ANNALES DU MIDI
ANNALES
DU MIDI
REVUE
ARCHÉOLOGIQUE, HISTORIQUE ET PHILOLOGIQUE
DE LA FRANGE MÉRIDIONALE
Fondée sous les auspices de l'Université de Toulouse,
PAR
ANTOINE THOMAS
PUBLIÉE AVEC LE CONCOURS d'uN COMITÉ DE RÉDACTION
PAR
A. JEANROY ET P. DOGNON
PROFESSKUHS A L'UNIVERSITÉ DE TOULOUSE
«t Ab l'alen tir vas me l'aire
« Qu'eu sent venir de Proenza. s
Peire Vidal.
SEIZIÈMEANXÉE .
1904 r\ "^ '
^
TOULOUSE
IMPRIMERIE ET LIBRAIRIE EDOUARD PRIVAT
14, RUE DES ARTS (SQUARE DU MUSÉE)
Paris. — Alphonse PICARD et fils, rue Bonaparte 82.
LES ORIGINES
PROVINCE ECCLÉSIASTIQUE DE TOULOUSE
(1295-1318)
(Suite et fin*.
m.
DÉLIMITATION DES DIOCESES ET DES MENSES.
Les opérations de l'enquête se poursuivirent huit mois
durant : de juillet 1317 à février 1318 (n. st.). Le détail ne
nous en est connu que par les lettres pontificales qui en tra-
çaient le programme et dont les commissaires durent suivre
scrupuleusement les dispositions : information sur les pro-
priétés de la mense; évaluation de leur revenu; division de ce
revenu en sept lots principaux correspondant aux sept évê-
chés, et en dix groupes moindres répondant aux chapitres
caihédraiix et collégiaux; attribution de certains bénéfices à
titre de compensation aux monastères et aux prieurés lésés
par les fondations nouvelles; enfin travail de délimitation
territoriale basé sur les calculs arrêtés pour les menses.
Nous nous rendrons mieux compte de la suite de ces opéra-
tions en examinant les bulles qui en consacrèrent le résultat.
1. Voir Annales du Midi, livraisons de juillet et d'octobre 1903.
6 J.-M. VIDAL.
Elles ne sont pas moins de quarante, toutes datées du 22 fé-
vrier 1318 ^ Chaque nouveau diocèse en exigea deux : une
pour la mense épiscopale et une pour la mense capitulaire.
Les autres donnent satisfaction à des bénéficiers qui y
avaient droit.
Nous essayerons de dire quel fut le lot de chaque diocèse
et de chaque chapitre dans ce partage général. Le lecteur
trouvera du moins dans ces pages forcément assez sèches un
tableau exact de la province de Toulouse après sa fondation.
1» Diocèse de Toulouse. — Le pape lui attribua environ
deux cent vingt^ églises, chapelles, prieurés ou monastères
dont sa bulle contient la nomenclature ainsi que celle des
territoires qui ne rentraient dans aucune de ces catégories.
Les limites de celles de ces paroisses les plus éloignées de
Toulouse à la ronde formaient les frontières du diocèse lui-
même. Le pape ne trace pas autrement la ligne de démarca-
tion. Il en fut de même pour les autres circonscriptions.
Dans ces limites furent compris sept monastères : Saint-
Saturnin de Toulouse (0. S. B.), Grandselve (Cisterciens),
Mas-Grenier (0. S. B.), la Capelle (Prémontrés), Eaunes (Cis-
terciens), et rOraison-Dieu à Muret (Cisterciennes)*. Après
la réforme de Jean XXII il y eut trois chapitres : Saint-
Etienne de Toulouse, l'Isle-Jourdain* et Saint-Félix de Ca-
raman.
Le chapitre cathédral, présidé par un prévôt, était composé
d'un aumônier, d'un chancelier, d'un sacriste, d'un trésorier,
des archidiacres de Villelongue, Savez (ou Gimoez), Vielmo-
morez, Olmes, Lézat (ou Montesquieu), Lanta et Villemur (ou
1. Documeyits, etc., du n" XXXIX au n» LVII. Nous avons la certitude
de n'avoir pas connu toutes celles qui concernent les compensations
accordées par le pape.
2. M. A. MoLiNiER [Hist. de Languedoc, XII, p. 159), d'après un
pouillé du temps de Jean XXII, donne le chiffre de 214 paroisses.
3. On nous permettra de n'identifier ici que les localités aujourd'liui
situées hors du département de la Haute-Garonne. Que le lecteur soit
donc averti pour la suite de ce paragrapiie. Mas Grenier, Grandseloe
(Tarn-et-Garonne), comm. et cant. de Verdun.
4. L'Isle- Jourdain (Gers), chef-lieu de cant., arr. de Lombez.
ORIGINES DE LA PROVINCE ECCLESIASTIQUE DE TOULOUSE. 7
Canet)! ^iQ^t \q [[[^e n'était plus qu'honorifique, tles prieurs
de Sauvimont^, Muret, Nailloux, Gensac, Pompiac^, Aus-
sonne, Gornebarieu, Goudourvielle*, Odars et de plusieurs
canonicats simples^.
On comptait dans le diocèse six archiprêtrés qui formaient
autant de circonscriptions territoriales : Gardoucb, Caraman,
Verfeil, Montastruc, l'Herm et Grenade".
Gardouch comprenait trente-huit paroisses; Caraman,
trente-une; Verfeil, trente-deux; Montastruc, trente-sept;
Grenade, trente-six; l'Herm, quarante'. Parmi ces paroisses,
il y en avait trente-deux portant le titre de prieurés ^ et en-
viron cent soixante-dix églises simples ^ La ville épiscopale
était partagée en sept paroisses, dont quatre étaient des
prieurés^".
Telle était la division ecclésiastique. La bulle du pape tient
compte des divisions civiles en castra, villae et territorial^.
Elle énumère sept localités fortifiées : Montbruu, Vallègue et
1. Siu- les contrées qui formaient autrefois ces archidiaconés, voir
Douais, Cartulaire de Saint-Sernin , pp. 4-5; Hist. de Languedoc,
t. XII, pp. 156-158.
2. Sauvini07it (Gers), chef-lieu de cant., arr. de Lombez.
3. Poynpiac (Gers), cant. de Saraatan, arr. de Lombez.
4. Goudourvielle (Gers), cant. do l'Isle-Jourdain.
5. Vidal, Documents pour servir à dresser le pouillé, etc., p. 23.
6. Localités du département de la Haute-Garonne.
7. Sur l'étendue de chacune de ces circonscriptions, voir Hist. de Lan-
guedoc, XII, p. 159. On trouvera la liste des paroisses soumises à chaque
archiprêtré dans Documents pour servir à dresser le pouillé, pp. 13-23.
8. A Toulouse : Notre-Dame la Daurade (conventuel, 0. S. B.), Saint-
Pierre-des-Cuisines, Saints-Pierre et Gérard, Saint-Antoine-du-T. Dans le
diocèse : Auterive, Mauvaisin, Venerque, Aïgues-Vives, Le Vernet, No-
garet et Mazères, Mourvilles, Auzielle, Le Faget, Saint-Sulpice, Roque-
serrière, la Salvetat, Villematier, Saint-Rustice, Sayrac, Lespinasse (con-
ventuel de femmes), Fenouillct, Pinel, Sainte-Foi-de-Peyrolièrcs, Pinsa-
giiel (conventuel), Saint-Jacques de Muret, Tournefeuille, Saint-Salvy,
Lasserre, Verdun, Blagnac (attaché au monastère de Saint-Sernin),
Buzet et Sainte-Livrade. Vidal, lac. cit.
9. Vidal, même ouvrage et bulle pontificale n. XXXIX, dans Docu-
ments.
10. Saint-Etienne, Saint-Sernin, la Daurade, la Dalbade, le Taur, Saint-
Pierre-des-Cuisines, Saint-Nicolas.
11. Castrum désigne un lieu fort; villa, un village; territorium sem-
blerait indiquer un simple domaine ou une agglomération sans impor-
tance. Hist. de Lang., XII, pp. 175-176.
8 J.-M. VIDAL.
Saint-Vincent, Balma, le Pin, Verfeil, Bourg-Saint-Bernard
et Castelmaiirou*, trente-six de la deuxième catégorie 2 et
trente-cinq de la troisième 3.
L'archevêque possédait des rentes dans la plupart de ces
localités, paroisses ou territoires. Ce sont ces revenus qui,
unis à certaines redevances dérivant d'une juridiction ou
suzeraineté temporelle formaient sa dotation annuelle de
10,000 livres.
En dehors de son diocèse, ce prélat conservait des droits
sur nombre de localités relevant jadis de l'évêque de Tou-
louse. Ainsi, il gardait la propriété du château de Gaudiès*,
bien que le territoire de cette paroisse fiit incorporé au dio-
cèse de Mirepoix.
Afin de couper court aux réclamations possibles des mé-
contents, Jean XXII déclara qu'on les tiendrait pour non
avenues. Qu'on ait exagéré ou amoindri le rapport des biens;
que le chiffre de ce rapport dépasse ou n'atteigne pas celui
qui a été fixé en principe, il importe peu. Dans le premier
cas, nul ne devra inquiéter l'archevêque; dans le second,
celui-ci devra se contenter de ce qu'il aura.
L'archevêque n'absorbait pas, du reste, toutes les rentes
ecclésiastiques de son territoire. Des monastères, des chapi-
1. Hist. de Lang., XII, p. 289.
2. Saint-Agne, Corronsac, Pechaboa, Auzeville, Montgiscard, Novelières,
Gardouch, Fourquevaux, Tarabel, Sainte-P"oi-de-Tournefeuille, Flourens,
Drémil, Lavalette, Azas, Vasconia, Montcabrier, Gragnague, Saint-Jean-
de-l'Herm, Montastruc, Saint-Jory, Lamasquère, Alayrac, Villeneuve, Cu-
gnaux, Saubens, Vieille-Toulouse, Aureville, Caslanet , Pampertusat,
Donneville, Auragne, Saint-Léon, Montgailhard, Baziège, La Bastide-
Beauvoir. Documents sur les origines, n. XXXIX, p. 125.
3. « Territoria seu redditus de Salviolis, de Squillanis, de Bellovidere,
de Cabesessas, de S. Cruce, de S. Andréa, de Barta, de S. Saturnino de
Usseda, de S. Petro, de Baiovilla, de Marocafal, de S. Sulpicio prope
Portellum, de Dalps prope Villanifrancam, de Brugueria. de Ribonello,
S. Martini prope Fenolhetum, de Drudanis, de Gaugato prope Perce-
rium in parrochia Santae Fidis, de S. Petro, de Bosovilla, de Malberx,
de Frigidobosco, de S. Cassiano, de Noyco, de Marnhaco prope Thylium,
de Arrameto, S. Michaelis et B. M. de Caulaco prope Mirainontem, de
LinayroUis et de Causer; leude de Castronovo de Arrio, de Avinhoneto et
de Bellapertica, ac quoddam pratum situm in loco qui dicitur Castane-
tum... » Docum., n. XXXIX, p. 126.
4. Gaudiès (Ariège), cant. de Saverdun, arrond, de Pamiers.
ORIGINES DE LA PROVINCE ECCLÉSIASTIQUE DE TOULOUSE. 9
très, des prieurés du diocèse ou d'ailleurs en eurent leur part
à titre de mense ou d'indemnité. Ainsi, le chapitre de l'Isle-
Jourdain jouit des rentes levées dans cette localité même,
à Mérenvielle et ailleurs par le prieur et le sacriste de l'an-
cienne église 1. Celui de Saint-Félix de Cararaan^ eut pour
apanage les revenus de cette ville, ceux de Saint-Julia, des
Cassés, du Vaux, de Cambiac, Auriac, Moucalvel, Noame-
rens, le Faget^ Francarville, Lignayrolles, Toutens et Cara-
goudes^.
Le fondateur assurait ainsi à son œuvre une rente annuelle
de 2,000 livres, chiffre adopté en principe pour les nouveaux
chapitres cathédraux ou collégiaux et devant suffire à l'en-
tretien de douze chanoines, trois hebdomadiers, vingt-quatre
chapelains, deux diacres, deux sous-diacres, six clercs et six
enfants de chœur. Dans les quatre collèges capitulaires de
Castelnaudary, Saint-Félix, l'Isle-Jourdain et Saint-Etienne
de Tescou, la première place était celle de doyen, la deu-
xième celle de sacriste, la troisième celle de préchantre.
Le doyen élu par ses confrères avait droit à 260 livres
tournois par an, le sacriste et le précenteur à 70, et cha-
cun des chanoines à 30. Des distributions manuelles assu-
raient un supplément de 80 livres au doyen et de 40 livres à
chacun de ses collègues. Les prêtres auxiliaires et les minis-
tres inférieurs recevaient une gratification proportionnée à
l'importance de leurs attributions.
S'il y a lieu, les chanoines prennent part à l'élection de
révêqne diocésain, qui à son tour participe de droit à celle
du doyen et nomme aux charges de sacriste et de préchantre.
Chapitre et évêque, à tour de rôle, disposent des simples ca-
nonicats dès leur vacance. Le doyen et les chanoines ont
seuls le choix des ministres secondaires, prêtres ou clercs.
Le sacriste a la charge de la paroisse unie au chapitre.
1. Reg. Vat., LXVIII, n. 1112; Docum., n. LIV, p. 172.
2. Reg. Vat., ibid., n. 1062, et LVII, n. 997; Docum., n. XXXIX et
LUI, pp. 128. 171.
3. Localités du département de la Haute-Garonne, à l'exception des
Cassés (Aude), cant. de Castelnaudary.
10 J.-M. VIDAL.
Les bulles insistent sur les devoirs qui incombent à chacun
des bénéficiers. Rien n'est négligé. Le pape est soucieux
d'assurer la régularité, la solennité, la décence du culte
divin.
Ces quatre constitutions se ressemblent toutes, sauf dans
rénumération des biens des menses respectives*.
2° Diocèse de Pamiers. — Clément V s'était flatté de tra-
cer des bornes définitives au diocèse de Pamiers. Or, Bernard
Saisset et ses successeurs, Pelfort de Rabastens et Jacques
F'ouruier, s'y étaient tous trouvés à l'étroit et avaient déclaré
n'y pouvoir subsister. Moins de dix ans après la délimita-
tion de Clément V, Jean XXII, supplié par son parent Jacques
Fournier, consentait à une augmentation.
Le 27 juin 1317, pris de pitié pour cet évêque à qui « la
pauvreté de sa mense » ne permet pas de tenir son rang, il
décide qu'un supplément de 1,600 livres lui sera alloué sur les
dépouilles de l'évêché de Toulouse. En attendant la délimita-
tion du territoire donné comme garantie de ce supplément,
les administrateurs pontilicaux distrairont cette somme des
fonds dont ils ont la gestion provisoire^.
Ce fut le 22 février 1318^ que Jean XXII remania la cir-
conscription de Pamiers. Le diocèse fut agrandi à l'est des
villages de Ventenac, Roquefort, Montferrier, Villeneuve-
d'Olmes, Pereille, Pradettes, Limbrassac, Senesse, Saiut-
Pastou; des prieurés d'Unzent, Soint-André et Sainte-Croix
de Ventenac, Saint-Christaud, Lieurac; des églises de Dun,
et de Vira'' et de tous leurs territoires. Le pape attribua à la
mense épiscopale les rentes de Lieurac, Unzent, Saint-
1. Reg. Vat., LXVII, n. 984, 985; LXVIII, n. 1062, 1112; Uocum.,
n. LI, LU, LUI, LIV. — Nous avons parlé du premier titulaire de l'ar-
chevêché de Toulouse, Jean-Raymond de Comminges, évêque de Mague-
lone, promu le 18 novembre 1817. [Reg. Fat., LVII, n. 315.) Il reçut la
pourpre le 18 décembre 1827 (Eubel, Hierarchia, p. 15) et mourut
évêque de Porto, le 20 novembre 1814. .
2. Reg. Vat., LXVI, n. 8348; Docum., n. XIV, p. 82.
3. Reg. Vat., LXVII, n. 797; Docum., n. XL, p. 129.
4. Localités du département de l'Ariège, cantons de Pamiers, Varilhes,
Mirepoix et Lavelanet.
ORIGINES DE LA PROVINCE ECCLÉSIASTIQUE DE TOULOUSE. 11
André, Saint-Christaud, Sainte-Croix de Venteaac', Dim et
Vira. Il réserva néanmoins à leurs anciens maîtres les droits
de patronat sur ces églises, et à l'archevêque de Toulouse la
suzeraineté^ sur les localités jadis soumises aux évêques ses
prédécesseurs.
3" Diocèse de Mirepoiœ. — Situé à l'est du précédent et
au sud-est de celui de Toulouse, ce diocèse comptait cent dix
paroisses, prieurés ou églises au xiv^ siècle. Il en eut envi-
ron cent cinquante au xviii'*'^. Un seul monastère, celui des
Cisterciens de Boulbonne-'-, était compris dans ses limites.
Ajoutons le prieuré de Camon'' (0. S. B.), érigé le 16 juillet
1318 en maison conventuelle avec douze moines. Ce prieuré,
qui lui-même dépendait du monastère de la Grasse, acquit
dès lors le droit de supériorité sur celui de Peyrefitte% dont
les rentes vinrent accroître sa mense^.
Il y avait, en outre, seize prieurés ordinaires' : Cintega-
helle, Calmont, Payra, Mollandier, Chalabre, Larroque-
d'Olmes, Lavelanet, Aigues-Vives, Manses, Peyrefitte, Vais,
Sainte-Colombe, Expinoux, Lafage, Vilhacet Puivert**; enfin,
quatre-vingt-dix églises paroissiales ou annexes".
Le territoire était divisé en trois archiprêtrés : Laurac,
Plaigne et Olmes, ou Rivel ^*'.
1. Le pape statua que le vicaire de cette église se contenterait de la
pension qu'il recevait jadis et abandonnerait à l'évèque de Paniiers le
supplément de 50 livres, qui lui avait été récemment attribué. {Loc. cit.)
2. Hist. de Lang., XII, p. 165.
8. BoulbOHiie, près Cintegabelle (Haute-Garonne). Voir Gall. christ.,
XIII, coll. 288 et suiv.
4. Camon (Ariège), cant. de Mirepoix, arr. de Painiers.
5. Peyrefitte-dii-Razès (Aude), cant. de Chalabre, arr. de Linioux.
6. Reg. Vat., LXLlI,n. 1G22; Dociim.,n. LX, p. 182; cf. GaU. christ.,
XIII, coll. 285 et suiv.
7. Vidal, Dociim. pottr servir à dresser le pouillé, pp. 27-31, 73-70.
8. Localités des départements de la Haute-Garonne (Cintegabelle, Cal-
mont), de l'Aude (Payra, Mollandier, Chalabre, Peyrelitte, Sainte-Colombe,
Expinoux, Lafage, Puivert) et de l'Ariège (autres noms).
y. Kn voir l'énuinération dans la bulle (Reg. Vat., LXVII, n. OC):];
Docion., n. XLI) ou dans Docitm. pour servir, etc., loc. cit.
10. Laurac (Aude), canton de Fanjeaux, arr.de Castelnaudary ; Plaigne
(Aude), cant. de Belpech, même arrond. — Rivcl (Aude), cant. de Chalabre,
12 J.-M. VIDAL.
Jean XXII dota la mense épiscopale des rentes de l'ancien
prieuré de Saint-Maurice de Mirepoix et de la localité de
Mazères, relevant jadis de l'abbaye de Saint-Victor de Mar-
seille \ de celles de Saint-Félix de Tournegat 2, possédées
jusqu'à ce jour par le prévôt de Toulouse; de celles d'Abillès,
enlevées à l'abbé d'Alet, et en général de tous les revenus,
droits, juridictions (les droits seigneuriaux exceptés) autre-
fois perçus ou exercés dans les nouveaux confins par les évo-
ques toulousains, jusqu'à concurrence de 5,000 livres ^
Jean XXII aurait voulu donner à ce diocèse un prince de
sang royal pour premier pasteur; mais en dépit de ses ins-
tances réitérées S Philippe, infant de Majorque, déclina l'hon-
neur et le fardeau de l'épiscopat. L'abbé de Saint-Saturnin
de Toulouse, Raymond d'Athon, fut promu à sa place,
le 17 février 1318^
« Seul, l'évoque ne pourrait supporter la lourde charge qui
lui incombe, ni communiquer à l'édifice, dont il est le fonde-
ment, la solidité et la stabilité désirables; c'est pourquoi le
pape a décidé de placer à ses côtés des colonnes qui allége-
ront son fardeau , des hommes vertueux, qui seront comme
les membres du corps dont il est la tête et qui, étroitement
unis à lui, deviendront les collaborateurs de ses travaux et
de son gouvernement''. »
Le pape crée le môme jour les chapitres de Mirepoix, de
Rieux, de Lavaur et de Lombez. Muntauban et Saint-Papoul,
anciennes abbayes, possédaient déjà leurs collèges de moines
arr. de Limoux. — Le territoire attribué à Mirepoix est réparti de nos
jours entre les départements de l'Aude (cantons de Clialabre, Alaigne,
Fanjeaux, Belpech, Salles-sur-l'Hers), de l'Ariège (Lavelanet, Mirepoix,
Saverdun, en partie) et de la Haute-Garonne ( Villefranche, Nailloux, Cin-
tegabelle, en partie). — Hist. de Lang., XII, p. 165.
1. Reg. Vat., LXVII, noTuS; Docum., n. LVI, p. 174.
2. Saint-Félix (Ariège), cant. de Mirepoix.
8. Voir ces détails dans la bulle de délimitation. Reg. Vat., LXVII,
n. G63; Docum., n. XLI, p. 133.
4. Reg. Vat., CTX, n. 431; M. Guérard, Docum... sur la Gascogne, 1,
p. 31.
5. Reg. Vat., LYII, n. 583.
6. Bulle de création du chap. de Mirepoix; Reg. Vat., LXVIII, n. 1110
Gall- christ., XIII, inslr., p. 239; Docum., XLII, p. 136.
ORIGINES DE LA PROVINCE ECCLESIASTIQUE DE TOULOUSE. 13
qui deraeurprent attachés à leur église devenue cathédrale et
virent seulement leurs rentes s'accroître avec leurs attribu-
tions. Les quatre chapitres auront douze membres : trois
dignitaires, le prévôt, l'archidiacre et le sacriste; un préchan-
tre et huit chanoines. Eu outre, il y aura quatre chapelains
hebdomadaires, vingt- huit prêtres auxiliaires, deux diacres et
deux sous-diacres, huit clercs et huit enfants de chœur. La
mense capitulaire, dont le revenu annuel est de 2,000 livres
tournois, sera ainsi distribuée : 120 livres au prévôt, 80 à l'ar-
chidiacre, au sacriste et au préchantre, et 70 à chacun des
autres chanoines. Dans ces diverses sommes, nous compre-
nons les distributions quotidiennes, qui devaient former un
total de 40 livres par an pour chaque bénéficier.
La mense capitulaire de Mirepoix tira ses revenus des loca-
lités suivantes : Gibel, Lagarde, Roumengoux, La Bastide,
Saint-Paul-de-Troye, Bélesta, Escuillens, Saint-Jacques-de-
Villasavary^ et de quelques autres de moindre importance
dont l'identification n'a pu être faite-.
4° Diocèse de Montauban^ . — La ville de Montauban,
siège d'un des évêchés nouveaux, dépendait jadis du diocèse
de Cahors, et son monastère bénédictin, dont l'église était la
nouvelle cathédrale, relevait du monastère de la Chaise-Dieu.
Le pape décréta, le 25 juin 1317, que la ville et son territoire,
exempts désormais de la juridiction de l'évêque de Cahors et
partant de celle du métropolitain de Bourges, passeraient
sous celle de l'évêque de Montauban et de l'archevêque de
Toulouse*. Le 30 juillet, un autre décret statuait que la nou-
velle cathédrale et son chapitre de Bénédictins, libérés de
1. Gibel (Haute-Garonne), cant. de Nailloux; Lagarde, Roumengoux,
La Bastide-de-Bousignac, Ti'oye (Ariège), cant. de Mirepoix; Bélesta
(Ariège), cant. de Lavelanet; Escuillens (Aude), cant. d'Alaigne; Villa-
savary (Aude), cant. de Fanjeaux.
2. Localités de Saint-Pierre de Terra Capulata, de Saint-Paul, de
Unsedelle, Batignan et Astrolet. (Reg. Faf.,LXVIII, n, IIIO.)
3. Voir, sur la formation de ce diocèse, l'ouvrage de M. G. Daux, His-
toire de l'Église de Montauban, t. I (II" période).
4. Reg. Vat., LXIII, n. 1162; Docum., n. XIII, p. 80.
14 J.-M. VIDAL.
toute sujétion à l'égard du monastère de la Chaise-Dieu, joui-
raient de leur autonomie sous le régime de l'évêque'.
Jean XXII voulait éviter à l'église de Cahors une mutila-
tion odieuse et ne distraire de son territoire que la nouvelle
ville épiscopale et sa banlieue immédiate. À deux reprises-,
les commissaires reçurent la recommandation de fixer les
limites de cette banlieue dans un rayon aussi restreint que
possible 3.
La bulle du 22 février consacra la délimitation ''. On peut
dire que les nouveaux confins n'étaient distants des murs de
la ville que de moins de mille mètres à la ronde.
En dehors de Montauban et de son territoire, les quatre-
vingt-dix localités ou églises dont se composa le diocèse
avaient fait partie de l'ancien évêché de Toulouse. Ces
bénéfices ou établissements ecclésiastiques étaient à peu de
chose près répartis comme il suit : deux chapitres, à la cathé-
drale et à Saint-Etienne-de-Tescou; une abbaye cistercienne,
à Belleperche; deux prieurés de femmes, à Saint-Aignan et
Albefeuille «; vingt prieurés séculiers ou réguliers d'hommes :
Saiut-André-d'Auterive, Saint-Neuphary, las Couffignes, Con-
1. Reg. Vat. LXVI, n. 3354; Gall. christ., Xllf, instr., col. 203:
Docum., n. XXVI, p. 102.
2. Le 29 octobre 1317 et le 23 janvier 1318.
3. Reg. Vat., CX, n. 913; CIX, n. 421: GX, n. 672; Doc/cm., n. XXXIII.
XXXVI, pp. 113, 118.
4. Du pont de Calme, sur le Tescou, au levant, la ligne de démarca-
tion gravissait la cime de la colline de Beausoleil, près de l'église Saint-
Michel, coupait, à la hauteur de la Vignelongue, propriété de Pierre
Gastaud, le chemin qui va de .JVIontauban à la campagne, puis ceux
d'Escorsac et de Tiéojac, atteignait le sentier de Bruniquel, au delà de la
ferme du pont de Molinier, suivait une grande route et le chemin qui
conduit à droite vers Puynitier. Elle atteignait le pont du ruisseau de
Mortarieu, au delà de la léproserie de Montauban, suivait le cours du ruis-
seau jusqu'au pont de Negosaume, puis s'infléchissait vers l'ouest dans
la direction de la route de Moissac qu'elle coupait à l'endroit nommé
Gevarenos. Enfin, elle rejoignait le Tarn perpendiculairement à la mé-
tairie des héritiers de Juvagor, située sur l'autre rive du fleuve, en pays
toulousain. Reg. Vat., LXVII, n. (311; Gall. christ., XIII, instr.,
col. 205; Daux, Hist. de l'église de Montauban, t. I (II'= période), p. 74;
Docum., n. XLIII, p. 143.
5. Belleperche, comm. de Cordes ; Saint-Aigtïan, cant. de Saint-Nicolas-
de-la-Grave; Albefeuille, cant. de Ca.stelsarrasin (Tarn-et-Garonne).
ORIGINES DE LA PROVINCE ECCLESIASTIQUE DE TOULOUSE. 15
ques, Sérignac, Montbéqui, Bouret, Gasseras, Castelmayraa,
Bressols, Cumoat, les Barrezès, Monzac, Castelsarrasin, Saiat-
Lizier, Saiat-Sardos, Montech, Gensac, le Born et Saiat-Jac-
ques de Montauban^; environ soixante églises paroissiales
ou chapelles rurales 2, réparties à la fin du xiv^ siècle entre
deux archiprêtrés : Roquemaure et Beaumont-de-Lomagne^.
Le territoire de cet évêché est aujourd'hui distribué dans
les trois départements du Tarn, du Tarn-et-Garonne et de la
Haute-Garonne*.
L'organisation de la mense épiscopale fut basée sur une
enquête dont Jean XXII chargea les administrateurs délé-
gués. Il avait résolu de distraire des rentes attribuées au
nouveau siège une somme de 1,000 livres en faveur de la col-
légiale de Tescou. La part épiscopale se trouvait donc réduite
à 4,000. Jean XXII voulut la compléter avec les revenus des
anciens abbés de Montauban. En conséquence, l'information
porta sur le nombre et le rapport des biens abbatiaux \
Par la constitution du 22 février, rédigée d'après les don-
nées de cette enquête, 4,000 livres étaient assurées à l'évêque
sur les domaines et les droits (la suzeraineté temporelle ex-
ceptée) dont les anciens évêques de Toulouse avaient eu la
jouissance dans le territoire annexé; 1,000 livres lui vien-
draient de l'apanage des abbés de Saint-Théodard, à savoir :
de la moitié de la dîme des vins et des foins de Montauban,
des rentes de l'Isle-Made (Villemade), avec ses terres, ses
vignes et ses bois, de celles de Lamothe, de Falguières, de
Sainl-Hilaire et de Lavergne^; de la moitié des bénéfices du
four de la porte du Tescou, des fruits du prieuré de Villemur
1. Vidal, Docume)its pour servir à di-esser,etc., pp. 39-42, 76-79. Ces
localités font aujourd'hui partie du département de Tarn-et-Garonne,
sauf Conques, Villemur et Le Boni, qui sont dans la Haute-Garonno.
2. Vidal, op. cit., et bulle pontificale du 22 février; Docam., n. XLllI,
p. 144.
0. Vidal, op. cit., pp. 39-40. — Roquemaure (Tarn), cant. de Rabastens,
arrond. de Gaillac; Beaumont, chef-lieu de cant., arr. de Castelsarrasin
(Tarn-et-Garonne).
4. Hist. de Languedoc, XII, p. 1(32.
5. Reg. Vat., CIX, n. 419; Bocum., n. XXXVII, p. 119.
G. Localités situées dans le district Est de Montauban.
16 J,-M. VIDAL.
incorporé à la mease, de tous les émoluments de la table des
notaires de Montauban, de la juridiction jadis exercée par les
abbés, à Montauban, à Villemade* et ailleurs.
Le premier évêque de Montauban, promu avant le 9 juillet
1317^, fut précisément Tabbé de Saint-Tbéodard, Bertrand du
Fuy, qui mourut peu de temps après son sacrée Le 12 novem-
bre, le pape nomma Guillaume de Cardaillac ^ abbé bénédictin
de Pessan, qui siégea jusqu'en 1355 ^
Les moines de Saint-Théodard, devenus chanoines de la
cathédrale, gardèrent la jouissance exclusive des revenus
qu'ils partageaient jadis avec l'abbé : la moitié de la dîme des
vins de Montauban. dont l'autre moitié revint à l'évêque;
celle du blé de Rivière; les rentes de Pontieras^ de Vayron,
d'Ordalilas; les redevances de froment, méteil et avoine de
Beart et d'Albefeuille'''; les dîmes levées par l'aumônier et le
sacriste de Montauban; les bénéfices résultant de la vente des
obits; les pensions de blé et de vin payées au prieur de Saint-
Martial'''; le cens de diverses pièces de terre, prés, jardins ou
vignobles; le revenu d'un moulin sur le Tescou; enfin des
oublies de blé ou de vin.
Dans l'ensemble, ces redevances donnaient un revenu de
1,000 livres tournois que le pape déclarait devoir suffire à
l'entretien des religieux^.
Les chapitres séculiers avaient une mense deux fois plus
forte. Ce fut le cas de la collégiale de Saint-Etienne de Tescou.
Le pape avait d'abord résolu de rattacher cette église à la
1. Villemade (Tarn-et-Garonne), cant. de Montauban-Est.
2. Le 9 juillet, le pape annonce sa pi'omotion au roi de France. Reg.
Vat., CIX, n. m\;Docum., n. XVII, p. 88; cf. Daux, op. cit. (II« période,
p. 12).
3. Gallia christ., XIII, instr., col. 233; Eubel, Hier., p. 363; Daux,
op. cit., pp. 15, 16.
4. Reg. Vat., LXVII, n. 285; Daux, lac. cit., pp. 28 et suiv.
5. Gall. christ., loc. cit., col. 234, 235; Eubel, ibid.; Daux, op. cit.
(II« période).
6. Localités que nous n'avons pu identifier, à l'exception de Beart,
hameau situé au nord-ouest de Montauban, d'Albefeuille, déjà rencontré,
et d'Ordalilas ou Bellegarde, cant. de Montauban-Ouest.
7. Saint- Martial, cant. de Montauban-Ouest.
8. Reg. Vat., LXVII, n. 701; Bocum., n. XLIII bis, p. 147.
ORIGINES DE LA PROVINCE ECCLESIASTIQUE DE TOULOUSE. 17
niease épiscopale. Le 8 août 1317, Bertrand du Pny avait
même obtenu une bulle l'exemptant par exception, elle et ses
dépendances, de la juridiction provisoire des commissaires.
Elle était mise immédiatement à la disposition de l'évêque
qui y devenait maître, avait le droit d'y officier et d'y exercer
pleine juridiction 1.
Six mois plus tard, le 18 février 1318, Jean XXII révoqua
ces dispositions. L'évêque de Montauban pouvait recevoir une
dotation suffisante sans qu'il fût nécessaire de lui laisser
l'église de Tescou. Le pape la lui retira pour y établir un cha-
pitre collégial 2.
J'ai déjà parlé de l'organisation de ces chapitres : douze cha-
noines, dont un doyen, un sacriste et un préchantre; des prê-
tres et des clercs auxiliaires; un revenu de 2,000 livres. La
mense du collège de Tescou se composait des localités de Moat-
beton, Bressols, Le Fau, Saint-Porquier, Gasseras, dans le
diocèse de Montauban 3; Pujaudran, Ségouffielle, Blanquefort,
Beaupuy, Lévignac, Caubiac, Le Grès, Ondes, Cépet, Sainte -
Croix de Pauilhac, Montjoire, Castelnau-d'Estrétefonds, dans
le diocèse de Toulouse ^ Le chapitre desservait la paroisse de
Saint-Jacques de Montauban ^
5° Diocèse de Rîeux. — Il fut formé de la partie sud-ouest
de l'ancien évêché de Toulouse et devint limitrophe des dio-
cèses de Pamiers, Couserans, Comminges, Lombez et Tou-
louse. Les trois vallées de la Lèze, de l'Arize et de la Garonne
comprises dans ses confins étaient parmi les plus fertiles de
l'ancien territoire toulousain.
1. Gall. christ., XIII, instr., col. 203; Daux, op.lcit., p. 19 (IP période);
Docuin., n. XXX.
2. Reg. Vat., LXVIII, n. 1347; Dociim., n. XXXVIII his; D.\ux, loc.
cit., pp. 27-33.
3. Le Fau, Gasseras, près Montauban; Montheton , Bressols, Saint-
Porquier, cant. de Montech, arrond. de Castelsarrasin.
4. Pujaudran, Ségouffielle, Blanquefort (Gers), cant. de L'Isle-Jour-
dain; Beaupuy (ïarn-et-Garonne), cant. de Beauniont; Lévignac, Cau-
biac, Le Grès, Ondes, Cépet, Castelnau, Montjoire, PauiUiac, localités
du départ, de la Haute-Garonne.
5. Reg. Val., LXVII, n. 984; Docum., n. Ll, p. IG-t.
ANNALES DU MIDI. — XVI. 2
18 J.-M. VIDAL.
L'évêché compta ciuq abbayes : deux de bénédictins : à
Lëzat (Climy) et au Mas-d'Azil; et trois de l'ordre de Cîteaux :
à Calers, à Valnègre (moniales) et aux Feuillans '. Il y eut
aussi trois prieurés de femmes : à Longages, Sainte-Croix et
La Gràce-Dieu-, et vingt-un prieurés d'hommes, séculiers
ou réguliers : à Rieux, Capens, Geasac, Martres, Villeneuve-
Grenouillet, Sainte-Colombe-de-Saverdun, Montant. Bérat.
Montégat, Durfort, Le Fossat, Saint-Michel, Saint-André,
Salles, Saint-Pierre-de-Monredon, Lissac, Saint-Pierre-de-
Lafflte, La Coularède, Mondavezan, Sainte-Marie-de-Saverdun
et Montagnac^.
L'archidiaconé de Lézat resta uni au chapitre de Toulouse;
celui de Rieux le fut au chapitre de cette ville. Le diocèse
comprit environ cent dix églises ou chapelles^ distribuées
entre trois archiprêtrés : La Trape, Le Caria et Le Fousseret^
Au total, c'étaient cent quarante établissements ou titres
ecclésiastiques ^.
Les revenus de ces localités, à l'exception de ceux que le
pape avait décidé de donner au chapitre à titre de mense ou à
d'autres collèges à titre de compensation, formèrent la dota-
tion de révêque. Toutefois, les rentes de Saint-Pierre-de-
Monredou, près Saverdun, réservées ad vitam à maiti-e Pan-
1. Lézat (Ariège), cant. du Fossat, arr. de Pamiers; Mas-d'Azil, chef-
lieu de cant., arr. de Pamiers; Calers, comm. de Gaillac-Toulza (Haute-
Garonne), cant. de Cintegabelle; Valnègre, près Saverdun (Ariège); Les
Feuillans, comm. de Labastide-Clermont (Haute-Garonne), cant. de Rieu-
mes. (Voir Gallia christ., XIII, col. 'M), 204, 21B, 221.)
2. Longages (Haute-Garonne), cant. de Carbonne ; La Grâce-Dieu
(Haute-Garonne), cant. d'Aulerive; Sainte-Croix, chef-lieu de cant.
(Ariège), arr. de 8aint-Girons.
;3. Villeneuve-Grenouillet (Durfort), Sainte-Colombe, Saint-Pierre-de-
Monredon, Sainte-Marie-de-Saverdun, Lissac, Saint-Michel, Le Fossat,
Durfort, Montègut font partie du départ, de l'Ariège, arr. de Pamiers; les
autres localités sont du départ, de la Haute-Garonne, arrond. de Muret.
4. Vidal, Docmn. pour servir à dresser le pouillé, etc., pp. 43-48,
69-73; M. Barrière-Fl.ivy, Pouillé du diocèse de Rieux (Foix, 1896),
pp. 11 et suiv.
5. La Trape, comm. du cant. de Rieux; Le Caria (Ai'iège), cant. du
Fossat ; Le Fousseret (Haute-Garonne), chef-lieu de cant., arr. de Muret.
6. Voir dans Hist. de Languedoc, XII, p. 161, la distribution moderne
du territoire de l'ancien évèché.
ORIGINES DE LA PROVINCE ECCLÉSIASTIQUE DE TOULOUSE. 19
dolfo Savelli, notaire apostolique, ne firent retour à la mense
qu'à la mort de ce bénéficiera
Guillaume de Brosse, conseiller du roi, doyen de Bourges,
dont le pape avait annoncé à Philippe le Long (9 juillet 1317) la
promotion à Févêché de Rieux -, ne siégea pas. Il semble que
ses bulles ne lui furent jamais expédiées. En nommant, le
19 octobre 1317, Pelfort de Rabastens à ce même évêché^,
Jean XXII ne fait pas d'allusion à un premier titulaire. Ce
Pelfort de Rabastens, d'abord abbé de Lombez, puis évêque de
Pamiers, où il siégea cinq ans (1312-1317), et de Léon, où il
n'alla peut-être pas (23 mars 1317), gouverna l'église de
Rieux pendant trois années, après avoir enfin consenti à rece-
voir la consécration épiscopale. Jean XXII lui donna la pour-
pre le 20 décembre 1320 *.
Le chapitre de Sainte -Marie de Rieux, érigé sur le modèle
de ceux de Mirepoix, de Lavaur, et de Lombez, posséda les
rentes de Sénarens^, qui avaient appartenu au chapitre de
Toulouse; celles de Saiute-Foi-de-Benaix^, au diocèse de
Mirepoix; celles de Noé, enlevées au prieur de ce lieu; celles
de Ayrevida, Saint-Cizy, Sainte-Cadière, Lacaugne, Saint -
Julien, Virac, Saint-Christaud, Montberaud, Ganté, Saint-
Elix, Gouzens''; celles de Daux, Saint-Hyppolite, Arbouville,
Bésignac, Sàmle-Ma.vie-de-Supramontem, Saint-André*, et
les revenus manuels du prieuré de Rieux.
6° Diocèse de Lombez. — La partie occidentale du diocèse
de Toulouse qui constitua l'évêché de Lombez touchait à
l'Armagnac et au Comminges, aux évêchés de Saint-Bertrand
1. Bulle de délimitation. Rec/. Vat., LXVII, n. 664; Docum., n. XLIV,
p. 150.
2. Reg. Vat., CIX, n. 661 ; Docum., n. XVII, p. 89.
3. Reg. Vat., LXVII, n. 197; Gall. christ., XIII, col. 186.
4. EuBEL, Hier., pp. 15, 94, 312, 443.
5. Sétiarens, Haute-Garonne, cant. du Fousseret (diocèse de Lombez).
6. Benaix, Ariège, cant. de Lavelanet, ai-r. de Foix.
7. Toutes ces localités, sauf Canté (Ariège, cant. de Saverdun), sont
situées dans le département de la Haute-Garonne, arr. de Muret.
8. Localités que nous n'avons pu identifier avec certitude.
20 J.-M. VIDAL,
et d'Anch. L'évêque eut sous sa juridiction environ cent
prieurés, paroisses on aunexes, répartis ainsi qu'il suit : l'ar-
chiprêlré de Sainatan'; les prieurés de Garbic, Tonget, Savi-
gnac-Morna, Rieumes, Saint-Michel, Montadet, Gazac, Cas-
lelgaillard, Pompiac (0. S. A., uni au chapitre de Toulouse),
Sauvimont (0. S. A., id.), Saint-Pierre- de-Fustignac et Saint-
Jea.n-des-Moniales'^; plus de soixante-quinze églises parois-
siales et chapelles^.
Point de monastères ni de couvents de femmes. Seuls les
chevaliers de Saint-Jean possédaient une maison à Ambon et
peut-être une autre à Saint-Lizier-du-PIante*.
L'évêque de Lombez succéda à celui de Toulouse dans la
perception des revenus du territoire qui lui était dévolu. Il
succéda aussi, de moitié avec son chapitre, à l'ancien abbé et
aux chanoines réguliers dans les droits possédés par ceux-ci
dans la ville et ses environs.
Le premier titulaire de l'évêché fut d'ailleurs l'abbé même
de ce lieu, Arnaud Roger de Comminges, simple clerc tonsuré,
âgé de vingt-sept ans ^, que Jean XXII transféra ensuite à
Clermont (1328).
Un chapitre séculier fut substitué, en 1318, aux chanoines
réguliers de Saint-Augustin établis à Lombez depuis le
xii^ siècle, sous la dépendance du chapitre de Saint-Etienne
de Toulouse/'. La mense capitulaire (2,000 livres) se composa
des localités de Saraatau, Montamat, la BouJouse près Pébées,
qui avaient appartenu au chapitre de Saint-Etienne; des égli-
ses de Montblanc et Puylausic; des dimaires de Saint-Jean-de-
1. Samatan (Gers), chef-lieu de cant., arr. de Lombez.
2. Localités du départ, du Gers, arr. de Lombez, à l'exception de Rieu-
mes, chef-lieu de cant. (Haute-Garonne), Gazac, Castelgaillurd, comm.
du cant. de l'Isle-en-Bodon, arr. de Saint-Gaudens (Haute-Garonne), et
Fustignac, cant. du Fousseret (Haute-Garonne).
8. Voir la bulle pontificale {Reg. Vat., LXVII, n. 664 bis; Docum.,
n. XLVI, p. 152, et Vidal, Docum. pour servir à dresser le pouillé,
pp. 49-52, 8(J-82.
4. Ambo?i, dans Escornebœuf, cant. de Giniont, arr. d'Auch; Saint-
Lizier, cant. de Lombez.
5. EuBEL, Hier., pp. 199, 323.
C. Gall. christ., XIII, col. 319.
ORIGINES DE LA PROVINCE ECCLÉSIASTIQUE DE TOULOUSE. 21
Gaillardville, Sansas, Brenil, Caumont, Nizas, Saint-Germier,
Villeneuve, Labarthe, Saint-Christaud , L'Herm ^ qui dépen-
daieat jadis de la mense de Toulouse. Elle conserva aussi les
biens de l'ancienne abbaye, dont le pape concéda cependant
une partie à l'évêque *.
7° Le diocèse de Saini-Papoul, le plus petit des nouveaux
diocèses, avait cinquante paroisses ou annexes. Point d'ab-
baye, à l'exception d'un prieuré de dominicaines à Prouille^;
dix prieurés ordinaires : Villeneuve-la-Comtal, Avignonet,
Soupex, Mas-Saintes-Puelles, Saint-Paulet, Dreuilhe, Saint-
Martin-de-Miras, Cumiès, Sd\n{e-Ma.r\e-de-Causer et Grais-
sens"*. Ajoutons le grand-prieuré de Saint-Papoul, confié aux
moines du chapitre. Enfin, quarante églises ou chapelles -^
Malgré leur petit nombre, ces bénéfices suffirent à la for-
mation de trois menses : celle de l'évêque, celle de son cha-
pitre et celle de la collégiale de Castelnaudary. La part épis-
copale fut formée des biens de l'évêché de Toulouse, pour une
somme de 3,000 livres, et de propriétés de l'ancienne abba3'e
de Saint-Papoul, pour une somme de 2,000 livres.
Le chapitre partagea avec l'évêque la dîme de blé de la
ville épiscopale; il posséda des carnalages de légumes et de
lin dans diverses localités; des rentes et des dîmes dans cer-
taines autres^. L'évêque perçut les carnalages de volaille de
sa ville, la dîme des fourrages de La Rouquelte, la juridiction
haute et basse sur ce même lieu, les rentes de Cuguron et de
Castelnaudary (blé, vin, cens, carnalages), celles de Villespy,
1. Hameaux ou fermes dans l'arr. de Lombez, plusieurs non identifiés.
2. Reg. Vat., LXVII, n. 664 bis; LXVIII, n. 1111; Docion., n. XI.YI
et XL VII.
3. Prouille, près Fanjeaux, arrond. de Limoux.
4. Avignonet, Dreuille, Graisscns (iro-Garonne), arr. de Villefranche;
les autres localités font partie du dép. de l'Aude, arr. de Castelnaudary.
5. Bulle du 22 février, Reg. Vat., LXVIII, n. 1:302; Docum., n. L,
p. 159; et Vidal, Docum. pour servir à dresser le pouille, pp. 2,>2r),
82-85; cf. Hist. de Languedoc, XII, p. 16;!
6. « Omnia etiam carnalagia, videlicet linorum et ortorum predicte
ville Sancti Papuli et omnium aliorum que sub carnalagii nomine conti-
nentur. » (Reg. Vat., LXVIII, n. 13i)l; Docum., n. L bis, p. 16:3.)
22 J.-M. VIDAL.
Mira\al, Laurabuc, Besplas, Pexiora, Lasbordes, les oublies
de Rasciis', et nombre d'autres redevances provenant égale-
ment de la mense abbatiale 2.
Le pape réserva aux chanoines de Castelnaudary les reve-
nus des territoires de Verdun, Castelet, Villesiscle, Saint-
Brice, Pech-Ginestier, Pe^'reblanque, Ayroux, Villeneuve-
la-Comlal, Pujinier et Tréville, démembrés de Toulouse, et
les carnalages de Castelnaudary et de Saint -Maurice^, prove-
nant de l'abbaye de Saint-Papoul K
8° Diocèse de Lavaur. — Il était situé au nord du précé-
dent et formé en grande partie de la riche vallée de l'Agout.
La délimitation qu'en fit le pape lui attribua environ soixante-
dix établissements ou titres ecclésiastiques : une abbaye
bénédictine, Sorèze^; un archiprêlré, la Croisille'^; l'archi-
diaconé de Lavaur, uni au chapitre; les prieurés de Cambon,
Saint-Paui' de-Cap de-Joux, Guitalens, Leslap, Saix et Viviers-
les-Montagnes, Appelle (O. S. B.), La Bruguière, Lempaut,
S 'Tit- Germain et Saint-Robert (rural)", et près de soixante
dglises ou chapelles 8.
L'évêque et le chapitre se partagèrent les rentes de l'ancien
1. Toutes ces localités sont aujourd'hui des châteaux ou des villages de
l'arrond. de Castelnaudary (Aude).
2. Reg. Vat., LXVIII, n. 1302; Docum., n. L, pp. 159-163. — Le pre-
mier évêque de Saint-Papoul fut Bernard de Latour, abbé de ce lieu
(Reg. Vat., LXVI, n. 3643), qui mourut le 27 décembre 1317. Raymond
de Moustuéjouls, évêque de Saint-Flour, lui succéda en 1319. (Eubel,
Hier., p. 409.)
3. Localités situées dans l'arrond. de Castelnaudary, à l'exception de
Saint-Brice (comm. d'Avignonet, cant. de Villefranche, Haute-Garonne),
Peyreblanquo (comm. de Montgradail (?), cant. d'Alaigne, Aude).
4. Reg. Vat., LXVIl, n. 985; Docum., n. LU, p. 170.
5. Sorèze, comm. du cant. de Dourgne, arr. de Castres (Tarn). Sur le
monastère de Sorèze, voir Gall. christ., XIII, col. 354 et suiv.
6. La Croisiile, comm. du cant. de Cuq-Toulza, arrond. de Lavaur
(Tarn).
7. Ces localités sont toutes dans le départ, du Tarn, arrond. de Cas-
tres et de Lavaur.
8. Voir bulle pontificale [Reg. Vat., LXVII, n. 998" Docum.,
n. XLVIII) et Vidal, Docum. pour servir à dresser le pouillé, pp. 32-
5, 85-88; Hist. de Languedoc, XII, p. 164.
ORIGINES DE LA PROVINCE ECCLÉSIASTIQUE DE TOULOUSE. 23
prieuré. L'évêque eut la maison du prieur et le pré qui en
dépendait, la dîme de foin et de blé de certaines localités;
tous les revenus du prieuré de Saint-Marti;i-de-Castellon * et
la moitié des redevances de bois, blé, avoine, volaille, cens
et oublies de l'église de Lavaur. Le chapitre perçut l'au-
tre moitié, leva une dîme de légumes à Lavaur, celle des
blés de Jonquières, des blés, des vins et des carnalages de
Saint-Alain et de Calmettes-. Il s'attribua exclusivement les
rentes de Lugan, l'Oraison, Massac, Saint-Martin, Le Caria,
Saint-Geniez, Paulin, Fibres et Bugat; les rentes devin de
Montpelan, Saint-Martin-du-Carla, Algans, Foissac, Lagarrî-
guette, Saint-Loup, Saint-Martin près Puylaurens, Saint-
Pierre et Saint-Jacques-de-Torciac, Aigrefeuille et Florac^,
jadis possédées par l'évêque de Toulouse. Le pape lui assigna
aussi le prieuré de Sainte-Foi, dépendant du monastère de
Conques, et l'église des Aguts*, enlevée à l'archidiacre de
Vielmorez^.
Roger d'Armagnac, arcliidiacre d'Agen, fils du comte Gé-
raud et de Mathe de Béarn, promu à l'évêché de Lavaur, le
7 novembre 1317^, le gouverna jusqu'au 22 mai 1338, jour de
sa translation à celui de Laon. Il mourut l'année suivante',
9" Compensations données à certains monastères ou à
quelques béné/îciers. — Dans la délimitation des évêchés et
surtout dans la répartition des rentes, Jean XXII avait eu
soin de n'attribuer à chaque évêque que le nombre de parois-
ses nécessaires à la formation de sa mense et de celle des cha-
pitres diocésains. Il avait aussi évité, autant qu'il était possi-
ble, que prélats et chapitres ne possédassent des rentes hors
1. Peut-fitre Saint-Martin, comm. de la Coup^otte, cant. de Lavaur.
2. Jonquières, près Viterbe, cant. de Lavaur; Saint- Alain, Calmettes,
comm. de Lavaur.
•3. Localités situées dans le canton ou l'arrondissement de Lavaur.
4. Sainte-Foi. près Lavaur; Les Aguts, cant. de Cuq-Toulza (Lavaur).
5. Voir les bulles du 22 février : Reg. Vat., L'XVIl, n. 9!)<S, 940; l)o-
cum.. n. XLVIII, XLIX, pp. 155, 1-58; Gallia christ.. XllJ, iusLr.,
col. 2t;8, 271.
6. Reg. Vat., LXVH, n. 388.
7. Gall. christ.^ XIII, col, 832; Eubel, Hier., pp. 308, 548.
24 J.-M. VIDAL,
du diocèse. Il avait groupé leurs propriétés autour de la ville
épiscopale, au risque de chasser de gênants usufruitiers.
Dans sa pensée, ceux-ci, quels qu'ils fussent, devaient céder
le pas et laisser leurs bénéfices, si c'était nécessaire, à ces
nouveaux venus à qui, pour une raison d'ordre administratif,
il attribuait la préséance En fait, lorsqu'un bénéficiaire de
cette sorte gênait ses opérations, il l'expropriait d'office, sauf
à l'indemniser ailleurs.
J'ai parlé de la compensation accordée au monastère de
Saint-Victor de Marseille en échange du prieuré de Mirepoix,
érigé en cathédrale, et de la ville de Mazères, rattachée à
la mense du nouvel évêché*. Pareille concession fut faite à
l'abbaye de Saint-Saturnin de Toulouse, frustrée du prieuré
de Lieurac, annexé à Pamiers. Les moines de Saint- Sernin
reçurent les églises d'Auzielle, Préserville et Gaure^, dont la
première fut érigée en prieuré 3.
L'abbaye de Sainte-Foy de Conques (dioc. de Rodez) reçut
les rentes du Fauga et de Corninhan^, démembrées de Tou-
louse, à la place du prieuré de Sainte-Foy, soumis au chapi-
tre de Lavaur^ L'abbé et le couvent de Saint-Pons-ile-Tho-
mières, à qui l'on avait pris le prieuré de Lavaur, se virent
attribuer celui de Venerque, érigé à leur intention, ainsi que
les rentes de Miremont et de Rebounel^ Au monastère de
Cassan (dioc. de Béziers), le pape donna le prieuré de Saint-
Salvy, près Grand sel ve '', récemment érigé, au lieu de celui de
Saint-Martin- du-Carla, annexé à la mense de Lavaur*. Au
1. Reg. Vat., LXVII, n. 703; Docum,, LVI, p. 174.
2. Auzielle (ïlauie-Gavonne), cant. de Castanet, arr. de Toulouse; Pré-
serville, cant. de Lanta, arr. de Villefranche; Gaure, cant. de Verfeil,
arr. de Toulouse.
3. Reg. Vat., LXVII, n. 765; Docum., n. LV, p. 172.
4. Le Fauga, cant. de Muret (Haute-Garonne). Nous n'avons pu iden-
tifier la localité de Corninhan.
5. Reg. Vat., LXVII, n. 703; Docum., n. LVIl, 11, p. 178.
6. Veiierque, Mireinoiit, cant. d'Auterive. arrond. de IMuret; Rehoii-
nel, non identifié.
7. Sairit-Salvy, cant. de Beaumont, arr. de Castolsarrasin (Tarn-et-Ga-
ronne).
8. Reg. Vat., LXVII, n. 754; Docum., LVII, 13, p. 178.
ORIGINES DE LA PROVINCE ECCLESIASTIQUE DE TOULOUSE. 25
monastère d'Alel', qui allait devenir évêché, il attribua, à la
place du prieuré de Daumazan et des rentes de Latour^, rat-
tachés au chapitre de Rieux, des revenus d'Escueillens et de
Saint-Pierre de AMlheriis^, unis au chapitre de Mirepoix, les
prieurés de Saint-Pierre de Pinsaguel et de Saint-Pierre de
Beauteville^ L'abbaj'e de Montolieu changea les rentes de
Vira, attribuées à la rnense de Pamiers, avec celles d'Or-
sans'^ La même niense ayant été augmentée des fruits de
Saint-André, de Saint-Christaud et de Sainte Croix de Ven-
tenac^, le prieur de Vais ^ fut dédommagé avec ceux de Son-
nac et de Saubonne, au diocèse de Mirepoix*.
Jean XXII accorda de nombi-euses compensations au chapi-
tre de Toulouse. A la place de Saint-Pierre de Villasavary,
donné aux chanoines de Mirepoix, il lui concéda les rentes de
Lévignac, Garac et Lasserre"; en dédommagement des reve-
nus de Samatan, de Montamat et de Saint-Pierre près Pé-
béos, concédés au chapitre de Lombez, des rentes d'Unzent et
de Unzedelio'^^, rattachées à celui de Pamiers, de celles de
Sénarens, données aux chanoines de Rieux, il lui attribua les
fruits de Renneville, Bellegarde, Le Castéra, Drudas, Gai-
gnac, Thil, Marignac et Brax'^.
1. Reg. Vat., LXVII, n. 763; Docuni., n. LVII, 14, p. 179.
2. Daumazan (Ariège), cant. du Mas-d'Azil, arr. de Pamiers; Latow
(Haute-Garonne), cant. de Montesquieu, arr. de Muret.
.3. Escueillens (Aude), cant. d'Alaigne, arr. de Limoux; de Abilheriis,
non identifié.
4. Reg. Vat., LXVII, n. 763; Docum., n. LVII, 15, p. 179; Pi?isague]
(Haute-Garonne), cant. de Muret; Beauteville (Haute-Garonne), cant. de
Nailloux, arr. de Villefranche.
5. Reg. Vat., LXVII, n. 766; Docum., LVII, 16, p. 179. — Vira
(Ariège), cant. de Varilhes, arr. de Pamiers; Orsans (Aude), cant. de
Fanjeaux, arr. de Castelnaudary.
6. Ventenac, Saint-Christaud (Ariège), cant. de Lavelanet, arr. de Foix.
7. Vais, près Varilhes, arr. de Pamiers (Ariège).
8. Reg. Vat., LXVII, n. 764; Docum., ibid. — Somme (Aude), cant. de
Chalabre, arr. de Limoux.
9. Villasavary (Aude), cant. de Fanjeaux; Lévignac, Lrt.çserr^ (Haute-
Garonne), cant. de Loguevin, arr. de Toulouse; Garoc (Haute-Garonne),
cant. de Cadours, arr. de Toulouse.
10. Samatan, Montamat, Péhées, chef-lieu de cant. et communes du
cant. de Lombez (Gers); Unzeiit (Ariège), cant. de Pamiers.
11. Bellegarde, Le Castéra, Drudas (Haute-Garonne), cant. de Ca-
26 J.-M. VIDAL.
L'évêque de Rieux avait reçu les prieurés de Justiniac et
d'Artigat ^ et le chapitre de sa cathédrale, le prieuré de
Noé^; le pape indemnisa le chapitre de Saint-Étienne par les
prieurés de Lias, Goudourvielle, et de Nailloux, et par les
revenus de Cornebarieu et de Mauvers^.
L'archidiacre de Vielmorès, frustré de sa rente des Aguts,
annexée à Lavaur, reçut Fonten lies et Bonrepaux^. L'archi-
diacre d'Olmes, Aymar Fortier, dépouille du prieuré de Dun,
gagna les rentes de Beaumont-sur-Lèze, Grépiac, Saint-Mi-
chel, Sainle-Marie-de-Caulac, près Miremont^. Le prévôt du
chapitre l'eçut les rentes de Saint-Cassian, près Muret, au
lieu de celles de Saint-Félix-de-Tournegat, dévolues à l'évê-
que de Mirepoix^. Enfin, le trésorier de ce même chapitre,
Pelfort de Lautrec, bénéficia des revenus de Vigoulet".
Sauf de rares exceptions, les localités attribuées aux col-
lèges et aux monastères qui avaient droit à une indemnité
étaient toutes situées dans le nouveau diocèse de Toulouse, et
la plupart d'entre elles sur les limites mêmes de ce diocèse
ou à peu près. Double constatation qui trahit chez le pape la
préoccupation d'écarter autant que possible les bénéficiers de
deuxième ordre, afin de laisser aux évêques leur liberté d'ac-
tion. Même à Toulouse, Jean XXII avait tenté d'unifier la
mense en assignant aux étrangers sur les confins du diocèse
dours, arr. de Toulouse; Gaigtiac, cant. de Toulouse; Thil, cant. de Gre-
nade, arr. de Toulouse; Brax, cant. de Léguevin, arr. de Toulouse.
1. Justmiac (Ariège), cant. de Saverdun; Artigat (Ariège), cant. du
Fossat, arr. de Pamiers.
2. Noé (Haute-Garonne), cant. de Carbonne, arrond. de Muret.
3. Lias, Goudourvielle (Gers), cant. de l'Isle-Jourdain, arr. de Loni-
bez ; Nailloux, chef-lieu de cant. (Haute-Garonne), arr. de Villefranche ;
Cornebarieu, cant de Toulouse; Mauvers , cant. de Grenade, arr. de
Toulouse.
4. Les Aguts (Tarn), cant. de Cuq-Toulza, arr. de Lavaur: Fonte-
nilles, lionrepaux, (Haute-Garonne), cant. de Saint-Lys, arr. de Muret.
5. Dun (Ariège), cant. de Mirepoix. arrond. de Pamiers; Beaumont,
Grépiac, Saint- Michel, Miremont (Haute-Garonne), cant. d'Auterive.
6. Saint-Cussian, hameau du Fauga, cant. de Muret; Saint-Félix-
de-Tournegot (.\riége), cant. de Mirepoix.
7. Vigoulet (Haute-Garonne), cant. de Castanet, arr. de Toulouse. —
Voir, sur toutes ces donations, Reg. Val., LXVII, n. 698, f°» 209, 210,
211; JDocum., n. LVII, pp. 175-179,
ORIGINES DE LA PROVINCE ECCLÉSIASTIQUE DE TOULOUSE. 27
les rentes qu'autrefois ils possédaient en enclave clans tout le
territoire.
CONCLUSION.
Les quarante bulles du 22 février 1318 consacraient le par-
tage des dépouilles de l'ancien évêché. Les lots étant délimi-
tés, il ne restait plus qu'à en remettre les intérêts et l'admi-
nistration aux titulaires. Le pape rappela ses administrateurs
et invita les évêques à prendre en main le gouvernement de
leurs diocèses.
Le 7 avril 1318, il annonçait à l'ancien abbé d'Alet, devenu
évêque de ce nouveau siège, et à Rambaud de Rechignevoysin
l'arrivée prochaine de l'archevêque de Toulouse, à qui il leur
ordonnait de remettre leurs pouvoirs, ainsi que les biens
meubles et les palais qui devaient être à son usage*. Il garda
lui-même la disposition de toutes les raenses jusqu'à la fête de
saint Jean-Baptiste (21 juin 1318). André Porcher, trésorier
de la commission, rendit compte de sa gestion dès les pra-
miers jours de juillet. Il versa dans le trésor la somme de
12,266 livres tournois dont le pa[ e lui donna quittance par
acte du 11 juillet^.
Dans ce chiffre n'étaient point comprises les provisions
servies aux évêques, ni les indemnités des commissaires, dont
le détail figure sur le roiulus d'André Porcher ^ Celui-ci
avait satisfait à toutes ces obligations avant de partir pour
Avignon.
1. Reg. Vat., LXVII, n. 733; Docum , n. LVIIl, p. 180. Les deux
commissaires quittèrent la province de Toulouse au mois de juin, pour
aller rendre compte au pape de leur mission. Comptù's d'A. Porcher, dans
histrion, miscellanea, an. 1318; Docum., n. LXVIII, n. 3, ô, pp. 195-212.
2. Reg. Vat., LXIII, n. 1162; Docum.. n. LIX, p. 181.
3. L'archevêque de Toulouse reçut 5,858 livres pour sept mois et dix
jours; l'évèque de Lonibez, 4,621 livres pour onze mois; celui de Lavaur,
3,193 pour huit mois; celui de Eieux, 3,282 pour huit mois; celui de
Montauban, 2.945 pour sept mois et onze jours; Celui de Mirepoix, 1,.597
pour quatre mois. L'abbé d'Alet perçut un traitement de 779 livres pour
onze mois do travail; Ayguelin de Biaye, qui cessa ses fonctions en jan-
vier 1318, perçut .331 livres; Bérenger d'Olargnes, qui se retira presque
en même temps, eut 322 livres; enfin, Rambaud de Rechignevoysin perçut
586 livres pour onze mois. Docum., LXVIII, n. .3-14.
28 J.-M. VIDAL.
Mais il était loin d'avoir recueilli tous les fruits réservés au
Saint-Siège. La perceplioQ ne s'en fit pas sans difficultés. Le
pape se vit contraint de laisser dans la province ce même
André Porcher et Pierre Durand, doyen de Montréal, pour
qu'ils se livrassent à la besogne peu agréable de harceler les
fermiers retardataires, de rechercher et d'exiger l'argent, le
blé, le vin, les redevances dont on avait vainement attendu le
payement jusqu'à ce jour. L'excommunication saurait bien
faire ouvrir les bourses et les greniers ^
Huit ans après, le 22 juillet 1326, Jean XXII revint à la
charge : la Chambre apostolique réclamait encore certains
arrérages de l'année 1318. Arnaud de Verdale et Jean Raigre-
fred, collecteurs apostoliques, durent, coîite que coûte, les
arracher aux fermiers rebelles 2.
Ces difficultés mises à part (et elles étaient de minime
importance), l'œuvre de Jean XXII ne rencontra pas d'autre
résistance dans sa réalisation que celle de certaines gens qui,
à la dernière heure, se prévalaient de privilèges et de dis-
penses pour se soustraire à l'éviction. Le pape n'hésita pas à
détruire ce qu'avaient fait ses prédécesseurs. Il fit table rase
de leurs rescrils devenus « contraires au bon plaisir divin »
(17 septembre 1318 3).
L'œuvre de Jean XXII subsista pendant près de cinq siè-
cles : jusqu'à ce que la Révolution et le Concordat vinssent la
détruire. De ce qu'elle dura si longtemps, faut-il conclure
qu'elle était parfaite en tout point? Je n'oserais l'affirmer.
Les évêchés fondés par Jean XXII vécurent, disons mieux,
végétèrent pendant des siècles comme végètent depuis plus de
1. Reg. Vaf., CX, n. 660; Docutn., n. LXI, p. 185. Le pape fixa à
16 s. tournois le salaire journalier d'André Porcher et à 10 celui de Pierre
Durand. {Reg. Vat., CX, n. 60I; Docum., n. LXII, p. 187.) Il leur donna
le pouvoir d'user des lettres apostoliques adressées, le 26 septembre 1317,
aux administrateurs provisoires, au sujet des rentes jadis concédées à
des tiers. {Reg. Vat.. CX, n. 663; Docum., n. LXIV, p. 188.)
2. Reg. Vat., CXIII, n. 1091; Docum., n. LXVII, p. 192.
3. Reg. Vat., CIX, n. 752; Docum., n. LXV, p. 189.
ORIGINES DE LA PROVINCE ECCLÉSIASTIQUE DE TOULOUSE. 29
temps encore les trois quarts des diocèses italiens dont les
pasteurs manquent de tout, même de troupeau.
La vie matérielle d'un diocèse revient à une question écono-
mique qui n'est aisément résolue que dans les évêchés popu-
leux et riches. Diviser à l'excès les territoires et les popula-
tions, c'est s'exposer à amoindrir cette vie dans les parcelles
détachées. C'est condamner à l'impuissance, à l'inaction, à
l'ennui et peut-être à la misère des pasteurs que la gêne ou
la nostalgie chasseront de leurs obscurs évêchés pour leur
faire rechercher des charges et une vie plus commode à la
curie ou à la cour^ Les menses dotées par Jean XXII de
5,000 livres de rentp, étaient riches à l'époque de leur forma-
tion. En fut-il de même deux sriècles, un siècle et même un
demi-siècle après ? La mense de Pamiers, soixante-dix ans
après sa fondation, ne donnait qu'un revenu à peine supérieur
à la moitié de la somme prévue par Boniface VIII. Or, l'évê-
que de Pamiers était deux fois plus riche que ses collègues de
la province. Se représente-t-on la pénible situation de ces
prélats, si leur patrimoine avait subi une diminution sem-
blable ?
Une preuve que cet émiettement ne fut qu'une inutile fan-
taisie et une œuvre stérile, c'est, à un point de vue tout maté-
riel, le peu d'influence que la fondation des évêchés exerça sur
le développement économique et démographique des localités
qui en furent les sièges. A l'exception de Toulouse, de Mon-
tauban et peut-être de Pamiers, qui ont conservé leur impor-
tance d'autrefois, que sont aujourd'hui les anciennes « cités »
episcopales de Mirepoix, de Rieux, de Lavaur, de Lombez et
surtout de Saint-Papoul? Des villes de troisième ordre ou
d'obscures bourgades. Etaient-elles autre chose lorsque la vie
épiscopale y fut supprimée, il y a un siècle? Onf-elles jamais
acquis la notoriété, la prospérité des villes anciennement
1. Les comptes de cuisine du palais pontifical d'Avignon nous révèlent
la présence in curia des évèques de Mirepoix, Rieux, Saint-Papoul pen-
dant toute l'année 1330. L'évêque de Lombez y paraît aussi bien souvent.
Toutes les semaines ces prélats dînent une ou deux fois à la table du
pape. (Arch. du Vatican : Iiitroitus et Exitus, t. 106.)
30 J.-M. VIDAL.
élevées au même rang, pour lesquelles la présence de l'évêque
fut un bienfait, parce qu'elle répondait à une nécessité? On
dira peut-être que ces dernières ont dû leur développement
autant à leur situation particulièrement favorable qu'à l'in-
fluence ecclésiastique. Précisément, l'erreur de Jean XXII a
consisté en ce qu'il n'a pas choisi, pour y ériger ses sièges
épiscopaux, des localités ayant les avantages des anciennes
«cités ». Sa faute a été que, sachant bien la pénurie du dio-
cèse de Toulouse en localités de ce genre, il s'est obstiné à y
créer huit villes épiscopales, dont cinq étaient mortes et le
sont restées.
Le Concordat de 1802 avait tracé des limites démesurées à
la province toulousaine, qui aurait compris près de la cin-
quième partie de la France actuelle. Quant au diocèse de
Toulouse, il ent dépassé les bornes qu'il avait avant Boni-
face VIII, puisqu'une partie de celui de Comminges et celui
de Couserans y avaient été englobés. Le remède eiit été pire
que le mal.
Le Concordat de 1822 a établi une circonscription plus rai-
sonnable du territoire toulousain, qui se trouve distribué en
six diocèses, Pamiers, Toulouse en sont aux deux tiers for-
més; Carcassonne a hérité d'une partie de Mirepoix et de
presque tout Saint-Papoul; Albi a englobé Lavaur; Lombez
s'est uni à Auch, et Montauban a considérablement agrandi
le lot qu'il tenait de Jean XXII. La province de Toulouse est
plus grande avec quatre diocèses, ce qui n'a qu'une minime
importance de nos jours. Mais ces diocèses se suffisent, et ils
vivent.
Abbé J.-M. Vidal.
LE VOYAGE DES REINES
ET DE FRANÇOIS P^
EN PROVENGE ET DANS LA VALLÉE DU RHONE
(décembre 1515-FÉVRlER 1516)*
Eq partant d'Amboise, le 20 octobre 1515, la r;me-mère,
Louise de Savoie, et la femme de François I", la reine Claude
de France, avaient décidé d'aller à la rencontre du vainqueur
de Marignan et de se diriger vers la Provence où les attirait
un vœu qu'elles avaient fait à sainte Marie-Magdeleine, pa-
tronne de la Sainte-Baume. Après avoir séjourné près d'un
mois à Lyon 2, elles quittèrent cette ville vers le milieu de
décembre, avec un brillant cortège ^ : on y remarquait, outre
1. Nous devons des remerciements particuliers aux archivistes qui
nous ont facilité les recherches dans les dépôts dont ils ont la garde :
MM. Lacroix (Valence), Duhamel et Labande (Avignon), Fournier (Mar-
seille), Aude (Aix), Mourret (Tarascon), et aux personnes qui ont bien
voulu marquer l'intérêt qu'elles prenaient à notre travail : MM. Noël
Verney; Georges de Mongins-Roquefort; Bruguier-Rouro (Pont-Saint-
Esprit); Véran, architecte (Arles).
2. Sur ce séjour, voir E. Baux, Louise de Savoie et Claude de France
à Lyon : Étude sur la première régence (1515^-1516), dans la Revue
d'histoire de Lyon, t. I, pp. 390^114, 447-464. ' '
3. Nous ne trouvons une énumération un peu détaillée des person-
nages composant ce cortège que dans les documents relatifs au passage
des princesses à Arles et à Marseille; mais nous croyons que ceux que
nous avons cités, notamment la duchesse d'Alen^on, avaient quitté Lyon
en même temps quç la Régente et la reine Claude. Il coavient cependant
32 • VOYAGE DES REINES ET DE FRANÇOIS I" EN PROVENCE.
les membres du Conseil, dont un des 'principaux était Jacques
do Beaune-Semblançay, la sœur du roi, Marguerite, duchesse
d'Alençon, les deux fils du roi de Navarre, Charles et Henri,
que leur père avait laissés à la cour quelques mois aupara-
vant, etc. L'escorte devait, du reste, s'accroître en chemin
des seigneurs accourus de leurs demeures au-devant des
reines, ou revenus d'Italie avec François I".
Quelque incertitude plane sur les premières étapes de ce
voyage. Le 18 décembre 1515 % les consuls de Lyon, pour
détourner de leur ville le passage de la bande noire dont
l'approche excitait la terreur, s'adressent à la Régente et
envoient leur requête dans la direction de Grenoble, où ils
supposent que devait être Louise de Savoie. Dans ce cas, les
princesses auraient suivi la route la plus fréquentée, celle-là
même qu'au mois de juillet précédent avait empruntée Fran-
çois I*'', par Vienne, La Côte-Saint-André, Moirans et Greno-
ble. Louise de Savoie revint-elle au Rhône par la vallée de
l'Isère après un crochet sur Grenoble, ou, ce que nous croi-
rions plus volontiers, sans pouvoir cependant l'afflrmer, ne
quitta-t elle pas la vallée du Rhône? Nous n'avons rien
trouvé dans Ic-s archives de Grenoble et de l'Isère qui puisse
nous fixer à ce sujet. Nos renseignements ne deviennent pré-
cis qu'avec l'arrivée à Valence.
Les princesses y étaient attendues. Le 16 novembre, sur le
bruit que Louise de Savoie et Claude de France devaient faire
un voyage dans le Midi, les consuls avaient décide d'envoyer
un personnage d'importance (mandari aliquem ex magis
apparentibus) à Vienne ou même à Lyon, pour s'informer
de ce qu'il fallait faire-. Une semaine après, une commission
composée des consuls et de quatre nobles personnages avait
été chargée de faire tous les préparatifs nécessaires pour recè-
de noter qu'aucun des documents dont nous avons pu prendre connais-
"sance pour la fin de 1515 ne mentionne lïl présence à Lyon de la duchesse
d'Alençon.
1. Arch. de Lyon, BB 34, f° 132. Délib. du 2S décembre 1.515. —Sur la
bande noire, cf. Journal de Jean Barrillon, édition P. de Vaissière,
I, 67, et l'article cité ci-dessus, in fine.
2. Arch. de Valence, BB 4, f» 88 (Délib. des 16 et 22 novembre 1515).
E. BAUX, V.-L. BOURRILLY ET PH. MABILLY, 33
voir les reines selon les ressources de la ville, sinon d'après
le rang de ses hôtes {non quantum debeatur, sed quantum
potest). Nous ignorons l'accueil dont furent l'objet les deux
souveraines; mais il est à croire qu'elles ne firent que passer
dans la ville, sans l'appareil d'une entrée pompeuse, car
nous n'en rencontrons aucune mention dans les archives de
Valence, et d'autre part nous trouvons Louise de Savoie à
Montêlimar, le 20 décembre'. Là aussi leur séjour fut de
courte durée, puisque le 21 décembre elles étaient au Pont-
Saint-Esprit", d'où elles continuèrent, sans tarder, leur
voyage par Orange, Avignon et Tarascon.
Pour la première fois depuis leur départ de Lyon, les reines
s'arrêtèrent quelques jours : outre le sanctuaire révéré de
Sainte-Marthe à visiter, elles tenaient à passer à Tarascon
les fêtes de Noël. Le 22 décembre, le conseil de la ville s'as-
semblait et élisait quatre conseillers pour rechercher l'avoine
et le foin nécessaires aux équipages du cortège royaP. Le
soir même, les souveraines arrivaient par eau' dans la ville
et y demeuraient jusqu'au lendemain de la Noël^ Elles reçu-
rent en don douze images d'or représentant sainte Marthe,
accompagnées de douze anneaux également d'or, d'une valeur
1. Catalogue des Actes de François I", n° 16077.
2. C'est ce qui paraît résulter d'une lettre de Louise de Savoie à l'ar-
chevêque de Rouen, datée du Pont-Saint-Esprit, 21 décembre 1515, et
citée par l'abbé Oroux, Histoire ecclésiastique de la cour de France,
TI, 4, note B. — Au sujet des routes qui venaient se croiser au Pont-
Saint-Esprit, consulter : L. Bruguier-Roure, Notions générales sur la
viguerie du Pont-Saint-Esprit, Avignon, 1886.
3. Arch. de Tarascon, BB 12, f» 851.
4. Protocole de Jean de Podio, publié dans le Musée, fascicule 5, p. 16,
et par L. Jacquemin, Mo)iographie de l'atiiphithéâtre d'Arles, II, 307-
308. Bouche a confondu le voyage des souveraines avec celui du Roi, lors-
qu'il fait arriver celui-ci d'Arles à Tarascon par eau, à son retour d'Italie.
Il se trompe également lorsqu'il le fait débarquer à Toulon, Histoire
chronologique de Provence, II, 521 et sqq.
5. Le 24 décembre, Louise de Savoie signait une lettre portant que
Bernard de la Borie, lai, pourvu d'un office de coiiseiller clerc au Parle-
ment de Bordeaux, et Guy de Planis , pourvu d'un office de conseiller
lai, échangeraient leurs offices {Catal. des Actes, n" 391). La date de l'acte
suivant n° 392 : Marseille, 26 décembre, est erronée ; le contexte prouve
qu'il faut lire : 26 janvier. — La môme inexactitude se retrouve dans
Spont, Semhlançay, p. 123, n. 3.
ANNALES DU MIDI. — XVL 3
34 VOYAGE DES REINES ET DE FRANÇOIS l^f EN PROVENCE.
de 205 florins 7 gros et demi, pour l'exécution desquelles le
conseil paya à M^ Nicolas Tabernier 5 florins et demi^
Le 26 décembre, elles se mettaient en route pour Arles,
saluées par les décharges d'artillerie de Tarascon, auxquelles
s'associaient celles de Beaucaire^.
Le même jour, mercredi 26 décembre, elles entraient à
Arles. La ville était pauvre; cependant, dès le 25 novembre,
pour trouver de l'argent tout de suite et faire honneur à ses
hôtes, le conseil avait décidé d'affermer à des citoyens d'Arles
pour six ans le « paty du Contrasta », Le 25 décembre, il
ordonna « estre faict d'ymaiges d'or... jusques à la somme
de CL écuz soleil ou environ, pour donner, non pas par ma-
nière de don, raays de souvenance, là où semblera à la ville de
donner*». Les souveraines furent logées dans la maison de
M. d'Arlatan, sieur de Beaumont, qui avait été l'objet de
réparations très importantes : le devant fut pavé à neuf et
on y installa des verrières peintes par Claude Collet, pour
lesquelles il fut payé 13 florins 1 gros*. Les frais de répara-
tions s'élevèrent à la somme totale de 117 florins 6 gros
8 deniers^; mais ils comprennent à la fois ceux dont le pas-
sage des reines fut la cause et ceux qu'occasionna le retour
du Roi, le mois suivant. Nous avons peu de renseignements
sur les occupations des souveraines à Arles durant leur séjour
qui se prolongea jusqu'au samedi 29 décembre; nous savons
seulement qu'elles s'y firent apporter des reliques, notam-
ment « les bras des Maries de Notre-Dame-de-la-Mer », qu'el-
les allèrent voir à l'église Saint-Hoaorat où on les avait
déposées. Au retour des Aliscamps, nous rapporte Jean de
Podio qui nous a conservé ces détails, elles passèrent par les
1. Arch. de Tarascon, BB 12, f. 353, délib. du 16 janvier 1516.
2. Un accident se produisit à Beaucaire à cette occasion. Un « pouvre
homme » fut blessé à la cuisse « d'ung tap de l'une des pièces » d'artil-
lerie et voulut se faire payer une indemnité par le nommé Bonel, chargé
de faire tirer l'artillerie (Arch. de Tarascon, BB 4, délib. du 17 janvier
1516).
3. Arch. d'Arles, Délib., BB 8, f»» 58-59.
4. Arch. d'Arles, ibid., f" 59 v".
5. Arch. d'Arles, CC 267, f» 93.
6. Archives d'Arles, Délib., BB 8, f» 68 v».
E. BAUX, V.-L. BOURRILLY ET PH. MABII.LY. 35
Arènes et traversèrent les ruines du théâtre romain où sub-
sistaient seulement, alors comme aujourd'hui, en face des
gradins à demi détruits, les deux colonnes restées debout*.
Le samedi matin, 29 décembre, les reines quittèrent Arles
par la route de Salon où elles passèrent la nuit du 29 au 30.
Elles logèrent au château que Jean Ferrier, archevêque
d'Arles, avait fait richement décorer pour les recevoir 2. Le
lendemain, elles arrivèrent à Aix. Le chapitre de Saint-Sau-
veur avait, quelques semaines auparavant, décidé de leur
offrir du pain pour leur heureuse venue''. Mais elles ne firent
pas un long séjour dans la ville, car elles avaient hâte d'arri-
ver au bat de leur pèlerinage, à la Sainte-Baume*.
Le tombeau de Marie-Madeleine attirait en foule les pèle-
rins. Les princes de la Maison d'Anjou, le roi René notam-
ment, avaient eu à la Sainte -Baume une dévotion particu-
lière, qui s'était traduite par la concession de privilèges aux
religieux qui veillaient sur ces reliques. Louis XII était resté
dans les mêmes sentiments, et l'un des premiers actes de
François P^ à son avènement avait été de confirmer les pri-
i. Protocole de Jean, de Podio, publié dans le Musée, Bévue arlé-
sienne\ fascicule 5, p. IG; cité par L. Jacquemin, Monogi'aphie de l'am-
phithéâtre d'Arles, II, 807 et sqq.
3. L. Gimon, Chronique de la ville de Salon (Aix, 1X82), pp. 104-165.
L'auteur fait par erreur partir les princesses pour Aix le l""' janvier;
c'est le 80 décembre qu'il faut lire.
8. Recueil de notes et recherches historiques sur Aix, Eibl. Méjanes,
vol. 101'2-1014, tome I, 426-427. Le mss. donne la date du 15 novembre;
c'est sans doute celle où la décision a été prise. Datées d'Aix, le 30 dé-
cembre 1515, on a des lettres de la Régente en faveur de Fouquet Olivier,
citoyen d'Arles. (Arch. des B.-du-Rh., B 26, f. 109-110 v" ; Catal. des
Actes, n" 23863.)
4. Au sortir d'Aix, la route traversait l'Arc, laissait à main gauche
Perrières [Pourrières (?)], et par « Porcieulx » [Pourcieux], arrivait à Saint-
Maximin : « Voy le chef de la Magdeleine, descends en la fondrière, puis
remonte la Basme, lieu fort haut en rocher, où trouveras une abbaye de
moines blancs... où la Magdeleine faisoit sa pénitence. Au-dessus de la
montaigne est la chapelle du Sainct-Pilon ; et au-»dessous, vers la mer, y
a une roche de pierre jaulne qui tire la paille comme l'ambre. » {La Suite
de la Guide des chetnins, imprimée à Lyon en 1588 par Benoist Kigaud à
la suite de la Guide des chemins j^our aller et venir par tout le royaume
de France. Exemplaire, croyons-nous, unique, gracieusement communi-
qué par M. Baudrier.)
36 VOYAGE DES REINES ET DE FRANÇOIS !«'' EN PROVENCE.
vilèges que les religieux tenaient de ses prédécesseurs. La
visite des reines, seules d'abord, bientôt après en la compa-
gnie du Roi, était une nouvelle marque de la profonde véné-
ration qui entourait le sanctuaire provençal.
Le 31 décembre, ^Louise de Savoie et Claude de France
étaient à Saint-Maximin^ L'église était eacore en pleine
construction, sous l'énergique impulsion de Damien, prieur
de la Sainte-Baume. La venue des souveraines ne pouvait
que favoriser ces travaux pour lesquels, comme nous le ver-
rons, elles laissèrent, ainsi que le roi de France et quelques-
uns de ses conseillers, des sommes assez importantes. La
reine Claude en particulier accorda une donation de 200 livres
tournois par an, pendant dix ans, pour l'achèvement de l'édi-
fice^. Le lendemain, elle monta à la Sainte-Baume. En prévi-
sion de la visite royale, on avait réparé les routes qui y con-
duisaient. La reine Claude se montra aussi libérale pour le
sanctuaire de la Madeleine que pour l'église de Saint-Maxi-
min : elle donna de quoi reconstruire le couvent et le portail
de l'église, pour laquelle elle promit, en outre, différents
ornements. Après avoir demeuré deux jours à la Sainte-
Baume, les souveraines, par la vallée de l'Huveaune et la
route d'Aubagne, se dirigèrent sur Marseille.
Les Marseillais n'avaient eu qu'à se louer de la bienveil-
lance de François I". Aussitôt après son avènement au trône,
le roi avait confirmé « tous les privilèges, franchises, préro-
gatives, chapitres de paix, usages et anciennes coutumes de
Marseille », avec des considérants auxquels ils furent fort
sensibles, « pour la bonne loyauté, disait-il, que lesdits sup-
pliants ont tenue envers nous et nosdits prédécesseurs, comtes
1. Registre du Père Damien, publié par l'abbé Albanès, dans la Revue
des Sociétés savaiites des départements, 7"= série, II, 211 etsqq. Cf. abbé
Albanès, Histoire du couvent royal de Saint- Maxiinin, 235.
2. Registre du Père Damien, loc. cit. Louise de Savoie témoigna aussi
de sa bienveillance à l'égard des habitants de Saint-Maximin en rédui-
sant les feux de ce bourg de quarante-six à vingt-six, par lettres datées
d(! la Sainte-Baume le 2 janvier 1515 [1516], confirmées par lettres du Roi,
cà Saint-Maximin, le 21 janvier suivant. (Arch. des B.-du-Rh., B 25,
f. 328 v''-329, 331. Catalogue des Actes, n»» 399, 404.)
E. BAUX, V.-L. BOURRILLY ET PH. MABILLY. 37
desdits comtés et pour autres justes causes ^». A la même
époque, il avait donné l'office de grand sénéchal général et
lieutenant général du roi en Provence à son oncle René, le
grand Bâtard de Savoie, en remplacement de Louis d'Or-
léans, duc de Longueville -. Et celui-ci, venu à Marseille pour
la circonstance, « prêta serment d'observer les privilèges et
chapitres de paix de ladite ville'' ». En retour de ces témoi-
gnages d'estime et de bienveillance, — un peu protocolaires
cependant, il faut en convenir, — les Marseillais eurent à
cœur de recevoir avec une pompe inaccoutumée les deux
reines d'abord, puis le Roi, lorsqu'il retourna d'Italie et de
son pèlerinage à la Sainte-Baume.
Déjà les préparatifs de la réception avaient commencé avant
que l'on siit au juste quel jour les reines feraient leur entrée*.
1. Kuffi, Histoire de Marseille, 2« éd. (1696), I, 299.
2. Les lettres patentes sont du 11 février 1515.
3. D'après Ruffi. ihid., le Bâtard de Savoie vint à Marseille le 25 février
1515. Les Marseillais lui firent une réception solennelle, comme on peut
le voir dans les comptes relatifs à la visite du Roi et des reines, où l'on
régla les dépenses faites à cette occasion, et même celles dont le deuil de
Louis XII avait été la cause.
4. Nous avons emprunté les détails du premier passage des souverai-
nes à Marseille au manuscrit du marquis de Valbelle, Recueil des cho-
ses mémorables arrivées en Provence depuis l'an 1505 jusqu'en l'an
1539, Bibi. de Carpentras, C. G. (L...), f. 58 v", et surtout à un document
conservé aux arch. mun. de Marseille, sér. CC, non numéroté, qui contient
le détail des dépenses occasionnées par les fêtes données en l'honneur
des souverains. On lit au verso du dernier feuillet : « Cayer contenant le
compte de la despance faite par Jean Hue, trésorier de ceste ville, à la
venue et pendant le séjour en lad. ville du Roy Françoys premier et de la
Reyne, sa femme, de l'année 1516. » Et plus bas, d'une autre écriture :
« N" 14.3. Boleta de la despensa de la venguda de la Reyna, et dou Rey et
de la Reyna segondament, de l'an 1516. » Le total des dépenses s'éleva à
2,373 florins, 1 gros et 2 quarts. Jusqu'à ces dernières années on avait
cru ces comptes perdus. Dans un article sur l'Entrée de François I" à
Marseille en 1516 (paru dans les Mémoires de l'Académie des scien-
ces, belles-Lettres et arts de Marseille, 1884-1885, pp. 217-224), le doc-
teur Barthélémy dit qu'à l'occasion de la cavalcade de 1868 on fit des
recherches au sujet des entrées de François I" en 1516 et en 1533 (lors
de l'entrevue du Roi avec le pape Clément VII). Ce fut en vain : « on ne
trouva aux Archives ni les délibérations du Conseil, ni les comptes du
trésor de l'époque, qui auraient pu guider les organisateurs dans la dis-
tribution des i-ôles et l'agencement des costumes. » Nous avons été assez
heureux pour mettre la main aux archives municipales de Marseille sur
ces comptes, dont quelques extraits ont déjà paru dans ÏArmana mar-
38 VOYAGE DES REINES ET DE FRANÇOIS 1" EN PROVENCE.
Pour meubler les appartements destinés à Claude de France
et à Louise de Savoie, on requit les tapisseries de Saint-Vic-
tor et de quelques particuliers; on envoj'a chercher des fagots
de myrte à Cassis afin de parer les rues. Le 29 décembre,
arriva un courrier d'Arles annonçant la venue des souveraines
pour le 3 janvier suivant. Dès lors, on travailla avec une sorte
de fièvre. Les trois consuls, Louis Paul, Guillaume Bocquin et
Guillaume de Saint- Jean, présidèrent à tout; le dernier surtout,
se multiplia et paraît avoir eu la haute surveillance sur la
décoration des portes et des rues, et sur l'organisation de la
pompe extérieure de la cérémonie.
Il fallut d'abord approprier et aménager la maison du Roi
et la maison de M. de la Barben, un descendant de cesForbin,
dont le rôle, dans l'annexion de la Provence à la France, avait
été capital; car c'est là que devaient loger les reines. On y fit
donc transporter des tapisseries, des tapis, des tables, des
escabeaux, la literie nécessaire pour les souveraines et leur
nombreuse suite, avec des matelas de plume et de paille de
seigle; des « cafïués » [chenets], des « gavels » [sarments], vu
la rigueur de la saison; les verrières furent réparées, les ser-
rures vérifiées. Les comptes détaillés qui nous ont été conser-
vés nous permettent de reconstituer par le menu tous ces
préparatifs'; ils nous montrent que les hommes de ce temps
n'avaient qu'une idée plutôt sommaire de ce que nous appe-
lons le confort. Les consuls cependant firent tout ce qu'ils
sihès per l'annado 1897 (pp. 78-(S0), sous la signature « Ion Furnairé »
(Ph. Mabilly).
1. « Die xxviii" deldit mes [de désembre], à Jacques Borrilhon, porta-
fays, per aver portât la tapissarié de Mons. lo comandor Boniff'acii à la
mayson de la villa et en après de ladita mayson à la mayson de Alons. de
la Barben, onte era lojada la Rej-na, 1 gros... — Item, à Michel Sol, per
aver portât dos autres tapis de la mayson de Mons. lo comandor à la
mayson de Mons. de la Barben, 1 quart... — Item, à Anric Franchisco
et Jacques Peymontés per aver escobat [balayé] la mayson del Rey,
3 gros... — Item, lodict jort [1'"' janvier], à mestre Jolian Droyn, pintre,
per II mans de papies de la grant forma per far las vetas de devisas,
6 gros... — Item, lodict jort, à ung que a destendut las isturias de la
mayson de Messer Nicolau Forbin et portadas à la mayson del Eey,
2 quarts. »
E. BAUX, V.-L. BOURRILLY ET PH. MABILLY. 39
purent pour rendre commode et agréable le séjour dans leur
cité de leurs hôtes augustes.
En même temps que l'aménagement des logis des deux
reines , se poursuivait la décoration des maisons et des rues.
Elle consistait essentiellement en verdure. On avait fait venir
de Cassis plusieurs « barques » de myrte, de bois de pin et de
chêne vert, et avec des branchages, disposés autour de cordes
et de cerceaux, on avait multiplié les guirlandes, les arcs de
triomphe et les arceaux. Les portes par où les reines feraient
leur entrée, les rues qu'elles devaient suivre, les maisons des
consuls, la maison de ville, celles du Roi et de M. de la Barben
furent ainsi ornées. A ces motifs on ajouta des faisceaux de
romarin fleuri \ le tout entremêlé d'étoffes et de tapisseries
historiées, empruntées entre autres à Nicolas de Forbin.
Comme toujours, on se trouva pris de court. Le 2 janvier,
rien n'était encore terminé, et les ouvriers, « barbiers et bo-
tiés », sous la direction de Guillaume de Saint-Jean, durent
travailler toute la nuit à la lueur des torches et des « basions
de cire » pour disposer jles dernières « arcades » et mettre la
dernière main à l'aménagement du logis des souveraines.
Le programme des fêtes fut dressé par « mestre Anthoni
Flote », notaire, sur une peau de « vedellin », pour l'achat de
laquelle il reçut, le 2 janvier, la somme de quatre gros 2. Ce
document n'a pas été conservé, et les curieux le regretteront,
car il devait être du plus haut intérêt. Cependant, malgré
cette perte, à l'aide des comptes et de ce que nous rapportent
le marquis de Valbelle et Ruffi, qui, le plus souvent, n'est de
celui-ci que l'écho fidèle, nous pouvons reconstituer la suite
1. « Item, lodict jort [2 janvier], ay donat à Johan Hue que dis avié
pagat per ung fays de romanil florit, 3 gros... — Item, lodic jort, à Monet
Mitron et Honorât Glari, per 2 fays [de romanil florit, 2 gros... — Item,,
lodict jort, per 2 lieuras de candellas per los barbies al vespre per que
velharien tota la nuech, 1 gros, 2 quarts... — Item, lodict jort, à Anthoni
Pons, Batista de Tallart et Guillaume Doesayre, que an ronput la nerta
[myrte] als botiés [tonneliers] et ajudat à fayssar los libans [grosses
cordes] tôt lo jort, 3 gros. »
2. « Item, lodict jort, à mestre Anthoni Flote, notari, per une peu de
vedellin per far los tilles de las romieras, 4 gros. »
40 VOYAGE DES REINES ET DE FRANÇOIS I«' EN PROVENCE.
de ces réjouissances qui se déroulèrent à Marseille entre le 3
et le 7 janvier 1516.
Ce fut le 3 janvier, un jeudi, que Louise de Savoie et Claude
de France firent leur entrée dans la villes Elles y furent
accueillies par de formidables décharges d'artillerie. Fen de
ôrwi était déjà la devise des Provençaux, et des Marseillais en
particulier. En l'absence de Préjent de Bidoux, qui n'arriva
que quelques jours après à Marseille, Bernardin des Baux,
chevalier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, futur général
des galères, « fit tirer toute l'artillerie des galères, des bri-
gantins, et enfin de tous les bâtiments maritimes^». A travers
les rues tendues et parées, les souveraines, accompagnées « de
plusieurs grands seigneurs et de quantité de dames fort qua-
lifiées » avec une longue suite, furent conduites à leurs logis,
Claude de France à la maison de M. de la Barben, et Louise
de Savoie probablement à la maison du Roi. Malheureuse-
ment la pluie vint contrarier la fête et en ternir l'éclat, Mais
les Marseillais, les jours suivants, prirent leur revanche.
Le vendredi 4 janvier, Bernardin des Baux organisa dans
16 port, en l'honneur des reines, un combat d'oranges : c'était
les batailles de fleurs de ce temps-là. Claude de France et
Louise de Savoie y prirent, paraît-il, grand plaisir, ainsi
qu'aux hommages que vinrent leur présenter les dames et
bourgeoises de la cité. Les comptes ne mentionnent pas d'une
façon spéciale les dépenses occasionnées par cette première
bataille d'oranges; il est probable qu'on les a réunies à celles
de la bataille que nous verrons donnée en l'honneur du Roi.
En revanche, ils nous renseignent sur le menu du repas des
souveraines ce jour-là. Les pêcheurs de Saint-Jean, « lei San-
Janen », firent porter à la maison du Roi douze thons; les
quatre hommes qui en furent chargés reçurent pour leur
peine chacun un gros^.
1. Parmi les personnages d'importance qui suivaient les deux reines,
Bouche [op. cit., II, 531) cite les sieurs de Montmorency (le père du futur
connétable Anne de Montmorency) et du Boccage (probablement du Bou-
chage).
2. Ruffi, loc. cit.
3. « Item, lodict jort [4 janvier], à Anthoni Pons, Jolian lo Nissart et
E. BAUX, V.-L. BOURRILLY ET PH. MABILLY. 41
Le samedi 5 janvier^ « la reine [Claude] alla dîner à Saint-
Victor, et après dîner, alla visiter Notre-Darae-de-la-Garde,
et après, en s'en retournant à la ville, elle fut en l'église des
Frères Prêcheurs, qui estoit en ce temps-là dans les faux-
bourgs. Le lendemain, jour de dimanche, elle ouït la messe
dans l'église Major et vêpres à Saint-Victor, et toujours avec
sa belle-mère 2. »
Les reines quittèrent Marseille^ le lundi matin, 7 janvier,
pour Aix, où elles arrivèrent le jour même. Elles y demeu-
rèrent quatre jours, jusqu'au 11 janvier, au moins. De ce
second passage à Aix, nous ne connaissons à peu près rien, sauf
les quelques lettres ou actes que Louise de Savoie signa,
datés de cette ville*. Le 11 ou le 12 janvier, elles reprirent
leur marche vers la Haute-Provence : elles atteignirent bien-
tôt Manosque d'où, le 13 au matin, la reine-mère écrivit à
M. de La Fayette un billet qui se terminait par ces mots :
« Au surplus, je ne garde l'eure que Roy n'arrive en ceste
compagnie, et partit de Milan mardi derniers» Le même
2 autres que porteron 13 tons de Sanct Johan fins à la mayson del Rey
et car esteron [qui demeurèrent] en ladita mayson mays de 1 liora, 4 gros. »
1. Euffi, loc. cit., dit par erreur le samedi 7 janvier. — De ce jour est
datée une lettre de Louise de Savoie à M. de La Fayette, gouverneur de
Boulogne, où elle dit entre aiitres choses : « La Royne et moy avons faict
nostre voyage de la Baulnie et nous en allons au-devant du Roy en
Daulphiné, où il sera bientost » (Bibl. Nat., f. fr., 2934, 1» 26).
2. De ce jour sont datés deux actes signés par la Régente. Arcli.
des B.-du-Rh., B 26, f» 17 ; ibid., f" 138 v et 322 v». Catalogue des
Actes, n»^ 23367 et 23368.
3. Aug. Fabre, Les Rues de Marseille, III, 255-256, dit par erreur que
les pi'incesses attendirent François I" à Marseille.
4. Actes datés d'Aix : 8 janvier. Archives des Bouches-du-Rhône, B 24,
f» 400; 25, f» 335. — 9 janvier, ibid., B 26 f° 405; 25, f» 365 v». — 10 jan-
vier, ibid., B 25, f" 338 v; 378 v». — 11 janvier, ibid., B 25, f» 320 v». —
Catalogue des Actes, n»» 400-403, 23369-23372.
5. « Monsieur de La Fayette, j'ay sceu comment Messire Galleas Vis-
conte est de présent en Angleterre allé ambassadeur pour mener comme
l'on peult assez considéi'er quelques bonnes praticques contre le Roy, et
en sa compaignie est ung nommé Berthelemy Tisson, et en s'en retour-
nant ledict Visconte, fault qu'il passe par les destroicts du royaulme.
J'escrips à M. do Genly, qui est adverty de ceste matière, qu'il face le
guet, qu'il vous advertisse du temps qu'il pourra passer, ensemble du
lieu; pareillement j'escripz au président Bapaumes, qui est par delà, qu'il
vous advertisse du jour qu'il partira de là, mais il ne vous ouzera es-
42 VOYAGE DES REINES ET DE FRANÇOIS 1" EN PROVENCE.
jour, non loin de Sisteron, François I" rejoignait sa femme
et sa mère.
Le roi de France avait reçu à Milan, à son retour de Bolo-
gne (c"est-à-dii^e vers le milieu de décembre), « plusieurs
lectres de la Royne et de Madame (Louise de Savoie) qui le
pryoient fort de retourner en France » et lui donnaient ren-
dez-vous en Provence, où les reines se rendaient en pèleri-
nage à la Sainte-Baume *. Après avoir donné ordre au gouver-
nement du Milanais, qu'il laissa à la garde du connétable de
Bourbon, François I" s'était mis en route : parti de Milan le
8 janvier, par Biagrasso, Novare, Verceil, Turin, il avait pris
la poste à Suse, et par le col du Genèvre, la baute vallée de
la Durance, Gap- et Tallard, il arriva le 13 janvier près
de Sisteron. « Le 13 janvier 1516, écrit Louise de Savoie dans
son JournaV\ mon fils revenant de la bataille des Suisses
me rencontra auprès de Sisteron en Provence, sur les bords
de la Durance, environ six heures au soir, et Dieu sçait si
moi, pauvre mère, feus bien aise de voir mon fils sain et
entier, après tant de violences qu'il avoit souffertes et soute-
nues pour servir la chose publique. » La rencontre dut avoir
lieu un peu au nord de la ville, car le Roi y fit ensuite son
cripre sinon en son chiffre, dont vous a esté envoyé le double. Vous
pouvés assez considérer le service qu'en le prenant ferez au Roy. Par
quoy vous prie que vous y mectiez toute pêne et diligence sans rien y
espargner; de vous confronter le personnage, il n'est jà besoing, car je
sçay quele congnoissez assez, mais surtout, comme sçavez, il est besoing
que ceste matière soit tenue très secrète, ce que je sçay que sçaurez bien
faire. Au sui-plus, etc.. Escript à Manoasque, le xiir jour de janvier. »
Le Catalogue des manuscrits (I, 567) porte Maurasque qui est une mau-
vaise lecture. — Galeas Visconti, dont il est ici question, n'était pas allé
en Angleterre après Marignan, il s'était rendu en Allemagne, auprès du
cardinal de Sion. Cf. Journal de Barrillon, I, 125, 190 et la note.
1. Journal de Barrillo7i, I, 176-177.
2. En juillet 151-5, François I" avait été harangué à la Eochette (près
de la Bâtie, col de Manse) par Claude Olier, vice-bailli de Gap. II lui
promit de passer par Gap à son retour et « il tint parole ». (ïh. Gautier,
Précis de l'Histoire de Gap — d'après les mémoires de Gaston Juvénis.
— Cf. J. Roman, Histoire de la ville de Gap, 111.) — Le fait est encore
confirmé par Aymar du Rivail, De Allohrogibus (éd. de Terrebasso), 563.
3. Journal de Louise de Savoie, publié dans Guichenon, Preuves de
VHist. généal. de la maison de Savoie, II, 457.
E. BAUX, V.-L. BOURRILLY ET PH. MABILLY. 43
entrée, et suivant une tradition que rapporte de Laplane dans
son Hisione de Sîsieron, logea dans une maison qui appar-
tenait à noble Gaspard Curet, seigneur de Saint-Vincent'.
Après s'y être reposé quelques jours, il descendit lente-
ment vers le bas pays et fit un premier arrêt à Manosque.
Le 17 janvier, il y fut reçu par le conseil qui avait à sa tête
le premier consul, Antoine de Voland^, dans la maison de qui
il logea. Il traversa Aix le 19 janvier^ et le 20 arriva à Saint-
Maximin.
Le 21 janvier, le Roi, les reines et leur suite montèrent à la
Sainte-Baume. François P"" trouva le couvent « fort caduc et
démoly » : au don précédemment fait par la reine, il en ajouta
un pareil. René, bâtard de Savoie, donna 1,000 florins d'or
pour faire les vitraux; Jacques de Beaune, sieur de Semblan-
1. E. de Laplane, Histoire de Sisteron, (Digne, 1843), II, p. 1<!3.
2. Abbé Féraud, Histoire de Manosque (Digne, 1848), 101 et seq., 250.
— C'est à ce passage de Fran(jois l'"' à Manosque que se rattache l'his-
toire bien connue de M"" de Voland, une fille précisément du premier
consul. François I" aurait été frappé de la remarquable beauté de la
jeune fille qui lui présentait les clefs de la ville. M"" de Voland, troublée
par le regard du Roi et craignant pour sa vertu, en aurait conçu un tel
chagrin qu'elle aurait elle-même détruit sa beauté en plongeant son visage
au milieu d'émanations de soufre qui la défigurèrent. — Ce récit est ro-
manesque et peu vraisemblable. Il se rencontre pour la première fois, à
notre connaissance du moins, dans l'ouvrage d'un Père jésuite originaire
de Manosque, le P. Jean Colomb ou Coulomb : Joannis Columhi Ma-
niiascensis... opiiscula varia... Lugduni, MDCLXVIII, p. 452. Aucun
écrivain du seizième siècle, pas même Brantôme, poui'tant si friand de
pareilles histoires, n'a fait la moindre allusion à cet événement et il
faut attendre plus d'un siècle et demi pour en trouver la première men-
tion; c'est une autre i-aison do douter de son authenticité. Une nouvelle
cause de doute surgit des détails et du ton même du récit qu'a fait le
Père Colomb, dont les intentions moralisatrices sont trop manifestes.
Notre auteur en a-t-il trouvé les éléments dans la tradition locale, les
a-t-il seulement enjolivés ou tout simplement inventés? Il est difficile de
le dire avec certitude. Ce qu'il y a de sûr, c'est que, depuis 1658, tous les
historiens de Manosque et de la Provence ont repris et amplifié cette
histoire, et célébré à l'envi l'héroïque vertu de M"" de Voland ! Frédéric
Mistral y fait allusion an chant XI de Calendal, p. '413 (éd. Lemerre).
3. On lit dans les arch. de Beaucaire (BB 4, délib. du 17 janvier) :
« Expousé a esté audict conseil, ])ar l'organ de J\I. le [)remier consul
S"" Laurens Galian, comment INl'" d'.\ix avoit envoyé novelles piir deçii,
comment le Roy nostre sire devoit faire aujourd'liuy son entrée aud, Aix
et de là viendra à Marseille, Arles et Tharascon, »
44 VOYAGE DES REINES ET DE FRANÇOIS I" EN PROVENCE.
çay, fit les frais de l'autel du Crucifix. Après la visite du Roi,
pour en commémorer le souvenir, le père Damien fit pla-
cer dans la chapelle de Sainte-Madeleine une inscription
qui n'existe plus aujourd'hui, mais dont le texte a été con-
servé ^ :
Rex super illustris Franciscus primus in œdes
Venit, cum ducibus principibusque, sacras;
Claudia, nobilium hic inag^ia stipante caterva,
Cum genetrice viri cumqiie sorore fuit;
Hoc fuit italici post martia bella triumphi,
Cum rex Franciscus débita vota daret;
Cumque fuit presens in sancta Magdalis œde,
Est rex largitus munera magna potens^.
De la Sainte-Baume, François Jer, suivi de sa cour et des
deux reines, se dirigea sur Marseille par la route que celles-ci
avaient prise trois semaines auparavant^. Les Marseillais se
préparaient à faire au Roi une réception splendide. La décora-
tion et la parure des rues avaient été conservées : c'est à
à peine s'il fut nécessaire de remplacer sur quelques points
des rameaux de myrte. On se contenta de décorer quelques
1. Bouche, La défense de la foy et de la piété en Provence pour ses
saints tiitélaires Lazare et Maxitnin, Marthe et Magdalene, Aix, 1663,
p. 58. — Faillon, Monuments inédits sur l'apostolat de sainte Marie-
Madeleine en Provence, II, 1400, lettres de don de François l""', à
Saint-Maximin, le 21 janvier 1515 [1516]. — Rostan, Notice sur l'église
de Saint-Maximin, p. 50. — Albanès, Histoire du couvent royal de
Saint-Maximin, pp. 235-236. Cf. Spont,' Se?nblançay, pp. 123 et suiv. —
Eostan, lac. cit., ajoute ce détail : « Ces princesses eurent soin de se
conformer à l'ancien usage, pour les femmes, de ne point entrer dans la
crypte, et les saintes reliques furent transportées dans l'église supérieure
pour être offertes à leur vénération. C'est à cette occasion qu'il se déta-
cha du reliquaire «ne pierre précieuse de grande valeur. Il fut dès lors
arrêté qu'il serait permis aux femmes de descendre dans la crypte afin
d'éviter ce transport trop fréquent. »
2. Il resta d'autres traces du passage du roi de France et des souve-
raines, entre autres les statues de François I'"' et de la reine Claude à l'en-
trée de la grotte et « une magnifique cheminée en pierre tendre sculptée
qui a des proportions monumentales et passe pour un modèle achevé de
ce qu'on faisait alors dans ce genre pour les habitations seigneuriales...
On l'appelle la cheminée de François I", du nom du donateur ». (Commu-
nication manuscrite du prieur de Saint-Maximin.)
3. D'après Barthélémy, Histoire d'Aiibagne, 1, li, le roi aurait couché
au château d'Aubagne. Nous ignorons sur quelle autorité se fonde cet
auteur.
Legeni pone milii domine in via tua,
et dirige me in se mita recta propter
i ni mie os meos.
Le Roy induyt par Lange de Dieu A prandre Le
chemyn de t-a Baume . Dist une Oraison . cfui Luy est
toute propre quât il sort de sa chambre. Et jamaiz ne
Ja deueroit lesser
Ora°
Monseigne^ Dieu Assigne moij Loij en ta voye.
Et me dirige en chemyn droit . A/fin r/ue mes
ënemys ne me puyssent faire nuysance.
Ce médaillon et celui de la p. 57 sont empruntés au manuscrit fran-
çais 2088 de la Bibliothèque nationale, dont nous reproduisons (p. 62,
n. 4) la première page. Le Catalogue (1, p. 356) le mentionne ainsi : « Le
psaume XXVI, « lUuminatio mea » avec traduction ot allusions à la vie
de François I«^.., papier, dessins à la plume et camaïeu. 1516. « Les diffé-
rents médaillons se rapportent aux principaux épisodes do la campagne
de 1515-1516 : départ d'Amboise, bataille de Marignan, siège de Mi-
lan, etc.; ils sont curieux, surtout pour l'histoire du costume.
46 VOYAGE DES REINES ET DE FRANÇOIS I" EN PROVENCE.
maisons de plus, et, dans la décoration, on introduisit de nou-
veaux motifs : parmi le feuillage on mêla des pommes de pin
vertes et même des oranges que l'on avait dans ce but ache-
tées avec leur pédoncule « embé lo pécolh' ». L'activité des
consuls se porta particulièrement sur la confection de nom-
breux panneaux et écussons aux armes du Roi, des reines, du
sénéchal ou de la ville, que les enfants devaient porter, fixés
à l'extrémité d'un roseau. On fit dresser aussi de nombreuses
estrades, à la porte Royale, devant les maisons des consuls,
sur tout le passage du cortège royal. Des artistes, des « fatis-
tes », appelés du dehors, furent chargés de construire et d'or-
ner avec des feuilles d'or, d'argent et des papiers diversement
colorés, ces « cadafauds » sur lesquels on devait représenter
certaines scènes de la vie de saint Louis d'Aragon^, de vérita-
bles tableaux vivants, comme nous dirions aujourd'hui. Peut-
être est-ce aussi sur ces estrades que furent dansées quelques-
unes des « moresques » sur lesquelles nous aurons à revenir.
Pour mener à bonne fin tous ces préparatifs et recruter le
personnel nécessaire aux fêtes, les consuls furent obligés de
faire appel au concours d'étrangers : indépendamment des
«fatistes », venus pour la plupart d'Aix, des tambourinaires
furent mandés de Pertuis. A Aix encore, on envoya quérir un
chanoine, « ung cauonge... per devisar la venguda del Rey
en doas partidas ». Les consuls furent si satisfaits de ses ser-
vices, qu'ils lui donnèrent pour sa peine trois écus au soleil,
quatre cannes et cinq pans (9'"25) de taffetas noir et cinq pans
(l"i25) de taiiétas rouge, le tout d'une valeur de 24 florins
6 gros.
Le 22 janvier', un mardi, les Marseillais sortirent en foule
1. « Item lodict jort[19 janvier], à Domenogo Comte — per VIII''LX aran-
ges embé lo pecolh, 10 gros. »
2. Les reliques de saint Louis d'Aragon avaient été enlevées à Mar-
seille par les Aragonais en 1423. C'est pour les remplacer que les consuls
de Marseille avaient décidé cette représentation figurée de la vie de leur
saint.
3. Nous avons établi notre exposé d'après les renseignements fournis
par les comptes déjà mentionnés, et par les mémoires de deux contempo-
rains et témoins oculaires : le récit du premier, le notaire Somati, a été
E. BAUX, V.-L. BOURRILLY ET PH. MABILLY. 47
de la ville pour se rendre au-devant du Roi qui arrivait par la
route d'Aubagne. Deux mille enfants habillés de blanc, les fil-
les avec leurs cheveux dénoués, marchaient en tête portant
des écussons; puis, venaient plus de quatre mille hommes
armés de piques, de hallebardes et d'arbalètes, deux cents
archers et cinquante couleuvrines. Derrière cet appareil guer-
rier s'avançaient les moines, avec « lo cap de Sanct Victour »,
puis tout le clergé de la ville avec ses bannières, ses luminai-
res et les reliques de saint Lazare. A la porte Royale, une rixe
éclata entre le clergé et les moines : les bannières étaient déjà
passées, lorsque, venant la croix de la Major, « los moynes
que eron defForas se bateron ambé (avec) los cappelans de la
Major ». Dans la bagarre, un des moines, le nommé Denis, fut
blessé à la tête d'un coup « de ung benechier de ferri ». L'or-
dre se rétablit lorsque parut l'évêque de Marseille, Claude
Seyssel, qui, à ce point, descendit de sa mule, revêtit ses
habits sacerdotaux, et tous ensemble s'avancèrent jusqu'à la
croix de la Magdeleine sur le « plan Saint-Michel », où ils
rencontrèrent le Roi.
Vêtu de velours d'argent et monté « sus ung corsier gri-
sou », François pi" avait avec lui, outre sa mère, sa femme et
sa sœur, Marguerite, duchesse d'Alençon, les plus grands sei-
gneurs et les plus importants personnages de sa cour, le duc
d'Alençon, les comtes d'Angoulême, de Guise, de Laval, les
princes de Navarre, René, bâtard de Savoie, M. de Saint-Val-
lier, le grand écuyer, le chancelier, les présidents des Parle-
ments de Paris, Toulouse, Provence, l'archevêque d'Arles,
J. Ferrier, celui d'Aix, Pierre Filholi ou Filleul, etc. L'évê-
que de Marseille adressa quelques paroles de bienvenue au Roi
qui, passant entre les haies formées par les enfants, les pi-
publié par le D'' L. Barthélémy dans l'article cité suprà des Mémoires
de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Marseille; le récit
du second est celui du manuscrit de Valbelle dont nous avons parlé plus
haut. C'est celui que Ruffi a suivi, et Ruffi a été la principale source des
historiens postérieurs, d'Augustin Fabre en particulier, dans son Histoire
de Marseille, II, 40-43. — On trouve encore un récit verbeux et grandi-
loquent de l'entrée de François I" par Monan, dans l'Almanach de Pro-
vence de A. Gueidan, 1873, 7-13.
48 VOYAGE DES REINES ET DE FRANÇOIS I^r EN PROVENCE.
queurs, hallebardiers, archers et arbalétriers, se dirigea vers
la porte Royale. C'était là que l'attendaient le viguier, les
consuls, l'assesseur, l'administration municipale et les person-
nages « les plus qualifiés » de la ville. Les consuls lui remi-
rent deux clefs d'or nouées d'un « flot de soie », qui furent
payées 145 écus d'or soleil. François I" reçut «joyeusement »
l'hommage des premiers magistrats de Marseille et franchit la
porte Royale au milieu du fracas des canons « dont on avait
bordé les murailles en très grande quantité ».
Aux premiers pas, le Roi fut arrêté par la vue d'une estrade
élevée près de la porte Royale et sur laquelle avaient pris
place trois personnages figurant Marseille entourée des dieux
Mars et Vulcain. Celui qui jouait le rôle de Marseille récita
un compliment fort bien tourné, dont l'auteur était peut-être
ce « canonge » d'Aix que l'on avait mandé à grands frais. La
Ville disait qu'elle était indigne de recevoir un si grand
prince, suivi d'une si brillante compagnie. Aussi invoquait-
elle (en se tournant vers ses deux compagnons) le secours des
dieux pour l'aider à bien recevoir de tels hôtes. Et pendant
qu'elle parlait, sa poitrine s'ouvrait — comme pour montrer
à nu ses véritables sentiments — et laissait apparaître la fleur
de lys, « sive ung Françoys coronat ». Quand Marseille eut
achevé son « dit », son morceau. Mars et Vulcain voulurent à
leur tour prendre la parole; mais je ne sais pour quelle cause
— rémotion peut-être — la mémoire leur fit subitement dé-
faut. Suivant la vivante expression d'un témoin, Mars et
Vulcain « se perdéron ». N'ayant pas le temps d'attendre
qu'ils eussent recouvré leurs esprits troublés, François se
contenta de remarquer qu'ils étaient « estonés », et, les lais-
sant à leur confusion, poursuivit sa marche.
Sous un dais de damas blanc dont les bâtons étaient portés
par le viguier, les trois consuls et messire Jehan Candolle,
« juge du palays », il parcourut les rues toutes tendues et
parées qui menaient de la porte Royale à la maison du Roi.
De distance en distance, sur des estrades disposées au coin
des rues ou sur les places, étaient représentées diflérentes
scènes de la vie de saint Louis d'Aragon, auxquelles Fran-
E. BAUX, V.-L. BODRRILLY ET PH. MABILLY. 49
cois pf parut prendre le plus vif plaisir. Un dernier « chaf-
faut » avait été dressé près de l'endroit où le Roi devait loger.
Là se trouvait Neptune, le dieu de la mer, monté sur un
navire. A l'approche du Roi, il en descendit pour lui rendre
hommage, et après avoir récité son compliment, le lui laissa
par écrit, sage précaution qu'auraient bien fait de prendre
Mars et Vulcain, ses confrères de l'Olympe et de la porte
Royale.
Dès que François I" parut aux fenêtres de la maison du
Roi, toute l'artillerie des galères tii-a : c'était le salut du port
après celui de la cité. Au milieu des illuminations, la soirée
fut remplie par diverses mascarades et par de nombreuses
danses ou « moresques », dont le spectacle fut sans doute
renouvelé les jours suivants.
La passion de la danse avait toujours été très forte dans le
Midi, et l'institution des Jeux du roi René l'avait encore ré-
cemment avivée. Malheureusement, nous avons peu de rensei-
gnements sur le caractère des danses qui furent exécutées
sous les yeux du Roi et de son entourage. Nous n'en avons
guère conservé que les noms et quelques détails de costumes;
nous ignorons totalement les figures et les airs dont elles étaient
accompagnées. Ces danses devaient, croyons-nous, se rap-
procher fort de celles qui étaient usitées dans les Jeux du roi
René, dans les Jeux de la Fête-Dieu : la danse des Olivettes,
« lei Fielouso, lei Boufet » peuvent nous en donner une idée.
Voici celles dont les comptes nous fournissent les noms.
D'abord la moresque « de las romieras » et celle de la « pelle-
grina' », la danse des pèlerins, hommes et femmes, dont les
acteurs étaient vêtus de manteaux et de costumes de damas
1. « A mestre Georgi Roberto, appoticari, por 3 torchas novas pesant
IX lieuras et 1 qiiarteyron, presas per los vai'lés dels consols, fl. m, gros x,
quai't 1, et per una torcha de lui lieuras, fl. i, gros viiii, et per lo luunda-
ment de xxiiii torchas pesant lxxxx'^ lieuras, presas per Johan Guey et
servitos de messes consols per las morescas de las pellegrinas, ... xxii flo-
rins, X gros, 1 quart. — Item, per la factura de un mantels et capels de
damas et tafietas per la moresca de las romieras, taxât per mestre
Pierre lo Sartre, 1 florin, 8 gros. — Item, per vi canas de damas blanc,
roge et jaune per la dansa de las romieras, 01 florins. »
ANNALES DU MIDI. — XVI. 4
50 VOYAGE DES REINES ET DE FRANÇOIS I'"'" EN PROVENCE.
blanc, rouge et jaune avec des chapeaux de Valence et por-
taient de grosses torches; puis la danse « dels Moros » avec
des personnages à la ligure noircie et déguisés en Sarrasins ^
La danse des « chichouhacho » devait ressembler un peu à la
précédente : ce nom de « chichouhacho », dont nous n'avons
pu déterminer exactement l'origine, évoque assez bien, ce
nous semble, l'aspect diabolique des brigands maugrabins 2.
La danse des sauvages traduisait l'ébranlement communiqué
aux imaginations par la découverte récente de l'Amérique et
les récits prodigieux dont elle était suivie. Ces sauvages,
armés de bâtons, vêtus de peaux cousues et couverts d'herbes
et de feuillage, venaient s'incliner devant le Roi comme pour
lui « fayre obédience^ ». Avec les danses suivantes, on entrait
dans le domaine de la fable : les danses des sirènes, des sagit-
taires et des girafes '', ordonnées par le curé de la Major, fai-
saient défiler sous les yeux du public, au son des tambourins,
tous ces êtres étranges, dont les explorations du nouveau
monde paraissaient confirmer l'existence dans la réalité.
Plus poétique devait être la danse de la Rose, dont le thème
se rattachait peut-être au roman de Jean de Meung et de
1. « A mestre Peyron Michellet per poux doiiadas per far la moresca
dels Moros, 4 tlorins, 4 gros...; à mestre Jehan Bruneto per borgequins
per los Moros, 2 florins, 11 gros...; à mestre Johan Blancart, sabatier,
per IX testieras de Moros et iiii parels de borgequins per ladila moresca,
5 florins 8 gros. »
2. « Per trese pans et miech drap roge, blanc et jaune près à mestre
Johan de la Torre, sartrc, per la moresca des Chichoi;bacho, 4 florins,
6 gros. — Item, per los taborins et auséùs, per ladita moresca, 1 fl.
8 gros, — Item, per 4 parels de caussas donadas en aquels que an dansât
ladita moresca, 12 florins. »
3. « A mestre Guilhaume Martin et m siens companhons, per resta de
lur pena et trabals et de 1 bestia per estre anas à la Bauma per querre de
l'erba de ladita Bauma per los sauvages. »
4. « A mestre Johan Toquo per 1 dozena et miejada peux per los sagi-
tai'is, 2 fl. 6 gros. Item, per xv pans de taffatas jaune per la moresca
dels sagittaris, 8 fl. 9 gros; per xxx'" pans damas gris per ladita moresca,
40 florins. — Item, per v canas et très pans et 1 tiers de damas blanc,
roge et jaune, per la moresca de la Eosa, 57 florins 9 gros 2 quarts. —
24 florins donas à Monseu Vivault, capellan de la Major, per sa pena et
trebals et magnifaturas de far las dansas de las serenas, sagittaris et
charaffas (girafes), per la venguda del Eey et de la Reyna. »
E. BAUX, V.-L. BOURRILLY ET PH. MABILLY. 51
Guillaume de Lorris, si célèbre partout durant le moyen âge
et à cette époque encore.
Assurément, le spectacle de ces danses et moresques où les
Marseillais avaient mis leur amour du mouvement et toute
l'ingéniosité de leur esprit, était un des mieux faits pour
charmer le Roi et sa suite. Il y avait là une originalité à
laquelle François I" ne manqua pas d'être sensible. Les ré-
jouissances qui suivirent ne furent ni moins curieuses, ni
moins réussies.
Le lendemain de son arrivée, François l^^ alla rendre visite
aux galères royales que Prejent de Bidoux ', le général, avait
embossées non loin du port. Ce jour-là fut marqué par une
grande bataille d'oranges — pour la précédente et pour celle-
là, on en avait acheté onze mille — à laquelle se mêla le Roi.
Laissons parler ici cet excellent Ruffi, d'après le manuscrit
de Valbelle : « Ce prince, qui avait tant d'ardeur pour les com-
bats véritables, voulut être encore de la partie en celui-ci; et
en effet, aiant pris un grand bouclier, il commença à tirer et
fit de fort beaux coups, en aïant reçu quelques-uns à la tête
et sur le corps '^ »
1. Pi'ejent de Bidoux n'avait pas assisté à l'entrée des reines au début
de janvier, car il n'était arrivé à Marseille que le 8 de ce mois. (Ms. de
Valbelle, f" 59.) Nous connaissons le nom de quelques-unes des galères
que commandait Prejent et qui devaiimt à ce moment se trouver dans le
port de Marseille : L'Anguille, le Saint-Michel, la Sainte-Marie, la
Sainte-Barbe, la Sainte-Claire^ la Quaterinette, etc. (Pour plus amples
renseignements au sujet des galères, voir Laforkt, Elude sur la marine
des galères, et surtout Spont, Les Galères royales dans la Méditer-
ranée [1496-1518], dans la Revue des questions historiques, LVIII [1895].)
'2. Le 23 janvier, François I" écrit à M. de La Fayette : « Je vous
advise que je suis de retour de mon voiaige d'Ytalie, et avant mon parte-
ment ay donné si bon ordre à mes affaires de delà, que j'espère doresen-
avant, avec l'ayde de Dieu, y estre aussi bien obey que je suis en mon
royaume ; dont vous ay bien voulu advertir à ce que faciez savoir ma
venue à mes bons et loyaulx subgectz et serviteurs en vostre charge; vous
advisant au demourant que je suis venu passer par ce beau et dévot lieu
de la Baulme et m'en vays par ce pays de Prouvence à Lyon pour tirer
droit à Paris... » (Bibl. Nat., f. fr. 8057, f» 25.) — Du même jour sont
datées les lettres de provisions en faveur de Renaldo Vento de l'office de
garde du « tercenal » de la ville de Marseille vacant par la résignation
qu'avait faite en sa faveur François Albertinelli. [Catalogue dos Actes,
n» 23373.)
52 VOYAGE DES REINES ET DE FRANÇOIS I" EN PROVENCE.
La journée du 24 fut consacrée à des occupations plus
sérieuses. Le matin, le Roi entendit la messe aux Accoules,
puis jura, en présence des princes et de son chancelier
Duprat, les libertés de Marseille et les privilèges contenus
dans les textes que l'on avait exprès tirés de « l'archéu Sant
Espérit ». Dans l'après-midi, il se rendit sur les galères de
Préjent de Bidoux et de Bernardin de Baux, qui le reçurent à
grand renfort de bombardes et de décharges d'artillerie;
puis, monté sur « la galera bastarda », il alla visiter un navire
du roi de Portugal qui s'était arrêté aux îles et qui portait au
Saint-Père, comme cadeau de ce roi, « una bestia salvage,
appellada Renossero » (rhinocéros ').
La reine Claude, Louise de Savoie et leur suite avaient,
comme nous l'avons vu, accompagné le Roi. Elles aussi, elles
firent, ou plutôt refirent une entrée solennelle. Mais il fut
défendu, à cette occasion, de tirer des bombardes. Les jeunes
filles habillées en blanc leur formèrent un cortège. La reine
Claude les accueillit avec beaucoup de bonne grâce et les pria
d'aller toutes ensemble, en procession, à Notre-Dame-de-la-
Garde : ce qu'elles firent, et prièrent Dieu de donner à la
reine un beau fils. Puis, comme elles ne revinrent de Notre-
Dame que fort tard, la souveraine envoya des torches au-
devant d'elles et les fit reconduire en leur maison. La prière
des jeunes filles de Marseille ne fut pas exaucée tout de suite,
car le 23 octobre 1516, la reine eut encore une fille, Charlotte.
C'est seulement en février 1518 qu'un Dauphin naquit au roi
et à la reine de France-.
1. Ce présent n'arriva pas à destination, si l'on en croit le Journal de
Jean BarriUon (1, 193) : « On dist que depuis, auprès de Civitavesclie, le
navire où estoit ladicte beste fufpéry en mer. » — Sur ce genre de
cadeaux, fréquents à cette époque, cf. G. Genebrardi, theologi parisien-
sis, divinarum hebraicarumque litterartun p)-ofessoris reyii, chrono-
graphiœ libri quatuor, 715 (Francfort, 1577). — Commentaires de Lau-
rentius Surius (1500-1.567), Cologne, 1.577, p. 107. — W. Roscoe, Pontificat
de Léon X (trad. Henry), II, 286-289.
2. Pendant le séjour à Marseille, les gens de la suite du Roi avaient été
gratifiés de divers présents : on leur distribua notamment du vin et des
grenades. Aux reines et à leurs dames , les Marseillais firent don de
seize images d'or, dont quatre grandes représentaient saint Victor, et les
douze autres, plus petites, saint Lazare. « Item, per LXXXXIII escus et
E. BAUX, V.-L. BODRRILLY ET PH. MABILLY. 53
Après avoir passé quatre jours à Marseille, au milieu des
réjouissances que nous venons de raconter, le samedi 26 jan-
vier', François pf quitta la ville pour se rendre à Aix. Le Roi
y fut reçu par les consuls Balthazar Guiran, Fouquet Fabri
et Charles Matheron, seigneur de Solignac, et l'archevêque
d'Aix, Pierre Filholi : « Il logea à l'archevêché, rapporte
Pierre-Joseph de Hailze. Pendant les trois jours qu'il séjourna
en ville, il monta une fois au palais, où il tint lui-même
l'audience publique, aprèz avoir fait savoir qu'il estoit disposé
d'écouter toutes sortes de plaintes. Jamais audiance ne fut
mieux fournie. Les mémoires de ce temps disent qu'il y eut
beaucoup de querelans, mais ces mémoires ne marquent point
de quelle qualité ils estoient. Il seroit à souhaiter qu'on eut
esté aussi soigneux de garder le registre des jugements que ce
prince fit en ce jour, comme on l'a esté de conserver la
mémoire de ceste action par ces figures emblématiques qui
ornent les sièges de cette audience : j'entends ces F couron-
nez et ces salamandres qui estoient la devise de ce Roi, qu'on
voit en cet endroit 2. » Nous n'en savons pas davantage sur le
séjour de François I" à Aix, car les archives municipales
présentent de fortes lacunes précisément pour l'époque qui
miech d'or al soleilh, bayllas per xvi ymages d'or donas à la Reyna et
autras damas, de sanct Lazer et sanct Victor; — Item, à mestre Guilleu-
mes l'Argentier, per la feysson de quatre grans ymages de sanct Victor,
9 florins; — Item, à mestre Peyre l'Argentier, per la feysson de xn ymages
de sanct Lazer, dels plus petis dels susdits. 4 florins. » On troiive à un
autre endroit la mention « d'aygas, nafTas, et autras bonas sentors » que
l'on avait envoyé chercher « à Alioulas » [Ollioules] ; mais les comptes
ajoutent : « lasquallas aygas non an agut luec ny si son donadas. »
1. Du 26 janvier et de Marseille sont datés trois actes de François I",
l'un en faveur de Guillaume d'Abon, écuyer, seigneur de Reynier de Gap
(Atinales des Alpes, janv.-fév. 1902, p. 208); l'autre en faveur de Chris-
tophe du Refuge, Catalogue des Actes, n" 405; le troisième en faveur de
Mathurin Gaillard et d'Etienne de Morvilliers, ibid., n» 16097.
2. P.-J. de Haitze, Histoire de la ville d'Aix, capitale de la Provence,
livre VI, chap. xxxiii. L'auteur observe que le» figures emblématiques
que l'on voyait de son temps étaient une restauration bien postérieure
de celles contemporaines du passage de François I". — Actes datés
d'Aix, 27, 29 janvier, Cataloque, n»' 406, 23374-23377. — D'après le ma-
nuscrit de Valbelle, f" 60 v", l'audience tenue par le Roi eut lieu la veille
de son départ, c'est-à-dire le 29 janvier.
54 VOYAGE DES REINES ET DE FRANÇOIS I^' EN PROVENCE.
nous occupe. Un seul point est fixé avec certitude, la date du
départ, qui eut lieu le 30 janvier^
Avant d'arriver à Arles, François I" s'arrêta à Salon où il
fut également, ainsi que les reines, l'objet d'une réception
enthousiaste et où il passa la nuit du 30 au 31. Le lendemain
il quitta la petite cité après avoir visité les églises et les cou-
vents de l'endroit, et le soir même il entra dans Arles 2.
Pendant que le Roi était à Marseille, les Ariésiens avaient
envoj'é une députation composée des consuls Boyé, M. d'Alein,
Anthoyne Olivier et de l'assesseur Biorde pour lui « fère la
révérence » et s'enquérir aussi, probablement, delà date à
laquelle il comptait arriver dans leur ville^. Le conseil voulut
faire les choses aussi magnifiquement que le permettaient les
finances délabrées de la cité. Le 16 janvier, pour préparer la
réception du Roi, « donner ordre à tout ce que sera nécessaire
avoir et emprunter argent pour ledit afl^ère »; il nomma une
commission qui comprenait « les consuls et leur conpanhie,
nobles M. d'Alein, Pierre d'Aiguières, Eslienne Bernard,
Anthoyne Olivier, ensemble tous ceulx qui leur semblera
d'appeler, ausquels, ensemble M. le docteur Bastoin et Jehan-
nion Chamant, a donné et donne plain pouvoir, faculté et au-
torisation cella fère...''^. » On fit réparer la route par laquelle
le Roi devait arriver, tendre les rues par où passerait le cor-
tège; on acheva les réparations commencées à la maison de
1. Cette date est donnée par les registres de Saint-Sauveur cités par le
chanoine Albanès, Gallia christiana novissbna, I, 114, n. 2; P. Filholi
« perducit eum (le Roi) ad domum archiepiscopalem, in qua hospitatus
fuit, una cum regina Claudia ejus uxore... Et fuit ibi iisque ad trigesi-
niam predicti mensis ». Cf. la lettre de Semblançay à M""» d'Aumont,
écrite d'Aix le 29 janvier [1.516] : « Le Eoy s'en va demain pour aller à Arle,
et dellà s'en ira à Lyon, ensemble les dames... « (Bibl. Nat., f. fr. 3925,
f» 172.)
2. L. Gimon, Chronique de I2 ville de Salon (Aix, 1882), pp. 165 et
sqq. L'auteur place par erreur l'entrée du roi à Salon le 29 janvier, et dit
que les enfants et les jeunes filles allèrent au-devant du roi jusqu'au delà
des roches de Lurian. — Actes datés de Salon, janvier 1516, dans Arcli.
des B.-du-Rh., B 25, f°" o22 v" o23 {in mense februarii, lapsus pour
januarii), 323 v»-324; B 26, f"^ 60-61, et Catalogue des Actes, n»' 23392,
23379, 23378.
3. Arch. d'Arles, Bélib., BB 8, f» 61 v».
4. Arch. d'Arles, Délib., BB 8, f» 60.
E. BAUX, V.-L. BOURRILLY ET PH. MABILLY. 55
M. de Beaiimont, on acheta force taffetas, drap de soie et de
laiae, « satin de Bourges » pour faire les « sarraus et bec-
quetons » dont on habilla ceux qui furent chargés d'aller au-
devant des souverains, de les escorter et d'exécuter devant
eux les jeux imaginés en leur honneur*. François !«"• entra
dans Arles le 31 janvier'^ parmi les sonneries de trompettes;
il assista à diverses réjouissances, danses et spectacles, « mau-
risques et maulmariées [mômeries] et autres jeux ^ » dont
les Arlésiens le régalèrent, et par les rues tendues alla loger
chez M. d'Arlatan. Il demeura en Arles la journée du lende-
main, 1" février, un vendredi ; ainsi s'explique l'achat de
poisson fait par le conseil pour le Roi et les reines^. Nous
avons déjà vu qu'à leur premier passage par Arles les reines
avaient été gratifiées d'images d'or; le conseil, voulant en user
de même avec le Roi, lui fit cadeau d'un cerf qui fut acheté
10 florins ^
D'Arles", François P"" se rendit à Tarascon. Depuis plus de
quinze jours, le conseil avait pris ses dispositions en vue de
cette réception. Le 17 janvier ', il fixa l'itinéraire : on irait au-
devant du Roi jusqu'au pont de Lanzac, à 4 kilomètres envi-
ron de la ville, sur la route d'Arles; puis, au lieu d'entrer par
la porte de Saint-Jean, on ferait un détour pour atteindre la
porte Condamine à l'est, au point où aboutissait la route
1. Arch. d'Arles, CC 266, f" 196 v". Réparation du chemin depuis le
pont de Crau jusqu'aux moulins de Mouleyrès, 10 florins; CC 268,
fo 55 yo, pour tendre et détendre les rues, 1 florin; CC 266, f» 231, id.,
2 florins; CC 267, f» 77 v», 80, 81. 95, 98, 99 v», 100, 105, 105 v, 111, 118,
206; CC 268, f" 54 v, 60, 65, 76 v, frais de réparation à la maison de
M. de Beaumont; CC 268, f» 68, achat de 100 « torches de baston », 6 flo-
rins ; CC 267, f» 119 v», drap de soie, 209 florins ; cf. Délib., BB 8, f» 62 ;
CC 266, f" 187 v, 180 pans « de satin de Bourges », ,59 florins, 7 gros;
CC 226, f" 282 v», frais de confection, 16 florins, etc.
2. Protocole du notaire Jean d'Augières, L. Jacquemin, o^j. cit., p. 809.
3. Arch. d'Arles, Délib., BB 8, f» 62.
4. Arch. d'Arles, CC 266, f" 175, 17 florins, 6 gros; i" 178, 11 florins,
3 gros.
5. Arch. d'Arles, CC 266, f» 172 v».
6. Le manuscrit (le Valbolle, f» 00 v, dit que le roi demeura trois jours
à Arles; le départ eut donc lieu le 2 février.
7. Arch. de Tarascon, Délib., BB 12, f» 374.
56 VOYAGE DES REINES ET DE FRANÇOIS I" EN PROVENCE,
d'Avignon. De la porte Condamine, le Roi serait conduit
d'abord à l'église Sainte-Marthe, puis à sa demeure particu-
lière en suivant les rues les plus spacieuses, tendues de tapis-
series qu'une commission de deux membres, Etienne Ber-
nardi et Pierre Abelhe, fut chargée de se procurer à Avignon
ou ailleurs. Les chemins où devait s'engager le cortège royal,
détériorés par les pluies, furent empierrés; on choisit aussi
un membre du conseil, René Hardoyn, sieur de la Motte, pour
composer quelques jeux scéniques (aliquas isiorias) qui
seraient représentés lorsque le roi traverserait la rue Conda-
mine ^ Enfin, on s'occupa de pourvoir aux vivres; deux'con-
seillers reçurent commission de se rendre chez les particu-
liers pour goûter leur vin clairet et en rassembler une quan-
tité suffisante pour le Roi et sa suite'-. Une somme de lOOécus
fut empruntée pour pourvoir aux premières dépenses ^
Ce programme dut s'exécuter de point en point. Lorsque
François \" entra dans la ville, probablement le 2 février, il
fut salué par des salves de «boîtes » qu'on avait disposées près
de la porte Condamine''. Nous n'avons pas d'autres détails sur
celte entrée, et cela est particulièrement fâcheux en ce qui
concerne les « histoires » représentées devant le roi. Nous
ignorons quels en étaient les sujets. L'abbe Paillon suppose
que c'étaient « des traits de l'histoire sainte et des sujets de
morale ^ » Il est possible que la légende de sainte Marthe ait
fourni le thème de ces représentations, comme on avait fait à
Marseille de la vie de saint Louis d'Aragon. Le lendemain, le
Roi se rendit en pèlerinage au tombeau de sainte Marthe. La
1. Arch. de Tarascon, Délib., BB 12, f" 374; 18 janvier.
2. Arch. de Tarascon, Bélib., BB 12, f» 375; 25 janvier.
3. Arch. de Tarascon, Délib., BB 12, f° 375; 27 janvier. Cette somme
fut empruntée à un marchand de Tarascon, François de Valence. (BB 13,
f» 356.) Elle fut loin d'être suffisante, car le 8 février le conseil approuva
un premier compte de dépenses qui s'élevait à plus du double, 780 florins
2 gros et demi ; d'autres dépenses faites par les gens du Roi, les frais de
location des tentures (35 gros) furent réglés postérieurement, 18 et 21 fé-
vrier. (BB 13, f» 358 v°, 359 v°.)
4. Arch. de Tarascon, Délib., BB 12, f» 374; 17 janvier.
5. Monuments inédits sur l'apostolat de sai)ite Marie-Madeleine en
Provence, I, 1255.
Ne tradider^is me in animas tinbuFtiû
me, qiioniâ insiirrexerunt in me te-
stes iniqiii , et mëtita est iniqiiitas
sibi.
Le Roy estant a genoux davât le petit Jésus . Monstrant
avec la main ung empereur . Deux Roys . Et ung souyce .
qui pleurent auprès du sepulclire du Roy darragon . Dyt
alfectueusemët .
Ne me viieille destrayre et affoler selon lé
désir de mes enemijs . qui portent faulœ
tesmoignage cotise moy . Car leur iniquité et
impiteuse malice . leur a menti . •
58 VOYAGE DES REINES ET DE FRANÇOIS I" EN PROVENCE.
visite royale fut commémorée par une inscription dont voici
le texte ^ :
ANNO AB INCARNATO DOMINO M. D. XV.
DIE III FEBRVARII FRANGISCVS FRANCO
RVM REX DVCATV MEDIOLAN. ARMIS
OCCVPATO SEPVLCRVM BEAT^ MARTHiE
VICTOR ADIIT COMITANTIBVS PRINCIPIBVS
PROCERIBVSQVE REGNI ^.
Le même jour, François I" reçut une nouvelle de très
grande importance ^ : la mort du roi d'Espagne, Ferdinand le
Catholique, survenue le 23 janvier précédent. Dès qu'il fut
assuré de la vérité du fait, le lendemain, il écrivit à M. de
La Fayette pour l'en avertir, ainsi que le président de Ba-
1. Cette inscription est donnée dans les Mojiumens de l'église de
Sainte Marthe à Tarascon (Tarascon, 1835, sans nom d'auteur, mais
par l'abbé Faillon), p. 56. Mais ni les frères Flatter, ni Gœlnitz, qui ont
visité Tarascon et écrit, les pi'emiers, au xvi« siècle, le second vers 1632, ne
la mentionnent. Il est probable qu'elle a été composée et gravée à l'occa-
sion du voyage de Louis XIV, en janvier 1660, « après les travaux consi-
dérables effectués dans la seconde moitié du xvii« siècle, et qui tendirent
à faire communiquer la crypte de Sainte Marthe avec l'église supérieure
par l'escalier que l'on voit encore de nos jours. » (Note de M. Mourret.)
— L'abbé Faillon, dans l'ouvrage ci-dessus, fait par erreur entrer le Roi
par la porte Madame.
2. Si l'on en croit l'abbé Faillon, Fi'ançois I" et sa sœur allèrent en-
suite rendre visite à l'abbesse du monastère Saint-Honorat de Tarascon.
« C'était Claudine de Bectos, connue sous le nom de Scholastique et en
grande réputation de savoir parmi les gens de lettres du temps. Les reli-
gieuses de ce monastère avaient toujours cultivé les sciences et les lan-
gues, et, sous le règne même de François I", si fécond en beaux esprits
et en littérateurs de tous les genres, elles excitaient par leurs productions
l'émulation des savans. Il nous reste de Claudine de Bectos plusieurs
ouvrages français et italiens en vers et en prose. François I" était en
commerce de lettres avec elle; il portait, dit-on, sur lui celles de l'abbesse
et se plaisait à les montrer aux dames de sa cour comme des modèles. »
( Monumens de l'église de Sainte-Marthe, p. 56.)
3. Journal de Louise de Savoie, lac. cit.; Joio-nal de Jean Barrillo?ii
éd. cit., 1, 191. — Ferdinand le Catholique décéda près de Madrid, à Madri-
galet. Pèrizonius (Leyde, 1710, p. 73) donna de cette mort la cause suivante ;
» Sequenti anno expiravit tandem Hispaniarum Rex, culpa uxoris, quse
desiderio prolis, inpriinis masculpe, quam ille non habebat, medicauien-
tuni ei dederat quod ad juvandam generationem credebat idoneum, sed
quod in hydropem vertit eumque e vivis sustulit, »
E. BAUX, V.-L. BOURRILLY ET PH. MABILLY. 59
paume, ambassadeur de France en Angleterre : « Au demeu-
rant, ajoutait-il, je vous prie que donnez ordre que nulz cour-
riers ne passent par vostre quartier pour aller en lieu qu'il soit
sans estre arrestés s'ils n'ont lettres de moy, et que les lettres
qu'ils porteront me soient envoyées incontinant'... » La mort
de Ferdinand et l'ouverture de la succession espagnole soule-
vaient deux graves questions : d'abord celle de la Navarre,
qu'on pouvait espérer voir reprise par ses anciens maîtres,
Jean d'Albret et Catherine de Foix. François P'' se hâta de
leur écrire pour leur promettre son concours : « Mon cousin,
l'eure et le temps est venu qu'il vous fault faire extrêmement
dilligence pour le recouvrement de vostre royaulme et de ma
part vous y veult ayder en tout ce' qu'il me sera possible 2... »
Plus importante encore était l'autre question, celle de Naples.
Louis XII avait abandonné ses prétentions au royaume de
Naples en faveur de sa nièce, Germaine de Foix, seconde
femme de Ferdinand, à condition qu'elle eîit des eufants de ce
mariage. Cette condition n'ayant pas été réalisée, François I*"",
dès la nouvelle de la mort, songea à revendiquer les droits de
celui qu'il remplaçait sur le trône. En même temps qu'il fai-
sait rechercher les pièces sur quoi appuyer ses prétentions^,
il s'empressa d'écrire au pape pour lui rappeler la promesse
que ce dernier lui avait faite à ce sujet lors de l'entrevue de
Bologne. Il requit aussi Laurent de Médicis de lenir la main
à ce que Léon X se déclarât le plus tôt possible. Pour aller
1. Le roi à M. de La Fayette, « de Tarrascon, ce iiii" jour de février ».
(BibL Nat., f. fr. 3057, f» 29.)
2. François I" au roi de Navarre, « de Tarrascon , ce nu" de février ».
(Doc. inéd. sur l'histoire de France, Mélanges, p. p. Champollion-Fi-
geac, III, 569. — La Régente, comme son fils, s'intéressait beaucoup à la
maison d'Albret. Pour faciliter le recouvrement de la Navarre, elle avait
conçu le projet de marier une des filles de Jean d'Albret à un membre de
la famille des Médicis. C'est dans ce but qu'elle avait écrit de Marseille,
le 6 janvier, une lettre au roi de Navarre pour le prier d'envoyer sa
femme et ses filles à Lyon, où elles pourraient avoir une entrevue avec
les neveux de Léon X. Cette négociation, qui paraît avoir été sérieuse-
ment entreprise, échoua. Cf. Doc. inéd., Mélanr/es, Ilï, 402-4()o; Desjar-
dins, Négociations delà Praiice avec la Toscane, II, 760-7(>I, 771; et
F. Boissonnade, Histoire de la réunion de la Navarre à la Caslille, 448,
3. Journal de Barrillon, I, 195.
60 VOYAGE DES REINES ET DE FRANÇOIS I^r EN PROVENCE.
plus vite et plus sûrement en besogne, il voulut se concilier
le concours de Prospero Colonna, son prisonnier depuis Mari-
gnan, en ce moment à Lyon. « De ma part, ajoutait-il, je tien-
dray le royaume de Sa Sainteté et je accompliray entière-
ment ce que je luy ay promis'. » Cette question de Naples
allait être le principe des négociations laborieuses qui se pour-
suivirent avec l'héritier de Ferdinand, Charles d'Autriche,
le futur Charles-Quint, jusqu'au mois d'août suivant, où elles
aboutirent au traité de Noyon. Mais en attendant d'être assuré
des dispositions pacifiques de ce prince, François I", pour ne
pas se laisser prendre au dépourvu, préparait le triomphe de
l'influence française dans la péninsule. Ce fut l'objet des pour-
parlers qui s'engagèrent aussitôt avec les représentants des
différentes puissances italiennes et qui marquèrent les étapes
du retour par la vallée du Rhône vers Lyon-.
En quittant Tarascon^ François P"" gagna Avignon, où il
arriva « tout de nuict », nous rapporte une chronique manus-
crite de la ville, qui nous a conservé quelques détails sur
cette entrée''. Le Roi fut reçu par le cardinal de Clermont,
légat du pape ^, et les consuls Dominique Anselme, Jean
1. Desjardins, Négociations de la France avec la Toscane, II, 764.
2. Les consuls de Beaueaire, à la nouvelle que François I" allait venir
à Tarascon, avaient, dès le 16 janvier, pris des dispositions pour le cas
où le Roi voudrait passer le Rhône et venir dans leur ville. Ils désiraient
obtenir de lui « le don de la blancque >> (droit sur le sel), ainsi que l'amplia-
tion du don a tant du droict de socquet que du fournyment du grenier à
sel, pour aultre temps oultre celluy qui n'est encores escheu, et aussi
avoir et obtenir aultres provisions et dons telz que bon semblera avoir
et obtenir dudit sire pour le proffict et utilité de la chose publicque dudit
Beaueaire ». Naturellement, pour subvenir à ces dépenses, les consuls
furent obligés d'emprunter en leur propre et privé nom et sous leur garan-
tie personnelle. Le Roi ne s'arrêta pas à Beaueaire ; le délégué de la ville
suivit la cour jusqu'au Pont-Saint-E.«prit pour remplir la mission qui
lui avait été conliée. (Arch. de Beaueaire, Délib., BB 4; 16, 17, 24 janvier,
14 février.)
3. Le 4 février. Voir un acte daté de ce jour. Catalogue des Actes,
n» 23383.
4. Arch. de Vaucluse, E, titres de famille. Epitaphes de Cambis :
Epitaphiorum et inscriptiotium collectio, f» 109. Ce document parait
avoir échappé à M. de Berluc-Perussis, François I" à Avignon, dans les
Mémoires de la Société scientifique et artistique d'Apt, 1869. — Le
Journal de Louise de Savoie, loc. cit., dit « à six heures après midi ».
5. Journal de Barrillon, éd. cit., I, 194.
E. BAUX, V.-L. BOURRILLY ET PH. MABILLY. 61
BilioUi et Pierre Montachon. Le Conseil , pour exécuter les
préparatifs de la réception, avait été obligé d'emprunter
400 écus d'or à Balthazar de Pan, marchand catalan d'Avi-
gnon*. Après avoir franchi la Durance sur un pont de bois,
François P' entra dans Avignon par la porte Saint-Lazare,
sous un dais, à la lumière des torches : « Les reynes estoient
dans la littière et luy fust fait grand triomphe et histoires
depuis la porte jusqu'au Puis des Bœufs, et toutes les cloches
sonnèrent en Avignon. Et lendemain fust faict grand feu de
joye. » Le Roi et la cour demeurèrent en Avignon jusqu'à la fin
de la semaine, au 9 février. Mais nous sommes mal renseignés
sur les particularités de ce séjour, car les délibérations du
conseil pour les années 1515 et 1516 font défaut. Sur deux
points seulement, nous saisissons l'activité du Roi : il rendit
un certain nombre d'ordonnances relatives aux affaires géné-
rales du royaume ou à des affaires locales^, et il prit les mesu-
res que nécessitait la situation créée par la mort, désormais
officiellement confirmée, de Ferdinand le Catholique^. Devant
les Italiens, il faisait étalage des sommes, — un peu problé-
matiques, — 'dont il pouvait disposer et des armées qu'il allait
lever. Il se préoccupait surtout de trouver un arrangement
avec Prospero Golonna afin de se concilier le pape, dont l'ap-
pui lui était essentiel, et de se procurer un chef habile en vue
de la lutte qui se préparait. Pompeio Colonna, évèque de Rieti
et frère de Prospero, s'entremit pour faire aboutir la négo-
ciation. A cette fin, après avoi^ eu, le 5 février, une conver-
sation avec le Roi, il partit le 6 en poste pour Lyon*. Cepen-
dant, les afïaires de l'État n'empêchèrent pas le Roi de prendre
part aux réjouissances et mascarades des jours gras qui pré-
cèdent le Carême.
1. Arch. mimicip. d'Avignon, CC, mandat 57, cité par Rey, François I"
et la ville d'Avignon, 1-2.
2. Actes datés d'Avignon du 5 au 9 février, Oataloyue dus Actes,
n»' 415-418; 161(6-16101; 28384-23389.
3. Journal de Barrillon, I, 194.
4. Marino Sanuto, Diarii, XXI, 521-523. — Desjardins, Négociations de
la France avec la Tosca)ie, II, 765 et sqq. Francesco Vettori à Laurent
de Médicis ; Avignon, 5 février 1516 ; Vienne, 9 février.
62 VOYAGE DES REINES ET DE FRANÇOIS l^r EN PROVENCE.
Le départ d'Avignon fut retardé jusqu'au samedi 9 février
par la violence du mistral'. A petites journées, il passasucces-
siveraent par Orange^, le l^ont-Saint-Esprit^, Montélimar'' et
Loriol^ (12 février). Le 13, il rencontra à Étoile une délé-
gation du conseil de Valence et entendit la harangue courte,
mais congruente, que lui adressa Antoine de Dorne, docteur
en droit". Ce ne fut que le lendemain, un jeudi, que Fran-
çois pr flt son entrée dans la ville. Pour recevoir dignement
ie Roi, les consuls s'étaient mis en frais : dès le 23 janvier pré-
cédent ^ deux commissions avaient été nommées, l'une char-
gée de trouver l'argent nécessaire, l'autre de veiller à la déco-
ration et aux réjouissances, « qui circa farcesias, moriscas,
pavimenti ornamento (sic) vigilent ». La première devait obte-
nir des plus riches de la ville l'avance d'une somme qui serait
restituée par moitié en juillet et en novembre, au moyen de
1. Desjardins, /bid. Francesco Vettori à Laurent de Médicis, Valence,
15 février.
2. Journal de Barrillon, éd. cit., I, 195. Arch. d'Orange, comptes de
mai 1515 -mai 1516. Le 29 décembre 1515, 30 gros à « Anthoni le Saupe-
trié... per xii 1. de podra que l'on fet balhar au chastellan per fayre tirar
l'artilheria quant le Roy et la Reina passaran ». — Le 31 janvier, 2U gros
à divQrs personnages pour une journée employée à visiter les maisons
de la ville « per amor {sic) de los fayre acotrar per la venguda du Roy. »
3. Journal de Barrillon, loc. cit. — Arch. de Beaucaire, cf. supra.
1. JouDial de Louise de Savoie, loc. cit. — Baron de Coston, Histoire
de Montélimar et des principales familles qui ont habité cette ville,
II, 132-134. Une médaille fut frappée à cette occasion, dont ofi trouvera la
description dans Vallier, Médailles frappées de 1494 à 1537, dans le
Uulletin de la Soc. d'archéol. de laWrume, 1874, p. 272 et sqq.
5. On trouve à la Bibliothèque nationale, f. fr. 2088, f» 1, le curieux
renseignement suivant : <.< Le xw jour de février mil cinq cens et sèze à
Horiol sur la ryvière de Drôme, Madame fut spirituellement admonestée
de faire parler son humilité à l'obeyssance du Roy son fils et le supplier
que pour oraison dévote il print le pseaulme XXVI lequel est convenable
pour luy et selon véritable narration suyvant son adventure, et moult luy
profitera si, à la requeste de la Dame qu'il ayme tant, il veut chanter et
dire comme'David : Dominus illuminatio mea, salus raea, quem timebo...
Le Roy print l'enseigne de la croix en sa secrète pancée et dit à la per-
suasion de la Madame sa mère : « Nostre Seigneur est mon illumina-
tion, etc. » Cf. les dessins et légendes reproduits plus haut.
0. Arch. de Valence, BB 4, f" 95, et cf. J. OUivier, Reclterches hisior.
sur le passage de quelques rois de France à Valence, dans la Revue
du Dauphiné, II, 208.
7. Ibid., î° 94, délib. du 23 janvier; f- 93, délib. des 16 et 19 janvier;
f" 94°, délib. du 2 février.
E. BAUX, V.-L. BOURRILLY ET PH. MABILLY. 63
revenus de l'octroi et d'une taille extraordinaire pesant sur
tous. Il faut croire que le crédit de la ville n'était pas très
solide, car il fallut menacer de la prison ceux qui se mon-
traient par trop réfractaires au prêt^ Le Roi entra dans Va-
lence le 14 février, à quatre heures de l'après-midi. Son dais
était porté par le consul Antoine Faure (Fabri), Jean de Geys
(Degeo), Achille Decorabes et François de Belcastel (de Bello-
castro); celui de la reine Claude par Pierre Joubert, François
Mistral, Jean Tisseur (Textoris) et Giraud Lambert 2. Les
consuls voulurent profiter du passage de François P'' pour
faire confirmer ou reconnaître certains privilèges intéressant
leur ville. Ils soumirent au Roi leurs vœux, et connaissant
eux aussi l'influence qu'exerçait Louise de Savoie, ils décidè-
rent de lui offrir deux médailles d'une valeur de 100 écus d'or,
qu'Antoine Faure alla lui présenter par la suite à Lyon^.
Nous ignorons combien de temps au juste séjourna la cour
à Valence et quel jour elle quitta la ville. Nous savons seule-
ment que le 19 février elle se trouvait à Tournon* et le 20 à
1. Ibid., ï." 94 r», délibération du 5 février.
'i. Il fut payé pour ces deux dais au brodeur Nery de Monet, 115 1.
16 sols. Arch. de Valence, CC 33. — Ibid., BB 4, f" 95, délibér. du 9 février.
3. Arch. de Valence, BB 4, f° 96, délib. du 16 février; ibid., CC 47-48,
Compte de ce que le consul Faure « a deslivré pour l'entrée du Roy et de
la royne pour l'année 1516 ». Nous relevons 6 onces, 2 deniers, 4 gros d'or
« fornis pour fère une médaille à Madame ; 4 livres à mestre Jehan Gui-
Ihermagre, argentier, pour la fasson de la médalhe de la ville, 123 livres,
2 sols, 6 deniers, plus 3 livres, 6 deniers employés en abilhemens et
draps de soye pour la venue du Roy et de la Royne »; 2 livres à « mestre
Jehan le Reliayre pour l'escripture des tilles qu'il a fait en grosses let-
tres » ; 2 livres, 8 sols « à Anthoine le Blanchisseur et ces companhons
pour abiher les portes de la ville » ; 8 livres aux « taborins qui avoyent
joué »; 1 livre, 10 sols « à ung cordellier que a faict la fegure de Ma-
dame». Le total des dépenses s'éleva à 1634 livres, 16 sols, 8 deniers tour-
nois, « en ce comprins ce que on a payé pour confirmer nos libertés et
le mandement obtenu pour l'exemption des gens d'armes ».
4. E. Rott, Histoire de la représentation diplomatique de la France
auprès des cantons suisses..., I, 216, n. 3. — François I»'' paraît donc
avoir suivi la vallée du Rhône, sans s'en écarter pour aller à Romans,
où pourtant l'on avait fait quelques préparatifs pour le recevoir : on
avait notamment acheté, à Lyon, un poêle de damas rouge et blanc.
(Arch. de Romans, CC 318.) Il est même possible que l'on ait fait frap-
per, en iirévision de la visite royale la médaille à l'effigie de François I"
dont parle M. Vallier dans son article cité : Médailles historiques^ etc.,
loc. cit., pp. 262 et suiv.
64 VOYAGE DES REINES ET DE FRANÇOIS l®"" EN PROVENCE.
Saint- Vallier, où François le"" eut un long entrelien avec Pros-
pero Colonna amené île Lyon'. Certains Italiens, et en parti-
culier Francesco Veltori, le représentant de Laurent de Médi-
cis, ne voyaient pas d'un bon œil ces pourparlers et cher-
chaient à dissuader le Roi de s'accorder avec Prospero. Mais
celui-ci persistait dans ce dessein, comme dans celui de ma-
rier Laurent de Médicis à une fille du roi de Navarre^. Après
de longues négociations secrètes, à Vienne, où François pf se
trouvait le 22 février 3, Prospero fut remis eu liberté et pro-
mit d'aider le roi de France dans son entreprise sur le
royaume de Naples''. Cette affaire ne fut définitivement réglée
qu'à Lyon où François I*"" dut arriver le 28 février ^ et où
il demeura, dans la ville ou les environs, jusqu'au mois de
mai.
Ce long séjour lui permit de surveiller les événements d'Ita-
lie et de diriger les négociations engagées avec les Etats voi-
sins du royaume, avec plus de fermeté et de suite qu'il
n'avait pu le faire depuis son départ de Milan, pendant son
rapide passage à travers la Provence et les pays riverains du
Rhône.
E. Baux, V.-L. Bourrilly et Ph. Mabilly.
1. Desjardins, op. cit., II, 775. Lettre du 21 février.
2. De Valence, François l" avait écrit au roi de Navarre pour le pres-
ser de se préparer à la guerre. {Doc. inéd., Mélanges, 111, 569 et sqq; de
Valence, 13 février : il faut lire sans doute 14 février.) Cf. Boissonnade,
op. cit. p. 446.
3. Acte daté de Vienne, 22 février. Catalogue des Actes, n" 16106. —
Quatre actes sont datés du 23 février, ibid., n"' 420, 421, 16107, 16108.
4. Prospero Colonna, après avoir été pris à Villafranca, avait été dirigé
sur Fossano et conduit en France au château de Montagu, qui apparte-
nait à Jacques II de Chabannes, maréchal de la Palice (auj. Montagu le
Blin, Allier). Sa rançon fut fixée à 18,500 écus d'or. La promesse de fidé-
lité fut signée le 2 mars à Lyon : elle est conservée aux Archives natio-
nales, J 990, 2; cf. Journal de Barrillon, I, 195-196.
5. Le 27 février, il était à la Guillotièrc. Cf. Catalogue des Actes,
n° 16109; autre acte daté du 28, ibid., n" 23391. L'entrée de la reine eut
lieu le 2 mars.
MRLANGES ET DOCUMENTS
LES QVATRAINS DV SEIGNEVR DE PYBRAC
Conseiller du Roy en son Conseil priué.
Au Lecteur.
le n'ay tasché cest œuure façonner
D'vn style doux, à fin qu'il puisse plaire,
Car aussi bien n'entens ie le donner
Qu'à ceux qui n'ont soucy que de bien faire.
1. DiEV tout premier, puis Père et Mère honore.
Sois iuste et droict, et, en toute saison.
De l'innocent pren en main la raison :
Car Dieu te doit là haut iuger encore.
8. Si en iugeant la faueur te commande,
Si, corrompu par or ou par presens,
Tu fais iustice au gré des Courtisans,
Ne doute point que Dieu ne te le rende.
1. Pliocylide, V. « Que tes premiers respects soient pour les dieux, les
seconds pour tes parents ; accorde à chacun ce qui lui est dû, sans jamais
te laisser corrompre. » (Moralistes ancie7is, p. 80.)
2. Esaïe, V, 25i-8. — Pliocylide, VI. « Ne rebute point le pauvre. Que
ANNALES DU MIDI. — XVI. 5
66 ANNALES DU MIDI.
3. Auec le iour commence ta iournee,
De l'Eternel le sainct nom bénissant :
Le soir aussi ton labeur finissant,
Loue le encor', et passe ainsi l'année.
4. Adore assis, comme le Grec ordonne :
Dieu en courant ne veult estre honoré;
D'vn ferme cueur il veult estre adoré,
Mais ce cueur là il fault qu'il nous le donne.
5. Ne va disant : ma main a faict cest œuure,
Ou ma vertu ce bel œuure a parfaict,
Mais dis ainsi : Dieu par moy l'œuure a faict.
Dieu est l'autheur du peu de bien que i'œuure.
6. Tout l'vniuers n'est qu'vne cité ronde,
Chacun a droict de s'en dire bourgeois.
Le Scythe et More autant que le Grégeois,
Le plus petit que le plus grand du monde.
tes jugements soient dictés par la justice. Si tes jugements sont iniques,
tu seras jugé par Dieu même à ton tour. » (Moralistes anciens, p. 80-1.)
— Baïf, Mimes, p. 273, str. VII.
4. Plutarque, Les Vies des h. ill., t. I, Numa Pompilius, p. 255. « Et
quant à ce qu'il [Numa] commandoit que l'on s'asseist après que l'on
avoit adoré... peult estre... que cela se i-apportoit à ce que... Numa vou-
loit accoustumer ses gens à ne servir ny ne parler point aux dieux en
passant, ou en faisant autre cliose, et à la haste, ains vouloit que l'on le
feist quand on a temps et loisir, toutes autres choses cependant entre-
mises. » Plutarque constate lui-même (ibid., p. 253) l'origine pythagori-
cienne de ce précepte. On le trouvera formulé dans les Fragm. phil.
graec, p. 508, n» 60, chez Jamblique, p. 37, 6-7, et chez Porphyre, p. 95,
38-9. — Cf. Stobée, Sermo XXXVII, p. 51, 21. « Quietos nos esse oportet,
ut non turbulente cum deo colloquamur. »
5. Baïf, Mimes, p. 275, str. XIX. « Devant que commencer à faire
quelque chose, | Prie Dieu de la faire : et, le tout achevé, | Dy que c'est
de Dieu seul, et n'en sois eslevé | D'un vent ambitieux; car de tout Dieu
dispose. »
6. Diogène Laërce, VII, 1, 53, p. 178. — Marc-Aurèle, Pensées, IV, iv,
p. 104. « Le monde est comme une cité. » Ibid., ibid., xxin, p. 112. « Un
personnage dit : Bien-aimée cité de Cécrops ! Mais toi, ne peux-tu pas
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 67
7. Dans le pourpris de ceste cité belle
Dieu a logé l'homme comme en lieu sainct,
Comme en vn Temple, où luymesmes s'est peinct
En mil endroicts de couleur immortelle.
8. Il n'y a coing si petit dans ce Temple
Où la grandeur n'apparoisse de Dieu :
L'homme est planté iustement au milieu,
A fin que mieux par tout il la contemple.
9. Il ne sçauroit ailleurs mieux la cognoistre
Que dedans soy, où, comme en vn miroir,
La terre il peut et le ciel mesme voir.
Car tout le monde est compris en son estre.
10. Qui a de soy parfaicte cognoissance
N'ignore rien de ce qu'il fault sçauoir :
Mais le moyen asseuré de l'auoir,
Est se mirer dedans la sapience.
11. Ce que tu vois de l'homme n'est pas l'homme.
C'est la prison où il est enserré,
C'est le tombeau où il est enterré.
Le lict branlant où il dort vn court somme.
12. Ce corps mortel, où l'œil rauy contemple
Muscles et nerfs, la chair, le sang, la peau.
Ce n'est pas l'homme, il est beaucoup plus beau,
Aussi Dieu l'a reserué pour son temple.
dire : 0 bien-aimée cité de Jupiter! » Ihid., VI, xliv, p. 171. « J'ai une
cité, une patrie : comme Antonin, c'est Rome ; comme homme, le monde. »
Cf. encore XII, xxvi, p. 311 etxxxvi, p. 317. « 0 homme, tu as été citoj-en
de la grande cité. »
10. Cette maxime peut compter parmi celles que l'on a le plus souvent
répétées. Socrate passe pour l'avoir considérée comme le fondement de la
sagesse. (Xénophon, Mémorables, III, ix, p. 101.) — Boèce, Consul.,
II, V, 81. — Stobée, Ser-mo LXXX, pp. 138, 15, 35 et 139, 30.
12-13. Faure, Quatrains, III, p. 30. — Mathieu, Tablettes, I, 74.
« L'homme n'est pas ce corps, son estofle est plus belle, | Car des beau-
68 ANNALES DU MIDI.
13. A bien parler, ce que l'homme on appelle,
C'est vn rayon de la diuinité,
C'est vn atome esclos de l'vnitè,
C'est vn degout de la source éternelle.
14. Recognoy donc, homme, ton origine,
Et, braue et haut, dédaigne ces bas lieux,
Puis que fleurir tu dois là haut es cieux,
Et que tu es vne plante diuine.
15. Il t'est permis t'orgueillir de la race.
Non de ta mère ou ton père mortel,
Mais bien de Dieu, ton vray père immortel,
Qui t'a moulé au moule de sa face.
16. Au ciel n'y a nombre infiny d'Idées :
Platon s'est trop en cela mesconté.
De nostre Dieu la pure volonté
Est le seul moule à toutes choses nées.
17. Il veut, c'est faict sans trauail et sans peine.
Tous animaux, iusqu'au moindre qui vit.
Il a créé, les soustient, les nourrit,
Et les defîaict du vent de son haleine.
18. Hausse tes yeux : la voûte suspendue,
Ce beau lambris de la couleur des eaux,
Ce rond parfaict de deux globes iumeaux,
Ce firmament esloigné de la veuë,
tez du Ciel elle tient sa beauté, | Et quand le corps est mort, elle reste
immortelle, | Comme un rayon sorty du la Divinité. » — On observera que
les Quatrains 11-14 présentent un sens suivi, et déveloi^pent une seule et
même idée. Sénèque l'a exprimée plus d'une fois. (A Lucilius, XLI, p. 93
et LXXVI, p. 207.)
15. Genèse, I, 26.
17. Cette strophe et les deux qui suivent sont la paraphrase des ver-
sets 6-9 du Psaume xxxiii.
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 09
19. Bref, ce qui est, qui fut, et qui peut estre,
En terre, en mer, au plus caché des cieux,
Si tost que Dieu l'a voulu pour le mieux,
Tout aussi tost il a receu son estre.
20. Ne va suiuant le troupeau d'Epicure,
Troupeau vilain qui blasphème en tout lieu,
Et, mescroyant, ne cognoist autre Dieu
Que le fatal ordre de la Nature.
21. Et ce pendant il se veautre et patouille
Dans vn bourbier puant de tous costez,
Et du limon des sales voluptez
Il se repaist, comme vne orde grenouille.
22. Heureux qui met en Dieu son espérance,
Et qui l'inuoque en sa prospérité
Autant ou plus qu'en son aduersité,
Et ne se fie en humaine asseurauce.
23. Voudrois tu bien mettre espérance seure
En ce qui est imbecille et mortel?
Le plus grand Roy du monde n'est que tel,
Et a besoin plus que toy qu'on l'asseure.
20. A en juger par ce passage, Pibrac connaissait mal les Epicuriens.
L'e.xpression dont il se sert au second vers de la strophe semble un sou-
venir d'Horace (êjj., I, iv, 16), mais il eût été plus équitable de ne pas
prendre trop au sérieux la boutade do ce poète, et de se rappeler que Sé-
nèque — un stoïcien ! — a défendu la morale d'Epicure et protesté contre
une tradition qu'entretenaient ou les ignorants ou ceux qui avaient inté-
rêt à présenter le plaisir comme une forme de la sagesse. ( Vie heureuse,
XII-XIII, pp. 172-3; A Lucilitis, XXXIII.)
21. Les Tablettes nous offrent (II, 42) une comparaison toute sem-
blable. « ... Ainsi vit la grenouille | Dans le sale bpurbier qu'elle es-
time un ruisseau. »
22-23. Prov. de Salomon, III, 5. — Ps. cxlvi, 3. — Jérémie,
XVII, 5. — Stobée, Ser. CXLVIH, p. 237, 5; CXLIX, p. 239, 1;
CLXV, pp. 268-270; CLXVI, pp. 270-1. — Aux deux derniers vers du Qua-
traifi 23 comparez cette phrase de Boéce ; c< 0 pi-aeclara potentia [il s'agit
70 ANNALES DU MIDI.
24. De l'homme droict Dieu est la sauiiegarde :
Lors que de tous il est abaadoQQé,
C'est lors que moins il se trouue estonué,
Car il sçait bien que Dieu lors plus le garde.
25. Les biens du corps et ceux de la fortune
Ne sont pas biens, à parler proprement :
Ils sont subiects au moindre changement,
Mais la vertu demeure tousiours vne.
26. Vertu qui gist entre les deux extrêmes,
Entre le plus et le moins qu'il ne fault,
N'excède en rien, et rien ne luy default,
D'autruy n'emprunte, et suffit à soymesmes.
27. Qui te pourroit, Vertu, voir toute nue,
0 qu'ardemment de toy seroit espris,
Puis qu'en tout temps les plus rares esprits
T'ont faict l'amour au trauers d'vne nue!
28. Le sage fils est du père la ioye :
Or si tu veux ce sage fils auoir,
Dresse le ieune au chemin du deuoir :
Mais ton exemple est la plus courte voye.
29. Si tu es né, enfant, d'vn sage père,
Que ne suis tu le chemin ia battu?
S'il n'est pas tel, que ne t'esforces tu,
En bien faisant, couurir ce vitupère?
des rois] quae nec ad conservationem quidem .sui satis eflicax invenitur ! »
(Consol., III, V, 5.;
25. Stobée, Seruio CXLTT/, pp. 233-5, De vitae inaequalitate. — Tré-
sor de sentences, p. 29. « Bien de fortune passe comme la lune. » — Ta-
blettes, III, 37. « Le temps emporte tout, et rien ne luy résiste | Que la
seule vertu... »
26. Théognis, XXXIX. (Moralistes anciens, p. 35.)
27. Sénèque, A Liicilius, CXV, pp 411-412.
28. Prov. de Salomon, XV, 20; XXIII, 24; XXIX, 3,
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 71
30. Ce n'est pas peu, naissant d'vn tige illustre,
Estre esclairé par ses antecesseurs :
Mais c'est bien plus luire à ses successeurs
Que des ayeux seulement prendre lustre.
31. Jusqu'au cercueil, mon fils, vueilles apprendre,
Et tien perdu le iour qui s'est passé,
Si tu n'y as quelque chose amassé.
Pour plus sçauant et plus sage te rendre.
32. Le voyageur qui hors du chemin erre,
Et, esgaré, se perd dedans les bois,
Au droict chemin remettre tu le dois,
Et, s'il est cheu, le releuer de terre.
33. Aymé l'honneur plus que ta propre vie :
l'entens l'honneur qui consiste au deuoir
Que rendre on doit, selon l'humain pouuoir,
A DiEV, au Roy, aux Loix, à sa Patrie.
34. Ce que tu peux maintenant, ne diffère
Au lendemain comme les paresseux.
Et garde aussi que tu ne sois de ceux
Qui par autruy font ce qu'ils pourroient faire.
35. Hante les bons, des meschans ne t'acointe,
Et mesmement en la ieune saison,
Que l'appétit, pour forcer la raison,
Arme nos sens d'vne brutale pointe.
30. Stobée, Sermo CXXXIX, p. 218, 20, 28, 39.
31. Solon, XVIII. (Moralistes anciens, p. 136.) — Sénèque, A Luci-
lius, LXXVI, p. 201. — Caton, p. 373. — Baïf, Mmies, p. 164. — Ta-
blettes, II, 29.
32. Prov. de Salomon, XXVIII, 10. — Phocylide, LXVIII. {Moralistes
anciens, p. 99.)
34. Démocrate, XIX. (Moralistes anciens, p. 194.)
35. Prov. de Salomon, 1, 10; IV, 14; XIII, 20. — Théognis, II. (Mo
ralistes anciens, p. 18.) — Hésiode, Travaux et jours, 716 (ïeubner.)
— Publius Syriis, p. 787, col. 2, v. 4; p. 800, col. 1, v. 6. — Stobée,
72 ANNALES DU MIDI.
36. Quand au chemin fourchu de ces deux Dames
Tu te verras comme Alcide semond,
Suy celle là qui, par vn aspre mont,
Te guide au ciel, loing des plaisirs infâmes.
37. Ne mets ton pied au trauers de la voye
Du panure aueugle, et d'vn piquant propos
De l'homme mort ne trouble le repos.
Et du malheur d'autruy ne fay ta ioye.
Ser. X, XVIII, XX. — Caton, p. 359 .— Trésor de sentences, pp. 135,
155, 160. — Fénelon, I.
36. Cette maxime est un souvenir de la belle et poétique allégorie qui
représente Hercule entre le vice et la vertu. Xénophon a conté cette fable
avec autant de grâce que d'abondance (Mémor., II, 1, pp. 41-5J, mais il
ne cache pas qu'il s'inspire d'un récit de Prodicus, et il regrette de ne
poiivoir s'exprimer avec la magnificence de ce sage. Le même sujet a, du
reste, séduit plusieurs autres écrivains, et il fut traité — non sans d'ingé-
nieuses modifications — par Lucien (Le songe, 6) et par Silius Italiens
(Guerres pun., XV, 18 sqq.) Il était naturel que l'on cherchât à montrer
d'une manière imagée et sensible l'hésitation de l'adolescent à l'heure où,
sollicité à la fois par l'instinct du plaisir et par la dignité de la vertu, il
faut qu'il résolve le problème de sa destinée morale. L'incertitude d'Her-
cule, les pythagoriciens la figuraient d'une manière graphique. La lettre T
leur paraissait le symbole ou le schème d'une existence qui arrive, après
avoir coulé quelque temps en ligne droite, à un endroit ovi l'on doit choi-
sir entre deux routes divergentes. (Chaignet, I, 154.) Celle qui mène à la
vertu est escarpée, difficile. Ainsi le veut la tradition ancienne, que l'on
retrouve et chez Pibrac et dans l'un de nos proverbes français : « Tout
chemin de vertu ] Est aspre et moult ardu. » [Trésor de sentefices,
p. 230.) Mais Montaigne, qui aime à secovier le joug des idées reçues,
aplanit cet « aspre mont « dont nous parlent les Quatrains, et loin de lais-
ser croire à la jeunesse que la bonne voie est très malaisée à suivre, il
déclare que la vertu « n'est pas, comme dit l'eschole, plantée à la teste
d'un mont couppé, raboteux et inaccessible », mais que les hommes par
qui elle est pratiquée « la tiennent, au rebours, logée dans une belle plaine
,ertile et fleurissante ». [Essais, I, xxv, p. 70.)
37. Première partie du Quatrain, cf. Lévitique, XIX, 14; Deutér.,
XXVII, 18. — Seconde partie (respect dû aux morts), cf. Solon : « Tôv
TEÔVTiy.éxa [J.r]5£\i; y.a/w; àyopEuÉTw. » (Fragm. phil. graec, p. 228, n» 53.) —
Troisième partie (ne pas se réjouir du malheur d'autrui), cf. Prov. de
Salomon, XVII, 5. — Publius Syrus, p. 766, col. 1, v. 3; 787, col. 1, v. 6.
MÉLANGES ET DOCDMENTS. 73
38. En ton parler sois tousiours véritable,
Soit qu'il te faille en tesmoignage ouyr,
Soit que par fois tu veuilles resiouir
D'vn gay propos tes hostes à la table.
39. La Vérité d'vn Cube tlroict se forme,
Cube contraire au léger mouuement :
Son plan quarré iamais ne se dément,
Et en tout sens a tousiours mesme forme.
40. L'oyseleur caut se sert du doulx ramage
Des oysillons, et contrefaict leur chant :
Aussi, pour mieux deceuoir, le meschant
Des gens de bien imite le langage.
38. Prov. de Salomon, XII, 17; XIV, 5, 25; XIX, 5, 9; XXV, 18. —
Pliocylide, IV. [Moralistes anciens, p. 80); VII {ibid., p. 81.) — Stobée,
Ser. XLV, pp. 68-9, de veritate et testimonio fideli; XLVI, pp. 69-70,
de veritate et mendacio ; XLVII, pp. 70-71, de mendacio et calumnia
et falso testimonio. — Caton, p. 360. — Fénelon, III.
39. Ce symbole a, chez les anciens, revêtu diverses formes, car ce
n'était pas seulement l'immobile vérité qui se prêtait à une comparaison
de cette nature, 'mais tous les principes que l'on voudrait invariables,
parce que l'on a construit sur eux la religion, la morale. D'autre part,
la géométrie offre plus d'une figure régulière, en sorte que les deux par-
ties de l'image dont nous nous occupons pouvaient être modifiées tour à
tour. Ainsi, tandis que Pibrac assimile au cube la vérité, les disciples de
Pythagore conçoivent l'essence divine comme un tétragone, attendu que
c'est lui qui exprime l'ordre parfait, « que la propriété d'être droit imite
la puissance de l'immobilité, et que l'égalité représente celle de la per-
manence. » (Ghaignet, I, 246.) C'est pour un motif analogue que certains
assignent une forme carrée à la justice, « par et similis in verbo et
opère,,., nusquam ulla ex parte claudicans, ut ne injusta et inaoqualis
videatur. » (Stobée, Sermo I, p. 5, 39.)
40. Plutarque a employé cette image d'une manière à peu près sem-
blable. « Les flatteurs, os courts dos princes, font comme les oysel-
leurs qui prennent les oyseaux à la pippée en contrefaisant leurs voix... »
(Tome XV, p. 110, Instruction pour cetdx qui manient affaires d'estat.)
— Baïf, Mimes, p. 172.
74 ANNALES DU MIDI.
41. Ce qu'en secret l'on t'a dit ne reuele;
Des faicts d'autruy ne sois trop enquerant.
Le curieux volontiers tousiours ment;
L'autre mérite estre dict infidèle.
42. Faj^ pois égal et loyale mesure,
Quand tu deurois de nul estre apperceu :
Mais le plaisir que tu auras receu,
Ren le tousiours auecques quelque vsure.
43. Garde, soigneux, le depost à toute heure,
Et, quand on veult de toy le recouurer,
Ne va, subtil, des moyens controuuer
Dans vn palais, à fin qu'il te demeure.
44. L'homme de sang te soit tousiours en hayne,
Huë sur luy, comme fait le berger
Numidien sur le Tygre léger,
Qui[l] voit de loing ensanglanter la plaine.
45. Ce n'est pas tout ne faire à nul outrage :
Il fault de plus s'opposer à l'effort
Du malheureux, qui pourchasse la mort.
Ou du prochain la honte et le dommage.
41. Prov. de Salomon, XI, 13; XX, 19. — Théognis, XXXIV. {Mora-
listes anciens, p. 33.) — Fénelon, VI. « Ne vous informez point des
atïaires des autres. »
42. Prov. de Salomon, XI, 1; XX, 10. 23. — Lévitique, XIX, 35-6. —
Deidér., XXV, 13-16. — Stobée, Sermo XLII, p. 66.
43. Prov. de Salomon, III, 27.
44. Presque tous les Numides étaient bergers; ils allaient de place en
place, suivant au hasard leurs troupeaux sur des pâturages inépuisables.
(Virgile, G., III, 339 et suiv.l
45. Phocylide, XV. {Moralistes anciens, p. 83.)
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 75
46. Qui a désir d'exploiter sa prouesse,
Dorate son ire, et son ventre, et ce feu
Qui dans nos cueurs s'allume peu à peu,
Soufflé du vent d'erreur et de paresse.
47. Vaincre soyraesme est la grande victoire :
Chacun chez soy loge ses ennemis.
Qui, par l'effort de la raison soubmis,
Ouurent le pas à l'éternelle gloire.
48. Si ton amy a commis quelque offense,
Ne va soudain contre luy t'irriter,
Ains doucement, pour ne le despiter,
Fay luy ta plainte, et reçoy sa défense.
49. L'homme est fautif : nul viuant ne peut dire
N'auoir failly. Es hommes plus parfaicts.
Examinant et leurs dicts et leurs faicts,
Tu trouueras, si tu veux, à redire.
50. Voy l'hypocrite auec sa triste mine :
Tu le prendrois pour l'aisné des Gâtons,
Et ce pendant, toute nuict, à tastons.
Il court, il va pour tromper sa voysine.
46. «rXo'jaor)?, Y^aipo;, aîooiwv y.patst. » Fragm. phil. gra.ec, p. 232, n» 4.
— Ibid., p. 527, n» 231.
47. Fragm. phil. graec, p. 345, n" 75; p. 499, n» 32. — Publius Syrus,
p. 803, col. 2, V. 1; p. 812, col. 1, v. 9. — Baïf, Mimes, 107, 144. — Le
vers « Chacun chez soy loge ses ennemis » rappelle une sentence de Pu-
blius Syrus : « Gravior est inimicus qui latet in pectore. » (P. 779,
col. 1, V. 9.)
48. Hésiode, Travaux et jours, 709-714. — Théognis, XXXVII. {Mora-
listes anciens, p. 34.) — Pythagore, Vers dormes, V. (Ibid., p. 1G6.) —
Publius Syrus, p. 766, col. 2, v. 3. — Baïf, Mimes, p. 272, str. III.
49. Caton, p. 361. « Nemo sine crimine vivit. »
50. Pour l'aisné des Gâtons... comprenez iwur un modèle de vertu.
Il «'agit ici des hommes « qui Curios simulant, et Bacclianalia vivunt ».
