople, où 
ils se sont endormis. 


Tongres, 11 juin 1907. 


31 


L'Evolution corporative en Flandre à la fin 
du XIII: siècle 


par G. DES MAREZ, 


Professeur à l’Université libre de Bruxelles. 


Les origines des associations professionnelles en Belgique 
n'ont pas fait jusqu’à présent l'objet de recherches spéciales, 
et les historiens se sont contentés d’appliquer à notre pays les 
théories générales émises en Allemagne. On croit communé- 
ment que les corporations sont anciennes; affirmer qu’elles 
n’existaient pas encore au XIII° siècle, ce serait certainement 
heurter des idées reçues et faire naître aussitôt les plus grandes 
réserves. Or, nos recherches en la matière nous ont convaincu 
qu’à la fin du XIII: siècle, la corporation n'était pas encore 
établie en Flandre, et pur corporation nous entendons une 
association professionnelle, investie d'une certaine autonomie, 
munie de règlements officiellement reconnus, et dirigée par 
des chefs librement choisis par elle. 

Avant l’éclosion définitive de la corporation, les artisans 
constituaient des groupements économiques. Ceux-ci tendent 
à l'émancipation, et soutiennent contre le pouvoir urbain 
aristocratique une lutte acharnée. Cette hostilité de la part 
des échevinages patriciens flamands s'explique en grande 
partie par le caractère politique que le groupement profession- 
nel a revêtu. Conçu au début comme une association à base 
économique, il ne tarde pas à servir aux artisaus d'arme de 
combat et d’émancipation politique. Au fur et à mesure que 
les artisans se rapprochent du but final de leurs efforts, nous 
voyons l’idée corporative se fortifier sans cesse davantage. 

Dans la seconde moitié du XIII siècle, les ouvriers de 
la draperie ont réussi à former des groupements, qui se sont 


— 483 — 


imposés à l'attention du pouvoir urbain. C’est ainsi qu'en 
1252, à Bruges, il est question du doyen et des vinders ou 
inventores des tisserands. Ces mêmes magistrats se retrouvent 
dans l’ordonnance du 28 septembre 1280, où il est dit que 
« tout artisan, arrivé dans la ville de Bruges depuis le mois 
d'août et désireux d'exercer sa profession, doit se présenter 
accompagné du doyen de son métier, de deux vinders, et du 
maître, avec lequel il veut travailler, afin de se faire inscrire 
dans les registres de la ville et gagner sa bourgeoisie ». Ces 
magistrats n’existent pas encore pour toutes les professions, 
car « s’il se faisait que pour une profession il n’existait pas 
de doyen ou de vinders, dans ce cas l'artisan devait se pré- 
senter avec deux bonnes gens de son métier, et gagner ainsi 
sa bourgeoisie. » (WARNKÖNIG-GHELDOLF, Aisloire constitu- 
tionnelle de la ville de Bruges, Bruxelles, s. d. Pièce n° 13, 
$ 4). — Le doyen, dont il est question ici, est le decanus 
draperie. IÌ a la surveillance des tisserands. À ses côtés fono- 
tionne un autre decanus, qu'on appelle le decanus sagorum, 
qui surveille les foulons et les tondeurs. — À Bruges, on 
rencontre également un decanus pour les tanneurs; de même 
aussi, un decanus pour les fabricants de chandelles. Les 
autres groupements professionnels semblent ne pas avoir de 
decanus (Texte de 1297, traitant de la reddition de la ville 
de Bruges à Philippe le Bel. Girioptrs-VAN SEVEREN. Zno. 
des Arch. de la ville de Bruges, 1, p. 54, note 1). 

Or, et c’est ici le point important de la théorie que nous 
entendons développer, ces doyens et vinders sont des fonc- 
tionnaires désignés par le pouvoir échevinal pour surveiller 
certaines branches de la production urbaine et certaines 
réunions d'artisans. Dans la suite, ils vont disparaitre, et 
faire place à des jurés ou jwrati, chefs élus par les artisans 
directement, et qui prendront également dans la suite le titre 
de doyens. Cette substitution du titre de doyen à celui de 
juré (juralus, gezwoorne) a été cause de la confusion faite 
entre deux espèces de magistrats absolument distincts. 

En 1284, les tisserands de Bruges constituent parmi eux 
une mutualité ou société charitable. On mentionne toujours 
les, deken. et vinders. En 1294, les statuts de 1284 sont 


— 484 — 


élaborés de rechef, mais, au lieu de vinders (texte de 1284), 
on inscrit dans le texte renouvelé gesworene (Pirenne et 
Espixas, Recueil de documents relatifs à l'industrie drapière 
en Flandre, I, pp. 398 et suivantes, ordonnance de 1284, à 
comparer à celle de 1294, pp. 464 et suiv.). Les foulons, la 
même année, ont un semonceur (maenre) et des jurés (Zbidem, 
page 485); les tondeurs ont aussi des jurés (/bidem, page 496). 
Ces différents textes prouvent que ce sont les artisans de la 
draperie, les tisserands, les foulons et les tondeurs, qui ont 
réalisé le plus rapidement l’idée corporative. | 

À Ypres, le soulèvement de 1280, connu sous le nom de 
Cockerulle, eut pour les artisans une portée économique très 
grande. La sentence, rendue par Guy de Dampierre, le 
jer avril 1281 (WarnkôniG-Gneznozr, Mistoire de la ville 
d’Ypres. Pièce n° 44), est particulièrement instructive. Elle 
fait voir que les artisans avaient formé entr’eux des associa- 
tions jurées, qui sont déclarées dissoutes, et, pour empécher 
leur retour, elle édicte des mesures draconiennes. L’émeute 
de 1280 ne fut cependant pas inutile à la cause ouvrière, et 
c’est à partir de cette époque que nous trouvons une législa- 
tion du travail écrite, reconnaissant certains usages observés 
de fait par les artisans. Toutefois nulle part, avant 1302, 
nous ne découvrons la moindre trace d’organes ou de chefs 
corporatifs. 

Cependant à Ypres, comme à Bruges, il existait des 
groupements économiques, parmi lesquels les groupements 
des tisserands, des foulons et des tondeurs étaient les plus 
solides. Ils sont dirigés par des circuilores, assistés d’un 
clericus. D'autre part, il y a des sigillatores. Pour la surveil- 
lance des denrées alimentaires, il y a les circuilores panis, et 
ceux qui inspectent la viande et le poisson. Ces circuitores, 
semblables aux vinders de Bruges, aux eswardeurs de Douai, 
sont des fonctionnaires délégués par le pouvoir urbain 
(Comptes communaux d'Fpres, 1267, 1280, 1281, aux Archi- 
ves de la ville d’Y pres). 

Les groupements économiques, qui accusent très nette- 
ment déjà leur action à la fin du XIIIe siècle, arrivent au 
stade final de leur évolution lors de la victoire démocratique 


— 485 — 


de 1302 (bataille des Eperons d’or). À Bruges, les corpora- 
tions s'organisent, avec des chefs propres, dans toutes les 
branches de l’industrie, et toutes ensemble elles sont répar- 
ties en neuf catégories, appelées memöres. À Ypres, chose 
significative, les corporations apparaissent brusquement, entiè- 
rement achevées, au lendemain de la bataille de Courtrai. 
Elles ont désormais des chefs, des doyens, et même cinq 
d’entr’elles — les tisserands, les foulons, les tondeurs, les 
bouchers et les poissonniers — ont des sceaux, indice d’une 
autonomie largement accentuée. Toutefois, en 1328, il s'opère 
une certaine réaction. La liberté corporative est restreinte, et 
les sceaux disparaissent. 

En résumé, nous croyons qu’en règle générale les cor- 
porations, contrairement aux idées reçues, n’avaient pas 
achevé leur évolution à la fin du XIII siècle, Celle-ci s’accom- 
plit après 1302. Il existait simplement des groupements éco- 
nomiques, dirigés par des fonctionnaires municipaux. 


Les Archives Farnésiennes de Naples 
au point de vue des Pays-Bas, 
par le Chanoine ArrrED CAUCHIE, 


Professeur à l’université de Louvain, 


et LÉon VAN DER ESSEN, 
Docteur en philosophie et lettres. 





De tous les dépôts d’archives signalés à l'attention de la 
Belgique et de l'Europe par Gachard, l’un des plus riches pour 
notre histoire nationale au XVI siècle est incontestablement 
le Grande Archivio di Stato à Naples. Le fonds des Archives 
Farnésiennes contient de si nombreuses et de si importantes 
sources, que « c'est en vain », selon la parole de l’illustre 
historien, « qu'on rechercherait de pareils documents dans les 
archives de la Belgique, de l'Espagne, de Vienne, de La Haye». 

Depuis 1868, date de la laborieuse enquête de l’infatigable 
chercheur dans ces archives, celles-ci ont donné lieu à diver- 
ses publications de Gachard même et de Piot et fourni de 
considérables matériaux à la publication, faite sous les auspices 
de la Commission royale d'histoire, de la Correspondance du 
cardinal de Granvelle (12 vol. Bruxelles, 1878-1896), tandis 
que l’un ou l’autre écrit insistait sur l'utilité d'y entreprendre 
de nouvelles fouilles. 

Mais, alors que des savants de tous pays n'ont cessé 
d'explorer ces richesses, alors qu’un historien italien, M° P. 
Fea, a composé, à l’aide de ce fonds, un volume des plus 
importants pour notre histoire (Alessandro Farnese, duca di 
Parma. Rome, 1886), voici que, depuis l’achèvement de la 
publication de la Correspondance du cardinal de Granvelle, 
ce précieux patrimoine de notre histoire a été en quelque 
sorte délaissé par les Belges. Voilà pourquoi, à l'heure 
où l'esprit d'initiative de la Belgique s’affirme de plus en 


— 487 — 


plus dans le domaine des recherches scientifiques, à l’heure 
où la Commission royale d'histoire, grâce à la libéralité de 
notre gouvernement, organise des missions en vue de réper- 
torier à l'étranger les documents relatifs à l’histoire de Bel- 
gique, il nous a semblé opportun d'attirer de nouveau l’atten- 
tion des érudits sur les Archives Farnésiennes. 

On peut tout d’abord se demander quelles sont les 
richesses qu'elles contiennent, particulièrement au point de 
vue des Pays-Bas. 


I. 


Aujourd'hui l’ensemble de cette collection comprend 
environ 1800 fardes constituant, au Grande Archivio di Stato 
à Naples, la Zavola X7V de la prima sezione du secondo uficio 
des archives (1). Pour en donner une idée, nous ferons rapide- 
ment ici l’historique de ces Archives Farnésiennes; en même 
temps nous indiquerons les divers inventaires qui en ont été 
dressés depuis une cinquantaine d’années (2). 

En 1592, Ranuccio I Farnèse, fils d’ Alexandre Farnèse, 
créa à Parme un dépôt d’archives ducales (3). Les documents 
relatifs au gouvernement de Marguerite de Parme et de son 
fils Alexandre en Flandre, les actes concernant le douaire de 
Marguerite et les fiefs de la famille Karnèse, les lettres et 
correspondances avec les souverains d’Espagne et les autres 
souverains, princes et magnats, furent sur l’ordre de Ranuc- 
cio rassemblés et placés dans cet archivio (4). Les archives 
ducales étaient secrètes. 





(1) TRINCHERA, Degli archief napolitan:i. Naples, 1872. 

(2) Quelques anciens inventaires sont d’ailleurs cités plus loin. Voir 
aussi A. CAUCHIE, Znventaires des archives de Marguerite de Parme, dresses 
après la mort de cette princesse, précédés d'une liste d'anciens inventaires 
d'archives et de joyaux conservés aux Archives farnésiennes à Naples, dans 
les CRHBull., t. LX XVI (1907), pp. 61 svv. 

(3, Cf. Notizie risguardanti l'Archivio Farnesiano ora conservato nele 
Archivio di Stato in Napoli, raccolte dal sottoarchivista NICOLA BARONE e 
pubblicate a cura della direzione di questo archivio medesimo. Naples, 1898. 

(4) Cf. GACHARD, Les Archives Farnésiennes à Naples, dans les CRH 
Bull, 3° sér., t. III (18701, p. 245. — Vazio, Relazione sugli archiv: di stato 
#aliani, p. 168. Rome, 1883. . . 


— 488 — 


En 1597 Ranuccio chargea l'archiviste Cesare Ripa, 
titulaire de la maison, de cenfectionner an inventaire alpha- 
bétique, conservé aujourd’hui parmi les papiers farnésiens (1). 
D'après cet inventaire on voit que l’archivio ducal comprenait 
deux chambres, où les documents étaient répartis dans 116 
cassetti. Mais de nouveaux documents affluaient continuelle- 
ment. Ces accroissement: sollicitèrent en 1621, l’interven- 
tiou d’un second archivista, Francesco Moresco, peut-être lui 
aussi archiviste ducal. Ranuccio lui fit rédiger un rapport; 
Moresco envoya sa relatiou à la cour de Parme. D’après ce 
rapport on voit que les archives, contenues dans les cassetli, 
étaient conservées dans deux credenzoni, placés l'un dans la 
chambre dite « Scura », l'autre dans la chambre dite « della 
Parma ». Le premier credenzone conprenait 240 cassetti, le 
second 216, numérotés progressivement. Il y avait de plus 
cinq cantoni, avec 40 cassetti de duplicata, ce qui porte le 
nombre à 496 cassetti. À druite de la stanza scura, se trouvait 
un autre credenzone avec inventaire « fatto per alfabeto » 
pour effectuer des recherches dans les 240 cuisses de la Scura. 
L'archivio comptait sous Moresco 584 cassettes; il s'était donc 
accrû de 80 cassetti. 

Durant la période de 1621 à 1725, on transporta à Parme 
plusieurs collections de documents reposant au palais Farnèse 
à Rome, et en diverses villes où la famille Farnèse avait exercé 
des droits souverains et avait accrédité des ministres ducaux. 
Cela résulte de divers inventaires compilés alors. Ainsi, en 
1627 Magno compile un inventaire des écritures renvoyées 
du palais Farnèse de Rome en 1626 : c'étaient des documents 
regardant les personnes, droits et états de In « casa Farnese. » 
Ds furent reliés en fascicules mis dans la Scura, comme il 
résulte de l’Arca scriplurarum domus farnesiane facta a me 
Alexandro Magno anno 1627 (9). Cette même année fut com 
posé un Jndex generalis totius archivi ducelis eztractus ez 
diverses indicibus el reperloriis eiusdem Archivi (3). 





: " À) Carte Farnesiane, filza 6, 32 num. 
12) BARONE, op. cit., p. 3,n. 1. - 
\8) Carte Farnesiane, filza 1, 32 num. 


— 489 — 


D’après cet inventaire général, on voit que les documents 
étaient mis en #/ze (file) ou liés en bottes (mazzi), numérotés et 
placés dans des boîtes (capsulae). Le désordre s’y mit bientôt 
parce que des documents furent enlevés pour être consultés. 
Le 24 août 1725, le duc Francois Farnèse, de sa résidence de 
Colorno, chargea le comte Pagani de se rendre à « l'archivio 
segreto » pour rechercher un concordat qui avait été conclu 
vers le milieu du siècle précédent entre la: cour ducale et le roi 
d’Espagne. A cette occasion, Pagani rédigea un mémoire : 
Memoria delle cause per le quale si rende dificultoso il 
rinvenire le scritture dell’ A. S. di S. A. S. con dl loro 
provedimento (1). 

Cependant, à la mort du duc Antoine Farnèse (1931), la 
succession aux états de Parme et de Plaisance revint au pre- 
mier né d’Élisabeth Farnèse, épouse du roi Philippe V 
d’Espagne depuis 1714. En vertu du traité de Londres de 
1718, Charles de Bourbon, fils d’Élisabeth, devint donc duc 
de Parme et de Plaisance. Mais en 1734, il fut appelé au 
trône de Naples. En allaut se fixer au palais royal de Naples, 
Charles emmena, outre le médailler et la bibliothèque, beau- 
coup de documents avec lui, tels les documents signés 
Memorie genealogiche e documenti per interesse particolare 
della F. F. — Casa ducale — Segretaria farnesiana — Cause 
civile e criminale — Carteggio tenulo dai governatori e dalla 
communitd di Parma e Piacenza con la Segretaria ducale — 
Afari ecclesiastici — Milizie — Affari estere — Camerino ; 
cilla e ducalo, On a retrouvé quelques listes des documents 
envoyés alors à Naples (du 29 décembre 1735 au 4 janvier 
1736, etc.). 

Ces archives, qui, malgré leur secret, voyageaient ainsi, 
furent pourtant tenues fermées aux savants. Les documents 
qui avaient été emmenés à Naples furent jalousement enfer: 
més au palais royal durant le règne de Charles III et pendant 
plusieurs années du règne de son fils Ferdinand IV. À Parme, 
Muratori ne put examiner les archives pour. des motifs de 


(1) Publié par BARONE, op. cif., pp. 15-18. 


= ‘490 — 


rivalité politique, Le premier qui put-les consulter fut Pezzana 
(1774), lors de ses recherches préparatoires en vue de l’histoire 
de Guastalla. 

Il rapporte que les plus importants des documents jadis 
‘emmenés à Naples furent renvoyés à Parme en 1769 par 
Ferdinand IV. En effet, en 1766, le duc de Parme, Ferdinand 
de Bourbon, s’était décidé, sur le conseil de son célèbre 
ministre Du Tillot, à réclamer au roi de Naples les documents 
farnésiens jadis emmenés par Charles III. Ferdinand IV ren- 
voya 33 caisses de papiers, se rapportant essentiellement aux 
intérêts privés de la famille Farnèse. Ils s’identifient avec les 
documents que nous avons cités ci-devant (en caractères 
italiques) comme ayant été emmenés par Charles III. Actuel- 
lement ils constituent, en majeure partie, le fonds farnésien 
des archives de Parme. 