Ainsi les définit Juvénal (Sut. II, 3), qui s'écrie ironiquement en parlant
76 ANNALES DU MIDI.
51. Cacher son vice est vne peine extrême,
Et peine en vain : fay ce que tu voudras,
A toy au moins cacher ne te pourras,
Car nul ne peut se cacher à soymesme.
52. Aye de toy plus que des autres honte.
Nul plus que toy par toy n'est offensé :
Tu dois premier, si bien y as pensé,
Rendre de toy à toymesme le compte.
53. Point ne te chaille estre bon d'apparence,
Mais bien de l'estre à preuue et par effect.
Contre vn faulx bruit que le vulgaire faict.
Il n'est rampart tel que la conscience.
54. A l'indigent monstre toy secourable,
Luy faisant part de tes biens à foison,
Car Dieu bénit et accroît la maison
Qui a pitié du panure misérable.
de l'un de ces personnages à l'austérité menteuse : « Un troisième Caton
est tombé du ciel! » (Ibid., 40.)
51. Sénèque, A Lucilius, XLIII, ad fin., p. 96. — Tablettes, III, 90.
52. Fragm. phil. graec, p. 347, n" 100. « Ne magis homines alios re-
vereare quamte ipsum. » — Stobée, Sermo LXXIX, p. 137, 58. — Caton,
p. 369. — Tablettes, II, 22.
53. Première partie du quatrain, cf. Baïf, Mimes, p. 167. « Mets
soing et diligence d'estre | Chaste et iuste, non de parestre. » — Faure,
Quatrains, XXV, p. 33. « Ne cherche point de ressembler, mais d'estre )
Tel que tu veux de tous estre estimé. » — Seconde partie, cf. saint
Paul, Cor., II, I. 12. — Publius Syrus, p. 773, col. 2, v. 2; p. 797, col. 1,
V. 2. « Plus conscientiae quam famae attenderis. » — Stobée, Sermo
LXXXII, p. 141, 16. — Trésor de sentences, p. 36. — Baïf, Mimes,
p. 84. « Innocence est tresseure targe. » — Montaigne a développé la même
idée dans le chapitre V du livre II des Essais, et elle se trouve aussi
chez La Bruyère : « Ceux qui, sans nous connoître assez, pensent mal de
nous, ne nous font pas de tort. » {Jugejnents, 3."') )
54. Prov. de Salomon, XIX, 17, 22; XXI, 13; XXII, 9; XXVIII, 27, et
passim.— Phocylide, XX. (Moralistes anciens, p. 84.)
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 77
55. Las! que te sert tant d'or dedans ta bourse,
Au cabinet maint riche vestement,
Dans tes greniers tant d'orge et de froment,
Et de bon vin dans ta caue vne source,
56. Si ce pendant le panure nud frissonne
Deuant ton huys, et, languissant de faim.
Pour tout en fin n'a qu'vn morceau de pain.
Ou s'en reua sans que rien on luy donne?
57. As tu, cruel, le cueur de telle sorte,
De mespriser le panure infortuné,
Qui, comme toy, est en ce monde né,
Et, comme toy, de Dieu l'image porte?
58. Le malheur est commun à tous les hommes,
Et mesmement aux Princes et aux Roys :
Le sage seul est exempt de ses loix,
Mais oii est il, las, au siècle où nous sommes?
59. Le sage est libre enferré de cent chaînes.
Il est seul riche et iamais estranger.
Seul asseuré au milieu du danger.
Et le vray Roy des fortunes humaines.
60. Le menasser du Tyran ne l'estonne :
Plus se roidit quand plus est agité :
Il cognoist seul ce qu'il a mérité,
Et ne l'attend, hors de soy, de personne.
58-60. Voici un portrait du sage selon la doctrine du Portique. Les
sources de ces trois stropiies sont nombreuses et riches, en sorte que la
concision de Pibrac mérite d'être louée, car, s'il l'avait voulu, il lui eût
été facile d'ajouter à la peinture qu'il a faite un grand nombre de dé-
tails. Mais il s'est contenté de choisir, chez les auteurs dont il s'inspire,
les traits caractéristiques. Je renvoie le lecteur au livre de Diogène
Laërce (VII, 1, Zenon, 64) et à Cicéron, qui nous a laissé, d'une part,
l'image fidèle du stoïcien (De fin. bon. et mal., III, 22), de l'autre, sa ca-
78 ANNALES DU MIDI.
61. Vertu es mœurs ne s'acquiert par l'estude,
Ne par argent, ne par faueur des Roys,
Ne par vn acte, ou par deux, ou par trois,
Ains par constante et par longue habitude.
62. Qui lit beaucoup, et iamais ne médite,
Semble à celuy qui mange auidement.
Et de tous mets surcharge tellement
Son estomach, que rien ne luy profite.
63. Maint vn pouuoit par temps deuenir sage,
S'il n'eust cuidé l'estre ia tout à faict.
Quel artisant fut onc raaistre parfaict,
Du premier iour de son apprentissage?
64. Petite source ont les grosses riuieres.
Qui bruit si haut à son commencement
N'a pas long cours, non plus que le torrent
Qui perd son nom es prochaines fondrières.
ricature. {Pro Murena, XXIX, Gl.) Au contraire, Sénèque semble croire
que la figure du sage ne sera jamais représentée avec des couleurs assez
flatteuses, et il ne se lasse point de nous la mettre sous les yeux.
{A Lucilius, LXXXV, p. 253: XCII, p. 304; CIV, pp. 373-374; Tranquil-
lité de l'chne, XI, p. 253; XIV, p. 257.) Et combien de passages on pour-
rait encore signaler ! Le traité De la constance du sage serait à citer
entièrement. C'est ainsi que la louange des âmes impassibles est deve-
nue un lieu commun, et qu'elle est entrée dans le domaine de la poésie.
Pibrac n'a pas été le premier à embellir ses vers des maximes de Zenon.
Voyez, par exemple, Horace, O., III, m, 1-8, et Boèce, Consol., I, iv.
62. Sénèque, A Lucilius, II. « Sed -modo, inquis, hune librum evol-
vere volo, modo illum. Fastidientis stomachi est multa degustare, quae,
ubi varia sunt et diversa, inquinant, non alunt. » — Montaigne est d'un
avis semblable : a Nous prenons en garde... le sçavoir d'aultruy, et puis
c'est tout... Que nous sert-il d'avoir la panse pleine de viande, si elle ne
se digère?... » {Essais, I, xxiv, p. 57.)
64. Publius Syrus, p. 786, col. 1, v. 3. « Magnarum aquarum transi-
liri fons potest. »
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 79
65. Maudit celuy qui fraude la semence,
Ou qui retient le salaire promis
Au mercenaire, ou qui de ses amis
Ne se souuient sinon en leur présence !
66. Ne te pariure en aucune manière,
Et si tu es contrainct faire serment,
Le ciel ne iure, ou l'tiomme, ou l'élément,
Ains par le nom de la cause première.
67. Car Dieu qui hait le pariure exécrable.
Et le punit comme il a mérité,
Ne veult que l'on tesmolgne vérité
Par ce qui est mensonger ou muable.
68. Vn art sans plus : en luy seul t'exercite,
Et du métier d'autruy ne t'empeschant.
Va dans le tien le parfaict recherchant,
Car exceller n'est pas gloire petite.
69. Plus n'embrasser que l'on ne peut estraindre :
Aux grands honneurs, conuoiteux, n'aspirer :
Vser des bieiis, et ne les désirer :
Ne souhaiter la mort, et ne la craindre.
65. Première partie du quatrain (Semence), cf. Phocylide, XII. [Mo-
ralistes anciens, p. 82.) — Seconde partie (Salaire), cf. Lévitique, XIX, 13.
— Beutér., XXIV, 14-15. — Phocylide, XIII. (Moralistes anciens, p. 82.)
— Saint Paul, Ro}n., IV, 4. — Stobée, Sermo CXXI, p. 194, 3. — Trésor
de sentences, p. 159. « Peine et labeur requièrent guerdon. » — Troi-
sième partie (Amitié), cf. Théognis, X. (Moralistes anciens, p. 23.)
66. Phocylide, XI. (Moralistes a>iciens, p. 82.) — Pythagore, Vers
dorés. (Ibid., p. 165.) — Caton, p. 360. — Baïf, Mimes, p. 272, str. 2.
68. On connaît l'adage populaire : A chacun so)i métier... Baïf le cite
dans les Mimes, p. 43.
69. Le dernier vers de cette strophe se trouve presque textuellement
dans une épigramme de Marot (édit. Jannet, t. III, p. 90), qui est imitée
de Martial (X, xlvii.) « Summum nec metuas diem, nec optes. »
80 ANNALES DU MIDI.
70. Il ne fault pas aux plaisirs de la couche
De chasteté restreindre le beau don,
Et ce pendant liurer à l'abandon
Ses yeux, ses mains, son oreille et sa bouche.
70. « Ridiculum est génitales quidem corporis partes servare castas,
linguam vero negligere, aut observare quidem linguam puram, visum
vero, vel audituni, vol manus non observare. » (Chrysostome, dans Sto-
bée, Sermo LXIV, p. 103, 30.)
{A suivre). H. Guy.
II
LETTRE DE MARGUERITE DE VALOIS AUX CAPITOULS
DE TOULOUSE (6 juillet 1581).
Après être restée vingt jours aux bains de Bagnères-de-
Bigorre, pendant que son mari était aux Eaux-Chaudes avec
FosseuseS Marguerite de Valois rentra à Nérac le 4 juillet
1581. Elle avait passé la journée de la veille et une partie de
celle de l'avant-veille à Gondrin^. Ensuite, ses livres de
comptes et sa correspondance ne fournissent aucun rensei-
gnement jusqu'au 21 juillet. Une lettre adressée par elle aux
capitouls de Toulouse, le 6 juillet, permet de combler en par-
tie cette lacune.
Elle emprunte un vif intérêt aux circonstances dans les-
quelles elle fut écrite. Le traité de Fleix venait d'être signé
le 26 novembre 1580. Cette paix, également désirée à Paris
et à Nérac, était mal vue aussi bien parmi les catholiques que
parmi les huguenots. Ces derniers, à la tête desquels était
Condé^, — toujours prêt à résister au chef officiel du parti, —
soupçonnaient le roi de Navarre d'avoir, par une clause
1. Mémoires de Marguerite de Valois, édition Guessard, p. 175.
2. Ph. Lauzun, Itinéraire raisonné de Marguerite de Valois en Gas-
cogne,^t^, 180.
3. Mémoires de Michel de la Huguerye, publiés par A. de Ruble ;
Paris, Renouard, 1878, t. II, p. 77.
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 81
secrète, stipulé quelques avantages particuliers à son profit'.
Cependaut, à force de démarches et de promesses, le Béar-
nais, aidé de Marguerite, avait réussi à neutraliser le mau-
vais vouloir de Coudé et à l'aire approuver le traité par l'as-
semblée des protestants tenue à Montauban au mois de mai
1581.
La résistance de Condé itait appuyée par les religionnaires
du Languedoc, « cervelles estranges et humeurs fort difficiles
à manier-». Ils commencèrent, dit d'Aubigné, à faire la
guerre quand ils virent les autres en paix-'. Des capitaines,
retranchés dans de petites villes fortifiées, faisaient des courses
principalement contre les grosses villes catholiques.
Toulouse surtout avait à souffrir de ces incursions, et le roi
de Navarre, dont la statue orne aujourd'hui l'hôtel de ville,
y était particulièrement haï. Déjà, au mois d'avril 1579, il
avait refusé d'accompagner Catherine de Médicis à Toulouse*.
Il n'aurait pas osé, en 1581, traverser cette ville, même dé-
guisé en cuisinier, comme il avait fait, peu de temps aupara-
vant, à Bordeaux ^ Des Eaux-Chaudes, il avait écrit le 18 juin
aux consuls d'Agen" : «Je suys en ces montaignes pour les
eaux sans autre cogitation que de confirmer ma sancté, n'es-
tant besoing croistre les gardes ny a Auch ny ailleurs. » Le
même jour, il mandait à Bellièvre d'aller à Toulouse « pour
le bien de la paix'' ».
Ces appréhensions sont justifiées quand on étudie de près
les documents conservés aux archives communales de Tou
louse^ On vivait dans de continuelles alarmes. Les séances
1. D'Aubigné, Histoire universelle, édition de la Société de l'Histoire
de France, t. VI, p. 155, et note 2.
2. Mémoires de la Hugiierye, t. II, p. 87.
3. Op. et loc. cit. Cf. dans ce même volume les détails donnés sur la
Guyenne, ainsi que dans le « Journal de Faurin ».
4. Ph. Lauzun, op. cit., p. 91. •
5. D'Aubigné, op. cit., t. VI, p. 166.
6. Lettres missives de Benri IV, publiées par Berger de Xivrey,
t. VIll, p. 199.
7. Ibid., t. I, p. 376.
8. Les renseignements à l'aide desquels a été composée la suite de cette
note sont oxti-aits des Archives municip. de Toulouse, Livre des Conseils,
ANNALES DU MIDI. — XVL 6
82 ANNALES DU MIDI.
du conseil de la ville, auquel venaient s'adjoindre les prin-
cipaux officiers du Parlement, étaient de véritables délibéra-
tions de conseil de guerre. L'attention était surtout portée du
côté de la Gascogne. On prenait des mesures pour protéger
le faubourg Saint-Cyprien, « ouvert en plusieurs endroits et
peuplé de pauvres gens qui ne peuvent s'armer ». Le bruit
courait qu'avec le roi de Navarre d'autres « de la préthendue
religion » fourmillaient au quartier de Gascogne, s'attrou-
paient en divers lieux et que leur dessein était « d'alempter
sur le repos de ceste ville » (séance du 29 janvier 1581). Les
ennemis avaient des intelligences dans la ville, où leurs adhé-
rents étaient appuyés par de nombreux étrangers qui s'y
étaient introduits et où deux mille hommes, « tant escoUiers
que aultres », attendaient le signal pour s'en emparer et « la
tirer hors l'obéissance de Sa Majesté » (séance du 9 mars). A
la séance suivante, on rapporte que le roi de Navarre et ses
troupes sont assemblés en grand nombre à l'Isle-Jourdain et
autres villes voisines, et font des courses jusqu'aux portes de
Saint-Cyprien. Enfin, on décide, le 8 avril, que les fêtes des
Jeux floraux n'auront pas lieu les !«■■ et 3 mai, à cause du
danger qu'oflfrait une affluence trop grande à l'hôtel de ville.
Les sommes destinées à payer le repas du jour de Sainte-
Croix furent distribuées aux Jésuites et à d'autres couvents
de la ville, et les fleurs offertes à Notre-Dame-de-l'Assomption
de l'église Saint-Étienne.
La ville était en état de siège. Des sentinelles veillaient aux
clochers de Saint-Sernin, du couvent de la Grande-Obser-
vance, des Jacobins et de Saint-Roch. Le capitoul du Pont-
Vieux devait passer la nuit à Saint-Cyprien et les habitants
faire la garde, « tambourin sonnant et enseignes despliées »,
sauf ceux de la « nouvelle opinion ou notoirement suspects
d'en estre », ainsi que ceux de la maison ou de la suite du roi
de Navarre et ses adhérents, qui seraient « restraincts ». Tous
les bateaux entre Muret et Grenade devaient être coulés ou
BB 11; Comptes de 1381, CG S02; Lettres adressées aux capitouls, BB
181.
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 83
rentrés à Toulouse, les gués faisant coqiniuniquer la rive
gauche tle la Garonne avec le Lauragais être rendus imprati-
cables à l'ennemi. Les portes nouvellement ouvertes furent
murées, celles de Sainl-Sernin et de Saint-Etienne fermées;
l'une d'elles eut le guichet simplement ouvert, on y mit un
corps de garde. A chacune des autres portes se trouvait un
greffier chargé de surveiller les entrées et sorties. Le 31 mars,
Léonard Guidole, greffier à la porte du Château, recevait
2 écus pour avoir saisi «deux semais* de salpêtre voulant
sortir par ladite porte » sans passeport ni permission des ca-
pitouls. On préparait le soufre et le salpêtre dans l'infirmerie
des Jacobins. Les armes de l'arsenal étaient remises à neuf et
on en achetait d'autres, ainsi que des « balles de canon de fer
et de fonte ». En prévision d'un combat dans la rue, trois
« faures grossiers » étaient chargés de placer « aux cantons
de la ville » des chaînes de fer.
Ces préparatifs montrent quel était l'état d'esprit des Tou-
lousains, et par eux on peut juger du reste des habitants du
pays. Dans les premiers mois de l'année 1581 ils envoient des
messagers à l'extrémité du Languedoc et au cœur de la Gas-
cogne jusqu'au pays de Gaure. Ils écrivent aux consuls d'Albi,
Lavaur, Liste [d'Albigeois], Rabastens, Grenade, Beaumont,
Fleurance, Auch, Gimout, Avignonnet, Caslelnaudary, Car-
cassonne et Narbonne, pour ne citer que les villes un peu
éloignées ou situées hors du Languedoc. Ils écrivent aussi au
roi, au duc d'Aujou alors à Castres, au maréchal de Mati-
gnon, « espérit inquiété », dit Marguerite dans ses Mémoi-
res, à Montmorency et à Joyeuse. Des environs de Montau-
ban on les tient au courant de ce qui se passe dans l'assem-
blée des huguenots et des rapports de Condé avec son cousin
le roi de Navarre. La correspondance la plus intéressante à ce
point de vue est celle du sénéchal qui arrive de la cour, où il
a sans doute reçu des instructions dont l'fîffervescence qui
règne à Toulouse lui rendra l'exécution difficile; aussi per-
1. Vaisseau de bois fait de douves, aujourd'lmi tinette et, en langue
vulgaire, comporte.
84 ANNALES DU MIDI.
siste-t-il à rester dgins son château de Cornusson, malgré les
appels réitérés des capitouls. Il leur écrit le 14 février 1581,
par M. Martin, qui devra" leur répéter ce qu'on lui a dit à la
cour. Il les assure que tout est tranquille et qu'on va déman-
teler Mende.
Deux lettres lui ayant été adressées, il répond, le 24 fé-
vrier, à la seconde, que les entreprises des ennemis contre
Toulouse ne pourront se. réaliser parce qu'ils sont occupés
ailleurs et au loin; sa présence est plus utile à Cornusson qu'à
Toulouse, si bien gardée par les capitouls. Enfin, pressé de
nouveau, il se décide à prendre la plume le 5 mars pour
annoncer qu'il est malade et ne pourra quitter la chambre
avant le 17 ou le 18. Il était encore à Cornusson le 8 août,
d'où il écrivait pour demander l'élargissement du capitaine
Palassy. Ses tergiversations étaient la conséquence évidente
des instructions qu'il avait reçues; mais il est certain qu'au
lieu de calmer des esprits aussi inquiets , elles ne faisaient
que les irriter davantage.
Le roi de Navarre devait connaître ces dispositions. Bel-
lièvre, au besoin, l'en aurait informé. Aussi,deretour à Nérac,
après être passé par Gondrin où l'on avait décidé d'exécuter
l'édit, d'établir la paix, comme il est dit dans la lettre publiée
plus bas, il écrit le 6 juillet à François de Noailles, évêque de
Dax, pour lui faire part de cette résolution', et le lendemain,
dans le même sens, aux consuls de Lectoure^, Avec les Tou-
lousains il n'entrait pas en relations aussi facilement qu'avec
le roi ou ses conseillers : le 6 juillet il fait [)art à Bellièvre'^ de
ses appréhensions au sujet de ceux du Languedoc « et de tant
de lieux prochains, desquels vous cognoissez les esprits qui
ne se domestiquent pas si aisément ». Il a cependant quelque
espoir et ajoute : « Je crois que Messieurs de Thoulouse '■ co-
gnoissent par mes actions qu'ils ont plus d'occasion de se
contenter de raoy que je n'ay du peu de justice qu'ils font et
1. Lettres missives de Henri IV, t. VIII, p. 203.
2. Ibid., p. 204.
3. Ibid., t. I, p. 383.
4. Il s'agit sans doute du Parlement.
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 85
de la faveur qu'ils presteut à ceulx qui surprennent les pla-
ces^ » Il n'ose écrire lui-même, et c'est Marguerite qui prend
la plume. Le ménage était alors plus qu'à demi brouillé, mais
la reine était encore dévouée à la politique de son mari. Elle
prodigue ses efforts pour faire aboutir le traité de Fleix. Des
bains de Bagnères, elle écrit à Bellièvre^ que son mari est
extrêmement éloigné de la guerre. A sa mère elle dit^ :
« Encore que l'exécution de cette paix s'avance avec
autant de dilijance que l'on s'i an peut dessirer, qu'ele me
samblera tousjours trop tardive pour l'extrême désir que j'ai
de me revoir près de vous, Madame; car le roi, mon mari,
m'asure de me mener soudin qu'ele sera exsécutée. » Si l'on
en croit M. Ph. Lauzun, très au courant des affaires de cœur
de la séduisante princesse, il lui tardait surtout de rejoindre à
Paris le beau Chanvallon, auquel elle envoyait de Bagnères
une lettre aussi amphigourique qu'enflammée*. C'est dans ces
circonstances qu'elle écrivit aux capitouls la lettre sui-
vante :
Messieurs, congnoissant combien les faulx bruitz qui ont
couru ces jours passez ont cuydé apporter de mal et que si on
s'en rendoit de légère créance il seroyt bien difflcille aux gens
de bien de s'y opposer, j'ay bien voulu vous escripre la présente
pour vous asseurer de la vraye résolution prinse par le Roy mon-
sieur mon raary et de ses intentions, estimant que mon tesmoi-
gnage sera tousiours receu de vous. Il n'a aultre désir que de
veoyr la paix bien establie et le repoz de cest estât, et quoy que
dient ceulx qui en sont ennemys et qui ne taschent qu'à nourrir
le soubceon et la mefflance comme le vray moien de nous rame-
ner aux misères passées, il en évitera les occasions de tout son
pouvoyr. De cela je vous prie asseurer. Messieurs, et vous prie
aussy voulloir rejecter loing ceulx qui par faulx rapportz ou
1. Allusion à la prise de Mazères. Cf. Lettres missives de He>u'i /T",
t. I, p. 376.
2. Correspondance de Catherine de Médicis, t. Vil, appendice,
p. 486.
8. Lettres de Marguerite de Valois, publiées par M. Pli. Lauzun
dans les Archives historiques de Gascogne, Auch et Paris, l^i86, p. 24.
4. Itinéraire raisonné de Marguerite de Valois, p. 179.
86 ANNALES DU MIDI.
calomnyes nourrissent la division et sont cause des entreprises
qui se dressent, comme ces jours passez vous en avez peu veoir,
au grand retardement du bien et repoz public. L'espérance que
j'ay que vous apporterez en cecy la prudance et sincère affec-
tion qui est en vous me gardera vous en escripre davantaige,
si n'est que nous en retournant des bains à Nerac pour y atten-
dre mon oncle monsieur de Monpensier^ que le Roy, monseigneur
et frère, nous envoyé pour le paraschèveraent de ce qui reste de
l'exécution de 1 edit, nous avons passé et sesjourné deux jours
chez monsieur de Gondren'^, où se trouvant une trouppe de gen-
tilzhorames catholiques, a esté advisé de faire assembler en ce
lieu les seneschaulx de ceste province et aultres nobles person-
nages catholiques pour délibérer sur les moiens du repos public.
A quoy j'apporteroy poyr ma part tout le service que je doibtz
au Roy monseigneur et amityé publicque. E sur'ce prieray Dieu,
Messieurs, vous avoyr en sa tressaincte et digne garde. A Nerac
du vie juillet 4581 .
{De la main de la Reine .-)
Vostre bien bonne amie,
Marguerite.
(Areh. mimicip. de Toulouse, BB 181.)
Celte missive n'eut pas grand succès. Aucun des Mémoires
du temps ne parle, à ma connaissance, de la conférence pro-
jetée, et la lettre suivante, que Nicolas de Neufville, seigneur
d(î Villeroy, envoya aux capitouls, avec une lettre particulière
les assurant de son dévouement et de la part qu'il prenait à
leurs épreuves, nous montre qu'ils ne donnèrent aucune suite
à celte tentative de conciliation.
De par le Roy,
Très chers et bien amés. Nous louons grandement vostre bon
zèle et la continuation de vostre dévotion et fldélitée au bien de
nostre service, qui nous est tesmoignée par toutes vos actions et
singuUièrement par le seing et vigilance dont vous usés à con-
1. François de Montpensier, dauphin d'Auvergne.
2. Bertrand de Montespan, baron de la Mothe-Gondrin, chevalier de
l'ordre, écuyer d'écurie, sénéchal de Lannes en 1573, gentilhomme de la
chambre du roi en 1580.
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 87
server nostre ville de Thoulouze en nostre obeyssance et résis-
ter aux turbulents et factieux que ne peuvent vivre en paix et
se ranger à l'observation de nostre esdit de pacification. Comme
freschement nous avons veu par vos lettres du viii» de ce mois
par lesquelles vous nous advertissés des remuemens damiers
qui se renouvellent en vos quartiers et de la responce que vous
avés faite à nostre très cher et très amé frère le Roy de Navarre
sur l'entreprise que l'on prétend avoir esté brassée sur la ville
de Mazères, de laquelle je dési»e que la vérité soit cogneue
comme il a esté faict de celle de Carcassonne à celle fin d'en fera
fere pareille pugnition que de l'aultre, estant impossible que la
paix s'establisse et dure que tels attentats ne soient réparés et
pugnys rigoureusement d'une part et d'aultre sans acception de
personne, et par ce que nous avons deslibéré envoyer bien tost
vers nostre frère personnages de qualité, tant pour ceste occa-
sion que pour achever de fere exécuter ladite paix, par lesquels
nous vous ferons plus amplement entendre nostre intention sur
toutes choses, nous ne vous ferons la présente plus longue que
pour vous admonester de continuer a vous garder très soigneu-
sement et ne permettre qu'il soit cependant rien entreprins qui
altère davantage ladicte paix. Donné à Sainct Maur des Fossés
le xviii* jour de juillet 1 581 .
Henry. De Nbupville.
(Arch. nuinicip. de Toulouse, AA 44 : 49.)
La i-eiue de Navarre ne tint pas rancune aux capitouls du
peu de cas qu'ils avaient fait de sa lettre. Son maître d'hôtel,
Hector de Maniquet, étant arrivé de Paris au mois de décem-
bre suivant *, porteur de lettres de la reine-mère et du roi de
France, qui l'engageaient à retourner à Paris, elle envoya ce
messager à Toulouse pour y annoncer son prochain départ.
Il était aussi chargé de faire connaître aux capitouls « l'afiéc-
tion grande » qu'elle portait à la ville et de leur faire ses
offres de service auprès de son frère.
Le conseil général, par délibération du 8 janvier 1582-,
1. Mémoires de MiaujHerite d/^ Valois, éd. Guessard, p. 181.
2. Arch. iiumicip. do Tuidoiise, Livre des Conseils, BB 14, 1° :^37.
88 ANNALES DU MIDI.
délégua Michel de Loupes, docteur et capitouP, et B. Dela-
font, bourgeois, pour aller la « regrassier plus especialle-
ment, au nom de ceste ville, d'une si gratieuse et favourable
salutation- ». Les délégués la trouvèrent à Nérac et lui trans-
mirent les compliments de la ville p<)ur elle et pour son frère.
Afin de bien marquer le caractère exclusivement personnel
de leur démarche, ils la prièrent de dire à son mari de les
délivrer des voleurs qui couvraient tout le pays. Marguerite
reçut les ambassadeurs toulousains avec la grâce dont elle
était coutumière et leur donna 1,200 livres de pension pour les
pauvres de l'Hôtel-Dieu, « aulx fauxbourgs Saint Ciprien », à
prendre sur le premier bénéfice électif qui vaquerait aux pays
de Quercy ou de Rouergue, où la nomination lui apparte-
nait, ces pays lui ayant été donnés « pour ses droits ^ ». Je ne
puis assurer que cette donation ait jamais eu son effet.
Deux ans après, le samedi 13 octobre 15S4, revenant
d'Encausse et s'arrêtant à Seysses pour dîaer, elle y trouva
MM. d'Abbatia et de Nohault, capitouls, délégués par leurs
collègues pour lui faire la révérence et lui oflrir leurs ser-
vices''. Tout se passa, sans doute, en compliments, car la
reine, le même jour, dîna et soupa à Grenade^. Ainsi se ter-
minèrent les rapports de la ville de Toulouse avec Marguerite
de Valois, reine de Navarre.
A. ViGNAUX.
1. Parent de Montaigne.
2. Arch. municip. de Toulouse, Annales, BB 224, p. 325.
3. Ibid.
4. Ibid., pp. 357, 358.
5. Lauzun, oj). cit., p. 305.
COMPTES RENDUS CRITIQUES
C. Appel. Provenzalische Chrestomathie mil Abriss der
Formenlehre und Glossar ; zweite, verbesserte Aiiflage,
Leipzig, O. R. Reislantl, 1902; in-S" de xli-344 pages.
La Chrestomathie provençale de M. Appel garde sur les recueils
similaires l'avantage d'un plan plus méthodique, le groupement
par genres des morceaux édités donnant au livre un intérêt
littéraire plus marqué, sans lui rien ôter de sa valeur philolo-
gique.
On doit rendre hommage à la conscience et au savoir de l'au-
teur, qui a voulu faire profiter la seconde édition de son ouvragé
des nombreux travaux publiés sur la littérature provençale
depuis '1893. date de la première. Mais, puisqu'il remaniait le
volume, M. A eût peut être bien fait d'en modifier la disposition
matérielle, sur quelques points tout au moins. Pourquoi, par
exemple, quand un vers est trop court, ne pas l'indiquer par
l'impression même, au moyen de points? On aimerait aussi à
être averti par la disposition matérielle des diverses formes
de vers entrant dans un même morceau. (Voy. par ex. n" 115, oii
rien ne nous avertit du mélange constant de vers de 7 et de 8
syllabes.)
Par un souci très légitime de toucher le moins possible à la
graphie des mss., M. A ne marque que les élisions indiquées dans
ceux-ci. Il serait non seulement plus commode, mais même plus
rationnel de supprimer sans exception toutes les voyelles dont
90 ANNALES DU MIDI.
l'élision est sûre. Procéder autrement, c'est presque défigurer le
vers : il est choquant de rencontrer — comme il arrive à tout
instant - un vers renfermant une élision marquée suivi immé-
diatement d'un vers où une élision obligatoire n'est pas indi-
quée par l'impression.
C'est sans doute le même scrupule qui empêche M. A. d'admet-
tre dans ses textes certaines améliorations assurées, dont le
mérite lui revient, et qui se dissimulent trop modestement parmi
les notes, où l'on a de la peine à les trouver. Je souhaiterais
d'autant plus que le livre fût d'un maniement plus facile, que la
valeur scientifique en est plus considérable.
Dans l'impossibilité de faire une étude détaillée de tous les
morceaux contenus dans le recueil, je me borne à quelques ob-
servations rapides sur ceux que j'ai parcourus.
N" 4. — Les vers 36, 49. 53, 67, 86 (surtout), 122, 165, 193, 197,
215, 223, 251, 261 auraient pu être corrigés à l'aide de la 2« édi-
tion de Flamenca de M. P. Meyer, que M. A. cite pourtant en
tête du fragment. — V. 44; il serait préférable d'écrire somo. —
102. Je corrigerais : ab la man nucV(a), à cause du v. 204. — 130;
\. poc au lieu de pot. — 144; 1. si près au lieu de s'i près. — 239;
p. ê. [ja]mais pe?' 7-ennos desconorl.
N» 5. — V. 64; pour rétablir la mesure, il suffit de corr. [A\
doncx. — 79; écrire : si no m' era. — 336; corr. ieu soi [ais^sel.
— 383; corr. E fai [ai\so. — 386; corr. : Q[ue] anc may ; cf. les
vers 2, 9^ 47, 58, 59, 119.
* N'J 26. — Pourquoi M. A. n'a-t-il pas indiqué que la pièce est
une sextine, puisqu'il donne le nom de toutes les autres variétés
lyriques ?
N" 32, V. 64 : sabia ; corr. sabria.
N" 31, V. 1 : ^ leis semble plus appuyé par la classification
des mss.
No 73, V. 41. Voilà un de ces cas où il faudrait absolument
marquer l'élision; écrire : E s'anc. N'est-ce pas la graphie de D?
Pourquoi ne pas la conserver?
N" 103, V. 43 ; lire : mos filhs cars.
N" 104, V. 67 ; il est préférable d'écrire foc essauzilz.
N" 110, V. 18, avec la graphie aiuda U, le vers est trop long;
on pourrait lire can locs venha, ce qui, en supprimant une syllabe,
ferait aussi disparaître la construction rare se venha. — 85; le
vers est trop long de deux syllabes ; M. A., qui ne le signale pas
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 91
en note, admet-il l'élision de qui et de ni? — 94; suppléer, pour
la mesure [pe?-] que s'a)/i07-.
N» 115, V. 156. Vers trop long; lire (avec AF) : qui ben esgarcV
e o enten.
N" 117, V. 23 : los autres, lire : las autras.
En somme, la Chreslomathie de M. A. ne" me paraît guère prê-
ter à la critique que par certains détails purement matériels.
Telle qu'elle est, plus scientifique que celle de Bartsch, plus
complète que celle de M. Crescini, c'est encore le livre, sinon le
plus commode, du moins le plus propre à donner aux étudiants
une idée exacte de l'ancienne littérature provençale^.
P. Andraud.
Ch. Portai,. Histoire de Cordes (Tarn), 1222-1799. Albi,
chez les principaux libraires; Cordes, Bosquet, 1902; iu-8o
de xii-692 pages.
Il n'y a dans le Sud-Ouest rien de comparable à la petite ville
de Cordes. Perchée sur un promontoire qui semble, à qui le voit
de l'ouest, un cône isolé dans la plaine, elle possède le long de
ses ruelles tortueuses nombre de maisons anciennes et belles.
Ces édifices du xiv siècle ou de la fin du xiii« témoignent d'une
singulière prospérité, depuis longtemps évanouie ; derrière leurs
façades de grès, percées de larges baies ogivales, richement
ornées de sculptures, ne s' affairent plus les marchands; les fer-
rures extérieures destinées sans doute autrefois à supporter des
vélums, à la manière italienne, soutiennent maintenant des
cordes ou des perches sur lesquelles les ménagères mettent leur
linge à sécher. Cordes est une ville morte. Elle ne vivra plus
guère que de la vie légère et fugitive des ombres, grâce à l'his-
toire qui ressuscite, dit-on volontiers par une audacieuse" hyper-
bole, — disons plutôt : qui évoque péniblement une image
déformée et décolorée du passé.
L'évocateur, M. Portai, archiviste du département du Tarn, a
fait d'excellente besogne, que l'on ne saurait trop louer 2. Après
1. Le Glossaire a été l'objet de soins minutieux et est jjurticulièrenient
recoinmandable. On pourrait néanmoins relever dans l'Index des noms
propres quelques anomalies : puisque M. A. traduit des mots comme
Byeta>iha, JJure?isa, pourquoi ne tra(hiit-il pas aussi Anlioca, Crefa?
2. Cet ouvrage n'a cependant obtenu que la 8° mention au Concours
92 ANNALES DU MIDI.
avoir classé les archives de Cordes, fort bien conservées, ce qui
dans nos contrées est le cas de beaucoup d'archives municipales^,
il a voulu exploiter lui-même ces matériaux historiques, non
pour les livrer au public en quelque sorte à l'état brut, mais
pour en construire une des monographies les plus complètes, les
mieux agencées et les plus solides que nous connaissions. Rien
n'y manque, ni les illustrations nombreuses et bien choisies, ni
la carte du consulat, si nécessaire et cependant omise presque
toujours dans les travaux do ce genre, ni les pièces justificatives,
qui occupent 85 pages, ni un abondant index. Méthode, mesure,
esprit scientifique, sens historique, voilà les qualités éminentes
de ce livre. Le style, sans être brillant, reste clair, rapide, et ne
fait point à la pauvre langue française les injures que tant
d'auteurs lui prodiguent de nos jours.
« Les annales de Cordes, ses institutions, a écrit M. P., ne
présentent aucune particularité dont on ne retrouverait des
'exemples en d'autres lieux. » C'était une bastide comme beaucoup
d'autres, ancienne à la vérité, car elle fut fondée en 1222 par
Raymond VII, comte de Toulouse : la démonstration que M. P.
fournit sur ce dernier point paraît concluante. Le nom de Cordua
trahit une ville nouvelle : il fut emprunté à l'Espagne, comme
plus tard ceux de Pampelonne. de Valence, de Grenade. Par cette
fondation le malheureux comte voulait sans doute consolider sa
domination dans le nord -est de l'Albigeois et recouvrer des
revenus que la croisade avait dû tarir. Il fit de Cordes la capi-
tale d'une grande baylie, s'étendant de l'O. à l'R., le long de
l'Aveyron, sur plus de 50 kilomètres, et sur 18 du N. au S.
Tel -était le ressort du bayle de Raymond VII; tel fut aussi
celui des consuls de Cordes; baylie et consulat eurent justement
les mêmes limites. Nous voilà bien loin du consulat resserré
entre ies murs d'une ville, le seul que les érudits, il n'y a pas
très longtemps, voulussent connaître et étudier. Et l'on voit par
quelles raisons M. P. a été conduit à adopter les idées que nous
avons nous-même émises sur l'origine des consulats méridio-
des antiquités de France; c'est dire le mérite vraiment extraordinaire
de ceux, au nombre de dix ou douze, qui lui ont été préférés.
\. \J Inventaire sonimaire des archives de Cordes antérieures à 1790
vient justement de paraître en un volume in-4'> de xvi-416 pages (séries
AA-HH). M. P. l'a fait suivre d'une longue table alphabétique des ma-
tières. Restent à inventorier les archives ecclésiastiques.
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 93
naux, non de tous, mais d'un grand nombre et notamment des
plus anciens : il a soutenu et prouvé que les consuls ont dû être
d'abord, sauf à s'émanciper ensuite, les conseillers du bayle.
Leur rôle judiciaire, étudié avec précision, met ce point en évi-
dence (voir pp. 283 et sqq.) : « Les conseillers, les jurés de la
première heure, conclut M. P., sont devenus les vrais juges»,
tandis que le bayle, tout en demeurant le président du tribunal,
n'était plus que « l'agent chargé d'appliquer les peines qu'ils
infligeaient. »
Ce trop vaste consulat n'a pas tardé à se démembrer. Outre
Vhonor particulier de Cordes, formé de W paroisses, il com-
prenait au xiv« siècle des villages « de guet et de garde » ou
« juratifs ^> au nombre de 8, des lieux « non compris », dits aussi
« montagnes » ou « cailanies » au nombre de 10, enfin 13 villages
« du troisième ordre »; mais déjà il avait subi maintes pertes
et, par exemple, abandonné les rives du Tarn, qu'il atteignait
autrefois par le Bout-du-Pont d'Albi. Dans son ressort, à ses
dépens, d'autres bastides furent créées. Les villages visaient à
l'indépendance; ils devinrent l'un après l'autre des consulats
autonomes : ceux du « troisième ordre » avant 1407; à la même
date les lieux « non compris » ne dépendaient plus de Cordes
que pour le versement des deniers royaux ; eux aussi, plusieurs
des « juratifs » s'étaient de bonne heure émancipés, changés en
consulats. Et pourtant, en 1(331, la ville dominante comptait
encore au-dessous d'elle 34 localités, équivalant à 23 des com-
munes actuelles; son consulat restait plus grand que le moderne
canton i.
En Languedoc il y avait de grandes communautés rurales,
assez semblables à celle qui nous occupe, dont chaque localité
principale était représentée au corps consulaire, au conseil, pre-
nait une part au pouvoir municipal. Ici, point; Cordes a gou-
verné seule, à l'exclusion même de son honor immédiat : c'est
ce qui explique en partie l'eflfort des localités sujettes vers l'au-
tonomie. Même les jurats des villages « juratifs » ne furent
jamais que des administrateurs subalternes, subordonnés aux
consuls, créés par eux et réduits à une autorité minime.
Lt\s « forains 2 » avaient-ils du moins des représentants à l'as-
1. Lequel ne contient que 18 communes.
2. i)\x membres du consulat étrangers à la ville principale.
94 ANNALES DU MIDI.
semblée communale? Fournissaient-ils des conseillers aux con-
suls?— Les conseillers, pourvus seulement de voix délibérative,
apparaissent dans les statuts de 1331, lesquels ordonnent qu'il y
en aura vingt-quatre, sans dire s'il en existait déjà et combien,
ni comment ils étaient noVnmés, recrutés' : sans doute par les
consuls et à leur gré, si nous en jugeons par l'exemple de la plu-
part des communautés anciennes, donc parmi les gens de Cor-
des. Les statuts de 1496, très postérieurs, ne sauraient nous
éclairer, d'autant qu'ils appartiennent à un ensemble de statuts
réformateurs, que le Parlement de Toulouse a donnés aux villes
de son ressort sous Charles VIII et Louis XII, afin de diminuer
l'arbitraire des consuls, de favoriser les « forains », le menu
peuple. Que ces statuts aient attribué seulement douze conseil-
lers à Cordes et douze au reste du consulat, que d'autre part on
puisse induire, d'un règlement de 1623, qu'autrefois les conseil-
lers se renouvelaient par cooptation, cela ne suffit pas, comme
M. P. semble le penser, à rendre probable qu'il en ait été ainsi
dès l'origine ou dès le xiv^' siècle (pp. 260-262).
Mais nous n'avons pas la prétention de reprendre et de refaire
l'histoire de Cordes ; la tâche dans le cas présent serait à la fois
difficile et inutile. Bornons-nous donc à énoncer quelques criti-
ques ou regrets.
Aux pp. 312 et sqq. sur les fouages et le compte des feux à
Cordes, on s'étonnera de voir M. P. hésiter entre deux interpré-
tations, pourtant bien distinctes, du mot « feu ». En analysant
une pièce de 1366, il dira qu'un feu représente dix livres de re-
venu, et, quelques lignes plus bas, qu'un feu, c'est un chef de
famille possédant dix livres, c'est-à-dire, semble-t-il, dix livres
de capital. Or, nous avons démontré, par des pièces empruntées
de préférence à l'Albigeois, que c'était un capital, non un re-
venu, de dix livres que l'on regardait alors comme un ïeu^.
P. 31 ii. Le paragraphe concernant les aides manque de netteté
et d'exactitude. Il n'est pas douteux que les aides imposées en
décembre 1360 n'aient été levées sous forme de fouages du l»"" juin
1362 jusqu'à la fin de 1366, tant à Cordes que dans tout le pays
de Languedoc. « Peut-être » ici n'est pas de mise. On ne com-
prend pas, dans le texte de M. P., comment les aides, rétal lies
L Pièces justif., n" 7, art. 14.
a. P. Uognon, Institutions du Languedoc, p. 621.
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 95
SOUS leur forme première par Charles V en 1367, ont pu être
établies encore en 1437 par le vote des Etats de Languedoc tenus
à Béziers. Il conviendrait d'ajouter que dans l'intervalle, en 1418,
elles avaient été abolies.
D'ailleurs, pour quelques inexactitudes, que de renseignements
nouveaux, de discussions bien conduites : ainsi sur le prétendu
massacre de trois inquisiteurs à Cordes en 1233 (p. 21), sur la
pezade (p. 395), etc. ! On lira avec un intérêt soutenu les chapi-
tres sur le clergé, le tiers état, et les trois chapitres d'archéologie
qui terminent ce bel ouvrage. Les chapitres de début, ceux où
l'histoire même de la ville est racontée, n'ont pas autant d'agré-
ment, par la faute des circonstances plutôt que par celle de l'au-
teur. C'est d'abord que dans le passé de Cordes il y a peu de
faits saillants. En outre, les pièces d'archives, les comptes, les
délibérations dont M. P. s'est servi ne permettent guère, à eux
seuls, de raconter un événement de quelque étendue. L'historien
y trouve une foule de détails minutieux, qui peuvent servir à
préciser une date, un fait, bref à compléter un récit plutôt qu'à
le faire, qui embarrassent par leur nombre même et par la diffl-
cuUé de choisir entre eux; ils sont aussi, presque toujours, d'une
extrême sécheresse. Rien d'étonnant que la narration de M. P.
se ressente des documents qu'il a mis en œuvre et par endroits
tourne à la chronique : exceptons tout spécialement le chapi-
tre XI sur la Révolution'. Ceux qui précèdent seront toutefois
des plus utiles à consulter. . Paul Dognon.
Je tiens à signaler parmi les « pièces justificatives » neuf do-
cuments en langue vulgaire échelonnés de 1316 à 147o environ.
C'est une excellente idée que de les avoir imprimés in extenso;
le philologue accueille toujours avec reconnaissance une série
de pièces exactement datées et localisées, et il serait désirable
que Chaque monographie locale nous en fournît autant ou da-
vantage.
M. Portai est évidemment un excellent paléographe, et les
textes paraissent reproduits avec une très grande fidélité; on
eût aimé cependant à les voir accompagnés de quelques com-
mentaires, de l'explication de quelques mots rares et d'un renvoi
1. Voir en particulier co qui concerne la vente des biens nationaux. Cf.
Pièces justif'., n" 27, une liste des biens vendus.
96 ANNALES DU MIDI.
à l'endroit, du livre où ils ont été signalés ou analysés. L'éditeur
en eût facilité la lecture en y multipliant un peu plus les signes
de ponctuation et en coupant plus logiquement les mots, en écri-
vant par exemple qu'el, et non quel (p. 582. ^ 3, 1. 2), sera visl et
non ser avist (p. JJ91, | 14, I. 10), ques te et non queste (p. 600,
passim), com es 'stat (c'est-à-dire com es estai) et non comestal
(p. 598, § 1, 1. 2; cf. estai pour es 'slat, p. 607, 1. 6 et passim).
Il aurait été bon. enfin, d'introduire dans ces textes parfois
fautifs certaines corrections, dont je n'indiquerai que quelques-
unes :
p. 593, § 6, 1. ^, pasawia] cor r. pasaria. — Ib., § 7, 1 2, san-
buda] saubuda. — P. 591, § 14, 1. 3, no ne donne pas de sens; il
faut lire probablement [de\vo. — P. 592, 1. 17, ansit'] aush-. —
P. 595, % 2, selhira] salhira. — Ib., § 9, crescat] crestal (= animal
châtré, mouton). — P. 598, 1. 2, romaniatge] romaviatge. —
P. 602, 1. 1. baila\da\ — P. 605, | 11, 1. 4, ceces\ cossols (?) —
P. 607, 1. 3, outa] onta. — iô., 1. 4, la vendedo] lo v.
A. JEANROy.
H. MoRis. — Le Sénat de Nice avant 1792. Nice, Mal-
vaao, 1902 ; in 8» de 137 pages. (Extr. du t. XVIII, 1903, des
Annales de la Soc. des Lettres, etc., des Alpes- Maritimes.)
M. Moris, archiviste départemental, a tiré des papiers du Sénat
de Nice une foule de renseignements historiques qui font con-
naître pour la première fois quelles étaient les attributions judi-
ciaires et politiques du corps créé en 1614 par le duc Charles-
Emmanuel I''. Après avoir indiqué ce que la justice était dans
le comté de Nice au début du xvip siècle îles appels en dernier
ressort allaient à Turin ou à Chambéry), M. Moris fait voir pour
quelles raisons Charles-Emmanuel établit une cour souveraine à
Nice. Il expose ce que fut d'abord son ressort et quelles modifi-
cations on y apporta, notamment à la suite des traités d'U-
trecht, de Paris (1718) et de Turin (1760). La juridiction du Sénat,
ses attributions administratives, politiques et judiciaires sont
analysées avec le plus grand soin. Voici les officiers du Sénat,
et nous apprenons comment ils furent choisis, de quoi se com-
posèrent leurs privilèges, quelle fut la composition du corps de
1614 à 1792, quelles fonctions chacun exerçait. D'autre part, voici
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 97
le barreau, les collèges des docteurs et des procureurs. Nous
sommes en outre mis au courant du règlement intérieur du Sénat,
de son cérémonial, du système pénal qu'il appliquait. Il est
curieux de voir quels châtiments encouraient le crime de lèse-
majesté, la fausse monnaie, les libelles diffamatoires, le port
d'armes prohibées, le duel, le faux en écritures, le vol, le faux
serment, le métier de bandit ; comment se donnait la torture ; de
quelle façon les exécutions capitales avaient lieu. M. Moris a
appelé l'attention sur quelques sentences qui présentent un
intérêt particulier : pour coups, blessures, menaces, vols, débau-
che, adultère, désertion. Nous le suivons dans le local du Sénat,
puis dans certains tribunaux spéciaux, le Conseil d'Etat de
Nice, le magistrat de santé ou promédicat, le consulat de la
mer, le tribunal épiscopal, les bureaux du « Conservateur des
juifs ». L'auteur nous indique aussi comment les collections
de ce Sénat, conservées jusqu'en 1895 par l'autorité judiciaire,
vinrent alors enrichir le dépôt départemental : c'est, dit-il,
« un des fonds les plus importants de l'ancienne adminis-
tration sarde, et il forme 307 articles d'inventaires ». Ces
mêmes archives ont donné des renseignements historiques, poli-
tiques, économiques et sociaux d'une grande valeur : citons
notamment ce qui concerne les industries niçoises au xviiie siè-
cle, le théâtre de Nice, la frontière du Var, la situation des juifs
et leur ghetto, le procès du célèbre Annibal Grimaldi de Beuil
(1617-20) et de son fils André, les ports francs de Nice, Villefran-
che et Saint- Hospice, les droits de bandites ou pâturages
d'hiver, les consuls des puissances étrangères qui résidaient à
Nice (en 1764 un de Raguse), les inféodations. Le volume de
M. Moris, un des plus importants ouvrages sur l'histoire de
l'ancien comté de Nice, se termine (p. 97 à 133) par huit pièces
justificatives, rédigées en italien. — P. 121, l. 28, lire mille sei-
cento trenta noyé. P. 60, 1. 24 à 26, « du diocèse de Vence dépen-
daient les circonscriptions des cantons actuels de Gagnes, Vence
et Coursegoules », dit M. Moris. En réalité, ce diocèse compre-
nait quatre des huit communes de ce canton (Coursegoules,
Besaudun, Gréolières, Bouyon, qui au temporel appartint à la
Savoie jusqu'en 1760); en outre une petite partie du canton du
Bar (deux de ses dix communes, Courmes, Tourettes), une très
petite de celui de Saint-Auban (deux de ses treize communes,
Andon, Caille). G. Doublet.
A.NNALES DU MIDI. — XVI. 7
98 ANNALES DU MIDI.
A. Marignan. Histoire de la sculpture en Languedoc du
XIP et du XIII" siècles. Paris, Boiiillou, 1902; in-S» de
144 pages.
M. Marignan présente son livre comme le début d'une étude
d'ensemble sur les monuments français du xn« et du xiip siècles.
Il est convaincu que beaucoup d'édifices religieux ont été vieillis
à l'excès par les historiens de l'art. C'est ainsi que la date de
Saint-Trophime et du cloître d'Arles doit être ramenée au der-
nier tiers du xii' siècle. Une fois l'entente établie sur plusieurs
œuvres de premier ordre, on en pourra déduire certains prin-
cipes généraux qui s'appliqueront k toutes les autres. Reste
maintenant à savoir si l'on pourra toujours s'entendre avec
M. M.
De cette restitution exacte aux différents siècles des travaux
exécutés par eux, doit ressortir la « grandeur et l'originalité du
xii« siècle français. » M. M. veut prouver d'abord que cet art
français n'est pas un art finissant, dégénérescence de l'art byzan-
tin, comme on l'a trop longtemps cru, mais qu'il est au contraire
« un point de départ»; ensuite qu'il est « le maître écouté et
suivi de tout l'Occident au xii« siècle. » Nos sculpteurs d'alors
auraient été les grands ancêtres des artistes pisans. Ce sont eux
aussi qui vont répandre le goût de la statuaire en Espagne, en
Allemagne et dans les Pays-Bas.
Pour le moment, M. M. ne nous livre que ses études sur
l'école du Languedoc. La sculpture du Midi de la France au
XII» siècle n'est pas le prolongement de l'école gallo-romaine,
dont les traditions auraient survécu pendant la première partie du
moyen âge. L'auteur croit pouvoir affirmer : 1° que durant cette
première période la statuaire ne fut pas employée et qu'il n'y
eut même pas à proprement parler d'art roman; 2» que la sta-
tuaire, « création relativement récente, est née vers la fin du
xi" siècle » ; 3" que « ce sont les conceptions religieuses des
clercs qui proscrivirent pendant de longs siècles la statuaire ».
Il attache une importance capitale à certain texte d'un écolâtre
de Chartres qui, au xi^ siècle, s'indignait de voir à Conques des
statues en argent et en or de saints personnages et déclarait
que cette coutume toute païenne eût été considérée dans les
contrées plus septentrionales comme un sacrilège. Comment
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 99
donc expliquer la renaissance de la statuaire? C'est sur les bords
de la Garonne que nous trouvons les plus anciennes sculptures
léguées par le moyen âge : les statues debout du cloître de Moissac
et les bas-reliefs du déambulatoire de Saint-Sernin de Toulouse.
Pourquoi n'est-ce pas en Provence, où l'emploi constant de la
pierre pouvait entretenir la persistance des traditions gallo-ro-
maines? C'est que le développement de cette statuaire médiévale
ne doit rien à la plastique antique, pas plus qu'a l'art de l'orfè-
vrerie, quoi qu'on en ait dit. M. M. ne veut y reconnaître que l'in-
fluence prépondérante de la peinture, celles de la littérature
ecclésiasiique et de la culture supérieure du Midi. Retenons tou-
tefois ce double aveu. Si M. M. se refuse d'abord à percevoir
aucun lien entre la sculpture française du xii« siècle et l'art
byzantin, il déclare cependant que les plus vieux monuments de
cette sculpture, à Moissac et à Toulouse, « prouvent une inspi-
ration des artistes byzantins ». D'autre part si c'est dans le Midi
qu'il découvre les premières sculptures du moyen âge, il affirme
que cet art méridional n'a pu vivre qu'en subissant l'influence
dominatrice du Nord.
Voici les monuments que M. M. étudie en détail, avec les da-
tes qu'il propose. Abbaye de Moissac, Pour le premier étage
de la tour et les trois grandes baies qui divisent ses murs, il
accepte la date approximative de M 30-11 35; pour la voûte et les
piliers du narthex, celle de M30-M40; pour le tympan du por-
tail, celle de 1140-1145; l'église actuelle serait au plus tôt de
1160-1180. Du cloître bâti par l'abbé Ansquitil (1083-1115), res-
tent les statues des apôtres et de l'évêque Durand. Les chapi-
teaux du cloître actuel ne peuvent être que de la fin du xiF siè-
cle; ils sont postérieurs à l'incendie de 1188. — Abbaye de Saint-
Sernin de Toulouse. Les reliefs du déambulatoire sont attribués,
non sans vraisemblance, au cloître, « qui a dû être bâti dans le
premier tiers du xii» siècle. » Les chapiteaux de la porte Miége-
ville, ceux de la façade, le bas-relief des signes du Zodiaque (au
Musée) sont du dernier tiers du xii' siècle. — Eglise de la Dau-
rade, à Toulouse. Les chapiteaux accusent le dernier tiers du
xn« siècle. Un certain nombre d'entre eux (trahison de Judas,
Christ aux Oliviers, lavement des pieds, cène, flagellation, cal
vaire, descente de croix, Jésus aux limbes, saintes femmes au
tombeau, Noli me tangere^ pèlerins d'Emmaùs, ascension, des-
cente du Saint-Esprit, les quatre fleuves du paradis) trahissent
100 ANNALES DU MIDI.
une influence septentrionale. « La porte de la salle capitulaire
de la Daurade montre combien fut prompte et rapide l'absorp-
tion de l'art du Midi-Ouest par les écoles du Nord. » — Eglise
cathédrale de Saint-Etienne, à Toulouse. « Les deux statues de
la porte capitulaire (cette porte est à placer entre H75 et 4190)
et les chapiteaux du cloître inaugurent à Toulouse un faire spé-
cial, une esthétique nouvelle; elles sont la marque de la fin de
l'Ecole toulousaine. Le Nord a conquis désormais le Midi-Ouest. »
— Eglise de Beaulieu. Le porche sculpté (jugement dernier) est
de la fin du xii» siècle; l'abside et le transept sont antérieurs.
— Eglise de Carennac. Portail sculpté, avec Jésus en gloire, les
évangélistes et les apôtres. — Eglise de Souillac. Trumeau et
bas- reliefs (saint Pierre et Isaïe) d'un portail antérieur à la re-
construction du XIII» siècle. — Abbaye de Conques. Porche du
jugement dernier et chapiteaux du cloître (fin du xii» siècle). —
Hôtel de ville de Saint-Antonin. Reliefs d'Adam et Eve et de
l'Archange, au premier étage. — Cahors. Portail de 1200 1210,
nouvelle preuve de l'influence des artistes de l'Ile-de-France, -r-
Saint-Bertrand de Comminges. « Je crois que les artistes qui ont
travaillé à la décoration du porche appartiennent à l'atelier de
Toulouse des dernières années du xii*^ siècle. »
H. Graillot.
REVUE DES PÉRIODIQUES
PÉRIODIQUES FRANÇAIS MÉRIDIONAUX.
Alpes (Hautes-).
Annales des Alpes, t. VI, 1902.
p. 5-14. F.-N. NicoLLET. Le Gapençais revendiqué par la Provence. [Au
xn= s., Gap dépendait du comté de Forcalquier, donc de la Provence.
Ensuite, il y eut à ce sujet discussion entre les dauphins et les comtes,
plus tard entre les parlements de Grenoble et d'Aix, etc. Ces démêlés
sont contés avec précision dans un Mémoire tiré de la Bibl. Méjanes,
intitulé « Dauphiné, Gap et Tallard », que M. N. publie, ainsi qu'un
hommage du Gapençais fait en 1257 par le dauphin Guignes au comte
Charles de Provence.] — P. 14-35. P. G[uillaumeJ. La Eévolution de
1790-1795 à Guillestre, d'après les délibérations communales. (Fin,
p. 72-83.) [Analyse de ces délibérations, qui permettent de suivre « les
progrès des idées de la Révolution dans une commune reculée et paisi-
ble ».] — P. 35-40. Id. Petite chronique gapençaise, d'après les « Jour-
naliers » de la ville. xvii« et xviii» siècles. (Suite, et p. 161-7.) — P. 49-
59. Id. Correspondance de M^^ Dessolle, évoque de Digne, avec le baron
de Ladoucette, préfet des Hautes-Alpes. (Suite, p. 130-40, 187-97. 234-43,
286-96.) [De 1802 à 1805. Sur la mise à exécution du Concordat; cu-
rieuse pour l'histoire politique et religieuse.] — P. 59-66. In. Le parler
de Savines en 1391. [Deux extraits de reconnaissancee faites à un cosei-
gneur du mandement par les habitants. Ces sortes de monuments sont
très rares, donc remarquables. P. 63 : les « vi cazes reals « = les six
cas royaux (régales), et non réels (reaies).] — P. 97-111. G. Olphe-Gal-
ijARD. Notes pour servir à l'histoire de la famille gapençaise Olphe-
102 ANNALES DU MIDI.
Gaillard. (Suite, p. 172-iS6, 225-33.) [Cette famille, qui a joui d'une grande
et traditionnelle notoriété dans le pays, apparaît en 1479 ; elle a fourni
force procureurs, notaires, consuls.] — P. 112-30. F.-N. Nicollet. Les
derniers membres de la famille d'Orange -Montpellier et leurs posses-
sions dans le Gapençais. (Suite, p. 217-25, 269-8t).) [Sur cet intéressant
article, voir plus bas, aux « Livres annoncés sonnnaircment », p. 152.]
— P. 168-71. M. de Berluc-Pérussis et les « Berlue au diocèse de Gap ».
[Tableau généalogique desdits Berlue, dressé par le regretté savant pro-
vençal.] — P. 244-9. P. Guillaume. Les anciens habitants de Chaudun,
leurs obligations, leurs privilèges, etc., 1593-1713. [Communauté dont
on peut fixer exactement l'origine (1593) et la disparition (1895). Elle
avait pour seigneur le chapitre de Gap. Analyse des titres.] — P. 296-9.
Les débats relatifs à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen,
d'après une lettre contemporaine du député J.-L. Cheynet à Marchon,
maire de Gap (25 août 1789). P. D.
Ariège.
Bulletin périodique de la Société Ariégeoise des Sciences^
Lettres et Arts (Foix), et de la Société des Études du Couse-
rans (Saint-Girons), t. IX, 1902-1903.
P. 7-16. Abbé Castet. Proverbes patois du Couserans avec préface de
l'abbé Cau-Durban. [Série faisant suite à ceux parus dans le tome II
du même recueil ; intéressant spécimen du dialecte gascon parlé dans
les montagnes de Saint-Girons, ancien Couserans. Dans cette série,
quelques proverbes sont peu intelligibles et auraient dû être, comme
ceux du tome II, accompagnés de notes.] — P. 16-24. F. Pasquier.
Eèglement pastoral à la fin du xv« siècle dans la vallée du Couserans.
[Étude d'après une charte inédite, publiée avec un texte roman, des
notes et une préface. Intéressants détails de la réglementation pasto-
rale.] — P. 31-2. Flous (M""). Remedis det temps bielh en pays de Couse-
rans. [Dialecte gascon du Saint-Gironnais.] — P. 32-3. D. C. Réparations
de la tour de Foix, à la Bastide-de-Sérou (Ariège), en 1647. — P. 34-9.
M. Fauché. Excursion de la Société Ariégeoise et de la Société des
Études du Couserans. [Descriptions archéologiques; vers en dialecte de
la Bastide-de-Sérou, mi-languedocien, mi-gascon.] — P. 49-73. F. Pas-
quier. Substitution de mari à Artigat en 1560 ou histoire de Martin
Guerre, d'après les témoignages contemporains. [Quoique invraisem-
blable, l'histoire de cet homme qui, profitant d'une ressemblance phy-
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 103
sique, se fait passer pour le mari, est parfaitement authentique; elle
est prouvée par un arrêt de mort du Parlement de Toulouse en date du
12 septembre 1560 et par le témoignage de plus notables contemporains :
de Thou, Henri Estienne, Lafaille, Montaigne. Les textes juridiques et
littéraires sont cités à la suite de l'étude.] — P. 74-83, 121-32, 165-74. De
Bardies. Les guerres de religion en Couserans d'après les archives de
Muret (l", 2" et 3« parties). [C'est une suite et un complément de
l'étude de l'abbé Lestr.\de sur les Huguenots en Co'mniinges. Impor-
tante contribution à l'histoire d'une région dont les auteurs s'étaient
peu occupés jusqu'à présent.] — P. 83-7. De Bardies. Conférence faite
à l'hôtel de ville de Saint-Girons par ]\I. Signorel sur P. Soulé, origi-
naire de Castillon (Ariège) et devenu homme politique aux États-Unis.
— P. 89-106. L. M. Un coin des Pyrénées : Bélesta (Ariège) et ses envi-
rons. (Gravures.) [Description, détails d'histoire locale, traditions, etc.]
— P. 113-20, 175-202. G. Doublet. Histoire de la maison de Foix-Rabat.
(8' et 9« parties, xviii^ siècle. ) [Cette étude est accompagnée d'un avant-
propos contenant des détails complémentaires sur les chapitres précé-
dents.] — P. 133-40. Abbé J.-M. Vidal. Moines alchimistes à l'abbaye
de Boulbonne (1339). A la suite, deux bulles de Benoît XII (1339-1340)
pour prescrire une enquête contre des moines accusés d'alchimie et
pour faire condamner les coupables. [Renseignements intéressants sur
des pratiques de sorcellerie.] — P. 141-55. Abbé F.-J. Samiac. Les sco-
lains dans l'ancien diocèse de Couserans. [Étude très documentée sur une
institution peu connue : les scolains étaient généralement des clercs,
des sacristains, des aides destinés à aider le clergé paroissial; ce
n'était que par exception qu'ils étaient chargés des écoles.] — P. 155-6.
F. Pasquier. Quittance de cent écus d'or faite par Raymond-Roger de
Comminges, vicomte de Couserans, à Gaston de Lévis, seigneur de
Léran, qui avait reçu cette somme à titre d'aide. Saint-Girons, 11 août
1425; texte en roman.] — P. 203-5. Chanoine Barbier. La cueillette de
l'or à Pamiers au xvii« siècle. .► F. P.
Aude.
Bulletin de la Société d'études scientifiques de l'Aude^,
t. XIII, 1902.
p. 35-219. H. MuLLOT. Excursion du 7 juillet 1901 à Castelnaudary, Vil-
leneuve-la-Comptal, Montauriol, Payra, Salles-sur-l'Hers, chàteail de
1. Ce Bulletin, qu'il ne faut pas confondre avec les Mémoires de la
104 ANNALES DU MIDI.
Marquein , Saint-Michel-de-Lanès , Molleville , Mas-Saintes-Puelles.
[Renseignements sur ces localités, de valeur très variable, souvent ori-
ginaux et fondés sur des documents d'archives. Seule, l'étude de Mar-
quein est approfondie, château et communauté, paroisse, famille sei-
gneuriale, généalogies, statistique. Point de documents.]
P. D.
Cantal.
Revue de la Haute- Auvergne, 1902 (suite).
p. 233-66, 405-18. Ch. Felgères. Rivalité des Bourbons et des Armagnacs
à Chaudesaigues (1461-1470). [Bonne étude dont nous avons rendu compte
{Annales, i. XV, p. 576).] — P. 267-318. M. Boudet et R. Grand. Étude
historique sur les épidémies de peste en Haute-Auvergne (xiv«-xviii« siè-
cles). [Fin de cet excellent travail. Les épidémies de 1579 à 1779, avec
plusieurs appendices : une note sur la fausse charte de Laurie, sur la
peste de 1318; des pièces sur la conduite d'Aurillac à l'égard de Figeac
en 1653 ; l'origine du nom de Ci'oumaly, sans doute forme dérivée de
Cromalhet ou Croix-Malhet.] — P. 319-25. A. Vernière. Pierre d'Albo,
coadjuteur (1518-1530) de Thomas et de Guillaume Du Prat, évêques de
Glermont. [Réunion dos renseignements qu'on a sur ce personnage.] —
P. 428-32. Aymar. Notes de folklore cantalien, recettes de médecine
populaire. — P. 441-2. Liste des documents acquis par les archives du
Cantal.
Tome V, 1903.
p. 59-80. A. Bastid. Notes et documents inédits sur l'histoire de Saint-
Gernin et ses environs. [Documents intéressants sur les revenus immo-
biliers des nobles et privilégiés de Saint-Cernin en 1789.] — P. 183-202,
249-68. (A suivre). Ch. Felgères. Chaudesaigues et le Caldaguès avant
la féodalité. [Les sires de Saint-Urcise (1025-1290), premiers seigneurs de
Chaudesaigues ; les Réveilhac, seigneurs du Couffour (1165-1322) ; les sei-
gneurs d'Oradour, de Brezons. Très bonne étude sur cette période si
obscure.] — P. 203-6. R. Grand. Lettre de rémission en faveur de Ber-
nai'din Lavergne, de Murât, accusé d'avoir commis un meurtre à
Allanche (août 1542). [Texte inédit.] — P. 215. Découverte de vestiges
gallo-romains à Saint-Flour. — P. 217-48. E. Cheylud. L'École centrale
Société des arts et des sciences de Carcassonne, ne contient ordinaire-
ment que des articles de science pure, de géologie, de botanique, etc. Nous
n'avions pas eu jusqu'ici l'occasion de le dépouiller.
PÉRIODIQUES MERIDIONAUX. 105
du département du Cantal (anV-anXT). Notes et documents. (A suivre.)
— P. 869-89. M. BouDET. Laurent de Belloy, membre de l'Académie fran-
çaise, poète dramatique (1727-177.")) et son biographe M. Pierre Valen-
tin. [Étude sur l'auteur du Siège de Calais, de Gaston et Bayard, etc.]
— P. 290-5. De Dienne. La reine Marguerite à Cariât. [Surtout d'après
l'Itinéraire raisonné de Marguerite de Valois... de M. Lauzun.] —
P. 302-3. Le fonds Lacabane aux archives du Lot. [Liste des pièces
qui ont rapport au Cantal.] — P. 305-6. Analyse de plusieurs pièces de
la feuille 34 àeVInvetitaire des Archives départementales du Cantal
(série E) [En particulier d'an contrat de mariage en dialecte du Kouer-
gue de 1523.] — P. 306-7. Liste des documents entrés récemment aux
archives du Cantal. Ch. L.
Charente-Inférieure.
I. A?xhives MstotHques de la Saint onge et de VAunis.,
t. XXXI, 1902.
P. 1-202. J. Chavanon. Renauld VI, de Pons, vicomte de Turenne et de
Cariât, seigneur de Ribérac, etc., lieutenant du roi en Poitou, Saintonge
et Angoumois, conservateur des trêves de Guyenne (vers 1348-1427).
[Ceci n'est pas seulement une publication de textes, mais aussi un
mémoire remarquable sur un personnage peu connu, quoique très digne
de l'être. Renauld VI entre dans la vie active sous la suzeraineté
anglaise. Il combat en Espagne aux côtés du prince Noir (1367), puis
en Roucrgue avec Ghandos, contre son propre beau-père, le comte de
Périgord, et autres seigneurs révoltés qui, de leur côté, faisaient appel
à Charles V. Après maintes variations, en avril 1371, il abandonne le
parti anglais malgré sa femme, qui livra ses châteaux aux Anglais et
l'obligea à les reprendre de vive force. Ce grand seigneur, vaillant capi-
taine et bon administrateur, devient en 1384 l'un des conservateurs des
trêves dites de Guyenne; il rend en cette qualité de très grands servi-
ces qui firent de lui, au commencement du xv" siècle, le premier baron
de Saintonge et l'un des principaux du royaume. M. Ch. a parfaitement
précisé le détail de ses opérations et négociations; il a étudié les trêves
de Guyenne, lesquelles intéressaient tout le pays de Saint-JMalo à
Bayonne, et le rôle des conservateurs; il a esquissé la fortum' territo-
riale du sire de Pons en Aunis, Saintonge, Poitou, Périgonl, Limousin,
Auvergne : domaines si étendus que, réunis, ils auraient formé une
véritable province. 85 pièces justificatives.] — P. 203-15. A. de Bremond
106 ANNALES DU MIDI.
d'Ars. Quatre lettres inédites de Jacques, sire de Pons, vicomte de
Turenne et de Kibérac (1446-1447). [Fils du précédent, qui ne s'appelait
pas « René V «, comme on l'a vu et comme ne l'a point vu M. de
B. d'A. ; il était tombé en disgrâce auprès du roi et s'excuse très hum-
blement.] — P. 21(5-23. A. Steyert. Un document sur le prieuré de
Bouteville (1516). [Prieuré du diocèse de Saintes, dépendant de l'abbaye
de Savigny en Lyonnais. Enquête sur le prieur, J. Girault, qui a été
révoqué et qui allègue qu'il est calomnié par ses ennemis ligués contre
lui. Dépositions en sa faveur; mais elles jettent le jour le plus fâcheux
sur les mœurs ecclésiastiques. La pièce n'est qu'analysée.] — P. 224-
350. L. AuDiAT et Lemonnier. Eglise de Saintes depuis 1789 jusqu'à la
lin de 1796. [Mémoire rédigé par Taillet, vicaire général de l'évêque
P.-L. de la Rochefoucauld, qui périt aux Carmes de la rue de Vaugi-
rard, le 2 sept. 1792. Taillet émigra en Espagne ce même jour et ne
rentra en France que six ou sept ans plus tard, circonstance qui enlève
quelque valeur à son mémoire; on devine dans quel esprit il l'a rédigé.
A la suite, listes des prêtres, très nombreux, qui ont voulu « entrer
dans le sentier de la philosophie »; liste, bien moins longue, de ceux
qui ont émigré.] — P. 351-63. Abbé Guionneau. La commanderie de
Saint-Authon-du-Bois. [Près Pons. Dénombrement de 1463.]
T. XXXII, 1902.
p. 1-436. Registres de l'échevinage de Saint-Jean-d'Angély (1332-1496)
p. p. Denys d'Aussy (t. III, suite). [Ce volume, qui n'épuise pas les
documents, s'étend de mars 1412 à février 1427 environ. Les deux pre-
miers (t. XXIV et XXVI de la collection) avaient paru en 1895 et 1897.
On sait combien grande est la valeur de textes semblables. D'une part,
ils nous renseignent avec une précision chronologique parfaite sur tous
les grands événements qui ont touché plus ou moins la ville ; de l'au-
tre, ils nous font assister, au jour le jour, à sa vie intime : très curieux,
entre autres, sont les jugements rendus par les échevins. Saint-Jean-
d'Angély ne semble pas avoir trop souffert, malgré les charges qui en
i-ésultaient pour elle, des circonstances terribles où se trouvait alors le
royaume. Il faut espérer que l'éditeur mettra un copieux index à la fin
de son excellente publication.] P. D.
II. Revue de Saintonge et d'Aunis, t. XXII, 1902.
p. 37-42. Dom Besse. Un bénédictin saintongeais. Dom Mommole Geof-
froy. [Né à Saintes en 1615; f 1686.] — P. 100. P. d'Estrêe. Lettre de
Barentin, intendant, au lieutenant de police Hérault sur son arrivée à
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 107
La Rochelle. [2 avr. 1737; très humoristique.] — P. 104-7. Un épisode
de la prise de Saintes par les protestants. Lettres de Chai'les IX,
11 avr. 1570, p. p. Bourde de la Rogerie. — P. 107-9. V. Dubarat et
L. AuDUT. Le jansénisme à l'abbaj'e de Notre-Dame de Saintes. [Cf.
aussi plus loin, p. 167.] — P. 176-81. L. Audiat. Un beilroi en Saintonge.
[A Saintes, hôtel de ville; xvi" siècle. Planche.] — P. 24:^-6. E. Rêveil-
laud. Quelques mots de patois saintongeais. [Avec notes de M. A. Tho-
mas, notre directeur honoraire.] — P. 248-53. L. A. Les fêtes publiques
pendant la Révolution. [A Rochefort : l'une pour honorer la mémoire
du général Joubert, l'autre, les ministres français assassinés à Rastadt.j
— P. 304-5. Une prise de possession par un curé intrus. [17 avr. 1791;
INIignen-Planier, curé de Saint-Léger en Pons.] — P. 349-50. Les archi-
ves avant 1789. [Dans les subdélégations de Cognac et d'Angoulême, en
1769.] — P. 350-4. Denys d'Aussy. Registres protestants de Tonnay-
Boutonne. [Naissances du 14 nov. 1683 au 22 janv. 16S4; ensuite les
décès seuls sont mentionnés, sans doute à cause de la persécution reli-
gieuse qui commence. Le rédacteur est le pasteur Jacques Sanxay, qui
s'expatria au commencement de 1585. Texte.] — P. 354-6. L. Grasilier.
Le brave Rondeau. [Général de la République, né à La Rochelle, féli-
cité par le Directoire pour sa belle conduite en Italie, mort d'une bles-
sure, le 15 juillet 1796.] — P. 356-7. Les émigrés saintongeais à Munster
(1792). — P. 357-8. Le brigandage dans la Charente-Inférieure en l'an IV
(22 déc. 1795). — P. 358-60. Les martyrs des Carmes. [Acte de naissance
à Saint-Christophe, près La Rochelle, de P. -M. Guérin, l'une des vic-
times du massacre de sept. 1792.] — P. 360-7. Royan, Brouage et La
Rochelle en 1638. [Récit du voyageur Godefroy; texte.] — P. 370-4.
Deux cloches aux noms historiques. [L'une à Saint-Cliristophe, de 1728,
donnée par Pierre Chertemps, seigneur de Seuil , chevalier, l'autre à
Bignay, près Saint-Jean-d'Angély, de 1664, due à la mère du seigneur,
G. Lecoigneux, marquis de Bellarbre.] — P. 380-6. A. Lételié. Une
Saintongeoise, Xandre Dizier, seconde femme de L. Gargoulleau, maire
de La Rochelle. [Vers 1590. C'était son second mari; elle en eut trois.]
T. XXIII, 1903.
p. 28. Les Seignette de La Rochelle. — P. 30-3. H. Cloti/ot. Le théâtre
révolutionnaire à Saintes. [Avec un texte.] — P. 33-5. D' Vigen. Un
curé guérisseur. [Larréa, d'origine espagnole, 1816-29.] — P. 35-.53.
L. Audiat. Un poète oublié. Jacques Delille (1738-1813), abbé de Saint-
Séverin. [Partie d'un travail paru sous le même titre dans la Revue du
monde catholique, l" oct.-]5 nov. 1902. Delille était né à Clermont-
108 ANNALES DU MIDI.
Ferrand et fut abbé en Saintongc] — P. 53-62. J. Pellisson. Le bri-
gandage dans la Charente en l'an V et dans la Charente-Inférieure en
l'an VIII. [Proclamations et arrêtés fort intéressants.] — P. 81-160.
Louis Audiat. [Biographie du regretté fondateur de la Revue et des
Archives historiques de Saintonge. Profitons-en pour rectifier une
erreur de la notice nécrologique que nous lui avons consacrée :
M. Audiat n'était pas Saintongeais d'origine, étant né à Moulins en
1832; mais en 1858 il vint à Saintes et n'en bougea plus.] — P. 191-3.
J. Pellisson. L'almanach des députés à l'Assemblée nationale. [Plai-
santeries contemporaines sur ceux du bailliage d'Angoulême, des séné-
chaussées de La Rochelle et de Saintonge.] — P. 193-5. La Morinerie.
Pierre Fontaine. Armoiries de la famille Fontaine. [^Ministre qui abjura
en 1685.] — P. 195-213. P. d'Estrée. La fin d'un fermier général.
[Pelletier de Montendre. Après avoir commis force sottises, s'être fait
mettre à la Bastille et à Charenton, il mourut à Montendre en 1776.] —
P. 252-61. P. Lemonnier. L'enseignement primaire à Rochefort-sur-Mer
(1789-1803). [Intéressant. D'après les archives de Rochefort.] — P. 261-5.
H. Clouzot. Les exécutions criminelles à Rochefort en 1782. [Tarif des
exécutions, etc.] — P. 269-72. Registres paroissiaux de Saint-Coutant-
le-Petit. [De 1737 à 1818, avec notes diverses.] — P. 272-83. Cli. Dangi-
BEAUD. L'inscription du terrier de Toulon. [Toulon près Saujon. Ruine
bien connue, étudiée à nouveau, à cause de la découverte récente d'une
inscription pleine de mystères. Cf. Jullian, Rev. des et. anc, 1903.] —
P. 345-51. Extrait des minutes de Chevalier, notaire à Corme-Royal.
[Première moitié du xvii« siècle. Prieuré de Fourne; les soudards de la
Fronde; les Régnier de la Planche; les Lebreton de Ransannes.] —
P. 351-4. E. Réveillaud. Quelques mots de patois saintongeais. (Suite
et à suivre.) [Acries-Aneut; avec notes de A. Thomas.] — P. 375-83.
Lemonnier. Caliiers des doléances et remontrances des corporations de
la ville de Rochefort-sur-Mer et des paroisses du bailliage eu 1789.
[Tableau des corporations; analyse des doléances.] — P. 383-402.
Ch. Dangibeaud. La mosaïque de Lescar est-elle romaine? [L'auteur se
propose de résoudre, à l'aide d'arguments saintongeais, un problème du
Béarn; cette mosaïque, découverte en 1838, est-elle romaine ou romane?
Conclusion, après interprétation de la mosaïque : elle est du xii^ siècle.]
— P. 402-6. A. Mesnard. Le serment fédératif des troupes nationales
du district de Saint-Jean-d'Angély en 1790. — P. 406-10. Etat des titres
qui concernent la propriété des eaux de la seigneurie des Tabarits.
[1504-1744.] — P. 410-20. Papiers de la famille Baudoin de Laudeberde-
rie. [De Taillebourg; xvH' et xviii' s. Famille protestante, partiellement
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 109
convertie de force en 1685. En 1742, 1754, des enfants lui sont enlevés par
lettres de cacliet.] P. D.
Drôme.
I. Bulletin cf histoire ecclésiastique et iV archéologie reli-
gieuse des diocèses de Valence, Gap, Grenoble^ Viviers,
t. XXI, 1901-1903*.
P. 5-6. F. Vernet. Bulle de Clément VI sur la fête des fous à Vienne
(1344). [Lo pape, après plainte de l'archevêque de Vienne, charge celui de
Lyon de faire une enquête sur les scandales provoqués annuelleinent par
l'élection d'un abbé des fous, et l'autorise à excommunier les clercs et les
prêtres qui se laissent élire, ont des réunions fréquentes et font « des
choses illicites ».] — P. 7-8. Chanoine G. Perrossier. Nomination d'un
curé d'Alixan (Drôme). [Procès-verbal, par notaire (K339), de l'installa-
tion, par le prieur de Saint-Martin de Coussaud, patron de l'église de
Saint-Didier d'Alixan, du curé de cette paroisse, qui promet fidélité au
prieur et s'engage à lui remettre les mêmes redevances que ses pré-
décesseurs.] — P. 9-23. Abbé J.-B. Martin. Nécrologe des capucins de
la custodie du Dauphiné. [Extrait, relatif au Dauphiné, d'une liste de
capucins décédés et enterrés dans les couvents de la province de Lyon
de 1580 à 1750, d'après un ms. du séminaire de Lyon. La custodie du
Dauphiné comprenait les couvents de Vienne, fondé en 1601, Romans
(1609), Crest (1609), Grenoble (1610), Valence (1611), Crémieux (1615),
Tournon (1619), Villeneuve-de-Berg (1631), Montélimar (1642), La Mure
(1642). Ces listes montrent que le recrutement des couvents était pres-
que exclusivement régional et signalent que dans les villes citées
quinze capucins moururent au service des pestiférés pendant l'épidémie
de 1629. Le nécrologe de Lyon est précédé d'un catalogue donnant l'état
de 55 provinces, 1,625 couvents, 27,336 religieux de cet ordre au milieu
du xviir siècle.] — P. 23-24. Traversée du Bas-Dauphiné par un voya-
geur du XVII» siècle. [P. Dourdan, chanoine de Saint-Denis, au retour
d'un voyage en Terre-Sainte (1651-52) ; notes sur Montélimar, Vienne, etc.,
d'après un volume publié à Paris en 1652.] — P. 25-38, 96-109, 113-44
et 169-99. Abbé Lagier et Gueyffier. La baronnie de Bressieux. (Suite
et fin.) [Procès des habitants contre Valbelle, mao-quis de Bressieux, au
sujet des droits d'usage dans la forêt de Vert; émeute des paysans,
1. La publication de ce Bulletin paraît devoir s'arrêter ici, après une
très honorable et déjà longue carrière.
110 ANNALES DU MIDI.
qui ont gain de cause; situation florissante de la commune en 1789,
d'après un mémoire adressé par elle à la commission dite l'Intermé-
diaire, établie par les états de Eomans (1789). A partir de cette date,
l'étude se transforme en une biographie des prêtres de Bressieux et
communes voisines; l'auteur n'envisage que les persécutions dont
souffrirent la religion et le clergé, et une évidente partialité enlève à
la dernière partie de son travail tout caractère historique.] — P. 38-
4o. 0. Peurossier. Description du Danphiné par un auteur flamand
anonyme du xvii" siècle. [Tirée de l'ouvrage les Délices de la France,
à Leyde, chez :\Ioukée, en 168.Ô.] — P. 41-.j3, 80-0,j, l.")9-(J8. Abbé .J. Cha-
BERT. Histoire de la commune de Beauregard, comprenant les paroisses
de Beaiiregard, de Jaillans et Meymans pendant la Révolution, d'après
les registres municipaux et autres documents authentiques. (Fin.) [His-
torique envisagé uniquement au point de vue ecclésiastique : admi-
nistration des églises par les curés; rapports et démêlés de ceux-ci
avec les évèqnes et les maires: étude terminée par certains récits, plus
que singuliers, des malheurs qui frappèrent les acquéreurs des biens
d'Église.] — P. 57-74, 14r)-58, 199-214. Chanoine J. Chevalier. L'abbaye
de Saint-Tiers-de-Saou, des chanoines réguliers de Saint-Augustin, au
diocèse de Valence ou de Die. [Historique bien documenté, et groupé
sous le nom de chaque abbé, de cette abbaye, fondée probablement au
commencement du xii'' siècle. Située à 20 kilomètres de Crest, elle eut,
bien que fortifiée et vassale du comte de Valentinois, à soufTrir des
luttes entre celui-ci et l'évêque de Valence, entre l'évèque de Viviers et
Adhémar, seigneur de la Garde; elle fut ravagée par les bandes pillar-
des d'Olivier du Guesclin, frère du connétable, et par celles de Raymond
de Turenne. Parmi les documents cités dans ce travail, qui s'arrête à
1429, il faut signaler une charte du 5 mars 1329, d'Aymar de Poitiers,
comte de Valentinois, accordant aux habitants du mandement de Saou
de larges libertés (Archives de la Drôme).] — P. 74-80. A. Grospellier.
Mélanges d'hagiographie dauphinoise. (Suite; travail interrompu.). [Sur
une Passio sancti Juliani Briviatensis (de Brioude et aussi de Vienne,
où il était soldat de la légion dont saint Ferréol fut le tribun), d'après
un ms. de Saint-Gall, et ses diverses rédactions.] — P. 110-2. C. Per-
ROssiER. Requête du chapitre de Valence au Parlement de Grenoble,
au sujet des ravages des protestants dans cette ville en 1507. [Se plaint
que l'église ait perdu tous ses titres à la suite des incendies d'églises,
de maisons d'ecclésiastiques et des assassinats accomplis par les pro-
testants, et demande à faire la preuye de ses anciens droits.]
Le tome XXI se termine : 1° par une table des matières des vingt et un
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 111
volumes de la collection (1880-1902); 2° par im Appendice dû au cha-
noine U. Chevalier (41 p.) : le Saint-Suaire de Lirey-Chambéry-Turin
et les défenseurs de son authenticité. [M. C. rapporte les appréciations
favorables données à son étude critique par les Bollandistes, les Béné-
dictins de Maredsous et Bruxelles, L. Delisle, Ms' Bellet, la Biblio-
thèque de l'Ecole des Chartes, les Revues publiées par les professeurs
des Instituts catholiques de Paris, I^yon, Toulouse, le R. P. Grisar,
P. Viollet et de Lasteyrie, rapporteurs du travail qui a été récompensé
au concours des Antiquités nationales (Institut de France), P. Four-
nier, etc. M. C. examine ensuite les critiques faites à son étude par le
P. Sanno Solaro (S. .T.), Turin, 1901; il les rétorque avec précision et
y réplique avec humour; entre temps, M. C. constate qu'il connaît
maintenant quarante suaires de J.-C.,... sans compter les fragments
(p. 36).] 0. N.
Garonne (Haute-).
I. Bulletin de litiéraiure ecclésiastique. 1902.
P. 44-56. L. Saltet. Saint Vidian de Martres-Tolosanes et la légende de
Vivien des chansons de geste. [En 1890, M. A. Thomas a signalé l'ana-
logie des deux légendes et demandé laquelle était calquée sur l'autre :
celle de saint Vidian, disait-il, ne remonte guère au delà de 1764; com-
ment y avait-il alors, au diocèse de Rieux, un homme au courant des
données des Enfances et à.'Aliscans? La réponse est fournie par le ms.
lat. 11 778 de la Bibl. nat., dont extrait. La légende actuelle de Martres
existait avant 1636, au moins dès le xv« s.; empruntée à Arles, elle a
pu être transportée à Toulouse et Martres, sur la route des pèlerins
qui se rendaient à Saint-Jacques de Compostelle.] — P. 78-91. Une leçon
sur Dante de M. Léonce Couture (1879). [La poésie religieuse a droit
d'être placée au premier plan dans un tableau de la poésie romane,
tant au Midi de la Frai^ce qu'en Italie.] — P. 133-47. Me"- Batiffol.
L'épigraphie chrétienne à Toulouse. [Quelques inscriptions provenant
des cimetières gallo-romains. Une seule a de l'intérêt, l'épitaphe de
Numfius, en 12 distiques.} — P. 165-76. J. de Lahondès. Le quar-
tier de l'Institut catholique. [Ce quartier de la Dalbade fut le berceau
de Toulouse. Très intéressant.] — P. 210-9. M. Dubruel. Une lettre
inédite de M. Olier. [De 1645, à François de Caulet, évèque de Pamiers.
« L'ivraie fatale du jan.sénisme » y semble prévue, annoncée.] —
P. 220-31. L. Saltr;ï. L'évêché d'Arisitum. [M. Longnon, en 1878, l'a
identifié avec Alais. Examen de cette hypothèse, qui semble aujour-
d'hui admi.se : elle repose en réalité sur une fausse généalogie carolin-
112 ANNALES DU MIDI.
gienne, sur une erreur étymologique (Arestum = Alestum), sur une
distinction imaginiiire entre Arisdium (Hierle) et Arisituni, qui serait
Alais. Il faut chercher Arisitum, ainsi que le faisait Quicherat, au pays
d'Hierle, sur les confins du Rouergue et du territoire niniois. Article
très bien conduit; il est probable que M. S. a raison.] — P. 2r)7-6t).
L. Crouzil. Documents inédits sur l'ancienne Université de Toulouse.
[Extraits d'une autobiographie de S. Bores, professeur à la Faculté de
théologie de cette ville avant et pendant la Révolution. Curieux. Le
texte est en partie publié.] P. D.
II. Bulletin de la Sociélé de géographie de Toulouse,
t. XXI, 1902.
p. 89-100. A. Caraven-Cachin. Quelques notes sur l'exploitation des
sources thermales dans le Midi de la Gaule. [Ruisseaux, sources
sacrées, sources thermales. Très bref; quelques faits nouveaux.] —
P. 333-62. Id. La vierge du saule de Cadalcn. Légende religieuse du
IV siècle. [Cadalen, près Gaillac (Tarn); la date donnée parait fantai-
siste. Longue dissertation générale autour de la question. « La vive
lumière que jette la sépulcrologie » ne frappe pas nos yeux ; les « rè-
gles de la plus sévère critique historique » ne nous prouvent pas :
1» que le siège épiscopal d'Albi fût vacant au iv siècle ; 2° que la vierge
du saule de Cadalen vécût alors pour combattre l'arianisme et conver-
tir les idolâtres.] P. D.
III. Société d'histoire naturelle de Toulouse, t. XXXIV,
1901.
Nov.-déc. P. 65-94. A. Caraven-Cachin. Aperçu historique sur l'exploita-
tion des usines métalliques et des substances minérales dans le Midi de
la Gaule. [Aux époques gauloise et romaine, principalement dans le
Rouergue et les Pyrénées : mines d'argent à Peyrebrune, j^rès Real-
mont, etc.; de cuivre à Laguépie (Tarn-et-Garonne), à Saint-Étienne-
de-Baigorry (Basses-Pyrénées) ; surtout de fer, à Alban, etc.; puis de
marbre, à Saint-Béat; de jais, dans le département de l'Aude. Quelques
textes et indications à recueillir.] P. D.
Gers.
Archives historiques de la Gascogne, quatorzième année
(3« et 4e trimestres), 2» sér., 6« fasc; 1903.
p. 1-164. Abbé L. Guérard. Documents pontificaux sur la, Gascogne,
d'après les arcJùves du Vatican. Pontificat de Jean XXII, 1316-1334
PÉRIODIQUES MERIDIONAUX. 113
(t. II). [Continuation d'une publication de bulles qui, quoique consa-
crées à la Gascogne, intéressent en plus d'un point l'histoii'e générale.
Ce tome II n'est pas fini et no comprend dans son premier fascicule
que les actes s'arrêtant à la fin d'août 1325. Les textes, précédés de
sommaires, sont édités avec soin et faciles à consulter.] F. P.
Gironde.
I. Actes de V Académie nationale des Sciences, Belles-
Lettres et Arts de Boi^deauœ, 8^ série, 63« année, 1901.
p. 5-10. C. JuLLiAN. Le gui et les Bituriges Vivisques. [Conjecture sur
l'étymologie du mot vivisci, qui viendrait du latin viscum.'] — P. 47-
108, G. Labat. Nicolas Beaujon et les tableau.^ de la Chambre de com-
merce de Bordeaux. [Notice sur le financier bordelais Beaujon, 1718-
1786, suivie de la description de sa collection de tableaux, et de pièces
justificatives sur l'acquisition de cette collection par les Directeurs du
Commerce de Guienne.] — P. 139-45. Id. Notes sur quelques pointures
en grisaille de Pierre Lacour fils. — P. 157-201. C. Jullian. Notes biblio-
graphiques sur l'œuvre du D"' Azam. P. C.
II. A?'chives historiques de la Gironde, t. XXXVII, 1902.
p. i-CLxxxvi et 1-596. F. Abbadie. Le Livre noir et les Etablissements de
Dax. [Nous consacrerons à cet ouvrage considérable un compte rendu
spécial.] P. D.
III. Société archéologique de Bordeaux^ t. XXIII, 3*' et
4e fascicules, 1900-1901*.
p. 134-8. C. DE Mexsignao. Note sur la découverte de l'aqueduc gallo-
romain de la place Sainte-Eulalie, à Bordeaux. — P. 142-58. P. Meller.
Le mobilier d'une famille parlementaire sous Louis XIV à Bordeaux.
[Jean Daflis, premier président au Parlement de Navarre.] — P. 191-5.
M. Chanol. Note sur un astrolabe du xvn" siècle. — P. 196-9. Abbé Lé-
GLisE. Cuiller à baptiser du xv» siècle. [En cuivre jaune fondu et mar-
telé; trouvée dans une tombe à Gensac] — P. 200-1. F. Daleau. Cuil-
1. Il règne quelque désarroi dans les publications de cette Société : elle
n'a rien fait paraître en 1898, 1899, ni en 1902. Des fascicules du t. XXIII,
le premier ne contient rien qui nous intéresse, le second n'a jamais paru.
ANNALES DU MIDI. — XVI. 8
114 ANNALES DU MIDI.
1ères anciennes et modernes. — P. 201-2. C. de Mensignac. Cachet en
fer du xvii" siècle. — P. 203. Id. Empreinte sur cire jaune du grand
sceau royal de Louis XV. — P. 204-7. Id. Médaille de la statue équestre
du roi Louis XV, place Royale, à Bordeaux. — P. 207-S. F. Daleau.
La croix de Bichet. [Commune de Tauriac, canton de Bourg; planche.]
Tome XXIV, l^r fascicule, 1903.
P. 25-6. P. Paris. Ivoire sculpté de la collection Fourché. — P. 2G-47. La
Société archéologique de Bordeaux au Congrès des Sociétés savantes
tenu à Bordeaux en avril 1903. [Avec la reproduction du discours de
clôture de M. C. Jullian.] — P. 47-.'j1. J.-A. Brutails. A Saint-Astier,
entre deux trains. [Conteste l'opinion courante que Saint-Astier pos-
sède les vestiges de la première coupole aquitanique connue.] — P. 51-9.
E. RoussELOT. Documents concernant la famille et la faïencerie de Jac-
ques Hustin. [Faïencier bordelais du xviip siècle ; deux plans.] —
P. 59-66. C. DE Mensignac. Note sur la découverte de la première pierre
du bastion nord-ouest de l'ancien Château-Trompette de Bordeaux.
[Bloc de pierre où est figuré, sculpté en demi-bosse, un charmant por-
trait de Marie-Thérèse, femme de Louis XIV ; planches.] — P. 66-72.
Abbé Brun. Les sceaux capitulaires de Bazas. P. C.
Hérault.
Le Félibrige latin, t. X, 1899.
p. 5-18. Roque-Ferrier. Le poème de Potas-Sageladas. [Notes sur l'œu-
vre de J. Roux et les faits historiques qui en sont la base.] — P. 21-23.
Id. Auguste Tandon (1717-1806) et sa famille. [Notes biographiques.] —
P. 34-41. Valade. Si Jasmin est un Théocrite. [Critique prolixe et litté-
raire; suite, p. 45-50.] — P. 51. Roque-Ferrier signale trois documents
inédits sur la famille de Françoise de Ceselly.
Après la p. 52 commence, avec pagination spéciale (i-xvi, 1-160),
l'Armanac mountpelieirenc per l'annada MDCCCC, publié aussi à
part. — P. 1-7. Roque-Ferrier. Un précurseur languedocien de Chateau-
briand dans l'épopée chrétienne et le merveilleux judéo-chrétien. Fabre
d'Olivet et le poème des Amours de Rose et de Ponce de Meyrueis.
[Communiqué au Congrès des sociétés savantes, 1897 ; suite, p. 8-10,
12-6, 17-9, 20-3. L'auteur croit que les mss. originaux de Ponce, à'Aza-
laïs et de la Cou)' d'amour existent encore. Il conclut que la renaissance
dialectale en Languedoc a été « antérieure à celle de la Provence et supé-
PERIODIQUES MÉRIDIONAUX. 115
rieure... par la pureté de l'idiomatisme et la variété du verbe local. »
— P. 29. Sermet. Discours prounounçat lou 14 juillet 1790, à l'houra
de miechjour, en presença de la Municipalitat et de la légion de St-Gi-
nest, à l'oucasioun de le federatioun generala. [Suite?; paraît inter-
rompu.] — P. 39-44. Roque-Ferrier. Trois nouveaux poètes montpel-
liérains. [Découverte, le 6 mai 1892, par MM. R. F. et Gaudin, d'un
ms. comprenant une partie des œuvres connues de Favre et trois mille
vers inédits à attribuer à trois auteurs : Brey, professeur de droit mont-
pelliérain (1654-1735), Guilleminet, et le conseiller de Ratte. [Étude
approfondie et intéressante; suite, p. 129-34.] — P. 64-5. Lou parla lou-
devès en 1424. [Pièce de comptabilité communale; extrait anonyme des
archives municipales.] — P. 68-70. Bouquet. Les divertissements car-
navalesques de Montpellier. [Sous le second empire; suite, p. 73-4, 74-
80.] — P. 81-7. Roque-Ferrier. Lou sirventès de Coulougna. [En notes,
beaucoup d'indications utiles pour l'histoire du félibrige, mais érudi-
tion capricante et désordonnée.] — P. 88-92. Barlet. Les ancêtres
montpelliérains de Françoise de Cézelly. [A le tort de ne pas donner de
références précises.] — P. 94-114. Roque-Ferrier. Lou medeci de
Balharguet. [Thème populaire; nombreuses notes sur la littérature
populaire, le folklore de Montpellier et environs.] — P. 116-9. Roque-
Ferrier. Lous cinq enfants de Francesa de Ceselly. Blasi Pascal et un
libre de memorias de l'erouïna mountpelierenca. [Testament de Fran-
çoise de Cezelly, 2 nov. 1613. Un de ses fils, devenu jésuite, composa
un traité du Paradis ouvert à Philagie, que Pascal attaqua avec
vivacité.] — P. 135-43. Roque-Ferrier. Lou sirventès de la raça celtica.
[En notes, informations philologiques, historiques et relatives au
folklore.]
Tome XL 1900.
Fasc. I. Entièrement consacré à la question de l'enseignement bilingue,
posée par le Fr. Savinien au trente-sixième Congrès des Sociétés savan-
tes, 1896. — P. 7. Bref de Léon XIII. — P. 9-10. Lettre de Mistral à
Fr. Savinien. — P. 11-2. Extrait du procès-verbal du Congrès. — P. 13-7.
Manifeste-préface [anonyme] sur la question de l'éducation bilingue. —
P. 19-42. Savinien. Les écoles du Midi et la langue d'oc. — P. 43-52.
Berluc-Pérussis. Frère Savinien et ses précurseurs. Notes de biblio-
graphie provençale. [Érudition précise et abondante.] — P. 53-78.
Roque-Ferrier. La nouvelle revendication des félibres. [Articles divers
de la presse parisienne, polémique, etc.; en notes, toujours beaucoup de
renseignements, peu utilisables à cause de leur désordre.] — P. 79-86.
116 ANNALES DU MIDI.
La presse et le savinianisme. [Répète en partie le précédent article. |
— P. 101-4. Table des matières des deux fascicules.
Fasc. II. Armanac mnioitpelierenc [xvin-KX) pp.]. P. 1-8. La mort de
Langlade (5 février 1900). [Discours, éloges funèbres, notes biographi-
ques. Suite, p. 40-6; à noter la « page de critique littéraire » vraiment
burlesque de M. Pontier. — P. 21-5. Cassan. Le registre de la cour
seigneuriale de Saint-Martin de Londres (1508-1511). [Conservé à
Aniane, étude Siau-Lacroix. Description sommaire très précise , et
relevé des expressions latino-romanes curieuses pour le philologue.] —
P. 47-52. Ch. Brun. Discours à la fête de Bernai-d de Ventadour. [Pré-
tentieux amphigouri.] — P. 59-64. Roque-Ferrier. La Gleiza de l'Aus-
servança. (Sonnet montpelliérain, accompagné de notes historiques sur
cette église, devenue temple protestant en 1800, aujourd'hui occupée
par l'imprimerie Hamelin.] — P. 65-100. Roque-Ferrier, Veran,
Ch. Brun. Alexandre Langlade. [Polémique. Est-il le Virgile languedo-
cien ou le Tavan languedocien? R.-F. et Brun se risquent imprudem-
ment à le comparer à Mistral.]
Tome XII, 1902.
Armanac tnountpelierenc [per las annadas M DCCCCII et M D CCCCIII].
— P. 1-2. Table des matières. — P. 3-8. Roque-Ferrier. Une fin de
série. Notes diverses sur Frédéric Roque-Ferrier, Jean Laurès, Adel-
phe Espagne, le D' J.-B. Noulet et le cardinal Georges d'Armagnac.
[Renseignements confus; annonce de la clôture, par ce volume et ses
appendices, de la première série du Félibrige latùi.] — P. 91-9. Roque-
Ferrier. Françoise de Cezelly fut-elle de race gallo-romane ou de race
germanique? [Probablement gallo-romane, d'après les étymologies.] —
P. 110-2. Roque-Ferrier. Quelques livres de fiançailles ou de mariage
du midi de la France, de la Catalogne et de l'Italie. [Bibliographie
sommaire. Liste qui pourrait être allongée beaucoup.] — P. 145-53.
MoNACi. Encore Jaufre Rudel. [Traduction par Martel ; a paru en ita-
lien dans les comptes rendus des Lincei, II, 12 (1893).
Appendices. P. 1-24. Hommage à Langlade. [Brochui-e de propagande
pour la souscription au buste projeté.]
P. 1-45. F. Roque-Ferrier. Un commencement d'épopée philosophique
en vers méridionaux du xin« siècle. Les ajes de Vumanitat. [Repro-
duction intégrale de l'édition inontpelliéraine de 1876*.]
1. N. B. — Le Félibrige latin ayant paru dans le plus grand désordre,
il nous paraît utile d'indiquer ici avec précision dans quel ordre ont été
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 117
Isère.
Bulletin de l'Académie delphinale, 4® série, t. XVI, 1902.
p. 73-116. De Miribel. Monographi-e de la famille de La Morte-Laval.
[Issue d'un bourgeois protestant de Die, qui devint ami de Lesdiguières
et fut anobli en 1606, pour l'avoir servi comme trésorier extraordinaire
des guerres. En 1625, son flls Jean lui succède et, deux ans plus tard,
achète le fief de la Motte; il a fait souche de gentilshommes qui ont
versé leur sang dans les armées du roi, aux Pays-Bas, en Italie. A
l'exception de quelques-uns de ses membres, la famille se convertit lors
de la Révocation. Elle disparaît en 1755. Beaux portraits, tables généa-
logiques ; quelques documents.] — P. 117-34. H. Feiiran. Un problème
de géographie dauphinoise. [Conjecture d'après d'anciennes cartes, qu'il
reproduit, que la « Montagne abîmée », près du col de Vaujani et de la
chaîne de Belledonne, représente quelque ancien pic écroulé.] — P. 131-
publiés et doivent se classer les divers fascicules de ces dernières années
Tome X, année 1899. Fasc. 1, janvier-juin, p. 1-20, Félibrige.
/ p. 21-52, Id.
Fasc. 2, juillet-août | titre de VArmanac pour
( 1900, p. i-xvi, Armanac.
Fasc. 3, septembre-octobre, p. 1-80, Id.
P'asc. 4, novembre-décembre, p. 81-160, Id.
Tome XI, année 1900. Fasc. 1, janvier-juillet, p. 1-84, Félibrige.
(Les p. 85-104 terminant ce fascicule, y compris le titre et la table des
matières, ont paru réunies au tome XII.)
Fasc. 2, août-décembre, titre de VArmanac
(1901), p. i-xvi, 1-100, Armanac.
(La table de YArma7iac se confond avec celle du fascicule précédent,
p. 101-4.)
Tome XII, année 1902, paru en un seul fascicule.
P. de titre pour le Félibrige latin.
Frontispice ; portrait du cardinal d'Armagnac [reproduit déjà dans
le Libro nouvial Laforgue-d'Armagnac]
P. de titre pour l'Ai'manac momitpelierenc.
! Félibrige.
Armanac.
Portrait de Langlade.
F» non paginé : Hommage à Langlade.
F" 1-24. Per diverti lou mounde e per faire quau(|ues sous au
buste de Langlada. (Imprimerie Durand, rue des Étuves ; 1901.)
F° non paginé; au v», errata de l'Hommage à Langlade.
Deux f"' de titres. Un cominenceinent d'épopée philosophique on vers
méridionaux du xni« siècle. (Montpellier, imprimerie Hamelin ; 1903.)
p. iv-xvii, 1-45, Les atges de l'umanitat.
118 ANNALES DU MIDI.
45. E. JusTER. Une fête municipale à Grenoble. Mariage de dix anciens
militaires, le 29 avril 1810. [Avec des jeunes filles dotées par l'empe-
reur]. — P. 173-475. ]\I. BouDET. Aspres-sur-Buech et ses chartes de
coutumes (1276-1439). [Aspres, dans l'arr. de Gap, placée, de 1061 jus-
qu'à la Révolution, dans la dépendance de l'abbaye de Saint-Géraud
d'Aurillac, sur le chemin de Rome. Le Dauphin et le roi de Sicile y
avaient des droits de garde, le prieur y était seigneur haut-justicier.
Analyse, un peu longue, des chartes de cette communauté, au nombre
de six, dont des coutumes de 1302, très étendues (162 articles), et une
sentence arbitrale de 1439, qui les complète (art. 163 à 167). Dix-huit
pièces justificatives, fort bien publiées, dont ces chartes et une liste
des prieurs-seigneurs d'Aspres.] P. D.
Savoie.
I. Mémoi7^es de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres
et Arts de Savoie, t. IX, 1902.
p. 65-123. Général Borsox. Notice nécrologique sur le général Ménabréa,
marquis de Val-Dora. [Biographie tracée à grands traits. Le général B.,
français et catholique, ne veut pas juger son ancien collègue. Il se con-
tente de montrer le rôle de Ménabréa dans la formation de l'unité ita-
lienne et de remémorer la place qu'il a tenue comme député de la Savoie
au parlement piémontais.] — P. 171-98. Id. Notice nécrologique sur le
contre-amiral Victor Arminjon (1830-1897). [Né en Savoie et resté au
service de la maison de Savoie en 1860.] — P. 277-353. A. Perrin. Station
romaine de Labisco (les Echelles, Savoie). Commanderie de Saint-Jean
de Jérusalem. Chronologie historique. [Après avoir établi l'identifica-
tion de Labisco avec les Echelles, M. P. fait l'histoire de la comman-
derie. Il termine par une chronologie de la commanderie et la liste des
commandeurs. Documents en appendice.] — P. 355-456. Abbé J. Mail-
LAND. Les Savoyards et l'église du Saint-Suaire (Rome). [Histoire très
complète de la confrérie et de l'église.] M. D.
II. Mémoires et documents publiés par la Société savoi-
sienne d'histoire et d'archéologie, t. XVI, 1902.
Documents. — P. viii-x. Mugnier. Transaction de janvier 1442 entre
Philippe, comte de Genevois, et Jean de Compeys, seigneur de Grufl"y.
[Analyse. A propos d'empiétements sur les limites territoriales et juri-
dictionnelles.] — P. x-xii. Id. Commission accordée en 1589 par le pro-
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. Il9
vincial des Franciscains de l'Observance, Fr. Martin Vallier, à
Fr. Pierre de Rivo, gardien de Savoie. — P. xiii-xvu. Id. Notice sur
un nionitoire au commencement du xviii» siècle. [Pour amener les
témoins d'une querelle à parler.] — P. xvii-xxi. Id; Duels et rixes au
XVII» siècle. [Deux lettres de gràce.J — P. xxi-xxii. Une institutrice
d'Annecy. [M"" Marie Bérard. Elle demande en 1749 à diriger l'école
de filles d'Annecy. Orthographe négligée do l'époque.] — P. xxviii-xxix.
Id. Charte de Nicolas, évêque de Modène, légat du pape Paul IV
auprès de Louis XI, accordant un autel particulier à Jacques Mares-
chal, seigneur de Senozan. — P. xxx-xxxiii. Id. Observation sur le sort
du jeune duc de Savoie Philibert, en 1476, lors de l'enlèvement de sa
mère sur ordre du duc de Bourgogne. — P. xxxv-xxxvi. Id. Vente d'une
vigne en 1529. [Intéressant pour le prix de la vente.] — P. xxxvi-
XXXVIII. Perpéchon. Deux ventes de maisons au xvi" siècle. —
P. xxxix-Lxxxii. J. Létanche. Le marquisat d'Yenne. [Histoire som-
maire. Donné en apanage en 1215 à Blanche de Savoie (mariée en 1350
à Galéas Visconti, duc de Milan), il appartient ensuite aux Sforza et
aux Barbanera de Val-Sesia et revient après un siècle à la maison de
Savoie. Une première maison d'Yenne finit avec le xvn« siècle, et, en
1699, le duc de Savoie vend le marquisat d'Yenne à une famille de ma-
gistrats, celle des Vulliet, qui s'éteignit seulement en 1830. Appendice
contenant les documents.] — P. lxxxviii-xcii. Mugnier. François III de
Fléhard, èvèque de Grenoble (1575-4 octobre 1606). [Lettre au duc de
Savoie Charles-Emmanuel I" au sujet d'un conflit avec le seigneur de
Tresserve.] — P. xcn-xcvi. Id. M^-- Jules-César Riccardi. [Nonce à
Turin, de 1595 à 1601. Il se plaint dans une lettre de la négligence
qu'apporte l'évèque de Grenoble, M. de Fléhard, dans la surveillance
des églises du décanat de Savoie.] — P. xcvi-xcix. Id. Barthélémy
Ferrero. [Evèque d'Aoste en 1595. Deux lettres au sénat de Savoie qui
montrent qu'il entretenait avec lui d'excellentes relations.] — P. c-civ.
Id. Lettres de Balthasard Guérin, èvèque de Genève, et de son coad-
juteur, Charles-Auguste de Sales, au sénat de Savoie en faveur des
Pères de la Mission, qu'ils appelaient de France pour fonder un sémi-
naire. — P. civ-cvii. M. Bruchet. Inventaire de Nicolet Fabre, bour-
geois de Bonne (1383). — P. cvii-cxvi. Mxjgnier. Testament de Jean
Vignodi, procureur à Rome (1585). — P. cxxiii-cxxvi. P. d'Arbois de
JuBAixviLLE. Albergeage d'une terre à Massie fait par Marguerite de
Meuillon ou de Miolans, abbesse de Sainte-Catherine (1319). —
P. cxxxiv-cxxxvi. Les Maillard, comtes de Tournon, barons du Bou-
chet, etc. [Note complémentaire à l'ouvrage de MM. Dufour et Mugnier.
120 ANNALES DD MIDI.
Les Maillard, t. XXVII des Mémoires de la Société savoisienne
d'histoire et d'archéologie.']
Mélanges. — P. 5-539. F. Mugnier. Antoine Favre, président de Gene-
vois, premier président du Sénat de Savoie (1557-1624). Première partie :
Histoire du président Favre. [Favre était un jurisconsulte distingué,
qui a laissé le Codex Fabrianus, mais qui a tenu aussi sa place
parmi les moralistes, comme Pibrac. Sénateur de Savoie, puis premier
président du Sénat, il joua un grand rôle auprès des ducs de Savoie. Sa
biographie, très intéressante, est le récit des rapports de la Savoie avec
la France, Genève et les principautés italiennes. M. D.
Savoie (Haute-).
Revue savoisienne^ 1902.
p. 2-8. Bruchet. Quelques noms intéressants pour la toponomastique des
environs de Faverges. — P. 6-7. Id. Note sur l'itinéraire de saint Jac-
ques de Compostelle à travers la Savoie. — P. 9-14. Désormaux. Notes
de linguistique. Marrons et marrons. [Etablit que ce terme a désigné
d'abord les brigands, puis les guides des Alpes. Il est encore aujour-
d'hui employé dans ce sens.] — P. 18-27, 69-94, 131-46. J. Mogexier. Les
francs-tireurs du Mont-Blanc. [C'est le journal de marche des francs-
tireurs de la Haute-Savoie, rédigé par un de leurs lieutenants, et publié
par M. C. Duval, qui trace de l'auteur une biographie très élogieuse.
Récit de la campagne autour de Dijon. Intéressant et animé d'un beau
souffle patriotique.] — P. 27-30. E. Ritter. Glanures salésiennes.
[M. R. montre par quelques exemples de quelle façon saint François
de Sales altère les Psaumes de Desportes, tout en prétendant les citer
de mémoire.] — P. 41-2. Bruchet. Notes sur le testament de Jonod de
Veria de Chassenaz ; sur l'entérinement par Henri de Savoie de l'affran-
chissement de Jean Moret, bourgeois de Chambéry; sur un accord
pour règlement de comptes entre Philibert de Pingon et Loys de Pin-
gon. — P. 42. Id. Note sur quelques poésies qui attestent le séjour
d'Etienne Arago en Savoie pendant son exil en 1850. — P. 42-3. Mar-
teaux. Notes linguistiques sur chonziata ou cho)isiaz et merda. —
P. 43-5. DussAix. Charte du comte Vert accordant des franchises aux
habitants de la Thonnaz.. [Du 3 décembre 1375. Texte latin.] — P. 47-8.
Marteaux. Découverte à Sonney de sépultures i^ostérieures au vin« siè-
cle. — P. 48-9. Id. Témoignage du duc de Savoie Emmanuel-Philibert
sur un prétendu projet de M. de Nemours. [On a cru qu'il voulait enle-
ver à Catherine de Médicis son fils, le duc d'Orléans, plus tard Henri III.]
— P. 54. E. VuARNET. Malheureuse expédition du seigneur de Salle-
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 121
nove et de quelques partisans savoisiens en Auvergne en 1422. [M. V.
signale un passage de la Chronique de la Pucelle, de Cosinot de Mon-
treuil, relatant cette expédition.] — P. 94-101. Dom B. Mackey. Le
voyage de Charles-Emmanuel I" à Paris (décembre 1599). Quatre lettres
inédites, avec introduction. [Voyage se rapportant à la question du
marquisat de Saluces, que le duc de Savoie voulait garder.] — P. 101-15,
147-63, 247-89. S. Cordero de Pamparato. La dernière campagne d'Amé-
dée VI, comte de Savoie (1382-1383), d'après les comptes des trésoriers
généraux conservés aux Archives de Turin. [M. C. de P. publie les
comptes de Pierre Voisin, non sans en modifier un peu l'ordonnance
pour plus de clarté. Amédée VI allait rejoindre son allié, le duc d'An-
jou, pour disputer le royaume de Naples à Charles de Duras. Il mou-
rut dans le voyage. Courte introduction. Un index des noms propres
suivra.] — P. 120. Bruchet. Extrait des comptes du trésorier de Savoie
relatif à la destruction de Sallanches par une inondation en 1436. [Texte
latin,] — P. 174. AIarteaux. Note sur le mot bezière. — P. 177-8.
Le Roux. A propos d'un crâne savoyard. — P. 214. M. Bruchet. Notes
sur la vie privée sous l'ancien régime. [Inventaire des meubles de Fran-
çois Borrel, homme lige du duc de Savoie (1562).] — P. 244-6. M. Bruchet.
Difficulté des approvisionnements de Genève à la fin du xvi« siècle.
[Correspondance de la seigneurie de Genève, du 7 février 1588. Genève
était convoitée par les ducs de Savoie qui cherchaient à l'affamer.] —
P. 293-7. A Gex. Un autographe de Jacques Balmat, premier ascension-
niste du mont Blanc. [Note sur sa première ascension et énumération
des suivantes.] M. D.
Vienne (Haute-).
I. Archives historiques du Limousin (série ancienne)'.
T. VIII (1902) par Louis Guibert. Documents, analyses de pièces, extraits
et notes relatifs à l'histoire municipale des deux villes de Limoges : le
Château (suite), de 1373 à 1566. [Cf. un compte rendu dans les Annales,
XV, p. 132.]
II. Archives historiques du Limousin (série moderne)-.
Fasc. I (1889) par Alfred Leroux. Doléances paroissiales de 1789. [Com-
prend neuf paroisses.]
1. Jusqu'au tome II inclusivement, cette collection s'est appelée Archi-
ves historiques de la Marche et du Limousin. Le titre a été modifié,
mais non le cadre. ^
2. Jusqu'au fasc' IV inclusivement, cette collection s'est appelée ^rc^i-
ves révolutionnaires de la Haute- Vie)ine.
122 ANNALES DU MIDI.
Fasc. II (1891) et III (1892) par Fray-Fournier. Inventaire des docu-
ments manuscrits et imprimés de la période révolutionnaire conservés
aux Archives départementales de la Haute- Vienne. [Le fasc. III com-
prend, en outre, une bibliographie de l'histoire de la Révolution dans
le même département (p. 51 à 167).]
Fasc. IV (1893) par Fray-B^ournier. Cahiers de doléances (au nombre de
dix), suivis de documents et notices sur les députés de la Haute-Vienne
à l'Assemblée constituante de 1789.
Fasc. V (1896) par Alfred Leroux. Choix de documents relatifs au dépar-
tement de la Haute- Vienne, de 1791 à 1839 : P. 1 à 34, rapports admi-
nistratifs adressés au Conseil général de la Haute- Vienne, en 1791 ; —
P. 35-65, documents relatifs à la réorganisation du culte catholique,
1801-21 ; — P. 66-151, documents relatifs à la réorganisation de l'en-
seignement public, 1802-39; — P. 153-74:, procès-verbal d'installation
de la cour impériale de Limoges, 1811; — P. 175-94, documents sur les
. Loges maçonniques de Limoges, 1806-25; — P. 195-336, documents di-
vers relatifs à l'agriculture, à l'industrie et au commerce, 1791-1839.
Fasc. VI (1903) par Fray-Fournier. Le club des jacobins de Limoges
(1790-95), d'après ses délibérations, sa correspondance et ses journaux.
[Sur ce recueil de documents, cf. un compte rendu dans les Annales,
XV, 577.] A. L.
III. Le Bibliophile limousin, 1902.
1" livr. P. 1-8. P. DurouRTiEux. La collection de M. l'abbé Pau. [Curé de
Bort (Corrèze), f 1901. Avait réuni un assez grand nombre de mss., de
livres imprimés, d'émaux peints, de pièces d'orfèvrerie, de monnaies,
de médailles, même de tableaux. Le tout s'est vendu à Paris, à fort bas
prix.] — P. 8-21. Un bibliophile corrézien (M. Clément-Simon). Curio-
sités de la bibliographie limousine. [Suite de ces savantes recherches
qui rendront tant de services à l'érudition locale. Et p. 47-58, 86-92,
124-32, jusqu'à la lettre M inclusivement.]
2" livr. P. 41-7. P. Ducourtieux. Les papetiers et les imprimeurs de Tulle.
[Extrait pur et simple àe\la Vie à Tulle aux xvii= et x\ui^ siècles, par
M. R. Fage.]
3'^ livr. P. 81-5. R. P'age. Les premiers calendriers républicains de la Cor-
rèze. [En signale un pour l'an III, un afltre pour l'an VII, un troisième
pour l'an VIII, imprimés tous trois par Chirac] — P. 93-95. P. D. Les
journaux locaux à la Bibliothèque départementale de la Haute- Vienne.
[La signature est sans doute erronée, car l'article est" de M. A. Leroux.]
4» livr. p. 121-4. P. Ducourtieux. Brochures limousines et marchoises.
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 123
1903.
1" livr. P. 1-12. Un bibliophile corrêzien. Curiosités de la bibliographie
limousine. (Suite.) [Se continue dans les livraisons 2, 3 et 4 jusqu'à la
lettre R.]
2" livr. P. 41-5. P. Ducourtieux. Brochures limousines.
S' livr. P. 77-8. Id. Les livres limousins à l'exposition de Limoges. [Cite
quelques impressions limousines fort rares du xvi« siècle.]
4« livr. P. 117-33. Id. La bibliothèque de M. Elie Massénat. [Collection-
neur limousin, correspondant du Ministère (et non de l'Institut, comme
il est dit), mort récemment. Ses mss., livres et autographes ont été ven-
dus dans des conditions déplorables par le ministère d'un huissier
ignare.] A. L.
IV. Bulletin de la Société des amis des sciences et arts
de Rochechouart, t. XI, 1901.
P. 67-74. D' Marquet. La vie communale à Rochechouart, d'après les
registres consulaires et les livres de la municipalité. [Suite; se con-
tinue dans les diverses livraisons du Bulletin.] — P. 91-6. P. Gaumy.
Un groupe d'habitants de la région de Rochechouart devant le tribunal
révolutionnaire pendant la Terreur. [D'après divers documents d'archi-
ves conservés à Paris. Se poursuit dans les livraisons suivantes du
Bulletin.]
T. XII, 1902.
P. 76-9. A. PouYAUD. Syndicat des meuniers de l'ancienne vicomte de
Rochechouart; leur procès avec les habitants. [Se continue dans les
livraisons suivantes du Bulletin.] — Pass. D' Marquet. La vie com-
munale à Rochechouart (suite). — Pass. P. Gaumy. Un groupe d'habi-
tants, etc. (suite). — P. 28-31, 0. d'Abzac. La question des halles à
Rochechouart en 1768. A. L.
V. Limoges illustré^ cinquième année, 1903.
N" 15. DEZEIR.4.UD. La manufacture de porcelaine de Magnac-Bourg.
[Fondée en 1819, aujourd'hui disparue.] ,
N» 28. Valette. Les anciennes manufactures de Saint-Yrieix. [Depuis la
fin du xvui» siècle. Elles ont disparu.] A. L.
124 ANNALES DU MIDI.
PÉRIODIQUES FRANÇAIS NON MÉRIDIONAUX.
1. —Annales de Saint- Louis-des- Français, t. VII, 1902-
1903.
p. 91-135, 141-231, 287-336, 411-91. Abbc E. Albe. Autour de Jean XXII.
Jean XXII et les familles du Quercy. (Suite et à suivre.) "[Nous rendrons
compte de cet important travail quand il sera terminé.] — P. 493-526.
Abbé P. Calmet. Sommaire des bulles de Clément VI concernant le dio-
cèse de Rodez, d'après le sommaire de P. de Montroy et les Regesta
d'Avignon (fin). [Tomes LI à LV; du 19 mai 1349 au 18 mai 1350.]
P. D.
2. — Bulletin du Comité des tt^avaux historiques et
scientifiques, sciences économiques et sociales, 1902.
P. 18-47. A. DuMONT. Etat démographique du Lot-et-Garonne. [Mission
exécutée de mai à août 1901. Conclusions sévères. Population à mora-
lité négative, sans vices ni vertus : « La race agenaise, aimable et sym-
pathique, saine et gracieuse, est en voie manifeste d'extinction; elle le
doit à deux défauts de peu d'importance aux yeux de la morale vul-
gaire : la vanité et l'esprit de routine. Si peu graves qu'ils paraissent
généralement, ils ont ici des conséquences désastreuses : la faible pro-
portion du travail utile au travail brut, l'improductivité agricole et la
stérilité humaine. » Intéressant tableau du mouvement de la popula-
tion pendant la décade, 1883-92. | — P. 122-8. A. des Cilleuls. « His-
toire de l'octroi de Limoges », suivi de considérations générales sur les
octrois. [Rapport développé, suivi de considérations sur la question
de la suppression des octrois.] — P. 144-212. G. Platon. Du droit de la
famille dans ses rapports avec le régime des biens en droit andorran.
[Survivance de nombreuses coutumes généralement pratiquées dans
les vallées pyrénéennes sous l'ancien régime. Travail très intéres-
sant.]
Congrès des Sociétés savantes. — P. 283. Durand-Lapie. Mémoire sur
la question suivante : « Etudier l'état et le mouvement de la population
dans une commune de France depuis la sécularisation de l'état civil
jusqu'aux premières statistiques annuelles, 1792-1801. [Cette étude con-
cerne la commune de Montauban.] A. V.
PÉRIODIQUES NON MÉRIDIONAUX. 125
3. — Bulletin historique et philologique du Comité des
travaux historiques et scientifiques^ 1902.
p. 27-33. ViLLEPELET. L'exéciitlon de la révocation de l'édit de Nantes dans
une petite paroisse du Périgord. [Précédé d'une note mentionnant le
seul exemple connu de sépultures de protestants non convertis célé-
brées par le curé sans qu'ils aient abjuré. Texte faisant connaître les
vexations qu'eurent à subir les nouveaux catholiques.] — P. 36-9.
Dujarric-Descombes. Lettres du Grand Conseil de Cliarles VII à l'évè-
que de Périgueux (25 avril 1446). [Lui défend de mettre obstacle à la
levée d'une aide accordée par le roi aux habitants de Périgueux pour
la réparation des fortifications de la ville, et ordonne que les gens
d'église y contribueront comme les autres.] — P. 42-52. E. Grand. Traité de
pariage entre Philippe le Bel et l'abbé de Charroux pour la création
d'une ville franche à Pleaux (Cantal), 1289-1290. [D'après un vidimus
de 1444, copié au commencement du xix" siècle.] — P. 73-8. P. Meyer.
Rapport sur des documents concernant Seyne-les-Alpes (Basses- Alpes).
[Publication partielle. Trois documents en provençal de 1536, 1540 et
1546.] — P. 80-1. A. Leroux. Nomination d'un lieutenant du sénéchal
de Périgord et Quercy en 1340.] — P. 85-94. G. Tholin. Documents
intéressant le maréchal de Xaintrailles. [Deux pièces dont la plus inté-
ressante est une donation par Pothon de Xaintrailles au couvent des
B'rères mineurs de Nérac, juillet 1458, latin et roman.] — P. 98-100. Mes-
CHiNET DE RiCHEMONT. Extraits du livre de raison de François Gillet,
sergent royal à Saintes (1641-92).
Congrès des Sociétés savantes. — P. 165-76. Vidal de la Blache. Dis-
cours prononcé à la séance de clôture. [Promenade à travers l'ancienne
France. Très intéressant.] — P. 197-228. R. Grand. Les Chartes de
franchises de La Roquebrou (1281-82) et de Conros (1317) (Cantal). [Cf.
Annales, 1902, p. 205-7.] — P. 309-17. E. Poupé. Les opérations de l'as-
semblée électorale du Var élue en août 1792. [Résumé très clair des
opérations électorales. On y voit comment Dubois-Crancé, né à Char-
leville, et alors adjudant général à l'armée du Midi, est envoyé à la Con-
vention par les électeurs du Var. Barras est élu premier suppléant.] —
P. 329-71. M. Bruchet. Le plébiscite occulte du département du Mont-
Blanc en 1815. — P. 436-7. M. Boudet. Note sur le cartulaire de Saint-
Flour. [Chartes de 972 à 1314. En cours de publication dans la « Collec-
tion des documents historiques » de la principauté de Monaco.] —
P. 449-63. Abbé Degert. L'impression des liturgies gasconnes. [Bonne
étude d'ensemble avec des documents inédits.] — P. 500-30. Chauvet.
126 ANNALES DU MIDI.
Registre de la Société des amies des vrais amis de la Constitution
RiifTec (Charente), 1791-92. [Publication sans commentaires des procès-
verbaux de cette société féminine. Liste des sœm's composant la so-
ciété.] — P. r)44-7. Blanchard. Actes apocryphes conservés dans les
archives publiques ou particulières. [Charte de Gibelin de Grimaud,
cartulaire de l'évèché de Fréjus.] — P. 548-69. C. Couderc. Notice sur
une collection de cliartes otrerte à la Bibliothèque nationale par
M. Grave. [Inventaire de cette collection reliée en six volumes (Nouv.
acq. franc. 20144-49). Le vol. III (1322-1675) se rapporte plus particuliè-
rement au Midi ainsi que quelques pièces du IV" et du V. Quelques
noms paraissent inexactement lus ou écrits : III, fol. 4, Etienne de
« Montmegen » pour « Momeja »; IV, fol. 7, « de Podio Buscario » pour
« de Podio Buscano ». Nombre de pièces très intéressantes pour toute
la région.] — P. 606-19. A. Leroux. La légende du roi Aigolant et les
origines de Limoges. A. V.
4. — Le Moyen âge, 2^ série, t. VII, 1903.
Juillet-août. — P. 283-302. M. Boudet. Nouveaux documents sur Thomas
de la Marche, seigneur de Nonette et d'Auzon, bâtard de P'rance (1318-
1360). [De ces documents, l'auteur prétend tirer de nouvelles preuves à
l'appui de sa thèse, que Thomas de la Marche aurait eu pour père le
roi Philippe VI de Valois. (V. p. 298.) Suit la reproduction en fac-
similé d'une lettre du même personnage, tirée des archives de Saint-
Flour et datée du 28 juin 1360.] G. M.
5. — Revue d'histoire moderne et contemporaine, t. IV,
1902-1903.
p. 739-53. M. Marion. Un épisode du mouvement de 1789 à Bordeaux.
[L'auteur expose l'entente qui s'établit à Bordeaux entre la noblesse de
Guyenne et le Parlement de Bordeaux pour demander le rétablissement
des anciens États de Guyenne qui auraient un rôle prépondérant dans
l'élection aux Etats généraux. Le tiers état de Bordeaux combattit ce
projet, demanda la représentation proportionnelle de chacun des trois
ordres et décida d'envoyer une députation à Versailles pour faire
triompher son opinion. M. M. fait, d'après un document inédit, un inté-
ressant récit de cette députation.] F. D-
PÉRIODIQUES NON MÉRIDIONAUX 127
6. — Nouvelle revue Mstorique de droit français et
étranger^ 1901.
P. 241-77. E. Meynial. Des renonciations au moyen ■À<^e. (Suile, et
p. 657-98.) [Important article intéressant l'application du droit romain
dans le midi de la France.] — P. ry27-33. Huvelin. Compte rendu des
travaux récents de Boudin et Fassin sur Beaucaire. — P. 698-729.
F. Thibault. L'impôt direct dans les royaumes des Ostrogoths, des
Wisigoths et des Burgondes. [Etude très nette sur la situation des
Barbares au point de vue de l'impôt foncier; l'auteur démontre, en
discutant les idées de Fustel de Coulanges et d'autres historiens, que
les Barbares n'étaient point assujettis au payement de cet impôt; il
s'occupe, à cette occasion, de la question importante de l'établissement
des Barbares, en particulier des Burgondes.]
Année 1902.
P. 32-49. F. Thibault. L'impôt direct dans les royaumes des Ostrogoths,
des Wisigoths et des Burgondes (fin). — P. 49-79. E. Meynial. Des
renonciations au moyen âge (suite). — P. 233-68. Declareuil. Quel-
ques problèmes d'histoire des institutions municipales au temps de
l'Empire romain (suite p. 437-69, et fin p. 554-608). [L'auteur s'efToi'ce
d'établir que la décadence du régime municipal ne se produisit pas
avant le iv° siècle et que le christianisme n'y contribua point.]
J. B.
V. — Revue félibréenne, t. XI, 1895.
N<" 1-3. P. 1-16. P. Mariéton. L'évolution félibréenne en Aquitaine. [Sur
les récentes publications et poésies dans les dialectes du Béarn, Lan-
guedoc, Quercy, Rouergue, Limousin.] — P. 17-9. Lettres à Nodier [de
Jasmin.] — P. 20-30. G. Tisseur. Une visite à Anselme Mathieu. [Réé-
dition d'un article de 1862.] — P. 33-46. A. Ferrand. Un grand prédica-
teur provençal. [Le P. X. de B'ourvières.]
N»" 4-12. [Si l'on en juge d'après la table de l'année 1895, imprimée
en 1896, p. 254, ces livraisons n'ont jamais paru.]
Tome XII, 1896.
N°' 1-6 (janvier-juin). P. 1-21. L. Remacle. La république d'Arles. [Revue
rapide de ses institutions politiques.] — P. 54-61. V. Balaguer. Pro-
vence et Castille. [Sur les relations des troubadours avec la Castille.
Beaucoup moins nouveau que l'auteur ne le croit.]
N"' 7-12 (juillet-décembre). P. 215-20. P. Mariéton. Marie Jenna et les
128 ANNALES DU MIDI.
Félibres. [Marie Jennu ou M"« Cécile Renard (morte en 1887), fut ea
relations avec les princii^aux félibres; on publie ici quelques lettres
d'elle à Aubanel, Mistral, et les réponses.] — P. 220-30. Id. Lettres
choisies de Roumanille à Marie Jenna. [Suite, 1897, p. 17-50; dix-huit
lettres de Roumanille, de 1868 à 1871.]
Tome XIII, 1897.
p. 1-16. Mistral et le vers libre. [Interview — par lettres — de diverses
personnes plus ou moins compétentes.] — P. 54-9. M. André. L'en-
fance de Jacme I" d'Aragon. [L'auteur néglige le livre de M. de Tour-
toulon.] — P. 97-102. Mémoires posthumes de Mary-Lafon. [Quelques
pages curieuses sur un projet de statue à Bertran de Born, en 1840.] —
P. 115-37. L, Remaole. La république d'Arles, précis historique. [Sans
indication de sources.]
Tome XIV (fascicule unique pour 1898 et 1899).
P. 1-14. G. DoNCiEux. L'Escrivette, étude de folk-lore méridional. [Cette
étude n'est pas moins intéressante que celle sur « la Remette » et sur
« Jean Renaud », publiées par le même auteur dans la Romania. Mais
M. D., craignant sans doute d'effaroucher un public d'amateurs, a
vraiment ici restreint un peu trop la part de l'érudition; les variantes
données en note ne permettent pas de contrôler la façon dont a été cons-
titué son texte critique. Il conclut que VEscriveto est dérivée d'un
romance castillan (celui de Gayferos) , à travers un intermédiaire
catalan. V. 4 : le mot bot [al bot de set annadas) ne me paraît pas avoir
pu se trouver dans une chanson languedocienne du xvi° siècle ; c'est
un gallicisme flagrant. Il y a, du i-este, d'autres gallicismes qui pour-
raient bien ébranler la théorie de l'auteur sur l'origine de la chanson ;
V. 22 : j'écrirais el (non al) nom de...; v. 35 : comment seguron pas à
Vaiga peut-il signifier a ils n'étaient pas à l'eau? »] — P. 17-27. P. Ma-
RiÉTON. Les précurseurs du félibrige. [Article de vulgai-isation, extrait
de la Grande Encyclopédie.] — P. 33-64. P. Risson. La vie et l'œuvre
de Gelu, poète marseillais, d'après ses Mémoires inédits (suite,
p. 176-208; à suivre). [Dans ces pages très attachantes, d'où la plus
ardente sympathie pour le poète et son œuvre n'exclut pas la critique,
M. R. a fait revivre la physionomie singulièrement originale de cet
écrivain homme du peuple, vigoureux, brutal même, mais passionné-
ment sincère et honnête, qui a créé le réalisme trente ans avant Zola,
et élevé, avant les félibres, son dialecte à la dignité de langue litté-
raire, mais que son humeur farouche et ses opinions avancées firent
PÉRIODIQUES NON MERIDIONAUX. 129
délaisser par les uns et calomnier par les autres. Il est piquant de voir
paraître dans la Revue félibréenne cette cliaude apologie de l'intrai-
table ennemi des félibres. Nombreux extraits d'une autobiographie
inédite (en français) où se trouveraient sans doute de curieux docu-
ments d'histoire littéraire provinciale; à noter, par exemple (p. 192), le
récit du premier « Congrès » des poètes provençaux tenu à Arles en
août 1852.] — P. 74-113. Les poètes, Mistral et le vers libre. (A suivre.)
— P. 209-33. De Villeneuve. Roméo de Villeneuve, étude histori-
que. [Extrait d'un ouvrage en préparation.] — P. 301-33. Chronique.
[Documents intéressant l'histoire du félibrige en 1897-9. On aurait
pu placer sous la même rubrique le récit (p. 334-9) des fêtes d'Arles, de
mai 1899.] A. J.
8. — Revue cV histoire de Lyon, t. 1, 1902.
p. 106-18. p. Fabia, La querelle des Lyonnais et des Viennois en G8-69
après J.-C. [Vieille animosité entre les deux cités; lu guerre civile de
l'an 68 (Vindex cont.re Néron) l'exaspère. Les Viennois qui tenaient
pour Vindex et pour Galba, son candidat à l'Empire, l'emportent après
la mort de Néron : Galba les récompense et confisque ses revenus à la
colonie de Lyon, qui avait lutté contre lui. Alais Galba est assassiné;
Lyon reçoit en libérateurs les soldats de Vitellius et prépare la ruine
de sa rivale : celle-ci ne put se sauver qu'en achetant les soldats et
leur général, Fabius Valens.] — P. 390-4(17, 447-64. E. Baux. Louise de
Savoie et Claude de France à Lyon. Étude sur la première régence
(1515-1516). [De Lyon, les deux princesses se rendirent à Vienne, Mon-
télimar, Tarascon et Marseille, nov.-janv. 1515-16.] P. D.
9. — Revue des questions historiques, nouv, série,
t. XXIX (LXXIII de la collection), 1903.
P. 5-44. E. CosQuiN. La légende du page de sainte Elisabeth de Portugal
et le conte indien des « Bons conseils ». [Les éléments primordiaux de
cette légende apparaissent en Europe longtem^js avant l'époque où
vivait sainte Elisabeth. Ils se rattachent à l'un des thèmes de contes
les plus en faveur dans l'Inde, le thème des Bons conseils.]
Tome XXX (LXXIV de la collection), 1903.
P. 367-97. Dom M. Férotin. Le véritable auteur de la Pereffrùiatio
SiLoiae : la vierge espagnole Etlieria. [Voici les conclusions de cet
article. L'auteur véritable du récit de voyage en Terre-Sainte dont il
s'agit serait une espagnole consacrée à Dieu dans un monastère [sanc-
A.NNALES DU MIDI. — XVI. 9
130 ANNALES DU MlDÏ.
timonialis], du nom d'Etheria. La vie de cette Etheria ne nous est pas
inconnue. Elle a été écrite au vit» siècle par un solitaire de Galice,
Valérius. La Peregrinatio, composée trois siècles plus tôt, ne nous
serait pas, d'ailleurs, arrivée en entier, La partie la plus considérable
en serait encore à découvrir.] C. M.
tO. Revue de synthèse historique, t. VI, 1903.
Avr. et juin; p. 182-221 et 277-800. L. Barrau-Dihigo. La Gascogne.
[Première étude d'une série qui paraîtra sous le titre « Les régions de
la France ». Elle est précédée (p. 166-81) d'une Introdnction générale
dans laquelle M. H. Berr, directeur de la Revue de synthèse histori-
que, définit sa tentative : il s'agit, dit-il, de « rendre scientifique la
psychologie des peuples par des études de psychologie régionale », de
préparer ainsi ou d'édifier morceau par morceau la psychologie du
peuple français. Dans chaque monographie régionale seront déterminés
successivement l'état du travail, les l'ésultats acquis, enfin ce qui reste
à faire. Tel est le programme. M. B.-D. l'a rempli avec beaucoup de
science et de bonheur. La première partie de son travail est une
« bibliographie raisonnée », forcément incomplète, mais non super-
ficielle : i30urquoi n'y avoir point mentionné le très important volume
de M. F. Abbadie, Le Livre ?ioir et les Etablissements de Dax, paru
en 1902, les articles de M. Pariset sur L'Etablissement de la primatie
de Bourges, publiés aussi en 1902, ici même? L'auteur malmène, non
sans raison, les histoires générales de la Gascogne; il déplore le défaut
de méthode et de direction, le décousu qui régnent en matière de tra-
vaux d'histoire locale et trop souvent les stérilisent. — En second lieu
vient un essai sur la Gascogne : quels en sont, d'après ce que l'on sait
d'ores et déjà, les caractères jjropres? Assez nettement dessinée, la
région est très pauvre, surtout au cœur (Albret, Armagnac); sur le
pourtour seulement, aux confins où elle expire, s'amassent les ressour-
ces et les hommes. Tantôt les habitants, besogneux et rudes, se sont
avancés vers ces confins pour les conquérir, tantôt ils ont cédé à leur
attrait pacifique : la Gascogne, indépendante pendant deux siècles, n'a
pu durer en tant qu'Etat, s'est partagée entre deux centres principaux
d'attraction, Bordeaux et Toulouse. Les petits seigneurs d'Albret
— de vrais parvenus — ne la réunissent enfin que pour en sortir
avec le titre -le rois de France. Le caractère des Gascons tient à ce
l^ays et à cette histoire : enclins à « gagner », d'esprit éminem-
ment pratique, prompt, souple et peu alourdi de scrupules, ils
PÉRIODIQUES NON MÉRIDIONAUX. 131
sont aventureux, braves avec réflexion, spirituels et d'élocution
facile, pleins de confiance en eux-mêmes et de vantardise; ils
s'acclimatent aisément et « poussent partout », disait Henri IV.
lia Gascogne n'a pas eu d'art, peu de littérature, sinon nar-
rative; mais, dans la carrière des armes et en politique, ses enfants
ont su se hisser aux faîtes. Il y a, conclura plus loin l'auteur, du
Gascon dans le moderne Français. — Nombreux sont ses desiderata,
II voudrait qu'on dressât un répertoire de bibliographie gasconne, tant
rétrospective que périodique; que les chartes et cartulaires inédits
fussent imprimés; qu'à l'histoire ancienne de la région une saine
méthode fût appliquée, c'est-à-dire qu'on continuât le livre de M. Per-
roud, « lequel a définitivement élucidé ce qui concerne le duché
d'Aquitaine jusqu'au milieu de vin" siècle »; que l'on fît l'histoire
sociale et morale, que l'on recherchât les qualités domestiques de la
race, dont nous « ne voyons que le panache ». La Société des Archives
historiques de Gascogne, aidée de la Revue de Gascogne, son organe,
devrait chercher à grouper autour d'elle les Sociétés gasconnes : « On
aurait ainsi, au-dessus des Sociétés et des Revues purement locales,
une Société et une Revue provinciales. » Elle pourrait alors former une
collection d'histoire gasconne, et peut-être obtiendrait-on des livres au
lieu d'une foule de menus articles qu'on ne peut atteindre. Nous crai-
gnons ici que M. B.-D. ne se fasse quelque illusion ; les gens qui rédi-
gent les articles en question ne sauraient écrire des œuvres de longue
haleine : le temps, les moyens, la persévérance leur manquent; l'asso-
ciation qu'il préconise ne les leur procurera pas. D'ailleurs, on peut
atteindre ces articles, si meiius qu'ils soient : on les trouvera réguliè-
rement mentionnés ou analysés dans notre « Revue des Périodiques ».]
P. D.
CHRONIQUE
M. Ed. Koschwitz a accepté de la librairie Elwert. à Marburg,
la tâche de préparer une nouvelle édition, « entièrement refon-
due » de la Chreslomalhie provençale de Bartsch. Rien n'a été
changé à l'ordre et au choix des textes (sauf quelques suppres-
sions); mais ces textes, pourvus de variantes plus nombreuses,
ont été soigneusement corrigés et les indications bibliographi-
ques ont été enrichies. Enfin, l'aspect extérieur est plus satis-
faisant. Nous rendrons compte de cette publication quand nous
aurons reçu le Glossaire, dont l'apparition est annoncée comme
très prochaine.
Chronique du Dauphiné.
Au moment où la ville de Grenoble se préparait à célébrer le
centenaire d'Hector Berlioz, l'Académie delphinale, désireuse de
s'associer à cette manifestation artistique, a donné une séance
solennelle exclusivement consacrée au grand compositeur dau-
phinois. Après une éloquente allocution de M. Paul Fournier,
président, M. Allix a analysé avec une rare compétence les
éléments dont s'est formée la personnalité artistique de Berlioz,
et, avec cet art exquis qui fait le charme de toutes ses œuvres,
M. Paul Morillot a parlé de Berlioz écrivain. Un autre membre
de l'Académie, M. Michoud, a communiqué vingt-trois lettres
inédites de Berlioz à son ami Thomas Gounet, de mai 1830 à
1834, lettres curieuses, en particulier quelques-unes, datées de
CHRONIQUE. 133
Rome. Toutes ces études figureront dans le Bulletin de l'Aca-
démie delphinale de 1903 V
La Société de statistique de l'Isère a perdu l'un de ses collabo-
rateurs les plus actifs. M. Emmanuel Pilot de Thorey, aide ar-
chiviste à la préfecture de l'Isère, est mort subitement à Grenoble,
le 31 mai dernier. Il avait été pendant de longues années secré-
taire de cette Société, et lorsque l'état de sa santé n'avait plus
permis de lui conserver ces fonctions, ses collègues l'avaient
appelé pendant une année à la présidence. L'œuvre historique
de Pilot de Thorey est considérable; mais il convient d'en déga-
ger, comme ayant une spéciale importance, son dernier ouvrage
le Catalogue des actes du dauphi?i Louis II {depuis Louis Xli
relatifs au Dauphiné, dont M. Paul Fournier a rendu compte ici-
même (t. XII, p. 281). et auquel l'Académie delphinale a décerné
en 1900 le prix Honoré Pallias. Au moment de sa mort, Pilot de
Thorey commençait l'impression d'un troisième volume de cet
ouvrage. La Société de statistique de l'Isère a décidé que cette
publication, dont tous les éléments sont prêts, ne serait pas
abandonnée, et etdeux ses membres, MM. Veliein et Hardouin, ont
consenti à se charger de la mise au point du manuscrit et de la
correction des épreuves. Pendant les vingt-sept années qu'il
avait passées aux Archives de l'Isère, Pilot de Thorey avait
recueilli de nombreuses notes, que l'on a retrouvées, après sa
mort, méthodiquement classées, La bibliothèque de Grenoble en
a fait l'acquisition. Dans ces cartons figurent notamment les
fiches d'un Dictionnaire topographique de l'Isère présenté jadis
au Comité des Travaux historiques, qui en jugea les proportions
excessives et, pour cette raison, ne crut pas devoir en autoriser
l'impression. Il est à souhaiter que la Société de statistique, qui
est riche, se décide à nous donner cette œuvre, qui rendrait de
grands services à tous les historiens dauphinois.
M. Gustave Veliein, qui a succédé à Pilot de Thorey dans les
fonctions de secrétaire de la Société de statistique de l'Isère,
vient de publier, sur beau papier et tirées à petit nombre, deux
intéressantes brochures intitulées, l'une : L'Invasion du mar-
quisat de Saluces et la paix de Bourgoiti {ii ' octobre 1595)2 et
1. Le volume de 1902 vient de paraître. On en trouvera le dépouille-
ment aux « Périodiques niériilionaux. » (Cf. plus haut, p. 117).
2. Bourgoin, 1903, in-S", 17 pages. (Tiré à 33 exemplaires).
134 ANNALES DU MIDI.
l'autre, Patriotisme des Berguoiens^ (1792-1815-1870). ' Il prépare
et donnera très prochainement — il faut l'espérer — à l'Académie
delphinale une étude très documentée sur les exploits de la bande
de Vauquoi, qui, après la prise de Lyon par l'armée do la Con-
vention, terrorisa pendant qui'lques mois la région de La Tour
du Pin.
Un supplément au Catalogue djs manuscrits de la bibliothè-
que de Grenoble, publié en 1889 par MM. Fournier, Maignien et
Prudhomme {Catalogue général des manuscrits des Bibliothèques
publiques de France. Départements, t. Vil), vient d'être donné
dans le tome XLI de la même collection par M. Maignien. 11
comprend près de 400 numéros représentant des manuscrits en-
trés dans la bibliothèque depuis quinze ans par suite d'acqui-
sitions ou de dons.
Le tome III de V Inventaire sommaire des A?-chives historiques
de la ville de Grenoble est achevé. Il comprend les séries DD,
EE. FF. Un quatrième et dernier volume est en préparation qui
débute par l'analyse des anciens registres paroissiaux d'état
civil. C'est dans ces registres, où les moliéristes avaient jusqu'à
ce jour fouillé sans succès, en vue d'y retrouver des traces du
passage de la troupe de Molière, que j'ai eu la bonne fortune de
découvrir un acte de baptême d'un fils des époux de Brie signé
par Molière et Madeleine Béjart, parrain et marraine. Cette dé-
couverte, qui éclaire un point obscur de la vie de Molière, a fait
l'objet d'une communication à l'Académie delphinale, qui sera
prochainement publiée avec un fac-similé de l'acte de baptême
du jeune J.-B. de Brie.
La Faculté des Lettres de Grenoble a usé pour la première
fois, le 18 juin 1902, du droit que la loi lui a octroyé de conférer
des diplômes de docteurs d'Université. Invité par M. le doyen De
Crozals à faire partie du jury, j'ai pu dire tout le bien que je
pensais de la thèse présentée par M. l'abbé Dussert, laquelle
avait pour sujet un Essai historique sur la Mure et son tnande-
menl depuis sts origines jusqu'en 1626. Depuis lors, M. Dussert a
donné de son livre une seconde édition continuée jusqu'à nos
jours.
Une autre incursion sur le terrain de l'histoire locale a été faite
par l'Ecole de médecine de Grenoble dans une thèse de doctorat,
1. Bourgoin, 1902, in-8°, 20 pages. (Tiré à 22 exemplaires).
CHRONIQUE, 135
présentée par M. Ferdinand Chavant, snr La Peste à Grenoble
(1410-1643).
L'Association française pour l'avancement des sciences, qui
avait déjà tenu un congrès à Grenoble en 1885, a décidé qu'elle
se réunirait de nouveau dans cette ville en 1904. Une Commis-
sion présidée par M. Pionchon. professeur à la Faculté des Scien-
ces, a été chargée de préparer la réception des membres de ce
congrès.
Le 14 avril dernier, un groupe d'amis se réunissait à Romans
chez M. le chanoine Ulysse Chevalier, correspondant de l'Insti-
tut, pour le féliciter de l'œuvre colossale qu'il a entreprise et
menée à bonne fin sous le titre de Répertoire des sowces histori-
ques du moi/en âge. Jamais témoignage d'estime ne fut plus mé-
rité, et tous ceux qui, en Dauphiné ou ailleurs, s'intéressent aux
études historiques, se sont associés à ses amis pour le remercier,
avec le R. P. Poncelet, « d'avoir, par un labeur acharné et une
abnégation rare, trouvé le moyen, au milieu de ses beaux tra-
vaux personnels, de doter les historiens de nombreux et inap-
préciables instruments de travail ». M^'" BelJet a dressé le procès-
verbal de cette belle réunion que présidait Ms'' Henry, évêque
de Grenoble, et il y a joint une bibliographie très complète des
publications du laborieux érudit.
M. l'abbé Jules Chevalier, qui suit de près les traces de son
cousin, va faire paraître prochainement une Elude sur la
Révolution à Die et dans la vallée de la Drôme, dans laquelle
seront insérés des mémoires fort curieux du chanoine Lagier-
Vaugelas, qui fut candidat à l'évêché constitutionnel de la Drôme.
De son côté, Ms^'' Bellet, revenant aux études d'histoire locale
qu'il semblait avoir abandonnées, a commencé dans le Bulletin
de la Société d'Archéologie delà Drôme une histoire de la ville de
Tain.
Un des érudits les plus actifs et les plus féconds de la région
valeiitinoise, M. le chanoine Fillet (Jean-Louis Alexis), né à Saint-
André en Royans, le 2i novembre 1840, est mort à Grignan le
l" février 1902, laissant une centaine de volumes ou brochures,
tous relatifs à l'histoire du Dauphiné. C'était un de ces travail-
leurs modestes et consciencieux qui, loin des ressources qu'of-
frent les grands dépôts d'archives et les bibliothèques, bor-
nent leur ambition à recueillir patiemment dans les vieux regis-
tres des mairies et des presbytères les souvenirs historiques de
136 ANNALES DU MIDI.
leur petite ville et à les raconter ensuite k leurs concitoyens
dans des monographies sans autre prétention que celle de leur
absolue sincérité.
Dans les Hautes-Alpes, M. l'abbé Guillaume s'occupe, avec son
activité coutumière, de la réorganisation de ses archives qui ont
failli être dévorées par un incendie dans la matinée du
26 mai 1902 et qui, après avoir échappé au feu, ont subi pendant
les mois d'avril et de mai, cinq inondations successives; car le
bâtiment des archives, dont la toiture avait été brûlée, était
resté à découvert du 26 mars au 10 juillet. Ces bouleversements
ont à peine retardé la rédaction des trois inventaires du chapi-
tre de Gap, de la ville de Gap, et de la ville de Guillestre, que le
laborieux archiviste mène de front. Même il annonce comme
prochaine la réimpression de l'Histoire de Gap, de Théodore
Gauthier, et une importante publication sur Les bénéfices et les
bènéfi,ciers du diocèse actuel de Gap, dont quelques fragments
ont été imprimés dans diverses revues du Dauphiné et de la Pro-
vence. Enfin, il assume presque seul la charge d'alimenter sa
vaillante revue Les Annales des Alpes, qui vient d'achever sa
dixième année et qui mériterait d'être mieux connue ^ C'est
dans cette revue et dans le Bulletin de la Société d'études des Hau-
tes-Slpes, fondé, lui aussi, par M. l'abbé Guillaume, que sont insé-
rées toutes les publications historiques relatives aux Hautes-
Alpes. A. Prudhomme.
Chronique du Roussillon.
J'ai déjà signalé [Annales, XIV, p. 12o) l'important dépôt fait
aux Archives départementales par des notaires de l'arrondisse-
ment de Prades. Depuis, l'archiviste, M. Palustre, a obtenu de
M. le Président du Tribunal civil les papiers du Conseil souve-
rain de Roussillon, et de M. le Président du Tribunal de com-
merce ceux de l'ancienne Loge de Mer; ce sont là pour nos
Archives départementales des accroissements du plus haut
intérêt.
Le fonds du Conseil souverain de Roussillon constitue, avec le
^onds de l'Intendance, depuis longtemps inventorié par Alart
1. Cf. plus haut, p. 101, le dépouillenient du t. VI àes, Atniales des
Alpes,
CHRONIQUE. 137
(série C), la source la plus précieuse de l'Histoire du Roussillon
depuis la paix des Pyrénées jusqu'à la Révolution. Les docu-
ments judiciaires du preuiier complètent les* documents admi-
nistratifs du second. Le fonds du Conseil souverain est entré
aux Archives départementales au mois de juin 1902 ; il comprend
principalement oj7 registres; il y a malheureusement des lacu-
nes et des mutilations.
Le fonds de la Loge de Mer a été bien plus éprouvé; toute-
fois, les documents qu'il contient — parmi lesquels un précieux
cartulaire — peuvent être d'un grand secours à l'érudit qui ten-
tera d'écrire une histoire du commerce roussillonnais pendant
le moyen âge, et compléter par là les substantielles études que
les fpères de Snint-Malo ont consacrées à la matière^. C'est ici
que le fonds des notaires devra être mis à contribution, car il
nous a conservé la plupart des contrats de nolis ou de fret pas-
sés entre les négociants [mercaders) et les patrons marins.
Le commerce de Perpignan et des autres villes des comtés de
Roussillon et de Cerdagne. qui était alimenté surtout par la
draperie, se faisait par mer, et le Tribunal de commerce portait
le nom de Llolj i de mar. Quiconque a visité Perpignan n'a pas
manqué de s'arrêter devant le beau monument de « la Loge »
qui abritait le Tribunal de mer et la Bourse.
Un classement sommaire permettra bientôt d'utiliser avec
quelque facilité le^ fonds'ide la Loge de Mer et du Conseil sou-
verain de Roussillon.
M. l'archiviste départemental a iQTminè V Inventaire-Sommaire
de la série G (clergé séculier), qui sera prochainement mis en
vente; il y a joint une introduction et un index. Les premières
feuilles de Y Inventaire sommaire de la série H (clergé régulier)
sont imprimées; nous pourrons donc bientôt nous faire une idée
exacte de la diversité et de la valeur des documents ayant ap-
partenu à nos anciens établissements monastiques.
Aux Archives municipales, il y a arrêt dans la publication de
V Inventaire sommaire; nous n'avons que les douze premières
feuilles qui, à la vérité, comprennent l'analyse des grands car-
tulaires de l'hôtel de ville : Liv7'e vert mineur (t. I 1185 1413;
L .IVii piihlii'' inoi-iiirinc. d'upivs los iliimiLcs notariiilcs, dans le
41° Bull, de la Sov. ngr., se. et lilt. des Pyr.-Or., un travail intitulé :
Expéditions des marins et des marchands roussUlon>iais sur Les côtes
de la Syrie et de l'Egypte pendant le moyen âge.
138 ANNALES DU MIDI.
t. II, 1074-1729); Liv7-e vert majeur (t. I, 1162-1785; t. II, 1766-
1768); Livre des Provisions (t. I, 1266-1739; t. II. 1o03-1771).
Dans ma précédente Chronique, parlant du catalogue de la
collection locale de la Bibliothèque municipale, depuis long-
temps terminé, j'annonçais la publication d'une Bibliographie
roussillonnaise que nous préparions, M. J. Cahnette et moi ; elle
paraîtra très prochainement.
Le goût des études archéologiques, qui a chez nous des précé-
dents remarquatjles dans les travaux de Pierre Puiggari, de
Bonnefoy, d'Alart, de Brutails, paraît sommeiller singulière-
ment. Très peu de recherches, peu ou point de fouilles, quelques
découvertes sans grande importance, et c'est tout. En fait de
numismatique, rien, si ce n'est un article sur VAtelier [moné-
taire] cle Perpignan publié dans la Revue de numismatique
(t. V) par M. Blanchet, d'ailleurs étranger au département.
L'histoire est le domaine favori de nos érudits, et ils y réus
sissent assez bien; nous lui devons une oeuvre capitale, Louis XI,
Jean II et la Révolution catalane K par M. J. Cahnette. C'est une
contribution à l'histoire de la diplomatie d j Louis XI, et, en même
temps, à l'histoire de l'unité espagnole. Il n'y a point la deux
sujets distincts, mais il se trouve que le problème de l'unité
espagnole s'est posé, sinon résolu, au cours et h propos de la
partie qui s'était engagée entre le roi d'Aragon et le roi de
France, à l'occasion de la Révolution catalane. L'ouvrage de
M. Calmette est avant tout une étude diplomatique extrêmement
pénétrante; c'est aussi un livre sincère, vigoureux et neuf, écrit
dans un style clair et solide, et avec une impeccable érudition.
L'époque de Louis XI et de Jean II occupe d'ailleurs depuis
longtemps notre jeune historien, et il n'a pas encore dit tout ce
qu'il en sait. Signalons ses Documents relatifs à D. Carlos de Viana
(1460-1461), tirés des Archives de Milan 2, et La fin de la domina-
tion française en Roussillon. additions à son grand ouvrage'.
Entre temps, M. J. Calmette nous a donné quelques petites
études qui nous ramènent aux premiers siècles du moyen âge;
elles sont évidemment les premières esquisses d'un travail d'en-
]. Tuuloiise, Privât, HJUt; 10-8° de (il2 pages.
'i. Mélanges d'archéologie et. d'histotre luihliés par l'Ecole J ra)ir<n!>c
de Rome, t. XXI.
3. Bull, de In Soc. agi-., .se. et. l/'ft. de.s Pgr.-Or., t. XLllI, 1002;
voir A?inales du Midi, t. XV, [». lOô,
CHRONIQUE. 139
semble sur la province de Gothie et la Marche hispanique dont'
l'histoire est encore si remplie d'obscurités. L*une de ces études,
Les marquis de Gothie sous CJiarles le Chauve, a paru ici-même i;
ailleurs avaient déjà paru Les origines de la maison comtale de
Barcelone"^ : Notes sur Wifred le Velu^ : Rampon, comte de Gerona
et marquis de Gothie*: Notes sur les p7^cm,iers comtes carolingiens
d'Urgel^.
Revenant à l'époque de Louis XI et de Jean II, M. J. Calmette
a étudié avec le plus grand soin la Seconde partie du manuscrit
catalan P. 13 de la Bibliothèque natiotiale de Madrid^. Cet inté-
ressant document avait déjà été signalé par M. MassiVTorrents,
et M. Morel-Fatio y avait reconnu l'œuvre d'un nommé François
Boscha, qui mourut le 3 février 1480, racional de la Députation
ou Général de Catalogne. L'auteur de ces Annales. Joan Francès
Boscha, est cité quatre fois par l'illustre Zurita. et M. Calmette
montre qu' « il faut considérer notre manuscrit comme l'une des
sources de Zurita. » Et il ajoute : « Aussi bien celui-ci a-t-il pris
en réalité à Boscha plus qu'il n'a déclaré. Parfois, en effet, il
s'en sert sans le citer, et je n'en veux pour preuve que le récit
fait par Zurita du siège et de la capitulation de Perpignan en
4473; l'auteur aragonais a tiré la plupart de ses éléments de la
relation de Boscha, et il s'est contenté de traduire cette rela-
tion, à peu près textuellement, en langue castillane. » C'est là
une bien intéressante constatation.
M. l'abbé Gibrat s'est fait connaître par quelques courtes mo-
nographies locales, qui sont d'un chercheur dévoué et infati-
gable'. L'histoire des communes, étudiée dans ses menus détails
1. Annales du Midi, t. XIV, 1902.
'2. M'Hanges d'archéologie et d'histoire publiée! pdr l'Ecole française
de Rome., t. XX.
8. Revista de Archicos, Bibliotecas y Mtiseos, Mîidrid, lOOl.
4. Le Moyen âge, l'JOL
5. Mélanges, etc., t. XXU.
6. Bibliothèque de l'École des Charles, t. *LXIIT. ]90'2.
7. La paroisse et le clergé de Saint-Pierre-dels-Forcuts [i-aiiton de
Mont-Louis) de 1680 à 17S9. Céret, Roque, 1898, iu-8° de 70 p.; Notice
historique sur la chapelle de Saint-Mirhel-de-Combt-et et ses environs.
Céret, Pioque, 1809, in-12 de 41 p.; Deux études sur le Ilau.t-Cniifleni...
(Prats do Ralagiier, les testninents au xviir siècle dans le llaul-Coiitlent).
Céret, Koques, 1899; in-8" de 70 p.; Dea.r ttouoelles études sur le Haut-
Conffent (1. Monographie du village de Fontpédrouse ; '2. Petit guide de
Nuria). Céret, Roque, lUOo, in-8" de liO p.; Monographie de deux pa-
140 ANNALES DU MIDI.
ht avec beaucoup de soin, sera, d'un grand secours pour celui
qui se chargera un jour d'écrire une Hisloit-e générale du Rous-
sillon. Il utilisera aussi la Galerie 7'oussillonnaise que publie
M. l'abbé Capeille dans le Journal illustré des Pyrénées- Orien-
tales : c'est une série de portraits et de biographies courtes,
mais généralement bien informées, qui. plus tard, seront très
probablement réunies sous forme de dictionnaire.
M. l'abbé Ph. Torreilles, qui a limité, semble-t-il, ses études
d'histoire locale aux xviie et xviir siècles, nous a donné Le rôle
politique de Marea et de Seri'oni durant les guerres de Catalogne
(1644-1660) et La publication de la Bulle « In Cœna Dojnini »,
deux études déjà signalées par les Annules du Midi^. Collabora-
teur actif de la Revue d'Histoire et d' Archéologie du Roussillon et
du Bulletin de la Société agricole, scientifique et littéraire des
Pyrénées- Orientales, il a fourni à ces deux recueils des articles
très documentés qui ont été ou seront signalés à un autre en-
droit des Annales. Il collabore aussi à la Semaine religieuse du
diocèse de Perpignan, dirigée par Ms'' de Carsalade du Pont. Sous
le titre de Glanwes d'histoire et d'art religieux, ce recueil publie,
depuis environ trois ans, une série d'articles qui ne manquent
pas d'intérêt.
Le P. Ernest Marie de Beaulieu a publié Les Sanctuaires de la
Vierge en Roussillon, d'une lecture fort agréable^. Le sujet avait
été savamment traité au xvii" siècle par le P. Narciso Camés
dans son Jardin de Maria plantado en el Principado de Cata-
luna, ouvrage devenu rarissime, et d'ailleurs abordable à un
petit nombre de Roussillonnais . parce qu'il est écrit en cas-
tillan.
M. D. Jacomet. qui est tout ensemble un fin lettré et un émi-
nent magistrat, a tracé, sous la forme d'un discours de rentrée,
un agréable tableau du Conseil souverain de Roussillon, qui joua
un rôle si important dans les annales judiciaires et politiques
de notre province^. M. Jacomet n'a pas fait oeuvre d'érudit; il
n'a point consulté les archives dont il a été question au com-
roisses rurales (Passa et Villemolaque) dans le Journal illustré des
Pyrénées-Orientales , 1903, publié à Perpignan par I\I. .loseph Payret.
1. T. XV, p. 2(33.
2. Perpignan, Latrobe, 1903; in-r2 de,,310 p.
3. Le Conseil souverain de Roussillon, Montpellier, 1901 ; in-B" de
58 p.
CHRONIQUE. 141
mencôment de cette Chronique, mais son essai donne néanmoins
une idée exacte de ce que fut ce « parlement » de Roussillon.
M. Et. Schlumberger a raconté en un fort volume VExpédition
des Almugavares ou Routiet^s catalans en Orient de l'an 1302
à 13ii^. Un grand nombre de Roussillonnais firent partie de
cette étonnante expédition. A ceux qui. comme nous, ont lu la
Crônica de Ramon Muntaner et VEspedicion de los Catalanes y
Aragoneses contra Turcos y Griegos, publiée à Barcelone en 1623
par Francisco de Moncada, M. Schlumberger n'apprendra rien
de nouveau. L'ouvrage a d'ailleurs été très vivement critiqué
par la Revisla de Bibliografia catalana, de Barcelone 2, et par la
Revista de Archivos, de Madrid 3.
La période révolutionnaire, qui pendant quelques années (de
1885 à 1898) avait sollicité l'attention et excité la verve érudite
de certains d'entre nous, est totalement délaissée; il nous fau-
dra bien y revenir un jour, car l'histoire politique de la Révolu-
tion et de la République naissante dans les Pyrénées-Orientales
n'est pas encore faite. L'histoire militaire est beaucoup plus con-
nue. ayai;t été retracée par un écrivain spécial. Fervel, qui a
écrit deux excellents volumes sur les Campagnes delà Révolution
française dans les Pyf'énées-Orientales. Le chef militaire qui y
joua le plus grand rôle est assurément Dugoramier. Le capitaine
Pineau vient de lui consacrer un gros volume pour raconter sa
vie tout entière"*; le capitaine Fanet s'en est tenu à la période
qui correspond à son commandement dans les Pyrénées-Orienta-
les, la seule qui nous intéresse 5. Ce sont là deux bonnes études
d'histoire militaire. 11 est regrettable que le livre du capitaine
Pineau, fort bien ordonné d'ailleurs, et souvent très bien écrit,
soit déparé, en certains endroits, par des renseignements faux,
évidemment transmis à l'auteur par des correspondants ignares.
C'est ainsi qu'il est dit (p. 38), à propos du représentant Cassa-
nyes : « Cassanyes (Jean), né à Perpignan en 1762, avocat en
1. Paris, Plon-Nourrit, 1902; in-B" de 396 pages et une carte de La
Grèce et l'Asie-Mhieure vers 1300.
2. N" 4, janvier-juin 1902.
y. N» d'avril-mai 1902.
4. Le général Dugommier, sa vie, sa correspondance . Paris, Henri-
Charles Lavauzelle, s. d. [1902], in-S" de 835 pages.
T). Dugommier, d'après sa correspo?idu)ice durant les dix mois de
comma)idement à l'armée des Pyrénées-Orientales (l'A janvier -11 no.
vernbre 1794^, dans le Carnet de la Sabretache, 1903.
142 ANNALES DU MIDI.
1789.. , mort à Perpignan en 1839. » Or, Cassanyes s'appelait
Jacques -Joseph; il est né à Cartel le il novembre 1758; il était
médecin : il mourut à Canet le 22 avril 1843.
Les volontaires du Cantal se firent remarquer à l'armée des
Pyrénées-Orientales : à la bataille du 17 juillet 1793, sous Perpi-
gnan, à la bataille de Peyrestortes le 17 septembre, ils se cou-
vrirent de gloire. Ces braves sont pour moi de vieilles connais-
sances, les ayant souvent rencontrés au cours de mes recherches
sur la Révolution, et je suis heureux de les retrouver dans la
notice si soignée et si largement documentée que leur a consa-
crée M. Jean Delmas dans la Revue de la Haute-Auvergne^.
Signalons, enfin, une nouvelle édition des Mémoi?'es politiques
et militaires du général Doppet^^ qui servit à l'année des Pyré-
nées-Orientales, depuis le 29 novembre 1793 jusqu'au 2S septem-
bre 1794, en qualité de général de division et de commandant en
chef. Il n'y montra pas de grands talents militaires, mais il fut
brave soldat et bon patriote. Ces Mémoires manquent de style,
mais ils sont d'une lecture agréable, et la bonhomie de l'expres-
sion leur donne le charme de la sincérité.
Pierre Vidal.
Chronique du Vivarais.
En dehors des publications de la Revue du Vivarais, qui vient
de terminer sa onzième année, et qui reste toujours le grand
foyer des études d'histoire locale, un certain nombre d'ouvrages,
remarquables à divers titres et dans diverses mesures, sont ve-
nus, depuis notre dernière chronique, s'ajouter à la bibliographie
de l'Ardèche.
A la ville d'Annonay, qui est, d'ailleurs, la plus considérable
du département, revient le principal honneur de ces publica-
tions, parmi lesquelles il faut citer en première ligne le beau
travail de M. Léon Rostaing : Les anciennes loges maçonniques
d'Annonay et les clubs (1760-1815); Lyon, Brun, 1903. Grâce aux
archives de ces loges et au registre des clubs, lesquels furent
1. La patrie en danger, les Volontaires du Cantal; tirage à part,
Aurillac, E. Blancharel, 1902.
2. Mémoires politiques et militaires du général Doppet édités par
Désiré Lacroix, Paris, Garnier, 1903, in-12. La première édition parut en
1824, chez les frères Baudouin.
CHRONIQUE. 143
une sorte de continuation des loges pendant la période révolu-
tionnaire, M. Rostaing a pu faire de ces associations une étude
approfondie et très documentée, qui restera comme un élément
précieux de l'histoire de la Révolution dans le Haut-Vivarais. On
y voit aussi combien la franc-maçonnerie d'avant la Révolution
était différente de celle de nos jours.
Une étude non moins intéressante à un autre point de vue est
celle de M. Emmanuel Nicod sur {'Hospitalisation à Annonay.
C'est une histoire complète de la bienfaisance dans cette ville
depuis le xiir' siècle, mais c'est aussi un coin du tableau général
des misères d'autrefois des plus instructifs, et dont l'auteur a su
tirer le meilleur parti, malgré l'apparente aridité du sujet. La
ville d'Annonay devait déjà à M. Nicod plusieurs Notices sur
des notabilités ou des institutions annonéennes (la famille du
Peloux, les Cordeliers. h» Chambre de commerce, les rues d'An-
nonay, et en dernier lieu le Catalogue de la collection ardéchoise
de sa Bibliothèque, que devront consulter tous ceux qui voudront
s'occuper de la bibliographie de l'Ardèche) ; elle lui devra main-
tenant un monument des plus durables élevé à la mémoire de
tous ses bienfaiteurs anciens et modernes, dont M. Nicod a eu
l'heureuse idée d'inscrire les noms à la fin de son livre.
Le Collège d'Annonay, par l'abbé Chomel, retrace la carrière
d'une congrégation enseignante. Les Basiliens, institués sans
bruit pendant la Révolution dans un village de montagne entre
le Vivarais et le Velay, furent appelés à Annonay au commence-
ment du xix« siècle et y prospérèrent si bien, qu'ils purent éta-
blir d'autres collèges dans diverses villes du Midi, en Algérie et
jusques dans le Canada. L'ouvrage de l'abbé Chomel contient des
notices et souvent le portrait de la plupart des prêtres de Saint-
Basile qui ont coopéré à cette œuvre.
A l'autre extrémité du département, la ville de Largentière
nous ramène à son historien, le docteur Francus, dont les der-
niers articles sur la chouannerie de 1797 à 1800 {Revue du Viva-
rais de septembre et octobre» semblent indiquer que l'œuvre
touche à son terme. Cet écrivain a publié de plus, comme suite
au Voyage autour d'Annonay, le Voyage au pays des Bouti'eres,
dont on trouvera plus bas une analyse sommaire. (Voir p. 148.)
Le docteur vient aussi de publier le tome III de ses Notes et docu-
ments sur les Huguenots du Vivarais, et il annonce pour une
époque très rapprochée le tome IV, qui doit terminer son travail
144 ANNALES DU MIDI.
sur les guerres religieuses du xvi« siècle, et qui — bonne nou-
velle pour les chercheurs d'histoire et de généalogies -- contien-
dra une table analytique de tous les noms de personnes et de
lieux mentionnés dans les quatre volumes.
Le clocher de la cathédrale de Viviers est un des monuments
historiques du pays. La méritoire étude archéologique que lui
consacrait récemment le chanoine Mollier a mis à l'ordre du
jour le singulier phénomène que voici : il paraît certain que le
paratonnerre de la vieille tour est parfois agité et d'ordinaire
en temps calme, de très fortes oscillations, tandis que ceux des
édifices voisins restent immobiles. Plusieurs hypothèses ont été
émises sur les causes de ce fait, et Ton trouvera dans la Revue
du Vivarais àe 1902, pp. 166-7, le résumé des observations faites
depuis vingt-trois ans.
Nous nous bornerons à mentionner une Etude historique et
canonique sur la vie commune, forme parfaite de vie privée dans
le clergé séculier, par Tabbé Mirabel. ancien directeur auxi-
liaire du grand séminaire d'Avignon, aujourd'hui curé de Meysse
(Ardèche) ; Paris, 1901. -- L'histoire officielle des Gardes mobiles
de VArdèche pendant la guerre de 1870-71; Privas, Impr. Ardé-
choise, 1901. — Une monographie de Cruas, comprenant une
Notice architecturale sur l'église (monument historique), par
M. Baussan, architecte du diocèse de Viviers, suivie d'un Aperçu
historique, par M. Mazon. Privas, Impr. Centrale, 1903. — Une
notice, Vivief-s (qui ne serait que le résumé d'un futur ouvrage
en deux volumes sur le même sujet), par M. Joseph Bourg;
Viviers, 1903.
La brocliure Un Musée social à Privas, par E. Bonnand (Privas,
19.02), qui a fait, lors de son apparition, quelque bruit dans un
certain cercle, nous fournit la matière de diverses observations
par lesquelles sera close cette chronique. L'auteur préconise la
réunion dans un même local des collections Malbos, de la biblio-
thèque de la ville (dont il avait la charge), et de tous les échan-
tillons des industries d'art ou autres pouvant intéresser l'his-
toire sociale de lArdèche. L'idée est assurément des plus loua-
bles. Seulement — il y a beaucoup de « seulement » à lui opposer
— le passé en cette matière n'est guère de nature à faire bien
augurer de l'avenir. Les collections formant le Musée Malbos, du
nom de son principal fondateur, honorable géologue, qui fut
reçu en 1854 membre de l'Académie des sciences de Toulouse, ces
CHRONIQUE. 145
collections, disons-nous, d'abord placées dans une des salles de
la Préfecture, puis transportées à l'Ecole normale des institu-
teurs, sont tombées en plein désarroi, par suite d'jla négligence
des administrateurs qui en avaient la charge, et ont perdu la
plus grande partie de leur valeur; pour être complètement édifié
là-dessus, il n'y a qu'à lire certain rapport du préfet à la ses"
sion du Conseil général de 1899. La bibliothèque municipale n'a
pas été mieux traitée et se trouve dans le plus déplorable état
d'abandon. Enfin, l'auteur de la brochure lui-même ayant été
transféré dans un autre département, on peut considérer son
projet comme enterré, et nous ne pensons pas que les circons-
tances actuelles paraissent à personne favo râbles à sa résurrec
tion. A. M.
ANNALES DU MIDI. — XVl. 10
LIVRES ANNONCES SOMMAIREMENT
Brun (Abbé). Vabbé J. P. Lapauze. Bordeaux, Feret, 1903; in-S"
dex-118 pages. — C'est la monographie d'un curé du pays borde-
lais, à la veille et pendant les journées de la Révolution. Ce curé
était vénérable d'une loge de francs-maçons. Le travail est plein
de faits vraiment fort curieux sur l'état d'âme de ce bas clergé,
qui a été pour beaucoup dans le succès — et l'échec — de la Ré-
volution française. C. JULLIAN.
Cazac (H. -P.). Le lieu d'origine et les dates de naissance et de
mort du philosophe Francisco Sanchez. Paris. Fontemoing, 1903 ;
in-8*' de 27 pages. — L'opuscule de M. C. est extrait d'un livre en
préparation sur la vie de Don Francisco Sanchez, le philosophe
sceptique, qui fut professeur de philosophie et de médecine à
Toulouse dans le premier quart du xv!!*" siècle, et qui intéresse à
ce titre notre histoire méridionale. M. Cazac résout deux diffi-
cultés biographiques : 1" Snnchez est désigné tantôt comme
Espagnol, tantôt comme Portugais; en réalité il est né à Tuy,
ville espagnole, qui relevait alors, pour l'Eglise, du diocèse de
Braga, en Portugal. 2» D'après Guy Patin, copié par les biogra-
phes postérieurs, Francisco Sanchez est mort en 1632, âgé de
soixante-dix ans, ce qui place sa naissance en 1562 ; or, le Nihil
scitur est imprimé en 1581, composé dès 1575, à une époque où
le philosophe aurait eu treize ans! La difficulté vient d'une erreur
typographique. Il faut lire 1623 au lieu de 1632, comme l'attestent
l'inscription (MDCXXIII) du portrait de Sanchez à la Faculté de
médecine de Toulouse et le livre des décès de la Daurade, au
16 novembre 1623 : « François Chance, docteur et régent en
médecine, âgé de soixante-treize ans. » E. Trouverez.
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 147
Chevaldin (L.-E.). Les jargons de la fat^ce de Pathelin. Paris,
Fontemoing, [1902]; petit in-8" de xvi-olu pages. — Nous de-
vons signaler ici ce livre, dont le titre dit assez le sujet, à
cause des pages (I6i-20l) qui y sont consacrées au passage où
Pathelin, censé en délire, « gergonne en limosinois ». Ce cha-
pitre, comme tous les autres, témoigne de longues recherches et
d'une rare érudition, qui n'a rien de rébarbatif, bien au contraire :
l'exposition de M. Ch. est toujours piquante, animée, et ne
saurait effaroucher le lecteur le moins familier avec les ques-
tions linguistiques. Peut-être quelques-uns trouveront-ils même
que M. Ch. s'attarde trop volontiers le 1 mg de la route et qu'il
abuse un peu des citations et des renvois (surtout à des livres
élémentaires ou trop répandus); peut-être paraîtra-t-il à d'au-
tres qu'il eût mieux valu être plus bref sur des passages à peu
près désespérés; mais on comprend d'autre part que M. Ch. n'ait
pas voulu perdre le fruit de tant de recherches et de réflexions.
— Pour en revenir au passage qui nous intéresse, est-il vrai-
ment écrit en « limousin » ? On n'y reconnaît aucun des traits
spécifiques du dialecte. M. Ch. pense donc, avec M. Constans,
qu'il faut prendre le mot « limosin » au sens large et que l'au-
teur a tenté d'écrire dans un quelconque des dialectes d'oc, avec
lesquels il était du reste peu familier. La restitution des cinq
premiers vers est très plausible; celle des deux derniers, du
sixième surtout, est des plus hypothétique. M. Ch. traduit : « Ne
carillonne pas; fais ton dodo, carde l'argent, point je ne me
soucie. » Mais on ne voit pas ce que vient faire ici un carillon,'
ni pourquoi Pathelin voudrait endormir le drapier (les mss. ont
du reste fuy ou fut et non fay). Le dernier vers doit plutôt signi-
fier : « [Faites en sorte] qu'il ne me parle pas d'argent » et faire
allusion à un des vers précédents où le drapier réclamait préci-
sément son dû. En somme je crains bien qu'il n'y ait là, pour
longtemps encore, de quoi intriguer les amateurs de rébus.
M. Ch. aura du moins fourni (outre mainte explication vraisem-
blable) une base solide aux recherches en coUigeant scrupu-
leusement et en communiquant au public les variantes de tous
les manuscrits ou anciennes éditions.
A. Jeanroy.
Fraikin (Abbé J.). Les comptes du diocèse de Bordeaux d/e i3i6 à
1453. Rome, Saint-Louis-des Français, 1903; in-8" de 190 pages.
— Publication de textes, d'après les Archives de la Chambre
148 ANNALES DU MIDI.
apostolique, capitale pour l'histoire économique et la topono-
mastique du Bordelais au xiv» siècle. C. Jullian.
Francus (D'^). Yoyage au pays des Boutiéres. La région de
Vernoux. Annonay, impr. Hervé, 1902 ; in-S" de 228 pages. — Les
Boutiéres sont les vallées parmi lesquelles se creuse celle de l'E-
rieux, route directe ouverte du Rhône au faîte de la montagne. Ces
petits bassins de grès, semés dans un pays de granit, s'étendent
entre le Bas-Vivarais et le Haut-Vivarais dont ils dépendent,
entre les pays des « Royols » et celui des «Bedos » : « raides ver-
sants, bruyantes rivières, âpres sommets, avec des sapins en
haut et des châtaigniers en bas. types bibliques et têtes rondes,
dont les cerveaux ne ressemblent pas tout-à-fait aux autres. La
nature même y a des allures sévères » (p. lOj. Elle est dure et
peu féconde. Les Boutiéres sont le quartier général des calvi-
nistes vivarois; à Boffres la population est protestante aux 4/5,
dans le canton de Vernoux pour les 2/3, etc. On ne s'étonnera
donc pas qu'un voyage en ce pays ait provoqué force réflexions
et dissertations politico-religieuses, que le caractère des Annales
du Midi nous interdit d'aborder. L'auteur, fort heureusement, ne
s'en est pas tenu là. Son érudition aimable et profonde a multi-
plié les renseignements historiques : sur Vernoux (voir p. 34,
deux pièces relatives au ministre des Hubas, arrêté le 12 décem-
bre 4 745 à Saint-Agrève et pendu sans miséricorde); sur Cha-
lancon, dont la famille seigneuriale (les Poitiers d'abord) ne doit
, pas être confondue avec celle de Chalancon en Velay, comme l'ont
fait les auteurs de VHistoh-e de Languedoc, etc. P. Dognon.
Histoire de Lacaune (Tarn). Bergerac, impr. générale du Sud-
Ouest, 1902 ; in-8» de 4 92 pages. — Ce livre, qui a pour auteur un
ecclésiastique, M. Gautrand*, s'étend beaucoup sur les « confes-
seurs de la foi » de l'époque révolutionnaire (chap. iv), sur les
établissements religieux (chap. v), sur l'église, les curés, les
vicaires (chap. vu); mais il devient par trop bref lorsqu'il traite
d'autres points, que des laïques jugeraient plus intéressants :
ainsi la commune du moyen âge, Lacaune aux xiif, xive et xve
siècles, sa vie, son organisation. Les documents ne manquent
point, car le cartulaire de la ville subsiste, et ses archives ont
eu la bonne fortune d'être classées par feu M. Jolibois. L'auteur,
1. Cf. Annales, t. XV, p. 430.
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 149
au lieu de quelques pièces, aurait pu en publier davantage —
surtout les mieux publier ; — il n'aurait pas non plus été dif-
ficile d'en tirer un meilleur parti. On trouvera des détails à
recueillir dans le chap. iv. déjà cité, relatif à la Révolution, et
dans les chap. ii (Lacaune et les protestants) et m (Lacaune aux
xvii« et xviije siècles). P. Dognon.
GuiBERT (L.). Nouveau recueil de registres domestiques, limou-
sins et m,archois, publié avec le concours de MM. Leroux, Lecler,
Champeval et Moufle. Limoges, Ducourtieux, 1903; gr. in-S" de
4M pages. Tome IL — Le tome premier avait paru en 1895. Si
l'on y ajoute le recueil (en un volume) de Livres déraison, regis-
tres de familles et journaux individuels, limousins et tnarchois,
paru en 1888, ce n'est pas moins de trois volumes de documents
que M. Guibert et ses collaborateurs ont livrés au public. Et l'on
sait assez aujourd'hui de quel profit sont, pour l'histoire des
mœurs et de la vie pratique, souvent même pour celle des insti-
tutions et des événements locaux, ces modestes témoins du passé.
Ui). coup d'œil jeté sur la tab'e analytique des matières permet
de s'en rendre compte. Nous avons indiqué la valeur relative de
chacun de ces registres à mesure qu'ils paraissaient dans le
Bulletin de la Société historique de Brive. 11 suffira aujourd'hui
de dire que leur réunion sous une même couverture ajoute encore
à leur importance, en permettant des rectifications, des compa-
raisons, des rapprochements fort instructifs. L'annotation est
sobie, mais suffisante; l'introduction à chaque registre en
marque bien le caractère. Les futurs historiens de la Marche et
du Limousin devront désormais faire état de ces recueils.
A. Leroux.
Lefèvre (E). Bibliographie m,istralienne. Frédéric Mistral. Bi-
bliographie sommaire de ses œuvres, avec l'indication de nom-
breuses études, biographies et critiques littéraires. Notes et docu-
ments sur le félibrige et la langue d'Oc. Marseille. 1903; édition
de VIdèio prouvençalo, 24, rue Paul; in-S» de 154 pages. — M. Le-
fèvre est l'auteur d'un Catalogue félibréen que nous avons pré-
senté à nos lecteurs (XIV, 136). Le présent ouvrage témoigne du
même zèle et de la même étendue d'information,' mais on y re-
trouve aussi — et nous n'hésitons pas à le dire, puisque M. L.
est un de ces travailleurs sérieux qui accueillent plus volontiers
une critique fondée qu'un éloge banal, — quelques-uns des dé-
fauts que nous avons dû reprocher à son précédent opuscule.
150 ANNALES DU MIDI.
Disons tout de suite que M, L. a accompli d'une façon très satis-
faisante la partie la plus essentielle de sa tâche : il signale non
seulement les différantes éditions des oeuvres de Mistral et les
particularités qui les distinguent, mais aussi, ce qui est fort
méritoire et utile, les centaines de morceaux en vers et en prose
que le poète de Maillane a répandus à profusion dans divers re-
cueils (VArmana prnuvençau, VAiôli, etc.) ou qu'il a imprimés
çà et là en guise de préfaces ou avant-propos. M. L. nous donne
aussi une liste, d'une richesse effrayante, d'articles publiés sur
Mistral et ses œuvres, et une autre, également fort curieuse, de
« Documents mistraliens » (médaillons, dessins, mélodies, etc.).
Quelque abondantes qu'elles soient, ces deux listes sont sans
doute incomplètes, et on ne saurait en faire un reproche à M. L.,
car il est probable que la bibliothèque même de Mistral ne pos-
sède pas tout ce qui a été imprimé au sujet de son œuvre. Mais,
en ce qui concerne cette œuvre, M. L. était rigoureusement tenu
d'être complet, et il eût pu y réussir, sans doute, en recourant à
l'obligeance bien connue du Maître lui-même. Il manque évi-
demment bien des articles au chapitre V {Préfaces, Causeries, etc.).
Sans avoir jamais pris aucune note sur ce sujet, je constate, par
exemple, l'absence de la belle « lettre » mise en tête des Chan-
sons d'azur de Philadelphe de Gerde (s. 1. 1898), d'une autre
lettre écrite à l'occasion du mariage d'Armagnac - Laforgue
{Lou libre nouvial, Montpellier, 1901, p. xvi), et de deux septains
écrits pour le mariage de Rivière-Laforgue (le Midi tnondain,
no du 2-8 nov. 1901).
Mais le grand tort de M. L., c'est d'avoir, cette fois encore,
beaucoup trop élargi son cadre. On lit, en tête de la section B
du chapitre VI (p. 38) : « Documents sur F. Mistral et ses œu-
vres (Documents sur la langue d'oc et ses écrivains). » Malen-
contreuse parenthèse! Comment M. L. n'a-t-il pas vu qu'elle
introduisait un sujet tout nouveau, absolument étranger au
premier, et dont l'immensité est telle qu'elle effraierait à bon
droit le bibliographe le mieux armé? Notons que, par « langue
d'oc », M. L. entend le provençal ancien et tous les dialectes
modernes. Quelles troublantes perspectives!... Inutile de dire que
M. L., dans le chapitre qu'il prétend consacrer à ce sujet, l'ef-
fleure à peine. Il s'en est aperçu — malheureusement — et il a
essayé de combler les lacunes dans un abondant « appendice »,
où il a versé le dépouillement de quelques revues spéciales
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 151
{Romania, Revue des langues romanes). Mais que d'autres docu-
ments lui ont échappé! Il y aurait injustice à insister et j'aime
mieux tenir tout de suite cette partie pour non avenue. — Je
me permettrai encore quelques critiques concernant la forme.
La « Bibliographie mistralienne », à laquelle M. L. aurait dû
s'en tenir, pourrait être plus clairement ordonnée; les subdivi-
sions — mal distinguées par la typographie — sont trop nom-
breuses (pourquoi ne pas réunir, par exemple, les articles de
revues et les articles de journaux?); dans le chapitre VI, comme
dans les autres, l'ordre alphabétique eût dû être observé. Enfin
l'impression a été médiocrement surveillée; les fautes typogra-
phiques abondent clans les titres d'ouvrages allemands (et même
italiens) et dans les noms propres : Larremandi [pour Larra-
mendi\, Graziano [pour Graziadio] [Ascoli], Fœrslers [pour Fœrs-
ter\, Henri [pour Hermann] {Suchier), Waîlemskold [pour Wal-
lenshœld]. etc. A. Jeanroy.
LA.STEYRIE (R. de). Eludes sur la sculpture française au moyen
âge. Paris, Leroux, 1903; in-4» de loi pages. — On a fréquem-
ment agité la question de savoir si les architectes et sculpteurs
du Nord se sont inspirés des œuvres méridionales de l'art roman
ou s'il faut admettre l'influence inverse. M. VOge abonde dans
le premier sens, Gourajod dans l'autre; M. Marignan tient un
moyen terme. La cathédrale de Chartres et le cloître de Saint-
Trophime, en particulier, ont servi de points de comparaison.
M. de L., reprenant ce débat, conclut : 1» que si le portail royal
de Ciiartres, en conséquence de deux incendies (1134 et 1194), a
dû être reconstruit comme l'église elle-même au xiiie siècle, on
a replacé et appliqué sur les murailles restaurées ou neuves les
sculptures anciennes : par celles-ci le portail date de 1160 ou
environ ; il est franchement roman ; î^ quant au cloître de Saint-
Trophime, il faut le rapporter à l'an 1180, son portail à 1180 ou
1190. Quoique postérieur au portail royal de Chartres, rien ne
prouve qu'il en procède, pas plus que Chartres ne procède du
portail de Saint-Gilles, presque contemporain, à peine antérieur,
dont les figures épaisses et courtes diffèrent tant des corps
allongés du portail royal. L'œuvre accomplie à' Chartres se rat-
tacherait plutôt à celles que l'on observe dans la vallée de la
Loire, à la Charité, puis à Vézelay, en Bourgogne. — Le travail
de M. de L. s'appuie aussi sur l'étude préalable des églises roma-
nes de Saint-Guilhem-du-Désert (Bas-Languedoc), de Beaucaire,
152 ANNALES DU M!DI.
Tarascon, Romans... C'est un modèle d'induction archéologique;
aucun élément de discussion n'y est négligé : observation directe
du monument, examen historique des textes qui le concernent,
iconographie, sigillographie, épigraphie. — Belles planches en
héliogravure. P. D.
Mellet. Etat des gentilshommes et des possesseurs de fiefs no-
bles dans les jufHdiclions dépendant des sénéchaussées de Guyenne
et de Libourne. Bordeaux, Gounouilhou, 1903; in-4" de 43 pages.
— Avec notes biographiques. Important pour les généalogies et
le régime seigneurial à la fin du règne de Louis XIV.
C. JULLIAN.
NicoLLET (F.-N.). Les derniers membres de la famille d' Orange-
Montpellier et leurs possessions dans le Gapençais. Gap, Peyrot,
1903; in-8" de 58 pages (extrait des Annales des Alpes, 1903.
1" livr.). — M. NicoUet a trouvé à la bibliothèque Méjanes deux
abondants recueils de documents formés au xviii« siècle, rela-
tifs en grande partie à l'histoire du prieuré de Saint-Gilles, et il
en a tiré ce qui intéresse l'histoire du Gapençais. De quelques-
uns d'entre eux, il a extrait des faits qui lui ont permis de com-
pléter sur quelques points de détail les récentes éludes de
M. l'abbé Guillaume sur la Comraanderie de Malte à Gap. Trois
autres sont publiés in-extenso; ce sont : 1o une donation de
la seigneurie de Talard à l'ordre de Saint-Jean par Tiburge
d'Orange (1215); 2" une bulle de Frédéric confirmant à l'ordre
de Saint-Jean la possession de la moitié de la ville d'Orange
(1217); 3" le testament de Rambaut IV confirmant toutes les do-
nations faites antérieurement par lui à l'ordre de Saint-Jean
(1218). Ces textes sont très soigneusement commentés; tous les
personnages qui y figurent sont l'objet des recherches les plus
approfondies, et l'auteur réussit notamment à préciser, mieux
que tous ses devanciers, la généalogie de la famille d'Orange à
la fin du XIV et au commencement du xiif siècle. — A propos de
Rambaut le troubadour, on est tout étonné de voir M. N. citer
encore les Vies des poètes provençaux de Nostredame, dont l'au-
torité est depuis longtemps ruinée. A. Jeanroy.
Paultre (C). La « taille tarifée » de l'abbé de Saint- Pierre
et V administrât ion de la taille. Paris, Rousseau, 1903, grand
in-S" de xi-260 pages. — Cette thèse de doctorat en droit inté-
resse le Midi par quelques côtés. L'auteur a étudié, en effet,
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 153
l'application de la taille tarifée dans la généralité de Guyenne
(2e partie, chapitre ii). et surtout dans la généralité de Limoges
f3e partie tout entière). Il a consulté les archives locales, étudié
les lettres et les instructions de Turgot et tracé un tableau d'en-
semble auquel il manque peu de chose. Il sera possible, un jour,
de creuser davantage la question ; il est douteux qu'on en puisse
rectifier beaucoup les lignes principales. A. Leroux.
RouMEJOUX (A. DE). Essai sur les guerres de religion en Péri-
gord, 1551-1598. Périgueux, impr. de laDordogne, 1903; in-S" de
225 pages. — L'auteur n'a pas voulu écrire un livre, mais sim-
plement faire un « recueil des faits qui se sont passés en Péri-
gord » de l'origine du calvinisme à l'édit de Nantes, bref une
sorte de chronique. On comprend qu'il soit impossible de résu-
mer cette série chronologique de coups de main, batailles, prises
et reprises de villes, villages, châteaux. En Périgord la lutte est
ardente; les trêves ne l'arrêtent qu'à demi : les protestants y
étaient nombreux, et plus nombreux encore autour, surtout à
l'Est, dans la vicomte de 'l'urenne, et au Sud, dans la belle et riche
plaine de la Dordogne, que leurs armées suivaient d'ordinaire.
Là s'élevaient leurs places les plus assurées, Bergerac, Sainte-
Foy... La paix de Fleix y fut conclue, la bataille de Coutras
livrée et gagnée par leur chef, Henri de Navarre. Cette vallée
reliait les pays réformés du Centre et du Midi à ceux de l'Ouest,
Angoumois, Saintonge. Aunis. — M. de R. ne s'est pas inquiété
d'enchaîner, de grouper les faits. Tout au plus cherche-t-il à
montrer comment ceux dont le Périgord était agité se ratta-
chent aux événements qui troublaient Paris et tout le royaume.
Ces événements généraux, il les raconte trop longuement, et
parfois avec peu d'exactitude. P. 119 : Joyeuse s'empara de Mal-
zion et de Marieuse en Gévaudan; lisez sans doute Le Maizieu et
Marvejols. P. 120 .- Lesdiguières fait en Provence et en Dauphiné
une rude guerre aux protestants (1586) : chacun aura sur le
champ rectifié l'erreur; car on sait que Lesdiguières était un des
principaux chefs protestants. Du moins voudrait-on que les
guerres religieuses du Périgord eussent été l'objet d'études pro-
pres à renouveler le sujet. Malheureusement M. de R. a travaillé,
moins à l'aide des archives, qu'avec de Thou, Davila, écrivains
connus, le P. Dnpuy, le chanoine Tarde, historiens familiers
peut-être aux Périgourdins, mais qu'il n'aurait pas été inutile, à
l'usage des étrangers, de citer autrement que par leur nom seul.
154 ANNALES DU MIDI.
Les références de M. de R. s'écartent par trop de la méthode
usuelle et rationnelle. Parfois elles sont inintelligibles. P. 194:
nous apprenons que le Livide noir (qui paraît un cartulaire des
Archives de Périgueux) est perdu; on n'en possède qu'un extrait
tiré des papiers Leydet; pourquoi, en ce cas, est il cité, pp. -168,
183, etc., comme appartenant auxdites archives? Qu'est-ce que
les « papiers Leydet et Prunis » de la Bibliothèque Nationale?
Ils y figurent sans doute sous une cote, qu'il aurait fallu citer. —
On trouvera cependant dans cet ouvrage des traces de recher-
ches personnelles, quelques documents inédits, surtout à la fin,
sur la révolte des Croquants, et aux pièces justificatives
(pp. 210-15), qui ont été empruntées aux Archives di la Dordogne.
P. DOGNON.
Saint-Jours (B.). V Adour et ses embouchures anciennes. Dax,
Labèque. 1903; in-8'î de 7*2 pages. — M. le capitaine des douanes
Saint-Jours continue, très courageusement, très sagement, sa
campagne en faveur de la thèse « de la stabilité des dunes du
littoral ». Il a mille fois raison. Tout ce qu'on a écrit sur les
variations de ce littoral est rêverie pure. Un seul point a
changé : c'est l'embouchure de l'Adour. La seule question à
résoudre est celle de savoir où il se jetait avant le xii» siècle.
Depuis que je revois Ptolémée et Marcien d'Héraclée, je crois
bien que c'était à Capbreton. C. Jullian.
Sternfeld (R.) et Schultz-Gora (0.). — Ein sirventes voni268
gegen die Kirche und Karl von Anjou. (Extrait des Mitlheilungen
des Inslituls fur œsterreichische Geschichtsforschung . XXIV,
pp. 616-29. — Je n'ose croire que M. Sternfeld, en reprenant le
sujet récemment traité par moi dans cette revue, ait déféré au
désir que j'avais exprimé {Annales, XV. 145); le principal est
qu'il l'ait fait'. M. St étant actuellement l'homme du monde qui
connaît le mieux l'histoire de Charles d'Anjou, on pouvait être
certain à l'avance qu'il répandrait sur le sujet des lumières tou-
tes nouvelles. M. St. accepte, à peu de chose près, la date que
j'avais assignée au sirventes de Panza (il propose seulement de le
reculer d'un mois ou deux) et considère la plupart de mes expli-
cations comme exactes ou vraisemblables; mais il n'en est
1. La part de collaboration de M. Scliultz-Gora consiste vraiseinbla-
blement dans la traduction littérale du sirventes et les quelques correc-
tions proposées à mon texte,
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 155
guère qu'il ne complète, il en rectifie quelques-unes et fournit
sur les points restés obscurs les éclaircissements les plus satis-
faisants. Il montre, par exemple, quelle était en 12(i8 la situation
particulière des Génois vis-à-vis de Conradin et de Charles, et
comment cette situation rendait plus délicate la tâche du trou-
badour ; il confirme l'hypothèse que j'avais indiquée sans m'y
arrêter (p. 159, n.) au sujet de l'identification des « comtes »
(v. 4i); il explique le reproche fait à Charles au sujet des Grecs
et des Latins (v. 56), à l'Eglise au sujet de la trêve conclue avec
les infidèles (v. 7) et entre dans des détails très précis au sujet
des intrigues des légats à Crémone (v. ri) ; il pense qu'il s'agit,
au V. 32. non de Gui de Dampierre, mais de son fils Robert de
Béthune. qui avait pu consentir à son beau-père des prêts d'ar-
gent '; la prédiction dont il est question au v. 12 ne serait autre
que celle qui est contenue dans le fameux Evangile éternel de
Joachim de Flore. En somme, tous ceux qui s'intéressent à
l'histoire des troubadours et à celle de Charles d'Anjou seront
reconnaissants à M. St. de cette précieuse contribution.
A. Jeanroy.
TissiER (J.). — Documents\inèdUs pour servir à l'histoire de la
Réforme et de la Ligue à Nai'bonne et dans le Narbonnais. Nar-
bonne, impr. Caillard, 1900; in-8" de 576 pages — Documents
inédits pour servir à l'histoire de la province de Languedoc et de
la ville de Narbonne en particulier (1596-1632). Narhonne. impr.
Gaillard, 1903; in-8'^ de 136 pages. — Ces deux séries de docu-
ments, d'étendue fort inégale, se font suite. Elles ont paru dans
le Bulletin de la Soc. archéol. de Narbonne, t. V, VI, VII; M. T.
s'est borné à les faire tirer à part, sauf à y joindre de très bon-
nes tables alphabétiques des noms propres. Nous avons signalé
déjà la première série aux « Périodiques méridionaux » [Annales,
t. XIV, p. 90), et nous en avons indiqué, en quelques mots, la
valeur. Mais quelques mots ne suffisent pas lorsqu'il s'agit de
recueils de cette importance. La correspondance des consuls de
Narbonne, d'où ils^ont été tirés, commence en 1570 et compte, de
cette date à 1632, environ 4000 pièces. Elle est formée presque
uniquement de lettres adressées aux consuls; leurs propres mis-
sives nous resteraient donc inconnues, à peu d'exceptions près,
1. i/('tn[)l()i (les mots « comte do Flandres » reste toiitefois surprenant,
Robert de Béthune ne portant pas ce titre en 120d,
156 ANNALES DU MIDI.
si M. T. n'avait eu la bonne fortune d'en retrouver des minutes,
écrites de 4583 à 1593. Enfin, d'un registre dit « Commis-
sions, 4577 », il a pu extraire un certain nombre de lettres
{1377-1595), qu'il a publiées à la fin du premier volume. A condi-
tion de ne retenir que celles qui offrent de l'intérêt pour This-
toire générale ou pour celle du Languedoc et de Narbonne, il a
transcrit et publié H° 609 pièces comprises entre 1370 et le traité
de Folembray, de 1396; 2'^ 104 pour les années 1596-1632. J'aurais
souhaité que de plus il rappelât, et même énuraérat avec préci-
sion dans sa préface, ou mieux, en note, celles que Mouynès
a insérées dans l'Inventaire des archives de Narbonne, sér. AA,
Cor7-espondance politique. — Quel que soit l'intérêt de certaines
pièces de la seconde série, la première l'emporte sous ce rapport
autant que par l'étendue. C'est que Narbonne s'est trouvée, pen-
dant les deux révoltes de Montmorency Daraville et les guerres
de la Ligue, sur une sorte de frontière : grande place forte, elle
était située au bout du « chemin français », au point où cette
route, venant de Toulouse, pénètre en Bas-Languedoc. Ses habi-
tants se distinguaient par leur haine contre les huguenots et les
politiques. Les Joyeuse l'avaient longtemps gouvernée. Le vieux
Joyeuse, appuyé sur Toulouse, fit de Narbonne son poste avancé
au cours de la guerre qu'il soutint pour le roi. puis pour la
Ligue, contre Montmorency dont il était le lieutenant, dont il
devint le rival. En 1389 il dit « tout haut que Narbonne est sa
maison, qu'il y veult mourir et despandre le sien pour la conser-
ver », qu'elle peut « monstrer example aux autres villes d'estre
fermes en leur religion et promesses... » (n" 286). De fait, elle ne
reconnut le roi Henri IV qu'avec le duc de Joyeuse, à la dernière
extrémité. — Ses consuls recevaient de toutes parts des ordres,
des avis, des prières et aussi des renseignements. On trouvera
dans leur correspondance des précisions remarquables sur des
événements qui se sont passés bien loin de Narbonne : sur la
révolte de Toulouse en octobre 1589 (n"^ 325 et suiv.), sur le com-
plot découvert au Puyet la bataille qui s'en suivit (octobre 1594;
no 521), etc. — Les transcriptions de M. T paraissent fidèles :
mérite appréciable pour qui connaît les difficultés de la paléo-
graphie du xvi« siècle. P. 29, 1. 3, je lirais remuement au lieu de
ruinement. P. Dognon.
PUBLICATIONS NOUVELLES
Armoriai général de France, dressé par Ch. d'Hozier, publié
sous la direction de M. de La Roche-Lambert-Mions. l'^'' fasc.
Paris, libr. des Archives de la noblesse, 8, rue de Nesles, 1903;
gr. in-8" à 2 col., p. 1-16, avec fac-similé.
Blazy (Abbé L.). Contribution à l'histoire du pays de Foix. 1"
sér., xvii= siècle. Foix, Pomiès, 1903; pet. in-S» de 107 p.
Capelle (E.). Un moine : le Père Jean, abbé de Fontfroide
(ISIo-ISOS). Toulouse, Privât, 4903; in-4o de xx-600 p. avec un
portrait et illustrations dans le texte.
Cassan (Abbé L.). Mélanges d'histoire locale. 3e fasc. La Con-
frérie de la Sainte-Vraie-Croix de Montpellier. Montpellier, imp.
de la Manufacture de la Charité, 1903; in-S", p. 59 à 113.
Cazenove (A. DE). Campagnes de Rohan en Languedoc (1621-
1629). Toulouse, Privât, 1903;in-8o de 145 p. [Extr ait des Annales
du Midi, t. XIV et XV.]
Chavant (F.). La peste à Grenoble (1410-1643) (thèse). Paris,
Storck, 1903; in-8o de 83 p. avec grav. et planches.
Clugnet (L.). Bibliographie du culte local de la Vierge Marie
(France), 2^ fasc. Province ecclésiastique d'Albi. Paris, Picard,
[1903]; in-8o, p. 75 à 137.
Darmangeat (L.). Histoire de la royale et dévote compagnie
des Pénitents-Gris d'Avignon. Avignon, Roumanille, 1903; in-16
de 256 p. et grav.
Darricau (A.). Scènes de la Terreur k Bayonne et aux environs
(1793-1794). Bayonne, imp. Lamaignère, 1903; gr. in-8" de 207 p.
Descostes (F.). Les émigrés en Savoie, à Aoste et dans le pays
de Vaud (1790-1800), d'après des documents inédits. Chambéry,
Perrin, 4903; in-8» de 351 p.
158 ANNALES DU MIDI.
DuFFAUT (H.). Roqueville, monographie duflef et de la chapelle
de ce nom. Toulouse, Privât. 1903; in-8f de xvi-440 p.
Evrard de Fayolle (A.). Recherches sur Bertrand Andrieu,
de Bordeaux, graveur de médailles (1761-1822). Chalon-sur-Saône.
Bertrand, 1902; pet. in-4'' de xii-139 p., grav. et portrait.
Fenouillet (F.). Monographie du patois savoyard. Annecy,
Roche, 1902; in-S" de 279 p
Font (Chanoine F.). Histoire de l'abbaye royale de Saint-Mar-
tin-du-Canigou (diocèse de Perpignan). Perpignan, imp. Latrobe,
1903 ; in-8" de xix-233 p. et grav.
Gerbaix de Sonnaz (A. de). Amé V de Savoie et les Savoyards
à l'expédiiion de l'empereur Henri VIT de Luxembourg à Rome
(1308-1313,. Thonon-les Bains, imp. Dubouloz. 1902 ; in 8" de 208 p.
GiPOULON (J.). Etude sur l'allodialité en Auvergne. M'^"'"'jçon,
imp. Herbin, 1903; in-8« de 186 p
Grousset ^E.). Histoire du diocèse de Montpellier pendant les
premiers siècles. Montpellier, imp. de la Manufacture de la
Charité, 1903; in-8" de 134 p.
KuRTH (F.). Les origines de la civilisation moderne, 5e éd.
Paris, Retaux, 1903; 2 vol. in-8'>.
Lacave (Abbé M.). Histoire de Langon. Bordeaux, imp. Cadoret,
1903; pet. in-8° de 273 pages et plan.
Lavisse (E.). Histoire de France, depuis les origines jusqu'à la
Révolution, t. II. i. Le christianisme; les barbares mérovingiens
et carolingiens. Fasc. 1 à 4. Paris, Hachette, 1903; in-8t> carré,
p. 1-439.
Lavisse (E.). Histoire de France, depuis les origines jusqu'à la
Révolution, t. 11. ii. Les premiers Capétiens (987-1137). Fasc. 2.
Paris, Hachette, 1903; in 8» carré, p. 97 à 192, avec fig. et cartes
dans le texte.
Lecestre (L.). Abbayes, prieurés et couvents d'hommes en
France. Liste générale, d'après les papiers de la Commission des
Réguliers, en 1768. Paris, Picard. 1902; in-8'3 de xii-157 p.
Lot (F.). Etudes sur le règne de Hugues Capet et la fin du
xe siècle. Paris, Bouillon, 1903; in-8o de xl-o2o p. [Bibliothèque
de l'Ecole des hautes études, 147» fasc.].
Louis XI. Lettres de Louis XL roi de France. Publiées, d'après
les originaux, pour la Société de l'histoire de France, par J. Vae-
sen et E. Charavay, t. VIII. Paris, Laurens, 1903; in-8° de 388 p.
PUBLICATIONS NOUVELLES. 159
Massabie (Abbé B.). Vie d'Alain de Solminiac, évêqne. comte et
baron de Cahors. Cahors. Plantade, 1903; in-16 de x-24o p.
Maurel (Abbé M.-J.). Histoire religieuse du département des
Basses-Alpes pendant la Révolution. Marseille, Ruât; Digne,
Chaspoul, <902; in-8 ' de vii-51o p.
Mémoires des évêques de France sur la conduite à tenir à
l'égard des réformés, en 1698, p. p. J. Lemoine. Paris, Picard,
1902; \n-8° de XLvm-j-12 p. {Arch. de l'histoire religieuse de la
France, t. I.)
MoLiNiER (A.). Les sources de l'histoire de France. III. Les Capé-
tiens. Paris, Picard, 1903 ; in 8" de 252 p.
MuGNiER (F.). Histoire et correspondance du premier président
Favre. lie partie : Histoire d'Antoine Favre (1557-1624). Paris,
Champion. 1902-1903; in 8° de -539 p. et portr.
Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale
et autres bibliothèques publiés par l'Académie des inscriptions
et belles-lettres, t. XXXVII. Paris. Klincksieck, 1902; in-i» de
6Ô9 p.
Paris (G.). Légendes du moyen âge. Paris, Hachette, 1903 ; in-16
deiv-297 p.
pELLissiER (Abbé J.-E.). Monographie Bas-Alpine. Histoire
d'Allos. Digne Chaspoul, 1901 ; 2 vol. in-12 de xxi-638 p.
Procès-verbal de ce que le sieur Fergon a faict pour la prinse
de possession des terres de BeaujoUeys et Bombes et de ce qu'il
a géré dans les autres terres des duc et duchesse de Montpensier
es provinces du Bourbonnais, Auvergne, Berry et Poictou. Edité
et annoté par E. Longin. Lyon, Brun, 1901 ; in-8o de 163 p.
Radiguer (L.). Maîtres imprimeurs et ouvriers typographes
(1470-1903). Paris, imp. TEmancipatrice, 1903; in-8" de xiii-o73 p.
RÉMUSAT (P. -F. de). Mémoire sur ma détention au Temple
(1797-1799). Publié pour la Société d'histoire contemporaine, par
V. Pierre. Paris, Picard, 1903; in-8o de xLii-191 p. et 1 pi.
RoHAULT DE Fleury (G.). Les couvents de Saint-Dominique au
moyen âge. Paris, Lethielleux, 1903; 2 vol. in-4o avec grav. et
carte. '
Salveton (H.). Antoine (Frédéric) Salveton, homme politique,
magistrat, avocat (1801-1870) Clermont-Ferrand , Couty, 1903;
in-4» de m 172 p
SiCARD (Abbé). L'ancien clergé de France. T. III : les évêques
160 ANNALES DU MIDI.
pendant la Révolution (de l'exil au Concordat). Paris, LecoflFre,
1903; in-8° de 574 p.
SoLANET (Abbé A.). Histoire de Notre-Dame de Quézac, au dio-
cèse de Mende. Mende, imp. Fauc, 1903; in-16 de xii-200 p. avec
grav.
Stenger (G.j. La Société française pendant le Consulat. La
Renaissance de la France. Paris, Perrin, 1903; pet. in-8° de m-
452 p.
Tandeau de MA.RSA.C (P.). Monographie économique d'un
domaine rural en Limousin (thèse). Paris, Rousseau, 1903; in-S"
de 254 p.
Tardieu (A.). Histoire illustrée du bourg de Royat, en Auver-
gne. Clermont-Ferrand, imp. Raclot. 1902; in-S» de 78 p.
Tholin (G.). Catalogue du fonds de Bellecombe, Arch. départ,
de Lot et-Garonne. Auch, Cocharaux, 1902; in 8° de xxxvii-312p.
TouMiEux (Z.). De quelques seigneuries de la Marche, du Limou-
sin et des enclaves poitevines. IX : le comté de la Feuillade. Gué-
ret, imp. Amiault, 1903; in-S" de 140 p. et une carte.
Le Gérant,
P.-Rd. PRIVAT
Toulouse, Imp. Douladoure-PRIVAT, rue St-Rome, 39. —S
LA VIE PRIVEE
DE
GUILLAUME DE NOGARET
Les origines du célèbre légiste sont mal connues. Ce qu'en
ont dit les historiens de sa vie publique, Dupuy, Renan, et
plus récemment M. Holtzmann^, ou les auteurs de V Histoire
générale de Languedoc -, ne satisfait pas toute notre curio-
sité. J'ai tenté de préciser quelques traits de cette figure en-
core énigmatique en recourant à un dépôt de documents peu
connu, bien que partiellement exploré au xviii® siècle par
l'historien de Nimes, Léon Ménard ^ : les archives du château
de Marsillargues. Cette petite ville, dont le territoire forme,
le long de la rive droite du Vidourle, l'extrémité orientale du
département de l'Hérault, fut donnée par Philippe le Bel à
Guillaume de Nogaret en 1304, lors de son retour d'Anagni;
1. [DupuyJ, Histoire du différend d'entre le pape Boîiiface VIII et
Philippe le Bel, roy de France. Paris, 1655. — Ernest Renan, Guillaume
de Nogaret, légiste (Histoire littéraire de la Fra^ice, t. XXVII, pp. 233-
371; Etudes sur la politique religieuse du règne de Philippe le Bel,
pp. 1 et suiv.). — Robert Holtzmann, Wilhem von Nogaret, Rat und
Grosssiegelbewahrer Philipps des Schœnes von Frankreich. Freiburg
im Brisgau, 1898, in-8''.
2. Edition Privât, t. X, pp. 53-59, note xi.
3. Léon Ménard, Histoire civile, ecclésiastique et littéraire de la ville
de Nismes. Paris, 1750-1757, 7 vol. in-1"; — notamment aux tomes I
et II.
ANNALES DU MIDI. — XVI. 11
162 LOUIS THOMAS.
elle n'a point perdu le souvenir île celui qui fut le plus illustre
de ses maîtres : les héritiers de Guillaume de Nogaret possè-
dent encore le château et des terres aux environs; treize
d'entre eux sont ensevelis dans une chapelle latérale de
l'église; au-dessus de leur tombeau, sur l'une des parois, une
plaque de marbre noir porte l'inscription suivante :
t
7 septembre
Messe annuelle
d'expiation
en réparation de Vattental
sacrilège commis par
Guillaume de Nogaret
sur la personne du pape
Boniface VIII
à Anagni le 7 septe^nbre 1303.
Les deux dernières
descendantes prosternées
aux pieds du pape Pie IX
le 21 avril 1875
ont reçu de sa bouche
des paroles de pardon
avec sa bénédiction
apostolique.
C'est l'une d'elles, propriétaire du château', qui voulut
bien m'en ouvrir les archives'*. Ce dépôt est encore très riche,
1. M"« de Brignac, fille du comte de Calvière et de la comtesse née de
Calvisson. On sait aujourd'hui que la descendance directe de Guillaume
de Nogaret s'éteignit à la troisième génération. M"'= de Brignac n'était
donc pas la descendante, mais seulement l'héritière pour une partie de
celui dont elle voulut cependant contribuer à expier les fautes en allant
finir ses jours au Carmel d'Avignon.
2. Ces archives étaient contenues dans quarante et une caisses ou
« tomes » de bois en forme de volumes in-folio. Dix, qui renfermaient
les titres de la famille de Calvière, sont vides ; douze autres, contenant
des papiers récents, n'ont pas été communiqués. Les dix-neuf autres con-
tiennent ce qu'on a pu conserver des archives antérieures à 1789. Les
documents y sont placés sans ordre. Comme une classification générale
aurait demandé beaucoup de temps, j'ai provisoirement numéroté, pour
chaque tome, d'après leur ordre chronologique, tous les documents que
j'ai utilisés. La classification nécessaire sera facilitée par l'inventaire
LA VIE PRIVÉE DE GUILLAUME DE NOGARET. 163
malgré de nombreuses mutilations : les documents datés du
dernier quart du xiii^ siècle y sont nombreux. Et certes, ils
ne donnent pas la solution de tous les problèmes que l'on peut
poser sur l'origine et les débuts de Guillaume de Nogaret :
quand il constitua le premier fonds de ce chartier, il ne son-
geait guère à rassembler les documents de son histoire, mais
plutôt à laisser aux mains de ses héritiers des titres propres à
faire valoir tous les droits qu'il leur avait acquis. Au moins
ceux de ces titres qui nous sont restés nous permettent-ils de
mieux connaître sa vie privée, donc de retrouver à leur
origine, dans des manifestations plus ordinaires de sa person-
nalité, quelques-uns des caractères qui donnent aux actes de
sa vie politique une marque si particulière i.
Le plus ancien document qui, dans, l'état actuel des recher-
ches, fasse mention de Guillaume de Nogaret, est un acte
du 19 juin 1287, par lequel le roi de Majorque confirme les
privilèges de sa ville de Montpellier. Dans la longue liste de
témoins qui termine l'acte, Guillaume de Nogaret est nommé
le troisième parmi cinq docteurs es- lois 2.
que rédigea, au mois de juin 1784, Claude-Marie Eiben, « feudiste de la
ville de Montpellier », à la demande de Jeanne-Pauline du Chayla, veuve
d'Anne-Joseph de Louet de Murât de Nogaret, chevalier, marquis de Cal-
visson; il reste au tome XV des fragments importants de cet inventaire,
qui donnent la mention ou le résumé des nombreuses pièces aujourd'hui
disparues.
1. Outre les archives du château de Marsillargues, j'ai consulté avec
profit les archives municipales de Marsillargues, de Lunel et de Nimes ;
les archives départementales de l'Hérault et du Gard ; la Bibliothèque
nationale et les Archives nationales m'ont aussi foui'ni quelques docu-
ments. — Les archives municipales de Marsillargues ont été inventoriées
en 1781 par le même Claude Riben qui classa celles du château ; elles sont
contenues aussi dans huit « tomes » en bois; quatre, numérotés, con-
tiennent les parchemins antérieurs au xvi' siècle, disposés et numérotés
sans ordre apparent; Riben a aussi commencé la transcription — sou-
vent j)eu fidèle et inexacte — de ceux qui lui paraissaient plus importants
sur un registre qu'il a intitulé : « Cartulaire de la communauté do Mar-
sillargues » ou « Cartes vertes ».
. 2. Archives municipales de Montpellier, grand chartier, n" 115 de l'in-
164 LOUIS THOMAS.
On ne sait rien de précis sur son existence antérieure. On
dit communément qu'il naquit en 1260 à Saint-Félix-de-
Caraman, au diocèse de Toulouse, Jans une famille qui n'était
point noble, et d'un père qui fut brûlé comme patarin; cer-
tains ajoutent que sa mère fut brûlée, et quelques autres de
ses ascendants. — C'est, en effet, une opinion fort séduisante
pour des imaginations romanesques, celle qui fait se lever
contre la papauté persécutrice le propre fils de ses victimes,
et qui nous montre le subtil organisateur de la journée d'Ana-
gni venant de l'Albigeois pour venger la mort des siens...
Mais ce n'est là qu'une opinion dont il convient de discuter le
degré de vraisemblance.
On peut accepter la date de 1260 pour la naissance de Guil-
laume de Nogaret, mais à la condition, toutefois, de supposer
qu'il était, en 1287, tout récemment reçu docteur ès-lois; car
il fallait, pour prendre ses grades en droit civil, de neuf à
onze années d'études*. Il n'est point sûr qu'il soit né à Saint -
Félix, et s'il y naquit, il dut venir de très bonne heure dans
le Bas-Languedoc ; bien que cela ne soit dit formellement
nulle part, il étudia vraisemblablement à Montpellier. Il au-
rait pu étudier à Toulouse et enseigner ensuite à Montpellier,
puisque les privilèges accordés par les papes à l'Université
de Toulouse donnent à tout maître examiné dans une de ses
Facultés le pouvoir d'enseigner ailleurs sans nouvel examen 2.
Mais nous savons par l'histoire des tribulations de son collè-
gue Guillaume Séguier en 1268 qu'un ancien statut interdisait
l'enseignement du droit à Montpellier et dans ses faubourgs à
quiconque n'avait pas été examiné à Montpellier ou à Bo-
logne^. Il n'était pas seul de sa famille à Montpellier : il faut
ventaire Louvet. — Un autre acte du même jour, relatif au don gracieux
do 10,000 livres fait par les consuls de Montpellier au roi de Majorque,
et contenant la même liste de témoins, a été reproduit, des mêmes archi-
ves, par dom Pacotte, au tome I" de la « Collection du Languedoc ».
(Bibl. nat., ms. latin 9173, i" 1--28.)
1. A. Germain, Introduction au Cartulaire\de l'Université de Mont-
pellier, p. 41.
2. Hist. de Latig., éd. Privât, t. VIII, p. 436.
3. Cartulaire de l'Université de Montpellier, pp. 199-200. — Léopold
LA VIE PRIVÉE DE GUILLAUME DE NOGARET. 165
voir un de ses proches dans ce clerc, Mathieu de Nogaret,
qui, au bas d'actes de 1291 et de 1295, figure comme témoin
en sa faveur ou à sa placée Mais sa famille est bien origi-
naire de Saint-Félix-de-Caraman. Lorsqu'en 1271 Philippe le
Hardi recueille la succession de son oncle Alphonse de Tou-
louse, dans la baylie de Saint-Félix plusieurs Nogaret lui
prêtent serment de fidélité^. Le fils aîné de Guillaume de
Nogaret, Raymond Ie^ a souvent auprès de lui, à Marsillar-
gues, Thomas de Nogaret, « chanoine à Saint-Félix^ », et
« noble Guillaume de Nogaret, chevalier de Saint-Félix au
diocèse de Toulouse ^ ». Son petit-fils, Raymond II, réclame
en 1353 l'héritage de ce dernier comme étant son plus proche
parent mâle ^.
Fut-il fils ou petit-fils de patarin? — M. Holtzmann repro-
duit^ les textes qui lui paraissent fonder cette opinion; ils ne
ne sont pas très affirmatifs, usent de formules prudentes —
ut dicitur — et ne s'accordent pas toujours : Eberhard de
Ratisbonne dit que le père de Nogaret fut condamné comme
hérétique; d'après Guillaume Ventura, il aurait été brillé, —
avec sa femme, si l'on en croit Villani, — et après plusieurs
de ses ascendants, affirme le comte de Flandre Louis de Ne-
Delisle, Recueils épistolaires de Bérard de Naples. (Notices et extraits
des manuscrits, t. XXVII, 2« partie, pp. 114-llG.)
1. 1291 : témoin de la cession de ïamarlet par Rousselin, seigneur
de Lunel, à Guillaume de Nogai'et (Arcli. du château de Marsillargues,
t. XXIII, liasse de ïamarlet, n° 1). — 1295 : témoin de la présentation
à la cour de Montpellier du testament de ce même seigneur de Lunel,
fait un mois auparavant en présence de Guillaume de Nogaret. (Rouët,
Notice sur la ville de Lunel au moyen âge ; Montpellier, 1878, p. 416).
2. Lafaille, Annales de la ville de Toulouse, 1" partie. Preuves :
« Saisimentum comitatus Tolosae » ; p. 7, col. 1 : « Poncium de Noga-
reto... Guillelmum de Nogareto de Sancto Felice... » ; p. 4."), col. 2 : « Ber-
nardus de Nogareto... »
3. 1317 : Arch. du chat, de Marsillargues, t. XXIII, n» 12. — 1332 :
Arch. municipales de Marsillargues, t. I, n" 23.
4. 1333 : Arch. munie, de Marsillargues, t. I, n" 41,'publié par A. Ger-
main : U)ie fête de chevalerie à Marsillargues en 1332 (sic). Extrait
des Mémoires de la Société archéologique de Montpellier, s. d.,8p.
in-4'>.
5. Arch. du chat, de Marsillargues, t. XI, n» 4.
6. Ouv. cité, pp. 9, 10.
166 LOUIS THOMAS.
vers. Les documents sur l'œuvre de l'Inquisition en Langue-
doc sont encore nombreux*. J'ai vainement dépouillé ceux de
ces documents qui semblent se rapporter davantage au Lau-
ragais et à l'époque probable du procès qu'on aurait fait au
père ou au grand-père de Nogaret^. Si ses parents furent
brûlés, par qui fut-il élevé? Peut-être par des moines, et cela
expliquerait la qualité de « clerc » qu'on lui donne quelque-
fois; en {out cas, il aurait été instruit par charité, car la con-
fiscation des biens des hérétiques brûlés était toujours pro-
noncée. Mais cela ne s'accorde guère avec les ressources
abondantes que l'on connaît à Guillaume de Nogaret, et qui
ne sauraient provenir uniquement des bénéfices qu'il pouvait
retirer de ses leçons. D'ailleurs, Philippe le Bel, qui, en 1288,
privait d'un simple notariat Raymond Vital, d'Avignonet,
parce qu'il était petit-fils d'un hérétique condamné au bûcher -^j
aurait eu sans doute encore plus de répugnance à confier à un
autre petit-fils de patarin les fonctions autrement importantes
qu'exerça auprès de lui Guillaume de Nogaret. Renan, après
avoir renchéri sur l'opinion commune en assurant que
« Guillaume.. . s'entendit reprocher toute sa vie la mort de son
grand-père* », nous fait entrevoir l'origine probable de cette
légende en racontant la scène d'Anagni : « Boniface dit qu'il
était heureux d'être condamné et déposé par les patarins. Il
faisait sans doute par ce mot allusion aux ancêtres de No-
garet. Peut-éb^e cependant désignait-il par là l'Eglise de
France. Boniface, eu effet, avait coutume de dire que l'Eglise
gallicane n'était composée que de patarins^. » Ce propos du
pape rapproché de l'origine languedocienne de Nogaret, il
n'en fallut pas davantage pour accréditer la légende. Tout au
1. Ch. Molinier, L'Inquisition datais le midi de la France. Paris, 1880.
— Ms' Douais, Documetits pour servir à l'histoire de l'Inquisition dans
le Languedoc. Paris, 1900, t I, Introduction.
2. Le ras. 609 de la Bibliotlièque municipale de Toulouse, et le ms.
latin 9992 de la Bibliothèque nationale.
3. Ms"" Douais, ouv. cité, t. I, Introduction, p. ccxxviij, note.
4. Etudes sur la politique religieuse du règne de Philippe le Bel,
p. 3.
5. Ibid., p. 42.
LA VIE PRIVÉE DE GUILLAUME DE NOGARET. 167
plus pourrait-on dire — mais sans en pouvoir donner aucune
preuve — que les parents de Nogaret, suspects d'hérésie, au-
raient abandonné le Lauragais pour le Bas-Languedoc, et les
terres du roi de France pour celles du roi d'Aragon.
IL
1. — Après 1287, la vie de Guillaume de Nogaret est mieux
connue : il vit, à Montpellier, dans une situation qui paraît
fort brillante. Sa qualité de professeur es lois dans une école
renommée y contribue grandement ; ce n'est pas seulement le
roi de Majorque qui l'honore en le faisant figurer comme té-
moin de ses actes solennels ; ce sont les bourgeois de la ville
qui placent en lui leur confiance. En 1290, il est tuteur des
enfants mineurs de Raymond Gros, changeur', et cette
tutelle devait être assez importante, si l'on songe aux gains
que pouvait réaliser un changeur dans la ville de commerce
international qu'était encore Montpellier au xiii® siècle. Les
communautés du voisinage ont volontiers recours à ses
lumières : en mars 1291, il est arbitre d'un différend entre
Pons Bermond, seigneur du Cailar, les habitants d'Aimargues
et ceux de Posquières, qui se disputent le droit de dépais-
sance et autres « explèches » dans le territoire tUi Cailar 2.
D'ailleurs, il ne paraît pas qu'il soit un jurisconsulte beso-
gneux : il est à l'aise, il a des fonds disponibles, et la gestion
des intérêts qui lui sont confiés ne lui fait pas négliger le soin
de sa propre fortune. Cet acte, du A septembre 1290, qui nous
apprend qu'il est tuteur des enfants Gros, est une obligation
que lui font d'autres mineurs, les fils d'un avocat, Bernard
Catalan : il leur a prêté 50 livres, pour lesquelles ils lui don-
nent en gage la maison qu'ils possèdent près de l'église Saint-
Firmin. Au mois de juin 1291, Guillaume de Nogaret leur
achète cette maison 3. Vers le même temps, q^uand il allait au
1. Arch. du chat, de Marsillargues, t. XXIII, n" 1.
2. Arch. inun. d'Aimargues, DD, 1. — Posquières est le nom ancien
de Vauvert.
3. D'Aigrefeuille, Histoire de la ville de Montpellier, partie ecclésias-
168 LODIS THOMAS.
Cailar pour servir d'arbitre, il avait traversé la plaine du bas
Vidourle; les marais qui en couvraient encore une grande
partie sur les deux rives du fleuve, les vastes espaces laissés
en friche où erraient les troupeaux de moutons et de bœufs
lui donnaient cet aspect d'une terre à peine abandonnée par
les eaux que l'on retrouve aujourd'hui dans la Camargue;
mais le défrichement et la mise en culture de ces « palus »
étaient déjà commencés : la vigne et le blé prospéraient dans
ce sol d'alluvion fertile. Guillaume de Nogaret sut apprécier
au passage tout le profit qu'on y pouvait faire, et il s'empressa
d'en acquérir une partie.
2. — Le 22 octobre 1291, Rousselin II Gaucelm, seigneur de
Lunel, lui donne en eraphytéose perpétuelle le « mas » de
Tamarlet ^ et ses dépendances : terres incultes et en exploita-
tion, vignes, prés, bois, pâturages, palus, cours d'eau, etc.
Rousselin se réserve le domaine éminent et la juridiction
haute et basse, sauf en ce qui concerne la protection des ré-
coltes sur pied (bannum) et les dégâts commis par les trou-
peaux (tala) ; pour ces deux cas, la juridiction appartiendra à
Guillaume de Nogaret et à ses successeurs, qui seuls pourront
lever les amendes et nommer les gardiens des récoltes ou
« banniers ». Et ce droit est accordé, non seulement pour les
possessions directes du mas de Tamarlet, mais encore pour
tout le territoire dépendant de la juridiction de Tamarlet, qui
tique, p. 855, d'après les archives du château de Marsillargues (acte non
retrouvé).
1. Arch. du chat, de Marsillargues, t. XXIII, liasse de Tamarlet, n» 1,
parchemin, copie authentique du commencement du xvi" siècle. — Arch.
mun. de Marsillargues, autre copie de la même époque. Sa cote, « Ta-
marlet, t. I, n» 8 », conforme à l'inventaire Riben de 1784, indique
qu'elle provient du château. — « Jlansum de Tamarleto. » Il est situé
dans la commune de Marsillargues, à 5 kilomètres environ au sud de la
ville ; au milieu d'une vaste palus bordant le Vidourle, aujourd'hui pres-
que entièrement transformée en vignoble irrigable, alors parsemée de
bouquets d'arbres qu'on appelait « le bois de Tamarlet », un tertre de sol
plus ferme et plus haut d'un mètre environ formait une sorte d'îlot sur
lequel était bâti le « mas ». Il a été abandonné, au xviii= siècle, pour un
autre plus grand et plus rapproché du Vidourle; son emplacement est
encore appela « le Castelas ».
LA VIE PRIVÉE DE GUILLAUME DE NOGARET. 169
a pour limites : au raidi, les possessions des coseigaeurs des
Ports; à l'est, celles de l'abbaye de Psalmody ; à l'ouest et au
nord, la juridiction de Saint-Julien'. Les autres eraphytéotes
de ce territoire tiendront désormais leurs possessions de Guil-
laume de Nogaret, qjii percevra le droit de lods en cas d'alié-
nation. Lui-même pourra vendre, donner à cens ou à rente
perpétuelle ou non tout ou partie de ce qui lui est concédé,
sauf en faveur des églises, des clercs et des nobles. Il devra
servir au seigneur de Lunel une rente annuelle de 250 livres
tournois, payable le jour de Pâques, à partir de 1293, « de la
prochaine fête de Pâques en un an », dit le contrat. Si les
terres concédées ne valent pas, après estimation, ces 250 li-
vres de revenu, Rousselin y suppléera par les revenus de son
château de Galargues ; si, au contraire, par la mise en cul-
ture des palus, Guillaume de Nogaret augmente la valeur de
sa tenure, il devra payer un supplément de pension : tous les
cinq ans, des arbitres estimeront cette plus-value et fixeront,
s'il y a lieu, le montant de ce supplément.
Cette simple tenure emphytéotique, bien modeste si on la
compare à l'étendue des terres que Nogaret obtint plus tard
des libéralités royales, constitue déjà un établissement de
quelque importance. On n'en peut fixer exactement l'éten-
due; on la peut assurer fort vaste, en remarquant que Rous-
selin, pour une terre où les palus dominaient, exige une rente
assez élevée, — juste la moitié de celle que Philippe le Bel,
deux ans plus tard, attribua, pour la cession de Montpelliéret
et de la suzeraineté de Montpellier, à i'évêque de Mague-
lonne. En outre, la juridiction du ban et cette sorte de suze-
raineté accordée au possesseur de Tamarlet sur les autres
tenanciers étaient des privilèges honorifiques appréciables.
Guillaume de Nogaret ne veut pas s'en contenter : il veut
substituer le plus possible sa propre domination à celle du
1. Les Ports, territoire marécageux, entre l'étang de Mauguio et le ter-
ritoire d'Aiguesmortes , sur les deux rives du Vidourle. — Psalmody,
abbaye bénédictine située au nord d'Aiguesmortes; elle disparut au début
du xvi" siècle. — Saint-Julien, écart de la commune de Marsiliargues,
était un prieui'é dépendant de Psalmody.
170 LOUIS THOMAS.
seigneur de Limel sur la terre qu'il vient d'acquérir. S'il ne le
peut avec ses propres ressources, la tutelle dont il a la ges-
tion lui en fournira les moyens.
Il n'est pas très siir que Guillaume de Nogaret ait acquitté
à Rousselin de Lunel même le premier, terme de la pension
annuelle qu'il lui devait pour Tamarlet, terme dont l'échéance
tombait le jour de Pâques, 29 mars 1293; ou du moins, ce fut
la seule annuité qu'il lui servit; car, à cette date, il avait
acheté ou il était sur le point d'acheter, pour le compte de
Jean et Raymond Gros, ses pupilles, le domaine éminent de
Tamarlet et le droit de percevoir cette rente'. Le seigneur de
Lunel ne conservait que la suzeraineté, pour laquelle Jean et
Raymond Gros devaient lui payer annuellement une obole
d'or 2. Restait à obtenir, pour ce transfert, la sanction royale,
puisque le seigneur de Lunel était vassal du roi de France, et
que son fief se trouvait abrégé par la cession de Tamarlet à
des acquéreurs qui n'étaient pas nobles. Par lettres patentes
données, au mois d'avril 1293, à l'abbaye de Sainte-Marie,
près de Melun, Philippe le Bel confirme l'acquisition de
Tamarlet par Guillaume de Nogaret ^ D'autres lettres, datées
de même, sanctionnent le transfert des droits du seigneur de
Lunel aux enfantsGros, ceux-ci ayant, par le ministère de
leur tuteur, payé le lods aux gens du roi^.
S'il n'était pas encore l'unique maître de Tamarlet, du
moins Guillaume de Nogaret en avait-il désormais l'entière
administration. Et il lui était certainement plus agréable de
se payer à soi-même, comme représentant de ses pupilles, la
rente de 250 livres tournois, que de la servir au seigneur de
1. Confirmation royale d'avril 1293. — Arch. du chat, de Marsillargues,
t. XXIII, liasse de Tamarlet, n» 2.
2. Arch. du chat, de Marsillargues, t. XXIII, liasse de Tamarlet, n» 3,
accord passé entre Guillaume de Nogaret et Jean Gros, le 31 octo-
bre 1302.
3. Arch. du chat, de Marsillargues, t. XXIII, liasse de Tamarlet, n" 9,
papier, copie de 1650, par le garde des archives de la sénéchaussée,
d'après un vidimus du sénéchal du 7 janvier 131.5.
4. Arch. du chat, de Marsillargues, liasse de Tamarlet, n" 2, parche-
min original : « Licet ex hiis diminuta sit baronia predicta... quauquam
ipsi forsitan de nobilium génère non existant... »
LA VIE PRIVÉE DE GUILLAUME DE NOGARET. 171
Lunel. Il conserve d'ailleurs avec celui-ci des relations cor-
diales; et quand, le 21 décembre 1294, Rousselia Gaucelm
fait son testament, il choisit Guillaume de Nogaret comme
l'un de ses exécuteurs testamentaires ^
3. — Guillaume de Nogaret était alors juge mage de la
sénéchaussée de Beaucaire^. — Au mois de mars 1293, les
officiers royaux de la sénéchaussée, profitant des démêlés de
l'évêque de Maguelonne avec les consuls de Montpellier,
avaient obtenu qu'il cédât au roi de France sa part de la
ville — Montpelliéret — et la suzeraineté qu'il avait sur toute
la seigneurie de Montpellier, contre une rente de 500 livres
tournois, qui serait assise en sa faveur sur les terres du
domaine royaP. Guillaume de Nogaret s'employa à ce trans-
fert de souveraineté avec toute l'ardeur qu'un professeur de
droit, nourri du Code Justinien, ne pouvait manquer d'ap-
porter à une afî'airo qui favorisait l'extension de la puissance
royale. Il reçut aussitôt sa récompense, dans ces lettres
royaux du mois d'avril qui confirmaient son établissement et
celui de ses pupilles à Tamarlet. Pendant toute l'année 1293,
il fut l'un des meilleurs auxiliaires du sénéchal et du recteur
royal de Montpellier dans la recherche — assez délicate — de
la compensation territoriale qui serait offerte à l'évêque de
Maguelonne; il prit part aux estimations qui furent faites à
ce propos dans la baronnie de Sauve et ailleurs^. Cela lui
valut de passer définitivement au service du roi. En 1294, il
fut fait juge mage de la sénéchaussée; en 1295, tout en gar-
dant ce titre, il rejoignit le roi en France et entra au Parle-
ment^.
1. Rouët, Notice sur la ville de Lunel au moyen âge, p. 414.
2. Ménard, Hist. de Nimes, t. I, Preuves, p. 123, coL 2. Nogaret est,
en qualité de juge mage, témoin d'un acte daté de la "Saint-Martiu d'été
de 1294.
3. A. Germain, Histoire de la commu?ie de Montpellier, t. II, p. 114.
4. Arch. nat., J 339, n° 13.
5. Le P. Anselme (Hist. des grands officiers, etc., t. VI, p. 299) dit
que Guillaume de Nogaret suivit le roi on Normandie comme juge mage
de la sénéchaussée de Beaucaire, en 1295; le roi le fit ensuite entrer au
172 LOUIS THOMAS.
Sur ces entrefaites, Rousselin Gaucelm, seigneur de Lunel,
était mort sans postérité, et deux prétendants se disputaient
son héritage : Raymond Gaucelm, seigneur d'Uzès, désigné
par le testament de Rousselin, et Guiraud d'Ami, seigneur de
Castelnau, que substituait, en cas de déshérence, le testament
du grand-père de Rousselin. Le roi fit saisir la baronnie de
Lunel \ et l'on amena les deux compétiteurs à la lui céder
contre des rentes ou d'autres domaines représentant la valeur
de ce qu'ils pouvaient revendiquer. L'affaire fut menée par
les officiers royaux de la sénéchaussée. Guillaume de Noga-
ret, exécuteur testamentaire de Rousselin, n'hésita pas à
interpréter ses volontés dernières dans le sens d'un accroisse-
ment de la puissance royale. En contribuant à joindre au
domaine une ville et une seigneurie importantes, il servait
son intérêt particulier : en effet, la substitution du roi au
seigneur de Lunel faisait de Tamarlet un fief direct de la cou-
ronne. Cela explique pourquoi l'estimation des revenus que
le roi pouvait attendre de ses nouveaux domaines de Lunel,
et la recherche des compensations que l'on pouvait offrir à
Géraud d'Ami, notamment dans la seigneurie de Rochefort,
furent faites à sa diligence ^ et se retrouvèrent, au lendemain
de sa mort, parmi ses papiers 3.
4. — Tandis que Guillaume de Nogaret était auprès du roi,
l'administration de ses biens demeurait à sa femme, Béatrix,
et à Guillaume André, qu'il avait choisi comme bayle de
Parlement. — Il n'était plus en Languedoc au mois d'août 1295, car à
cette date les habitants de Lunel ayant une question de mitoyenneté à
débattre avec lui demandent à entrer en pourparlers avec sa femme.
(Arch. mun. de Lunel, série K, liasse 2, n° 1816.)
1. Hist. de Lanrj., éd. Privât, t. IX, pp. 185-18(3.
2. Arch. nat., J 302, n» 2 : « Substancia facti de Lunello et de Ruppe-
forte... »; f" 3 : « Hec est substancia facti de Lunello [et de Ru]pperorte
qui débet iniri in forraam domino judici maiori. In nomine domini. Anno
domini mocc" nonagesimo quinto et pridie ydus iulii... », etc.
3. Bibl. nat., ms. Dupuy, t. 635, f» 101 v° : « Littere reperte in domo
defuncti domini Guillelmi de Nogareto specialiter signate et distincte.
Hec sunt reperte pênes defunctum dominuni Guillelmum de Noga-
reto... »; f» 103, col. 2 : « ... Substancia facti de Lunello et de Ruppe-
forti. Item... », etc.
LA VIE PRIVÉE DE GUILLAUME DE NOGARET. 173
Tamarlet. De grands travaux d'arnélioratioa étaient entrepris
sur ce domaine, et soulevaient déjà les réclamations des voi-
sins. Au mois d'août 1295, les iiabitants de Lunel font une
très vive opposition aux, travaux d'une chaussée sur le
Vidourle^ Le bayle répond qu'il est prêt à interrompre les
travaux s'il est prouvé que cette chaussée porte vraiment
préjudice aux habitants de Lunel. Ce préjudice n'apparut pas
suffisamment et la chaussée fut construite. En 1313, les Lu-
nellois estimaient 10,000 livres le dommage qu'elle leur au-
rait causé; empêchant l'écoulement rapide des crues — et
l'on sait que les crues du Vidourle sont particulièrement
violentes, — elle aurait amené la rupture des digues et l'inon-
dation des terres^. En 1327, ils sollicitaient et obtenaient du
roi Charles IV l'ordre de la démolir^.
Comme les habitants de Lunel avaient protesté contre la
chaussée, ceux de Marsillargues protestent, quelques années
plus tard, en 1299, contre le défrichement et la mise en cul-
ture d'une partie de Tamarlet : le « Sol du Vidourle », c'est-
à-dire la partie du lit de la rivière que les eaux ne recou-
vrent qu'au temps des grandes crues. Pour eux, il est vrai,
il s'agit non d'un dommage à éviter, mais d'un droit à con-
server. Une concession du seigneur de Lunel en 1204, renou-
velée en 1266 et précisée par Rousselin Gaucelm le 10 novem-
bre 1286, leur a donné'' le droit de faire paître leur bétail,
1. Arch. mun. de Lunel, série K, liasse 2, n" 1816, pareil, original :
« Anno dominice incarnacionis m" diicentesimo nonagesimo quinto sci-
licet tertio ydus augusti régnante domino Philippo rege Francorum,
constituti Petrus Calcadelli, Pontius de sancto Marcio... sindici univer-
sitatis hominum de Lunello seu universitutis tam nobilium quam pro-
borum hominum apud Morteirs in ripa fluminis Viturli ubi dominus
GuiUelmus de Nogareto ut dicitur faciebat fieri quamdam resclauzam
rogaverunt cum magna instancia Guillelmum Andrée baiulum seu pro-
curatorem dicti domini Guillelmi quatinus faceret cessari ab opère dicte
resclauze donec locuti fuissent cum uxore dicti domini Guillelmi et aliis
suorum araicorum et tractassent cum ipsa et ipsis amicis quod ijjsa res-
clauza non fieret, quod possct nocere hominibus terre Lunelli... »
2. Arch. mun. de Lunel, série P, liasse 1, n"' 2110 bis et 2114.
3. Arch. de l'Hérault, Titres de Lcuiguedoc, t. X, f" 33.
4. Arch. mun. de Marsillargues, t. I, n" 4, parch. original, acte du
8 mai 1266 reproduisant celui de 1204; — t. I, n" 8 bis, parch. original
du 10 novembre 1286.
174 LOUIS THOMAS.
depuis la Saint-Michel jusqu'au carême, dans les prés de
Tamarlet, tant qu'ils ne seront pas rais en culture, et nom-
mément sur le Sol du Vidourle — alveum Vilurli, — sur
les levées et sur les rives.
Guillaume de Nogaret s'occupe lui-même de ce différend.
Dès le milieu de l'année 1299, il est revenu en Languedoc se
montrer à ses amis avec sa nouvelle qualité de « chevalier ».
Quatre ans de bons services auprès du roi lui ont mérité
l'anoblissement. En 1298, c'est « maître Guillaume de No-
garet » qui siège au Parlement* et au Conseil du roi; il s'y
occupe, entre autres choses, des intérêts de Lunel, qui de-
mande au roi, son nouveau seigneur, quelques avantages,
comme le droit de prolonger jusqu'à la ville le canal — ou
roubine — qui relie son territoire à l'étang de Mauguio^ El
lorsque, le 22 juin 1299, à Nimes, le sénéchal Jean d'Arreblay
annonce aux syndics de Lunel que satisfaction leur est accor-
dée, c'est « discret homme monseigneur Guillaume de Noga-
ret, chevalier, professeur es lois, conseiller de notre seigneur
le roi », qui est venu, pour la circonstance, siéger auprès de
lui^
Le 15 décembre il est à Marsillargues, et consent à donner,
pour la mise en culture du Sol du Vidourle, 500 livres d'in-
demnité; il accorde, en outre, aux habitants le droit de pas-
sage sur ce territoire, avec la faculté d'y faire paître leur
bétail de labour le long des chemins; et tant que les cinq
termes fixés pour le paiement ne seront pas échus, il leur
permet, à titre gracieux, de conduire leurs troupeaux dans
tous les palus de Tamarlet qui ne sont pas encore mis en
culture*.
D'ailleurs, que n'accorderait-il pas, en ce jour où sa gran-
1. Olim, éd. Beugnot, t. II, p. 428.
2. Les pièces de l'enquête ordonnée à ce sujet sont aux Archives na-
tionales, J 302, Lunel, 6. Elles figuraient parmi les documents trouvés
chez Guillaume de Nogaret. (Bibl. nat., ms. Dupuy, t. 635, f° 103, col. 2,
à la suite de l'enquête de 1295 citée plus haut : « Item plura sci'ipta
tangentia regem et homines de Luncllo. »)
3. Th. Millerot, Histoire de Lunel, pièce justificative n" X, p. 482.
4. Arch. mun. de Marsillargues, t. II, n" 22, parch. original.
LA VIE PRIVEE DE GUILLAUME DE NOGARET. 175
deur nouvelle se manifeste à tous les yeux? Ce sont les offi-
ciers royaux de la sénéchaussée, Raymond de Pojolan, juge
mage et lieutenant du sénéchal, Pierre de Béziers, procureur
royal, qui ont accepté de juger ce différend, non à raison de
leurs fonctions, mais comme arbitres amiables; c'est chez le
recteur royal de Montpellier que l'acte ratifiant leur choix a
été passé; et s'ils ont choisi ce 15 décembre pour venir pro-
clamer à Marsillargues les libéralités de Guillaume de Nogaret
à l'égard de ses voisins, c'est qu'ils y doivent tenir ce jour-là
une assemblée solennelle. Sur l'ordre du roi, le juge mage
y a convoqué tous les propriétaires riverains, pour délibérer
avec eux sur les travaux qu'exige l'aménagement du lit et
des digues du Vidourle^. A côté des syndics des communautés
de Lunel, Marsillargues, Le Cailar, Aimargues et Saint-Lau-
rent il y a là les seigneurs des Ports, l'abbé de Psalmodi,
Bermond d Uzès, seigneur d' Aimargues, Pons Bermond, sei-
gneur du Cailar; et Guillaume de Nogaret, convoqué au
même titre qu'eux pour son mas de Tamarlet, s'asseoit à côté
d'eux, — à côté de Pons Bermond, auquel il peut ainsi
montrer tout le chemin parcouru, depuis moins de huit
ans, par le professeur de Montpellier qu'on avait fait jadis
venir au Cailar comme arbitre.
Guillaume de Nogaret eut pour sa part à faire élargir le
lit du Vidourle à travers toute sa terre jusqu'à la « fosse
courbe », à le faire redresser de la « fosse courbe » à la
« grande fosse provençale ». Après avoir pris la charge de
ces travaux, il retourna auprès du roi.
5. — Il ne revint en Languedoc qu'en 1302^, pour rendre
compte do la tutelle dont il était toujours chargé, et qui avait
pris fin récemment, Raymond Gros étant mort et Jean Gros
1. Arch. iniin. de Marsillargues, t. I, n" 13, pareil. origlnaL — Arch.
raun. d' Aimargues, DD, 2, copie du xviu" siècle.
2. Après le mois di juillet, oîi il esL encore occupé à rédiger la cou-
tume de Figeac. (Noël Valois, Établissement et or(janisatio)i du régime
municipal à Figeac, BibL de l'Ecole des chartes, 1879, pp. 897 et
suiv.)
176 LOUIS THOMAS.
ayant atteint sa majorité*. Guillaume de Nogaret devait tou-
jours à ce dernier, pour Tamarlet, la rente annuelle de
250 livres tournois. Mais autre chose était de tenir sa terre
de son pupille, autre chose de la tenir d'un jeune homme
émancipé, déjà marié, bientôt sans doute chef de famille...
Il pensa que le moment était venu de s'exonérer complète-
ment. Moyennant 3,000 livres tournois, il acquiert tous les
droits que Jean Gros pouvait avoir sur Tamarlet. Un acte
passé le 31 octobre 1802 entre Guillaume de Nogaret et Jean
Gros^, donne à Guillaume quittance d'un premier versement
de 1,000 livres; pour les 2,000 livres restant à payer, il fera
à Jean Gros une rente annuelle de 100 livres qu'il devra
assigner, avant cinq ans, sur des biens situés à Montpellier
ou aux environs, sinon le payement des 2,000 livres s'impo-
sera nécessairement. Comme garantie de ce payement ou de
cette rente, Guillaume de Nogaret engage sa maison de Mont-
pellier, située devant l'église Saint-Firmin, et le « mas des
Cannes » qu'il possède dans le territoire de Mauguio avec ses
dépendances : maisons, terres, vignes, prés, etc. Jean Gros
en percevra les revenus jusqu'à concurrence de la rente
de 100 livres, et il en demeurera propriétaire si, au bout
des cinq années, Guillaume n'a pas assis la rente comme
il est convenu, ni payé les 2,000 livres 3. L'acte fut passé à
Montpellier, devant les notaires Jean de Saint-Thibéry et
Bertrand Boquier, en présence de plusieurs Montpelliérains
considérables : Pierre de Tournemire, docteur es lois ; Jean
Marc, aussi docteur es lois et juge do la cour du roi de Ma-
jorque. Le 7 novembre, Bertrand Boquier reçut la confirma-
tion de cet accord faite par Béatrix, femme de Guillaume de
1. Arcli. du cliàt. de Marsillargues, t. XXIII, liasse de Tamarlet, n» 9,
confirmation par le roi de l'accord ci-après.
2. Arcli. du chat, de Marsillargues, t. XXIII, liasse de Tamarlet, n'S,
parch. original.
3. Le contrat a été exécuté, puisqu'en 1309 Guillaume de Nogaret
conservait toujours la maison de Montpellier et le mas des Cannes. Cette
année-là, il offre aux chevaliers de Saint-Jean d'échanger leur comman-
derie de Livières contre sa maison de Montpellier ou contre » un mas
situé entre Lunel et Mauguio ». (Arch. du chat, de Marsillai'gues,
t. XXIII, n» 3, et plus bas.)
LA VIE PRIVÉE DE GUILLAUME DE NOGARET. 177
Nogaret, et par Albaha, femme de Jean Gros, qui renoucent,
sur les droits cédés et les domaines engagés, à toute hypo-
thèque ou privilège dotaP.
Sous la suzeraineté du roi, auquel il devait payer la rente
annuelle d'une obole d'or ou 5 sons tournois, Guillaume de
Nogaret était désormais seigneur de Tamarlet.
Les habitants de Lunel profitèrent de la présence de Guil-
laume de Nogaret en Languedoc pour lui demander le règle-
ment de quelques conflits. Malgré leurs réclamations de 1295,
la chaussée du Vidourle n'a pas été démolie; et depuis, les
gens de Guillaume du Nogaret ont fait dans les palus des
améliorations, des défrichements, des accensements-, suscep-
tibles de mettre en péril leurs droits de dépaissance : ne pour-
raient-ils pas, comme leurs voisins de Marsillargues en 1299,
obtenir du nouveau seigneur de Tamarlet quelque honnête
indemnité? Les concessions de leurs anciens seigneurs leur
donnaient droit de dépaissance, dans Tamarlet, à l'Alber-
guière, à l'Arcoa, au Prade-mage, trois palus souvent nom-
mées dans les actes, mais fort mal délimitées; ils prétendent
en exclure, non seulement le bétail des communautés voi-
sines, mais aussi celui du seigneur de Tamarlet; ils n'en veu-
lent pas autoriser le défrichement : ce sont, disent-ils, pâtu-
rages publics des gens de Lunel. Prudemment, ils mettent les
abus dont ils se plaignent au compte des officiers de Guil-
laume de Nogaret. Mais cela ne leur réussira guère. Les arbi-
tres choisis sont des légistes, des amis de Guillaume de Noga-
ret : Pons d'Aumelas, docteur es lois; Raymond de Mujolan,
docteur es lois, et comme tiers-arbitre, Guillaume de Plasian,
chevalier et docteur es lois.
Tandis qu'ils font leur enquête, lui repart pour la France;
au passage, il voit le sénéchal de Périgord, alors régent de
1. Arch. du chat, de Marsillargues, t. XXIII, liasse de Tamarlet, n° 4,
pareil, original : autre expédition de l'accord du 31 octobre 1302, suivie
de la confirmation du 7 novembre.
2. Arch. du chat, de Marsillargues, t. XV. Inventaire de 1784, titres
de Tamarlet, article 14 : « Bail à cens de :)1 carterées de terre à Tamarlet
par Guillaume de Nogaret à Arnaud de Bonorni, marchand de Mont-
pellier, 13U0. »
ANNALES DU MIDI. — XVI. 12
178 LOUIS THOMAS.
la sénéchaussée de Beaucaire, et obtient de lui deux lettres
que son procureur Guillaume de Planhols présente, le 7 jan-
vier 1303, aux officiers royaux de Lunel : elles leur signi-
fiaient que la connaissance de tous les différends qui pour-
raient surgir entre Guillaume de Nogaret et les habitants de
Lunel leur était ôtée comme suspects et récusables, et qu'elle
était donnée aux officiers royaux d'Aigues-Mortes*. Au mois
de mars, dans le couvent des frères prêcheurs du Puy-en-
Velay, la sentence arbitrale était rendue; elle n'était pas
favorable aux habitants de Lunel : les pâturages contestés
sont la propriété de Guillaume de Nogaret; seul il a le droit
de ban; les gens de Lunel ont sur ces terres servitude réelle,
non personnelle, et ils y peuvent conduire leur bétail, mais
seulement tant qu'elles ne seront ni mises en culture, ni
baillées à cens ou à emphyléose^. Les syndics de Lunel ne
perdirent pas courage et firent appel au sénéchal, mais sans
grand espoir d'obtenir un résultat meilleur.
Cependant, la querelle entre le pape Boniface VIII et Phi-
lippe le Bel est arrivée au point le plus grave; répondant à la
publication de la bulle Unam sanctam, le 12 mars 1303,
dans l'assemblée de prélats et de barons convoquée par le roi,
Guillaume de Nogaret prend la parole, et demande la convo-
cation du concile général devant lequel Boniface devra se
laver des crimes dont on l'accuse... — A ce moment arrivent
à la cour du roi, par voie hiérarchique, )e transfert de la sei-
gneurie de Tamarlet de Jean Gros à Guillaume de Nogaret, et
la reconnaisance que ce dernier en fait, au profit du roi, sous
la pension annuelle d'une obole d'or^. Philippe le Bel ratifie
le transfert, accepte la reconnaissance* et y ajoute^ une pen-
1. Arch. du chat, de Marsillargues, t. XV; inventaire de 1784, titres de
Tamarlet, article 18.
2. Arch. mun. de Lunel, série P. liasse 1, n° 2106, parch. original.
3. Arch. du chat, de Marsillargues, t. XV; inventaire de 1784, titres
de Tamarlet, article 19.
4. Arch. du chat, de Marsillargues, t. XXIII, liasse de Tamarlet, n" 9;
copie de 1650 par le garde des archives de la sénéchaussée des lettres
patentes données à Paris en mars 1302, vieux style.
Jj. Ménard, t. I, Preuves, p. 146, d'après Arch. du chat, de Marsillar-
LA VIE PRIVÉE DE GUILLAUME DE NOGARET. 17î>
sion annuelle de 300 livres que Guillaume de Nogaret perce-
vra sur le trésor royal jusqu'à l'assignation en terres qui sera
faite à son profit. — Le 13 juin, Guillaume de Nogaret était
en route vers Anagni.
III.
1. — Ainsi, Philippe le Bel payait en quelque sorte d'avance'
le service qu'allait lui rendre Nogaret en se Taisant à sa place
l'accusateur de Boniface VIII, et en allant en Italie se saisir
de la personne du pape. Quand, moins d'un an après, en fé-
vrier 1304, Nogaret rejoignit le roi à Béziers pour lui rendre
compte de sa mission, il fut de nouveau comblé des libéralités
royales. Le 11 février, il obtenait, ainsi que Guillaume de
Plasian, Bérard de Mercœur et Pierre de Belleperche, plein
pouvoir de mettre en liberté les prisonniers 2. En même
temps, et pour reconnaître plus spécialement ses services
«dans de grandes et difficiles négociations », Philippe le Bel
lui accordait, pour lui, ses héritiers et ses successeurs, et
sous l'obligation de l'hommage-lige, une nouvelle rente
annuelle de 500 livres tournois qui, comme celle de 300 livres
précédemment accordée, serait prochainement établie sur une
base territoriale ^
L'usage du fief- argent était fort répandu déjà au xiii» siècle.
Il ne s'agit ici que d'un fief-argent provisoire, qui doit être
incessamment transformé en fief-seigneurie. Mais ce fief-sei-
gneurie sera constitué uniquement en vue de produire à son
bénéficiaire un revenu déterminé ; une clause de l'acte consti-
gues, t. XXXVII, n" 1 (copie). — Arch. nat., JJ 38, f° 55, n» 114 : autres
lettres données aussi à Paris en mars 1302, vieux style.
1. Ménard, t. I, Preuves, p. 146 : « Nos grata considérantes lidelitatis
obsequia que dilectus et fidelis Guillelmus de Nogareto miles noster no-
bis impendit diutius et imposterum impensuruui speratnus... »
2. Notices et extraits des manuscrits, t. XX, 2° partie, pp. 152-154.
3. Ménard, 1. 1, Preuves, p. 149, d'après les Arch. du chat, de Marsillar-
gues, t. XXXVII, n" 2 : « Considérantes grata... obsequia que dilectus et
fidelis Guilhelmus de Nogareto miles noster nobis in magnis et arduis
nostris et regni nostri negociis fideliter et utiliter diutius impendisse dU
noscitur, ac volentes sibi proptcr ea graciam facere specialem... »
180 LOUIS THOMAS.
tutif prévoit la restitution par le vassal des sommes que le
fief pourrait lui rapporter au delà du chiffre concédé', et cette
clause permet au suzerain toutes les recherches, pour s'assu-
rer que ce chiffre n'est pas dépassé à son détriment^. N'y
a-t-il pas là une preuve de ce fait que l'idée de souveraineté
tend à se séparer de l'idée de flef, même pour le fief territo-
rial, et qu'à cette idée de souveraineté se substitue progressi-
vement l'idée de revenus ou de profit? — La constitution d'un
fief de ce genre en faveur de Guillaume de Nogaret n'est pas
un fait isolé, à la même époque; et en se bornant à la seule
sénéchaussée de Beaucaire, on peut citer maint autre exem-
ple, montrant tout aussi bien qu'en cette matière la politi-
que royale consiste à donner le plus possible à l'exercice
des droits seigneuriaux le caractère d'une simple perception
des revenus, — et à diminuer ainsi d'autant l'importance
politique du fief. — Lorsque l'évêque de Maguelonne consent
à céder au roi Moutpelliéret moyennant 500 livres de rente, le
roi lui cède à son tour, sur son domaine, la baronnie de
Sauve et quelques autres petits fiefs, dont le revenu atteint
500 livres (et, par suite, l'évêque n'est nullement lésé dans
ses intérêts pécuniaires), mais qui sont loin de valoir la pos-
session de Moutpelliéret et la suzeraineté de Montpellier. —
De même, en 1295, lorsque Philippe le Bel acquiert la baron-
nie de Lunel, il donne à chacun des deux héritiers de Rousse-
lin Gaucelm des terres dont les revenus sont équivalents à
ceux qu'ils auraient pu retirer de leur part d'héritage ; mais
ni la baronnie de Rochefort qui est donnée à Géraud d'Ami,
ni Vézenobres qu'obtient Raymond Gaucelm ^ n'ont l'impor-
tance politique de Lunel.
1. Voir les concessions territoriales en faveur de Nogaret dansMénard,
t. I, Preuves, pp. 160 et 161.
2. Charles IV le Bel prescrit une recherche de ce genre en 13'^2, non
seulement pour les biens concédés à Nogaret, mais aussi pour ceux qui
furent donnés à Raymond d'Uzès en échange de sa part de la baronnie de
Lunel. (Ordonnances, t. I, p. 122. — Ménard, t. II, Preuves, p. 31 et
suiv.; t. VII, p. 689, et Preuves, pp. 722-733.)
3. Hist. de Languedoc, éd. Privât, t. IX, p. 186. — Ménard, t. VII,
Preuves, p. 722.
LA VIE PRIVÉE DE GUILLAUME DE NOGARET. 181
Si dans ces deux cas l'abandon de parties du domaiae royal
assez considérables, au moins par leur étendue, peut s'expliquer
par les avantages que le roi trouve à l'occupation de Lunel et
de Montpelliéret, on s'explique moins bien, semble-t-il, un
démembrement, un amoindrissement du domaine, l'abandon
par le roi d'une partie de sa suzeraineté sur des terres qui lui
appartiennent, en faveur de Guillaume de Nogaret en 1304 et
1306, et en 1308 en faveur de Guillaume de Plasian*. Mais
pour les deux légistes comme pour les héritiers du seigneur
de Lunel ou pour l'évêque de Magueloane, il s'agit moins de
la constitution d'une souveraineté territoriale que d'un trans-
fert de rentes ; ce sont moins des droits seigneuriaux qu'on leur
reconnaît que des sources de revenus qu'on leur concède, —
différemment tarifées selon leur nature, et d'après l'usage
courant en la matière ^ Les rentes que les deux Guillaume
auraient prises sur le trésor royal, ils les perçoivent aux
sources mêmes où ce trésor s'alimente ; et les devoirs qu'ils
seront tenus de rendre au roi du chef de leur fief territorial
sont de plus grand profit. On eut soin, d'ailleurs, de ne leur
attribuer que des localités d'importance restreinte \ Mais la
rente à asseoir pour Guillaume de Nogaret était relativement
1. Voir, sur l'assignation du château de Ferrairoles près d'Alais pour
200 livres de rente à Guillaume de Plasian, Hist. de Languedoc, éd. Pri-
vât, t. X, Preuves, col. 466.
2. Lettres de Philippe le Bel au sénéchal de Beaucaire lui prescrivant
d'asseoir les 300 livres de rente en faveur de Guillaume de Nogaret :
« Mandamus vobis quatinus vos diligenter informetis et nobis celeriter
rescribatis quantum juxta communem extimationem prout in talibus in
senescallia vestra moris est fieri in annuo et perpetuo redditu res ipse
modo quo dictum est assignare valere et estimari debeant... » (Ménard,
t. I, Preuves, p. 160.) — En 1363, Jean II ayant accordé à Henri de
Transtamare 10,000 livres de rente à asseoir en terres dans le Bas-Lan-
guedoc, Arnould d'Audrehem est chargé de cette assignation : « Fayta
assieta segon la valor de las causas sobre dictas, en la forma et maniera
que en las dictas partidas de la Lengua doc es acostumat a far. » (Acte
publié dans le Bulletin de la Société archéologique de Béziers, t. IV,
p. 119.)
3. Les assignations faites pour Guillaume de Nogaret en 1304 ne par-
faisant pas 800 livres de revenu, les commissaires ne savent sur quelles
terres achever l'assignation ; celles qui seraient favorables « sont des loca-
lités trop importantes et trop nécessaires au roi ». (Ménard, t. II, Preu-
ves, p. 53.)
182 LOUIS THOMAS.
élevée; il fallut nécessairement donner en étendue ce qu'on
ne voulait pas accorder en importance. De Niraes à la mer et
de Sommières jusqu'au Rhône, sur plus de 50 kilomètres
d'est en ouest et sur près de 30 du nord au sud, Guillaume de
Nogaret eut des établissements. S'étendant sur d'aussi vastes
espaces, et l'active impulsion donnée par son bénéficiaire y
aidant, la seigneurie de Guillaume de Nogaret parut, parmi
celles du Bas-Languedoc, à une place bien voisine de la pre-
mière, — et que Philippe le Bel n'avait sans doute pas songé
à lui donner.
2. — C'est dans la baronnie de Lunel que Guillaume de
Nogaret reçoit d'abord des terres; c'est tout naturel, puisqu'il
y possède déjà Tamarlet. Des lettres de juillet 1304 lui attri-
buent, pour 300 livres de rente, Marsil largues et son terri-
toire, avec la juridiction haute et basse, et tous les revenus
que le roi pouvaity revendiquer; — la juridiction censuelle et
les possessions royales de Saint-Julien, — et la part qui reve-
nait au roi dans la juridiction inférieure, les prés, pâturages,
étangs et pêcheries de la terre des Ports ^ Les accroissements
de valeur que ces possessions pourront acquérir par la suite
demeureront la propriété du donataire; mais les lettres du
8 juillet qui prescrivent au sénéchal de faire procéder à l'esti-
mation prévoient le cas où le revenu actuel des terres concé-
dées dépasserait 300 livres; en ce cas, Nogaret sera tenu à res-
titution-. Le 27 juillet, par des lettres datées d'Arras et adres-
sées au sénéchal de Beaucaire ^, le roi donne à Guillaume de
1. Ménard, t. I, Preuves, p. 150, d'après les Arch. du chat, de Marsil-
largues ; acte non retrouvé.
2. Ménard, t. I, Preuves, p. 160, d'après les Arch. du château de Mar-
sillargues. — Arch. nat., JJ 45, f" 10. — Il y eut confusion et incertitude à
propos de ces deux clauses, pourtant très claires. Aussi les améliorations
et les accroissements du domaine de Guillaume de Nogaret furent-ils,
après sa mort, taxés d'usurpation du domaine royal par ses voisins de
Lunel et de Nimes. Cela explique la recherche prescrite par Charles IV
en 1322 : « Si que ultra ea [que tempore carissimi genitoris nostri de
nostris domaniis habuerunt] forsitan de domaniis ipsis tenuerint. »
(Ménard, t. VII, Preuves, p. 735.)
3. Ménard, t. I, Preuves, pp. 160-161, d'après les Arch. du chat, de
LA VIE PRIVÉE DE GUILLAUME DE NOGARET. 183
Nogaret, pour 500 livres de rente, Calvisson avec sa viguerie
et son territoire, c'est-à-dire la Vaunage, avec tout ce qui peut
y appartenir au roi, sous condition de l'horamage-lige, et avec
la réserve que Nogaret devra restituer ce qui, de la valeur
de celte assignation, dépasserait 500 livres de revenu ; mais
le roi s'engage à compléter, si c'est nécessaire, ce revenu par
un supplément d'assignation; le sénéchal reçoit l'ordre de
faire estimer aussitôt les terres concédées.
Le 24 novembre, Gérard de Chilet, chevalier, docteur es
lois et lieutenant du sénéchal Bertrand Jourdain de l'Isle,
alors « absent en France », confie à Pierre Jean, avocat du
roi, à Hugues de la Porte, procureur du roi , et à Yves
Gérard, recteur royal de Montpellier, l'estimation de Calvis-
son et de la Vaunage; le '^9 novembre, il les commet aussi
pour l'enquête sur Marsillargues et Saint-Julien i. Leur pro-
cédure, est datée du 30 novembre. — A Marsillargues et à
Lunel, avec le concours de prud'hommes, parmi lesquels un
ancien bayle royal de Marsillargues, le lieutenant du viguier
royal de Lunel et le bayle de Sauve, ils estiment les droits du
roi sur Marsillargues, Saint-Julien et la terre des Ports :
haute et basse justice de Marsillargues, moulins — évalués à
50 livres de revenu — cens en deniers et en nature, « tas-
ques » ou champart sur certaines terres, etc., à 274 livres
environ. Pour les 26 livres restantes, ils proposent l'entière
juridiction des Ports, bien que cette terre soit inhabitée et sa
juridiction improductive, pour 10 livres, la suzeraineté sur
les coseigneurs des Ports pour G livres; et pour les 10 livres
restantes, l'entière juridiction de Tamarlet et l'obole d'or due
au roi; ce revenu est d'ailleurs fictif, puisqu'à Tamarlet, où
n'habitent que le seigneur et sa familîa, l'occasion d'exer-
cer cette juridiction haute ou basse ne s'est jamais présentée.
Marsillargues. — Le texte des Arch. nat., JJ 45, f" 10 v°, permet de
corriger celui de ]\Iénard, souvent peu correct.
1. Pour Calvisson : Ménard, t. II, Preuves, p. 48 et suiv., d'après les
Arch. du cliàt. de Marsillargues (acte non retrouvé). — Pour Marsillar-
gues : Arch. du chat, de Marsillargues, t. XXXVII, n" 3, papier, copie du
xviv siècle sur les registres de la Chambre des comptes de Montpellier,
acte qui a échappé à Ménard.
184 LOUIS THOMAS.
Les commissaires terminent par cette remarque : « Il faut
savoir que les estimations de céréales ci-dessus transcrites
ont été faites par les prud'hommes susnommés qui ont prêté
serment et méritent toute confiance, et qui assurent que le
setier de froment vaut, en rente perpétuelle, 4 sous de bonne
monnaie; le setier de « consegail », 3 sous de bonne mon-
naie; le setier d'orge, 2 sous de bonne monnaie et le setier
d'avoine, 18 deniers de cette dite bonne monnaie. Ces céréales
valent le double en monnaie nouvelle ^ » La monnaie royale
perdait donc 50 "/o à la fin de 1304. Heureusement pour
Nogaret, l'estimation en sa faveur était faite en « bonne mon-
naie ».
A Calvisson, on procède comme à Marsillargues. Les offi-
ciers qui exerçaient au nom du roi dans les diverses localités
de la viguerie sont appelés comme estimateurs. Malgré les
termes de la lettre du 27 juillet, la viguerie entière de Calvis-
son ne fut pas assignée à Guillaume de Nogaret. Il obtint
haute et basse justice à Calvisson, Langlade, Aigues-Vives,
Mus, Codognan, Vergèze, Ardezan, Saint-Dionisy et Marué-
jols; haute justice seulement sur Clarensac,Vestric, Livières,
Caveirac, Congeniès, Bernis, Aubor, Uchaud, Boissière, Géné-
rac et Beauvoisin; sur Candiac et Saint-Côme, la suzeraineté
seulement^. Des quatre autres localités de la Vannage, Milhaud
demeure à l'évêque de Nimes ; Aubais, Nages et Solorgues
avaient été vendus à Guiraud de Languissel en 1285 par le
châtelain de Nimes, et appartenaient à son fils Bernard
de Languissel'. Cinq tailleurs jde pierre ou maçons — la-
piscide sea massoni — sont spécialement chargés de me-
1. « Et in duplum valent dicta blada de nova moneta. » (Arch. du
chat, de Marsillargues, t. XXXVII, n° 3.)
2. Ménard, t. II, Preuves, p. 49.
3. Ménard, t. VII, p. 605. — Toutes ces localités sont dans l'ar-
rondissement de Nimes : Calvisson, Langlade, Saint-Dionisy, Livières
(commune de Calvisson), Congeniès, Boissières, Aubais, Nages et Solor-
gues (commune de Nages) dans le canton de Sommières ; — Clarensac,
Caveirac, Saint-Côme et Maruéjols(commune de Saint-Côme) dans le can-
ton de Saint-Mamert ; — Mus, Codognan, Vergèze, Vestric, Bernis, Au-
bor, Uchaud, Beauvoisin et Candiac dans le canton de Vauvert; — Géné-
rac dans le canton de Saint-Gilles ; — Milhaud dans le canton de Nimes.
LA VIE PRIVÉE DE GUILLAUME DE NOGARET. 185
siirer et d'estimer la maison royale de Calvisson et les deux
tours dont elle est flanquée; l'édifice, estimé 1022 livres
tournois, est assigné à Guillaume de Nogaret. Mais les droits
domaniaux du roi dans la Vannage, taille, cens en denier et
en nature, tasques, albergues, etc., joints aux revenus de la
juridiction, sont loin de parfaire 500 livres, et les commissai-
res sont très embarrassés; ils s'effraient de voir le fief de
Guillaume de Nogaret s'étendre déjà sur une région très
vaste; et pour les 263 livres 18 sous 9 deniers et 1 obole qui
restent à assigner, ils ne veulent ni doubler l'étendue de ce
fief, ni distraire du domaine royal des parties trop importan-
tes. Sauf le château et le village de Fourques ' qui valent
200 livres de rente, et que le roi a déjà donnés en viager,
ils ne voient rien qu'on puisse attribuer à Nogaret sans dom-
mage. « Car, disent-ils, Lunel et sa viguerie, Anduze et sa
viguerie, Alais et Soramières et leur viguerie sont des localités
trop importantes et trop nécessaires au roi... ^ »
3. — Avant même que les officiers royaux aient procédé à
l'estimation prescrite, Guillaume de Nogaret s'était empressé
de venir prendre possession des villes et des territoires qui lui
étaient attribués. Le dimanche 22 novembre 1304, il est à
Marsillargues et, comme don de joyeux avènement, il rend
aux habitants les droits de dépaissance qu'ils avaient aupara-
vant dans Tamarlet, et auxquels ils venaient de renoncer dans
l'espoir d'obtenir de leur nouveau seigneur une concession
plus avantageuse ou plus précise ^. Il entoure cette conces-
sion d'une solennité remarquable : c'est un dimanche, dans
1. A la « fourche s du Ehône, canton de Beaucaire.
2. Ménard, t. II, Preuves, p. 53.
3. Arch. mun. de Marsillargues, t. I, n» 17, parchemin original en
mauvais état. La date de l'année est effacée, mais on la retrouve dans un
vidimiis du 9 juillet 1805 qui était aux Arch. du chat, de Marsillargues
(t. XV, Inventaire de 1784, titres de ïamarlet, I, 21, article 23) et qui se
retrouve aujourd'hui aux Arch. mun. de Marsillargues, t. I : Tamarlet,
t. 1, n° 21. — « Prout alias depascerant in eodem terri torio cum sais ani-
malibus antequam sibi domino Guilhelmo remisissent dicti homines jus
quodlibet quod habere poterant depascendi animalia sua in territorio
predicto. »
186 LOUIS THOMAS.
l'église, après la messe, à laquelle le crieur public a spéciale-
ment convoqué le peuple'; à ses côtés sont les principaux per-
sonnages des environs : noble et puissant seigneur Bermond
d'Uzès, seigneur d'Aimargues, chevalier; Pons Bermond, sei-
gneur de Cailar, damoiseau; un représentant de cette école
de droit où il enseigna, Jean de Coliac, professeur es lois; le
curé Bertrand Hermengaud, prieur de Marsillargues; d'au-
tres encore qui figurent comme témoins au bas de l'acte... Il
est bon de rappeler qu'à ce moment Guillaume de Nogaret
était excommunié, que tout au plus il avait sollicité de l'offi-
cialité de Paris son absolution ad cauielam, et qu'il était
en tout cas fortement soupçonné d'avoir hâté, peut être par
le poison, la mort du pape Benoît XI.
Mais après cette satisfaction donnée à son légitime désir
d'apparaître grand et généreux aux yeux de ses nouveaux
sujets, il étudie minutieusement, dans le détail, cette question
des droits de dépaissance qui déjà, en 1299, lui avait coiité
500 livres quand il mit en culture le Sol du Vidourle. Dans la
solennelle concession du 22 novembre, il avait remis à plus
tard les détails et les précisions; il les donne le 27 jan-
vier 1305, dans la cour de son château de Calvisson, mettant
au service de ses intérêts de propriétaire toutes les ressources
de son esprit de juriste prompt à découvrir — et à éviter —
dans une transaction de cette importance tout ce qui pour-
rait donner prétexte à contestation et à procès. D'abord la
concession est faite en faveur des seuls habitants de Marsil-
largues, de ceux qui n'ont point ailleurs « bourgeoisie ou do-
micile », mais qui ont domicile et résidence habituelle dans le
territoire soumis à sa juridiction-. Il n'accorde rien de plus
1. Arch. mun. de Marsillargues, t. I, n» 17 : « Noverint universi... quod
cum nobilis et potens vir dominus Guillelmus de Nogareto predicti do-
mini régis Francorum miles Marcilhanicarum dominus esset constitutus
in ecclesia dicti loci de Marcilhanicis die scilicet prescripta qua venerat
ad visitanduni noviter dictam villam suam de Marcilhanicis quam quidem
de novo titulo donationis acquisiverat a domino rege pi-edicto, populo
siquidem dicti loci in dicta ecclesia ad missam ut moris est ac voce pre-
conia ut dicebatur congregato... »
2. Ibid. : « Item concessionem predictam dictus dominus Guillelmus
LA VIE PRIVÉE DE GUILLAUME DE NOGARET. 187
que le seigneur de Lunel n'avait accordé en 1286 : le droit de
faire paître dans Tamarlet, sauf aux. trois endroits où cet
avantage appartient aux gens de Lunel, au bois de Tamarlet
qui est réservé dès 1286, et sur le Sol du Vidourle qui a fait
l'objet de l'accord de 1299. Mais il précise : ce droit ne
s'exerce que dans les friches et les jachères; ailleurs, seule-
ment après la récolte; et dans les palus, tant que le seigneur
ne les met pas en culture. Si alors il y crée un jardin, une
vigne où la dépaissance serait nuisible même les fruits levés,
3lle y demeurera interdite toute l'année. Si plus tard, lui ou
ses successeurs veulent défricher même les portions de palus
qui, aujourd'hui, ne paraissent pas en valoir la peine ^ ils le
pourront sans qu'on puisse les accuser d'avoir porté atteinte
au droit concédé. Surtout, cette jouissance des pâturages leur
est accordée, non à titre collectif, mais seulement à titre indi-
viduel^; c'est chacun d'eux qui pourra conduire son propre
bétail à Tamarlet, et non des bergers communaux avec les
immenses troupeaux difficiles à surveiller et fort propres à
causer de gros dommages. Ces précautions n'étaient pas inu-
tiles, puisqu'il n'y eut plus de modifications à cet accord jus-
qu'au milieu du xvi« siècle et qu'on n'eut procès qu'au
xix® siècle, quand il s'agit d'appliquer les lois révolution-
naires relatives aux biens communaux à la portion des palus
qui n'avait pas été partagée araiablement entre la commu-
nauté et le seigneur avant la Révolution^.
4. — Le 3 janvier 1306, Philippe le Bel, étant à Lyon, pres-
crit au sénéchal de Beaucaire d'asseoir les 263 livres 18 sous
fecit et facere intendit... hominibus de Marcillianicis presentibus et fu-
turis sue et successorum suorum omnimodo jurisdictioni subiectis,
tamen qui alibi burgesiam vel domicilium non liabebunt, set apud Mar-
ciUianicas, sub omnimoda iurisdictione ipsius domini Guillelmi et succes-
sorum suorum domicilium facient et continuam mansionem... »
1. Ibid. : « Licet locus ubi fièrent non posset nunc pjenos fructus por-
ta re. »
2. Ibid. : « Dicti singiili homines de Marcilhanicis non ut universi set ut
singuli pascant sua animalia... »
3. Arcli. mun. de Marsiilargues, brochure imprimée, sans date : Mé-
moire de Victor Augier, avocat à la Cour de cassation, pour le maire de
Marsiilargues dans ce procès.
188 LOUIS THOMAS.
9 deniers et l'obole auxquelles il n'était pas encore pourvu
sur des lieux qui agréent au donataire et dont la cession soit
le moins dommageable possible pour les intérêts du roi ^
Guillaume de Nogaret, ne pouvant songera quitter le roi pour
alleren Languedoc s'occuper de ses propres affaires, les confie
à un procureur, par acte solennel du 28 janvier 1306, dans
lequel il prend — pour la première fois à ma connaissance —
le titre de « seigneur de Calvisson^ ». Ce procureur, auquel
il confie ses intérêts « tant en France que dans la séné-
chaussée de Beaucaire et Nimes», est Guillaume Bonnefeuille,
clerc de son entourage, — clericum et familiarem, meum,
— ancien notaire de l'évêque de Maguelonne qu'il a jadis
connu à Montpellier''.
Le bruit s'étant répandu que la nouvelle assignation serait
faite dans la partie orientale de la viguerie royale de Nimes,
les consuls de cette ville s'émeuvent et vont trouver le séné-
chal pour faire valoir leurs droits '' : Bouillargues, Polverières,
Rodilhan, Caissargues, Mérignargues et Luc sont du terri-
toire de Nimes et leurs habitants sont taillables par ses con-
suls; les garrigues deManduel et de Redessan sont communes,
quant à l'usage, à leurs habitants et à ceux de Nimes. Le
sénéchal promet qu'il sera tenu compte de leur avis; et en
efïét, les droits des consuls de Nimes sont formellement ré-
servés lorsque Raoul des Cours-Jumelles, juge mage, Hugues
de la Porte et Mathieu de Mantine, procureurs du roi, et
Pierre Jean, avocat du roi dans la sénéchaussée, procèdent à
l'enquête d'estimation ^
Guillaume de Nogaret reçut d'abord, ainsi que les estima-
teurs de 1304 l'avaient proposé, l'entière juridiction à Tamar-
1. Ménard, t. I, Preuves, p. 161, d'après les Arch. du chat, de Marsil-
largues, t. XXXVII, liasse A, n" 2 : « In locis sibi accommodis nobisque
minus dampnosis. »
3. Ibid., pp. 12'2-r23, d'après les arch. du chat, de Marsillargues, acte
non retrouvé.
3. Arch. du chat, de Marsillargues, t. XXIII, liasse de Tamarlet, n" 3.
4. 16 avril 1306. Arch. mun. de Nimes, 00, 82, papier, copie du
xvn« siècle par le garde des archives de la sénéchaussée.
5. Ménard, I, Preuves, pp. 162-165. — Arch. nat., JJ, 45, f»^ 8 v à 10.
LA VIE PRIVÉE DE GUILLAUME DE NOGARET. 189
let et la haute justice et la suzeraineté de la terre des Ports.
Puis, dans la viguerie de Nimes, haute et basse justice à
Manduel, Redessan, Bouillargues, Rodilhan, Polverières,
Caissargues, Mérignargues, Lagarne, Luc, Colozes et Vendar-
gues, avec les droits domaniaux habituels : tailles, cens et
tasques. Mais, en outre, il eut de nombreuses terres non inféo-
dées : 50 sétérées à Manduel, 40 à Redessan, 1,000 dans la
dîmerie de Bouillargues, ce qui lui constitua, dans la plaine
fertile qui s'étend à l'est de Nimes, un établissement consi-
dérable. Enfin, pour achever l'assise, on arrondit vers l'ouest
la seigneurie de Calvisson dans la viguerie de Sommières,
avec l'entière juridiction d'Aujargues, de Poudres, de Saint-
Pancrace et de Fesq et la haute justice de Vacquières; dans
la viguerie d'Uzès, avec la justice haute et basse et des droits
domaniaux à Dommessargues et au Sauzet, la haute justice et
la suzeraineté à Parignargues et à Saint-Chapte. Guillaume
Bonnefeuille fut mis en possession du tout par le sénéchal le
18 mai 1 306. Ce ne fut qu'après plus de trois ans écoulés que
Philippe le Bel confirma définitivement ses donations en
faveur de Guillaume de Nogaret. Deux lettres patentes don-
nées à Paris le 9 février 1310 confirment, l'une *, les assigna-
tions de 1304, l'autre^, celles de 1306. Toutes deux déclarent
que Nogaret a prêté l'hommage-lige et défendent qu'on puisse
jamais rechercher l'excédent que les revenus des terres assi-
gnées pourrait présenter sur le montant de la rente accordée.
Mais il paraît que ces revenus n'atteignaient pas encore exac-
tement 800 livres : un supplément d'assise était encore néces-
saire pour 8 livres 12 deniers de rente. Guillaume Bonne-
feuille l'ayant fait observer au sénéchal Pierre de Broc,
celui-ci fit faire une enquête par le procureur du roi et, le
28 février 1311, assigna à Guillaume de Nogaret ^ la haute
justice de Jonquières et de Saint-Vincent, dans la banlieue de
Beaucaire. Cette haute justice et les autres droits du roi à
1. Ibid., p. IGO. — Arch. nat., JJ, A'), i" 10.
2. Ibid., p. 162. — Arch. nat., JJ, 45, f» 8.
3. Ibid., p. 225, d'après les Arch. du chat, de Marsillargucs, t. XI, n» 1,
papier, copie d'après les Arch. de la Chambre des comptes de Montpellier.
190 LOUIS THOMAS.
Jonquières furent estimés seulement 5 livres 19 sous 8 deniers.
On ne dit pas qne Guillaume Bonnefeuille ait réclamé pour
les 2 livres 16 deniers à l'assignation desquels il n'était pas
encore pourvu.
IV.
1. — « On n'avait point vu jusque là, dit Renan, d'aussi
importantes aliénations faites en faveur d'un simple particu-
lier. Nogaret se trouva constitué principal seigneur de toute
la campagne qui s'étend depuis Nimes jusqu'à la mer et du
cours inférieur du Vidourle'. » Ce fut surtout la situation
personnelle de Guillaume de Nogaret qui fit la grandeur de
sa seigneurie. Ce fut justement parce qu'il n'était pas un
simple particulier, mais un des conseillers les plus écoulés du
roi et garde du sceau royal depuis le 27 septembre 1307 2 que
l'ancienne noblesse de la province l'admit dans ses rangs et
consentit à s'allier avec lui. Aux Etats-Généraux de mai 1308
il a la procuration de huit des principaux seigneurs du Lan-
guedoc : Aymar de Poitiers, comte de Valentinois; Odilon de
Garin, seigneur de Tournel ; Guérin de Chàteauneuf, seigneur
d'Apchier; Bréraond d'Uzès, seigneur d'Aimargues; Bernard
Pelet, seigneur d'Alais; Amauri, vicomte deNarbonne; Louis
de Poitiers, évêque de Viviers ^
Vers le même temps, il marie sa fille Guillemette au fils
aîné de Bérenger Guilhem, seigneur de Clermont-Lodève. Ce
n'est pas seulement au xviii^ siècle que les marquis épousent
les filles de robins. Les circonstances même sont analogues :
ce n'est pas pour « redorer son blason », mais c'est pour
payer ses dettes que Bérenger Guilhem accepte l'union de son
fils avec la fille d'un parvenu. Moyennant 3,000 livres, Béren-
ger avait obtenu des commissaires royaux que l'autorisation
d'élire un consulat ne serait pas accordée aux habitants de
1. Hist. littér., t. XXVII, p. 274.
•2. Eenaii, Hist. littér., t. XXVII, p. '29U.
8. Htst. de Lrmguedoc, éd. Privât, t. IX, p. :JUl. — L'évèque de Viviers
l'appelle « son très cher ami ».
LA VIE PRIVÉE DE GUILLAUME DE NOGARET, 191
Clermoat; mais il n'avait pas payé les 3,000 livres. Alors
Nogaret intervient : il donnera 3,000 livres en dot à sa fille,
mais il versera cette dot au trésor royal pour acquitter la
dette de Bérenger Guilhem. Le mariage fut conclu sur cette
base... Et le 1" juillet 1308, Nogaret, ayant payé 1,000 livres
au roi, obtint remise du reste'.
2. — Cependant de persévérants efforts accroissent la
valeur de la seigneurie nouvelle. A la fin de 1308, on recons-
truit le château de Marsillargues : le 4 décembre, Guillaume de
Nogaret fait acheter la maison contiguë, que son propriétaire,
le tailleur Bernard Aymeric, cède pour 15 livres tournois'^.
Les archives du château contiennent ^ de nombreux actes de
ventes faites depuis le 31 octobre 1308 jusqu'au milieu de 1312
par des gens des environs, Marsillargues, Lunel, Mudaii-.on,
de pièces de terre qu'ils possédaient ou tenaient à cens dans
Tamarlet, et dont Guillaume de Nogaret veut reprendre
l'exploitation directe. En 1310, il achète la part de Guillaume
et Raymond Catel, et la moitié de la part de Bernard de
Lestang dans la juridiction des Ports*.
Mais ces améliorations, ces aménagements, ces accroisse-
ments ne se font pas sans exciter un peu l'envie, et souvent
les réclamations des voisins. Pendant ces années durant les-
quelles s'achève son établissement territorial, Guillaume de
Nogaret n'est presque jamais présent sur son domaine : le
service du roi, le souci de son absolution et le procès fait à la
mémoire de Boniface VIII le retiennent à Paris ou en Avi-
gnon; et ses officiers n'apportent sûrement pas, dans leur
1. Hist. de La7iguedoc, éd. Privât, t. X, Preuves, coL 451-452,
2. Arch. du chat, de Marsillargues, t. XXIII, liasse de Tamarlet, n» 6 ;
rouleau de parchemin contenant la transcription contemporaine de plu-
sieurs actes d'acliat.
3. Arch. du cliât. de Marsillargues, t. XXIII, liasse de Tamarlet, n» 6 ;
rouleau de parchemin, transcription d'actes du ;J1 octobre et du 12 dé-
cembre 18U8, du 27 mars 13U9; — n» 7, autre rouleau, transcription d'actes
des 6 et 20 avril 13U9 ; — n" 8, autre rouleau, transcription d'actes des
18 juillet et 7 décembre 1811, 7 juin 1312.
4. Arch. du chat, de Marsillargues, t. XV; inventaire de 1784, « Titres
des Ports, article 3. »
192 LOUIS THOMAS.
administration et dans les rapports inévitables avec les gens
des environs, la même habileté que l'on a vu qu'il y avait
mise lui-même. Ils savaient d'ailleurs — et leurs actes le
démontrent assez pendant toute cette période — combien leur
maître tenait à arrondir ce domaine de Tamarlet qui était
son acquisition propre, qu'il sentait donc plus à lui que les
autres terres, venues de la libéralité royale, et qu'un caprice
royal pouvait peut-être lui retirer; en s'efïorçant de satisfaire
sur ce point Guillaume de Nogaret, ils ne pouvaient s'empê-
cher de suivre son exemple. Il ne faut donc pas s'étonner de
les voir mettre à son service une ardeur, une âpreté, une
avidité même que l'on retrouve dans la façon dont il travail-
lait partout lui-même à étendre les droits du roi.
Aussi les plaintes sont-elles nombreuses. Les gens de Lunel,
d'abord : déjà, en 1302, ils regrettaient que Nogaret fiit trop
souvent « retenu au service du roi » pour qu'on pût discuter
directement avec lui^ Depuis lors leurs tribulations n'ont
pas cessé : voici qu'en janvier 1308 leur appel contre Guil-
laume de Nogaret est rejeté par la cour du roi^ et qu'il leur
va falloir subir la sentence d'un sénéchal favorable à leur
adversaire; ils s'y prêtent d'assez mauvaise grâce : ce n'est
que trois ans plus tard, en avril 1311, que l'on plante les
douze bornes qui délimitent les possessions respectives^.
Encore ne sont-ils point résignés et se réservent-ils pour des
temps moins durs ^
Après Lunel, Psalmodi : le territoire de l'abbaye et celui de
Tamarlet étaient voisins, mais les limites n'étaient pas bien
fixées; des bornes avaient été détruites. Il y eut plainte au
roi, constitution du juge mage. Clément de Fraissin, comme
arbitre. Le 15 janvier 1310, ayant achevé son enquête, il vint
à Marsillargues où l'attendaient les représentants des parties ;
1. Arch. mun. de Lunel, série P, liasse 1, n° 21UB.
2. Olim, éd. Beugnot, t. III, pp. 266-267.
3. Arch. du chat, de Marsillargues, t. XV; inveutaire de 1784, « Titres
de Mai'sillargues, article 9. »
4. Ils ont vivement réclamé dès le lendemain de la mort de Nogaret.
Â.rcli. mun. de Lunel, série P, liasse 1, n" 2110 bis.)
LA VIE PRIVÉE DE GUII.LAUME DE NOGARET. 193
il ordonna la plantation de nouvelles bornes, reconnut à
l'abbaye la possession de la nacelle du Vidourle et de la digue
de la rive droite, bien qu'elle fût dans la juridiction de Tamar-
let^. Mais cette clause pouvait amener de nouveaux con-
flits : Guillaume de Nogaret, qui était alors en Languedoc-, le
fit observer à l'arbitre qui modifia aussitôt sa sentence : la
digue fut donnée au seigneur de Tamarlet, mais les moines
eurent le droit de la réparer et d'y planter des tamaris pour
protéger leurs récolles contre le vent.
Il y eut aussi un conflit avec les moines de Franquevaux,
qui acceptent, le 28 décembre 1312, le compromis passé entre
leur abbé et Guillaume de Nogaret 3. Ainsi de tous côtés des
beurts, des plaintes, des conflits : et cependant le domaine de
Nogaret s'étend encore.
Depuis son établissement définitif dans le diocèse de Nimes,
la maison de Montpellier et le mas des Cannes, dans le terri-
toire de Mauguio, étaient devenus pour Guillaume de Nogaret
des possessions trop excentriques, dont il aurait eu avantage
à se débarrasser. L'assignation de 1304 lui avait donné la
suzeraineté et la haute justice du mas de Livières, près de
Calvisson, qui constituait une commanderie de l'Ordre de
Saint-Jean. Nogaret proposa aux Hospitaliers d'échanger cette
commanderie contre le mas des Cannes ou la maison de
Montpellier. Le grand -maître. Foulques de Villaret, donna,
le 15 novembre 1309, à Pise, un entier consentement à cet
échange* et nomma deux chevaliers pour le négocier. Il fut
décidé que Livières serait cédé à Nogaret contre la maison de
Montpellier. Cet échange fut confirmé en septembre 1310 par
Philippe le Bel, et le 14 décembre par le roi de Majorque,
qui, en considération des mérites de Guillaume de Nogaret,
faisait remise aux Hospitaliers du cens que lui devait la mai-
1. Ménard, I, Preuves, pp. 219-224, d'après les Arch. de chat, de
Marsillargues, acte non retrouvé.
2. 11 est à Nimes le 10 juillet 1310. (A. Germain, Histoire du com-
merce de Montpellier, t. I, Pièces justificatives, pp. 425-420.)
3. Arch. du Gard, H, 39.
4. Arch. du chat, de Marsillargues, t. XXlll, n° 3, parch. original.
ANNALES DU MIDI. — XVI. 13
194: LOUIS THOMAS.
soQ^ Le 3 février 1311, en présence d'Elzéar de Roussac,
précepteur de la maison de Saint-Jean de Montpellier, Guil-
laume de Planhols, procureur de Guillaume de Nogaret, met
l'Ordre en possession, en la personne de Guillaume Mataron,
lieutenant du prieur de Saint-Gilles, par la tradition des clefs.
Mataron parcourt la maison, s'y arrête, ouvre et ferme les
portes, pendant que Guillaume de Planhols recommande à
haute voix au locataire de payer désormais son loyer aux
Hospitaliers. Pareille cérémonie eut lieu à Livières; et comme
on s'aperçut que la coramanderie valait plus que la maison,
deux arbitres, Pons d'Aumelas, chevalier du roi de France,
et Arnaud Banella, procureur du grand-maître des Hospita-
liers, décidèrent que Guillaume de Nogaret paierait 100 livres
tournois. Mais cette maison, Nogaret l'avait acquise, non de
ses propriétaires naturels, les héritiers de Bernard Catalan,
qui la lui avaient engagée, mais de leurs créanciers : pour
calmer les scrupules de l'Ordre, on obtint, le 21 juin 1312, de
la veuve et des enfants de Bernard Catalan, l'abandon de tous
leurs droits sur la maison et l'approbation de l'échange. Le
30 juin enfin, Raymond d'Olargues. lieutenant du prieur de
Saint-Gilles, au nom d'une foule de chevaliers énumérés dans
l'acte, et au nom de l'Ordre tout entier, donna quittance à
Nogaret des 100 livres de supplément et ratifia définitivement
l'échange^.
L'acquisition de Livières fut, semble-t-il, le dernier accrois-
sement du domaine de Guillaume de Nogaret. Sa fortune
mobilière, presque aussi importante, comprenait entre autres
choses : une rente de 300 livres sur la trésorerie de Toulouse,
acquise en 1308 de Raymond Béarn =>; une rente de 150 livres
1. Arch. du chat, de Marsillargues, t. XXIII, n° 2, registre en parche-
min, contenant la transcription contemporaine des actes relatifs à cet
échange, mais en ordre inverse, le dernier en date étant transcrit le pre-
mier.
2. Ibid. — C'est par cette ratification que commence la série des actes
transcrits.
3. Testament de Guillaume de Nogaret. (Histoire de Languedoc, éd.
Privât, t. X, Preuves, c. 512.) — Transfert de cette rente sur la trésore-
rie de Nimes en 1338. (Arch. du chat, de Marsillargues, t. XXXVII, n" 4.)
LA VIE PRIVÉE DE GUILLAUME DE NOGARET. 195
à prendre par moitié sur le péage de Beaucaire et sur celui de
Savanhac', achetée le 7 mai 1311; et une autre rente de
250 livres assise par le roi sur la trésorerie de Toulouse'^.
3. — En février 1310, à Paris, en présence du roi, Guil-
laume de Nogaret avait fait son testament^: il désignait comme
son héritier universel Raymond, son lils aîné; donnait à son
fils cadet Guillaume les 300 livres de rente acquises de Ray-
mond Béarn, et à sa fille Guillemelte sa dot — versée de la
façon que l'on sait — et 100 livres tournois, moyennant quoi
elle devait, se déclarer satisfaite. Il substituait en cas de décès
Guillaume à Raymond, Guillemette à ses frères, puis Bertrand
et Thomas de Nogaret fils de son frère défunt, ou à leur
défaut son neveu Gildebert. Il choisissait pour sa sépulture
l'église des frères prêcheurs de Paris, s'il mourait en France,
de Nimes s'il mourait en Languedoc*.
A la fin de sa vie se retrouve l'obscurité de ses débuts :
créature du roi, il n'existait, semble-t-il, et n'était connu
que dans la mesure où il participait à la souveraineté royale ;
quand il a cessé ses fonctions, s'il n'est pas tout à fait « re-
plongé dans le néant d'où il était sorti », du moins n'a-t-on
plus sur ses actes d'indications précises. Pas plus que la date
de sa naissance, celle de sa mort n'est connue. On la peut
fixer avec vraisemblance au mois d'avril 1313. Le 25 mars, il
prononçait, par défaut, une sentence contre Louis de Nevers,
comte de Flandre ^ Le 28 mai, sa succession était à peine
ouverte : dans une requête présentée ce jour-là par les consuls
1. Arch. du chat, de Marsillarges, t. XV; inventaire de 1784, « Titres
de famille, article d. »
2. Transfert de cette rente sur la trésorerie de Nimes en 1336 : Arch.
du chat, de Marsillargues, t. XI, n" 2, et Histoire de Languedoc, éd.
Privât, t. X, Notes, p. 88.
3. Hist. de Languedoc, éd. Privât, t. X, Preuves, col. .512-513.
4. Il mourut à Paris et y fut sans doute enseveli, mais son fils et son
petit-fils eurent leur tombeau dans l'église des dominicains de Nimes qu'il
avait lui-même choisie. (Arch. du chat, de Marsillargues, t. XI, n» 9,
pareil, original : testament de Raymond II de Nogaret.)
5. Limburg-Stirum, Codex diplomaticus Flandriae, t. 111, p. 222.
196 LOUIS THOMAS.
de Nimes aux juges de Manduel ', Guillaume de Nogaret est
dit défunt, o.i il n'est fait aucune mention de son successeur
dans cette seigneurie de Manduel ; cet acte doit se placer
entre la mort de Nogaret et l'accord qui, très tôt après, dut
intervenir entre ses héritiers pour la non-exécution du testa-
ment, car son fils aîné ne fut pas l'héritier universel, et c'est
au cadet que la seigneurie de Manduel fut attribuée.
Guillaume de Nogaret mourut à Paris. Philippe le Bel s'em-
pressa de faire prendre chez lui tous les documents qu'il
avait pu conserver-,, et lui donna un successeur, Pierre de
Latilly, comme garde du sceau royal ^. Ce fut peut-être toute
l'oraison funèbre de celui qui avait été, pour l'absolutisme
naissant, un serviteur si précieux. Cette sorte d'indifférence
du roi pour son ministre défunt fut admirablement ressentie
au Bas-Languedoc : le prestige d'une haute charge, la toute-
puissante protection royale ne défendaient plus le seigneur
de Marsillargues et de Calvisson; la crainte d'être desservis
auprès du roi ne paralyserait plus l'action des officiers
royaux de la sénéchaussée. Aussi les protestations, les do-
léances, les réclamations s'élèvent. Dans cette requête du
28 mai 1313 que je citais, les consuls de Nimes accusent No-
garet d'avoir empiété sur les droits du roi et gravement lésé
leurs privilèges par les « nouvelles coutumes » qu'il levait
dans sa baronnie de Manduel. Les habitants de Lunel renché-
rissent : à les croire, c'est en abusant de ses fonctions, à la
faveur de sa charge de chancelier, qu'il aurait usurpé sur le
1. Arch. mun. de Nimes, MM 15, n" 13, parch. original : « Existantes.. .
apud Mandolium in presentia venerabilis et discreti viri domini Guil-
lelmi de Roveris, judicis tei're seu baronie nobilis et potentis viri domini
Guillelmi de Nogareto militis illustrissimi domini nostri Francorum
régis, domini Cahitionis et Mandolii quondam... »
2. Bibl. nat., ms. Dupuy, t. 635, f" 101 v° : « Littere reperte in domo
defuncti Guillelmi de Nogareto, specialiter signate et distincte. Hec sunt
reperte pênes defunctum dominum de Nogareto. » — Plusieurs des piè-
ces, signalées se retrouvent aux Arch. nat.
3. Ibid., f" 99 : « Ce sont les fourmes des lettres faites sur la besoigne
de flandres, especiallement de celles que les flamenz ont receues de la
court de France du temps monseigneur Guillaume de Nogaret jusques à
tant que après sa mort le scel fu baillé à mestre Pierre de Latilly. A
Poissy, lan de grâce mil ccc et treize. »
LA VIE PRIVÉE DE GUILLAUME DE NOGARET. 197
roi jusqu'à 100 livres de revenu et, naturellement, bien davan-
tage sur eux-mêmes'. Guillaume de Nogaret, à les entendre,
aurait, en restreignant leurs droits de dépaissance dans ses
terres de Tamarlet, si bien appauvri Lunel que plusieurs habi-
tants allaient être réduits à s'expatrier, comme avaient dû. le
faire déjà trois cents familles depuis que Nogaret avait
usurpé ces pâturages 2. Philippe le Bel ne paraît pas s'étonner
d'accusations même aussi manifestement exagérées, mais il
écrit au séoéchal, le 17 juillet 1313, de faire délivrer aux
consuls de Nimes une copie de l'assise pour servir à la dé-
fense de leurs droits 3, et le 19 novembre, il prescrit une
enquête sur les plaintes des gens de Lunel K
*
Guillaume de Nogaret pourtant n'était pas coupable, sinon
d'être demeuré fidèle à lui-même et d'avoir appliqué à la
poursuite de ses intérêts propres le même esprit d'envahisse-
ment et d'extension qu'il avait mis au service du roi. De
même qu'il s'était efforcé, dans sa vie publique, de faire par-
tout triompher la notion nouvelle de la souveraineté de
l'État et de pousser aussi avant que possible l'exercice incon-
testé de l'autorité monarchique, il avait voulu, dans sa vie
privée, faire rendre tout leur effet utile à ses droits d'emphy-
1. Arch. mun. de Lunel, série P, liasse l, n"^ 2110 bis et 2114.
2. Arch. mun. de Lunel, série P, liasse 2, n» 2141, parchemin, minute
non datée d'uue requête au sénéchal : » Per suam potenciam, quando erat
in officio et servicio domini régis, occupavit et sibi appropriavit injuste
plura territoria, pascua et tenementa que erant et sunt propria et de pro-
prietate dicte ville et habitatorum eiusdem... Supplicant dicti sindici
quod mandetur dicto senescallo Bellicadri quod... heredes dicti domini
Guillelmi ac dictos sindicos... ad dictuni diem adiornet... et quod intérim
dicti homines possint uti et sua animalia ad depascendum in dictis pas-
cuis ducere..., aliter oportebit plures dictorum habitatorum de dicta
villa recedere, sicut jam recesserunt et aufugeru'nt do dicta villa tre-
centa hospicia seu foci propter pauportatem niniiam a tempore quo
dictus Guillelmus dicta pascua occupavit. »
3. Arch. mun. de Nimes, 00, 82; copie du xviif siècle.
4. Arch. mun. de Lunel, série P, liasse 1, n" 2110 bis; copie dans une
requête au sénéchal, du 20 mai 1314.
198 LOUIS THOMAS.
téote, de bas justicier, de seigneur terrien, de propriétaire.
On ne saurait, chez lui, séparer, tant leur union est intime,
le légiste de !'« homme nouveau ». Négliger la légitime ambi-
tion de celui-ci et l'ardeur qu'il apporte à la satisfaire, pour
ne voir que l'activité politique du premier, ce serait se faire
une idée trop incomplète de Guillaume de Nogaret, et aussi de
ses pareils, les autres légistes, sur lesquels des études analo-
gues à celle que j'ai tentée amèneraient sans doute aux mê-
mes conclusions. Il nous fournit, dès le début de la monarchie
absolue, un exemple déjà typique de ce contrat tacite, qui
deviendra banal à la fin du xv® siècle, entre le bourgeois qui
brigue les offices et travaille au triomphe de l'autorité royale,
et le roi qui le récompense en l'élevant et en l'enrichissant.
Le résultat, d'ailleurs, ne fut-il pas conforme à ses espéran-
ces? Et si l'on peut voir ^ les conséquences de son oeuvre poli-
tique jusque dans la déclaration du clergé de France de 1682,
n'est-il point permis de remarquer qu'à cette époque l'héritier
de Guillaume de Nogaret était marquis ?
Louis Thomas.
1. Holtzmann, ouvr. cité, p. 213.
LA VIE PRIVÉE DE GUILLAUME DE NOGARET. 199
PIECES JUSTIFICATIVES
I. — 22 octobre 4291. — Acquisition du mas de Tamarlet
par Guillaume de Nogaret.
[Arch. du chat, de Marsillargiies, tome XXIII, liasse de Tamarlet, n» 1.
— Parchemin, copie du commencement du xvi» siècle. — Arch. mu-
nie, de Marsillargues, autre copie de la même époque ; sa cote : « Ta-
marlet, tome I, n»8 », indique qu'elle provient du château.]
In nomine domini nostri Jesu Christi, amen. Anne Incarna-
tionis eiusdem millésime dueentesimo nonagesirao primo, scilicet
undecimo kalendas novembris, domino Philipo Francorum rege
régnante, nobilis vir dominus Rousolinus Lunelli et Montisal-
bani dominus, non vi, non dolo. non fraude, non machinatione
aliqua circumventus, set de sue raere ac spontanée voluntatis
arbitrio ad hoc inductus, dédit in hiis scriptis in accapitum et
in emphiteosim perpetuam domino Guilheimo de Nogareto
legum doctori presenti etrecipientietsuis, ad omnes eius volun-
tates in vita et in morte libère faciendas, dando, vendendo,
impignorando aut quocumque alio jure voluerit alienando qui-
buscumque personis, exceptis sanctis, clericis et militibus, cum
consilio tamen semper suo et suorum successorum, videlicet
totum mansum de Tamarleto cum omnibus domibus, terris, pos-
sessionibus, cultis et incultis, vineis, pratis, nemoribus, pas-
cuis, paludibus, aquis, aquarnm decursibus, pentionibus et cen-
sibus, dominiis, laudimiis et aliis. cum toto territorio et manda-
mento ipsius mansi, juribus et pertinentiis suis, pro ut melius
et plenius fuit possessum unquam vel possideri debuit per
ipsum Lunelli dominum vel eius antecessoreà, et prout latius
1. On trouvera dans le tirage à part du présent article des Pièces jus-
tificatives en plus grand nombre, ou plus complètes, que nous ne pouvons
les donner ici.
200 LOUIS THOMAS.
potest intelligi ad utilitatem ipsius doraini Guilhermi de Noga-
reto recipientis. Acto specialiter inter eos quod dictus dominus
Guilhermus et successores sui quicumque soli et nerao alius
habeant potestatem et jus bannum consuetum recipiendi, exhi-
gendi et levandi per se vel alios custodes, bannerios temporales
vel perpétues, puniendi, pignorandi pro banno et tala, cogno-
scendi de banno et tala et dampnis datis per homines, pecora,
pecudes seu alla animalia quecumque, et cohercendi pro eis et
satisfactione eorum in toto territorio, tenemento et mandamento
ipsius mansi, tam in terris, possessionibus et locis quibuscum-
que ad ipsum mansum spectantibus quam aliis existentibus in
territorio et tenemento seu mandamento ipsius mansi, et quod
nemo alius possit bannerios habere, bannum recipere vel exhi-
gere aliquod in territorio et tenemento predicto.
Tenementam vero, territoriura et mandamentum dicti mansi
confrontatur ex una parte cum terra dominorum de Portibus, et
ex alia parte cum jurisdictione Psalraodiensis abbatis, et ex alla
parte cum jurisdictione sancti Juliani et ex alia parte cum ponte
de Campolivia usque ad robinam.
Dictusque nobilis dominus Rouselinus dédit, cessit et concessit
dicto domino Guilhermo de Nogareto recipienti omnes actiones
reaies, personales, mixtas, utiles ac directas, et omnia jura ad
ipsum dominum Rouselinum pertinentiapro predictis et quolibet
predictorum et pro quibuscumque aliis pertinentibus vel perti-
nere debentibus ad ipsum dominum Rouselinum infra territo-
rium, tenementum et mandamentum ipsius, prout habere melius
et latius pro dicto domino Guilhermo de Nogareto intelligi pos-
sint et debeant. Concedens eidem domino Guilhermo de Noga-
reto liberam potestatem aprehendi corporalem possessionem et
quasi omnium predictorum auctoritate sua, constituens idem
nobilis dominus Rouselinus se omnia predicta etsingula possi-
dere et quasi nomine ipsius domini Guilhermi, quousque per
ipsum dominum Guilhermum possessio et quasi omnium predic-
tarum fuerit aprehensa.
Asseruit dictus dominus Rousolinus se nichil dixisse vel fe-
cisse, nichil in futurum se vel sues successores dicturos vel fac-
tures cominus predicta perpétua flrmitate fruantur. obligansinde
se et omnia bona sua habita et habenda dicto domino Guilhermo
et suis successoribus pro evictione predictorum et cuiuslibet lei
ex predictis supra per eum concessis.
LA VIE PRIVÉE DE GUILLAUME DE NOGARET. 201
Retinuit tamen dictus dominus Rousolinus sibi et suis succes-
soribus in dicto manso, territorio et mandamento ipsius merum
et mixtum iraperium vel omnlmodam jurisdictionem aitam et
bassam, exceptis bannis, taliis et eorura cognitione et cohercione
et aliis superius expressis, que pertinere debebunt dumtaxat ad
dictum dominum de Nogareto et successores suos.
Retinuit etiam dictus dominus Rousolinus quod dictus dominus
Guilhermus et successores sui pro predictis dent dicto domino
Rousolino et suis successoribus appud Lunellum ducentas et
quinquaginta libras turonensium nomine pensionis, singulis an-
nis a festoPasche domini proximoin unum annum etdeinde annis
singulis in dicto festo vel circa pentionem similiter eandem, ita
quod hoc anno, scilicet in primo festo Pasche, nichii det nomine
pentionis, set dicta pentio incipiat a secundo Pasche predicto.
Dédit etiam et concessit dictus dominus Rousolinus dicto do-
mino Guilhermo et suis successoribus liberam potestatem do-
nandi, vendendi et quocumque titulo alienandi dictum mansum,
terras et possessiones ipsius mansi et omnia sibi coacessa cui-
cumquepersone, exceptis sanctis, clericis et militibus, salvo sibi
dominio, concilio et laudimio. Acto specialiter inter eos quod
dictus dominus Guilhermus de Nogareto per se possit dare ad
tempus vel perpétue ad certam pentionem vel certum redditum
alio pretio non recepto terras et possessiones mansi predicti.
Retinuit etiam dictus dominus Rousolinus sibi in predicto
manso et élus tenemento dorainium, concilium et laudimium si
contingent ipsum mansum venumdari in solidum vel pro parte,
ita tamen quod dominia, consilia et laudimia possessionum que
tenentur in accapitum vel emphiteosim per alias personas ab
ipso nobili domino Roussolino, et in futurum tenebuntur a dicto
domino Guilhermo sub dicto manso et eius tenemento, pertinerent
ad ipsum dominum Guilhermum et successores suos et sub suo
accapito debeant contineri.
Item fuit actum et in pactum deductum inter dictos dominum
Rousolinum et dominum Guilhermum de Nogareto quod si reddi-
tus dicti mansi convenienter extimati non valerent ducentas et
quinquaginta libras vel defflciunt quo minus in recto redditu
semper possint vaiere, illud quod ex dictis ducentis quinquaginta
libris defficit vel defâceret in futurum, idem dominus Rousoli-
nus supleat et reflciat eidem domino Guilhermo ex redditibus
castri de Galasanicis ad dictum dominum Rousolinum pertinen-
202 ' LOUIS THOMAS.
tibus, pro quo specialiter idem dominus Rousolinus dictos reddi-
tus et proventus de Galasanicis et generaliter omnia bona sua
presentia et futura obligavit.
Preterea fuit actum inter eos et in pactum deductum quod si
contingat in futurum ex paludibus dieti mansi redegi et fleri no-
valia et ex pratis vei terris cultis ipsorum novalium redditum
colligi super excessentem redditum dicti mansi ultra pensionem
predictam, ipsi redditus dictorum novalium fldeliter extimentur,
et deductis expensis et labore que facti vel habiti erunt pro no-
valibus ex paludibus faciendis, tam in fossatis, levatis quam
aliis, secundum redditum qui ex ipsis novalibus colligetur et in
futurum perpetuo colligi poterit, dicta pentio dictarum ducenta-
rura quinquagenta librarura turonensium bonorum virorum arbi-
trio fldeliter augmentetur dicto domino Rousolino et eius succes-
soribus.
Item fuit actura inter dictum nobilem dominum Rousolinum et
dictum dominum Guilhermum de Nogareto quod dicta extimatio
super excessentem redditum ex dictis novalibus débet fleri post
quinque annos proximos semel, et iterum post alios quinque
annos sequentes, et augmentum pentionis predicte quod juxta
extimationem predictam poterit statui iraperpetuum solvatur
post quinque annos transactos singulos nobili supradicto et
suis.
Item promisit dictus nobilis dominus Rousolinus dicto domino
Guilhelmo de Nogareto solempniter stipulant! se et suos succes-
sores defifendere suis propriis expensis in iure et extra ius dic-
tum dominum Guilhermum et successores suos quoscumque
in predictis omnibus et singulis per ipsum nobilem supra con-
cessis, et omne dampnum et expensas et interesse quas vel que
ipsum dominum Guilhermum vel successores suos contingent
sustinere, si dictus nobilis vel successores sui defficerent in
predictis vel aliquo predictorum, illud dampnum et expensas
et interesse idem nobilis pro se et suis successoribus promisit
dicto domino Guilhermo de Nogareto solempniter stipulant! pro
se et suis sucessoribus quibuscumque reddere et restituere. cre-
dendo inde eidem domino Guilhermo et suis solo suo simplici
verbo et suorum sine sacramento et testibus et alio génère pro-
bationis.
Predicta autem omnia et singula attendere et complere promi-
sit dictus nobilis dominus Rousolinus se et heredes suos et suc-
LA VIE PRIVÉE DE GUILLAUME DE NOGARET. 203
cessores perpétue observare et contra non venire per se vel per
alium, injure vel extra jus, renuncians scienter et consulte juris
benefâcio quo propter direptionem ultra diraidium justi pretii
contrahentibus subvenitur ratione, juris benefflcio canonici et
civilis, scripti et non scripti, conditi et condendi, omni juri per
quod posset contra predicta venire vel aliquod predictorura, pro
predictis servandis obligans se et omnia bona sua presentia et
futura.
Testes hiis omnibus adfuerunt donainus Ermengarius de Mel-
gorio miles, Bernardus Pétri de Monteulmo doraicellus. Ray-
mundus Grosi, Matheus de Nogareto clerici, et ego Bernardus
Basteri publicus Montispessulani notarius qui hinc inde rogatus
hec omnia et singula scripsi et apposui meum signum.
II. — Avril 1293. — Approbation par Philippe le Bel de l'acquisi-
tion que les enfants Gros ont faite de la rente que Guillaume de
Nogaret devait au seigneur de Lunelpour Tamarlet.
[Arch. du chat, do Marsillargues, t. XXIII, liasse de Tamarlet, n» 2,
parch. original.]
Philippus Dei gratia Francorura rex. Notum facimus universis
tam presentibus quam futuris. quod cura magister Guillelmus de
Nogareto tutor ut dicitur Johannis et Raymundi Grossi pupillo-
rura, flliorum Raymondi Grossi burgensis quondam Montispes-
sulani, nomine tutorio predictorura pupillorum et ad opus ipso-
rum acquisiverit a nobili viro Rousolino domino Lunelli milite
dominium , consilium et laudimium raansi et tenementi de
Tamarleto de baronia Lunelli cura juribus et pertinentiis ipsius
mansi et cura pensione quinque millium solidorum quam dictus
magister Guillermus pro se annuatim prestare tenetur ratione
rerum predictarum quas ipse in emphiteosim a domino predicto
recepit, ab eisdem Johanne et Raymundo et eorum heredibus et
successoribus tenendum imperpetuum et habendum prout in ins-
trumente publico super hoc confecto dicitur plenius contineri,
dictique pupilli per suum tutorera predictum cura gentibus nos-
tris ad hec specialiter deputatis a nobis flnaverint ut eis perpétue
liceat res retinere predictas, nos acquisitionem et flnanciam
predictas ratas et gratas habentes, licet ex hiis diminuta sit ba-
ronia predicta, volumus et cencedimus quod dicti Johannes et
Raymundus, quanquam ipsi forsitan de nobilium génère non
204 LOUIS THOMAS.
existant, eorumque heredes et successores res predictas sub de-
veriis consuetis pro illis prestari perpétue teneant, habeant et
possi[de]ant pacifiée et quiète, quodque ipsi per nos vel succes-
sores nostros compelli non possent extra manum suam ponere
res predictas, salvo tamen in aliis jure nostro et jure quolibet
aiieno. Quod ut flrmum et stabiie permaneat in futurum presen-
tibus litteris nostrum fecimus apponi sigillum.
Actum apud abbatiam monialium béate Marie juxta Meledu-
num, anno domini millesimo ducentesimo nonagesimo tertio,
raense aprili.
III. — Mars 1 303. — Lettres de Philippe le Bel approuvant Tachât,
par Guillaume de Nogaret, du domaine éminent de Tamarlet à
Jean Gros.
[Arch. du château de Marsillargues, t. XXIII, liasse de Tamarlet, n" 9.
Papier, copie de 1650, par le garde des archives de la sénéchaussée,
d'un vidimus du sénéchal daté du 7 janvier 1315.]
Philipus Dei gratia Francorum rex. Notura , etc., quod cum
Guilhelmus de Nogareto miles noster dilectus teneat in emphi-
teosim perpetuam aRousolino quondam Luneili domino mansura
dictum Tamarletum cum omnibus possessionibus, etc
ad pensionem quinque miilium solidorum turonensium annuatim,
eamdemque emphiteosim nos non obstante diminutione feodi
nostri baronieque Luneili dicto Guilhelmo et ejus successoribus
duxerimus conflrmandam, prout in litteris nostris inde confectis
plenius continetur; dictusque Guilhelmus tutorio nomine Johan-
nis Grossi et Raymundi fratrum pupillorum suorum quorum
tutelam idem Guillelmus gerebat et pro eis a dicto domino Lu-
neili acquisierit dictum redditum pensionis predicte cum suis
juribus et pertinentiis, pensione unius oboli aurei vel sex soli-
dorum turonensium ad helectionem solventis dicto domino Lu-
neili retenta, sub pactis et conditionibus in instrumente inde
confecto contentis, ac per acquisitionem hujusmodi idem Guillel-
mus tutorio nomine dictorum fratrum nobiscum flnavit. nosque
acquisitionem ipsam confirmavimus non obstante feodi nostri et
dicte baronie diminutione et quod ipsi pupilli ex nobilibus nati
non erant, prout in litteris nostris inde confectis plenius conti-
netur.
LA VIE PRIVÉE DE UUII-LAUME DE NOGARET. 205
Postmodumque flnita dicta tutela dictorum fratrum per mor-
tem dicti Raymundi et per pubertatem dicti Johannis, ab eodom
Johanne substituto et successore dicto fratri suo idem Guillel-
mus nuper acquisierit dictum redditura quinque millium solido-
runa turonensium quem nobis débet recognoscere et pro eo nobis
solvere uniusoboli aurei aut sex soiidorum turonensium annuam
pensionem prout dictas Johannes antea tenebatur. Ideo dictus
Guillelmus nobis recognovit se tenere a nobis predicta modo et
forma predictis et nobis solvere pro eis unius oboli aurei aut
sex soiidorum turonensium annuam pensionem predictam, quam
recognitionem nos recipimus ab eodem, salvo in aliis jure nostro
et quolibet aliène. Quod ut flrmum et stabile permaneat in
futurum presentibus litteris nostrum fecimus apponi sigillum.
Actum Parisius, anno domini millesimo trecentesimo secundo,
mense martii.
IV. — 28 mai 1313. — Plaintes des habitants de Nimes
contre défunt Guillaume de Nogarel.
[Arch. munie, de Nimes, MM. 15, n» 13, parch. original.]
Anno ab incarnatione domini millesimo trecentesimo tertio
decimo et die vicesiraa octava maii domino Philippo rege Fran-
corura régnante. Existentes Guillelmus Gombrandi et Stephanus
Vituli consules civitatis et castri arenarum Nemausi apud Man-
dolium in presencia venerabilis et discreti viri domini Guillelmi
de Roveria judicis terre seu baronie nobilis et potentis viri
domini Guillelmi de Nogareto, militis illustrissimi domini nostri
Francorum régis, domini Calvitionis et Mandolii condam, dixe-
runt et exposuerunt quod ofliciales villarum de Mandolio et de
Bolhanicis et de Venranicis, de Caysanicis et de Polvereriis a
paucis temporibus citra polveragiura exhegerunt et de novo
exhigunt a transeuntibus cum pecudibus et aliis animalibus
euntibus ad montaneas causa estivandi ibidem, quod polvera-
giura consuetum est elevari et percipi in civitate Nemausi,
contra statuta et ordinationes regias jam dudum fàctas in sene-
scalliaBellicadri, quod sedit in maximum detrimentum et lesiouem
juris consulum predictorum, cum predicti consules usi sunt et
fuerunt tanto tempore quod cuius contrarii memoria non extitit
habendi et percipiendi pro erbagio quantum percipitur pro polve-
206 LOUIS THOMAS.
ragio a predictis pecudibus et animalibus transeuntibus a par-
titis de Bellagarda usque ad partidas de Calmeta et de Gaianis.
Verum cuni propter dictura polveragium quod percipitur de
novo ibidem, polveragium quod recipitur in civitate Nemausi
extiterit diminutum et sic per consequens herbagium quod
recipiunt predicti consules, requisiverunt consules supradicti
predictum dominum judicera ut predictum polveragium de
novo inceptum in dictis villis debeat facere revocare, cum
contra dictas ordinationes et statuta regia fuerit incohatum,
vel saltim prestare faciat predictis consulibus tantum pro erba-
glo quantum ibidem percipitur pro polveragio , cum in hoc
defraudentur jure suo. Petentes de predictis sibi fieri pubiicum
instrumentura.
Et dictus dominus judex respondit quod quantum in eo est sibi
non placet quod dictum polveragium et erbagium levetur nisi
ab antico sit consuetum levari, et consulit Stéphane Audeberti
vicario Mandolii ibidem presenti quod non patiatur levari dic-
tum polveragium nisi ab antiquo levari consueverit, saltim
antequam dominus noster rex concederet dictam terram Man-
dolii dicto domino Calvitionis.
Actum Mandolii. Huius rei testes sunt Audebertus de Aramone,
Andréas Bonarici notarius, Petrus Blogerii clericus, Raymundus
Arneii domicellus, Durantus Agarna clericus, Andréas Blogerii
jurisperitus et ego, Johannes de Asperis. notarius publicus de
Nemauso qui predicta scripsi requisitus et signavi.
V. — 20 mai 1314. — Le sénéchal de Beaucaire reçoit les plaintes
des habitants de Lunel contre défunt Guillaume de Nogaret. —
Lettre de Philippe le Bel sur ces plaintes, du i9 novembre 1313.
[Arch. niimicip. de Lunel, série P, liasse 1, n» 2110 bis, parchemin. —
N" 2114, autre expédition contemporaine sur papier.]
( Extrait. )
Item signiflcant quod postquam dominus Guillelmus de Noga-
reto miles regius acquisivit mansum dictum de Tamarleto, dicti
homines dicta patua et pascua more prestito tenuerunt et possi-
derunt libère. Mox vero cum factus fuit in offlcio seu de consilio
régis, motus aviditate ampleandi terram suam,habendi et occu-
pandi patua seu pascua supradicta, iniuste movit questionem et
LA VIE PRIVÉE DE GUILLAUME DE NOGARET. 207
controversiam super dictis pascuis dictis hominibus de Lunello,
et cura suis callidis machinationibus ac per irapressionem quos-
dam horaines de Lunello qui dicebant se sindicos universitatis
predicte, cum re vera non essent a dicta universitate légitime
creati vel instituti, induxit ad comproraittendum cura eo in très
arbitrios super questionibus motis super pascuis supradictis,
quorum arbilrorum duo, tercio contradicente, pronunciaverunt
et adiudicaverunt dicta pascua dicto domino Guillelrao de Noga-
reto indebite et iniuste, non admissis nec auditis rationibus seu
defensionibus dictorum hominum de Lunello, que quidem pronun-
ciatio, que nuUa [est], fuit ut dicitur conflrraata per errorem
calliditatibus et circumventionibus domini Guillelmi predicti qui
tempore dicte confirmationis, si qua facta est, erat principalis
dictator et ordinator in consilio regio. Et dicti horaines nullum
advocatum invenire potuerunt Parisius nec in toto regno Fran-
cie qui eis contra dictum dominum Guillelraum vellet consilium
irapartiri. Ratione cuius pronunciationis, annui redditus dicti
Guillelmi seu eius heredum in dicto raanso de Tamerleto de
juribus et pertlnentibus ad dictam universitatem et horaines
eiusdem in mille libris turonensium parvorum et ultra sunt
contra Deura et justiciara augmentati, in grande preiudicium et
diminucionem juris regii indefensi, quod ratione predictorum
lesum et diminutum in centum libras turonensium annui red-
ditus et plus, nec non et in enormem lesionera jurium dicte
universitatis et dictorum hominum de Lunello qui forsitan
depauperati sunt pretextu dicte pronunciationis nec comode
vivere possunt in dicto loco sine pascuis memoratis.
MELANGES ET DOCUMENTS
LES QVATRAINS DV SEIGNEVR DE PYBRAG
(Suite et fin.)
71 . Ha, le dur coup qu'est celuy de l'oreille !
On en deuient quelquefois forcené,
Mesmes alors qu'il nous est assené
D'vn beau parler plein de doulce merueille.
72. Mieulx nous vaudroit des aureilletles prendre,
Pour nous sauuer de ces coups dangereux :
Par là s'armoient les Pugils valeureux,
Quand sur l'arène il leur falloit descendre.
73. Ce qui en nous par l'oreille pénètre,
Dans le cerueau coule soudainement,
Et ne sçaurions y pouruoir autrement
Que tenant close au mal ceste fenestre.
71. Ceci revient à dii'o : La parole est une arme terrible, et qui
blesse d'autant ;plus qu'elle parait plus agréable. Cf. Fragm. phil,
graec, p. 496, n» 151. « Edyouç Tî^riyr) x.outpoTipa -{kta'^rsr^ç,. >. — Trésor de
sentences, pp. 51, 123, 125, 128, 159. c< Pis vaut un coup de langue | Que
trois d'espieux ne de lance. »
72. « A bonne cause vouloit Xenocrates que l'on meist aux cnfans
des aureill«ttes de fer pour leur couvrir et défendre les aureilles, plus
tost^u'aux combattans à l'escrime des poings, pour ce que ceux cy ne
sont en danger que d'avoir les aui-eilles rompues et déchirées de coups
seulement, et ceux là les mœurs gastées et corrompues. » (Plutarque,
t. 13. — Comment il faut oiiïr, p. 162.)
73. « Aures tuas non cuivis sermoni praebe. » Epicharme, dans Sto-
bée, Sert?io CLXX, p. 278. — « A beau parleur closes oreilles. » Prdv.
commmts, p. 6. — c Le mortel arsenic entre au corps par la bouche, |
Et le cœur par l'oreille engloutit le poison. » Tablettes, III, 41.
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 209
74. Parler beaucoup on ne peut sans mensonge
Ou, pour le moins, sans quelque vanité :
Le parler brief conuient à vérité.
Et l'autre est propre à la fable et au songe.
75. Du Memphien la graue contenance,
Lors que sa bouche il serre auec le doigt,
Mieulx que Platon enseigne comme on doit
Reueremment honorer le silence.
76. Comme l'on voit, à l'ouurir de la porte
D'vn cabinet Royal, maint beau tableau,
Mainte antiquaille, et tout ce que de beau
Le Portugais des Indes nous apporte,
77. Ainsi deslors que l'homme qui médite,
Et est sçauant, commence de s'ouurir,
Vn grand thresor vient à se descouurir,
Thresor caché au puis de Democrite.
74. Prov. de Salomou, X, 19; XIII, 3; XVII, 28. — Bias, LUI. (Mo-
ralistes anciens, p. 144.) — Fragtn. phil. graec, p. 526, n" 145. — Hé-
siode, Travaux et jours, 719-20. — Epictète, Manuel, XXXIII, 2. —
Publius Syrus, p. 809, col. 2, v. 11; p. 814, col. 2, v. 10. — Stobée,
Ser. XCIII-XCVI, pp. 152-8. — Caton, p. 361. — Trésor de setitences,
pp. 13, 41 [« Comme grand dormir n'est pas sans songe, | Grand parler
n'est pas sans mensonge. »] 54, 149, 152, 162, 230, 234. — Baïf, Mimes,
pp. 169 et 239-40. — Tablettes, II, 83. — Fénelon, XII. — La Bruyère,
De l'homme, 149. « L'on se repent rarement de parler peu..., maxime
usée et triviale. »
75. Le Memphien, c'est le lils d'Isis, Harpocrate. II rectifiait, si nous
en croyons Plutarqiie {Traité d'Isis et d'Osiris), les opinions téméraires
que les hommes ont des dieux, et c'est pour cela qu'on le représentait
tenant le doigt sur les lèvres et recommandant ainsi la discrétion, le
silence.
77. L'image est agréable et juste; elle rappelle une comparaison dont
usaient les disciples de Pythagore. La voici, traduite en latin : « Cum
sapiens os suum tanquam templum aperuit, ibi animi bona velut simula-
cra conspiciuntur. » [Fragm. phiL. graec, p. 488, n» 6.) — Le dernier
vers du Quatrain demande à être expliqué. Democrite assurait que
jamais les hommes ne posséderont la vérité, soit qu'elle n'existât point
ANNALES DU MIDI. — XVL 14
210 ANNALES DU MIDI.
78. On dict soudain : voilà qui fut de Grèce,
Cecy de Rome, et cela d'vn tel lieu.
Et le dernier est tiré de l'Hebrieu,
Mais tout, en somme, est remply de sagesse.
79. Nostre heur, pour grand qu'il soit, nous semble moindre;
Les ceps d'autruy portent plus de raisins :
Mais quant aux raaulx que souffrent nos voysins.
C'est moins que rien; ils ont tort de s'en plaindre.
80. A l'enuieux nul tourment ie n'ordonne :
Il est de soy le iuge et le bourreau,
Et ne fut onc de Denis le Toreau
Supplice tel, que celuy qu'il se donne.
(cf. Cicéron, Acad., I, ii, 23), soit que, réellement existante, elle demeu-
rât cachée à tous (Aristote, Métaphysique, IV, v, 8). Il exprimait cette
seconde hypothèse d'une façon figurée : La vérité se trouve au fond d'un
gouffre. « 'Ev P'JÔw yàp ^ àX/iOefr]. » {Fragm. phil. graec, p. 358.) Ainsi
le puits de Démocrite, c'est l'abîme où sont enfermées les choses répu-
tées inconnaissables ; mais Pibrac ne pense pas que ce trésor puisse se
défendre contre la méditation et la science, garder éternellement son
mystère.
79. Epictète, Manuel, XXVI (trad. Thurot). « ... Quand l'esclave d'un
autre casse sa coupe, nous avons aussitôt sur les lèvres : « Cela se voit
tous les jours. » Sache donc que, quand on cassera ta coupe, tu dois être
tel que tu es quand on casse celle d'un autre. Applique cette réflexion à
dea événements plus importants. Quelqu'un perd son fils ou sa femme?
Il n'est personne qui ne dise ; « C'est la condition de l'humanité. » Mais
quand on fait cette perte soi-même, aussitôt de dire : « Hélas! que je suis
malheureux I » — Publius Syrus, p. 766, col. 1, v. 1. — Trésor de sen-
tences, p. 20. « A chacun sa propre douleur | Semble plus grieve et la
greigneur. » — Baïf, Mimes, p. 183. « Chacun son mal très mauuais
crie. »
80. Fragm. phil. graec, p. 490, n" 57. — Stobée, Sermo XCIX, p. 163,
7. — Tablettes, II, 68. « L'envie est un torment qui les hommes bour-
relle. » Cette idée a fourni un adage à la plupart des langues européen-
nes. (Cf. Ida von Dûringsfeld, Sprichwôrter der genn. u. rom. spr.,
t. II, p. 93, n" 168.) — On notera que ce n'est pas à Denys que l'on doit
reprocher l'invention du taureau d'airain. Cet instrument de torture fut,
dit-on, imaginé par le fondeur Périllus ou Périlaùs, qui, ayant offert son
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 211
81. Pour bien au vif peindre la Calomnie,
Il la faudroit peindre quand on la sent :
Qui parjbon heur d'elle ne se ressent,
Croire ne. peut quelle est ceste furie.
82. Elle ne faict en l'air sa résidence,
Ny soubs les eaux, ny au profond des bois :
Sa maison est aux oreilles des Roys,
D'où elle braue et flestrit l'innocence.
83. Quand vne fois ce monstre nous attache,
Il sçait si fort ses cordillons nouer
Que, bien qu'on puisse en fin les desnou r,
Restent tousiours les marques de l'attache.
84. luge, ne donne en ta cause sentence :
Chacun se trompe en son faict aizément;
Nostre interest force le iugement.
Et d'vn costé faict pancher la balance.
85. Dessus la loy tes iugemens arreste,
Et non sur l'homme : elle [est]* sans affection,
L'homme, au contraire, est plein de passion :
L'vn tient de Dieu, l'autre tient de la beste.
86. Le nombre sainct se iuge par sa preuue,
Tousiours égal, entier ou desparty :
Le droict aussi, en Atomes party,
Semblable à soy tousiours égal se treuue.
œuvre à Phalaris, tyran d'Agrigente, fut le premier à subir ce supplice
raffiné. (Plutarque (?), Parallèles d'histoires gr. etrom., 78; Diodore de
Sicile, Biblioth. histor. [trad. Miot], t. III, ix, p. 60.)
84. Publius Syrus, p. 790, col. 2, v. 8. « Nemo esse judex in sua causa
potest. »
88. Le sens paraît être : De même que le nombre saînt est reconnais-
sahle à la qualité qu'il a de demeurer toujours égal, qu'il soit ou non
* Faute d'ajouter ce verbe, la phrase paraîtrait boiteuse; d'autre part,
la. correction donne au vers une syllabe de trop, mais il est à croire que
Pibrac comptait affection pour trois syllabes. Cf. le v. 3 du Quatrain 96.
212 ANNALES DU MIDI.
87. Nouueau Vlysse, appren du long voyage
A gouuerner Ithaque en équité :
Maint vn a Scylle et Charybde euité,
Qui heurte au port, et chez soy faict naufrage.
88. Songe long temps auant que de promettre :
Mais si tu as quelque chose promis,
Quoy que ce soit, et fust ce aux ennemis,
De l'accomplir en deuoir te fault mettre.
partagé, de même la m.oindre des actions justes renfermée toute la
justice et découle d'un principe qui se retrouve entier dans chaque
applicatioyi qu'on en fait. — Resterait à savoir quel est le nombre qu'on
appelle saint '? D'après Agrippa, que cite dans ses notes M. Claretie, ce
seraient 4 et ses multiples. La conjecture est acceptable, car, pour les
pythagoriciens, 4 représentait la justice; on le regardait comme « le
nombre des nombres », et lorsque les partisans de la secte voulaient prê-
ter un serment très solennel, ils juraient par la Tétractys mystique,
a source, affirmaient-ils, et racine de l'étornelle nature ». (Chaignet, II,
117-118.) Voilà, certes, de solides raisons pour accorder à 4 la sainteté.
Le malheur, c'est que 3 et 5 ne sont guère moins saints que 4 (ibid,, 119),
et l'embarras se complique de ce fait que 9 a, lui aussi, un caractère
sacré. {Ibid., 122-3.) Est-ce tout? Nullement. Le nombre 10 entre en con-
currence avec les précédents, attendu qu'il figure « la force interne et
incréée qui produit la permanence éternelle des choses de ce monde ».
[Ibid., 98.) Quel rôle! Aucun, je pense, n'est plus beau, sinon celui du
« nombre inefîable », de l'Un, cause avant la cause, et que l'on tient non
seulement pour un dieu, mais pour le dieu par excellence. (Ibid., 13, 52.)
On le voit donc, il est difficile d'établir quel est le nombre vraiment saint,
et nous avons d'autant moins le droit de prêter sur ce sujet telle ou
telle opinion à Pibrac, que nous ne savons pas exactement à quelle source
il a puisé. La théologie chrétienne avait appliqué aux dogmes et aux
mystères la théorie des nombres; les philosophes du xvi° siècle s'étaient
presque tous inspirés des songes pythagoriques, et l'on conçoit, par suite,
que le vers des Quatrains qui nous occupe peut, selon le texte dont il
dérive, désigner des nombres bien différents.
87. « Il y a des gens, remarque Démocrite, qui sont les maîtres de leur
ville et les esclaves de leur femme. » [Fragm. phil. graec, p. 351, n» 181.)
La maxime grecque est plus bourgeoise que la française ; elle concerne le
ménage, non la cité, mais l'antithèse qu'elle présente ne diffère pas, au
fond, de celle que Pibrac a marquée.
88. Publius Syrus, p. 774, col. 1, v. 5; p. 776, col. 1, v. 6; p. 790, col. 1,
V. 1. — Trésor de sentences, p. 15. — Fénelon, IIL
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 213
89. La loy soubs qui Testât sa force a prise,
Garde la bien, pour goflfe qu'elle soit :
Le bon heur vient d'où l'on ne s'apperçoit,
Et bien souuent de ce que l'on mesprise.
90. Fuy ieune et vieil de Circe le bruuage;
N'escoute aussi des Serenes les chants,
Car, enchanté, tu courrois par les champs,
Plus abruty qu'vne beste sauuage.
91. Vouloir ne fault chose que l'on ne puisse,
Et ne pouuoir que cela que l'on doit,
Mesurant l'vn et l'autre par le droit,
Sur l'éternel moule de la lustice.
92. Changer à coup de loy et d'ordonnance.
En faict d'estat, est va poinct dangereux,
Et si Lycurgue en ce poinct fut heureux,
Il ne fault pas en faire conséquence.
93. le hay ces mots de puissance absolue,
De plein pouuoir, de propre mouuement :
Aux saincts Décrets ils ont premièrement,
Puis à nos loix, la puissance toluë.
92. « Car de vouloir entreprendre de changer du premier coup ou de
reformer à sa mode la nature de tout un peuple, il n'est ny facile ny seur,
par ce qu'il y faut un long temps et une grande authorité et puissance. »
(Plutarque, t. XV, Instruction pour ceulx qui manient affaires d'estat,
p. 107.) — Lorsque Lycurgue prit en main le gouvernement de Sparte, il
trouva la ville troublée et dissolue au dernier point. C'est pourquoi il se
décida sur l'heure à « changer entièrement toute la police : estimant que
faire seulement quelques loix et ordonnances particulières ne serviroit de
rien, non plus qu'à un corps tout gasté et plein de toutes sortes de mala-
dies, rien ne proufiteroit ordonner quelque légère médecine. » (Lycur-
gus, 2 et 7.)
214 ANNALES DU MIDI.
94. Croire léger, et soudain se résoudre,
Ne discerner les amis des flateurs,
leune conseil, et nouueaux seruiteurs,
Ont mis souuent les hauts estats en poudre.
95. Dissimuler est vn vice seruile.
Vice suiuy de la desloyauté :
D'où sourd es cueurs des grands la cruauté,
Qui aboutit à là guerre ciuile.
96. Donner beaucoup sied bien à vn grand Prince,
Pourueu qu'il donne à qui l'a mérité,
Par proportion, non par equalité.
Et que ce soit sans fouler sa prouince.
97. Plus que Sylla c'est ignorer les lettres,
D'auoir induit les peuples à s'armer :
On trouuera, les voulant desarmer.
Que de subiects ils sont deuenus maistres.
95. Baïf, Mimes, p. 193. « Mentir, c'est fait d'vne ame vile; | Dire
vray, c'est chose gentile. »
96. Maxime dangereuse!... Baïf partage l'opinion de Pibrac, et il écrit :
« A Dieu, la maiesté Royale | Par libéralité s'égale. » (Afimes.p. 22.) Mais
Montaigne observe, avec plus de finesse et d'indépendance, qu'un prince
« n'a rien proprement sien »; qu'il y a peu de mérite à montrer de la
générosité « aux despens d'aultruy » ; que l'exercice de cette vertu est
vain « en mains si puissantes ». {Essais, III, vi, pp. 469-70.) — Pasquier
exprime la même idée. (Lettres, XII, 8, col. 344, C-D.) Il voudrait que
les rois fussent avares, et qu'ils imitassent le bon Louis XII, « lequel,
ores que des courtisans fut estimé un tacquin, pour estre plus retenu
en ses dons, si rapporta-t-il l'éloge, après sa mort, de Père du peuple. »
97. Sylla n'était pas un ignorant, puisque, au témoignage de Plutar-
que, non seulement il paraît avoir eu du goût pour les livres (Sylla, 53),
mais il fut lui-même un écrivain, et rédigea ses mémoires. {Ibid., 75.)
Cela étant, les mots « ignorer les lettres » ne peuvent avoir, dans notre
texte, leur sens ordinaire. Il suffit, pour les bien interpréter, de remonter
à leur source. C'est une phrase où Suétone parlant de César, et désirant
prouver à quel point ses opinions étaient tranchantes, allègue, entre
antres, celle-ci : « SuUam nescisse literas, qui dictaturam deposuerit. »
(Caesar, 11.) Comme il est manifeste que l'on peut abdiquer la dictature
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 215
98. Ry, si tu veux, vn ris de Democrite,
Puis que le monde est pure vanité :
Mais quelquefois, touché d'humanité,
Pleure noz maux des larmes d'Heraclite.
99. A l'estranger sois humain et propice.
Et, s'il se plainct, incline à sa raison :
Mais luy donner les biens de la maison,
C'est faire aux tiens et honte et iniustice.
100. le t'apprendray, si tu veux, en peu d'heure,
Le beau secret du bruuage amoureux :
Aymé les tiens, tu seras aymé d'eux;
11 n'y a point de recepte meilleure.
101. Crainte qui vient d'amour et reuerence
Est vn appuy ferme de Royauté :
Mais qui se faict craindre par cruauté,
Luymesme craint et vit en deffience.
sans être, pour autant, un illettré, on doit donner à l'expression que Sué-
tone rapporte une signification générale et figurée. César voulait dire
sûrement que Sylla ne savait pas le pi-emier mot de la politique, lui
qui avait renoncé au pouvoir, et Pibrac, dont le français est quelque-
fois si latin, applique cette formule à ceux qui ont poussé le peuple à
s'armer.
98. Montaigne, après avoir parlé de l'ironique gaieté de Democrite et
des larmes d'Heraclite, déclare : « l'ayme mieulx la première humeur,
non parce qu'il est plus plaisant de rire que de plorer, mais parce qu'elle
est plus dcsdaigneuse et qu'elle nous condemne plus que l'aultre. le ne
pense point qu'il y ayt tant de malheur en nous comme il y a de vanité. »
[Essais, I, L, p. 1.53.) Cf. Baïf, Mimes, p. 123.
99. Prov. de Salomon, V, 10. — Lévitiqiie, XIX, 33-4; XXIV. 23. —
Phocylide, XXV. [Moralistes anciens, p. 85.)
101. Fragm. phil. graec, Solon, p. 220. — Périandre, LXVI. [Mora-
listes anciens, p. 147.) — Plutarque, t. XVI, Apophth. des Lacédémo-
niens, p. 7. — Publius Syrus, p. 777, col. 1, v. 8; p. 788, col. 1, v. 10;
p. 790, col. 1, V. 5. — Stobée, Sermo CIII, p. 173, 53 [Democrite];
iiermo C F, p. 177, 81.
216 ANNALES DU MIDI.
102. Qui sçauroit bien que c'est qu'vn Diadème,
Il choisiroit aussi tost le tombeau
Que d'affeubler son chef de ce bandeau :
Car aussi bien il meurt lors à soymesme.
103. De iour, de nuict, faire la sentinelle,
Pour le salut d'autruy tousiours veiller,
Pour le public sans nul gré trauailler.
C'est en vn mot ce qu'Empire l'appelle.
104. le ne veis onc prudence auec ieunesse,
Bien commander sans auoir obey,
Estre fort craint, et n'estre point hay,
Estre Tyran, et mourir de vieillesse.
105. Ne voise au bal, qui n'ayraera la danae^
Ny au banquet qui ne voudra manger,
Ny sur la mer qui craindra le danger,
Ny à la Cour qui dira ce qu'il pense.
106. Du mesdisant la langue venimeuse,
Et du flateur les propos emmielez,
Et du moqueur les brocards enflelez,
Et du malin la poursuitte animeuse,
102-103. Stobée, Sermo CIII, p. 175, 24. « Antigonus rex cuidam anui
ipsum beatum praedicanti : Si scires, inqiiit, o mater, quam multofum
malorum sit hic pannus (diadema autem ostendebat), euin in stercore
jacentem non tôlières. » — Publius Syrus, p. 814, col. 2, v. 11. — Mon-
taigne, Essais, I, xLii, p. 134; III, vu, p. 477. — Tablettes, I, 43. — La
Bruyère, Souverain, 34.
104. Premier vers, cf. Ecoles., X, 16. « Malheur à toi, terre, dont le
roi est un enfant! » — Esaïe, III, 4. — Stobée, Sermo CIV, p. 176, 45.
e. Juventus cum summa potestate... malum inexpugnabile est. » [Philo-
nis.] — Baïf, Mimes, p. 142. — Second vers, cf. Stobée, Sermo CIII,
p. 174, 32. « Impera si prius parera didiceris. » — Troisième et qua-
trième vers, cf. Plutarque, t. XV, Apophth. des rois et capitaines,
p. 282. — Baïf, Mimes, p. 18. « Du Tyran la mort est le prix. »
105-107. Cette peinture de la cour est assez élégante et sobre. Le
même thème a été développé par Pierre Mathieu en de nombreuses stro-
phes qui paraissent souvent trop faciles, mais dont il faut louer parfois
MELANGES ET DOCDMENTS. 217
107. Hayr le vray, se feindre en toutes choses,
Sonder le simple à fin de l'attraper,
Braiier le foible, et sur l'absent draper,
Sont de la Cour les œillets et les roses.
108. Aduersité, desfaueur et querelle,
Sont trois essais pour sonder son aray :
Tel a ce nom qui ne l'est qu'à deray,
Et ne sçauroit endurer la coupelle.
109. Aymé Testât tel que tu le vois estre :
S'il est royal, ayrae la Royauté ;
S'il est de peu, ou bien communauté,
Aymé l'aussi, quand Dieu t'y a faict naistre.
110. Il est permis souhaiter vn bon Prince,
Mais tel qu'il est, il le conuient porter,
Car il vaut mieux vn tyran supporter
Que de troubler la paix de sa prouince.
111. A ton Seigneur et ton Roy ne te iouë,
Et s'il t'en prie, il t'en fault excuser.
Qui des faneurs des Roys cuide abuser,
Bien tost, froissé, choit au bas de la roue.
le style imagé, la véhémence. {Tablettes, I, 80-1; II, 44-7: III, 8, 15, 29,
46, 53, 57.)
108. Prov. de Salomon, XIV, 20; XVII, 17; XIX, 4, 7. - Théognis,
VII, XIV, XXVIII, XXXI, LXXII, LXXIV, LXXXVI et suiv. {Moralis-
tes anciens, pp. 22, 25, 31, 32, 47, 48, 57-8.) — Fragm. phil. graec.,
p. 350, n» 164. — Publius Syrus, p. 766, col. 2, v. 9; p. 805, col. 2, v. 10;
p. 813, col. 1, V. 1. — Boèce, Consol., III, v, 36. — Stobée, Sermo CXXXV,
p. 214, .35. « Ut aurum igni probatur, sic erga amicos benevolentia tem-
pore cernitur. » [Menandri.] — Caton, p. 373. — Baïf, Mimes, p. 114.
— Trésor de sentences, pp. 13, 55, 149, 160. — Tablettes, II, 59, 95 ;
III, 92.
109. Baïf, Mimes, p. 144. « Le sage dit : vaille que vaille, | Du gou-
uernement ne te chaille. | Tel qu'il est le faut embrasser. » — La Bruyère,
Souverain, 1.
110. Baïf, Mimes, p. 147. « Ton Roy, tel comme il est, supporte. »
111. Publius Syrus, p. 793, col. 1, v. 9. « Non tutae sunt cum regibua
218 ANNALES DU MIDI.
112. Qui de bas lieu (miracle de fortune)
En vn matin t'es haulsé si auant,
Penses tu point que ce n'est que du vent,
Qui calmera, peut estre, sur la brune?
113. L'estat moyen est Testât plus durable :
On voit des eaux le plat pays noyé,
Et les haults monts ont le chef foudroyé :
Vn petit tertre est seur et agréable.
114. De peu de biens Nature se contente,
Et peu suffit pour viure honnestement :
L'homme ennemy de son contentement
Plus a et plus pour auoir se tourmente.
115. Quand tu verras que Dieu au Ciel retire
A coup, à coup, les hommes vertueux,
Dy hardiment : l'orage impétueux
Viendra bien tost esbranler cest Empire.
116. Les gens de bien ce sont comme gros termes
Ou forts piliers, qui seruent d'arcs-boutans
Pour appuyer, contre l'effort du temps.
Les haults estats, et les maintenir fermes.
117. L'homme se plaint de sa trop courte vie.
Et ce pendant n'employé où il deuroit
Le temps qu'il a, qui sufflr luy pourroit.
Si, pour bien viure, auolt de viure enuie.
facetiae. » — Trésor de sente7ices, p. 26. — Baïf, Mimes, p. 28. « Le fol
à son maistre se ioue. »
112. Tablettes, II, 88.
H3. Pibrac résume ici la philosophie d'Horace. — Cf. encore Caton,
p. 365 [« Tuta magis est puppis modico quae tlumine fertur. »] et Baïf,
Mimes, p. 30.
114. Théognis, XXV, LXI. (Moralistes anciens, pp. 28-9, 44.)
116. Stobée, Sermo XI, p. 19, 56. « Boni viri, iit figuratius dicam,
columnae sunt populum totum sustinentes. »
117. Pnblius Syrus, p. 776, col. 2, v. 9. — Sénèque, A Luciliiis,
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 219
118. Tu ne sçaurois d'assez ample salaire
Récompenser celiiy qui t*a soigné
En ton enfance, et qui t'a enseigné
A. bien parler et surtout à bien faire.
119. Es ieux publics, au théâtre, à la table,
Cède ta place au vieillard et chenu :
Quand tu seras à son aage venu,
Tu trouueras qui fera le semblable.
120. Cil qui ingrat enuers toy se demonstre,
Va augmentant le loz de ton bienfaict.
Le reprocher maint homme ingrat a faict .
C'est se payer que du bien faire monstre.
121. Boire, et manger, s'exercer par mesure
Sont de santé les outils plus certains :
L'excez en l'vn de ces trois, aux humains,
Haste la mort, et force la nature.
XCITI. — Baïf, Mimes, p. 161. « La vie dure assez qui en vse. » Ibid.,
p. 251. — La Bruyère, Jugements, 101.
118. Stobée, Sermo CXXVIII, p. 202, 44. « Tanquam verna genitori-
bus tuis servito : quid enim illis taie reddas quale ab illis accepisti ? »
[Clirysost.] — Ibid., p. 203, 13. « Parentibus par gratia reddi nullo modo
potest. » [Philonis.] — Trésor de sentences, p. 19. « A Dieu, à maistre
ny à parent | L'on ne peut rendre l'equiualent. » — Tablettes, III, 88.
« Rende l'homme des vœux, fasse des sacrifices, | Vuide son corps de
sang et ses coffres d'argent, | Il ne reconnoistra iamais les bénéfices,
Qu'il a receu[s] de Dieu, du Père et du Eegent. »
119. Lévitiqiie, XIX, 32. — Phocylide, XCII. {Moralistes aiiciens,
pp. 107-8.) — Plutarque, t.XVl, Apophth. des Lacédémoniens, pp. 77-8, 106-7.
120. Fragm. phil. graec, p. 522, n» 3. [Cf. Stobée, Sermo LVIII,
p. 96, 35.] — Sénèque, Des bienfaits, passim. — Marc-Aurèle, Pensées,
VII, Lxxiii, p. 203. — Fénelon, X.
121. Vers dorés, XVIII. (Moralistes anciens, p. 170.) — Baïf, Mimes
p. 274, str. XIII.
220 ANNALES DU MIDI.
122. Si quelquefois le meschant te blasonne.
Que t'en chault il? Helas! c'est ton honneur :
Le blasme prend la force du donneur;
Le loz est bon, quand vn bon nous le donne.
123. Nous meslons tout; le vray parler se change
Souuent le vice est du nom reuestu
De la prochaine opposite vertu ;
Le loz est blasme, et le blasme est louange.
124. En bonne part ce qu'on dit tu dois prendre,
Et l'imparfaict du prochain supporter,
Couurir sa faulte et ne la rapporter,
Prompt à louer et tardif à reprendre.
125. Cil'qui se pense et se dit estre sage,
Tien le pour fol, et celui qui sçauant
Se faict nommer, sonde le bien auant,
Tu trouueras^que ce n'est que langage.
126. Plus on est docte, et plus on se deffle
D'estre scauant, et l'homme vertueux
lamais n'est veu estre présomptueux.
Voilà des fruicts de ma philosophie.
122. Prov. de Salomon, XXVII, 21. — Fragm. phil. graec, p. 348,
n" 123; p. 498, n» 20. — Marc-Aurèle , Pensées, IX, xxvn, p. 243. —
Baïf, Mimes, p. 32. « Blasme par méchant est louange. »
125-126. Prov. de Salomon, XXVI, 12. — Fragm. phil. graec,
p, 527, n» 188, — Baïf, Mimes, p. 116. — Tablettes, II, 4^.
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 221
TABLE DES PRINCIPALES REFERENCES.
Baïf. — Les Mimes, enseignements et proverbes, réimpression com-
plète coUationnée sur les éditions originales par Prosper Blanchemain.
Paris, Willem, 1880.
Bible (La sainte), d'après la version de J.-F. Ostervald. Paris, 1866.
BoÈCE. — Anicii Manlii Severini Boetii Philosophiae Co7isolationis
libri quinque, edit. Rudolphus Peiper. Leipzig, Teubner, 1871.
Caton. — Distiques de Caton,en latin et en vers français du xii« siècle.
[Dans Le Livre des Proverbes français, par Le Roux de Lincy; 2 vol.
Paris, Paulin, 1842.]
Chaignet (A. -Ed.). — Pythagore et la philosophie pythagoricienne ;
2 vol., Paris, Didier, 1874; 2« édition.
DiOGÈNE Laerce. — De clarorum philosophorum vitis, dogmatibus
et apophthegmatibus libri decem. Parisiis, Ambrosio-Firmin Didot,
M.DCCC.LXII*.
Épictète. — Manuel, traduction fr. par Fr. Thurol, accompagnée
d'une introduction, et revue par Ch. Thurot. Paris, Hachette, 1874.
Faure. — Les Quatrains des sieurs Pibrac, Faure et Mathieu; Ensem-
ble Les plaisirs de la Vie rustique, enrichis de figures en taille-douce.
Dédiés à Monseigneur le Dauphin. — A Paris, chez Estienne Loyson, à
l'entrée de la Gallerie des Prisonniers, au nom de Jésus, M.DO.LXVII.
Fénelon. — La Sagesse humaine ou le portrait d'un hon)iête
homme. [Œuvres de M. de Fénelon. Paris, Franc. -Amb. Didot, 1787,
t. III, pp. 532-4.]
Fragmenta philosophorum graecorum collegit, recensuit, vertit... Fr.
Guil. Aug. MuUachius. T. I. Poeseos philosophicae caeterorumque ante
Socratem philosophorum quae supersunt. Parisiis, editore Ambrosio
Firmin Didot, 1860.
Marc-Aurèle. — Pensées, traduction d'Alexis Pierron. Paris, Char-
pentier, 1891.
Mathieu. — Tablettes de la vie et de la mort. Voyez Faure.
Montaigne. — Essais. Paris, F'irmin Didot, 1870.
Moralistes anciens (Collection des). — A Paris, chez Didot l'aîné et
de Bure, M.DCC.LXXXIII.
Plutarque. — Œuvres traduites du grec par Amyot;' nouvelle édition,
2.5 vol. Paris, Janet et Cotelle, 1818-1821.
1. On trouve aussi, dans ce volume, les œuvres de Janiblique et de
Porphyre relatives à la vie de Pythagore.
222 ANNALES DU MiDL
PuBLius Syrus. — Sentences. [P. 759 et suiv. du volume de la collection
Nisard qui renferme les œuvres d'Horace et de Juvénal. Paris, Firmin
Didot, 1883.]
Sénèque. — Œuvres complètes, traduction nouvelle par J. Baillard;
2 vol. Paris, Hachette, 1878.
Stobèe. — loannis Stobaei | Sententiae, ex the- | sauris Graecorum de-
lectae. | Cyri Theodori dialogvs, De Amicitiae Exilio | opvscvlvm Plaloni
adscriptvm, de Ivsto. | Alivd eivsdem, an virtvs doceri possit. | Huic
editioni accesserunt | Eivsdem loannis Stobaei Eclogarvm | Physicarvm
et etliicarvm libri dvo. | Item | Loci commvnes sententiarvm collecti ' |
per Antonium et Maximum Monachos, atque ad Stobaei locos relati |
Subiunctis Capitum, Auctorum, Verborum et Rerum | locupletissimis
Indicibvs. | Avreliae AUobrogvm. | Pro Francisco Fabro Bibliopola Lug-
dunensi. | M.DCIX. — Un vol. in-f» de 632 + 207 + 305 feuillets. Les
pages des index ne sont pas numérotées.
TuÉsoR DE Sentences | dorées, dicts, prouerbes et dictons communs |
réduits selon l'ordre | alphabetic | par Gabriel Meurier | a Lyon | Pour
Benoist Rigaud | 1582. — Cet ouvrage est suivi d'un recueil intitulé :
Prouerbes | communs, et | belles sentences | pour familièrement pai'ler
latin et françois | à tous pro- | pos. | Très utiles et nécessaires à | toutes
gens I composez par I. Nucerin | a Lyon | chez Pierre Rigaud | en rue
mercière au coing de | rue Ferrandiere | MDCV.
Xénophon. — Les ent>-etiens mémorables de Sacrale, traduction fr.
par E. Sommer. Paris, Hachette, 1877.
H. Guy.
II
GASCON SUBIW « HAIE >..
M. Thomas, dans ses Mélanges d' étymologie ft^ançaisc
(p. 141-2), incline à admettre en latin vulgaire l'existence
d'une forme *sepUe, dérivée de sepes. C'est à * sepHe que
remonterait le vieux français sevil.
Le mot landais suMiv « haie » (dans Arnaudin, Contes
landais, p. 158 et passim) confirme pleinement cette hypo-
thèse.
Le changement de Ve protonique initial en u devant une
1. C'est à cette dernière partie de l'ouvrage que je renvoie le lecteur
chaque fois que, dans mes notes, il est question de Stobée.
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 223
consonne labiale n'est point fait pour surprendre. — Il est
vrai que d'ordinaire la labiale n'a pour effet, dans la plupart
des patois landais, que d'arrondir en u la voyelle atone pré-
cédente, sans en reculer l'articulation vers le voile du palais.
C'est ce qui s'est passé, par exemple, dans primarium rz
prûmè (à côté de permè, premè)\ 'trepaliare =: trûbalha
(à côté de tribalha); cibatam =z chùwade « avoine », à
Saugnac- et -Muret (à côté du béarnais cibade); bibere zz
bûbé, à Sort (à côté de bébé); *tripedes =: trilbès « esca-
beau », à Labrit.
De même, en ancien béarnais, tt^iibe « trêve », représente
le germanique triiva.
Enfin, par un changement analogue de la voyelle i, tandis
que cribella a donné hriwèro à Léguevin (Haute Garonne),
cribrum -^ -ariam {* cribariam |?]) a produit kt^ûwèyre à
Miniizan (Landes).
Mais le passage, devant labiale, de e h u n'est point non
plus sans exemples dans la région. Ainsi s'expliquent :
7nemorare =: m^imbra, brumba; per amorem =: permu,
prumu « parce que »; *demane rr dwnaii; fr. deviner rr
{en)dubina; * sepUe = subho^.
La même transformation peut encore se produire quand
la consonne labiale précède la voyelle : verrucam =r bur-
rûge; vessicam = buliike- Pour ce dernier mot, ainsi que
le prouve la perte de Vss latine, l'influence analogique de
buha « souffler » s'est certainement exercée : à la campagne,
l'usage est de gonfler les vessies de porc, pour les suspendre
ensuite au plafond de la cuisine. Rapprocher d'ailleurs l'al-
lemand Blase « vessie ».
Il ne doit y avoir que fort peu de mots où un e proto-
nique soit passé à ii, sans qu'il soit en contact avec une
consonne labiale. L'on peut citer cependant resinam =: ar-
ruzi; mais il faut vraisemblablement invoquer ici l'analogie
de arrus « rosée »; en effet, la résine, soit qu'on la distille,
1. Comparer un traitement analogue de Va protonique dans tiibak =
tabac. (Lespy, Dict. Béarn.)
2. Cf. un traitement analogue de 1'/' dans pin- g are =pui'ga, à Cazaubon.
224 ANNALES DU MIDI.
soit qu'elle suinte, au printemps, le long de l'arbre, fait la
perle ou se détache en gouttelettes brillantes.
Pour en revenir au mot subite, il semble n'être usité que
dans un domaine assez restreint. Je ne l'ai rencontré que
vers Pissos, à Saugnac-et-Muret, vers Facture-Biganos, à
Mimizan, et dans le livre de M. Arnaudin (patois de Labou-
heyre). Ailleurs, les termes les plus employés pour désigner
une haie sont plecJi ou pleys dans le Béarn et la Ghalosse ;
sège ou sègo dans la Bigorre, l'Armagnac et le nord-est des
Landes. Georges Millardet.
DE LA RÉDUCTION DU iV A F EN GASCON *.
La réduction du n à y, qui s'est, en roumain, opérée d'une
manière régulière et constante, s'est aussi produite, dans cer-
taines conditions, sur quelques points du domaine gascon.
M. Meyer-Lûbke 2, citant la Revue des langues rorna-
nes ^, écrit que « le passage de n à y doit se produire à
Foix ». En réalité, il ne doit point subsister de doute sur
l'existence du phénomène. On peut en relever des exemples
dans toute une partie de la Gascogne.
Il n'a point écliappé à l'enquête de MM. Gilliéron et Ed-
mont. La carte 105 (bain) de ï Atlas linguistique mentionne
les formes bay ou bat Çbanetwi) à Lannemezan, Saint-
Martin (Gers) et Riscle. La carte 300 (coin) donne huy à
Tramezaygues (Hautes-Pyrénées) et à Lannemezan, huï à
Sariac (Hautes-Pyrénées), Saint-Martin et Riscle.
D'autre part, l'on relève dans VAlmanac de Gascougno
(1903, p. 22) deux exemples de lutj (lat. longe) dans le
patois de Masseube.
Le sud du département du Gers et le nord des Hautes-Py-
rénées semblent être le foyer d'où a rayonné le phénomène.
Celui-ci s'est notamment propagé vers le nord-ouest. Il se
1. Nous désignons par n l'w mouillée, par n \'n gutturale étudiée ici
par M. Ducamin. (VII, 337-9.)
2. Grmnni. des lang. rom., I, | 512.
3. IV, 52.
MÉLANGES ET DOCUMENTS. ^28
manifeste, par exemple, avec intensité dans le canton de
Nogaro, à Lanne-Soubiran, où M. J. Ducamin me signale :
hay Çbaneum), kastay « châtaigner » {* castaneum) , huy
(cuneum), pûy (pugnum), bézuy « besoin ».
Un proverbe local fournit un exemple typique : l'on dit
d'un homme qui a plus de besoins que de ressources : qu'a
mey de bezouys que de hausilhos. Ce proverbe repose sur
un jeu de mots entre bezuy « besoin », et hezuy « vouge »
(vidûbium)'^. Le calembour, qui n'a sa raison d'être que par
suite de la complète similitude de son entre deux mots aussi
différents de sens, montre que la réduction de IT^ à y est, en
cette région, entrée dans ce que M. Rousselot appelle « l'élé-
ment réfléchi du langage ».
Le phénomène apparaît encore dans play « il plaint »
(de plane), kray (de hrane « craindre »), tay (de tangit),
dans l'expression aco netn tay pa re zn « cela ne me touche
en rien, ne me regarde pas ».
La réduction s'est étendue jusque dans le département
des Landes, du moins dans la partie sud-est; à Hagetmau :
luy, bay. On la retrouve plus au nord, à Saint-Gricq- Ville-
neuve {luy, à côté de luyn)^ à Bougues {bézuy « besoin »,
cf. Lou caoutéroun dou Jantoulet, dans le Petit landais du
7 juin 1903), à Saint-Justin, quartier de Douzevielle {éstay,
étain), d'où le verbe éstaija. Au nord de Mont-de-Marsan, à
Saint-Avit, l'on rencontre : la glèyze é lun de l'esliôle,
mais luy à la fin de la phrase. A Mont-de-Marsan même
(au hameau de Nonères), je trouve luy à côté de bayn, pûyn
ou piïyn. Il semble bien qu'ici nous soyons sur la limite du
phénomène. En effet, plus à l'ouest, dès Saint-Pierre-du-
Mont et Uchacq, Vu reparaît. A Ganenx, Vert (canton de
Labrit), les mots cités plus haut ont conservé Vn.