Plus tard on constate que l’archivio ducal de Parme 
contenait, outre les documents restitués, une partie du Carteg- 
gio Farnesiano pour matières ecclésiastiques et politiques, 
traitéés par le cardinal Alexandre Farnèse (1): il contenait 
aussi des actes divers regardant les ducs de Parme et leurs 
ministres. Cet archivio ducal forma, sous le nom de Archivio 
dei Farnesiet d’Archivio di Borbone, une section de \’. Archivio 
generale di Stato, appelé d’abord ainsi par décret de Marie= 
Louise d'Autriche, en date du 15 octobre 1816, puis nommé 
Archivio di Stato, lorsque, lors du « risorgimento », il fut 
placé sous la dépendance du ministère de l'Intérieur aussi 
bien que les archives de Milan, Brescia, Turin, Gènes,; 
Cagliari, Palerme. - 

Les autres documents non restitués par | Ferdinand IV 
restèrent à Naples au palais royal. En 1799, lors d’une 
émeute populaire, plusieurs documents furent sur le point 
d’être brûlés par la populace, mais ils furent sauvés par des 
particuliers et puis déposés dans la Biblioteca Bor bonica, du 
moins à èn croire le comte Greppi. 
"Lorsque en 1868 Gachard les demanda en communication; 


_ 


(1) Ce Carteggio avait été transporté de Rome à Parme en 1590, 





"= 491 — 


l'administration de la Biblioteca Borbonica (aujourd’hui la 
Bibliothèque Nationale) lui répondit que jamais on n’y avait 
possédé des archives farnésiennes. Alors Gachard, ayant lu 
dans Bonaini (Gli archivi delle provincie dell Emilia e le loro 
condisione al finire del 1860, p. 168. Florence, 1861) que, en 
1853, M' Binchi avait eutendu dire que des documents farné- 
siens se trouvaient aux archives du Royaume (1) et principale- 
ment dans les archives de la Consulta, se rendit à l’.Archivio 
di Stato (2). 

Là on le renvoya au palais royal, où enfin il trouva 
réellement le reste des archives farnésiennes (3). « Dans les 
années qui précédèrent la chute du trône des Bourbons, un 
bibliothécaire du roi Ferdinand IV, M" Rossi, avait mis un 
certain ordre dans ces archives; il en avait formé de grosses 
liasses, étiquetées et numérotées, et les avait distribuées par 
armoires, selon les pays ou les affaires qu’elles concernaient : 
ainsi l’une renfermait les papiers rubriqués Fiandra, d’autres 
qui portaient les rubriques de Spagna, Francia, Roma, Porto- 
gallo, Parma, etc. » (1). On voulait que Mr Rossi en avait fait 
un certain inventaire qu'il conservait chez lui (s). Mais 
Gachard ne trouva pas ces’‘archives dans un endroit digne de 
leur valeur. « Mr Sacco (intendant de la Casa Reale) m'avait 
prévenu », écrit-il, « que l'examen des archives farnésiennes 
serait difficile, car elles étaient reléguées dans un grenier, et 
il n’en existait pas d'inventaire. Je fus conduit à l° "endroit où 
elles étaient déposées. Je trouvai là une vingtaine de grandes 


_ (1) Cf. GACHARD, op. cil, loc. cit., pp. 251-254. 

(2) Il savait que au Grande Archiviose trouvaient un petit nombre de do - 
cuments de comptabilité sans intérêt historique, y transportés en 1860. Cela 
régultait d’une. communication de Belmonte, directeur du G. A., à Greppt 
lorsque celui-ci, entre 1857 et 1858, allait à la recherche de documents 
concernant Marguerite et Alexandre Farnèse. Avec cette comptabilité 
furent renvoyés les Punzoni farnesiane, dont M" Barone a dressé un inven- 
taire. 

(8) L'Archivio generale della Casa reale et celui de la Consulta Se trou- 
vaient au couvent della Solitaria an Pizzofalcone, jusqu'à ce ‘qu’on y établit 
Ja guardia marina; alors-ils furent transportés à la Reggia (palais royal). 


(4) GACHARD, op. cit., loc. cit., pp. 21 et Bv. 
(5) BARONE, op. cit, p. 7. 


1 


— 492 — 


et profondes armoires toutes remplies de papiers (1). Je dus, 
avant tout, retirer de chacune de ces armoires les liasses qui 
y étaient rangées ou plutôt entassées, afin d’y jeter un coup 
d’æœil et de prendre note de celles qui, d’après leur étiquette, 
devaient avoir rapport aux affaires des Pays-Bas. Ce fut, je 
l’assure, une opération luborieuse et pénible. Il y avait là un 
millier de liasses au moins, composées généralement de plu- 
sieurs centaines de pièces; et, dans le déplacement qui en 
avait eu lieu, l’arrangement que Mr Rossi s'était appliqué à 
y introduire avait été bouleversé » (2). 

Un mois après la visite de Gachard, le ministre de la 
Real Casa permit le transport des archives à l’Archivio di 
Stato, dont l'administration avait jusque-là en vain réclamé 
cette urgente mesure. D’après le procès verbal du 13 Mai 
1868 il est dit qu'un inventaire sera fait d'après les notes de 
Mt Rossi sur les fascicules respeclifs (3). C'est probablement 
l'inventaire général qui existe encore aujourd'hui. 

Les Archives Farnésiennes ne sont pas complètes. Il y a 
encore des papiers farnésiens en circulatiou. En revanche, 
vers 1870 l’Archivio s’est enrichi de cinq nouvelles fardes et 
il eneexiste encore beaucoup aux archives du Vatican (4). 
Léon XIII en acquit en 1890 huit volumes nouveaux, où se 
trouvent notamment des lettres de Marguerite de Parme. 

En juin 1889, Mr Piot, archiviste général du royaume 
de Belgique, demanda à l'aîné d’entre nous d'exécuter quel- 
ques travaux aux Archives Farnésiennes de Naples. Il trouva 
les archives au grand Archivio, au local magnifique que 
constitue l'ancien couvent de San Severino. Le surintendant (3) 
avait corroboré les paroles de Gachard concernant la richesse 
de ce dépôt, et avait travaillé à l'ordonner. « Le souffle créateur 
de M: Trinchera, avait passé sur le chaos : les dix-huit cents 


(1) GACHARD, loc. cit. 

(21 Zidem. 

(3) BARONE. op. ci, p. 9. 

(4) A. Caucure, Les archives farnésiennes à Naples, dans les CRHBull., 
4° sér., t. XVII (1890), p. 85, n. 1. 

(S) Degli Archivi Napolitani, p. 66. 


— 493 — 


fardes de cette collection reposent maintenant dans une 
ordonnance régulière. Elles constituent la Zuvola X1V de la 
prima sezione du secondo ufizio des archives » (1). De plus s’y 
trouvait l'inventaire manuscrit qui fut probablement rédigé 
en 1868, en exécution des instructions ministérielles, lors du 
transport des papiers farnésiens de la Reggia au local actuel. 
C'est un recueil, d’après l'ordre numérique, des indications 
qui se trouvaient autrefois sur les divers volumes de cette 
collection (2). 

À. Cauchie conçut le projet d'en prendre copie, au moins 
dans les parties intéressant notre histoire nationale, et « après 
bien des instances » (3), l’archiviste Batti accorda l’autori:a- 
“tion d’en faire extraire par un employé des archives les indi- 
cations concernant la Belgique. Mais déjà Mr Bacha avait 
envoyé à la Commission royale d'histoire la publication des 
numéros 1622-1727 de linventaire manuscrit, extrait que 
éelui-ci avait obtenu grâce à l'intermédiaire de M! le ministre 
Van Loo (4). En comparant ces numéros-avec l’index édité par 
Gachard, on voit que ce dernier ne correspond plus à l’ordre 
réel des manuscrits et ne peut donc servir, les liasses ayant 
subi en 1868 une ordonnance nouvelle (3). A. Cauchie publin 
alors les autres numéros de l'inventaire manuscrit, regar- 
dant la Belgique, en annexe au rapport cité (6). 

Cet inventaire manuscrit, « comme la plupart des cata- 
logues de ce genre, est loin d'être parfait, et pèche souvent 
par défaut de détails et de précision … ; il ne peut guère servir 
à diriger les recherches de détail » (1). 

En 1900, le professeur hollandais M. Blok fut envoyé en 
Italie par son gouvernement pour y rechercher et répertorier 


(1) A. CAUCHIE, op. cit., loc. cit., p. 85. 

(2) Zbidem. 

(3) idem. 

(4) EB. BACHA, Les archives farnésiennes de Naples, dans les CRHBull „ 
ae sér ,t. XVI (1889), pp. 530-537. 

(5) A. CAUCHIE, op. cit, p. 86. 

(6) Loc. cit., pp. 90 et sv. 

(7) Zbidem, pp. 7-8. 


— 494 — 


les archives importantes pour l’histoire des Pays-Bas. Comme 
il s’agissait d’un inventaire sommaire, il ne put ajouter beau- 
coup de neuf, et se contenta de quelques indications supplé- 
mentaires consignées dans son rapport (Verslag van onder- 
zoekingen naar Archivalia in Italië, belangrijk voor de Geschie- 
denis van Nederland, op last der Regeering ingesteld, pp-79-76. 

La Haye, 1901). 

L’insuffisance de l'inventaire manuscrit poussa Mr Bar- 
tolomeo Capasso, surintendant-directeur du Grande Archivio 
di Napoli, et Mr Batti, chef de la section politico-diplomati- 
que, à entreprendre la rédaction d’un nouvel inventaire. 
Les Archives Farnésiennes comprenant une section de docu- 
ments sur papiers et une autre section de Pergamene, con- . 
servés dans la Sala Diplomatica (second étage), on a com- 
mencé par l'inventaire des Pergamene, reliés d’une façon 
remarquablement pratique, et classés par matières : Di- 
plomi. — Atli di Curia ecclesiastica. — Bolle e brevi 
pontifici. — Atli vescorili. — Alti di pronolari aposlolici. — 
Atli di nolari pontifici. On les a ensuite numérotés par 
ordre chronologique. Enfin, ils sont consignés séparément 
d’après cette double classification. L'inventaire est fini pour les 
Diplomi, les Brevi pontifici et les Atli notarili. La page est 
divisée en 10 colonnes : 1° numéro d'ordre ; 2° objet de l'acte; 
3° lieu; 4° année ; 5° mois; 6° jour; 7° indiction; 8° nom du 
souverain ; 9° indication sphragistique ou sigillographique ; 
10° remarques. Dans-le répertoire de chaque série se trouve 
une table onomastique et géographique. On a commencé le 
même travail pour les séries restantes. 

Simultanément on a commencé par ordonner les docu- 
ments en papier (cartacee). Mais avant de décrire ce travail, 
disons d’abord quelques mots des inventaires manuscrits de 
cette section. 

Nous avons déjà signalé celui de 1868. C'est un volume 
relié, grand in 4°, où les indications de chaque. fascio sont 
flanquées à gauche du numéro d'ordre, à droite de l'indication 
de l’année initiale et finale. Sans interrompre la progression 
numérique, au milieu est consignée la rubrique, Fiandra, 
Spagna, etc. Il s'y trouve des indications sur l’état matériel 


— 495 — 


des documents, p. ex. « avariato dall’ aqua.» (1), des notes 
complémentaires, des rectifications (1). | 

A la fin du répertoire se trouve la liste des rubriques, 
avec parfois les numéros correspondants (3) : 

Spagna. — Milano. — Fiandra, 75 a 76,1622a 1727, 
1764, 1766. — Toscana. — (Genova. — Siena. — Vienna 
— Venezia. — Lione. — Modena. — Bologna. — Ferrara. 
— Torino. — Stato dei Presidi. — Mantova. — Germania. 
— Portogallo. — Francia. — Londra. — Roma (4). — Cas= 
tro e Ronciglione. -— Napoli. — Parma e Piacenza. — 
Sicilia. — Olanda. — Russia. — Benevento e Pontecarra. — 





(1) Môme en ces derniefs temps, les Archives Farnésiennes n'ont pas 
toujours échappé aux avaries. Ainsi le fascio 1685 contient un paquet de 
minutes des lettres d'Alexandre Farnèse, dont la plupart sont en bonne 
partie illisibles. C'est que, en 1893, la pluie a pénétré dans les Carte Farne- 
siane. Nous avons rencontré bon nombre d'autres fasci de la rubrique 
Fiandra endommagés : l'eau avait lavé le papier et enlevé l'encre ; ensuite 
la moisiesure était venue et les feuilles collaient l'une à l'autre. De même 
le fascio 1678 est presque entièrement détruit. Il en est de même des fasci 
1721 et 1722, qui renferment des documents des plus importants. 

(2) Sans que Mr Bacha en soit responsable, la copie qu'on lui a 
procurée de la rubrique Fiandra n'est pas très exacte. Par exemple : 

INv. Ms. CRHBuLL. 

Ne L.Fiandra — Minute di lettere Ne 1. F. — Minute di lettere di 
di S. A. Margherita al Duca Ottavio, | S. A. Margherita al Duca, al Cardi- 
al Cardinate Alessandro ed al Prin- | nale, al Re, all’ Imperatore ed a suoi 
cipe, ed ai suoi agenti Lulli e Machia- | agents nel regno di Napoli. 
velli; lettere e rimostranze al Re di 
Spagna e all Imperatore, al Vicere ed 
ai vari suoi agents nel regno ed in 
Roma, ‘tanto dalle Fiandre, quanto 
dagli Abruzzi. 

(3) A la fin de cet inventaire se trouve l'indication suivante : « Dai fasci 
coi nn da 1356 a 1999 furono tutti gl'incartamenti riguardanti le pruove de 
nobilità fatte nell’ ordine constantiniano, i quali formano ora sette volumi 
distinti in quatro categorie (cioè registri, cavalieri, cappellani, patenti) e 
trovansi notati in appositi elenchi in fine dal repertorio ed indiche col titolo 
« Ordine Costantiniano » eseguito per registrarvi le altre pratiche rimasti nei - 
fasci medesimi e non concernenti pruove di nobilità. I predetti sette volumi 
sono stati collocati dopo il n° 1842 delle filze dell’ archivio farnesiano. » 
Cfr no 9607 di corrispondenza dell’ Ufficio politico. 

(4) Sous le titre Roma, on a ajouté les « carteggi » de Pier Luigi Far- 
nèse et des correspondants du cardiaal Alexandre. Ces fasci forment 9 nou- 
veaux fascicules. Signalons le fo 6 : Avuvisi (1526 à 1593). 


— 496 — 


Svizzera. — Polonia. — Ordine di Malta. — Toson d'Oro. — 
Ordine Costantiniano. — Collegio Aucarana. — Musei, bibl. 
— Archivio. — Industrie ducale e reale. — Inventari. — 
Aulographi. — Generalilà. — Islrumenti. — Teslamenti. — 
Cifre. 

Enfin, sur papier administratif, co-relié dans l'inven- 
taire manuscrit on trouve : « Elencho delle rubriche diverse 
preesistenti in Archivio e non riportate nell’ultimo Inven- 
tario di consegna delle carte farnesiane ». 

Il est à noter que la division, dans cet inventaire de 1868, 
en Von-autografi et Autograft est absolument fantaisiste. La 
première section contient énormement d’autograplies (1). 

Il existe ensuite des inventaires manuscrits particuliers, 
coufectionnés après la visite de A. Cauchie aux archives. Ils 
sont au nombre de 11 et correspondent chacun aux rubriques 
spéciales des Archives Farnésiennes. A raison de leur impor- 
tance exceptionelle pour les travailleurs, on ne peut omettre 
d'en dire quelques mots. | 

I. Un inventaire volumineux, intitulé : Carte Farnesiane — 
Roma. C’est un grand registre in 4°, qui contient successive- 
ment a) l'index alphabétiqne des noms des correspondants des 
documents classés sous la rubrique Roma, avec, en regard, 
les années correspondantes et les endroits d’où ces lettres 
sont datées. 6) Un index chronologique. En haut de la feuille 
est renseignée l’année, et en dessous, dans une première 
colonne, sont rangés les noms des correspondants des iettres 
datant de cette année; dans une seconde colonne sont indiqués 
les numéros des fasci contenant ces documents. c) Un index 
des dates topiques, divisé en deux colonnes. Dans là première 
sont notés les endroits, dans la seconde les fasci correspon- 
dants. Cet inventaire se rapporte aux fasci 687-777. 

IT. Une série d'inventaires grand in 4°, reliés en toile 
grise, récents : 


(1) Cf. A. CAUCHIE, Episodes de l'histoire religieuse de la ville d'Anvers 
durant le second semestre de l'année 1566. Correspondance de Daniel di 
Bomalès avec François di Marchi, dans les Analectes pour servir à l'histoire 
ecclésiastique de la Belgique, 2° sér., t. VII (1892), p. 20. 