Quel a été le processus suivi? Les formes bayn, pûyn
ou pûyn, que j'ai relevées à Nonères, par exemple, où le
1. L'on retrouve, à Saint-Pierre-du-Mont (Landes), le même jeu do mot
dans un proverbe un peu diflorent : lou hézoun que kôpe la sège, litté-
ralement : « le vouge coupe la haie b, c'est-à-dire : « Le besoin fait tra-
vailler. »
ANNALES DU MIDI. — XVI. 15
226 ANNALES DU MIDI.
changement est en train de se produire ', montrent que le y,,
suivant une tendance qui l'attirait devant Vu, s'en est peu
à peu dégagé (Imjn), et a fini par se séparer tout à fait
de lui {iuyn). Devenue finale, Vn s'est affaiblie {luy"), puis
est tombée.
La réduction du n n'affecte régulièrement que les sylla-
bes finales. L'on n'en rencontre que de rares exemples dans
d'autres positions. Encore ne sont-ils point tous également
sûrs. — Dans la plus grande partie des Landes, deux formes
existent pour désigner le fruit du pin franc, du pismétché :
pinuii et piun, celle-ci tendant à supplanter celle-là. Or, il
semble difficile de ne point considérer la seconde comme
dérivée de la première, et l'une et l'autre comme issues du
latin * pinionem (sur pinça). La forme 77iiyune =r me-
gnonne, que j'ai entendue non loin de Mont-deMarsan, —
une seule fois, il est vrai, et comme nom donné à un ani-
mal, — semblerait plaider en faveur de cette explication.
D'autre part, la pomme du pin est dans les Landes com-
munément appelée la pi, qui me semble être une réduction
de piye. A Luxey, à La-Bastide-d'Armagnac, à Saint-Justin,
on ne connaît que piye. Ailleurs, p^'!/c, ou plutôt pi'Jc existe
bien aussi, mais dans l'expression piye de milhoh (à Man-
ières, canton de Labrit, par exemple) pour désigner Vépi
de maïs, dont la forme, aux yeux des paysans, a de la res-
semblance avec la pomme de pin.
Enfin, le verbe haïnha (dans Arnaudin, Contes landais,
p. 154), qui se retrouve ailleurs (sous la forme s'eslmïiiha),
et qui signifie « crier », en parlant d'un chien qu'on frappe,
semble bien être une réduction de lianinka, dérivé de han
« chien » (cf. hanuta « mettre bas », en parlant de la chienne).
Quoi qu'il en soit, la réduction du >1 en gascon est un fait
exceptionnel à la médiate. A la finale, elle est à peu près
constante dans certaines régions et tend à le devenir dans
d'autres. Elle est inconnue à l'initiale {ùaha, ùaicla., etc.).
Georges Millardet.
1. A Vert et à Saint-Pierre, j'ai aussi noté bay", ce qui me fait croire
que la réduction ne tardera point à se propager plus loin vers l'ouest.
GOMPTKS RENDUS CRITIQUES
A. Lecler. Dictionnaire topographique, archéologique et
historique de la Creuse. Limoges, Ducoiirtieiix, 1902 ;
in-12 de 810 pages.
Nous sommes si mal outillés pour l'étude historique des terri-
toires des différentes provinces (Haute-Marche, Haut-Limousin,
Poitou, Combraille, etc.) qui ont servi à former le département
de la Creuse', que nous devons êlre très reconnaissants à l'abbé
Lecler de la volumineuse compilation qu'il met aujourd'hui à la
disposition du public, après l'avoir morcelée, depuis 1883, dans
le Grand Almanach-annuaire de la Creuse. Ses sources essen-
tielles sont le Dictionnaire manuscrit de feu Auguste Bosvieux
conservé aux Archives départementales de la Haute-Vienne) et
le Fouillé, également manuscrit, de feu l'abbé Nadaud (conservé
dans la Bibliothèque du Grand Séminaire de Limoges); mais il
faut reconnaître qu'il a notablement accru par des recherches
personnelles les renseignemenis accumulés j)ar ces deux labo-
rieux érudits. Malheureusement, il est loin d'avoir épuisé les
deux dépôts dont la connaissance approfondie s'imposait à lui, à
savoir les Archives départementales de la Haute-Vienne et celles
de la Creuse, pour ne rien dire de la Bibliothèque et des Archi-
ves nationales, dont on ne peut pas lui reprocher raisonnable*
ment de n'avoir pas profité. Ce qui est plus grave, c'est qu'il ne
s'est pas suffisamment préoccupé de dépouiller les documents
imprimés. C'est ainsi que je constate avec étonnement que deux
assiettes d'impôts sur la Haute-Marche, pour les années 1441 et
1477, publiées en 1882^, ne figurent jamais dans ses citations.
1. Cf. Annales du Midi, VI, 225 et suiv.
2. La Haute-Marche au XV" siècle, d'après deux assiettes d'impôts,
par A. Thomas, dans le Grand Almanach-aïuiuaire de la Creuse,
année 1882, pp. 115424.
â28 Annales du miî)î.
Enfin, pour tout dire, cette compilation est faite sans une cri-
tique suffisante et elle expose le lecteur inexpérimenté aux plus
graves erreurs. Voici quelques exemples pris au hasard :
P. 11. — Hugues le Brun, comte de la Marche, fonde une
vicairie dans Téglise de Saint-Sylvain d'Ahun... en 1302 ; c'est
lui qui fonda des châtellenies dans les villes du Dorât, de
Guéret, d'Ahun et d'Aubusson. — Ce ne sont pas des châ-
tellenies, mais des chapellenies ou vicairies, que fonda Hugues
le Brun, et l'une de ces chapellenies ou vicairies devait avoir
son siège dans la chapelle du château d'Ahun et non dans
l'église Saint-Sylvain.
P. 16. — En mars 1439, le dauphin Louis alla coucher à Ajain.
— Le texte latin allégué porte in Burgo Ageduni, et il est
extraordinaire qu'un érudit limousin ignore que Agedunum
est Ahun et non Ajain.
P. 23. — Arnet, commune de Saint-Pardoux d'Arnet. — L'auteur
ne s'aperçoit pas que Arnet est une forme fautive, et que cet
article fait double emploi avec celui qu'il consacre plus loin
à Darnet.
P. 29. — Pardoux Duprat, jurisconsulte, né à Aubusson vers
1520, mort à Guéret en 1574. — Le lieu et la date de la mort
de P. Duprat sont inconnus ; je ne m'explique pas d'où pro-
vient la double affirmation de l'auteur, qui est manifeste-
ment controuvée.
P. 61 . — Le château de la Borne fut pris par le roi de France en
1241. — Assertion absolument gratuite, qu'il fallait laisser à
JouUietton.
P. 76. — C'est aux Templiers que le prieuré de Bourganeuf
doit sa fondation. — Erreur : aussi haut que nous puissions
remonter, ce sont les Hospitaliers que nous trouvons en
possession de Bourganeuf.
P. 9 ). — Bridier (il faudrait écrire Bridiers), commune de la
Souterraine : Brioderensis vicus in pago Biturico, 994. —
Bridiers n'a jamais appartenu au diocèse de Bourges : Brio-
derensis vicus est Briare (Loiret).
P. 95. — Budier, commune de la Souterraine. — Localité ima-
ginaire : il s'agit de Bridiers, dont je viens déparier.
P. 127. — Champeix, commune de Montaigut-le-Blanc. —Loca-
lité imaginaire; les actes analysés se rapportent à Cham-
peix, chef-lieu de canton du Puy-de-Dôme, prés duquel se
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 229
trouve une commune de Montaigut-le- Blanc qui n'a rien à
voir avec son liomonyme de la Creuse.
P. 133. — En -1260, Hugues le Brnn, comte de la Marche, qui
habitait ordinairement son château de Chénérailles, en
sortit avec des troupes nombreuses pour porter secours à un
parti d'Anglais qui était assiégé dans le château de la Cha-
pelle-Taillefer. — Assertion erronée et absurde de tous
points, dont j'ai expliqué l'origine dans l'Echo de la Creuse
du 29 juillet 1876. M. l'abbé Lecler ne s'est pas contenté de
copier Joullietton, auteur de cette grosse bévue; il a trouvé
bon de l'interpoler en ajoutant « avec des troupes nom-
breuses ». Et c'est ainsi que Terreur s'augmente en se pro-
pageant!
Inutile de dire que les fautes d'impression pullulent. Il y en a
de peu ordinaires, par exemple à la page 11, où Angleterre doit
être lu Angoulême. Antoine Thomas.
Voyage au purgatoire de saint Patrice. Visions de Tin-
dal et de saint Paul. Textes languedociens du xv^ siècle,
publiés par A. Jeanroy et A. Vignadx. Toulouse, Privât,
1903; iQ-8° de lxi-143 pages. (Tome VIII de la l''® série de
la Bibliothèque méridionale.)
Ces trois textes sont publiés ici d'après un manuscrit de la
fin du xv« siècle (Bibl. munie, de Toulouse, n'^ 894) dont quelques
fragments seulement avaient été jadis imprimés par le marquis
de Castellane. La valeur littéraire en est fort mince (ce sont, du
reste, des traductions du latin), mais ils offrent au linguiste un
intérêt assez considérable'.
De V Introduction, très développée, — son étendue même expli-
que en partie que les éditeurs n'aient cru devoir faire suivre le
texte d'aucun commentaire — les chapitres les plus importants
sont consacrés au Saint Patrice, à tiaimon de Perelhos — peut-
être valait-il mieux conserver la forme catalane du prénom Ra-
mon — et à la langue des trois textes.
Les renseignements consciencieusement recueillis par M. Vi-
L M. Vignaux a rédigé la note sur Perelhos et VIndex des noms pro-
pres; à M. Jeanroy sont dues i'hitroditction, l'établissement du texte et
le Glossaire.
230 ANNALES DU MIDI.
gnaux sur Perelhos suffisent à nous faire connaître de ce person-
nage tout ce qu'il est nécessaire d'en savoir. Dans la discussion
qui suit cette courte biographie. M. Jeanroy prouve aisément
que la rédaction première du Saint Patrice est bien de Perelhos
et soutient de très ingénieuse façon cette opinion, qu'il doit
exister quelque part un texte imprimé de l'ouvrage primitifs
Quant à la partie philologique de l'introduction, il faut en
louer sans réserves la sûreté et la clarté. M. J. a pensé avec rai-
son que sa principale tâche était de déterminer le dialecte des
textes publiés : à cet égard, on peut dire, après une lecture
attentive de son travail, qu'il n'est aucune particularité intéres-
sante qu'il ait négligée. Sa conclusion est que les textes pro-
viennent d'une région comprenant à peu près la partie ouest du
Tarn, le nord de la Haute Garonne, le nord-est de Tarn-et-Ga-
ronne, et peut-être aussi l'extrémité sud-est du Lot. Il ne m'a
pas paru que sa discussion, très serrée, laissât place à quelque
objection sérieuse, ni qu'il fût possible de chercher à préciser
davantage sans s'engager dans l'inconnu.
Les textes sont accompagnés des passages correspondants des
rédactions latines, qui suppléent souvent, sinon toujours, à l'in-
suffisance de la rédaction languedocienne. Celle-ci laisse fort à
désirer, et si l'éditeur avait voulu entreprendre d'en épurer la
langue, il eût eu fort à faire : il suffisait d'en signaler les nom-
breuses lacunes, et à cela il a apporté le plus grand soin. Mais
pourquoi certaines corrections qui s'imposaient n'ont-elles pas
été admises dans le texte même, au lieu d'être simplement indi-
quées en notes parmi les variantes latines? Telles sont, par
exemple, les corrections Armac pour Armanhac (l. 247), Cor-
cages pour Cartages (H 66). e avian [coas coma] scot-pios
(1837), etc.
Le texte est d'ailleurs fort bien établi dans l'ensemble; parmi
les passages qui restent peu intelligibles, il n'en est guère dont
l'obscurité soit imputable à l'éditeur. Voici quelques observa-
tions de détail que je lui soumets.
Ligne 113: il y a sans doute une lacune de quelques mots
après freja. — 165. Il eût été préférable de rétablir la première
lettre du mot qui suit la lacune et d'imprimer {B]enezeyt. —
666. Lire : et'O [nutz] ayssi coma los autt^es, corr. indiquée par le
1. La note 1 de la page xxii laisse subsister quelque doute.
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 231
latin. — 688, note. Ce n'est pas en imaginari qu'il faut corriger
exagitari dans le texte latin, mais bien en excogitari. — 731. Au
lieu de supprimer e fero, je corrigerais : e fe[ri]ro\n\ {■= frappè-
rent), qui convient ici très bieni. — 733. ero [si\ pt^es... quehom...
Il faudrait tant et non si [cf. 651, 667, 669, 744, 747, 733, etc...];
du reste, le mot est inutile : on trouve dans notre texte, comme
dans tous les textes méridionaux, que, marquant la conséquence,
non précédé de tant, tout comme en latin ut. pouriVa ut. Cf. 1. 785
aquela flama montava... que me semblava. — 830. fan; corr.
f[azi]an. — 867, note. Quant [o] cove, o est inutile. — 909. Lire :
ayssi [coma] en aquest mon. — 948. Eran elas de diverssas colors
he (e) clartat. Corriger : {h]e \d\e clartat\z\. Cf. deux lignes plus
bas : de dive7'ssas glorias e de clartaz. — 994. Compléter la
phrase ainsi : ayssi coma em [anatz] a tu. — \U0. Liquesiel,Tpro-
bablement faute de lecture, pour izg'Me;?^^. Voyez plus loin. — 1241,
note. Mayre n'a nullement besoin d'être corrigé et va bien après
noyriment. — 1321. Le sens du mot C7'uzel m'échappe ici; mais
l'expression descendian soh-e aq. cr., qui se trouve quatre lignes
plus bas, ne permet guère d'admettre le sens de creuset, donné
d'ailleurs comme douteux au lexique. — 1322. una cana de spes.
Bien que l'absence de l'e prosthétique devant s consonne soit
notée avec raison dans l'introduction comme un des traits par-
ticuliers à ces textes, j'écrirais plutôt d'espes; car je n'ai pas
trouvé ailleurs la forme spes; nos textes ont partout espes (cf.
1. 562, 1831). — 1328. aquel ferre [que] creman e caut era... Ferre
pour fei-r, fer est une forme unique et surprenante (relevée
d'ailleurs dans l'introduction). Je lirais, sans correction : aquel
ferr e creman e caut era; la répétition de e n'aurait rien de cho-
quant. — 1697. Avian agxdhas tortas ayssl coma son moscalhs. Le
mot moscalh ne donne aucun sens ici, qu'on le traduise ^av frelon
(donné avec? au glossaire) ou par émouchoir, ou par quelque
mot analogue. Je corrigerais en mosclalhs, plur. de mosclalh
(hameçon, crochet), mot donné par Rochegude {mousclau dans
Mistral) et encore usité en Languedoc, qui rendrait bien compte
du terme tortas {== non pas : tordues, mais recourbées; cf. 1. 312,
1. [Mais les démons ne peuvent avoir l'idée de frapper les uns contre
les autres les damnés attachés à une roue; e fero, qui se trouve deux
lignes plus bas, a dû être écrit par anticipation. Contra pourrait avoir
ici le sens de « à l'envi de ». — A. J.]
232 ANNALES DU MIDI.
OÙ le même adjectif est appliqué à des lames de couteaux*.) —
1725. Per aysso, corr. : per aysso [que]. — 1959. Après del lor sup-
pléer per so plutôt qvLQ plus ; fan dans le sens absolu de agir. —
2267. ansir f. d'impr. pour ausir. — 2235, note. 2225 f. d'impr.
pour 2325. — 2i31.i3or, f. d'impr. pour per.
En somme, le texte môme comporte peu d'améliorations, l'édi-
teur en ayant tiré, à peu de chose près, tout le parti possible. En
revanche, le Glossaire et VIndex des noms propres eussent pu
être utilement retouchés.
Le Glossaire nous est donné comme contenant les « mots qui
peuvent embarrasser le lecteur peu initié ou intéresser le philo-
logue à un titre quelconque ». C'est plutôt dans l'Introduction
que les formes intéressantes se trouvent enregistrées, et avec la
plus grande exactitude. Mais je ne suis pas bien sûr que des
mots comme amortir, délectable., guitarra, junctura, trocheman,
message, voire même comme agulho. brasa, letanhas, golfe, dus-
sent figurer dans un glossaire qui ne veut donner que l'indispen-
sable. D'autre part, quelques mots ou quelques sens — en très
petit nombre, il est vrai — auraient pu y être relevés qui ont
été négligés : « cana = mesure de longueur; il aurait fallu don-
ner le sens précis (2'"23); j'en dirai autant depa^m (le même que
palma et empan = 15 centimètres). Voir P. Meyer, G. de la
Barre, gloss. sous \palm. J'ai noté la prononciation pam dans le
patois de Castelnaudary. — Le mot cobezeza devait être trans-
crit au glossaire sous la forme qu'il a dans le texte : cobeze[n]ssa
(1610); — clercia (17M), qui paraît avoir ici le sens de clerguada
(tonsure) était à noter; — despachar (1676), dans le sens transi -
tif de presser, était aussi à relever;— wî, dans le sens affirmatif,
pouvait être signalé (non pour la rareté du fait, bien entendu,
puisqu'il n'est rien de plus fréquent), mais parce que le mot se
trouve, au moins dans un passage (2302), employé ainsi après
l'avoir été deux fois dans le sens négatif. — Semai (350) serait
plus exactement traduit par benne que par baquet (voir dans
Godefroy, semale). — Enfin, si tros a bien le sens ordinaire de
morceau 1. 714, il n'en est évidemment pas de même 1. 1811,
où il ne peut signifier que coups; Rochegude donne trops =
coups (?).
Pour ce qui est des noms propres, je reconnais que leur iden-
1. Cf. plus bas la note de M. E. Levy.
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 233
tification n'était pas facile dans l'état de déformation où ils se
présentent presque tous; il me paraît cependant que V Index n'en
a pas été dressé avec tout le soin désirable.
Une note du texte (161) « Guiena, corr. Genova », renvoie à
l'Index, où l'on ne trouve ni Genova ni Guiena. — Dandela (272)
n'est pas identifié. C'est Glendaloug (qui se présente sous d'au-
tres formes : Glendelac, Glandalack. Glandela). ville du comté de
Wicklow, ancien évêché suflFragant de Dublin, uni à Dublin en
1215 (v, de Mas-Latrie : Très, de ch?'onoî. col. ,2016). C'est précisé-
ment après Belvi (identifié justement avec Dublin par l'éditeur)
que l'auteur mentionne Dandela. — Daneli (M 04) est sans doute
une transcription fautive de Dubli (Dublin); cette identification
est encore plus facile à admettre que celle de Belvi et de Dubli.
(225). L'auteur dit, en effet, qu'il se rend par mer de Daneli à
Holyhead; or, Dublin est précisément en face de Holyhead. —
Liquesiel (Il 10) : j'ai dit qu'il fallait lire Liquefiel. C'est Lichfield
en Staffordshire, siège d'un ancien évêché suffragant de Cantor-
béry; il s'y trouvait un monastère de l'ordre des Augustins
(abadia de monges nègres, dit précisément l'auteur. Voir de Mas-
Latrie, op. cit., col. 1949). Qu'on trace une ligne presque droite
du N.-E. au S -E. de Holyhead à Douvres par Londres, elle pas-
sera par Lichfield : on a ainsi exactement l'itinéraire indiqué
par le texte. — dinar (2343) n'est pas Cloyne, comme l'éditeur le
répète après Wagner (au mot Malechias), mais Clonard (autre
forme : Cluainiard) évêché d'Irlande, suffragant d'Armagh, réuni
au xii« siècle à l'évêché de Meath. (Voir de Mas-Latrie, op. cit.,
col. 2017.)
Le nouveau volume de la Bibliothèque méridionale n'en est pas
moins dans son ensemble une excellente publication, puisque,
des éléments qui le constituent, ceux auxquels les éditeurs atta-
chaient, j'imagine, et avec raison, le plus d'importance, — j'en-
tends la partie philologique de l'introduction et l'établissement
du texte, — ne méritent guère que des éloges >.
P. Andraud.
1. Je n'ai pu fournir aucun renseignement sur le Depetralata qui a
inscrit son nom, sous la date du 18 mai 1466, à la fin du manuscrit de
l'ouvrage dont il vient d'être question. M. Ed. Forestié, dans un compte
rendu de notre publication qu'il a présenté à la Société archéologique de
Montauban {Bulletin archéologique de Tarn-et-Garonne, 1903, p. 302-3),
a signalé, d'après un document sur lequel il ne donne aucune indica-
234 ANNALES DU MIDI.
Charles Carayon. L'Inquisition au XIII« et au XIV"^ siècle.
Mazamet, 1903; 1 vol. in-8<» de 116 pages.
Lo dessein de ce petit livre n'apparaît pas clairement au pre-
mier abord. S'il prétend être une contribution originale à l'his-
toire de l'Inquisition, il manque un peu de la précision méticu-
leuse, de la vigueur d'exposition et surtout de la richesse
d'information qu'exigent les œuvres d'érudition ; car il est cons-
truit avec des matériaux judicieusement empruntés à des ouvra-
ges connus plutôt qu'avec des documents inédits. S'il veut faire
œuvre de vulgarisation, il manque peut-être d'étoffe et de suite ;
car il est trop épisodique. Tout ce qui y est dit des origines
de l'Inquisition et des faits essentiels de l'histoire générale reste
trop superficiel, et je pense qu'un lecteur non averti par des étu-
des antérieures aurait peine à le bien entendre. Au reste, 116 pa-
ges pour retracer, avec force notes et références, l'histoire de
l'Inquisition à Carcassonne, des origines à 1703, c'est peu. Dans
sa préface, M. C. nous dit qu'il s'est proposé «d'étudier l'activité
du tribunal inquisitorial de Carcassonne ». C'était là, en effet,
un fort beau sujet, mais il no me paraît pas que l'auteur s'y soit
véritablement attaché. Quoi qu'il en soit, voici comment est dis-
posé son travail : après une courte préface, plutôt bibliogra-
phique, vient une « vue générale » sur les causes et les origines
tion l'existence d'un .Jean de Peyrelade qui fut, de 1485 à 147:3, titulaire
du doyenné conventuel de Cayrac, près Réalville (à seize kilomètres
N.-N.-O. de Montauban). Le sceau de ce personnage se trouve dans la
riche collection de M. le chanoine Pottier et témoigne, dit M. Forestié,
par ses dimensions et le soin apporté à la gravure, de goûts vraiment
artistiques. M. F. a exprimé l'hypothèse que ce doyen, évidemment
lettré, était non seulement le copiste du ms., mais l'auteur des traduc-
tions qu'il contient. Si cette conjecture est fondée, je ne me suis donc
pas trompé en localisant la patrie du traducteur dans le périmètre qui
a été indiqué plus haut et qui comprend le nord-est de Tarn-et-Garonne :
c'est précisément, en effet, au nord-est de Tarn-et-Garonne que se trouve
Cayrac.
Je joins ici quelques notes qui m'ont été communiquées par M. E.
Levy -. 211 ben foi-t pouvait rester; cf. Suppl. Wœrtb. s. v. fort, 15. —
1275 may] 1. my, — 1344 corriger plutôt pcD'tiscam qne partam ; cf. 1740.
— 1844. Corr. potz. — 2076 bossas] corr. baissas. — Glossaire clas, «glas»
et non « cloche ». — Moscalh corr. mosclalh, ce hameçon » ; cf. mosclulh,
humus dans le Floretus [Revue des l. rom., XXXV, 74) et Elucidari,
ibid., XXXIII, 313, 1. 14. — Maratda; corr. maracda. — Rodet, non
« rayon », mais « jante » ; cf. esp. rodete. — A. J.]
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 235
de l'Inquisition; puis l'histoire du tribunal inquisitorial de Car-
cassonne. Elle est divisée en deux périodes, l'une est dite « pé-
riode de première activité », l'autre « période de lutte ». La pre-
mière est en somme ramenée à trois faits : l'institution du
tribunal, le massacre d'Avignonet. l'annexion du comté de Tou-
louse au royaume de France. La seconde, divisée en neuf chapi-
tres, a trait surtout à la double insurrection de Carcassonne
contre l'Inquisition et à Bernard Délicieux. Une troisième partie
relate le procès de Bernard et donne l'analyse d'un « acte de
foi ». Enfin, après avoir sommairement retracé les destinées du
tribunal jusqu'à la mort du dernier inquisiteur en 1703, M. C. con-
clut sur les effets de l'Inquisition en Languedoc et particulière-
ment à Carcassonne.
Au cours de la lecture, quelques détails m"ont frappé; je les
signale dans l'ordre même que suit le livre. Tout d'abord,
M. C. me paraît avoir une tendance à trop dater, dans la pre-
mière partie, les phénomènes généraux qu'il décrit. Il est très
difficile de dire quand naquit le catharisme, car il a ses ori-
gines obscures dans l'Eglise primitive -. les premiers siècles de la
foi ont eu leurs purs et leurs parfaits. Malgré l'autorité de
Schmidt, il est impossible de soutenir que le catharisme n'est
pas une hérésie chrétienne; il l'est au même titre que toutes les
hérésies gnostiques, qui sont, tout comme lui, des systèmes mé-
taphysiques désireux de s'arranger avec l'Evangile : la mission
des bonsJiommes est, par essence, gnostique. En feuilletant les
catalogues d'hérésies que rédigèrent saint Irénée, Hippolyte,
saint Augustin, Epiphane, Philastrius, on rencontrerait les ar-
chétypes des Vaudois et des Cathares. M. C. nous dit (p. 40) que
l'introduction de la torture dans la procédure inquisitoriale date
de l'échec de la plainte contre Jean Galand, c'est-à-dire de 1280
ou à peu près; ce n'est pas exact. Sans parler même d'actes
d'Innocent IV (en 1252), d'Alexandre VI (en 1259), de Clément IV
(en 1265). qui en ont autorisé l'application, la torture existe dans
la procédure inquisitoriale avant l'insuccès de la requête contre
Galand. puisque nous la trouvons mentionnée dans le texte
même de la supplique : Nonnulli vero ponuntur in equaleis, in
quibus quamplurimi per tormentorum acerbilatem corporis desti-
tuuntur membris et impotentes co7'poris redduntur omnino...
M. C. paraît attacher une grande importance à un complot qui
aurait été fomenté contre les registres de l'Inquisition; j'avoue
236 ANNALES DU MIDI.
qu'après Lea (II. p. 69 de la trad.) et le travail de M. Vidal, Un
inquisiteur Jugé par ses victimes (Paris, 4 903, p. 9), je n'y crois
guère : j'inclinerais à y voir une machination montée de toutes
pièces pour frapper quelques suspects. Le mouvement de Bernard
Délicieux prouve combien l'Inquisition est faible dès que le bras
séculier lui fait défaut et à quel point elle est détestée en Lan-
guedoc, mais il n'est nullement étrange que Philippe le Bel l'ait
soutenue comme il l'a fait; elle lui paraissait certainement en
soi une institution excellente et il ne lui demandait que de ne
pas contrarier sa politique. En relatant le procès de Bernard
Délicieux, M. C. a bien fait, car il est des plus suggestifs, mais il
est fâcheux qu'il ait eu l'air de le présenter comme un procès
type de l'Inquisition, puisqu'il est exceptionnel et beaucoup plus
pontifical qu'inquisitorial (une courte note ledit). Mieux eût valu
prendre un exemple courant, et, par suite, caractéristique, tel
que le Sermon que M. C. raconte plus loin.
En somme, son étude demeure en soi intéressante et utile, mal-
gré des indécisions, car elle est agréable à lire : elle contribuera
pour sa part, et plus qu'un gros livre, à propager la connais-
sance de faits bien établis et d'idées scientifiquement éprouvées.
Il est bon que personne n'ignore ce que fut un « acte de foi » et
dans quel esprit instrumenta l'Inquisition. C'est peut-être pour
avoir en efi'et pensé que cela était bon que M. C. nous a donné
son livre; il doit en être remercié. Ch. Guignebert.
M. BoDDET. Registres consulaires de Saint-Flour, en
langue romane avec résumé français (ISTG-liOS), précé-
dés d'une préface de A. Thomas. Paris, Champion; Riom,
Jouvet, 1900; in-4'> de xxvii-358-60 pages.
Ce n'est 'pas aux lecteurs des Annales qu'il faut démontrer
l'utilité de publications comme celle-ci. De tous les documents
d'archives, les comptes consulaires sont assurément ceux qui
contiennent les^.renseignements les plus variés : toujours fort
importants pour l'histoire économique, morale, sociale, ils le sont
souvent aussi pour l'histoire politique et militaire, dont ils ont
déjà permis de préciser ou de dater exactement maints détails.
Ceux de Saint-Flour, affirme M. Boudet, forment la collection
la plus riche qui existe en France : elle comprend, pour le moyen
âge, cinquante-huit registres, allant, avec quelques lacunes,
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 287
de 1376 à 1467*. M. Boudet publie ou analyse ici cinq de ces regis-
tres^, qui sont certainement parmi les plus intéressants; ils se
rapportent en effet à une des époques les plus troublées et les
plus dramatiques de notre histoire : on peut, en les lisant, revi-
vre au jour le jour, pendant ces cinq années, la vie de cette vail-
lante petite ville, sentinelle avancée du Midi, « une des clefs du
royaume devers les parties de Guyenne » 3, qui, pendant vingt
ans, fut le point de mire des innombrables compagnies anglaises
établies dans les châteaux du voisinage; ce que cette situation
valut aux Sanflorains de vexations et de misères, la somme
d'efforts, parfois héroïques, qu'elle leur imposa, c'est ce que je ne
puis dire ici, et ce qu'on peut voir tout au long dans les « regis-
tres », dont certaines pages ont la puissance évocatrice d'un
tableau de Michelet, avec l'absolue précision et l'authenticité
des détails en plus.
Au point de vue historique, la publication de M. B. est digne
de tout éloge, et mérite pleinement la distinction qui lui a été
accordée par l'Institut : l'annotation, qui pourtant est d'une
variété et d'une richesse extraordinaires, n'a point suffi à M. B.
pour nous communiquer tous les renseignements qu'il possédait
sur le sujet; il en a versé le surplus dans une série d'excursua,
où sont traités d'une façon magistrale et probablement définitive
quelques points de l'histoire d'Auvergne au xiV siècle; je signa-
lerai particulièrement la longue note sur Mérigot Marchés, où
sont rectifiées les nombreuses erreurs de Froissart (p. 212-31) et
celles sur les « Comtours » d'Auvergne (p. 232-30) et le « Tuchi-
nat » dans le diocèse de Saint-Flour (p. 320-50). Nous avons là,
évidemment, le résultat de plusieurs années de fouilles patien-
tes et méthodiques poursuivies dans les Archives publiques et
privées. M. B. doit avoir entre les mains bien d'autres trésors,
qu'il ne voudra pas sans doute dérobera notre curiosité; qu'il se
hâte de nous les livrer; les érudits ne lui marchanderont pas
leur reconnaissance •*.
1. Disons en passant que la collection d'Albi est plus riche encore, car
elle compte 4-3 registres, de 1359 à 1443, et elle est complète à partir de
cette dernière date. *
2. Le dernier est celui de 1383-4 ; la date de 1405, que porte le titre, est
sans doute l'annonce implicite d'un second volume.
3. Rapport de .Jean Sayssot, de Saint-Flour, sur les déprédations des
routiers (p. 296).
4. Le volume est, de plus, d'un maniement fort commode : des « man-
238 ANNALES DU MIDI.
Mais, il faut bien l'avouer, la partie philologique de l'œuvre
n'a pas été traitée avec le même soin; aussi — et M. B. ne m'en
voudra pas de cette franchise — elle est loin d'être aussi réus-
sie i. Il y a dans ces documents une foule de mots intéressants,
qu'il eût été indispensable de réunir dans un index; plusieurs
ne sont pas traduits; certaines interprétations sont vagues,
inexactes, non appuyées de preuves; enfin, et c'est ici mon re-
proche le plus grave, on sent qu'on ne peut se fier absolument
aux lectures de M. B. Ce dernier point a été démontré surabon-
damment par M. P. Meyer dans un récent compte rendu 2; et
M. B. lui-même avait implicitement reconnu ses torts en don-
nant un très long en-alum, qui paraît avoir été dressé avec
l'aide d'un romaniste ou paléographe plus exercé (pp. 353-8);
mais cet erratum même est loin d'être complet; il reste encore
dans le texte bien des formes douteuses ou certainement fauti-
ves. Certaines corrections se présentent d'elles-mêmes à l'esprit
du lecteur compétent; il suffit souvent de remplacer l'une par
l'autre les lettres qui se ressemblent le plus dans les manuscrits
du xiv« siècle, /par s, c par t, n par m, ou réciproquement, de
résoudre les abréviations ou les tildes pour obtenir des formes
excellentes : au lieu de assolât (p. 182). il faut lire affolai; de
guassas (266). guaffas (« crochets »), de so (272), fo. — P. 147 et 183,
M. B. s'étonne de voir figurer un corser et un rossi feu, se disant
avec raison qu'il n'y a pas lieu de mentionner la robe du cheval
en question et que la forme feu serait, au reste, bien étonnante :
il faut simplement lire seu (« sien »); c'est par cette forme qu'il
faut remplacer le sen de la p. 83. — Aux pp. (J9, 152, 176, je suis
persuadé qu'il faut rétablir c au lieu de t dans hat, fot, vent. —
Au lieu de asequransa (103), lire aseguransa (cf. asseguranza, 1 04);
de sequir (105), seguir; de segueron (264), serqueron ; de cosla (147
et pass.) consla; de amerniet (155), amer met ; de paz (275), _pa/2,-
de lailalz (258), laisatz. — P. 165, au lieu de chanthago, je soup-
chettes » résumant chaque article permettent à tout lecteur de prendre
une connaissance suffisante des documents; et l'on peut, grâce à un index
très développé, retrouver immédiatement le renseignement cherché.
1. Cette infériorité est d'autant phis regrettable que les textes publiés
présentent, au point de vue linguistique, un plus vif intérêt. Cet intérêt
a été fort bien mis en lumière dans la piquante et instructive préface de
notre directeur honoraire.
2. Ro7na7îia, XXXI (1902), 148.
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 239
çonne que le ms. porte chanbagho (« jambon ») ou peut-être, par
une distraction du scribe, chanbhago ; aidet (176) doit être ardet
(ou cazec), mole (22) et a fe (2 2) moU et a fi, cerlos (106) certas,
levaron (80) leveron, doliam (164) dolian; si ces formes (et une
foule d'autres analogues) sont vraiment dans le manuscrit, il ne
fallait pas hésiter à les corriger.
Inversement, M. B. fait suivre d'un sic ou d'un point d'inter-
rogation des formes parfaitement correctes : laun (25) (fréquent
pour Vun dans toute la région du Centre et en Languedoc^,
Auveimhe (29), que foro de (43) au sens de « qui appartenait à »,
neanmes (43), levas (49) « impôts », aquo de (60) « chez », chausa
(89) pour causa, ly (132) article féminin (nombreux ex. pp. 75,
82, 84, 88, 92, etc.), nadiu (193), « drap fabriqué dans le pays »
(mot expliqué par M. P. Meyer, Romania, XXX. 400).
Je reviens sur ce que j'ai dit des interprétations. J'ai regretté
d'abord le silence ou le laconisme de M. B. au sujet de certains
mots fort intéressants : bayela (60) est traduit par « bayette », que
je ne trouve ni dans Littré, ni dans le Dict. général, ni même dans
le Glossaire archéologique de V. Gay; il résulte d'autres passages
que ce dut être une échauguette disposée au sommet des rem-
parts pour y faire le guet (cf. p. 64, 100, 184); le mot était à
signaler aux archéologues et, à cause de sa forme nettement
française, aux linguistes i. — Il est question à chaque instant
(p. 40, 104-6, 168-9 et passim) de « marques » [marcas, mer-
cas) imposées à la ville par les Anglais, d'objets confisqués en
vertu de la « marque » : cette abusive extension du vieux « droit
de marque » était à noter. (Sur ce droit, voy. De Mas-Latrie
dfPns Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, XXVII [18661, 529, et
XXIX [1868], 294.)
Grâce à sa familiarité avec les documents d'archives et à sa
connaissance du patois moderne, M. B. est souvent en état de
traduire des mots qui nous embarrassent : peut-être a-t-il de
bonnes raisons pour interpréter cloyg (64), cluyet (100, corrigé
en clueyl à l'Erratum), duel (277) par « fagot », chazarenc (105)
par «fromage»; mais encore aimerait-on à connaître ces rai-
sons. On ne peut se défendre de quelque inquiétude quand on
voit l'éditeur expliquer sans hésitation des formes qu'il efface
1. Ce mot, d'origine inconnue, doit être identique à l'ancien français
baate, hauhotle, bahotte (Voy. Godefroy, I, 544).
2-40 ANNALES DtJ MIDt.
dans VErratum : ainsi panes [■= pavés) traduit par « panneau »
(84, n. \), ghazia (= jazia) par « faisait le guet » (102, n. 2).
Voici quelques traductions qui ne nie paraissent guère plus
sûres : sous prétexte que bada (verbe) signifie encore « ouvrir »,
M. B. traduit bada (substantif) par « gardien préposé aux por-
tes » (p, 32, n. 3, et 37, n. 1). A mon avis, le mot signifie tantôt
« guet », tantôt « guetteur » ; c'est en effet sur les murs ou par-
fois dans les baietas que nous voyons continuellement far la
bada, spécialement par les temps sombres (p, 92, 98, 166, 183,
267). — Bot (193, n. 1) est le même mot que nebot et n'a rien à
voir avec bore (« bâtard »). — On ne voit pas pourquoi sartre
est interprété (p. 165) par « tisserand », alors que le dérivé de
sartor signifie partout « tailleur », et que, d'autre part, « tisse-
rand » se dit teysseir (194). — Archiera (260, no 3) est traduit par
« archerie, caisse où l'on plaçait tout ce qui concernait l'arme-
ment des archers »; ce mot, bien connu, signifie « meurtrière »
(voy. Raynouard, II, 153, et Godefroy, L 382).
Je me permettrai enfin de conseiller à M. B. la plus grande
circonspection sur le terrain étymologique. M. Meyer a déjà
battu en brèche son étymologie de tochi (« tue-chien »). Je me
permettrai d'en faire autant pour quelques autres : Irevar (186)
n'a certainement aucun rapport avec trans viam. — Il est témé-
raire de rattacher à despartir, esparlir, u partager », le mot
esparii, sous prétexte que ce repas coupe le jour en deux (p. 284,
n. 3), alors que sa forme la plus ordinaire est vesperti (voy. Mis-
tral, s. V). — Il est souvent question de la porta dels Agials : elle
devrait ce nom (p. 162, n. 2) au fait que le marché à la volaille
se tenait prés de là, « coq » se disant geai et gial : ne faudrait-il
pas entendre des Anglais, « des anges » '? A. Jeanroy.
J. Calmette. Louis XI, Jean II et la révolution catalane
(1461-1473). Toulouse, Éd. Privai, et Paris, A. Picard,
1903; in-8o de 612 pages.
Depuis une vingtaine d'années, l'étude des relations de la
France avec les États voisins a été entreprise d'après les métho-
des rigoureuses dont dispose aujourd'hui la science historique.
1. Le tilde qui devrait surmonter l'a initial a-t-il été omis par le scribe,
ou négligé par l'éditeur ?
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 241
Des travaux de valeur ont été menés à bonne fin par Lecoy de
la Marche, par Baudon de Mony, par Dauraet, pour préciser les
rapports de la royauté française avec les souverains d'Aragon, de
Majorque et de Castille. Pour le xv' siècle, on possédait déjà les
recherches intéressantes dues à Desdevises du Dézert sur Carlos
de Viane, et à Henri Courteault sur Gaston IV, comte de Foix et
de Béarn, c'est-à-dire sur deux personnages dont la vie a été
très intimement mêlée aux vicissitudes des relations franco-
espagnoles. L'ouvrage de M. Calmette vient s'ajouter à cette
série et il élucide supérieurement un des grands épisodes de la
politique extérieure de Louis XI. Son enquête, portant sur une
époque bien délimitée et sur un sujet capital pour les origines
de la rivalité des maisons de France et d'Aragon, peut être con-
sidérée comme un modèle. Il l'a poursuivie avec une telle
richesse d'informations et une profondeur d'érudition si grande
que nul ne songera désormais à la reprendre après lui et qu'on
peut considérer son travail comme définitif. M. C. ne s'y montre
pas seulement érudit : il y fait preuve des qualités d'un vérita-
ble historien. Il sait dominer son sujet; son exposition est d'une
précision et d'une clarté remarquables. Il est parvenu à en dé-
gager des conclusions d'une portée générale considérable et
dont la justesse frappe l'esprit.
Ces conclusions, qui sont loin d'être favorables à Louis XI,
achèvent de modifier le jugement qu'on a longtemps porté sur
ce prince, et qui avait déjà été sérieusement ébranlé par d'au-
tres historiens, tels que Desjardins et Perret. Le succès qui a
couronné la plupart des entreprises de ce Valois lui a valu une
réputation supérieure aux talents qu'il déploya. Il a passé,
grâce au bonheur inouï dont il fut comblé, pour un homme de
génie supérieur, dont la profondeur, la sagesse et la continuité
des desseins n'avaient d'égales que la fécondité, l'ingéniosité et
la sûreté des moyens mis en oeuvre. Il semble, après les travaux
dont le règne de Louis XI a été l'objet depuis un quart de siècle,
qu'il faille beaucoup en rabattre. A des qualités incontestables
d'activité, de finesse, à un esprit d'intrigue peu commun, à une
absence de scrupules incroyable, propre à servir une politique
en apparence toute réaliste, ce prince joignait les pires défauts
des tyrans italiens du xvc siècle et quelques-unes des tares
intellectuelles des Valois. Autocrate violent, il ne sait se plier
aux aspirations de ceux qu'il veut conquérir. Obstiné dans seâ
ANNALES DU MIDI. — XVI. 16
242 ANNALES DU MIDI.
idées, il est le plus souvent incapable de modifier les résolu-
tions les plus fâcheuses, alors même que l'expérience lui en dé-
montre le danger. Sa finesse dégénère en duplicité, et l'amour
de l'intrigue amène 1' « universelle araignée », comme l'appelle
Comines, à s'empêtrer dans ses propres toiles, de sorte que le
dupeur apparaît finalement sous l'aspect d'un dupé. Il est capri-
cieux et inégal. Aussi sa politique peut-elle être taxée d'incohé-
rence, et on y aperçoit souvent, au lieu de l'esprit élevé d'un
homme d'Éta', le dépit mesquin d'un tyran déçu. Enfin, ce pré-
tendu modèle des souverains réalistes de l'époque moderne est
au fond hanté des chimères de ses prédécesseurs. Au lieu de
songer avant tout à l'unité française, il a gaspillé une bonne
part de ses forces dans des entreprises sans portée. C'est à lui
que remonte en grande partie la responsabilité des expéditions
d'Italie, puisqu'il songe déjà à la conquête de Milan et de
Naples, et son rôle dans la révolution catalane le montre préci-
pitant son royaume dans une autre aventure, celle de l'établis-
sement de la domination française sur l'Espagne du Nord.
Cette dernière entreprise, obstinément poursuivie pendant
plus de douze ans, fait peu d'honneur au sens politique trop
vanté de Louis XI. Il fallait méconnaître étrangement l'esprit
catalan pour s'y hasarder, surtout pour y persévérer. Il fallait
aussi n'avoir qu'une idée inexacte des vrais intérêts et des
moyens d'action de la France, pour tenter l'annexion d'une prin-
cipauté pyrénéenne aussi éloignée de la véritable base d'opéra-
tions de la monarchie française, alors que l'unité territoriale
n'était pas achevée dans les limites naturelles de notre pays. Avant
même d'arriver au trône, dans l'impatience du pouvoir souve-
rain longtemps attendu, le Dauphin avait déjà songé à se créer un
État au delà des Pyrénées; il avait noué des relations avec le
prince de Viane, don Carlos, fils aîné du roi d'Aragon, prétendant
à la couronne de Navarre, et chef des Catalans révoltés. Devenu
roi en 1 461, Louis XI se leurra de l'illusion d'un établissement
français en Catalogne. Il crut y parvenir en employant à tour
de rôle la force brutale et les roueries diplomatiques. Il montra
qu'il ne connaissait ni ceux qu'il prétendait réduire à la condi-
tion de sujets, ni l'adversaire qui allait s'opposer à ses plans.
De tous les États espagnols, la Catalogne était le plus riche, le
plus civilisé, le plus jaloux de son autonomie. Avec sa grande
cité maritime, Barcelone, dont la flotte égalait celle de Venise,
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 243
avec sa population instruite, fière, ombrageuse, avec ses insti-
tutions provinciales et municipales pleines de sève, elle aspirait
à former une république à la mode italienne, sous le protectorat
nominal de quelque prince débonnaire. Au lieu d'un suzerain
accommodant, Louis XI prétendit lui donner un maître, et dès
lors la Catalogne se résigna à accepter toutes les aventures plu-
tôt que de devenir la province asservie d'un despote. Ces mar-
chands déployèrent dans cette lutte pour l'indépendance une
ténacité et un héroïsme admirables; s'ils ne réussirent pas à la
maintenir tout à fait, du moins ils évitèrent le danger le plus
redoutable pour eux, celui de la domination française. Au reste,
le roi de France allait trouver dans sa malencontreuse aventure
un rival digne de lui, un adversaire à certains égards supérieur,
à savoir le roi d'Aragon, Jean II. La figure de ce précurseur des
grands fondateurs de l'unité espagnole ressort avec un singulier
relief des pages de M. C. Ce « petit vieillard avare et sensuel,
aux yeux rouges et clignotants », dont le regard dur avait des
éclairs de cruauté, paraît avoir été le vrai maître de l'homme
de génie que fut Ferdinand le Catholique. Il y a une frappante
ressemblance .morale entre le père et le fils. Comme le roi
catholique, Jean II est « un diplomate froid et circonspect, doué
« d'un sens profond du réel, exclusivement guidé par l'intérêt
« politique », capable, suivant les circonstances, de générosité
ou d'inhumanité. Brave à l'occasion, mais comptant bien plus
sur la stratégie savante de ses combinaisons politiques que sur
la force des armes, prudent et tenace, doué d'un coup d'oeil juste,
il a su préparer sa victoire finale par « une tactique impeccable,
patiente et dissimulée quand il l'a fallu, énergique et prompte à
son heure ».
Dans l'affaire catalane, la supériorité du roi d'Aragon apparaît
indéniable, tandis que le roi de France perd de son prestige à être
considéré dans les contradictions de sa politique et dans l'éche-
veau embrouillé de ses intrigues. Au déljut de son règne, Louis XI
poursuit à la fois l'établissement d'une maison française, celle
de Foix, en Navarre, et l'annexion de la Catalogne à la France. On
prétend même qu'il songe à spolier entièrement le roi d'Aragon,
à ne pas lui laisser « la moindre parcelle de terre pour se faire
« enterrer ». Mais les Catalans, qui ont appelé le roi de France à
leur secours, peu soucieux de rompre entièrement le lien féodal
qui les unit à leur suzerain aragonais, font volte-face et recou-
244 ANNALES DU MIDI.
rent au roi de Castille. De là revirement de la politique de
Louis XI; il s'allie avec Jean II pour mieux le duper, et conclut
avec lui, par l'entremise de Gaston de Foix, les traités d'Olite,
de Sauveterre et de Bayonne (avril-mai 1462) qui garantissent
la succession navarraise au prince de Foix et les secours fran-
çais au roi d'Aragon. Celui-ci paie ces secours en cédant provi-
soirement le Roussillon et la Cerdagne à Louis XI. Une courte
campagne de six mois (juillet-décembre 1462) aboutit à l'occu-
pation de ces deux comtés par les troupes françaises; mais l'in-
vasion de la Catalogne par l'armée franco- aragonaise ne réussit
qu'à moitié : Barcelone résistait victorieusement; le roi de Cas-
tille intervint (4 janvier 1463,. Louis XI gagne cet adversaire
au traité de Bayonne (avril), où il joue le rôle d'arbitre entre
Aragonais et Castillans; il ne trouve rien de mieux pour écarter
les premiers de la Catalogne que de leur abandonner une part
de la Navarre, qu'il prétendait naguère réserver entièrement à
nos alliés les comtes de Foix; puis il s'efforce d'évincer le roi
d'Aragon, flattant les Catalans et faisant luire à leurs yeux le
mirage de l'autonomie sous la suzeraineté française. Quand il
croit les tenir à sa merci, il jette le masque — trop tôt, — si bien
que la Catalogne se donne au roi don Pedro de Portugal. Au
lieu de soutenir ce prince peu dangereux, Louis XI le poursuit
d'une haine implacable, comme le rival qui lui enlève une
proie (1464), et il le laisse écraser par la coalition de l'Aragon
et de la Castille (1464-66). Il espère amener ainsi les Catalans à
reconnaître qu'ils ne peuvent trouver de protection efficace
qu'auprès du roi de France. Mais il semble prendre à tâche de
les effrayer par les excès de l'administration despotique qu'il
inflige au Roussillon et à la Cerdagne. La Catalogne fuériste
tremble à l'idée d'avoir pour maître l'homme qui a déchiré les
privilèges de Perpignan, qui a écrasé les villes de contributions,
livré au pillage de la soldatesque les biens de ceux qu'il prétend
gouverner, qui a installé un Parlement où les magistrats com-
plètent l'œuvre de spoliation commencée par les gens de
guerre, qui a exilé les patriotes et confisqué leurs biens. A
aucun prix, la principauté ne veut d'une pareille domination.
Elle n'accepte pour protecteur qu'un prince de la maison d'An-
jou, Jean de Calabre (1468), parce qu'il paraît moins dangereux
que le roi de France. Celui-ci, déçu, nourrissant au fond du
cœur l'arrière-pensée de forcer les Catalans à se donner à lui,
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 245
ne prête au prétendant qu'un appui platonique, et le réduit
ainsi à faire des avances à la naaison de Bourgogne, l'ennemie
mortelle des Valois. Profitant de cette série de fautes, Jean II,
qui a attendu patiemment son heure, rentre résolument en
scène. Il forme un solide faisceau d'alliances avec les adversai-
res de Louis XI en Navarre, en Castille, en Italie, en Angle-
terre, aux Pays-Bas (1469-71). Lorsque les Aragonais pénètrent
en Catalogne, ils sont accueillis en libérateurs (1472); Barcelone
acclame Jean II. Le Roussillon et la Cerdagne s'insurgent et le
roi d'Aragon entre en triomphateur à Perpignan (I" février 1473).
La trêve du 14 septembre 4 473 stipule le retour de ces deux
comtés au roi d'Aragon, dans le délai d'un an, après paiement
de la somme des 300,000 écus dus par Jean II à Louis XI. Le rêve
de la domination française au delà des Pyrénées s'est évanoui.
La maladresse et la brutalité de la politique française ont rejeté
pour plus d'un siècle et demi la Catalogne du côté de l' Aragon,
et la clémence habile de Jean II a ramené doucement la princi-
pauté à ses affinités naturelles. Bien mieux, les vues du roi de
France ont effrayé les princes espagnols ; la conclusion du ma-
riage de Ferdinand et d'Isabelle (1469), l'union future de l'Aragon
et de la Castille semblent la réponse des partisans de l'unité et de
l'indépendance de l'Espagne aux plans mégalomanes de Louis XI.
La menace d'une domination de la France au nord de la Pénin-
sule a contribué activement à grouper le faisceau des forces
nationales et à préparer la grandeur de cet Etat espagnol, des-
tiné à devenir bientôt le plus redoutable rival de l'État français.
Telles sont les idées d'ensemble qui se dégagent de la mono-
graphie si précise et si nourrie que nous a donnée M. C. Il l'a
accompagnée d'études excellentes sur les sources de son œuvre
et de nombreuses pièces justificatives. Si ce n'est pas le premier
travail que l'on doive à ce jeune et laborieux érudit, c'est du
moins le plus remarquable, le plus achevé qu'il ait publié jus-
qu'ici. S'il était permis de signaler à l'auteur si distingué de
l'ouvrage qu'on vient d'analyser la voie où il semblerait le
mieux devoir réussir, peut-être pourrait-on attendre de sa puis-
sance d'information et de son intelligence historique cet ou-
vrage d'ensemble sur les relations politiques de la France et des
royaumes espagnols au xiv« et dans la première moitié du
XV» siècle qui nous fait encore défaut et qui rendrait tant de
services. P. Boissonnade.
246 ANNALES DU MIDI.
Paul CoTTiN. Sophie de Monnier et Mirabeau, d'après
leur correspondance secrète inédite (1775-1789). —
Paris, Ploa et Nourrit, 1903; im vol. ia-S» de cclx-282 pa-
ges.
Depuis plusieurs années, M. Cottln s'occupe de Mirabeau et de
Sophie de Monnier. Dans la Revue rétrospective qu'il dirige avec
tant de soin, il a publié, d'après les Archives de Lucas de Monti-
gny. nombre de pièces inédites et de documents curieux, notam-
ment le Journal de Legrain, valet de chambre de Mirabeau II a
donné dans le Carnet, dans la Revue des études historiques, et
ailleurs encore, diverses brochures sur la touchante et malheu-
reuse Saphie. Il continue en ce moment même la publication
d'autres lettres inédites de Sophie dans la même Revue i-étros-
pective. Il nous donne dans ce volume deux morceaux d'un inté-
rêt fort divers, mais également puissant : une étude très per-
sonnelle et très originale sur la liaison de Sophie et de Gabriel
qu'il a continuée, après la rupture des deux amants, jusqu'au
suicide de Sophie; une série importante de lettres secrètes (et
déchiffrées par lui; de Sophie à Gabriel. — L'étude, qu'il présente
trop modestement comme une introduction aux lettres, est une
biographie complète de la marquise de Monnier, écrite d'un
style sobre et simple,, avec un souci visible d'impartialité et un
grand sentiment de sympathie pour l'héroïne de cette immorale
et dramatique aventure. On y a la sensation, malgré l'absence
presque complète de références (système à mon sens erroné,
mais que M. C. emprunte peut-être à M. Frédéric Masson, et
qu'on pardonne à l'un comme à l'autre), d'une documentation très
sérieuse et d'une connaissance intime avec les gens et les choses
de l'époque. Sophie apparaît ici. sinon réhabilitée, au moins
expliquée, excusée, et c'est à elle surtout que profitera le tra-
vail de M. C. Quant à Mirabeau, il ne sort pas grandi de cette
liaison, qu'il dénoua assez lâchement, — après avoir consenti
à accepter quatre années de la fidélité de son amie dans la plus
ignominieuse des retraites, —par une rupture froide et calculée,
précédée d'une tentative bassement intéressée de réconciliation.
Mais Honoré-Gabriel est un bloc lui aussi, et c'est en bloc qu'il
faut l'aimer ou le ha'ir. Sophie, comme Julie, comme les autres,
... N'a jamais été, même aux jours les plus rares,
Qu'un banal instrument sous son archet vainqueur,
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 247
l'instrument de sa virtù, de la culture intensive de son moi, et
plus pi*osaïquement l'auxiliaire physiologique de son équilibre
moral. Ce n'est pas le cœur — avec ses dépendances — de Mira-
beau qui donnera la clef de son génie. Et le travail si soigné de
M. C. en fait la démonstration en ce qui touche l'épisode de
Sophie.
Quant aux lettres elles-mêmes, j'aurais des réserves à faire
sur la manière dont elles sont éditées ici : déchiffrées avec le
concours de M. Bazeries, grâce à la vraie table déchiffrante
qu'il a retrouvée, M. C. les publie en clair, en rétablissant les
noms propres; mais il n'a pas cru devoir conserver l'orthogra-
phe (à vrai dire fantastique) de Sophie, et il a fait des coupures
de passages licencieux, sans les signaler. Il y a aussi bien des
noms propres qui sont remplacés par des initiales et des asté-
risques; et dans l'annotation il y a, malgré bien des révélations
nouvelles, encore trop de réticences : par exemple, p. 51 : « M"e de
Cabris, qui venait, pour des raisons sur lesquelles il importe de
glisser, de se brouiller avec son père » (après cent vingt-sept
ans!! quelles peuvent être ces raisons?); p. cxxii, à propos des
projets de Mirabeau sur la petite Gabrielle-Sophie, M C. dit :
« Nous ne pouvons entrer dans les détails à cause de leur cru-
dité, mais le lecteur comprendra à demi mot. » Il y a cependant
là un trait d'orgueil de race et de génie qui est important pour
fixer le portrait intégral d'Honoré -Gabriel, et n'est- il pas
piquant de le voir se forger pour lui-même et exprimer dans
ses lettres des imaginations plus audacieuses et plus brûlantes
que dans ses erotica, et rêver de vivre l'inceste qu'il n'a pas osé
mettre en scène dans le Rideau levé? — Tout ce qui a été dans
la vie doit être dans l'histoire, et les textes historiques doivent
être publiés intégralement, n'étant pas en général destinés aux
petites filles. — J'aurais un autre grief, c'est que toutes les let-
tres ne sont pas données ici : M. C. nous en prévient très loya-
lement, mais il ne donne pas, à mon gré, assez d'éclaircisse-
ments sur les motifs de son choix. Quels rapports de nombre, de
dates, de classement y a-t-il entre les lettres secrètes ici pu-
bliées et celles qui sont restées inédites? Quelles relations entre
les lettres du recueil de Manuel, celles-ci, et celles de la Revue
rétrospective? Qu'une table de concordance, qu'un inventaire
complet de la correspondance de Sophie et de Mirabeau, seraient
donc les bienvenus pour rassurer nos scrupules et donner plus
248 ANNALES DU MIDI.
d'autorité à cette publication, excellente par ce qu'elle donne et
ce qu'elle dit, mais inquiétante par ce qu'elle cache! M^ C. n'a
pas voulu alourdir d'un appareil trop purement érudit son
volume, destiné par l'attrait du sujet et les mérites du préfacier
au grand public. Soit, mais pourquoi ne pas publier, à l'usage
de la gent rébarbative et méticuleuse des érudits. dans quelque
revue spéciale, cet appareil que l'Heuristique exige et dont
notre amitié pour l'auteur ne se résigne pas à lui faire grâce?
Léon-G. PÉLissiER.
Mirabeau. Lettres à Julie, écrites du donjon de Vin-
cennes^ publiées et comraeulées d'après les manuscrits
originaux et inédits, par Dauphin Meunier (avec la colla-
boration de Georges Leloir). Paris, Plon-Nourrit; un vol.
in-8° de iv-464 pages.
Sur les quatre-vingt-seize lettres extraites de la correspon-
dance générale de Mirabeau (que M. Lucas de Montigny a com-
muniquée pour la publier à M. D. Meunier), il y a soixante-deux
lettres de Mirabeau à Julie, vingt et une lettres à La Fage, trois
à M"« du Saillant et une à Boucher, plus huit lettres du marquis
au bailli de Mirabeau, et une réponse du bailli au marquis *. —
Elles éclairent un épisode resté jusqu'ici assez mystérieux de
l'histoire de Mirabeau, sa liaison, épistolaire d'abord, amoureuse
ensuite avec M""*? Julie Dauvers, qui s'entremêla dans sa liaison
officielle avec Sophie pendant son séjour à Vincennes. Elles sont
intéressantes, « emphatiques, verbeuses, d'une intarissable
verve, d'une extraordinaire facilité, d'un style tantôt caressant,
tantôt brûlant (M. Boutry). » Mais le mode de publication
adopté, qui consiste à couper les séries de lettres par des cha-
pitres explicatifs et à rejeter toutes les notes à la fin du volume
sous forme de dictionnaire biographique, me paraît défectueux
et peu pratique. On pouvait, en tous cas, se dispenser de faire
figurer dans ce dictionnaire Egérie, Enée. Eole, Hylas et tutti
quanti mythologiques personnages, se dispenser de nous appren-
dre que Jacob, « second fils d'isaac et de Rébecca » est « le père
du peuple hébreu », que Jupiter « est le nls de Saturne et de
Rhéa, et qu'il y a une planète ainsi dénommée dans le système
1. Plus quelques fragments ne figurant pas à la Table analytique.
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 249
solaire », ce qui est proprement se moquer du monde. Et si
M. D. Meunier (avec la collaboration de M. George Leloir) vou-
lait consentir à écrire d'un style plus sobre et plus naturel, — il
ferait un sensible plaisir à tous ceux qui sont pressés, comme
nous, de voir continuer la publication de cette correspondance
de Mirabeau, car il n'est pas possible qu'il ne passe pas beau-
coup de son temps à chercher des phrases comme celles-ci i : « 11
s'agit de nous insinuer au cœur même de Mirabeau en nous y
ouvrant certaine porte que tout exprès nous avons choisie
étroite, basse et détournée » (p. 2); — à imposer à amenuiser le
sens de diminuer, devenir menu (!!) fp. 2) ; à dire que « les belles
demeures des maîtres de la finance s'égrenaient au long de la
rue Saint-Honoré comme les plus riches paillettes d'un Pactole
étroit et rapide se disposent d'elles-mêmes à toutes les anfrac-
tuosités du bord » (!!!) (p. 3); à tarabiscoter le paragraphe de la
page o, qui commence : « Ah, le notable personnage que
M. Beaudoin! etc., etc. »— et ainsi de suite, jusqu'au portrait
final de Mirabeau, plein de traits psychologiques excellents, du
reste, mais tout entier écrit sur ce mode ahurissant. Si M. M.
voulait bien mettre son orgueil et son plaisir moins à ébouriffer
son lecteur qu'à l'instruire, il nous donnerait un volume de plus
par semestre. Mijpabeau y gagnerait. Nous aussi.
L.-G. PÉLISSIER.
1. Et s'il les trouve tout de suite, son cas est encore plus grave.
REVUE DES PÉRIODIQUES
PÉRIODIQUES FRANÇAIS MÉRIDIONAUX.
Alpes (^Basses-).
Annales des Basses-Alpes. Bulletin de la Société scienti-
fique et littéraire des Basses-Alpes, XXIIP année, t. X,
1902. (Suite.)
N° 84 (janv.-mars). P. 261-70. Cauvin. Une incursion des Marseillais à
Digne en 1793 (suite et fin; intéressante monographie bien documentée).
— P. 271-88. Ch. DE RiBBE. Le livre de raison d'un agriculteur,
Eugène Robert de Sainte-Tulle. [Sériciculteur; sa vie offre une admi-
rable synthèse de toutes les qualités privées et civiques; son livre de
raison est prolixe et souvent naïf; suite, p. 325-45, 409-21; fin, p. 450-
62.] — P. 293-812. Arnaud. Le collège des notaires de Barcelonnette.
[D'après les minutes du notaire Bernardy; les notaires étaient en
même temps greffiers et secrétaires ; publie une intéressante délibé-
ration de 1776 pour la réduction du nombre des charges.] — P. 313-44.
Faucher. Les Isoard de Chénerilles devant la critique de la noblesse de
Provence de Barcilon de Mauvans et l'histoire de la province. [Suite,
p. 358-70, et à suivre. Recherches généalogiques et biographiques sur
plusieurs familles provençales, les Raffélis de Roquesante, dont il con-
teste la provenance juive, les Tributiis, les Isoard, les quatre frères
Chénerilles, chevaliers de Malte.]
N° 85 (avr.-juin). P. 345-58. Peyerhimoff. M. Bergeret dans les Bas-
ses-Alpes. [Curiosités locales sous une forme fantaisiste.] — P. 370-80.
LiEUTAUD. Fiefs bas-alpins des Baux et de Forbin. [Simple liste, d'après
l'Inventaire des titres de la maison de Forbin, par Albanès et Blancard
en 1900.] — P. 381-2. Ephémérides bas-alpines de 1901. — P. 386-8.
PÉRIODIQUES MERIDIONAUX. 251
LiEUTAUD. « Nomen acapte » pour noble Jacques Alphand de Castel-
neuf, 1542. [D'après le registre de Guilhem Falconi.]
N» 86 (juill.-sept.). P. 398-408. L. de B[erluc]-P(erussis]. Procès-verbal
de visite de la tournée faite dans les Basses-Alpes par M. le marquis
de la Palud (29 octobre 1787). [Comme inspecteur des ponts, chemins et
autres ouvrages publics ; document du plus grand intérêt pour la topo-
graphie; notes d'une très utile pi-écision.] — P. 422-36. Documents :
subside royal à Sisteron (1345); octroi de Sisteron (1350); provision de
sage-femme pour la communauté de Château-Arnoux (1694); Lurs,
terre impériale (1393); sentence de saint Louis, roi de France (1264).
[Publiés ou analysés d'après les archives municipales de Sisteron, de
Château-Ai'noux, et les Archives des B.-de-R., B. 354.]
N° 87. (Oct.-déc). P. 437-49. Richaud. Compositeurs et virtuoses bas-
alpins. [Notes bio-bibliographiques sur Bouchet, Bouffier, Aulagnier,
Antoine JuUien, Millont, Désiré Granier, auteur de Prouvençau et
Catoli, et autres, du xviii» et du xix» siècle.] — P. 473. La paroisse
de Thoard en 1795. [Préambule du registre d'état civil tenu par le
réfractaire Giraud.] — P. 474-91. Lieutaud. Le Poil. Histoire féodale
eoponymique et religieuse. [Suite. Fragment d'inscription latine; chro-
nique de l'église de ce village; catalogue des prieurs et curés; quelques
références aux Archives des Basses-Alpes. J — P. 492. Bevons, Dromon
et Brianson. [Cités dans un hommage de J. Gombert, seigneur de ces
lieux en 1351. Arch. B.-d.-R., B. 738.] L.-G. P.
Alpes-Maritimes.
Annales de la Société des Lettres, Sciences et A?'ts des
Alpes-Maritimes, t. XVIII,1903.
P. 1-6. RocHEMOXTEix. Une croix de conjuration du xviii» siècle à la
Petite-Afrique de Beaulieu (Alpes-Maritimes). [En bois, 1737; portant
en inscription un distique... à peu près juste : Crux mihi refugium,
crux est quam semper adoro, crux Domini mecum, crux mihi certa
salus. Contra fulgura et tempestates. Détails rétrospectifs sur les
formules et amulettes de conjuration.] — P. 7-34. Fritz-Mader. Les
inscriptions préhistoriques des environs de Tende. [Df^ns le vallon des
Lacs des Merveilles et dans le val de Fontanalba; attribuées à
l'armée d'Annibal et longtemps mal décrites et d'une façon fantaisiste;
reproduites au nombre de 650 par Clarence Bicknell (Bordighera, 1902.
The prehistoric Rock engravings) ; planches curieuses.] — P. 35-81.
Doublet, Monographie des paroisses du canton de Gagnes. [Cagnes, La
252 ANNALES DU MIDI.
Colle, Saint-Paiil et Villeneuve-Loiibet ; même documentation minu-
tieuse et précise que dans les précédentes études analogues de l'auteur ;
notes biographiques et généalogiques sur les personnages enterrés
dans ces églises; nombreuses citations de documents inédits, surtout
de visites épiscopales.] — P. 82-9U. Mader. La vérité sur Catherine
Ségurane. [Prétendue héroïne du siège de Nice, en 1543, que ne mention-
nent pas les chroniqueurs contemporains Lambert et Badat ; son nom
probable était Donna^ Maufaccia ; celui de Catherine Ségurane date
d'une inscription existant sur un buste de 1670. J — P. 90^2:^7. Moris.
Le Sénat de Nice de 1614 à 1792. [Bonne étude sur cette institution
judiciaire, bien documentée. On en trouvera {Annales, t. XVI, p. 96)
un compte rendu critique.] — P. 228-81. P. Devoluy. Essai sur les
noms de lieux du comté de Nice. [Utilité de conserver les désignations
topographiques locales, baiis, brus, tors, serres, chaudan, sorga, lau-
roicn, etc.; nécessité de substituer les noms niçois aux noms sardes ou
italiens imposés par l'état-major piémontais et conservés sur nos
cartes; trop de polémique inutile et de nationalisme linguistique; bon-
nes remarques de langue et de graphie; note sur la & provençalité »
des parlers nioards (la conception d'un dialecte particulier au comté de
Nice est chimérique) ; utile vocabulaire des termes employés pour les
noms de lieux.] — P. 281-358. Rance-Bourrey. L'abbé Paul-Marie
Foncet de Bardonanche détenu à Grasse sous la Terreur. [Étude sur la
Révolution à Nice, de juillet 1793 au 30 déc. 1794, pendant la mission
de Barras et Fréron; Foncet avait participé au mouvement modéré;
puis, devenu suspect de royalisme, il fut déporté à l'intérieur, avec
envoi à Montpellier où il n'alla pas, emprisonné le 25 septembre et
maintenu seize mois en prison malgré ses plaintes et pétitions; inté-
ressantes pièces justificatives. Note sur VImmagine d'un perf'etto
sovrano de Foncet; lettres de Foncet.] — P. 359-64. L. Barbet. Remise
en place du milliaire DCVII à l'endroit précis où les Romains l'avaient
planté. [Lors de l'établissement de la voie julienne; trois fois placé et
replacé par Auguste, Antonin et Hadrien.] — P. 365-71. Guebhard.
Etymologie provençale du mot Baliverne. [Canta baïsso luverno. M. le
D' Guebhard est agrégé de physique.] — ^P. 373-437. Doublet. Monogra-
phie de celles des paroisses des cantons de Coursegoules, Saint-Auban
et le Bar qui firent partie du diocèse de Vence [Coursegoules,
Besaudun, Bouyon, Gréolièref, Caille, Andon (Thorenc), Gourmes,
Tourrettes, toutes sauf la dernière d'un accès difficile ou semblant tel
aux xviP et xviii« siècles; détails curieux pour le folklore et l'histoire
des superstitions à propos de la chapelle-pèlerinage de Saint- Arnoux,
PERIODIQUES MERIDIONAUX. 253
Fin de cette longue et importante monographie d'histoire ecclésias-
tique.] L.-G. P.
Ardèche.
Revue du Vivarais, t. XI, 1903. •
p. 1-10. SiLvius. Cruas pendant les guerres civiles. [De 157J; à 1683. Quel-
ques extraits des mémoires du chanoine Bannes sur celles du xyi" siè-
cle.] — P. 10-8. K. Le Sourd. Les demoiselles de Saint-Cyr originaires
du Vivarais. (Suite, et p. 57-64, 213-27; fin, p. 570-93). [Blason, généalo-
gie de chacune; actes prouvant qu'elle possédait la noblesse nécessaire
pour être admise à Saint-Cyr. A la fin, renseignements sur ce que sont
devenues quelques-unes d'entre elles , ou leurs descendants , por-
traits, etc., le tout précis et puisé à bonne source.] — P. 19-29. L. de
MoNTRAVEL. Les cliàteaux de Blou (Blod). (Fin p. 65-75.) [Paroisse
de Toulaud, près du Rhône. Plusieurs châteaux successifs. Maisons
seigneuriales, avec notices généalogiques.] — P. 80-47. A. Mazon. His-
toire d'une petite ville au xviii» siècle. Largentière, de 1701 à 1787.
(Suite et p. 49-56.) [Cette histoire de Largentière se continue sous les
titres suivants : Le prologue de la Révolution dans une petite ville
(p. 128-40); Largentière pendant la Révolution, 1789-1791 (p. 1.59-77);
Largentière et la conspiration de Saillans (p. 185-202); la Société popu-
laire de Largentière, 1792-1794 (p. 248-81 , 305-14) ; Largentière pendant
la réaction thermidorienne, 1794-1795 (p. 345-70); la chouannerie à Lar-
gentière et aux environs, 1796-1800 (p. 410-30, 445-54). Nous donnerons
un compte rendu spécial de cette publication, dont les premières livrai-
sons ont été déjà par nous signalées.] — P. 76-89. F. de Charbonnel.
Chassiers jadis et aujourd'hui. — P. 90-6. De Moxtravel. Labaume-
sous-Sampzon. — P. 97-110. A. Mazon. Le temple de Diane à Desaignes
(Fin). [Hypothèses émises à ce sujet. Sources minérales du lieu. Bio-
graphie de l'ingénieur hydrographe Chazallon, qui y est né, \ 1872.] —
P. 111-27. Df Francus. Pierre Davity, de Tournon (suite). [Le premier
article a paru en 1902, le second en 1903 ; attendons 1904 pour obtenir
le troisième, qui doit donner un aperçu des ouvrages de Davity. Dans
le présent, on trouvera des précisions sur l'auteur, son fils et ses des-
cendants.] — P. 145-58. E. NicoD. La maison de Fay-Peyraud. [Généa-
^ logios, dont suite p. 203-12, 281-96, 315-38, 379-89, 431-40, et fin p. 503-32.
Elles reposent sur le dépouillement des archives de Peyraud et de
Solignac et s'étendent du xiv« s. au xviii". Travail sérieux, précis et
d'autant plus méritoire qu'il était plus malaisé; car « au moment dea
premiers troubles de religion, il y avait au moins sept Jean de Fay,
254 ANNALES DU MIDI.
parents plus ou moins rapprochés. » L'un d'eux, hugiienot, épousa
Marie, fille naturelle de Montmorency-Damvillc (p. S'S2), dont il suivit
le parti, avec qui se fit sa fortune; il se convertit et devint sénéchal de
Beaucaire et Niuies. Son fils Henri, après avoir servi contre Rohan
sous lîtenri II de Montmorency, se perdit avec lui dans la révolte
de 1632. La maison achève ensuite de se ruiner et s'éteint vers 1750. A
la fin, notes sur la ville et mandement de Peyraud ; en 1671, les biens
nobles étaient représentés dans la taille (qu'ils ne payaient pas) par le
chiffre de 975 1., les biens roturiers par celui de 2,411 1. Etude intéres-
sante sur le domaine seigneurial , en très mauvais état au xvif s.] —
P. 233-43. B. E. Le château des Rieu.x, à Saint-Alban-d'Ay. [Entre An-
nonay et Satillieu. Possesseurs, de 1333 à nos jours.] — P. 339-44. Sil-
vius. Le cardinal de Brogny, évèque de Viviers. [1382-1385; •}• 1426. Il
n'était pas d'aussi humble origine qu'on l'a cru d'après une légende et
son portrait, au bas duquel est représenté non Brogny gardant les
pourceaux, mais seulement l'enfant prodigue.] — P. 371-8. A. Roche.
Le lieutenant PeyroUon, de Bourg-Saint-Andéol. [Né en 1782, mort en
1846 après avoir fait toutes les guerres de l'Empire.] — P. 399-409
et 491-502. De Montr.vvel. Paroisses et monastères de Lavilledieu et
de Saint-Maurice de Terlin. [Couvent de Bénédictines de Lavilledieu,
dont les abbesses sont énumérées; texte d'une élection d'abbeSse, de
1459.] — P. 533. L'élection du général Suchet au Sénat conservateur.
[Lettre datée du camp devant Sarragosse, 23 janvier 1809, par laquelle
il remercie à ce sujet le collège électoral de l'Ardèche.] — P. 540-54.
F. B. E. Saint-Martin-le-Supérieur. [Canton de Rochemaure. A suivre.]
— P. 555-69. A. Mazon. L'église de Notre-Dame-des-Pommiers à Lar-
gentière. (A suivre.) P. D.
Aude.
Bulletin de la Com7nission archéologique de Narbonne^
1903, 2« semestre.
p. Lxiii. Campardon. Sépultures du premier âge de fer à Fleury-d'Aude.
[Découvertes intéressantes.] — P. 421-38. Amardel. Les jetons de ma-
riage et les médailles de Nimes au pied de sanglier. [Conjecture que
ces médailles énigmatiques auraient été des jetons de mariage.] —
P. 439-558. TissiKR. Documents inédits pour servir à l'histoire de la
province de Languedoc et de la ville de Narbonne (1596-1632). [104 piè-
ces de la correspondance reçue par les consuls de Narbonne; documents
assez importants, surtout pour la minorité de Louis XIII et la révolte
du duc de Montmorency. Signalons des lettres de Joyeuse, de Henri IV,
PÉRIODIQDES MERIDIONAUX. £65
de Mïirie de Médicis, de Ventadoiir, de M. de Saint-Geniès, de
Louis XIII, de plusieurs premiers présidents du Pariement de Tou-
louse : de Verdun, Le Mazuyer, de Paulo, de Bertier. Cf. notre c. r.
sommaire, plus haut, p. 105.] — P. 5o9-73, Yché. Notes sur Jacques
Gamelin. (Suite.) Ch. L.
Bouches-du-Rhône.
Bulletin de la Société de géographie de Marseille^
t. XXIII, 1899.
P. 7-3U. P. M.\ssoN. Marseille port colonial. Etude sur les relations mari-
times et commerciales de Marseille avec les colonies françaises. [Mon-
tre l'accroissement continuel de ces relations depuis 1815; il est de plus
des trois cinquièmes. Quatre tableaux graphiques.] — P. 177-93. P. M as-
son. Le commerce de Marseille avec les colonies fi-ançaises. [Tableaux
statistiques éclairant le précédent article.] — P. 365-75. J. Fournier.
Une Société de géographie à Marseille en 1801. [Fondée à Paris en 1793,
puis transportée à Marseille. Elle paraît n'avoir pas vécu longtemps.
On en donne les statuts.]
T. XXIV, 1900.
P. 259-63. V. TuRQUAN. Marseille seconde ville de France. Pronostics
sur le prochain recensement. — P. 264-81. J. Delmas. La vallée de la
Bresque (Var). [Quelques indications archéologiques.]
T. XXV, 1901. Néant. - T. XXVI, 1902.
P. 260-72. H. Barré. La répartition de la population sur le sol de la
Provence. Recensement de 1901. M. D.
Garonne (Haute).
I. Bulletin de la Société archéologique du Midi de la
France, 25 novembre 1902-7 juillet 1903.
P. 195. Lanes. Objets anciens trouvés à Toulouse. — P. 196-97. Four-
Gous. Découverte de fresques anciennes à l'église de Eampoux (Lot). —
P. 197-2U9. Lamouzèle. Inventaire du mobilier de l'hôtel de Jean Du-
barry, à Toulouse, 1794. [Document curieux, avec une notice sur ce per-
sonnage.]— P. 210-1. Abbé Galabert. Un tremblement de terre dans le
Midi, le 21 juin 1660. — P. 212. De Rivières. Inscription d'une cloche de
Salles-d'Aude, 1331. — P. 213-4. M»"' Batiffol. Autobiographie de
Simon Borè^, professeur de l'ancienne Faculté de théologie de Toulouse
avant et pendant la Révolution. — P. 214-5. De Rivières. Deux fontes
256 ANNALES DU MIDI.
de cloches au xviii' siècle. — P. 216-2U. Abbé Auriol. Crosse dite de
Saint-Louis d'Anjou à Saint-Sernin de Toulouse, avec une planche.
[Excellente description de cette œuvre, probablement toulousaine, du
xiii" siècle.] — P. 220-3. De Rivières. Trois pierres sacrées ou autels
portatifs conservées dans le trésor de l'ancienne cathédrale de Saint-
Just et Saint-Pasteur à Narbonne. [Description avec texte des inscrip-
tions.] — P. 223-4, 227-8. Lanes. Fouilles et substructions anciennes
de la place Rouaix à Toulouse. — P. 224-5. Abbé Saltet. La forma-
tion de la légende de sainte Enimie. — P. 226. Bauzon. Photographies
et gravures de deux toiles de Fragonard découvertes vers 1880 à Bor-
deaux. — P. 226-7. Graillot. Le dieu Atys, statuette de bronze du
musée Saint-Raymond, de Toulouse. — P. 227. Abbé Lestrade. Ins-
cription funéraire latine trouvée près de Cazères. [Elle donne un nom
nouveau, Cloepius.] — P. 228-30. L. de Santi. Statue de Jupiter, décou-
verte à Avignonet (Haute-Garonne). [Bonne description de cette
statue, très réaliste, qui paraît être du iii« siècle après J. G. Elle porte
l'inscription : I. 0. M.] — P. 231-2. Abbé Cau-Durban. Notice sur des
objets gallo-romains découverts près de Cazères. [Entre autres deux
lampes avec les mots : PHOESTASPI et FORTIS.] — P. 232-3. Roger
et Maurel. Fouilles dans un cimetière de l'époque barbare, à Teilhet
(Ariège). [Résultats très importants.] — P. 233-4. Delorme. Un double
sol parisis poinçonné par Genève. — P. 234-56. Desazars de Mont-
GAiLHARD. Allocutiou proiioncée à la séance publique du 25 jan-
vier 1903 : les antiquaires, les collectionneurs et les archéologues d'au-
trefois à Toulouse. [Excellente étude, en particulier sur les Crozat.] —
P. 256-68. Marla. Rapport général sur le concours de l'année 1902.
[Analyse des travaux couronnés, en particulier de : Saint-Lys, histoire
de cette bastide, par M. Léon Delaux; Monographie de la comman-
derie de Caignac , par M. l'abbé Corraze; Histoire de Frouzins, par
M. l'abbé Bagnéris; Bruniquel, ses seigneurs et son hôpital, par
M. Azéma; Armoriai des évêques de Pamiers, par M. Lafont de
Sentenac; Poteries de Giroussefis , par M. Rieux; Coutumes de
Saint-Jean-de-Barrou et de Castelmaure (Aude), par M. Cros-Mayre-
vieille.] — P. 269-79. Delorme. La bataille de Toulouse. Une médaille
anglaise commémorative. — P. 279-83. Abbé Lestrade. Particularités
inédites du siège de Villemur (1592); destruction des fortifications de
cette place (1631). [D'après des pièces des Archives des notaires de
Toulouse.] — P. 283-4. Abbé Lestrade. Trois rétables faits à Tou-
louse pour les Cordeliers de Mont-de-Marsan, d'Agen et de Toulouse
(1624). [D'après des baux à besogne des Archives des notaires de Tou-
t^ÉRIODlQUES MERIDIONAUX. 257
louse.] — P. 285. L. Deloume. Fontaine en terre cuite. — P. 226. Abbé
Cau-Durban. Découvertes d'objets gallo-romains à Saint-Michel-du-
Touch. [Entre autres d'un tesson avec l'inscription : IFELICA?] —
P. 288-91. De Lahondès. Le calice du château de Cabaret (Aude). [Avec
une planche]. — P. 291-4. Barrière-Flavy. Fouilles de l'église de Saint-
Paul d'Auterive. — P. 294. L. Deloume. Sculpture représentant l'église
de Saint-Sernin et le Capitule avec croix de Toulouse. — P. 295. De
Bourdes. Deux pièces d'or trouvées à Quint, prés Toulouse. [Un soude
Sévère III et un demi-écu, à la croisette, de François I".] — P. 295-6.
Desazars de MoNTGAiLHARD. Notice biographique sur la famille Crozat.
[Excellent travail.] — P. 297-8. Abbé Lestrade. a Bail de besogne de
MM. les Capitouls à Chalette », peintre de l'hôtel de ville (1634). —
P. 298-9. Abbé Vidal. Notice sur les œuvres du pape Benoît XII. —
P. 299. Abbé Eeynaud. Quatre niches ogivales du cloître de Saint-
Papoul. — P. 299-300. B. de Gorsse. La carrière de marbre blanc de
Saint-Béat, dite « Brèche des Romains ». — P. 800. Lanes. Un florin
d'or trouvé place Rouaix à Toulouse. — P. 300. Barrière-Flavy. Mon-
naies trouvées au château des Allemans. — P. 301. Bauzon. Notice sur
le puits de Moyse, de Dijon et Claux Sluter. — P. 302. Juppoxt. Un
Plan manuscrit du Canal. [Trouvé aux archives du Canal du Midi
avec documents sur Toulouse en 1732.]— P. 302. Adher. Note sur le
château de Labastide-Paumès (Haute-Garonne). — P. 303. Abbé
Taillefer. Règlements de la confrérie de Notre-Dame-la-Chandeleur,
de 1557 à 1615. — P. 304-10. Lamouzéle. Quelques documents inédita
sur les chirurgiens-barbiers de Toulouse. [Ordonnances des capitouls
de Toulouse de 1542, 1589, 1597, 1601, et du Parlement de Toulouse, de
1647, sur les statuts et les examens des chirurgiens; documents in té'
ressauts pour l'histoire de la médecine.] — P. 313-5. Desazars de
Montgailhard. Prix décernés au xvii= siècle aux élèves de l'école de
dessin instituée par Dupuy du Grez. [Notice sur les différents exem-
plaires connus de la médaille instituée par Dupuy du Grez en 1693.] — ^
P. 315-7. Abbé Lestrade. Deux lettres de Sermet, évèque constitution-
nel de Toulouse, de 1771. — P. 317-9. Desazars de Montgailhard.
Etude iconographique des miniatures à l'hôtel de ville de Toulouse.
[Exposé préliminaire sur les An>iales de l'hôtel de ville et les minia-
tures qu'elles renferment.] — P. 319-20. Abbé Lestrade et J. de Lahon-
dès. Note sur une gravure provenant de l'abbaye de Saint-Antoine-de-
Lézat et sur les religieux de Saint-Antoine-du-Viennois. — P. 320-1.
Lannes. Un hausse-col d'officier à singulières armoiries. — P. 321-3.
Cartailhac. Note sur le Dictionnaire des institutions , mœurs et coii-
ANNALES DU MIDI. — XVI. 17
26â ANNALES DU MIDI.
tûmes du Rouergue, par M. Affre. [Met en relief l'imi^ortance et la
valeur de ce travail qui renferme de nombreuses monographies et
l'explication de beaucoup d'anciens mots.J — P. 3:^5. De Eiviérks.
Monnaies romaines trouvées près de Rivières. — P. 325-6. Id. Der-
niers travaux à la cathédrale d'Albi. — P. 327. L. Deloume. Une
tuile du xvii° siècle. — P. 327-8. J. de L.iHoxDÈs. Notice sur un
manuscrit du xv^ siècle acheté par le musée Saint-Raymond. [Très
bonne étude sur ce manuscrit d'origine toulousaine, qui renferme
un office de la Vierge, l'office des morts et quatre miniatures.] —
P. 329-30. C.\RT.\iLH.iC. Notice nécrologique sur l'archéologue Cara-
ven-Cachin. — P. 331-5. J. de L.4.hondès. Trois pierres tumulaires
d'abbés de Saint-Sernin (avec dessins). [Description de ces trois pierres
tumulaires de trois abbés de Saint-Sernin : Bernard de Gensiac (1243 à
1263), Raymond Ranulphe de Valignac (1361-1375), Bernard d'Aurival
(1409-1412).] — P. 335-8. J. de Lahondès. L'excursion à Villefi-anche-
de-Rouergue. [Description sommaire des principaux monuments de
Villefranche.] — P. 339. Barrière-Fla.vy. Note sur un panneau peint
provenant d'une chapelle d'Ax-les-Thermes. — P. 339-40. E. Forestié.
A propos du Voyage de saint Patrice publié par MM. Jeanroy et
Vignaux. [M. F. démontre excellemment, par la lecture de la signature
du manuscrit, que le traducteur de la relation catalane a été Jean de
Peyrelade, de Petra lata, doyen du monastère de Cayrac près Montau-
ban, vers 1435-1473, et confirme ainsi les conclusions de M. Jeanroy
sur la patrie de cette traduction.] — P. 341-4. De Rey-Pailhade. Deux
montres décimales anciennes. — P. 345-7. J. de Lahondès. Documents
des archives municipales sur la consécration de l'église Saint-Etienne
par le cardinal de Joyeuse en 1592. — P. 347-50. Abbé Lestrade. In-
ventaire du mobilier de l'église Saint-Rome à Toulouse, en 1603; bail à
besogne d'un tableau commandé en 1608 par les Ursulines de Toulouse
au peintre La Carrière. — P. 351. Abbé Taillefer. Une ordonnance
sur le billottage des chiens en 1781. — P. 3.55-8. Abbé Degert. Origine
de la Vierge Noire de la Daurade. [Très bonne dissertation qui prouve
que la statue actuelle est une reproduction de l'ancienne, et que l'an-
cienne était l'œuvre d'un sculpteur toulousain entre la fin du xiu» siè-
cle et la fin du xv«.] — P. 358-9. Abbé Lestrade. La prière d'un no-
taire toulousain, en vers, de 1603. — P. 359-60. Abbé Raynaud.
Fouilles dans l'église de Saint-Papoul. — P. 361. Abbé Lestrade. Por-
traits gravés d'Henry de Montmorency, de Jean de Catellan, de Fur-
gole, de Dominique de Lastic, de Pons, de Ramond. — P. 375-400.
A. Deloume. Note sur l'hôtel d'Assézat et de Clémence laaure (1895-
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 259
1903). — P. 401-10. Cartailiuc et L. Deloume. Martres-Tolosane; la
Société archéologique du Midi de la France et son œuvre, 1831-1901.
[Historique complet des fouilles.] Ch. L.
IL Mémoires de V Académie des sciences, inscriptions et
belles-lettres de Toulouse, 10*' série, t. III, 1903.
p. 1-26. E. EoscHACH. Un souvenir d'Ingres. Jean Briant (1760-1799.)
[Briant est un des maîtres d'Ingres. Né à Bordeaux, établi à Toulouse,
il organisa durant la Révolution le musée de cette ville (en 1794-1795).
On avait contesté son existence.] — P. 49-109. L. de Santi. Michel de
. Paulo, seigneur de Grandval. [Près Avignonet. Ce seigneur-robin, frère
d'un président au Parlement de Toulouse, Jean de Paulo, avait guer-
royé au profit des huguenots, quoique catholique, et pillé tous ceux
.qui pouvaient payer rançon, surtout les gens d'Avignonet, dont il tua
quelques-uns. Par arrêt du 26 septembre 1581, le Parlement le con-
damna à être pendu, ainsi que ses compagnons. Il fut pris et mis à
mort dans sa prison, à Avignonet, probablement le 22 mars 1583. Cet
événement ne fit que redoubler la haine que son frère avait conçue
contre le premier président Duranti : cinq ans plus tard, celui-ci était
assassiné par les Ligueurs, au premier rang desquels figurait Jean de
Paulo. Très utiles précisions. Textes.] — P. 210-44. A. Deloume. Note
sur l'hôtel d'Assézat et de Clémence-Isaure. [Fort intéressant relevé des
travaux de restauration si bien conduits par M. D. de 1895 à 1903 afin
d'installer les Sociétés savantes de Toulouse dans ce bel édifice, en
vertu du testament de M. Ozenne. Ce qui reste à faire : à notre avis,
rien ne serait plus urgent que d'organiser les bibliothèques des Socié-
tés, lesquelles, dans l'état actuel, ne rendent pas les services que l'on
en pourrait attendre et dont certaines dépérissent faute de soins.] —
P. 303-56. Desazars de Montgailharu. L'iconographie des incunables
imprimés à Toulouse. [Les premiers de 1476. Les plus anciens impri»
meurs établis à Toulouse sont des Allemands, et sans doute aussi les
graveurs sur bois; mais à eux se mêlent bientôt des artistes indigènes
ou d'autres étrangers, tant « miniateurs » que xylographes : imagerie
très inférieure à celle des livres vénitiens.] — P. 403-19. J. Brissaud.
L'histoire du droit du Midi de la France. [Rapide et spirituel e.xposé
de ce qui a été fait pour constituer cette histoire et de ce qui reste à
faire : le gros de l'œuvre assurément; on n'en est encore qu'aux « tra-
vaux d'approche ».] P. D.
260 ANNALES DO MIDI.
III. Revue de Comminges, t. XVIII, 1903.
p. 1-22. V. Bagnéris. Saint-Germier à Frouzins. Traditions et légendes.
[Suite et fin; avec carte du territoire Doz.] — P. 23-34. Fabre d'Envieu.
Etymologie de Tibiran-Jaunac ou un Tibre dans le Comminges. Avec un
appendice sur le Tibre de Rome et les Celtes, cofondateurs de Rome .
[Suite et fin. L'auteur s'efforce de démontrer que le mot Tibre est
d'origine celtique et que les Celtes figurent parmi les principaux an-
cêtres des Romains.] — P. 35-9. J. Lestrade. Coutumes de Salerm.
[Communauté de la chàtellenie de l'Isle-en-Dodon en Comminges ; texte
d'après une rédaction de 1708.] — P. 40-55, 77-94, 129-48, 207-17.
CouRET. Histoire de Montmaurin et suite des recherches archéologiques
dans la haute vallée de la Save. [Etude sur les ruines découvertes à
Montmaurin, leur origine, leur destination; avec un plan. A suivre.] —
P. 56-60, 106-11. B. DE GoRSSE. Documents sur le Nébouzan, le Com-
minges et les Qiiatre-Vallées. [Inventaire de certaines pièces apparte-
nant aux archives du château de Pau et relatives aux juridictions, à
l'instruction publique ; dénombrements et biens des communes de ces
régions.] — P. 116-24. F. Périsse. Un hobereau commingeois. [Notes
biographiques sur messire d'Encausse de Save, d'Aspet, ses rapports
avec la population et les consuls de cette ville à la fin du xvi« et au
commencement du xvii« siècle.] — P. 149-64. E. Bacalerie. Le chapitre
cathédral de Rieux. Règlements, usages, etc. — P. 165-77, 193-206.
Bouche. Les de Bachos. [Notes historiques sur cette famille, avec la
généalogie depuis 1469.] — P. 178-84. L. Vie. Une commune rurale
pendant la Révolution : Castelnau-Picampeau. [Récit de la vie muni-
cipale dans cette localité de 1789 à l'an VIII.] — P. 218-38. C. Espén.\n.
Le district de Saint-Gaudens pendant la Révolution (1789-1795). [Etude
détaillée des faits qui s'accomplissent dans cette partie de la Haute-
Garonne depuis la convocation des États-Généraux et sous la Consti-
tuante, la Législative et la Convention. A suivre.] — P. 242-48. L. ViÉ.
A propos d'un vieux livre. Notes d'histoire locale. [Sur les quelques
communautés d'habitants de l'élection des Comminges qui dépendaient
du diocèse de Rieux.] — P. 219-50. J. Lestrade. Prise de possession de
l'évêché de Comminges par Donadieu de Griet. [1626.] L. V.
IV. Revue des Pyrénées, t. XV, 1903.
P. 10-37. Jean de l'Hers. Les derniers marquis de Verdelin. [Notes bio-
graj^hiques sur les derniers représentants (1750-1823) de cette famille,
qui possédait depuis 1532 la seigneurie de Montégut, dans la vallée de
la Neste.] — P. 51-70, 318-32, 632-48. D. Cau-Durban. Mémoires du
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 261
marquis Jean-François Bérenger de Thésan, colonel du régiment de
Vermandois (1745-1804). [Né à Toulouse, émigré, rentré en France en
1803, mort à Paris en 1804. Ces mémoires embrassent la période de
1790 à 1792 et ont principalement trait aux opérations militaires des
émigrés sur le Rhin.]— P. 105-32, 280-306, 376-414, 489-518. A. Baudouin.
Histoire critique de Jules-César Vanini dit Lucilio. [Etude détaillée
et documentée sur le célèbre philosophe italien : sa vie, sa condamna-
tion par le Parlement et son exécution à Toulouse. Reproduction,
revisée par l'auteur, du travail publié dans la Revue philosophique
en 1879.] — P. 133-60. G. Doublet. Un mémorialiste toulousain au
xvn» siècle. L'abbé Jean Du Ferrier (1609-85). [Suite et à suivre.] —
P. 161-75. J. Adher. La Révolution à Toulouse et dans la Haute-Ga-
ronne. c< L'enlèvement » de Louis XVI. [Récit des événements qui sui-
virent, dans la région, la fuite à Varennes; état des esprits, mesures
pi'ises par les pouvoirs constitués.] — P. 176-88, 428-46, 528-47.
C. Douais. L'art à Toulouse. Matériaux pour servir à son histoire du
quinzième au dix-huitième siècle. [Suite et fin. Documents de 1554 à
1725 relatifs à Saint-Etienne, à l'hôtel d'Assézat, au Pont-Neuf, etc.] —
P. 361-75. J. BmssAUD. L'histoire du droit du midi de la France. [Exposé
de l'intérêt qui s'attache à l'étude de l'ancien droit méridional, de ses
sources, et en particulier de l'utilité d'un recueil de chartes de coutu-
mes locales.] — P. 473-88. F. Gal.\bert. Un peu de folklore. Coutumes
et veillées du Rouergue quercynois. [Description de quelques vieux
usages ruraux de cette contrée.] — P. 519-28. J.-J. Dumoret. Un salon
bagnérais en 1802. [Conférence faite en 1896 sur Bagnères-de-Bigorre au
début du xix^ siècle et la société qui fréquentait cette station thermale
au lendemain do la Révolution.] — P. 585-603. J. de Lahondès. Une
poétesse épique toulousaine. [Marie de Pech, sa vie (1630-1661), son
poème, Judith ou la délivrance de Béthulie.] — P. 604-17. Barrière-
Flavy. Un magistrat royal au dix-huitième siècle. Gabriel-Etienne de
Calvet, juge et bailli d'Auterive. [Notes biographiques sur ce magistrat
(1690-1763); son entrée en charge en 1720; ses rapports avec le Conseil
de ville et les habitants.] L. V.
Gers.
Revue de Gascogne^ nouvelle série, 44*^ année, t. III, 1903.
Janvier. P. 5-14, 58-9. A. Degert. L'impression des liturgies gasconnes.
Tableau d'ensemble et documents inédits. [Etude des premiers textes
liturgiques imprimés dans les onze diocèses dont Auch était la métro-
pole, intéressant les historiens de notre liturgie et des premiers impri-
262 ANNALES DU MIDI.
meurs qui travaillèrent en Gascogne.] — P. 15-22. Tierny et Couaix.
Journal de Sentex, 1640-1665. (Suite, p. 70-8, 268-84.) [A la fois journal
et livre de raison rédigé par Sentex, bourgeois de Castin. S'intéresse
aux affaires politiques de l'époque. Renseignements sur les prix des
denrées. Indications sur Sentex, sa famille, ses fonctions.] — P. 23-6.
J.-B. Gab.\rra. Lettre inédite de Lequien de Laneufville, évêque de
- Dax. [Cette lettre, datée du 5 mai 1802, jette une lumière nouvelle sur
l'incident qui se produisit vers le milieu de 1802 et sur la conduite des
évêquos qui, à l'appel de Pie VII, s'étaient démis de leur siège.] —
P. 27-30. J. Lestrade. Le testament de Jean de Ribeyran. [23 jan-
vier 1672. Intéresse Garaison.] — P. 30, A. D. Tremblements de terre
en Gascogne. [1660 et 1665.] — P. 31-3. A. Clergeac. Un manuscrit du
xiv° siècle à Lombez. [Il s'agit du VI« livre (Sexta) que Boniface VIII
fit publier en 1299 pour compléter la collection des Décrétales de
. Grégoire IX en cinq livres.] — P. 34-6. P. Lamazouade. Notes et sou-
venirs de M. l'abbé Dallas sous la Révolution. — P. 37-41. L. de Saint-
Fris. Fondation de la Collégiale de Bassoues. [Analyse de l'acte d?
fondation, 12 mai 1512.]
Février. P. 49-57. L. Couture. Les correspondants de Chaudon : III,
l'abbé d'Artigny. [Renseignements sur l'abbé d'Artigny; texte de
quatre de ses lettres, de 1755 et 1756.] — P. 79-84. A. Degert. Les
premières journées de la Révolution, racontées par un Marciacais.
[Lettre datée de Vaugii'ard, 18 août 1789, signée Laffito de Gardey.] —
P. 85. J. Atau. Date du couronnement de Catherine de Navarre et de
Jean d'Albret. [Aurait eu lieu non le 10, mais le 12 janvier 1494.] —
P. 87. J.-B. Gabarra. Une proclamation de Wellington. [23 février 1814.]
Mars. P. 97-110. A. Clergeac. Une famille de gentilshommes cam-
pagnards aux xvii» et xvm" siècles. Les Chabanes-Lagahe. [Donne,
■ d'après des livres de comptes, inventaires, etc., un aperçu sur la vie
modeste et les préoccupations financières dos gentilhommes de pro'
vince.] — P. 111-25 et 174-87. L. Ricaud. La fin du vieux Garaison.
[Description de l'ancien Garaison , chapelle et dépendances ; le corps
des chapelains et prêtres ; vente de Garaison et oppositions succes-
sives à cette vente, 1791, 1794, 1795; état de Garaison en 1822.] —
P. 126-33, .397-408, .505-15 (fin). J. Lestrade. Les poésies de Bordages,
prêtre commingeois (xviii" siècle). [Eglogues, odes, épîtres, etc., sur
les « Philosophes modernes et les Impies », sur « le Tabac », « le Débor-
dement de la Garonne t>, « la Nymphe do Luchon », etc , etc. Nombreux
extraits et analyses.]
-Avril. P. 145-53. Ch. Samaran. Un inventaire du château de Mazères au
PERIODIQUES MERIDIONAUX. 263
temps du cardinal Louis d'Esté, archevêque d'Auch (août 1583). [Docu-
ment, écrit en français, contenant quelques termes techniques intéres-
sants.] — P. 154-74. A. Degert. L'Édit de 1768 et le clergé de Béarn*
[Taine a montré qu'une des causes qui ont rendu possible la Révolution
a été l'hostilité du bas clergé contre ses chefs hiérarchiques. M. D.
s'attache à montrer que cette hostilité eut pour cause principale le
mécontentement des curés que l'édit en question privait d'avantages
pécuniaires. Texte de la requête que les curés du Béarn présentèrent
à l'Assemblée générale du clergé de France en 1775.]
Mai. P. 193-209. A. Degert. Les reliques de sainte Quitterie. —
P. 210-20, 434-40. Broconnat. État ancien de l'instruction primaire
dans quelques paroisses rurales du Gers. [Maîtres, écoles et élèves à
Valence, Ayguetinte, Beaucaire, Bezolles, du xvi" siècle à la Révolu-
tion.] — P. 221-25. J. Atau. Quatre bulles relatives à Pierre de Foix, le
Vieux.
Juin. P. 241-57. L. Bellanger. Les dépenses d'un écolier à la fin du
xvr siècle et au commencement du xvii". — P. 257-62, 862-73, 444-69.
V. Foix. Glossaire de la sorcellerie landaise. [Travail intéressant,
puisé aux sources de la tradition orale, et aussi dans les monographies
paroissiales du diocèse d'Aire et de Dax qui sont déposées dans les
archives du grand séminaire d'Aire. Pourquoi l'auteur ne cite-t-il point
toutes ses anecdotes en patois du cru? L'intérêt linguistique de son
travail y eût gagné.] — 263-7. A. Degert. Fleurance enlevée aux An-
glais. [Épisode peu connu de la guerre de Cent ans, vers 1350.]
Juillet-août. P. 289-321. L. Maisonneuve. Éloge de Léonce Couture. —
P. 321-31, 424-34, 525-54. A. Degert. Le jansénisme à Dax. (Suite.) —
P. 331-48. Cézêrac. Biane, son passé, sa coutume, notes et documents.
— P. 348-57. J. Mastron. Cahier des doléances du tiers-état de Cal-
lian. — P. 357-61. J. Lestrade. Un registre paroissial de Boulauc.
[Actes de 1643 à 1670.]
Septembre-octobre, P. 385-97. L. Guérard. Les derniers travaux sur
saint Orens. [Résume et critique au besoin les ouvrages de MM. Lahar-
gou et Bellanger.] — P. 409-24. Clergeac. Biane. La charte des cou-
tumes. [Texte et traduction française d'une copie (fin du xv« siècle)
d'un document gascon de 1295, originaire de Mirepoix (canton d'Auch-
Nord). Publié avec soin. Mais ung est-il simplement'une graphie imitée
du français, comme le prétend M. C. ? Ou bien le g n'est-il pas plutôt
destiné à marquer le son guttural que Vn avait, dans cette position,
pris en gascon dès cette époque ? Plus loin, l'auteur assure que la pure
forme gasconne issue de denarium serait ditiè : mais les Fors 'de
264 ANNALES DU MIDI.
Béarn et d'autres textes nous présentent dier, diè, qui est bien plus
régulier.] — P. 440-4. L. Rioaud. Réponse à de vieilles questions. Sens,
curé de Recurt et non Ricourt. — P. 469-76. A. Degert. La Gascogne
dans quelques publications récentes.
Novembre. P. 481-504. J. Duffour. L'édit de 1768 et le clergé du diocèse
d'Auch. — P. 516-27, 558-64. Couaix. Monographie d'un village : Castin.
[A suivre.]
Décembre. P. 554-6, P. Lalagûe. Société historique de Gascogne. —
P. 556-8. A. D. L'auteur de la Peregrinatio Silviae. [N'est pas gasconne.]
— P. 565-7, J, Annat, Pierre Milhard, prieur de Sainte-Dode.
G, M.
Gironde.
I. Bulletin hispanique, 1902.
P, 12-9. C, JuLLiAN, Notes ibériques. I. Villes neuves ibériques de la Gaule.
[De ce que les deux villes d'Elne et Auch ont porté le même nom de
lliberris, Eliberre (= ville neuve), M. J. conclut qu'elles ont été fondées
par des populations de même origine, descendues des hauts plateaux
des Pyrénées entre le v« et le iii« siècle, sans se prononcer sur la ques-
tion de savoir si ces populations étaient ibères ou basques. Suit une
note de M. Webster sur la façon de traiter les questions de toponymie
et le genre de renseignements qu'on peut attendre de ces recherches.
Cet article avait déjà paru dans la Revue des Etudes anciennes, 1901,
p. 327-34.]
1903.
p. 5-8. F. Simon y Nieto. La nodriza de d' Blanca de Castilla. [Donation
de terres, faite le 26 juin 1190 par Alphonse VIII de Castille à Sancha
Lopez, dilecte )iHtrici filie mee nomine Blanca. L'acte provient des
archives du monastère de S» Maria de la Vega, tombées en possession
d'un particulier.] — P, 231-49. M, Webster. Prudence et les Basques.
[Etude de diverses coutumes populaires, à propos de quelques vers de
Prudence qui y font allusion, en termes au reste assez vagues,] —
P, 326-49. H, -P. Cazac. Le lieu d'origine et les dates de naissance et de
mort du philosophe Fr. Sanchez. [Cet article a été analysé plus haut,
p. 146, d'après le tirage à part.] A. J.
II. Revue des Études anciennes^ 1903.
p. 19-27, 124-28, 249 54. C. Jullian. Notes gallo-romaines, XVII-XIX.
Remarques sur la plus ancienne religion gauloise (suite et à suivre).
[Suite de ces très intéressantes études.] — P, 37-79, J. Déchelette, La
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 265
fabrique de la Graufesenque (Aveyron) : nouvelle étude sur les origines
de la poterie sigillée gallo-romaine. [Excellent travail qui démontre la
diffusion des vases ornés de la Graufesenque dans l'empire romain. Les
fouilles continuent à la Graufesenque et ont donné encore tout récem-
ment des résultats superbes.] — P. 129-35. G. Jullian. Inscription de
Toulon-en-Saintonge (avec une planche). [Conjectures sur cette inscrip-
tion dont l'alphabet est peut-être celtibérien.j — P. 136-8. G. Jullian.
Sur quelques noms de lieux méridionaux. [Notes sur Lauri mons
(Lormont), Cupressetum (le Cupressat), sur l'oppidum Ratis qu'il faut
maintenir dans Avienus contre la correction de Holder, sur l'identifica-
tion qui est certaine de Boii avec La Teste de Buch.] — P. 191-2. M. Cons-
TANs. La fabrique de la Graufesenque. [Ce mot vient de grasau, grasal,
grau (plat) et de fezenca (sous-entendu terra), terre propre à faire des
plats.] — P. 2Ô5-93. H. de la Ville de Mirmont. L'astrologie chez les
Gallo-Romains. [Dans Ausone, le Querolus, Paulin de Noie.]. — P. 294.
G. JuLLiAX. Graffito de Bordeaux. — P. 295-8. Abbé Arnaud d'Agnel.
Notes sur quelques découvertes archéologiques à ^Nlontsalier (Basses-
Alpes). [Avec deux planches. Bas-relief d'une interprétation difficile et
Mars gaulois trouvé à Norante.] — P. 298-.S02. G. Jullian. Tètes cou-
pées et masques de dieux. [Étude sur la tête qui figure sur le bas-relief
précédent et sur une autre tête gravée sur un autel de La Fare : M. J.
y voit la représentation d'un Sylvanus indigène.] — P. 317-27. G. Jul-
lian. La thalassocratie phocéenne, à propos du buste d'Elche. [Bonne
étude sur la colonisation phocéenne en Espagne, qui se place entre 600
et 535 environ et qui fut abattue par les Carthaginois et les Ibères.]
Ch. L.
Hérault.
Mémoi?^es de la Société m^chéologique de Montpelliet\^
2* série, t. II (suite), fasc. 3.
P. 401-30. E. Bonnet. Les œuvres de l'historien montpelliérain Pierre
Serres. [Le moins connu des historiographes locaux. Eenseignements
biographiques. Les sources et travaux de Serres. La chronique dite de
Philippi et les mémoires [inédits] de Carlencas conservés par lui.
Description exacte des ouvrages imprimés et inédits de ce « compila-
teur [de] plus de bonne volonté que de talent ».] — P. 431-42. E. Bon-
net. Sur un livre liturgique imprimé pour l'église de Maguelone en 1523.
[Établit, d'après un feuillet retrouvé par E. Maignien (do Grenoble)
dans une vieille reliure, l'existence d'un Officium béate Marie imprimé
pour le diocèse de Maguelone par un imprimeur inconnu, probablement
266 ANNALES DU MIDI.
lyonnais.] — P. 443-Gl. Grasset-Morel. Compte rendu des travaux de
la Société archéologique de Montpellier (de 1899 à 1901). [Procès-verbaux
assez détaillés, mentionnant avec soin les enrichissements des collec-
tions archéologiques de la Société.]
Tome III, 1903, fasc. 1.
p. 1-170. Grasset-Morel. Une villette de la baronnie de Lunel : Lansar-
gues. [Monographie intéressante, mais presque dépourvue de références
et de bibliographie. L'auteur étudie la villette (p. 1-29), la communauté
(p. 29-105) : fonctions municipales, conseil politique, auditeurs de
comptes, estimeurs, policiers, carrieyriers, syndics des forains ; la
paroisse (p. 106-29) et l'église (p. 130-63), Le prieuré de l'Arboras,
aujourd'hui simple ferme, est étudié dans un appendice (p. 164-70).]
L.-G. P.
Isère.
Les Annales dauphinoises^ 3" année, 1902-1903.
p. 3-13, 33-9, 65-74, 129-33, 161-6, 193-6. Abbé Lagier. Visite à la basili-
que de Saint-Antoine en Viennois. (Suite.) [L'auteur croit, contraire-
ment à l'opinion de dom Dijon, que les soubassements de l'église
actuelle appartiennent à l'église du xii" siècle.] — P. 14-5. Abbé Baf-
, FERT. Le Viennois Anicius Verus et la statue de Memnon. — P. 46-8.
Abbé Fillet. Grignan, étude historique. (Fin.)— P. 49-53, 80-3, 309-13,
358-64. Abbé Mazet. Alexandre Milon, évèque de Valence au xviii' siè-
cle. (Suite.) — P. 84-7. Abbé Baffert. Le milliaire du jardin de ville à
Vienne. — P. 88-92, 179-84, 303-8, 377-80. Abbé Fillet. Les Goulets.
[Étude historique.] — P. 126-7, 173-8, 210-2, 269-75, 297-302. Dom G. Mail-
let-Guy. Documents et notes pour servir à l'histoire de l'abbaye de
Saint-Antoine en Viennois. [Notes chronologiques intéressantes ; notes
sur l'histoire dos grands-maîtres.] — P. 134-35. P. Baffert. Un frag-
ment de sculpture romane à Vienne. — P. 202-9, 239-49. Varnoux.
Notre-Dame à Vienne en Dauphiné. — P. 225-38. M»" A.-M. de Franc-
lieu. Deux élections épiscopales dans le département de l'Isère, 1791-
1793. [Celles de Joseph Pouchot et d'Henri Reymond.] — P. 257-9. Abbé
Baffert. L'œuvre de Michel-Ange Stoltz à Vienne pendant la Révolu-
tion. [Histoire du tombeau des deux archevêques de Vienne, le cardinal
de la Tour-d'Auvergne et de Montmorin.] — P. 266-9. Abbé Baffert.
Siège et prise, en 1814, du château de Montléans, ancien château des
Maugiron, voisin de Vienne. [Le château était alors une ruine, et l'ex-
pédition qu'y auraient faite les Autrichiens semble une mystification.] —
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 267
P. 376-80, 314-9. Abbé Favot. A propos des cardinaux noirs du Comité
ecclésiastique. [Intéressant document : 1809-1811.] — P. 281-6. M. Ch.
d'A. Notes biograpliiques complémentaires sur M.«' Reymond. [Mort en
1820 évèque de Dijon; avait été évèque constitutionnel de l'Isère. Con-
tient une bibliographie des œuvres de ce personnage.] — P. 289-96,
841-8, 371-6. Abbé Lagier. Les saintes reliques de l'église de Saint-An-
toine. [Rapport adressé à M*' Henry, évèque de Grenoble.] — P. 321-40.
La Grande-Chartreuse en 1816. [Réimpression d'un récit de la rentrée
des Chartreux en 1816, suivie de quelques notes intéressantes.] —
P. 353-7. P. Baffert. Mosaïque gallo-romaine de Vienne acquise par
le Musée de Grenoble en 1902. — P. 365-70. P. Baffert. Étude biogra-
phique et bibliographique d'AUmer. [L'épigraphiste bien connu, sa vie,
ses œuvres. A suivre.] P. F.
Loire.
Bulletin de la Diana^ t. XII, 1901 (suite).
Oct.-déc. n» 4 (supplément). P. 1-531. M. de Boissieu. Excursion archéo-
logique de la Société de la Diana à Saint-Galmier, Saint-Médard, Che_
vrière et Chazelles-sur-Lyon. [Le compte rendu arrive un peu tard,
l'excursion ayant eu lieu en juillet 1898, mais il est très considérable et
constitue un véritable ouvrage d'archéologie et d'histoire, avec docu-
ments inédits, planches nombreuses, phms, etc. Cliaque ville visitée
est étudiée complètement dans son passé, dans ses monuments, et non
seulement la ville, mais ses environs : ainsi, autour de Saint-Galmier,
les châteaux de Teillères, du Verney. Voir, p. 189, la charte des fran-
chises de Saint-Galmier, de janv. 1256 et de 1270 (traduction de 1540),
avec plusieurs autres pièces; p. 468, un accord de 1303 entre les sei-
gneurs de Rocliefort d'une part et un clievalier de l'Hôpital, les cheva-
liers et damoiseaux dudit lieu de l'autre, au sujet de la justice. Voilà
du moins des promenades fructueuses.]
Tome XIII, 1902-1903.
P. 13-24. Abbé Reure. Simple conjecture sur les origines paternelles de
François Villon. [Le poète s'appelait de son vrai nom Montcorbier. Il
y a en Forez un fief et une famille noble qui le portent également. Des
titres tirés des archives de Châteaumorand conduisent M. R. à croire
que le. père de Villon était le petit-fils (de la main gauche) d'un Mont-
corbier.] — P. 25-8. E. Brassart. Le tombeau de Claude de Saint-
Marcel dans l'église Notre-Dame de Montbrison. [C'est le doyen du
chapitre, f 1509.] — P. 46-55. J. Déciielette. Découvertes gallo-
romaines dans la ville de Roanne. [Monnaies gauloises, fragments de
268 ANNALES DU MIDI.
vases d'Arezzo et autres, fibule, statuette en bronze de Minerve. Plan-
ches.] — P. 55-7. E. Brassart. Epitaphe récemment découverte au che-
vet de l'église de Notre-Dame de Montbrison. [Celle de Giraut du Poyet,
prêtre ; fin du xiii« s.] — P. 58-60. In. Le dôme du tribunal à Mont-
brison. [N'est pas dû à Soufflet; a été construit en 1701 : texte du
marché fait avec l'architecte Martin de Noinville.] — P. 85-90. Abbé
Reure. Notes sur le P'orez. [Lettres de noblesse pour Pierre Vernin,
1448; lettre des habitants de Montbrison à Catherine de Médicis,
ii7 août 1562, après la prise et le pillage de la ville par les huguenots ;
description du Forez antérieure à 1575, par Papire Masson.] — P. 91-130.
Abbé Relave. I. Chartes de mariage au xvii» siècle. [Formules curieuses,
propres aux diocèses de Lyon et de Vienne]. II. Prises de possession
des bénéfices autrefois et aujourd'hui [à Sury au xviir s.]. III. Notes
généalogiques et biographiques sur les notaires de Sury. IV. Les
La Veuhe à Sury au xvi« siècle. — P. 171-205. E. Leriche. Excursion
archéologique de la Société à Ouches, Pouilly-les-Nonnains, Saint-
André-d'Apchon, Saint-Léger. P. D.
Loire (Haute-).
Bulletin de la Société d'agriculture^ sciences^ etc., du
Puy, 3« année, 1901-1902.
P. 4-7. Vernière. Brioude en 1645. [Pièce déjà publiée dans la Revue de
la Haute- Auvergne, 1901.] — P. 8-15. De Dienne. Le monastère de
Saint-Tliéofrède de Cervere et le culte de saint Théophrède en Piémont.
[La maison est issue du Monastier, en Velay, et le saint du même pays.
D'après le travail de dom Fedele Savio, Il monastero, etc. (même titre
que ci-dessus); Turin, Paravia, 1896.] — P. 16-20. P. Le Blanc. La cons-
truction de l'hôtel de ville actuel du Puy en 1763. [Dans la grande salle
avait été placé un portrait du roi, encadré des armoiries des consuls de
1766. Ceux de 1767 prétendent y substituer les leurs. De là procès entre
les uns et les autres.] — P. 54-8. G. Boudon. Cession des droits entre
les enfants Vaneau. Mariage de Pierre Vaneau, fils de Pierre Vaneau,
sculpteur. [Deux actes des 30 déc. 1709 et 4 janvier 1712.] — P. 58-61.
Abbé Bastide. Un copiste d'un missel du Puy. [N" 4 de la Bibliothèque
de cette ville, ms. liturgique du xv« siècle. Le copiste est Johamies de
Pe rerio.'] P. 72-96, 111-2:3. Abbé A. Terrasse. La seigneurie de Saint-
Quentin ou les seigneurs de la Loire depuis le pont de Brives jusqu'à
la Voûte. [Monographie bien conçue, rédigée à l'aide de nombreux
documents inédits. Énumération des familles qui ont possédé la sei-
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 269
gneurie de 1138 à 1789. Appendice sur le prieuré de Saint-Quentin.] —
P. 98-100. A. Arsac. Gilbert de Malafayda, abbé de Saint-Chaffre. [1375-
1386. Analyse de quelques pièces provenant des archives da Vatican.]
— P. 125-44. Cahier des doléances du tiers-état du Monastier (1789).
[Texte. A suivre.] P. D.
Lot.
Bulletin de la Société des Etudes du Lot, t. XXVI, 1901.
P. 1-32. A. Combes. Les délibérations de la commune de Saint-Pantaléon
(Lot) pendant la Révolution. — P. 33-41. Abbé Albe. Les grottes de
Blars. — P. 42-7. A. Viré. La fin d'une énigme. Le Roc d'Aucor. [La
grotte d'Aucor, dont l'entrée, située en retrait sous un encorbellement
de la falaise, est à peu près inaccessible, a donné lieu à bien des hypo-
thèses qui font plus d'honneur à l'imagination de ceux qui les ont émi-
ses qu'à leur sens critique. La vérité est plus simple : au bas de la
falaise se trouvent les fondations d'une tour qui donnait accès à la
grotte, et les deux poutres qui en barrent horizontalement l'entrée sont
des restes de la charpente de la tour démolie. (Notes de l'abbé Albe.)] —
P. 48-63, 93-108, 157-88, 221-53. P. de Fontemlles. Recueil d'inscriptions
intéressant le Quercy. [Compilation dépourvue de critique. Dans une
inscription provençale, les abréviations ne sauraient être résolues en
latin, mais en provençal, et l'inscription xlvii doit être lue in nomine
DOMINI : E DE MADOMN.i SANCTA MARL-i. : GER.WT DE LA V.ALADA lAS AISI ,
AN : M : ce : xx : ix a la festa sanct benezes de marts ; an et non anno.
sanct et non sancti. A signaler les inscriptions en provençal li
(p. 170), LU (p. 170-1), LUI (p. 171), lv (p. 172), lxxi (p. 188). P. 181.
Le catalogue du Musée de Toulouse n'est pas de M. Rosbach, mais de
M. Roschach.] — P. 109-10. V. Fourastié. Charte par laquelle Edouard,
prince d'Aquitaine, autorise la prolongation de deux foires déjà éta-
blies; l'une, à la Pentecôte, durera huit jours avant et huit jours
après cette fête; l'autre aura lieu le jour des saints Simon et Jude, et
pendant les huit jours suivants. [En faveur de la ville de Cahors; du
20 juillet 1365.] — P. 111-35. Abbé Albe. Quelques notes sur l'abbaye
de Marcillac. — P. 189-97. Abbé F. Galabert. Une charte familiale de
libertés (8 mars 1289). — P. 204-7. Abbé Albe. Notes sur Figeac. Let-
tres royaux concernant la part que les gens d'Église à Pigeac devaient
prendre à l'impôt. [25 août 1391.]. — P. 208-12. E. Albe. Règlement des
bouchers de Figeac avec l'abbé Aymar en 1246. [Texte en langue d'oc.
Lecture et traduction douteuses ; il est vrai que l'auteur qualifie sa tra-
duction de « rapide ».]
270 ANNALES DU MIDÏ.
Tome XXVII, 1902.
p. 1-15. P. DE FoNTENiLLEs. Recueil d'épigrapliie quercynoise. (Suite e
lin.) [M. F. relève seulement seize inscriptions campanaires dans tout le
Quercy ; c'est dire combien son travail est incomplet.] — P. 16-22.
L. GoMBARiEU. Construction d'une église paroissiale au x\tj= siècle.
Extrait des archives de l'église de Vaysse. — P. 23-37, 65-89, 156-75.
V. FouRASTiÉ. Privilèges, franchises et libertés de la ville de Sainte-
Spérie, de tout le château et de la chàtellenie de Saint-Céré (Sanctus
Serenus). [Copie et traduction d'un registre appartenant aux archives
communales de Saint-Céré. Dans un acte de 1490 se trouvent reproduits
pour approbation, rectification ou annulation divers articles d'une
charte de 1292 en langue d'oc (p. 70 à 80).] — P. 38-46. L. Esquieu. Une
bulle du pape Jean XXII (14 février 1323). [Etablit que Jean XXII fut
baptisé dans l'église Saint-Barthélémy de Cahors.] — P. 91-112, 141-55.
Abbé Albe. Notes sur l'abbaye de Leyme. — P. 113-23, 192-201. A. Com-
bes. Transaction entre le curé de Fraissines et ses paroissiens (30 juin
1495). [Aujourd'hui Frayssinhes, canton de Saint-Céré (Lot).] — P. 176-
91. L. Esquieu. Essai d'un armoriai quercynois. — P. 205-19. Abbé
Albe. Quelques-unes des dernières volontés de Jean XXII. [Intéressants
documents.] — P. 227-33. Abbé Albe et L. E[squieu]. Une bulle de
Jean XXII (27 juill. 1330) sur le monastère d'Espagnac.
Tome XXVIII, 1903.
p. 3-9. Abbé Albe. Notes sur l'abbaye de Leyme. (Suite et fin.) — P. 10-
9. V. FouRASTiÉ. Privilèges, franchises et libertés de la ville de Sainte-
. Spérie. (Suite.) — P. 20-32. E. Depeyre. Les tribulations de Guillaume
de Bonnes-Mains, bourgeois de Figeac, ambassadeur du roi de France
aux pays d'outre-nier, en l'année 1327. — P. 34-6. Abbé Galabert. Rôle
d'une compagnie de chevau-légers de Jean-Caries de Genouillac de
Saint-Clair- Vaillac (xvn= s.), — P. 37-63, 123-38, 168-204. L. Esquieu.
Essai d'un armoriai quercynois. — P. 73-104, 153-67. L. Greil. Vie de
M. d'Hauteserre. [Antoine Dadine, seigneur d'Hauteserre, naquit à
Cahors en janvier 1602. En 1630, il disputa, sans succès, une chaire de
droit canonique vacante à l'Université de Cahors. Plus heureux à Tou-
louse, il entra dans l'Université de cette ville le 21 octobre 1648. Il
mourut le 29 août 1682. Cette vie, écrite par son fils, contient encoi'e le
Catalogus lihrorum quos edidit Antoiims Dadinus Altaserra, in
. Academia Tolosana juris utriusque professer, et des extraits des
- registres de l'Université de Toulouse.] — P. 105-12. Abbé Albe. Statuts
du chapitre de Cahors. Fragments inédits. — P. 113-22. J.-B. Eouquet,
PÉRIODIQUES MERIDIONAUX. 271
Nostro Rèino, à Fréderi Mistral. [Beaux vers en langage de Cahors,
précédés de trois envois de Mistral.] H. T.
Pyrénées (Basses-).
I. Bulletin de la Société des sciences, lettres et arts de
Pau., Ile série, t. XXX, 1902.
P. 1-225. A. Planté. Registre dos délibérations du (Jomité de surveillance
établi à Orthez. [Ne contient que le second cahier des procès-verbaux
de ce Comité. Dans un appendice (p. 121-22.5), l'auteur donne de précieu-
ses notices historiques et biographiques concernant surtout certains
suspects dont il est question dans le registre.] G. M.
II. Réclams de Biarn et Gascowihe, organe de la Société
félibréenne « Escole Gastou Phébus » (Pau, Vignancour),
1897.
P. 11-3. A. Planté. Jurament deu Rey. [Texte du serment du trône prêté
par François Phébus (1479-1483).] — P. 60-1. L. Batcave publie, avec
quelques notes explicatives, le psaume cxx d'Arnaud de Salettes.
1898.
P. 97-100. E. BouRCiEZ. Contes de Gascogne. — P. 205-7. Los drets de
peadge. [Texte de 1533, concernant Orthez. Extrait de la « Compilation
d'auguns priviledges et réglamens deu Pays de Béarn, feicts et octroyats
à l'intercession deus Etats (Pau, Desbarratz, 1716).]
1901.
P. 9-14. L. Batcave. Vieilles coutumes. Le Piquehoû. [Intéressant pour
le folk-lore.] — P. 27-9. Poésies d'Ader sur Henri IV. [Extraits des
œuvres du poète gascon.] — P. 187-9. V. Dubar.at. Prêtres sorciers.
[Épisode de l'histoire du pays basque, en 1609.]
1902.
P. 216-7. Vieux documents. [Liste des principaux personnages de Na-
varre et du Béarn, dressée à raison de leurs dispositions envers le catho-
licisme, favorables, contraires ou douteuses. Vers 1572.] — P. 225-9.
H. CouRTEAOLT. Vieilles chroniques, vieilles légendes. [Histoire bi'ève
et extraits de l'épîtro, aujourd'hui perdue en grande partie, qu'Honoré
Bouet ■ — Mossen Honorât — adressa à Gaston Phébus, et dans
laquelle il esquissait, en vers mêlés de prose, la biographie des onze
prédécesseurs de Gaston.]
272 ANNALÈS DtJ MIDt.
1903.
p. 6-11. J. Gardère. Los cagots dans la région d'Orthez au xyii= siècle.
— P. 33-6, 55-8, 74-7. R. Peyre. Un instituteur d'autrefois. [Histoire
du procès que la commune d'Artiguelouvo intenta, en 1776, à son
châtelain Fouron : l'instituteur du village, Bergeron, joua un grand
rôle dans l'affaire. Elle jette quelque lumière sur la situation sociale
des régents au xviir siècle.] — P. 45-50. E. Bourciez. Justin Lanebat.
[Fine étude sur le poète bayonnais.J — P. 89-91. L. Batcave. Bartet.
— P. 105-8. J. Gardère. Le cagot de Gamachies. G. M.
Pyrénées-Orientales.
I. Revue d'histoire et d'archéologie du Roussillon, 1903.
P. 1-13. J.-A. Brutails. La statuaire en Roussillon vers 1200, à propos
d'un livre récent. [Il s'agit de l'Histoire de la sculpture en Langue-
doc, de M. Marignan. M. B. fait la critique de cet ouvrage, en particu-
lier pour ce qui concerne le Roussillon, en s'appuyant sur les monu-
ments roussillonnais. Les conclusions de M. Marignan lui paraissent
erronées et, en tout cas, hasardées, malgré sa grande érudition et sa
réelle autorité.] — P. 14-7. B. Palustre. Coflret-reliquaire de l'église
de Mosset. [Description et reproduction phototypique. Suit une chro-
nique de la seigneurie de Mosset.] — P. 18-24. A. Talut. L'ortho-
graphe catalane. [En faveur de l'orthographe traditionnelle et étymolo-
gique.] — P. 25-8. P. Masnou. Ordonnance du roi Alphonse relative à
la frappe de la monnaie d'argent de Perpignan (1418). [Alphonse V écrit
au maître de la Monnaie de Perpignan pour qu'il remplace les lettres
PP, monogramme de Pergignan, par 0. Texte catalan.] — P. 29-31.
J. Capeille. Instruction d'une afïaire criminelle par le camérier de
Saint-Michel de Guxa (1641). [A propos de l'assassinat d'un prêtre.]
— P. SS'Sl. Ph. ToRREiLLEs. La construction d'une église de village au
XVIII' siècle. [L'auteur raconte la construction de l'église d'Eus, près
de Prades, d'après les archives paroissiales de cette localité, très pau-
vre, comme en témoigne l'état général de tous les biens-fonds de cette
communauté. Renseignements économiques intéressants.] — P. 52-5.
État des forges dans le canton d'Arles-sur-Tech pendant l'époque révo-
lutionnaire. [Rapport du 7 thermidor an IV, par le commissaire du
Directoire exécutif près l'administration municipale du canton d'Arles.]
— 56-63. P. Masnou. Constitution d'une société de commerce en 1406.
[Entre quatre ouvriers en laine de Perpignan, pour vendre du drap en
Sicile. Texte du contrat, en catalan. Précédé d'une rapide histoire du
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. .273
commerce du di'ap roussillonnais, florissant du xii« au xyi" siècle.] —
P. 62-3. Chronique. [Fouilles de M. Véran à Arles, pour dégager le
théâtre romain.] — P. 63-4. Textes et documents inédits. Rapport du
sieur Xaupi, protomedic de Roussillon, sur les coquilles que l'on trouve
au territoire de Neffiach. [Tiré des Archives des Pyrénées-Orientales,
0 1234. Publié sans date. Texte français, probablement du xvii° ou
xviii" siècle, de peu de valeur scientifique.] — P. 77-83. J. S.'Irrète. L'an-
cienne église d'Osséja. Découvertes ai'chéologiques. Agrandissements.
Histoire de cette ancienne église, totalement reconstruite en 1894.] —
P. 84-5. J. Serra y Vilarô. Jean Calvet, abbé de la Eéal, à Perpignan,
au xvi= siècle. [Quelques renseignements sur ce personnage.] — P. 8Q-
93. B. Palustre. Inventaire de l'artillerie abandonnée par les 'Espa-
gnols au fort de Bellegarde, en 1794. [Après la capitulation du 17 sep-
tembre.] — P. 94-5. Textes et documents inédits. Remise d'une relique
de saint Simon Stoc au couvent des carmes de Perpignan (3 juin 1605).
[Texte latin.] — P. 97-114. L. de Noell. Reconstitution du couvent
des Franciscains de Villefranche-de-Conflent. [Élevé probablement au
xiii" siècle, il fut rasé sur ordre de Vauban pour établir les fortifica-
tions de la ville. Les fouilles faites pour établir la voie ferrée ont été le
point de départ de sondages qui ont permis de restituer le plan da
couvent. Histoii-e des fouilles et du couvent. Deux plans.] — P. 115-22,
131-46, 191-7. J. Freixe. Les premiers habitants du Roussillon et la
Balma de Na Crestiana. [La Balma de Na Crestiana est un dolmen
près du Perthus. M. F. recherche à qui il faut en attribuer la construc-
tion et discute les documents susceptibles d'indiquer quelles furent les
anciennes populations du Roussillon. Il conclut, peut-être un peu rapi-
dement, que ce sont les Sordes, ancêtres des Volces Tectosages, et
laisse entendre que les dolmens du pays « étaient destinés à offrir des
asiles aux dieux, afin de s'attirer leur bienveillance >\] — P. 123-30.
Relation de la mission faite en la vallée de Capcir (1640). [Copie du rap-
, port envoyé après la mission par les jésuites à leur général.]— P. 147-66.
P. Vidal. Louis XI, Jean II et la révolution catalane du xv" siècle, à
propos d'an livre récent. [Analyse très complète et très intéressante de
la thèse de M. Calmette, portant le même titre.] — P. 167-82, 199-215.
Ph. ToRREiLLES. Méuioircs d'un chirurgien au xvn^ siècle. [Montre
l'état des esprits en Roussillon à la veille de l'annexion française, au
point de vue intellectuel, moral, politique et religieux.] — P. 183-90.
J. Sarrète. La Cerdagne (de 1642 à 1652). [Annales ne contenant que
des orages, inondations, mauvaises années, peste.] — P, 198. Textes
et documents inédits. [Vente d'un navire en 1381. Texte catalan
ANNALES DU MIDI. — XVI. 18
274 ANNALES DU MIDI.
P. 216-24. B. Palustre. La seigneurie d'Huytéza. [Aujourd'liui Aytua,
annexe d'Escaro, canton d'Olette. Histoire aussi complète que le permet
le petit nombre des documents.] — P. 224-8. J. Capeille. Le dominicain
Pierre-Nicolas Arnu (1629-1692). [Quoique lorrain, reste l'adversaire du
parti français après la réunion du Roussillon à la France. Adversaire
aussi des jésuites. Courte biographie.] — P. 229-30. J. Calmette.
Benoît XIII et le muscat de Claira. [Deux pièces en latin concernant
un achat de ce vin pour le compte du pape.] — P. 231-46. A. Salsas.
L'établissement du papier timbré en Roussillon (1772). [Ne survint qu'à
cette époque à cause de la vive opposition faite à Colbert, qui vou-
lait unifier la procédure de toutes les cours du royaume. Pièces jus-
tificatives.] — P. 247-60, 275-7. M. Pratx. Notice historique sur Riuno-
guès. [A propos d'un mémoire rédigé pour un procès de 1831 sur le
droit de pacage. Conclusions intéressantes sur l'origine des communaux.]
— P. 263-74. X. de Descallar. La compagnie de cadets-gentilshommes
établie à Perpignan en 1726. [Ecole de cadets qui fut transportée à
Strasbourg en 1729.] — P. 295-305. J. Calmette. Notes de bibliographie
catalane. [Annonce des publications de l'abbé Gudiol y Cunill et de
D. Francisco Monsalvatje y Fossas.] — P. 306-19. J. Capeille. Le châ-
teau et labaronnie d'Ur. [En Gerdagne française. Histoire.] — P. 320-5.
E. Caseponce. Les corps saints d'Arles à Céret. [Publication d'une rela-
tion en catalan du transport des saints Abdon et Sennen, d'Arles-sur-
Tech à Céret, et de leur retour à Arles quatre jours après (1738).] —
P. 327-39. P. Vidal. Questions de langue et de littérature catalane. Une
querelle scientifique. [Résume la polémique entre Menéndez Pidal et
le catalaniste Alcover ; courte introduction de P. V.] — P. 340-57,
391-6. .J. Freixe. Aperçus historiques fondés sur les transformations du
littoral roussillonnais. [Article très intéressant, oii la géologie et l'étude
des anciens géographes fournissent à l'auteur les éléments de sa théorie
sur la formation et le peuplement du Roussillon et sur le passage
d'Annibal.] — P. 357-8. Textes et documents inédits. Publication de la
trêve conclue entre Alphonse d'Aragon et le pape Eugène IV (18 juil-
let 1443). [Après le grand schisme. Texte catalan.] — P. 359-67. P. Vidal.
Ascension du Canigou par Pierre III, roi d'Aragon, en 1285. [Récit de
cette ascension, extraordinaire pour l'époque, et de deux autres traits
de hardiesse de Pierre III. Comme pièce justificative, extrait de la chro-
nique latine de Salimbene racontant cette ascension.] ^ P. 368-91.
J. Armagnac. Caudiès pendant l'épiscopat de Nicolas Pavillon (1637-
1677). [Récit des bienfaits de ce prélat.] M. D.
PÉRIODIQUES MERIDIONAUX. 275
II. Société agricole, scientifique et littéraire des Pyré-
nées-Orientales, t. XLIV, 1903.
P. 115-200. M. Pratx. Le régime des eaux en Roussillon. I. La propriété et
les droits d'usage. II. La réglementation. III. La meule. [Bonne étude
sur une des plus importantes questions qui puissent être traitées dans
ce pays, et dont cliaque partie contient des renseignements historiques.]
— P. 249-98. Abbé Ph. Torreilles. Les testaments des consuls de Per-
pignan au XYii" siècle. [Sous le terme de testament, on désignait un
exposé de leur gestion, que les consuls sortant de charge consignaient
sur un registre pour faire connaître ce qu'ils avaient fait et pour don-
ner des conseils à leurs successeurs. Les testaments du xvii" s., rédigés
en catalan, forment deux volumes conservés aux Archives municipales
de Perpignan; c'est un tableau de la vie locale pendant le xvii" siècle.
L'étude de M. Ph. T. est divisée en deux parties, dont l'une comprend
l'époque antérieure à la conquête du Roussillon par la France, l'autre,
l'époque postérieure à ce grand événement.] — P. 299-318. Abbé J. Sar-
RÈTE. Notre-Dame de la Cerdagne. [Etude sur deux statues de la Vierge
conservées, l'une à Hix, l'autre à Puycerda, et sur des pratiques de
dévotion.] — P. 319-27. Delpont. Mossen Jacinto Verdaguer. [Causes
qui ont amené Verdaguer à écrire le poème Canigo; fragments de cor-
respondance et une pièce inédite du poète.] F. P.
Var.
L Bulletin de la Société d'études scietitifîques et archéo^
logiques de la ville de Draguignan, t. XXII, 1898-1899.
P. VIII. PoupÉ. Formation des administrations des districts du Var et
leurs divers renouvellements. [Communication orale, simplement signa-
lée.] — P. XI. Teissier. Les livres annotés de la bibliothèque de Dragui-
gnan. \_Ex libris, signatures, notes; divers ont appartenu à Peiresc, aux
Nostredame, à Grolier, à Baluze, à d'Aguesseau, etc.] — P. xvii. Mireur.
Monographie du couvent des Franciscains à Draguignan. [Communi-
cation orale.] — P. xix. R. Reboul, Préface d'un dictionnaire biogra-
phique inédit. Illustrations, célébrités, familles du département du Var.
[Y compris les excentriques, grotesques, macrobites et bandits.] —
P. XX. PoupÉ. Administration communale à Cuers sous l'ancien régime.
[1339-1789. Communication orale.] — P. xxxviii. Poupé. L'instruction pu-
276 ANNALES DU MIDI.
blique à Guers sons l'ancien régLme. [xvi-xviti« siècles. Communication
orale.] — P. xlii. Gubert. Note sur Marguerite Bellenger. [La célèbre
maîtresse de Napoléon III, petite-fille d'Hendreich, bourreau du Var,
et nièce d'Hendreich, bourreau do Paris.] — P. lu. Gubert. La gran-
deur et la décadence de la foire de Beaucaire. [Communication orale.]
— P. LUI. Reboul. Plan et programme d'une bibliographie du Var.
P. 1-331. EspiT.\LiER. Les évèques de Fréjus du xiii» au xviii^ siècle.
CSuite et fin; cf. XXI, 33.) [Bonne série de notices biogi-aphiques, bien
documentées d'après les archives de l'ancien évèché, sur B. de Camelin
(1599-1637), Pierre de Camelin (1637-1651), Zongo Ondedei (165-1-1674),
l'ami de Mazarin qui participa aux conférences de l'île des Faisans,
B.-A. de Clermont-Tonnerre (1675-1678), Louis d'Anglure de Bourlemon
(1679-80), Luc d'Aquin (1780-97), Louis d'Aquin (1697-99), André-Hercule
de Fleury (1698-1715), P.-J. de Castellane (1715-1739), Martin du Bellay
(1739-1766) et enfin Emmanuel-François de Bausset (1766-1802). A pro-
pos de Fleury, l'auteur réfute d'une façon probante certaines accusa-
tions de Saint-Simon et montre les qualités administratives du person-
nage. Il est regrettable qu'il n'ait pas insisté suffisamment à propos de
Bausset sur la période constitutionnelle. Bonne table onomastique et
liste des souilles.] — P. 333-57. E. Poupé. La démolition du château de
Flayosc (3 mai 1792). [Très curieux épisode de la Révolution dans le Var.
Elle fut la première d'une série. Condamnée par les administrations du
district et du département, elle fut approuvée par l'Assemblée législa-
tive. Elle fut faite en deux jours, les 3 et 1 mai 1792. D'autant plus carac-
téristique que le marquis de Villeneuve n'était pas particulièrement mal.
vu de ses vassaux. Dès 1790, on avait exigé l'abandon par lui de la tri-
bune seigneuriale de l'église et l'effacement des armoiries sur son car-
rosse; les archives du château furent pillées avant la destruction qui,
après ces démêlés administratifs, fut achevée aux frais de la commune.
li' Histoire généalogique de la inaison de Villeneuve donne de ces
faits un récit tendancieux et souvent inexact. Bonnes pièces justifica-
tives.] — P. 357-504. E. PoupÉ. Histoire du collège de Draguignan.
(Suite, et fin au t. XXIII.) [Déjà paru en volume. Cf. notre compte
ïendu. Annales du Midi, XII, 430.]
Tome XXIII, 1900-1901.
P, vin-xii. A. R.\MPAL. Les papiers de F. de Bausset-Roquefort, arche-
vêque d'Aix. [Description sommaire d'une liasse de documents relatifs à
ce prélat ou émanés de lui, appartenant au bibliophile M. P. Arbaud.]
— P. XIV. E. PoupÉ. Etablissement du gouvernement consulaire dans
le Var, en l'an VIII. [Fut bien accueilli par la population. Communica-
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 277
tion orale.] — P. xvi. Mireur. Note sur les bâtiments dits cour royale.
[Transférée de Fréjus à Draguignan, au xiii= siècle.] — P. xvni. Raffin.
Affiche administrative du général de Coincy, relative aux troubles de
1789 et imprimée en provençal. — P. xxv-xxxii. Poupé. L'instruction
publique à Correns sous l'ancien régime. [Du xvi= siècle à 1789. D'après
les archives communales. ] — P. xlv. Mireur. Le café Buisson ou du
Var. [A Draguignan, milieu du xix« siècle; le fils du patron, le rénova-
teur du galoubet, a été le modèle (odieusement caricaturé, d'après les
Dracénois) de l'inoubliable Valmajour.] — P. li. Aubert. Notice sur
Trigance [et son château, pillé pendant le séquestre, sous la Révolu-
tion].
P. 1-175. Poupé. Histoire du collège de Draguignan. (Fin.) [VIII. Sous la
République et le premier Empire (1792-1815). IX. De la Restauration à
nos jours (1899); pièces justificatives importantes et bien choisies,
listes de professeurs, palmarès des ans xi à xiii, programmes scolai-
res, etc.; tables onomastiques copieuses.] — P. 471-94. Poupé. L'élection
des députés du Var â l'Assemblée législative, â la Convention nationale,
au Conseil des Anciens et au Conseil des Cinq-Cents. [D'après les
Archives nationales et départementales. Nomenclati;res avec d'utiles
éclaircissements.] — P. 498. Fernand Cortez. La seigneurie de Séail,
commune de Callas (Var). [Rectifie le nom vulgaire de Séalt, corrup-
tion de Séail (Cesalium, Sceail, Seailhe, Seayl) ; Séalt ne date que de
1780 environ. Donne les listes des seigneurs d'après les titi'es de la pro-
priété, aujourd'hui morcelé en petit et grand Séail. Peu de renseigne-
ments historiques et sociologiques.] L.-G. P.
II. Bulletin de l'Acadétnie du Va)\ LXX« année, 1902.
p. xvn-xxxviii. Comptes rendus des séances. — P. 1-13. R. Vidal. La fabri-
cation delà pourpre romaine à Toulon. [Etude technique des matériaux
employés. Aucune référence.] — P.75-91. Archer. Lichtenberg. [Mémoi-
res originaux sur la défense de ce fort par le sous-licutenant Archer,
du 96°, du 5 au K) août 187U; il y mourut trente-quatre Français et cent
quatre Allemands.] — P. 95-106. Roustan. Discours. [Notices sur les
trois architectes de la cathédrale de Marseille, Vaudoycr, Esperandieu,
Révoil.] L.-G. P.
Vaucluse.
Mémoires de l'Académie de Vaucluse, 2« sér.,t. 111,1903.
Fasc. 1. — P. 1-21. D'' Pansier. Arnaldi de Villanova. i/fcc^^Hi- regiminis
de confortatione visus. [Publie pour la première fois, d'après le cod. 173
278 ANNALES DU MIDI.
(lo la Bibliotlièquo de Motz, ce traité intéressant cFoculistiqae. Notice
biographique peu originale et renvoyant peu aux sources.] — P. 21-41.
Delmas. Essai sur l'histoire de Seyne-les-Alpes. (Suite, p. 169-225, et à
suivre.) [Monographie communale d'après une documentation de
seconde main : par exemple, pour le siège de 1585, il cite longuement
Louvet, Histoire des troubles, et ignore les Mémoires de Du Virailh,
source de Louvet.] — P. 41-55. Laval. Joseph-Agricol Viala, sa nais-
sance, sa mort, sa glorification. (Suite et fin, p. 111-14.) [Très bonne étude
critique; détermine les circonstances précises et la date de la mort de
Viala: démontre contre Poultier qu'elle ne fut pas la conséquence d'une
« polissonnerie mal prise »; que l'oncle d'Agricol, Moureau, se fit une
grande réclame personnelle et profitable avec le cadavre.]
Fase. 2 et 3. — P. 71-93. Destandau. Documents inédits sur la ville des
Baux. [Confirmation des privilèges de la ville, de Jean Arlatan (1430) ;
privilèges accordés parle roi René (1438). (Arch..des Bouches-du-Rhône,
Lilii 265 V., Leonis 160 v.); les suites d'une élection aux Baux, en 1650.]
— P. 155-69. Découvertes archéologiques intéressant le département de
Vaucluse : Sauve. Découvertes à Apt. [Dans le domaine du Clos ; lampes,
poteries, inscriptions, dont une Beo Mercurio Mithrce]. Labande. Dé-
couverte d'inscriptions et antiquités à Vaison, Ménerbes, Cavaillon et
Malemort. Les fresques de Simone Memmi au porche de la métropole
d'Avignon. [Copiées en 1903 par Yperman, pour la Commission des
monuments. Signalons à M. A. Hallays un exploit des vandales avi-
gnonuais : « N'a-t-on pas encore gravement endommagé ces vieilles
peintures, il y a quelques mois, par la pose d'une décoration de dra-
peaux qui a fait tomber de nombreux morceaux de plâtre? »] — P. 225-36.
Labandk. Notice [et bibliographie] de l'archéologue Sagnier.
L.-G. P.
NÉCROLOGIE
M. Louis Gtjibert, qui est décédé subitement, le 14 janvier
dernier, dans sa soixante-quatrième année, a été durant vingt-
cinq ans le principal représentant de l'historiographie du Limou-
sin. Son nom aura acquis une valeur durable par quelques ouvra-
ges où s'allient à une connaissance approfondie des sources une
critique suffisante et une exposition claire. Tels la Destruction
de Tordre et de l'abbaye de Grandmont (1877), le Parti girondin
dans la Haute- Vienne (1878), Chalucet '(1887), la commune de
Saint- Léonard de Noblat (1891), Laron (1893), VArt rétrospectif à
Vexposition de Limoges (1887) et une multitude de brochures qui
sont les membra disjecta d'une histoire générale de Limoges,
en deux volumes, que construisait l'auteur. M. L. G a aussi atta-
ché son nom à la publication des Registres consulaires de Limo-
ges, des principaux Documents relatifs à l'histoire des deux villes
de Limoges et des Livi-es de raison limousins et marchois (cf.
Annales du Midi, III, 391 ; VI, 98; VII, 330; IX, 356; XI, 90; XV,
432; XVI. 149). La mort de ce laborieux érudit creuse un grand
vide dans la Société archéologique du Limousin, dont il était
l'âme, et met un grand deuil au cœur de tous ceux qui l'ont
connu. A. L.
CHRONIQUE
La Société d'études provençales dont nous avions parlé l'an der-
nier (t. XV, p. 261) est constituée; elle vient de publier le pre-
mier fascicule de ses Annales. Bonne chance et longue vie au
nouveau périodique et à la Société savante dont il est l'organe î
M. Louis Batcave nous annonce la fondation d'une Revue du
Béarn et du Pays basque, qui essaiera de grouper toutes les for-
ces scientifiques de la région; la revue nouvelle, qui comblera
une véritable lacune, s'est assuré de précieuses collaborations :
celles de MM. JuUian, Henri et Paul Courteault, Dubarat, dont
les Etudes religieuses fusionnent avec elle. Nous lui adressons
nos cordiaux souhaits de prospérité. Le premier numéro de la
Revue a déjà paru.
M. Luchaire, professeur d'histoire du moyen âge à l'Université
de Paris, membre de l'Institut, a trouvé, dans une reliure, la
valeur de 15 pages d'un texte bien connu, la Vie de saint
Hugues, évêque de Grenoble, par Guigue, prieur de la Char-
treuse f 1 132. Elles appartenaient à un superbe manuscrit, écrit
sur deux colonnes en très belle écriture de la première moitié
du xiie siècle, presque sans abréviations. M. Luchaire a cons-
taté : 1" que le texte de ce fragment ne diffère que par des chan-
gements sans importance de celui qui a été publié dans les Acta
Sanclorum; t'^ que, comparaison faite avec les mss. que la Bi-
bliothèque nationale possède de la vie de saint Hugues, son
CHRONIQUE. 281
fragment de ras. paraissait très supérieur aux autres et sans
doute plus ancien, plus même que le ms. lat. 5312, qui est le
plus beau de tous. Il en a fait don à la Bibliothèque nationale.
Le mont Jouer, qui a fourni déjà de nombreux vestiges d'une
ville romaine, recèle encore beaucoup de vestiges antiques que
la Société archéologique de la Creuse découvre peu à peu au
cours des fouilles pratiquées sous ses ordres.
On vient de mettre à jour l'enceinte d'un théâtre admirable-
ment conservé, puis une statue qui, bien que mutilée, a gardé
plusieurs détails assez nets, le bras gauche, le buste, le com-
mencement du bras droit. On distingue sur la poitrine un man-
teau retenu par la main gauche.
Trois autres statues, découvertes en même temps, mais moins
complètes, ont été aussi exhumées.
Chronique du Gard.
Nimes. — Au musée archéologique, l'événement le plus saillant
a été l'entrée de la statue découverte à Grézan en igoi. M. Salo-
mon Reinach a fait à l'Académie des Inscriptions, au sujet de
ce monument très archaïque, une communication ofi il consi-
dère la statue comme une œuvre indigène. Elle représente un
guerrier debout, avec lourde coiffure se prolongeant sur les
épaules, torques, cuirasse à ornements métalliques et ceinture
à boucle. « Tout en trahissant, comme les plus anciennes figures
de l'Etrurie, l'influence de l'art gréco-ionien, elle présente un
caractère sui generis qui en accroît encore l'importance pour
l'histoire de l'art. » M. Reinach incline à la rapporter, comme
les deux statues en pierre de Velaux (musée de Marseille), au
v« siècle avant notre ère et à y reconnaître un art gréco-celti-
que ou gréco-ligure encore inconnu (séance du 10 mai 1901).
Parmi les inscriptions , c'est celle d'Ej^tYyopst? MoMXkzoç, qui
a naturellement reçu le meilleur accueil. (Cf. Annales du Midi,
t. XIV, 586.)
Je dois exprimer ici un regret, c'est que le musée épigraphi-
que et archéologique n'ait plus de conservateur attitré. On
perdra ainsi plus d'une occasion d'acquérir des monuments
locaux.
282 ANNALES DU MIDI.
L'attention de la Commission archéologique a été appelée sur
un curieux et obscur phénomène de salpêtration, qui altère gra-
vement les pierres de l'amphithéâtre romain, dans une région
limitée aux impostes du rez-de-chaussée de la façade extérieure
méridionale. Les pierres neuves se décomposent comme les
autres , après un certain temps de contact avec les pierres
malades. Ce sont des blocs de calcaire néocomien. Si quelque
archéologue ou architecte peut nous indiquer la cause du mal
et un remède efficace, il nous rendra grand service.
La collection numismatique de la Maison-Carrée s'enrichit
régulièrement par des dons particuliers, beaucoup provenant
d'étrangers de passage
Saint-Gilles. - M. l'abbé Nicolas amasse activement des ma-
tériaux pour sa future Histoire de Saint-Gilles. Il se propose de
publier à part, dans les Mémoires de l'Académie de Nimes. le
manuscrit laissé par Raybaud (Biblioth. d'Aix, 338-339), en deux
volumes, sur l'histoire du grand prieuré de Saint-Gilles. Cette
publication est désirée depuis longtemps.
Les voûtes de l'église de Saint-Gilles sont devenues un sujet
de discussion entre les archéologues, sans qu'ils se soient mis
d'accord. MM. Brutails, Marignan, de Lasteyrie ont fait con-
naître leurs vues à ce sujet. L'inscription de 1 116, dont M. l'abbé
Nicolas a donné un excellent fac-similé dans les Mémoires de
l'Académie de Nimes de 1900, ne laisse pas d'être embarrassante.
Mais à force d'observer et de réfléchir, on finira bien par résou-
dre le problème de la date de ces voûtes. E. Bondurand.
Chronique générale.
— Le Tableau de la géographie de la France, par P. Vidal de la
BlacheS est fait pour surprendre ceux-là même qui attendaient
le plus d'un tel maître : le résultat passe leurs prévisions. Il n'y
a pas seulement ici domination parfaite des éléments multiples
et si divers de la connaissance géographique, effort constam-
ment heureux pour marquer entre eux le lien, pour faire sortir
des rapprochements les idées; il n'y a pas seulement abondance
des vues ingénieuses ou profondes, agencement des parties aisé,
1. T. I, 1" partie, de E. Lavisse, Histoire de Fra?ice, etc. Paris,
Hachette, 1903 ; in-8» carré de 39& pages.
CHRONIQUE. 283
souple, délicat, modelé sur la nature, varié et harmonieux
comme la France elle-même, — combien différent des cadres en
quelque sorte brutaux et tracés d'avance de la géographie
usuelle ! — Ce Tableau, à notre gré, possède d'autres mérites, plus
rares encore : le sentiment fin et pénétrant de la vie propre à
chacun des pays qui composent notre France, vie du sol et vie
des hommes, dans le présent et dans le passé; et ce sentiment
est si personnel que parfois il confine à l'émotion. Avec quel
charme discret il s'exprime! Sur cet ouvrage de science un sobre
parfum littéraire est répandu : rien de l'outrance prétentieuse
des professionnels de la description; rien non plus du jargon
des spécialistes, économistes ou géologues, sorte de«volapuck »
que trop de géographes, hélas, se font un devoir d'adopter. La
mesure parfaite avec laquelle ont été dosées les notions d'ordre
scientifique, qui a présidé à la composition, apparaît aussi dans
le rendu, dans le style. — C'est par là que vivra ce livre. Il
est probable qu'au bout du siècle qui commence les progrès
accomplis dans le domaine des sciences physiques et naturelles
et dans celui des sciences humaines auront introduit des connais-
sances nouvelles et fait surgir aux yeux des rapports que nul
ne soupçonne maintenant. Sur beaucoup de points l'œuvre de
M. V. de L. devra être reprise, corrigée, accrue. Mais, outre
qu'une part est définitive, lui-même y demeurera, avec ses qua-
lités d'esprit éminentes ou charmantes, avec son cœur aussi,
sa préoccupation anxieuse de scruter les énergies qui résident
dans notre sol national, celles qui se sont déjà révélées et celles
qui dorment encore, attendant leur tour : « Nous croyons fer-
mement, dit-il, que notre pays tient en réserve assez de res-
sources pour que de nouvelles forces entrent en jeu et lui
permettent de jouer sa partie sur l'échiquier indéfiniment
agrandi... » Et plus loin, parlant de la «stabilité française» et de
ses causes profondes, il ajoute : « Chez les peuples de civilisa-
tion industrielle qui nous avoisinent, nous voyons aujourd'hui
les habitants tirer de plus en plus leur subsistance du dehors ;
la terre, chez nous, reste la nourricière de ses enfants. Cela
crée une différence dans l'attachement qu'elle inspire. » — Les
méridionaux liront avec un intérêt particulier les livres II
(Saône et Rhône, région lyonnaise, Alpes françaises, Massif
central), III (Ouest) et IV (Le Midi : Midi méditerranéen, pyré-
néen, océanique).
284 ANNALES DU MIDI.
— Les historiens, professionnels ou amateurs, manquaient d'un
manuel préparatoire et, si l'on peut dire, d'une grammaire de
leur art. Ils procédaient en autodidactes, d'instinct, en comptant
sur la justesse de leur esprit, sans se soumettre à une gymnasti-
que rationnelle; mais le mérite personnel ne remplace pas les
saines habitudes qu'impose une discipline sévère. Si la critique
discerne des parties faibles dans l'œuvre considérable du
xix^ siècle, cela tient pour beaucoup au manque d'éducation
professionnelle des historiens. La lacune que présentait notre
littérature sur ce point a été comblée par MM. Ch.-V. Langlois
et Ch. Sei&nobos dans leur Introduction aux éludes historiques'^.
Il convient, quoique un peu tardivement, de donner un bref
aperçu des matières qui y sont traitées.
Tout travail historique débute par la recherche des documents
[heuristique): l'outillage nécessaire à cet effet se perfectionne de
jour en jour, et parmi les plus utiles instruments mis à la disposi-
tion des savants, il faut citer en première ligne les ouvrages de
Ch.-V. Langlois, celui qu'il a publié en collaboration avec Stein
sous le titre à' Archives de l'histoire de France, 1891, et son
Manuel de Bibliographie historique, dont le premier volume traite
des instruments de la bibliographie, tandis que le second, qui
vient de paraître 2, est consacré à l'histoire et à l'organisation
des études historiques; en quelques traits, d'une justesse et dune
précision remarquables, on y trouvera caractérisées les oeuvres
de nos anciens érudits.
Les chapitres qui suivent montrent par quelle série d'opéra-
tions délicates l'historien remonte du document au fait, dont le
document n'est que le vestige souvent bien altéré. On touche du
doigt l'infériorité de l'histoire par rapport aux sciences physi-
ques. L'historien, disent nos auteurs, « est dans la condition
d'un chimiste qui connaîtrait une série d'expériences seulement
par les rapports de son garçon de laboratoire » ; nous ajoute-
rons : et qui ne peut pas les refaire. C'est une bonne raison pour
1. Paris, Hachette, 1899; in-8° de xvm-308 pages. 2' édition.
2. Paris,S;Hachette, 1904; in-8» de 622 pages. — On pourra consulter
aussi Gavet, Sources de l'histoire des institutions et du droit fran-
çais. Manuel\de bibliographie historique. Paris, Larose, 1899; in-8° de
xi-783 pages. Puis Aug. Momnier, Les sources de l'histoire de France.
Paris, Picard, 1901-1903; 3 vol. in-S» de yiii-288, 326 et 252 pages :
manuel excellent. *
CHRONIQUE. 285
appliquer avec la dernière rigueur les principes de la critique ;
nous ne possédons pas d'autre moyen de nous rapprocher de la
vérité.
A cette première phase de l'œuvre historique qui n'est qu'une
longue et patiente analyse, succède la synthèse ou construction
à l'aide des matériaux dégrossis, épurés, choisis; il s'agit
surtout, dit-on, de grouper les faits dans des cadres et de les
condenser en formules, <.< afin d'en dégager les caractères géné-
raux et les rapports »; après quoi il ne reste plus qu'à exposer
les résultats obtenus. L'étude de ces procédés synthétiques, à
l'aide desquels la science de l'histoire doit dire son dernier mot,
est particulièrement délicate; on n'en méconnaîtra pas le vif
intérêt, quoique les auteurs du livre dont nous parlons n'aient
pas réussi à éviter, autant qu'il aurait fallu, l'écueil de l'abs-
traction vers lequel, il est vrai, leur sujet les entraînait.
— Réunir dans un ouvrage de caractère assez élémentaire pour
être à la portée des étudiants, d'étendue assez réduite pour être
d'un maniement commode et de prix assez peu élevé pour être
aisément acquis, toutes les notions de quelque importance rela-
tives aux sources, aux institutions et aux doctrines du droit pu-
blic et du droit privé de la France, depuis les origines les plus
lointaines jusqu'à la Révolution inclusivement; joindre à une
exposition nette et vivante de toutes les matières des indica-
tions de sources si précises et des renseignements bibliographi-
ques si abondants que ce livre d'enseignement fût en même
temps pour tous les chercheurs un précieux instrument de tra-
vail, c'était là une tâche dont l'utilité n'avait pas besoin d'être
signalée, mais devant les difficultés de laquelle il n'était per-
sonne qui n'eût jusqu'à présent reculé. Ce travail, qui exigeait,
indépendamment de la plus vaste érudition, la sûreté de juge-
ment nécessaire pour dégager de l'inflnie variété des dispositions
de notre droit ancien les règles qui, pour une époque et une ré-
gion déterminées, expriment la vérité moyenne, a été entrepris
avec plein succès par M. Brissaud^ et vient d'être mené par lui
à bonne fin.
Son livre comprend, outre une introduction (pp. 1-20), trois par-
1. Cours d'histoire gcnérale du droit français public et privé. Pa-
ris, Fontemoing, 1904; in-8° de vi-.1892 pages (en 2 vol.).
286 ANNALES DU MIDÎ.
ties consacrées aux sources (pp. 20-4i6), au droit public (pp. 41*-
iOOO) et au droit privé (pp. 1000-1783), puis une longue et très
utile liste alpbabétique.des anciens jurisconsultes (pp. 1801-1817),
enfin un index alphabétiquei(pp. 1819-1882) et la table.
Nous ne pouvons analyser en quelques lignes ce sujet immense.
Qu'il nous suffise d'insister sur l'un des grands mérites du livre
de M. B., qui le distingue des quelques très bons ouvrages ana-
logues déjà parus : son caractère général. On saura dorénavant,
pour toute question d'histoire du droit français, où trouver faci-
lement des renseignements le plus souvent suffisants et permet-
tant, en tous cas, d'amorcer de nouvelles recherches. Au point
de vue de l'histoire du droit privé notamment, notre auteur nous
rend le plus signalé service. En fait d'ouvrages généraux, il n'y
a rien à notre connaissance, dans la littérature française ou
étrangère, qui soit à beaucoup près aussi complet que le sien.
Les institutions juridiques du midi de la France, qui intéressent
particulièrement les lecteurs des Annales, ont été étudiées avec
une compétence spéciale par M. B. qui est attaché à notre région
par ses fonctions comme par ses origines. On le consultera avec
profit sur les consulats, sur les coutumes méridionales, sur le
régime dotal et en général sur les institutions de droit écrit,
dans l'étude desquelles il a été servi par sa connaissance appro-
fondie du droit romain. Ajoutons enfin que ce livre, d'où l'érudi-
tion n'exclut aucunement l'originalité, est écrit d'une plume
alerte et qu'il est d'une lecture attrayante.
— Le cadre spécial de cette revue ne nous permet que de signa-
ler l'étude historique publiée par M. d'ARBOis de Jubainville
sous le titre suivant : Les Celtes depuis les temps les plus anciens
jusqu'en Van 100 avant noire ére^. Il y est question, non pas
comme on pourrait le penser, des institutions celtiques, mais de
l'histoire des établissements successifs des Gaulois dans l'Europe
occidentale et même sur le Danube. Les lecteurs des Annales du
Midi trouveront à la p. 79 et s. des détails sur les Gaulois dans
le midi de la France et dans la Péninsule ibérique. Comme c'est
surtout à l'aide de la philologie que M. d'A. de J. reconstitue
l'histoire celtique et évalue l'importance de cet élément ethno-
graphique dans la formation de notre nationalité, les celtisants
1. Paris, Foutemoing, 11)04; in-8» de.xii-22U pages.
CHRONIQUE. 287
seuls peuvent se prononcer sur les thèses qu'il soutient. Elles
étaient déjà connues, d'ailleurs, par son livre Les premiers habi-
tants de l'Europe (2« éd.) et par divers articles de la Revue cel-
tique.
— Nous avons dit dans une précédente Chronique (t. XIV,
p. 271) tout le bien que nous pensions de ['Histoire de Vlnquisi-
tion au moyen âge de H. Ch. Lea. Depuis, le dernier volume a
paru'; c'est le plus considérable; il ne le cède nullement aux
deux autres en intérêt; mais il se rapporte moins directement à
notre histoire méridionale. On y trouvera les détails de la lutte
entreprisepar l'Inquisition contre les hérésies des Spirituels, des
Fraticelles : ni de l'une ni de l'autre le Midi n'est resté indemne.
On y peut voir aussi comment l'Inquisition a été mise au service
des intérêts politiques des papes, des rois : ceux qui les gênent,
les Templiers. Jeanne Darc, sont accusés d'hérésie; comment elle
a procédé contre les magiciens, les sorcières, et avec quelle
aflfreuse rigueur! Par contre, son inaction à l'égard des opinions
philosophiques, son indifférence complète en matière de vente
des indulgences, de simonie, etc., ont permis aux novateurs de
s'emparer des esprits éclairés, à la chrétienté occidentale d'as-
sister à la progressive démoralisation de l'Eglise et, partielle-
ment, de s'en détourner.
— Le tome le' des Origines de l'ancienne France de M. Jacques
Flach date de 1886. Il consistait dans une étude sur le régime
seigneurial, sur le patronage dans la société germanique et dans
l'Etat franc, enfin sur la dissolution de l'Etat franc; on y trou-
vait d'intéressants détails sur la formation des droits féodaux.
Le t. II (1896) fut consacré à l'émancipation des communes, à la
féodalité et à la chevalerie; personne jusqu'alors n'avait, aussi
bien que M. F., décrit la constitution des villes du moyen âge,
cités et bourgs, sauvâtes et bastides; à propos de la féodalité, il
s'élevait contre les théories de Fustel de Coulanges et soutenait
le caractère personnel de l'ancienne féodalité. Le tome III qui
vient de paraître ^ et qui sera complété par un tbme IV, relatif à
1. Trad. S. Reinach. Paris, Soc. nouv. de libr. et d'édit., 19(«. T. III ;
in-12 de 898 pages.
2. Paris, Larose et Forcel, 1904; in-S" de 580 pages,
288 ANNALES DU MIDI.
l'Eglise, traite de la reconstitution de l'Etat par la royauté et le
principat (c'est-à-dire par les principautés ou seigneuries féo-
dales).
M. F. rabaisse l'importance du contrat féodal ou concession de
flef dont on a l'habitude de faire le pivot de la société au moyen
âge. C'est là, d'après lui, un fait artiflciel, secondaire, posté-
rieur, qu'on ne saurait comparer pour l'importance à la fidélité,
fondement sur lequel l'Etat s'est reconstitué. La fidélité n'est
pas contractuelle, mais imposée; chaque homme est attaché par
sa naissance à une région et à une famille données; il a une
allégeance naturelle ou, pour parler comme M. F., une foi lige
naturelle (d'après lui, lige ne viendrait pas de ledig, comme on le
croit communément, mais de leodius. peuple, et, par extension,
public, légal). Le bien résultant de l'hommage féodal ne dépend
en rien de la situation géographique ou des rapports de famille;
on pourrait le qualifier d'allégeance politique. Cette allégeance
acquiert de l'importance en Normandie, en Flandre, dans le
comté de Barcelone. Il n'en est pas de même au midi de la
France où l'allodialité des terres persiste et prévaut sur la
concession féodale; où le groupement est essentiellement per-
sonne] et familial; le lieu féodal y est très lâche; la foi est
engagée à plusieurs seigneurs et se ramène souvent à un ser-
ment de sécurité dans lequel les historiens du Languedoc ont eu
le tort de voir un hommage ; il serait beaucoup plus exact de
parler d'alliés, de confédérés, d'associés que de suzerains et de
vassaux ; il est impossible de fixer les limites des seigneuries.
Nous citons ici textuellement M. F. et nous renvoyons le lecteur,
pour la justification de ces idées, à l'appendice (p. 94 et s.) sur le
fief languedocien de 900 à 1071 : M. F. nous y fait assister à « la
lente diffusion du mot /èM(^Mm et à l'élaboration non moins lente
de la notion du fief proprement dit »; il estime que de 1050
à 1071 le mot fevutn est devenu d'un emploi assez fréquent,
mais que sa signification n'est pas encore pleinement technique.
Les groupements sont donc plutôt personnels que territoriaux.
M. F., à ce propos, s'occupe des circonscriptions ecclésiasti-
ques et administratives, du comitatus (ce qui, d'après lui, ne
doit pas s'entendre d'une circonscription territoriale), des droits
de gîte et de procuration, auxquels il attribue un caractère tout
personnel. La plupart des historiens, à la suite des feudistes. ont
considéré les rois des x« et xi« siècles plutôt comme des suzerains
CHRONIQUE. 289
que comme des rois ; à la suite de MM. Luchaire et Pflster. M. F.
combat cette théorie ; il dégage le pouvoir royal de son alliage
féodal. Plus encore que M. Luchaire, il critique la. division de la
France en pays d'obéissance le roi et pays hors l'obéissance le roi,
en s'appuyant sur l'édition (due à M. P.VioUet) des Etablissements
de saint Louis d'où cette distinction avait été tirée (p. 215). Il
discute le problème embarrassant des droits de la royauté sur
l'Eglise (p. 272). Il expose la théorie assez négligée du ban royal
(p. 339). Il revient sur le problème de la pairie (p. 413), sur l'or-
ganisation de la Cour du roi (p. 429), sur l'ost et le trésor du
roi (p. 484). L'ouvrage se termine par plusieurs chapitres sur les
rapports avec la royauté de quelques grandes principautés féo-
dales du nord de la France.
- L'œuvre capitale où M. Paul Violleti a décrit nos ancien-
nes institutions, est arrivée à sa fin. Nous n'avons pas à en faire
ressortir les mérites de premier ordre : une érudition prodigieuse
à laquelle n'échappent pas les détails en apparence les plus insi-
gnifiants, un esprit ingénieux, personnel, qui sait tirer parti des
moindres documents, qui porte allègrement le faix accablant de
matériaux de jour en jour plus nombreux, accumulés par des
légions de travailleurs, qui sème partout dans ce tableau de no-
tre ancien droit public, brossé à grands traits, des vues origina-
les, fines, profondes. Il faut renoncer à en donner un compte
rendu détaillé. Il touche à trop de choses. Mais nous nous
reprocherions de ne pas signaler aux lecteurs des Annales du
Midi les principaux points relatifs à notre histoire méridionale :
l'analyse des institutions communales ou corporatives, les re-
cherches sur les Etats provinciaux et les Chambres des comptes
des provinces, enfin le chapitre concernant les finances. Une
table alphabétique de 70 pages permet de retrouver rapidement
chacune des matières qui y sont traitées. En terminant, expri-
mons un regret : pourquoi faut-il que ce volume soit le dernier?
Les lecteurs de M. V. espéraient qu'il ne s'arrêterait point au
seuil des temps modernes, mais qu'il les conduirait du moyen
âge jusqu'à la Révolution.
1. P. Viollet, Histoire des institutions politiques et administratives
de la France, t. III« et dernier, Paris, Larose, 1903; in-S" de 601 pages.
ANNALES DU MIDI. — XVI. 19
â9Ô ANNALES DU MIDI.
— Le Parlement de Paris a joué un trop grand rôle dans l'his-
toire de notre ancienne France pour qu'on ne trouve rien de
relatif au Midi dans un livre comme celui de M. Ducoudray.
Les Origines du Parlement de Paris et la justice aux xiip et xiv^
siècles ». II y est question des coutumes méridionales (p. 720), de
l'origine des Parlements provinciaux (p. 985), et çà et là de faits
concernant le Midi, ainsi qu'il est facile de s'en assurer en con-
sultant l'index alphabétique.
— M. G. Picot a réuni les actes qui subsistent aux Archives
nationales concernant les États généraux célèbres de 1302, 1303
et 1308; il en a fait un gros volume*, qui aurait été plus consi-
dérable encore si, aux actes du dépôt parisien, l'éditeur avait
joint ceux que possèdent les archives de province, tant inédits
qu'imprimés déjà. Ceux-ci tout au moins auraient dû être indi-
qués en note à leur date. La partie neuve de la publication con-
siste dans les lettres de convocation émanées du roi et dans les
lettres de procuration données par le clergé, la noblesse, les
villes. Nous n'avons pas même d'autres documents, pas le moin-
dre procès-verbal, pour les Etats tenus à Tours en 1308. Les pou-
voirs donnés par les villes à leurs délégués ne nous renseignent
pas seulement sur les États, mais aussi sur les villes elles-mê-
mes, sur leurs institutions municipales, parfois sur le dénom-
brement de leurs habitants. Une foule de communautés du Midi
sont ainsi représentées, par un ou plusieurs textes, dans ce vo-
lume. Ajoutons que les assemblées de juillet-août 1303 ont eu
lieu à Montpellier, à Nimes, à Carcassonne. Les documents pu-
bliés appartiennent donc en grand nombre à notre histoire méri-
dionale. — Des fautes. Ainsi (n" cxiv, p. 159) le texte oiî il est
question des offlciers de la cour du seigneur abbé d'Aniane est
traduit dans une note marginale comme si cour, abbé, seigneur
étaient trois personnages distincts. P. 253, n'^ clxvii. Texte ; ad
sonum amphili; et en note : « Serait-ce le nom de la cloche de la
ville? » Il faut lire namphili = trompette; cf. plus haut p. 161 :
ad sonum tube sive namphili, etc.
— Les deux derniers volumes du magistral ouvrage de
1. Paris, Hachette 1902, iii-S" de xviii-1058 pages.
2. Documents relatifs aux États généraux et assemblées réunis sous
Philippe le Bel. Paris, impr. nat., 1901; iu-i» de lxii-85S pages. (OoUect.
des doc. inédits.)
CHRONIQUE. 291
M. N. Valois, La France et le grand schisme d'Occident^, doivent
beaucoup aux archives de Provence, de Languedoc, du Dau-
phiné, notamment à celles de l'Isère et de l'Aveyron. Un grand
nombre des événements qu'ils racontent ont eu le Midi pour
théâtre et l'ont affecté immédiatement. C'est à Avignon que
l'Aragonais Pierre de Luna a été élu contre le pape italien (1 394);
dans le célèbre Palais des papes que Boucicaut, agissant au
nom de la cour de France, est venu l'assiéger; en Provence, sur
les terres de Louis d'Anjou, puis à Perpignan, chez le roi d'Ara-
gon, qu'il s'est réfugié, qu'il a réuni le concile (novembre 1415)
avant d'aller s'enfermer dans l'inaccessible château de Pefiis-
cola. Il avait dans le Midi plus de fidèles que partout ailleurs :
parmi les membres du haut clergé, — ainsi les évoques du Puy,
de Saint-Pons — ; à l'université de Toulouse, dont les délégués
soutinrent sa cause (t. III, p. 26.o, 453); parmi les habitants de
cette ville et dans les États de la maison d'Armagnac; le comte
lui-même, à Perpignan, avait refusé de se soustraire à son obé-
dience. En 1419, après que l'élection de Martin V avait terminé
le schisme, ce pape devait reconnaître que « la plupart des ha-
bitants de Languedoc et de Guyenne » restaiant attachés à son
opiniâtre rival. Le dernier électeur d'un antipape fut un Tou-
lousain, Carrier. L'affaire des Trahinier, condamnés à Rodez
comme sectateurs de Carrier, en 1467, est plus probante encore
à cause de la date si tardive où elle se produisit. Mais M. V. a
déjà publié cette partie, si attachante, de son livre dans l'An-
nuaire-Bulletin de r Histoire de France, t. XXXVI, et nous en
avons entretenu nos lecteurs [Annales du Midi, t. XIII, p. 262).
— Alphonse V le Magnanime, roi d'Aragon et des Deux-Si-
ciles, a été simultanément l'objet de deux monographies d'im-
portance inégale, l'une parue en Italie, l'autre en cours de publi-
cation en Espagne.
M. Francesco Cerone^ a retracé la politique orientale d'Al-
phonse, avant et après la catastrophe de 1453. Il s'est servi des
archives de Naples et plus encore de documents extraits des
L Paris, Picard, 1901 et 1902, t. III et IV; in-H' de xxiv-632 et de
610 pages.
2. Francesco Cerone, La Politica orientale di Alfonso di Aragona,
Napoli, Luigi Piero e tiglio, 1903; in-S» de 391 pages. (Estratto dall' Ar-
chivio storico per le Prov. Napolet.)
292 ANNALES DU MIDI.
archives de la couronne d'Aragon, à Barcelone. Malheureuse-
ment, le sujet sera à reprendre, car le fonds barcelonais dont
M. G. a tiré ses pièces les plus signiflcatives n'a été dépouillé
que très incomplètement, de l'aveu même de l'auteur.
D'autre part, D. José Ametller y Vingas, le consciencieux et
éclairé collectionneur de Gerona, avait préparé et rédigé par-
tiellement une histoire de la conquête de Naples par Alphonse.
Après la mort de D.José A., le chanoine Collell s'est chargé de
la publication de son ouvrage i. Il comprendra trois volumes, et
le premier, déjà paru, conduit le lecteur jusqu'à la bataille de
Ponza, en 1435. Cette étude approfondie, pour laquelle les docu-
ments italiens et barcelonais ont été mis à contribution, promet
de combler une lacune à la fois dans l'histoire de l'Aragon et
dans l'histoire de l'Italie au xv« siècle.
{A suivre.) J. Brissaud, J. Calmette, P Dognon
et P. Maria.
1. Alfonso V de Aragon en Italia y In crisls religiosa del siglo XV.
Primera parte, t. I. Gerona, P. Terres; in-S» de xi-541 pages.
LIVRES ANNONfiÉS SOMMAIREMENT
Bellanger (L.). Etude sur le poème d'Orientius. Paris et Tou-
louse, 1902; in-80 de 351 pages. — Le poème didactique en deux
livres, dont l'auteur, Orientius, nous révèle son nom dans le
distique final, et qui a été composé en Gaule, à l'époque des
grandes invasions :
Mors, dolor, excidium, clades, incendia, luctus,
Uno funiavit Gallia tota rogo,
n'est pas une œuvre sans intérêt. Il est écrit dans une langue
claire, très pure pour le temps, qui a parfois de la vigueur et
un certain éclat, et, quoiqu'il contienne plus de généralités que
de traits précis, il est un témoin intéressant de l'état social et
moral de la Gaule du Sud-Ouest au v» siècle.
M. Bellanger, professeur au lycée d'Auch, a consacré à ce
poème une étude très complète et très consciencieuse dont le
premier et le principal mérite est d'apporter une contribution
très utile à l'établissement et à l'interprétation du texte. Ce texte
repose sur un manuscrit unique (nouvelles acquisitions latines,
n° 257, Bibliothèque nationale; il faut y joindre pour le premier
livre l'édition princeps de Delrio qui reproduit un manuscrit
perdu depuis); il est en un mauvais état; il laisse place trop sou-
vent à la conjecture. Prenant pour point de départ l'édition
d'Ellis dans le Corpus de l'Académie de Vienne,' M. Bellanger en
a discuté tous les passages difficiles avec soin et avec prudence;
il a donné en appendice une bonne traduction annotée du Com-
monitorlum et des deux prières attribuées à Orience. 11 a, de plus,
sur le désir que lui avait exprimé M. Louis Havet à la soute-
294 ANNALES DU MIDI.
nance, complété son travail (qui est une thèse de doctorat) en
publiant une édition critique', qui dispensera le lecteur de
recourir à celle d'Ellis; il nous donne aussi un bon fac-similé
du manuscrit, et son apparat renferme quelques corractions très
ingénieuses, dues à M. Havet.
Tous les chapitres qui comprennant l'étude de la langue, de
la versiflcation, etc., montrent, comme l'édition et la traduction,
de bonnes qualités de grammairien et de latiniste. Il y aurait
quelques réserves à faire sur les autres. Quel est l'auteur du
poème? M. Bellanger l'identifie, comme on le fait d'ordinaire,
avec l'évêque d'Auch, et l'identification est très vraisemblable.
Mais l'évêque d'Auch lui-même ne nous est connu que par des
Yies (au nombre de trois) passablement légendaires. Assuré-
ment, M. Bellanger s'est gardé de les croire sur parole; mais il
n'en a pas fait une critique assez méthodique, et peut-être sur
certains points a-t-il accepté trop facilement leur témoignage.
Ainsi il rejette bien vite (p. 132) les conclusions de M. Lécrivain
{Annales du Midi, i. III, p. 2.ï7) sur l'intervention d'Orience auprès
d'Aétius et de Littorius. Dans les chapitres où il étudie « la doc-
trine et les sentiments d'Orience », M. Bellanger n'a pas fait
assez vigoureusement ressortir les traits caractéristiques ; il ne
les a pas assez nettement dégagés du détail. Je crois aussi que,
malgré le tour général qu'affectent d'ordinaire les préceptes du
poète, il eût été possible de tirer de son ouvrage des inductions
plus précises sur l'état de la société à laquelle il s'adressait.
Mais si, dans sa partie historique, le livre de M. Bellanger pré-
sente quelques lacunes, la partie exégétique et critique en est
solide et sera utile. A. Puech.
Brutails, Ducaunnès - Duval et Bigot. Ville de Libourne.
Inventaire sommaire des Archives municipales, antérieures à
1789. Bordeaux, Gounouilhou, 1903; grand in-4" de 190 pages. —
Il y a bien des choses utiles, même pour l'histoire générale,
dans cet excellent inventaire. P. 1 : procès-verbal de la démo-
lition du château de Fronsac en 1622-4, un des plus dramatiques
épisodes de la destruction des châteaux féodaux sous Louis XIII;
1. Le poème d'Orientlus, édition critique et traductioii. Paris, Fon-
temoing, et Toulouse, Privât, 1903; iii-8° de lv pages. Ces deux parties
ent été réunies en un volume.
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 295
p. 3 et S. : règlement de justice et de police du xiif siècle; p. o :
ordonnances de l'évêque de Bath sur la fondation de bastides
(cela nous Iburnira-t-il l'étymologie de cette bastide de Bâa, si
longtemps cherchée par M. Béraont?); p. 6 : documents sur l'his-
toire économique sous Louis XI (le merveilleux économiste que
ce roi!); p. 41 : installation de la fameuse Cour des Aides de
1633, si odieuse au Parlement de Bordeaux; p. 15 : détails d'un
grotesque symbolisme sur l'entrée du duc d'Epernon en 1644;
puis beaucoup de pièces sur les grands travaux projetés par les
intendants au xviii^ siècle, etc., etc. Somme toute, beaucoup
plus de matériaux qu'on ne le croirait au premier abord ; vu le
voisinage de Bordeaux, l'histoire de Libourne a été très mêlée
à l'histoire générale. C. Jullian.
Cabié (E.). Ambassade en Espagne de Jean Ebrard, seigneur de
Saint- Sulpice, et mission de ce diplomate dans le même pays
en 1566. Albi, impr. Nouguiès, 1903; in-S» de xxviii-472 pages.
— Les historiens n'ont pas utilisé jusqu'ici tous les documents
qui auraient pu les renseigner sur les relations politiques de la
France et de l'Espagne pendant le règne de Charles IX. Dans
son ouvrage, M. C. publie sur ce sujet une nombreuse série de
pièces inédites et d'autant plus importantes qu'elles émanent
de personnages ayant joué les principaux rôles dans les événe-
ments du temps.
Ces pièces comprennent des dépêches envoyées par J. de Saint-
Sulpice à la cour de France et aussi celles qu'il reçut lui-même
de Charles IX, de Catherine deMédicis et de leurs ministres. Les
lettres de Catherine sont au nombre d'environ soixante, dont
une trentaine autographes, en entier ou en partie. Mais les
papiers de Saint-Sulpice fournissent encore une foule de missi-
ves qui, tout en appartenant à sa correspondance privée, com-
plètent les informations contenues dans les dépêches officielles.
Elles méritaient également d'être publiées, et on ne peut qu'ap-
prouver l'éditeur de les avoir insérées dans son recueil. Parmi
leurs signataires nous citerons la reine d'Espagne, le roi et la
reine de Navarre, le prince de Condé, la dufchesse de Savoie,
les ducs de Guise et de Montmorency, les cardinaux de Lorraine
et de Châtillon et les ambassadeurs de France dans les capitales
de plusieurs grandes puissances de l'Europe. Il est inutile d'in-
sister sur l'intérêt que présentent les matériaux rais au jour par
296 ANNALES DU MIDI.
M. C. ; le lecteur entrevoit déjà de lui-même combien doivent
être précieuses et abondantes les notions nouvelles que renferme
cet ensemble de sources historiques.
La biographie de J. de Saint-Sulpice étant restée assez peu
connue, l'éditeur a rappelé dans sa préface les principales éta-
pes de la carrière de ce diplomate. Entièrement dévoué à la
France et à son roi, Saint-Sulpice était un modéré qui acceptait
déjà la liberté de conscience comme une nécessité du temps, et
qui ne cessa d'exhorter Catherine à éteindre les querelles reli-
gieuses en recourant aux transactions plutôt qu'à la violence. Par
les relations qu'il avait à la fois avec les cliefs des divers partis,
par sa profonde connaissance des hommes et des choses de son
époque, par la loyauté de son caractère, et aussi par son esprit
conciliant, il paraît avoir excellé dans le rôle de négociateur poli-
tique. La reine-mère le choisit pour préparer les accords qui
furent consacrés par le traité de Bergerac et par l'édit de Poi-
tiers (sept. 'lo77j, et peu d'années après on le retrouve parmi les
hommes d'Etat qui assistèrent aux conférences de Nérac.
Quoique la publication de M. G. soit destinée surtout à éclairer
l'histoire générale de la France, elle se recommande par divers
titres aux travailleurs qui s'occupent en particulier de nos pro-
vinces méridionales. On peut rappeler d'abord que J. de Saint-
Sulpice était originaire du Quercy; c'est dans ce pays, entre
Cahors et Figeac, qu'était situé le château dont il portait le
nom, et qui constituait le principal domaine de sa famille.
D'ailleurs les années 1564 et loGo correspondent au voyage que
la cour de France fit dans la vallée du Rhône, en Languedoc et
en Guyenne, et c'est durant la même période qu'eut lieu la célè-
bre entrevue de Bayonne. Les lettres écrites ou reçues par Saint-
Sulpice reviennent souvent sur ces faits; elles renferment de
curieux détails qui pourront être, désormais, rais à profit par
notre histoire locale. Enfin n'oublions pas que la correspondance
de l'ambassadeur permettra d'ajouter plusieurs traits aux
biographies de divers personnages marquants qui appartien-
nent à la région du Sud-Ouest, et notamment à celles du cardi-
nal d'Armagnac, de Paul de Foix, ambassadeur à Londres, de
Fourquevaux, gouverneur de Narbonne, de Du Ferrier, d'Ant. de
Crussol, de Bertr. de La Mothe-Fénelon, de Biron, de Monluc, de
Lanssac, de Noailles, gouverneur de Bordeaux, et du vicomte
d'Orthe, gouverneur de Bayonne. Paul Doqnon.
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 297
CoNRAT (M.). Breviarium Alaricianum. Leipsig, Hinrichs, 1903;
gr. in 8» de xix-814 pages. — M Max Conrat, professeur à l'Uni-
versité d'Amsterdam, auquel nous devons une Histoire des sour-
ces de la littéralwe du d?'oit romain dans le haut moyen âge
(t. I"",' seul paru, 1891; Leipzig, chez Hinrichs, en allemand,
xi-645 p.), nous donne aujourd'hui une traduction (en allemand)
du Bréviaire d'Alaric avec ce sous-titre : Le droit romain dans
l'empire franc; exposé systématique. Effectivement, ce qui fait
la valeur de cette oeuvre nouvelle, c'est bien moins la traduc-
tion que la mise en ordre, la systématisation du Bréviaire; elle
constitue un traité de droit romain public et privé composé à
l'aide des matériaux dispersés dans la compilation d'Alaric IL
J. Brissaud.
Deslandres (P.). VOrdre des Trinitaires pour le rachat des
captifs. Paris, Pion, Toulouse, Privât, 1903 ; 2 vol. in-S" de xxvn-
645 et 51 4 pages. —Ce livre intéresse le Midi à double titre : d'abord
parce que le fondateur des Trinitaires, saint Jean de Matha, na-
quit en Provence, puis parce que cet ordre posséda de nombreuses
et florissantes maisons dans nos provinces méridionales, notam-
ment à Beaucaire, Castres, Liraoux, Marseille, Montpellier,
Narbonne, Saint-Gaudens, Tarascon, Toulouse, etc. Des deux
volumes dont se compose l'ouvrage, le second est tout entier
consacré à des pièces justiflcatives, et à une bonne table alpha-
bétique.
L'auteur a divisé l'histoire des Trinitaires en quatre parties.
Dans la première il s'occupe de la discipline intérieure de l'ordre,
ce qui comprend l'étude de la règle elle mémo, des fonctions
réservées aux divers dignitaires, de l'organisation et des attribu-
tions des chapitres généraux et des diverses fondations faites par
l'ordre, en particulier au cours du xviii" siècle. — Dans sa seconde
partie, M. D. nous donne un aperçu général de l'histoire propre-
ment dite des Trinitaires, de leurs relations avec les papes, les rois
de France et les évêques. de leurs dissensions intestines, et il nous
renseigne exactement sur la place qu'occupe cptte histoire dans
les grands événements d'ordre national ou international auxquels
elle fut mêlée. La troisième partie est réservée au rachat des cap-
tifs, oeuvre principale des religieux Trinitaires; il est question
ici des ressources de la rédemption et des difficultés pratiques
avec lesquelles les Trinitaires se trouvaient aux prises pour
298 ANNALES DU MIDI.
accomplir leur charitable ministère, au Maroc, à Alger ou à
Tunis. — Enfin la quatrième partie est une monogiaphie, par
ordre alphabétique, de tous les couvents des provinces de
France directement soumis au générnl, monographie forcément
très sommaire, car certains couvents tels que ceux de Toulouse
et de yarseille mériteraient, à eux seuls, tout un volume. —
Quelques intéressants appendices terminent le tome I.
A notre connaissance, les fondateurs de la collection connue
sous le titre de France monastiqup., actuellement en préparation ,
n'avaient pas encore fait place à l'ordre des Trinitaires; l'ou-
vrage de M. D. comblera très heureusement cette lacune.
Abbé Crouzil.
Francus (D'). Notes historiques sur Saint- A grève. Privas, impr.
centrale de l'Ardèche, 1902; in-S*» de 178 pages. — Bornons-nous
à signaler cet ouvrage, car il a paru en articles dans la Rev. du
Vivarais. années 1901 et 1902, et comme tel il a figuré dans nos
dépouillements de Périodiques (t. XIV, p. 568; XV, p. 234). Il
offre les qualités ordinaires aux travaux du D' F. : une connais-
sance intime du pays, de la ville dont il s'occupe et des sources
de son histoire, une grande précision; des défauts aussi, notam-
ment rénumération un peu sèche, en manière de chronique, de
faits qui se suivent par ordre de dates sans toujours s'enchaîner
entre eux A la vérité, en beaucoup de cas. il serait bien difficile
de grouper autrement les renseignements variés que le D' F. a
su recueillir,... à moins d'en sacrifier: et, après les avoir réunis
avec grand soin, en laisser perdre est un parti si pénible à pren-
dre qu'il ne faut attendre rien de pareil de l'âme d'un érudit. —
Le chapitre principal a trait aux guerres de religion. Les récits
de VEistoii-e universelle de d'Aubigné y sont rectifiés sur plusieurs
points (événements de 1567, 1580, 1588; sièges de Saint-Agrève).
Des textes, les uns rarissimes, comme celui du « Vray discours
du siège» de 1580 (p. 35), les autres inédits : ainsi une transac-
tion de 1581 entre demoiselle Pbélise d'Assenne et le recteur de
la chapelle de Lestra (p. 62), qui est « le fait le plus important de
la vieille histoire de Saint-Agrève ». Paul Dognon.
Langlois (Ch.-V.). La Société française au xiii^ siècle d'après
dix romans d'aventures. Paris, Hachette, 1904; in-12 de xxiii-
329 pages. — Le titre du livre eût dû être : « Analyse de dix ro-
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 299
Tuans d'aventures au point de vue de l'histoire des mœurs. »
L'un de ces dix romans est Flamenca, la perle de la littérature
narrative méridionale, dont on a ici un excellent résumé (pp. 130-
8oj, où est habilement mis en relief tout ce qui touche, de près
ou de loin, à la CuUurgeschichte. Ce résumé est précédé de quel-
ques pages, sobres et précises, sur la date de l'œuvre et l'auteur;
les notes font ressortir les difficultés que présentent les indica-
tions chronologiques fournies par le poète d'après le calendrier
lunaire. Les citations sont traduites avec une remarquable exac-
titude. A. Jeanroy.
Lefèvre (E.) L'Année félibréenne : premier supplément du Ca-
talogue félibréen et de la Bibliographie mistralienne. Marseille,
Ruât, 1904; in-S» de 50 pages. — Divisions de l'ouvrage : prin-
cipaux événements félibréens de l'année 1903. — Notes et docu-
ments sur le félibrige. — Bibliographie des nouveaux majoraux,
félibres (il faudrait évidemment n'y faire figurer que les œuvres
en dialecte). — Bibliographie de l'année 1901. I : en langue d'oc-,
II : en français et langues étrangères (il faudrait mettre à part
les ouvrages anonymes, almanachs, revues, etc.). — Bibliogra-
phie des années 1902-3 (sur le même plan). — Bibliographie mis-
tralienne, premier supplément. — Errata de V Année félibréenne.
Quelque surabondance, comme dans les précédentes publica-
tions de l'auteur (cf. plus haut, p. 149) et quelque incertitude
dnns le classement; néanmoins le progrès est sensible, et un ré-
pertoire bibliographique, même imparfait, est toujours utile.
A. Jeanroy.
Sauvaire-Jourdan. Isaac de Bacalan et les idées libre-échan-
gistes en France vers le milieu du xviir siècle. Paris, Larose, 1 903 ;
in-8« de o6 pages. — Ce Bacalan est un Bordelais, professeur de
droit à l'Université et membre de l'Académie de sa ville natale.
Ses œuvres académiques se rattachent de très près au prodigieux
travail fait, au milieu du xviii» siècle, pour activer la vie écono-
mique de la ville et de la France. Il faut savoir un gré infini à
M. S.-J. de les avoir publiées et commentées avec un soin rare.
G. JULLIAN.
La tradition au pays basque (ethnographie, folk-lore, art
populaire, histoire, hagiographie). Paris, Gougy, 1899; in S" de
300 ANNALES DU MIDI.
598 pages. — La Société d'ethnographie nationale a organisé deg
congrès où sont exposés des objets d'art et d'ethnographie, où
des fêtes permettent d'évoquer et parfois de révéler les tradi-
tions déclinantes — chants, danses populaires, moeurs loca-
les, etc.. — où l'on discourt et où les savants viennent lire des
mémoires. Le premier congrès avait eu lieu à Niort en 1896. Le
second se tint en 1897 à Saint- Jean-de-Luz, dans ce pays basque
qui a conservé si fidèlement ses traits individuels. La Société
vient d'en publier le compte rendu ; car il ne faut pas s'arrêter
au millésime indiqué plus haut — 1899 — ; le volume que nous
allons analyser n'a été réellement livré au public qu'en 1903.
Dans la première partie les fêtes sont racontées, l'exposition est
décrite avec dessins et photographies à l'appui. La seconde
contient les communications, de valeur inégale, dont voici la
liste. P. 93-107. R. Collignon. La race basque. Etude anthropo-
logique. [Par leurs caractères somatiques les Basques se ratta-
chent aux Berbères et aux anciens Egyptiens.] — P. 111-37. A.
Planté. Les Basques ont-ils une histoire? [ Sans valeur. ] — P. 141-
64. A. NicoLAÏ. Basques d'autrefois. [Inscription d'Hasparren;
Divinités topiques basques à l'époque romaine, le tout d'après
Sacaze, Stempf, Camoreyt et autres. Fragments du Codex de
Compostelle et impressions d'un pèlerin picard en 1726 : il s'agit
de voyageurs ayant passé en pays basque.] — P. 167-76. Berdeco.
Coutumes morales du pays basque. [Très faible.] — P. 179-90.
L. Etcheverry. Les coutumes successorales du pays basque au
xix« siècle. [Utile et précis.] — P. 217-39. E. Ducéré. Recherches
historiques sur les corsaires de Saint-Jean-de-Luz. [ A partir
de 1328. Leurs expéditions étaient dirigées contre les Espagnols
principalement. La course devint régulière sous Louis XIV et
toutes les nations maritimes ennemies de la France en firent les
frais.] —P. 243-61. M'entworth Webster. Les pastorales bas-
ques. [Drames populaires joués par des hommes ou par des
jeunes filles, à l'exclusion les uns des autres. Liste des sujets
traités.] —P. 263-80. Sallaberry. Les mascarades souletines.
[Avec musique. ] — P. 283-93. Abbé Haristoy. Eskualdun Zuhur-
Hitzak (Proverbes, sentences et dictons basques), suivi d'une
rectification sur la couvade en pays basque. [Sur ou plutôt con-
tre cette coutume « honteuse », indigne « de nos vigoureuses
Basquaises » et plus encore des « anciens Cantabres, nos fiers
Basques », etc. Elle n'a peut-être jamais existé, mais ce ne sont
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 301
pas des phrases, ni les «protestations indignées» que M. H.
publie, qui en fourniront la preuve. ] —P. 297-358. Ch. Bordes.
La musique populaire des Basques. [Très intéressant. Nombreux
textes avec musique et traduction. A la fin, bibliographie musi-
cale.] — P. 361-409. J. DE Jaurgain. Quelques légendes poétiques
du pays de Soûle. [Maisons souletines qu'elles mettent en jeu :
de Haux, de Ruthie et d'Ahetze; de Berterèche de Menditte; do
Jaurgain et de Luxe, etc. Très savant et documenté. ] — P. 413-
50. Arturo Campion. La langue basque. [Mémoire traduit par
V. Duhart. Analyse détaillée de l'organisme et des fonctions de
la langue, qui est agglutinante, incorporante même, mais non
dépourvue de flexions et tout à fait sui generis. ] — P. 465-88.
D'' Larrieu. Mauléon et le pays de Soûle pendant la Révolution .
[D'après les Archives municipales. Intéressant. ] — P. 491-506.
F Habasque. Eléonore d'Autriche et la rançon de François V".
[Paiement de cette rançon; restitution des enfants du roi et
passage de la reine à Saint-Jean-de-Luz, le tout réglé avec les
précautions les plus minutieuses.] — P. 509-22. R. P. Etche-
BARNE. Saint François Xavier [Originaire de Xavier, près Para-
pelune, né en 1506.] — P. 525-35. A. Dutey-Harispe. Le maré-
chal Harispe. [Sa carrière militaire commence en 1792 sur la
frontière des Pyrénées, se continue en Espagne et se termine
en 1814, à la bataille de Toulouse. Il fut fait maréchal en 1851.
— P. 539-60. Ch. Petit. A. d'Abbadie. [ Biographie du regretté
savant basque, 1810-1897.] P. Doqnon.
PUBLICATIONS NOUVELLES
Arve (S. d'.i. Miettes de l'histoire de Provence. *2e éd. Marseille,
Ruât, 1902; in-80 de 515 p.
At (P.). Histoire du droit canon gallican. Paris, Savaète
[1904J ; in-8û de 196 p. [Collection Arthur Savaète, n» 2.]
Barthélémy (P.). Légendes de la ville d'Avignon. Avignon,
Aubanel, 1902; in 16 de viii-196 p.
Batiffol (L ). Au temps de Louis Xlll. Paris, Calmann-Lévy>
1903; in 8° de 11-461 p. et portr.
Beauregard (D. de). Le maréchal Masséna, duc de Rivoli,
prince d'Essling, enfant de Nice. Résumé de sa vie. Nice, imp.
Gauthier, 1902; in-S" de 151 p.. avec grav.
Berret (P.). Contes et légendes du Dauphiné. Grenoble, Bar-
bier-Durozier, 1903; in-i6 de 259 p.
BoMBAL (E.j. La haute Dordogne et ses gabariers. Tulle, imp.
Crauffon. 1903; in 8° de 251 p. et grav.
BoNALD (De). Supplément aux documents généalogiques sur
les familles du Rouergue. Rodez, Carrère; Toulouse, Brun, 1903;
in-8% p. 393 à 451.
BoNNEFOY (G.). Histoire de l'administration civile dans la pro-
vince d'Auvergne et le département du Puy-de-Dôme. Paris,
Lechevalier, 1900-1902; in-8'\ T. II, vi-640 p., et t. III, lOO'i p.
Bouchon (G.). Histoire d'une imprimerie bordelaise (1600-1900)
(les imprimeries Gounouilhou, la Gironde, la Petite Gironde).
Bordeaux, imp. Gounouilhou, 1901; in 4" de 675 p.
BouLENGER (J). Los protostants à Nimes au temps de l'édit de
Nantes. Paris, Fischbacher, 1903; pet. in- 16 de xvni-237 p.
Cabrol (Dom F.). Dictionnaire d'archéologie chrétienne et de
liturgie. Fasc. 4. Paris, Letouzey, 1904; gr. in -8° à 2 col., col. 897
à 1184, avec grav.
Catalogue général de médailles françaises. Du moyen âge à
Louis XII. No 26. Paris, cabinet de numismatique, 2. rue de Lou-
vois, s. d ; pet. in 8° de 20 p.
Colin (Cap. J.). Annibal en Gaule. Paris, Chapelet, 1904: in-8o
de xxvi-429 p. et cartes.
PUBLICATIONS NOUVELLES. 303
Congrès des Sociétés savantes savoisiennes, tenu à Annecy
(Haute-Savoie) les 5, 6 et 7 août 1901 (seizième session). Annecy,
Abry, 1902; \n-S° de XLViii-4't6 p.
Constantin (A.) et Désormaux (J). Dictionnaire savoyard,
publié sons les auspices de la Société florimontane. Annecy,
Abry; Paris, Bouillon, 1902; in-8" à 2 col. de lxii-447 p. [Etudes
philologiques savoisiennes.]
Dupont-Ferrier (G.). Quae fuerint tam a regibus quam a
comitibus in Engolismensi « apanato » comitatu instituta (1445-
1315). Thèse. Paris. Picard; J^ngoulême, Constantin, 1902; in-S"
de viii-289 p.
Escande (J.-J.). Histoire de Sarlat. Sarlat, imp. Lafaysse, 1903;
in-8o de 366 p.
Granges de Surgères (De). Le duel et la noblesse du Lan-
guedoc, avec deux lettres de Louis XIV (1634-1653). Vannes, imp.
Lafolye; in-8' de 11 p. [Extrait de \a. Revue des questions héraldi-
ques, archéol. et hislor.]
Inventaire des archives de la Bourse des marchands de Tou-
louse antérieures à'1790, par S. Macary, publié sous la direc-
tion de M. F. Pasquier. Collaborateur : M. Ph. Arnauné. Tou-
louse, Arnauné, 1903; in-4'i à 2 col. de 103 p. et grav. [Tribunal
de commerce de Toulouse.]
Inventaire historique et généalogique des documents de la
branche Lévis-Léran, devenue Lévis-Mirepoix, précédé d'une no-
tice sur les cinq premiers Lévis. T. I«r. Toulouse. Privât, 1903;
in-4° de viii-488 p.
Inventaire sommaire des archives départementales antérieu-
res à 1790. (Haute-Garonne.) Archives civiles (série B, n^'^ 1 à 92 N).
T. F', rédigé par Ch. Roques. Toulouse, Privât. 1903; gr. in 4° à
2 col., de viii-56a p.
Irénée (Père). Corarainges et Nébouzan. Monographie locale,
accompagnée de notes importantes sur l'ancien diocèse de Com-
minges, le vicomte de Nébouzan et les communes voisines d'Au ■
Ion. Toulouse, Privât, 1904; in-8'' de xvi-2i0 p.
Langlois (C. V.). Manuel de bibliographie historique, 2e fasci-
cule. Paris, Hachette, 1904; in-16, p. 241 à 623.
Lamouche (L.). Essai de grammaire languedocienne. Paris,
Welter, 1902, pet. in-4'' de 200 p.
Lavisse (E.). Histoire de France, depuis les origines jusqu'à la_
Révolution. T. 4, II : Charles VII, Louis XI et les premières an
nées de Charles VIII (1422-1492). Fasc. 1 à 8. Paris, Hachette,
1902; in-8'î carré, p. 1-455. — T. 3, l : les guerres d'Italie; la
France sous Charles VIIL Louis XII et François I"" (U92-1547).
Fasc. 1 II 4. 1903, p. 1-394. — T. 3, II : la lutte contre la maison
304 ANNALES DU MIDI.
d'Autriche; la France sous Henri II (ISIQ-ISog). 1903, p. 1-96,
avec cartes.
Lecler (Abbé A.)- Martyrs et confesseurs de la foi du diocèse
de Limoges pendant la Révolution française. T. III. Limoges,
Ducourtieux et Goût, 19U3. in-8o de 562 p.
Leguiel (E.). Un grand poète contemporain en langue cata-
lane. Essai sur r« Atlantida » et le « Canigo », de Jacinto Verda-
guer. Céret. Lamiot, 1904; in-16 de ix-lH p.
Lettres communes des papes d'Avignon, analysées, d'après les
registres du Vatican, par les chapelains de Saint-Louis-des-
Français à Rome. N° 2 6« : Benoît XII (1334-1342). Paris, Fonte-
moing, 1902-1903; 2 fasc. in-4'', p. 1 à 498. [Bibliothèque des
écoles françaises d'Athènes et de Rome (3« sér. 2 bis, 1, 2).]
Maurel (Abbé P.). Vie de Mère Clotilde de Lavolvène, ou les
origines de la Miséricorde de Montcuq (1780-1861). Cahors, imp.
Plantade, 1903; pet. in-S" de xv-391 p. et portr.
MoLiNiER (A.). Les sources de l'histoire de France, des origi-
nes aux guerres d'Italie (1494). III : Les Capétiens (1180-1328).
Paris, Picard, 1903, in-8" de 252 p. [Manuels de bibliographie his-
torique, III.]
Paulot (L.). Un pape français : Urbain II. Paris, Lecoflfre,
4 903; in-8» de xxxvi-263 p.
Pbyre (R.). Une princesse de la Renaissance : Marguerite de
France, duchesse de Berry, duchesse de Savoie. Paris, Paul,
1902; in-8'J de 107 p.
Répertoire méthodique de l'histoire moderne et contempo-
raine de la France pour l'année 1801 (4« année), rédigé sous la
direction de G. Brière, S. Garon, H. Maistre, et publié sous les
auspices de la Société d'histoire moderne. Paris, Bellais, 1903;
in-8' à 2 col. de xi-334 p.
RiBiER (L. de). Notes bibliographiques sur quelques médecins
et chirurgiens de la Haute-Auvergne sous l'ancien régime. Paris,
1, place des Vosges; 1903, in-8o de 24 p. [Bibliothèque historique
de la France médicale].
Sage (Abbé). Jean-Baptiste Guérins, curé de Saint-Siffrein
(1792-1867). Carpentras, impr. moderne, 1904; in-16 de 163 p. et
portr.
Teissier du Gros (G.). La production de la soie dans les Cé-
vennes (thèse). Paris, Giard et Brière, 1903; in-S" de 182 p.
Le Gérant,
P.-F,D. PRIVAT.
Toulouse, imprimerie Edouard Privât, rue des Arts.- 14. — 2481
LES COMTES D'AUVERGNE
ET LES COMTES DE VELAY
sous CHARLES LE CHAUVE
Mabille a consacré à la Chronologie des comtes cV Auver-
gne sous la seconde race l'un des chapitres de sa Note rec-
tificative sur le royaume d' Aquitaine , ses comtes, ses ducs
et ses marquis, insérée au tome II de la nouvelle édition de
V Histoire générale de Languedoc^. L'objet de la présente
étude est de reviser les conclusions de Mabille en ce qui con-
cerne les comtes d'Auvergne et les comtes de Velaj' sous
Charles le Chauve.
L
Le système auquel s'est arrêté Mabille peut se résumer de
la façon suivante. Bernard I a gouverné le comté d'Auvergne
et l'abbaye de Saint-Julien de Brioude de 84G à 868. Après sa
mort, en 868, le comté d'Auvergne passe à Bernard U, tandis
que l'abbaye de Saint-Julien de Brioude a pour abbé un laïque
nommé Warin, « en qualité de comte de Vêlai ». Bernard II
d'Auvergne n'est autre que Bernard Plantevelue, plus tard
marquis de Gothie, celui-là même qui eut ^lour fils, de sa
femme Ermengarde, le fameux comte et marquis Guillaume
le Pieux. C'est à tort, d'après Mabille, que les auteurs du
1. Ilist. yen. de La>i(ji(edoc,éd. Privât, t. II, p. o08 et suiv.
ANNALES DU MIDI. — XVI. 20
306 J. CALMETTE ET H. PATRY.
Gallia chrîsliana et de l'Art de vérifier les claies décom-
posent Bernard I en deux personnages du même nom, qui
auraient successivement gouverné le comté d'Auvergne et
dont le premier serait mort en 857. Ce dédoublement provient
uniquement de l'insertion injustifiée, en 858, d'un comte
Guillaume qui n'a jamais existé. Il n'y a pas eu de Guillaume
dans la série des comtes d'Auvergne sous Charles le Chauve,
car la charte citée par les auteurs qui ont cru à son existence
porte le nom de Bernardus et non celui de WUhelmus. 11
résulte de cette élimination que les mentions du comte Ber-
nard, avant et après 857, visent le même personnage.
Ce personnage figure souvent dans le cartulaire de Saint-
Julien de Brioude'. Il y agit soit seul, soit avec sa femme,
nommée Liutgarde, dans une des chartes les plus anciennes-
et Ermengarde dans une charte postérieure''. Bernard I a
donc été marié en premières noces avec Liutgarde et en se-
condes noces avec Ermengarde.
D'autre part, puisque Bernard a gouverné l'Auvergne de
846 à 868, il faut éliminer de la série admise par les Bénédic-
tins non seulement Guillaume, mais encore Etienne, que l'on
place de 860 à 864. A la vérité, un comte Etienne est bien
cité entre ces dates par diverses sources, mais ce personnage
n'est dit positivement comte d'Auvergne que par des auteurs
postérieurs, à savoir par Adémar de Chabannes et par le ré-
dacteur de la Ch?'onique de Sainl-Maiocent. Or, l'existence
de Bernard à l'époque même où l'on doit placer Etienne
suffit pour écarter ce dernier de la série des comtes d'Auver-
gne. Ce titre n'a donc pu lui être attribué que par confusion.
En conséquence, il paraît certain qu'il n'y a pas en de
comte d'Auvergne du nom d'Etienne, pas plus qu'il n'y a
eu, en 868, de comte du nom de Guillaume ^ Il n'y a eu,
de 846 à 885, que deux comtes d'Auvergne, Bernard I, mari
1. Cartulaire de Brioude, éd. Henry Doniol, Clermont-Ferraud et
Paris, 1863, in4".
2. Charte n° 95, datée de 849 (mai).
3. Charte n" 176, datée de 864 (janvier).
4. Mabille, loc. cit., p. 309.
COMTES d'aUVERGNE ÈT DË VELAY SOUS CH. LE CHAUVE 307
de Liutgarde et d'Ermeagartle, entre SAG el 888, puis Ber-
nard II Planteveliie, son fils, mari d'Erinengarde el père de
Guillaume le Pieux.
IL
Ce système de Mabille peut paraître ingéûieux à première
vue. A l'examen, il soulève de sérieuses difficultés. Tout
d'abord, où sera le critérium pour discerner, lorsqu'une
charte cite le comte Bernard, s'il s'agit de Bernard I ou de
Bernard II? Mabille arrête la carrière du père en 8G8 pour
faire commencer, à cette date, la carrière du fils. Or, c'est là
un point de départ éminemment arbitraire. Mabille, il est
vrai, croit le justifier en montrant, à celte date de 868,
Warin exerçant les prérogatives d'abbé de Brioude. Voilà
bien, dans sa pensée, la succession de Bernard I ouverte et
partagée. Mais Mabille lui-même vient infirmer la portée de
son argument. Il nous dit, en effet, que Warin fut abbé de
Saint-Julien de Brioude «en qualité de comte de Vêlai'».
Cette observation est un trait de lumière, car, dès lors,
Bernard I lui-même a dû être également comte de Vêlai et
rien ne permet de le dire comte d'Auvergne. Il est impossible
d'attribuer des comtés différents à Bernard et à Warin qui
apparaissent dans le cartulaire de Brioude exactement avea
les mêmes titres exprimés par les mêmes termes : cornes et
abbas.
D'un autre côté, si Warin est cité en 868 comme abbé de
Brioude, la dernière mention de Bernard dans les mêmes
conditions est de 864. Dans cette charte de janvier 864, Ber-
nard n'apparaît pas seul, mais il a, à ses côtés, sa femme
Ermengarde-. Or, précédemment, la comtesse est appelée
Liutgarde. Mabille imagine donc que son Bernard I s'est
remarié. Mais il ne remarque pas qu'Ermengarde nous est
connue d'ailleurs et que, précisément, la comtesse Ermeu-
garde est la femme de Bernard II Plantevelue, la mèro de
1. Mabille, loc. cit., p. ÎJO'J.
2. Charte n" 17(3.
308 J. CALMETTE ET H. PATRY.
Guillaume le Pieux. Au lieu de faire épouser en secondes
noces à Bernard I une femme qui se serait appelée du même
nom que sa bru, tout nous porte à penser que la charte de
864, qui cite Bernard et Krmengarde, se rapporte à Bernard
Plantevelue lui-même. Aussi bien, un document négligé par
Mabille identifie parfaitement les personnages et cite en
même temps Bernard 1, défunt, son flls Bernard Plantevelue
et la femme de celui-ci, la comtesse Ermengarde'. Enfin, il
n'est pas jusqu'à la diplomatique elle-même qui n'appuie
notre démonstration. On remarque déjà, dans la charte de
864, l'emploi de la formule gralîa Lei cornes, que Bernard
Plantevelue semble avoir particulièrement affectionnée^ ,
tandis que son père, à notre connaissance, n'en fait nulle part
usage.
Nous admettrons donc, contrairement au système de Ma-
bille, que, dès janvier 864, Bernard Plantevelue, mari d'Er-
mengarde, apparaît comme successeur de son père, Bernard I
ou Bernard le Vieux, mari de Liutgarde. Il est vraisembla-
ble que Bernard I était mort à cette date; en tout cas, il avait
laissé à la fois à Plantevelue le comté de Velay et l'abbaye de
Brioude.
III.
Puisque Bernard 1 et Bernard II, jusqu'à S64 tout au
moins, ont occupé le comté de Vêlai, et non le comté d'Au-
vergne, les exclusions prononcées par Mabille à propos de la
série des comtes d'Auvergne sont susceptibles d'être revisées.
La revision du procès ne profite pas à Guillaume. Puisque
le document allégué en sa faveur par les Bénédictins ne le
cite même pas, sa cause demeure insoutenable et son inser-
1. Charte n» 131, datée de 883 ; c< Pro remedium animarura Bernardi
gloriosissimi comitis, neciion eximii atque pneexcellentissimi superstilis
Bernardi comitis, ejusqne conjugis Irmengardis, gratia Dei comitissa,
horumquc prolis... »
2. Cf. notamment la formule gratia Dei. comitissa, dans hi charte citée
à la note précédente. Cf. aussi Cartulaire de l'abhaye de Conques, éd.
G. Desjardins, n» 153, p. 36.
COMTES D'AUVERGNE ET DE VELAY SOUS CH. LE CHAUVE. 309
tion parmi les comtes d'Auvergne reste le résultat d'une
méprise'. Mais le cas d'Etienne est tout autre.
La chronique d'Adémar de Chabannes et la chronique de
Saiût-Maixent donnent à Etienne, d'une façon formelle, de
l'aveu de Mabille, la qualification de comte d'Auvergne^. Or,
le témoignage postérieur, mais positif, de ces deux sources
ne saurait être considéré a j)riori comme négligeable. Il est,
en l'espèce, d'autant plus convaincant qu'il est indirectement
corroboré par un autre témoignage, émané d'un contempo-
rain. Hincmar, en effet, nous montre le comte Etienne tué
par les Normands dans Clermont, qu'il défend contre eux^
Ce passage ne se comprend guère que si Clermont est le chef-
lieu du comté d'Etienne, en d'autres termes si Etienne est
comte d'Auvergne. Pour détruire la force probante qui i-ésulte
du contact des trois textes, il serait nécessaire d'opposer une
impossibilité. Celle qu'invoquait Mabille, c'est-à-dire le syn-
chronisme d'un Bernard d'Auvergne, tombe entièrement,
puisque Bernard était non pas comte d'Auvergne, mais comte
de Velay. Nous n'hésiterons donc pas à rétablir Etienne
comme comte d'Auvergne.
Après Etienne, c'est Bernard Plantevelue qui gouverne
l'Auvergne et il est en même temps remplacé, comme comte
de Velay et comme abbé de Brioude, par Warin. Dans ces
conditions, il semble raisonnable de penser que Bernard
Plantevelue, à la mort d'Etienne, est passé du comté de
Velay dans le comté d'Auvergne, abandonnant à Warin son
ancien comté et aussi son abbaye de Saint-Julien. Quant à la
parenté possible entre Plantevelue et "Warin, que Mabille
disait fils de Bernard I, on ne peut faire que des conjec-
tures*.
1. Cartulaire de Brioude, n» 282. ÎNlabille identifie avec raison cette
charte avec celle que les Bénédictins ont invoquée en faveur d'un comte
Guillaume d'Auvergne, sous Charles le Chauve. Mais la charte n" 146 du
Cartulaire de Sauxillanges pourrait être pour r/uelque chose dans la
confusion, d'autant que M. Doniol (Ibid., p. 2.5) la date, à tort lui aussi,
de 851), alors qu'il s'agit de Charles le Simple.
2. Mabille, loc. cit., p. 309.
3. Atifiales de Saint-Bertin, 801.
4. Warin pourrait fort bien être le frère de Plantevelue. Il y a lieu, du
310 J. CALMETTE ET H. PATRY.
D'autre part, nous sommes parvenus à cette conviction que
le comté de Velay, sous Cliarles le Chauve, a été gouverné
successivement par Bernard I, Bernard II Plantevelue et
Warin. Il resterait à établir la date qui correspond au terme
de leurs fonctions respectives. Mais, si la mort d'Etienne
semble avoir déterminé la translation de Plantevelue en
Auvergne, en revanche, il est impossible de distinguer dans
le carlulaire de Brioude, entre les mentions d'un comte abbé
Bernard, celles qui se rapportent à l'un ou à l'autre des deux
homonymes qui se sont succédé. Le nom seul de la comtesse
peut servir à éviter la confusion. Or, la comtesse n'est citée
que deux fois en quinze ans : en 849, elle s'appelle Liutgarde,
et il s'agit de la femme de Bernard le Vieux'; en 864, elle
s'appelle Ermengarde^, et il s'agit de la femme de Plante-
velue, mère de Guillaume le Pieux. Mais les diverses men-
tions de Bernardus cornes et abbas entre 850 et 864 peuvent
se rapporter au père ou au fils, sans que nous disposions d'un
critérium quelconque, qui nous permette de discerner duquel
des deux il est question.
Concluons donc simplement que Bernard I le Vieux a dis-
paru avant 864, date à laquelle nous le voyons remplacé, à la
fois comme comte de Velay et comme abbé de Brioude, par
son fils Bernard II Plantevelue. A. une date qui est comprise
entre 864 et 868 et qui paraît correspondre à la mort
d'Etienne, Plantevelue cède le Velay et Saint-Julien de
Brioude à Warin et devient lui-même comte d'Auvergne,
titre qu'il porte désormais. Car c'est surtout en qualité de
comte d'Auvergne qu'il joue un rôle de plus en plus considé-
rable dans le royaume de Charles le Chauve et qu'il fonde
dans le Midi une maison déjà presque princière, dont son fils
et héritier, Guillaume le Pieux, augmentera encore la splen-
deur.
J. Calmette et H. Patry.
moins, de remarquer que ce nom appartient à la famille. Un fils de Ber-
nard Plantevelue s'appelait Warin {Cartulaire de Sauxillanges, n° 13).
1. Cartulaire de Brioude, n° 95.
2. Ibid., n» 176.
LE SOULÈVEMENT DE 1242
DANS LA POKSIK DES TROUBADOUKS
Dans une communication faite le 2 avril 1901 au Congrès
des Sociétés savantes^, j'ai essayé d'énumérer, sans prétendre
être complet, les sirventés historiques inspirés par la grande
prise d'armes de 1242, qui constitua la dernière tentative
faite par le Midi pour ressaisir son indépendance. Resserré
dans les étroites limites d'une lecture publique, je n'ai pu
alors donner tous les éclaircissements que le sujet comportait.
Ce sont ces éclaircissements que je viens fournir ici.
Les trois sirventés dontje m'étais particulièrement occupé, et
sur lesquels seuls je compte revenir, ont ce vif intérêt de mar-
quer en quelque sorte les trois phases principales de la lutte.
Quand fut écrit le premier-, les adversaires se regardaient,
hésitants, et aucun des princes conjurés contre le jeune roi
de France n'osait faire le pas décisif. Les strophes enflammées
de Peire del Vilar paraissent avoir été comme un coup de
clairon destiné à brusquer l'attaque. J'ai cru pouvoir en pla-
1. Un résumé de cette communication a été publié (avec de nombreuses
fautes d'impression) dans le BuUcAin histo)'ique et philologique du
Ministère de l'Instruction publique y 1902, p. 186-8.
2. tiendatz vermelhs, ejidis e ros , par Peire del Vilar (Bartscii,
Gru7idi'iss, n" 36Ô, 1; publié par Tiaynouard, Choix, IV, 187).
312 A. JEANROY.
cer la compositiou entre le momeat où Henri III d'Angle-
terre s'embarqua pour la France (9 mai 1241) et la défaite
de ses troupes à Saintes (23 juillet)'. Comme j'ai depuis
publié le texte de ce sirventés, en l'accompagnant d'un
commentaire historique et philologique^, je ne crois pas utile
d'y revenir.
Quelques mois après, c'en était fait des espérances suscitées
par tant de laborieux préparatifs et de solennelles promesses ;
les barons poitevins, surpris par la brusque irruption de
Louis IX, avaient été battus en détail, et déjà les principaux,
d'entre eux s'empressaient autour du vainqueur^; l'armée
anglaise, surprise devant Saintes, s'était enfuie en désordre
vers Blaye (26-7 juillet). Raimon VII avait bien réussi, comme
Raimon Trencavel, deux ans auparavant, à soulever le Bas-
Languedoc; mais il perdait en vagues négociations un temps
précieux. Peut-être enfin, raffermi par une nouvelle alliance
avec Henri III (28 aoùt-3 sept.), allait-il prendre l'ofïensive,
quand la défection inopinée du comte de Foix vint ruiner
toutes ses espérances (5 octobre). Les alliés sur lesquels il
comptait le plus, les rois d'Aragon et de Castille, voyant de
quel côté penchait la fortune, observaient une prudente ré-
serve; bientôt il dut venir lui-même implorer son pardon
(20 octobre). Quant au roi d'Angleterre, il ne devait renoncer
à la lutte, qu'il avait du reste conduite avec la plus extrême
mollesse, qu'au printemps suivant (7 avril 1243)*. C'est entre
la soumission du comte de Foix et celle du comte de Toulouse
que j'ai cru pouvoir placer la composition du sirventés célè-
bre où Guilhem Montanhagol\ après avoir exhalé son mépris
pour le roi d'Aragon et pour les comtes de la Marche, de Foix
et de Rodez, alliés infidèles, traîtres « pires que Caïn », leur
1. Dates rectifiées d'aiirès Ch. Bémont , La Campagne de Poitou,
dans Annales du Midi, V, p. 295 et 300.
2. Mélanges Léonce Couture. — Etudes d'histoire méridionale. Tou-
louse, 1902, p. 115-25.
3. 25juillet-l" août (Bcinoat, lac. cit., p. 307-10).
4. Bémont, loc. cit., p. 313.
5. Bel m'es qnan d'armas (éd. (îoiilet, n» III, p. 76 et ss.).
LE SOULÈVEMENT DE 1242 CHEZ LES TROUBADOURS. 313
oppose le comte de Toulouse, modèle de vaillance et de géné-
rosité, qu'il ne craint pas de placer « au faîte de l'honneur »
et qu'il engage à mieux choisir désormais ses amis. Ce n'est
pas de ce ton que l'on parle à un vaincu, réduit à accepter un
humiliant pardon. L'auteur de ces vers ne considère évidem-
ment pas la partie comme perdue; l'armée anglaise, qu'il
raille de son inaction*, tient encore la campagne, et il estime
sans doute que la partie décisive n'a pas été jouée, puisque sa
pièce s'ouvre par une brillante description, des sublimes hor-
reurs de la guerre.
Quelques semaines après, toute illusion était devenue impos-
sible : la « Fleur de lis », en dépit des prédictions de Peire del
Vilar, l'emportait une fois de plus. Aussi ne trouvons-nous
même plus dans le sirventés de Duran, le tailleur de Pernes
(ou de Carpentras)2, cette exhortation — dont l'ironique
expression, dans Montanhagol, est déjà bien découragée — à
continuer la lutte ; il est, en revanche, tout gonflé d'amers
regrets et d'âpres rancunes. Le poète constate l'échec, désigne
les coupables et mesure ses sarcasmes à l'étendue de leur
responsabilité; ce sont naturellement les plus puissants, les
rois d'Angleterre et d'Aragon, qui en ont la plus large part.
Les sentiments qu'il exprime sont bien ceux qui devaient
animer les vaincus au lendemain de leur défaite : c'est à cette
date, en effet (hiver 1242-3), que je n'hésite pas à placer ce
sirventés : En talent ai qu'un sirventés encoc.
Bien que cette opinion ne soit pas nouvelle, ce n'est pas
celle qui a prévalu en ces derniers temps. Emeric-David^ croit
ce sirventés écrit « à l'occasion de la paix conclue en 1229 ».
1. « Anglais, couronnez-vous de fleurs et de feuillages; ne vous donnez
aucune peine, même si l'on vous attaque, jusqu'à ce que l'on vous prenne
tout ce que vous avez. » (V. 41-5.)
2. La rubrique du ms. M (fol. 243 r") porte : Durante sarto)- de
Paernas; celle du ms. Campori (p. 521) Durant sartres de Carpentras.
C'est évidemment le même auteur que le ms. C (fol. 363 v°) en tête d'une
autre pièce (U)i sirventés leuçjier e venassal) appelle Durait sartre de
Carpentras. M. Cliabaneau {Biographies, p. 138) identifie les deux per-
sonnages en faisant remarquer que Pernes n'est qu'à deux lieues de Car-
pentras.
3. Histoire littéraire. XVIII, 0G6.
314 A. JEANROY.
C'est en somme celte opiûion, plus ou moins modifiée et pré-
cisée, qu'adoptent la plupart des critiques les plus récents.
Selon Mih'i y Fontanals', la pièce serait antérieure à 1239;
selon M. Chabaneau-, de 1229 ou 1230; selon M. de LoUis^,
de quelques années postérieure à cette dernière date. M. Tor-
raca la plaça d'abord'' en 1233, puis, voulant être plus précis
encore", après avril-mai 1234. L'hypothèse de Milâ — di-
sons-le tout de suite — repose sur un contresens dont ne se
sont pas aperçus les savants qui ont adopté son opinion. Il a
traduit marchés, au v. 19, non, comme il convenait, par
« marchois, de la Marche », mais par « marquis »; le coms
marchés désignait alors le comte de Toulouse, et ainsi dispa-
raissait l'allusion la plus précise aux événements qui forment
le véritable sujet de la pièce ^. De plus, il ne semble pas que
les partisans de cette hypothèse aient fait attention à certains
autres passages, qui, comme nous allons le voir, y répugnent
absolument. Il me paraît, au contraire, de toute évidence que
le sirventés se rattache aux événements lie 1242; c'est aussi
l'opinion qu'avait exprimée jadis De Tourtoulon'', qu'a reprise
1. De los trovadores en Espana, 1" éd.. p. 169; cf. ibid., note 9,
2. Op. cit., p. 138.
3. Vita e poésie di Sordello di Goito, p. 70, n. 6.
4. Sul f Sordello » di Cesare de Lollis (Venise, 1896), p. 17-8. (Extrait
du Giornale dantcsco, 4« année, fasc. 1-2; je cite d'après le tirage à part,
que l'auteur a bien voulu m'oifrir; de même pour le travail mentionné
ci-après.)
5. Sul « Pro Sordello » di Cesare de Lollis (Venise, 1889), p. 74.
(Extrait du Giornale dantesco,& année, fasc. 10-12; 7= année, fasc. 1-2.)
6. Selon Milà, Raimon VII n'aurait i-epris ce titre de « marquis de
Provence » qu'après 1234 (de là la date qu'il propose); mais c'est une
erreur (déjà relevée tacitement par M. Chabaneau), comme l'a montré
M. Torraca {Sul « Sordello », p. 18). Ce qui empêche M. Torraca de
faire remonter la pièce plus haut que 1234, c'est d'abord la mention de
Barrai (v. 42), qui, avant cette date, eût été bien jeune pour protéger les
troubadours ; c'est ensuite qu'il voit aux v. 27 une allusion à la trêve con-
clue en 1234 entre les comtes de Toulouse et de Provence.
7. Jacques I" le Conquérant. Je n'ai malheureusement à ma disposition
que la traduction espagnole de cet ouvrage [Bon Jairne I el C07iquis-
tador, Valencia, 1874, 2 vol.), à laquelle je serai obligé de renvoyer. De
Tourtoulon n'ose, du reste, se prononcer catégoriquement sur la date :
« El triste éxito de esta campaîïa inspiré, probablemente entonccs, al
Sartre de Paernas, este vigoroso canto » (tome II, p. 58).
LE SOULÈVEMENT DE 1242 CHEZ LES TROUBADOURS. 315
récemmeut M. Goulet^; mais ui l'im ni l'autre n'en a déve-
loppé les raisons. C'est ce que je vais teuler de faire. Mais il
paraît iadispeasable auparavant de donner de la pièce un
texte aussi âalisfaisaut que possible; comme elle n'intéresse
pas moins les historiens que les philologues, je ferai suivre ce
texte d'une traduction littérale 2.
Texte de M, fol. 243 r", col. 1 ; var. de a' (ms. Campori,
p. 521)^
I 1 Eu talent hai q'un sirventés encoc
Par traire a cols q'an mes Pretz a deroe,
Qar mantenon « No » e han faidit « Hoc » :
4 E raenz q'ieu ai arbalesta e croc,
Brocarai lai per traire al major loc,
Al rei eragleis, qes hom ten per badoc,
Qar suefr' aunitz q'ora del sieu lo descoc;
8 Per q'en cor ai qe als priraiers lo toc.
II Tos temps serai malvolens e enics
Al rei Jacme, qar mal tenc sos afics,
Qel sagramentz q'el fes fon mois e tries.
12 Al raieu semblan lo tenc meilh KAmalrics
1 encor. — 3 qan e mantieing non c faillira hoc. — 4 e ondonienz qai
ai'balestre troc. — Entre 4 et .''), a' intercale : nom laissarai qe en estant
non broc. — 5 e brocarai (lai manque}. — 6 englcs qe. — 7 sufra onitz...
desroc. — 8 manque. — UI mal tenc] mante. — 12 lo fo.s miels; aimo-
rics Ma'. —
1. « Dans un sirventés inspiré par les mêmes circonstances , Duran
Sartre (sic) de Paeraas blàmo et regrette de même l'absence du roi d'Ara-
gon {Le troubadour G. Montanhayol, p. S.")).
2. Je n'ai connu l'opinion de De Tourtoulon et de M. Goulet qu'après
avoir rédigé la première esquisse de ce travail. Si je signale le fait, ce
n'est pas pour rehausser mon mérite, mais pour signaler un accord qui
ne peut être que favorable à l'hypothèse que je défends.
3. J'ai revu sur le manuscrit lo texte de M (déjà publié par Mahn,
Gedichte, n" 5(3; je dois les variantes de a' à l'inépuisable obligeance de
M. G. Bertoni; les leçons dont la provenance n'est pas indiquée sont
celles de «'.
316 A. JEANROY.
De Narbona, per q'ieu sui sos amies,
Q'el s'en capteng com hom q'es de prez ries,
E el aissi eom reis de cor mendies :
16 Per qem plaira sil ven danz e destrics.
III El seu secors foram rie e estort,
E deseonflg Francés e près o mort,
El coms marehés dera s'en tal eonort
20 Enqiera n'agran d'el plait ni acort;
Mas el 0 fes qar noil tenian tort,
Qe be viram son eonfano destort,
Qe tuig sabera q'el l'aduis a tal port
2i Qel sieu perden fes plaig aunit per fort.
IV Sai entre nos fan de gerra senbell
Li dui eomte, qar non es qils capdel,
Qes ell tengran plait per bon e per bell ;
28 Mas nostra partz en fai pauc de revel,
Per q'al pascor veirem qel plus isnel
Cavalgheran per gaug del temps novel,
Don seran près e fondut mant castell,
32 Mant eseut rot, mant elm e mant eapell.
V Tant lian sufert ll'aut baron lur mescap
Quel meill del mon tenon Francés aclap ,
E qar suefron q'aitals gens los atrap.
36 Noi ha conseilh mas del broc ab l'enap
Serva chaseus, qe beos puesc dir ses gap
Qe lai part Sur. en la terra d'Alap,
Lur feron far Turc mant crit e mant jap,
40 El eroi rie sai noi sabon penre cap.
1-3 qieu] qe. — 14 ma)iqup a'. — 15 mas zel lo fes con hom de c. m. —
17 socors. — 18 descolit. — 19 dera] delà. — 20 manque a'. — 21 tenian]
donon. — 22 qe vist agran son gonfanon. — 23 q. t. sabon q. nadiiz. —
21 aunit] onrat. — 25 ccnbel. — 26 capdels. — 28 part M; qar n. p. na
fag p. d. rcuel. — 29 mas al M; qeil. — 30 caualgaran. — 31 d. sonim
p. e fundut maint chastel. — 32 maint e. tôt. — 33 laiit. — 34 q. miels...
a trap. — 35 e q. siifron... a clap. — 36 a M ; lenab. — 37 mas beus. —
39 1. feiron... mant qil. — 40 eil c. r. no. —
LE SOULÈVEMENT DE 1242 CHEZ LES TROUBADOURS. 317
VI Qi vol aver de prez capa e mantel
Tôt enaissi com Barals se capdel.
VII Mon serventés trametrai de novel,
4'i A N'Oliver, qar lo sai bon e bell.
TRADUCTIONi.
I. Je veux encocher un sirventés pour cribler de flèches ceux
qui ont mis Honneur à bas, ceux qui favorisent Non et ont banni
Oui; tant que j'aurai arbalète et crochet, je piquerai [mon
cheval] pour tirer au plus haut lieu, à ce roi anglais que l'on
tient pour niais, car il tolère, couvert de honte, qu'on le dé-
pouille de ses biens; et c'est pourquoi je veux qu'il soit des pre-
miers frappés.
II. Je n'aurai jamais qu'inimitié et hostilité envers le roi
Jacques, qui a si mal tenu ses engagements; le serment qu'il
avait fait était perflde et trompeur. Amalric de Narbonne, à
mon avis, a bien mieux observé le sien : voilà pourquoi je serai
toujours son ami. Il s'est comporté comme un homme riche
d'honneur, et lui (Jacques) comme un roi pauvre de courage
aussi serai-je heureux s'il lui arrive dommage et tracas.
III. S'il nous eût secourus, il nous eût fait grand bien; il nous
eût sauvés. Les Français eussent été vaincus, pris et tués. Le
comte de la Marche en eût été tout réconforté; il n'eût conclu
avec eux ni trêve ni accord; s'il l'a fait, c'est qu'ils n'avaient
envers lui aucun tort (?j. Nous l'aurions vu alors déployer son
gonfanon; il (le roi Jacques) l'a. au contraire, acculé à une telle
extrémité qu'il a dû, par force, conclure un traité honteux et qui
le dépouillait de ses biens.
IV Ici, parmi nous, se provoquent à la guerre les deux comtes,
car ils n'ont personne qui les dirige : autrement ils conclueraient
41 qi de bon protz vol far cape uiantel. — i-2 barrais si. — 4o-i manfjuetit.
1. Les strophes I et II ont été traduites par Eineric-David, Milà et
De Tourtoulon; la quatrième par M. Torraca [Sul pro Sordello, p. 17).
318 A. ji:anrov.
une trêve, sérieusemont et pour de bon. C'est pour nous autres,
gens d'ici, un médiocre sujet de joie. Au printemps, nous verrons
les plus alertes témoigner leur joie du renouveau en montant à
cheval; nous verrons prendre maint château, briser maint écu,
maint heaume et maint chapeau [de fer].
V. Les hauts barons ont passé par tant de traverses (?) que
les Français ont écrasé ce qu'il y avait de mieux au monde.
Puisqu'ils tolèrent que de telles gens les tiennent pris au piège,
il n'y a pas [pour eux] d'autre consolation que de se servir du
broc et du hanap (?). Je puis bien vous dire, en vérité, que
là-bas, de l'autre côté de Tyr, au pays d'Alep, les Turcs leur ont
fait [aux Français] pousser maint cri et maint aboiement Et
ici les puissants, qui sont lâches, ne savent pas prendre exemple
sur eux (?).
VI. Que quiconque veut avoir Honneur pour chape et pour
manteau se conduise comme Barrai.
VII. J'enverrai à Olivier le sirventés que je viens do composer,
car je le sais bon et beau.
COMMENTAIRE
I. Encoc, 1° p. s. subj. pr. do encociu', pi-opremcnt, « appliquer sur
la corde de l'arc en adaptant celle-ci à la coche de la tlèclie ».
;3. C'est-à-dire ils ne connaissent que le refus et ignorent l'assentiment
(quand on leur d(Mnande une chose honorable).
4. Enieric-David et De Tourtoulon traduisent metiz que par « puis-
que »; mon collègue M. Levy me fait observer qus cette locution se pré-
sente fréquemment, dans la T7r? de sainte Doaceline, avec le sens de
« pendant que », qu'elle doit avoir également ici : mens que manjava,
so li fon dit que... (p. 106, | 5i); et ibid., p. 112, | 60; p. 136, | 17;
p. 201, I 9; voy. do plus Suppl. Wœrterbuch à domeiis.
7. Descoc, de descocar, c.-à-d. « enlever la coca »; ce mot ne s'est pas
rencontré jusqu'à présent dans les anciens textes; son substitut moderne
signifie « coque, coquille, écale » (voy "Mistral, coco).
II. Mahn avait lu inois; M. ïobler a proposé [Archiv, CI, -165) vois
(vide) ou mois; les deux ms. ont en effet mois, qui donne un sens excel-
lent; voy. Lex. roma7i, IV, 280; Milà [op. cit., p. 1U9) traduit par « jura-
mentos muelles y fallaces ». — Trie est ordinairement substantif; on a
cependant d'assez nombreux exemi>Ies de son emploi comme adjectif; à
LE .SOULÈVEMENT DE 1242 CHEZ LES TRODHADOURS. 319
ceux que cite Raynouard (V", 422), on pourrait en joindre un grand nom-
bre, qu'a bien voulu me signaler M. Lcvy, et qu'on trouvera dans son
inappréciable Supplement-Wœrterbuch ; je me borne à donner ceux
où le mot est associé, comme ici, à mois : Xi anc fais prezicx —
D'omea mois ni tricx — Jorn nom fes paor (P. Cremon, Prov. Ined.,
D. 220, V. 40). Que savis es e tries et mois — E canta ben et a bels
pels {Flamenca, 2'- éd., 4348; traduit au Glossaire par « dissimulé, dis-
cret >■>).
20. No ne s'élidant pas ordinairement, il faut peut-être corriger enquer
no agran.
21. Le sens de ce vers est quelque peu surprenant, mais je ne vois pas
de correction plausible.
24. Per fort, locution adverbiale, « par force ». Voy. Noulet et Cha-
baneau, Deux manuscrits, Gloss., et Levy, Suppl. Vo.'rterbuch, fort,
n» 20 (III, 570).
25. Cembel est un terme de chasse qui désigne d'abord l'appeau ou
l'oiseau qu'on emploie pour attirer les autres dans le piège, puis, par
métaphore, le moyen qui sert à attirer l'ennemi dans une embûche ou
au combat. Voy. Diez, I, Zimbello. Porter u?i cembel, c'est porter une
provocation, tenter de provoquer : « Quant Gerars a coisi de priés —
Cens qui portoient le cembel. » {Roman de la Violette, p. 132.) Tel me
paraît être aussi le sens de far cembell dans ce vers, que M. Levy (I,
241) déclare ne pas bien comprendre. On pourrait comprendre aussi
« font montre, ostentation de guerre », affectent une ardeur belliqueuse
qu'ils n'ont pas.
28. Raynouard ne donne pour revel que le sens de « rébellion, résis-
tance » ; mais le mot signifie aussi, comme en ancien français, « agita-
tion joyeuse » et « joie » en général. (Voy. Godefroy, à revel et receler).
31. Fondre signifie souvent « ruiner, démolir » en parlant d'un ou-
vrage fortifié (voy. Lex. rom., III, 355, et Godefroy, IV, 58. col. 3).
84. Raynouard (IV, 20, col. 2) traduit ce vers : c< Le mieux du monde,
ils traitent les Français en masse », ce qui n'a pas de sens. Mielhs, pré-
cédé de l'article, peut être employé comme adjectif substantivé, au sens
masculin ou ni'utro : le meilleur homme ou la meilleure chose (voy. Stim-
ming, Born, p. 251, et Goulet, MontanJcagol, p. 146). L'expression tener
a clap est peu claire. Claps est traduit dans le Donats 2n'oe?isals (Sten-
gel, 40, 10) par acervus lapidum; aclapar signifie « lapider, accabler
sous des pierres » (Levy, s. v°), « recouvrir «, « accabler » (en général)
(voy. Mistral, aclapa); s'aclapa signifie même, spécialement en Gasco-
gne, « s'accroupir, tomber sur ses genoux ». Je propose de lire aclap et de
voir dans ce mot un adjectif verbal, comparable à coumoul, treboul,
enfle (fr. comble, trouble, gonfle, étale, etc.). '
36-7. Deux sens sont possibles : « que cliacun les serve » (les Fran-
çais), etc., ou « que chacun se serve soi-iiièine » (jiour noyer son dé.ses-
poir dans l'ivresse V); mais dans ce cas, ne faudrait-il pas corriger servas?
38. Sur, aujourd'hui Sour, l'antique Tyr (voy. G. Paris, l'Kstoire de
320 A. JEANROY.
la guerre sainte, Gloss.)- — Alap doit être pour la rime. B. de Born dit
pins correctement Alep {Ane nos poc, \. 28).
40. / pefire cap, prob. se diriger sur eux (se régler sur leur exemple).
44. Les deux épithètes se rnpportont uaturellcment à sirventés et non
à Oliver.
Reprenons brièvement chacun des points touchés par le
poète.
Les attaques dirigées contre les rois d'Angleterre et d'Ara-
gon (sir. I et II) pourront paraître médiocrement précises; ou
en trouve d'analogues dans une foule de pièces échelonnées
du début du siècle à 1252 au moins, et M. de Loi lis, qui les a
énumérées (sans, du reste, essayer de les dater), n'a pas hésité
à les ranger au nombre de ces lieux communs dont l'afflux,
toujours plus abondant, vint former « les eaux stagnantes du
conventionnalisme »^ Et en effet, jusqu'au traité de Corbeil
(1258), ne pouvait-on rappeler à Jacques P'' qu'il oubliait son
père tué à Muret, ses domaines passés à des mains étrangères?
De 1202 à 1259 les rois d'Angleterre ne méritèrent-ils pas, eux
aussi, le reproche de se laisser dépouiller de leur héritage?
Mais, remarquons-le, il y a ici, à l'adresse du roi d'Aragon,
une accusation plus précise : celle d'avoir manqué à ses enga-
gements ; or, aucun engagement précis, avant 1241, ne l'avait
lié ni à Raimon VII ni à aucun des barons méridionaux 2.
Les deux comtes nommés au v. 26 sont évidemment — tout
le monde est d'accord sur ce point — ceux de Toulouse et de
Provence. M. Torraca^ voit au v. 27 une allusion à la paix
conclue le 13 février 1234 \ qui fut préparée par des négocia-
1. Vita e opère di Sordello, p. 69-?2.
2. On n'a pas retrouvé la trace d'une alliance olfensivc conclue entre
Raimon et Jacques contre le roi de France (voy. Goulet, Monta}ihagol,
p. 84-5); mais les contemporains ne mirent pas en doute l'existence de
cette alliance. Montanhagol, lui aussi, reproche à Jacques de n'avoir pas
« tenu sa i^romesse « (v. ;M;. Louis IX était du reste si peu srir de la neu-
tralité de l'Aragon qu'il avait dirigé deux corps d'armée sur les Pyrénées
pour en surveiller les passages. (Hist. de Languedoc, éd. Privât, VI,
745; Bémont, loc. cit., p. 312.)
3. Sul « Pro Sordello », p. 73.
4. Bertrer, Histoire de Blanche de Casiille, p. 223. Voy. le texte de cet
accord dans Hist. de Languedoc, VIII, col. 971.
LE SOULÈVEMENT DE 1242 CHEZ LES TROUBADOURS. 321
tiens dès le mois de mars 1233. Mais rien ne nous indique que
les contemporains aient considéré cet accord comme peu
solide : il ne fut rompu, en effet, que trois ans après. Au prin-
temps de 1243, au contraire, la guerre, à peine interrompue
par les événements de l'année précédente, fut sur le point
d'éclater de nouveau'; elle ne fut conjurée que par des ac-
cords plusieurs fois renouvelés, dont on avait toutes les rai-
sons du monde de suspecter la solidité-. Le vers n'est malheu-
reusement pas précis. Doit-on l'entendre : « les comtes obser-
veraient leur accord sérieusement », ou « considéreraient i«n
accord comme chose bonne et belle »? Dans le premier cas, la
pièce serait postérieure au 29 juin 1243 ; dans le second, anté-
rieure à cette date. Mais il me semble que, dans la première
hypothèse, l'auteur aurait déterminé plait par un article ou
un adjectif possessif. L'autre sens me parait donc plus naturel
et nous permet de placer la composition de la pièce dans
l'hiver de 1242-3 : hypothèse plus vraisemblable à tous égards,
car la violence des sentiments du poète semble indiquer qu'il
est sous le coup d'événements tout récents.
En traduisant, au v. 19, coms marchés par « comte mar-
quis », Milà me paraît avoir été victime d'une simple distrac-
tion ^ Je ne mets point en doute, quant à moi, qu'il s'agisse là
du comte de la Marche et je crois qu'il suffira d'un instant de
réflexion pour se ranger à cet avis. D'abord est-il vraisembla-
ble que le poète, qui s'apprêtait à « décocher » à Rai mon VII
la strophe iv ait songé à le mentionner dans la strophe m?
Remarquons du reste qu'il use, dans ces deux strophes, d'un
ton tout différent : ironique, méprisant à l'égard de ces deux
comtes qui ne savent pas se conduire eux-mêmes, il est au con-
traire plein d'une indulgente pitié pour le comte de la Marche,
1. Hist. de Languedoc, VI, 759.
2. Au mois de mars 1244, Grégoire IX écrivait à» l'évéqnc d'Avignou
pour le prier de s'employer à la faire proroger de iiouvenu. C'est de cette
lettre même que l'on induit qu'elle l'avait été une première fois à la
Toussaint. [Ilist. de Lniif/nedoc, VI, 762; cf., VIII, 1124-8, le texte de
l'accord.)
3. De Tourtoulon et M. Goulet, qui n'ont pas traduit cette strophe,
n'ont pas eu à se prononcer sur ce point.
ANNALES DU MIDL — XVL 21
322 A. JEANROY.
dont il tcQte visiblement d'excuser la conduite; c'est « par
force » qu'il a dû conclure ce pacte de honte, et ce n'est pas sa
faute s'il n'a pas fait montre de sa valeur. Enfin, les expres-
sions dont se sert le troubadour, d'une injustice flagrante si
on les rapporte à Raimon VII, reprennent toute leur exacti-
tude si on les rapporte à Hugue. Pouvait-on reprocher à
Raimon VII de n'avoir pas déployé son étendard de guerre,
alors qu'il avait conduit pendant quatre mois (juin-octobre)
une campagne qui n'avait pas été sans gloire'? Le comte de la
Marche, au contraire, à la nouvelle de la débâcle de Saintes,
s'était hâté de faire sa soumission (3 août) et de mettre à la
disposition de Louis IX les troupes qu'il avait préparées contre
lui 2.
Si l'hypothèse que je défends rend mieux compte que toute
autre des principales allusions de la pièce, — les seules dont
on parait s'être occupé jusqu'à présent, — il est d'autres pas-
sages qu'elle est seule à pouvoir expliquer.
Et tout d'abord la strophe v tout entière. Si nous nous pla-
çons aux environs de 1230, le plus récent désastre éprouvé
par les chrétiens en Terre-Sainte remontait à une dizaine ou
à une douzaine d'années ^ (ce souvenir serait bien réchauffé),
et, de plus, il avait eu pour théâtre l'Egypte et non la Pales-
tine. Mais n'oublions pas qu'en 1239 les barons du Nord, con-
duits par Thibaut de Champagne, Hugue de Bourgogne et
Pierre de Bretagne, avaient tenté un nouvel effort, dont le ré-
sultat avait été presque aussi lamentable : battus à Gaza, ils
avaient dû se replier sur Acre (novembre) et bientôt se rem-
barquer (fin sept. 1240) S en laissant aux mains des infidèles
1. Cf. Hist. de Languedoc, VI, 742, n. 6.
2. Bémont, loc. cit., p. 310. Le v. 21 reste néanmoins assez obscur.
Hostile comme il l'est aux Français, comment le poète peut-il dire que
ceux-ci n'avaient aucun tort envers le comte de la Marclie ? Ce serait dé-
savouer la participation de celui-ci à la coalition et, par contre-coup, la
coalition elle-même. Peut-être le texte de ce vers est-il altéré. (Voy. plus
haut, p. 313.
3. L'évacuation de Damiette est du 30 août 1221.((Rœliriclit, Geschichte
des Kœnigsreichs Jérusalem, p. 751.)
4. Rœliriclit, op. cit., p. 849.
Le SOULEVEMENT DE 1242 CHEZ LES TROUBADOURS. 323
bon nombre de prisonniers, queRichart de Cornouailles devait
venir racheter quelques mois après (février 1241); or, parmi
ces prisonniers se trouvait Amauri de Montfort, le propre fils
du plus terrible ennemi de la cause méridionale; n'en était-ce
pas assez pour que cet échec réjouît doublement le cœur des
vaincus de 1242*?
Enfin, si on admet la date que je propose, rien de plus facile
à expliquer que le choix des destinataires de la pièce et les
éloges dont est comblé Amalric de Narbonne, dont la conduite
est si nettement opposée à celle des rois traîtres ou lâches.
Au V. 12-13, les deux manuscrits portent, il est vrai, Aime-
rics de Narbona. Mais je n'hésite pas un instant à corriger,
comme l'a déjà fait De Tourtoulon (II, p. 53, n. 3), en Amal-
rics. La faute s'explique pour ainsi dire d'elle-même : le
nom épique d'Aimeri de Narbonne était familier aux copistes,
et il était, de plus, de tradition dans la famille vicomtale de
Narbonne, où il se perpétue jusqu'au milieu du xiv" siècle. On
ne voit nullement, du reste, pourquoi le fougueux tailleur de
Pernes aurait manifesté une si ardente sympathie pour Aime-
ric IV, qui avait toujours évité avec le plus grand soin de
prendre part à la lutte contre les croisés 2, et qui avait mérité
que Grégoire IX le félicitât de son attachement à la foi catho-
lique et de sa haine pour l'hérésie^. Son fils Amalric, au con-
traire (vicomte le 1" fév. 1239), avait toujours montré une
extrême répulsion pour la domination française. Sans doute,
il n'avait pas pris part au soulèvement de 1240; mais le roi
de France, suspectant ses intentions, avait cru nécessaire de
le mander à sa cour et de lui faire renouveler son serment de
fidélité''. Dès le début des hostilités (1242), il avait introduit
Raimon VII dans Narbonne, que l'archevêque avait dû quitter
1. Je n'attache pas grande importance au fuit que Pierre Mauclerc,
l'un des cliefs de l'expédition, avait été l'un dos lieutenants du roi dans
la campagne de Poitou.
2. Dès 121Ô, il concluait un accord avec Simon de Montfurt, au(iurl il
promettait une paix perpétuelle. {Hist. de Lang., VI, 4-")i).)
3. Dans deux brefs de 1233 et 123G mentionnés dans Hiat. de Lang,,
VI, 714.
4. Hist. de Lang., VII, 461.
324 A. JEANROY.
précipitamment; aussi tombait- il naturellement sous le coup
de l'excommunication que ce prélat fulmina, le 21 juillet,
contre les principaux révoltés i. Il n'abandonna la lutte qu'à
la dernière extrémité, alors que son suzerain avait depuis
longtemps imploré son pardon^.
Quel est cet Olivier (v. 44), avec lequel le poète est évidem-
ment en parfciite communauté d'idées? Pour tous ceux qu'a-
nimaient les sentiments exprimés, il n'était pas besoin de le
désigner plus clairement : tous avaient déjà nommé Olivier
de Termes, une des plus illustres victimes de la croisade, le
bras droit de l'indomptable Trencavel. Il devait, plus tard,
signaler sa valeur sur les champs de bataille de Terre-Sainte
et entrer fort avant dans les bonnes grâces du saint roi;
mais il avait commencé par opposer à l'autorité royale la
résistance la plus acharnée. Dès 1227, il combattait aux côtés
du comte de Toulouse 3; en 1240, il avait aidé Trencavel à
soulever le Languedoc, Fait prisonnier*, il avait dû jurer de
servir fidèlement le roi contre ses ennemis et lui remettre
comme caution son château d'Aguilar"'; mais il faut croire
que ce serment imposé ne pesait guère à sa conscience, car,
un an plus tard, il suivait le vicomte Amalric dans sa rébel-
lion. Nous trouvons, en effet, son nom sur la liste des barons
excommuniés par l'archevêque de Narbonne".
Barrai [des Baux], nommé dans le premier envoi, n'avait
pas sans doute les mêmes titres à l'admiration du poète; mais
lui aussi appartenait à une famille que ses intérêts opposaient
depuis de longues années aux comtes de Provence et rappro-
chaient de ceux de Toulouse. Allié par son mariage avec
Raimon"VII, sénéchal du Venaissin depuis 1236, il devait être
de cœur avec les révoltés ^ Mais n'étant pas entré dans la
1. Hist. de Lang., VI, 744 et VIII, col. 1090.
2. Sa soumission est de décembre 1242. (Ibid., VIII, col. 1106.)
3. Hist. de Latig., VI, 625. Il assista comme témoin à l'accord conclu
le 7 nov. 1230 entre Raimon VII et Marseille. [Ann. du Midi, XI, 202.)
4. Hist. de Lang., VII, 460.
.5. Voy. Teulet, Layettes, II, n« 2914 et 2918.
6. Hist. de Latig., VIII, col. 1091.
7. Il avait épousé Sibylle d'Anduze, nièce de Raimon VII(Bartliélemyi
LE SOULÈVEMENT DE 1242 CHEZ LES TROUBADODRS. 325
lutte, il sortait indemne de cette crise qui avait si rudement
froissé son parti. Il devait être l'un des rares représentants
de ce parti qui fussent encore en état de témoigner aux trou-
badours une sympathie effective^; aussi les avances que lui
fait l'auteur de notre sirventés n'ont-elles rien qui puisse sur-
prendre^.
On retrouverait aisément dans plusieurs autres sirventés,
comme M. de Lollis l'a fait remarquer, des objurgations ou
des reproches analogues, adressés aux rois d'Angleterre et
d'Aragon. Ou bien en effet les poètes avaient d'eux-mêmes le
sentiment qu'il ne fallait rien moins que l'union de ces deux
grands États pour faire échec à la royauté capétienne, ou bien
la constance de ces appels était le résultat d'un mot d'ordre.
Peut-être pourrait-on retrouver ailleurs encore des allusions
paraissant s'appliquer assez bien aux mémorables événements
Inventaire des titres de la maison de Baux, tableau I). Il fut témoin
des accords conclus entre Eaimon VII et Jacques I" le 23 avril 1241,
entre Raimon VII et Rairaon-Béranger le 29 juin 1243 (Ibid., n"' 294 et
305.) On sait que le comte de Toulouse, par un acte du 24 février 1241,
avait donné à sa fille Cécile, au cas où il mourrait sans postérité, tout
ce qu'il possédait sur la rive gauche du Rhône. (Ibid., n» 292.)
1. Il protégea, en effet, plusieurs troubadours. Voy. sur ce sujet
H. Springer, Bas altprovenzalische Klagelied (Berlin, 1895, p. 78-9).
2. La forme strophique de notre pièce est assez fréquente dans la
poésie dos troubadours (voy. Maus, Strophenbau, p. 97, n" 12, 2; effa-
cer 10, 47 et ajouter 461, 7). Mais elle est tellement simple qu'on ne
saurait conclure de l'identité à l'imitation. En effet, aucune des pièces
réglées sur ce « compas » ne paraît ni avoir servi de modèle à la nôtre,
ni lui avoir emprunté le sien. Il y a en revanche un sirventés de P. Bré-
mon (330, 6; Parn. occit., p. 216) qui a avec le nôtre un rapport incon-
testable. Il se compose, il est vrai, de vers de douze syllabes (et non de
dix); mais dans trois strophes sur cinq, nous retrouvons non seulement
les rimes [oc, ics, op), mais aussi plusieurs des mots mêmes qui appa-
raissent chez Duran de Pernes (voy. le tableau comparatif dans Torraca,
Sut Sordello, p. 18, n. 3); l'imitation do l'un par l'autre est donc évi-
dente. Quel est l'imitateur? C'est ce qu'il est impossible de déterminer
à priori. Il me paraît cependant vraisemblable, comme à M. Torraca,
que c'est notre auteur, et non Brémon; en effet, l'échange de sirventés
entre Brémon et Sordel paraît notablement antérieur à 1242 (voy. Tor-
raca, Sul Sordello, p. 17-18); je forai obsoi-ver de plus que la recherche
des rimas caras est bien plus sensible ch{>z Brémon (celles on e)-?/, art
sont plus rares que celles en art, el dont s'est contenté Duran) ; or, il est
probable que c'est la pièce la plus soignée dans la forme qui est le mo-
dèle de l'autre.
326 A. JEAN ROY.
de 1242; toutefois ces allusions ne sont pas assez précises
pour permettre une affirmation, et je ne crois pas utile de les
examiner.
NOTE ADDITIONNELLE.
Qu'on me permette d'ajouter ici quelques mots au sujet de
deux sirvenlés se rattachant, selon moi, aux événements qui
servirent de préface à ceux que je viens de rappeler. Nous y
trouvons la plupart des mêmes personnages que dans ceux
dont il vient d'être question.
Dans le premier', Bernart de Rovenac reproche leur mol-
lesse aux rois d'Angleterre et d'Aragon : le premier souffre
patiemment que les Français lui enlèvent Tours, Angers, la
Normandie et la Bretagne; le second est trop « bien élevé »
{chausitz) pour s'opposer à de semblables usurpations, et il se
borne « à faire payer cher, là-bas, aux Sarrasins la honte et
le dommage qu'il éprouve ici vers Limoux ». La première de
ces allusions est médiocrement explicite; mais la seconde
nous reporte au moins après la prise de Valence (28 septem-
bre 1238)^, et la suite surtout est beaucoup plus précise :
le poète rappelle à Jacques que le roi de France veut « faire
hériter Alphonse de ses fiefs». Ce vers est évidemment ins-
piré par l'acte du 24 juin 1241, par lequel Louis IX consti-
tuait l'apanage du comte de Poitiers. En réalité, Louis IX
n'avait concédé à Alphonse aucun fief relevant directement
du roi d'Aragon; mais il lui avait peut-être concédé des
droits que le traité de Paris lui assurait a la succession de
Raimon VIL Or dans les États de Raimon VII il y avait des
1. Bartsch, 6G, 3; impr. dans Raynouard, IV, 203.
2. Les derniers mots se rapportent aux droits de suzeraineté de Jac-
ques I" sur le Carcasses, confisqué en 1229 sur Raimon VII. Plusieur.'^
années auparavant, Grégoire IX avait écrit à Raimon-Béranger pour le
prier d'intervenir auprès de Jacques I'"' et de Louis IX à l'eiïet de régler
les difficultés qui s'étaient élevées entre eux à ce sujet (De Tourtoulon,
op. cit., I, 293.)
LE SOULÈVEMENT DE j 242 CHEZ LES TROUBADOURS. 327
fiefs sur lesquels le roi d'Aragon prétendait aussi des droits'.
Une autre allusion nous reporte exactement à la mêmp
date. Le troubadour engage le comte de Toulouse à se souve-
nir de la suzeraineté qu'il exerçait jadis sur Beaucaire : « Si
vous tardez longtemps à la revendiquer, ajoute-t-il, vous et
le roi, dont vous avez la parole, votre entreprise sera
honnie. » Le roi en question [ne peut être que Jacques I", et
le poète songe manifestement à ce fameux traité d'alliance
auquel tout le monde croyait ou feignait de croire. En ce qui
concerne Beaucaire en particulier, Raimon VII faisait préci-
sément alors une tentative hardie pour le recouvrer; au mé-
pris du traité de 1229, il passait, le 30 mai 1241, avec l'ar-
chevêque d'Arles, un acte par lequel celui-ci lui inféodait cette
ville, bien qu'elle fût le siège d'une sénéchaussée royale-. Le
comte de Toulouse, selon une pratique qui paraît avoir été
fort usitée en ce temps, se faisait précisément conseiller par
l'officieux troubadour les actes qu'il se préparait (ou qu'il
était en train) d'accomplir.
Nous trouvons des objurgations non moins vives, mais
réservées au seul roi d'Aragon, dans un sirventés anonyme
(attribué à tort à B. de Born)^ L'auteur reproche à Jac-
1. C'est tUi moins l'interprétation qu'a donnée M. A. ^lolinior, dans
une note de l'Histoire de Lmiguedoc, que je ne puis retrouver. M. Moli-
nier, consulté par moi, veut bien compléter cette explication dans les
termes suivants : « Alfonse, successeur désigné de Raimon VII, devait
hériter de certains domaines (Millau, par exemple) que revendiquait Jac-
ques d'Aragon. De là, les inquiétudes de la cour espagnole. Le bruit
d'ailleurs courait, en 1241, que Louis IX voulait donner à son fils la
« terre d'Albigeois » tout entière (cf. à?^r\sHist. de Languedoc,^!, 730,
le témoignage d'Aubri de Neufmoutiers). C'est peut-être à ces on-dit
que fait allusion B. de Rovenac. Jacques était si bien persuadé de la
valeur de ses droits sur une partie de la « terre d'Albigeois » qu'il y
renonça expressément par le traité de Corbeil. » (Cf. Hist. de Languedoc,
VII, 113.)
2. Hist. de Languedoc, VI, 728. — Je rappelle que la pièce en question
est sur le rythme et les rimes d'une chanson do 'Raimon de ]Miraval.
(Mahn, Ged., 1105; cf. Romania, XXXIl, 139.) Les pièces écrites sur ce
«compas» sont nombreuses (voy. Maus, Strophenbau, n° 535); mais
celle-ci est la seule qui ait les mêmes rimes que la chanson de ^liraval.
3. Bartsch, 80, 42; imprimé par Raynouard, IV, 181, et Stimming,
B. de Bor7i, 1" édit., p. 213.
328 A. JEANROY.
ques I" de souffrir que le comte de Toulouse lui enlève Millau
et Marseille, et lui rappelle que le même priacea failli récem-
ment [antan) lui ravir Montpellier. Au comte de Toulouse, il
fait honte de se montrer si ingrat envers le fils de Pierre II,
et il promet au comte de Provence le secours du roi d'Aragon
dès que celui-ci sera maître de Chiva. M. de Grave \ se rap-
prochant de l'opinion exprimée par Stimming^ et combat-
tant celle de M. de Lollis^ a fait pour rapprocher cette pièce
de 1230 des efforts qui me paraissent malheureux. De Tour-
toulon^ a montré que les allusions à l'histoire du roi en Espa-
gne postulaient une date voisine de 1240; celles qui sont
faites à l'histoire méridionale s'en accommodent également
fort bien. Raimond VII venait alors de reprendre Millau
(été 1237)5 ; les Marseillais, renouvelant, le 5 mai 1236, l'ac-
cord qui les liait au comte de Toulouse, l'avaient transformé
en un véritable traite d'alliance offensive et défensive®, et, en
effet, ils n'hésitèrent pas à lui fournir des troupes pour l'ex-
pédition qu'il dirigea, en 1240, contre le comte de Provence
et dont il va être question tout à l'heure ; mais surtout l'allu-
sion aux troubles de Montpellier ne peut être rapportée qu'à
cette époque. C'est en 1239 qu'une redoutable conspiration
bourgeoise, que Jacques crut nécessaire de venir déjouer en
personne ^ faillit livrer à Raimon VII la possession effective
de la ville, et le comte de Toulouse favorisait évidemment ces
agissements, puisque, dès le 28 août de l'année précédente, il
avait accepté la suzeraineté de Montpellier que lui avait
off"erte l'évêque de Maguelonne.
La principale objection de M. de Grave consiste en ce qu'on
ne verrait pas « contre qui le comte de Provence aurait bien
1. Bertrand d'Alamcuion, -p. 103-7.
2. B. de Born, p. 86 (date proposée : 1231).
3. Opère di Sordello, p. 36, n. 1.
4. Op. cit., II, 41, n. 2.
5. Il était encore sous les murs de cette ville le 28 juin. (De Tourtou-
lon, II, 8, et Hist. de Languedoc, VI, 705.)
6. De Santi, dans Annales du Midi, XI, 204.
7. Il séjourna à Montpellier du 2 juin à la fin d'octobre. Voy. le récit
détaillé des faits dans de Tourtoulon, II, 9-17. Je n'ai pu consulter Ger-
main, Histoire de la commune de Montpellier.
LE SOULÈVEMENT DE 1242 CHEZ LES TROUBADOURS. 329
pu avoir besoin de l'aide de Jacques en 1240 ». Mais contre
Raimon VII lui-même, à l'attaque duquel le poète fait une
assez claire allusion (str. ii). Le comte de Toulouse, parti en
campagne dès les premiers jours de janvier de cette année ^
guerroya contre Raimon-Béranger tout l'été; celui-ci, battu
au passage du Rhône, s'était vu enlever Trinquetaille et il
avait diî assister, impassible, au siège d'Arles et au ravage de
la Camargue 3. Les troupes françaises, immobilisées par la
répression de l'insurrection de Trencavel, ne pouvaient lui
être d'un grand secours; il était donc tout naturel qu'il se
tournât du côté du roi d'Aragon ^
D'accord avec Milà', de Tourtoulon et M. de LoUis, mais
atteignant à une plus grande précision, je placerais donc le
sirventés en question vers le milieu de l'année 1240.
A. Jeanroy.
L Hist. de Languedoc, VI, 716.
2. La paix no fut conclue, à Lunel, quo le 18 avril 1241. {Hist. de Lang.,
VI, 725.) Dès la fin de 12.39, Raimon-Béranger jugeait prudent do ne pas
s'éloigner ; il écrivait, on effet, au légat (10 novembre) qu'il devait différer
de se mettre en campagne pour le Saint-Siège jusqu'au moment où il au-
rait réglé le différend avec le comte de Toulouse, qui occupait Marseille
et le Comtat-Venaissin. [Hist. de Lang., VIII, col. 1033.)
3. J'appelle néanmoins l'attention sur une difficulté soulevée par un
vers de la tornade : « Je voudrais, dit l'auteur, voir flotter la bannière
d'Aragon, lai devas Monfort. » C'est là une façon singulière de désigner
la Provence ou le Languedoc, les deux localités méridionales de ce nom
étant situées dans le Gers ot les Landes. Faudrait-il traduire par : « là
où est Montfort? » Mais l'expression serait bien singulière, ot Amauri de
Montfort, qui n'était pas, du reste, un adversaire redoutable et ne ser-
vait pas le comte de Provence, avait quitté le Midi au plus tard en 1239.
•4. De los trobadores, etc.. p. 171-2.
UN ÉVEQUE DE VENGE
DEVANT L'INQUISITION
On sait quel rôle la famille des Grimakli de Beiiil joua dans
le comté de Nice et en Provence^ C'est un de ses membres,
Jean Grimakli, gouverneur du comté de Nice, qui amena
cette ville à se donner, en 1388, au comte de Savoie. En 1507
et 1508, Georges Grimaldi et son fils Jean, seigneur de Le-
vens, furent accusés de préparer l'annexion du comté de Nice
à la France. Dénoncés au duc de Savoie, ils se virent aban-
donnés par le roi de France, qui négociait avec le duc au
sujet de la ligue de Cambrai; Georges, assiégé dans son châ-
teau, fut assassiné par son barbier, et Jean condamné au ban-
nissement et à la confiscation de ses biens. En 1526, nouveau
complot qui devait encore servir les vues de la France. Enfin,
en 1G17, Annibal Grimaldi. lieutenant général du duc dans
le comté, fit passer sa baronnie de Beuil sous la suzeraineté
et la sauvegarde du roi de France; mais Louis XIII ne lui
maintint passa protection; le fief fut réuni au domaine ducal;
Annibal, condamné à la peine capitale, ainsi que son fils
André, puis assiégé dans le château de Tourettes-Revest,
périt étranglé 2.
1. Saige, Monaco, Paris, Hachette. 1897, p. 42, 75, 101: Docum. Ids-
toriq. sur la princip. de Monaco, toni. II, 1890 et tom. III, 1891; Char-
trier de Saini-Pons, 1903.
2. Sur Annibal et André Grimaldi de Beuil, voir Saige, Docum. histor.
sur la princip. de Monaco, tom. III, p. cl et clxxx, 295 et 434.
UN ÊVÈQUE DE VENCE DEVANT L'LNQUISITION. 331
L'im des membres de cette ûimille, l'oncle même du trop
fameux Annibal, a appartenu à l'Église; mais il n'en fut
qu'un dignitaire équivoque, du moins pendant quelques an-
nées où ses croyances religieuses flottèrent du catholicisme
aux opinions nouvelles et inversement.
Louis Grimaldi de Beuil', — frère d'Honoré que le duc de
Savoie, Emmanuel-Philibert-, nomma le 17 septembre 1560
gouverneur du comté de Nice et le 19 août 1561 colonel et
commandant d'armes de la cité'', — avait été fait clerc à
Nice en 1552, puis protonotaire apostolique ^ En 1560 il de-
vint évéque de Vence, succédant à J.-B. Rambaud de
Simiane, qui fut transféré à Apt''. Il recevait la mitre au mo-
ment où le duc de Savoie venait, en vertu du traité de
Cateau-Cambrésis, d'épouser Marguerite de France, fille de
François P'' et tante de François II, qui régnait chez nous^.
On sait dans quel trouble étaient alors les idées religieuses.
Des prêtres, des évêques même, abandonnaient le catholi-
cisme et se faisaient protestants.
1. Sur Louis Grimaldi do Beuil, voir Saige et comte Caïs do Pievlas,
Chcu'trier de Saint-Pons, p. xxv, xxviii et xxx, iSô à 4:38.
2. Le duc régnait dopuis le 17 août 1558.
3. Tisserand, yice et Alpes-Maritimes , p. .52. Louis et Honoré étaient
fils de René et de Thomasino de Lascaris {ibid., p. .59). Celle-ci avait pour
père Pietrino, coseigneur de la Briga. René fut inculpé do haute trahison
envers le duc de Savoie, reçut son pardon et périt dans un guet-apens
(Gioffredo, Storia délie Alpi Marittime, Turin, 1839). Honoré fut cheva-
lier de l'Annonciade, seigneur de Toudon, etc..
•1. « Protonotaire du cardinal RodolpJie de Savoie. » (Tisserand, op. cit.,
p. 59.) Cette phrase ne signifie rien. Ou n'est pas le pi-otonotaire de quel-
qu'un. Quant au cardinal dont parle Tisserand, je ne le connais pas.
Giofî'redo dit mieux que L. Grimaldi de Beuil était, entre autres titres.
Cl protonotaire apostolique ».
5. Rappelons que .J.-B. de Simiane, fils de Bertrand-Raimbaud IV, —
et frère cadet de Bertrand, qui fut lieutenant général du Dauphiné et fit
venir Cujas à Vienne, — était né le 29 novembre 1520. Il étudia aux Uni-
versités de Toulouse, d'Avignon, de Padoue (où il est cité parmi les
juristes en juill(>t 1512) et de Ferrare (où il fut reçu docteur es droits le
14 juillet 1545). Evoque de Vence en 1.555. — Voir E. Picot, Journal
des Sava)its . mars 1992, pp. 155 et suiv., à propos de l'Université de
Ferrare.
6. Henri II était mort le 19 juillet 1559 et François II mourut dés le
5 décembre 1590. Le mariage d'Emmanuel-Philibert et de Marguerite eut
lieu le 9 juillet 1559, la veille de la mort de Henri IL
332 G. DOUBLET.
Transféré à Apt, J.-B. de Simiane apostasia en 1571 : il
« n'avait pas laissé », dit Tisserand, « pressentir sur le siège
de Vence le scandale qu'il donna sur l'autre ^ ». Grimaldi, qui
lui succédait à Vence, commença par y poursuivre les héréti-
ques. Le duc de Savoie Emmanuel-Philibert ne cessait d'en-
gager les évêques, ceux de Vintimille, de Nice, de Glandèves,
de Vence, — diocèse duquel dépendaient au spirituel trois
villages relevant au temporel de la Savoie 2, — à extirper,
par de fréquentes prédications, les opinions hostiles aux dog-
mes romains. Louis de Beuil convertit au catholicisme sa
belle-sœur^; il siégea au colloque de Poissy, qui se réunit en
août 1561 selon le vœu de l'HôpitaP; il prit part aux dernières
opérations du concile de Trente"'. En avril 1562, le conseil de
Vence avait demandé inutilement au roi Charles IX que
révêque, « étant donné les grands troubles qui sont journelle-
ment en ce pays pour la nouvelle religion *, fût dispensé de
se rendre à ce concile 6; il y alla', mais n'en revint pas
aftérmi dans la foi catholique, bien au contraire. A son re-
tour, il se rapprocha du baron de Vence qui était calviniste :
d'abord pour des affaires de juridiction qui ne concernaient
1. Tisserand, Nice et Alpes-Marit., II, p. 58. Voir aussi P. Anselme,
Hist. généal., II, p. 245 C.
2. Gattières, Bouyon et Dos-Fraires ou le Pharaon (hameau du Broc
dont l'agglomération principale était française).
3. Outre Honoré, qui épousa Giulia, fille de Nicolo Piccamiglio, Génois,
Louis Grimaldi de Beuil avait pour frères : Pierre, qui fut gentilhomme
de la chambre ducale; Jean-François, qui épousa Sibylle de Saint-Tropez;
Alexandre, frère Jacques, dit La Val, chevalier de Malte et commandeur
à Nice (Gioffredo, op. cit.). Il avait aussi des sœurs. Quelle est la belle-
sœur que, d'après les uns, il convertit au catholicisme et que, suivant
d'autres, il gagna au calvinisme? Je l'ignore.
4. Rappelons, pour ce qui suit, que Théodore de Bèze y nia absolument
la présence réelle de Jésus-Christ dans l'Eucharistie.
5. Tisserand, op. cit, p. 67.
(5. Ibid., p. 68.
7. Comme ambassadeur du roi, dit Gioffredo (op. cit., Y, p. 443), en
compagnie du cardinal de Saint-Apollinaire, Charles de Lorraine, arche-
vêque de Reims et abbé de Cluny, qui avait représenté la France au col-
loque de Poissy. Lamberto, évèque de Nice , Clausse, évêque de Senez,
et Guillaume d'Avanson de Saint-Marcel, archevêque d'Embrun, se trou-
vèrent aussi au concile de Trente.
UN ÉVÈQUE DE VENCE DEVANT l'INQUISITION. 333
en rien les questions religieuses', puis sur le terrain d'idées
qui ne ressemblaient nullement aux dogmes que le Saint-Siège
enseigne et impose à ses fidèles. Il fut dénoncé à Rome comme
hérétique^ et cité pour répondre de sa conduite-'. « Nous
avons », dit Tisserand, « l'acte par lequel, le 13 avril 1573,
en présence du Sacré-Collège*, il avait rétracta aux pieds de
Grégoire XIII l'hérésie de Calvin et accepté la pénitence qui
lui fut imposée^ ». Mais l'historien de Nice n'analyse même
pas ce curieux document.
Il fut prouvé que, si l'évêque avait participé aux sessions du
concile de Trente sous Pie IV en 1562 et 1563, il avait quitté
ensuite les dogmes de Rome, afin de suivre les idées de Luther
et de Calvin. On établit contre lui — ce qu'il reconnut lors
du procès qu'il dut subir devant l'Inquisition au lendemain de
la Saint-Barthélémy — que, « pendant beaucoup d'années »,
donc postérieurement à la clôture du concile, au plus tôt de-
puis 1564, il avait hérétiquement admis : « i" que dans le Très
Saint-Sacrement de l'Eucharistie le corps et le sang de
Notre-Seigneur Jésus- Christ ne se trouvaient pas réellement;
2" qu'il n'existait que deux sacrements, le baptême et la cène,
à la façon des hérétiques; 3" que l'homme était justifié par la
foi seule, sans le concours des bonnes œuvres ; 4° que les
vœux religieux ne liaient pas et que les |)rôtres pouvaient se
marier ; 5° que les saints n'entendaient point nos prières et
n'intercédaient pas auprès de Dieu pour nous, et qu'en consé-
quence la glorieuse Vierge Marie et les saints eux-mêmes ne
devaient pas être invoqués, et qu'il ne fallait pas posséder
leurs images ; 6" qu'un purgatoire n'était pas accordé après la
1. Usait-il du droit, laissé par le roi aux évêques, de vendre leur tem-
porel? Cédait-il aux sollicitations du baron? Le fait est qu'il se mit à
aliéner, contrairement aux anciennes transactions, les juridictions de
Vence, Besaudun, Bouyon-en-Savoie, l'Olive, le Ganadel, Saint-Laurent,
vente qui d'ailleurs fat annulée le 3 décembre 1574.
2. Tisserand, oj). cit., p. 72.
3. Ibid., p. 59.
4. Double erreur de Tisserand. C'est le jeudi l(j, non le 13, qu'il se ré-
tracta, et ce fut devant le Saint-Office, en présence du pape et de quatre
membres seulement du Sacré-Collège.
5. Tisserand, op. cit., pp. 78 sqq.
334 G. DOUBLET.
vie présente el qu'il n'était pus nécessaire de prier pour les
morts; T*^ que le Souverain-Pontife n'avait pas une autorité
plus grande que celle de n'importe quel auti'e évèque. » Bref,
tout ce que l'Église catholique ndève d'erreurs et d'hérésies
dans le catéchisme de Luther et dans V Institution chrétienne
de Calvin. Louis de Beuil avait gardé et lu, sans la permis-
sion de ses supérieui's, les livres de divers hérétiques. Il avait
même entraîné, dans les hérésies où il était tomhé, une de ses
parentes, la femme de l'un de ses frères'. Le pontificat de
Pie IV s'acheva, semhle-t-il, et assurément celui de saint
Pie V s'écoula sans que noire évèque de Veuco, qui avait
cessé d'être catholique, se préoccupât de rentrer dans la reli-
gion dont il continuait à être l'un des prélats.
Le jeuili 16 avril 1573, à Rome, l'évêque hérétique abjura
SCS hérésies et revint aux dogmes catholiques, en présence
du Saint-Offlce, dans le palais apostolique. Assistèrent à son
abjuration le pape Grégoire XIII 2, qui régnait depuis moins
d'un an, et les Inquisiteurs généraux, Scipion Rebiba, car-
dinal-prêtre de Sainte-Marie in Transtevere^ , François
Pacheco, cardinal-prêtre de Sainte-Croix en Jérusalem*,
Louis Mandruci, cardinal-prêtre de Saint- Ouuphre% et Jean-
1. Lequel? Je l'ignore.
2. Evèque de Vesli (siège suffragant de Siponto), dans la Capitanate, sous
Paul IV Caraffa, qui i-égna de 1555 à 1559, Ugo Buonconipagno, Bolonais,
avait été fait par Pie IV, à la promotion du 12 mars 1565, cardinal-prèlre
de Saint-Sixte-le-Vieux in via Appia. Il fut élu pape, le 18 mai 1.572.
pour remplacer Pic V, et couronné le 25. Il mourut le 10 avril 1585. Son
neveu Philippo le remplaça le 2 juin 1.572 comme cardinal de Saint-Sixte.
3. Sicilien, fait par Paul IV, en décembre 1555, cardinal-prêtre de Sainte-
Pudentienne, il fut archevêque de Pise, patriarche de Constantinople et
évèque de Sabine. Il- mourut en 1577. Le Trésor de chronologie de Mas-
Latrie ne dit pas qu'il ait été cardinal de Sainte-Marie in Transtevere.
4. Espagnol, fait par Pie V, le 26 février 1561, cardinal-prêtre de Sainte-
Suzanne, puis de Sainte-Pndentienne, il fut archevêque de Burgos. 11
mourut en 1579. Le Trésor de chronologie ne dit jias non plus qu'il ait
été cardinal de Sainte-Croix en Jérusalem.
5. Né à Trente, évêquc de cette ville et de Brcscia, il avait été fait par
Pie IV, le 26 février 1551, cardinal-diacre de Saint-Calixte, puis de Saint-
Onuphre. Le Trésor de chronologie dit qu'il devint ensuite cardinal-
prêtre de Sainte-Anastasie, puis de Saint-Laurent in Lucina, cardinal-
évêque de la Sabine, puis de Frascati, et qu'il mourut en 16UU. Il avait,
UN EVÈQUE DE VENCE DEVANT L*INQUISrnON. 335
Paul de Chiesa, cardinal-prêtre do Saiat-Pancrace ^ Le
Dolaire Claude Duval'^, clerc conjugcdus'^ du diocèse de
Cambrai, citoyen romain, notaire et secrétaire de l'Inquisi-
tion, dressa l'acte. Les témoins de l'acte furent Antoine
Balducci de Forli, dominicain, commissaire général de l'In-
quisition et maître du palais apostolique, et Jean-Baptiste
Bruguatelli de Bobbio , docteur en l'un et l'autre droits,
assesseur du Saint-Office.
Louis de Beuil se mit à genoux devant Grégoire XIII qui
était sur son trône, et demanda le pardon de ses erreurs.
J.-B. Bruguatelli lut la sentence, que le notaire transcrivit aus-
sitôt. Il y est dit que, sous le pontificat de Pie VS Louis de
Beuil était venu à Rome pour représenter le duc Emmanuel-
Philibert de Savoie •% « qui ignorait alors, nous le croyons »,
l'état d'âme ^' où se trouvait son ambassadeur. Pie V, ajoute
la sentence, avait entendu dire que le prélat était suspect
d'hérésie; il se refusa donc à le recevoir jusqu'à ce que son
orthodoxie lut prouvée, mais ne le fit pas retenir à Rome : il
le laissa partir parce que c'était un évêque et un ambassadeur
du duc de Savoie, par c^gard pour ce prince.
Le choix lui était ainsi donné ou de rester à Rome pour'
établir sur le champ son orthodoxie, ou de retourner auprès
de son maître pour résigner les fonctions qu'il avait reçues
de lui : après quoi il reviendrait se justifier devant le pape.
ainsi que Charles do Lorraine, siégé au concile de Trente : tous deux
étaient les cardinaux non-légats.
1. Né à Tortone, fait par Pie V, en mars 1568, cardinal-diacre (do quel
titre, le Trésor de chronologie ne le dit point), puis cardinal-prêtre de
Saint-Pancrace, on 1568 aussi ; il mourut en 1575.
2. Ou bien « délia Valle ».
3. Voir l'explication du mot dans Du Cange.
4. Pie V Ghisleri, qui fut béatifié par Clément X en 1672 et canonisé
par Clément XI on 1712, avait été élu, le 7 janvier 1566 et couronné le 17.
Il organisa contre le sultan Sélim II l'expédition naai-itime qui aboutit,
en 1571, à la victoire de Lépante. On sait avec quelle énergie cet ancien
dominicain, qui avait été inquisiteur général pour les Etats romains sous
Paul IV, s'appliqua, dans Rome même, à la réforme de l'Eglise selon l'es-
prit du concile de Trente. Il étaitmortle l" mai 1572: on célèbre sa fête le 5.
5 Duc de 1553 à 158U.
6. Qualitates, dit le texte.
336 G. DOUBLET.
Tant que Pie V vécut, Louis de Beuil ue remit pas les pieds
à Rome. Après l'élection de Grégoire XIII, donc à la fin
de 1572 ou au début de 1573, c'est de lui-même, ajoute la
sentence, qu'il y revint, et qu'il promit d'être désormais bon
catholique; le procès eut lieu; il fut établi qu'il était non
suspect d'hérésie , mais formellement hérétique, et depuis
beaucoup d'années, per rrtultos annos. Le pape, après avoir
consulté les Inquisiteurs généraux, proclama qu'il avait
encouru criminellement les peines prononcées par les Consti-
tutions Apostoliques et les saints Canons contre les héré-
tiques, le condamna, puis eut égard à son repentir, ou à son
désir de rentrer dans l'Église Romaine et d'abjurer les héré-
sies, à son affirmation que depuis quelques années, ab aliquot
annis cih^a, il était revenu aux dogmes de l'Église catholique
et qu'il y croyait désormais avec fidélité. Le pape usa de
douceur; il insista sur ce que c'était en dehors de toute con-
trainte que le coupable se présentait devant lui et avouait ses
erreurs; il constata que Louis de Beuil s'était bien conduit
au concile de Trente', qu'il avait depuis beaucoup d'années,
1. Le détail est à noter. Louis de Beuil avait été nommé évèque en 1560
et préconisé, par conséquent, par Pie IV Medici ou Medichino, l'oncle
de saint Charles Borromée, et c'est ce pape qui réunit de nouveau le
concile de Trente en 15(50, fit reprendre les travaux interrompus depuis
1552, procéda à la clôture de la fameuse assemblée, confirma et publia
en 1564 ses décrets dans toute la chrétienté. Si l'on consulte la liste des
pères du Concile, on y trouve, en effet, parmi les « Episcopi Pii quarti y>,
le nom de Liidovicus de Beuil, Gallus, episc. Venciens. Si Louis de
Beuil participa do 1562 à 1564 aux dernières opérations du concile que
Paul HT avait ouvert et que Jules III n'avait pu clore, il n'en fut pas
moins entraîné, sous le pontificat du successeur de Pie IV, à quitter
Eome pour le calvinisme. L'archevêque d'Embrun, métropolitain de
Vence, Guillaume d'Avançon, nommé sous Pie IV comme Louis de Beuil,
François Lamberti, évèque de Nice, nommé sous Paul III, et LTgo Buon-
compagno, évèque de Vesti, nommé sous Paul IV Carafi'a — il devint
cardinal de Saint-Sixte sous Pie IV et pape sous le nom de Grégoire XIII
— avaient également pris part aux sessions du concile de Trente. De
même un autre suff'ragant d'Embrun, l'évèque de Senez, Jean Clausse.
(Voir chanoine Espitalier, Bull, de la Soc. d'études de Draguig7}an,
t. XXI, 1889, p. 67.) C'est entre les mains de Louis Grimaldi de Beuil
et celles de son collègue de Marseille, Pierre Ragueneau, que Bertrand
de Romans, nommé évèque de Frèjus en 1566, fit sa profession de foi
avant de prendre possession. [Ibid., p. 75.)
UN EVEQUE DE VENCE DEVANT l'INQUISITION. 337
a multis annis dira., fait du bien aux catholiques et tra-
vaillé à ramener beaucoup d'hérétiques, notamment sa belle-
sœur. Il lui permit de lire la formule de son abjuration, renonça
à confisquer ses biens, le rétablit dans la dignité épiscopale
et dans les honneurs dont il avait été ipso jure et facto
privé, lui imposa pour pénitence, durant une année, de célé-
brer à chaque quatrième férié une messe de Requiem, à
chaque cinquième une du Saint-Esprit ou du Saint-Sacre-
ment, et chaque samedi une de la sainte Vierge (à moins
qu'une fête double ne se présentât); de dépenser durant cette
année 100 écus d'or soit à une custode, soit à un tabernacle,
pour honorer le Saint- Sacrement ; de faire des aumônes
pour les âmes des défunts; de réciter chaque sixième férié
les sept psaumes pénitentiaux avec les litanies et collectes,
devant un Crucifix ou une Madone, à genoux; de dire le
rosaire à chaque fête de précepte; de réciter chaque mois
l'office des morts en entier, et de jeûner chaque sixième
férié.
La sentence du pape rendue et lue, l'évêque se mit à genoux
devant lui, mit la main sur les Évangiles, abjura ses erreurs
et ses hérésies selon une formule que le notaire transcrivit.
« Moi, indigne évêque de Vence, âgé de quarante ans, etc.,
je ne ferai plus d'actes hérétiques, je ne lirai plus les livres
des hérétiques, je ne me rendrai pas à leurs réunions, je n'au-
rai de rapports avec eux que pour les ramener à la foi, et
ceux que je soupçonnerai, je les signalerai sans retard à qui
de droit; je ferai ma pénitence, et si jamais je retourne aux
idées que j'abjure, je me soumets aux châtiments prononcés
contre les relaps ».
Acte fut dressé du tout'.
Louis de Beuil résigna son évêché de Vence en 1576. Il se
retira en Savoie, d'abord auprès de son frère Honoré, le gou-
verneur de Nice. Puis, il fut nommé abbé de Saint-Pons et
1. Une copie, prise au xyii° siècle, de cet acte si important pour l'iiis-
toire de l'église de Vence existe aux Archives départementales des Alpes-
Maritimes, Ec. de Vence, G. 48. Tisserand n'y a fait, je l'ai dit plus haut,
qu'une allusion rapide.
ANNALES DU MIDI. — XVI. 23
338 G. DOUBLET.
grand aumôaier' du duc Emmanuel -Philibert. Enfin, il
devint chancelier de l'ordre de l'Annonciade-. Quand le duc
Charles-EmmanueP envahit la Provence et poussa jusqu'à
Aix, en novembre 1590, «on voyait près de lui Louis de Beuil,
l'ex-évêque de Vence, son grand aumônier, Barcillon de Saint-
Paul, le premier consul de Vence, les évêques de Riez et de
Sisteron^ ». Louis de Beuil figura aux. Etats de Provence que
le duc de Savoie avait convoqués pour]e22 janvier 1591 dans
le palais archiépiscopal d'Aix^ Le dimanche 31 mai 1592,
comme évèque titulaire de Vence et abbé de Saint-Pons, il
assista, eu même temps que L. Fiesco, des comtes de Lava-
gna, évêque d'Albenga, l'évéque de Nice, G.-L. Pallavicino, à
l'occasion du sacre, fait dans la cathédrale Sainte-Réparate,de
Guillaume Le Blanc^au profit de qui Clément VIII venait,
par une bulle en date de février, d'unir les deux sièges de
Grasse et de Vence''. En 1593, il fut envoyé par le duc de Sa-
1. Tisserand, Nice et Alpes-M., II, pp. 78 et suiv. .Sur l'élection comme
abbé de .Saint-Pons, près de Nice, faite le 23 janvier 1590 et confirmée le
10 février par le vicaire-général de l'abbé de Saint- Victor, voir Gallia,
tom. III, col. 24i et suiv. Clément VIII Aldobrandini, élu le 30 jan-
vier 1-592, lui délivra la bulle de provisions de cette abbaye le 26 avril.
(Saige, Chart. de St-Pons, p. 435).
2. Voir le Dictionnaire de Moi'eri, art. Annonciade. L'ordre avait été
fondé par Amédée VI, dit le comte vert. Le duc Charles III, qui en fut
en 1518 le onzième chef, le donna à Honorât Grimaldi, baron de Beuil,
gouverneur de Nice et ambassadeur en France. Le duc Emmanuel Phili-
bert, qui en fut en 1568 le douzième chef, à un autre Honoré Grimaldi,
baron de Beuil, qui fut aussi gouverneur de Nice. Le duc Charles-Emma-
nuel I^', qui en fut en 1581 le treizième chef, à Annibal Grimaldi, comte
de Beuil, gouverneur de Nice lui aussi et général des galères. Quant
aux fonctions de chancelier de l'ordre, elles furent occupées par des pré-
lats : sous Charles III, par l'évéque de Belley, Claude de Stavaye; sous
Emmanuel-Philibert, d'abord par l'évéque d'Asti, Gaspard Capris, qui
était grand aumônier de Savoie, puis par l'archevêque de Tui-in, Jérôme
de la Rovère, qui était cardinal-prètre de Saint-Pierre-aux-Liens depuis
décembre 1.580, et sous Charles-Emmanuel, par notre évêque de Vence,
puis par l'archevêque de Turin, Philibert Millet.
3. Emmanuel-Philibert mourut le oU août L580; son fils, Charles-Emma-
nuel I", le 26 juillet 1630.
4. Tisserand, loc. cit., p. 101.
5. Giofl'redo, op. cit., VI, p. 7.
6. Ibid., p. 25.
7. Voir deux articles de moi, l'un dans les Annales du Midi de 1901 :
Guillaume Le Blanc, évêque de Grasse et de Vence, l'autre dans les
UN ÉVÉQUE DE VENCE DEVANT L'iNQÙISITION. 339
voie pour convenir d'une trêve avec les gens du roi en Pro-
vence; il revint à Nice, le 27 septembre, ramenant d'Aix des
députés chargés de traiter avec Charles-EmmanueP. Louis
Grimaldi de Beuil songea, quand son frère mourut, à devenir
gouverneur de Nice^. Il fut comte palatin, « cavalière aurato )i>,
dit Gioffredo^, prieur des églises paroissiales Saint- Véran
d'Utelle, Saint-Antoine de Levens et Saint-Jean du Villars',
grand prieur de l'ordre des saints Maurice et Lazare, prévôt
de Saint-Jean d'Avigliana du Monl-Cenis^. Le 26 avril 1500,
Sixte-Quint" lui permit de garder le titre d'évêquo de Vence,
bien qu'il eût résigné l'évêché, et la prévôté du Mont-Cenis :
il a été dit qu'il prit possession de l'abbaye le 15 septem-
bre, et Pallavicino, évêque de Nice, assista à la cérémonie^.
Le 2 février 1602, le collier de l'Annonciade fut donné à
Louis Grimaldi de Beuil et à son neveu Annibal*^, gou-
verneur de Nice, qui devait finir sa vie d'une manière si
tragique.
En 1608, malgré son grand âge, il voulut se rendre au cha-
pitre de l'Annonciade, se mit en route pour Turin, tomba ma-
lade à Sospel, se fit transporter à Menton et de là, sur une
galère, à Nice où il mourut le 5 février 1608. Il fut enseveli au
couvent de Saint-Pons parles «Disciplinant! del Santo Se-
pulcro" ».
Deux de ses successeurs à Vence étaient morts à cette date,
Audin de Garidel, qui le remplaça dès 1576, et Guillaume Le
Annales de la Société d'Études provençales de 19U4 : La bibliothèque
de G. Le Blanc.
1. Gioffredo, lac. cit., p. 4(J.
2. Ibid., p. 101.
3. Gioffredo, op. cit., V, p. 154.
4. Ibid.
5. Ibid., p. 667.
6. Mort le 27 août 1590.
7. Gioffredo, loc. cit. L'abbé do Saint-Victor rônfirnia rr'iecliun Je'
Louis Grimaldi en tant qu'abbé commendatairc do Saint-Pons {Gallia,
t. m, Inst. col. 246). Le 24 février 1593 une convention entre L. do Gri-
maldi et les moines assura leur subsistance (Saige, Charf. de St-Pons,
p. XX. V et 436).
8. Gioffredo, VI, p. 136.
9. Ibid., VI, p. 162.]
340 G. DOUBLET.
Blanc^ qui fut nommé, en septembre 1588, èvêqiie de Vence
et presque aussitôt, par surcroît, évêque de Grasse. Son troi-
sième successeur, Pierre du Vair, occupait depuis 1601 le
siège des saints Véran et Lambert.
C'est ainsi que les idées de Luther et de Calvin y régnèrent
un instant dans la personne de cet évêque, issu d'une famille
dont une branche — celle à laquelle il appartenait — se ren-
dit célèbre par ses trahisons commises envers la maison de
Savoie^.
G. Doublet.
1. Nous avons dit que Louis de Beuil fut un des trois évèques qui
imposèrent les mains à celui-ci le 31 mai 1592.
2. Gioffredo, qui fait le plus grand éloge de Louis de Beuil, ne dit pas
un mot de sa fugue temporaire dans le camp des calvinistes.
MELANGES ET DOCUMENTS
A PROPOS d'une chanson DE PEIRE D'ALVERNFIE.
(Lettre à M. A. Jeanroy.)
Cher Maître,
Dans votre compte rendu de l'édition de Peire d'Alvernhe
par M. Zenker {Romania, XXXII, 313), vous avez renoncé à
examiner le texte de la pièce III, qui vous a paru un tissu
d'énigmes. Dans son instructif compte rendu publié ici-même
(XIV, 374) M. Goulet n'avait pas cru davantage devoir en dire
son sentiment. Quant à l'éditeur même, il a remplacé par des
points de suspension la traduction de quelques vers et reconnu
que son interprétation de quelques autres était bien incer-
taine. Permettez-moi de vous demander l'bospitalité des
Annales du Midi pour ces quelques notes, qui, si elles appor-
tent peu de certitudes absolues, me paraissent du moins
suggérer pour quelques vers des interprétations très plausi-
bles. Cette pièce, véritable manifeste littéraire, est assez inté-
ressante pour mériter quelques efforts.
Voici la strophe I d'après le ms. V, légèrement modifié par
M. Zenker (l'ablation d'une vignette n'en a laissé subsister
dans E que quelques syllabes) :
Sobrel vielh trobar ei novel
ï Vuelh mostrar mon sen als sabens,
34-' ANNALES DU MIDI.
Qu'entendon be cil que a venir so
4 Qu'une tro per me no fo faitz vers entiers;
E qui non cre qu'eu sia vertadiers
6 Auja dese con estau a razo.
Le texte est satisfaisant (au v. 5 je lirais plutôt qiien); aux.
excellentes observations de M. Zenker je n'en ajouterai
qu'une : au v. 4 qu'âne tro per me no fo faitz vers entier,
le pléonasme n'est qu'apparent; jusqu'à moi il n'a pas été
fait de vers parfait; et il en a été fait un par moi. — Le sens
est trop clair pour qu'une traduction soit néce.ssaire.
La strophe II est plus difficile; en voici le texte d'après
M. Zenker' :
Qu'ieu tenli l'us e"l pan e-1 coutel
8 De que-m platz apanar las gens;
Que d'est mestier s'an levât capairo
10 Ses acordier que no-s rorapa'l seradiers;
Qu'ieu die (dese) e mostr'els faitz no (vers)
12 Qu'a fol parlier ten om lui e'I sermon.
Les v. 9-11 n'ont pas été traduits par M. Zenker. Je com-
prends le premier : « pour [faire] ce même métier se sont levés
des chaperons». Le poète donne ironiquement le nom de cha-
perons à des poètes présomptueux et sots, qu'il juge indignes
du nom de trobadors. Le contenant est pris pour le contenu
comme dans l'expression actuelle : « un gros bonnet »; cf.
« A telz chaperons esbahys » (E. Deschamps dans Lacurne)
et « Une assez bonne adventure advint à un chaperon fourré
du Parlement » (Cent Nouvelles dans Liltro). — Le moine
de Montaudon {Pos Peire, v. 4) a aussi employé l'expression
levar se en parlant de poètes parvenus à la notoriété.
V. 10. Rompre l semdier doit signifier « faire dévier le
sentier» : ces gens là n'ont pas à cœur de suivre le droit
1. [La singulière métaphore du vers 7 se retrouve dans la nouvelle leçon
d'une pièce do Guillaume IX [Ab la doussor) publiée récemment par
M. Bortoni {Nuove rime provenzali, p. 23; extrait des Studj romanzi,
n° 2) : 7I0S naven lo pan el cotel. — A. J.].
MELANGES ET DOCUMENTS. 343
chemin; cf. I, 21-2 : qui de gaug a dezùHe?' — ienga a dreit
so semdier.
Pour le V. 11, M. Zenker a reproduit la leçon de V, en met-
tant entre parenthèses les mots qui faussent la rime; l'autre
ms. (nous n'en avons que deux pour cette pièce) nous fournit
au moins la rime en -iers ; il suffît de lire nier au lieu de ner.
Il faut, à la fin du vers (E : si mostron faitz nouers) une
correction plus radicale; je propose : si mostra'l fatz obriers.
Quant à nier il suffit de se reporter à I, 19 pour voir que cet
adjectif peut avoir le sens de « mauvais, blâmable »; mosira
pour mostron s'impose; en effet vous m'avez fait remarquer
vous-même et M. Zenker a bien vu que le v. 11 appelle ici un
substantif au singulier : après avoir attaqué les « chaperons »
en général, Peire en prend un seul à partie. Je traduirais
donc : « Pour faire ce métier se sont levés des individus non
soucieux de se tenir dans le droit sentier; et je dis que plein
de noirceur (maladresse) se montre le sot ouvrier* ; aussi les
tient-on pour fous, lui et son discours ».
Voici le texte de la strophe III, tel que l'a constitué M. Zen-
ker, avec les leçons des deux ms. :
Qu'a un tenen ses mot borrel
14 Deu de dir esser avinens;
Car qui trassalh de Mauri e Mire,
16 Entrai mieg falh si no's pren ah ladriers,
Com del trebalh quecs motz fas messatgiers ;
18 Qu'en divinaZ/i met l'auzir de maiso.
1.3 da u. V; cazun tenen sen moc borrel E; boreil V. — 15 tras al de
maiirmen miran E. — 16 ladreis E. — 17 queix mot V; quieis motz fatz
treza"iers E. — 18 diuinar V: deuinar E. — 18 dainaion E.
1. Un certain Bernard Martin a lo pintor » se crut visé par Peire,
comme le montre sa virulente réplique (éd. Zenlvcr, p. 20 et suiv.). Si
c'était réellement à lui qu'en avait notre poète, lo mot obriers se justi-
fierait de lui-même. [Il me paraît se justifier, même sans cette circons-
tance : Guillaume IX (et d'autres après lui) parle de son « métier », de
son « atelier » [Ben voill, str. 1); c'était un véritable métier, on effet,
exigeant des qualités techniques, que l'art tel qu'il était alors prati-
qué. — A. J.)
344 ANNALES DU MIDI.
M. Zenker considère (p. 180) cette strophe comme « irré-
médiablement altérée », et après avoir semé de points d'inter-
rogation la traduction des trois premiers vers, renonce à tra-
duire les suivants. Il énumère les divers essais d'interpréta-
tion, qui, en effet, ne sont guère admissibles. Je déclare ne
pas mieux comprendre que mes prédécesseurs le v. 18, qui
doit être altéré; pour les précédents, le texte de M. Z. me
paraît satisfaisant (sauf que je lirais plutôt au v. 15 Mori,
pour obtenir l'exacte transposition des voyelles de Miro, et au
V. 17 fœs, c'est-à-dire fa se); le sens serait (il faudrait natu-
rellement modifier la ponctuation de l'éditeur) :
« Car d'un bout à l'autre, sans mot superflu, il (l'auteur ou
le discours) doit être agréable dans ses expressions; car celui
qui saute de Mori à Miro (qui transpose les parties d'un tout,
qui fait des coq-à-l'âne) tombe au milieu (de son chemin) s'il
ne se prend aux côtés (s'il ne s'accroche à la rampe). De
même (?), chaque mot est messager de torture (annonce que
l'auteur s'est mis l'esprit à la torture), car il soumet une
énigme à l'auditeur dans la maison (??) ».
Str. IV :
E qui qu'en frima ni "n fragel.
20 Pus qu'es mos trobars tan valens,
22 leu son (iratz) e die qu'ieu soi primiers
De ditz eomplitz vensen mos fatz guerriers,
24 Que-m levon cv'Uz que ieu no m'en tenh pro.
Les deux premiers vers ont été fort bien saisis par M. Zen-
ker, et je traduirais comme lui : « Qui que ce soit qui en fré-
misse ou bouillonne (s'agite), puisque mon art est si parfait... »
Le V. 21 manque; mais le contexte en indique au moins le
sens général : « que seul un sot peut le contestera » — Au
22 quieu s. i. e d. que sol E; queu sol V. — 23 uezen V. — 24 quem
leuon crini cane no Ton uertadiers que eu metex no men pusc tener pro V;
crim E.
1. Je ne résiste pas à la tentation d'en proposer une restitution, évi-
demment très hasardeuse : Qu'us acropits sols mi dira de no.
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 345
V. 22, me foadant sur XII, 68, je propose, au lieu de iratz,
([Lii fausse la rime, formitz ^ Ou aurait donc, pour la fin de
la strophe, le sens suivant : « Car je suis bien pourvu et je
soutiens que je suis le premier (des troubadours); par mes
œuvres accomplies, je triomphe de mes sots adversaires qui
me reprochent à grands cris de n'en tirer aucun profit- ».
Str. V :
Doncs com qu'il sion d'un tropel
26 Menten tôt gent er per las dans :
le 'm sen sertas del mielhs qu'es e que fo,
28 Ensegurai: de mon chant a sobriers
Vas los bauzas, e sai que die. qu'estiers
30 No vengra •! gra«, don a trop en sazo.
Cette strophe ne présente pas de difficultés. Je lirais seule-
ment au V. 28 (avec V) : e seg. et (avec E) : e sobriers, a so-
briers ne me paraissant pas pouvoir former une locution
adverbiale Je traduis à peu près comme M. Zenker :
« Donc, bien qu'ils (mes sots adversaires) forment tout un
troupeau, ils mentent gentiment par les dents, car je me sens
certain de faire mieux que ce qui est et a été (fait), et sûr de
mon chant et supérieur aux fourbes, et je dis sciemment que,
sans cela (sans mon art consommé) ne viendrait pas le grain
qui est en abondance à la saison (voulue). »
Peire d'Auvergne se vante ici de sa fécondité; c'est à ce
vers que Bernart Martin nous semble répondre que lui ne
fait dans toute l'année que un, deux ou trois vers au plus.
1. [On pourrait proposer aussi arditz. — A. J.]
2. [La lacune pourrait être, non au v. 21, mais aux v. 22 (sauté par V)
et 23-2'l (dernier Iiémistiche du premier et premier hémistiche du second
sautés par E). On pourrait, en combinant les deux leçons, proposer la
restitution suivante (au v. 21, il suffit d'une simple transposition pour
obtenir la rime; quant à ma correctien au v. 21, elle n'est guère moins
chimérique, je le reconnais, c[ue celle de M. Dejeanne) :
Jeu soi arditz e die qu'iou primiers so ,
De ditz complitz vensen mes fatz guerriers,
Que -m levon cri^a: c'anc no fon vertadiers.
Que d'etz mos ditz no m'en pu[e]sc tener pro.
A. J.]
346 ANNALES DU MIDI.
Str. VI. Elle n'est conservée que dans le seul ms. E, que
reproduit M. Zenker avec, aux v. 33 et 34, deux légères cor-
rections imposées par la rime :
Quar er m'abelis e m'es bel
32 Qu -el mieu joi s'enant la jovens;
E s'ieu ren die que lur an enviro,
34 Aissi m'en gic, qu'ans gaugz mi creis dobliers
D'un dous espic qu'es jojos consiriers,
36 Don m'an amie ueiraais li mal e -il bo.
C'est ici, cher maître, que je me suis trouvé fort embar-
rassé avec ces joi et ces gaug qui s'opposent sans s'éclairer,
car la traduction, toute littérale, et sans nul commentaire, de
M. Zenker ne projette sur ces vers qu'une lumière assez dou-
teuse. Mais vous m'avez rappelé fort à propos les deux sortes
de Joi qui se partageaient le cœur de Pierre, ce chanoine
devenu jongleur, qui n'avait pas dépouillé le vieil homme.
M. Coulet avait déjà mis en relief, pour les pièces I et II, les
caractères de ceiie Joie tour à tour mondaine et religieuse.
Guidé par vous, je traduirais ainsi celte strophe : « Mainte-
nant il me plaît et m'est agréable que par ma joie s'exalte la
jeunesse, et si je dis chose qui aille autour des jeunes (si
mes chants parviennent à eux) [qu'ils sachent que^ j'y re-
nonce, car une double joie s'élève pour moi (probablement
celle d'avoir été un bon poète et d'être un bon chrétien), joie
d'un doux épi (le salut éternel), qui est un joyeux souci (une
préoccupation de bonheur), par laquelle bons et mauvais
m'auront pour ami (c'est-à-dire que mes sentiments chrétiens
m'imposent la charité, même envers les 'méchants). »
Reste l'envoi, dont voici le texte, conservé uniquement
dans E (ricœ au v. 37, au lieu de rie) :
D'aisJ "m sent rie per bona sospeiso,
38 Qu'en joi m'asic e m'estau volentiers,
Et ab joi pic e gaug mos deziriers
40 Et ab joi pic e gaug vuelh Dieus lo -m do.
Ces quatre vers sont-ils altérés? Pas plus que M. Zenker, je
MELANGES ET DOCUMENTS. 347
De vois (le correction possible, sinon que je remplacerais, au
V. 38, asic par a/îc. M. Zenker fait observer avec raison que
le poète n'a pu employer le même mot pic aux rimes intérieu-
res; mais ce mot peut avoir deux sens différents : au v. 39,
ce serait pic{a), verbe ayant pour sujet deziriers ^ ; au v. 40,
ce serait cet adjectif que le Donal provençal (éd. Stengel,
p. 51) traduit par varius. El je proposerais, très dubitative-
ment, la traduction suivante :
« De ceci je me sens riche (ma joie découle de ceci) avec
bonne espérance, que je me fixe en joie et y reste volontiers,
et mon désir pique (travaille) avec joie et allégresse. Et que
Dieu veuille lui donner satisfaction (à mon désir) avec une
joie et une allégresse changeantes (c'est-à-dire peut-être ces-
sant d'être profane pour devenir religieuse). »
Agréez, cher maître, l'expression de mes sentiments bien
amicaux. D"" Dejeanne.
II
A PROPOS d'un chansonnier provençal.
M. G. Bertoni, à qui nous devons déjà tant d'intéressants
travaux sur la littérature provençale, a fait remarquer tout ré-
cemment - que Tassoni, en composant la première rédaction de
ses Considera2ioni sul Petrarca, avait sous les yeux un chan-
sonnier provençal, — et un seul, — qui, selon M. Bertoni, se-
rait perdu. Des indications données par Tassoni, il résulte, en
effet, que dans ce chansonnier les chansons Quan vei la fior
e Verba vert et Aitan ses plus viu hom occupaient respec-
tivement le premier rang parmi les compositions attribuées à
Bernart de Ventadour et à Sordel. Or, ajoute M. Bertoni,
aucun des chansonniers actuellement connus ne répond à ces
deux conditions. Je crois que notre savant confrère se trompe
1. [Le sens de ce verbe nie laisse bien des doutes. — A. J.]
3. Revue des hmr/ues romanes, XLVII, p. 1.56-8.
348 ANNALES DU MIDI.
et que le manuscrit cherché n'est autre que le manuscrit K
(B. N. 12473). La chanson Quan vei la flor y occupe bien
(fol. 15 yo) la première place parmi celles de Bernart de Ven-
tadour. Quant à la chanson Aitan ses plus, elle ne tient, il est
vrai, que le second rang parmi celles attribuées à Sordel, le
premier étant occupé (fol. 109 r") par Tan Tn'abellis lo ter-
minis novel. Mais celle-ci n'est pas précédée du nom de l'au-
teur, la biographie, placée eu cet endroit, en tenant lieu^ On
comprend donc que Tassoni n'ait pas pris garde à cette chan-
son, au reste très efïacée et difficile à lire, et qu'il ait classé
en premier lieu celle qui est en réalité la seconde. On sait
que ce manuscrit, acheté en 1584 à Mocenigo par Fulvio Or-
sini vint, avec l'admirable collection de celui-ci, enrichir
en 1602 la Bibliothèque valicane'-. A quelle époque et dans
quelles circonstances Tassoni put-il l'y consulter? C'est ce
que M. Bertoni découvrira sans doute aisément. Le seul fait
que j'ai voulu ici mettre en relief, c'est qu'il n'y a pas lieu
d'enrichir d'une unité la liste si diligemment dressée par
M. Chabaneau, — liste déjà trop longue, hélas ! — des « ma-
nuscrits provençaux perdus ou égarés ».
A. Jeanroy.
J'avais eu d'abord, moi aussi, la même pensée que l'auteur
de l'article précédent, mais j'y avais renoncé après avoir eu
le manuscrit entre les mains l'an passé, ayant constaté que la
poésie Aitan ses plus y occupe le second rang; il me parais-
sait impossible que Tassoni n'eût fait attention, ni à la pièce
précédente, ni à la biographie qui précède celle-ci. Je ferai
remarquer aujourd'hui que le scribe du ms. d (copie de K)
a commis peut-être une erreur analogue à celle que M. Jean-
roy attribue à Tassoni. Ce copiste, qui omet de parti pris les
biographies, a sauté, lui aussi (col. 344'"^), la première poésie
de Sordel donnée par K. Cette constatation, faite par moi
1. C'est un cas qui se présente plusieui's fois dans ce manuscrit,
comme me l'écrit M. L. Brandin, qui a bien voulu le revoir pour moi à
ce propos.
2. P. de Nolhac, La Bibliothèque de Fuhno Vrsini, p. 107-9 et 313-5,
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 349
après l'impression de mon « mélange », en me prouvant que
l'erreur était naturelle, me conduit à considérer comme vrai-
semblable l'hypothèse de M. Jeanroy. — Je saisis avec plaisir
l'occasion qui m'est offerte de revenir sur le sujet et m'em-
presse de fournir les renseignements que M. J. m'invite à
donner. Le ms., mis en possession d'Orsini, fut transporté à
Rome; or Tassoni y arriva à la fin de 1593 ou au début de
1597 et devint aussitôt premier secrétaire du cardinal Ascanio
Colonna, qui était en étroites relations avec Orsini ' ; après
un voyage en Espagne, il y revint de nouveau dans l'hiver
1602-03 2, époque où il rédigea ses Considerazioni. La conjec-
ture de M Jeanroy est donc très séduisante, et c'est à contre-
cœur que je l'avais repoussée.
Selon une note de la copie de A conservée aujourd'hui dans
la Bibl. Braidense de Milan, cette copie aurait été « peut-être»
utilisée, elle aussi, par Tassoni ^ ; s'il en est ainsi, la chose n'a
pu arriver qu'après la première rédaction des Considerazioni
sut Petrarca. G-. Bertoni.
III
date du concile de BEZIERS, tenu par GAUTIER, LEGAT
DU SAINT-SIÈGE, ET ITINERAIRE DE CE LEGAT DE 1231
A 1233.
En parlant de la légation de Gautier, évêque de Tournai ,
Dom Vaissete affirme que ce prélat était à Béziers en
L De Nolhac, op. cit., pp. 17 et 177.
2. V. Santi, Alessandro Tassoni e il cardinale Ascanio Colonna,
dans Atti e Mem. délia deput. di Storia Palvia pcr le prov. moden. e
parmensi, série V, vol. II, 197 ss.
3. F. Novati, Lectura Dantis. Il Canto VI del Purgatorio, Florence,
1903, p. 47. — Voici co qu'on lit dans la copie de la Bibl. Braidense, d'une
main du xvii= siècle, avec la suscription A. Z. (Antonio Zanelli? V. Tira-
boschi, Bibl. Mod., V, 407) : « Questo bellissimo e'rarissimo codice, in
« cui si conten^'ono le Vite et le Poésie di molti Poeti Prouenzali, fu già
« posseduto dal Dottor Jacopo Grandi Modanese ; ed 6 forse lo stesso
<<. che innanzi di lui fa in potere di Alessandro Tassoni, il quai si souente
« se ne serve nelle sue considerazioni sul Petrarca, nelle Annotazioni al
« Vocabolario ed in altre sue opère con molta sua Iode. »
350 ANNALES DU MiDl.
mars 1232, qu'il alla ensuite à Montréal, et qu'il se rendit de
là à Carcassoano, où on le retrouve le 20 mai suivant'. Con-
trairement à son habitude, cet historien n'a pas indiqué la
source qui signale le passage du légal à Montréal. Nous avons
fait pendant longtemps de vaines recherches pour réparer
cette omission, et nous désespérions presque d'y parvenir
lorsque nous avons découvert deux chartes qui très proba-
blement sont li's mêmes que celles qui ont été employées par
D. Vaissete.
L'une de ces deux pièces a été publiée par Mahul, et con-
cerne l'abbaye de Montolieu ^. Elle montre que Gautier, légat
du pape, était à Montréal en 1232, le IG des calendes de juin,
c'est-à-dire le 17 mai.
La seconde pièce a été transcrite dans le carlulaire de l'ab-
baye de Lézat. Elle est du 6 des kalendes de mai, jour qui
répond au 26 avril: mais, au lieu de lui donner son véritable
millésime, on l'a datée par erreur de l'année 1222. Voici le
texte de ce document qui est res'é jusqu'ici inédit :
« Galterius, Dei gratia Tornacensis episcopus, apostolice
sedis legatus, dilectis in Christo P. de Gosens, archidiacono,
R. de Caustirauo, canonico Saucti Slephani, et R., archi-
diacono de Saves, Tholosane diocesis, salutem in Domino.
Intelleximus quod ecclesia Sancti Medardi de Fossato, Tho-
losane diocesis, tanlo tempore vaccavit quod ipsius donatio
ad nos est de jure devoluta; ideoque discretioni vestre, qua
fungimur authoritate, precipiendo mandamus quatinus dili-
genter veritate super hoc inquisita, si ila esse inveneritis,
ipsam cum pertinentiis suis Bernardo de Saucto Fragulfo,
clerico, de quo bonum et laudabile testimonium recepimus,
authoritate nostra couferatis, dum tamen idem in sacerdo-
tem promoveri, secundum consilium Bitterense, sit paratus,
contradictores vel rebelles per censuram ecclesiasticam com-
pescendo. Quod, si uon omnes his exequendis contigerit
interesse, duo vestrum nihilominus exequantur. Datum apud
1. Hist. de Long., édit. Privai, t. VI, p. (j'rZ.
2. Cartulaire [des communes de l'ancien diocèse de Carcassonne
t. I, p. 91.
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 351
Montem regalem, sexto kalendas maii, anno Domini mille-
simo ducentesimo vigesimo secundo ^. »
Il est évident que le millésime 1222, inséré dans cette
lettre, est inexact. Puisque l'on sait que Gautier n'exerça les
fondions de légat dans notre pays qu'à partir du commence-
ment de 1231 jusque vers la fin de 1233, il n'a pu écrire
cette charte que pendant la durée de cette légation. Mais il
est possible de resserrer la date du document dans des limites
plus étroites. Le cartulaire de Lézat nous fournit le texte
d'une enquête à laquelle il fut procédé justement en vertu
des ordres du légat contenus dans sa lettre de Montréal-. Or,
cette enquête est datée du mois de mai 1232, ce qui est bien
la preuve que la lettre du prélat est antérieure à cette date
et qu'elle ne saurait appartenir au plus tard qu'à cette même
année. D'un autre côté, on verra, dans la suite du pré-
sent article, que le concile de Béziers, cité par notre pièce,
a dû être tenu en 1232 plutôt qu'en 1231 ; la lettre de Gautier
étant postérieure au concile, on peut donc être porté à la
dater de préférence de 1232. Mais ce qui autorise encore
mieux à adopter ce système, c'est la constatation, déjà faite
ci-dessus, de la présence du légat à Montréal le 17 mai de
cette année. Au lieu de supposer que ce personnage séjourna
dans cetle ville à plusieurs reprises et sous deux millésimes
difiérents, il est, en effet, plus simple et plus naturel d'ad-
mettre qu'il s'y rendit seulement en 1232, et qu'il y resta
alors sans interruption pendant une partie des mois d'avril et
de mai.
Nous venons de faire remarquer que, dans la pièce rap-
portée plus haut, révêque de Tournai fait mention d'un
concile qui avait été déjà tenu à Béziers. Cette assemblée
ecclésiastique ne doit pas différer de celle dont les actes nous
sont connus par diverses publications, et qui a été datée
tantôt de 1233 et tantôt de 1234 ^ Ce concile est le seul qui
1. Bibl. nat., lat. 9189, f" 107 v°; et coll. Doat., lOU, f" 27Ô. — Cf. Hist.
de Lany., t. V, col.. 1781.
2. Bibl. nat., lat. 9189, f"' 1U8 r"; coll. Doat, lUU, f» mi .
y. Catel, Histoire des comtes de Tolose, p. ^b-L et suiv. — Knc;/-
352 ANNALES DU MIDI.
ait eu lieu à Béziers vers cette époque, et on verra un peu
plus bas que c'est bien aux décrets qui y furent promulgués
que la lettre du légat fait allusion.
Les actes du concile de Béziers ne portant eux-mêmes
aucune date, ou n'a pu jusqu'ici les attribuer aux années 1233
ou 1234 que sur l'autorité de Guillaume de Puj'laurens' ;
malheureusement, nous avons le regret de constater que,
dans le cas présent, le chapelain de Raimond VII a employé
des termes dépourvus de précision. Après avoir rapporté
deux événements qui sont de l'année 1233, il s'est borné à
ajouter que, vers cette année ou plutôt vers le même temps
{circa illud iempus)., le légat réunit un concile dans la ville
de Béziers Ainsi, ce chroniqueur ne fixe en particulier au-
cun millésime, et il n'indique seulement qu'une simple
période, qu'il semble permis d'étendre pour le moins à deux
ou trois ans. Si nous ne disposions pas d'autres sources, il
serait bien difficile de suppléer à l'insuffisance d'un pareil
renseignement. Mais on a pu voir déjà, par le nouveau docu-
ment que nous publions, qu'il faut exclure d'abord les dates
1233 et 1234 proposées par Catel et par D. Vaissete, et que
c'est nécessairement avant les derniers jours d'avril 1232 que
les prélats de la région durent se réunir à Béziers. Or, comme
d'un autre côté il est certain que cette assemblée eut lieu
durant la légation de Gautier 2, et comme ce prélat n'exerça
ses fonctions que de 1231 à 1233, il en résulte que c'est seu-
lement en 1231 ou dans les premiers mois de 1232 que le
concile a dû être tenu. Ajoutons que l'on peut même remar-
quer que l'année 1233 sert en quelque sorte de base à la
date générale donnée par Guillaume de Puylaurens, et que,
si l'on tient à s'écarter le moins possible de cette base, il
clop. théol., publiée par Migne, Dictiomi. des conciles, I, 383 et suiv. —
Invent, des archiv. muiiicip. de Toulouse, p. 68 et suiv. — Hist. de
Long., t. VI, p. 683.
1. Voyez à ce sujet la note de D. Vaissete dans VHist. de Lang., t. VII,
pp. 89 et 90; et la Chronique de Guill. de Puylaurens (édit. de Catel
pp. 88 et 89.)
2. Nous allons en donner la preuve dans l'alinéa suivant.
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 353
semble qu'il vaut mieux accepter l'année 1232 que l'année
1231'.
En reportant le concile de Béziers à l'année 1234, D. Vais-
sète prétend, il est vrai, que Guillaume de Puylaurens a dit
simplement que le concile fut convoqué par le légat du Saint-
Siège, et qu'il n'a pas donné le nom de ce prélat^. Il est
permis de s'étonner qu'un historien si minutieux et si
exact ait émis une pareille assertion. Sans doute, le légat
n'est pas nommé dans la phrase même où le chroniqueur
parle de l'assemblée ecclésiastique de Béziers; mais Guillaume
de Puylaurens mentionne le môme personnage quelques lignes
plus loin, et il ne saurait y avoir de doute sur son nom, puis-
qu'il le désigne cette fois par son titre (Vévêque de Tournai'^.
Les décisions qui furent prises par les prélats réunis à
Béziers concernent la répression de l'hérésie et la discipline
ecclésiastique. On y prescrivit de nouveau les conditions de
naissance, de moralité et d'instruction qu'il fallait remplir
pour être admis aux ordres sacrés. Il fut ordonné que ceux
qui avaient des bénéfices seraient contraints de prendre les
ordres sacrés au plus tôt; on ajouta que chaque paroisse
aurait un prêtre pour la gouverner, et que, si une cure avait
pour patrons des religieux ou des laïques, ceux-ci devraient
la faire desservir par un curé ou un vicaire perpétuel ap-
prouvé par révêque.
C'est évidemment à la première de ces prescriptions, s'ap-
pliquant à la nomination des prêtres, que fait allusion la
ettre du légat du 26 avril 1232. L'enquête que nous avons
L D. Vaissete a pensé (^ue l'assemblée qui nous occupe fut réunie le
dimanche de Lœtave, dimanche qui en 12o2 répondrait au 21 mars;
mais nous montrerons, dans la suite de cet article, que Gautier était à
Albi le 24 du même mois, et dès lors il devient bien difficile de croire
que ce prélat ait pu assister, à Béziers, à un concile qui n'aurait ouvert
ses séances que trois jours avant. On sait que cettQ dernière ville est
éloignée d'Albi de plus de 13U Ivilomètres.
2. Rist. de Lang., VII, 90.
3. On lit, en effet, dans la CJcronique rédigée par cet auteur et aux
pages 88 et 89 : « Item circa illud tempus dominus legatus apud Biter-
rim concilium celebravit... »; et, après deux autres phrases : « In dicbus
autem legationis ejusdem episcopi Totniacensis, etc. «
ANNALES DU MIDI. — XVI. 23
354 ANNALES DU MiDl.
déjà signalée ne cite pas, il est vrai, le concile de Béziers,
mais on peut néanmoins la considérer comme une conséquence
de cette assemblée. On y voit, en effet, que l'église de Saint -
Médard, appartenant à l'abbaye de Lézat, n'avait pas de
prêtre résidant sur les lieux, et que les moines chargeaient
les curés du voisinage de la desservir, tout en réservant au
couvent une redevance annuelle. Il y avait donc là une situa-
tion irrégulière, qui était en contradiction avec les décrets
rendus à Béziers, et qui devait motiver d'elle-même l'inter-
vention du légat.
Ces dernières observations sont, croyons-nous, sufiîsantes
pour dissiper les doutes que pourraient éprouver peut-être
certains lecteurs, au sujet de l'identité des deux assemblées
mentionnées par la lettre du légat et par la chronique de
Guillaume de Puylaurens '.
Les petites rectifications que nous venons de proposer peu-
vent être complétées assez naturellement par quelques autres
remarques relatives à l'itinéraire du même légat dans notre
région. Cet itinéraire n'est connu que par un très petit nom-
bre de chartes, et ces chartes sont d'autant plus difficiles à
classer que l'on n'est pas encore bien fixé sur le style qui a
été suivi dans renonciation de leurs dates. D'après D. Vais-
sete, le légat aurait fait commencer l'année à Noël ou à la
Circoncision, tandis que, d'après M. Molinier, il aurait pris
pour point de départ, soit le 25 mars, soit le jour de Pâques.
Nous avions cru d'abord que la première de ces manières de
voir était la meilleure; mais voici quelques arguments qui
nous engagent aujourd'hui à changer d'avis.
En septembre 1232, le légat du Saint-Siège, Gautier, évêque
1. Il se pourrait à la rigueur qu'en indiquant le séjour de l'évêque de
Tournai à ^Montréal, D. Vaissete ne se fût apjîuyé que sur l'acte du
17 mai, relatif à Montolieu; cependant, il nous paraît plus probable qu'il
a connu en même temps la pièce du 26 avril publiée plus haut. Si le
savant bénédictin n'a pas lui-même tiré parti du passage que nous avons
utilisé dans cet article, c'est que, sans doute, au moment où il rédigeait
son ouvrage, il n'avait plus sous les yeux qu'un extrait de ce document
et que, dans cet extrait, tout en conservant le nom de Montréal, on avait
omis la mention, pourtant bien plus intéressante, du concile de Béziers.
MÉLANGÉS ET DOCUMENTS. 355
de Tournai, nomma des commissaires ou juges délégués pour
examiner un débat soulevé entre les abbés de Cuxa et de Boul-
bonne, et, en vertu de leurs pouvoirs, ces délégués citèrent
les parties devant eux par un acte du 1" février suivant. Cette
citation ayant soulevé des difficultés, Gautier dut écrire à ses
commissaires une nouvelle lettre, et, dans le texte original,
celle-ci porte la date du 4 mars 1232 '. Or, comme il est assez
évident que cette pièce est de 1233 en nouveau style, il en
résulte que le légat a employé ici l'ancienne manière de comp-
ter, qui ne faisait commencer l'année qu'au 25 mars ou à la
fête de Pâques.
Nous avons aussi des lettres de l'évéque de Tournai du
17 mars 1232, dans lesquelles il rappelle qu'il avait convoqué
à Béziers pour le dimanche de Lœlare Jérusalem les abbés
de Gaillac et de la Chaise-Dieu, et que ces ablés s'étaient
effectivement rendus à son appeP. Si l'on suppose que la date
a été exprimée ici en nouveau style, les renseignements rap-
portés dans le texte deviennent inexacts, car en 1232 on
chante Lœlare le 21, et il est impossible par conséquent que
le prélat ail pu mentionner, dès le 17 mars, des faits qui ne se
produisirent que quatre jours plus tard. Au contraire, ces
difficultés disparaissent si on admet que l'année 1232 appar-
tient à l'ancien style et équivaut par suite à l'année 1233 en
nouveau style. Durant cette seconde période, on chante
Lœlare le 13 mars, et rien ne s'oppose dès lors à ce que les
faits accomplis ce même jour aient pu être rappelés dans
un acte du 17 mars suivant.
11 n'est pas permis de reconnaître avec certitude la manière
de dater employée par l'évéque de Tournai dans les autres
actes qu'il nous a laissés. Toutefois, d*après les deux exemples
ci- dessus, parfaitement constatés, nous croyons que, jusqu'à
nouvel ordre, on peut admettre que son habitude était de
compter l'année en partant du 25 mars ou de Pâques plutôt
que de Noël ou du !«'' janvier. Aussi proposerions-nous dès
1, Bibl. nat., coll. Doat, 81, f<" 73 et 67, ei Iliat. de Lmu/., VI 11, llliii).
2. Gallia christiana, édit. de D. Piolin, I, nnimadversiofies, col. xvii.
3Ô6 ANNALES DU MIDI.
aujourd'hui de rétablir, comme il suit, l'itiaéraire de ce légat
dans notre pays, itinéraire qui, ainsi qu'on va le voir, différe-
rait assez sensiblement de celui qui a été indiqué par Dom
Vaissete.
1231. — Gautier arriva sans doute dans notre région vers
le commencement de cette année ': mais nous n'avons aucun
document qui fixe ses étapes durant cette période, et tout ce
que nous nous permettrons de dire, c'est que ce prélat réunit
peut-être un concile à Béziers avant la fin de 1231.
1232. — Si le concile de Béziers, présidé par l'évêque de
Tournai, ne date pas de 1231, il doit appartenir forcément
aux trois premiers mois de 1232, car nous avons déjà vu qu'il
est antérieur au 26 avril de cette seconde année.
D'après Guillaume de Puylaurens, Raimond de Falgar fut
élu évêque de Toulouse le 21 mars 1231 (1232), et cette élec-
tion fut confirmée aussitôt (continuo) parle légat. On pour-
rait donc soupçonner que ce dernier était alors à Toulouse
ou dans les environs; toutefois nous n'avons découvert aucun
texte original qui prouve l'exactitude de cette hypothèse.
Le 24 mars, Gautier entra solennellement dans la ville
d'Albi ; une déclaration qu'il fit le même jour est datée de
1231, année qui, d'après les remarques présentées plus haut,
doit répondre de préférence à 1232 en nouveau style 2. Cette
opinion, qui est contraire à celle de D. Vaissete, a été adoptée
du reste par M. Molinier^ — C'est, croyons-nous, vers le même
temps que le légat du Saint-Siège visita Saint-Antonin, dans
le Rouergue, localité qui est en effet peu éloignée d'Albi. Une
de ses lettres, qui signale son passage dans la première de
ces deux villes, porte la date 1232, parce qu'elle aura été
écrite après le 25 mars ou encore après le 11 avril, c'est-à-
dire après le jour de Pâques*.
Le 26 avril et le 27 mai, Gautier était à Montréal, et nous
1. m st. de Lang., VI, 065.
'2. Hist. de Laiig., VI, G65; d'Auriac, Hist. de l'ancienne cathédr
d'Albi, 207; Albia christiana, VII, 14.
3. Hist. de Lang., V, 1312.
4. Histi de Lang^, V, 1342: Albia christ., VII, 67.
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 357
le retrouvons ensuite à Carcassonne le 20 mai et le 10 sep-
tembre de la même année ' .
1233. — Le légat faisait encore son séjour à Carcassonne
au mois de mars de cette nouvelle année, ainsi qu'il résulte
d'un acte qui est daté du 4 de ce mois, 1232, et qui, comme
nous l'avons montré, appartient nécessairement à 1233 en
nouveau style.
Il se rendit bientôt après à Béziers, où on constate en effet
sa présence le 13 et le 15 du même mois 2. Mais le 17 il avait
déjà quitté celte localité, et c'est de la petite ville de Quarante
(canton de Capestang, Hérault), qu'il écrivit alors des lettres
dont nous avons déjà étudié la date, et qui, tout en portant le
millésime 1232, fourni par l'ancien style, correspondent à
l'année 1233 dans le style actuel.
Nous ne connaissons pas d'autre charte qui nous renseigne
sur l'itinéraire de l'évêque de Tournai pour la suite de cette
année. L'auteur de ï Histoire de Languedoc^ admet que ce
prélat se rendit à la cour de France vers le milieu de l'au-
tomne de 1233, et que, le temps de sa légation étant expiré,
il retourna de là dans son diocèse^.
Edmond Cabié.
IV
LE PLUS A^TIEN TEMOIGNAGE SUR GUILLAUME DE NOGARET.
Dans l'intéressant article sur la vie privée de Guillaume de
Nogaret que M. Louis Thomas a publié dans le dernier nu-
1. Un acte de juillet 1232 rappelle aussi que le légat avait donné à un
chanoine de Narbonne les dîmes de deux églises situées près d'Albi;
mais on ne rapporte pas la date de cette donation (Albin christ., VII, 65.)
2. Gallia christ., I, anirnadversiones , col. xvii; VI, 67; Hist. de
Lnng., VI, 672, et V, 1599, acte des ides de mars ouT5 mars 1232 (1233).
3. Vol. VI, 675.
4. Nous n'avons pas pu utiliser quelques actes du même légat cités par
Lacoste dans son Histoire de la province de Quercy, II, 233; cet auteur
n'en donne pas les dates précises et ne dit pas si l'on connaît les lieux où
ils ont été écrits,
358 ANNALES DD MIDI.
méro des Annales du Midi (ci-dessus, p. 163), il est dit :
« Le plus ancien document qui, dans l'état actuel des recher-
ches, fasse mention de Guillaume de Nogaret, est un acte du
19 juin 1287, par lequel le roi de Majorque confirme les pri-
vilèges de la ville de Montpellier. » Je connais deux actes
antérieurs analysés en 1883 par MM. Cabié et Mazens dans
leur Carlulaire des Alaman : le mercredi avant les Ra-
meaux 1281, c'est-à-dire le 18 mars 1282, dans le lieu de
Labruguière (Tarn), Amalric, vicomte de Lautrec, et sa
femme Helitz ratifient une sentence arbitrale en présence de
nombreux témoins et notamment « domini Raimundi Leu-
terii. legum professoris, magistrorum Bertrandi de Ferreriis,
Guillelmi de Nogareto, jurisperitorum », et le même jour,
dans le mê;ne lieu, ladite dame Helitz passe une procuration
en présence de témoins parmi lesquels figurent de nouveau
Bertrand de Ferrières et Guillaume de Nogaret, (lualifiés
comme dessus ^
Ainsi, le 18 mars 1282, Guillaume de Nogaret n'était pas
encore docteur es lois, et l'on constate que c'est, comme il est
naturel, dans la région de Toulouse qu'il a fait ses débuts de
praticien.
Antoine Thomas.
1. Loc. laiid.. p. 41.
OOMI'TKS RHNni'S OKITIQUES
Abbé Ed. Albe. Autour de Jean XXII: les familles du
Quercy. (Extr. des Annales de Saint-Louis- dès-Fran-
çais, juillet 1902-juillet 1903.) — Quelques-unes des der-
nières volontés de Jean XXII. (Extr. du Bulletin de la
Soc. des Etudes littér., etc., du Lot. t. XXVII.) — Contri-
bution à l'histoire du diocèse de Cahors. (Extr. de la
Revue religieuse de Cahors et de Roc-Amadour, juillet
et octobre 1902, janvier et avril 1908.)
De quelle nature sont ces études, quel en est le but, c'est ce
que l'auteur a pris soin d'indiquer lui-même. « Ce ne sont ici,
dit-il, que de simples notes prises au cours de recherches pour un
pouillé du diocèse de Cahors. » (Autour de Jean XXII, I'« partie,
p. 1.) L'utilité, d'ailleurs^ n'en est pas moins certaine pour cela.
Empruntées en majeure partie aux Archives si précieuses du
Vatican, les notes en question rectifient ou complètent, sur un
grand nombre de points, l'ancienne Gallia chi'istiana. Elles ajou-
tent même parfois d'heureux suppléments à un ouvrage plus
moderne et justement estimé, la Gallia christiana novissima du
chanoine Albanès. Mais leur caractère en rend a peu près impos-
sible un résumé proprement dit. Tout ce que nous avons à faire,
c'est de marquer ce que l'histoire semble devoir y rencontrer
d'indications pour deux objets d'intérêt supérieur, d'une part, la
personnalité et le règne même de Jean XXII, d'autre part, l'évo-
lution du pontificat romain à pareille époque.
Au premier de ces deux points de vue, M. A,, a réussi à opérer
d'assez intéressantes trouvailles. Non seulement il est parvenu
à déterminer définitivement le lieu de naissance de Jacques
d'Euse {de Osa. de Ossa, de Osla, de Eusa dans les documents ré-
digés en langue latine); ce lieu de naissance est Cahors même.
360 ANNALES DU MIDI.
Il y a plus : il a pu fixer encore son extraction réelle, qui le fait
sortir d'une famille de riches bourgeois, et jusqu'à l'église où il
reçut le baptême. Il a démêlé également ses débuts dans la vie,
débuts où le futur pontife rencontre pour l'appuyer des Quercy-
nois comme lui, et cela dans des pays aussi lointains que le
royaume de Naples. Assurément, ce sont là des détails qu'il était
bon de préciser du moment où la chose était possible. Ceux que
voici, à propos du même personnage, paraîtront pourtant sans
doute d'une autre importance.
Jean XXll, on le sait, emploie une bonne partie de son pontifi-
cat et tout son entêtement, qui n'est pas mince, à débusquer de
leurs situations ecclésiastiques ou civiles les favoris, auxquels
la volonté délibérée ou bien la mollesse de son prédécesseur Clé-
ment V a permis de s'y établir. Il y aurait, du reste, quelque
duperie à croire, comme beaucoup de hardiesse à soutenir, que
Jacques d'Euse ait été poussé à cette opération par une louable
horreur du népotisme et le désir légitime d'écarter des intrus
avérés. On est bien obligé de le dire, sa conduite n'a d'autre rai-
son que le principe vulgaire : « Ote-toi de là que je m'y mette. »
Aux intrigants innombrables, mais peut-être déjà à demi repus,
que Clément V a laissés après lui, succèdent, grâce au nou-
veau pape, d'autres intrigants non moins nombreux, et qui
apportent à la curée une faim insatiable parce qu'elle est encore
entière. Toute la diflférence, c'est qu'au lieu des cadets de Gasco-
gne, on a des Cahorsins et des Quercynois. « Jean XXII, dit à ce
propos M. A., mit des Quercynois dans tous les emplois et dans
toutes les dignités. Ceux-ci furent des princes de l'Église, ceux-là
simplement chargés de l'administration matérielle de la curie
ou de la maison pontificale. Les uns furent légats ou nonces, les
autres panetiers, échansons, scribes ou camériers. » [Op. cit.,
W" partie, I, p. 59.) Ainsi, quel est le résultat de cette révolution
de palais, où l'histoire trop indulgente pour Jean XXII nous
montrerait volontiers, si l'on n'y mettait bon ordre, une haute
mesure de décence et de justice? C'est tout simplement le triom-
phe mesquin et ruineux d'une province sur une autre, du Quercy
sur la Gascogne. C'est l'élimination d'une bande de solliciteurs
avjdes par une autre bande toute semblable, qui recommence
pour son compte le même pillage, la même exploitation de
l'Eglise, dont elle a feint de se scandaliser bruyamment ciiez
autrui*
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 361
En vain alléguerait-on, comme l'a fait M. A., que si Jacques
(l'Euse « a conféré même les honneurs les plus hauts de l'Église
à quelque parent, par pur esprit de famille, il n'a jamais confié
de mission diplomatique, de mission quelque peu importante,
qu'à ceux dont il avait pu apprécier le talent ». [Op. cit., I" par-
tie, pp. 2-3.) Utiles ou inutiles, employés réellement ou confinés
dans le rôle de personnages purement décoratifs, tous ces affa-
més n'en coûtent pas moins très cher au trésor pontifical.
Témoin ce Pierre d'Euse, le propre frère du pape quercynois.
Que fait-il en somme auprès de ce dernier? M. A. confesse
n'avoir pu le découvrir. Pierre d'Euse n'en reçoit pas moins
des gages assez considérables comme chevalier de la cour, et
la Chambre Apostolique paye une partie du loyer des diverses
maisons qu'il occupe dans Avignon. Mais ce n'est pas tout encore.
A ce Pierre, la même Chambre Apostolique remet en deux fois
62,000 florins d'or pour des achats de terres, dont l'une le fait
vicomte de Caraman. (Op. cit., IP partie, I, pp. 62-64; Quelques-
unes des dernières volontés de Jean XXII, 2« document, pp. 6-7.)
Quel moyen, du reste, de repousser des quémandeurs dont la
multitude et l'importunité livrent à la volonté du pontife, vo-
lonté sans doute résolue d'avance à capituler, des assauts irré-
sistibles ? Car à la curée ne sont pas accourus seulement jusqu'au
dernier les frères et les soeurs, les neveux et les nièces, les
parents immédiats du personnage omnipotent, devenu par son
élection le dispensateur possible de tous les biens de ce monde.
Aux d'Euse, pour les renforcer, se sont jointes toutes les familles
quercynoises qu'une alliance rattache à eux de près ou de loin.
Si bien qu'en même temps qu'aux représentants de son propre
sang, c'est à dix, à vingt familles peut-être, également touffues,
ramifiées pareillement en une infinité de branches, dont il a
fallu toute la patience de M. A. pour débrouiller les entrelace-
céments, que Jean XXII doit faire tête. Ce sont les Trian; ce sont
les de Via, dont l'un, Pierre de Via, ne met pas en ligne moins
de huit enfants. Ce sont les de Jean, parmi lesquels le cardinal
Gaucelin accapare une foule de bénéfices disséminés partout,
jusqu'en Angleterre, et s'entoure lui-même d'une troupe de fami-
liers ou cubiculaires, dont le pape, plus ou moins directement,
doit faire par surcroît le bonheur. Ce sont les de Lapérarède, les
de Roset, les du Pouget, dont l'orgueil s'épanouit dans la fortune
éclatante du fameux légat et cardinal d'Ostie, Bertrand. Ce sont
362 ANNALES DU MIDI.
les Cardaillac. Deux de ces derniers ont leur part de dépouilles
dans l'étrange démembrement que subit alors le diocèse de Tou-
louse. L'un devient évêque de Rieux et l'autre de Saint-Papoul.
Pour satisfaire tout ce monde, Jean XXII sacrifie l'argent de
l'Église. Il lui jette à pleines mains les bénéfices avec ou sans
charge d'âmes. Il les entasse par dix, par vingt sur une même
tête. Dans ce cumul, il foule aux pieds, dit M. A., « les décrets
portés contre la pluralité des bénéfices, décrets renouvelés par
lui-même {huile Eocsecrabilis) ». {Op. cit., W" partie, I.pp. 57-58.) Il
donne la tonsure à un enfant de sept ans, un de Jean, écolier à
Cahors. {Ibid.. II, p. 109.) Il ne s'indigne pas que, pour devenir
doyen d'une église collégiale, un de Lapérarède mente au sujet de
son âge. {Ibid., p. 153.)
Ce n'est là cependant que le train coutumierde cette cour pon-
tificale. Mais elle a aussi ses jours extraordinaires, et surtout ses
mariages, ceux de quelques-uns des membres de cette fortunée
maison des d'Euse, élevée désormais au rang de maison souve-
raine. C'est alors que la caisse apostolique, si souvent et si indis-
crètement sollicitée, doit s'ouvrir toute grande. De plusieurs de
ces fêtes, M. A. a pris soin de nous donner le détail. En compa-
raison, les noces de Gamache ne sont que menus de carême.
Vingt boeufs et cent moutons figurent au dernier mariage de
Pierre d'Euse, le troisième qu'il contracte. On ne mange pas
tout, il est vrai. Les restes sont employés pour l'usage du palais.
Notez ce point particulier. L'histoire, douce à Jean XXII, en
tirera prétexte quelque jour pour joindre la simplicité et l'éco-
nomie à toutes les vertus dont elle prétend le gratifier. Ce festin,
toutefois, est encore peu de chose. Que dire du suivant? La cour
pontificale l'offre à l'occasion du mariage d'une petite-nièce du
pape, la fille de son neveu Arnaud de Trian. En voici la carte,
plus que pantagruélique. Ce serait péché que de ne pas repro-
duire en passant ce monument inestimable de la gloutonnerie
humaine : " 4,012 pains, 11 charges de vin, 8 bœufs plus 3 quar-
tiers, 55 moutons plus \ quartier, 8 porcs, 4 sangliers, une
grande quantité de poissons divers, 200 chapons, 690 poules,
380 perdrix, 270 lapins. 40 pluviers, 37 canards, 50 colombes,
4 grues, 2 faisans, 2 paons, 292 petits oiseaux, 3 quintaux et
2 livres de fromage. 3,000 œufs, etc., etc., 2,000 pommes, poires
et autres fruits, etc. » {Op. cit., W partie, I, p. 78, note 1.) Quelle
gigantesque mangeaille et quel appétit chez les convives! Car. il
COMPTES RENDUS CRITIQUES. î^63
faut l'observer, on ne nous dit pas que rien soit demeuré cette
fois d'un aussi énorme amas de victuailles.
S'étonnera-t-on ensuite qu'ayant à caser et à doter tout un
pareil monde ou même seulement à le nourrir, les souverains
pontifes donnent à leur fiscalité un développement de plus en
plus considérable et si exorbitant qu'on puisse dire légitimement
d'eux qu'ils font argent de tout? S'étonnera-t-on également qu'à
son lit de mort, dans sa dernière nuit, Jean XXII, pour son
compte, n'ait d'autres préoccupations que celles qu'a notées
M. A.? Ce pape, dont les heures sont comptées, vous le croiriez
peut être dominé par la pensée du dieu terrible devant lequel il
va paraître, du jugement qu'il va subir, de cette vie nouvelle et
obscure où il va entrer sans retard, et dont, en sa carrière de
prêtre, il a dû bien des fois représenter aux fidèles l'approche
pleine d'angoisse. Non : cette nuit suprême, il la passe, jusqu'à
la dernière minute, à mettre ses comptes en règle, à donner des
quittances, à établir la situation do la caisse pontificale. {Quel-
ques unes des dernières volontés de Jean XXII, documents 1-7,
Pourrait-on imaginer une série d'indications plus significati-
ves ? Pour ce dur et sec Jean XXII, aussi sec et aussi dur que les
rocs de son pays natal, Cahorsin d'origine, Cahorsin par ses
instincts indélébiles de manieur d'argent, et dans le sens où
l'entendent les hommes de ce temps-là, l'histoire, comme on en
a déjà fait plusieurs fois la remarque, semble incliner vers une
tendresse nettement décidée. Mais c'est là un sentiment qui se
justifie mal, si les motifs, à certains points de vue, n'en sont
pas un mystère. Il n'y a pas à s'extasier sur l'attitude par la-
quelle le pontife pense se hausser au niveau de ses prédéces-
seurs triomphants du xii« et du xiir siècle. Cette attitude hau-
taine et intransigeante en face des pouvoirs civils, Jacques
d'Euse peut se la permettre avec l'Allemagne anarchique et
l'Empire réduit à l'impuissance depuis la ruine des Hohenstau-
fen. Moins encore que Boniface VIll. il ne l'aurait prise impuné-
ment, à d'autres époques et avec d'autres adversaires, avec
Philippe-leBel, par exemple, et avec ses ministres. On ne voudra
pas, espérons-le du moins, nous faire admirer chez le même per-
sonnage cette science théologique, dont les élucubrations malen-
contreuses n'aboutissent qu'à provoquer un désaveu si unanime,
que toute la majesté de la tiare ne peut en contenir l'explosion
364 ANNALES DU MIDI.
retentissante. Quand on y regarde de près, ce qui reste en
somme de ce pape trop prisé, c'est une physionomie dont les
traits les plus apparents ne composent guère un ensemble fait
pour séduire. Apreté au gain, ténacité dans la rancune, rigueur
poussée jusqu'à la cruauté, superstition grossière, tels sont ces
traits principaux. On aurait de la peine à y reconnaître quelque
chose comme des vertus. Et voilà qu'à ces traits authentiques
il faut en joindre d'autres qui ne valent pas beaucoup mieux.
Nous voulons dire ce penchant aveugle pour tous ceux qui, de
près ou de loin, se rattachent à sa personne, et que le terme de
népotisme qualifierait bien faiblement, cette prodigalité de toutes
choses en leur faveur, quelque peu inattendue chez un calcula-
teur aussi serré, cette dilapidation réellement folle, au profit
d'une tourbe famélique, de tous les trésors de l'Eglise, spirituels
ou matériels.
Toutefois, ce n'est pas seulement la personnalité de Jean XXII
qui se trouve en cause dans des révélations d'un pareil genre.
Si haute qu'elle soit, c'est bien plus encore, c'est l'Église elle-
même, dont il n'est qu'un des chefs éphémères. A l'égard de
celle-ci, des mêmes documents ressort la constatation d'un fait
capital, celle d'une crise assez grave et assez intime pour met-
tre en question jusqu'à son existence. Pour la crise dont il s'agit,
ni l'expression banale de Captivité de Babylone, appliquée au
temps où elle se déclare, ni la sujétion plus ou moins réelle du
pontificat à la couronne de France, ne sauraient en préciser la
nature ou en donner la raison. Arrêtée dans la réalisation de
ses rêves abusifs de domination universelle, la papauté semble
s'être résignée à sa déchéance. Elle remanie et fixe à nouveau
son idéal, ainsi que les principes de sa politique future, mais en
leur enlevant les proportions démesurées qu'elle avait voulu
leur donner dans les siècles précédents. Des ressources encore
prodigieuses qui lui sont restées après sa défaite, elle s'applique
à tirer désormais tout ce qu'elles comportent d'éclat mondain,
de jouissances humaines. Pour ceux qui l'étudient. elle prend
chaque jour davantage la figure d'une de ces puissances terres-
tres que jadis, au nom d'un idéalisme intraitable, elle a pré-
tendu s'asservir. Le culte des arts, inauguré dans le même âge
chez les représentants de cette papauté moderne, a trop sou-
vent obscurci le sens d'une évolution aussi pernicieuse. Mais ce
culte n'est que la forme, contemporaine en quelque sorte, d'un
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 365
faste orgueilleux, qui s'accorde aussi mal avec l'esprit aposto-
lique que les aspirations affichées à d'autres moments par des
pontifes de mœurs plus simples. Sans doute, une transformation
pareille ne sera pas l'oeuvre d'un jour. Cent ans et plus s'écoule-
ront entre les temps de Clément V et de Jean XXII, où elle se des-
sine, et ceux des Borgia, des Rovère, des Médicis, des Farnèse,
où elle est arrivée à son terme, où elle a produit tous ses effets,
où le pontificat romain est devenu un pouvoir comme tous les
autres, animé des mêmes pensées purement politiques, lancé
dans les mêmes conflits, mis surtout par ses titulaires successifs
au service des ambitions particulières de leur race. Mais, dans
le chemin à parcourir, les étapes peuvent déjà se distinguer. En
tout cas, la papauté a dès lors à sa disposition les agents prin-
cipaux de ses destinées prochaines. Il s'agit de ses légats trop
fameux, instruments de colère et de répression, exécuteurs sans
pitié de sanglantes besognes, voués à un rôle dont l'inconve-
nance, eu égard à leur caractère sacerdotal et malgré l'indiffé-
rence courante, n'est pas moindre que celle des visées de leurs
maîtres. Ce seront plus tard les Albornoz, les Vitelleschi, les
Scarampi. Mais, auprès de Jean XXII, ces derniers ont déjà leur
précurseur et leur émule dans le cardinal d'Ostie, le redoutable
Bertrand du Pouget'. Charles Molinier.
J. Lemolne. Mémoires des évêques de France sur la con-
duite à tenir à l'égard des Réformés (1698). Paris,
Picard, 19 J2; ia-S" de xLViii-412 pages.
La Société qui s'est formée en vue de publier des documents
concernant l'histoire religieuse de la France depuis la fin du
moyen âge jusqu'à la Révolution, vient de faire paraître, sous
le titre qui précède . le premier volume de la collection des
Archives de l'histoire religieuse de la France.
Les textes mis au jour par M. Lemoine nous reportent aux
1. Cet article était déjà imprimé quand nous a été communiquée une
nouvelle étude de M. A. intitulée : Les Quercyiiois en Italie (Annales
de Saint -Louis-des-Français , avril 1904). Nous nous bornerons à la
3ignaler ici. L'étude en question démontre une fois de plus le soin minu-
tieux apporté par M. A. à ses l'echerches ; mais elle n'offre rien non plus
qui ne confirme les conclasions générales que nous avions cru pouvoir
exprimer avant d'en avoir [)ris connaissance.
366 aknaLes du MiOi.
années qui suivent la révocation de l'Edit de Nantes, au mo-
ment où le pouvoir civil découvre que la loi ne vient pas à bout
des consciences vivantes et qu'on les exalte en voulant les vio-
lenter. En I68G. Louis XIV est persuadé que « de plus de huit ou
neuf cent mille âmes qui étaient infectées de l'hérésie dans son
royaume, à peine y en reste-t-il douze ou quinze cents »'. Cinq
années plus tard, en 1691, l'intendant de Languedoc signale au
roi, rien que dans le « pays de Languedoc ». plus de cinquante
mille religionnaires en état de porter les armes » (Lemoine.
p. vu). L'évêque d'Alais estimait, vers le même temps, que les
religionnaires étaient, dans tout le royaume, au nombre d'un
million (p. x).
Il était impossible au roi, comme l'écrivait M"« de Maintenon
(p. XI). de « quitter une entreprise qu'il a poussée si hautement,
sur laquelle il a permis qu'on lui donnât tant de louanges, dans
laquelle ses ennemis ont toujours publié qu'il succomberait ».
Cependant, Louis XIV se décida à demander l'avis des intendants.
De plus, il chargea le cardinal de Noailles de demander des
« mémoires » aux évêques les plus autorisés. Le cardinal con-
sulta les prélats de grande réputation dans tout le royaume et
ceux dont les diocèses contenaient un grand nombre de réfor-
més. Les évéques du Midi donnèrent donc leur avis. Cette
enquête, qui date de 1698, était bien connue; mais les vingt-cinq
mémoires épiscopaux qui en constituaient le résultat étaient
demeurés inédits; ils forment un recueil manuscrit venant du
cardinal de Noailles et conservé aujourd'hui à la Bibliothèque
du Ministère de la Guerre. M. Lemoine publie ces vingt-cinq mé-
moires; il les complète par plusieurs rapports d'intendants et
par des documents émanant de Pontchartrain. de d'Aguesseau,
de Bâvillc, et se rapportant à cette même consultation, qu'il a
puisés dans le ms. fr. 7045 de la Bibliothèque nationale 2.
Le Midi est représenté par les mémoires de Gourgues, évêque
de Bazas; Mascaron, d'Agen; de Briqueville de La Luzerne, de
Cahors; de Nesmond, de Montauban; Le Goux de la Berchère,
d'Albi; Milon, de Condom; de Bertier, de Rieux; de la Broue,
de Mirepoix; de Percin de Montgaillard. de Saint-Pons; Colbert
1. Lettre Mil cardinal Dcstrces, citée dans le BulL de lilt. eccl., 1903,
p. 78.
■2. M. ]>. iiiiprinie à tort lU4o (p. xiii, n. 2).
COMPTES RENDUS CHITIQtJES. 367
de Croissy, de Montpellier; Fléchier. de Nimes; Chevalier de
Saulx, d'Alais; La Garde Chambonas, de Viviers; Le Camus, de
Grenoble.
M. Lemoine y joint l'ordonnance de Bâville sur les écoles
m décembre 1697) et une série de lettres et mémoires de Bâville
sur la question des religionnaires de Languedoc.
Le problème qui se posait était celui-ci : Quelle conduite
tiendrait-on à l'égard des Réformés qui, restés en France et
ayant abjuré, ne pratiquaient depuis aucun exercice de la reli-
gion catholique, ou même prenaient part en secret à des exerci-
ces de leur ancienne religion?... Devait-on obliger les nouveaux
convertis à pratiquer tous les exercices d'une religion à laquelle
ils avaient adhéré par le fait même de leur abjuration, mais que
la plupart reniaient dans leur for intérieur? En cas de refus,
pouvait-on employer la violence pour les contraindre, et dans
quelles limites? (Lemoine, pp. ix, xxiv.) Les évêques et aussi
les intendants furent divisés sur cette question.
A l'exception de l'évêque de Chartres, les évêques du Nord sont
opposés aux mesures de violence. Bossuet est l'interprète le
plus éloquent de ce groupe. « Il devrait être constant que l'on ne
doit employer aucune contrainte pour obliger les réunis à la
messe. » Ne devront être punis que les religionnaires qui con-
treviendront ouvertement aux ordonnances et règlements tou-
chant la paix publique, soit en sortant du royaume, soit en pro-
voquant des assemblées politiques ou religieuses. Hors de ce cas,
« tous les moyens se réduisent à l'instruction convenable et
assidue »,
Tout autre est l'avis des prélats du Midi. Ils sont pour les
mesures de rigueur : ils demandent l'assistance obligatoire à la
messe (évêques d'Agen,de Condom); l'instruction obligatoire des
enfants des nouveaux catholiques (évêques de Cahors et de Gre-
noble); l'autorisation obligatoire des mariages entre nouveaux
catholiques, et même des mariages mixtes; la confiscation des
biens des nouveaux catholiques, dans certains cas (héritage des
hérétiques passés à l'étranger, succession des nouveaux catholi-
ques morts sans sacrements).
D'où venait le conflit d'opinions entre les évêques du Nord et
ceux du Midi? De ce fait que les premiers avaient peu de reli-
gionnaires dans leurs diocèses, tandis que les seconds étaient
déçus et aigris par la défection en masse des nouveaux conver-
368 ANNALES DU MIDI.
tis. La même division se constate chez les intendants dont les
mémoires nous sont conservés. Dans les généralités éloignées
des frontières et de la mer, les intendants sont d'ordinaire pour
la sévérité; c'est qu'ils peuvent tenir les nouveaux convertis
sous une étroite surveillance. Il n'en est pas de même sur les
frontières ou le littoral. Là l'émigration est facile; mais comme
elle est très nuisible au bien public, il faut bien se garder de la
provoquer.
Le cardinal de Noailles exposa au roi la variété d'avis des
évêques, en adhérant pour sa part au sentiment de Bossuet et
des prélats modérés. Et, si l'on en croit M. L., M"'e de Main-
tenon, écrivant à ce même cardinal, aurait tiré la morale de
cette longue consultation par ces mots, — très justes, encore
qu'il y ait des raisons de les attribuer à La Beaumelle' : — « Il
me semble, au reste, que votre avis est une condamnation de
tout ce que l'on a fait jusqu'ici contre ces pauvres gens. »
Pierre Batiffol.
[N. D. L. R. — Nous avons reçu, peu après le compte rendu placé ci-
dessus, un autre article sur le même sujet, dû à M. P. Gachon. Nous ne
voulons pas priver nos lecteurs des remarques pi'écieuses qui s'y trou-
vent contenues. Après avoir loué comme il convient « la belle et utile
publication de M. J. L. », M. Gachon ajoute :]
Si complet que soit le travail de M. Lemoine. si judicieuse et
bien informée que soit aussi l'Introduction qui le précède, quel-
ques réserves critiques sont à indiquer.
Le peu de résultats obtenus signalé dans l'Introduction
(p. xLv et suiv.) ne tient pas seulement à l'opposition dirigée
par les évêques du Midi et l'intendant de Languedoc contre des
mesures libérales, ou à « la contradiction essentielle qui existe,
chez les rédacteurs de la Déclaration du 13 décembre 1698, entre
leurs aspirations généreuses et leur conception des droits de
l'Etat en matière de religion ». Le dernier motif est exact dans
l'ensemble. Mais il faut préciser. La vanité de l'enquête tient
spécialement à son point de départ, à son principe directeur. Il
n'est nulle part question, dans les Mémoires, d'en revenir à l'ob-
servation du dernier article de l'Edit révocatoire laissant aux
1. Voir sur ce point l'édition Lavallée de la Correspondance gé)iérale,
t. IV, lettre lvi, p. 288, n. L — M. Lemoine n'a pas pris garde (p. xliv)
au texte et à la note que nous signalons.
Comptes rendus critiques. 369
Religionnaires la liberté tacite de conscience. Or, l'état de Reli-
gionnaire n'étant plus qu'une fiction légale et une formule de
protocole (les preuves abondent), la vraie question est de savoir
si les nouveaux convertis, plus ou moins violentés dans leur
conscience, seront contraints jusque dans leur tenue, si leur
abjuration entraînera leur attitude publique, en un mot, s'ils
seront forcés d'assister à la messe, signe manifeste, facile à cons-
tater et que deux intendants, ainsi que les évêques du Midi, ré-
clament comme une mesure de police uniforme et nécessaire,
comme une preuve apparente et nettement visible de Yunité en
matière de foi. Les preuves abondent encore sur ce point, dans
la publication de M. L. et ailleurs. C'est là le vrai terrain du
débat où Bâville, de bonne heure, avant le début de l'enquête, se
tient ; où trois prélats seulement, La Broue, évoque de Mirepoix,
bientôt rallié aux mesures de contrainte, Percin de Montgaillard,
le janséniste de Saint- Pons, et Bossuet veulent convoquer
l'Eglise de France en concile national.
Or, c'était aussi le terrain où les rares « obstinés » et avec eux
une foule de nouveaux convertis restaient irréductibles, ne vou-
lant point abandonner leur culte intérieur. Ni Montgaillard, ni
Bossuet qui, en cette matière, défendaient non la liberté de cons-
cience, mais les droits de l'Eglise et l'intégrité des rites (voir la
correspondance de Bossuet avec La Broue, de Nesmond, Fléchier,
Bâville, dans les Œuvi^es de Bossuet), n'obtinrent en réalité gain
de cause. En vain leur théorie fut-elle appuyée d'arguments sur-
tout économiques par Pontchartrain et Daguesseau. Si la décla-
ration du 13 décembre 1698 et les instructions qui l'accompa-
gnent interdisent la contrainte en la forme, toute liberté est
laissée aux intendants d'en user sous des moyens détournés.
Sans recourir à des pièces inédites d'archives (qui sont proban-
tes), la conduite de Bâville en Languedoc, de Le Gendre à Mon-
tauban, de d'Ableiges en Poitou est assez instructive à cet égard.
Ils atteignent les nouveaux convertis récalcitrants, notamment
par la confiscation des biens de leurs proches, émigrés; par les
biens de famille. Une simple lecture de la Correspondance des
contrôleurs généraux publiée par M. de Boislisle suffirait à en
convaincre.
L'enquête, la déclaration, les instructions n'avaient finalement
supprimé qu'un abus : l'exposition des cadavres de relaps traînés
sur la claie. La condition des nouveaux convertis restait, en
ANNALES DU MIDI. — XVL 34
370 ANNALES DU MlDI.
somme, la même : baptême, éducation, instruction catholique
imposés aux enfants; validité des actes de la vie civile, y com-
pris le mariage, entrée aux corporations industrielles ou com-
merçantes, accession aux charges publiques et protection réelle
de la propriété subordonnées à la profession officielle et osten-
sible de la foi catholique.
Le tout procède d'un point de vue admirablement déduit et
développé dans un Mémoire en quelque sorte théologique, que
Bâville adressa en même temps (novembre 1698) à Châteauneuf,
secrétaire d'Etat des affaires de la R. P. R., et à Beauvillier'.
M. J. L. n'a pas cru devoir le publier, comme inspiré par les
évêques de Languedoc et reproduisant leurs arguments. L'abs-
tention est regrettable et les motifs discutables. L'étude de la
correspondance de Bâville prouve que la préparation de cet écrit
est antérieure au moment où les évêques de Languedoc furent
consultés. Bâville, dont l'action a été prépondérante en toute la
conduite de cette affaire, y pose nettement les droits et les de-
voirs d'une religion d'Etat et y justifie, par le succès, les procé-
dés de l'Inquisition.
C'était bien là. d'ailleurs, r« inclination » de Louis XIV, qui
n'eut pas, en l'occasion, les scrupules de conscience dont on lui a
fait parfois honneur et que démentent les annotations, inspirées
par lui, qu'on peut lire en marge de quelques documents des
papiers Rulhière.
Et c'est là qu'aboutirent les velléités généreuses de Noailles,
Daguesseau, Pontchartrain. Aucune sanction réelle ne les con-
firma, les intendants gardant toujours, malgré les réclamations
de Daguesseau, leur juridiction d'exception et transformant,
pour la plupart, les efforts des administrateurs et de l'arche-
vêque de Paris en un nouveau procès à la liberté de conscience.
Toutes les pièces, malgré la féconde érudition et le soin de
M. J. L., n'en ont pas encore été publiées.
Une seule remarque et des renseignements de détail qui n'in-
firment en rien la portée des documents donnés et la haute
valeur du travail : l'œuvre de conversion fut loin « de paraître
abandonnée », au moins en Languedoc, de 1685 à 1698 (Introd.,
1. Bibl. nat., pap. Rulhière, f. fr. 7 045, f° 116 et suiv. Ce Mémoire sera
analysé dans un travail en cours de publication (dans la Revue histo-
rique).
COMPTÉS RENDUS CRITIQUES. 371
p. IX) ; — le Mémoire de l'évêque de Montauban (p. 104 et suiv.)
a été publié dans les éditions de Bossuet, comme, à quelques
variantes près, le Mémoire de Bâville à Châtcauneuf sur les nou-
veaux convertis du 11 mai 1698 (p. 301 et suiv.); — deux fautes
d'impression : p. 319. 1. 1, au lieu de éviter, lire écoute}-; — p. 291
(énuraération des titres de Bâville) au lieu de La Motte -Chaude-
me?-, lire La Mothe Chandenier. P. Gachon.
L. BouRRiLLY. L'Ecole centrale du département du Var
de l'an VI à l'an XII de la République. Toulon, impr.
Bordato , 1903; un vol. in-8" de 25G pages. [EKtrait des
Mémoires de l'Académie du Var.]
M. Bourrilly. inspecteur de l'enseignement primaire, a fait
une œuvre des plus utiles en réunissant dans ce volume et en
les enchaînant les uns aux autres par un texte explicatif tous
les documents relatifs à l'Ecole centrale du département du Var,
depuis le décret d'établissement jusqu'à celui de suppression. Il
les a publiés presque tous in extenso, et avec raison : car, malgré
un style déclamatoire et vieilli, ils sont souvent très dignes d'être
lus. L'histoire de l'Ecole centrale de Toulon est au reste courte :
elle demeura longtemps dans les difficultés de l'organisation, ne
fonctionna jamais avec la régularité voulue, et quand elle fut
supprimée, elle végétait assez péniblement au milieu de l'indif-
férence de la population. Au terme de ce récit, l'auteur semble
autorisé à dire que les écoles centrales étaient « une institution
conçue sur un plan factice qui manquait d'une base sérieuse....
les connaissances élémentaires, dont le niveau d'enseignement
[était] trop élevé et le programme trop touffu comparé au pro-
gramme si réduit des écoles primaires. »
Comme écoles techniques, je crois l'opinion de M. B. très juste.
Evidemment, l'institution était mal venue, sans caractère péda-
gogique nettement délimité, sans unité de méthode, sans cohésion
d'enseignement. L'école de Toulon est un agrégat de cours sans
lien et sans pénétration entre eux : des cours académiques libres,
nne école de dessin, un enseignement primaire supérieur analo-
gue à nos cours municipaux (physique, cliirai»e. histoire natu-
relle, législation), une école préparatoire à la marine (mathéma-
tiques, dessin, etc.). Ce sont des cours et non une suite de clas-
ses. Un de ces cours n'est jamais professé; d'autres (histoire,
législation) n'ont pas d'élèves. Les élèves sont autorisés à ne
â/2 ANNALES DU MIDI.
s'inscrire qu'à certains cours (c'est le principe du sectionne-
ment des classes repris par les programmes actuels). Certains
cours sont très élémentaires et destinés à de tout jeunes garçons
(langues anciennes, belles-lettres); d'autres sont beaucoup plus
élevés et s'adressent à des jeunes gens déjà formés (on trouve
des élèves de vingt-cinq, de vingt-sept ans). Tout cela ne devait
pas donner une instruction bien étendue ni très complète.
Mais M. B. ne me paraît pas avoir suffisamment considéré
l'institution du point de vue civique et social. Et, sous cet aspect.
l'Ecole centrale me paraît infiniment supérieure au collège de
l'ancien régime et au lycée contemporain. Elle est beaucoup plus
démocratique; elle est une partie vivante de la cité; elle se fonde
sur les vertus civiques. Nous n'avons pas l'équivalent du jm^y
de police, nommé et établi par les élèves, chargé de maintenir la
discipline dans l'Ecole, et appliquant un code scolaire d'une sim-
plicité moins méticuleuse et plus virile que nos règlements.
L'organisation des examens publics d'élèves encouragés par la
présence des autorités locales qui y prennent part, où le candi-
dat est interrogé sur toutes les matières de l'enseignement, est
supérieure à celle de notre baccalauréat. L'usage des concours
publics entre candidats aux chaires de l'Ecole, concours très
sérieusement disputés dans des épreuves multiples, permet aux
bourgeois et aux pères de famille de se faire une opinion person-
nelle et raisonnée sur la valeur des maîtres do leurs enfants.