— 497 — 


1. Un inventaire intitulé : ? Farnesiane — Spagna, fasci 
1a 66 e 1735 a 1738. — Après une introduction substan- 
tielle indiquant globalement l’objet des correspondances des 
fasci inventoriés, et le changement introduit dans l’ordre 
progressif des /asci, on trouve l'inventaire. La page du 
registre est subdivisée en 4 colonnes. La première porte le 
numéro d'ordre du fascio inventorié. La seconde renseigne 
avec précision l'objet général des correspondances. Si les 
correspondants sont nombreux, cette colonne se subdivise à 
son tour en trois colonnes subordounées, renseignant respec- 
tivement le numéro, le nom du correspondant, le nom 
du destinataire. La troisième colonne principale indique 
l’année initiale, la quatrième l’année finale des documeuts 
inventoriés. À la fin, avec pagination spéciale, est annexée 
une table alphabétique des correspondants et des lieux, avec 
l'indication soit de la page correspondante de l'inventaire, 
soit du fascio où on trouve leurslettres. Un index particulier 
iudique aussi les clefs de chiffres, les plans et dessins, les 
documents les plus importants des fascé inventoriés. — Cet 
inventaire date de mai 1895, et est dû aux soins du sous- 
archiviste Dr L. Volpicella. | 

2. Un inventaire intitulé : ZZ° Farnesiane — Milano, 
Fiandra e Spagna, Parma e Spagna, fasci 67 a 74, 75 
e 76, 77 a 88. — Mème système que le précédent. Même 
auteur. Il date de décembre 1897. 

3. Un inventaire intitulé : 77° Farnesiane — Parma e 
Toscana. j'asci 85 a 99. — Ici on a suivi un autre système. 
Au milieu de la feuille, en haut, est renseigné le numéro des 
fasci inventoriés. Puis, en dessous, sont rangées les indica- 
tions des années, avec les noms des correspondants et des 
destinataires. À la fin de cette liste, une note indique briève- 
ment l'objet principal des documents surtout intéressants au 
point de vue de l'Italie. — Cet inventaire est dû au sous- 
archiviste Th. Gaeta. 

4. Un inventaire intitulé : ZV° Farnesiane — Genova, 
Siena, Toscana, jasci 100 a 127. — C'est à peu près le 
même système que le précédent, mais ici on n'indique plus 
les noms des correspondants. En regard des années, il y a 


32 


— 498 — 


une note renseignant brièvement l’objet de la correspondance. 
L'inventaire est du même auteur que le précédent. Il ne 
possède pas de table. 

5. Un inventaire intitulé : V° Farnesiane — Vienna, 
fasci 128 a 161 e1734, 1735 a 1756. — Au milieu de la page 
est renseigné le numéro du fascio inventorié. En dessous, on 
indique 1° les années, 2 les noms des correspondants, 
3° l’objet sommaire des lettres. En tête du volume, il y a une 
excellente table des noms de personnes et de lieux. Cet inven- 
taire est dû au sous-archiviste S. de Crescenzo et date de 
1892-1893. 

6. Un inventaire intitulé : VZ° Farnesiane — Venezia, 
Lione, Alta Italia, Boemia, Portogallo, asci 162 a 
184. — Il est dû au Dr L. Volpicella et présente donc le 
même système que les Inventaires [° et II°. Il date de mars 
1899, et contient aussi une table de « Cose notevoli ». 

7. Un inventaire intitulé : VZ/° Farnesiane — Francia, 
fasci 185 a 255. — Il contient d’abord une table de concor- 
dance des nouveaux numéros avec les anciens, puis une liste 
des lettres transportées sous d’autres rubriques et duns d’autres 
fasci. Suivent alors: 1. Un répertoire chronologique des 
minutes et lettres des Farnèse à la maison de France ou à 
leurs agents et ministres en France, et vice-versa. 2. Un index 
alphabétique des noms des correspondants avec les Farnèse, 
rangés par fascio. 3. Un index sommaire des affaires poli- 
tiques et militaires de France et des Farnèse, rangées par 
fascio et par année. 4. Un index alphabétique des noms des 
correspondants les plus illustres, rangés par fascio et par 
année. 5. Un index des lettres les plus importantes, par fascio 
et par année. 6. Un index des lettres chiffrées, dans le même 
ordre. 7. Un index alphabétique des signatures autographes. 
8. Un index, par fascio et par année, des lettres écrites en 
latin, français, espagnol, allemand. — Cet inventaire est dû 
à Th. Gaeta. 

8. Un inventaire intitulé : F777bis Furnesiane — Londra, 
fasci 256 a 247. — Même système et même auteur que le 
précédent. 

9. Un inventaire intitulé : V/72 Farnesiane — Parma, - 


— 499 — 


fasci 248 a 275. — Il est dû au Dr L. Volpicella et présente 
donc le système des inventaires I°, II°, VI°. I] date d'août 1900. 

10. Un inventaire intitulé : ZÆ° Farnesiane — Parma, 
fasci 276 a 307. — Même auteur et même système que le 
précédent. Il date de janvier 1902. 

11. Un inventaire intitulé : Æ° Farnesiane. Parma, 
fasci 508 a 384. Même auteur et même système que le 
précédent. Il date de mai 1904. | 

Un douzième (Parma) est en préparation. 

Nous croyons que le meilleur hommage à rendre à la 
direction des Archives Farnésiennes, c’est de faire connaître, 
comme nous venons de le faire, ces précieux inventaires. Ils 
constituent un instrument de travail excellent, tant par leur 
étendue que par leur précision (1). On remarquera que, excep- 
tés pour les fasci 75 et 76, inventoriés — et non pas d’une 
manière systématique — dans l'inventaire IIe, il n'existe pas 
encore d'inventaire particulier pour les innombrables docu- 
ments classés sous la rubrique }'iandra (fasci 1622-1727), 
qui regardent spécifiquement les Pays-Pas. D'autre part, 
l'examen de ces inventaires manuscrits assez détaillés permet 
de constater que les fasci classés sous les autres rubriques 
contiennent, en dépit du titre, d'innombrables documents — 
et des plus importants — concernant directement les Pays- 
Bas. C’est d’ailleurs ce qui avait été déjà été plusieurs fois 
constaté et c'est aussi ce que montreront les renseignements 
fournis dans la seconde partie de ce Rapport. 

En même temps qu’on a entrepris l'inventaire des Perga- 
mene, on à commencé, comme nous le disions plus haut, par 
ordonner les papiers (cartacee), qui étaient dans un état lamen- 
table, bouleversés et avec pièces manquantes. 

Les papiers ont toujours été réunis en grosses liasses, 
pressées entre deux cartons, dont le supérieur porte une éti- 
quette (bleue) : Farnesiane, Fascio (numéro). Au cours de la 
révision actuelle, on a introduit des incartamenti ou fascicoli, 
où les papiers de chaque fascio sout réunis entre un feuillet de 





(1) Il nous est agréable d'ajouter que la direction les eommunique aves 
une serviabilité sans égale. 





… 500 — 


garde, et rangés soit par époque ou par correspondants et dans 
ce dernier cas, on suit aussi pour chaque correspondant l’ordre 
alphabétique dans chaque des fascicoli. 

Simultanément on a résumé les diverses matières, notant 
les principaux faits d'histoire politique, civile, littéraire, ærtis- 
tique, et indiquant les noms et les prénoms des correspondants 
en vue de la confection d’uné table alphabétique. C’est de ces. 
dispositions que sont sortis les inventaires particuliers dont 
nous avons parlé. 

En 1898, alors qu’on avait fini d'arranger et de réperto- 
rier les fasci classés sous la rubrique Vienne, Espagne, Rome. 
Milan, Flandre, Toscane, le sous-archiviste, maintenant chef 
de section, Cav. Nicola Barone, professeur de paléographie et 
de diplomatique à l'Université de Naples, a publié la notice 
historique sur l'A. F. que nous avons citée plusieurs fois déjà. 

Ajontons que récemment M' G. Coggiola, sous-bibliothé- 
caire à la Bibliothèque Marcienne à Venise, a publié un intéres- 
sant article, intitulé Proposta di reintegrazione nella sede 
naturale dei fondi farnesiani degli archivi di Napoli e di 
Parma (Rivisla delle Biblioleche e degli Archivi, t. XIV 
(1903), pp. 75 et suiv.). Après avoir tâché d'établir par des 
raisonnements divers que « les lettres et les documents 
doivent se lire là où ils furent écrits », et après avoir retracé 
brièvement l’histoire des archives farnésiennes de Parme et de 
Naples (rj, l’auteur propose-de fusionner ces archives « dont 
les deux troncons sont conservés quasi aux têtes extrêmes de 
la péninsule », et de les réunir dans le Palazzo del Pilata, 
leur ancien dépôt naturel, à Parme. Quoique plusieurs raisons 
plaident en faveur de cette proposition, nous croyous pourtant 
que la direction des Archives Farnésiennes de Naples pourrait 
difficilement se dessaisir des richesses, actuellement confiées à 
<e3 SOÏNS. 

Pour terminer cette notice générale, il convient d’insister 





(1) Il ne sera peut-être pas sans intérêt de relever que l'auteur dit, à la 
page 78 de son étude, que « d’un écrit de Gachard sur les archives farnésien- 
nes de Naples, il n'a pas réussi à prendre connaissance, nonobstant les 
recherches faites dans toutes les bibliothèques de Naples et ailleurs. » 


a 501 — 


sur ce poiut qu'un nombre considérable de /æsci de cette 
précieuse collection intéressent particulièrement l’histoire des 
eneiens Pays-Bas espagnols. Pour s'en convaincre, il suffit de 
parcourir les listes fournies par MM. Guchard, Bacha et Cauchie 
dans les articles signalés plus haut. Il serait trop long et d’ail- 
leurs parfaitement inutile de les répéter ici. Nous ferons pour- 
tant remarquer que ces archives sont avant tout riches pour 
toute l'étendue du xvr° siècle. Si elles illustrent surtout le gou- 
vernement d' Alexandre Farnèse, elles donnent aussi des ren- 
seigpements inconnus sur le gouvernement de Marguerite de 
Parme, celui du duc d’Albe, celui de Don Juan, l’intérim de 
Mansfelt et de Fuentès, et surtout elles contiennent des cen- 
taines de lettres intéressant l'époque si peu connue de l’archiduc 
Ernest. De plus le xvir siècle y est largement représenté, 
mais pour l’histoire des Pays-Bas à cette époque, il faut surtout 
chercher sous les rubriques Francia, Londra. Enfin, les fasci de 
la section Vienna contiennent d'intéressants documents pour 
le xvuu* siècle et les fasci 240, 244, 245, 246 de la section 
Londra sont précieux pour l’histoire de la Compagnie d'Ostende. 

Après cette revue générale, on peut se poser une question 
pratique importante. Indépendamment des anciennes copies 
exécutées pour les Archives du royaume ou pour l'édition de la 
correspondance du cardinal de Granvelle, quel est à l'heure 
actuelle l'état des recherches faites aux Archives Farnésiennes 
au point de vue de l’histoire des anciens Pays-Bas ? 


IL. 


Tous deux nous avons eu l'avantage de fouiller dans ces 
archives : le travail de répertorisation jadis entrepris par 
À.Cauchie, mais forcément interrompu, a été récemment repris 
par L. Van der Essen. Il ne peut être question d'exposer ici en 
détail les résultats de nos recherches : nous nous bornerons à 
quelques constatations générales. 

I. — Et tout d’abord, en combimant nos efforts, nous 
avons pu parcourir, pour y relever, tantôt sous forme d’inven- 
taire sommuire, tantôt sous forme d'inventaire analytique, la 
liste des pièces intéressant la Belgique, toute la série des asci 
rubriqués Fiandra, c'est-à-dire, les fasri 1622-1727. 


Nm 4» 


— 502 — 


De plus les jasci suivants des autres rubriques : 

Non autograf : 3, 5, 6, 7, 9, 11, 12, 75, 76, 122, 162, 
170, 185, 252, 262, 270, 278, 279, 403, 404, 411, 415, 416, 
426, 430, 553, 705, 720, 724, 737, 783, 809, 1317, 1319, 
1400, 1401, 1402, 1403, 1735, 1736, 1737, 1738, 1761, 1764, 
1765, 1766, 1776. 

Autograñ : 1,2, 4, 6, 7, 8. 

Pour ne pas rester dans ces généralités abstraites, voici à 
titre d'exemple concret, les indications relevées dans le 
dépouillement des Æasci non autograñ 75, 76, 1622 et 
1628 (1). | 

NON AUTOGRAFI. 


1. Fascio '75 (1550-1584). 

A) Correspondance du régent Geronimo Albertino avec Marguerite d'Autriche 
et avec son secrétaire Pietro Lipp: (1550-1558). Renseignements sur la 
Diète et les évènements politiques en Allemagne durant cette période. 

B) Correspondance du docteur 7. B. Balestra avec Marguerite de Parme 
(1565-1585). Avant tout renseignements, au jour le jour, sur la cam- 
pagne du prince d'Orange aux Pays-Bas et les opérations du duc d’Albe, 
sur la répression des troubles et les guerres civiles de France. 

c) Lettres de Paolo Bava, maître de comptes de Marguerite, en voyage en 
Allemagne (1566). 


. D) Lettres de Mario Cardoino, maître de camp, à Marguerite, à Farnèse et à 


Masi (1582). Renseignements sur les opérations militaires. 

B) Lettres du sergent-major Mario Corti à Mast. Difficultés financières à 
Audenarde (1582-3). 

F) Lettres du capitaine Ercole Magno à Farnèse et à Masi sur sa situation 
précaire à Lierre (1582). 

G) Lettres de F. de Piozasco à Marguerite et à Armenteros (1557-1560), sur la 
vie que mène le jeune Farnèse à Bruxelles. 

H) Lettres du majordome Prospero Tedesco à Marguerite et à son secrétaire 
Machiavel. Comptabilité (1560-1582). 

1) Lettres du marquis Vilelli à Marguerite et à Armenteros (1560-1582). Opé- 
rations militaires et répressions des troubles iconoclastes. 

3) Lettres diverses à Marguerite d'Autriche (1550-1565). Opérations militaires, 
renseignements financiers, etc. 

K) Idem (1566-1580). Opérations militaires. Lettres à Farnèse. Immense 
misère de l’armée espagnole en 1578-1580. 

L) Lettres diverses (1581-1582). Correspondants militaires. Misères et diffi- 
cultés financières. 

M) Lettres diverses (1583-1590). Correspondants militaires. Opérations de 
Farnèse dans le Nord des Pays-Bas Breda, etc. 


(1) Pour ne pas allonger ce rapport, nous ne donnons pas de spécimen 
de notre inventaire analytique, qui est en partie déjà dressé. 


— 003 — 


2. Fascio 76. 

A) Lettres originales du duc d'Albe à Marguerite (1556-1568. Affaires plutôt 
privées. 

B) Lettres originales du marquis de Berghes, grand bailli de Hainaut, à Mar- 
guerite (1563). Procès pour diffamation contre la douairière de Berlay- 
mont, où intervient le privilège de la bulle d'or brabantine. Lettres 
du comte de Berghes (1582-1585). Divers. 

C) Lettres originales d' Antonio de Dourini à Marguerite (1552-1953). Affaires 

, privées, p. ex. achat de haquenées en Flandre, etc. 

D) Leitres autographes et originales du comte d'Egmont à Marguerite (1563- 
1565). Intéressantessurtout pour la mission d'Egmont en Espagne en 1565. 

E) Lettres du duc et de la duchesse de Lorraine à Marguerite (1580-1581). 
Affaires privées. 

Fr) Lettres de F. B. de Tassis, à Marguerite, à Armenteros, à Masi (1559 et 

. _ 1684). Misère de l’armée espagnole. 

G) Lettres de Melchior de Astudillo à Armenteros (1559). Affaires privées et 
financières. 

H) Lettres de Gregorio et de Giovanni de Ayala (1559-1566). Érection des 
nouveaux évêchés : négociations laborieuses à Rome. 

1) Le comte de Chinchon à Armenteros (1559-1560). Affaires privées. 

3) Correspondance financière de Géronimo de Curiel avec Marguerite et avec 
Armenteros. Opérations financières à Anvers, campagne du prince 
d'Orange contre Albe (1559-1568). Important. 

K) Lettres de Christofaro Luigi de Haros (1559 1560) à Armenteros. Opéra- 
tions financières, paye de l’armée espagnole en Flandre. 

L) Le maître de camp Sancio de Londoño à Marguerite et à Armenteros (1559- 
1568). Affaires privées surtout. Rapport sur la bataille de Femminghen, 
très circonstancié. 

M) Giovanni Manriquez à Armenteros (1559-1562). Recommandations de 
personnes. 

N) Martino de Muxica Guevara à Armenteros (1559-1563). Voyage de Phi- 
lippe II en Zélande (1569). 

o) Lettres d'André de Prado à Marguerite (1576-71). Opérations militaires 
et gouvernement de Don Juan. 

Pp) Lettres de Gaspar Rodriguez à Armenteros (1559). Opérations financières. 

Q) Giovanni Saganta à Armenteros (1559 et 1564). Opérations financières 
surtout. 

R) Geronimo de Salamanca à Marguerite et à Armenteros (1560). Affaires 

- financières. 

s) Francesco de Salamanca aux mêmes (1561). Affaires privées (haquenées). 

r) Bartolomeo de Santoyo à Armenteros (1559). Voyage de Philippe Il en 
Zélande. 

u) Lettres de Melchior, de Giovanni et d’ Antonio de la Vega, agents financiers, 
à Anvers, adressées à Armenteros et à Marguerite (1560-1561). Important. 

v) Lettres de Vergosa et de Ibarra à Armenteros (1559). Affaires particulières. 

w) Lettres diverses à Marguerite (1518-1582). Recommandations, finances, 
nouvelles sur ja révolution, etc. 

x) Lettres diverses au secrétaire Armenteros (1539-1588). Renceignements 
surtout militaires de la guerre de 1559 contre la France. Un mémoire 
de Madame de Fontaines présenté au conseil de Brabant contre M. de 
Berghes. (Complète le n° 8.) 