Enfln^ le jut-y d'instruction, chargé de surveiller et de contrôler
l'Ecole, l'enseignement donné aux élèves et les améliorations pos-
sibles, est une institution vraiment démocratique qui devrait
être renouvelée. Et l'Etat avait refusé de créer des internats ! —
Il me semble que, sur bien des points, la comparaison de l'Ecole
centrale et du Lycée serait à l'avantage de la première.
C'est pour faire cette comparaison d'une façon plus approfon-
die, plus décisive, qu'il nous faudrait beaucoup de monographies
comme celle de M. B., et que ses documents, notamment les pro-
cès-verbaux des concours aux chaires et des examens, sont inté-
ressants. Son livre sera, sous une apparence modeste, une très
utile contribution à l'histoire des Ecoles centrales i.
L.-G. Pélissier.
1. J'aurais souhaité quelques divisions en chapitres et plus de clarté
typographique (les documents et le texte s'embrouillent souvent les uns
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 373
A. Zauner. Die romanischen Namen der Kœrperteile.
Eine onomasiologische Studie. Eiiangen, Fr. Jimge,
1902; gr, in-S" de 194 pages. (Extrait des Romanische
Forschungen. t. XIV.)
C'est une vaste entreprise que celle de M. Zauner. Relever les
noms des différentes parties du corps humain usités non seule-
ment dans toutes les langues romanes, mais encore dans leurs
divers dialectes, sous-dialectes et patois, ou, pour parler plus
exactement, prélever, sur une multitude de points du domaine
roman tout entier, les échantillons des mots qui servent à ex-
primer ces parties du corps, dresser le catalogue de tous ces
termes, tracer le contour des aires où chacun d'eux s'est déve-
loppé, classer ces expressions, les comparer, remonter à leur
origine, étudier les vicissitudes phonétiques et sémantiques
qu'elles ont subies, donner les raisons de tous ces changements,
n'est-ce point une oeuvre qui exige, pour être menée à bien, une
grande étendue d'information, beaucoup de flair étymologique,
enfin une connaissance très approfondie de la phonétique ro-
mane jusque dans ses rameaux les plus écartés? Toutes ces qua-
lités, — bien qu'il ne nous soit permis de suivre l'auteur que
dans une très petite partie de ses excursions, - nous pouvons,
je crois, assurer que M. Z. les possède heureusement.
Toutefois, l'on ne saurait se dissimuler que la science des
patois dans son état actuel n'est point assez avancée pour qu'il
ait été possible à l'auteur d'éviter tout à fait les lacunes et par-
fois même les erreurs. L'on peut, toutes proportions gardées
d'ailleurs, rapprocher du travail de M. Z. la Grammaire des
Langues romanes de Meyer-Liibke. Aussi bien ces deux ouvrages
nous viennent-ils l'un et l'autre de l'Université de Vienne. Des
livres comme la Grammaire de Meyer-Liibke rendent assuré-
ment d'immenses services. Mais ne sont-ils pas venus trop tôt?
La connaissance des patois romans, même en Italie et en France,
n'est-elle pas encore trop incomplète et imparfaite pour qu'il
soit permis au linguiste d'entreprendre un vaste travail de syn-
dans l'auti'e). — I\I. B. n'auruit-il pu trouver quelque exemple de fonc-
tionnement d\\ jury de police? — A corriger, p. 181, état émergé, au
lieu d'émargé.
374 ANNALES DU MIDI.
thèse? Une exploration méthodique et directe de tomes les par-
ties du domaine rendra seule possibles les ouvrages définitifs de
l'avenir.
Hâtons-nous d'ajouter que IVI. Z. a profité habilement des ma-
tériaux qu'il a su réunir. Il a surtout le mérite d'avoir pour
ainsi dire inauguré la méthode d'un ordre nouveau de recher-
ches. C'est à peine si deux études, l'une de Diez^, l'autre de
Tappolet2, lui avaient ouvert la voie. Cette branche nouvelle de
la linguistique romane, pour laquelle l'auteur propose la déno-
mination d'Onomasiologie , se distingue en effet de ce que
M. Bréal a appelé Sémantique et que les Allemands ont baptisé
du nom de Séinasiologie. La Sémantique étudie les transforma-
tions de sens qu'a subies tel ou tel mot; V Onomasiologie. s'il
faut l'appeler de ce nom, recherche les différents mots qui ser-
vent à traduire une idée donnée : la première part de l'exté-
rieur du mot, pour aboutir à la pensée (arj^xaita zz: signification) ;
la secomle part de l'intérieur, de la signification, pour aboutir
au mot {^jwjy.'ji7. = appellatio7i, dénomination).
L'on comprend pourquoi M. Z. a choisi comme objet de son
travail les noms des parties du corps humain. Ces différentes
parties sont des objets bien définis, connus immédiatement de
chacun. Il est facile d'obtenir dans chaque langue le mot qui y
correspond exactement. C'est ce qu'a fait l'auteur. Il s'est pour
cela non seulement aidé de la plupart des lexiques et glossaires
qui ont été publiés jusqu'à ce jour, mais a encore obtenu d'une
foule de correspondants obligeants des réponses précieuses sur
l'usage particulier à tel ou tel patois. Cette manière de procéder
fait que l'ouvrage est une mine riche de matériaux inédits.
L'inconvénient inévitable de ce genre d'enquête est le manque
d'unité dans l'appréciation et la notation des sons. Les docu-
ments dont s'est servi M. Z. et qu'il reproduit dans son livre sont,
les uns rédigés avec l'orthographe traditionnelle, les autres pho-
nétiquement transcrits, mais suivant des systèmes qui diffèrent
parfois entre eux. L'auteur nous fait savoir qu'il a conservé, —
sauf pour la notation introduite par M. Gilliéron, laquelle a été
ramenée à celle de Meyer-Liibke, — l'orthographe de ses sources.
1. Diez, Royyianische Wortschôpfung .
2. ïappolet, Die romanischen Verwandschaftsname?i. Strasbourg,
Triibnor, 1895 in-8°.
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 375
L'on ne voit point qu'il y ait eu pour lui un meilleur parti à
prendre, à moins qu'il ne se soit résolu à tout recueillir directe-
ment lui-même, ce qui. en l'espèce, était à peu près impossible.
Il n'en est pas moins vrai que l'ouvrage est, au point de vue de
la graphie, d'un aspect un peu disparate, et que le maniement
n'en est certes point facile.
La disposition générale du livre est au contraire commode.
L'auteur passe en revue les différentes formes qu'il a relevées
pour les parties du corps, dont chacune est l'objet d'un para-
graphe. Ces formes sont judicieusement classées. Dans une pre-
mière partie du paragraphe est étudié ce que l'auteur appelle
la l7-adition latine-, il y expose la fortune plus ou moins heureuse
qu'a eue le mot latin dans son passage au roman ; puis vient
l'examen des modifications qu'a subies le mot, soit en vertu de
changements phonétiques anormaux (métathèses, contamina-
tion, formations enfantines, etc.), soit par suite de déformations
morphologiques (dérivation, substitution de suffixes, etc.);
enfin sont énumérés les différents moyens qui ont permis aux
langues de remplacer, en en créant de nouveaux, les mots latins
disparus (expressions figurées, emprunts, déplacements de
sens. etc.).
Cette disposition, qui rend l'ouvrage commode à consulter,
présente toutefois de réels inconvénients. Le morcellement
des matières nuit un peu aux vues générales. L'auteur lui-même
reconnaît dans son préambule que V Onomasiologie , pour être
vraiment scientifique et philosophique, ne doit point se borner
à constater et classer les phénomènes, mais doit encore les ex-
pliquer. Eh bien, l'on ne saurait se dissimuler que le travail de
M. Z. laisse quelque chose à désirer à cet égard. Une page au
plus, au début, rappelle une loi générale que M. Tappolet avait
déjà établie. Quant à la conclusion de l'ouvrage, elle fait com-
plètement défaut. S'il faut, en linguistique, se défier des géné-
ralités, il n'en est pas moins vrai que V Onomasiologie, cette
partie de la science du langage qui touche de si près à la psy-
chologie, ne saurait se passer de quelques considérations d'en-
semble. M. Z. eût bien fait de méditer plus d'une page du beau
livre que Bréal a consacré à la Sémantique.
Voici maintenant les remarques de détail que nous suggère la
lecture du travail que nous analysons :
P. 16. — A l'appui de l'explication qui tire tadro (Bas-Maine)
376 ANNALES DU MIDI.
= « tendon » de lendone contaminé par tenet'u, citons les formes
gasconnes tréndun (canton de Labrit). téndrun (canton de Mont-
de-Marsan), évidemment influencées par Irénde, tendre.
P. 19. — M. Z. trace un tableau de la lutte qui s'est engagée
et se poursuit encore sur une grande partie du territoire entre
les formes issues de caput et celles issues de testa. Caput a perdu
du terrain et en perd de plus en plus. Quelles sont les raisons de
cette évolution? Est-elle due à ce que lesta est une métaphore
et présente plus de force pittoresque et représentative que le
mot propre caput? Mais testa n'a-t-il point perdu de bonne heure
son sens figuré? et comment expliquer alors les progrès que fait
actuellement testa en Italie, du moins au nord de la péninsule?
Ces questions, l'auteur ne les pose pas. Il eût été toutefois inté-
ressant de les discuter.
Ib. — 11 est peu exact de dire qu'en français chef = « tête »
soit inconnu à la langue moderne. Au début du xvii« siècle, le
mot est encore bien vivant. Malherbe l'avait laissé passer dans
sa première critique des poésies de Desportes ; c'est dans une
revision postérieure de son ouvrage qu'il l'a condamné. Très
usuel au xvi« siècle, chef àu sens de « tête » est encore courant
chez Corneille, Pascal et même Massillon. Dans son Tf-ésor,
Nicot l'oppose à tête qui se dit des animaux. Il est dans les dic-
tionnaires de Lévinus Hulsius (1607) et de Canal (1611). Il ne
tombe vraiment en désuétude qu'à l'époque de Richelet et de
Furetière. Encore s'est-il conservé très tard appliqué à « des
choses saintes » : l'on dit le chef de saint Jean, de saint Denis.
(Richelet, Dict., 1693.)
P. 21. — Malgré sa promesse (p. 7) de laisser de côté les termes
d'argot, M.Z. relève des mots tels que coloquinte (N.de la France)
= « tête ». C'est là cependant évidemment de l'argot. Et toute-
fois n'est point mentionné, dans le même sens, le Saintongeais
cala (cf. par exemple : Yan de Saint-Acère, la Mérine à Nas-
tasie, pièce en patois saintongeais, pp. 32. 177. etc). Cala n'est
certes point si argotique que coloquinte.
P. 32. — Le prov. pepido = « pupille », que l'auteur renonce à
expliquer, ne pourrait-il être rapproché de l'espagnol pepila =
« grain ». Ce serait le grain de Vœil. Cf., en Lombardie, burèla,
proprement « l'insieme délia parte colorata dell' occhio », litté-
ralement la boule de Vœil.
P. 38. -^ Nous ne savons si. à Bordeaux, la paupière se dit
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 377
bien la pépèro (avec un è ouvert), comme le dit M. Z., d'après
Mistral. Mais ce qu'il y a de sûr, c'est que les formes pépére (avec
un é fermé) que nous relevons à Canenx-et-Réaut (Landes) et
pœrpœre. à Mimizan (cf. Labouheyre pœrpœrœya = « ciller) »
font supposer, du moins pour toute cette région, un sufâxe-
Ula et non <^lla.
P, 40. — Heureuse hypothèse d'un croisement àQ palpebra et de
palpitare, pour expliquer le port. esp. pùrpaclo.
P. 42. — Ajouter qu'il a existé, au moins dans les Landes, un
dérivé : cilium + ellam, qui a donné sélhè?^e = « cil » (Canenx-et-
Réaut).
P. 44. — L'explication que Diez avait donnée de l'espagnol
pestana et du catalan pestanya n'est peut-être point si mauvaise
que le pense M. Z., surtout si l'on rapproche l'italien pislagna
= « bord d'étoffe», « falbalas » : le cil est comme la bordure de
la paupière.
P. 51 — Lambés (Saint-Laurent [Jura]) et 7-igne (Arbedo) signi-
fient lèvre. M. Z. renonce à expliquer ces deux mots. Il ne fau-
drait peut-être pas chercher bien longtemps pour trouver un
dérivé du latin lambo qui puisse endosser la paternité du pre-
mier. Quant au second, l'espagnol ri)la=^« querelle », sur t-etli)'
(latin ringi). « ouvrir la bouche, grincer des dents, grogner »,
pourra sans doute fournir un bon point de départ, surtout si
l'on songe à des expressions comme : faire la polie = « faire la
moue ». littéralement « la grosse lèvre ». (Jaubert. Gloss. du cen-
time de la France, II, p, 200.)
P. 66. — L'étymologie du normand francisé margoulelte =z
« mâchoire » telle que l'a proposée Grandgagnage est repoussée
avec raison. Nous serions assez tenté de proposer margella. sous
une forme dérivée qui resterait à déterminer et qui aurait sans
doute été influencée par ôrwZa. Margoulelte aurait d'abord désigné
le rebord de la bouche, les lèvres, puis il y aurait eu, comme
cela est si souvent le cas lorsqu'il s'agit de parties du corps voi-
sines, un déplacement de sens. (Dans le Vondômois, dans l'Aube
et l'Yonne, margoulelte signifie aussi menton, par un déplace-
ment de sens un peu différent.)
P. 80. — Ajouter à la liste des dérivés romans de templa
« tempes » le gascon lémplun (Canenx).
P. 99. — La forme nasalisée espanle = spatula n'est pas parti-
culière au milieu du domaine provençal; on trouve espanl&^vtv
378 ANNALES DU MIDI.
plus d'un point de la Gascogne occidentale (par exemple dans les
Landes, canton d'Arjuzanx etpassim). De plus, ces formes-là ne
sont point uniquement propres au sud do la France; on les
retrouve par exemple à Cellefrouin, épalr. (Rousselot. Patois de
Cellefrouin, Append.. p. 416.) — Toujours à propos de spatula,
signalons à M. Z. une autre forme intéressante : éparle (à Haget-
mau) qui n'est pas due non plus au jeu normal des lois phoné-
tiques.
P. 107. — La place de l'accent sur la finale de hudè = coude
(Puybaraud) surprend M. Z. Il hésite à admettre un suffixe ittu.
Cependant le gascon landais Moél à Mont-de-Marsan, Vert
(canton de Labrit). etc., postule effectivement ' cubiltum.
P. 111. — Une confusion curieuse qui a échappé à l'enquête de
M. Z. est celle qui a permis d'employer sur les confins du Gers et
des Landes punctu au lieu de pugnu. On dit aujourd'liul lupûn et
non lu pûn dans une bonne partie des cantons de Roquefort et
de Villeneuve. Je trouve plusieurs exemples de cette confusion
dès le moyen âge dans une copie remontant au xvi« siècle d'un
acte passé à Grenade-sur-l'Adour. en 1322 i.
P. 138, — L'on chercherait vainement dans le paragraphe qui
concerne le pied le dérivé peton := « petit pied ». qui est dans
Molière, et qui certes n'a point cessé d'être en usage.
P. 144. — Pour désigner le sein de la femme, titta -\- -inu n'est
point si rare que le croit M. Z. qui ne cite aucun exemple pour
le français. Qu'il nous suffise de rappeler Maître Clément et ses
Blasons du beau et du laid lélin. Voir encore, dans Richelet, des
expressions comme blanc tetin.
P. 145. — L'auteur a tort de croire que la iovme pupo « sein ».
régulièrement issue de puppa, soit seule usitée dans le sud-ouest
de la France. Au contraire, à l'extrême sud-ouest (cantons de
Labrit. Arjuzanx), l'on ne connaît que pu'k.ye (avec un k forte-
ment mouillé). Par parenthèse, l'existence de cette forme à cet
endroit rend bien invraisemblable l'hypothèse de Devaux qui
explique le dauphinois pouchye par un emprunt à l'italien.
P. 149. — Le catalan mugrô = bout du sein est-il donc si inex-
plicable? N'est-ce point le produit très régulier et tout naturel
du latin mûcrone « pointe »?
1. Bull, de la Soc. de Borda, 20' année, p. 165.
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 379
P. 136. — Freixura n'a jamais désigné en catalan le poumon
de l'homme. — Il en est de même du roussillonnais friche.
P. 179. — M. Z. serait porté à rattacher au lat. molle le
bazadais moulet « estomac ». Le traitement de II s'y oppose for-
mellement. Nous sommes fort étonnés de voir que le savant
auteur de la Conjugaison en Béarnais, et de la Phonétique de
l'Aquitaine n'ait point été arrêté par cette difficulté. Si l'on se
rappelle que le mot dans son acception ordinaire signifie «gésier»
dans la région, l'on voudra peut-être songer à mola, en se rap-
pelant que le catalan pedrer « gésier » est évidemment dérivé de
pedra .
P. 182. — Je ne reviens pas sur a/lerun dont j'ai parlé ici-
même '.
P. 184 — L'explication du proverbe boufigo « vessie » ne nous
semble point assez précise. Il faut y voir un croisement entre
vessica et *buffare. — Petego, dans l'Aveyron, doit également s'ex
pliquer par vessica -\- peditare.
Georges Millardet.
1. Annales dit Midi, t. XV, p. 2n.
REVUE DES PÉRIODIQUES
PÉRIODIQUES FRA.NGAIS MÉRIDIONAUX.
Dordogne.
Bulletin de la Société liistorique et arcliéologique du
Périgord, t. XXVIII, 1901.
P. 53-72. A. Dujarric-Descombes. Jean d'Assidc, évèque de Périgueux,et
son mausolée (1169). [C'est ce J. d'Asside qui assiégea, prit et détruisit
le château de Gavaudun. Cette expédition fut entreprise contre des hé-
rétiques, qualifiés de brigands, où l'on a voulu voir des précurseurs
des Albigeois.] — P. 72-104, 166-218, 266-321, 400-39, 539-96, 678-777.
A. ViGiÉ. Histoire de la chàtellenie de Be.lvès. [Excellente monogra-
phie. M. V. a d'autant plus de mérite que, les archives de Belvès
ayant été détruites, il a dû patiemment rechercher dans les divers
fonds les documents relatifs à son sujet. A voir le parti qu'il en a tiré,
son travail peut être proposé comme modèle.] — P. 104-25, 218-39,
333-71, 456-90, 620-50. G. Hermanx. Rimes de Pierre de Laval. [M. H.
s'est déjà occupé de P. de Laval (voy. Annules, XIII, 96) et M. Guy a
rendu compte {A)inales, XIV, 217) de ces articles réunis en volume.
Une remarque pourtant : dans sa préface, M. H. a oublié de nous dire
que le ms. qu'il édite porte, dans le catalogue de la bibliothèque
de Périgueux, le n" 5.] — P. 321-33, 440-56. Comte. Badefols d'Ans. —
P. 371-3. A. DuvERNEUiL et Germain de Maidy. Une plaque de foyer
de fabrication hollandaise. [Phototypie]. — jP. 490-3. De Fayolle.
Etat des remparts, murs et fossés de la ville de Périgueux (1784). —
— P. 532-8. A. Dujarric-Descombes. Fers à hosties. — P, 599-619,
I^ÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 381
■/8j-808. g. Charrier. Geoffroy de Vivans, gouverneur de la ville de
Périgueux (1578). — P. 808-10. Roger-Drou.\ult. Testament de Charles
Marthonie, seigneur de Puyguilhem, abbé de Boschaud (14 jan-
vier 1651).
ï. XXIX, 1902.
P. 51-5. Ch. Durand. Pomone à Vésone. [Signale la découverte d'une
figurine qui représenterait Pomone et en donne la reproduction. Com-
mentaire insignifiant.] — P. 57-01. E. de Biran. Troubles et guerres de
religion à Bergerac (1570-77). — P. 01-8. F. Villepelet. L'exécution
de la révocation de l'Edit de Nantes dans une pi'tite paroisse du Péri-
gord. [Dans un registre paroissial de la commune de Rouquette, près
Eymet (Dordogne), M. V. a relevé une liste des ouvrages remis au
prieur le î^l novembre 1685 par les huguenots. Document des plus cu-
rieux. A cette occasion, M. V. nous apprend qu'à Eymet l'acte de sé-
pulture d'un protestant était dressé par le prêtre sans observation
malséante et sans mentionner la religion du défunt. L'ecclésiastique
agissait simplement comme magistrat de l'état civil. Ce fait portant
sur la deuxième partie du xviii» siècle (1753-90) mérite d'être signalé.]
— P. 68-75. J. DuRiEux. Le P. Pierre Boutin, de la Compagnie de
Jésus, apôtre de Saint-Dominique (1073-1742). — P. 101-8. De Cumond.
Sarcophages du vieux cimetière de Cumond. — P. 108-10. G. Her.manx.
Notes de géographie historique du Périgord. La pi-ise de Thiviers en
1211. [Dans les Chroniques de Saint-Martial de Limoges, édition de
la Société de l'Histoire de France, p. 80, l'éditeur identifie (non dans les
notes, comme le dit M. H., mais à l'Index], Tuvers avec Tiviers, arr.
de Saint-Flour (Cantal). M. H. démontre qu'il s'agit de Thiviers en
Périgord.] - P. 111-64, 221-56, 336-99, 428-71, 543-51. De Rouméjoux.
Essai sur les guerres de religion en Périgord (1551-1598). [Voir un
compte rendu dans les A)inales du Midi, t. XVI, p. 153.] — P. 164-9.
G. Charrier. Lettre du roi Henri III au roi de Navarre, 23 nov. 1582.
— P. 19-J-215. P. HuET. Information ordonnée en 1310 par le roi d!Angle-
terrc au sujet des surprises faites à son préjudice par le roi de France
en Périgord, Limousin et Quercy. — P. 215-20. A. Du.jarric-Descombes.
Le premier livre imprimé à Périgueux (1498). [C'est l'ouvrage de Jean
Heynlin, dit delà Pierre, Resolutoriumduhiorunicirca célébrât io?ietn
niissarum, dont un exemplaire se trouve à la Bibliothèque nationale.]
— P. 256-65. G. Hermann. La chanson nouvelle de la défaite et mort
du prince de Condé. [Pièce empruntée au chansonnier Christofle.] —
P. 265-8. De Saint-Saud. A propos de deux ex-libris périgourdins. [Le
premier est celui de Jean-Fran(;ois du Cheyron, chevalier du Pavillon,
382 ANNALES Dt) MIDt.
et le deuxième appartient probablement à François d'Esparbès de Lus-
san, marquis d'Aubotcrre.] — P. 299-382, 471-97. G. Charrier. Domme.
[Documents inédits de 1588 à 1595.] — P. 899-402. A. Dujarric-Descom-
BEs. François de Montsalard, médecin d'Henri IV. — P. 497-500. A. dk
Bélkr. Le for à gaufres de Bayac. [M. de B. le croit du commence-
ment du xYii' siècle. Reproduction en pliototypie.] — P. 500-8. A. Vigie.
Commission du roi Louis XIII au capitaine do Sizeault (22 sept. 1628).
— P. 509-14. Nécrologie : A. de Rouméjoux. — P. 567-9. E. de Biran.
Lettre relative à l'exorcice de la religion protestante à Bergerac, en
1672. [Lettre de Jean Gravier au député général des Réformés.]
H. T.
Drôme.
Bulletin de la Société d'archéologie et de statistique
de la Drôme, t. XXXVII. 1903.
P. 5-16. L. Doscliamps, de Montélimar. [Notice sur ce peintre de la vie
rurale {Enfant aux poussins), des misères sociales (Fille-mère,
V Abandonné) et de scènes religieuses {Sommeil de Jésus), dont les
œuvres, pénétrées d'une franche émotion, ont acquis une juste noto-
riété (184t;-1902.)] — P. 17-48, 121-50, 225-55, 898-421. M. Villard et
J. Tavenas. Nouvelle étude critique sur Cliampionnet. (Suite et à sui-
vre.) [Historique, accompagné de documents en partie inédits, de la vie
civile du général, depuis son départ pour l'armée de Moselle et do Sam-
bre-et-Mcuse à la tête des volontaires de la Drôme, jusqu'à sa mort à
Antibes (1792-1800). A signaler : ses rapports avec la Société populaire
de Valence à qui il envoie régulièrement une sorte de bulletin de ses
campagnes: ses procès avec Colombier, officier notarial et exécuteur
testamentaire mal intentionné d'E. Grand, père de Championnet; son
administration de Naples, pendant laquelle il ordonne des fouilles fruc-
tueuses à Herculanum et Pompéi, décrète l'érection d'un tombeau à
Virgile près de Pouzzoles et entre en lutte avec les commissaires civils
déprédateurs Faypoult et Mécliin; sa disgrâce, son rappel, sa mise en
jugement à Grenoble. Rentré en grâce au 30 prairial, il ne peut, comme
commandant en chef l'armée d'Italie, obtenir de soldats dénués de tout
la reprise de la marche en avant, et meurt autant de découragement
que du typhus. L'arrêté d'expulsion des commissaires, la lettre expli-
cative adressée au Directoire sont publiés pour la première fois.] —
P. 44-60, 151-68, 256-64. Chanoine J. Chevalier. Mémoires pour servir
à l'histoire des comtes de Valentinois et Diois. (Suite et à suivre.) [Ces-
PERIODIQUES MÉRIDIONAUX. 383
sioii par Louis XII (1498) de ces territoires aussitôt érigés en duché
pour César Borgia, malgré une vive opposition du Parlement de Greno
ble. Administration du territoire, au nom du duc, (pii n'y parut jamais,
par ua lieutenant, un gouverneur, un juge mage, un trésorier général,
clioisis par César Borgia parmi des Espagnols et des nobles de la con-
trée. Ces agents, sur lesquels on a peu de renseignements, n'exercèrent
jamais une autorité bien reconnue. Aussi, la brouille du duc et du roi
accomplie au cours de l'e.Kpédition commune en Italie, Louis XII con-
fisque le duché, dont le replacement sous l'autorité royale se fit très
facilement (151)4).] — P. Gl-72, 169-82, 2(3r)-7-2, 388-97. L. Emblaru. La
famille de Bressac, sa généalogie, son histoire. [Etude sur trois frères :
F.-^L do Bressac, conseiller au Parlement de (jrenoble, tué en duel en
liJ.jO: Ch. de Bressac, officier de cavalerie, puis successeur du précé-
deut uu Parlement; l'abbé de Bressac, jésuite, qui prononça, en l(i77,
l'oraison funèbre de Lesdiguières, et laissa des sonnets.] — P. 73-9.
E. Mkllier. Balthazar Baro et sa filiation. (Suite de l'étude insérée au
vol. XXXI.) [L'auteur cherche à établir que ce continuateur de l'Astrée,
docteur en droit, professeur et fils de professeur à l'Université de
Valence, était né en cette ville vers 1590.] — P. 80-8, 199-209. A. Lacroi.\.
Chàtillon et ses alentours. (Suite et fin.) [Renseignements intéressants
sur l'administration, les cultes, l'assistance publique sous l'ancien ré-
gime, dans cette commune.] — P. 89-108, 183-98, 273-88, 422-37. E. Mel-
LiEu. Les ponts sur le Rhône à Valence. (Suite et à suivre.) [L'auteur,
qui se livre à de multiples digressions historiques, archéologiques,
hagiographiques sur Valence et les environs, ne parvient pas à établir '
l'existence d'un pont romain dont la Tour de Constance aurait été la
forteresse, tète d'ouvrage, et que la crue de 1219 aurait emporté.] —
P. 210-3, 289-300, 438-43. A. Lacroix. Les environs de Chàtillon. [Courtes
notices historiques et géographiques sur Creyers, Glandage, etc. La
population de cette région du Diois a diminué depuis un siècle de
30 »,'„.] — P. 301-21, 337-74. M'--'- Bellet. Histoire de la ville de Tain.
(A suivre.) [L'auteur, pour retracer l'histoire de cette ville, depuis l'épo-
que romaine jusqu'au xiv siècle, meta profit, avec un grand sens cri-
tique, les rai'es textes où il en est fait mention. Etymologiquement,
Tain porte tour à tour les noms de Tegna (graphie erronée) dans la
carte de Pcutinger, Tegnium. Tignum (Cartulaire de Saint-Andi'é de
Vienne et de Saint-Barnard de Romans), Tinctitm (xiv s.), Taing.
Tainct, Tein ù partir du xv siècle. ^I*"' B. étudie d'abord le viens
des Allobroges, qui relevait de la colonie de Vienne et sur l'emplace-
ment duquel ont été trouvées plusieurs inscriptions. Il rappelle que
38-4 AiSINALES DU MIDI.
c'est dans la plaine de Tain qu'eut lieu en 131 (av. J.-C.) la bataille
d'Isara entre Q. Fabius Maximus et les Allobroges aidés des Arvernes.
Au moyen âge, dès le x« siècle, Tain est le siège d'un prieuré floris-
sant relevant de l'abbaye de Cluny; Tain est fief des seigneurs de
Tournon, qui, en 1295, déclarent devoir l'hommage à Humbert, dau-
phin de Viennois. M.^" B. fait justice d'une légende persistante, d'après
laquelle l'ermitage du coteau de Saint-Christophe, qui domine Tain et
qui donne son nom au Stérimberg, vignoble connu, aurait été fondé
par les religieux de Saint-André de Vienne pour un croisé, H. Gas-
pard de Stérimberg, sur les recommandations de Blanche de Castille.]
— P. 321-27, 375-87. A. Lacroix. Plan-de-Baix. (A suivre.) [Histoire de
cette seigneurie au moyen-âge. J — P. SH-G. A. L.^croix. L'Ile-Adam.
[Maison et tènement de Bourg-lès-Valence.] — P. 328-30. Caprais-Fa-
viER. Sépulture gallo-romaine de Lachau. [A 60 kilomètres de Nyons.]
0. N.
Gard.
I. Bulletin du Comité de l'art chrciien (diocèse de Nimes),
t. Yll, 1903.
N° 1:7. — P. 365-408. Abbé Brun. Les Joséphites de Bagnols. [Dans
cette consciencieuse et intéressante étude, l'auteur suit cette congré-
gation depuis son établissement à Bagnols (1657) jusqu'en 1792, époque
de sa dissolution.] — P. 409-15. Abbé Nicolas. Les débuts de la Ré-
forme à Saint-Gilles, d'après un acte notarié du 27 mars 1561. [Ce do-
cument est important. Il expose avec fermeté les plaintes et les reven-
dications du peuple, si longtemps foulé par les puissants. Il réclame
« la vraye institution de Jésus-Christ >> et adhère à la coui-agouse
requête présentée aux États, à Montpellier, par Pierre Chariot, avocat
de Nimes.] — P. 416-12. Abbé F. Durand. Contre-critique de l'Histoire
des évèques de Nimes par M. Ménard , conseiller au jirésidial de la
même ville, ou réponse à l'extrait de cet ouvrage inséré dans la Nou-
velle Bibliothèque (février 1739). [L'éditeur donne ici un manuscrit de
Ménard, otïert à l'Académie de Nimes par M. le marquis de Valfons.
Ménard, catholique ardent, est, dans cet écrit comme dans les autres,
fort hostile à toutes les hérésies. 11 s'échauffe comme un théologien de
profession contre les Henriciens, Pétrobusiens, Bonshommes, Albi-
geois, « secte infectée des erreurs de Manès », et répandant le « venin »
de sa doctrine parmi le peuple et les clercs. Depuis les progrès de
l'histoire des religions et ses larges méthodes, toutes ces discussions,
répliques et dupliques de tendance confessionnelle paraissent bien
PERIODIQUES MERIDIONAUX. 385
surannées. Se termine an n» 48, p. 445-59, où Ménard tombe sur les
Huguenots.]
1904.
N° 48. — P. 460-96. Abbé F. Durand. Les Heures de Simon Vostre
en 1513, au musée du grand séminaire de Nimes. [Ces Heures « à
l'usage d'Évreux » furent éditées par Simon Vostre, libraire, « demou-
rant prés la grand'église », à Paris. Description très soignée de ce
beau livre.] — P. 497-52-2. Abbé Nicolas. Enquête sur les troubles reli-
gieux de Saint-Gilles (1621-22). [Ce curieux document est précédé d'un
avant-propos où l'éditeur en résume la substance. A suivre.] E. B.
II. Mémoires de r Académie de Nimes, 7« série, t. XXV,
1902.
P. 1-16. E. BoNDURAND. Jupitor Héliopolitain. [Après avoir précisé le
dernier état du simulacre du dieu, le seul qui nous soit connu par
les représentations de Nimes, Avignon, Deir el-Qalaa, et tout récem-
ment Beyrouth (C. E. de l'Académie des Inscr., 1903, p. 90) et Paris
(Ibid., p. 884), l'auteur en cherche les éléments primitifs. Le calathus
vient d'Egypte. La gaine à compartiment est la gaine osirienne, la
gaine des momies, simplement modifiée. Le collier à étages et la per-
ruque tombante se retrouvent en Egypte. Quant au bras levé et au
fouet, ils caractérisent Amon-Ra. Osiris aussi tient le fouet.] — P. 17-
23. G. Carrière. Les cimetières de l'époque du Bas-Empire, de Pou-
zilhac,' Arpaillargues et autres lieux du Gard. Planches. [Mensurations
crâniométriques.] — P. 37-52. A. Marignan. Quelques notes sur le Midi
de la France par un voyageur de Vic-le-Comte, en 1688. [Curieux.] —
P. 91-3. G. Mingaud. Le tombeau dit « des Porcelets » aux environs
d'Aiguesmortes. Planche. — P. 95-121. Abbé C. Nicolas. Notes de
M. Delmas sur l'église de Saint-Gilles en 1843. Planche. [Utiles pour la
connaissance de l'état ancien.] — P. 123-36. Abbé C. Nicolas. Le
manuscrit de Jean Raybaud à Aix. [Liste des grands prieurs de Saint-
Gilles.] E. B.
III. Revue cévenole. Bulletin de la Société scientifique et
littéraire d'Alais, t. I, 1902.
N» 2. p. 73-82. N. Trouliiias. Sur un petit trésor trouvé dans le Vivarais.
[Bague sigillaire au nom de FLAVIUS et scriptorium portant des
ciselures et des dessins en relief.]
N» 3. p. 111-32. M. Patin. La garde nationale à Alais pendant la Révo-
lution. — P. 133-46. P. GiLLY. Notes pour servir à l'histoire de l'an-
ANNALES DU MIDI. — XVI. 25
o8b' ANNALES DU MIDI.
cieime commune de Laval et de Saint-Vincent,-de-Sallos. [Ordoummces
de visite de 1738 et 1749.] — P. 147-50. P. Rouchette. Sur quelques
découvertes archéologico-préhistoriques faites au camp de César, près
Bagnols-sur-Cèze. E. B.
IV. Revue du Midi, 1903.
N° 1. P. 2IJ-7. E. BONDURA.ND. La Voyageuse languedocienne. [Titre d'une
sorte de roman géographique imprimé à Neucliàtel en 1789.]
N" 3. P. 161-79. G. Nicolas. Le cliirurgien-major Bruguière (1744-1801).
[Né à iSommière. Portrait.]
N" 4. P. 250-71. L. Bascoul. Petites études d'un ignorant. Les tribula-
tions d'un émigré (1789-1795). [Ce titre un pou long et assez vague
caclie les mésaventures du comte de Marsane, député de la noblesse
du Dauphiné aux Etats-Généraux, membre de la Constituante, et dont
la femme était fille unique du comte de Faret, seigneur de Saint-Privat-
du-Gard. L'étude se continue et se termine au n" 7, p. 10-32. Elle offre
de l'intérêt.] — P. 291-306. T. Picard. Nos anciennes carrières romai-
nes. [Suite et fin au n" 7, p. 62-82.]
N" 7. P. 33-61. D'' E. Mazel. Caveirac. [Etude sur l'ancien château de
cette localité.]
N" 8. P. 106-21. E. Durand. La maison du diable ou mœurs cévenoles
(1778-81]. [Montre comment des praticiens peu scrupuleux dépouil-
laient les paysans.]
N" 9. P. 210-24. D"' E. Mazel. L'hcJtel de Caveirac. [Etude sur un ancien
et bel hôtel de la rue Fresque, à Nimes.]
N" 10. P. 257-68. P. Falgairolle. Une boutade d'écrivain au xviii" siècle.
[Il s'agit d'une lettre de La Beaumelle à sa compatriote M"'° Bousquet,
de Valleraugue. Il y célèbre en vers la beauté de deux Nimoises,
M'i" de Montolieu et de Saint-Jean, le charme de M™'^ Pieyre, et la
Coterie de$ élégantes, où brillent les séduisantes Chabanel, de Lézan,
Vais, Gentien, Audemar, de Peissonel, de La Calmette, de Valfons, de
Novi, etc. Ce serait à regretter amèrement de n'avoir pas connu « la
douceur de vivre » (ju'on pouvait ressentir à Nimes sous l'ancien
régime, si les Nimoises n'avaiiMit conservé l'habitude d'être fort
jolies.]
N» 12. P. 429-37. J. Ballivet. Uzès et Nîmes en 1660, d'après les lettres
de Racine. [Le jeune Racine vint à Nimes, « en la compagnie d'un
révérend père qui n'aimoit point fort à rire », assister à un feu d'arti-
fice tiré pour la naissance du dauphin. Son mentor no put l'empêcher
d'être sensible au charme des Nimoises : « Il y avoit tout autour de
PÉRIODIQUES MERIDIONAUX. 387
moi des visages qu'on voyoit à la lueur des fusées, et dont vous auriez
bien eu autant de peine à vous défendre que j'en avois ».] E. B.
Gers.
Bulletin de la Société archéologique, 4« année, 1!)03.
P. 18-32, ll'J-34, 226-44, 291-301, 308-20. Beégail. Un révolutionnaire ger-
sois : Lautrac. (Suite et à suivre.) — P. 32-3. Abbé Lagleize. Une
fête patriotique en 1660 dans deux villages de Gascogne : Mauroux et
Saint-Oréac. [Simple procès-verbal de» réjouissances en riiouncur du
mariage de Louis XIV. Te Deum, feu de joie, cris de « Vive le Eoy »
et coups de mousquet.] — P. 34-44, 245-52. Abbé Gaumx. Barcelone. [Il
ne faudrait pas beaucoup de travaux comme celui-là pour discréditer
un auteur.] — P. 44-6. Abbé Lamazouade. M. de Gère, seigneur de
Sainte-Genyiie. [Sans intérêt.] — P. 51-6. R. Pagel. L'intendant
d'Etigny et les boucliers d'Auch. [Intéressant épisode de l'administra-
tion du célèbre intendant, relatif à la liberté de la boucherie.] —
P. 65-71. Capitaine Bluem. Marché passé pour la construction des deux
frégates royales, l'Oi^ale et l'Hermme, en 1759. [Document. Devis et
conditions.] — P. 71-80, 97-113. E. Castex. Coutumes ou for de Par-
delhan. (Suite et à suivre.) — P. 86-97, 134-41. Bellanger. Saint Orens
et son poème. [Extraits, intéressant l'histoire locale, de la thèse de doc-
torat de M. B.] — P. 114. Dautour. Noël inédit. [En langue gasconne.
Transcrit en 1692 sur un registre paroissial.] — P. 141-8. A. Bhanet.
Une journée révolutionnaire à Auch (le 29 janvier 1792). — P. 148-52.
Ch. Samakan. Arrêts du Parlement de Toulouse concernant la cons-
truction de la cathédrale d'Auch (1487-92-96). [Relatifs à la part con-
tributive des cardinaux de Savoie et de la Trémoille et à la pierre em-
ployée.] — P. 152-4. Renseignements sur les édifices [religieux] du
diocèse de Lcctoure (1751). -- P. 158-71, 254-66. A. Laveugxe. Jcan-
Fran(:ois Bladè. [Etude bio-bibliographique très consciencieuse et par-
faitement informée.] — P. 171-82. P.-E. Chanchus. Une ordonnance
de i)olice à Masseube au xviiP siècle. — P. 183-202. Abbé Lagleize. Le
marquis de la Jonquière, baron de Magnas, seigneur de Castelnau-
d'Arbieu et d'Urdens, chef d'escadre, inspecteur des flottes de Sa
Majesté, gouverneur du Canada (1685-1752). [Sans aucun intérêt pour
l'histoire de la Gascogne, à laquelle ce personnage, issu de l'Albigeois,
tenait seulement par son mariage.] — P. 202-11. L. INIazerkt. Notrs sur
les du Bosc de Momplaisir, en Fourcès. [Histoires locales, anecdotes.]
— P. 211-25, 266-86. Ph. liAUzux. Le château de Balarin (photogravure).
388 ANNALES DU MIDI.
— P. 286-90. Cajjitaine Bluem. Deux lettres de soldats gascons (1809
et 1814). — P. 806-8. Ch. Palanque. Une histoire de jeu au xv" siècle.
[Intéressant par la publication d'un texte gascon de l'Armagnac, de
1497 ou 98, suivant la date initiale de l'année, l'acte étant du 7 mars.]
P. 320-2. Déclaration de grossesse au siècle dernier. [Reproduction
d'une formule très connue. Acte étranger au Gers.] A. V.
Hérault.
Bulletin de la Société languedocienne de géographie,
t. XXIII, 1900.
P. 60-92. L. Malayialle. Une excursion dans la Montagne-Noire. Alzau,
Lampy, Saint-Ferréol, le pic de Nore (Suite et à suivre). [Difficultés
éprouvées par Riquet pour la construction du port de Cette. Corres-
pondance avec Clerville, Daguesseau et Colbert.] — P. 248-73. G. Gros.
La Salvetat et ses environs (Suite et à suivre). [L'organisation après la
guerre des Albigeois.] — P. 308-29. P. Gruyer. Saint-Guilhem-le-
Désert. [Description. Récit de la fondation du monastère. Gravures.]
Tome XXIV, 1901.
p. 5-2.Û. G. Gros. La Salvetat et ses environs. [Suite et à suivre. Consi-
dérations générales sur l'histoire de l'impôt.] — P. 67-94, 232-61, 333-48,
488-500. J. Sahoc. Sources historiques et bibliographie de l'arrondisse-
ment actuel et de l'ancien diocèse de Saint-Pons-de-Thomières. [Fait
avec beaucoup de soin et d'intelligence.] — P. 193-212, 293-315, 445-66.
Grasset-Morel. Montpellier, ses sixains, ses îles et ses rues. [A sui-
vre. Les sixains sont les six quartiers de la ville, les îles sont les
divisions des sixains.] — P. 218-31, 316-32, 467-87. J. Calvet. La Mon-
tagne-Noire. [A suivre. Etude géographique. Il s'y trouve cependant
un chapitre d'histoire sommaire.] — P. 405-44. L. F. Viala. La Sérane
et ses mines d'or. [Bref historique des mines de la Sérane, dont on
sait, d'ailleurs, peu de chose.]
Tome XXV, 1902.
P. 5-42, 159-95. Grasset-Morel. Montpellier, ses sixains, etc. [Suite et à
suivre.] — P. 48-68. J. Calvet. La Montagne-Noire. [Suite et fin. Notes
historiques sur Mazamet, Sorèze, etc. Un croquis.]
Tome XXVI, 1903.
p. 51-90, 248-67, 387-400. Grasset-Morel. Montpellier, ses sixains, etc.
[Suite et à suivre.] M. D.
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 389
Puy-de-Dôme.
U Auvergne historique, littéraire et artistique, 1902 ^
Suite des travaux commencés l'année précédente : D^ Roux. Riom pen-
dant la Révolution. — De Ribier. Gharlus-Champagnac et ses seigneurs.
— M. BouDET. Justice prévôtalo. — J. Delmas. Thibault, évèque cons-
titutionnel du Cantal.
Etudes nouvelles : Dames abbesses. — Les Grands-Jours d'Aiivergne
de 166Ô à 1666. [Registres du greffier Dougois.] — Discours du siège de
Gergovie et Sidoine Apollinaire à Avitacum, par Villevaut. — Recher-
ches sur la noblesse par l'intendant de Fortia en 1666.
1903.
De Ribier. Chronique de Montfort-sur-Mauriac. — M. Boudet. Les
baillis royaux et ducaux des Montagnes.
1904.
De Ribier. Recherches de la noblesse d'Auvergne par la Cour des aides
et les intendants. — Tableaux et monuments de Clermont pendant la
Révolution, avant les destructions opérées par Couthon (archives de la
cathédrale). — Journal du cordelier Tiolier, de 1731 à 1745.
D. du D.
Pyrénées (Hautes-).
Société acadé?nique des Hautes-Pyt^énées'^. 1° Bulletin
local, 2« sér., t. V, 1901-1903.
Fascic. 37, 38, 39, 41, 44. — P. 1-80, 153-220. L. Ricaud. Les représentants
en mission dans les Hautes-Pyrénées pendant le gouvernement révolu-
tionnaire. [Suite et fin d'un travail considérable. Après « la parfaite et
complète mise en action du gouvernement révolutionnaire avec Mones-
tier (du Puy-de-Dôme) », on y voit « les premiers efforts de la réaction
thermidorienne et les premières atteintes portées à la terrible organisa-
tion par le représentant Monestier (de la Lozère) » , d'octobre 1794 à
mars 1795; enfin « la réaction girondine triomphante et la destruction
1. Sur ce Périodique, yoir Atmales du Midi, t. XIII, p. 571.
2. Cette publication, assez irrégulière, a été divisée depuis 1901 en
deux parties : « Bulletin local » et « Bulletin documentaire », chacun
paginé à part. Elle comprend aussi, comme nous l'avons indiqué déjà
(Annales, t. XIII, p. 251), un «Bulletin général», dont un seul fascicule,
le premier du t. II (fasc. 43) a paru en mars 1903 : nous n'avons rien à
y relever.
390 ANNALES DU MIDI.
presque complèLo des institutions de la loi du 11 frimaire avec Auguste
Izoard » (des Hautes-Alpes), de mars à juin 1795. Détails nombreux
sur l'administration des deux représentants, notamment sur celle de
Monestier de la Lozère, agent de Barère à Tarbes, dévoué aux idées de
conciliation, d'apaisement; précisions minutieuses sur les hommes de
la ville et des disu'icts qui ont pris part aux événements politiques, le
tout à l'aide des Archives privées et publiques. Très solide étude, un
peu diiTuse.] — P. 81-152. L. Canet. Bagnères-de-Bigorre et la Révolu-
tion. [Premier chapitre qui nous fait souhaiter une prompte continua-
tion de cet excellent essai, plein d'aisance, de clarté et d'une information
parfaite. Il traite de Bagnères à la fin de l'ancien régime et se clôt avec
les cahiers de 1789. Sous la tutelle des intendants la ville s'était fort
accrue, embellie, pourvue de routes; ses bains en faisaient la plus fré-
quentée peut-être des villes d'eau de France; son budget se réglait par
des excédents de recettes. Il y a des ombres à ce tableau : les désordres
provoqués par les mesures contradictoires du gouvernement royal sur
les municipalités, les jalousies, les haines violentes qui régnaient entre
propriétaires de bains (le règlement royal de 1782 les aggrave), l'insuf-
lisance du service des subsistances, de la surveillance des forêts,
l'extrême faiblesse de l'instruction publique, le nombre étonnant des
pauvres, la plupart étrangers, attirés par les eaux... .\nalyse des vœux,
très intéressants, du clergé bagnérais et du tiers état; ceux de la
noblesse sont inconnus.]— P. 221-66. N. Eosapelly. Les marins bigour-
dans. [Suite. De la Révolution à la troisième République; dont J. Lar-
tigue, capitaine de vaisseau, 1791-1875.] — P. 269-360. L. Ric.\ud. Un
régime qui finit. [L'ancien régime en Bigorre, à la veille de sa dispari-
tion. Renseignements, dont beaucoup originaux, sur les divisions
administratives; les élus et leurs fonctions; les assemblées provin-
ciales; les états de Nébouzan, des Quatre-Vallées, de Bigorre; les
municipalités; l'administration de la justice, tant royale que seigneu-
riale. A suivre.]
2° Bulletin documentaire, 2^- sér., 1. 1, 1901-1902.
Fasc. 36, 40, 42. P. 1-264. Cartulaire des vicomtes de Lavedan dit Livre
vert de Bénac, p. p. G. Balencie. [Ms. de 1405-06, contenant la liste
des cens et redevances perçus par les vicomtes, des extraits d'un sayn-
suau ajitic, des chartes du monastère de Saint-Orens de Lavedan (des
ix% X», XI' siècles), etc., en tout 57 actes tant latins que gascons,
ceux-ci compris entre 1130 et 1411, ceux-là entre 865 et 1406. En tète
deux chansons en langue française « d'ung pauvre amoureus languis-
sent », qui aurait été .T.-J. de Bourbon, vicomte de Lavedan. L'une des
PÉRIODIQUES NON MÉRIDIONAUX. 391
chartes do S;dnt-()rons, de 980 (?), semble prouver qu'Ainerna, femme
du comte de Bigorre, n'était autre que la sœur de Fortaner, vicomte
de Lavedan entre 980 et 1022. Voir aussi les titres de la communauté
d'Andrest : coutumes, lettres de sauvegarde royale et autres (p. 21(3-42).
Les textes gascons paraissent corrects; ils seront très utiles aux philo-
logues. En somme, publication satisfaisante, dont l'histoire tirera bon
parti.] P. D.
PÉRIODIQUES FRANÇAIS NON MÉRIDIONAUX
flfl. — Académie des Inscriptions et Belles -Lettres
(Comptes rendus des séances), 1903.
,P. 58-61. H. DE GÉRiN-Rif'ARD et abbé Arnaud d'Aonel. Une sépulture à
incinération avec inscription grecque découverte dans la vallée de
l'Arc. — P. 108-11. D'Arbois de Jurainville. Vcnitouta-Quadrunia.
[D'après M. d'A. de J., l'inscription qu'il lit ainsi serait gallo-ligure,
Venitouta étant un mot gaulois et Quadrunia paraissant être la forme
ligure du latin Petronia.] — P. 67-70. L. Bréhier. L'introduction
du crucifix en Gaule. [Elle n'aurait eu lieu, et encore exceptionnel-
lement, qu'à Narbonne, à la fin du vi" siècle.] — P. 117-30. D' Capitan
et abbé Breuil. Les figures peintes à l'époque paléolithique sur les
parois de la grotte de Font-de-Gaume (Dordogne). — P. 130-1. T. Hamy.
Quelques observations a^^ sujet des gravures et des peintures de la grotte
de Font-de-Gaume. — P. 219-85. D"' Capitan, abbé Breuil, Peyroxy. Les
figures gravées A l'époque paléolithique sur les parois de la grotte de
Bernifal (Dordogne). — P. 256-64. Cartailhac et abbé Breuil. Les
peintures préhistoriques de la grotte d'Altamira à Santillana (Espagne).
— P. 212. De GÉRix-Rif'ARD et abbé Arnaud d'Aonel. Note sur la dé-
couverte d'un trésor monétaire à Tourves en 1366. [D'après un acte des
registres de la Cour des comptes de Provence : les monnaies étaient au
troisième d'Apollon avec revers à la roue accompagnée des lettres M A.]
Ch. L.
fS. — Annuaire- Bulletin de la Société de l'Histoire de
France, 1902.
P. 161-86. N. Valois. Essai de restitution d'anciennes annales avignon-
naises (1397-1420). [Il existait encore, au xvii« s., deux mss. contenant
une relation fran(;aise des événements avignonnais de 1397 à 1420, le
392 ANNALES DU MIDI.
Brief des chroniques et les Faits mémorables, celui-ci le moins com-
plet. Il semble que ce soit un groupement, fait vers 1558 par des ama-
teurs d'histoire, de notes contemporaines des événements, insérées au
jour le jour parmi des procès-verbaux, des transcriptions d'actes judi-
ciaires. Des copies ou des extraits de ces textes ont été pris par
H. Siiarès, Massilian, etc.; ils sont en français du xvi" s. M. V. les
réunit, les reproduit et au besoin les commente avec sa parfaite con-
naissance des faits, son soin ot sa précision ordinaires.] P. D.
13. — Association française pour l'avancement des
sciences, Si*^ session, Motitauban, 1902. (Notes et mémoires.)
p. 1287-91. Ed. FoRESTiÉ. Planches gravées des confréi'ies. [Planches de
bois gravés, à sujets religieux, provenant les unes de l'imprimerie
Forestié, les autres d'ateliers toulousains, de 1630, 1646, etc. Descrip-
tion; une gravure.] — P. 1291-2. A. M.'Vsfrand. Motte féodale de Mer-
lis, commune de Vayres (Haute-Vienne). [Fouille d'un monticule, sans
intérêt.] P. D.
14. — Bibliothèque de VEcole des Chartes, 1903.
P. 5-30. H. Omont. Nouvelles acquisitions du département des manus-
crits de la Bibliothèque nationale pendant les années 1900-1902. Ma-
nuscrits latins. [718. Breviarium ad usum Vivariensem, xiv» s.; 753.
« Censier et obituaire de l'église Notre-Dame de la Sede à Aix (B.-du-
Eh.), xii«-xiii« s.; 7.54. Liber hymnorum, cum glosa. Au fol. 1, publica-
tion par « Johannes Régis, rector ecclesie Sancti Gironcii, Sancti Flori
diocesis », d'une sentence d'excommunication (1343); fol. 48, « Planch »
de Saint-Etienne : « Seses, senhor, es aias pat... » xv s.; 755. Registre
des actes passés par devant le notaire Pranlong, à Arzon, commune de
Chomelix, diocèse du Puy (1472-76) xv« s.; 1823. Frater Illidius Vlieida-
mis Sylvius, apud Claromontem Arverniœ in Illidiano monasterio mo-
nachus, de laudibus Arvernise deque Arvernorum nobilitate, potentia
gestisque magniiicis libellus, xvii" s.; 1839-64. Registres de divers notai-
res de Genolhac (Gard) et de Villefort (Lozère), 1364-1555; 1868, Guil-
lelmi Durandi, Mimatensis episcopi, rationale divinorum officiorum,
copié en 1444; 2387. Missel à l'usage de l'église Sainte-Marie de la Dau-
rade, de Toulouse. (Cf. G. Couderc, Ami. du Midi, t. XIV, p. 541.)] —
P. 81-53. L. Levillain. Le sacre de Charles le Chauve à Orléans. [Il n'a
jamais été sacré roi d'Aquitaine, contrairement à ce que l'on croyait.
Il reçut l'onction le 6 juin 848 pour la totalité du royaume franc de
l'Ouest.] — P. 221-58. H. Omont. Suite et fin des Nouvelles acquisitions
PÉRIODIQUES NON MÉRIDIONAUX. 393
du département des manuscrits de la Bibliothèque nationale, manus-
crits français. (10016. La vie du R. P. Fr. Michel Daniel, premier cus-
tode des Frères Mineurs observantins reformez, dicts Recollectz, de la
custoderie de Sainct Antoine du Daulphiné (f 1660), par B'r. Paul Gre-
gaine, religieux du mesme ordre, xyii" s.; 10021. Livre journal de Jean
Saval, marchand drapier à Garcassonne (1310-41), publié par Gli. Portai
dans le Bulletin historique du Comité, 1901, p. 423; 10040. Journal
des remarques faites dans un voyage par la France en 1776, par
J.-J. Oberlin. Détails historiques et archéologiques sur Vienne,
Orange, Avignon, Garpentras, Aix, Marseille, Arles, Nimes, Montpel-
lier, Agde, Toulouse, Bordeaux, etc.; 10115. Le Parnasse ancien et mo-
derne abrégés, t. II, Paris, 1795; recueil de poésies attribué à M. Morel,
doctrinaire, l'un des professeurs de i-hétorique au Collège royal Bour-
bon d'Aix; 10127. La perge du fief appelé vulgairement de Tortu-
rou assis dans la parroisse et juridiction de Puechroudil.viguerie de
Najac et seneschaucié de Rouergue [Pech-Rodil, commune de Varen,
Tarn-et-Garonne], 1599; 10130-33. Renseignements sur le personnel et
le matériel de divers services militaires réunis en vue du voyage du
duc d'Orléans de Toulon à Paris (octobre 1839); 10135-10154. Inven-
taire... ou répertoire [alpliabétique]... composé pour l'utilité de la com-
munauté [de Montauban] et pour donner aux particuliers des éclaircis-
sements dont ils pourraient avoir besoin sur toutes les affaires qui se
sont passées dans cette ville, depuis sa fondation et même auparavant
jusqu'à présent, par M. Satur, conseiller, secrétaire du Roy à la cour
des aides de cette ville; 10155. Livre de raison des sommes et biens de
feu M. de Jauréguiberry, sieur de Sortolat de Mauléon, xvii° s.; 10158.
Traité de « rhétorique française « recueilli par Arnauld-Michel d'Aba-
die, étudiant au collège de Lascar, xviii« s.; 10160. Mémoire de l'état
présent des royaumes de Basse-Navarre et pais souverain de Béarn,
dressé le 31 décembre 1700 par M. Le Bret, intendant; 10161. Com-
mentaire de Bêla sur la coustume de Soûle, pays des Basques, sénes-
chaussée de Guyene , ressort du parlement de Bordeaux (copie) ;
10162. Censier du pays de Soûle, xvii'' s.; 10163. « Album de 1832 »,
recueil de nouvelles et de pièces de vers, en français et en anglais, par
Antoine d'Abbadie: «ms. autographe, avec lithographies et dessins au
crayon; 10168. Les occupations de Pierre Ayines, commis au greffe
civil du parlement de Thoulouse, pendant le cours des misérables trou-
bles secons de ce royaulme, surgis depuis l'an 1567, que la malhureuse
et dcttestable conjuration faicte sur le Roy, estant à Meaulx, le jour
de Sainct Michel, feust découverte. Remis aunect en ceste forme aux
394 ANNALES DU MIDI.
moys de janvier et février 1570, xvi" s.; 20025-20032. Recueil de pièces
originales sur l'histoire de France, classées chronologiquement du
xiir au xviii" siècle. Années 1269-1345 (20025). Comptes et pièces diver-
ses concernani Agen (9), Carcassonne (149), Languedoc (133), Péri-
gord (21 et 58), Saintes (17); années 1373-1400 (20027). Comptes et pièces
diverses concernant Bazas (36); années 1400-1464 (20028). Conti'at
de mariage de Gaston de Foix (169); années 1465-1556 (20029). Comptes
et pièces diverses concernant Aigues-Mortes (8), Foix (contrat de ma-
riage de Gaston de) (54), Languedoc (2, 15, 36, 60), Lauraguais (26),
Perpignan (23); années 1556-1600 (20030). Saisie des biens de la
Reine de Navarre et articles de la paix conclue avec le roi de
Navarre (21 et 61): 20046. Sommaire discours d'aucunes choses
mémorables arrivées en la ville d'Annonay et lieux circonvoisins
depuis l'année 1551 [jusques en 1597], par Achille Gamon, licencié,
xvin^ s.; 20051. Recueils d'extraits relatifs aux États généraux du
royaume de Navarre, jusqu'en 1789, xix« s.; 20052. Mémoires sur la
généralité de Bordeaux et mémoires concernant les pays de Béarn et de
Basse-Navarre, xviii' s.; 20053-55. Histoire des Basques par le cheva-
lier de Bêla, ms. autographe, xvin= s.; 20058-69. Copie du précédent
XIX' s.; 20080. Spécimens de patois gascon, languedocien. Traduction
de la bible en... espagnol, gascon...; 20081. Recueil de copies d'actes
relatifs aux juifs de Provence; 20082. Mémoires sur l'affaire de la de-
moiselle Cadière, en Provence (1787), sur le Comtat Venaissin; 20083.
Fortifications de Barcelonnette, Bayonne (1680); 20086. Fortifications
de Perpignan (1679), Saint-Martin-de-Ré (1681), frontières de la Savoie.
La plupart des mémoires sont de Vauban ou apostilles par lui; 20091.
Carte de la rivière de Montpellier: 20111-41. Rouleaux généalogiques
provenant de l'ancien cabinet des titres; 20112. Lévis-Mirepoix; 20118.
Aubigné (xv^ s.); 20119. Montesquiou : 20138. Table généalogique de la
maison de Scoraille, par Du Bouchet.] — P. 284-8. R. Poup.\rdin. La
date de la ^'isio Karoli te)-tii. [Persiste à croire, contrairement à l'opi-
nion de M. Levison, que ce texte, écrit en faveur des prétentions de
Louis de Provence à l'empire, a été composé peu de temps après la mort
de Charles le Gros, mais dans le diocèse de Reims ou dans le voisinage
de ce diocèse.] — P. 481-9. Ch. de la Roncière. L'Atlas catalan de
Charles V dérive-t-il d'un prototype catalan? [Ne donne pas une ré-
ponse définitive, mais n'admet pas que le planisphère de Majorque fait
par Angelino IXilcert, soit l'œuvre d'un Catalan. Tl pense que Gènes
était, au commencement du xiv siècle, le centre cartographique où ve-
naient chercher des modèles Vénitiens et Majorcains. Intéressant sur-
PÉRIODIQUES NON MERIDIONAUX. 395
tout par la nomenclature des côtes du Ponant dans Vcscontc, Dalorto-
Dulcert et l'Atlas catalan.] — P. ■490-.")53. H. Omont. Manuscrits de la
bibliothèque de sir Thomas Pliillips récemment acquis pour la Biblio-
thèque nationale. [Notices sur les 114 mss. achetés à la dernière vente
de Cheltenluxm. avec table de concordance des anciens numéros de la
bibliothèque Phillips et du catalogue de vente avec les numéros des
nouveaux fonds latins et français de la Bibliothèque nationale; index
alphabétique. Bernari Gui, Fleurs des Chroniques et autres opuscules
(mss. nouv. acq. lat. 778-79); statuts, coutumes et privilèges d'Avignon
(ms. nouv. acq. lat. 1874); Vie de D. .Jean Delibra, religieux de la
Chartreuse de Caliors, par D. Bruno Malvcsin (ms. nouv. acq. franc.
10233); Pensées, notes et fragments poétiques de La Beaumelle (ms.
nouv. acq. franc. 10284); Recueil sur l'histoire de France aux xvi" et
xvii' siècles (ms. nouv. acq. franc. 20201). [Résumé de mémoires et let-
tres, Brantôme, lettres de Paul de Foix, cardinal d'Ossat, cardinal de
Joyeuse.] Œuvres de Brantôme (ms. nouv. acq. franc. 20205). Papiers
du géographe Philippe Buache sur les tremblements de terre (mss.
nouv. acq. franc. 20236 et 20237). [1707) : à Aix, Avignon, Coussillon (Gi-
ronde), en Dauphiné, à Perpignan.] — P. 567-76. H. Mor.\!svillé. Notes
de statistique financière sous Philippe YI de Valois. [Très curieuses
notes d'un Italien d'abord fondé de pouvoirs de fermiers d'impositions,
puis délégué pour faire payer les taxes imposées aux Lombards mar-
chands ou usuriers en France. Etude sur les fraudes d'octroi, mouve-
ment des vins en Gascogne, Toulouse, Carcassonne, et sur le mouve-
ment de La Rochelle et autres ports de Saintonge.] — P. 577-8. M. Prou.
Deux fragments de bulles sur papyrus au Musée du Puy. [L'une d'elles
est un débris du privilège de Silvestre II pour l'église du Puy, du 23 no-
vembre 999, dont la Bibliothèque nationale possède la partie inférieure ;
l'autre est un reste du privilège accordé par Léon IX à l'église du Puy
en 1052.] A. V.
15. — Bulletin archéologique de V Association bretonne
p. p. la classe d'archéologie, 3" sér., t. XIX, 1901.
P. 111-40. J. TiiÉvEDY. Lieu de naissance de La Tour d'Auvergne. Cor-
ret. La légende de La Tour d'Auvergne. La poésie et La Tour d'Auver-
gne. .G. D. DU D.
16. — Bulletin archéologique du Comité des travaux
historiques et scientifiques, 1903.
P. 3-32. PI. I et II. Labande. Les mosaïques romaines île Villelaure
396 ANNALES DU MIDI.
(Vaucluse); rai^port de M. Héron de Villofosse. [Très curieuse trou-
vaille, appartenant à la catégorie des scènes nilotiques dont on a
trouvé de nombreux spécimens en Italie et en Afrique, mais dont la
Gaule n'avait pas encore fourni d'exemple caractérisé.] — P. 36-43.
PI. III. Abbé Dercier. Rapport sur des fouilles exécutées au Mont-
Joûer, près de Saint-Goussaud fCreuse). [Commencement de fouilles
qui promettent d'être très intéressantes. Outre de nombreux bâtiments,
on a trouvé des monnaies remarquables de Claude, de Nerva ou d'Anto-
nin, de Germanicus et de Jules César, ainsi que deux fibules dont une
est ornée de vingt émaux triangulaires.] — P. 64-7. PI. V. Héron de
ViLLEFOssE. Rapport sur un ceinturon romain trouvé à Argeliers
(Aude), d'après des photographies envoyées par M. F. P. Thiers, con-
servateur du Musée de Narbonne. — P. 72-127. PI. VI. Ch. Porée.
Notice sur la construction de la cathédrale de Mende. [Fort intéres-
sante étude historique et monumentale, d'après des documents d'archi-
ves. Pièces justificatives.] — P. 131-2. PI. VII. Ch. Port.\l. La croix
processionnelle de Labastide-Denat (Tarn). [xvi« siècle.]
Congrès des Sociétés savcoites. P. lxx-lxxx. Séance générale. Discours
de M. C. JuLLi.'VN. [Très spirituelle allocution oii l'utilité des recherches
d'histoire locale, qui font mieux connaître l'histoire de France, est
démontrée par des exemples pris dans l'histoire de Bordeaux. —
P. 209-11. F. Régnault. Peintures et gravures de la grotte de Marsoulas
(Haute-Garonne). — P. 206-21. PL XII à XVII. Véran. Rapport sur
les fouilles du rempart d'Arles en 1902 et restitution de « l'arc admira-
ble ». P. 421-36. — PI. XXVI-XXVII. Abbé Breuil. Rapport sur les
fouilles dans la gi'otte du Mas-d'Azil (Ariège). [Août 1902. Vestiges de
gravures sur parois dans les galeries obscures.] — P. 469-75. PI. XXXIV-
XXXVII. Barriére-Fl.wy. Les portails des églises de Caujac et de
Gaillac-Toulza. [Intéressante étude monumentale et belles photogra-
phies.] — P. 490-514. E. Bonnet. Des variations de valeur de la mon-
naie melgorienne. — PI. XLVI. Reproduction photographique d'une
croix de pierre du commencement du xvi" siècle de l'église de Campes
(Tarn). A. V.
fî. — Bulletin du hibliopliUe et du hWliotJiécaire, 1902.
p. 301-13, 402-27, 467-84, 524-9. Mémoire historique et détaillé pour la
connaissance exacte des auteurs qui ont travaillé au Mercure de
France..., p. p. G. de Courcel. [Très courtes notices. Parmi les Méri-
dionaux, Antoine et Jean de La Roque, de Marseille; Louis de Boissy,
de Vie en Carladez (.\uvergne), Marmontel. A suivre.]
PÉRIODIQUES NON MÉRIDIONAUX. 3Ô7
1903.
P. 8-25, 76-89, 275-8, 320-9, 383-7, 499-502, 615-21. F. Meunié. Bibliogra-
phie de quelques almanaclis illustrés des s.xiw et xix« siècles. [A rele-
ver un Chansonnier de la République pour l'on, III, édité à Bordeaux
et Paris. (A suivre.)] — P. 29-36, 90-102. Mémoire historique et détaillé
pour la connaissance exacte des auteurs qui ont travaillé au Mercure de
France..., p. p. G. de Courcel. [Suite et fin.] — P. 113-33. E. Portalis.
Le baron Anatole de Claye. [Né dans les Landes en 1851. Bibliophile.
Notice biographique. Portrait.] M. D.
18. — Bulletin de géographie historique et descriptive,
1903.
P. 218-27. Saint-Jours. Preuves de l'antique stabilité des côtes de Gasco-
gne. — P. 228-35. Grand.iean. Réponse à la communication de M. Saint-
Jours. [Cite nombre de faits qui vont contre la thèse ci-dessus, notam-
ment un texte tiré de Janson, Flambeau de la navigation (1625), et
relatif aux chenaux d'Arcachon, Bayonne et Saint-Jean-de-Luz.] —
P. 236-8. Saint-Jours. Limite des différents pays — payi, — de la
Gironde à la Bidassoa. [Labourd, Maremne, Marensin, Born, Buch,
Môdoc. Leurs limites n'ont pas varié depuis l'époque gallo-romaine.] —
P. 239-58. J. FouRNiER. L'introduction de la culture de la canne à sucre
en France au xvi'^ siècle, [Très intéressant. Deux « sucriers » sous
Henri II cherchent à introduire la canne à sucre en Provence. Charles IX
en fait planter dans son jardin à Hyères en 1567 : l'essai échoua com-
plètement, faute d'un climat favorable. Un autre essai fait en 1614 par
le sieur de La Molle dans les monts des Maures ne fut pas plus heu-
reux. Textes.] — P. 274-84. Ch. Duffart. La carte manuscrite de Claude
Masse (fin du xvii" s.). Sa valeur scientifique. Principales modifications
du sol landais qu'elle révèle. [Carte topographique au 1 : 29235. On en
peut conclure que les dunes avancent de 800 m. par siècle; que les
lacs du littoral se comblent; que leurs aflluents se ferment, etc.] —
P. 308-17. Abbé V. Marsan. La Neste autrefois et aujourd'hui. [Son
importance pour le flottage du bois et le transport des marbres de Bey-
rède, Sarrancolin, Campan vers Toulouse au xyiii"^ s. Quelques textes.]
— P. 318-22. P. Camena d'Almeida. L'Aunis. Essai de géographie his-
torique et régionale. — P. 323-69. A. Pawlowsky. j;^es villes dispai-ues
et la côte du pays de Médoc d'après la géologie, la cartographie et
l'histoire. [Il est impossible de résumer ici l'histoire très compliquée
de ce littoral, l'un des plus remaniés qu'il y ait en France. M. P. l'a
écrite avec beaucoup de soin et de science.] P. D.
398 ANNALES DÛ MIDI.
19. — Bulleim monumental, 67" vol. de la collection,
1903.
P. 403-25. E. Travers. L'archéologie monumentale aux salons de Paris
en 1903. [Planches accompagnées de brèves notices où se trouvent i^lu-
sieurs monuments du Midi : châsse de Sarrancolin (Hautes-Pyrénées);
portail do Sauveterre-dc-Béarn (Basses-Pyrénées); maison de l'éléphant
à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme); clocher do Baudéan (Hautes-Pyré-
nées); coupe do l'église de Sarrancolin (Hautes-Pyrénées); abside de
l'église de Chamalières (Puy-de-Dôme).] — P. ■45"2-8. A. Vérax. Les
fouilles de la Porte de l'Aui-e à Arles-sur-Ehône fplanches). [Découverte
de fragments de l'arc-do-triomphe antique, appelé l'arc admirable,
déjà démoli au xyii"" siècle; résultat des fouilles faites à la porto de
l'Aure en 1902, par le service des monuments historiques.] — P. 4")4-97.
Laiunde. Etude historique et archéologique sur Saint-Trophime d'Arles
du iv au xiii" siècles (planches). [C'est l'histoire des édifices qui se sont
succédé sur l'emplacement de l'église actuelle; à suivre.] — P. 562-70.
J. Déchelette. a propos de l'oppidum des Nitiobriges, i)rcs d'Agen.
[Recherches sur la date de l'oppidum. Voir Congrès archéologique de
Fratice, 48« session, Agen, pp. 167-212, le mémoire de M. Momméja
sur le même sujet.] F. P.
20. — Bulletin de la Société archéologique, historique et
artistique Le vieux Papier, t. I, 1900.
p. 89-90. Delpy. Un usage funéraire en Auvergne (xviii" s.). — P. 191-7.
Id. De Clormont à Paris en 1661. Comptes de voyage. G. D. du D.
SI. — Bulletin de la Société de lliistoire du protestan-
tisme français, LIP- année, 1908.
p. 31-40. N. Wkiss. Bernard Palissy devant le Parlement do Paris. [Avant
d'être enfermé pour cause d'hérésie dans la prison où il mourut, l'illus-
tre potier avait été condamné à la fustigation par le bailli de Saint-Ger-
main-des-Prés, peine que le Parlement de Paris commua par arrêt des
10-12 janv. 1587, dont texte. M. W. n'a rien trouvé qui confirme l'allé-
gation de Lestoile, à savoir que Palissy aurait été condamné au feu par
le Châtelet.] — P. 45-59. A. Lods et D. Benoit. Nouveaux échos de la
tour do Constance. Trois lettres inédites de Marie Durand. [Du
29 mars 1759 et du 17 sept. 1752. Marie était alors prisonnière. Autre,
de Jeanne Magon, de Vc^rnoux en Vivarais, aussi captive dans la tour.]
— P. 59-72. N. W. Montauban en 1773-1774. Trois lettres de Jeannette-
PÉRIODIQUES NON MÉRIDIONAUX. 399
Philippine Leclerc. [Fille d'un Fi-an(;ais émigré en Allemagne à la
Révocation, elle avait épousé un Francjais oi-iginaire sans doute de
Montauban. Desciiptions fort intéressantes de la ville et surtout de ses
habitants, du culte protestant, etc.] — P. 07-127, 193-231. V.-L. Bour-
RiLLY et N. Weiss. Jean du Bellay, les protestants et la Sor-
bonnc (1529-1535). [Après le supplice de Berquin, certains membres
do la Sorbonne et du Parlement cherchent à incriminer les frères du
Bellay comme protecteurs des hérétiques, en particulier Jean, évêque
de Bayonne, mais sans succès.] — P. 127-30. N. W. Poursuites en
Savoie et en Dauphiné contre Germain Colladon, Michel Protin et le
cordelier Marin, d'après une lettre inédite de Michel do l'Hôpital. [Au
duc de Guise, de Paris, 11 oct. 1551. Poursuites pour cause d'hérésie.]
— P. 130-7. N. W. La signification de l'avertissement pastoral à Mon-
tauban, 7 janvier 1683. [Il s'agit de l'invitation à abjurer que le clergé
adressa alors aux protestants. Procès-verbal de la lecture de cet acte et
de la réponse, très respectueuse et très ferme, qu'y fit le pasteur Y^arn.]
— P. 137-41. H. Dan.nreuther. La révocation de l'Edit de Nantes à
Longwy. [Abjurations d'officiers et de soldats de la garnison, 1682-1746.
Bon nombre étaient des méridionaux.] — P. 141-3. Cii. Serfass. Les
abjurations forcées en Vivarais, 1700. [A Ghampis (Ardèche). Acte par
lequel le curé certifie que les principaux habitants ont embrassé le catho-
licisme.] — P. 143-60. H. Patry. La bataille de Jarnac, la campagne
de 1569 et le rôle de Goligny, d'après des travaux i-écents. [D'après le
livre de M. Gigon, Angoulème, 1895, in-8°, que M. P., par endroits,
corrige ou complète. Les indécisions et les lenteurs des Réformés cau-
sèrent leur perte ; l'effet moral du combat fut bien pire pour eux que
les résultats matériels.] — P. 231-54. N. W. Mémoires de la famille de
Chaufepié [Originaire d'Italie; établie à Gimont, en Gascogne, puis à
Marennes; elle cmigra en 1685. Texte des Mémoires de Samuel de Chau-
fepié, pasteur, réfugié à Amsterdam, avec rectifications, p. 571.] —
P. 385-156. H. Gelin. Cent cadavres de huguenots sur la claie et à
la voirie sous Louis le Grand. [En vertu de la déclaration royale du
29 avr. 1686, que certains historiens ont cru ou dit avoir été purement
comminatoire. Enumération de cent exécutions de ce genre (voir aux
Documents, p. 421) ; beaucoup ont été faites dans le Midi. Cette liste
est assurément incomplète. Cf., p. 5?3 , une liste supplémentaire de
vingt-cinq noms dressée par M. Pradel.] — P. 456-61. M. dk Riciiemond.
Un drame au Château-Gaillard en 1670. [Procédun^ relative à l'assassi-
nat de deux enfants de Jacques Rocqueinadour, huguenot, par ceux du
vice-sénéchal en la maréchaussée de Saintougc, Prieur ; les coupables
4Ô0 ANNALES DU MIDI.
reçoivent des lettres de l'émission.] — P. 463-8. A. Lods. Deux chan-
sons sur Rabaut de Saint-Etienne, [Qui venait d'être élu président de
l'Assemblée constituante. L'une est pour, l'autre contre ce choix.] —
P. 557-9. P. F. B. Le prétendu vitrail de Jeanne d'Albret à Limoges.
[Sur l'article de M. Leroux publié ici même (t. XV, p. 329). La femme
prêcliant que le vitrail représente serait non Jeanne d'Albret, qu'il faut
écarter, d'accord avec M. Leroux, mais sa mère, Marguerite de Navarre.]
P. D.
SS. — Congrès archéologiques de France, 1902; Troyes
et Provins.
Procès-verbaux. P. 139-44. F. Pasquier. Vœu relatif à la conservation et
à la centralisation des minutes notariales antérieures à 1790. — P. E. Le-
FÈVRE-PoNTALis. Vœu relatif à la constitiition dans chaque diocèse
d'une commission qui soit appelée à donner son avis sur les répara-
tions à faire dans les églises rurales. F. P.
23. — Journal des Savants, 1903.
P. 86-102. LucHAiRE. Les institutions monarchiques locales en France à
la fin du moyen âge. [Analyse très élogieuse du livre de M. Dupont-
Ferrier : Les officiers royaux des bailliages et sénéchaussées et les
Institutions monarchiques locales en France à la fin du moyen
âge.] — P. 317-25. Julliax. Le littoral de la Gascogne. [Analyse du livre
de M. Saint-Jours : Port d'Albret, Vieux-Boucau, l'Adour a>icien et
le littoral. M. J. adopte et développe les conclusions de ce livre : con-
trairement à l'opinion traditionnelle, le littoral gascon de l'Atlantique
ne paraît pas s'être modifié à l'époque historique.] — P. 337-45. Antoine
Thomas. La chanson de Sainte-Foi. [Etude sur ce nouveau et si impor-
tant texte provençal, publié pour la première fois par M. Leite de
Vasconccllos; observations et notes critiques sur ce texte.] Ch. L.
a4. — Mémoires de la Société dunherguoise, t. XXXIII,
1900.
p. 1-234. V. DE SwARTE. Claude Le Blanc, intendant d'Auvergne, inten-
dant de la Flandre maritime, secrétaire d'Etat au département de la
guerre (1669-1728). Sa vie, sa correspondance particulière et adminis-
trative. G. D. DU D.
2S. — Mémoires de la Société d'émulation du Douhs.
7« sér., 2" vol., année 1897.
P. 329-68. J. Meynier. Les noms de lieu romans en France et à l'étranger
PERIODIQUES NON MERIDIONAUX. 40l
(suite 1898, p. 57-178; 1899, p. 13-109; 1900, p. 113-253; 1901, p. 17-54).
[M. M. s'est donné la peine, très méritoire, de ramasser une quantité
immense de matériaux et de les classer d'une façon simple et logique
(noms do lieu d'origine naturelle, religieuse, ethnique, sociale). 11 tran-
che sans sourciller, et avec une insuffisante connaissance des lois pho-
nétiques, les questions d'étymologie les plus ardues ; mais le simple
rapprochement des formes est parfois fort instructif et peut mettre le
linguiste sur la voie de véritables découvertes, d'autant plus que M. M.
a souvent pris soin d'indiquer les formes anciennes. La toponymie mé-
ridionale me paraît avoir été explorée moins complètement que celle du
Nord ; pourtant les formes intéressant nos lecteurs sont fort abondantes
encore. Une table alphabétique (où la foi-me latine est prise pour base)
facilite les recherches dans ce précieux répertoire. Il en a été fait un
tirage à part (Besam^on, Dodivers, 1901, in-8" de 431 p.).] A. J.
2e. — Revue des bibliothèques, 1902. Néant. — 1903.
P. 101-14. J. Gautier. Le décret de 1809 et les droits de l'État sur les ma-
nuscrits des bibliothèques publiques. [Étude d'intérêt général destinée
à faire connaître les droits de l'État non seulement en matière de pro-
priété, mais aussi en matière de publication.] — P. 207-2^3. L. Dorez.
Le manuscrit de Dante offert au roi François I", en 1519, par Jacques
Minut, président aux Parlements de Bordeaux et de Toulouse. [Détails
biographiques sur Minut. J F. P.
S'S'. — Revue des Deux-Mondes, 1903.
1" février. P. G61-91. A. Jeanrov. La poésie provençale au moyen âge.
III. La Chanson. [L'auteur essaie d'expliquer la formation des théories,
si étranges dans une société chrétienne, qui ont trouvé leur expression
dans la chanson provençale, et de déterminer le rapport de ces théo-
ries avec les mœurs réelles; il montre que la chanson devint vite un
genre factice qui ne pouvait fournir une longue carrière, et il étudie
les efforts tentés pour lui infuser une vie nouvelle par quelques-uns des
principaux troubadours, Rambaut d'Orange, Arnaut Daniel, Peire
Vidal, Folquet de Marseille, Guiraut de Bornelh. — Nous aA'ons omis
de mentionner dans nos précédents dépouillements l'article du même
auteur (même Eevuo, 1" oct. 1899, p. 545-74) sur hi poésie historique
des troubadours, où M. J. a rassemblé ou précisé beaucoup de rensei-
gnements épars ou vagues et essayé, pour conclure, de déterminer la
portée du rôle historique des poètes provençaux et notamment de
B. de Born.]
ANNALES DU MIDI. — XVI. 26
402 ANNALES DU MIDI.
l!"" jiiilloL. P. 49-82. A. RiîBKLLiAU. Un épisode de l'histoire religieuse
du xvii" siècle. La Compagnie du Saint-Sacreinent. (Suite, 1" août,
p. 510-68, et 1"'' sept., p. 103-35, avec les sous-titres : La Compagnie
du Saint-Sacrement et la contre-réformation catholique ; — la Com-
pagnie du Saint-Sacrement et les protestants.) [Résumé très vivant et
très personnel des travaux, de MM. Rabbe, Eeauchet-Filleau et Allier ;
cf. le compte rendu, par M. Leroux, du livre de ce dernier, ÂJUia-
les, XV, 2'21. Presque rien sur le Midi.]
l" août. P. 654-73. R. Doumic. La jeunesse de Mirabeau. [D'après la
publication de lettres inédites par MM. Cottin et Dauphin-Meunier.]
l"' octobre. P. 570-603. E. Daudet. Les dames de Bellegarde. Mœurs du
temps de la Révolution. (Suite 15 oct., p. 864-99, et 15 nov., p. 407-44.]
[A propos de la liaison de Hérault de Séchelles avec Adélaïde de Belle-
garde (1793); beaucoup de hors-d'œuvre sur la situation morale et poli-
tique de la Savoie, sur la famille et la jeunesse de Hérault de Séchel-
les, etc. Le récit est, du reste, aussi instructif que dramatique. On se
demande seulement pourquoi M. D. ne donne jamais de références pré-
cises, même aux documents qui sont dans le domaine public, et on se
pren 1 à craindre que le roman ne côtoie l'histoire, surtout quand on
voit l'auteur avouer lui-même (p. 571) qu'il & a dû suppléer à des lacu-
nes par des hypothèses ». Mais ne devi'ait-\\ pas aussi avertir le lec-
teur de ce ciui n'est qu'hypothèse?] A. J.
S8. — Revue des Etudes historiques^ 1903.
p. 498-514. A. CocHiN. Les conquêtes du consistoii-e de Nimes pendant la
Fronde. [Etude intéressante, faite en grande partie à l'aide des archives
du consistoire de Nimes, sur la lutte qui éclata dans cette ville entre
catholiques et protestants, à l'occasion des troubles de la Fronde. Les
réformés comprenaient presque tous les bourgeois riches de la ville : le
parti catholique était composé surtout du petit peuple et avait pour
chefs l'évêque, les jésuites du collège et les magistrats royaux. Le pré-
texte de la lutte fut l'enlèvement d'un jeune protestant par l'évêque.
Elle se termina au profit des réformés, mais le consistoire abusa de sa
victoire; il promulgua plusieurs ordonnances vexatoires, même pour les
calvinistes modérés, et il fit nommer des protestants à la plupart des
fonctions de la ville. Cette attitude souleva des haines violentes et ne
tarda pas à provoquer des luttes nouvelles.] F. D.
89. — Revue Uebdomadaire, 2« sér., t. VII, 1900.
P. 398-413. P. Lauren'^n. La bataille de Marengo et la mort de Desaix.
G. D. DU D.
t'ÉRIODIQUES NON MERIDIONAUX. 403
âO. — Revue d'histoire littéraire de la France, 19U3.
P. 177-531. G. Laxson. Études sui" les origines delà tragédie classique en
France. Comment s'est opérée la substitution de la tragédie aux mys-
tères et moralités (Suite, p. 413-36). [Enumère, dans la première partie
de ce travail, un certain nombre de représentations qui attestent la
survivance, surtout en province, des genres dramatiques du moyen âge;
quelques-unes de ces mentions se rapportent au Midi.] — P. 283-1.
V. GiRAUD. Sur une édition peu connue des Pensées de Pascal. [Édition
des Pensées, donnée en 1785 par l'abbé Ducreux, chanoine d'Auxerre,
qui essaie de retrouver le plan de Pascal et s'imagine avoir rendu les
Pensées plus fortes, « plus lumineuses et plus utiles ».] — P. 1.j7-77.
P. Lafenestre. François Maynard. [Étude littéraire. La Cloris de
Maynard serait une fille de Hurault de l'Hôpital, fils du chancelier.
A. .J.
31. — Revue internationale de l'ensei(jneme7ït, XXIII
(1903, t. II).
p. 108-17. P. Brun. Deux documents sur l'enseignement au xvir siècle.
[Analyse d'un cahier de rhétoricien et publication d'un cahier de notes
d'un professeur de Grenoble au xvu" siècle (sans date précise) ; ces deux
documents sont à la Bibl. munie, de Grenoble.] A. J.
3S. — Revue numismatique, IV*^ série, t. VII, 1903.
p. 87-Uy. D"' Poxf'ET. Oboles de Marseille et monnaie à légende Nord-
Etrusque, à propos d'une trouvaille faite près de Valence (Drome).
[Planche.] — P. 104-8. H. de Gérix-Ricard et abbé Arxacu d'Agnel.
Découverte à Tonrves (Provence), en 1366, d'après le récit contenu
dans un acte de la Cour des comptes de Provence. — P. 183-5. J. Ro.max.
Nécrologie : Louis Blancard, numismate, ancien archiviste des Bou-
ches-du-Rhùne. F. P.
33. — Revue de Paris, 1903.
15 avril. P. 701-36. P. de Ségur. Un grand homme de salons : le comte
de Guibert. [Le comte de Guibert, né à Montauban en 1713 (mort en
1790), admiré par ses contemporains bien au delà de ses mérites, som-
mairement exécuté par Sainte-Beuve et J. Janin', n'est plus connu
aujourd'hui que par la passion qu'il inspira à M"" de L('h,pinassc.
M. de S. pense que ce fut un esprit vraiment supérieur, d'uni' lucidité
et d'une pénétration singulières, et le [)rouve par de curieu.x extraits
de VEsscti de tactique, fort apprécié de Napoléon l", et des Sonrenii's
404 ANNALES DU MIDI.
de voyages.] — P. 707-818. L. Batiffol. Un garde du corps de Louis XIII .
(Suite 1" mai, p. 185-96.) [D'après les souvenirs inédits de Pierre de
Bordeaux, sieur de la Sablonnière, relatifs aux campagnes de 1622,
1628, 1634. Renseignements curieux sur la personne du roi, la façon
dont on faisait la guerre en ce temps-là, les sentiments des populations
protestantes du Midi. Episodes plaisants et plus souvent alïrcusement
tragiques des sièges de Négrepelisse et Saint-Antonin.]
15 août. P. 807-38. W. Morton-Fullerton. En Narbonnaise. [Impressions
de voyage (en Limousin, Quercy, Languedoc, Roussillon). Le touriste
dont elles émanent a trop d'espi'it, et surtout veut trop en avoir, mais il
a la vision nette, sinon toujours juste, et son style est amusant. Agréa-
bles instantanées.] A. J.
34. — Revue des parlers populaires, 2*^ année, 1903.
N" 1. P. 161-79. A. Thomas. Étymologies limousines. {Armorijo, « vent
d'ouest», de armoricus (ventits); asse, « inculte », du bas latin apsiis,
apsa ; — cihre, tribe, « seau » : la première forme vient du germ. zioi-
par {zwei, « deux », et thème de bera?i, <i porter ») , la seconde d'une
forme antérieure « tuiibe)-)i : exemple curieux de deux formes germa-
niques, d'époques et de régions différentes, représentées dans des patois
limitrophes; — deiniai, « fatigué », pour d'esmai, litt. « d'émoi »,
c.-à-d. « en émoi » : intéressante dissertation sur les locutions préposi-
tionnelles devenues (ou en train de devenir) adjectifs; cf. anc. fr. en-
grant, fr. debout, prov. depè ; — desoussina, « défricher », de de et
oussino, « terre inculte » (fr. absiiie), tiré du bas latin abs, absa; —
eiraiwha, « boiteux », pour esrcmcat, formé de es et ranc; — garlimen,
« charrue », dissimilation de garnimen, avec une réstriction de sens
qui se retrouve dans le gascon arnés , qui a pris ce même sens de
« charrue »; — meiri , « brebis qui a déjà porté », de niatricem; —
nuei, « nœud » , de fiodium, tiré de nodus ; — rèl, « ràble ou rabot des
boueurs, jardiniers, maçons, etc. », pour un plus ancien ruèlh, de
rotulum. — On retrouve dans toutes ces étymologies le savoir et la
pénétration ordinaires de l'auteur; nous sommes heureux d'annoncer
qu'elles reparaîtront en un volume intitulé : « Nouveaux Essais de
philologie française », qu'il prépare en ce moment.] A. J.
35. — Revue de philologie française et de littérature
(ancienne Revue de philologie française et provençale),
t. XVII, 1903.
P. 89-104. L. Via>'0N. Les patois de la région lyonnaise. Le pronom
PÉRIODIQUES NON MÉRIDIONAUX. 405
régime de la 3« personne (suite). Le régime direct; le féminin singulier.
[Lo, inconnu au centre, occupe au nord-est et au sud une zone étendue ;
lé et le appartiennent au nord ; la, seule forme connue au centre, do-
mine à l'est et au sud-est.] — P. 11-4-21. E. Casse et E. Chaminade.
Vieilles chansons patoises du Périgord (suite p. 186-204). [Complément
à un recueil récemment publié par les mêmes auteurs ; les chansons
sont notées en orthographe phonétique et traduites ; mélodies.] —
P. 161-72. J. Désormaux. Mélanges savoisiens. I. Chanson de 1816.
[Chanson patoise en l'honneur de la maison de Savoie, par le chanoine
Gazel ; montre que le clergé protesta longtemps contre l'annexion fran-
çaise.] II. Savoyard goliard. [L'existence de ce mot en patois savoisien
est intéressante à constater ; mais l'étymologie proposée (d'après De Gre-
gorio) est invraisemblable : goliard est un mot savant qui n'a rien à
faire avec gaillard.'] A. J.
36. — Revue de la Renaissance (ancienne Revue des
provinces de l'Ouest). Tomes I (1901), Il (1902). Néant.
Tome III (1902).
p. 36-60. V. LiEUTAUD. Un humaniste provençal : Jean-Antoine Berlue de
Forcalquier (1578-1659) et ses Adages (1632). [A propos du rarissime
volume des Adagia, dont un exemplaire appartient à M. L. de Berluc-
Pcrussis ; cet article ne contient que des recherches généalogiques et
biographiques sur les Berlue, du xin» siècle au xvii°.]
Tome IV (1903).
p. 1-20. V. LiEUTAUD. Un humaniste provençal : Jean-Antoine Berlue, etc.
(suite p. 57-64, 137-55, 244-51, 281-7). [Biographie détaillée de Berlue ;
curieux renseignements sur la vie littéraire en Provence au xvp siècle ;
beaucoup d'érudits, de collectionneurs, surtout Ae poetœ 7ninimi. Cette
introduction un peu longue nous amène enfin aux Adagia, qui devaient
être, dans la pensée de l'auteur, un recueil complet de la littérature
parémiologique de Rome et d'Athènes, illustré par des rapprochements
avec les proverbes et dictons modernes. M. L. traite trop brièvement,
à notre gré, cette partie de son sujet, la plus intéressante : il eût valu
la peine d'extraire du recueil les proverbes en provençal. Les citations
sont en outre criblées de fautes d'impression.] A. J.
S'î. — Revue universitaire, 1903, 1"'' semestre.
p. 265-7. C. JuLLiAN. A propos de la Compagnie du Très Saint Sacrement
de l'autel. [Fait ressortir l'importance du livre de M. Allier pour l'intel-
ligence de l'histoire religieuse du xvii" siècle (cf. A)i)iales, XV, 221),
rappelle le rôle joué à Bordeaux, pendant la Fronde, par la Compagnie
406 ANNALES DU MIDI.
(parlementaire) du Saint-Sacrement d'une part, la Compagnie (bour-
geoise et protestante) de l'Ormée, d'autre part.]
2« semestre.
P. 54-6. Th. Eosset. Un petit problème d'histoire littéraire. Balzac et les
« Conseils do tolérance ». [A propos de la lettre de Balzac à l'archevê-
que de Toulouse, du 2ô janvier 1635 (Lanson, Lettres du XVIl^ siècle,
]>. 97). Cette lettre serait relative à la querelle entre le duc d'Epernon,
gouverneur de Guyenne, et Sourdis, archevêque de Bordeaux (168;3-4);
elle contiendrait « une apologie discrète, digne d'un très habile cour-
tisan », de la conduite de Richelieu en cette affaire.] A. J.
38. — Romania, 1903.
P. 1-17. F. Lot. La chanson de Landri. [Plusieurs troubadours (et trou-
vères) nous ont conservé des allusions à deux compositions épiques sur
Landri et Aye et sur Auchier et Landri. M. Lot montre que ce Landri
devait être un chevalier de fortune qui devint comte de Nevers à la fin
du x" siècle, et autour duquel s'étaient formées, comme on en a d'autres
preuves, des traditions légendaires.] — P. 177-20o. A. Thomas. Le suf-
fixe -aricius en français et en provençal. [Montre que ce suffixe a eu en
Gaule un développement beaucoup plus considérable qu'on ne l'avait
cru, et dresse la liste des mots, plus nombreux en français qu'en pro-
vençal, qu'il a servi à former.] — P. 268-99. P. Meyer. Recettes médi-
cales en provençal, d'après le ms. R 14. 30 de Trinity Collège (Cam-
bridge). [Ces recettes sont tirées pour la plupart de VAiitidotariutn
Nicolai et du Libe)' de simplici niedicina de Platearius ; M. M. en
publie de longs extraits, riches en mots rares ou inconnus (cf. la note
additionnelle, p. 472). Le ms. est de la fin du xiii^ siècle.] — P. 3.53-63.
H. SucHiER. Recherches sur les chansons de Guillaume d'Orange.
[Dans la série d'articles qui commence ici, M. S. se propose, non d'édi-
fier une nouvelle théorie sur l'origine du cycle, mais de fixer quelques
points importants et sûrs. A pi-opos de Monglane, il considère comme
vraisemblable l'explication de P. Paris qui identifiait cette ville introu-
vable avec l'antique Glaimm, près de Saint-Eciny. Il défend contre
M. P. Meyer l'identité des trois Girard (de Vienne, de Fraite, de Rous-
siUon), et croit qu'ils ont pour original un seul personnage historique,
Girard, gouverneur du royaume d'Arles de 8-53 à 87U. Le mystérieux
Aimer le Chétif serait Hadhumar, comte de Narbonne à la fin du
viii" siècle; sur ce personnage, voy. dans le même numéro (p. 455-7) le
compte rendu d'un article de M. Weeks par M. E. Langlois.] — P. -572-6.
F. Lot. Conjectures sur Girart de Roussillon. [La localité nommée
Escarpion serait Scarponne (Meurthe-et-Moselle), Odilon (père de Roson
PÉRIODIQUES NON MERIDIONAUX. 407
d'Escarpion) un comte du Diois à la fin du ly.' siècle ; confirme une
hypothèse de M. Meyer d'api'ès laquelle les Désertais sei'aient les habi-
tants du Berry. M. L. eût pu rappeler que dans les romans en prose de
la Table Ronde le royaume de la Déserte est précisément le Berry
(P. Paris, Les romans de la T. R., II, 388 et passim).] — P. 577-83.
F. Lot. Orson de Beauvais. [Rapproche du personnage d'Orson, d'ori-
gine inconnue, le Chorso qui fut remplacé comme comte de Toulouse
par Guillaume de Gellone, tout en reconnaissant « ciu'il est impossible
de dire si ce personnage est le prototype d'Orson ».] — P. 597-618.
P. ]\Ieyer. La chancun de Willame. [Nous signalons exceptionnelle-
ment ce compte rendu à cause de son importance ; il donne l'analyse
très détaillée d'une chanson de geste, prototype du Cove>iant J'ivieii
et d'AliSca7is, récemment découverte et publiée diplomatiquement (en
un volume non dans le commerce) par un éditeur qui a mis sa coquet-
terie à rester inconnu ; cette circonstance fait que la grande majorité
des lecteurs ne pourront, de longtemps sans doute, connaître que par
la présente analyse ce texte, qui paraît capital pour l'étude du cycle de
Guillaume au Court-Nez.] A. J.
39. — Société nationale des Antiquaires de France.
Bulletin, 1903.
P. 137-41. A. Blanchet. Disposition intentionnelle de haches dans des
cachettes ou sépultures. [Comparaison enti-e des sépultures de Breta-
gne et des sépultures situées en divers points de la France, notam-
ment sur le plateau de Ger (Hautes-Pyrénées) et à Bruniquel (Tarn-
et-Garonne).] — P. 116-8. Héron de Vjllefosse, delà part de R. GR.'iND.
Note sur une croix-reliquaire du xiv siècle ayant appartenu au comte
d'Armagnac (planche). — P. 151. P. Vitry. Note sur une statue de la
Vierge en bronze, conservée à Apchon (Cantal) et datant du xv' siècle
(planche). — P. 203-4. A. Blanchet. Découverte d'une sépulture ro-
maine à Orpierre fHautes-Alpes). [Urne en plomb, objets divers.] —
P. 204. Héron be Villefosse. Découverte d'une jambe en bronze, au
Bourguet (Basses-Alpes). [Provenant d'une statue de l'époque romaine.]
— P. 210-1. De Baves; Découverte à Messigny (Ain) de sépultures
anciennes. [l<45oque gallo-romaine et premiers temps do la période bar-
bare.] — P. 244-6. Héron de Villefosse, de la part de M. Clerc. Note
sur les arrosoirs en terre cuite à l'époque romaine. [Objets antiques
encore en usage dans la Provence.] — P. 262-9. G. Lafave, de la part
de M. jMoulin. Découverte de sépultures gallo-romaines à Véncjean
(Drôme). [Sépultures par incinération. Planche.] — P. 283. F. Pas-
QUiER. Bail à besogne tiré des archives notariales de Toulouse et rela-
408 ANNALES DU MIDI.
tif à la fourniture de quatre colonnes en laiton pour le chœur de la
cathédrale de Rieux (Haute-Garonne) en lô27. — P. 298-9. Mowat et
Héron de Villefosse. Découverte à Fréjus d'une inscription sur
le tombeau d'un légionnaire romain. — P. 3n7. R. Gagnât. Découverte
d'une inscription romaine à Narbonne. — P. 317-9. Héron de Ville-
fosse, de la part de M. de Gérin-Ricard. Description d'un vase grec
peint qui fut trouvé à Marseille en 1865. — P. 842-4. Héron de Ville-
fosse. Note relative à seize médaillons en poterie romaine, ornés de
sujets en relief et de légendes explicatives. [Les objets sont conservés
à Vienne (Isère).] F. P.
40, — Société nationale des Antiquaires de France.
Mémoires, 7^ série, t. III, 1901'.
p. 241-92. J. Berthelé. Les « Samnagenses » et l'oppidum de Nages
(Gard). [Identification du lieu romain avec l'oppidum et le village de
Nages.]
Centenaire de la Société, 1804-1904. Recueil de Mé?noires
publiés par ses membres.
p. 33-54. 0. Bendorf. Le ti'ophée d'Auguste à la Turbie, près de Mo-
naco. [Monument transformé en forteresse au moyen âge; il fut élevé
au premier siècle de l'ère chrétienne en l'honneur de l'empereur
Auguste, par ordre du Sénat romain.] — P. 61-7. A. Blanchet. Influen-
ces de la Sicile sur Massalia. [L'auteur démontre qu'à Marseille, avant
la domination romaine, on s'est inspiré, pour les types monétaires, des
modèles siciliens et surtout de ceux qui étaient usités à Syracuse.] —
P. 101-3. L. Delisle. Une lettre en partie autographe du roi Charles V
(6 septembre 1370). [Elle est adressée au comte d'Armagnac au sujet de
divers projets de mariage dans sa famille.] — P. 121-32. C. Enlart.
La cathédrale Saint-Jean de Beyrouth, en Syrie. [Aujourd'hui convertie
en mosquée, elle a été bâtie au début du xii" siècle pendant la domina-
tion franque; elle est analogue aux églises du Limousin et du Lan-
guedoc] — P. 199-209. L. Heuzey. Buste d'un flamine provenant de
Villevieille (Gard). — P. 239-45. R, de Lasteyrie. Restitution d'une
inscription du xii« siècle. [Elle était dans l'abbaye de Montmajour, près
d'Arles, sur le tombeau du moine Humbert.] — P. 455-9. J. Toutain.
Institution du culte impérial dans les trois Gaules. — P. 471-6.
M'' DE VoGûÉ. Deux statuettes en bronze du xiv= siècle. [Elles ont été
découvertes dans la région pyrénéenne ; l'une d'elles porte une inscrip-
tion hébraïque qui a un sens symbolique.] F. P.
1. Volume paru en 1903.
NÉCROLOGIE
L'érudition française vient de faire, en la personne de M. Au-
guste MoLiNiER, une perte des plus sensibles. Né à Toulouse le
30 septembre 1851, et décédé à Paris, le 19 mai 1904, Auguste-Louis-
Éinile Molinier était sorti de l'Ecole des Charles en ls73 ; il fut suc-
cessivement bibliothécaire à la bibliothèque Mazarine. au palais de
Fontainebleau et conservateur à la biljliothéque Sainte-Geneviève;
il quitta ces dernières fonctions en 1893 pour devenir professeur
à l'Ecole des Chartes Auguste Molinier appartient au Languedoc
non seulement par ses origines, mais encore par des travaux
d'érudition considérables. C'est lui, en efl'et, qui fut chargé en
1872 de diriger, en majeure partie, la réédition de VHlsloire de
Languedoc. Grâce à son labeur aussi savant que fécond, notre
vieille histoire provinciale s'enrichit de notes précieuses, de docu-
ments aussi nombreux qu'importants et de savantes dissertations,
parmi lesquelles il faut citer tout particulièrement les études sur
l'administration de saint Louis et d'Alfonse de Poitiers et sur la
géographie du Languedoc. Cette réimpression, considérablement
augmentée, fait autant d'honneur aux auteurs primitifs de l'œu-
vre, dom de Vie et dom Vaissete, qu'à son éditeur moderne,
M. Auguste Molinier, et qu'au libraire éclairé et désintéressé,
M. Edouard Privât, qui en a rendu l'exécution possible. Au Lan-
guedoc encore est consacrée une autre publication d'Auguste Moli-
nier: ce recueil des Lettres d'Alfonse de Poitiers, qui forme deux
volumes de la collection des Documents inédits et dont un petit
supplément a paru ici- même en 1900; A. Molinier projetait
de compléter cette œuvre par la publication des comptes du même
prince; un volume de la même collection des Documents inédits
devait y être consacré. Les travaux d'Auguste Molinier sur l'his-
toire du midi de la France auraient suffi à remplir la vie d'un
homme, c'est à peine cependant la moitié de l'œuvre due à l'acti-
vité de ce savant mort à cinquante trois ans. Ses fonctions de
bibliothécaire l'ont amené à collaborer au catalogue général des
manuscrits des bibliothèques des départements; il débuta dans
cette entreprise par le catalogue des manusciuts de Toulouse et
de Nimes; il continua par ceux de CliAlons-sur-Marne, Provins,
Soissons, Dijon, Auxerre, Sens, (Ihartres, Cambrai, Nantes, Poi-
tiers, Valenciennes, pour ne citer que les villes les plus impor-
tantes; le catalogue des manuscrits de la bibliothèque Mazarine,
enlin, est entièrement de lui.
410 ANNALES DU MIDI.
La rédaction de ces répertoires avait mis A. Molinier en contact
continuel avec les manuscrits; il y acquit, en matière d'his-
toire littéraire et do sources de l'histoire de France, un goût
très vif et une compétence du meilleur aloi. Dans cet ordre
d'idées il donna successivement : une dissertation sur les Ohi-
tuaires français dit moyen âge, dont le corollaire fut la publi-
cation de ces mêmes obituaires par l'Académie des Inscriptions
et Belles-Lettresi; des éditions de la Clironique 7iormande du
xive siècle, des Ilinera JherosoUmilana, des \ies de Louis VI et
de Louis VII par Suger, et enfin son Manuel des sources de l'his-
toire de France, dont quatre fascicules ont paru du vivant de
l'auteur. Cotte œuvre considérable d'Auguste Molinier ne restera
pas inachevée: ({uelques jours avant sa mort, il avait remis à son
éditeur le manuscrit des deux derniers fascicules contenant, l'un
la fin du manuel, et l'autre une magistrale introduction sur la
littérature historique du moyen fige.
Ces travaux, aussi importants par leur sujet que par leur haute
valeur scientifique, n'assurent pas seuls à Auguste Molinier une
place considérable dans l'érudition française; on ne saurait, en
eft'et, passer sous silence la très grande influence qu'il exerça,
soit en collaborant à différentes revues, comme la Revue cri-
tique, la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, les Annales du
Midi, la Revue historique, le Moyen âge, soit en professant
dans sa chaire de l'Ecole des Chartes, ou à l'Ecole des Hautes-
Etudes, en qualité de suppléant de J\L Gabriel Monod. Enfin,
comme pour prouver qu'aucune manifestation de l'esprit ne
laissait insensible sa vive et belle intelligence, A. Molinier
laisse une autre publication dont le litre étonnera bien ceux
qui ne connaissent que ses œuvres historiques : c'est une édition
des Pensées et des Provinciales de Pascal; et ce n'est pas de tous
ses travaux celui dont il faisait le moins de cas et dont il parlait
le moins souvent.
Les obsèques d'Auguste Molinier ont été célébrées à Paris, le
21 mai 1904; son éloge a été prononcé, au cours de la cérémonie,
par M. P. Meyer, au nom do l'Ecole des Chartes; par M. J. Roy,
au nom de la Société des anciens élèves de cette école; par M. Vi-
dier, au nom des anciens élèves du défunt, et par M. P. Guillard,
au nom de la Ligue des droits de l'homme, dans le conseil de la-
quelle Auguste Molinier exerçait une influence notable. Une notice
étendue sur sa vie et ses travaux paraîtra dans un dos prochains
numéros de la Bibliothèque de VEcolc des Chartes. — [A. V.]
1. Deux volumes seulement auront pu paraître sous le nom d'Auguste
MoUnier, celui des provinces ecclésiastiques de Sens et de Paris (191)2) et
celui de la province de Chartres, presque achevé, et que M. Longnon.
commissaire responsable de la publication est en train de terminer.
iiiiioNioui':
Cette année la contribution qu'apportent ordinairement à
l'histoire du Midi les positions de thèses de l'Ecole des Chartes
aura été assez abondante. M. de Bengy-Puyvallée a fait la bio-
graphie de Louis de Sancerre, connétable de France (1340-1403).
Devenu maréchal de France (quand, comment, l'auteur n'en dit
rien), Louis de Sancerre a fait la chasse aux routiers en Bour-
bonnais et en Auvergne (1366-1368), guerroyé en Limousin contre
les Anglais et repris sur eux Limoges (1371-1372); il les a bat-
tus en Saintonge avec du Guesclin, en Guyenne avec le duc
d'Anjou (l37o-1377), puis en Angoumois, en Auvergne. La
partie la plus variée et la plus intéressante de sa vie est
celle qui s'est écoulée sous le règne de Charles VI : il eut alors
l'occasion de se montrer non seulement homme de guerre, mais
homme d'état, administrateur. En 1381-1382 nous le trouvons en
Auvergne, où il organise la résistance contre les routiers, les
Anglais, et où il préside les Etats do la Basse-Auvergne (à Cler-
mont, juillet 1382); en 1386-1387, il combat sur les bords de la
Charente. Ses relations étroites avec le puissant duc de Berry
lui avaient déjà valu de hautes charges; en 1388, c'est le duc
lui-même qu'il vint remplacer au gouvernement de Languedoc
et de Guyenne, non comme gouverneur, lieutenant du roi, mais
avec le titre de capitaine général, auquel il joignit bientôt celui
de réformateur général (mai 1389). 11 a gardé dix ans ces fonc-
tions qui marquent le point éminent de sa carrière; c'est en les
remplissant qu'il a dû intervenir dans l'affaire de la succession
de Fois; à la fin de 1399, la maladie le contraint à se retirer, —
412 ANNALES DU MIDI.
A. Clerc. Recherches sur le cardinal de Châtillon (1o17-'l56i). Ce
précoce cardinal — il reçut le chapeau à dix-sept ans — est de-
venu archevêque de Toulouse à deux reprises, en '1534, en 1559,
et comme tel a joué un rôle dans le Midi durant la première
guerre de religion (1562). Déjà il avait communié sous les deux
espèces; il était, comme ses frères d'Andelot et Coligny, passé
au parti protestant. Aussi l'archevêché de Toulouse lui fut-il ôté
au profit du cardinal d'Armagnac. — E. Delmas. Essai sur l'his-
toire des comtes de Rodez au xii'^ el au xiii« siècles (1115-1304). Le
comté de Rodez provient d'un démembrement du comté de
Rouergue, qui dépendait du comté et de la maison de Toulouse.
Il a été fondé par les vicomtes de Millau-Carlat, eux-mêmes peut-
être issus des vicomtes de Rouergue. L'un d'eux, Richard, dès
1093, au moment où Raimond de Saint-Gilles, comte de Toulouse,
se préparait à partir pour la croisade, a dû recevoir de lui le
domaine utile du comté de Rouergue, puis, à la faveur de cet
engagement, usurper l'autorité comtale : dès 1112, il prend le
titre de comte de Rodez qu'Alfonse-Jourdain, trois ans plus tard,
se résout à lui confirmer moyennant hommage. L'auteur a en-
suite établi la généalogie de^^ nouveaux comtes jusqu'à la fin de
la première race, c'est-à-dire en 1304. Le chapitre m traite de
leurs rapports, assez difficiles, avec les évêques de Rodez qui
restaient maîtres de la Cité, tandis que le Bourg avait pour sei-
gneurs les comtes; de leur politique extérieure, hostile presque
toujours aux comtes de Toulouse, leurs suzerains. Le chapitre iv
est consacré à l'organisation féodale et à l'administration du
comté. Cette thèse paraît bien conçue, traitée avec méthode et
dans de justes proportions; il serait à souhaiter qu'elle fût
imprimée. La Société des Lettres de l'Aveyron, qui a déjà fait
ou favorisé tant de bonnes publications historiques sur le
Rouergue, serait peut-être disposée à soutenir celle là. — La
vie et les légations d'Hugues, èvèque de Die (1073-1082), archevê-
que de Lyon (1082-1106), par G.-L. Henriot. ne nous retiendra
guère. Originaire de Die, Hugues eut ensuite ce diocèse à admi-
nistrer; mais s'il intéresse l'histoire, c'est surtout par ses léga-
tions, par ses efforts pour faire accepter la réforme grégorienne.
— Th. Legrand. Essai sur Fontarabie elles différends de cette ville
avec le Labourd, du xv« siècle au xviii^ Ce titre même implique
un ouvrage un peu confus; il y a là dedans deux sujets mal re-
liés l'un à l'autre : d'une part une étude sur l'organisation mu-
CHRONIQUE. 413
nicipale, militaire, commerciale de Fontarabie depuis le com-
mencement du xv^ siècle, de l'autre des démêlés entre voisins
que la Bidassoa séparait, — démêlés qui ne sont pas toujours
propres à Fontarabie. qui se confondent plus ou moins avec les
relations entre Guipuscoa et Labourd, ou bien entre Espagne et
France; — cette seconde partie s'étend de 1430 à 1775. — Bor-
nons nous à mentionner L. Micheli, Les inslilulions municipales
de Genève au xv» siècle, essai précédé d'une introduction sur
l'établissement de la commune dans cette ville. — J. Pandin de
LussA-UDiÈRE. Charles de Coucis, seigneur de Burie, capitaine et
lieutenant du roi en Guyenne en l'absence du roi de Navarre
('l49l-1o6o). Une part de la carrière de ce méridional s'est écoulée
en Italie, une autre, la plus importante, en Guyenne, où il fut
nommé lieutenant général du roi de Navarre {1542}, dont il dé-
fendit l'accès contre les tentatives espagnoles (1541-1543, 1558-
1559), où il eut aussi à poursuivre les hérétiques. C'était un tem-
poriseur, un conciliant, très différent de son terrible coadjuteur,
Monluc. Les Parlements de Bordeaux et de Toulouse le tenaient
pour suspect à cause de sa modération ; à plusieurs reprises il
eut maille a partir avec eux et protégea les réformés contre
leurs arrêts. Il fut pourtant obligé de conduire la guerre civile;
il put mesurer avant de mourir la difficulté d'être équitable
envers les partis et aussi leur injustice. — E. Pélissier. Histoire
de la Draperie à Castres sous l'Ancien Régime. L'auteur étudie
cette industrie dans ses origines, c'est-à-dire au moyen âge;
puis aux xvi« et xvii^ siècles, avant Colbert, qui la réglementa
durement sans l'empêcher de péricliter, au contraire, — ici nous
nous permettrons de renvoyer le lecteur à l'arlicle publié dans
les ^nnaZ-îs par M. Granat'; — enfin au xviir siècle, époque de sa
décadence. Sa fortune a varié avec l'autorité des consuls : l'une
s'affaiblissant, l'autre a décliné également. La révocation de
l'Edit de Nantes et les guerres de la fin du règne de Louis XIV
ont consommé la ruine de la draperie castraise.
Le Congrès des Sociétés savantes s'est tenu., en 1904, du 5 au
9 avril, à Paris, sous la présidence de M. Levasseur. De nom-
1. Granat (0.), L'industrie de la draperie à Castres au xvir siècle
et les Ordonnances de Colbert, dans les A?i>iales du Midi, t. X, p. 146,
et t. XI, p. 5G.
414 ANNALES DU MIDt.
breux méridionaux s'y étaient rendus; c'est dire que le Midi n'y
a pas été oublié. Voici quelles ont été les communications qui
entrent dans le cadrij de nos études.
Hisloi7-e et philologie. — M. R. Bardv donne quelques indica-
tions sur la manière dont les surnoms et sobriquets ont été cons-
titués au moyen âge. M. le chanoine Pottier fait une communi-
cation au sujet des coutumes de quatre bastides de la vallée de
la Gimone. M. Depoin précise la date de la mort de Chilpéric II
et, au moyen de l'obituaire de la cathédrale de Limoges, celle
des obsèques de Childebert II. M. l'abbé Sabarthès présente une
étude sur les prénoms usités dans l'ancien état civil de Leucate
(Aude). M. L. de Sarran d'Allard envoie une noie sur une
transaction de 1302 entre les habitants de La Roquebrou et
Durand de Montai, et M. .1. Calle rappelle dans une lettre
d'autres transactions entre les habitants de La Roquebrou et
leurs seigneurs. M. l'abbé Gaubin étudie l'origine des communes
dans le Sud-Ouest; M. Gros, l'Eglise anticoncordataire de la
Haute-Garonne. M. l'abbé Foix donne quelques détails sur un
questionnaire de l'évêque de Dax en IToG relatif à des renseigne-
ments de statistique civile. M le baron Guillibert communique
un document du xiv*' siècle relatif au prieuré de Saint-Jean-de-
Malte d'Aix (Provence,. ^'. A. Lesort montre tout le parti que
peuvent tirer les historiens des registres de l'enregistrement
récemment versés aux archives départementales. M. de Saint-
Genis lit un mémoire sur la perception des droits de mutation et
des droits sur les actes sous l'ancien régime. M. Parfouru ra-
conte la vie aventureuse d'une certaine Marguerite Bouchard
de Montemajor. comédienne, fille d'un confident du maréchal de
Luxembourg, impliqué avec lui dans le procès de sorcellerie
qu'on lui intenta, et incarcéré d'abord à Vincennes, puis à Salces
en Roussillon. M. Leroux donne lecture d'une étude intitulée :
Jean-Noël Cosie elson « Manuel des missiotinaires ». L'abbé Coste
était originaire de Tulle et écrivit son Manuel sous le régime de
la séparation de l'Eglise et de l'Etat en '1795-96. M. G. Clément-
Simon étudie les coutumes de Montaut, près Auch ; M. Rossignol,
le livre de dépenses de Dupré de Saint-Maur, intendant de
Guyenne; M. E. Labroue. le département de la Dordogne et la
Constitution de 1796; M. l'abbé Gaubin, l'organisation des batail-
lons de volontaires pendant la Révolution à La Devèze (Gers);
M. Doublet, la Société populaire de Gattières (Var) ; M. E. Poupé
CHRONIQUE. 415
celle de Saint-Zacharie. aussi dans le Var. M. l'abbé Sabarthès
donne lecture d'un mémoire sur la création du département de
'Aude. M. J. Delmas s'occupe du 3"= bataillon de volontaires du
Cantal et du Carnet d'un volontaire de la première République-
Archéologie. — M. l'abbé Arnaud d'Agnel fait une communi-
cation sur les antiquités du musée de Sault ( Vaucluse). M. Clerc
rend compte des fouilles qu'il a faites sur le plateau de la Tour-
rette, près de Marseille. M. de Gérin-Ricard étudie les castella
des environs d'Aix- en - Provence; M. J. Louis la céramique
romaine; M. J. Martin les pierres tombales et inscriptions du
territoire de Tournus. M. Pasquier a envoyé une étude sur les
statuts des orfèvres de Toulouse en 4 550. M. le chanoine Pottier
parle des fouilles entreprises sur l'emplacement de l'abbaye de
Grandselve. M. l'abbé Chaillan lit un mémoire sur un rebord
de couvercle d'un sarcophage chrétien de Trets (Bouches-du-
Rhône). M. le chanoine Pottier présente quarante sceaux, pour
la plupart recueillis dans le Tarn-et-Garonne. M. Th. Dumas lit
deux mémoires, l'un relatif à l'exploration qu'il a faite de la
grotte de la Baume-Longue (Gard), et l'autre à la station des
Châtaigniers, aussi dans le Gard. M. E. Ferrasse présente une
carte préhistorique du Minervois. qu'il a dressée. M. de Saint-
Venant se livre à des considérations générales sur l'histoire de
la ferrure; de même M. Guignard. M. le D' Roux parle des mé-
galithes du Puy-de-Dôme. M. l'abbé Arnaud d'Agnel lit un travail
sur le trésor de l'église de Sainte-Anne d'Apt (Vaucluse). M. Bar-
rière-Flavy a envoyé une note sur de nouvelles stations wisi-
gothiques. M le chanoine Cherrier lit un mémoire sur la croix
de Lorraine de Frovence; M. P. Ducourtieux un autre sur les
voies romaines qui traversaient le territoire des Lemovices.
M. R. Bonnet étudie les vestiges de l'architecture carolingienne
dans l'Hérault; M. l'abbé Chaillan différentes églises construi-
tes, peu après l'an mil. par les bénédictins de Saint-Victor de
Marseille.
Sciences économiques et sociales. — M. Cheylud a étudié l'état
et le mouvement de la population, depuis la. sécularisation de
l'état civil jusqu'aux premières statistiques annuelles (1792-1801),
dans la commune de la Roche-Chalais (Dordogne). M. Fabljé Tail-
lefer s'est occupé des doléances du Quercy réclamant la péré-
quation de l'impôt en 1790; M. J. Depoin, des conditions du ma-
416 ANNALES DU MiDl.
riage en France et en Germanie du ix« au xi*^^ siècles. M. G. Bon-
NEFOY a envoyé un mémoire sur la statistique générale du
département du Puy-de-Dôme. M. L. Salefranque étudie les
budgets de la ville de Mont-de-Marsan depuis 1808. M, E. Cheylud
présente un travail sur l'Ecole centrale du Cantal.
Géographie historique et descriptive. — Peu de choses intéres-
sant le Midi de façon particulière. On n'a guère à relever que
deux communications, l'une de M. H. Fbrrand sur la grande
carte des Etats de Savoie par Tomaso Borgonio en 1772, et
l'autre de M. J. Fournier sur le port de guerre de Marseille
sous Henri II.
L'un des deux discours prononcés à la séance de clôture, celui
de M. Esmein, doit être mentionné ; c'est un excellent exposé des
idées économiques et politiques des physiocrates.
En même temps s'étaient réunis les délégués des Sociétés des
Beaux- Arts. Chez eux aussi nous trouvons quelque chose à re-
cueillir : E. Biais. Histoire du théâtre à Angoulême du xv'' siècle
à 1904. — Ch. Ponsonailhe. Zueil et Boissière, peintres de Mont-
pellier (xvir siècle). — C. Leymarie. Notes sur l'histoire du bis-
cuit à Limoges. — Bouillon-Landais. La collection de Paul de
Surian léguée à la ville de Marseille. [80 tableaux.] — - P. Clau-
zel. Sur Pierre-Marlin Barat, peintre du xviiP siècle, [Du Gard.]
— GuiLLiBERï. Sur le peintre Granet, d'Aix-en-Provence (1775-
1849). — F. Pasquier. Engagement d'objets précieux de la mai-
son de Foix.
♦ ♦
Dans le compte rendu du Dictionnaire de la Creuse de M. l'abbé
Lecler qui a été publié ci-dessus, il est dit, p. 135 : « M. l'abbé
Lecler ne s'est pas contenté de copier Jouilletton, auteur de cette
grosse bévue : il a trouvé bon de l'interpoler en ajoutant « avec
des troupes nombreuses ». Et c'est ainsi que l'erreur s'augmente
en se propageant ! » Ce compte rendu a été reproduit par le Biblio-
phile limousin d'avril, et à propos du passage que je viens de trans-
crire, M. P. Ducourtieux a fait la remarque suivante : « M. An-
toine Thomas voudra bien reconnaître l'inexactitude de son
assertion. M. l'abbé Lecler n'a pas trouvé bon d'interpoler Joul-
lietton en ajoutant « avec des troupes nombreuses ». Il ne pou-
vait pas ajouter ces mots au texte de l'auteur, puisqu'ils y sont,
comme il est facile de le voir au tome L page 190. » M. P. Du-
CHRONIQUE. 4lt
courtieux a raison, et je m'empresse de faire l'aveu qu'on solli-
cite et d'accorder à M. l'abbé Lecler une légitime réparation.
Ce n'est pas lui qui a interpolé, c'est moi qui ai tronqué le texte
de Jouilleton dans l'article du 22 juillet 187G auquel j"ai renvoyé :
en écrivant mon compte rendu j'avais sous les yeux cet article
et j'ai eu le tort do ne pas recourir à Joullietton lui-même. Donc
la partie incriminée de mon compte rendu doit être cancellée.
La remarque antérieure subsiste seule : M. l'abbé Lecler a re-
produit textuellement Joullietton (sans le citer} et repris à son
compte une « assertion erronée et absurde de tous points dont j'ai
expliqué l'origine dans VEcho de la Creuse du 29 juillet 1876 ».
- [A. T.]
Nombreux sont les ouvrages intéressant le Midi que vient de
récompenser l'Académie des Inscriptions et ISelles-Lettres (con-
cours des Antiquités de la France). La 2" médaille a été attribuée
à M. E. Rupin. Rocmnadour ; la 3' médaille à M. F. Abbadie.
Le livre noir et les établissements de Dax: la 3'= mention à
MM. Clerc et Arnaud d'Agnel. Découvertes archéologiques de Mar-
seille; la 4"= à M. Gardère. Histoire de la seigneurie de Condom-,
la 5'^ à M. l'abbé Chaillan, Nouveaux documents sur le Studium
de Tretz; la G« enfin à M. E. Dussert, Essai historique sur La Mure
et son mandemetit.
On sait que dans notre pays l'État, presque seul., vient au se"
cours des archéologues et subventionne les fouilles. La fonction
est fixée entre ses mains par la tradition. D'ailleurs, qui la par-
tagerait avec lui? Qui le suppléerait au besoin? Ce n'est pas
l'Institut de France, surchargé de prix à distril)uer, mais fort
mal pourvu de fonds qu'il puisse nfl'ecter à une destination pour-
tant si recommandable ; ni les Sociétés savantes, qui trop sou-
vent ont grand peine à imprimer leurs travaux. Or. les fouilles
coûtent cher, et les multiples charges que l'Etat assume ne lui
permettent de distribuer aux chercheurs que des subsides mai-
gres et rares; mieux que personne, ceux qui .n'ont pas l'heur de
vivre à Paris, à la source des subventions, savent combien
grande est la difficulté de les obtenir.
L'initiative privée va enfin remédier à cette situation nuisible
à l'érudition française. Une « Société française des fouilles ar-
ANNALES DU MIDI. — XVL 27
418 ANNALES DU MIDI.
chéologiques » s'est constituée pour « entreprendre et encoura-
ger par ses subventions des explorations et des fouilles archéo-
logiques » on France, dans nos colonies et à l'étranger.
Elle fera connaître par des expositions et des publications les
objets ainsi recueillis ou provenant de dons et d'échanges.
Elle attribuera aux musées français le produit des fouilles
dont elle aura pris l'initiative.
Président, M. E. Babelon; vice-présidents, MM. de Lasteyrie et
Pozzi ; trésorier. M. Bischoû'sheina; secrétaire général, M. Colbert
de Beauiieu (5 bis, rue Chalgrin. Paris-X«) ; secrétaire-adjoint.
M. Leroux.
La Société comprendra des membres donateurs, ou à vie. ou
titulaires, et ces derniers devront verser 20 francs par an.
Nous souhaitons que notre Midi, non moins négligé que riche
en vestiges du passé, bénéficie largement d'une si louable entre-
prise.
Chronique générale [suite et fin).
— Depuis la dernière chronique générale, VHisloire de France,
publiée sous la direction de M. Ernest Lavisse, a été poussée
jusqu'au milieu du xvi^ siècle.
La dernière période du moyen âge a été partagée entre deux
collaborateurs : MM. Coville et Petit-Dutaillis. Le premier a
rédigé les Premiers Valois^ (1328-1422); le second, Charles VII,
Louis XI et les premières années de Charles VIII "^ (1422-1492). Ces
deux volumes qui composent le tome IV de l'œuvre, témoignent
d'un dépouillement également consciencieux et critique des
ouvrages généraux et des principales sources. La partie due à
M. C. est essentiellement didactique : elle sera particulièrement
familière aux étudiants de nos Universités. Au demeurant, l'au-
teur n'a visiblement pas voulu donner autre chose qu'un exposé
très ordonné et bien au courant des événements principaux, et,
certes, il eût été difficile d'apporter dans cette tâche plus de
méthode et de précision. M. P.-D. paraît, au contraire, s'être
préoccupé, avant tout, de présenter un tableau de la France du
xv siècle; il a voulu aller au delà des faits. Sans doute, l'exposé
1. Paris, Hachotte, in-S" obi. de 448 pages.
'i. Paris, Hachette, in-<S" obi. de 4.")(5 pages.
CHRONIQUE. -419
proprement dit des événements, resserré dans un plus petit
espace, y perd quelque peu en netteté; mais, en revanche, l'iiis-
toire interne est largement traitée. M. P.-D. n'a vraiment sacri-
fié que les lettres et les arts, apparemment parce que l'histoire
littéraire et artistique du xv siècle français, surtout intéres-
sante à la fin du siècle, entrait plutôt dans le cadre du tome V,
confié à M. Lemonnier.
— M. Lemonnier^ a traité de la Renaissance artistique et lit-
téraire et du mouvement des idées pendant la première moitié
du XVI'' siècle d'une façon remarquable : dans les chapitres con-
sacrés à ce sujet qu'il connaît si bien, il donne au lecteur, à un
degré rare, ce sentiment de pleine sécurité qu'inspire la vérita-
ble compétence. Dans le domaine historique proprement dit,
c'est-à-dire dans l'exposé de la politique intérieure et extérieure,
on a la sensation de l'effort qu'a dû s'imposer l'auteur pour s'as-
similer les nombreux ouvrages et articles dont fourmille la bi-
bliographie de notre xvi« siècle : si bien qu'au milieu de l'atmos-
phère un peu trouble de tant de faits et de noms accumulés, les
grandes personnalités, les grandes conceptions politiques et di-
plomatiques et les grands faits eux-mêmes n'apparaissent pas
toujours dans une pleine lumière.
— La contribution collective de MM. Bayet, Pfkster et Kli-jin-
CLAUsz, restée d'abord en arrière, est venue prendre sa place
dans la collection. Faire entrer dans le cadre d'un demi-tome Le
Christianisme, les Bai'bares, Mérovingiens et Carulingiens ~, en tout
plus de cinq siècles d'histoire de France, une moitié du moyen
âge, c'était, à coup sûr, un problème fort ardu, que la réparti-
tion de la matière entre trois collaborateurs ne pouvait que com-
pliquer encore. 11 a donc fallu se résigner à des sacrifices péni-
bles, que les auteurs ont réduits, sans doute, au minimum. Les
origines et les progrès des Pippinides ont été fort négligés.
Les Carolingiens, du reste, ont été les principales victimes du
manque d'air et d'espace. C'est faute d'espace, évidemment, que
M. K. a sacrifié, — et peut-être un peu plus qu'il ne convenait
L T. V, 1 : Les guerres d'Itn/ic, Ik Frcini-c sons Clun-h's VI II,
Louis XII et François I" (1 IU2-1.J-17); t. V, 2 : Lu lullc enliw lu untison
d' Autriche, bi France sous Henri II (1547-1.%U) ; Paris, lliiclR'ltc, rjdl!.
1904, 2 vol. in-H" obi. d(^ y',)B et 880 pages.
2. T. II, 2, Pai-is. Hachette; iii-8" obi. de 111 payes.
420 ANNALES DU MIDI.
— les idées aux faits. Car, si, dans ce volume, certains points
essentiels — par exemple l'origine, la nature et l'évolution de
l'idée impériale chez les Carolingiens - ne se dégagent guère,
M. K. a donné ailleurs la preuve que les doctrines politiques de
la société franque l'intéressent très vivement.
- La thèso française du même M. Kleinclausz a justement
pour titre L'Empire Carolingien, ses origines et ses iransfo7-ma-
lions ^. C'est un essai de synthèse sur « la manière dont l'empire
carolingien évolue, se transforme et finalement disparaît, après
une sorte d'apothéose dont l'imagination populaire fit tous les
frais ». M. K. a écrit des pages excellentes sur la survivance de
l'idée d'empire en Occident et sur les circonstances dans les-
quelles s'accomplit le grand événement de 800. La lutte des par-
tis sous Louis le Pieux a été vue, en revanche, un peu confusé-
ment, probablement parce que M. K. a eu trop de confiance dans
des sources partiales, telles que l'Epitaphium Bosenii du pam-
phlétaire Paschase Radbert et les traités de l'archevêque publi-
ciste Agobard. La suite de l'ouvrage est pleine d'idées person-
nelles, partant très contestables. Par exemple, M. K. envisage
le couronnement de Charles le Chauve, en 873, comme une « ré-
volution » qui aurait eu pour effet de substituer à un empire
franc, dont le centre était Aix-la Chapelle, un empire italien avec
Rome pour capitale : il est douteux que cette interprétation des
documents soit jamais adoptée par la critique. Mais n'est-ce pas
justement l'intérêt propre des ouvrages très généraux que de
provoquer le débat sur des points essentiels?
— En même temps que l'ouvrage de M. Kleinclausz, parais-
sait la thèse de M. Déprez sur les Préliminaires de la guerre de
Cent ans"^, ouvrage d'une inspiration toute différente, et qui, s'il
apporte des éléments de discussion, les présente sous la forme
éminemment positive de documents et de faits nouveaux. Ce
n'est point que l'auteur se contente d'accumuler les matériaux
extraits par lui des archives de Rome et de Londres, Le livre, en
effet, comporte une idée maîtresse qui ne manque point d'inté-
rêt. M. D. professe que la guerre de Cent ans a eu une origine
1. Paris, Hachette, 19U2 ; gr. in-8" do xvi-611 pages.
2. Les Préliniinaires de la guerre de Coït ans; la Papauté, la
France et V Angleterre (1328-1343). Paris, Fontemoing, 1902; in-8>' de xiii-
451 p. (Biblioth. des Éc. d'Athènes et de Rome, fasc. 86.)
CHRONIQUE. 421
méridionale, puisqu'elle a eu son point de départ dans la situa-
tion inextricable créée en Guyenne par le traité de Paris, de
sorte qu'Edouard III aurait résolu la difficulté en transportant la
lutte sur un terrain nouveau, c'est-à-dire en engageant, au lieu
d'un conflit de vassal à suzerain, un conflit de deux prétendants
au titre de roi de France. Cette idée, qui mérite assurément
d'être retenue, est peut-être moins apparente dans le livre que
dans un compte rendu. C'est que M. D. considère comme son
premier devoir de fournir au lecteur toutes les données qu'il
tient de sa patiente enquête, et il ne sacrifie jamais aucun fait
positif au souci de mettre mieux en lumière sa conception per-
sonnelle. Mais si la lecture du livre est, à certains moments, dif-
ficile, en raison de la richesse même des détails, — en raison
aussi d'un dédain visible et voulu de tous les artifices de com-
position, même de ceux qui passent pour les plus légitimes. —
la valeur du volume, en tant qu'oeuvre d'érudition, demeure en-
tière; il fait certainement honneur à la collection qui l'a accueilli.
— C'est aussi sous forme de thèse de doctorat es lettres que
M. CoMBET a traité de Louis XI et le Saint-Siège \ contribution
fort importante à l'histoire d'une période 1res étudiée en ce mo-
ment. Grâce à l'examen attentif des documents inédits, et no-
tamment des documents italiens, M. C. a fait un exposé métho-
dique, précis et clair des relations de Louis XI avec le Pape,
chef de l'Église et souverain temporel : relations complexes,
parce qu'elles tiennent à la {oi<. à la politique religieuse et à la
diplomatie active et changeante du règne.
— Malgré ses 1044 pages, la thèse de M. Dupont-Ferrier sur
les Institutions bailliagères^ est moins énorme qu'il ne semble-
rait au premier abord, car on en peut défalquer comme illisibles
les deux tiers : deux appendices, un index alphabétique et les
notes, un déluge de notes qui se succèdent à raison de dix,
quinze et jusqu'à vingt cinq par page, la plupart simples réfé-
rences, consistant en chiffres. Reste pour le texte la valeur de
300 pages environ. Ces pages, à leur tour, ne se prêtent à la
1. Paris, Hachette, 19U3; in-8» de 18-xxmii-32() paires.
2. Les officiers ivi/cmx des bailliages et sihii'cluiussées et les insti-
tutions nioyiarchiques locales en France à la fi», du moyen à(je. Paris,
Bouillon, 1902; 1 vol. in-S" de xxxiv-lU44 pages. (IJibl. de l'Ec. des Hautes
Etudes, fascic. 145.)
422 ANNALES DU MIDI.
lecture que partielloinent, à cause des longues énumérations —
où chaque mot apporte avec lui sa note — qui viennent souvent
arrêter et rebuter le lecteur. Au denfieurant, livre conçu comme
un manuel, sorte de Hiindbuch analogue à celui de Mommsen et
de Marquardt. Il a les défauts et les qualités d'un précis : la
rectitude uniforme du plan, prévu mais commode, qui per-
met de trouver aisément dans un vaste ensemble le rensei-
gnement désiré; chaque chapitre se termine par une conclusion
en règle; à plus forte raison chaque livre a-t-il la sienne, qui
combine et qui résume les conclusions de détail.
Voici à quelles idées générales M. D.-F. aboutit. Bailliages,
sénéchaussées et leurs subdivisions étaient des circonscriptions
mal définies, d'ailleurs instables, très complexes en raison de
leurs origines féodales et de leur lent développement; elles sont
allées augmentant en nombre et diminuant d'étendue. Chacune
reçut un corps d'officiers de plus en plus nombreux, stables,
vivant moins de leurs gages que d'abus dont la royauté profitait
aussi. Avec eux. à la fin du moyen âge. « le fonctionnarisme
local est né ». L'organe principal est moins le bailli ou le séné-
chal que le conseil qui les assiste, assemblée délibérante for-
mée d'officiers, mais accueillant aussi d'autres personnages,
avocats, gradués... A la fin du xv* siècle, ces officiers n'ont plus
de troupes à convoquer, sinon le ban et l'arrière-ban, dès lors
privés d'importance ; encore moins les conduisent-ils; mais ils
les inspectent, administrent et approvisionnent. Comme l'armée
monarchique, les finances nouvelles, fondées sur l'impôt, leur
ont échappé; le produit du domaine qu'ils administrent n'est
plus qu'une goutte d'eau dans le budget de Louis XI. Mais ce
sont eux qui transmettent et exécutent les mandements émanés
du roi, qui maintiennent la paix publique et l'ordre social, eux
qui rendent la justice en première instance, parfois en appel, et
voilà leur essentielle attribution : ils ont su l'accroître, surtout
au xiiF siècle, et d'autant plus qu'ils en tiraient leur subsis-
tance. Des fonctionnaires qui avaient presque tous acheté leur
charge, qui la faisaient valoir comme un bien de rapport, ne
devaient pas hésiter h entrer en lutte contre les pouvoirs féo-
daux, car leur intérêt sur ce point se confondait avec celui de
leur maître. Ce «quatrième État, recruté dans les trois autres»,
a conduit le pays vers l'absolutisme.
Certes, ces résultats n'ont rien d'imprévu; ils étaient acquis
CHRONIQUE. 423
d'avance'. Est-ce à dire que l'ample enquête et l'énorme effort
de M. D.-F. aient été vains? 11 serait de mauvais goût de le pré-
tendre. Son livre vaut par l'exacte connaissance d'une foule de
détails qui nous échappaient. Ses recherches, d'une précision
rigoureuse, se sont étendues à toute la France de la fin du
xve siècle. Elles l'amènent à conclure que, seuls alors, la Pro-
vence et le Dauphiné conservaient des institutions bailliagères
originales, d'une originalité d'ailleurs décroissante par assimi-
lation avec celles du royaume auquel ces pays avaient été rat-
tachés. Aussi leur a-t-il consacré les études particulières^ vrai-
ment excellentes, qui remplissent son livre IV (pp. 615-765).
Une réserve pourtant. Que viennent faire, k propos d'institu-
tions bailliagères. les renseignements que M. D.-F. a prodigués
sur les gouverneurs? Passe encore pour le gouverneur de Pro-
vence qui, depuis 1493. unit à sa charge celle de grand sénéchal.
Mais les autres, les gouverneurs qui avaient dans leur ressort
plusieurs bailliages ou sénéchaussées (celui de Languedoc jus-
qu'à sept)? Est-ce le sous-titre énoncé plus haut : Inslilulions
monarchiques locales, qui justifiera leur introduction? Par
contre, nous signalerons une lacune assez grave. Quelles étaient
les relations des officiers bailliagers avec leurs supérieurs hié-
rarchiques? En particulier, comment étaient-ils surveillés et
contrôlés? M. D.-F. a négligé de le dire.
— Le Manuel d'archéologie française de M. C. Enlart^ ne jus-
tifie guère son nom. Il n'a du vrai manuel ni le caractère som-
maire, ni les divisions tranchées; les idées générales n'y appa-
raissent pas non plus assez nettement et n'exercent pas sur
l'exposition une prépondérance assez décisive. On ne saurait
mettre aux mains des débutants ce vaste répertoire de faits. Mais
il est des plus remarquables par l'ampleur et la profondeur des
1. M. d'Herbûiuez a écrit, à propos du livre de 'SI. D.-F. : « Il nous
sera permis de dire qu'il a récemment décoiivert ici le Conseil de bail-
liage ou de sénéchaussée. » (Rev. des que.s-tio>i.s histor., nouv. sér..
t. XXX, p. 138). C'est une erreur. M. Dognon l'avait découvert avant lui;
il en a décrit brièvement l'organisation {In.ftit. de Languedoc, p. 336
et sqq.). Il est vrai que M. D.-F., qui cite très fréquemment l'ouvrage de
M. Dognon, a omis de le citer sur ce point essentiel de sa thèse.
2. Depuis les temps mérovingiens jusqu'à la Renaissance. Deux tomes
ont paru : I. Arcliitoctuie religieuse. II. Architecture civile et militaire.
Paris, Picard, Wn et ISIOl; 2 vol. in-H" de .\x-81() et xvT-8nO pages.
424 ANNALES DU MIDI.
recherches. M. E. ne les a pas limitées k la France propre; il a
étudié chez nous la pénétration de l'architecture étrangère, et
hors de France, en Orient, les productions du génie français. Il
a essayé aussi de distinguer les unes des autres les écoles pro-
vinciales : ainsi, dans la période romane de l'architecture reli-
gieuse, les écoles de Languedoc, d'Auvergne, de Provence, pour
ne nommer que celles du Midi. La distinction, à vrai dire, est
souvent malaisée et prête fort à l'arbitraire. On consultera avec
grand profit les longues bibliographies qui suivent chaque cha-
pitre et les listes de monuments, tlien n'est laissé de côté, ni
l'architecture navale, ni celle des maisons publiques (Narbonne,
Pézenas, etc.). Signalons à la fin du t. II un index alphabétique
considérable et presque à toutes les pages d'excellentes illustra-
tions.
— Nous faisons tous nos efforts pour signaler ici. à mesure de
leur apparition, les ouvrages intéressant directement la langue
ou la littérature provençales. Nous croyons n'avoir, dans ces
dernières années, rien omis d'essentiel. Mais nous devons men-
tionner quelques livres qui, sans être consacrés spécialement au
provençal, lui font une place plus ou moins grande. Telle est
y Einfuhrung in das SlucUum der romanischen Spt'achioissenschaft
de M. Meyer-Lûbke" (le titre du livre en dit assez l'objet), où le
provençal est, au reste, bien moins largement représenté que
d'autres langues, le français ou l'italien par exemple; tel aussi
V Allas linguistique de la France par MM. Gilliékon et Edmont^,
oeuvre immense oîi l'on pourra relever quelques inexactitudes
de fait, quelque incertitude dans la méthode 3, mais qui n'en est
pas moins d'une importance capitale et a l'inappréciable avan-
tage de nous renseigner sur une foule de dialectes jusqu'ici tota-
lement négligés.
Les dissertations de Tappolet sur les noms de parenté, de Ott
sur les noms de couleur ont montré quels divers genres d'in-
térêt pouvaient présenter les travaux d'onomastique comparée;
nos lecteurs s'en feront une idée exacte par le compte rendu^
imprimé plus haut (p. 373). du livre de M. Zauner. Deux études
1. Heidelberg, Wiiiter, 1901; in-S» do X--221 p.
2. Paris, Cliampion, (1901 s.s.). 168 carte.s sont publiées, on 10 livi-aisons.
3. Voy. le compte rendu de A. Thomas dans le Jouni il '/es S"rn//ts\
févr, 1904.
CHRONIQUE. 425
de ce genre ont récemment paru, où les dialectes méridionaux
ont été largement exploités, l'une, par M"« C. Hiirlimann, consa-
crée au seul mot aqua et à ses dérivés, surtout dans les dialectes
français, franco-provençaux et italiens*, l'autre par M. C. Merlo
aux noms des saisons et des mois, dans les dialectes latins, ita-
liens, franco provençaux et provençaux 2; cette dernière, par la
quantité des matériaux recueillis et l'excellence de la méthode
employée, se recommande particulièrement à l'attention; nous
ferons au reste notre possible pour y revenir.
Le IT"^ fascicule du Supplement-Wœrterbuch de M. Levy^ vient
de paraître. Il va jusqu'à la fin de la lettre L. On peut donc con-
sidérer comme prochain l'achèvement de cet incomparable réper-
toire. Nous croyons savoir que. dès qu'il sera terminé, M. L. en
fera paraître une édition réduite, de dimensions commodes et
de prix accessible à toutes les bourses. L'ignorance de l'ancien
provençal sera dès lors sans excuse.
J. Brissaud, J. Calmette, P. Dognon. A. Jeanroy
et P. Maria.
Chronique de la Marche et du Limousin.
La Société des archives historiques du Limousin vient de con-
fier à M. Clément-Simon le soin de composer le tome IX de la sec-
tion ancienne. Il y a lieu d'espérer que ce volume paraîtra
prochainement.
La même Société a chargé M. Fray-Fournier de préparer les
fascicules VII et VIII de la section moderne : l'un sur la situa-
tion administrative et territoriale du département de la Haute-
Vienne pendant la Révolution, l'autre sur sa situation politique.
Cette Société est, croyons-nous, la seule en province qui fasse
place dans ses collections aux documents de l'époque contem-
poraine depuis 1790. Aussi bien, les publications relatives à
l'histoire de la période constitutionnelle se sont-elles multi-
pliées à Limoges depuis une quinzaine d'années. On a vu paraî-
tre successivement une Analyse des délibérations manuscrites du
1. /firich, l',}U;î, diss. de doctorat.
2. Turin, Lœschcr, 1904; in-8° de 284 p.
:{. Leipzi;:, Reislantl, is;)l-in04.
426 ANNALES DU MIDI.
Conseil général de la Haute-Vienne de 1800 à 1839, puis les
Extraits des rapports des Préfets de la Haute- Vienne au Conseil
général de 1816 à 1837. Depuis quelques mois nous possédons
les tables analytiques des quatre fascicules qui forment VAnalyse
des actes et délibérations de C administration municipale de Litno-
ges, de mai 1790 à décembre 1878. Les bases de toute l'histoire
locale au xix" siècle sont donc maintenant posées.
Une des conséquences de ce mouvement d'études modernes,
c'est la curiosité que manifeste le public pour ce passé si récent
encore. Il ne sera pas déplacé de noter ici que cette curiosité a
reçu une large satisfaction dans le nouvel Annuaire de la Haute-
Vienne de la librairie Duraont. La seconde « année » marque
encore un progrès au regard de la première. On y trouve sur les
principales institutions départementales de courtes, mais subs-
tantielles notices, des dates de fondation pour les autres, des
listes exactes des hauts fonctionnaires et des chefs de service
depuis 1800. Le vieil Annuaii'e limousin de la maison Ducour-
tieux conserve sur un autre point ses avantages, en accueillant,
dans un appendice qui compte plusieurs feuilles, une foule de
petites communications historiques qu'il serait dommage de
voir se perdre dans les journaux locaux.
M. J.-M.-L. Faure a consacré à {'Histoire de l'octroi de Limoges
de 1370 à 1900 un fort volume de 476 pages (Limoges, Ducour-
tieux, 1902), dans lequel la partie moderne mérite grande con-
sidération.
M. Louvrier de Lajolais, directeur du musée national Adrien-
Dubouché de Limoges, vient de donner au public le Catalogue
des peintures, sculptures, etc., de cet établissement. La section
archéologique est malheureusement fort réduite.
Le Courrier du Centre, des 8 et 9 septembre derniers, publiait
sous ce titre : Une exposition à Limoges en 1697, deux longs
articles où étaient énumérés tous les produits de l'industrie
limousine de ce temps. On avouait au dernier paragraphe que
cette énumération était hypothétique, aucune exposition n'ayant
eu lieu en Limousin avant le xix« siècle. Je crains bien que plus
d'un lecteur ne se soit laissé prendre à ce procédé joyeux, et
que nous ne lisions un jour, dans quelque encyclopédie nouvelle,
que Limoges a eu en 1697 sa petite exposition industrielle. Et
pour extirper cette erreur, il faudra contredire, discuter, criti-
quer, s'échauffer peut-être. Pour cette unique raison, le procédé
CHRONIQUE. 427
du collaborateur du Courrier du Centre nous paraît condamnable,
La Société archéologique du Limousin vient de mettre en dis-
tribution le Pouillè de l'ancien diocèse de Limoges édité par
M. l'abbé A. Lecler. Ce n'est point un pouillé officiel, émané de
l'administration diocésaine, comme nous en possédons plusieurs,
mais une compilation historique du laborieux abbé Nadaud
(f 1775). Cette publication, sur laquelle nous reviendrons quelque
jour, semble devoir rendre plus d'un service.
M. Franck Delage, professeur de rhétorique au lycée Gay-
Lussac de Limoges, a entrepris de retracer l'histoire du mouve-
ment intellectuel en Limousin, du xvi« siècle au xv)!!»", en
s'inspirant du programme que M. Lanson a tracé dernièrement
dans la Revue d'histoire moierne. Nous aurons occasion de re-
venir sur ce travail qui ne pouvait tomber en de meilleures
mains.
Alfred Leroux.
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT
AcHARD (A.), LouBARESSE (P.). Tartière (A.) et Brisson (A.).
La commune de Sainl-D/e?' cl' Auvergne el les communes environ-
nantes. Clermont, Raclot, 1901; petit 111-4° de 113 pages. —
Bonne monographie communale, qui a obtenu une médaille
d'argent à l'Exposition Universelle de 1900. Elle contient des
détails intéressants sur la vie agricole. La partie archéologique,
rédigée à l'aide de livres de seconde main, est moins curieuse.
Dans la partie historique est transcrit un accord conclu en
1403, entre Louis de Montboissier et huit cents de ses vas-
saux, pour le règlement des tailles. Ancienne coutume de
la pique : mendicité exercée à l'aide de faux certificats d'indi-
gence. Il y a des traces de populations juives dans le pays.
Les auteurs parlent d'une université juive (communauté?) exis-
tant à Clermont, au faubourg de Fontgiève, dès le vie siècle.
Saint Avit, évêque de Clermont, bannit les juifs de sa cité épis-
copale. G. Desdevises du Dezert.
Bernet-Rollande (J.). Vesprit public et les élections dans la
Basse- Auvergne en 1789. Paris. Jouve, 1903; in-S" de 184 pages.
— Résumé des ouvrages déjà publiés sur la question, avec un
appendice intéressant contenant quinze lettres inédites de
Dubreul à Romme, qui proviennent des archives particulières
de M. de Vissac. G. Desdevises du Dezert.
Berret [V.) '^Contes el légendes du Bauphiné. Grenoble. Gra-
tier et Rey, 1903;in-8"' de 251 pages. — M. B. ne s'est pas pro-
posé d'apporter sa contribution à un recueil du folklore dauphi-
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 429
riois; il n'a pas voulu faire œuvre d'éditeur, mais de conteur.
Des légendes populaires il ne prend que le thème et ne se fait
pas scrupule de le modifier au gré de sa fantaisie. Ses quinze
récits lui sont une occasion de faire revivre des impressions
d'enfance et de jeunesse, d'exprimer son amour du terroir natal
dont il décrit en artiste le pittoresque si varié. Son style d'une
grâce simple, qu'une pointe d'émotion relève parfois, prête un
charme nouveau à de naïves légendes en qui l'on ne soupçonnait
point tant de poésie. Daudet, Theuriet. et plus près de nous
Ajalbert n'ont pas mis plus d'âme à nous parler de la Provence,
des Ardennes ou de l'Auvergne. Si le souci de la description
juste et sobre ne quitte pas l'auteur, M. B. ne néglige pas non
plus de dégager du conte le symbole moral. Sous sa plume alerte
toute l'histoire dauphinoise revit en quelques pages, de l'époque
gallo-romaine à l'invasion autrichienne; et les diverses régions
dauphinoises : Oisans et Trièves, Terres-froides et Grésivaudan.
y sont dépeintes avec un égal bonheur d'expression. Pas un de
ces petits récits qui ne plaise; certains même, Phidylé, la pre-
mière dauphine, la cloche du Paladru, l'or de la Lune ne sem-
blent pas éloignés de la perfection. Aussi n'est-il pas à craindre
qu'il arrive à l'auteur la même mésaventure qu'au conseiller de
Boissieu : voiries personnages des légendes dauphinoises venir
lui reprocher de les avoir racontées sans esprit et sans talent.
0. Nigaud.
Bertoni (G), l^xiove rime -provenzali traite dal cod. Campori.
Pérouse, 1904; in-S" de 34 pages. (Extrait des Studî romanzi,
xï" 2). — En attendant la publication intégrale du manuscrit
Campori, M. Bertoni nous en donne ici de nouveaux extraits':
il imprime le texte de dix-sept pièces particulièrement intéres-
santes et pour lesquelles il n'est nullement indifférent de con-
naître la leçon d'un nouveau manuscrit. Voici l'indication de ces
pièces, avec le renvoi à la liste de Bartsch, que M. B. n'a pas
cru devoir donner; je signale en passant, plus exactement que
ne l'a fait l'éditeur, les particularités qui recommandent à notre
attention la leçon nouvelle.
Peire d'Auvergne, 17; attribuée ici à « Marcliabrus »; un envoi
1. Les pi'nuiiers oiiL [nira duns les Stad'i. di [Uolo(jia roina/iza, Vlli,
421-8i. Cf. An/udes, XllI, l:W.
430 annai.eS du midi.
nouveau. — Raimonde Miraval, 13; un envoi nouveau. — Ram-
baut de Vaqueiras, 4 et 16 ; la première pièce est le fameux des-
cort en cinq langues; texte médiocre. — Uc do Pena, 2. — Peire
Bremon, 13; l'auteur est certainement Cercamon. qui s'y nomme
et auquel la pièce est ici attribuée. — Bon. Calvo, 17; c'est le
sirvcntés-descort. — Anon. 28: attribuée ici à « Guilliem de
Bergadam », (avec une strophe nouvelle) i. — B. de Born, Il et
13 bis: la seconde de ces pièces, inconnue jusqu'ici, est une
imitation de la sextine d'Arnaut Daniel, où esl vivement attaqué
un Adhémar, qui doit être Adhémar V de Limoges, et qui com-
]jle d'éloges un « prévôt ». oncle du pré'3édent, personnage qui
apparaît pour la première fois dans les œuvres de B. de Born.
— Comte de Poitiers, 1 ; attribuée ici à Jaufré Rudel; quelques
leçons excellentes. — P. Cardinal, 57; un envoi nouveau. —
Ricaut Bonomel, 1 ; identique à un éloquent sirventés (439, 1)
attribué à un « cavalier del Temple», dont le ms. Campori nous
fait connaître le nom — Bertrand de Paris, 1 ; c'est une énuméra-
tion bien connue de héros épiques ou romanesques. — Marcabrun,
45; tenson avec Jori ; deux couplets nouveaux. — Gaucelm, 4 et
5;tenson bilingue avec le comte de Bretagne.
En guise d'introduction, M. B. nous donne quelques renseigne-
ments précis sur ce Simon del Nero qui fit exécuter par Jacques
Teissier la copie du ms. de Bernart Amoros. H montre que c'est
Simon lui-même qui a pris la peine de corriger cette copie en la
collationnant sur l'original, et qu'il a au.?si corrigé en plusieurs
passages la copie de F qui se trouve aujourd'hui à la Riccar-
diana. A. Jeanroy.
BoNNEFOY (G.). Histoire de V administration civile dans la pro-
vince d'Auvergne et le département du Puy-de-Dôme. Tomes II
et III. Paris, Lcchevalier, 1900-n02; 2 vol. in-8" de vi-640 et
1. L'attribution est vraisciublixblo : ou trouve dans notre pièce et dnus
une chanson qui est sûrement de Berj^fadan la même rodomontade, expri-
jnéc en termes analogues (dans notre pièce, le v. 5 de la sir. V doit être
rétabli : derocarni [d'après 0] davan totz en i'crbdtfje; cf. Talans m'es
près, str. III . nsalll fora el pradal .. derocarni al car)tal). — \Ja\\icnv de
notre pièce dit qu'il doit accompagner un roi sur les bords de la Garonne;
il no peut guère s'agir que d'Alfonse d'Aragon et de l'expédition qui
l'amena, dans l'été de 1181, sous les murs de Toulouse (//(a7. de Lang..
VI, 91): on ne peut songer à celle que dirigea en 118.S Richard ('œiir-de-
Lion (Ihid., 128), ce prince n'ayant pas alors le titre de roi.
LIVRES ANNONCES SOMMAIREMENT. 431
1004 pages. — Le premier de ces volumes contient le résumé des
délibérations du Conseil général du département depuis 1790
jusqu'en 1839, et présente un tableau de la vie locale pendar.t
un demi-siècle, de l'Assemblée constituante au ministère Guizot.
Le second volume résume les mêmes délibérations de 1840 à 1900,
mais il est moins nouveau puisque les sessions du Conseil géné-
ral forment chaque année, depuis 1837, l'objet d'une publication
spéciale. — Ces deux ouvrages constituent un répertoire com-
mode de l'histoire administrative du département depuis un
siècle, et permettent d'y suivre l'histoire des partis et le déve-
loppement de l'esprit public. G. Desdevises du Dezert.
BouDKT (M.) et Grand (R.). Etude historique su?' les épidémies
de peste en Haute- Auvergne (xivb-xviii'' siècles). Paris, Picard.
1902; in-8" de 133 pages. — Savante étude, parfaitement docu-
mentée et remplie de détails précis et intéressants sur les ra-
vages des épidémies, les mesures de police édictées par les mu-
nicipalités, les observations faites parles médecins, les remèdes
ordonnés par eux, les maux et désordres de tout genre qui accom-
pagnaient ces calamités. Citons en particulier les pages relatives
à Claude de Chauliac. médecin du xiv siècle, qui fut atteint de
la peste buboneuse et en guérit, et l'histoire du consul d'Aurillac,
Hérault, qui, absent de la ville au moment où le fléau se déclara,
revint s'y enfermer et ne cessa, pendant six mois, de le com-
battre par tous les moyens en son pouvoir.
G. Desdevises du Dezert.
BouLENGER (J.). Les Protestants à Nimes au temps de VEdit de
Nantes. Paris, Fischbacher. 1903; in-S'^ de xviii-237 pages. —
Ce livre de science précise est écrit d'une façon aisée et spiri-
tuelle. Les vues d'ensemble, les traits de détail vivants et pitto-
resques, lui donnent un agrément auquel les travaux d'érudition
demeurent généralement trop étrangers.
Comment se comportait le gouvernement communal dans les
villes huguenotes? Quels étaient les rapi)orts des réformés avec
les catholiques? Est-il juste de dire que les protestants for-
maient un Etat dans l'Etat ? L'auteur espère que sa monographie
contribuera à l'éiucidation de ces trois questions Son introduc-
tion rappelle l'oiganisation générale du parti, expose le plan du
livre et les sources. La situation des pasteurs, pauvres et rares,
432 ANNALES DU MIDI.
la composition du consistoire par l'élection, son fonctionnement,
ses finances, son autorité sur les fidèles, encore mal dégagés du
papisme, puisque des parents protestants préfèrent les Jésuites
au collège pour leurs enfants; la surveillance de la vie la plus
intime des particuliers par le consistoire, dont les censures ne
seraient plus supportées aujourd'hui, et donnent lieu à des
pages piquantes (pp. 84-103); l'influence des assemblées sur le
gouvernement municipal, les rapports avec les catholiques,
empreints de méfiance réciproque, telle est la matière de chapi-
tres fort intéressants. Le rôle de Henri IV est finement apprécié.
Son zèle pour la liberté du culte tomba quand il fut sur le trône.
L'auteur conclut qu'il existait, dans les dernières années du
xvi" siècle, à Nimes. « une sorte de république calviniste à
l'image de Genève, autonome en fait, et possédant son gouver-
nement, ses finances et ses intérêts particuliers, opposés à ceux
des catholiques, et même, peut-être, à ceux des réformés de
presque tout le reste de la France. C'est un minuscule Etat dans
l'Etat ».
Des appendices, des pièces justificatives dont la plus curieuse
est la confrontation en consistoire d'un couple accusé de «paillar-
dise ». et une table des noms terminent le volume.
E. BONDURAND.
BouRDETTE (J.). Amiules des Sept vallées du Labéda, partie mon-
tagneuse de V arrondissement d'Argelès {Hautes-Pirénèes[^ic\). Tou-
louse, Privât. 1898. 1899; in-8". T. III, de iv-627 pages; t. IV, de
XIII -690 pages. -- Suite et fin d'un ouvrage dont il a été déjcà
parlé (V. Annales, t. X. p. 392}. Les présents volumes vont de
1600 à 1890. Ouvrage fait avec soin, mais qu'il est fort difficile
d'analyser. M. B. note, en effet, année par année tous les faits
qui intéressent le Labéda. avec l'indication des sources. De temps
en temps sont notés les grands événements nationaux, comme
l'avènement de nouveaux rois ou de nouveaux régimes. On s'at-
tendrait à trouver un plus grand nombre de faits dans les années
révolutionnaires. Les événements sont souvent accompagnés
d'un commentaire fait dans un esprit que l'on ne trouve plus
guère aujourd'hui. M. B. n'est pas seulement catholique. Il es-
time que la liberté de conscience est une erreur; erreur aussi
tout ce qui restreint l'indépendance de l'Eglise vis-à-vis de l'E-
tat; l'autorité vient de Dieu et ne réside pas dans le peuple,
Livres annoncés sommairement. 43o
l'inégalité doit exister aussi bien dans la famille que dans l'Iiiat.
Donc, depuis la Révolution, la France marche à sa ruine. Quoi
qu'il en soit, l'ouvrage garde sa valeur, puisque c'est un recueil
de faits appuyés sur des documents, avec tables chronologiques
des intendants, évêques, préfets, etc., très utiles. II est complété
par un index alphabétique de tous les noms qu'il contient.
iM D.
BouRRET (Cardinal). Documents sur les origmes chrétiennes du
Rouergue. Saint Martial. Rodez, Carrère. 1887-1903; in-4' de
476 pages. — L'ouvrage, resté inachevé, comprend deux parties :
I. Documents d'origine limousine; II. Documents d'origine locale.
La 1II« partie devait contenir \&b Documents d'origine divei'se. La
Préface, de M. l'abbé Vialettes, nous avertit que le cardinal B.
n'a pas voulu faire une œuvre de polémique, mais une collection
méthodique de pièces (p. m); le livre n'en est pas moins « tout
empreint de la doctrine de l'école traditionnelle » [ibid.). Ce gros
volume contient, en effet, une foule de documents de tout ordre :
Yies. livres de miracles, actes de conciles, lettres, sermons en
abondance, témoignages tirés des livres liturgiques, des monu-
ments (églises, statues, reliques, cloches, etc.;, des traditions...
Dans cet amas confus, grossi au hasard des lectures ou des
découvertes, presque rien d'inédit'. Les commentaires et discus-
sions tiennent une très large place, surtout dans la seconde par-
tie, et ont évidemment pour but de démontrer : 1'^ que saint
Martial, disciple du Christ (thèse du « discipulat »\ a évangélisé
l'Aquitaine au i" siècle de notre ère (thèse de l'apostolat) ; 2" qu'il
a été le fondateur de l'Église du Rouergue. Les lecteurs des
Annales savent dans quel sens la question de l''.* apostolicité» de
la mission de saint Martial, a été définitivement résolue-. Nous
nous contenterons d'observer que, dans le choix et surtout dans
la critique des documents qu'il a utilisés, l'auteur est loin d'être
\. Ainsi les docuinents de la première partie sont tirés des travaux de
l'abbc Arbcllot (pour la bibliographie cf. A. Houtin, La co7itroverse de
l'apostolicilê des églises de Frafice an xix« siècle,'^' éd., Paris, 1903,
p. '2(;0) ou des trois vol. in-fol. du P. Bonaventure de Saint-Anialde sur
saint Martial (IfwB-SH).
2. Cf. Annales du Midi, IV, ^89. Abbé L. Ducliesno, Sai/d Martial
de Limoges, art. reproduit avec quelques modifications dans les Fastes
épiseopaux de l'ancienne Garde, t. II, 190U, p. 104-117.
ANNALES DU MIDI. — XVI. 28
434 ANNALES DU MIDI.
du nombre des « difficiles » dont il parle parfois, non sans quelque
dédain. Beaucoup de textes, de discussions n'ont aucun rapport
avec l'objet du livre : par exemple les chapitres sur Conques, ses
reliques, qui remonteraient au v« siècle (p. 233), sa chronique
(p. 236). dont l'auteur soutient l'authenticité contre Desjardins'.
Mais c'est un prétexte à « inductions » favorables à la thèse :
« Nous croyons qu'elle (la chronique) offre l'acte de baptême le
plus ancien de notre Eglise ruthénienne (p. 267). » Bien entendu,
des pièces les plus importantes on tire des conclusions bien sur-
prenantes. L'ancienne vie de saint Martial (postérieure à Grégoire
de Tours), la vie du même saint attribuée à Aurélien (elle date
de l'époque des discussions sur l'apostolicité de saint Martial,
x« ou XI» siècle) sont reportées au vi« siècle (v. p. 2 et p. 8). La
seconde pièce, dans sa prétentieuse prolixité (24 p. à 2 col.), est
muette sur la fondation de l'Eglise de Rodez. Le cardinal B. con-
clut tout de même : « Si nous n'y sommes pas mentionnés nommé-
ment, nous le sommes équivalemment. » Les Arvernes assistaient
aux funérailles du saint; or, la dénomination d'Arvernes « sem-
ble nous désigner suffisamment » (p. M). — Adhémar de Cha-
bannes énumère longuement les Eglises fondées par saint Mar-
tial. Le nom de celle de Rodez « ne vient pas spécialement sous
sa plume; mais assurément il avait dû venir sur sa langue », et
la raison en est dans le soin qu'il mit à adresser sa lettre sur le
concile de Limoges (1028) à l'évêque de Rodez, parce que ce der-
nier avait pris « une part importante aux délibérations de l'as-
semblée » (p. 56). Ces exemples dispensent d'un examen détaillé.
La plupart des textes allégués sont précédés ou suivis de disser-
tations compliquées où abondent les digressions, les « retours »
et reprises, les hypothèses, où se rencontrent fréquemment des
propositions comme les suivantes : « Ce n'est pas faire une sup-
position bien hardie que d'avancer... » (p. 212); « on a tiré plus
d'une fois des conclusions qui ne reposaient pas sur des prémis-
ses plus fondées en logique » (p. 220) , etc. Les « conclusions »
n'en sont pas moins catégoriques. Quant aux travaux de « l'école
historique » à peine en nomme-ton quelques-uns; et les auteurs
sont qualifiés de « difficiles », d'« hypercri tiques ». Réduit aux
seuls documents, le livre aurait pu être utile, à condition qu'une
bonne ordonnance en eût facilité l'usage. Tel qu'il se présente,
1. Cf. Cart, de l'abbaye de Coliques, introd.. p. v*
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 4^5
il n'est qu'un fâcheux exemple de la faiblesse du système tra-
ditionniste. Louis Rigal.
Crégut (Abbé R.). Nouveaux éclaircissements sur Avilacum.
Clermont-Ferraud , Bellet, 1902; in-8o de 113 pages. — Dans
un premier ouvrage, publié en 1890, M. C. avait établi que la
villa de Sidoine Apollinaire doit être cherchée en Auvergne, à
Aydat. Dans ce nouveau travail il se propose de déterminer
l'emplacement exact de la villa, et croit pouvoir la placer à
Aydat môme. Son mémoire reproduit les textes relatifs à Avita-
cura et expose et énumôre avec beaucoup d'exactitude toutes les
données du problème. Les textes bien compris et bien étudiés,
M. C. se transporte sur le terrain et s'applique à démontrer
topographiquement l'exactitude de la solution qu'il propose. La
découverte d'un aqueduc romain et de nombreux restes de mu-
railles semble confirmer pleinement la théorie de l'érudit aumô-
nier du collège Michel l'Hospital. G. Desdevises du Dezert.
Crégut (Abbé R.j. La Vierge du Marthuret. Sa date probable.
Etude d'esthétique. Clermont-Ferrand, 1902; in-8" de 33 pages;
photogravure. — L'auteur décrit la belle statue de la Vierge qui
orne le portail de l'église du Marthuret, à Riom, et la date des
premières années du xvi« siècle. G. Desdevises du Dezert.
Crégut (Abbé R.). Histoire du Collège de Riom. Riom, Pouzol,
1903; in-8o de 283 pages. — Cette monographie conduit l'histoire
du collège de Riom depuis ses origines les plus lointaines jusqu'à
nos jours. Près de la moitié de l'ouvrage est consacrée à l'épo-
que où le collège était placé sous la direction des Oratoriens.
L'histoire des Pères Maristes occupe près de 50 pages, la période
contemporaine quatre seulement; M. C, aumônier du collège,
a pensé « qu'il y aurait une sorte d'indiscrétion à aller plus
avant ». L'appendice contient un certain nombre de notes inté-
ressantes, parmi lesquelles nous citerons une liste de livres
classiques en usage au collège en 1788 et une pièce de vers, « Le
Lis voyageur », adressée à la duchesse d'Angoulême, en villé-
giature à Vichy, en 1814, par M. Barrau, professeur de rhéto-
rique au collège. G. Desdevises du Dezert.
Crégut (Abbé G. R. ). Les inscriptions lapidaires à Riom.
Riom, 1904; in-8" de 24 pages. — Recueil des inscriptions latines
436 ANNALES DU MIDI.
qui décorent les fontaines publiques de Riora. Inscriptions funé-
raires de noble Jean de Murât (en latin, en hébreu et en grec
(1595). du comte de Randan. chef de la Ligue en Auvergne, mort
le 14 mars 1590 à la bataille de Cros-RoUand. L'auteur termine
son humoristique plaquette en citant les inscriptions latines et
françaises composées pour les fêtes du premier empire. Leur
platitude ne laisse rien à désirer. Napoléon est chanté comme
monarque pacifique et philanthrope :
Qu'à l'aspect de ce froui toujours victorieux,
i'out ressente un noble désire ',
L'enthousiasme qu'il respire
Redouble en lui l'ardeur de faire des heureux.
G. Desdevises du Dezert.
Crescini (V.). Il teslo critico diuna canzone di Bernart de Ven-
tadorn. Yenise, 1904; in-S" de 13 pages. (Extr. des Atti del R. Istituto
Veneto, tome LXIII, p. 319-31.) — M. Crescini publie, traduit et
commente, avec une science discrète et sûre, une chanson de
B. de Ventadour [Chantars non pot gaires vale?-) qui n'est ni des
plus brillantes, ni des plus passionnées, mais qui a une véritable
importance pour l'histoire des théories littéraires : c'est celle, en
effet, où s'exprime le plus clairement cette idée, reprise par
Dante, que c'est la profondeur de la passion qui fait la beauté
de l'œuvre poétique. — Le texte, tel que l'a constitué M. C,
n'est pas toujours, ce me semble, d'accord avec sa classification
des manuscrits : au v. 19 aquo, qui est dans deux familles, sans
compter G, est plus appuyé que aisso, qui n'est que dans une
(+ a, qui se rattache souvent à cette famille); pour la môme
raison, j'eusse préféré, au v. 25, metxhaandas à mercadeb-as ; la
forme del Vetîtadorn. qui se trouve DIKa -j- G, eût mérité la dis-
cussion. Au V. 15, je remplacerais blasm'en (ce pronom indéfini
ne s'expliquant pas) par blasman, qui se trouve au moins dans a
(ou blasmon P). Ces leçons n'ont au reste aucune importance
pour le sens. Il n'en est pas de même de celle que M. C. a adoptée
au dernier vers; il lit ainsi le second envoi : Bernartz de Ven-
tedorn Venten [V représente le ve7's qu'il vient de composer), —
e-l dig e-l fag el joi n' alen. La leçon dig et fag n'est que dans
1. (Sic.) Mais l'auteur de ces vers avait sans doute écrit : délire, et
plus bas : L'enthousiasme qu'il inspire. [N. D. L. R.)
LIVRES ANNONCES SOMMAIREMENT. 437
a, les autres mss. donnant ditz (ou di) et fai, c'est-à-dire des
verbes au lieu de substantifs; ces substantifs au reste n'ont ici
guère de sens. Je traduirais : « B. de V. entend son vers, il le
dit, le fait (c'est-à-dire l'a fait] et il attend (je supprimerais ne)
la joie d'amour. » A. Jeanroy.
DÉCHELETTE (J.) et Brassart (E.). Les Peintures murales du
Moyen âge et de la Renaissance en Forez, ouvrage p. p. la
Société la Diana, avec la collaboration de MM. Charles
Beauverie, abbé Reure et Gabriel Trévoux. Montbrison, 1900;
In-fû. — Etude sur les peintures de Saint-Romain-le-Puy (xiie et
xiiie siècles), de Grézieu-le-Fromental, de l'ancienne chartreuse de
Sainte-Croix en Jarez. d'Ouches (1383), de Saint-Bonnet-le-Châtel
(crucifixion, du xv siècle), de la maison du Dauphin à Crozet
(xvr siècle), de la chapelle du château de Valprivas (Résurrection
des morts, début du xviir siècle, superbe morceau), de l'église
de Chalmazel, du prieuré de Chandieu, de Montbrison et de Char-
lieu. Belles planches d'ensemble et croquis de détail dans le texte.
G. Desdevises du Dezert.
Degert (Abbé A.), L'ancien collège de Dax. Dax, H. Labèque,
1904; in-S» de 52 pages. — Dans cet opuscule qu'il intitule modes-
tement « Notes et souvenirs », M. D. a réuni tout ce que l'on
peut trouver sur un établissement qui ne fit pas grand bruit et
dont les archives sont détruites. C'est dans celles de la ville de
Dax qu'il a trouvé les principaux éléments de son travail. Ce
petit collège, comme tous ses pareils de Gascogne, date du
xvi<' siècle, sans qu'il soit possible de préciser davantage. Son
origine se perd, non dans la nuit des temps, mais dans les bru-
mes de l'incertitude. Ce n'est qu'en 1612 qu'un document permet
d'en constater l'existence. Après avoir eu divers principaux, il
passe en 1631 sous la direction des Barnabites qui la conservè-
rent jusqu'à la fin, vers 1791. Sa mort ne peut être datée avec
plus de précision que sa naissance. Il était difficile d'écrire un
gros volume sur un établissement qui n'eut jamais qu'un rayon-
nement local. Cependant M. D. a réuni avec beaucoup de discer-
nement et mis en œuvre avec l'art d'un his'torien les quelques
documents qu'il a utilisés. En appendice il en a publié dix, dont
aucun n'est sans intérêt. Il convient de signaler surtout les qua-
tre premiers : renouvellement des pouvoirs et fixation du trai-
tement des régents; règlement disciplinaire; nomination et
438 ANNALES DU MIDI.
installation d'un principal et contrat avec les Barnabites. M. D.
s'est préoccupé des études que l'on faisait au collège, du pro-
gramme et de la méthode d'enseignement, préoccupation plus
rare qu'on ne pense : je connais de volumineuses histoires de
même nature oîi elle n'apparaît même pas. Une chicane pour
terminer. M. D. écrit, p. 29, en parlant du serment établi par le
vote de la loi du 27 novembre 1790, que les évêques, curés et
fonctionnaires publics devaient jurer de maintenir la constitu-
tion schismatique, c'est-à dire la constitution civile du clergé.
Présenté ainsi, ce serment paraît ne viser que cette dernière loi,
tandis qu'en réalité il visait, sous le titre de Constitution, l'en-
semble des lois votées par l'Assemblée nationale. L'erreur est
trop répandue pour qu'on luisse passer l'occasion de la combattre.
— P. 10 : « Bernard de Poyannes, sénéchal des Landes. Ne di-
sait-on pas : « des Lannes »? A. Vignaux.
Douais (M?'' C). Documents sur l'ancienne province de Langue-
doc. Tome II. Trésor et reliques de Saint-Sei-nin de Toulouse.
I. Les inventaires (1246-1637). Paris, Picard; Toulouse, Privât,
1904; in-8"de xl-51 3 pages. — Voir, sur le tome I, Annales, t. XIV,
1902, p. 553. M^'f D. commence la publication de trois volumes
de documents qui forment l'histoire du trésor de Saint-Sernin.
Celui qu'il donne aujourd'hui contient les inventaires. 11 y en
a quinze. Le plus ancien est du 14 septembre 1246. Les autres
se suivent, du xv- siècle à 16o7. Ceux du commencement du
xvi« siècle ont pour cause les prétentions de la ville de Toulouse
à la garde du trésor. Ces inventaires, en général, sont très dé-
taillés. Le premier est plutôt un inventaire de tous les biens de
l'abbaye de Saint-Sernin. qui s'étendaient jusque dans le Gers
et l'Ariège. Celui de 1-514 est en roman. Me'' D. les publiera les uns
après les autres, sans exception, parce que, s'ils se répètent, ils
se complètent au.^si en mentionnant des reliques et des dons nou -
veaux, et que nous y apprenons, grâce à l'abondance des détails,
quelles réparations ont été faites aux châsses et autres objets.
Chaque inventaire est précédé d'une notice. Une introduction
de XL pages nous fait connaître ces inventaires et les autres
documents de la Table et de la Confrérie des Corps-Saints, qui
sont donnés dans l'appendice II. Outre cet appendice, deux autres
terminent le volume : le premier sur le saint suaire de Cadouin,
l'autre sur les reliques de saint Gilles. M. D.
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 439
Faurey (J.). Henri IV et Védit de Nantes. Bordeaux, irapr. Ca-
doret, 1903; in-8o de 230 pages. — Si l'on songe que l'auteur a
écrit son livre pour conquérir le diplôme de docteur en droit, on
lui pardonnera aisément d'avoir négligé de parti -pris toute re^
cherche de documents inédits, et l'on ne s'étonnera point d'une
certaine absence d'originalité qui est le résultat presque inévi-
table de cette façon sommaire de traiter un sujet connu : évi-
demment, M. F. ne pouvait ainsi le renouveler. 11 s'est donc
borné à « effleurer les sommets des choses », ce qui ne paraît
pas en soi le moyen de faire de bonne besogne. Et encore a-t-il
effleuré plus de choses qu'il n'en annonce, non seulement l'édit
de Nantes sous Henri IV, mais aussi les édits de pacification qui
ont préparé celui-là, l'application de l'édit. et sous Henri IV,
conformément au titre du livre, et sous Louis XIII et Louis XIV,
ce qui est moins légitime. L'analyse qu'il a donnée est claire,
méthodique; elle a bien son utilité. Mais M. F. s'en est tenu là;
point de conclusion : le livre tourne court et se termine ex
abrupto. L'introduction semblait promettre davantage, par
exemple l'examen de la question de savoir « si la tolérance de
la religion réformée pouvait se concilier avec la constitution de
l'ancienne monarchie et les idées de la majorité catholique ». On
regrette que par la suite la question n'ait pas été abordée, ou
ne le soit qu'obliquement et de façon incidente, — Au total, nous
préférerions une manière moins sèche, moins abstraite, moins
juridique d'écrire l'histoire. Pour comprendre la nature et la
portée de Tédit de Nantes, il ne faut pas le considérer en lui-
même, comme un texte indépendant du milieu, des circonstances
dans lesquelles il fut rédigé. Si M. F., au lieu de consulter exclu-
sivement des monuments législatifs ou les procès-verbaux offi-
ciels des assemblées protestantes , avait lu les mémoires ou
mieux l'énorme correspondance du temps — il ne connaît même
pas les lettres de Henri IV, — il aurait donné à son œuvre plus
d'intérêt, plus de vérité; il aurait évité des affirmations comme
celle-ci : Henri IV accorda l'édit « à son insu, contraint et forcé ».
Il n'aurait pas disserté inutilement sur le caractère perpétuel
ou non, irrévocable ou non de cet acte (p. 36 etsq.); car en
un pays où la règle était : Si veut le roi. si veut la loi, cette
loi, une loi quelconque pouvait changer, soit avec le prince,
soit même avec la volonté du prince qui l'avait faite. La ques-
tion est de savoir si la révocation se justifiait en équité et en
440 ANNALES DU MIDI.
bonne politique; qnant au point de droit, dans l'espèce il im-
porte peu. Paul DoGNON.
GiPOULON (J.). Elude sur V allodialité en Auvet'gne. Montluçon,
irapr. Herhin, 1903; in-S» de 184 pages. — Cette étude est une
bonne thèse de doctorat sur un point important du droit féodal.
L'auteur définit l'alleu, et le suit à travers les temps primitifs
jusqu'cà l'établissement de la coutume d'Auvergne. Cette pre-
mière partie est la moins solide et porte la trace d'une docu-
mentation incomplète. La partie relative au régime de l'alleu
sous l'empire de la coutume, et dans les districts d'Auvergne
relevant du droit écrit, est plus précise et meilleure; une étude
des droits de franc-flef et d'amortissement et sur le droit de
triage permet à l'auteur de conclure à l'existence d'alleux en
Auvergne jusqu'à la fin du xviiie siècle.
G. Desdevises du Dezkrt.
Leroux (A.). La légende du roi Aigolant et les origines de
Limoges. Paris, 1903; in 8" de 1G pages. (Extrait du Bulletin his-
torique et philologique. 1902, p. 606-19.) — Dans cet article, d'une
sobre et profonde érudition , notre excellent collaborateur
étudie et critique la tradition bizarre et tardive (elle ne nous
apparaît sous forme écrite qu'à la fin du xvi" siècle') d'après
laquelle les eaux de l'Aigoulène auraient été amenées à Limoges
par un roi sarrasin, nommé Aigoulant, habitant « au château
de Limoges » on 804. Il subsiste des vestiges d'un aqueduc, re-
montant à l'époque romaine, par lequel ces eaux, qui s'écou-
laient jadis vers l'Aurance, furent détournées vers le bassin de
la Vienne, au profit d'une agglomération formée sans doute de-
puis peu entre les deux pentes, au voisinage des Arènes, au
point où se croisaient les voies conduisant de Lyon à Saintes
et de Bourges à Bordeaux. Cet aqueduc fut probablement cons-
truit par un foncionnaire ou un riche propriétaire gallo-romain,
dont le souvenir se serait conservé dans une tradition orale;
ce personnage aurait été confondu, évidemment sous l'empire
1. A la fin do la traduction limousine delà Chronique de Saint-Martial
(éd. Uuplès-Agior, p. 148-54). Cette traduction remonte, selon M. L., aux
environs de 1370; mais l'original en est perdu et la copie que nous on
avons est de la fin du xvi" siècle seulement. De plus, le copiste n'a pas
reproduit intégralement le passage concernant Aigolant; il se borne à
l'analyser, jugeant qu'il n'y a là qu'un « conte de rommant ».
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 441
d'une préoccupation étymologique i, avec le roi sarrasin Aigou-
lant, emprunté à la Chronique du faux Turpin. Cette solution,
élégante et simple, me paraît fort plausible. J'ajouterai néan-
moins quelques observations tendant à préciser ou à contester
certains points de détail. Que le personnage d'Aigoulant ait été
emprunté à la Chronique de Turpin et non k quelque chanson de
geste, c'est ce qui me paraît évident : en effet, la Chronique
donne habituellement la forme Aigolandus"^ , tandis que les
chansons ne connaissent que celle de Agolant ou Agoulant^, qui
n'eût point autorisé le rapprochement sur lequel repose toute
la légende. Quant à ce rapprochement même, il me paraît, n'avoir
été possible que le jour où le ruisseau en question eut été
dénommé Aigoleno (au lieu d'un plus ancien Aigalena) et le
dernier tiers du xiv« siècle me paraît une dato bien reculée; la
traduction en langue vulgaire de la Chronique peut être de cette
époque; mais le «. discours du roi sarrasin » paraît avoir formé
dans le ras. original une section particulière, qui avait pu être
ajoutée après coup ; cette fantaisiste explication étymologique
me paraîtrait beaucoup plus naturelle au xv« siècle ou même
au xvp qu'aux environs de 1370. — Scion M. L., la tradition qui
fait venir d'Afrique le constructeur de l'aqueduc pourrait remon-
ter à l'époque gallo-romaine et être acceptée comme authenti-
que : il est, en effet, dit-il (p. Il), <' fort naturel qu'un Africain
s'intéresse... aux doléances d'une population qui manque d'eau. »
Mais la Clv^onique de Turpin (ch. vi) qualifie Aigolant de » paga-
nus rex affricanus »; je ne crois pas qu'il faille chercher ailleurs
la source du renseignement. — Quant au nom même d'Aigolant,
« il se pourrait, dit M. L., que ce fût un surnom donné par le
peuple d'Aquitaine à quelque chef arabe du viiip siècle, qu'aurait
distingué sa propension à se désaltérer aux sources du pays »•
Mais, sans parler de la bizarrerie de l'hypothèse, je viens de
dire que ce rapprochement n'avait pu être fait avant la fin du
moyen âge. Il y a là sans doute un nom arabe, trop altéré pour
être reconnaissable. qu'on arrivera peut-être un jour à identi-
1. M. L. ne le dit pas nettement, mais cehi ressort de l'ensemble de
son exposition.
2. Au moins les sept manuscrits suivis par M. Castets {Turpi/ii Ilis-
toria, etc., Montpellier, 1H80, p. 10 n.).
H, E. Langlois, Table des noms jji-opres dans les chatisoNs de f/esle.
442 ANNALES DU MIDI.
fier : les recherches sur l'onomastique des chansons de geste
n'en sont encore qu'à leurs débuts. A. Jeanroy.