— 504 — 


8. Fascio 1622. (Important.) 

A) Minutes de la secrétairerie de Marguerite, datées de Parme, Aquila, Bruxet- 
les (1563-1566). Correspondances avec Egmont, l'Empereur (66), avec 
le duc Octave : mécontentement de Marguerite en 1561 et projet de se 
retirer du gouvernement; affaires financières, mission d'Armenteros 
en Espagne en 1563. (Chiffrées). 

B) Correspondance de Marguerite avec son fils Alexandre Farnèse (1536-1STI). 
Administration de Don Juan, situation précaire en Flandre, uógocia- 
tions de Farnèse pour être envoyé au secuurs de Don Juan. Important. 

C) Lettres au duc Octave (1562-64). Mécontentement de Marguerite. Ren- 
seignements sur les menées en Flandre. Projet de se démettre. (Chiffres) 

D) Lettres de Marguerite au duc sur les opérations autour de St-Quentin (1559). 


4. Fascio 1628. 


A) Doléances de Marguerite à propas de son gouvernement de Flandre et 
reproches à Philippe II :Autograplie). 

B) Instructions de Charles V pour l'artillerie. 

C) Rapport sur la situation critique de Marguerite au milieu des troubles de 

‘ 1566 et son projet de fuir à Mons. 

D) Instruction pour Orange et Egmont à propos de leur abouchement avec 
les Gueux à Vilvorde. 

B) Ordonnance de Hembyze pour la paix de religion à Gand (1578). 

P) Inventaire des archives d’État et des finances. 

G) Indulte de Marguerite pour les prébendes aux Pays-Bas. 

H) Règlement des Finances. 

1) Mémoirs sur lu somme de 30,000 florins offerts à Marguerite lors de son 
départ en 1567, par les États de Flandre. 

3) Lettres de Philippe II aux évêques des Pays-Bas sur le fait de religion 
(1559) (Copies). 

K) Idem. Aux gouverneurs et conseils des Pays-Bas 

L) Description de Nimègue et projet de la surprendre pour l'enlever aux 
rebelles (1585). 

M) Réclamations de Bruxelles contre les exactions et la misère sous le duc 
d’Albe. 

N) Remontrance de Guillaume Boxhoorn, conseiller de Brabant. 

©) Ordonnances de Charles V, sur les finances. Réorganisation de 1545 
(très long). 

P) Lettres patentes du duc d' Albe. 

Q) Ordonnances de Charles V pour le conseil d'État, adressées à Marie de 
Hongrie. 

R) Projet de confédération des provinces des Pays-Bas contre l'extérieur en 
1534. Réponse des États Généraux, et délibérations du conseil privé 
(Procèsverbal'. 

8) États des soldes et organisation de l'armée sous s Charles V, en Flandre et 
en Allemagne. Brevets de nomination, serments militaires, etc. 

T) Informations et enquêtes daus le doyenné de Binche, à Tholen, à St-Mi- 
chel à Anvers, à St-Servais, à Utrecht, à Ste-Marguerite à Gand, à 
Afflighem, à Hautmont, à Liessies, à Cercamp en Artois. Vie et mœurs 

.. des religieux, revenus, charges de ces monastères (1564 1565 . 

y) Lettres diverses sur les affaires de Flandre (finances, opérations mili- 

taires) 1510-1582. 


— 505 — 


II. — Dans les fasci dépouillés, nous avons été très 
frappés de l’immensité et de l'intérêt de la Correspondance 
d'Alexandre Farnèse. Nous nous bornons aussi à des indica- 
tions générales. 

Ll. Correspondance d'Alexandre Farnèse avec sa mère, 
Marguerite de Parme. Elle est surtout importante depuis 
l’arrivée d’Alexandre Farnèse aux Pays-Bas, en 1577. Von 
autografs : 403, 553, 1622, 1624, 1626, 1630, 1632, 1639, 
1640, 1644, 1653, 1659, 1660, 1665, 1667, 1671, 1672, 
1676, 1682, 1686, 1688, 1691, 1693, 1694, 1700, 1720, 
1723, 1764, 1766. 

2. Correspondance d'Alexandre Farnèse avec Philippe II. 
Non autografi : 403, 415, 1624, 1639, 1647, 1656, 1660, 
1686, 1706, 1709. 

3. Correspondance d’Alexaudre Farnèse avec son père, 
Octave Farnèse. Non autograñ : 252, 262, 403, 411, 416, 
1624, 1626, 1636, 1640, 1653, 1659, 1661, 1666, 1671, 
1672, 1676, 1679, 1700, 1706, 1714, 1715, 1717, 1719, 
1723, 1725 (surtout). 

4. Correspondance d’ Alexandre Farnèse avec son oncle, le 
cardinal Alexandre Farnèse. Non aulograf : 252, 403, 404, 
411, 416, 703, 724, 1624, 1640, 1653, 1659, 1672, 1674, 
1676, 1687, 1700, 1706, 1715, 1717, 1719. 

. 5. Correspondance d'Alexandre Farnèse avec ses enfants. 
Chaque fois que nous avons rencontré les lettres d'Alexandre 
Farnèse à son fils Ranuccio, nous avons constaté qu'elles 
renfermaient ordinairement moins de détails sur les Pays-Bas 
que les lettres d'Alexandre à son père et à sa mère. On peut 
cependant y glaner des renseignements utiles. Ainsi, dans 
une lettre datée de Parme, le 26 septembre 1591, Duarte 
recommande à son père Alexandre Farnèse, le capitaine 
Gonzales Francesco de Ayala, le plus ancien des capitaines qui 
vont servir eu Flandre-avec « la suldatesca di Napoli » (Won 
autografi, fascio 724). Or l’on n'a pas encore mis assez en 
relief le rôle des Italiens dans les guerres des Pays-Bas. De 
plus, par exemple, le fascio 1720 contient un volumineux 
mémoire d'Alexandre Farnèse, écrit par Richardot, adressé à 
son fils Ranuccio. C’est un écrasant réquisitoire contre les 
comtes de Mansfelt, que Farnèse dressa quelques jours avant 


— 906 — 


sa mort, pour que Ranuccio le transmit au roi. Il contient 
des renseignements précieux sur la situation aux Pays-Bas en 
1592). On trouve cette correspondance dans les Von autograf : 
1624, 1626, 1636, 1640, 1649, 1661, 1640, 1672, 1677, 
1679, 1689, 1694, 1695. 1700, 1706, 1717, 1718, 1719, 
1720, 1723, 1725 (surtout). 

6. Brefs des papes a Alexandre Farnèse. Aulograñ : 4. 

7. Correspondance d'Alexandre Farnèse avec l'évêque de 
Cayazzo, nonce de Cologne. Non autograf : 1663, 1670, 1703. 

8. Correspondance d'Alexandre Farnèse el de Samaniego. 
Non aulograñ : 5, 9. 

9. Correspondance d'Alexandre Farnèse avec ses subal- 
ternes. Non autograf : 3, 7, 11, 12, 75, 279, 1624, 1628, 
1630, 1631, 1638, 1644, 1646, 1647, 1648, 1653, 1656, 
1659, 1660, 1662, 1663, 1664, 1665, 1666, 1667, 1668, 
1669, 1670, 1671, 1672, 1673, 1674, 1675, 1676, 1677, 
1678, 1679, 1680, 1681, 1683, 1684, 1685, 1686, 1687, 
1688, 1689, 1690, 1691, 1692, 1693, 1694, 1695, 1696, 
1697, 1698, 1699, 1700, 1701, 1702, 1703, 1704, 1706, 
1707, 1708, 1709, 1710, 1711, 1712, 1713, 1720, 1722, 
1723, 1724, 1726, 1727, 1765, 1776. 

10. Correspondance concernant l'intervention militaire 
d'Alexandre Farnèse contre Élisabeth d'Angleterre. Non auto- 
graf : 12, 1631, 1636, 1644, 1663, 1668, 1697, 1706, 
1707, 1720. 

11. Correspondance concernant l'intervention d'Alexandre 
Farnèse en France. Non aulograf : 3, 185, 1631, 1644, 
1648, 1664, 1666, 1668, 1669, 1670, 1671, 1672, 1677, 
1679, 1684, 1689, 1691, 1692, 1693, 1694, 1697, 1698, 
1699, 1700, 1704, 1706, 1707, 1708, 1710, 1711, 1720, 
1724, 1726. 

Pour bien d'autres correspondances, nous pourrions 
donner un relevé du même genre. Mais cet exemple suffit, 
croyons-nous (1). 


(11 Ainsi ce dépouillement nous « permis de constater que Gachard est 
loin d’avoir connu tontes les pièces des quatre séries de lettres adressées à 
Marguerite de Parme, dont il parle et dont il indique le nombre (loc. cit. 
pp. 218 40 : lo Lettres de Charles Quint. 2: Celles de Philippe II. 3° Celles 
de Don Juan d'Autriche. 4° Celles du cardinal de Granvelle. 





— 507 — 


III. — Signalons plutôt une série d’interressauts Aovisí. 


Non autograf : 162, 272, 426, 724, 809, 1400, 1402, 1403, 
1630, 1646, 1651, 1671, 1716, 1721. 

IV. — Des documents abondent aussi qui sont de la plus 
grande valeur pour l'histoire économique. En effet, ils contien- 
nent la correspondance des banquiers anversois, des agents 
des Fugger, des Capponi, etc. et, chose du plus haut prix, 
des mémoires volumineux sur le cours de l'argent, les monts- 
de-piété, les doctrines économiques, etc. Beaucoup se trouvent 
dans les correspondances déjà signalées, p. ex. dans les corres- 
pondances des fonctionnaires et agents d'Alexandre Farnèse. 
Signalons cependant Vox autograf : 76, 1317, 1628, 1630, 
1633, 1634, 1637, 1644, 1648, 1650 (surtout), 1663, 1665, 
1669, 1670, 1677, 1678, 1683, 1684, 1686, 1689, 1690, 
1693, 1699, 1704, 1705, 1706, 1711, 1722, 1726, 1727. — 
Autografi : 2, 6. 

On pourrait poursuivre cette uride énumération ; mais ce 
qui précède aura suffi, nous l’espérons, pour rappeler à 
l'attention des historiens belges l’importance des Archives 
Farné:iennes. 

ke 

Voilà très sommairement ce qui existe, voilà ce qui s’est 
fait et se fait de notre part aux Archives Farnésiennes. 

Quelle conclusion tirer de cet exposé? Puisque l’inven- 
taire sommaire est dressé et que déjà un inventaire analytique 
est en partie exécuté, la première préoccupation doit être, 
semble-t-il bien, de poursuivre et d’achever cet inventaire 
analytiqne. Mais vous nous permettrez de ne pas insister. Car 
depuis 1906, grâce à la libéralité du gouvernement, la Com- 
mission royale d'histoire organise des missions d'exploration 
scientifique à l'étranger. C’est à elle qu’au moment opportun 
nous proposerons de décider ce qu’il convient d’entreprendre 
aux Archives Farnésiennes. Du moins, puisse cette communi- 
cation recevoir un accueil sympathique qui prouve à la Com- 
mission royale d'histoire qu’elle est sûre de répondre au vœu 
des historiens réunis à Gand, en reprenant et poursuivant 
avec ardeur les initiatives de notre illustre Gachard ! 


Les sociétés populaires en Belgique, 


per E. MATTHIEU, 
Avocat, à Enghien. 


À la suite de Ja conquête des provinces belges par les 
armées de la Révolution française en 1792, il se constitua 
dans un grand nombre de localités, à l’instar du club des 
Jacobins à Paris, des sociétés populaires sous le nom des amis 
de la liberté et d'égalité et d’autres analogues. 

Ces associations, constituées en vue de développer, dans 
les villes principalement, un esprit public favorable à l'intro- 
duction du régime politique établi en France et à l’applica- 
tion des lois révolutionnaires, exercèrent une action énergi- 
que surtout sur les autorités municipales. La constitution 
d’administrations locales que les conquérants substituaient 
aux institutions séculaires avait été laborieuse. Bien des per- 
sonnes honorables surmontant leurs répugnances avaient fini 
par accepter une fonction municipale en vue surtout de pro- 
téger les intérêts de leurs concitoyens. 

Ces municipalités s'efforcaient avant tout de modé- 
rer et même d'entraver l'exécution des décrets violents et 
persécuteurs dont l'application répugnait à la population. 
Les sociétés populaires combattirent vigoureusement cette 
tendance modératrice, et, par des discours violents, des dénon- 
ciations, elles contraignirent fréquemment les municipalités à 
faire exécuter des mesures vexatoires, spécialement contre 
l'exercice du culte catholique, les prêtres et les émigrés. 

L'influence de ces sociétés fut considérable pendant les 
premières années de la conquête française. Ainsi que l'écrivait 
Jasmin Lamotz, commissaire de la République à Mons, aux 
officiers municipaux de Binche, le 18 thermidor an II : « péné- 
trez-vous de cette idée, ce sont les sociétés populaires qui ont 
fait et soutenu la révolution ». 

L'histoire de ces associations n’a pas été écrite jusqu'ici 
et cependant le sujet serait d’un grand intérêt. Malheureuse- 


— 909 — 


ment, on ne possède guère de documents sur leur fonctionne- 
ment et leur personnel. Nombre de leurs membres s'étaient 
fort compromis par leur violence, et, sans doute, lorsque une 
situation plus calme succéda à cette période révolutionnaire, 
les meneurs de ces sociétés populaires s’efforcèrent-ils de 
faire disparaître leurs archives. 

Dans le but de susciter des recherches à leur sujet, nous 
donnons l'énumération des sociétés populaires qui ont été éta- 
blies dans les localités qui ont formé le département de 
Jemappes, ainsi que l'indication des documents propres à en 
retracer les annales. 

1. Mons. Société des amis s de a liberté et de l'égalité. 
Aux archives de l’Etat, on trouve un registre aux procès- 
verbaux des séances et pièces y jointes du 28 messidor au 
21 fructidor an II (16 juillet-9 septembre 1794). — Mémoires 
de Descamps et d’HARMIGNIE publiés par la Société des biblio- 
philes belges. — H. Roussezce, Bibliographie montoise, 
pp- 968, 572, 600 à 603 et 617-619. — Wauguikgg, Mons 
pendant la première inrasion républicaine, 1792-93. 

2. Arn. Société populaire. Archives communales d’Ath, 
n° 1079, 1086, 1091 de l’/Znventaire, publié par Em. Fourdin. 
— BeERTRAND, Mistovre de la ville d' Ath, d'après ses archives. 

3. BincHe. Société populaire et républicaine. Archives 
communales, registre de l’audience. 

4. Caarzrror. Société des amis de la liberté et de l’éga- 
lité de la ville de Charles-sur-Sambre. — D. VAN BASTELAER, 
Collection d’acles de franchises, privilèges, etc. donnés spécia- 
lement à la ville de Charleroi. 

* 5. SOIGNIES. Société des amis de la liberté et de l'égalité. 
Son existence est attestée par la présence à Mons du citoyen 
Pletincx, son député près de l'association montoise. L. Devic- 
LERS, /nventaire des archives des états de Hainaut, t. II. 

6. Tournaï. Les amis de la liberté et de l’égalité. Hovzr- 
LANT, Zssai sur Tournay, vol. 105 (tome 96). — Drsua- 
Z1ÈRES, Bibliographie lournaisienne. 

Nous espérons que plusieurs de nos collègues voudront 
bien présenter un relevé analogue pour les autres provinces. 


HUGO VAN DER GOES. 


Notes pour servir à une communication accompagnée 
de projections lumineuses, 


par Jos. DESTRÉE, 


Conservateur des Musées royaux des Arts décoratifs et industriels, à Bruxelles. 





Alphonse Wauters a publié, il y a quelques années, des 
études intéressantes sur Hugo van der Goes, et elles n’ont pas 
peu contribué à mettre en lumière sa physionomie originale. 
M: H. Hymans, de son côté, a entouré de notes et de commen- 
taires la biographie due à la plume de Karl van Mander. 
Crowe et Cavalcaselle, A. Michiels, A.-J. Wauters ont apporté 
leur tribut d'admiration à l’œuvre du grand artiste. Mais c'est 
en Allemagne qu’on semble s'être le plus préoccupé de 
retrouver les productions de Hugo. Il nous suffira de mention- 
ner les noms de Carl Justi, de Scheibler, de Bode, de Tschudi, 
de Firmenich-Richartz. Il convient encore de citer les contri- 
butions du Baron von Bodenhausen, de Mr G. Hulin et de 
M' James Weale. 

Il n’y a pas lieu, pour le moment, de rappeler les événe- 
ments de sa carrière. Ils sont en général bien connus, du 
moins aucune circonstance ignorée n’a été révélée depuis les 
biographies de M" A. Wauters ei de Mr Firmenich-Richartz. À 
vrai dire, il eût été intéressant d'examiner, à l’occasion du con- 
-grès, la valeur des assertions des érudits qui rejettent l’origine 
gantoise de Hugo. Sans préjuger la solution, on peut dire 
qu’ils n’apportent, ce semble, aucun argument péremptoire en 
faveur de leur thèse. | 

L'œuvre de Hugo nous est parvenu bien incomplet, et 





— 511 — 


cela s'explique par la nature même de ses travaux. En effet, 
il a travaillé beaucoup à la détrempe. Nous ne parlerons pas 
des décors qu'il exécuta à Bruges, car ils ne devaient guère: 
survivre aux fêtes pour lesquelles ils étaient commandés; 
mais on sait que Hugo exécuta des modèles pour des vitraux, 
entre autres pour ceux qui se trouvaient dans l'église abbatiale 
de Saint-Pierre à Gand. Sans nul doute il travailla aussi pour 
les artistes tapissiers. Seulement ses cartons ont subi le sort 
de la plupart des modèles du XV* et du XVI: siècles : ils ont 
été anéantis par l’action du temps ou l'indifférence des hom- 
mes, et aucun des vitraux dont le maître avait fourni le dessin 
n existe plus; on verra plus loin ce qu’on pourrait peut-être 
lui attribuer en fait de tapisseries exécutées d'après ses com- 
positions. 

Jusqu'en ces dernières années, la critique ne reconnaissait 
à ce maître que le triptyque des Portinari, conservé actuelle- 
ment dans le Musée des Offices à Florence; mais, grâce à 
des investigations consciencieuses, plusieurs historiens de l’art 
ont réussi à soulever un coin du voile qui couvre son œuvre. 

Il ne sera pas inopportun de passer en revue les résultats 
obtenus jusqu’à présent; cette entreprise, pour étre complète, 
exigerait, à vrai dire, des développements assez longs; mais 
comme ceux-ci seraient déplacés en l’occurrence, nous nous 
contenterons d’un exposé sommaire. 

Cet essai, nous en sommes persuadé, pèchera en maints 
endroits, mais nous osons attendre quelque indulgence à raison 
des difficultés que présente la tâche. 

Hugo van der Goes est un génie inquiet, chercheur et 
qui, partant, se trouve comme dans une incessante évolution. 
Son œuvre, pour le motif qui a été indiqué plus haut, nous est 
arrivé avec des lacunes considérables. De là pour celui qui 
s'efforce de découvrir un processus dans ses diverses produc- 
tions, les embarras les plus grands. Génie puissant, et par cela 
même irrégulier, Hugo van der Goes n'a-t-il pas eu des heures 
de défaillance? Il serait malaisé pour le moment d'entrevoir 
et encore moins de préciser le caractère de ces défaillances, 
mais la nature du mal qui l’emporta, ne semble-t-elle pas 
autoriser cette supposition ? 


— 512 — 


Une autre circonstance contribue encore à rendre la tâche 
délicate, c'est la disparition d'œuvres qui ne nous sont connues 
que par d'anciennes copies plus ou moins fidèles. 

L'influence de Hugo s’est fait sentir non seulement sur 
ses contemporains : sur Memling, sur Gérard David, sur Albert 
Bouts, sur le maître des Bourbons, sur divers peintres et 
enlumineurs de l’école ganto-brugeoise. Il exerca égale- 
ment son action sur des auteurs de grandes compositions, 
et il re nous surprendrait nullement que le « Maëtre 
du Combat des vices et des verlus » n'eût été fortement 
impressionné par ses compositions grandioses (t). En tout 
cas, on retrouve sa conception dans diverses tapisseries, soit 
qu'elles constituent des traductions immédiates de ses créa- 
tions ou bien des interprétations plus ou moins éloignées. 

Les frères van Eyck se sont affirmés par la sérénité de 
leur génie et les ressources d'uve technique merveilleuse. Le 
plus grand après eux, Hugo, a déployé dans l’étude des 
pbysionomies une acuité de vision et une sûreté de main 
incomparables. Il reste, pour le XV* siècle, le portraitiste le 
plus fidèle et le plus puissant, celui qui rend d’une manière 
adéquate les physionomies florentines les plus distinguées, 
comme lez natures les plus frustes du monde rustique. Qui 
mieux que lui, parmi les artistes de cette époque, a analysé 
les sentiments intimes de l’âme? Et sous les dehors d'une cer- 
taine sécheresse, on devine le cœur de l’homme qui a souffert 
et qui a prié. 

Dans ce qui nous est parvenu de son œuvre on peut déjà 
a lmirer l’homme aux vastes compositions conçues d’après des 
plans très personnels. 1l s'y révèle à ce point novateur qu’il lui 
arrive à certains moments de se mettre d’un bond sur la même 
ligne que les artistes des temps modernes. On a dit qu’il 
forme la transition entre les Van Eyck et Quentin Metsys. 
On a même comparé certaines de ses grandes figures à celles 
d' Albert Dürer. Serait-il outré, dès lors, d'affirmer que notre 


(1) La tapisserie représentant ce sujet a été exposée en 1905 au Cercle 
artiztique à Bruxelles; mais c'est dans la tapisserie du Jugement dernter 
du Musée du Louvre que cette constatation est facile à faire. 


- 513 — 


maitre les égale souvent, qu'il les dépasse même par la puis- 
sance, l'originalité et la variété des conceptions, par l’inten- 
sité du sentiment religieux, la grandeur du style, et le 
caractère des physionomies ? | 

Il conviendrait encore d’examiner la valeur du techui- 
cien. Presque partout il s'affirme comme un dessinateur hors 
de pair. Les têtes de ses personnages sont étudiées avec une 
conscience extrême ; le modelé en est si précis qu'il en résulte 
même une certaine sécheresse. On serait tenté parfois d’y voir 
des sculptures en bois polychromé. Les mains et les pieds des 
personnages sont étudiés et fouillés jusque dans les moindres 
détails ; ils offrent une telle perfection de. facture. qu'ils ser- 
vent de véritables critères aux historiens de l’art. 

Si Hugo s'impose à notre admiration par la perfection du 
trait, comme les artistes de son temps se plaisaient déjà à le 
reconnaître, il occupe aussi une place considérable comme 
coloriste, 

Rien de plus fin ni de plus riche, que le diptyque de la 
galerie impériale de Vienne. Dans le triptyque de la galerie 
Lichtenstein, il atteint, dans le rendu des étoffes, aux tons les 
plus chaudement colorés. Dans le triptyque des Portinari, le 
peintre est à la hauteur du dessinateur, par la puissance et 
la richesse du coloris. Malheureusement des retouches indis- 
crètes ont enlevé presque partout les charmes primitifs à ce 
monument incomparable de l'art flamand. 

Plus éclatante encore et plus sonore est la tonalité de 
l'Adoration des bergers du Musée de Berlin. Ce panneau 
suffirait à montrer les ressources et les audaces du grand 
artiste. Sa couleur n’a rien des grâces ni des joliesses qu’on 
remarque dans Memling et dans Gérard David ; mais elle est 
bien en harmonie avec les compositions graves et fortement 
observées de l’artiste. Hugo n'est pas un charmeur qui nous 
gagne par des dehors agréables : il est le maître qui subjugue. 
Il soigne les grands effets, mais il ne dédaigne pas les 
détails et il s'applique tout particulièrement à rendre les 
bijoux, les étoffes et les brocarts avec une fidélité extrême. 
Le volet du triptyque de saint Hippolyte, conservé dans l’église 
Saint-Sauveur à Bruges, est d’une tonalité sobre presque 


33 


— 514 — 


froide, si on la compare à celle des autres panneaux dus à 
Thierry Bouts. Cette sécheresse de coloris, voulue ou non, ne 
puit pas, loin de là, à la présentation des donateurs. La figure 
du mari surtout est d'un caractère et d’une intensité de vie 
qui détruit en quelque sorte tout ce qui lentoure. 

{l arrive parfois à Hugo de demander tout au dessin et 
au modelé et d'atteindre quand même à un effet surprenant. 
Tel est le cas de la Mort de la Vierge du Musée de l’Acadé- 
mie à Bruges. Page d'une observation très pénétrante, d'une 
minutieuse exécution et d'un sentiment profond. Le dualisme 
que nous nous bornons à signaler s'explique par les aptitudes 
diverses et les besognes variées auxquelles il consacra son 
activité. Tantôt il exécute de précieux triptyques où il s’aban- 
donne aux séductions de la couleur, tantôt il aborde le carton 
du maître verrier ou du tapissier, et alors il doit, pour se 
conformer aux exigences de sa tâche, fixer des traits, indiquer 
des modelés pour prévenir les tâtonnements dans l’exécution. 
Avant tout le maître a le sentiment des silhouettes nette- 
ment découpées et des reliefs accusés ; et l’on serait en droit 
de se demander ce qui fût sorti de ses mains, s'il avait quitté 
de temps à autre le pinceau pour l'ébauchoir à l'instar 
d'André Beauneveu. 

Les lignes qui précèdent n’ont pas la prétention de 
définir l’œuvre et la manière du maître; elles n’ont d’autre 
but que de servir d'introduction à l'essai qui suit. 

Nous n'avons pas cru devoir examiner les nombreuses 
attributions qui, si elles étaient établies, constitueraient en 
faveur de Hugo un ensemble considérable. Nous nous sommes 
borué à envisager celles qui sont admises par les critiques 
les plus autorisés. | 

Le point de départ des restitutions reste le triptyque des 
Portinari; c'est d’ailleurs la seule production de Hugo au 
sujet de laquelle il existe une donnée formelle, et c’est tou- 
jours à ce monument, en fin de compte, qu'il faut aboutir. 
Dans cette création le maître se laisse étudier sous tous 
les aspects, comme peintre du portrait, et comme peintre 
religieux. Hugo s’y montre, ou peu s’en faut, à l'apogée de 
son talent. Là, rien ne pourrait faire supposer qu'il ait ren- 


— 515 — 


contré ou étudié les œuvres des Van Eyck, de Thierry Bouts, 
de Roger van der Weyden : il est lui-même et domine de sa 
haute taille tous les artistes contemporains des anciens Pays- 
Bas. 

Mise au tombeau du Musée national de Naples. L'original 
n'existe plus ou bien il n’a pas été retrouvé; cette composi- 
tion a été très répandue, seulement les interprétations s'éloi- 
guent parfois du modèle, tant le caractère des têtes en a été 
modifié ; toutefois la copie de Naples, en dépit de ses défauts, 
nous laisse mieux entrevoir ce que devait être l'original, et 
c'est avec raison que M' M. Friedländer lui donne la préfé- 
rence sur toutes celles qui nous sont parvenues. 

La présentation du corps du Sauveur a je ne sais quoi de 
violemment pathétique dont l'inspiration a sa source dans 
Roger van der Weyden. Cette circonstance explique l’attri- 
bution qu’en a faite à ce dernier M' H. Hymans (Van Mander, 
_t. I, p. 106). D'après Mr E. Firmenich-Richartz, ce sujet se 
rapporterait peut-être à la Descente de Croix qui se trouvait 
daus l’église Saint-Jacques à Bruges. 

Mr M. Friedländer, qui a restitué cette composition à 
Hugo, justifie son assertion par plusieurs rapprochements avec 
des figures du triptyque des Portinari et du triptyque de la 
galerie de Lichtenstein. 

Diptyque de la galerie impériale de Vienne. Quand il 
est ouvert il présente deux scènes : la Chute de nos premiers 
parents dans le Jardin terrestre ; -— la Pieta. — Fermé, il 
nous montre la figure, en grisaille, de sainte Geneviève. — 
Cette ceuvre de dimensions restreintes est d'une exécution 
très soignée et d’un coloris riche. 

Dans l'inventaire des collections de l’Archiduc Léopold- 
Wilhelm de 1659, n° 860, il est désigné comme un original 
de Jean Van Eyck. — Les deux volets furent exposés sépa- 
rément, dans la galerie Ambras comme Memling. C’est à 
Memling que l’attribua également Mr A.-J. Wauters. Mr H. 
Hymans inclinait à les rendre à Roger van der Weyden (Van 
Mander, IT, p. 104). 

À tort M' von Wurzbach l'identifie avec un diptyque de 
la main de maître Hans (Van Eyck) ayant appartenu à Mar- 


— 516 — 


guerite d'Autriche. Ce tableau, dit-il, a deux feuillets repré- 
sentant « Notre-Dame », « Saint Jean, Sainte Barbe, Adam 
et Eve ». Il rejette l'attribution à Hugo van der Goes. Celle- 
ci, qui remonte à 1875, est due à Carl Justi. Scheibler, 
MM. Hymans, Tchudi, Frimmel, Bode, Friedländer se 
sont ralliés à cette opinion, et on est assez surpris que 
tout récemment M' von Wurzbach ait pu écrire que cette 
œuvre ne semble avoir rien de commun avec Hugo van der 
Goes. 

Fragment d'une Mise au lombeau (Musée de Berlin). 

C'est encore à la première partie de la carrière du maître 
que semble appartenir le fragment de peinture sur toile 
provenant de la collection Panciatichi de Florence et con- 
servé au Musée de Berlin. Marie est entourée de saint Jean 
et de saintes femmes. Ce débris doit avoir appartenu à une 
composition représentant une Mise au tombeau. C'est avec 
cette scène, en effet, que cadrent le mieux les attitudes et les 
sentiments de tous les personnages de la scène. Mr Friedlän- 
der en avait cherché la signification réelle, mais sans se 
décider. Une Mise au lombeau des Heures de Hennessy attri- 
buées à Simon Bening, nous permet d'être très précis à cet 
égard. Marie s y retrouve dans une attitude identique; d'ail- 
leurs l'esprit, le caractère de la composition et le fond du 
paysage sont à ce point dans le caractère de Hugo que la 
miniature apparaît comme une copie ou une interprétation 
très voisine du maître gantois. 

Le triptyque de l'Adoration des Mages de la galerie Lich- 
tenstein attribué à Jean van Eyck et à Memling, est restitué à 
Hugo par plusieurs critiques; lors de l'exposition des Primitifs 
flamands à Bruges c’est l’opinion qui a prévalu. Plus haut il 
a é‘é parlé de cette production qui se distingue par un très 
somptueux coloris. 

Vierge du Musée Städel à Francfort s/Main. 

Le tvpe de la Vierge rappelle celui de l'Eve du triptyque 
de la galerie impériale de Vienne. La bouche est un peu plus 
longue; mais l’ovale de la face est le même. Dans les deux 
têtes, le front offre le même caractère; la chevelure semble, 
de part et d'autre, traitée d’après le mème procédé et les mains 








— 517 — 


sont d’un modelé soigné. Quant à l'Enfant Jésus, il évoque par 
sa laideur certains petits anges souffreteux du triptyque des 
Portinari. Le panneau appartient encore à la première partie de 
la carrière du maître (Scheibler, Repertorium, IX, 280). 
Tableau représentant Sainte Anne, la Vierge et l'Enfant 
Jésus, avec un religieux franciscain en prière (Musée royal 
de peinture et de sculpture de Bruxelles). Ce panneau, reproduit 
dans l’étude de M' Firmenich-Richartz (Zeitschrift für christ- 
liche Kunst, t. 10, 1897), est attribué à Hugo par Scheibler, 
Tschudi, et par M' A.-J. Wauters, dans la dernière édition 
du catalogue de la galerie de peinture. La tête de la Vierge 
rappelle celle du Musée Städel. C'est une œuvre d'un dessin 
moins précis, mais qui n'est pas dépourvue de charmes. Le 
paysage a de l’étendue et sort des complexités du thème 
médiéval. Le coloris a cette froideur qui caractérise certaines 
productions du maître. L'attribution reste cependant contestée 
par plusieurs critiques. Quoi qu'il en soit, l'œuvre est d'une 
valeur de second ordre si on la compare à celles considé- 
rées, unanimement, comme émanant de Hugo van der Goes. 
David et Abigail. Cette scène n'est connue que par des 
copies. L’original était une peinture murale qui décorait autre- 
fois le manteau de la cheminée de Jacques Weytens à Gand. 
Une copie provenant de Gand se trouve aux Musées royaux 
du Cinquantenaire à Bruxelles; une deuxième copie, plus 
petite (095 x 1730), se trouve dans la collection Novak (voir 
dans la Chronique des Arts, 1896, n° 17, l'étude du dr Frimmel, 
et, dans la Gazette des Beaux-Arts, l’article de M" Hymans). 
Copie de la collection Merzenich à Cologne; elle a été 
photographiée par Schmitz. Il nous a été impossible de voir la 
copie ni la photographie. Copie vendue chez M'Fievé, expert, en 
1907. Il existe encore une copie que le D° Hülsemann de Wies- 
baden a découverte dans le cercle de Kempen et qu'il a acquise. 
Je n’ai pasréussi à m'en procurer de reproduction. La première 
de ces copies me paraît l'emporter par une compréhensien 
plus nette du sujet; la seconde est soignée dans les détails 
mais ne rappelle pas les qualités maîtresses de l'original, tant 
le caractère des têtes a été amoindri. L'avant-dernière, que j'ai 
fait photographier, donne l'impression d’une copie d'un sen- 
timent plus moderne que celles citées en premier lieu. 


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La peinture murale de David et Abigaïl a joui d'un grand 
renom ; au témoignage de Van Mander, on admirait beaucoup 
la grâce pudique d’Abigaïl. 

Il serait malaisé de se prononcer, d'après des copies qui 
sont loin d’être parfaites, sur la valeur de certaines figures; 
mais du moins est-il permis d'envisager la composition. Celle- 
ci révèle de l’originalité, de l'ampleur et de l’ingéniosité dans 
la distribution des diverses scènes. Aussi est-il permis de con- 
sidérer la scène biblique comme une manifestation d’un talent 
qui s’affirme et d’une personnalité qui se dégage des conven- 
tions; elle n’annonce pas encore les imposantes manifesta- 
tions du triptyque des Offices ; elle ne fait pas encore pres- 
sentir le dessin dont il va être question. 

Dessin d'Oxford. Les adieux de Jacob à Rebecca. 

Jacob vient d'apprendre qu’Isaü marche à sa rencontre ; il 
divise en deux troupes les gens et les bestiaux qu'il avait avec 
lui, persuadé que si Esaü venait battre l’une, il pourrait sauver 
l’autre. Jacob est représenté, le front soucieux, au moment où 
il dépose un baiser sur le front de sa compagne. A gauche des 
bergers qui gardent leurs troupeaux assistent avec intérêt à 
cette séparation. À gauche du groupe médian une jeune 
femme fait avancer ses chèvres. Au second plan on voit la 
rencontre des deux frères qui sont agenouillés et se tiennent 
enlacés par les bras. Des collines peu élevées dont le pied est 
entouré de bouquets d’arbres ferment l'horizon de toutes 
parts. Les figures sont admirablement campées, les attitudes 
ont du naturel, et une grâce un peu austère. Le tempérament 
réaliste de Hugo se manifeste surtout dans l’observation avec 
laquelle il traduit les physionomies des pasteurs et décrit 
leurs troupeaux de bœufs et de moutons. 