Oddo (H.). La Provence: usages, coutumes, idiomes depuis les
origines. Le félibrige et son action sio' la langue provençale avec
une grammaire pirovençale abrégée. Faris, Le Soudier. 1902;
petit in-l" de "243 pages. — Dans ce nouveau livre, l'auteur du
Chevalier Roze reste tidèle au rôle qu'il s'est donné de vulga-
risateur de l'histoire de Provence. C'est un acte louable que
d'étudier les divers facteurs de la vie sociale d'un pays de phy-
sionomie tellement expressive et originale. Malheureusement
pour M. 0., un tel travail, par la nature même de son objet, ne
souffre pas d'être fait hâtivement; il n'offre d'intérêt qu'autant
que l'on peut y voir le résultat d'une enquête personnelle et
minutieuse sur les gens et les choses du terroir. Un premier
chapitre, assez étendu, est consacré aux fêtes civiles et religieu-
ses du midi de la France; un second, de quelques pages, est
réservé aux mœurs et aux usages provençaux. Cette partie de
l'ouvrage serait sans conteste la plus intéressante et la plus
suggestive, si M. 0. s'était uniquement attaché à mettre en
relief les particularités locales, sans alourdir son texte en rele-
vant des us et coutumes d'origine étrangère et de signification
nulle. Pourquoi parler par exemple des rameaux et des œufs de
Pâques? Dans cet exposé de la vie provençale, M. 0. a le mérite
de la clarté et de l'exactitude, mais son style ne rend pas tou-
jours le caractère pittoresque de certaines coutumes. Un tel
tableau demanderait, il est vrai, la palette aux couleurs si
chaudes et si nuancées d'un Paul Arène. — L'histoire du féli-
brige est bien conduite et suffisante dans sa brièveté pour que
le lecteur saisisse le sens et la portée de cette institution, organe
d'un grand mouvement littéraire. L'auteur paie un juste tribut
d'éloges aux cigaliers et aux félibres de Paris : le poète Méry,
Amédée Picliot, Adolphe Dumas, Henri de Bornier... Avec beau-
coup de tact dans l'expression, M. 0. rappelle les services maté-
riels et surtout le prestige donné au félibrige alors jeune et
presque inconnu par l'adhésion de personnalités parisiennes
d'origine méridionale.
Rien à dire sur l'histoire des dialectes du sud-est de la France,
simple nomenclature de mots soi-disant tirés du grec, du latin,
du wisigoth, du bourguignon, de l'arabe, etc. Des observations
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 443
banales et hypothétiques accompagnent ces vocabulaires. Que
penser des opinions de l'auteur sur la langue ligurienne? —
L'étude de M. 0. sur le développement de la langue et de la
littérature romane est superficielle; c'est ainsi qu'à propos de
l'influence des troubadours sur les trouvères il n'analyse pas le
lyrisme provençal, avec sa notion nouvelle de l'amour courtois
que des écrivains rapprochent de l'amour mystique dépeint par
l'auteur de l'Imitation. M. Oddo semble ne pas se douter de ce
que la poésie des troubadours a de conventionnel. Ne serait-il
pas intéressant d'opposer à l'amour de tête, souvent irréel, des
chantres provençaux du xii« siècle le sentiment si concret, si
humain de Mistral, de Roumanille et d'Aubanel, ces troubadours
d'aujourd'hui? - Après MM, Michel Bréal, Jeanroy, Constans,
pour ne citer que les plus connus, l'auteur fait ressortir quel
auxiliaire de l'enseignement du français serait le provençal dans
les campagnes du Midi. — La bibliographie de M. Oddo est très
incomplète; il est surtout regrettable qu'il omette de citer des
monuments classiques tels que le Trésor du Félibrige de Mistral,
tandis qu'il mentionne des ouvrages qui n'en sont que des reflets
et des abrégés, comme le Petit trésor du Félibrige de dom Xavier
de Fourvières. Abbé Arnaud d'Agnel.
Pellissier (abbé). Histoire d' Allas. Monographie bas-alpine.
Digne, Chaspoul, 1901; 2 vol, in-12 de xxi-638 et viii pages. —
La commune d'Allos dont M. l'abbé P, donne la monographie très
détaillée est un des plus intéressants villages du nord-est des
Basses-Alpes. Le chef-lieu de canton de l'arrondissement de Bar-
celonnette, assis sur une terrasse qui domine le Verdon, mérite
l'attention de l'archéologue, avec ses ruines de fortifications
attribuées aux Romains et son église de Val-Vert, monument his-
torique du xi^ siècle. Allos, placé sur la frontière de la France et
de l'Italie, a un passé politique très mouvementé : ce coin des
Alpes devint successivement provençal, italien, français. M. P.
retrace les difi'érentes phases de son histoire. De l'an -1000 à
1388, Allos prospère sous le gouvernement paternel des comtes
de Provence ; en 1388 il est uni à la Savoie; il no fut ensuite séparé
d'elle qu'en 1713, par le traité d'Utrecht qui le donnait à la
France. — L'étude de ces trois périodes constitue la partie pro-
prement historique de la monographie et en fait toute la valeur;
c'est un travail personnel et consciencieux, fruit d'un long dé-
444 ANNALES DU MIDI.
pouillement de documents de première main, dont plusieurs ont
été publiés par l'auteur à titre de pièces justiflcatives. — Malheu-
reusement M. P. a voulu rendre son ouvrage trop complet. Au
lieu de s'en tenir k un rapide aperçu des premiers âges d'Ailos, il
s'est étendu longuement sur ces temps nébuleux, et perdu dans
des suppositions gratuites dont un des effets fâcheux est d'indis-
poser le lecteur dès les premières pages. Il a également eu le
tort de surcharger son travail par un luxe de renseignements
relatifs à la topographie, à l'histoire naturelle, à la biographie
et à la religion. Cette érudition, toute de dictionnaire, a produit
un ensemble de notions disparates qui nuisent aux bons résul-
tats acquis par ses recherches dans les Archives. C'est là un tra-
vers commun à bien des monographies locales. — Telle quelle,
l'histoire d'Ailos occupera néanmoins une place distinguée parmi
les monographies qui font honneur au clergé bas-alpin : celles de
Montfort. Chàteaux-Arnoux. l'Escale, Châteauneuf, Barrême et
Puymoisson. Abbé Arnaud d'Agnel.
RiBiER (D'' L. de). Cha7'lus-Champagnac et ses seigneurs. Paris.
Riom, Champion, 1902 : in-S" de iv-302-xv pages. — Monographie
d'un fief important composée à l'aide des archives de M. de
Ribier du Châtelet, versées en partie à la bibliothèque de Cler-
mont en 1875 i. Le flef de Charlus, d'abord simple châtellenie,
fut érigé en baronnie au commencement du xv^ siècle, en faveur
de Pierre de Beaufort, vicomte de Turenne. et en comté en 1586,
au profit de Charles de Lévis. Il passa ensuite dans la famille
de Castries, qui le vendit en 1783 à M. de Pestel. Le château de
Charlus n'était plus qu'une ruine; il avait été démantelé en
1633 par ordre de Richelieu. Le travail de M. de R. renferme des
documents fort intéressants et se lit agréablement; on regrettera
que l'auteur n'ait point fait précéder son livre d'une bibliogra-
phie détaillée et critique et n'ait pas adopté un plan plus métho-
dique et plus rigoureux; le sujet principal est souvent oublié et
disparaît au milieu de digressions incessantes. Les illustrations,
1 Rien ne prouve mieux la nécessité de confier à des spécialistes
éprouvés l'ari-angement de nos bibliothèques, que l'état où M. Louis de
Ribier a trouvé en 1898 les archives de sa famille, « enfouies sans classe-
« ment, dans un affreux pêle-mêle, sous prétexte de l'exiguité du local.
« comme si un fonds classé tenait plus de place que des dossiers épars,
« relégués dans des sacs à charbon, au milieu de la poussière et do l'iiu-
« midité. »
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 445
généralement médiocres, n'ont que peu de valeur documentaire,
la phototypie seule devrait être employée, car seule elle assure
la fidélité absolue du rendu. G. Desdevises du Dezert.
RiBiER ;D' L. de). Notices bibliographiques sur quelques médecins
et chirurgiens de la Haute- Auvergne, sous l'ancien régime. Pavis,
imp. Biais, 1903; in-8'' de 24 pages {Biblioth. histor. de la France
médicale). — Une foule de détails curieux pour l'histoire de la
médecine : P. o, ordonnance de M. Raymond du Chassang, méde-
cin à Saint-Flour, contre la peste : « Eau rose, sucre rosat, pâte
de coings, lavements composés d'ingrédients divers et poudre con-
fortative. » — P. 14 : Comptes d'un médecin de Saignes en 1732. etc.
G. Dbsdevises du Dezert.
RouviÈRE (Fr.). L'aliénation des biens nationiux dans le Gard.
Niraes. Gervais-Bedot, Lavagne-Peyr.it. 1900; in-8" de 818 pages.
— Ce livre, qui représente un travail considérable, est un réper-
toire commode pour s'orienter dans une matière compliquée. Le
regretté Rouvière aimait ainsi à s'attaquer à de rudes tâches,
pour faciliter la connaissance de la Révolution dans le Gard.
L'étude de cette époque le passionnait, et il a laissé de solides
monuments qui seront toujours consultés. L'introduction du pré-
sent volume retrace la marche de l'aliénation des biens du
clergé et autres biens de première origine, des biens des émigrés
ou de seconde origine, des domaines engagés. L'inexpérience des
hommes de la Révolution en matière économique rendit le pro-
fit des ventes à peu près illusoire pour l'Etat. La fraude utilisa
partout les maladresses de l'administration, et on peut dire que
les biens nationaux se vendirent pour rien. Le seul bénéfice
social fut la répartition de la propriété immobilière entre des
mains plus nombreuses. Les dernières pages de l'introduction
traitent de l'affectation de certains biens, du milliard des émi-
grés et des opérations de la caisse d'amortissement.
Le corps du volume comprend le relevé alphabétique des
acquéreurs de biens nationaux de première origine, avec table
des noms des communes et table des établissements religieux;
le relevé alphabétique des acquéreurs des biens 'de seconde ori-
gine, avec table des émigrés et table des communes ; enfin le
relevé alphabétique des acquéreurs des biens des communes
cédés à la caisse d'amortissement et vendus par elle, avec table
des communes.
446 ANNALES DU MIDI.
Tout est pris aux sources, principalement à la série Q des
archives du Gard, avec une méthode et une exactitude impec-
cables. Ces nomenclatures d'aspect aride sont vivifiées par une
connaissance approfondie de la période révolutionnaire.
E. BôNDURAND.
Tardieu (A.). Histoire illustrée du bourg de Rayât en Auvergne
(station thermale célèbre), ornée de portraits, monuments, vues,
antiquités, curiosités. Clormont-Ferrand, 1902; in-S» de 76 pages.
— Portraits de l'auteur, de son père et de sa mère ; dessin et des-
cription de quelques débris antiques fp. 13, 14, 15). Liste des
prieurs de Royat de 1284 à 1783. Seigneurs de Royat. Plan de
l'ancien Royat (p. 38). Biographie des hommes célèbres; parmi
eux l'ingénieur florentin Symeoni et l'historien Géraud de Gor-
demoy, lecteur du dauphin, né à Paris en 1626, mort dans la
même ville en 1684. Parmi les sources (bibliographiques) les
ouvrages de M. Ambroise Tardieu figurent avec les mentions
« recherché — rare — très rare — épuisé ».
G. Desdevises du Dezert.
Tardieu (A.). Le Dictionnaire des ex-libris de V Auvergne. Royat,
chez l'auteur, 1903; in-8" de 33 pages. — Collection médiocre-
ment gravée de quelques ex-libris d'Auvergne.
G. Desdevises du Dezert.
PUBLICATIONS NOUVELLES
BoisLisLE (A. de). Le grand hiver et la disette de 1709. Besan-
çon, irap. Jacquin, 1903; in-S" do 128 p.
Catalogue général des livres iraprimés de la Bibliothèque
nationale. (Auteurs.) T. XV 'Boirac-Bonneyj. Paris, Imp natio-
nale, 1903; in-80 à 2 col., de 1196 col.
Ch.ilRLEs VllI. Lettres de Charles Vlll, roi de France, p. p.
P. PÉLiciER. T. IV. Paris, Laurens, 1;03; in-S" de 371 p.
Chevalier (Abbé FI.). Notes historiques sur la paroisse de
Fuyréaux, châtellenie de Mansle en Angoumois (monographie).
Balan-Sedan, imp. Frin. 1903; in-S» de 1ij6 p.
Chevalier (Chanoine J.'. La Révolution à Die et dans la val-
lée de la Drôme (1789-1799). Valence, imp. Céas , 1903; in-8° de
382 p.
Chevalier (U.)- Répertoire des sources historiques du moyen
âge. Topo-bibliographie. Fasc. VI (S-Z). Montbéliard, Société
anonyme d'imprimerie montbéliardaise. 1903; in-8<' à 2 col.,
col. 26io à 3384.
CoNARD. La Peur en Dauphiné guillet-aoùt 1789). Paris, Bel-
lais, 1904; in S'' de 286 p. [Bibliothèque d'histoire moderne. J
Douais (C). La mission de M. de Forbin-Janson, évoque de
Marseille, plus tard évéque de Beauvais, auprès du grand-duc
et de la grande-duchesse de Toscane (mars-mai 1673). Récit d'un
témoin. Paris, Picard, 1904; in-8" de vii-206 p.
Etat général par fonds des Archives départementales. Ancien
régime et période révolutionnaire. Paris, Picard, 1903; in-4'' à
2 col., XII p, et col. 1 à 806, et table. [Ministère de l'Instruction
publique et des Beaux-Arts.]
Fage (E.). Petits échos du passé de Tulle. Tulle, imp. Crauf-
fon, 1904; in-16 de 142 p.
Fox (Ch. .].). Napoléon Bonaparte and the siège of Toulon.
Washington, Law Reporter Company Printers. 1902; in So de
vii-114.
448 ANNALES DU MIDI.
Jacotin (A.\ Inventaire sommaire des Archives départemen-
tales de la Hante- Loire. Arch ecclésiastiques, sér. G, cierge
séculier. Le Puy, Marchessou ; in^" à 2 col. de iii-593 p.
Lavisse (E.). Histoire de France, depuis les origines jusqu'à la
Révolution. T. IV. Fasc. VIIL ii : Charles VIL Louis XI et les
premières années de Charles VIII (1422-1492). Paris, Hachette,
1903; in-8" carré, p. 321 à 45G. avec cartes dans le texte et hors
texte.
Lelièvre (M.). Portraits et récits huguenots, i" série : xvr siè-
cle. 2« éd. Toulouse, imp. Chauvin, 1903; in-S» de viii-375 p., avec
gravures.
MiCHELET (J.). Poètes gascons du Gers, depuis le xvii" siècle
jusqu'à nos jours. Auch, Bouquet, 1904; in 8' de 497 p.
Pascalein (E.). Histoire de Tarentaise jusqu'en 1792. Mou-
tiers, imp. Gavin, 1903; in 8'> de 33i-iv p.
Poirier (J.;. Les prisonniers de la Chartreuse du Mont Dieu
pendant la Terreur. Paris, Kleiner, 1903; in-S" do 111 p.
PouLHÈs (Abbé B.). Monographie historique de l'ancien Rau-
Ihac, depuis ses origines jusqu'à la Révolution. Aurillac, imp.
moderne, 1903 ; in 8° de 300 p.
Recueil des actes du Comité de Salut public, p. p. F. A. Aulard.
T. XV. Paris. Leroux, 1903 ; in-S^ de 845 p.
Recueil de documents relatifs à la convocation des Etats géné-
raux de 1789, p. p. A. Brette. T. III. Paris, Leroux, 1904; in-8o
de 769 p. et plan.
Répertoire numérique des archives de la maison du roi.
(Série OM, rédigé par H. de Curzon. Paris, Picard, 1904; 'm-i° a.
2 col , de X-2IS p. [Ministère de l'Instruction publique et des
Beaux-Arts. Archives nationales]
Sancti Antonii de Padua vitae duae quarum altéra hucusque
inedita. Ed. L. de Kerval. Paris, Fischbacher, 1904; in 8° de
xiii-316 p. rCollection d'études et de documents sur l'histoire
religieuse et littéraire du moyen âge. T. V.]
Williams (H. N.). Madame de Montespan. London, Harper,
1903; in-40 de 396 p. et pi.
Le Gérant,
P. -Ed. PIUVAT.
Toulouse, iiiipriinciie Édoïahd I'uivat, rue des Arts 14 — 2716
LES POSSESSIONS
DE
L'ABBAYE DE SAINT-VICTOR DE MARSEILLE
EN ROUERGUE'
Aucun érudit des questions provençales n'ignore l'impor-
tance de l'abbaye de Saint-Victor de Marseille, importance
que justifient sa très haute antiquité, la protection des papes
et d'un grand nombre de princes, ainsi que l'étendue immense
de ses domaines.
A partir du xi^ siècle, la puissante abbaye n'est pas seule-
ment propriétaire sur tous les points de la Provence; elle
étend ses possessions à l'ouest au delà du Rhône, en Langue-
doc, Rouergue, Quercy, et au nord Jusqu'en Nivernais.
Outre des propriétés innombrables dans les provinces ecclé-
siastiques d'Aix, d'Arles, d'Avignon et d'Embrun, ses biens
sont disséminés dans treize diocèses : ceux de Toulouse,
d'Albi, de Rodez et de Nevers, pour ne citer que les plus
éloignés de Marseille.
La présente étude n'a trait qu'aux possessions de Saint-
Victor en Rouergue; elle offre un intérêt local, comme con-
tribution à l'histoire de ce pays, mais aussi un intérêt d'ordre
1. Je (lois des remerciements particuliers à M. l'abbé L. Rigal qui a
bien voulu faire bénéficier le présent travail des secours de son érudi-
tion.
ANNALES DU MIDI. — XVI. 29
450 G. ARNAUD D'aGNEL.
plus élevé par les aperçus qu'elle ouvre sur les mœurs et
coutumes des moines. Il n'est jamais inutile de mieux faire
ressortir, par de nouveaux faits, la physionomie si curieuse
du régime monacal, dont le développement excessif est l'une
des notes caractéristiques de la civilisation médiévale et
moderne.
I. — Nombre, origine et durée des possessions.
Tous les domaines de Saint-Victor dans le Rouergue, tous
ses biens fonciers, terres, églises, châteaux, villas, se ratta-
chent à l'abbaye de Vabres et aux cinq prieurés de Saint-
Amans de Rodez, de Notre-Dame de Millau, de Castelnau de
Levezou, de Saiut-Pierre-Saint-Léons et de Saint-Geniez de
Rive-d'Olt.
L'abbaye marseillaise en prit possession dans le cours du
xi^ siècle.
Une charte du 12 juin 1061 ' nous apprend que Deusde,
abbé de Rodez, avec le consentement de Nicolas II, celui de
Robert, comte de Rodez et d'Auvergne, de sa femme Berthe
et de la grand'mère de sa femme, la comtesse Ricarde de
Millau, donne à Durand, abbé de Saint- Victor, en pleine et
perpétuelle possession, le monastère de Vabres consacré au
Sauveur, à sainte Marie et à saint Denys, martyr. Le monas-
tère, jadis florissant, est maintenant sans moine. A cette oc-
casion, Deusde restitue à l'abbaj^e de Vabres et donne par le
fait à Saint-Victor la moitié du château de Peyralbe^, qu'il
détenait injustement.
En 1062, Bernard, fils du vicomte Richard de Millau,
cède à Saint-Victor tous ses droits sur le monastère de Va-
bres et lui donne quarante mas.
Au début du xii« siècle, à la suite de discussions avec Ber-
nard, abbé de Saint-Victor, au sujet du prieuré de Saint-
Léons, Rigald, abbé de Vabres, se soustrait à sa juridiction,
1. Cart. de Saint-Victor, n" H21i. — Gallia chr., I, instr., 57.
2. Peyralbe, comm. de Versols (Aveyron), arr. et canton de Saint-
Affriquo.
POSSESSIONS DE S'-VICTOR DE MARSEILLE EN ROUERGUE. 451
mais il la reconnaît bientôt en 1127^ Alton, archevêque
d'Arles, et Adhémar, évêque de Rodez, furent les concilia-
teurs de ce différend .
Vers le milieu du xii<= siècle, les moines de Vabres cher-
chent à se rendre indépendants des Bénédictins de Marseille.
Ces derniers obtiennent contre les révoltés une bulle d'ex-
communication du pape Eugène III, que renouvelle son suc-
cesseur Anastase, le l»"" mai 1154 -.
Au début du xiii® siècle, ils sont soumis à Saint-Victor,
puisque l'abbé Bonfils, en 1217^, fait personnellement la visite
de leur monastère.
Ces moines turbulents ne tardent pas à se soulever de nou-
veau. Dans un acte du 22 décembre 1235 ^ Pierre IV, abbé de
Saiût-Victor, surnommé Guillaume depuis 1234, réclame de
l'abbé Prolian l'obédience qui lui est due aux termes de la
charte de 1127'*. Prolian fait humblement sa soumission, en
son nom et au nom de ses successeurs dans la charge abba-
tiale. Les promesses durent se réaliser; on ne rencontre plus,
en effet, de trace de rébellion.
Après trois siècles d'existence, la célèbre abbaye de Vabres
fut changée par le pape Jean XXII en église cathédrale, l'an-
née 1317.
La première charte relative à Saint-Amans de Rodez est
datée de l'an 1079^. Pons, évêque de Rodez, y déclare que
cette abbaye, jadis si belle par sa floraison de vie monastique,
étant devenue peu à peu séculière, Robert, comte d'Auver-
gne, et son épouse Berthe, fille d'Hugues, comte de Rodez,
afin de la rétablir dans son ancienne ferveur, la donnènmt à
Bernard, abbé de Saint-Victor.
L'élection de ce dernier remonte au 29 mars 1064; l'origine
de Saint-Amans comme dépendance de Saint-Victor ne peut
1. Cart. de Saitit- Victor, n» 785.
2. Ibid., n" 640.
3. Ibid., n» 891.
4. Ibid., n» 892.
5. Ibid., n°890.
6. Ibid.,n'> 837.
452 G. ARNAUD D AGNEL.
donc pas être fixée à une époque antérieure à cette date. De
fait, les Bénédictins de Marseille n'entrèrent en possession
effective qu'eu 1079.
En 1082 S Pons-Etienae, évêque de Rodez, charge l'abbaye
de Saint-Victor de pourvoir au service religieux de l'église
paroissiale de Saint-Amans, qu'il lui donne en jouissance.
L'évêque Adhémar confirme en 1120^ l'acte de Pons-Etienne.
D'après un mémoire de 1752^, l'église dont il est ici ques-
tion serait un antique édifice. Bâtie au v« siècle par les ci-
toyens de Rodez, elle fut consacrée par l'illustre Sidoine
Apollinaire, évêque de Clermont : le diocèse de Rodez se
trouvait alors sans évêque, le dernier ayant été martyrisé
comme plusieurs de la région.
Le fait se trouve relaté dans une lettre de Sidoine Apolli-
naire^ au prêtre Elaphius, qui l'avait prié de venir faire la
consécration de l'église de Saint-Amans. L'évêque lui répond
qu'il amènera avec lui le personnel ecclésiastique suffisant
pour faire cette cérémonie. Sidoine félicite les habitants de
Rodez d'avoir eu le courage de construire et d'élever jusqu'au
faîte une nouvelle église dans un temps où l'on osait à peine
réparer les anciennes.
Le prieuré de Saint-Amans avec ses appartenances demeura
sous la dépendance de Saint-Victor jusque vers la fin du
xviii® siècle.
En 1070^ Bérenger donne à son frère, l'abbé Bernard,
l'église de Notre-Dame de Millau avec ses dépendances, eccle-
siam B. Marie que sila est in pago Rulenico in vico
Amilaudo.
Il est question de cette église dans une charte originale de
873^. Le document du ix« siècle, d'une conservation parfaite,
est un acte de la vente faite par Bernard, comte de Toulouse,
1. Cart. de Saint-Victor, n" 835.
2. Archives des Bouches-du-Rhône, H 80.
'ô. Archives des Bouches-du-Rhône, H 274,
4. Sidoine Apollinaire, 1. IV, ep. 16, éd. Baret.
5. Archives des Bouches-du-Rhône, H 50.
6. Archives des Bouches-du-Rhône, H 8.
POSSESSIONS DE S'-VICTOR DE MARSEILLE EN RODERGUE. 453
et sa femme Ermengarde à Ricard et à sa femme Rotrude,
pour le prix de 100 sous, de terres et d'églises situées dans la
viguerie de Millau, au lieu appelé Noveliacus ^ : cum ipsas
aecclesias qui sunt fundatas in onore Sancii Pétri vel
Sancle Marie seu et Sancti Byncii.
Le prieuré de Millau est mentionné dans l'acte de donation
de Pons-Etienne en 1082^, ainsi que dans la bulle de Gré-
goire VII en 1079 ^ sous le titre : monasterium Sancte
Marie in Amiliavo.
L'abbaye de Saint-Victor demeure en possession, jusqu'à la
fin du xvin« siècle, de Notre-Dame de Millau, ainsi, d'ailleurs,
que des trois autres prieurés de Castelnau de Levezou, de
Saint-Pierre-Saint-Léons et de Saint- Gêniez de Rive d'Olt.
En 1069, Aicfred et sa feuime Arsinde donnent à l'abbaye
marseillaise l'église de Saint-Michel-Archange de Castelnau
de Levezou, construite par Bernard, oncle d'Aicfred.
Cette église figure dans la bulle de Grégoire VII, du
4 juillet 1079 : cellam Sancti Michaelis de Castello novo.
La première mention du prieuré de Saint-Pierre-Saint-
Léons se trouve dans le même acte pontifical : monasterium
Sancti Pétri et Sancti Leoncii; ainsi que celle du prieuré
de Saint-Geniez, appelé simplement cellam Sancii Genesii
super fluvium, OU.
L'origine des possessions de Saint-Victor eu Rouergue se
rattache principalement à Bernard qui gouverna l'abbaye de
mars 1064 au 19 juillet 1079.
L'abbé Bernard, membre de la puissante famille des comtes
de Rodez, et ses frères Bérenger, Hugues, Raymond et Richard,
cardinal-prêtre de l'Eglise romaine, se montrèrent tous très
généreux à l'égard de Saint-Victor.
1. Noveliacus serait l'ancien nom de Saint-Léons (J. R[ouquette], dans
le Messager de Millau, 22 janv. 1887, et Artières, 'Annales de Millau,
1899, p. 14). Ces auteurs donnent la forme Noviliacus, sans doute d'après
Hist. de Languedoc, t. II, pr. c. 37G. Au t. IV, p. 567, on a traduit ce
mot par Nnaillac, ce qui paraît improbable; la table en fait un nom de
lieu de l'arrondissement de Rodez.
2. Cart. de Saint-Victor, n» 835.
3. Ibid., n»843.
454 G. ARNAUD D'aGNEL.
Les Bénédictins de Marseille durent encore à l'abbé Ber-
nard la confirmation des biens de l'abbaye par le pape Gré-
goire VIT, le 4 juillet 1079, ainsi que l'exemption de toute
puissance ecclésiastique.
Le Souverain Pontife ne pouvait refuser ce témoignage de
satisfaction à celui qui lui avait rendu tant et de si précieux
services à la diète de Forcheim, où il avait été son légat, et
en Espagne, où il avait rétabli la concorde entre les fils de
Raymond-Bérenger, comte de Barcelone.
IL — Importance relative des prieurés.
L'abbaye de Vabres* jouit d'une grande célébrité pendant
les quatre siècles de son existence.
Assise sur le Dourdou, affluent de la Sorgues, elle exerce
sa domination sur la plupart des paroisses et chapelles de la
vallée de la Sorgues et sur quelques autres plus éloignées.
C'est ainsi qu'en 1127, Bernard, abbé de Saint-Victor,
donne à Rigald, abbé de Vabres, en possession perpétuelle, les
églises de Sainte-Marie d'Octobiano^, de Semarde^ et de
Petra*. D'après un procès-verbal de visite en 1217, il faut
ajouter aux églises précédentes celles de Pont^ et de
Biarnz ^.
De ces diverses possessions, la principale est l'abbaye de
1. Vabi-es, comm. de Saint-AlTrique. — Raymond, comte et marquis de
Toulouse, par un acte du 3 novembre 868, cède le lieu de Vabres, avec
un certain nombre d'églises, de villages et de serfs, à l'abbé Adalgise
du monastère de Paunat, en Périgord, bouleversé par l'invasion nor-
mande. L'année suivante, Raymond fait confirmer ces donations par
Charles le Chauve. L'abbaye de Vabres crée le pi'ieuré de Nant en 926,
devenu abbaye en 1135, celui de la Vergne fondé en 944, celui de Saint-
Marcel en 985. (Hist. de Latiguedoc, éd. Privât, t. IV, p. 566.)
2. Un lieu identique du Gard (Germer-Durand, Dict. topogr. du Gard)
donne Uchau.
3. Semarde, Sommard (?) comm. de Saint-Martin-de-la-Guépie (Tarn),
arr. de Gaillac, canton de Cordes.
4. Petra, idem Petra alha, Peyralbc, comm. de Vabres (Aveyi'on),
arr. et canton de Saint- Affrique.
5. Pont ou Pontes, Pont de Saint-Beauzély, arr. de Saint- Alïri que.
6. Bianz, Bias, comm. de Vabres (Aveyron), arr. et canton de Saint-
Affrique.
POSSESSIONS L)E S*-VICTOR DE MARSEILLE EN ROUERGUE. 455
Nant', sise dans la petite ville de ce nom. Il reste de l'ancien
monastère une belle église romane du xii« siècle, classée
parmi les monuments historiques.
Après la transformation de l'abbaye de Vabrespar Jean XXII
en évêché', Nant demeura la propriété de Saint-Victor jus-
qu'à la fin du xviii<^ siècle, mais sans être réunie au prieuré
de Saint-Amans et à d'autres du ressort des Bénédictins de
Marseille.
D'après les procès- verbaux des visites du 25 juillet 1572, du
4 novembre 1667 et du 8 novembre 1684, le prieuré de Nant a
la collation de la cure de Saint-Jacques, paroisse de Nant, de
celle de Saint-Martin, dans le territoire de la ville, des prieu-
rés de Saint-Michel de Rouviac^, de Saint-Etienne de Canto-
bre*, de Saint-Pierre de Vican'', de Dourbies*"', ainsi que de
la cure de Trêves ^.
Il n'y a aucun détail précis sur la richesse de l'abbaye de
Vabres et sur les droits seigneuriaux de ses abbés.
Le prieuré de Saint-Amans de Rodez est l'un des plus riches
du Rouergue ; d'après la charte de Pons-Etienne, les églises
de Boadone^, de Stagno^ et de Electe de Belvider*" en dépen-
dent; mais en 1162 Alexandre III, à la suite d'un différend
entre les moines de Saint-Amans et les chanoines de Boadone,
attribue à ces derniers ladite église.
Dans des notes d'acte de 1403 et 1414 figurent les églises de
Saint -Amans, de Saint Naamas et Sainte -Magdeleine du
Bourg, de Saint-Austreraoine", de Lapragne et de Vialar'^,
1. Nant, chef-lieu de canton de l'an", do Millau.
2. L'évêché de Vabres, fondé en 1317, fut suiJprimé en 1790.
3. Comm. de Nant, à 3 kilomètres.
4. Cantobre, conim. de Nant, à 6 kilomètres.
5. Saint-Pierre du Vigan, fondé en 1050, dans l'arr. du Vigan (Gard).
6. Dourbias, comm. de Nant, à 5 kilomètres.
7. Trêves, chef-lieu de canton, arr. du Vigan (Gard).
8. Bozouls, chef-lieu de canton (Aveyron), arr. de.Rodez, sur le Dour-
dou.
9. Estaing (Aveyron), arr. d'Espalion.
10. Saint-Ghély-d'Aubrac (Aveyron), arr. d'Espalion.
11. Saint-Austremoine, comm. de Salles-la-Source, cant. de Marcilhac,
arr. de Rodez.
12. Viala-du-Tarn, cant. de Saint-Beauzély.
456 G. ARNAUD D'aGNEL.
ainsi que les deux prieurés de Sainte-Catherine du Bourg et
de Vialar.
Mais un procès-verbal de visite du 28 octobre 1684 nous
apprend que le prieuré de Vialar, voisin de Millau, était ratta-
ché à cette époque à l'abbnye du monastère de Saint-Sernin
de Rodez, et qu'une partie du prieuré de Bozouls, sous le titre
de Sainte-Fauste, jadis sous la dépendance de Saint-Amans»
était maintenant possédée par le chapitre de la cathédrale de
Rodez.
Le prieuré de Saint-Amans doit sa richesse à ses possessions
nombreuses, — principalement à la belle paroisse de Saint-
Amans ' — plutôt qu'à l'importance du monastère lui-même,
qui ne comprend, selon un catalogue de 1378, que le prieur,
le sacriste, le camérier et quatre moines.
Près de Saint-Pierre^ se voient encore les ruines du mo-
nastère de Saint- Pierre -Saint-Léons dont dépendaient au
XI*' siècle les églises de Saint-Pierre d'Alsobre^, de Saint-
Etienne ad Vivarium'', de Sainte-Marie de Gleyse-Nove^ et
de Mauriac ''.
En 1403, les possessions de Saint-Pierre-Saint-Léons se
composent des trois rectorats de Saint-Laurens de Levezou ",
de Saint-Léons*^ et de Saint-Amans du lieu de Sigure(?) ■', de
la chapelle de la bienheureuse Marie-Magdeleine de Mauriac
et du prieuré de Brocuejouls. De tous les monastères soumis
aux Bénédictins de Marseille, celui de Saint-Pierre-Saint-
Léons est le plus pauvre.
1. Actuellement une des églises paroissiales de Rodez.
2. Saint-Pierre, comm. de Saint-Léons, arr. de Millau, cant. de Vezins
(Aveyron).
3. Anciennement Saint-Pierre de Soulobre (AYeyron), arr., cant. et
comm. de Millau.
4. Saint-Estiei:\no de Yiauresque, comm. du cant. de Vezins (Aveyron),
arr. de Millau.
5. Gleyze-Nove, comm. et cant. de Vezins, arr. de Millau.
6. Mauriac, comm. de Saint-Léons (Aveyron), cant. de Vezins, arr. d^
Millau.
7. Saint-Laurens de Levezou, cant. de Vezins, Millau.
8. Saint-Léons, cant. de Vezins, Millau.
9. Ségur, cant. de Vezins, arr. de Millau.
POSSESSIONS DE S'-VICTOR DE MARSEILLE EN ROUERGDE. 457
Le prieuré de Castelnau ' a conservé les églises de sa colla-
tion pendant la longue durée de son existence. Ce sont les
quatre paroisses de Castelnau, de Saint-Beauzély de Levezou-,
de Stalane-' et de Salsac *.
Malgré la grande étendue de son domaine, le cloître de
Saint- Michel de Castelnau n'aîjrite qu'un prieur, un sacriste
et un moine.
Des actes du xyiii® siècle permettent de situer le prieuré de
Castelnau : compris dans les limites du marquisat de Pégay-
rolles, le monastère se trouvait donc au village de Castelnau-
PégayroUes.
Le prieuré de Saint-Geniez de Rive-d'Olt'' s'élevait au lieu
de Saint-Geniez actuel, sur le Lot, qui coule, en amont et en
aval de la ville, dans de belles gorges. Ce monastère de peu
d'importance, ne comprenant qu'un prieur et un sacriste,
n'avait sous sa juridiction que la cure de Saint-Geniez et celle
de Clara-Faja.
Quanl au prieuré de Notre-Dame-d'Espinasse de Millau^,
sanctuaire, lieu de pèlerinage, célèbre au moyen âge, il n'est
fait mention d'aucun autre bien qui lui appartienne. D'après
un procès- verbal de visite du 14 mai 1572, un prieur, un sacris-
tain, trois religieux et quatre panetiers habitent le monastère
de Millau.
L'abbaye de Nant est la possession la plus riche de Saint-
Victor de Marseille en Rouergue. Elle possède à Nant de vas-
tes prairies, des champs, un four, deux moulins banaux, et au
1. Castelnaii-Pégayi'olles, cant. de Saint-Beauzély, arr. de Millau.
2. Saint-Beauzély, chef-lieu de cant. de l'arr. de Millau, au pied du
Levezou, ancien château.
3. Estalane, comm. de Castelnau-Pégayrollos, cant. de Saint-Beauzély,
arr. de Millau.
•i. Salsac, hameau de la comm. de Saint-Beauzély. Au xtiii» siècle
l'église de Salsac est abandonnée à cause de son éloignement de toute ha-
bitation; les paroissiens vont à l'église d'Azinières, plus rapprochée.
5. Saint-Geniez, chef-lieu de canton, arr. d'Espalion ; église du
XIV' siècle.
6. Millau, chef-lieu d'arr. (Aveyron), sur la rive gauche du Tarn;
église Notre-Dame, romane, mais complètement remaniée à la fin du
.Kvi» siècle.
458 G. ARNAUD D'AGNEL.
terroir de Saint-Martin de grandes terres, une métairie noble,
un château, etc. En 1684, ses revenus nets s'élèvent à
4,000 livres, tandis que ceux du monastère de Millau, toute
charge pa^ée, n'atteignent pas 3.000 livres. Toujours à la
même époque, le prieuré de Saint-Pierre-Saint-Léons produit
net 2,000 livres, celui de Castelnau 1,600 livres et celui de
Saint- Gêniez ne rapporte que 800 livres. Les revenus bruts de
Saint-Amans de Rodez sont de 1,900 livres, mais les lourdes
charges de ce monastère les mangent presque en entier.
Une série de baux d'arrentement permettent de suivre la
marche progressive des revenus du prieuré de Saint-Michel
de Castelnau.
Affermé en 1738, pour 2,100 livres, deux ans plus tard le
prix du fermage tombe à 1,050 livres, mais remonte en 1750 à
3,050 livres, en 1770 à 3,280 livres; de 1783 à 1789 l'arren-
tement est de 6,150 livres.
L'on observe une progression analogue dans les revenus de
Saint-Geniez qui, de 800 livres en 1684, nets de toute charge,
atteignent 2,384 livres, en 1769, revenu brut, il est vrai.
Le prieur possède deux maisons et le pré de Roubiac dans
le terroir de Castelnau. Il jouit, dans toutes les paroisses dé-
pendantes du prieuré, de la dîme qui est perçue au onzain
sur tous les grains et légumes d'hiver, celle des raisins se per-
cevant sur la vigne.
Le prieur a des droits de lods, censives, quints et quarts sur
les biens serviles du prieuré; ces derniers droits constituent
la plus abondante source de revenus, car le fermier a le droit
de lever sur les gerbiers des fonds serviles la quatrième ou la
cinquième gerbe, suivant la nature de la servitude.
De toutes les dépendances de Castelnau, la plus onéreuse
est Saint-Beauzély, dont la denrée principale consiste en châ-
taignes et autres fruits sur lesquels il n'y a nulle dîme.
Le prieur de Saint-Pierre-Saint-Léons possède de grands
biens, entre autres la métairie et seigneurie de Méricamp ' où
se trouvent des bois assez importants. Quant aux droits, ce
1. Méricamp, comm. d'Aguesscac (Avoyron), arr. de Millau.
POSSESSIONS DE S'-VICTOR DE MARSEILLE EN ROUERGUE. 459
sont à peu près les mêmes que ceux dont jouit le prieur de
Caslelnau.
Le prieur de Saint-Geniez n'a d'autre domaine à Saint-
Geniez qu'un pré sur le bord du Lot et un petit terrain dit le
Chénevrier, mais il a beaucoup de directes sur divers biens
de la ville et du terroir.
Le terroir de Saint-Geniez, très vaste, n'est que vallons et
montagnes. Sur le penchant des collines se trouvent des ver-
gers et, dans les vallons, des prairies. Sur les montagnes on
sème les grains, mais il y a peu de montagne.
Rien d'intéressant à dire sur les droits des prieurs de Saint-
Amans et de Millau.
Toutes les recherches relatives aux produits en nature des
possessions de Saint-Victor de Marseille en Rouergue mettent
en évidence ce fait économique que la grande richesse du
pays consistait autrefois comme maintenant dans l'élève des
bestiaux ^ l'industrie de la laine, la fabrication des fromages
(façon Roquefort, caves du Lac à Saint-Geniez de Rive-
d'Olt).
Les principaux produits agricoles sont l'orge et Tavoine,
que l'on récolte dans tous les prieurés, le froment, cultivé
surtout à Millau et dans les terres de l'abbaye de Vabres, par
contre si rare à Saint-Pierre-Saint-Léons qu'il suffit à peine
à la nourriture des moines. Le seigle se recueille dans les
régions montagneuses des dépendances de Nant et de Castel"
nau de Levezou.
Les seuls vignobles importants sont ceux de Saint-Geniez
de Rived'Olt. En 1603, le prieur de ce monastère arrenle son
droit de dîme du vin 300 ou 400 livres. Le 8 mars 1774, il
paye à maître Julien, notaire, 123 livres pour expédition de
l'acte des abonnements des vignes de Saint-Geniez.
D'autres vignobles moins riches sont ceux de Saint-Austre-
moiue, relevant du prieuré de Saint-Amans de Rodez et de
Lastieyres, dépendance du prieuré de Castelnau de Levezou.
l. Le porc était aussi une grande ressource, un des principaux aliments
des populations rurales. Dans les dons en nature faits aux curés et des-
servants figurent toujours un, deux ou trois porcs.
460 G. ARNAUD d'AGNEL.
Dans les chartes, il est aussi question des prairies fertiles de
l'abbaye de Vabres.
En comparant leurs possessions du Rouergue à celles des
terroirs d'Aix, d'Avignon, de Fréjus et de Marseille, les Béné-
dictins de Saint -Victor devaient les trouver assez pauvres.
Les châtaignes de Saint-Beauzély faisaient sur leur table
triste figure à côté des légumes et des fruits exquis de la Pro-
vence.
III. — Organisation intérieure des prieurés. — Vie
INTELLECTUELLE, MORALE ET RELIGIEUSE DES MOINES.
L'organisation intérieure des prieurés de Saint- Victor en
Rouergue ressemble, dans ses traits généraux, à celle des
innombrables monastères du moyen âge.
Les moines, au lieu de former une sorte de république reli-
gieuse, selon l'esprit des fondateurs de la vie monastique, sont
les victimes d'un prieur dont la haute personnalité efTace
complètement la leur. C'est la volonté, c'est l'arbitraire de ce
chef qui fait la loi plutôt que les constitutions dont l'abbé
n'était jadis que l'interprète. Il ne faudrait pas conclure de ce
fait que les moines soient tenus très sévèrement, surveillés
dans leurs moindres actes; tout au contraire, ils jouissent
d'une très grande liberté, grâce à l'incurie des prieurs, uni-
quement préoccupés de retirer le plus d'argent possible de
leur bénéfice, sans nul souci de faire vivre selon la règle leurs
religieux.
Cette transformation a lieu pour l'abbaye de Saint-Victor
de Marseille au xi* siècle; elle coïncide avec sa prodigieuse
extension, dont elle est d'ailleurs une des causes principales.
D'une part les abbés, sentant que leur autorité augmente,
mettent tout en œuvre pour lui donner une sphère d'influence
toujours plus ample ; de l'autre les moines, animés d'un esprit
de concurrence, cherchent à rendre leur abbaye plus pros-
père en plaçant à sa tète des hommes riches et de haute nais-
sance.
Naturellement, les prieurs de province imitent le tout-puis-
POSSESSIONS DE S'- VICTOR DE MARSEILLE EN ROUERGUE. 461
sant abbé de Saint- Victor, d'autant que ce sont ses créatures
qui reçoivent d'ordinaire en commende les bénéfices.
L'bistoire des possessions des Bénédictins de Marseille en
Rouergue est pleine des injustices des prieurs envers les
moines.
Les abbés de Saint- Pierre de Nant, malgré la richesse de
l'abbaye, n'entretiennent pas la maison claustrale. En 1684,
aucune chambre n'est habitable, le réfectoire est dépavé, tan-
dis que la maison abbatiale est en bon état.
Un prieur commendataire de Saint-Geniez loue la maison
claustrale sans s'inquiéter de la destination que donne le loca-
taire à l'immeuble, et, à son grand scandale, un visiteur de
Saint-Victor trouve la maison transformée en cabaret; on y
sert à boire même pendant les offices, les dimanches et fêtes,
de sorte que les cérémonies du culte sont troublées par les
chants des ivrognes.
Dans la plupart des procès-verbaux de visite il est question
du délabrement des cloîtres, du manque de meubles et d'us-
tensiles de ménage nécessaires, en un mot d'un état de ruine
qui rend l'immeuble inhabitable. Les ordonnances de Saint-
Victor obtiennent bien quelques réparations, mais insuffi-
santes, et l'avarice des prieurs ne tarde pas à faire déserter
de nouveau la maison claustrale. Cette avarice est encore
funeste aux paroisses et chapelles qui dépendent des prieurés.
Quand on lit l'inventaire des ornements et vases sacrés, on
est surpris de l'absence d'objets indispensables au culte et
de l'état de saleté et d'usure des chasubles, pluviaux, linges
sacrés, calices, etc.
Ainsi, au xviii® siècle, le curé d'Estalane, pour ne citer qu'un
cas, représente pendant plusieurs années au prieur de Cas-
telnau la misère de sa sacristie; enfin, voyant que personne
ne s'en occupe, il sollicite une visite de l'évêque de Rodez qui,
à la requête des marguilliers d'Estalane, rend, une ordonnance
contre le prieur de Castelnau. Le sénéchal du Rouergue met
une saisie sur les biens du prieuré.
A maintes reprises, les évêques de Rodez rappellent aux
prieurs des possessions de Saint-Victor dans le diocèse qu'à
462 G. ARNAUD d'AGNEL.
défaut de fabrique dans une paroisse la fourniture et l'entre-
tien des ornements, calices, etc., sont à la charge du prieur
décimateur et nullement à celle du curé soit congruiste, soit
pensionné. D'ailleurs, de toutes les églises dépendantes des
prieurés, celles dont le mobilier est le plus en ordre sont pré-
cisément les paroisses entretenues par les consuls de l'en-
droit. Tandis que les prieurs reculent devant les plus petites
dépenses, les consuls se montrent plutôt prodigues. Ce fait est
mis en lumière dans un mémoire sur l'église de Saint-Amans
de Rodez. On y apprend que les consuls ont donné six cloches,
de magnifiques châsses, des monstrances, des chandeliers et
des encensoirs en argent massif, une croix processionnelle en
or enrichie de perles précieuses, le tout aux armes de la ville
de Rodez.
Peu soucieux d'entretenir les édifices religieux de leur col-
lation, les prieurs négligent aussi de donner aux curés, secon-
daires ou desservants, les honoraires convenables, et ne les
payent pas aux termes échus. Certains prêtres ne reçoivent
que 150 livres. Il est vrai qu'ils trouvent souvent une com-
pensation en prenant la dîme de biens sur lesquels ils n'ont
aucun droit de la percevoir. Vers la fin du xviii^ siècle, les
curés n'ont plus même cette compensation, par suite des mau-
vaises récoltes.
Le 12 octobre 1782, le curé de Saint-Beauzély de Levezou
écrit au chapitre de Saint- Victor, demandant une aumône :
« Les villages de la paroisse sont, dit-il, en grande détresse à
cause des mauvaises récoltes; plusieurs particuliers ont été
obligés de laisser leurs terres sans ensemencer. Le fruit, et en
particulier la pomme, qui était la principale ressource, a
manqué totalement. Les gelées survenues sur la fin d'octobre
ont emporté la moitié des châtaignes. C'est dans de pareilles
circonstances que je m'aperçois de la modicité de mon béné-
fice.
« Pourtant j'ai de grandes dépenses; je suis placé sur une
route, le bourg est considérable et habité en grande partie
par des gens qui ne possèdent pas de fonds, qui n'ont que leurs
bras pour faire vivre des familles nombreuses. J'ai vendu un
POSSESSIONS DE S'-VICTOR DE MARSEILLE EN ROUERGUE. 463
cheval qui m'était nécessaire à cause des villages éloigaés de
ma paroisse; car on eu est réduit par la famine à manger les
chevaux. »
Les prieurs ont une excuse à leurs nombreuses fautes
envers les moines et les églises de leur dépendance, à savoir
les difficultés de toutes sortes auxquelles ils se heurtent. Con-
sidérable aux XI®, xii« et xiii® siècles, leur pouvoir décline de
plus en plus jusqu'à la Révolution. Les attaques et empiéte-
ments des seigneurs jaloux de leur prestige, les guerres de
religion, l'ambition des évêques de Rodez sont cause de leur
déchéance. Un mémoire du xviii® siècle constate que, malheu-
reusement, le prieuré de Castelnau est peu à peu privé de la
plus grande partie de ses directes par la malice des habitants,
l'ignorance des fermiers et l'usurpation des seigneurs voisins,
principalement du marquis de Pégayrolles. Aussi le prieur
déclare-t-il le renouvellement des reconnaissances du prieuré
en faisant dresser à nouveau le terrier par les plus habiles
feudistes du Rouergue. On a fait précédemment remarquer
que Saint-Amans de Rodez avait perdu, en 1684, la propriété
du prieuré de Viala et d'une partie de celui de Bozouls sous le
titre de Sainte-Fauste. A Saint-Pierre-Saint-Léons, à Saint-
Geniez, à Millau, c'est une suite de procès, la plupart au détri-
ment des monastères.
Les charges des prieurs étaient relativement légères aux
XI®, XII® et xiii® siècles, alors qu'affluaient les donations en
argent et en nature; mais la charité des fidèles diminuant
ainsi que les revenus des prieurés, elles devinrent gênantes.
Un exemple typique à ce sujet est rapporté dans un factum
rédigé pour messire Bonaventure de Lafon, prieur de Saint-
Léons, contre les syndics, consuls et habitants de Saint-
Léons :
« Il s'agit d'une aumône inouïe que le prieur doit faire tous
les deux jours aux habitants du lieu, pauvres et riches indis-
tinctement. L'aumône doit se faire entre les portes du monas-
tère, après que la cloche aura sonné à l'élévation de la messe
des religieux. Or les habitants envoient à la pointe du jour
un particulier de chaque maison chercher l'aumône, puis ils
464 G. ARNAUD d'aGNEL.
viennent en foule, tumulte et sédition, et prennent ainsi dans
la même distribution trois et quatre fois l'aumône, de sorte
que tous les revenus du prieuré ne suffisent pas à cette charge.
Pour empêcher un tel abus, on a fait faire un petit fossé le
long du chemin par où passent les habitants pour chercher
l'aumône, afin de les y faire défiler l'un après l'autre pour la
recevoir, et qu'après l'avoir reçue ils ne revinssent point sur
leurs pas. ce que les habitants, principalement les riches,
n'ont pu souffrir. Venus en foule, ils comblèrent le fossé,
enfoncèrent les portes et fenêtres de la loge du distributeur et
lui enlevèrent tout le pain de l'aumône.
« Ces faits se renouvelèrent plusieurs fois. »
Les chartes relatives aux possessions de Saint-Victor en
Rouergue ne contiennent pas de preuve, ni même d'indice
attestant quelque vie intellectuelle parmi les moines. Les
vicissitudes matérielles des maisons claustrales, dues à la
négligence des prieurs, empêchèrent les religieux de se livrer
à tout travail sérieux et suivi.
La vie de l'esprit ne fut pas seule à se ressentir de ce dé-
plorable état du temporel; la moralité en souflrit encore
davantage.
Au lieu de la paix et de la douceur évangéliques, ce ne sont
que révoltes des religieux contre l'abbé ou le prieur, luttes
sourdes, quelquefois ouvertes, comme à Vabres et à Saint-
Geniez, querelles intestines entre Frères.
A l'abbaye de Vabres, le désaccord est tel en 1217 que Bon-
fils, l'abbé de Saint-Victor, est obligé de venir en personne
rétablir l'ordre. Il invite l'abbé à se démettre de sa charge,
poursuit le prieur, le sacristain pour vols en nature de vin,
de froment, d'un mulet, etc., faits au monastère.
Dans leurs rapports avec les clercs séculiers, les moines
usent quelquefois de violence. C'est ainsi que, d'après une
charte du 6 juillet 1162, les chanoines de Rodez furent chassés
par force de l'église de Bozouls par les moines de Saint-
Amans qui s'installèrent à leur place. Aussi, le pape Alexan-
dre III adjuge l'église de Bozouls à l'évêque de Rodez et à ses
chanoines, imposant à l'abbé de Saint-Victor un silence per-
POSSESSIONS DE S* -VICTOR DE MARSEILLE EN ROUERGUE. 465
pétiiel, tant sur la propriété que sur la possession, et annulant
tout acte antérieur.
La pauvreté monastique n'est pas mieux observée que la
charité chrétienne. Plusieurs moines cherchent à se former
un petit avoir en prélevant quelque chose sur les distribu-
tions qui leur sont faites en argent et en nature.
Dans sa visite à Vabres, l'abbé Bonfils, apprenant que
20 sous sont donnés annuellement à chaque moine pour son
habillement, voit dans cette coutume une occasion certaine
pour les religieux de se constituer un « pécule » ; aussi
abroge-t-il cet usage en établissant que la somme totale sera
remise au camérier afin d'acheter aux Frères les vêtements
convenables selon les ressources du monastère.
L'avarice s'exerce même envers les morts. 11 est raconté,
dans une délibération capitulaire de Saint-Léons, que deux
confrères ont été transportés hors de leur chambre immédia-
tement après leur décès; que les corps ont été exposés dans la
galerie, sans cierges ni prières, et qu'il n'y a pas eu de messe
de RequieTïi. Le chapitre décide que les dépouilles et effets
des Frères serviront aussitôt après leur mort à payer ceux qui
les auront soignés pendant leur dernière maladie, à régler
leurs dettes et à leur procurer les honneurs funèbres.
Que dire de la conduite morale des religieux?
Les grands scandales sont rares, mais que d'infractions plus
ou moins graves à l'austérité du célibat! La plupart du temps
les mœurs sont bien plus séculières que monastiques. C'est
toujours la faute de l'incurie des prieurs et de l'existence
oisive que mènent les moines, devenus beaucoup plus nom-
breux que ne l'exigent le service des églises et les besoins des
populations. Jusqu'au milieu du xvi» siècle, il y a dans la
seule ville de Millau soixante-dix prêtres séculiers environ,
et plus de cent cinquante religieux répartis dans quatre cou-
vents.
En 1684, vingt-cinq prêtres habitués assistent aux offices
de Saint-Geniez.
Les procès-verbaux de visite fournissent mille renseigne-
ments sur les mœurs des moines. C'est Guillaume de Rafelis
ANNALES DU MIDI. — XVL 30
466 G. ARNAUD d'aGNEL.
de Soissan qui, dans son inspection dn prieuré de Castelnau,
en 1715, renouvelle les anciennes défenses de manger au ca-
baret, sauf en voyage, de dire la messe à une heure indue ou
d'aller la dire dans les églises voisines.
On voit par là que tous les prétextes étaient bons pour se
dissiper. A l'abbaye de Saint Pierre de Nant, il y a de tels
abus de boissons que les défenses précédentes sont ainsi sanc-
tionnées : « Le prieur, ou à son défaut le plus ancien profès,
pourra seul donner l'absolution au religieux coupable de
fréquenter le cabaret; encore l'absolution ne sera donnée
qu'après trois jours de pénitence. »
A Saint-Geniez, à Saint-Amans, partout, les visiteurs insis-
tent sur l'obligation de porter en public une soutane de laine
noire, et en voyage ou à la campagne une soutanelle descen-
dant jusqu'aux genoux. Les moines durent revêtir au chœur
le grand froc et coiffer le bonnet carré. Les visiteurs leur
rappellent sans cesse qu'il leur est défendu de se livrer à la
chasse à courre (clamosa), de jouer à des jeux de hasard (jeu
de mail), de sortir seuls, de loger des femmes dans le monas-
tère, de fréquenter les maisons suspectes et les mauvais
lieux.
La vie religieuse subit le contre-coup de cette légèreté de
mœurs. Le jeune, la prière, l'assistance à l'office sont souvent
négligés. L'abbé Bonflls rappelle aux moines de Vabres la
règle de l'abstinence à certains jours.
Un visiteur de Saint-Léons, au xvii« siècle, ordonne aux
religieux de faire une demi-heure d'oraison et chaque se-
maine une conférence spirituelle. D'après de nombreuses
ordonnances qui furent, hélas, peu en vigueur dans tous les
prieurés, un Frère doit pointer les absents de l'office, et celui
qui passe tout un jour sans paraître au chœur est privé de
quatre sous.
Il est vrai qu'on était alors plus prodigue qu'aujourd'hui
des cérémonies liturgiques. De pieuses fondations rendaient
très onéreux le service des églises. Ainsi, un sieur de Fabrè-
gues laisse 1,300 livres pour faire dire dans l'église de Saint-
Geniez les heures canoniales et pour y faire chanter trois
POSSESSIONS DE S'-VICTOR DE MARSEILLE EN RODERGDE. 467
grand' m esses par semaine, plus une grancVinesse mensuelle,
le premier vendredi de chaque mois, en l'hoaneur des Cinq-
Plaies.
Les considérations de Taine sur la décadence progressive
de la noblesse s'appliquent au clergé régulier. Sous le régime
féodal, seigneurs et moines jouent un rôle très important;
ceux-ci instruisent les populations rurales que ceux-là dé-
fendent. Sous les rois, au contraire, nobles et moines perdent
de plus en plus leur raison d'être , tout en conservant une
fortune, des exemptions et privilèges qui sont plutôt en rap-
port avec leur ancienne fonction sociale qu'avec leurs ser-
vices présents. Dans le mécanisme de l'Etat, ce sont des roua-
ges de luxe, pour ne pas dire inutiles.
Les aperçus qu'ouvre cette étude sur la vie intellectuelle,
morale et religieuse des prieurés de Saint-Victor en Rouergue
mettent une fois de plus en évidence la vérité de cette réflexion
de Montalembert : « Il vint un temps où l'abus l'emporta sur
la loi, où l'exception écrasa la règle, où le triomphe du mal
sembla irréparable^ »
Cette étude n'est ni un réquisitoire contre les moines, ni un
plaidoyer en leur faveur; elle est basée sur des documents de
première main. La plupart des renseignements sont puisés
dans les procès-verbaux des visites, qui naturellement ne rela-
tent que les torts des prieurs, les querelles et les fautes des
moines, gardant le silence sur tout ce qui pourrait être dit à
leur louange.
Abbé G. Arnaud d'Agnel.
1. Les moines d'Occident, 2° édit. (1866), p. cxlii.
UN
SIRVENTÉS HISTORIQUE D'ELIAS CAIRE L
Pus chai la fuelha del jarîc ' .
Cette pièce, justement regardée par Diez^ comme la plus
importante de l'auteur, a été rapportée par lui à 1224 : le
troubadour aurait eu pour but en la composant d'exhorter le
marquis Guillaume IV de Montferrat^ à passer en Orient pour
remettre sur le trône de Thessalonique son frère cadet Démè-
tre, renversé deux ans auparavant. Gaston Paris, s'occupant
accidentellement de Guillaume dans une note à son mémoire
sur Hugues de Berzé*, a contesté cette datation pour des rai-
sons que j'exposerai plus loin ; suivant lui, le « sanglant » sir-
ventés aurait été composé entre 1208 et 1210. Je donnerai
d'abord de cette pièce un texte nouveau fondé sur la compa-
raison de tous les manuscrits''; j'essaierai ensuite d'en don-
ner un commentaire historique aussi complet et précis que
possible : le choix entre ces deux opinions s'en dégagera de
lui-même.
1. Bartsch, Grundriss, 133, 9. Attribué à Lamberti de Bonanel par la
table de C.
2. Leben and Werke der TroubadoiDS, édit. Bartsch, p. 451.
3. Je ne m'arrête pas à l'affirmation de De Simoni (Giornale ligustico,
V, 26), suivant laquelle il s'agirait non de Guillaume IV, mais de Boni-
face II.
4. i?oma?a'a, XVIII, p. 558-9.
5. Elle a été imprimée par Eocliegude (Partiasse Occitanieji, p. 108;
texte reproduit par M. Monaci, Testi antichi prove)izali, etc., Kome. 1888,
p. 79-80), et par Raynouard, Choix, IV, 293. — La graphie de mon édition
est celle de C.
UN SIR VENTES HISTORIQUE D'ÉLIAS CAIREL 469
Pus chai la fuelha del jaric,
farai un gai sonet novel
que trametrai lai part Monbel
al marques, quel sobrenora gic 4
de Monferrat e pren selh de sa maire,
et a laissât so que conquis sos paire;
mal resembla lo fllh Robert Guiscart,
qu'Antiocha conques e Mongizart. 8
II. Marques, li monge de Clunhic
vuelh que fasson de vos capdel
o siatz abbas de Cystel,
pus lo cor avetz tan mendie 12
que mais amatz dos buous et un araire
a Monferrat qu'alhors estr' enperaire;
ben pothom dir qu' anc mais fllhs de leopart
nos mes en cros a guiza de raynart ! 16
III. Gran gaug agron tug vostr' amie
quant agues laissada la pel
don foires la capa el mantel,
quar tuyt cuyderon estre rie 10
silh qui per vos son liurat a maltraire,
qui son tondut et an paor del raire!
quascus aten socors de vostra part;
si noy venetz, a quin calra si guart! 24
2 novelh C — 3 qeii D; vas G {la îeço>i part est assurée, comme on
l'a vu), Montbel H, Mongibel AR — 4 nom H; sobre noie R — 5 de
ferrant R; selh manque da>is DH — 6 so] sel R; conques D(IK)R; sos]
son CDR — 7 filz D(IK) ; Guizart R — 8 can noya c. R; conquis A ; Mont-
guizart H(IK), girart E, giscart R.
9 les ACD(IK)R; monges C; clugnic (IK) ; le motges e clunic E —
11 o] e K; Oystelli C — 13 .ij. buous e .jiij. araires R — 14 alhors estre
manque dans R, où est laissée vfie place vide., — 15 filh C(IK)R —
16 nos mes en cros R ; gros H, crotz AD(IIv) ; mignart A.
17 tug li V. R — 19 mantelh C — 20 esser AR — 21 que AD(IK)ER —
22 que ADH(IK)ER; de r. CDIIER, de traire (IK) — 23 e cascuns E. —
24 qui cel hi a sis g. A, qui col ia (liia E) sil DE, qui col ia sit H, qu
col ial si (IK), qui dol ia si R, a quin calra sil G.
470 V. DE BARTHOLOMAEIS.
IV. Marques, li baron vair e pic
an contra cel trait un cairel
que lor tornara sul capel;
e de l'emperador Enric 28
vos die aitan, que ben semblal rey Daire
qui SOS baros gitet de lor repaire ;
dont elh ac pueys de morir gran reguart;
mas, manhtas vetz, quis cuyda calfar s'art! 32
V. Lo regisme de Salonic
sens peireir' e ses manganel
pogratz aver e maynt castel
d' autres qu' ieu no mentau ni die. 36
Per Dieu, marques, Rotlandis e sos fraire
e Guis Marques e Ravas lor confraire,
Flamenc, Frances, Bergonhon e Lombart
van tug dizen que vos semblatz bastart! 40
VI. Vostr' ancessor, so au dir e retraire,
foron tug pros, mas vos non soven guaire;
si del venir non prendetz geynli et art,
de vostr' onor perdretz lo terz el quart ! 44
25 vil D ; b. son enic R — 26 contrai DEri(IK) ; ant traich contrai cel
A. encontra sel trais R — 26 sus c. CR — 28 anric E — 29 sembla EH ;
rai E; semblal manque dans D ; le mot y a été gratté; pueis diran ver
que b. sembla re d. R — 30 son r. AR — 31 il ant A, il ac DH(IK) ; de
mort R — 32 escalfar A; q. c. c. s'a. manque da7is R, où est laissée
une place vide.
33 feiesme de Solome R; dans E l'ablation de la miniature a fait
disparaître le début des v. 35-40 et une partie des envois. — 34 peii'ier e
ADH, peireira e E, peire R; manganelli C — 36 mentauray mendie R —
37 fraires R — 38 e ravas] rainaut R, era uas AC, erauans ED, erauan
(IK) eravanz H — 39 Frances, Flamencs, Bergonhos e Lombartz R.
Voici le couplet introduit par R :
Lo iorn now pot aver destric
sel que ve ma dona Ysabel
si com le maragd' en l'anel
que dona gaug al pus enic
atressi de tota la belaze
c (\ue melhs sap bels plazers dir e faire
mans cavayers C[ue serian coart
son per lieis pros e valen et galhart.
41 cho (IK); ang AER — 42 mas no mes viaii-e R — 43 sil revenir C,
sil... E, le reste a été e>ilevé; si del noy prenetz regart R — 44 vostre
nos R; vostre amor prendetz (IK).
UN SIRVENTÉS HISTORIQUE D'ELIAS CAIREL. 471
TRADUCTION.
I.
Maintenant que la feuille du chêne tombe, je ferai une chan-
son nouvelle et joyeuse que j'enverrai là-bas, au delà de Mom-
bel, au marquis qui délaisse le surnom de Montferrat pour pren-
dre celui de sa mère et qui abandonne les conquêtes de son
père; il ressemble peu au flls de Robert Guiscard, le conquérant
d'Antioche et de Mongizart.
IL
Marquis, je veux que les moines de Cluny fassent de vous leur
chef ou que vous soyez abbé de Cîteaux, puisque vous avez le
coeur assez vil pour préférer à la couronne impériale deux
bœufs et une charrue à Montferrat. On peut bien dire que
jamais [auparavant] un flls de léopard ne s'était blotti dans une
tanière à la façon d'un renard.
III.
Grande joie eurent tous vos amis lorsqu'ils vous virent aban-
donner la peau dont vous aviez fourré votre cape et votre man-
teau, car ils se crurent riches, tous ceux qui sont [maintenant]
livrés par vous à de mauvais traitements, qui sont tondus et
ont peur d'être rasés ! Chacun attend du secours de votre part;
si vous ne venez pas, malheur à eux.
IV.
Marquis, les barons, capricieux et changeants, ont tiré vers le
ciel une flèche qui leur retombera sur le chapeau; et au sujet de
l'empereur Henri, je vous dis ceci, qu'il ressemble bien au roi
Darius, qui chassa ses barons de leurs demeures, ce qui lui flt
courir dans la suite un grand danger de mort. Mais maintes
fois il arrive que celui qui croit se chauffer se brûle.
472 V. DE BARTHOLOMAEIS.
Sans pierrières ni mangonneaux, vous pourriez avoir le
royaume de Salonique et plusieurs châteaux appartenant à
d'autres que je ne nomme pas. Par Dieu, marquis, Rolandin et
son frère et Gui Marqués et Ravan leurs confrères. Flamands,
Français, Bourguignons, Lombards, tous disent que vous sem-
blez bâtard.
VI.
Vos ancêtres, à ce que j'entends dire et raconter, furent tous
des preux, mais il ne vous en souvient guère; si vous ne faites
pas tous vos efforts pour venir, vous perdrez le tiers et le quart
de vos possessions.
COMMENTAIRE PHILOLOGIQUE.
La disposition des rimes de ce sirvenlés est une des plus fréquentes de
la lyrique provençale (voy. P. Meyer, Les derniers troubadours, p. ^Oi).
Le schéma a'b^b'a* e"'e*"'d*"d*° se i-etrouve dans plusieurs pièces (voy.
Maus, Peire Cardenal's Stroplienbau, p. 116). Néanmoins, on doit
remarquer qu'Elias Cairel seul a employé la rime féminine au v. 5-6
ici et dans sa tenson avec Isabelle; cette variante est reproduite dans
deux coblas esi^arsas de Guiraut Olivier d'Arles (32, 40, Bartsch ; Dt?ik-
màler, p. 46 et 6).
1-5. Vers traduits par Eaynouard, Lex., III, 463.
5. Pour comprendre combien ce vers est injurieux, il faut rappeler que
la mère de Guillaume était Aliénor, fille de Humbert III de Savoie. Les
Savoyards n'avaient pris aucune part à la croisade, ce qui leur attirait
naturellement le reproche de lâcheté. L'insulte consiste ici dans l'anti-
thèse entre les vertus des ancêtres paternels et la couardise des ascen-
dants maternels de Guillaume. — Diez croit que l'auteur prélude dans ce
vers à l'accusation de bâtardise (v. 40).
7-8. Les exploits de Bohémond et de son père à la première croisade
sont bien connus. Le rapprochement antithétique de ces exploits vient,
plus que du désir de rappeler à Guillaume des exemples de vertu en
général, de ce que les Aléraraiques étaient apparentés aux conquérants
de la Sicile. C'était donc un exemple plus efficace encore parce que
Guillaume le trouvait dans les souvenirs de sa propre famille. Bien qu'un
peu ancien, il n'allait pas moins droit au but. — Mongizart. Ce nom
UN SIRVENTES HISTORIQUE d'ÉLIAS CAIREL. 473
apparaît dans Guillaume de ïyr, XXI, c. xxui, et dans la Chrotiique
d'Ernoul. C'est un château de Syrie (« ce lieu devait être près d'une
rivière vers Ramula », selon le Rec. des Hist. des Croisades, Hist. occi-
dent., t. I, p. xxxix).
9-10. Vers cités par Raynounrd, Lex., TI, 324. Les chroniqueurs du
Montferrat attribuent à Guillaume la fondation de nombreuses abbayes
(voyez en la longue liste dressée par G. del Carretto, op, cit., p. 1149), et
cela pouvait être l'objet de railleries que le troubadour rappellerait ici
malicieusement. Je n'ose toutefois rien affirmer à cet égard.
16. cros, voy. Diez, Leben, p. 451 ; Levy, Supplem.-Wôrterb ., I, 420.
17-18. On serait tenté de corriger lassada (' laqueada) et d'entendre :
« Tous vos amis eurent grande joie lors de votre accession au trône ».
On aurait un sens dont se déduirait très naturellement ce que Cairel dit
dans les vers suivants : il aurait voulu mettre en évidence l'antithèse
entre l'espoir que les Lombards avaient placé en lui et le désespoir où sa
conduite les avait plongés. Cette leçon ne se trouvant dans aucun ms., je
crois qu'il faut entendre gran gaug comme une expression ironique. [On
peut, ce me semble, conserver le texte et comprendre : <,<... Quand
vous eûtes rejeté la peau de renard (allusion au v. 16J, dont vous aviez
doublé votre manteau », pour redevenir ce que vous deviez être vraiment,
un léopard comme votre père. — A. J.]
21. Même expression dans Gaucelm Faidit {Ni que fanui tant liurat
a maltraii'e) dans un planh célèbre (Choix, IV, 54).
22. Cf. Non i es us nol poschatz to)idr'e raire dans Bertrand de Born
(80, 46; éd. Thomas, p. 146; éd. Stimming', p. 110), et Ja nol cal tondre
ni raire ni en estreg ordre maltraire, dans Pons de Capduelh, (375, 8 ;
éd. Napolski, p. 90). [J'écrirais, avec tous les mss., sauf A, de et non
del ; cet emploi de l'infinitif se trouve ailleurs ; cf. dans B. de Born :
Sens pro tener amie. (Ges no me desconort, v. 31, éd. Thomas, p. 33.)
— A. J.]
[24. La leçon introduite dans le texte est celle de C seul ; je lirais : qui
col (c.-à-d. colp) i a, sil gart (sil dans DEC est appuyé de plus par le
sis de A, le sit de H, s et < se substituant facilement à l). Le sens serait :
« Que celui qui a (a reçu) un coup, le garde », c.-à-d. ils ne pourront pas
prendre leur revanche s'ils subissent des échecs. — A. J.]
25. Diez traduit, d'après Raynouard {Lex., IV, 537), vair e pic par
« bunton und scheckigen ». Je ne suis pas loin de croire que, par ces
mots à double sens, le poète ait voulu désigner des barons reconnaissa-
bles à leurs armes.
29. Voy. Birch-Hirschfeld, Ueber die deti provenzal. Troubad. be-
licinnten, epischen Sto/fe, Halle, 1878, p. 20-21. L'allusion à Darius s'ex-
plique par le fait que la Macédoine rappelait au troubadour les exploits
d'Alexandre. Comparez les souvenirs auxquels se livre Henri de Valen-
474 V. DE BARTHOLOMAEIS.
ciennes, lorsqu'il raconte l'entrée de l'armée de Henri de Hainaut dans
la vallée de Pliilippes : « Et la sist Machedone, dont Phelipi^es fu rois;
et la fu nés Alixandres, si comme on trueve; et li rois Phelippes fist
apieler le val, apries son non, le val de Phelippe... Et en che val se
combati Pompeus de Rome contre Julius César, et i fu Julius César
desconfls. » (570.) En ce cas, il n'est pas impossible qu'au v. 32 le
troubadour ait voulu insinuer à Guillaume qu'il devait imiter Alexandre
aussi bien que Bohémond.
[L'allusion, qui me paraît s'étendre à la strophe entière, peut être serrée
de plus près. Le passage du roman d'Alexandre auquel elle se rapporte
est ainsi analysé par M. P. Meyer : « Darius ayant eu le tort d'accorder sa
confiance aux fils de ses garçons, dont il avait fait ses sénéchaux et ses
baillis, et qui, par leurs exactions, avaient indisposé ses sujets contre
lui, fut finalement abandonné de ses hommes et tué par ses serfs. »
(Alexa>idre le Grand dans la littérature du moyen-âge, II, 163.) Les
barons vair e pic sont ceux, hostiles aux Lombards, auxquels Henri a eu
le tort d'accorder sa confiance et qui sont comparés, fort désobligeam-
ment, aux « garçons » de la légende d'Alexandre. Quant à ceux que l'em-
pereur a imprudemment évincés de leurs possessions, ce sont évidem-
ment les barons lombards eux-mêmes, dont le ressentiment pourra un
jour lui être funeste. La seule difficulté consiste en ce que le même mot
« baron » (aux vers 25 et 30) ne désigne pas les mêmes personnages.
INIais la situation était alors assez connue de tous pour qu'il n'y evit pas
d'amphibologie. Quant au proverbe qui termine la strophe, il revient à
dire que des mesures qu'on a cru prendre dans son intérêt se retournent
parfois contre vous : il exprime donc fort bien, d'une façon concise, la
même menace que l'allusion faite plus haut à l'histoire de Darius. — A. J.]
32. Cf. Peire Cardinal : Tais se cuja calfar qui s'art (Mahn, Werke,
II, 210).
Si. Sur l'emploi de ces 'armes par les croisés, voy. Villehardouin, 76.
39-10. Ces vers durent jouir d'une certaine popularité. Il est curieux
que parmi les cohlas esparsas du chansonnier T, il y en ait une (282, 6
qui résuite du mélange de vers empruntés à une pièce bien connue de
Lanfranc Cigala (le terrible sirventés adressé à Boniface II de Montfer-
rat, l'accusant d'avoir manqué de foi d'abord à l'empereur, puis aux
Milanais) et de ces deux-ci. On voit que l'épithète de « bâtard » demeura
longtemps dans la tradition des invectives adressées aux marquis de
Montferrat. Cigala avait au reste emprunté lui-même à Elias (.'airel le
début de la pièce en question. Le vers Estier mon grat mi fan dir
villanatges n'est autre que le v. 23 de la tenson entre Elias et Isabelle, ce
qui pouvait faciliter la confusion. Voici cette cobla d'après T (fol. 88 r») :
Estier mon grat, mi ven dir vilanagie
d'un franc marces; mas sai que fas follia,
sotterra près e destrui barouage
UN SIRVENTÉS HISTORIQUE D'ÊLIAS CAIREL. 475
qe dis qfi trais de Monferat lignagie
mais il non par e l'ombra c' aissi sia;
enans par fil e fraire de ven,
et Bonifatç es clamatç falsamen,
car anc bon faitç non fos el en sa vida ;
e van disen Borgogno e Lombart
cel fon filtç a un mal bastartç.
40. Selon l'observation, que je crois très juste, de M. Schultz-Gora {Le
epistole, etc., p. 147), E. Cairel ferait ici allusion aux exploits de Guil-
laume Longue-Epée et de Conrad le Vieux.
4-1. Lo terz el quart est une expression assez fréquente; voy. par ex.
Chanson de la croisade, v. 3363.
IL
La pièce a été conservée, comme on le voit, par les manus-
crits ACDaEH(IK)R; tous se groupent dans une même famille,
hormis R qui se tient à l'écart. Cela ressort clairement du
tableau des variantes auquel je me permets de renvo)^er le lec-
teur^ Des classements secondaires dans la famille ACDEH(IK)
ne seraient pas impossibles 2, mais il suffit pour nous de ne pas
nous éloigner de ce qu'on peut retenir avec certitude.
Les textes édités par Rochegude et par Raynouard sont
éclectiques^, étant établis sur CE(IK)R, c'est-à-dire sur les
manuscrits de Paris. On y lit, au v. 3, non Monbel, comme
dans le mien, mais Mongibel (d'après AR).
Du choix que l'on fera entre ces deux leçons dépendra, en
grande partie, la date que l'on devra assigner à la pièce.
MonbeL, c'est à dire Mombello, est un petit village du Mont-
ferral '' ; Mongibel désigne, comme partout ailleurs, l'Etna.
1. Voy. surtout les vers 4, -5, 8, 13, 25, 26, 29, 31, 33, 34, 36, 41, 44.
2. Ainsi D(IK) vont presque toujours d'accord, et avec eux s'accorde
aussi H (voy. v. 5). A semble se tenir un peu à côté par le mirpiart
du V. 16. Mais il ne s'agit que de simples ratures. Jo dois à l'amitié de
M. Bertoni la copie très soignée de D.
3. Le texte ,de Rochegude est plus éclectique encore que celui de Ray-
nouard; celui-ci se base spécialement sur G.
4. Aujourd'hui province d'Alexandrie, arrondiss. de Casale. Il est men-
tionné aussi par Peire Vidal (3C)4, 17 ; T<nit an bel diy del marques). On
l'a confondu à tort avec Montebello (Ziiigarolli, Due trovaduri, Fironze,
Sansoni, p. 38).
476 V. DE BARTHOLOMAEIS.
Nous ne connaissons qu'un voyage de Guillaume IV en
Sicile. On sait qu'il accomplit ce voj^age en 1224^ pour em-
pruntera son parent Frédéric II neuf mille marcs qui lui étaient
nécessaires pour aider son frère dépossédé. L'empereur consen-
tit ce prêt, mais il y mit de dures conditions; le marquis dut
engager tout ce qu'il possédait, villes, châteaux, résidences,
« sive in allodio, sive in pedagio, sive in feudo, sive in reddi-
tionibus aliquibus, seu juribus, sive angariis, sive perangariis,
seu aliquibus exactionibus^ ». C'était, en somme, le Montfer-
rat tout entier, à l'exception de deux places^, qui allait cons-
tituer l'hypothèque prise par l'impérial créancier.
On pourrait être tenté d'expliquer par les clauses de ce
contrat les v. 4-6 :
el sobrenom gic
de Monferrat e pren cel de sa maire.
Aux yeux du troubadour, et peut-être à d'autres aussi, Fré-
déric pouvait apparaître comme sur le point de s'emparer
définitivement des états paternels de Guillaume. Dans les
V. 43-4 (qui, au reste, ne donnent pas un sens satisfaisant
dans le texte imprimé) :
sil revenir no prend ez genh et art,
del vostr' onor perdrez lo terz el quart,
E. Cairel aurait tenté de rappeler Guillaume chez lui et de le
détourner de cette mauvaise affaire. L'amertume du langage
de Cairel s'expliquerait, pourrait-on ajouter encore, par le
mécontentement qui régnait alors parmi les jongleurs de
Lombardie et dont Folquet de Romans nous a laissé un élo-
quent écho*. Mais ces considérations seraient loin de rendre
compte de tous les termes du poète, et l'hypotbèse de Diez
soulève les plus graves difficultés.
1. Benvenuto di San Giorgio, dans Muratori, Scriptores rerum itali-
carum, XXIII, p. 376; Galeotto del Garretlo, dans Monmnenta Historiœ
Pntriœ, Script., III, p. 1150.
2. Le texte de l'instrument est rapporté par B. de S. Giorgio, l. c.
3. Trino et Pontestura, qui furent engagés aux Verceliais, suivant
G. del Carretto, l. c.
4. Zenker, Die Gedichte des Folquet von Romans, Halle, 189G, n° III,
V. 28-45.
UN SIRVENTÉS HISTORIQUE D'ÉLIAS CAIREL. 477
Remarquons d'abord que si le troubadour exhorte le mar-
quis à passer en Orient, il ne dit pas un mot de Démètre; il
semble s'agir ici des intérêts personnels de Guillaume, non de
ceux d'autrui. Remarquons, en outre, que le poète envoie son
sirventés, non à la résidence accoutumée de Guillaume, mais
au fond de l'Italie; il devait sans doute connaître les motifs de
ce voyage, même en supposant qu'il ignorât les préparatifs de
guerre commencés depuis plusieurs mois*. Est-il vraisembla-
ble que Cairel ait choisi pour reprocher au marquis sa froi-
deur à l'égard de son frère le moment même où il mettait tout
en œuvre pour lui porter secours ^ ?
Ces contradictions seraient tranchées d'un coup si l'on
admettait la leçon Mombel. Elle nous permettrait d'écarter
toute relation entre le sirventés et le voyage de 1224 et de
rechercher une autre date. Mais la leçon de Mongibel paraît
solidement appuyée. Un premier argument en sa faveur con-
siste en ce que le mot _figure aussi dans la pièce de Peire
Vidal qui a servi de modèle à Cairel :
Pos ubert ai mon rie tresaiir
Trairai n'un gai sonet novel,
Que trametrai part Montgibel
Al pro marques de Sardeniia'.
Je ne saurais dire si le Mongibel de P. Vidal mérite lui-
même beaucoup de confiance. Tous les manuscrits cités par
Bartsch le donnent, il est vrai^; mais il est vrai aussi que la
pièce aurait grandement besoin d'un commentaire historique
et géographique que ni Bartsch^ ni Schopf^ n'ont pu donner.
1. G. del Carretto et B. di S. Giorgio, loc. cit.
2. Je n'insiste pas sur le l'ait qu'il n'y aurait pas une véritable coïnci-
dence entre la date de l'acte et celle du sirventés. Celui-ci fut composé en
automne, et celui-là signé au mois d'avril. Ecrit durant l'automne do 1224,
le sirventés n'aurait plus do raisons d'être. Faudrait-il penser qu'il s'agit
de l'automne précédent? Mais nous ne savons pas si à cette époque Guil-
laume avait déjà entrepris son voyage en Sicile.
3. 364, 38. Bartsch, Lesebuch, p. 79, P. Vidais Lieder, p. 57.
4. P. Vidal's Lieder, p. lxi.
5. Ibid., p. LXI.
G. Schopf, Beitrage zur liioyiriphie uiid ziir Chro>wlogie der Lieder
des Troubadours Peire Vidal. Breslau, 1887, p. 20 et 50.
478 V. DE BARTHOLOMAEIS.
D'ailleurs, même s'il était certain que P. Vidal a envoyé sa
pièce à Mongibel, cela n'empêcherait pas qu'Elias Cairel ait
pu substituer à ce nom celui du pays où se trouvait le destina-
taire de la sienne. Je laisse cette question en suspens et passe
aux autres arguments qui militent en faveur de Mongibel.
Cette leçon, commune à AR, paraît assurée par l'accord de
deux manuscrits qui représentent deux traditions indépen-
dantes et remontant à un archétype fort ancien, vu leur degré
d'éloignement. Mais je crois, au contraire, qu'il s'agit ici
d'une coïncidence fortuite.
Remarquons d'abord que R dérive d'un original fort cor-
rompu. C'est le seul manuscrit qui, après le V® couplet, en
introduise un VI®, où l'on ne peut voir qu'une interpolation ^
Ce couplet amoureux, où est mentionnée ma donna Isabela.
la dame chantée ailleurs par E. Cairel, dénature la pièce, qui
doit garder son caractère strictement politique. Les leçons
fautives y sont si nombreuses qu'il faut, pour se les expliquer,
admettre que le scribe était tombé sur un texte d'écriture dif-
ficile, qu'il était obligé à chaque instant d'interpréter de son
mieux^. Les places qu'il a laissées vides en témoignent élo-
quemment.
Voici les leçons du v. 3 d'après tous les manuscrits; de ce
tableau, il ressort clairement que le Mongibel de R est fautif:
part Mongibel A ; lai part Mongibel R ;
lai vas Mombel C ;
lai part Mombel DIK ; 1. p. Montbel H.
Dans E l'ablation d'une miniature n'a laissé substituer que
tramelrai ^..., mais cette initiale suffit à y attester la pré-
sence dans ce ms. de lai.
Comme on le voit, le vers est trop long dans R. Pour y réta-
1. M. Schultz-Gora (Proveitzal. Dichterinnen, Leipzig, 1888, p. 11 n.)
n'a pas douté de l'authenticité de ce couplet.
2. La même chose s'observe dans les autres pièces du même troubadour
recueillies par R. Le compilateur de ce chansonnier a puisé partout à une
source fort éloignée de celle des autres manuscrits. Je cite, comme spéci-
men, le cas ou le marquis, qui dans ceux-ci est appelé constamment mar-
ques, dans R est indiqué par l'initiale G.
UN SIRVENTÉS HISTORIQUE d'ÊLIAS CAIREL. /l79
blir la mesure, on devrait effacer ou lai ou part. Mais ces deux
monosyllabes sont également assurés par l'accord de tous les
autres manuscrits, et j'en conclus que la syllabe surnuméraire
est le gi de Mongibel. L'altération de ce nom obscur (qui
devait plus tard embarrasser aussi Rochegude et Raynouard)
au profit du célèbre Mongibel n'a rien de surprenant. La
faute commise par le copiste de R devait l'être également de
l'autre côté des Alpes par celui de A. Mombello était une loca-
lité trop modeste, trop dénuée d'importance pour être connue
d'un copiste, même originaire de la Haute-Italie; seulement,
celui-ci, plus avisé que son confrère, a échappé à la faute de
métrique.
C'est là une étrange coïncidence, je le reconnais; mais plus
étrange encore est le hasard par lequel la leçon fautive trouve
une confirmation apparente dans un fait réel, le voyage
accompli par Guillaume IV à Catane, en 1224.
III.
La leçon du v. 43, sil revenir non prendez, etc., admise
par Rochegude et Raynouard, est évidemment fautive : en effet
elle appartient seulement à CE, les autres manuscrits lisant
d'accord : si del venir... Le troubadour écrivait donc en
Orient et c'était là qu'il appelait le marquis. Ainsi est pleine-
ment confirmée l'hypothèse de G. Paris. L'empereur men-
tionné comme vivant aux vv. 28-29 n'est pas Henri VI d'Alle-
magne, comme certains l'ont cru \ mais bien Henri de Hai-
naut (1207-1216). Pour déterminer la date à laquelle se rap-
porte le sirventés, il faut donc nous représenter les événe-
ments qui arrivèrent dans le nouvel empire latin d'Orient,
peu après l'élection de Henri.
Après la mort de Boniface de Montferrat, qui avait eu comme
successeur le jeune Démètre dans le royaume'de Thessaloni-
1. Toeche, TIeinrich VI, p. 466, d'après Schultz-Gora, Le epïstole del
trovad. Rconbaldo di Vaqueiras , tnid. par G. del Noce, Firenze,
p. 150 n.
480 V. DE BARTHOLOMAEIS.
que, les Lombards semblent avoir donné à leur nouveau suze-
rain de sérieux motifs de défiance. Au commencement de l'hi-
ver de 1207 celui-ci fut obligé de partir de Constantinople pour
Salonique. Les châteaux lombards qu'il trouva sur sa route
lui refusèrent l'entrée; les Français, chassés de Salonique,
n'y rentrèrent que beaucoup plus tard et grâce à la ruse.
Entouré d'ennemis, Henri dut entreprendre une véritable
campagne militaire et diplomatique pour empêcher que cette
rébellion n'ébranlât les bases de son empire ; campagne longue
et acharnée, qui l'aurait été davantage encore si Henri n'avait
réussi à conclure la paix^ L'instigateur de cette rébellion, le
comte de Blandrate^, bailli de Salonique, et les autres barons
prétendaient qu'ils tenaient la terre pour le jeune Démètre;
mais les partisans de Henri leur reprochaient d'avoir offert la
couronne à Guillaume de Montferrat, qui avait succédé à son
père dans ses domaines occidentaux, et les tournaient en ridi-
cule parce que celui-ci, quoique sollicité par plusieurs messa-
ges, était resté sourd à toute requête ^.
Ces faits sont rapportés uniquement par Henri de Valen-
ciennes*. La guerre civile fut regardée par les Orientaux
comme un épisode de l'histoire intérieure de la Romanie. C'est
pourquoi on n'en trouve aucune mention chez les chroniqueurs
grecs. Le récit de Villehardouin s'arrête, comme on sait, à la
mort de Boniface. Robert de Glari et lEsioire de Eracles^
1. Un résumé de ces faits dans Bouchet, La co)iqnéte de Constantino-
ple, Paris, Lemerre, 1891, t. II, p. 281 et sniv.
2. Voy. sur lui, comme troubadour en correspondance avec Folquet de
Romans, G. Paris, Romania, XIX, 64 n. ; Zenker, op. cit., p. 27.
3. Ce n'est pas sans une pointe d'ironie que H. de Valenciennes écrit :
« Lombart disoient lie il demandoient la tieri-e a oes l'emperreis et a oes
l'enfant, mais il pensoient lot el; car il le voloient gai-der por le mar-
chis Guillaume de Montferrat, ke il avoient mandé par tant de messages,
ke a peine ke il ne diervoient por se demeure s (| 598.)
4. Je suis le texte imprimé par N. de Wailly, Paris, Firmin-Didot,
1882.
5. Robert de Clari, dans Hopf, Chroniques gréco-romanes, Berlin,
Weidmann, 1873. — L'Estoire de Eracles empereur dans Recueil des
historiens des croisades, publ. par les soins de l'Acad. des Inscript, et
belles-lettres ; Hist. CJccident., t. II, p. 289. Voici la curieuse façon dont
en parle Robert de Glari, p. 85 : « Ne demeura mie grant tans après que on
UN SIRVENTÉS HISTORIQUE D'ÉLIAS CAIREL. -481
n'en parlent pas non plus et placent la mort de Henri de Hai-
naut tout de suite après le couronnement de Démètre, qui avait
eu lieu pendant les troubles de Salonique huit ans auparavant
(6 janvier 1208)*.
Laissons de côté le fait, fort bien démontré par Paulin et
Gaston Paris 2, que la chronique de Henri de Valenciennes
n'est qu'une chanson de geste dérimée et qu'en conséquence
elle doit avoir perdu beaucoup de son exactitude dans les
remaniements. Il y a d'autres raisons encore de s'en défier.
C'est l'œuvre d'un ménestrel attaché à l'empereur, dont il
s'applique sans cesse à célébrer les exploits ou à justifier les
actes. Qu'on remarque ses efforts pour faire apparaître les
Lombards comme des traîtres, et combien de fois il leur donne
ce nom. Enfin sa position presque officielle devait lui dérober
bien des détails concernant ses adversaires. En somme, jugée
au point de vue lombard, cette chronique paraît incomplète
et défectueuse.
Comme l'a remarqué M. Riant', l'Italie cisalpine a bien rai-
son de regretter la perte de tous les documents qu'elle avait
fournis à l'historiographie pour la quatrième croisade, à
laquelle elle avait pris une si grande part et qui reste une de
ses gloires. Siccardo, l'évoque de Crémone, qui y prit part et
en parle dans sa chronique '', est bien loin d'être pour l'Italie
ce que Villehardouin est pour la France.
C'est ce silence qui donne à notre sirventés cet intérêt
incontestable de nous faire entendre la voix des Lombards.
Assurément il ne remplace pas les documents perdus et ne dis-
manda l'empereur a Salenike pour couronner le fil le marcliis a roi [c'est-
à-dire Démètre] ; et li emperere i ala. Et quant il l'eut couroné le fil le
marcliis, si amaladi la et si i morut, dont che fu moult grans damages et
moût grant pietiés. » Il me semble évident que Robert, écrivant après son
retour, ne relatait pas ces faits en témoin oculaire, comme il avait fait
pour les événements précédents. .
1. H. de Val.. 005.
2. Voy. Romania, XIX, 63 suiv.
3. Exuviae sacrae constantinopolitanae. Genevae, MDCCCLXXVIl,
p. xxviij.
4. Chez Siccardo (Scri^jt. Rer. liai., VII, 621j, pas un mot de la guerre
civile.
ANNALES DU MIDI. — XVI. 31
-482 V. DE BARTHOLOMAEIS.
sipe pas toutes les obscurités. Le vide est trop profond pour
être comblé par une pièce de quarante-quatre vers. Mais c'est
quelque chose que de nous avoir conservé des renseignements
ignorés d'Henri de Valenciennes; on verra même qu'elle n'est
pas inutile à la critique des textes historiques.
Je crois qu'il faut ajouter foi au premier vers du sirventés
et le considérer comme composé à la chute des feuilles, c'est-
à-dire pendant l'automne de 1207 ou l'hiver de 1208, époque
du voyage de Henri à Salonique. A ce moment les Lombards,
parmi lesquels se trouve le poète, ont déjà envoyé à Guillaume
des messages l'invitant à les rejoindre; Guillaume semble y
rester sourd. Et pourtant Henri est là, prêt à les combattre;
la conduite du marquis les choque et les irrite : ils lui envoient
de nouveaux messagers \ et c'est bien probablement par un
de ces messagers qu'a été aussi envoyé le sirventés.
Celui-ci était destiné à faire entendre ce que ne pouvait pas
dire la correspondance officielle. C'était la traduction poéti-
que de ce qui se répétait autour du troubadour, chez les Lom-
bards découragés. Son rôle était de parler haut et clair au
marquis, en le cinglant du terrible langage de la vérité. Et la
vérité était qu'à ceux qui avaient été les compagnons d'armes
et de gloire de Boniface, Guillaume apparaissait comme tout à
fait différent de son père. Le titre de « bâtard » ne dut pas lui
être épargné par eux-mêmes, pas plus que par ses ennemis,
étonnés, eux aussi, qu'il refusât une pareille offre; et le trou-
badour lui rapporte fidèlement ce propos 2.
Selon H. de Valenciennes, les Lombards n'offraient à
Guillaume que la couronne de Thessalonique. D'après Elias
Cairel, l'offre se serait étendue à l'empire tout entier (v. 5-6).
1. Comparez H. de Valenciennes, 598 et 603.
2. Selon Benvenuto di San Giorgio [loc. cit., p. 372), Guillaume, ayant
résolu d'affermir son frère Démètre sur le trône de Thessalie, et d'assis-
ter à son couronnement, se serait rendu [en 1207] en Orient et y serait
resté jusqu'à ce que Henri de Hainaut accomplît la cérémonie, puis il
serait rentré en Montferrat. Cela est évidemment faux ; mais ce rensei-
gnement a néanmoins pour nous de la valeur, parce qu'il se base sur des
documents, parallèles au sirventés, que nous ne connaissons pas et que
Benvenuto a interprétés à contresens.
UN SIRVENTÉS HISTORIQUE d'ÉLIAS CAIREL. 483
Il ne s'agit pas là d'une figure de rhétorique, qui serait incon-
cevable dans une pièce de ce genre ^ : on le voit au reste par
ce que dit le troubadour aux vv. 33 et suivants : il en ressort
que l'offre des Lombards embrassait non seulement le royaume
paternel, mais aussi certains châteaux appartenant à « d'au-
tres», dont il valait mieux passer le nom sous silence. Cela,
au reste, s'explique fort bien : les Lombards se regardaient
comme les principaux auteurs de la conquête. Boniface avait
été candidat à l'empire contre Baudouin de Flandres; l'élec-
tion de ce dernier ne les avait pas satisfaits; le royaume de
Thessalonique, qui donnai ta leur chef une position subalterne,
bien qu'avantageuse, ne les contentait pas et ils se croyaient
en droit de réclamer davantage 2. Notre sirventés nous
apprend qu'après la mort de Baudouin et de Boniface, ils son-
gèrent à réaliser le rêve de jadis. Henri de Valenciennes fait
connaître les noms de ces « châteaux » que nous ont dérobés
les prudentes réticences d'Elias Cairel. Ils sont énumerés dans
la réponse faite par le comte de Blandrate au message de Co-
non de Béthune, qui lui avait apporté les propositions de
Henri de Hainaut : « Segnour, fait li cuens, nostre consaus
nous apporte ke nous volons avoir toute la tierre de Duras
des chi a le Maigre, et toute la terre Largut et quankes il i
apent, et toute l'isle de Grèce. Si volons avoir Chorinthe, et
ke Michalis et tout si baron nos fiicent hommage; si volons
avoir le Verre et le Ferme et toute la terre juskes a Phinepo-
ple. Se li empereres le nous otrie ensi, bien le volommes
chaiens recuellir, et autrement non. » A quoi Conon ré-
pond : « Comment, sire cuens, n'i devons nous riens avoir?
N' i venismes nous mie ensamble comme corapaignon ? Et i
1. Aimeric de Peguilhan (10, 43) dit de Guillaume : « Ges mi meses non
creiria — en Montferrat ni a Moncal — vis lo marques emperial, — si
autra ves non loy vezia ». (Mahn, Ged., 997, 998.) — Je ne veux pas affir-
mer qu'il fasse par là allusion à cette ofl're d'un empire plutôt qu'à la
charge de gouverneur d'Arles, à lui donnée par Frédéric, Il (cfr. Scliultz-
Gora, Le epistole, etc., p. 15U); mais cela ne serait nullement impossible,
bien que la pièce d' Aimeric soit plus récente que les faits dont il s'agit
ici.
2. Villehardouin, 277 suiv.
484 V. DE BARTHOLOMAEIS.
avommes autres! bien endurées les paines et les travaus por
nostre Segûor comme vous avés^ »
IV.
Je dirai maintenant quelques mots des personnages nom-
més au couplet V, sur lesquels Diez avoue ne pas avoir de
renseignements 2. Ils se retrouvent tous parmi les barons qui
jouèrent les rôles les plus importants dans la levée de bou-
cliers des Lombards.
Au V. 37, Raynouard et Rochegude impriment : Rotlan
dis. Bartsch remarque^ qu'il faut lire Rotlandîs. Aucun Ro-
landin ne figure dans le récit de Henri de Valenciennes; on
n'y trouve qu'un Rolland Pice, sire du château de Plata-
raone (Placemont), présenté par le chroniqueur comme traî-
tre. En effet, il envoya un jour demander des secours à l'em-
pereur contre les Lombards; celui-ci s'empressa de lui expé-
dier trente chevaliers ; mais quand ils arrivèrent devant le
château, ils apprirent que Rolland en était sorti, s'unissant
contre eux aux Lombards*. Dans deux lettres d'Innocent 111,
qui lui recommandent des affaires ecclésiastiques de Plata-
mone et qui datent de juillet 1208, il est appelé Rolandus
Pissius et Pissia^, Faudrait-il corriger en Rotlan Pis? Il
y a bien des raisons d'en douter. Il faut remarquer d'abord
que dans le sirventés il ne peut être question que de Lom-
bards, Rolland Pice était-il lombard? C'est ce qu'a pensé
Usseglio, qui fait de lui un membre de la famille Pesce, alliée
à Boniface*^, se fondant sur le fait que son fief était dans le
royaume de Salonique. Mais bien que les fiefs de ce royaume
fussent assignés en majorité à des barons lombards, il y avait
1. Henri de Valenciennes, 584-5.
2. Leben and Werke ', p. 452.
3. Ibid.
4. H. de Val., 637-40.
5. Migne, Patrol., CCXV, 1438-4.
6. Il regno di Tessaglia, cxtr. de la Rivista di storia, arte, archeo-
logia délia proo. di Alessandria, Vil" année, p. 47.
UN SIRVENTÈS HISTORIQUE D'ÉLIAS CAIREL. 485
eu cependant des exceptions, comme le prouve l'exemple de
Villehardouia'. Puis, on lui reprochait d'avoir commis une
trahison en s'unissant aux Lombards, ce qui prouve qu'il ne
rétait pas lui-même 2.
C'est ailleurs, en effet, que chez Henri de Valenciennes qu'il
faut puiser nos renseignements Parmi les nouveaux feuda-
taires avec qui Innocent III dut correspondre pour arranger
les affaires des églises de Romanie, figurent deux frères :
Rolandin et Aubertin de Canosse; Rolandin, mentionné dans
le sirventés, ne l'est pas dans la chronique; Aubertin, au con-
traire, cité dans la chronique, n'est pas nommé dans le sir-
ventés. Innocent parle d'eux d'abord dans une lettre du
17 septembre 1210, adressée « archiepiscopo neopatrensi' ».
Ils avaient fait des donations de terres aux Templiers, mais
le pape dut intervenir à cause de difficultés que ceux-ci
avaient soulevées « super quibusdam terris a Rolandino et
Albertino, fralre ipsius, in elemosynam concessis ». Dans une
autre lettre du 20 septembre suivant, adressée aux Templiers,
il dit : « Concessionem terrae de Rupo... a nobilibus viris
« Rolandino de Canossa et Albertino germano ejiis... vobis
« factam... confirmaraus* ». Ils sont tous les deux cités une
troisième fois dans une autre lettre d'Innocent, que je rap-
porterai plus loin.
Il n'y a pas de doute sur cette identification. La chronique
de Henri ne dit pas un mot de Rolandin, ce qui est remarqua-
ble, attendu la place qu'il occupe dans la strophe d'Elias
Cairel. Quant à Aubertin, il paraît, d'après la chronique,
avoir été l'un des principaux auteurs de la rébellion : « Au-
bertius ki tout ce mauvais plait avait basti^., » Il était sire de
Thèbes^. A l'arrivée de l'empereur dans les états du marquis,
c'est lui qui fait fortifier les châteaux contre lui et le laisse
L Villehardoiiin, 496.
2. « Et li enipereres dist ke, puisko il est ses hom, il n'est mie drois
ke il li faille. » (H. de Val., 638, et cf. ibid, 639.)
3. Migne, Patrol., CCXVI, p. 33L
4. Ibid., p. 328.
5. H. de Val., 572.
6. Ihid., 600.
486 V. DE BARTHOLOMAEIS.
dehors, dans la ueige, sans nourriture'; c'est lui qui chasse
de Salouique tous les Fraûçais- et qui, dans l'entrevue men-
tionnée plus haut, tient le langage le plus arrogant 3.
Dans les sources italiennes, je n'ai pu glaner que très peu
de renseignements sur les deux frères. Originaires de Ganosse,
ils appartenaient à la famille qui prit le titre du célèbre ro-
cher après la mort de la comtesse Mathilde. Je ne puis citer
qu'un document de 1185 par, lequel les trois frères Gui, Rolan-
din et Auberlin furent investis des terres de Bianello Gesso et
Ganosse par Frédéric I'. Gui ne semble pas avoir passé en
Romanie; on le retrouve plus tard juge à Bologne^. Je dis
cela pour qu'on ne le confonde pas avec le suivant.
Gui Marques. Il y avait une foule de Gui parmi les croi-
sés. Pourtant, dans la chronique de Henri de Valenciennes,
on n'en rencontre que deux : Gui de Dant-Rovel et un Gui
sans surnom. Entre les deux, nous n'avons pas le choix. L'un
est français, partisan de l'empereur : il faut donc l'écarter.
L'autre est au contraire l'un des plus ardents champions lom-
bards; on fait mention de lui dans les préliminaires de paix
dont le chroniqueur parle au ch. 667. C'est lui évidem-
ment qu'il faut reconnaître ici. Ce personnage n'est pas un
nouveau venu dans l'histoire de la littérature provençale : il
n'est autre que Gui Marchesopulo, de la branche Obertengue
des Pallavicini de Parme, fils de Guillaume, marquis di Sci-
pione. Suivant Litta, qui, malheureusement, ne cite pas ses
sources, il s'était rendu en Orient a cause des désagréments
que lui avaient suscités les républiques auxquelles il ne voulut
1. H. de Val., 572.
2. Ibid., 573.
3. Ibid., 583. « Sire Cuenos, dist Aubrelins, or saciés bien ke nous ne
nos assentirons a nul consel ke nous vos lassons point de le nostre
tierre, ne de le demande ke nous vos avons faite. Et se vous ensi ne le
faites, assés poés la fors sejorner por nous; car chaions ne meterés vous
les pies! » (Cf. ibid., 589.)
4. ïiraboschi, Dizioiui)-/o topogra/ico-storico degli Stati Estensi,
Modena, 1824, p. 121 suiv.; Ferretti, Canossa, Reggio, 187G, p. 122-4;
Overniann, Grafin Mathilde vo?i Tuscien, p. 72 et 95. Le diplôme est
rapporté par Muratori, A?itiquit. Ital. M.-jEvî, I, 606.
5. Tiraboschi, op. cit., 122.
UN SIRVENTES HISTORIQUE D'ÉLIAS CAIREL. 487
pas se soumettre^ Il fat sire de Bodoritza, dans la vallée de
Tempe, depuis 1204, et, comme il résulte des documents soi-
gneusement réunis par Hopf^, bailli de Salonique eu 1221-2.
Avant les événements qui nous occupent, il avait pris part à
la guerre entre Guillaume, prince de Morée, et Guillaume de
la Roche, duc d'Athènes 3. H fut tué par les Grecs, le 2 mai
1237. Dans le document que je cite plus loin, il est appelé
Guido Marchîo, ce qui enlève tout doute sur son identité.
M. Schultz-Gora a appelé l'attention sur lui à propos d'Isa-
belle, la troubadouresse chantée parE. Cairel, qu'il croit issue
de la même famille des Pallavicini ''.
Rainant. Ce nom , qui figure dans les textes imprimés,
n'apparaît que dans le manuscrit R; les autres lisent, comme
on l'a vu, Guis marques errt uas l. c. (A), erauas (G),
eravans (ED), era uan (IK), e t^auanz (H). La leçon Rai-
nant doit donc être repoussée. Il est arrivé ici ce qui est
arrivé à propos de Mombet : le nom le plus fréquent a pris la
place de celui qui l'était moins. C'est en présence d'un Ravan
(cas sujet Ravas) que nous nous trouvons. Dans ce person-
nage il faut reconnaître à coup sûr Ravano dalle Carceri.
(« Ravanus de Carceribus » dans les textes latins.) Le surnom
ressort d'autres sources que Henri de Valenciennes; celui-ci ne
nous donne que le nom, et de plus diversement défiguré sui-
vant les manuscrits, de sorte que le rôle historique de Ravan
n'apparaît pas clairement '. Il était originaii'e de Vérone et
1. Fatniglie celebri, Pallavici?io,X[Y ; Usseglio, O}}. cit., p. 43.
2. Chroniques gréco-romanes, p. 478.
3. Cronica di Morea, en Hopf, op. cit., p. 438 ss.
4. Provenzal. Dichto'i^inen, Leipzig, 1888, p. 11.
5. Le manuscrit imprimé par P. Paris (Paris, 1836-8) a constamment
Rollant (XXXII, XXXV); Rolland; Du Gange écrit de même (Chroni-
ques étrangères, dans Buclion, Collectioti, etc., Paris, 1840). Le manus-
crit imprimé par Micliaud et Poujoulat (iVou{je^/e collection, etc., Paris,
1838) a Ravans (73,74, 8:i) à côté de Roland de Negrepont (70). Cliez
Brial (Recueil des Hist. de la Gaule, etc., XVIII, p. 491 suiv., Paris,
1822), on trouve aussi une fois Rolland de Negrepont (305); dans les
autres cas (307, 311) apparaît un nom bien étrange. On voit que les
copistes oa remanieurs de l'ancienne chanson de geste de Ilcm-i do Va-
lenciennes n'ont pas entendu le nom de Ravan et y ont vu quoique chose
488 V. DE BARTHOLOMAEIS.
est appelé parfois simplement Ravano da Verona^ Comme
d'autres « dalle Carceri » figurent à côté de lui dans les docu-
ments''j il se peut qu'il ait passé en Romanie avec quelques-
uns de ses parents. Il signa, au nom de Venise, l'acquisition
de l'île de Crète ; ce qui a fait justement supposer qu'il se ren-
dit à la croisade avec les Vénitiens et non avec Boniface^.
Quoi qu'il en soit, il fut « terziere » de l'île de Négrepont.
Celle-ci, dans le partage de l'empire byzantin, était échue
aux Vénitiens; mais occupée antérieurement par Jean d'Aves-
nes, au nom de Boniface, elle était restée à celui-ci*, qui la
partagea en trois fiefs, attribués aux dalle Carceri; d'où ce
nom de « terziere ». Plus tard, Ravan, pour se soustraire à la
suzeraineté de l'empereur Henri, reconnut celle des Vénitiens
sur l'île, dont il ne tarda pas à se rendre maître absolu*. Sa
femme était une Isabelle'' et son héritière épousa Guillaume
comme Rainant. Ils en ont tiré un nom nouveau, qu'ils ont décliné
Rauaus au cas sujet, Ranaid au régime! N. de Wailly a très bien res-
tauré partout la forme Ravan.
1. Par ex. par Marin Sanudo, qui parle longuement des « terzieri » de
Négrepont, dans Ylstoria ciel Reg)io di Roma>iia (dans Hopf, op. cit.,
passim) et dans les Dynastiae Greciae [ibid., 177).
2. Voy. la Cronica di Morea, p. 438 suiv., où on parle de la partici-
pation des dalle Carceri et de Gui Pallavicino à la guerre, mentionnée
plus haut, entre le prince de Morée et le duc d'Athènes, du vivant de
Boniface; Heyd, Hist. du commerce du Levant au m. à., Leipzig, Har-
rassowitz, 1885, p. 281 suiv.; G. Cipolla, Ant. cron. veronesi, Venezia-
1890,1; Ilopf, op. cit., p. 479 (tables généalogiques); Cerrato, La fami-
glia di Guglielmo il Vecchio marchese di Monferrato nel XIÏ secolo,
Torino, Bocca, 1884 (mais contre lui quelques observations par De Simoni,
dans Giorn. ligustico, XIII, ;«4); Usseglio. op. cit., p. 44 suiv.
3. Usseglio, lac. cit.
4. Heyd, l. c; Andreae Danduli Chronicon, dans Script. Rec. ital.,
XII, 332 et 336; Tafel und Thomas, Fontes ver. austriac, I, p. 496 n.
et 512. L'occupation de l'île de Négrepont est rappelée aussi par Ram-
baut de Vaqueiras, dans la laisse en -at de son épître épique, occupation
à laquelle il semble qu'il ait été présent (v. 26-8 de l'édit. Grescini, Rome,
Lœscher, 1903). Voy. aussi Schultz-Gora, Le epistole, etc., p. 134-5;
Grescini, .Rambaut de Vaqiteiras et le marquis Boniface I de Mont-
ferrât, dans les Annales du Midi, XI, p. 435.
5. Heyd, l. c, et cf. les extraits des Annali Veneti par Stefano Magno
(Hopf, op. cit., p. 179).
6. Maîtresse du sixième de l'île. Etait-ce Isabelle Pallavicino, la trobai-
ritzf Gela me paraît vraisemblable. Je ne vois pas sur quelles bases
Bartoli a affirme qu'elle devait être de la famille Malaspina (/ primi
UN SIRVENTÉS HISTORIQUE d'ELIAS CAIREL. 489
(le Villeliardouia'. Dans la guerre civile il avait joué, à côté
de Gui Pallaviciuo et d'Aubertia de Cauosse, un rôle fort im-
portant; au point que, dans les préliminaires de paix rappelés
plus haut, Conon de Béthune, qui les avait proposés, prévoit
le cas où « Guis et Aubertins et Ravans ne voelent otroier cela
pais^ ». En effet, Ravan refusa toutes les offres de Conon»
malgré une démarche personnelle de celui-ci^. C'est seule-
ment plus tard qu'il demanda une trêve, après un long siège
subi dans Thèbes, où il s'était enfermé avec Aubertin*. C'est
lui enfin qui, à Négrepont, sauva la vie à l'empereur, que le
comte de Blandrate voulait tuer^.
Qu'il me soit permis, avant de me séparer de ces person-
nages, de citer un autre document où on les retrouve. Il y
est question d'une convention conclue à Ravennica en 1210,
« super universis ecclesiis positis sive sitis vel fundatis in
Thessalonica usque Corinthum » , entre le patriarche de
l'Eglise de Constantinople, les archevêques d'Athènes, de
Larisse et de Néopatras, des évoques et des barons. Les noms
de Gui Marqués et de Ravan y sont placés à côté l'un de
l'autre, comme dans le sirventés.
« Renuntiaverunt quidem domini Nameus Rofïredus conesta-
bulus regni Thessalonici, Otto de Rocha dominus Athenarura,
Guido Marchio, Ravanus dominus insulae Nigripontis, Raynerus
de Travas ^, Albertinus de Canossa... in manibus supradicti do-
mini patriarchae... omnes ecclesiaeet monasteria, possessiones,
redditus, mobilia et immobilia bona et universa jura Ecclesiae
Dei. »
due sec, etc., p. 71; cf. aussi Restori, Letter. Prov., p. 107 n.); ni pour-
quoi M. Torraca repousse l'identification proposée par M. Scliultz-Gora
{Provenz. Dichter., p. 11; F. Torraca, Le do?me ital. nella poesia pro-
venzale, Firenze, Sansoni, 1901, p. 20-21; cf. aussi Bertoni, dans Giorn.
stor. délia letter. ital., vol. XXXVIII, p. 148).
1. Heyd, loc. cit.
2. H. de Val., 667.
3. Ibid., 668.
4. Ibid., 678.
5. Ibid., 681-686.
6. Dans le texte Traval; mais toujours Travas dans Henri de Valen-
490 V. DE BARTHOLOMAEIS.
« Acta sunt haec apud Ravenicam anno Domini 1210, indic-
tione XIII, praesentibus... Guiffredo raarescalco totius imperii
Romaniae^ et Rolandino de Canossa'^. »
NOTE ADDITIONNELLE.
SUR LA DATE DE QUELQUES AUTRES POESIES D'ÉLIAS CAIREL.
Nous plaçons donc en 1208 la pièce dont il vient d'être ques-
tion. Mais il se peut qu'elle ne soit pas la plus ancienne qui nous
ait été conservée de Cairel. C'est probablement avant la guerre
qu'il faut reporter la chanson Abi-il ni mai, dont un des envois
paraît faire prévoir de prochaines hostilités. Le troubadour, qui
ne recourt pas encore à l'insulte, parle mystérieusement d'une
partie d'échecs qu'on allait engager et dans laquelle Guillaume
devrait jouer non le rôle de pion, mais celui de reine :
Al marques man de cui es Monferratz
qeis traga enan anz quel jocs sia jogatz
e fassa oimais de son pezonet fersa.
Elias Cairel avait-il pris part à la croisade dès le début de
colle-ci ou n'était-il allé en Remanie que plus tard? Nous n'en
pouvons rien savoir : néanmoins, je penche pour la première
hypothèse. Ses relations étroites avec les chevaliers lombards
et la chaleur avec laquelle il embrassa leur parti attestent un
attachement qui ne pouvait dater que de loin 3. Cela s'accorde-
rait d'ailleurs parfaitement avec ce que dit l'une des biographies
(AIK), que « en Remania estet lonc temps ». Dans cette hypo-
thèse, il aurait passé une bonne partie de sa vie, avec Rambaut
de Vaqueiras, aux côtés de Boniface ^.
1. C'est l'historien Villehardouin.
2. Migne, Patrol., CCXVI, 970-1.
8. Il avait pu passer en Orient à la suite de quelqu'un des barons pro-
vençaux qui prirent part à la croisade. (Voy. Villehardouin, 45).
4. Je ne crois pas qu'il y ait lieu d'accueillir l'hypothèse très hardie
de M. Schultz-Gora, suivant laquelle Rambaut aurait confié le manuscrit
de sa célèbre épître au trouvère Huon de Berzé; hypothèse à laquelle le
savant allemand a dû s'attacher, faute d'autres troubadours ayant été à
la croisade [op. cit., pp. 24-5). Mais Rambaut avait pu le confier à un
messager quelconque, même non poète. En tout cas, s'il était nécessaire
UN SIRVENTÉS HISTORIQUE D'ÉLIAS CAIREL. 491
C'est à la même époque que se rapporte la chanson Moût mi
platz lo douz temps d'abril (ms. A, n" 141), dont voici l'un des
envois :
Chansoneta, vai tost e viatz
dreit al marques de cui es Monferratz,
6 digas li c' anc a volpill dormen
non intret grels en bocha ni en den.
L'autre envoi nous montre le troubadour en Orient. En effet,
il «présente» sa chanson à tua donna Isabella; or, il a été
démontré par M. Schulz-Gora* que sa correspondance avec
Isabelle ne put s'établir qu'en Orient, où fut composée la tenson
N' Elias Cai7'el, de Vamor. — On ne possède pas d'autres pièces
qu'on puisse considérer indubitablement comme composées
outre-mer.
Il était rentré en Occident avant 1215. La chanson Era no vei
ni puoi ni comba (A, n'^ 133) doit être antérieure à cette année,
date de la mort du marquis de Massa, qui y est nommé 2, Le
troubadour y parle, au reste, de l'Orient comme d'une terre
lointaine :
Ai talan que fassa
saber lai en terra grega...
Vers, tost e corren t'en passa
tôt dreich lai en terra grega...
Il faut placer aussi avant 1215 la pièce Si com cel que sos
companhos (A, n'' 133j, composée au moins un an après son
retour, comme le montre le v. 47.
La mention du marquis de Massa nous amène à croire qu'après
son retour Cairel passa quelque temps en Italie, où il avait
pu séjourner déjà avant son départ.
Je n'hésite pas à reconnaître Frédéric II dans les vers :
Lo plazen reis qu'er seigner
d'emperi
de la chanson Fi-eitz ni neus nom pol destreigner (A, n" 140).
de proposer la candidature d'un poète à cette mission, il est désormais
plus vraisemblable que ce poète fut Elias Cairel. Au moins on ne sortirait
pas de l'entourage de Boniface. Enfin, il ne faut pas' oublier que dans
cet entourage il y avait aussi son allié, le comte de Blandrate, troubadour
lui-même, qui rentra en Italie peu après la guerre. (Voy. liopf, Grie-
chenlund, p. 231.)
1. Provenz. Dichlef., p. 11.
2. Ibid.
492 V. DE BARTHOLOMAEIS.
Frédéric n'a pas encore le titre d'empereur, qu'il reçut en
juin 1219, mais il est déjà préconisé à l'empire. La chanson
est une invective, d'allure toute jongleresque, contre la gen
desconoissen et contre le roi lui-même qui, dit-il hyperbolique-
ment, « tient sa personne si maigre que la lime n'y pourrait
mordre ». Ce dégoût de la cour et des courtisans est évidemment
d'un homme à qui ont manqué les faveurs qu'il sollicitait. C'est
pourquoi, en véritable jongleur, il ira chercher d'autres pro-
tecteurs.
Où alla-t-il ? On ne saurait le dire avec certitude.
Dans les manuscrits AD(IK) l'envoi de cette pièce est le
suivant :
Vers, val t'en
test e corren
e non sai on, qu'ieu se segrai breumen.
Mais le dernier vers diffère suivant les manuscrits; EM
lisent : en Espanha... et B. : en Spina. Comme quelques pièces
de Cairel sont adressées au roi de Léon, il ne serait pas impos-
sible qu'en quittant l'Italie il se fût rendu en Espagne '. Quant au
Spina de H, il pourrait désigner Spigno, en Montferrat.
Quoi qu'il en soit, c'est à l'année 1219 que se rapporte la chan-
son de croisade Qui saubes dar lo bon conseil denan. Le vers 37 :
Retraire vuelh als crozatz que lai van.
prouve clairement qu'il écrivait en Occident. Cairel nomme (v. 44)
l'emperairilz Yolen qui fut régente de Constantinople de 1217
à août 1219. Enfin, il l'adresse (v. 46) à l'empereur Frédéric II;
la pièce est donc postérieure à juin et antérieure à août 1219.
Elle a dû être envoyée à l'empereur au lendemain de son élec-
1. Sa présence en Espagne, admise comme possible par M. Braga et
M'"» Michaëlis de Vasconcellos {Portiig. Litteratur, dans Grundriss de
Groeber, II, ii, p. 172 n.), n'est pas bien certaine. Milà y Fontanals s'était
borné à indiquer les passages qui se rapportent à Alpbonse IX de Léon
[De los trovadores en Espaûa, p. 154); et il avait bien fait. Des deux
poésies adressées à ce roi, l'une, Abril ni mai, nous l'avons vu tout à
l'heure, est adressée aussi à Guillaume de Montferrat, et a été écrite,
selon toute vraisemblance, en Orient. L'autre, Si com cel, paraît écrite
en Italie. Cette dernière serait la plus ancienne des poésies composées
après le retour en Occident; et puisque peu après nous trouvons le trou-
badour en Italie, en relations avec lo marquis de Massa, il est vraisem-
blable qu'en se rendant en Occident il avait débarqué en Italie et y
avait demeuré.
UN SIR VENTÉS HISTORIQUE D'ÉLIAS CAIREI,. 493
tion' ; le troubadour l'exhorte, en ce moment solennel, à accom-
plir enfin le vœu qu'il avait fait, quatre ans auparavant, en
prenant la croix. Dans cette même pièce, il s'adresse encore une
fois à Guillaume de Montferrat et lui tient le même langage que
jadis :
Marques Guillem, lo sojorn nil dormir
de Monferrat non voletz jes gurpir?
Tart vengaretz la mort de vostre paire
nil deseret c'om fai a vostre fraire I
Ben pot hom dir, malvatz fill de bon paire,
e pesani fort, mas non puesc aires faire.
La chanson So qem sol dar alegransa (A, no 139) remonte à la
môme époque. Elle aussi contient des exhortations (v. 48-63)
à Frédéric II et à Guillaume, qui est invité à « acheter du
cœur ».
Ainsi, c'est jusqu'en 1220 environ qu'il nous est permis de sui-
vre les traces de la vie de Cairel. Quoique l'identification propo-
sée par M. Schultz-Gora^ entre le Coyyio ou Corno de la chanson
Estai ai dos ans (A, n» 137) et Conon de Béthune me semble bien
vraisemblable, je ne saurais affirmer que cette chanson a été
composée en Orient. En tous cas, elle ne paraît pas remonter
plus haut que 12203.
Les pièces Per manlener joi e chant e solatz, Totz mos cors e
mos sens, Qan la freidors irais ne contiennent aucune indication
permettant d'en déterminer la date, même approximativement.
Quant à la chanson Lo rossinhol chanta tant doussamen, attribuée
par E à Elias Cairel et par a à Peire VidaH, je me borne à dire
que le « senhal » miralh, qui y apparaît, ne se rencontre nulle
part dans les pièces de notre troubadour, et que le style ne
m'engage pas à la lui attribuer.
C'est là tout ce qui me semble ressortir, en fait de renseigne-
ments biographiques, des poésies d'Elias Cairel.
Le témoignage combiné de ses deux biographies nous apprend
de plus que sa patrie était le Périgord (H) et plus précisément
1. La date du couronnement à Rome (22 nov. 1220) paraît inconciliable
avec la mention de Yolande.
2. Provenz. Dichter., p. 11.
3. Ou, au moins, que 1224, année où, comme il ressort du passage
connu de Philippe Mousket, Conon n'existait plus.
4. Publiée par M. Chabaneau, Poésies htédites des troub. du Péri-
gord, p. 41.
494 V. DE BARTHOLOMAEIS.
Sarlat (AIK) , qu'il était « laboraire d'aur e d'argen e dese-
gnaire d'armas », qu'il se fit jongleur et qu'il mourut dans sa
patrie (AIK), sans compter quelques autres renseignements
de peu d'intérêt. C'était là, sans doute, la version transmise ora-
lement aux biographes. Quant aux autres indications qu'ils nous
donnent, je crois qu'il faut en chercher la source dans les poé-
sies. Les éloges décernés par le biographe de H à son talent sont
justifiés par la valeur esthétique de ses poésies, qui lui assigne
une place assez honorable dans le Parnasse provençal*. Quand
il ajoute : « E serquet la major part de la terra habitada^ », il se
livre évidemment à l'hyperbole. Il a dû avoir sous les yeux un
texte qui, comme celui de EM rapporté plus haut, lui fit suppo-
ser un séjour de Cairel en Espagne, de sorte qu'il le trouvait au
delà des Pyrénées aussi bien qu'au delà des Alpes et de la mer,
ce qui équivalait pour lui à toute la terre habitée. Il ajoute
enfin : « E pel desdeing qu'el avia dels baros e del segle, no fo
tant grazitz com la soa obra valia », phrase qui a pu lui être
inspirée ou par la chanson So quem sol dar alegransa, où Elias
Cairel se plaint (v. 6-11), après tant d'autres jongleurs, que les
puissants du jour « abaissent Joie et Valeur », ou encore par
celle qui est dirigée contre la cour de Frédéric II.
V. DE BARTHOLOMAEIS.
1. c'est aussi le jugement de M. Thomas, dans l'article Cairel de la
Grande E)icijclopi'die.
2. Expressions très analogues à propos de Cercamon. (Chabaneau,
Biog., p. 9.)
MRLANGES ET DOCUMENTS
NOTE SUR L INSCRIPTION DE VOLUSIANUS.
Daas son Avant-Propos au second volume (Marseille) de la
Gallia christiana novissima du regretté chanoine Albanès,
M. le chanoine Ulysse Chevalier a inséré la note suivante,
relative à la fameuse inscription de Volusianus et Fortunatus :
« Les Archives de l'évêché possèdent une lettre de M^'' For-
tuné de Mazenod, datée du 21 octobre 1837, dans laquelle
révêque de Marseille félicite un M. Meillard (sic) de l'heureuse
découverte d'une pierre qu'il croyait chrétienne. Il y a des
raisons de penser qu'il s'agissait de l'inscription de Volusia-
nus, que M. Hirschfeld dit avoir été trouvée précisément
en 1837 . Mais il était difficile à cette époque d'en compren-
dre le sens, la valeur, la portée. Les conjectures de M. Meil-
lard n'ayant pas été admises par les savants indigènes, elle fut
reléguée parmi les monuments païens. C'est là que M. Edm.
Le Blant l'a trouvée en 1849*. »
J'ai pensé qu'il y aurait quelque utilité' à publier cette
lettre, dont M. le vicaire général Ollivier a bien voulu me
procurer une copie. La voici :
1. P. VII.
496 ANNALES DU MIDI.
A M. Melliard.
Marseille, le "21 octobre 1837.
Monsieur,
Je vous remercie de l'attention que vous avez bien voulu avoir
de m'adresser une copie de la pierre que vous avez découverte
dans les terres enlevées pour creuser le bassin de Carénage.
Cette pierre mérite vraiment de n'être pas négligée, surtout
après l'explication que vous avez donnée, non sans quelque fon-
dement, à l'inscription qu'elle porte.
Si cette explication est définitivement adoptée, comme je suis
disposé à le croire, par les autres personnes compétentes dans
ces sortes de questions, ce sera un titre précieux que l'Église de
Marseille vous devra. La chose a paru assez importante à mon
neveu pour que dans son prochain voyage à Paris il demande à
ce sujet l'opinion des savants qui sont réputés les plus capables
pour le sens de ce genre de débris des anciens monuments.
J'aime à me flatter, pour l'honneur de notre Église, qu'ils con-
firmeront ce que vous dites, et alors nulle place ne conviendra
mieux à cette pierre que celle que vous avez vous même eu l'idée
de lui assigner. On pourrait encore y ajouter une légende qui
dise où elle a été trouvée, et même qui l'explique.
En attendant, je vous prie de la conserver avec soin, et d'a-
gréer, avec l'expression de ma reconnaissance, l'assurance, etc.
Signé : f Charles Fort., évêque de Marseille.
Il serait évidemment plus utile d'avoir la lettre de M. Mel-
liard, à laquelle répondait l'évêque en termes forcément un
peu ambigus pour nous. Malheureusement, cette lettre a dis-
paru de révêché, de même qu'en a disparu, il y a longtemps,
la fameuse inscription du Pagus Lucretius, que M?"" de Bel-
zunce y avait fait transporter, et, tout récemment, une brique
portant le monogramme de Constantin, avec une devise latine,
heureusement publiée par M. U. Chevalier dans la note en
question.
J'ai cherché, tout au moins, à savoir qui était ce Melliard,
et n'ai pas été plus heureux. J'avais pensé qu'il avait pu être
l'un des entrepreneurs chargés des travaux de creusement du
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 497
bassin de Carénage, et j'ai fait des recherches daas ce sens.
Or, mon savant et obligeant collègue M. Mabilly, archiviste
de la ville, n'a rencontré ce nom ni dans les registres de cor-
respondance de 1836 à 1838, ni dans les listes électorales, ni
dans les Indicateurs de l'époque. Les délibérations du Conseil
municipal n'ont rien fourni non plus.
Comme les travaux en question n'étaient pas exécutés aux
frais de la ville, mais de l'État, il était possible que Melliard
fiit un entrepreneur étranger à la ville. J'ai alors dirigé mes
recherches dans ce sens, c'est-à-dire du côté des Archives
départementales et du service maritime des Ponts et Chaus-
sées. Là, j'ai pu constater, grâce à l'obligeant intermédiaire
de M. J. Fournier, archiviste-adjoint, que les travaux avaient
été exécutés en régie, et que, par suite, les entrepreneurs
avaient dû avoir une latitude qui les a dispensés de tenir le
service technique au courant des trouvailles faites par eux.
J'ajouterai que le Rapport rédigé sur ces travaux par une
Commission archéologique que l'on avait nommée tout exprès
pour les surveiller ne fait pas à notre inscription la plus
légère allusion; mais il n'y a pas lieu de s'en étonner, vu
qu'elle s'est acquittée de sa mission avec une négligence qui
n'a eu d'égale que son incompétence. Il y a, en effet, au
Musée Borély une foule d'objets qui proviennent incontesta-
blement du bassin de Carénage, et que le Rapport ne men-
tionne pas davantage. Or, à mon sens, des deux questions que
soulève le monument, la question de provenance et la question
d'interprétation, c'est la question de [)rovenance qui est la
plus importante et la plus délicate.
Sur ce point, M. U. Chevalier s'est montré beaucoup trop
affirmatif, et a tout à fait méconnu le sens des quelques li-
gnes consacrées par M. 0. Hirschfeld à l'inscription dans le
C.I.L.,XII, n» 489. Non seulement M. Hirschfeld ne dit point
que l'inscription « a été trouvée précisément .en 1837 », mais
il déclare que l'on ne sait rien sur la provenance, et il indique
qu'elle peut fort bien provenir du dehors, peut-être de Rome:
« Ubi reperta sit non constat, flerique potest ut sit ori-
ginis eœternae, fartasse urhanae. » Et c'est bien ainsi que
ANNALES DU MIDI. — XVI. 35
498 ANNALES DU MIDI.
l'a compris (le Rossi, qui écrivait en 1888 : « Hîrschfeld du-
Mlat de iiluli origine Massiliensi : de loco enim, quo lapis
repertus est, nil certi iraditum comperit '. »
Eq fait, lorsque E. Le Blaut a déniché — c'est le mot —
l'iascription au Musée, personne ne l'y avait remarquée, et,
chose bizarre, elle ne figure pas même dans le Catalogue
de 1851 , postérieur cependant de deux ans à la visite de
Le Blant, qui avait dû attirer sur elle l'attention du conser-
vateur. Elle n'apparaît que dans celui de 1876 (n» 116), avec
cette simple indication : collection de l'ancien Musée, c'est-
à-dire du Musée formé à partir de 1802 et installé, jusqu'en
1863, dans la chapelle du Lycée actuel.
C'est l'abbé Albanès qui, au rapport de de Rossi, affirmait
que l'inscription provenait bien du Carénage : « Respondet
nunc constare insignem lapident rediisse in lucem Mas -
siliae, quum necropolis sita in piano declivi ab aede
S. Victoris ad litlus maris funditus effossa est excavato
portu, anno fere 1830. > Malheureusement, l'abbé Albanès
a négligé de nous dire sur quoi il fondait cette certitude, ce
qui serait inexplicable s'il avait eu vraiment des documents
quelconques là-dessus. Et je sais personnellement que, tout
convaincu qu'il fût de l'origine marseillaise du monument, il
n'en avait aucune preuve matérielle, mais ne désespérait pas
d'en trouver quelque jour à l'évêché.
On voit par tout cela de quelle importance serait la lettre
de Melliard si on pouvait la retrouver.
Je dois ajouter que j'ai fait examiner le marbre par mon
collègue M, Vasseur, professeur de géologie à l'Université.
Or, tout ce que l'on peut conclure, c'est que ce marbre pro-
vient soit de la région des Pyrénées, soit d'Italie. Il va de soi,
d'ailleurs, que cela ne prouve nullement que l'inscription
n'ait pas été gravée à Marseille; mais là encore le moyen de
faire la preuve nous échappe.
Il me semble cependant qu'il y a, en faveur de la prove-
nance locale, un argument bien simple, et auquel personne
1 Inscript. christ, urbis Romae, II, p. x-xi.
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 499
n'a songé. L'iascription, dans son état actuel, est formée de
cinq fragments; or, les cassures sont très certainement an-
ciennes. Qui admettra que, dans les premières années du dix-
neuvième siècle, un amateur ait apporté à Marseille un mo-
nument d'aussi mince intérêt apparent ainsi fragmenté? Et,
sur un point au moins, je me permettrai d'être plus afflrmatif
que M. HirschCeld : si le marbre ne vient pas de Marseille,
c'est certainement de Rome qu'il vient. Il serait par trop sur-
prenant qu'une épitaphe de martyrs chrétiens du second siè-
cle, apportée par hasard à Marseille, y ait été apportée d'au-
tre part que de Rome.
Seulement, pour que cet argument ait sa valeur, il faut
admettre, avec Le Blant et de Rossi, que l'inscription est
bien clirétienne : une épitaphe païenne pourrait plus facile-
ment avoir été apportée d'une ville quelconque.
Or, ici nous avons affaire à d'autres savants, qui admettent
bien que l'inscription est marseillaise, mais qui veulent qu'elle
soit païenne. Pour M. Froehner, en effet, « les deux hommes,
probablement deux bateliers du Rhône, s'étaient noyés dans
le fleuve : vim fluminis passi suni; l'ancre fait allusion à
leur métier, et le mot refrigeret fait partie d'un trimètre
iambique : « lovis, pater refrigeret nos quam, polest *. »
Sans méconnaître l'élégance de cette dernière leçon, je me
bornerai à faire remarquer que si des bateliers du Rhône
s'étaient noyés dans ce fleuve, ce n'est certainement pas à
Marseille, distant de quarante kilomètres de l'embouchure,
qu'on les aurait ensevelis. La lecture vim maris serait plus
satisfaisante à ce point de vue; mais je doute que l'une ou
l'autre ait jamais l'approbation des latinistes, tandis que vim
ignis est irréprochable.
Au résumé, j'estime que, si nous n'avons pas encore de
preuves matérielles que l'inscription de Volusianus a été trou-
vée au Carénage, il y a tout un ensemble de vraisemblances
que la réponse de Ms' de Mazenod à M. Melliard vient singu-
1. Catalogue des antiquités grecques et romaines du Musée de Mar-
seille, p. VI-VII.
ÔOO ANNALES DtJ MiDt.
Hèrement renforcer, car oa ne voit pas à quel autre objet
trouvé dans les travaux pourrait s'appliquer cette lettre.
M- Clerc.
II
LE NOM DE LIEU TRAMESAIGUES.
Dans un mémoire intitulé La grand'roule centrale des
Pyrénées, publié il y a sept ans, M. Labrouche a écrit : « A
moins d'une lieue de Saint -Lary et sur la même rive s'élève
le village de Tramez ay gués, dénomination fréquente dans
les Pyrénées pour désigner un confluent, Transmissas
aquas*. » Loin de s'arrêter à faire valoir cette étymologie,
jetée d'une manière si désinvolte, M. Labrouche lui a attaché
au pied un boulet dont il n'a pas vu le poids et qui doit la
couler à fond. Ce boulet est la note que voici : « On trouve
dans un acte des archives communales d'Aragnouet de 1370
(original sur parchemin) une forme assez singulière pour tra-
duire ce nom de lieu. Cette forme, qui ne se rencontre qu'à
l'ablatif pluriel, est Trambis Aquis; ce qu'on ne peut expli-
quer que par un adjectif trambus, a, um, et interpréter par
eaux confiuentes. Ni Freund ni Du Cange ne donnent aucun
exemple de cette forme adjective, qui est absolument sûre
dans le texte cité, où elle est répétée plusieurs fois en très
bonne graphie du xiv® siècle. »
Je ne crois pas qu'il y ait lieu d'enrichir Du Cange, encore
moins Freund, d'un adjectif trambus signifiant « confluent ».
J'estime que ce latin médiéval nous fournit simplement la
preuve que la forme romane de Tramesaigues - a été, à un
\. Bulletin de géographie historique et descriptive, 1897, p. 122. Cf.
Annales du Midi, XI, 115. Je reviendrai prochainement, j'espère, sur le
mémoire de M. Labrouche pour en discuter le fond, c'est-à-dire la ques-
tion de la Ténarèze.
2. J'écris ainsi pour simplifier, répudiant le z non étymologique et Vy
de basse époque.
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 501
moment donné, Trambasaigas, antérieurement * Entramba-
saigas, c'est-à-dire Entre-ambas-aigas, ce qui revient, en
bon latin, à Inter-ambas-aquas et, en français de Paris, à
Entre deuœ-eauœ . L'emploi de inier et de aqua dans la
toponymie de la Gaule n'a pas besoin d'être commenté; celui
de ambo est extrêmement rare et je n'en connais pas d'exem-
ple en dehors de la locution Inter-ambas-aquas ' . Cette locu-
tion a été fréquemment employée dans la toponymie espa-
gnole : on ne trouve pas moins de sept Entrambas Aguas
dans les provinces de Santander, de Lugo, des Asturies et de
Tolède 2.
On sait que dans le domaine du gascon le groupe mb se
réduit normalement à m : le Recueil de M. Luchaire indique
plusieurs exemples de amas, âmes comme correspondant au
latin ambas; il est donc tout naturel que Tramesaigues re-
monte à Trambesaigues. Quant à la chute de la première
syllabe du mot entre, elle s'explique par une confusion avec
la préposition en, comme la forme tro de l'ancien provençal,
pour entro (jusque), du latin iniro.
M. Labrouche affirme que la dénomination qui nous occupe
est fréquente dans les Pyrénées, mais il ne cite pas d'exemple
autre que celui dont il vient d'être question. Je n'en connais
en tout que quatre, dont le lecteur sera peut-être bien aise de
trouver ici l'indication ' :
1° Au confluent de la Neste d'Aure et du Rieumajou (Hautes-
Pyrénées) : c'est celui qui a inspiré M. Labrouche;
2" Au confluent de l'Ariège et du Sios, hameau de la com-
mune de Montgaillard (Ariège);
3" Au confluent de l'Ariège et de l'Ers, hameau de la com-
1. Ce serait une erreur de croire (comme le dit F. Godefroy en son Dict.
de l'anc. langue française, article anibes) que dans Ambérieux il y a
ambos et rivos; en réalité Ambérieux est identique qtymologiquement à
Ambayrac (Aveyron) et à Ambërac (Charente), c'est-à-dire qu'il contient
le gentilice Anibarius plus le suffixe -acus.
2. Comparez, pour l'emploi de ambo, les localités appelées Entratnbos
Rios et Entrambas Mestas.
3. l^Q Dictionnaire des postes n'enregistre que Tramesaygues (Hautes-
Pyrénées).
502 ANNATES DU MIDI.
mime de Cintegabelle (Haute- Garonne), où la carie de Cassini
signale une église ou chapelle;
4° Au confluent du ruisseau d'Aucèse (certains écrivent
Ossèze *) et du ruisseau d'Escorse, dont la réunion forme le
ruisseau d'Alet, affluent du Salât, ancien hameau de la
paroisse de Saint-Lizier d'Ustou (Ariège) d'après la carte de
Cassini. Aujourd'hui le nom paraît avoir disparu, au moins de
la cartographie, et avoir été absorbé par celui de Tartarolle,
que Cassini indique dans le voisinage sous la forme Tartat^ot.
On remarquera que les deux Tramesaigues qui sont sur
les bords de l'Ariège n'appartiennent pas au domaine gascon :
la réduction de mb à m déborde donc les limites orientales
de ce dialecte.
Antoine Thomas.
III
SUR LA DATE DE LA TRANSLATION DKS RELIQUES DE SAINTE FOI
D'AGEN a CONQUES.
Le monastère de Conques, en Rouergue, dédié d'abord au
Saint Sauveur, doit sa célébrité aux miracles accomplis par
les reliques de sainte Foi. Ces reliques, déposées dans le « su-
burbium » de la cité d'Agen, lurent subrepticement enlevées
et transportées à Conques à une date du ix** siècle qu'il s'agit
de préciser. On est d'accord pour placer le pieux larcin après
l'année 863. Aimoiu, moine de Saint-Germain-des-Prés, rap-
porte, eneflét, que les moines de Conques songèrent cà dérober
aux Agenais le corps de sainte Foi lorsqu'ils eurent perdu
l'occasion d'acquérir les reliques de saint Vincent de Sara-
gosse. Celles-ci furent volées à Valence par le moine Audal-
dus et transportées à Castres en 863-. La translation des
L Dans le Dicl. de la France de .Toanne, à l'article Alet, on lit Ancèze,
l)HY suite d'une faute d'impression.
2. Mabillon, Acta sanctorum ordùns sancti Benedicti, saec. IV, pars i,
p. (Ji3, et dans Migue, Palrol. lat., t. OXXVI, col. 1011.
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 503
reliques de sainte Foi est naturellement postérieure à cette
année. Gustave Desjardins a établi un terminus ad quem
indiscutable. Une charte du cartulaire de l'abbaye de Conques
qui mentionne la présence du corps saint {Couchas ,.. uM
sancius Vincentius ' et sancta Fides tumulati quiescunt)
porte, en effet, la date suivante : « Actum die wiartis III
halendas augusti anno III I, régnante Karlomanno
rege'^ ». L'an quatrième du règne de Carloman, fils puîné de
Louis II, mort le 12 avril 879, correspond à 882-883, et en
883 le 30 juillet tomba un mardi. La translation est donc
antérieure au 30 juillet 883. Celte déduction a été acceptée,
entre autres, par Aug. Molinier ^ et l'abbé Bouillet ''.
Il reste néanmoins une marge de vingt ans. Desjardins s'est
efïorcé tout le premier de la resserrer. Il a remarqué que les
reliques de la sainte ne sont pas mentionnées « dans une
donation faite à l'abbaye par Bernard Plantevelue, comte
d'Auvergne, donation dont la date est incertaine, mais qui
paraît peu antérieure à 878 ^ » En publiant l'acte (n» 153)",
Desjardins le datait du 21 juillet 882 et non 878, et Ton con-
çoit son embarras. Cette charte est une donation du comte
Bernard qui, avec Ermengarde sa femme, gratifie Saint-Sau-
veur de Conques, gouverné par l'abbé Bégon, de sa villa de
Bauton en Rouergue : « res nostras proprias qui ex alode
parentorum meorum justissîme milii obvenerint. » La
date est ainsi conçue : « facta cessione ista in mense julio
XII halendas augustas, anno VII régnante Karolo 7'ege
1. Ce serait un autre saint Vincent dont le corps était déposé à Pom-
pejac en Agenais. Voy. Cartulaire de l'abbaye de Conques, publié par
G. Desjardins (Paris, 1879, in-S»), p. ix [Documents historiques publiés
par la Société de l'Ecole des Chartes, t. Il] ; et aussi Bibliothèque de
l'Ecole des Chartes, t. XXXlll, p. 260.
2. Desjardins, Cartulaire, n» 4, p. 5.
3. Molinier, Manuel des sources de l'histoire de France, n» 1541,
t. m, p. 122; cf. plus bas, note 0.
4. Dans son édition du Liber miraculorurn saiiéte Fidis (Paris, 1897,
in-S»), p. VII [Collection de textes Alph. Picard).
5. Cartulaire, p. xi.
6. Ibid., pp. 135-137. Molinier a adopte 882, car dans Y Histoire de
Languedoc (éd. Privât, t. IV, p. 472) il dit : « C'est en 883 seulement que
les reliques de cette sainte y furent transportées d'Agen ».
504 ANNALES DU MIDI.
Francorum et Longobardorum {sic) s». L'éditeur, qui ne
s'en explique pas, voit dans ce roi Charles le Gros. On ne
saisit pas bien, d'ailleurs, comment il peut justifier, avec cette
identification, soit l'année 878, soit 882. Le roi Carloman de
France occidentale proposé par MM. Bouillet et Servières '
doit être écarté, car il n'a pas régné sept ans.
Enfin Adon de Vienne, mort le 16 décembre 875 2, men-
tionne la translation de sainte Foi dans son Martyrologe sous
l'année 288 : « Passio quoque bealae Fidîs et sociorum ejus
apud urbem Agennorum, quae postea Conchis translata
est^. » Ces derniers mots constituent peut-être, à la rigueur,
une interpolation. Néanmoins, il reste une présomption que
la translation est antérieure à 876.
Je crois que l'on peut arriver à une solution en utilisant le
double récit de la translation que Desjardins a écarté de parti
pris. Il a écarté la rédaction en prose sous prétexte qu'elle ne
se place pas entre 935 et 1035, comme le prétendait Ghes-
quière *, mais constitue une amplification cicéronienne de la
Renaissance ^
Cette opinion n'est pas souteuable. Le récit en prose est du
XI'' siècle ", postérieur au Liber 7niraculorum de Bernard
d'Angers auquel il renvoie", donc à 1020*^.11 est du même
1. Sainte Foy, vierge et ynartyre (Rodez, 1900, m-i"), p. 421, note 3.
2. Gallia christiana, XVI, col. 276; dom Rivet', dans l'Histoire litté-
raire de la France, t. V, p. 465.
3. Migne, Patrol. lat., t. CXXIII, col. 90.
4. Dans les Acta Sanctorum des Bollandistes, octobre, t. III, p. 789.
5. Cqrtulaire. p. X.
6. Il est contenu dans des manuscrits anciens dont l'un du début du
xii« siècle. Voy. Bouillet, Liber miraculorum, pp. viii note 3, xvi, xx,
XXVI.
7. Cap. 23 : « Sed si quispiam avidus voluniinum scrutator est, qui
horum ?iotamina adipisci degliscat, codicem miraculorum ej us per lé-
gat. » {Acta Sanctorum, octobre, t. III, p. 299.)
8. Voy. Bouillet et Servières, Sainte Foy, pp. 418 et 419, et Bouillet,
Liber miraculorum , p. viu. Desjardins {Cartulaire, p, xii) en a eu le
pressentiment : a Le caractère général du style du Liber miraculormn est
tellement semblable à celui de la version en prose de la translation de
sainte Foi ... que, à première vue, on serait tenté de l'attribuer au même
auteur. » La translation en prose a été utilisée certainement par la Chro-
nique de Conques, rédigée, semble-t-il, à la fin du règne de Henri I (1031-
1060). Voy. Marlène, Thésaurus anecdotorum, t. UI, col. 1387,
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 505
auteur qui a complété ce Liber vers 1060 i. Quant au récit
en vers 2, on ne peut, avec Ghesquière, lui assigner une date
antérieure à 937. Desjardins suppose, d'après sa forme, « qu'il
a été composé au x« ou plutôt au commencement du xi« siè-
cle ^ ». Et on va voir dans un instant qu'il a raison, et plus
qu'il ne croit. Les deux textes sont dans un étroit rapport.
Ghesquière et Desjardins sont d'accord, au surplus, pour pla-
cer le récit en prose après le récit en vers. Cette opinion
ne me paraît pas fermement établie *. Mais, comme les deux
textes coïncident sur le seul point qui nous intéresse, nous
reproduisons, sans plus discuter, la fin des deux récits. Après
avoir raconté le larcin du moine Ariviscus et la vaine pour-
suite des Agenais dans la direction de la Gascogne, l'auteur
du récit en vers termine ainsi :
Nil Ariviscus reraorans
Cœptum iter accelerans,
Prope tua conflnia
Jarn defixit vestigia.
Gui turba Conchacensium,
Dei laudes sonantium,
Pro tanta Dei gloria
Gaudens processit obvia,
Acceptisque reliquiis
Divinis cum obsequiis,
Ut dignum erat facere,
Curarunt bas reponere.
Tune in Francorum partibus
Regnabat minor Carolus
Quem post Franci de solio
Deposuerunt regio.
Facta est haec translatio
Beatae Fidis martyris
In die nonodecirao
Kalendis februariis.
1. Voy. Bouillet, Liber miraculorum, pp. 18, note 1, 84, 123-124.
2. BoUandistes, Acta Sanctorum, octobre, t. 111, p. 292.
3. Cartulaire, pp. x-xi.
4. La rédaction versifiée renferme des exagérations qui manquent à la
rédaction en prose. Ainsi elle prétend qu'Ariviscus, le pieux ravisseur,
demeura dix ans à Agen cacliant son dessein. Si la rédaction en prose
était postérieure on ne voit pas pourquoi elle eût omis ce trait. Il se com-
prend au contraire dans la version en vers comme licence « poétique »,
506 ANNALES DU MIDI.
Hinc apud Conchas agitur
Hic dies celeberrimus
In quo Christo sit gloria
Per inflnita saecula i.
La narration en prose donne le même jour, 14 janvier
{XIX Kal. februarium die), pour la translation : eodem
quippe tempore, CafOlo Minore, Francorum rege im-
jjerante, quem suae dilionis principes, inique adversus
eum conjurantes, a solio regio ejeceruni et Ottoni, Aqui-
ianorum duci, coronam regni imposuerunt et illum pro
eo regnare elegerunf^.
L'auteur en vers — ou plutôt, à mon avis, l'auteur en
prose — n'a pas inventé de toutes pièces son récit de la trans-
lation des reliques de sainte Foi; mais il l'a amplifié dans le
but de le dramatiser. Le seul fondement réel que nous puis-
sions atteindre est celui-ci : la translation a eu lieu un 14 jan-
vier sous le règne d'un roi appelé Carolus Minor. Ce Caro-
lus Minor, l'auteur de la Translation l'a identifié d'une façon
absurde avec Charles le Simple parce qu'il a eu sous les
yeux la chronique d'Adémar de Chabannes.
Adémar est, en effet, le seul auteur qui, par suite d'une mé-
prise curieuse^, fasse du roi Eudes avant son avènement au
trône un duc d'Aquitaine, et l'un des surnoms qu'il donne à
Charles le Simple est, eu effet, Minor ^.
1. Acta Sanctorum, octobre, t. III, p. 292.
2. Ibid., t. III, p. 298.
3. Nous lui consacrons une petite étude (voy. plus bas p. .509). Cette
méprise se retrouve dans la Trcuislatio saacti Genulfi {Mon. Germ.,
Script., t. XV, pp. 121U, 1213) et la Chronique de Conques (Martène, The-
saurus anecdotorum, t. III, p. 1387) ; mais ces textes sont postérieurs
à Adémar et inspirés de lui, le premier directement, le second par l'entre-
mise de la Translation en prose de sainte Foi dont on vient de parler.
4. Il est curieux de noter que dans la rédaction C, la seule qui nous
donne le nom du père du «-duc » Eudes, Raimond, Charles n'ait pas été dit
tout d'abord Minor, mais Insipiens (J. Lair, Études sur divers textes
des X» et xv siècles, Paris, 1899, 2 vol. in-4°, t. II, pp. 121 et 133), tandis
que A le qualifie Minor et H Junior. Mais il faut remarquer : 1° que la
rédaction C est représentée par une copie défectueuse; 2" un peu plus
loin, au chap. xxii, C offre Minor comme //et A (Lair, t. II, p. 138). Adé-
mar employait pour désigner Charles le Simple les deux expressions
(ainsi dans H, éd. Lair, p. 124 : Carolus cognomeiito Insipiens vel
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 507
Nous ne sommes pas forcés de partager l'erreur de l'auteur
de la Translation, égaré par Adémar. Un autre roi a porté, et
d'une manière plus compréhensible, ce surnom : c'est un des
fils de Charles le Chauve, Charles le Jeune, couronné roi
d'Aquitaine à Limoges au milieu d'octobre 855, mort à Buzan-
çais en Berry le 29 septembre 866'. On comprend que ce per-
sonnage effacé ne laissa pas de souvenirs et que, environ deux
siècles après, on fut bien en peine d'identifier un Carolus
Minor.
Admettons, maintenant, qu'il s'agisse de lui; corrigeons
immédiatement la date absurde de la charte 158, régnante
Karolo rege Francorum et Longobardorum, en régnante
Karolo rege Francorum et Aquiianorum. En prenant pour
point de départ présumable la date de son couronnement (oc-
tobre 855), nous arriverions à placer la charte 153 au 21 juillet
862.
Cette date s'accorde mieux, d'ailleurs, avec le contenu de
l'acte. On a vu que c'est une constitution de précaire. Ber-
nard donne un domaine à l'abbaye, mais s'en réserve l'usu-
fruit. Nulle allusion à ses enfants alors qu'il nomme sa femme
Ermengarde; on dirait même qu'ils ne sont pas nés. Si l'abbé
veut enlever aux moines pour le donner en bénéfice le do-
maine de Bauton, celui-ci retournera ad propynos parentes
du donateur. En 878 ou 882, peu avant la mort de Bernard
Plantevelue (885)2, la charte serait conçue, semble-t-il, d'au-
tre façon.
Minor). Mais il préférait cette dernière. Nous la retrouvons dans des
notes autographes contenues dans le nis. latin de la Bibliothèque de
Leide, Vossius, in-S", pi. 141 v° : tempore Karoli minoris fuit Arnal-
dus cornes filius Bernardi. (L. Delislo, iYo</ce sur les manuscrits origi-
naux d' Adémar de Cliabannes, dans Notices et extraits des manuscrits
t. XXXV, 1"''^ partie, p. 316, et pi. III; et Lair, t. II, p, 124. n. 3 et fac-sim.,
pp. 28U-281, pi. 1.) Déjà dans sa Commemoratio abbatuni Sancti Martia-
lis, écrite en 1026, on trouve : Odo rex obiit et Carottes niinor regnmn
recuperavit. Voy. Duplès-Agier, Chronique de Saint-Martial de Li-
moges (Paris, 1874, in-S", p. 3). Sur l'expression minor appliquée à un
roi Charles cf. page 507, on tète.
1. Annales liertiniani, éd. Waitz, p. 8:{. Of. Le Moye)i Age, année
1902, p. 426.
2. Voy. Poupardin, Le royaume de Provence, p. 137.
508 ANNALES DU MIDI.
Nous avons donc une confirmation de l'assertion d'Aimoin
que la translation des reliques de sainte Foi est postérieure
à 863.
On peut tenter de resserrer encore ces dates. En 862, il est
peu admissible que Bernard portât le titre de comte du vivant
d'Etienne, comte d'Auvergne. Or, celui-ci fut tué par les Nor-
mands en décembre 863*. Une charte de Saint-Julien de
Brioude montre Bernard II comte d'Auvergne dès janvier 864^,
mais non point à une époque antérieure. Enfin, Bernard II
tenait Bauton par héritage de ses parents {eœ alode parento-
rum meorum). Son père Bernard I" semble donc mort à
l'époque où fut rédigée la charte 153 du Cartulaire de Con-
ques-'. De tout ceci, il résulte que ce dernier acte est au plus
tôt du 21 juillet 864. Le point de départ du règne de Carolus
Minor a été mal calculé ou, peut-être, on l'a fait partir de
857. Charles le Jeune fut en effet presque aussitôt chassé par
les Aquitains.
Ainsi, le 21 juillet 864, le corps de sainte Foi n'était pas
encore en l'abbaye de Conques. Il s'y trouvait, d'autre part,
avant le 29 septembre 866, date de la mort de Carolus Minor,
et comme la translation eut lieu un 14 janvier*, il faut adop-
ter pour date d'année de cette cérémonie le 14 janvier 865
ou 866.
Ferdinand Lot.
1. Voy. notre petit livre Fidèles ou vassaux (Paris, 1904, in-8"), p. 97.
2. Cartulaire de Saint-Julien de Brioude, éd. Doniol, nolTô, pp. 187-
189.
3. La dernière charte oîi apparaisse Bernard 1", comte d'Auvergne, est
de mai 849 {Cartulaire de Brioude, n" 95, pp. 112-113). Comme Etienne
était comte du même pays dès 860 (lettre d'Hincmar au concile de Tusey;
cf. Schrœrs, Hinkmar, p. 528, n° 141), la mort de Bernard I" se place à une
date un peu antérieure. Mabille {Le royaume d'Aquitai>ie, pp. 20 et 45) a
voulu contester qu'Etienne ait été comte d'Auvergne, mais son argumen-
tation est sans valeur; il a d'ailleurs confondu Bernard I" avec son fils.
Voy. notre livre Fidèles et vassaux, p. 97 sq. [et surtout l'étude toute
récente de MM. Calmette et Patry, Les comtes d'Auvergne, dans les
Annales du Midi, 1904, p. 305].
4. Voy. plus haut p. 506.
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 509
IV
LE ROI EUDES « DUC D'AQUITAINE »
ET ADÉMAR DE CHABANNES.
Dans la rédaction A de la Chronique d'Adémar de Chaban-
nes, on lit ce qui suit au chapitre xx, du livre III : tune
Franci conjurantes contra Carolum Minorem^ eiciunt
eum de regno et Odonem, ducem Aquitanie, in regno ele-
vaverunt. La rédaction C ajoute . Me Odo fuit ftlius Rai-
mundi, comitis Lemovicensis et primo in Aquitania rex
ordinatus est apud Lemovicam, cujus civitatis monetam
nomine suo sculpere jussit, quae antea nomine Caroli
scribebatur. Constituit in ea urbe vice [comitem] Fulche-
rium, indusirium fabrum in lignis, et Lemovicinum per
vicecomites ordinavit. Similiter et Bituricam; et secundo
anno in Francia rex elevatus est^.
M. Robert de Lasteyrie a très bien vu^ qu'Adémar de Cha-
banues avait confondu le comte Eudes, fils de Robert le Fort,
avec Eudes de Toulouse, fils de Raimond, marquis de Toulou-
sain et comte de Limousin; mais il n'explique pas* comment
s'est produite cette confusion.
1. Cf. la dissei'tation précédente.
2. Chronique, éd. J. Chavanon (Paris, 1897, in-8»), p. 139. Il est plus
commode, ici, d'avoir recours à M. J. Lair (op. cit., t. 11, pp. 125-126),
qui donne les rédactions sur colonnes parallèles, et même des passages
(ainsi, pp. 111-112) que l'édition Chavanon a négligés.
3. Etude sur les comtes et les vicomtes de Limoges, pp. 26-29, et aussi
55 et 59. [Bibliothèque de l'Ecole des Hautes-Etudes, fasc. 18.)
4. Du moins d'une façon satisfaisante : « Voyant le roi Eudes posséder
« l'Aquitaine (après son partage avec Charles le Simple en 898) l'interpo-
« lateur [voy. plus loin, p. 511, note 1] a supposé qu'il était un grand
« seigneur aquitain ; aussi l'a-t-il fait duc d'Aquitaine, titre que n'avait
« pas, à la vérité, le comte Eudes, mais que portèrent plusieurs comtes de
« Toulouse » (p. 59). Cette dernière explication ne vaut rien, car il est
plus que douteux qu'Adémar ait reconnu l'identité d'Eudes, comte en
Limousin, avec le marquis homonyme de Toulouse. Adémar a donné le
titre de duc d'Aquitaine à Eudes parce que, de son temps, le souverain
510 ANNALES DO MIDI.
Elle résulte, à mou avis, de la lecture des Archives de
l'abbaye de Beaulieu en Limousin. Elles renfermaient : 1" un
acte sans date par lequel Oddo gratta Dei cornes vend à
l'archevêque de Bourges, Frotier, le domaine cVOrbaciacusK..
in comilatu Lemovicino'^ ; 2" la donation (août 887) par
l'archevêque à l'abbaye de Beaulieu de ce même domaine et
d'autres terres, quas de Oddone comité compat^avi^ ; 3° un
diplôme par lequel Odo miser ico7'dia Dei rex confirme les
donations faites à Beaulieu par les archevêques de Bourges,
Raoul et Frotier. Le nom de Raimond, celui du domaine Or-
baciacus, y sont relevés. La date mérite d'attirer particuliè-
rement notre attention : ActuTU Sancti Maœimini monaste-
rio sublus Aurelianis civiéate. — Datum Tnense junio anno
incarnationis Domini occc lxxx viiij., indictione vi.,
anno ii. Odonis régis*.
Il me paraît évident qu'Adémar a eu sous les yeux ces trois
pièces. Il a cru de bonne foi que le comte Eudes, fils de Rai-
mond, des deux premières était le même que le roi Eudes de
la troisième, d'autant que dans ces trois actes il est question
du domaine à' Orbaciacus . Le diplôme royal, daté de Saint-
Mesmin près Orléans, donc de France, lui a appris qu'en 889,
Eudes était reconnu roi depuis deux ans. Mais la deuxième
charte porte la date suivante : mense augusto anno vii^
imperante Karolo, m in Galliis. Il s'agit de Charles le Gros
et l'acte est d'aoiit 887. Adémar de Chabannes qui connaissait
vaguement la lutte d'Eudes contre le Carolingien a cru qu'il
s'agissait de Charles le Simple et il en a conclu que celui-ci
avait été chassé du trône par un comte ou duc aquitain
nommé Eudes.
nominal, sinon effectif, du Limousin, était le duc d'Aquitaine. Cf. Pfister,
Etude sur le règne de Robert le Pieux, p. 273.,
\. Aujourd'liui « Le Saillant », comm. Voutezac, cant. Juillac, arr.
Brive (Corrèze).
2. Deloclie, Cartulaire de Beaulieu en Limousin, pp. 24-25.
3. Ibid., pp. 26-28.
4. Deloche, op. cit., pp. 28-30.
5. Il y a iiii. dans le cartulaire, mais la faute s'explique aisément : les
deux jambages du Fondai ont été lus ii.
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 511
L*idée de faire régner celui-ci d'abord en Aquitaine et de le
faire élire à Limoges est amenée par une série de raisonne-
ments plus ou moins conscients. Si Eudes est aquitain, il paraît
évident qu'il sera d'abord l'élu de ses compatriotes. Le lieu
du couronnement, Limoges, s'explique d'une double façon.
Adémar sait qu'un roi a été élu en cette ville en 855 : c'est
Cbarles le Jeune, qu'il prend pour Charles le Chauve'. Il en
déduit peut-être que Limoges est le lieu où les rois d'Aquitaine
sont élus et couronnés 2. Ensuite, il a manié des monnaies
limousines qui portaient le nom d'Eudes. On sait que, tradi-
tionnellement, les monnaies de cette région continuèrent à
porter dans le champ le mot ODO, plus ou moins déformé,
bien longtemps après la mort du roi Eudes (898) ■'. Mais, d'autre
part, ou possède aussi des deniers de Charles le Simple frap-
pés à Limoges*. Peut-être même a-t-il existé des pièces au
monogramme de Karolus combiné avec ODO. Adémar en
a conclu que l'usurpateur établit à Limoges, un atelier moné-
taire où il fit remplacer par son nom celui du roi légitime. Il a
rattaché à cette circonstance, sans qu'on voie trop pourquoi,
l'établissement des vicomtes à Limoges et à Bourges ^ De son
temps, en elïet, les seigneurs de ces deux villes portaient ce
titre et non celui de comte, et on ne s'expliquait pas cette
anomalie*'.
1. Voy. sa Commetnoratio ahbatuni Sancti Martial is , rédigée en 1026,
dans Chro?iiques de Saint-Martial, publiées par Duplès-Agier, p. 2; et
sa Chronique, éd., Lair, p. 119.
2. Cette idée a repara au xii" siècle. Voy. Pfister, op. cit., p. 282, et R. de
Lasteyrie, op. cit., p. 36.
3. Gariel, Monnaies royales de France, p. 283, et pi. xlvii, n"^ 26 à 29,
d'après Longpérier, Catalogue... Rousseau, p. 197.
4. Gariel, ibid., p. 293 et pi. l, n" 37. — Prou, Catalogue des mon)iaies
carolingiennes conservées à la Bibliothèque natio?iale, Introduction.
5. Je ne me rends pas compte des raisons qui ont poussé Adémar à
faire de Foucher, vicomte de Limoges, un iiidustrium fabruni in lig-
nis{i) 11 avait pris le nom de ce personnage dans des chartes. Il en cite
une souscrite « <S. Fulcherius vicecomes, anno II, regtiante Ludovico
rege, » dans des notes autographes publiées par L. Delisle, loc. cit.,
p. 317.
6. J'ai tenté d'en rendre compte dans mon livre sur le Règne de Hugues
Capet, p. 202. M. de Lasteyrie (op. cit., p. 59) a pensé que la création des
512 ANNAt.ES DÛ MIDÎ.
On pourrait objecter à nos déductions que tout ceci est le fait
d'un interpolateur, peut-être d'un moine de Beaulieu, mais
non d'Adémar lui-même. Depuis Waitz', l'opinion desérudits
veut que la rédaction C soit une interpolation du xii^ siècle.
M. Lair, qui a démontré ^ que cette rédaction est très anté-
rieure et date du xi^ siècle, refuse d'en attribuer la paternité
à Adémar lui-même, à tort selon nous^. Pour le cas particu-
lier qui nous occupe, il suffit de faire remarquer que la rédac-
tion ^est bien d'Adémar "*. Comme Eudes y est dit dux Aqui-
lanie'" la substance de A et de C est déjà évidemment connue
de H^. Enfin, dans des notes que M. Léopold Delisle' a mon-
tré être de la main d'Adémar lui-même, on lit ceci : « Odo
regnavit anno i in Aquitania et in Francia ii anno ,
anno incarnationis dccclxxxviiij. » Ces mots sont visible-
ment inspirés par la lecture de la date du diplôme d'Eudes
pour l'abbaye de Beaulieu ^ Nous n'avons pas le droit de dire
que les rédactions ^ et C sont dues à des remanieurs.
vicomtes de Limoges était le fait, non du roi Eudes, mais du comte Eudes
(de Toulouse). Cette opinion est tout hypothétique. A vrai dire, je ne suis
pas assuré qu'Eudes et son ijère aient été comtes de Limoges. Ils ont été
plutôt comtes en Limousin, c'est-à-dire qu'ils ont gouverné la portion
méridionale (Turenne probablement), de Yorbis Lemovicmus.
1. Dans les Monunienta Germaniae, Scriptores, t. IV, p. 111.
2. Au t. II de ses Etudes critiques sur divers textes des x'= et xi" siè-
cles (Paris, 1899, in-é").
3. Voy. notre Hugues Capet, p. 351.
4. La démonstration de M. Delislo {loc. cit., pp. 338-3-11) est probante.
M. Lair (op. cit., t. II, pp. 280 et 283), qui conteste que le texte soit de
la main d'Adémar, admet que les notes marginales et interlinéaires sont
bien de lui. M. Lair reconnaît même que les additions à effectuer,
indiquées en interligne dans H par Adémar, ont été exécutées dans A et C
dont il se refuse cependant à attribuer la paternité à cet auteur. Cet aveu
est plus grave que ne semble le croire l'éminent érudit.
5. Éd. Chavanon, p. 77; Lair, op. cit., t. II, p. 125.
6. Je crois que sur ce point M. Lair sera d'accord avec nous. Voy. ce
qu'il dit au t. II, p. 261.
7. Notice sur les tnanuscrits originaux d'Adémar de Chabannes,
dans Notices et extraits des manuscrits publiés par l'Académie des
Inscriptions, t. XXXV, 1" partie, p. 317.
8. Voy. plus haut, p. 510. Je dois faire remai'quer encore que nombre
d'actes de cette abbaye sont datés « régnante Karolo minore ». (Voy.
Deloche, op. cit., pp. 43, 45, 49, 53, 99, 166, 251, 255.) Cette qualilication
est, je crois, particulière à l'abbaye de Beaulieu. Elle a dû inspirer
MÉLANGES ET DOCDMENTS. 5l3
Quant à préciser à quel moment et par suite de quelles cir-
constances Adémar de Chabannes a visité et dépouillé les ar-
chives de l'abbaye limousine de Beaulieu, c'est ce que les
lacunes de sa biographie ne permettent pas, ce semble, de
déterminer avec précision.
En tous cas, ce fut avant 1026, époque à laquelle Adémar
rédigea sa Commemoralio abbalum, Sancli Mariialis. En
effet, il rapporte à l'an 5 de l'abbatiat d'Abbon et à l'année
du couronnement de Charles le Chauve [sic) à Limoges (855)
la fondation de Beaulieu en Limousin par Raoul, archevêque
de Bourges : « hoc anno cenobium Bellocum a Radulfo
arcJiiepiscopo fundalum et consecralum'^. » Ces renseigne-
ments sont d'une exactitude remarquable. Les bâtiments du
nouveau monastère, construit par rarchevê(]ue de Bourges
Raoul au lieu dit autrefois « Vellinus », auquel il donna le
nom de « Beaulieu », commencèrent à s'élever dès le com-
mencement de 859 et furent consacrés en novembre 860;
mais les débuts de la fondation peuvent fort bien remonter
à 855-. On ne voit pas où et comment Adémar aurait pu re-
cueillir ces renseignements ailleurs qu'à l'abbaye même de
Beaulieu.
Une objection de principe qu'on pourrait faire valoir contre
notre hypothèse, c'est qu'un auteur du haut moyen âge
n'avait pas coutume pour rédiger une œuvre annalistique de
consulter des pièces d'archives privées. Il est vrai. Mais Adé-
mar fait exception. Le manuscrit latin Vossius, octavo 15 de
la bibliothèque de Leide, provenant de Saint Martial de Limo-
ges, lequel nous a fourni la date de 889 pour l'an II du règne
d'Eudes en France, est criblé sur les marges des fol. 139 à 144
de notes brèves de la main d'Adémar. Ce sont des extr^iits de
chartes recueillis pour permettre à l'auteur d'établir la chro-
nologie des comtes d'Angoulême et l'histoire des abbayes de
Adémar, le seul auteur, ai-je dit (plus haut, p. r)0(;), qui use de cette
expression, en prenant ce personnage, par une confusion facile, pour
Oliarles le Simple.
1. Duplès-Agier, op. cit., p. 2.
2. Deloche, Cartulaire de Beaulieu, pp. ccxxvi-ccxxxi.
ANNALES DU MIDI. — XVI. 30
514 ANNALES DU MIDI.
Saint-Cibard d'Aagoiilême et de Saiat-Martial de Limoges *. Il
me paraît ressortir des observations qui précèdent que les ar-
chives de l'abbaye de Beaulieu avaient été également l'objet
des dépouillements d'Adémar de Ghabannes.
Ferdinand Lot.
V
GARSIE-SANCHE, DUC DE GASCOGNE.
La maison ducale de Gascogne, dont la descendance mas-
culine s'éteignit en 1032, tire son origine d'un certain Garsie-
Sanche, qu'un document unique nous montre en 904 régnant
« comes et marchio in limitibus Oceani^ ». Je crois avoir dé-
montré que les assertions sur l'origine espagnole de ce per-
sonnage sont pure fantasmagorie 3. Personne ne s'est avisé
que nous avons sur l'existence de ce personnage un témoi-
gnage antérieur d'une vingtaine d'années; il s'agit de la sous-
cription à l'acte par lequel Eudes, comte de Toulouse et du
Limousin, avec l'assentiment de sa femme Garsinde et de son
frère Airbert, vend à Frotier, archevêque de Bourges, le âo-
maine d'Orbaciacus en Limousin Les souscriptions sont ainsi
reproduites dans l'édition : « S. Oddonis comiiis et uœoris
ejus Oarsindis qui hanc vendilionem fieri et adfirmayn
rogaverunt., S. Airberti fratris ejus qui hoc ad/îrmavit,
S. Garsio script, comitis, S. Willelmi comiiis, S. Ragam-
frediy Ramnulfi, Amaluini. »
Cette charte ne nous est pas parvenue en original. Elle ne
1. Voy. Holder-Egger et Zeumer dans Nettes Archiv der GeseUschaft
fur aeltere deutsche GeschichtskiDide, t. VII, pp. 63".2-637; — L. Delisle,
loc. cit., pp. 314-318. Ce dernier remarque que nous avons un autre
exemple de ce procédé dans la Chro)iique de Saint-Claude par un moine
du XII» siècle, chronique étudiée par Ulysse Robert dans la Bibliothèque
de l'Ecole des Chartes, t. XLI, 1880, p. 561-9.
2. Gallia christiana, I, Instr., col. 170.
3. Etudes sur le règne de Hugues Capet et la fin du x"' siècle, p. 205,
note 2.
MELANGES ET DOCDMENTS. 515
nous est connue que par la transcription de la fin du xii« siè-
cle du Cartulaire de Beaulieu^. Le scribe a, naturellement,
estropié les noms qui lui étaient peu familiers. Et c'est ainsi
qu'il est évident à mes 3'eux que « S. Garsioscriptoris comilis»
représente « S. Garsio Sanctii comitis ». C'est le comte gascon
Garsie-Sanche. Le « Willelmus comes » est le célèbre comte
d'Auvergne, marquis de Gothie et duc d'Aquitaine, Guillaume
le Pieux, fils de Bernard Plantevelue^.
Il est regrettable que l'absence de date ne permette pas de
dire avec certitude où et quand les plus grands personnages
de l'Aquitaine et de la Gascogne se trouvaient ainsi réunis.
On a pu, néanmoins, resserrer l'époque où cet acte fut passé
dans des limites assez étroites. Il est certain qu'il est antérieur
au mois d'août 887, car c'est alors que Frotier fit don à l'ab-
baye de Beaulieu ^ du domaine (VOrbaciacus qu'il avait acheté
par l'acte précédent. Il est postérieur, d'autre part, au 13 juil-
let 876, date d'un diplôme de Charles le Chauve concernant
ce même domaine*, au milieu de l'année 885, époque de la
mort de Bernard Plantevelue-^, qui figurerait dans l'acte au
lieu de son fils s'il était encore vivant. Il se place donc entre le
milieu de 885 et août 887. Peut-être même est-il du même lieu
(Bourges probablement) el de la même date (août 887) que la
charte de donation de l'archevêque Frotier dont il est connexe.
Celle-ci est souscrite par le donateur et les évêques Effroi,
de Poitiers, Guillaume, de Cahors, Adolen, d'Albi, par des
clercs et des « boni viri » obscurs, mais par aucun laïque de
marque. Ceux-ci avaient apposé leur souscription au premier
acte, celui du comte Eudes de Toulouse. La souscription de
Garsie-Sanche, qui nous intéresse particulièrement, est peut-
L Voy. l'édition Deloche (Paris, l«.j!), in-4''), n» x, p. -^4. (Collection des
Documents inédits.)
2. Deloche, op. cit., p. 25, note 8. ,
3. Delociie, op. cit., n° x, p. 26.
4. Ibid., n" ix, p. 23.
5. Voy. Deloche, Introduction, p. ccxxxix. L'éditeur a commis une
légère erreur en mettant en 88(5 la mort de Bernard Plantevelue. Celui-ci
est mort en 885. Voy. Poupardin, Le royaume de Provence sous les
Carolingiens, p. 137 ; F. Lot, Fidèles ou vassaux, p. 97, note 3.
516 aMnales du Mlt»I.
être motivée par une raison personnelle. Le nom que portait
la femme d'Eudes de Toulouse, Garsinde, est répandu particu-
lièrement en Gascogne et se retrouvera parmi les descen-
dantes de Garsie-Sanche '. Ne peut-on soupçonner qu'un lien
de parenté unissait celui-ci et l'épouse du comte de Toulouse?
Une observation hypothétique d'un intérêt plus général,
c'est qu'en août 887, à Bourges probablement, a eu lieu une
assemblée où ont pris part des personnages considérables du
royaume d'Aquitaine, le comte de Toulouse et Limousin,
Eudes, et son frère Airbert; Garsie, comte ou duc de Gasco-
gne; Guillaume, comte d'Auvergne et marquis de Golhie;
d'autres encore^; parmi les clercs, l'archevêque de Bourges,
Frotier, et les évêques Effroi, de Poitiers, Guillaume, de
Cahors, Adolen, d'Albi. Le but de cette assemblée, qui con-
firma occasionnellement les achats et donations de Frotier en
faveur de l'abbaye de Beaulieu, ne peut être élucidé. Il est
permis de croire, cependant, qu'on s'occupa de la situation
du royaume, devenue lamentable par suite de l'incurie et de
la décrépitude de l'empereur Charles le Gros, dont le nom
figure pour la dernière fois au bas d'un acte de cette région.
P.-S. — Peu après avoir rédigé ces lignes, je m'avisai de
rechercher ce qu'était devenu l'original du Carlulaire de
Beaulieu dont, en 1859, Deioche avait trop tard appris l'exis-
tence dans les papiers du baron Costa à Beaulieu même. Ce
manuscrit a été acquis par la Bibliothèque Nationale. Il porte
le n" 493 des Nouvelles acquisitions latines. Les souscrip-
tions de la charte X sont au folio 13 v". Elles sont ainsi dis-
posées :
S. Oddoni
comitis. et uxori ei' Garsindim qui banc
1. F. Lot, Hugues Capet, p. 382, note 3.
2. Ragainfredus, Ramnulfus et Anialuinus n'ont pas de qualification,
du moins dans la copie du Cartulairo qui nous repi'ésente le texte. Le
premier nom est trop répandu pour qu'on puisse tenter de l'identifier. Le
second pourrait être le comte de Poitou. Sur Amalvinus, cf. la disserta-
tion suivante.
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 517
uenditioné fleri et afflrraare rogauerunt
S. Arberti fris ei' qui hoc afflrmauit. S. Gar
sic sci comitis. S. Willelmi comitis. S.
Ragarafridi. Ramnulfus. Amaluinus.
Ma conjecture était donc exacte. Les copies des xvii® et
xviii* siècles, au moyen desquelles Deloche exécuta la ma-
jeure partie de son édition', avaient mal lu- le mot Sci ei
l'avaient transcrit ou interprété scriptoris, ce qui explique
que nul ne s'avisa d'y reconnaître le duc de Gascogne. Il faut
lire Sciy abréviation de Sancii =::: Sanctii := Sanche,
Ferdinand Lot.
VI
AMAUGUIN, COMTE DE BORDEAUX.
Les historiens de Bordeaux ont oublié, ce me semble, l'exis-
tence d'un duc ou comte Amauguin qu'une lettre d'Alphonse,
roi de Galice, appelle en 906 « amicum nosirum Amalvi-
num ducem Burdelensem ^ . »
Longtemps après, on retrouve dans une région voisine un
comte du même nom. Au bas d'une charte, par laquelle un
certain Ménard, sa femme Agena, sa fille Arsende font don à
l'abbaye de Saint-Jean d'Angély d'un alleu sis à Neré, vigue-
rie d'Aunay, pays de Sainlonge, on trouve la souscription
« 5. Amalviai comitis * ». L'acte est daté « mense septembri
régnante Lot/iario rege », ce qui laisse une large marge en-
tre *,)54 et 985. Mais on possède un autre acte par lequel le
moine Mainier donne à l'abbaye ce qu'il possède en cette même
localité de Neré, et l'acte est daté « mense septembrio anno
1. Voyez l'Introduction. *
2. La première lettre est sur un grattage; c'est certainement la portion
de la queue d'une s longue = Sci.
3. Voy. l'\ Lot, Études sur le régne de Hugues Capet, p. 378, note ;">.
4. Cartulaire de Savit-Jean d'Angehj, publ. par Georges Musset,
pp. 199-200, n" CLxviii.
518 ANNALES DU MIDI.
nono régnante Lolliario rege^ », ce qui correspond à sep-
tembre 962 ou 963, selon le point de départ des années du rè-
gne de Lothaire (septembre ou novembre 954). L'acte précé-
dent étant daté également de septembre et ayant le même
objet, on peut supposer que l'abbaye de Saint- Jean a obtenu
en même temps de différents propriétaires la cession de leurs
domaines à Neré. Il paraît donc assez vraisemblable de dater
la souscription du comte Amauguin de septembre 962 ou 963.
De toutes manières, au surplus, la date où il apparaît est trop
basse pour qu'on puisse l'identifier avec le « duc » de Bor-
deaux de 906. Mais l'identité du nom, le titre de comte, l'ac-
tion du personnage dans une région limitrophe du Bordelais ^
autorisent à le rattacher au précédent par un lien de parenté
et sans doute aussi de fonction.
Quant au « duc » de 906, je hasarde une dernière hypothèse :
c'est que c'est lui qui souscrit « 5. Amaluini» dans la charte X
du Cartulaire de Beaulieu en Limousin^. Sa présence en
887 aux côtés de Garsie-Sanche, duc de Gascogne, de Guil-
laume, duc d'Aquitaine, etc., n'aurait rien que de très com-
préhensible.
Ferdinand Lot.
1. Ibid., pp. 2()()-'Ml, IV CLxix.
2. Arsende, fille du donateur Ménard, porte un nom très répandu en
Gascogne à cette époque; voy. F. Lot, Hugues Capet, p. 378.
3. Voy. le « Mélange » précédent, p. 514.
COMPTES RENDUS CRITIQUES
P. G'diLHiKRMOz. Essai sur l'origine de la noblesse en
France au moyen âge. Paris, Picard, 1902; in-8° de
502 pages.
Cet ouvrage touche aux problèmes les plus difficiles que sou-
lève l'étude des institutions du moyen âge et sur chacun apporte
à la fois des vues nouvelles et des textes abondants. C'est plus
qu'il ne faut pour en faire l'aide indispensable de tous les mé-
diévistes dans leurs recherches sur la féodalité. Nous ne devons
pas songer à en présenter un compte rendu détaillé dans le
genre de celui qu'a publié M. Ch.-V. Langlois {Revue de Paj'is,
15 oct. 1902, p. 818); mais, afin de donner une idée de l'impor-
tance de ce livre, nous y relèverons un certain nombre de points
au sujet desquels nous n'acceptons pas toujours les théories de
M. G., tout en rendant pleine justice à ses laborieuses recher-
ches ainsi qu'à l'indépendance de son esprits
Pour expliquer lorigine de la noblesse féodale, l'auteur re-
monte jusqu'à cette vassalité primitive dont on constate la for"
mation dans la Rome de la décadence comme dans la Germanie
barbare décrite par Tacite : ici et là, elle se produit sous l'in-
fluence de la même cause, la faiblesse de l'État qui, chez les
Barbares, est encore en enfance et dans le Bas-Empire tombe
1. Cf. parmi les travaux récents, l'ouvrage peu connu en France de
E. Mayer, Deutsche und franzosisrhe Verfassungsgeschichte, 1899
(2 vol. Leipzig, Deichert) et le compte rendu d'il. Stutz, dans la Zeit-
schrift dey Savigny-Stiftung , 19UU, GA., 115.
520 ANNALES DU MIDI.
en décrépitude; mais le milieu où l'institution apparaît lui
donne des caractères particuliers. Nous pouvons distinguer deux
types de vassalité : le type romain et le type germanique. Il n'est
pas besoin de rappeler que les termes de vassalité, de vassaux,
sont employés ici un peu improprement, pour la facilité de l'ex-
position; on n'ignore pas, en effet, qu'ils n'ont reçu leur accep-
tion technique que depuis les Carolingiens. La vassalité du Bas-
Empire se distingue par l'infériorité de la condition des vas-
saux ou, pour leur donner leur vrai nom, des buccellarii; ce sont
des soldats privés soudoyés parua grand, de vrais mercenaires,
gens méprisés dans la société romaine (cf. Lécrivain, Mélanges
d'archéologie, 1890, 267). Tout autre est le vasselage germanique
ou, pour employer l'expression reçue, le compagnonnage. Les
compagnons des princes germains ne perdent point de leur
considération, ils en acquièrent plutôt à s'attacher à la fortune
d'un grand; et de fait, c'est là une situation que recherchent les
guerriers d'une bravoure éprouvée ainsi que des jeunes gens de
noble famille, désireux de faire sous un chef illustre l'apprentis-
sage du métier des armes.
A la suite des invasions, une vassalité nouvelle apparaît chez
les peuples barbares, représentée par les buccellarii chez les
Wisigoths. les gasindi chez les Lombards, les antruslions chez
les Francs. On les a rapprochés des soldats privés du Bas-Em-
pire ; M. G., présentant une conception très nouvelle de l'antrus-
tionat, en fait une véritable armée permanente au service des
rois francs, recrutée en grande partie parmi les lites et les
esclaves. Mais la formule de Marculfe (I, 18) donne une tout
autre idée de l'antrustionat; en la lisant, on se représente les
antrustions comme des hommes libres, voire même comme des
gens de condition supérieure, qui s'attachent au roi par un lien
plus étroit que celui de la simple fidélité. Il est vrai que cette
formule n'est pas contemporaine des premiers temps de l'an-
trustionat, mais elle ne se présente pas comme une innovation;
en excluant les gens de basse condition, comme il résulte aussi
de la loi des Ripuaires (11, 1), on n'a fait peut-être qu'accentuer
les traits primitifs de l'institution.
A propos de l'hommage, disons en passant que M. G., p. 77, y
voit un usage propre aux Francs et inconnu des peuples germani-
ques restés indépendants (Cf. Brunner, Deulsche Rechlsgeschichte,
11,270).
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 521
Aux yeux de M. G., les traits archaïques de la primitive vas-
salité germanique ne persistèrent que chez les Anglo-Saxons,
dans la classe des thanes royaux. De là, par une curieuse migra-
tion, ils se seraient transmis à la vassalité continentale sous les
Carolingiens et l'auraient, en quelque sorte, relevée, en confé-
rant aux vassaux un rang social supérieur. Conjecture ingé-
nieuse, mais à notre avis insuffisamment appuyée sur les textes.