Ce dessin à l’encre avec desrehauts blancs est d’une sûreté 
de main extraordinaire; il constitue comme le projet ou 
modèle de petit pied d’un modèle tapisserie ou d’une des 
toiles peintes que l'artiste en fit en diverses circonstances. On 
sait, en effet, qu'Hugo avait dirigé à Gand, par ordre de la 
municipalité, la partie artistique des fêtes célébrées à l'occasion 
de l’avènement de Charles le Téméraire comme duc de Bour- 
gogne, et que, l’année suivante, il travailla aux diverses déco- 


A — 


— 519 — 


rations auxquelles donna lieu le mariage de ce prince avec 


Marguerite d’York. Chronologiquement, le dessin d’Oxford 
vient se placer un peu avant le triptyque des Portinari; les dra- 
peries très décoratives n’y ont pas encore l’ampleur et la 
simplicité qui distinguent les grandes figures du triptyque. Il 
y a lieu de noter l’élégaute allure de la jeune chevrière qui 
ferait penser à une production de l’école florentine de la meil- 
leure époque (1). 

Triptyque des Portinari (Musée des Offices à Florence). 

Cette œuvre, qui se trouvait naguère dans le Musée de 
l'hôpital Santa Maria Nuova, a été popularisée par la gravure 
et la photographie. C'est grâce à un passage de Vasari (t. I, 
p. 185, édition de Milanesi, 1878), que l’auteur en est connu : 
« Ugo d’Anversa che fe la tavola ai Santa Maria Nuova di 
Fiorenza ». L'œuvre est encore mentionnée au t. VIII, p. 581 
du même ouvrage. La méprise au sujet de la ville d’origine 
importe peu en l'occurrence. Personne n’a hésité à y voir 
« Hugues de Gand, qui tant eut les tretz netz », comme l’a dit 
si justement Lemaire de Belges, dans sa Couronne Margaritigue. 
On place l’exécution de ce triptyque vers 1470 : c’est l’œuvre 
de la maturité du maître. Les volets, avec leurs grandes figures 
de saints et les portraits des donateurs, produisent une impres- 
sion prodigieuse. Le groupe des pasteurs, animés d’un senti- 
ment de foi si profonde et si naïve, restera toujours l’une des 
belles mauifestations de l'art flamand. On connait moins 
les grisailles représentant l’Annonciation qui occupent l'exté- 
rieur; en dépit de l’état de délabrement dans lequel elles se 
trouvent, on ne laisse pas d’être gagné par cette scène d'une 
simplicité grandiose. Hugo fait bon marché de tous les acces- 
soires pour ne montrer que deux figures. 

Marie est dans un profond recueillement; elle écoute la 
parole de l’archauge, qui, le sceptre en main, lui montre le 
ciel. Le messager céleste est d’une majesté suprême; il paraît 


(1) Je dois à l'obligeance de Mr S. Colvin de recevoir avant la publica- 
tion, une reproduction de ce dessin. Cette planche paraîtra, si elle n'a déjà 
paru, dans son magnifique ouvrage : Oxford Drarmings. Selected drarvings 
from Old Masters in the University Galleries, and in the Library at Christ 
Church, Oz ford. 





— 920 — 


comme effrayé à l’idée du mystère qui va s’accomplir. La sil- 
houette de cette figure est merveilleuse, et je ne sache pas 
qu'aucun maître ait eu une idée plus sublime de cette scène 
qui a cependant tenté le pinceau de légions d'artistes. Plusieurs 
panneaux du triptyque ont subi des retouches compromet- 
tantes. 

Au Musée du Cinquantenaire, il existe une copie due au 
pinceau de Frantz Meerts. Malheureusement le copiste n’a pas 
réussi à rendre certains tons. Les rouges et les verts man- 
quent d'éclat et de transparence; en revanche l'artiste s'est 
montré plus habile dans l'exécution des brocarts. 

Le Couronnement de la Vierge, copie ancienne, triptyque 
conservé à Buckingham Palace. Waagen l’attribuait à Goswin 
van der Weyden (vers 1480), à qui l'on donnait les deux Assomp- 
tions de la Vierge. Ces deux morceaux passent ensuite à un 
anonyme, dénommé pour la facilité de l'étude le maitre des 
deux Assomplions. et qui s'identifierait maintenant avec Albert 
Bouts. Mr Friedländer a vu dans ce triptyque une copie très 
intéressante d'une œuvre disparue de Hugo van der Goes. 
M: G. Hulin avait, sans connaître l'avis émis par le savant 
directeur de la galerie berlinoise, partagé la même manière 
de voir. Grâce à l'aimable intervention de M" Lionel Cust, 
il nous a été donné de voir et d’étudier à l’aise ce triptyque 
d'une composition très riche. Le peintre s'est ingénié à varier 
les types, les attitudes et il a donné de la vie et du sentiment à 
tous les personnages. La distinction et la grâce font défaut 
aux figures féminines ; mais leurs physionomies sont emprein- 
tes de recueillement. Le triptyque de Buckingham Palace 
doit appartenir à la première partie de la carrière de Hugo et 
précède peut-être David et Abigaïl (1). 

Panneaux conservés dans le château d'Holyrood (Edim- 
bourg). 

1. Volet droit extérieur. La sainte Trinité. Le Père 
éternel assis sur un trône tient le corps iuanimé de son Fils 
au-dessus de qui plane le Saint-Esprit. - 


(1) HuGo vaN DER Goes. Zine Nachtese-Jahrbuch der Kôntglich preussi- 
schen Kunstsammlungen, 1904. Heft IT, 


— 521 — 


2. Volet gauche extérieur. Sir Edouard Bonkle, président 
du Collège de 1462 à 1496, agenouillé et accompagné de deux 
anges qui se trouvent à l'orgue. 

3. Sur le côté intérieur, le roi Jacques III d’Ecosse, qui 
régna de 1453 à 1484, et derrière lui son frère Alexandre, duc 
d'Albany. 

4. La reine Marguerite, princesse de Danemarck, assistée 
de saint Canut, et nou de saint Georges, comme le fait remar- 
quer Mr J. Weale. 

Ces volets proviennent du maître-autel de l’église de la 
Sainte-Trinité à Edimbourg, M' J. Weale (1) considère comme 
erronée l'opinion exprimée par von Wurzbach qu'ils n’au- 
raient pas été peints avant 1480. L'église fut fondée en 1462 
par Marie de Gueldre, femme de Jacques IL. Sur l'extérieur 
d'un des volets est représeuté le prévôt de l’église, Sir Edouard 
Bonkie, à genoux devant la sainte Trinité. Derrière lui se 
trouvent deux anges, l’un au clavier, l’autre manceuvrant les 
soufflets d'un orgue flamand, et c'est sans nul doute cet 
instrument à l'achat duquel Jacques II[ contribua, en 1466- 
67, pour la somme de 10 livres. Le prévôt fut certainement 
peint d’après nature lorsqu'il se trouvait en visite chez son 
frère Alexandre, un des marchands écossais en vue établis à 
Bruges. Les portraits de Jacques III, de son frère Alexandre, 
duc d’Albany, de la reine Marguerite, ont été peints sans nul 
doute d'après des dessins fournis par sir Edouard Bonkle; 
il doit en être de même des écus armoriés et des détails de 
l'intérieur d'église représentée sur l’un des panneaux, Cette 
peinture, ajoute encore M" J. Weale, fut commandée probable- 
ment en 1469-70 et complétée avant la naissance de Jacques, 
et certainement pas plus tard que 1472. 

Donateur et patron, saint Jean-Baptiste. 

Ce panneau raccourci du Musée dl’ Amsterdam, provenant 
d'un triptyque, est indiqué d’abord dans le catalogue comme 
une œuvre dans la direction de Hugo van der Goes. MrJ. Six 
l'avait, pour sa part, attribué au célèbre artiste. M' E. Durand- 


(1) Voir Burlington Magazine, septembre 1906, p. 418. 


__— 522 — 


Gréville, prenant texte du Catalogue of the piclures in the 
Rijksmuseum À mslerdam, revu dans une certaine mesure par 
M° B.-W.-F. van Riemsdijck, écrivait (p. 346, Chronique des 
Arts, 1905) : « Peint dans la mauière du maitre, mais il y a là 
à notre avis quelque those de plus que la manière du maitre. 
Si ce n’est pas un original de Hugo, ce serait une œuvre qui 
aurait été faite par un élève très pénétré de ses principes ». Il 
n’y a pas à hésiter, ce me semble. Le portrait réalise toutes les 
qualités du maître : netteté du dessin, solidité du modelé, 
caractère intense de la figure. Nuus croyons l’œuvre contem- 
poraine du volet du triptyque du martyre de saiut Hippolyte 
de l’église Saint-Sauveur à Bruges. 

Volet du triplyque du Martyre de saint Hyppolyte 
(cathédrale Saint-Sauveur). Ce triptyque a paru lors de l’exposi- 
tion des primitifs flamands sous le nom de Thierry Bouts. Cette 
attribution n'a pas, que je sache, été mise en doute. Il existe 
cependant une divergence manifeste entre le volet de droite, 
objectivement parlant, et les deux autres parties. Le paunean 
dont il s'agit représente deux donateurs, Hippolyte de Berthoz 
et Elisabeth de Keverwyck, et, selon toute vraisemblance, 
mari et femme. Ils portent des vêtements de couleur sombre qui 
constituent comme une dissonance avec les figures aux riches 
costumes éclatants des autres scèues. Cette divergence se fait 
sentir d'une manière encore plus surprenante daus les carna- 
tions pâles et austères des donateurs, tandis que les carna- 
tions des autres personuages sont d'une tonalité chaude. 
Les deux têtes sont empreintes de caractère, la tête de 
l’homme a je ne sais quoi de ferme et d'énergique qui va 
jusqu’à la dureté ; les mains sont d'un dessin plus ferme et 
plus observé que celles dues au pinceau de Bouts. Ce contraste, 
qui avait frappé l'attention de M' Tschudi, l’ameua, après 
examen, à attribuer cette œuvre à Hugo van der Goes. Cette 
hypothèse est d’ailleurs confirmée par le fait que le maitre 
était allé de Rouge-Cloitre à Louvain pour expertiser des 
œuvres délaissées par Bouts, et il aura été, sans nul doute, 
invité à terminer le travail commandé. Le rendu des chairs 
rappelle du reste celui qu’on remarque dans les anges d'un 
panneau de Holy Rood. — Pour Mr Friedländer, les figures 





— 523 — 


des saints qui se trouvent au revers du volet, semblent plutôt 
procéder de Hugo que de Bouts. 

Adoration des mages. — Musée de Berlin, copie d’un 
anonyme. — Pinacothèque de Munich, copie de Gérard David. 
Original disparu, ou inconnu. | 

Cette création appartient à la dernière partie de sa 
carrière. Elle est d’une ordounance originale. Marie, au lieu 
d'occuper le centre de la composition, se trouve tout à fait à 
gauche contre un bâtiment en ruine; saint Joseph se tient 
à la gauche de la Mère de Dieu. Le groupe des rois et des 
personnages de leur suite, à genoux ou debout, occupent le 
reste du premier plun. Deux anges, qui planent au dessus de 
la sainte famille, l’homme qui sourit, la tête encadrée dans 
une lucarne, le bœuf et l’âue sont distribués très habilement de 
manière à éviter des vides. Le paysage est formé d’üne colline 
au pied de laquelle se trouvent des constructions, et devant 
celles-ci un groupe du cavaliers complètent le found. Il y a 
beaucoup d’aisance et d’ampleur dans l’agencement de cette 
scène. — La copie de Berlin est, comme le fait remarquer 
MF Friedländer, d’un maître médiocre, mais qui a su, dans une 
certaine mesure, transcrire fidèlement l'original qu’ilavait sous 
les yeux. — La copie de Munich a les qualités et les élégances 
qu'on est en droit d'attendre d’un maître de grande valeur; 
elle atténue la robustesse et la solidité du modèle; elle nous 
aide cependant, avec la copie de Berlin, à entrevoir nettement 
les mérites de l'original. 

Nous trouvous dans le rieur dont la tête s’encadre dans 
la lucarne le personnage agenouillé à gauche de |’ 4do- 
ration des Bergers du Musée de Berlin; nous croyons 
que ce dernier tableau doit être postérieur à l’Adoration 
des Mages. Le motif en est que le type de la Vierge, qui 
ne nous est connu que par une copie, correspoud à celui 
que l’on remarque dans la Mort de la Vierge du Musée de 
Bruges. 

Il ne sera pas hors de propos de rappeler que l'Adoration 
des Mages du Musée de Bruxelles, rendue depuis longtemps à 
Gérard David, se rattache à uue production de Hugo van der 
Goes. — C'est à MF Friedländer que nous devons d'ingénieux 


rapprochements (JaArbuch der Königlich preussischen Kunst- 
sammlungen, 1904, Heft IT). 

L'Adoration des Mages de la Galerie artistique de Bath 
(Angleterre). | 
| La revue The Connoisseur publia, au mois de novembre 
1904, un panneau qui avait été légué à la corporation de la 
ville de Bath, par feu la comtesse Conollv, de Midford Castle, 
dans le Somerset. Un auteur anonyme attribuait la peinture 
à Hans Memling, et il prenait pour point de comparaison 
l’Adoration des Mages de l'hôpital Saint-Jean, à Bruges. 
J'opposai à cette étude un article qui parut dans la même 
revue, au mois de juin de l’année suivante (p. 8R à 92). 
L’attitude de la Vierge de la Galerie artistique de Bath, comme 
je le démontrai, avait son équivalent dans la Madone de la 
Pinacothèque de Munich de Gérard David, dont la composition 
remonte directement à Hugo van der Goes, comme M" Max 
Friedländer l'a fort bien établi. Je pris également comme 
terme de comparaison certaines têtes de la Mort de la Vierge, 
du Musée de l'Académie à Bruges, qui est considérée par 
la plupart des critiques comme une œuvre authentique de 
Hugo van der Goes. 

L'attribution que j'avais faite a prévalu, et c'est 
sous le nom du peintre gantois que le panneau de Bath 
a figuré à l'exposition des peintres flamands, organisée 
au Guild Hall à Londres pendant le printemps et l’été 
de 1906. J'ai pu, à cette occasion, étudier ce morceau d’une 
conception intéressante, mais qui était malheureusement 
placé d’une façon très défectueuse. Ce panneau se distingue 
par l'éclat et la richesse du coloris. Les rouges et les verts 
sont puissants et rappellent ceux du triptyque des Portinari. 
C'est une œuvre d'une belle venue, mais il y a certaines 
défectuosités. L'Enfant Jésus est d'un dessin et d’un modelé 
peu habiles. Eu revanche, le roi vieillard et saint Joseph 
paraissent bien interprétés. L'œuvre sort-elle des mains du 
maître? M°G. Hulin est pour l'affirmative. M" Roger Fry professe 
une opinion diamétralement opposée. Pour ma part, je crois le 
panneau contemporain de Hugo van der Goes, et je penche- 
rais à le donner à son atelier. Ce n’est pas, en tout cas, une 





— 595 — 





production de tout premier choix. Faut-il la placer dans la 
première partie de la carrière du maître? — Deux faits me 
font pencher pour la négative : Le type du roi vieillard, qui se 
représente dans la Mort de la Vierge, et le type de la Vierge 
elle-même, qui n'est pas celui de ses débuts. Le brocart du 
dosseret est le même que celui de la manche de Marie Made- 
leine, dans le diptyque de la galerie impériale de Vienne. 

Adoration des Bergers de Wilton House, appartenant 
à Lord Pembroke (panneau). M" Fry considère cette œuvre 
comme originale. Il ne nous a pas été douné de voir 
l'original; mais, grâce à l’obligeance de Mr le capitaine 
Neville R. Wilkinson, nous disposons d’une excellente photo- 
graphie à la grandeur exacte du panneau. Par l'ordonnance, 
ce tableau rappelle le tableau de Bath représentant l'Adoration 
des Mages. Les personnages sont aussi à mi-corps. 

La Vierge rappelle manifestement celle de l’ Adoration des 
Bergers de la galerie de Berlin. Il en est de même pour saint 
Joseph, mais il est plus âgé sur le panneau de Wilton House. 
Il est presque chauve et les traits sont altérés par la fatigue et 
les soucis. On remarquera facilement les incorrections de 
dessiu qui déparent la tête de la Vierge, dont l’ovale est mala- 
droitement exagéré, les anges adorateurs et même les bergers. 
C’est donc une copie, car Hugo n’a jamais eu, que je sache, 
semblable défaillance. Pour le choix des types, le panneau de 
Wilton House vient se placer non loin du tableau de Berlin 
(l’Adoration des Bergers). Et, mème si l’observation relative 
à saint Joseph est exacte, il lui est postérieur. 

Adoration des Bergers du Musée de Berlin. — On a 
critiqué maintes fois l’éparpillement des personnages qui 
existe dans le panneau médian du triptyque des Portinari. 
Hugo avait voulu former comme une couronne autour de 
l'Enfant. A cet Enfant sauveur il n’avait pas même donné 
de langes, pour mieux marquer le dénuement du Dieu fuit 
homme; mais il lui avait offert une couronne d’adorateurs. 
Marie, Joseph, les anges, les pasteurs entourent le Nouveau 
né, et, conformément à la tradition, le bœuf et l’âne n'en sont 
pas exclus. — Dans le panneau de Berlin, c'est la même idée 
qui domine, mais mieux conçue, plus harmonieuse et plus 


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sereine. Marie prie dans un recueillement souriant ; elle n’a 
plus cet air navré qu'on remarque dans le triptyque de 
Florence. Du reste sa physionomie plus agréable rappelle celle 
de l’Eve du diptyque de la galerie impériale de Vienne, mais 
elle est moins jeune. Les anges ont perdu leur aspect souffre- 
teux et l'Enfant a au moins une crèche. Les deux pro- 
phètes à mi-corps, qui sont à l’avant plan, sont d’un art plein 
de vie, de souplesse et d'éclat, et enfin d'un sentiment plus 
moderne que les grandes figures de saints du triptyque de 
Florence. Cette page si pleine, si riche à tous égards, est 
rehaussée par la somptuosité de colorations chaudes et écla- 
tantes. 

Mort de la Vierge. — Musée de l’Académie, à Bruges. 
Cette œuvre, dont il existe une copie dans la cathédrale Saint- 
Sauveur, ne rappelle en rien pour la couleur les productions da 
maître ; mais ce qui semble faire défaut sous ce rapport, est 
compensé par de grandes qualités de composition et de style. 
On y voit toutes les facultés du dessinateur, de l’obser- 
vateur et de l’artiste chrétien dans son complet épanouisse- 
ment. Hugo a compris et admirablement rendu la tristesse 
paisible, mais profonde, de tous ces hommes déjà fatigués par 
les soucis de l'apostolat, et qui, dans quelques instants, seront 
privés de leur plus ferme appui. Les avis sont partagés quant 
à la conservation de ce chef-d'œuvre. Les uns estiment qu'il 
a subi un nettoyage regrettable; d’autres considèrent qu'il 
a, à peu de choses près, conservé son aspect primitif. 


* 
* * 


Hugo Van der Goes a-t-il fait des cartons pour les 
tapissiers? 

C'est vraisemblable, c'est même probable. — Il y aurait 
lieu d'examiner si les tapisseries du XV° siècle reprásen- 
tant l’Annoncialion et l’Adoration des Mages, exposées au 
Cercle artistique, en 1905, par la Manufacture nationale des 
Gobelins, n'ont pas de parenté avec le maître flamand. C'est 
la thèse que nous avons soutenue en plusieurs écrits. Des 
objections nous ont été faites et nous songeons à y répondre. 

On serait également autorisé, à notre avis, à reconnaître 








— 927 — 


le caractère et le style de Hugo dans la petite tapisserie du 
trésor de la cathédrale de Sens, représentant l’Adoration des 
Mages. 

D'une façon plus précise, on retrouve des analogies cer- 
taines entre la petite tapisserie de l’Adoration des Bergers qui 
a passé de la collection Spitzer dans celle de feu le chevalier 
Mayer Van der Bergh. On constate aussi des analogies entre 
cette page et le triptyque de la galerie Lichtenstein. 

Hugo Van der Goes a-l-il fait des miniatures? — Ce 
n'est pas impossible mais ce n’est. pas prouvé. Il a surgi à cet 
égard une intéressante discussion à laquelle ont été mêlés Mr 
Sander Pierron et plusieurs journaux d’art, entre autres 1’ Art 
moderne et Durendal. La question a été débattue également à 
la Société d’archéologie de Bruxelles, dans la séance du mois 
de mars 1905 (Annales de la Soc., t. XIX, p. 471 et 472). 
On sait que Hugo van der Goes, qui concevait très grand et 
exécutait sur une grande échelle, ne dédaignait pas de traiter 
des travaux délicats. On cite une merveille de finesse qui était 
conservée dans une église de Gand, et le diptyque de la galerie 
impériale de Vienne montre à quel raffinement il savait 
recourir pour rivaliser avec ses devanciers et ses émules les 
plus raffinés. 

Un fait est acquis, c’est la faveur dont les productions de 
Hugo van der Goes ont joui chez les enlumineurs. D'ailleurs 
des liens du sang le rattachaient à une famille d'enlumineurs. 
Alexandre Bening avait épousé la sœur de Hugo, et c’est de 
ce mariage qu'est issu Simon Bening. Il est certain que 
l'influence de Hugo se constate dans les Heures de Hennessy 
enluminées par Simon Bening, dans plusieurs endroits, surtout 
daus la Descente de croix et dans la Mise au tombeau (1). 

Déjà en 1905, à une séance de la Société d'archéologie de 
Bruxelles, dont il a été question plus haut, je mentionnai 
les traces de l'influence de Hugo. Ou la sent très vive dans 
plusieurs pages du Grimani : dans le paradis terrestre (pl. 45 


(1) Voir notre étude : les Heures ds: N. Dame dites d: Hennessy (Bruxel- 
les, 1896). 





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du recueil photographique de Zanotto), le serpent à corps de 
femme est manifestement apparenté à celui du sujet similaire 
de Hugo qui se trouve au Musée impérial de Vienne. Il faut 
encore citer l’Adoration des Mages (pl. 22), l’Adoration des 
Bergers (pl. 27), saint Paul (pl. 73), la Vierge et l'Enfant Jésus 
(pl. 109), etc. Pour la dernière scène, il serait intéressant de la 
comparer pour l'esprit, le paysage et même le choix des types, 
avec le petit tableau du Musée de Bruxelles représentant 
sainte Anne, la Vierge el l'Enfant Jésus. M' Alph. Wauters 
avait déjà reconnu Hugo Van der Goes dans les deux 
Adorations; seulement il y voyait la main du maitre, et non, 
comme c’est le cas, des copies ou des interprétations du maître. 
Il partait d’ailleurs de cette idée fausse que le bréviaire datait 
de la seconde moitié du XV* siècle, tandis qu'il date du pre- 
mier tiers du XVIe siècle. 

= On retrouve, trèscaractérisée, l’influence dn maître flamand 
dans un manuscrit enluminé appartenant à Mgr le ducd’Aren- 
berg (1).Mr E. Laloire l’a signalée pour l’Adoration des Bergers. 
L'auteur cite même plusieurs miniatures. Il mentionne une 
sainte Barbe qu’il rapproche de l’Abigaïl de Gand. Notons 
que l’Adoration des Mages du livre d'heures de Philippe de 
Clèves est la reproduction da tableau de Hugo disparu, connu 
par les copies du Musée de Berlin et de la Pinacothèque de 
Munich. 

Il existe une autre copie remarquable de cette Adoration 
des Mages dans le bréviaire offert à Isabelle, reine d’Espagne 
et de Sicile, vers 1497, par Francisco Royas, qui se qualifie 
dans une inscription du manuscrit... eiusdem Majestatis 
humillimus servus et creatura. Le roi vieillard rappelle le 
personnage de la copie du Musée de Berlin. Bien que l’enlu- 
mineur ait simplifié son interprétation par la suppression de 
plusieurs personnages, il semble néanmoins avoir connu 
l’œuvre originale (2). 


(1) Le livre d' Heures de Philippe de Clèves et de la Marck, Seigneur de 
Ravestein, extrait des Anciens Arts de Flandre, 1906. 

(2) On peut voir une bonne reproduction de cette copie dans l'ouvrage 
de G.-F. Warner, Zlluminaled manuscripts in the British Museum scith 
descriptive text, 1re série, 1903. 





— 529 — 


L'influence de Hugo s’est fait sentir chez les enlumi- 
neurs lorsqu'ils représentent des personnages tels que les 
apôtres. Elle est sensible dans des miniatures de la Biblio- 
thèque de Cassel (Allemagne) qui s’apparentent au bréviaire 
Grimani, comme je l’ai prouvé dans la Revue de l'Art chré- 
tien. Dans le même recueil de miniatures on note plusieurs 
sujets qui sont identiques à ceux du livre d’Heures de Philippe 
de Clèves, mais d’une facture autrement soignée. Nous cite- 
rons entre autres saint Georges combattant le dragon. Les 
apôtres ont quelque chose du caractère des figures créées par 
Hugo. Et puis elle est encore comme imprégnée de son inspira- 
tion, l’ Annonce de la bonne nouvelle aux pasteurs, tant pour la 
scène que pour le paysage. Le manuscrit 41 cimel. de la Hofbi- 
bliothek de Munich nous montre une Adoration des Mages où 
il n’est pas difficile de rencontrer maintes particularités propres 
au maître, surtout si on rapproche cette page du tableau de la 
Galerie artistique de Bath. Dans le même manuscrit on voit 
aussi une Piéta tout à fait dans le style et l’esprit de Hugo. 
Qu'il me soit permis de rappeler une autre Adoration des Mages, 
d’une composition mieux ordonnée, plus grande et d’un aspect 
plus pittoresque, que l'on voit dans le manuscrit de Vienne de 
l’'Hortulus anima christiane, ayant appartenu à Marguerite 
d'Autriche, dans la série des miniatures de Cassel et dans le 
livre d'heures Weingärtner de Nuremberg. 

Dans le livre d’heures du Musée national de Munich 
n° 861, on retrouve encore l’influence de Hugo, surtout dans 
la scène représentant la chute de nos premiers parents. Cette 
page, supérieure à la même scène du bréviaire Grimani, nous 
apparaît comme une copie directe d’une œuvre du maîtreet non 
comme une interprétation. En tout cas, les types d'Adam et 
d'Eve rappellent d’une manière surprenante ceux du diptyque 
de la Galerie impériale de Vienne. Seulement l'ange tentateur 
ne s’y tient pas dans un coin, mais il se trouve dans les 
branches de l’arbre du bien et du mal, sous les traits d’une 
femme dont le corps finit en serpent. 


Note sur la | 
Représentation du retable de l’Agneau mystique 
des Van Eyck, 
en tableau vivant, à Gand en 1458, 
par Pauz BERGMANS, 
Sous-bibliothécaire de l'Université de Gand. 





M: L. Maeterlinck a appelé naguère mon attention sur le 
passage suivant du mémoire de M' Gustave Cohen, couronné 
par l’Académie royale de Belgique, Aistoire de la mise en 
scène dans le théâtre religieux francais du moyen-âge (1) : 
« …les rhétoriciens de Gand essaient d’imiter la célèbre 
« Adoration » de Van Eyck... ». Pour satisfuire au désir de 
notre confrère, j'ai fait quelques recherches en vue d’éta- 
blir la réalité de cette assertion, et j'ai pu constater que le 
polyptyque des frères Van Eyck avait, en effet, été représenté 
à Gand, sous forme de tableau vivant, à l’occasion de l'entrée 
de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, le 23 avril 1458. 

M' Cohen renvoie d'abord à l'ouvrage de P. Weber, 
Geistliches Schauspiel und kirchliche Kunst (Stuttgart, Ebner, 
1894), que je n'ai pu me procurer. 

Puis il cite le premier volume de l’ouvrage de J.-A. Worp 
sur l’histoire du théâtre dans les Pays-Bas (Geschiedenis van 
het drama en van hel tooneel in Nederland, Groningen, 1904, 
pp. 42-43) et le compte-rendu consacré à ce livre par G. Huet 
dans la Aevue critique. En consultant ces références, j'ai pu 
remonter au document justifiant l’assertion de M" Cohen, et 
qui n'est autre qu une source bien connue : la Ærouyk van 


(1) Mémoires de l'Académie royale de Belgique, classe des lettres, 
collection in-8o, nouvelle série, t. I, fascicule VI, p. 138. 





— 531 — 





Vlaenderen (580-1467), publiée par les Bibliophiles flamands, 
en deux volumes, en 1839-1840. 

Cette chronique, sans valeur au début, est très précieuse 
pour le récit des événements du XV° siècle. C'est ainsi qu'elle 
nous donne un récit bien détaillé de l'entrée du duc Philippe 
le Bon à Gend, en 1458, après la bataille de Gand. 

Ce récit parait même devoir être, comme me l'a fait 
remarquer M' V. Fris, une relation officielle, à l'instar 
d'autres récits d'entrée solennelle, tels que celui de l'entrée 
à Bruges en 1440, daus l’£Zrcellente Croxicke, celui de l’entré: 
à Bruges en 1468 (probablement rédigé par Antoine de 
Roovere), publié par Brill (Historisch genootschap, 1885), 
celui du tir à l’arbalète à Gand en 1497, dans l’Æxcel- 
lente Cronicke. 

Ce qui prouve ce caractère officiel, abstraction faite de la 
longueur et de la minutie de la relation, c'est la concordance 
qui existe entre l’ordre des différents métiers et celui que nous 
trouvons dans le registre Van Ordonnancien en Wijsdommen 
der neiringen van Gead (Archives communales). 

Il n'entre pas dans notre cadre de retracer toute cette 
entrée du duc Philippe, qui fut d’une richesse extraordinaire 
de décoration (r). Nous nous bornerons à citer le passage, où 
l'aunaliste décrit le tableau vivant représenté à la place du 
Marais, au moment du passage du cortège princier qui venait 
de la porte de Bruges. 


(1) Memoriebnek der Stad Ghent, éd. des Vlaemsche Bibliophilen, 2° série, 
n° 15, t. 1 (Gand, 1852), p. 249 : 

« Item in dit jaer [1457 = 1458 n. style] dede hertoge Philips zyne eerste 
iatreye binnen Ghent, sichtent den slach van Gavere, ende was zeer heerlic 
ontfangen op den XXiij® April, ende was Sente Joorisdach, ende was 
binnen Ghent tot den XViijer in Meye. 

« Item, in de voornoemde incoinste waren binnen Ghent ontsteken ende 
verberrent bet dan X Vilij dusent ende }x toortschen, ende men vierde doen 
boven den cruuse van Bente Niclaeys torre, ende hy quam te Brugsche- 
poorte inne, daer groote genouchte alle avonde binnen Ghent bedreven was 
in alle gebuerten ». 

Ua autre manuscrit du Memorieboek ajoute, en rapportant l'entrée du 
prince [datée ici du 24 avril]: « ende daer was groote triomphe ghedaen van 
vierne ende veele sehone figureu aen de strate becleet met drie colueren 
. van lekene ende ootmoedighe devysen. » (Ibid , p. 250). 


— 59 — 


Nous avons fait quelques recherches dans les comptes 
communaux de 1457-1458, afin d’essayer de découvrir une 
mention relative au tableau vivant. Nous n'avons trouvé que des 
indications assez générales, que nous donnons en note; on y 
remarquera cependant le passage concernant des esbatimenten| ). 

Voici la reproduction du passage de la Kronyk van 
Vlaenderen : 


Item, up den Poul stont gemnect eene groete hoghe stellagie, 
met drye stagien upgaende L. voeten lanc, ende xxviij voeten 
breedt, al verdect met blauwen lakenen, voren ghesloten met 
witten gordinen, de misterye diere upatont was dusdanich : Chorus 
beatorwm in sacrificium agni pascalis; in de middewaert van der 
hogster stagien was een guldin troen, daer in ’t personnagie van 
God den Vadre, sittende in eenen costelyken setele, heerlijc ver- 


(1) Comptes communaux 1457-1458 : 
(Fe 25). Item ghegheven den speellieden ons vors. gheduchts heeren 
tharen Kerssavonde, Xs. VIIJ d. gr. 
(Fo 26). Item ghegheven ten beveelne van scepenen eenen gheselle van 
consten die ter presencien van minen heere den hooch bailliu, scepenen ende 
anderen speelde up den Colacysoldere den IJ sten dach in Decembre anno 
LVIJ in hooscheden, IJ s. III d. gr. 
(Fo 26 vo). Item ghegheven bij laste van scepenen bij Meester Janne de 
Keghele zekeren ghesellen, die voor minen heeren vanden grooten Rade 
ons harde geduchts heeren speelden, wezende ten huuse van Pieteren 
ser-Symoens den XXJes dach in Haumaent anno LVIJ in hooscheden XX d. gr. 
(Fo 26 vo). … onzen haerden gheduchten heere toegheleyt te zijnder 
blijder incomst binnen dezer zijnder stede, ghedaen den XXI[Jes dach in 
Aprille ao LVIIJ... 
(Fo 21). 't Steecspel… up de Vrindachmaerct den VIJe» dach in Meye 
LVIJ. ’ 
(Fe 27). Item ghecocht jeghen Janne van den Moure, goudsmet, XI 
zelverin scalen, te wetene de IIJ weghende elke IIIJ oncheu ende de VIIJ 
weghende XLVIIJ onchen J inghelschen, comt t’zamen VIJ marc troysch ILIJ 
onchen I ioghelschen, die ghepresenteert waren diverschen neeringhen 
ende anderen binnen dezer stede, die den scoonsten staet hildan in vierne 
ende anderssins ter blijder incomst ons harde gheduchts heeren ende ooc 
den ghenen, die best ende ghenouchelicxt esbatementen ; coste d'onche van 
den vors. scalen IJs. IIJ d. gr. ende van den zelven te voramelgierne 
ende makene metter stede wapene, van den sticke XIJ d. gr., hieraf 
getrocken IJ houde amausen die der stede toebehoorden, blijft 
X £ Is. VIIJd. gr. 
(Fo 27 vo). Item ghegheven ten bevoelnè van scepenen eenen gheselle 
van consten, die up den reep speelde voor t'scepenenhuus, t'Sondaechs 
XXX dach in Aprile anno LVLIJ in hooscheden : IJ 8. gr. 








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Sur nvauêy‚l op onbsydstod — 8b oN 


— 54 — 


chiert, met eender keyserlyker croenen up 't hooft, eenen septre 
in de handt, onder voer sijn voeten, eene gulden croene, onder de 
croene stont ghescreven, met gulden letteren, aldus : Vita sine 
morte in capite, juventus sine senectute in fronte, gandium sine 
merore a dezteris, securitas sine limore a sinisiris. Boven omme 
de diademe : Hic est Deus potentissimus propter divinam majesta- 
tem ; summus omnium optimus propter dulcedinis bonitatem; remu- 
nerator liberalissimus propter inmensam largitatem. 't Personnagie 
van der Maget Maria zittende t' sijnre rechter hant, uutnemende 
costelic verchiert, boven rondsomme hare diademe stont ghescre- 
ven : Hec est speciosior sole et super omnem stellarum dispositionem 
lucis compacta invenitur. Ende sent Jans Baptiste t’ sijnre slinker 
hant, wat neerdere dan Maria, rondsomme sine diademe stont 
ghescreven : Mic est Baptista Johannes, major nomine, par angelis, 
legis summa evangelisatio. Ende an de rechte zyde van Marien, 
wat neerdere, was eenen choer van inghelen, die maniere maecten 
als men dese figure toghde van singhene, voer hemlieden stont 
ghescreven ; Melos Deo, laus prophetis, graciarum actio. In ‘t ghe- 
lyke was ter slinker zyde van sent Janne een choer van inghelen, 
die maniere maecten van speelene up orghelen ende andere veele 
diversschen instrumenten van musiken, als men dese figure toghde 
voer hemlieden stont ghescreven : Laudate eum in cordis et organo. 
Ende emmer waren de selve inghelen in biede de choren naer 
toghen van desen figueren, als de gordinen toegheschuuft waren, 
altoes singhende ende speelende zeere melodieuzelijc ende ghe- 
nouchlijc. 

Item, up de tweeste ende dardde stagie stonden ter rechter 
zyden, eerst vj. confessoren ghecleedt als bisschoppen, in ponti- 
ficale blauwe habyten, ende voer hemlieden stont ghescreven : 
Beati pacific. 

Item, neffens die, bet achterwaerts stonden vj. oude vaders 
ghelijc patriarken ende propheten, vercleedt met peersschen ende 
roeden heyken lanc tot der heerden ende al met langhe barden; 
voer hemlieden stont ghescreven : Beati qui esuriunt et scitiunt 
justiliam. 

Item, daer neffens stonden bet achterwaerts vj. oude vaders 
met blauwen ende zwartten habyten totter heerden met mudtschen 
up ’t hoovet; voer hemlieden stont ghescreven : Beati misericordes. 

Item, doe volghden daer an de selve zyde oec bet achter waert 
vj. Gods ridders, als sent Joerijs, sente Victor, sente Maurissius, 
sente Sebastiaen, sente Quirijn, sente Gandolf, wylen hertoghe 





— 535 — 


van Bourgognen, elc met sinen standarde van sijnder wapenen in 
sijn handt; voor hemlieden stont ghescreven : CAristi mililes. 

Item, nevens die stonden vj. oude vaders met groenen haby- 
ten an, elc als een rechtere; voer hemlieden stont ghescreven : 
Justi judices. | 

Item, up de selve tweeste ende dardde stagien, stonden ter 
slinker zyden, ierst jeghen over de vj. confessoren, vj. jonghe 
maghden met schoenen hanghenden hare; voer hemlieden stont 
ghescreven : Beati mundo corde. 

Item, daer an achterwaert jeghen over de Patriarken stonden 
vj. Áppostelen ; voer hemlieden stont ghescreven : Beati pauperes 
spirilu. 

Item, daer naer jeghen over de Oude Vaders met blauwen 
ende zwartten habiten stonden vj. Heremiten, onder de welke 
stonden Maria Magdalena ende Maria Egipciaka; voer hemlieden 
stont ghescreven : Zeremiti sancti. 

Item, daer nar jegheu over de vj. Gods ridders stonden vj. 
Martelaers, als bisschoppen ende priesteren, vercleedt al met 
roeden pontificalen habyten; voer hemlieden stont ghescreven : 
Beatt qui persecutionem patiuntur propter jusliciam. 

Item, jeghen over de vj. Oude Vaders metten groenen habyten 
stonden vj. Peelgryms, d'een van hemlieden sijnde sente Chris- 
toffels uutnemende groet boven d'andere; voer hemlieden stont 
ghescreven : Peregrini Sancti, ende waren alle dese voorscreven 
personnagien zo uutnemende rykelic ende costelic verchiert ghea- 


‘billiert ende ghepareert elc naer sinen heessch ende staet als dat 


onmoghelije ware volcomelic te declareren oft te scrivene. 

Item, up ’t selve stellagie in midden van de vorseide person- 
nagien stont eenen schoenen outaer, dierbaerlic ende kerckelic 
ghedect ende gheparreert ende voren up de dwale van dien outare 
stont ghescreven, met guldenen letteren : Æcce agnus Dei qui 
tollit peccata mundi. Ende up den selven outaer stont eene figuere 
van eenen Lamme ghemaect naer dlevende uut sijnre burst loe- 
pende bloet in eenen kelict ; rontomme dien outare stonden veele 
inghelen, daer aff dat d’een hilt teekin van den cruce, een ander 
de columme, ende alle d'andere elc een teekin van den instrumenten 
ende tiekenen der passcien ons liefs heeren Jhesu Christi. 

Item, voor elcken houc van den outare knielde een inghele, 
die hadden ele een wieroecvat stijf staende in manieren off sy 
gheworpen hadden ten vorseiden outare waert, ende voer de 
inghelen stont ghescreven : Beati mites. 


— 536 — 


Item. up de figure van den vorseiden Lamme, ende up ele 
van den vorseiden andereù staten, waren gemaect, comende 
ende sprutende uut der personnagie van God den Vader, rayen 
in midden den welken scheen vlieghende eene schoene witte duve, 
in manieren van den Heylighen Gheest, de selve duve houdende 
een rolle daer in dat ghescreven stont : Repleti sunt omnes Spiritu 
sancto. 

Item, recht vore de stellagie stont ghemaect eene schoene 
fonteyne verchiert ghelijc witten ende groenen marbre, de pilaer 
xxv. voeted hooghe boven de stellagien staende up eenen steenen 
voet, drye stieghers hoghe upgaende; daer aff den uppersten 
was dbat van der fonteynen, ende boven up den appel daer uut. 
dat drye gorgelen liepen met wine, als mijn vorseide gheduchten 
heere daer leedt, stont een inghele houdende eene rolle daer in 
dat ghescreven stont : Fong vite; ende omme den vorseiden 
appele stont ghescreven : Fluvius egrediebatur de loco voluptatis, 
ad irrigandum Paradisum. Genes. 29 Ende an den buc van der 
fonteynen vorseit stont ghescreven ter eender zyden : Pocula 
guerenti fons noster dabit amena, ende ten ander zyde stont 
ghescreven : ic est fons aque cite procedens de sede Dei et agni. 


Comme on le voit, nous sommes en présence d'une des- 
cription si minutieuse qu'il est impossible de ne pas recon- 
naître le polyptyque de Saint-Bavon. Et cepeudant aucun des 
érudits qui ont manié la Aronyk van Vlaenderen ne s'en est 
apercu. 

Bien plus, Emile Varenbergh, en donnant une traduction 
francaise de la relation de l'entrée de 1458 dans les Annales 
de la Sociëté royale des beaux-arts et de lillérature de Gand (1), 
n'a pas remarqué l'intérêt tout spécial du passage. 

Comme nous l'avons dit, c'est G. Fuet qui établit, le 
premier, l'identification de cette description avec le tableau de 
Van Eyck, en rendant compte de l'ouvrage de J.-A. Worp. 
Au cours d’une série d'observations de détail, nous relevons, 
en effet, cette mention : « P. 42. Le tableau vivant représenté 
à Gand, en 1458, est évidemment la mise en scène du célèbre 
rétable des frères Van Eyck, l'Adoration de l'Agneau... » (2). 


(1) T. XII (1869-1872), pp. 1-36. 
(2) Revue critique d'histoire et de littérature (Paris), 1904, ler semestre, 
p. 266. 


— 537 — 


La description si minutieuse de la Aronyk est un docu- 
ment très important sur le polyptyque, et il devra faire partie 
du Corpus Eyckien que la Société d'histoire et d'archéologie 
de Gand prépare à l'initiative de M' A. Van Werveke. 

J'appellerai notamment l'attention sur les légendes don- 
nées par l’annaliste et qui présentent des variantes parfois 
importantes. Notons aussi que la description ne fait pas men- 
tion de la prédelle représentant le Jugement dernier qui aurait 
formé la zone inférieure du retable. 

Cette représentation de 1458 est une confirmation déci- 
sive de ce qu'on savait déjà; c'est à dire la glorieuse répu- 
tation de l’œuvre des Van Eyck et l’estime toute particulière 
en laquelle la tenaient les Gantois. 

Mais elle a encore une importance plus considérable 
parce qu'elle soulève une question générale des plus délicates, 
celle de l'influence des œuvres d'art sur les représentations 
scéniques. 

Du moment que nous avons la preuve que le tableau 
vivant représenté à Gand en 1458 est la représentation d’un 
tableau existant, nous pouvons rechercher les originaux des 
autres tableaux vivants dont les chroniques nous ont laissé le 
souvenir. Il ya là une étude pour laquelle je ne suis pas 
documenté, mais que je signale aux historiens d’art, persuadé 
qu'elle pourra donner des résultats très curieux. 

Déjà Mr L. Maeterlinck, en s’occupant lui-même de ce 
sujet dans son article : L'art et les rhéloriciens flamands (1), 
rapproche la description d'une Histoire de David et Abigail 
représentée également à Gand en 1458, d'une œuvre perdue 
d'Hugo Van der Goes. 


(1) Bulletin du bibliophile, Paris, 1906. Cf. les notes de Mr Maeterlinck 
dans le Bulletin de l'Art ancien et moderne (Paris), du 28 juillet 1906, 
et dans /'Art moderne (Bruxelles, du 5 août 1906. 





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TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS. 


ARENDT (CH). — La villa romaine de Mersch . . . . . . 
ARENDT (Cx.). — Moyen pratique de populariser l'histoire nationale. 
ARENDT (Cr). — Étude sur la déesse gallo-romaine Epona . . . 


BERGMANS (P.). — Note sur la représentation du retable de l’'Agneau 
mystique des Van Eyck, en tableau vivant, à Gand en 1458. . 


BRASSINNE (J.). — Les paroisses primitives et les anciens domaines. 
Bus (CH ). — Plan d'étude méthodique de l'habitation urbaine en 
Belgique . « . . . . . ee + 


CASIER (JOSEPH). — Faut-il encourager la création de musées locaux 
régionaux? . . . . . ee ee ee + + + 


CAUCHIE (A.) et VANDER ESSEN (L.). — Les Archives Farnésiennes de 
Naples au point de vue des Pays-Bas. . . . . . 


CLOQUET (L.). — Développement à donner au système des fiches 
archéologiques . . . . . … « . «ee . 


CUVELIER (J.). — Les petites archives . 


DE BEHAULT DE DORNON (A.). — Avant-projet de loi sur la conser- 
vation des monuments et des objets mobiliers historiques ou 
artistiques. 


DE LOË (Bon A.) — Note sur les objets barbares recueillis dans les 
stations de La Panne-Bray-Dunes . . . . . . . e . . 
DE LOE (Bon A.). — Poteries trouvées dans les dunes d'Oostduinkerke. 


DE MAERE D'AERTRYCKE (B°r). — Quelques stations néolithiques 
découvertes dans la Flandre occidentale. . . . . . . . e 


Dgpoin (J.). — Wicman II, comte du Hamaland, bienfaiteur de 
Saint-Pierre de Gand au Xe siècle. . . . . . . … . 


DE PAUW (NAP.). — Les anciennes bibliothèques de Flandre . 


Des Marez (G.). — L'évolution corporative en Flandre à la fin du 
XIIIe siècle. . . ee + ee . 


DESTRÉE (Jos.). — Hugo van der Goes . . . .. es . . . , 
De WAELE (Jos.). — Diapositions adoptées en Belgique dans la con- 

struction des donjons romans. eee ee ee 
DONNET (FERNAND). — L'archéologie campanaire en Belgique . . 


mg nn RE 


212 
225 


145 


315 
307 


483 
510 


195 
158 


— 540 — 


Dony (Em). — Les inventaires des petites archives . . . . 


DucLos (AD.). — Parmi les antiquités romaines et franques recueil- 
lies dans la Flandre maritime, s'en trouve-til qui portent des 
emblèmes chrétiens? . . . . . . …_. ee. + . . 

Fris (V.). — Les origines de la réforme constitutionnelle de Gand 
de 1360-1369, . . - .. ee ee ee eee 

GizLÈS DE PÉLicuy (B°2 Cr). — Note sur des poteries recueillies 
dans la Flandre maritime . . . . . . . . « . 


GRoB (J.). — Le droit d'imposition dans l'ancien duché de Luxem- 
bourg. De la signification en terminologie fiscale des mots feu, 
Herd, Feuerstätte, ménage, Haus . . . . . … . + … © 


HaANsAY (A. ). — Quelques considérations sur le servage dans l’ancien 
pays de Looz . « . e … «a ee ee ee + «+ + 


HASSE (G.). — Les barques de Péehe trouvées à Anvers en 1884 et 
1904. 1905 . . . . . . ns ee ee 


Heins (A.). — Les Steenen et les Hoven en Flandre. . . . . 
Hoste (Hus.). — L'expansion du style brugeois (architecture domes- 


tique) . e C2 e . . . 0 C1 e ° ° . LJ e e . e e Ld e 
HUY88RIGTS (FR.). — Les diverses civilisations, antérieures au Vie 
siècle, observées en Hesbaye. . . . . . . . e . . 


LONCHAY (H.). — Les sources de l’histoire du règne des archiducs 
Albert et Isabelle . . . 


Marre (Chan.). — Note sur l'influence brabançonne sur les édifices 
flamands de style flamboyant . . 


MATTHIEU (E.). — Les sociétés populaires en Belgique . 


MourLox (M.). — Le Campinien et l'âge du mammouth en Flandre. 
Neus (H.). — Rapport sur les travaux de chronologie publiés en 
Belgique et en Hollande depuis 1830 . . . . . . . . . . 


PIRENNE (H.). — Rapport sur le projet de publication d’un recueil de 
fac-similés pour servir à l’étude de la diplomatique des provinces 
belges . . . . . . +. . . ss 


RARYMAEKERS (Dr). — Quelques stations tardenoisiennes et néolithi- 


ques découvertes aux environs de Gand. . . . . . . . 
Ramm (E.). — Les reconstitutions archéologiques de la section « Bel- 
gique ancienne » des musées royaux du Cinquantenaire. . . 


Rousszau (H.). — La figure hybride dans l'art décoratif . 


RUTOT (A.), — Résumé des connaissances acquises sur la préhis- 
toire de la Flandre à l'époque de la pierre. . . . . . . . 


SMITS (C.-F.-XAvIER). — Note relative à l’iconographie sculpturale 
de la cathédrale de Bois-le-Due . . . . . . ee. 


460 


108 





— 54] — 


STROOBANT (L.). — Ancienneté relative des vestiges de la période 
hallstattienne en Belgique. — Quel est l’âge des tombelles de la 
Campine? . . . ee ee ee ee 

TruéÉrx (A.). — Les tapisseries historiées signées par Jean van Room, 
alias Jean de Bruxelles, peintre de Marguerite d'Autriche . 

TOURNEUR (V.). — Histoire et étymologie du nom de Gand . . 

VAN DEN GHEYN (R. P. J.). — La confection d'un album belge de 
paléographie. e . e e e ee _ ee e e . e ® Q . e e . 

VAN DEN GHEYN (Chan. G.). — Les raisons à faire valoir contre l'envoi 
aux expositions d'art rétrospectif Jes objets appartenant aux 
dépôts publics . . . . . + + + + 

VANDER ESSEN (L.). Voir A. CAUCHIE. 

VANDER LINDEN (H.). — Les sources de la géographie historique 
de la F landre e 0 e e e . e e e e . e 0 e . . e 

VAN ERTBORN (Bee O.). — Echelle stratigraphique des systèmes 
pleistocène (« Quaternaire ») et pliocène de la Belgique . 

Van Hourre (H.). — L'évaluation des monnaies anciennes en mon- 
naies modernes. . « . , . «ea + * + + + + + + 

WILLEMSEN (G.). — Relevé des stations belgo-romaines actuellement 
connues dans le pays de Waes. . . . . . … « . . . « 


Pages. 


279 


310 


227 


109 


SR RR men en e muet 


TABLE DES PLANCHES HORS TEXTE . 


I. — Reconstitution de la sépulture néolithique de Vaucelles 
IT. — Villa romaîne de Mersch . . . . . . . . . 
TII-IV. — Le puits romain de Thielrode. . . . . . . 
V. — Relevé du puits de Thielrode. . .°. . . . . 
VL, — Urnes provenant des tombelles de la Campine . . 
VII-XIII. — Steenen et Hoven en Flandre /1-8) . . . . 
XIV-XVI. — Poteries de la Flandre maritime . . . . 


Fages. 


+ }41-142 


(1) Le Secrétaire général tient à faire remarquer qu'il a, de parti pris, 
exclu des publications du Congrès les papiers dits couchés, afin de se 
conformer aux vœux du Congrès international pour la reproduction deg 


manuscrits, etc., tenu à Liége en 1905. 


Le papier de première qualité, sur lequel les planches hors texte ont 
été tirées, ne peut donner, pour les similigravures, la finesse d'impression 
des papiers couchés, mais il présente des garanties sérieuses de conser- 


vation, ce qui a paru préférable. 





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