Il nous semble plus simple et plus exact d'expliquer les carac-
tères de la vassalité carolingienne en la rattachant à l'antrus-
tionat franc et en tenant compte du milieu nouveau où elle s'est
développée.
L'alliage de la vassalité au bénéfice s'explique, selon M. G.,
par le caractère quasi-servile de la vassalité à ses débuts. Dès
le ve siècle, les Wisigoths donnent des terres à leurs buccellai-ii;
les antrustions mérovingiens en reçoivent aussi. Mais si ces pra-
tiques sont assez naturelles, la grande diffusion des bénéfices
parmi les vassaux tient à ce qu'ils étaient presque assimilés à
des colons ou à des servi; le domaine du grand propriétaire était
morcelé entre ceux-ci ; ils étaient chasés [casati) ; le senior établit
de même sur ses terres ses soldats domestiques ou vassaux, ne
conservant auprès de lui, sous son toit, que ceux qui étaient
célibataires, les provendiers , bacheliers ou hauslaldi; la plupart
des autres furent chasés, et c'est là l'état de choses auquel il est
fait allusion à chaque page de Girard de Roussillon et ailleurs.
Sur ce terrain, j'ai quelque peine à suivre M. G. La parenté inat-
tendue entre le bénéfice et la tenure servile ou colongère ne se
dégage guère des textes. Chez les Anglo-Saxons, dont M. G.
aime à rappeler les institutions à la suite de M. H. Brunner,
l'influence des institutions romaines comme le colonat ne s'est
pas fait sentir, et cependant on voit les rois distribuer des
terres à leurs thanes (cf. p. \t'i. genèse du bénéfice; p. 103 et s.,
rôle décisif de Charles Martel, etc.; et à propos de la distribution
par co prince des terres d'Église, voir Bondroit, De capacitaie
possidendi Ecclesiae et les Precariae ve7'bo régis, 1900).
La concession du bénéfice au vassal lui imposait la lourde
obligation du service militaire à cheval; c'était, en effet, cette
sorte de service que l'on recherchait depuis les Carolingiens, car
l'arme de la cavalerie jouait un rôle prépondérant dans les
batailles. M. G. étudie avec un soin tout particulier cette obliga-
tion essentielle; il s'attache mieux qu'on ne l'avait fait jusqu'ici
522 ANNALES DU MIDI.
à en montrer la répercussion sur le régime des flefs. C'est de là
qu'il part pour essayer de comprendre ce qu'a été la noblesse à
son origine et ce qu'elle est devenue avec le temps. A ses yeux,
la noblesse se confondit d'abord avec la chevalerie. Le noble
féodal ne fut autre chose, à l'origine, que le chevalier, miles,
l'homme libre revêtu de l'armement complet et combattant à
cheval. Pendant longtemps on n'arriva à la chevalerie que par
la cérémonie de l'adoubement, qui n'est sans doute que la conti-
nuation de la solennelle prise d'armes usitée chez les anciens
Germains. Nul ne naît chevalier, dit le vieil adage. Mais, avec le
temps, cette cérémonie tomba en désuétude. Elle se compliqua et
devint coûteuse, si bien que beaucoup durent y renoncer faute
d'une fortune suffisante pour en faire les frais'. Les riches eux-
mêmes la retardèrent de plus en plus; elle finit par dégénérer
en une formalité de parade. 11 y eut dès lors des nobles qui
n'étaient pas chevaliers; la noblesse de race se distingua de la
chevalerie et celle-ci se réduisit à un vain titre, le dernier dans
la hiérarchie nobiliaire.
M. G. met habilement en relief le caractère quasi servile de
la vassalité, pp. 322-330 : le vassal est, comme le serf, l'homme
du seigneur, son homme lige, son justiciable; le chevalier est
vendu avec son fief comme le serf avec sa tenure, etc. A cet
égard, sa thèse contraste avec celle des savants qui font du con-
trat féodal un contrat entre égaux (ou presque). Comment la
concilier avec la règle : quantum, homo débet domino ex homagio,
tantum illi débet dominus ex dominio prêter solam reverenliam
(Glanville, ix, 4)? Le fait que le vassal est justiciable de son
seigneur n'a pas grande portée, puisque la justice est rendue,
en réalité, dans les cours féodales beaucoup moins par le sei-
gneur que par ses hommes. Quand un seigneur démembrant son
domaine en attribuait une partie à un autre seigneur, il lui
cédait les vassaux qui s'y trouvaient avec tous les droits qu'il
avait sur eux: mais pouvait-il faire autrement? Et y a-t-il
quelque chose à en conclure en ce qui concerne la condition de
ces vassaux, puisqu'elle n'était point modifiée par là?
1. Combien elle pouvait être simple, on en jugera par ce passage de
Beaumanoir, où trois chevaliers normands, procédant à une visio terrae
pour laquelle il fallait être quatre, avisèrent un passant et lui donnèrent la
colée en disant : Chevaliers soies. [Coutumes de Beauvaisis, éd. Salmon,
n» noo, ch. 35, n» 36.)
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 523
Quand il veut établir que les nobles se confondaient originai-
rement avec les hommes libres, p. 350, M. G. invoque des argu-
ments très discutables. 11 voit dans ce fait l'explication d'une
opinion mentionnée par Beaumanoir et d'une particularité no-
table en ce qui concerne les roturiers mineurs; c'étaient, dit-il,
des non-libres, partant des incapables; donc il ne pouvait être
question pour eux de minorité ou de majorité, et la même raison
faisait qu'ils n'étaient point soumis au bail des collatéraux.
Mais Beaumanoir traite de plaisanterie l'idée que « l'enfant du
poosté serait toujours en aage » (majeur) ; à ce compte, remarque-
t-il, l'enfant à la mamelle pourrait se dessaisir de son héritage,
et c'est ce que nul droit ni coutume n'admettent. S'il est venu à
la pensée de quelqu'un d'émettre une thèse pareille, c'est peut-
être à cause du silence des Coutumes en ce qui concerne l'âge de
la majorité; en prétendant que l'enfant de poosté était toujours
majeur . on voulait dire qu'il devenait capable aussitôt qu'il
avait assez d'intelligence et d'expérience pour gérer ses affaires,
sans qu'on eût à se préoccuper de son âge. Si l'on met de côté
les esclaves proprement dits, il est certain que les autres classes
de non libres ont toujours eu des droits. L'absence de bail n'a
pas de portée, puisque les mineurs roturiers sont soumis à la
garde, à la tutelle, ou sont communs en biens avec le survivant
de leurs père et mère. — M. G. se base ensuite sur le fait que les
femmes nobles avaient seules le droit de renoncer à la commu-
nauté; mais il sait mieux que personne, puisqu'il a consacré à la
question une étude spéciale (d'ailleurs fort bien conduite), com-
bien l'origine et l'histoire de la communauté entre époux pré-
sentent d'obscurité. — Il est très hasardé également de généra-
liser le passage de P. de Fontaines, Conseil, xv, 29, constatant
qu'un franc homme est seul autorisé à pratiquer la saisie privée
sur un autre franc homme, tandis qu'un vilain ou un bourgeois
sont tenus de recourir à la justice. Combien d'autres textes qui
ne connaissent pas cette distinction! Par exemple les vieux
Fors de Béarn, l'ancienne Coutume de Bordeaux, art. 134, etc. —
Est-il possible de réserver aux seuls gentilshommes des pre-
miers temps de la féodalité le droit de guerre privée, en partant
d'un passage de Beaumanoir, c'est-à-dire de la fin du xiii» siècle?
Le Très ancien Coutmnier de Normandie, éd. Tardif, p. 27, c. 31,
dit d'une manière générale : Nullus hominum audeat versus
alium guerram facere.
524 ANNALES DU MIDI.
C'est encore, ce nous semble, une affirmation très risquée que
celle d'après laquelle anciennement les gentilshommes auraient
été les seuls qui pussent accomplir des actes judiciaires. Il n'y
aurait donc pas eu de formes judiciaires pour les roturiers! Tout
ce que l'on pourrait soutenir, à mon sens, c'est que certains
actes étaient réservés aux nobles. Mais l'esprit de système con-
duit ici M. G. beaucoup plus loin. — J'en dirai autant de l'expli-
cation qu'il donne au sujet des systèmes divers concernant la
transmission de la noblesse. Ces systèmes, dit-il. existaient
avant qu'il y eût une classe noble; ils servaient pour régler le
sort des enfants issus des mariages entre libres et non libres; et
M. G. en conclut que, seuls, les nobles étaient considérés comme
libres, puisqu'on appliquait à la noblesse ce qui avait été fait
pour la liberté. Il est bien plus simple de dire qu'on a raisonné
par analogie dans cette hypothèse comme dans nombre d'autres
cas.
Si, dans toutes ses parties, l'ouvrage de M. G. peut intéresser
les historiens du Midi, nous devons appeler tout particulière-
ment leur attention sur celles où il a utilisé des documents de
notre région. C'est ainsi qu'il montre, en se référant à la guerre
des Albigeois, comment le service d'ost de quarante jours se
répandit dans le Midi et même dans toute la France (p. 279);
c'est ainsi encore qu'il fait voir, à la suite de M. Dognon, le sys-
tème des coseigneuries s'établissant par voie de testament ou en
vertu de clauses de l'acte d'inféodation (p. 201); c'est ainsi qu'il
distingue, à l'aide des Coutumes de Barcelone (et on se demande
s'il est légitime de généraliser cette distinction), les cavallerie
ou mililie, analogues aux flefs de haubert normands et imposant
le service militaire avec équipement complet, et les/è»;e minores
(feoda franca d'autres textes) correspondant aux tenures des
vavasseurs normands qui servaient avec l'équipement restreint
(p. 189) : de ces deux sortes de flefs, les premiers auraient appar-
tenu aux milites, les autres aux domicelli (p. 229. n. 15; cf. aussi
sur ce dernier terme, p. 405). Notons enfin l'explication qu'il
donne du mot comlor en usage dès la fin du xi» siècle dans la
Gothie. en Rouergue (p. 162). Ce terme, diminutif de comte, s'ap-
pliqua aux plus puissants possesseurs de châteaux; on les dis-
tingua par là des autres seigneurs de leur classe sans les con-
fondre avec ceux de la classe supérieure.
J. Brissaud.
COMPTES RENDtS CRtTlQÙES. 525
Poésie populaire landaise. — Choix de prières, formu-
letles, attrapes, etc. — 2« éditioa considérablement aug-
mentée. Aire-SLir-Adoui", Labroiiche, 1902; iu-8" large, de
78 pages (sans nom d'auteur).
M. l'abbé Foix, qui nous a donné cet excellent livre, a eu la
modestie de ne point le signer. Cependant, la patience et le soin
qu'il a fallu pour rechercher et recueillir les mille dictons et
proverbes dont se compose l'ouvrage, l'exactitude avec laquelle
ont été reproduites dans toute leur naïveté une multitude d'ex-
pressions et de formules, enfin les trente années d'observations
que représente la confection du recueil, tout nous permet d'ou-
blier un instant le caractère impersonnel de la littérature qui
fait l'objet de l'ouvrage et autorise les folk-loristes à remercier
M. l'abbé F. d'avoir pris pour eux tant de peine.
Ce point étant fixé et cette dette de reconnaissance bien éta-
blie, l'on ne peut que se féliciter de voir l'auteur s'effacer ainsi
derrière le sujet qu'il traite. Ce qu'il faut précisément louer dans
ce livre, c'en est le caractère objectif. M. F. s'est contenté de tenir
la plume : il a écrit sous la dictée de la tradition. Dans le vaste
champ peu exploré des Landes, il a cueilli et nous apporte sa
gerbe drue et bottelée. Comme dans un herbier, chaque échan-
tillon de pensée populaire est soigneusement classé et étiqueté :
pas un vers, pas un mot qui ne soit rapporté scrupuleusement
au petit pays, au village où il a été entendu. De Mimizan à Aire,
du pays de Maremne au Gabardan et à l'Armagnac, une foule de
communes a contribué à enrichir ce petit Trésor de la poésie
populaire des Landes.
Le livre est divisé en six chapitres : « Poésies de tous les âges.
— Poésies de l'Enfance, — de l'Adolescence, — de la Jeunesse, —
de l'Age mûr, — et de la Vieillesse. » Cette division est peut-être
un peu artificielle. Mais peut-on en concevoir une tout à fait satis-
faisante? Néanmoins, le recueil gagnerait à être complété par un
index des mots-types et par un répertoire géographique.
L'auteur voudra donc nous excuser si, par hasard, nous avons,
en lisant son ouvrage, laissé passer inaperçjie quelqu'une des
locutions proverbiales que nous citons à titre de complément.
L'on dit à Uchacq, en parlant du rossignol ;
Ya pa nat kônte ni barùn.
Ki puski nâwri un rôchiuùn.
526 ANNALES DU MIDI.
Au chapitre iv, § 3, ajouter le dicton suivant usité à Canenx-
et-Réaut :
Tunérre dé Marts,
Pàn é bin a tûtes parts.
Voici maintenant quelques variantes au texte recueilli par
M. F. : p. 48, n" 403 :
Lah grûs kân sén bàn en Espaîïe,
Kâw jeta blat a la kampane;
É kân sén bàn enta Lengun,
Ké kâw méte la bits âw pachénin.
(Nonères, près Mont-de-Marsan.)
P. 42, n° 36
P. 41, no 29
Se plâw lu jurn dé Trinitat,
Tut sén turne pér la mitât.
Plâw, plâw,
Sûh la biiie du Bidâw I
Plâwjis pa sûh la mi,
La harés tu te purri !
(Manières.)
(Canenx-et-Réaut.)
L'on pourrait ainsi ajouter au livre de M. F. plus d'une variante
et plus d'un dicton nouveaux. Mais il est, en l'espèce, impossible
de présenter dans une telle matière rien de complet. Tel qu'il
est, l'ouvrage rendra les plus grands services à l'historien du
folk-lore.
Le linguiste a aussi beaucoup à y glaner : en premier lieu, la
graphie est assez rigoureuse. M. F. a éprouvé le besoin de recou-
rir à une notation phonétique. Celle-ci n'est point parfaite '. Mais
nous savons qu'il n'est malheureusement point possible de trou-
ver chez tous les imprimeurs des caractères aussi variés que ceux
de la Revue des Patois gallo-romans.
En second lieu, l'auteur n'a point, comme l'ont fait certains,
transposé dans son propre patois les proverbes qu'il cite : il a
d'ordinaire reproduit scrupuleusement, avec toutes ses particu-
larités, le langage propre à chacun des villages cités. C'est ainsi
que le livre pourra fournir des renseignements précieux sur des
1. Il est excellent d'avoir distingué d'un bout à l'autre de l'ouvrage
les deux n, l'une gutturale (que l'auteur appelle assez inexactement na-
sale) et l'autre dentale. Mais pourquoi adopter pour ce dernier son la
notation n qui fait songer à une n mouillée.
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 527
points intéressant la phonétique, la morphologie ou même la
syntaxe des patois landais : par exemple sur l'emploi du y ou
du j, du 6 ou du ïc ; des parfaits en k ; de l'inflnitif prépositionnel
à la place du gérondif, etc., etc.
L'on pourrait relever quelques inexactitudes. M. F. note uni-
formément par la même lettre s le son de s -|- consonne. Or, dans
la majeure partie des Landes, de Hagetmau à Lencouacq, la sif-
flante s +liquide, nasale ou explosive sonore est, dans la pro-
nonciation courante, à peu près généralement remplacée par une
aspiration {h) qui, dans certains cas, est elle-même en voie de
disparaître. Des graphies telles que gûsmet {=:' glûmuscellum),
p. 28, n" 14 (Hagetmau), ne correspondent plus du tout à l'état de
choses actuel; guhmet serait beaucoup plus exact. Cela est sur-
tout vrai pour Hagetmau, puisque cette ville des Landes est à
peu près le centre d'où rayonne ce phénomène d'amiiissement. A
Hagetmau, comme dans toute cette région de la Chalosse, jus-
qu'à Saint-Pierre-du-Mont, Saint-Criq au nord, 1'^ est ébranlée
même devant les explosives sourdes p ot ^ (mais non devant /) :
les graphies èscalhoutouns (Chalosse), p. 37, no o3, ésperouni
(Saint-Sever), p. 38, n» 58, etc , ne sont par conséquent pas rigou-
reusement vraies.
Rectifions çà et là quelques points de détail. — P. 3i, l. ] : la
bielhe. Faute d'impression pour le bielhe ; à Arjuzanx, l'article
féminin est toujours le. — iô., 1. 17 : au lieu de luabe lire tuewe-,
les imparfaits en abe sont inconnus au patois d'Arjuzanx; le b
latin intervocal y est représenté par la semi-voyelle lo. — Pour
cette dernière raison lire : ib., 1. 22, duwan et non deban. — P. 49,
n" 56. A Gaillères, l'on dit sajin [sagimen) et non sayin. — P. 55,
no 25 : Yenlrem n'est pas représenté à Arjuzanx par bénie., mais
bien par b'enle : l'ë devant nasale y est, comme dans toute cette
région, resté sensiblement ouvert...
Mais passons sur ces chicanes. Aussi bien l'auteur n'a-til point
la prétention de présenter un document d'une rigueur absolue
dans la notation des sons. Le phonéticien peut, je le répète, ga-
gner à la lecture de l'ouvrage; mais celui-ci ne s'adresse point
de préférence au phonéticien. M. F. a surtout songé à faire une
anthologie de la littérature orale des Landes. Il a pleinement
atteint son but. Que dis-je? Il était un des deux ou trois hommes
seuls capables de mener à bien une telle entreprise. Né dans les
Landes, y ayant passé à peu près toute sa vie en contact avec
528 ANNALES DU MlDI.
les gens et les choses de la campagne, il était mieux que per-
sonne en mesure de recueillir ses documents de la bouche parfois
capricieuse et souvent farouche de la Lande elle-même. Historien
exact et chercheur curieux, rompu aux travaux d'archives, il est
aussi à l'aise avec les hommes qu'avec les textes. Il n'en fallait
pas moins pour faire un livre aussi solide et utile.
Georges Millardet.
V. Chichmarev. — Vie provençale de sainte Margue-
rite. (Extrait de la Revue des langues romanes, aov.-
dec. 1903.)
Il s'agit de la version de Florence, jadis signalée par M. P.
Meyer [Romania, XIV, 524). Dans une courte introduction, l'édi-
teur étudie les rapports de cette version avec celles qui ont été
publiées ici (XI, 5-55) et la Vie latine; il n'essaie pas d'en déter-
miner la patrie et la date exacte. Ce texte, fort corrompu, aurait
eu besoin de nombreuses corrections : celles qui ont été propo-
sées par M. C. sont loin de suffire. Le manuscrit n'a même pas
été reproduit avec une fidélité parfaite. C'est ce qui ressortira
nettement des observations qui suivent'.
20 Sens? — 47, 49, 51 Corr. venquet; c'est ainsi que lit le ms.
~ 59 Quelle serait la signification de agaus? Le ms. a, d'après
ma copie, sans midons. — GO Je ne comprends pas Ihei veina.
— 83 qui := cui n'a pas besoin d'être changé. — 86 Le ms. a,
d'après ma copie, p (barré) lai. — 139 Corr. que en qui, — 148 Ma
paraît nécessaire. — 190 Lire avec le ms. : Cesl Dieus eslay sus
sobre nos. — 194 Ms. : feron. — 196 Lire avec le ms. els au lieu
de es. — 213 los peut rester. — 219 Lire cors avec le ms. —
227 Ms.: daray de tan g. a. — 229 Corr. Si non ho fas (ainsi le
ms.) ton dan tu quiers, cf. v. 300. — 230 Corr. te en t'o : «je te le
ferai payer cher.» — 239 Ms. : si part del ny ; lisez si part de
luy (ou, peut-être, siml). — 237 Corr. donas la me (ainsi le ms.).
— 284 Lire quan ten sa vie. — 292 Corr. ploravon (ainsi le ms.).
-- 293 Ce n'est pas U qui doit être intercalé : les mots suivants
1. Je me sers d'une copie que j'ai prise autrefois sur l'original; cette
copie s'arrête au v. 890; je n'ai que des extraits de la fin du poème. Le
ms. étant d'une assez mauvaise écriture, je n'oserais garantir toutes mes
lectures.
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 529
ne sont pas adressés à la sainte. Corr. so cUszien. — 296 Car
peut-ii être supprimé? — 209 Lire, au lieu de pas, fas, avec le
ms.; pas est une faute d'impression, sans doute. — 315 Corr. C07's.
— 341 L\Teb^astot (ainsi le ms.j. ~ 348 ara ne convient pas. Corr.
queenVarcl — 395 Lire tieus et lolra (ainsi le ms.). — 401 Cow.ti
en <'o, cf. plus haut, vs. "230. — 406 Le ms. a mot au lieu de mon.
Corr. mos, cf. vs. 399. — 408 Lire avec le ms. Un alh et dieus.
— 413 Le ms. a guidar. — 414 Lisez ni a se ni as autre a., cf.
vs. 1041. — 422 Corr. es e er e fon. — 424 Le ms. a non. Le chan-
gement proposé ne me semble pas acceptable. — 427 Virgule
après mezes. — 428 Virgule après plages. — 429 N'est-ce pas wn,
plutôt que lo, qui doit être suppléé? — 439 Lire el nom (ainsi le
ms.). — 446 Corr. can en c'anc. — 447 Lire tort (ainsi le ms.). —
4o7 Lire las dolors (ainsi le ms.). — 438 Corr. tieu\ — 477 Mettre
un point au lieu d'un point d'interrogation. — 481 Que signifie
la note pesapeseral Le ras. a la leçon qui se trouve dans le texte.
— 482 Corr. tujutjes antre. — 483 Virgule après tort. — 493 Lire
SOS bon cor li o ad. (ainsi le ms.). — 496 Corr. eissernidal cf.
vs. 1329. — 498 Lire que-l au lieu de qu'el. — 315 Lire dont la
menassava de (la) mort. — 529 Lire que au lieu de gue. Faute
d'impression. — 535 Lire cel estendet (ainsi le ms.) au lieu de
ciel entendet. — 549 Lire vêtiras (ainsi le ms.). — 553 Lire bons.
Faute d'impression. — 560 Proufosa n'a pas de sens. Pourrait-on
changer En sa preondeza gitar"^ Cela me semble pourtant bien
hardi. — 565 [el] ne doit pas être intercalé. — 574 Corr. And
Supprimer la virgule après val. — 577 Lire senestra (ms.). —
581 Ecrivez Sezie si, so Vera avist; cf. le texte du ms. de Madrid,
vs. 327. — 608 Après ce vers le ms. a : Si tôt s'es mais et
ergolhos. — 614 Les mots per so ne doivent pas être intercalés.
— 616 Lire mont (ainsi le ms.) au lieu de mot. — 621 Corr. Mol
auran, cf. 370. — 622 Supprimer le point-virgule. — 625 Que
signifie firra .^ Ma copie a firia , que je ne comprends pas
davantage. — 634 Lire Ja re hueymays nom tirara (: plazera)'^
— 635 Sens? — 641 Le ras. donne :
Colo[m]pna de grant altesza
E fort de grantda fortalesza.
658 Mettre une virgule après fays. — 662 Ms. Veyssot^bes. —
665 Supprimer la virgule après beltat. — 668 Sens? C'est sans
doute comparlir qui doit se trouver à la rime. — 671 Virgule
ANNALES DU MIDI. — XVL 34
530 ANNALES DU MIDI.
après fezis. — 675 Lire, avec le ms., nem, au lieu de em. —
681 Lire pueysasli (ainsi le ras.)- — 697 Lire pueys (ms.)- —
699 (note). Reluzi est un parfait et ne convient pas ici. — 704 Lire
blancqua fms.). — 718 Virgule après déport. — 720 Ma copie a
bon au lieu de ben. — 724 Ecrire pueys. — 726 Virgule avant
et après diables. — 731 Virgule avant et après dona. — 739 Ayci
au lieu de ay ci. — 774 Corr. mundat. — 775 Virgule après
peccat. — 779 Après ce vers sont tombés les suivants :
El Va donat entendement
Los pes et la[s\ mans eysament.
790 Mal imprimé. Lisez en Dieus ferm.. — 802 Ma copie a lus au
lieu de lur. — 803 Ma copie a molheradas. — 810 Supprimer la
virgule. — 811 Virgule après dormir. — 821 Ma copie a clau-
Iras. — 829 (note) Que signifie li nid ? — 838 Mettre dona entre
virgules. — 860 Virgule au lieu de point-virgule. — 861 Corr.
venques. — 882 Ms. non si pot. — 894 Virgule après donet. —
909 (note). Que serait ici enclinatl - 928 Le changement en
perdo est inadmissible. — 949 Que serait amblet ? Lisez avec le
ms. Vaamplet; cf. relargua, vs. 947. — 952 Corr. gran. — 967 Corr.
per Salamonl — 983 Lire c'anc no i remas et supprimer la vir-
gule. ^ 994 Corr. dis \e\ cant espons. — 999 Lire pueysas anet.
1022 Je ne comprends pas fia. — 1038 clas est peut-être une
faute d'impression ^touv elas. Corr. Quar orbas son.'' Cf. vs. 413.
— 1052 fais ne convient pas ici. — 1056 11 n'est pas nécessaire
d'intercaler yeu. — 1064 Corr. mos et lo. — 1067 Lire plen d'ai-
gua, qu'ayci-m v. ? - 1069 azorray est une forme impossible.
Supprimer wî? — 1080 auray doit se trouver à la rime. —
1090 Lire neiada (ainsi le ras.). — 1901 Ecrire Va. — 1102 Pas
besoin d'intercaler il. Lisez alhum-. — 1108 Lire Una. — 1109 Corr.
sit. — 1116 Corr. eslengh. — 1118 Virgule avant bel et après
payre. — 1131 aunansa. Sens? — 1151 Corr, ret. — 1152 Sup-
primer la virgule avant Dieus. — 1155 Virgule après diables.
— 1176 Lire [a] au lieu de [el\. — 1210 Ne pas changer en dels,
mais en d'est. — 1214 Corr. Dieus en deus {=. debes). — '12'19 Point
d'interrogation après eslar , cf. vs. 1213. — 1220 Corr. Oy ieu
(pour o«, cf. Flamenca) et gar au lieu àe garl. — 1221 Corr.
m'aucir en aucir (ms.). — 1227 Lire en bon au lieu de on hon. —
1252 Corr. alumnaranl. — 1237 II ne fallait rien changer au ms.
— 1268-69 Aloc au lieu de alot. — 1272 Corr. deylieures. —
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 531
4274 Lire E'n hono?\ — 1292 Lire esgardar (ms.). — 1305 Corr. la
genl et entenclet. — 1313 Corr. covenl, cf. vs. 1333. Ecrire afermet.
— 1325 Corr. forani — 1334 Ecrire so te die ieti. — 1376 Sens?
1377 Ecrire iers au lieu de i ers. — 1401 --2 Sens? — 1403 Ce vers
est trop court d'une syllabe. — 1409 Point- virgule ou point après
ce vers. — 1413 Sens? — 1439 Corr. Denant. — 1444. Corr. cors.
— 1445 Un point après beneziront. — 1446 E'I (ainsi le ms.). —
1451 Peut-être : On lo cors jai procession f.l Cf. v. 1491. —
1460 Pourquoi charger quascun en cascun"! Corr. morialsims.).—
1463 Corr. sec. — 1464 Corr. esperdut. — 1477. Peut être : Ayci -l
lauzavon los bels angelsl — \ i79 Lire Benezet des, reys allismes'^.
— 1482 Je ne comprends pas as sans. — 1487-88 cre : ve à la
rime. — 1500 Ecrire la '« au lieu de Van. — 1505 Ecrire bon\ —
1516 Corr. say (faute d'impression). Emil Levy.
G. Clément-Simon. — Recherches de l'histoire civile et
municipale de Tulle avant l'érection du consulat,
d'après des documents inédits. T. I. Tulle, Crauffou,
1904; gr. ia-8" de iv-348 pages, avec uq plan de Tulle
ancien, dressé par M. J. Ravoux.
Après avoir si souvent, affirmé sa compétence en matière
d'histoire du Limousin, M. Clément-Simon vient de s'attaquer à
un sujet des plus difficiles, où il a trouvé occasion d'appliquer
ses rares qualités d'érudit et de juriste. Exposer la vie munici-
pale de Tulle avant l'érection de son consulat, qui n'eut lieu
qu'en 1562, cela paraît d'abord une gageure. Mais la gageure est
bien tenue, puisque nous sommes contraints de reconnaître
qu'en une foule de circonstances les Tullistes des xiii-xiv« siè-
cles exerçaient des droits particuliers qu'ils tenaient des ancê-
tres et de la tradition. La démonstration est probante et d'au-
tant plus méritoire que les textes sont souvent obscurs et
surtout peu nombreux, les archives de cette petite ville ayant
depuis longtemps disparu.
Le premier chapitre conduit le lecteur jusqu'aux franchises
octroyées par l'évêque Jean de Cluis en 1426.' Le deuxième est
l'étude de ces franchises et de celles qui suivirent. Les chapi-
tres in à VI consistent en une très érudite description de l'état
matériel et social de l'agglomération tuUiste à la fin du moyen-
âge. Ici on ne sait pas ce qu'il convient le plus d'apprécier :
532 ANNALES DU MIDI.
l'abondance des faits puisés à tant de sources diflFérentes, ou la
sûreté avec laquelle ils nous sont présentés. C'est que M. C.-S. a
recueilli de très vieille date, dans ses cartons, des pièces que
dédaignaient les collectionneurs d'il y a cinquante ans, et qu'il a
su les lire et les comprendre. De ce trésor personnel il s'est
servi pour raconter les annales de sa province, d'un style vigou-
reux et net.
Quelques contradictions que je me permettrai n'ont d'autre
but que de montrer à l'auteur avec quel soin et quel intérêt j'ai
lu son ouvrage.
Ainsi, est-il légitime de parler de Tulle comme capitale du
Bas-Limousin (p. 23) avant la fondation de Tévêché, qui est de
laiT-ISTEn quoi cette ville l'emportait-elle alors sur Brive et
Uzerche au point de vue politique? — Est-ce bien par amour
pour Tulle que Jean XXII y a placé un évêché? Ne serait-ce
point plutôt par égard pour son abbé, qui fut le premier à béné-
ficier de cette érection ? — Puisque le régime féodal était fait de
privilèges et d'inégalités, sommes-nous autorisés à arguer du
silence des populations pour croire qu'elles trouvaient ce régime
léger fpp. 31 et 32)? — A mon avis, M. C.-S. appuie trop sur
cette idée que les villes qui obéissaient aux Plantagenets mon-
traient ainsi qu'elles préféraient la suzeraineté du roi d'Angle-
terre à celle du roi de France. Pour les gens des xije et xiiie siè-
cles, la question d'obédience était seulement entre le roi de
France et lo duc de Guyenne, vassal comme tel du roi de France.
Si Edouard III, par exemple, eût cessé de régner sur l'Angle-
terre, il n'en fût pas moins resté duc de Guyenne, du chef
d'Eléonore. — Il me paraît bien hasardeux de dire que le régime
de liberté, vague et mal défini, que Tulle possédait avant 1426,
ne lui laissait rien à envier aux villes qui avaient été dotées
d'un consulat et d'une coutume jurée, comme Brive, Beaulieu,
Uzerche, Egletons. Neuvic (pp. 23 et 42). C'est croire que la force
de la tradition est, en matière politique, une sanction suffisante
du droit établi. Mais alors, pourquoi toutes les agglomérations
un peu importantes ont-elles visé à obtenir une constitution
écrite et des chefs élus par elles? — M. C.-S. donne, chemin fai-
sant, son avis sur une foule de questions importantes, et ces
avis méritent toujours d'être pris en considération, encore qu'ils
choquent parfois les idées reçues. Il déclare, par exemple, que
les Etats provinciaux remontent à la fin du xiii« siècle « et peut-
COMPTES RENDDS CRITIQUES. 533
être plus haut » (p. 85) ; qu'au milieu du xve siècle on prêchait en
français dans les villes du Bas-Limousin (p. 220); que la fortune
de certain évêque de Tulle, appelé Hugues Roger (f 1369), s'éle-
vait à plus de dix millions de francs au pouvoir actuel de l'ar-
gent (p. 210). « C'était, il est vrai, le frère du pape », ajoute
prudemment l'auteur.
Quoi qu'il en soit, les Recherches de M. Clément-Simon font
progresser, d'une manière très sensible, la connaissance que
nous avions du Bas-Limousin; judicieuses et réfléchies, elles
s'imposent à l'estime de tous. Alfred Leroux.
J. MiCHELET. — Poètes gascons du Gers depuis le
XVI« siècle jusqu'à nos jours. Auch, Bouquet, 1904;
in-S" de 493 pages.
Ce volume nous donne non seulement la biographie, mais de
longs extraits, traduits et reliés par une analyse, de onze poètes
(ou versificateurs) gascons : Pierre et Jean de Garros, du Bartas,
Ader, Dastros, Baron, Bedout, Dugay, l'abbé Laffargue, Cassai-
gneau (qui, pour le dire en passant, n'est pas du Gers) et Noulens.
Deux appartiennent au xvi« siècle, sept au xviie, et deux à la fin
du xixe. Peut-être eût-il mieux valu écarter ces derniers, dont
les œuvres toutes récentes sont faciles à trouver *, et rechercher
si quelques-uns des humbles rimeurs de 1700 à 1850 ne valaient
pas la peine d'être tirés de l'oubli. Les autres choix se justifient
d'eux-mêmes : les rééditions modernes de P. de Garros et Bedout
sont coûteuses ou rares ; les œuvres de Laffargue et presque
toutes celles de Baron étaient inédites (et ce n'était pas, à vrai
dire, grand dommage); les éditions originales des autres sont
introuvables; M. M. a même dû recourir pour réimprimer Dugay
à une bibliothèque privée.
Les biographies sont aussi précises et détaillées que possible.
Elles ont été puisées soit aux études antérieures (presque toutes
bien maigres à cet égard), soit à des documents d'archives (re-
gistres de l'état civil ou actes notariés); tout ce qu'on peut re-
gretter, c'est que M. M. ne renvoie pas toujours avec précision
1. Puisque M. M. faisait une place aux contemporains, il eu devait une
à Isidore Salles, le mieux doué à coup sûr de tous ceux qui ont manié
l'idiome du Gers en notre temps.
534 ANNALES DU MIDI.
à ses sources, soit manuscrites, soit imprimées; de sorte que
parfois on ne distingue pas nettement ce qu'il emprunte de ce
qu'il apporte de nouveau.
A cette imprécision dans les références, on reconnaît tout
de suite que M. M. n'est pas un professionnel (ses efforts n'en
sont au reste que plus méritoires}. L'amateur se trahit aussi au
laisser-aller du style, à un certain penchant pour les digres-
sions, à l'abondance des notes sans intérêt ou sans exactitude,
à un superbe dédain de la correction typographique et même de
l'orthographe. 11 se trahit enfin (je regrette d'avoir à le dire)
dans l'établissement des textes et les traductions. Cette partie
de la tâche ne présentait pas de grandes difficultés et me paraît
avoir été exécutée convenablement en ce qui concerne les poètes
les plus modernes, les plus nombreux en somme; mais il n'en
est pas de même pour ceux du xvr' siècle et du début du xvii«' :
c'est ce que je vais montrer par un examen détaillé de quelques
passages.
Pour P. de Garros, je n'ai pu consulter les éditions originales,
mais seulement la réimpression d'Alcée Durrieux [Auch, 4 895],
dont le texte me paraît bien incorrect et dont les traductions
fourmillent de contresens. Or, M. M. s'est borné à reproduire,
sans nous en prévenir, au reste, ce texte et cette traduction i.
Je prendrai quelques exemples dans les extraits de la première
Églogue (p. 41 ss.). Au v. 6, les mots mainatge exarramat sont
rendus bien inexactement par « ménage saccagé »; le vrai sens
(« enfants déguenillés ») a été jadis donné par L. Couture (Revue
de Gascogne, V, 1864, p. 31). — V. 7-10 : la bergère Catoy se plaint
qu'un maraudeur, un de ces « croquants » si nombreux dans les
poètes de cette époque et bien connus par Goudelin, lui ait volé
ses brebis; elle ajoute :
Pux Arriuat, qui las volé dehene,
Tôt estripat per terra hèc estene;
c'est-à-dire qu'il étendit par terre Ihèc estene =: estenouc) le pauvre
chien, tout éventré; dans la traduction de Durrieux, suivie par
M. M., ce sont les brebis qui sont renversées et éventrées par le
chien. — Vers 15 : a\ il faut, et l'éd. D. porte as. — P. 42, v. 1 ss.
1. Tout au plus y a-t-il, cà et là, dans les Iraductions, quelquos cor-
rections n'intéressant guère le sens général. Le texte est pluLût intérieur
encore à celui de Dui-rieux, comme on va le voir.
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 535
Le pillard, ne trouvant plus rien, menace de mort la malheu-
reuse :
5 Mes lo tacan, qan arre no trobaua,
Los gresilhos totz cops me prezentaua,
Agulhoant d'un gros puât cotet
Qu'auè panât, hélas, lo ganitet
De my meskissa...
Gresilhos (v. 6; est traduit par « gril »! Il s'agit des menottes;
cf. esp. grillete, anc. fr. grésillons; voy. Lespy, à grilhoos, et Mis-
tral, à grihet. — V. 7 : M. M. imprime pttà/. ce qui, dans son sys-
tème graphique, équivaut '■àpuanl; il faut j3««<, pointu (le mot
est du reste traduit ainsi). — V. 8-9 : « et la gorge [il] me déchi-
rait»; construction et traduction impossibles. Il faut évidem-
ment corriger meskissa en meshina, c'est-à-dire « de moi. mal-
heureuse ». — La terreur de Catoy est décrite en ces termes (je
reproduis l'édition) :
Home n'a pas tant de glazi qan toa
Ny tant los oeilhs la craba q'an' orroà
Hé blanqejà, coma labetz jo pi'auba,
Prop de la mort, colo mentida, è hauba.
Trad. : « Un homme n'a pas tant de frayeur quand il tonne, et la
chèvre qui a peur ne fait pas blanchir les yeux plus que moi,
alors malheureuse, rassurée en apparence, et défaillante. » —
Au V. 2. il faut évidemment lire qan orloa (c'est du reste ce que
donne une copie en possession du D^ Dejeanne) et comprendre :
«quand elle avorte»; voy. Lpspy, ourla, et cf. le port, arluna^
orluna^ « brebis qui a avorté »; colo inentida [colorem mentita),
qui n'est pas clair, est certainement mal traduit; hauba signifie
uniquement « pâle »; voy. Lespy. haubii. haubelh. et cf. plus loin,
p. 84. la haubemort. — P. 43, v. 2 : le horugon n'est pas la bêche,
mais le tisonnier; voy. Mistral, fourgoun; v. 3 -.pernabale, c'est
renverser les jambes en l'air; v. 10 : au lieu de gaudi, 1. gandi-
— P. 44, V. 8 : arcabas pour arcabos; v. 9 : le bezoi (lat. vidu-
viuin) n'est pas le « volant » (?), mais une sorte de serpe à long
manche (Mistral, besouch); hausselz e dalhas devaient être tra-
duits, non par « hachereaux et faucilles », mcjis par « serpes et
faux ». — Les extraits de l'Églogue II n'ont guère été moins mal-
traités : saumalé (ânier) a été traduit par « semeur de grains »
(p. 4j), que tiauaiz bia? par « vous en avez la force» [de tra-
vailler], au lieu de « Que n'allez-vous au loin »?(voy. Lespy, biâ).
536 ANNALES DU MIDI.
— M. M., qui a republié (p. 74 ss.) la pastorale de Du Bartas, n'a
pas connu l'étude si précise de M. H. Guy, ni mon édition [An-
nales, 1902, 333-73); il suffira de se reporter à celle-ci pour voir
que la traduction de M. M. n'est pas exempte d'erreurs (notam-
ment sur le sens des v. 65, 68. 71, 73. 86 de notre édition).
Pour le (lenlilome d'Àder, j'ai pu collationner les extraits de
M. M. sur l'édition originale (Toulouse. 1610); j'y ai relevé bien
des fautes qu'il serait fastidieux d'énumérer. Voici seulement
quelques exemples de leçons fautives altérant gravement le
sens ; P. 107, v. 11 ô'e^pourô^f; v. 19, gt-asus "^oxxt gi^asUs ; p. 190,
V. 7, biu pour 6én; v. 14, seré pour s'ei-e; p. 112, v. 4. atilrats
pour alirals (la faute est dans l'original); p. 123, v. 7. maucrocs
pour man-crocs; p. 123, v.l.pan pourpaw; p. 129, v. 6, cap pour
cob\ p. 133, V. \2,pous pour pons; p. 137, v. 4. stâc au lieu de
flâc {= flanc). La traduction aussi laisse beaucoup à désirer,
mais il serait trop long de l'examiner en détail. Il eût été facile
du moins d'en effacer de véritables non-sens ou contresens fla-
grants : nous voyons par exemple le jeune cadet faisant de l'es-
crime se mettre « la tête aux talons » (p. 108), des agneaux
joyeux igaujousets) transformés en « goujons » (p. 126), le rivage
en rivière (ibid.) et des lapins [an^uhaus) en poltrons (p. 132).
Malgré ces défauts, ce volume peut tenir lieu, au moins pro-
visoirement, de ce Coi'pus des poètes gascons qu'avait jadis rêvé
L. Couture; c'est, il est vrai, un Corpus réduit et incomplet, mais
il était bien difficile de donner davantage en un volume de for-
mat commode et de prix abordable. Il est fâcheux, de plus, que
M. M., qui ne lésinait pas sur la quantité, se soit montré un peu
trop indifférent à la qualité.
A. Jeanroy.
REVUE DES PÉRIODIQUES
PÉRIODIQUES FRANÇAIS MÉRIDIONAUX.
Alpes (Hautes-).
Bulletin de la Société d'études des Hautes-Alpes, 1903.
p. 1-31. P. Gn.LET. Monographie de Mons-Seleucus. [L'un des 19 « pagi
ignobiles » (?) dos Voconces, lequel répond au Serre de la Croix et à
La Bàtie-Montsaléon. Les fouilles mal conduites et peu étendues que
l'on y a pratiquées sous le premier Empire ont donné pourtant de bons
résultats. C'était une « mansio » sur le chemin de Milan à Vienne
par Gap, un centre commercial et industriel. Résumé de la question;
rien de nouveau.] — P. 37-49, 127-18, 317-74. F.-N. Nicollet. Affouage-
ment des communes des Hautes-Alpes de 1662 à 1666. [Suite et fin de
cette publication d'un texte du temps; avec notes et table des com-
munautés.] — P. 51-62, 149-64. J. Roman. Monographie de la commune
des Crottes. [Suite et probablement fin d'un travail historique et éco-
nomique fort intéressant. Textes à l'appui, de 1130 à 1421 : charte de
fondation de l'abbaye de Boscodon. etc.] — P. 98-125, 263-89, 329-45. Le
passage de Napoléon à Gap en 1815 (Extrait des mss. de M. Farnaud),
p. p. P. Lemaitre. [Complète le fragment publié dans les Annales des
Alpes, en 1900. Farnaud était alors secrétaire général de la préfecture
des Hautes-Alpes. L'empereur, avec qui il conversa longuement, eut
le mauvais goût de le « compromettre » en le nommant préfet par inté-
rim.] — P. 175-88. J. Roman. Les prétendus monuments sarrazins des
Hautes-Alpes. [11 n'y en a pas un seul. Des 21 ifionuments attribués
aux Sarrazins un peut être daté du iv» siècle (La Bâtie-Montsaléon),
les autres des xi'-xv" siècles.] — P. 195-231. D. Martin. Voie romaine
et SOS stations entre Chorges et Luc-en-Diois et voie secondaire entre Luc
et Briauçon. [Hypothèses vraisemblables, d'après de nombreuses re-
538 ANNALES DU MIDI.
cherches géologico-topographiques et arcliéologiques. Carte. Les val-
lées de la Di-ôme, de l'Ouvèze, de l'Eygues, du Coulon qui mènent, par
des cols très praticables, de la vallée du Rhône dans celles de la haute
Durance et du Buech semblent avoir été plus employées par les voya-
geurs que la vallée même de la Durance.] — P. 239-62, 311-23. J. Roman.
Les routes à travers les Alpes. [Routes romaines, déjà étudiées par
M. F. Vallentin, Alpes cottietifies et graies, 1883, et M. Rey, Le
royaume de Cottius : « Je n'ai pas grand'chose à dire de nouveau après
ces deux auteurs », reconnaît M. R. Dans ce cas, pourquoi écrire, ou
pourquoi ne s'être pas borné aux quelques rectifications qui sont énon-
cées? Sur les routes du moyen âge, M. R. n'aurait apporté qu'une médio-
cre contribution, s'il n'avait pris soin de relever les noms, l'emplace-
ment, la date de 74 hôpitaux qui les jalonnaient.] — P. 301-10. J . Michel.
Histoire et bibliographie de la jiresse gapençaise. [Suite et à suivre ;
Cette partie s'étend de 1872 à 1882.] — P. 325-8. D. Martin. Camp re-
tranché préhistorique de la Reynaude, près de Serres (Hautes-Alpes).
[Comparable pour la construction à celui des Egaux, qui domine les
nécropoles de Champ-Cros. Ce camp est antérieur sans doute à la
conquête romaine, mais non vraiment préhistorique.] P. D.
Charente.
Bulletin et Mémoires de la Société historique et archéo-
logique de la. Charente, 1'^ série, t. III, 1903.
Bulletin. — P. lv-lix. Charte de franchise accordée à leurs tenanciers
par Pierre de Brémond et son fils, seigneurs de Sainte-Aulaye (1288),
p. p. DE Brémond et de la Martinière. [D'après la copie de la collec-
tion Périgord.] — P. lxxxviii. Sentence du Parlement (9 août 1695) con-
cernant le curé et les religieuses de Saint-Léger-de-Cognac; analyse
p. p. de la Martinière. — P. xc. De Montégut. Note sur le livre
d'heures de Marguerite de Rohan, épouse de Jean, comte d'Angoulème.
— P. xciii. D"' Lecler. Analyse d'un arrêt de la Cour des Aides contre
un bouilleur d'eau-de-vie du Bas-Poitou (4 mai 174.5). — P. xcviii.
E. Biais. Note sur l'histoire du théâtre à Angoulème (1520-1779). —
P. ci. Abbé Nanglard. Notice sur Collain et Durand, autours des
pouillés des diocèses d'Angoulème et de Saintes (1761, 1775, 1786). —
P. cxi-nxii. D. TouzAUD. Le monument du prince de Condé à Bussac
(1818) et son inscription. — P. cxiii. Abbé Chambre. Note sur le jésuite
La Brosse, auteur du xviu" sièch^. — P. cxix-rxxx. J. George. Notes
sur la vie privée de J. Joubert, avocat, propriétaire à Saint-Yricix. [Ana-
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 539
lyse de son livre-journal, 1771-1785, faite avec beaucoup de précision
et de méthode. Etude importante d'histoire économique.] — P. cxxxi-
cxxxiii. La grande peur au bourg de Salagnac (Creuse), 29-31 juil-
let 1789, d'après le journal du chevalier de Brémond, p. p. de Brémond
d'Ars. — P. cxxxiii. Article des statuts synodaux de M^"" d'Estaing
(1506-23) relatif aux mystères à Angoulème, p. p. M. de la Martinière.
Mémoires. — P. 1-177. Papier de raison de Pierre Bonrrut, sieur des
Pascauds (1692-1725), p. p. l'abbé A. Mazière. [Publication utile pour
l'histoire économique, mais trop touffue et encombrée de détails ou de
généalogies sans intérêt.] — P. 178-232. P. Mourier. Recherches sur
la fabrication des cartes à jouer à Angoulème. [Au xviiP siècle. Tra-
vail utile.] — P. 233-58. D. Touzaud. Une seigneurie à la belle étoile :
la baronnie de Manteresse (xiir-XYiii» siècles). [Preuve des abus des
droits féodaux; vicissitudes de cette baronnie où il n'y avait plus au
xviir siècle do château, mais seulement des droits de justice.]
P. B.
Corrèze.
I. Bulletin de la Société des lettres^ sciences et arts de
Tulle, 1903.
1.0 iJYi. p 13-40. Bastide. Lois militaires sous la Révolution : leur appli-
cation dans la Corrèze. [D'après les archives départementales de la
Corrèze. Ne traite encore que des lois de recrutement, de 1789 à 1800.
Constate un désordre profond.] — P. 41-88. Clément-Simon. Recherclies
de l'histoire civile et municipale de Tulle avant l'érection du consulat.
[Suite de cet excellent travail. Cf. ci-dessus, p. 531, un compte rendu.]
— P. 89 94. J. Plantadis. Ant.-Guill. Delmas, premier général d'avant-
garde de la République. [Suite, p. 297 et 389.] — P. 95-104. 0. de la
Rociie-Sengensse. ^Monographie d'une commune rurale : Saint-Ybard.
[Suite, où nous faisons connaissance avec les théories sociales de l'au-
teur. Suite, p. 193, 307 et 459.] — P. 105-20. E. Bombal. La haute Dor-
dogne et ses gabariers. [Documents à l'appui de cette intéressante
étude. Fin dans la livraison suivante.] — P. 121-31. Abbé Poulbriére.
Inventaire des titres du château de Pompadour. [Interminable publica-
tion, qui se prolonge encore dans les livraisons .suivantes.]
2'= livr. P. 133-52. R. Fage. Notes et documents sur l^i confrérie des Péni-
tents bleus de Tulle. [Bon travail, qui se continue dans les livraisons
suivantes.] — P. 153-75. Bastide. Lois militaires sous la Révolution.
[Suite, où il est traité de l'administration de l'armée.] — P. 177-92.
Th. BouRNEix. Trois prieurés limousins. [Suite de ce très faible travail-
540 ANNALES DU MIDI.
Cf. les livraisons suivantes. « Quand l'abbaye de Bonnesaigne fit son
apparition au domaine de l'histoire, nos montagnes n'étaient qu'har-
nionies (11G5). »]
3^ livr. P. 237-r)9. L. de Nussac. Lo pont Milet-Mureau à Tulle. [Quelques
détails instructifs perdus dans une masse de faits et d'idées sans va-
leur. Publie, p. 253, un document en patois limousin déjà jjublié par
M. Fage.]
4° livr. P. 351-8. Abbé J.-N. Coste. Testament de 1792, publié par A. Le-
roux. [Ce Coste est l'auteur d'un Manuel des missionnaires publié
en 1801.] — P. 359-81. Clément- Simon. Biographie tulloise : les
De Loyac. [Renseignements copieux sur quatre écrivains sortis de
cetie famille aux xvir-xix» s.] A. L.
II. Bulletin de la Société scientifique, historique et
archéologique de B?Hve, 1903.
1" livr. P. 21-98. Abbé Bourneix. Les Bénédictines de Bonnesaigne.
[Suite. Cf. p. 195 et 349. Peu de science, beaucoup de rhétorique. Au-
cune indication de sources.] — P. 99-107. A. Tardieu. Iconographie :
portraits de deux ducs de Ventadour. [L'auteur commence par vanter
ses publications antérieures. Déclare avoir réuni sur la province d'Au-
vergne plus de deux mille portraits, « dont un grand nombre concerne
la Marche, le Limousin, le Bourbonnais, etc. », sans doute aussi la
Bretagne et l'Alsace. Deux pages de description pour les portraits
annoncés.] — P. 113-5. Eug. Marbeau. Lettre au sujet du conven-
tionnel Lidon. [Ajoute quelques détails biographiques à l'article de
M. Roche, publié dans le volume précédent du Bulletin.] — P. 145-62.
Abbés Albe et Poulbrière. L'abbaye de Beaulieu et les seigneurs de
Castelnau-Brétenoux (1316-44). [Ce n'est pas une étude, mais une série
de documents extraits de la Vaticane.]
2= livr. P. 181-93. L. de Saint-Germain. Le conventionnel Lidon. [Ajoute
de nombreux détails biographiques à la notice précitée.] — P. 293-307.
L. DE NussAc. La bibliographie du dialecte limousin depuis 1870. [Utile
relevé; mais pourquoi ne commence- t-il qu'en 1870?] — P. .309-41.
M. Roche. Le général Ernault des Bruslys. [Notice biographique sur
ce général de la République et de l'Empire, qui naquit à Brive en
1757.] — P. 346-8. Ordonnance des officiers de la Maîtrise du Limousin,
fixant le nombre de chèvres qu'on doit nourrir dans chaque bourg, 1784,
p. p. M. Delmond.
3» livr. P. 421-43. L. de Saint-Germain. Un coin du vieux Brive. [Il s'agit
du couvent des Clairettes de Bonnesaigne (cf. p. 662-4), à l'occasion du-
PERIODIQUES MERIDIONAUX. 541
quel l'auteur parle longuement, trop longuement, de la famille Gavai -
gnac qui en devint adjudicataire.] — P. 446-524. D"" F. Labrousse.
Quelques notes sur un médecin pliilosopiie, P.-J.-G. Cabanis. [Repro-
duction d'une thèse où l'auteur démontre que le Limousin Cabanis est
un des fondateurs de la psychologie physiologique.]
4« livr. P. 525-604. V. Forot. Les fêtes nationales et cérémonies publiques
à Tulle sous la Révolution. [D'après les archives locales.] — P. 605-30.
F. Celor. Chansons et bourrées limousines. [Suite.] — P. 631-43. L. de
NussAC. Le général de Gilibert de Merlhiac. [Né à Brive en 1745, mort
en 1819, peu connu dans l'histoire.] — P. 045-54. Girard et Lalande.
La maison natale du maréchal Brune. [Né à Brive en 1763.] A. L.
Creuse.
Mémoires de la Société des sciences naturelles et
archéologiques, t. XIV, l^e partie, 1903.
P. 5-91. Z. TouMiEUx. Le comté de La Feuillade. [Fin : les derniers sei-
gneurs; le château, d'abord simple rendez-vous de chasse; le domaine
utile et la fondalité directe; principaux flefs (commanderie de Gen-
tioux, prieuré de La Villedieu, fief de Pelletanges); appendice (pièces
justificatives, dont aucune n'est antérieure au xviii'' siècle); additions
et corrections.] — P. 92-108. Pérathon. Issoudun et la seigneurie
d'Hautefaye. [Issoudun faisait partie de la franchise d'Ahun; Haute-
faye a été possédé successivement par les familles de Perpirolle, Car-
reau et Mage ; cette dernière a été illustrée par l'explorateur Abdon-
Eugène Mage, mort au large de Brest le 19 décembre 1869.] — P, 109-
89. Delannoy. L'abbaye du Moutier-d'Ahun. [Etude approfondie, mais
que l'absence de cartulaire réduit presque à la période relativement
moderne; le fonds d'archives conservé à Guéret a été dépouillé atten-
tivement, et les corrections indiquées ici-même dans la liste des abbés
(XV, 388) ont été utilisées dans les Addenda. P. 146, au lieu de R. de
Bridiers, lire R. de Bridieu (cette famille, encore existante, tire son
nom d'un château détruit de la commune de Saint-Yrieix-la-Montagne ;
cf. d'ailleurs p. 102, où le même personnage est appelé R. de Brudieu).
Parmi les pièces justificatives, où figure inutilement un mauvais texte
de la charte de Boson II, comte de la Marche, datée de 997, on remar-
quera deux bulles inédites, l'une de Lucius III du \" juin 1182 (d'après
un vidimus du 18 juin 1435 où le nom d'un des notaires doit être lu
G. de Quadruvio et non Quadrmno), l'autre d'Urbain IV, du 15 dé-
cembre 1203.] — P. 19U-2. Pérathon, Plan d'Aubusson, 1003-1085. [Re-
542 ANNALES DU MIDI.
production et commentaire d'une lithograpliie de 1842, dont l'original
a disparu.] — P. l!«-208. Abbé Dercier. Rapport sur les fouilles exécu-
tées au Mont de Jouer, d'octobre 1902 à juillet WO."!. [Suit", avec une
plancbe on iihototypie représentant la tète et la main d'une statue et
autres objets trouvés ; annonce une nouvelle communication sur de
nouvelles trouvailles; donne une étude sur la voie romaine de Limoges
à Bourges, en l'envoyant à plus tard celle de la bifurcation sur Clermont
qui sera accompagnée d'une carte. 11 vaut donc mieux attendre avant de
se prononcer sur l'emplacement définitif de Prœtorumi.] — P. 209-18.
AuTORDE. Le reliquaire de Saint-Goussaud. [Notes critiques sur l'étude
publiée par Léon Palustre et Barbier de Montault en 1886 dans l'Or-
fèvrerie et l'émaillerie limousines ; un appendice, procès-verbal de
translation du reliquaire de Grandmont à Saint-Goussaud en 1790.
M. A. montre que ses devanciers se sont tout à fait trompés en iden-
tifiant le reliquaire de Saint-Goussaud avec un reliquaire de saint
Cloud mentionné dans les anciens inventaires de l'abbaye de Grand-
mont : c'est un reliquaire de saint Léobon.] — P. 2jr)-301. D' Villar ■.
Notes sur Guéret au xviii" siècle, deuxième partie (suite). Communautés
et corporations : avocats, procureurs, notaires et greffiers, huissiers
et sergents, médecins, chirurgiens et apothicaires, sages-femmes.
(A suivre.)] A. T.
Garonne (Haute-).
Bulletin de littérature ecclésiastique, 1903.
P. 109-18. L. S.\LTET. La formation de la légende de sainte Enimie.
[Etude fort ingénieuse, montrant comment la légende a pu faire d'une
sainte locale, dont le souvenir se rattache à la fondation du monastère
de Burlatis en Gévaudan, une princesse du Nord, flUe d'un Clovis,
sœur d'un Dagobert, une lépreuse, venue à Bagnols, puis à Burlatis
pour y chercher la guérison; comment elle a pu aussi associer sa vie
- et ses miracles avec ceux de saint Hilaire, évêque de Mende. Vers 951,
époque où Cluny et l'abbaye de Saint-Chaffre prennent possession du
monastère, presque ruiné, de Burlatis, commence l'élaboration de la
légende, qu'un clerc de ce monastère a racontée au milieu du
xvii= siècle.] P. D.
Gironde.
Archives historiques de la Gironde^ t. XXXVIII, 1903.
P. 1-35. Cartulaire du prieuré de Sainte-Geneviève de Fronsac, p. p. Tal-
LET et DE LA Martinière. [25 pièces du xiii« siècle, dont une de 1209.
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAtIX. 5-43
Plusieurs sont écrites en gascon. Dons, ventes, éolianges, etc.] —
P. 36-122. Documents sui- la ville do Saint-Emilion, p. p. E. Pkianeau.
[De 1400 à 1790. Au total Hl pièces, dont aucune n'a de valeur bien
particulière.] — P. 123-(53. Etat des gentilshommes et des possesseurs
de fiefs nobles dans les juridictions dépendant des sénéchaussées de
Guienne et de Libourne, p. p. P. Meller. [Vers 1690. Avec une annota-
tion assez étendue.] — P. 164-222. Documents sur l'abbaye de Faize,
p. p. E. CoRBiNEAU. [Faize, abbaye fondée en 1137, puis donnée aux
moines de Cadouin en Périgord. Ces documents se rapportent aux
deux derniers siècles de son existence, le xvii« et le xviii=. Plusieurs
sont simplement analysés.] — P. 223-320. Documents concernant la
ville de Bordeaux, p. p. P. Courteault, Duboys, Amtmann, Rousselot.
[■i'i pièces de provenance et de nature diverses : ci. Etat des navires
arrivés d'Angleterre à Bordeaux en janv. 1452. civ et sq. Mémoire de
Vauban sur les travaux à exécuter pour fortifier le Ghâteau-Trompette,
le fort Sainte-Croix et le château du Hà, 20 avril 1680, et devis, etc.,
relatifs au même sujet, avec un plan, cxix et sq. Textes sur les em-
bellissements de la ville au milieu du xviip siècle, notamment sur la
création du jardin public. A la fin, plan du quartier dans lequel il a
été établi.] — P. 321-509. L'industrie et le commerce en Guienne sous
le règne de Louis XVI. Journal de tournée de F.-de-P. Latapie, ins-
pecteur des manufactures en 1778, p. p. L. Cosme. [C'est de ce journal
que Latapie avait tiré les notices insérées aux t. XXXIV et XXXV des
Archives liistoriques. Il fit trois tournées et rédigea trois journaux,
dont celui-ci est le premier. Il abonde en remarques intéressantes sur
le pays, l'agriculture, l'industrie, les hommes et aussi les femmes. Il
s'étend de Bordeaux à Nérac, Agen, Cahors , Brive, Périgueux, Li-
bourne, Blaye.] — P. 510-61. Cahiers de doléances rédigés en 1789 par
les paroisses de la sénéchaussée de Libourne, p. p. M. Marion. [Li-
bourne, Guîtres, Pujols, etc., et La Barde en Saintonge.] P. D.
Hérault.
Bulletin de la Société archéologique de Béziers, 3" sér.,
t. iV., 2« livraison (vol. XXXII de la collection), 1902.
P. 90-8. L. NodUiER. Vieilles prisons. [Historique des prisons vicomtales
sur l'emplacement desquelles se trouve la maison Fabregat moderne.
Elles remontent au xr siècle. Texte de vente de l'immeuble, en 1041,
et plan.] — P. 140-225. A. Soucaille. Etat paroissial de Béziers sous
l'épiscopat de Jean IV de Bonsy, 1599. [Visites de l'évêque à Saint-,
544 ANNALES DD MIDI.
Nazaire, à Saint-AphroJise, à Sainte-^Iadeleine, à Saint-Félix. Les
procès-verbaux publiés tirent leur intérêt fie la date des visites aux-
quelles ils se rapportent; les guerres de religion venaient de se clore;
Béziers en avait beaucoup souffert, mais plus encore les lieux circon-
voisins, visités aussi : Lieuran, Ribeaulte, Boujan, Villenouvete et
autres, dont M. S. aurait dû identifier les noms.] — P. 226-8 X. B. Ca-
pitulation de Béziers. [Texte. Elle est du 19 sept. 1632, non du 20 au
23, comme on le croyait.] — P. 228-9. Epitaphe. [De Madeleine de Ber-
mond du Caylar d'Espondeilhan, f 1621.] — P. 229-85. Autel de l'église
de Paulhan (ancien diocèse de Béziers). [Il remonte à 1115, de même
que l'église de Cassan. A ce propos, p. 232, texte de la visite de Jean
de Bonsy au monastère de Cassan, en 1605.] — P. 235-42. A. Delou-
VRiER. Cloclie de l'église de Paulhan. [De 1444; la plus vieille qui soit
en exercice. A la suite, p. 287, procès-verbal incomplet de la visite de
l'église de Paulhan par J. de Bonsy, en 1605.] — P. 245-52. L. Noguier.
Chronique archéologique. [Inscription trouvée en 1901 ; bronze antique
de Bacchus; monuments patibulaires, etc.]
Tome V, l^e livraison (vol. XXXIII de la collection), 1908.
P. 5-187. A. SoucAiLLE. Etat paroissial de Béziers sous l'épiscopat de
Clément de Bonsy (1638). [Procès-verbaux des visites de cet évêque, de
peu postérieures à la révolte de Montmorency. Ils sont malheureuse-
ment incomplets, par suite de « l'édacité du temps », nous dit M. S.
Y figurent 17 églises, 11 chapelles, 2 monastères et 1 hôpital. A la fin,
règlement des Pénitents de Béziers.] — P. 258-66. L. Noguier. Chro-
nique archéologique. [Découverte, à Béziers, d'une lampe romaine, por-
tant, gravée en relief, une scène de bacchanale ; matrice de sceau en
bronze.] — P. 266-8. L. Lander. Note sur des trouvailles faites près
d'Eyguières (arr. d'Arles). [Dont une plaque de plomb, couverte de ca-
ractères grecs illisibles à cause du désordre dans lequel ils sont placés.]
P. D.
Isère.
I. Les Annales dauphinoises, 3® année, 1903 ^
p. 8 et 42. M"" A.-M. de Franclieu. Frère Guillaume [frère chartreux du
xviii" siècle] et la chartreuse de Saint-IIugon. — P. 13, 65, 136, 224, 246,
283, 349. Abbé Lagier. Les saintes reliques de l'église de Saint-Antoine.
[Publie divers docuuients datés du xvii" siècle au xx«.] — P. 19.
1. Les Annales dauphinoises ont cessé de paraître, après avoir fourni
une carrière de trois années.
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 545
Abbé Baffert. A. Allmer, sa vie et ses œuvres. [Bibliographie de
ses principaux ouvrages.] — P. 23 et 57. G. -P. Bernard. Paul Didier
et la conspiration de 1816. — P. 138, 210, 272. Abbé Baffert. Viri-
ville et l'ermitage de Notre-Dame de Saint-Baudille. [Histoire d'un
ermitage et de plusieurs ermites au xvir siècle et au xv!!!"-.] —
P. 201. H. Ferrand. Anciens plans de Grenoble (avec planches). —
P. 234. M"» A. -M. DE Franclieu. Dom Jean-Baptiste Mortaize, gé-
néral des chartreux (1831-180:!). — P. 259 et 351. Dom Maillet-Guy.
Documents à noter pour servir à l'histoire de l'abbaye de Saint-
Antoine-en-Viennois. [Suite. Origine et armoiries des grands-maîtres
de l'ordre de Saint- Antoine; questions chronologiques.] — P. 265 et
297. Chanoine Mazet. Alexandre Milon, évêque de Valence. [Au
milieu du xviii" siècle. Suite. Traite de la cathédrale de Valence et
des restaurations qui y furent faites sous l'épiscopat de Me"- Milon.] —
P. 305. Abbé Lagier. Notice historique sur les orgues de Saint-Louis
de Grenoble, anciennes orgues de l'abbaye de Saint-Antoine-en-Vien-
nois. — P. 3^JU. Les trois passages de Pie VII à Saint-Christophe-de-ia-
Grotte, commune sise sur la limite qui sépare la Savoie et le Dauphiné.
— P. 352. Abbé Baffert. Une chaire du xvi" siècle à Saint-Julien-de-
Katz. — P. 269 et 359. M"» A.-M. de ï'ranclieu. Notice sur deux statues
anciennes de Notre-Dame conservées à Grenoble, l'une à Sainte-Marie-
d'en-Haut, l'autre à l'église Saint-Louis. [Cette dernière est attribuée au
sculpteur Martin Claustre et date du commencement du xvi" siècle.] —
P. 363. Abbé Dussert. Catherine de Médicis à Grenoble. Siège et prise
de la Mure par le duc de Mayenne en 1580. [Fragment de l'Essai histo-
rique sur la Mure, du même auteur.] — P. 380. Feu le chanoine
Auvergne. Note sur l'ancien diocèse de Vienne. [Topographie, état en
1790.] P. F.
IL Bulletin de la Société de statistique, des sciences na-
turelles et des aiHs industriels du département de l'Isère,
4« série, t. VII (XXXIIP de la collection), 1903.
p. 1-56. H. Ferrand. Essai d'histoire do la cartographie alpine. [De l'an-
tiquité jusqu'à nos jours, avec de nombreuses planches.] — P. 57-69,
J. DE Beylié. Un écho de la journée dos Tuiles. [Publie et commente
une note d'un témoin, Frantz Gringoux, coureur du duc de Clermont-
Tonnerre, lieutenant-général en Dauphiné. Ce personnage déclare avoir
sauvé à grand'peine les aj^partements du duc de Tonnerre, que la foule
avait commencé de piller; lui-même y perdit tous ses effets.] — P. 70-2.
• H. Ferrand. Relation de la journée dos Tuiles. [(Euvre inédite d'un
ANNALES DU MIDI. — XVI. 35
546 ANNALES DU MIDI.
témoin oculaire inconnu. Cette note atteste le pillage et les violences
dont la foule se rendit coupable à l'hôtel de Tonnerre.] — P. 87-189.
G. DE MA.NTEYER. Les Origines do la maison de Savoie en Bourgogne.
[Important travail qui complète les mémoires antérieurs publiés par
M. de M. sur le même sujet. L'auteur étudie trois additions à un ma-
nuscrit viennois de la Bible, conservé à la bibliothèque de Berne. La
première est le texte d'un serment prêté, au xv siècle, par un prince qui
s'oblige à observer une paix de Dieu s'étendant aux comtés de Vien-
nois, de Bugey et de Sermorens. Ce prince n'est autre que le comte
Humbert aux Blanches-Mains ; le document doit être daté de 1025.
L'auteur donne de trè^ nombreux renseignements sur la géographie des
régions qui y sont mentionnées et sur leur état politique; sa disser-
tation aboutit à des conclusions importantes, non seulement pour
l'histoire des origines de la maison de Savoie, mais aussi pour celle des
origines du pouvoir comtal de la famille d'Albon en Viennois. La seconde
addition consiste en notices sur plusieurs saints évêques de Vienne.
Enfin, la troisième est une prophétie viennoise de la première moitié
du XI" siècle.] — P. 191-433. Abbé J. Chev.\lier. Souvenirs du Consulat
et de l'Empire dans le département de la Drôme. [Voir aux « Livres
annoncés sommairement », p. 572.] P. F.
III. Revue épigraphigue, t. V, 1903.
Janv.-mars. N" 1519. Epitaphe celtique écrite en caractères grecs et trou-
vée à Ventabren (Bouches-du-Rhôno) . [OuEviToouta Kouaopouvia, c'est
« Venitouta Quadrunia ». M. d'Arbois de Jubainville estime que cette
inscription est gallo-ligure. Veni-touta serait un nom propre gaulois
composé de deux termes et paraissant signifier « tribu parente ». Qua-
drunia serait la forme ligure du latin Petroiiia, mot d'origine om-
brienne, déformation de Petrunia. Le gaulois change en p la syllabe
qu de l'indo-européen; le ligure conserve cette syllabe.] — N° 1520.
Fragment d'épitaphe celtique trouvé à Ventabren. [Aucun des deux
noms VECTIT... biraci... n'est sûrement restituable.] — N" 1525. Estam-
pilles sur poterie rouge (suite) faisant partie de la collection de
M. E. Kuhn, receveur à Marcillat (Allier), et provenant presque toutes
de l'Auvergne. — P. 7-13. Remarques épigraphiques, par A. Héron de
Villefosse. Inscription de la Roque-d'Authéron (Bouchcs-du-Rhône).
[Plaque d'argent inscrite et « difficile à lire ». Le dessin donné montre
des caractères cursifs. Je lis, pour mon compte : Tralmolu duinn, ce
qui ne contredit pas l'opinion qu'il s'agirait là d'une tabula exsecratio-
num.] — Graffites trouvés au Puy-de-Dôme. [Les plus importants don-
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX, 547
nent : G • V • K • R • F •, c'est-à-dire G{enio) V{asso)-K(aleti) R{egis)
F{elicis). Vasso-Kalete est le nom gaulois du génie des Arvernes, assi-
milé à Mercure à l'époque romaine.] — Les inscriptions du podium à
l'ampliithéàtre d'Arles. [Les deux inscriptions de Junius Priscus, gra-
vées à la partie supérieure des murs du podium, occupent plusieurs
dalles qui, lors des travaux de restauration du monument, ont été re-
mises en place dans un certain désordre. Même un certain nombre de
dalles avaient disparu. Elles furent remplacées par des dalles neuves.
M. H. de V. assigne à deux dalles non utilisées jusqu'ici, et qui sont
encore déposées dans l'amphitliéâtre, dalles portant des traces de let-
tres, leur place idéale dans l'inscription, très mutilée, du côté occi-
dental. L'inscription du côté oriental est plus mutilée encoi-e. Elle répé-
tait la première. Malgré cette précaution prise par Caïus .Junius Priscus
pour perpétuer le souvenir de ses libéralités, le texte de son inscription
est fort loin d'être restitué en entier. M. H. de V. améliore la lecture
du Corpus.'] — P. 13-4. Dieux de la Gaule, par A. Allmer. Ricoria,
trouvée à Béziers.
Avr.-juin. N" 1531. Autel à Silvain, trouvé à Montsalier (Basses-Alpes).
— N° 1532. Epitaphe datée d'un post-consulat d'un empereur Justin,
trouvée à La Baume-Cornillane (Drôme). [Le sous-diacre Constantin est
enseveli le 4 des nones d'août de l'an d'après le consulat de l'empereur
Justin. S'agit-il de Justin I"'' ou de Justin II? J'opine pour le premier,
par la seule raison que l'inscription ne donne pas d'explication. Le nom
chrétien de Constantiniis, la mention d'un sous-diacre, la formule :
cujus depositio est, sont rares.] — N" 1533. Epitaphe de C. Cluviiis
Silamis, de provenance inconnue, retrouvée à Magvxelonne dans la
vieille église. [Le gentilice Cluvius est rare.] — N" 1536. Matrice de
sceau de bronze, trouvée à Béziers en 1833. [M. Espérandieu démontre
qu'elle n'a rien de commun avec un cachet d'oculiste. C'est une marque
d'Hermodore, esclave de la colonie, col • ne veut pas dire ici collyre.]
— N» 1538. Estampilles sur poterie rouge. Auvergne (suite). — P. 24-6.
Dieux de la Gaule, par A. Allmer. Ritona, existant à Montaren (Gard).
[Sentro est un nom celtique, Ritona un nom de source. Aede pour
aedem est archaïque, ainsi que le gentilice non suivi d'un cognomen.]
Mars Rudianus, trouvé à Saint-Etienne-en-Quint et à Rochefort-Sanson
(Drôme), à la Cabasse et à Hyères (Var).
Juill.-sept. N" 1511. Autel à Minerve trouvé aux Milles (Bouchea-du-
Rhône). [Presque toutes les dédicaces à Minerve que l'on possèd(> pro-
viennent de la région du bas Rhône.] — N" 1542. Autel à Silvain, trouvé
à Ménerbes (Vaucluse) : D{e)o Selvano. — N" 154:3. Epitaphe de Q. Es-
548 ANNALES DU MIDI.
nierius, trouvée à Vaison (Vaucluse). [Le gentilice Esnierius est nou-
veau sous cette forme. Cf. Smerius.^ — N» 1544. Autel à Mars, trouvé
à Apt. — N" 1545. Autel à Mercure et à Mithras, trouvé à Apt. —
N" 1547. Epitaphe chrétienne de Genesius, trouvée à Ourdies (Drôme).
— N" 1548. Autel au Numen impérial, à la Mère des dieux et aux ma-
trones Saloen7iae, trouvé à Moutiers (Savoie). [Le Numen impérial,
l'emportant sur tous les dieux depuis Auguste, est mis ici en tête.] —
N° 1549. Autel à Auguste, trouvé à Curty (Haute-Savoie). [M. Espéran-
diou restitue à bon droit : Aurjust^o sacrum]. Le triumvirat locorum
pubUcorum persequendorum était une magistrature particulière à
Vienne, motivée par l'extrême richesse de la colonie en biens commu-
naux. Le dédicant était aussi duumvir et préfet des ouvriers. La forme :
duumvirum, employée dans le sens de 7i7i7is duumvirorum, est nou-
velle dans la colonie.] — N" 1552. Estampilles sur poterie rouge. Au-
vergne (suite). — P. 48-7. Dieux de la Gaule, par A. Allmer. Dea Se-
geta, trouvée à Bassy-Albien (Loire). Mars Segoyico, trouvé à l'Esca-
rène (Alpes-Maritimes) sous la forme Segonconi Cuntino.
Oct.-déc. N"" 1556 et 1557. Autels à Mars Belado, trouvés à Limans
(Basses-Alpes). — N" 1559. Epitaphe trouvée à Montbazin (Hérault). [Le
gentilice Tavius est nouveau.] — N» 1560. Epitaphe trouvée à Mont-
bazin. [La cinquième ligne : OTVLLMTK, n'est expliquée que pour la
fin : MaTeR. Les lettres Otull. renferment évidemment le cognomen de
la mère du défunt, de Cornelia, mais il faudrait voir la pierre.] —
P. 51-62. Remarques épigraphiques, par A. Héron de Villefosse. Mé-
daillons romains en terre cuite avec légendes explicatives, trouvés à
"Vienne, à Sainte-Colombo ou à Saint-Romain-en-Gall. [Collection Louis
Chaumartin, à Sainte-Colombe, et collection Ernest Bizot, à Vienne.
Ganymède et Jupiter, Education de Bacchus, Atalante et Hippomène,
Hercule vainqueur, les Amours s'emparant des armes d'Hercule, Her-
cule et Antéc, la Folie d'Ajax, Médée endormant le dragon de Mars,
Parthenopous, Combat de gladiateurs, le Cheval de Troie, tels sont les
sujets de ces médaillons, tous mutilés, par malheur.] E. B.
Landes.
Bulletin de la Société de Borda, 28e année, 1903.
P. 1-32, 53-89. SAiNT-Jouiis. L'Adour et ses embouchures anciennes. [Re-
vient une fois de plus sur cette question en s'appuyant sur les titres
officiels anciens.] — P. 33-52. P. Lahargou. La vie, il y a cent ans, dans
un coin de la Chalosse. [D'après le journal abrégé de Jean Barbe.] —
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 549
P. 93-107, 133-58. L. Sentex. La faïencerie de Samadet (Landes), 1732-
1810. [Naissance et développement de cette industrie qui permit d'uti-
liser sur place les forêts de l'endroit.] — P. 109-32. A. Degert. Histoire
des évêques de Dax [fin]. — P. 15.3-61. A. Diciias. Un instituteur pen-
dant la Révolution. [Jean Lacoste.] — P. 165-80, 245-79. A. Degert.
L'ancien collège de Dax. Notes et documents. [Avant les Barnabites :
personnel des professeurs, leurs traitements, etc. Le collège sous les
Barnabites : organisation et fonctionnement; programmes et méthodes
d'enseignement. Situation financière. Documents originaux provenant
des archives municipales de Dax. Cf. Annales, t. XVI, p. 437.] —
P. 181-204; fin p. 229-41. V. Foix. Les Clarisses de Dax. Histoire et
statistique. [Le personnel. Détail des revenus. Liste des abbesses de
1621 à 1792. Liste des religieuses. ] — P. 281-302. G. Beaur.un. Le por-
tail de l'église de Mimizan étudié dans ses rapports avec l'histoire du
costume et du mobilier au moyen âge. Nombreuses figures. G. M.
Pyrénées (Hautes-).
I. Annuaire du Petit Séminai7''e de Saint -Pé, 1902.
Documents historiques relatifs à l'abbaye et à la ville de Saint-Pé. —
P. l'-25*. Le livre de la réformation de l'année 1609. (Suite et fin.) [Suite
de cet inventaire des droits seigneuriaux dus au roi et à l'abbé de
Saint-Pé.] — P. 26*-61*. Documents pontificaux. [Treize pièces latines de
la fin du xiv et du commencement du xv« siècle concernant l'abbaye
de Saint-Pé. Un certain nombre ont trait à des remises d'impôts ponti-
ficaux. Une autre porte déposition d'un abbé qui avait adhéré au pape
d'Avignon Clément VIL]
1903.
p. 181-219. Pierre-Procope Lassalle (1751-1831). Biographie du fondateur
du Petit Séminaire de Saint-Pé. — P. 220-341. M?'' Bertrand-Sévère
Laurence (1790-1870). [Premier supérieur du Petit Séminaire de Saint-
Pé, plus tard évèque de Tarbes.]
Documents historiques relatifs à l'abbaye et à la ville de Saint-Pé. -
P. l''-75'. Documents pontificaux, publiés par L. Guérard. [Trois pièces
latines de Paul III, de 1.534 à 1.500. L'une nomme un abbé de Saint-Pé,
les deux autres confèrent une chapellonie. Notes' et documents pour
l'explication des pièces.] M. D.
II. Bulletin de la Société Ramond, 2*> sér., t. VIII, 1903.
p. 33-8. Abbé F. Marsan. La gruerio d'Arreau. [Elle relevait de la mai-
550 ANNALES DU MIDI.
triso do Saint-Gaiulens, créée en mars 1G71. Los députés de la vallée
d'Aure en domandont la suppression au nom do leurs privilèges. Texte
de leur requête, qui fut admise.] — P. 39-46. L. Ricaud. Journal pour
servir à l'histoire de la réclusion des prêtres insermentés du diocèse de
ïarbcs. [Suite de cette publication, qui se continue p. 77-91 et 181-56.
Listes des prêtres assermentés, insermentés, « abdicateurs », mariés;
des prêtres do la « troisième réclusion », avec monographies sur Torné,
Doléac, etc.] — P. 92-102. Abbé F. Mars.\n. Une correspondance bagné-
raise du xviii» siècle. [Lettres de J. Dumoret au comte de Ségure, dont
il gérait les biens. Elles forment une sorte de chronique de Bagnères
de 1757 à 1769, mais d'intérêt secondaire.] — P. 200-16. Grammaire can-
tabrique de Pierre d'Urte. Errata. [On sait que la Société Ramond a
publié la grammaire en question de 1896 à 1900. L'édition a été faite
par M. Webster, d'après une copie manuscrite récente. Les errata pro-
viennent d'une collation exécutée depuis sur le ms. original, qui appar-
tient à la comtesse de Macclesfield.] P. D.
Savoie.
Méînoires et documents x^'^^liés par la Société savoi-
sîenne d'histoire et d'archéologie, t. XLII, 1908.
Bulletin. P. T-xii. Inventaire du mobilier d'un gouverneur de Savoie
en 1789, p. p. M. Mugnier. — P. xii-xiii. Inventaire d'un autre gouver-
neur de Savoie on 1759, p. p. M. Mugnier. — P. xm-xv. Analyse par
l'abbé L.-E. Picc.^.rd, d'une transaction de 1486 qui termine un procès
entre Alexandre de Montluel et Claude de Seyssel. — P. xvi-xvii. Ana-
lyse, par LE MÊME, d'une vente do terre faite le 6 janvier à Humbert de
Seyssel, seigneur d'Aix. [On ne donne pas l'année.] — P. xvii-xviii.
Inventaire dos biens de quelques juifs d'Yonne morts en 1347-48, p. p.
M. LÉT.4NCHE. — P. xviii-xxiii. Mémoire adressé, vers 1730, au Sénat
de Chambéry par un curé qui se plaint de la présence d'une famille pro-
testante près de son église, p. p. M. Mugnier. — P. xxiii-xxiv. Mémoire
d'un autre curé au même Sénat sur un sujet semblable, p. p. M. Mu-
gnier. — P. xxiv-xxv. Lettre du duc de Savoie Charles-Emmanuel, du
25 juillet 1664, à propos d'un attentat commis par un prisonnier de la
prison de Miolans sur le gouverneur, p. p. M. Mugnier. — P. xxvi.
Visite médicale d'une comtesse de la Val d'Isère, en 1628, ordonnée par
l'official de l'évêché de Genève : on conclut qu'il n'y a pas eu mariage
consommé, p. p. M. Mugnier. — P. xxx-lxi. G. Pérouse. Dépenses de
voyage de Louis, duc de Savoie, dans la Bresse et le Dauphiné en 1451
PERIODIQUES MÉRIDIONAUX. 551
et 1452. [40 mandements du duc au trésorier-général de Savoie pour
faire payer les fournisseurs désignés, en français, avec les pièces
justificatives des dépenses et les reçus en français ou en latin des
fournisseurs. Intéressant en particulier pour le prix des choses.]
— P. Lxi-Lxiii. MuGNiER. Note sur le chapitre de la cathédrale de
de Saint-Pierre de Genève. [Transporté ensuite à Annecy. Les chanoines
étaient pris exclusivement parmi les nobles et les docteurs. L'un d'eux
demandait en 1664 de pouvoir faire de son neveu son coadjuteur.
Lettre de Charles-Emmanuel, duc de Savoie, rejetant la demande.] —
P. Lxviu-Lxix. Analyse, par Mugnier, de deux contrats de mariage, l'un
de riches bourgeois, l'autre de paysans, 1695 et 1703. — P. lxxi-lxxv.
Correspondance de deux industriels de Rumilly en 1775, p. p. M. Mu-
gnier. — P. Lxxv-Lxxvi. Trois contrats d'apprentissage de métiers à
Rumilly. — P. lxxvi-lxxix. Mugnier. Notice biographique du sculpteur
Jean Vallet (1817-1903). — P. lxxviii-lxxxii. Mugnier. Charte de réu-
nion de la chantrerie de la Cluse au prieuré de Cravin. [Texte latin.]
— P. Lxxxii-xoviii. J. Létanche. Les cloches à Yenne. [Histoire des
cloches d'Yenne depuis le xvii'^ siècle.] — P. ci-cxvii. Mugnier. Analyse
d'un certain nombre de contrats de mariage des xvr et xvii^ siècles. —
P. cxviii-CLXvi. G. Pérouse. Dépenses de la maison du prince Amé de
Savoie, fils du duc Louis, de 1462 à 1465. [51 mandements dans la même
forme que ceux produits par M. P. pour les dépenses du duc Louis,
p. XXX.] — P. CLXvii-CLXx. Bulle du pape Léon X à Pierre Lambert,
chanoine de Genève, l'autorisant à construire un couvent de Célestins.
Mémoires. P. 5-545. F. Mugnier. Antoine Favre, président de Genevois.
premier président du Sénat de Savoie, 1557-1624. Seconde partie : Cor-
respondance du président Favre, t. I". [Avec un avant-propos, une
table et un fac-similé. De 1581 à 1611. Travail soigné. Pour chaque
lettre indication de la source. Les lettres peu importantes sont simple-
ment analysées; certaines lettres latines sont traduites, entièrement
ou en partie.] M. D.
Tarn.
Revue du Tarn, l. XX, 1903.
p. 23-42, 66-87, 147-81, 267-83. A. Vid.\l. Histoire des rues du vieil Albi.
[Voir aux « Livres annoncés sommairement », p.. 583.] — P. 53-7, 213-9.
Ch. Peyronnet. Documents sur les anciennes confréries de Rabastens-
d' Albigeois. [Confrérie des Pénitents blancs : deux pièces de 1616 et 1654;
confrérie des Pénitents bleus : acte d'institution, du 1»' mars 1598.] —
P. 61-4. E. Cabié. Le prétendu marbre de Saint-Urcisse. [Résulte d'une
552 ANNALES DU MIDI.
fausse intorprétation d'un passage de l'Histoire naturelle de Lan-
guedoc par M. de Genssane (1776-79). Ce marbre devait probablement
être exploité dans la paroisse de Larroque.] — P. 104-12. De Rivières.
Inventaire des reliques de la collégiale Saint-Salvy à Albi, 1725. —
P. 1^5-46. Ch. PoRTAL. La population du département du Tarn au
xix" siècle. [Elle s'est accrue jusqu'au milieu du siècle pour décroître
ensuite, et rapidement depuis 1886, par la diminution de la natalité et
par l'augmentation relative du nombre des cmigrants.] — P. 182-93.
E. Marty. Biographie de G.-J.-A. de Glausade. [Né à Rabastens en 1809,
mort en 1847. Homme politique de médiocre envergure.] — P. 194-6.
Dk Rivières. Inventaire de l'église de Castelnau-de-Montmiral, 29 ven-
tôse an II. — P. 202-10. Id. Les grands marins de l'Albigeois. [P.-J.
de Taffanel de La Jonquière, chef d'escadre, gouverneur de la Nouvelle
France, 1685-1752, un des trois meilleurs marins de la France au
xvni« siècle, et Clément de Taffanel, son neveu, héritier de son nom, chef
d'escadre, 1706-95. Relations de cotte famille avec La Pérouse. Epita-
phes de quatre gouverneurs du Canada : Frontenac, Callières, Vau-
dreuil, La Jonquière.] — P. 230-1. In. Découverte à Albi d'une inscrip-
tion du xviii» siècle. [Sur marbre blanc; de 1735; destinée à relater
l'acquisition de l'IIôtol-de-Ville par la communauté.] — P. 237-48.
E. Cabié. Forges ou moulins à fer de la montagne Noire du xni" au
xviii" siècle. [Moulins mus par l'eau. Le plus ancien document se
rapporte à la seigneurie d'Escoussens et date de 1283. L'auteur j^ublie
des lettres royales de 1312 autorisant l'établissement d'un moulin à fer
sur le ruisseau de Candesoubre, près de la forêt Narbonnaise.] —
P. 249-66. J. Laran. Notes sur Saint-Pierre de Burlats. [Monument
historique dont l'histoire n'est pas très claire: c'est une église romane
qui a été ruinée pendant les guerres de religion et réparée deux fois
au commencement du xvii" siècle. A suivre.] — P. 301-12. A. Vidal.
Armement d'une compagnie d'arbalétriers albigeois en 1360. [D'après
les comptes consulaires.] — P. 313-45. E. Marty. Délibérations des
Conseils politiques de Rabastens. [Cette très utile publication fait suite
à celle des Cartulaires de Rabastens, dont nous avons déjà parlé. La
partie qui nous en est présentement donnée s'étend do 1565 à 1599.
A suivre.] P- D.
Vienne (Haute-).
Bulletin de la Société archéologique et historique du
Limousin, t. LUI, 1903.
P. 1-840. Abbé J. Nadaud, f 1775. Pouillé historique du diocèse de
PÉRIODIQUES NON MÉRIDIONAUX. 553
Limoges [et de Tulle], p. p. l'abbé A. Leclek. [Publication souhaitée
depuis longtemps, mais qui ne répond pas à ce qu'on attendait. Les
erreurs de Nadaud ont été conservées ; les lacunes de son œuvre sub-
sistent; les additions qu'un siècle de recherches rendait faciles n'ont
pas été faites. L'éditeur s'est borné à identifier les noms de localités, à
dresser une table alphabétique des noms de lieux, à insérer à la fin,
sous forme d'annexé, une dissertation sur la mission de saint Martial
au premier siècle et un grand nombre de documents sur la restauration
du culte catholique après 1802! ] A. L.
PÉRIODIQUES FRANÇAIS NON MÉRIDIONAUX.
41. — Xe Bibliographe moderne, 1903.
p. 84-117, 306-31. L. Lecestre. Table alphabétique de la Chronologie mi-
litaire de Pinard. [Ouvrage publié entre 1760 et 1760 par un commis des
bureaux de la guerre, assez rare, en huit vol. in-i». Il contient les noti-
ces biographiques et états de services de tous les officiers généraux de
l'armée française, des origines à 1762. Lettres A-L. A suivre.] — P. 377-
400. R. ViLLEPELET. Notes sur le classement et l'inventaire des papiers
de l'époque révolutionnaire conservés dans les Archives départementa-
les. [Principes qui ont présidé au classement de ces papiers. Il est par-
ticulièrement intéressant de les connaître en un temps où se multi-
plient les travaux relatifs à la Révolution en province.] P. D.
4S. — Bulletin de numismatique et d'archéologie. 6*^ vo-
lume, 1890.
p. 44-7. A. Engel. Notes sur quelques collections numismatiques du
Midi de la P^ance. [De Bordeaux, Carcassonne, Narbonne, Toulouse.]
— P. 85-97. F. Mazerolle. Jetons rares ou inédits. [Dont ceux de
Louise de Savoie, mère de François I", et ceux de ses officiers.] —
P. 132-6. E. Caron, Les collections de Bordeaux. Monnaies rares ou
inédites. Nouvel atelier du prince Noir. Gros de Bergerac d'Henri de
Lancastre. [Collections A. de Chasteigner et Lalanne.]
43, — Bulletin de numismatique S l""" .volume, 1891.
p. 4. R. S[errure]. Monnaie de Louis XIV mal attribuée à Montpellier.
1. Continue le précédent Bulletin sous un titre à pou près semblable
Publié chez Serrure, Paris.
554 ANNALES DU MIDI.
— P. 61-4. R. Vallentin. Un sequin avignonnais inédit du pape
Calixte III (1455-1458).
2« volume, 1893-1894.
p. 45. R. Vallentin. Signification de la légende bilinéaire de quelques
doubles deniers pontificaux frappés à Avignon. [Au xv= siècle.] —
P. 146-50. R. S. Le trésor des Fins d'Annecy. [Monnaies d'or de Vespa-
sien, Titus, Nerva, Trajan, etc., trouvées en 1893.]
3e volume, 1895-1896.
P. 10-6. R. Vallentin. Documents inédits relatifs au monnayage des
archevêques d'Embrun. [De 1419 et 1420.] — P. 45-52. R. Vallentin.
Les liards créés par Henri 111 en 1577. [Emis à Grenoble notamment.
Ce sont les plus anciens du règne.] — P. 66-7. E. Faivre. Un douzain
inédit de Charles X, roi de la Ligue, frappé à Marseille. — P. 78-84.
R. Vallentin. Du prétendu atelier carolingien de Venasque (Vau-
cluse). [Il est apocryphe; mais on a battu dans cette ti'ès ancienne
localité des triens mérovingiens.] — P. 121-31. M. de Marchéville. Les
florettes de Charles Vil. [Pièces trouvées à La Rochelle en 1895, pro-
venant toutes d'ateliers de l'Ouest. Cette trouvaille permet de classer
avant 1431 la pièce du Dauphiné et de déterminer, quant au blanc au
type de la florette, les différents des huit émissions qui, de 1426 à 1431,
ont fait tomber son titre. Cf. p. 150.] — P. 141-50. R. Vallentin. Les
florins de Gaucher Adhémar, seigneur de Montélimar (1346-1360). —
P. 150. J. PuiG. Obole inédite de Gausfred, comte de Roussillon (1030-
1075).
4« volume, 1897.
P. 1-2. De Castellane. Denier blanc de Charles V, au K couronné,
frappé à Limoges. [Créé le 20 avril 1305.] — P. 2-4. M. Raimbault. Les
faux louis de La Rochelle. [De 1757 ; frappés en Angleterre en très
grande quantité.]
5e volume, 1898.
P. 1-2. E. Faivre. Douzain aux croissants inédits et liard à l'H couron-
née, de Marseille, au nom de Henri IL [De 1551 environ.] — P. 54-6.
R. Serrure. Un écu d'or inédit de Charles VII (1483-1498), frappé à
Limoges, — P. 102-3. E. Faivre, Un douzain inédit frappé à Limoges
par les Politiques. [En 1591.]
6" volume, 1899.
P. 1-12. R. Vallentin du Cheylard. De la suppression des méreaux à
Montélimar, Romans et Valence (1549).
PÉRIODIQUES NON MÉRIDIONAUX. 555
7« volume, 1900.
p. 54-5. H. GiLLARD. Trouvaille faite aux environs de La Rochelle. [De
pièces allemandes, enfouies sans doute par des reîtres allemands au
cours des guerres de religion.] — P. 65-7. E. Caron. Un denier de
Saintes. [Prototype de ceux, assez nombreux, dont les légendes se sont
altérées. Tous portent le nom de Lodovicus pendant deux siècles;
c'est sans doute du carolingien Louis V qu'il est question.]
8e volume, 1901.
P. 81-4. P. R. DE BEAurHAMP. Une médaille de mendiant de Bordeaux.
[Permis de mendier, donné en exécution d'un arrêté du 26 fructidor
an XL]
9" volume, 1902.
P. 25-7. V. LuNEAU. Quelques pièces inédites. (Suite, p. 73-5, 105-8, et à
suivre.) [Pièce de Saint-Gilles au nom de Raimond, — denier d'argent ; —
pièce de billon du roi René, frappée à Tarascon ; demi-gros du pape
Jean XXII, frappé à Carpentras; petite pièce de billon de l'antipape
Clément VII, Avignon; petite pièce de billon du pape Martin V, etc.]
10® volume, 1903. Néant. p. d.
44. — La Correspondance historique et archéologique,
1903.
p. 12-8. J. M0MMÉ.1A. Bernard Palissy agenais. [Fin.] — P. 293-302. Ivan
d'Assof. Notes sur la prison de Mirabeau au donjon de Vincennes.
A. T.
45. — Gazette numismatique française, 1903.
p. 9-52. M. Raimbault. Les médailles et les jetons des Etats de Provence.
[La série de ces jetons est loin d'être aussi complète que celle des États
de Languedoc. Quant à l'émission des médailles, c'était un fait acciden-
tel ; les États en donnèrent au fermier général Bouret, au bailli de
Suffren, etc. Énumération et description de ces pièces. Dix-neuf pièces
justificatives, de la fin du xviii" siècle. Très intéressant article.] —
P. 53-72. A. Evrard de Fayollle. Médailles et jetons municipaux de
Bordeaux. (Suite, et p. 159-64; fin p. 231-58). [Cette étude, fort précise
et bien documentée, s'étend jusqu'à la fin du xix" siècle. Tableau des
médailles et jetons. Pièces justificatives de 1733 à 1,786.] — P. 201-13. Id.
Lettres relatives à dos médailles bordelaises. [Textes sur la médaille des
Raffincurs (1786), sur celle de l'entrée du duc d'Angoulême à Bordeaux
(1814), etc.] — P. 415-32. Id. Nouvelles recherches sur Bertrand
Andrieu, de Bordeaux, graveur en médailles, 1761-1822. [Soixante-di.x-
556 ANNALES DU MIDI.
huit documents inédits formant un supplément aux Recherches sur
Andrieu du même auteur. Ils se i-apportent à six des médailles de ce
graveur et à quelques autres sujets.] — P. 433-4. Id. Les jetons borde-
lais de l'armée. [L'auteur rectifie la description qu'il avait donnée,
dans ses Médailles et jetons municipaux, des jetons n°* 10 et IL]
P. D.
46. — La Grande Revue^, 6^ année, t. I (janv.-mars
1902).
P. 121-54. R. Allier. La cabale des dévots (1627-1668). Le pouvoir civil
contre la Compagnie. [Suite d'une série d'articles parus en 1901 et
publiés ensuite en un livre dont notre collaborateur, M. A. Leroux, a
rendu compte; cf. Annales, t. XV, p. 221.]
T. Il (avr.-juin 1902).
P. 1-24. G. Deschamps. La jeunesse d'Agrippa d'Aubigné. [On sait que
l'illustre soldat et poète huguenot était originaire de Pons en Saintonge.
Article brillant, mais qui ne nous apprend rien de neuf.]
T. m (juill.-sept. 1902), t. IV (oct.-déc. 1902). — 7^ année,
t. I (janv.-mars 1903), t. II (avr.-juin 1903). Néant.
p. D.
47. —Nouvelle Revue rétrospective., 2® série, 5« semestre
janv.-juin 1902).
P. 25-48. Documents relatifs à Mirabeau. Souvenirs de Legrain, valet de
chambre de Mirabeau, p. p. G.-L. de Montigny. (Suite, p. 97-120, 265-
88, et fin, p. 337-51.) [Ce Legrain, sorte de Frontin, fort impudent, est
resté auprès de Mirabeau jusqu'à la mort de celui-ci. On devine le
genre des historiettes qu'il a pu conter ; quelques-unes ont leur prix.]
— P. 65-8. Un mariage à l'église sans la participation du prêtre (1743),
p. p. L. FuNEL. [Témoignage de Michaëlis, prieur de Bouyon (Alpes-
Maritimes) et lettre de l'évêque de Vence à ce sujet.] — P. 68-72. Projet
de statue à élever au Premier Consul. [Dii au citoyen Levret et adressé
par lui, de Paris, au citoyen Giraud, commandant d'armes à Fenes-
trelle.] — P. 73-96. Deux volontaires de Sambre-et-Meuse, p. p. L.-G.
Pélissiek. (Fin, p. 196-215.) [Lettres de Maurin et de Rouvière, partis
de Montpellier, au citoyen Dessalles, habitant de cette ville, 1792-1797.
1. Le 1" juillet 1902 la Grande Revue, sans changer de caractère, a
changé son titre en celui de Revue du Palais. Depuis elle porte tantôt
l'un, tantôt l'autre.
PERIODIQUES NON MERIDIONAUX. 557
Curieuses par l'enthousiasme patriotique et républicain dont elles
témoignent. L'c< estimable maîtresse » de Rouvière, nommée Rousseau,
s'en montre aussi enflammée ; elle fait campagne avec son amant.] —
P. 140-71. P. CoTTiN. Documents relatifs à Mirabeau. IV. Mirabeau
mystificateur, d'après des documents inédits. [Il s'agit de mensonges
et tromperies fort vilaines commises par Mirabeau envers Sophie de
Monnier et Julie Dauvers.] — P. 171-95. Les dernières années de la
marquise de Monnier, p. p. A. Mouttet. [Souvenirs du docteur Ysa-
beau, qui fut son confident, à Gien, dans le couvent où elle avait été
renfermée, à partir de 1778; procès-verbal d'autopsie de la marquise
(qui s'asphyxia en 1789 avec des réchauds de charbon); ses actes de
naissance et de décès; son testament.] — P. 263-4. Un projet de colonne
rostrale à Toulon {1830), p. p. de Grouchy. [A construire avec les
canons pris à Alger. Proposition faite par le comte de Bourmont.] —
P. 351-62, 409-32. Documents relatifs à Mirabeau. Pièces diverses.
[Autorisation de vendre des bijoux donnée par la comtesse de Mirabeau
à son mari (1773). De plus, diverses lettres de Mirabeau, ou à lui adres-
sées, ou le concernant. A suivre.]
6^ semestre (juillet-décembre 1902).
P. 49-68. Documents relatifs à Mirabeau. Pièces diverses. [Fin. Entre
autres, une lettre datée du Pont-Saint-Esprit, 7 nov. 1789, écrite par
Sophie de Carignan, religieuse ursuline, contre le a despotisme mona-
cal ».] — P. 175-85. L'arrestation du roi à Varennes et le Conseil général
de Brioude (1791), p. p. P. Le Blanc. [Texte de la délibération dudit Con-
seil, du 24 juin 1791, d'une proclamation consécutive, etc.] — P. 318-27.
Les préliminaires du Concordat (1801). Lettre de M^"" Pisani, évêque de
Vence, p. p. E. Baussy. [1° Réponse de l'évèque au Directoire du dépar-
tement du Var, qui lui communiquait le texte de la Constitution civile
du clergé et le priait de s'y conformer; 2° autres lettres du même, écri-
tes en 1801 et relatives au Concordat.] — P. 380-4. Souvenirs de l'abbé
Vallet, député de Gien à l'Assemblée constituante (1789-1807). [Ces
« souvenirs », fort étendus, ne nous intéressent que par l'Appendice,
relatif à Sophie de Monnier, à sa mort et à l'impression très vive que
sembla en éprouver Mirabeau quand il l'apprit.]
7« semestre (janvier-juin 1903).
P. 215-6. J.-B. Marleix. Le combat d'OUioules, du 31 août 1793. [Texte
d'un ordre du Comité de la guerre, de Toulon, 29 août, enjoignant au
bataillon marseillais de défendre les gorges d'OUioules. Cet ordre ne fut
exécuté qu'après un long retard, ce qui permit à l'armée de la Conven-
tion, commandée par Carteaux, de s'emparer du passage.] P. D.
558 ANNALES DU MIDI.
pp:riodiques étrangers.
Allemagne.
48. — Archiv fur das Studium dcr neueren Sprachen
und Literaluren, t. CX, 1903. Néant. — T. CXI, 1903.
P. 181-5. A. Bertuch. Lou Roucas de Sisife von F. Mistral. [Traduc-
tion, accompagnée de quelques observations, de la poésie de Mistral.]
— P. 4îi2-4. R. B. Ein Landsmann Jasmin's. [Publication de la poésie
YAnel de Alban Vergne, avec quelques notes biographiques et gram-
maticales.] A. J.
49. — Romanische Forschungen, t. XIII, 1902 (suite).
P. 785-860. P. Dreyer. Zur Clermonter Passion. [Une étude appro-
fondie de la phonétique et de la morphologie de la Passion de Cler-
mont amène l'auteur à la conclusion — dont la précision ne laisse
pas d'inspirer quelques doutes — que ce texte, écrit à l'est de la Mar-
che ou au sud-ouest du Bourbonnais, a été copié par un scribe origi-
naire de la Mai'che occidentale ou du Poitou et que la copie qui nous
en est parvenue est due à ti'ois scribes limousins].
T. XIV, 1903. Première section.
P. 1-102. A. Brossmer. Aigar et Maurin. Bruchstûcke einer Chanson de
Geste nach der einzigen Handschrift in Gent. [L'édition de ces deux
fragments, donnée par Scheler aussitôt après leur découverte (1877),
étant depuis longtemps épuisée, M. B. a fait œuvre utile en publiant
celle-ci; elle est fort soignée : le texte a été revu sur le ms.; il est
accompagné de notes et suivi d'un glossaire. En tète, une étude sur la
légende et un soigneux dépouillement des traits linguistiques. La con-
clusion auquel celui-ci a conduit l'auteur est assez vague et paraît
reposer sur des arguments assez faibles : la patrie de l'auteur serait
(p. 46) le sud du Poitou « ou plutôt la région de la Garonne » (?); la
date est moins difficile à déterminer : ce serait la seconde moitié du
xn= siècle environ.] — P. 321-38. L. Jordan. Girartstudien. [Fait ressor-
tir certaines contradictions dans la rédaction actuelle et propose, pour
les écarter, une théorie qu'il serait trop long d'exposer; relève certaines
analogies (dans le nœud même de l'intrigue) avec le Niebeliingenlied ;
croit pouvoir affirmer qu'un récit arabe inséré dans les Mille et Ufie
nuits (et qu'on a déjà rapproché de Girart de Roussillon) en est
PÉRIODIQUES ÉTRANGERS. 559
directement inspiré; étudie d'autres romans arabes où apparaît une
intrigue analogue; revient, en terminant, sur les rapports de fond
(déjà signalés ailleurs) entre Girart de Roussillon et Girart de
Vienne.}
Deuxième section. Néant.
T. XV, 1903.
p. 1-40. R. DiTTES. Ueber den Gebrauch des Infinitifs im altprovenzalis-
chen. Syntaktische Studie. [Dépouillement soigneux, dont les résultats
sont méthodiquement classés, de textes en nombre malheureusement
assez restreint; c'est ce qui explique sans doute qu'on ne trouve pas
mentionnées des constructions intéressantes, celle-ci par exemple, jadis
étudiée par M. Tobler {Dis dou vrai aniel (p. 22) : s'esforza... dels
barons servir, ou encore les emplois de l'infinitif qu'on trouve dans le
setis pro tener amie de B. de Born {Ges no me desconort, v. 31) ou lé
ati paor... de raire d'E. Cairel (plus haut, p. 469, var. du v. 22.] —
P. 204-316. W. BoHS. Abrils issi'e mais intrava. Lehrgedicht von Rai-
mon Vidal von Bezaudun. [Édition soignée qui sera la bien venue,
étant donnée la rareté des Denkmaeler de Bartsch, où il fallait aller
chercher ce texte; elle est accompagnée d'une traduction littérale (cette
excellente pratique se généralise de plus en plus), suivie de notes et
précédée d'une intéressante dissertation sur les Ensenhamens . M. Levy
a communiqué à l'éditeur sur le premier quart du poème un bon nom-
bre de remarques ou corrections au texte ; mais il reste encore un très
grand nombre de passages obscurs, dont quelques-uns probablement
désespérés.] A. J.
50, — Zeitsclirift cler Savignij-Stiftung fïir Rechtsges-
chichte, t. XXII, année 1901.
Romanistische Abtheilung. — P. 55. Mommsen. Eine verlorene Breviar-
handschrift. [Un manuscrit perdu du Bréviaire d'Alaric ou Lex ro)7iana
Visigothorum. M. a réussi à le retrouver grâce aux annotations de
P. Pithou sur un exemplaire du Bréviaire qui lui avait appartenu,
ainsi qu'à Cujas.]
Germanistische Abtheilung. — P. 424. Brùnneck. C.-R. de l'ouvrage
de Giuffrida, intitulé Genesi délie consuetudini giuridiche délie città
di Sicilia. — P. 443. R. Hûbner. C.-R. de la traduction par Maitland
du célèbre ouvrage de Gierke sur les théories politiques du moyen
âge. — P. 440. U. Stutz. G.-R. des ouvrages récents de Hansen sur
l'histoire de la sorcellerie : Zauberioahn, 1900; Quellen und Unter-
suchungen zur Geschichte des Hexenwahns, 1901. J. B.
560 ANNALES DU MIDI.
51. — Zeitsclirift ffo' romanische Philologie, t. XXVII,
1903.
p. 189-36. C. Nir.RA. Nonii romanzi del collare degli animali da pascolo
(avec une figure). [Traite, p. 135, des mots désignant en provençal la
clochette.] — P. 137-41. Le même. Toscan gazza, anc. prov. agassa.
[De 'gnca, gacea, qui aurait désigné la pie en latin vulgaire. Ce mot
serait lui-même une autre forme du prénom Gains. Bien peu proba-
ble.] — P. 142-52. A. HoRNiNG. Zu A. Thomas Mélanges d'étymologie
française. [Parmi ces remarques, nous devons signaler celles sur les
mots prov. chancera, reissidar et pasi.] — P. 153-72. C. Michaelis
DE Vasconcellos. Randglosseu zum altportugiesischen Liederbuch.
XIII : Don Arrigo. (Suite, p. 257-77; 414-36; 708-37.) [11 s'agit de Henri
de Castille, frère d'Alphonse X, célèbre par sa vie aventureiise et ses
démêlés avec Charles d'Anjou, dont le nom a été bien des fois men-
tionné par les troubadours.] — P. 193-7. E. Richter. Zu prov. En
= Herr; prov. katal. a-n-el. [L'auteur signale l'existence, en provençal
et catalan, de an pour a devant les pronoms à initiale vocalique; sup-
pose que cette n a été introduite pour éviter l'hiatus et que l'existence
de la « particule honorifique » en n'a pas été étrangère à cette intercala-
tion.] — P. 339-41. P. Savi-Lopez. Perle «novas del papagay •>. [M. S.-L.
apporte de nouveaux arguments en faveur de son opinion, combattue
par M. Goulet, sur le rapport des manuscrits. Cf. Annales, XV, 539. |
— P. 343. C. NiGRA. Fr. charogne, altprov. carona. [De caralnia, pour
carnalia, par meta thèse ; on aurait en provençal caraunha, forme qui, au
reste, est fréquente.] — P. 344. Le même. Riflessi di recentare, 'recen-
tiare. Sj-ecensar de ' recentiare, retensar de retenciare.'] — P. 345.
Le MÊME. Derivati da viviscere. [Reoiscolarde re[vi]visculiim + are.]
— P. 437-58. R. Zenker. Nochmals die Synagon-Épisode des Montage
Guillau/ne II. — P. 470-1. ('ompte rendu, par M. Schultz-Gora, de la
publication (faite plus haut, XV, 145) du sirventés de Calega Panzan.
Quelques bonnes corrections au texte. M. S. -G. a tort de vouloir, au
v. 2, changer càimen en tràimen; l'existence de càimen me paraît
assurée par celle de dechaimen (G. Figueira, éd. Levy, pièce II, var. du
v. 32; B. d'Alamanon, éd. De Grave, pièce XIV, v. 12.] — P. 471-7.
Compte rendu, par M. Zenker, d'une publication de M. Crescini annon-
cée ici, XIV, 132. [M. Z. repousse la correction proposée par M. C. au
v. 57 et montre que le reproche contenu dans ce vers s'adresse non à
Baudouin de Flandres, mais au jeune empereur Alexis IV.] — P. 550-
78. L.-J. JuROszEK. Ein Beitrag zur Geschichte der jotazierten Konso-
PÉRIODIQUES ÉTRANGERS. 561
nanten in Frankreich. (Suite p. 675-707.) [Apporte le contrôle des noms
géofîi-aphiques à l'étnde de quelques lois plionéti(iups particulièrement
difficiles à fixer; quelques emprunts, trop rares, au domaine méridio-
nal.] — P. 59i-GU8. SciiULTZ-GoRA. Zum texte der Flamenca, [Série de
corrections à ajouter à celles de MM. Chabanean, Thomas, ïobler et
Mussafia, signalées ailleurs.] — P. 625-8. C. C. Uhlenbeck. Eoma-
nisch-baskisclie Miszellen. [Une douzaine de remarques étymologi-
ques.] — P. 628. ScHULTZ-Gou.\. Orestains bei Raimon de Miraval.
[Montre qu'il s'agit d'un personnage dont le nom ne s'était rencontré
jusqu'à présent que dans le Pseudo-Turpin et ses dérivés. Il a échappé
à M. S. -G. que la même identification avnit été faite par M. P. Meyer,
Rommiia, XXXI, 161, n. 3.] A. J.
Espagne.
5S. — Revista de Blbliografta catalana, t. Il, 1902*.
P. 140-55. Papers de J. Tastu. [Catalogue des ms. de Tastu acquis par la
Bibliothèque Mazarine ; d'après le catalogue de cette bibliothèque.] —
P. 174-228. Buttleti hibliografic. [Liste de tous les livres publiés en
catalan au cours de 1902.] — P. 229-53. J. M.vsso Torrents. Manus-
crits catalans de Vich.
Italie.
53. — Bullettino délia Società filologica romana- ,
n° 1, 1901.
P. 35-7. F. Egidi. Sui mss. dei Documenti d'Amore di F. da Barberino.
[Il s'agit de deux mss. non utilisés jusqu'ici, dont l'un a été écrit en
Provence par l'auteur lui-même.]
N^ 2, 1902.
P. 17-20. E. MoNACi. Sul carros di Rambaldo di Vaqueiras. [M. Monaci
rapproche du Carros la pièce bien connue de Huon d'Oisi, dont il
réimprime le texte d'après Brakelmann. M. M. n'aurait peut-être pas
écrit cette courte note s'il avait eu connaissance d'un article que j'ai
publié dans la Romania (XXVIII, 232) sur le même sujet.]
1. Voy. l'analyse du premier numéro, A)inales, Xlfl, 578.
2. Est réservé aux actes officiels de la Société et aux communications
trop courtes pour être .insérées dans les Studi romnnzi (voy. plus bas,
n" 8); la plupart de ces communications concernent la littérature ita-
lienne, un assez grand nombre l'histoire de l'art en Italie ; celles-ci parais-
sent être ici médiocrement à leur place.
ANNALES DU MIDI. — XVi. 36
562 ANNALES DU MIDI.
N" 6, 190:i
p. 21-2. V. DE Bartholom^is. Di una canzone erroneamenle attribuita al
trovadore Rambaldo de Vaqneiras. [Il s'agit de la chanson Nulhs ont
en re ; les mss. qui appuient cette attribution sont apparentés; la
chanson est probablement d'Aimeric de Belonoi. M. de B. annonce
qu'il donnera bientôt une édition de ce troubadour.] A. J.
54. — Giornale storieo délia letteratura italiana,
t. XLII, 1903.
P. 378-93. G. Bertoni. L'anthologie i^rovençale de Maître Ferrari de
Ferrure, p. p. Teulié et Eossi (Amiales du Midi, XIII-XIV^). [Compte
rendu que nous mentionnons à cause de son exceptionnelle importance
et parce qu'il peut servir d'introduction à des documents publiés ici
même. M. B. montre que le nom du zélé collectionneur est Ferrarin
(Ferrarino), qu'il dut vivre jusque vers la fin du xiii" siècle, que son
Anthologie dut être compilée après 1280; il étudie les rapports de
celle-ci avec celle du ms. Chigi (F, publ. par M. Stengel) et prouve que
ces rapports sont moins étroits que ne l'avait pensé M. Grôber. Il donne
enfin une série de rectifications au texte publié ici résultant d'une très
attentive collation de l'édition avec le manuscrit.]
XLIII, 1904.
p. 28-38. G. DE LoLLis. Intorno a Pietro d'Alvernia. [Réflexions détachées,
à propos de la récente édition de Peire d'Alvernhe. M. de L. explique
pourquoi Peire a été placé par Dante parmi les plus anciens trouba-
dours, insiste sur le caractère archaïque de sa manière et signale chez
lui de nombreux emprunts à Marcabru ; il montre enfin que la plupart
des renseignements donnés par la biographie dérivent des poésies libre-
ment interprétées. C'est une constatation qui a déjà, on le sait, été faite
pour maint autre troubadour.] A. J.
CHRONIQUE
On s'est occupé en haut lieu d'organiser et dérégler la recher-
che des documents relatifs à la Révolution. C'est ainsi qu'une
Commission centrale a été créée, et que dans chaque départe-
ment un Comité d'études a été chargé de communiquer et de
collaborer avec elle. Il s'agit en particulier d'atteindre et de pu-
blier les documents d'archives qui se rapportent à la vie écono-
mique de cette mémorable époque. Les membres du Comité de la
Haute-Garonne viennent d'être nommés par un arrêté ministériel,
et le Comité a constitué oftîciellement son bureau : président,
M. Istria, inspecteur d'Académie; secrétaire général, M. Pas-
quier. archiviste départemental. Nul doute que les choses ne se
soient passées à peu près de même dans les autres départements.
Chronique d'Auvergne.
Cantal. — A rassemblée générale de la Société la Haute-Auver-
gne: qui s'est tenue le 1i octobre 1903, le président, M. Boudet,
constatait à bon droit les utiles résultats de la création de cette
société. Le principal a été d'accroître dans de notables propor-
tions l'activité intellectuelle dans le Cantal, en groupant les
bonnes volontés, en favorisant la division du travail, et en fa-
cilitant, par la publication d'une revue, la diffusion des notions
acquises.
Ces résultats ont été tels, qu'après la visite à Aurillac des
Amis de V Université de Clermont-Ferrand au mois de mai 1902 S
1. V. Atinales du Midi, 1902, p. 601.
564 ANNALES DU MIDI.
le Cantal a été choisi, en août 1903, par l'Académie internatio-
nale (le géographie botanique, comme siège de son congrès an-
nuel.
A l'heure actuelle, le Cantal qui, il y a six ans à peine, semblait
se désintéresser de tout ce qui n'était pas agriculture et com-
merce, est le théâtre d'une vaste enquête scientifique, historique,
archéologique, qui va des temps préhistoriques à l'époque con-
temporaine.
La préhistoire, mise en honneur par J,-B, Rames, y est étudiée
par de nombreux spécialistes. Les fouilles de ce genre sont abon-
dantes et bien conduites; mais elles sortent du cadre de cette
revue, et je me bornerai à signaler celles que M. Delort, l'auteur
de Dixannéesde fouilles en Auvergne, vient d'entreprendre dans
les environs de Saint-Flour, fouilles qui ont mis au jour la villa
gallo-romaine de Mons. et ont valu à l'auteur une subvention de
l'Association française pour l'avancement des sciences.
La production historique s'est surtout manifestée par les arti-
cles de la Revue delà Haute- Auvergne, dont le dépouillement pa-
raît régulièrement ici. Cependant, il convient de signaler le mé-
moire de M. Marcellin Boudet intitulé Aspres sur-Buêch et ses
chartes de coutumes (1276-1439). où sont éditées, avec une longue
introduction et des notes abondantes, 21 pièces intéressant les
privilèges de la communauté d'Aspres. La ville est dans les
Hautes-Alpes, mais elle dépendait du monastère Saint-Géraud
d'Aurillac. (Cf. Annales, t. XVI, p. 118.)
La Monographie de Vancieti Raulhac est également une oeuvre
de longue haleine. Raulhac est un petit village de l'arrondisse-
ment d'Aurillac, situé à la limite du Cantal et de l'Aveyron, et
dont le desservant, M. l'abbé Poulhès, a écrit l'histoire. Il a eu.
à mener à bien cette tâche, d'autant plus de mérite que les
documents, assez rares, étaient fort dispersés. Les fonds des
Archives nationales et des archives du Cantal, les dépôts parti-
culiers de Messilhac et de Cropières , enfin les minutes des
notaires ont été dépouillés avec soin par l'auteur qui a fait
preuve d'un esprit avisé et critique, surtout dans les chapitres
relatifs à la dîme et à l'organisation de la communauté des
prêtres de Raulhac.
D'autres monographies sont en bonne voie d'achèvement,
M. Jean Delmas poursuit ses études sur la Révolution dans le
Cantal, et, pour la même époque, M. Fesq, maire d'Aurillac, met
CHRONIQUE. 565
la dernière main à l'histoire d'un do ses illustres compatriotes,
le général Destaing. M. Roger Grand, qui a quitté le Cantal, n'en
continue pas moins ses recherclies sur les chartes de coutumes
d'Auvergne, et son successeur, M. G. Esquer, a entrepris un tra-
vail d'ensemble sur les guerres de religion et de la Ligue en
Haute-Auvergne, d'après des documents inédits conservés aux
Archives départementales et à celles d'Aurillac et de Saint-Flour,
notamment la correspondance adressée par Duplessis-Mornay,
par sa femme, par Henri de La Tour, vicomte de Turenne, par
Méry de Vie et par d'autres moins connus à Jean de Vernyes,
président à la Cour des Aides de Montferrand, agent Adèle et ha-
bile de la politique de Henri IV en Auvergne.
M. Felgères a réuni en un volume ses études parues dans la
Revue de la Haute-Auve7-gne sur la baronnie de Chaudesaigues,
études qu'il a poussées, en une suite inédite, jusqu'à la Révolu-
tion: ce volume aura paru à l'heure où ces lignes seront impri-
mées. Enfin, un Cantalien, M. Trapenard, va soutenir devant la
Faculté de droit de Paris, une thèse sur La vaine pâiwe dans
l'élection et l' arrondissement de Mauriac, thèse qui a été écrite
uniquement d'après les documents de première main renfermés
aux Archives du Puy-de-Dôme et du Cantal.
Dans ce dernier département, deux importantes améliorations
ont été réalisées dans le service des Archives départementales.
Leur transfert, tant de fois demandé, obtenu enfin en 1902, est
maintenant terminé. Elles ont quitté les greniers du Palais de
justice, où leur installation réalisait à peu près toutes les condi-
tions qu'il convient d'éviter, et se trouvent à l'heure actuelle à la
Préfecture, où tout un corps de bâtiment, suffisamment spacieux
et éclairé, leur est affecté. De plus, depuis le 1»^ janvier 1903, il
existe, aux mêmes archives, un commis-auxiliaire qui, en assu-
mant la besogne matérielle, permet à l'archiviste de se consa-
crer aux travaux de classement et d'inventaire, jusque-là très
négligés.
L'inventaire de la série E (fonds de famille) t. I, vient de pa-
raître; c'est le premier publié pour le Cantal. Il comprend 107i
articles, se rapportant à 12 fonds de titres féodaux et 547 fonds
de famille. D'autre part, l'archiviste départemental vient de
commencer le classement de l'inventaire des importantes Archi-
ves communales ei hospitalières de la ville d'Aurillac.
Ainsi donc, la situation intellectuelle serait des plus satisfai-
566 ANNALES DU MIDI.
santés si nous n'assistions à la mort de la langue auvergnate en
tant qu'idiome littéraire. C'est en français que viennent de pa-
raître Terre maternelle de M. de Miraraon. roman dont l'action
se passe dans le Cantal, ainsi que Les menelles de Roumégoux,
recueil de nouvelles locales de M. Armand Deiraas. C'est égale-
ment en français que s'exprime la muse du c«p«coZ Vermenouze,
et le prix que vient de lui décerner l'Académie française pour son
dernier ouvrage, Mon Auvergne, n'est pas pour lui faire regretter
sa trahison envers une langue qui lui a valu ses premiers suc-
cès.
Par contre, une société artistique vient de se former, qui doit
ouvrir prochainement un salon de peinture et de sculpture, com-
posé d'œuvres d'artistes locaux. G. Esquer.
Puy-de-Dôme. — Clermont a réalisé depuis quatre ans deux
améliorations considérables dans son outillage scientifique : un
musée à été construit, une bibliothèque s'édifie. Le musée, bâti
à l'aide d'un legs de 200,000 francs, laissé à la ville par M. Bar-
goin, est situé sur l'emplacement de l'ancienne ])lace Lecoq, à
proximité du musée Lecoq et de l'Université. Les plans, dûs à
M. Dionnet, architecte de la ville, présentent une disposition
intérieure assez bien entendue. M. Nicole, chargé de l'installa-
tion, en a tiré un très heureux parti. Le sous-sol, bien éclairé,
renferme les monuments archéologiques; une salle spéciale est
consacrée aux fouilles du Puy-de-Dôme et réunit tous les objets
provenant du temple de Mercure arverne. Le rez de-chaussée est
occupé par des coUeciions très diverses, parmi lesquelles quelques
objets très précieux. Le premier étage appartient à la peinture.
Un article de M. Gonse, dans la Revue de l'art ancien et jnoderne
(10 nov. 1903, p. 36o-74) donne une idée de l'arrangement géné-
ral et des principaux morceaux de notre modeste musée, déjà
trop petit, et condamné, par le défaut de prévoyance des cons-
tructeurs, à ne pouvoir guère s'agrandir. M. Audollent. chargé
de cours de langue et de littérature latines à la Faculté des
lettres, en a été nommé conservateur, et tous les amis des arts
et de la science se sont réjouis de cette nomination, qui met le
musée en mains doctes et sûres.
La bibliothèque s'élève derrière le musée, en bordure du boule-
vard Lafayette, et abritera les collections réunies de la ville et
de l'Université. Cette heureuse mise en commun, qui devrait,
CHRONIQUE. 567
comme l'eût voulu M. Liard, devenir de règle générale, assurera
aux travailleurs le meilleur emploi possible des ressources, tou-
jours si restreintes, dont disposent chez nous les établissements
scientifiques. Le plan de l'édifice, dû à M. l'architecte Gerhart,
permettra l'installation commode de 300,000 volumes. Confiée aux
soins de M. Laude, un spécialiste connu par ses travaux de biblio-
théconomie, la bibliothèque de Clermont cessera d'être un chauf-
foir public pour devenir enfin un sérieux atelier de travail.
M. Laude voudrait en faire « la bibliotèque centrale d'Auvergne ».
et grâce à l'intelligente libéralité de la ville et du Conseil géné-
ral, il a pu commencer à développer le fonds des « Arvernica ».
Parmi ses dernières acquisitions, signalons : le portefeuille de
Dulaure (1774), — 33 lettres de M. de Lagarlaye, évêque de Cler-
mont (1773-1779), — trois recueils importants sur Delille (444 feuil-
lets), — autographes de personnes nées en Auvergne, lettres sur
Couthon et les événements de la Révolution, — inventaires des
Archives de la ville de Clermont dressé en 1690, — remarques sur
la Coutume d'Auvergne d'Artaud, — pièces relatives à l'Ecole
centrale du Puy-de-Dôme, au jardin botanique, au Cabinet d'his-
toire naturelle. — dépenses de la reine Marguerite de Valois pen-
dant sa détention à Usson (xvi"« siècle), — Gault de Saint-Ger-
main : dix-huit belles aquarelles des costumes d'Auvergne. Citons
encore parmi les imprimés une collection de pamphlets contre
La Fayette, le journal de Montloier, un petit traité anonyme
imprimé à Clermont en 1672 et intitulé : « de l'accent de la lan-
gue française et de la manière de la purifier dans notre province »
enfin une collection de portraits d'hommes marquants de l'Au-
vergne, réunie par M. François Boyer et comprenant plus de
2000 pièces.
La Société des amis de l'Université et le Conseil général du Puy-
de-Dôme ont volé des subventions pour de nouvelles fouilles au
Puy-de-Dôme. Ces recherches, poursuivies depuis deux ans, sous
la direction de MM. Ruprich Robert et Audollent, ont amené la
découverte de nombreux débris : plaques de marbre, fragments
de sculpture, objets en bronze, médailles et monnaies, et per-
mettent d'affirmer que le temple de Mercure Dumiate n'a pas été
totalement détruit en 2o1, mais a été l'objet d'e restaurations pos
térieures et a dû subsister au moins jusqu'au v» siècle. Un fût
de colonne en marbre cipolin, d'autres colonnes plus petites en
arkose, des chapiteaux corinthiens, ayant couronné des co-
568 ANNALES DU MIDI.
lonnes ou des pilastres, montrent combien fut riche et variée
rornementation du temple de Vasso. Il serait fort à désirer
que les fouilles fussent continuées; la montagne n'a certainement
pas dit encore tousses secrets.
Le cours d'archéologie auvergnate, professé pendant cinq ans
à la Faculté des lettres par M. Henri du Ranquet, a pris fin ; il
en reste une ample collection de clichés pour projections et un
bel album photographique des églises d'Auvergne, que l'Univer-
sité a exposé à Paris en 1900. M. du Ranquet compte publier ses
cours et donnera ainsi au public un ouvrage d'ensemble sur l'art
auvergnat, qui manque encore aujourd'hui.
M. le docteur Paul Girod, directeur de l'Ecole de médecine et
professeur de botanique à la Faculté des sciences, a fait à la
Faculté des lettres, en 1903 et 1904. un cours libre sur la préhis-
toire d'Auvergne. Ce cours a obtenu le succès le plus complet et
fournira matière, lui aussi, à un livre intéressant.
L'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Clermont,
aidée par M. Girard, député de Riom. aujourd'hui décédé, a fait
élever sur le plateau de Gergovie un monument commémoratif
de la bataille. Ce monument, haut de 16 mètres, consiste en trois
colonnes de lave supportant un entablement, d'où partent trois
arcs de cercle qui se réunissent sous un casque gaulois. L'effet,
assez heureux quand on regarde le monument de face, l'est
beaucoup moins de profil. L'architecte a dû compter avec les
ressources mises à sa disposition et il ne sera pas impossible
d'améliorer l'aspect du monument.
Grâce au désintéressement de M. Bartholdi, Clermont possède
enfin une statue et même une belle statue de Vercingétorix. Nous
regrettons vivement, pour notre part, que l'artiste ait tenu à la
hisser sur un piédestal à jour, en marbre polychrome, au milieu
de la place de Jaude, où les hautes maisons qui l'entourent l'écra-
sent certainement; sa vraie place eût été au bout de la grande
rue Ballainvilliers, où sa silhouette se serait détachée en plein
ciel, en vue de Gergovie même, sans compter que l'érection de
la statue à cet endroit aurait entraîné la destruction de la pyra
mide, médiocre monument, qu'on a trouvé moyen d'enlaidir en-
core en surchargeant sa base d'ornements superflus et disgra-
cieux.
Les fêtes d'inauguration de la statue ont ranimé le souvenir
du héros arverne. M. E. Des Essarts, doyen de la Faculté des let-
CHRONIQUE. 569
très, a prononcé à cette occasion le beau discours d'un chaud
patriote et d'un fin lettré. Parmi les livres de circonstance nous
donnerons une mention à « La fille de Vercingélorix » gracieuse
nouvelle historique de M. Louis André, professeur d'histoire au
lycée de Tulle.
Desaix a profité du regain de popularité de Vercingétorix. La
statue, qui lui avait été élevée en 1848 sur un piédestal en plâ-
tre, bois et zinc, a été placée sur une base plus durable, et nous
connaissons deux oeuvres intéressantes, encore inédites, consa-
crées à la gloire du vainqueur de Marengo : un beau poème dra-
matique, dû à la plume d'un magistrat de Riom, et un drame en
prose, écrit par le doyen de notre Faculté des lettres, en colla-
boration avec l'un des hommes politiques les plus distingués de
notre région. G. Desdevises du Dezert.
Durant les vacances, nous avons eu la douleur de perdre un
de nos meilleurs et de nos plus zélés collaborateurs, membre du
comité de publication des Annales, M. J. Brissaud, décédé pré-
maturément le 13 août dernier. Une notice nécrologique lui sera
consacrée dans notre prochain numéro.
LIVRES ANNONCIÎS SOMMAIREMENT
Aheus e Flous, s. 1. n. d. [impr. à Auch, chez Cocharaux, 1903] ;
in-16 carré de 128 pages. — Nous signalons, contrairement à
notre habitude, ce volume de vers, parce que les auteurs
(MM. Sarran, Tallez, Laclavère et Cézérac) se sont appliqués à
y notfîr exactement, quoique sans aucune complication graphi-
que, les sons (notamment les diverses sortes d'e) de trois variétés
du patois gascon (Cazaubon, Florence-sur-Gers et Condom). Il
nous sera bien permis de dire aussi le charme de ces poésies,
fait de grâce et de robustesse rustiques; nous signalerons par-
ticulièrement les imitations de chansons de métiers et de com-
plaintes populaires, par les deux premiers des auteurs cités plus
haut; on y retrouvera une quantité de ces bons vieux mots en
train de disparaître. — comme les antiques objets ou usages
qu'ils désignent, — et qu'on a peut être enchâssés ici pour les
sauver de l'oubli. Une note finale mentionne un phénomène bien
connu des linguistes (la vocalisation de 5 devant une consonne
sonore) qui a une aire bien autrement large qu'on ne paraît le
croire ici (voy. Mistral, Trésor, II, 823, col. 1 et Rev. de philol.
franc, et provençale , VIII. 131, n. 1. et 134, n. 2); on se rendrait
mieux compte de son extension si tous les auteurs patois avaient
soin de le noter graphiquement, comme l'ont fait avec raison
ceux de ce charmant petit recueil. Est-ce à dessein et pour être
plus « modernes » que ceux-ci ont parfois remplacé la rime par
l'assonance et glissé quelques vers ayant une syllabe de trop ?
A. Jbanroy.
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 571
Berger (E.). Le vicomte de Mirabeau, Mirabeau Tonneau
(1734-1792). Paris, Hachette, 1904; un vol. ia-12 de 394 pages.
— De cette étonnante famille des Mirabeau, il n'est pas un
membre qui ne mérite sa biographie, h' Ami des hommes, le
bailli et l'orateur sont depuis longtemps étudiés. Mirabeau
Tonneau, jusqu'à présent, était un peu oublié, rejeté dans
l'ombre par le triple éclat de son père, de son oncle et de
son frère. M. Berger a voulu combler cette lacune de l'érudition
mirabéiste, et il a entrepris sur le vicomte une étude que la mort
l'a empêché de terminer. On a pu cependant la mettre au point
et la publier, et le livre, quoique inachevé, rendra de réels ser-
vices. La physionomie turbulente, le caractère inégal, impé-
tueux, le sang bouillant du vicomte y sont bien décrits. Dans
sa vie privée comme dans sa carrière militaire en France, dans
son passage à l'Assemblée constituante et l'armée de Condé, le
vicomte se révèle bien Riquetti. Dans sa vie aventureuse, il
risque deux fois de faire naufrage : malgré ses fredaines, ses
dettes, ses « saouleries iconoclastes », comme dit le comte
Fleury, ses débauches lamentables, il arrive au grade de colo-
nel, il fait la campagne d'Amérique, puis il va siéger à l'extrême
droite de l'Assemblée constituante, aussi haineux contre le
Tiers que son frère se montrait dévoué à sa cause, et à raison
même de ce dévouement, qu'il considérait comme une trahison.
Ecrasé par l'inévitable comparaison avec le génie oratoire d'Ho-
noré-Gabriel, le vicomte ne fut cependant pas un orateur sans
mérite et sans verve. Son inconstance l'empêcha d'ailleurs de
s'accommoder longtemps du mandat de député. Il abandonna la
politique pour l'armée. Organisateur d'une légion royaliste qui
prend son nom, général d'émigrés, il incorpore sa légion à
l'armée de Condé, après avoir vainement couru de Francfort en
Suisse, de Charabéry à Turin, de Coblentz à Worms pour se
faire agréer par les frères de Louis XVI. Un décret spécial
rendu contre lui par l'Assemblée législative semble le dési^^ner
à l'attention des princes; mais, toujours incapable d'esprit de
suite et d'obéissance, dès la déclaration de guerre, il entre en
France sans ordre; il va devenir peut-être un condottiere, un
chef de bandes, quand, six semaines après son entrée en cam-
pagne, le 15 septembre 1792, il meurt à Fribourg. Il avait gâché
sa vie sans profit pour sa cause ni pour sa gloire, et, tout
en tenant compte des difficultés de famille, des écrasantes cora-
572 ANNALES DU MIDI.
paraisons dont il eut à supporter le poids, en reconnaissant sa
bravoure spirituelle de chevau-léger, on ne peut qu'approuver
le jugement sévère que porte de lui M. B. : « législateur bruyant,
étourdi, rétrograde, homme d'arrière-garde, néfaste dans la vie
d'une nation. » L.-G Pélissier.
Chevalier (chanoine J.). — I. La Révolution à Die et dans la
vallée de la Brome (1789 1799). Valence, Céas, 1903; in-S'J de
376 pages. — II. Souvenii's du Consulat et de l'Empire dans le
département de la Drôme et spécialement dans le Diois (1789-
1815). Grenoble, 1904; in-8" de 242 pages. (Extrait du Bulletin de
la Société de statistique du déparlem,ent de V Isère, 4e série, t. Vil.)
— Je tiens à faire connaître sommairement le contenu de ces
deux importants volumes.
I. Le premier s'ouvre par une introduction où sont résumés
très nettement les préliminaires de la Révolution en Dauphiné et
particulièrement à Die. Suit un texte inédit; c'est le « Journal de
ce qui s'est passé à Die du mois de mail789 au mois de mai 1793 »,
par L.-J. Lagier de Vaugelas, chanoine de Die. Ce personnage
prêta serment à la constitution civile du clergé, et, en 1794, re-
nonça à l'état ecclésiastique pour se marier; il fut ensuite
nommé conservateur de la bibliothèque publique créée à Die par
la réunion des livres ayant appartenu au chapitre et aux autres
corps religieux; il mourut en 1800. Son journal, annoté avec
soin par M. Ch., est un abondant recueil de faits locaux ; on re-
marquera qu'il devient tout à fait insignifiant pour l'année 1793.
Vient ensuite la partie de beaucoup la plus importante du vo-
lume. Elle est intitulée : « La ville et le district de Die à l'époque
de la Convention et du Directoit-e » (p. 129-329). L'auteur y cite,
souvent in extenso, de très nombreux documents, la plupart iné-
dits, qu'il a tirés des archives publiques et privées de la Drôme j
il encadre ces citations dans une rédaction qui lui est person-
nelle. On y puisera des renseignements très intéressants sur
une foule de points : par exemple, sur l'application des lois rela-
tives aux suspects, et sur l'histoire religieuse de la région pen-
dant les périodes de la Convention et du Directoire. Enfin, le vo-
lume se termine par des fragments inédits des procès-verbaux
de la Société populaire de Crest (Drôme), pour la période allant
du 4 février au 4 juin 1794, et par des listes faisant connaître le
sort de nombre de membres du clergé de la Drôme pendant la
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 573
Révolution (pp. 330-72). Les procès-verbaux de la Société de
Crest sont publiés d'après un registre qui appartient à M. Brun-
Durand, si honorablement connu par ses travaux relatifs à l'his-
toire de la Drôrae.
II. Le volume consacré par M. Ch. au Consulat et à l'Empire
est fait d'après le plan suivi dans la seconde partie du volume
que je viens d'analyser; il est composé principalement de nom-
breux documents, la plupart inédits, enchâssés dans la rédac-
tion. Il y a peu d'exemples de semblables travaux sur cette pé-
riode, et cela augmente encore l'intérêt de l'ouvrage de M. Ch.
Deux figures se détachent surtout : celles du préfet Descorches et
de l'évêque Bécherel, tous deux administrateurs de haute valeur,
qui furent dans leur département les principaux artisans de la
réorganisation de la France commencée sous le Consulat. Les
tableaux d'ensemble dressés par le préfet sont une mine abon-
dante de renseignements précieux. Le volume se recommande
d'ailleurs par les documents qu'il fournit sur l'histoire de la
restauration du culte après le Concordat. Il est inutile de dire
qu'on y aperçoit très bien les traits connus du régime impérial,
lequel se caractérise par l'excès d'oppression d'un côté et de
tervilisme de l'autre. Il faut encore noter les documents et ré-
cits relatifs à la chute de l'Empire et à la première Restaura-
tion, qui laissa à la Drôme Descorches, son ancien préfet; seule-
ment il s'intitulait marquis et non plus baron. En avril 181.'j, il a
repris son titre de baron, après avoir assisté, non sans angoisse,
aux événements de mars ; le récit de ces événements, vus de
Valence, est un des plus curieux chapitres de ce volume. Il se
ferme sur un chapitre, non moins intéressant, qui a trait à la
seconde Restauration. En publiant ces deux volumes, M. Ch. a
donné un exemple qui mériterait de trouver des imitateurs dans
tous nos départements. P, Fournier.
Le second Congrès du Sud- Ouest navigable, tenu à Toulouse en
mai et juin 1903. Compte-rendu des travaux, actes et résolutions
du Congrès. Toulouse, Privât, 1904; in-8'J de 518 pages. — Ce vo-
lume se divise en trois parties : l'organisation et le fonctionne-
ment du Congrès, les communications faites au Congrès, les
vœux émis par le Congrès. Ce n'est guère que la seconde partie
qui nous intéresse, et, dans cette partie, les communications
traitant de questions historiques. Tout le reste, quoique très
574 ANNALES DU MIDI.
recommandable à plus d'un titre, ne concerne que des questions
purement actuelles. La part de l'histoire elle-même est très res-
treinte. C'est une courte note de M. Dumas, doyen de la Faculté
des lettres de Toulouse : La navigation sur la Garonne à la fin de
Vancien 7'égime, où il analyse le règlemînt de 1782, qui créa un
conservateur de la navigation placé directement sous les ordres
des intendants, et fixa la part du roi et de la province de Lan-
guedoc dans les travaux à effectuer pour faciliter la navigation.
Puis, c'est un document analysé par M. Bellecroix : Observa-
tions à Nosseigneurs les Etats de Languedoc, où, en 1781, la
Chambre de commerce de Toulouse réclame la création d'un
troisième port sur la Garonne et d'un canal de communication
entre la Garonne et le canal du Midi. Ce fut le canal de Brienne.
Nous avons cependant ailleurs quelques renseignements his-
toriques. C'est ainsi que, dans la séance de clôture, M. Méri-
GNHAc défend dans son discours Riquet contre Andréossy, qui
prétendait avoir conçu le projet du canal du Midi, et défend
aussi sa famille en tant que propriétaire du canal. Après lui,
M. P. Feuga raconte avec humour l'histoire de la statue élevée
à Riquet à Toulouse, au bout des allées Lafayette. C'est une
belle page d'histoire locale, où M. F. a fait revivre en passant
quelques figures toulousaines, dont le sculpteur GrifiCoul-Dorval.
Enfin M. l'abbé Ferran, en tête d'une communication sur les
rivières du département de l'Ariège, a mis un chapitre sur leur
régime antérieur. M. Décans.
DuFFAUT (abbé H). Roqueville , monographie du fief et de la
chapelle de ce nom. Toulouse, Privât. 1903. In-S" de xvi-440 pages.
— Pendant près de deux siècles, les archives du diocèse de Tou-
louse furent déposées dans la sacristie de l'église de Montgis-
card. Je ne sais si ce souvenir a eu quelque influence sur M. l'abbé
Duffaut. Toujours est-il que lorsqu'il était curé de Montgiscard,
il occupait déjà ses loisirs à des recherches historiques dont les
lecteurs des Annales du Midi ont pu apprécier la solidité et la
méthode rigoureuse K L'œuvre présente ne peut que confirmer la
bonne opinion que son premier travail avait fait concevoir.
C'est à la fois une étude d'histoire locale et un ouvrage d'édifica-
tion. La première partie seule rentre dans le cadre des Annales.
1. Ann. du Midi, t. XII, ann. 19U0, p. 180 et 329.
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 575
La chapelle de Roqueville, consacrée à Notre-Dame, est située
dans la paroisse et à peu de distance de Montgiscard. Son ori-
gine a donné lieu à une légende que M. D. déclare (p. 22) ne re-
poser << sur aucune base historique ». A l'aide des Layettes du
trésor des Chartes, des archives notariales, communales et dé-
partementales, il remonte à 1190 pour le flef et à 1246 pour la
chapelle. Toutes les sources ont été judicieusement mises à con-
tribution, sauf le manuscrit de Gillabert, actuellement aux
archives départementales, ms. dont l'auteur paraît d'ailleurs
dépourvu de toute critique en même temps que très partial. Il est
invoqué parfois, mais presque exclusivement dans la partie édi-
fiante de l'ouvrage, à propos des démêlés survenus entre chape-
lains, consuls et curés de Montgiscard, qui ne paraissent pas
avoir vécu en bonne intelligence. Gillabert lui-même, devenu curé
de Montgiscard, lutta contre la chapelle. M. D. dit sans exagéra-
tion qu'on trouvera dans son œuvre « une ample moisson de
faits inédits pour nos annales locales ^. Il est même trop mo-
deste, car beaucoup de ces faits ont une importance réelle pour
l'histoire des moeurs. Il n'est pas indifférent de savoir qu'avant
le XV» siècle presque tous les testaments contiennent des dispo-
sitions en faveur de la chapelle, qu'au xv siècle on en trouve
dans les trois quarts, et seulement dans la moitié au xvi«. Il est
regrettable que M. D. n'ait pas publié comme pièces justifica-
tives la donation de 1432 dont il reproduit une phrase en langue
romane (p. 87), le contrat d'association de 1475 (p. 134, n. 1) pour
le commerce de « pastels de coquanha ou agranatz et autres
marchandises tant en espicerie, mercerie, sal, oly et draps », et
la prise de possession de la seigneurie de Cumiers en 1528. Outre
les noms bien connus des Garaud, des Brucelles, des Saint-Félix,
des Bernui et des Lévy, on rencontre dans ce livre des roturiers
en train de s'élever à la noblesse : tels Guillaume Avessen, consul
de Montgiscard en 1502, et Jacques d'Avessen, coseigneur de
Montesquieu, gouverneur et commandant la ville pour le roi de
Navarre en 1577, ascendants probables du marquis d'Avessens
de Saint-Rome, qui fut député de la noblesse de la sénéchaussée
de Toulouse aux Etats généraux de 1789. Voici des renseigne-
ments utiles à l'histoire de l'art : Antoine de' Garaud donne, en
janvier 1695, 200 livres aux cordeliers de Montgiscard pour leur
permettre de faire établir par les sculpteurs toulousains Antoine
Guépin et Gabriel Rossa un rétable à la romaine, hexagone,
576 ANNALES DU MIDI.
à six colonnes corinthiennes, etc. Tout le monde connaît cette
décoration de mauvais i^oût que l'on retrouve dans la plupart
des églises de Toulouse, où elle a remplacé parfois des sculptures
de notre grand artiste de la Renaissance, Nicolas Bachelier
Signalons encore la piété de M"» de Perdigol, qui laissa, par son.
testament de 1738, de quoi célébrer deux raille messes après son
décès. Saluons au passage l'intéressante et austère figure du
chapelain Amilha, dont MM. Pasquier et Doublet ont récem-
ment réédité les poésies en langue vulgaire. — Nous voudrions
ne pas voir cités comme autorités Brémond et Dubédat : celui-ci
n'est qu'un littérateur discutable; quant au premier, mieux vaut
ne pas le qualifier. Il convient aussi de faire des réserves sur ce
que M. D. appelle « la part glorieuse » du troubadour Folquet,
évêque de Toulouse, à la défaite des Albigeois, c'est-à-dire des
Toulousains. Podium nauterium, près Carcassonne, que l'auteur
traduit par Pech-Nautier, ne serait-il pas Penautier? Enfin^
erreur bien excusable chez un Languedocien, l'église que M. D.
appelle « de Notre-Dame de Meu » (p. 235) était l'église de Bernet
k Dému. diocèse d'Auch. La fondation dont il est question est
mentionnée dans Dom Brugèles, Chron. eccl. du dioc. d'Auch,
III« partie, p. 406. Le cartulaire de Montgiscard la nomme d'ail-
leurs (fin de la n. 1 de la p. 23S) N.-D. del Vernet : nouvelle
preuve de l'utilité de la philologie en histoire. — Un index alpha-
bétique complète heureusement cet excellent livre qu'aucun
chercheur ne pourra négliger. A. Vignaux.
Durand (abbé A.). Un pt^élat constitutionnel. Jean - François
Pèrier (1740-1824), 07'atorien, évêque asset'menté du Puy-de-Dôme,
évêque concordataire d'Avignon. Paris, Bloud, 1902; in-8» de xix-
678 pages. — L'évêque Périer représente aux yeux de l'auteur le
type du « jureur honnête et sincère ». Le livre est une étude
consciencieuse et bien documentée, écrite par un prêtre intelli-
gent et libéral qui suit Périer à travers toute sa carrière, comme
professeur, comme supérieur de l'Ecole militaire d'Efflat, comme
évêque constitutionnel du Puy-de-Dôme et comme évêque con-
cordataire d'Avignon. M. D. voit dans la Constitution civile du
clergé la résultante des erreurs théologiques du xviii» siècle,
mais il comprend que le gallicanisme ait pu tenter certains es-
prits et il rend hommage aux talents d'administrateur déployés
par Périer à Clermont et à Avignon. — L'histoire de Périer pen-
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 577
dant la période qui va de la fin de 1793 au Concordat, et le tableau
de l'organisation du diocèse d'Avignon par le nouveau prélat,
sont des chapitres d'un très grand intérêt pour l'histoire ecclé-
siastique de la Révolution. G. Desdevises du Dezert.
GuiBERT (L.). La cour roxjale de Limoges. Limoges, Ducourtieux,
1904; in-8'5 de 44 pages. (Extrait de M Almanach limousin, 1903
et 1904.) - Cette brochure est l'un des derniers chapitres qu'ait
écrits l'auteur sur « Limoges qui s'en va ». Les autres, de moin-
dre importance, ont trait à l'ancienne intendance, à divers quar-
tiers et aux vieux ponts de la ville. Ici M. G. passe en revue, en
y rattachant quelques souvenirs intéressants, les bâtiments de
l'ancien présidial et les prisons qui en dépendaient; puis, les
magistrats et les avocats connus qui s'y sont succédé depuis le
xvi» siècle. Il scrute enfin les origines de cette juridiction royale
qu'il fait remonter, un peu imprudemment peut-être, jusqu'à
l'année 1204; en fait elle n'est nulle part mentionnée avant 1230.
Corrigeant une théorie de tout point erronée qu'il exprima
jadis sur la signification de « bailliage de Limoges » {Bull. soc.
arch. de Limoges, LU. 568), l'auteur consent aujourd'hui à y
reconnaître une simple subdivision de la sénéchaussée, à laquelle
correspondaient les bailliages de Brive et d'Uzerche. - Détails
abondants et instructifs. On sent, bien que les références soient
rares, qu'ils sont d'ordinaire puisés aux bonnes sources.
A. Leroux.
GuiBERT (L.). Coup d'œil sur l'histoire de la ville de Limoges.
Limoges, Ducourtieux, 1902; in-S" de 45 pages avec 2 plans. —
Simple conférence, mais qui résume fort clairement vingt années
de recherches sur la topographie et l'histoire locales. La seule
partie profitable à l'érudit, c'est le plan de l'ancien Limoges, ville
et cité, que l'auteur a mis en tête de sa brochure. La situation des
anciens édifices y est nettement déterminée. Il est regrettable
que cette carte ne soit pas plus développée ; que le tracé des deux
voies romaines et de l'aqueduc d'Aigoulène, l'emplacement du
cimetière carolingien de la Courtine et de l'évêché construit au
xvi» siècle, n'y soient pas indiqués. Le pont^Saint-Martial y est
porté comme reconstruit au xiw siècle, alors que cette recons-
truction est de la fin du xii«; le pont Saint-Etienne y est attri-
bué au haut moyen âge, alors qu'il date du commencement du
xiiie siècle, comme M. G. lui-même l'a depuis lors démontré. Eu-
annales DU MIDI. — XVI. 40
578 ANNALES DU MIDI.
fin il y a confusion entre la date de fondation de certains établis-
sements ecclésiastiques et la date de construction des bâtiments.
Si, par exemple, les Augustins remontent à 1290, leur bâtiment
dans son dernier état appartient au xvir siècle, et c'est ce que
n'indique pas le graveur. Pour les deux séminaires de la Mission
et des Ordinands, l'erreur est vraiment sans excuse.
A. Leroux.
Inventaire sommaire des Archives départementales antérieures
à 1790. Haute- Garonne. Archives civiles. Série B, n°^ i à 92 N.
Tome I, rédigé par Ch. Roques. Toulouse. Privât, 1903; in-4° de
viii-56o pages. — Les quatre-vingt-douze registres analysés dans
ce volume vont de 1444 à 1667. Ils renferment des arrêts du Par-
lement de Toulouse, des Grands Jours de Nimes. du Puy, de
Béziers. C'est dire l'importance de ce volume pour la connais-
sance du droit de cette époque. Les registres dépouillés l'avaient
déjà été dans le premier volume, paru en 18S8. Mais on avait
reconnu que ce dépouillement primitif ne signalait pas avec
assez de détail les ressources que les registres renferment.
L'avertissement qui nous renseigne là-dessus indique en même
temps la tomaison nouvelle. Un index des noms propres de
personnes et de lieux et une table alphabétique des matières
seraient nécessaires, car l'ordre chronologique adopté n'est pas
toujours suffisant pour retrouver une pièce dont on ne connaît
pas la date. M. Décans.
Inventaire somtnaire des a?'chives départementales antérieures
à 1790. Haute-Garonne. Archives civiles. Série B, n°^ 93 à 592.
Tome II, rédigé par J. Judicis. Toulouse, Privât, 1903; in-4° de
xxxviii-417 pages. — Ce volume est le second de la série judi-
ciaire des Archives de la Haute-Garonne. Un avertissement
nous informe qu'il est le résultat d'un travail de réfection et
nous indique la nouvelle tomaison. La préface sommaire de
M. Judicis a été remplacée par une notice plus complète de
M. Lapierre sur le parlement de Toulouse, dont il fait rapide-
ment l'histoire, et dont il expose les attributions, l'organisa-
tion, la composition et le ressort. Le volume embrasse les an-
nées 1585 à 1638. Même reproche à faire qu'au premier, l'ab-
sence d'index. M. Décans.
Inventaire sommaire des archives départementales antérieures
à 1190. Haute- Garonne. Archives civiles. Série C, t. II, n*^' 227b-
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT, 579
2432. Rédigé par Ad. Baudouin, complété par F. Pasquier. Tou-
louse, Privât, 1903; in-4o de xi-800 pages. — Ce tome renferme
les procès verbaux des Etats de Languedoc de 1497 à 1789.
L'ordre chronologique y reste adopté, mais, à la différence des
précédents, il est complété par une table générale des noms et
des matières. Un avertissement nous rappelle quelles sont les
matières renfermées dans le premier volume et nous indique où
l'on peut trouver le complément des lacunes qu'offre cet inven-
taire. On sait ainsi de quel côté diriger ses recherches pour
obtenir des renseignements complets. C'est donc un ouvrage com-
mode à manier, quoique fort considérable. Il fait grand honneur
aux savants archivistes qui l'ont rédigé. M. Décans.
[renée (Père). Comminges et Nébouzan. Aulon, monographie
locale, accompagnée de noies importantes sur l'ancien diocèse de
Comminges, la vicomte de Nébouzan et les communes voisines
d'Aulon. Toulouse, Privât; Saint-Gaudens, Abadie, 1904; in-S" de
xvi-240 pages. — Monographie préparée par l'abbé Ader, curé
d'Aulon, mort en 1902. et que l'auteur a mise au point. L'abbé
Ader avait, nous apprend l'avertissement, fouillé les archives
notariales, des papiers de famille et les diverses archives publi-
ques. C'est dire qu'il avait recueilli de nombreux matériaux.
Le P. Irénoe, estimant qu'il ne pouvait pas publier toutes ces
pièces, a fait un choix, et il nous présente ce qui a trait au
prieuré bénédictin, à la seigneurie, à la paroisse et à l'adminis-
tration civile. Ce n'est que pour l'histoire de l'église qu'il arrive
à l'époque actuelle. L'histoire de la commune s'arrête à la
Révolution. De ces documents, les uns sont publiés en entier
dans le corps de l'ouvrage ou dans les 87 pages de pièces justifi-
catives, les autres résumés ou cités. On aurait pu penser que
cette monographie serait plus complète : les actes notariés au-
raient pu fournir en effet des indications sur l'histoire des
familles, sur l'histoire économique, les mœurs, les usages^ les
coutumes. Les moines et l'église, les seigneurs et les consuls,
c'est beaucoup, ce n'est pas tout. Peut-être ne voit-on pas aussi
les différences des divers siècles. La guerre de Cent ans, les
guerres religieuses du xvv siècle ne semblent pas avoir troublé
le bonheur de cet heureux village. Seule, la Révolution vient
tout bouleverser. Ajoutons que l'auteur se souvient toujours
qu'il est religieux, et qu'il met au-dessus de tout l'histoire et les
58Ô ANNALES DU MIDI.
intérêts de l'Eglise : son ouvrage ressemble beaucoup à ceux de
chez Marne. N'y aurait-iï aussi rien à dire sur les étymologies?
Malgré cela, par le nombre de documents rassemblés, nous
sommes en possession d'un livre précieux, d'une contribution
sérieuse à l'histoire des contrées pyrénéennes.
M. DÉCANS.
Layac (A.). Usages locaux]du département du Puy-de-Dôme,
codifiés et mis au courant de la nouvelle législation. Montauban,
1902; in-8° de 216 pages. — Petit manuel de droit pratique, dont
l'usage est facilité par une table fort commode. Voir en particu-
lier les articles : Domestiques, Essaim poursuivi, Fermier entrant
et sortant, Grappillage, etc. L'espace nécessaire à la nourriture
d'une tête de bétail dans les pâturages de montagne est estimé à
\ hectare 20 ares; on dira en parlant d'une montagne : « C'est
une montagne de tant de têtes. » — On appelle « tour du chat »
l'espace libre que l'on doit laisser entre le mur d'un four et le
mur du voisin, etc. Ces usages locaux renferment une foule de
menues notions historiques. G. Desdevises du Dezert.
MoREL (L.j. V œuvre de Morel-Ladeuil, sculpteur-ciseleur (1820-
1888). Paris, Lahure; in-8o de 47 pages (grav. et dix pi. de pho-
totypie hors texte). — Monographie consciencieuse, écrite par le
flls du sculpteur, et contenant rhist.oire de son œuvre. Le musée
de Clermont possède une aiguière en argent et deux boucliers
en argent et fer ciselé de cet artiste, aussi puissant que délicat.
G. Desdevises du Dezert.
Motte (V.). Scala divini amoris, mystischer Trahtat in proven-
zalischer Sprache aus dem XIV Jahrhundert. Halle, Karras, 1902
(dissertation de doctorat); in-8'J de xvni-21 pages. — Le ms.
Egerton 94o, du British Muséum, jadis décrit par M. P. Meyer
(Bulletin de la Société des Anciens textes, 1881, p. 44), contient,
entre autres choses, trois traités mystiques en prose provençale.
C'est l'un de ces traités que publie M. Motte. C'est une para-
phrase, à l'usage du commun peuple, des idées de saint Bona-
venture, dont quelques passages sont ici presque traduits; il a
dû être rédigé vers la tin du xiv siècle pour une des commu-
nautés de Béguins du Bas-Languedoc. L'édition est soignée,
l'introduction et les notes sobres et instructives; on regrette
l'absence d'un glossaire. A. Jeanroy.
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 581
Saint-Jours (B.). Port d'Albret (Vieux-Boucau), VAclour ancien
et le littoral des Landes. Perpignan, Latrobe, 1900; in-IS de
414 pages. — Port d'Albret est le nom, depuis longtemps oublié,
d'un modeste village de la côte landaise. Il a fallu toute la piété
filiale de M. S.-J. pour croire que ce village sans passé et sans
archives pouvait fournir la matière d'un volume. Il est vrai que,
par un de ces caprices qui n'étaient pas rares sur cette basse
côte des Landes, l'Adour porta un jour son embouchure jusqu'à
ce village et l'y garda jusqu'en 1578, peut-être pendant deux siè-
cles ou plus. M. S.-J. prend de là occasion d'étudier l'histoire
ancienne de ce pays, de décrire le littoral et de suivre l'Adour
dans ses divers déplacements. C'étaient là, évidemment, des sujets
assez intéressants par eux-mêmes pour qu'il fût utile d'en faire
la préface de l'histoire du Vieux-Boucau. Cette réserve faite, il
est juste de reconnaître que M. S.-J. s'est appliqué à exhumer
tout ce qu'il était possible de connaître du passé de ce village.
Il est visible qu'il s'est livré à de nombreuses recherches et lec-
tures pour éclairer les antécédents et les alentours de son sujet.
Mais il est trop visible aussi que M. S.-J. est venu un peu tard
aux études historiques. La méthode et le sens critique lui sont
beaucoup moins familiers que l'hydrographie landaise. Son éru-
dition de seconde main puise sans discernement à toute source.
Henri Martin, Mary-Lafon, Dumège. Monlezun, Compaigne, etc.,
lui servent trop souvent de guides. De là sur les Aquitains. les
Celtes, les Ibères des théories singulièrement vieillies pour ne rien
dire de plus. Sur nos origines linguistiques, M. S.-J. en est encore
aux idées celtomanes d'il y a un siècle, et quand il s'agit d'établir
les étymologies de nos vocables locaux, il n'a pas l'air de soup-
çonner qu'il faut compter ici avec les données d'une science très
positive, qui ne laisse guère de place à la divination. Si l'on veut
se borner à chercher dans le livre de M. S.-J. les résultats de ses
observations personnelles sur la topographie du sud-ouest des
Landes, on y trouvera une contribution de quelque valeur à
l'étude de notre géographie historique et descriptive.
A. Degert.
Saint -Jours (B.). Etat ancieti du littoral gascon; in- 12 de
31 pages. 1901. — L'âge des dunes et des étangs de Gascogne;
in-12 de 66 pages, 1901. — Les fleuves côtiers de Gascogne; in- 12
de 24 pages, 1902. — Le littoral de Gascogne; in-8" de 21 pages,
582 ANNALES DU MIDI.
1902. — Preuves de V antique slabilité des côtes de Gascogne; in-S"
de 1 4 pages, 1 903. — Limite des différents pays [pagi) de la Gironde
à la Bidassoa; in-S" de 3 pages, 1903. — La formation du littoral
gascon entre l'embouchure de l'Adour et celle de la Gironde, les
diverses modifications qu'il a subies passionnent depuis quelque
temps les membres des sociétés savantes de Bordeaux. Pour les
uns les mouvements des sables qui ont donné naissance aux du-
nes seraient d'origine récente. Ce seraient les Barbares qui, en
brûlant les forêts du Sud-Ouest auraient, vers le iv siècle, favo-
risé l'invasion des sables; peut-être même ne faudrait-il voir
dans cette invasion qu'un des effets d'un cataclysme survenu au
XIV» siècle et auquel doivent être attribués aussi les déplace-
ments de l'embouchure de l'Adour et l'obstruction de baies ma-
rines, transformées ainsi peu à peu en étangs par la poussée des
dunes. Pour d'autres, l'aspect de la côte gasconne n'a presque
pas subi de modifications au cours des âges. Dès le temps des
Romains et de Strabon, la mer occupait ses limites actuelles
et les dunes ne se trouvaient ni plus ni moins à l'intérieur
qu'aujourd'hui. Les étangs seraient dus simplement à la stagna-
tion des eaux, provoquée par l'obstruction de leurs canaux
d'écoulement vers la mer. M. S.-J. se rattache à cette opi-
nion, et les diverses brochures dont on vient de lire les titres
n'ont pas d'autre but que d'en montrer le bien-fondé. Il est assez
inutile de les étudier ici en détail. Publiées à diverses époques
dans le Bulletin de la Société de Géographie commerciale, ou dans
la Revue Philomatique de Bordeaux, elles se répètent parfois; de
l'une à l'autre reparaissent les mêmes arguments, mais sous une
forme plus développée. Les unes sont d'ordre scientifique ou
plus particulièrement géologique; il est difficile de n'être point
frappé de leur force probante. Les arguments d'ordre historique
sont déportée inégale; quelques-uns paraissent très nettement
concluants, mais il en est d'autres dont la base critique ne semble
pas suffisamment établie. Quelle peut être, par exemple, la valeur
d'une charte donnée en 1217, à Biscarrosse, par un hypothétique
« Thiébaut, prince royal et duc d'Aquitaine »? On s'étonne aussi
que M. S.-J. n'ait pas signalé la carte des côtes gasconnes du
manuscrit 8878 (étudié par L Delisle dans ses Mélanges de
Paléographie), du xi« siècle, et que, pour la délimitation des pagi
riverains de la mer, il n'ait pas connu un texte aussi important
que celui du partage du diocèse de Dax en archidiaconés [Gallia
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 583
christ., t. I, Instr. p. 173). La thèse de M. S.-J. est heureusement
indépendante de ces quelques faiblesses ou lacunes. On l'a bien
vu par l'adhésion éclatante que lui a donnée M. C. Jullian dans
le Journal des savants (juin 1903). Le grand mérite de M. S.-J.
sera de l'avoir fait triompher, à rencontre de l'autre qui régnait
encore sans conteste dans le monde géographique, il y a cinq
ans à peine. A. Degert.
Salveton (H.). Antoine - Frédéric Salveton, homme politique,
magistrat, avocat (1801-1870), Clermont-Ferrand, Conty, 1903;
in-8° de iii-172 pages. — L'auteur écrit la vie de son grand-père
et trace un intéressant tableau de mœurs provinciales dans le
milieu judiciaire. G. D. du D.
Vidal (A.). Histoire des rues du vieil Albi. Albi, 1904; in-8° de
92 pages. (Extrait de la Revue du Ta?m, tome XX, année 1903.)
— M. Vidal connaît les Albigeois de jadis aussi bien — et peut
être mieux — que ses compatriotes d'aujourd'hui. Aussi est-ce
un plaisir que de parcourir avec lui les rues tortueuses et enche-
vêtrées de la vieille cité ; non seulement il en indique l'emplace-
ment et retrouve l'étymologie de leur nom, mais il nous donne
sur leurs plus notables habitants (surtout des xiv« et xv« siècles)
d'abondants détails, empruntés aux documents les plus variés,
notamment à la belle collection des Comptes consulaires (Arch.
municip. d'Albi) , — dont il cite souvent le texte in extenso.
Disons pourtant qu'à procéder comme il l'a fait, rue par rue,
l'auteur ne nous permet guère de prendre une idée d'ensemble
d'Albi, de reconstituer en esprit la ville du moyen âge. Pas de
plan général, qui nous y convie et qui nous y aide ; mais de
fines illustrations, dues à M. R. Lacroix, complètent et préci-
sent les descriptions. Il serait fort à souhaiter que nous eus-
sions pour toutes les villes anciennes du Midi un travail aussi
complet et consciencieux. A. Jeanroy.
PUBLICATIONS NOUVELLES
Barckhausen (H.)- Montesquieu. L'Esprit des lois et les Archi-
ves de la Brède. Bordeaux, Michel, 1904; in-S" carré de 129 p.
BoRRELLi DE SERRES. Recherches sur divers services publics
du xiii« au xvii« siècle. T. II. Paris. Picard, 1904; in-8«de 561 p.
Capreoli (J.). Johannis Capreoli Tholosani, ordinis prsedica-
torum, thomistarum principis Defensiones theologiae divi Thomas
Aquinatis. De novo editae cura... RR. PP. Ceslai Paban et Thomae
Pègues. Tome V, Tours, Cattier, 1904; in-4o à 2 col. de xv-448 p.
Champion (E.). La séparation de l'Eglise et de l'Etat en 1794.
Paris, Colin. 1903; in-16 de xiii-282 p.
Chuquet (A.). Dugommier (1738-1794). Paris, Fontemoing, 1904;
in-8" de ii-471 p. avec portr. et cartes. (Collection Minerva.)
Galibert (P.) Le conseil souverain de Roussillon (thèse). Per-
pignan, imp. de l'Indépendant, 1904; in-8o de 144 p.
Lavisse (E.) Histoire de France depuis les origines jusqu'à la
Révolution. T. VI : les guerres de religion; établissement du
pouvoir absolu : I; la Réforme et la Ligue; l'Édit de Nantes
(1559-1598). Fasc. 1 et 2. Paris, Hachette, 1904; in-8" carré, pages
1 à 192.
MoLiNiER (A.). Les sources de l'Histoire de France. Des origines
aux guerres d'Italie (1494). IV : les Valois (132S-1461). Paris,
Picard, 1904; in-S» de 358 p. [Manuel de bibliographie histori-
que, IV.]
Stenger (G.). La société française pendant le Consulat, 2^ série.
Paris, Perrin, 1904; pet. in-S" de ii-440 p.
Le Gérant,
l'.-F,D. l'UlVAT.
TABLE DES MATIÈRES
ARTICLES DE FOND.
Pages.
Vidal (Ahbé J.-M.). Les origines de la province ecclésias-
tique de Toulouse [1295-1318] {sicite et fin) 5
Baux (E.), Bourrilly (V.-L.) et Mabilly (Ph.). Le voyage
des reines et de François 1er en Provence 31
Thomas (L.). La vie privée de Guillaume de Nogaret 161
Calmette (J.) et Patry (H.). Les comtes d'Auvergne et les
comtes de Velay sous Charles le Chauve 305
Jeanroy (A.). Le soulèvement de 1242 dans la poésie des
troubadours 311
Doublet (G.). Un évoque de Vence devant l'Inquisition 330
Arnaud d'Agnel (Abbé G.)- Les possessions de l'abbaye de
Saint-Victor de Marseille en Rouergue 449
Bartholomaeis (V. de). Un sirventés historique d'Elias
Cairel 468
MÉLANGES ET DOCUMENTS.
Les Quatrains du seigneur de Pybrac (Guy) 65 et 208
Lettre de Marguerite de Valois aux capitouls de Toulouse
( Vignaux) 80
Gascon subiw « haie » (Millardet) 222
De la réduction de tï k y en gascon (Millardet) 224
A propos d'une chanson de Peire d'Alvernhe (Dejeanne) 341
A propos d'un chansonnier provençal (Jeanroy et Bertoni). 347
Date du concile de Béziers (Cabié) 349
Le plus ancien témoignage sur Guillaume de Nogaret (Tho-
mas) 357
Note sur l'inscription de Volusianus (Clerc). . .' 495
Le nom de lieu Tramesalgues (Thomas) 500
Sur la date de la translation des reliques de sainte Foi d'Agen
à Conques (Lot) 503
Le roi Eudes « duc d'Aquitaine » et Adémar de Chabannes
(Lot) 509
586 annat.es du midi.
Garsie-Sanche, duc de Gascogne (Lot) 514
Amauguin, comte de Bordeaux (Lot) 517
COMPTES RENDUS CRITIQUES.
Albe (Abbé). I. Autour de Jean XXII. —II. Quelques-unes
des dernières volontés de Jean XXII. — III. Contribution
à l'histoire du diocèse de Caliors (Molinier) 359
Appel (C). Provenzalische Chrestomathie (Andraud) 89
BouDET (M.). Registres consulaires de Saint-Flour (Jeanroy). 236
BouRRiLLY (L.). L'école centrale du département du Var
(Pélissier) 371
Calmette (J.). Louis XI, Jean II et la Révolution catalane
(Boissonnade) 240
Carayon (Ch.). L'Inquisition au xiiie et au xive siècle (Gui-
gnebert) 234
Ghichmarev (V.). Vie provençale de sainte Marguerite (Levy). 528
Clément-Simon (G.). Recherches de l'histoire civile et muni-
cipale de Tulle avant l'érection du consulat, tome I
(Leroux) 531
CoTTiN (P.). Sophie de Monnieret Mirabeau (Pélissier) 246
GuiLHiERMOz (P.). Essai sur l'origine de la noblesse en
France au moyen âge (Brissaud) 519
Jeanroy (A.) et Vignaux (A.). Voyage au Purgatoire de saint
Patrice (Andraud) 229
Lecler (Abbé A.). Dictionnaire topographique, etc., de la
Creuse (Thomas) 227
Lemoine (J.). Mémoires des évêques de France sur la conduite
à tenir à l'égard des Réformés, 1698 (Batilïol ot Gachon). 365
Marignan (A.). Histoire de la sculpture en Languedoc
(Graillot) 98
Mighelet (J.). Poètes gascons du Gers (.Jeanroj'^) 538
Mirabeau. Lettres à Julie, p. p. D. Meunier (Pélissier). .. . 248
MoRis (H.) Le Sénat de Nice avant 1792 (Doublet) 96
Poésie populaire landaise, p. p. l'abbé Forx (Millardet) 525
PoRTAL (Ch.). Histoire de Cordes (Dognon et Jeanroy) 91
Zauner (A.). Die romanischen Namen der Kôrperteile (Mil-
lardet) 373
REVUE DES PÉRIODIQUES.
périodiques français MfJRIDIONAUX.
Alpes (Basses-). Annales des Basses-Alpes 250
Alpes (Hautes-). Annales des Alpes 101
— Bulletin de la Société d'études des Hautes-
Alpes 537
Alpes-Maritimes. Annales de la Société des lettres 251
TABLE DES MATIERES. 587
Ardèche. Revue du Vivarais 253
Ariège. Bulletin de la Société ariégeoise 102
Aude. Bulletin de la Clommission archéologique de Narbonne. 254
— Bulletin de la Société d'études scientiflques 103
Bouches-dii-Rhône. Bulletin de la Société de géographie de
Marseille 255
Cantal. Revue de la Haute-Auvergne 104
Charente. Bulletin de la Société historique et archéologique. 538
(Iharente-Tnférifure. Archives historiques de la Saintonge. . . 105
— Revue de Saintonge. 106
Corrèze. Bulletin de la Société des lettres de Tulle 539
— Bulletin de la Société scientifique de Brive 540
Creuse. Mémoires de la Société des sciences 541
Dordogne. Bulletin delà Société historique du Périgord 380
Drôme. Bulletin d'histoire ecclésiastique 109
— Bulletin de la Société d'archéologie 382
Gard. Bulletin du Comité de l'art chrétien 384
— Mémoires de l'Académie de Nimes 385
— Revue cévenole 385
— Revue du Midi 386
Garonne (Haute-). Bulletin de littérature ecclésiastique. 111 et 542
— Bulletin de la Société archéologique du
Midi 255
— Bulletin de la Société de géographie de
Toulouse 112
— Mémoires de l'Académie des sciences de
Toulouse 259
— Revue de Comminges 260
— Revue des Pyrénées 260
— Société d'histoire naturelle de Toulouse.. . 112
Gers. Archives historiques de la Gascogne 112
— Bulletin de la Société archéologique 387
— Revue de Gascogne 261
Gironde. Actes de l'Académie des sciences de Bordeaux 113
— Archives historiques de la Gironde 113 et 542
— Bulletin hispanique 264
— Revue des études anciennes 264
— Société arciiéologique de Bordeaux 113
Hérault. Bulletin de la Société archéologique de Béziers.. . . 543
— Bulletin de la Société languedocienne de géogra-
phie n 388
— Le Félibrige latin 114
— INIémoires de la Société archéologique de Mont-
pellier 265
Isère. Annales dauphinoises 266 et 544
— Bulletin de l'Académie delphinale 117
588 ANNALES DU MIDI.
Isère. Bulletin de la Société de statistique de l'Isère 545
— Revue épigraphique 546
Landes. Bulletin de la Société de Borda 548
Loire. Bulletin de la Diana 267
Loire (Hante-). Bulletin de la Société d'agriculture du Puy . . 268
Lot. Bulletin de la Société d'études du Lot 269
Puy-de-Dôme. L'Auvergne historique 389
Pyrénées (Basses-). Bulletin de la Société des sciences de
Pau 271
— Reclams de Biarn et Gascounhe 271
Pyrénées (Hautes-). Annuaire du petitSéminaire de Saint-Pé. 549
— Bulletin de la Société académique des
Hautes-Pyrénées 389
— Bulletin de la Société Ramond 549
Pyrénées-Orientales. Revue d'histoire et d'archéologie du
Roussillon 272
— Société agricole, scientifique et litté-
raire 275
Savoie. Mémoires de l'Académie des sciences 118
— Mémoires et documents publiés par la Société savoi-
sienne d'histoire 118 et 550
Savoie (Haute-). Revue savoisienne 120
Tarn. Revue du Tarn 551
Var. Bulletin de l'Académie du Var 277
— Bulletin de la Société d'études de Draguignan 275
Vaucluse. Mémoires de l'Académie de Vaucluse 277
Vienne (Haute-). Archives historiques du Limousin 121
— Bibliophile limousin 122
— Bulletin de la Société des amis des sciences et arts
de Rochechouart 123
— Bulletin de la Société archéologique du Limousin.. . . 552
— Limoges illustré 123
PÉRIODIQUES FRANÇAIS NON MÉRIDIONAUX.
Académie des inscriptions et belles-lettres (comptes rendus
des séances) 391
Annales de Saint-Louis-des-Fran(,'ais 124
Annuaire-Bulletin de la Société de l'histoire de France 391
Association française pour l'avancement des sciences 392
Bibliographe moderne 553
Bibliothèque de l'Ecole des chartes 392
Bulletin de la Société des antiquaires de France 407
— archéologique de l'Association bretonne 395
— archéologique du Comité des travaux historiques et
scientifiques 395
— du bibliophile -396
Table des matières. 589
Bulletin du Comité des travaux historiques et scientifiques
(sciences économiques et sociales) 124
— de géograpliie historique et descriptive 397
historique et philologique du (<omité des travaux
historiques et scientifiques 125
— monumental 398
— de numismatique c53
— de numismatique et d'archéologie 553
— de la Société archéologique « Le vieux Papier » 398
— de la Société de l'histoire du protestantisme fran-
çais 398
Congrès archéologiques de France 400
Correspondance historique et archéologique 555
Gazette numismatique française 555
La Grande Kevue ou Revue du Palais 556
Journal des savants 400
Mémoires de la Société des antiquaires de France 408
— de la Société dunkerquoise 400
— de la Société d'émulation du Douhs 400
Le Moyen âge 126
Nouvelle Revue historique de droit 127
— Revue rétrospective 556
Revue des hihliothèques 401
— des Deux-Mondes 401
— des études historiques 402
— félibréenne 127
— hebdomadaire 402
— d'histoire littéraire de la France 403
— d'iiistoire de Lyon 129
— d'histoire moderne et contemporaine 126
— internationale de l'enseignement 403
— numismatique 403
— du Palais ou la Grande Revue 556
— dé Paris 403
— des parlers populaires 404
— de philologie française 404
— des questions historiques 129
— de la Renaissance 405
— de synthèse historique 130
— universitaire 405
Romania 406
PÉRIODIQUES ÉTRANGERS.
Archiv fur das Studium der neueren Sprachen 558
Bullettino délia Società filologica romana 561
Giornale storico dalla letteratura italiana 562
590 ANNALES DU MIDI.
Revista de bibliografia catalana 561
Romanische Forschungen 558
ZeitschrifL fiir romanische Philologie 5(50
Zeitschrift der Savigny-Slii'tung 559
NÉCROLOGIE.
E. Guibert, p. 279; A. Molinier, p. 409.
CHRONIQUE.
M. Koschwitz prépare une nouvelle édition de la ChreslomaLhie
provençale, de Bartsch, p. 132; premier numéro des Annales
de la Sociëlé d'études x^vovençales, p. 280; Revue du Béarn,
p. 280; découverte d'un manuscrit de la Vie de saint Hugues,
p. 280; nouveaux résultats des fouilles du mont Jouer, p. 281;
positions des thèses de l'Ecole des chartes, p. 411 ; Congrès des
Sociétés savantes, p. 413: Congrès des Sociétés des beaux-arts,
p. 416; à propos du Dictionnaire de la Creuse, de l'abbé Lecler,
p. 416; récompenses de l'Académie des inscriptions et belles-
lettres, p. 417; constitution d'une Société française des fouilles
archéologiques, p. 417; nomination de Commissions départe-
mentales pour l'histoire de la Révolution, p. 563; décès de
M. Brissaud, membre du Comité de publication des Annales du
Midi, p. 569.
Chronique générale, pp. 282 et 418; d'Auvergne, p. 563; du Dau-
phiné, p. 132; du Gard, p. 281; de la Marche et du Limousin,
p. 425; du Roussillon, p. 136; du Yivarais, p. 142.
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT.
AcHABD (A.), LouBARESSE (P.), Tartière (A.) et Brisson (A.). La
commune de Saint-Dier d'Auvergne 428
Aheus e flous 570
Bellanger (L.). Etude sur le poème d'Orientius 293
Berger (E.). Le vicomte de Mirabeau, Mirabeau-Tonneau.. 571
Berneï-Rollande (J.). L'esprit public et les élections dans
la Basse- Auvergne en 1789 428
Berret (P.). Contes et légendes du Dauphiné 428
Bertoni (G.). Nuove rime provenzali tratte dal cod. Cam-
pori 429
BoNNEFOY (G.). Histoire de l'administration civile dans la
province d'Auvergne et le département du Puy-de-Dôme. 430
BouDET (M.) et Grand (R.). Etude historique sur les épidé-
mies de peste en Haute-Auvergne 431
BuuLENGER (J.). Les protestants à Nimes au temps de l'Edit
de Nantes 431
BouRDETTE (J.). Annales des sept vallées du Labéda 432
TABLE DES MATIÈRES. 591
BouRRET (Cardinal). Documents sur les origines clirétiennos
«lu Rouergue. Saint-Marlial 433
Brun (Abbé). L'abbé J.-P. Lapauze 1/j6
Brutails, Ducaunnés-Duval et Bigot. Ville de Libourne.
inventaire sommaire des archives municipales 294
Cabié (E.). Ambassade en Espagne de Jean Ebrard, sei-
gneur de Saint-Sulpice 295
Gazag (H. P.). Le lieu d'origine du philosophe Francisco
Sanchez J 46
Chevaldin (L.-E.). Les jargons de la farce de Pathelin 147
Chevalier (Chanoine J.). L T^a Révolution à Die et dans la
vallée de la Drôme. — II. Souvenirs du Consulat et de
l'Empire dans le département de la Drome 572
Congrès (Le second) du Sud-Ouest navigable 573
CONRAT (M.). Breviarium Ahiricianum 297
CRÉGur(AbI)é Pi.). Nouveaux éclaircissements sur Avilacum. 435
Crégut (Abbé R.). Histoire du collège de Riom 435
Crégut (Abbé R.). Les inscriptions lapidaires à Riom 435
Crégut (Abbé R.). La Vierge du Marthuret 435
Crescini (V.). Il testo critico di una canzone di Bernart de
Ventadorn 43(3
Déghelette et Brassart (E.). Les peintures murales du
moyen ùge et de la Renaissance en Forez 437
Degert (Abbé A.). L'ancien collège de Dax 437
Deslandrks (P.). L'ordre des Trinitaires 297
Douais (Mgr C). Trésor de Saint-Serniii de Toulouse 438
Duffaut (Abbé H.). Roqueville, monographie 574
Durand (Abbé A.). Un prélat constitutionnel, Jean-François
Périer 576
Faurey (J.). Henri IV et l'édit de Nantes 439
Fraikin (Abbé J.). Les comptes du diocèse de Bordeaux. . . . 147
Frangus (D''). Notes liistoriques sur Saint-Agrève 298
Frangus (Di). Voyage au pays des Boutières. fja région de
Vernoux 148
Gautrand (Abbé). Histoire de Lacaune 148
GiPOULON (J.). Etude sur l'allodialité en Auvergne 440
GuiBERT (L.). r. La cour royale de Limoges. — II. Coup
d'œil sur l'histoire de la ville de Limoges 577
Guibert (L.). Nouveau recueil de registres domesti([ues. . . . 149
Inventaire sommaire des archives de la Haute-Garonne.
Archives civiles. Série B, t. I, II. Série C, t. II 578
Irénée (Père). Aulon, monographie locale. . .' 579
Langlois (Ch.-V.). La société française au xine siècle 298
Lasteyrie (R. de). Etudes sur la sculpture française I5i
Layag (A.). Usages locaux du département du Puy-de-Dùme. 580
Lefèvre (E.). L'année félibréenne 399
592 ANNALES DU MIDI.
Lefévhe (E.). Bibliographie mislralienne 149
Leroux (A.)- La légonde ilu roi Aigolant et les origines de
Limoges 440
^NIellet. Etat des gentilslioinines dans les juridictions dé-
pendant des sénéchaussées de Gnj'enne et de Libourne. . 15"3
MoREL (L.). L'œuvre de Morel-Ladeuil, sculpteur 580
Motte (V.). Scala divini atnoris 580
NicoLLET (F.-N.). Les derniers membres de la famille
d'Orange-Montpellier 152
Oddo (H.). La Provence 442
Paultre (G.). La « taille tarifée » de Talibé de Saint-Pierre. 15"2
Pellissieu (Al:)bé). Histoire d'Allos 443
RiBiiiH (L. de). Charlus-Ghampagnac et ses seigneurs 444
RrBiER (L. de). Notices bibliographiques sur quelques méde-
cins de la Haute-Auvergne 445
RouMEJOUx (A. de). Essai sur les guerres de religion en Péri-
gord 153
RouviÈRE (Fr.). L'aliénation des biens nationaux dans le
Gard 445
Saint-Jours (B.). L'Adour et ses embouchures anciennes. . . . 154
Saint-Jours (B.). L Port d'Albret (Vieux-Boucau).— II. Etat
ancien du littoral gascon. — III. L'âge des dunes et des
étangs de Gascogne. — IV. Les fleuves côtiers de Gas-
cogne. — V. Le littoral de Gascogne. — VI. Preuves de
l'antique stabilité des côtes de Gascogne. — VIL Limite
des diftérents pays de la Gironde à la Bidassoa 581
Salveton (H.). Salvelon, homme politique (1801-1870) 583
Sauvaire-Jourdan. Isaac de Bacalanet les idées libre-échan-
gistes 299
Sternfeld (R.) et Schultz-Gora (O.). Ein Sirventes von
1268 gegen die Kirche und Karl von Anjou 154
Tardieu (A.). Le Dictionnaire des ex-libris de l'Auvergne. . . 446
Tardieu (A.). Histoire ilUistrée de Royat 446
TissiER (J.). Documents inédits pour servir à l'histoire de la
Réforme à Narbonne 155
Tradition (La) au pays basque 299
Vidal (A.). Histoire des rues du vieil Albi 583
PUBLICATIONS NOUVELLES.
Pages 157, 802, 447, 584.
Toulouse, imprimerie ÉiMUARD Phivat, rue des ArtS: 14. — ^85S
DC
607
.1
A6
1. 16
Annales du Midi
PLEASE DO NOT REMOVE
CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET
UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY