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ANNALES 

DE    LA    SOCIÉTÉ 


D'ARCHÉOLOGIE 

DE 

BRUXELLES 

sous    LA    PRÉSIDENCE    d'HONNEUR    DE    S.    A.    R.     M^R    LE    COMTE     DE    FLANDRE 


Secrétariat  Général  :  rue  des  Palais,  63,  Bruxelles. 


MEMOIRES,    RAPPORTS    ET     DOCUMENTS 


PUBLICATION    PÉRIODIQUE 


TOME    CINQUIÈME 


LIBRAIRIE  SPÉCIALE  D'ARCHITECTURE 
ARCHÉOLOGIE,   AMEUBLEMENT,    DÉCORATION,    BEAUX-ARTS 

E.  LYON-CLAESEN,  Éditeur 

8,    RUE    BERCKMANS,    8 

BRUXELLES 

IMPRIMÉ    PAR    A.    VROMANT   ET    C'«,    3,  RUE   DE   LA    CHAPELLE,    BRUXELLES 


MORT  DE  S.   A.  R.   LE  PRINCE  BAUDOUIN 

T  Tn  coup  fatal  et  inattendu  vient  de  frapper  douloureusement  notre 
^  auguste  Famille  Royale,  et  plonge  dans  un  deuil  profond  tout  le 
peuple  beige.  La  mort  de  son  Altesse  Royale  Monseigneur  le  Prince 
Baudouin,  a  causé  également  un  sympathique  émoi  et  une  sincère 
affliction  aux  membres  de  la  Société  d'Archéologie  de  Bruxelles,  que 
son  Altesse  Royale  Monseigneur  le  Comte  de  Flandre  a  honoré  de  sa 
haute  bienveillance  en  daignant  accepter  leur  Présidence  d'honneur. 

Tous  ont  pris  une  part  prééminente  dans  les  regrets  universels 
que  laisse  la  perte  de  ce  jeune  prince,  enlevé  à  la  tendresse  et  à  l'amour 
de  ses  parents,  à  l'attachement  et  à  l'affection  de  la  nation  entière,  à 
un  avenir  qui  s'annonçait  brillant! 


ANNALES 


DE  LA 


SOCIÉTÉ    D'ARCHÉOLOGIE 


DE    BRUXELLES 


TIRÉ    SUR   lES    PRESSES 

DE    l'imprimerie 

A.  VROMANT  ET  Cie,  BRUXELLES 


J'i  il-  ^^      "•  ^ 


ANNALES 


DE  LA  SOCIETE 


D'ARCHÉOLOGIE 

DE 

BRUXELLES 

sous    LA    PRÉSIDENCE    d'hONNEUR    DE 
S.  A.  P.  MSr  LE  COMTE  DE  FLANDRE 

Mémoires,    Rapports   et    Documents 
TOME  CINQUIÈME 

ANNÉE  1891 


ilt 


SECRETARIAT   GENERAL  : 

63,   RUE   DES    PALAIS,    63 
BRUXELLES 


E.     LYON  -  CL  AESEN 

ÉDITEl  H 

8,  rue  Borckman?,  S 
BRUXELLES 


Encadrement  grave  par  C.  Galle,  le  jeune,  né  à  Anvers,  en  1615  f  1678 


DH 
ts 


Fonts  de  Fowlis,  —  Forfarshire  (Ecosse).  Dessin  de  M.   Russell  Walker 

ARCHITECTURE    COMPARÉE 
PROLÉGOMÈNES 

A  l'Étude  de  la  filiation  des 

FONTS    BAPTISMAUX 

DEPUIS  LES  BAPTISTÈRES   JUSQU'AU    XVI^   SIÈCLE 


AVANT-PROPOS 

n  fait  bien  intéressant  à  étudier,  c'est,  par  la 
suite  des  âges,  le  mouvement  d'évolution  suc- 
cessif, continu,  sans  arrêts  qui  est  productif  de 
la  filiation  ininterrompue  des  éléments  architec- 
turaux de  toutes  les  époques.  Car  toujours  dans 
l'histoire  de  TArchitecture,  on  constate  la  dispa- 
rition lente,  pénible,  formant  une  période  de  transition 
entre  l'élément  ancien  et  l'élément  nouveau,  des  mé- 
thodes de  construction  tombées  en  désuétude. 

Ce  n'est,  en  règle  générale,  qu'après  cette  transition 
que  le  mode  ancien  de  bâtir  est  vaincu  par. le  nouveau, 
et  encore  celui-ci  conserve-t-il  longtemps  encore  maints 
indices  de  l'élément  disparu. 


—  6  — 

Aux  époques  de  déclin  artistique,  aux  temps  où  des  méthodes 
empiriques,  poussées  à  leurs  dernières  conséquences,  font  oublier 
les  règles  primitives  déduites  de  données  positives,  alors  que  tout 
annonce  un  revirement  dans  la  direction  initiale  de  Fart  de  bâtir, 
se  montrent  les  germes  embryonnaires  des  éléments  nouveaux 
qui  constitueront  Tart  futur.  On  les  voit  par  la  suite  des  années, 
se  transformer  lentement  d'abord,  avec  rapidité  ensuite,  changer 
Tallure  du  mode  ancien,  l'altérer  profondément  et  le  faire 
disparaître  enfin,  non  sans  laisser  subsister  longtemps  encore  des 
marques  certaines  de  son  existence  évanouie. 

Ce  sont  ces  indices  qui  doivent  surtout  guider  Tarchéologue 
dans  sa  patiente  reconstitution  du  passé  monumental,  ce  sont  eux, 
et  eux  seuls,  qui  peuvent  Taider  à  restituer  les  formes  intermé- 
diaires disparues. 

)t  ^ 

Toute  l'histoire  de  Tarchitecture  doit  être  basée  sur  la  filiation 
des  formes  et,  de  même  que  le  naturaliste  reforme  lentement  les 
échelons  perdus  de  l'échelle  des  êtres,  de  même  l'archéologue 
doit  s'efforcer  de  reconstituer  les  formes  intermédiaires  pour  effa- 
cer tout  hiatus  entre  elles. 

Car  il  ne  peut  en  exister. 

«  L'artiste  ne  peut  se  soustraire,  comme  l'a  très  bien  dit  notre 
savant  confrère  M.  Chipiez*,  à  Tinfluence  des  formes  antérieures; 
il  puise  à  cette  source  d'innombrables  motifs  compatibles  avec  la 
nature  des  nouveaux  matériaux,  n 

L'architecture,  art  essentiellement  d'imagination,  ne  puisant 
dans  la  nature  qu'indirectement  les  données  de  ses  formes, 
se  transforme  par  transition  d'une  forme  à  l'autre. 

La  nature  ne  fait  pas  de  saut,  disent  les  naturalistes;  de  même 
l'architecture  ne  se  change  pas  par  révolution,  mais  par  évolution, 
car  dans  cet  art,  innover,  c'est  toujours,  quoi  qu'on  en  dise,  mettre 
ses  souvenirs  au  service  de  son  inspiration. 

Ce  n'est,  pour  en  prendre  un  exemple,  qu'avec  lenteur  que  se 
forme  la  base  de  la  colonne  ionique  des  Grecs  ;  si  vous  la  suivez 

1  Histoire  de  la  formation  des  ordr  s  grecs.  Paris,  1876,  p.  356. 


—  7  — 

ensuite  à  travers  les  civilisations  des  Romains  et  du  Bas-Empire 
pour  arriver  ainsi  à  la  période  romane,  vous  la  voyez  lentement 
se  transformer  pour  devenir  la  base  si  caractéristique  de  rarchi- 
tecture  ogivale  primaire.  Plus  tard  encore,  alors  que  la  période 
flamboyante  a  dénaturé  totalement  ces  formes  primitives,  on  peut 
voir,  par  une  transition  fort  longue  à  travers  les  premières  années 
de  la  Renaissance  primaire,  la  base  reprendre  approximativement 
ses  données  initiales. Certes,  par  Teftbrt  de  l'imagination  humaine, 
des  formes  complètement  nouvelles  viennent  quelquefois,  s'impo- 
ser, mais  encore,  et  nous  aurons  occasion  de  le  voir  au  cours  de 
cette  étude,  ces  formes  dites  neuves  sont  elles-mêmes  basées  sur 
d'autres  d'une  destination  différente. 

C'est  ainsi,  que  l'homme  du  déclin  de  l'époque  néolithique, 
découvrant  l'art  de  fondre  des  outils  de  bronze,  donne  d'abord  à 
ses  instruments  de  métal  exactement  les  formes  de  ses  outils  de 
silex  polis,  comme  l'a  clairement  démontré,  avec  nombre  d'au- 
tres savants,  notre  confrère  M.  Henri  SiRET,par  ses  belles  fouilles 
des  établissements  préhistoriques  du  Nord  de  l'Espagne  *. 

Il  faut  une  longue  expérience  pour  lui  démontrer  que  ces  formes 
ne  sont  pas  appropriées  à  cette  matière  nouvelle,  avant  qu'il  ne  les 
transforme. 

Dans  l'architecture  primitive,  quand  l'homme  abandonne  la  ca- 
bane de  bois,  pour  en  bâtir  une  en  pierre,  il  donne  à  celle-ci  la  forme 
delà  première.  Les  colonnes  de  pierre  des  civilisations  naissantes, 
imitent  souvent  les  formes  des  montants  de  matière  ligneuse  ou 
des  piliers  de  pierre  grossière. 

A  ce  propos,  Viollet-le-Duc  a  montré  que  le  montant  fourchu 
de  l'habitation  chinoise  est  imité  dans  les  cryptes  de  Ganesa  à 
Cuttack,  dans  l'Inde,  et  que  plus  tard,  cette  forme  de  chapiteau 
engendre  celle  d'un  des  temples  d'Ajunta. 

Le  chapiteau  bicéphale  de  Xapadana  d'ARTAXERXÈs  à  Suse  et 
des  palais  de  Darius  et  deXERxÈs  à  Persépolis  est  le  poteau  four- 
chu de  bois  des  habitations  agrestes  de  la  Susiane  où  il  s'est  con- 
servé jusqu'à  nos  jours. 

1  A.  etL.  SiRET.  La  Métallurgie  à  Vaurorede  la  civilisation* 


—  8  — 

Les  monuments  américains  de  Chunjuju,  de  Zaiji  et  autres,  pré- 
sentent des  indices  certains  d*un  prototype  ligneux. 

Beaucoup  des  données  principales  de  Tarchitecture  égyptienne 
ne  peuvent-elles  se  résumer  dans  l'imitation  de  la  construction 
primitive  en  faisceaux  de  cannes  et  de  lotus,  reliés  par  des  liens 
de  byblos  *,  et  les  portes  des  palais  de  Khorsabad  ne  nous  mon- 
trent-elles pas  de  véritables  assemblages  de  troncs  d'arbre,  exé- 
cutés en  pierre? 

Le  sarcophage  en  basalte  de  Mycerinus,  découvert  par  Vyse 
en  1837  et  malheureusement  perdu  par  suite  d'un  naufrage  sur 
les  côtes  d'Espagne,  présentait  tous  les  caractères  d'un  ouvrage  en 
charpente  ^. 

Cette  tombe  de  Paiafa-le-lycien  du  British  Muséum,  elle 
aussi,  ne  nous  montre-t-elle  pas  comme  les  édifices  des  Doriens 
et  des  Ioniens,  la  construction  primitive  ligneuse  ? 

Et  ce  qui  est  vrai  lors  d'une  révolution  causée  dans  Tarchitec- 
ture  par  l'emploi  de  matières  nouvelles,  Test  aussi,  lorsque  l'in- 
troduction de  principes  innovés  fait  prendre  une  direction  diver- 
gente à  la  mise  en  œuvre  des  mêmes  matériaux. 

La  transformation  du  pilier  en  colonne  ne  se  suit-elle  pas  de- 
puis le  petit  temple  de  Gyzeh,  les  hypogées  de  Memphis,  les 
temples  de  Kharnak,  depuis  le  tombeau  égyptien  de  "Béni -Hassan 
en  passant  par  Golgos  et  Eddé,  en  Chypre,  les  monuments  de  la 
Ptérie,  en  Asie  mineure,  jusqu'aux  temples  de  Corinthe,  d'Agri- 
gente,  de  Syracuse,  de  Ségeste  et  de  Pœstum  ? 

C'est  ainsi  également  que  l'architecture  du  moyen  âge  ne  se 
débarrassa  que  très  tard  de  certains  éléments  de  l'antiquité.  Le 
pilastre,  d'un  emploi  si  contestable  et  si  irrationnel  chez  les  Ro- 
mains, se  maintint  dégénéré,  il  est  vrai,  mais  encore  parfaitement 
caractérisé,  jusque  très  avant  dans  la  période  dite  romane. 

Dans  le  midi  de  la  France,  on  en  trouve  jusqu'au  xii^  siècle  ^. 
Dans  l'occident  de  l'Europe,  il  est  superflu  de  citer  l'exemple  de 


1  ViOLLET-LE-Duc.  Kist.  àtVhob.  humaine  p.  7X. 

2  Perrot  et  Chipiez,  Uht.  de  VArt  dans  V Antiquité,  I,  p.  509. 

3  Revoil,  Architecture  romane  dans  le  midi  de  la  France. 


^^^^^^^^m      —  9    -  IMIIIIIIIIliMMIimilllH 

Tabbaye  de  Lorsch (Allemagne), très  commet  qui  n'est  pas  unique, 
bien  loin  de  là. 

Plus  tard,  on  le  retrouve  successivement  au  baptistère  de 
Saint-Jean  à  Poitiers,  à  Saint-Front  de  Périgueux  (x^  siècle);  — 
dans  la  haute  Bourgogne,  le  Morvan  et  la  haute  Champagne,  il 
persiste  jusqu'au  commencement  du  xiii^  siècle.  On  le  voit  dans 
les  cathédrales  d'Autun  et  de  Langres,  dans  les  églises  de  Saulieu 
et  de  Beaune  *,  et  même  dans  l'abbatiale  bénédictine  de  Vezelay 
(Yonne.) 

Nous  avons  observé  naguère,  de  véritables  pilastres  sur  les 
clochers  des  églises  de  Winxele  et  d'Hérent  (xi^  et  xii^  siècles). 
On  pourrait  en  citer  beaucoup  d'autres. 

C'est  pourtant  là  un  des  éléments  les  plus  illogiques  de  l'archi- 
tecture romaine,  et  dans  son  œuvre  d'épuration  rationnelle,  il 
semble  que  l'école  du  Bas- Empire,  aurait  dû  s'en  débarrasser 
rapidement. 

Il  est  vrai  de  dire  que,  dans  l'Ile  de  France,  qui  a  été  le  centre 
novateur  de  tout  le  mouvement  architectural  de  la  période  romano- 
ogivale,  le  pilastre  ne  se  retrouve  pas,  car  la  tradition  y  a 
été  bien  vite  annihilée  par  la  transformation  successive  et  très 
rapide  des  éléments  de  construction. 

C'est  ainsi  enfin,  pour  prendre  un  dernier  exemple  de  cet 
état  de  choses,  que  lorsqu'à  la  fin  de  la  période  dite  gothique, 
l'art  du  moyen  âge  en  était  arrivé  à  un  monde  de  prescriptions 
et  de  a  secrets  w  précieusement  gardés  dans  les  corporations  et 
que  cet  état  de  choses  présageait  une  décadence  prochaine,  l'avè- 
nement de  la  Renaissance  se  fit,  non  par  la  mise  en  place  (en  bloc 
pour  ainsi  dire)  d'un  style  nouveau,  mais  bien  par  une  transition 
longue  et  continue.  La  colonne  romaine,  avec  ses  donnéesfixes,  ne 
prend  la  place  du  pilier  du  moyen  âge  qu'en  empruntant  à  celui-ci 
ses  proportions  spéciales  et  si  variables  ;  l'arc-boutant  persiste 
aussi,  ne  disparaît  que  bien  longtemps  après  ;  l'architrave  et 
tout  l'entablement  ne  supplante  l'arcade  ogivale  que  par  une 
suite  de  transitions   et   enfin  le  piédestal,   cette  superfétation 


I  ViOLLET-LE-DUC.  Dict.  (T Architecture,  VII.  p.   150. 


lO    — 


introduite  sous  la  colonne  par  Tart  latin,  ne  reparaît  que  diffi- 
cilement dans  ses  formes  antiques. 


•3f    ^ 


A  notre  époque  d'anarchie  artistique,  ces  principes  ne  sont 
pourtant  plus  rigoureusement  vrais. 

La  science  moderne  nous  a  fait  connaître  les  monuments  de  tous 
les  peuples  et  de  tous  les  temps  ;  elle  a  mis  à  notre  disposition, 
des  matériaux  inconnus  du  passé  et  demandant  une  esthétique 
nouvelle  non  encore  connue. 

En  ce  temps  donc,  trop  de  coefficients  étant  en  jeu  pour  qu'on 
puisse  sérieusement  étudier  le  résultat  de  leurs  influences  contra- 
dictoires, les  principes  que  nous  avons  posés  ci-dessus  ne  sont 
plus  justes,  mais  ils  le  sont,  pensons-nous,  lorsqu'on  les  applique 
à  toutes  les  autres  époques  de  l'histoire. 


Voici  suffisamment  de  développements,  pour  prouver  les  prin- 
cipes dont  nous  croyons  devoir  nous  inspirer  pour  l'étude  des 
fonts  baptismaux. 

De  siècle  en  siècle,  de  période  en  période,  nous  suivrons  la 
transformation  lente,  Téclosion  difficile  des  formes  nouvelles 
données  à  ces  meubles  d'église. 

Telle  est  en  effet,  en  ce  qui  les  concerne,  la  force  de  la  tradition, 
que  souvent  l'influence  des  changements  de  styles  ne  s'est  fait 
ressentir  que  dans  leur  ornementation.  C'est  ainsi  que  suivant 
M.  Enlart,  on  trouve  à  Davenescourt  et  à  Fécamp,  dans  le  nord 
de  la  France,  des  cuves  du  xvi^  siècle,  dont  le  plan  se  rapproche 
complètement  de  celui  des  fonts  romans  à  cinq  colonnettes  ^ 

C'est  ainsi  également,  que  les  fonts  de  Spontin  (Belgique)  que 
nous  signale  notre  confrère  M.  le  major  Combaz,  sont  du  xvi^  siècle, 
tout  en  ayant  les  dispositions  des  fonts  de  la  période  romane. 

Nous  verrons  donc  les  mêmes  formes,  à  l'ornementation  près, 
se  reproduire  à  des  époques  différentes,  mais  aussi  dans  des  con- 
trées diverses. 

Nous  supposons  que  ce  fait  peut  s'expliquer  par  des  communi- 

1  M.  Enlart,  cité  par  M.  Périn  dans  V Architecture,  journal  hebd.  de  la  Société 
centrale  des  architectes  français.  Ile  année,  n^  25,  p.  299. 


—   II   — 

cations  existant  de  ce  temps  entre  les  gens  d'église,  les  archi- 
tectes monacaux  et  les  artisans  civils  de  ces  contrées. 

On  pourrait  peut-être  aussi  y  trouver  la  preuve  de  certaines 
ordonnances,  de  règles  fidèlement  suivies  ou  surtout  de  centres 
de  fabrication  d*oii  l'on  expédiait  ces  meubles  au  loin.  Ceci  est 
prouvé  pour  Tournai  ;  car,  comme  le  disent  très  justement  MM.  de 
LA  Grange  et  Cloquet,  on  retrouve  des  fonts  en  pierre  prove- 
nant des  environs  de  cette  ville  dans  tout  le  nord  de  la  France  *, 
les  Flandres,  le  Hainaut  et  même,  parait-il,  en  Angleterre  ^. 

M.  Enlart,  dont  nous  avons  déjà  eu  occasion  de  citer  le  nom, 
a  dit  en  outre  à  un  des  derniers  congrès  tenus  à  la  Sorbonne  parles 
Sociétés  savantes  de  France  (1889),  que  beaucoup  de  fonts  du 
Nord  de  la  France,  datant  de  Tépoque  romane,  doivent  pro- 
venir des  ateliers  de  Tournai  et  de  Boulogne,  comme  le  prou- 
vent la  nature  de  la  pierre  employée  et  la  ressemblance  frap- 
pante qu'ils  présentent  entre  eux. 

M.  Desmaison  a  ajouté  qu'en  Champagne,  on  rencontre  égale- 
ment beaucoup  de  fonts  baptismaux  romans  en  pierre  bleue  de 
Belgique  ;  à  partir  du  xiii^  siècle,  les  sculpteurs  firent  usage  de 
la  pierre  du  pays. 

Il  est  probable  que  des  sièges  de  fabrication  existaient  dans 
tous  les  pays  possédant  de  la  pierre  en  grand  échantillon. 

On  en  cite  un  tout  particulièrement  en  Allemagne  ;  c'est  celui 
de  Bentheim,  chef  lieu  de  l'ancien  comté  feudataire  du  même  nom 
dans  le  Hanovre  et  situé  non  loin  de  la  frontière  néerlandaise. 

Ce  dernier  centre  de  fabrication  a  dû  être  fort  important,  puis- 
que tout  le  nord  des  anciens  Pays-Bas  s'y  fournissait  de  pierres 
blanches. 

Ainsi  que  veut  bien  nous  le  dire  notre  ami  M.  J.  A.  Frederiks, 
architecte  du  Gouvernement,  à  Middelbourg  (Ile  de  Walcheren), 
elle  était  fort  en  usage  en  Zélande,  aux  xv^  et  xvi^  siècles. 

1  Les  beaux  fonts  de  Chéreng  (à  6  kil.  de  Lille)  sont  en  pierre  de  Tournai. 
Revue  de  VArch.  et  des  Travaux  publics.  XXI,  p.  98.  A  Saint-Just  dans  l'Oise, 
M.  WoiLLEZ  a  signalé  une  cuve  en  a  pierre  noire  ayant  la  dureté  et  le  poli  du 
marbre  »  et  qui  pourrait  bien,  à  en  juger  par  ce  détail  et  le  style  de  l'ordonnance, 
provenir  des  ateliers  hennuyers. 

2  A.  DE  LA  Grange  et  L.  Cloquet.  Études  sur  Vart  à  Tournai  et  sur  les 
anciens  artistes  de  cette  ville.  Tournai,  1887,  vol.  L,  p.,  97. 


—    12    — 

On  l'y  employait  concurremment  avec  la   pierre  de  Brème' 
et  celle  de  Tournai  et  de  Namur  ;  on   retrouve  la  preuve  de 
remploi  de  cette  dernière  à  partir  du  xiii^  siècle. 

M.  J.  Ortt  van  Schonauwen  a  signalé  l'emploi  de  la  pierre  de^ 
Namur  pour  des  fonts  baptismaux,  aux  environs  d'Utrecht,  à 
Bunschoten,  entre  autres  *. 

■  Il  est  probable  aussi  que  les  fonts  qui  se  trouvent  en  Cham- 
pagne sont  également  de  Namur.  En  Allemagne,  on  cite  un  grand 
nombre  de  ceux-ci  dans  les  contrées  rhénanes.  M.  Otte  le  fait  et 
dit  qu'ils  sont  exécutés  en  marbre  noir  de  Namur  ^. 

■X- 

Il  faudrait  donc  toujours,  lorsqu'on  décrit  des  fonts,  bien  préciser 
en  quelle  pierre  ils  sont  faits.  C'est  très  important,  car  nous  le 
répétons,  les  mêmes  formes  se  retrouvent  dans  des  pays  fort 
différents,  et  il  serait  alors  intéressant  d'établir  leurs  endroits 
d'origine. 

M.  Enlart^  a,  le  premier,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut, 
insisté  sur  les  lieux  d'origine  des  fonts  et  la  nature  géologique 
de  la  pierre  employée. 

Distinguant  le  calcaire  de  Tournai  de  celui  de  Boulogne,  il 
confirme  la  thèse  exposée  précédemment  par  MM.  de  La  Grange 
et  Cloquet  dans  leurs  Etudes  sur  l*Art  à  Tournai,  et  attribue  aux 
ateliers  tournaisiens  les  fonts  d'Evin,  Neuf-Berquin,  Vimy, 
Guarbecques,  Ames-Saint-Venant,  la  Neuville-sous-Corbie,  Saint- 
Pierre  de  Montdidier,  Vermand  et  Chéreng. 

Cet  exemple  devrait  être  suivi. 

■X- 

Mais  à  côté  de  ces  fonts,  de  même  origine,  il  en  est  d'autres 
pour  lesquels  il  est  fort  difficile  d'admettre  le  transport  et  qui 
pourtant  se  ressemblent. Pour  ceux-là,  nous  admettrions  plutôt  les 
rapports  entre  constructeurs  ou  l'observation  de  certaines  règles 
canoniques. 

Quoi  qu'il  en  soit  et  en  n'abordant  qu'incidemment  ce  sujet,  qui 

1  Kronyk  van  het  historisch  Genootschap.  Utrecht  1858,  p.  151. 

^  H.  Otte,  op.  cit.  p.  307. 

3  M.  ExLAKT  cité  par  M.  CcoauET,  Revue  de  V Art  chrétien,  1890,  p.  416. 


—  13  — 

ne  touche  que  de  loin  aux  matières  que  nous  demandons  à  traiter 
dans  cette  étude,  ajoutons  que  l'on  ne  peut  pas  dire  qu'il  y  ait 
succession  dans  les  formes  ;  que  par  exemple,  la  cuve  a  rem- 
placé la  piscine  des  baptistères,  que  les  fonts  pédicules  ont  remplacé 
les  fonts  cylindriques,  etc. 

Loin  de  là  ;  la  cuve  est  une  dégénérescence  de  la  piscine  des 
baptistères;  les  fonts  pédicules,  une  transformation  des  fonts  cylin- 
driques, mais  ces  formes  ont  été  parfois  en  honneur  dans  les  mê- 
mes temps,  dans  les  mêmes  pays,  bien  plus,  la  forme  procréée  a 
souvent  disparu  avant  la  forme  mère.  Donc,  il  n'y  a  pas  eu  suc- 
cession, mais  procréation,  et  on  ne  peut  pas  dire,  en  reprenant 
l'exemple  ci-dessus,  que  les  fonts  pédicules  ont  succédé  aux  fonts 
cylindriques,  mais  seulement  que  les  premiers  sont  une  dégénéres- 
cence des  seconds. 

Cette  transformation  s'est  faite  parfois  très  rapidement  et  nous 
soupçonnons  même  que  certains  ateliers  fabriquaient,  en  même 
temps,  des  fonts  de  formes  qui  actuellement  semblent  être  déduites 
les  unes  des  autres. 

Mais  c'est  là  une  supposition  que  rien  jusqu'ici  ne  vient  prouver 
et  qu'une  étude  approfondie  des  ateliers  de  fabrication  des  fonts 
et  dés  dates  pourrait  seule  vérifier. 

Encore  n'est-ce  pas  sûr. 

Car  il  faut  se  défier  de  la  haute  antiquité  que  l'on  attribue  à 
certains  fonts.  Les  indices  sont  minces  en  l'absence  presque  tou- 
jours complète^  de  toute  indication  manuscrite  ;  la  forme  généri- 
que, en  bien  des  cas,  n'est  que  de  peu  de  poids  ;  l'ornemen- 
tation, le  style  des  inscriptions,  les  détails  architcctoniques, 
la  grandeur  relative  des  fonts  par  suite  de  la  substitution  de 
l'infusion  à  l'immersion,  sont,  la  plupart  du  temps,  les  seuls 
facteurs  à  mettre  en  ligne  de  compte. 

Or,  c'est  chanceux  d'arriver  —  de  cette  façon  —  à  une  évalua- 
tion juste. 

Notre  éminent  et  savant  confrère  de  la  British  Archœological 
Association,  M.  J.  Romilly  Allen,  Esq.,  a  lu  le  i^^  juji^  1887,  à 
cette  société  savante,  un  mémoire  intitulé  :  On  the  Aniiqidty  of 


—  14  — 

fonts  in  Great  Britain)  et  dans  lequel  il  établit  les  points  principaux 
qui  font  reconnaître,  en  Angleterre,  l'antiquité  des  fonts. 

C'est  tout  d'abord  le  style  paléographique  des  caractères  de 
l'inscription,  s'il  y  en  a  une,  et  le  cas  échéant,  les  noms  des  dona- 
teurs, des  artistes  auteurs  des  fonts,  ou  naturellement  les  dates, 
ce  qui  est  assez  rare. 

On  cite  pour  ce  dernier  cas,  ceux  deS^-Mary's,  Beverley  (1530)  ; 
qui  portent  une  curieuse  inscription  en  vieil  anglais  que  l'on 
traduit  par  : 

PRIEZ    .      POUR    .      l'aME    .     DE    .      WILLIAM    .      TERIFFAXE    .     DRAPIER 

ET    .    SON    .    ÉPOUSE    .    QUI    .      ONT    .      FAIT    .      FAIRE    .     CES    .     FONTS 

A    .    LEURS    .      FRAIS    .     LE   .     X    .     JOUR    .     DE    .     MARS    .    DE    .    l'aN 

DE     .     N     .     s     .      1530     . 

de  Walsoken,  Norfolk  (1544)  ;  EUesmere  Shropshire  (1569)  ; 
Wixhall  Chapel,  Shropshire  (1608)  ;    Probus,  Cornwall  (1661)  \ 


Fig.  I.  —  Fonts  de  l'église  de  Waha  (Belgique),  xvi®  s,  dessin  de  M.  E.  Puttaert. 

Sandal  Magna,  Yorkshire  (1662)  ;  Cumwhitton,  Cumberland 
(1662);  etc.  On  ne  peut  en  citer  qu'un  seul  exemple  antérieur  au 
xv^  siècle  :  les  fonts  de  Kirton  dans  le  Lincolnshire  (1405). 


15 


\Cv!yre  baptismale 


En  Belgique,   nous  ne    connaissons  que  les  fonts  de  Waha 
(fig.  i),  datés  de  1590,  et  portant  l'inscription  : 

/nbarie  .  fille  .  a  .  Ibuber  .  ^c  -  Ibcbre 

at  .  tfonc  .  cest  .  pis  .  pot  .  fait  .  prier 

pour  .  son  .  âme. 

et  ensuite  ceux  de  Laroche  (1593);  et  de  Solre-sur-Sambre  (1434)  *, 
(fig.  2)  ;  ces  derniers  portent  l'inscription  : 

%'an  .  /nbCCCd  .  trente  .  quatre  . 

pour  .  enfans  .  en  .  son  . 

JSaptister  .  ^onna  .  ces  . 

3fons  .  li  .  escolastre  .  be  . 

Sougnies  .  ja  .  li  .  Carlier. 

Citons  encore  les  fonts  portant  ~\  """'  '    T 

des   dates  ou   des   inscriptions, 
de   Saint- Barthélémy    à   Liège 
(11 12),  de  Saint-Germain  à  Tir- 
lemont  (1149),  de  N-D.   de  Hal 
(1456)  avec  le  nom  de  l'auteur  1 — 
Willaume  le  Fèvre)  ^,  de  Lou-  iT" 
vain  (Eglise  S^-Pierre),  de  Wil-     r 
deren,  Beernem,  Berlaer  ^,  etc. 

Les  fonts  à  armoiries  ne  sont 
pas  plus  communs  dans  notre 
pays  ;  nous  ne  pouvons  citer  que 
ceuxde  Brugelette  (xv^s.)  (fig. 7.) 

On  en  cite  beaucoup  en  An- 
gleterre et  en  Ecosse. 

Nous  aurons  occasion  de  citer, 
au  cours  de  ce  travail,  les  fonts 
à  inscriptions  de  la  Scandinavie    p^^^  ^  _  p^^^^  ^^  ^.^^.^^  ^^  S^l^^. 
(fig.5,  fonts  de  Baarse-Danemark)      sur-Sambre  ^.  —  Belgique  —  xve  s. 

^  Van  Bastelaer,  Annales  de  la  Soc.  palêont.  et  archéol.  de  Charleroi,  vol.  X. 

2  voici  cette  inscription  : 

Ces  fonts  fist  millaume  Xe  ff evre  ton^eur  à 
XTourna^  l'an  /IDCCTCCïXlDλ 

3  Ces  fonts  aujourd'hui  détruits  portaient  l'inscription  :   Giefte  van  Gommer 
Lysen  alieas  de  Hokd.  1608  (sic)  Tu.  de  Raadt,  Berlaer  et  ses  seigneurs,  p.  117. 

^  Cliché  obligeamment  prêté  par  la  Société  paléontologique  et  archéologique  de 
Charleroi.' 


s: 


Pour  r«?a\^S  Cw  Cor.    "i' 
¥on«'i%  rfcoTatttf  ^l' 


e 


—  i6  — 

En  France,  on  cite,  entre  autres,  les  fonts  de  Neuvy-Sautour, 
de  Molsheim,  1624,  (Alsace)  portant  les  noms  de  leurs  donateurs  ; 
ceux  de  Bordeaux  —  (église  Saint-Seurin),  Magneville  (Manche), 
Perpignan,  Plally,  —  ceux-ci  portent  l'inscription  : 
J'ons  aquœ  vitœ 

Folleville  et  de  Beaumont  (Tarn-et-Garonne)  : 

iRist  Quts  renatus  fuerit  ej  aqua  et  Sptritu  sancto  non 
potest  introlre  in  rcGnum  Dei  (1583) 

portant  des  inscriptions  religieuses  ;  ceux  du  Musée  de  Mont- 
pellier portant  des  armoiries  semblables  à  celles  du  comté  de 
Toulouse  ;  ceux  de  Lurville  (1544)  et  de  Plailly  sont  datés,  ainsi 
que  ceux  de  Blosseville-ès-Plains  (Seine-Inférieure),  qui  portent 
rinscription  : 

3e  fns  teste  Tan  mtl  ID-  Ï55Î 

et  ceux  du  Saint-Sépulcre  de  Montdidier,  qui  nous  présentent 
l'inscription  : 

3e  tus  cbi5  mis  et  assi  neut  Tan  mtl  ID^  ïïïîï 

Le  nom  du  sculpteur  se  trouve  sur  les  fonts  de  Beaumont- 
sur-Sardolles  (Nièvre)  qui  nous  apprennent  que 

Ces  tonts».»»  a  tait  taire  par  Hutboene  IRouarb, 
le  10  mars  X541» 

Enfin,  ceux  de  Mélan  portent  une  inscription  rappelant  un  fait 
historique  (le  baptême  des  rois  Charles  V  et  Charles  VI). 

En  Itahe,  les  fonts  de  la  cathédrale  d'Assise,  de  l'église  Saint- 
Just  de  Suse,  du  couvent  des  sœurs  à  Murano  ;  en  Allemagne, 
ceux  de  Osnabruck,  Brandebourg,  Hildesheim  présentent  des 
inscriptions  religieuses,  tandis  que  d'autres  portent  les  noms  de 
leurs  auteurs  *. 

On  cite,  à  Wurzbourg,  l'inscription  : 

Bcftarbus  .  nomen  ♦  mtbi  ♦  Ipaj  .  sit  .  beprecor  ♦ 

et  en  Italie,  à  Lucques  (1154)  : 

IRobertus  magister 

1  CORBLET.   —  Les  lieux  au  haptême.  ■ —  Revue  de  V art  chrétien j  1878. 


—  17  — 

Mais,  voici  dans  son  ensemble,  et  avec  les  principaux  exemples 
cités,  les  caractères  permettant  de  reconnaître  scientifiquement,  et 
avec  toute  certitude,  l'antiquité  des  fonts  dans  la  Grande-Bretagne, 
d'après  le  savant  mémoire  de  M.  J.  Romilly  Allen  ; 

Exemples 

,           ^   ,                ,     (  fonts  de  Bridekirk  (Cumberland)  i. 

donnant   le  nom   de    l  t  .^.,    r>.,,-       ,\j     \      '         u-    n  9 

1,    ..  .            ,     ,           ]  »       «  Little  Billing  (Northamptonshire)  ^, 

1  artiste  ou  du  dona-  <  n    ♦•  u        ro      \        \   X,-    \  %     ^ 

i  »       »  Pratishow  (Brecknockshire)  3. 

f      »       »  Keysoe  (Bedfordshire)  "*,  etc. 

TOI      j  donnant  le  texte  d'un  (  ^  ,    p,              ..,..,    ,  .    . 

I.  Styles  des  carac-  !  ^^^^^^^  ^^  Yxm^z  reli  ^  ^^"^^  ^^  Potterne  (Wiltshire)  xie  s. 

tèresdel'inscrip-  /  ^ieux  relativement  au  )  ''       ''  Lullington  (Somersetshire)  xiie  s. 

tion.  \  baptême.  f  "       ^^  Adderley   (Shropshire)  xiie  s.,etc.  ^ 

donnant  la  significa-   l    fonts  de  Hook  Norton  (Oxfordshire)  xiie  s. 

tion  des  sujets  sculp-  ''       ''  nT^''^n  ^Tt    \''^  e"'  '' 

tés  sur  les  fonts  ''       ''  Bakewell  (Derbyshire)  xii^  s. 

(      »       »  Brookland  (Kent)  xiie  s.,  etc. 

1  Ces  fonts  (xiie  s.),  portent  l'inscription  : 

RlKARTH  HE  ME  IWROKTE 
&    TO    THIS  MERTHE    GERNR    ME    BROKTE 

en  dialecte  mi-scandinave,  mi-anglais  primitif  et  qui  doit  se  lire  : 
Richard  he  me  wrought 
(Richard  il  me  travailla) 
And  to  this  beauty  carefully  me  brought 
(et  à  cette  beauté  soigneusement  m'amena). 
^  Ces  fonts  portent  l'inscription  : 

WlGBERHTUS    ARTIFEX    ATQ..  C.EMENTARIUS    HUNC   FARRICAVIT. 
Q.UISQ.UIS    SUUM      VENIT     MERGERE    CORPUS    PROCUL     DUBIO     CAPIT 

(Wigberhtus,  artisan  et  maître-maçon,  fait  cela  [ces  fonts]) 
(quiconque  vient  y  plonger  son  corps,  prend  [le  rite]) 
Le  savant  M.  Romilly  Allen  l'attribue,  d'après  les  caractères  paléographiques  de 
l'inscription,  au  xie  siècle. 

^  Ces  fonts  portent  l'inscription  : 

Menhir  me  fecit  i(n)  te(m)pore  Genillin 
(Menhir  m'a  fait  du  temps  de  Genillin) 
d'après  M.  le  prof.  Westwood,  il  s'agirait  de  Genyllin  Voel,  seigneur  de  Ystradwy 
et  prince  de  Powis  au  miheu  du  xie  siècle. 
■*  Portant  l'inscription  en  vieux  français  : 

Tr£stui  ke  par  hici  passerui 

PUR  le  ALME  WaREL  PRIEU 
ke  DEU  par  sa  GRACE 
VERRtY  MERCI  LI  FACE  —  AM. 

Ces  fonts  datent  du  xiiie  siècle. 

^  Ces  fonts  portent  la  bizarre  inscription  : 

Hic  Mâle  primus  homo  fruitur  cum  conjuge  pomo 

2 


—  i8 


II.  Style  de  l'orne- 
mentation. 


III.  Style  des  fi- 
bres dans  les 
bas-reliefs. 


emploi  de  formes  cel- 
tiques ou  saxonnes. 


IV.  La   décoration   |    ^-^j 

"1 


Arcades. 
,     j       ,    — lonnes. 
architecturale  des   j   Moulures, 
fonts. 


V.  Emploi  d'objets 
plus  anciens  tels 
que  :  fragments 
d'édifices  anté- 
rieurs, etc. 


etc. 


colonnes  romaines. 


autels  romains. 


fonts  de  Pennon  (Anglescy). 
»       »   Deerhurst  (Gloucestershire). 
»       »  Eegmund  (Shropshire). 
»       »   Eardisley  (Herefordshire). 
»       »  Chaddesley  Corbett(Worcestershire). 
»       »  Bucknell,  etc. 

»       »  Mellor  (Derbyshire). 
fonts  de  Tissington  (Derbyshire), 


fonts  de  Kenchester  (Herefordshire). 
»       »  Wroxeter  (Shropshire). 

j    fonts  de  Staunton  (Herefordshire). 
I       »       »  Haydon  (Northumberland). 


pied  de  croix  saxonne,  j   fonts  de  Wilne  (Derbyshire). 


■5f 
•3f       ^ 


Tous  ces  caractères;  proposés  par  M.  J.  Romilly  Allen, 
sont  applicables  aux  fonts  de  l'Europe  centrale,  à  condition  d'y 
ajouter,  comme  nous  le  disions  plus  haut  : 

VI.  La  grandeur  relative  des  fonts. 

VIL  La  présence,  sur  les  fonts,  d'armoiries  qui  donnent  des  indi- 
ces sur  leur  âge. 

Moyennant  cette  adjonction,  nous  adoptons  pleinement  la  thèse 
développée  par  l'honorable  M.  Romilly  Allen,  que  nous  félici- 
tons bien  chaleureusement,  pour  l'ordre  qu'il  a  su  apporter  en 
ces  matières  restées  si  confuses,  malgré  les  nombreuses  études 
faites  jusqu'à  ce  jour  *. 

Telles  sont,  dans  leurs  lignes  générales,  les  quelques  observa- 
tions que  nous  avons  tenu  à  faire,  avant  d'aborder  le  sujet  principal 
de  cette  étude. 


1  J.  Romilly  Allen,  esq.,  F.  S.  A.  Scot.  On  the  antiquity  of fonts  in  Great  Britain,- 
British  Archîeological  Association  --  1888,  p.  164  et  suiv. 


19 


BâpTlsfèFB  Ô9Mov;are.(yfsJ 


coupa. 


B 


:çua. 


Fig.  3.  —  Baptistère  de  Novare 
(dessin  de  l'auteur). 


Les  Baptistères. 


our  suivre  avec  cer- 
titude la  filiation  de 
toutes  les  formes  des  fonts 
baptismaux,  il  convient,  d'a- 
près nous,  d'aborder  cette 
étude  par  quelques  vues  gé- 
nérales sur  les  baptistères 
de  la  primitive  Eglise. 


—    20    — 

C'est  peut-être  remonter  un  peu  haut  ;  on  le  trouvera  au  pre- 
mier abord,  mais  nous  le  croyons  nécessaire,  car  c'est  là  que  ^se 
trouvent  en  germe  toutes  les  idées  qui,  plus  tard,  amèneront 
les  formes  successives  des  fonts  baptismaux. 

Il  est  donc  impossible  d'étudier  ceux-ci  sans  entrer  dans  quel- 
ques détails  sur  les  baptistères^ 

Suivant  Tertullien  ^  les  premiers  chrétiens  n'avaient  d'au- 
tres baptistères  que  les  fontaines,  les  rivières  ^,  les  lacs  ou, 
mais  plus  rarement,  la  mer. 

Le  baptême  se  donnait  par  immersion,  mais  aussi  parfois  par 
aspersion,  puisque  des  apôtres  baptisaient  des  milliers  de  person- 
nes en  un  jour.  (Fig.  4). 

Cet  usage  se  perpétua  jusqu'au  vi^  siècle,  car  au  dire  de  Bède 
LE  Vénérable,  (672  f  735),  Saint  Paulin,  évêque  d'York,  bap- 
tisait les  Angles  dans  des  rivières  ^. 

10,000  Anglo-Saxons  furent  baptisés  après  les  prédications  du 
moine  Augustin  et  de  ses  compagnons,  à  la  fête  de  Noël  de 
Tan  597,  dans  les  eaux  de  la  Swale  au  confluent  de  la  Medway. 

M.  le  professeur  Lindsay  dit  cependant  que  le  Concile  de 
Ravenne  de  131 1  est  le  premier  qui  ait  légalisé  le  baptême 
par  aspersion  [sprinkling)  en  le  laissant  au  choix  du  ministre 
officiant  *.  • 

Dans  les  catacombes  de  Rome,  les  premiers  chrétiens  prati- 
quèrent des  baptistères.  On  cite  particulièrement  celui  du  cime- 
tière de  Saint-Pontien  qui  remonte  au  iii^  siècle. 

Mais  cela  ne  donne  pas  idée  encore  des  dimensions  que 
prirent  ces  édifices  après  la  conversion  de  Constantin  le  Grand. 

Il  s'agissait  de  donner  une  grande  solennité  à  l'administration 

1  Tertullien,  De  haptismo,  chap.  iv. 

2  Le  Sauveur  baptisé  par  Saint-Jean-Baptiste  dans  les  eaux  du  Jourdain  est 
représenté  sur  une  mosaïque  du  ve  siècle,  placée  au  centre  de  la  coupole  du  bap- 
tistère orthodoxe  de  Ravenne.  C'est  un  document  précieux  pour  l'iconographie 
chrétienne  ;  d'ailleurs  cette  représentation  est  fort  fréquente  sur  les  fonts  et  tou- 
jours d'une  façon  presque  identique  et  semblant  traditionnelle.  Nous  citerons  les 
bas-reliefs  des  fonts  de  Saint-Barthélémy  à  Liège,  ceux  de  Fenal  (Namur)  etc.,  etc. 

3  Hist.  eccl,  sentis  an^lonmi,  lib.  II,  chap.  14  et  16. 
*  Encyclopedia  Britannica,  vol.  III,  p.  348. 


—    21    — 

du  baptême,  et  bientôt  on  vit  s'élever  des  baptistères   extrême- 
ment vastes  et  presque  tous  dédiés  à  SAmT -Jean-Baptiste. 

C'est  ainsi  que  celui  de  Téglise  Sainte-Sophie  de  Constanti- 
nople  était  si  spacieux  qu'il  servit  d'asile  à  l'empereur  Basilisque 
qui  disputait  le  trône  de  Byzance  à  Zénon-lIsaurien  (475),  comme 
le  dit,  à  ce  propos,  M.  de  Quatremère  de  Quincy  ^  et  de  salle 
d'assemblée  à  un  concile  fort  nombreux. 

Jusqu'au  ix^  siècle,  le  baptême 
se  donnait  par  immersion,  la  veille 
des  deux  grandes  fêtes  de  Pâques 
et  de  la  Pentecôte  ^,  dans  les  églises 
métropolitaines,  par  les  évêques 
qui,  seuls, ^  avaient  le  droit  de  l'ad- 
ministrer '•". 

Cet  usage  semble  s'être  établi  à 
dater  du  v^  siècle,  car  il  est  certain  ^.  r    ,      . 

.  .      rig.  4. — .Le  baptême  par  immersion 

que  dans  les  premiers  temps  de  1  E-        et    par    aspersion  —  fresque     au 

glise,  on  baptisait  sans  observer  ni      cimetière    de  Saint-Calliste    à 

,       .  -1        ,  K  Hume.  (Dessin  de  l'auteur). 

les  jours,  ni  les  époques  ^. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  fallait  donc  de  vastes  espaces  pour  con- 
tenir le  grand  nombre  de  catéchumènes  qui  venaient  de  toute 
part  recevoir  le  sacrement  regénérateur. 

De  là  l'origine  des  baptistères. 

Ces  édifices,  fort  vastes  comme  nous  venons  de  le  dire,  étaient 


1  Op.  cit.,  p.  157. 

2  Ci.ovis  fut  pourtant  baptisé  le  jour  de  Noël,  voir  Reusens,  Eléments,  I, 
page  152. 

3  Voici  ce  qu'en  dit  M.  l'abbé  Martigny  dans  son  Dictionnaire  des  antiquités  chré- 
tiennes :  Primitivement  les  évêques  seuls,  successeurs  des  apôtres  et  héritiers  de 
leur  pouvoir  (Matth.  xxviii,  19),  administraient  le  baptême  solennel  (Tertull. 
Debaptismo,xwu).  Les  prêtres,  sous  l'autorité  des  évêques,  étaient  aussi  les  minis- 
tres ordinaires  de  ce  sacrement  {Const.  apost.  III,  II).  Les  diacres  ne  le  conféraient 
qu'en  vertu  d'une  délégation  épiscopale  [ibid.  VIII,  28).  Dans  le  cas  de  nécessité, 
les  laïques  pouvaient  baptiser,  pourvu  qu'ils  ne  fussent  pas  bigames  et  qu'ils  eus- 
sent reçu  le  sacrement  de  confirmation  (Concil.  llîib.  can.  XXXVIII.) 

*  G.   DuRANDUS,  Ration,  divin,  officior.  I.  6,  §  25. 

5  ViOLiET-LE-Duc.  Dictionnaire  de  V architecture  française,  \ .,^.  534. 


—   22    — 

isolés  des  basiliques,  quoique  situés  le  plus  souvent  dans  leurs 
environs  immédiats.  On  jugeait  nécessaire  que  les  catéchumènes 
fussent  baptisés  avant  d'avoir  libre  accès  dans  la  basilique  ^ 

Les  baptistères  étaient  de  forme  rarement  carrée,  plutôt  ronde, 
octogone  ou  quelquefois  hexagonale;  ils  avaient  un  enfoncement 
Qwpiscina  rappelant  le  bassin  (impluvium)  des  habitations  antiques 
et  où  l'on  descendait  par  quelques  marches  pour  entrer  dans 
l'eau  K 

Ce  bassin,  lahrum^  lavacrum,  était  assez  large  et  assez  profond, 
d'après  M.  Batissier,  pour  contenir  plusieurs  personnes  à  la 
fois  ^.  Il  recevait  Teau  d'une  source  ou  des  fontaines  de  la  ville. 
Ses  formes  ont  varié  beaucoup. 

On  employa  ensuite  des  cuves  de  granit,  de  porphyre  ou  de 
marbre,  enlevées  aux  thermes  impériaux  ^.  Quand  on  ne  pouvait 
se  procurer  des  bassins  de  cette  sorte,  on  rassemblait,  sur  un 
plan  carré  ou  polygone,  des  tablettes  de  pierre  dressées  autour 
d'une  aire  de  béton  qui  formait  le  fond  de  la  cuve  ^.  Mais  n'anti- 
cipons pas,  et  décrivons  d'abord  quelques-uns  des  principaux 
baptistères,  à  piscine  creusée  en  contre-bas. 

Le  baptistère  ôiit  de  Constantin  {SanGiovanni  in  fonte)  à  Rome  ^ 
bâti  à  la  fin  du  iv^  siècle,  ou  peut-être  par  le  pape  Sixte  III 
(t  440),  nous  en  montre  l'exemple  le  plus  ancien  que  nous  con- 
naissions. Elevé  avec  des  fragments  de  monuments  antiques,  il 
se  compose  d'une  piscine^  entourée  de  huit  colonnes  corin- 
thiennes et  ioniques^  formant  la  galerie  de  l'enceinte  dont  le 
diamètre  est  de  19  mètres. 


1  Albert  Lenoir,  Architecture  monastique^  dans  la  Revue  de  l'Architecture  et  des 
Travaux  publics.  Paris,  1851,  vol.  IX,  pp.  386-387. 

2  Saint  Grégoire  de  Tours  dit  en  effet  que  les  baptistères  étaient  construits 
en  rond  et  qu'au  milieu  était  un  enfoncement  où  l'on  descendait.  Ai^ert  Lenoir, 
op.  cit.,  p.  387. 

3  Comité  historique  des  arts  et  monuments,  cahier  d'instruction.  Paris  1846, 
p.  65. 

*  Ajoutons  que  des  fragments  d'architecture  tels  que  des  chapiteaux,  des  bases, 
des  autels  etc.,  servirent  également  de  fonts,  après  une  transformation  sommaire. 

^  Batissier,  Histoire  de  l'art  monumental.  Paris  1845,  p.   375. 

^  Voir  HuBSCH  (trad.  Guerber),  Monuments  de  r architecture  chrétienne,  depuis  Cons- 
tantin jusqu'à  Charlemagne.  Paris  1866,  texte  p.  5,  planches  VII,  fig.  2,  VIII, 
fig.  6  et  7  ainsi,  que  Mgr  Barbier  de  Montaut  —  Revue  de  Vart  chrétien,  le  baptême 
au  moyen  âge,  1876,  p.  118. 


-  23  — 

Nous  ne  pouvons  nous  attarder  à  décrire  cet  édifice,  d'ailleurs 
fort  connu,  et  dont  l'historien  Anastase  vante  la  beauté  et  la 
richesse,  dans  sa  vie  du  pape  saint  Sylvestre  ^ 

M.  HuBSCH  fait  à  juste  titre  remarquer  qu'il  s'attache  plus  à 
décrire  la  beauté  du  bassin  baptismal  (d'un  diamètre  de  7  m. 
environ  et  richement  décoré  d'or  et  d'argent)  que  les  formes 
architectoniques  de  l'édifice.  Celles-ci  ne  peuvent  être  détermi- 
nées avec  certitude,  car  le  monument  a  subi  de  grandes  modi- 
fications. 

A  rapprocher  du  baptistère,  dit  de  Constantin,  celui  de  Novarê, 
composé  d'une  enceinte  de  forme  octogonale  et  couvert  par  une 
voûte  en  plein  cintre,  surmontée  d'une  lanterne  ajourée  ^.  (Fîg.  3). 

Signalons  encore  le  curieux  baptistère  d'Ezraen  Syrie  centrale, 
bâti  vers  la  fin  de  515  ou  au  commencement  de  516  ^,  celui  de 
la  ville  de  Nocera  degli  Pagani  dans  Tancien  royaume  de  Naples  ^, 
sur  lequel  nous  aurons  occasion  de  revenir,  et  le  baptistère^d'é' 
Biella  en  Italie  (ix^  siècle),  composé  de  quatre  absidioles  à'ccostées 
à  une  lanterne  centrale  carrée.  Rappelons  pour  mémoire  que 
l'usage  de  bâtir  des  baptistères  isolés  s'est  -perpétué  en  Italie 
jusqu'à  une  époque  très  rapprochée  de  nous.  Il  est  superflu 
de  citera  ce  propos,  ceux  de  Florence,  Sienne,  Parme,  Bari,  etc. 

Mais  occupons-nous  des  piscines  à  rebords  saillants,  qui  va 
bientôt  remplacer,  dans  les  baptistères  mêmes,  la  piscine  imitée  de 
Vi'mpluvmm  des  bains  antiques  ^. 

•X- 

La  piscine  à  rebords  saillants  s'est  pourtant  perpétuée  en  Italie, 
car  on  ne  peut  classer  que  dans  cette  catégorie  les  fonts  élevés 

1  Anastase.  Bibîiothec.  in  vUa  S.  Silvestri  :  «  Fontem  Sanctum  (fecit)  ubi  bap- 
«  tizatus  est  Augustus  Constantinus  ab  eodem  Episcopo  Sylvestre.  Ipsum  sanctum 
«  fontem  ex  lapide  porphyretico  ex  omni  parte  coopertum  intrinsecus  et  foris 
a  et  desuper,  et  quantum  aqua  continet  ex  argento  purissimo  in  pedibus  quin- 
«  que,  qui  persavit  argent!  libros  tria  millia  et  octo.  In  medio  fontis  columnos 
«  porphyreticos,  qu--^  portant  phialam  auream,  etc » 

^  Corroyer,  l'Architecture  Romane.  Paris  1888,  p.  69. 

3  Melchior  de  Vogué,  la  Syrie  centrale,  pi.  21.  —  Gosset,  Les  coupoles  d'Orient 
et  d'Occident,  —  Annales  delà  Société  d\ir théologie  de  Bruxelles.  1890,  vol.'iv,  pi.  xv. 

*  Albert  Lenoir,  op.  cit.,  p.  ^87. 

^  Corroyer,  op.  cit.,  p.  166. 


—   24  — 

par  Jacopo  della  Quercia  et  Lorenzo  Vecchietti,  en  14 14,  dans 
l'église  de  San  Giovanni  à  Sienne.  (PI.  i). 

En  marbre  blanc,  ces  fonts  sont  constitués  par  une  piscine 
hexagonale,  présentant  sur  chacune  de  ses  faces  des  bas-reliefs  en 
bronze,  sur  lesquels  sont  figurés  : 

i®  L'ange  apparaissant  à  Zacharie,  par  Donatello  ; 

2°  La  naissance  de  saint  Jean-Baptiste,  par  della  Quercia  ; 

3°  Saint  Jean  prêchant,  par  della  Quercia  ; 

4°  Saint  Jean  baptisant  le  Christ,  par  Lozenzo  Ghiberto  ; 

5''  Saint  Jeak  devàût  Hérode,  par  Lorenzo  Ghiberto  ; 

6°  Salomé  présentant   à   Hérode   la  tête  de   saint  Jean,  par 

P.  POLLAJOLA. 

Entre  xes  bas-reliefs,  des  statues  :  la  Foi  et  l'Espérance,  attri- 
buées à  Donatello,  la  Valeur  attribuée  à  Verrochio  et  enfin,  la 
Justice,  là  Charité  et  la  .Sagesse. 

Un  tabernacle  s'élève  au  miheu  de  la  piscine  ;  il  est  orné  des 
figures  de  la  Vierge,  avec  FEnfant-Dieu  et  des  saints. 

Au  sommet,  la  figure  de  saint  Jean,  par  Jacopo  della  Quercia, 
(1374  t  1438).  (Un  moulage  en  existe  au  South  Kensingion  mu- 
séum 1886-8  .) 


Fig.  5.  —  Fonts  de  Baarse-Danemark. 
.     Dessin  de  M.  Bulens, 
d'après  un  croquis  de  M.  Burman-Beckeh, 


PI.  I.  —  Fonts  baptismaux  de  la  cathédrale  de  San  Giovanni  à  Sienne. 


II 


Les  piscines  des  baptistères  à  rebords  saillants. 

es  baptêmes  de  catéchumènes  adultes  sont  devenus  moins 
nombreux,  depuis  que  TÉglise  s'est  établie  définitivement  au 
grand  jour.  Plus  n'est  besoin  d'avoir  des  piscines  de  40  ou  50 
mètres  carrés  ;  aussi,  celles-ci  diminuent-elles  de  grandeur  et  se 
transforment-elles.  Au  lieu  d'être  constituées  par  un  enfoncement 
dans  le  sol,  elles  sont  formées  par  des  cuves  ou  de  grandes  vas- 
ques en  marbre  ou  en  granit,  placées  sur  quelques  marches  et 
construites  hors  du  sol,  comme  on  le  voit  encore  dans  un  édifice 
de   beaucoup  postérieur,  le  baptistère  de  Pise. 

Mais  un  édifice  beaucoup  plus  ancien,  le  baptistère  de  San 
Giovanni  infonte  *  à  la  cathédrale  de  Ravenne,  va  nous  fournir  un 
bel  exemple  de  cet  état  de  choses.  ^ 

Datant  de  la  première  partie 
du  v^  siècle,  suivant  Agnellus 
qui  rapporte  que  l'évêque  Néon, 
a  fait  élever  ce  baptistère,  ce- 
lui-ci ne  nous  intéresse  pourtant 
pas  autant,  pour  la  suite  de  notre 
sujet,  que  les  fonts  en  marbre 
blanc  que  M.  Hubsch  croit  con- 
temporains de  l'édifice  ^.  Ils  sont 
formés  par  une  vasque  octogone 
placée  hors  du  sol  et  dont  un  des 
côtés,  pour  la  facilité  de  l'offi- 
ciant, est  concave  vers  Tinté- 
rieur  *. 


Fig.  6.  —  Fonts  baptismaux  conservés 
au  Musée  de  Venise  (Italie)  ix®  siècle. 
(Dessin  de  M.  Bui.ens). 


Comme  on  le  voit,  la  piscine  a  disparu  ;    les  fonts  apparaissent 
dans  l'histoire  de  l'art  et  de  la  religion  chrétienne. 

1  Ou  encore  le  Battistero  de^Ii  Ortodossi, 

2  Hubsch,  op.  cit.,  p.  26-27,  pi.  xiii,  fig.  13-16,  pi.  xv,  fig.  2-5  et  pi.  xix,  fig.4-5. 

3  Hubsch,  op.  cit.,  p.  28. 

^  Revseks,  Eléments  d' Archéologie  chrétietine,  Louyn'm,  1885,  I,  p.   155. 


—    28    — 

Bientôt  le  principe  nouveau  se  développe.  On  remarque,  en 
effet,  que  les  rebords  s'élèvent  et  que  la  cuve  devient  beaucoup 
plus  petite.  Cette  disposition  nouvelle  est  nécessitée  par  un  chan- 
gement dans  les  traditions  reçues,  car  bientôt,  malgré  les  défenses 
de  SAINT  Léon  IX  *,  des  conciles  de  Tolède,  d'Auxerre,  de  Paris 
et  de  Girone,  l'usage  de  baptiser  les  enfants  peu  après  leur  nais- 
sance et  non  pas  à  Pâques  et  à  la  Pentecôte  prévalut  ^. 

Cela  produisit  une  véritable  évolution  dans  l'art  de  bâtir,  car 
de  ce  moment,  les  baptistères  devenant  inutiles,  disparurent  en 
grande  partie,  laissant  en  place  et  en  tradition  d'eux,  un  édicule 
comme  on  en  voit  sur  les  fonts-réservoirs  du  baptistère  de  Cividale 
en  Frioul  ^. 

1  Pape  en  1048,  mort  vers    1054. 

'^    ViOLLET-LE-DUC,  Op,  Cit.  V  p.    534. 

3  ViOLLET-LE-Duc,  Op,  cit.,  V,  p.  555  ;  Comité  historique,  op.  cit.,  p.  65. 


Fig.  7.  —  Fonts  de  Brugelette  (xve  siècle.) 
Belgique,  relevé  de  M.  L.  CLoauET. 


29 


III 

Les  fonts  à  édicule. 

(f^es  fonts  du  bap- 
B-™|  tistèredeCivi- 
dale  sont,  d'après 
nous ,  fort  impor- 
tants pour  Thistoire 
de  ces  meubles  d'é- 
glise, car  ils  mar- 
quent une  date  très 
certaine. 
Placés  actuellement 
dans  la  collégiale, 
datant  du  vm^  siècle. 


Fig.  8.  —  Baptistère  avec  édicule,  de  Nocera  degli 
Pagani  (Italie).  (Dessin  de  l'auteur). 


puisqu'ils  ont  été  construits  par  Caliste,  patriarche  d'Aquilée, 
ces  fonts  présentent  les  caractères  que  voici  :  ils  se  compo- 
sent d'un  bassin  entouré  de  dalles  — •  fragments  de  monu- 
ments antiques  *  —  formant  un  octogone.  A  chaque  angle 
de  celui-ci,  des  colonnes  d'ordre  corinthien  altéré,    portent   des 

1  Ces  fragments  ont  été  ajoutés  à  une  époque  postérieure. A.  Lenoir,  op.  cit.,  XIV, 
p.  119. 


30  — 


arcades  couronnées  par  une  plate-forme,    surmontée  probable- 
ment à  l'origine  d'un  dôme  aigu.  (Fig.  9). 

Le  tout  forme  une  sorte  de  ciborium  ou  de  baldaquin  surmon- 
tant le  bassin  baptismal,  mais  ne  le  couvrant  pas,  ce  qui  permettait 
aux  poussières  et  autres  impuretés  de  se  répandre  dans  l'eau 
sacramentelle. 

Au  baptistère  de  Sancta  Maria  Majore  à  Nocéra  degli  Pagani, 
près  de  Salerne,  la  piscine,  quoique  abritée  sous  la  coupole  de 
l'édifice,  est  recouverte  d'un  dais  soutenu  par  huit  colonnes  corin- 
thiennes, (Fig.  8). 

C'est  là  un  exemple  fort  curieux  qui  montre  la  transition  entre 
les  baptistères  et  les  fonts  à  édicule  ^ 

M.  le  chanoine  Cor- 
blet  attribue  les  fonts  à 
édicule  ou  à  baldaquin, 
au  respect  qu'inspirait 
le  sacrement  de  la  régé- 
nération. Il  dit  que  c'est 
ce  sentiment  qui  a  fait 
couvrir  les  fonts  baptis- 
maux de  cette  sorte  de 
ciborium,  comme  on  le 
faisait  pour  les  autels. 
Cet  édicule,  ajoute-t-il, 
se  changea  ensuite  en 
dôme  ou  en  pyramide  - 
soutenue  également  par 
4,  6  ou  8  colonnes.  t^.  t,    .•  .«     j  n-  -^  1   /c  •    n 

^'  Fig.  9.  —  Baptistère  de  Cividale  (Frioul). 

On  trouve,  en  Angle-  (D'après  VUnivm  illustré). 

terre  et  en  Bretagne,  de  curieux  exemples  de  cette'  décoration 
monumentale,  que  la  Renaissance  remit  plus  tard  en  honneur  en 
construisant  autour  de  la  cuve  un  petit  temple  à  colonnes^. 
La  cuve  de  l'ancien  baptistère  d'Aquilée  (Illyrie)  avait  un  dais 
semblable  ^.  On  sait  que  cette  dernière  ville  est  située  à  une  dis- 
tance  relativement  minime  de  Cividale  ;  on  pourrait,  par  consé- 


1  HuBSCH,  op,  cit.,  pi.  XVII  et  xviii. 

2  Chan.  CoRLLET,  Les  lieux  de  baptême ,  Revue  de  V  Art  Chr.  XXV,  p.  3 
'  Reusens,  cp.  cit.,  I,  p.  156. 


,6. 


—  31  — 

quent,  en  conclure  que  c'était  là  une  forme  seulement  usitée  dans 
une  région  unique;  mais  il  n'en  est  rien,  puisque  cette  même  dis- 
position se  retrouve  dans  le  Nord  de  l'Europe . 

En  effet,  Tillustre  auteur  du  Dictionnaire  de  l* architecture  fran- 
çaise^ M.  VioLLET-LE-Duc,  possédait  un  ivoire  sculpté  du  xi^ 
siècle,  fort  intéressant  et  présentant  la  figuration  de  fonts  re- 
couverts d'un  édicule.  (Fig.  lo). 

L'officiant  se  trouve  sous  celui-ci,  ainsi  que  les  fonts  qui  affectent 
la  forme  d'une  croix  grecque  à  branches  hémisphériques,  tandis 
qu'autour  du  petit  monument  se  tiennent  les  diacres  et  les  clercs 
tenant  les  objets  nécessaires  à  la  cérémonie. 

Le  baptême  se  fait  par  immersion,  car  l'enfant  doit  se  trouver 
dans  la  cuve  très  distinctement  indiquée  en  margelle  de  puits. 

Nous  avons  personnellement 
observé  sur  un  ivoire  sculpté  du 
ix^  siècle,  représentant  la  légende 
de  l'apôtre  des  Francs,  Saint- 
Remy,  et  conservé  au  Musée  d'i\- 
miens,  un  baptême  —  celui  de 
Clovis  probablement  —  qui  se 
fait  dans  une  cuve  cylindrique^ 
cantonnée  de  colonnettes  soute- 
nant un  ciborium. 

Cette  pratique  de  construire 
des  édicules  au-dessus  des  fonts 
s'est  maintenue  fort  tard,  puis- 
qu'en  Angleterre,  dans  le  Bed- 
fordshire,  Luton  Chiirch  *  possède 
encore   une   construction  de  ce 

genre  datant  d'une  époque  fort  postérieure  aux  exemples  pré- 
cédents. 

En  effet,  on  ne  peut  assigner  à  cet  édicule  comme  date  d'exé- 
cution que  la  seconde  moitié  du  xiv^  siècle. 

Des  fonts  de  l'époque  ogivale,  avec  un  dais  très  important,  exis- 


Fig.  10.  — Fragment  d'un  bas-relief  en 
ivoire,  de  l'ancienne  collection  de 
VioUet-le-Duc.  —  France,   xie  s. 


1  Simpson.  A  stries  of  ancient  baptismal  fonts,  LonJoit,  1828.  pi.  I,  p.  53.  —  Cet 
ouvrage,  que  nous  aurons  à  citer  plusieurs  fois  au  cours  de  cette  étude,  date  d'une 
époque  déjà  ancienne  ;  il  contient  peu  de  renseignements  historiques.,  mais  ses 
gravures  sont  fort  intéressantes. 


—  32  — 

tent  à  Saint-Peter  Mancroft  (Norwich).  Ils  ont  été  restaurés  ou 
plutôt  refaits  dans  ces  dernières  années  par  M.  Frank  T.  Bag- 
GALLAY,  architecte,  qni  les  a  restitués  d'une  façon  conjecturale  en 
assez  de  points.  Un  dais  d'une  structure  presque  semblable 
existe  cependant  sur  les  fonts  de  l'église  de  Trunch  *. 

On  voit  donc  que  cet  usage  s'est  maintenu  fort  longtemps. 

M.  CoRBLET  2  pensait  que  le  dais  de  Luton  Church  était  unique 
en  Angleterre,  mais  il  y  en  a  d'autres  là  et  ailleurs. 

Et  on  en  a  beaucoup  démolis,  car  lorsque  plus  tard,  la 
coutume  s'établit  de  couvrir  les  fonts  avec  grand  soin,  afin  de 
soustraire  absolument  Teau  sacramentelle  aux  influences  exté- 
rieures, il  est  à  supposer  que  partout  les  anciens  fonts  à  édicule 
auront  été  détruits,  comme  ne  pouvant  plus  servir  aux  pratiques 
nouvelles. 

En  Bretagne,  Féglise  de  Guimiliau  (Finistère),  contient  des 
fonts  à  édicule  datant  d'une  époque  encore  beaucoup  moins 
ancienne.  Situés  dans  le  pays  de  Léon  entre  Morlaix  et  Brest, 
dans  une  contrée  qui  a,  à  un  degré  intense,  le  culte  des  tradi- 
tions, ces  fonts  datent  du  temps  du  vénérable  et  discret  messire 
H.  GaiLLERM,  recteur  (1675). 

"  La  cuve  baptismale,  dit  un  article  du  Magasin  pittoresque  ^, 
abritée  par  un  baldaquin  de  chêne  que  supportent  d'élégantes 
colonnes  torses  enlacées  de  vigne,  chargées  de  raisins,  et  d'une 
variété  infinie  de  fleurs,  de  fruits  et  d'insectes,  a' pour  amortis- 
sement un  dauphin,  au-dessus  duquel  deux  Renommées  embou- 
chent la  trompette  et  élèvent  la  couronne  royale.  De  petits  dra- 
peaux aux  couleurs  des  donateurs  flottent  au-dessus  des  trom- 
pettes, et  l'on  y  reconnaît  les  armes  des  donateurs  :  Un  sieur  de 
CoRNOUAiLLES  et  uuc  dcmoiselle  de  Kergolay,  sa  compagne, 
possesseurs  au  xvii®  siècle  de  la  Seigneurie  de .  Kerbalanec, 
paroisse  de  Guimiliau.  n  (Vicus  Miliau), 

Cet  édifice  est  réellement  étrange  et  il  surprend,  quoiqu'il 
n'ait  qu'un  intérêt  artistique  de  second  ordre.  Une  légende 
explique  son  existence. 

1  On  peut  trouver  des  détails  sur  ces  fonts  et  sur  ceux  de  Saint-Peter  Man- 
croft, dans  the  Builder,  du  4  janv.  1890,  p.  12. 

^  Rn'îie  de  VArt  chrétien.  J.  Corblet,    Histoire  du  sacrement  du  haptéme.  XXII, 

r.  299. 

^  Ma^.  Pit.  1878,  p.  261  —  desoin  de  M.  Alfred  Beau. 


—   33  — 

Nous  n'y  voyons,  pour  notre  part,  rien  de  merveilleux,  mais 
tout  simplement  une  preuve  de  traditions  soigneusement  sui- 
vies et  passées  à  travers  tant  de  siècles  pour  se  perpétuer  dans  le 
baptistère  de  Guimiliau. 

De  ces  exemples,  il  nous  est  permis  de  conclure  que  ces  édi- 
cules  formaient  une  tradition  des  baptistères  d'autrefois,  ce  que 
M.  VioLLET-LE-Duc  avançait  en  ne  s'appuyant  que  sur  Ti voire 
sculpté  de  sa  collection  *. 

Une  fois  de  plus,  nous  vérifions  là  une  vérité  qui  apparaît 
à  chaque  page  de  Thistoire  architecturale,  c'est  que,  quand  un 
élément  constructif,  par  une  circonstance  ou  Tautre,  tend  à  dis- 
paraître, cette  disparition  ne  s'opère  pas  sans  que  l'élément 
supprimé  laisse  pendant  longtemps  des  traces  de  son  existence 
passée. 

Le  baptistère,  édifice  isolé  en  dehors  des  églises,  a  comme  dérivé 
les  fonts  placés  dans  les  basiliques.  Les  seconds  héritent  des  pre- 
miers, l'édicule  rappelant  les  formes  générales  de  ceux-ci.  Nous 
verrons,  par  la  suite,  l'édicule  disparaître  à  son  tour,  mais  laisser 
des  traces  de  son  existence  passée,  jusque  bien  avant  dans  le 
moyen  âge. 

(à  suivre.)  Paul  Saintenoy. 

1    ViOLLET-LE-DUC,  Op.    Cit.,    \q\.    V.,    p.   S35- 


Fig.  II.  —  Fonts  baptismaux  de  Saint-Mard  devant- Virton, 
Relevé  de  feu  O .  Maus.  (Dessin  de  l'auteur). 


^s 

i 

^^^ 

^^m 

QUELQUES  RENSEIGNEMENTS 


CIMETIÈRE  BELGO-ROMAIN 

découvert  à  Archennes   ^  (Brabant)  en  1883. 


os  collègues,  MM.  P.  Saintenoy  et  le  docteur  Raeymae- 
kers,  ayant  eu  l'obligeance  de  nous  aviser  de  l'existence, 
au  château  de  MM.  Oldenhove  frères,,  à  Archennes 
(Brabant),  d'une  belle  série  de  vases  belgo-romains  provenant 
d'une  trouvaille  faite,  il  y  a  quelques  années,  sur  les  bords  de  la 


1  Le  village  d' Archennes  fait  partie  de  l'arrondissement  administratif  et  judi- 
ciaire de  Nivelles. 

D'après  Chotin  {Etudes  élymùîc piques)  cq  nom  d' Archennes  signifierait  confluent. 
Il  aurait  pour  radicaux  ar,  aar,  mot  celtique  qui  voudrait  dire  rivière,  et  chena 
qui  désignerait  le  lieu  où  un  cours  d'eau  se  réunit  à  un  autre. 

C'est  en  effet  sur  le  territoire  de  cette  commune  que  la  rivière  appelée  le  Train 
se  jette  dans  la  Dyle. 

Le  mot  chena  est  passé  dans  la  langue  romane  ;  nous  l'avons  retrouvé  à  Moha 
(province  de  Liège),  appliqué  à  un  escarpement  rocheux  et  boisé  situé  au  bord 
de  la  Méhaigne  et  dans  le  flanc  duquel  s'ouvre  une  grotte  que  nous  avons  fouil- 
lée. L'existence  de  plusieurs  petites  ravines  se  rejoignant,  et  par  lesquelles  les 
eaux  pluviales  s'écoulent  du  plateau  dans  la  vallée,  pourrait  donc  justifier  cette 
dénomination  de  Bois  et  de   Trou  du  Çbena. 

D'autres  étymologistes  pensent  que  ce  nom  a  pour  racine  l'allemand  arche,  con- 
duite d'eau,  ou  arca,  mot  de  la  basse  latinité  qui  signifie  digue. 


—  35  - 

Dyle,  nous  nous  sommes  empressés  de  nous  rendre  sur  les  lieux, 
afin  de  connaître  l'endroit  précis  et  les  circonstances  de  la  décou- 
verte et  de  pouvoir  dresser  Tinventairc  des  objets  trouvés.  Ce 
sont  ces  renseignements  que  nous  avons  Thonneur  de  venir  con- 
signer dans  nos  Annales. 

Le  cimetière  dont  il  s'agit  était  situé  à  Tune  des  extrémités 
du  territoire  de  la  commune  d'Archennes  *,  sur  un  coteau  élevé, 
actuellement  boisé,  dominant  la  vallée  de  la  Dyle  et  Tenclos  de 
Florival  "^,  entre  les  lieux  dits  r  Egyptienne  y  ou  Bois  des  Egyp- 
tiennes ou  des  Gipsies  ^,  et  la  Campagne  de  Maguinsart, 

Bien  d'abbaye  à  l'origine,  ce  terrain  fut  cédé  à  la  commune 
et  acquis  ensuite  par  M.  Aug.  Oldenhove,  qui,  en  1883,  le  fit 
défoncer  de  80  centimètres  à  i  mètre  de  profondeur  et  planter 
de  sapins. 

C'est  au  cours  de  ces  travaux  de  plantation  que  les  ouvriers 
découvrirent  les  sépultures  qui;  s'il  faut  en  juger  par  le  grand 
nombre  de  vases  recueillis,   devaient  être  assez  nombreuses. 

Il  semble  résulter,  en  outre,  de  notre  enquête  que  la  plupart 
des  dépôts  funéraires  avaient  été  faits  en  pleine  terre  ;  c'est- 
à-dire  que  les  parois  des  fosses  ne  présentaient  aucun  revê- 
tement '*. 

Quant  aux  objets  que    nous  avons   vus  ou  qui    nous  ont  été 


1  A  la  cote  70  environ. 

2  Vallis  florida,  Vaulx  fleuri,  Val  ou  Vallon  fleuri,  Florival.  A  l'endroit  où  se 
voient  aujourd'hui  de  vastes  ateliers  pour  le  tillage  du  lin  et  le  blanchiment  des 
toiles,  s'élevait  autrefois  la  florissante  abbaye  de  Florival,  célèbre  communauté  des 
filles  de  l'ordre  de  Citeaux. 

Ce  monastère,  fondé  en  1218,  fut  supprimé  lors  de  la  Révolution  française. 

Il  y  a  quelques  années,  le  Génie  militaire  a  extrait  du  lit  de  la  Dyle  et 
transporté  au  musée  de  la  Porto  de  Hal,  quelques  pierres  tombales  provenant  de 
cette  abbaye. 

3  Tirant  son  nom,  d'après  la  tradition,  d'une  race  de  sorcières  vivant  sous  terre 
et  rendant  certains  services  aux  habitants,  comme  de  laver  le  linge,  etc...  (Tariier 
<>/ Wauters,  Géographie  et  histoire  des  communes  belges,  canton  de  fVavre,  p.  188.) 

*  Toutefois  la  trouvaille  de  quelques  tegulœ  entières,  faite  sur  les  lieux  lors  des 
travaux,  tendrait  à  faire- croire  à  l'existence  de  certaines  loges  ou  caveaux  protec- 
teurs des  dépôts. 


-  36  - 

renseignés,  ils  consistent  en  vases  de  terre  et  de  verre,  presque 
tous  intacts,  en  une  spatule  on  cuillère  en  bronze,  en  quelques 
tuiles  et  en  quelques  monnaies. 

La  majeure  partie  des  vases  se  trouve  encore  actuellement  chez 
le  propriétaire  du  terrain,  au  château  de  Florival;  d'autres,  offerts 
à  M.  van  Zeebroeck,  sont  au  château  de  Nethen  ;  enfin  M.  le 
chanoine  E.  Reusens,  professeur  d'Archéologie  à  Louvain,  pos- 
sède également  quelques  antiquités  provenant  d'Archennes. 

Voici  un  inventaire,  fort  incomplet  sans  doute,  des  pièces 
exhumées  : 

Au  château  de  Florival  : 

Urnes  cinéraires  dont  Tune,  en  poterie  de  couleur  rougeâtre, 
sans  ornements,  présente  les  dimensions  suivantes  : 

hauteur 21  cent. 

diamètre  de  l'ouverture   ....     17     id. 

Cruches  ou  lagènes  en  terre  de  couleur  jaune  ou  blanche. 
Soucoupes  et  jattes  en  terre  samienne. 
Têles  en  poterie  grossière. 

Ampoule  *  en  verre  de  couleur  bleuâtre,  à  col  très  court  et 
muni  de  deux  petites  anses,  mesurant  : 

hauteur .     .     6  cent. 

largeur  à  la  panse 6     id. 

Une  spatule  en  bronze. 
Au  château  de  Nethen  : 
Cruche  ou  lagène  en  terre  de  couleur  jaunâtre; 

hauteur 22  1/2  cent. 

largeur  à  la  panse 15  id. 

Jatte  de  forme   conique,    en  terre  samienne,  non  sigillée  ; 

hauteur 51/2  cent. 

diamètre  de  l'ouverture  ...     ±0         id. 

Soucoupe  en  faux  samien  ; 


1  Terme  général  qui  désignait  un  vaisseau  de  toute  forme  ou  de  toute  matière, 
mais  plus  exactement  un  vaisseau  de  verre,  au  col  étroit  et  au  corps  enflé  comme 
une  vessie.  (A.  Rich,  Dictionnaire  des  antiquités  s^recgues  et  romaines,  au  mot  ampuîa). 


^  37   — 

hauteur 4  cent. 

diamètre 9     id. 

A  Louvain  *  : 

Petit  flacon  en  verre  bleu  de  6  cent,  de  hauteur. 
Autre  petit  flacon  également  en  verre   bleu  (brisé)   à  deux 
anses  ; 

hauteur 11   cent. 

Patère  sur  piédouche.  en  terre  samienne  (fortement  détério- 
rée), renfermant,  outre  quelques  ossements  incinérés,  une  pièce 
de  monnaie  en  bronze  du  temps  des  Antonins. 

» 
*  * 

La  découverte  d'un  cimetière  est  un  signe  certain  de  Texis- 
tence,  dans  les  environs  immédiats,  d'un  ou  de  plusieurs  établis- 
sements ;  car,  qui  dit  habitations,  agglomérations,  dit  sépultures, 
cimetières;  et,  comme  nous  l'avons  fait  remarquer  déjà,  le  nombre 
assez  considérable  de  vases  recueillis  —  nous  ne  parlons  pas  des 
petits  objets  qui  ont  pu  passer  inaperçus  ou  s'égarer  —  peut  nous 
donner  une  idée  de  l'importance  ou  de  la  durée  de  ces  établis- 
sements. 

Des  vestiges  de  constructions  antiques  ont  du  reste  été  signalés 
sur  le  territoire  d'Archennes  ;  MM.  Tarlier  et  Waulers  ^  rappor- 
tent que  devant  la  nouvelle  église,  en  creusant  les  fondations 
du  mur  de  clôture  du  cimetière,  on  a  trouvé  des  tuiles  romaines  et 
du  ciment  mêlé  de  brique  pilée. 

Ajoutons,  pour  compléter  nos  renseignements,  que  le  point 
où  cette  découverte  a  été  faite  n'est  éloigné^  à  vol  d'oiseau,  que  de 
3200  mètres  du  village  d'Ottenbourg,  où  passe  l'embranchement 
de  la  chaussée  de  Bavay  à  Cologne,  qui  se  dirige  vers  Malines. 

Ce  diveriiculum,  qu'on  appelle  communément  Chemin  des 
Wallons  ^,  part  de  Gembloux  *,  et  traverse  Walhain  ^,  Corroy- 

1  Renseignements  dus  à  l'obligeance  de  M.  le  chanoine  Reusens. 

2  Géographie  et  histoire  des  communes  belges,  t.  I,  p.  191. 

3  Voir  Wauters,  Histoire  des  environs  de  Bruxelles,  t.  II,  p.  681  ;  Ann.  de  VAcad, 
d'Archêol.  d'Anvers,  2^0  série,  t.  V,  p.  394;  Carte  Van  der  Maelen  ;  Carte  Van 
Dessel. 

*  Le  Geminiacum  de  l'Itinéraire  d'Antonin  et  de  la  carte  de  Peutinger. 
^  Poteries,  armes  et  tuiles  romaines,  puits  antiques.   V.  Tarlier   et  Wauters, 
Géographie  et  histoire  des  communes  heîses,  canton  de  Perweii,  p.  22. 


-^.38  - 

le-Grand  *,   Wavre  2,  Ottenbourg  ^,    Duysbourg,    Tervueren  ^, 
Stcrrebeek,  Steenockerzeel  ^,  Perck  et  Elewyt  ^. 

2  mars  1890.  B^^^  Alfred  de  Loê. 


^  Sépulture  belgo-romaine,  V.  Ballet,  des  connu,  roy.  d' Art.  et  d'ArcbéoL,  t.  III, 
pp.  189  et  551, 

2  A  Basse-Wavre,  vestig^es  de  constructions  romaines,  tumuli.  V.  Bulletin  des 
eomm.roy.  d'Art  et  d'ArchéoL,  t.  III,  p.  546, 

,3  D'après  les  Comptes  de  la  vénerie  des  du:s  de  Brabant y  plusiQars  tumuli  auraient 
existé  autrefois  sur  le  territoire  de  cette  commune.  Un  cerf,  dit  le  dDCument  cité 
ci-dessus,  dans  une  chasse  que  fit  Philippe  le  Bon,  en  août  143 1,  trouva  la  mort 
aux  tomhs  d' Ottenbourg. 

*  Poteries  romaines.  V.  Galesloot,  Le  Brabant,  etc.,  p.  5 1 . 

^  Débris  de  tuiles  et  de  poteries,  V.  Ann.  de  'Acad.  d'Archéol.  d'Anvers,  2^6  sé- 
rie, t.  X,  p.  527. 

"  ^  Bourgade  belgo-romaine  et  cimetière  de  la  même  époque.  V.  Bullet.  de  V Acad. 
rpy.  de  Belgique,  2^6  série,  t.  XIII,  p.  407  ;  t.  XXVIII,  p..  749  et  t.  XXIX, 
p.  749. 

Afin,  de  VAcad.  d'Archéol.  d'Anvers,  r^  scrie,  t.  VII,  p.  46  ;  2^6  série,  t.  VI, 
p.  395  ;  t.  VIII,  p.  186  et  t.  IX,  p'.  782. 

Bullet.  des  comm.  roy.  d'Art  et  d^Arcbéol.,  t.  XIII,  p.  56. 

Rei'ue  d'Histoire  et  d'Archéologie,  t.   I,  p.  278. 


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1 

'     1 

UËCRITLJRE     MUSICALE 


ANCIENNE 


Chers  et  honorables  confrères, 

n  vous  entretenant  quelques  instants  de  l'écriture  de 
cette  sublime  langue  du  sentiment  que  Ton  appelle 
musique,  je  n'ai,  cela  va  sans  dire,  nullement  la  pré- 
tention ni  l'intention  de  traiter  à  fond  ce  sujet  si  intéressant,  ce 
qui  d'ailleurs,  a  déjà  été  fait  avec  beaucoup  de  science  par  plus 
d'un  savant  musicien-archéologue,  parmi  lesquels  il  faut  placer 
au  premier  rang  M.  Gevaert,  Térudit  auteur  de  YHistoîre  de  la 
musique   de   Pantiquité. 

En  exhibant  quelques  spécimens  de  l'écriture  musicale  du 
moyen  âge,  je  me  bornerai  à  vous  communiquer  les  modestes 
résultats  de  mes  propres  recherches  et  observations,  après  vous 
avoir  d'abord  donné  un  aperçu  rapide  etsuccinct  de  l'artde tracer 
lassons  au  moyen  de  signes,  depuis  Tantiquité. 

La  plus  ancienne  musique  des  Hindous  et  des  Chinois  aurait 
été  dans  une  échelle  de  cinq  tons.  On  a  prétendu  que  ce  fut  d'eux 


—  40   — 

que  les  Égyptiens  en  reçurent  les  premières  notions;  mais  ceci 
est  loin  d'être  prouvé. 

En  Grèce,  il  semble  qu'à  partir  du  vi^  siècle  avant  J.-C,  on  ait 
déjà  étudié  scientifiquement  la  musique,  et  en  particulier,  qu'on 
se  soit  appliqué  à  mesurer  les  sons.  Lassus  d'Hermione,  en  Pélo- 
ponèse,  composa,  prétend-on,  vers  Pan  546  avant  notre  ère,  un 
écrit  théorique  sur  la  musique.  Pythagore  et  plusieurs  de  ses 
disciples  s'occupèrent  des  rapports  mathématiques  des  sons.  Il 
inventa  pour  la  précision  des  sons,  le  monocorde,  dit  canon  de 
Pythagore, 

Aristoxène,  disciple  d'Aristote,  né  vers  l'an  324  avant  J.-C.  et 
qui  composa,  ainsi  que  nous  l'apprend  Suidas,  quatre  cent  cin- 
quante-trois volumes,  fut  l'auteur  des  Eléments  harmoniques,  en 
trois  livres,  le  plus  ancien  traité  que  l'on  possède  en  ce  genre.  La 
doctrine  musicale  d' Aristoxène  est  l'opposé  de  celle  de  Pythagore; 
il  bannit  les  nombres  et  le  calcul  pour  s'en  remettre  à  l'oreille 
seule.  Vers  l'an  277  avant  J.-C,  Euclide  traita,  le  premier,  d'une 
manière  scientifique,  la  théorie  mathématique  des  sons.  A  Timo- 
thée  le  Milésien  (340  ans  avant  J.-C),  qui  ajouta  à  la  harpe  la 
dixième  et  la  onzième  corde  et  qui  écrivit  dix-sept  livres  sur  la 
musique,  on  attribua  l'invention  du  genre  dit  chromatique,  parce 
qu'il  l'aurait  marqué  par  des  couleurs  ycoiu.y.  (chroma  en  grec 
signifie  couleur).  Chez  les  Grecs,  la  division  n'était  pas  basée 
comme  de  de  nos  jours,  sur  l'octave,  mais  sur  la  quarte. 

On  avait  trois  genres  :  le  genre  diatonique,  le  genre  chromatique 
et  le  genre  enharmonique.  De  ce  dernier  genre,  l'invention  est 
attribuée  par  quelques-uns  à  Olympius  le  Phrygien.  Toute  la  série 
des  tons  se  réduisait  à  cinq  tétracordes  (série  de  quatre  tons),  dont 
le  quatrième  ton  était  toujours  en  même  temps  le  premier  du  tétra- 
corde  suivant;  excepté  deux  de  ses  tétracordes,  qui  .avaient  plu- 
sieurs tons  de  commun,  mais  avec  des  appellations  différentes,  de 
sorte  que  chacun  de  ces  trois  genres  était  composé  de  quinze  tons. 

Par  exemple,  dans  la  méthode  d'exposition  actuelle,  il  en  résul- 
terait à  peu  près,  pour  le  genre  diatonique,  la  série  suivante  : 
si  y  do,  ré,  mi;  —  mi,  fa,  sol,  la;  —  la,  si^émol^  do,  ré;  —  si,  do, 
ré,  mi;  —  mi,  fa,  sol,  la. 

Les  tétracordes  du  genre  chromatique  avaient  la  forme  sui- 
vante :  si,  do,  ré  àihe^  mi;  —  mi,  fa,  sol  dièse ^  la. 


—  41  — 

Dans  le  genre  enharmonique,  les  tétracordes  se  composaient  de 
deux  quartes  (dièse)  et  d'une  grande  tierce,  qu'on  ne  pourrait 
pas  représenter  avec  notre  système  de  notation. 

Les  Aristoxéniens  comptaient  trois  espèces  de  dièses  (diesis)  : 
V enharmonique  mineur,  qui  haussait  la  note  d'un  quart  de  ton  ;  le 
chromatique,  qui  l'élevait  d'un  demi-ton  mineur,  et  enfin  Venhar- 
monique  majeur,  qui  l'élevait  de  trois  quarts  de  ton. 

Les  Grecs  se  servaient  des  lettres  de  l'alphabet  pour  écrire  leur 
musique. 

Us  avaient  deux  sortes  d'écriture  musicale  :  l'une  pour  la  musi- 
que vocale  et  l'autre  pour  la  musique  instrumentale.  Pour  le 
chant,  ils  se  servaient  des  caractères  de  l'alphabet  ionien  et  pour 
les  instruments,  des  lettres  grecques  d'un  ancien  alphabet  local, 
auxquelles  on  donnait  des  formes  et  des  positions  différentes,  en 
les  tronquant,  les  retournant,  les  renversant  ou  les  couchant. 

Comme  leur  système  comprenait  en  outre  un  très  grand  nom- 
bre de  modes,  pas  moins  de  quinze,  dont  je  ne  parlerai  pas 
ici,  il  fallait  nécessairement  une  infinité  de  signes,  dont  l'inven- 
tion est  attribuée  par  quelques-uns  à  Terpandre,  et  par  d'autres  à 
Pythagore,  et  dont  le  nombre  est  évalué  par  Alypsius,  à  seize 
cent  vingt. 

Ce  chiffre  semble  toutefois  très  exagéré,  car  les  signes  des 
genres  chromatique  et  enharmonique  étaient  les  mêmes.  Aussi 
M.  Albert  Tottmann  dit^  que  ce  chiffre  peut  être  réduit  à  quatre- 
vingt-cinq  ou  quatre-vingt-dix  *. 

Les  lettres  servant  de  signes  musicaux  étaient  placées  au- 
dessus  des  paroles. 

Les  Romains  semblent  avoir  emprunté  aux  Étrusques  leur 
musique  religieuse  et  aux  Grecs  la  musique  instrumentale.  Ils  se 
servaient  des  caractères  de  leur  propre  alphabet,  pour  leur  écri- 
ture musicale. 

Notons  ici  que  le  chant  des  Grecs  et  des  Romains  consistait 
principalement  en  récitation  et  en  déclamation  musicale,  qu'on 
accompagnait  avec  des  instruments,  simplement  et  plutôt  pour 
relever  le  rythme. 

Les  Hébreux  n'employèrent  pas   des  lettres  de  leur  alphabet 

^  lets  over  hct  uotenschrift,  Dietsche  Wiirande,  1889,  p.  361. 


—  42  — 

comme  signes  musicaux;  mais  ils  se  servirent  de  points  et 
figures,  pour  indiquer  l'élévation  ou  rabaissement  de  la  voix. 

Par  ces  signes,  qui  étaient  placés  les  uns  au-dessus  et  les  autres 
au-dessous  du  texte,  on  désignait  généralement  des  séries  de 
sons. 

Il  étaient  divisés  en  signes  de  sons  distinctifs  et  en  signes  de 
sons  conjonctifs;  il  y  en  avait  en  tout  trente. 

Ce  système  primitif  d*écriture  musicale,  composée  de  signes 
accompagnant  le  texte,  est  aujourd'hui  encore  en  usage  dans  les 
synagogues,  pour  la  lecture  du  Pentateuque  (les  cinq  livres  attri- 
bués à  Moïse),  qui  se  fait  en  chant  récitatif.  L'hébreu  se  lisant  de 
notre  droite  à  notre  gauche,  la  notation  moderne  n'est  pas  bien 
applicable  au  texte  hébraïque. 

Il  ne  faut'pas  que  Ton  confonde  ces  signes  musicaux  des  Israélites, 
avec  les  treize  points-voyelles,  dits  points  masoréthiques ,  employés 
dans  la  langue  hébraïque  pour  reproduire  en  quelque  sorte  la 
prononciation  de  cette  langue,  depuis  longtemps  morte,  et  qui  se 
souscrivent  tous,  sauf  un,  qui  se  marque  sur  la  tête  et  un  autre 
dans  le  ventre  de  la  lettre. 

Une  méthode  d'écriture  musicale,  ayant  beaucoup  d'analogie 
avec  celle  employée  par  les  Hébreux,  fut  adoptée  au  moyen  âge, 
à  la  fin  du  vii^  siècle,  pour  les  chants  de  l'Église  chrétienne;  on 
désigna  ces  signes  par  le  nom  de  neumesy  et  ils  se  plaçaient  au- 
dessus  du  texte.  Quand  ils  sont  fins  et  pointus  on  les  appelle 
saxons,  et  quand  ils  sont  lourds,  ronds  ou  carrés,  on  les  dit  lom- 
bards (Voyez  pi.  II,  fig.  I  et  2). 

a  La  longueur  et  l'extrême  complication  de  la  plupart  des  mor- 
ceaux mélismatiques,  dit  M.  Gevaert,  le  savant  académicien  direc- 
teur du  Conservatoire  royal  de  Bruxelles  *,  nous  forcent  à  faire 
remonter  à  l'époque  du  pape  Serge  I  (687-701),  peut-être  un  peu 
auparavant,  l'introduction  d'une  notation  rudimentaire,  celle  des 
neumes,  visiblement  imaginée  pour  des  chants  à  vocalises  et  même 
inapplicable  à  des  cantilènes  syllabiques.  Apprendre  et  retenir  un 
répertoire  de  plus  de  mille  morceaux,  dont  la  plupart  ne  se  chan- 
tent qu'une  fois  l'an,  ne  paraît  guère  possible  en  l'absence  d'un 
moyen  graphique,  servant  à  guider  la  mémoire.  Telle  est  l'unique 

1  Le  chant  liturgique  de  l'Église  latine.  Étude  musicale.  Bulletin  de  V  Académie  royale 
des  sciences,  lettres  et  beaux-arts  de  Belgique,  1889,  n°-  9  et  10,  p.  475. 


-  43  — 

utilité  de  cette  écriture  musicale  :  en  effet,  elle  peut  évoquer  dans 
Tesprit,  le  souvenir  d'une  mélodie  connue,  mais  non  pas  donner  la 
connaissance  d'une  cantilène  nouvelle.  » 

M.  Gevaert,  croit  également,  que  ce  fut  ce  même  pontife, 
qui,  le  premier,  initia  les  chantres  romains  à  la  doctrine  des 
huit  modes  ecclésiastiques,  dont  l'origine  syro-hellénique  est 
indéniable. 

Sur  le  témoignage  de  Jean  le  Diacre,  moine  bénédictin,  qui 
écrivait  en  882,  on  a  toujours  attribué  au  pape  saint  Grégoire, 
dit  le  Grand,  qui  occupa  le  trône  pontifical  de  590  à  604,  un  goût 
très  prononcé  pour  la  musique  et  particulièrement  pour  le  chant 
liturgique.  Il  aurait  composé  ou  compilé  l'antiphonaire  romain, 
réglé  la  psalmodie  des  psaumes,  des  oraisons,  des  cantiques; 
institué  un  collège  de  chantres  et  enseigné  lui-même  aux  jeunes 
élèves,  la  pratique  du  chant.  Ce  serait  lui  aussi,  qui  aurait  substi- 
tué aux  quinze  premières  lettres  de  l'alphabet,  employées  dans  le 
système  dit  hoëcien,  dont  l'invention  est  attribuée  au  philosophe 
Boëce,  né  à  Rome  en  470,  une  autre  notation  par  lettres.  Après 
avoir  remarqué,  que  les  rapports  des  sons  sont  exactement  les 
mêmes  dans  chaque  octave,  il  aurait  adopté  pour  la  gamme  de 
sept  sons,  soit  de  cinq  tons  et  deux  demi-tons,  les  sept  premières 
lettres  de  l'alphabet. 

Pour  le  premier  ou  le  plus  bas  octave,  les  lettres  majuscules  : 
A,  B,  G,  D,  E,  F,  G;  pour  l'octave  suivant  ou  moyen,  les  lettres 
minuscules  :  a,  b,  c,  d,  e,  f,  g  ;  et  pour  l'octave  supérieur,  les 
doubles  lettres  :  aa,  bb,  ce,  dd,  ee,  ff,  gg. 

Or,  comme  l'a  fait  observer  M.  Gevaert  ^,  les  assertions  de 
Jean  le  Diacre  ne  sont  confirmées  par  aucun  document  antérieur; 
et  puis,  dans  la  masse  d'écrits  qui  reste  de  ce  pape  (entre  autres 
une  correspondance  de  plus  de  800  lettres),  on  ne  trouve  pas  une 
seule  phrase,  où  il  soit  fait  allusion  à  des  travaux  ou  des  occupa- 
tions ayant  le  chant  d'église  pour  objet;  et  enfin,  V Antiphonxire 
Grégorien,  sur  lequel  Jean  le  Diacre  appuie  ses  assertions,  ne 
concorde,  en  aucune  façon,  avec  le  calendrier  ecclésiastique  du 
temps  du  pape  saint  Grégoire,  mais  se  rapporte  à  l'usage  litur- 
gique de  Rome,  vers  l'an  750. 

1  Ihià.,  pp.  461-463. 


—  44  — 

De  tout  cela,  M.  Gevaert  conclut  que  la  coordination  de  TAn- 
tiphonaire  romain  a  été  antidaté  de  plus  d'un  siècle  ;  et  que,  si 
Tépithète  «Grégorien,  «a  quelque  droit  d'y  figurer,  elle  désigne, 
ou  Grégoire  II  (715-731),  ou,plus  probablement  encore^son  succes- 
seur. Grégoire  III,  mort  en  741,  comme  étant  le  compilateur  de 
tous  les  chants  de  la  messe,  en  une  collection  pareille  à  celle  que 
le  pape  Agathon  (678-681)  avait  fait  coordonner  pour  les  antiennes 
des  Heures. 

Vers  Tan  900,  Hucbald  ou  Hugbald,  moine  bénédictin  à  Saint 
Amand  en  Flandre,  mort  en  930,  qui  avait  enseigné  les  premiers 
rudiments  du  contre-point,  inventa  un  nouveau  système,  dans 
lequel  il  désigna  les  sons  grégoriens  A,  G,  F,  E,  D,  G,  par  les 
lettres  J.  M.  p.  c.  f.  b  ;  ensuite  il  en  inventa  un  autre  encore, 
où,  à  rinstar  des  Grecs,  il  introduisit  des  lettres  auxquelles  il 
donnait  des  positions  différentes,  en  les  retournant  à  droite  et  à 
gauche. 

Il  se  servait  de  quatre  tétracordes,  auxquels  il  donna  les  noms 
suivants  :  Graves,  Finales,  Supertores  et  Excellentes.  Dans  chacun 
de  ces  tétracordes,  les  sons  s'appelaient  :  Archoos,  Deuterus, 
Tritus,  Tetrardus  et  étaient  désignés  par  quatre  lettres,  posées 
différemment  dans  chacun  des  quatres  tétracordes.  Ces  lettres 
étaient  en  outre  précédées  d'un  T  ou  d'un  S,  pour  indiquer  les 
tons  et  les  semi-tons.  Il  rangeait  les  quatre  lettres  de  chacun  des 
quatre  tétracordes  perpendiculairement,  et  les  tétracordes  étaient 
placés  dans  l'ordre  suivant  :  au  bas  Graves ,  et  puis  Finales,  ensuite 
Superiores  et  au  haut  Excellentes. 

Entre  chaque  lettre,  il  tirait  une  ligne  horizontale  et,  dans  les 
interhgnes^  il  plaçait  les  paroles  du  chant  ;  de  façon  à  ce  que  la 
place  que  chaque  syllabe  occupait  dans  l'un  ou  dans  l'autre  des 
interlignes  correspondait  avec  la  lettre  indiquant  le  son. 

Il  avait  en  outre  soin  de  rallier  les  syllabes,  qui  se  trouvaient 
dans  des  interlignes  différents,  par  des  traits  diagonaux  ^ 

Au  x^  siècle,  Romanus  de  Saint-Gall,  ajouta  aux  neumes  des 
lettres  minuscules,  destinées  à  faciliter  la  lecture  de  ces  signes 
musicaux  et  à  suppléer  à  ce  que  ce  système  avait  de  défectueux 
et  d'incomplet.  Par  exemple,  les  lettres  a,  d,  i,  s,  e,  indiquaient 

^  Tottmann,  1.  c.  p.  $63. 


—  45  — 

les  tons  élevés  ;  c  tt  f  le  temps  ;  d  et  f  Taccent  bien  tenu,   et  une 
croix  en  sautoir  x  la  pause. 

Herman  Contractus,  qui  vécut  vers  Tan  1015,  fut  l'inventeur 
d*une  nouvelle  écriture  musicale,  indiquant  les  intervalles,  c'est-à- 
dire  la  distance  d'un  son  à  un  autre,  par  un  e  pour  prime;  par  un  5 
pour  petite  seconde  ;  par  /  pour  grande  seconde  ;  par  is  pour  petite 
tierce  ;  par  tt  pour  grande  tierce  ;  par  D  pour  quarte  ;  par  A  pour 
quinte  ;  par  ù.s  pour  petite  sixte  ;  et  par  A/  pour  grande  sixte  *. 

Les  progrès  que  Fart  musical  fit  au  xi^  siècle,  et  la  révolution 
qui  s'opéra  alors  dans  le  système  de  notation,  doivent  principale- 
ment être  attribués  à  l'adoption  de  lignes,  dont  est  résultée  la 
portée. 

Plusieurs  auteurs,  qui  ont  traité  cette  matière,  nous  apprennent 
que  Ton  commença  d'abord  par  une  seule  ligne,  celle  de  fa  (f)  qui 
était  rouge  ;  qu'ensuite,  on  ajouta  au-dessus  de  celle-ci,  une 
seconde  ligne  jaune,  celle  de  do  ou  ut  (c)  ;  qu'un  peu  plus  tard,  on 
ajouta  à  ces  deux  lignes 'deux  autres,  et  qu'ainsi  on  arriva  à  avoir 
la  portée  de  quatre  lignes,  qui  est  encore  en  usage  pour  le  plain 
chant. 

Toutefois,  sur  les  deux  spécimens  d'écriture  musicale  de  la  fin 
du  xi^  siècle,  que  j'ai  l'honneur  de  vous  montrer,  les  deux  lignes 
ne  sont  pas,  l'une  rouge  et  l'autre  jaune  ;  mais  elles  sont,  comme 
les  neumes  qui  s'y  trouvent,  toutes  les  deux  noires.  Aussi,  ne 
sagit-il  nullement  de  lignes,  exclusivement  destinées  au/tf  (fj  et 
au  do  ou  ut  (c)  :  car,  par  exemple,  la  lettre  c  et  le  petit  trait  indi- 
quant la  clef  de  fa,  se  placent  tantôt  comme  clef  devant  la  ligne, 
et  tantôt  devant  l'interligne,  dans  le  vide  au-dessus  ou  au  bas  de 
la  ligne. 

Quelquefois,  sur  la  même  feuille,  on  a  ajouté  une  troisième  et 
même  une  quatrième  ligne  :  au-dessus,  en  dessous  ou  entre  les 
deux  lignes,  et  quelquefois  on  ne  s'est  servi  que  d'une  seule  ligne, 
où  l'indication  de  clef  se  trouve  dans  le  vide  au-dessus  et  au  bas 
de  cette  ligne  (Voyez  pi.  II,  fig.  3,  4,  5,  6  et  7). 

On  se  servait,  comme  aujourd'hui,  aussi  bien  des  interlignes 
que  des  lignes,  pour  y  placer  les  neumes  ou  les  notes. 

Sur  trois  autres  spécimens  qui  semblent   dater  du  milieu  du 

^  Tottmann,  1.  c.  p.  560. 


-46- 

XII®  siècle,  l'une  avec  neumes  et  les  deux  autres  avec  notes  dites 
pattes  de  mouches ^  on  s'est  servi  sur  la  même  feuille  de  trois,  de 
quatre  et  même,  dans  certains  cas,  de  cinq  lignes.  Parmi  ces 
lignes,  il  y  en  a  de  rouges,  de  jaunes,  de  vertes  et  de  noires. 

Les  lignes  :  b  (si)  noire  ;/  (fa)  rouge  *;  c  (do  ou  ut)  jaune  ;  et 
g  (sol)  rouge,  sont  précédées  respectivement  des  lettres  3,/,  c 
ct^/  tandis  que  les  lignes  intermédiaires  ;  d Cré)  verte;  a(laj 
noire  ;  e  (mi)  verte,  ne  sont  pas  indiquées  par  des  lettres. 

Dans  la  portée  de  trois  lignes,  on  a  au  bas  :  la  ligne/ rouge, 
puis  une  ligne  noire  (a)  et  au  haut,  la  ligne  c,  jaune.  (Voyez  pi.  II, 

fig.  8). 

Dans  la  portée  de  quatre  lignes,  on  a  au  bas  :  une  ligne  verte 
(djj  la  ligne/ rouge,  une  ligne  noire  (a)^  et  puis  la  ligne  ^  jaune)  ; 
(pi.  II,  fig.  9)  ou  bien  :  d'abord  la  ligne/ rouge,  une  ligne  noire  (a), 
la  ligne  c  jaune  et  au  haut  une  ligne  verte  (e)  (pi.  I,  fig.  lo)  ;  ou 
bien  encore  :  la  ligne  b  noire,  une  ligne  verte  (d)y  la  ligne/ rouge, 
et  une  ligne  noire  (a)^  (pi.  II,  fig  ii). 

Dans  la  portée  de  cinq  lignes,  on  a  :  la  ligne/  rouge,  une 
ligne  noire  (a),  la  ligne  c  jaune,  une  ligne  verte  (e)  ç^i  la  ligne  ^ 
rouge  (pi.  II,  fig.  12). 

Il  en  résuite  clairement  que  les  portées  n'avaient  pas  encore 
un  nombre  déterminé  de  lignes  et  que  l'on  employait  autant  de 
lignes  que  le  besoin  Texigeait,  en  augmentant  leur  nombre  au  fur 
et  à  mesure  |que  cela  était  nécessaire,  pour  indiquer  le  degré 
d'élévation  ou  d'abaissement  des  notes  ;  comme  aujourd'hui  on 
ajoute,  aux  notes  rejetées  hors  de  la  portée  au-dessus  et  en  des- 
sous, des  fractions  de  lignes,  dites  lignes  supplémentaires,  qu'on 
nomme  aussi  lignes  accidentelles  ou  fausses. 

On  plaçait  les  lettres  ou  signes  indiquant  la  clef,  tantôt  devant 
une  ligne,  tantôt  devant  une  autre.  Par  ce  moyen>  on  pouvait 
maintenir  la  voix  dans  la  portée,  sans  avoir  recours  trop  souvent 
à  des  lignes  additionnelles.  Parfois  les  lignes  changent,  à  un  certain 
endroit,  de  clef  et  par  conséquent  aussi  de  couleur  ïpl.  II,  fig.  13). 

L'emploi  de  lignes  de  diverses  couleurs,  pour  les  distinguer 


1  M.  H.  Lavoix  fils,  dans  son  Histoire  de  la  musique,  dit  à  la  page  28,  que  la  ligne 
du  fa  fut  peinte  en  vert.  C'est  une  erreur  ;  lorsque  les  couleurs  furent  appliquées 
aux  lignes,  celle  du  fa  fut  peinte  en  rou^e. 


-  47  — 

les  unes  des  autres,  s'explique  dès  que  le  nombre  de  lignes  se 
multiplia. 

A  cette  époque,  vécut  un  homme  dont  le  nom  est  devenu 
célèbre  dans  les  annales  de  la  musique  ;  je  veux  parler  de  Gui  ou 
Guido  d'Arezzo^  aussi  nommé  Guy  Aretin,  moine  bénédictin  de 
l'abbaye  de  Pompose,  né  à  Arezzo  en  Toscane,  vers  Tan  990  et 
mort  en  1066.  Dès  sa  jeunesse,  il  s'était  livré  avec  passion  à 
l'étude  de  la  musique,  et  bientôt  il  fut  chargé  d'enseigner  cet  art 
aux  religieux  de  son  couvent.  11  écrivit  un  traité  sur  la  musique, 
qu'il  intitula  Micrologiis,  et  la  méthode  qu'il  employait  était  telle- 
ment supérieure  à  celle  qui  était  usitée  de  son  temps,  que  le  pape 
Jean  XIX  le  fit  appeler  à  Rome.  Sa  nouvelle  méthode  fut  approuvée 
par  le  pontife,  qui  l'appliqua  lui-même. 

On  a  généralement  attribué  les  perfectionnements  introduits  à 
cette  époque  dans  l'écriture  musicale,  à  Gui,  bien  qu'il  paraisse 
qu'on  se  servît  déjà  de  lignes  avant  lui.  u  II  n'est  d'ailleurs,  a 
a  dit  Hector  Berlioz,  rien  moins  que  certain,  au  sujet  des  inven- 
ii  tions  de  Guido  d'Arezzo,  qu'elles  soient  réellement  les  siennes  ; 
u  car  lui-même,  dans  ses  écrits,  en  cite  plusieurs  comme  choses 
«  universellement  admises  avant  lui.  n  Quoi  qu'il  en  soit,  il 
semble  qu'il  lui  revienne  toutefois  l'honneur  d'avoir  inventé  les 
notes,  telles  à  peu  près  que  nous  les  employons  encore  aujour- 
d'hui. 

On  eut,  dès  lors,  deux  différentes  sortes  d'écriture  musicale  : 
l'écriture  avec  les  véritables  notes,  dites  guidoniennes,  appelées 
pattes  de  mouches  (Pedes  muscarum)  et  l'écriture  ayant  conservé 
la  forme  des  anciens  neumes  et  qui  finit  par  devenir  un  composé  à 
la  fois  de  neumes  et  de  notes.  Celle-ci  ne  fut  entièrement  aban- 
donnée qu'au  commencement  du    xvi^  siècle  (Voyez  pi.  II,  fig. 

3-I5)- 

La  notation  guidonienne  fut  déjà  introduite  dans  les  Pays-Bas, 
au  commencement  du  xii^  siècle,  ainsi  que  le  prouve  le  catalogue 
de  la  bibliothèque  abbatiale  d'Egmont  ^ 

Comme  nous  l'avons  vu,  les  notes  étaient  désignées  par  les  sept 
premières  lettres  de  l'alphabet,  ainsi  que  cela  se  pratique  encore 
de  nos  jours  dans  plusieurs  pays  ;  entre  autres  en  Allemagne,  en 
Angleterre,  en  Néerlande,  etc. 

^  Van  Wijn,  Huisiillftid  Lcvcn,  t.  I,  p.  323. 


-48  - 

Les  dénominations  ut,  7'é,  mi,fa,  sol,  la,  sont,  prétend-on,  égale- 
ment dues  à  Guido  d'Arezzo,  qui  avait  remarqué,  ainsi  que  le  dit 
M.  F.  Danjou,  que  les  six  premières  syllabes  de  chaque  vers 
d'une  strophe  de  l'hymne  de  Saint  Jean  correspondaient  à  six 
sons  différents,  qui  se  suivaient  diatoniquement  et  dans  l'ordre 
suivant  : 

C.  UT  queant  Iaxis, 

D.  REsonare  fibris, 

E.  Mira  gestorum, 

F.  FAmuli  tuorum, 

G.  SOLve  polluti, 
A,  LAbii  reatum, 

Sancte  Joannes. 

Ce  ne  fut  que  plus  tard,  que  le  si  fut  substitué  au  b,  et  au 
xvii^  siècle,  la  dénomination  ut  pour  le  premier  degré  de  la 
gamme  guidonienne,  fut  remplacée  par  cette  autre  do.  Quelques- 
uns  ont  attribué  cette  innovation  à  Doni,  qui  vivait  en  1630  ;  et 
d'autres  à  Bononcini,  qui  dit  dans  son  Musico  pratîco,  publié  en 
1673  :  Savverta  che  in  vece  délia  sillaba  ut,  i  moderni  si  servano  dido, 
per  esserepiU  risonante.  (On  remarquera  qu'au  lieu  d'employer  la 
syllabe  «/,  les  modernes  se  servent  de  do,  comme  plus  sonore). 

Il  paraît  certain  que  l'usage  du  bémol,  dont  quelques-uns  attri- 
buent l'invention  à  Lemaire,  à  Van  der  Putten,  et  d'autres  au 
chanoine  Jean  de  Mûris  et  au  moine  Banchieri,  remonte  égale- 
ment au  temps  de  Gui  d'Arezzo. 

Le  nombre  de  lignes  de  la  portée,  qui,  ainsi  que  nous  l'avons 
vu,  variait  d'après  les  besoins,  fut  dans  la  suite  (xiii«  siècle)  fixé  à 
quatre.  Elles  étaient  toutes  de  la  même  couleur,  rouges  ou  bien 
noires;  tandis  que  les  notes  étaient  invariablement  de  cette  der- 
nière couleur  (PI.  II,  fig.  14  et  15). 

On  plaçait  ordinairement  devant  la  ligne  do  ou  ut,  un  C;  de- 
vant celle  de  fa  un  /  ou  bien  un  petit  trait  diagonal,  auquel  on 
ajouta  plus  tard  une  queue  (PI.  II,  fig.  13,  14,  et  15). 

Au  XV®  siècle,  apparaissent  pour  la  clef  de  fa  et  celle  de  sol,  à 
peu  près  les  mêmes  figures  que  celles  que  nous  employons  au- 
jourd'hui pour  désigner  ces  clefs. 

Pour  le  plain-chant,  nom  que  l'on  donne  dans  l'Église  romaine 


Annales  de  la  Société  dAî^chéolûgie  de  Bruxelles.  Yol.V  iô9L 


PLU 


3  4  5 

V',-f,.-|yfl  J^^^^r^  ;^'^P^'S 

6  7 


i 


^J"M"»-«  I 


10 


a 


r 


rnTTTT  fct^^^^ 


rV  I  r       gff    *  f  f-f-f 


11 


12 


?=ï 


-A^ 


f  rfr 


13 


£^ 


14  15 


ItE^fE^tltl  :^  ^^ 


16 


17 


W^^^^  |f>v^|frl^ 


SPEGiMENS  D'ECRITURES  MUSICffl.ES  DU  MOYEN-ÂC-E. 


Q.JUavalette,  sculp' 


—  49  — 

au  chant  ecclésiastique  et  qui  s'exécute  à  l'unisson  ou  en  octave, 
on  a  conservé  encore  aujourd'hui  la  portée.de  quatre  lignes  et  les 
deux  clefs  do  ou  ut  ç^tfa;  alors,  que  depuis  plusieurs  siècles  déjà, 
on  note  sur  cinq  lignes,  mode  que  l'Église  réformée  avait  adopté 
pour  son  plain-chant.  Toutefois,  notre  honorable  confrère,  M.  le 
major  Combaz,  conseiller  de  notre  Société^  possède  un  curieux 
Graduel  y  livre  de  chant  catholique,  imprimé  à  Amsterdam  en  [763, 
par  P.  T.  Craijenschot,  dans  lequel  les  portées  sont  de  cinq  lignes. 
Cette  dérogation  à  l'usage  conservé  dans  l'Église  catholique, 
semble  s'expliquer  par  le  fait  que  ce  livre  a  été  imprimé  dans  un 
pays  protestant,  où,  ainsi  que  je  le  disais,  la  portée  de  cinq  lignes 
était  introduite  pour  le  plain-chant. 

Rappelons  ici  que  Ton  peut  considérer  le  plain-chant,  plantas 
canins,  chant  uni,  tel  qu'il  existe  encore,  comme  un  précieux  reste 
de  l'ancienne  musique  grecque.  Malgré  les  modifications  que  l'on 
y  a  apportées  et  qui  lui  ont  enlevé  de  son  énergie,  ce.  chant  reste 
noble,  élevé  et  majestueux. 

Au  xiv^  siècle,  on  remarque  un  changement  dans  la  forme  des 
notes  ;  elles  deviennent  carrées  (PL  II,  fig.  16)  pour  prendre  plus 
tard  la  forme  de  losange  (PL  II,  fig.  18)  et  ensuite  la  forme  ronde 
de  notre  notation  actuelle. 

Pendant  longtemps  les  notes  furent  toutes  d'une  valeur  égale 
sous  le  rapport  de  la  durée,  et  ne  marquèrent  que  les  différents 
degrés  de  la  gamme,  ainsi  que  les  diverses  modifications  de  l'in- 
tonation, fonctions  auxquelles  elles  sont  encore  à  peu  près  réduites 
de  nos  jours  dans  le  plain-chant. 

Ce  fut  vers  la  fin  du  xiv«  siècle,  ainsi  que  nous  l'apprend  M.  Char- 
les Bechem,  que  le  chanoine  Jean  de  Mûris,  auquel  l'art  musical 
est  redevable  de  précieuses  améliorations,  imagina,  selon  l'opi- 
nion commune,  d'indiquer  les  rapports  de  durée  que  les  diffé- 
rentes notes  devaient  avoir  entre  elles,  par  des  changements  dans 
leur  forme. 

Ainsi  ont  été  introduites  dans  la  notation  :  la  longue,  un  carré 
avec  queue  ;  la  brève,  un  carré  sans  queue  et  la  schni-brève,  un  lo- 
sange. Ces  notes  étaient  primitivement  toutes  noires  (PL  II,  fig. 
17).  Plus  tard,  on  eut  la  double  longue  ou  maxima,  carré  oblong 
blanc  avec  queue  ;  la.  longue,  carré  oblong  blanc  de  la  moitié  de 
la  longueur  de  la  note   précédente,  avec  queue  ;  la  brève,  carré 

4 


—  50  — 

oblong  blanc  comme  la  précédente,  mais  sans  queue;  la  ronde  ou 
semi-brève,  losange  blanc  ;  la  blanche  ou  minima,  losange  blanc 
avec  queue  ;  la  ttoire  ou  sémi-minima,  losange  noir  avec  queue  ;  la 
croche  ou  fusa,  losange  noir  avec  queue  à  une  croche  et  la  double 
croche  ou  sémi-fusa,  losange  noir  avec  queue  à  deux  croches  (PL  II, 
fig.  i8). 

On  remarquera  cette  singularité,  que  pour  la  longue,  la  queue 
sert  à  indiquer  qu*elle  vaut  le  double  de  la  brève  ;  tandis  qu'au 
contraire  pour  la  blanche  ou  minima,  la  queue  sert  à  indiquer 
qu'elle  ne  vaut  que  la  moitié  de  la  ronde  ou  semi-brève. 

C'est,  entre  autres,  dans  les  œuvres  musicales  d'Orlandus  Las- 
sus  *,  natif  de  Mons,  Tun  des  plus  célèbres  compositeurs  du 
xvi^  siècle,  qu'on  rencontre,  avec  les  autres  notes,  la  note  carrée 
(brevis) . 

Si  la  mesure  est  à  trois  temps,  la  brève  vaut  trois  semi-brèves 
ou  rondes,  et  est  alors  appelée  brevis  perfectum  ;  tandis  que  si  la 
mesure  est  à  deux  temps,  la  brève  ne  vaut  que  deux  semi-brèves 
et  se  nomme  alors  brevis  imperfecium, 

La  mesure  dite  alla  brevis  ou  a  capella,  dont  Tunité  est  la  brève, 
se  marquait,  si  elle  était  à  trois  temps,  par  un  cercle  simple  ou 
traversé  d'une  ligne  verticale  (PL  II,  fig.  19)  ;  et  si  elle  était  à  deux 
temps,  par  un  demi-cercle  barré  ou  non  (PL  II,  fig.  20J.  Si  la  barre 
verticale  n'existait  pas,  on  battait  deux  fois  sur  chaque  brève  et 
alors  la  mesure  se  trouvait  par  le  fait  être  alla  sémi-brevis ; 
quand  le  cercle  ou  le  demi-cercle  était  barré,  on  ne  battait  qu'une 
fois  sur  chaque  brève. 

Jean-Jacques  Rousseau,  qui  traita  la  musique  en  mathémati- 
cien, chercha  vainement  à  substituer  aux  notes,  les  chiffres  i  à  7. 
L'expérience  semble  avoir  prouvé  que  son  système,  quelque 
ingénieux  qu'il  paraisse  et  malgré  les  perfectionnements  qui  y  ont 
été  apportés  dans  ce  siècle  par  MM.  Galin,  Paris  et  Chevé,  n'of- 
frait pas  moins  de  difficultés  et  de  confusion  que  la  notation  ordi- 
naire ;  et  que,  de  plus,  il  était  bien  loin  de  présenter  les  mêmes 
avantages  dans  les  résultats  pratiques.  On  peut  dire  la  même 
chose  des  divers  systèmes  de  réforme  de  notation,  proposés  depuis 
par   G.   Weber,   par  A.  André,   A.   Gebhard,   Sophie  Scott, 

1  La  collection   la    plus   complète    des   compositions  d'Orlandus  Lassus,  ma- 
nuscrites en  partie,  est  celle  que  possède  la  bibliothèque  royale  de  Munich. 


I 


—  51  — 

Emmanuel  Gambale,  von  Hârringen,  Lasalette,  Prévost,  Fayet, 
Hermann  Baumgarten,  etc. 

Si  je  n'ai  pas  déjà  trop  abusé  de  votre  patience,  Messieurs,  je 
me  permettrai  d*ajouter  encore  quelques  mots  sur  l'introduction 
de  la  typographie  musicale  en  Belgique. 

On  avait  toujours  cru  que  ce  ne  fut  qu'en  1539,  que  Ton  com- 
mença dans  les  Pays-Bas,  à  publier  des  œuvres  musicales,  «  année, 
dit  M.  Alphonse  Goovaerts,  dans  son  excellent  ouvrage  intitulé  ; 
Histoire  et  bibliographie  de  la  typographie  musicale  dans  les  Pays- 
Bas,  p.  8,  où  Symon  Cock,  d'Anvers,  le  premier  typographe 
musical  des  Pays-Bas,  mit  au  jour  le  premier  livre  avec  musique 
qui  parut  dans  nos  provinces  >; . 

Il  m'a  été  donné  depuis  de  pouvoir,  avec  certitude,  reculer 
cette  date  de  huit  années,  ayant  eu  la  bonne  fortune  de  découvrir 
un  processionnal  à  l'usage  du  clergé  delà  ville  de  Bruxelles,  jus- 
qu'alors resté  inconnu  et  imprimé  à  Anvers,  en  1531,  par  Chris- 
tophe de  Ruremonde  ^ 

Ce  livre  curieux  porte  le  titre  suivant  : 

Processionale  ad  vsimi  insignis  ecclesie  diue  Gudile  et  ceteraru  ec- 
clesiariim  opidi  Bruxellen,  diligeti  cura  recognitum  et  impressum  q 
absoliitissimis  (vt  liquet)  caracteribus . 

Au  milieu,  une  vignette  (gravure  en  bois)  représentant  la  Tri- 
nité, entourée  des  anges  et  des  saints,  au-dessus  d'une  église  de- 
vant laquelle  sont  agenouillés  le  pape  à  la  tête  de  son  clergé,  et 
l'empereur  suivi  des  princes  de  l'empire. 

Au  bas  :  Impressum  Antwerpie  per  Christophorum  Ruremunda- 
danum. 

Au  bas  du  verso  de  la  dernière  feuille  on  lit  : 

Totus  hic  nonus  ab  incude  prodit  libellus,  eu  antea  7msqj  ips^^  cos- 
tet  exaratu.  Qui  eu  ecclesijs  opidi Bruxe lien,  in  habendis  procès sionis 
subseruit  :  Suigeneris  exemplarium  solitum  presefert  cognomentum, 
quod  Processionale  est,  Sumptus  autem  quibus  absoluius  est,  fratres 
qui  eiusde  opidi  ludo  literario  prestmt  prestiterut,  cum  Christophoru 
Ruremundan  vt  typis  excuderet  conduxerint,  Anno  M.ccccc.xxxj, 
Mese  Augusto. 

1  Voyez  ma  «  Bibliographie  musicale.  II  Publications  musicales  inédites^  imprimées 
dans  les  Pays-Bas,  »  insérées  dans  les  Annales  du  Bibliophile  belge^  nouvelle  série,  1. 1, 
pp.  95-94. 


—  52  — 

Ce  volume  est  in-4°  et  contient  77  feuillets.  Caractères  gothi- 
ques imprimés  en  rouge  et  noir  ;  les  lignes  des  portées,  qui  sont 
au  nombre  de  quatre,  sont  imprimées  en  rouge,  tandis  que  les 
notes  de  musique  sont  noires. 

Un  autre  produit  de  typographie  musicale,  qui  n*est  pas  men- 
tionné dans  le  savant  ouvrage  précité  de  M.  Alphonse  Goovaerts, 
et  également  d'Anvers,  porte  le  millésime   1652  et  est  intitulé  : 

Motetta  Bonifacii  Gratianî,  Duahus,  Tribus,  Quatuor,  Quinque  et 
Sex  Vocibus  decantanda.  Ténor. 

Antwerpîœ,  Apud  Magdalenam  Phalesîam  et  Cohœredes  Typo- 
graphî  Musices .  MDCLII. 

In-40  de  28  pages. 

Les  notes  sont  imprimées  avec  des  caractères  détachés  ou  mo- 
biles. Le  titre  encadré  est  orné  de  la  marque  au  roi  David. 


Cartouche  avec  notes  de  musique 

surmonté  d'un  écusson  ornant,  avant  la  chute 

du  beffroi  en  1714, 

un   pilier    de    cuivre    du    baptistère  de 

l'église  de  Saint-Nicolas  à  Bruxelles. 

(Ex;rait  d'un  manuscrit 

du  xviiie  siècle  en  la  possession  de  l'auteur.) 


En  terminant  cette  modeste  communication,  veuillez  permettre 
à  un  numismate-mélomane  de  vous  montrer  une  médaille  avec 
notes,  gravée  par  E.  Rogat  dirigé  par  P.-J.  David,  1837.  Elle 
est  frappée  en  l'honneur  de  Rouget  de  Lisle,  dont  elle  porte  le 


-  53  — 

buste.  Sur  le  revers  de  cette  pièce,  d'un  diamètre  de  5  centimè- 
tres, est  reproduite  toute  la  Marseillaise,  musique  et  paroles,  six 
couplets. 

Malgré  cette  médaille  et  la  statue  qu'on  lui  a  élevée  comme  au- 
teur du  poème  et  de  la  musique  de  ce  célèbre  chant  révolution- 
naire, on  lui  contesta  aujourd'hui  la  paternité  de  cette  grandiose 
composition.  Il  aurait  tout  bonnement  adapté  ses  vers,  faits  en 
1792,  aune  mélodie  de  Toratorio  Esiher,  composée  entre  1775  et 
1787  par  J.-B.-L.  Grison,  maître  de  chapelle  de  la  cathédrale  de 
Saint-Omer  en  Artois,  en  la  faisant  passer  pour  son  œuvre  à  lui  !  * 

Il  me  reste,  mes  chers  et  honorables  confrères,  à  vous  remercier 
de  l'attention  bienveillante  que  vous  avez  bien  voulu  me  prêter, 
espérant  ne  pas  Tavoir  mise  à  une  trop  rude  épreuve. 

C*^  Maurin  de  Nahuys. 

^  Voyez  Arthur  Loth,  Léchant  delà  Marseillaise  et  son  vèritaUe  auteur,  ainsi  que  la 
Neue  MusihZeituns,  de  1887,  p.  109. 


NOTE  SUR 


UN  OUVRAGE  EN  TERRE 


SITUÉ    DANS   LA    VALLÉE    DE    l'ORNE 


à    COURT-SAINT-ÉTIENNE 


a  rivière  FOrne,  qui  se  jette  dans  la  Thyle  au  village  de 
Court-Saint-Etienne,  traverse,  dans  la  partie  inférieure 
de  son  cours,  une  suite  de  bassins,  ou  plutôt  de  petits 
cirques,  taillés  dans  les  roches  d'âge  silurien  du  Brabant.  Le 
dernier  de  ces  cirques,  qui  mesure  une  vingtaine  d'hectares,  com- 
munique avec  le  bassin  supérieur  par  une  sorte  de  défilé  qui  n'a 
guère  plus  de  cent  mètres  de  large  à  la  base  de  ses  deux 
versants.  Cette  gorge  est  dominée,  sur  la  rive  droite,  par  une 
longue  croupe  qui  s'élève  jusqu'au  plateau  de  la  Quenique,  connu 
pour  son  vrai  cimetière  de  tumulus  à  incinération  (le  fond  du 
cirque  porte,  du  reste,  le  nom  de  Pré  des  Mottes,  suffisamment 
explicite  en  lui-même).  Sur  la  rive  gauche  se  dresse  une  ligne 
d'escarpements  dont  la  rivière  longe  le  pied  et  qui  sont  coupés, 
en  aval,  par  un  petit  ruisseau  encaissé,  le  Glori. 


—  55  — 

Jusqu'ici,  aucune  découverte  archéologique  n'a  été  faite,  que  je 
sache,  sur  le  versant  gauche  de  la  vallée  de  l'Orne.  On  m'avait 
bien  signalé,  il  y  a  quelques  années  déjà,  la  prétendue  existence 
de  ruines  dans  le  bois  du  Glori.  En  1887,  j'avais  même  été  recon- 
naître le  terrain  avec  M.  l'ingénieur  Rucquoy.  Mais  l'épaisseur  du 
taillis  nous  avait  empêché  de  poursuivre  sérieusement  l'examen 
du  terrain  ;  tout  au  plus  avions-nous  pu  constater  l'existence 
d'une  sorte  de  fossé  incliné  qui  se  cieusait  dans  l'accotement  de 
la  vallée  au-dessus  de  la  jonction  du  Glori  avec  l'Orne.  Mais  nous 
avions  pensé  que  c'était  simplement  un  de  ces  anciens  chemins 
creux  comme  on  en  rencontre  souvent  dans  nos  bois. 

Comme  le  taillis  avait  été  enlevé  au  cours  de  cet  hiver,  —  ren- 
trant à  Court-Saint-Etienne,  il  y  a  quelques  semaines,  par  la 
route  de  Beaurieux  qui  longe  la  rive  droite  de  l'Orne,  —  je  fus 
assez  surpris  d'apercevoir,  sur  la  rive  opposée,  en  haut  des 
escarpements  dont  la  crête  se  découpait  nettement  sur  le  ciel, 
deux  espèces  de  monticules  qui  se  détachaient  en  forme  de 
tumulus. 

J'eus  bientôt  atteint  le  plateau  terminal  f)ar  le  vallon  du  Glori 
et,  si  je  fus  quelque  peu  désappointé  en  reconnaissant  qu'il  n'y 
avait  rien  de  funéraire  dans  ces  buttes  (ou  plutôt  dans  cette  butte, 
car  les  deux  saillies  entrevues  du  bas  étaient  simplement  les  deux 
cornes  d'un  même  cône  tronqué,  comme  vous  pouvez  le  voir 
aisément  dans  la  photographie),  j'eus  du  moins  la  satisfaction  de 
constater  que  je  me  trouvais  là  devant  un  ouvrage  artificiel  assez 
important  et  sans  doute  construit  dans  un  but  stratégique. 

Quand  on  suit  la  crête  droite  du  vallon  de  Glori,  on  débouche 
sur  une  sorte  de  péninsule  qui  peut  comprendre  un  quart 
d'hectare  et  qui  est  enserrée,  de  l'autre  côté,  par  la  vallée  de 
l'Orne.  Ce  petit  plateau  est  séparé  des  terrains  supérieurs  par 
un  fossé  d'autant  plus  facilement  discernable  que  la  terre  a  été 
rejetée  vers  l'intérieur  pour  former  rempart.  Il  se  termine,  vers 
la  vallée,  par  le  monticule  en  question,  lui-même  séparé  du  pla- 
teau par  un  fossé  presque  circulaire  qui  mesure  une  profondeur 
de  trois  à  quatre  mètres.  C'est  une  butte  qui  peut  avoir  de  9  à 
10  mètres  de  hauteur  ;  sa  circonférence  est  de  75  à  80  mètres.  Le 
sommet  se  compose  d'une  plate-forme  évidée  que  je  comparerai 
volontiers  à  un  cratère,  ou  encore  à  une  barque;  le  centre,  en 


-  57  — 

effet,  est  occupé  par  une  dépression  de  deux  à  trois  mètres  en 
contre-bas  de  la  margelle,  celle-ci  formant  un  véritable  chemin 
de  ronde.  Le  fossé  cesse,  du  côté  de  la  vallée  de  l'Orne,  là  où  la 
raideur  des  pentes  le  rend  inutile  au  point  de  vue  défensif.  Les 
parois  de  la  dépression  sont,  en  outre,  ébréchées  dans  la  direction 
de  l'Orne,  mais  il  est  très  possible  que  cette  brèche  soit  due  à 
l'action  des  eaux  atmosphériques.  Des  traces  de  terrassements  se 
remarquent  encore  un  peu  plus  bas. 

Un  examen  superficiel  ne  m'a  révélé  aucune  trace  de  construc- 
tion, même  en  pierres  de  schiste.  Je  me  suis,  toutefois,  assuré  que 
la  butte  était  formée  de  terrain  rapporté.  Il  est  probable  qu'on 
aura  utilisé,  pour  la  construire,  les  terres  retirées  du  fossé  ou  de 
ses  abords  immédiats.  Je  n'ai  pas  poussé  plus  loin  les  fouilles, 
d'abord  parce  que  je  désirais  les  voir  entreprendre  par  de  plus 
compétents,  ensuite  parce  que  j'aurais  dû  avoir  l'autorisation  du 
propriétaire,  en  ce  moment  absent  de  Court-Saint-Etienne. 

La  vallée  de  l'Orne  a  dû  servir  de  tout  temps,  comme  route,  ou, 
tout  au  moins  comme  chemin  de  traverse,  pour  gagner  la  vallée 
supérieure  de  la  Dyle  en  partant  des  plateaux  qui  s'étendent  vers 
Gembloux  et  que  coupait  autrefois  une  voie  romaine.  On  n'au- 
rait pu  choisir  un  meilleur  emplacement  que  ce  promontoire  pour 
commander  le  passage,  ainsi  qu'on  peut  s'en  convaincre  par  un 
simple  coup  d'œil  sur  la  carte  de  l'Etat-major.  La  position  était 
d'une  défense  facile,  grâce  au  rehefdu  terrain.  Enfin, du  sommet, 
la  vue  pouvait  suivre  la  vallée  de  l'Orne  —  en  amont  jusqu'aux 
hauteurs  de  Mont-Saint-Guibert,  là  où  passe  la  route  de  Bruxelles 
à  Namur  —  en  aval  jusqu'au  versant  opposé  de  la  vallée  de  la 
Thyle,  là  où  s'élève,  sur  la  rive  gauche  de  cette  rivière,  un  plateau 
d'environ  quatre  hectares,  protégé  en  grande  partie  par  la  courbe 
de  la  vallée  et  séparé  des  campagnes  avoisinantes  par  un  chemin 
creux  passé  à  l'état  de  ravin.  C'est  sur  cet  îlot,  escaladé  au  sud- 
est  par  la  rue  principale  du  village,  qu'est  bâtie,  outre  le  châ- 
teau, l'église  de  Court-Saint-Étienne,  déjà  mentionnée  au  xii^  siè- 
cle. J'ai  trouvé,  en  faisant  exécuter  des  travaux  de  plantation,  les 
restes  d'un  mur  en  pierre,  extrêmement  épais  qui  longeait  la  base 
de  ce  plateau  parallèlement  à  la  Thyle. 

Court-Saint-Étienne  semble  avoir,  de  tout  temps,  possédé  une 
population  assez  dense  et  joué  un  rôle  dans  les  opérations  mili- 


-58  - 

taires  dont  le  Brabant  méridional  était  le  théâtre.  Le  plateau  de 
la  Quenique,  situé  en  face  de  notre  butte,  a  révélé  des  traces  d^oc- 
cupation  qui  datent  de  tous  les  âges,  depuis  celui  de  pierre 
polie  jusqu'au  nôtre,  en  passant  par  le  bronze,  le  fer  et  même  la 
pierre  à  fusil.  Dès  le  xi*^  siècle,  comme  le  constatent  MM.  Tarlier 
et  Wauters,  dans  leur  savant  ouvrage  Les  Communes  belges,  le 
hameau  de  Beaurieux,  à  un  kilomètre  en  amont,  possédait  une 
seigneurie  puissante  et  batailleuse  ;  Court-Saint-Étienne  eut  fort 
à  souffrir  pendant  les  guerres  de  religion  et  même  pendant  celles 
du  xvii^  siècle.  Le  pays  fut  plus  d'une  fois  occupé  pendant  des 
périodes  assez  longues  par  les  détachements  des  armées  belligé- 
rantes et,  vers  1645,  les  habitants  durent  même  s'armer  pour  se 
protéger  contre  les  incursions  des  troupes  hollandaises. 

A  quelle  époque  se  rattachent  les  ouvrages  dont  je  viens  de 
parler  ?  Je  ne  prendrai  pas  sur  moi  de  résoudre  la  question,  mais 
je  demanderai  à  la  Société  s'il  ne  lui  conviendrait  pas  de  déléguer 
une  commission  pour  examiner  ce  qu'il  y  a  de  sérieux  dans  les 
constatations  que  je  crois  avoir  faites  *. 

Comte  Goblet  d'Alviella. 


^  Des  sondages  ont  été  exécutés  à  la  demande  de  la  Société  par  MM.  Rutot  et 
baron  A.  de  Loë  sur  les  emplacements  décrits  par  M.  le  comte  Goblet  d'Alviella. 
—  On  en  trouvera  le  compte  rendu  dans  V Annuaire  de  la  Société  pour  1891. 

fNote  de  la  Commission  des  publications) . 


'•^%S^P 


BALANCES 

TROUVÉES    DANS  DES    TOMBES    DES    CIMETIÈRES  FRANCS  d'HaRMIGNIES  (HaINAUT) 

de  Belvaux,  de  Wancennes  et  d'Eprave  (prov.  de  Namur). 


Omnia  numéro ^  pondère  et  mensura. 

Avant  de  parler  des  balances  trouvées  dans  les  cimetières 
francs  d'Harmignies,  de  Belvaux,  de  Wancennes  et  d'Eprave,  je 
crois  nécessaire  de  présenter  quelques  considérations  géné- 
rales sur  cet  instrument  indispensable  au  commerce  et  au 
progrès  de  presque  toutes  les  sciences. 

Il  est  certain  que  la  balance  remonte  à  la  plus  haute  antiquité, 
car  Thomme  a  dû  chercher  de  bonne  heure  un  moyen  sûr  et 
facile  de  comparer  le  poids  de  deux  objets;  le  soupèsement  par 
les  mains  devait,  en  effet,  occasionner  de  nombreuses  contesta- 
tions et  ne  pouvait  donner  que  des  estimations  approximatives. 
C'est  probablement  l'habitude  *  de  peser  au  moyen  des  mains 
les  objets  dont  on  voulait  comparer  le  poids  qui  aura  fait  naître 
l'idée  de  suspendre  deux  plateaux  de  même  pesanteur  à  deux 
bras  de  levier  égaux  basculant  sur  un  axe.  Quoi  qu'il  soit,  une 

1  Cependant,  par  l'habitude  de  peser  avec  la  main  des  objets  de  même  nature, 
on  arrive  à  une  assez  grande  précision.  Dans  la  Keviu  S:ientifiqiu\  1890  (15  mars), 
p.  349,  un  employé  des  p.)stes  raconte  qu'il  était  parvenu  à  séparer  facilement,  sans 
les  peser,  les  lettres  qui  dépassaient  le  poids  réglementaire  et  même  à  apprécier 
une  différence  de  poids  qui  n'était  guère  de  plus  de  10  centigrammes.  L'erreur  re- 
lative était  i/ioo  environ. 


—  6o  — 

ancienne  peinture  égyptienne  représente  deux  individus  occupés 
à  peser  sur  une  balance  à  deux  plateaux  des  anneaux  de  métal 
donnés  en  échange  d'un  mouton  placé  dans  un  des  plateaux  *. 

Dans  les  proverbes  de  Salomon,  chap.  XVI,  verset  ii,  il  est 
dit  :  <•  La  balance  et  le  trébuchet  justes  sont  de  PEternel,  et  tous 
les  poids  du  sachet  sont  son  œuvre,  w  Je  me  borne  à  ces  indica- 
tions ^,  mon  but  n'étant  pas  d'étudier  l'origine  et  l'ancienneté  de 
la  balance. 

Il  n'est  cependant  pas  téméraire  d'affirmer  que  l'emploi  des 
métaux  précieux  comme  objets  d'échange  et  l'usage  des  pre- 
mières monnaies,  qui  consistaient  en  lingots  plus  ou  moins 
réguliers  et  dont  il  importait  de  vérifier  le  poids  pour  chaque 
pièce,  devaient  nécessairement  amener  la  découverte  de  la 
balance,  si  son  invention  n'avait  déjà  pas  été  faite. 

Or,  les  numismates  fixent  le  début  du  monnayage  au  com- 
mencement du  vii^  siècle  avant  l'ère  chrétienne.  Ces  lingots- 
monnaie  étant  fabriqués  à  un  poids  déterminé,  sont  une  preuve 
incontestable  de  l'existence  de  la  balance.  Mais  antérieurement 
au  monnayage  proprement  dit,  la  balance  devait  être  en  usage 
puisque,  à  cette  époque  reculée,  l'estimation  des  choses  se  faisait 
par  une  certaine  quantité  d'or  ou  d'argent  brut  échangé  au  poids. 
La  balance  est  donc  un  ustensile  très  ancien,  dont  l'origine  se 
perd  dans  la  nuit  des  temps  sans  qu'on  puisse  dire  par  quel 
peuple  elle  fut  inventée^;  mais  sa  forme  primitive,  réproduite  sans 
discontinuité  jusqu'à  nos  jours,  a  été  celle  que  j'ai  décrite  ci-des- 
sus. Aussi  le  nom  latin  de  cet  instrument,  bilanx  (gén.  bilancis) 
est-il  composé  des  deux  mots  :  bis,  deux,  et  lanx,  plateaux  (donc 
qui  a  deux  bassins  ou  plateaux)  d'où,  en  bas  latin,  le  mot  bilancia 
duquel  est  dérivé  le  mot  français  balance. 


'  V.  Monnaies  et  médailles,    par  F.  Lenormant.  Paris,   imp,   Quantin.  p.  12. 

2  Voy.  aussi  Homère,  Iliade,  liv.  VII,  v.  471  et  suiv.,  liv.  VIII,  v.  69  et  suiv. 

3  La  balance  fut  peut-être  inventée  par  les  Egyptiens.  Notre  savant  col- 
lègue, M.  Hagemans,  a  bien  voulu  me  dire  qu'on  trouve  le  nom  de  la  balance  sur 
des  monuments  égyptiens  de  la  plus  haute  antiquité.  On  la  voit  même  dans  les 
Rituels  funéraires  servant  à  peser  les  âmes.  Balance  se  disait  :  ma/.a  ;  plateaux  et 
poids  :  mâ'/atou.  On  trouve  aussi  la  balance  dans  les  groupes  ^amah,  hmaga, 
hnas.  Or  ^amah,  hama^a  et  hmag  signifient  enchâsser  dans  l'or,  faire  un  travail  de 
joailler  ou  d'orfèvre.  Ceux-ci  pesaient  naturellement  avec  soin  les  matières  pré- 
cieuses employées  par  eux. 


—  6i  — 

Je  m'empresse  de  passer  au  sujet  proprement  dit  de  ma  com- 
munication :  la  petite  balance  trouvée  en  octobre  1889  dans  une 
tombe  du  cimetière  franc  d'Harmignies(pl.III)et  que  j'ai  le  plaisir 
de  mettre  sous  vos  yeux,  grâce  à  Tobligeance  de  notre  zélé  col- 
lègue, M.  le  baron  Alfred  de  Loë,  qui  recueille  avec  tant  de  soin 
et  de  science  les  objets  enfouis  dans  cette  antique  nécropole. 

Cette  balance  (fig.  i,  pi.  IVjest  en  laiton  ou  en  bronze;  les  bras 
ont  ensemble  une  longueur  de  9  1/2 centimètres;  leurs  extrémités 
aplaties  ont  des  œillets  par  lesquels  passent  de  petits  anneaux  aux- 
quels étaient  suspendues  les  cordelettes  des  plateaux;  ceux-ci,  de 
forme  concave  régulière,  sont  percés,  à  distances  égales,  de  trois 
trous  pour  attacher  les  ficelles  qui  servaient  à  la  suspension  ;  le 
diamètre  de  ces  plateaux  ne  dépasse  pas  de  beaucoup  deux  centi- 
mètres (fig.  i^,  pi.  IV).  Le  manche  mobile  de  cette  balance  a  une 
longueur  de  4  centimètres  S'  la  languette  a  26  millimètres. 

Un  poids  en  bronze  ou  en  cuivre  trouvé  à  côté  de  cette 
balance  est  légèrement  oxydé  mais  ne  porte  aucune  marque; 
sa  surface  est  unie,  faiblement  striée  ;  sa  forme  est  ronde  comme 
celle  des  poids  du  moyen  âge  ;  son  diamètre  est  exactement  d'un 
centimètre,  son  épaisseur  de  i  1/2  millimètre  et  son  poids  préci- 
sément d'un  gramme  (fig.  i^,  pi.  IV). 

Dans  une  autre  tombe  du  cimetière  d'Harmignies,  M.  le  baron 
de  Loë  a  trouvé  un  plateau  de  balance  d'un  diamètre  plus  grand 
(4  centimètres,  à  deux  millimètres  près).  Ce  plateau  est  aussi  en 
laiton  ou  en  bronze,  de  forme  concave  régulière,  et  percé,  à 
distances  égales,  de  trois  trous  (fig.  4,  pi.  IV). 

Ce  plateau  était  isolé  et  placé  un  peu  plus  bas  que  la  boucle 
du  ceinturon  d'un  guerrier  aux  côtés  duquel  se  trouvaient  une 
framéc,  un  scramasaxe  et  un   petit  couteau. 

La  petite  balance  avait  été  déposée  aux  pieds  d'un  guerrier 
ayant  une  framée,  une  grande  épée  en  fer,  un  grand  couteau 
en  forme  de  scramasaxe,  un  petit  couteau  en  fer,  des  boucles, 
boutons  et  terminaisons  de  lanières,  le  tout  en  fer,  un  briquet 
en  fer,  une  sorte  de  serpe  en  fer,  un  vase  en  terre  noire,  un 
clou  en  fer  du  cercueil,  avec  une  pièce  gauloise  en  potin  (d'un 
peuple  de  l'Est  de  la  Gaule,  peut-être  des  Lingons);  enfin,  près 

1  Un  morceau  de  ficelle  conservé  par  l'oxydation  est  encore  attaché  au  manche 
mobile.  Cette  ficelle  a  sans  doute  servi  à  suspendre  la  balance. 


-    62    — 

de  la  balance,  étaient  des  débris  de  bois  et  de  fer,  ainsi  que  de 
petits  ornements  en  bronze,  peut-être  les  restes  de  la  boîte  qui 
renfermait  la  balance. 

D'après  Tensemble  des  trouvailles  faites  dans  le  cimetière 
d'Harmignies,  il  n'est  pas  trop  imprudent  d'affirmer  que  cette 
petite  balance  a  été  employée  dans  le  courant  du  vi^  siècle  de 
notre  ère.  C'est  aussi  Tâge  que  M.  de  Pétigny  *  attribue  à  une 
balance  trouvée  à  Envermeu  (Normandie)  par  l'abbé  Cochet. 

Ces  balances  sont  assez  rarement  trouvées  dans  les  tombes 
franques,  en  Belgique.  Notre  savant  collègue,  M.  Désiré  Van 
Bastelaer,  n'en  a  jamais  découvert  dans  les  nombreuses  tombes 
franques  qu'il  a  fouillées. 

Avant  la  trouvaille  faite  à  Harmignies  par  MM.  le  comte  de  Looz- 
Corswarem  et  le  baron  de  Loë,  je  ne  connaissais  qu'une  seule 
petite  balance  exhumée  d'une  tombe  franque  située  en  Belgique. 
Cet  objet  (fig.  2,  pl.IV)  rare  fait  actuellement  partie  des  richescollec- 
tions  du  musée  de  Namur  et  a  été  découvert  à  Belvaux  (commune 
de  Resteigne,  province  de  Namur),  au  lieu  dit  le  Tombois,  sur  la 
rive  droite  de  la  Lesse.  Il  n'existe  plus  que  le  fléau  en  bronze, 
parfaitement  conservé,  les  plateaux  très  délicats  de  cette  balance 
n'ayant  pu  résister  à  l'action  du  temps.  Ce  fléau  a  une  longueur 
de  douze  centimètres;  il  est  encore  mobile  ;  chaque  extrémité 
porte  un  petit  œillet  pour  y  fixer  les  fils  qui  supportaient  les 
bassins.  Le  manche  mobile,  terminé  par  une  pointe  s-ervant  à  tenir 
la  balance  par  le  bout  des  doigts,  a  une  longueur  de  quatre  cen- 
timètres, mais  n'a  pas  de  languette  entière  comme  celle  de  la 
balance  d'Harmignies.  Celle-ci  est  donc  la  seule  balance  à  deux 
plateaux  complète,  découverte  dans  notre  pays.  Le  fléau,  en 
bronze,  de  Belvaux,  était  aussi  placé  dans  la  sépulture  d'un  guer- 
rier qui  portait  un  anneau  sur  le  chaton  duquel  sont  gravées  des 
croix  recroisetées  ^. 

Notre  savant  collègue,  M.  A.  Bequet,  a  eu  l'obligeance  de 
m'écrire  qu'il  a  encore  trouvé  dans  le  cimetière  franc  de  Wan- 
cennes,  près  Beauraing  (province  de  Namur)  un  petit  bassin  en 
bronzeayantsansdouteappartenuàunebalance(fig.5,pl.  IV).  Il  est 

1  Lettre  à  l'abbé  Cochet. 

2  BnauET,  Annales  de  la  Société  archéologique  de  Namur,  t.  XV,  pp.  319-321. 
M.  Bequet  a  bien  voulu  me  permettre  de  publier  le  dessin  de  cette  balance,  dont  il 
n'existait  aucune  image. 


Fer  de  lance.   ;; 


Petite  boucle       fer 

Boutons,  boucles  et 
terminaisons  de  la- 
nières, etc.,  le  tout 
en  fer. 


Grand  couteau  en 
forme  de  sera  ma  saxe. 


Sorte  de  serpe  en  fer 

Vase  eu  terre  noire.  --L.... 


-  Boucle  en  fer. 


Grande  épée  en  fer. 

Garnitures   du    four- 
reau de  l'épée. 


Petit  couteau  en  fer. 


Débris  de  bois  et  de 
fer  et  ornements    en 
bronze,  peut-être  les 
/  débris  de  la  boîte  con- 
tenant la  balance. 

Clou  de  cercueil  avec 
une  pièce  de  monnaie 
gauloise  y  adhérente. 


Briquet  en/er. 

Petite  balance,  deux 
plateaux  et  un  petit 
poids  en  bronze. 


f'-'"-  Cimeticre  franc  d'Harmignies.  Tombe  N«  308. 
Fomlles  de  MM.  le  comte  de  Looz-Corswarem  et  le  baron  A.  de  Loê. 


-  64- 

fait  d'une  feuille  de  bronze  assez  mince  et  assez  grossièrement 
travaillée.  Son  diamètre  est  de  55  millimètres,  sa  concavité  est 
fort  grande  et  il  ne  paraît  pas  avoir  de  petits  trous  pour  attacher 
les  ficelles  de  suspension;  le  rebord,  il  est  vrai,  est  en  mauvais 
état.  Il  y  a  cependant  toute  probabilité ,  remarque  M.  Bequet,  que 
ce  petit  godet  a  été  le  bassin  d'une  balance. 

Tout  récemment,  et  depuis  la  trouvaille  de  M.  le  baron  de  Loë, 
le  cimetière  franc  de  la  Croix-Rouge  à  Eprave  (province  de 
Namur,  arrondissement  de  Dinant)  a  fourni  une  petite  balance 
dite  romaine  *,  parfaitement  conservée  et  possédant  encore  son. 
poidscurseur  (fig.  3,  pi.  IV).  Lefléau  porte  plusieurs  encoches  indi- 
catives. (Voyezpl.  IV,  cette  figure  dessinée  en  grandeur  naturelle). 
Cette  balance  est  en  bronze  et  son  plateau  unique,  rattaché  au 
fléau  par  trois  grosses  chaînettes,  est  en  fort  bon  état.  Les  Francs 
ont- ils  pu  fabriquer  un  objet  d'une  technique  aussi  savante?  C'est 
douteux.  Sont-ils  venus  en  possession  de  cette  balance  en  pillant 
des  Gallo-Romains  ou  l'ont-il  simplement  achetée  à  ceux-ci?  Quoi 
qu'il  en  soit,  M.  Bequet  m'écrit  qu'il  serait  difficile  de  déterminer 
si  elle  a  été  fabriquée  par  un  ouvrier  gallo-romain  ou  par  un 
franc.  M.  Bequet  l'attribue  cependant  plus  volontiers  à  un  ouvrier 
franc,  car  si  la  forme  en  est  romaine,  remarque  le  savant  archéo- 
logue, sa  technique  paraît  plutôt  franque.  Ce  serait  dans  ce  cas 
une  imitation,  en  réduction,  d'une  balance  romaine.  M.  Bequet 
ajoute  qu'il  n'a  jamais  rencontré  dans  les  villas  ni'dans  les  tom- 
beaux de  l'époque  romaine  ces  petites  balances,  mais  plusieurs 
poids  dont  le  musée  de  Namur  renferme  de  nombreux  exem- 
plaires qui  n'ont  pas  encore  été  étudiés. 

Ayant  soigneusement  examiné  cette  balance  d'Éprave,  elle 
me  semble  de  fabrication  gallo-romaine,  à  cause  de  la  perfec- 
tion de  travail  et  de  la  science  qu'exigeait  son  agencement, 
Elle  me  paraît  dater  du  vi^  siècle,  puisque  des  monnaies  de 
cette  époque  ont  été  trouvées  dans  une  tombe  rapprochée  de  la 
sépulture  contenant  cette  balance.  Celle-ci  offre  une  particularité 
très  ingénieuse  :  un  crochet  attaché  tout  près  du  plateau  de  la 
balance  permet  de  la  suspendre  en  ne  perdant  presque  rien  de  la 

1  Cette  balance  fait  partie  des  collections  du  Musée  d'archéologie  de  Namur.  Elle 
présente  beaucoup  d'analogie  avec  la  balance  trouvée  au  Jardin-Dieu  de  Cugny 
(Aisne). 


-  65  - 

longueur  du  bras  de  levier,  tandis  qu'un  autre  crochet,  placé  à  une 
plus  grande  distance  du  plateau,  donne  le  moyen,  en  retournant 
Finstrument,  d'obtenir  un  bras  de  levier  plus  court  et  par  consé- 
quent de  peser  des  objets  plus  légers.  La  tige  du  levier  porte  plu- 
sieurs marques  destinées  à  régler  la  position  du  poids  curseur 
pour  des  pesanteurs  déterminées.  Cette  balance  servait  probable- 
ment à  peser  des  monnaies  d'or  et  d'argent. 

Mon  intention  n'étant  pas  de  décrire  toutes  les  balances 
découvertes  dans  des  tombes  franques,  je  me  bornerai  à  signa- 
ler celles  qui  proviennent  des  contrées  limitrophes  de  la  Belgique 
ou  qui  ont  fait  l'objet  d'intéressants  commentaires. 

Le  cimetière  franc  de  Schandel  ^  dans  le  Grand-Duché  de 
Luxembourg,  a  fourni,  en  1859,  un  fléau  de  balance  à  plateaux,  en 
bronze.  Voici  comment  le  professeur  D'"  A.  Namur  décrit  cet 
objet  :  (i  petite  barre  en  bronze  ayant  une  longueur  de  quinze 
centimètres,  percée  de  trous  à  chaque  extrémité,  munie,  au  cen- 
tre,*d'une  petite  excroissance  plate  d'un  centimètre  carré  et  percée 
d'un  trou  "^.  » 

Une  balance  en  bronze,  avec  ses  deux  plateaux,  a  été  recueillie 
par  M.  Fréd.  Moreau,  le  27  août  1877,  avec  un  scramasaxe,  dans 
une  sépulture  en  pleine  terre,  à  un  mètre  du  sol,  dans  la  nécropole 
d'Arcy-Sainte-Restitue  (département  de  l'Aisne,  France).  Cette 
balance  est  dessinée,  en  grandeur  naturelle,  sur  la  planche  supplé- 
mentaire O  de  l'album  Caranda. 

Près  de  cette  balance,  il  y  avait  deux  groupes  de  monnaies 
romaines  en  bronze  serrées  comme  par  un  coin,  au  moyen  d'une 
aiguillette  de  ceinturon  en  bronze  étamé  et  maintenues  par  une 
petite  patte  en  bronze,  assez  élégante.  M.  Frédéric  Moreau  y  voit 
deux  pesons.  Cela  me  semble  douteux  :  ces  prétendus  pesons 
me  paraissent  d'un  poids  et  d'une  grandeur  trop  considérables 
pour  qu'ils  aient  pu  servir  aune  balance  aussi  légère  et  tenir  dans 
d'aussi  petits  plateaux.  Arcy-Sainte-Restitue  a  fourni  deux  autres 
balances,  trouvées  dans  des  tombes  en  pierre  ;  l'une  à  la  date  du 
I"  octobre  1877,  avec  ses  deux  plateaux  en  assez  bon  état;  elle 
était  accompagnée  d'un  seul  petit  bronze  de  Posthume  (258-267), 

^  Schandel,  arrondissenient  de  Diekirch,  canton  d'Ospern. 

'' Y oyQz  Publications  de  la  Société  pour  la  recherche  et  la  conservation  ihs  monuments 
historiqws  dans  le  Grand-Duché  de  Luxembourg ^  t.  XVI  {1860,  p.  138,  pi.  II,  fig.  8). 

5 


—  66  — 

peut-être  utilisé  comme  peson.  Il  y  avait,  dans  la  même  tombe, 
une  plaque  ajourée  provenant  d'un  ceinturon.  L'autre,  trouvée 
le  29  juin  1878,  près  d'un  squelette  qui  avait  à  la  ceinture  un  fort 
coutelas  soutenu  par  un  anneau  de  bronze  et  une  francisque  à  ses 
pieds.  Les  plateaux  de  cette  troisième  balance  étaient  en  partie 
détruits  par  l'oxydation  ;  elle  était  accompagnée  d'un  seul  peson, 
un  petit  bronze  de  Constantin-le-Grand  (306-337). 

L'abbé  Hamard  découvrit  une  semblable  balance,  au  mont  de 
Hermès,  dans  une  tombe  qui  renfermait  une  épée  et  un  grand 
couteau  *.  Le  fléau  de  cette  balance  a  14  centimètres  de  longueur 
et  le  manche  a  25  millimètres.  Le  diamètre  des  plateaux  est  de 
4  centimètres.  Cette  balance  était  renfermée  dans  un  écrin  en  bois 
garni  de  cuir,  d'étoffe  et  de  petits  clous  à  rivets,  A  côté,  un  petit 
bronze  romain. 

En  1883,  M.  Michel  Hardy  a  fouillé,  non  loin  de  la  ville  d'Eu,  en 
Normandie,  un  cimetière  franc  composé  de  70  sépultures; 
dans  Tune  d'elles,  il  a  recueilli,  sur  le  corps  d'un  homme,  une 
framée,  une  épée,  l'umbo  d'un  bouclier,  un  grand  coutelas,  deux 
petits  couteaux,  une  pierre  à  briquet,  une  boucle  et  une  aiguille 
en  bronze,  enfin  une  petite  balance.  Le  fléau  a  une  longueur  de 
86  millimètres;  les  plateaux,  fort  minces  et  à  peine  infléchis  au 
milieu,  ont  35  millimètres  de  diamètre.  Ils  étaient  suspendus  au 
fléau  par  trois  cordelettes  qui  passaient  dans  trois  petits  trous 
ménagés  sur  le  bord  des  plateaux.  Cette  balance,  comme  celle 
de  Hermès,  était  renfermée  dans  un  écrin  ou  étui  en  cuir. 

M.  J.  Pilloy,  de  Saint-Quentin,  qni  a  eu  l'obligeance  de  me 
donner  ces  derniers  renseignements,  a  lui-même  trouvé  au  Jardin- 
Dieu  de  Cugny  (Aisne),  une  petite  balance  dite  romaine,  avec 
son  fléau,  son  poids  curseur,  son  plateau  unique,  ainsi  que  ses 
tiges  de  suspension;  comme  peson,  il  se  trouvait. dans  le  plateau 
un  petit  bronze  de  Claude  le  Gothique,  du  poids  de  deux  grammes. 

Le  guerrier  franc  qui  était  possesseur  de  cette  balance  avait  une 
lance  placée  le  long  du  bras  gauche,  et  à  la  ceinture,  une  jolie 
plaque  de  boucle  en  bronze  ^. 

1  Cimetière  du  Mont  d'Hernies.  V.  relation  de  ces  fouilles  par  M.  l'abbé  Renet, 
prof,  au  séminaire  de  Beauvais,  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Le  mont  de  Hermès.  —  Les 
Francs  et  les  Romains  ;  fouilles  exécutées  en  1878  et  1879  P^^  ^'  l^^^^bè  Hamard,  curé  de 
H^n«€5.  Extrait  des  Mémoires  de  la  Société  académique  de  l'Oise,  Beauvais,  1881. 

^  Voy.  Études  sur  d'anciens   lieux  ùe  sépulture  dans  V Aisne j  par  J.  Pilloy,   officier 


-67  - 

En  septembre  1855,  Tabbé  Cochet  trouva  dans  la  tombe  d*un 
guerrier,  à  Envermeu,  près  de  Dieppe  (Normandie),  une  petite 
balance  en  bronze  *,  d'un  type  analogue  à  celui  de  la  balance  d'Har- 
mignies,  une  pièce  de  bronze  semblable  à  une  monnaie  (4  gram- 
mes, 4  décigrammes)  servait  de  peson  ^.  C'était  la  première  fois 
que  l'abbé  Cochet  rencontrait  la  balance  dans  les  sépultures  fran- 
ques  et  jusqu'alors  (en  1857)  il  ne  connaissait  de  pareille  trou- 
vaille, ni  en  France,  ni  en  Allemagne.  En  Angleterre,  il  est  vrai, 
Roach  Smith  avait  découvert,  depuis  1850,  dans  le  curieux  cime- 
tière anglo-saxon  d'Ozingell  (Kent),  une  petite  balance  sembla- 
ble, parfaitement  intacte,  avec  son  fléau  et  ses  deux  plateaux  ^  ; 
chose  très  intéressante,  cette  balance  était  accompagnée  de  toute 
une  série  de  poids  formée  au  moyen  d'une  suite  de  monnaies 
romaines  avec  des  marques  gravées  sur  ces  pièces  par  les  Saxons 
de  l'Heptarchie.  D'autres  balances  ont  été  trouvées,  en  Angle- 
terre, dans  des  tombes  anglo-saxonnes  ^.  Le  Rév.  Faussett  raconte 
qu'il  a  trouvé  une  petite  balance  avec  ses  vingt  poids,  en  septem- 
bre 1762,  dans  le  cimetière  saxon  de  Gikon  Town,  près  Ash,  dans 
le  Kent,  à  côté  d'un  guerrier  armé  d'une  lance,  d'une  épée  et  d'un 
bouclier.  Cet  homme  possédait  aussi  une  pierre  de  touche. 

En  Norwège,  on  a  trouvé,  en  1825,  dans  un  tumulus,  une 
petite  balance  en  bronze  accompagnée  de  dix  poids.  Le  musée 
de  Copenhague  possède  une  autre  balance  également  trouvée 
dans  un  tumulus  norvégien.  Cette  dernière  balance  est  d'un  travail 
plus  achevé  et  indique  une  civilisation  assez  avancée.  En  Schles- 
wig,  on  fit  aussi  la  découverte  d'un  fléau  de  balance.  La  balance 
du  musée  de  Copenhague  était  renfermée  dans  un  étui  en  écorce 

d'Académie.  Saint-Quentin,  1880,  2^  fascicule,  fouilles  du  cimetière  du  Jardin- 
Dieu  de  Cugny  (Canton  de  Saint-Simon,  Aisne)  page  50,  pi.  ûg. 

1  Balance  d'Envermeu  :  fléau  10  centimètres  ;  manche,  5  centimètres;  plateau.x, 
forme  plate  et  non  concave,  contrairement  à  l'usage  commun;  diamètre  des  pla- 
teaux, 53  millimètres;  peson,  4  grammes,  4  décigrammes. 

^  Sépultures  s^auloises,  romaines,  franques  et  normandes,  var  l'abbé  Cochet,  Paris, 
1857  pp.  184-185  et  pp.  253  à  265.  Voy.  le  dessin  de  cette  balance,  p.  185,  et  sa  des- 
cription in  extenso  pp.  253. 

3  Voy.  Roach  Smith,  Coîlectanea  Afitiqua,  vol.  IJI,  pp.  12-14,  pi.  IV,  fig.  i.  Pour 
les  pnids,  voy.  Ibid.  pi.  IV,  fig  2  à  15. 

**  V.  Th.  Wright.  On  anslo-saxon  antiquitie^,  with  apartiadar  référence  to  the  Faussett 
Collection,  p.  26,  et  Roach  Smith,  inventorium  sepulcbrale,  pi.  KVII,  fig.  1,2,  3,  et 
p.  43,  pi. XVII,  fig.  4  à  20  et  21. 


—  68  — 

de  bouleau  *.  Je  me  bornerai  à  ces  courtes  indications;  puisqu'il 
ne  s'agit  plus  de  tombes  franqueset,  je  termine  par  quelques  consi- 
dérations générales  en  ce  qui  concerne  uniquement  les  balances 
exhumées  des  sépultures  de  cette  dernière  catégorie. 

Il  résulte  de  l'ensemble  de  ces  trouvailles  que  les  balances  sont 
rares  dans  le  mobilier  funéraire  des  Francs.  Plus  communes  dans 
les  régions  situées  au  sud  des  frontières  belges,  il  semble  que  les 
Francs  aient  usé  de  plus  en  plus  fréquemment  de  la   balance  à 
mesure  qu'ils  avançaient  dans  la  Gaule  et  qu'ils  se  civilisaient  au 
contact  des  mœurs  romaines.  On  peut  se  demander  encore  si  l'em- 
ploi de  la  balance  ne  se  répandit  point  parmi  les  populations 
franqueS;  à  l'époque  oii  elles  firent  les  premières  tentatives  de 
battre  une   monnaie  indépendante,  ne  sortant   pas  des  ateliers 
monétaires  de  l'Empire  ^.  A  ce  point  de  vue,  il  serait  intéressant 
de  rechercher  si  les  Francs  connaissaient  l'emploi  de  la  balance 
avant  leur  invasion  en  Belgique  et  en  Gaule,  ou  s'ils  n'ont  appris 
Tusage  de  cet  instrument  que  par  l'intermédiaire  des  peuples 
gallo-romains.  La  présence  d'une  balance  dite  romaine  dans  une 
sépulture  du  cimetière  franc  de  Cugny  et  à  Eprave,  indique  évi- 
demment un  emprunt  fait  aux  populations    envahies,   car  les 
Francs  n'étaient  probablement  pas  arrivés  à  un  degré  de  civilisa- 
tion assez  développé  pour  inventer  ou  construire  un  instrument 
aussi  compliqué  et  d'une  technique  aussi  savante  que  la  balance 
dite  romaine.  En  ce  qui  concerne  les  balances  à  deux  plateaux, 
il  faut  être  plus  réservé,  puisque  ces  balances* existaient  en  Orient 
depuis  une  haute  antiquité,  et  que  les  Francs  ont  fort  bien  pu  les 
emporter  dans  leurs  migrations.  Quoi  qu'il  en  soit,  des  balances 
à  plateaux,  fines  et  légères  et  semblables  aux  balances  franques, 
se  voient  sur  quelques  monnaies  d'empereurs  romains  (Philippe, 
Gordien,  Constans  et  Dioclétien,  etc.)  ^. 

Chose  curieuse,  la  forme  exacte  de  ces  petites  balances  s'est 
maintenue  jusqu'à   nos  jours  :  les  balances  dont   se  servaient 

^  V.  Historisch-Antiquansche  MittheiJun^en  heraus^e^ében  von  der  Kôni^îlchen  Gesell- 
schaft  Jûr  Nordische  Alterthumskunàe.  Copenhague,  183 5, pp.  103  et  105.  Pour  les  poids, 
voy.  NofdisckTidsskriJt  for  Oîdkyndi^bed,  I,  400. 

2  Voy.  Monnaies  franques  découvertes  dans  les  cimetières  francs  d'Éprave,  revue  belge 
de  numismatique,  1890,  p.  212. 

3  Voy.  les  autres  exemples  cités  par  l'abbé  Cochet  dans  ses  Sépultures  ^auloises^ 
romaines,  franques  et  normandes,  1857,  pp.  253  à  263. 


^/  Innî^/f, ,  /ic(}  Grandeur  n«t* 

PI.  IV.   Balances  trouvées  à  Harmignies,  Belvaux,  Wancennes  et  Hprave. 


—  7i   — 

encore,  au  commencement  de  notre  siècle,  les  lombards,  chan- 
geurs, commerçants,  banquiers,  pour  peser  les  monnaies,  ne  dififé- 
raient  en  rien  des  balances  que  les  Francs  employaient  sans  doute 
au  même  usage.  C'est  une  tradition  qu'il  est  intéressant  de 
signaler. 

Il  faut  encore  remarquer  que  ces  balances,  à  l'époque  franque, 
sont  toujours  trouvées  dans  des  sépultures  d'hommes  générale- 
ment bien  armés.  Doit-on  tirer  de  ce  fait  des  conséquences  sur 
l'usage  de  ces  balances  et  sur  la  profession  de  ceux  qui  possé- 
daient ces  instruments?  Toute  conclusion  générale  me  paraît  dan- 
gereuse, puisque  chez  les  Francs,  tout  homme  libre,  quelle  que  fut 
sa  profession,  portait  les  armes,  était  guerrier.  Je  me  garderai 
donc  d'exclure,  avec  Tabbé  Cochet,  les  orfèvres  ou  les  bijoutiers, 
et  de  désigner  spécialement  les  agents  du  fisc  ou  les  officiers 
monétaires.  M.  de  Pétigny  hésite  à  faire  de  ces  balances  les 
attributs  des  monétaires;  elles  pouvaient  aussi  bien  servir  à  des 
comptables,  des  receveurs  des  finances,  des  gérants  du  domaine 
royal.  Tout  cela  est  très  possible,  mais  je  pense  que  ces  balances 
devaient  servir  à  des  hommes  de  diverses  professions.  Ce  qui  est 
certain,  c'est  que  les  monétaires  ne  pouvaient  se  passer  de  balance 
et  que  cet  instrument  était  aussi  nécessaire  aux  orfèvres  qu'aux 
agents  du  fisc. 

Du  reste,  la  légèreté  et  la  fragilité  de  ces  balances  ne  permet- 
taient de  les  employer  qu'au  pesage  d'objets  d'un  petit  volume, tels 
que  les  métaux  précieux,  les  bijoux  et  les  monnaies.  A  une  épo- 
que où  les  monnaies  n'étaient  pas  frappées  avec  la  régularité  et 
la  précision  mathématique  de  nos  jours,  il  importait  de  peser 
chaque  pièce  qu'on  recevait  *.  La  meilleure  raison  qu'on  puisse 
invoquer  pour  soutenir  que  ces  balances  servaient  surtout  à  peser 
les  monnaies,  c'est  que  de  telles  balances,  identiquement  les 
mêmes,  ont  été  employées  à  cet  usage  particulier  jusqu'au  com- 
mencement du  siècle  actuel. 

Georges  Cumont. 

1  La  loi  Gombette  (loi  des  Bourguignons)  disait  :  De  monetis  solidorum  prce- 
cipimus  custodire  ut  omne  aurum,  quodcumque  pensaverit,  accipiatur,  praster 
quatuor  monetas,  Valentiniani,  Genavensis  et  Gothium,  qui  a  tempore  Alarici  régis 
adœrati  sunt,  et  Ardaricanos.  Il  résulte  de  ce  texte  que  les  monnaies  d'or  étaient 
alors  prises  au  poids,  à  l'exception  de  quatre  espèces. 


LES 


FRANCS    SALIENS 

DANS   LA  PROVINCE    DE  BRABANT 
Leurs  invasions,  leurs  établissements  et  leurs  sépultures. 


Iiour  retracer  les  invasions  et  les  établissements  des 
Francs  Saliens  dans  notre  province  et  y  retrouver 
leurs  sépultures,  nous  nous  appuyerons  sur  les  témoi- 
gnages historiques,  sur  les  quelques  découvertes  de  Tarchéolo- 
gie,  et,  à  défaut  de  celles-ci,  sur  des  présomptions  topographiques, 
étymologiques,  toponomastiques,  toponymiques,  anthropologi- 
ques  et  sur  la  linguistique. 

Notre  travail  doit  donc  être  considéré  comme  une  indication, 
assez  précise,  des  endroits  oii  Ton  a  des  chances  de  trouver  des 
antiquités  franques  dans  le  Brabant. 


Depuis  l'établissement  de  Tempire  romain  jusqu'au  v^  siècle,  le 
territoire  actuel  du  Brabant  était  divisé  en  deux  grandes  parties, 


—  73  — 

dont  Tune,  à  l'est,  appartenait  à  la  Germanie  seconde,  et  l'autre, 
à  l'ouest,  à  la  Belgique  seconde. 

En  Germanie  seconde,  le  Brabant  était  occupé,  au  nord,  par  les 
Toxandres  et,  à  Test,  par  les  Tongres  qui  suc:édèrent  aux 
Éburons.  En  Belgique  seconde,  notre  province  était  habitée  par 
ce  qui  restait  des  Nerviens  et  des  Aduatiques. 

Comme  on  le  sait,  les  Éburons,  les  Nerviens  et  les  Aduatiques 
avaient  fait  de  grandes  pertes  pendant  la  conquête  de  César.  Sous 
la  domination  romaine,  les  contrées  habitées  par  eux  n'avaient 
pas  été  repeuplées.  L'espace  ne  manquait  donc  pas  aux  étrangers 
qui  voulaient  s'établir  dans  ces  terres,  presque  désertes.  Aussi  les 
Francs  Saliens,  qui  occupaient  depuis  longtemps  l'île  des  Bataves, 
ne  tardèrent-ils  pas  à  pénétrer,  peu  à  peu,  dans  la  Toxandrie 
et  à  s'y  fixer  à  demeure,  sans  aucune  autorisation  des  Romains. 
Un  texte  d'Ammien  Marcellin  le  prouve  *. 

Les  Belges  tolérèrent  ces  établissements,  d'abord  isolés  et  disper- 
sés, qui  ne  causaient  d'ailleurs  aucune  inquiétude  aux  Romains. 
Insensiblement,  les  Francs  Saliens  furent  accueillis  avec  plus  de 
faveur  par  les  Belges  et  la  fusion  s'opéra  plus  facilement  avec  la 
population  préexistante.  Cet  accueil  était  le  résultat  de  l'esprit 
d'hostilité  que  les  Belges,  d'origine  germanique  comme  les 
nouveaux  venus,  montraient  envers  les  Romains.  Au  surplus,  il 
n'en  coûtait  rien  aux  Belges  de  faciliter  aux  Francs  Saliens  des 
établissements  dans  les  vastes  territoires  peu  habités  de  la 
Toxandrie. 

Un  premier  point  semble  donc  établi  par  ce  qui  précède  : 
c'est  que  longtemps  déjà  avant  l'arrivée  de  Julien,  les  Francs 
Saliens  habitaient  notre  province  ^. 

Telle  était  la  situation,  lorsqu'en  358,  toute  la  nation  des 
Francs  Saliens  fut  chassée  de  la  Batavie  par  les  Cattes  dits  Cha- 

1  Quibus  paratis,  petit  {]u\ia.nus)  pi imos  otnniiim  Francos^  eos  videîicet  qiios  consuetudo 
Salios  appelavit  ausos  olim  in  roviano  solo  apud  Toxandriain  hcum  hahitacula  sibi  ji^ere 
pfcelicenter.  (Rer.  Gest.,  XVII,  8).  Ses  préparatifs  finis,  il  (Julien)  se  dirigea  contre 
les  plus  anciens  de  tous  les  Francs,  ceux  que  la  coutume  a  appelés  Saliens,  qui  autre- 
jais  avaient  ose  se  permettre  d'éiahlir,  sans  droite  leur  domisile  sur  le  territoire  romain,  en 
Toxandrie. 

'  On  ignore  la  date  de  cette  transmigration  ;  toutefois  Ammien  Marcellin  en 
parle  comme  d'un  établissement  déjà  ancien  au  temps  de  l'expédition  de  Julien  : 
ausos  olim....,  dit-il,  comme  nous  l'avons  vu  ci-dessus. 


—  74  — 

iftaves,  et  vint  se  réfugier  dans  la  Tongrie  ou  Turingie.  Or,  ce  pays 
s'étendait  jusqu'au  cœur  de  notre  province,  près  de  Louvain.  Il 
semble  donc  prouvé  aussi  qu'en  358  déjà,  les  Saliens  occupaient 
le  nord-est  et  le  centre  du  Brabant  actuel. 

Les  Francs  Saliens  trouvèrent  là  leurs  anciens  alliés  germains  : 
les  Tongres  et  les  Gugernes  ou  Sicamhres. 

Julien,  gouverneur  de  la  Gaule,"  ignorant  la  cause  de  Tinvasion 
des  Francs  de  la  Batavie,  partit  de  Lutèce  pour  la  Belgique  afin 
de  réprimer  cette  incursion.  Mais,  en  s'approchant  du  pays  de 
Tongres,  il  rencontra  des  députés  des  Francs  Saliens.  Ceux-ci,  qui 
allaient  le  trouver  à  Lutèce,  lui  expliquèrent  la  cause  de  leur 
invasion  forcée  et  lui  demandèrent  la  paix.  Julien  s'avança  néan- 
moins avec  son  armée  dans  le  canton  que  les  Francs  avaient 
envahi,  les  prit  au  dépourvu  et,  les  voyant  se  soumettre,  il  leur 
accorda  ce  qu'ils  demandaient  :  Subiio  cuncfos  adgressus  tanquam 
fulmînîs  iurbo  perculsit,  jamque  precantes  potius  quant  resîstentes, 
m  opporhinam  clementiœ  partent  effedu  vidoriœ  flexo,  dedentes  secum 
opibus  liberîsque  suscepit  ut  ad  sua  redirent  incolumes.  (Ammien 
Marcellin,  lib.  XVIL  c.  VIII). 

11  ordonna  ensuite  à  son  armée  de  ne  faire  aucun  mal  aux 
Francs  Saliens,puisqu'ils  s'étaient  avancés  sur  le  territoire  romain, 
non  en  ennemis,  mais  parce  qu'ils  y  avaient  été  contraints  par 
la  force.  ...  Jusso  prius  exercitu.,.  Satiorum  vero  neminem  occî- 
dere,  nec  prohibere  quoniinus  in  Romanorum  fines  itli  transirent 
quod  non  ut  hostes  Romanorum  regionent  pœterent,  sed  per  vint  a 
Cattis  pellerentur,  v  (Zosime,  lib.  III.  —  Texte  grec  ;  version  lat.). 

Julien  fit  d'une  partie  de  ces  Francs  Saliens  des  troupes  auxi- 
liaires qu'il  confia  à  un  Franc  nommé  Charietton. 

Les  terres  de  la  Toxandrie  et  de  la  Tongrie  ou  Thuringie, 
ils  les  reçurent  à  titre  de  Létes  ou  de  colons  militaires,  de  la  même 
manière  que  les  Sicambres  les  avaient  également  obtenues  des 
Romains.  Les  Francs  Saliens  s'y  confondirent  avec  ces  Sicambres 
et  formèrent,  plus  tard,  une  souche  franque  dans  laquelle  se 
produisit  la  famille  des  rois  francs  qui  donna  naissance  à  la 
monarchie  française  *. 

Lorsqu'en  413,  Constance  renouvela  les  traités  avec  les  fédérés, 

1  Armand  de  Behault,  Étude  sur  les  invasions  et  rétablissement  des  Francs  en  Belgi- 
que (Revue  de  la  Société  des  Études  historiques,  de  Paris,  4^  série,  t.  VII,  1889,  p.  248). 


—  75  — 

les  Francs  Saliens  conservèrent  leurs  concessions  dans  la  Toxan- 
drie. 

Il  est  donc  démontré  que  les  empereurs  romains,  Julien  et 
Constance,  autorisèrent  les  Francs  Saliens  à  s'établir  dans  la 
Toxandrie  et  dans  la  Tongrie  ou  Thuringie,  c'est-à-dire  dans  le 
nord  et  dans  le  centre  du  Brabant. 

*  * 

Vers  431,  Clodion,  le  premier  roi  franc  dont  Texistence  ne 
soit  pas  mise  en  doute,  fit  irruption  dans  la  Germanie  seconde,  où 
Aétius  vint  le  combattre.  Idatius  (Chronicon  ad ammm  431)  fait 
connaître  que  les  Francs  furent  battus  et  que  néanmoins  Aétius 
leur  accorda  la  paix  et  les  laissa  dans  le  pays  où  ils  revenaient 
sans  cesse  se  rétablir. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Clodion  vint  établir  son  camp  à  Dispargum, 
en  plein  pays  des  Francs  Saliens,  au  centre  de  notre  province. 

Les  historiens  sont  dans  un  grand  désaccord  au  sujet  de  la 
situation  topographique  de  ce  Dispargum  *. 

En  dehors  des  considérations  souvent  émises  pour  établir  où 
Ton  doit  placer  DispargutUy  nous  en  apporterons  quelques-unes 
qui  n*ont  jamais  été  développées  ailleurs. 

Grégoire  de  Tours,  qui  écrivit  son  Histoire  ecclésiastique  des 
Francs  vers  574,  environ  129  ans  après  Tinvasion  de  Clo- 
dion (445),  est  Thistorien  le  plus  ancien  qui  ait  parlé  d*une  ma- 
nière générale  de  rétablissement  des  Francs  d'après  des  auteurs 
contemporains  de  Clodion,  ou  ayant  vécu  peu  de  temps  après 
ce  roi  2. 

Voici  comment  il  s'exprime  à  ce  sujet  ^  : 

«  Tradunt  enim  multi  eosdem  (Franc  os)  de  Pannoni a  fuisse  dfgressos  et  primum 
quidem  littora  Rheni  amnis  incohiisse  ;  de  hinc  transacto  Rheno  Thoringiam 
TRAKSMEASSE  /  ihiqiie  jiixta  pctgos  vel  civitates  reges  crinitos  super  se  creavisse,  de 
prima,  et  ut  ita  dicanty  nohiliori  suorum  familia.  Quod  poslea  probatum  Chlodovichi 
Victoria  tradidere,  idque  in  sequenti  digerimus.   Nam  et  in  Consularihus  legimus 

^  Ibid.,  p.  303. 

2  SuLPicE  Alexandre,  Renatus-Profuturus-Frigeridus,  Sidoine  Apollinaire, 
les  Fastes  consulaires^  etc.,  etc. 

3  Hisloria  eeclesiastica  Francorimiy  lib.  II,  c.  IX.  —  Voir  Dom  Bouciuet,  Recueil 
des  historiens  des  Gaules ,  etc.,  t.  II,  p.  166  et  167. 


-  76  - 

Theodomerem  Regem  Fraiiconitn,  filium  Richimms  quondam,  et  Aschilam  matrem 
ejiiSj  gîadio  interfedos. 

«  Ferunt  etiam  tune  Chlogionem,  utihm  ac  nohilissimum  in  gente  sua,  regem 
Francorum  fuisse,  qui  apud  Dispargum  castrum  habit  abat  auoD  est  in  ter- 
MiNO  Thoringorum.  7«  his  autem  partibus,  idesl  ad  meridionalem  plagam,  hàbi- 
tahant  Romani  usque  Ligerim  fluvium.  Ultra  Ligerim  vero  Gotthi  dominahantur. 
Burguiidiones  quoque  Arianorum  sedam  sequentes,  hàbitahant  trans  Rhodanum, 
qui  adjacet  dvitaîi  Lugdunensi. 

ft  Chlogio  autem,  missis  exploratoiihus  ad  urbem  Camaracum,  perlustrala  omnia, 
ipse  secutus,  Romanos  proteiit,  civitatem  adprehendit  in  qua  paucum  tempus  residens 
usque  Suminiam  fluvium  occupavit.  » 

«  Plusieurs  rapportent  que  les  Francs  sont  sortis  de  la  Pannonie  ; 
qu'ils  se  fixèrent  d'abord  sur  les  rives  du  Rhin,  qu'ensuite  ayant 
traversé  le  Rhin,  ils  passèrent  dans  la  Thoringie,  et  que  là,  ils  élu- 
rent, par  cantons  et  par  cités,  des  rois  chevelus  sortis  de  la  pre- 
mière et  pour  ainsi  dire  de  la  plus  noble  famille  d'entre  eux.  Ce 
qui  est  prouvé  quant  aux  victoires  de  Clovis,  nous  le  dirons  plus 
tard.  Car  nous  lisons  dans  les  Fastes  consulaires  ç\}iq  Théodomer, 
roi  des  Francs,  —  fils  de  feu  Richimer,  —  et  sa  mère  Aschila, 
ont  été  mis  à  mort  par  le  glaive. 

(i  On  rapporte  que  le  roi  des  Francs  était  alors  Chlodion,  homme 
très  vaillant  et  très  illustre  dans  sa  nation.  Il  habitait  le  château 
de  Dispargum,  qui  est  sur  la  frontière  des  Thoringiens.  Dans  ces 
mêmes  contrées,  vers  le  midi  jusqu'à  la  Loire,  habitaient  les  Ro- 
mains. Au  delà  de  la  Loire  dominaient  les  Goths.  Les  Bourgui- 
gnons attachés  à  la  secte  des  Ariens  s'étaient  fixés  de  Tautre  côté 
du  Rhône  qui  baigne  la  cité  de  Lyon. 

«  Ayant  envoyé  des  éclaireurs  vers  la  ville  de  Cambrai  et  fait 
explorer  tout  le  pays,  il  se  mit  ensuite  en  marche  lui-même, 
écrasa  les  Romains  et  s'empara  de  la  cité.  Après  y  être  resté 
peu  de  temps,  il  occupa  tout  le  pays  jusqu'au  fleuve  de  la 
Somme,  n 

On  remarquera,  dès  maintenant,  que  Grégoire  de  Tours  n'a 
pas  trouvé  dans  les  historiens  qui  ont  écrit  avant  lui,  c'est-à-dire 
peu  de  temps  après  Tinvasion  de  Clodion,  que  les  Francs,  pour 
venir  de  Dispargum  à  Cambrai,  eussent  passé  le  Rhin.  Il  n'y  a  pas 
un  mot,  à  ce  sujet,  dans  son  texte.  Au  contraire,  Thistorien 
affirme  que  les  Francs  passèrent  d* abord  le  Rhin  et  s* établirent  en- 


—   77  — 

suite  €71  Tkoringîe  et  puis  a  Dispargum,  qui  était  à  la  frontière  de  ce 
pays. 

Grégoire  de  Tours,  après  avoir  dit  que  Dispargum  est  situé 
aux  confins  de  la  Thoringie,  ajoute  que  "  dans  ces  mêmes  con- 
trées, vers  le  midi  jusqu'à  la  Loire,  habitaient  les  Romains.  Au 
delà  de  la  Loire  dominaient,  dit-il,  les  Goths;  et  les  Bourgui- 
gnons, attachés  à  la  secte  des  Ariens,  s'étaient  fixés  de  Tautre 
côté  du  Rhône,  qui  baigne  la  ville  de  Lyon,  n  Ces  détails  ne  lais- 
sent aucun  doute  sur  le  pays  des  Thuringiens  qui  est  la  Tongrie 
(la  Hesbaye  et  la  Campine  actuelles). 

Dom  Bouquet  (toc,  cit.,  t.  II,  p.  i66)  rapporte  que  Guillemus 
Morelius  dit  avoir  vu  un  ancien  manuscrit  de  Grégoire  de  Tours 
dans  lequel  était  écrit  de  la  même  main  Thoringorimi  vel  Tim- 
groruni. 

Notons  aussi  qu'un  historien  grec,  à  peu  près  contemporain  de 
Clodion,  Procope,  s'exprime  identiquement  de  la  même  manière 
(de  bellogothico,  lib.  I,  c.  12)  : 

«  Honim  sedes  contiiigehaut  Arborychi,  curn  reliqiia  ormii  C  allia  atque  Hispauia 
Romanis  jampridem  suhditi  :  secundiim  quos  ad  Orieiitein  Thoringi  cou  cessant  sihi 
ah  Auguslo  Ccesare,  hnperatonim  primo,  rjgionem  colehant.  Non  procid  ah  bis,  ad 
Austrum  versus,  degehant  Biirgundiones  :  ultra  Tboringos  Suahi  et  Alamani,  validée 
nationes.  Isti  omnes,  ah  antiquo  liben\  oras  illas  tenehant.  »  (Traduction  latine  de 
Dom  Bouquet,  t.  II,  p.  29-30). 

Dispargum  doit  donc  être  à  la  frontière  de  la  Tongrie, 
c'est-à-dire  de  la  Hesbaye.  Or,  on  sait  que  Louvain  appar- 
tenait à  la  Hesbaye  et  que  la  frontière  de  la  Tongrie  devait 
se  trouver  à  l'ouest  de  cette  ville,  c'est-à-dire  en  suivant  à  peu 
près  le  cours  de  la  Dyle;  cette  limite  n'est  qu'à  2  kil.  1/2  de  Duys- 
bourg,  près  de  Tervueren,  commune  éloignée  seulement  de 
3  lieues  de  la  Toxandrie,  le  pays  de  Tessenderloo  (Joxandnœ 
locus)  localité  q\x  Ton  a  retrouvé  des  antiquités  franques. 

Ce  pays  fut  le  premier  établissement  des  Francs  Saliens,au  sud  des 
bouches  du  Rhin, comme  les  noms  bien  caractéristiques  de  Kraw^r/)'/^ 
(royaume  des  Francs)  ;  Klein  Vrankrijk  (petit  royaume  des 
Francs)  ;  NieuwFrankrijk  (nouveau  royaume  des  Francs);  Franscli- 
broek  (marais  des  Francs),  à  Lummen  ;  Seelbernpden  (prairie  des 
Saliens),  à  Herck-la- Ville,  et  Zeelhem  *,  anciennement  Saligheim^ 

^  Voir  à  ce  sujet  J.  Ramaekers,    Ges:hicdkundis  overiicht  dcr   Gemceiite  Zeelljem, 
1889,  p.  8  et  9. 


-  78  - 

qui  veut  dire  littéralement  «  séjour  des  Saliens  »,  en  consacrent 
fidèlement  le  souvenir. 

Kous  croyons  donc,  avec  un  grand  nombre  d'historiens  *,  que 
c'est  à  Duysbourg  près  de  Tervueren  qu'il  faut  placer  le  Dispar- 
gum  de  Grégoire  de  Tours. 


Que  devient  le  texte  de  Grégoire  de  Tours  dans  les  compila- 
tions des  historiens  qui  ont  écrit  longtemps  après  lui  ? 

UEpitome  de  Grégoire  de  Tours,  écrit  par  Frédégaire  au 
vii*^  siècle,  se  borne  à  copier  le  texte  de  Grégoire  de  Tours  en 
Tabrégeant  : 

«  Franci  eleclum  a  se  Regem,  sicut  prius  fuerat,  crinitum  inquirentes  diligenterex 
génère  Priami,  Frigi  et  Francionis  super  se  créant  nomine  Theudemerem  filium 
Richemeris  qui  in  hocpralio  quod  supra  tnemini  a  Romanis  interfectus  est.  Suhstituitur 
fûius  ejus  Chlodio  in  regnum,  lUilissimus  vir  in  gente  siLa,  qui  apud  Esbargem 
(Hespergem)  castrum  residehat  auoD  est  in  termino  Thoringorum.  Burgundio- 
nes  quoque  Arianorum  secta  utebantur,  sedentes  in  Cisalpiis.  Chlodio^  mi  s  si  s  explo- 
ratoribus  ad  urbem  Camaracum,  perlustrans  omnia,  ipse  sequitur,  Romanos  proterit 
civitatem  capit;  et  inde  usque  Suminam  fluvium  occupavit,  »  (Hist,  Franc,  epitom., 
c.  IX.  —  DomBoucluet,  îoc.  cit.,  p.  395). 

On  le  voit,  il  n'est  pas  question  encore,  dans  ces  récits,  que 
les  Francs  auraient  passé  le  Rhin  pour  aller  de  Dispargum 
à  Cambrai. 

AiMOiN,  écrivain  du  ix<^  siècle,  De  Gestis  Francorum,  lib.  1, 
cap.  4,  dit  : 

«  Cui  (Faramundo)  jilius  successit  Chlodio  crinitus,  IIIo  tempore  Franco- 
rum reges  criniti  habebantur.  Finitimos  itaque  beïlo  lacessendo,  Thoringorum,  qui 
Germaniam  in colunt,  fines  depopulantes,  castellum  quoddam  Disbargum  nomine 
OCCUPANT,  in  quo  rex  Chlodio  sedem  sui  constitua  regni.  » 

1  Entre  autres  :  Chtfflet,  Dubos,  Ll  Comte,  de  Petigny,  Wauters,  Chotin  et 
MoET  DE  LA  Forte  Maison.  Ce  dernier  croit  pourtant  que  ce  n'est  pas  de  Dispargum, 
comme  le  dit  Grégoire  de  Tours,  que  Clodion  est  parti,  mais  Ô.'Eshargem,  qui  serait 
Heinsherg,  ville  du  pays  de  Juliers,  à  4  lieues  au  sud  de  Ruremonde  et  de  la  rive 
orientale  de  la  Meuse,  sur  la  rivière  de  Worm.  C'est  aussi  l'opinion  de  Hertius,  de 
Pierre  de  Streithagen  et  de  M.  Bequet.  Celui-ci  admet  aussi  duisburg  sur  le  Rhin. 
MM.  Van  Bastelaer  et  Tahon  disent  que  Dispargum  est  en  Belgique,  mais  sans  en 
désigner  l'emplacement. 


—  79  — 

On  ne  peut  pas  plus  induire  de  ce  texte  que  les  Francs  auraient 
traversé  le  Rhin  pour  se  rendre  de  Dispargitni  à  Cambrai. 

Un  autre  écrivain  du  ix^  siècle,  Hincmar,  Viia  S,  Remigii^  est 
le  premier  qui  ait  travesti  les  textes  précédents;  voici  comment 
il  s'exprime  : 

«  El  lia  sub  principihiis  criiutis^  juxta  morem  gentis  suhindc  succedentibus,  per 
«  Tntingiam,  rcgionem  Germanite,  a  Castello  Dispargo,  in  quo  diu  habitaverant 
ad  BdgiCiC  proiincia  Toniaaim  et  Camaracum  civitales  aggressi  siint  ;  indeque  iisque 
ad  Siimmam  fluvium  occupavere.  » 

En  écrivant  Z'wrw^/a;/^  au  lieu  de  Thoringtam,  Hincmar  a  laissé 
supposer  qu'il  entendait  parler  de  la  Thuringe,  au  delà  du  Rhm, 
et  a  jeté  du  doute  dans  le  texte  de  Grégoire  de  Tours. 

Alors  les  Gesta  Regum  Francorum  qui  furent  écrits  aussi  au 
ix^  siècle,  modifièrent  complètement  les  récits  antérieurs  de 
Grégoire  de  Tours  et  de  Frédégaire,  les  seuls  documents  cepen- 
dant dans  lesquels  ils  aient  puisé. 

Il  est  curieux  de  comparer  le  passage  des  Gesta  Regwn  Fran- 
corum  aux  lignes  de  Grégoire  de  Tours.  On  verra  que  cette 
compilation  ne  mérite  aucun  degré  de  confiance  : 

«  Mortuo  quippe  Faramundo,  Chlodionem  fdium  ejus  eîevaverunt.  Tune  tempo- 
ris  crinitos  Reges  in  initium  sublimavemnt.  Venientesque  fugaciter  infinibus  Torin- 
gorum,  ibique  resederunt,  Habitabat  itaque  Chlodio  Rex  in  Dispargo  castello  in 
FiNiBUs  ToRiNGORUM,  in  regione  Getmauice.  Propterea  omnes  regiones  gentium, 
qiia  tdtra  Rheniim fluvium  sunt,  hocnomine  nuncupantur  Germani.^  ;  ex  quod  in 
Germania  corpora  sunt  immanissima,  geueratioque  sœvissima  et  dura  et  populi  semper 
indomili  ac  ferocissimi.  Quorum  fuisse  centum  pagos  tradit  scriptura.  In  illo  tempote 
in  his  paitibns,  citra  Rhenum  usque  Ligerefluvio,  habitabant  Romani  ;  ultra  Ligere 
autem  Gothi  dominabantur  :  Burgundiones  quoque,  qui  Ariani  erant,  habitabant  Juxta 
Rhodanum  fluvium  qui  praterfluit  Lugdunum  civitatem. 

«  Chlodio  autem  rex  missis  exploratoribus  de  Dispargo  castello  Toringorum, 
usque  ad  urbem  Camaracum,  ipsepostea  cum  grandi  exercitu  Rhenum  transiens 
multo  populo  Romanorum  prostrato,  hostesfugavit.  Carbonariam  silvam  ingressus, 
Tonidcensem  urbem  oblinuit.  Exinde  Camaracum  urbem  properavit  :  ibique  pauco 
tempore  resideiis,  Romanos,  quos  ibi  invenit,  interjecit.  Et  exinde  usqtte  ad  Summam 
fluvium omnia  occupavit.  »  (DoM  Bouquet,  loc.  cit.,  t.  II,  p.  544). 

«  Après  la  mort  de  Faramond,  Chlodion,  son  fils,  fut  élevé 
dans  le  royaume  de  son  père.  En  ce  temps  commencèrent  à 
régner  des   rois    chevelus.  Entrant  en   fuyant    aux    frontières 


—  So- 
dés Thoringiens,  ils  y  résidèrent.  C'est  pourquoi  le  roi  Clodion 
habitait  dans  le  château  de  Dispargum,  aux  froiiiières  des  Thorin- 
giens, dans  une  contrée  de  la  Germanie.  Pour  cette  raison  toutes 
les  contrées  qui  sont  au  delà  du  fleuve  du  Rhin  sont  désignées  sous 
ce  nom  :  Germanie)  à  tel  point  qu'en  Germanie  les  hommes  sont 
énormes,  la  race  est  méchante  et  dure,  et  la  population  est  in- 
domptée et  féroce.  Les  écrivains  rapportent  qu'ils  se  composent 
de  cent pagi.  En  ce  temps  là  (v^  siècle),  dans  ces  contrées  en  deçà 
du  Rhin  jusqu'au  fleuve  de  la  Loire  les  Romains  habitaient, 
et  au-delà  de  la  Loire  les  Goths  dominaient  ;  les  Burgondes  aussi, 
qui  étaient  Ariens,  habitaient  le  long  du  fleuve  du  Rhône  qui 
traverse  la  cité  de  Lyon. 

«  Quant  au  roi  Chlodion,  il  envoya  des  explorateurs  de  Dispar- 
giim,  château  des  Thoringiens,  jusqu'à  la  ville  de  Cambrai  \puis,  il 
passa  le  Rhin  avec  une  grande  armée,  et  ayant  exterminé  beaucoup 
de  Romains,  il  mit  en  déroute  les  ennemis.  Étant  entré  dans  la 
Forêt  Charbonnière  y  il  s'empara  de  la  ville  de  Tournai.  Ensuite  il 
s'avança  jusqu'à  Cambrai,  y  demeura  quelque  temps  et  y  exter- 
mina les  Romains  qu'il  y  trouva;  de  là  il  occupa  tout  le  pays 
jusquà  la  Somme,  n 

On  le  voit,  Rhenum  transiens  se  trouve  dans  le  texte  des  Gesta 
Regum  Francorum  de  manière  à  faire  croire  que  Clodion  traversa 
le  Rhin  pour  aller  de  Dispargum  à  Tournai. Mais  cette'assertion  d'un 
écrivain  du  ix^  siècle  peut-elle  sérieusement  être  mise  en  parallèle 
avec  le  récit  de  Grégoire  de  Tours,  écrivain  du  vi^  siècle,  qui  a 
rapporté,  d'après  les  contemporains  de  Clodion,  que  les  Francs 
avaient  déjà  passé  le  Rhin  avant  de  s* établir  a  Dispargum  et  que 
Clodion  alla  directement  du  camp  de  Dispargum  à  Cambrai. 

Le  texte  de  Grégoire  de  Tours  ne  dit  pas  non  plys  que  Clo- 
dion traversât  la  Forêt  Charbonnière  ;  c'est  encore  une  interpolation 
de  ceux  qui  ont  écrit  après  lui,  mais  celle-ci,  au  moins,  est  très  expli- 
cable et  tout  en  faveur  de  la  thèse  du  Dispargum  situé  à  Duys- 
bourg  près  Tervueren,  car  la  Forêt  Charbonnière  s'étendait  sur  le 
Hainaut  et  jusqu'au  centre  du  Brabant,  aux  environs  de  Bruxelles  *; 
il  est  donc  tout  naturel  qu'en  quittant  Duysbourg,  près  de  Ter- 

*  Voir  DuviviER.  La  Forêt  charhonnitre  (Carhonaria  Silvia)  Rev.  àliist.  et  d'arch. 
1. 111.  p.  23,  Bruxelles  (1862).  —  Bequet  :  La  Belg-  avant  et  pendant  les  invasions  des 
Francs.  Ann,  de  la  Soc.  arch.  de  Namur,  t.  XVII.  (1888.) 


—  8i  — 

vueren,une  armée  dut  y  pénétrer  pour  se  diriger  sur  Cambrai,  et, 
comme  la  voie  romaine  de  Colonia  Trajaiia  à  Bagaaim  par  Pons 
Mosœ  traversait  la  dite  forêt,  il  semble  tout  indiqué  que  Clodion 
ait  suivi  le  dîverticidum  de  Duysbourg  à  Gembloux  [Gemim'acum, 
ville  de  la  Germanie  seconde)  pour  s'élancer,  de  là,  sur  la  grande 
chaussée  militaire  de  Bavai  qui  rayonne  sur  Cambrai.  Tel  est 
ritinéraire  que  nous  semble  avoir  suivi  Clodion  en  445. 

Au  surplus,  on  se  demande  pourquoi  Clodion  n'aurait  pas 
profité  de  l'autorisation  que  lui  avait  donnée  Aétius  en  431  *  (14 
ans  avant  son  invasion)  de  séjourner  en  Tongrie  ou  Thuringie, 
et  quel  motif  il  aurait  eu  de  retourner  au  delà  du  Rhin  et  de 
s'éloigner  de  nouveau  considérablement  de  tout  ce  qu'il  convoitait 
le  plus  au  monde  :  la  belle  et  riche  contrée  des  Gaules,  dont  il  res- 
tait beaucoup  plus  rapproché  en  s'établissant  /;/  Toxandriœ  locOj 
au  milieu  de  ses  alliés:  les  Francs  Saliens. 

L'erreur  qui  consiste  à  croire  que  Clodion  partit  d'au  delà  du 
Rhin  a  donc  son  origine  dans  des  assertions  erronées  :  certains 
commentateurs  de  Grégoire  de  Tours  ont  traduit  Thorîngoriim 
par  Thuringe  en  Saxe  ;  mais  ce  sens  n'est  pas  possible,  car  les 
Francs  n'ont  jamais  en  de  rois  en  Thuringe.  Il  est  évident,  au  con- 
traire, que  la  Thoringie^  où  Clodion  s'est  établi,  est  bien  la  Tongrie 
de  la  Germanie  seconde.  En  effet,  Grégoire  de  Tours  le  dit  à  toute 
évidence.  «  Tradimt  midti  Francos  de  Pannonia fuisse  digr es sos  et 
primun  quidem  litora  Rheni  amnis  incohdsse,  de  hinc  transacto 
Rheno  Thoringiam  transmeasse  ^....  n  D'après  ceci,  les  Francs 
arrivèrent  sur  la  rive  droite  du  Rhin  et  ils  passèrent  ensuite  ce 
fleuve  pour  venir  dans  la  Tongrie. 

Or,  pour  aller  de  la  Pannonie  (Hongrie)  en  Thuringe  (Haute- 
Saxe),  il  ne  faut  pas  passer  le  Rhin.  Donc,  c'est  bien  de  la  Ton- 
grie ou  Thoringie,  en  Gaule,  et  non  de  la  Thuringe,  en  Allema- 
gne, que  Grégoire  de  Tours  entend  parler;  donc  aussi  Dispar- 
gum  ne  pouvait  pas  se  trouver  sur  la  rive  droite  du  Rhin,  et  l'on 
ne  peut  admettre  que  Duisburg^  sur  le  Rhin,  entre  Wesel  et  Dus- 
seldorf,  soit  le  Dispargmn  de  Grégoire  de  Tours. 

^  Idatius,  Cbronicon  ad  anmim  431. 
2Lib.  11,  cap.  IX. 

^  Partisans  de  Duisburg  sur  le  Rhin  :  Ortei.ius  ;  Poxtanus  ;  Dewez  ;  Raepsaet, 
B°"  DE  Reiffenberg,  BEauET  (qui  admet  aussi  Hei\'sberg),Va\'  der  Elst,  etc., etc. 

6 


—    82    — 

Il  y  a  encore  Doesborg  sur  l'Issel  et  Duisbourg  sur  la  Roer,  où 
Ton  a  placé  Dispargum,  Eccard  l'indique  sur  la  hauteur  dite  de 
Dispurg-,  près  de  Smalkalde,  en  Franconie. Enfin  reste  Diest  dont 
nous  parlons  plus  loin. 

Les  chroniqueurs,  pour  trouver  Dispargum  à  Doesborg  sur 
llssel,  ou  à  Duisbourg  sur  la  Roer,  confondent  les  trois  Germa- 
nies  en  une  seule  et  la  Thoringie  gauloise  avec  la  Thuringie  de  la 
Grande  Germanie  allemande,  et  Ton  doit  les  réfuter  ici  de  la  même 
manière  que  pour  Duisburg  sur  le  Rhin.  On  remarquera  que 
Dispurg  n^est  pas/;^  termina  Thoringorum, donc  l'hypothèse  tombe 
d'elle-même.  De  plus,  toutes  les  localités  citées  en  Allemagne  et 
en  Hongrie  sont  trop  éloignées  de  Bavai  pour  être  d'accord  avec 
le  texte  de  Grégoire  de  Tours  *,  qui  ne  paraît  voir  qu'une  expédi- 
tion de  peu  de  durée  à^xi^  rinvasion  de  Clodion,  et  non  un  voyage 
aussi  long  que  celui  nécessité  par  le  parcours  de  la  distance 
énorme  qui  sépare  les  localités  allemandes  précitées,  de  Cambrai. 

Car,  comme  le  fait  fort  bien  observer  Téminent  historien, 
M.  Alph.  Wauters  ^,  «  il  n'est  pas  croyable  que  Clodion  soit  parti 
«  d'une  localité  située  chez  les  Thuringes  saxons  ou  sur  leurs 
«  frontières  pour  venir  ravager  les  bords  de  la  Somme,  alors  qu'il 
«  aurait  pu  diriger  ses  coups  contre  des  contrées  beaucoup  plus 
«  rapprochées,  n 

Si  dans  le  système  de  Duysbourg,  au  delà  du  Rhin,  par  exem- 
ple, il  faut  admettre  que  la  marche  de  Clodion  sur  Tournai  est 
inexplicable,  puisqu'il  avait  la  plus  grande  facilité  de  fondre  sur 
Cologne,  on  pourrait  encore  moins  expliquer  qu'il  soit  venu  de  con- 
trées plus  éloignées  pour  marcher  sur  Cambrai. 

Remarquons  d'ailleurs  qu'Aétius  ayant  été  appelé  en  Bel- 
gique par  l'invasion  de  Clodion,  il  faut  que  ce  dernier  n'ait  eu  qu'à 
quitter  le  centre  du  pays,  c'est-à-dire,  les  environs  de  Bruxelles 
ou  de  Louvain  pour  entrer  bientôt  dans  l'Artois.  Au  contraire, 
Aétius  n'aurait  pas  été  surpris  à  l'improviste  si  les  Francs  avaient 
dû  venir  des  montagnes  du  Harz,  franchir  la  Wesphalie,  le  Rhin, 
la  Meuse  et  la  Belgique  entière,  pour  arriver  à  Cambrai. 

Quant  à  Diest,  qui  a  un  grand  nombre  de  partisans  ^,  il  faut 

1  Voir  citation,  p.  75. 

2  Hisi.  des  environs  de  Bruxelles,  t.  III,  pp.  420  à  426. 

8  Wendelix,  Vredius,   Wastelain,  Henschenius,  Mantelius,  Boucher,    Ges« 
Q.UIERE,  D.-A.  Gérard,  Des  Roches,  Van  der  Eist,  etc,  etc. 


-  83  - 

Técarter  de  prime  abord.  En  effet,  cette  localité  s'appelle,  dès  le  vi^ 
siècle,  Diosta,  et  au  ix^,  elle  donne  son  nom  2iU  pagus  Distensis, 
tandis  qu'en  1 190  on  rencontre  déjà  dans  un  document  :  Z^/^5- 
borg  (château  des  Allemands) y  près  Tervueren  *. 

(A  suivrej. 

Ar.  de  Behault  et  B°"  A.  de  Loë. 


1  A.  Wauters,  îoc.  cit.,  p.  421,  note  I  :  Dusbor^,  1190  ;  Duienborch,  1226  ;  Du- 
lehorchy  1239  >  Diishur^b,  1260,  Duyshur^h,  1256  ;  Duysborch,  1400.  —  Voir  aussi  : 
JossE  BosMAXS,  Pro  ve  eener  Bcschryving  lier  Gemeenteen  otule  vryheid  Duishur^,  1883. 


LES 


DERNIÈRES     FOUILLES 


D'HISSARLIK  (Troie) 


à  M.  Emile  de  Munck,  Secrétaire 
de  la  Société  d'Archéologie  de 
Bruxelles. 


I 


MARS,  AVRIL,  MAI  189O. 

Très  honoré  Confrère, 

la  fin  de  février,  j'ai  repris  mes  fouilles  que  Fhiver  avait 
interrompues.  Comme  auparavant,  M.  Dôrpfeld  est 
mon  collaborateur.  Cette  fois,  mon  but  est  de  mettre  à 
découvert  :  i°  les  trois  grandes  rues  partant  des  portes  de  la  ville 
souterraine  et  2°  le  côté  sud  et  le  côté  ouest  de  Pergame. 

De  grandes  difficultés  se  présentent,  car  les  décombres,  d'une 
profondeur  de  plus  de  16  mètres,  sont  composés  des  débris  des 
constructions  qui  se  sont  superposées  par  les  colonisations  succes- 
sives. Chaque  bâtiment  que  nous  déterrons  doit  être  d'abord 
soigneusement  nettoyé,  puis  photographié,  afin  de  pouvoir  en 
conserver  le  souvenir.  Il  est  facile  de  comprendre  quelle  perte  de 
temps  ce  procédé  entraîne;  aussi,  n'ai-je  encore  atteint  nulle  part 


-  85   - 

le  sol  primitif,  malgré  mes  70  ouvriers  et  les  trois  chemins  de  ter 
qui  me  servent  à  emporter  les  décombres.  Bien  que  je  travaille  à 
présent  à  l'extérieur  de  la  grande  muraille  entourant  la  seconde 
ville  (celle  qui  périt  par  une  terrible  catastrophe),  mes  fouilles  sont 
néanmoins  de  la  plus  haute  importance  pour  la  science,  car,  au 
milieu  de  TAcropole,  les  Romains  ont  nivelé  le  sol,  détruisant 
ainsi  les  restes  des  bâtiments  de  leurs  prédécesseurs,  tandis  qu'ici, 
plus  près  du  mur  d'enceinte  de  la  ville  romaine,  les  murs  des  bâti- 
ments de  la  même  époque  sont  conservés  avec  leurs  fondations 
jusqu'à  un  mètre  environ  au-dessus  du  sol.  Les  débris  nous  font 
découvrir  l'existence  de  trois  colonisations  qui  se  sont  succédées 
dans  le  cours  des  siècles,  après  la  destruction  de  la  cinquième 
ville  préhistorique. 

La  ville  romaine  a  été  de  beaucoup  la  plus  importante.  Les  bâti- 
ments de  cette  époque  ont  souvent  des  fondations  de  5  mètres. 
Ensuite,  vient  la  ville  grecque,  puis  celle  de  l'époque  archaïque,  et 
plus  bas,  une  ville  plus  ancienne  encore  que  l'on  doit  probablement 
faire  remontera  l'époque  des  palais  de  Mycènes  et  de  Tirynthe. 
Les  murs  des  différentes  époques  ne  présentent  pas  de  signes 
bien  caractéristiques  par  lesquels  on  puisse  les  distinguer,  car  tous 
sont  construits  en  pierres  réunies  par  du  mortier  d'argile.  Dans 
la  construction  de  quelques  bâtiments  romains  seulement  nous 
rencontrons  de  la  chaux.  Mais  dans  toutes  les  maisons  nous 
découvrons  des  objets  de  poterie  en  grande  quantité  et  qui  ne 
peuvent  laisser  aucun  doute  sur  l'époque  de  leur  fabrication. 
Aussi  nous  servent-elles  à  déterminer  avec  certitude  les  époques 
des  différentes  colonisations.  Nous  trouvons  d'abord  des  poteries 
romaines  et  grecques  dont  les  types,  de  l'époque  classique,  sont 
bien  connus.  Les  poteries  archaïques,  datant  de  500  et  600  ans 
avant  Jésus-Christ,  sont  d'un  intérêt  beaucoup  plus  grand,  elles 
sont  souvent  peintes  avec  art  et  ont  probablement  été  importées 
de  Grèce. 

L'importation  de  Grèce  me  paraît  beaucoup  plus  douteuse 
pour  les  vases  à  dessins  géométriques  (dits  du  style  Dipylon)  et 
pour  les  poteries  de  l'époque  de  Mycène  et  de  Tirynthe,  si  remar- 
quables, parmi  lesquelles  le  pot  à  repasser  le  linge  *(Bugelkanne), 

1  Désireux  de  m'assurer  si  tous  les  passages  de  cette  lettre  avaient  été  bien  inter- 
prétés, je  fis  parvenir  à  M.  le  docteur  Schliemann  des  épreuves  du  présent  travail  en 


—  86  — 

car  la  civilisation  qui  a  produit  ces  types  a  disparu  de  la  Grèce, 
sans  laisser  de  traces,  vers  le  commencement  du  xii^  siècle  avant 
Jésus-Christ,  par  l'immigration  dorienne  ou  le  soi-disant  retour 
des  Héraclides. 

Ce  même  fait  avait  dirigé  Pémigration  colienne  vers  TAsie 
Mineure,  et  principalement  vers  Troie.  Il  me  paraît  donc  fort  pro- 
bable que  des  poteries  se  sont  trouvées  en  possession  de  ces  émi- 
grants  et  qu'ils  ont  implanté  leur  art  à  llios.  Cette  supposition 
me  semble  d'autant  plus  fondée  que  nous  trouvons  dans  les  restes 
de  la  ville  de  l'époque  de  Mycènes,  en  même  temps  que  ces  vases 
aux  anciennes  formes  helléniques,  des  quantités  innombrables  d'une 
poterie  grise  monochrome  de  forme  et  de  facture  toute  différente. 
Jadis,  j'ai  cru  ces  faïences  d'origine  lydienne  et,  comme  telles,  je 
les  avais  décrites  minutieusement  dans  mon  Bios,  au  chapitre 
intitulé  «  Sixième  Ville  w  ;  mais  à  présent,  je  les  considère  posi- 
tivement comme  étant  de  fabrication  indigène,  car,  depuis  la 
publication  de  mon  livre,  j'ai  trouvé  des  faïences  tout  à  fait  sem- 
blables dans  mes  fouilles  à  Kebrene,  Kurschunlu  Tcpj  (1  ancien 
Skepis  et  Dardaina),  dans  l'ancienne  petite  station  sur  b  Lc.Ii- 
Dagh,  derrière  Bumarbaschi,  à  Eski-Hissarlik,  sur  le  Fulu-Dahj 
et  dans  des  tombeaux  que  la  tradition  attribue  à  Achille, 
Patrocle  et  Priam.  Tous  ces  objets  se  trouvent  dans  la  collection 
troyenne  du  Musée  ethnologique  de  Berlin.  Les  -bâtiments  de 
l'époque  de  cette  poterie  grise  avaient  été  détruits,  par  les  Ro- 
mains, quand  ils  nivelèrent  l'emplacement  de  leur  acropole  ;  ces 
maisons  subsistent,  très  bien  conservées,  jusqu'à  la  hauteur  d'un 
mètre.  De  plus,  nous  avons  découvert  plusieurs  murs  de  fortifica- 
tions que  nous  pouvons  attribuer,  presque  avec  certitude,  à  la 
quatrième  ville. 

Dans  les  décombres  de  ces  bâtiments,  nous  trouvons  fréquem- 
ment de  grossiers  marteaux,  des  haches  en  diorite  bien  taillées, 
des  concasseurs,  des  meules  ovales  fonctionnant  à  la  main,  des 
couteaux  en  silex,  ainsi  que  de  longues  aiguilles  à  tête  ronde 
ou  en  spirale,  qui,  avant  l'invention  de  la  fibule,  servaient  soit 
comme  épingles  à  cheveux,  soit  à  fermer  les  vêtements. 

En  dessous  de  ces  décombres,  nous  trouvons  à  l'intérieur  du 

le  questionnant  particulièrement  au  sujet  de  ces  poteries.  Quelques  jours  après  cet 
envoi,  j'eus  la  douleur  d'apprendre  la  mort  de  mon  savant  correspondant.  E.  de  M. 


-  87  - 

mur  de  fortification,  comme  dans  nos  fouilles  antérieures,  les  traces 
de  trois  colonisations  préhistoriques,  et  cela  avant  d'arriver  au 
niveau  de  la|deuxièmc"  ville,  celle  qui  fut  détruite  par  un 
incendie  et  qui  doit  avoir  existé  pendant  une  longue  suite  de 


Fig.  Reproduction   du  plan  VII  de  «   Troja  «  (édition  allemande)  et  du  plan  VII  de  1'  «  Jlios  » 

(édition  française)  de  Schliemann. 


siècles.  Entre  la  plus  ancienne  muraille  de  fortification  b,  et 
celle  relativement  plus  moderne  c,  M.  Dôrpfcld  a  découvert 
une  troisième  muraille  d^enccinte  de  cette  deuxième  ville  qui 
paraît  être  encore  plus  ancienne  que  la  première.  Le  mur  et 
ses  tours,  parfaitement  conservées,  sont  construits  en  forme  de 
talus  et  se  trouvent  recouverts  de  briques  cuites  au  soleil.  Les 
murs  des  maisons  de  la  deuxième  ville  nous  font  également  cons- 
tater un  triple  remaniement. 


—  88   - 

La  ville-forte  proprement  dite  ne  comptait,  après  cette  troi- 
sième réédification,  que  6  ou  7  grands  bâtiments,  tous  orientés 
parallèlement  du  sud-est  au  nord-ouest.  Les  murailles  de  ces 
bâtiments,  d'une  épaisseur  de  85  centimètres  à  i  mètre  45  centi- 
mètres, étaient  pourvus  de  parastates,  leur  soubassement  était 
seul  construit  en  pierres,  tandis  que  la  partie  supérieure  était  en 
briques  cuites  au  soleil.  Le  plus  grand  bâtiment  sur  le  plan  VII 
de  mon  livre  intitulé  Troja,  a  une  salle  de  20  mètres  de  long  sur 
10  mètres  de  large.  Quant  aux  autres  constructions,  elles  étaient 
plus  petites,  mais  nous  pouvons  conclure  avec  certitude  que 
d'une  ville  forte  ornée  de  bâtiments  aussi  imposants,  devait 
dépendre  une  ville  inférieure  d'une  certaine  importance.  Nous 
travaillons  déjà  depuis  un  certain  temps  à  mettre  au  jour  les 
bâtiments  des  deux  périodes  antérieures,  afin  de  pouvoir  en 
dresser  un  plan.  Dès  maintenant,  nous  pouvons  affirmer  que  tous 
étaient  construits  de  la  même  matière,  c'est-à-dire  de  briques 
cuites  au  soleil,  car  ces  briques,  calcinées  ensuite  par  l'incendie 
qui  a  détruit  la  deuxième  ville,  se  trouvent  en  grande  quantité 
éparpillées  entre  les  murs  des  maisons  et  ceux  des  fortifications. 
Dans  les  bâtiments  de  la  première  période  de  la  deuxième  ville, 
nous  trouvons  encore  une  poterie  monochrome,  d'un  noir  luisant, 
qui  ressemble  fort  à  celle  trouvée  dans  la  première  ville,  et  qui 
peu  à  peu,  s'est  perfectionnée  et  transformée  en  cette  faïence  que 
nous  rencontrons  à  la  troisième  époque  de  la  deuxième  ville. 

Nous  avons  presque  complètement  mis  au  jour  le  mur  du  côté 
sud  et  du  côté  est  de  la  ville  forte  ;  les  nombreuses  marques  d'un 
violent  embrasement,  que  nous  découvrons  des  deux  côtés  de 
cette  muraille,  semblent  indiquer  qu'elle  était  pourvue  d'une 
galerie  couverte  en  bois,  semblable  à  celle  des  murs  d'Athènes. 

La  muraille  indiquée  au  plan  VII  par  B  C  et  que  nous  pen- 
sions être  une  muraille  de  la  ville  inférieure,  a  été  débarrassée  des 
décombres  qui  la  recouvraient  et  nous  avons  constaté  qu'il  s'agit 
d'une  espèce  de  perron  à  l'aide  duquel  on  gravissait  la  hauteur 
de  la  ville-forte,  comme  jadis  à  Tirynthe.  Les  marches  par  les- 
quelles on  montait  à  ce  perron  sont  du  plus  haut  intérêt.  Nous 
avons  découvert  des  marches  semblables,  mais  plus  primitives, 
du  côté  sud  de  la  ville-forte. 

Du  côté  sud-est  de  l'Acropole  romaine,  nous  avons  déterré  un 


-  89  - 

petit  théâtre  dont  le  plafond  est  détruit.  A  part  cela  il  est  fort 
bien  conservé.  Seuls,  les  sièges  supérieurs,  qui  étaient  appuyés 
contre  le  mur  extérieur,  ont  disparu. 

Ce  théâtre,  construit  en  pierres  calcaires  dures,  et  dont  la  pre- 
mière rangée  de  sièges  est  en  marbre,  date  certainement  du 
temps  des  premiers  empereurs  romains,  car  nous  y  avons  trouvé 
deux  blocs  de  marbre  avec  inscriptions,  dont  l'une  est  du  temps 
de  Tempereur  Tibère.  Deux  statues  en  marbre,  de  grandeur 
naturelle,  y  ont  aussi  été  trouvées  ;  Tune  des  deux  représente 
probablement  l'empereur  Claude  I^^   v 

D^  Henri  Schliemann. 


^ 


NOTE    COMPLEMENTAIRE. 

Par  une  série  de  communications  que,  grâce  à  l'obligeance  de  notre 
éminent  membre  d'honneur,  M.  le  Docteur  Schliemann,  j'ai  pu  faire  à  la 
Société  d'archéologie  ^,  il  m'a  été  permis  de  donner  une  idée  des  différends 
qui  ont  surgi  entre  M.  le  capitaine  Bœtticher  et  MM.  les  docteurs  Schlie- 
mann et  Dôrpfeld. 

Deux  conférences,  dont  le  retentissement  fut  universel,  ont  eu  lieu  sur 
l'emplacement  môme  de  la  ville  antique  où  les  fouilles  avaient  été 
reprises  par  notre  savant  confrère  à  la  suite  du  Congrès  de  Paris.  La  der- 
nière de  ces  conférences  donna,  ainsi  qu'on  a  pu  le  voir,  pleine  et  entière 
satisfaction  à  M.  le  docteur  Schliemann. 

Cependant,  ce  dernier,  avec  cette  persévérance  qui  distingue  l'homme  de 
science  convaincu,  veut  encore  que  par  de  nouvelles  observations,  toutes 
les  découvertes  importantes  qu'il  a  faites  jusqu'ici  trouvent  une  confir- 
mation. Non  content  d'être  seul  à  chercher  et  à  étudier,  il  s'entoure  de 
nombreux  confrères  formant,  en  quelque  sorte,  une    commission  perma- 

^  Voir  Annales  de  la  Société  iV Archéologie  de  Bruxelles^  tome  IV,  p.  105  à  108  ; 
t.  III,  p.  373  et  374,  et  t.  IV,  p.  225  à  251. 


—  90  — 

nante  de  contrôle  scientifique  ^ .  Aussi,  les  fouilles  se  succèdent-elles  ainsi 
que  les  écrits. 

Répondant  au  désir  de  la  Société,  j'ai  demandé  à  notre  savant  confrère 
de  m'envoyer  la  lettre  qu'on  vient  de  lire. 

J'ajoute  à  ce  document  le  passage  suivant,  que  j'extrais  d'une  nouvelle 
lettre  de  notre  savant  membre  d'honneur,  datée  du  24  juillet  passé.  Il  s'agit 
de  nouveaux  détails  sur  le  petit  théâtre  «  qui  pouvait  contenir  environ 
200  spectateurs  »  : 

«  Nous  ^  y  avons  trouvé  deux  statues  de  marbre,  dont  l'une  de  Tibère 
et  l'autre  peut-être  de  la  seconde  Livie  ou  de  la  seconde  Agrippine,  mère 
de  Néron.  Il  y  a  deux  longues  inscriptions  en  l'honneur  de  Tibère.  L'une 
est  datée  de  son  5™^  Consulat,  c'est-à-dire  de  l'année  31  après  Jésus- 
Christ.  Mais  comme  la  môme  inscription  constate  aussi  qu'il  avait  alors 
pour  la  i3™e  fois  le  potestas  tribunaîis,  tandis  qu'il  avait  celui-ci  dans 
l'autre  inscription  pour  la  12™^  fois,  cette  dernière  doit  naturellement  être 
considérée  comme  la  plus  ancienne. 

Je  me  permets  de  vous  rappeler  que  l'Ilium  avait  aussi  un  grand  théâtre 
assez  vaste,  —  il  pouvait  contenir  plus  de  6,000  spectateurs,  —  que  nous 
avons  mis  au  jour  il  y  a  huit  ans  et  que  vous  trouverez  représenté  dans 
mon  m  os.  » 

Grâce  à  sa  persévérance,  le  D"^  SchUemann  marche  de  découvertes  en 
découvertes.  Il  me;  promet  de  me  communiquer  des  nouveaux  détails 
accompagnées  de  plans.  «  Mais  tout  cela,  me  dit-il,  ne  sera  que  provisoire, 
car  je  me  propose  de  continuer  mes  fouilles  en  mars  1891. 

Le  i^'  août  prochain,  je  devrai  les  cesser,  à  cause  de  la  malaria.  » 

Emile  de  MUNCK. 


1  «  J'ai  bâti  ici  un  petit  village  de  maisonnettes  en  bois  que  j'ai  couvertes  de 
carton  bitumé,  de  sorte  que  je  puis  héberger  grand  nombre  de  visiteurs.  Depuis  le 
commencement  de  mars, plus  de  cent  savants  sont  venus  admirer  les  ruines  de  Troie, 
entre  autres  M.  Georges  Perrot,  l'auteur  du  célèbre   ouvrage  :  VHistoire  de  VArt.  » 

Extrait  d'une  lettre  de  M.  le  Dr  SchUemann  à  Em.  de  M.,  24  juillet  1890. 
C'est-à-dire  MM.  Schliemann  et  Dôrpfeld. 


ik 


—  gi  — 

II 

JUIN-JUILLET    1890. 

Très  honoré  Confrère, 


epuis  mon  rapport  du  2  juin,  nous  avons  poussé  les  travaux 
avec  ardeur  et  avons  été  favorisés  par  un  temps  splendide.  Il  est 
vrai  que  la  température  ordinaire  est  de  36  degrés  Celsius  et 
monte  à  l'heure  de  midi  à  37  degrés  V^-  Mais  le  vent  du  Nord,  qui 
ne  fait  presque  jamais  défaut,  rend  cette  température  très  suppor- 
table, d'autant  plus  que  Pair  est  parfaitement  sec  et  que  les  nuits 
sont  toujours  fraîches  et  vivifiantes.  Le  climat  a  dû  être  le  même 
lorsque  «  la  sainte  Ilios  v  était  encore  debout  en  cet  endroit,  et 
dans  toute  sa  splendeur.  Les  Troyens  ont  dû,  sans  doute,  se 
trouver  parfaitement  bien  ici,  car  comment  expliquer  autrement 
la  persistance  avec  laquelle  ils  y  demeurèrent  des  milhers  d'années 
et  les  ruines  de  plus  de  16  mètres  de  profondeur  qu'ils  y  ont 
laissées.  La  qualification  ((  la  battue  des  vents  » .  qui,  dans 
V Iliade,  désigne  six  fois  la  sainte  Ilios,  et  une  fois,  le  monticule, 
planté  de  figuiers,  à  côté  du  mur,  nous  prouve  que  déjà  du 
temps  d'Homère,  la  tempête  soufflait  sur  ces  rives  avec  la  même 
furie  que  maintenant. 

Dans  l'intérêt  de  la  science,  M.  Dôrpfeld  et  moi  avons  jugé 
nécessaire  de  déblayer  les  couches  de  décombres,  toujours  en  com- 
mençant par  le  haut.  Devant  la  porte  Sud-Ouest  et  à  côté  de  celle- 
ci  (R.C.  sur  le  plan  VII  de  «  Troja  w),  nous  avons  trouvé  7  couches 
avec  des  murs  de  maisons,  et  cela  avant  d'arriver  au  niveau  de  la 
seconde  ville,  celle  qui  fut  détruite  par  une  terrible  catastrophe. 
Dans  chacune  de  ces  couches,  nous  avons  laissé  quelques  murs 
de  maisons  debout,  afin  que  le  visiteur  puisse  les  inspecter  et  les 
étudier.  Je  rappelle  que  ces  fouilles  ont  été  faites,  non  à  l'extérieur  de 
Pergame  de  la  seconde  ville,  mais  à  l'intérieur  de  l'acropole  des 
cités  grecques  et  romaines.  Nous  avons  mis  le  rocher  à  nu  à 
plusieurs  endroits.  Dans  la  couche  supérieure,  outre  les  murs  des 
maisons,  nous  avons  aussi  trouvé  deux  puits  construits  en  pierres 


—  92  — 

régulièrement  taillées  et  qui  descendaient  à  travers  toutes  les 
couches  jusqu'au  rocher.  Des  bâtiments  d'une  plus  grande  impor- 
tance sont  contenus  dans  la  quatrième  couche,  en  commençant 
par  le  haut.  C'est  dans  cette  même  couche  qu'ont  été  trouvés 
des  vases  en  poterie  grise,  désignée  jadis  comme  «  Lydienne  » 
ainsi  que  beaucoup  de  débris  de  vases  du' type  de  Mycène,  entre 
autres  le  «  pot  à  repasser  «  (Biigelkanne)  *.  L'un  de  ces  bâti- 
ments, construits  en  grandes  pierres  taillées,  montre  le  même 
plan  que  celui  de  l'ancien  Megaron,  comme  nous  l'avons 
trouvé  dans  la  deuxième  ville,  et  représenté  sous  A  dans  notre 
plan  VII  de  l'ouvrage  Troja.  (Plan  VII  de  l'édition  française  à'Ilîos). 
Il  n'a  pas,  jusqu'à  présent,  été  possible  de  déterminer  si  ce  bâti- 
ment était  une  habitation  ou  un  temple.  Nous  avons  laissé  intact 
cet  édifice,  qui  offre  le  plus  grand  intérêt.  Les  trois  couches  infé- 
rieures correspondent,  d'après  les  poteries  qu'elles  contiennent, 
à  la  5™^,  4"^^  et  3"^^  ville,  à  l'intérieur  de  l'antique  Pergame.  Dans 
toutes  les  couches  nous  trouvons  de  nombreuses  amphores, 
hautes  d'un  mètre  à  i  m.  75  cent.  Elles  servaient,  comme  cela  se 
fait  encore  à  présent^  de  réservoirs  pour  le  grain,  d'autres  fruits, 
ainsi  que  pour  l'huile  et  le  vin,  car,  en  général,  dans  tout  l'Orient^ 
maintenant  comme  dans  l'antiquité,  la  cave  est  inconnue.  Dans 
ces  amphores,  nous  avons  trouvé  plusieurs  espèces  de  blé,  des 
graines  de  lin,  ainsi  que  des  petits  pois.  Une  seule  en  contenait 
plus  de  200  kilogrammes. 

Grâce  à  nos  fouilles,  la  large  rue  conduisant  de  la  porte  Sud- 
Ouest  de  la  deuxième  ville  (R.  C.  sur  le  plan  VII  dans  Troja) 
à  la  ville  inférieure,  fut  mise  à  jour  sur  un  parcours  relativement 
grand.  Cette  rue,  large  de  7  mètres  50  centimètres,  est  pavée  de 
grandes  dalles  en  pierre  et  s'élève  de  i  à4  mètres;  elle  était  bordée 
de  parapets  d'une  épaisseur  d'un  mètre.  De  plus,  le  mur  Sud- 
Ouest  de  la  forteresse  de  la  deuxième  ville  a  été  entièrement  mis 
à  jour  par  nos  fouilles.  Les  soubassements,  fortement  talutés,  sont 
bien  conservés  dans  toute  leur  hauteur  qui  est  de  8  mètres  50 
centimètres.  Les  nombreux  débris  de  briques  brûlées  qui  se 
trouvent  devant  ce  mur  taluté  prouvent  encore  suffisamment 
qu'il  existait  jadis  un  bâtiment  supérieur  en  briques  séchées  au 

1  Voir  la  note  de  la  page  85. 


*: 


-   93  — 

soleil.  Nous  avons  découvert,  à  l'Ouest,  deux  tours  dont  les  par- 
ties inférieures  sont  encore  très  bien  conservées  et  qui  avancent 
de  2  mètres  70  centimètres  sur  le  mur.  A  côté  d'une  de  ces  tours, 
nous  avons  découvert  les  débris  d'une  grande  porte,  qui  a  appar- 
tenu à  la  première  époque  de  la  deuxième  ville.  Cette  porte 
correspond,  comme  forme  et  mode  de  construction,  à  la  grande 
porte  du  Sud,  trouvée  jadis  (N.  F.  sur  le  plan  VII  de  Troja)  et 
qui  date  également  de  la  première  période  de  la  deuxième  ville. 
Lorsque  la  porte  Sud-Ouest  (R.  C.  sur  le  Plan  VII)  existait,  ces 
deux  portes  de  la  première  époque  étaient  murées  et  enterrées. 
A  côté  de  cette  porte  Ouest  nouvellement  trouvée,  nous  avons 
découvert  une  petite  porte  de  sortie,  très  bien  conservée,  haute 
de  3  mètres  et  large  de  i  mètre  20  centimètres.  De  cette  porte, 
l'on  pouvait  monter,  par  un  étroit  sentier,  à  l'intérieur  de  la  ville 
fortifiée,  jusqu'à  la  hauteur  de  Pergame.  Nous  avons  encore 
trouvé  de  grands  morceaux  carbonisés  des  sommiers  en  bois  qui 
soutenaient  les  murs  décote  de  cettepetite  porte.  Celle-ci  se  fermait 
par  un  verrou.  Les  trous  faits  par  ce  dernier  existent  encore  dans 
les  murs,  des  deux  côtés.  Pour  maintenir  la  porte  dans  son  état 
actuel,  nous  l'avons  étayée  par  des  barres  de  fer. 

Lorsque  le  grand  mur  de  Troie  était  encore  intact,  il  devait,  si 
nous  comptons  seulement  six  mètres  pour  le  mur  de  briques  et 
deux  mètres  pour  la  galerie  supérieure,  pareille  à  celle  qui  sur- 
montait le  mur  de  Thémistocle  à  Athènes,  et  à  celle  que  M.  Dôrp- 
feld  et  moi  avons  mise  au  jour  sur  le  mur  de  Tirynthe,  avoir 
une  hauteur  de  16  mètres  50  cent.;  et,  ici,  du  côté  Ouest,  avec  ces 
tours  gigantesques,  faire  un  effet  très  imposant.  Il  est  donc  com- 
préhensible que  la  construction  de  ce  mur  ait  été  attribuée  par  la 
tradition,  qu'Homère  nous  a  conservée,  à  Poséidon  (Neptune)  et  à 
Apollon. 

Nos  fouilles  auprès  de  la  porte  Sud-Est  (OX  sur  le  plan  VII)  ont 
mis  celle-ci  au  jour  jusqu'à  ses  fondations,  et  ont  prouvé  qu'elle  a 
été  transformée  à  diverses  époques.  La  porte  n'était  primitivement 
flanquée  que  de  deux  tours  qui  avançaient  ;  plus  tard,  le  passage 
de  la  porte  fut  rétréci,  et  les  tours,  renforcées  par  djg^ouvellcs  mu- 
railles. Devant  la  porte,  nous  découvrîmes  une  montée  semblable 
à  un  escalier,  ce  qui  prouve  que,  de  ce  côté  également,  Pergame 
était  séparée  du  plateau  entier  de  la  ville  basse  par  un  enfoncement. 


—  94   — 

Bien  haut,  au-dessus  de  la  porte  Sud-Est,  se  trouvent  encore 
maintenant  les  débris  de  deux  grandes  portes  qui  datent  des 
temps  romain  et  grec.  De  nombreux  débris  de  colonnes  en 
marbre  provenant  des  Propylées  romains  ont  aussi  été  décou- 
verts. 

Les  fouilles  auprès  de  la  grande  porte  Sud,  mentionnée  plus 
haut^  n'ont  pas  été  achevées  et  seront  reprises  Pannée  pro- 
chaine. 

Les  travaux  à  l'intérieur  de  Pergame  ont  montré  clairement 
les  plans  du  plus  grand  nombre  des  bâtiments.  Nous  pouvons 
ainsi,  dès  à  présent,  donner  une  esquisse  exacte  de  ceux-ci.  Nous 
avons  aussi  pu  constater  les  modifications  qu'ont  subies  ces  bâti- 
ments dans  le  cours  des  trois  époques  de  la  deuxième  ville. 

Au  printemps  prochain,  nous  nous  proposons  de  découvrir  le 
mur  au  Nord  de  Pergame^  car,  cette  année,  malgré  tous  nos 
efforts,  nous  n'avons  pu  y  parvenir. 

Le  théâtre  mentionné  déjà  dans  ma  lettre  précédente  est  à  pré- 
sent complètement  déblayé. 

Il  s'éloigne,  par  plusieurs  particularités,  des  dispositions  ordi- 
naires des  théâtres,  et  il  pourrait  se  faire  que  nous  n'ayons  pas 
devant  nous  un  théâtre  ou  Odéon,  mais  la  salle  de  réunion  en 
forme  de  théâtre,  d'une  corporation  des  (3ov/.r,  par  exemple. 
Nous  sommes  confirmés  dans  cette  opinion  par  la  proximité  du 
grand  théâtre,  déterré  par  nous  en  Tannée  1882  et  reproduit  page 
235  de  Troja  (page  797  de  Tédition  française  de  Vllios).  Ce  théâ- 
tre pouvait  contenir  plus  de  6000  spectateurs. 

Une  inscription  du  plus  grand  intérêt  a  été  trouvée  dans  Per- 
game, auprès  des  Propylées  romains.  Elle  est  de  70  lignes,  dont 
chacune  contient  de  5  à  6  noms  au  moins.  Nous  nous  trouvons 
probablement  devant  une  partie  de  la  liste  de  tous  les  citoyens 
des  temps  helléniques  de  la  ville,  avec  mention  du  nom  de  leurs 
femmes  et  de  leurs  enfants. 

Nous  y  rencontrons  beaucoup  de  noms  lus  dans  Homère,  par 
exemple  :  plusieurs  fois  Skamandrios,  puis  Teukros,  Memnon, 
Glaukos,  Menestheus,  et  ainsi  de  suite,  ce  qui  prouve  que  les  habi- 
tants d'Ilion  étaient  fiers  de  leurs  ancêtres  Troyens^  dont  la  gloire 
avait  été  rendue  immortelle  par  le  divin  poète.  Ensuite,  l'inscrip- 
tion  contient  un   nombre  surprenant   de    noms   complètement 


—  95  — 

inconnus  ;  c'est  ainsi  que  nous  avons  vu,  pour  la  première  fois, 
par  exemple  comme  noms  masculins  :  Anilonpolis,  Eikadios,  Nou- 
menios,  Praximenes,  Pythomnestos,  Euthes,  Protophles,  Attinos, 
et,  comme  noms  féminins:  Skamandrodike,  Sampris,  Nikogenis, 
Aristonia,  Mikinna,  Anda,  Ina,  Lydion,  Manakon,  Menakon, 
Asinnô,  Hireïs,  Midasia,  Mystaline,  Simotera,  Annis,  Adeia, 
Poa. 

Qu'en  penseriez-vous,  si  nous  introduisions  ces  beaux  noms 
d'Ilion  dans  notre  chère  patrie  allemande  ;  chaque  dame  ne  serait- 
elle  pas  fière  de  porter  un  nom  troyen  et  de  s'appeler,  par  exem- 
ple, Skamandrodike  ? 

Afin  de  pouvoir  caser  convenablement  les  nombreux  visiteurs 
des  ruines  de  Troie,  j'ai  construit  ici,  au  pied  de  Pergame,  un 
petit  village  en  bois  recouvert  de  t  papier  goudronné.  Depuis  le 
mois  de  mars,  j'ai  eu  la  satisfaction  de  recevoir  plus  de  cent  savants 
représentant  les  nationalités  les  plus  diverses.  Des  explosions 
d'indignation  ou  de  grande  gaieté  ont  été  causées  à  tous,  sans 
exception,  quand  M.  Dôrpfeld  ou  moi  leur  contions  que 
quelqu'un  avait  osé  décrier  la  sainte  Ilion,  avec  ses  bâtiments 
imposants,  et  essayer,  en  d'innombrables  pamphlets,  de  la  faire 
passer  pour  une  minuscule  nécropole. 

Nous  cesserons  les  travaux  le  i^""  août  et  nous  retournerons  à 
Athènes.  Mais  nous  laisserons  ici,  comme  gardiens,  deux  gen- 
darmes turcs  qui  sont  chargés  de  mettre  des  chambres  à  coucher 
à  la  disposition  des  visiteurs  qui  pourraient  se  présenter.  Nous 
nous  proposons  de  reprendre  les  fouilles  à  Troie  le  i*^'"  mars  189 1 
et  de  déblayer  alors  une  grande  partie  de  la  ville  inférieure,  par- 
ticulièrement de  l'Agora,  le  temps,  pour  ces  travaux,  nous  ayant 
malheureusement  manqué  cette  année. 

D^  Henry  Schliemann. 


~  96 


III 


Traduction  d'une  lettre  de  M.  le  docteur  Schliemann 
AU  prince  de  Bismarck 


Troie,   le  22  juillet  1890. 


éprends  la  liberté  d'annoncer  à  Votre  Altesse  que  j'ai  repris 
les  fouilles,  ici,  depuis  le  i^^  novembre  de  l'année  dernière,  et  les 
ai  continuées  jusqu'à  maintenant,  avec  une  petite  interruption 
seulement  pendant  Thiver.  Monsieur  Dôrpfeld,  directeur  de 
rinstitut  archéologique  impérial  allemand  à  Athènes,  est  mon 
collaborateur.  Il  a  déjà  travaillé  ici  avec  moi  en  Tannée  1882  et 
il  est  connu  comme  excellent  architecte,  par  rapport  à  l'architec- 
ture ancienne. 

Un  de  nos  principaux  travaux  était  de  découvrir,  cette  année, 
toutes  les  fondations  des  bâtiments  de  la  seconde  ville,  qui  a  péri 
dans  une  catastrophe  si  épouvantable  et  qui  est  généralement  con- 
sidérée comme  étant  Pergame  ou  la  Troie  d'Homère.  Comme 
Votre  Altesse  pourra  le  constater  par  le  plan  que  j'enverrai  fin 
novembre,  tous  ces  bâtiments  sont  de  grande  dimension  et  rap- 
pellent singulièrement  le  palais  des  rois  préhistoriques  de  Tirynthe 
en  Péloponèse,  déterré  par  moi,  en  1884  et  1885,  car  les  sou- 
bassements seuls  étaient  en  pierres,  les  murailles  supérieures  en 
briques  séchées  au  soleil,  et  les  toits  étaient  plats  et  formés  par 
une  rangée  de  poutrelles  recouvertes  d'une  couche  de  joncs  et 
d'argile. 

Les  murs  du  côté  de  la  longueur  se  terminaient  par  des  antœ 
ou  parastates  en  bois,  qui  avaient  le  double  but  de  protéger  le 
bout  des  murailles  et  de  porter  le  toit  ;  les  antœ  préhistoriques  en 
bois  avaient  donc  uniquement  un  but  pratique  et  ils  sont  pour- 
tant les  prédécesseurs  de  ces  aniœ  ou  parastates  en  marbre  qui 
ne  manquent  jamais  aux  temples  grecs  de  l'époque  classique,  et 
qui,  dans  ces  bâtiments,  n'avaient  plus  qu'une  raison  technique 
et  servaient  seulement  d'ornement. 

Les  propylées  ne  manquent  pas  non  plus  dans  Pergame  et 


—  97  — 

ressemblent  beaucoup  à  ceux  de  Tirynthe.  —  De  ces  simples  pro- 
pylées, avec  les  antœ  en  bois  et  le  toit  d'argile  sont  issus,  dans  le 
cours  des  siècles,  les  propylées  grandioses  de  Tépoque  classique, 
comme  celui  de  l'acropole  d'Athènes.  Les  murs  de  Pergame  ont 
été  déterrés  dans  toute  leur  longueur,  excepté  du  côté  Nord.  Ils  se 
composaient  d'un  soubassement  talué  en  pierres  réunies  par  de 
l'argile,  qui,  pour  établir  le  niveau,  a  du  côté  Ouest  et  Sud  une 
hauteur  de  lo  mètres  et  sont  pourvus  de  nombreuses  tours  avan- 
çant fortement  et  également  taluées.  Sur  ce  soubassement  se 
dressait  la  bâtisse  supérieure  de  briques  non  brûlées  qui,  du  côté 
Est,  sont  encore  conservées  sur  toute  la  longueur,  jusqu'à  une 
hauteur  de  4  mètres.  Ce  mur  supérieur  a  4  mètres  d'épaisseur, 
a  dû  mesurer  jadis  8  mètres  de  hauteur  et  avoir  été  garni, comme 
le  mur  de  Thémistocle  à  Athènes,  d'une  galerie  couverte  d'au 
moins  2  1/2  mètres.  Ce  mur  doit  donc  avoir  eu,  jadis,  galerie 
comprise,  une  hauteur  d'environ  20  mètres,  et  avoir  fait  un  effet 
très  imposant.  Il  n'est  donc  pas  surprenant  qu'Homère  en  attri- 
bue la  construction  à  Neptune  et  à  Apollon. 

Dans  cette  muraille,  nous  avons  découvert  quatre  grandes 
portes  :  celle  du  Sud  et  celle  de  l'Ouest  datent  de  la  première 
époque  de  l'existence  de  cette  deuxième  ville,  et  ont  dû  être 
enterrées,  depuis  des  siècles,  lors  de  la  prise  de  la  ville  par  les 
Grecs.  Quant^  aux  portes  Sud-Est  et  Nord-Ouest,  elles  servaient 
encore  alors.  La  dernière,  large  de  7  mètres  50  et  pavée  de 
grandes  dalles  en  pierres,  conduisait  à  la  ville  inférieure.  Il  ne 
nous  a  été  possible  de  découvrir  qu'une  petite  partie  de  cette  rue, 
malgré  que  nous  travaillions  toujours  avec  70  hommes  et  3  che- 
mins de  fer,  pour  emporter  les  décombres.  Ces  décombres  ont 
ici  une  profondeur  de  16  à  20  mètres  et  contiennent  les  murs  des 
maisons  de  toutes  les  colonisations  qui  se  sont  succédées.  Ils  doi- 
vent être  tous  complètement  déterrés,  nettoyés  et  photographiés, 
avant  de  pouvoir  être  démolis,  ce  qui  fait  perdre  beaucoup  de 
temps.  Je  suis  malheureusement  obligé  de  cesser  les  fouilles  le 
i^""  août,  mais  si  je  suis  encore  en  vie,  je  compte  les  reprendre  le 
1^^  mars  1891,  avec  une  nouvelle  énergie. 

Du  côté  Sud-Est  de  la  cité,  j'ai  dernièrement  mis  à  découvert 
un  odéon,  admirablement  conservé  et  orné  des  statues  de  Tibère 
et  de  Caligula,  et  probablement  de  la  seconde  Agrippine   ou  de 

7 


-  98- 

Poppaea,  ainsi  que  plusieurs  inscriptions  en  l'honneur  de  Tibère. 
Ce  théâtre  ne  peut  contenir  que  loo  spectateurs.  Mais  Ilion  pos- 
sédait aussi  un  grand  théâtre  que  j'ai  découvert  et  qui  pouvait 
tout  au  moins  contenir  6000  spectateurs. 

Minerve  m'a  encore  été  favorable  et  je  puis  augmenter  la  col- 
lection troyenne  de  Berlin,  qui^  par  ordre  de  l'Empereur,  sera 
transférée  au    nouveau  Musée  royal  d'objets  magnifiques. 

Je  prie  les  Dieux  afin  que  Votre  Altesse,  pour  la  gloire  de  la 
patrie  et  la  satisfaction  de  ses  nombreux  admirateurs,  soit  conser- 
vée en  vie  pendant  une  longue  suite  d'années  et  jouisse  toujours 
de  la  meilleure  santé. 

Je  suis,  de  Votre  Altesse,  le  plus  fidèle  admirateur. 

H.  SCHLIEMANN. 


RAPPORT 


SUR  LE 


CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE 


DE  FRANCE 


Cinquante-septième  session,  1890,   Brive  (Corrèze) 


i  congrès  archéologique  de  France  a  tenu  cette  année, 
dans  le  département  de  la  Corrèze,  du  17  au  24  juin, 
sa  cinquante-septième  session  sous  la  présidence  de 
M.  le  Comte  de  Marsy. 

La  ville  de  Brive,  qui  possède  la  vaillante  Société  scientifique  y 
historique  et  archéologique  de  la  Corrèze,  et  la  ville  de  Tulle,  qui 
est  le  siège  de  la  Société  de  Lettres,  Sciences  et  Arts,  ont  reçu,  tour 
à  tour,  les  congressistes  français  et  étrangers  qui,  en  grand  nom- 
bre, avaient  répondu  à  Tappel  de  la  Société  française  d'Archéo- 
logie. 

La  Grande-Bretagne,  Tltalie,  TAcadémie  royale  de  THistoire, 
de  Madrid,  y  étaient  représentées;  et  un  détail  qu'il  m'est  agréa- 
ble de  rappeler  ici,  c'est  que  les  Belges,  relativement  nombreux, 
qui  ont  assisté  au  congrès,  étaient  tous  membres  de  notre 
société. 

Dans  le  rapport  que  j'ai  eu  Thonneur  de  vous  présenter  Tan 


—     lOO    — 

dernier  à  mon  retour  du  congrès  d'Evreux   *,  j'ai  cru  devoir, 
vous  dire  un  mot  de  l'organisation  des  congrès   français   qui 
diffèrent  assez  bien  des  nôtres  ;  je   n'ai  donc  plus  à  y  revenir, 
et,  si  vous  le  permettez,  j'aborderai,  sans  plus  tarder,  le  chapitre 
des  excursions. 

Celles-ci,  admirablement  bien  réglées,  tant  au  point  de  vue 
matériel  qu'au  point  de  vue  scientifique,  ont  été  des  plus  intéres- 
santes. 

La  première  journée  a  été  consacrée  à  la  visite  de  la  ville  de 
Brive.  Ses  vieilles  rues,  ses  maisons  à  tourelles  des  xm^,  xv^,  et 
xvi^  siècles,  son  église  St-Martin,  construite  à  la  fin  du  xii^  siècle, 
avec  ses  trois  nefs  d'égale  hauteur,  séparées  par  de  hardis  piliers 
cylindriques,  le  petit  séminaire,  en  partie  de  la  Renaissance, 
avec  ses  curieuses  sculptures  remontant  à  l'époque  de  Henri  II, 
ont  vivement  excité  notre  intérêt. 

L'examen  des  objets  si  bien  classés  et  étiquetés  du  Musée 
communal  et  des  collections  de  MM.  Lalande,  Massénat  et  Sou- 
lingeas,  les  savants  et  heureux  explorateurs  des  bords  de  la 
Vezère  et  de  la  Corrèze,  a  été  fort  instructif  pour  ceux  qui, 
comme  votre  rapporteur,  s'intéressent  plus  spécialement  aux 
études  préhistoriques  et  à  l'antiquité. 

Le  mercredi  i8,  nous  nous  sommes  rendus  à  Uzerche,  ville  fort 
ancienne,  dans  une  situation  des  plus  pittoresques,  et  présentant 
l'aspect  d'une  immense  forteresse  démantelée.  Elle  possède  une 
jolie  église  du  xii^  siècle,  flanquée  d'une  tour  de  défense  et  sur- 
montée, sur  la  deuxième  travée  de  la  nef,  d'un  magnifique 
clocher,  carré  à  la  base,  octogonal  au  sommet,  et  orné  de  pignons 
sur  chaque  face. 

Au  retour,  nous  avons  vu,  à  Vigeois,  une  curieuse  église 
romane,  à  une  seule  nef. 

Le  lendemain,  nous  visitions,  sur  le  territoire  de  Brive,  à  côté 
des  grottes  naturelles  habitées  par  l'homme  des  temps  quater- 
naires ^,  les  intéressantes  grottes  artificielles,  creusées  dans  le 


1  Voir  T.  IV,  p.  22  de  nos  Annales. 

2  Aux  environs  de  Brive,  en  général,  les  silex  du  type  moustiérien  se  rencontrent 
en  abondance  sur  les  plateaux  et  les  pentes  en  quelque  sorte  à  la  surface  du  sol  • 
tandis  que  dans  les  vallées,  les  grottes  et  abris-sous-roche  sont  de  Fépoque  magda- 
lénienne. 


—    lOI    — 

grès   tendre  du    trias,  qui   forment   le   magnifique   groupe  de 
LamourouX;   véritable   village    de   troglodytes. 

Elles  sont  au  nombre  de  quatre-vingts,  superposées  en  cinq 
étages.  On  croit  que  les  excavations  qui  constituent  la  première 
série  ou  étage  inférieur,  ont  été  l'œuvre  de  la  nature  et  le  refuge 
de  Thomme  à  l'époque  delà  pierre;  que  d'autres  pourraient 
bien  avoir  été  creusées  dès  Fâge  des  métaux,  et  aussi  à  des  épo- 
ques plus  rapprochées  de  nous,  mais  que  toutes  ont  été  vidées, 
retaillées  et  modifiées  souvent  dans  la  suite  des  siècles  *. 

Ces  grottes  artificielles  existent  en  assez  grand  nombre,  en  des 
points  différents  de  la  France;  quelques-unes  même  sont  encore 
habitées  actuellement,  mais  ce  que  l'on  ne  retrouve  nulle  part 
ailleurs,  c'est  cet  ensemble,  cet  «  aspect  de  ruche  w  de  Lamou- 
roux. 

Le  vendredi,  20,  nous  poussions  une  pointe  dans  le  départe- 
ment du  Lot. 

Après  avoir  admiré  les  ruines  du  château  des  puissants 
vicomtes  de  Turenne,    nous  avons  visité  Beaulieu. 

Cette  ville  est  célèbre  par  son  abbaye  de  Bénédictins,  fondée  en 
855,  dont  Téglise,  des  xii^  et  xiii^  siècles,  possède  un  portail 
décoré  de  sculptures  romanes  qui  constituent  Tœuvre  artistique 
la  plus  remarquable  du  département. 

On  y  voit  encore  avec  intérêt  de  vieilles  maisons  des  xiii^, 
xiv^  et  xv^  siècles. 

Non  moins  intéressante  est  la  petite  ville  de  Bretenoux  (Lot)  où 
l'on  trouve  une  bastide  (ville  libre  du  moyen  âge)  de  la  fin  du 
xii^  siècle  et  d'un  caractère  tout  spécial,  aux  rues  couvertes  et 
aux  portes  fortifiées. 

Nous  nous  y  arrêtons  un  instant  avant  d'entreprendre  la 
montée  de  Castelnau. 

Castelnau  de  Bretenoux  (Lot),  par  ses  grandes  proportions  et 
sa  situation  exceptionnelle,  est  une  des  plus  belles  ruines  féodales 
du  centre  de  la  France. 

L'ensemble  des  bâtiments  est  dominé  par  un  donjon  carré 
du  xiif  siècle,  décoré  de  mâchicoulis  du  xv^. 

^  ....  Des  documents  permettent  d'établir  que,  dans  le  cours  du  moyen  âge,  pen- 
dant les  luttes  contre  les  Anglais,  et  pendant  les  guerres  de  religion,  les  habitants 
y  ont  encore  trouvé  un  refuge  pour  eux  et  pour  leurs  bestiaux  (Qe  de  Marsy). 


—    I02    — 

Au  retour,  quelques-uns  des  excursionnistes  se  sont  séparés 
du  groupe  pour  aller  reconnaître,  sur  les  pentes  de  Y  oppidum 
d'Uxellodunum  (actuellement  le  Puy  d'Issolu,  près  de  Vayrac, 
Lot),  la  fameuse  galerie  souterraine,  déblayée  en  1865  par  ordre 
de  Tempereur. 

Cette  galerie,  creusée  par  César  lors  du  siège  de  cette  place  *, 
dans  le  but  de  tarir  une  source  abondante  qui  sortait  du  rocher 
au  pied  de  la  muraille  et  qui  alimentait  les  assiégés,  est 
aujourd'hui  de  nouveau  obstruée. 

Le  lendemain,  autre  excursion  dans  le  Lot,  à  Roc-Amadour  et 
à  Assier. 

La  petite  ville  de  Roc-Amadour,  que  nous  avons  visitée 
d'abord,  est  un  lieu  de  pèlerinage  célèbre,  fréquenté  dès  le 
xir  siècle.  Dans  un  site  unique,  au  fond  d'une  gorge  profonde, 
ses  maisons,  ses  églises  et  ses  chapelles  sont  accrochées,  accolées 
pour  mieux  dire  aux  flancs  d'un  rocher  abrupt.  On  y  remarque 
cinq  portes  fortifiées  et  quelques  maisons  des  xv^  et  xvi«  siècles. 

A  Assier,  nous  avons  vu  les  restes  du  château  de  Galliot 
de  Genouilhac,  grand-maître  de  l'artillerie  sous  François  P^ 
Quelques  frises  et  bas-reliefs  sont  admirables  de  délicatesse  et  de 
goût. 

L'église  de  cette  localité,  bâtie  en  1545,  est  surtout  intéres- 
sante par  les  souvenirs  qu'on  y  retrouve  du  grand-maître  de 
l'artillerie  à  la  devise  fameuse  :  «  J'aime  fortune  «  et  parfois  : 
«  fortune  2.  n 

Une  large  bande  ou  litre,  sur  laquelle  on  a  sculpté  des  tro- 
phées d'armes,  des  pièces  d'artillerie  traînées  par  des  chevaux, 
etc.,  entoure  l'église,  à  l'extérieur,  tandis  qu'à  l'intérieur  se  voit 
le  mausolée  de  Galliot. 

La  veille  de  notre  départ  pour  Tulle,  nous  nous  sommes  ren- 
dus à  Obasine,   et  de  là  aux  gorges  sauvages  de  Coiroux. 

Le  village  d'Obasine  doit  son  origine  à  une  abbaye  de  Béné- 
dictins, fondée  en  1142  par  saint  Etienne. 

Des  anciennes  constructions  bénédictines,  il  reste  quelques 
parties  du  réfectoire,  magnifique  vaisseau  ogival,  la  salle  capitu- 

1  Voir  Commentaires,  livre  VIII  (écrit  par  Hirtius). 

2  Faisant  ainsi  allusion  à  son  amour  pour  la  Duchesse  d'Angoulème,  mère   de 
François  1er,  cause  de  ses  malheurs  et  de  sa  disgrâce. 


—  I03  — 

laire,  intacte,  et  l'église  en  bon  état  de  conservation.  Celle-ci  ren- 
ferme, entre  autres  choses  remarquables,  le  tombeau  de 
saint  Etienne,  un  des  plus  beaux  morceaux  de  sculpture  du 
xiii^  siècle. 

Elle  offre,  en  outre,  une  particularité  sur  laquelle  M.  Rupin  a 
attiré  notre  attention  dans  son  guide  :  la  coupole  porte  sur 
des  arcs  doubleaux  et  des  pendentifs  ;  sur  cette -coupole  s'élève 
un  clocher  octogonal,   à  jour. 

On  voit,  à  Textérieur,  comment,  du  socle  carré  portant  sur 
quatre  piles  et  les  arcs  doubleaux,  la  construction  arrive  à  Tocto- 
gone  parfait  au  moyen  de  triangles  à  ressauts. 

Les  travaux  hydrauliques  exécutés  dans  les  gorges  de  Coiroux 
par  les  moines,  pour  amener  l'eau  à  Obazine,  méritent  une  men- 
tion spéciale. 

Nous  avons  consacré  la  journée  du  lundi,  23,  à  parcourir 
la  ville  de  Tulle  dont  les  rues  à  escaliers,  bordées  de  maisons  des 
xiii^  et  xiv^  siècles,  aux  balcons  vermoulus  et  aux  toits  qui  s'avan- 
cent en  saillie,  sont  faites  pour  séduire  l'artiste  autant  que  l'ar- 
chéologue. 

Le  soir  avait  lieu  la  fête  du  Tour  de  la  Lunade,  procession 
instituée  en  reconnaissance  de  la  cessation  de  la  perte  de 
Tulle,  de  1346  ou  1348.  Elle  n'a  plus,  à  ce  qu'il  paraît,  le  carac- 
tère triomphant  qu'elle  avait  autrefois  ;  cependant,  le  spectacle 
qu'elle  présente  est  des  plus  pittoresques.  Une  statue  de  saint 
Jean  est  promenée  par  toute  la  ville  et  suivie  d'une  foule  nom- 
breuse, portant  des  cierges  et  lançant  des  pétards  dans  toutes  les 
directions,  tandis  que,  sur  le  parcours  du  cortège,  flambent  d'in- 
nombrables petits  feux  de  bois. 

On  pourrait^  je  pense,  sans  crainte  d'erreur,  assigner  à  cette 
partie  de  la  fête  une  origine  païenne. 

Nous  avons,  enfin,  clôturé  la  série  de  nos  excursions  par  une 
course  à  Meymac,  qui  possède  une  curieuse  église  romane,  à  une 
seule  nef,  avec  un  transept  sur  lequel  s'ouvrent  trois  absides  de 
largeur  presqu'égale.  C'est  une  dépendance  de  l'ancienne  abbaye 
de  Meymac,  fondée  en  1146. 

Les  séances  ont  été,  elles  aussi,  très  fructueuses.  Je  vais  essayer 
d'en  retracer  la  physionomie. 

Dans  son  discours  d'ouverture  M.  le  comte  de  Marsy  a  insisté 


—  I04  — 

sur  l'importance  des  travaux  accomplis  jusqu'ici,  surtout  au 
point  de  vue  de  rémaillerie  limousine,  par  la  société  de 
Brive,  et  passé  en  revue  les  ouvrages  des  membres  de  la 
Société  française  d'archéologie,  depuis  le  congrès  de  Tan  der- 
nier, en  rappelant  les  efforts  que  celle-ci  n'a  cessé  de  faire 
pour  la  conservation  des  monuments. 

M.  René  Fage,  membre  de  la  société  de  Tulle,  nous  a  entre- 
tenus de  Tétat  des  travaux  historiques  et  archéologiques  dans  le 
Bas  Limousin,  depuis  dix  ans. 

Dans  une  étude  sur  la  préhistoire  des  vallées  de  la  Corrèze  et 
de  la  Vézère,  M.  Massenat  a  nié  catégoriquement  l'existence,  à 
l'époque  quaternaire,  de  la  coutume  d'enterrer  les  morts.  Il  a  pu 
y  avoir  des  enfouissements  accidentels,  mais  c'est  tout.  Aurillac, 
Laugerie-Basse,  Le  Frontal,  Menton,  etc.,  ne  seraient  d'après 
lui,  que  des   gisements  néolithiques. 

Votre  rapporteur  croit  devoir    faire  ici    toutes  ses  réserves. 

Quels  sont  les  différents  peuples  qui  ont  habité  le  Limousin  et 
qui  ont  formé  sa  population  ?  Après  M.  de  Lepinay,  M.  le  doc- 
teur Vacher  nous  a  communiqué  une  étude  très  approfondie 
sur  ce  sujet. 

Il  a  constaté  que  le  Limousin,  par  sa  situation  tcpographique 
et  sa  constitution  géologique,  a  échappé,  plus  que  tout  autre,  à 
rinfluence  de  la  conquête,  d'oia  la  pureté  relative  de  la  race  qui 
a  conservé  les  j:races  du  milieu  sévère  où  elle  s'est  développée. 
En  effet,  les  Romains,  les  Germains,  les  Sarrasins,  les  Normands 
et  enfin  les  Anglais,  n'ont  guère  altéré  les  caractères  de  la  race 
primitive,  et  l'on  peut  dire,  encore  aujourd'hui,  d'une  manière 
générale,  que  l'habitant  du  Limousin  est  brun,  de  petite  taille 
et  brach3Téphale. 

M.  P.  Lalande  avait  dressé  un  magnifique  inventaire  descrip- 
tif et  raisonné  des  monuments  mégalithiques  et  des  tertres  funé- 
raires très  nombreux  de  la  Corrèze. 

Le  congrès  doit  au  même  auteur  une  excellente  réfutation  des 
idées  émises  par  certains  écrivains  au  sujet  de  la  présence,  dans 
le  département  de  la  Corrèze,  de  soi-disantes  forteresses  et  de 
monuments  élevés  par  les  peuples  qui  habitaient  ces  lieux  à  l'épo- 
que de  l'Indépendance  gauloise.  M,  Lalande  a  démontré  qu'il 
n'existe  pas  en  Corrèze  de  véritables  oppidum  gaulois,  couvrant 


—  I05  — 

une  superficie  considérable,  sérieusement  fortifiés  et  ayant  été 
habités  d'une  façon  permanente  ;  mais  qu'il  n*y  a  rencontré,  en 
réalité,  que  de  simples  refuges  temporaires,  présentant  parfois 
quelques  vestiges  de  fossés  et  de  remparts  en  terre,  et  semblant 
remonter,  pour  la  plupart,  à  l'époque  préhistorique. 

Dans  une  causerie  fort  intéressante  sur  l'archéologie  religieuse 
du  Bas-Limousin,  M.  l'abbé  Poulbrière  a  signalé  l'existence,  sur 
le  territoire  de  la  commune  de  S^-Merd-les-Oussines,  perdu  pour 
ainsi  dire  au  milieu  d'une  lande  stérile,  du  plus  ancien  monu- 
ment religieux  de  la  contrée,  portant  le  nom  de  n  château  des 
Cars  »,  C'est  une  basilique  rectangulaire,  de  12  mètres  sur  9, 
avec  large  cuve  en  pierre  pour  le  baptême  par  immersion,  que 
l'on  peut  attribuer  au  vi^  siècle. 

Cela  a  été  une  véritable  révélation^  et  l'annonce  d'une  décou- 
verte aussi  remarquable  a  rencontré,  à  tort  ou  à  raison,  plus 
d'un  incrédule. 

Il  m'a  semblé  résulter  ensuite  des  discussions  auxquelles  ont 
pris  part  MM.  Poulbrière,  le  comte  de  Dion,  de  Fontenilles,  Rous- 
selet,  de  Fayolles,  Tixier  et  de  Lasteyrie,  que  l'architecture  de  la 
région  n'offre  pas  assez  de  caractères  pour  former  une  école  maî- 
tresse, une  école  purement  limousine  ;  mais  qu'au  contraire  elle 
a  subi  l'influence  des  écoles  qui  ont  régné  dans  les  provinces 
voisines,  aussi  bien  de  l'école  poitevine,  que  de  l'école  auvergnate. 

M.  Rupin,  le  sympathique  pirésident  de  la  Société  scientifique 
historique  et  archéologique  de  la  Corrèze,  a  fait  ressortir  les 
caractères  de  l'école  limousine  d'émaillerie  et  a  établi  son  anté- 
riorité sur   l'école  allemande. 

Sa  conférence  a  été  le  résumé  de  l'admirable  livre  sur  l'œuvre 
des  anciens  peintres  émailleurs  de  Limoges  dont  il  vient  de 
publier  la   première   partie. 

Enfin  M.  Guibert  a  insisté  sur  l'importance  des  livres  de  rai- 
son au    point  de  vue  archéologique   et  artistique. 

On  consultera  toujours  avec  le  plus  grand  fruit,  a-'t-il  dit,  ce 
registre  où  le  père  de  famille  inscrivait  ses  comptes  de  ménage 
et  les  faits  marquants  de  l'existence  journalière,  ce  document 
bourré  de  chiffres  et  plein  dé  détails  piquants  sur  la  manière 
de  vivre  de  nos  ancêtres. 

Il  me  reste,  avant  de  terminer^  un  devoir  bien  doux  à  remplir  : 


—   io6  — 

celui  de  renouveler  Texpression  de  ma  reconnaissance  à  M.  le 
comte  de  Marsy^  qui  s'est  acquitté,  comme  toujours,  avec  autant 
de  science  que  de  tact,  de  son  importante  et  délicate  mission,  et 
à  MM.  Rupin^  Lalande,  Massenat  et  Soulingeas,  dont  Tobligeance 
a  été  inépuisable  ! 

B^"^  Alfred  de  Loë. 
Septembre  1890. 


DE  LA  VALEUR  ARCHÉOLOGIQUE 


DES 


SIMILITUDES    DE    FORME 


ET    DE    COULEUR 


Messieurs, 

p  premier  soin  d'un  archéologue^  lorsqu'il  procède  à 
Texamen  d'une  œuvre  d'art,  c'est  de  déterminer  l'épo- 
que de  sa  création  et  son  lieu  de  provenance  ;  ensuite, 
il  se  préoccupe,  s'il  y  a  lieu,  d'en  rechercher  l'auteur  ;  mais  bien 
souvent  il  doit  se  borner  à  en  constater  l'origine,  d'après  certains 
indices  de  forme  et  d'aspect  dont  la  certitude  n'est  pas  absolue. 

Rigoureusement,  l'archéologue  ne  devrait  s'appuyer  que  sur 
des  preuves  matérielles,  documents,  signatures,  archives,  etc., 
d'une  authenticité  irrécusable.  Mais  ces  documents  eux-mêmes  ne 
sont  pas  toujours  un  appui  sûr,  car,  ainsi  que  le  fait  remarquer 
très  judicieusement  M.  le  comte  Maurin  de  Nahuys,  une  signa- 
ture peut  être  fausse,  un  document  se  rapporter  à  une  œuvre 
souvent  reproduite  ou  exécutée  par  un  artiste  employé  par  celui 
qui  a  entrepris  rouvrage. 


—  io8   — 

Il  faut  donc  tenir  compte  de  la  vraisemblance  de  ces  preuves 
et  les  soutenir  par  une  étude  spéciale  des  similitudes,  qui,  à 
elles  seules,  peuvent  conduire  souvent  à   des  erreurs    profondes. 

L'archiviste,  par  un  heureux  hasard  dans  ses  recherches  achar- 
nées, peut,  nous  1  avons  vu  par  les  découvertes  de  MM.  Wauters, 
Pinchart,  Van  Even,  Génard,  de  Busscher,  J.  Weale,  etc.,  ren- 
verser tout  l'échafaudage  des  esthètes  et  des  experts,  tels  que 
Waagen,  Hotho,  Passavant,  Michiels,  et  une  foule  d'autres  plus 
modernes. 

Mais  un  texte  établissant  que  telle  œuvre  est  incontestablement 
de  Bouts,  par  exemple,  ne  permet  pas  encore  de  retrouver  par 
comparaison  un  autre  tableau  de  Bouts.  Car  la  plupart  des  pein- 
tres ont  eu  plusieurs  manières,  et  chaque  sujet  leur  demande 
pour  ainsi  dire  des  modifications  techniques. 

Le  cas  est  tout  différent  si  Ton  a  à  sa  disposition  deux  ou  trois 
œuvres  certaines,  incontestables,  et  dès  lors,  l'expérience  de 
Texpert  et  du  critique  d'art  peut  offrir  un  appoint  ina,ppréciable  à 
l'archéologie . 

C'est  ainsi  que  M.  H.  Hymans  a  pu  récemment  retrouver  un 
Van  Eyck  à  Turin,  dans  un  musée  visité  par  tous.  C'est  ainsi  que 
plusieurs  tableaux  ont  pu  être  restitués  par  MM.  J.  Weale  et  Justi 
à  Gérard  David,  bien  que  les  documents  ne  parussent  pas  com- 
plets à  MM.  Siret,  Pinchart,  etc. 

Un  seul  point  de  départ  ne  suffit  pas  ;  il  faut  plusieurs  bases 
sûres.  Un  expert  ne  se  forme  pas  par  la  vue  d'une  seule  œuvre. 

De  même  un  critique  d'art  ne  devrait  pas  s'improviser...  et 
pourtant  aujourd'hui  ils  sortent  tout  faits  de  nos  collèges  ! 

Il  est  vrai  qu'une  attribution  a  si  peu  de  valeur  ! 

Nous  avons  assisté  à  des  expertises  de  tableaux,  faites  par  des 
experts  renommés.  Les  tableaux  leurs  passaient  sous  les  yeux 
durant  une  minute  à  peine,  et  ils  jetaient  du  bout  des  lèvres,  d'un 
ton  décisif  et  magistral,  un  nom  au  rédacteur  du  catalogue  ;  l'attri- 
bution était  faite,  certaine  tt  immuable  \  Ne  voyons-nous  pas  dans 
mainte  collection  sérieuse  des  œuvres  marquées  Van  der  Meire, 
alors  qu'on  ne  possède  absolument  rien  pour  identifier  cet  artiste? 
Nous  connaissons  encore,  à  Ixelles,  un  superbe  diptyque  attribué 
à  ce  maître,  sur  la  foi  de  l'auteur  du  catalogue  Nieuwenhuis  et 
qui  a  tous  les  caractères  de  Qentin  Metsys. 


—   I09  — 

Pourtant;  souvent  les  experts  ne  sont  pas  d'accord  :  Hippocrate 
dit  oui,  Galien  dit  non  ! 

C'est  que  l'examen  auquel  se  livre  un  iconophile  est  plein 
d'imprévu  et  qu'on  ne  peut  se  faire  une  opinion  qu'après  mainte 
tergiversation,  maint  retour  sur  soi-même  ! 

Il  y  a  là,  avant  tout,  une  question  de  sincérité  et  de  bonne  foi  ! 

Quand  on  s'est  fait  une  conviction,  encore  peut-on  être  dans 
l'erreur,  lorsque  Ton  ne  trouve  pas  un  texte,  une  marque  pour 
tirer  de  l'incertitude. 

En  général,  une  attribution  est  toujours  une  hypothèse  plus 
ou  moins  fondée.  Nous  voyons  aujourd'hui  le  Rembrandt  du 
Pecq,  sujet  de  controverse  entre  les  plus  habiles  connaisseurs  de 
Paris.  Nul  n'invoque  l'opinion  d'un  autre,  chacun  étudie  par  soi- 
même,  et  la  question  reste  irrésolue. 

N'avons-nous  pas  eu,  au  musée  de  la  Porte  de  Hal,  la  légende 
d'un  diptyque  en  ivoire  qui  a  défrayé  pendant  longtemps  nos 
chroniqueurs  les  plus  médisants  ? 

Dans  la  peinture  du  moyen  âge,  et  spécialement  dans  la  minia- 
ture, l'identité  du  sujet,  des  formes,  fût-elle  absolue,  ne  doit 
compter  que  pour  bien  peu  de  chose  dans  la  détermination  de 
l'auteur  d'une  œuvre. 

Pourquoi  cela?  A  cause  de  la  perfection  de  certaines  copies. 

La  copie,  sans  être  habituelle,  était  nécessitée  parfois  par  les 
volontés  du  commettant,  qui  voulait  une  œuvre  pareille  à  telle 
autre.  Nous  avons  traité  ce  sujet  dans  un  mémoire  sur  la  peinture 
flamande  et  son  enseignement  *. 

Nous  sommes  en  possession  d'un  tableau  du  xv^  siècle  .dont 
nous  avons  retrouvé  jusqu'à  neuf  répétitions  dans  les  musées  de 
l'Europe  et  dont  l'édition  primitive,  due  à  Van  der  Weyden,  se 
trouve  dans  la  cathédrale  de  Bruges. 

Le  musée  de  Bruxelles  offre  de  pareils  exemples,  qui  abondent 
dans  la  miniature. 

Dans  la  peinture  à  l'huile,  un  bon  copiste  peut  imiter  l'ori- 
ginal d'une  façon  frappante. 

Le  procédé  à  l'eau  offre  beaucoup  plus  de  difficultés,  et  les 


^  Mémoires   couronnés  de  V Académie  de  Belgique,  t.  XLIV,  p.    142.  —  Voir  aussi 
Bulletin  des  commissions  royales.  —  Recherches  sur  les  origines  de  V  art  flamand,  p.  50. 


—     IIO    — 

superbes  reproductions  en  couleur  du  Grimani  faites  dans  les 
meilleures  conditions  par  un  artiste  vénitien  nommé  Prodoscini, 
celles  que  Ton  présente  au  public  pour  lui  donner  le  change,  à  la 
bibliothèque  de  Saint-Marc,  montrent  une  telle  inexactitude  de 
coloris,  en  même  temps  qu*une  grande  identité  de  formes  et 
d'aspect,  que  Ton  ne  saurait  pas  plus  s'appuyer  sur  de  semblables 
documents  que  sur  la  reproduction  photographique  du  célèbre 
Bréviaire,  que  Ton  trouve  dans  les  bibHothèques. 

Car,  se  fonder  sur  la  photographie  est  également  fort  douteux. 

Les  tableaux  de  Metsys,  à  Bruxelles,  de  Gérard  David,  à  Bruges, 
le  triptyque  de  Lierre  perdent  tellement  de  leur  caractère  réel 
par  la  photographie  qu'il  est  presque  impossible  de  les  reconnaître. 
Aussi,  emporter  des  photographies  en  voyage  ne  peut  servir  que 
comme  renseignements,  comme  points  de  repère,  non  pas  comme 
documents. 

Mais  ce  qui  est  inappréciable,  pour  celui  qui  s'est  attaché 
par  une  longue  étude  spéciale  aux  caractères  de  couleur,  à  la 
facture,  au  procédé  d'un  maître,  à  ses  petites  imperfections,  c'est 
l'examen  comparatif  et  minutieux  de  deux  œuvres  certaines. 

C'est  par  les  détails  seuls,  par  un  travail  long  et  patient,  en 
revoyant  plusieurs  fois  la  même  œuvre  sans  laisser  distraire  son 
œil  par  des  coloris  différents  que  l'on  peut  parvenir  à  découvrir 
les  points  de  contact  ou  bien  les  points  inadmissibles. 

Et,  en  ceci,  l'archéologue,  dont  la  patience  est  certainement 
une  des  grandes  qualités,  peut  obtenir  des  résultats  sérieux. 

Chaque  artiste  contracte  certaines  habitudes  qui  laissent,  mal- 
gré lui,  leur  empreinte  à  des  fragments  de  ses  œuvres,  et  qu'un 
copiste  ne  songe  même  pas  à  s'assimiler. 

Il  est  donc  parfois  plus  aisé  de  retrouver  des  rapports  entre 
deux  œuvres  originales  de  composition  différente,  qu'entre  deux 
œuvres  identiques  dont  l'une  est  l'exacte  copie  de  l'autre. 

Ainsi,  on  remarque  dans  toute  l'exécution  de  l'original  du  Gri- 
mani une  sorte  de  monotonie,  de  régularité  qui  dénote  la  main 
d'un  enlumineur  passé  maître,  n'hésitant  jamais  ni  dans  la  recher- 
che d'un  ton,  ni  dans  la  touche^  qui  est  toujours  ample,  grasse  et 
arrondie.  Ces  caractères  et  d'autres  encore  se  retrouvent  dans  le 
manuscrit  d'Horenbout  à  Vienne.  Ils  n'existent  point  dans  tout 
ce  que  nous  attribuons  à  Beninc,  qui  cherche  davantage  la  finesse 


—  III  — 

des  tons  dans  ses  fonds,  qui  est  parfois  plus  fort  de  couleur  dans 
ses  costumes,  mais  qui  décèle  toujours  une  réelle  maladresse  dans 
les  figures. 

11  serait  imprudent  de  mêler  à  ces  deux  grands  noms  d'autres 
même  avancés  par  Vasari  ou  Guicciardin,  tels  que  ceux  de  Lan- 
celot  et  de  Gérard  de  Bruges,  tous  deux  auteurs  de  grands 
tableaux  très  finis,  de  G.  Vrelandt  ou  d'autres  enlumineurs.  Il 
existe,  à  la  vérité,  beaucoup  d'œuvres  estimables  de  la  même 
époque,  mais  deux  mains  adroites  et  bien  différentes  dominent 
tout  :  Il  y  a  là  deux  personnalités  bien  distinctes, 

La  miniature  est  une  "  source  archéologique  qui  n'est  pas 
assez  explorée,  non  pas  pour  rechercher  un  auteur,  un  nom  quel- 
conque, mais  bien  pour  scruter  les  mœurs,  les  usages,  les  détails 
du  costume,  de  la  vie,  des  professions,  de  l'architecture  intérieure 
de  tout  le  moyen  âge  en  Flandre. 

On  nous  répondra  par  les  noms  de  Séré,  de  Viollet-le-Duc,  du 
bibliophile  Jacob,  de  du  Sommer ard,  du  comte  de  Bastard; 
tous  ces  auteurs  sont  français  et  se  sont  surtout  occupés  de  la 
France.  Qu'avons-nous  de  spécial  pour  la  Belgique  ?  Le  recueil  de 
costumes  de  Devigne  et,  çà  et  là,  quelques  recherches  qui  n'ont  pas 
pris  naissance  dans  nos  collections  de  manuscrits,  ni  même  dans 
nos  musées. 

Nous  le  disons  hautement  :  l'archéologie  artistique  de  la  Flan- 
dre est  encore  à  faire  ! 

Evidemment  la  besogne  n'est  pas  toujours  agréable  :  les  biblio- 
thèques n'offrent  pas  de  grandes  facilités  à  ceux  qui  veulent  feuil- 
leter les  manuscrits. 

Quant  aux  conservateurs,  si  bien  en  situation  d'étudier,  ils  sont 
souvent  accablés  sous  le  poids  d'autres  travaux  et  plusieurs  se 
bornent  à  conserver  les  dépôts  confiés  à  leur  garde. 

Que  connaissons-nous  de  la  vie  intime  de  nos  ancêtres,  en 
dehors  de  certains  comptes  et  des  contestations  judiciaires  de  nos 
dépôts  d'archives? 

Et  pourtant  certains  détails  trop  négligés  peuvent  amener  une 
découverte. 

M.  le  comte  de  Nahuys  a  bien  voulu  nous  faire  remarquer  qu'il 
existe  sur  le  Grimani  des  détails  d'armoiries  tout  à  fait  microsco- 
piques et  que  l'on  devrait  étudier  à  la  loupe,  si  l'on  obtenait 
l'assentiment  du  conservateur. 


—    112    — 

Il  y  a  encore  d'autres  points  obscurs  dans  ce  manuscrit  :  celui 
de  savoir  si  l'office  liturgique  a  été  réglé  par  un  ecclésiastique 
italien  ou  flamand  ;  si  le  livre  a  été  écrit  avant  Tenluminure,  en 
tout  ou  en  partie,  en  Italie  ou  en  Flandre;  ce  qu'indique  la  lettre 
B  sur  le  dessin  de  la  Circoncision,  lettre  que  nous  traduisons  par 
Busleyden.  Si  le  texte  n'a  point  été  copié  en  Flandre,  d'après  un 
modèle  provenant  de  l'Italie;  enfin,  comment  on  trouve  Gregory^ 
pape,  sur  le  Gebeibuch  de  Marie  de  Bourgogne,  à  Dresde,  et  sur 
leGrimani  :  Gregori,  pape,  l'un  de  ces  livres  étant  pour  ainsi  dire 
l'embryon  de  l'autre. 

Nous  ferons  remarquer  à  ce  propos  qu'il  existe  à  l'étranger  de 
nombreuses  œuvres  flamandes  portant  des  armoiries,  des  mono- 
grammes, des  inscriptions  étranges  dont  on  pourrait  obtenir  la 
copie  exacte  en  s'adressant  à  un  archéologue  du  lieu  et  dont  la 
signification  exercerait  utilement  la  sagacité  des  héraldistes 
érudits  que  possède  la  Société  d'archéologie  de  Bruxelles. 

En  se  mettant  en  rapport  avec  les  sociétés  régionales  d'anti- 
quaires, on  pourrait  être  tenu  au  courant  de  tout  ce  que  chaque 
région  possède  en  fait  d'objets  d'art  flamands. 

Nous  avons  été  souvent  surpris  de  rencontrer  par  hasard 
dans  des  départements  très  explorés  des  œuvres  curieuses  abso- 
lument ignorées,  même  dans  la  localité. 

Le  fait  s'est  produit,  entre  autres,  pour  les  statuettes  dont  nous 
avons  apporté  ici  les  photographies  et  qui  ont  fait  partie  du 
monument  de  Jean  P"",  duc  de  Berry,  saccagé  en  1793.  Récemment, 
M.  de  Champeaux  s'est  occupé  de  tout  un  travail  de  restitution  de 
ce  superbe  échantillon  de  la  sculpture  bourguignonne. 

Nous  avons  perdu  en  Italie  toute  une  série  de  signes  parti- 
culiers notés  à  la  volée  ;  il  nous  reste  encore  quelques  croquis  que 
nous  soumettons  à  l'étude  des  spéciaHstes. 

Nous  terminerons  cette  dissertation,  évidemment  déjà  trop  lon- 
gue, par  quelques  observations  sur  la  participation  des  ateliers 
aux  travaux  importants  de  miniature. 

Certes,  de  nombreux  manuscrits  de  deuxième  ordre  sont  les 
produits  d'élèves  ou  de  francs-maîtres  secondaires.  Mais  les  maî- 
tres hors  ligne  se  sont  toujours  réservé  les  travaux  d'art  les  plus 
précieux  destinés  aux  Mécènes  délicats  et  raffinés,  et  n'ont  confié 
à  leurs  aides  que  les  travaux  courants  d'imagerie  pieuse,  d'illus- 


I 


—  113  — 

tration  ordinaire  qui  faisaient  vivre  toute  l'industrie  brugeoise, 
comme  celle  d'Utrecht  ^ 

Comme  l'enluminure  était  un  métier  dans  toute  la  force  du 
terme,  le  maître  ayant  une  commande  de  longue  durée  s'enten- 
dait parfois  avec  des  confrères,  mais  toujours,  pour  conserver 
l'harmonie  de  l'œuvre,  chacun  restait  alors  dans  sa  spécialité. 

Il  ne  s'associait  qu'à  un  artiste  dont  le  coloris  (chose  primor- 
diale en  enluminure)  s'accordait  avec  le  sien  propre. 

Ce  même  fait  se  reproduit  au  xvi^  siècle  dans  l'étoffage  des 
tableaux. 

Si  Guicciardin  et  d'autres  parlent  de  l'habileté  à  manier  le  ver- 
millon, c'est  que  cette  couleur,  avec  deux  au  trois  autres  couleurs 
vives,  formait  la  base  de  l'enluminure. 

Dans  les  miniatures  les  plus  estimées,  on  trouve  le  sinople,  le 
minium,  l'incarnadine,  le  bleu  pour  missels  ou  iuchlin  blau,  la 
cendre  verte,  sans  mélange  et  couchés  avec  art  comme  Tor  des 
rehauts.  —  Tel  était  le  métier  qu'il  fallait  apprendre  consciencieu- 
sement en  commençant  par  l'ornement  calligraphique  et  les 
lettrines  2,  et  cette  nécessité  de  produire  des  teintes  vives  était 
la  cause  principale  de  la  rareté  des  travaux  conçus  avec  un  senti- 
ment d'harmonie  dans  la  couleur. 

Mais  dans  les  œuvres  de  premier  ordre,  il  n'était  pas  de  trop 
de  toutes  les  ressources  du  maître  pour  arriver  à  un  précieux 
achèvement  et  il  est  de  toute  évidence  qu'il  y  a  travaillé  seul,  ou 
tout  au  plus  s'est  fait  aider  dans  l'ornementation,  quand  il  se 
réservait  les  grandes  histoires. 

Ainsi  s'expliquent  les  trois  ans  de  durée  du  Bréviaire  de  Jean 
Van  Battel,  la  lenteur  de  celle  du  Grimani,  etc. 

Tout  ce  qui  précède  se  rapporte  à  la  couleur. 

Quant  à  la  forme,  les  enlumineurs,  par  la  patience  et  la  minutie 
de  leur  pratique,  étaient  souvent  très  embarrassés  du  contour  et 
de  la  composition,  quand  ils  n'avaient  pas  à  leur  disposition  un 
véritable  artiste. 

Aussi  était-il  nécessaire  de  se  rompre  longuement  à  l'exécution 
décorative  de  contours,  de  travaux  linéaires  ou  géométriques,  au 

^  Voir  la  Peinture  flamande  et  son  enseignement.  Mém.  couronnés   de  l'Académie, 
pp.  103  et  122. 
^Mémoires  cour,  de  V Académie,  t.  XLIV,  p.  92,  122. 

8 


—   114  — 

trait,  à  la  plume,  avant  d'aborder  les  travaux  d'art,  et  la  tête  de 
Christ  qui  pourrait  avoir  été  tracée  par  Beninc  lui-même  sur  un 
revers  de  page,  les  figures  barbues,  hétéroclites  de  la  signature 
d'autres  enlumineurs,  les  grotesques  de  J.  Scoofs  à  Malines,  en 
sont  la  preuve,  de  même  que  les  dessins  au  trait  mentionnés  dans 
notre  mémoire  déjà  cité  *. 

Selon  les  statuts  de  Tournai,  publiés  par  M.  Pinchart,  il  était 
défendu  à  un  maître  d'employer  pour  son  usage  personnel  un 
élève  non  apprenti  du  métier,  sauf  pour  exécuter  des  dessins. 
La  collaboration  d'élèves  était  donc  excessivement  rare. 

Il  y  avait  d'ailleurs,  une  foule  de  sections  industrielles  ouver- 
tes aux  artistes  secondaires. 

Par  exemple,  les  professions  de  leerscrivers,  d'enlumineurs  de 
lisière  de  drap,  de  verlichiers  met  de  penne  y  met  de  pincheele,  d'im- 
primeurs d'images  à  l'huile  avec  or  ou  argent.  Les  images  colo- 
riées en  rouleaux,  etc.,  étaient  une  industrie  indépendante  des 
manuscrits,  et  quatorze  personnes  à  Bruges,  en  1457,  en  avaient 
le  monopole.  Mais  tout  cela  était  complètement  différent  de  la 
miniature  d'art  qui  empruntait  cependant  des  éléments  aux  pro- 
cédés de  décor  ou  de  détrempe,  en  même  temps  qu'elle  se  servait 
de  couleurs  lavées  et  décantées  tirées  de  la  teinture  des  étoffes, 
d'encres  spéciales,  etc.  ^. 

La  correction  du  dessin  devenait  d'une  importance  capitale 
dans  les  grandes  histoires  et  cela  explique,  dans  des  miniatures 
coloriées  par  des  maîtres  tels  que  Van  Laethem,  Vrelandt,  l'ami 
de  Memlinc,  Horenbout,  Beninc,  des  contours  que  tout  le  monde 
reconnaît  à  première  vue  comme  appartenant  à  Memlinc,  à  David, 
à  Gossart. 

La  marque  de  Symon  Beninc  qui  se  rapproche  fortement  de 
l'une  de  celles  de  Hans  Memlinc  laisse  la  faculté  de  supposer  que 
des  relations  d'apprentissage  ont  pu  exister  entre  eux,  et  son 
nom  d'apprenti,  qui  est  raturé  sur  le  livre  des  peintres,  précédant 
un  de  ses  noms  de  famille  si  diversement  orthographiés,  ferait 
peut-être  utilement  l'objet  d'un  examen  attentif. 

Il  ne  me  reste.   Messieurs,  qu'à  m'excuser  d'avoir  abusé  de 

i  Loc.  cit.,  pp.  90,  92,  94. 

2  Recherches  sur  les  couleurs  employées  par  les  peintres    anciens.  —  Bulletin 
des  commissions  royales  à' art  et  d'archéologie^  i^)^-!,. 


—   115   — 

votre  patience  pour  VOUS  exposer  des  idées,  et  des  faits  qui  ne  sont 
pas  nouveaux  pour  vous,  mais  que  j'ai  cru  pouvoir  rapprocher 
sans  trop  d'inconvénient,  dansie  but  de  répéter  une  fois  de  plus 
que  l'art  et  ses  procédés  les  plus  délicats  ne  sont  pas  dépourvus 
de  tout  intérêt  dans  les  problèmes  de  l'archéologie. 


Edgar  Baes. 


Ixclles,  9  mars  1890. 


QUESTIONS  ET  RÉPONSES 


(voir  table  du  tome  iv) 


QUESTIONS 

III 

Documents  concernant  une  inscription  qui  a  été  faite  vers  1768 
pour  être  placée  sur  la  maison  du  roi  (Broodhuis)  à  Bruxelles 

ai  trouvé  les  deux  documents  que  voici  aux  Archives 
du  royaume,  conseil  des  finances,  carton  n°  385. 
1°  Je  soussigné,  conseiller  receveur  général  des  do- 
maines au  quartier  de^Bruxelles,  déclare  d'avoir  reçu  par  ordre  de 
son  Altesse  Roiale  *,  de  Thomas  Vander  Motten,  directeur  de  la 
Monnoie  de  Sa  Majesté  en  cette  ville,  deux  médailles  en  or,  au 
portrait  de  Son  Altesse  Roiale,  et  deux  en  or  aussi,  au  portrait  de 
Son  Excellence  ^  pour  par  moi  être  remises  à  un  chartreux  qui  a 
fait  le  projet  des  inscriptions  qui  seront  placées  au  Broodthuijs  et 
lui  servir  de  récompence. 

Fait  à  Bruxelles,  le  23  janvier  1700  soixante-huit. 

S/^w^'.-F.-J.-D.  Hannosset. 

l   1  Charles  de  Lorraine,  gouverneur  général  de  la  Belgique  (1744-1780). 

2  Son  Excellence  le  ministre    plénipotentiaire  le  comte  de  Cobenzl  (175  3-1770). 


~  117  — 

2°  Dans  un  rapport  du  conseil  des  finances,  adressé  Tannée  sui- 
vante (le  12  janvier  1769)  à  Charles  de  Lorraine,  le  même  fait  est 
rappelé  : 

Que  les  quatre  médailles  d'or  *,dont  deux  au  portrait  de 

V.  A.  R.  et  deux  au  portrait  du  ministre  plénipotentiaire,  ont  été 
remises  ensuite  des  lettres  du  conseil  du  16  janvier  de  Tannée  pas- 
sée (1768)  au  conseiller  receveur  général  des  domaines  du  quar- 
tier de  Bruxelles,  Hannosset,  pour  par  lui  être  données  au  reli- 
gieux chartreux  qui  a  fait  le  projet  des  inscriptions  placées  au 
Broodthuijs,  afin  de  lui  servir  de  récompense,  comme  il  conste  de 
la  quittance  dudit  Hannosset,  du  23  janvier  1768. 

Les  4  médailles  avaient,  par  conséquent,  une  valeur  de  122  flo- 
rins 8  sous,  soit  un  peu  plus  de  221  francs  de  notre  monnaie. 

La  médaille  au  portrait  de  Charles  de  Lorraine  était  proba- 
blement le  jeton  d'étrennes  pour  Tannée  1768  rappelant  un  événe- 
ment de  Tannée  précédente  et  portant  par  conséquent  le  millé- 
sime de  1767.  Or,  ce  jeton  célébrait  Theureuse  guérison  de 
Timpératrice  Marie-Thérèse,  qui  avait  échappé  à  une  forte  atteinte 
de  petite  vérole.  Le  rétablissement  de  la  santé  de  notre  souve- 
raine fut  fêté  à  Bruxelles,  en  juin  1767,  par  des  réjouissances 
publiques.  Les  inscriptions  placées  au  Broodt-huys  ou  maison  du 
Roi,  ne  se  rapporteraient-elles  pas  au  retour  de  la  bonne  santé  de 
Timpératrice? 

Quoique  le  reçu  du  receveur  général  des  domaines  porte  la 
date  du  23  janvier  1768  et  qu'il  parle  d'inscriptions  qui  seront 
placées  au  Broodhuys^  il  me  semble  plus  difficile  d'admettre 
qu'elles  aient  eu  rapport  au  séjour  que  le  roi  de  Danemark  fit  à 
Bruxelles  en  juillet  1768,  bien  que  des  fêtes  eurent  aussi  lieu  à 
cette  occasion. 

Enfin,  s'agit-il  d'inscriptions  temporaires  ou  permanentes? 
Peut-être  quelqu'un  de  mes  collègues,  plus  versé  que  moi  dans 
dans  l'histoire  de  Bruxelles,  nous  donnera-t-il  une  explication 
moins  douteuse. 

Quant  à  la  médaille  au  portrait  de  S.  E.  le  ministre  plénipoten- 
tiaire, ce  ne  peut-être,  à  mon  avis,    que  la  pièce  gravée  par 

1  Chacune  de  ces  4  médailles  d'or  avait  le  poids  de  deux  doubles  souverains  ;  elles 
valaient  donc  ensemble  8  doubles  souverains,  au  poids  de  2  onces  18  esterlins,  à 
raison  de  50  florins  12  sous  la  pièce. 


—  ii8  — 

Jacques  Roettiers  en  1759,  lorsque  le  comte  Charles  de  Cobenzl 
fut  créé  chevalier  de  la  Toison  d'or. 

G.  CUMONT. 

Les  stalles  de  Fabbaye  d'Averbode 

Ces  stalles  ont  été  sculptées  en  1672. 

Le  chroniqueur  Van  Boterdael,  chanoine  d^AverbodC;  qui 
vivait  à  la  fin  du  xviii^  siècle,  nous  apprend  qu'elles  ont  été  exé- 
cutées à  Anvers,  par  un  sculpteur  nommé  Octave  Herry, 

Vers  cette  époque,  un  nommé  Octave  Henry  faisait  partie  de  la 
gilde  de  Saint-Luc  d'Anvers,  mais  il  porte  la  dénomination  de 
menuisier. 

A-i-on  la  certitude  qu'il  soit  Fauteur  des  stalles  et  ne  connaît-on 
rien  de  plus  sur  cet  artiste  ? 

Cam.  Goffaerts. 


Barnabe   Guimard 

Nos  confrères  français  ne  connaissent-ils  pas  de  renseignements 
biographiques  sur  Barnabe  Guimard,  le  célèbre  architecte  qui 
éleva,  à  Bruxelles,  les  bâtiments  des  ministères,  des  Chambres 
législatives,  de  la  place  Royale,  Téglise  Saint-Jacques  (bâtie  de 
1773  à  1785),  les  hôtels  entourant  le  Parc,  etc.^  etc. 

On  sait  qu'il  résida  à  Bruxelles  de  1765  à  1786.  Il  serait  d'ori- 
gine française  et  mort  dans  les  dernières  années  du  xviii^  siècle 
(1792?)  aux  environs  de  Paris. 

C'était,  en  outre,  un  dessinateur  de  grand  talent.  On  connaît 
plusieurs  de  ses  œuvres  dans  les  collections  des  Archives  géné- 
rales du  royaume,  de  MM.Mosselman-de  Francken,  comte  Cornet 
d'Elzius  du  Chenoy,  Procureur,  des  Archives  de  la  ville  de 
Bruxelles  et  de  la  Société  centrale  d'architecture  de  Belgique. 

Paul  Saintenoy. 
VI 

Les  biens  de  l'abbaye  de   Saint-Remi  de   Reims 
dans  la  forêt  de  Wavre 

Le  monastère  de  Saint-Remi,  à  Reims,  possédait,  dit-on,  au 
moyen  âge,  des  biens  dans  la  forêt  de  Wavre  (Waverwald,  nemor 


—  119   — 

WawirJ,  qui  entourait  alors  la  ville  de  Malines.  Pourrait-on  spé- 
cifier quelques-uns  de  ces  biens  ?  On  a  lieu  de  croire  que  le  nom 
dudit  monastère  constitue  Tétymologie  de  Ryfnenam,  nom  d'un 
village  situé  là  où  s'étendait,  autrefois,  ladite  forêt.  A  défaut  de 
détails  précis  sur  les  possessions  de  Saint-Remi,  près  de  Malines, 
on  s'estimerait  déjà  heureux  d'avoir  la  certitude  que  l'abbaye 
susmentionnée  a  réellement  eu  des  propriétés  dans  ces  parages. 
Y  a-t-il  des  ouvrages  qui  le  constatent  ? 

T.  R. 

Vil 
La  chronologie  des  comtes  de  Charolais, 
On  attribue  aux  comtes  de  Charolais  deux  écussons,  savoir  :  l'un 
au  lion  rampant  ordinaire,  l'autre  au  lion  regardant  ou  la  teste 
renversée  (xvi^  siècle).  Quant  aux  émaux,  on  trouve  également 
des  versions  contradictoires  :  les  armoriaux  disent  :  champ  de 
gueules  y  lion  d'or;  mais  un  texte  absolument  officiel  du  xvi^  siècle 
blasonnée  :  d'or  a  ung  lyon  de  gueule^  la  teste  renversée,  armé  et 
lampassé  d'azur. 

Existe-t-il  des  ouvrages  donnant  la  chronologie  des  comtes  de 
Charolais,  après  Charles-le-Téméraire  ?  On  s'intéresse  notamment 
aux  comtes  de  Charolais  du  xvi^  siècle.  Ce  titre  existait  encore  au 
commencement  du  xviii^  siècle. 

T.  R. 
VIII 
Jean   Viriot. 

Jean  Viriot,  natif  d'Épinal,  professeur  de  rhétorique  à  Milan, 
fit  imprimer,  en  1588,  Dialogus  tripartitus  de  stylo  Sendevanii 
scribendi  gêner ibus^  Mediolani,  tint  Q)  1588,  in-i2°  (titre  exact?). 
Il  mourut  à  Milan,  en  août  1596.  Les  quatre  gouverneurs  d'Épinal 
lui  firent  ériger,  dans  l'église  de  leur  ville,  un  monument  avec 
une  longue  épitaphe  française.  Trou ve-t-on  dans  l'ouvrage  pré- 
cité, extrêmement  rare,  à  ce  qu'il  paraît,  les  vers  latins  suivants  : 

El  rapidos  contra  flatus  fluctusqiiô  mentes. 

Christicolis  solus  petra  est  adamantina  Cbn'stus. 

Sinon,  d'où  proviennent-ils?  Quelle  corrélation  peut-il  exister 
entre  eux  et  ledit  personnage? 

Jean  Viriot  a-t-il  publié  d'autres  livres  que  celui  que  je  viens 
de  citer? 

T.  R. 


—    I20    — 


REPONSES 

QUESTION  NO  IL  —  Annales  de  la  Société  d'Archéologie  de  Bruxelles. 
Tome  IV,  p.  467. 

Un  parallélipipède  gravé  sur  ses  six  faces  et  repré- 
sentant des  sujets  tirés  de  l'histoire  de  saint 
Bruno. 

Au  XVII®  et  au  xviii^  siècles,  on  a  fait,  en  France  et  en  Italie,  dans 
les  couvents  surtout,  beaucoup  de  cadres-reliquaires,  avec  des 
bandelettes  roulées  et  plissées  de  papier  de  diverses  couleurs,  à 
tranches  dorées  principalement,  représentant  des  ornements  plus 
ou  moins  variés,  des  feuillages,  des  rinceaux,  dans  lesquels  Thabi- 
leté  de  main  des  religieuses  se  faisait  remarquer. 

Ces  décorations,  dont  l'épaisseur  varie  de  0^,005  à  o'",oo8, 
encadrent  généralement  un  motif  principal  et  plusieurs  motifs 
secondaires,  le  plus  souvent  de  forme  ronde  ou  ovale.  Dans  le 
médaillon  central  se  trouve  soit  une  relique,  soit  une  miniature, 
soit  un  médaillon  en  cire  ou  en  terre,  représentant  un  sujet  reli- 
gieux. Dans  Tentourage  sont  aussi  ménagées  des  parties  ovales, 
circulaires  ou  en  forme  de  cœur,  dans  lesquelles  on  disposait,  soit 
des  parcelles  de  reliques,  soit  des  médaillons  en  cire  blanche  et 
provenant  vraisemblablement  de  cierges  bénits,  sur  lesquels  sont 
empreints  les  portraits  du  Christ  et  de  la  Vierge,  des  sujets  reli- 
gieux et  des  scènes  de  la  vie  des  saints  dont  les  reliques  sont 
placées  dans  les  autres  réserves  du  cadre-reliquaire.  Quelquefois 
c'est  un  Agnus  Dei  qui  occupe  le  médaillon  central. . 

Je  crois  que  le  bloc  de  bronze  gravé  en  creux,  décrit  par 
M.  G.  Vallier  et  sur  lequel  il  a  appelé  l'attention  de  la  Société 
d'Archéologie  de  Bruxelles,  a  dû  servir  à  la  confection  de  ces 
médaillons,  fabriqués  dans  une  communauté  dépendant  de  Tordre 
de  Saint-Bruno. 

La  facilité  avec  laquelle  on  obtient  des  empreintes  sur  la  cire 
blanche  explique  comment  on  pouvait  se  servir  d'une  matrice 
aussi  simple  que  celle  dont  il  est  question  ici,  et  avec  laquelle  il 
n'était  pas  nécessaire  d'exercer  une  forte  pression.  Une  fois  l'em  - 


—     121     — 

preinte  obtenue,  on  rognait  les  bords  de  la  cire,  encore  chaude, 
afin  de  donner  la  forme  ovale  ou  circulaire  aux  empreintes. 

En  même  temps  se  comprend  la  présence  des  six  compositions 
sur  le  bloc  ;  chaque  reliquaire  renfermant  une  série  de  médaillons 
variés,  on  obtenait  ainsi,  avec  un  seul  bloc-matrice,  la  suite  des 
différents  sujets  à  reproduire. 

Telle  est,  nous  paraît-il,  l'explication  la  plus  simple  de  Temploi 
du  parallélipipède  soumis  par  M.  G.  Vallier  à  Texamen  de  la 
Société  d'Archéologie  de  Bruxelles. 

Comte  de  Marsy, 

Directeur  de  la  Société  française  d'Archéologie, 
Correspondant  de  la  Société  d'Archéologie  de  Bruxelles. 

Compiègnej  22  décembre  18 go . 

QUESTION  NO   VI.  —  Annales,  même  vol.  p.  118. 

Les  biens  de  l'abbaye  de  St-Remi  de  Reims 
dans  la  forêt  de  Wavre. 

Monsieur, 

Mes  confrères  de  l'Académie  de  Reims  m'ont  chargé  de  faire  les 
recherches  que  vous  leur  avez  demandées  au  sujet  des  biens  que 
l'abbaye  de  Saint-Remi  possédait,  au  moyen  âge,  dans  la  forêt  de 
Wavre.  J'ai  donc  consulté  avec  soin  les  archives  de  cette  abbaye, 
fonds  très  riche  et  très  considérable  que  nous  avons  ici  presque 
au  complet.  Parmi  toutes  les  collections  de  documents  originaux 
et  de  cartulaires  que  renferme  ce  dépôt,  je  n'ai  trouvé  qu'une 
seule  pièce  relative  à  la  question  qui  vous  intéresse.  C'est  un 
diplôme  de  Charlemagne,  daté  de  812,  dont  la  copie  se  trouve 
dans  le  cartulaire  B  de  l'abbaye  de  Saint-Remi  (xiii<^  siècle), 
p.  108-109.  Il  n'est  point  inédit,  du  reste,  et  l'historien  rémois 
D.  Marlot  l'a  publié  d'après  ce  cartulaire  [Metropolts  Remensis 
historia,  t.  i,  p.  321-322). 

Par  ce  diplôme,  Charlemagne  confirme  à  l'abbaye  de  Saint- 
Remi  la  possession  de  la  forêt  de  Wavre  :  «  regiam  forestam 

Wavram  ciirn  omnibus  villîs  que  in  ea  sunt,  scilicet  Halisca,  Mi- 
limbrica^  et  Brumium,  Seuberlara,  et  Letoina,  et  Soalena,  et  Bersela, 


—     122     — 

et  RahiscOy  et  Salsitlo,  et  Nera  et  Rimhamna  (sans  doute  votre  vil- 
lage de  Rymenam),  et  Alon,  et  Urna,  seu  Walciteia,  et  Aldina,  et 
Blarîca,  Netosa,  et  Andratina,  etiam  et  Cruptinum,  et  Urinia w 

Je  dois  dire  que  ce  document  paraît  un  peu  suspect,  et  que 
Tauthenticité  en  a  été  fort  contestée  par  divers  érudits.  Le  fait  est 
qu'il  n'est  point  reproduit  dans  les  autres  cartulaires  de  Saint- 
Remi,  et  que  les  inventaires  les  plus  anciens  ne  font  point  men- 
tion deToriginal.  D'autre  part,  la  forêt  de  Wavre  n'est  citée  dans 
aucune  autre  pièce.  On  a  des  bulles  de  plusieurs  papes  du  xii^  siè- 
cle, confirmant  la  possession  des  biens  de  Saint-Remi,  et  donnant 
Ténumération  de  ces  biens,  situés  en  divers  évêchés  ;  il  n'y  est 
question  d'aucune  des  localités  figurant  dans  le  prétendu  diplôme 
de  Charlemagne. 

Quoi  qu'il  en  soit,  si  la  Société  d'Archéologie  de  Bruxelles  désire 
avoir  une  copie  de  cette  pièce,  je  me  ferai  un  plaisir  de  la  lui 
communiquer.  L'édition  de  Marlot  est  très  fautive,  et  les  noms  de 
lieux  y  sont  mal  transcrits.  Ces  noms  peuvent  avoir  quelque  inté- 
rêt pour  vous,  en  supposant  même  que  le  diplôme  ait  été  fabriqué 
postérieurement  à  l'époque  de  Charlemagne. 

Veuillez  agréer,  Monsieur,  l'expression  de  ma  considération 
distinguée. 

L.  Demaison, 

archiviste  de  la  ville  de  Reims, 
à  Monsieur  Paul  Saintenoy, 
secrétaire  général 
de  la  Société  d'Archéologie  de  Bruxelles. 


iX 


NOTES    BIBLIOGRAPHIQUES 


RusseixWalker,  Architect,Associateofthe  Royal  Institute  ofBritish 
Architects  and  fellow  of  the    Society   of   Scotland    antiquaries.  — 

Pre-reformation  churches  in  Fife  and  THE  LoTHiANs.  Vol.  I,  Fifeshirc. 

Un  beau   volume  in-f^,  monographie   d'églises,  130  planches,  (26  sh.) 

Notre  savant  et  éminent  confrère,  M.  J.  Russell  Walker  vient  de  publier 
sous  ce  titre,  un  ouvrage  extrêmement  intéressant,  consacré  uniquement 
à  faire  connaître  les  églises  paroissiales,  antérieures  à  la  Réforme,  du  comté 
de  Fife,  L'ouvrage  s'ouvre  par  l'église  de  S*-Macgidrin,  à  Abdie,  ancien 
prieuré  de  l'abbaye  de  Lindores,  consacrée  par  l'évcque  David  de  Bernhame, 
en  1242,  et  malheureusement  fort  ruinée  par  l'incurie  inconcevable  de  nos 
contemporains,  puisqu'on  y  a  dit  la  messe,  le  11  novembre  1827,  pour  la 
dernière  fois.  Ajoutons  que  la  cloche  portait  le  nom  d'un  fondeur  des 
Pays-Bas  : 

JOANNES  BURGERHUYS    ME    FECIT  167I 

Sou  Dec   Gratia 

Elle  est  aujourd'hui  détruite. 

L'église  d'Aberdour,  que  nous  trouvons  plus  loin,  présente  certaines 
parties  datant  du  xii«^  siècle  (1178).  mais  sans  caractères  très  dis- 
tincts ;  ajoutons  que  certaines  pierres  portent  des  marques  de  tâcherons, 
et  qu'il  serait  fort  intéressant  de   les   comparer  avec  celles  qui  ont   été 


—    124    — 

signalées  par  M.  le  chevalier  da  Silva  dans  le  Portugal  et  par  M.  Dumuys 
à  la  cathédrale  de  Drontheim  en  Norwége.  Ajoutons,  d*après  ce  dernier, 
que  les  marques  de  tâcherons  de  cette  cathédrale  sont  analogues  à  celles 
de  la  cathédrale  de  Neufchâtel  et  de  certaines  églises  de  France. 

L'église  d'Abernettry  nous  présente  un  exemple  dés  «  iviuid  tozvers  »,  si 
connues  d'Irlande  et  d'Ecosse.  Il  est  triste  de  voir  dans  les  pages  suivantes, 
les  sanctuaires  de  Carnock,  Creich,  Crombie,  Dalgety,  Dunmore,  Kil- 
conquhar,  Monincail,  mutilés  affreusement,  par  la  malveillance  des  hommes, 
sans  qu'on  songe  à  y  porter  remède. 

Dans  l'église  de  Crail,  signalons  une  cloche  qui  porte  l'inscription  : 

Peeter  Van  den  Ghein  heft  mij 

ghegoten  intjaer  (m)  dcxiiii 

On  sait  que  les  Van  den  Gheyn  étaient  les  célèbres  fondeurs  de  cloches 
de  Louvain. 

Ils  exportaient  donc  leurs  produits  jusqu'en  Ecosse. 

L'église  qui  contient  ces  cloches  est  fort  intéressante  à  étudier  dans 
les  belles  planches  que  lui  consacre  M.  Russell  Waliier.  Il  en  est  de  même 
pour  l'église  de  Cupar,  qui  possède  un  clocher  offrant  une  singulière  res- 
semblance avec  la  flèche  si  caractéristique  de  l'église  de  Dieghem  (Brabant); 
on  sait  que  celle-ci  date  du  miHeu  du  xvii®  siècle.  La  flèche  de  Cupar  a  été 
élevée  aux  frais  du  Révérend  William  Scott,  en  1620,  et  au  Heu  d'être  à 
base  carrée,  elle  est  bâtie  sur  plan  oblong. 

Signalons,  dans  l'église  de  Crombie,  la  tombe  de  Philips  laird  of  Kippo, 
«  mediciner  »,  mort  en  1640,  et  la  jolie  église  de  Dairsie,  élevée  en  1621  par 
l'archevêque  Spottiswoode  ;  son  campanile  est  fort  curieux. 

La  tour  fortifiée  de  l'église  de  S^-Serf  à  Dysart,  est  également  fort  remar- 
quable. Dysart  est  mentionnée  dans  les  chartes  depuis  874  ;  son  église 
date  du  xiii®  siècle. 

A  l'église  d'Inverkeithing  appartiennent  également  une  cloche  flamande 
portant  l'inscription  : 

SoLi  Deo  Gloria  Michel  Burgerhuys 

ME    FECIT  ANNO    164I 

et  de  très  remarquables  fonts  baptismaux  à  armoiries. 

L'église  de  S*-Athernase,  à  Leuchars,  mérite  une  mention  toute  particu- 
lière pour  son  abside  normande  du  xiie  siècle,  pleine  de  caractère  et  fort 
bien  conservée. 

Notons- y  également  d'intéressantes  marques  de  tâcherons. 

Pour  l'église  de  la  S^-Trinité,  à  S^-Andrews,  qui  possède  une  tour  ogi- 
vale intéressante,  mentionnons,  d'après  M.  Russell  Walker,  le  monument  de 
Tarchevêque  Sharpe,  qui,  dit-on,  was  made  in  Holland. 

Ne  serait-ce  pas  en  Belgique,  d'où  la  Hollande  tirait  beaucoup  de  ses 
pierres  ? 


—    125    — 

Les  stalles  de  cette  église  aussi  ont  quelque  chose  de  nos  meubles  simi- 
laires de  Flandre  au  xv^  siècle. 

S^-Andrews  possède  encore  l'église  de  S*®-Mary-on-the-Hill,  qui  date 
du  xiiP  siècle  et  qui  est  malheureusement  détruite  presqu'entièrement.  — 
Signalons-y  une  tombe  importante  de  l'époque  romane  —  l'église  de 
S*-Regulus,  dont  nous  reparlerons  ;  celle  de  S'-Salvador,  —  celle-ci  très 
remarquable  —  et  enfin  celle  de  S*-Léonard. 

L'église  de  S*-Regulus  est  capitale  pour  l'archéologie  monumentale 
écossaise  primitive.  Sir  Gilbert  Scott  allait  jusqu'à  l'attribuer  au  xe  siècle, 
mais,  même  en  plaçant  sa  date  d'érection  au  xii®  siècle  —  ce  qui  paraît  plus 
probable  —  ce  monument  n'en  est  pas  moins  fort  remarquable. 

L'église  de  S*-Salvador  a,  elle  aussi,  son  grand  intérêt  d'art.  Elle  date  du 
XV®  siècle  et  fut  fondée  en  1456,  par  l'évèque  James  Kennedy,  dont  on  y 
voit  le  tombeau  affreusement  mutilé. 

Signalons  ses  fenestrages  flamboyants  ;  ce  fait  s'observe  assez  rarement 
en  Angleterre  et  en  Ecosse. 

Le  magnifique  premier  volume  de  l'ouvrage  de  M.  Russell  Walker  se 
termine  par  la  monographie  de  la  belle  église  de  S*^-Monance,  production 
du  xve  siècle  dont  les  détails  ont  leur  élégance. 

Tel  est  le  livre  de  notre  éminent  confrère  M.  Russell  Walker. 

Nous  souhaitons  vivement  qu'il  fasse  bientôt  paraître  le  volume  promis 
sur  les  Lothians,  car  ce  volume  ne  peut  manquer,  comme  celui-ci,  d'avoir 
la  plus  haute  importance  pour  l'archéologie  monumentale. 

Paul  Saintenoy. 

VI 

11*^1  uciEN  Magne,  architecte.  Les  vitraux  de  Montmorency  et  d'Ecouen. 
|B.^i|  Conférence  faite  à  Montmorency.  Paris,  F.  Didot,  éditeur,  1888, 
78  p.  in-40,  IX  pi.,  I4fig.(5fr.) 

Notre  excellent  confrère,  M.  Lucien  Magne,  a  pubUé  en  ces  années  der- 
nières, un  grand  ouvrage  sur  VŒuvre  des  peintres  verriers  français,  sur  lequel 
nous  appelons  la  sérieuse  attention  de  nos  lecteurs. 

Armé  par  cette  précédente  étude  d'une  connaissance  étendue  du  sujet  et 
appelé,  à  Montmorency  même,  à  parler  des  belles  verrières  de  l'église 
paroissiale  de  cette  ville,  notre  confrère  s'est  acquitté  de  sa  mission  en  artiste 
délicat  à  saisir  les  subtiles  beautés  des  œuvres  d'art  et  en  archéologue 
habile  à  déchiffrer  les  énigmes  du  passé. 

Ces  œuvres  datent  de  ce  siècle  charmant  qui  vit  en  France  le  règne  de 
François  I". 

Pour  les  décrire,  M.  Magne  a  donné  d'abord  àson  auditoire  des  détails  sur 


—     126    — 

la  famille  de  Montmorency,  dont  nos  Bruxellois  contemporains  d'Albe  le 
Cruel,  virent  le  blason  d'or  à  la  croix  de  gueules,  cantonnée  de  seize 
alérions  d'azur,  renversé  en  signe  d'infamie,  lors  de  la  décapitation  de 
Philippe  de  Montmorency,  (de  la  branche  de  Nivelles),  comte  de  Hornes. 
En  effet,  on  sait  que  marié  avec  Jeanne  de  Fosseux,  Jean  II  de  Montmo- 
rency possédait  des  terres  dans  notre  pays  et  forma  la  branche  de  Mont- 


Fig.  I.  Psyché  offrant  des  présents  à  ses  sœurs,  f Gravure  du  Maître  au  dc'J. 


morency-Nivelles,  dont  un  des  derniers  rejetons  lut  Philippe,  devenu  par 
adoption,  comte  de  Hornes. 

Mais  c'est  à  la  branche  des  ducs  de  Montmorency,  issue  du  second 
mariage  de  Jean  II  avec  Marguerite  d'Orgemont,  que  nous  devons  les 
œuvres  d'art  dont  M.  Magne  entend  parler. 

Le  chef  de  cette  branche  ducale  a  été  Guillaume,  fils  de  Jean  II,  qui  fut 
un  des  auteurs  de  l'avènement  de  la  Renaissance  en  France.  Lui  et  son  fils 


127    — 


Anne  bâtirent  le  château  de  Chantilly,  l'église  de  Montmorency,  l'église  et 
le  château  d'Ecouen. 

M.  Magne  s'étend  en  de  très  intéressants  détails  historiques  sur  ces  œu- 
vres et  les  conditions  politiques  de  la  France  à  l'aurore  du  xvi^  siècle. 

Après  ces  piréliminaires,  notre   auteur  décrit  les  verrières  de  Montmo- 
rency qu'il  attribue  au  commencement  du  xvi«  siècle  (avant  1524)  et  qui 

sont  réellement  des 
œuvres  très  remar- 
quables. 

Q.ui  les  a  faites  ? 
Voilà  une  question 
dont  la  réponse  est 
malaisée. 

Ce  sont,  d'après 
M.  Magne,  des  œu- 
vres qui  ont  la  pré- 
cision des  peintures 
flamandes,  sans  que 
l'extrême  finesse  des 
détails  nuise  à  l'effet 
décoratif  de  l'ensem- 
ble. 

Il  s'agit  ici  de  six 
des  quatorze  vitraux 
de  Montmorency. 

Un  de  ces  derniers 
porte  Its  initiales 

E  L  P 
monogra:nme  du  fa- 
meux Engrand,  Le 
Prince  de  Beauvais, 
qui  a  représenté  sur 
cette  verrière,  Char- 
es  V  en  S*^  Charles 
et  Adrien  d'Utrecht, 
son  précepteur,  pape 
sous  le  nom  d'Adrien 
VI,  en  soldat  du 
Christ. 

A  Ecouen,  il  n'y  a 
Fig   2.  Vitrail  du  château  de  Chantilly,  représentant      plus   que    deux    ver- 
Psyché  offrant  des  présents  à  ses  sœurs. 


—    128    — 

riéres  donnant  les  portraits  des  fils  (pi.  V)  et  des  filles  d'Anne  de  Montmo- 
rency, le  grand  connétable  de  France,  et  de  Madeleine  de  Savoie. 

Elles  donnent  lieu,  pour  M.  Magne,  à  d'intéressants  aperçus,  de  môme 
que  pour  les  vitraux  de  Psyché  du  même  château,  transportés  actuelle- 
ment à  Chantilly. 

Cette  série  de  verrières  représente  la  fable  de  Psyché  et  de  Cupidon, 


Fig.  3.  Psyché  prête  à  se  venger  de  ses  sœurs.  (Gravure  du  Maître  au  déj, 

tirée  de  VJne  d'or  d'Apulée.  Peintes  par  notre  compatriote  Michel  Coxie, 
dont  ses  contemporains  ont  fait  à  tort  un  Raphaël  flamand  (fig.  2  à  5),  ces 
compositions  ont  été  gravées  par  le  Maître  au  dé. 

Le  verrier  français  s'est  inspiré  de  ces  gravures. 

Ce  fait  n'est  pas  rare,  d'ailleurs,  à  partir  de  la  fin  du  xvi^  siècle.  C'est 
ainsi  que  des  gravures  de  Hans  Sébald  Beham,  de  la  suite  des  Sept  planètes^ 
sont  reproduites  dans  des  verrières  de  l'église  de  Couches,  et  que  dans 
cette  même  église,  une  gravure  du  Maître  à  r étoile  a  été  utilisée  de  même 
façon. 

Ce  fait  est  fort  intéressant  à  étudier  dans  les  planches  que  donne 
M.  Magne. 


V.  Vitrail  dans  la  chapelle  du  château  de  Chantilly,  repr  jse.itant  les  lîls  du 
connétable  Anne  de  xMontniorency. 


—   131   — 

Celui-ci  a  une  excellente  méthode  de  travail,  et  par  les  ingénieux  rappro- 
chements qu'il  a  faits  entre  ces  diverses  verrières  françaises  et  ces  œuvres 
gravées,  il  a  jeté  un  jour  tout  nouveau  sur  l'histoire  des  peintres  verriers 
de  France. 

Paul  Saintenoy. 


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Fig.  4.  Vitrail  du  château  de  Chantilly,  représentant  Psyché  prête  à  se  venger 

do  ses  sœurs. 


MELANGES 


TOUTES  I.ES  COMMUNICATIONS  INSÉRÉES  SONT  PUBLIÉES  SOUS  LA  RESPONSABILITÉ 
PERSONNELLE  DE  LEURS  AUTEURS. 


BELGIQUE 
Musée  communal  de  Bruxelles. 


'a  collection  du  Musée  communal  de  Bruxelles  vient  de  s'enrichir 
d'une  statuette  en  bronze,  exécutée  en  1630,  par  un  artiste  flamand, 
le  sculpteur  Vandenbroek,  d'après  le  Mannekenpis  de  Duquesnoy.  C'est 
un  amateur  étranger,  M.  Edward  Josephs,  qui  a  fait  don  à  la  ville  de 
cette  œuvre  intéressante,  lui  off'rant  également  le  moule  en  plâtre  ayant 

1  Nous  commençons,  à  partir  de  ce  volume  des  Annales,  la  publication  de 
Mélanges  archéologiques  et  historiques,  donnant  les  dernières  nouvelles  des  Musées, 
fouilles,  découvertes,  travaux  des  sociétés  savantes,  etc.,  de  façon  à  renseigner 
les  membres  de  la  Société  sur  le  mouvement  archéologique  non  seulement  de 
Belgique,  mais  des  autres  contrées. 

Nous  espérons,  pour  remplir  complètement  ce  but,  obtenir  la  collaboration  de 
tous  les  membres  de  la  Société  à  cette  oeuvre  si  utile.  C'est  à  eux  qu'il  doit  appar- 
tenir de  rendre  ces  Mélanges  aussi  intéressants  que  possible. 

Nous  avons  d'ailleurs  pris  les  mesures  nécessaires  pour  être  renseignés  promp- 
tement.  Tous  nos  soins  seront  apportés  pour  vérifier  l'exactitude  des  faits 
insérés  dans  cette  chronique.  Si  cependant,  dans  l'avenir,  certaines  erreurs  inévita- 
bles venaient  à  se  glisser  dans  ces  Mélanges  par  l'impossibilité  où  nous  serons  de 
vérifier  les  affirmations  de  nos  correspondants,  la  Société  laissant  entière  liberté 
d'appréciation  aux  rédacteurs  des  Annales,  ne  pourra  par  conséquent,  en  aucun  cas, 
être  rendue  responsable  des  erreurs  commises. 

CNole  du  Comité  des  publications, J 


-    133   — 

servi  au  coulage  de  la  statuette  et  la  garde-robe  du  petit  bonhomme, 
comprenant  plusieurs  costumes  de  gala  aux  proportions  voulues.  Le 
tout  est  exposé  depuis  quelques  jours  au  Musée  communal,  et  le  public 
bruxellois  a  pu  admirer  une  reproduction,  sinon  fidèle,  au  moins  très 
typique,  du  jeune  héros,  qui  surmonte  la  petite  fontaine  de  la  rue  de 
l'Étuve.  Mais  il  lui  a  néanmoins  préféré  l'original,  car  cette  copie,  qui 
se  caractérise  par  une  certaine  lourdeur  du  modèle,  n*a  pas  l'expression 
spirituelle  de  l'impudique  bambin  qui  lui  a  servi  de  modèle. 

Musée  Royal  d'Antiquités  de  Bruxelles. 

Le  Musée  royal  d'antiquités  de  Bruxelles  a  reçu  récemment  une  œuvre 
qui  ne  manque  pas  de  valeur.  L'aimable  donateur  est  un  étranger  — 
M.  Desmottes,  de  Paris.  Cette  œuvre  consiste  en  une  statuette  en  chêne 
sculpté  représentant  sainte  Marie-Madeleine.  D'après  M.  Destrée,  elle 
appartient  incontestablement  à  l'école  de  sculpture  brabançonne,  dont 
les  centres  furent  Anvers  et  Bruxelles.  Cette  statuette  est  sortie  d'un 
atelier  d'artiste  bruxellois. 

On  nous  annonce  que  M.  L.  Cavens  vient  de  faire  également  don  à  ce 
même  Musée  d'une  importante  collection  d'objets  belgo-romains.  Nous 
y  reviendrons  dans  une  prochaine  chronique. 


GRECE 
Les  fouilles  de  Mantinée. 

Ce  n'est  pas  une  très  ancienne  ville  que  la  Mantinée  dont  il  subsiste 
encore  des  ruines  à  quatorze  kilomètres  au  nord  de  TripoUtza.  Elle  date 
du  IV"  siècle  ;  elle  occupait  la  place  de  la  cité  primitive,  détruite,  en  385, 
par  les  Lacédémoniens  ;  mais  cela  même  en  rend  les  débris  très  intéres- 
sants; ils  nous  apprennent  ce  qu'était,  au  temps  de  Démosthène,  l'archi- 
tecture militaire  des  Grecs.  Dans  deux  rapports  étendus,  M.  Fougères 
décrit  l'enceinte  de  la  ville,  avec  ses  murs,  ses  courtines,  ses  tours  de 
défense,  dont  le  chiffre  a  été  discuté,  et  qui  semblent  avoir  été  au  nombre 
de  cent  vingt-deux,  avec  ses  portes  et  leurs  couloirs  destinés  à  en  rendre 
l'accès  plus  difficile  aux  assaillants  ;  il  examine  les  édifices  qui  s'élevaient 
dans  cette  enceinte  :  le  théâtre,  le  palais  du  Conseil,  les  portiques  de 
l'Agora,  etc.  Plusieurs  de  ces  constructions  ne  peuvent  être  identifiées 
avec  certitude,  mais  toutes  sont  curieuses  par  la  hâte  qu'elles  dénotent  et 
la   médiocre   qualité  des  matériaux  qu'on  y  a  fait  entrer  ;   on  se  trouve 


—   134  — 

évidemment  en  présence  d'une  ville  que  la  politique  a  subitement  relevée 
de  ses  ruines  et  qui  n'a  ni  la  solidité  ni  la  beauté  lentement  acquises  d'une 
cité  ancienne. 

MM.  Fougères  et  Bérard,  ainsi  que  le  dit  très  justement,  dans  la  Revue 
historique  de  Paris,  M.  P.  Girard,  qui  rapporte  ces  détails,  ne  manqueront 
pas  de  compléter  leurs  études  sur  Mantinée  et  de  donner  l'exposé  complet 
de  leurs  recherches. 


ITALIE 
Sépultures  de  quelques  papes  du  IV^  au  VP  siècle. 

M.  le  commandeur  de  Rossi,  écrit  au  Temps  que  M.  Geffroy,  directeur  de 
TÈcole  française  à  Rome,  a  clos,  dans  cette  ville,  l'année  1890,  par  une  nou- 
velle et  intéressante  découverte. 

Les  fouilles  en  cours  d'exécution  lui  ont  fait  déjà  retrouver,  au-dessus 
de  la  catacombe  de  sainte  Priscilla,  sur  la  via  Salaria,  la  basilique  de  Saint- 
Sylvestre,  les  traces  de  quelques-unes  des  sépultures  des  six  papes  du  iv^ 
au  vi^  siècle,  dans  cette  basilique  même,  et  l'amorce  avec  les  premières 
marches  de  l'escalier  faisant  communiquer  la  basilique  avec  la  catacombe, 
c'est-à-dire  avec  les  chambres  et  la  piscine  de  la  riche  demeure  des  Acilii 
Gîahn'oneSj  Uvrée  aux  sépultures  chrétiennes,  selon  M.  de  Rossi,  dès  les 
temps  apostoliques. 

Dans  une  de  ces  conférences  devenues  célèbres,  qu'il  donne  périodique- 
ment, au  nom  du  CoUegium  des  Cultores  mariyrum,  M.  de  Rossi'a  expliqué  le 
16  janvier  dernier,  sur  le  champ  même  des  ruines,  comment  se  confirmait  et 
se  complétait  aujourd'hui  sa  belle  découverte  d'il  y  a  deux  ans,  relative  aux 
Acilii  GlahrioueSj  quels  anciens  textes  avaient  autorisé  ses  inductions  et 
quels  vestiges  on  avait  déjà  naguère  de  ce  qui  restait  à  découvrir.  Malheu- 
reusement, la  basilique  de  Saint-Sylvestre  a  été  entièrement  rasée  et 
dépouillée,  sans  doute  à  la  suite  des  invasions.  M.  de  Rossi  n'y  a  retrouvé 
jusqu'à  présent  aucun  fragment  d'inscription  ni  aucun  marbre  sculpté.  Les 
fondations  de  l'édifice  laissent  du  moins  apercevoir  dès  maintenant,  et  très 
visibles,  la  forme  de  l'abside,  l'emplacement  de  l'autel  et  les  vestiges  d'une 
ou  de  deux  sépultures  des  papes. 

M.  Geffroy  annonce,  en  outre,  que  de  grands  et  coûteux  préparatifs  se 
font  au  Vatican  pour  l'installation  prochaine  d'un  musée  du  moyen  âge 
dans  les  célèbres  appartements  Borgia.  On  y  transportera  les  nombreux 
tableaux  et  objets  du  moyen  âge  et  de  la  première  Renaissance  qui  sont 
accumulés  aujourd'hui  dans  les  vitrines  et  armoires  du  musée  chrétien. 


—    135   — 
Les  Nouveaux  Musées  de  Rome. 

Les  travaux  du  plan  régulateur  de  la  Ville  Éternelle  et  ceux  du  Tibre,  que 
Ton  exécute  actuellement,  ont  amené  et  amènent  encore  des  découvertes 
précieuses,  et  la  moisson  est  tellement  considérable  que  l'on  ne  sait  plus  où 
déposer  toutes  ces  richesses  :  le  Capitole  en  est  surchargé.  Il  a  fallu  créer 
de  nouveaux  musées.  Le  ministère  de  l'Instruction  publique,  malgré  l'exi- 
guité  des  fonds  dont  il  dispose,  a  tenu  à  donner  à  toutes  ces  richesses 
archéologiques  la  place  qui  leur  revient,  et  c'est  pour  cela  qu'il  a  fondé 
deux  nouveaux  musées,  l'un  dans  l'ancienne  villa  du  Pape  Jules  II,  hors  la 
porte  du  Peuple,  et  l'autre  aux  Thermes  de  Dioclétien,  dans  cet  admirable 
cloître  dessiné  par  Michel  Ange. 

L'installation  de  ces  musées,  ajoute  Vltaîfe  du  12  janvier  dernier,  est 
toute  récente.  Le  premier  est  destiné  à  recueillir  les  antiquités  provenant 
du  Latium  avant  la  civiHsation  romaine,  et  que  l'on  peut  appeler  musée 
étrusque  ;  le  second  comprend  les  objets  découverts  à  Rome  et  aux  envi- 
rons de  Rome,  et  dans  lesquels  se  révèle  l'influence  de  la  civiUsation 
grecque. 

Découvertes  à  Rome. 

Vltah'e  rapporte  que  sur  l'emplacement  où  s'élevaient,  A  Rome,  des 
habitations  démolies  dernièrement  près  du  pont  Saint-Ange,  on  vient  de 
mettre  à  jour  plusieurs  inscriptions  très  intéressantes  gravées  sur 
marbre. 

Q.uelques-unes  de  ces  inscriptions  se  rapportent  aux  liidi  saculares,  célé- 
brés sous  l'empereur  Auguste,  17  ans  avant  l'ère  chrétienne.  D'autres  ne 
remontent  qu'à  l'époque  de  Septime  Sévère. 

Il  parait  que  M.  Mommsen,  membre  d'honneur  de  notre  Société,  se 
chargera  de  les  publier. 

—  IJOsservaiore  roniano  annonce  que  des  fouilles  vont  commencer  prochai- 
nement au  Forum  Romain,  précisément  au  point  de  section  de  la  nouvelle 
rue  Cavour,afin  de  compléter  les  travaux  de  construction  des  égouts. 

On  espère,  à  cette  occasion,  découvrir  les  restes  ou  l'emplacement  tout 
au  moins  de  la  basilique  EmiUenne  qui,  détruite  par  un  incendie  avec  le 
temple  de  Vesta,  fut  reconstruite  aux  frais  de  la  gens  Emilienne  à  l'époque 
d'Auguste. 

Cette  basilique,  d'après  les  annales  du  temps,  était  précédée  d'un  double 
portique  et  sa  façade  était  ornée  de  magnifiques  bas-reliefs. 


—  136  — 

Musée  national  des  Thermes  de  Dioclétien  à  Rome. 

On  a  déposé  dans  cette  collection  récemment  formée  et  ouverte  au  public, 
les  huit  cents  monnaies  d'or  trouvées  au  Forum,  sur  l'emplacement  de  la 
maison  des  Vestales,  il  y  a  quelques  années.  Ces  monnaies  sont  presque 
toutes  des  rois  anglo-saxons  du  x®  siècle.  D'après  M.  de  Rossi,  ces  mon- 
naies constituaient  le  tribut  du  denier  de  Saint-Pierre,  venu  de  l'Angleterre 
à  Rome  sous  Martin  II  (942-946),  ce  qui  ferait  croire  qu'un  personnage 
attaché  à  la  cour  du  pape  demeurait  au  milieu  des  ruines  abandonnées  de 
la  maison  des  Vestales. 


FRANCE 


Les  fouilles  de  Martres-Tolosane. 

De  très  importantes  découvertes  de  sculptures  antiques  se  poursuivent 
dans  cettecommune.il  s'agit  d'un  nombre  considérable  de  bustes  et  de 
statues  provenant  d'un  atelier  gallo-romain.  Le  Sud-Ouest  et  Y  Abeille  de 
Toulouse  renferment  à  ce  sujet  d'intéressants  détails  dans  leurs  numéros 
de  janvier. 

On  lit,  en  effet,  dans  le  Sud-Ouest  : 

Un  distingué  professeur  de  notre  Faculté  vient  de  faire,  à  Martres-Tolo- 
sane, une  découverte  qui  va  mettre  en  émoi  toutes  les  sociétés  savantes 
de  France. 

Pour  comprendre  cette  importante  découverte,  il  faut  d'abord  que  nous 
disions  ce  que  sont  Martres-Tolosane  et  son  gisement  archéologique.  Voici 
ce  qu'en  dit  notre  compatriote,  M.  Félix  Regnault,  dans  un  travail  archéo- 
logique publié  au  mois  d'août  dernier  : 

Comprise  anciennement  dans  le  Comminges  et  actuellement  dans  le 
département  de  la  Haute-Garonne,  la  localité  de  Martres-Tolosane  con- 
tient le  gisement  archéologique  le  plus  considérable  qui  ait  été  signalé  dans 
la  région  pyrénéenne  et  même  dans  tout  le  sud-ouest  de  la  France.  La  plu- 
part des  marbres  qui  en  proviennent  sont  conservés  au  Musée  de  Toulouse, 
et  Ton  en  trouve  une  bonne  description  dans  le  catalogue  de  M.  Rosbach. 

Les  premières  découvertes  furent  faites  au  xvii«  siècle  ;  mais  c'est  en 
l'année  1826  que  commence  la  période  des  fouilles  importantes,  brusque- 
ment interrompues  en  1830  et  mollement  reprises  de  1840  à  1843.  Depuis 
lors,  il  n'a  pas  été  opéré  de  fouilles  à  Martres  ;  mais  rien  ne  prouve, 
observe  avec  raison  M.  Rosbach,  que  cette  mine  archéologique  soit 
épuisée. 

Comme   l'a  fait  remarquer  M.  Albert  Lebègue,  professeur  à  la  Faculté 


—  137    — 

des  lettres  de  Toulouse,  dans  une  excellente  étude  sur  les  monuments 
antiques  de  Martres-Tolosane  (Revue  des  Pyténées,  année  1889,  p.  146-166), 
certains  de  ces  monuments  sont  le  produit  de  Fart  grec  ou  romain,  tels 
que  la  Vénus,  l'Auguste,  etc.;  les  autres  sont  les  œuvres  originales  d*un 
art  local,  gallo-romain,  peu  étudié  jusqu'à  ce  jour  :  elles  sont  en  marbre 
du  pays,  presque  toujours  en  marbre  de  Sost  ou  de  Saint-Béat. 

Les  bas-reliefs  représentant  les  travaux  d'Hercule  sont  fort  intéressants  : 
la  série  des  bustes  d'empereurs  est  la  plus  riche  que  l'on  connaisse.  Les 
dieux  sont  également  représentés  :  Sérapis.  Minerve,  Jupiter-Ammon,  Vul- 
cain,  Cybéle,  Isis,  Diane,  etc. 

Les  deux  morceaux  les  plus  remarquables  sont  la  «  Vénus  des  Pyrénées 
ou  Vénus  de  Martres  »  et  1* Auguste. 

La  Vénus  des  Pyrénées  est  en  marbre  grec  :  d'après  M.  Lacaze,  «  ce 
marbre  antique  est  l'objet  le  plus  précieux  que  possède  le  Musée  de  Tou- 
louse. »  Selon  M.  Lebègue,  «  la  Vénus  des  Pyrénées,  en  marbre  blanc 
venu  de  Grèce,  paraît  être  une  réplique  de  la  Vénus  de  Cnide  ;  même 
disposition  dès  cheveux  et  de  la  coiffure,  même  physionomie  ;  seulement 
c'est  une  des  plus  belles  répHques  que  l'on  connaisse.  » 

Félix  Regnault  concluait  ainsi  : 

Il  faut  souhaiter  que  les  fouilles  soient  reprises  à  Martres-Tolosane  ; 
peut-être  nous  vaudront-elles  de  nouveaux  trésors,  au  point  de  vue  de 
l'histoire  et  de  l'art. 

Ces  vœux  et  ces  espérances  sont  aujourd'hui  pleinement  exaucés. 

M.  Lebègue,  le  sympathique  et  savant  professeur  à  la  Faculté  des 
lettres,  correspondant  du  ministère  de  l'Instruction  publique,  s'est  depuis 
longtemps  attaché  spécialement  à  l'étude  de  certains  fragments  provenant 
de  Martres,  d  a  su  attirer  de  nouveau  l'attention  du  monde  scientifique 
sur  l'antique  station  gallo-romaine,  et  tout  récemment,  grâce  à  une  subven- 
tion de  3,000  francs  accordée  par  le  ministère,  il  a  repris  les  fouilles  sur 
des  points  nouveaux  qui  permettront,  dans  un  avenir  prochain,  d'élucider  une 
question  très  intéressante  pour  le  pays  toulousain. 

Sommes-nous  en  présence,  comme  le  pense  M.  Lebègue,  d'un  atelier  de 
sculpture  gallo-romaine  ?  Les  découvertes  nouvelles,  désignées  avec  un 
soin  minutieux  par  l'éminent  professeur,  ne  laissent  plus  de  doute  sur 
cette  question.  Depuis  quelques  jours,  en  effet,  les  fouilles  ont  mis  à  jour 
96  pièces,  dont  quelques-unes  sont  très  remarquables. 

Parmi  les  pièces  à  signaler,  il  y  a  huit  têtes  conservées,  en  marbre  de 
Saint-Béat,  un  buste  d'empereur,  plusieurs  bas-rehefs,  une  fort  belle  statue 
de  Minerve,  plusieurs  beaux  fragments  de  statues  d'hommes,  des  chapi- 
teaux, des  bas-reliefs  de  grande  et  de  petite  dimension,  des  poteries,  et  ce 
qui  démontrerait  que  l'hypothèse  d'un   atelier  serait  vraisemblable,   des 


-    138   - 

socles  en  marbre  tout  disposés  à  recevoir  des  bustes.  Tous  ces  remarqua- 
bles débris  sont  répandus  à  profusion  à  trois  et  quatre  mètres  de  profon- 
deur dans  le  sol.  L'absence  complète  de  fondations  ou  d'architecture 
propres  aux  riches  villas  romaines  favorise  l'hypothèse  d'un  vaste  atelier 
de  sculpture  ;  ce  qui  le  prouve  encore,  c'est  qu'on  a  trouvé  de  gros  blocs 
de  marbre  des  Pyrénées  qui  semblent  apportés  là  pour  le  travail  de  sculp- 
ture. 

ARABIE 

L'Archéolog'ie  Arabique. 

Le  Stamboul  du  27  décembre  donne  d'intéressantes  notes  sur  les  conclu- 
sions du  professeur  Sayce,  dans  la  Conkmpomry  Review,  concernant  l'Archéo- 
logie arabique. 

M.  Sayce  estime  que  le  professeur  Muller  s'est  trop  hâté  de  faire  remon- 
ter au  dixième  ou  même  au  septième  siècle  avant  notre  ère  les  inscriptions 
de  Lihhyan  dans  l'Arabie  du  Nord.  Il  est  désormais  évident  qu'elles  ne  sont 
pas  antérieures  à  la  chute  de  l'empire  romain.  Mais,  d'autre  part,  tout 
confirme  l'opinion  émise  par  le  docteur  Glaser  sur  la  très  haute  antiquité 
du  royaume  minéen,  dans  l'Arabie  du  Sud,  et  sur  la  suzeraineté  qu'il 
exerçait  dans  toute  la  région,  jusqu'aux  frontières  de  TEgypte  et  de  la 
Palestine.  On  ne  saurait  douter  qu'il  n'ait  précédé  le  fameux  royaume  de 
Saba,  lequel  engloba  les  mêmes  régions,  éleva  ses  florissantes  cités  sur  les 
ruines  de  l'empire  de  Ma'in  et  finit  par  en  effacer  même  le  souvenir. 

Or,  le  royaume  de  Saba  était  dans  tout  son  lustre  à  l'époque  de  Téglat- 
Phalasar,  au  huitième  siècle  avant  l'ère  présente.  Sa  juridiction  s'étendait 
jusque  dans  le  Nord,  puisque  les  souverains  assyriens  entraient  en  contact 
avec  lui.  La  visite  de  la  reine  de  Saba  à  Salomon  reporte  les  origines  de  cet 
empire  à  une  époque  encore  plus  reculée  ;  si  donc  on  accepte  cette  visite 
comme  un  fait  historique  et  non  pas  comme  une  invention  des  historiens 
juifs,  il  faut  admettre  qu'au  dixième  siècle  avant  notre  èie  le  royaume  de 
Saba  s'était  déjà  substitué  à  celui  de  Ma'in,  lequel  avait  disparu  avec  son 
commerce,  sa  culture  propre,  ses  villes  fortifiées  et  ses  murailles  couvertes 
d'inscriptions. 

Le  docteur  Glaser  a  démontré  que  les  rois  de  Saba  eurent  pour  prédéces- 
seurs les  makaribs  ou  «  grands  prêtres  »  du  pays.  Cette  succession  de  la 
monarchie  militaire  à  la  monarchie  religieuse  est  une  loi  constante  dans  le 
monde  sémitique.  L'Etat  assumait  d'abord  la  forme  théocratique  et  il 
s'écoulait  un  certain  temps  avant  que  le  roi  et  le  prêtre  fussent  deux  per- 
sonnages distincts. 


—   139  — 

On  est  présentement  en  possession  des  noms  de  trente-deux  rois  minéens, 
et  trois  de  ces  noms  ont  été  relevés  sur  des  inscriptions  provenant  de 
Teima,  dans  l'Arabie  du  Nord,  sur  la  route  de  Damas  et  du  Sinaï.  Ce  fait 
montre  que  l'autorité  de  ces  souverains  s'étendait  sur  toute  la  péninsule 
arabique.  Il  est  confirmé,  par  l'inscription  qu'Halévy  a  relevée  dans  l'Arabie 
méridionale,  et  qui  a  été  déchiffrée  par  Hommel  et  dates,  inscription 
exprimant  la  reconnaissance  de  ses  auteurs  pour  «  avoir  été  sauvés  par 
Attar  et  d'autres  divinités,  dans  la  guerre  survenue  entre  le  souverain  du 
Sud  et  celui  du  Nord,  et  avoir  pu  revenir  sains  et  saufs  du  milieu  de  PEgypte 
dans  leur  ville  natale  de  Quaru,  lors  du  conflit  entre  ce  pays  (Egypte)  et 
le  Mahdi.  »  Les  signataires  de  cet  ex-voto,  Ammi  Tsadiq  et  Sed,  ajoutent 
qu'ils  vivent  sous  le  roi  minéen  Abiyada  Jathi,  et  qu'ils  sont  gouverneurs 
de  Tsar,  d'Ashur  et  des  provinces  en  aval  de  la  rivière. 

Le  professeur  Hommel  estime  que  cet  Ashur  est  l'Asshurim  de  la  Bible  et 
Tsar  une  forteresse  fréquemment  mentionnée  dans  les  inscriptions  égyp- 
tiennes comme  gardant  les  approches  du  pays  du  côté  qui  est  maintenant 
la  rive  arabique  du  canal  de  Suez.  Dans  le  Mahdi  de  l'inscription,  le  docteur 
Glaser  veut  voir  Mizzah,  le  petit-fils  d'Esaû.  Quoi  qu'il  en  soit  de  cette 
hypothèse,  l'inscription  établit  que  les  princes  minéens  étaient  reconnus 
jusqu'aux  confins  de  l'Egypte,  à  une  époque  qui  doit  avoir  été  contempo- 
raine des  Hycsos. 

L'ensemble  des  inscriptions  montre  surabondamment  que  ces  Minéens 
avaient  une  littérature,  un  alphabet  qui  a  très  vraisemblablement  été  l'an- 
cêtre de  celui  des  Phéniciens,  et  que  leurs  princes  et  marchands  jouaient 
dans  l'Orient,  antérieurement  à  Salamon,  un  rôle  assez  important. 

RUSSIE 
L'architecture  russe  ancienne. 

M.  Soultanoff  a  récemment  donné  à  la  Société  nationale  des  architectes 
de  Paris,  une  conférence  dont  M.  Monmory  rend  compte  comme  suit  dans 
la  Semaine  des  Constructeurs  : 

C'est  surtout  dans  les  monuments  religieux,  dit  M.  Soultanoff,  au  début 
de  sa  conférence,  que  l'on  peut  suivre  le  développement  de  l'architec- 
ture en  Russie,  l'art  moscovite  étant  d'ailleurs  un  art  essentiellement  reli- 
gieux. 

On  y  distingue  trois  grandes  périodes  :  dans  la  première,  les  influences 
étrangères,  byzantine  et  romane^  se  manifestent  ;  à  la  seconde  période  appar- 
tient V art  russe  proprement  dit  ;  vient  ensuite  la  période  moderne 

Dès  le  iv«  siècle,  le  style  byzantin  s'étendit  le  long  des  bords  de  la  mer 


—   140   — 

Noire,  pénétra  dans  la  péninsule  Taurique  et,  de  là,  dans  la  Russie  slave, 
où  il  se  maintint  avec  ses  formes  originelles  aussi  longtemps  qu'en  aucune 
autre  contrée.  A  ce  propos,  le  conférencier,  interprétant  de  façon  ingé- 
nieuse un  passage  de  Vitruve,  lui  trouve  une  analogie  remarquable  avec 
le  mode  conslructif  adopté  pour  les  églises  grecques.  Les  quatre  colonnes 
romaines  disposées  en  carré  se  retrouvent  dans  le  plan  byzantin  ;  la  super- 
structure qui  les  surmonte  est  remplacée  par  le  dôme,  les  plafonds  qui 
recouvrent  la  galerie  de  pourtour  font  place  à  des  voûtes  cylindriques. 

Laissons  à  M.  Soultanoff  le  mérite  et  la  responsabilité  de  ses  déductions 
et  signalons  Véglise  Sainte-Sophie,  à  Kiev,  comme  étant  un  des  spécimens 
les  plus  caractéristiques  de  Fart  byzantin  en  Russie.  Ce  monument,  qui 
date  du  xi®  siècle,  a  eu  sa  façade  modifiée  au  xiii®  ;  mais  l'abside  en  est 
restée,  et  la  décoration  intérieure,  mosaïques  d'émail  sur  fond  d'or,  est 
éminemment  byzantine. 

A  l'influence  grecque  s'est  ajoutée  celle  venue  de  l'Occident,  l'influence 
romane,  attestée  par  un  édifice  remarquable,  l'église  de  la  Transfiguration  de 
Notre  Sauveur,  construite  au  xive  siècle,  à  Nowgorod-la-Grande,  en  Fin- 
lande. Le  plan  en  est  byzantin,  les  parties  supérieures,  ou  du  moins  la 
toiture,  en  sont  établies  sur  le  mode  russe  proprement  dit  ;  l'ornementation 
est  romane.  A  quoi  M.  Soultanoff  attribue-t-il  cette  dernière  influence  ? 
Aux  rapports  de  commerce  existant,  à  cette  époque,  entre  la  Finlande  et 
les  villes  hanséatiques  :  grâce  à  ces  rapports,  les  ouvriers  allemands  étaient 
venus  exercer  leur  art  à  Nowgorod. 

C'est  au  xiie  siècle  qu'a  commencé  à  s'affirmer  la  personnalité  de  l'art 
russe.  Les  caractères  du  style  nouveau  se  manifestent  dans  la  cathédrale  de 
Saint-Démétrius,  à  Vladimir,  sur  la  Kliazma,  dans  le  gouvernement  de  Vladi- 
mir. Le  plan  du  monument  est  encore  byzantin  ;  mais  ce  qui  est  bien  russe, 
c'est  la  grande  hauteur  attribuée  aux  travées  de  la  façade,  relativement  à 
leur  largeur,  les  proportions  également  plus  sveltes  données  au  tambour 
et  l'étroitesse  des  fenêtres,  cette  dernière  condition  paraissant  imposée  par 
le  climat.  Il  en  résulte,  pour  l'ensemble,  une  physionomie  élancée,  qui 
contraste  vivement  avec  les  proportions  plus  lourdes  de  l'architecture 
byzantine  ;  c'est  la  prédominance  de  l'élément  vertical  sur  l'élément  hori- 
zontal. Dans  ce  même  édifice,  la  décoration  sculptée  est  lombarde  et 
romane,  ce  qui  s'explique  par  la  participation  d'artisans  occidentaux, 
italiens  et  autres,  à  l'achèvement  de  l'œuvre,  participation  certaine,  les' 
annales  russes  attestant  la  présence  de  ces  ouvriers. 

*  * 

Au  xiiie  siècle,  un  voile  de  crêpe  s'étendit  sur  toute  la  Russie  ;  l'inva- 
sion tartare,  arrêtée  seulement  non   loin   de  Nowgorod   par  les  épaisses 


—    141   — 

forêts  marécageuses  qui  défendaient  les  abords  de  cette  cité,  la  couvrit  de 
ruines. 

Le  siècle  suivant  vit  éclore  ce  que  l'on  pourrait  appeler  une  époque  de 
Renaissance  pour  la  construction  monumentale,  et  c'est  à  cette  époque  que 
se  constitue,  en  Russie,  un  art  vraiment  national.  Le  développement  de 
cet  art  se  manifeste,  notamment,  à  la  fin  du  xv«  siècle,  par  l'édification,  — 
sous  les  ordres  de  l'architecte  italien  Fioraventi,  —  de  la  cathédrale  de 
VAssomptioUf  et  sur  le  modèle  à  la  fois  byzantin  et  russe  fourni  par  les 
édifices  de  Vladimir.  Enfin,  aux  xvi^  et  xviie  siècles,  l'architecture  origi- 
nale moscovite  atteint  son  apogée. 


Les  éléments  byzantins,  musulmans,  et  surtout  les  formes  tirées  de  la 
construction  slave  en  bois,  se  rencontrent  dans  les  monuments  de  cette 
époque.  Citons,  entre  autres,  aux  environs  de  Moscou,  l'église  du  village 
Medwio-Kovo,  qui  est  du  xvi^  siècle,  ainsi  que  la  cathédrale  de  Basile  le 
Bienheureux^  à  Moscou  même  ;  la  forme  alors  prédominante  est  \^  pyramide, 
surmontée  et  accompagnée  de  coupoles  bulbeuses. 

Dans  la  seconde  moitié  du  xvii»  siècle,  les  patriarches,  désireux  de  reve- 
nir aux  traditions  purement  byzantines,  interdisent  la  forme  pyramidale, 
particulièrement  pour  le  corps  même  de  l'édifice  ;  cette  forme  est  alors 
rejetée  hors  du  monument,  qui  se  trouve  généralement  disposé  ainsi  qu'il 
suit  :  un  plan  carré,  couvert  par  une  voûte  d'arête  ou. en  arc  de  cloître  et 
surmonté  de  cinq  coupoles  bulbeuses,  celle  du  milieu  symbolisant  Jésus- 
Christ,  et  les  autres,  plus  petites,  les  quatres  évangélistes  ;  deux  chapelles 
attenantes  au  nord  et  au  sud  et  couronnées  d'une  coupole  particulière  ; 
trois  absides  ;  unt  galerie  au  pourtour  de  plan,  et  en  avant,  absolument 
distinct  du  corps  principal,  un  clocher  surmonté  d' uuq  pyramide  à  huit  pans 
et  d'une  coupole  en  forme  de  bulbe.  L église  d'Ostankino,  près  de  Moscou, 
répond  à  ces  conditions. 

La  décadence  arrive  avec  la  fin  du  xvii®  siècle  et  le  commencement  du 
xviii®.  Les  formes  générales  reproduisent,  en  pierre  ou  en  brique,  celles 
tirées  de  l'architecture  en  bois  ;  mais  l'ornementation,  imitée  du  style  baro- 
que, est  due  à  l'influence  provenant  de  Pologne  et  de  l'Allemagne  cen- 
trale. La  chapelle  de  l'hôtel  du  comte  Chérométief  à  Moscou,  l'église  du 
village  F/7;,  aux  environs  de  la  même  ville,  appartiennent  à   cette   époque. 

A  partir  de  Pierre-le-Grand,  c'est  l'art  occidental  européen  qui  prédo- 
mine, il  n'y  a  plus  d'art  personnel  russe. 


—    142    — 

PHÉNICIE 

On  se  rappelle  sans  doute  que,  pendant  le  voyage  qu'il  fit  en  1862,  en 
Phénicie,  M.  Renan  découvrit,  aux  environs  de  l'ancienne  Tyr,  au  lieu 
appelé  Kabr-Hiram,  tombeau  de  Hiram,  un  dallage  composé  d'une  cinquan- 
taine de  mosaïques  provenant  d'une  ancienne  église  byzantine. 

Déposées  au  Louvre,  dans  la  salle  du  manège,  ces  mosaïques  viennent 
d'être  restaurées  par  M.  Guilbert  Martin  et  vont  être  placées  dans  la  salle 
qui  précède  l'escalier  Mollien  ;  mais  le  Louvre  ne  possédant  pas  de  salle 
assez  vaste  pour  que  ce  dallage,  qui  se  compose  de  deux  travées  et  d'un 
rnotif  central  relié  aux  travées  par  deux  dessins  importants,  puisse  être 
reconstitué  dans  son  intégralité,  on  a  décidé  de  disposer  sur  le  sol  de  la 
salle  qui  précède  l'escalier  Mollien,  les  travées  et  le  motif  central  ;  quant 
aux  deux  motifs  qui  servent  de  raccordement,  ils  seront  posés  le  long  des 
murs  de  la  salle. 


PROCÈS-VERBAUX  DES  SEANCES 


Séance   mensuelle  du  mardi  7  octobre   1890. 

Présidence  ^  M.  G.  Cumont,  vice-président  '. 


a  séance  est  ouverte  à  8  heures  du  soir. 

Correspondance.  —  MM.  Besier,  L.  Bouland,  C.  Goflfaerts,  le  général 
Henrard  et  le  général  Wauvermans  remercient  pour  leur  nomination  res- 
pective comme  membres  honoraire  et  effectifs. 

Trente-six  membres  sont  présents  ^.  Le  procés-verbal  de  la  dernière 
séance  est  adopté. 

MM.  Van  der  Linden  et  De  Keyser  remercient  la  Société  des  félicitations 
qu'elle  leur  a  adressées  à  l'occasion  de  leur  nomination  dans  l'ordre  de 
Léopold. 

Congrès  de  1891.  —  M.  le  secrétaire  général  fait  savoir  à  l'assemblée 
que  le  bureau  a  élaboré  un  projet  provisoire  d'organisation,  et  qu'il  a  déjà 
reçu  la  promesse  de  participation  de  la  Société  centrale  d'architecture  de 
Belgique  et  de  la  Société  belge  de  géologie,  de  paléontologie  et  d'hydro- 
logie. 

Excursion.  —  M.  le  secrétaire  général  propose  qu'au  lieu  de  l'excur- 
sion à  Dicst  et  à  Léau,  la  Société  visite  les  églises  de  Dieghem,  de  Saven- 
them,  de  Winxele  et  d'Herent  {Adopté.) 

^  Prennent  place  au  bureau  :  MM.  Cumont,  vice-président;  Combaz  et  Destrée, 
conseillers  ;  P.  Saintenoy,  secrétaire  général  ;  baron  de  Loc  et  de  Raadt,  secrétaires  ; 
de  Schryver,  conservateur  des  collections. 

2  Ont  signé  la  liste  de  présence  :  MM.  de  Schodt,  F.  Heetveld,  C.  Heetveld,  de 
Behault  de  ûornon,  Joly,  A.  Van  dèr  Rit,  Ppils,  Puttaert,  E.  Catteaux,  Lavalette, 
Schweisthal,  L.  Titz,  Michaux,  Petit,  -Dens^  Van  Elven,  Van  der  Smissen,  Mahy 
de  Proft,  Lopez  Mendez,  Dillens,  Nèse,  van  Malderghem,  Muls,  Delevoy,  Coen- 
raets,  comte  de  Nahuys,  Paulus  et  De  Keyser. 


-    144  — 

Exposition.  —  A.  D'antiquités  préhistoriques  ou  précolombiennes  pro- 
venant d'anciennes  sépultures  indiennes  de  la  province  d'Antioquia 
(Colombie),  offertes  par  M.  Charles  Patin. 

B.  De  photographies  des  monuments  visités  par  le  congrès  archéolo- 
gique de  France  (Corréze  et  Lot.) 

Communications . 

Le  TRIPTYQUE  d'Ambierle,  PRÈS  RoANNE.  —  M.  Destrée  prend  date  pour 
un  travail  sur  le  triptyque  d'Ambierle,  près  de  Roanne,  dont  il  expose  plu- 
sieurs photographies. 

M.  E.  Jeannez  a  cru  pouvoir  restituer  les  peintures  des  Volets  à  Roger 
Van  der  Weyden.  Il  est  de  fait  que  Michel  de  Changy,  qui  a  légué  cette 
oeuvre  au  prieuré  d'Ambierle,  avait  séjourné  à  Bruxelles  et  avait  été  en 
relation  avec  le  célèbre  artiste. 

QjLiant  à  la  partie  plastique  du  retable,  M.  Destrée  fait  observer  qu'elle 
a  tous  les  caractères  de  la  sculpture  bruxelloise.  Il  établit  cette  assertion 
au  moyen  de  photographies  reproduisant  des  hauts-reliefs  existant  au 
Musée  royal  d'antiquités  et  dont  la  provenance  bruxelloise  ne  peut  être  mise 
en  doute. 

Notre  confrère  expose  aussi  des  photographies  représentant  le  rétable 
de  Saluce  dans  son  ensemble.  M.  Destrée,  revenant  sur  une  précédente 
communication,  dit  qu'on  ne  peut  mettre  en  doute  la  provenance  bruxel- 
loise de  ce  monument,  car  il  porte  la  marque  BRUESEL,  plusieurs  fois 
répétée.  Dès  lors,  l'objection  qui  avait  été  faite  en  la  séance  du  mois  de  juin, 
touchant  le  peu  de  fondement  de  certaines  restitutions,  tombe  d'elle-même. 

Le  Congrès  archéologique  de  France,  Brive  (Corrèze).  -^  M.  le  baron 
de  Loë  présente  un  rapport  sur  ce  Congrès. 

Le  Congrès  archéologique  de  Liège.  —  M.  P.  Saintenoy  rend  compte  de 
ce  Congrès. 

Le  préhistorique  de  la  Colombie.  —  Sous  ce  titre,  M.  le  baron  de  Loë 
présente  à  l'assemblée  les  objets  mentionnés  ci-dessus. 

Les  silex  mesviniens  datent-ils  d'une  époque  antérieure  a  l'industrie 
CHELLÉENNE  ?  —  M.  P.  Saintenoy  lit  un  travail  de  M.  de  Munck  contenant 
l'exposé  de  découvertes  récentes  et  répondant  affirmativement  à  la 
question. 

La  séance  est  levée  à  9  3/4  heures. 


LES  SILEX  MESVINIENS 


DATENT-ILS 


d'une  époque  antérieure  à  l'industrie  acheuléenne? 


Messieurs, 


jotre  excellent  confrère,  M.  Rutot,  vous  ayant  exposé 
déjà  Thistorique  de  cette  question  intéressante  *  qui  fît 
Il  l'objet  de  longues  discussions  au  Congrès  de  Liège,  je 
ne  vous  communiquerai,  aujourd'hui,  que  les  résultats  de  mes 
observations  nouvelles  sur  les  restes  de  ces  industries  antiques, 
ainsi  que  sur  les  terrains  qui  les  renferment.  Toutefois,  afin  de 
ne  pas  faire  double  emploi  avec  le  rapport  de  ce  congrès  qui  rela- 
tera surtout  des  faits  géologiques,  je  ne  vous  donnerai,  ci-après, 
sous  forme  de  légende  accompagnée  d'une  coupe  idéale,  que  le 
résumé  des  observations  géologico-archéologiques  qu'il  m'a  été 
donné  de  faire,  depuis  1889,  dans  la  région  d'Havré-Saint-Sym- 
phorien-Spiennes,  devenue  la  terre  classique  de  l'archéologie 
préhistorique  hcnnuyère.  Puissent  ces  quelques  lignes  répondre 


1  Vo!r  annales  Je  la  Soc.  d'Archéol.  de  Brux.,  t.  IV,  p.  481. 


10 


—  146  — 

au  vœu  qui  m'a  été  exprimé  par  quelques-uns  d'entre  vouSj 
désireux  de  retrouver,  dans  nos  Annales,  les  traces  d'une  ques- 
tion importante  dans  laquelle  rarchéologie  a  tant  à  voir. 


Coupe  idéale  montrant  la  superposition  des  différentes  assises  du  terrain  quaternaire 
de  la  région  d'Havré-Saint-Symphorien-Spiennes. 


LEGENDE  : 


E.  —  Sable  jaunâtre  non  Stratifié,  d'origine  éolienne,  formant, 
en  certains  points  du  territoire  d'Havre,  de  véritables  dunes.  Ces 
sables  se  trouvent  à  un  même  niveau  stratigraphique  que  le 
limon  jaune  hesbayen  ou  terre  à  brique,  développé  dans  la  plus 
grande  partie  de  la  région.  J'ai  découvert  de  nombreux  silex 
taillés  néolithiques,  —  percuteurs,  nuclei,  couteaux,  haches  taillées 
et  polies,  racloirs,  débris  de  la  taille,  etc.,  ainsi  que-  des  anti- 
quités belgo-romaines,  —  vers  la  surface  du  sable  éolien  et  du 
limon  hesbayen  de  la  région  d'Havré-Saint-Symphorien-Spiennes. 

Quant  à  Tâge  géologique  et  archéologique  de  ces  sables  et 
limons,  il  est  postérieur  à  celui  des  dépôts  quaternaires  renfer- 
mant des  restes  d'espèces  éteintes,  tels  que  le  mammouth  et  le 
rhinocéros  à  narines  cloisonnées,  associés  à  ceux  de  l'homme  et 
de  l'industrie  la  plus  ancienne  que  l'on  avait  signalée  jusqu'ici, 
avec  certitude. 


Fig.  I.  etFig.  2.  —  Silex  taillés  recueillis  dans  le  dépôt  caillouteux  D'.  —  Havre 
(Champs  -Elysées)  et  Spiennes  (exploitations  de  M.  Helin). 


—  148  — 

D''.  —  Limon  sableux  stratifié  plus  ou  moins  glauconifère,  sur- 
tout vers  la  base. 

D'.  —  Dépôt  de  cailloux  roulés,  considéré  anciennement  comme 
formant  la  base  du  terrain  quaternaire.  J'ai  recueilli  à  ce  niveau 
des  ossements  de  Velephas  primigenhis^  du  rhinocéros  tichorhinus 
et  du  bos  prhnigenius ,  ainsi  que  des  silex  taillés  des  types  chel- 
léens  et  moustériens,  admirablement  travaillés  et  attestant  une 
civilisation  primitive  mais  relativement  avancée,  (fig.  i  et  2.) 

O"^ .  —  Sable  jaunâtre  stratifié. 

çjfi ^  —  Terre  brune,  noirâtre,  paraissant  représenter  un 
ancien  sol  ;  j'y  ai  recueilli  de  nombreuses  dents  à^equtis  cahallus. 

Q," .  —  Sable  gris-verdâtre^  glauconifère  à  linéoles  graveleuses 
et  à  stratification  nettement  entre-croisée.  Ces  sables  renferment 
des  silex  taillés  non  roulés,  non  ébréchés  accidentellement  et  non 
patines.  La  parfaite  conservation  de  ces  silex,  sur  lesquels  Ton 
distingue  à  peine  le  lustre  qui  caractérise  presque  toujours  les 
échantillons  provenant  des  dépôts  caillouteux  quaternaires,  semble 
démontrer  qu'ils  n'ont  pas  même  été  charriés  avec  les  sables 
qui  les  renferment.  Peut-être  ont-ils  été  perdus  ou  abandonnés  par 
l'homme  durant  les  périodes  d'émersion  des  terrains  dans  lesquels 
on  les  retrouve  *. 

ÇJ ,  ■—  Lentilles  de  sable  gris  fin  et  homogène  avec  silex  taillés 
semblables  à  ceux  de  la  couche  QJ' ,  A  en  juger  par  les  nombreux 
échantillons  que  j'ai  recueillis  jusqu'ici  et  classés  soigneusement 
suivant  les  divers  niveaux  d'où  ils  proviennent,  les  armes  et  les 
outils  des  couches  C  et  Q!'  semblent  marquer,  au  point  de 
vue  purement  industriel,  une  transition  entre  le  type  mesvinien 
primitif  et  grossier  et  les  beaux  types  chelléens  et  moustériens. 

B.  —  Dépôt  de  cailloux  fortement  roulés  et  ébréchés,  entre- 
mêlés de  sable  gris-verdâtre  glauconifère.  Nombreux  silex  taillés 
du  type  dit  mesvinien  :  simples  éclats  à  plan  de  frappe,  à  con- 
coïde  et  à  esquillement  de  percussion,  éclats  à  plan  de  frappe, 
esquillement  et  concoïde  de  percussion  en  creux  et  en  relief 
(fig.  3),  blocs  de  silex  de  forme  discoïde  et  plus  ou  moins  taillés 

1  C'est  là  une  simple  hypothèse.  De  son  côté,  mon  confrère  M.  Jean  Houzeau 
de  Lehaie  me  fait  observer  que  ces  silex  non  roulés  pourraient  s'être  déposés  au 
fond  des  eaux  quaternaires  au-dessus  desquelles  ils  auraient  été  amenés,  soit  par 
des  glaçons,  soit  par  des  racines  d'arlres  flottants. 


149 


sur  deux  faces.  Cette  sorte  crarme  ou  d'instrument  grossier  se 
répète  assez  souvent  et  pourrait  être  considéré  comme  caracté- 
risant le  mesvinien  (fîg.  4). 


Fig.  3.  —  Éclat  allongé  ou  lame  ayant  servi  à  trancher  ou  à  racler.  Nombreux 
éclatements  ou  traces  d'usage  sur  les  bords  tranchants;  en  haut,  vers  le  plan  de 
frappe,  se  voient  deux  concoïdcs  en  creux.  La  face  postérieure  non  représentée 
offre  un  beau  concoïde  en  relief  s'étendant  à  partir  du  plan  de  frappe  bien 
apparent  jusqu'au  bas  de  la  lame.  Spiennes  (exploitation  de  M.  Hélin). 

Tous  ces  silex,  que  j'ai  recueillis  à  un  niveau  stratigraphique 
bien  défini  et  inférieur  à  celui  du  dépôt  caillouteux  D',  présentent 
les  traces  d'un  travail  des  plus  rudimentaires.  Les  masses  de  forme 
discoïde  elles-mêmes,  oui  semblent  avoir  servi  à  trancher  et  à 
frapper  pour  fracturer,  n'annoncent  que  très  vaguement  l'appa- 
rition de  la  hache  amygdaloïde  acheuléenne  qui,  dans  la  région 
explorée,  ne  s'est  jusqu'ici  rencontrée  que  dans  la  couche  D'. 


-    I50  — 

Des  découvertes  d'ossements  permettront  peut-être,  un  jour, 
de  distinguer,  au  point  de  vue  paléontologique,  le  Mesvinien  du 
Chelléen.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  un  fait  bien  acquis,  me  semble- 
t-il,  c'est  que,  dans  les  bas  niveaux  du  bassin  d'Havré-Saint-Sym- 
phorien-Spiennes,  il  se  trouve,  sous  le  dépôt  caillouteux  à  osse- 
ments du  mammouth  et  à  silex  acheuléens  et  moustériens,   des 


Fig.  4.  —  Silex  taillé  de  forme  discoïde.  La  face  antérieure  est  presque-  totalement 
taillée  et  ne  laisse  voir,  au  centre,  qu'une  petite  partie  de  la  croûte  du  galet  dont 
il  a  été  fabriqué.  Sur  la  face  postérieure  non  représentée,  cette  croûte  est  plus 
étendue  et  montre  à  l'évidence,  par  sa  nature,  que  le  galet  dont  s'est  servi 
l'homme  préhistorique  pour  la  fabrication  de  son  outil  provient  de  la  base  du 
Landénien  glauconifère  marin,  resté  en  place  ou  remanié  à  l'époque  quaternaire. 
(Voir  dans  la  coupe  et  dans  la  légende  :  2^  et  2».) 


couches  stratifiées  sableuses  et  graveleuses,  ayant  pour  base  un 
dépôt  caillouteux  bien  déterminé  et  ne  renfermant  que  des  silex 
très  grossièrement  taillés  à  grands  éclats,  représentant  l'industrie 
la  plus  antique  et  la  plus  rudimentaire  que  l'on  ait  découverte 
jusqu'ici  en  Belgique. 


—  151  — 

A.  —  Sable  vert  glauconifère  remanié,  renfermant  des  spon- 
giaires altérés,  des  grains  de  quartz,  des  blocs  de  silex  à  croûte 
blanche  disséminés  dans  la  masse^  ainsi  que  des  silex  éclatés  et 
ébréchés  accidentellement,  plus  spécialement  vers  la  base.  Ce 
sont  ces  silex  que  Ton  avait  attribués  à  Thomme  tertiaire.  Non 
seulement  j'ai  démontré  à  la  Société  d'Anthropologie  et  à  la 
Société  d'Archéologie  que  la  couche  A  n'était  pas  du  Landénien 
marin  *,  mais  que  les  silex  qui  y  ont  été  découverts  offrent  des 
caractères  de  taille  accidentelle  inférieurs  à  ceux  observés  sur 
des  échantillons  qu'il  m'a  été  donné  de  recueillir  dans  le  lit  d'un 
torrent  où  des  entre-choquements,  répétés  sur  des  blocs  main- 
tenus au  fond  de  ce  lit,  avaient  produit  des  éclats  à  concoïde  de 
percussion,  disposés  d'un  même  côté  ^. 

2^.  —  Sable  vert  noirâtre,  glauconifère,  landénien  marin,  que 
j'ai  décrit  dans  un  récent  travail  présenté  à  la  Société  belge  de 
géologie  ^. 

2^.  —  Conglomérat  de  galets  verdis  formant  la  base  du  landé- 
nien marin. 

1°.  —  Tufeau  de  Saint-Symphorien. 

Le  phosphate  riche  (i^)  ne  s'est,  en  général,  développé  dans  la 
région  que  sur  la  craie  brune  ;  toutefois,  M.  J.  Houzeau  de  Lehaie 
et  moi  en  avons  découvert  récemment,  disposé  en  poches,  à 
la  surface  du  tufeau  ^. 

i^.  —  Craie  brune  phosphatée. 

Il  résulte  des  observations  dont  je  viens  de  vous  donner  le 
résumé  sous  forme  de  coupe  et  de  légende  que  l'on  possède  main- 

^  Sur  rdge  des  silex  éclatés  et  ébréchés  recueillis  à  Havre  et  Saint-Symphorien  dans  les 
sables  ^lauconifèî'es  inférieurs  au  limon  stratifié  quaternaire.  —  Tome  VIII  du  Bulletin 
de  la  Société  d'anthropologie  de  Bruxelles. 

2  Observations  nouvelles  sur  la  taille  accidentelle  des  roches  (résumé). —  Tome  VIII 
du  bull.  de  la  Soc.  d'anth.  de  Brux. 

3  Note  sur  les  formations  quaternaires  et  éoliennes  des  environs  de  Mous.  —  Tome  IV 
du  Bull,  de  la  Soc.  belge  de  géologie. 

'*  Nous  ne  serions  pas  éloigné  de  croire  que  ce  phosphate,  disposé  au-dessus  du 
tufeau,  doive  son  origine  à  la  transformation  du  dépôt  de  craie  brune  phosphatée 
qui  se  serait  effectuée  sous  l'action  des  courants  à  l'époque  quaternaire.  Les  courants 
de  cette  époque  ont  du  reste  raviné  la  craie  phosphatée  que  l'on  retrouve  en  place 
dans  le  voisinage. 


—  152  — 

tenant,  dans  le  bassin  de  Mons,  des  couches  mesviniennes  bien 
définies,  u  Un  mesvinien  tangible  sur  lequel  on  peut  discuter  et 
concentrer  les  efforts  des  chercheurs  »  ainsi  que  l'a  dit  M.  Rutot 
dans  son  remarquable  rapport  sur  les  travaux  de  la  première 
section  du  Congrès  de  Liège. 

En  supposant  même  que  les  découvertes  futures  viennent 
démontrer  que  la  faune  du  Mesvinien  ne  diffère  pas  de  celle  du 
diluvium  ou  du  dépôt  caillouteux  à  silex  acheuléens  et  moustériens, 
il  faudra  dans  tous  les  cas  admettre  que  les  débris  de  l'industrie 
mesvinienne /wr^,  ne  se  retrouvent  qu'à  un  niveau  géologique 
inférieur,  et  plus  ancien,  par  conséquent,  que  le  dépôt  caillouteux, 
considéré  jusqu'ici  comme  formant  la  base  du  quaternaire  dans 
la  région  de  Mons. 

En  terminant  cet  exposé^  je  me  fais  un  devoir  de  remercier 
M.  Plichart,  le  sympathique  directeur  des  exploitations  de 
M.  Hélin,  pour  l'obligeance  avec  laquelle  il  a  facilité  mes  re- 
cherches sur  le  terrain. 

Emile  de  Munck. 


Séance  mensuelle  du  mardi  4  novembre  I890. 


Présidence  de  M.  le  comte  F.  van  der  Straten-Ponthoz,  président 


a  séance  est  ouverte  à  8  heures. 


Quarante-trois  membres  sont  présents  ^. 

M.  le  secrétaire  général  donne  lecture  du  procès-verbal  de  la  dernière 
séance.  {Adopté.) 

Correspondance.  —  La  Commission  administrative  des  Hospices  civils 
d'Ixelles  fait  connaître  qu'elle  a  transmis  à  l'administration  communale 
d'Ixelles  notre  demande  au  sujet  du  règlement  des  frais  résultant  des 
fouilles  faites  à  Anderlecht. 

M.  Van  Bastelaer  remercie  pour  les  félicitations  qui  lui  ont  été  adressées 
à  l'occasion  de  sa  promotion  dans  l'ordre  de  Léopold. 

M.  le  baron  de  Loë  lit  une  lettre  de  M.  le  comte  Goblet  d'Alviella,  con- 
tenant d'intéressants  renseignements  sur  une  tombelle  dite  Mofte  de  la  Belle- 
Alliance,  située  à  la  limite  des  communes  de  Court-Saint-Etienne  et  de 
Bousval. 

Dons  et  envois  reçus.  —  M.  le  comte  van  der  Straten-Ponthoz.  — 
Hache  à  douille  de  l'époque  du  bronze,  provenant  de  la  Bretagne.  (Château 
de  M.  le  comte  de  Lambyllie.) 


1  Ont  pris  place  au  bureau  ;  MM.  le  comte  van  der  Straten-Ponthoz,  Destrée, 
P.  Combaz,  P.  Saintenoy,  baron  de  Loë,  de  Raadt,  Plisnier,  Paris  et  De  Schryver. 

2  Ont  signé  la  liste  de  présence  :  MM.  E.  Baes,  C.-A.  Serrure, vicomte  Desmaisières, 
Puttacrt,  comte  de  Nahuys,  de  Behault  de  Dornon,  Schweisthal,  De  Proft,  Dens, 
De  Passe,  Lavalette,  Delevoy,  Titz,  Michaux,  Lefèvre,  Rutot,  De  Schodt,  Van  Ha- 
vermaet,  Lopez  Mendez,  Mève,  Weckesser,  G.  Saintenoy,  Muls,  J.  Petit,  De  Beys, 
Buysschaert,  Nicod,  Chrbaut,  Dillens,  Diericx  de  Ten  Hamme,  Donny,  Ranschyn, 
Van  der  Linden  et  Aubry. 


—   154   — 

M.  Casse.  —  Plusieurs  bombes  trouvées  dans  les  fouilles  de  Nieuport, 

M.  le  comte  Goblet  d'Alviella.  —  Photographie,  prise  par  lui,  de  la 
Moile  de  la  Belle- Alliance. 

M.  le  baron  de  Loë.  —  Jeton  en  bronze  destiné  à  rappeler  le  Congrès 
<ie  Brive  (Corrèze.) 

M.  Delevoy.  —  Un  boulet  (?)  provenant  du  château  de  Gaesbeek. 

Elections  de  membres.  —  MM.  J.  De  Becker,  G.  De  Cock-Rutsaert, 
J.  Peeters,  L.  Schaeken,  F.  Tihon,  L.  Van  Hassel  et  H.  Van  Hoof,  sont 
nommés  membres  effectifs. 

Exposition.  —  Fac-similé  d'un  reliquaire  du  xii«  siècle,  exécuté  par 
M.  Wilmotte  (M.  Destrée.) 

Photographies  de  Dieghem,  Saventhem,  Winxele  et  Herent  (nouvelles 
épreuves  de  la  collection  photographique  de  la  Société.) 

Miniature  exécutée  par  Simon  Boening  (1530)  (M.  Destrée.) 

Communications. 

Rapport  sur  les  sondages  exécutés  au  Senéca-berg  de  Borght-lez-Vil- 
voRDE.  —  M.  le  baron  de  Loë  communique  à  l'assemblée  le  résultat  de 
ceux-ci  et  conclut  à  l'opportunité  d'y  pratiquer  des  fouilles  méthodiques. 

Remarques  sur  l'architecture  anglaise  du  moyen  âge  et  de  la  renais- 
sance. —  M.  P.  Saintenoy  donne  lecture  d'un  travail  portant  ce  titre  et 
fait  circuler  de  nombreuses  photographies  de  monuments  anglais. 

Abandonnons  l'art  architectural  de  l'époque  saxonne  ;  ce  qui  en  reste 
n'est  réellement  pas  assez  capital.  Nous  ne  pourrions  d'ailleurs,  dit-il,  en 
parler  avec  compétence,  n'ayant  pas  eu  occasion  d'en  voir  un  spécimen  im- 
portant. Nous  ne  le  regrettons  guère,  car  la  lour  d'Eaiis  Baiioii  church  1,  citée 
comme  vestige  notable  de  ces  temps  reculés,  ne  présente  qu'un  exemple 
d'art  de  décadence  ou  plutôt  de  tâtonnements.  Il  en  est  de  même  de  la  tour 
de  Téghse  Saint-Benedict  à  Cambridge  ^  que  nous  avons  vue  et  qui  ne 
présente  d'intéressant  qu'un  arc  ^  d'une  construction  curieuse,  mais  gros- 
sière, placé  sous  le  clocher.  La  vieille  tour  d'éghse  dQ  Dover-Caslle,  qu'il  nous 
a  été  donné  devoir  également,  est  peu  importante  pour  l'histoire  de  l'art. 
Elle  est  attribuée  à  l'époque  romaine,  mais  fut  fondée  vraisemblablement 
par  Eadbald,  roi  de  Kent,  dans  la  première  moitié  du  vii^  siècle.  (H. 
Bloxam,  Die  Mittelalterliche  Kirchen-Baukunst  in  England.  Leipsick,  1847,  p.  54, 

pi.  m.) 

Il  est  pourtant  possible  que  les  dévastations  commises  par  les  Danois, 

1  S.  T.  H.  Parkes,  Sluày  in  Gothic  Architecture.  London,  Winsor  and  Newton, 
1885,  p.  13. 

2  G.  M.  Humphry.  m.  D.  ;   F.  R.  S.  Guide  to  Cambridge.  Cambridge,  Spalding, 


i86,  p.  37. 

3  S.  T.  H.  Parkes,  op.  cit.,  p.  15. 


—  155  — 

.  ixe  siècle,  aient  fait  disparaître  des  monuments  intéressants.  Il  est  en 
effet  rapporté  par  Bède  le  Vénérable  que  des  constructeurs  étrangers 
furent  appelés  au  vii'^  siècle  (680)  par  Tévêque  Benedict,  généreux  protec- 


au 


Cathédrale  de  Canterbury  ;  abside  (xin*^  s.)  ^. 

^  Les  clichés  de  ce  résumé  nous  ont  été  obligeamment  prêtés  par  l'Émulation, 
organe  de  la  Société  centrale  d'Architecture  de  Belgique  ;  le  travail  de  M.  Saintenoy 
a  été  publié  in  extenso  par  cette  revue  dans  ses  numéros  2  et  3,  1891,  tome  XVI.  — 
E.  Lyon-Claesen,  éditeur,  Bruxelles.  (Note  de  la  Rédaction). 


-  15^   - 

teur  des  arts,  pour  élever  des  églises  en  pierre  «  dans  la  manière  des 
Romains  »  (in  the  Roman  manner)  ^,  au  monastère  de  Jarrow  2  et  à  l'ab- 
baye de  Monk-Wearmouth  ^. 

Cette  expression  était  d'ailleurs  commune  pour  désigner  tout  ouvrage 
en  maçonnerie,  puisqu'au  commencement  du  vi®  siècle  Cassiodore  I^"^,  mi- 
nistre de  Théodoric,  recommande  que  dans  les  constructions  nouvelles,  la 
splendeur  de  \^ fabrique  romaine  ne  soit  point  laissée  en  oubli;  ce  qui,  d'après 
les  prescriptions  du  même  auteur,  s'applique  aux  constructions  en  maçon- 
nerie, par  opposition,  sans  doute,  à  celles  en  bois  ^. 

Ces  monuments  étaient  peut-être  plus  intéressants  que  les  rares  vestiges 
qui  nous  restent  de  ces  époques  reculées. 

Cependant,  dès  lors,  l'architecture  avait,  au  pays  des  Angles,  un  carac- 
tère spécial  qui  rend  les  monuments  de  cet  âge  très  différents  de  ceux  du 
continent.  Cela  s'explique  d'ailleurs  facilement  si  l'on  songe  que  les 
Romains  n'ont  laissé  là-bas  que  peu  de  monuments  importants  et  que  les 
fragments  de  sculpture  que  l'on  trouve  dans  les  ruines  de  ceux-ci  sont  en 
nombre  minime. 

Les  artistes  anglais  du  haut  moyen  âge  n'avaient  donc  pas  là  d'exemples 
à  imiter,  comme  c'était  le  cas  de  leurs  contemporains  des  contrées  plus  mé- 
ridionales ;  livrés  à  eux-mêmes,  obligés  de  puiser  dans  leurs  traditions 
artistiques,  ils  produisirent  par  conséquent  des  monuments  empreints  de 
leur  génie  propre.  C'est  ce  qui  explique  le  caractère  spécial  des  monuments 
dits  saxons. 

Après  la  conquête  (1066),  les  Normands,  qui  élevaient  des  monuments 
si  remarquables  dans  la  vallée  de  la  Seine,  apportèrent  en  Albion  une  ar- 
chitecture toute  formée,  sure  d'elle-même,  possédant  une  technique  et  des 
formules  acquises  par  une  expérience  déjà  longue  de  l'art  de  bâtir. 

<c  Ce  ne  fut  point  —  dit  avec  raison  M.  Vitet  dans  son  excellent  mé- 
«  moire  sur  rart  du  moyen  âge  en  Angleterre  —  par  une  imitation  lente  et 
«  successive  que  la  grande  architecture  du  xi^  siècle  prit  naissance  en  An- 
ce  gleterre  ;  ce  fut  par  une  véritable  transplantation.  Les  Normands  y 
«  port;rent  leurs  cathédrales  pour  ainsi  dire  toutes  bâties,  comme  Le 
«  Nôtre  plantait  sur  là  terrasse  de  Marly  les  grands  arbres  de  la  forêt  ^.  » 

Toutes  ces  églises  normandes,  —  et  elles  sont  nombreuses,  puisque  sur 

1  Ihid.y  p.  12. 

-  A  24  kilomètres  N.  E.  de  Durham,  patrie  de  Bède  le  Vénérable. 

3  A  l'embouchure  de  la  Wear,  à  l'ouest  de  Sunderland. 

^  Blavignac,  Histoire  de  V  Architecture  sacrée  du  iv«  au  x®  siècle,  dans  les  anciens  évé- 
chèsde  Genève,  Lausanne  et  Sion,  Paris,  Didron  ;  1853,  P*  8- 

^  L.  WiTET,  Études  sur  V histoire  de  V art.  Paris,  Michel  Lév}',  1866.  —  Deuxième 
série,  p.  271. 


—  157  — 

vingt-deux  cathédrales  qu'il  y  a  en  Angleterre,  quinze  conservent  des  par- 
ties considérables  de  ce  style  —  sont  remarquables  par  un  sentiment  de 
grandeur  qui  se  retrouve  d'ailleurs  dans  les  églises  de  Normandie.  On  di- 
rait que  le  vainqueur  a  voulu  étonner  et  saisir  les  populations  anglo- 
saxonnes  par  un  faste  et  un  luxe  grandioses,  suivant  en  cela  les  traditions 


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Cathédrale  d'Ely  ;  façade  principale  (xu"  s.) 


des  Romains,  dont  c'était  là  une  des  régies  de  conduite  à  l'égard  des  peuples 
conquis. 

Cette  ressemblance  de  la  cathédrale  anglaise  avec  sa  sœur  française 
n'est  pas  absolue  pourtant,  car  il  s'est  produit,  après  la  conquête,  un  hit 
prouvé  pas  mal  de  fois  :  le  vainqueur  apportant  son  art  dans  le  pays  coa- 


-  158  - 

quis,  le  voit  s'imprcgncr  petit  à  petit  de  l'art  du  vaincu.  C'est  ainsi  qu'on 
peut  suivre  cette  sûre  conquête  du  génie  normand  par  les  principes  d'art 
saxon,  conquête  qui  a  produit,  dés  le  milieu  du  xii®  siècle,  une  école  d'art 
se  rapprochant  encore  de  l'art  du  xii®  siècle  des  Gaules,  mais  ayant  avec 
celui-ci  des  caractères  bien  autrement  tranchés  que,  par  exemple,  l'art 
gothique  primitif  allemand  avec  son  congénère  français. 

Prenons  un  exemple:  la  façade  de  la  cathédrale  d'Ely  date  de  1174  à 
1197  ;  comparons-la  avec  la  façade  d'une  éghse  normande  contemporaine, 
l'église  de  l'abbaye  aux  hommes  à  Caen  ou  l'église  abbatiale  de  Saint- 
Georges  de  Boscherville,  et  de  suite  nous  suivrons  l'énorme  marche  des 
constructeurs  anglo-normands,  dans  le  sens  de  la  personnalité  de  leur 
art. 

Tandis  que  le  parti  pris  général  des  nefs  reste  sensiblement  le  même 
dans  ces  édifices,  que  leurs  absides  restent  hémisphériques,  qu'ils  sont 
ornés  d'une  tour  centrale,  les  élévations  deviennent  différentes  ;  à  mesure 
que  le  Normand  de  France  accuse  l'acuité  de  ses  toitures,  faisant  présager 
les  flèches  ogivales,  l'Anglo-Normand  abaisse  les  siennes.  L'un  voulant 
saisir  par  la  silhouette,  l'autre  par  ses  masses.  Les  façades  principales  des 
premiers  sont  curieuses  de  sveltesse  de  ligne,  et  de  tendance  verticale  qui 
semble  donner  une  élévation  que  l'on  ne  retrouve  pas  chez  l'Anglo- 
Normand  ;  ici;  au  contraire,  l'usage  de  lignes  horizontales  parallèles  dans 
la  conception  générale,  la  répétition  horizontale  d'éléments  semblables 
alourdit  considérablement,  mais  saisit  par  l'ampleur  et  le  majestueux  de 
l'ensemble. 

Les  façades  occidentales  normandes  sont  ornées  de  deux  tours  couron- 
nées de  flèches  aiguës  ;  à  Ely,  au  contraire,  une  tour  unique  indique  la 
façade  principale. 

Les  toitures  mômes  sont  supprimées  sur  les  tours,  et,  en  place  de 
flèches,  une  terrasse  crénelée,  munie  de  meurtrières,  semble  rappeler  aux 
misères  de  cette  vie,  tandis  qu'en  suivant  les  lignes  des  façades  françaises, 
la  pensée  s'envole  vers  des  régions  plus  éthérées.  C'est  là  chose  étrange 
que  de  voir  cette  même  race  normande,  conquise  en  France  par  l'i-nfluence 
méridionale,  par  le  génie  des  constructeurs  de  l'Ile  de  France,  tandis  qu'en 
Angleterre,  saisis  par  les  races  anglo-saxonnes,  les  descendants  des  preux 
compagnons  de  Guillaume  le  Bâtard  transforment  les  principes  d'art  appris 
sar  le  continent  et  parviennent,  en  moins  d'un  siècle,  à  créer  un  art  très  per- 
sonnel et  tout  aussi  impressionnant  —  s'il  est  moins  correct  —  que  celui 
qui  s*épanouit  aux  bords  fleuris  de  la  Seine,  de  Mantes  à  Jumièges. 

Cette  merveilleuse  et  maîtresse  qualité  d'assimilation  que  possédaient 
les  Normands  vient  se  prouver  par  un  troisième  exemple  tout  aussi  frap- 
pant. Nous  voulons  parler  des  édifices  bâtis  par  les  descendants  de  Guil- 


—   159  — 

laume  de  Hauteville  et  de  Robert  Guiscard  dans  leurs  conquêtes  de  l'Italie 
méridionale  et  de  la  Sicile.  Certes,  dans  tous  ces  monuments,  nous  don- 
nons une  large  part  au  génie  des  Maures  et  des  artistes  grecs  —  restes  des 


-J-'ortail  dit  de  Galilée,  à  la  cathédrale  d'Hly,  élevée  vers  121^. 


—   i6o  — 

colonies  des  Doriens,  —  mais  cela  n'empêche  pas  que  les  Normands,  en 
s'attribuant  ces  principes  artistiques,  surent  y  imprimer  le  cachet  de  leur 
personnalité.  Les  monuments  bâtis  dans  les  années  qui  suivirent  la  con- 
quête de  la  Sicile  ne  sont  pas  les  descendants  directs  de  ceux  qui  sont  an- 
térieurs à  la  descente  des  Normands  dans  l'ile. 

Nous  verrons  à  la  naissance  du  s&mi-rwnnan-styk  (fin  du  xii®  siècle), 
l'architecture  anglaise  prendre  son  essor,  sûre  d'elle-même,  et  se  diversifier 
encore  davantage. 

On  place  la  naissance  de  la  forme  ogivale  en  Angleterre  sous  le  règne 
de  Henri  II  et  de  Richard  I®%  autrement  dit  Cœur  de  Lion,  soit  de  1159 
à  1170  1. 

Cela  correspond  à  peu  près  à  la  date  de  fondation  de  la'  cathédrale  de 
Canterbury,  commencée  en  1175  et  complétée  en  1184^. 

Cependant  ces  dates  ne  sont  pas  rigoureuses. 

On  trouve  à  Hyde  Ahhey  des  exemples  d'ogives  qui  ne  peuvent  pas  être 
reportés  au  delà  de  11 34  ^.  C'est  là  un  spécimen  quelque  peu  isolé,  car  il 
faut  aller  jusqu'en  1171  pour  en  retrouver  un  second  dans  les  voûtes  éle- 
vées par  l'archevêque  Roger,  à  York  ^. 

Encore  ces  exemples  sont-ils  plutôt  de  transition,  et  nous  aimons 
mieux  dire  —  tout  en  nous  rangeant  de  l'avis  de  ceux  qui  prétendent  que 
l'art  anglais  aurait  eu  également  son  ère  ogivale,  s'il  n'y  avait  pas  eu 
importation  étrangère  —  que  le  premier  édifice  bâti  réellement  d'après 
les  principes  gothiques,  est  l'abside  de  la  cathédrale  de  Canterbury. 

Chose  bien  compréhensible  dans  ce  pays  d'élection  des  traditions 
vivaces  et  fortes,  la  transition  s'opère  comme  à  regret.  On  retrouve  ainsi 
des  ornements  romans  sur  une  architecture  ogivale,  tandis  que  des  mou- 
lures gothiques  décorent  ailleurs  des  archivoltes  en  plein  cintre. 

Raphaël  et  Arthur  Brandon  ont  signalé  ce  fait  à  Nezu-Shoreham  Cburch, 
dans  le  Sussex,  Saint-Peters-Church,  à  Orpington,  dans  le  Kent,  etc.  ^. 

L'abside  de  la  cathédrale  de  Canterbury  est  franchement  française,  et  le 
passage  de  Guillaume  de  Sens  y  est  très  nettement  accusé.  Il  y  a  imité 
l'abside  de  la  cathédrale  de  Sens  (s'il  n'est  pas  l'auteur  de  celle-ci),  et 
quoiqu'il  ait  eu  comme  successeur,  après  cinq  années,  un  maître  des 
œuvres,  William  de  nom,  Anglais  de  nation,  petit  de  corps,  mais  probe  et  habile  dans 


i  S.  T.  H.  Parkes,  Op.  cit.,  p.  11. 

2  Ihià.,  p.  37. 

3  Scottisch  EcchsiaUvcal  Architecture  ; presiàential  address  deîivered  hefore  the  Edinhur^h 
Architectural  Association.  —  Nov.  1886,  par  Hipp.  J.  Blanc.  F.  S.  A.  Scot,  The 
Brisiish  Architect,  1886,  Dec,  p.  642. 

^  Ibid.,  p.  642. 

5  R.  et  À.  Brandon,  Analysis  of  Golhic  Architecture.  London,  David  Boque,i849, 
t.  I,  p.  44. 


—  i6i  — 

toutes  sortes  d'art,  il  est  certain  que  c'est  là  un  art  importé  totalement,  et 
que  William  l'Anglais  n'a  fait  que  suivre  les  plans  de  son  éminent  confrère 
du  continent. 

On  sent  que  celui-ci  a  été  gêné  dans  sa  composition,  par  la  nécessité  de 
conserver  les  murs  extérieurs  de  l'église  romane  d'Ernulf,  et  d'asseoir  les 
piliers  de  sa  nef  sur  ceux  de  la  crypte  respectée  par  l'incendie  de  1174. 


Cathédrale  d'Ely. —  Travée  de  l'abside  rebâtie  sous  l'évêque  Norlhwold, 
de  1229  à  1254. 


Le  parti  n'est  pas  franc,  surtout  dans  l'allongement  du  chœur. 

Mais  en  laissant  tout  cela  de  côté,  il  est  indéniable  que  c'est  là  un. 
morceau  d'architecture  française  posé  en  pays  britannique  et  marquant  le 
premier  pas  d'un  art  promptement  absorbé  par  le  génie  propre  des  Anglo- 
Normands,  qui  le  transforment  et  en  font  le  Early  oiglisJ}  style. 

Bientôt  s'élèvent  le  Temple  CJmrch  à  Londres  (1185),  le  porche  de  la 
cathédrale  de  Durham  (1180-1187),  le  chœur   de  la  cathédrale  de  Lincoln 

11 


—    l62    — 

(i  192-1200),  la  cathédrale  de  Salisbury  (1220-1258),  la  façade  orientale  de 
la  cathédrale  de  Wells,  etc. 

D'après  PuGiN,  le  type  le  plus  complet  de  ce  style  est  la  cathédrale  de 
Salisbury,  que  nous  venons  de  citer. 

Plus  tard,  le  génie  normand  absorbe  absolument  les  principes  puisés  en 
France,  et  crée  un  art  entièrement  autochtone.  La  révolution  ne  s'opère 
cependant  que  par  transition. 

C'est  ainsi  que  Westminster  abbey,  commencée  en  1245,  Lincoln  cathedra!, 
terminée  en  1305,  etc.,  sont  encore  influencées  par  l'art  français.  Cet  art 
si  simple,  si  élégant,  devient  compliqué  et  surabondant.  Ses  profils  si  nets 
se  perdent  en  des  détails  superflus.  La  profusion  d'ornements,  que  nous 
avions  également  remarquée  lors  d'une  précédente  étude  sur  les  cathé- 
drales de  Normandie,  le  manque  de  «  repos  »  dans  la  composition,  font 
sentir  tous  leurs  efl"ets.  Les  réseaux  ou  fenestrages  des  verrières  se  com- 
pliquent. L'ogive,  si  belle  et  si  gracieuse,  s'abaisse  et  tend  à  former  plus 
tard  Tare  parabolique,  ou  encore  l'arc  aplati  à  quatre  centres,  connu  sous 
le  nom  d'arc  Tudor.  Les  lignes  horizontales  disparaissent  des  ensembles,  et 
les  verticales  dominent.  Les  chapiteaux  sont,  souvent,  profilés  par  des 
moulures  unies  sans  ornements. 

A  partir  du  xiv^  siècle,  l'architecture  anglaise  est  devenue  absolument 
nationale,  caractère  qu'elle  conservera  pendant  deux  siècles. 

Le  decorated  style,  surtout  en  honneur  sous  Edouard  II  et  III,  et  Richard  II 
(1307  à  1377),  et  dont  nous  venons  de  donner  les  caractéristiques,  eut 
comme  successeur  le  perpendiciiJar  style, -en  usage  fort  longtemps,  puisqu'on 
en   compte    des   exemples    depuis   Henri   IV  (1399)   jusqu'à  Henri    VIII 

(t  1547)- 

C'est  surtout  dans  ce  style  que  sont  bâties  les  cités  universitaires,  que 
nous  aurons  à  étudier  par  la  suite. 

Chose  fort  curieuse  en  ce  pays  du  brouillard  et  de  la  pluie,  les  nefs  sont 
généralement  couvertes  par  des  toitures  aplaties  comme  dans  nos  contrées, 
à  l'époque  romane.  Les  exemples  de  toitures  aiguës  sont  rares,  et  les 
créneaux  dont  sont  garnis  si  souvent  les  chéneauxdes  édifices,. même  reli- 
gieux, présentent  ainsi,  sur  un  fond  de  ciel,  la  dentelure  de  leurs  merJons. 

Cela  donne  à  tous  ces  monuments  une  apparence  militaire,  convenant 
bien  à  l'architecture  d'un  peuple  conquérant  en  pays  conquis  ;  c'est  la 
caractéristique,  d'ailleurs,  de  tout  cet  art  normand,  altéré  par  des  croise- 
ments anglo-saxons. 

Ce  qu'on  ne  trouve  que  rarement  en  Angleterre,  c'est  le  style  flam- 
boyant. 

A  partir  du  xiv^  siècle,  en  effet,  la  branche  anglo-saxonne  de  la  famille 
normande  se  sépare  totalement  du  rameau  français.   La  décadence    fut 


—  i63  — 

longue,  car  ce  n'est  guère  avant  la  seconde  moitié  du  xvii^  siècle  que  le 
style  classique  conquit  le  sol  anglais. 


Chapelle  de  King's  Collège  à  Cambridge  (in  du  xvc  siècle). 


—  164  — 

Encore,  cette  victoire  ne  devint-elle  complète  que  beaucoup  plus  tard  *. 

Tout  au  contraire,  après  le  style  Tudor  (Flon'd  English),  nous  apparaît 
VElisahetham  style,  qui  puise  largement  dans  les  traditions  nationales  anglo- 
normandes,  tout  en  faisant  part  à  l'influence  gréco-latine  par  l'emploi  de 
certaines  parties  des  ordonnances  antiques. 

Un  Italien,  le  sculpteur  Pietro  Torregiano,  de  Florence,  est  cependant 
appelé,  dès  t  512,  par  Henri  VIII,  pour  faire  à  Westminster  le  tombeau 
d'Henri  VII,  mais  cet  exemple  reste  isolé,  bien  que  Torregiano  (Petir 
Torrysany),  fît,  de  15 16  à  15 19,  un  riche  dais  ou  ciborium  {canopy)  ainsi 
qu'un  autel,  et  en  15 18,  la  tombe  de  Henri  VIII  lui-même  et  de  Catherine. 
Ce  dernier  monument,  un  quart  plus  grand  que  celui  de  Henri  VII,  lui  fut 
payé  2,000  livres  sterling,  somme  énorme  pour  l'époque  ^. 

Ce  n'est  que  beaucoup  plus  tard  que  Giovanni  di  Padua,  qui  a  proba- 
blement travaillé  à  Longleat  House  ^  et  à  Holmby,  et  Théodore  Havens 
ou  Havenius  de  Clèves,  qui  fut,  dit-on,  quoique  ce  ne  soit  point  prouvé  ^, 
l'architecte  de  h  Gâte  vf  honoiir  âu  Cajus  Collège  de  Cambridge,  introdui- 
sirent réellement  la  Renaissance  en  Angleterre. 

Havenius  travailla  à  Caj us  Collège  de  1565  à  1574  et  fit,  croit-on,  le  por- 
tique mentionné  plus  haut  en  cette  dernière  année. 

Inigo  Jones  avait  alors  deux  ans,  puisqu'il  était  né  en  1572.  A  titre  de 
comparaison,  disons  que  Vignole  était  mort  depuis  un  an  et  Palladio 
depuis  trois,  ainsi  que  Ta  fait  justement  observer  James  Fergusson  ^  pour 
montrer  que  la  Renaissance  a  été  importée  en  Angleterre  par  la  tendance 
générale  des  esprits  à  étudier  les  littératures  et  l'art  de  l'antiquité,  fait  qui 
est  général  à  toutes  les  races  germaniques. 

Cependant,  pour  adopter  une  comparaison  du  même  auteur,  il  y  a  aussi 
loin  de  Vlliade  ou  même  de  V Eue! de  au  Paradis  perdu,  que  du  Parthénon 
à  l'église  Saint-Paul  ^. 

Après  avoir  bâti  sous  Elisabeth,  Kenilworth,  Leicester  Castle  et  des 
adjonctions  à  Windsor  qui  ne  sont  qu'une  déviation  (le  mot  est  de  Fer- 
gusson)  de  l'art  britannique  ne  dénotant  pas  encore  l'art  de  Pavenir,  l'école 
d'architecture  anglaise  entre  dans  une  nouvelle  voie  avec  Inigo  Jones. 
Celiàhci  est  né,  comme  nous  l'avons  dit,  en  1572  et  mort  en  1652. 

ifERGUSSON  (James),  F.  R.  I.  B.  A.  History  of  the  modem  style  oj architecture.  L^n- 
don>  Murray,  1862. 

2  Journal  of  proceedings,  R.  I.  B.  A.  1888,  p.  102. 

3  Bâti  de  1567  à  1579  (Fergusson,  op.  cit.,  p.  250). 

*  Si  les  comptes  du  collège  renseignent  le  nom  de  Havenius,  ils.  tx<^  di^at  point  sa 
part  dans  la  construction, 
6  Fergussox,  op.  cit.,  p.  242. 
^  Ihià.,  p.  243. 


-  i65 


L'art  architectural  anglais,  confiné  depuis  la  Rétbrnie,  dans  les  travaux 
civils  et  privés,  puisque  le  catholicisme  avait  laissé  à  l'église  anglicane, 
plus  d'églises  qu'elle  n'en  avait  besoin,  reprend  vers  cette  époque  la  con- 
struction des  temples  religieux.  C'est  ainsi  qu'on  cite,  comme  un  fait 
extraordinaire,  l'érection  de  Covent  Garden  church  à  Londres,  en  1641,  par 
Inigo  Jones. 

Après  le  grand  incendie  de  1666,  Christophe  Wren  en  bâtit  en  grand 
nombre,  satellites  de  Saint-Paul,  qu'il  réédifie  également  ^. 

Avec  le  régne  de  Jacques  I"  et  sous  l'influence  de  ces  idées  nouvelles 
naît  l'architecture  connue  sous  le  nom  de  Jacohean  style. 

Celui-ci  se  fait  naturellement  remarquer  par  une  grande  prépondérance 
des  ordres  antiques,  mais  l'architecture  anglaise  persiste  quand  même. 

Celle-ci  triomphe  momentanément  à  la  fin  du  siècle  passé,  mais  avec  le 
Gothic  revival  du  commencement  de  ce  siècle,  l'architecture  anglaise  est 
venue  définitivement  à  une  tendance  nationale  qui  l'a  conduite  aux  beaux 
monuments  élevés  de  nos  jours  par  nos  puissants  et  riches  voisins  d'outre 
la  mer  du  Nord. 
Wren  bâtit  Saint-Paul 
à  Londres,  la  biblio- 
thèque de  Trinity  Col- 
lège (1676),  la  chapelle 
de  Pembroke  Collège  à 
Cambridge  (  1663  )  , 
mais  il  élève  à  Oxford, 
l'entrée  de  Christ  church 
Collège  (Tom  Tower)  en 
gothique. 

Et  c'est  ainsi  que 
plus  tard  le  Queen  Aime 
style  nous  montre,  en- 
core vivaces,  les  tradi- 
tions nationales  exis-  Merton-Colles^e,  Oxjord, 
tant  côte   à  côte  avec  l'école  classique. 

Pour  que  l'on  puisse  mieux  se  rendre  compte  de  la  concordance  des 
divisions  principales  apportées  dans  l'architecture  du  moyen  âge,  par  la 
science  historique  anglaise,  avec  les  subdivisions  généralement  adoptées 
en  France  et  en  Belgique,  M.  Saintenoy  montre  le  tableau  dressé  par  son 
confrère  M.  Lawrence  Harvey,  dans  son  article  sur  rarchilecture  anglaise  de 
la  magnifique  Encyclopédie  de  l'Architecture  et  de  la  Construction,  publiée  par 
M.  P.  Planât.    Le  voici  : 


^  Fergusson,  op.  cit.,  p.  246 


--   i66  — 
Tableau  comparatif  des  styles  en  France  et  en  Angleterre 


France. 


Angleterre. 


996  Robert  le  pieux. 


[033  Henri  1. 


i\ 


1060  Philippe  I. 


1108  Louis  VI. 
II 37  Louis  VII. 


'Si   II 80  Philippe  II. 

1' 

eu; 


•^  I  1225  Louis  VIII. 
^  f  1229  Louis  IX. 


1279  Philippe  III. 
1286  Philippe  IV. 


13 16  Philippe  V. 
1322  Charles  IV. 
<  1328  Philippe  VI. 


1350  Jean  IL 
1364  Charles  V. 
1380  Charles  VI. 


1422  Charles  VIL 


1461  Louis  XL 
;;  (  1485  Charles  VIIL 
3      1498  Louis  XIL 

o 

O 


1515  François  I  f  1547. 


950 


1000 


1050 


IIOO 


II 50 


1200 


1250 


300 


1350 


1400 


145 


160 


1650 


1066  Guillaume  1. 
1087  Guillaume  IL 
1089  Henri  I. 


155  Etienne. 


IIS4  Henri  IL 

11 89  Richard  I. 

1190  Jean. 


12 16  Henri  IL 


1272  Edouard  I. 


1307  Edouard  IL 
1327  Edouard  III. 


1377  Richard  II. 
1399  Henri  IV. 


141 3  Henri  V. 
1422  Henri  VI. 


1461  Edouard  IV. 

148}  Edouard  V. 

1483  Richard  III. 

1485  Henri  VIL 


1509  Henri  VIIL 
1547 


â 
o 

(U 


1 

§ 

o 

a 

«> 


-Transition. 


i*"®  époque,  lancette 
simple. 


'2^  époque,  lancette 
et  colonnette. 


)"' 


00 

a 


eu 

(U 


'    —  167— 

Au  moyen  de  ce  tableau,  on  peut  facilement  se  rendre  compte  de  la 
concordance  des  styles  dans  les  deux  pays. 

Le  Congrès  du  Livre,  a  Anvers.  —  M.  Titz  rend  compte  des  travaux  de 
ce  Congrès. 

Reliques  trouvées  a  l'église  paroissiale  d'Hastières-Notre-Dame.  — 
M.  Dens  lit  une  note  sur  ces  reliques. 

Les  monnaies  légionnaires  de  Marc-Antoine.  —  M.  Alph.  de  Schodt, 
avant  de  commencer  une  lecture  sur  les  deniers  légionnaires  de  Marc- 
Antoine,  s'exprime,  à  peu  près,  comme  suit  : 

La  numismatique  de  la  famille  Antonia  est  nombreuse  ;  elle  est,  de  plus, 
remarquable  non  seulement  par  la  variété  des  sujets  mythologiques  et 
historiques,  et  par  les  portraits  de  famille  qu'elle  représente,  mais  encore 
par  la  réunion  des  espèces,  des  modules,  poids  et  valeurs,  qu'elle  nous  a 
laissés. 

Sous  ce  dernier  aspect,  elle  offre  :  pour  l'or,  le  nummus  aureus  (25 
deniers  d'argent)  ;  pour  l'argent,  le  denarius,  qui  valait  dix  as,  portés 
ensuite  à  seize,  et  le  quinarius^  qui  valait  la  moitié  du  denier  ;  plus  le  cisto- 
phorCy  médaillon  d'argent  ou  tétradrachme,  de  fabrication  asiatique,  ainsi 
nommé  de  son  type  de  la  ciste  bacchique,  d'où  s'échappe  un  serpent  {cista 
mystica). 

Pour  le  cuivre,  on  connaît  le  sesterce,  quart  d'un  denier  d'argent  ou 
pièce  de  4  as,  et  les  pièces  de  3  as,  de  2  as,  d'un  as  et  d'un  demi-as  {semis)^ 
et,  dans  cette  catégorie,  sont  classés  le  médaillon  de  bronze,  le  grand,  le 
moyen  et  le  petit  bronze.  A  l'époque  de  Marc-Antoine,  l'as  valait  près  de 
6  centimes  de  notre  monnaie. 

Les  aurei  de  l'époque  de  la  République  romaine  sont,  en  général, 
très  rares  ;  mais  la  famille  Antonia  en  fournit  relativement  un  bon  contin- 
gent. Sauf  sur  quelques  deniers  des  légions  et  un  seul  autre,  ils  font 
voir  tous  l'efîigie  du  triumvir,  soit  qu'ils  se  rangent  dans  la  famille  Anto- 
nia exclusivement,  soit  qu'ils  prennent  place  aussi  dans  d'autres  familles, 
telles  que  Barbatia,  Clodia,  Cocceia,  Domitia,  Gellia,  Julia,  Livineia,  Mu- 
natia,  Mussidiaet  Vibia. 

Puis,  en  ce  dernier  cas,  l'argent  et  le  bronze  apparaissent  également 
dans  les  familles  Barbatia,  Calpurnia,  Cocceia,  Domitia,  Fonteia,  Julia, 
Junia,  Munatia,  Oppia,  Pinaria,  Sempronia,  Sepullia,  Sosia,  Turillia  et 
Ventidia. 

On  trouve,  sur  les  monnaies  d'or,  d'argent  ou  de  cuivre,  outre  l'effigie 
du  triumvir,  soit  à  côté,  soit  en  face  de  lui  ou  au  revers,  les  tètes  sui- 
vantes : 

Jules-César  (après  sa  mort)  ; 
Lépide  ; 


—   i68   — 

Octave  ; 

Fui  vie  ; 

Octavie  seule  ; 

Octavie  et  Octave  ; 

Cléopàtre  ; 

Marc-Antoine,  fils,  dit  Antylle  ; 

Caius  Antonius,  frère  de  Marc-Antoine  ; 

Lucius  Antonius,  autre  frère. 

On  voit,  en  outre,  la  tête  de  Fulvie  seule  sur  l'un  des  deux  quinaires 
mentionnés  plus  bas,  sortis  de  l'atelier  de  Lyon,  et  sur  un  aureiis  de  la  ville 
de  Fulvia,  en  Phrygie* 

Le  Soleil  est  quelqufois  représenté  par  image  ou  par  symbole  sur  les 
monnaies  de  Marc-Antoine.  On  y  remarque  Jupiter-Ammon,  qui  s'iden- 
tifie avec  le  Soleil  et  dont  les  cornes  figurent,  dit-on,  les  rayons  du  soleil. 
Si,  d'autre  part,  on  remarque  aussi,  sur  deux  quinaires  de  l'atelier  de 
Lyon,  déjà  cité,  un  lion,  c'est  que  cet  animal  était,  en  même  temps  que 
Tembième  de  la  force  et  du  courage,  qualités  maîtresses  du  triumvir,  un 
symbole  du  Soleil,  divinité  pour  laquelle  Marc-Antoine  avait  un  culte  par- 
ticulier. Il  est  vrai  qu'il  adorait,  de  même,  le  joyeux  Bacchus.  Il  y  a  plus,  il 
se  faisait  passer  pour  le  nouveau  Bacchus,  et  des  médailles  montrent  sa  tête 
ornée  de  lierre,  ou  la  statue  du  dieu  du  vin,  posée  sur  la  ciste  consacrée. 
Or,  le  Bacchus  regardé  comme  fils  d'Ammon  ne  se  confondait-il  pas  avec 
Osiris  «  l'unique  »  {Neb-er-djer),  dont  la  manifestation  matérielle  est  le 
soleil  ?  D'un  autre  côté,  le  lion  est  évidemment  une  allusion  à  son  illustre 
vainqueur,  Hercule,  le  grand  ancêtre  dont  Marc-Antoine  prétendait  des- 
cendre par  Anton  ou  Antéon,  fils  du  héros.  Sur  un  aureus  d'Antoine,  Antéon 
est  représenté  couvert  d'une  peau  de  lion  et  assis  sur  des  rochers.  Dans  la 
guerre  des  géants,  Bacchus  se  transforma  en  lion.  Antoine,  suivant  Pline 
(viii,  16,  20),  est  le  premier  qui  ait  attelé  des  lions  à  un  char,  et  il  se 
faisait  traîner  par  eux.  La  ville  de  Lyon  a  encore  aujourd'hui  un  lion 
comme  armes  parlantes.  Les  quinaires  à  son  nom  ont  ceci  de  remarquable 
qu'on  y  lit  Page  du  triumvir  (40  et  41  ans),  chose  tout  à  fait  exception- 
nelle en  numismatique. 

On  possède  aussi  de  Marc-Antoine  des  monnaies  frappées  dans  plusieurs 
colonies  grecques  (Alexandrie,  Aradus,  Balanée,  le  Pont,  etc.),  et  dans  des 
colonies  latines  (Carthago  Nova,  Corinthe,  Zacynthe,  Parium,  etc.) 

M.  de  Schodt  fait  ensuite  sa  lecture  sur  les  deniers  légionnaires.  Cen*est, 

dit-il,  qu'un  extrait  du  Catalogue  commenté  et  raisonné,  qu'il  prépare  de 

la  collection  de  monnaies  consulaires,  donnée  à  PÉtat  par  feu  M.  Emile  de 

Meester  de  Ravestein.  Voici,  en  résumé,  ce  que  contient  cette  lecture  : 

Il  s'agit  de  monnaies  que  le  triumvir  a  fait  frapper  pour  la  solde  de  ses 


—   169    — 

troupes,  qu'il  affectionnait  beaucoup.  Ces  pièces  ont,  probablement,  été 
émises  en  l'an  de  Rome  722  (avant  J.-C.  32)  et  au  commencement  de  723 
(33),  pendant  les  préparatifs  de  la  guerre  qui  se  termina,  entre  Antoine  et 
Octave,  à  Actium,  et  qui  valut  au  second  l'empire  du  monde  romain. 

Les  deniers  ordinaires  se  décrivent  comme  il  suit  : 

ANT.  AVG.  III.  viR.  R.  c.  P.  (^Anloiiius,  augiir  tiiumvir  Tcipublica  constituenda). 
Galère  prétorienne  à  la  voile. 

Rev.  LEG.  PRi  (kgionis  prima;).  Aigle  entre  deux  enseignes  militaires. 

Les  types  font  allusion,  d'une  part,  aux  forces  terrestres,  et,  d'autre 
part,  aux  forces  maritimes  de  Marc-Antoine. 

Ici  la  numismatique  vient  suppléer  à  l'histoire,  trop  avare  sur  le  sujet. 
Elle  nous  apprend  qu'Antoine  était  à  la  tête  de  trente  légions.  Ajoutons,  à 
ce  chiffre,  les  cohortes  prétoriennes  et  les  courriers  appelés  specidatores,  qui 
ont  eu  leurs  monnaies  spéciales. 

Chaque  pièce  ordinaire  est  marquée  d'un  nombre  (pri,  ii,  m,  etc.  jusqu'à 
xxx).  On  trouve  deux  fois  les  légions  4  (un  et  iv),  9  (viiii  et  ix),  12  (xii  et 
XII  antiqua),  14  (xiiii  et  xiv),  17  (xvii  et  xvii  dassica)  et  19  (xviiii  et  xix), 
et  trois  fois  la  18®  légion  (xviii,  xviii  Libyccc,  xiix).  Un  denier  de  Scarpus 
(famille  Pinaiià),  lieutenant  d'Antoine  dans  la  Cyrénaïque,  frappé  au  nom 
de  celui-ci  et  portant  l'effigie  de  Jupiter-Ammon,  indique  la  légion  viii  sous 
l'aigle  légionnaire. 

Il  existe  des  légionnaires  d'Antoine  une  grande  quantité  de  pièces 
fourrées. 

Q,uant  aux  monnaies  d'or  de  ses  légions,  on  n'en  connaît  que  quatre  (lé- 
gions IV,  VI,  XIV  et  XIX). 

Il  existe  également,  pour  la  légion  vi,  un  denier  restitué  par  Marc- 
Aurèle  et  Lucius  Verus. 

Le  musée  Correr  possède  de  la  légion  xiv  une  variété  en  argent,  offrant, 
au  droit,  sous  la  galère,  les  lettres  xz.,  et  au  revers,  dans  le  champ,  la 
lettre  x. 

Enfin,  plusieurs  deniers  légionnaires  ont  la  contremarque  de  l'empereur 
Vespasien  imp  ves,  rarement  ves.  (kg.  un,  viiii,  xii,  xx,  etc.) 

Les  SERMENTS  DE  NOS  VIEUX  ARCHITECTES.  —  M.  de  Raadt  résum.e  un  tra- 
vail de  M.  Jassin,  portant  ce  titre. 

M.  Destrée  croit  à  ce  propos  que  M.  Van  Even,  l'archiviste  de  la  ville 
de  Louvain,  a  publié  également  un  serment  de  Mathieu  de  Layens. 

Communications  diverses. 

La  villa  Regia  de  Bladel.  —  L'ordre  du  jour  étant  épuisé,  M.  de 
Raadt   analyse   un   travail  du  Rév.  M.  Welvaarts,    prieur-archiviste    de 


—   170  — 

l*abbaye  de  Postel,  à  ce  sujet,  et  présente  quelques  observations  sur  les 
conclusions  de  ce  mémoire  *  concernant  la  résidence  des  rois  francs  à 
Bladel  (Campine.) 

Statue  de  sainte  Marie-Madeleine.  —  M.  Destrée  fait  circuler  une 
gravure  d'une  statue  que  M.  Aimé  Desmottes,  le  collectionneur  parisien 
si  connu,  vient  d'offrir  à  notre  Musée  national. 

Cette  statue,  qui  a  60  centimètres  de  hauteur,  représente  sainte  Marie- 
Madeleine.  Elle  porte  deux  marques  :  le  maillet  à  peine  visible,  poinçon 
restitué  naguère  par  notre  confrère  aux  imagiers  bruxellois,  et  une  feuille, 
poinçon  propre  au  maître  malheureusement  anonyme,  et  a  dû  être  poly- 
chromée  autrefois.  C'est  un  spécimen  de  la  sculpture  en  bois  de  Pécole 
de  Bruxelles,  fin  du  xv®  siècle. 

Parlant  ensuite  de  la  dispersion  des  œuvres  de  nos  artistes,  M.  le  comte 
van  der  Straten-Ponthoz  dit  qu'il  a  découvert  en  France,  chez  M.  le  duc 
d'Audiffret-Pasquier.  un  rétable  en  bois  qui  proviendrait  de  l'église  Saint- 
Bavon  de  Gand. 

Miniature  de  Simon  Benning.  —  M.  Destrée  montre  une  miniature 
représentant  Jésus-Christ  attaché  sur  la  croix  et  exécutée  en  1530  par 
Simon  Benning,  enlumineur  demeurant  à  Bruges,  pour  orner  le  missel 
appartenant  à  la  chapelle  de  l'ancien  magistrat  de  Dixmude.  Notre  confrère 
fait  ressortir  les  mérites  de  cette  intéressante  production,  qui  a  conservé 
tout  son  éclat.  Le  paysage  se  recommande  par  beaucoup  de  finesse  et 
d'observation  de  la  nature. 

Reliquaire  de  l'église  saint  Servais  a  Maestricht.  —  M.  Destrée  sou- 
met à  Passistance  le  beau  fac-similé  d'un  reliquaire  en  cuivre  doré  gravé, 
repoussé  et  cisaillé,  dû  à  M.  Wilmotte.  Cet  habile  praticien  exécute  pour 
la  fabrique  de  l'église  collégiale  de  Saint- Servais,  à  Maestricht,  la  repro- 
duction de  quatre  reliquaires  qui  faisaient  partie  autrefois  du  trésor  de 
cette  église. 

Dans  un  moment  de  gêne  ou  d'aberration,  ces  précieux  monuments  du 
xii«  siècle  avaient  été  vendus  à  un  marchand,  lequel  les  avait  cédés  au 
prince  Soltikoff.  Lors  de  la  dispersion  des  collections  du  célèbre  amateur, 
l'État  belge  s'en  rendit  acquéreur  dans  d'excellentes  conditions. 

L'imitation  des  émaux  anciens  présente  d'extrêmes  difiicultés  et  récla- 
me de  la  part  de  l'artiste  qui  se  livre  à  cette  ingrate  besogne  autant  de 
patience  que  de  talent  d'observation.  M.  Wilmotte,  d'après  M.  Destrée,  a 
réussi  à  recouvrer  la  palette  des  anciens,  mais,  jaloux  d'assurer  la  durée  à 
son  travail,  il  ne  craint  pas  de  le  soumettre  à  de  redoutables  épreuves.  Il 

^  Th. -Ion.  Welvaarts, 
(Dietsche  fVarande,  1890.) 


-     171    — 

n'arrête  un  ton  qu'après  lui  avait  fait  subir  un  bain  prolongé  dans  l'acide 
sulfurique.  Si  Pémail  sort  intact  de  ce  milieu  délétère,  il  conservera  indéfi- 
niment son  état  natif.Seuls  les  chimistes  apprécieront  ce  qu'il  faut  d'énergie 
et  de  travail  pour  user  d'un  procédé  aussi  vigoureux. 

Il  y  aurait  beaucoup  à  dire  au  sujet  de  la  fabrication  frelatée  des  émaux. 
M.  Wilmotte  pourra  se  vanter,  pour  sa  part,  de  n'avoir  jamais  eu  recours 
à  des  expédients,  lesquels  ne  sont  malheureusement  que  trop  en  vogue. 

On  ne  saurait  jamais  assez  encourager  l'emploi  des  émaux  exécutés 
honnêtement  et  avec  un  goût  prouvé.  En  procédant  ainsi,  on  assure  aux 
œuvres,  dit  en  terminant  M.  Destrée,  une  valeur  considérable  en  leur  con- 
servant leur  éclat  d'une  façon  indélébile. 

La  séance  est  levée  à  lo  1/2  heures. 


^ 


INSCRIPTIONS    FUNÉRAIRES 


LA    PIERRE    TOMBALE 

DE   LAURENT  LE    BLANC 

GRAND  ONCLE   DE 
LOUISE-FRANÇOISE  DE  LA  BAUME-LE  BLANC,  DUCHESSE  DE  LA  VALLIÈRE 

A  L'ÉGLISE  DE  NIEUPORT. 


1  y  a  quatre  ans,  je  venais  de  rentrer  en  Belgique, 
après  avoir  été  dans  la  Touraine,  le  Berry,  TOrléa- 
nais  et  le  Blésois,  étudier  les  délicates  productions  de 
la  Renaissance  française,  lorsque  passant  par  Nieuport>  je  remar- 
quai, sur  un  des  contreforts  de  Téglise,  à  côté  du  baptistère, 
une  pierre  tombale  du  commencement  du  xvif  siècle  dont  il 
me  paraît  curieux   de  m'occuper  plus  amplement. 

Il  s'agit  de  la  sépulture  d'un  gentilhomme  francoys  du  pays  de 
Tourayne,  Laurens  Leblanc,  escuyer,  sieur  de  la  Gasserye,  lequel 
estant  de  retour  d* Espagne  et  désireux  de  cognoistre  les  mœurs  des 
nations  étrangères  affïn  de  ce  rendre  plus  capable  de  servir  le  Roy  son 
Souverain  Seigneur,  ce  seroyt  acheminé  en  Flandres  près  Monsieur  de 


—   173  — 

Laboderye,  enihassadeiir  pour  Sa  Majesté  près  les  Archiducs 
[Albert  et  Isabelle]  ^ 

Ce  gentilhomme  tourangeau  avait  fait  au  commencement  du 
xvii^  siècle,  Tinverse  de  ce  que  je  venais  de  faire  ! 

Il  était  venu  étudier  nos  contrées  du  nord,  tandis  que  je  venais 
de  visiter  en  «  désireux  de  cognoistre  les  architectures  estran- 
gères,  w  ces  belles  contrées  tourangelles. 

C'est  du  moins  ce  qu'on  peut  conclure  de  son  épitaphe. 

La  dalle  funéraire  mesure  0,83  "^  de  largeur  sur  1,03"" 
de  hauteur  et  est  taillée  dans  une  tranche  de  pierre  bleue 
(petit  granit).  On  suppose  qu'elle  a  été  posée  à  sa  place  actuelle 
au  commencement  de  notre  siècle,  lorsque  Téglise  subit  de  nom- 
breux et  regrettables  changements  intérieurs. 

L'épitaphe  est  entourée  d'un  cartouche  ovale  qui  dénote  encore 
le  xvi^  siècle,  bien  que  les  enroulements  du  cuir  perdent  déjà  de 
leur  fermeté. 

M.  Jules  Lair  blasonne  à  tort  Técu  des  Le  Blanc,  coupé  de 
gueules  et  d'or  au  lion  léopardé  d'argent  et  de  sable.  Le  sculp- 
teur —  semblerait  avoir  fait  erreur  en  sculptant  l'écu  des  Le 
Blanc  placé  au-dessus  de  l'épithaphe  coupé  de  gneides  stir  or  y  an 
léopard  lionne  d^ argent  et  de  sable  de  l'un  en  l'autre,  sommé  d'un 
heaume  avec  ses  lambrequins ,  mais  il  n'en  est  rien. 

Relevons  à  ce  propos  une  autre  erreur  de  Rietstap  celle-là, 
qui  dans  son  Armoriai  général  y  I,  p.  211,  2^  édition,  blasonne  les 
armes  des  Le  Blanc  en  disant  : 

((  Coupé  de  guetdes  sur  or  au  Lion  de  l'im  en  l'autre.  f> 

Ainsi  que  veut  bien  me  le  faire  observer  mon  savant  confrère, 
M.  le  Comte  M.  deNahuys,  cet  auteur  aurait-il  décrit  ces  armoi- 
ries d'après  des  données  inexactes  et  pris  ainsi  le  léopard  lionne 
pour  un  lion  ? 

Dans  l'église  d'Avcndre,  sur  une  clef  de  voûte  et  sur  un  vitrail, 
on  trouvait  les  armoiries  des  Le  Blanc.  Celles-ci  sont  blasonnées 
comme  suit  par  l'Hermite  Souliers  :  Léopard  rampant  la  moitié 
en  iour  (sic)  et  l'autre  moitié  en  sable,  posé  en  champ  de  gucidle  (sic) 
et  or.  Léopard  rampant  doit  être  pris  ici  pour  léopard  lionne. 


^  Nous  devons  ce  texte  à  l'obligeance  de  MM.  l'abbé  J.  De  Lescluze  et  de  l'archi- 
tecte Henri  Bogaert. 


-   174   - 

M.  Jules  Lair,  ancien  élève  de  l'Ecole  des  chartes,  dans  son  bel 
ouvrage  sur  Louise  de  La  Vallière  et  la  jeunesse  de  Louis  XIV, 
(Paris,  Pion,  1881,  un  vol.  in-octavo,  p.  422),  donne  des  détails 
intéressants  sur  les  armoiries  des  La  Baume  Le  Blanc  de  la  Vallière. 
Nous  nous  permettons  de  les  insérer  ici,  car  ils  prouvent  que  de 
nombreuses  erreurs  ont  été  commises  sur  cette  question  que  nous 
soumettons  pour  la  résoudre  à  de  plus  compétents  que  nous  : 

u  L*Hermite-Souliers^  dans  son  Armoriai  général  de  la  province 
«  de  Tours  (p.  335),  décrit  ainsi  les  armes  de  M^^^®  de  la  Vallière  : 

«  Ecu  coupé  de  gueules  et  d'or  au  lion  léopardé  coupé  d'argent 
a  et  de  sable,  en  support  deux  lévriers  d'argent  accolés  de  gueules 
«  et  cloués  d'or. 

«  Le  P.  Anselme  {Hist,  gén,,  v.  p.  474)  varie  quant  à  la  dispo- 
u  sition  :  coupé  d'or  et  de  gueules  au  lion  léopardé  coupé  d'argent 
«  et  de  sable. 

Il  y  a  là  faute  évidente,  il  faudrait  au  moins  :  coupé  d'or  et 
d'argent. 

u  L'Etat  de  la  France  pour  i66ç  donne  en  description  et  en 
a  dessin  un  écu  coupé  d'or  et  de  gueules  au  lion  coupé  de  sable 
«  et  d'argent. 

«  Le  portrait  édité  par  Bertrand  avant  1673  montre  un  écu  coupé 
«  d'azur  et  d'or.  Le  lion  n'est  pas  assez  bien  gravé  pour  qu'on 
u  puisse  reconnaître  les  marques  héraldiques,  y) 

u  Evidemment,  Vazur  était  une  indication  erronée.  Larmessin 
«  éditant  ce  même  portrait  un  peu  plus  tard,  corrigea  cette  faute 
«  et  substitua  les  gueules  à  l'azur.  Le  lion  est  d'argent  et  de 
«  sable  ^ 

«  Les  armes  peintes  sur  le  portrait  gravé  par  G.  Edelinck  pré- 
«  sentent  la  faute  qu'on  a  relevée  plus  haut  :  coupé  d'azur  et 
«  d'or. 

«  Même  erreur  dans  les  armes  des  portraits  en  religieuse  édités 
u  par  la  veuve  Moncornet  et  par  Sevin  en  1683.  n 

a  Le  portrait  gravé  par  Chaulet,  d'après  celui  d'EDELiNCK,  n'a 
«  pas  reproduit  la  faute  commise  par  son  modèle  :  l'écu  est  coupé 
«  de  gueules  et  d'or  au  lion  léopardé  d'argent  et  de  sable.  » 

^  Le  portrait  placé  dans  un  ovale  porte  pour  épigraphe  :  Lovise  Françoise  de  la 
Baume  Le  Blanc,  duchesse  de  La  Vallière,  —  à  Paris  chez  P.  Bertrand,  rue  Saint- 
Jacques,  à  la  Pôme  (sic)  d'or  Près  Saint  Séverin,  avec  privil.  du  Roy. 


—  175  — 

Mais  revenons  à  notre  pierre  tombale,  tout  en  faisant  observer 
qu'il  nous  semble  que  dans  ces  descriptions,  lion  léopardé  doit 
être  pris  pour  léopard  lionne. 

Pour  le  moment,  elle  est  assez  bien  conservée,  quoiqu'elle 
soit  exposée  aux  intempéries  ;  les  lettres  commencent  pourtant  à 
s'effacer,  car  l'endroit  où  elle  se  trouve  la  met  fort  à  la  portée 
des  brutalités  des  gamins  qui  jouent  sur  la  place  et  qu'on  ren- 
contre constamment  aux  abords  de  l'église. 

Elle  mériterait  assurément  d'être  placée  —  ceci  soit  dit  entre 
parenthèses  —  dans  un  endroit  où  sa  conservation  fût  assurée 
et  je  me  permets  d'insister  auprès  des  administrations  compé- 
tentes pour  faire  cesser  cet  état  de  choses. 

Il  existe  un  manuscrit  en  la  possession  de  M'"®  V^®  Fr.  Dejaegher 
qui  donne  toutes  les  épitaphes  de  l'église  de  Nieuport  de  1413  à 
1780.  Au  moyen  de  ce  document  et  par  le  témoignage  du  père 
Anselme,  on  pourrait  replacer  la  pierre  tumulaire  à  son  ancien 
emplacement,  c'est-à-dire,  dans  la  chapelle  de  Notre-Dame. 

Nous  souhaitons  donc  que  le  transfert  se  fasse  sans  tarder. 

Notre  éminent  confrère,  M.  Léon  Palustre,  directeur  honoraire 
de  la  Société  française  d'Archéologie,  a  bien  voulu  me  signaler 
une  fondation  de  messe  *  à  l'intention  de  Laurent.  Le  Blanc,  dans 
l'église  de  Reugny,  édifice  ^  des  xii^  et  xv^  siècles,  agrandi  et 
réparé  par  les  seigneurs  de  la  Vallière  au  commencement  du 
xvn^  siècle. 

Laurent  II  Le  Blanc  était  fils  de  Laurent  Le  Blanc,  che- 
valier, seigneur  de  la  Roche,  seigneur  de  la  Vallière,  Reugny, 
de  la  Gasserie,  Orfeuil,  baron  de  la  Maison  Fort,  etc.,  qui 
possédait  la  seigneurie  de  la  Gasserie  ^  dans  la  commune  d'Au- 
zouer,  voisine  de  celle  de  Reugny,  d'où  dépend  le  château  de 
la  Vallière  \ 


1  Renseignée  dans  l'ouvrage  du  P.  Anselmk,  p.  490. 

2  A  7  ou  8  kil.  de  Monnaie.  1 237*11.  possède  outre  son  église  un  pavillon  (xve  s.), 
reste  du  château  de  la  Vallière,  berceau  de  la  famille  fA.  JoamieJ. Ces  restes  du  châ- 
teau sont  décrits  par  M.  Jules  Lair  dans  son  ouvrage  sur  Mademoiselle  de  la 
Vallière. 

•^  Le  P.  Anselme  le  fait  en  outre  seigneur  de  Choisy  et  de  la  Vallière. 

*  Il  nous  a  été  impossible  jusqu'à  présent  de  trouver  la  date  de  la  naissance  de 
Laurent  Le  Blanc,  ni  de  vérifier  par  son  acte  de  décès,  la  date  exacte  de  sa  mort. Les 
anciens  registres  paroissiaux  de  Nieuport,  ainsi  que  veut  bien  me  l'écrire  M.  de  Roo, 


—   176  — 

Ce  dernier  château  était  la  propriété  des  Le  Blanc,  ancêtres  de 
la  douce  recluse  des  carmélites  de  Chaillot,  Louise-Françoise  de 
LA  Baume  Le  Blanc,  duchesse  delà  Vallière,  fille  d'honneur  d'HEN- 
RiETTE  d'Orléans,  maîtresse  du  Roi  Louis  XIV  et  petite-nièce  de 
Laurent  Le  Blanc  dont  nous  nous  occupons. 

Mais  il  est  bon  pour  établir  ce  détail,  de  rechercher  quelques 
détails  généalogiques  sur  cette  famille. 

Les  Le  Blanc  sont,  paraît-il,  originaires  du  Bourbonnais,  et 
seraient  venus  ensuite  en  Touraine. 

Ce  n'est  réellement  qu'à  partir  du  xiv^  siècle  que  les  généalo- 
gistes, le  P ,  Anselme  *,  le  chevalier  de  l* HermitteSouliers  ^  et 
Aîibert  de  la  Chesnate- Desbois  ^  donnent  des  détails  paraissant  plus 
certains. 

Rapportons,  d'après  eux,  quelques  particularités  sur  les  ascen- 
dants et  les  descendants  les  plus  directs  de  notre  personnage. 

Perrin  Le  Blanc,  seigneur  de  la  Baume,  qualifié  capitaine  des 
châteaux  d^ Avendre  et  de  Chaudesaignes  (Cantal),  dans  un  titre  de 
1487,  a  laissé  de  son  mariage  avec  Jeanne  d'Autour,  cinq  fils, 
dont  l'aîné  a  constitué  la  branche  aînée  des  Le  Blanc  qui  s'est 
éteinte  au  commencement  du  xvii^  siècle. 

Nous  ne  nous  en  occuperons  pas,  car  notre  personnage  appar- 
tient à  la  lignée  cadette. 

Commençons  cette  dernière  par  : 

L  Jean  Le  Blanc,  4^  du  nom,  chevalier,  seigneur  de  la  Vallière  y 
Reugny,  Orfeuille,  etc,  baron  de  la  Maison- Fort,  maistre  d* hôtel  du 
roi  Henri  II  et  de  la  reine  Catherine  de  Médicis,  général  des  finances 
de  la  province  de  Touraine,  etc. 

Il  décéda  sans  enfants  de  son  mariage,  fait  le  20  juin  1569,  avec 
Charlotte  Adam,  l'une  des  filles  d'honneur  de  la  reine  Cathe- 
rine et  fille  de  Jacques  Adam^  cLevalier,  seigneur  de  la  Gasserie, 

l'honorable  bourgmestre  lie  cette  ville,  en  date  du  11  février  1890,  ne  remontent, 
pour  ce  qui  concerne  les  décès,  qu'à  l'année  1646.  Laurent  Le  Blanc  devait  être  peu 
âgé  au  moment  de  sa  mort,  puisque  lors  du  partage  de  ses  biens,  en  1607,  sorr 
frère  puîné  venait  d'avoir  sa  majorité  et  que  le  cadet  ne  l'avait  pas  encore.  (P.  An- 
selme, op.  cit.) 

'^Histoire  généalogique  et  chronologique  de  la  Maison  Royale  de  Fiance  y  etc.  y  parle 
P.  Anselme.  Paris,  1726-17 53. 

2  Inventaire  de  l'histoire  généalogique  de  la  noblesse  de  Touraine  et  pays  circcnvoisins,  par 
le  chevalier  de  l'Hermitte-Souliers.  Paris,  mdlxix. 

*  Dictionnaire  de  la  noblesse,  par  de  la  Chesnaye-Desbois.  Paris,  1 770-1 786. 


—  177  — 

maître  d'hôtel  de  la  dite  Reine,  et  d'Anne  le  Clerc,  sa  première 
femme. 

II.  Laurent  Le  Blanc,  chevalier,  seigneur  de  la  Roche,  frère 
puiné  du  précédent,  dont  il  reçut  les  biens  en  héritage  et  parmi 
ces  derniers:  la  seigneurie  de  la  V allier e ;  épousa  le  13  août  1577, 
Marie  Adam,  morte  le  5  septembre  1607  *. 

De  ce  mariage  sont  issus  : 

a)  Notre  personnage  Laurent  Le  Blanc,  écityer,  seigneur  de 
Choisy,  de  la  V allier  e  et  de  la  Gas  série,  mort  sans  avoir  été  marié  2. 

b)  Jean  Le  Blanc,  chevalier,  seigneur  de  la  V allier  e,  de  la  Gas- 
serie,  Reugny,  Boissay  et  Orfeuil,  baron  de  la  Maison-Fort,  gouver- 
neur de  la  ville  et  du  château  d^Amboise  et  du  château  de  Tours; 
obtint,  en  1635,  par  lettres  patentes  du  Ro}^  de  porter  les  deux 
noms  de  La  Baume  le  Blanc  ^;  épousa,  le  10  août  1609,  Françoise 
de  Bauveau,  fille  de  Jacques,  chevalier,  seigneur  de  Revau,  baron 
de  Saint-Gratien  et  de  Françoise  le  Picard,  mourut  le  27  mai 
1647  K 

c)  Jacques  Le  Blanc,  chevalier,  seigneur  de  Montreuil  et  du  Mou- 
linet, etc. 

Du  mariage  de  Jean  Le  Blanc  et  de  Françoise  de  Bauveau, 
naquit  : 

Laurent  de  la  Baume  Le  Blanc,  né  le  25  juin  161 1,  qui  épousa, 
le  24  novembre  1640,  Françoise  le  Prévost^. 

De  ce  mariage  naquirent  : 

aj  Jean-François  de  la  Baume  Le  Blanc,  marquis  de  la  V allier  e. 


'  Par  suite  du  second  mariage  de  Laurent  Le  Blanc  avec  Louise  Sautret,  nièce 
du  président  FoRGET,  morte  le  5  avril  1653,  naquirent  : 

\.  Pierre  Le  Blanc,  seigneur  de  la  Roche,  mort  sans  enfants  ; 

n.  Charlotte  Le  Blanc  ; 

IH.  Geneviève  Le  Blanc  ; 

IV.  Louise  Le  Blanc. 

2  Le  P.  Anselme  et  l'Hermitte-Souliers  affirment  le  fait,  qui  est  rapporté  éga- 
lement, par  M.  Jules  Lair,  dans  son  intéressant  ouvrage  sur  Mademoiselle  de  la 
Vallière, 

3  La  terre  de  la  Baume,  apanage  de  la  branche  ainée  alors  éteinte  de  la  famille 
Le  Blanc,  était  passée  dans  le  domaine  de  la  maison  d'Ambrun'. 

*  J.  Lair,  op.  cit. 

^  Jean  Le  Blanc  et  Françoise  de  Bauveau  eurent  en  outre  plusieurs  fils  et  filles, 
parmi  lesquels  Gilles,  qui  devint  évêque  de  Bordeaux,  et  Jacques,  jésuite. 

12 


-   178  - 

baron  de  la  Maison-Fort,  cornette  commandant  la  compagnie  de  Mon- 
seigneur le  Dauphin,  baptisé  le  4  janvier  1642  et  mort  en  1676. 

b)  Jean- Michel- Emard  de  la  Baume  le  Blanc,  mort  en  bas  âge. 

c)  Mademoiselle  de  la  Vallière  :  la  célèbre  Louise-Françoise  de 
la  Baume  le  Blanc,  fille  d'honneur  de  la  duchesse  Henriette  d^ Or- 
léans, duchesse  de  la  Vallière,  etc.,  etc.,  née  le  16  août  1644,  morte 
le  6  juin  1710. 

La  famille  de  la  Baume  Le  Blanc  s'est  éteinte  dans  la  personne 
de  Louis-César  de  la  Baume  Le  Blanc,  duc  de  la  Vallière,  petit- 
fils  et  petit-neveu  des  précédents,  né  en  1708  et  décédé  en  1780. 
Ce  dernier  est  fameux  par  les  nombreuses  collections  qu'il  avait 
rassemblées  dans  son  château  de  Montrouge. 


*    * 


Donc,  d'après  les  généalogistes  auxquels  nous  empruntons,  en 
leur  en  laissant  la  responsabilité,  ces  détails  généalogiques,  Lau- 
rent Le  Blanc  est  réputé  être  mort  au  siège  d'Ostende. 

Cependant,  il  semble  qu'un  certain  doute  doive  régner  sur  ce 
fait. 

La  pierre  commémorative  de  Reugny  *,  dont  voici  le  texte, 
affirme  bien  la  chose,  mais  nous  verrons  tout  à  l'heure  que  le  fait 
n'est  pas  prouvé  : 


LAVRENS  LEBLANC  ESCV  DE  LA 

GASSERYE   ESTAT   EN   FLANDRES 

AU    SIEGE   DOSTANDE   Y    MOVRVT 

LE   XV"'^    DE    MARS    l6o2   SES    FRERE 

A   SO   INTENON   ONT   FODE   CEANS 
VNE  MESSE   CHVN   AN   LE    lO^   DE   sÔ 

DECEDZ    ILYA  COTRACT   PASSE 

PAR    GALHOR    NO^^   rqyAL   ARVIGNY 

LE    XV^*E   MARS    1603 


Inscription  funéraire  de  l'église  de  Reugny  (Touraine.) 
A  Cette  pierre  mesure  0^35  de  largeur  sur  01045  de  hauteur. 


-   179   — 

Donnons  maintenant  le  texte  complet  de  la  pierre  de  Nieu- 
port  : 


Cy  devant  Gist  Lavrens  Leblanc  escvyer 
SiEVR  de  la  Casserye  gentilhomme  fran- 

COYS  DV  PAYS  DE  TOVRAYNE  LEQVEL  ESTANT 
DE  RETOVR  d'EsPAGNE  DÉSIREVX   DE  CoGNOI- 
STRE  LES   MŒVRS  DES  NATIONS  ESTRANGÈRES 
AfFIN  de  ce  RENDRE    PLVS  CAPABLE  DE  SER- 
VIR LE  Roy  son  Sovverain  Seignevr  ce 
Seroyt  acheminé  en  Flandres  près 
Monsieur  la  Boderye  Embassadevr 
Pour  sa  Mag'^'^^  près  les  archidvcs 

OV    IL  EST    DÉCEDDÉ  LE    i6  IoVR 
DE    FeBRIER    1603. 


Inscription  funéraire  de  l'église  de  Nieuport  (Flandre). 

Rapprochons  les  dates  de  la  mort  de  Laurent  Le  Blanc  d'après 
les  deux  inscriptions. 

Chose  curieuse,  celle  de  Reugny,  ainsi  que  le  témoignage  du 
P.  Anselme,  le  fait  mourir,  le  15  mars  1602,  tandis  que  celle  de 
Nieuport  —  qui  semble  la  plus  véridique,  puisque  ceux  qui  Tout 
fait  faire  ^  ont  dû  assister  au  trépas  de  Laurent  —  place  sa  mort 
le  16  février  1603,  soit  onze  mois  plus  tard. 

Il  est  vrai  que  lorsque  l'inscription  de  Reugny  a  été  posée, 
Laurent  Le  Blanc  était  réellement  mort  depuis  un  mois  et  que  le 
notaire  royal  Galhor  n'a  pas  eu  —  grâce  aux  douze  mois  d'at- 
tente —  à  aider  à  la  fondation  d'une  messe  perpétuelle  pour  le 
repos  de  l'âme  d'un  vivant. 

D'oi^i  viennent  oes  divergences  ? 

C'est  ce  que  nous  ne  pouvons  expliquer. 

Laurent  Le  Blanc,  semble  avoir  mené  une  vie  assez  aventu- 
reuse. 

De  retour  d'Espagne,  il  passe  dans  les  Pays-Bas  auprès  de 
l'ambassadeur  de  France,  accrédité   auprès  des  archiducs,  alors 

1  II  est  vraisemblable  que  c'est  l'ambassadeur  français  lui  même  qui  est  l'auteur 
de  l'inscription. 


—  i8o   — 

occupés  au  long  siège  d'Ostende  et  tenant  fréquemment  leur 
cour  à  Nieuport.  Le  diplomate  français  a  dû  accueillir  Laurent 
Le  Blanc,  qui  ne  semble  point  avoir  passé  en  Flandre  pour  le  guer- 
rier que  nous  indique  l'inscription  de  Reugny,  mais  bien  plutôt 
comme  un  amoureux  de  la  science,  et  comme  désireux  de 
cognoistre  les  mœurs  des  nations  étrangères. 

L'inscription  de  Nieuport  semble  dénoter  un  homme  pacifique, 
trop  pacifique  peut-être  au  gré  de  sa  famille.  Celle-ci  poussée 
peut-être  par  Jean  Le  Blanc,  qui  devait  être  très  désireux  de 
prendre  la  place  de  Laurent  à  la  tête  des  biens  de  la  famille  Ta, 
sur  un  rapport  mensonger,  considéré  comme  mort  onze  mois 
avant  sont  repas  réel,  et  bien  qu'il  n'y  eut  qu'un  mois  que  Laurent 
était  décédé,  a  fondé  la  messe  d'année  de  Reugny  au  premier  anni- 
versaire de  sa  mort  supposée,  c'est-à-dire  le  15  mars  1603. 

L'érudition  moderne  nous  apprendra  peut-être  un  jour  la  vérité 
sur  ce  fait,  et  qui  sait  si  elle  ne  nous  dévoilera  pas  alors  quelque 
ténébreuse  intrigue  de  famille  ! 

En  attendant  voilà  comment  l'histoire  rapporte  que  notre  étu- 
diant des  mœurs  des  nations  estrangeres,  fut  occis  au  siège 
d'Ostende. 

Paul  Saintenoy. 


Bruxelles,  14  juin  1890. 


Séance  mensuelle  du  mardi  2  décembre  i8go. 


Présidence  de   M.  le  comte  F.  van  der  Straten-Ponthoz,  président 


|a  séance  est  ouverte  à  8  heures.  Quarante-quatre  membres  sont 
présents  ^. 

M.  le  secrétaire-général  donne  lecture  du  procés-verbal  de  la  dernière 
séance.   {Adopté.') 

Correspondance.  —  MM.  de  Munck  et  de  Loë  remercient  le  bureau  des 
félicitations  qui  leur  ont  été  adressées  à  l'occasion  de  leur  nomination 
comme  Officiers  d'Académie. 

Dons  et  envois  reçus.  —  MM.  le  comte  Goblet  d'Alviella,  G.  Dens, 
Dierix  de  Ten  Hamme,  Arm.  de  Behault  et  Van  der  Steghen  font  don  de 
volumes  et  de  brochures. 

Le  Nederlandsche  Leeuw,  le  Kempische  Muséum  et  la  Société  d'Anthro- 
pologie de  Bruxelles  envoient  leurs  publications. 

Élection  de  membres.  —  MM.  J.  Bieswal,  A.  Rivier,  P.  Schéridan, 
J.  Van  Ruysevelt,  et  le  Rév.  M.  Th.  J.  Welvaaerts  sont  nommés  mem- 
bres effectifs. 


1  Prennent  en  outre  place  au  bureau  :  MM.  Cumont,  P.  Combaz,  J.  Destrée, 
P.  Saintenoy,  baron  de  Loë,  de  Munck,  de  Raadt,  Plisnier,  Paris  et  de  Schryver. 

2  Ont  signé  la  liste  de  présence  :  MM.  Arm.  de  Behault  de  Dornon,  Puttaert, 
de  Brabandère,  Rutot,  E.  van  den  Broeck,  Mahy,  De  Proft,  Schweisthal,  Poils, 
Hecq,  Diericx  de  Ten  Hamme, Van  Havermaet,  baron  de  Royer  de  Dour,  chevalier 
de  Selliers  de  Moranville,  Michaux,  Lavalette,  Daumerie,  Michez,  Titz,  Petit, 
C.  Saintenoy,  Pottelet,  Dens,  comte  Goblet  d'Alviella,  Buyschaert,  Bernaert,  L.  de 
Beys,  Hanssens,  vicomte  Desmaisières,  Verbuecken,  Muls,  De  Keyser  et  Rans- 
chyn. 


—    l82  — 

M.  Donny  est  nomme  membre  asssocié. 

Proposition  d'affiliation  avec  la  Société  Belge  des  Ingénieurs 
et  des  Industriels  et  vote  sur  le  projet  tendant  à  obtenir  un  local 
permanent  au  Palais  de  la  Bourse.  —  Après  un  assez  long  échange 
d'observations  entre  MM.  le  comte  van  der  Straten-Ponthoz,  Plisnier,  De 
Proft,  De  Beys,  P.  Saintenoy,  Van  Havermaet,  Destrée,  comte  Goblet 
d'Alviella,  Michel  et  E.  van  den  Broeck,  cette  proposition  est  adoptée 

Nomination  par  tirage  au  sort  de  la  commission  de  vérification 
des  comptes.  —  MM.  Delevoy,  Parser,  de  Ghellinck,  De  Paire  et  d'Her- 
bemont  sont  nommés  membres  de  cette  commission. 

MM.  Daumerie,  A.  Evenepoel,  Willems,  De  Proft  et  FrankignouUes  sont 
nommés  membres  suppléants  de  cette  même  commission. 

Présentation  de  candidatures  à  la  présidence,  en  remplacement 
de  M.  le  comte  F.  van  der  Straten-Ponthoz,  président  sortant  non 
rééligible  (art.  i8  revisé  des  statuts).  M.  le  comte  Goblet  d'Alviella  est 
proclamé  candidat  à  la  présidence  de  la  Société  pour  Tannée  1891.  {Applau- 
dissements.) 

Congrès  archéologique  et  historique  de  1891. —  M.  le  président  fait 
part  à  l'assemblée  que  les  délégués  des  Sociétés  de  Bruxelles  affiliées  à  la 
Fédération  archéologique  et  historique  de  Belgique  se  sont  réunis  en  vue 
de  l'organisation  du  Congrès  archéologique  et  historique  de  Bruxelles  en 
1 891,  les  21  et  31  octobre,  ainsi  que  le  21  novembre  derniers. 

Après  discussion,  ils  ont  voté  les  ordres  du  jour  suivants  ; 

1°  Le  congrès  archéologique  et  historique  sera  organisé  par  les  soins 
des  Sociétés  d'Archéologie  et  d'Anthropologie  de  Bruxelles,  'avec  le  con- 
cours des  Sociétés  d'Architecture,  de  Géographie  et  de  Géologie. 

2°  Le  comité  général  d'organisation  sera  composé  de    vingt    titulaires. 

Exposition.  —  Seau  à  incendie  de  1723. 

Appareil  photographique  pour  excursions  scientifiques. 

Photographies  de  Dieghem,  Saventhem,  Winxele  et  Herent  (nouvelles 
épreuves  delà  collection  photographique  de  la  Société). 

M.  Arm.  de  Behault  de  Dornon  montre  à  ses  collègues  un  seau  à  incen- 
die affecté  au  service  du  Palais  des  princes-évêques  de  Liège,  au  siècle 
dernier.  Ce  seau,  tout  en  cuir  très  épais,  est  décoré  des  armoiries  des  deux 
bourgmestres  alors  en  fonction,  Henri-François  de  Fromenteau  et  Jean- 
Louis  de  Cartier,  du  Péron  liégeois,  du  millésime  1723   et  du  n"  5. 

L'honorable  membre  fait  don  au  Musée  de  la  Société  de  cet  objet  devenu 
très  rare  aujourd'hui.  {Remerciements.) 

M.  Rutot  donne  à  ses  collègues  toutes  les  explications  désirables  au 
sujet  de  l'appareil  photographique  qu'il  a  exposé, 

M.  Cumont  informe   l'assemblée  que  le  Musée  archéologique  d'Arlon 


-  i83  - 

vient  de  s'enrichir  d'un  tableau  important  au  point  de  vue  de  l'histoire  de 
la  célèbre  abbaye  d'Orval. 

Il  s'agit  du  portrait  de  Dom  Bernard  de  xMontgaillard,  né  en  Gascogne, 
en  1563,  décédé  le  8  juin  1628,  42^  abbé  d'Orval. 

Ce  portrait  du  plus  illustre  chef  de  la  maison  d'Orval  représente  en 
perspective,  dans  le  fond  du  tableau,  un  plan  de  l'abbaye,  comprenant  les 
bâtiments,  jardins  et  dépendances  de  cette  époque.  Ce  plan  serait,  paraît-il, 
le  seul  vestige  authentique  qui  existe  des  localités  anciennes  du    domaine. 

Communications. 

L'Église  de  Saint  Rémy  a  Haecht.  —  M.  P.  Saincenoy  lit  une  notice 
portant  ce  titre. 

M.  de  Raadt  donne  lecture  d'une  traduction  d'un  acte  passé,  en  1624, 
devant  les  échevins  de  Keerbergen,  commune  voisine  de  Haecht.  Ce 
document  a  trait  aux  pillages  faits,  à  Haecht  et  dans  son  église,  en  1622, 
par  les  troupes  du  comte  Henri  de  Nassau.  M.  de  Raadt  oftre  cette  pièce  à 
M.  Saintenoy,  croyant  que  celui-ci  sera  heureux  d'augmenter  son  travail 
des  curieux  détails  contenus  dans  ce  document. 

Sondages  effectués  au  tertre  d'Havre,  près  Mons.  —  M.  de  Munck 
expose  les  résultats  des  sondages  qu'il  a  pratiqués  en  cet  endroit. 

Le  tumulus  de  Lennick-S'^-Quentin.  —  M.  le  baron  de  Loë  communique 
les  renseignements  qu'il  a  pu  recueillir  sur  ce  monument  actuellement 
détruit. 

Le  Sphinx  de  Giseh  et  les  derniers  travaux  de  M.  Gréraut.  —  M.  le 
baron  de  Royer  de  Dour  fait  une  communication  portant  le  titre  ci-dessus, 
et  exhibe  une  série  de  photographies  remarquables  de  monuments  égyp- 
tiens. 

M.  Cumont  donne  ensuite  lecture  de  deux  documents  qu'il  a  retrouvés 
aux  archives  générales  du  Royaume,  concernant  une  inscription  qui  a  été 
faite  vers  1768  pour  être  placée  à  la  maison  du  Roi  ou  Broodhuis. 

M.  le  Président  propose  que  la  note  de  M.  Cumont  soit  insérée  dans  nos 
annales  sous  notre  rubrique  :  Questions  et  réponses.  {Adopté.) 

M.  Destrée.  —  MM.  Courajod  et  Corroyer  ont  exposé  naguère  dans 
une  note  publiée  par  les  Annales  de  la  Société  nationale  des  Antiquaires  de 
France,  les  observations  qu'il  avait  été  donné  de  faire  sur  des  sculptures  de 
fabrication  mercantile  appartenant  aux  ateliers  d'Anvers  et  de  Bruxelles. 

Il  ne  serait  pas  équitable  de  perdre  de  vue  les  résultats  acquis  à  la 
science,  grâce  aux  observations  judicieuses  de  MM.  Courajod  et  Corroyer. 
Ils  constituent  un  point  de  départ  certain  et  il  y  a  lieu  d'y  revenir. 

Les  ateliers  de  tailleurs  d'images,  comme  je  l'ai  établi,  ont  employé  di- 
verses marques.   Ceux  de  Bruxelles  en  ont  eu  plusieurs  qui  figureront  plus 


—  i84  — 


tard  dans  mon  étude.  Les  unes  ont  trait 
à  la  polychromie,  les  autres  au  travail 
du  huchier  et  du  sculpteur. 

La  présente  note  vise  la  pièce  bien 
connue,  représentant  la  Sainte  Vierge 
portant  l'enfant  Jésus.  Elle  a  été  gravée 
dans  le  travail  de  MM.  Courajod  et  Cor- 
royer. Son  heureux  propriétaire  a  mis 
très  obligeamment  la  statue  à  ma  dispo- 
sition pour  me  permettre  de  l'étudier  à 
loisir.  Outre  la  marque  de  BRUESEL, 
elle  porte,  fait  sur  le  dos,  un  signe  qui 
consiste  en  une  sorte  de  fleuron  conte- 
nant quatre  lignes,  celles  des  extrémités 
sont  plus  ou  moins  courbées  ;  ces  lignes 
ou  côtes  sont  nettement  accusées  ;  en 
revanche,  le  fleuron  dans  lequel  elles 
se  trouvent  est  à  peine  indiqué.  Cette 
marque  est-elle  celle  de  l'imagier  ou 
de  la  gilde.  Elle  appartient,  suivant 
mon  avis,  à  la  corporation  et  non  à 
l'individu.  Dans  nombre  de  produits 
mercantiles  dont  le  groupe  a  été  déter- 
miné par  MM.  Courajod  et  Corroyer,  j'ai 
eu  l'occasion  d'observer  que  ces  produits 
sont  revêtus  d'une  marqué  s'éloignant 
bien  peu  de  celle  prémentionnée  et  con- 
sistant en  lignes  d'inégale  grandeur. 

Je  n'ai  observé  cette  sorte  de  poinçon 
que  sur  des  statuettes  de  fabrication  mar- 
chande, statuettes  représentant  la  Sainte 
Vierge  tenant  l'enfant  Jésus,  ou  des  saints 
populaires,  tels  que  saint  Pierre,  sainte 
Catherine,  etc. 

Jusqu'à  preuve  du  contraire,  qu'il  me 
soit  permis  de  considérer  le  poinçon  pré- 
cité comme  ayant  été  employé  surtout 
pour  des  œuvres  bruxelloises  ou  du  moins  brabançonnes  exécutées  presque 
toujours  en  bois  de  noyer. 

M.  Peyre,  le  collectionneur  parisien  bien  connu,  possède  plusieurs  sta- 
tuettes dont  le  caractère  brabançon  est  indéniable  ;  elles  portent  toutes  la 


Statuette   de   la  Vierge  appartenant 
à  M.  Corroyer. 


-  i85  - 

marque  en  question.  M.  Bernard,  antiquaire,  demeurant  rue  Lafayette,  à 
Paris,  en  a  plusieurs  provenant,  fait  intéressant  à  noter,  de  la  Bour- 
gogne. En  Belgique,  j'en  connais  une  demi-douzaine  de  spécimens,  dont 
un  au  Musée  de  Bruxelles. 

Étant  donné  que  ces  statuettes  ne  peuvent  avoir  été  exécutées  par  un 
seul  et  même  individu,  il  en  résulte  qu'elles  sont  le  produit  du  travail  d'ar- 
tisans faisant  partie  d'une  même  gilde. 

La  séance  est  levée  à  ii  heures. 


^ 


Assemblée  générale  annuelle  du  ii  janvier  1891, 


Présidence  de  M.  G.  Cumont,  vice-président  V 


a  séance  est  ouverte  à  2  1/2  heures  dans  la  grande  salle  du  Palais 
de  la  Bourse. 

Soixante-dix  membres  sont  présents  ^. 

M.  Cumont  prononce  les  paroles  suivantes  : 

La  maladie  empêche  M.  le  comte  F.  van  der  Straten-Ponthoz  de  prési- 
der aujourd'hui  notre  assemblée  générale. 

Nous  regrettons  d'autant  plus  vivement  son  absence  que   nous    tenions 

1  Prennent  en  outre  place  au  bureau  :  MM.  Buis,  vice-président  d'honneur,  Com- 
baz,  J.  Destrée,  P.  Saintenoy,  baron  de  Loë,  de  Raadt,  de  Munck,  Plisnier,  Paris 
et  De  Schryver. 

2  Ont  signé  la  liste  de  présence  :  MM.  H.  Rolland,  Diericx  de  Ten  Hamme, 
Van  Ruysevelt,  Vander  Smissen,  V.  Pourbaix,  Van  Ysendyck,  de  Hacker,  Barella, 
Dens,  Rutotj  Aubry,  Peeters,  vicomte  Desmaisières,  E.  Neve,  Pottelet,  Van  der 
Linden,  R.  van  Sulper,  J.  De  Passe,  Jordens,  Mahy,  Petit,  baron  de  Royer  de 
Dour,  De  Beys,  Van  Havermaet,  de  Brabandère,  De  Samblancx,  Nicod,  Ch.  Ca- 
vens,  G.  Saintenoy,  comte  de  Nahuys,  Schavye,  le  général  Henrard,  Puttaert, 
J.  Baes,  Simon,  L.  Cavens,  De  Proft,  Van  der  Rit,  Schweisthal,  Weckesser, 
Verhaeghen,Titz,  Lavalette,  Michaux,  Poils,  Ch.Heetveld,  Robyns  de  Schneidauer, 
comte  Goblet  d'Alviella,  A.  De  Schodt,  de  Ghellinck  d'Elseghem,  Ed.  Van 
den  Broeck,  P.  Baes,  Lopez-Mendez,  G.  Hecq,  Arm.  de  Behault  de  Dornon,  Des- 
trée, comte  G.  de  Looz-Corswarem,  Alberdingk-Thym  et  Buyschaert. 


—   i86  — 

beaucoup  à  le  remercier  ici  du  soin  avec  lequel  il  a  dirigé  nos  travaux  et  de 
la  courtoisie  parfaite  avec  laquelle  il  a  présidé  nos  séances.  Nous  conser- 
vons tous,  j'en  suis  certain,  le  meilleur  souvenir  des  rapports  si  aimables 
que  nous  avons  entretenus  avec  notre  président  de  l'année  écoulée  et  je  vous 
propose,  Messieurs,  puisque  nous  ne  pouvons  pas  témoigner  en  sa  pré- 
sence toute  notre  reconnaissance  pour  les  services  rendus  à  notre  Société 
par  M.  le  comte  van  der  Straten-Ponthoz,  de  lui  adresser  une  lettre  par 
laquelle  nous  lui  exprimerons  nos  sentiments  de  haute  estime  et  de  grati- 
tude. {Applaudissements.) 

M.  le  secrétaire  général  donne  lecture  du  procés-verbal  de  la  dernière 
séance.  {Adopté.) 

Correspondance. —  M. le  Rév.Welvaaerts  remercie  pour  sa  nomination 
de  membre  effectif. 

M.  Robyns  de  Schneidauer  donne  quelques  renseignements  sur  des 
restes  de  constructions  anciennes  situés  sous  la  cour  de  la  maison  portant 
le  n°  6  de  la  rue  de  Bavière.  Le  bâtiment  de  la  cour  repose  sur  une  vaste 
cave  aux  voûtes  intéressantes.  On  prétend  dans  le  voisinage  que  la  dite 
cave  faisait  partie  des  constructions  de  la  prison  à  la  Steen-Port. 

M.  G.  Hecq  envoie  la  copie  avec  traduction  de  l'Èpitaphe  de  Philippe 
de  Dongelberghe. 

Il  est  fait  part  à  la  Société  du  décès  de  M.  le  docteur  H.  Schliemann,. 
membre  d'honneur,  et  de  M.  N.  J.  Carpentier,  membre  associé. 

Dons  et  envois  reçus.  —  MM.  le  comte  de  Nahuys,  Alp.  de  Witte  et 
Arm.  de  Behault  de  Dornon,  font  don  de  volumes,  de  brochures  et  de 
journaux. 

M.  le  comte  G.  de  Looz-Corswaren  fait  don  de  photographies. 

M.  Buan  offre  à  la  Société  un  tableau  représentant  une  armoirie  ecclé- 
siastique d'un  de  Broyer  de  Buysingen. 

Exposition.  —  i°  Une  série  de  quinze  frottis  de  pierres  tombales. 

20  Une  collection  de  chromolithographies  des  tours  et  tourelles  de 
Belgique,  par  M.  Jean  Baes,  membre  associé  ; 

3°  Plans  et  planches  relatives  à  l'enceinte  de  Bruxelles  au  xive  siècle 
(M.  P.  Combaz)  ; 

4°  Collection  d'ornements  typographiques  donnés  à  la  Société  par  M.  De 
Saucourt  ; 

5*  Carte  préhistorique  et  protohistorique  des  environs  de  Mons  (MM.  le 
baron  A.  de  Loê  et  E.  de  Munck). 

Causerie.  —  Le  berceau  et  le  tombeau  de  Dioclétien  :  Dioclétia  et 
Salona.  —  M.  Ch.Buls,  bourgmestre  de  Bruxelles  et  vice-président  d'hon- 
neur de  la  Société,  fait  une  très  intéressante  causerie  sur  ce  sujet  et  exhibe 


-    i87    - 

une  série  remarquable  de  photographies.  {Remerciements  et  vifs  applaudisse- 
ments.) 

Rapports.  —  M.  de  Raadt  donne  lecture  du  rapport  de  la  commission 
administrative  sur  la  situation  générale  de  la  Société. 

M.  Plisnier  communique  ensuite  le  bilan  de  l'exercice  écoulé  et  le  projet 
de  budget  pour  1891. 

M.  de  Proft,  au  nom  de  la  Commission  de  vérification  des  comptes, 
donne  lecture  d'un  rapport  concluant  à  l'approbation  du  bilan  de  l'exercice 
écoulé  et  du  projet  du  budget  de  1891,  et  rendant  hommage  à  la  gestion 
prudente  et  habile  de  notre  trésorier. 

Élections.  —  M.  le  comte  Goblet  d'Alviella  est  élu  président  pour 
l'année  1891,  en  remplacement  de  M.  le  comte  F.  van  der  Straten-Ponthoz, 
président  sortant  non  rééligible  (art.  14  revisé  des  statuts).  {Applaudis- 
sements.) 

MM.  Destrée,  P.  Saintenoy,  Th.  de  Raadt,  Plisnier  et  De  Schryver  sont 
maintenus  respectivement  dans  leurs  fonctions  de  conseiller,  de  secrétaire- 
général,  de  secrétaire,  de  trésorier  et  de  conservateur  des  collections. 

MM.  Alex,  de  Behault  de  Dornon,  S.  De  Bert,  G.  Hecq,  G.  Lanneau  et 
E.  Pourbaix  sont  nommés  membres  effectifs. 

MM.  S.  De  Greef,  G.  De  Schodt  et  P.  Haumann  sont  nommés  mem- 
bres associés. 

M.  le  comte  Goblet  d'Alviella  prend  possession  du  fauteuil.  Il  remercie 
ses  collègues,  les  assure  de  son  dévouement  et  rend  un  juste  hommage  à 
son  prédécesseur,  M.  le  comte  van  der  Straten-Ponthoz.  {Applaudissements.) 

La  séance  est  levée  à  4  1/2  heures. 


DIOCLÉTIA  ET  SALONA 


Ju  cours  d'un  voyage  dans  TA- 
driatique,  entrepris  au  mois  de 
septembre  1890,  nous  avons  eu 
l'occasion  de  visiter  les  ruines  de  Dioclé- 
tia  et  celles  de  Salona.  La  première  de 
ces  villes  a  vu  naître  l'empereur  Dioclé- 
tien  ;  c'est  dans  le  palais  qu'il  s'était  con- 
struit près  de  la  seconde  que  s'est  termi- 
née son  étonnante  destinée. 

Il  nous  a  paru,  qu'à  ce  titre,  une  de- 
scription de  ces  ruines  peu  connues  pré- 
senterait un  certain  intérêt  pour  les 
membres  de  la  Société  d'Archéologie. 

Rappelons  brièvement  quelques  faits 
historiques  à  ce  propos  : 

En  283,  l'empereur  Aurelius  Carus 
entreprend  une  expédition  contre  la  Mé- 
sopotamie, accompagné  de  son  fils  Nu- 
mérien.  L'empereur  meurt,  tué  par  la 
foudre  suivant  la  version  officielle,  assas- 
siné par  ses  soldats  selon  toute  probabi- 
lité. 

Numérien  atteint  d'ophtalmie  ramène 


Fig.  I.  —  Campanile  de  Spalato. 


—    i89   — 

Tarmée  vers  le  Bosphore,  où  elle  arrive  en  septembre  284  ;  pen- 
dant le  passage  du  détroit,  le  jeune  empereur  meurt  assassiné 
dans  sa  tente.  Aper,  préfet  du  prétoire  et  son  beau-père,  est  soup- 
çonné d'être  l'auteur  du  crime  ;  les  soldats  se  révoltent  et  élisent 
pour  chef  Dioclès,  comte  des  domestiques  ;  celui-ci  accuse  Aper 
du  meurtre  de  son  beau-fils  devant  un  tribunal  improvisé  et,  sans 
attendre  la  sentence,  lui  plonge  son  épée  dans  le  cœur. 

Les  soldats  proclament  Dioclès  empereur  sous  le  nom  latinisé 
de  Diocletianus.  C'était  un  soldat  de  fortune,  né  d'un  esclave 
dalmate,  en  245,  à  Docléa,  Dioclea  ou  Diocletia,  petite  ville 
située  non  loin  du  lac  de  Scutari,  au  confluent  de  la  Zêta  et  de  la 
Moraça.  Ses  ruines  se  voient  aujourd'hui  près  de  Podgoritza, 
chef-lieu  du  district  annexé,  en  1882,  au  Monténégro,  en  vertu 
des  stipulations  du  traité  de  Berlin. 

Il  paraît  que  l'élévation  de  Dioclétien  au  trône  impérial  n'était 
que  la  réalisation  d'une  .prédiction  d'une  prêtresse  de  Tongres, 
en  Belgique,  qui  lui  avait  annoncé  qu'il  arriverait  à  la  toute  puis- 
sance après  avoir  tué  un  sanglier  (Aper). 

Le  moyen  le  plus  commode  de  visiter  les  ruines  de  Diocletia 
est  de  partir  de  Cettigne  ;  on  sort  de  la  cuve  au  fond  de  laquelle 
est  bâtie  la  capitale  du  Monténégro  par  le  col  de  Graniça,  d'où 
Ton  jouit  d'une  vue  admirable  sur  le  lac  de  Scutari,  dominé  par 
les  Alpes  albanaises.  Il  faut  descendre  d'abord  jusque  Rieka,  puis 
remonter  le  long  des  méandres  pittoresques  de  l'étroite  vallée  de 
la  Rieka  pour  franchir  la  croupe  qui  la  sépare  de  la  vaste  vallée 
de  la  Moraça  ;  on  traverse  celle-ci  sur  le  pont  du  Vizir,  célèbre 
par  vingt  combats  sanglants  entre  Turcs  et  Monténégrins  et  l'on 
va  prendre  gîte  à  Podgoritza. 

A  une  heure  de  marche  en  amont  de  cette  dernière  petite  ville, 
se  rencontrent  les  restes  des  murailles  de  Diocéltia,  construites  en 
bel  appareil  romain  ;  l'emplacement  de  l'antique  cité  est  marqué 
par  un  amoncellement  de  pierres  informes  ;  il  a  d'abord  été  exploré 
par  M.  Schaffarik  et  récemment  par  un  ingénieur  russe. 

La  partie  la  plus  intéressante  est  le  forum  (pi.  VI,  fig.  i),  com- 
posé d'une  place  rectangulaire,dont  l'un  des  côtés  était  occupé  par 
une  basilique  ;  on  distingue  parfaitement  l'abside  où  se  plaçait  le 
tribunal  et  le  péristyle  qui  se  trouvait  à  l'un  des  longs  côtés  de  l'é- 
difice, les  bases  des  colonnes  sont  seules  en  place,  les  trois  autres 


—  190   — 

côtés  sont  bordés  de  petites  chambres  qui  (pi.  VI,  fîg.  3),  à  en 
juger  par  Ja  disposition  de  Tentrée,  devaient  être  des  boutiques 
analogues  à  celles  qui  se  voient  dans  toutes  les  villes  de  la  côte 
dalmate  ;  Tune  de  ces  chambres  présente  une  petite  abside  des- 
tinée, peut-ètrC;  à  recevoir  un  autel  ou  la  statue  d'une  divinité  ; 
on  y  trouve  encore  une  base  qui  justifie  cette  supposition. 

Trois  des  côtés  de  la  place  sont  bordés  de  canaux  destinés 
probablement  à  rafraîchir  l'atmosphère  de  ce  forum  assez  en- 
caissé. Cela  fait  supposer  que  Dioclétia  avait  son  aqueduc  qui 


Fis 


Basilique  de  Salona. 


allait  prendre  Teau  au  cours  supérieur  de  la  Moraça  ou  de  la 
Zêta.  Arrosée,  Timmense  plaine  d'alluvion,  aujourd'hui  dessé- 
chée et  brûlée,  qui  s'étend  autour  de  la  ville,  serait  d'une  admi- 
rable fertilité  ;  elle  deviendrait  le  grenier  du  Monténégro,  sou- 
vent affamé. 

Tout  autour  de  cette  place,  dans  les  tranchées  creusées  par  les 
archéologues,  on  trouve  des  fragments  de  colonnes  cannelées, 
des  chapiteaux  corinthiens,  des  modillons  ornés  de  feuilles 
d'acanthe,  des  plafonds  à  caissons,  où  des  têtes  d'enfants  alternent 


—  191  — 


Hnlablcmenf  î)u?ûlflis  )f  J)ioc\?fxm.  JJt  Ocl  elîa . 


Lnrmier  rpmpîo-rp  par  unp  ^ouflnp. 
JB>    IPri^  conuext. 


^  JDiodérTa.  Pq.1. 


I'      JBasiHc|ue. 

3      :b      3       ^ 


pp'ristule. 


Forum. 


FFrri 


A-  fiaseyûuïel  ou 

fi   ^asps  pp 

colonrips. 
C.  ^BouficjUPS. 
^     Canaux 

^iî'irrigarion. 


% 


PI.  VI.  —  Forum  de  Dioclétia  et  entablement  du  palais  de  Dioclétien 
(dessin  de  M.  Paul  Combaz.) 


—  192  — 

avec  des  rosaces,  des  bases  de  colonnes,  des  mosaïques,  des 
traces  de  peinture. 

Tous  ces  fragments  d'architecture  dénotent  le  style  de  la 
décadence  de  l'art  romain,  tel  surtout  qu'il  se  pratiquait  dans  les 
provinces  éloignées  de  Tempire  par  des  artistes  de  second  ordre; 
ils  semblent  porter  la  date  du  règne  de  Dioclétien  ;  il  n'y  aurait 
rien  d'étonnant  que  le  puissant  empereur,  qui  devait  aimer  sa 
contrée  natale  puisqu'il  voulut  s'y  retirer,  ait  doté  son  lieu  de 
naissance  de  constructions  somptueuses.  Mais  l'histoire  est  muette 
sur  Diocletia  ;  nous  n'avons  pu  trouver,  malgré  nos  recherches, 
aucun  renseignement  sur  son  origine  ni  son  développement. 

Après  vingt  années  d'un  règne  brillant,  au  cours  duquel  il 
avait  associé  à  l'empire  trois  autres  Césars,  repoussé  les  barbares 
des  frontières,  lutté  vainement  contre  la  propagande  du  christia- 
nisme, au  jour  fixé  par  lui-même  à  son  avènement,  le  i^'"  mai 
305,  Dioclétien  abdique  à  Nicomédie  en  même  temps  que  Maxi- 
mien quitte  le  pouvoir  à  Milan.  L'empereur  se  retire  aux  envi- 
rons de  Salona,  dans  un  somptueux  palais  qu'il  se  taisait  bâtir 
depuis  huit  ans,  au  bord  de  la  mer,  dans  un  site  admirable,  l'un 
des  plus  beaux  des  belles  rives  de  l'Adriatique. 

Aujourd'hui,  Salona  n'est  plus  qu'un  monceau  de  ruines  et  le 
palais  de  Dioclétien  est  devenu  la  ville  de  Spalato. 

Lucain  a  dépeint,  en  deux  vers  qui  font  tableau,  .la  situation 
de  Salona  : 

Qua  maris  Adriaci  Icngas  ferit  undas  Salonas 
Et  tepidum  in  molles  Zephiros  excurrit  Jader  ^ 

C'est,  en  effet,  au  bord  du  Jader  qu'on  trouve  les  ruines,  elles 
sont  dominées  par  les  croupes  dénudées  des  Alpes  dinariques, 
par  la  masse  imposante  du  Mossor,  au  pied  duquel  s'ouvre  la 
passe  d'où  la  forteresse  deClissa  commande  la  route  de  la  Bosnie. 
Au  sud,  les  flots  bleus  de  l'Adriatique  scintillent  au  soleil  et  vien- 
nent border  d'un  ourlet  d'écume  les  îles  violettes  qui  surgissent 
de  la  mer. 

Salona  a  une  histoire  plus  mouvementée  que  Diocletia  :  Appol- 
lonius   de    Rhodes  prétend   qu'elle  s'élève  sur   l'emplacement 

1  Lucain,  Pharsak,  lib.  IV,  404-405. 


—    193   — 

d'Illenis,  fondée  par  Illo,  fils  d'Hercule,  au  xiu^  siècle  av.  J.-C. 
Jason,  à  son  retour  de  Colchide,  y  trouva  un  accueil  hospitalier 
et,  par  reconnaissance,  y  consacra  à  Apollon  un  trépied  qu'il 
avait  eu  l'indélicatesse  d'enlever  à  son  beau-père,  en  même 
temps  que  Médée-. 

lUenis  fournit  70  galères  à    l'armée    achéenne,    pendant   la 
guerre  de  Troie. 


Fig.  4.  —  Portique  du  temple  de  Spalato. 


En  117  avant  J.-C, Salona  résiste  aux  Romains,commandéspar 

le   consul  Métellus,  qui  est  obligé  de  lever  le  siège  ;  en  Tan  78  le 

proconsul  G.  Cesconius,  plus  heureux,  la  prend  après  un  siège  de 

deux  ans  ;  en  640,  elle  est  complètement  détruite  par  les  Avares, 

et  ses  malheureux  habitants  se  réfugient    ad  Palaimm,  dans  les 

ruines  du  palais  de  Dioclétien,  que  leurs   descendants   occupent 

encore  après  des  vicissitudes  sans  nombre. 

i3 


—    X94   — 

Aujourd'hui,  Tantique  cité  a  disparu  sous  un  amoncellement  de 
pierres  et  de  terre,  et  Tactif  vigneron  dalmate  y  cultive  sa 
vigne. 

De  nombreuses  fouilles  y  ont  été  faites  par  Carrara,  Lanza,  et 
surtout  par  Glavinitch.  Elles  ont  enrichi  le  Musée  de  Spalato. 

Les  fondations  des  murailles  et  des  tours  ont  d'abord  été  déga- 
gées afin  de  déterminer  Tenceinte  de  la  ville  ;  il  faut  cinq  quarts 
d'heure  pour  en  faire  le  tour. 

Ces  fortifications  paraissent  appartenir  à  quatre  époques  : 
1°  mur  soutenu  par  des  contreforts  ;  2°  enceinte  double  ;  3°  80 
tours  ;  4°  bastions.  L'enceinte  est  percée  de  quatre  portes.  La 
principale  est  Xd.  porta  Andertia^  qui  conduisait  à  l'antique  Ander- 
tium  (Glissa).  La  deuxième  porte  montre  les  restes  de  deux 
ailes  dans  lesquelles  s'encastraient  la  porte  extérieure  et  la  porte 
intérieure  ;  les  deux  tours  octogonales  qui  la  flanquaient  ont 
disparu,  des  traces  d'ornières  se  voient  dans  le  pavement  de  la 
route  qui  la  traversait. 

Les  restes  d'une  basilique  (fig.  2)  ofifrent  encore  un  pavement 
en  mosaïque,  des  bases  de  colonnes  qui  permettent  d'en  détermi- 
ner le  plan  et  les  dimensions  ;  çà  et  là  gisent  des  fûts  de  colonnes. 
Un  grand  nombre  de  sarcophages  romains  et  chrétiens  ont  été 
trouvés  à  côté,  les  plus  remarquables  ont  été  transportés  à 
Spalato,  mais  beaucoup  restent  béants  autour  de  la  basilique. 

Non  loin  de  là^  on  reconnaît  les  ruines  de  thermes  privés,  cons- 
truits sur  un  plan  octogonal  ;  les  dispositions  rappellent  celles  du 
/r^^/iitïr/^/?;^  des  bains  de  Pompéi.  Six  bases  de  colonnes  sont  en 
place,  les  murs  sont  percés  de  quatre  ouvertures  entre  lesquelles 
sont  creusées  cinq  niches,  servant  à  déposer  les  vêtements  et  les 
ustensiles  des  baigneurs  ;  au  centre  un  bassin  dont  la  margelle  est 
conservée.  Tous  les  fragments  de  décoration  architecturale  indi- 
quent la  richesse  de  la  construction,  mais  la  lourdeur  des  profils 
révèle  un  art  de  la  décadence. 

L'emplacement  de  l'amphithéâtre  est  marqué  par  des  traces  de 
murailles  formant  une  ellipse,  quelques  parties  du  podium  restent 
debout,  ainsi  que  neut  arcs  du  mur  moyen  qui  soutenait  les  gra- 
dins ;  on  y  trouve  un  passage  souterrain  de  126  pieds  de  long. 

Comme  presque  toutes  les  ruines  antiques,  celles-ci  furent  lar- 
gement exploitées  ;  on  en  fit  des  carrières  de  pierres  à  bâtir,  pour 


—   195   — 

construire  Spalato  et  même  pour  orner  les  édifices  de  Venise. 

Aux  environs  de  ces  ruines  se  dressent  les  arcades  d'un  aque- 
duc sans  lequel  le  paysage  d'une  ville  antique  serait  incomplet. 

Les  fouilles  dont  nous  avons  parlé  ont  enrichi  le  Musée  de 
Spalato  de  plaques  avec  inscriptions,  de  stèles,  de  fragments  de 
statues,  de  sculptures,  de  fûts  de  colonnes  en  marbre,  de  mosaï- 
ques, d'urnes,  d'ustensiles  de  ménage,  en  métal,  en  verre,  en 
terre-cuite,  en  un  mot  la  moisson  ordinaire  de  ces  sortes  de 
recherches. 

Mais  rentrons  à  Spalato  ;  le  marché  vient  de  finir,  de  nombreux 
paysans  dalmates  et  même  bosniaques  sortent  de  la  ville^  la 
plupart  montés  sur  un  bourriquet  ou  un  petit  cheval  de  montagne  ; 
les  plus  galants  ont  mis  leur  femme  en  croupe,  mais  presque  tous 
la  laissent  trotter  dans  la  poussière  qu'ils  soulèvent  derrière  eux, 
sous  l'ardent  soleil  ;  avec  leur  turban  ou  leur  fez,  leur  veste 
brodée,  leurs  larges  culottes  al/a  furca,  leur  ceinture  garnie  d'ar- 
mes, ils  ont  l'air  de  brigands  orientaux,  tandis  que  leurs  femmes, 
drapées  dans  leur  longue  dalmatique  blanche,  ont  la  noblesse  de 
statues  antiques. 

C'est  en  vain  que  nous  leur  demandons  l'autorisation  de  les 
photographier;  ils  se  méfient  de  notre  objectif  comme  du  mauvais 
œil.  Pendant  que  notre  cocher  parlemente  avec  eux,  notre  détec- 
tive en  saisit  cependant  quelques-uns,  sans  qu'ils  s'en  doutent. 

Dioclétien  a  dû  parcourir  souvent  cette  route,  quand  il  se  rendait 
à  ce  potager  où  il  cultivait  de  si  beaux  légumes  qu'ils  ne  lui  fai- 
saient pas  regretter  l'empire.  Il  meurt  dans  son  palais  en  314  ;  non 
pas  abandonné,  ni  persécuté,  comme  des  auteurs  chrétiens  l'ont 
avancé,  mais  honoré  et  consulté  par  ses  successeurs  ;  son  tombeau 
est  respecté  jusqu'à  ce  que  les  Vandales  le  pillent  en  409. 

Les  Barbares  partis,  un  gynécée  de  jeunes  filles  dalmates  est 
installé  dans  le  palais  ;  en  475,  il  est  rendu  à  sa  destination 
primitive;  puis,  de  nouveau  pillé;  les  habitants  de  Salona  s'y 
réfugient  après  la  destruction  de  leur  ville  par  les  Avares  ;  mais 
ils  n'échappent  pas  aux  pillages  successifs  des  Slaves,  des  Croates, 
des  Serbes,  des  Hongrois,  des  Normands,  des  Tartares,  des 
pirates  narentins  et  uscoques,  jusqu'au  moment  ou  Vénitiens  et 
Grecs  s'arrachent  les  lambeaux  de  la  malheureuse  cité  ;  il  est  peu 
de  villes  qui  aient  subi  d'aussi  cruelles  dévastations. 


—    196  — 

Le  palais  de  Dioclétien  forme  un  vaste  quadrilatère  de  190- 
mètres  de  longueur  sur  160  de  largeur;  il  était  flanqué  de  quatre 
grosses  tours  carrées  dont  trois  se  voient  encore. 

La  façade  sud  tournée  vers  le  port,  présente  une  puissante 
muraille,  fruste  aujourd'hui,  mais  d'un  bel  appareil  ;  elle  est 
décorée  de  50  pilastres  doriques  et  de  50  arcades  plein  cintre, 
celles-ci  formaient  une  galerie  ornée  de  statues  ;  cette  façade  est 
percée  de  fenêtres  modernes  qui  donnent  le  jour  aux  habitations 
nichées  dans  le  palais. 

Là  façade  ouest  est  noyée  dans  les  constructions  et  présente 
de  larges  brèches  par  lesquelles  la  ville  s'est  répandue  au  dehors 
pour  former  un  quartier  neuf. 

Quatre  portes  donnaient  accès  au  palais,  à  l'ouest  la  porte  de 
fer,  à  l'est  la  porte  d'airain,  au  sud  la  porte  d'argent,  au  nord 
la  porte  dorée.  Cette  dernière  est  la  plus  ornée,  elle  présente  des 
arcaturcs  saillantes  supportées  par  des  colonnettes,  entre  les- 
quelles étaient  creusées  trois  niches  destinées  à  recevoir  des 
statues.  Trois  de  ces  portes  étaient  flanquées  chacune  de  deux 
tours  octogonales;  six  tours  carrées  étaient,  en  outre,  distribuées 
autour  de  l'enceinte. 

Ces  portes  étaient  reliées  par  de  larges  voies  se  croisant  au 
centre  de  l'édifice,  elles  étaient  bordées  de  portiques  dont  les 
colonnes  et  les  chapiteaux  apparaissent  encore  encastrés  dans  les 
murailles  des  maisons  qui,  aujourd'hui,  ont  rétréci  ces  Voies. 

En  entrant  par  la  porte  dorée,  on  trouvait  à  gauche  le  quartier 
des  gardes,  à  droite  celui  des  femmes.  A  l'intersection  des  voies 
s'ouvrait  le  forum,  actuellement  la  place  du  dôme.  Là,  on  est  en 
présence  du  péristyle  du  quartier  de  l'empereur,  dont  les  appar- 
tements s'ouvraient  sur  la  mer,  du  côté  sud. 

Ce  péristyle  est  orné  de  16  colonnes  en  granit  égyptiei)  à  bases 
attiques,  à  chapiteaux  corinthiens  ;  ceux-ci  supportent  directe- 
ment les  arcs  ;  la  porte  qui  conduit  au  vestibule  est  précédée  d'un 
portique  orné  de  quatre  colonnes  corinthiennes,  elles  portent 
un  entablement,  horizontal  latéralement,  se  courbant  en  arc  au 
centre  ;  cet  arc  est  surmonté  d'un  fronton  triangulaire.  On  se 
trouve  [ensuite  en  face  d'une  porte  cintrée,  flanquée  de  deux 
portes  à  encadrement  rectangulaire  et  surmontées  de  frontons 
triangulaires. 


-  197   - 

Rien  qu'à^  cette  description  sommaire,  on  aura  déjà  remarqué 
que  Ton  se  trouve  en  présence  d'un  intéressant  spécimen  de  la 
transition  de  Fart  classique  à  un  art  pittoresque  et  fantaisiste, 
qui  recherche  des  combinaisons  nouvelles  parce  que  ceux  qui  le 
pratiquent  ont  perdu  le  sens  de  la  belle  construction  grecque,  où 
tout  est  rationnel,  justifié  par  les  nécessités  de  la  structure  et  les 
propriétés^des  matériaux.  Dans  les  entablements,  le  larmier  a 


Fl<^.  3.  —  Temple  d'Esculape  à  Spalato. 

disparu,  la  frise  prend  une  courbe  convexe,  les  profils  s'alourdis- 
sent et  n'ont  plus  la  gracieuse  liaison  organique  des  moulures 
grecques  (pi.  VI,  fig.  2)  ;  on  s'aperçoit  que  le  système  horizontal 
de  l'architecture  antique  cède  la  place  au  système  vertical  qui  ré- 
gnera au  moyen  âge  ;  nous  avons  devant  nous  les  premières  pulsa- 
tions du  style  baroque  de  l'époque  romaine  ;  c'est  un  art  nouveau, 
mais  un  art  de  décadence,  on  n'y  sent  pas  palpiter  l'énergie,  la 


—  198  — 

puissance  d'un  art  jeune;  la  décoration  est  surchargée,  en  même 
temps  les  détails  sont  maigres  et  d'une  fausse  richesse. 

A  Test,  se  trouve  le  temple  de  Jupiter,  (fig.  4)  spécialement 
vénéré  par  Dioclétien  ;  il  est  précédé  d'un  portique  de  quatre 
colonnes  englobées  dans  le  massif  formant  la  base  au  campanile 
vénitien  construit  en  1416  (fig.  i),  pour  servir  de  clocher  à 
Téglise  installée  dans  Tancien  sanctuaire  du  maître  des  dieux. 

Ce  temple  octogone  est  entouré  d\m  portique  périptère  de  24 
colonnes,  portant  une  architrave  très  simplement  profilée. 

A  rintérieur  huit  colonnes  monolithes  de  granit  sont  surmon- 
tées de  lourds  ressauts  hors  de  proportion  avec  les  dimensions  de 
la  cella  et  d'une  frise  très  ornée  ;  au-dessus  se  voit  un  deuxième 
ordre  de  pilastres  composites  entre  lesquels  court  une  frise  avec 
des  amours  combattant  des  lions.  Sous  Téglise  se  trouve  une 
vaste  crypte  que  nous  ne  pûmes  visiter. 

En  se  dirigeant  du  forum  vers  la  porte  de  fer,  on  rencontre  bien- 
tôt un  petit  temple  tétrastyle  (fig.  5)  dédié  au  dieu  que  Dioclétien 
honorait  le  plus  après  Jupiter,  à  raison  de  sa  mauvaise  santé,  à  Escu- 
lape.  Les  colonnes  du  péristyle  et  le  fronton  ont  disparu.  Ce  petit 
édifice  échappe  aux  critiques  que  nous  formulions  plus  haut  ;  il 
est  conçu  dans  le  style  de  la  bonne  époque  de  l'art  romain  et  a 
conservé  quelque  chose  de  la  distinction  grecque.  Les  antes  sont 
en  bon  état  ;  la  porte  d'entrée  est  couronnée  d'une  corniche  fine- 
ment sculptée  en  palmettes,  ornée  de  modillons,  d'oves  et 
supportée  par  deux  puissantes  consoles  à  volutes  ioniques  ;  Fen- 
cadrement  de  la  porte  est  richement  décoré.  La  cella  n'est 
éclairée  que  par  la  porte  d'entrée  ;  de  trois  côtés  court  une  cor- 
niche très  riche  et  la  voûte  est  excavée  en  caissons  profonds.  La 
frise  présente  un  bas-relief  d'amours  se  jouant  au  milieu  de 
pampres,  de  vases  de  sacrifices,  de  lions  et  de  léopards. 

Ce  petit  édifice  est  souvent  désigné  comme  ayant  servi  de 
mausolée  à  l'empereur.  On  y  trouve  un  sarcophage  dont  le  bas- 
relief  représente  la  chasse  du  sanglier  du  Calydon.  On  a  voulu  y 
voir  une  allusion  à  la  prédiction  de  la  prêtresse  de  Tongres. 
(Aper,  sanglier).  Mais  la  fin  prématurée  de  Méléagre  a  fait  choisir 
souvent  ce  héros  par  les  scuplteijrs  de  sarcophages  comme  figure 
symbolique  de  la  fragilité  humaine.  La  preuve  serait  plus  décisive 
s'il  était  démontré  que  ce  monument  antique  est  resté  en  place. 


—  T99  — 

Nous  aurions  alors  deva.it  les  yeux  ce  tombeau  qui,  sous 
Constance,  était  encore  recouvert  de  la  pourpre  impériale,  puis- 
qu'un certain  Danus  fut  accusé  du  crime  de  lèse-majesté  pour 
avoir  dérobé  ce  velamen  piirpureum  ;  poursuite  qui  témoigne  à 
l'évidence,  contrairement  à  Tallégation  de  Lactance,  du  respect 
dont  la  mémoire  de  Dioclétien  était  entourée  par  ses  successeurs. 

Une  promenade  dans  les  ruelles  étroites  de  Spalato  est  féconde 
en  jouissances  pour  l'archéologue.  A  chaque  pas,  il  se  trouve  en 
présence  d'un  fragment  antique  :  bas-relief,  morceau  de  corniche, 
débris  de  chapiteau,  reste  d'entablement  saillant  d'une  boutique 
de  coiffeur,  d'un  magasin  de  tailleur  ou  d'une  échoppe  de  cordon- 
nier. Quelques  habitations  patriciennes  offrent  des  motifs  intéres- 
sants de  l'époque  vénitienne  :  portes  romanes,  balcons  italiens, 
portiques  de  la  Renaissance  ;  une  foule  d'objets  sollicitent  la  pers- 
picacité de  l'antiquaire  qui  cherche  à  reconstituer  l'ensemble 
auquel  ils  ont  dû  appartenir.  Puis,  dans  ce  cadre  pittoresque 
s'agite  une  population  qui  a  le  bon  esprit  de  conserver  jalouse- 
ment son  costume  national  pour  la  plus  grande  joie  du  voyageur 
en  quête  d'originalité  et  lassé  de  l'uniforme  banalité  des  villes 
modernes. 

Ch.  Buls. 


LES 


FRANCS    SALIENS 

DANS   LA  PROVINCE   DE  BRABANT 
Leurs  invasions,  leurs  établissements  et  leurs  sépultures. 


(Snik  et  fin)  ' 


II 


ans  le  chapitre  précédent,  nous  nous  sommes  appliqués 
à  démontrer,  par  des  documents  historiques,  les  inva- 
sions et  les  étabhssements  des  Francs  saliens  dans  notre 
province  ;  voyons  maintenant  quelles  sont  les  données  archéolo- 
giques qui  viennent  contrôler  Fhistoire  :  nous  voulons  parler  des 
sépultures  franques  découvertes  jusqu^ici  dans  le  Brabant. 

Quoiqu'aucune  recherche  ayant  pour  but  de  découvrir  des 
sépultures  franques  n*ait  été  exécutée  jusqu'à  ce  jour,  dans  le  sol 
brabançon,  quelques  cimetières  ou  tombes  isolées  ont  néanmoins 

1  Voir  première  partie  :  t.  V.  i^e  Hvr.,  p.  72. 


—    20I    — 

été  mis  au  jour  par  le  fait  d'un  pur  hasard,  dans   les  communes 

suivantes  : 

ANDERLECHT  (ar.  de  Bruxelles,  c.  de  Molenbeek-S^-Jean). 
Cimetière  de  plus  de  cent  tombes,  qui  a  été  fouillé  par  les 
soins  de  la  Société,  sous  la  direction  de  la  Commission  des 
fouilles.  (Notice  en  préparation). 

BOMAL  (ar.  de  Nivelles,  cant.  de  Jodoigne),  situé  à  proxi- 
mité de  deux  dherticida. 

Sépultures,  au  lieu  dit  Le  Tombois.  (Van  Dessel,  La  Belg. 
et  les  Pays-Bas  av.  et  pend,  la  dom,  rom.  (Suite  à  Touvrage  de 
ScHAYES)  t.  IV,  p.  54.  -  Baron  A.  de  Loë,  Ann,  de  la  Fédération 
arch.  et  hist.  de  Belg.,  t.  IV,  IPpart.,  p.  215  :  Liste  des  sépidt. 
franq.  découvertes  jus  qtt  ici  en  Belg.) 

CORTIL-NOIRMONT  (ar.  de  Nivelles,  c.  de  Perwez),  à 
proximité  de  la  chaussée  romaine  de  Bagacum  Nervioritm  à  Colo- 
nia  Agrippinay  par  Tongres  et  Maestricht. 

Section  de  NOIRMONT.  Sépultures  où  Ton  a  trouvé  des  bijoux 
de  la  dernière  époque  romaine.  [Cours  dhist.  nation,  de  M.  A. 
Wauters  ;  conférence  du  21  novembre  188 y). 

DIEST  (ar.  de  Louvain  ;  chef-1.  de  c),  non  loin  d'un  diverticu- 
hmi  allant  de  Tirlemont  à  Sichem. 

Débris  d'un  vase  franc  dont  Torifice  avait  4  cent,  et  2  mill.  de 
diamètre  et  à  peu  près  la  même  hauteur.  Ce  vase  avait,  dit  l'abbé 
Cochet,  une  grande  analogie  avec  ceux  trouvés  à  Martot  (Eure). 
{Mess,  des  sciences  hist .  1859,  pp.  19  et  20.  Schayes,  Za  ^^/^.  elles 
Pays-Bas  avant  et  pend,  la  dom.  rom.,  t.  III  (Ch.  Piot),  p,  571.  — 
Cochet,  Sépult.  gauL,  rom.,  franq.  et  norm.,  Paris,  1857, p.  129). 

ENINES   (ar.  de  Nivelles,  c.    de  Jodoigne). 

Quelques  années  avant  1854,  on  y  a  découvert  un  grand  nom- 
bre de  tombeaux  disposés  en  ligne  droite  dans  la  direction  de 
TE.  à  rO.  et  espacés  d'environ  2  pieds.  Ils  étaient  formés  de  qua- 
tre grandes  pierres  posées  de  champ,  dont  une  aux  pieds  et  trois  à 
la  tête  ;  de  ces  dernières,  les  deux  latérales  en  soutenaient  deux 
autres  qui  formaient  une  sorte  de  toit.  Les  squelettes  avaient  les 
pieds  au  midi  et  la  tête  au  nord  ;  quelques-uns  étaient  encore 
entiers.  (Tarlier  et  Wauters.  Hist.  des  Com.  belges.  —  Canton 
de  Jodoigne,  p.  323.) 


—    202    — 

GEEST-GEROMPONT  (ar.  de  Nivelles,  c.  de  Perwez),  sur  le 
diveriîculum  de  Tirlemont  à  Namur  et  à  proximité  de  la  voie 
stratégique  de  Bavay  à  Cologne. 

Hameaiidu  TOMBOIS,  au  lieu  dit  Mont  des  Tombes,  à  looo  mètres 
sud  de  la  chapelle  de  N.  D.  de  Hal,  au  Sud  de  la  Gête,  on  a  dé- 
terré des  ossements  bien  conservés  (Tarlier  et  WauterS;  loc,  cit., 
Canton  de  Perwez ,  p .  158.). 

Dans  une  berge  de  la  route  de  Louvain,  à  Tangle  Sud  d'un 
chemin  conduisant  de  la  route  au  centre  de  Petîie-Rosière  (l'angle 
Nord  est  occupé  par  la  chapelle  de  N.  D.  de  Hal)  le  fermier 
Everarts  a  trouvé,  il  y  a  environ  dix-sept  ans  (1848),  des  tom- 
beaux en  pierres,  renfermant  les  ossements  de  deux  hommes 
de  forte  taille.  Les  tombeaux  ne  consistaient  qu'en  parois  latérales 
formées  de  deux  pierres  posées  sans  ciment,  sans  rien  au-dessus 
ni  au-dessous.  Le  terrain  où  cette  découverte  s'est  opérée  se 
trouve  à  700  mètres  O.  N.  O.  de  Téglise  de  Petite-Rosière  (Tar- 
lier et  Wauters  loc,  cit.,  Canton  de  Perwez^  p.  158.) 

GOBERTANGE,  voir  MELIN. 

HOUGAERDE  (ar.  de  Louvain,  c.  de  Tirlemont),  à  proxi- 
mité du  diverticulum  de  Tirlemont  à  Namur. 

Section  d'OVERLAER.  On  a  trouvé,  il  y  a  quelques  années, 
dans  les  carrières  de  grès  de  M.  Victor  de  Tiège,  les  objets  sui- 
vants :  2  petits  vases  en  poterie  rouge  ;  un  vase  gris  orné  de 
dessins  à  la  roulette  ;  un  vase  grisâtre  orné  de  deux  lignes  ondu- 
lées ;  un  petit  vase  en  terre  noire  ;  un  grand  vase  noir  ; 
une  lagène  en  terre  noire.  Ces  objets  se  trouvent  chez  M. 
Alph.  De  Tiège,  notaire  à  Bruxelles.  On  a  encore  trouvé  quel- 
ques perles  en  pâte  de  verre  et  en  pâte  céramique  de  diversescou- 
leurs  ;  une  boucle  de  ceinturon  ;  un  scramasaxe  ;  une  francisque  ; 
un  fer  de  framée  ;  un  fer  de  lance  plus  petit  ^  (Cumont.  Ann,  de 
la  Soc.  d'arch.  de  Bruxelles,  1. 1,  P^  livr.,  p.  194  à  196.  —  Baron 
A.  DE  LoË,  loc,  etc.,  p.  223). 

JAUCHE  (ar.  de  Nivelles,  c.  de  Jodoigne),  proche  et  à  égale 
distance  du  diverticulum  de  Tirlemont  à  Namur  et  de  la  voie  stra- 
tégique de  Bavay  à  Cologne. 

1  MM.  D.-A.  Van  Bastelaer  et  G.  Cumont  qui  avaient  reçu,  le  premier,  les  perles 
et  la  boucle,  le  second,  les  armes  franques.de  M.  le  notaire  de  Tiège,  se  sont 
empressés  de  les  offrir  gracieusement  au  Musée  de  notre  Société. 


—   203    — 

On  a  trouvé;  en  1830,  plusieurs  squelettes  entourés  et  recou- 
verts de  pierres  non  maçonnées.  Des  francisques  et  des  épées 
étaient  déposées  près  d'eux.  Ces  fouilles  ont  été  exécutées  par 
M.  CouLON.  (Bitll.  del'Acad.  roy.de  Belg.,  t. XIV,  i""^  part.,  p. 324 
et  325.  —  Com.  roy.  des  Mon.  —  Bidl.  du  Comité  du  Brabant, 
—  ScHAYES,  loc.  cit.,  t.  III  (Ch.  Piot),  p.  572  et  t.  IV,  1877  (Van 
Dessel)  pp.  121  et  122.  —  Revue  d'hist,  etd*arch.,  t.  II,  p.  296.  — 
Baron  A.  de  Loë,  loc.  cit.,  p.  218.) 

KERKOM  (ar.  de  Louvain,  c.  de  Glabbeek),  à  proximité  de 
deux  diverticula,  de  Tirlemont  à  Aerschot  et  de  Tirlemont  à 
Louvain. 

Sépultures.  [Carte  arch.  de  Van  der  Maelen.  —  Schayes,  loc. 
cit.,  t.  IV,  1877  (Van Dessel,)  p.  125.  —  Baron  A.  de  Loë,  loc. 
cit.,  p.  218). 

LINDEN  (ar.  et  c.  de  Louvain). 

Sépultures  (Van  Dessel,  loc.  cit.,  p.  133  et  Baron  A.  de  Loë, 
loc,  cit.,  p.  218). 

MARILLES  (ar.  de  Nivelles,  c.  de  Jodoigne),  à  proximité  de 
plusieurs  diveriicida. 

Section  de  NODRANGE.  En  juillet  1859,  deux  tombeaux 
francs,  à  peu  près  juxtaposés,  furent  découverts.  Ils  étaient  formés 
de  pierres  de  grès  superposées,  sans  maçonneries^  recouverts  de 
blocs  plus  grands  et  contenaient  chacun  un  squelette.  On  trouva, 
en  outre,  dans  le  premier  tombeau  :  une  framée,  une  francisque, 
une  longue  épée,  une  fibule  à  plaque  d'or  ornées  de  verroteries  *, 
plusieurs  petits  tubes  de  bronze,  des  débris  d'une  pince  de  bronze, 
à  épiler,  des  débris  d'une  bouteille  de  verre  verdàtre,  une  bague 
en  bronze,  des  morceaux  de  bronze  d'une  seconde  fibule,  des 
débris  d'un  bassin  de  bronze,  des  perles  de  collier  en  verre, 
une  petite  framée,  un  marteau  en  bronze  qui,  d'après  M.Ch.  Piot, 
serait  le  marteau  de  Thor  ^  un  fragment  d'une  rosette  en  bronze  à 
jour,    un  fragment  d'un  trousseau   de  cure-dents.  La  seconde 

1  Absolument  semblable  aux  fibules  trouvées  dans  le  cimetière  franc  de  Lède 
et  dont  Schayes  a  donné  la  description  [Bail,  de  VAc.  roy.  de  Beî^.,  t.  XVII, 
p.  120). 

2  C'est  le  seul  que  l'on  ait  trouvé  en  Belgique  jusqu'à  ce  jour.  Cette  trouvaille  est, 
dit  M.  Piot,  de  la  plus  haute  importance  pour  constater  Tépoque  vers  laquelle  les 
Francs  établis  en  Belgique  furent  convertis  au  christianisme. 


—    204   — 

tombe  contenait  deux  framéeS;  des  débris  de  coupe  de  verre,  des 
débris  de  bouteille  de  verre,  une  boucle  de  ceinturon,  en  bronze, 
une  plaque  de  ceinturon,  en  bronze,  avec  entrelacs,  un  anneau 
de  bronze,  une  croix  en  bronze,  d'origine  chrétienne^  d'après  M. 
Piot,  une  fibule  ornée  d'or  en  filigrane  et  de  verroteries  et  d'une 
petite  plaque  d'or  percée  de  trous,  une  tète  d'épingle  en  or  dont 
la  partie  supérieure  est  ornée  de  verroteries  et  la  partie  inférieure 
d'arcatures  romaines  à  plein  cintre,  une  bague  d'or  à  chaton  orné 
d'un  lion,  des  perles  de  collier  d'ambre  et  de  terre  cuite,  un 
style  d'argent  et  d'or,  la  tête  en  forme  de  cure-oreille  *,  une  pla- 
que de  bronze  à  jour  représentant  un  homme  à  cheval  2.  (Ch. 
V\OT,Revued'hist.etd'arch.^\,.^[\'à(iQ-6\)y  p.  296  à  309,  2  pi. 
et  3  vignettes.  (Voir  les  pi.  en  tête  du  vol.).-^^^.  de  la  Féd.  arch. 
ethist.  de  Belg.  t,  IV,  p.  170.  Congrès  de  Charleroi.  —  Schayes, 
loc.  cit,y  t. IV,  1877.  —  (Van  Dessel)p.  144.  —  Baron  de  Loë,  loc, 
cit.y  p.  218.) 

MELIN  (ar.  de  Nivelles,  c.  de  Jodoigne),  à  proximité  du 
divertîculum  de  Tirlemont  à  Namur. 

Section  de  GOBERTANGE.  Sur  le  penchant  d'une  colline  on  a 
trouvé,  en  1832,  à  deux  pieds  de  profondeur,  un  squelette,  sans 
aucun  indice  de  tombe  ni  de  cercueil  et  qui,  la  tête  tournée  à 
l'Orient  transversalement  sur  la  colline,  avait  les  jambes  croisées. 
Les  ossements  étaient  parfaitement  conservés  et  bien  liés,  ce  qu^on 
peut  attribuer  à  l'élévation  du  terrain  et  à  sa  nature  argileuse  sur 
un  fond  pierreux.  Les  vieillards  du  pays  disaient,  en  1832,  que 
ce  lieu  a  été  couvert  jadis  d'un  bois  et  le  père  du  propriétaire  du 
terrain  où  le  squelette  a  été  trouvé,  assure  qu'il  y  a  quinze  ans 
(1817),  on  y  a  déterré  d'autres  squelettes  qui  se  trouvaient  dans 
des  tombeaux  formés  de  pierres  réunies,  mais  dont  il  ne  reste  plus 
de  vestiges,  cette  terre  ayant  été  mise  en  culture.  On  avait  trouvé 
dans  ces  sépultures  franques  un  bracelet  en  cuivre  doré  orné 
d'un  médaillon  barbare  et  un  autre  médaillon  plus  petit,  ainsi  que 
douze  petits  boutons  en  os.  (Baron  de  Reiffenberg,  Bull,  de  l'Ac. 

'  A  peu  près  semblable  à  celui  reproduit  par  l'abbé  Cochet,  Norni.  sont., 
p.  350. 

2  La  découverte  de  Marilles  est  une  des  plus  importantes  qui  aient  été  faites  en 
Belgique  concernant  l'époque  franque. 

L'État  vient  d'acheter  tous  ces  objets  à  M.  Léon  d'Udekem  de  Guertechin. 


—    205    — 

7-oy.  de  Belg.,  t.  I,  1832,  p,  123  a  125  ;  pi.  p.  156.  —  Schayes, 
t.  IV,  1877  (Van  Dessel),  p.  148.  —  Tarlier  et  Wauters,  Géog. 
et  hist.  des  Coin,  de  la  Belg.  —  Canton  de  Jodoignc,  p.  206.  — 
Rev.  d'hist,  et  d'arch.yll,  p.  196.  —  Baron  A.  de  Loë,  loc.  cit,, 
p.  218). 

MELSBROECK  (ar.  de  Bruxelles,  c.  de  Vilvorde),  à  proximité 
du  diverticîdimi  de  Malines  à  Gembloux. 

Grand  nombre  de  squelettes,  spathium,  scramasaxes,  objets  de 
parure  du  genre  de  ceux  de  Lède,  le  tout  trouvé  au  milieu  d'un 
établissement  romain  (Schayes,  Rev.  d'hist,  et  d'arch,,  1. 1,  p.  284, 
et  Bidl.  de  l'Ac.  Roy.  de  Belg. ^  t.  XXIII.  —  Galesloot,  Laprov. 
de  Brabant  avant  Vemp.  rom,,  1859,  p.  55.  —  Schayes,  La  Belg. 
av.  et  pend,  la  doni.  rom..^  t.  IV,  1877  (Van  Dessel),  p.  148.  — 
Baron  A.  de  Loe,  loc.  cit.j  p.  218). 

NODRANGE,  voir  MARILLES. 

NOIRMONT,  voir  CORTIL. 

OVERLAER,  voir  HOUGAERDE. 

SCHAFFEN  (ar.  de  Louv.,  c.  de  Diest). 

Au  lieu  dit  Schoonaerde,  on  a  trouvé  des  armes  franques.  (Ann. 
de  l'Ac.  d'arch.  de  Belg.,  2^  sér.,  t.  V,  p.  416  et  s.  —  Schayes, 
loc.  cit..  t.  III,  1877  (Ch.  Piot),  p.  573.  -  Baron  A.  de  Loë,  loc. 
cit.,  p.  219). 

SICHEM  (ar.  de  Louvain,  c.  de  Diest),  sur  un  divertictdum. 

Débris  d'armes  franques.  [Mess,  des  se.  hist.,  1859,  pp.  19 
et  20)- 

WAYS(ar.  de  Nivelles,  c.  de  Genappe). 

Sépultures.  {Doc.  de  la  Soc.  pal.  et  arch.  de  Char  1er oi,  t.  VII, 
p.  Lxxxn.  —  Schayes,  Icc.  cit.,  t.  IV,  1877  (Van  Dessel), 
p.  223). 

L'on  a  encore  fait  quelques  trouvailles  dans  des  endroits  mal 
déterminés  par  les  auteurs  : 

I"  Aux  environs  de  Bruxelles  (?)  une  épingle  à  cheveux. 
(Renseig.  de  M.  Galesloot. — Schayes,  loc.  cit.,  t.  III,  1877 
(Ch.  Piot),  p.  434  et  t.  IV,  1877  (Van  Dessel),  p.  60.  —  Cochet, 
la  Norm.  sont.,  pp.  49,  378-79,  400,  et  Tomb.  de  Childcric,  p.  28. 
—  Baron  A.  de  Loë,  loc.  cit.,  p.  215). 

2°  Dans  le  déblai  de  la  route  de  Tirlemont  à  Winghe-Saint- 
Georges  (?)  on  a  trouvé,  en  1848,  trois  francisques  et  cinq  urnes 


—  2o6  — 

franques  *.  (A.  G.  B.  Schayes,  Catalogue  et  description  du  Musée 
royal  d*arfnures  et  d* antiquités j  1854,  p.  3,  n°92;  p.  106,  n^s  359- 
363  ;  et  la  Belg.  et  les  Pays-Bas  avant  et  pend,  la  dont,  rom.y  t.  III, 
1877  (Ch.  Piot),  p.  574  et  t.  IV,  1887  (Van  Dessel),  pp.  205  et 
206). 

Comme  Ton  peut  s'en  rendre  compte  par  cette  courte  liste, 
bien  des  fouilles  sont  encore  à  faire  et  notre  province  est  restée 
presque  inexplorée  jusqu'ici.  En  effet,  les  données  archéolo- 
giques pour  le  Brabant  ne  nous  ont  fourni  que  dix-huit  stations  : 
Anderlecht,  Bornai,  Cortil-Noirmont,  Diest,  Enines,  Geest-Gerom- 
pont  y  Hougaerde  {Overlaere),  Jauche,  Kerkom,  Linden,  Marilles 
(Nodrange)y  Melin  [Gobertange) ^  Melsbroeckj  Schaffen,  Sichem, 
IVays,  les  environs  de  Bruxelles  (?)  et  la  route  de  Tirlemont  à 
JVinghe-Saint-Georges  {?).  De  ces  dix-huit  stations,  quatre  sont 
douteuses  :  Bornai,  Kerkom,  Linden  et  Schaffen  ^. 

Il  nous  reste,  pour  achever  notre  étude,  à  nous  occuper,  à 
défaut  de  découvertes  archéologiques,  des  présomptions  topogra- 
phiques, étymologiques,  toponomastiques,  toponymiques,  anthro- 
pologiques et  linguistiques. 

En  dehors  des  localités  où  des  sépultures  ou  objets  de  Tépoque 
franque  ont  été  trouvés,  il  faut  rechercher  d'abord  les  situations 
topographiques  où  les  Francs  avaient  l'habitude  d'enterrer  leurs 
morts,  c'est-à-dire  le  penchant  des  collines,  au-dessus  ou  à 
proximité  des  cours  d'eau.  C'est  là,  du  reste,  que  se  retrouvent 
aussi,  presque  toujours,  les  villœ  que  les  Francs  avaient  trouvées 
abandonnées  ou  à  l'état  de  ruines,  et  dont  ils  firent  leurs 
demeures,  et  comme  ces  villœ  étaient  situées  à  proximité  des 
tumuli,  des  chaussées  et  des  diverticula,  il  s'ensuit  que  leurs  envi- 


1  Ces  objets  se  trouvent  au  Musée  royal  d'Antiquités  et  d'armures  de  l'Etat,  à 
Bruxelles.  , 

2  Elles  ne  sont  indiquées  que  dans  l'ouvrage  de  Van  Dessel  ou  sur  la  carte  de 
Van  der  Maelen,  et  l'on  sait  que  ces  auteurs  ont  parfois  annoté  leurs  cartes  archéo- 
logiques sur  des  renseignements  qu'ils  n'avaient  eu  ni  les  moyens,  ni  le  loisir 
d'aller  vérifier  et  qu'ils  ne  pouvaient  d'ailleurs  accepter  eux-mêmes  que  sous  béné- 
fice d'inventaire. 


—  207    — 

rons  sont  aussi  des  situations  indiquées  pour  retrouver  des  cime- 
tières francs. 

Déjà  en  1856,  Attgustin  Thierry  {Récits  des  temps  mérovingiens, 
p.  186,  en  note),  disait  :  «  Les  noms  de  lieux  qui  peuvent  légiti- 
mement se  rapporter  à  la  période  franque^  sont  ceux  où  se  ren- 
contrent, soit  au  commencement,  soit  à  la  fin,  les  mots  :  ville^  vil- 
lierSy  court,  mont,  val,  bois ,  font,  fontaine ,  etc.  •> 

Chotin  ^  indique  comme  localités  habitées  par  les  Francs,  dans 
le  Brabant,  celles  dont  les  noms  se  terminent  par  heim,  hem,  hach, 
beek,  sala,  sele,  zèle,  gnies, 

M.  Vi^N  DER  KiNDERE  ^  reconnaît  les  traces  des  Francs  dans  les 
terminaisons  des  noms  de  communes  en  heim,  hem,  bach,  sala, 
sele,  zèle. 

u  II  est  à  remarquer,  dit  ce  savant,  que  si  les  noms  de  lieux 
d'origine  franque  sont  miOins  abondants  dans  la  région  wallonne 
que  dans  le  pays  flamand,  c'est  que  cette  contrée  était  déjà  plus 
anciennement  habitée,  etque  les  agglomérations,  villes  ou  villages, 
possédaient  préalablement  des  noms  que  Finvasion  franque  ne 
leur  a  pas  enlevés.  Ensuite,  ce  serait  une  erreur  de  croire  que  les 
noms  francs  fassent  défaut  dans  cette  région;  j'ai  fait  remarquer 
que  les  terminaisons  en  in,  ain,  aing,  etc.,  correspondent  souvent 
à  des  heim;  il  est  de  même  de  celles  de  gnies,  qui  peuvent  n'être 
que  des  transformations  de  inghem  :  Bellignies  =  Bellinghem  ; 
Bettignies  =  Bettinghem.  Seulement  ici,  il  faut  être  prudent,  car 
gnies  et  le  inghem  ne  sont  parfois  tous  deux  que  des  dérivés  d'un 
iacum  antérieur. 

«  Rien  n'est  plus  notable  que  la  fréquence  du  heim  franc.  On  le 
retrouve  depuis  le  Rhin  moyen  jusque  dans  la  vallée  de  l'Escaut, 
partout  où  les  Francs  ont  fondé  des  établissements  nouveaux. 
Dans  les  provinces  wallonnes,  le  heim  s'est  transformé  en  ain,  in, 
chin ;  Houtain  pour  Houtheim,  Ohain,  Haulchin,  etc.,  comme  le 
beek  est  devenu  becq,  baix  :  Everbecq,  Molembaix,  Rebais.  » 

1  Etudes  étymologiques  sur  les  tioms  de  vilhs,  houro^s,  villages,  hameaux,  rivières  et  ruis- 
seaux de  la  province  de  Brahant.  —  Tournai,  Malo  et  Levasseur  (sans  date). 

2  Bulld.  de  la  Soc.  d'Anthr.  de  Bruxelles,  t.  III,  p.  39.  Sur  V établissement  des  Francs  en 
Belgique,  spécialement  d'après  la  toponomastique. 


—  2o8  — 

De  plus,  les  noms  de  lieux  dits,  et  surtout  celui  bien  caractéris- 
tique de  Tombais  sont  aussi  des  sources  de  renseignements  utiles 
et  précieux. 

Sans  avoir  la  prétention  de  fournir  une  liste  complète  des  noms 
de  lieux  dits  touchant  l'époque  franque,  pour  le  Brabant,  nous 
donnons  ci-après  le  résultat  de  nos  recherches  : 

AsscHE.  Hameau  de  Humieghemstmef,  hameau  des  Huns.  —  Voickdghem,  de- 
meure des  peuples. 

Bautersem  (Balters/;^m,  1163  ;  Bouiersheim,  Gram.  ;  Boutercheim,  1301). 
Hameau  de  Uooghutiel. 

Beauvechain  (Bavenckw,  1283). 

Beckerseele  (Bckensela,  Beckeri:^^/^,  1366). 

Beersel.  Hameau  de  Neerbeer^^/.  -  Neckersdelle,  vallée  des  Nickers,  souvenir 
de  la  mythologie  germanique.  Les  Neckers  étaient  des  nains  aquatiques*. 

Bergh.  Hameau  de  Fryssel  (VryseL  Vryieek,  demeure  des  Francs). 

Betecom.  (Curtis  de  Bettenc/;^m,  11 30).  Hameau  de  Ttimmkennsherg^  m.ont 
des  tombes. 

Bierges-sur-Dyle.   lÀtxiàïl  Haies  des  mods. 

Binckom  (Benc/;^m,  1159). 

Borgt-Lombeek.  Hameau  de  Calthem  (Cattes). 

BousvAL,  Lieu  dit  :  Champ  du  Tomhois,  sur  la  limite  de  Baisy,  du  côté  de 
Thy. 

BuNSBEEK.  Chemin  des  Francs.  —  Les  Tombes  de  Lalloux  (lyj^).  Ruisseau  de 
la  Confédération. 

Ceroux-Mousty.  Hameau  de  Franquegnies,  demeure  des  Francs.  —  Franke- 
gnies,  1204  ;  Frankengys,  1 374  ;  Franckingnies,  1412  ;  Francquenies, 
1566  ;  Franquennie,  1607  ;  Franqueny,  an  XIILLieu  dit  :  Champ  d'Enfer. 
—  Cours  d'eau  dit  :  le  Ry  Angon. 

Cortil-sur-Orne.  Lieux  dits  :  Champ  des  tombes.  —  Chemin  des  tombes. 

Court- St-Etienne.  Lieu  dit  :  Prairie  de  Franquenies  demeure  des  Francs. 

Dongelberg.  Lieu  dits  :  Champ  des  fosses  {aux  fosses,  xiv^  siècle). 

DuiSBOURG  {Dusborg,  ii<)6).  Foderesse  des  Allemands,  des  Francs.  Comme  on 
l'a  vu  dans  la  première  partie  de  notre  travail,  nous  partageons  l'avis 
des  auteurs  qui  pensent  que  c'est  le  Dispatgum  où  Clodion  séjourna 
avant  sa  grande  expédition  au  travers  de  la  Forêt  charbonnière. 

1  Une  rivière  de  ce  nom,  le  Necker  ou  Neckar,  existe  en  Allemagne.  Elle  passe 
à  Stuîtgard  et  à  Heidelberg  et  se  jette  dans  le  Rhin,  à  Mannheim. 

Voir  également,  concernant  les  Nickers  ou  Neckers,  Wauters,  Histoire  des  environs 
de  Bruxelles,  t.  I,  p.  xxix  de  l'Introduction. 


—    209    — 

Ei.iXGEN  (EVmghetn). 

Eppeghem.  Fcrmj   de  Neclicrs^oel,  du  uiarais   des  Ncckers,  des  unions,  souvcnir 

de  la  mythologie  germanique. 
Gammerage.  Hameau  de  Wc.'.derhem,  hameau  des  sauvages. 
Geet-Betz.  Lieux  dits  :  bel  Dun'els  h!ock  (!  759),   Mont  des  Diables. 
Grez.  Lieu  dit  :  k  CimMre.  Cet  endroit,  situé  à  Textrémité  septentrionale 
de  Gastuche,  au  point  où  le  ruisseau  du  Pisselet  traverse  la  roule,  doit 
son  nom    aux  ossements  qu'on   y  a   trouvés  et  qui  étaient   mêlés  à  des 
ustensiles  de  ménage  (?) 
Haekendover.  Hameau  de  Wulmersom  (Vulmer/;<JA«,  1086). 
Halle-Bayenhoven.  Lieux  dits  :  Tuugerveld,  'e  champ  du  Tongrois. 
Hamme-Mille  (MillcgZ/tîw,  1233.) 
Herffei.ingen  (Hervellena/;^!/;?.),  lillage  du  comha!. 
Hoeledem.  Lieu  dit  Frauckx  hosch  lueg,  chemin  du  bois  des  Francs. 
Huldexberg.  Prés  de    Duysbourg    {Dispargum),  endroit   montagneux  dit  : 

De  Vranksberg,  la  montagne  des  Francs  ^. 
HuYSSiNGEN  (Hunsen^/;6'/iz,  11 38).  Hameau  de    NeJcersput,  puit  des  Neckers  ou 

Nikers  germaniques,  les  nutons. 
LrTERBEEK.   Lieu  dit  :  Hunsloo,  bois  des  Huns  ? 
Ittre.  Lieu  dit  :  Chemin  des  Morts. 
IxELLES  (E\sela,  1210). 

J0D01GNE-LE-M ARCHE.   Lieu  dit  :    Vieux   cimetière,  vers  l'ouest,    près  de  la 

Gette.  —  Hameau  dit   Francour.    Rue  du   Tomhois    {vove   de    Tombov  à 

MolebisouJ,  146 1).  Chemin  des  Morts.  —  Ruisseau   de  Francourt  (Rieu   de 

Francourt,  1459-1460). 

Laeken.    Hameau   de   Nerkersgat,    trou  des  Neckers;   Nerkersdaeî,    vallée   des 

Neckers. 
Lathuy.  Hameau  de  Francour,  cour  des  Francs.  Rieu  de  Francourt  fFrancort, 
1248).  Cortil  Francotte,  à  Francourt  (1743).  Le  nom  flamand  du  village 
est  Laetwyck  {Lœlorum  viens,  village  des  Létes).  Francourt  vient  de  Fran- 
corum  curtis,  ferme,  manoir  des  Francs.  Ces  noms  semblent  indiquer,  dit 
M.  Wauters,  que  des  Létes  francs  y  ont  été  cantonnés. 
LennickSt-Martin.  Prés  du  chemin  qui  conduit  à  Tombcrg,  on  trouve  le 

Walsberg,  montagne  des  Wallons,  et  la  Vrancxdael,  vallée  des  Francs  '^. 
LiEDEKERKE.  Hameau  de  Fransche  heydi,  bruyère  des  Francs, 
LiMAL.  Lieu  dit  :  Sous  la  ferme  des  morts. 
LiMELETTE.  Licu  dit  :  Fond-des-Tonibes. 
LoNGUEViLLE.  Licu  dit:  As  Tombes. 


'  Voir  Wauters,  Hist.  des  cnv.  de  Bruxelles,  t.  HT,  p.  452. 
2//;/cL,  t.  II,  p.  25!-. 


14 


—    2LO     — 

LuBBtEK.  Lieu  dit  :  Toinmeii  hlûch,  euclos  des  lombes  (1427). 

Machelen.  Lieu  dit  :  Tuylenb:rg.  (V.  Chotin,  loc.  cil.,  p.  236.) 

Maleve.  Lieu  dit  :  Aux  tomhdles. 

Meensel  -  KiESEGHEM.    }At\\iek  (11 32).     La   Fmnkryhsche   Simet,    route   du 

royaume   des  Francs,   se   trouve    près  du  Vrankenhergh   (1470).   montagne 

des  Francs,  vaste  plateau  qui   s'étend  sous  Meensel  et  aux   alentours. 

Lieux  dits  :  Silverenherg  et  Neckerspoel  K 
Meldert.  Lieu  dit  :   Vranken  hoenre  (1340),  le  honnier  des  Francs. 
NiEUWRODE.  Lieu  dit  :  Neckersgat,  trou  des  mitons. 
Mont-St-Guibert.  Le  KiAngon  y  prend  sa  source  à  la  fontaine  Angon. 
Nivelles.  Lieu  dit  :  Bois  du  Sépulcre. 
NoDUWEZ.  Commune  limitrophe  de  Marilles.  Lieu  dit  :  Le  Tombais  ;  le  Tom- 

hois,à  Noduez  14^6  ;  Au  Tomboy,  1658  ;   au  Tombois,  1716  ;  Tombay  de 

Nodwez,  171 5  ;  c'est  un  monticule  surmonté  d'un  calvaire. 
Oetingen.  Hameau  de  Vrankryk,  royaume  des  Francs. 
Orbais.  Lieu  dit  :  Vrancx. 
Ottignies  (Otti^/;^w),    Franquenies,  demeure   des  Francs.  Lieux  dits  :  Ruelle 

des  Morts  ;  La  Frankise  (1260).  Le  Ri  Angon. 
Perwez.  Lieu  dit  :  Campagne  des  tombes. 
Ramillies.  Lieu  dit  :  Chemin  de  Franquenèe,  prés  du  lieu  dit  -.Campagne  de 

Rome. 
RixENSART.  Lieux  dits  :  Les  tombes  ;  Bruyère  des  tombes, 
RoosBEEK.  Lieu  dit  :  Franckxboomgaerl,  pré  des  Francs. 
Saventhem.  Lieu  dit  •.   Tomptvelt,  champ  des  tombes. 

Steencckerzeel  {Och'msala,  viii«  siècle)  Hameaux  :  Wambeek,  HumelgZ?^;;/. 
Sterrebeek.  A  en  Duysborch  pedeken,  au  sentier  du  Fort  des  Allemands{des  Francs). 
Strombeek-Bever.  Hameau   du  Neckersmoirtere,    tene  des  Nickers  ;  Nekerken, 

le  petit  Nicfzer. 
TiRLEMONT.  Lieux  dits  :  Vrankryksche  strate,  route  des  Francs. 
TouRNEPPE.  Hameau  de  Kersterbeek,  le  ruisseau  du  camp.  Lieux  dits  :    Tom- 

helveîd,  champ  des  tombes. 
UccLE.  Lieux  dits  :  Neckersgatjrou  des  Nickers  :  Droeselenberg.  Mont  des  Diables. 
Vieux-Genappe.  Lieu  dit  :  Batlis-des-morts. 

1  «  Les  sites  solitaires  de  Meensel  se  prêtent  aux  récits  superstitieux,  aux  légendes. 
Plus  d'une  histDire  fantastique  s'y  raconte  encore  de  nos  jours. 

«  Les  noms  de  'Neckerspoel  (marais  des  lutins  d'eau)  ;  de  Waiermans  strate  (chemin 
des  hommes  d'eaux)  ;  ^Z/wm^Z^^r^  (montagne  d'argent),  elc,  etc.,  rappellent  la 
croyance  qui  est  restée  enracinée  dans  nos  populations. Celui  de  Fraxkenberg, mon- 
tagne des  Francs,  se  rattache  peut-être  à  l'étabHssement  des  Francs  Saliens  dans 
notre  province. 

Le  Frankenhtrcr  est  situé  près  de  la  Frankryshche  straet,  route  du  royaume  des 
Francs.  »  (Wauters,  Joc.  cit.,  canton  de  Glabcek,  p.  57). 


—    211    — 

ViLLERS-LA- Ville.   Lieux  dits  :  Frauqueuouilie  ;  fontaine  de  Fnuiqnciiouille. 
Virginal.  Lieux   dits  :  Cimetière;  Le  Tomhois  (à  proximité  de  la  Sennette)  ; 

Fontaine  Francisse. 
VoRST.  Lieu  dit  :  Te  Neckersgate. 
Watermael-B.oitsfort.    Hameau  :  de    Tomhloeck,    enclos  des    tombes.  Lieux 

dits  :  Duivelsdelle^  Vallée  du  Diable. 
Wauthier-Braine.  Lieu  dit  :  Au  Tombois  (1469). 
Wesemael.  Hameau  de  Dut^ei,  allemands  saliens  (francs  saliens). 
Winghe-Saint-Georges.  Lieux  dits  :  Strytbempt^  prairies  du  combat  ;  Sassenberg, 

mont  des  Saxons  ;  Sasscnbosch,  bois  des  Saxons. 
WoLuwÉ- Saint-Lambert.  De  Tompveld,  champ  des  tombes. 
YsscHE.  Tombeck,  ruisseau  des  tombes. 

•X- 

-X-  -x-  ■ 

Enfin,  il  faut  étudier  avec  soin  les  crânes  et  les  ossements  auprès 
desquels  on  ne  trouve  pas  de  mobilier  et  que  les  fouilles  met- 
tent à  jour. 

•X- 

La  linguistique,  elle  aussi,  nous  prouve  que  la  population 
flamande  vient  des  Francs.  En  effet,  la  langue  flamande  dérive 
du  germain  ;  il  faut  donc  admettre  que,  clans  la  partie  du  pays 
où  elle  est  restée  en  usage,  les  Francs  étaient  plus  nombreux 
que  les  Belgo-Romains  et  que,  par  conséquent,  leur  langage  a  pris 
le  dessus.  Ces  régions  recèlent  donc  nécessairement  des  tombes 
franques. 

•x- 

^   -X 

Il  résulte  de  ce  qui  précède  que  des  sépultures  nombreuses 
appartenant  à  Tépoque  qui  nous  occupe,  doivent  exister  dans  le 
sous-sol  de  notre  province.  Si  les  découvertes  fortuites  d'anti- 
quités franques  n'ont  pas  été  plus  fréquentes  jusqu'ici,  c'est  que 
les  terres  du  Brabant,  comme  celles  des  Flandres,  de  la  province 
d'Anvers  et  du  Limbourg,  ont  peu  subi  les  remaniements  profonds 
qu'amène  l'industrie.  Il  faut  y  suppléer  par  l'observation. 

Mettons-nous  donc  bravement  à  l'œuvre,  persuadés  que  nos 
recherches  seront  couronnées  de  succès.  Notre  association  aura 
ainsi  l'honneur  de  répondre  à  un  vœu  émis  par  M.  Van  Bastelaer, 
au  Congrès  de  CharLeroi,  ainsi  conçu  :  "  Il  serait  désirable  que 


—    212    — 

dans  le  Nord  y  le  centre  et  l'Ouest  de  la  Belgique,  r  on  fît  des  recher- 
ches actives  pour  retrouver  les  cmietières  francs  des  différentes 
époques  ^  n 

La  Société  d'Archéologie  de  Bruxelles  aura  à  cœur  d'aider 
les  vaillantes  sociétés  de  Namur  et  de  Charleroi*  dans  leurs 
études  sur  la  question  franque,  études  qui  ont  principalement 
pour  but  :  i°  de  pouvoir  établir  une  distinction  entre  les  con- 
quêtes des  Ripuaires  et  celles  des  Saliens  ;  2°  de  pouvoir  dis- 
tinguer, par  Tétude  et  la  comparaison  des  objets,  quelle  est  la 
différence,  au  point  de  vue  de  Part,  entre  les  antiquités  des 
Francs  ripuaires,  et  celles  des  Francs  saliens,  et  de  pouvoir 
préciser,  de  cette  façon,  quelles  sont  les  contrées  qui  ont  été 
habitées  plutôt  par  les  uns  que  par  les  autres. 

A  Tceuvre  !  Ce  sera  un  pas  de  plus  fait  vers  la  solution  de  la 
question  franque  dont  la  Belgique,  depuis  plusieurs  années,  a 
pris  le  mouvement  par  ses  fouilles  et  ses  publicadons. 

Arm.  de  Behault  et  B°"  Alf.  de  Loë. 
Bruxelles,  le  6  mai  1890. 

1  Ce  vœu  a  t}ié  voté  par  rassemblée  (V.  .^;/«.  àc  la  Fèàtrc.tion  historique  et  archéo- 
logique de  Be/^ique,  t.  IV,  p.  182. 


LA 


PIERRE  TOMBALE 


DE 


NICOLAS  GRUDIUS.  FILS  DE  NICOLAS  EVERARD 


Président  du  Grand  Conseil  de  Malines 


!jl  y  a  quelques  années,  M.  Camille  Picqué,  le  savant 
conservateur  des  collections  numismatiques  de  TÉtat, 
communiqua*  à  ses  collègues  de  la  Société  belge  de 
Numismatique,  une  médaille  inédite  de  Jean  Second,  célèbre  par 
ses  poésies  et  surtout  par  ses  dix-neuf  petites  pièces  intitulées 
Basia  (les  baisers). 

Elle  consiste  dans  les  portraits  de  son  frère  Nicolas  Grudius, 
poète  aussi,  et  de  sa  belle-sœur  Anna  Cobella  ou  Coebels. 

Jean  Second  n'était  pas  seulement  un  grand  poète,  mais  encore 
un  médailleur  distingué. 

Lorsque  j'eus   l'honneur   de   vous   faire   une  conférence   sur 

'   Revue  belge  de    'Numismatique,  1875,  pp.  544.-3  >$.   V.  aussi  l'art  ancien  à  Tex- 
position  nationale  de  1880,  pp.  111-112  et  115. 


—    2T4    — 

les  médailles,  à  l'exposition  rétrospective  d'art  industriel,  à 
Bruxelles,  en  1888,  j*ai  particulièrement  attiré  votre  attention  sur 
une  médaille  uniface,  en  plomb,  par  laquelle  le  jeune  et  amou- 
reux poète  a  voulu  transmettre  à  la  postérité  les  traits  de  sa 
chère  maîtresse,  la  belle  Julie  de  Malines.  Vatis  amatoris  Julia 
sculpta  matin  *. 

Ces  deux  médailles  reposent  dans  les  riches  collections  de  TÉtat 
belge. 

Je  n'ai  pas  à  vous  faire  ici  la  biographie  de  Jean  Second  ;  je 
vous  engage,  si  vous  désirez  mieux  le  connaître,  à  lire  l'excellente 
notice  que  lui  a  consacrée  M.  Picqué  dans  la  Revue  de  Numis- 
matique, en  1873. 

Vous  y  trouverez  aussi  de  très  intéressants  détails  sur  la  vie 
de  Nicolas  Grudius,  quatrième  enfant  de  Nicolas  Everardus, 
(en  néerlandais  Cl^es  Everaerts),  président  du  Grand  Conseil  de 
Malines.  Trois  des  enfants  «lu  président  se  rendirent  célèbres 
comme  poètes  et  comme  jurisconsultes,  Jean  Second,  Nicolas 
Grudius  et  Adrien  Marins.  Nicolas  prit  le  surnom  de  Grudius 
parce  qu'il  était  né  à  Louvain  et  qu'il  croyait  que  cette  ville  était 
située  dans  le  pays  des  Grudii  de  Jules  César  ^.  * 

Grudius  fut  chargé  par  l'empereur  Charles-Quint,  et  ensuite 
par  Phihppe  II  de  missions  importantes  ;  il  fut  chevalier,  con- 
seiller d'Etat,  trésorier  des  Etats  de  Brabant  et  greffier  ou 
secrétaire  de  l'Ordre  de  la  Toison  d'Or  ;  Swertius  dit  qu'il  mourut 
à  Venise  en  1571. 

Ses  œuvres  poétiques  se  composent  de  Poemata  pia,  à!Elegiœ, 
à' Epigrammaia,  de  Funera,  de  Sjlvae  et  de  quelques  Apctheoseis, 

Le  manuscrit  de  la  bibliothèque  de  Bourgogne,  n°  20857,  écrit 
M.  Picqué,  donne  la  liste  des  chanceliers,  trésoriers,  greffiers, 
conseillers  et  premiers  rois  d'armes  de  la  Toison  d'Or. 

Il  y  est  dit,  sous  le  nom  de  Grudius,  que  ce  greffier  fut  enterré 
dans  la  chapelle  de  la  Sainte-Croix  de  l'église  d'Alsemberg,  à 

^  V.  la  numismatique  à  l'exposition  rétrospective  d'art  industriel  à  Bruxelles, 
1888,  par  M.  le  comte  Maurin  de  Nahuys  —  Rev.  Bel^e  de  'Num.,  1889,  p.  386. 

2  Voyez  dans  le  Bulletin  mensuel  de  Numismatique  et  d' Archéologie,  publié  par 
R.  Serrure  (t.  IV,  1884-85,  pp.  172-181),  une  très  intéressante  notice  de  celui-ci  sur 
le  poète  et  médailleur  Jean  Second  et  sa  famille  à  propos  d'une  médaille  inédite  au 
buste  de  Nicolas  Everard. 


L 


\ 


D  •  O  • 
•  S  • 

ICOLAVS   Grv 
lyS  NiCOLAI 

c^Brabant 

QvAs-Ord 
fis.  Eqc^ 

ELLE  RI  s 
AVREI 
'SCRI 

\fiA 

PJ.  VIL  -  T.nnbe  de  Niu.kls  wrudius,  ù  Alscinbcrg  (Brabant). 


—    2l6    — 

quelque  distance  de  Bruxelles  '  —  où  il  s'était  fait  construire,  de 
son  vivant,  un  tombeau. 

a  Nous  n'y  avons  rien  trouvé,  ajoute  M.  Picqué,  malgré  les 
recherches  que  M.  le  secrétaire  de  la  commune  a  bien  voulu 
faire  pour  nous,  w 

J'ai  eu  plus  de  chance  que  M.  le  secrétaire  d'Alsemberg  qui, 
cependant,  a  dû  passer  bien  souvent  sur  la  pierre  tombale  de 
Grudius,  mais  ne  s'est  aperçu  de  rien. 

Samedi,  30  août  dernier,  étant  allé  me  promener  aux  environs 
d'Alsemberg,  le  hasard  m'amena  dans  un  estaminet  intitulé  a  An 
Cygne  n,  non  loin  de  l'église  de  cette  commune,  dans  la  partie 
basse  du  village.  Quel  ne  fut  pas  mon  étonnement  en  découvrant 
la  pierre  tombale  de  Grudius  placée  devant  le  seuil  de  la  porte 
ouverte  vers  la  cour  de  cet  estaminet  ?  Malheureusement,  cette 
pierre  n'est  pas  entière  ;  tout  un  côté  a  été  brisé  et  perdu  et  la 
partie  inférieure  a  été  enlevée,  de  sorte  qu'aucune  date  n'est 
visible.  Malgré  ces  dégradations,  l'inscription  est  assez  complète 
et  peut  être  lue  facilement  : 

DEO  OPTIMO  MAXIMO 

SEPULTUS 

NICOLAVS  GRV 

DIVS  NICOLAI 

FILIUS  EaUES  BRABANTIAE 

aV^STOR  ORDI 

NIS  EaUITUM 

VELLERIS 

AVREI 

SCRI 

BA 

CUM  CONIVGIBUS. 

Nicolas  Grudius,  fils  de  Nicolas  (Everard),  chevalier,  trésorier 
de  Brabant  et  greffier  de  l'Ordre  de  la  Toison  d'Or,  enterré  avec 
ses  (deux)  femmes. 

Sa  première  femme  fut  Anna  Coebels,  de  La  Haye,  qui  mourut 
prématurément  en  Espagne,  où  elle  avait  accompagné  son  mari 
chargé  d'une  mission  par  Charles-Quint. 

^  S'il  est  vrai  que  Nicolas  Grudius  soit  mort  à  Venise,  il  aura  sans  doute  été 
embaumé  pour  être  transporté  à  Alsemberg. 


—    217    — 

Dans  la  première  de  ses  Ncnia,  Grudius  chante  les  qualités  de 
la  défunte  et  nous  apprend  que  Jean  Second  a  conservé  les  traits 
de  sa  belle-sœur  sur  une  médaille  d'argent  dont  la  pièce  de  plomb 
découverte  par  C.  P.  Serrure  est  sans  doute  une  épreuve  ^  Sa 
seconde  femme,  d'après  M.  R.  Serrure,  s'appelait  Jeanne  Moys, 
mais  je  n'ai  pu  découvrir  à  quelle  époque  elle  est  morte.  J*ai 
voulu  savoir  pourquoi  Grudius  avait  été  enterré  à  Alsemberg. 

Je  n'ai  pas  trouve  qu'il  eût  quelque  fief  sur  le  territoire  ou  aux 
environs  de  cette  commune.  Il  figure  cependant  parmi  les  dona- 
teurs d'une  verrière  à  l'église  voisine  de  Rhode-S^-Genèse. 
Possédait-il  une  maison  de  campagne  à  cet  endroit  ?  Quoi  qu'il  en 
soit,  sa  pierre  tombale  n'a  été  décrite  ni  par  Foppens,  ni  par 
Swertius^  ni  par  Le  Roy,  dans  le  Théâtre  sacré  de  Brabant. 

Je  termine  en  souhaitant  que  le  Gouvernement  ne  laisse  pas 
détruire  cette  intéressante  pierre  et  en  fasse  l'acquisition  pour  le 
Musée  royal  d'antiquités.  Il  sauvera  ainsi  une  relique  d'un  homme 
qui  a  joué,  en  Belgique,  un  grand  rôle  dans  les  lettres  et  dans 
l'État,  au  xvi^  siècle. 

Georges  Cumont. 


1  C'est  la  médaiile  qui  a  été   décrite  par  M.  C.   Picqué  et   qui   est  actuellement 
•dans  les  collections  de  l'État  belge. 


♦ 


LE    PRÉHISTORIQUE 


DE  LA  COLOMBIE 


la  demande  de  notre  excellent  confrère,  M.  Lopez 
Mendez,  M.  Charles  Patin,  consul  général  de  Belgique 
l'a  Medellin  (Colombie),  vient  de  faire  don  à  notre  Société 
d'un  certain  nombre  d'antiquités  préhistoriques,  ou  précolom- 
biennes, comme  disent  quelques  auteurs,  consistant  en  armes, 
outils,  vases,  idole,  etc.,  provenant  d'anciennes  sépultures 
indiennes  de  la  province  d'Antioquia. 

Avant  de  vous  présenter  ces  objets,  je  vous  prierai  de  jeter 
avec  moi  un  rapide  coup  d'œil  sur  la  préhistoire  du  Nouveau- 
Monde. 

Les  Américains  semblent  être  aborigènes. 

Malgré  une  civilisation  très  avancée,  comme  celle  dont  jouis- 
saient le  Mexique,  le  Yucatan  et  le  Pérou,  la  métallurgie  du  fer 
y  était  restée  inconnue  avant  la  conquête  des  Espagnols.  Les 
armes  et  les  outils  étaient  de  bronze  et  de  pierre  *. 

L'âge  du  fer,  qui  marque  chez  nous  l'aurore  des  temps  histo- 


1  Les  Mexicains  et  les  Péruviens  se  semaient  encore  de  haches  en  pierre,  lorsque  le  cuivre 
et  le  h  ron^e  étaient  déjà  assez  communs  parmi  eux.  (Alex,  de  Humb:;ldt,  —  Vue  des  Cor- 
dillères et  monuments  des  peuples  indigènes  de  l'Amérique). 


t 


—   219  — 

riques,  ne  date  donc,  pour  l'Amérique;  que  de  Tarrivée  des  con- 
qiiistadores ,  soit  de  la  fin  du  xv^  siècle  *. 

En  d'autres  termes,  on  peut  dire  d'une  manière  générale  que 
Tépoque  du  bronze  a  été  Tapogée  du  développement  naturel  et 
spontané  du  Nouveau-Continent.  On  connaissait  cependant  les 
métaux  précieux,  tels  que  For  et  l'argent.  Mais,  à  côté  des 
Mexicains,  des  Péruviens  et  autres,  qui  s'étaient  élevés  au  point 
culminant  de  Tàge  du  bronze,  il  y  avait  des  peuplades  moins 
importantes  et  moins  avancées.  Celles-ci  n'avaient  pas  dépassé 
l'âge  de  la  pierre  polie  et,  en  fait  de  métaux,  ne  connaissaient 
que  l'or.  Enfin,  les  Peaux-Rouges,  les  Guarayos  et  d'autres  tri- 
bus encore  ne  possédaient  qu'une  organisation  sociale  très  rudi- 
mentiiire. 

Les  aborigènes  de  la  Colombie,  dont  vous  avez  devant  vous 
les  produits  industriels,  paraissent  avoir  été,  au  moment  de  la 
conquête,  en  possession  de  cette  civilisation  intermédiaire  qui 
correspond  à  notre  plus  belle  époque  de  la  pierre. 

La  petite  collection  rapportée  par  M.  Patin  comprend  : 

Trois  ciseaux  ou  gouges  en  pierre  schisteuse  polie,  dont  le 
tranchant  résulte  d'un  seul  biseau  ; 

Un  ciseau  en  roche  dure  de  couleur  noire,  d'un  poli  admirable, 
avec  tranchant  à  deux  biseaux  ; 

Deux  haches  polies  en  pierre  dure.  L'une  d'elles  semble  avoir 
été  recueillie  à  la  surface  de  nos  champs,  tant  elle  présente  de 
ressemblance  avec  les  produits  industriels  similaires  des  peu- 
plades néolithiques  européennes  ; 

Une  pierre  arrondie  dont  j'ignore  la  destination  ; 

Un  petit  creuset  à  fondre  l'or  ; 

Un  disque  en  pierre  perforé  au  centre,  peut-être  une  amulette, 
ou  un  simple  objet  de  parure  ; 

Une  espèce  de  coupe  et  une  petite  urne  faites  à  la  main,  en 
terre  assez  convenablement  lissée  et  recouverte  d'une  couche  de 
couleur  rougeàtre.  Ces  vases,  destinés  à  être  suspendus,  sont 
munis  tous  les  deux  de  petites  oreilles  par  oi^i  passaient  les 
cordes.  Le  premier  a  dû  être  plus  complet  autrefois  ;  la  disposi- 


1  Toutefois,  le  fer  était  connu  de  quelques  tribus  de  l'Amazone  et  de  la  Plaai,  mnh 
comme  Jer  météorique. 


—    220     — 

tion  des  bords  semble  indiquer  en  e^ïet  l'existence  d'un  couvercle; 

Deux  outils,  sortes  de  roulettes  en  terre  cuite,  avec  ornements 
en  creux,  ayant  servi  à  décorer  les  vases  ; 

Enfin,  une  idole,  également  en  terre  cuite,  enduite  d'une  couche 
de  couleur  rouge  et  recouverte  de  vernis,  qui  mérite  toute  notre 
attention. 

Elle  a  25  centimètres  de  hauteur  sur  20  de  largeur,  et  représente 
un  être  difforme,  debout,  du  sexe  masculin.  La  tête  est  énorme, 
les  paupières  sont  fermées  et  horizontales,  la  bouche  et  les 
oreilles  sont  petites,  le  cou  est  absent.  Les  bras,  excessivement 
grêles,  sont  apphqués  sur  le  ventre,  et  les  membres  inférieurs, 
fortement  écartés,  permettent  de  distinguer  le  sexe  accusé  d'une 
façon  assez  crue. 

L'objet  est  creux  et  possède  deux  petits  trous,  Tun  à  la  partie 
supérieure,  l'autre  à  la  partie  inférieure  ;  sa  cavité  contient  un 
fragment  d'un  corps  dur  quelconque,  libre,  qui  produit  un  bruit 
lorsqu'on  secoue  l'idole. 

Ces  diverses  pièces^  m'a  dit  M.  Patin,  proviennent  d'anciens 
tombeaux  ;  ce  sont  des  offrandes  funéraires. 

Le  donateur  n'a  malheureusement  pas  été  à  même  de  me  four- 
nir des  indications  plus  précises  sur  leur  gisement.  Je  suis  toute- 
fois d'avis  que  l'on  peut  attribuer  aux  aborigènes  de  la  Colombie 
des  rites  mortuaires  et  des  modes  de  sépultures  analogues  à  ceux 
que  M.  le  D'"  Marcano  a  observé  chez  les  tribus  primitives  du 
Venezuela.  Ces  peuplades  appartenaient,  en  effet,  à  la  même 
grande  race,  et  les  produits  de  leur  industrie  présentent  de  nom- 
breux traits  de  ressemblance. 

M.  Marcano  décrit,  dans  son  intéressant  ouvrage  sur  M  Ethno- 
graphie précolombienne  du  Venezuela,  trois  différentes  espèces 
d'anciens  cimetières  indiens  : 

Les  sépultures  digéraient  suivant  les  tribus.  Au  Nord,  on  enter- 
rait les  morts  dans  leurs  propres  maisons.  Du  sol  de  la  station  sep- 
tentrionale des  Tarmas,  on  a  déterré  des  sarcophages  dans  lesquels 
étaient  places  des  squelettes  accroupis,  toujours  solitaires.  Dans  les 
vallées  méridionales ^  on  déposait  les  cadavres  dans  des  sillons  creusés 
u  ad  hoc.  »  Enfin  y  les  tumidi  (cerritcs),  semblent  avoir  été  spéciaux 
aux  habitants  de  la  zone  précédemment  fixée  ^ . 

^  Pour  détails,  voir  l'ouvrage  cité,  p.  8  à  12  et  p.  74  et  75. 


—    221     — 

En  me  permettant  d'insister  d'une  façon  particulière  sur  l'inté- 
rêt que  présentent  ces  objets  et  sur  le  fruit  que  Ton  peut  retirer 
d'une  étude  comparative  de  notre  civilisation  primitive  avec  celle 
du  continent  américain,  je  propose  à  l'assemblée  de  voter  des 
remerciements  à  notre  consul  général,  M.  Patin,  pour  son  don 
généreux,  ainsi  qu'à  M.  Lopez  Mendez. 

.Baron  Alfred  de  Loë. 
Bruxelles,  7  octobre  1890. 


LES   TOMBELLES 


DES  ENVIRONS 


DE    WAVRE    ET    DE    COURT-SAINT-ÉTIENNE. 


jl  nous  paraît  utile,  au  retour  d'une  excursion  que  nous 
venons  de  faire  aux  environs  de  Wavre  et  à  Court- 
Saint-Etienne,  et  à  la  suite  d'une  enquête  archéolo- 
gique minutieuse  à  laquelle  nous  nous  sommes  livré,  de  rappeler 
l'attention  de  nos  collègues  sur  cette  partie  du  Brabant  wallon 
si  riche  en  antiquités  de  toutes  les  époques  *,  et  surtout  sur  les 
tombelles  qui  y  existent  encore  en  assez  grand  nombre. 

Nous  désignons  par  le  mot  tombelles  une  catégorie  de  tertres 
funéraires  de  très  peu  d'élévation  eu  égard  à  leur  grand  diamètre, 
datant  d'une  époque  antérieure  à  la  conquête  de  César,  et 
qu'il  faut  distinguer  avec  soin  d'autres  tertres  de  plusieurs 
mètres  de  hauteur,  véritables  monuments  que  Ton  aperçoit  de 
loin,  et  qui  ont  été  élevés  sous  la  domination  romaine  ^. 

1  Cette  région  est  un  véritable  pays  de  cocagne  pour  l'archéologue  ;  non  seule- 
ment elle  fourmille  de  lieux-dits  caractéristiques,  mais  on  a  signalé  déjà  :  à  Wavre, 
plusieurs  stations  néolithiques  et  des  substructions  romaines  ;  à  Grez,  des  vestiges 
de  constructions  romaines  et  des  lumuli;  à  Dion-le-Val  et  à  Dion-le-Mont,  des 
stations  néolithiques  et  des  antiquités  romaines;  à  Ottignies  et  à  Court-Saint- 
Étienne,  de  nombreuses  et  vastes  stations  néolithiques,  une  villa  et  des  sépultures 
belgo-romaines,  etc.,  q:Ic. 

^  Ceux-ci  ne  semblent  guère  être  antérieurs  au  ne  siècle  de  l'ère  chrétienne.  Ox\ 
n'y  rencontre,  en  effet,  que  des  monnaies  de  Trajan,  d'Adrien,  d'Antonin  et  de 
Marc-Aurèle. 


—    223     - 

.  L'aire  de  dispersion  de  ces  tombelles  est  très  étendue  :  on  en 
rencontre  autour  de  Wavre,  aussi  bien  dans  le  bois  de  Bierges 
qu'à  la  Bruyère-Saint- Job  et  qu  a  Dion-le-Val  et  à  Dion-le-Mont. 
Il  en  a  existé  également  beaucoup  sur  le  territoire  de  la  com- 
mune de  Court-Saint-Etienne;  elles  occupaient,  pour  la  plupart, 
le  vaste  plateau  de  la  Quenique  et  y  formaient,  suivant  l'ex- 
pression de  notre  confrère,  M.  le  comte  Goblet  d'Alviella,  un 
véritable  cimetière  de  tiimulus  * . 

On  en  voitenoutre  plusieursdansle  bois  de  la  Closière-Laurent. 

D'autres  enfin  ont  été  signalées  à  Ottignies,  à  Limelette,  à 
Corroy-le-Grand,  à  Limai,  à  Chaumont,  à  Ceroux,  à  Bonlez, 
à  Boussut-sur-Dyle,  à  Bousval,  à  Genval  et  à  Rixensart  '^. 

Elles  mesurent  approximativement  i'",  i"^  50,  2"",  et  2"^  50 
d'élévation  sur  8,  15,  20  et  jusque  30  mètres  de  diamètre.  Par 
suite  de  circonstances  naturelles  ou  accidentelles,  il  en  est  même 
dont  la  périphérie  a  augmenté,  aux  dépens  de  la  hauteur,  dans  des 
proportions  telles,  qu'elles  se  trouvent  actuellement  presque  en- 
tièrement effacées  et  qu'il  est  on  ne  peut  plus  difficile  de  les 
distinguer  des  renflements  naturels  du  sol. 

Quelques-unes  de  ces  tombelles  ont  été  fouillées  d'une  façon 
convenable;  d'autres,  et  c'est  malheureusement  le  plus  grand 
nombre,  ont  été  saccagées  et  les  objets  qu'elles  renfermaient 
dispersés. 

Il  paraîtrait  que  le  gouvernement,  dès  1861,  aurait  fait  ouvrir 
quelques  tombelles  à  Court-Saint-Étienne  et  qu'on  en  aurait, 
retiré  des  urnes  et  des  objets  en  bronze  et  en  fer  ^. 

M.  Wauters  en  a  fouillé  également  plusieurs,  notamment  à 
Limelette,  et  entre  Basse- Wavre  et  Dion-le-Val,  mais  sans  succès, 
car  il  n'y  a  trouvé  qu'un  lit  de  charbon  et  des  débris  d'osse- 
ments calcinés  ^. 


^  Il  n'en  reste  plus  aujourd'hui,  à  cet  endroit,  qu'une  seule,  sur  laquelle  on  a  con- 
struit une  chapelle;  et  c'est  à  cette  circonstance  que  nous  devons  sa  conservation. 

2  Par  MM.  Tarlier  et  Wauters,  dans  leur  ouvrage  sur  la  Géographie  et  l'histoire  des 
communes  belles. 

3  M.  le  docteur  N.  Cloquet,  de  Feluy,  a  vu  ces  trouvailles  au  Musée  de  la  Porte 
de  Hal  où  on  les  avait  classées  parmi  les  objets  gnllo-romains., 

"*  Voir  le  rapport  adressé  par  ce  savant  à  M.  le  Gouverneur  du  Brabant  sur  les 
explorations  de  tumulus  et  d'autres  antiquités  effectuées  pendant  l'année  1865  (Dans 
le  Bull,  des  commun,  roy.  d'Art  et  d'ArchJoL,  T.  III,  1864,  p.  540). 


—    224    — 

C*est  il  y  a  une  douzaine  d'années,  qu'a  eu  lieu  ce  que  nous 
appellerons  le  grand  sac  de  la  nécropole  de  Court-Saint-Étienne. 

L'administration  des  hospices  civils  de  cette  commune  ayant 
fait  défricher  le  bois  de  la  Quenique,  presque  toutes  les  tombelles 
disparurent;  la  plupart  des  vases  qu'elles  contenaient  furent 
brisés  par  la  cupidité  des  ouvriers  qui  s'attendaient  à  y  trouver 
des  trésors,  les  autres  furent  vendus  *.  Quant  aux  objets  en  bronze 
et  en  fer,  beaucoup  passèrent  inaperçus  ou  demeurèrent  sur  place; 
d'autres  enfin  furent  cédés  à  divers  amateurs  et  à  des  paysans, 
antiquaires  de  circonstance,  qui  les  brocantèrent  ^. 

Grâce  encore  une  fois  à  l'initiative  privée,  c'est-à-dire  au  zèle 
et  au  dévouement  de  M.  le  docteur  Cloquet,  de  Feluy,  ces  belles 
trouvailles,  si  elles  n'allèrent  point  enrichir  notre  Musée  national 
d'antiquités,  ne  furent  cepehdant  pas  entièrement  perdues  pour 
la  science.  Il  put  se  rendre  à  temps  sur  les  lieux  pour  sauver 
encore  quelques  pièces  qu'il  déposa  dans  les  collections  de  la 
Société  archéologique  de  Nivelles  ^,  et  pour  recueillir  de  nom- 
breux renseignements  qu'il  consigna,  en  une  notice  fort  intéres- 
sante, dans  les  annales  de  cette  société  ^. 

Lors  de  notre  excursion  à  Court-Saint-Etienne,  nous  avons  pu 
voir  dans  les  collections  de  M.  le  comte  Goblet  d'Alviella,  qui 
malheureusement  était  absent  à  l'époque  où  eut  lieu  cette  impor- 
tante découverte,  plusieurs  épces  ou  poignards  en  bronze,  brisés 
ou  tordus  intentionnellement  pour  obéir  à  un  rite  funéraire,  une 
épée  en  fer  également  brisée,  des  bijoux  et  des  pièces  d'équipe- 
ment en  bronze,  deux  petites  urnes  remplies  d'ossements 
calcinés,  une  boule  en  grès  du  système  bruxellien  et  un  nautile 
fossile  du  même  étage  géologique,  le  tout  provenant  des  tom- 
belles de  la  Quenique. 

Nous  avons  vu  aussi  chez  M.  le  représentant  Henricot,  où  se 
trouvent  les  collections  de  notre  regretté  ami  Alfred  Rucquoy, 
les  fragments  d'une  belle  épée  en  fer  à  nervure  longitudinale, 
deux  petits  vases,  dont  l'un  ne  mesure  que  45  millimètres  de  hau- 

^  On  en  aurait  trouvé  plusieurs  centaines! 

2  Certains  habitants  de  Court-Saint-Ftienne  sont  encore  en  p-^sscssion,  nous 
a-t-on  assuré,  de  vases  et  d'autres  objets  provenant  de  la  destruction  des  tombelles 
de  la  Quenique.  Ils  n'attendent  que  l'occasion  de  s'en  défaire  pour  un  bon  prix. 

3  Nous  y  avons  vu  des  tessons  importants  d'une  poterie  d'apparence  gros- 
sière, deux  petits  vases  dont  l'un,  intact,  est  rempli  d'ossements  calcinés,  ainsi  qu'un 
objet  en  fer  indéterminable. 

4  Dans  le  t.  II. 


—   225    — 

teur,  et  quatre  grandes  urnes  cinéraires  renfermant  des  ossements 
calcinés,  de  même  provenance. 

En  1882,  MM.  le  marquis  de  Wavrin  et  De  Pauw  ont  fouillé 
également  quelques  tombelles  a  La  Bruyère  Saint- Job,  entre  Wa- 
vre  et  Dion-le-Val.  Ils  ont  recueilli,  sous  une  série  de  6  ou  8  ter- 
tres de  très  peu  d'élévation,  mais  d'un  diamètre  d'une  trentaine 
de  mètres,  disposés  à  la  suite  les  uns  des  autres  et  formant  une 
sorte  de  chaîne,  des  fragments  assez  considérables  de  plusieurs 
épées  en  fer,  4  ou  5  vases  grossiers  et  une  pierre  polie  sur  toutes 
ses  faces,  en  grès  tendre,  assez  friable,  et  au  grain  très  fin,  mesu- 
rant o'"40  de  longueur  sur  o'"i5  de  largeur  et  o'^io  d'épaisseur. 
Elle  a  été  trouvée  brisée  en  une  foule  de  petits  morceaux  placés 
symétriquement  autour  d'un  foyer,  au  centre  de  la  tombelle,  et 
restituée,  avec  autant  d'habileté  que  de  patience,  par  M.  De  Pauw. 
Cette  pierre  avait  peut-être  servi  à  affiler,  à  adoucir  le  tran- 
chant des  épées,  et  comme  ces  armes,  elle  fut  brisée  pour  obéir 
au  même  rite. 

Voici  maintenant  quelques  renseignements  généraux  au  sujet 
du  dépôt  funéraire  des  tombelles  :  il  semble  que  l'on  ait  parfois 
jonché  le  sol  de  sable  blanc  avant  d'y  élever  le  bûcher.  L'urne 
contenant  les  ossements  calcinés,  et  les  autres  objets,  se  rencon- 
trent au  niveau  du  terrain  primitif  et  non  en  dessous,  comme  c'est 
le  cas  pour  les  grands  tumtdi  à^  l'époque  belgo-romaine.  Le  dé- 
pôt a  donc  été  fait  sur  le  sol  couvert  encore  des  cendres  du 
bûcher,  puis  on  a  élevé  le  tertre.  Ces  cendres  ne  forment  plus 
aujourd'hui  qu'une  mince  couche  de  o"^02  ou  o"^o3  d'épaisseur. 
M.  le  docteur  Cloquet  donne  la  description  suivante  de  la  pote- 
rie des  tombelles,  qui  a  été  faite  sans  l'aide  du  tour,  a  Elle  est  de 
couleur  brune  chocolat,  la  pâte  est  assez  grossière  intérieurement, 
noirâtre,  peu  cuite,  mais  bien  lissée  à  l'extérieur  et  recouverte 
d'un  engobe  de  pâte  plus  fine  à  laquelle  on  a  donné  un  poli.   » 


Ces  tombelles,  dans  lesquelles  les  armes  en  fer  apparaissent 
encore  associées  aux  armes  en  bronze,  datent  du  commencement 
du  premier  âge  du  fer,  ou,  si  l'on  préfère,  de  la  période  de  tran- 
sition du  bronze  au  fer  *. 

1  «  Cette  transition  du  l'âge  du  Bronze  au  premier  âge  du  Fer  s'est  opérée  insensi- 

15 


—  226   — 

La  nécropole  de  Court-S'-Etienne  offre  la  plus  grande  analogie 
avec  les  cimetières  de  Louette-S^-Pierre  et  de  Gedinne  (province 
de  Namur)  dont  les  caractères  rappellent  beaucoup  la  civilisation 
haltstattienne  *. 

A  quelle  race  peut-on  attribuer,  chez  nous,  ce  nouveau  progrès 
dans  l'évolution  industrielle  ? 

Il  serait  téméraire,  dans  l^état  actuel  de  nos  connaissances  en 
la  matière,  de  vouloir  résoudre  la  question. 

Bornons-nous  pour  l'instant  à  poursuivre  nos  investigations 
dans  le  sol  ;  consultons,  en  Tabsence  de  documents  écrits,  ces 
archives  souterraines  qui  certes  ne  Jious  feront  pas  défaut  ;  étu- 
dions aussi  les  découvertes  archéologiques  qui  ont  été  faites  à 
l'étranger  et  ne  cherchons  pas,  en  un  mot,  à  marcher  plus  vite 
que  de  raison.  A  plus  tard  la  synthèse,  contentons-nous,  pour  le 
moment,  de  recueillir  et  de  grouper  des  faits. 


Malgré  ces  fouilles  et  ces  dévastations  successives,  il  subsiste 
un  certain  nombre  de  tombelles  restées  intactes,  et  nous  ne 
saurions  assez  engager  la  Société  à  les  explorer  sans  tarder  d'une 
façon  méthodique. 

Grâce  à  notre  excellent  appareil  de  sondage  et  aux  opérations 
préliminaires  auxquelles  nous  avons  coutume  de  nous  livrer,  le 
résultat  de  nos  fouilles  est  rendu  bien  moins  aléatoire.  Puissent 
celles-ci  jeter  un  peu  de  lumière  dans  cette  nuit  où  sont  encore 
plongées,  dans  notre  pays,  les  époques  immédiatement  anté- 
rieures à  la  domination  romaine. 

Bruxelles,  3  juin  1890 

Bo"  Alfred  DE  LOË. 

blement,  comme  le  passage  de  l'âge  de  la  Pierre  polie  à  l'âge  du  Bronze.»  (Cloquet.) 
«  Toute  matière  nouvellement  acquise  à  l'industrie  se  surajoute  aux  précédentes.)) 
(Chantre.) 

Les  progrès  réalisés  aux  cours  de  l'époque  du  Bronze  dans  l'art  de  la  métallurgie 
ont  permis  à  l'homme  d'opérer  la  substitution  du  fer  au  bronze.  Opération  peu  com- 
pliquée en  somme,  puisqu'il  ne  s'agissait  que  d'amener  le  fer  à  l'état  spongieux  par 
suite  de  la  réduction  de  son  oxyde,  à  le  rendre  seulement  malléable. 
1  C'est  l'avis  de  M.  G.  de  Mortillet. 


BAH  UT 


TROUVÉ  EN  SUÈDE  AVEC  BLASON 


RAPPELANT  CELUI  DE  BUSLEYDEN 


[on  Excellence  Monsieur  Charles  de  Burenstam,  minis- 
tre plénipotentiaire  de  S.  M.  le  Roi  de  Suède  et  de 
Norvège  à  Bruxelles,  nous  a  obligeamment  confié  la 
photographie  d'un  bahut  possédé  par  lui  et  au  sujet  duquel  il  a 
bien  voulu  nous  donner  quelques  renseignements. 

Ce  meuble  en  bois  de  chêne,  orné  de  marqueteries  et  de  sculp- 
tures, a  environ  i'"75  de  longueur  et  ©"^75  de  hauteur.  Il  est 
en  style  Renaissance  et  date  de  la  fin  du  xvi^  ou  du  commen- 
cement du  xvii^  siècle.  Il  a  subi  des  modifications,  principalement 
par  l'enlèvement  des  pilastres,  qui  le  décoraient  primitivement 

(fig.  I.) 

Selon  l'avis  de  nos  savants  confrères,  MM.  Joseph  Destrée, 
conseiller,  et  Paul  Saintenoy,  secrétaire  général  de  notre  So- 
ciété, le  travail  de  ce  bahut  paraît  accuser  une  origine  septen- 
trionale (Nord  de  l'Allemagne  ou  Scandinavie).  Les  deux  blasons 
dont  il  est  orné  et  dont  le  premier  nous  semble  être  allemand,  et 
le  second  celui  d'une  branche  d'une  famille  luxembourgeoise  qui 
s'était  établie  dans  le  Brabant,  sont  d'une  belle  exécution,  tant  au 
point  de  vue  artistique  qu'héraldique  de  cette  époque.  Uun  est 


—   228    — 

parti  :  i,  deux  arbres  arrachés  passés  en  sautoir  ;  2,  une  bande  char- 
gée de  cinq  feuilles  de  tilleid  dont  les  tiges  recourbées  touchent  alter- 
nativement le  bord  supérieur  et  le  bord  inférieur  de  la  bande.  Heaume 
avec  bourrelet  et  ses  lambrequins  ;  Cimier  :  vol  armorié,  l'aile  dextre 
de  la  ï^^y  et  r aile  senestre  de  la  2^  partie  de  reçu  (fig.  2). 

L'autre  blason  est  écartelé  :  aux  i  et  4,  unefasce  accompagnée  en 
pointe  d'une  rose  boutonnée  et  barbée  ;  aux  2  et  j,  une  rose  boutonnée 
et  barbée  a  tige  feuillée  de  deux  pièces.  Heaume  couronné  avec  ses 
lambrequins  ;  Cimier  :  une  femme  issante  tenant  dans  la  dextre  la 
rose  à  tige  des  2^  et  3^  quartiers,  entre  un  vol  armorié  des  1^^  et  ^^ 
quartiers  de  l'écu  (fig.  3). 

Ce  bahut  a  été  trouvé  en  Suède,  dans  la  province  de  Nérike, 
en  1876,  chez  un  soldat  d'infanterie  cantonné,  qui  Pavait  acheté 
d'un  paysan  auquel  il  était  échu  par  héritage. 

Sa  provenance  primitive  est  inconnue  ;  les  armoiries  qui  y  fi- 
gurent ne  sont  pas  suédoises,  ainsi  que  nous  Ta  positivement  affir- 
mé M.  de  Burenstam  ;  mais  comme  plusieurs  familles  étrangères, 
qui  s'étaient  établies  en  Suède,  —  entre  autres  les  de  Geer  (de 
Hamal  de  la  Hesbaye),  les  Grill  (Grillo  de  Gênes)  qui  passèrent 
deux  siècles  à  Amsterdam,  les  Falkenberg  et  les  Dohna  d'Alle- 
magne, —  ont  eu  des  propriétés  dans  la  province  de  Nérike^  on 
a  supposé  que  ce  bahut  provenait  d'une  de  ces  familles. 

Ce  ne  sont  toutefois  pas  les  armes  de  l'une  d'elles  qui  se 
trouvent  sur  le  bahut,  et  dans  leur  généalogie,  on  n'est  pas  par- 
venu à  découvrir  des  alliances  avec  des  familles  ayant  ces  em- 
blèmes héraldiques. 

Le  Kônigliche  Herolds-Amt  à  Berlin,  et  le  secrétaire  du  Hooge 
Raad  van  Adel  à  la  Haye,  qui  ont  été  consultés  par  M.  de  Bu- 
renstam, lui  ont  déclaré  ne  pas  connaître  ces  deux  blasons. 

Notre  appel  fait  au  sujet  de  ces  armoiries  dans  le  Monatsblatt 
de  la  Société  impériale  et  royale  «  Adler  n  à  Vienne,  est  resté 
sans  réponse. 

De  hachures  il  n'y  a  pas  de  trace,  aussi  n'étaient-elles  pas  encore, 
. —  comme  indication  des  métaux  et  couleurs,  —  d'un  usage  uni- 
forme à  l'époque  à  laquelle  le  bahut  appartient,  et  comme  les  ar- 
moiries n'y  sont  pas  polychromées,  on  ignore  leurs  émaux. 

Ces  blasons  sont  tous  deux  très  caractéristiques.  Le  premier, 
celui  du  mari,  ainsi  que  nous  le  disions,  nous  semble  être  aile- 


—   229    — 

mand.  Cet  écu  parti  est  composé  de  deux  armoiries  différentes. 
Les  deux  arbres  arrachés  passés  en  sautoir,  nous  les  avons  ren- 
contrés dans  un  manuscrit  in-4°  du  xyiii*^  siècle^  intitulé  Monu- 
mens  sépulcraux,  p.  98,  mais  malheureusement  sans  indication  de 
nom  et  d'émaux  ^ 

Ce  même  meuble  héraldique  se  trouve  sur  une  pierre  tombale 
de  1318,  d'un  membre  de  la  famille  Hildemar  à  Lubeck  2. 

Les  deux  arbres  arrachés,  passés  en  sautoir,  y  sont  taillés  dans 
le  beau  style  héraldique  de  cette  époque  et  représentent  des  til- 
leuls (fig.  4). 

Plus  tard,  quand  le  vrai  style  héraldique,  si  caractéristique, 
eut  dégénéré  et  en  grande  partie  disparu,  on  se  borna  à  repré- 
senter le  feuillage  des  arbres  sous  la  forme  d'une  touffe,  ainsi 
qu'on  le  voit  sur  le  bahut,  sans  qu'il  fût  possible  de  distinguer 
quelle  espèce  d'arbre  on  avait  voulu  représenter. 

La  seconde  partie  de  l'écu  rappelle  énormément  les  armes  de 
Burst,  qui  sont  ainsi  décrites  dans  V Armoriai  général  de  M.  Riet- 
stap  :  de  sable  à  la  bande  d'argent  chargée  de  trois  feiùlles  de  tilleul 
de  sinople,  les  tiges  en  haut  posées  en  barres. 

Les  armes  de  Burst  von  Ueberlingen  (fig.  5),  sont  représentées 
dans  la  Reichenauer  Chronik,  anno  149 1,  de  Gallus  Oheim,  dont 
Toriginal  se  trouve  à  la  bibliothèque  de  l'Université  de  Fri- 
bourg  ^. 

Nous  ne  saurions  toutefois  affirmer  si  les  armoiries  du  mari, 
sculptées  sur  le  bahut,  sont  celles  de  la  famille  Hildemar  parties 
de  celles  de  Burst. 

Le  second  blason  du  bahut,  l'écu  écartelé,  celui  de  la  dame, 
porte,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  déjà,  aux  i  et  4,  une  fasce  accom- 
pagnée en  pointe  d'une  rose.  C'est  la  famille  bien  connue  de  Bus- 
leyden,  riche  en  hommes  célèbres  et   dont  plusieurs  membres 


^  Ce  manuscrit  provenant  de  la  bibliothèque  de  feu  M.  le  chevalier  de  Neuflforge, 
est  un  recueil  de  blasons  et  de  quartiers  généalogiques  pour  la  plupart  trouvés  dans 
des  églises  à  Bruxelles,  Anderlecht,  Alsemberg,  Vilvorde,  Malines,  Diest,  Bruges, 
Aesdonck,  de  Melsele  et  de  Rupelmonde,  au  pays  de  Waes,  Damme,  Mons,  etc.  Les 
dessins  à  la  plume  en  partie  coloriés  sont  faits,  ainsi  que  l'indiquent  l'inscription  et 
la  signature  sur  plusieurs  feuilles,  par  G.-J.  de  Fiennes. 

2  Voyez  :  Die  Linde  in  der  Heraldik  in  der  Sphra^istik  und  aïs  Ornament  vcm  Fiirsten 
F.  K.  lu  Hahenlobe-Waldenburi,  inséré  dans  le  Jahrhuch  des  Heraldisch-Genealo^ischen 
Vereines  «  Adler  »  in  Wien,  1878,  pp.  44  et  53,  pi.  I.  no  6. 

3  Idem  p.  44.  Note  i. 


—    230    — 

furent  magistrats  de  la  ville  de  Bruxelles,  qui  portait  ces  armes  si 
particulièrement  caractéristiques^  dès  la  fin  du  xv^  sièle. 

M.  Rietstap  dit,  dans  son  Armoriai  général,  que  les  armoiries  de 
la  famille  de  Busleyden  étaient  anciennement  <3^ar^^/?/  à  lafasce  de 
gueules,  accompagnée  en  pointe  dhme  rose  du  même  *,  et  plus  tard 
d*azur  à  la  fasce  d'or,  accompagnée  en  pointe  d'ime  rose  de  gueules, 
boutonnée  d'or  et  barbée  de  sinople. 

D'après  un  grand  armoriai  in-folio,  en  notre  possession,  dessiné 
et  enluminé  par  le  célèbre  héraldiste  et  numismate  André  Schoe- 
maker  (mort  en  1735),  elles  étaient  à' azur  à  lafasce  d'or,  accom- 
pagnée en  pointe  dUme  rose  d'argent. 

Le  plus  ancien  document  que  nous  connaissions  aux  armes  de 
Busleyden,  est  un  sceau  de  Gilles  P^  de  Busleyden,  conseiller  au 
duché  de  Luxembourg,  appendu  à  une  charte  de  l'an  1476  aux 
archives  du  château  de  Clairvaux,  Luxembourg.  Notre  savant 
confrère,  M.  Jean  van  Malderghem,  archiviste-adjoint  de  la  ville 
de  Bruxelles,  a  eu  l'obligeance  de  nous  procurer  un  moulage  en 
plâtre  de  ce  sceau,  que  nous  avons  publié  pour  la  première  fois 
dans  la  Revue  belge  de  numismatique  de  1889,  p.  425,  et  que  nous 
reproduisons  ci-dessous^. 


Il  représente  un  homme  nu  portant  un  écusson  à  une  rose, 
entouré  d'une  banderole  avec  la  légende  :  S»  (3ilS  vau  bUS- 
letben,  en  miniscules  gothiques. 

Ainsi  qu'on  le  voit,  il  n'y  a  pas  encore  de  trace  de  la  fasce. 

M.  Neyen,  dans  sa  Biographie  luxembourgeoise,  à  l'article  : 
Busleyden,  dit  que  cette  famille  luxembourgeoise  a  pris  son   nom 

1  Voyez  aussi  :  Chevalier  P.-N.-C. -C.-A.  de  Kessel,  Livre  d'or  de  la  noblesse 
luxembourgeoise,  p.  31  ;  L.  Germain,  Mélanges  historiques  sur  la  Lorraine^  p.  222.   etc. 

2  Nous  devons  ce  cliché^^à  l'obligeance  de  la  Société  Royale  de  Numismatique  de 
Belgique  ;  nous  lui  exprimons  nos  sincères  remerciements. 


—  231  — 

du  village  de  Boulaide,  en  allemand  Bauschleiden,  autrefois  Busch- 
leyden  et  Busleyden,  enclavé  dans  Tancienne  prévôté  de  Basto- 
gne,  où  elle  possédait  un  beau  fief,  et  que  Gilles  P""  de  Busleyden, 
conseiller  de  Philippe  le  Bon  et  de  Charles  le  Téméraire,  secré- 
taire et  greffier  de  l'Etat  noble  du  duché  de  Luxembourg,  qui  fut 
anobli  par  lettres  patentes  du  mois  de  février  1471,  données  à 
Bruges  par  Charles  le  Téméraire,  portait  «  d'azur  à  lajasce  d*or, 
«  accompagnée  en  pointe  d'une  rose  de  gueules  boutonnée  d'or  et 
a  Jeuillée  ^  de  sinople.  Vécu  timbré  d^ un  casque  d  argent,  grillé  et 
((  liseré  d'or,  orné  de  lambrequins  d*or  et  d'azur.  Cimier  :  une  tête  et 
((  col  de  licorne  cP argent,  la  corne,  le  crin  et  la  barbe  cCor,  issant 
a  d^un  mortier  ou  bonnet  d avocat  de  velours  bleu,  bordé  de  deux 
a  galons  d'or  et  chargé  de  la  rose  de  Técu.  »  (fig.  6.) 

Ainsi  que  le  fait  observer  M.  Léon  Germain  de  Nancy. 2,  les 
lettres  d'anoblissement  de  février  147 1  ^,  ne  font  pas  plus  men- 
tion de  Torigine  de  la  famille  (le  duc  de  Bourgogne  y  qualifie 
seaitment  le  hénéûcm\red7iomme franc..,,  extrait  et yssu  de  bon- 
nes et  notables  gens  d'anchienne  bourgeoisie)  que  des  armoiries,  qui 
sont  pourtant  si  caractéristiques  et  à  l'égard  desquelles  M.  Ger- 
main dit:  rt  On  a  vu  parfois  des  anoblis  prendre,  en  tout  ou  en 
«partie,  les  armoiries  de  la  localité  dont  ils  étaient  originaires 
"  ou  celles  de  Pancienne  famille  seigneuriale  éteinte  qui  avait 
"  possédé  cette  terre.  Gilles  de  Busle3^den  a  peut-être  relevé  ainsi, 
«  en  en  modifiant  les  émaux,  un  écu  alors  dépourvu  de  proprié- 
ii  taire  et  qu'il  considérait  comme  représentant  le  lieu  dont  ses 
«  ancêtres  s'étaient  surnommés^.  >> 

M.  Germain  ^  signale  une  pierre  à  la  clef  de  voûte  du  porche 
de  la  tour  de  l'église  paroissiale  d'Arlon,  qui  représente  un  écus- 
son  sculpté  aux  armes  de  Busleyden,  011  la  rose  est  volumineuse, 
et  la  fasce,  fort  mince,  est  haussée  vers  le  chef. 

Gilles  P""  de  Busleyden  avait  fait  construire  Téglisc  paroissiale 
de  Saint-Martin  à  Arlon,  qui  est  devenue  la  proie  des  flammes, 
et  M.  Germain  se  demande  si,  en  souvenir  de  Gilles  de  Busley- 

1  Comme  la  rose  n'est  pas  tigce,  il  est  probable  que  le  niotfeuillée  a  été  employé 
pour  barbée. 

2  Mêlantes  historiques  sur  la  Lorraine,  p.   223. 

3  Ces  lettres  patentes  sont  imprimées  dans  les  Publications  de  la  section  historique 
de  r Institut  royal  ^rand-ducal  de  Luxembourg,  t.  xxxiv  (1880),  p.  72. 

^  Mêlantes  historiques,  p.  223. 
^  Idem,  p.  225. 


—   232    — 

den,  on  n'aurait  pas  incrusté,  dans  la  tour  de  l'église  actuelle, 
une  pierre  ornée  de  ses  armes,  sauvée  de  l'incendie. 

Une  superbe  pierre  tombale  sculptée,  placée  dans  l'intérieur  de 
la  chapelle  Saint-Hilaire,  à  Marville,  département  de  la  Meuse, 
a  fait  l'objet  d'une  étude  très  approfondie  de  M.  Léon  Germain  *. 
Sa  décoration  architecturale,  de  la  période  ogivale  tertiaire, 
avec  quelques  détails  qui  participent  du  style  de  la  Renaissance, 
accuse  l'époque  de  la  transition  dans  cette  contrée  au  commence- 
ment du  xvi^  siècle.  Cette  pierre,  qui  ne  porte  aucune  inscription, 
représente  l'image,  en  bas-relief  très  prononcé,  d'une  dame  noble 
en  costume  de  veuve,  couchée  la  tête  appuyée  sur  un  coussin,  les 
mains  jointes  tenant  un  chapelet  ;  à  ses  pieds  un  chien  (emblème 
de  la  fidélité  conjugale).  Sur  les  côtés  les  statuettes  des  saints 
Christophe,  Jérôme,  Gilles  et  Michel  ;  au  haut  deux  écussons, 
dont  le  premier  porle  une  fasce  accompagnée  en  pointe  d'une  rose  à 
neuf  pétales  ;  le  second  représente  une  aigle  en  partie  cachée  par  un 
taillé  sans  aucun  meuble. 

Le  savant  archéologue  et  héraldiste  lorrain  reconnut  dans  le 
premier  écusson  les  armes  si  caractéristiques  de  Busleyden,  et 
dans  le  second,  celles  de  la  famille  de  Musset  ^. 

Gilles  i^'"  de  Busleyden,  natif  d'Arlon,  mort  croit-on  en  ou  vers 
1496  ^  avait  épousé  Isabelle  ou  Elisabeth  de  Musset,  dite  de  Mar- 

1  Notice  sur  la  tombe  d'Isabelle  de  Mwset,  femme  de  Gilles  P^  de  Busleyden,  à  Mar- 
ville. Voyez  Léon  Germain,  Mélanges  historiques  sur  la  Lorraine.  Nancy,  1888,  pp.  214- 
271,  et  Mémoires  de  la  Société  d*  Aixhéologie  lorraine  pour  1886. 

2  Dans  un  recueil  manuscrit  de  quartiers  nobiliaires  qui  fait  partie  de  la  biblio- 
thèque de  la  Société  d'archéologie  lorraine,  jM.  Germain  découvrit  un  écu  sans 
indication  d'émaux,  au-dessous  duquel  on  lit  le  nom  de  famille  Musset.  Il  est  sem- 
blable au  second  écusson  de  la  pierre  tombale  de  Marville,  sauf  la  transforma- 
tion du  taillé  en  tranché,  deux  partitions  qui  sont  souvent  prises  l'une  pour  l'autre. 
Dans  le  Nobiliaire  de  Lorraine  de  Dom  Pelletier,  p.  589,  on  lit  :  «  Musset  (Claude  de) 
«  clerc-juré  de  Marville,  fut  anobli  par  René  I®'^,  le  24  juin  1456.  Porte  de  sable  à 
«  Paille  d'or,  tranché,  soutenu  de  gueules  ;  et  pour  cimier  une  tête  et  col  d'aigle  d'or, 
«  le  tout  surmonté  d'un  armet  morné,  orné  de  son  bourlet  et  d'un  lambrequin  aux  métail  et 
a  couleurs  de  Vécu.  Héraulderie  de  Lorraine.  » 

^  Voyez  L.  Germain  :  Mélanges  historiques,  p.  224,  note  i.  Il  est  toutefois  à  remar- 
quer que  son  fils  aîné  Gilles  II,  vicomte  de  Grimberghe,  brisait  ses  armes,  en  1502, 
d'un  lambel  à  trois  pendants,  ainsi  qu'on  le  verra  plus  loin,  ce  qui  semble  dénoter 
que  son  père  était  alors  encore  en  vie. 

Dans  un  acte  du  i^^  mai  1506,  Gilles  I^^,  sa  femme  Elisabeth  et  leur  fils  Fran- 


/ 


—  235  — 

411e,  et  non  pas  Jeanne  Musset  ou  de  Musset,  ainsi  qu'elle  est  tou- 
jours désignée  par  les  auteurs  *. 

Du  remarquable  travail  de  M.  Germain,  il  résulte  clairement 
que  c*est  à  cette  dame,  morte  vers  1506,  qu'était  destinée  la 
pierre  tombale  de  Marville.  Saint-Gilles  et  Saint-Jérôme,  dont 
les  images  figurent  sur  la  pierre,  sont  les  patrons  du  mari  et 
de  deux  des  fils  de  la  défunte  2. 

çois,  sont  tous  les  trois  mentionnés  comme  étant  morts  (Germain,  Mèlan^eSy 
pp.  226-227,  n"  9)- 

^  Sur  la  foi  de  ces  auteurs,  nous  l'avons  également  appelée  erronément /^fl««^, 
dans  notre  notice  sur  un  jeton  de  Gilles  de  Busleyden,  vicomte  de  Grimberghe. 
Voyez  Revue  beJ^e  de  Numismatique,  année  1889,  p.  424. 

Voici  ce  que  M.  Germain  dit  à  propos  du  nom  de  la  femme  de  Gilles  l^^  de  Bus- 
leyden (Mélati^es  historiques  sur  la  Lùiraine,  pp.  219-221):  «  Tous  les  nobiliaires  et 
ouvrages  biographiques  que  nous  avons  pu  consulter  appellent  la  femme  de  Gilles 
de  Busleyden  Jea7ine  Musset  ou  Jeanne  de  Musset,  et  la  tombe  de  Marville  montre  bien 
les  armes  de  la  famille  de  Musset  accolées  à  celles  de  Busleyden.  Cependant  nous 
avons  recueilli  les  analyses  de  plus  de  quatre-vingts  actes  où  figure  Gilles  :  dans  au- 
cun d'eux  le  nom  cité  n'est  donné  à  sa  femme,  mais  sept  chartes  la  désignent  par  le 
prénom  d'Isabelle  (aj,  et  deux  autres  la  nomment  Isabelle  de  Marville  (bj.  Voyant  que 
les  pièces  d'archives  signalent  un  plus  grand  nombre  d'enfants  que  les  nobiliaires, 
nous  nous  étions  demandé  si  une  génération  n'y  avait  pas  été  omise,  ou  si  Gilles  le^ 
n'avait  pas  été  marié  deux  fois.  L'examen  de  cette  question  nous  a  donné  beaucoup 
de  peine  et  demandé  beaucoup  de  temps.  Mais,  en  fin  de  compte,  nous  n'avons  rien 
trouvé  à  changer  à  l'ordre  précédemment  établi  ;  nous  nous  sommes  convaincu,  par 
une  démonstration  qu'il  serait  long  et  trop  compliqué  de  reproduire,  que  les  noms 
Jeanne  Musset  et  Isabelle  de  Marville  se  rapportent  à  une  seule  et  même  personne.  Il 
est  à  supposer  que  :  Musset  ou  de  Musset  était  le  nom  ordinaire  de  la  famille  ;  de 
Marville,  le  surnom  sous  lequel  on  connaissait  davantage  la  femme  de  Gilles  de 
Busleyden  ;  Isabelle,  le  véritable  prénom  de  cette  dame,  et  Jeanne,  celui  que  les  gé- 
néalogistes, —  trompés  peut-être  par  l'initiale  /,  applicable  à  Isabelle  comme  à 
îehannc,  —  lui  auront  attribué,  sans  suffisante  information.  Les  dates  permettent, 
sans  que  l'on  puisse  rien  affirmer,  de  voir  en  la  personne  d'Isabelle  de  Musset,  dite  de 
Marville,  une  fille  de  Claude  de  Musset,  de  Marville,  anobli  en  1456.  a 

{a)  La  plus  ancienne  des  chartes  où  figure  cette  dame  (7  janvier  1455)  lui  donne 
le  prénom  allemand  Elsen.  La  plus  récente,  qui  la  mentionne  comme  déjà  décédée 
(1506),  la  nomme  Elisabeth.  Chacun  sait  qu'Elisabeth  et  Isabelle,  ou  Ysabel,  Isabeau 
etc.,  sont  deux  formes  d'un  même  prénom. 

(b)  Chartes  du  10  juin  1475  et  de  l'année  1494. 

2  MM.  l'abbé  V.  Tihay  et  F.  Liénaed,  qui  ont  décrit  rt  reproduit  cette  pierre 
tombale  dans  leur  travail  :  Le  Mont  Saint-Hilaire,  inséré  dans  les  Mémoires  de  la  So- 
ciété philomathique  de  Verdun,  t.  IV,  1880,  l'ont  attribuée  à  une  religieuse,  sans  s'être 
préoccupés  des  deux  blasons  indiquant  une  alliance  et  se  rapportant  à  la  défunte, 
tandis  que  M.  Jeantin,  dans  son  Manuel  de  la  Meuse,  1862,  t.  II,  p.  1284,  note  2,  a 
poussé  la  légèreté  au  point  d'oser  prétendre  que  «  cette  iconographie  et  les  deux 
«  écusblasonnés  indiquent  que  là  fut  la  sépulture  de  Anne  de  Failly,  religieuse  à 
«  Juvigny,  à  laquelle,  en  1567,  l'abbesse  Catherine,  sa  tante,  résigna  la  crosse,  mais 


—  236  — 

A  l'égard  des  armes  de  Busleyden,  au  sujet  desquelles  les 
lettres  patentes  de  147 1  sont  muettes,  il  surgit  une  question: 
quand  la  fasce  est-elle  entrée  dans  ce  blason  ?  Ainsi  que  nous 
Pavons  vu,  Gilles  P""  scella  encore  en  1476  avec  la  rose  seule. 
Vouloir  en  conclure,  ainsi  qu'on  pourrait  le  supposer  au  premier 
abord,  que  la  fasce  ne  serait  pas  entrée  dans  cet  écu  lors  de  l'ano- 
blissement en  147 1,  nous  semble  tout  au  moins  hasardé,  car  il  ne 
serait  pas  impossible  que  le  sceau  aux  anciennes  armes  (la  rose 
seule)  eut  encore  été  employé  pendant  quelque  temps  après 
le  changement  apporté  dans  ces  armoiries  par  l'introduction  de 
la  fasce. 

Gilles  P""  de  Busleyden  et  Isabelle  de  Musset  dite  de  Marville, 
eurent  sept  enfants  ;  Gilles  ou  Egide  II,  vicomte  de  Grimberghe, 
seigneur  de  Over-et-Neder-Heembeek,  de  Ghiersch,  etc.,  premier 
conseiller  et  maître  de  la  Chambre  des  comptes  en  Brabant,  qui 
épousa  Adrienne  de  Gondeval,  dame  de  Horst,  de  Rhode-Saint- 
Pierre  et  de  Corttelk  ;  il  mourut  en  1536  et  fut  inhummé  dans 
l'église  des  SS.  Michel  et  Gudule  à  Bruxelles  ;  François,  qui  fut 
précepteur  de  l'archiduc  Philippe  le  Beau,  et  successivement  pré- 
vôt de  Saint-Donatien  à  Bruges,  doyen  d'Anvers,  chanoine  de  la 
Collégiale  de  Saint-Siméon  à  Trêves,  archevêque  de  Besançon  et 
prince  du  Saint-Empire,  mort  en  1502  ;  Jérôme,  célèbre  dans  les 
lettres  et  diplomate  distingué,  conseiller  d'État  ecclésiastique  et 
maître  des  requêtes  au  Grand  Conseil  de  Malines,  ambassadeur 
auprès  du  pape  Jules  II,  auprès  de  François  l^^,  roi  de  France,  et 
de  Henri  VIII,  roi  d'Angleterre,  fondateur  du  collège  dit  des  trois 
langues  à  Louvain,  décédé  en  1517  et  enterré  dans  Téglise  Saint- 
Rombaut  à  Malines  ;  Valérien,  seigneur  de  Ghiersch,  con- 
seiller et  receveur  général  à  Luxembourg,  qui  épousa  Anne 
de  Kempf  alias  Keymich,  dame  d*x\spelt,  et  qui  décéda  vers 


«  qui  n'en  put  recevoir  l'investiture.  Anne  était  fille  de  Christophe  de  Failly,  de  son 
«  premier  mariage  avec  Barbe  de  Housse.  » 

Remarquons  1°  que  les  deux  écussons  n'ont  aucune  similitude  avec  les  armoiries 
de  FaïUy  et  de  Housse.  D'après  Rietstap,  Armoriai  général ^  de  Failly,  originaire  de  la 
Lorraine,  porte  :  £  argent  à  un  rameau  arraché  àe.  houx,  feuille  de  trois  pièces  de  gueuleSy 
et  de  Housse  également  de  la  Lorraine  :  d'argent  au  chif  èchiqueté  d'or  et  d'azur  de  trois 
tires  ;  2°  que  le  chien  couché  aux  pieds  de  la  défunte  indique  suffisamment  que  la 
pierre  était  destinée  à  une  dame  mariée  ou  veuve  ;  et  5"  que  la  tombe  date,  ainsi 
que  le  dénote  son  style,  des  premières  années  du  xvi^  siècle. 


—  237  — 

1516,  ne  laissant  qu\ni  fils  appelé  François,  qui  mourut  sans 
alliance,  entre  1517  et  1520,  et  dont  la  succession  paraît  être 
revenue  à  son  oncle  Gilles  II,  vicomte  de  Grimberghe  ;  Jacque- 
line, qui  épousa  en  première  noces  Clais  Haltfast,  receveur  à 
Arlon,  et  en  secondes  Henri  Hoeclin,  greffier  du  Conseil  à 
Luxembourg  ;  et   encore  deux  filles  qui  se  firent  religieuses  en 

1475  *• 

Gilles  ou  Egide  II  de  Busleyden,  vicomte  de  Grimberghe,  por- 
tait unejasce  accompagnée  en  pointe  (Tune  rose,  Vécu  brisé  en  chef 
d'un  lambel  à  trois  pendants  (fig.  7)  ainsi  que  nous  le  montre  son 
jeton  au  millésime  1502  ^. 

M.  Douët  d^Arcq  ^  décrit  ainsi  le  sceau  de  François  de  Bus- 
leyden,  archevêque  de  Besançon,  appenduàun  acte  de  Tan  1501 
(archives  nationales,  J.  951)  :  «  Ecu  portant  une  tierce  en  fasce, 
a  accompagnée  en  pointe  d\me  rose  ;  timbré  d'une  croix.  Légende 
i(  sur  deux  cercles  concentriques  :  SIGILLVM  CAMERE 
«P^RANGDEBVS.....  -  EPISCOPI  BISVNTINI  SACRI  IM- 

«  PERI  (Sigillum  camere  Francisa  de  Bus archiepiscopi  Bisiin- 

ii  tini  sacri  imper ii.  )  n 

Le  Musée  royal  d'antiquités  à  Bruxelles  possède  un  bas-relief 
en  pierre  calcaire  de  la  fin  du  xv^  ou  du  commencement  du  xvi^ 
siècle,  représentant  les  armes  d'un  des  membres  de  la  famille  de 
Busleyden,  —  probablement  de  Jérôme,  conseiller  et  maître  des 
requêtes  au  Grand  Conseil  de  Malines,  —  à  lafasce  accompagnée  en 
pointe  d*une  rose,  l*écu  brisé  d'une  étoile  à  huit  rais  au  franc  canton 
(fig.  8),  et  sommé  d'un  casque  avec  ses  lambrequins,  sans  cimier. 
Les  faibles  traces  de  polychromie,  qu'on  y  découvre  encore,  nous 
montrent  que  la  fasce  était  d'or  et  la  rose  de  gueules,  boutonnée 
d'or.  De  l'émail  du  champ  et  de  l'étoile,  il  n'y  a  plus  rien  à  recon- 
naître. 

Sur  un  superbe  tableau  à  l'Hôtel  de  Ville  de  Bruxelles,  don  de 
la  famille  Evenepoel,  peint,  vers  1600,  par  Martin  de  Vos  (mort 

'  L.  Germain,  hc.  cit.  p.  227, 

2  Voyez  notre  notice  :  ]eion$  démesure.  Louis  Quarrê...  etdemessire  Gilles  de  Busley- 
den... in  série  dans  la  Revue  bel^e  de  Numismatique,  1889,  pp.  420-429.  Le  jeton  de  Gil- 
les II  de  Busleyden,  vicomte  de  Grimberghe,  avait  été  publié  par  Van  Mieris.  Histûri 
der  Nederlaudscbe  Vorsten,  t.  1er,  p,  545^  no  3,  et  par  M.  DugnioUe,  Le  jeton  historique, 
n°  758,  mais  avec  attribution  erronée. 

*  Collection  de  sceaux,  n°  6295. 


—  238  - 

en  1603),  et  représentant  les  syndics  et  jurés  du  serment  de  l'ar- 
balète de  Saint-Georges  à  Bruxelles  (en  tout  seize  personnes),  on 
voit,  au  premier  plan,  à  droite  du  tableau,  le  portrait  de  Gilles  ou 
Egide  III  de  Busleyden,  qui  fut  bourgmestre  de  Bruxelles  en 
1592  et  1593,  et  créé  chevalier,  le  30  novembre  1599,  à  l'occasion 
de  la  joyeuse  entrée  des  archiducs  Albert  et  Isabelle  à  Bruxelles. 
Il  était  fils  de  Nicolas,  vicomte  de  Grimberghe  et  de  Philippotte 
van  der  Noot,  et  petit-fils  de  Gilles  II,  vicomte  de  Grimberghe  et 
d'Adrienne  de  Gonderval.  Il  mourut  en  1623  et  fut  enterré  dans 
l'église  de  Saint-Géry,  à  Bruxelles,  sous  une  pierre  tombale 
ornée  de  son  blason. 

Ses  armoiries,  qui  sont  peintes  au-dessous  de  lui,  sont  les 
pleines  armes  de  Busleyden,  sans  brisure  aucune  :  IX azur  à  la 
fasce  d*orj  accompagnée  en  pointe  d'une  rose  de  gueules,  boutonnée 
cPor  ;  cimier  :  la  tête  et  col  de  licorne  ;  lambrequins  d'or  et  d^azur. 

Ce  tableau,  mesurant  i^6(^  de  hauteur  sur  2"^33  de  lar- 
geur, aurait  été  offert  par  Gilles  III  de  Busleyden,  à  Téglise  de 
Saint-Géry,  à  Bruxelles,  après  qu'il  eut  été  créé  chevalier  et  en 
mémoire  de  cet  événement  ^. 

Aussi,  d'après  MM.  Henné  et  Wauters^,  Gilles  ou  Egide  III, 
bourgmestre  de  Bruxelles,  en  1592  et  1593,  blasonnait  aux  pleines 
armes  de  Busleyden,  tandis  que  son  frère,  maître  Guillaume  de 
Busleyden,  plusieurs  fois  échevin  de  cette  ville,  entre  1563  et 
1573,  portait  les  mêmes  armes  brisées  d'une  bordure  componée 
d'argent  et  de  gueules  (fig.  9). 

Ainsi  qu'on  a  pu  le  voir  par  ce  qui  précède,  les  diverses 
branches  de  la  famille  de  Busleyden  brisaient  leurs  armes  de  diffé- 
rentes manières,  afin  de  se  distinguer  entre  elles,  et  comme  ces 
armoiries  ne  sont  pas  de  celles  qui  sont  communes  à  d'autres 
familles  ^,  mais  qu'elles  sont  au  contraire  particulièrement  carac- 

1  Note  de  la  famille  Evenepoel,  qui  m'a  été  obligeamment  communiquée  par 
notre  honorable  confrère,  M.  Victor  Jamaer,  architecte  de  la  ville  de  Bruxelles  ; 
qu'il  en  reçoive  nos  sincères  remerciements. 

2  Histoire  de  la  ville  de  Bruxelles,  t.  II,  pi.  VI. 

3  Outre  les  armes  de  Busleyden,  les  seules  que  nous  ayons  jamais  rencontrées 
représentant  une  fasce  accompagnée  en  pointe  d'une  fleur  à  cinq  pétales  (rose  ou 
quintefeuille),  sont  celles  qui  entrent  dans  le  blason  des  Girard,  comtes  de  Villeta- 
neuse,  en  Bretagne,  qui  portent  :  écarteU  aux  i  et  4  d'argent,  à  la  fasce  de  gueules, 
chargée  d'un  lion  léopardè  d'or,  accompagnée  en  pointe  d'une  qidntefeuille  d'azur,  et  aux  2  et 
3  d'or  à  trois  merlettes  de  sable;  sur  le  tout  de  Girard,  qui  est  losange  d'argent  et  de  gueules. 


-    239  — 

téristiques,  vu,  comme  l'a  dit  si  bien  M.  Germain,  qu'il  est  anormal 
qu'une  fasce  soit  accompagnée  en  pointe  sans  1  être  en  chef,  nous 
n'hésitons  pas,  jusqu'à  preuve  contraire,  à  attribuer  le  second 
blason  du  bahut,  celui  de  la  femme,  à  une  de  Busleyden,  qui 
aura  écartelé  ses  armes  de  famille  avec  celles  à  la  rose  à  tige 
feuillée,  brisure  provenant  peut-être  des  armes  maternelles. 
MM.  Jules  Bosmans,  le  comte  Amaury  de  Ghellinck  d'Elseghem, 
héraldistes  belges,  le  professeur  N.  van  Werveke,  secrétaire  de 
la  section  historique  de  l'Institut  royal-grand-ducal  de  Luxem- 
bourg, Léon  Germain,  de  l'Académie  Stanislas,  inspecteur  de  la 
Société  française  d'archéologie,  bibliothécaire-archiviste  de  la 
Société  d'archéologie  lorraine,  et  d'autres  encore,  que  nous  avons 
consultés,  sont  tous  de  notre  avis.  Toutefois,  un  héraldiste  dis- 
tingué, notre  honorable  confrère,  M.  J.-Th.  de  Raadt,  secrétaire 
de  notre  Société,  ne  partage  pas  notre  opinion.  11  ne  veut  pas  ad- 
mettre que  ce  soient  les  armes  de  Busleyden  qui  ornent  les  i^''et4^ 
quartiers  de  l'un  des  écus  du  bahut,  et  nonobstant  leur  originalité 
indiscutable,  il  pense,  toutefois  sans  en  fournir  la  preuve,  que 
d'autres  familles,  étrangères  à  la  Belgique,  auraient  bien  pu  por- 
ter des  armoiries  semblables.  Malgré  toutes  nos  recherches,  nous 
n'en  avons  jamais  rencontré  de  pareilles.  Qu'on  nous  les  indique, 
nous  ne  demandons  pas  mieux  que  d'être  convaincu,  car  nous 
n'avons  d'autre  but  que  d'arriver  à  la  vérité;  mais  aussi  longtemps 
qu'on  ne  pourra  absolument  rien  nous  signaler,  nous  sommes  en 
droit  de  maintenir  notre  attribution  ^ 

M.  de  Raadt  fonde  son  jugement  sur  ce  fait,  que  le  cimier  n'est 
pas  celui  des  Busleyden,  la  tête  et  col  de  licorne.  A  ceci  nous  ré- 
pondrons que  si  des  membres  ou  branches  de  la  famille  de  Busley- 
den ont  porté  pour  cimier  la  tête  et  col  de  licorne,  cela  n'excluait 
en  aucune  façon  la  faculté,  pour  les  autres  branches  de  cette  famille, 

1  Notre  honorable  confrère,  M.  Armand  de  Behault  de  Dornon,  l'un  des  deux 
rapporteurs  de  ce  travail,  a  bien  voulu  nous  faire  part  qu'il  avait  consulté  plusieurs 
armoriaux  manuscrits  et  imprimés,  et  que  parmi  plus  de  dix-huit  mille  blasons,  il  n'en 
avait  pas  rencontré  un  seul,  sauf  celui  de  Busleyden,  ayant  une  fasce  accompagnée 
uniquement  en  pointe  d'une  rose,  ou  même  d'un  autre  meuble.  Tout  ce  qu'il  avait 
trouvé  était  un  tiercé  en  fasce  de  gueules,  d\iroent  et  d\iiur,  chargé  en  pointe  d'un  coquillage 
(Kerckwerve)  et  deux  cas  d'un  chevron  accompagné  en  pointe  d'une  rose  (Bnlfourt 
et  Bloeme.J  «  Résultat  qui  prouve,  dit-il,  que  les  pièces  figurant  uniquement  en  pointe 
avec  une  bande  ou  un  chevron  sont  très  rares.  » 


—  240  — 

de  mettre  sur  leur  heaume  un  vol  armorié  de  l'écu,  comme  nous 
le  voyons  d'ailleurs  sur  le  bahut  ;  surtout  quand  on  a  voulu  y 
joindre,  ainsi  que  cela  a  été  ici  le  cas,  le  cimier  des  2^  et  3"^  quar- 
tiers, la  femme  issante,  qui  ne  pouvait  pas  trouver  place  sur  le 
casque  en  même  temps  que  la  tête  et  col  de  licorne. 

Un  tel  changement  de  cimier  n'offre  rien  d'extraordinaire  ;  on 
a  vu  souvent  les  diverses  branches  d'une  même  famille  porter 
des  cimiers  différents.  Ce  fait  se  présente  surtout  fréquemment 
chez  les  familles  bruxelloises.  L'argumentation  adverse  tombe 
par  conséquent  à  néant. 

Une  bonne  et  complète  généalogie  de  la  famille  de  Busleyden 
pourrait  tout  expliquer.  Mais  où  la  trouver  ? 

M.  de  Raadt  a  eu  l'obligeance  de  nous  procurer  une  généalogie 
de  cette  famille,  afin  que  nous  pussions  nous  convaincre  que  l'al- 
liance supposée  par  nous  d'une  demoiselle  de  Busleyden  avec  un 
membre  d'une  famille  portant  les  armes  représentées  sur  le  pre- 
mier écusson  du  bahut,  ne  s'y  trouvait  pas.  Effectivement,  une  telle 
alliance  n'y  est  pas  mentionnée  ;  mais,  comme  cette  généalogie 
n'est  qu'un  fragment  très  incomplet,  non  exempt  d'inexactitudes, 
où,  entre  autres  lacunes,  il  ne  figure  que  trois  enfants  de  Gilles  P'" 
de  Busle3^den  et  de  Jeanne,  lisez  Isabelle  de  Musset,  tandis  que 
ces  époux  en  avaient  sept,  il  est  fort  problable  que  la  demoiselle, 
dont  nous  croyons  avoir  retrouvé  les  armes  sur  le  bahut,  aura 
subi  le  même  sort  que  les  quatre  enfants  oubliés  de  Gilles  P^  et 
d'Isabelle  de  Musset,  dite  de  Marville. 

Les  recherches  faites  pour  nous  avec  tant  de  complaisance  par 
notre  savant  confrère,  M.  Germain,  qui  a  composé  une  généalogie 
beaucoup  plus  complète  de  cette  famille,  n'ont  malheureusement 
produit  aucun  résultat  en  ce  qui  concerne  l'alliance  en  question. 

Voici  ce  qu'il  a  bien  voulu  nous  écrire  à  ce  sujet  :  «  Les  armoi- 
«  ries  d'alliances  des  filles,  du  moins  telles  que  je  les  trouve  dans 
Il  l'armoriai  publié  en  1865,  pour  le  Nobiliaire  de  Vegiano,  n'ont 
u  aucune  analogie  avec  celles  du  meuble  en  question  ;  il  est  tou- 
u  tefois  des  armes  que  je  ne  connais  pas.  n 

Cependant,  comme  nous  allons  le  démontrer,  la  manière  dont 
est  brisé  l'écusson  de  Busleyden  sur  le  bahut,  nous  indique  à 
quelle  branche  la  dame  en  question  appartenait.  Si  les  généa- 
logies que  l'on  connaît  de  la  famille  de  Busleyden  ne  mentionnent 


—  241   — 

pas  cette  dame,  on  ne  doit  pas  trop  s'en  étonner,  car  dans  les 
arbres  généalogiques  des  plus  grandes  familles,  que  Ton  avait 
considérés  comme  très  complets,  on  découvre  constamment  des 
lacunes,  surtout  à  Tégard  des  filles,  qui  n'y  figurent  pas.  Ainsi, 
par  exemple  :  dans  aucune  généalogie  de  Tillustre  maison  de 
Wassenaer,  branche  de  Duvenvoorde,  il  n'est  fait  mention  d'Elisa- 
beth de  Duvenvoorde,  fille  de  Thierry,  qui  épousa,  en  1430, 
Simon  d'Adrichem,  et  cependant  M.  de  la  Faille  de  Leverghem 
et  nous-même,  nous  possédons  chacun  son  portrait  authentique 
avec  ses  armoiries,  Adrichem  parti  de  Duvenvoorde  *.  Il  existe 
au  cabinet  des  médailles,  à  Paris,  un  jeton  de  Claude  de  Beaune, 
dame  de  Chambrun,  orné  de  ses  armoiries  et  portant  le  millé- 
sime 1566,  et  cependant  cette  dame  n'est  mentionnée  dans 
aucune  généalogie  de  cette  maison.  On  pourrait  citer  de  nom- 
breux cas  analogues. 

Pour  ce  qui  est  de  la  rose  à  tige  feuillée  des  2^  et  3^  quartiers 
de  Técusson  de  la  dame,  plusieurs  familles  portent  ce  meuble  dans 
leurs  armes,  comme  Bloemendaele,  Petrey,  Ruysch,  Vander 
Stappen,  etc. 

Dans  la  généalogie  précitée  nous  trouvons  que  François  de 
Busleyden,  seigneur  de  Ghiersch,  Horst,  etc.,  écuyer  de  la  reine 
de  Hongrie,  l'aîné  des  enfants  de  Gilles II,  vicomte  de  Grimberghe 
et  d'Adrienne  de  Gondeval,  épousa  Marguerite  Van  der  Stap- 
pen, remariée  en  secondes  noces  à  Louis  du  Chesne. 

Dans  le   grand  armoriai  in-folio  d'André  Schoemaker,  déjà 
mentionné  par  nous,  on  voit  les  armes  de  Van  der  Stappen,  qui 
sont  :   d'argent  à  la  rose  de  gueules,  boutonnée,   barbée,   tigée  et 
feuillée  de  trois  pièces  de  sinople  (fig.  10)  2. 

Il  est  probable  que  pour  se  distinguer  des  autres  branches  de 
la  famille,  les  descendants  de  François  de  Busleyden  et  de  Mar- 
guerite Van  der  Stappen  ont  écartelé  les  armes  de  Busleyden 
avec  celles  de  Van  der  Stappen,  ainsi  que  cela  se  voit  sur  le 
bahut,   et  que    ce  meuble  ait  appartenu  à  une   petite-fille   ou 

1  Voyez  notre  notice  :  Peinture  à  V huile  sur  parchemin  du  XV^  siècle,  représentant 
Elisabeth  de' Duvenvoorde,  épouse  de  Simon  d* Adrichem.  Bulletin  de  V Académie d^ Archéo-- 
lo^ie  de  Belgique,  t.  II,  p.  199. 

2  Nous  devons  le  beau  dessin  du  bahut  et  des  armoiries  représentés  p.  233  au 
talent  de  l'auteur,  M.  le  comte  de  Nahuys.  (Note  du  Comité  des  publications.) 

16 


—    242    — 

arrière-petite-fille  de  François  de  Busleyden  et  de  Marguerite 
Van  der  Stappen,  non  mentionnée  dans  la  généalogie. 

Si  les  armoiries  du  mari  sont  effectivement  de  Hildemar  de 
Lubeck,  nous  ferons  remarquer  qu'une  alliance  entre  une  demoi- 
selle de  Busleyden  avec  un  Lubeckois  n'offrirait  rien  d'étonnant, 
surtout  si  Ton  considère  qu'Anvers  était  un  des  plus  grands 
entrepôts  de  la  Ligue  hanséatique,  où  plus  de  mille  maisons 
étrangères  étaient  venues  s'établir,  parmi  lesquelles  on  comptait 
de  nombreux  comptoirs  fondés  par  des  citoyens  de  la  ville  libre 
et  hanséatique  de  Lubeck.  Cette  alliance  expliquerait  aussi 
parfaitement  la  présence  des  armes  de  Busleyden  sur  un  bahut, 
coffre  de  ménage,  de  facture  nord-germanique. 

Rappelons  ici  que  Ducange  fait  dériver  le  mot  bahut  de  hahu- 
duniy  employé  dans  la  basse  latinité  pour  indiquer  une  espèce  de 
coffre  ;  d'autres  croient  qu'il  vient  du  mot  celtique  bahuy  par 
lequel  on  désignait  un  coffre  dont  le  dessus  était  fait  en  rond. 
Ménage  le  fait  dériver  de  l'allemand  behuten  ou  hehalteny  qui 
signifie  garder,  préserver,  conserver. 

Si  nos  recherches  n'ont  abouti  qu'à  un  résultat  partiel, 
nous  croyons  toutefois  avoir  fait  la  lumière  sur  la  provenance  du 
bahut  armorié;  et,  en  expliquant  au  moins  l'un  des  deux  blasons, 
avoir  indiqué  la  juste  voie  qui  doit  conduire  à  la  solution  com- 
plète du  problème  héraldique  et  généalogique  que  présentent  les 
deux  écussons  d'alliance,  dont  est  orné  ce  meuble; 

Qu'on  veuille  bien  nous  excuser  de  nous  être  étendu  si  lon- 
guement sur  ce  sujet  :  nous  y  avons  été  contraint  malgré  nous, 
afin  de  prouver  que  notre  attribution  n'était  pas  faite  à  la  légère 
et  ne  reposait  pas  sur  des  suppositions  en  l'air. 

C*^  Maurin  de  Nahuys. 

p.  s.  Au  cours  de  l'impression  de  cette  notice,  M.  N.  Van  Werveke  nous  com- 
munique obligeamment  la  date  exacte  de  la  mort  de  Gilles  pJ*  de  Busleyden.  A  la 
page  232,  nous  disions  que  l'on  croyait  qu'il  était  mort  en  ou  vers  1496,  tandis  qu'il 
décéda  le  28  juin  1499  [Registre  aux  comptes  de  la  recette  générale  de  Luxembourg^  aux 
archives  du  royaume  à  Bruxelles,  année  1498-1499,  fol.  12). 

Il  en  résulte  que  Gilles  II  de  Busleyden  continua  à  briser  son  écusson  d'un  lam- 
bel  à  trois  pendants,  encore  après  la  mort  de  son  père,  ainsi  que  le  prouve  son 
jeton  de  1502, et  probablement  aussi  longtemps  que  vécut  sa  mère,  morte  vers  1506. 

O^  M.  N. 


ARCHITECTURE    COMPARÉE 


PROLÉGOMÈNES 


A    l'Étude    de    la    filiation    des 

FONTS    BAPTISMAUX 


DEPUIS  LES  BAPTISTÈRES  JUSQU'AU  XVI^  SIÈCLE 


(suite,  voir  Annales,  voL   V,  p.   5   à  33) 


IV 


Généralités   sur  les   fonts   baptismaux 

Perhaps  there  is  no  subject  in  the 
whole  range  of  Ecclesiastical  Anti- 
quity  so  difficult  to  arrange  and  dis- 
cuss  in  ail  its  departments,  historical, 
architectural  and  décorative  as  that 
of  baptismal  fonts  1. 

F.  A.  Paley. 

l'ous  avons  dit  que  malgré  les  défenses  du  pape  saint 
Léon  IX  (xi^  siècle),  la  coutume  qui  avait  prévalu  depuis 
I  longtemps  à  son  époque  de  baptiser  les  enfants  dès  leur 
naissance  et  non  plus  seulement  à  Pâques  et  à  la  Pentecôte,  se 
continua. 

Dès  le  vii^  siècle,  le  privilège  baptismal  avait  été  étendu,  en 
France,  des  évêques  aux  églises  archi-diaconales  et  plus  tard  à 
certains  sanctuaires  paroissiaux  qui  devinrent  ainsi  églises  bap- 
tismales. 

1  Combe.  Illustrations  of  baptismal  fonts  with  an  introduction  hy  F.  A.  Paley.  M.  A. 
London,  John  van  Voorst,  MDCCCXLIV,  p.  7. 


—  244  — 

«  Charlemagne,  dit  l'abbé  Corblet,  se  préoccupant  du  dan- 
ii  ger  où  étaient  les  enfants  de  mourir  sans  baptême,  ordonna  en 
a  789  que  tous  fussent  baptisés  dès  Tàge  d'un  an  et  comme  consé- 
u  quence  de  cet  édit  voulut  qu'on  multipliât  les  fonts  dans  les 
((  églises  paroissiales  et  même  dans  les  églises  conventuelles 
il  ayant  charge  d'âmes.  » 

u  Plus  tard,  vers  le  xi®  siècle,  la  réforme  s'étendit  et  on  baptisa 
«  Tenfant  dès  les  premiers  jours  de  sa  naissance,  v 

En  Allemagne,  elle  fut  plus  tardive  :  en  895  le  concile  de  Tribur 
(  Triburiuniy  dans  le  grand-duché  de  Hesse-Darmstadt)  ne  parle 
que  des  baptistères  des  villes  ^ 

Ceux-ci  s'étaient  pourtant  transformés  avant  ce  temps  et  les 
baptistères  avaient  fait  place  aux  cuves  baptismales. 

Profondes  au  début,  pour  permettre  rimmersîon  de  catéchu- 
mènes adultes,  celles-ci  deviennent  moins  spacieuses  à  mesure  que 
l'usage  du  baptême,  suivant  immédiatement  la  naissance,  s'intro- 
duit et  surtout  que  l'infusion  se  substitue  dans  l'Europe  occiden- 
tale aux  pratiques  primitives. 

La  cuve  perd  donc  ses  grandes  dimensions  dans  l'Europe  du 
Nord,  tandis  que  celles-ci  persistent  dans  le  Midi  —  particulière- 
ment en  Italie  —  jusque  très  tard  dans  le  moyen  âge. 

Les  fonts,  d'après  de  Caumont,  devaient  être  en  pierre  ;  le 
concile  de  Lerida,  tenu  en  524,  décida  que  le  prêtre  qui  ne  pouvait 
s'en  procurer  devait  avoir  un  vase  réservé  exclusivement  au  bap- 
tême et  attaché  à  l'église  2. 

Saint  Edmond,  archevêque  de  Canterbury,  qui  vivait  dans  la 
première  moitié  du  xiii?  siècle  ^,  exige  dans  ses  Constitutions  [122,6) y 
pour  les  églises  des  fonts  en  pierre  ou  faits  avec  d'autres  maté- 
riaux solides  et  capables  de  retenir  l'eau  ^.  Vel  de  alia  materia 
congrua  et  honesta,  tali  videlicet,  quœ  sit  solida  durabilis  et  fortis,  ac 
aquœ  infusœ  reteniiva 

La  pierre  était  donc  imposée  pour  la  confection  des  fonts. 

On  en  cite  cependant  beaucoup  en  métal  —  or,  argent,  bronze, 

1  Corblet /o£:. «7.,  p.  302. 

^  Oninis  presbyter^  quifontem  lapideum  habere  neguivent,  vas  conveniens  ad  hoc  solum- 
modo  hapti^andi  officium  habeat,  guod  extra  eccîesiam  deportetur, 

3  Saint  Edmokd  fut  nommé  archevêque  de  Canterbury,  le  2  avril  1234.  —  11 
mourut  en  France  en  1240.  Ses  restes  reposent  à  Pontigny. 

4  DE  CAiJUOtiT,  Cours  d'Archéologie,  Paris,  1841,  VI,  p.   33. 


—  245  — . 


cuivre,  étain,  plomb,  en  bois  et  en  céramique,  béton,   poterie, 
faïence  et  même,  s'il  faut  en  croire  M.  Corblet,  en  porcelaine. 

Ce  qui  est  certain,  c'est  qu'au  xviii*'  siècle,  on  en  fit  en  faïence. 
Nous  n'en  voulons  pour  preuve  que  les  fonts  possédés  par 
M.  Albert  Evenepoel,  membre  effectif  de  la  Société  d'Archéo- 
logie de  Bruxelles,  et  qui  nous  ont  été  signalés  par  M.  le  baron 
DE  RoYER  de  Dour,  membre  également  de  la  Société. 

Il  est  vrai  qu'ils  sont  d'une  date  relativement  récente  puisqu'ils 
datent  de  la  seconde  moitié  du  xviii®  siècle.  Fabriqués  à  Delft 
(Pays-Bas)  pour  l'ancienne  église  des  Anabaptistes  d'Amsterdam, 
ils  sont  décorés  par  deux  arabesques  et  des  fleurs  sur  fond  bleu 
encadrant  deux  réserves  à  sujets  religieux.  Les  deux  anses  figu- 
rent des  coquilles.  Le  couvercle  est  décoré  d'ornements  à  jour  ; 
sur  le  bord,  on  lit  l'inscription  :  die  Gelooft  zal  hebben  en 
GEDOOPT  ZAL  zijN  ZALiG  (zal)  worden.  mar  :  i6  V.  i6.  Cette 
pièce  curieuse  porte  la  marque  L  B.  et  a  figuré  sous  le  n°  2181 
à  l' Exposition  rétrospective  d' art  industriel  de  Bruxelles,  1888. 

Son  possesseur  a  eu  l'obligeance  de  nous  écrire  que  M.  H.  Ha- 
VARD,  dans  son  ouvrage  sur  les  faïences  de  Delft,  mentionne  : 
JoosT  ou  JusTus  Brouwer,  1759,  dont  la  fabrique  portait  l'en- 
seigne de  la  Hache  de  porcelaine. 

C'est,  paraît-il,  le  fabricant  des  fonts  possédés  par  M.  Eve- 
nepoel. 

En  1764,  Brouwer  fit  le  dépôt  de  la  marque  consistant  en  une 
hache. 

On  lui  attribue  aussi  quelques  pièces  portant  une  marque  con- 
sistant en  un  I  et  un  B  accouplés. 

Ce  qui  est  aussi  incontestable,  c'est  l'usage  que  l'on  fit  du 
bois  pour  sculpter  des  fonts  baptismaux.  Citons  à  l'appui  de  ce  dire 
les  curieux  fonts  de  Dinas  Mowddwy  (Merionethshire),  dans  le 
pays  de  Galles  (fig.  15),  qui  furent  trouvés  dans  un  marais  et 
qui  sont  taillés  dans  un  bloc  de  bois  de  chêne  noueux. 

Figurés  dans  le  Journal  of  the  Archœological  Institute,  vol. 
XIII,  p.  292,  ils  ont  été  signalés  par  Miss  Emma  Swann  dans  son 
savant  mémoire  sur  les  fonts  de  formes  inusitées,avec  appendices, 
lu  à  la  séance  du  8  mars  1887  de  VOxford  Architectural  and  histo- 
rical Society  *.  D'autres  fonts  en  bois  existent  à  Efenechtyd  (pays  de 

1  Proceedin^s  and  excursions  of  the  Oxford  Arch.  and  hist.  Soc.  1887,  p.   69. 


—  246  — 

Salles).  On  peut  en  trouver  la  figuration  dans  The  Archœological 
Camhrensis  (july  1884,  p.  171). 

C'est  dans  une  cuve  en  bois  (super pelvîm  ligneunt)  que  le  pape 
SAINT  Caius  baptisa  saint  Claudius. 

Les  fonts  de  Perpignan  ont  encore  la  forme  d'un  tonneau  de 
bois  cerclé  (rv^  s.).  Jusqu'en  1855,  Montfort-sur-Rille,  dans 
l'Eure,  a  conservé  ses  fonts  en  bois. 

M.  CoRBLET  pense  aussi  qu'avant  le  xi^  siècle,  on  se  servait  de 
cuves  en  bois  dans  la  plupart  des  églises  baptismales  du  Nord  et 
surtout  dans  les  campagnes  *.  On  nous  dit  que  Leeuwarden,  en 
Frise,  possède  encore  des  fonts  en  bois. 

J.  A.  Paley  rapportant  qu'à  Efenechtyd,  en  Angleterre  (Sur- 
rey),  il  y  a  des  fonts  taillés  dans  un  bloc  de  chêne  octogonal,  ajoute 
qu'il  n'est  pas  improbable,  que  dans  les  époques  primitives,  il  erp 
fut  ainsi  fort  souvent. 

Il  en  existe  un  grand  nombre  en  métal. 

En  Angleterre,  le  même  auteur  cite  ceux  de  Dorchester, 
Warborough,  Long  Whellington,  Wareham,  Wolstane,  Childrey, 
Ashower,  Brookland,  Great-Plumstead,  Clewer,  Pitcombe,  Clim- 
bridge  (avec  une  date,  1640),  Brundall  et  Siston^,  tous  en  plomb. 

Il  en  existe,  de  plus,  rapporte- t-il,  à  Clifton  (Oxfordshire)  et  à 
Walton-on-the-Hill  (Surrey)  3. 

Inutile  de  parler,  pour  les  Pays-Bas,  des  fonts  en  bronze  ou  en 
laiton  de  Liège  (Saint-Barthélémy),  Tirlemont,  Louvain,  Maes- 
tricht,  Bois-le-Duc,  Tournai,  Hal,  etc.,  etc.,  trop  connus  pour 
que  nous  ayons  à  les  citer. 

En  Allemagne,  les  fonts  d'Hildesheim  sont  célèbres  à  juste 
t^tre  ;  ceux  de  la  collection  Seillière,  vendus  récemment  à  Paris, 
provenaient  également  de  ce  pays. 

En  Ecosse,  plusieurs  historiens  nous  font  savoir  que  Içs  enfants-, 
royaux  étaient  baptisés  à   Holyrood  Chapel,  dans  des  fonts  en 
bronze.  Enlevés  en  1544,   par  Sir  Richard  Lea,  ceux-ci  furent 
transportés  dans  l'église  de  Saint- Alban  et  ensuite  détruits,  par 
les  Puritains. 

1  Revue  de  l'Art,  chrétien,  XXV,  p.  29. 

2  Paley,  Baptismal  fonts,  p.  23. 

3  Archœolosia.  XI,  p.  122. 


—  247  — 

En  France,  M.  Tabbé  Cochet  a  signalé  à  Houdetot  (Seine- 
Inférieure),  des  fonts  baptismaux  en  plomb  présentant  à  chaque 
u  angle,  une  curieuse  gargouille  w  (sic)  et  qu'il  croit  du  xvr  siècle. 

M.  DE  Clauville  a  ajouté  à  cette  communication,  faite  en  1874, 
à  la  Commission  des  antiquités  de  la  Seine- Inférieure,  qu^il  croyait 
en  avoir  vu  d'analogues  dans  l'église  de  Bourg- Achard  ;  seule- 
ment ils  étaient  décorés  de  douze  personnages  qui  se  sont 
trouvés  successivement  enlevés  par  les  curieux  venus  pour  admi- 
rer ces  fonts  (sic)  *. 

Les  fonts  en  plomb  deLombez,  de  Berneuil  et  deSaint-Evroult- 
de-Monfort  sont  trop  connus  pour  que  nous  ayons  à  insister. 

Dans  l'Inventaire  des  ornements,  reliques,  statues,  images,  vases 
et  bijoux  de  la  grande  église  de  Notre-Dame  de  Lausanne,  on  voit 
renseigné  sous  le  n°  38,  "  un  grand  bassin  d'argent  pour  Teau 
des  baptêmes  n . 

La  cathédrale  de  Canterbury  possédait  également  des  fonts, 
d'argent  que  Ton  envoyait  en  temps  utile  à  Westminster  pour 
ondoyer  les  enfants  royaux. 

Quelquefois  aussi  on  a  affecté  à  cet  usage  des  sarcophages 
antiques. 

Citons  parmi  les  nombreux  exemples  : 

Le  sarcophage  d'ANicius  Probus,  préfet  du  prétoire,  mort  en 
395,  et  de  Proba  Faltonia,  sa  femme,  est  devenu  la  cuve 
baptismale  de  Saint-Pierre  au  Vatican,  à  Rome,  usage  auquel 
il  fut  affecté  depuis  le  pape  Symmaque  jusqu'en  1699. 

Un  fait  analogue  s'observe  à  Saint-Trophime  d'Arles,  à  Saint- 
Cannât  et  dans  un  grand  nombre  d'autres  localités. 

^  Revue  de  P Art  chrétien,   1874,  p.  77. 


^ 


Fonts  placés  au  contre-bas  du  sol. 

vant  de  parler  des  fonts  baptismaux  proprement  dits,  nous 
désirons  mentionner  les  quelques  rares  exemples  de  fonts  que 
nous  classons  sous  la  dénomination  ci-dessus  et  dont  le  prototype 
se  trouve  dans  la  piscine  en  contre-bas  des  baptistères  pri- 
mitifs. 

M.  RussELL  Walker  en  a  signalé  de  curieux  en  Ecosse,  dans 
Fîle  de  May,  où  la  chapelle  ruinée  de  Saint-Adrien  montre 
encore  ses  fonts  rudimentaires  à  leur  place  primitive  ;  ils  y  sont 
au  moins  depuis  le  xii^  siècle  *. 

Mais  en  France,  les  archéologues  ont  rencontré  des  exemples 
encore  plus  remarquables  de  cet  état  de  choses. 

C'est  ainsi  qu'on  a  découvert,  il  y  a  quelques  années  (1885),  à 
Tours,  en  démolissant  —  bien  malencontreusement  —  la  vieille 
église  de  Saint-Clément,  des  fonts  en  béton  qui  se  rattachent  par 
leurs  formes  aux  cuves  cylindriques  dont  nous  nous  occuperons 
ensuite.  Notre  savant  confrère,  M.  Palustre,  l'éminent  président 
de  la  Société  archéologique  de  Touraine,  en  a  donné  une  notice  dans 
sa  belle  monographie  de  Téglise  Saint-Clément  de  Tours,  écrite 
en  collaboration  avec  M.  Léon  Lhuillier.  Ces  fonts  doivent  re- 
monter —  suivant  toute  probabilité  —  au  x^  ou  xr  siècle  ^,  (fig. 
12-13)^.  Voici  ce  qu'en  disent  ces  auteurs  : 

1  RussELL  Walker.  Prerejbrmation  churches  Fife  and  the  Lothians.  Edinburgh, 
1888. 

2  Léon  Palustre  et  L.  Lhuillier.  Mon.  de  l'église  Saint-Clément  de  Tours.Touxs^ 
L.  Péricat,  éditeur,   1887,  p.  136. 

3  Clichés  obligeamment  prêtés  par  M.  Palustre. 


Fig.  12.  . — ■  Fonts  découverts  à  l'église  St-Clément  de  Tours,  (xe  ou  xie  siècle). 
(Extrait  de  la  Monographie  de  cet  édifice  par  MM.  Palustre  et  Lhuillier). 


Fig.  13.  —  Vue  perspective  de  ces  mêmes  f-ints. 


PI.  IX.  —  Fonts  de  l'Église  S*-Clément  de  Tours  (France) 
(x®  ou  XI®  siècle). 


—  251    — 

«  En  fouillant  le  sol  près  du  premier  pilier,  à  droite,  les  ouvriers 
rencontrèrent,  à  un  mètre  environ  de  profondeur,  une  piscine  en 
béton,  d'aspect  assez  grossier,  qui  nous  semble  avoir  servi  au 
baptême  par  immersion.  Cette  manière  d'administrer  l'un  des 
sacrements  les  plus  importants  de  TEglise  fut  en  usage,  on  le 
sait,  durant  une  grande  partie  du  moyen  âge.  Les  catéchumènes, 
lorsqu'il  s'agissait  de  grandes  personnes,  n'étaient  pas  plongés 
dans  l'eau,  mais  il  suffisait  qu'ils  pussent  s'y  enfoncer  jusqu'aux 
genoux.  La  profondeur  de  la  piscine  variait  donc  ordinairement 
de  o'".30à  o'".45,  et  ici  nous  avons  o'". 40.  Quant  à  la  largeur,  qui 
est  de  o"^.84,  elle  ne  laisse  pas  de  convenir  même  à  un  adulte,  n 

«  En  second  lieu,  l'enfoncement  dans  le  sol  est  incontestable,  car 
sans  cela,  on  ne  s'expliquerait  guère  la  rugosité  de  l'extérieur. 
Très  probablement  cette  piscine  fut  en  usage  aux  premiers  temps 
de  la  fondation  de  la  paroisse  (Saint-Clément, à  Tours).  Puis,  peu 
à  peu,  le  baptême  par  immersion  étant 
tombé  en  désuétude,  le  vénérable  monu- 
ment se  vit  abandonné,  et  comme  par  lui- 
même  il  ne  présentait  aucune  valeur, 
l'architecte,  en  1462,  loin  de  songer  à  le 
relever  de  terre,  l'enfouit  sans  façon  sous 
une  épaisse  couche  de  gravier.  La  place 

1,  ,  ,  on        'L.    -i.     1  P'g-  ^4' — Fonts  baptismaux 

OU  on   U   retrouve,  en    1885,    était-  donc     conservés    au    Musée  de  la 

celle  qu'il  occupait  primitivement  et  cette      Société.  Archéologique  d'Indre- 

constatation  ajoute  à  l'intérêt  de  la  dé-  ^^^Ztl:'^^:^ 
couverte.  »  l'abbé  Chevalier). 

Au  musée  de  la  Société  archéologique  d* Indre-et-Loire^  à  Tours, 
on  conserve  une  cuve  baptismale  datant,  dit-on,  du  vi^  siècle 
\^g.  14)  et  dont  nous  devons  le  dessin  à  l'obligeance  de  notre 
savant  confrère  français,  M.  Léon  Palustre. 

M.  l'abbé  Chevalier  a  consacré  à  ce  meuble  d'église,  si  remar- 
quable par  sa  rareté  et  sa  haute  antiquité,  une  notice  intitulée  : 
Piscine  baptismale  à  immersion  du  Vh  siècle  *. 

Il  se  rattache  au  groupe  des  fonts  cylindriformes,  bien  que, 
comme  dans  l'exemple  précédent,  il  s'agisse  sans  doute  d'une 
piscine  placée  en  contre-bas  du  sol  et  où  l'on  descendait. 

1  Mémoires  de  la  Société  archéologique  d' Indre-et-Loire,  tome  XIII,  p.  217. 


—   252   — 

L'usage  de  baptiser  Tenfant  au  moment  de  sa  naissance  et 
surtout  la  cessation  du  baptême  des  catéchumènes  adultes  ont  dû 
faire  proscrire  l'emploi  de  ces  sortes  de  fonts,  qui  trouvent  leur 
prototype  ancestral  —  nous  Pavons  dit  —  dans  les  baptistères 
primitifs. 


Fig«  ï$'  —  Fonts  de  Dinas  Mowddwy  (Pays  de  Galles). 
(Miss  Swann,  Proceedin^s  of  the  Oxford  architectural  and  historical  Society). 


Fig.  i6.  —  Fonts  de  Balquhidder,  Perthshire  (Ecosse), dessin  de  M.RussellWalker. 


VI 


Fonts  à  formes  non  équarries  ou  rudimentaires. 


ous  classons,  sous  ce  titre,  une  catégorie  de  fonts  baptismaux 
jusqu'ici  peu  étudiés  ;  ce  sont  les  primitifs  blocs  de  pierre 
non  équarris,  les  racines  ou  les  troncs  d^arbres  dans  lesquels  sim- 
plement une  cuvette  a  été  pratiquée  pour  contenir  l'eau  régéné- 
ratrice. Ce  sont  surtout  les  études  de  nos  savants  confrères,  Miss 
Emma  Swann  et  M.  J.  Russell  Walker,  qui  ont  fait  connaître  des 
spécimens  de  ces  fonts  dont  nous  ne  pouvons  d'ailleurs  pas  citer 
d'exemple  dans  nos  contrées. 

Les  fonts  de  Dinas  Mowddwy  (fig.  15)  dont  il  a  été  question 
plus  haut,  ceux  de  Clisson  (Loire-Inférieure),  signalés  par  Miss 
Swann;  ceux  de  Gullane  Church  (Ecosse),  Fernan  Church  (Loch 
Tay),  (Ecosse),  actuellement  au  château  de  Taymouth,  d'Inner- 
wick  (Ecosse),  de  Balquhidder  (fîg.  16),  d'Old  Church  of  Dyce 
(Ecosse),  de  Saint- Adrians  Chapel  (île  de  May,  Ecosse)  et  surtout 
ceux  de  Saint-Coivius,  de  Buru,  près  de  Killean  Church  et  de 
Saint-Fillans,  appartiennent  à  cette  catégorie. 

Ces  fonts  à  formes  non  déterminables  ont  cependant  servi  de 


—   254   — 

prototypes  à  certaines  cuves  d'aspect  bizarre,  et  il  est  incontes- 
table que  les  fonts  de  Clisson  (Loire-Inférieure)  (fîg.  17),  et  de 
Cosseuil  (Isère);  signalés  par  Miss  Emma  Swann  procèdent  d^un 
type  ancestral  semblable  aux  fonts  de  Dinas  Mowddwy. 

C'est  ainsi  aussi  que  les  curieux  fonts  suspendus  d'Obigies 
(Hainaut)  signalés  par  notre  honoré  confrère,  M.  Louis  Cloquet, 
et  assimilés  par  lui  à  la  cuve  ronde  antique  en  marbre  vert,  qui 
sert  de  bénitier  dans  la  cathédrale  d'Angers,  rappellent,  mais  à 


Fig.  17.  —  Fonts  de  Clisson  (France,  Loire- Inférieure). 
(Miss  E.  Swann,  Proceedings  of  tbe  Oxford  Archeolo^ical  Society). 


un  degré  moindre,  certains  fonts  écossais  et  spécialement  ceux  de 
Balquhidder  (fig.  16),  de  Aberlour,  de  Cupar-Angus,  de  Saint- 
Fillans,  de  Old-Church,  Arisaig),  quoique  ceux-ci  n'aient  pas 
le  rebord  saillant,  de  Melrose,  plus  évasés,  etc.,  signalés  par 
M.  RussELL  Walker. 

On  comprend  que  les  fonts  de  cette  sorte  ne  se  soient  conservés 
que  rarement  dans  des  contrées  riches  comme  les  nôtres  et  qu'il 


—    255   — 

faille  aller  dans  des  pays  moins  prospères  et  par  conséquent  plus 
conservateurs  des  anciens  monuments,  comme  la  Bretagne  et 
l'Ecosse,  pour  en  retrouver  des  exemples. 

Il  est  donc  très  important  de  recueillir  les  moindres  fragments 
de  fonts  semblables  qui  pourraient  exister  dans  la  structure  de 
certains  temples  anciens  de  nos  contrées,  et  nous  signalons  ce 
fait  à  nos  confrères,  en  espérant  qu'ils  pourront  enrichir  la 
science  archéologique  de  nouveaux  spécimens  de  cette  catégorie. 


LISTE   DE   FONTS   TYPIQUES   DE 

LA   FORME  RUDIMENTAIRE 

PROVINCE 

w 

VILLE  OU  VILLAGE 

ÉGLISE 

ou    DÉPAR- 
TEMENT 

PAYS 

H 

<: 

Q 

BIBLIOGRAPHIE 

Journal  of  Arch.  In- 

Dinas  Mowddwy 

Pays  de 
Galles. 

Angleterre 

stitute.  XIII, p.  292; 
Oxford  Archit.  and 
hist.  Society  1887. 

Clisson 

Loire-inf''® 

France 

S*  Andrew  Gullam 

Ecosse 

\ 

Actuellement  au 

Fernan  Church 

« 

château  de  Tay- 
mouth. 

Innerwick 

« 

f 

dessinés  et  décrits 

Balquhidder 

» 

par  J.  RussEL'. 

Dyce 

Old 
Church 

» 

Walker. 

St  Coivius  de  Burn 

» 

) 

Miss  Swan.  Oxford 

Cosseuil 

Isère 

France 

Archit.  and  hist. 
Soc.  1887. 

4- 


VII 


Les  fonts  cylindriformes,  cubiques,  coniques,  trapézoïdaux, 
cylindriques  ou  polyédriques. 


près  les  fonts  à  formes  rudimentaires,  le  type  le  plus  ancien 
de  la  cuve  baptismale  est  celui  ^ç^'s  fonts  cylindriformes  posés 
directement  sur  le  sol. 

Leur  forme  est  le  produit  d'une  altération  de  la  piscine  à 
rebords  saillants  des  anciens  baptistères  et  de  l'imitation  en  pierre 
d'un  prototype  ligneux  :  la  cuve  en  bois. 

M.  Heinrich  Otte  dit  que,  dès  le  ix^  siècle,  on  avait  substitué 
en  Allemagne  les  fonts  à  la  piscine  ^  On  en  trouve  la  plus  ancienne 
trace  dans  un  dessin  à  la  plume  (n°  13)  qui  se  trouve  dans  le 
célèbre  IVessobrtmner  Codex,  manuscrit  précieux  à  plus  d'un  titre, 
conservé  dans  la  Bibliothèque  de  la  Cour,  à  Munich.  Ce  dessin 
représente  le  baptême  d'un  juif  par  l'évêque  de  Jérusalem.  Le 
catéchumène,  nu  jusqu'à  la  ceinture,  se  trouve  dans  des  fonts 
cylindriques  ornés  en  bas,  en  haut  et  au  milieu  par  une  bande 
unie  sans  ornement.  L'officiant,  qui  se  trouve  à  gauche  près 
des  fonts,  touche  la  tête  du  juif  avec  la  main  droite,  semblant 
verser  l'eau  régénératrice.  De  l'autre  côté  des  fonts  se  tient  un 
clerc  avec  un  drap  ^. 

M.  Otto  Henné  am  Rhyn,  archiviste  de  la  ville  de  S^-Gall,   en 

adonné  la  reproduction  dans  sa  curieuse  Kultiirgeschtchte  des 

deutschen  Volkes  ^.  Cette  représentation  des   fonts  baptismaux, 

exécutée  à  une  époque  dont  il  ne  nous  reste  que  peu  de  docu- 


1  Heinrich  Otte.  Handbuch  der  kirchîichen  Kunst-Archàolo^ie  des  deutschen  Mittel- 
alters.  Leipzig,  T.  O.  Weigel,  p.  302. 

*  Heinrich  Otte,  op.  cit. y  p.  303. 

3  Otto  Henné  am  Rhyn,  Kultur^eschichte  des  deutschen  Volkes.  Berlin,  G.  Grote, 
éditeur,  1886,  p.  115. 


-    257    - 

ments  de  ce  genre,  a  tous  les  caractères  des  cuves  sculptées  sur 
les  célèbres  fonts  de  Téglise  Saint-Barthélémy,  à  Liège  *. 

En  effet,  sur  ceux-ci,  battus  en  1112,  par  Lambert  Patras, 
batteur  en  cuivre  de  Dinant,  sur  la  demande  de  Hellin,  chanoine 
de  Saint-Laurent  de  Liège  et  abbé  de  Notre-Dame,  on  voit  la 
représentation  du  baptême  de  Craton  le  philosophe  par  saint 
Jean-Baptiste.  La  cuve  baptismale  représentée  est  composée  de 


Fig.  18.  —  Fonts  baptismaux  actuellement  à  l'église  de  Saint-Barthélémy,  à  Liège. 
(Œuvre  de  Lambert  Patras.  —  1112)  2. 

•  1  Voir  à  leur  sujet  Didron.  Les  Cîrémcnies  et  les  fonts  du  hapte'me.  Annales  archéo- 
logiques, V,  p.  21.  — Rousseau.  Bidhtin  des  Commissions  royales  d\nt  et  d' archéologie , 
XIV,  p.  33.  —  Reussens.  Éléments  d'archéologie  chrétienne^  I,  p.  ^148.  —  De  Bruyn. 
Archéologie  religieuse,  II,  p.  175. —  Kuger.  Handbuch  der  Kunst  Geschichte,  t.  II,  p.  168. 
—  Héris.  Mémoire  sur  le  caractère  de  l'école  flamande  de  peinture,  p.  61.  —  PP.  Cahier 
et  Martin.   Mélanges  d'archéologie,  IV,  p.  99.  —  Weale.  Belgium,  etc.,  p.  289.  — 

Schmaase.  Niederl.  Briefe.  —  Waaghn.   Kunslblatt,  n°i.  —  Axdré  Van  Hasselt. 

Bulletin  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  XIII,  ne  partie,  184.  —  Helbig.  La  Sculpture 

au  pays  de  Liège  ;  etc,  etc. 

'^  Cliché  prêté  par  rÉmulation,  organe  de  la  Société  centrale  d'Architecture. 

17 


—   258   - 

fonts  cylindriques  posés  sur  une  base  composée  d*un  listel,  d'un 
quart  de  rond  aplati  et  d'une  plinthe.  La  partie  supérieure  est 
garnie  d'un  anneau  dont  les  moulures  sont  indiquées  d'une  façon 
assez  indécise  et  d'une  sorte  de  frise  ornée  de  demi-cercles  garnis 
de  clous  à  têtes  circulaires  ^ 

M.  DiDRON  s'exprime  comme  suit  à  ce  sujet  :  Craton,  "  philo- 
sophe d'Ephèse  et  proneur  fastueux  de  la  pauvreté,  se  laisse  con- 
vertir aux  paroles  et  aux  miracles  de  saint  Jean.  L'apôtre  le 
plonge  dans  un  cuve  pleine  d'eau  et  lui  pose  la  main  droite  sur  la 
tête  en  lui  disant  la  formule  du  baptême  écrite  sur  un  livre  qu'il 
tient  de  la  main  gauche  :  Ego  te  baptizo  in  nomme  Patris  et  Filii  et 
Spîritus  sancii.  Amen,  n 


Fig.    19.    —  Bas-relief  des    fonts  de    Saint-Barthélémy  à   Liège,    représentant  le 

baptême  de  Cornélius,  le  centurion,  et  de  Cratok,  le  philosophe. 

(Dessin  de  J.   Stuckens,  d'après  un  relevé  de  feu  A.    Schaepkens). 


f  ,  1  II  est  à  remarquer  que  les  lignes  verticales  figurées  sur  cette  cuve  peuvent 
dénoter  une  cuve  en  bois.  •—  S'il  faut  en  croire  une  vignette  de  de  Caumont 
{Abécédaire,  p.  s 07)  représentant  un  bas-relief  des  fonts  baptismaux  de  Pont-à-Mous- 
son  (fig.  24)  décrits  par  M.  Digot  (Bulletin  monumental,  tome  XII),  on  pourrait  voir 
dans'^les^fonts  dans  lesquels  l'évêque  baptise  deux  enfants,  une  cuve  en  bois.  C'est 
d'ailleurs  l'avis  de  M.  le  chanoine  Corblet.  M.  Victor  Gay  dit  aussi  que  les  fonts 
se  firent  «  même  en  bois  »  [Glossaire  archéologique,  p.  730). 


—  259  — 


//Jean,  ce  beau  vieillard,  ainsi  que  les  Byzantins  aiment  à  le  re- 
présenter, a  la  figure  inspirée;  il  lève  les  yeux  au  ciel,  cet  inspiré, 
cette  ardente  imagination  qui  convertit  ce  philosophe  ou  cette 
raison  froide,  résume  en  lui  toute  l'histoire  des  triomphes  du 
Christianisme.  Un  jeune  homme,  un  disciple  de  Craton,  assiste 
au  baptême  qu'il  va  lui-même  recevoir.  Ce  n*est  plus  dans  un 
fleuve  que  les  apôtres  saint  Pierre  et  saint  Jean  baptisent,  mais 
déjà  dans  une  cuve  dont  la  forme  et  les  détails  méritent  d'être 
remarqués  ^  » 

Lambert  Patras,  obéissant  aux 
idées  de  son  temps,  commettait 
là  un  lourd  anachronisme,  car 
sûrement,  dans  les  temps  évan- 
géliques  où  nous  reporte  son  su- 
jet, les  fonts,  modelés  par  lui, 
n'existaient  pas.  Seulement,  ils 
n'en  sont  pas  moins  intéressants 
à  étudier,  car  certainement  les 
fonts  du  temps  de  Lambert  Pa- 
tras,  ceux  de  Saint-Barthélémy 
eux-mêmes  en  donnent  la  preuve 
—  ne  se  faisaient  plus  ainsi.  Le 
dinandier  aura  donc  représenté 
des  fonts  tels  qu'on  les  faisait 
avant  son  époque,  à  peu  près 
comme  les  imagiers  représen- 
taient sur  les  dais  des  statues, 
des  édifices  d'une  architecture 
disparue.  Disons  au  surplus  que 
ces  mêmes  fonts  de  Saint-Barthélémy  de  Liège  présentent  la  figu- 
ration du  baptême  de  Cornélius,  centurion  de  la  cohorte  italique 
à  Césarée,  par  saint  Pierre. 

De  même  que  pour  le  sujet  précédent,  Cornélius  est  plongé  à 
mi-corps  dans  une  cuve  cylindrique  qui  se  rapproche  de  celle  de 
Craton,  mais  qui  en  diffère  en  ce  qu'elle  est  ornée  d'arcaturcs  en 
plein  cintre  ornant  tout  le  pourtour  des  fonts. 


Fig.'20.  —  Bas-relief  de  la  couverture  du 

Sacramentoire  de  DROGON(Bibl.  nat., 

Paris).  (Dessin    de  J.  Stuckens,  d'après 

Lexormand.) 


1  Le^enda  aurca,  de  san:to  Johanne  Evangelisla. 


—  26o  — 

Sur  la  couverture  entaillée  en  ivoire  du  Sacrainentaîre ,  dit  de 
Drogon,  évêque  de  Metz  (Bibl.  nat.  mss.  fonds  latin  9428),  qui 
date  du  ix^  siècle  et  qui  est  par  conséquent  d'une  période  fort  an- 
térieure aux  fonts  de  Patras,  on  voit  la  représentation  de  fonts 
ressemblant  fort  à  ceux  du  baptême  de  Craton  dans  Pœuvre  lié- 
geoise *.  Dans  ce  même  et  célèbre  manuscrit,  on  voit  en  outre, 
dans  les  initiales,  plusieurs  représentations  de  fonts  ^. 

Celle  qui  nous  occupe  se  trouve  sur  l'un  des  XVIII  petits 
carrés  d'ivoire  de  soixante  millimètres  sur  cinquante  qui  ornent 
cette  reliure  et  qui  sont  entourés,  neuf  sur  chaque  face,  d'un 
cadre  d'argent  ^. 

Cette  forme  de  la  cuve  cylindrique  persiste  d'ailleurs  dans  cer- 
tains pays  jusqu'au  xv^  siècle,  en  Angleterre  par  exemple  *,  et 
dans  d'autres  jusqu'au  xiii  ^,  avec  des  variantes  cependant,  car 
certains  fonts,  au  lieu  d'être  sphériques,  sont  carrés,  ou  polygo- 
naux. 

C'est  ainsi  qu'en  Angleterre  on  en  cite  de  fort  remarquables, 
notamment  parmi  ceux  qui  datent  du  xi^  siècle,  les  fonts  de  Dee- 
ping-Saint-James  dans  le  Lincolnshire  ^,  et  ceux  de  la  vénérable 
église  Saint-Martin  à  Canterbury  ;  ceux-ci,  que  nous  avons  eu 
le  bonheur  de  pouvoir  étudier  de  visu,  auraient  servi,  d'après  la 
tradition,  le  2  juin  597,  à  l'immersion  d'ExHELBERT,  qui  régnait  sur 
le  Kent^,  et  qui  était  le  plus  puissant  roi  de  l'Heptarchie  saxonne^. 

On  sait  que  ce  fut  sous  l'influence  de  son  épouse  Berthe,  fille 
de  Caribert^  roi  de  Paris,  et  sur  les  prédications  du  bénédictin 
Augustin,  prieur  du  monastère  de  Saint- André  à  Rome,  envoyé 
en  596,  par  saint  Grégoire  le  Grand  en  Grande-Bretagne,  en- 
suite archevêque  de  Canterbury  et  primat  de  l'église  anglicane, 
que  ce  souverain  fut  ondoyé  ^ . 

1  Trésor  àe  Glyptique,  par  Lenormand,  p. .18,  pi.  I,  etLECOY  delà  Marche,  les 
manuscrits,  p.  332. 

2  Voir  Ch.  Cahier  (le  père),  nouveaux  mêlantes  à' Archéologie.  Paris,  1874,  p.  116, 
136,  142  et  143. 

3  Labarte,  Histoire  des' arts  industriels. 
*  Simpson,  op.  cit. 

6  Heinrich  Otte,  op.  cit.,  p.  303. 

6  Simpson,  op.  cit.,  y.  5-6. 

7  CoRBLET,  Revue  de  Part  chrétien,  XXV,   p.    298. 

«  C,  Robinet,  Résumé  de  V histoire  d'Angleterre,  Brux.  1847,  P-  16. 
s  David  Hume,  History  of  Englandfrom  the  invasion  of  Julius  Casar  to  the  révolution 
tn  1688.  London,  1809,  I,[p.  36. 


—    26l    — 

La  tradition  qui  attribue  les  fonts  de  Canterbury  a  un  âge  si 
éloigné;  nous  semble  peu  fondée  et  nous  croyons  avec  Simpson  * 
qu'ils  ne  remontent  pas  si  haut  et  qu'ils  datent  tout  au  plus  des 
premiers  temps  de  la  conquête  normande,  soit  de  la  seconde 
moitié  du  xi^  siècle. 

En  effet,  il  est  à  supposer  que  Tinfluence  romaine  (quoique 
Rome  n  ait  pas  élevé  de  bien  grands  édifices  en  Grande-Bretagne) 
était  encore  vivace  dans  ce  pays  au  vi^  siècle.  On  se  souvient 
que  sous  la  domination  romaine,  les  Bretons  avaient  fait  de  tels 
progrès  dans  les  arts,  et  que  leurs  mœurs  s'étaient  tellement  civili- 
sées, qu'ils  s'étaient  bâti  vingt-huit  villes  considérables,  sans 
compter  nombre  de  villages  et  de  maisons  champêtres  ^. 

Au  vi^  siècle,  des  vestiges  de  cette  civilisation  renversée  par 
les  invasions  des  Saxons  et  des  Angles,  devaient  pourtant  encore 
exister.  A  l'appui  de  ce  fait^  nous  pouvons  rapporter,  pour  prouver 
que  l'influence  romaine  n'était  pas  éteinte,  les  paroles  de  Bède  le 
Vénérable,  qui  dit  que  des  constructeurs  étrangers  furent  appe- 
lés au  vif  siècle  par  l'évêque  d'York,  Benedict,  mort  en  709,  géné- 
reux protecteur  des  arts,  pour  élever  des  églises  en  pierre  «  sui- 
vant les  procédés  des  Romains  w  [more  Romand)  ^  au  monastère  de 
Jarrow  *  et  à  l'abbaye  de  Monk  Wearmouth  ^. 

Cette  expression  était  d'ailleurs  usitée  à  cette  époque,  puisqu'au 
commencement  du  vi^  siècle,  comme  le  rappelle  notre  savant 
confrère,  M.  Alph.  Wauters  ^,  Cassiodore,  premier  ministre  de 
Théodoric,  recommande  que  dans  les  constructions  nouvelles,  la 
splendeur  de  \di  fabrique  romaine  uq  soit  point  laissée  en  oubli. 

L'église  d'Upsal,  en  Suède,  est  désignée  comme  construite 
more  romano  ^. 

Nous  n'avons  cité  ces  faits  que  comme  appuyant  le  dire  de 
Bède  le  Vénérable.  Celui-ci  prouve  qu'au  vii*^  siècle,  les  Bretons 

1  Simpson,  op.  cit.,  p.  5-6. 

^  Hume,  op.  cit.,  I. 

3  S.  T.  H.  Parker.  Study  in  ^othic  Architecture.  London,  Winsor  and  Newton, 
1885,  p.  12. 

**  A  24  milles  N.-E.  de  Durham,  patrie  de  Bède  le  Vénérahi  k. 

^  A  remboiichure  delà  Wear,  à  l'Ouest  de  Sunderland  (commencée  en  675). 

®  Annales  de  la  Société  d' Archéologie  de  Bruxelles.  L'architecture  romatie  dans  ses 
diverses  transformations.  Vol.  III,   1889. 

'  Blavigmac.  —  Histoire  de  l'Architecture  sacrée,  du  ive  au  xc  siècle  dans  les  an- 
ciens évêchés  de  Genève,  Lausanne  et  Sion  —  Paris,  Didron,  1853,  p.  8. 


—    262  — 

conservaient  des  traditions  —  tout  au  moins  —  de  Tinfluence  ro- 
maine. Donc,  au  vi*^  siècle,  à  plus  forte  raison,  il  devait  en  être  de 
même  ;  ce  qui  fait  que  si  les  fonts  de  Téglise  Saint-Martin  de  Can- 
terbury  sont  de  ce  temps,  nous  y  reconnaîtrions  facilement  des 
marques  d'une  influence  antique. 

Or,  il  n'en  est  pas  du  tout  ainsi  ;  les  sculptures  dénotent  sans 
aucun  doute  une  origine  septentrionale  —  Les  flancs  de  la  cuve 
sont  ornés  de  ces  entrelacs  si  fréquents  dans  les  décorations  Scan- 
dinaves, les  arcatures  qui  décorent  les  parties  supérieures  sont, 
elles  aussi,  d'un  caractère  Scandinave  très  prononcé. 

On  pourrait  nous  objecter  qu'ils  peuvent  avoir  été  exécutés 
par  un  artiste  saxon  ;  il  nous  suffira  de  faire  remarquer  en  réponse 
que  les  fonts  de  Canterbury  présentent  tous  les  caractères  de  l'ar- 
chitecture du  xi^  siècle. 

C'est  un  très  bel  exemple  de  la  cuve  cylindrique  et  il  était  fort 
important  de  bien  établir  la  date  de  son  exécution.  En  admettant 
la  tradition,  nous  aurions  eu  là,  au  vi^  siècle,  des  fonts  tels  qu'on 
les  a  faits  aux  x^  et  xi^  siècles. 

Ce  serait  un  prototype  des  fonts  cylindriques,  mais  comme 
nous  l'avons  dit,  le  style  des  sculptures  doit  faire  rejeter  cette 
tradition.  Même  en  étant  du  xi^  siècle,  ces  fonts  sont  extrêmement 
remarquables  et  ils  jouissent  en  Angleterre  d'une  juste  célébrité 
que  leur  intérêt  artistique  justifie. 

Quant  aux  fonts  de  Deeping-Saint-James  (Lincolnshire)  *,  que 
nous  avons  cités  tantôt,  ils  présentent  une  série  d'arcatures  entou- 
rant la  cuve.  Celle-ci  a  tous  les  caractères  des  fonts  cylindriformes 
en  forme  de  margelles  de  puits. 

D'autres  fonts  de  ces  temps  reculés  existent  encore  en  Angle- 
terre ;  à  Morwenstow  en  Cornouailles,  il  y  en  a  qu'on  dit  avoir 
été  érigés  par  Ethelwolf  ;  ils  ont  été  décrits  et  dessinés  par 
J.-S.  Blepht,  dans  son  ouvrage  intitulé  Ancîent  crosses,  etc.,  of  East 
Cornwall  (1858). 

Dans  le  Yorkshire,  à  Kirkburn,  il  y  en  a  également.  Ils  sont  de 
forme  circulaire,  ornementés  d'entrelacs  et  présentent  la  figura- 
tion de  sujets  bibliques  grossièrement  sculptés.  Entre  autres,  et  ceci 
est  fort  curieux  si  on  rapproche  cet  exemple  de  ceux  de  Saint- 

^  Simpson,  op.  cit.,  p.  4. 


—  263  — 

Barthélémy  à  Liège  et  de  Pont-à-Mousson  (fig.  24),  on  y  voit  le 
baptême  du  Christ  dans  des  fonts  circulaires , 

Nous  avons  parlé,  dans  la  première  partie  de  ce  travail,  des 
fonts  de  Téglise  de  tous  les  Saints,  à  Little  Billing  (Northamp- 
tonshire)  *,  qui  datent  de  la  seconde  moitié  du  xi^  siècle,  d'après 
M.  Combe  2.  Leurs  formes  se  rapportent  au  type  de  la  cuve 
cylindriforme.  Comme  d'ailleurs  les  fonts  dessinés  par  le  même 
auteur  à  Saint- Anne-Church,  Lewes  (Sussex),  Saint-Lawrence 
Church,  Sandridge  (Hertfordshire),  xii^  siècle,  à  Avebury,  dont 
nous  donnons  un  croquis  (fig.  22),  Alphington  (Devonshire) 
(fin  du  xii^  siècle)  et  surtout  à  Stanton  Fitz  Warren  dans  le 
Wiltshire,  à  Gillingham  dans  le  Kent,  à  Thurlby  dans  le  Lin- 
colnshire  (xiii^  siècle). 

Le  type  des  fonts  cubiques  en  forme  de  margelles  de  puits,  en 
Angleterre,  est  bien  représenté  parles  cuves  normandes  d'Aston- 
le-Walls  (Northamptonshire)  (xii^  siècle),  de  Saint-Augustine 
Church  à  Locking  (Somersetshire)  (xii^  siècle),  d'Holy  Trinity 
Church  à  Lenton  (Nottinghamshire)—  celles-ci  très  remarquables 
et  datant,  d'après  leurs  caractères  archéologiques  et  la  tradition 
qui  s'accordent  dans  ce  cas-ci,  à  la  fin  du  xi^  siècle  —  d'Ail 
Saints  Church  à  West  Haddon  (Northamptonshire),  de  Ticken- 
cote  dans  le  Rutlandshire  fxiii'^  siècle),  de  Rotherfield  Greys 
(Oxfordshire,  xiii^  siècle),  de  Bradbourne  (Derbyshire). 

Quelques  fonts  polyédriques  sont  également  montrés  par 
M.  Combe.  Signalons  ceux  de  Goadby  Marwood,  dans  le  Lei- 
cestershire  (xiv^  siècle),  de  Patrington,  dans  le  Yorkshire—  ceux- 
ci,  en  pierre  de  Caen,  semblent  français  d'origine  (xv^  siècle),  — 
d'Ewerby  (Lincolnshire),  fonts  hexagonaux,  copiés,  semble-t-il, 
au  xiv^  siècle,  sur  un  prototype  normand,  de  Poynings  dans  le 
Sussex  (xiv=  siècle)  et  d'Hurley  (Berkshire)  (xv^  siècle). 

Nous  possédons,  sur  les  fonts  d'Ecosse,  un  excellent  travail  dû 
à  notre  estimé  et  savant  confrère  M.  J.  Russell  Walker,  archi- 
tecte, membre  de  la  Société  des  antiquaires  d'Ecosse  et  intitulé  : 
Scottish  baptismal  fonts  ^. 

Le  baptême  par  immersion  est  resté  fort  longtemps  en  usage 

1  Saintenoy,  h:,  cit.,  p.  17. 

2  (Combe),  Bapliumil  fonts. 

3  Proceedin^s  of  the  Society  of  Anliqaaries  of  Scotland. 


—  264  — 

dans  ce  pays  et  a  persisté,  même  quelque  temps  après  la  Réforme. 
Les  fonts  n'y  sont  pas  aussi  riches  en  sculptures  que  ceux  d'An- 
gleterre, mais  ils  présentent  tous  un  intérêt  majeur. 

Nous  avons  déjà  parlé  des  fonis  à  formes  rudimentaires signalés 
par  notre  éminent  confrère,  mentionnons  maintenant  quelques- 
uns  des  fonts  cylindriformes  qu'il  nous  fait  connaître. 

Ce  sont  tout  d^abord  les  fonts  de  Polwarth  (Berwickshire)  que 
M.  RussELL  Walker  fait  dater  de  la  fin  du  xiv^  siècle  (  1378  envi- 
ron), mais  qui  appartiennent  à  un  type  plus  ancien.  C'est  là  un 
exemple  complet  des  fonts  cylindriformes  circulaires. 

Les  fonts  de  Kettins,  Dryburgh  abbey^  Cupar-Angus  abbey 
présentent  ces  caractères  à  un  degré  moindre. 


21.  —  Fonts  baptismaux  d'Aldbar,  Forfarshire  (Ecosse), 
(dessin  de  M.  Russell  Walker.) 


Nous  les  retrouvons  complets  dans  les  fonts  de  Kelso  (Rox- 
burghshire),  de  Lilliesleaf  (Roxburghshire),  Glencorse  (Edin- 
burgshire),  Kenmure,  Loch  Tay  (Perthshire),  Innerwick,  Lyne 
Church,  Kirkhope,  Aldbar  (iig.  21),  Restennet  Church,  Ar- 
broath  abbey,  Melrose  abbey,  de  la  chapelle  Saint-Adrien 
dans  Tîle  de  May,  à  Coldingham  dans  le  Berwickshire,  tant  il 
est  vrai  que  c'est  l'usage  qui  a  fait  les  changements  dans  la 
forme  des  fonts. 

Dans  ce  pays,  où  la  tradition  du  baptême  par  immersion  est 
restée  appUquée  jusqu'au  xvi^  siècle,  les  formes  anciennes  persis- 
tent en  beaucoup  d'endroits. 


Fig.  22.  —  Fonts  d'Avebury  (Angleterre). 
(Dessin  de  M.  J.  Stuckens,  d'après  un  croquis  de  Miss  Emma  Swann). 


Fig.  23.  —  Fonts  de  Risterod,  près  d'Undevalla  (Suède). 
(Dessin  de  M.  J.  Stuckens,  d'après  The  Building  News,  24  oct.  1890). 


PI.  X.  —  Fonts  anglais  et  suédois. 


—  267  — 

Ajoutons  cependant  que  le  manque  de  richesse  du  pays  a  con- 
tribué à  la  conservation  de  ces  vestiges  remontant  à  l'introduction 
du  christianisme  en  Ecosse,  tandis  que  dans  nos  contrées,  c'est  à 
peine  si  nous  pouvons  en  citer  quelques  exemples. 

En  Allemagne,  on  peut  cependant  remarquer  des  fonts  où  le 
même  parti  a  été  suivi;  c'est  ainsi  qu'à  Wetzlar,  à  Schwarz-Rhein- 
dorl  *,  et  à  Cologne,  dans  l'église  de  Saint-Georges  et  dans 
rabba3^e  Saint-Martin  ^,  on  rencontre  les  mêmes  fonts  cylindri- 
ques^. Ces  derniers  ont,  d'après  la  tradition,  été  donnés  par  le 
pape  Léon  III  en  l'année  803  ;  ce  seraient  alors  les  plus  anciens 
connus  en  Allemagne. 

Ceux  de  Schwarz-Rheindorf  rappellent  fort  bien  les  fonts  du 
baptême  de  Craton,  représentés  sur  la  cuve  de  Saint-Barthélémy 
à  Liège.  Posés  sur  une  base  attique  d^un  profil  abâtardi,  les  fonts 
s'évasent  en  cône  renversé,  et  sont  ornés  à  leurs  sommets  d'arca- 
tures  qui  ont  la  plus  grande  ressemblance  avec  celles  des  fonts 
monopédiculés  à  cuve  ronde  ornée  d'amortissements  d'angle 
d'Archennes  (Brabant). 

Cette  forme  a  été  également  usitée  en  France.  Nous  avons 
cité  le  bas-relief  des  fonts  de  Pont-à-Mousson  (fig.  24).  Les  fonts 
de  Limay  *,  près  de  Mantes  (Seine-et-Oise)  en  présentent  un 
magnifique  exemple  ;  seulement,  étant  donnée  leur  date  d'exé- 
cution (xiiF  siècle),  le  type  traditionnel  n'est  pas  resté  pur  et  un 
semblant  de  pédicule  se  montre  à  la  base. 

M.  le  chanoine  Corblet  le  décrit  comme  suit  :  «  fonts  du  xiii^ 
siècle  dont  le  plan  est  ovale  à  l'intérieur,  dodécagone  à  l'exté- 
rieur ;  la  base,  garnie  de  petites  niches,  est  tellement  large  qu'elle 
épouse  presque  les  proportions  du  réservoir.  Autour  du  bord  su- 
périeur du  châssis  se  trouvent  un  agneau  pascal,  une  croix  et 
une  tête  de  bœuf,  w 

Nous  pourrions  citer  nombre  de  fonts  cylindriformes  en  France. 

Bornons-nous  à  mentionner  encore  ceux  de  Merlemont  ^,  — 


1  Schwarz-Rheindorf.  Fonts  du  xi®  siècle. 

2  Sui.P.  BoissERÉE.  Mon.  cV architecture  du  Rhin  inférieur.  Munich,  I842,  p.  6. 

3  Heinrich  Otte,  op.  cit.,  p.  307. 

*  Gau.hahaud.  Architecture  du  X^  au  XVl*^  siècle.  Vol.  IV.  Les  fonts  baptismaux 
de  Limay  ;  Art  pour  tous,  vol.  XI,  pL  n»  281. 
^  W011.1.EZ,  op.  cit. 


—   268  — 

cuve  circulaire,  —  de  Saint-Gervais  de  Pont-Point  —  cuve  à  coins 
coupés  ornée  d'arcature  sur  toutes  ses  faces,  — d'Evreux  — circu- 
laires —  et  surtout  les  fonts  à  appendices  cités'  par  de  Caumont 
et  signalés  par  Miss  Emma  Swann  à  Quimper  (Finistère),  Chi- 
rens,  Saint-Nicolas  de  Macherin,  Cosseuil  (Isère)  *.  Nous  ran- 
geons ces  derniers  dans  cette  catégorie  malgré  leurs  appendices. 

Il  conviendrait  cependant  de  les  classer  comme  variétés  à  cause 
de  ce  fait  exceptionnel. 

Dans  le  nord  de  la  France,  M.  Enlart  cite  des  fonts  de  cette 
sorte  du  xi^  au  xii^  siècle,  et  ajoute  qu'il  n'en  connaît  pas  de  pos- 
térieurs à  1150. 

En  Belgique,  pauvre  en  cette  catégorie,  nous  devons  mention- 
ner une  découverte  encore  inédite  faite  par  feu  notre  excellent  et 
regretté  confrère  Clément  Maus,  qui  a  bien  voulu  nous  la  commu- 
niquer en  1889. 

11  s'agirait  d'une  cuve  en  margelle  de  puits  découverte  naguère 
en  démolissant  une  porte  fermée  en  1687,  de  l'antique  église  de 
Saint-Mard  (Vieux- Virton). 

Ce  sanctuaire  a  remplacé  en  1280  une  église  plus  ancienne.  Il 
n'en  resta  que  le  chœur,  après  une  réédification  presque  totale  en 
1627. 

Le  monument  est-il  véritablement  une  cuve  baptismale  ? 

Nous  faisons  quelques  réserves  à  ce  sujet,  tout  en  attirant 
l'attention  de  nos  lecteurs  sur  l'intérêt  que  présente  ce  curieux 
monument  (fig.  11). 

La  Suède  présente  les  fonts  de  Bolum,  de  Refvesjo,  de  Maus- 
tad,  etc.  (Wester-Gôtland),  qui  peuvent  être  placés  dans  cette 
catégorie,  bien  qu'ils  soient  surmontés  d'une  sorte  de  châssis 
rectangulaire  dans  lequel  se  trouve  creusée  la  cuvette  ^. 

Mais  les  fonts  trapézoïdaux  de  Norum,  de  Karreby  et  de 
Risterod  (fig.  22)  doivent  certes  trouver  place  ici.  —  Ajoutons 
qu'ils  ressemblent  beaucoup,  au  point  de  vue  général  de  la  forme, 
à  ceux  de  Penmon  (Anglesey),  signalés  par  M.  Romilly  Allen 3. 

En  Italie,  les  fonts  conservés  au  Musée  de  Venise  (fig.  6)  cons- 

1  WoiLLEZ,  ibidem. 

2  Romilly  Allen,  op.  cit.,  p.  171. 

3  Antiqvarisk  Tidskriftfor  Sverig^e  g^enont  H  ans  Hildebrand.  Elfte  delen,  forsta  och 
andrahaftet  1890,  p.  103. 


—  269  — 

tituent  un  magnifique  exemple  de  la  cuve  cylindriforme.  Datant 
du  ix^  siècle  et  provenant,  croyons-nous,  de  Tîle  de  Murano,  ils 
offrent  un  intérêt  capital,  tant  par  leur  forme  générique  que  par 
leur  décoration  extrêmement  intéressante. 

Les  fonts  de  Téglise  San  Giovanni  in  fonte  à  Vérone  (xii^  s.)  ^, 
présentent  encore  quelques-uns  des  caractères  de  la  piscine  suré- 
levée de  quelques  marches. 

Très  remarquables  comme  œuvre  scupturale,  qui  semble  déno- 
ter un  dernier  reflet  de  Tinfluence  byzantine,  ces  fonts  présen- 
tent une  disposition  fort  curieuse  et  assurément  très  rare.  Très 
grands  et  de  forme  octogonale,  les  fonts  de  Vérone  possèdent 
au  centre  une  cuve  quatrilobée  restant  à  sec  et  entourée  totale- 
ment par  Teau  des  fonts,  d'après  Gailhabaud,  —  ce  qui  nous 
semble  très  contestable,  —  afin  de  permettre  à  Tofîiciant  de  rem- 
plir facilement  son  office.  Nous  n'avons  pas  à  nous  appesantir 
sur  ce  fait  exceptionnel. 

Cependant,  faisons  remarquer  que  parfois  la  place  du  prêtre 
était  marquée  sur  certains  fonts  par  un  nœud,  une  petite  tête,  une 
bête  accroupie  ou  des  motifs  semblables  sculptés  sur  le  bord  de  la 
cuve  ^.  Toutes  ces  dispositions  spéciales  ne  se  sont  pas  généra- 
lisées. 

1  Gailhabaud,  op.  cit.,  vol.  IV,  la  cuve  baptismale  àQ  San  GiovanniùifonU  à 
Vérone. 

2  Heinrich  Otte,  op.  cit.,  p.  $05. 


Fig.  24.  —  Bas-relief  des  fonts  de  Pont-à-Mousson  (France). 
(Dessin  de  M.  J.  Stuckens,  d'après  de  Caumont,  Abécédaire^  p  307). 


Fig.  25.  —  Fonts  baptismaux  de  Dunrod,  Kirkcudbrightshire  (Ecosse). 
(Dessin  de  M.  Russell  Wai.ker). 


VIII 


Fonts  cylindriformes,  cubiques,  coniques,  trapézoidaux 
cylindriques  ou  polyédriques,  montés  sur  socle. 

mesure  que  Tinfusion,  symbole  de  l'immersion,  a  gagné  sur 
la  réalité  de  celle-ci  et  que  les  baptêmes  d'adultes  ont  dis- 
paru, la  cuve  cylindrique  a  successivement  diminué  d'importance, 
mais  tel  est,  dans  certains  pays,  le  respect  de  la  tradition,  que 
pour  cela  elle  n'a  pas  changé  de  forme.  Elle  a  simplement  diminué 
de  grandeur. 

Pour  la  mettre  à  hauteur  normale,  on  s'est  borné  à  là  surhaus- 
ser sur  un  socle  rond,  carré  ou  polygonal,  suivant  la  forme  des 
fonts,  sur  des  pédicules  ou  des  figures  cariatides  ^  comme  à 
certains  fonts  allemands,  entre  autres  à  Biisum  et  à  Angermiinde^. 

Ce  fait  est  visible  aussi  sur  les  fonts  de  Nordherringen  (Alle- 
magne) ;  seulement,  dans  ce  cas-ci,  le  pédicule  qui  soutient  la  cuve 
est   cantonné  de  quatre  consoles  figurant  des  mufîles   de   lion 

^  La  collection  de  M.  le  baron  Seilliére  contenait  des  fonts  en  bronze  de  ce 
type.  Voici  leur  description  : 

«  Fonts  baptismaux  en  bronze  de  forme  circulaire,  supportés  par  quatre  figures 
d'anges  debout,  tenant  des  écussons  armoriés  et  offrant  au  pourtour,  sous  une  arca- 
ture  flamboyante,  treize  figures  de  saints  et  apôtres  debout,  en  bas-relief,  ainsi  que 
la  scène  du-  crucifiement  avec  la  Vierge  et  saint  Jean  ;  au-dessus  de  chaque  apôtre, 
son  nom  en  caractères  romains.  En  haut  et  en  bas,  zone  de  noms  de  saints  et  dédi- 
cace en  vieil  allemand,  en  caractères  gothiques,  ainsi  que  la  date  de  1483  en  chiffres 
romains.  Travail  allemand.  » 

^Heixrich  Otte,  op.  cit. y  p.  317-318. 


—  271  — 

d'un  style  archaïque  et  supportées  par  un  socle  carré*.  A  ce 
propos,  notre  savant  confrère  et  ami  M.  le  comte  Maurin  de 
Nahuys  nous  communique  un  dessin  fait  par  lui  d'une  curieuse 
cuve  baptismale  qui  se  trouvait  encore^  en  1860,  dans  le  jardin 
de  M.  le  baron  Van  Ittersum  à  Brummen  (grooie  %egerij),  pro- 
vince de  Gueldre  (Pays-Bas),  et  qui  est  d*un  type  semblable.  Le 
fait  n'est  pas  isolé  dans  les  Pays-Bas  '^,  car  à  Heemse,  dans 
FOveryssel,  on  en  trouve  aussi.  Ces  deux  derniers  fonts  sont  en 
pierre  de  Bentheim  ^. 

Bornons-nous  à  les  signaler  ici,  car  nous  aurons  à  y  revenir 
lorsqu'il  sera  question  des  fonts  monopédiculés. 

En  Angleterre,  le  fait  est  fort  fréquent  ;  on  en  trouve  de  nom- 
breux exemples,  notamment  à  Paulers-Pury,  Greens-Norton^ 
Osbournby,Threckingham^  Noseley-Chapel,  Leckhampsted,  Hay- 
don,  Carlton  Scroope,  etc.,  etc.  ^. 

Dans  tous  ces  exemples,  le  fait  est  bien  manifeste.  Ils  prouvent 
en  outre  que  la  cuve  cylindrique  s'est  perpétuée  pendant  fort 
longtemps,  puisque  parmi  les  derniers  il  s'en  trouve  du  xv^  siècle 
(Haydon  et  Carlton  Scroope). 

La  cuve  est  encore  bien  caractérisée  dans  certains  fonts  donnés 
par  Combe  dans  ses  Baptismal  fonts.  C'est  ainsi  que  les  fonts  de 
Dodford  (xii<^  siècle),  (Saint- Mary  the  Virgin  chnrch)  ;  de  West 
Chelborough  (xii^  siècle);  de  Rothley  — bien  curieux  et  rappelant 
certaines  marqueteries  en  bois  par  sa  décoration  bizarre  (xii^  siècle); 
de  Locking  (Somersetshire)  ;  de  Saint-Anne,  Lewes  (Sussex), 
d'EastHaddon,  etc.,  etc.,  présentent  bien  certainement  tous  les  in- 
dices de  la  cuve  surélevée  sur  un  socle  ou  un  pédicule  prototypique. 

A  Heckingham  (Norfolk);  à  Southover  (Sussex);  à  Stibbington 
(Huntingdonshire),  à  Thurlby  (Lincolnshire),  datant  de  l'époque 
romano-normande,  les  cuves  sont  surélevées  sur  plusieurs  pédi- 
cules. 

Chose  assurément  curieuse,  on  retrouve  très  nette  cette  tradi- 
tion dans  les  fonts  de  Petrockstow  et  de  Saint-Neot  en  Cor- 
nouailles,  qui  datent  des  xiv^  et  xv*^  siècles  ! 

1  Heinrich  Otte,  0/;.  cit.,  p.  309. 

^  C'est  aussi  l'avis  de  M.  Otte,  qui  en  cite  plusieurs  dans  la  Frise  occident-iie. 

^  Kronyk  van  het  Historisch  Genootschap  gev.  lot.  Utrecht,  1858,  p.  149-150. 

*  Simpson,  op.  cii. 


—    272    — 

Miss  Emma  Swann  signale,  de  son  côté,  les  fonts  de  Youlgrave 
(Derbyshire),  de  Shipton-on-Cherwell  (Oxfordshire),  qui,  bien 
qu'ils  appartiennent  tous  à  la  variété  des  fonts  dits  à  appendices, 
doivent  être  classés  parmi  les  fonts  cylindriques  surhaussés  sur 
socles  ou  colonnettes. 

Les  fonts  de  Berneuil  (xiP  siècle)  ;  de  Lombez  (xiiie  siècle) 
(Gers)  *  ;  de  Saint-Evroult-de-Montfort  (Orne)^,  prouvent  qu'en 
France  il  en  a  été  de  même. 

Il  s'agit,  dans  ces  trois  exemples,  de  fonts  en  plomb  posés  sur 
une  base  en  pierre  d'assez  haute  dimension.  Le  même  fait  pour- 
rait se  déduire  de  l'étude  des  fonts  de  Guerande  ^  (Loire-Infé- 
rieure).En  Belgique,  on  peut  citer,  dans  ce  genre,  les  beaux  fonts 
de  Téglise  de  Fénal  (Namur),  surhaussés  sur  des  figures  de  lions. 
Nous  en  empruntons  la  description  à  M.  Henri  Crépin  ^  notre 
honorable  confrère  de  la  Société  archéologique  de  Namur  : 
«  Ils  sont  formés  d'une  cuve  circulaire,  présentant  à  sa  partie 
«  inférieure  un  renflement  sur  lequel  on  remarque,  de  même  que 
«  sur  le  reste  de  la  cuve,  des  figures  en  relief.  Quatre  lions  d'un 
u  aspect  fort  barbare  supportent  le  tout. 

«  Le  bas-relief  qui  orne  les  flancs  de  la  cuve  représente  tout 
a  d'abord  le  baptême  du  Christ.  Au  milieu  Jésus-Christ  nu  est 
a  plongé  jusqu'à  la  ceinture  dans  le  Jourdain,  qui  est  figuré  par 
u  des  flots  grossiers.  A  sa  gauche,  saint  Jean,  revêtu  d'une  peau 
u  et  s'avançant  dans  les  flots  jusqu'aux  genoux,  baptise  Notre- 
«  Seigneur.  A  droite  et  à  gauche,  l'artiste  a  sculpté  deux  anges^ 
«  le  premier  présentant  un  linge  pour  essuyer  le  corps  de  Jésus- 
«  Christ,  et  le  second  tendant  un  autre  linge  qui  paraît  avoir 
«  déjà  servi  pour  cet  usage.  Chacun  d'eux  est  vêtu  d'une  tunique 
«  à  plis  flottants,  serrée  autour  de  la  taille  au  moyen  d'une  cein- 
«  ture. 

«  Les  sept  autres  figures  du  bas-relief  forment  trois  groupes  de 
«  deux  ou  trois  personnages  chacun.  L'extrême  simplicité  de 
u  ces  groupes  rend  leur  explication  très  difficile  et  surtout  hypo- 
«  thétique. 

1  VIOLLET-LE-DUC,  Op.  Cit.,   V.  p.   54I-542. 

2  De  Caumont,  Abécédaire  d\irchêolo^ie.  Caen,  1870,  II,  p.  308. 

3  Fig.  dans  Raguenet,  Doc.  classés,  fonts  bapt.,  pi.  14. 

^  Annales  de  la  Société  archéologique  de  'Namur.  Notes  d'un  touriste.  —  Fénal. 


\ 


PI.  XI.  —  Fonts  baptismaux  de  la  cathédrale  d'Hildesheim  (Allemagne)  (xiiie  s.) 

18 


—  275  — 

«  Dans  la  partie  inférieure  du  bas-relief,  on  voit  encore  deux 
«  dragons  ailés,  dont  les  queues,  en  forme  de  serpents,  sont  entre- 
«  lacées. 

«  Les  quatre  lions  qui  supportent  la  cuve  paraissent  être  de  la 
même  époque  que  celle-ci. 

«  La  hauteur  totale  des  fonts  est  de  un  mètre  ;  leur  diamètre 
«  de  o'"8i  et  le  diamètre  du  bassin  de  o'^ôo.  w 

M.  Crépin  les  attribue  à  juste  titre  au  xii^  siècle. 


Fig.  26.  —  Fonts  baptismaux  de  l'église  Saint-Germain,  à  Tirlemont,  actuellement 
au  Musée  d'Amiquités  de  Bruxelles  (xii^  siècle)  l. 

La  forme  des  fonts  de  Fénal  se  retrouve  beaucoup  plus  tard 
dans  ceux  de  Luxeuil  (Fran'^e),  qui  datent  du  xvi^  siècle  et  sont 
également  portés  sur  quatre  lions  ^. 

Ajoutons  que  certaines  parties  des  bas-reliefs  des  fonts  de  Fénal 


1  Cliché  obligeamment  prêté  par  la  Revue  de  l'Art  drctieiu  Tournai,  Desclée 
ET  Cie,  éditeurs. 

^L.  Cloquet.  Les  fonts  baptismaux  romans  de  Helgique.  Revue  lie  V Art  chntieu, 
1890. 


—  276  — 

ont  un  grand  air  de  parenté  avec  ceux  des  fonts  de  Saint-Bar- 
thélémy de  Liège,  notamment  le  baptême  du  Christ. 

Les  fonts  en  bronze  de  Téglise  Saint-Germain,  de  Tirlemont 
(1149)  ^  sont  également  portés  sur  des  figures  de  lions  et  de 
griffons,  tandis  que  les  fonts  de  l'église  Saint-Barthélémy  de 
Liège  sont  posés,  comme  la  mer  d'airain  du  Temple  Salomo- 
niep,  sur  douze  bœufs. 

Ces  derniers  fonts  se  rattachent  par  leur  forme  à  la  cuve  cylin- 
drique ^,  tandis  que  ceux  de  Tirlemont  (fig.  27)  en  forment  une 
variété  évasée  qui  se  retrouve  dans  les  fonts  de  Frendenstadt 
(Wurtemberg)^;  seulement  la  coupe  y  est  moins  allongée  et 
repose  sur  des  figures  d'animaux  couchés. 

C'est  le  moment  de  parler  des  célèbres  fonts  baptismaux  conser- 
vés dans  la  chapelle  Saint-Georges  à  la  cathédrale  d'Hildesheim. 
Nous  considérons  ces  fonts  comme  une  variété  trapézoïdale  de  la 
classe   des   fonts   cylindriques    et  polyédriques  surhaussés   sur 
socles  ou  cariatides  (pi.  XI). 

Qu'on  les  examine,  en  effet,  en  faisant  abstraction  de  leurs 
couvertures,  qui  les  font  ressembler  à  une  grande  pyxide  de 
Fépoque  romane,  et  l'on  verra  qu'ils  sont  proches  des  fonts  de 
Fénal,  de  Saint-Barthélémy,  à  Liège,  et  autres. 

Ils  sont  de  bronze  comme  ces  derniers,  en  forme  de  coupe  pro- 
fonde et  trapézoïdale,  supportée  par  quatre  figures  et  couverte 
d'un  couvercle  conique. 

Les  groupes  et  les  figures  qui  décorent  la  coupe  et  ce  dernier 
sont  en  haut  relief  et  remarquablement  curieuses,  tant  par  elles- 
mêmes  que  par  les  nombreuses  inscriptions  qui  les  accompagnent. 
Les  quatres  figures  qui  supportent  les  fonts  représentent  les 
quatre  fleuves  du  paradis  :  Géon,  Phison,  Tigris  et  Euphrate. 

L'ornementation  de  la  coupe  est  divisée  en  quatre  sujets  prin- 
cipaux séparés  par  des  arcades  trilobées.  Le  premier  représente 
la  Vierge  avec  l'enfant  Jésus  entre  deux  Saints  évêques,  tandis 
qu'un  personnage  se  trouve  agenouillé  à  droite  dans  ce  tableau. 

^  Actuellement  au  Musée  royal  d'antiquités,  d'armures  et  d'artillerie  de  Bruxelles 
(E.  29).  Voir  à  leur  sujet  :  Trésor  de  l'Art  chrétien,  par  A.  Schaepkeks,  p.  8. — 
ScHAYES,  Hist.  de  VArch.  en  Belgique,  II,  p.  70.  —  Didron,  Annales  archéologiques  y 
XIX,  p.  188,  —  De  Bruyn,  ArchéoL  relig.,  II,  p.  175.  —  Reussens, ^É/mm/  d'arch, 
chrét.,  I,  p.  446,  etc. 

2  Heinrich  Otte,  op.  cit. 

^  Archivfûr  Christliche  kunst,  iSS^. 


-  277  - 

Le  second  compartiment  contient  le  passage  de  la  mer  Rouge 
par  les  enfants  d'Israël  ;  dans  le  troisième  on  voit  le  baptême  di- 
vin par  saint  Jean-Baptiste  avec  la  descente  de  l'Esprit-Saint,  et, 
dans  le  quatrième,  TArche  d'alliance  portée  par  les  Israélites  au 
passage  du  Jourdain  sous  la  conduite  de  Josué. 

De  nombreuses  figures  de  prophètes,  de  vertus  et  les  emblèmes 
des  quatre  évangélistes  occupent  les  espaces  intermédiaires. 

Le  couvercle  est  également  orné  de  quatre  groupes  principaux  : 
Le  premier  représente  la  verge  fleurie  d'Aaron  ;  le  second,  le 
baptême  du  sang,  représenté  par  le  massacre  des  innocents  ;  le 
troisième,  le  baptême  de  la  Pénitence,  figuré  par  la  femme  lavant 
les  pieds  du  Sauveur,  et  enfin  le  quatrième,  la  Charité  assise  sur  un 
trône  et  distribuant  ses  dons  à  Taffamé,  à  l'altéré,  au  malade,  à 
l'étranger  et  au  prisonnier. 

On  a  été  jusqu'à  faire  remonter  cette  œuvre  jusqu'au  x^  siècle, 
mais  la  critique  historique  moderne  s'accorde  à  l'attribuer  à  la  se- 
conde moitié  du  xiii^  siècle  (1260  env.). 

M.  Fr.  Kusthardt  en  a  fait  en  1874,  un  moulage  pour  le  Musée 
de  South  Kensington  ^  dont  la  direction  a  bien  voulu  nous  com- 
muniquer les  détails  qui  précèdent. 

Nous  avons  cité  plus  haut  un  bon  nombre  de  fonts  anglais  et 
français  montés  sur  un  socle. 

Successivement  celui-ci  se  transforme  et  devient  pédicule. 

Les  fonts  de  Sapcote  (Leicestershire)  montrent  la  cuve  se 
dégageant  sur  un  pédicule  ^. 

C'est  là  une  œuvre  qui  marque  la  transition  entre  la  cuve  et 
les  fonts  pédicules. 

Cet  exemple  n'est  pas  unique,  les  fonts  de  Waltham-on-the- 
Wolds  et  de  Thorpe- Arnold,  AU-saints,  Weston^  etc.,  prouvent 
la  même  chose. 

Au  xii^  siècle,  nous  rencontrons  encore,  sur  la  terre  des  Angles 
et  des  Saxons,  les  fonts  de  Wansford,  dans  le  Northamptonshire 
et  d'Osbournby,  dans  le  Lin :olnshire  "^  qui  sont  dans  le  même 
cas. 

1  Ce  moulage  porte  le  n^  29.  —  Voir  au  sujet  de  ces  fonts  l'ouvrage  de  Kratz, 
DerdomiuHildesheim  iSi^o,  Didrom,  o/?.  c//.,  XIX°  vol.,  de  C.\umont,  Abécédaire, 
p.  536,  Ri-ussENs,  II,  p.  292,  etc.,  etc. 

2  Simpson,  op.  cil. 

3  W.,  op.  cit. 


—  278  — 

Les  fonts  de  Wansford  *  particulièrement  sont  fort  curieux, 
car  dette  ancienne  cuve  à  immersion  a  été  depuis  transformée  en 
cuve  à  infusion.  Pour  cela,  on  Ta  surhaussée  sur  un  pédicule 
central  et  quatre  piliers  portant  la  cuve  en  dessous,  à  Thorpe- 
Morieux  ^  (on  sait  que  ce  village  tire  son  nom  de  Hugues  de 
MoRiEux,  seigneur  d'extraction  franco-normande),  et  àPreston^, 
il  en  est  à  peu  près  de  même. 


Fig,  27.  —  Fonts  de  l'église  de  Barnack  (Angleterre),  d'après  V Architectural 
Association    Sketchbook. 


A  Barnack  (fig.  27),  on  observe  un  parti  semblable,  sauf  que 
des  arcatures  trilobées  soutiennent  la  cuve  en  placé  des  colon- 
nettes  du  cas  précédent. 

Le  même  fait  se  remarque  encore  à  Osbournby  *,  mais  là  c'est 
un  socle  qui  sert  à  surhausser  la  cuve.  Bref,  de  tous  ces  exemples, 
on  peut  conclure  que  le  pédicule  est  venu  en  grande  partie  de  la 
nécessité  de  surhausser  les  fonts  cylindriques,  rendus  plus  petits  à 
partir  de  l'adoption  du  baptême  des  enfants  immédiatement 
après  leur  naissance. 


1  Simpson,  op.  cit.,  p.  13. 

2  Id,,  op.  cit.,  p.  15. 

3  Ces  fonts  du  xie  siècle  présentent  une  cuve  rectangulaire  déprimée  à  la  base  et 
portée  sur  cinq  colonnettes. 

^  La  cuve  de  ces  fonts  est  très  curieusement  décorée  :  de  forme  cubique,  elle  est 
portée  sur  un  pédicule  central  et  quatre  colonnettes  d'un  fort  joli  travail. 

Les  fonts  de  Thorpe-Morieux  et  de  Preston-Church  sont  figurés  dans  le  Builder  du 
26  OCX,  1889,  p.  296  et  297. 


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Nous  avons  vu,  dans  les  pages  précédentes,  le  baptistère  pri- 
mitif en  contre-bas  du  sol  laisser  comme  dérivés  les  fonts  de  Tours 
et  de  Tîle  de  May.  Nous  avons  ensuite  montré  les  fonts  à  formes 
rudimentaires  et  les  fonts  cylindriformes  donner  naissance  aux 
fonts  en  margelles  de  puits  posés  sur  un  socle  ou  sur  des  piliers, 
ce  qui  amena  certains  fonts  pédicules  dont  nous  nous  occuperons 
dans  les  pages  prochaines  de  cette  étude. 

(A  suivre), 

Paul    Saintenoy. 


PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES 


Séance  mensuelle  du  lundi  2  février  1891. 


Présidence  de  M.  le  comte  Goblet  d'Alviella,  président  ^ 


a  séance  est  ouverte  à  8  heures. 
Quarante-neuf  membres  sont  présents  ^. 

M.  le  Président  fait  part  du  décès  de  S.  A.  R.  Mgr  le  prince  Baudouin 
et  fait  savoir  à  l'Assemblée  que  le  bureau  s'est  empressé  d'envoyer  une 
couronne  au  palais  de  LL.  AA.  RR.  Mgr.  le  comte  et  Madame  la 
comtesse  de  Flandre  en  leur  exprimant,  dans  une  adresse,  la  grande  part 
que  prennent  les  mem.bres  de  la  Société  d'Archéologie  de  Bruxelles  dans 
les  regrets  universels  que  laisse  la  perte  de  ce  jeune  prince,  enlevé  à  la  ten- 
dresse et  à  l'amour  tle  ses  parents,  à  l'attachement  et  à  l'affection  de 
la  nation  entière  (Approbation  unanime). 

M.  le  secrétaire-général  donne  lecture  du  procès-verbal  de  la  dernière 
séance  (Adopté). 

Correspondance.  —  M'"^  Constant  Almain-de  Hase  fait  part  du  décès 
de  son  mari,  membre  effectif  et  fondateur  de  notre  Société  (Condoléances). 

M.  De  Béer  remercie  pour  sa  nomination  de  membre  effectif. 

M.  le  baron  J.  de  Baye  transmet  au  bureau  une  lettre  de  M.  Leitner, 
secrétaire-général  du  Comité  d'organisation  de  la  prochaine  session  du 
Congrès  international  des  Orientalistes. 

Dons  et  envois  reçus.  —  Vases  belgo-romains  et  francis  et  autres 
antiquités  offerts  par  M.  de  Munck. 

1  Prennent  en  outre  place  au  bureau  :  MM.  Cumont,  J.  Destrée,  P.  Saintenoy, 
baron  de  Loë,  de  Munck,  de  Raadt,   Plisnier,  Paris  et  De  Schryver. 

2  Ont  signé  la  liste  de  présence  :  M"ies  Daimeries  et  Frère  ;  MM.  Arm.  de 
Behault  de  Dornon,  Ch.  Heetveld,  le  comte  G.  de  Looz-Corswarem,  Puttaert, 
Schweisthal,  Van  der  Rit,  de  Brabandère,  Hecq,  Alex,  de  Behault  de  Dornon, 
Titz,  le  comte  F.  van  der  Straten-Ponthoz,  Michaux,  Diericx  de  Ten  Hamme, 
Francart,  E.  Neve,  Poils,  Hauman,  Dillens,  Muls,  Dens,  Casse,  Sheridan, 
Ch.  Saintenoy,  V.  Saintenoy,  Lavalette,  De  Beys,  Ranschyn,  le  vicomte  Desmai- 
sières,  Weckesser,  Verbuecken,  Van  Havermaet,  Van  Gelé,  Lanneau,  Van  der 
Linden,  Beernaert,  de  Proft  et  le  baron  de  Royer  de  Dour. 


—   283   — 

MM.  de  Munck  et  Plisnier  proposent  qu'outre  un  inventaire  général  des 
collections,  à  tenir  au  courant  par  le  conservateur,  au  fur  et  à  mesure  de 
l'entrée  des  objets,  la  Société  d'Archéologie  établisse  un  grand  livre  sur 
lequel  les  membres  pourraient  inscrire  des  renseignements  ou  des  obser- 
vations concernant  les  objets  faisant  partie  des  collections  d'étude  de  la 
Société.  Ces  inscriptions  serviraient  au  classement  scientifique  et  à  l'étiquetage 
des  pièces,  ainsi  qu'à  la  rédaction  d'un  catalogue  raisonné  {Adopté). 

Élection  de  membres.— MM.  J.  De  Soignies,  H.  Gielen  de  Carvalho, 
L.  Dardenne,  G.  Benoidt,  E.  Bayet,  O.  Raquez,  comte  L.  de  Beauffort, 
baron  L.  de  Cuvelier,  P.  Bailly,  J.  Carsoel  et  F.  G.  Waller  sont  nommés 
membres  effectifs. 

MM.  V.  Saintenoy,  G.  Renders,  H.  Rolland  et  A.  Buan  sont  nommés 
membres  associés. 

Présentation  de  candidatures  pour  la  nomination  d'un  membre 
d'honneur  en  remplacement  de  M.  le  D"^  Henri  Schliemann,  décédé.  — 
La  candidature  de  M.  le  docteur  Dôrpfeld,  le  collaborateur  et  le  continua- 
teur des   travaux  de  Schliemann,  est  présentée. 

Il  sera  procédé  à  cette  élection,  lors  de  la  prochaine  séance. 

Congrès  international  des  Orientalistes.  (Londres,  septembre  1891). 
—  M.  le  Président  prie  ceux  de  nos  confrères  qui  auraient  l'intention 
d'assister  à  ce  Congrès  de  bien  vouloir  en  avertir  à  temps  le  bureau,  afin 
qu'une  délégation  leur  soit  confiée. 

Exposition.  —  L  Arbre  généalogique  de  Philippe  IV,  document  ancien 
en  parchemin  au  bas  duquel  se  trouve  une  vue  de  Bruxelles.  (Prêté  à  la 
Société  par  M.  Hannottau,  artiste-peintre). 

II.  Généalogie  des  de  la  Bawette-lez-Wavre,  document  ancien  en  parche- 
min (M.  de  Munck). 

III.  Frottis  de  pierres  tombales  (M.  Paul  Saintenoy). 

IV.  Plat  moderne  en  cuivre  à  inscription  couffique,  reproduisant  un 
thème  de  l'art  assyro-chaldécn.  (Comte  Goblet  d'Alviella). 

V.  Série  de  vases  belgo-romains  et  francs. 

VI.  Lettres-patentes  de  Philippe,  baron  de  Lamine,  de  1764  (comte  de 
Looz-Corswarem). 

M.  de  Raadt  donne  des  explications  sur  ce  curieux  document  obHgeam- 
ment  prêté  à  cette  fin  par  son  propriétaire,  M.  le  comte  G.  de  Looz- 
Corswarem.  Ce  sont  les  lettres-patentes  —  chef-d'œuvre  de  calligraphie, 
richement  orné  de  dessins  à  la  plume  —  données  à  Viennne,  le  3  mars 
1764,  par  lesquelles  l'empereur  François  confère  le  titre  de  baron  (Pannier- 
und  FreyberrJ,  respectivement  de  baronne  du  S.  E.  R.  avec  le  prédicat  de 
Wohlgebohrenj  à  Philippe  Lamine  et  à  sa  descendance  des  deux  sexes.  Ce 
personnage,  originaire  de  Liège,  après  avoir  rempli,  pendant  plusieurs 
années,  les  fonctions  de  Praceptor  Unsers  vielgeliehten  Sohns  and  Kron-PrinsenSy 


—  284    — 

des  Ertihertiogs  Josephs  LiebdeUf  avait  été  nommé  conseiller  aulique  actuel, 
puis  secrétaire  intime  du  Cabinet  de  l'Archiduc  et  désigné,  en  cette  qualité, 
pour  assister,  à  Francfort,  au  sacre  de  ce  prince  comme  Roi  des  Romains  i. 

Communications. 

M™e  Daimeries.  —La  dentelle. 

M.  E.  de  MuNCK.  —  Découverte  belgo-romaine  (vill?e)  à  Havre  et  à 
Villers-Saint-Ghislain. 

M.  J.  Destrée.  —  L'Aiguière  de  Charles-Q.uint.  (Musée  du  Louvre.) 

M.  ScHWEiSTHAL.  —  Une  acropole  préhistorique  de  l'Asie-Mineure. 

M.  P.  Saintenoy,  (lecture  au  nom  de  M.  de  la  Roche  de  Marchiennes) 
Vîlla  belgo-romaine  de  Nouvelles.  Fouilles  de  1890. 

M.  Arm.  de  Behault  de  Dornon  (lecture  au  nom  de  M.  Gielen)  Notice 
sur  la  ville  de  Maeseyck. 

Communications  diverses. 

M.  de  Raadt  signale  l'existence,  au  Musée  de  Grenoble,  d'un  portrait 
d'homme  armorié,  attribué  à  Frans  Hais,  et  portant  cette  inscription  :  JBT. 
SUA  84,  OBYT  ANNo  1663,  27A  augusti.  Le  blason  2  lai  a  permis  de 
déterminer  ce  personnage,  désigné  comme  inconnu  dans  le  catalogue.  C'est 
Christophe  van  Volden,  seigneur  de  Reygaertsvliet  et  de  Zevecote,  redenaer 
de  la  prévôté  de  Bruges,  marié  à  Alexandrine  van  der  Goes,  fille  de  Jean, 
seigneur  de  Bautersem  (sous  Contich).  Il  était  fils  de  Herman  van  Volden, 
seigneur  desdits  lieux  et  de  Ter-Leye,  échevin,  conseiller  et  trésorier  de 
Bruges,  tuteur  de  l'hôpital  Saint-Jean,  oh  l'on  peut  voir  son  portrait^  et 
d'Adrienne  de  Ruddere.  Il  fut  inhumé  dans  le  caveau  de  sa  famille,  en 
l'église  Saint-Donat,  dans  la  chapelle  de  Sainte-Anne. 

M.  de  Raadt  termine  en  priant  ses  collègues  de  lui  signaler  les  portraits 
armoriés,  surtout  d'origine  néerlandaise  non  encore  identifiés,  qu'ils  ren- 
contreront dans  les  Musées  du  pays  et  de  l'étranger.  On  pourrait  retrouver 
ainsi  un  grand  nombre  de  portraits  de  Belges  marquants. 

M.  Destrée  annonce  que  le  Musée  Royal  d'Antiquités  vient  de  recevoir 
de  notre  collègue,  M.  L.  Cavens,  un  don  important  d'objets  belgo-romains 
et  francs,  provenant  de  Thy-le-Baudouin  (ancienne  collection  Van  HoUe- 
beck). 

La  séance  est  levée  à  10  1/2  heures. 

1  Les  armoiries,  de  ces  lettres-patentes,  blasonnées  incorrectement  par  r Armoriai 
général  de  M.  Rietstap,  sont  :  écartelé  ;  aux  {^^  et  4e,  d'az.  au  compas  d'arg., 
ouvert  en  chevron  ;  au  2®  et  3e,  de  gu.  à  la  fleur  de  lis  d'arg.  ;  en  cœur  : 
d'arg.  au  merle  (Amsel)  de  sa.  ;  l'écu  sommé  de  la  couronne  des  barons  du  S.  E.  i?., 
à  cinq  {sic  !)  perles.  Deux  casques  cour.  ;  cimiers  :  1°  le  merle,  2*^  la  fleur  de  hs 
de  l'écu.  Supports  :  deux  griffons  de  sa.,  lamp.  de  gu. 

2  D'arg.,  au  chef  de  sa.,  chargé  de  trois  poissons  d'or,   posés  en  bande. 


UNE  VISITE  AU  MUSÉE 


DU 


CONSERVATOIRE  ROYAL  DE  MUSIQUE 

A  BRUXELLES 


e  jeudi  23  janvier  1890,  notre  Société  a  visité  le  Musée 
instrumental  du  Conservatoire  royal  de  musique  à 
Bruxelles,  sous  la  savante  direction  de  M.  Victor 
Mahillon,  conservateur  de  cette  belle  collection. 

Dans  tout  établissement  de  ce  genre,  quand  on  a  souci,  non 
seulement  de  former  des  compositeurs  et  des  virtuoses,  mais  en- 
core de  donner  aux  artistes  une  instruction  soignée  et  une  con- 
naissance approfondie  de  leur  art,  on  a  soin  de  placer  à  côté  de  la 
Bibliothèque  une  collection  d'instruments  anciens  et  modernes. 

Le  Musée  de  Bruxelles  est  un  des  plus  complets  qui  existent  et 
Tun  des  mieux  classés. 

Comme  une  collection  d'instruments  de  musique  n'est  intéres- 
sante à  visiter,  que  pour  autant  que  l'on  puisse  juger  "  de  anditii  n 
de  leur  timbre,  M.  Mahillon  avait  organisé,  lors  de  notre  visite, 
et  nous  lui  en  sommes  très  reconnaissant,  un  petit  concert  de 


—   286   — 

musique  historique.  C'est  ainsi  que  nous  avons  pu  admirer  la 
beauté  du  timbre  des  trompettes  romaines,  jouées  dans  des  repro- 
ductions absolument  exactes  des  modèles  anciens  et  que  Bach, 
Rameau  et  d'autres  ont  repris  leur  véritable  physionomie,  dans 
leurs  œuvres  pour  clavecin,  sous  les  doigts  habiles  de  M''^  Marie 
Ghalio. 

C'était  il  y  a  quelques  années  :  le  Conservatoire  possédait, pour 
tout  bien,  la  collection  de  76  instruments  laissés  par  Fétis.  C'était 
peu. 

M.  Gevaert,  dans  sa  sollicitude  bien  connue  pour  le  Conser- 
vatoire royal  de  Bruxelles,  dont  il  est  Téminent  directeur,  rêvait 
de  créer  un  musée  qui  pût,  lui  aussi, rivaliser  avec  ceux  des  autres 
pays,  et  il  eut  le  bonheur  de  trouver  l'homme  qu'il  fallait  pour 
remplir  une  pareille  mission. 

M.  Mahillon  se  mit  avec  un  zèle  infatigable  et  une  patience  à 
toute  épreuve,  à  rassembler  et  à  classer  ce  que  l'on  possédait  au 
Conservatoire,  et  fit  rentrer,  non  sans  peine,  quelques  instruments 
qui  se  trouvaient  à  la  porte  de  Hal. 

D'un  autre  côté,  les  dons  affluèrent,  et  aujourd'hui,  par  des 
achats  habilement  faits,  le  Musée  du  Conservatoire  royal  de 
Bruxelles  possède  une  des  plus  belles,  sinon  la  plus  belle  collec- 
tion d'instruments  de  musique  du  monde  entier. 

Avant  de  jeter  un  coup  d'œil  rapide  sur  cette  superbe  collection, 
nous  ne  saurions  trop  attirer  l'attention  de  tous,  sur  un  point 
capital  :  les  locaux  sont  trop  peu  spacieux  et  surtout  trop  exposés 
en  cas  d'incendie,  et  ce  serait  un  désastre  irréparable  pour  la 
science  et  pour  l'art,  si  un  sinistre  devait  éclater  dans  ces  salles 
qui  renferment  tant  de  pièces  rares,  sinon  uniques. 

Dans  les  deux  salles  du  rez-de-chaussée,  nous  pouvons  suivre 
l'histoire  des  instruments  à  embouchure  :  le  cor,  la  trorrtpette,  le 
trombone,  l'ophicléide,  etc.  Ce  n'est  point  ici  le  moment  de  faire 
l'histoire  détaillée  de  chacun  de  ces  instruments,  de  montrer  ses 
origines,  ses  perfectionnements,  de  raconter  ses  gloires  et  ses 
décadences  ! 

Une  pareille  œuvre  est  colossale  !  Combien  l'ont  entrevue  ? 
Combien  l'ont  tentée  ?  Combien  ont  réussi  ?  Nous  ne  pouvons  pas 
non  plus  décrire  chacun  des  instruments  du  Musée,  ce  qui  nous 
conduirait  trop  loin  et  empiéterait  sur  le  catalogue  illustré  que  va 


—  287  — 

faire  paraître  M.  Mahillon.  La  seule  chose  que  nous  puissions 
raisonnablement  faire,  c'est  de  donner  quelques  renseignements 
sur  les  instruments  les  plus  curieux  et  les  plus  intéressants  de  ce 
Musée. 

Puisque  nous  parlons  d'instruments  à  vent,  rappelons  que, 
depuis  Sauveur,  et  surtout  depuis  Chladni,  on  a  reconnu  que  le 
timbre  d'un  instrument  à  vent  ne  dépend  nullement  de  la  matière 
dont  il  est  fait,  mais  seulement  des  proportions  du  tube  sonore. 

M.  Mahillon  nous  en  a  du  reste  donné  une  preuve  directe,  en 
nous  faisant  entendre  successivement  une  trompette  en  cuivre  et 
une  trompette  semblable  en  bois  :  le  son  est  absolument  identique. 

Les  Romains  avaient  une  prédilection  marquée  pour  la 
trompette,  qui  était  avec  la  flûte  les  instruments  essentiellement 
nationaux.  Ils  en  connaissaient  d'ailleurs  d'autres,  comme  le 
tambourin,  les  crotales  (fig.  10),  et  tous  les  instruments  à  cordes, 
qu'ils  avaient  empruntés  aux  Grecs. 

Il  y  avait  à  Rome  deux  collèges  ou  congrégations  :  celui  des 
joueurs  de  flûte  (tibicines)  (fig.  7,  8,  9)  et  celui  des  joueurs  de 
trompette  {cornîcines)  (fig.  9).  Les  empereurs  ne  dédaignaient 
pas  de  déposer  le  sceptre  pour  jouer  de  la  trompette,  et  l'on  dit 
que  Norbanus,  Flaccus  et  Héliogabale  étaient  des  virtuoses  de  cet 
instrument. 

La  trompette,  introduite  chez  les  Romains  par  les  Lydiens, 
devint  surtout  l'instrument  au  son  duquel  on  menait  les  troupes 
au  combat.  Elle  portait,  suivant  sa  grandeur  et  son  emploi,  diffé- 
rents noms  :  litiius,  buccina,  cornu. 

Le  lituus  (fig.  5  et  6),  dont  le  Musée  de  Bruxelles  possède  un 
fac-similé,  en  bronze,  de  l'original  conservé  au  Musée  du  Vatican 
à  Rome  et  provenant  d'un  tombeau  de  guerrier  découvert  en 
1827  à  Cervetri  (la  Caere  des  Etrusques),  était  en  usage  dans  la 
cavalerie  romaine. 

Le  lihtus  se  compose  d'un  tuyau  cylindrique  adapté,  par  un 
manchon,  à  un  tuyau  recourbé.  Sa  longueur  totale  est  de  l'^oô. 

La  tuba  curva  (fig.  i)  a  été  reproduite  d'après  un  instrument 
du  Musée  national  de  Naples  et  provenant  des  fouilles  de  Pompéi. 
On  peut  voir  des  reproductions  de  tuba  curva  sur  la  colonne 
Trajane,  l'arc  de  triomphe  de  Titus,  l'arc  de  Constantin,  etc. 

Le  tuyau  se  courbe  à  partir  de  l'embouchure,  passe  sous  le  bras 


—  288   - 

gauche  de  rexécutant  et  remonte  au-dessus  de  Tépaule  droite,  où 
il  se  termine  par  le  pavillon  (fig.2).  Une  traverse,  placée  dans  le 
sens  du  diamètre,  conserve  la  forme  de  l'instrument  et  aide  à  le 
porter.  La  longueur  totale  est  de  3"'4o,  embouchure  comprise. 
D^autre  fois,  la  trompette  était  droite  et  s'appelait  simplement 
tuba  (fig.  3  et  4). 

La  trompette  fut  Tun  des  instruments  à  vent  les  plus  employés 
à  l'orchestre  :  nous  trouvons  dans  Touverture  ù'Orfeo  de 
Monteverde  (1607)  une  toccata  pour  cinq   trompettes. 

On  cultiva  la  trompette  comme  instrument  de  virtuosité  depuis 
la  fin  du  xvn^  sièclejusqu'à  Haydn  ;  Bach  et  Haendel  ont  écrit  dans 
leurs  œuvres  des  parties  très  importantes  pour  cet  instrument. 

En  montant  l'escalier,  jetons  un  coup  d'œil  sur  la  trompette 
marine  (fig.  11),  l'instrument  favori  de  M.  Jourdain.  Nous  n'en- 
trerons pas  dans  les  discussions  qui  ont  passionné  le  monde,  sur 
la  question  de  savoir  pourquoi  cet  instrument  monocorde  s'appe- 
lait trompette  marine  :  nous  dirons  seulement  qu'elle  servait,  dans 
les  couvents  de  femmes,  pour  remplacer  les  instruments  à  vent  du 
même  nom,  dont  elles  ne  pouvaient  convenablement  se  servir. 
Quant  à  l'étymologie  :  disputatur  inter  audores 

Avant  d'entrer  dans  les  salles  qui  s'ouvrent  devant  nous,  les 
instruments  rustiques  de  tous  les  pa3^s  méritent  une  mention. 
Il  y  en  a  là  de  bien  curieux,  parmi  ces  instruments  simples  et 
naïfs,  qui  amusent  le  peuple  et  d'oia,  souvent,  sont  sortis  les  mer- 
veilleux instruments  qui  charment  nos  oreilles,  sous  les  doigts 
agiles  des  artistes. 

A  gauche,dansunevitrine,s'étalentlesluths,archiluths,théorbes, 
si  en  vogue  au  moyen  âge  et  tout  à  fait  abandonnés  aujourd'hui. 
Leur  forme,  souple  et  gracieuse,  est  bien  faite  pour  tenter  un 
artiste  ;  mais  leurs  cordes  sont  si  nombreuses,  que  l'on  passait, 
dit-on,  ordinairement  quatre-vingts  ans  de  sa  vie  à  les  accorder. 

Le  luth  n'est  plus  employé  aujourd'hui  ;  Richard  Wagner 
cependant  s'est  servi  d'une  sorte  de  luth  dans  la  sérénade  de 
Èeckmesser,  dans  les  Maîtres  chanteurs. 

A  droite  s'aligne  une  longue  file  de  harpes  (fig.  12,  13,  14),  cet 
instrument  si  suave  et  si  angélique,  dont  nos  compositeurs 
modernes  ont  tiré  des  effets  merveilleux.  Cependant,  le  croirait- 
on,  cet  instrument  est  assez  délaissé  aujourd'hui  pour  qu'on  ait 
peine  à  recruter  des  exécutants  ;  peut-être  est-ce  à  cause  des  difiî- 


—  289  — 

cultes  que  présente  l'étude  de  la  harpe  ;  mais  le  résultat  auquel 
peut  arriver  un  artiste  vaut,  ce  semble,  bien  la  peine  de  vaincre 
quelque  difficulté. 


Tîbir'ina,  TS) 


Tibicfn.  {9) 


e»«i«t  c«««'>  M(,t94 


La  harpe,  instrument  d'origine  très  ancienne,  a  subi  dans  ces 
derniers  temps  de  grands  perfectionnements,  surtout  grâce  à 
M.  Sébastien  Erard. 


19 


—  290  — 

Le  violon, au  contraire, est  arrivé  presque  du  premier  coup  à  la 
forme  qu'il  a  aujourd'hui  ;  le  violoncelle  supplanta  peu  à  peu  les 
violes  dans  la  seconde  moitié  du  xvii^  siècle  (fig.  15  et  16). 

Nous  pouvons  admirer,  dans  les  vitrines,des  instruments  magni- 
fiques, sortis  des  mains  des  plus  habiles  luthiers,  ou  ayant  appar- 
tenu à  des  personnages  célèbres,. comme  la  basse  de  François  I^^, 
la  basse  de  Servais,  et  des  essais  de  toute  espèce,  pour  arriver  à 
des  perfectionnements  toujours  rêvés. 

Nous  devons  encore  signaler  la  viole  pomposa  de  Bach  :  les 
instrumentistes  n'étaient  pas  toujours  de  première  force,  cela 
arrive  bien  de  nos  jours,  et  ne  savaient  jouer  qu'aux  premières 
positions.  Bach  fit  confectionner  un  instrument  plus  petit  que  les 
violes,  et  pouvant  les  remplacer  dans  les  registres  élevés.  Les 
exemplaires  de  cet  instrument  sont  fort  rares. 

Dans  la  salle  suivante,  l'attention  est  attirée  sur  une  pièce 
tout  à  fait  remarquable  du  Musée  :  c'est  un  jeu  de  cromornes, 
de  facture  française,  et  datant  du  xvi^  siècle  (fig.  17). 

Il  existe  peu  de  cromornes  dans  les  collections  instrumentales. 
Le  Musée  du  Conservatoire  de  Paris  n'en  a  qu'un  seul  exemplaire, 
et  le  considère  comme  une  des  pièces  les  plus  précieuses  qu'il 
possède.  La  réunion  d'un  jeu  complet  est,  au  point  de  vue  de 
l'histoire  des  instruments  de  musique,  d'une  grande  importance,  et 
c'est  là  une  des  merveilles  du  Musée  du  Conservatoire  royal  de 
Bruxelles.  C'est  par  une  suite  de  circonstances  vraiment  excep- 
tionnelles que  cette  précieuse  collection  y  est  parvenue. 

M.  le  comte  L.  F.  Valdrighi,  de  Modène,  son  précédent  posses- 
seur, démontre  [Musurgiana  iiP  2,  Firenze,  G,  G.  Guidi^  i88o)y 
que  ces  instruments  ont  appartenu  à  la  famille  d'Esté, où  ils  avaient 
été  introduits,  peut-être,  par  une  princesse  française,  alliée  à  la 
maison  ducale. 

Peu  goûtés  en  Italie,  ils  furent  relégués  dans  la  collection 
instrumentale  de  cette  famille  et  parvinrent  ainsi  jusqu'à  nous, 
grâce  à  l'habileté  de  M.  Mahillon,  qui  sut  les  acquérir  au  moment 
oià  ils  allaient  tomber  entre  d'autres  mains. 

Notons  encore,  dans  cette  même  salle,  le  componium  de  l'an- 
cienne collection  Tolbecque.  Cette  merveille  de  mécanique  est 
signée  :  «  Diederich  Nicolas  Winkel  invenit  etfecit  à  Amsterdam^ 
an.  1821.  w  Le  componium   fut  saisi  judiciairement  et  demeura 


—    291    — 

longtemps  dans  un  pavillon  de  la  barrière  du  Trône^  à  Paris,  où 
il  subit  de  graves  détériorations,  par  suite  de  Thumidité.  L'inven- 
teur mourut  en  1826,  et  le  componium  passa  successivement  en 
plusieurs  mains,  pour  arriver  enfin  au  Musée  du  Conservatoire. 
Cette  curieuse  pièce  a  pour  but  de  composer  et  de  faire  entendre 
des  variations  nouvelles  sur  un  thème  de  80  mesures. 

On  a  évalué  mathématiquement  le  nombre  de  variations  que 
peut  exécuter  le  componium  et  on  est  arrivé  au  chiffre  de 

14.  5i3>  461,  557t  741»  527;  824. 

En  supposant  qu'il  faille  cinq  minutes  pour  Texécution  d'un 
morceau,  on  arriverait  à  un  total  de  138  trillions  d'années  pour 
épuiser  toutes  les  combinaisons. 

Disons,  en  passant^  un  mot  sur  les  flûtes,  hautbois,  bombardes, 
bassons,  etc. 

Plus  riche  que  nous,  sous  certains  rapports,  le  xvi^  siècle  possé- 
dait des  flûtes  droites  et  traversières,  dont  les  instruments  graves 
avaient  des  sonorités  comparables  à  celles  de  l'orgue  (fig.  18). 

Si  le  fifre,  avec  le  tambour  et  la  grosse  caisse,  étaient  employés 
comme  instruments  guerriers,  par  contre  le  flageolet  servait 
surtout  à  la  danse,  accompagné  par  le  tambourin. 

Dans  la  famille  du  hautbois,  les  instruments  graves  étaient  diffi- 
ciles à  jouer.  Après  bien  des  essais  infructueux,  un  chanoine  de 
Pavie,  nommé  Afranio,  inventa,  dit-on,  vers  1539,  un  instrument 
grave,  à  anche,  qu'il  nomma  fagotto  et  qui,  après  bien  des  transfor- 
mations, devint  notre  basson  actuel  (fig.  19). 

La  clarinette  fut  inventée  en  169 1  par  Denner,  selon  l'opinion 
commune,  mais  il  est  plus  probable  qu'il  ne  fit  qu'apporter  des 
perfectionnements  à  un  instrument  déjà  existant  ;  elle  ne  parut  en 
France  qu'en  1755. 

Tous  ces  instruments  ont  conservé  à  peu  près  les  mêmes  formes 
qu'autrefois,  mais  que  d'améliorations  se  sont  faites  dans  leur 
justesse  et  leur  timbre,  grâce  aux  efforts  de  nombreux  inventeurs 
comme  Gordon,  Coche,  Dorns,  Buffet,  Ad.  Sax^  Triébert  et 
surtout  Théobald  Bochny,qui  trouva,  vers  1831,  la  loi  de  la  perce 
rationnelle  des  tuyaux. 

Un  des  instruments  dont  les  transformations  et  les  perfection- 
nements ont  été  des  plus  considérables,  c'est  notre  piano.  On  a 
beaucoup  discuté  sur  l'invention  du  clavecin  :  on  ajouta  probable- 


—  292   — 

ment  un  clavier  au  psaltérion  (fig.  20)  ;  en  mettant  les  cordes  en 
vibration  au  moyen  de  languettes  de  cuivre,  le  psaltérion  devint 
le  clavicorde  (fig.  21).  Puis  on  remplaça  les  languettes  de  cuivre 
par  des  plumes  de  corbeau  ;  à  la  fin  du  xvi^  siècle,  Tépinette 
était  excessivement  répandue,  elle  portait  différents  noms  : 
harpsichorde,  virginal,  etc.  (fig.  22).  Vers  la  fin  du  xvi^  siècle, 
Hans  Ruckers,  d'Anvers,  apporta  de  nouvelles  améliorations  à 
Tépinette,  ses  successeurs  les  augmentèrent  encore,  et  Tépinette 
devint  le  clavecin,  dont  les  cordes  sont  grattées  par  une  sorte  de 
plectre  (fig.  10). 

Dans  la  première  moitié  du  xviii^  siècle,  Cristofori,  à  Florence, 
Marins,  à  Paris,  Gottlob  Schroeter,  en  Saxe,  conçurent  Tidée  de 
faire  ft-apper  les  cordes  du  clavecin  par  des  marteaux.  C'est  ainsi 
que  naquirent  les  premiers  pianos-forte,  fabriqués  vers  1730  par 
Silbermann,  de  Freyberg. 

Puis,  Sébastien  et  Pierre  Erard  inventèrent  le  système  de 
Téchappement,  augmentant  ainsi  la  souplesse  et  la  solidité  du 
marteau,  et  à  partir  de  ce  moment,  le  piano  se  perfectionna, de  jour 
en  jour,  pour  devenir  l'instrumenta  la  mode. 

Un  instrument  qui  mérite  surtout  notre  attention,  c'est  l'orgue, 
qui  doit  son  origine  à  la  i\)Q\.yi  o\x  flûte  de  Pan.  Le  poète  Pin- 
dare,  né  en  l'an  520  avant  J.-C,  attribue  l'invention  de  l'orgue  à 
Minerve.  Quelques  siècles  après  Pindare,  le  mécanicien  Ctesibius^ 
d*Alexandrie^  qui  vivait  environ  124  ans  avant  J.-C,  appliqua  à 
l'orgue  les  découvertes  qu'il  avait  faites  dans  l'hydrodynamique, 
et  le  mécanisme  qu'il  imagina  a  été  longuement  décrit  par  Héron, 
son  disciple. 

Uorgue,  jusque-là  appelé  flûte,  prit  alors  le  nom  d'hydraule.  La 
pression  de  l'air  dans  les  tuyaux  avait  lieu  par  l'impulsion  de 
l'eau. 

Vitruve  cite  cet  instrument  un  peu  avant  J.-C,  Athénée  en 
donne  une  description,  trois  siècles  plus  tard,  et  saint  Augustin  en 
parle  longuement. 

L'orgue  simplement  pneumatique,  c'est-à-dire  avec  soufflets,  ne 
semble  pas  avoir  été  en  usage  avant  le  v^  siècle  de  notre  ère. 

Les  premières  représentations  que  l'on  possède  des  orgues 
primitives,  se  trouvent  sur  des  médaillons  dits  contorniates,  du 
in  ou  rv®  siècle. 


—  293  — 

Les  Byzantins  excellaient,  dit-on,  dans  Tart  de  construire  les 
orgues. 

Peu  à  peu,  des  perfectionnements  furent  apportés  aux  orgues  : 
les  tuyaux  devinrent  plus  nombreux,  les  claviers  plus  maniables, 
la  soufflerie  plus  aisée.  Au  xv^  siècle,  le  compositeur  Bernard 
Mured  inventa  les  pédales. 

Cependant  le  luth  et  le  clavecin  éclipsèrent  les  orgues  porta- 
tives ou  régales  (fig.  23  et  24),  et  elles  disparurent  peu  à  peu. 

Depuis  lors,  les  grandes  orgues  ont  fait  des  progrès  immenses 
et  sont  aujourd'hui  des  instruments  ayant  une  perfection,  une  am- 
pleur, une  variété  de  sons  incomparables. 

Il  nous  reste  encore  à  jeter  un  coup  d'œil  rapide  sur  les  instru- 
ments de  musique  extra-européens, dont  le  Conservatoire  possède 
une  très  belle  collection. 

Ces  instruments  sont  excessivement  intéressants  à  étudier,  car 
ils  sont  les  types  primordiaux  dont  sont  sortis  presque  tous  nos 
instruments  modernes. 

Nous  ne  pouvons  cependant  entrer  dans  de  grands  détails  sur  la 
musique  orientale,  ce  sujet  ayant  été  traité,  du  reste,  dans  plusieurs 
monographies  spéciales.  Cette  musique  paraît  avoir  peu  changé 
dans  la  suite  des  temps.  Nous  remarquons,  toutefois,  que  les  inter- 
valles de  son  échelle  musicale  ne  sont  pas  employés  dans  la  nôtre. 

L'harmonie,  telle  que  nous  la  comprenons,  c'est-à-dire  plusieurs 
parties  superposées,  n'est  pas  connue,  et,  si  plusieurs  personnes 
chantent  ensemble  plusieurs  notes,  il  n'y  a  là  aucune  trace  d'un 
art  établi  sur  des  bases  solides. 

■Quelques-uns  des  peuples  orientaux  ont  une  notation  musicale: 
tels  les  Arméniens,  les  Chinois,  les  Hindous  et  les  Persans  ;  d'au- 
tres n'en  ont  pas,  comme  les  Arabes.  La  tradition,  le  plus  sou- 
vent, sert  à  transmettre,  d'âge  en  âge,  les  mélodies  orientales. 

Les  instruments  à  percussion  sont  surtout  très  nombreux  ; 
parmi,les  instruments  à  cordes,  il  faut  signaler  le  genre  guitare  ou 
luth. 

Pour  les  Hindous  (fig.  28,  26,  27),  leur  richesse  consiste  surtout 
dans  les  instruments  à  cordes  pincées,  dont  le  nombre,  contraire- 
ment à  ce  que  Ton  trouve  chez  les  Chinois,  est  plus  grand  que 
celui  des  instruments  à  percussion.  11  existe  une  grande  similitude 
entre  leurs  guitares  et  leurs  luths,  et  les  nôtres  (fig.  11). 


—   294   — 

Pour  les  Arabes,  leurs  principaux  instruments  sont  le  tambour 
et  la  guitare.  Quoique  leur  musique  n'ait  pas  de  notation,  elle  a 
eu,  avec  nous,  plus  de  contact,  par  suite  des  croisades  et  des 
séjours  assez  longs  des  Arabes  en  Espagne. 

Les  Chinois  (fig.  32)  possèdent  une  musique  constituée  suivant 
des  règles  fixes.  On  peut  consulter  sur  ce  sujet  le  mémoire  inté- 
ressant du  Père  Amyot.  Ils  aiment  les  instruments  à  cordes  nom- 
breuses, et  sont  riches  en  instruments  du  genre  luth  ou  guitare. 

Les  instruments  africains  (fig.  31)  sont  des  plus  primitifs  et 
des  plus  simples  —  on  pourrait  presque  les  comparer  à  des  ins- 
truments de  musique  préhistorique. 

L'histoire  des  instruments  de  musique,  c'est  presque  l'histoire 
de  la  musique,  et  quand  on  considère  leur  nombre  et  leur  variété, 
le  travail  ardu  auquel  se  sont  livrés  une  foule  d'artisans  et  d'ar- 
tistes, pour  leur  donner  des  perfectionnements,  on  voit  quelle 
large  place  la  musique  tient  dans  la  vie  humaine.  C'est  comme 
une  autre  langue  plus  délicate,  plus  perfectionnée,  qui  permet  aux 
hommes  d'exprimer  leurs  émotions  les  plus  intimes  et  les  plus 
subtiles,  leur  être  même,  et  qui,  si  elle  n'est  pas  parlée  par  tous^ 
est  aimée  et  comprise  de  tous. 

GiSBERT    COMBAZ. 


PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES 


Séance    mensuelle  du    lundi  2    mars   1891. 


Présidence  de  M.  \q  comte  Goblet  d'Alviella,  président  1. 

a  séance  est  ouverte  à  8  heures. 
Cinquante  membres  sont  présents  ^. 

M.  le  secrétaire  général  donne  lecture  du  procès-verbal  de  la  dernière 
séance  (Adopté  sans  obseiuation). 

Correspondance.  —  Le  Comte  O.  d'Oultremont  de  Duras,  au  nom 
de  Leurs  Altesses  Royales  le  Comte  et  la  Comtesse  de  Flandre,  remercie 
la  Société  de  la  part  qu'elle  a  prise  à  leur  vive  douleur. 

M.  P.  D'Hondt  fait  part  du  décès  de  sa  mère. 

M.  le  comte  G.  de  Looz-Corswarem  signale  à  Pattention  du  bureau  le 
montant  en  bois  sculpté  d'une  porte  d'un  vieil  hôtel,  sis  dans  la  rue  Antoine 
Dansaért.  A  la  partie  supérieure  de  ce  montant,  se  trouve  sculpté  un 
écusson  qui  semble  se  rapporter  à  la  famille  de  Recourt  de  Licques. 

LaKoninkHjke  Vlaamsche  Académie  voor  Taal-en  Letterkunde,  le  Royal 
Archaeologlcallnstitute  of  Great-Britain  and  Ireland  et  la  Société  archéolo- 
gique de  Charleroi,  accusent  réception  de  notre  annuaire- 1 891. 

Dons  et  envois  reçus.  —  M™e  la  comtesse  Ouvarow,  présidente  de 
la  Société  Impériale  archéologique  de  Moscou,  MM.  Vorsterman  van 
Gyen,  le  lieutenant  Hecq,  Arm.  ile  Behault  de  Dornon,  L.  Paris,  le  comte 

1  Prennent  en  outre  place  au  bureau  :  MM.  Cumont,  P.  Combaz,  J.  Destrée, 
P.  Saintenoy,  baron  de  Loë,  de  Munck,  de  Raadt,  Plisnier,  Paris,  De  Schryver  et 
Vorsterman  van  Oyen. 

2  Ont  signé  la  liste  de  présence  :  MM.  Arm.  de  Behault  de  Dornon,  Puttaert, 
Oyens,  Paulus,  Schweisthal,  Mahy,  E.  BaeSjVan  der  Rit,  Renders,  Nicod,  Storms, 
Goffaerts,  Ronner,  le  comte  de  Nahuys,  Hauman,  A.  Dillens,  E.  Michel,  le  vicomte 
Desmaisières,  P.  Verhaegen,  de  Proft,  H.  Hymans,  G.  Hecq,  de  Brabandère, 
Poils,  comte  G.  de  Looz-Corswarem,  J.  Wauters,  Raquez,  Pottelet,  van  Malder- 
ghem,  Verbuecken,  Jordens,  G.  Combaz,  Muls,  J.  Van  der  Linden,  De  Passe, 
Malfait,  Van  Gelé,  Van  Havermaet,  De  Ro  et  de  la  Roche  de  Marchiennes. 


f 


—  296  — 

de  Nahuys,  Hippcrt  et  Van  der  Rit,  font  don  de  livres,  de  brochures  et 
de  plans. 

M.  de  Munck  enrichit  nos  collections  des  objets  suivants  :  Christ  en 
bois  polychrome  provenant  d'une  égUse  du  Grand-Duché  de  Luxembourg; 
images  coloriées  avec  application  de  tissus  ;  francisque  et  scramasaxe  pro- 
venant de  tombes  franques  découvertes  à  Havre. 

Élections  de  membres,  —  M.  le  docteur  Dôrpfeld  est  nommé 
membre  d'honneur  en  remplacement  de  M.  le  docteur  Schliemann,  décédé 
(^Applaudissements) . 

MM.  V.  Allard,  Papleux,  De  Vestel  et  Missoten  sont  nommés  membres 
effectifs. 

M.  A.  Van  Gelé  est  nommé  membre  associé. 

Rapport  sur  le  Palais  du  Peuple.  —  MM.  P.  Saintenoy  et  le  baron 
DE  LoË  soumettent  à  l'approbation  de  l'assemblée  le  nouveau  rapport  qui 
leur  a  été  demandé  par  la  commission  d'étude  du  Palais  du  Peuple  {Adopte). 

Exposition.  —  1°  Gravures  de  Luc  Vorsterman  (M.  Vorsterman-van 
Oyen). 

2**  Urne  belgo-romaine,  en  terre  noire  assez  fine,  trouvée  à  Stuyckens- 
kerke,  prés  Nieuport  (M.  Duvivier). 

3°  Défense  de  narval  (Menodon  monoceros)  perforée,  même  provenance 
(M.  Duvivier). 

4?  Dinanderies  (M.  Pottelet). 

5°  Plan  et  album  de  Louvain  (M.  Arm.  de  Behault  de  Dornon). 

6°  Couverture  de  livre,  en  cuir  estampé,  portant  une  marque,  spécimen 
curieux  de  l'industrie  des  cuirs,  florissante  à  Bruxelles  et  surtout  à  Malines, 
au  XVII®  siècle  (comte  G.  de  Looz-Corswarem). 

7°  Assiettes  en  étain,  aux  armes  des  comtes  van  den  Steen  de  Jehay, 
et  marquées  au  verso  d'un  Saint-Michel  terrassant  le  démon  (M.  de  Raadt). 

8°  Vues  prises  dans  la  cour  de  l'abbaye  de  la  Cambre,  lors  de  la  visite 
qu'y  a  faite  la  Société  (Van  Gelé). 

9®  Dolium  ou  vase  à  conserver  les  liquides,  etc.  (Commission  des 
fouilles) . 

Communications. 

J.  Destrée.  —Le  plat  d'Alexandre  Farnèse. 

P.  Saintenoy.  —  Compte  rendu  de  l'excursion  à  Dieghem,  Saventhem, 
Winxele  et  Herent. 

E.  Michel.  —  Les  voyages  au  moyen  âge. 

Communications  diverses. 

M.  le  comte  Goblet  d'Alviella  attire  l'attention  de  ses  collègues  sur 
un  plat  de  cuivre  repoussé,  avec  inscription  coufïique.  Ce  plat,  dû  à  l'in- 
dustrie moderne  de   la   Syrie,    reproduit  le  type  du  palmier,  entre  deux 


—  297  — 

personnages  affrontés,  qui  remonte  aux  plus   vieilles  productions  de  l'art 
assyrien. 

L'Œuvre  de  Luc  Vorsterman. 

M.  Vorsterman- VAN  Oyen  entretient  l'assemblée  des  gravures  de  Luc 
Vorsterman,  M.  H.  Hymans  donne  ensuite  un  aperçu  rapide  de  la  vie  et 
de  l'œuvre  de  Vorsterman.  L'illustre  graveur  n'est  point  Originaire  de  nos 
provinces.  Il  vit  le  jour  en  Gueldre  (Zalt-Bommel),  et  tout  semble  devoir 
faire  admettre  qu'il  y  fit  ses  premiers  pas  dans  la  carrière  artistique.  M.  Hy- 
mans ne  partage  pas  cette  opinion  presque  générale  que  Vorsterman 
aurait,  d'abord,  exercé  la  peinture  sous  la  direction  de  Rubens  ;  il  n'existe 
aucune  présomption  de  preuve  à  l'appui  de  cette  affirmation.  D'autre 
part,  on  ne  peut  avec  certitude  désigner  aucune  œuvre  du  graveur  produite 
avant  l'apparition  de  ces  grandes  estampes  d'après  Rubens  ;  celles-ci,  tout 
au  moins,  sont  les  premières  pièces  datées  que  l'on  rencontre  sous  sa 
signature.  Elles  sont  aussi  les  premières  que  Rubens  revêt  d'un  triple 
privilège  obtenu  successivement,  dans  les  Pays-Bas,  en  France  et  en  Hol- 
lande; d'où  cette  mention  :  cum  pn'viîegïo  régis  christianissimi,  principum  Belga- 
rum  et  ordinum  Bataviœ,  qui  figure  sur  tant  d'estampes  publiées  sous  la 
direction  de  l'illustre  peintre,  à  dater  de  1620. 

Rubens  eut,  par  la  suite,  à  revendiquer  devant  les  tribunaux  ses  droits  de 
propriété,  et  l'entreprise  des  plagiaires  des  belles  estampes  parues  avec  son 
approbation,  ne  laissa  pas  que  de  lui  causer  un  réel  souci.  Parmi  ces  estam- 
pes, les  œuvres  de  Vorsterman  occupent  le  premier  rang.  Un  moment  vint 
où,  brusquement,  cessa  la  féconde  collaboration  de  deux  maîtres  si  bien 
faits  pour  se  comprendre. 

Il  s'est  démontré  que  Vorsterman,  frappé  de  folie  vers  l'année  1622,  eut 
une  querelle  avec  Rubens  et  alla  même  jusqu'à  le  menacer,  ce  qui  ne  fut 
pas  sans  jeter  l'inquiétude  dans  la  population  d'Anvers.  Le  fait  se  déduit 
d'une  pétition  adressée  à  l'infante  Isabelle  et  se  confirme,  d'ailleurs,  par  une 
lettre  adressée  à  Rubens. 

Vorsterman,  après  sa  rupture  avec  le  grand  peintre,  s'en  alla  travailler  à 
Londres,  où  il  produisit  des  pages  extrêmement  importantes,  sans  égaler 
toutefois  ses  œuvres  antérieures.  M.  Hymans  désigne,  parmi  les  estampes 
exposées,  quelques-unes  de  celles  appartenant  à  cette  période. 

De  retour  à  Anvers,  l'artiste  n'y  semble  pas  avoir  jamais  retrouvé  sa 
vogue  passée,  bien  que,  de  loin  en  loin,  son  burin  mît  encore  au  jour  des 
productions  excellentes.  On  a  su,  dans  les  derniers  temps,  que  sa  vue,  gra- 
vement altérée,  ne  lui  permit  pas  de  poursuivre  ses  travaux  avec  la  régu- 
larité voulue.  Atteint  également  dans  ses  intérêts,  il  finit  par  tomber  dans 
une  gêne  profonde,  n'ayant,  pour  le  secourir  dans  sa  détresse,  qu'une  fille, 
religieuse  dans  un  couvent  d'Anvers.  Il  mourut,  presque  oublié,  vers  1670, 


—  298  — 

laissant  un  fils  graveur,  connu  dans  l'histoire  comme  Lucas  Vorsterman, 
le  jeune,  maître  d'un  rang  secondaire. 

La  situation  de  Norderwijck  et  d'Itegem  a  l'époque  des  pagi.  —  M.  de 
Raadt,  occupé  à  reconstituer  l*historique  de  ces  deux  communes,  fait 
connaître  ses  conclusions  au  sujet  de  leur  situation  du  temps  des  pagi.  Un 
diplôme  impérial  de  974  place  Northreuuic  dans  la  Toxandrie.  Un  autre  de 
976,  contient  la  même  indication  quant  à  cette  localité  et  à  Idïngehem,  eit 
cite,  ensuite,  Bouchout,  comme  faisant  partie  du  pagus  de  Rijen  ^.  Or, 
contrairement  aux  termes  si  formels  de  ces  documents,  d'autres  textes, 
non  moins  officiels,  établissent  parfaitement  que  Norderwijck  et  Itegem 
étaient,  à  cette  époque,  compris  dans  le  pagus  de.  Rijen.  Comment  expliquer 
cette  contradiction  apparente  ?  L'orateur,  rejetant  l'opinion  émise  naguère, 
d'après  laquelle  le  pays  de  Rijen  serait  une  dépendance  de  la  Toxandrie, 
conclut  que  les  deux  localités  avaient  appartenu  à  l'ancien  pagus  major  de 
la  Toxandrie,  et  qu'après  la  Subdivision  de  cette  circonscription  administra- 
tive, elles  ont  été  attribuées  au  nouveau  pagus  de  Rijen.  Ce  canton  était 
subordonné  à  un  comte  spécial.  Deux  documents  de  725  ou  726,  parlant 
du  pagus  Kï]en,  sont  apocryphes  ^.  La  plus  ancienne  pièce  qui  le  mentionne 
et  dont  l'authenticité  puisse  être  admise,  date  de  l'an  868.  Si,  néanmoins, 
les  diplômes  de  974  et  976  indiquent  Norderwijck  et  Itegem  dans  la  Toxan- 
drie, c'est  que,  probablement,  les  chartes  relatives  à  des  donations  anté- 
rieures de  ces  endroits  contenaient  la  même  désignation  géographique,  et 
que,  pour  éviter  toute  équivoque  sur  la  situation  précise  et  l'identité  des 
locahtés,  on  aura  tenu  à  reproduire  les  termes  exacts  des  actes  primitifs, 
coutume  qui,  d'ailleurs,  s'est  maintenue,  à  travers  le  moyen  âge,  jusqu'aux 
temps  modernes. 

M.  J.  Destrée  dit  quelques  mots  d'un  objet  d'art  que  l'on  vient  de  pro- 
poser en  vente  au  Musée  royal  d'antiquités.  C'est  un  retable  en  bois  poly- 
chrome, œuvre  de  la  corporation  de  nos  anciens  imagiers  brabançons. 

M.  de  Proft  signale  l'existence,  dans  le  quartier  Nord-Est,  d'une  vieille 
tour  située  rue  du  Cardinal  et  qui  a  fait  partie  du  palais  de  Granvelle.  Cette 
tour  devant  être  démolie  prochainement,  M.  de  Proft  exprime  le  désir  qu'on 
en  fasse  prendre  une  photographie  {adhésion). 

La  séance  est  levée  à  10  heures  1/2. 

1  Archives  de  l'Etat  à  Gand.  Les  deux  documents  sont  imprimés  dans  Serrure, 
Cartulaire  de  Saint-Bavon,  nos  9  et  7,  et  MlR^us,  Opéra  diplomatica^   I,   344  et  49. 

2  MiR^us.  op.  cit. y  I,  10,  II,  12. 


LA 


VILLA  BELGO-ROMAINE 


DE  NOUVELLES  * 

Fouilles  de   1890. 


jendons  hommage  d*abord  à  la  gracieuse  complai- 
sance de  M.  Léon  Cornez,  d^Asquillies,  nouveau  loca- 
taire du  terrain  de  nos  fouilles.  En  nous  permettant  de 
continuer  nos  travaux,  il  a  droit  à  toute  notre  reconnaissance. 
Depuis  plusieurs  années,  nous  connaissions  la  légende  d\in 
souterrain,  reliant,  prétenduement,  à  la  ville  de  Bavai  notre  villa 
romaine,  dont  remplacement  porte  encore  aujourd'hui  le  nom  de 
Petlt-Bavai.  Ce  souterrain  légendaire  nous  intriguait  considéra- 
blement. Plusieurs  sondages  effectués  précédemment  sans  succès 
ne  nous  découragèrent  cependant  pas.  Il  importait  de  connaî- 
tre ce  qu'il  fallait  défalquer  de  la  tradition  au  profit  de  la  vé- 
rité. Grâce  aux  précieux  renseignements  de  MM.  Leleux  et 
Mathieu,  d'AsquiUies,  qui  nous  indiquèrent  Tendroit  où  la  charrue 

1  Voir  les  rapports  lus  en  séance  du  6  novembre  1888.  —  Annales  de  la  Société 
à'' Archéologie  de  Bruxelles,  tome  II,  i*"®  livraison  et  du  4  février  1890. 


—  300  — 

heurtait  un  obstacle  permanent,  bientôt  le  voile  se  dissipa  et 
notre  desideratum  se  manifesta  sous  Taspect  d'un  aqueduc. 

Ce  conduit  d'eau,  que  nous  allons  décrire,  dénote  l'importance 
de  la  villa  et  n'est,  à  notre  connaissance,  que  le  troisième  connu 
en  Belgique,  desservant  Thabitation  romaine.  Les  deux  autres 
sont  celui  d'Anthée  *  et  celui  de  Strée  ^. 

Le  point  où  nous  l'avons  découvert  —  à  une  profondeur  de 
20  centimètres  —  est  situé  sur  le  territoire  de  la  commune 
d'Asquillies,  à  environ  300  mètres  de  la  villa,  entre  le  chemin  dit 
des  Rayons  et  la  chaussée  de  Mons  à  Maubeuge.  Il  se  dirige  vers 
nos  fouilles  précédentes,  parcourant  en  ligne  droite  une  cinquan- 
taine de  mètres.  Alors,  décrivant  une  courbe  savante,  pour  main- 
tenir son  niveau  et  contourner  une  sinuosité  de  terrain,  il  parcourt 
encore  une  centaine  de  mètres,  puis,  se  préparant  à  une  nouvelle 
courbe,  il  cesse  brusquement  au  milieu  d'un  fouillis  de  pierrailles. 
Nous  sommes  ici  éloignés  d'une  couple  de  cents  mètres  des  subs- 
tructions  découvertes  précédemment.  La  pente  du  courant  d'eau; 
calculée  par  M.  Honorez,  géomètre  d'Harmignies,  n'est  que  de 
3  millimètres  et  demi  par  mètre,  et  si  notre  aqueduc  s'enfonce  en 
cet  endroit  à.  la  profondeur  de  70  centimètres,  cela  provient  du 
relèvement  du  terrain.  A  ce  même  niveau,  nous  suivons,  dans  la 
direction  de  la  ville,  pendant  une  quarantaine  de  mètres,  un 
pavement  en  pierrailles  —  d'une  largeur  de  i  m.  25  —  avec 
traces  de  béton.  Après  cela,  nous  ne  voyons  plus  rien  qui  puisse 
se  rattacher  à  l'aqueduc,  car  c'est  à  un  niveau  supérieur  — 
25  centimètres  sous  le  sol  actuel  —  que  nous  découvrons  un  che- 
min pavé  en  tafeau  de  Ciply  et  large  de  i  m.  25.  Après  un  par- 
cours d'une  trentaine  de  mètres,  cette  voie  se  perd  dans  une  sorte 
de  nappe  calcareuse. 

Décrivons  maintenant  la  substance  de  l'aqueduc.  L'eau  coulait 
sur  une  couche  de  ciment  gris-rougeâtre  excessivement  dur, 
d'une  épaisseur  de  15  centimètres  et  d'une  largeur  de  20  centi- 
mètres. Cette  couche  reposait  sur  une  fondation  de  gros  cailloux 
anguleux  et  bruts  posés  les  uns  sur  les  autres  et  atteignant  à  peu 

1  Voir  Villa  à' Anthée,  par  Eug.  Del  Marmol.  —  Annales  de  la  Société  d'Archéologie 
de  Namur,  tome  XV,  i^^  livraison,  1881. 

2  Voir  Aqueduc  romain,  Van  Bastelaer.  Rapport  de  la  fouille  de  Strée. —  Documents 
et  rapports  de  Charleroi,  tome  VIII,  1877. 


—  30I  — 

près  la  même  épaisseur.  Le  courant  d'eau  avait,  de  chaque  côté, 
un  rebord  de  lo  centimètres  et  était  probablement  voûté  par  des 
rangées  de  cailloux  superposés  en  arc  de  cercle,  comme  le  décrit 
M.  Reyer  pour  la  partie  de  l'aqueduc  de  Vieil-Evreux,  située  dans 
une  glaise  extrêmement  compacte  *.  Mais  nous  n'avons  retrouvé 
aucune  trace  de  la  voûte  qui  s'était  sans  doute  effondrée,  laissant 
ses  cailloux  épars  de  chaque  côté  du  conduit  sur  une  largeur  de' 
30  à  40  centimètres. 

Les  travaux  agricoles  ne  nous  ont  pas  permis  de  remonter 
Taqueduc  jusqu'à  sa  naissance.  Cependant,  d'après  les  renseigne- 
ments de  M.  Leleux  qui,  en  temps  de  dégel,  l'avait  suivi  de  sa 
canne  pendant  plusieurs  mètres,  il  devait  s'alimenter  au  ruisseau 
d'Asquillies,  à  un  kilomètre  de  la  villa.  Mais  ce  qui  nous  rend  per- 
plexe, c'est  le  profond  encaissement  du  ruisseau  et,  par  cela 
même,  la  difficulté  que  devaient  éprouver  les  Romains  à  amener 
l'eau  à  l'aqueduc  au  faîte  du  ravin,  dont  la  hauteur  dépasse  à 
peine  celle  de  la  villa.  La  roue  hydraulique,  déjà  connue  alors  ^ 
suffisait-elle  pour  hausser  l'eau  à  une  quinzaine  de  mètres  (hauteur 
approximative  du  ravin)  ?  ou'bien  la  faisaient-ils  transporter  dans 
le  conduit  par  des  esclaves?...  Espérons  que  nos  recherches  de 
l'an  prochain  nous  apporteront  quelque  lumière. 

Passons  à  la  description  de  deux  nouvelles  pièces,  découvertes 
récemment  à  environ  33  mètres  de  nos  fouilles  de  l'an  dernier. 
La  première,  dépourvue  de  pavement,  mesure  3  m.  50  du  nord 
au  sud,  et,  à  en  juger  par  quelques  restes  de  murs,  6  m.  20  de 
l'est  à  l'ouest.  Sa  base  est  à  90  centimètres  du  sol  actuel  et  nous 
avons  rencontré  les  murs  à  30  centimètres  de  profondeur.  Au 
coin  nord-ouest  se  présente  un  escalier  très  délabré.  Les  trois 
marches,  formées  de  pierres  et  de  carreaux,  devaient  avoir 
80  centimètres  de  largeur  sur  25  de  hauteur.  A  peu  près  au  centre 
de  cette  pièce,  mais  adossé  au  mur  méridional,  se  trouve  un 
fourneau.  Sa  hauteur,  comprenant  sept  carreaux  superposés,  est 
de  42  centimètres;  sa  longueur  de  i  m.  77  et  sa  largeur  de 
I  m.  55.  Les  carreaux,  noircis  et  presque  consumés,  attestent  Tar- 
deur  du  foyer.  A  l'un  d'eux,  on  remarque  trois  encoches.  Le  mur 

1  Voir  Abécédaire  d' Archéologie,   ère  gallo-romaine.   De  Caumont,  p.  138  et  suiv. 

2  Voir  Dictionnaire  des  antiquités  romaines  et  grecqiU'S,  par  Anthony  Rich,  traduit  de 
l'anglais  par  M.  Cheruel,  p.  541.  Paris,  1861. 


—    302    — 

ouest  de  cette  pièce  est  construit  en  petit  appareil.  Son  épaisseur 
est  de  60  centimètres.  Un  couloir  extérieur  de  la  même  largeur 
le  sépare  d'un  autre  mur  parallèle  et  de  dimensions  semblables. 
A  Touest  et  au  nord,  nous  perdons  la  trace  de  deux  autres  mu- 
railles, l'une  à  la  distance  de  i  m.  10,  la  seconde  à  3  m.  50. 

Au  midi  de  la  pièce  à  fourneau  et  lui  communiquant  par  une 
ouverture  de  60  centimètres,  se  dégage  une  pièce  avec  pavement 
en  béton  —  à  i  m.  13  de  profondeur  —  semblable  à  celui  de 
l'hypocauste.  Les  parois,  mesurant  3  m.  25  de  l'est  à  l'ouest  et 
4  m.  25  du  nord  au  sud,  étaient  revêtues  d'un  béton  rougeâtre 
presque  détruit. 

Les  trouvailles  sont  analogues  à  celles  des  années  précédentes. 
Débris  de  tuiles,  tuileaux,  poteries  samiennes,  grises,  noirâtres, 
une  anse  d'amphore,  peu  de  marbre,  quelques  clous,  des  osse- 
ments d'animaux  et  une  grande  quantité  de  peintures  murales 
noires^  brunes,  rouges,  jaunes,  vertes,  etc. 

A  la  prochaine  reprise,  nous  espérons  conduire  la  pioche  sur 
le  territoire  d'Harvengt.  M.  Mathieu,  avec  une  obligeance  toute 
particulière,  nous  a  indiqué,  non  loin  de  l'hypocauste,  un  espace 
où  ses  récoltes  croissaient  avec  moins  de  vigueur,  signe  très  pro- 
bable de  substructions.  Puisse  une  ample  moisson  archéologique 
y  compenser  la  médiocrité  des  céréales  ! 

Emile  de  la  Roche  de  Marchîennes. 
Harvengt,  26  novembre  1890. 


LA  CONFÉRENCE  DU  LIVRE 

A  ANVERS 

LES    7-8-9   AOUT    1890. 

Messieurs  et  chers  Collègues, 

«ans  le  rapport  que  je  vais  avoir  l'honneur  de  vous  lire, 
je  ne  puis  vous  rendre  compte,  étant  donné  le  carac- 
tère de  notre  Société,  de  toutes  les  questions  qui  ont 
été  discutées  à  ce  Congrès  ;  je  dois  me  borner  à  celles  qui  ont 
quelque  rapport  avec  Tarchéologie.  Ces  questions  étaient  en  bien 
petit  nombre,  et  ce  n'est  même  qu'incidemment  que  Ton  y  a  traité 
des  choses  du  passé.  Le  véritable  but  de  cette  conférence  était 
de  résoudre  des  questions  d'intérêt  matériel,  des  questions 
pratiques,  tels  que,  par  exemple  :  recherche  d'un  système  de 
détermination  des  formats,  questions  pratiques  de  reliure,  droits 
de  transport  et  droits  de  douane  ,  organisation  des  bibliothèques 
publiques  et  utilité  d'un  catalogue  général  à  Tusage  du  public, 
échange  officiel  de  livres  entre  divers  pays  ou  diverses  bibliothè- 
ques, etc.,  etc. 
La  première  question  pouvant  vous  intéresser  a  été  présentée 


—  304  — 

par  M.  le  marquis  de  Granges  de  Surgères  qui,  dans  un  rapport 
rédigé  d'une  façon  très  élégante  mais  très  énergique,  demande 
aux  bibliophiles  de  ne  plus  imprimer  sur  les  livres  de  leurs  biblio- 
thèques des  noms,  des  armoiries  ou  des  monogrammes.  «  Ces 
marques,  dit- il,  sont  souvent  placées  d'une  façon  si  maladroite, 
quelquefois  en  plein  titre  ou  sur  le  frontispice,  que  le  livre  est 
abîmé  ou  a  perdu,  au  moins,  une  grande  partie  de  sa  valeur.  » 
Même  étant  propriétaire  d'une  œuvre  d'art,  l'on  n*a  pas  encore  le 
droit  de  la  détériorer. 

M.  Jorissen  demande  ensuite  que  les  livres  rares  soient 
assimilés  aux  œuvres  d'art,  afin  qu'ils  soient  par  ce  fait,  de  la 
part  du  Gouvernement,  l'objet  de  la  même  sollicitude. 

La  seconde  assemblée  générale  a  eu  Thonneur  d'être  présidée 
par  M.  J.  Vandenpeereboom,  Président  d'honneur  du  Congrès. 
Nous  savons  tous  que  notre  Ministre  des  chemins  de  fer,  postes  et 
télégraphes  est  un  des  bibliophiles  les  plus  distingués  que  nous 
possédions  en  Belgique.  M.  Vandenpeereboom  ouvre  la  séance 
en  improvisant  un  discours  des  plus  remarquables,  dans  lequel  il 
trace  à  grandes  lignes  l'histoire  de  la  reliure  dans  notre  pays, 
faisant  ressortir,  pour  les  diverses  époques,  les  points  de  compa- 
raison avec  les  écoles  françaises  et  allemandes.  Cette  communi- 
cation, d'un  caractère  bien  nouveau,  fut  d'autant  plus  intéressante 
qu'elle  a  été  traitée  avec  toute  la  compétence  que  nécessitait  le 
sujet.  L'orateur,  ensuite,  reproche  aux  musées,  aux  bibliothè- 
ques, au  Gouvernement,  de  n'avoir  pas  fait  assez  pour  posséder 
ou  conserver  chez  nous  tant  de  belles  reliures  qui  sont  allées 
enrichir  les  musées  étrangers. 

A  cette  même  séance,  notre  honorable  Président,  M.  le  Comte 
Fr.  van  der  Straten-Ponthoz  émet  le  vœu  de  voir  nos  éditeurs, 
pour  les  titres  de  leurs  livres,  se  rapprocher  davantage  de  l'or- 
donnance des  titres  des  beaux  ouvrages  anciens. 

A  la  dernière  séance,  M.  Destrée  fait  une  communication  sur 
l'utilité  qu'il  y  aurait  à  exécuter  «  un  album  reproduisant  des 
miniatures  contenues  dans  les  manuscrits,  envisagées  comme  do- 
cuments pour  l'histoire  de  l'art  et  comme  modèles  pour  l'illustra- 
tion des  livres  liturgiques....,  etc.  »  M.  Destrée  dépose  également 
un  rapport,  rédigé  avec  la  collaboration  de  M.  Paul  Claessens,  sur 
la  nécessité  d'organiser  des  collections  de  reliures. 


—  305   — 

Voilà,  Messieurs  et  chers  Collègues,  les  quelques  questions 
pouvant  vous  intéresser  (comme  archéologie  bien  entendu)  qui  ont 
été  traitées  au  Congrès  du  livre.  La  Commission  travaille  active- 
ment au  compte  rendu  complet  des  délibérations  ;  vous  y 
trouverez  des  notes  du  plus  grand  intérêt. 

La  lecture  de  ces  annales  vous  prouvera  combien  cette  confé- 
rence,par  les  services  pratiques  qu'elle  pourra  rendre,  mérite  que 
nous  nous  joignions  à  tous  les  membres  du  Congrès  pour  adresser 
nos  félicitations  à  son  comité  d'organisation,  et  surtout  à  M.  Max 
Rooses,  qui  en  fut  Tàme  et  le  promoteur,  et  à  M.  Charles  Ruelens, 
qui  a  présidé  avec  tant  de  tact  les  assemblées  générales. 

P.  S.  —  Ajoutons  un  juste  tribut  de  regrets  à  la  mémoire  de  celui-ci, 
savant  distingué,  mort  depuis  que  ces  lignes  sont  écrites. 

Louis  Titz. 


20 


QUESTIONS   ET  RÉPONSES 


(voir    table    du    tome    IV    ET    TOME  V,    p.     II 6) 


QUESTIONS 


IX 
La  famille  de  Dobbelere. 


ésireux  de  posséder  des  données  authentiques  sur  la  famille  de  Dob- 
belere, Dobbeleer,  Dobbeler,  etc.,  pour  le  xvi®  siècle  et  le  comrnen- 
cement  du  siècle  suivant,  je  serais  heureux  de  recevoir  tous  documents  y 
relatifs. 

J.-Th.  DE  Raadt. 

X 

Le  calligraphe  Wilmart. 

Ces  jours-ci,  j'ai  aperçu  à  la  montre  d'un  libraire  parisien  un^  manuscrit 
sur  velin,  d'environ  60  pages,  format  in-8°.  intitulé  : 

Exercices  spirituels,  ou Écrit  à  Bruxelles,  par  G. -H.  Wilmart,  1673. 

Ce  volume  a  été  fraîchement  relié  ;  et  on  y  a  ajouté  un  blason  et  une 
dédicace  en  l'honneur  de  la  personne  à  laquelle  le  volume  a  été  offert. 

Connaît-on  quelque  chose  sur  la  vie  de  ce  calligraphe  ? 

V.  Advielle. 


—  307  — 

XI  et  XII 

Armoiries  à  déterminer. 

Sait- on  à  quelle  famille  appartiennent  les  armoiries  suivantes  : 
D'or  à  la  fasce  bretessée  et  cotitre-bretessée  de  gueules,  accompagnée  de  trois  losanges 
de  sinople. 

Ces  armes  se  trouvent  sur  un  portrait  de  dame  portant  Tinscription 
«  iEtatis  XX-1651  ». 

Le  portrait  appartient  à  l'école  hollandaise. 
Peut-on  dire  qui  est  cette  dame  ? 

P.  S. 
« 

Quelles  étaient  les  armoiries  de  la  famille  de  Monsenaire  de  Mons  ? 

A.  DE  B.  DE  D. 

XIII 
Sainte  Jeanne   Chusa. 

Connaît-on,  en  dehors  de  sainte  Jeanne  Chusa,  de  Jérusalem,  une  autre 
sainte  Jeanne  ou  un  saint  Jean,  que  l'on  aurait  représentés  portant,  de  la 
main  droite,  un  panier  et,  de  la  gauche,  une  corbeille,  comme  caracté- 
ristiques ? 

Ces  renseignements  doivent  servir  à  la  description  du  méreau  de  Henry 
de  Monsenaire  et  de  Jeanne  Cantineau,  son  épouse. 

Ar.  de  B.  de  D. 


REPONSES 

QUESTION  No  Yl\.  —  Annales,  tome  V,  page  119. 

La    chronologie    des    comtes    de    Charolais. 

La  chronologie  des  comtes  de  Charolais,  après  Charles  le  Téméraire, 
duc  de  Bourgogne,  est  fort  simple. 

A  la  mort  de  ce  prince,  en  1477,  Louis  XI,  roi  de  France,  s'empara  de 
ce  comté.  En  vertu  de  la  paix  de  Senlis,  le  23  mai  1493,  le  roi  Charles  VIII 
le  rendit,  avec  l'Artois,  la  Franche-Comté  et  la  seigneurie  de  Nogent,  au 
roi  des  Romains,  MaximiUen,  archiduc  d'Autriche,  en  sa  qualité  de  père 
et  tuteur  de  Philippe  le  Beau,  pour  le  tenir  en  fief  de  la  couronne  de  France. 

Le  Charolais  fut  néanmoins  l'objet  de  sérieux  démêlés   entre   Charles- 


—  3o8  - 

duint  et  François  P%  qui  furent  terminés  entre  leurs  successeurs,  par  le 
traité  de  Cateau-Cambrésis,  signé  le  3  avril  1559.  La  propriété  de  ce 
comté  devait  demeurer  à  Philippe  II,  roi  d'Espagne,  et  à  ses  successeurs, 
pour  le  tenir  sous  la  suzeraineté  du  roi  de  France.  Les  traités  de  Vervins 
(2  mai  1598)  et  des  Pyrénées  (7  novembre  1659)  confirmèrent  le  droit  des 
rois  d'Espagne,  qui  restèrent  possesseurs  de  ce  comté  jusqu'en  1684,  quand 
le  roi  Cliarles  II  le  céda  au  Grand  Condé,  qui  en  fit  adjuger  la  possession 
à  son  fils  Henri-Jules  de  Bourbon,  prince  de  Condé.  Le  haut  domaine  en 
fut,  comme  toujours,  réservé  à  la  couronne  de  France. 

Les  comtes  de  Charolais  des  xvi^  et  xvii®  siècles  étaient  par  conséquent  : 

Philippe  le  Beau,  1493-1506  ; 

Charles-Quint,  t 506-1 5 56  ; 

Phihppe  II,  15 56-1 598  ; 

Philippe  III,  1598-1621  ; 

Philippe  IV,  1621-1665  ; 

Charles  II,  1665-1684, 
quand  la  maison  de  Condé  entra  en  possession  de  ce  comté. 

Les  personnages  qui  ont  porté  le  titre  de  Charolais,  à  la  fin  du  xvii^  et 
pendant  le  xviiie  siècle,  sont  : 

1°  Anne-Louise-Bénédicte,  fille  de  Henri-Jules,  prince  de  Condé,  nommée 
d'abord  Mademoiselle  d'Enghien,  et  puis  Mademoiselle  de  Charolais.  Elle 
épousa  Louis-Auguste,  duc  de  Maine,  fils  adultérin  de  Louis  XIV  et  de 
Madame  de  Montespan  ; 

2°  Louise-Elisabeth,  fille  de  Louis  II  et  petite-fille  de  Henri- Jules,  princes 
de  Condé,  nommée  d'abord  Mademoiselle  de  Charolais  et  puis  Ma'demoiselle  de 
Bourbon.  Elle  épousa  Louis-Armand,  prince  de  Conti  ; 

3°  Louise-Anne,  sœur  de  la  précédente,  nommée  d'abord  Mademoiselle 
de  Sens  et  plus  tard  Mademoiselle  de  Charolais  ; 

40  Charles,  frère  des  deux  précédentes,  qui  porta  le  titre  de  comte  de  Cha- 
rolais. Il  naquit^en  1700  et  mourut  en  1760. 

O^  M.  DE  N. 


Fig.   I.  Cloître  de  S.  Servais  à  Maeslricht.    —    Tympan  sculpté  du  xii^  siècle. 


NOTES   BIBLIOGRAPHIQUES 


VII 


(f^JA  SCULPTURE  ET  LES  ARTS  PLASTIQUES  AU  PAYS  DE  LiÈGE  ET  SUR  LES  BORDS 

|B.^|  DE  LA  Meuse,  par  Jules  Helbig.  Deuxième  édition.  Desclée  et  De 
Brouwere,  Bruges,  1890. 

La  première  édition  de  l'ouvrage  du  sympathique  auteur  a  paru  à  la 
suite  d'un  concours  ouvert  par  la  Société  d'Emulation  de  Liège.  Ce  cons- 
ciencieux mémoire  fut  couronné  en  1887.  M.  Helbig,  qui  avait  vu  arriver 
avec  quelque  regret  l'échéance  fatale  du  dépôt  de  son  manuscrit,  se  remit 
bientôt  à  l'œuvre.  Après  une  couple  d'années,  il  livrait  à  la  publicité  une 
seconde  édition,  enrichie  de  nouvelles  données  et  de  nombreuses  illus- 
trations. 

La  tâche  de  l'historien  n'était  pas  aisée.  Tout  préparé  qu'il  y  était  par 
l'élaboration  de  sa  remarquable  histoire  de  la  Peinture  au  pays  de  Liège  (1873), 
M.  Helbig  se  trouvait  devant  une  série  de  problèmes  délicats,  problèmes 
qui  jusqu'alors  n'avaient  guère  sollicité  l'attention  des  érudits.  Si  j'en 
excepte  le  travail  de  M.  de  Linas  ^,  l'art  mosan  ou,  si  l'on  préfère,  les 
manifestations  artistiques  sur  les  bords  de  la  Meuse  n'avaient  pas  fait  l'objet 
d'un  travail   spécial.   De  nombreuses    questions   restaient  à  résoudre.  Il 

1  Vart  et  Vindustrie  d'autrefois  dans  les  régions  de  la  Meuse  belge.  Souvenirs  de 
V exposition  rétrospective  de  Liège  en  1881,  par  M.  Chari.es  de  Linas. 


—  3IO  — 

fallait,  d'une  part,  recueillir  les  renseignements,  conservés  par  les  chroni- 
queurs ou  enfouis  dans  la  poussière  des  archives  ;  d'autre  part,  étudier  les 
rnonuments  qui  ont  échappé  à  l'indifférence  ou  au  vandalisme.  M.  Helbig 
peut  se  flatter  d'avoir  épuisé  beaucoup  de  questions  d'un  très  haut  intérêt, 
et  d'avoir  fourni  une  voie  toute  frayée  aux  recherches  des  érudits. 

L'auteur  ne  s'en  est  pas  tenu  à  des  développements  historiques  ou  esthé- 
tiques, il  a  eu  à  cœur  d'animer  son  exposé  par  beaucoup  d'illustrations. 
«  L'étude  des  arts  et  des  monuments,  écrit-il  à  ce  sujet,  a  pris  un  caractère 
très  précis  et  très  positif  auquel  il  convient  de  donner  satisfaction.  Ce  n'est 
pas  seulement  par  des  recherches,  fussent-elles  les  plus  consciencieuses,  ou 
par  les  déductions  les  mieux  établies  que  l'on  peut  se  flatter  de  répondre 
à  toutes  les  exigences  en  faisant  l'histoire  des  arts. Le  lecteur  veut,  pour 
ainsi  dire,  voir  de  ses  propres  yeux  et  contrôler  par  lui-même  les  juge- 
ments de  la  critique.  » 

M.  Helbig,  comme  on  le  verra,  s'est  évertué  à  répondre    aux   légitimes 

exigences  du  lecteur.   En  efi"et,  l'ouvrage  renferme    XXVI  planches  hors 

texte,  exécutées  au  moyen  de  la   phototypie,   auxquelles  il   faut  joindre 

63  gravures  intercalées  dans  le  texte. 

* 
«  * 

Le  pays  de  Liège,  à  l'exclusion  des  autres  provinces  belges,  partage  avec 
l'Allemagne  l'immense  avantage  de  rattacher  l'histoire  de  sa  plastique  au 
régne  de  Charlemagne  et  de  se  relier  ainsi  aux  manifestations  les  plus  an- 
ciennes de  l'art  chrétien. 

Le  grand  empereur  d'Occident,  passionné  pour  les  arts  libéraux,  avait 
rêvé  d'introduire  à  sa  résidence  d'Aix  quelques-unes  des  merveilles  qu'il  avait 
admirées  à  Rome  et  à  Ravenne.  Il  rempht  le  dôtm  d'Aix-la-Chapelle  d'objets 
précieux,venus  des  deux  villes  précitées. Si  les  candélabres,les  vases  précieux 
ont  disparu,  heureusement,  les  grilles  et  les  portes  d'airain  existent  encore; 
la  précision  avec  laquelle  elles  s'adaptent  aux  moindres  détails  de  la  cons- 
truction prouve  qu'elles  ont  dû  être  exécutées  sur  place  ou  à  peu  près;  sans 
doute,  les  grilles  de  ces  portes  sortaient  des  ateliers  d'Aix-la-Chapelle,  et 
la  qualité  du  travail,  qui,  pendant  longtemps,  les  a  fait  attribuer  à  Rome, 
fait  honneur  aux  ouvriers  dirigés  par  Eginhard.  Les  portes  du  palais 
d'Ingelheim  auraient,  pour  M.  Helbig,  la  même  provenance,  ainsi  que  les 
deux  statuettes  équestres  de  Charlemagne,  dont  l'une  est  conservée  au 
musée  de  Metz. 

Le  foyer  si  actif  allumé  par  Charlemagne  étendit  son  influence  salutaire 
sur  le  pays  de  Maestricht  et  de  Liège.  Aussi  peut-on  placer,  sans  crainte 
d'erreur,le  berceau  de  l'art  dans  ces  contrées  sous  le  viii®-ix®  siècle.  Si  cette 
culture  artistique  avait  un  protecteur  éclairé  sur  le  trône, elle  avait  un  refuge 
assuré  dans  le  sein  même  des  antiques  monastères.  Les  hôtes  de  ces  oasis 


—  3"   — 

avaient  une  triple  mission  à  remplir  :  celle  de  prêcher  la  bonne  nouvelle,de 
conserver  et  de  propager  les  traditions  et  les  connaissances  de   l'antiquité. 

L'union  de  la  religion  et  de  l'art  est  du  reste,  au  moyen  âge,  des 
plus  intimes.  La  piété  porte  sur  les  autels  des  hommes  d'une  sainteté  insi- 
gne et  l'art  met  au  service  des  fidèles  toutes  les  ressources  dont  il  dispose. 
Il  va  de  soi  que  jamais  circonstances  ne  furent  plus  favorables  à  l'exécution 
d'un  grand  nombre  de  châsses  et  de  reliquaires.  Nous  ne  rappelons  pas  le 
rôle  de  saint  Eloi,  dont  la  popularité  n'a  jamais  subi  d'éclipsé.  Son  biogra- 
phe, saint  Ouen,  nous  apprend  qu'il  fit  beaucoup  de  châsses  ;  il  cite  entre 
autres  celles  des  saints  Germain,  Sévérian,  Piat,  Quentin.  Lucien, 
Geneviève,  Colombe,  Maximien  et  Julien.  Il  en  fit  encore  beaucoup 
d'autres,  mais  surtout  celle  de  saint  Martin  de  Tours.  «  Ce  fut  le  roi 
Dagobert  qui  pourvut  à  cette  dépense.  Le  tombeau  de  ce  saint  évêque  fut 
orné  d'un  admirable  travail  en  or  et  pierres  précieuses.  Ce  qui  se  passait 
en  Touraine,  en  Neustrie  et  en  Bourgogne,  se  passait  aussi  en  Taxandrie, 
en  Hesbaye,  en  Ardenne  et  sur  les  bords  de  la  Meuse,  peut-être  un 
siècle  plus  tard,  par  des  orfèvres  qui  n'avaient  ni  le  talent  ni  la  notoriété 
du  saint  monétaire  de  Clotaire  II  et  de  Dagobert  I<^^.  » 

Saint  Remacle  et  Goduin,  abbés  de  Stavelot,  manifestèrent  un  grand  zèle 
pour  le  culte  des  saints  auquel  était  inhérente  la  création  de  châsses  somp- 
tueuses. A  l'abbaye  de  Saint-Trond,  les  délégués  d'un  évêque  de  Metz 
dressent  l'inventaire  des  trésors  possédés  par  cette  maison  en  870  ;  et 
à  en  juger  par  l'énumération  qui  nous  est  parvenue,  ce  trésor  renfermait 
un  ensemble  incomparable.  Adélard  II,  qui  succéda  à  Contran  en  1055, 
passait  pour  un  homme  versé  dans  la  littérature  et  les  arts.  Cinquante  ans 
plus  tard,  Théodoric  reconstruit  son  abbaye  et  enrichit  son  trésor  de  dons 
nombreux.  A  l'abbaye  de  Lobbes,  Alchan,  puis  Folcuin,  son  successeur 
immédiat,  se  distinguent  en  faisant  exécuter  plusieurs  travaux  importants. 
Notger  nous  a  laissé  le  souvenir  d'un  aigle-lutrin  qui  devait  passer,  à 
cette  époque,  pour  une  merveille  incomparable. 

A  Liège,  l'évêque  Réginard  donne  à  l'abbaye  Saint-Laurent,  le  3  novem- 
bre 1053,  un  grand  nombre  d'objets  précieux,  pièces  d'orfèvrerie,  tissus, 
manuscrits.  Vers  la  même  époque,  Erembert,  abbé  de  Waulsort,  confec- 
tionnait de  ses  mains  des  tables  précieuses  pour  l'autel  majeur  de  l'église 
de  son  monastère,  l'une  servant  probablement  d'antependium  et  l'autre  de 
retable.  Albert  (1012)  et  Tictmar  (1077),  abbés  de  Gembloux,  enrichirent 
leurs  abbayes  de  précieux  travaux  d'orfèvrerie.  L'abbaye  de  Saint-Hubert, 
grâce  à  l'abbé  Thiéry,  posséda  bientôt  un  temple  des  plus  somptueux,  et 
où  brillaient  de  tout  leur  éclat  des  œuvres  de  métal  précieux,  dont  la  durée 
fut  malheureusement  bien  courte. 

Sous  le  patronage  intelligent  et  magnifique  des  évêques  et  des  abbés 
dans  le  pays  mosan,  l'art  ne  semble  pas  avoir  subi  d'arrêt  ou  de  recul. 


—  312   — 

Dans  les  pages  consacrées  à  l'orfùvre  Jourdain  de  Liège  (xii«  siècle), 
M.  Helbig  nous  initie  à  l'élaboration  d'une  châsse  destinée  à  un 
monastère  de  Saint-Berthuin,  à  Malonne.  Le  chroniqueur  dit  que  l'œuvre 
de  l'artiste  wallon  était  réussie:  a  mais  elle  ne  se  fit  pas  sans  l'aide  de  l'un 
des  frères  de  la  maison,  Grégoire,  dont  la  science  et  la  subtile  doctrine 
furent  largement  mises  à  réquisition  pour  le  travail  de  cette  châsse.  » 

A  cette  époque,  l'alliance  de  l'élément  laïc  et  de  l'élément  religieux  est  si 

intime  qu'il  serait  fort  difficile  de  découvrir,  dans  les  monuments  qui  ont 

été  conservés,  des  disparates  ou  de  démêler  des  influences  contradictoires. 

Le  moine  fournit  le  thème,  l'artiste  l'exécute  ;  mais  en  somme,  l'inspiration 

sort  du  cloître.  C'est  en  ce  sens  que  l'on  peut  dire  que  pendant  le  xii* 

siècle  les  productions  artistiques  portent  l'empreinte  monastique  :    elles 

sont  sévères,    d'un  sentiment  élevé,  et  d'une  iconographie  savante.  On  le 

remarquera,   tous  les   foyers  artistiques,   dans  la  principauté  de  Liège, se 

trouvent  surtout  dans  les  grandes  abbayes.  Malheureusement,  les  rares 

épaves  qui  ont  été  recueillies  donnent  une  faible  idée  des  trésors  anéantis 

et  disparus. 

* 

Mais  venons  à  la  sculpture  monumentale. Ici,  que  de  douloureux  souve- 
nirs !  Que  reste-t-il  aujourd'hui  de  cette  fameuse  église  de  Saint-Lambert, 
à  Liège!  Incendiée  en  1186,  elle  avait  été  relevée  de  ses  ruines,  et  un 
siècle  n'avait  pas  paru  aux  Liégeois  un  laps  de  temps  trop  considérable 
pour  rebâtir  un  temple  déjà  célèbre.  Plus  tard,  il  suffira  d'un  moment  de 
colère  pour  anéantir  une  des  gloires  de  leur  cité.  La  destruction  de  tout 
trésor  cause  à  l'historien  de  la  sculpture  un  désappointement  profond.  Que 
faire  pour  étabHr  une  restitution  lorsqu'on  ne  dispose  que  de  dessins  sans 
personnalité  ou  de  renseignements  incolores  des  anciens  chroniqueurs  ? 

* 

C'est  une  lacune  profonde  ;  à  défaut  de  sculpture,  l'orfèvrerie  nous 
livre  des  éléments  dans  les  œuvres  de  Godefroid  de  Claire,  bourgeois 
de  Huy,né  dans  les  premières  années  du  xiie  siècle.  Artiste  nomade,iI  passe 
plusieurs  années  en  Palestine,  séjourne  à  la  cour  des  empereurs  d'Alle- 
magne, enfin  revient  à  Huy  et  obtient  un  canonicat  à  Noirmoutier.  L'ex- 
position de  Bruxelles  de  1888  nous  montrait  de  lui  deux  châsses  très 
mutilées  :  celle  de  saint  Domitien  et  celle  de  saint  Mengold. 

Nous  ne  pouvons  passer,  sans  nous  arrêter  quelques  instants  devant  Wi- 
baldjUnedes  plus  grandes  personnalités  du  moyen  âge.  Il  fut  successivement 
abbé  de  Stavelot,  de  Corbie,  dans  le  nord  de  l'Allemagne,  et  du  Mont- 
Cassin,  pendant  peu  de  temps  conseiller  et  confident  des  empereurs,  ho- 
noré de  la  confiance  des  papes  ;  il  est  peu  d'hommes  dont  la  patrie  belge  ait 


—  313  -- 

le  droit  d'être  plusiicre.  Ce  grand  moine,  comme  Suger,  son  contemporain, 
favorisa  les  arts. 

Un  dessin  découvert  il  y  a  quelques  années  dans  une  liasse  de  papiers  a 
fait  reconnaître  le  retable  de  l'église  abbatiale^de  Stavelot,  érigé  sur  les 
ordres  et  les  indications  de  l'illustre  abbé  ;  des  fragments  conservés  dans 
le  cabinet  du  prince  de  HohenzoUern,  ont  montré  quels  en  étaient  le 
style  et  le  caractère.  Le  chef  de  saint  Alexandre,  qui  a  été  également 
exécuté  à  la  demande  de  Wibald  en  1145,  est  conservé  dans  le  Musée  de 
l'Etat,  à  Bruxelles.  Nous  inclinons  à  y  voir  une  œuvre  de  Godefroid  de 
Claire. 

Le  xii«  siècle  avait  amené  avec  lui  un  grand  développement  des  arts  plas- 
tiques. M.  Helbig  nous  donne  la  reproduction  d'un  curieux  monument, 
plein  de  style  et  d'allure,  conservé  encore  à  Liège,  et  qui  ornait  proba- 
blement la  porte  d'une  école.  Il  représentait  les  figures  symboliques  : 
Vhonneur,  le  travail,  la  sollicitude.  Nous  regrettons  que  l'auteur  n'ait  pas 
cru  devoir  reproduire,  au  moins  en  les  abrégeant,  les  commentaires  si 
ingénieux  que  ce  bas-relief  unique  lui  avait  jadis  suggérés. 

Citons  ensuite  la  vierge  de  DomRupert, allaitant  l'enfant  Jésus.  «  Malgré 
l'état  fruste  des  têtes,  on  peut  y  reconnaître  la  main  d'un  artiste  »  (voir 
pi.  VI).  Le  sculpteur  a  su  allier  le  sentiment  de  dévotion  à  l'observation  de 
la  nature.  A  titre  de  contraste,  le  tympan  de  la  porte  de  la  chapelle  Saint- 
Maur,  à  Huy,  apparaît  comme  une  œuvre  barbare  et  seulement  intéres- 
sante au  point  de  vue  archéologique. 

L'auteur  se  fût  manqué  à  lui-même  s'il  avait  oublié  de  s'arrêter  aux  fonts 
de  Saint-Barthélémy,  à  Liège.  Deux  planches  hors  texte  très  bien  venues 
font  connaître  sous  tous  ses  aspects  l'œuvre  de  Lambert  Fatras,  qui,  indé- 
pendamment des  difficultés  techniques  vaincues,  est  remarquable  par  la 
clarté  presque  antique  de  la  composition  des  groupes  et  la  pureté  de 
style  des  figures.  » 

La  châsse  de  Saint-Hadelin,  conservée  à  Visé  depuis  le  xiv®  siècle,  n'é- 
tonne pas  autant  que  le  chef-d'œuvre  du  maître  dinantais;  ce  qui  est  hors  de 
doute,  c'est  le  tempérament  de  celui  qui  a  conçu  le  travail  et  l'a  exécuté. 
M.  Helbig  redit  avec  beaucoup  de  soin  toutes  les  vicissitudes  de  ce  pré- 
cieux monument,  dont  l'auteur  est  resté  malheureusement  inconnu.  Nous 
ne  reparlerons  pas  de  la  chasse  de  Saint-Servais,  à  Maestricht,  ni  des 
reliquaires,  aujourd'hui  la  propriété  du  Musée  de  Bruxelles. 

*  * 

La  personnalité  du  frère  Hugo,  dont  l'œuvre  était  réuni  à  Bruxelles,  lors 
de  la  dernière  exposition  rétrospective,  doit  être  envisagée  sous  deux  as- 
pects distincts.  Pour  la  plastique,  le  célèbre  orfèvre  se  rattache  encore   aux 


—  314  — 

maîtres  du  xiie  siècle.  Les  figures  de  ses  personnages  sont  empreintes 
d'une  certaine  lourdeur;  en  revanche,  il  se  montre  ingénieux,  personnel, 
novateur  dans  la  confection  de  ces  frises  charmantes  dont  il  a  décoré 
des  reliquaires  et  des  évangéliaires.  En  somme,  il  existe  peu  d'artistes  dont 
les  procédés  soient  mieux  appréciés.  M.  Helbig  n'a  pas  fait  la  description 
de  toutes  ses  œuvres.  Toujours  sobre  et  concis,  il  s'est  borné  à  bien 
mettre  en  relief  la  personnalité  du  maître. 

Le  moine  d'Oignies  a  fait  école  ;  la  croix  de  Walcourt  est  exécutée 
d'après  la  même  méthode.  Un  fragment  de  reliquaire,  conservé  à  l'église 
de  Saint-Martin,  à  Ypres,  et  même  certains  détails  de  lâchasse  de  Saint- 
Eleuthère,  à  Tournai,  se  ressentent  de  l'influence  du  frère  Hugo  (p.  79). 
A  l'exposition  de  1888,  nous  avons  remarqué  une  croix,  de  la  cathédrale 
de  Tournai,  décorée  d'ornements  en  relief,  qui,  apparemment,  était  établie 
au  moyen  des  mêmes  procédés  techniques,  mais,  au  lieu  de  pièces  estam- 
pées avec  un  soin  extrême,  l'orfèvre  n'avait  employé  que  des  pièces 
fondues  ;  mais  il  est  manifeste,  pour  l'observateur,  qu'un  reliquaire  exécuté 
à  la  manière  du  frère  Hugo  avait  servi  de  modèle. 

Le  contemporain  du  frère  Hugo,  Nicolas  de  Verdun,  est  laissé  malheu- 
reusement dans  l'ombre.  Personnalité  importante  dans  Part  de  nos  pro- 
vinces, il  a  certains  liens  de  parenté  avec  le  moine  d'Oignies.  Nicolas 
possède,  à  nos  yeux,  plus  de  talent.  Les  types  de  ses  personnages  sont 
mieux  choisis  et  exécutés  avec  un  soin  qui  décèle  un  artiste  supérieur. 

Les  émaux  de  Klosterneubourg,  qu'il  nous  a  été  donné  d'examiner  il  y  a 
trois  ans,  ont  beaucoup  intrigué  les  archéologues;  nous  avions  en  mémoire 
l'œuvre  du  Frère  Hugo,  revue  naguère  à  Namur.  Il  n'y  aurait  pas  de 
témérité  à  affirmer  qu'entre  les  nielles  des  reliquaires  de'Namur  et  les 
plaques  émaillées  de  l'artiste  de  Verdun,  il  y  a  de  grandes  analogies  de 
style,  que  nous  nous  bornons  à  noter. 

Depuis  quelques  années,  on  a  posé  la  question  :  existe-t-il  une  école 
d'orfèvrerie  mosane  ? 

Des  hommes  d'une  haute  compétence,  MM.  Palustre  et  Wilmotte  ne 
voient  pas  de  distinction  à  établir  entre  les  émaux  exécutés  sur  les  bords  du 
Rhin  et  ceux  provenant  des  bords  de  la  Meuse.  Pour  eux,  ce  sont  les 
mêmes  procédés  qui  ont  été  mis  en  œuvre  par  les  émailleurs  de  Cologne, 
de  Maestricht  et  de  Liège,  etc.  (xii«  siècle).  Les  émaux  sont  plus  ou 
moins  réussis  ;  mais,  en  somme,  les  artistes  usent  de  recettes  communes 
aux  divers  ateliers  du  Rhin  et  de  la  Meuse.  Au  congrès  de  Liège,  cette 
question  a  fait  l'objet  d'intéressants  débats,  que  l'on  pourra  Hre  dans 
les  comptes  rendus  du  congrès  tenu  dans  cette  ville.  Q.uant  au  côté  plas- 
tique proprement  dit  de  l'orfèvrerie  rhéno-mosane,  il  n'en  a  pas  été  ques- 
tion au  congrès  de  Liège.  Cet  aspect  méritait  cependant  d'être  étudié 
avec  quelque   attention. 


—  315  — 

Q.iie  l'on  compare  les  ouvrages  de  la  même  époque  ;  ceux  conservés  en 
Allemagne  et  notoirement  connus  comme  y  ayant  reçu  le  jour  avec  la 
■châsse  de  Saint-Hadelin,  celle  de  Saint-Mengold,  et,  plus  prés  de  nous, 
celle  de  Notre-Dame  à  Huy,  de  Saint-Remacle  à  Stavelot,  et  certaines 
œuvres  de  Nicolas  de  Verdun,  on  constatera  que  ces  manifestations  artis- 
tiques ont  une  physionomie  très  propre  et  souvent  particulière  ;  c'est  un 
art  vigoureux  d'aspect,  et  parfois  dépourvu  de  noblesse,  mais  sain,  car 
il  a  des  attaches  avec  la  nature.  Les  auteurs  des  monuments  précités  ont 
dû  s'inspirer  aux  mêmes  sources  et  ils  ont  vécu  dans  une  même  atmosphère. 

On  sera  peut-être  surpris  de  nous  voir  parler  de  tendance  réaliste. 
Il  n'y  a  pas  de  contrées  en  Europe  où  elle  n'ait  fait  son  apparition,  si  on 
en  excepte,  toutefois,  celles  qui  sont  restées  invinciblement  rivées  aux  tra- 
ditions byzantines  ;  mais,  dans  le  pays  de  Liège,  les  effets  de  cette  tendance 
ne  se  manifestent  jamais  avec  continuité  ni  avec  intensité,  soit  que  les 
artistes  de  la  Meuse  restent  dans  leur  patrie,  soit  qu'ils  se  fixent  à  l'étranger. 

*  * 

Du  XIII®  siècle,  bien  peu  de  monuments  plastiques  sont  arrivés  jusqu'à 
nous. 

On  pourrait  citer  les  curieux  bas-reliefs  de  l'église  Notre-Dame  à  Dinant, 
représentant  des  scènes  du  jugement  dernier,  lesquelles  se  distinguent  par 
la  netteté  et  la  sveltesse  des  formes.  Ils  est  manifeste  qu'une  tendance 
nouvelle  se  fait  jour,  elle  s'affirmera  avec  éclat  dans  le  portail  de  Huy, 
oeuvre  encore  charmante  en  dépit  des  mutilations  qu'elle  a  subies. 

Les  dévastations  dans  l'ancien  pays  de  Liège  ont  été  si  nombreuses  que 
c'est  le  seul  spécimen  de  ce  caractère  et  de  cette  importance  que  nous 
puissions  étudier. 

* 

*  * 

A  la  fin  du  xiv®  siècle,  il  semble  que  nos  contrées  soient  gagnées  à  cette 
manière  qui  nous  venait  du  nord-est.  L'artiste  oublie  les  recettes  anciennes. 
Il  pose  résolument  devant  lui  le  modèle  qu'il  a  pris  dans  le  milieu  qu'il 
fréquente,  et  il  s'attache  à  le  faire  revivre  le  plus  fidèlement  possible  sans 
se  préoccuper  le  moins  du  monde  de  le  rehausser  de  quelque  charme 
d'emprunt.  Le  pays  liégeois  et  les  bords  de  la  Meuse  ne  pouvaient 
échapper  complètement  à  cette  fièvre,  s'il  est  permis  de  s'exprimer  ainsi, 
due  l'on  considère,  pour  s'en  convaincre,  les  oeuvres  des  Van  Eyck,  ces 
artistes  nés  dans  l'ancienne  principauté  ecclésiastique,  ou  bien  ces  char- 
mantes plaques  anonymes  en  argent  ciselé,  provenant,  vraisemblablement, 
de  la  collégiale  de  Saint-Servais  à  Maestricht,  et  dont  M.  Helbig  met  le 
premier  en  lumière  toutes  les  qualités. 


-  3i6  - 

N'oublions  pas  de  mentionner  la  tombe  si  intéressante  de  Colars  Jacoris, 
tailleur  d'images,  laquelle  a  été  transportée  de  l'ancienne  chapelle  des 
Grands-Malades  (Lépreux)  à  l'hospice  Saint-Gilles,  à  Namur. 

On  pourrait  sans  témérité  admettre  que  la  tombe  a  été  exécutée  par 
Jacoris  lui-même,  ainsi  que  M.  J.  Rousseau  le  propose. 

L'examen  que  nous  avons  fait  naguère  du  monument,  nous  confirme 
dans  cette  opinion.  Fait  digne  de  remarque,  l'inscription  a  été  gravée  par 
deux  mains  différentes  ;   les   derniers  mots   donnant  la  date    accusent   une 


hig.  2.  —  Abbaye  de  Westminster.  —  Cénotaphe  de  Philippine  de  Hainaut, 
morte  le  15  août  1369,  épouse  de  Edouard  III,  roi  d'Angleterre,  par  Hennequin 
de  Liège,  (xive  s.) 


réelle  inhabileté.   L'artiste   avait  donc   laissé  en  blanc  l'endroit  destiné  à 
indiquer  le  jour  exact  de  son  décès. 

M.  Helbig  a  très  bien  retracé  la  carrière  du  célèbre  Hennequin  de 
Liège,  qui  fut  pendant  une  série  d'années  le  sculpteur  favori  de  Charles  V, 
roi  de  France.  Combien  il  déplore  la  destruction  de  ce  fameux  tombeau 
dont  Charles  le  Sage  avait  confié  l'exécution  à  l'artiste  liégeois.  Des 
chanoines  lui  substituèrent  un  fastueux  mausolée  ;  tandis  que  l'efïigie 
réfugiée   à    Saint-Denis    était   anéantie   en    1495.    «  Les   principes  de  la 


—  317  ^ 

Renaissance  italienne,  dit  M.  Helbig  à  propos  de  cette  destruction,  por- 
taient leurs  fruits.  Il  s'était  fait,  dans  le  goût  et  dans  les  lois  de  Pesthétique, 
une  révolution  qui,  au  commencement  du  xviii«  siècle,  se  traduisait  par 
lies  actes  de  fanatisme,  témoignant  à  la  fois  d'une  sorte  d'aveuglement 
à  l'endroit  d'œuvres  parfois  exquises,  et,  ce  qui  est  plus  fâcheux,  d'une 
véritable  cécité  morale.  Ailleurs,  comme  à  Rouen,  des  hommes  qui  auraient 
dû  s'instituer  les  gardiens  les  plus  fidèles  des  monuments  de  l'art  élevés  par 
la  religion  dont  ils  étaient  les  ministres,  semblaient  pousser  à  les  détruire 
par  une  méconnaissance  systématique  de  leur  beauté.  Trois  ans  après  la 
destruction  du  mausolée  de  Charles  V  par  les  chanoines  de  la  cathédrale 
de  Rouen,  les  tréfonciers  du  noble  chapitre  de  Saint-Lambert  à  Liège  fai- 
saient disparaître  du  chœur  de  leur  cathédrale  les  tombeaux  historiques 
des  évoques  Jean  d'Enghien,  Louis  de  Bourbon,  Adolphe  de  la  Marck, 
Hugues  de  Pierpont,  oubliant  que  le  mausolée  de  ce  dernier,  au  moins, 
aurait  dû  être  respecté  et  rester  intact  sous  les  voûtes  de  l'édifice  sacré 
dont  l'évèque  avait  été  le  constructeur.  » 

Jean  de  Liège  fut  l'auteur  du  tombeau  de  la  reine  Philippine  à  l'abbaye 
de  Westminster,  «  Il  est,  dit  M.  Helbig,  formé  d'un  cénotaphe  en  marbre 
noir,  historié  de  trente  statuettes,  représentant  les  parents  de  la  défunte 
ou  les  alliés  de  sa  famille.  Elles  sont  posées  sur  des  consoles  ornées  d'un 
décor  de  végétation,  en-dessous  desquels^sont  fixés  des  écus  armoriés,  se 
détachant  sur  des  quatre-feuilles  eti  surmontées  de  dais  et  d'arcatures 
dans  lesquelles  on  voit  des  anges  avec  divers  attributs.  Tout  ce  décor  a 
été  taillé  en  albâtre  légèrement  rehaussé  de  couleurs  et  de  dorures.  La 
végétation  ornementale,  en  général,  était  dorée  ;  les  cottes  d'armes  sont 
peintes  de  leurs  émaux  héraldiques,  et  le  reste  du  costume  est  enrichi 
,de  diaprages  d'une  grande  élégance.  L'effigie  de  la  reine  est  de  grandeur 
naturelle  ;  suivant  l'opinion  d'un  archéologue  anglais  de  grande  compé- 
tence, elle  serait  la  plus  ancienne  des  statues  tombales  de  Westminster 
que  l'on  puisse  considérer  comme  un  portrait  basé  sur  Vétudc  immédiate  de 
la  nature  (W.  Burger).  »  Soulignons  ces^  derniers  mots,  car  ils  ont  leur 
importance.  Il  en  résulterait  donc  que  Hennequin  de  Liège  a  suivi  l'impul- 
sion réahste,  qui  faisait  des  Slutcr  et  de  ses^émules  de  véritables  novateurs. 
Les  comptes  relatifs  à  l'exécution  de  ce  travail  ont  été  publiés  par  Dixon, 
dans  ses  Pells  Records;  voici  la  mention  relative  au  sculpteur:  Jan  20. 
To  Hawkin  (de)  Liège,  from  France  in  money  paid  to  him  in  discharge  of  200 
marks  luJjich  the  lad  the  king  commanded  to  he  paid  to  him  for  making  the  tomh 
of  Philippa,  queen  of  Eiigland,  the  Kiugs  cousort,  hy  iviit  of  Privy  Seal,  133  /.  6. 
s.  8.  d.  « 

A  en    juger    par  le   monument  de  Westminster,    l'artiste    liégeois   se 
distingue  par  beaucoup  de  noblesse  et  d'élégance. 


-  3i8  - 

M.  Helbig  a  pris  soin  de  nous  faire  connaître  plusieurs  statues  de  saint 
Christophe.  Celle  de  Hannut,  qui  est  reproduite  en  gravure,  tient  de  la 
charge  ;  c*est  une  manifestation  naïve  de  Part  populaire,  mais  celle  de 
Huy  est  célèbre.  La  physionomie  du  géant  qui  reflète  une  grande  tristesse 
est  d'un  faire  habile*  Citons,  pour  son  faire  élégant,  la  statue  de  saint 
Germain  (xiv®  siècle),  également  dans  l'église  de  Notre-Dame,  à  Huy. 

*  * 
Avant  M.  Demay,  on   n  avait    guère  songé   à  étudier,  au  point   de  vue 
artistique,  la  sigillographie,  cette  mine  si  riche  de  monuments.  Depuis  les 


Fig.  3  et  -1.  —  Sceau  de  Thierry  de  Fauquemont. 


travaux  du  regretté  savant,  on  aurait  mauvaise  grâce  de  négliger  l'étude 
de  ces  produits  si  intéressants  de  la  sphragistique.  Elles  ont  parfois  l'avan- 
tage de  combler  de  très  regrettables  lacunes  dans  l'histoire  de  Fart.  Pour 
la  fin  du  xii"  siècle  et  le  début  du  xiiF,  on  ne  s'aventurerait  pas  en  affirmant 
que  les  graveurs  de  sceaux  ont  suivi  l'impulsion  des  imagiers.  Obligé  à 
se  borner  par  le  cadre  qu'il  avait  adopté,  M.  Helbig  nous  donne  cepen- 
dant une  idée  du  talent  souple  et  varié  des  artistes  liégeois  des  bords  de 
la  Meuse.  Aussi,  à  en  juger  par  les  spécimens  assez  nombreux  représentés 


—  319  — 

dans  l'ouvrage,  on  voit  que  la  sphragistique  liégeoise  ne  le  cède  en  rien  à 
celle  de  la  Flandre  et  du  Brabant.  Souhaitons  avec  l'estimable  auteur  que 
l'étude  de  ces  ravissantes  productions  occupe  une  plus  large  place  dans 
les  préoccupations  des  critiques  et  des  érudits.  Outre  qu'elle  fournit 
beaucoup  de  réponses  précises  pour  le  costume  et  les  mœurs  de  nos 
ancêtres,  elle  a  le  privilège  de  nous  initier,  sous  une  forme  restreinte, 
aux  progrès  et  à  toutes  les  évolutions  artistiques. 

*  * 

Nous  ne  suivrons  pas  l'auteur  dans  tous  les  intéressants  développements 
au  sujet  des  tombeaux.  M.  Helbig  reproduit  les  tombeaux  de  Jean  de 
Marchin  et  de  Jeanne  de  la  Vaulx-Renard,  conservés  à  Modave,  dont  il  fait 
ressortir  les  qualités. 

La  tradition,  comme  dans  beaucoup  de  cas  analogues,  a  voulu  attribuer 
ces  sculptures  à  des  artistes  italiens.  Nous  ne  voyons  aucune  raison  pour 
admettre  un  fondement  à  cette  attribution.  On  ne  connaît  pas  de  sculp- 
teur italien  travaillant  au  pays  de  Liège  à  cette  époque;  il  y  avait,  en 
revanche,  dans  la  principauté,  des  artistes  très  capables  d'exécuter  sem- 
blable monument.  Si  l'on  se  rend  compte  de  la  difficulté  du  transport  des 
objets  pondéreux  qui  existait  alors,  il  est  peu  probable  qu'un  seigneur  de 
Modave  ait  eu  la  pensée  de  faire  sculpter  son  mausolée  en  Itahe. 

* 

Il  est  à  regretter  que  l'auteur  ne  nous  ait  pas  fait  connaître  les  croix 
par  quelques  reproductions.  M.  Helbig  constate  leur  grande  variété.  Nous 
formons  le  vœu  que  l'auteur  nous  les  fasse  connaître  par  uae  dissertation 
spéciale.  Il  est  peu  d'objets  plus  intéressants,  à  notre  avis,  que  l'étude 
comparative  de  ce  genre  de  monuments,  tant  au  point  de  vue  de  la  liturgie 
que  de  l'esthétique.  Et,  comme  le  dit  très  bien  M.  Louis  Courajod  : 
«  Depuis  la  grande  renaissance  du  xi®  siècle  jusqu'à  nos  jours,  on  pourrait, 
avec  les  calvaires,  écrire  l'histoire  de  l'art  occidental  en  Europe  ^  » 

Nous  recommandons  aux  archéologues  le  chapitre  traitant  de  la  repré- 
sentation de  la  Mère  de  Dieu  et  de  l'enfant  Jésus.  L'auteur  n'a  épargné  ni 
les  données  puisées  dans  les  chroniqueurs  et  dans  les  archives,  ni  les 
gravures  explicatives.  Remarquable  entre  toutes,  la  Vierge  de  saint  Jean 
l'Evangéliste,  Sedes  sapientia.  Nous  citerons  à  ce  sujet  un  spécimen  peu 
connu,  la  Vierge  de  Diest,  qui  reproduit  la  même  donnée  iconographique, 
mais  avec  moms  de  noblesse  et  de  sentiment. 

La  Vierge  de  Saint-Servais  nous  est  arrivée  mutilée.  Heureusement  que 
la  tête  de  cette  charmante  création  n'a  subi  aucun  outrage.  Elle  est  com- 

^  Le  Bulletin  des  Musées.  —  1890,   p.  132. 


—     320    — 

parable  aux  œuvres  les  plus  gracieuses  dues  aux  artistes  de  l'école  fran- 
çaise ;  la  Vierge  de  Maestricht  n'est  pas  d'un  ensemble  bien  agréable  ;  le 
modelé  de  la  figure  décèle  de  l'observation.  Elle  est,  en  tous  cas,  d'un 
caractère  moins  idéal  que  la  Vierge  conservée  à  l'hôtel  de  ville  de  Saint- 
Trond.  M.  Helbig  reproduit,  dans  une  planche. hors  texte,  la  Vierge  de 
l'église  de  Saint-Jacques.  Ici,  il  est  manifeste  que  le  sculpteur  a  été  puiser 
ses  inspirations  chez  nos  voisins  de  l'Est. 

* 
*  * 

M.  Helbig  n'a  traité  l'étude  de  la  dinanderie  qu'autant  qu'elle  avait 
un  rapport  direct  avec  la  plastique  liégeoise.  La  planche  XIX  reproduit 
l'aigle-lutrin,  travail  important  du  liégeois  Jean  de  Hamal,  aujourd'hui 
conservé  à  Freeren,  près  de  Tongres.  Il  a  figuré  avec  honneur  à  l'expo- 
sition rétrospective  de  Bruxelles,  en  1888.  L'aigle  proprement  dit  est 
d'une  facture  puissante.  Il  est  regrettable  que  les  trois  branches  qui 
s'échappent  du  pied  aient  reçu  pour  terminaisons  des  boules  informes. 
Les  amortisssements  des  contreforts  du  pied  constituent  des  adjonctions 
aussi  modernes  que  défectueuses.  Autrefois,  les  branches  dont  il  est  ques- 
tion avaient  vraisemblablement  pour  fonctions  de  porter  des  statues. 
Nous  signalerons,  à  ce  sujet,  l'ancien  lutrin  de  Saint-Pierre,  à  Louvain, 
actuellement  au  couvent  d'Oscott,  en  Angleterre,  et  qui  offre  avec  celui 
de  Freeren  de  frappantes  analogies.  Dans  celui  d'Oscott,  le  dinandier  est 
parvenu  à  former,  de  ces  statues  isolées,  un  groupe  représentant  l'ado- 
ration des  Mages. 

Le  buste  de  sainte  Pynose,  planche  XX,  mérite  d'être  signalé.  «  La 
tête  est  d'une  expression  charmante  qui  semble  indiquer  une  influence 
italienne,  mais  les  détails  du  décor,  d'après  M.  Helbig,  décèlent  sa  parenté 
avec  l'art  régional  mosan.  Le  diadème,  si  peu  gracieux,  dont  cette  figure 
est  affligée,  nuit  à  cette  aimable  création. 

La  dissertation  consacrée  aux  plaques  en  argent  retraçant  des  faits  de  la 
légende  de  saint  Servais,  est  aussi  complète  qu'on  la  peut  souhaiter.  Ces  pla- 
ques, aujourd'hui  la  propriété  du  Musée  des  arts  industriels  à  Hambourg, 
datent  évidemment  du  premiers  tiers  du  xv®  siècle;  la  manière  de  conce- 
voir les  arbres  et  les  fabriques  est  identique  à  celle  usitée  par  les  enlumi- 
neurs de  l'époque  précitée.  Par  le  caractère  énergique  des  têtes,  le  jet  des 
draperies,  le  réalisme  qui  apparaît  dans  les  moindres  détails,  les  plaques 
de  Hambourg  se  rattachent  à  l'école  personnifiée  par  les  Van  Eyck.  En 
d'autres  termes,  ce  sont  des  productions  de  l'art  flamand. 

Sous  Érard  de  la  Marck,  l'art  devait  prendre  un  nouvel  essor.  Parmi  les 
productions  les  plus  intéressantes  qui  ont  échappé  aux  bouleversements  et 
aux  révolutions,  il  faut  citer  le  buste  reliquaire  de  saint  Lambert,  exécuté 


PI.  XII.  —  Buste  de  Richelieu  par  Warin   (xviie  siècle.) 


21 


—    322    — 

par  Henri  Soete,  Suavius  ou  Ledoux,  orfèvre   liégeois  dont  la  famille  était 
originaire  de  Maestricht. 

Saint  Lambert  est  représenté  à  mi-corps,  revêtu  de  vêtements  pontificaux 
et  posé  sur  une  base  hexagonale.  Le  reliquaire  actuel,  comme  le  fait 
remarquer  très  judicieusement  M.  Helbig,  ne  répond  pas  au  plan  que  l'ar- 
tiste s'était  tracé.  Au  lieu  de  ce  buste  dont  les  dimensions  sont  trop  consi- 
dérables, Soete  avait  projeté  d'élever  un  édifice  pour  y  abriter  une  image 
de  saint  Lambert  (vraisemblablement  en  pied)  ainsi  que  cela  résulte  de  la 
présence  dans  la  base  de  piliers  tronqués,  et  qui,  arrivés  à  la  hauteur  vou- 
lue, auraient  eu  pour  fonctions  de  supporter  le  dais.  Mais  Erard  arrêta  le 
travail  pour  faire  apparaître,  sous  ses  propres  traits,  son  saint  prédéces- 
seur. L'inspiration  malencontreuse  du  grand  prélat  nous  a  valu  un  monu- 
ment d'un  goût  discutable.  Mais  tel  qu'il  est,  il  restera  toujours  cher  à  tout 
vrai  Liégeois.  Aux  jours  des  solennités,  dans  le  faste  d'une  procession,  le 
buste  projette  sur  tout  ce  qui  l'entoure  les  feux  étincelants  de  l'or  et  des 
pierreries.  S'il  n'évoque  pas  l'image  d'un  saint,  il  rappelle  du  moins  la  phy- 
sionomie d'un  prince  qui  a  occupé  une  grande  place  dans  l'histoire  de  la 
principauté  ecclésiastique. 

L'auteur  analyse  ensuite  en  détail  l'important  retable  de  l'Église  Saint- 
Denis  et  croit  pouvoir,, pour  divers  motifs,  le  restituer  à  Soete.  —  Les 
bas-reliefs,  ayant  trait  à  la  vie  du  saint,  concorderaient,  à  son  avis,  avec 
les  mêmes  similaires  du  buste.  Il  n'est  pas  impossible,  encore  moins  invrai- 
semblable, que  les  bas-reUefs,  se  rapportant  à  la  vie  de  saint  Denis,  ne  soient 
dus  à  un  autre  artiste.  Quel  qu'il  soit,  il  est  étranger  aux  bas-rehefs  du 
buste  reliquaire  de  Saint-Lambert,  et  appartient  à  un  des  puissants  atehers 
brabançons  qui  inondaient  nos  contrées  de  leurs  nombreuses  productions 
(p.  156). 

M.  Helbig  fait  allusion  à  l'ancien  retable  de  Venraij,  sous  Venloo,  ac- 
tuellement dans  l'égHse  Notre-Dame  à  Tongres.  Il  en  eût  fait  l'objet  d'un 
examen  approfondi,  s'il  était  possible  de  l'attribuer  avec  quelque  certitude 
à  un  sculpteur  des  bords  de  la  Meuse.  «  Mais  il  n'est  pas  possible,  dit-il,  qu'il 
émane  d'un  imagier  du  Bas-Rhin  ;  nous  avons  préféré  laisser. cette  œuvre 
intéressante  en  dehors  du  cadre  de  notre  étude.  » 

Ce  monument  nous  intriguait  :  l'ordonnance  des  scènes  et  le  caractère 
des  figures  nous  l'avait  fait  restituer,  dès  le  début,  à  l'école  brabançonne. 
Il  est  constaté  depuis  longtemps  que  cette  œuvre  porte  la  marque  des 
tailleurs  d'images  anversois.  L'auteur  s'y  est  inspiré,  évidemment,  des 
productions  bruxelloises,  dont  le  retable  de  Notre-Dame  à  Lombeek  peut 
être  considéré  comme  une  des  manifestations  les  plus  importantes. 

* 
*  * 

Nos  contrées  subissaient,  chacune  à  son  tour,  l'influence  de  la  Renais- 


—  323  — 

sance.  Liège  devait  avoir  fatalement  le  sien.  L'artiste  qui,  dans  la  princi- 
pauté ecclésiastique,  accueillit  avec  le  plus  de  faveur  les  idées  nouvelles,fut 
Lambert  Lombart.A  la  fois  peintre, architecte,  graveur,  antiquaire  et  poète, 
il  exerça,  sur  les  artistes  de  son  temps,  une  influence  notable  par 
l'étendue  et  la  variété  de  ses  connaissances.  Aussi  peut-il  être  considéré,  à 
bon  droit,  comme  un  initiateur,  sinon  comme  un  novateur.  Avec  lui,  com- 
mence la  période  moderne  de  l'art  liégeois. 

M.  Helbig  donne  beaucoup  de  renseignements  inédits  sur  le  compte  d'ar- 
tistes du  xviie  et  du  xviiie  siècle  à  peine  connus  ou  mal  connus. 

Le  chapitre  consacré  à  Warin  est  très  attrayant.  L'auteur  éclaire  très 
bien  la  physionomie  de  l'artiste.  Cet  homme  heureux  qui,  échappé  comme 
par  miracle  à  la  potence,  devint,  sans  transition,  l'artiste  favori  de  Riche- 
lieu, auquel  il  était  redevable  de  l'existence.  Tailleur  de  coins  sans  rival,  il 
organise  la  Monnaie  à  Paris  ;  sculpteur  de  mérite,  il  se  voit  honoré  des 
faveurs  de  Louis  XIV.  Il  exécuta  des  médailles  en  commémoration  des  évé- 
nements les  plus  considérables  du  règne  de  Louis  XIII  et  de  la  régence 
d'Anne  d'Autriche,  et,  en  mourant,  il  légua  à  Louis  XIV  la  statue  qu'il  avait 
faite  du  grand  monarque. «  Si  Warin  s'est  montré  grand  sculpteur  dans  ses 
médailles,  dit  M.  Courajod,  il  s'est  montré  quelque  peu  graveur  de  médail- 
les dans  ses  statues.  »  —  «  Nous  ne  pouvons  pas,  toutefois,  dit  M.  Helbig, 
nous  ranger  à  son  opinion,  lorsqu'il  prétend  reconnaître  un  caractère  exclu- 
sivement flamand  au  buste  de  Louis  XIII  et  aux  œuvres  plastiques  de 
l'artiste.  Il  serait  d'ailleurs  assez  difficile  d'expHquer  où  Warin  aurait  pris 
les  traditions  et  le  style  de  Part  flamand.  Les  artistes  des  bords  de  la 
Meuse  n'y  ont  jamais  incliné  et  ne  pouvaient  le  faire,  ni  par  les  affinités  de 
race,  ni  par  des  analogies  de  tempérament.  En  ce  qui  concerne  le  célèbre 
graveur  de  médailles  dont  l'art  français  s'enorgueillit,  il  n'a  été,  à  aucune 
époque  de  sa  vie,  en  contact  avec  l'art  des  Flandres.  Il  a  passé  directement 
des  ateliers  du  monnayage  du  comte  de  Rochefort  à  ceux  du  roi  de 
France  ;  c'est  à  Paris  que  Warin  a  formé  son  goût  et  son  style.  »  Il  y  a 
lieu  toutefois  de  faire  remarquer  que,  sous  Louis  XIII,  les  artistes  français 
s'inspirent  des  arts  somptuaires  de  la  Flandre. 

La  biographie  de  Jean  Delcour  est  fort  bien  étudiée.  L'élève  favori  du 
Bernin,  le  travailleur  consciencieux  et  fécond  revit  devant  nous.  11  semble 
qu'il  n'ait  jamais  connu  d'autre  passion  que  celle  de  son  art  et  de  son  métier. 
En  eff'et,  cet  artiste  accueillait  indiff"éremment  grand  et  petit  travail,  perpé- 
tuant ainsi  les  traditions  en  honneur  si  longtemps.  L'artisan  sauvait,  quand 
les  commandes  somptueuses  se  faisaient  rares,  l'artiste  de  la  gêne  et  de  la 
pénurie.  L'auteur,  pas  plus  ici  que  dans  tout  son  bel  ouvrage,  n'a  négligé 
l'étude  du  côté  humain  et  moral,  se  souvenant  qu'une  œuvre  d'art  est  tou- 
jours le  témoin  sincère  de  son  époque. 

J.  Destrée. 


324 


VIII 


UPPLÉMENT  AUX  RECHERCHES  SUR  LES  MONNAIES  DES    COMTES    DE  HaINAUT^ 

DE  Renier  Chalon,  par  Alphonse  de  Witte.  Bruxelles,  R.  Dupriez, 
1891.  Un  beau  volume  in-4°,  de  52  pages  avec  deux  planches  et  deux 
figures  intercalées  dans  le  texte. 

Feu  M.  Chalon,  le  regretté  et  érudit  académicien,  président  d'honneur 
à  vie  de  la  Société  royale  de  numismatique  de  Belgique,  avait  déjà  pubUé 
trois  suppléments  à  ses  Recherches  sur  les  monnaies  des  comtes  de  Hainaut,  et> 
plus  tard,  il  découvrit  encore  quelques  pièces  inédites  des  souverains  hen- 
nuyers. 

Après  la  mort  de  cet  éminent  numismate  belge,  M.  le  conseiller  J.  Dele- 
court  remit  les  quelques  matériaux  déjà  réunis  par  son  beau-père,  à  notre 
honorable  confrère  M.  Alphonse  de  Witte,  le  savant  bibliothécaire  de  la 
Société  royale  de  numismatique  de  Belgique,  sachant  que  M.  Chalon  comp- 
tait le  charger  du  texte  de  son  quatrième  supplément. 

Les  recherches  personnelles  faites  par  M.  de  Witte  aux  Archives  géné- 
rales du  royaume  et  dans  divers  cabinets  du  pays  et  de  l'étranger,  l'ont 
mis  à  même  de  parfaire,  dans  une  large  mesure,  ces  premières  données  et 
de  publier  ainsi,  à  la  monographie  de  M.  Chalon,  un  précieux  complément 
où  il  nous  fait  connaître  vingt-et-une  pièces,  restées  jusqu'ici  inédites, 
tandis  qu'il  y  a  introduit  plusieurs  rectifications  importantes. 

A  la  fin  de  son  volume,  l'auteur  a  ajouté  sept  documents  relatifs  à  la 
Monnaie,  comme  pièces  justificatives. 

Les  planches,  dues  à  l'habile  burin  de  M.  G.  Lavalette,  rendent  les  mon- 
naies avec  une  fidélité  irréprochable. 

Nous  félicitons  bien  vivement  M. de  W^ittede  son  intéressante  publication, 
qui  lui  fait  le  plus  grand  honneur  et  qui  vient  dignement  occuper  sa  place 
à  côté  des  doctes  volumes  de  M.  Chalon. 

Qe  M.  N. 


IX 


ONNAIES  RÉCEMMENT  DÉCOUVERTES    DANS  LES  CIMETIÈRES  FRANCS  d'ÉpRAVE 

(province  de  Namur),  par  g.  Cumont. 

Dans  les  annales  de  notre  Société,  tome  IV,  pp.  301-305,  nous  avons 
donné  un  compte-rendu  de  l'excellent  travail  de  notre  savant  vice-prési- 


—  325   — 

dent,  M.  Georges  Cumont,  sur  de  curieuses  monnaies  franques  découvertes 
dans  les  cimetières  francs  d'Éprave. 

Depuis  la  publication  de  cette  notice,  les  fouilles  ont  été  continuées  au 
cimetière  de  la  Croix  rouge,  M.  Cumont  leur  a  consacré  un  nouvel  article 
dans  la  Revue  belge  de  Numismatique,  1891,  pp.  2  [9-222.  Il  nous  y  apprend 
qu'il  est  démontré  que  ce  cimetière  servait  encore  aux  inhumations  pen- 
dant le  vie,  et  même  jusqu'au  vu®  siècle. 

Dans  une  des  sépultures,  on  a  trouvé  une  petite  monnaie  d'argent  de 
Théodoric,  roi  des  Goths  d'Italie  (493-526)  ;  dans  une  autre  tombe,  a  été 
découvert  un  triens,  à  fleur  de  coin,  de  Justinien  (527-566),  qui  n'est, 
peut-être,  qu'une  imitation  serviie,  faite,  avec  un  certain  talent,  par  un 
artiste  barbare, 

0«M.  N. 


AN  SCHOONBEKE  EN  HET  MaAGDENHUIS    VAN    AnTWERPEN,     par    Ed.   GeU- 

DENS.  Antwerpen,  drukkerij  L.  Delà  Montagne,  1889  ;  in-8'*,  154  p.  ; 
avec  tables. 

M.  Geudens,  déjà  avantageusement  connu  par  sa  monographie  de 
V Hôpital  Saint-Julien,  nous  fournit,  dans  son  nouvel  ouvrage,  une  importante 
contribution  à  l'histoire  de  l'antique  cité  de  l'Escaut. 

Het  Maagdenhuis,  asile  pour  les  enfants  trouvés  du  sexe  féminin  et  les 
orphelines  pauvres,  fut  fondé  en  1552,  par  un  riche  négociant  de  la  ville, 
Jean  van  der  Meeren.  De  nombreuses  donations  vinrent  augmenter  ses 
revenus.  La  plus  considérable  fut  celle  des  héritiers  du  célèbre  Gilbert  van 
Schoonbeke,  mort  en  1556,  dont  la  succession,  restée  indivise,  fut  attri- 
buée, environ  quatre-vingts  ans  après,  aux  aumôniers  de  la  ville,  au  profit 
de  cette  œuvre  de  bienfaisance. 

C'est  au  génie  et  à  l'esprit  d'initiative  de  van  Schoonbeke  qu'Anvers 
est  redevable  des  plus  notables  embellissements  qu'elle  a  vu  se  réaUser 
au  XVI®  siècle.  Ce  personnage  décéda  commis  et  conseiller  des  domaines 
et  finances. 

Le  beau  livre  de  M.  Geudens  donne  des  détails  pleins  d'intérêt  sur  un 
genre  d'institutions  charitables  peu  traité  jusqu'à  présent  par  les  histo- 
riens ;  il  contient,  de  plus,  des  renseignements  précieux  sur  un  grand 
nombre  de  familles  patriciennes  d'Anvers. 

Une  petite-fille  dudit  Jean  van  der  Meeren,  Marguerite  van  Nispen, 
épousa  Gilles  van  Eyckelberg,   dit  Hooftman,    seigneur  de  Cleydael  et 


—  326  — 

d'Aertselaer,  richissime  négociant,  une  des  plus  curieuses  figures  anver- 
soises  du  xvi«  siècle.  Une  fille  de  ces  époux,  Anne,  devint  la  femme  d'Olivier 
Cromwell,  oncle  du  fameux  Lord-protecteur  d'Angleterre. 

L'amateur  d'histoire  lira  avec  plaisir  ces  pages,  puisées  exclusivement 
dans  les  actes  authentiques  de  Tépoque.  C'est  avec  non  moins  de  plaisir 
que  l'archéologue  suivra  l'auteur  dans  sa  visite  à  la  mortuaire  de  Schoon- 
beke,  pour  examiner  avec  lui  le  mobilier  et  les  œuvres  d'art  d'un  ama- 
teur du  vieux  temps. 

Plusieurs  planches  :  une  vue  du  Maagdenhuis  ;  les  portraits  de  Schoon- 
beke  et  de  sa  fille  Éléonore  ;  un  autographe  fac-similé  de  Jean  van  der 
Meeren  ;  un  sonnet  des  xvie-xvii®  siècles,  avec  musique,  et,  enfin,  un 
groupe  allégorique  du  Maagdenhuis  —  une  femme  assise,  recueillant  un 
enfant  nu  qui  lui  tend  ses  petits  bras  —  ornent  ce  volume  dont  la  confec- 
tion typographique  est  à  la  hauteur  du  texte,  œuvre  d'un  chercheur 
infatigable  et  consciencieux. 

J.-Th.  de  R. 


MELANGES' 


TOUTES     LES    COMMUNICATIONS     INSÉRÉES    SONT     PUBLIÉES    SOUS     LA    RESPONSABILITÉ 
PERSONNELLE    DE    LEURS    AUTEURS 


BELGIQUE 

atherine  van  dep  Ryt  et  son  mari,  Evepard  T'Sepclaes,  che- 
valiep,  seigneup  de  Cpuquemboupg-,  fondent,  en  l'église 
Sainte-Gudule,  à  Bpuxelles,  un  annivepsaipe  à  la  mémoipe  de 
feu  Gossuin,  chanceliep  de  Bpabant,  et  de  feue  Cathepine  Smeets, 
son  épouse,  pèpe  et  mèpe  de  ladite  dame  ;  le  14  juin  1479. 

Notum  sit  universis  quod  domina  Katherina  van  der  Ryt,  fîlia  quondam 
domini  Gosuini  van  der  Ryt,cancellarii  dum  vixit  illustrissimi  principisducis 
Burgundie,  Brabantie,  etc.,  quam  habuit  a  quondam  domicella  Katherina 
Smeets,  sua  légitima  conthorali,  et  Dominus  Everardus  dictus  T'Serclaes, 
miles,  dominus  de  Cruykenborch,  etc.,  eius  maritus  et  tutor  legitimus, 
promiserunt  dare  annuatim  et  hereditarie  domino  Willelmo  dicto  Goetkint, 
presbitero,  recipienti  et  acceptant!  nomine  et  ad  opus  anniversarii  dictorum 
quondam  domini  Gossuini  van  der  Ryt  et  Katherine  Smeets,  perpetuis  tem- 
poribus  in  ecclesia  béate  Gudile  bruxellensis  celebrandi,  quolibet  videlicet 
anno  duos  florenos  denarios  aureos,dictos  Rynschegulden,quinque  videlicet 
solidis  grossorum  Brabantie  bonorum  et  Icgaliuni  aut  valoris  eorundem  pro 
utroque  dictorum   florenorum    computatis  semper  in  festo  natalis  domini 

1  Nous  devons  toutes  les  notes  publiées,  sous  ce  titre,  dans  cette  livraison,  à 
l'obligeance  de  M.  J.-Th.  de  Raadt,  secrétaire  de  la  Société  d'Archéologie  de 
Bruxelles.  ("Note  de  la  Commission  des  publications) . 


—   328   — 

solvendos,  in  modum  sequentem  distribuendos,  videlicet  pro  una  quarta 
parte  ad  opus  raaiorum  canonicorum  in  dicta  ecclesia  sancte  Gudile,  pro 
secunda  quarta  parte  ad  opus  minorum  canonicorum  et  communium 
capellanorum  in  eadem  ecclesia,  et  pro  reliquis  duabus  quartis  partibus 
ad  opus  capellanorum  presbiterorum  missas  temporedicti  anniversarii  cele- 
brantium;  et  proinde  obligaverunt  ei  ad  opus  predictum,  titulo  veri 
pignoris,  domistadium  cum  omnibus  domibus  tam  ante  quam  rétro  super- 
stantibuSjOrto,  stabulo  rétro  adjacentibus  etsingulis  suis  aliispertinentiis  et 
omnibus  eius  appendiciis  sitis  iuxta  ecclesiam  sancte  Gudile  predictam,inter 
bona  relicte  et  liberorum  quondam  Pétri  Sblonden,  ex  una  parte,  etbona  Hen- 
rici  didi  Magnus,  militis,  ex  altéra,  venientibus  rétro  partim  ad  bona  predic- 
torum  relicte  et  liberorum  quondam  Peiti  Sblonden,  et  partim  ad  bona  dicti 
domini  Henrici  Magnus  et  ibidem  sufficienter  assignatis  pro  allodio  tali  con- 
ditione  mediante  quod  predicti  promittentes  quandocunque  eis  imposterum 
potius  placuerit,  quitare  poterunt  et  redimere  dictos  duos  florenos  dena- 
rios  aureos,  dictos  Rynsgulden,  simul  et  unica  vice  utrumque  exinde 
florenum  denarium  aureum,  dictum  Rynsguldenen,  pro  et  mediantibus  de- 
cem  et  octo  consimilibus  florenis  denariis  aureis,  dictis  Rynschegulden, 
valoris  praedicti,  semel  tradendis,  et  cum  censu  terminipost  diem  quitatio- 
nis  huiusmodi  proximo  casuram  ac  cum  hiis  se  et  sua  dicta  bona  de  censu 
sic  quitalo  alleviare  et  exonerare.  Testes  sunt  Hemicus  dictus  Cluelînck  et 
Henricus  dictus  Loenys,  scabini  bruxellenses,  quorum  sigilla  presentibus 
sunt  appensa.Datum  anno  domini  millesimo  quadrigentesimo  septuagesimo 
nono,  die  décima  quarta  mensis  junii.  Sic  signatum  G.  T'Serclaes. 

(Cartularium  Sanctge  Gudilas  de  Bruxellis,  f°  22  ;  provenant  de  la  vente 
de  Cheltenham  ;  Archives  générales  du  Royaume.) 

L'anniversaire  du  chancelier  van  der  Ryt  se  célébrait,  en  l'église  Sainte- 
Gudule,  le  26  avril.  Le  registre  n"  338,  des  archives  de  la  Collégiale, 
porte,  sous  cette  date  :  Magister  Goswinus  van  der  Ryt,  cancellarius  Brabantie, 
leeght  bij  sinte  Lysbelfen  onder  eenen  blauwen  steen  met  lattoone,  met  synder  divisen  : 
plus  boni  plus  mali. 


Un  fragment  de  compte  de  Philippe  le  Bon. 

Notre  excellent  confrère,  M.  le  major  Combaz,  vient  de  trouver  un 
curieux  parchemin  qui  servait  de  couverture  à  VAlmanach  van  Milanen 
VQor  het  jaer  IX  der  fransche  Republieke  waer  achter  volgt  den  Gregoriaenschen  alma- 
nach  voor  het  Jaer  MDCCCL  Toi  Cent,  by  de  weduwe  Michel  de  Goesin  recht 
over  den  ouden  Raed. 

Ce  parchemin  constitue  le  fragment  d'un  compte  de  la  cour  braban- 


7  ( 


-» 4;^^éviî^  ^jx^>^   rv^^w^ /ivs^M^   "XV>^^  '^ 


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PI.  XIII.  —  Fragment  de  compte  de  Philippe  le  Bon.  (En  possession 
de  M.  le  major  Combaz.) 


-   331  — 

çonne.  A  la  lecture  de  cette  pièce,  nous  avons  rencontré  deux  mots,  ou 
mieux  dit  deux  abréviations,  dont  nous  ne  parvenions  pas  à  trouver  la 
juste  interprétation.  Ayant  soumis  le  document  à  notre  honorable  confrère 
et  ami,  M.  Jean  van  Malderghem,  archiviste-adjoint  de  la  ville  de  Bru- 
xelles, celui-ci  vient  de  nous  adresser  à  ce  sujet,  l'intéressante  lettre  sui- 
vante. 

Bruxelles,  le  23  avril,  1891. 
Mon  cher  ami,  y 

Saviez-vous  qu'au  xv^  siècle  on  fabriquait  quelquefois  le  pain  avec  du 
cumin  et  qu'on  en  mangeait  ainsi  préparé  à  la  cour  du  duc  de  Bourgogne  ? 
Non,  je  suppose,  car  ni  les  glossaires,  ni  les  études  spéciales  qui  ont  été 
faites  sur  les  denrées  au  moyen  âge  n'en  disent  rien.  Et  pourtant  c'est  ce 
que  nous  apprend  le  curieux  fragment  de  compte  de  143 1  que  vous  avez 
bien  voulu  me  communiquer. 

En  effet,  on  y  lit  : 

Pain  de  bouche. 

De  Jehan  de  Milan 

De  lui  pain  de  comin  ij^  xviij  douiaines 

Vous  me  demanderez  sur  quoi  je  me  base  pour  être  aussi  affirmatif.  Je 
vais  vous  l'expliquer  ;  la  chose  en  vaut  la  peine,  puisque  Alfred  Franklin 
lui-même,  dans  son  remarquable  ouvrage  sur  la  vie  privée  d'autrefois  {Les 
Repas),  paru  en  1889,  i^'en  fait  pas  mention.  M.  Frankhn,  comme  vous  ne 
l'ignorez  pas,  est  l'auteur  d'un  beau  travail  bibliographique  intitulé  :  Les 
sources  de  Vhistoire  de  France,  fort  apprécié  des  savants.  C'est  donc  une  auto- 
rité. Connaissant  si  parfaitement  les  sources,  il  paraîtrait  étonnant  qu'un 
détail  aussi  curieux  et  aussi  intéressant  que  celui  qui  nous  occupe,  lui  eût 
échappé.  Mais  il  faut  croire  que  ce  détail  n'est  révélé  nulle  part,  ou  que  le 
mot  qui  l'exprime  a  été  mal  lu  dans  les  anciens  textes,  ou  mal  interprété. 
Cependant  le  cumin  est  d'un  usage  très  ancien.  Déjà  Joinville  en  parle  dans 
son  Histoire  de  Saint-Louis,  à  propos  de  l'Egypte  :  sèment  là  froment,  ris,  orges, 
commins. . . 

Le  dictionnaire  de  Trévoux  dit  que  le  comin  (cumin)  entre  dans  plusieurs 
préparations.  Aujourd'hui  encore,  en  Hollande,  on  en  met  dans  certain  fro- 
mage qu'on  appelle  Komijne  kaas.  C'est  même  cette  particularité  qui  m'a 
conduit  à  comparer  le  mot  français  au  mot  flamand  et  d'en  tirer  la  déduc- 
tion qu'il  pouvait  y  avoir  affinité  dans  leur  signification.  En  effet,  bien 
qu'on  ait  jadis  employé  l'expression  vin  de  commun  et,  peut-être,  dans  le 
même  sens,  pain  de  commun,  il  n'était  pas  possible  de  donner  cette  orthogra- 
phe au  mot  abrégé,     ^/       .  Pour  en  faire  commun,  il  aurait  évidemment 


égé,     9/ 


fallu     0/    7    ,  avec  un  jambage  de  plus.  Après  le  signe  conventionnel  de 


—  332  — 

la  première  syllabe,  la  lettre  w,  comme  initiale  de  la  deuxième  syllabe, 
était  également  inadmissible.  C'était  donc  bien  comin  qu'il  fallait  lire,  et  ce 
qui  le  prouve  surabondamment,  c'est  que,,  en  Allemagne,  on  mélange 
encore  assez  souvent  le  cumin  dans  la  pâte  avec  laquelle  on  prépare  le  pain. 
Voilà  donc  une  question  vidée. 


* 
*  * 


Je  passe  maintenant  à  l'examen  de  la  fameuse  abréviation 


jT^^qui, 


de  même  que  la  précédente,  ne  figure  dans  aucun  traité,  pas  plus  dans  ceux 
de  Chassant,  publiés  en  1884  et  1885,  que  dans  celui  de  Prou,  paru  en 
1890. 

Étant  donné  que  la  lettre  g  avec  sa  boucle  à  crochet  relevée  au-dessus 
de  la  tête  ne  pouvait  se  traduire  que  par  ^^r,  gar^  ou,  au  besoin,  par  gre,  gra, 
gro,  je  me  demandais  d'abord  s'il  serait  permis  de  \ivt  garnuisse  ou  grenuisse, 
pour  garnache  ou  grenache,  nom  d'un  vin  que  l'on  buvait  beaucoup  au 
moyen  âge  et  qui  est  encore  connu  de  nos  jours,  comme  vous  le  savez. 
Mais,  ni  Du  Cange,  ni  Lacurne  (je  me  borne  à  citer  les  principaux  auteurs), 
ne  fournissent  d'exemple  d'une  variante  aussi  étrange  que  gamuisse  ou  gre- 
nuisse.  Au  surplus,  les  ordonnances  de  Bruxelles  sur  les  vins  (xv®  siècle)  ne 
mentionnent  parmi  les  vins  dont  le  nom  pourrait  commencer  par  gar^  ger^ 
gra,  gre,  gro  que  le  vin  de  grenache  ou  garnache.  C'est  après  ces  recherches 
infructueuses  que  je  me  suis  demandé  s'il  ne  conviendrait  pas  de  traduire 
l'abréviation  par  garnison. 


Dans  l'analyse 


W^    ==  ni 


P 


r=  son,    et  autres  finales,    à    preuve   ces    deux 


exemples  suivants  tirés  du  même  texte  :  mon3  =  [mon-]  seigneur. 

cuij6  =  [cui-]  sinier. 

Or,  garnison  répond  parfaitement  au   sens  exact  du  texte,  comme  vous 
allez  le  voir  : 

Nus  ne  nous  osoit  venir  de  Damiette  pour  apoHer  garnison  couiremont  Vyaue  pour 
lourgalies. . .  dit  Joinville. 

Et  Froissart  :  Si  se  saisi  dou  Chastiel  et  de  la  ville  et  y  mist  ses  gens  dedens  et 

ses  garnisons Comment  estes  vous  si  osés  que  de  vous  mettre  sur  les  champs  et  de 

cueillir  et  embler  (dérober)  la  garnison  des  laboureurs 


-    333   — 

Approvisionnement^  tel  est,  par  conséquent,  la  signification  du  mot  garnison 
dans  les  anciens  textes,  du  moins  dans  l'acception  particulière  qui  nous 
intéresse  ici,  et  c'est  ainsi  que  l'explique  aussi  Du  Cange. 

On  doit  donc  lire  vin  de  garnison,  pour  vin  (T approvisionnement^  vin  de 
provision,  c'est-à-dire  pour  vin  de  réserve,  vin  en  cave. 

Maintenant,  que  les  deux  difficultés  sont  levées,  le  fragment,  que  je 
vous  renvoie  avec  la  présente,  peut  être  transcrit  complètement.  Il  mé- 
rite, de  plus,  d'être  publié  en  fac-similé,  puisqu'il  révèle  des  données  paléo- 
graphiques inédites  et  des  détails,  également  inédits,  qui  peuvent  servir  à 
compléter  ce  que  l'on  sait  déjà  sur  la  vie  d'autrefois. 

Je  reste,  mon  cher  ami,  votre  très  dévoué, 

Jean  van  Malderghem. 

En  remerciant  vivement  notre  aimable  correspondant,  nous  nous  plaisons 
à  reconnaître  l'exactitude  des  lectures  proposées  par  lui,  et  n'hésitons  pas 
à  les  insérer  dans  notre  copie  de  ce  curieux  document. 

Voici  cette  copie  : 

Venredi  x^  jour  daonst  lan  mil  iiij^  xxxj  Monseigneur  le  duc 
Madame  la  duchesse  de  Bourgoingne  et  de  Brabant,  et 
Anihoine  Monseigneur  tout  le  jour  a  Brouxelles,  aux 
despens  de  monditseigneur,  escu  xx  sols  a  la  valeur  de  xl  gros 
monnoie  de  Flandres. 

Pannetier  par  Jehan  de  Molant 
Pain  de  bouche 

de  Jehan  de  Milan  vjxx  douzaines 
de  lui  pain  de  comin  ij^  xviij  douzaines 
Jehennin  Briffant  pour  façon  doublées  ij  sols 
Guillame  Aubrake  pour  iij  loi   de  moustarde  vj  sols 
Cardon  pour  beurre  frais  xviij  deniers 

Guillame  le  Galois  pour  viij  livres  de  sucre   iiij   livres   xvj  sols. 
Argent    Cv    sols   vj    deniers 

ESCHANÇON  PAR  ChANTEMERLE 

Vin  de  garnison  compté  le  ij^  jour  de  ce  mois  huy   despensé  x  m.  ^  et  demi 
Gilet  du  Celier  pour  iij  pintes  d'ypocras  xvj  sols  vj  deniers 
Jehan  de  le  Beke  pour  ij  cacques  de  seivoise  xxiij  sols  iij  deniers 
Somme  du  vin  despensé  x  m.  ^  et  demi 
Argent  xxxix  sols  ix  deniers 
Cuisinier  par    Loys    Duvegny 
Macé  et  Richart  pour  iij  milliers  et  iij^  dœfs   xiiij  livres  xvij  sols 
A  eulx  pour  iiij  fromages  de  gain  xij  sols..  .. 

*    Cette  lettre   m   est  l'initiale  de   inuid   ou  de   mesure. 


—  334   — 


ht  fac-similé  de  Poriginal  permettra  au  lecteur  d'apprécier  si  cette  copie 
est  rigoureusement  fidèle. 


*  * 


A  part  les  deux  points  traites  par  M.  van  Malderghem,  notre  fragment  de 
compte  présente  encore  un  double  intérêt,  économique  et  généalogique. 
Il  nous  fait  connaître  les  prix  que  coûtaient,  en  143 1,  certaines  épices, 
victuailles  et  boissons,  tels  que  moutarde,  sucre,  œufs,  fromage,  hypocras 
et  cervoise.  On  remarquera  notamment  que  le  sucre  se  payait  alors  un  prix 
si  exorbitant  (plus  d'une  demi-livre  par  livre),  qu'il  ne  pouvait  figurer  que 
sur  la  table  des  plus  riches  personnages. 

Voyons  maintenant  l'intérêt  généalogique  qu'offre  -notre  parchemin.  Le 
duc  et  la  duchesse  de  Brabant  et  de  Bourgogne  qui  y  sont  mentionnés 
sont,  évidemment,  Philippe  le  Bon  et  sa  troisième  femme,  Isabelle  de  Por- 
tugal, fille  du  roi  Jean  l^'.  Mais  qui  est  Monseigneur  Antoine  ?  Les  ouvrages 
que  nous  avons  consultés  d'abord  ne  nous  ayant  pas  renseigné  d'autres 
enfants  de  ces  époux  princiers  que  Charles  le  Téméraire,  nous  étions  à 
nous  demander  si  le  duc  n'avait  pas  emmené  à  Bruxelles,  le  10  août  143 1, 
celui  de  ses  nombreux  enfants  naturels  qui,  plus  tard,  s'est  rendu  si  célèbre 
sous  le  nom  du  Grand  Bâtard  et  qui,  alors,  se  trouvait  dans  sa  dixième 
année.  Nos  recherches  ont,  toutefois,  établi  que  Philippe  et  Isabelle  ont 
eu,  avant  la  naissance  de  Charles,  deux  fils  :  Antoine  et  Josse,  qui  tous 
deux,  moururent  en  bas  âge. 

C'est  donc,  à  n'en  pas  douter,  de  ce  prince  Antoine,  alors  âgé  de  moins 
d'un  an,  qu'il  est  question  dans  notre  compte. 

Cet  enfant  fut  enterré  dans  le  chœur  de  l'église  Sainte-Gudule.  Son  anni- 
versaire s'y  célébrait  le  8  février  ^ 

Puisque  nous  venons  de  parler  du  Grand  Bâtard,  rectifions  une  erreur 
commise  par  les  généalogistes,  à  propos  de  sa  mère. 

Celle-ci  s'appelait  Jehannette,  et  non  pas  Yolande,  de  Presles  ou  Presle. 
Les  comptes  de  Jehan  Abonnel,  receveur  de  Phifippe  le  Bon  ^,  nous  ap- 
prennent des  détails  pleins  d'intérêt  à  son  sujet.  Le  duc  la  donna  pour 
femme  â  un  de  ses  huissiers  d'armes,  Hennequin  de  Fretin,  en  la  dotant  de 
beaux  cadeaux,  consistant  en  peaulx  d'aigneaulx,  engorges  de  maiires,  letices, 
menuvair,...  dou^e  aidnes  d^escarlatte  et  viij  aulnes  d'autre  drap  d^Yppre;  il 
poussa  la  libéralité  jusqu'à  défrayer  Michelette  du  Buisson,  cousine  de  la 

1  Le  registre  No  338,  des  archives  de  Sainte-Gudule,  porte  :  S  fehruarius  {anniver- 
saire de)  Dominus  Antonius,  primo^enitus  Domini  Philippin  Bràbantie  ducis  ;  ponuntur 
candele  ad  tunibam  in  choro. 

L'anniversaire  de  Philippe  le  Bon  se  célébrait  le  15  Juin  (ibidem). 

2  Année  1432-33.  Voyez  Les  ducs  de  Bour^osne,  par  le  Comte  de  Laborde,  preuves. 


—  335  — 

mariée,  du  voyage  qu'elle  avait  fait,  de  Paris  à  Bruxelles,  pour  assister  aux 
nopces  de  sa  parente. 

Nous  remercions  M.  le  major  Combaz  de  nous  avoir  autorisé  à  publier 
l'intéressant  parchemin  dont  il  doit  la  découverte  à  un  heureux  hasard. 
Notre  collègue  pense  que  d'autres  exemplaires  de  l'almanach,  dont  la  cou- 
verture recelait  ce  petit  trésor,  pourraient  bien  être  reliés  dans  les  frag- 
ments du  même  manuscrit.  Ce  serait  à  rechercher.  Avis  aux  amateurs  ! 


Notes  sur  quelques  anciens  artistes  bruxellois. 

Domicdla  Aleydis  van  der  Eycken,  dicta  van  Beerte,  filia  Willemi  van  der  Eycken, 
didi  van  Beerte  y  aurifabri,  et  Johannes  fdius  natiiralis  quondam  Ottonis  dictt  de 
Hertoghe,  eiusmatitus,  donnent  à  l'église  Sainte-Gudule  un  cens  de  i  florin 
apud  Obhruxellam  (de  nos  jours  Saint-Gilles),  pour  un  anniversaire  pour 
chacun  des  deux  époux  ;  12  septembre  1449  '. 

* 

*  * 

Jan,  soen  vjylen  Jan  Tays,  ende  Roelant  de  Mol,  momhoren  Jan  de  Wyngerdere^ 
geheten  Wter  Perssen,  scildere,  Willem  de  Swaef,  goutsmet,  ende  Jan  van 
Goten,  groeffsmet, provisoren  der  bmederscap  van  Sinte  Loys  in  Bruessele...  28  mai 
1462  2. 

*  * 

LA    MARQUISE   DE    MARBAIS    DONNE   A  LA    CHAPELLE    DU    SAINT  SACREMENT 
DE    MIRACLE   DEUX  ANGES   EN  ARGENT. 

Compte  1591-1592  :  Payé  à  Albert  van  de  Minste,  orfèvre,  woonende 
beneden  de  capelle  van  Sint-Jans,  teghen  over  '/  Sweert,  du  chef  de  34  onces 
d'argent,  fourni  par  lui  pour  deux  anges,  85  florins  du  Rhin  et  3  sols; 
pour  la  façon,  30  sols  par  once,  soit  51  florins  du  Rhin  et  3  sols,  total 
136  florins  du  Rhin  et  6  sols. 

Payé  au  menuisier,  pour  deux  socles  (blocxkensj,  20  sols  ;  au  peintre 
Jean  van  de  Venne,  pour  décorer  les  deux  socles  fvan  de  voerseyde  blocxkens 
te  stofferen),  et  y  peindre  les  armoiries  de  Madame  la  marquise  de  Marbais 
(van  MarbeysJ,  donatrice  des  deux  anges,  30  sols  ^. 

* 

*  * 

16  jiinius  (anniversaire  de)  Magister  Rogerus  van  der  Weyen,  ecxellens 
piCTOR,  cum  uxore,  liggen  voor  Sinte  Cathelynen  autaer  onder  eenen  blauiuen  stecn, 
daer  een  doye  op  staet. 

1  Cartulaire  de  Sainte-Gudule,  provenant  de  la  vente  de  Cheltenham,  f°  117. 
Archives  générales  du  Royaume  (Comp.  Het  Testament  van  een  aaniienlijken  Brusse- 
îaar  der  yiiv^  eeuw,  door  Joh.-Theod.  de  Raadt). 

2  Ibidem,  fo  14. 

2  Extraits  des  comptes  de  la  chapelle  du  Saint  Sacrement  de  Miracle,  en  l'église 
Sainte-Gudule,  à  Bruxelles. 


—  336  — 

26  apriîis  (anniversaire  de)  Wilhelmus  de  Masenieîe,  alias  op  den  Galloys, 
leeght  hy  Sniie  Berbelen  barick  onder  eenen  hlauwen  steen  met  eenen  ronden  compassé^ 
boven  heer  Diericx  van  Heyckene  steen ^  ende  syn  tafereel  hanckt  boven  aen  den 
pilaer  tegen  sinte  Bastiaen  over^  dat  M"^  Rogier  gemaeckt  heeft  ^ 

* 

*  * 

L'orfèvre  Henri  Bosch  répara  la  croix,  servant  à  renfermer  les  trois 
hosties,  qui,  le  8  janvier  1532  (n.  st.),  avait  été  brisée  par  le  prêtre  Jean 
van  Sotteghem,  subitement  frappé  de  démence  2. 

Pierre  van  Volxem,  orfèvre  (gond-  ende  silversmith)  (fils  de  Paul  et  de 
Barbe  Moutton),  et  sa  femme  Marie  Hazard,  empruntent  de  l'argent  pour 
reconstruire  leur  maison,  in  de  Pongel  merckt^  détruite  par  le  bombarde- 
ment de  la  ville  ;  1696  3. 


Jean  de  Lannoy,  seigneur  de  Molembaix,  laisse  à  la  chapelle 
du  Saint  Sacrement  de  Miracle  sa  Toison  d'Or. 

Item  xxvij  may  (1560)  is  by  den  testamente  van  mynen  heere,  heerjan  de  Lannoy, 
heere  van  Moknbais,  ghelaten  syn  cleyn  gulden  vlies,  dwelck  syn  huysvrouwe  gere- 
dimeert  heeft,  gevende  xiiij  rinsgulden. 

Jean  de  Lannoy  était  chambellan  de  Charles-Quint,  gouverneur  et  capi- 
taine général  du  Hainaut.  Sa  femme,  mentionnée  dans  ce  compte,  était 
Jeanne  de  Ligne,  fille  de  Louis,  seigneur  de  Barbançon  *. 

J.-Th.   de   Raadt. 

1  Archives  de  Sainte-Gudule,   reg.    n»    338,   portant   sur   le  dos  :  Designatio 

SEPUI.TURARUM. 

2  Voyez  notre  notice  :  Episodes  inédits  de  la  chronique  bruxelloise. 
2  Ibidem,  liasse  n°  299. 

4  Extrait  des  comptes  de  la  chapelle  du  Saint  Sacrement  de  Miracle,  en  l'église 
Sainte-Gudule,    à   Bruxelles. 


LES 


PREMIERS  REMPARTS  DE  LOUVAIN 


ians  notre  notice  sur  les  remparts  de  Bruxelles  *, 
nous  avons  été  amenés,  incidemment,  à  parler  des 
fortifications  de  Louvain,  élevées,  comme  les  premiers, 
au  xii^  siècle.  Il  nous  a  paru  intéressant  de  revenir  sur  cette 
question  et  d'entreprendre  la  description  de  cette  enceinte, 
aussi  remarquable  que  celle  de  la  capitale,  à  une  époque  où 
Tarchéologie  compte  de  jour  en  jour  un  plus  grand  nombre 
d'adeptes  et  à  laquelle,  par  conséquent,  il  est  permis  d'espérer 
que  chacun  fera  désormais  tous  ses  efforts  pour  conserver  au 
moins  les  parties  les  plus  intéressantes  des  travaux  exécutés 
aux  siècles  antérieurs. 

Il  ne  s'agit  pas  ici  de  monuments  artistiques  y  ornés  de  sculptures 
des  maîtres  dans  l'art,  ni  de  vastes  constructions  qui  nous  éton- 
nent, mais  bien  de  monuments  historiques.  Sous  un  aspect  simple, 
ceux-ci  montrent,  cependant,  que  les  architectes  du  temps  passé 


^  Annales  de  la  Société  iV Archéologie  de  Bruxelles,  t.  1,  2^  fascicule,  p.  141 


22 


-  338   - 

(on  n'a  cessé  de  le  dire)  savaient  mieux  que  les  nôtres  adapter 
Tornementation  aux  convenances  et  que,  sans  le  rechercher,  ils 
arrivaient  à  donner  le  style  voulu  à  leurs  constructions.  Ces 
monuments,  parfaitement  appropriés  au  but  à  atteindre,  doi- 
vent nous  servir,  en  outre,  de  témoins  précieux  de  l'architecture 
militaire  au  moyen  âge,  de  cette  architecture  dont  l'étude,  si  négli- 
gée encore  il  y  a  peu  d'années,  a  été  reprise  avec  ferveur  depuis 
les  travaux  des  grands  archéologues,  tels  que  les  de  Caumont, 
les  Viollet-le-Duc,  etc. 

Dans  notre  pays,  on  s'est  principalement  attaché  à  l'étude  des 
monuments  religieux,  et,  certes,  la  beauté  de  nos  églises  explique 
cette  préférence,  mais  les  investigations  relatives  à  l'architecture 
militaire  ne  doivent  pas  être  négligées,  et  c'est  dans  ce  but  que 
nous  avons  commencé,  et  que  nous  continuerons  l'étude  des 
anciens  remparts  de  nos  cités. 

En  poursuivant  cette  série  d'études,  nous  ferons  usage,  comme 
pour  la  première  enceinte  de  Bruxelles,  des  documents  anciens, 
complétés  par  des  relevés  de  détails  sur  le  terrain.  Ces  détails 
manquent  en  général  dans  tous  les  dessins  qui  accompagnent 
les  notices  archéologiques,  au  point  que  les  monuments  en 
deviennent  réellement  méconnaissables  et  que  les  planches, 
dessinées  par  des  artistes,  non  architectes,  ni  archéologues, 
tout  en  présentant  un  aspect  des  plus  pittoresques,  ne  sont  d'au- 
cun secours  pour  l'étude  archéologique. 

Nous  croyons  devoir  appeler  sur  ce  point  l'attention  des 
archéologues,  et  nous  pensons  être  dans  le  vrai,  en  exprimant 
le  désir  de  voir  les  dessins,  même  archéologiques,  traités  avec 
plus  d'observation  dans  les  détails,  si  nous  en  jugeons  par  le 
grand  nombre  de  vignettes  que  nous  rencontrons,  en  feuilletant 
les  diverses  publications  de  l'espèce. 

* 

Comme  Bruxelles,  Louvain  a  dû,  tout  d'abord,  être  entouré 
de  simples  remparts  en  terre,  bien  suffisants  pour  arrêter  les 
incursions,  à  une  époque  où  l'art  des  sièges  était  tombé  en  désué- 
tude ;  sur  ces  premiers  remparts  s'éleva  plus  tard  l'en- 
ceinte murale.  C'est  peut-être  à  Lambert-le-Barbu  que  remonte 


—   339  — 

cette  enceinte  en  terrassement  ;  ce  prince,  d'un  caractère  très 
remuant,  qui  faisait  consister  ses  parties  de  plaisir  à  guerroyer 
chez  ses  voisins,  a  certainement  songé  à  mettre  les  villes,  faisant 
partie  de  ses  domaines,  à  l'abri  de  représailles. 

M.  E.  Van  Even  croit  qu'au  xi^  siècle,  une  partie  de  la  ville 
de  Louvain,  du  côté  de  Touest  (depuis  la  rue  de  Redingen  jusque 
derrière  Tabbaye  de  Sainte-Gertrude),  bordant  laDyle,  se  trou- 
vait suffisamment  protégée  par  les  différents  bras  de  la  rivière  ; 
ces  eaux  formaient  ainsi  une  défense  naturelle.  Le  savant  archi- 
viste en  conclut  que  cette  partie  du  territoire  de  la  ville  n'a  pas 
été  pourvue,  dès  le  début,  de  remparts  en  terre  *. 

C'est  là  une  supposition  qu'il  nous  est  impossible  d'admettre  et 
qui  aurait  été  à  l'encontre  des  règles  appliquées  à  toute  époque 
pour  la  défense  des  villes.  Certes,  la  rivière  formait  obstacle;  mais 
comment  défendre  alors  le  passage  ?  En  s'exposant  à  tous  les 
coups  d'un  adversaire  que  l'on  doit  supposer  être  supérieur  en 
nombre  aux  défenseurs  ?  Un  rempart  était  donc  nécessaire  de 
ce  côté,  comme  ailleurs,  et  la  Dyle  n'en  formait  que  le  fossé 
plein  d'eau.  Si,  d'ailleurs,  la  ville  n'avait  pas  été  close  à  l'ouest, 
comment  Lambert-le-Barbu  aurait-il  pu  offrir  une  résistance  vic- 
torieuse à  Godefroid  d'Ardenne,  lorsque  celui-ci,  comme  le  rap- 
porte Sigebert  de  Gembloux,  vint  faire  le  siège  du  Castrum  Lova- 
mum^,  en  10 12  ^  ? 

* 

C'est  à  cette  époque  reculée,  que  quelques  auteurs  reportent 
la  construction  de  trois  portes  de  ville  :  la  porte  aux  Loups,  la 
porte  Saint-Michel  et  la  porte  de  la  rue  du  Prévôt,  prétendument 
beaucoup  plus  anciennes  que  les  autres  parties  de  la  première 
enceinte  murale.  (Voir  planche  XIV,  plans  de  Louvain.) 

Ce  point  mérite  d'être  examiné. 


1  Louvain  momimenial^  p.  20. 

2  Le  mot  Castrum  était  alors  employé  pour  désigner  une  ville  fortifiée.  Le  cha- 
noine liégeois  Anselme  contemporain  dit  :  Villula  quxdam  est  Lovaniensi  op- 
piDO  proxima,  cujus....  —  Chape auville  Gesta  Pontificum  Tungrensium.  Liège, 
i6i2.  T.  L  p.  124. 

3  Si^eherli  Gfmhlacensis  Chronicon  apiid  Perti,  t.  VI,  p.  355. 


—  340  — 

Divœus  ^  et  Boonen  ^,  qui  vivaient  à  une  époque  où  toute  la 
première  enceinte  murale  de  Louvain  était  encore  debout  (1557  et 
1594)  disent  qu'il  leur  semble  que  ces  portes  sont  de  beaucoup 
plus  anciennes  que  le  reste  des  murailles,  mais  ils  n'appuient  leur 
assertion  sur  aucun  document  authentique. 

M.  Van  Even  ^  croit  que  l'observation  de  ces  deux  histo- 
riographes acquiert  quelque  vraisemblance,  attendu  que  les 
portes  ci-dessus  étaient  en  grès  ferrugineux  brunâtre,  extrait 
de  carrières  qui  se  trouvent  à  proximité  de  Louvain,  tandis  que 
les  courtines  sont  en  pierres  calcaires  blanches  provenant  de 
dépôts  qui  n'existent  pas  dans  les  environs  immédiats  de  la  ville. 

S'il  en  était  vraiment  ainsi,  l'argument  de  M.  Van  Even  serait 
de  grande  valeur;  malheureusement,  les  faits  infirment  cette  asser- 
tion. L'emploi  de  grès  ferrugineux  se  rencontre,  comme  on  peut 
le  voir,  encore  aujourd'hui,  dans  les  tours  de  Louvain,  oii  des 
assises  de  moellons  calcaires  alternent  avec  des  assises  de 
moellons  en  grès  ferrugineux^.  L'argument  invoqué  en  faveur 
d'une  plus  grande  ancienneté  de  quelques-unes  des  portes  nous 
semble  donc  pécher  par  la  base. 

Nous  ne  pensons  pas  que  l'on  ait  produit  jusqu'ici  des 
motifs  plausibles  pour  faire  remonter  les  susdites  portes  à  une 
époque  plus  reculée,  d'autant  plus  que  l'emploi  des  matériaux 
de  colorations  diverses  s'explique  facilement. 

Les  portes  de  Louvain  étaient  construites  tout  entières  en  grès 
ferrugineux,  les  tours  présentaient  ^  des  rangées  de  pierres  blan- 
ches, alternant  avec  des  rangées  de  grès  ferrugineux  jusqu'à  la 
moitié  de  leur  hauteur,  à  partir  de  la  base,  et  les  courtines  mon- 
traient enfin  le  grès  ferrugineux  employé  seulement  dans  les 
angles  et  les  arcades,  tandis  que  le  calcaire  blanc  y  dominait.  Cet 
ensemble  des  murs,  sur  lesquels  se  détachait  la  masse  foncée  des 

1  «  Portas  quidem  aliquot  multo  vetustiores  esse  apparet.  »  Ant.  ap.  Lov.,  p.  6. 

^  «  ...  hoewel  nochtans  datter  sommighe  Poorten  vêle  ouder  schynen  te  zyn,  te 
wetene  die  op  hoochde  van  der  stadt  liggen,  als  de  Wolfs  poorte,  Sinte-Quinteus 
op  de  Proeffstraet  binne  Poorte,  en  Sinte-Michiels  oft  Hoelstraet  binnen  Poorte.  » 
Ant.  Lov.,  t.  II,  P  296  vo. 

3  Louvain  monumental,  p.  21. 

'■*  Uem.  p.  23.  M.  Van  Even  constate  lui-même  qu'il  y  a  des  pierres  ferrugineuses 
dans  les  tours. 

s  On  les  voit  encore  telles  aujourd'hui. 


—  341  — 

portes,  devait  produire  un  effet  très  heureux,  et  de  nature  à 
embellir,  par  ces  colorations  diverses,  les  masses  imposantes  et 
sévères  de  l'architecture  militaire  du  xii^  siècle. 

On  peut,  ce  nous  semble,  rapprocher  Talternance  des  assises  de 
couleur  différente  que  nous  signalons  ici,  du  mode  de  construc- 
tion des  Romains,  qui,  dans  leurs  monuments,  séparaient  les 
assises  de  pierre  par  des  assises  de  briques  plates  rouges,  tran- 
chant sur  le  blanc  du  grès  ou  du  calcaire. 

Toutefois,  nous  devons  faire  remarquer  que,  même  lorsque 
Tenceinte  était  formée  de  remparts  en  terre,  les  issues  ou  portes 
de  la  ville,  toujours  réduites  au  nombre  strictement  nécessaire, 
devaient  être  percées  dans  des  bâtiments  en  maçonnerie,  afin 
d'obtenir  une  fermeture  complète  et  une  surveillance  à  couvert. 

Ces  bâtiments  primitifs  sont-ils  ceux  que  signalent  les  histo- 
riens ci-dessus?  Restèrent-ils  subsister  lorsqu'on  éleva  la 
muraille  de  l'enceinte,  ou  bien  remplaça-t-on  alors  les  portes  pri- 
mitives par  de  nouvelles  constructions  mieux  aménagées  ?  Nous 
ne  saurions  le  dire,  car  aucun  document  suffisamment  précis  ne 
nous  permet  d'asseoir  une  opinion  définitive  sur  ce  point,  et  les 
constructions,  dont  il  s'agit,  ont  disparu  depuis  longtemps  sans 
laisser  aucune  trace. 

11  est  assez  curieux  de  remarquer  que  les  trois  portes  susmen- 
tionnées sont  celles  qui  se  trouvent  au  sud  de  la  place,  qui  était 
un  des  points  vulnérables  de  la  forteresse. 

* 

*  * 

Comme  nous  l'avons  fait  pour  notre  travail  relatif  à  la  pre- 
mière enceinte  de  Bruxelles,  nous  avons  eu  recours  à  la  bien- 
veillance bien  connue  de  notre  savant  confrère  M.  Rutot,  afin  de 
connaître  la  composition  et  le  lieu  de  provenance  des  matériaux 
employés  dans  la  construction  des  murs  de  Louvain. 

Voici  les  renseignements  géologiques  qu'il  a  bien  voulu  nous 
transmettre  :  «  J'ai  examiné  avec  soin  les  matériaux  de  la  pre- 
mière enceinte  de  Louvain.  Ils  sont  de  deux  espèces  :  i°  un  grès 
ferrugineux  glauconifère  que  M.  E.  Van  den  Broeck  et  moi 
sommes  d'accord  pour  déterminer  comme  tiré  du  terrain  diestien. 
Cet  étage   diestien  (pliocène    inférieur)    est  très   répandu  aux 


—   342   — 

environs  de  Louvain  et  il  forme  le  sommet  des  hauteurs  à  Touest 
de  la  ville  vers  Cortenberg  d'une  part,  et  le  sommet  de  celles  qui 
se  dirigent  à  l'Est,  du  Pellenbergh  et  de  Rotselaer,  d'autre  part, 
vers  Aerschot  et  Diest. 

«  L'église  d' Aerschot,  l'église  de  Diest  et  plusieurs  monuments 
sont  bâtis  en  grès  ferrugineux  diestien. 

«  Le  terrain  originaire  est  un  sable  grossier  très  glauconifère 
d'origine  marine.  Depuis  son  émersion,  ce  sable  a  subi  les 
influences  atmosphériques,  la  glauconie  a  été  décomposée  et 
oxydée,  et  l'oxyde  ferrique  formé  a  englobé  et  durci  les  grains 
silicieux  du  sable  pour  former  un  grès  dur.  Nous  croyons  que  les 
matériaux  de  grès  ferrugineux  qui  nous  ont  été  soumis  provien- 
nent plutôt  des  environs  de  Rotselaer,  où  nous  connaissons  des 
carrières  abandonnées  de  grès  diestien.  Toutefois,  ce  grès  est 
moins  foncé  et  plus  homogène  que  les  fragments  provenant  des 
murs  de  Louvain.  Quant  à  l'autre  échantillon,  c'est  un  grès  cal- 
careux  blanc  existant  en  abondance  autour  de  Louvain  jusque 
Bruxelles.  C'est  le  grès  calcareux  bruxellien  qui  se  trouve  vers 
le  sommet  de  l'étage  bruxellien.  La  variété  utilisée  à  Louvain 
ne  provient  peut-être  pas  des  environs  immédiats  de  la  ville  ; 
elle  peut  provenir  de  Saventhem,  de  Dieghem,  de  Melsbroeck  ou 
de  la  région  avoisinant  ces  villages,  car  il  est  difficile  de  déter- 
miner l'emplacement  exact  des  anciennes  carrières  de  ce  grès.  « 

* 

A  quelle  époque  faut-il  faire  remonter  la  construction  de  la 
première  enceinte  murale  de  Louvain  ?  La  question  déjà  posée 
par  nous,  pour  celle  de  Bruxelles  *,a  été  résolue,  au  moins  dans  ce 
sens,  que  les  limites  entre  lesquelles  on  peut  la  reporter  sont  des 
plus  étroites.  M.  Wauters  penche  pour  la  fin  du  xi^  siècle,  tandis 
que  M.  le  major  Combaz,  dans  son  étude  sur  la  restauration  de  la 
Tour  Noire,  la  reporte,  pour  plusieurs  motifs,  au  commencement 
du  xii^  siècle  ^.  Dans  notre  notice  sur  l'enceinte  de  la  capitale,  nous 
avions  émis  l'opinion  que  les  fortifications  de  Louvain  étaient  peu 

1  Annales  de  la  Société  d^ Archéologie  de  Bruxelles,  t.  I. 

2  Idem,  t.  IV. 


—   343   — 

antérieures  ou  presque  contemporaines  de  celles  de  Bruxelles, 
parce  que  nous  ne  pouvions  admettre  que  les  comtes  de  Louvain, 
qui  avaient  fixé  leur  résidence  au  château  de  Louvain  pendant 
le  xii^  siècle,  eussent  doté  Bruxelles  d'un  rempart  magnifique  en 
pierre,  avant  de  faire  ceindre  de  murs  leur  propre  ville,  mais 
nous  supposions  alors  que  les  remparts  de  Bruxelles  dataient  du 
milieu  du  xii^  siècle.  Ceux-ci  étant  reportés  au  commencement 
du  même  siècle,  la  considération  ci-dessus  est  de  nulle  valeur,  et 
les  remparts  de  Louvain,  s'il  faut  en  croire  les  annalistes  que  nous 
allons  faire  connaître,  seraient  certainement  postérieurs  à  ceux  de 
Bruxelles. 

D'après  Divaeus,  la  première  enceinte  de  Louvain  date  de 
1161  *,  mais  le  même  auteur  dit  plus  loin  :  Interiores  muros  urbis 
anno  iij6  erectos  manuscripti  annales  y  itescio  anfide  digni  produnt'^ , 

Juste-Lipse  donne  également  la  date  de  11 56  ^. 

Haeraeus  s'accorde  avec  Divœus  sur  Tan  1161. 

Gramaye,  Van  Gestel  '"  et  Le  Roy  ^  fixent  leur  construction 
en  1165. 

M.  Piot,  se  rapprochant  de  Topinion  de  Divœus  et  de  Juste- 
Lipse,  les  croit  élevés  en  1152  ^. 

Boonen  ^,  de  son  côté,  prétend  avoir  vu  des  documents  origi- 
naux qui  attestent  que  les  premiers  remparts  de  Louvain  datent 
de  1156  :  Die  bimten  vesten  van  der  voorscreven  stadi  Loeven  gelyck 
ons  de  aiithentike  schriften  leeren,  wordden  eerst  gemaect  anno  11  j6. 

En  somme,  tous  ces  auteurs  ne  diffèrent  entre  eux  que  de 
quelques  années,  neuf  années  au  plus.  Il  se  peut  que  ces  remparts 
commencés  en  1156  n'aient  été  achevés  que  six  ans  après,  en 
1161,  ou  même  neuf  ans  plus  tard,  c'est-à-dire  en  1165. 

M.  Van  Even  *^  dit  à  son  tour  : 

u  Ce  fut  d'abord  Godefroid  III,  qui  régna  de  1142  à  1190,  qui 
accorda  aux  habitants  de  Louvain  l'autorisation  d'entourer  leur 

1  Annales. 

^  Res  Lovan.,  p.  3. 

3  Lovanium,  etc.,  p.  16. 

*  Historia  sacra  et  profana  archiepiscopatus  mechîinietisis.  La  Haye,  1725,  t.  I,  p.  149. 
"' J.  LE  Roy.  Le  ^rand  thàître  profane  du  Duché  de  Brahant,  1750. 

*  Histoire  de  Louvain,  p.  84. 

'  Ant.  Lov,,  t.  II,  F  296  vo. 
^  Louvain  monumental,  p.  22. 


—   344   — 

cité  de  murs,  à  la  condition  toutefois  de  les  construire  à  leurs 
frais,  et  de  payer,  de  ce  chef,  à  lui  et  à  ses  successeurs,  un  impôt 
annuel  à  échoir  à  la  Saint-Remy.  Cet  impôt,  ajoute  Téminent  archi- 
viste, fut  servi  pendant  tout  un  siècle.  » 

Pour  avancer  les  faits  précédents,  M.  Van  Even  s'appuie  sur 
une  charte  du  mois  de  mars  1233,  dans  laquelle  Henri  P'",  duc  de 
Brabant,  de  concert  avec  ses  deux  fils,  Henri  et  Godefroid,  libère 
les  Louvanistes  de  Timpôt  qu'ils  devaient  payer  aux  comtes  pour 
avoir  élevé  des  murs  autour  de  la  ville. 

Divœus  parle  de  cette  charte,  mais  il  n'en  donne  pas  le  texte  ; 
il  dit  simplement  :  Extant  Henrîci  I  ducis,  dîplomata  anno  1233 
data,  quo  trihuto  quod  eaienus  ad  munîtionem  urhis  levabatur,  libé- 
rant, 

M.  Van  Even  donne  pour  la  première  fois  le  texte  de  cette 
charte,  d'après  le  Clein  Charterboek,  f°  5. 

Or,  le  texte  ne  dit  nullement  que  cet  impôt  fût  levé  par  Gode- 
froid  III,  ni  qu^il  fût  servi  pendant  tout  un  siècle  ;  il  n'y  a  pas 
dans  la  charte  de  1233  un  seul  mot  qui  puisse  motiver  ces  con- 
clusions. 

Si  rimpôt  avait  été  servi  tout  un  siècle,  il  l'aurait  été  certes 
jusqu'au  milieu  du  xiii^  siècle,  ce  qu'infirme  la  charte  de  1223, 
tandis  que  si  l'on  admet  le  paiement  pendant  un  siècle  terminé 
à  la  date  de  1233,  il  faut  reporter  à  1133  la  construction  des  rem- 
parts de  Louvain,  et  alors  le  duc  régnant  était  Godefroid-le-Barbu 
et  non  Godefroid  III ? 

De  toutes  façons,  il  y  a,  dans  les  conclusions  de  M.  Van 
Even,  des  assertions  qui  ne  peuvent  reposer  sur  le  texte  de  la 
charte  de  Henri  P""  et  qui  mériteraient  d'être  confirmées  par 
d'autres  preuves. 

En  somme,  la  question  de  connaître  la  date  précise  de  la  con- 
struction des  premiers  murs  de  Louvain  reste,  comme  celle  des 
murs  de  Bruxelles,  dans  une  certaine  obscurité.  On  ne  connaît 
jusqu'aujourd'hui  aucun  document  authentique  qui  fixe  la  date 
exacte  de  ces  constructions,  et  l'on  est  forcé  de  s'appuyer  sur  le 
témoignage  des  auteurs,  qui  les  reportent  au  miheu  du  xii^  siècle. 
L'examen  de  ces  constructions  corrobore  en  effet  leur  conclusion 
et  c'est  bien  à  l'époque    de  transition   qu'elles    appartiennent 

d'après  leur  architecture. 

* 
%  « 


—  347  — 

Contrairement  à  ce  que  Ton  suppose  généralement,  les  restes 
nombreux  de  fortifications  que  nous  avons  relevés  à  Bruxelles, 
ne  sont  pas  les  seuls  témoins  des  guerres  du  xii^  siècle,  restés  de- 
bout. 

Louvain,  notamment,  possède  des  spécimens  aussi  nombreux, 
mais  malheureusement  moins  bien  conservés  que  ceux  de  la 
capitale.  On  retrouve  en  effet  les  remparts  d'une  façon  presque 
continue,  sur  les  deux  tiers  de  leur  circuit,  et  ils  présentent 
un  bien  vif  intérêt,  sans  que  Ton  y  rencontre  des  détails  de 
construction  aussi  précis  qu'à  Bruxelles  ;  la  raison  en  est  que  les 
remparts  de  Louvain  sont  restés  comme  clôtures  à  des  pro- 
priétés, clôtures  soumises  à  toutes  les  injures  des  saisons,  tandis 
que  les  restes  de  Tenceinte  de  Bruxelles  avaient  été  englobés 
dans  les  pâtés  de  maisons  et  soustraits  à  ces  intempéries. 

Une  visite  détaillée  de  cette  enceinte  mérite  l'attention  des 
archéologues  ;  elle  n'a  pas  été  faite  jusqu'ici  dans  l'esprit  qui 
nous  guide,  et  nous  voulons  combler  cette  lacune. 

* 

Nous  engageons  donc  le  lecteur  à  nous  suivre  dans  la  prome- 
nade que  nous  allons  entreprendre  le  long  de  ces  vieux  remparts, 
avec  un  guide  sûr,  causeur  agréable  et  érudit  :  nous  voulons 
parler  de  l'ouvrage  intitulé  :  Louvain  monumental,  dû  à  la 
plume  autorisée  de  M.  Van  Even,  le  savant  archiviste  de 
Louvain.  (PI.  XIV). 

La  circonvallation  de  la  ville  était  de  forme  circulaire,  dit 
Monsieur  Van  Even  *  ;  depuis  la  rue  Redingen  jusque  derrière 
l'abbaye  Sainte-Gertrude,  les  murs  furent  construits  à  ras  de 
terre,  les  bras  de  la  Dyle  leur  tenaient  lieu  de  fossés  ^  ;  mais  à 
partir  de  ce  dernier  endroit  jusqu'à  la  Porte  aux  Loups,  rue  des 
Moutons,  ils  furent  bâtis  sur  un  remblai  de  terre,  bordé  par  un 
large  fossé,  probablement  celui  des  fortifications  primitives  en 
terre. 

L'étendue  de  la  ville  en  longueur  était,  depuis  le  jardin  de  Saint- 

1  Louvain  monumental,  p.  23. 

2  Nous  avons  examiné  ce  point  ci-dessus,  p.  339. 


-  348  — 

Sébastien,  rue  de  Bruxelles,  jusqu'à  la  place  du  Peuple,  de  860 
mètres,  et,  en  largeur,  depuis  la  Haute  Colline  jusqu'au  Manège, 
de  810  mètres.  L'enceinte  avait  un  périmètre  de  2,750  mètres, 
proportions  considérables,  eu  égard  à  l'état  des  villes  de  cette 
époque. 

Les  murailles  étaient  construites  en  pierres  calcaires,  réguliè- 
rement taillées  à  Fextérieur.  Elles  étaient  posées  sur  des  arcades 
en  pierres  brutes,  jointes  par  un  ciment  d'une  dureté  extraordi- 
naire et  avaient  une  épaisseur  de  l'^yo.  Le  haut  des  murailles, 
garni  de  créneaux,  était  porté  en  encorbellement  *  par  une 
suite  de  413  arcades  en  plein  cintre,  qui  servaient,  en  temps  de 
guerre,  d'abri  aux  soldats.  Au  milieu  de  chacune  des  arcades  se 
trouvait  une  longue  fente  verticale,  très  étroite  à  Textérieur  et 
s'élargissant  à  l'intérieur.  Ces  ouvertures,  appelées  aujourd'hui 
meurtrières,  étaient  destinées  à  lancer  des  flèches. 

D'espace  en  espace  s'élevaient  des  tours  crénelées  de  forme  cir- 
culaire. Ces  tours,  au  nombre  de  31  ^,  étaient  également  bâties  en 
pierres  de  taille  alternant  parfois  avec  des  chaînons  de  pierres 
ferrugineuses.  Elles  s'élevaient  au-dessus  des  murailles  comme 
autant  de  petites  forteresses.  Leur  usage  principal  était  de  dé- 
fendre l'accès  des  fossés  et  de  donner  les  moyens  de  prendre  en 
flanc  les  soldats  qui  voulaient  assaillir  les  remparts  ;  c'est  pour 
ce  motif  que  l'architecte  leur  avait  donné  une  saillie  très  considé- 
rable. 

De  même  que  les  murailles,  chaque  tour  était  percée  de  trois 
meurtrières.  Ces  tours  étaient  couvertes  de  terrasses  voûtées, 
par  le  motif  que  leur  sommet  devait  recevoir,  en  cas  d'attaque,  un 
certain  nombre  d'hommes,  ainsi  que  des  machines  ^,  des  provi- 
sions de  pierres  et  d'autres  projectiles. 

Les  escaliers  qui  y  conduisaient  étaient  à  vis  et  fort  étroits  *. 

Ces  tours  se  trouvaient  assez  près  les  unes  des  autres  pour  que 


^  L'expression  en    encorbellement  est  de    trop,  car    le    haut  des  murailles  était 
d'aplomb  et  sans  saillie  sur  la  partie  inférieure. 

2  Si  l'on  peut  se  fier  aux  anciens  plans,  le  nombre  de  ces  tours  était  de  36. 

3  Des  machines  de  petites  dimensions,  bien  entendu,  car  les  tours  étaient  fort 
étroites  de  plate-forme. 

"*  Ces  escaliers  conduisaient  de  la  rue  du  Rempart,  fort  élevée  au-dessus  du  sol,  au 
terre-plein  des  tours. 


—  351  ~ 

les  soldats  des  deux  donjons  *  voisins  pussent  lancer  leurs  traits 
sur  toute  la  courtine  ou  muraille  intermédiaire.  Cette  distance 
avait  la  portée  d'une  flèche  ou  d'une  pierre  lancée  à  la  main, 
d'un  lieu  élevé. 

Notre  planche  représentant  une  vue  de  Louvain  au  xvi^  siècle 
(vue  prise  dans  la  rue  du  Canal  actuelle)  par  Josse  Van  der 
BareU;  reproduit  très  fidèlement  les  murailles  et  les  tours  de 
notre  enceinte  primitive,  à  partir  de  la  porte  Met  S/^^«  jusqu'à  la 
rue  actuelle  du  Manège.  (PL  XV). 

L'enceinte  de  la  ville  était  pourvue  de  onze  portes  ^  qui  facili- 
taient les  communications  avec  les  faubourgs.  Ces  édifices  étaient 
primitivement  composés  d'un  donjon^  carré  du  côté  de  la  ville  et 
rond  du  côté  de  la  campagne.  Ils  étaient  tous  couronnés  d'un  toit 
très  élevé,  en  tuiles  et  bordé  de  créneaux,  fermés  par  une  double 
porte  en  chêne  garnie  de  ferrures  et  d'une  énorme  chaîne  en  fer, 
et  contenaient,  outre  le  logement  du  portier,  un  corps  de  garde 
pour  les  archers.  L'étage  présentait  une  pièce  assez  vaste  et  pou- 
vait servir  à  divers  usages.  Toutes  ces  portes  restèrent  debout 
jusqu'au  milieu  du  xviii^  siècle^,  w 

*  ' 
*  * 

On  trouve  des  gravures  et  dessins  représentant  la  première 
enceinte  de  Louvain  dans  un  grand  nombre  d'ouvrages  manu- 
scrits et  imprimés,  parmi  lesquels  il  faut  citer  les  suivants  : 

i^  Jacques  de  Deventer  (1560- 1570).  Plans  de  villes,  manu- 
scrit no  22090  de  la  Bibliothèque  royale  de  Bruxelles,  dont  100 
plans  en  cours  de  publication  sous  le  titre  :  Atlas  des  villes  de  la 
Belgique  au  xvi<^  siècle,  etc. 

Le  plan  de  Louvain  a  été  publié  dans  le  tome  IV,  page  92, 
avec  texte  par  M.  Van  Even. 

^  Le  terme  de  àonjon  est  tout  à  fait  impropre,  les  tours  étaient  des  rédtii'Sy  c'est- 
à-dire  des  points  d'appui  pour  la  défense  ;  le  terme  de  donjon  ne  s'applique, 
pensons-nous,  qu'au  réduit  des  châteaux-forts. 

2  Ces  portes  étaient  les  suivantes  :  la  Steenporte,  les  Porte  Saint-Esprit,  Saint- 
Michel,  Saint-Quentin,  la  Porte  aux  Loups,  les  Portes  de  Redingen,  de  la  rue  aux 
Marais,  des  Récollets,  la  Porte  aux  Joncs,  la  Porte  de  Minnemœn  et  la  Porte  du 
Château. 

3  Voir  précédemment  la  note  relative  à  l'emploi  du  mot  donjon. 
*  Louvain  monumental,  p.  23. 


—  352  — 

2°  GuiccHARDiN.  Description  des  Pays-Bas.  Anvers,  1567. 

Le  plan  de  Louvain  a  été  reproduit  dans  les  éditions  succes- 
sives de  ce  livre  remarquable. 

3°  Braun.  Civitates  orbis  terrarum,  etc.  Cologne,  1572. 

Vue  de  la  ville. 

40  JossE  Van  der  Baren  a  peint;  en  1594,  un  tableau  représen- 
tant Louvain  au  xvi^  siècle. 

C'est  la  vue  reproduite  par  M.  Van  Even  dans  son  Louvain 
monumental,  d'après  la  gravure  de  Touvrage  de  Juste-Lipse  : 
«  Lovanium  id  est  oppidi  etacademige  ejus  descriptio.  v  Anvers, 
1604,  in-4°.  (PI.  XV). 

5°  Une  vue  qui  se  trouve  au  Musée  de  THôtel  de  ville  de 
Louvain  sous  le  n°  205.  C'est  une  belle  gravure  intitulée  :  Situa- 
tion de  la  Ville  de  Louvain  et  siège  yfaid  le  24  de  juin  de  Van  16 jf 
par  deux  puissantes  armées,  l'v.  Hollandoise  et  Vautre  Françoise  et 
quité le  4  de  I  de  la  même  année,  et  signée  :  «  A.  Pauli,  fecit  aqua 
forti.  })  (Don  de  M.  Thonissen,  Ministre  d'Etat.) 

6°  Joannes  Blaeu.  Novum  ac  magnum  theatrum  urbium  Bel- 
gicœregiœ,  1649. 

7°  Les  délices  des  Pays-Bas. 

8°  Le  ^oy  ,  Le  grand  théâtre  prof  ane  du  duché  de  Brabant  1733. 
(Deux  vues  après  la  page  17.) 

9°  Gautier.  Carte  militaire  de  Bruxelles  et  de  ses  environs, 
i8io. 


*  * 


Prenons  comme  point  de  départ  de  notre  excursion  la  porte 
Saint-Michel,  hdi porte  Saint-Michel  ou  Hoelstrate  poorte  était  située 
dans  la  rue  de  Tirlemont  actuelle,  en  face  du  Marché-aux-Grains, 
à  hauteur  de  la  maison  n°  90  de  cette  rue. 

Elle  fut  démolie  en  1781. 

De  cette  porte,  l'enceinte  se  dirigeait  presqu'en  ligne  droite  par 
le  fossé  du  Jardin  Saint-Georges,  aujourd'hui  le  Parc  de  la  ville. 

En  pénétrant  dans  le  Parc,  on  rencontre  immédiatement  sur 
la  droite  les  restes  de  la  muraille  et  une  des  tours.  Voici  ce  que 
dit  M.  Van  Even  de  ces  restes  curieux  : 

«  La  partie  des  murailles  longeant  la  propriété  de  M.  Libot 


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—  355  — 

tomba  en  vétusté  au  commencement  du  xviii^  siècle.  Le  magistrat, 
voulant  épargner  à  la  ville  une  dépense  considérable,  accorda  par 
résolution  du  2  avril  1728,  la  propriété  de  cette  partie  des 
murailles  et  de  la  tour  qui  en  dépendait,  à  M.  Bernard,  professeur 
de  droit  à  l'université  de  Louvain,  alors  propriétaire  de  la  maison 
de  M.  Libot,  à  condition  de  la  faire  restaurer  à  ses  frais.  Le 
professeur  Bernard  y  fit  construire  un  nouveau  mur  et  fit  res- 
taurer la  tour,  qui  existe  encore  aujourd'hui  *.  w 

Ce  renseignement  suffit  pour  que  nous  ne  nous  arrêtions  pas 
longtemps  devant  cette  tour  qui  ne  présente  plus  comme  anciennes 
que  les  parties  inférieures,  et  où  Ton  remarque  tout  d'abord  des 
assises  de  grès  ferrugineux  alternant  avec  deux  assises  de  cal- 
caire blanc. 

La  base  de  la  tour,  qui  était  jadis  fortement  en  talus,  a  été 
recoupée  verticalement  pour  permettre  l'établissement  de  l'allée 
de  la  promenade.  (PI.  XVL) 

Dans  le  parement  extérieur,  on  retrouve,  comme  à  Bruxelles, 
trois  créneaux  ou  meurtrières  et  sous  l'un  de  ces  créneaux  une 
pierre  datée  A^  isjo.  C'est  peut-être  la  date  d'une  restauration. 

A  l'intérieur,  la  tour  avec  sa  voûte  laisse  voir  les  créneaux 
dont  la  disposition  ressemble  tout  à  fait  à  ceux  de  Bruxelles. 

Le  mur  attenant  à  la  tour  vers  la  porte  Saint-Michel  est  en 
briques  modernes,  mais  repose  sur  la  base  du  mur  primitif. 

Le  mur  et  la  tour  sont  aujourd'hui  la  propriété  de  M.  le  juge 
de  Trooz  et  du  comte  et  de  la  comtesse  du  Monceau  de  Bergen- 
dael. 


* 


A  partir  de  cette  tour,  on  retrouve,  sur  une  grande  longueur 
et  sur  une  hauteur  de  2  mètres  environ,  la  courtine  qui  se  pro- 
longe jusqu'au  delà  d'une  deuxième  tour,  démolie  aujourd'hui, 
mais  dont  on  reconnaît  facilement  l'emplacement. 

Nous  signalons  ce  fait  que  la  partie  inférieure  du  parement  de 
la  courtine  possède  un  fruit  ou  inclinaison  du  1/12  environ. 

^  Louvain  monumental ^  p.  39. 


—  356  — 

C'est  à  cet  endroit  que  commençait  jadis  la  partie  la  plus  impor- 
tante des  fortifications,  celle  qui,  en  1860,  vue  du  fond  du 
fossé,  offrait  Taspect  imposant  que  M.  Van  Even  nous  donne  dans 
le  croquis,  dessiné  sur  nature,  qui  figure  dans  son  Louvam  monu- 
mental^ et  qui  nous  montre  une  belle  tour  avec  ses  deux  courtines 
adjacentes. 

M.  Victor  Louckx,  architecte,  alors  conducteur  des  travaux  de 
la  ville  de  Louvain,  actuellement  architecte  de  la  ville  de  Malines, 
a  fait  la  description  suivante  de  cette  portion  de  la  première 
enceinte  : 

«  Les  fondations  de  ces  murailles  se  composent  de  piliers  dont 
les  axes,  distant  Tun  de  l'autre  de  5  "^50,  ont  une  hauteur  d'envi- 
ron 2  mètres.  Ces  piliers  taluent  à  leurs  quatre  côtés;  leurs  bases 
ont  une  longueur,  dans  le  sens  de  l'épaisseur  de  la  construction, 
de  2™40,  et  une  largeur  de  1^70  ;  au  sommet,  ces  dimensions  res- 
pectives se  réduisent  à  2  mètres  et  i"'3o.  Ils  sont  reliés  entre  eux 
par  des  voûtes  en  arc  de  cercle  surbaissé  de  o"^65  de  flèche  et  d'une 
épaisseur  de  o"^95  de  face,  unis  avec  les  piliers  à  l'extérieur  de  l'en- 
ceinte. Le  mur  d'élévation  présente  à  l'extérieur  une  face  unie 
formant  une  retraite  d'environ  o'"i5  sur  les  fondations;  à  l'inté- 
rieur, il  se  compose  d'arcades  en  plein  cintre  de  4  mètres  de  lar- 
geur sur  3  mètres  de  hauteur  ;  les  piliers,  de  i  mètre  d'épaisseur, 
y  sont  élevés  sur  l'axe  de  ceux  des  fondations.  L'épaisseur  du 
mur  est  de  V^^o  ;  dans  les  arcades,  elle  n'est  que  de  o'^yo.  Dans 
l'axe  de  chaque  arcade  et  à  la  hauteur  de  i  mètre  de  l'ancien  sol, 
est  établie  une  meurtrière  de  1^35  de  hauteur  sur  o^^yode  largeur, 
de  forme  évasée,  l'ouverture  extérieure  a  o'^90  de  hauteur  sur 
o'^o5  de  largeur. 

a  La  tour  a  une  largeur  de  6  mètres,  sa  saillie  est  dç  5"'65. 

«  Cette  partie  de  nos  fortifications,  ajoutait  M.  Van  Even,  n'a 
jamais  subi  de  grandes  restaurations  et  conserve  par  conséquent 
plus  ou  moins  son  caractère  primitif.  C'est  pour  cette  raison  que 
nous  en  donnons  le  dessin,  afin  de  conserver  aux  générations 
futures  un  spécimen  complet  de  la  construction  de  notre  enceinte 
du  xii^  siècle,  n 

<(  On  a  démoli,  dit  encore  le  même  savant,  dans  ces  derniers 
temps,  plusieurs  parties  de  notre  enceinte  primitive.  Nous  espérons 
que  celle  du  Jardin  Saint-Geofges  trouvera  grâce  devant  l'esprit 


—  357   — 

de  Pépoque.  Ce  qui  tend  à  consolider  notre  espoir,  c'est  qu'elle 
appartient  à  la  commune,  tandis  que  les  autres  appartiennent  à 
des  particuliers.  Ces  vénérables  débris  ont,  du  reste,  droit  à  toute 
la  sollicitude  de  notre  administration  éclairée  et  patriotique.  En 
effet,  ils  constituent  la  construction  la  plus  ancienne  que  renferme 
notre  ville  !  » 

De  son  côté,  M.  Charles  Piot  *  écrivait  déjà  en  1839  :  «  Aujour*- 
d'hui  nous  voyons  >çncore  au  Jardin  Saint-Georges,  par  ci  et  par 
là,  quelques  vénérables  restes  de  ces  premières  fortifications  :  on 
en  voit  encore  une  partie  dans  le  jardin  des  Frères  de  la  Charité, 
dans  le  voisinage  de  la  Tour  Jansénius  et  toute  la  partie  comprise 
entre  la  rue  des  Récollets  et  la  Laie  est  conservée,  ainsi  qu'une 
partie  jusque  près  delà  rue  deMalines.  En  1836  et  1837,  la  ville 
vient  de  faire  démolir  la  partie  qui  se  trouvait  derrière  la  caserne 
des  Dames-Blanches. Espérons  que  ce  sera  la  dernière  démolition  ; 
espérons  aussi  que  nos  magistrats  prendront  plus  de  soin  pour  ce 
qui  existe  encore  des  vénérables  restes  de  nos  anciennes  fortifica- 
tions :  le  temps  n'a  déjà  fait  que  trop,  sans  que  la  main  de  l'homme 
vienne  encore  détruire  notre  plus  vieux  monument.  » 

Malgré  ces  appels  si  éloquents  et  si  pressants,  la  ville,  ayant 
décidé,  en  1872,  la  création  d'un  parc  sur  l'emplacement  des  jar- 
dins de  Saint-Georges  et  de  Saint-Donat,  fit  abattre  d'abord  toute 
la  courtine  de  droite^  et  laissa  subsister  la  tour,  (Tour  M,  pi.  XVI) 
que  l'on  isola  de  la  courtine  de  gauche.  Cette  dernière  courtine 
fut  maintenue  en  partie  ;  toutefois,  on  perça  les  arcades  de  voûtes 
inférieures,  afin  que  les  promeneurs  pussent  passer  dessous!  Ce 
travail  nécessita  de  nouvelles  fondations  ;  mais  l'on  s'y  prit  si 
maladroitement  encore  que,  par  suite  de  ces  transformations 
insensées,  le  mur  se  lézarda,  devint  un  danger  réel  et  que  l'on  fut 
obligé  de  le  démolir,  en  1885. 

Les  espérances  de  MM.  Piot  et  Van  Even  s'étaient  réalisées, 
mais  à  rebours,  grâce  aux  bons  soins  d'une  administration  com- 
munale dans  laquelle  les  amis  de  l'art  étaient  loin  d'avoir  la 
prépondérance  !  Nos  regrets,  quoique  stériles,  devant  cet  acte  de 
vandalisme,  sont  d'autant  plus  vifs,  que  la  conservation  de  ces 

^  Histoire  de  Louvain,  pp.  88  et  89. 

2  Dans  la  description  des  fortifications,  on  suppose,  conventionncUement,  pour 
désigner  la  droite  et  la  gauche,  que  l'observateur  soit  placé  sur  le  rempart  et  regarde 
du  côté  de  la  campagne. 


-  358  - 

restes  dans  un  parc  public  était  chose  si  facile  et  que,  dégagés 
entièrement  de  toute  construction  avoisinante,  ces  fragments  de 
remparts  eussent  offert  un  spécimen  excessivement  intéressant, 
auquel  des  communications  habilement  ménagées,  tant  du  côté 
intérieur  qu'extérieur,  auraient  donné  un  aspect  des  plus  pitto- 
resques, associé  à  une  grandeur  architecturale  qui  manque  com- 
plètement à  Tamas  de  maçonnerie  dégradée,  resté  seul  debout. 

On  ne  retrouve  donc  plus  aujourd'hui  que  les  maçonneries 
déchaussées  de  la  tour  dont  nous  donnons  des  croquis  dans  Tune 
de  nos  planches.  Ces  croquis  montrent  toute  Texactitude  de  la 
description  faite  par  M.  l'architecte  Louckx,  qui  s'y  rapporte  litté- 
ralement. Du  côté  intérieur,  on  voit  encore  les  deux  arcades 
superposées,  l'arcade  inférieure,  jadis  noyée  dans  les  terrasse- 
ments du  rempart  primitif  en  terre,'  Tarcade  supérieure,  servant 
à  la  défense  par  le  créneau  percé  au  fond.  Ce  qui  n'existe  plus, 
c'est  le  parapet  qui  surmontait  l'arcade,  parapet  crénelé  destiné  à 
la  défense  supérieure  et  principale  de  la  muraille.  Contre  l'arcade 
unique  se  dresse  le  fragment  de  tour,  également  privé  de  son 
parapet.  On  y  accédait  par  le  petit  escalier  à  vis,  fort  étroit,  que 
signale  M.  Van  Even  et  qui  existe  encore,  mais  qui  est  particulier 
à  la  tour  dont  nous  nous  occupons  ;  sur  les  autres  parties  de  l'en- 
ceinte, là  où  les  arcades  ne  présentent  qu'un  seul  étage  de  voûtes, 
les  communications  devaient  se  faire  par  des  escaliers  latéraux. 

Ce  que  nous  devons  signaler  particulièrement  dans  cette  tour, 
c'est  d'abord  la  meurtrière  évasée  que  l'on  trouve  sous  la  ligne 
des  trois  meurtrières  verticales,  communes  à  chaque  tour  (Cré- 
neau A).  Cette  meurtrière,  que  nous  avons  dessinée  à  grande 
échelle,  ne  devait  exister  rationnellement  que  sur  cette  partie  de 
l'enceinte,  la  seule  posée  sur  un  rempart  en  terre  d'une  très 
grande  élévation  au-dessus  du  fossé.  Son  but  était  de  donner  aux 
défenseurs  un  champ  de  tir  plus  étendu,  dans  le  sens  horizontal 
aussi  bien  que  dans  le  sens  vertical,  afin  d'atteindre  sûrement 
l'ennemi  qui  se  serait  introduit  dans  le  fossé.  En  effet,  cet  assail- 
lant se  trouvait  soustrait  aux  coups  des  défenseurs  tirant  par 
les  meurtrières  verticales  placées  au-dessus,  et  dont  le  fond  n'était 
pas  suffisamment  incliné.  Nous  n'avons  malheureusement  pas 
pu  pénétrer  dans  l'intérieur  de  la  tour,  celle-ci  étant  remplie  de 
terre  et  close  à  demeure. 


—  359  — 

Nous  nous  sommes  arrêtés  également  devant  un  détail,  qui,  si 
nos  conjectures  sont  vraies,  aurait  son  importance  :  il  s'agit  de 
la  baie  de  porte,  fermée  par  un  remplissage,  et  qui  se  montre  sur 
la  face  droite  de  la  tour,  contre  Tangle  de  cette  tour  avec  la  cour- 
tine adjacente  (planche  XVI).  Cette  porte,  dont  le  seuil  se  trouve  à 
hauteur  de  la  plate-forme  intérieure  du  rempart,  a  ses  deux  jam- 
bages en  pierres  ferrugineuses  et  se  termine  par  un  linteau  de 
forme  triangulaire  de  la  même  pierre,  que  surmontent  deux 
pierres  calcaires  inclinées,  reposant  sur  les  faces  supérieures  de  ce 
linteau.  Nous  avons  dessiné  avec  le  plus  grand  soin  la  façade  de 
cette  issue,  parce  qu'elle  semble  comtemporaine  de  la  construction 
primitive  de  Tenceinte. 

D'après  un  renseignement  fourni  par  M.  Van  Even,  la  petite 
porte  en  pierres  de  fer  que  l'on  voit  près  de  l'arcade  à  jour,  contre 
la  tour  isolée  du  parc  (c'est  bien  l'issue  dont  nous  nous  occupons), 
fut  pratiquée  par  un  nommé  van  'tSestich,  avec  l'autorisation  de 
la  ville,  à  la  fin  du  xvi^  ou  au  commencement  du  xvii^  siècle. 

A  notre  avis,  rien  n'indique  une  construction  d'une  époque 
aussi  récente,  ni  même  une  reprise  en  sous-œuvre  :  les  joints 
horizontaux  se  continuent  jusqu'aux  jambages  de  la  porte,  sauf  en 
un  seul  point,  ces  joints  restent  bien  horizontaux,  enfin  le  lin- 
teau triangulaire  nous  semble  caractéristique  de  l'époque  romane 
et  de  transition.  N'eût-on  pas,  au  xvi^  ou  au  xvii^  siècle^  remplacé 
ce  linteau  par  une  voûte?  Jusqu'à  preuve  du  contraire,  nous 
sommes  tentés  de  voir  là,  une  porte  ou  poterne  de  sortie,  créée 
par  les  constructeurs  primitifs,  pour  permettre  de  faire,  en  temps 
de  siège,  des  retours  offensifs  contre  l'ennemi.  Si  notre  hypothèse 
est  vraie,  nous  trouverions,  dans  l'enceinte  de  Louvain,  un  des 
rares  spécimens  de  ces  communications  toutes  militaires.  L'ob- 
servation de  M.  Van  Even  se  rapporterait  alors  à  une  autre 
issue. 

Le  dessin  de  M.  Louckx  a  été  fait  lorsque  cette  partie  de 
l'enceinte  avait  déjà  été  dégradée,  car  les  voûtes  inférieures  s'y 
montrent  à  nu,  tandis  que  primitivement  elles  étaient  enterrées, 
puisqu'elles  servaient  uniquement  de  fondations  ;  aussi  croyons- 
nous  devoir  rétablir  figurativement  cette  partie  de  l'enceinte  telle 
qu'elle  était  au  xii^  siècle.  (Voir  pi.  XVL  Restauration). 


—  36o  — 

L'enceinte  se  dirigeait  ensuite  à  travers  l'Athénée  royal,  vers 
la  porte  Saint-Quentin  y  que  l'on  appelait  encore  la  porte  de  la  rue 
du  Prévôt, 

Cette  porte  se  trouvait  rue  de  Namur  et  fut  démolie  en  1754. 

On  suppose  que  la  chapelle  contenant  un  grand  Christ  et  qui 
est  adossée  au  refuge  de  charité,  rue  de  Namur,  est  un  reste  de 
la  tour  de  droite  de  la  porte. 

Cette  porte  était,  en  effet,  percée  au  centre  d'un  bâtiment 
carré,  flanqué  de  deux  tours.  M.  Van  Even  donne  dans  son 
ouvrage  un  dessin  représentant  la  porte  de  la  rue  du  Prévôt  *. 

* 
»  * 

De  la  porte  Saint-Quentin,  les  remparts  se  prolongeaient  sur 
le  versant  rapide  de  la  colline,  et  en  ligne  droite  jusqu'à  la  Porte 
aux  Loups.  Ils  traversaient  les. jardins  de  l'hospice  actuel  des 
Vieillards,  ancien  collège  van  Daele,  mais  il  n'en  reste  plus  au- 
cune trace. 

*  * 

Laporte  aux  Loups  ou  Wolfs-poorte  est  une  de  celles  auxquelles 
on  attribuait  une  ancienneté  plus  grande  qu'à  la  première  mu- 
raille delà  ville.  Boonen  dit  qu'elle  figure  dans  un  titre  de  1149... 

Cette  porte  se  composait  d'une  seule  grosse  tour,  ronde  du  côté 
de  la  campagne,  carrée  du  côté  intérieur  de  la  ville  et  percée 
d'outre  en  outre  pour  livrer  passage. 

La  façade  extérieure  était  ornée  d'une  sculpture  faite  dans  la 
pierre  même  de  l'édifice,  représentant  deux  loups  affrontés,  d'une 
facture  tellement  grossière,  qu'elle  accuse  au  moins  le  xi^  siècle. 
Au-dessus  de  ces  deux  loups,  se  trouvait  une  statue  de  guerrier 
armé  de  pied  en  cap  et  portant  la  lance  au  poing. 

Ces  sculptures  ont  occupé  nos  historiens  de  toutes  les  épo- 
ques : 

M.  Van  Even  émet  l'opinion  suivante  :  «  Le  loup  est  un  animal 
qui  joue  un  rôle  important  dans  la  mythologie  Scandinave. Le  loup 
a  pu  être  pour  les  habitants  de  nos  contrées  l'emblème  de  l'homme 

1  Louvain  monumental,  p.  20. 


—  36i  — 

du  Nord.  Or,  à  Tendroit  où  s'éleva  dans  la  suite  la  Porte  aux 
Loups  et  qui  est  situé  non  loin  du  Vêtus  Castellum,  le  château  des 
Normands,  se  trouvait  peut-être  primitivement  un  autel  consacré  à 
une  divinité  du  Nord  :  Priape.  Les  Louvanistes,  en  faisant  élever 
sur  cet  emplacement  la  Porte  aux  Loups,  ont,  peut-être,  voulu 
laisser  à  leurs  descendants  un  souvenir  emblématique  de  la 
défaite  des  Normands,  sur  notre  sol,  en  892.  (On  célébrera  bientôt 
le  millénaire  de  ce  fait  d'armes).  Si  cette  supposition  est  exacte,  le 
guerrier  qui  se  trouvait  jadis  au-dessus  des  deux  loups  serait 
Tempereur  Arnulf,  portant  la  lance  pour  montrer  qu'il  avait  mis 
fin  aux  ravages  des  Normands,  n 

La  sculpture  représentant  les  loups  a  été  conservée  et  posée 
définitivement  au  siècle  dernier,  à  la  place  où  on  la  voit  encore 
aujourd'hui,  contre  un  des  murs  latéraux  de  la  rue  des  Moutons, 
avec  une  inscription  latine  dont  voici  la  traduction  : 

a  Les  loups  provenant  de  la  Porte  aux  Loups,  jadis  située  près 
de  cet  endroit,  furent  placés  comme  monument  historique  dans  ce 
mur,  l'an  du  Seigneur  1781,  lorsque  deux  ans  auparavant  le 
Sénat  de  la  Commune  en  avait  décrété  la  démolition,  y 

La  Porte  aux  Loups  avait  donc  été  démolie  en  1779. 

M.  Van  Even  donne  une  vue  de  la  Porte  aux  Loups  *. 

Les  remparts  adjacents  à  la  Porte  aux  Loups,  ainsi  que  la  porte 
suivante,  la  Porte  de  Redingen,  ont  été  démolis  en  1770. 

La  porte  de  la  ville  était  située  dans  la  rue  appelée  autrefois  de 
Redîngen,  par  corruption  Regenmolen,  en  face  de  la  maison 
n°  15.  Si  Ton  peut  se  fier  au  tableau  de  Van  der  Baren,  la  porte 
de  Redmgen  n'était  qu'une  poterne  traversant  la  tour  placée  en 
cet  endroit  ;  elle  porte  le  nom  de  Porta  Malaria  sur  la  gravure  du 
tableau  dans  le  Lovanîum  de  Juste-Lipse. 

Dans  le  jardin  des  Frères  de  la  Charité,  on  retrouve  des  restes 
de  la  première  enceinte  longeant  la  Dyle.  Les  portions  du  mur 
ancien  sont  en  grès  ferrugineux,  et  nous  avons  remarqué  l'emploi 
de  ce  grès  pour  un  grand  nombre  des  parties  de  l'enceinte,  bai- 
gnées par  la  rivière. 

1  Louvain  tiionumental,  p.  20. 


—   3^2   — 

Le  pont  actuel,  à  ^extrémité  de  la  rue,  semble  avoir  été  cons- 
truit avec  les  matériaux  provenant  de  la  démolition  des  remparts 
et  peut-être,  de  la  porte  même  de  Rediiigen. 

*  * 

Un  peu  plus  loin  on  rencontre  remplacement  de  la  porte  sui- 
vante :  la  Porte  de  la  rue  aux  Marais,  démolie  en  1769.  On 
l'appelait  aussi  Limmînghen  Poorte. 

La  porte  de  la  rue  au  Marais,  dénommée/>or/^  pratensis  dans  le 
Lovaniwn,  ne  nous  semble  être,  comme  la  précédente,  qu'une 
simple  poterne  ;  cela  était  rationnel,  car  les  deux  issues  ne  don- 
naient accès  dans  la  campagne,  qu'à  des  prairies  marécageuses, 
comprises  entre  les  bras  de  la  Dyle  ;  c'est  cette  considération  qui 
explique  d'ailleurs  la  proximité  des  issues  et  leur  nombre  de  deux, 
entre  la  porte  aux  Loups  et  la  porte  des  Récollets,  sur  un  parcours 
d'un  peu  plus  de  400  mètres  seulement. 


*  * 


La  portion  de  renceinte,à  droite  de  cette  porte, traverse  la  Dyle 
à  son  entrée,  en  amont,  dans  la  place.  Les  deux  tours  qui  flan- 
quaient cette  entrée  sont  restées  debout  ;  celle  de  gauche  a  pris, 
dans  la  suite  des  temps,  le  nom  de  Totir  Jansénius;  l'autre  à  droite 
est  connue  aujourd'hui,  sous  celui  de  Tour  Juste-Lipse,  nom  tout  à 
fait  moderne  et  dû  au  collège  de  ce  nom,  au  fond  du  jardin  duquel 
elle  se  trouve  placée.  Ces  deux  tours,  autrefois  réunies  par  un 
pont,  défendaient  l'entrée  de  la  ville,  par  le  cours  d'eau. 

La  tour  de  Jansénius  ne  prit  ce  nom  que  postérieurement 
au  xvii^  siècle,  après  avoir  subi  des  réparations  et  même  une  re- 
construction presque  totale,  tout  au  moins  dans  la  partie  supé- 
rieure ;  sa  base  ancienne  est  seule  conservée. 

On  voit  en  effet  que  c'est  en  vertu  d'une  autorisation  du  con- 
seil communal,  en  date  du  18  octobre  1618,  que  Jansénius  fit  cons- 
truire, sur  le  bastion  des  fortifications  *,  les  deux  étages  en 
briques  et  le  petit  château  y  attenant  ^.  C'est  là,  dit-on,  qu'il  écri- 

1  Expression  impropre,  car  ce  que  l'on  désigne  ici  sous  le  nom  de  bastion  n'est 
qu'une  tour  dans  le  langage  de  la  fortification. 

^  Résolution  du  Conseil  de  1618,  f°  315,  vo.  Archives  de  la  ville  de  Louvain,  citée  par 
M.  Van  Even,  dans  Louvain  monumental,  note  de  la  page  311. 


—  363  — 

vit  son  Aiigtistiniis ,  ouvrage  qui  fit  tant  de  bruit  dans  le  monde 
catholique  et  qui  détermina  la  création  de  la  secte,  dite  des  Jansé- 
nistes (PL  XVI). 

En  dehors  de  la  partie  inférieure  de  la  Tour,  nous  ne  retrou- 
vons aucun  détail  archéologique  à  noter.  La  tour  Juste-Lipse, 
quoique  moins  dégradée,  puisque  l'étage  supérieur  seul  est  mo- 
derne, n'offre  cependant  pas,  non  plus,  à  l'intérieur,  de  détails 
intéressants  pour  l'archéologue.  Notons  cependant,  en  passant, 
l'escalier  qui  mène  à  l'étage  ;  cet  escalier  est  composé  d'une  par- 
tie inférieure  en  ligne  droite,  accolée  à  la  tour,  du  côté  intérieur 
et  qui  se  transforme  plus  haut  en  escalier  à  vis. 

Le  pont,  qui  reliait,  autrefois,  les  deux  tours  et  sous  lequel 
passait  la  Dyle,  a  été  démoli.  Une  remarque  à  faire,  c'est 
qu'aucun  des  plans,  ni  celui  de  Guicciardin,  ni  celui  de  Bleau,  ne 
renseigne  la  tour  Jansénms,  tandis  que  la  tour  Juste-Lipse  y  est 
marquée  (PL  XIV). 

C'est  à  son  entrée  en  ville,  que  la  Dyle  se  divise  en  deux  bras  : 
la  rivière  proprement  dite  qui  traverse  la  cité,  et  le  bras  artificiel 
qui  a  été  creusé,  au  xii^  siècle,  pour  servir  de  fossé  aux  remparts. 
Ce  bras  se  prolonge  depuis  la  Tour  Jansénîus  jusque  derrière  les 
écluses  de  Sainte-Gertrude,  en  passant  par  la  rue  des  Récollets, en 
longeant  l'hôpital  Saint-Pierre,  où  l'on  rencontre  encore,  dans  les 
jardins,  des  restes  de  tour  et  de  courtines,  en  traversant  ensuite 
la  rue  de  Bruxelles,  en  baignant  d'un  bout  à  l'autre  le  jardin 
Saint-Sébastien,  pour  aboutir,  enfin,  après  la  traversée  de  la 
rue  de  Malines,  aux  écluses  précitées. 

Les  fossés  remplis  d'eau  de  l'enceinte  s'étendaient  de  part  et 
d'autre  des  limites  ci-dessus,  d'un  côté,  depuis  la  Dyle,  en  amont, 
jusque  près  de  la  Porte  aux  Loups,  de  l'autre  jusque  près  de  la 
Porte  Saint-Esprit,  en  se  déversant  sur  leur  route  dans  la  Leye  ou 
Leybeek,  véritable  bras  de  décharge  de  la  Dyle. 

Ce  lit  artificiel  est  devenu  pour  Louvain  la  vraie  Dyle  ;  depuis 
que  l'ancien  lit  de  la  rivière  a  été  voûté  au  Marché-aux-Poissons, 
il  alimente  des  mouhns,  des  brasseries  et  d'autres  établissements 
industriels. 

A  la  jonction  des  deux  bras  et  contre  la  Tour  Juste-Lipse,  se 
trouvent  établies,  du  côté  du  fossé,  des  écluses  fort  anciennes  et 
qui  alimentent  le  bras  artificiel. 


—  364  ~ 

L'aspect  pittoresque  que  présentent  les  deux  tours  et  ces  écluses, 
vues  des  jardins  du  pensionnat  des  Filles  de  Marie,  est  bien  fait 
pour  attirer  l'attention. 

Il  est  probable  que,  dans  un  avenir  plus  ou  moins  éloigné,  la 
Dyle  sera  voûtée  sur  tout  son  parcours  à  l'intérieur  de  Tenceinte 
du  xii^  siècle. 

Déjà  nous  avons  vu  supprimer  la  portion  qui  bordait  le  Marché- 
aux-Poissons  et  le  bras  ouest,  qui  traversait  la  rue  de  Bruxelles 
et  rhôpital  Saint-Pierre.  S'il  devait  en  être  ainsi,  on  pourrait,  en 
laissant  debout  les  deux  tours,  faire  passer  la  rue  entre  elles  et 
conserver  pour  la  ville  un  monument  d'une  véritable  valeur  ar- 
chéologique. 

A  partir  de  la  Tour  Juste-Lipse,  les  remparts  se  prolongaient 
vers  la  Porte  des  Récollets,  située  rue  des  Récollets,  en  face  du  jar- 
din coté  n°  22,  près  du  second  pont.  Cette  porte  fut  démolie  en 

1765- 

Au  delà  de  la  rue  des  Récollets,  l'enceinte  se  poursuivait  jus- 
qu'à la  rue  de  Bruxelles,  où  Ton  trouvait  la  Porte  aux  Joncs  ou 
Biest  Poorte. 

La  Porte  aux  Joncs,  située  à  l'entrée  du  Jardin  Saint-Sébastien, 
fut  démolie  seulement  en  1819. 

Depuis  cette  porte,  l'enceinte  longeait  le  bras  artificiel  de  la  Dyle 
par  le  Jardin  Saint-Sébastien,  où  Ton  retrouve  encore  des  restes 
considérables  et  assez  bien  conservés.  En  entrant  dans  le  jardin 
par  la  rue  de  Bruxelles,  on  remarque  sur  la  droite  :  une  courtine 
comprenant  trois  arcades  inférieures,  une  tour  découronn'ée  reliée 
à  une  seconde  tour,  moins  bien  conservée,  par  une  courtine  de 
sept  arcades,  puis  encore,  au  delà,  une  double  série  d'arcades, 
l'une  en  comprenant  huit,  l'autre  trois  vers  l'extrémité  du  jardin. 

Toute  la  partie  des  remparts  entre  la  Porte  aux  Joncs  et  la 
porte  de  Minnemoen  est  donc  pour  ainsi  dire  restée  debout,  mais 
elle  est  fort  dégradée. 

Les  deux  tours  du  Jardin  Saint-Sébastien  se  trouvent  dans  le 
jardin  actuel  de  M.  Bosquet,  agent  de  la  Banque  Nationale  à 
Louvain,  à  la  Leye. 


-  365  - 

La  belle  Porte  aux  Joncs,  qui  était  la  prison  de  Louvain,  ser- 
vait pour  ainsi  dire  d'entrée  à  ce  jardin.  C'est  sans  doute  à  sa 
destination  et  à  Tépaisseur  de  ses  murs  que  cette  porte  dut  de 
rester  debout  jusqu'au  siècle  actuel.  Après  sa  démolition,  les  pri- 
sonniers furent  enfermés  dans  l'ancienne  Porte  de  Diest,  qui,  à  son 
tour,  est  tombée  depuis,  sous  la  pioche  des  démolisseurs. 

La  Porte  de  Minnemoen  *  ou  Minne  Poorte,  située  à  Tautre  extré- 
mité du  Jardin  Saint-Sébastien,  rue  de  la  Leye,  subit,  au  siècle 
dernier,  le  sort  des  autres  portes  de  la  première  enceinte  ;  elle 
fut  démolie  en  1762.  Elle  se  trouvait  en  travers  de  la  rue  des 
Brasseurs,  au  point  où  la  Dyle  se  subdivisait  de  nouveau  en  deux 
bras. 

Les  remparts  au  delà  de  la  porte,  en  suivant  la  Dyle  par  le  jar- 
din des  Oratoriens  dit  des  Oratoires ^  montrent  encore  quelques 
rares  vestiges,  mais,  en  i833,  on  aurait  encore  pu  voir  ces  murs 
en  entier,  flanqués  d'une  tour  en  assez  bon  état.  Tout  cela  a  été 
abattu  pour  fournir  des  matériaux  de  construction  ! 

«  * 

La  Porte  du  Château  ou  Borgt  Poorte^  rue  de  Malines,  fut  abattue 
en  1796.  Les  remparts, des  deux  côtés  de  la  porte,ne  laissent  non 
plus  aucune  trace,  et  il  faut  aller  jusqu'aux  écluses  de  l'ancienne 
abbaye  de  Sainte-Gertrude,pour  retrouver  des  restes,de  quelque 
valeur,des  fortifications  primitives.  C'est  en  ce  point  que  la  Dyle, 
après  sa  traversée  de  la  ville,  rejoignait  le  bras  artificiel,  formant 
fossé,  et  continuait  son  parcours  dans  la  campagne.  Des  disposi- 
tions particulières  avaient  été  prises  pour  assurer  la  défense  de  ce 
point  faible,  en  même  temps  que  l'écoulement  des  eaux  de  la  ri- 
vière à  la  suite  des  crues,  mais  il  ne  reste  que  fort  peu  de  chose 
de  tout  ce  dispositif,  depuis  que  l'on  a  remblayé  la  Dyle  jusqu'au 
Marché-aux-Poissons . 

« 
«  * 

1  Cette  porte  doit  son  nom  à  une  des  familles  patriciennes  de  Louvain.  Les 
Minnemoen  étaient  des  magistrats  dès  le  xive  siècle,  peut-être  même  avant.  (Voir 
de  Raadt,  Armoriai  brabançon.) 


-  366  - 

Une  branche  de  la  Dyle,  longeant  le  marché  aux  poissons, 
sortait  autrefois  de  la  place  sous  une  arcade  flanquée  de  deux 
tours  et  munie  d'une  écluse.  Cette  écluse  servait  de  retenue  et 
assurait  l'alimentation  des  moulins  situés  en  amont,  dans  la 
ville,  et  la  décharge  des  eaux  surabondantes. 

La  tour  de  gauche,  l'arcade  et  Pécluse  ont  disparu  ;  la  tour  de 
droite  seule  a  conservé  son  soubassement,  mais  la  partie  supé- 
rieure en  briques  a  été  reconstruite,  au  xvii^  siècle,  au  frais  des 
Augustins. 

Cette  tour  forme  Textrémité  du  couvent,  et  elle  nous  a  paru 
assez  intéressante  pour  fixer  l'attention  et  être  l'objet  d'un 
croquis,  d'autant  plus  que  Ton  retrouve,  à  la  base  de  la  construc- 
tion, et  sous  l'amorce  de  l'ancienne  arcade,  une  meurtrière  située 
presque  à  fleur  d'eau,  qui  permettait  une  surveillance  des  plus 
efficaces  de  la  campagne, et  d'où  l'on  parvenait  à  atteindre, par  des 
coups  rasants,  les  ennemis  qui  au  moyen  de  barques,  auraient 
tenté  de  pénétrer  dans  la  ville  en  remontant  le  cours  de  la  rivière. 
(PL  XVI.) 

M.  Van  Even  donne  une  vignette  de  la  sortie  de  la  Dyle  près 
des  écluses  de  Sainte-Gertrude  *. 

La  Steenporte  située  rue  du  Canal,  presque  en  face  du  Marché- 
aux-pommes-de-terre,  fut  démolie  en  1778. 

Entre  les  écluses  de  Sainte-Gertrude  et  la  Steenporte,  on  remar- 
que, dans  un  jardin  contigu  à  la  propriété  de  M.  Edouard  Remy, 
une  portion  de  courtine  assez  étendue,  ainsi  qu'une  tour  des 
mieux  conservées. 

Dans  la  tour,  on  retrouve  les  trois  meurtrières  habituelles;  leur 
partie  inférieure  est  à  4^00  au-dessus  du  sol,  et  le  jardin  se 
trouve  lui-même  en  contre-bas  du  sol  de  la  tour.  Nous  trouvons  là 
une  nouvelle  preuve  que  l'enceinte  murale  a  été  élevée  sur  un 
rempart  en  terre  dont  le  niveau  intérieur  s'élevait  dans  la  tour 
jusqu'à  3""oo  environ  au-dessus  du  niveau  actuel. 

Le  détail  des  créneaux  est  le  même  que  celui  de  la  Tour  Noire 
de  Bruxelles,  mais- dans  l'intérieur  de  la  tour  on  ne  retrouve  pas, 
à  hauteur  des  naissances,  le  cordon  saillant  que  Ton  constate  à 
cette  Tour  Noire. 

^  Louvain  monumental,  p.  20. 


—  3^7  — 

L'étage  unique  de  la  tour,  formant  le  rez-de-chaussée,  est  voûté 
en  calotte  et  la  maçonnerie  de  la  façade  intérieure  se  termine  par 
un  cordon  qui  en  marque  évidemment  la  limite. 

Le  tour  n'avait  donc  qu'un  rez-de-chaussée  voûté,  au-dessus 
duquel  se  trouvait  primitivement  la  plate-forme  à  découvert,  munie 
de  son  parapet  crénelé  en  pierre.  Faute  d'indications  retrouvées 
sur  place,  nous  croyons  que  Ton  accédait  à  la  plate-forme  au 
moyen  d'un  escalier  partant  de  la  rue  du  rempart  et  appuyé  laté- 
ralement à  la  courtine. 

De  part  et  d'autre  de  la  tour,  les  courtines  existent,  celle  de 
gauche  se  relie  à  la  tour  des  écluses  de  Sainte-Gertrude  et 
comprend  six  arcades;  sur  celle  de  droite  on  en  compte  cinq. 

Ces  courtines,  vues  de  l'extérieur,  laissent  apercevoir,  comme 
au  Jardin  Saint-Donat,  des  voûtes  inférieures  dont  les  pieds-droits 
font  une  légère  saillie  sur  le  nu  du  mur  qui  sert  de  fermeture  sous 
ces  voûtes. C'est  que,là  encore,le  profil  des  remparts  a  été  modifié 
dans  la  suite  des  temps  ;  les  voûtes  inférieures  étaient  cachées 
sous  les  terrassements  qui  formaient  talus  jusqu'au  fossé  et  c'est 
au-dessus  de  ce  terrassement  que  s'élevait  la  muraille  des  cour- 
tines, alors  plus  élevée  qu'elle  ne  l'est  aujourd'hui  de  3  mètres  au 
moins  et  que  ne  dépassait  peut-être  pas,  en  hauteur,  le  créne- 
lage  de  la  tour. 


* 
*  * 


L'enceinte  suivait  ensuite  un  tracé  parallèle  à  la  rue  des 
Orphelins,  jusqu'à  l'impasse  dit  de  Riiisen  hof;  elle  se  prolongeait 
par  la  rue  du  Manège,  en  englobant  le  couvent  des  Dames- 
Blanches  jusqu'à  la  rue  de  Diest,  où  se  trouvait  la  porte  du 
Saint-Esprit. 

Depuis  longtemps,  il  ne  reste  plus  de  traces  de  ce  rempart,  car 
il  avait  été  déjà  l'objet  d'une  démolition  partielle  en  1626. 


La  porte  du  Saint-Esprit  ou  d'Oppcndorp poorte  était  placée  en 
travers  de  la  rue  de  Diest  actuelle,  en  face  de  la  maison  de  Ryck- 
man  de  Winghe  ;  sa  démolition  date  de  1779. 

L'enceinte,  gravissant  le  versant  de  la  colline,  remontait  enfin 


-368  - 

en  ligne  droite  jusqu'à  la  place  du  Peuple,  où  elle  passait  à  la  mai- 
son n°  6  et,  traversant  suivant  un  tracé  courbe  cette  place  et  le 
Marché-aux-Grains  à  peu  près  en  son  milieu,  allait  rejoindre  la 
porte  Samt-Michelf  notre  point  de  départ  dans  cette  excursion. 

Dans  le  volume  intitulé  :  Dociimeiits  iconographiques  et  typogra- 
phiques de  la  Bibliothèque  royale  (Bruxelles,  Muquardt,  1877), 
M.  Petit  décrit  une  estampe  datant  de  1530  environ,  et  qui  repré- 
sente une  vue  de  Louvain  (PI.  XV). 

La  vue  est  prise  de  la  tour  dite  de  Verloren  Cost  appartenant 
à  la  seconde  enceinte.  Cette  vue  a  donc  quelque  analogie  avec 
celle  de  Hogenbergh,  dans  les  Civitates  or  bis  terrarum  de  Braun^ 
mais  elle  est  à  très  grande  échelle.  On  y  distingue  la  première 
enceinte  ou  enceinte  intérieure  et  quelques  portes,  particulière- 
ment la  Porte  Saint-Michel,  la  Porte  de  la  rue  du  Prévôt,  la  Porte 
aux  Loups  et  la  Porte  de  la  rue  au  Marais, 

La  gravure  sur  bois  ne  porte  pas  de  date,  mais  M.  Petit  la  croit 
antérieure  à  1535,  parce  que  la  chapelle  de  Notre-Dame  aux 
Fièvres,  près  de  la  Porte  Saint-Michel,  qui  fut  bâtie  vers  cette 
époque,  n'y  figure  pas. 

Dans  la  notice  qui  accompagne  la  gravure,  M.  Petit  décrit  les 
fortifications.  En  ce  qui  concerne  la  première  enceinte,  nous  rele- 
vons quelques  faits  intéressants  : 

La  Hoelstraat poorte  ow  porte  Saint-Michel  était  surmontée  d'une 
église  dédiée  à  saint  Michel,  bâtie  en  1165,  ce  qui  la  faisait  passer 
pour  une  des  sept  merveilles  de  la  ville,  où 

De  levenden  gaen  onder  de  dooden. 
(Les  vivants  passent  sous  les  morts.) 

l^diporie  aux  Loups  fut  surmontée  de  girouettes  en  1360. 

Lr  porte  du  Prévôt  était  un  bâtiment  de  forme  semi-circulaire, 
avec  deux  escaliers  pour  monter  aux  remparts;  il  avait  été  restauré 
au  xv^  siècle.  Les  remparts  intérieurs  furent  convertis  en  vigno- 
bles en  1432,  et  ces  vignobles  existaient  encore  au  xvi^  siècle. 

De  cette  porte  à  \2. porte  aux  Loups,  le  rempart  se  prolongeait 
en  ligne  droite  ^ 

*  Cette  assertion  de  M.  Petit  nous  paraît  en  contradiction  avec  la  gravure,  où  le 


—  369  - 

Nous  venons  de  jeter  un  coup  d'œil  sur  la  première  enceinte  de 
Louvain  et  nous  avons  constaté  l'existence  de  six  tours  en  assez 
bon  état,  et  de  fragments  de  courtines,  dont  les  restes  permettent 
une  reconstitution  des  types  de  la  fortification  à  Tépoque  de  tran- 
sition dans  notre  pays.  La  grande  analogie  entre  ces  construc- 
tions et  celles  de  la  première  enceinte  murale  de  Bruxelles,  même 
dans  certains  détails,  montre  bien  que  ces  remparts  appartiennent 
à  la  même  époque. 

Nous  terminerons  notre  travail  en  faisant  un  vœu  :  c'est  que  la 
Société  d'archéologie  de  Bruxelles  appelle  à  bref  délai,  l'attention 
des  particuliers  possédant,  à  Bruxelles,  à  Louvain,  à  Nivelles  ou 
ailleurs,  des  restes  de  nos  constructions  militaires  du  moyen 
âge,  sur  l'importance  archéologique  et  historique  de  ces  monu- 
ments. Ceux-ci  deviennent,  en  effet,  de  jour  en  jour  plus  rares, 
parce  que  leurs  propriétaires  ne  se  rendent  pas  compte  de  leur 
valeur  *.  Peut-être  est-il  permis  d'espérer  que,  grâce  à  cette 
démarche,  les  démolitions  seront  moins  nombreuses  dans  la  suite 
et  que  certains  propriétaires  feront  des  efforts  louables  pour 
empêcher  les  dégradations  dues  aux  injures  du  temps  et  assurer, 
du  moins,  pour  l'avenir,  l'état  de  conservation  où  se  trouvent 
aujourd'hui  ces  restes  précieux  de  notre  architecture  militaire 
ancienne. 

P.  COMBAZ  ET  ArM.  DE  BeHAULT  DE  DORNON. 


rempart  présente  une  courbure,entre  la  tour  la  plus  rapprochée  de  la  porte  aux  Loups 
et  cette  même  porte. 

^  Rien  que  pendant  l'année  1889,  à  l'enceinte  du  xii^  siècle  de  Bruxelles,  nous 
avons  vu  démolir  encore  deux  portions  de  courtine,  l'une,  rue  Royale,  n»  46,  pour 
l'établissement  des  bureaux  delà  Banque  de  Bruxelles,  l'autre,  rue  du  Gentilhomme, 
no  21,  où  l'on  a  enlevé  deux  contreforts  de  la  courtine  adjacente  à  la  vieille  porte  du 
Treurenberg,  pour  agrandir  la  cour  de  la  maison. 


21 


LVCAE  GASSELIO  HELJftONTANO 
PICTORI 

Salue  omnes,  Ijuca,  ante    ados    parjûime    cmonwm,, 

O^ec    ieuxus    vrovrto   cuire   parente  mini , 
Qmppe   mini  vrimus  ora^dices  datus  auctor  amanace, 
'Dum  pinais    fhetâ    rura    cafasque    manu . 
Vpar   àrtt    vromti^jue    tuoe,   canaorâue  :  9onorum 
Et   i^mcauid  mentes    cmcere  amore  poteft. 

Erao  Jama    tucp  virtutis,  et    artis    w    ûmum > 

^iuat,  vtroque    mvhi    nomine    amate  fmeXy    • 

nt  Caîlt  ixcui.  (Dom..  Jjtff^sffnms  cmùo  j^vwt  ■ 


Fig.  I .  —  Inscription  du  portrait  de  Luc  Gassel  gravé,  par  J.  Wiericx. 


LUC  GASSEL 


PEINTRE   PAYSAGISTE   DU    XVr    SIECLE. 


es  dates  de  la  naissance  et  du  décès  du  peintre  paysa- 
giste Luc  Gassel  ou  van  Gassel,  ne  sont  point  exacte- 
ment connues. 

La  ville  de  Helmond  (Brabant  septentrional  *);  où  il  est  né  ^, 
ne  possède  plus  les  registres  des  baptêmes  des  xvi^  et  xvii^  siècles. 
Toutefois,  le  nom  de  Gassel  se  rencontre  fréquemment  dans  les 
archives  de  cette  ville,  depuis  le  commencement  du  xv^  siècle 
jusqu'au  xvm*^. 

Wautger  van  Gassel,  homme  d'armes  (man  van  wapen),  figure 
dans  une  charte  du  12  octobre  1416.  Un  acte  du  24  décembre  1418 
établit  que  Wautger  van  Gassel  était  âgé  de  75  ans.  Une  pièce 

1  Un  village  de  cette  province  porte  le  nom  de  Gassel. 

'  Historisch'Statistische  heschrijving  van  het  konin^rifk  Holland,  door  Servaas  De 
Graaf. 


PI.  XVII.  —  Portrait  de  Luc  Gassel,  peintre  paysagiste  du  xvi^  siècle.  Gravure  de 
J.Wiericx,  dans  le  recueil  de  J.  Cock  ;  Piciorum  aliqiiot  Gcnnanice  infenoris  effis^es,  n°  25. 


—  373  — 

intéressante  du  7  décembre  1424  nous  apprend  que  Marcel,  fils  de 
Wautger  van  Gassel,  transporte  la  sergenterie  (vorsterie)  de 
Helmond  à  Jean  de  Berlaer,  seigneur  de  Helmond  et  de 
Keerbergen.  Uacte  constate  que  le  père  avait  déjà  possédé  ce 
bien  ^ 

Les  Gassel  étaient  donc  une  ancienne  et  importante  famille  de 
Helmond,  et  il  ne  semble  pas  douteux  que  Tartiste  qui  fait  Tobjet 
de  cette  étude  n'en  fît  partie. 

Quoi  qu'il  en  soit,  aucun  écrivain  ne  rapporte  de  particularités 
relatives  à  sa  vie  2.  On  ignore  à  la  suite  de  quelles  circonstances 
il  vint  habiter  Bruxelles,  mais  tous  les  auteurs  sont  d'accord  pour 
dire  qu'il  y  est  décédé  à  une  date  inconnue  ^. 

Le  nom  de  Gassel  ne  figure  pas  dans  le  volume  des  archives  de 
l'état-civil  qui  contient  des  extraits  des  pierres  sépulcrales  de 
l'église  Saint-Géry,  depuis  1406.  Quant  aux  autres  paroisses, 
elles  n'ont  de  documents,  pour  les  décès,  qu'à  partir  de  1633. 

Le  portrait  de  Gassel,  placé  en  tête  de  cette  notice,  porte  l'in- 
scription :  VixiT  ET  OBiiT  Bruxellis,  circa  an  1560.  Cette  mention 
prouve  qu'à  une  époque  encore  très  rapprochée  du  peintre,  il 
n'existait  aucune  donnée  précise  sur  la  date  de  sa  mort. 

*  * 

Parmi  les  auteurs  anciens,  Charles  Van  Mander  *  est  le  seul, 
à  notre  connaissance,  qui  fasse  mention  de  l'artiste.  Il  en  parle 
avec  éloge.  «  Lampsonius  ^,  dit  M.  Henri  Hymans  dans  sa  belle 
traduction  du  Livre  des  peintres  de  Van  Mander,  qui  appréciait 

1  Ces  renseignements  m'ont  été  obligeamment  donnés  par  M.  Th.  de  Raadt  ; 
ils  sont  puisés  dans  Krom  et  Sassen,  Oorkonden  hetrefende  Helmond. 

2  Neues  allcremeims  Kûnstkr  Lexicon,  par  D.  G.  K.  Nagler. 

3  Bryan's  dictionary  of  painters  and  engravers.  — Balkena.  Biograplne  des  peintres 
flamands  et  hollandais, 

■*  Het  Schilderboek,  Amsterd3.m,   1618. 

^  D.  Lampsonius  était  surtout  connu  comme  poète.  Juste-Lipse  le  comptait 
parmi  les  illustrations  de  la  Flandre.  Ses  principaux  écrits  sont  :  Elogia  in  effigies 
pictorum  celchrium  Germania  inferions ^  15 72, en  vers  latins  ;  2°  Vie  de  Lambert  Lombard ^ 
1565. 

L'Eglise  de  Saint-Quentin,  à  Hasselt,  renferme  un  tableau  de  Lampsonius  :  h 
Crw^^^wé-w/ Cette  œuvre  a  été  peinte  en  1576,  ainsi  que  veut  bien  nous  le  dire 
M.  le  curé-doyen  N.  H.  Rachels,  pour  100  fl.  de  Brabant  et  a  été  restaurée  par 
M.  Bonnefoy,  de  Liège. 


—  374  — 

Gassel  comme  artiste  et  qui  le  respectait  comme  un  père,  lui 
avait  donné  le  surnom  de  Sénèque.  w 

«On  constate,  ajoute  M.  Hymans,  que,  d'une  manière  générale, 
les  peintres  de  notre  pays  ont  une  prédilection  marquée  pour  le 
paysage  ;  que,  tout  au  moins,  ils  ont  été  des  maîtres  dans  ce 
genre,  au  rebours  des  Italiens  qui  nous  disent  habiles  paysagistes 
et  se  qualifient,  eux,  de  maîtres  de  l'art  des  figures.  Un  bon 
nombre  de  nos  peintres  reléguèrent  à  Tarrière-plan  Tétude  de  la 
figure  humaine  où  réside  la  plus  haute  puissance  de  l'art,  pour  se 
contenter  d'en  faire  l'accessoire  de  leurs  paysages.  De  ce  nombre 
fut  Luc  de  Helmond,  qui  habitait  Bruxelles  et  y  mourut.  Il  faisait 
de  bons  paysages  à  l'huile  et  à  la  détrempe,  mais  produisit  peu.  — 
C'était  un  homme  aimable  et  un  conteur  intéressant.  Il  était,  nous 
l'avons  dit,  fort  lié  avec  Lampsonius,  qui  lui  portait  une  vive 
affection  et  qui  composa  en  son  honneur  le  poème  suivant,  que  je 
traduis  du  latin  (i)  : 

Je  te  salue,  Lucas,  comme  digne  entre  tous, 

Toi  que  j'honore  comme  un  père, 

Toi  qui  m'as  donné,  à  mes  débuts. 

Ce  qui  fit  de  moi  l'amant  de  la  peinture, 

Lorsque  ta  main  savante  peint  le  paysage  et  la  chaumière. 

Ta  conscience  égale  ton  art  et  ton  savoir, 

Et  tout  ce  qu'un  cœur  honnête  peut  inspirer. 

Que  de  ta  vertu  et  de  ton  art  le  renom  s'étende, 

Et  vive  à  jamais, 
O  vieillard,  qui  m'est  deux  fois  cher  !  » 

M.  Herris,  le  savant  expert  du  Musée  de  Bruxelles,  a  consacré, 
en  1864,  une  courte  notice  à  Luc  Gassel.  Nous  croyons  utile  d'en 
rappeler  quelques  passages  :  «  Si  l'heureuse  idée  de  la  création 
d'un  musée  national  avait  été  comprise  en  Belgique,  il  y  a  trente 
ans,  sans  nul  doute,  nous  serions  aujourd'hui  mieux  renseignés 
sur  l'histoire  artistique  de  l'Ecole  flamande  de  la  peinture  ;  l'ému- 
lation s'en  serait  mêlée  et  d'autres  découvertes  seraient  venues 
révéler  les  noms  des  artistes  à  qui  nous  devons  cette  série  consi- 
dérable d'objets  d'art,  et  parmi  lesquels  aurait  indubitablement 
figuré  celui  de  Luc  Gassel. 

«  De   même  que  Henri  de  Blés,  Joachim  Patinier,  Luc  et 

1  Nous  donnons  le  texte  latin  en  tête  de  notre  travail. 


—  375  — 

Martin  Van  Valckenbourg,  Luc  Gassel  était  Tun  des  premiers 
peintres  de  paysage  proprement  dit  :  avant  lui  et  ceux  que  nous 
venons  de  citer,  ce  genre  de  peinture  n'était  introduit  dans  les 
œuvres  de  leurs  devanciers  pour  ainsi  dire  qu'en  guise  d'acces- 
soire, n 

Les  œuvres  de  Luc  Gassel  se  font  remarquer  par  un  coloris 
distingué,  très  fin  et  harmonieux,  et  si  parfois  on  y  rencontre  un 
peu  de  sécheresse,  c'est  que  cette  façon  de  faire  était  propre  aux 
peintres  du  xvi^  siècle. 

«  Il  faut,  dit  M.  A.  Wauters  *,  tenir  compte,  pour  apprécier 
l'œuvre  et  le  talent  d'un  maître,  de  l'époque  où  il  a  vécu.  On  doit, 
de  plus,  pour  assurer  son  mérite,  le  comparer  à  ses  contemporains 
qui  ont  parcouru  la  même  carrière,  n 

Le  cabinet  des  estampes  de  la  Bibliothèque  royale  possède  le 
portrait  de  Luc  Gassel,  dans  quatre  états  différents  ^.  L'un  de 
ceux-ci  —  celui  que  nous  avons  reproduit  —  gravé  par  J.  Wiericx, 
fait  partie  de  la  collection  des  portraits  d'hommes  célèbres  décédés 
avant  1572.  Il  figure  sous  le  n°  23,  dans  le  recueil  de  J.  Cock, 
Piciorum  alîquot  Germaniœ  infer torts  effigies. 

Bartsch  ^  mentionne  un  portrait  de  Gassel  où  figure  cette 
inscription  :  IMAGO  (la  lettre  A  est  écrite  en  petit,  en  haut, 
entre  les  lettres  M  et  G)  LVCAE  GASSELI  -  A.  B.-  lACOBO 
BINCO  \  AD  VIVAM  -  EFFIGIEM  DELINEATA.  HONOS. 
ALIT.  ARTES  ^  ;  suit  le  monogramme  et  la  date  1529.  Gassel 
est  représenté  à  mi-corps,  vu  de  trois  quarts,  la  tête  tournée  à 
gauche,  sa  barbe  est  courte,  ses  cheveux  sont  frisés  et  la  tête  est 

^  Annales  de  la  Société  cV archéologie  de  Bruxelles.  —  La  famille  Breughel,  t.  I,  II®  liv. 
p.  61. 

^  Catalogm  des  Jrères  Wierickx  ;  Portraits  —  Cat.  Alvin,  no  1910  ;  I,  II,  III 
et  1910  copie. 

3  Le  Peintre  graveur, 

*  De  levens  en  werken  der  Hollandsche  en  Vlaamsche  kunstschilders,beeldhouwers, graveurs 
enhowwmeesterSy  door].  Immerzeel. 

^  Le  portrait  par  Binck  représente  Gassel  beaucoup  plus  jeune  que  sur  le  portrait 
gravé  par  Wiericx.  Binck  était,  en  1546,  le  peintre  de  la  cour  de  Christian  de  Dane- 
mark  et  il  séjourna  déjà  dans  ce  pays  avant  cette  époque.  —  Il  mourut  à  Kônigs- 
berg  vers  1560. 


—  376  ~ 

couverte  d'une  barette,  appelée  improprement  par  Bartsch  un 
bonnet  Mezetin.  Il  porte  un  manteau  de  fourrure  de  dessous  lequel 
sort  sa  main  gauche,  qui  repose  sur  une  pierre,  et  sur  celle-ci  on 
lit  rinscription  citée  plus  haut. 

Une  copie  de  cette  estampe,  assez  bien  gravée  en  contre-partie, 
par  un  anonyme,  porte  la  même  inscription  et  le  chiffre  1529. 
Le  mot  IMAGO  est  inscrit  sans  la  faute.  Une  autre  copie  porte  ce 
nom  :  S.  Kloetïng,  exe.  del-f.,  et,  sur  une  dernière  copie,  enfin, 
assez  bien  gravée  aussi,  en  contre-partie,  par  J.  B.  V.  Tienen,  on 
lit  au  bas  :  HONOS.  ALIT.  ARTES  :  IMAGO  —  LVCAE  — 
GASSELI.  AB.  JACOBO  BINCO  AD  VIVAM  EFFIGIEM 
DELINEATA,  J.  B.  V.  TIENEN 

*  * 

Les  tableaux  de  Gassel  sont  rares*.  Fiorillo ^  dit  que,  d'après 
Papillon  ^,  il  aurait  aussi  gravé  sur  bois. 

Il  est  à  remarquer  qu'on  trouve  dans  toutes  les  productions  de 
l'artiste  des  paysages  montagneux  avec  figures  et  qu'il  y  a,  à 
droite  et  à  gauche  de  Tavant-plan,  un  ou  deux  arbres. 

Voici  la  nomenclature  des  tableaux  connus  du  maître  : 

1°  Musée  de  Vienne  ^.  —  Paysage  accidenté.  A  droite,  au  pre- 
mier plan,  sous  un  groupe  d'arbres  élevés,  au  feuillage  toufi'u, 
sont  assis  Judas  et  Thamar  qui  reçoit  de  lui  la  bague  ;  à  gauche, 
et  un  peu  plus  en  arrière,  un  château  entouré  d'eau,  communi- 
quant avec  la  terre  ferme  à  l'aide  d'un  pont-levis.  Dans  le  fond, 
on  voit  des  bâtiments,  des  rochers  escarpés,  un  port  et  la  mer. 
Une  centaine  de  personnages  sont  disséminés  sur  le  tableau. 

1548,  signé  ;  les  lettres  L.  et  G.  entrelacées. 

Hauteur,  79  centimètres  ;  largeur,  i"^i4  centimètres. 

2°  Paysage  montagneux  dont  les  plaines  sont  parsemées 
d'usines  mues  par  des  machines  hydrauliques,  et  d'autres  activées 
à  bras  d'hommes  :  des  moulins,  des  forges,  etc.  Les  ouvriers  re- 
cueillent du  minerai,  forgent  ou  chargent  des  chariots. 

^  D.  G.  K.  Naglek,  Die  Monogrammisten, 

2  Geschichte  der  Kiinste. 

8  Vie  des  Peintres. 

*  Gemàlde  heschreibendes  Veîxeichniss,von  E.  Engerth.  — Wien,  1884,  p.  152. 


o 


<1> 

H- 

en 


—  379  — 

Une  des  curiosités  de  ce  tableau  —  peint  en  1544  —  est  une 
scène  qui  représente  un  homme  sortant  d*un  tunnel,  poussant  de- 
vant lui  un  wagonnet  placé  sur  des  rails  !  Un  ouvrier  se  dirige 
vers  le  tunnel  portant  sur  ses  épaules  des  tronçons  de  rails.  Le 
poids  doit  être  lourd,  car  il  ploie  sous  la  charge.  Vers  le  milieu  du 
tableau  on  voit  un  médecin  ambulant,  suivi  de  son  aide,  qui  admi- 
nistre un  vomitif  à  un  ouvrier.  Sur  un  rocher,  à  droite,  perche 
un  martin-pêcheur.  Le  second  plan  nous  montre  un  château 
entouré  d'eau,  que  M.  Herris  croit  être  celui  de  Tervueren.  Un 
seigneur,  accompagné  d'une  suite  nombreuse,  en  sort,  allant 
vers  la  plaine.  A  Thorizon,  derrière  le  château,  on  aperçoit  une 
grande  ville.  A  gauche,  dans  une  éclaircie  des  montagnes,  la  mer 
sillonnée  de  navires.  Le  tableau  est  rempli  de  personnages  portant 
des  costumes  de  différents  pays. 

L'œuvre,  peinte  sur  bois,  est  signée  du  même  monogramme 
que  le  tableau  du  Musée  de  Vienne,  (hauteur,  54  centimètres  ; 
largeur,  i^^io  —  appartient  à  M.  l'avoué  Bauwens,  de  Bruxelles, 
et  provient  de  la  famille  du  sculpteur  Faid'herbe  de  Malines)  *. 

3°  La  fuite  en  Egypte.  Saint-Joseph,  d'un  geste  de  la  main, 
montre  à  sa  compagne  un  arbre  contre  lequel  est  placé,  sous  un 
toit  en  appentis,  une  idole  qui  se  brise  à  l'approche  des  person- 
nages ;  à  gauche  de  l'avant-plan  un  martin-pêcheur  près  d'une 
source  jaillissant  d'un  rocher.  Un  piédestal  architecture  laisse 
échapper  l'eau  qui  s'écoule  dans  un  bassin  de  pierre  et,  de  là,  dans 
le  ruisseau.  La  route  que  vient  de  parcourir  la  sainte  famille  est 
bornée  à  sa  droite  par  une  hôtellerie,  dont  tous  les  détails  sont 
rendus  avec  fidélité.  Plus  loin,  se  laisse  voir  un  village  dont  les 
maisons  sont,  pour  la  plupart,  couvertes  de  chaume.  L'église 
montre  une  nef  beaucoup  plus  basse  que  l'abside,  qui  paraît  être 
ogivale  et  est  précédée,  à  la  façade  principale,  par  un  clocher  re- 
couvert d'une  toiture  conique  effilée.  Les  maisons  sont  intéres- 
santes au  point  de  vue  de  l'architecture  ancienne  dans  nos  cam- 
pagnes, particulièrement  une  ferme  située  sur  la  gauche  qui  pré- 
sente une  tour  couronnée  d'un  hourd  en  bois  faisant  saillie  sur 
les  parements  de  ses  murailles.  Sur  la  place  du  village,  les  soldats 


*  Ce  tableau  figure  depuis  quelques  mois  au  Musée  Royal  des  tableaux  anciens 
à  Bruxelles. 


-  38o  — 

envoyés  par  Hérode  massacrent  les  enfants.  Dans  le  champ,  placé 
à  proximité  de  la  ferme  dont  il  vient  d'être  question,  des  paysans 
fauchent  le  blé,  tandis  qu'un  autre  semble  donner  un  renseigne- 
ment à  des  soldats. 

Derrière  le  village,  un  lac  dans  Teau  duquel  viennent  plonger 
les  contreforts  des  montagnes  qui  ferment  Thorizon.  Une  ville 
étage  ses  maisons,  ses  temples  et  ses  fortifications  entre  les  replis 
des  roches.  Un  pont  franchit  un  ravin  escarpé  et  est  précédé  d'au- 
tres ouvrages  fortifiés.  Tout  au  fond,  un  château-fort.  Au  centre 
du  tableau  et  au  second  plan,  une  troupe  de  soldats,  à  cheval,  se 
dirige  vers  le  village,  le  long  d'une  route  bordée  de  constructions 
rurales.  A  quelque  distance  de  celle-ci,  un  château,  perché  sur  des 
roches  escarpées,  nous  montre  tous  les  détails  de  la  fortification 
au  déclin  du  moyen  âge.  Une  poterne  donne  accès  dans  une 
avant-lice  entourée  de  courtines  crénelées  et  dominée  par  le  donjon 
du  château  ainsi  que  par  la  poterne  donnant  accès  à  la  lice  ; 
elle  est  défendue  par  un  ouvrage  hourdé  placé  au-dessus  du 
crénelage  de  la  courtine  formant  l'enceinte  du  château.  Cette 
courtine  longe  les  rochers  et  est  garnie  de  merlons  et,  à  une  cer- 
taine place,  de  hourds  en  bois  qui  se  relient  à  deux  tours  forti- 
fiées en  pierre  avec  chemin  de  ronde  et  toitures  coniques.  Le 
corps  de  logis  principal  est  situé  entre  ces  tours  et  le  donjon  der- 
rière lequel  le  peintre  nous  montre  des  toitures  de  tuiles  rouges. 
Des  ouvrages  en  bois  font  saillie  tout  autour  et  servent  de  déga- 
gement aux  pièces  de  l'habitation  ;  au  devant  du  château,  une  sorte 
de  pilori  s'élève  d'un  terrain  ensanglanté,  marquant  ainsi  le  pas- 
sage des  soldats  envoyés  par  Hérode.  Le  fond  du  tableau  se  ter- 
mine au  centre  et  à  droite  par  un  paysage  montagneux  boisé. 
Bois  :  largeur,    o'^9o  centimètres  ;   hauteur,   o^^yo   centimètres. 

Il  porte  le  monogramme  : 


(Ce  tableau  appartient  à  Tauteur  de  cette  notice  et  a  été  acheté, 
il  y  a  quelques  années,  à  la  mortuaire  du  curé  de  Meire,  près  d' Alost) . 


-38i  - 

4°  Paysage  montagneux  avec  ville,  village,  lac  sillonné  de 
bateaux,  nombreux  personnages,  dont  quelques-uns  sont  porteurs 
de  bannières.  —  Au  premier  plan,  le  Christ  et  la  Vierge,  saint 
Jean  guérissant  des  boiteux  et  des  paralytiques.  *  —  ANNO 
DOMINI  1538.  —  Signé  (lettres  L  et  G  entrelacées).  —  Bois  : 
hauteur,  ©"^49  ;  largeur,  o"^62.  —  (Appartient  à  M.  Weber, 
consul  d'Hawaï,  à  Hambourg.) 

5°  Paysage  montagneux.  Au  premier  plan,  la  fuite  en  Egypte. 
Ne  porte  ni  date  ni  signature.  —  Bois  :  hauteur,  ©"'23  ;  largeur, 
o""i8.  —  (Appartient  à  M.  Charles  Cavens,  de  Bruxelles.) 

M.  A.-J.  Wauters  a  retrouvé,  dit-il,  caché  sous  des  noms  d'em- 
prunt, des  tableaux  du  maître  :  plusieurs  au  Musée  de  Naples, 
attribués  à  Breughel;  un  dans  la  galerie  de  Lichtenstein,  à  Vienne, 
donné  à  Pierre  Aartsen.  Le  même  auteur  ^  dit  qu'il  y  a  au  Musée 
des  Offices,  à  Florence,  un  tableau  signé  du  monogramme  de 
Gassel  et  que  ce  tableau  passe  pour  un  Henri  de  Blés.  Dans  une 
lettre  que  M.  Ridolfi,  le  directeur  du  musée  des  Offices,  nous  écrit 
à  ce  sujet,  il  prétend  que  le  monogramme  n'existe  pas  et  que 
l'œuvre  est  bien  de  H.  de  Blés. 

Disons  quelques  mots  concernant  des  tableaux  qui  ont  été 
indûment  attribués  à  Gassel. 

i^  On  lit  au  n°  791  du  catalogue  de  la  galerie  de  Dresde 
(1880- 1884)  :  Luc  Gassel.  —  Apollon  et  Pan  devant  le  tribunal  de 
Midas.  Le  Dictionnaire  des  peintres,  par  Siret,  cite  aussi  ce  tableau. 
Le  nouveau  catalogue  scientifique  de  la  galerie  de  Dresde  (1887), 
rédigé  par  son  savant  directeur,  le  professeur  D'"  K.  Woermann, 
à  propos  du  même  tableau,  n^  857,  le  mentionne  comme  étant  de 
Gilles  van  Coninxlo.  En  effet  : 

a)  Le  monogramme  de  van  Coninxlo  figure  sur  le  tableau,  et 
ce  monogramme  est  le  même  que  celui  qui  se  trouve  sur  un 
tableau  de  ce  peintre,  à  la  galerie  de  Lichtenstein,  à  Vienne  ; 

bj  Une  gravure  de  Nie.  de  Bruyn  ^,  contemporain  de  Gilles 
van  Coninxlo,  reproduit  ce  tableau  ; 

c)  La  facture  de  la  peinture  diffère  essentiellement  de  celle  de 

^  La  Peinture  flamande. 

2  Études,  recherches  et  notes  sur  V  Art  flamand. 

3  Cabinet  des  estampes  de  la  Bibliothèque  royale,  à  Bruxelles. 


—  382  — 

Gassel  et  enfin  le  monogramme  n*est  pas  celui  de  ce  dernier 
artiste. 

2°  Catalogue  du  Musée  de  Lille  {Le^s  Alex.  Laleux,  1873). 
Luc  Gassel.  —  Paysage.  —  Diane  et  Actéon.  —  Or,  ce  tableau  ne 
porte  aucune  des  caractéristiques  de  la  peinture  de  Gassel  ;  par 
contre,  il  est  signé  du  monogramme  de  Joachim  Patinier. 

* 
«  * 

Passons  aux  gravures.  Le  cabinet  des  estampes  de  la  Biblio- 
thèque royale  de  Bruxelles  en  possède  quatre,  publiées  par 
Jérôme  Cock  :  Hieronymus  in  deserio  (saint  Jérôme  au  désert)  ; 
Salve  Antoni  (saint  Antoine)  ;  Abraham  invitât  angelos  (Abra- 
ham invite  les  anges  à  recevoir  Thospitalité),  et,  enfin,  le 
Baptême  du  Christ.  Les  trois  premières  gravures  portent  le 
même  monogramme  que  celui  que  Ton  voit  sur  les  tableaux. 

Les  personnages,  même  ceux  placés  à  Tavant-plan,  comme 
dans  les  peintures,  n'appellent  pas  surtout  le  regard  ;  l'œil  suit 
plutôt  le  curieux  panorama  qui  se  déroule  au  loin. 

Les  estampes  que  nous  venons  de  citer"  se  trouvent  également 
à  Paris,  à  la  Bibliothèque  Nationale,  ainsi  qu'une  cinquième  : 
Deflet  Niniven  propheta  Jonas  (Le  prophète  Jonas  pleure  Ninive), 

S.  De  Schryver. 


DE  L'IMPORTANCE 


DES 


VOYAGES   AU    MOYEN  AGE 


e  sera  Thonneur  de  notre  temps  d'avoir  fouillé  le  passé 
avec  une  patience  infatigable,  et  de  s'être  laissé  guider 
avant  tout,  dans  ces  recherches,  par  un  sincère  amour 
du  vrai.  La  Renaissance  ne  nous  a  offert  qu'une  antiquité 
travestie  par  les  idées  et  les  préjugés  en  honneur  sous 
Léon  X  et  François  P^  Le  xvii^  siècle  a  fait  parader  sur  les 
tréteaux  des  Grecs  et  des  Romains  de  pure  convention,  et  dont 
les  sentiments  étaient  encore  plus  défigurés  que  leurs  tètes 
Tétaient  par  les  grandes  perruques  dont  ils  étaient  affublés.  Le 
Romantisme  à  son  tour  a  imaginé  un  moyen  âge  de  carnaval.  Il 
était  réservé  à  notre  époque  de  faire  des  reconstitutions  archaïques 
se  rapprochant  de  la  réalité.  Pour  cela  les  artistes  et  les  écrivains 
se  sont  appuyés  sur  les  travaux  des  savants  au  lieu  de  s'aban- 
donner uniquement  à  leur  imagination.  C'est  pourquoi  l'on  voit 
aujourd'hui  des  tableaux  d'histoire  qui,  à  leurs  autres  mérites, 


-  384  - 

joignent  celui  d'une  assez  grande  exactitude,  et  des  récits  histo- 
riques évoquant  véritablement  un  écho  des  mœurs  et  des  senti- 
ments de  nos  pères. 

Parmi  les  époques  sur  lesquelles  le  plus  grand  nombre  d'écri- 
vains se  sont  escrimés,  il  faut  compter  le  moyen  âge.  C'était  assez 
naturel,  car  il  est  le  moins  éloigné  de  nous  et  nous  y  tenons 
encore  par  bien  des  points.  Et  pourtant,  lorsqu'on  soulève  un 
coin  du  voile  qui  recouvre  ce  passée  Ton  est  frappé  du  grand 
nombre  d'idées  fausses  qui  régnent  encore  sur  lui. 

Prenons  un  détail,  assez  important  d'ailleurs.  Parlons  des 
voyages  de  nos  ancêtres  et  voyons  d'abord  l'idée  que  la  plupart 
des  gens  s'en  font.  Là  dessus,  comme  sur  bien  d'autres  choses,  au 
lieu  de  faire  une  étude,  même  sommaire,  chacun  édifie  son  petit 
système  d'après  ses  idées  et  quelque  vague  tradition,  et  voici  le 
résultat  auquel  la  plupart  aboutissent  :  Il  y  a  trois  quarts  de  siècle, 
nos  pères  faisaient  leur  testament  avant  de  se  mettre  en  route 
pour  Amsterdam  ou  Cologne.  Lorsque  quelqu'un  se  décidait  à 
s'aventurer  jusqu'à  Paris,  et  s'il  en  revenait  sain  et  sauf,  il  devenait 
un  objet  de  curiosité  pour  tous  les  bourgeois  de  son  quartier,  et 
conservait  souvent  toute  sa  vie  le  surnom  de  Parisien.  Nous 
découvrons  dans  quelques  papiers  de  famille  et  dans  ces  vieilles 
histoires  transmises  de  père  en  fils,  qu'au  siècle  dernier,  les  routes 
pavées  étaient  l'exception  et  qu'il  fallait  alors  huit  Jours  pour 
traverser  la  France.  De  là,  on  tire  immédiatement  une  conclusion 
qu'on  croit  rigoureuse,  et  l'on  dit  :  Que  devait-ce  donc  être  au 
moyen  âge,  alors  qu'il  n'y  avait  pas  de  routes  du  tout,  que  les 
campagnes  étaient  infestées  de  brigands,  qu'il  n'y  avait  aucun 
service  public  de  transport  !  Alors,  évidemment,  un  déplacement 
de  Bruxelles  à  Vilvorde  était  une  aussi  grande  affaire  qu'aujour- 
d'hui un  voyage  à  Berlin.  Eh  bien  !  Messieurs,  permettez-moi  de 
vous  le  dire,  ce  raisonnement  est  radicalement  faux,  et  il  suffit  de 
parcourir  quelques  ouvrages  du  temps  pour  voir  qu'il  en  était 
tout  autrement.  Au  risque  d'être  accusé  de  paradoxe,  nous  affir- 
merons carrément  ceci  :  C'est  qu'au  moyen  âge  et  à  l'époque 
de  la  Renaissance,  on  voyageait  beaucoup  plus  que  pendant  les 
deux  derniers  siècles,  et  qu'il  a  fallu  la  locomotive  pour  que  les 
déplacements  devinssent  plus  fréquents  qu'ils  ne  l'étaient  alors. 
Nous  ne  craignons  pas  d'affirmer  que  tous  ceux  qui  auront  exa- 


-  385- 

miné  la  question  seront  de  notre  avis,  et  si  un  grand  nombre  de 
personnes  pensent  autrement,  cela  prouve  ce  que  nous  disions 
tantôt,  à  savoir  que  les  préjugés  sur  ce  temps  sont  encore  nom- 
breux. 

Ouvrons  n'importe  quel  ouvrage  du  temps,  et  nous  serons 
frappés  des  fréquentes  mentions  de  voyages.  Les  romans,  contes 
et  fabliaux  en  sont  pleins,  et  les  documents  authentiques  en  four- 
millent. Lorsque  Ton  étudie  ce  qui  a  rapport  aux  constructions, 
on  voit  que  beaucoup  de  monuments,  surtout  dans  les  campagnes, 
furent  construits  par  des  corporations  nomades,  composées  d'un 
groupe  de  praticiens  venant  d'une  même  ville  ou  d'une  même 
région,  voyageant  pour  s'instruire  et  se  perfectionner,  et  souvent 
on  peut  presque  suivre  leur  itinéraire  en  voyant  s'égrener  le  long 
d'un  certain  parcours  une  série  d'édifices  ayant  entre  eux  un  air 
de  famille.  C'est  ainsi  qu'on  trouve  en  Flandre  un  grand  nombre 
d'églises  de  village  qui  sont  comme  des  diminutifs  de  Notre- 
Dame  de  Pamele  d'Audenarde,  ce  qui  paraît  prouver  qu'au 
xiu^  siècle,  une  semblable  confrérie  de  bâtisseurs,  ayant  fait  leur 
apprentissage  pendant  la  construction  de  cette  admirable  église, 
firent  une  tournée  dans  toute  la  Flandre  pour  se  faire  la  main. 
Nous  voyons  dans  les  comptes  de  la  restauration  du  beffroi  de 
Tournai,  après  l'incendie  de  1391,  que  la  maçonnerie  de  ce  tra- 
vail fut  confiée  à  un  entrepreneur  de  Louvain.  Sous  les  ducs  de 
Bourgogne,  les  plus  belles  œuvres  d'art,  exécutées  à  Dijon  et 
plus  loin  encore,  portent  les  noms  d'artistes  flamands.  Les  fonts 
baptismaux  de  Hal,  coulés  en  bronze  en  1424,  sortent  des  ateliers 
d'un  fondeur  de  Tournai,  comme  l'atteste  l'inscription  qu'ils  por- 
tent. On  pourrait  multiplier  ces  exemples. 

Nous  voyons  à  chaque  instant  dans  l'histoire  que  les  seigneurs 
voyageaient  énormément,  et  cela  se  comprend  d'ailleurs.  Comme 
ils  n'habitaient  pas  les  villes,  ils  ne  pouvaient  se  réunir  qu'au 
prix  de  déplacements  constants.  Quand  on  songe  que  beau- 
coup d'entre  eux  voyageaient  avec  nombre  de  dames  d'honneur, 
écuyers,  pages  et  damoiseaux,  sans  compter  les  serviteurs,  que 
tout  ce  monde  emportait  une  abondante  garde-robe,  costumes  de 
chasse,  costumes  de  banquet,  armures  de  tournoi  et  robes  de 
bal,  qu'il  était  de  mode  alors  d'emporter  sa  vaisselle  et  une  partie 
de  son  mobilier,  on  peut  se  faire  une  idée  du  mouvement  extraor.- 

25 


-  386  — 

dinaire  qui  régnait  sur  les  chemins  aux  environs  de  la  demeure 
d'un  seigneur  lorsque  celui-ci  donnait  une  fête.  Eh  bien  !  il  ne 
faut  pas  oublier  qu'il  y  avait  un  seigneur  dans  chaque  village,  que 
les  fiançailles,  mariages,  baptêmes,  élévation  d'un  jeune  homme 
au  grade  de  chevalier  et  bien  d'autres  circonstances  encore  étaient 
l'occasion  de  fêtes  auxquelles  étaient  conviés  un  grand  nombre 
de  gentilshommes  venant  parfois  de  très  loin,  que  beaucoup  de 
ces  seigneurs  avaient  de  nombreuses  familles,  et  Ton  peut,  sans 
trop  s'aventurer,  dire  que  les  nobles  de  cette  époque  étaient  sou- 
vent par  voies  et  par  chemins. 

Si,  de  Taristocratie,  nous  passons  à  la  classe  moyenne,  nous 
remarquons  d'abord  ceci.  Le  commerce  de  gros  ne  se  faisait  que 
par  les  foires  périodiques.  Pas  de  bourses,  mais  des  marchés  en 
plein  air  où  chacun  arrivait  avec  toute  sa  marchandise  sur  des 
chariots  et  véhicules  de  toutes  formes,  ou  sur  le  dos  de  mules, 
chevaux  et  baudets.  Le  commerce  de  détail  ne  pouvait  se  faire 
dans  chaque  ville  que  pour  les  produits  de  la  ville  elle-même. 
Celui  qui  voulait  avoir  un  produit  d'une  autre  localité  devait  donc, 
bon  gré  mal  gré,  s'y  rendre.  Rappelons  aussi  que  la  poste  n'exis- 
tait pas  ;  donc,  nul  moyen  de  faire  connaître  une  nouvelle  à 
quelqu'un,  qu'en  y  allant  soi-même  ou  en  envoyant  un  messager. 
Et  nous  nous  permettons  d'insister  un  peu  sur  ce  point.  Même  en 
tenant  compte  de  la  moins  grande  densité  de  la  population  et  du 
moindre  mouvement  d'affaires,  songeons  à  la  quantité  d'allées  et 
venues  nécessaires  pour  remplacer  la  vingtième  partie  seulement 
des  affaires  innombrables  que  nous  traitons  aujourd'hui  par 
correspondance.  Tout  commerçant  faisant  quelques  affaires  de 
gros  était  en  route  une  bonne  partie  de  l'année. 

Voyons  aussi  ce  qui  se  passait  dans  la  classe  des  lettrés.  Occu- 
pons nous  des  clercs,  alors  les  plus  nombreux  parmi  les  savants, 
et  prenons,  si  vous  le  voulez  bien,  l'une  ou  l'autre  vie  de  saint  ou 
de  personnage  célèbre  par  son  savoir  et  sa  piété.  Les  trois  quarts 
du  temps  nous  y  voyons  ceci.  Né  dans  tel  village,  il  étudia  d'abord 
dans  tel  monastère  (à  dix  lieues  de  chez  lui),  nommé  ensuite 
prieur  dans  tel  autre  (vingt  lieues  plus  loin),  il  fit  un  voyage  à 
Rome,  fut  envoyé  par  le  Saint  Père  en  Allemagne  ou  en  Nor- 
vège, puis  enfin  fut  nommé  évêque  à  cent  cinquante  lieues  de  son 
village  natal.  Les  hagiographes  vous  diront  que  les  biographies 


-     38?     - 

de  ce  genre  ne  sont  point  rares.  Nous  voyons  aussi  que  les  gens 
qui  voulaient  approfondir  une  science,  après  avoir  suivi  les  cours 
de  Tuniversité  la  plus  rapprochée  de  chez  eux,  allaient  étudier  à 
Paris,  à  Montpellier,  à  Bologne,  à  Nuremberg,  à  Louvain  ;  puis, 
leurs  études  terminées,  lorsqu'ils  acquéraient  une  certaine  répu- 
tation, c'était  une  nouvelle  occasion  de  voyages,  car  les  rois  et  les 
grands  seigneurs  d'alors  les  faisaient  venir  à  leur  cour  et  leur 
offraient  une  large  hospitalité  pour  s'éclairer  de  leurs  lumières  et 
jouir,  eux  et  leurs  convives,  des  charmes  d'une  conversation 
savante. 

Il  en  était  de  même  des  artistes,  dans  la  biographie  desquels 
nous  trouvons  également  d'incessantes  pérégrinations.  Bien  diffé- 
rents en  cela  de  ceux  de  nos  jours,  car  si  nous  lisons  un  article 
biographique  quelconque  sur  un  artiste  de  notre  siècle,  neuf  fois 
sur  dix  nous  y  trouverons  une  mention  dans  le  genre  de  celle-ci  : 
((  Tout  entier  à  son  art,  on  le  voyait  peu  au  dehors,  et  depuis 
plus  de  trente  ans  son  existence  si  bien  remplie  s'écoula  toute 
entière  dans  son  atelier  de  l'avenue  de...  connu  de  tous  les  ama- 
teurs. »  Peut-être,  entre  parenthèses,  faut-il  chercher  là  une  des 
causes  de  la  médiocrité  qui  envahit  l'art  de  nos  jours,  et  cette 
réclusion,  qui  est  devenue  en  quelque  sorte  professionnelle,  est- 
e  le  un  des  motifs  de  la  décoloration  progressive  de  l'imagination 
chez  beaucoup  d'artistes.  Mais  ne  sortons  pas  de  notre  sujet. 

Quant  aux  trouvères  et  aux  troubadours,  on  sait  qu'ils  passaient 
leur  vie  à  voyager  de  château  en  château  pour  faire  entendre  leurs 
chants. 

En  somme,  nous  voyons  que  la  seule  classe  qui  vécut  séden- 
taire était  celle  des  laboureurs  et  des  petits  artisans.  Or,  il  faut 
reconnaître  que,  sous  ce  rapport,  les  mœurs  de  cette  classe  n'ont 
guère  changé. 

Les  pèlerinages  étaient  aussi  une  cause  de  fréquents  et  lointains 
voyages,  à  cette  époque  de  foi  ardente. 

Il  y  a  encore  une  remarque  à  faire  et  qui  vient  à  l'appui  de 
notre  thèse.  Voyons,  d'après  les  manuscrits,  l'histoire  du  costume, 
et  nous  remarquerons  qu'il  se  transforme,  progressivement  et 
simultanément,  dans  toutes  les  provinces  d'un  grand  pays  comme 
la  France,  et,  sauf  quelques  détails  particuliers  à  certaines  ré- 
gions, les  modes  sont  à  peu  près  les  mêmes  en  Champagne  qu'en 


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Guyenne,  en  Dauphiné  qu'en  Normandie.  Nous  voyons  même 
alors  comme  aujourd'hui  les  modes  de  Paris  arriver  assez  rapide- 
ment jusque  en  Ecosse  ou  au  fond  de  TAUemagne.  Comment  cela 
eût-il  été  possible  sans  de  fréquents  déplacements  ? 

Jetons  maintenant  un  coup  d'œil  sur  les  miniatures  et  remar- 
quons d'abord  quelle  immense  variété  de  moyens  de  locomotion. 
Chariots,  voitures,carrioles  de  tous  genres  et  de  toutes  dimensions, 
charrettes  à  chiens,  chaises  à  porteurs,  litières  portées  par  des 
mules,  revêtent  mille  formes  différentes, sont  garnies  de  trente-six 
façons  variées  selon  qu'elles  doivent  traverser  des  montagnes 
ou  des  marais,  des  rivières  ou  des  gorges,  selon  qu'elles  doivent 
fournir  un  parcours  de  quelques  heures  ou  un  voyage  de  plusieurs 
semaines.  Les  harnachements  des  mules  et  des  chevaux  présen- 
tent une  variété  auprès  de  laquelle  ceux  de  nos  jours  semblent 
n'offrir  qu'une  pauvre  uniformité. 

Si,  des  moyens  de  transport,  nous  portons  nos  regards  sur  le 
costume  des  voyageurs,  nous  remarquons  d'aussi  grandes  diffé- 
rences et  une  entente  minutieuse  des  nécessités  du  voyage.  Quelle 
variété  de  manteaux,  capes,  surtouts,  pèlerines,  chaperons,  quelle 
variété  même  dans  la  façon  de  porter  le  même  vêtement  selon 
qu'il  pleut  ou  qu'il  fait  du  soleil,  qu'on  doit  lutter  contre  le  vent 
ou  contre  la  neige.  C'est  au  point  qu'il  faut  une  grande  habitude 
pour  reconnaître  le  même  vêtement  à  voir  les  formes'  différentes 
que  chaque  voyageur  lui  donnait.  Examinons  les  chaussures,  et  là 
encore,  nous  trouvons  une  infinie  quantité  de  patins,  galoches  de 
cuir  ou  de  bois,  bottes,  guêtres,  houseaux,  que  l'on  changeait 
selon  qu'on  avait  à  traverser  des  prairies,  des  broussailles  ou 
des  terres  sablonneuses.  Ah  î  si  les  routes  étaient  négligées, 
l'équipement  était  bien  loin  de  l'être,  et  nous  pouvons  affirmer 
sans  crainte  qu'un  marchand  du  xiii^  siècle,  après  une  journée 
de  voyage  à  travers  la  pluie  et  le  vent  par  des  chemins  impos- 
sibles, arrivait  au  logis  avec  la  peau  et  les  vêtements  de  dessous 
en  meilleur  état  qu'un  de  ses  descendants  d'aujourd'hui  qui  a 
subi  une  averse  de  deux  heures  dans  les  rues  pavées  de  Bruxelles 
en  Brabant.  Ils  riraient  bien,  nos  ancêtres,  s'ils  nous  vo3raient 
nous  promener  à  la  campagne  ayant  aux  pieds  les  mêmes  bot- 
tines que  nous  portions  la  veille  pour  assister  à  un  dîner,  s'ils 
savaient  que  bien  des  gens  à  leur  aise  n'ont  qu'une  espèce  de 


-389- 

chaussures  pour  tous  les  temps  et  pour  toutes  les  saisons,  et  s'ils 
rencontraient  un  de  nos  citadins  pataugeant  dans  la  boue  avec 
des  souliers  vernis. 

Mais,  me  direz-vous,  comment  pouvez-vous  admettre  qu'on 
soit  tombé  d'un  tel  raffinement  à  une  simplicité  presque  indi- 
gente ?  Eh  !  Messieurs,  est-ce  donc  la  seule  fois  qu'on  ait  constaté 
un  temps  d'arrêt  ou  même  un  mouvement  de  recul  dans  la  mar- 
che de  l'humanité  ?  Qu'aurait  dit,  je  vous  prie,  un  propriétaire 
gallo-romain  du  iv*^  siècle,  ayant  une  riche  villa  décorée  de 
statues  et  de  mosaïques,  un  triclinium  aux  lambris  dorés  et  des 
bains  de  marbre,  s'il  était  revenu  en  Gaule  deux  siècles  plus  tard, 
et  s'il  eut  vu  un  puissant  chef  franc,  peut-être  plus  riche  que  lui, 
vivre  pêle-mêle  avec  ses  soldats  et  ses  serviteurs  dans  un  bâti- 
ment informe  couvert  de  chaume,  buvant  et  mangeant  dans  des 
écuelles  de  terre,  sur  des  tables  à  peines  rabotées,  tandis  que  les 
poules  venaient  picorer  les  miettes  tombées  sur  la  terre  battue  qui 
servait  de  parquet  ?  Le  temps  avait  marché  pourtant  mais,  dans 
l'intervalle,  l'invasion  des  Barbares  avait  passé,  balayant  les  arts 
et  la  civilisation  romaine.  Qu'eût  dit  un  magistrat  du  dernier  siè- 
cle, habitué  à  vivre  dans  de  petits  appartements  coquettement 
drapés  de  tentures,  entouré  de  jolies  porcelaines  posées  sur  des 
étagères  sculptées,  marchant  sur  de  moelleux  tapis,  s'il  avait  pu 
voir  un  intérieur  de  bourgeois  aisés  vers  Tan  de  grâce  1815  ? 
Une  salle  aux  murs  presque  nus,  quelques  chaises  de  paille,  en 
acajou,  c'est  vrai,  mais  au  dessin  d'une  simplicité  plus  que  mona- 
cale ;  plus  de  bibelots,  plus  de  tapis,  mais  un  parquet  tout  uni  et, 
bien  souvent,  des  carreaux  rouges  ou  un  plancher  de  bois  blanc. 
L'horloge  du  temps  ne  s'était  pourtant  pas  arrêtée,  mais  il  y 
avait  eu  la  Révolution  française  et  les  guerres  de  l'Empire,  qui 
avaient  fait  table  rase  des  gracieuses  productions  du  siècle  de  la 
Pompadour. 

Or,  entre  le  moyen  âge  et  le  xvii^  siècle,  s'il  n'y  a  pas  eu  de 
carnage  comparable  à  l'invasion  des  Goths  ou  aux  batailles  de 
Napoléon,  il  y  a  eu  un  mouvement  d'idées,  un  bouleversement 
dans  les  mœurs  qui  changea  la  face  du  monde  tout  autant  que  ces 
grands  événements.  La  Réforme  religieuse  d'une  part,  d'autre 
part  la  Renaissance  des  arts  et  des  sciences  de  l'antiquité  modi- 
fièrent profondément  toutes  choses.  Voyons  en  quoi  ces  change- 


—  390  — 

ments  influencèrent  les  mœurs  de  nos  aïeux  par  rapport  aux 
voyages. 

D'abord,  le  pouvoir  central  s'étant  affermi  partout,  les  grands 
seigneurs  cessant  d'être  rois  et  magistrats  sur  leurs  terres,  et  n'y 
étant  plus  retenus  par  leur  grandeur,  préfèrent  venir  habiter 
les  villes  pendant  la  plus  grande  partie  de  Tannée.  Ils  y  font 
construire  de  somptueux  hôtels,  et  c'est  là  désormais  qu'ils  don- 
nent des  fêtes  à  leurs  voisins.  Donc,  plus  de  ces  nombreux  cor- 
tèges convergeant  vers  l'un  ou  l'autre  château,  mais  simplement 
des  courses  en  carrosse  d'une  rue  de  la  ville  à  l'autre. 

Dans  le  monde  savant,  au  lieu  de  quelques  rares  esprits  parcou- 
rant le  monde  pour  aller  cueillir  dans  vingt  écoles  différentes  une 
parcelle  à  la  fois  de  cette  science  à  laquelle  ils  avaient  tout  sacrifié, 
chacun  put  faire  assez  facilement  quelques  études  superficielles, 
grâce  à  l'établissement,  dans  toutes  les  villes,  de  collèges  de 
quelque  importance  où,  selon  des  méthodes  faciles  et  d'après  un 
programme  uniforme,  on  distribuait  une  dose  moyenne  de  science 
à  un  grand  nombre  d'intelligences,  moyennes  aussi .  Pour  l'ensei- 
gnement des  arts,  partout  des  académies  où  tous  ceux  qui  le  vou- 
laient pouvaient  apprendre  en  deux  ou  trois  ans  à  construire  un 
monument  selon  les  formules  de  Vitruve  ou  à  modeler  un  buste 
rappelant  à  peu  près  les  productions  de  la  décadence  romaine. 
Par  conséquent,  à  quoi  bon  se  déplacer  puisque  chacun  trouvait  à 
la  ville  voisine  à  s'approvisionner  de  science  ou  d'art  comme  on 
s'approvisionnait  de  drap  ou  de  fil  à  coudre  ? 

La  façon  de  faire  le  commerce  avait  changé  aussi  du  tout  au 
tout.  D'abord,  les  négociants  traitaient  leurs  affaires  par  corres- 
pondance, et  l'on  voyait  des  gens  faire  des  fortunes  énormes  sans 
quitter  leur  comptoir.  Il  s'établit  des  bourses  où  l'on  fit  de  grandes 
affaires  sur  simples  échantillons.  Dans  les  villes  s'installèi-ent  des 
bazars  où  l'on  vendait  toutes  sortes  d'articles,  des  provenances  les 
plus  variées.  Là  encore,  donc,  non  suppression,  mais  diminution 
notable  des  déplacements  nécessaires. 

Ainsi,  toutes  les  classes  de  la  société  prirent. ces  habitudes 
casanières  que  nos  pères  ont  si  bien  connues,  et  les  mille  acces- 
soires de  voyage  qu'on  employait  auparavant  avec  tant  de  discer- 
nement, tombèrent  petit  à  petit  en  désuétude. 

C'est  ainsi,  Messieurs,  que  les  mœurs  ont  changé.  Si,  du  côté 


—  391   — 

des  voyages,  il  semble  y  avoir  eu  un  recul  dans  la  civilisation,  il 
serait  puéril  de  nier  que,  sous  d'autres  rapports,  il  y  avait  eu  des 
progrès.  Il  en  a,  d'ailleurs,  toujours  été  de  même,  et  il  y  a  eu 
rarement  de  grands  progrès  dans  une  branche,  sans  qu'on  ait  eu 
d*autre  part,  à  constater  quelque  décadence.  A  travers  toutes  ces 
vicissitudes,  l'humanité  n'en  poursuit  pas  moins  son  évolution, 
mais,  il  est  bon  quelquefois,  de  jeter  les  yeux  en  arrière,  car  c'est 
dans  le  passé  que  l'on  puise  les  plus  précieux  matériaux  pour 
l'avenir. 

E.  Michel. 


QUATORZE   LETTRES   INÉDITES 


DE 


GRÈTRY 


CONSERVÉES     AU    MUSÉE    GRÉTRY,     A     LIÈGE 


onsieur  J.  Th.  Radoux,  membre  de  TAcadémie  royale 
de  Belgique,  le  savant  directeur  du  Conservatoire 
royal  de  musique  de  Liège,  à  l'initiative  duquel  on 
doit  la  création  d'un  Musée  Grétry,  dans  la  ville  natale  du  com- 
positeur, est  parvenu  à  y  réunir,  en  moins  de  six  ans,  environ 
cent  objets  ayant  rapport  à  Fauteur  de  Richard  Cœur-de-Lion  *. 

Parmi  ceux-ci,  nous  citerons  :  un  manuscrit j  écrit  entièrement 
de  sa  main,  chapitre  XXX,  3^  volume,  intitulé  :  Le  malheur  de 
Vhomme  est  de  n  avoir  que  des  demi-passions  y  14  pages  de  o'"  19 
sur  o"^  23  (cet  article,  était,  sans  nul  doute,  destiné  à  son  ouvrage  : 
De  la  Vérité^  en  3  volumes)  ;  —  une  collection  très  intéressante 
de  portraits  ;  —  une  fort  jolie  miniature  sur  ivoire,  par  un  artiste 
inconnu,  représentant  Grétry  à  Tâge  de  dix-huit  ans  (don  de 
M.  Terme);  —  une  collection  d'ouvrages  concernant  Grétry  ;  — 

^  Le  nom  du  donateur  figure  sur  chaque  objet. 


—  393   — 

une  médailley  frappée  en  1842,  à  l'occasion  de  Tinauguration  de 
la  statue  de  Grétry,  à  Liège  ;  —  une  tabatière,  en  argent,  ornée 
des  attributs  de  la  musique,  ayant  appartenu  à  Grétry  ;  —  une 
mèche  de  ses  cheveux  (don  de  son  neveu  Flamand-Grétry)  ;  — 
une  partition  manuscrite  et  autographe  de  Topera  «  le  Prisonnier 
anglais  «  ;  —  dix  partitions  d'orchestre,  de  Grétry  (don  du  Gou- 
vernement belge)  ;  —  un  dossier  très  curieux,  contenant  une 
correspondance  de  Grétry  avec  Madame  Desbordes- Valmore  ;  — 
nombre  d'autres  lettres  de  Grétry,  etc.,  etc. 

Emettons  le  vœu  que  les  possesseurs  d'objets  se  rapportant  à 
Grétr}'-,  voudront  bien  seconder  M.  Radoux,  dans  l'œuvre  patrio- 
tique qu'il  a  entreprise,  en  les  offrant  au  Musée  Grétry. 

*     * 

Les  correspondances  des  hommes  d'élite,  comme  le  fait  fort 
judicieusement  remarquer  M.  Charles  Piot  *,  les  font  connaître 
dans  l'intimité.  C'est  à  ce  titre  que  nous  reproduisons,  in-extenso, 
quelques-unes  des  lettres  dont  il  a  été  question  plus  haut  et  qui 
sont  inédites,  à  l'exception  de  fragments  des  n^^  4^,  7^,   et    14^  2. 


N°   I  \ 

Grétry,  membre  de  l'Institut  national, 
au  Ministre  de  la  Justice. 

Citoyen  Ministre, 

Les  artistes  musiciens  me  sollicitent  de  faire  imprimer  une 
méthode  sur  l'art  d'improviser  en  musique,  que  je  viens  d'achever, 
et  ayant  pour  titre  :  Uharmonie  musicale  réduite  à  son  principe, 

^  Quelques  If  tires  de  la  correspondance  de  Grétry  avec  VUzthumh.  Bulletin  de  l'Académie 
royale  de  Belgique,  2®  série,  tome  XL,  n°«  9  et  10,  1875. 

'^  Gréh-y,  par  Verhulst.  Liège,  1842.  —  Grétry ^  sa  vie  et  ses  œuvres^  par 
Michel  Brenet,  ouvrage  couronné  par  la  classe  des  Beaux- Arts,  dans  sa  séance 
du  25  octobre  1883. 

^  Don  d'un  anonyme,  de  Paris. 


-  394   -- 

L'imprimerie  de  la  République  possédant  seule  d'excellents 
caractères  de  musique,  j'ose  vous  supplier  de  m'autoriser  à  y 
faire  imprimer  (à  mes  frais),  ce  petit  ouvrage,  qui  pourra  contenir 
quatre  à  cinq  feuilles  in-8°. 

Salut  et  respect, 

Grétry, 

Boulevard  des  Italiens,  n^  340. 

Paris,  25  nivôse  an  X. 


Le  ministre  C.  Abrial,  écrivit  en  marge,  au-dessus  de  sa  signa- 
ture, le  mot  :  accordé. 


N^  2  '. 
Monsieur, 

Il  y  a  longtemps  que  j'aurais  dû  vous  remercier  de  la  lettre  que 
Mgr  le  duc  de  Choiseul  a  eu  la  bonté  d'écrire  au  prince  de  Liège  ; 
j'en  attends  des  nouvelles  et  j'espère  qu'elles  seront  bonnes. 
Madame  la  comtesse  de  Chabot  m'a  fait  l'honneur  de  m'écrire,  à 
son  retour  de  Fontainebleau,  pour  s'informer  de  ma  santé.  Elle 
m'a  dit  deux  mots  de  votre  part  pour  le  voyage  de  la  Rochegion. 
Vous  jugerez  de  moi,  Monsieur,  à  votre  retour  à  Paris,  et  si  je 
vous  conviens  tel  que  ma  santé  me  permettra  d'être,  je  serai  bien 
à  votre  service.  Je  ne  vous  écris  jamais.  Monsieur  le  comte,  sans 
vous  demander  une  chose  ou  l'autre  ;  c'est  encore  où  j'en  suis 
aujourd'hui. 

Je  voudrais  bien  savoir,  Monsieur,  à  qui  il  faut  que  je  dédie  la 
musique  de  ma  parade  qui  va  paraître  dans  huit  ou  dix  jours.  Je 
ne  connais  personne  qui  en  soit  plus  digne  que  vous,  et  je  me 
charge  de  le  prouver  dans  ma  lettre  dédicatoire.  On  dit  que  la 
musique  de  cette  pièce  est  immortelle.  Jugez,  Monsieur,  que  si 
elle  paraît  sous  Tauspice  du  nom  de  Rohan  Chabot,  ma  parade 
sera  une  espèce  de  Père  Eternel,  qui  aura  été  de  tout  temps.  Je 
m'aperçois  cependant  que  je  sors  de  mon  diapason.  Rohan  peut- 

^  Don  d'un  anonyme.  Paris. 


—   395  — 

être  très  ancien;  et  ma  pièce  très  moderne.  Si  vous  daignez  m'ac- 
corder  ce  que  je  vous  demande.  Monsieur,  je  vous  prie  de  me  dire, 
en  me  répondant,  si  vous  voulez  que  je  fasse  mettre  d'autre  titre 
que  Monsieur  le  comte  de  Rohan  Chabot.  Je  vous  prie  aussi  de  me 
refuser  sans  façon,  si  vous  en  avez  des  raisons,  telle  que  celle 
d'éviter  une  foule  d'auteurs  importuns,  qui  cherchent  sans  doute 
à  vous  dédier  leurs  ouvrages. 

J'ai  l'honneur  d'être,  avec  le  plus  profond  respect,  Monsieur, 
votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur, 

Grétry. 

P.,  S.  —  Il  me  reste  de  mon  incommodité  une  petite  toux,  et  de 
la  faiblesse  qui  diminue  chaque  jour. 

Paris,  ce  vendredi  27  octobre  1769. 


N  '  3  K 

Il  y  a  longtemps,  mon  cher  cousin,  que  je  désire  un  coin  de 
terre  pour  savoir  où  reposer  ma  tête  ;  je  l'ai  enfin,  et  j'ai  le 
bonheur  d'être  le  sacristain  d'un  grand  homme.  Mais  je  ne  fais 
pas  un  pas  dans  Paris,  qu'on  ne  me  dise  : 

—  Ayez  des  armes,  des  chiens,  vous  êtes  fort  isolé. 

J'avoue  même,  que  si  l'hiver,  lorsque  mon  crachement  de  sang 
me  survient,  je  ne  pouvais  me  transporter  à  mon  ermitage,  je 
n'en  jouirais  qu'imparfaitement. 

Vous  pourriez  donc,vous,  mon  bon  ami,  et  votre  aimable  asso- 
cié, qui  a  trop  d'esprit  pour  ne  pas  s'intéresser  à  un  bon  artiste, 
me  tirer  de  toute  espèce  d'inquiétude  sur  ma  vie.  J'ai  deux  mor- 
ceaux de  terre,  en  face  de  chez  moi,  que  je  vous  donnerais;  le 
maçon  du  lieu,  honnête  homme,  à  ce  que  tout  le  monde  m'assure, 
demande  dix  mille  francs  pour  bâtir  deux  maisons  de  vignerons 
qui  sont  presque  louées  d'avance.  Ledoux,  l'architecte,  veut  en 
faire  les  plans  pour  qu'elles  soient  jolies,  sans  en  augmenter  le 
prix  ;  le  maçon  s'oblige  de  faire  toutes  les  avances  et  de  livrer  les 

1  Don  de  M™e  la  marquise  de  Péralta. 


—  396  — 

deux  maisonnettes  où  il  ne  manquera  pas  même  la  crémaillière, 
en  lui  payant  un  douzième  par  mois,  pendant  un  an,  qu'il  donne 
pour  payer  le  tout.  Si,  pendant  un  an,  quatre  cent  cinquante 
livres  par  mois  pour  chacun  de  vous  deux,  n'étaient,  comme  je  le 
présume,  qu'un  objet  de  peu  d'importance,  mon  bon  ami,  si,  sans 
abuser  de  votre  amitié,  vous  pouviez  me  rendre  ce  service,  vous 
assureriez  ma  tranquillité,  que  je  vous  devrais,  avec  reconnais- 
sance, le  reste  de  ma  vie.  Je  vous  embrasse. 

Grétry. 
Paris,  7  vendémiaire  an  VII. 


* 
*    * 


Voici,  enfin,  onze  lettres  autographes  de  Grétry,  adressées  à 

Monsieur  Dumont, 

notaire  imp^ 

à  Liège 

dépt  de  rOurthe. 


No  4. 

J'ai  vu  avec  plaisir.  Monsieur  et  cher  compatriote,  le  duo 
liégeois  que  vous  avez  eu  la  bonté  de  m'envoyer.  La  composition 
en  est  excellente  ;  c'est  bien  le  chant  qui  convient  aux  paroles,  et 
la  partition  est  claire  et  nette,  sans  affectation  ni  superfluité. 
Recevez  mes  sincères  remercîments,  que  j'irai  vous  faire  ad 
homineniy  si  j'ai  le  bonheur  de  retourner  encore  une  fois  dans  ma 
chère  patrie,  qui  est  à  jamais  gravée  dans  mon  cœur.  J'ai  l'hon- 
neur de  vous  saluer  et  de  vous  remercier. 

Grétry. 

Paris,  premier  février  1810. 


—  397  — 


N°5 


J'ai  reçu,  mon  cher  compatriote,  la  partition  liégeoise  que  vous 
avez  eu  la  bonté  de  me  communiquer  et  qui  est  précédée  d'une 
lettre  infiniment  trop  flatteuse  pour  moi.  Notre  jargon  liégeois 
est  naturellement  un  peu  burlesque;  et  vous  avez  eu  de  la  peine, 
j'en  suis  sûr,  à  varier  vos  motifs,  l'espèce  de  fugue  n°  .  est  origi- 
nale, et  cadre  très  bien  avec  les  paroles. 

Recevez,  je  vous  prie,  mes  remercîments,  et  assurez  bien  Mes- 
sieurs Henkart,  Bassenge  et  Fabry,  que  mon  esprit  et  mon  cœur 
sont  sans  cesse  au  milieu  d'eux. 

J'ai  l'honneur  de  vous  saluer  fraternellement  et  de  toute  mon 
âme. 

Grétry. 

P,  S.  Je  vous  remercie  de  m'avoir  procuré  la  connaissance  de 
M'^*^  Keppenne,  qui  est  très  aimable.  Dites,  je  vous  prie,  à  mon 
ami  Bassenge,  que  le  prince-primat  vient  de  nommer  m.on  neveu 
de  l'Académie  de  Francfort,  avec  600  ^^  de  pension,  qui  augmen- 
tera. C'est  l'ami  Bassenge  qui  me  l'a  apporté  de  Liège  à  l'âge  de 
cinq  ou  six  ans. 

* 
*     * 

M.  Henkart,  dont  il  est  question  dans  cette  lettre,  avait  fait  une 
cantate  que  M.Dumont  avait  mise  en  musique  pour  l'inauguration 
de  la  Place  Grétry.  M.  Bassenge,  aîné,  fit  des  couplets  sur  l'air  du 
vaudeville  de  la  Fausse  magie. 

M.  Fabry  était  bourgmestre  de  Liège. 


N«6. 


Mon  cher  compatriote. 

Je  viens  de  recevoir  trois  fois  la  Gazette  de  Liège ^  c'est  vous 
ou  M.  Henkart  qui  me  les  envoyez,  je  n'en  doute  pas  ;  et  pour 


-  398  - 

augmenter  ma  reconnaissance  envers  vous  deux,  vous  gardez 
Tanonyme. 

Ce  n'est  que  depuis  peu  de  jours,  Monsieur  et  cher  compatriote, 
que  je  sais  que  vous  avez  fait  les  démarches  auprès  des  autorités 
de  Liège  pour  faire  réussir  le  projet  de  la  place  qui  porte  mon 
nom,  et  qui  rend  ma  mémoire  impérissable  dans  la  ville  où  je  suis 
né,  et  où  je  voudrais  qu'un  jour  mon  cœur  fut  transporté. 

C'est  par  quelques  Liégeois,  qui  sont  venus  à  Paris  et  qui  ont 
appris  à  M.  Colette,  mon  voisin  et  mon  ami,  que  vous,  M.  Dumont 
(que  j'espère  à  l'avenir  j'appellerai  mon  ami),  que  c'est  vous, 
dis-je,  à  qui  je  dois  le  tendre  hommage  qu'on  daigne  me  rendre 
dans  ma  patrie.  Ils  disent  même  que  non  content  des  peines  atta- 
chées aux  sollicitations  nécessaires  dans  toute  affaire,  vous  poussez 
la  générosité  jusqu'à  vous  charger  d'une  partie  des  frais  indispen- 
sables du  monument.  Faites-moi  connaître,  je  vous  prie,  mon  cher 
compatriote,  les  obligations  que  je  vous  dois,  mon  cœur  et  mon 
amitié  pour  vous  les  réclament.  J'ai  encore  parcouru  hier  votre 
partition  d'opéra  liégeois  ;  je  ne  puis  vous  payer  ma  dette  qu'en 
applaudissant.  Lorsque  j'eus  l'honneur  de  vous  répondre  à  ce 
sujet,  je  crus  parler  à  un  confrère,  un  professeur  en  musique  ; 
vous  êtes  digne  de  l'être,  mais  vous  faites  plus,  vous  vous  occupez 
de  ma  gloire  et  vous  ranimez  ma  vieillesse.  * 

Le  II  février  prochain,  j'aurai  septante  ans;  que*  ne  puis-je 
diminuer  le.  nombre  de  m^es  années,  pour  aller  vous  embrasser.  Il 
me  reste  au  moins  l'espoir  de  vous  connaître  un  jour  personnelle- 
ment et  de  vous  voir  à  Paris.  Recevez  je  vous  prie,  en  attendant, 
l'hommage  de  ma  sincère  reconnaissance^  que  je  vous  voue  pour 
toute  ma  vie. 

Grétry. 

Paris,  6  décembre  1810. 


N°7. 

Vous  ne  cessez,  mon  cher  ami,  de  vous  occuper  de  moi;  j'en 
suis  touché  jusqu'aux  larmes.  Votre  cantate,  que  je  reçois,  est 
excellente,  et  cent  fois  au-dessus  de  ce  que  je  puis  mériter.  Vous 
voulez  que  j'aille  à  Liège  pour  le  11  février;  oh  mon  ami!  je  puis 


—  399  — 

vous  dire  que  je  ne  supporterais  pas,  ni  le  voyage,  ni  la  cérémo- 
nie, qui  me  touche  de  trop  près.  Chaque  fois  que  je  m'expose  au 
froid,  je  crache  le  sang;  voilà  où  55  opéras  sortis  de  ma  pauvre 
tête  m'ont  réduits  le  jour  de  saint  André.  Une  dame  musicienne 
a  voulu  me  caresser  un  peu  à  votre  manière.  Après  le  concert, 
j'ai  craché  le  sang  et  j'en  ai  été  malade  huit  jours;  non,  dans  ma 
bonne  ville,  au  milieu  de  vous,  j'étoufferais  de  joie  et  vous  ne 
voulez  pas  que  je  meure  encore,  de  quelque  manière  que  ce  fût. 
Adieu,  mon  digne  ami,  remerciez  M.  Andrieu  et  tous  les  Mes- 
sieurs qui  voudront  bien  prendre  part  à  ma  fête. 

Je  vous  embrasse  de  toute  mon  âme. 

Grétry. 

Paris,  27  décembre  1810. 

P.  S.  Quand  j'aurai  reçu  le  procès-verbal,  je  remercierai  M.  le 
préfet  et  M.  le  maire. 


N°8. 

Je  dois  vous  faire  part,  mon  cher  et  digne  ami,  que  je  viens  de 
recevoir  une  lettre  de  M.  le  maire,  à  laquelle  est  joint  l'arrêté  du 
Conseil  municipal.  Je  vous  dois  (bons  amis)  l'immortaUté,  et  je  ne 
puis  reconnaître  vos  bontés  que  par  des  vœux  pour  votre  bonheur. 
Je  me  plais  à  montrer  votre  cantate  aux  compositeurs  de  Parisj 
ils  enragent  en  lisant  notre  patois,  qu'ils  ne  peuvent  lire,  et  ils 
sont  étonnés  qu'un  notaire  soit  aussi  bon  musicien  :  tous  les 
notaires  de  Paris  y  disent-ils,  ne  savent  pas  deux  notes. 

Je  vous  embrasse  de  tout  mon  cœur. 

Grétry. 

Paris,  6  janvier  181 1. 


N"  9. 

Je  reçois  de  votre  part,  mon  cher  confrère,  un  jambon  qui  est 
plus  gros  qu'une  partition  en  trois  actes.  Si  ma  santé  revient 
comme  ci-devant,  j'en  goûterai  en  songeant  à  vous  et  à  la  douce 
amitié  que  vous  me  portez. 


—  400  — 

J'espère  bien  aller  encore  une  fois  dans  ma  bonne  ville,  mais 
pas  clans  cette  circonstance  ;  je  viens  d'avoir  d'ailleurs  des  accès 
de  fièvre  qui  m'ont  cruellement  fatigué.  Vous,  M^'^  Kepenne, 
M.  Henkart,  causez  tous  mes  regrets. 

Vous  êtes  sans  doute  de  votre  société  l'Émulation  :  dites-moi 
donc  si  mon  neveu  est  nommé  associé.  On  l'a  induit  en  erreur  en 
lui  disant  qu'il  serait  nommé  avant  que  ses  fables  parussent  ;  le 
jeune  homme  a  marché  trop  vite;  mais  je  serais  mortifié,  très 
mortifié  que  ce  fût  un  motif  d'exclusion.  Parlez-moi  à  cœur 
ouvert  sur  ce  point. 

Adieu,  cher  ami,  je  vous  embrasse  bien  tendrement. 

Grétry. 
Paris,  i^"^  avril  1811. 


N"  10. 

Je  viens  vous  tourmenter,  mon  cher  confrère  en  Apollon. 
Voulez-vous  avoir  la  bonté  de  m'envoyer  mon  extrait  baptistère, 
bien  dûment  légalisé  par  M.  le  préfet;  enfin,  ce  qu'il  faut,  vous 
le  savez  mieux  que  moi  ! 

J'ai  été  baptisé  à  Notre-Dame-aux-Fonts ,  proche  Saint- Lambert ^ 
le  II  février  1J41  ;  je  suis  vieux,  comme  vous  voyez;  priez 
M.  Bassenge  de  vous  remettre  les  frais,  que  je  lui  rendrai  à  son 
retour  à  Paris.  L'amitié  que  vous  avez  la  bonté  de  me  témoigner 
sans  cesse  me  fait  peut-être  abuser  des  sentiments  que  j  ai  le  bon- 
heur de  vous  inspirer  ;  mais  cette  pièce  m'est  nécessaire  dans  ce 
moment,  et  je  m'adresse  à  vous  comme  à  mon  ami,  que  j'embrasse 
de  toute  mon  âme. 

Grétry. 

Paris,  17  avril  181 1. 

P.  S.  Ma  santé  commence  à  se  raffermir;  le  beau  temps  fera  le 
reste,  je  l'espère. 


40I 


N°  II. 


Mon  cher  compatriote  et  cher  ami,  j'ai  reçu  une  lettre  de 
M.  Henkart  qui  me  dit  que  j'ai  dû  recevoir  de  vous  de  la  musique  ; 
sans  doute  celle  que  vous  avez  eu  la  bonté  de  faire  sur  son 
hymne,  digne  de  la  plume  de  Jean-Baptiste  Rousseau. 

Je  n'en  ai  pas  de  nouvelles,  cher  ami,  je  ne  Tai  pas  reçue  cette 
musique  et  je  désire  la  connaître.  C'est  un  des  plus  chers  témoi- 
gnages de  l'amitié  de  mes  deux  bons  amis,  que  j'aime  pour  la 
vie.  Informez-vous  donc,  et  faites-la  moi  parvenir  par  la  première 
occasion . 

Je  vous  embrasse  de  toute  mon  âme. 


Grétry. 


A  l'Ermitage,  2  septembre  181 1. 

Dans  huit  jours  je  serai  de  retour  à  Paris. 


No  12. 

Point  de  nouvelles  du  courrier,  mon  cher  ami.  Je  vous  envoie 
un  mot  par  M.  de  Fossoul.  Je  vous  remercie  d'avoir  si  bien  réussi 
dans  l'affaire  de  mon  neveu  ;  il  est  en  campagne,  il  vous  remer- 
ciera lui-même  à  son  retour. 

Vous  voulez  des  nouvelles  de  ma  santé  ;  eh  bien,  j'ai  vomi  le 
sang  fort  joliment  il  y  a  un  mois  ;  je  suis  encore  faible  ;  mais  je  ne 
puis  mourir  de  cette  maladie,  qui  est  aussi  vieille  que  moi,  elle  a 
commencé  à  Liège,  sur  le  Pont  des  Arches,  et  j'avais  alors  quinze 
ou  seize  ans  ;  elle  date  de  loin,  comme  vous  voyez. 

Je  vous  embrasse  mille  fois. 

Grétry. 

Paris,  le  14  septembre  181 1. 


26 


—  402 


No  13. 


Je  reçois  enfin,  cher  ami,  votre  cantate,  que  vous  m'annoncez 
depuis  si  longtemps  ;  c'est,  j'imagine,  la  première  copie  qui  aura 
restée  égarée.  Elle  restera  plus  longtemps,  croyez-moi,  dans  les 
archives  de  ma  famille  ;  elle  attestera  à  mes  neveux  vos  talents  et 
votre  rare  amitié  pour  moi.  Je  vous  remercie  des  peines  que  vous 
a  donné  mon  neveu.  M.  Rouvroy  me  mande  qu'il  engagera  sa 
société  d'annoncer  à  mon  neveu  sa  réception;  je  ne  crois  pas 
qu'il  puisse  la  remercier  avant  cette  annonce  officielle. 

Remerciez,  je  vous  prie,  M.  Rouvroy  :  il  m'avait  écrit  le  pre- 
mier, mais  sa  lettre  est  restée  à  l'ermitage,  c'est  pourquoi  je  ne 
lui  ai  pas  répondu.  Je  vais  me  délecter  avec  votre  cantate,  que 
je  ferai  voir  aux  compositeurs  de  Paris,  pour  leur  prouver  qu'il 
y  a  dans  mon  pays  des  notaires  amateurs  de  musique,  quoiqu'il 
n'y  en  ait  pas  ici. 

Je  vous  embrasse  cent  fois  de  tout  mon  cœur. 

Grétry. 

Paris,  20  septembre  181 1. 

M.  Rouvroy,  dont  parle  la  lettre,  est  l'auteur  d'un  chant  sur 
l'air  du  quatuor  de  Lucile  :  «  Où  peut-on  être  mieux,  etc.  « 


N"  14. 

Je  suis  toujours  Liégeois  par  le  cœur,  mon  cher  ami  ;  voulez- 
vous  bien  avoir  la  bonté  de  m'inscrire  pour  un  louis  dans  la 
collecte  que  l'on  fait  pour  nos  malheureux  bouilleurs  ?  Priez 
M"'^  Bassenge  de  vous  remettre  cette  somme,  queje  restituerai  à 
son  mari,  lors  de  son  arrivée  à  Paris. 

Il  paraît  ici  un  dictionnaire  des  musiciens  ;  j'ai  vu  avec  plaisir 
que  le  célèbre  Dumont,  dont  on  conserve  la  messe,  était  né  près 
de  Liège.  Si  vous  êtes  son  parent,  mon  ami,  vous  tenez  de  la 
famille.  Je  vous  embrasse  tendrement,  et  de  tout  mon  cœur. 

Grétry. 
Paris,  10  mars  1812. 


—  403  — 

Cette  série  de  lettres  est  suivie  de  Tintéressaiite  missive  sui- 
vante : 

Paris,  le  24  septembre  1813. 

Monsieur, 

Nous  vous  annonçons  la  mort  de  noire  très  cher  oncle,  Mon- 
sieur Grétry.  Il  est  décédé  ce  matin,  à  onze  heures,  avec  toute  la 
sérénité  d'un  sage.  Nous  perdons  un  tendre  père,  jugez  de  notre 
douleur. 

Nous  avons  l'honneur  d^être.  Monsieur, 

Vos  tout  dévoués,   les   neveux 
et  nièces  de  Monsieur  Grétry. 

La  lettre  porte  l'adresse  suivante  : 

A  Monsieur, 

Monsieur  Dumont,  notaire 
à  Liège, 
(très  pressé.) 

* 
«  * 

Les  lettres  n°  4  à  14,  ainsi  que  celle  qui  fait  part  du  décès  de 
Grétry,  sont  réunies  dans  une  élégante  reliure  en  basane  verte, 
avec  inscriptions  dorées  sur  plat.  L'intérieur  porte  un  ex-lihrîs 
de  M.  A.  de  Witte,  de  Liège  (1880). 

Le  nom  du  généreux  donateur  :  M.  Antonin  Terme,  actuelle- 
ment directeur  au  «  Musée  de  Lyon  w ,  y  figure. 

S.  De  Schryver. 
Bruxelles,  le  8  juin  189 1. 


LE 


TUMULUS   BELGOROMAIN 


de  Lennick-Saint- Quentin  K 


e  but  de  cette  note  est  de  consigner  ici,  avec  certains 
détails,  une  découverte  archéologique  intéressante  qui 
a   eu    lieu  il   y   a   quelques  années  à  Lennick-Saint- 
Quentin. 

Un  vaste  tumulus  se  voyait,  autrefois,  sur  le  territoire  de  cette 

commune,  en  un  champ 'situé  près  de 
Téglise.  Il  portait,  sur   un  titre  de 

J^    ^=^    "i"":"^^:}";  "''^"^  propriété  de  1840,   le  nom  caracté- 

h  w/a~Vé  r~A~^^^^^    ristique  de  Tuyiherg  ou  Doodtberg, 

Montagne  de  la  mort  ou  du  mort,  ou 
encore  Montagne  mortuaire. 

Actuellement  il  n'en  reste  plus 
rien,  car  il  a  été  entièrement  trans- 
formé en  briques  ! 

Les  vieilles  gens  disent  qu'en  1809 
^    ^     ,  ^^j  V«  1  le  tertre  était  encore  gazonné  et  aussi 

A.  Emplacement  du  bûcher.  1,      i- 

B    Station.  élevé  que  la  voûte  de  1  église,  soit 

C.  Maison  De  Beckcr.  12  à  15  mètres  environ. 

DDD.  Périmètre  probable  du  tumulus. 


1  A  1.500  m.  de  la  voie  romaine  de  Bavai  à  Assche. 


—   405   ^ 

En  1859-1860,  on  y  a  fait  des  travaux  de  déblaiement,  et  on  a 
emprunté  au  tumulus  l'argile  nécessaire  à  la  fabrication  de  près 
d'un  million  de  briques  pour  la  restauration  de  Péglise.  Le 
tertre,  ainsi  diminué,  a  pu  être  mis  en  culture,  et  la  charrue  en 
a  poursuivi  le  nivellement  durant  de  longues  années. 

La  butte  ne  s'élevait  donc  plus  qu'à  i  m.  50  au-dessus  des 
champs  voisins,  lorsqu'au  mois  d'avril  1887,  elle  fut  rasée  complè- 
tement et  les  terres  furent  employées  à  confectionner,  à  pied 
d'œuvre,  les  briques  destinées  à  la  construction  de  la  gare  du 
chemin  de  fer  vicinal  de  Bruxelles  à  Enghien  ^. 

En  exécutant  ce  travail,  on  a  mis  au  jour  une  sorte  de  grossier 
pavé,  de  17  mètres  de  long  sur  2  mètres  de  large,  constitué  d'in- 
formes  moellons,  de  différente  nature  ^,  et  de  nombreux  frag- 
ments de  tuiles  à  rebords,  le  tout  engagé  dans  une  terre  noire 
mélangée  de  charbons  de  bois. 


COUPE   DU  TUMULUS 

A  Terre  rapportée  fornîant  le  tumulus. 
B  Ancien  sol  cultivé. 
C  Moellons,  débris  calcinés,  os,  etc. 
D  Limon  en  place. 


On  a  recueilli  sur  ce  pavement,  qui  occupait  à  peu  près  le 
niveau  du  sol  ancien,  beaucoup  d'ossements  d'animaux  (bœuf  et 
porc)  ;  un  tesson  de  vase  très  commun,  à  deux  petites  anses  ; 
d'autres  fragments  informes  de  poteries  grossières  ;  un  morceau 
de  bronze  fondu,  du  poids  de  200  grammes  ;  la  moitié  d'un  fer  à 
cheval  qui  dénote  un  sabot  de  petite  dimension  ^  ;  une  hache  en 
silex  poli,  longue  de  12  cent,  et  large,  au  tranchant,  de  6  cent. 
2  mijl.;  des  blocs  de  calcaire  partiellement  ou  totalement  calci- 
nés; un  morceau  de  minerai  de  fer  très  pesant,  et  un  tesson  de 
verre.  Lors  de  ma  visite,  j'ai  recueilli  moi-même,  sur  l'emplace- 

1  Outre  la  gare  de  Lennick-Saint-Quentin,  toutes  les  constructions  qui  se  trou- 
vent le  long  de  cette  ligne  ont  été  élevées  avec  les  briques  du  tumulus. 

2  On  a  reconnu  parmi  ces  moellons  :  le  calcaire  carbonifère,  le  grès  panisélien, 
le  calcaire  fossilifère  laekénien  ou  wemmélien,  l'arkose  de  Lembecq,  le  poudingue 
diestien,  le  schiste  silurien  et  un  morceau  de  ciment  romain. 

^  Des  fers  absolument  semblables  se  voient  dans  les  collections  d'objets  romains 
du  Musée  de  Trêves. 


-^  4o6  — 

ment  du  tumulus,  un  fragment  d*une  poterie  jaunâtre  assez  fine, 
évidemment  romaine  et  décorée  de  lignes  ondulées  *. 

C'est  M.  G.  Velge,  ingénieur  et  bourgmestre  de  Lennick- 
Saint-Quentin,  qui  m*a  fourni,  avec  une  obligeance  et  un  désin- 
téressement auxquels  je  ne  saurais  assez  rendre  hommage,  tous 
les  renseignements  qu'il  avait  recueillis,  pour  ainsi  dire,  jour  par 
jour,  au  moment  des  travaux. 

Son  opinion  est  qu*on  a  d'abord  fait  un  pavement  de  pierres 
grossières  sur  lequel  on  a  construit  et  allumé  un  vaste  bûcher  ^ 
dont  les  cendres  se  retrouvent  avec  les  pierres  ;  cette  opération 
a  été  suivie,  comme  de  coutume,  d'un  repas,  puis  on  a  élevé 
un  tertre  sur  le  tout. 

M.  G.  Velge  a  observé  encore,  à  2  ou  3  mètres  de  l'extrémité 
du  pavement,  dans  la  direction  de  la  place,  une  accumulation  de 
terre  végétale  de  couleur  sombre,  ayant  2  m.  50  environ  de  lar- 
geur sur  I  m.  52  de  profondeur,  indiquant  un  ancien  fossé  com- 
blé. Il  a  trouvé  dans  ces  ramblais,  à  i  m.  12  de  la  surface,  un  fer 
à  cheval  complet,  semblable  au  premier,  et  plus  bas,  à  la  base  du 
dépôt  et  reposant  sur  le  limon  en  place,  un  fragment  de  tuile  à 
rebords. 

Il  a  constaté  un  peu  plus  tard,  dans  la  cave  de  la  station  et  par 
conséquent  du  côté  opposé,  l'existence  d'un  ravinement  à  peu 
près  longitudinal  aux  voies. 

Enfin,  il  a  cru  remarquer  également  dans  les  fondations  de  la 
nouvelle  maison  du  sieur  De  Becker,  les  traces  d'un  fossé  de 
13  mètres  de  long  se  dirigeant  vers  le  mur  du  cimetière. 

Ces  ravinements  semblent  résulter  des  emprunts  de  terre  qui 
ont  été  faits  pour  élever  le  tumulus. 


*  * 


En  l'absence  de  tout  indice  de  caveau  funéraire,  ne  pourrait-on 
point  émettre  ici  l'hypothèse  d'un  tumulus  purement  honori- 
fique? 

M.  G.  Velge  est  un  géologue  distingué,  partant  plus  à  même 

*  Ces  objets  se  trouvent  chez  M.  G.  Velge. 

*  11  est  certain  que  pour  calciner  des  blocs  de  3  a  4  kilos,  comme  ceux  que 
M.  G.  Velge  a  rencontrés,  il  fallait  un  feu  large  et  violent. 


—  407  — 

que  quiconque  d'interpréter  convenablement  une  coupe  de  ter- 
rain. L'hypothèse  d'un  tertre  recouvrant  simplement  la  place  du 
bûcher,  alors  que  les  ossements  calcinés  du  défunt  auraient  été 
recueillis  et  déposés  en  un  autre  endroit,  hypothèse  basée  sur 
une  observation  minutieuse  des  circonstances  de  la  découverte, 
est  d'autant  plus  admissible  que  le  fait  ne  serait  pas  isolé,  car 
M.  Schuermans  a  observé  la  chose  à  plusieurs  reprises  au  cours 
de  ses  fouilles  *. 

Quoi  qu'il  en  soit,  nous  devons  nous  estimer  heureux  de  possé- 
der des  renseignements  précis  sur  une  découverte  intéressante 
qui,  sans  les  soins  de  M.  G.  Velge,  aurait  sans  doute  passé 
inaperçue. 

Bruxelles,  2  décembre  1890. 

B"'^  Alfred  de  Loë. 


I  «  Deux  des  Dry-tommen,  une  des  Twee-tommen,  ont  déjà  révélé  un  premier 
mode  de  tertre  ayant  pour  unique  destination  ou  de  couvrir  la  place  où  fut  le  bûcher 
ou  de  rehausser  par  leur  présence  l'importance  du  tumulus  contenant  la  sépulture, 
comme  si  l'on  avait  voulu,  par  plusieurs  amoncellements,  donner  la  monnaie  d'un 
plus  grand 

II  se  pourrait  aussi  que  des  tumulus  eussent  été  élevés  en  l'honneur  d'un  person- 
nage dont  le  corps  n'aurait  pas  été  retrouvé  ou  dont  les  cendres  auraient  été  transportées 
ou  recueillies  en  un  autre  endroit  :  tels  sont  les  tertres  élevés  en  l'honneur  d'Hector, 
de  Deïphobe,  de  Drusus,  d'Alexandre  Sévère,  etc.,  monuments  sur  lesquels,  totit 
vides  qu'ils  étaient,  on  observait  les  solennités  des  funérailles  appelées  a  imaginaires  ->■). 
(H.  Schuermans.  Exploration  de  quelques  tumulus  de  la  Hesbaye,  dans  le  Bullet.  des 
Comm.  roy.  d'Art  et  d'Archéol.) 


LES  TOMBEAUX 

DE  RR.  PP.  JÉSUITES 

découverts  sous  la  cour  de  l'ancien  Palais  de  Justice  de  Bruxelles 

(rue  de  Ruysbroeck) 


onsieur  de  Brandner  a  attiré  l'attention  de  .la  Société 
d'Archéologie  de  Bruxelles,  sur  certains  souterrains  qui 
existent  au-dessous  de  la  cour  de  Tancien  Palais  de 
Justice  de  Bruxelles,  et  qui  renferment  des  sépultures  pré- 
sentant de  rintérêt. 

Au  mois  de  novembre  1889,  une  commission  fut  nommée  pour 
procédera  des  fouilles  ;  elle  était  composée  de  MM.  P.  Combaz, 
de  Munck,  de  Brandner,  P.  Saintenoy  et  E.  Van  der  Smissen, 
membres.  Cette  commission  se  mit  immédiatement  à  l'œuvre  et 
eut  l'honneur  de  vous  faire,  par  l'organe  de  M.  de  Brandner,  son 
rapporteur,  une  première  communication  dans  votre  séance  du 
4  mars  1890. 

Les  fouilles  n'étaient  pas  entièrement  terminées  à  ce  moment, 
et  il  était  nécessaire  d'attendre,  avant  de  vous  présenter  un  rap- 
port complet  ;  c'est  de  ce  soin  que  je  m'acquitte  aujourd'hui. 

Lorsque,  pénétrant  dans  la  cour  du  Palais,  par  l'entrée  située 


—  409  — 

rue  de  Ruysbroeck,  on  se  dirige  vers  Tangle  nord-ouest,  c'est-à- 
dire  vers  celui  qui  est  le  plus  voisin  du  péristyle  donnant  sur  la 
place  Gendebien,  on  passe  au-dessus  du  dépôt  mortuaire  qui  fait 
Tobjet  de  ce  rapport.  On  a  accès  dans  les  caveaux  par  les  souter- 
rains du  Palais,  en  suivant  des  couloirs  étroits  et  obscurs,  situés 
à  des  niveaux  différents  et  recoupés  de  distance  en  distance  par 
des  réservoirs  remplis  d'eau  qui  en  rendent  Taccès  assez  dan- 
gereux, si  Ton  n  a  pas  soin  de  se  munir  de  moyens  d'éclairage. 

Ces  réservoirs  remplis  d'une  eau  claire  et  limpide,  provenant 
des  sources  du  Ruysbroeck,  servent-ils  encore  aujourd'hui  à 
quelque  chose  ? 

Nous  laissons,  à  d'autres  de  nos  confrères  le  soin  d'éclaircir  ce 
point,  qui  est  en  dehors  de  la  question  que  nous  traitons  mainte- 
nant, mais  il  est  permis  de  pencher  pour  la  négative,  eu  égard  à 
la  présence  des  matières  organiques  en  décomposition,  que  doit 
nécessairement  leur  fournir  le  voisinage  du  cimetière. 

Les  Jésuites  arrivèrent  à  Bruxelles  sous  le  gouvernement  du 
prince  de  Parme,  en  1586,  et  leur  premier  établissement  était 
situé  rue  Terarken  ;  mais  ils  n'y  restèrent  pas  longtemps,  car  dès 
l'année  suivante  (1587),  on  les  voit  acheter  une  maison  adossée  au 
Sablon, 

En  1589,  ils  font  l'acquisition  de  la  maison  de  Grimberghe, 
avec  jardin,  cour  et  étang,  située  rue  de  Ruysbroeck,  entre  la  rue 
du  Dcmi-Bonnier  (rue  de  la  Paille)  et  l'enceinte  (du  côté  de  la  rue 
d'Or),  et  bientôt  de  nouvelles  acquisitions  agrandissent  leur 
domaine  du  côté  intérieur  de  la  ville. 

En  1604,  ils  achètent  le  refuge  de  Cambrai,  où  ils  établissent  un 
collège  qui  prospéra  pendant  longtemps.  Mais  il  leur  manquait 
une  église  ;  des  donations  particulières  en  firent  les  frais  et,  la 
même  année  (1604),  les  archiducs  Albert  et  Isabelle  posèrent  la 
première  pierre  de  l'édifice. 

«  Cette  construction,  dit  M.  Wauters,  rencontra  de  grandes 
diiîicultés  parce  que  le  terrain  était  humide  et  qu'il  fallut  abattre 
quatorze  maisons.  » 

<'  En  1608,  les  travaux  sont  interrompus  à  cause  des  malheurs 
des  temps  et  I'du  construit  provisoirement  une  chapelle  domes- 
tique dédiée  à  la  Vierge,  et  dont  la  consécration  a  lieu  en  1609. 
Cette  chapelle  était  située  rue  de  Ruysbroeck. 


—  4IO  — 

«  En  1614,  on  reprit  les  travaux  de  l'église,  mais,  à  plusieurs 
reprises,  les  fonds  manquèrent  de  nouveau  et  Téglise  terminée 
en  1626,  ne  fut  consacrée  qu'en  1627. 

«  L'architecte  en  était  J.  Francart. 

«  La  tour  ne  fut  élevée  qu'une  trentaine  d'années  après. 
«  Comme  à  l'endroit  où  l'on  voulait  élever  sa  base,  se  trouvaient 
les  réservoirs  d'eau  de  source  appartenant  à  la  ville,  il  fallut  aux 
religieux  une  permission  commune,  w 

Celle-ci  leur  fut  accordée  en  1660,  et  la  tour  fut  terminée 
en  1661. 

C'est  après  cette  époque  que  furent  probablement  faites  les 
substructions  remises  au  jour  par  les  soins  de  notre  Société,  car, 
si  l'on  en  juge  par  les  épitaphes  retrouvées,  les  premières  inhu- 
mations y  datent  de  1690. 

Ainsi  que  nous  le  disions  plus  haut,  on  remarque  dans  ces  sous- 
sols  des  réservoirs  remplaçant  probablement  ceux  qui  avaient  été 
supprimés  en  1660. 

L'ordre  des  Jésuites  ayant  été  supprimé,  le  couvent  et  l'église 
furent  fermés  en  1773. 

En  1777,  on  reconstruisit  les  bâtiments  pour  l'établissement  de 
la  Commission  royale  d'études,  et  plus  tard  (1783)  pour  l'installa- 
tion du  collège  Thérésien.  Joseph  II  y  établit  momentanément 
les  facultés  de  droit,  de  médecine  et  de  philosophie  de  l'Univer- 
sité de  Louvain. 

A  l'époque  de  la  Révolution,  l'église  fut,  pendant  les  années 
1792-93,  le  lieu  de  la  réunion  de  la  Société  «  les  Amis  de  la  liberté 
et  de  l'égalité  «,  elle  fut  ensuite  convertie  en  magasin  militaire  et 
enfin  démolie  en  1812. 

Pendant  la  domination  française,  le  couvent  et  le  collège  avaient 
d'abord  servi  de  caserne,  puis  d'hôpital.  En  1810,  ils  devinrent  la 
propriété  de  la  Commune  et  furent,  dès  1816,  affectés  au  service 
des  tribunaux.—  C'est  en  1823,  que  l'on  éleva  le  péristyle,  place 
Gendebien,  et,  en  1843,  que  l'on  construisit  le  bâtiment  situé  au 
milieu  de  la  cour  intérieure. 

Quant  à  l'ancien  refuge  de  Cambrai,  il  est  redevenu  propriété 
privée  depuis  le  siècle  actuel,  et  il  est  occupé  aujourd'hui  par  Tim- 
primerie  Mertens,  rue  d'Or.  On  y  remarque  encore  quelques  frag- 
ments de  galeries  à  colonnes,  restes  de  son  ancienne  splendeur. 


-  411  — 

Les  inscriptions  relevées  sur  les  tombes  sont  les  suivantes  : 

1690  à  1773.  —  Pierres  restées  en  place   ou  retrouvées  à  terre  dans  la 
crypte. 
I.  H.  S.  ObiitP.  Guiliemus  Hesius,  4  Marti  1690. 
I.  H.  S.  Obiit  Joannes  Zeghers,  5  Aug.  1695. 
f  Obiit  Antonius  Six,  19  Maij  1696. 
f  Pater  Guilielmus  Arnhauts,  obiit  26  octobris  A**  1701. 
t  F.  Petrus  Poppe,  obijt  30  Julij  A°  1703. 
t  Fraterlgnatius  Minnekrede,  obiit  17  September  1703. 
f  M.  Henricus  Willa^^s,  obiit  27  Julij  1705. 
t  F.  Florentius  Wael,  obiit  3  Martij  1708. 
t  lofF^  loanna  Maria  Anthoine  G.  D.,  obijt  31  maij  1710. 


f  F.  loannes  Van  Ouwenhuyze,  obijt  23  matij  1746. 

f  F.  Petrus  Matthaei,  obijt  9  Januari  1747. 

f  P.  Engelbertus  Bultijnck,  obijt  5  çber  1748. 

f  F.  Petrus  Breydel,  obijt  i  y^er  1749. 

f  R.  P.  loannes  Bapta  Causse,  obijt  31  mert  1750. 

f  P.  I...anes  Batista  La  Force,  obiit  7  Junius  1751. 

f  F.  Adrianus  Ceulemans,  obijt  29  S^^^e  1752. 

f  F.  Carolus  de  Swaef,  obijt  26  meij  1753. 

■f  F.  Cornélius  De  Wersier,  obijt  26  Ocibris  1754. 

t  Famulus  Joannes  Eliaerts,  obiit  15  maij  1755. 

t  F.  Albertus  Delplancken,  obijt  7  S^Ris  1755. 

t  P.  Michael  Janssens,  obiit  27  Aprilis  1756. 

f  F.  Petrus  Carette,  obiit  20  8bris  1760. 

f  F.  Balth.  Parasiers,  obit  1762. 

f  F.  Joannes  Goos,  obiit  8  Dec.  1762. 

t  Tobias  Matteus,  famiiliis.  obiit,  26.  Feb:  1763. 

f  P.  Henr.  Henrici,  obiit  2  aug.  1763. 

f  P.  Petrus  Haeyaert,  obiit  17  Maii  1765. 

f  P.  Franciscus  Le  leune,  obiit  26  aug.  1769. 

f  F.  Joannes  Baptista  van  Hasselt,  obiit  23  maii  1770 

f  P.  Bartholomaeus   Waersegere,  obiit  7   februarii    1773. 

R.  l.  P. 
t  F.  Christianus  Van  Hasselt,  obiit  22  Junii  1773.  R.  L  P. 

La  crypte  se  trouve  sous  la  cour  et  s'étend  en  partie  sous 
les  pilastres  du  portique  ouest  ;  le  sol  en  est  situé  à  5"^20  sous  le 
niveau  de  la  cour. 


—  412  — 

Une  galerie  avec  annexes,  à  laquelle  on  avait  accès  par  un 
escalier  venant  de  l'ancienne  chapelle,  située  rue  de  Ru3^sbroeck, 
servait  probablement  de  dépôt  mortuaire  avant  Tinhumation. 

De  cette  chambre,  on  pénétrait  dans  la  crypte  par  une  porte 
basse  et  étroite,  dont  on  retrouve  encore  les  gonds  d'attache. 

La  crypte  était  de  forme  rectangulaire.  Deux  de  ses  faces  ser- 
vaient d'emplacements  pour  les  cercueils. 

Les  inhumations  se  faisaient  dans  des  niches  en  maçonnerie 
superposées  en  rangées  de  trois  ou  quatre  et  accolées  les  unes 
aux  autres  comme  dans  les  cryptes- actuelles  de  nos  cimetières 
de  Laeken,  de  Saint-Gilles,  etc. 

Le  cercueil  en  bois  étant  introduit  dans  la  niche,  on  murait 
rentrée  par  une  dalle  de  forme  carrée,  placée  en  diagonale,  et 
rappelant  les  noms  et  prénoms  du  défunt,  la  date  de  sa  mort  et 
ses  fonctions  dans  la  Compagnie. 

Les  sépultures  découvertes  dans  la  crypte  sont  au  nombre  de 
vingt-neuf,  mais  elles  devaient  être  plus  nombreuses  autrefois. 
En  effet,  d'abord  en  1812,  lors  de  la  construction  des  galeries  qui 
entourent  le  palais,  on  a  été  obligé  de  démolir  quelques  tombes 
pour  l'établissement  des  fondations  de  l'un  des  piliers  de  sup- 
port. A  la  fin  du  siècle  dernier,  lors  de  la  création  du  Collège 
Thérésien  (1773),  ^^  construction  des  souterrains  de  cette  partie 
du  bâtiment  a  nécessité  aussi,  pensons-nous,  d'après -les  indices 
recueillis,  l'enlèvement  d'une  partie  peut-être  notable  des 
tombes. 

En  effet,  on  constate  que  les  inhumations  commencent  en  1690 
et  s'arrêtent  momentanément  en  17 10,  pour  ne  reprendre  qu'en 
1746  et  finir  en  1773,  année  même  delà  suppression  du  couvent. 
Peut-on  admettre  que  cette  interruption  a  été  voulue  ?  Nous 
ne  le  pensons  pas,  et  dans  la  négative  nous  demandons  ce  que 
sont  devenues  les  sépultures  faites  dans  la  période  de  17 10  à 
1746. 

D'ailleurs,  nous  l'avons  constaté,  le  cimetière  a  été  violé  anté- 
rieurement, ainsi  que  l'indiquent,  et  les  pierres  tombales  enlevées 
et  reléguées  dans  les  coins  de  la  crypte,  et  la  fermeture  de  cer- 
tains caveaux  par  un  revêtement  de  ciment  remplaçant  la  pierre 
tombale.  Comment  expliquer  autrement  que  les  pierres  recueillies 
à  terre  dans  la  crypte,  et  un  peu  partout  dans  les  locaux  du  palais 


—  413  — 

de  justice,  où  certaines  d'elles  étaient  employées  comme  pave- 
ment, sont  plus  nombreuses  que  les  sépultures  retrouvées  en 
place  ? 

Enfin,  les  fouilles  faites  de  l'autre  côté  du  corridor,  ont  montré 
des  caveaux  noyés  dans  l'épaisseur  du  mur  de  séparation,  avec 
arrachement  au  point  de  contact  ;  la  partie  ouest  du  cimetière  ne 
s'arrêtait  donc  pas  en  ce  point,  mais  elle  se  prolongeait  au  delà, 
vers  le  chevet  de  l'ancienne  église,  sous  les  bâtiments  du  Collège 
Thérésien. 

Nous  avons  retrouvé  aux  Archives  du  Royaume  le  plan  des 
souterrains  de  ce  collège  signés  par  l'architecte  J.-F.  Wincqz,  le 
20  janvier  1783  (Plans  manuscrits  n^  28050)  ;  ce  plan  des  souter- 
rains correspond  entièrement  avec  le  plan  relevé  par  nous  sur 
les  lieux. 

C'est  donc  bien  à  la  fin  du  siècle  dernier  qu'il  faut  faire  remon- 
ter la  suppression  d'une  partie  du  cimetière  souterrain  des  Pères 
Jésuites  de  Bruxelles. 

Quant  à  la  biographie  de  ces  Pères,  elle  présente  bien  peu 
d'intérêt  ;  notre  excellent  confrère,  M.  Vandersmissen,  qui  a  bien 
voulu  faire  des  recherches  à  ce  sujet,  n'a  rien  trouvé  de  bien 
intéressant. Les  notes  qu'il  a  recueillies  apprennent,  par  exemple, 
que  le  P.  Henri  Henrici  s'appelait  de  son  vrai  nom  Henri  Ferdi- 
nand Du  Fumier  ;  que  le  nom  du  P.  Wilays  s'orthographiait 
Willaeys,  celui  du  P.  Le  Jeune,  Le  Jeusne,  etc. 

Le  seul  personnage  de  quelque  mérite  est  le  P.  Hesius  qui  y 
fut  enterré  en  1690.  L'architecte  Guillaume  Hésius  travailla  à 
l'église  des  Jésuites  à  Anvers,  église  dont  la  façade  a  été  impro- 
prement attribuée  à  Rubens.  On  doit  également  à  Hesius,  l'église 
des  Jésuites  de  Louvain,  commencée  en  1650  et  consacrée 
en  1666  *. 

Nous  joignons  à  la  présente  notice,  et  afin  de  rendre  plus 
claires  les  explications  qui  précèdent,  des  plans  et  figures,  qui 
remettent  en  lumière,  quelques  détails  intéressants  relatifs  au 
Bruxelles  souterrain  encore  en  partie  inconnu  ^. 

1  Voir,  au  sujet  du  P.  Hesius,  Schcy,  Histoire  de  l'influence  italienne  sur  Vatchitec- 
iure  des  Pays-Bas,  p.  375  et  376. 

2  Ces  plans  et  dessins  ont  été  déposés  dans  les  archives  de  la  Société. 

(Note  de  la  commission  des  puhlicationsj . 


—  414  — 

Ce  sont  : 

1°  Les  plans  et  coupes,  relevés  sur  les  lieux,  de  la  crypte  sou 
terraine  de  Tancien  Palais  de  Justice  ; 

2°  Deux  vues  des  souterrains  et  le  fac-similé  de  la  pierre  tom 
baie  d'Hesius.  Ces  dessins  ont  été  faits  d'après  les  photogra 
phies  au  magnésium,  de  notre  confrère  et  ami,  M.  de  Brandner 

3°  Une  vue  perspective  de  cette  partie  du  couvent  des  Jésuites 
extrait  du  «  Grooi  kerkelyk  tonneel  des  hergtogsdom  van  Brabant^ 
par  le  baron  Jacques  Le  Roy,  La  Haye,  1727.  « 


Bruxelles,  le  30  mars  1891 


Paul  Combaz. 


PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES 


Séance  mensuelle  du  lundi  6   avril  1891. 


Présidence  de  M.  le  comte  Goblet  d'Alviella,  président  ^ 


a  séance  est  ouverte  à  8  heures. 
Cinquante-deux  membres  sont  présents  ^. 

M.  le  Secrétaire-général  donne  lecture  du  procès-verbal  de  la  dernière 
séance  (Adopté). 

Correspondance.  —  L'Institut  archéologique  liégeois  et  la  Société 
chorale  et  littéraire  «  Les  Mélophiles  »  de  Hasselt,  demandent  à  échanger 
leurs  publications  contre  les  nôtres  (Adopté). 

Le  docteur  Wilhelm  Dôrpfeld  remercie  pour  sa  nomination  de  membre 
d'honneur  et  assure  la  Société  de  sa  collaboration  et  de  son  entier  dévoue- 
ment. 

M.  De  Schryver  s'excuse  de  ne  pouvoir  assister  à  la  séance. 


1  Prennent  en  outre  place  au  bureau  :  MM.  Cumont,  P.  Combaz,  Destrée, 
P.  Saintenoy,  baron  de  Loë,  de  Raadt,  de  Munck,  Plisnier  et  Paris. 

2  Ont  signé  la  liste  de  présence  ;  Madame  Daimeries,  MM.  Hecq,  Schweisihal, 
Colles,  De  Backer,  Van  Havermaet,  Jefferys,  Ronner,  Mahy,  Poils,  Van  der  Rit, 
Puttaert,  C.  Heetveld,  comte  G.  de  Looz-Corswarem,  Dillens,  Haumann,  Lavalette, 
comte  F.  van  der  Straten-Ponthoz,  N.  Préherbu,  Vcrbuecken,  Ranschyn,  G.  de 
Brabandere,  Titz,  C.  Goffaerts,  Arm.  de  Behault  de  Dornon,  Michel,  Van  Gelé, 
baron  T.  de  Jamblinne  de  Meux,  R.  Van  Sulper,  E.  de  la  Roche  de  Marchiennes, 
E.  Nève,  Aubry,  Ch.  de  Ro,  Hannoy,  Muls,  Rutot,  G.  Combaz,  le  comte  M.  de 
Nahuys,  Ed.  Baes  et  le  baron  H.  de  Royer  de  Dour. 


—  4i6  — 

Dons  et  envois  reçus.  — VJdler,  le  Bediner  Gesellschaft  fur  Anthopo- 
ogie,  ÏOjfice  de  publicité,  la  Revue  bibliographique  belge,  V Institut  ai chéologique 
liégeois,  Mélusine,  VIvtermédiaire,  V Excursion,  VAmi  des  Monuments,  la  Dietsche 
Warande  et  V Allgemein  familieblad  envoient  leurs  publications. 

MM.  le  comte  Goblet  d'Alviella,  Cumont,  Bertolotti,  de  Raadt, 
P.  Saintenoy,  Van  Gelé  et  Arm.  de  Behault  de  Dornon,  font  don  de  livres, 
de  brochures,  de  journaux  et  de  photographies  ;  M.  le  comte  G.  de 
Looz  oftrc  à  la  Société,  une  belle  série  de  cachets  en  cire. 

Madame  veuve  Schliemann  fait  parvenir  le  compte  rendu  des  dernières 
fouilles  pratiquées  à  Hissarlik,  par  feu  M.  Schliemann.     {Remerciements.) 

Élection  de  membres.  —  Madame  la  comtesse  Ouvaroff,  présidente 
de  la  Société  impériale  archéologique  de  Moscou,  et  Son  Excellence  Mon- 
sieur de  Burenstam,  ministre  plénipotentaire  de  S.  M.  le  Roi  de  Suéde  et 
Norvège,  près  S.  M.  le  Roi  des  Belges,  sont  nommés  membres  correspon- 
dants.    • 

Madame  Orban,  MM.  le  Heutenant  van  Baerle,  Cadot-Paltzer,  Charle- 
Albert,  De  Mot,  le  comte  de  Fleury,  A.  Hannay,  L.  Leclère,  A.  Ronner  et 
M.  Zuloaga  y  Tovar,  sont  nommés  membres  effectifs. 

Exposition.  —  I.  Le  Panorama  restitué  de  Rome,  au  temps  de  Con- 
stantin (P.  Saintenoy). 

II.  Une  trentaine  de  poteries  restaurées  provenant  du  cimetière  franc 
d'Elouges  (collection  de  Bove)   (Commission  des  fouilles). 

III.  Plan  des  substructions  de  l'ancien  couvent  des  Jésuites,  xvii"^  siècle 
(P.  Combaz). 

Communications. 

M.  Cam.  Goffaerts.  —  Les  stalles  de  l'abbaye  d'Averbode. 

M.  P.  L.  DE  Gavere.  —  Deux  portraits  attribués  a  Holbein,  repré- 
sentent-ils Nicolas  d'Aubermont  et  Jeanne  de  Gavre,  sa  femme  ?  (Lecture 
par  M.  de  Raadt). 

M.  P.  Combaz.  —  Les  tombeaux  des  R.  P.  Jésuites  a  l'ancien  Palais  de 
Justice  de  Bruxelles  (rapport  de  la  Commission  des  fouilles). 

M.  P.  Saintenoy  rappelle  que  le  jésuite  Hésius,  dont  on  a  retrouvé  la 
tombe  sous  l'ancien  Palais  de  Justice,  a  été  un  architecte  remarquable. 
On  lui  doit  les  plans  de  l'église  des  Jésuites  à  Anvers  (éghse  Saint-Charles). 
On  ne  saurait  assez  insister  sur  la  beauté  de  la  silhouette  de  la  tour  de  ce 
monument. 

M.  G.  Hecq.  —  Documents  pour  servir  a  l'histoire  de  la  Ballade 
(exécution  de  Ballades  notées). 


—  417  — 

M.  DE  Raadt.  —  Mémoires  d'Herman  de  Woelmont. 

M.Destrée.  —  Le  retable  de  Saluces.  Cette  pièce  remarquable,  dit 
l'orateur,  constitue  un  ensemble  complet,  et  peut  être  rapportée  aux  pre- 
mières années  du  xvie  siècle.  On  a  voulu  l'attribuer  à  l'auteur  du  retable 
de  Lombeek-Notre-Dame,  mais,  tout  au  plus  peut-on  les  restituer  au 
môme  atelier.  Notre  confrère  termine  en  émettant  le  vœu  que  cette  œuvre 
d'art,  exposée  à  l'hôtel  du  Grand  Miroir,  ne  quitte  plus  le  pays  et  que  le 
Musée  communal  de  Bruxelles  en  fasse  l'acquisition  i. 

La  séance  est  levée  à  lo  heures  1/2. 


Séance  mensuelle  du  lundi  4  mai  1891, 


Présidence  ^^  M.  G.  Cumont,  vice-président 


a  séance  est  ouverte  à  8  heures. 

duarante-quatre  membres  sont  présents  3. 

M.  le  Secrétaire  général  donne  lecture  du  procès-verbal  de  la  dernière 
séance.  (Adopté). 

Correspondance.  —  Son  Excellence  M.  Ch.  de  Burenstam,  MM.  Zu- 
loaga  y  Tovar  et  L.  Leclère  remercient  pour  leur  nomination  de  membres 
correspondant  et  effectifs. 

Le  Kaiser!. 'Kœnigl.  œsterr.  Muséum  fur  Kunst  und  Industrie,  de  Vienne,  an- 
nonce l'envoi  de  ses  publications. 

VAllg.  Geschichisforschende  Gesellschafl  der  Schweii,  le  Bulletin  des  Commissions 
royales  d'Ati  et  d'Archéologie  et  V Association  pour  renseignement  des  sciences  anthro- 
pologiques acceptent  d'échanger  leurs  publications  contre  les  nôtres.  Le 
Verein  fur  Geschichte  und  Alterthumskunde  Tji  Frankfurt  a.  M.  accuse  réception 
du  t.  V  de  nos  Annales  et  de  notre  Annuaire  pour  1891. 

^  Ce  vœu  n'a  malheureusement  pu  être  réalisé,  malgré  les  démarches  tentées 
auprès  des  administrations  publiques  compétentes. 

2  Prennent  en  outre  place  au  bureau  :  MM.  P.  Combaz,  J.  Destrée,  P.  Sain- 
tenoy,  le  baron  de  Loë,  de  Munck,  de  Raadt,  Plisnier  et  De  Schryver. 

^  Ont  signé  la  liste  de  présence  :  Madame  Daimeries,  MM.  Winckelmans, 
le  chev,  Diericx  de  Ten  Hamme,  Puttaert,  Van  der  Rit,  C.  Heelveld,  G.  Lavalettc, 
le  comte  de  Nahuys,  Schavye,  le  général  Capelle,  P.  Verhaegen,  Poils,  Van  den 
Bussche,  le  vicomte  Desmaisières,  H.  Francart,  le  comte  F.  van  der  Straten-Pon- 
thoz,  Hecq,  Arm.  de  Behault  de  Dornon,  Van  Havcrmaet,  Pourbaix,  V.  Allard, 
P.  Sheridan,  A. -J.  Malfait,  J.  Malfait,  De  Schodt,  Verbuecken,  Papleux, 
Weckesser,  C.  Dons,  H.  Préherbu,  De  Ridder,  Clerbaut,  Ronner,  Nève  et  Titz. 

27 


—  4i8  — 

M.  de  Mortillet  remercie  la  Société  pour  l'accueil  qu'elle  a  fait  aux 
auditeurs  de  son  cours,  lors  de  leur  excursion  en  Belgique. 

VUfiïon  des  Arts  décoratifs  de  Belgique  remercie  la  Société  du  prêt  des 
frottis  de  pierres  tombales  qu'elle  lui  a  fait  pour  son  exposition. 

La  Société  royale  de  Numismatique  de  Belgique  accuse  réception  et  remercie 
de  la  lettre  que  notre  Compagnie  lui  a  adressée  pour  la  féliciter  de  son 
jubilé  semi-séculaire. 

M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction  publique  nous  fait  con- 
naître qu'il  ne  peut  donner  une  suite  favorable  à  notre  lettre  du  12  avril, 
par  laquelle  nous  exprimions  le  vœu  que  le  gouvernement  mette  à  notre 
disposition,  à  l'effet  d'y  installer  nos  collections,  l'ancienne  chapelle  Saint- 
Georges,  rue  Montagne-de-la-Cour,  ce  local  devant  être  mis  prochaine- 
ment à  la  disposition  de  l'administration  des  Archives  générales  du 
royaume. 

Dons  et  envois  reçus.  —  MM.  le  comte  de  Nahuys  et  Th.  de  Raadt 
font  don  de  livres  et  de  brochures.  MM.  le  baron  de  Loê  et  Poils  déposent 
dans  les  collections  de  la  Société,  des  objets  francs  (armes  et  ustensiles  en 
fer,  fibule,  boucle  et  collier)  provenant  des  environs  de  Bruxelles. 

Élection  de  membres.  —  MM.  W.  Schonlang  et  van  de  Velde-van 
Zuylen  sont  nommés  membres  honoraires. 

MM.  le  général  Capelle,  F.  Du  Bois,  le  baron  de  Haulleville,  Hippert, 
Ed.  Vander  Straeten  et  C.  Winckelmans  sont  nommés  membres  effectifs. 

MM.  S.  de  Burbure,  M.  Jefterys  et  E.  Van  den  Bussche,  artiste  peintre, 
sont  nommés  membres  associés. 

Excursions.  —  En  vertu  de  l'art.  87  des  statuts,  le  bureau  soumet  à 
l'approbation  de  l'assemblée  le  programme  d'excursions  pour  1891-92. 

Ce  programme  comprend  :  cet  été,  une  visite  à  Anderlecht  et  Forest 
et  une  excursion  à  Alost,  et,  l'hiver  prochain,  des  visites  aux  églises  des 
Riches-Claires  et  de  Bon-Secours,  ainsi  qu'au  Musée  des  Échanges  interna- 
tionaux (Adopté). 

La  Société  Archéologique  de  Charleroi  invite  nos  membres  a  participer 
à  l'excursion  qu'elle  compte  faire  le  jeudi  7  mai  à  Mariemont  et  Mor- 
lanwelz. 

Exposition.  —  I.  Dinanderies  (M,  Michel). 

II.  Inventaire  d'un  mobiUer  et  d'une  bibliothèque,  de  1489  (M.  de  Raadt). 

III.  Instrument  de  médecin  trouvé  à  Villers-devant-Orval,  dans  une 
tombe  franque  (M.  Cumont). 

IV.  Vases  francs  et  belgo-romains  restaurés  (collection  De  Bove). 


—  419  — 

Comm  unications . 

M.  Arm.  de  Behault  de  Dorkon. —  Le  méreau  de  la  fondation  de  Henri 
DE  Monsenaire  et  DE  Jeanne  Cantineau,  son  épouse.  (1667). 

M.  De  Schodt  donne  d'intéressants  détails  à  propos  des  méreaux. 

M.  Sheridan  croit  voir  dans  l'un  des  personnages  représentés  sur  le 
méreau,  un  saint,  et  non  une  sainte,  vu  que  la  coiffure  semble  être  une 
mitre,  caractéristique  incontestable  d'un  prélat. 

M.  de  Behault  défend  l'opinion  émise  par  lui  et  qui  est  partagée  par 
plusieurs  membres. 

M.  H.  Préherbu.  —  L'Historia  diplomatica  de  Pierre  a  Thymo. 

L'orateur  ayant  exprimé  le  vœu  de  voir  publier  les  parties  essentielles 
du  manuscrit  de  Pierre  a  Thymo,  M.  de  Raadt  l'engage  à  entreprendre  lui- 
môme  cette  publication.  Pour  compléter  les  détails  connus  sur  la  vie  de 
ce  personnage,  M.  Préherbu  pourrait  consulter  utilement  les  archives  de 
l'église  Sainte-Gudule  qui  renferment,  entre  autres,  son  testament,  les 
actes  relatifs  à  ses  prébendes,  etc. 

On  a  dit  que  Pierre  a  Thymo  avait  été  enterré  prés  du  chœur  du  Saint- 
Sacrement  de  Miracle.  Le  registre  n<*  338,  aux  archives  de  ladite  église, 
copie  d'un  autre  du  xvi®  siècle,  établit  que  sa  tombe  se  trouvait  dans  le 
chœur  de  la  chapelle,  après  la  réédification  de  celle-ci  (1533). 

26.  Fehruarius  (anniversaire  de)  Magi'ster  Pettus  de  Thymo ,  canonicus  et  the- 
saurarius  hui'us  ecclesie,  leeght  int  heyh'ch  Sacramens  coor  hy  den  larck  van  der  Ee  ; 
dm  Zarck  es  in  iwee  stucken  ;  aen  den  muer  hancU  syn  iafereel  de  Transfiguratione. 

La  pierre  tombale  était  donc  déjà  brisée  à  cette  époque.  Elle  couvrait 
également  la  dépouille  de  Dominus  Joannes  de  Thymo  (onder  den  larck  van 
meester  Peeleren  de  Thimo,  in  novo  choro,  vooriyn  iafereel)  dont  l'anniversaire  se 
célébrait  le  17  octobre  et  dont  le  testament  se  trouve  aussi  dans  les 
archives  de  l'égUse. 

M.  le  comte  Fr.  van  der  Straten-Ponthoz  insiste  pour  que  M.  Préherbu 
entreprenne  la  publication  de  l'œuvre  de  Pierre  a  Thymo,  du  moins  de  ses 
parties  principales. 

M.  G.  Cumont.  —  Ustensile  en  bronze  trouvé  dans  une  tombe  franque, 
A  Villers-devant-Orval  (Luxembourg).  L'ustensile,  en  forme  de  cuillère, 
que  M.  J.  B.  Siebenaler,  notre  collègue,  m'a  prié  de  vous  présenter,  a  été 
trouvé  dans  une  sépulture  franque,  à  Villers-devant-Orval,  et  appartient 
au  Musée  de  l'Institut  d'archéologie  d'Arlon.  Cet  objet  n'est  pas  nouveau. 
Il  en  existe  de  semblables  au  Musée  de  Namur,  trouvés  aussi  dans  des 
tombes  franques.  J'en  ai  vu  plusieurs  dans  les  vitrines  du  Musée  d'anti- 
quités de  Nimègue,  si  riche  en  instruments  de  chirurgie  de  l'époque 
romaine  (voy.  Catalogue  de  ce  musée,  Nimègue,   1889-90,  pp.   189  et 


—  420  — 

I9i).  Une  autre  fait  partie  des  collections  de  Ravestein  appartenant  aujour- 
d'hui au  Musée  royal  d'antiquités  de  l'État,  à  Bruxelles.  Elle  a  été  achetée 
par  M.  de  Meester  de  Ravestein,  en  Italie,  avec  un  grand  nombre  d'objets 
et  d'instruments  de  chirurgie  antique. 

«  La  plupart  de  ces  objets,  dit  M.  de  Ravestein,  dans  son  livre,  provien- 
«  nent  de  Pompeï  ;  quelques-uns  pourtant  ont  été  trouvés  dans  les  environs 
«  de  Rome.  Ce  sont,  en  général,  des  lancettes,  des  scalpels,  des  sondes 
«  pour  l'oreille,  des  pinces,  peut-être  des  trépans  et  autres  objets  en 
«  usage  en  chirurgie  et  pharmacie. 

«  Ces  instruments  sont  en  bronze.  » 

Notre  savant  confrère,  M.  Jos.  Destrée  a  bien  voulu  m'écrire  qu'il  avait 
rencontré  dans  le  dictionnaire  de  Saglio,  p.  1114,  un  dessin  d'un  marbre 
funéraire  du  Musée  de  Latran  reproduisant  des  instruments  de  chirurgie  ; 
parmi  eux,  se  voit  une  petite  cuillère  du  modèle  de  celle  qui  provient  de 
Villers-devant-Orval. 

On  peut  donc  conclure,  avec  assez  de  vraisemblance,  que  ce  genre 
d'instruments  est  de  fabrication  romaine  ou  gallo-romaine.  En  tout  cas,  la 
cuillère  de  Villers-devant-Orval  est  d'un  style  qui  n'a  guère  le  cachet  de 
la  technique  franque. 

Le  bas-relief  du  Musée  de  Latran  permet  aussi  d'expliquer  l'usage  pro- 
bable de  cette  mignonne  cuillère  :  c'est  un  ustensile  de  chirurgie  ou  de 
pharmacie. 


Tel  est,  du  reste,  l'avis  de  M.  le  docteur  Deneffe,  professeur  à  l'Univer- 
sité de  Gand  qui  a  formé,  dans  le  Musée  de  cette  Université,  une  collection 
de  fac-similés  en  bronze  de  tous  les  instruments  connus  de  la  chirurgie  anti- 
que. Voici  ce  que  dit  le  savant  professeur,  à  propos  de  la  cuillère  du  Musée 
de  Ravestein  : 

«  Cette  cuillère  me  paraît  avoir  fait  partie  de  la  trousse  d'un  pharmacien 
«  ou  d'un  médecin, 

«  Elle  servait  à  prendre  des  poudres  qu'on  versait  ensuite  sur  le  plateau 
«  d'une  balance,  ou  qu'on  projetait  sur  une  plaie. 

«  Les  médicaments  pulvérulents  tiennent,  en  effet,  une  grande  place  dans 
«  la  thérapeutique  de  l'antiquité. 


—   421    — 

M.  Deneffe  fait,  enfin,  observer  que  beaucoup  d'instruments  antiques 
sont  à  anneau  comme  les  cuillères  de  la  collection  de  Ravestein  et  de 
Villers-devant-Orval. 

Ces  anneaux  servaient  probablement  à  attacher  ces  objets  à  la  trousse 
ou  à  les  réunir  comme  un  trousseau  de  clefs. 

M.  E.  DE  MuNCK.  —  L'excursion  de  l'école  d'anthropologie  de  Paris 

DANS  LE  bassin  DE  MONS  ET   A  BRUXELLES. 

A  l'appui  de  ce  que  vient  de  dire  M.  de  Munck  au  sujet  du  rôle  im- 
portant de  l'ethnographie  dans  les  études  préhistoriques,  M.  P.  Combaz 
cite  ce  fait  qu'il  possède  des  flèches  en  bois,  des  îles  Carolines,  offrant  la 
plus  grande  analogie  avec  les  flèches  et  harpons  en  corne  de  cerf  et  en 
os  que  l'on  trouve  dans  les  gisements  de  l'époque  du  renne. 

M.  DE  Raadt.  —  La  maison  des  Douze-Apôtres  a  Bruxelles. 

M.  Destrée.  —  Un  livre  d'heures  du  xvi«  siècle.  Ce  manuscrit  ayant 
appartenu  à  feu  M.  Vergauwen,  sénateur  de  Gand,  a  été  enluminé,  d'après 
toute  vraisemblance,  dans  l'ateHer  des  Benning,  à  Bruges. 

Communications  diverses. 

M.  DE  Raadt  donne  des  détails  sur  l'inventaire,  dressé  en  1489,  des  biens 
meubles  de  Walter  Leonii,  chanoine  de  l'égUse  Sainte-Gudule.  Ce 
document,  dont  notre  collègue  exhibe  l'original,  est  divisé  en  deux  parties: 
la  première,  en  flamand,  comprend  les  meubles,  ustensiles,  titres  de 
rente,  etc.  ;  la  seconde,  en  latin,  la  bibHothèque.  Celle-ci,  pour  cette 
époque  reculée,  excessivement  riche  en  manuscrits  et  livres  imprimés  —  il 
n*y  avait  guère  qu'une  dizaine  d'années  qu'à  Bruxelles  les  premiers  Hvres 
étaient  sortis  des  presses  des  Frères  de  la  Vie  commune  —  contient 
une  série  d'ouvrages,  dont  les  titres  étaient  restés  inconnus  jusqu'à  présent. 
La  partie  flamande  de  ce  précieux  inventaire  renferme  un  certain  nombre 
de  termes  inconnus  et  difficiles  à  expliquer  '. 

M.  Arm.  de  Behault  de  Dornon  signale,  d'après  un  travail  de  M.  van 

1  Notre  confrère  se  propose  de  publier  cette  pièce. lia  pu  faire  revivre  une  partie  de 
l'écriture,  effacée,  au  moyen  d'un  liquide  dont  voici  la  composition  et  l'emploi  : 
mêler  six  parties  de  chaux  vive,  une  partie  de  fleur  de  soufre  et  deux  parties 
d'hydrochlorate  d'ammoniaque;  introduire  le  mélange  dans  une  cornue  de  verre,  que 
l'on  place  sur  un  bain  de  sable  ;  on  y  adapte  un  récipient,  contenant  quatre 
parties  d'eau  distillée,  et  l'on  chauffe  lentement.  On  obtient  ainsi  du  sulfure  hydro- 
géné d'ammoniaque  ou  hydrosulfate  sulfuré  d'ammoniaque. 

Pour  faire  reparaître  des  écritures  effacées,  on  lave  légèrement  avec  de  l'eau 
tiède,  au  moyen  d'une  éponge,  et,  après  avoir  laissé  sécher  entièrement,  on  passe 
dessus  un  pinceau  trempé  dans  le  réactif. 

'     Tenir  bien  bouchée  la  bouteille  qui  renferme  cette  liqueur,  vu  que  celle-ci  s'éva- 
pore très  facilement  et,  de  plus,  répand  une  mauvaise  odeur. 


—    422     — 

Even,  publié  dans  le  Bulletin  de  V Académie  royale  de  Belgique^  1891,  N»  VII, 
que  M.  le  professeur  Schlie,  directeur  des  Musées  grand-ducaux  de  Schwe- 
rin,  annonce  la  découverte,  dans  une  paroisse  entre  Stockholm  et  Upsala 
(Suéde),  d'un  magnifique  autel  sculpté,  dû,  dit-il,  au  ciseau  d'un  artiste 
belge  «  Jan  Borman  » . 

M.  Destrée  fait  remarquer  qu'à  la  séance  du  4  décembre  1888,  tenue  par 
notre  société,  il  a  lui-même  signalé  cette  découverte  très  importante. 

La  séance  est  levée  à  10  1/2  heures. 


Séance  mensuelle  du   lundi   8  juin   i8gi. 


Présidence  J^  M.  le  comte  Goblet  d'Alviella,  président. 


rennent  place  au  bureau  :  MM.  Cumont,  Combaz,  Saintenoy, 
de  Munck,  de  Raadt,  De  Schryver,  Paris. 

Une  cinquantaine  de  membres  assistent  à  la  séance  ^. 

M.  le  Secrétaire-général  donne  lecture  du  procès-verbal  de  la  séance  de 
mai.  (Adopté)» 

Correspondance.  —  M.  le  chevalier  Edm.  Marchai  annonce  sa  nomi- 
nation de  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  royale  des  Sciences,  des 
Lettres  et  des  Beaux-Arts,  en  remplacement  de  feu  le  général  J.  B.  S.  Liagre 
(Félicitations.) 

Le  comité  de  «  Bruxelles-Attractions  »  annonce  qu'il  a  appuyé  auprès 
du  Gouvernement  notre  pétition  tendant  à  obtenir  un  local  à  l'effet  d'y 
étabhr  un  musée. 

M.  Alph.  Casse,  député  pour  Bruxelles,  transmet  une  lettre  de  M.  le 
Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction  publique,  notifiant  que  l'ancienne 
chapelle  Saint-Georges,  ne  pourra  être  affectée  à  la  formation  du 
musée. 

1  Ont  signé  la  liste  de  présence  :  MM.  le  comte  de  Looz-Corswarein,  Poils, 
Puttaert,  Schweisthal,  Ch.  Heetveld,  chevalier  Diericx  de  Ten-Hamme,  Hauman, 
comte  de  Nahuys,  Michel,  Mahy,  Titz,  Michaux,  De  Becker-Remy,  A.  de  Behault 
de  Dornon,  La  Valette,  Ronner,  Jefferys,  Hecq,  Schavye,  vicomte  Desmaisières, 
Dans,  De  Soignies,  Dillens,  Drion,  van  Havermaet,  Robyns  de  Schneidauer, 
baron  de  Royer  de  Dour,  Pourbaix,  AUard,  Muls,  De  Passe,  Sheridan,  Aubry, 
Jordens,  De  Beys,  Rivier  et  de  Proft. 


—  423   — 

Des  remerciements  sont  votés  à  l'honorable  M.  Casse. 

L'administration  communale  d'Ixelles  annonce  qu'elle  donnera  prochaine- 
ment une  solution  favorable  à  la  question  du  remboursement  des  débours 
faits  par  nous  à  Anderlecht. 

M™®  la  comtesse  Ouvaroff,  présidente  de  la  Société  archéologique  de 
Moscou,  accuse  réception  de  nos  Annales  et  annonce  l'envoi  des  tomes  XII, 
XIII  et  XIV  des  publications  de  ce  cercle,  ainsi  que  de  divers  ouvrages  de 
feu  M.  le  comte  Ouvaroff. 

La  Société  d'Anthropologie  de  Paris,  la  Real  Academia  de  la  Historia, 
à  Madrid,  la  Rédaction  der  Mittheilimgen  des  Instituts  fiïr  oesterreichische 
Geschichtsforschungy  à  Vienne,  la  Société  nationale  des  Antiquaires  de  France» 
à  Paris,  acceptent  l'échange  de  leurs  publications  avec  les  nôtres. 

La  Société  de  l'École  nationale  des  Chartes,  à  Paris,  exprime  le  regret 
de  ne  pouvoir  accepter  un  échange  semblable. 

VAnthropological  Institute  of  Great-Bntain  and  Ireland  demande  un  exem- 
plaire de  nos  Annales  afin  d'examiner  la  question  d'échange. 

VHistorisch  Genootschap  gevestigd  te  Utrecht  accuse  réception  de  notre 
Annuaire,  1891. 

M.  le  baron  de  Baye  a  appuyé  l'échange  proposé  à  la  Société  nationale 
des  Antiquaires  de  France  {Remerciements). 

La  Sociélé  française  d'Archéologie,  etc.,  et  le  Royal  Archaeological  Institute 
of  Greai'Britain  and  Ireland,  nous  convient  à  participer  aux  congrès  qu'ils 
organisent  dans  les  départements  du  Jura  et  du  Doubs,  du  16  au  26  juil- 
let, respectivement  à  Edimbourg,  du  11  au  18  août. 

MM.  Ch.  Winckelman  (effectif).  Ed.  Van  der  Straeten  (effectif),  Emm. 
Van  den  Bussche,  artiste  peintre,  (associé),  remercient  de  leur  nomination 
de  membres. 

MM.  Delevoy  et  Destrée  s'excusent  de  ne  pouvoir  assister  à  la  séance. 

Nomination  de  Membres.  —  Sont  nommés  membres  : 

effectif  :  MM.  Walter  de  Selys-Longchamps,  au  Château  d'Halloy,  à 
Ciney  ;  associés  :  MM.  Ern.  Acker,  Jules  Brunfaut  et  Jules  Canneel,  archi- 
tectes, à  Bruxelles. 

Congrès  archéologiques.  —  Sont  nommés  délégués  : 

1°  au  congrès  annuel  de  la  Société  française  d* Archéologie ,  à  Dôle  : 
M.  le  baron  de  Loë  ; 

2°  au  congrès  annuel  du  Royal  Archaeological  Institute  of  Great-Btitain  and 
Ireland,  à  Edimbourg  :  M.  Paul  Saintenoy  et  (suppléant)  M,  Edouard  Van- 
der  Smissen. 


—  424  — 


Communications. 

M.  Michel,  Recherches  sur  l'origine  des  bassinoires,  s'exprime  en  ces 
termes  : 

A  l'une  de  nos  dernières  séances,  plusieurs  bassinoires  très  curieuses 
furent  exposées. 

Ayant  trouvé  chez  des  personnes  de  ma  famille,  une  bassinoire  assez 
intéressante,  nous  nous  faisons  un  plaisir  de  vous  la  faire  voir,  et  de  vous 
présenter  le  résultat  de  quelques  recherches  sur  l'origine  de  ces  instru- 
ments. 

Dans  l'antiquitéj  nous  n'avons  pas  trouvé  qu'il  fût  question  de  bassi- 
noires. Les  anciens  étaient  pourtant  gens  assez  raffinés,  mais,  d'autre  part, 
étant  donnée  la  douceur  du  climat  de  la  Grèce  et  de  PItaUe,  il  est  peu 
probable  que  les  habitants  de  ces  pays  aient  éprouvé  le  besoin  de  chauffer 
leurs  Uts. 

Au  moyen  âge,  au  contraire,  il  est  à  croire  que  cet  usage  fut  assez 
répandu,  car,  pendant  plusieurs  siècles,  l'habitude  étant  de  se  coucher 
sans  vêtements,  il  paraît  naturel  que  l'on  ait  chauffé  les  draps  en  hiver 
pour  éviter  l'impression  glaciale  causée  par  le  contact  de  la  toile.  Tou- 
tefois, nous  ne  trouvons  qu'assez  tard  la  mention  d'un  instrument  spécial 
pour  cet  objet.  Dans  le  Ménagier  de  Paris,  ouvrage  du  xiv^  siècle,  fort 
intéressant,  et  qui  entre  dans  une  foule  de  détails  sur  tout  ce  qui  a  rapport 
à  la  tenue  d'une  maison,  il  n'est  point  question  de  bassinoires.  On  chauf- 
fait probablement  alors  les  lits  au  moyen  d'un  cruchon  ou  d*une  bouteille, 
comme  bien  des  gens  le  font  encore  aujourd'hui.  Cette  opinion  est  con- 
firmée par  un  texte  du  xve  siècle  où  l'on  parle  d'une  bouteille  et  hassinouere 
pour  eschauffer  son  lit.  Nous  voyons  donc  là  les  deux  moyens  cités 
ensemble. 

A  cette  époque,  divers  textes  se  rencontrent  signalant  l'objet  en  ques- 
tion. Dans  les  comptes  de  Louis  XI,  1480-148 1,  on  trouve  cette  mention  : 
à  Loys  Boutard^  poeslier,  pour  une  hassinoelle  pour  bassiner  le  lit  dudit  seigneur 
(le  Dauphin),  30  s.  t.  Ailleurs,  il  est  parlé  de  payelle  bachinoire.  Dans  une 
pièce  du  poète  satirique  Coquillart,  qui  vivait  sous  Louis  XI,  il  est  ques- 
tion de  draps  bacine%^  a  souhaits.  Au  siècle  suivant,  Ambroise  Paré  parle  de 
bassinoire  pleine  de  braise. 

Nous  n'avons  malheureusement  rien  trouvé  dans  les  documents  figurés 
avant  le  xvii®  siècle.  Au  musée  de  Cluny  se  trouve  une  bassinoire  en 
cuivre  indiquée  comme  un  travail  flamand  du  temps  de  Louis  XIII.  Les 
autres  objets  analogues  que  nous  avons  vus  ne  me  paraissent  pas  anté- 
rieurs à  cette  époque  ;  toutefois,  je  me  hâte  de  dire  que  je  suis  peu  com- 


—  425  — 

pètent  en  cette  matière,  et  je  serais  bien  aise  de  savoir  à  ce  sujet  l'opinion 
de  ceux  de  nos  confrères  qui  s'y  connaissent  mieux. 

Nous  regrettons  de  n'avoir  pu  trouver  d'indications  plus  complètes  à 
vous  communiquer;  cependant,  nous  croyons  qu'il  est  bon  de  ne  pas  trop 
insister  sur  ce  sujet,  sous  peine  de  donner  lieu  à  une  comparaison  malicieuse 
qui  est  peut-être  déjà  venue  à  l'esprit  de  plus  d'un  d'entre  vous. 

A  ce  propos,  et  avant  de  terminer,  il  me  reste  à  vous  dire  un  mot  des 
renseignements  que  nous  avons  recueillis  au  sujet  du  sens  figuré  dans  lequel 
on  emploie,  en  langage  familier,  les  mots  :  bassiner  et  bassinoire. 

On  disait  autrefois  :  bassiner  quelqu'un  ;  cela  voulait  dire  lui  donner  une 
sorte  de  charivari  en  frappant  sur  des  bassins  de  métal  ou  d'autres  objets 
bruyants.  Il  paraît  que  cette  plaisanterie  était  surtout  en  usage  pour 
tourner  en  ridicule  une  femme  d'un  âge  mûr  lorsqu'elle  se  disposait  à 
épouser  un  jeune  homme. 

De  nos  jours,  en  langue  populaire,  on  dit  encore  indifféremment  d'une 
personne  ennuyeuse  :  quel  bassin  !  ou  quelle  bassinoire  !  D'après  l'origine  que 
nous  avons  signalée,  il  semble  que  la  première  de  ces  expressions  soit  mieux 
appliquée,  car  la  bassinoire,  étant  formée  de  deux  pièces  métalliques  qui 
se  touchent,  ne  peut  rendre  qu'un  son  sourd.  Cependant  il  se  peut  fort 
bien  que  cet  instrument  ait  figuré  quelquefois  dans  les  charivaris  en  ques- 
tion, car,  par  l'analogie  de  sa  forme  avec  celle  de  la  guitare,  il  pouvait  se 
prêter  à  quelques-unes  de  ces  simagrées  burlesques  qui  faisaient  la  joie  de 
nos  bons  aïeux. 

M.  VAN  Havermaet  présente  une  note  traitant  du  même  sujet. 

Au  XVI®  siècle,  dit-il,  un  poète  champenois,  Pierre  Larivey,  chantait  la 
bassinoire  en  un  sonnet,  dans  ces  termes,  ce  qui  prouve  que,  dès  lors,  elle 
avait  déjà  la  même  forme  : 

La  Bassinoire 

Je  suis  gros,  bien  poly  et  de  bonne  rondeur  ; 
J'ai  des  yeux  assez  grands,  et  si  je  n'y  voy  goutte, 
Toujours  la  gayeté  me  suit  où  je  me  boutte 

El  les  femmes  souvent  désirent  ma  faveur. 
Qiiand  je  suis  plus  gaillard  et  bouillant  de  chaleur, 
Et  qu'à  mon  premier  feu  nouveau  feu  on  adjouste, 
Entre  deux  choses  blancz  dans  une  noire  voulte, 

On  me  met  à  tous  coups  pour  dompter  ma  fureur. 
Là  pour  le  prompt  effort  de  ma  puissance  royde, 
Tous  les  plus  morfondus  et  de  nature  froyde, 
J'eschauffe  tellement  qu'enfin  j'en  refroidy. 

Assui,  de  çà  de  là,  si  souvent  on  m'agite, 

Que  d'ardent  que  j'estois,  j'en  reste  moins  hardy, 

Tant  ma  puissance  adonc  devient  faible  et  petite. 


—   426  — 

Gabrielle  d'Estrée,  en  1599,  possédait  une  bassinoire  d'argent  tout 
blanc,  dit  un  auteur. 

Mais  le  xvii«  siècle  est  le  siècle  par  excellence  de  la  bassinoire.  Louis  XIV 
avait  neuf  bassinoires  en  argent,  pesant  ensemble  plus  de  81  marcs  (Le 
marc  égalait  huit  onces). 

Molière  avait  deux  bassinoires  en  cuivre  rouge  pesant  six  livres,  et  les 
trois  bassinoires  qu'on  trouva  après  sa  mort  chez  Claudine  Bouzonnet- 
Stella,  étaient  également  toutes  trois  de  cuivre  rouge. 

«  Tu  me  bassines  !  »  est  une  expression  trouvée  par  les  laquais;  En 
effet,  au  siècle  dernier  et  même  encore  au  commencement  de  celui-ci,  il 
n'était  point  de  noble  dame  qui  se  mît  en  voyage,  dans  sa  chaise  de  poste, 
sans  recommander  à  sa  domesticité  de  ne  pas  oubUer  d'y  placer  la  bassi- 
noire, comme  un  instrument  indispensable. 

«  Lafleur,  surtout  n'oublie  pas  ma  bassinoire  !  disait  M.^^  de  Pompa- 
dour  à  son  valet.  » 

Si  bien  que  MM.  les  laquais  et  chambrières,  pour  désigner  une  maîtresse 
de  maison  difficile,  pointilleuse  dans  le  service,  s'écriaient  : 

«  Ah  !  elle  me  bassine  la  patronne  !  » 

Enfin,  en  1770,  un  sieur  Granchet,  importa  en  France,  la  bassinoire 
anglaise  se  chauffant  à  l'eau  chaude,  ce  qui  devint  la  Boukf  cette  fameuse 
houle  de  Meilhac  et  Halévy,  qui  fut  célébrée  dans  un  amusant  vaudeville, 
encore  rejoué  il  y  a  quelque  temps  à  Bruxelles. 

M.  LE  Président  fait  remarquer  à  M.  Michel  que,  loin  d'être  doux,  le 
climat  de  l'Italie  est  très  rigoureux  en  hiver  et  que,  dans  cette  saison,  l'on 
ne  sort  guère  en  voiture  sans  chaufferette.  L'antiquité  aura  donc,  sans 
aucun  doute,  connu  cet  ustensile. 

M.  ScHWEissTHAL  présente  également  les  observations  sur  l'origine  des 
draps  de  Hts  et  de  la  chemise  de  nuit. 

M.  Michel  répond  que  le  Roman  de  sept  sages,  texte  en  vers  du  xii®  siè- 
cle ',  on  trouve  le  passage  suivant  : 

«  En  I  vergier  moult  riche  et  bel 

Fist  la  pucelle  appareiller 

1   bel  lit  soulf  d'oreillier 

Molz  de  coûtes  et  de  bîans  dras 

Qui  ne  n'iere  petis,  n'eschars, 

Fu  toute  an  mi  la  chambre  pointe.  » 

Un  texte  en  prose ^,  du  xiii^  siècle  dit  ceci  :  «  Gommant,  sire,  donc  ne  véez 

1  Voir  ViOLLET-LE-Duc,  Dictionnaire  du  mobilier^  I,  p.  162  ;  comp.  Gaston 
Paris,  La  littérature  française  au  moyen  d^e,  p.  109  pour  la  date  du  texte, 

2  Texte  en  prose  du  xiiie  siècle  du  même  Roman  des  7  sa^es.  —  V.  Viollet-le^- 
Duc,  Dict.  du  Mot.  I,  p    164. 


—  427  — 

vos,  chacun  jor,  commant  ils  (les  chiens)  atornent  vos  liz  ;  il  ne  passera  ja 
iij  jors  qui  ne  nos  conviengne  fere  buée  por  vos  chiens.  »  Si  Ton  devait  faire 
la  lessive  (buée)  pour  nettoyer  les  lits,  c'est  bien  la  preuve  qu'ils  étaient 
garnis  de  linge.  Viollet-le-Duc  dit  qu'avant  le  xiii®  siècle  on  enroulait  les 
draps  autour  de  soi  pour  dormir,  et  il  montre  une  miniature  dans  lesquelles 
on  voit  les  personnages  couchés,  enveloppés  dans  un  drap. 

M.  Em.  de  Munck.  —  Recherches  sur  les  fusaïoles   des   époques  pré- 

HISTORiaUE,  romaine  ET  FRANQ.UE. 

M.  CuMONT  fait  remarquer  qu'il  est  difficile  de  confondre  les  fusaïoles 
trouvées  à  Anderlecht  avec  les  perles  de  collier.  Celles-ci  sont  d'une  pâte 
beaucoup  plus  soignée  et  plus  précieuse  que  les  fusaïoles,  qui  sont  en 
poterie  grossière,  de  la  même  pâte  grise  ou  noire  que  les  vases  francs 
renfermés  dans  les  tombes  d'Anderlecht.  Ordinairement,  ces  fusaïoles  se 
rencontrent  dans  les  tombeaux  de  femmes,  très  rarement  dans  les  tombeaux 
d'hommes.  D'autre  part,  lorsqu'elles  sont  trouvées  avec  des  grains  de 
collier,  elles  sont  souvent  à  l'écart  et  non  au  milieu  de  ces  grains,  ce  qui 
semble  démontrer  qu'elles  ne  proviennent  pas  du  collier. 

M.  LE  Président  dit  que,  parmi  celles  trouvées  à  Troie,  certaines 
portent  le  signe  du  Zvastica  ou  croix  gammée.  On  pourrait  en  inférer 
que  ces  objets  étaient  des  offrandes  pieuses,  symboHsant  le  travail  domes- 
tique. 

M.  CuMONT.  —  Les  fusaïoles  servaient  probablement  de  pesons  de  fu- 
seau, ou  de  contre-poids  aux  métiers  à  tisser,  ce  qui  expliquerait  leur 
présence  fréquente  dans  les  sépultures  et  particulièrement  dans  les  fouilles 
de  Troie. 

Ces  différentes  observations  donnent  lieu  à  un  débat  auquel  prennent 
part  MM.  Schweisthal,  Cumont,  le  comte  Goblet  d'Alviella  et  de  Munck. 
Ces  trois  premiers  rendent  hommage  à  la  logique  des  conclusions  présen- 
tées par  M.  de  Munck. 

Communications  diverses. 

M.  DE  Raadt  expose  un  cahier  en  parchemin,  contenant,  outre  un  tableau 
représentant  les  quatre  quartiers  de  Monsieur  François  de  Kinschot,  escuyer, 
seigneur  de  Rivière,  de  Clercamp,  etc.,  escoutette  de  la  cite  et  pays  de  Matines,  des 
notices,  datées  de  Bruxelles,  27  avril  1641,  sur  chacune  des  quatre 
familles  en  question,  à  savoir  :  de  Kinschot,  Douglas  dit  de  Schot,  Boote 
et  de  Hovynes. 

Ce  manuscrit,  orné  de  onze  blasons  enluminés,  est  l'œuvre  du  trop 
fameux  Pierre  (Albert)  de  Launay,  escuyer,  Roy  d'armes  ordinaire  du  Roy,  nostre 
Sire  résidant  lei  la  personne  de  Monseigneur  le  Cardinal  Infant  d'Espagne,  etc.  De 
même  que  tous  ceux  qui  sont  sortis  des  officines  des  deux  frères  de  Lau- 
nay,  il  constitue  un  mélange,  plus  ou  moins  habile,  de  vrai  et  de  faux. 


—  428   — 

Après  avoir  rappelé  le  procès  et  la  condamnation  des  deux  célèbres 
faussaires,  M.  de  Raadt  fait  circuler  le  sceau  de  Pierre-Albert  de  Launay, 
d'après  la  matrice  appartenant  à  notre  collègue,  M.  le  comte  Amaury  de 
Ghellinck  d'Elseghem,  et  dont  voici  une  reproduction  fidèle. 


Fig.  I  Fig.  2. 

On  remarque,  sur  ce  sceau,  les  griffes  à  travers  le  timbre  et  le  premier 
quartier  de  l'écu  i.  M.  de  Raadt  pense  que  la  matrice  a  été  oblitérée  parce 
que  le  meuble  des  i^^'  et  4^  quartiers  est  un  chevron  ordinaire,  alors  que 
les  frères  de  Launay  portaient  un  chevron  engrêlé.  A  l'appui  de  cette 
hypothèse,  il  exhibe  un  cachet  de  Pierre-Albert,  apposé  sur  une  lettre 
écrite  de  celui-ci  en  1690,  à  l'historien  Jacques  le  Roy,  à  AnVers  et  montre, 
ayant  occasion  de  parler  de  celui-ci,  le  fac-similé  de  sa  signature. 

Entrant  dans  quelques  détails  sur  ce  dernier,  il  montre  ensuite  à  l'assem- 
blée une  belle  gravure  de  Luc  Vorsterman  le  jeune,  représentant  le  blason 
des  le  Roy  (écartelé  de  Hoif),  tel  qu'il  a  été  adopté  par  Phihppe,  père  de 
l'auteur  et  plénipotentiaire  à  la  Haye,  en  1647,  pour  y  négocier  avec  les 
États-Généraux  une  cessation  d'armes  par  mer  et  par  terre.  Grâce  à 
M.  de  Raadt,  nous  pouvons  donner  ici  une  reproduction  de  cette  œuvre  ^. 

1  Ce  cliché  nous  a  été  prêté,  obligeamment,  par  M.  le  comte  de  Ghellinck.  (Note 
de  la  Commission  des  Publications). 

2  Voir  pour  plus  de  détails  :  L.  Galesloot,  P.  A.  et  Jean  de  Launay,  hérauts 
d'armes  du  du:hé  de  Brabant.  Histoire  de  leurs  procès  ([643-1687),  et  J.-Th.  de  Raadt, 
Jacques  le  Roy,  baron  de  Broechem  et  du  S.  E.  R.,  historien  brabançon,  et  sa  famille. 

Dans  cette  dernière  notice,  on  trouve  la  teneur  de  la  curieuse  lettre  mentionnée 
ci-dessus.  La  liste  des  familles  auxquelles  les  de  Launay  ont  délivré  des  certificats  de 
noblesse,  etc.,  publiée  par  Galesloot,  peut  être  augmentée  par  les  noms  suivants  : 
Boote,  Douglas  dit  Schot  et  Hovynes. 


—  429  — 


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Fig.  3, 


M.  S.  De  Schryver  donne  lecture  de  auATORZE  lettres  inédites   de 
Grétry. 


Exposition. 

1°  Gravures  des  antiquités  laissées  par  les  populations  primitives  de  la 
Russie  —  les  Mériens  (don  de  M"^"  la  comtesse  OuvarofF). 

20  Chromolithographies  représentant  des  peintures  byzantines  (don  de 
M"ela  comtesse  OuvarofF). 

30  Manuscrit  de  Pierre-Albert  de  Launay,  roi  d'armes  du  xvif  siècle. 

La  séance  est  levée  à  10  1/2  heures. 


RAPPORT  SUR  L'ORGANISATION 


DE   LA 


SECTION  D'ARCHÉOLOGIE 

du  Palais  du  Peuple  à  Bruxelles 


Les  conditions   du    travail  dans  les  temps  anciens. 

Messieurs, 

[otre  Commission  administrative  a  reçu,  le  26  février 
1890,  de  la  commission  chargée  par  le  Gouvernement 
de  préparer  l'aménagement  d'un  Palais  du  Peuple 
dans  les  bâtiments  du  Parc  du  Cinquantenaire,  à  Bruxelles,  le 
rapport  présenté  par  sa  sous-commission  sur  Tinstallation  de  ce 
palais  et  une  lettre  demandant  le  concours  de  notre  société  pour 
la  réalisation  de  ce  projet. 

Cette  lettre  nous  donnait  comme'  mission  de  rechercher  les 
moyens  de  répondre  au  vœu  des  pouvoirs  publics  et  d'éla- 
borer un  projet  de  section  retraçant  la  vie  de  Thomme  aux 
différentes  époques  de  l'histoire. 

Le  plan  adopté  par  nous,  pour  Tinstallation  de  cette  section,  a 
été  la  création  d'une  série  de  salles  consacrées  chacune  à  une 


—  431  — 

époque  différente  et  formant  par  leur  réunion  l'histoire  complète 
de  rindustrie  humaine. 

En  effet,  destinée  aux  classes  laborieuses,  la  section  archéolo- 
gique du  Palais  du  Peuple  nous  semble  devoir  être  consacrée  à 
l'histoire  du  travail. 

C'est  ainsi  que  pour  toutes  les  divisions  de  la  section,  nous 
nous  sommes  efforcés  de  réunir  les  conditions  du  travail,  les 
objets  domestiques,  les  ustensiles,  les  instruments  dont  on  se 
servait  dans  l'industrie,  les  moyens  de  transport,  d'éclairage,  les 
costumes,  etc.,    etc. 

Bref,  la  section,  organisée  d'après  ces  données,  montrerait 
l'histoire  complète  du  développement  industriel  de  l'humanité  à 
travers  les  siècles. 

Le  visiteur,  en  suivant  l'ordre  chronologique,  verrait  se  pro- 
duire successivement  les  grandes  inventions  et  il  suivrait  les 
perfectionnements  de  l'art  et  de  l'industrie. 

Aux  temps  préhistoriques,  il  verrait  s'ébaucher  la  taille  du 
silex,  le  polissage  des  haches,  puis  les  premiers  tâtonnements  de 
la  métallurgie  —  la  fonte  d'une  hache  de  bronze  par  exemple  — 
la  fabrication  et  la  cuisson  des  premières  poteries,  la  confection 
de  vêtements  de  peaux.  Plus  tard,  le  verre  ferait  son  apparition, 
la  poterie  se  perfectionnerait,  le  tissage  des  étoffes  se  montrerait 
et,  successivement,  il  en  serait  de  même  pour  toutes  les  spécialités. 

Il  faut,  pour  cela,  faire  voir  les  instruments,  les  ustensiles,  les 
objets  maniés  par  ceux  qui  les  ont  inventés  et  qui  s'en  servaient 
dans  leur  industrie.  Ce  serait  plus  instructif  pour  la  masse  du 
public  que  d'examiner  les  objets  originaux  étalés  dans  les  vitrines 
de  nos  Musées,  avec  des  étiquettes  qui  ne  disent  rien  au  visi- 
teur non  initié. 

Nous  pensons  que  pour  exécuter  cette  histoire  du  labeur  de 
l'humanité,  dans  les  sphères  industrielles,  il  conviendrait  de  faire 
une  série  de  salles  meublées  et  décorées  dans  des  styles  ad  hoc  et 
montrant  des  personnages  figurés  par  des  mannequins  habillés  de 
costumes  exécutés  d'après  les  données  de  la  science  historique  *. 

^  Il  est  question  d'organiser  de  cette  façon  le  Musée  des  arts  décoratifs  de  Paris. 
Voici  ce  qu'en  dit  M.  du  Cleuziou  dans  la  Semaine  des  Constructeurs,  1890, 
p.  304  :  Dès  l'époque  gallo-romaine,  nos  confrères  pourront  fournir  des  ren- 
seignements très  complets.  M.  Garnier,  pour  en  revenir  à  ce  maître  plein  de  goût, 


—  432  -- 

Ces  figures  sembleraient  manier  des  instruments  copiés  sur  ceux 
que  nous  ont  légués  les  siècles  passés  et  seraient  placées  dans  un 
décor  constitué  mi-partie  en  nature,  mi-partie  en  décor  diora- 
mique. 

Dans  la  section  des  eaux  et  forêts,  à  l'Exposition  universelle  de 
Paris  en  1889,  on  avait  fait  usage  de  vues  de  ce  genre  qui  nous 
semblent  devoir  être  proposées  comme  type  de  nos  restitutions 
de  la  vie  industrielle  des  temps  passés. 

Il  conviendrait  donc  de  ne  pas  agir  comme  au  Cristal- Palace 
de  Sydenham,  près  de  Londres,  où  le  public  circule  dans  des 
salles  consacrées  chacune  à  un  art  différent,  ce  qui  rompt 
rillusion,  mais  bien  plutôt  de  faire,  comme  dans  l'exposition  des 
Arts  libéraux  à  Paris  en  1889,  circuler  le  public  devant  les  resti- 
tutions. 

Nous  voudrions,  en  face  de  celles-ci,  des  salles  d'exposition 
où  seraient  conservés  des  moulages,  des  tableaux  explicatifs,  des 
pancartes  résumant  les  principaux  faits  historiques  de  chaque 
civilisation,  des  portraits  des  hommes  utiles  à  l'humanité  par 
leurs  inventions  ou  leurs  découvertes,  et,  en  général,  tous  les  do- 
cuments positifs  sur  lesquels  les  restitutions  seraient  basées. 

Un  guide  explicatif  donnant  les  détails  qu'il  est  impossible  de 

a  déjà  exécuté  dans  ce  style  une  petite  cour  délicieuse,  dont  on  pourrait  s'inspirer 
pour  la  salle  future  destinée  à  abriter  les  collections  si  riches  qu'exposa  à  plusieurs 
reprises  l'Union  centrale,  dans  le  palais  des  Champs-Elysées. 

Quant  aux  époques  romane  et  byzantine,  sans  toucher  à  l'architecture  religieuse, 
on  pourrait,  là,  reproduire,  soit  la  cheminée  de  la  Réole,  soit  quelques-unes  des 
salles  capitulaires,  si  nombreuses  dans  le  Languedoc  et  la  Normandie.  Nous 
n'avons,  là,  que  l'embarras  du   choix. 

Pour  le  xiiie  et  le  xive  siècles,  l'officialité  de  Sens  ne  serait  pas  déplacée  au 
palais  des  Beaux-Arts. 

Pour  le  commencement  du  xve  siècle,  on  pourrait  s'inspirer  de  Pierrefonds.  Pour 
la  fin,  de  l'aile  de  Louis  XII,  au  château  de  Blois. 

En  fait  de  xvie  siècle,  nos  châteaux  de  Touraine,  depuis  Chambord  jusqu'à 
Chenonceaux,  fourniraient  ample  matière  d'étude  à  nos  architectes. 

Nous  ne  parlerons  que  pour  mémoire  de  l'époque  Louis  XIII  et  du  grand  règne 
de  Louis  XIV.  Les  chambres  de  la  colonade  du  Louvre,  les  grands  appartements 
de  Versailles  peuvent  être  reproduits  facilement  en  les  interprétant  pour  les  besoins 
du  nouveau  musée. 

La  salle  du  Conseil,  à  Fontainebleau,  fournirait  pour  le  règne  de  Louis  XV  des 
spécimens  tout  trouvés  du  style  rocaille  le  plus  pur. 

Le  Louis  XVI  est  tellement  à  la  mode,  de  nos  jours,  que  nous  n'avons  pas  à  en 
parler,  non  plus  que  du  premier  Empire. 

Trianon  et  Compiègne  ne  sont  pas  là  pour  rien. 


—  433  - 

faire  connaître  autrement,  dans  le  genre  des  opuscules  qui  se  dis- 
tribuent au  British  Muséum  et  au  South- Kensvngton  Muséum  de 
Londres,  devrait  être  publié  et  vendu  à  un  prix  fort  minime. 

Le  texte  de  ce  volume  devrait  exprimer  clairement  et  très 
sommairement  tout  ce  qu'il  importe  de  savoir  sur  Thistoire  du 
travail,  notamment  les  noms  des  principaux  inventeurs  avec  les 
dates  des  inventions  importantes,  les  époques  de  perfectionne- 
ment des  procédés  industriels,  les  manuels  les  plus  recomman- 
dables  pour  étudier  davantage  les  questions,  etc.,  etc. 

De  plus,  des  conférences-promenades  devraient  avoir  lieu  les 
dimanches  dans  la  section,  afin  de  donner  occasion  aux  visiteurs 
de  mieux  saisir  le  sens  des  différents  objets  exposés. 

Ces  données  générales  étant  énoncées,  venons  à  la  description 
sommaire  de  ce  que  pourraient  être  les  restitutions. 

Voici  tout  d'abord  une  série  de  tableaux  oia  se  montrerait 
restituée  la  vie  de  l'homme  aux 


TEMPS   PRÉHISTORIQUES 

Cette  première  série  ferait  logiquement  suite  aux  salles 
consacrées  à  la  géologie  et  organisées,  en  suivant  l'excellente 
initiative  de  la  commission  du  Palais  du  Peuple,  par  la  Société 
belge  de  géologie  et  d'hydrologie. 

En  effet,  la  question  du  creusement  et  du  remplissage  des 
vallées  et  celle  de  l'origine  et  du  remplissage  des  cavernes  est 
intimement  liée  à  celle  de  l'apparition  de  l'homme  sur  la  terre. 
Après  l'histoire  de  la  terre,  l'histoire  de  l'industrie  humaine. 

Celle-ci  commence  à 

l'époque  paléolithique 

Des  escarpements  rocheux,  percés  de  cavernes  et  présentant  des 
saillies  protectrices,  rappelant  quelques-uns  des  sites  si  pitto- 
resques des  vallées  de  la  Lesse  et  de  l'Aveyron,  offriraient  un 
spécimen  des  premières  demeures  de  l'humanité  dont  la  nature 
seule  faisait  les  frais. 

Sur  le  sol  et  dans  les  mains  des  habitants,   s'étaleraient  les 

28 


—  434  — 

produits  de  Tindustrie  primitive  reconstitués  d'après  les  données 
si  complètes  que  nous  donne  la  préhistoire. 

D'abord  le  tout  premier  essai,  Tébauche  du  travail  de  l'homme, 
sous  forme  de  fragments  de  silex  naturellement  éclatés  et  utilisés 
pour  trancher,  percer  ou  racler. 

Puis  des  rognons  de  même  matière,  taillés  à  grands  éclats  et 
grossièrement  façonnés  en  forme  de  haches  ou  de  casse-têtes  et 
emmanchés  à  la  façon  australienne. 

On  verrait  ensuite  l'industrie  progresser  avec  les  haches 
taillées  à  plus  petits  éclats  et  présentant  la  forme  amygdaloïde. 

Apparaîtraient  enfin  les  produits  d'un  art  qui,  peu  cultivé 
durant  la  période  précédente,  atteint  maintenant  tout  son  déve- 
loppement. L'os,  les  bois  de  cervidés  et  Tivoire  sont  en  effet 
devenus  les  matières  premières  dont  on  fabrique  la  plupart  des 
ustensiles. 

Tous  ces  objets  seraient  disséminés  dans  le  paysage  occupé 
par  des  groupes  de  personnages  quaternaires  se  livrant  à  la 
taille  du  silex  ou  au  travail  de  l'os  et  du  bois  de  cerf. 

Des  gravures  en  creux  prouveraient  les  aptitudes  artistiques 
de  l'homme  dès  cette  époque  reculée. 

De  bonnes  coupes  des  grottes  funéraires  du  Frontal  et  d'Au- 
rignac,  placées  dans  les  salles  annexes,  apprendraient  au  visiteur 
que  ses  primitifs  ancêtres  avaient  déjà  le  souci  de  leurs  morts, 
et  qu'après  avoir  servi  de  demeure  aux  vivants;  les  cavernes 
servaient  souvent  d'asile  aux  défunts. 

A  ces  divers  échantillons  de  l'industrie  humaine  seraient  joints 
les  ossements  des  animaux  terribles  d'espèces  actuellement 
éteintes,  tels  que  le  grand-ours,  le  tigre,  le  mammouth  et  le 
rhinocéros,  aux  côtés  desquels  l'homme  quaternaire  a  vécu. 

Les  cloisons  disparaîtraient  sous  une  suite  de  dessins  repré- 
sentant ces  animaux  restaurés. 

Mais  voici 

l'époque  néolithique 

Nous  verrions  ici  des  huttes  chétives  de  forme  conique,  com- 
posées d'un  branchage  recouvert  de  peaux  ou  de  gazon,  et  ne 
possédant  qu'une  seule  ouverture  munie  d'une  sorte  de  portière 
faite  d'une  peau  de  bœuf  fixée  à  l'une  de  ses  extrémités  et  sou- 


—   435  — 

tenue  de  l'autre  à  une  certaine  hauteur  au  moyen  de  deux 
perches.  Ces  demeures  d'un  genre  nouveau  nous  apprendraient 
que  rhomme  a  déserté  en  grande  partie  les  sombres  et  humi- 
des cavernes  pour  gagner  les  plateaux. 

Quelques  groupes  de  personnages  se  livreraient,  les  uns  au 
dépècement  méthodique  des  blocs  de  silex  et  à  l'enlèvement  des 
longues  lames,  genre  de  travail  dans  lequel  ils  excellaient  et 
pour  lequel  ils  avaient  acquis  un  tour  de  main  si  habile;  les 
autres  au  polissage  des  haches  et  à  la  confection  des  vases.  Des 
haches  taillées  à  tout  petits  éclats  et  polies,  en  silex  et  en  roches 
diverses,  dont  quelques-unes  emmanchées  dans  des  gaines  en 
bois  de  cerf,  des  pointes  de  flèche  à  ailerons  et  à  tranchant  trans- 
versal, d'une  délicatesse  de  taille  incroyable  et  d'un  fini  vrai- 
ment surprenant,  des  lames  ou  couteaux,  des  ciseaux  ou  gouges, 
des  grattoirs,  des  scies,  etc.,  montreraient  la  perfection  atteinte 
dans  Fart  de  tailler  et  de  polir  le  silex  et  les  roches  dures. 

Dans  les  salles  annexes  pourraient  être  placées  des  reproduc- 
tions en  liège,  à  une  petite  échelle,  de  quelques  monuments 
mégalithiques  très  connus,  tels  que  les  dolmens  et  allées  cou- 
vertes de  Gavr'Innis,  de  Plouharnel,  de  Wéris,  etc.,  ainsi  que  les 
menhirs  isolés  de  HoUain  et  de  Fayat,  et  les  menhirs  alignés 
de  Carnac  qui  donneraient  une  idée  de  l'organisation  sociale  de 
ces  peuples,  de  l'autorité  dont  jouissaient  leurs  chefs,  de  la  véné- 
ration qu'ils  avaient  pour  leurs  morts  et  du  soin  qu'ils  prenaient 
de  perpétuer  le  souvenir  des  événements  marquants. 

l'époque  du  bronze 

montrerait  la  découverte  de  l'industrie  du  métal  par  l'humanité. 

La  conquête  des  métaux  qui  constitue  le  plus  grand  fait  de 
notre  histoire  sociale,  devrait  être  retracée  ici  non  seulement  par 
une  exhibition  des  types  des  premières  armes  et  outils,  mais 
par  des  restitutions  de  fourneaux  et  d'ateliers  de  mouleurs  en 
bronze. 

Tandis  que  des  haches  à  douille  et  à  ailerons  de  toutes  les 
formes,  des  lames  de  faucille,  des  pointes  de  lance,  des  épées, 
des  poignards,  des  couteaux,  des  ciseaux,  des  bracelets,  des 
torques,  etc.,    originaux  ou  moulages,  étalés  sur  des  gradins, 


-    436  - 

donneraient  une  idée  très  complète  des  produits  de  cette  indus- 
trie nouvelle,  d'habiles  restaurations  faites  d'après  les  traces  de 
fonderies  primitives  découvertes  en  Suisse,  dans  le  Jura  français, 
en  Allemagne  et  en  Danemark,  et  des  groupes  de  personnages 
se  livrant  au  travail,  montreraient  les  procédés  mis  en  œuvre. 

Les  dispositions  principales  d'une  cité  lacustre,  c'est-à-dire  un 
plancher  assez  vaste  reposant  sur  des  pieux  enfoncés  dans  l'eau 
et  supportant  quelques  cabanes,  indiquerait  le  mode  d'habitation 
adopté  surtout  à  l'époque  du  bronze. 

Les  divers  genres  de  sépultures  usités  dans  le  sud-est  de 
l'Espagne,  aux  premiers  âges  du  métal,  devraient  nécessairement 
être  reproduits  ici. 

l'époque  du  fer 

Cette  dénomination  s'applique  à  la  dernière  période  du  déve- 
loppement de  l'humanité  primitive,  ainsi  qu'à  l'aurore  des  temps 
historiques.  Elle  correspond  chez  nous  à  l'époque  celtique. 

Comme  pour  la  période  précédente,  après  l'exposition  des 
armes,  des  outils  et  des  bijoux,  on  devrait  offrir  à  la  vue  du 
visiteur  des  groupes  de  forgerons  au  travail,  la  reproduction 
des  procédés  employés  par  les  peuples  à  demi-barbares  de  nos 
jours,  tels  que  les  Tartares,  les  nègres  du  Fouta-Djallon  (Séné- 
gal) et  ceux  du  Soudan,  et  la  restitution  de  quelques  fourneaux 
primitifs  servant  à  la  préparation  du  fer,  tels  que  ceux  dont  on  a 
retrouvé  les  vestiges  dans  la  Carinthie  (Autriche),en  Suède,  dans 
le  Jura  bernois  (Suisse)  et  à  Lustin  sur  la  Meuse. 

Après  ces  époques  préhistoriques,  viendraient  des  tableaux 
retraçant  les  annales  de  l'humanité  laborieuse  aux 


TEMPS    HISTORIQUES 

Ici  se  montreraient  les  civilisations  primitives  écloses  dans  le 
bassin  de  la  Méditerranée  et  en  tout  premier  lieu  la  restitution 
de  la  vie  industrielle  dans  la  vallée  du  Nil. 

LES    ÉGYPTIENS 

La  salle  présenterait  la  restitution  du  portique  hypostyle  d'un 
temple. 


—  437    — 

Au  fond,  se  verrait  une  porte  entourée  d'un  chambranle  his- 
torié d'hiéroglyphes  et  surmontée  d'une  gorge  ornée  du  disque 
solaire  orné  d'ailes  d'épervier  largement  ouvertes  et  accolé  de 
deux  urœus  ou  vipères  lovées. 

Aux  côtés  de  cette  porte,  inspirée  par  celle  du  temple  de  Seti, 
à  Abydos,  se  dresseraient  des  piliers  osiriaques  imités  de  ceux 
du  Ramesseum. 

Des  galeries  latérales,  formées  de  colonnes  aux  chapiteaux 
campaniformes,  lotiformes  et  hathoriques  s'alternant,  longeraient 
les  côtés  de  la  scène. 

Dans  le  fond,  des  hiéroglyphes,  et  par  une  baie  ouverte  se 
montreraient  des  monuments  divers  dominés  au  loin  par  de 
grandes  pyramides  et  des  mastabas.  Au-dessus  du  tableau,  un 
vélum.  Sur  le  sol,  entre  les  colonnes,  des  esclaves  sous  la  con- 
duite d'un  chef,  se  livreraient  à  diverses  industries.  La  figure 
du  chef  serait  copiée  sur  celle  du  cheik-el-héled  du  musée  de 
Boulaq.  Ranefer,  prêtre  de  Phtah  et  de  Sokar  et  l'architecte 
Bakenkhonsou  dont  les  statues  sont  conservées  respectivement 
dans  les  mêmes  collections  et  à  la  glyptothèque  de  Munich,  paraî- 
traient à  la  porte  du  temple. 

Un  esclave  modèlerait  un  vase,  un  autre  pétrirait  la  farine 
qu'un  troisième  vient  de  moudre. 

Puis  ailleurs  un  peintre  décorerait  un  coffre  de  momie,  un  écri- 
vain copié  sur  le  fameux  scribe  du  musée  du  Louvre,  dessinerait 
un  papyrus,  un  fondeur  de  verre  formerait  des  figurines  et  des 
objets  de  ménage,  une  fileuse  de  lin,  comme  celles  que  M.  Mas- 
pero  avait  restituées  à  l'exposition  universelle  de  Paris,  travail- 
lerait sous  un  portique,  tandis  qu'un  bijoutier  composerait,  au 
moyen  de  verroteries,  de  pierres  et  de  métaux  précieux,  des  col- 
liers et  des  bracelets. 

Un  ouvrier  façonnerait  un  siège  de  bois  polychrome,  tandis 
qu'un  autre  sculpterait  une  statue  couchée  que  d'autres  poliraient 
sur  le  sol;  au  milieu  des  ouvriers,  des  objets  fabriqués  montre- 
raient au  spectateur  l'état  de  l'industrie  et  des  arts  décoratifs  chez 
les  contemporains  des  Pharaons,  tandis  que  des  modèles  de  des- 
sin taillé  dans  des  dalles,  et  des  œuvres  ébauchées  montreraient 
les  diverses  phases  du  travail. 


-  438  - 

La  civilisation  chez 

LES    ASSYRIENS 

serait  restituée  ensuite. 

Une  vue  dioramique  représenterait  dans  le  fond  la  restauration 
du  palais  de  Sargon. 

De  face,  on  verrait  s'élever  les  terrasses  avec  rampes  d'accès 
au-dessus  desquelles  se  dressent  les  murailles  de  la  demeure 
royale. 

Une  zighurat  dominerait  le  tableau.  Sur  les  premiers  plans,  de 
nombreux  esclaves  s'occuperaient  à  transporter  la  statue  colos- 
sale d'un  taureau  ailé,  tandis  que  d'autres  pratiqueraient  diffé- 
rentes industries. 

Les  uns  émailleraient  des  briques  polychromées  que  d'autres 
viendraient  de  former,  tandis  qu'un  sculpteur  modèlerait  une 
statuette  d'Istar. 

Plus  loin,  un  fondeur  en  bronze  achèverait  un  casque.  Auprès 
de  lui  on  verrait  des  objets  de  toilette  :  miroirs,  broches,  etc. 

Les  à-côtés  du  tableau  seraient  limités  par  des  fragments  d'ar- 
chitecture coupés  par  des  massifs  d'arbres. 

Puis  viendrait  l'industrie  et  le  commerce 

DES   PHÉNICIENS 

Nous  voici  à  Carthage,  dans  le  port  marchand.  Les  galères  sont 
amarrées  le  long  des  quais. 

De  nombreux  esclaves  chargeraient  et  déchargeraient  les 
navires.  Au  fond,  s'élèverait  Tenceinte  du  Cothon  ou  port  mili- 
taire et  on  distinguerait  dans  le  lointain  le  palais  de  l'amiral, 
planté  sur  une  île  au  milieu  du  port.  Au  premier  plan,  un  coin 
de  quai  présenterait  l'étalage  d'un  marchand  nouvellement  arrivé 
avec  des  objets  venant  de  tous  les  pays  connus  alors.  Le  spec- 
tateur verrait  là  tous  les  produits  de  l'industrie  et  de  l'art  de  la 
haute  antiquité,  tandis  que,  parmi  les  acheteurs,  il  reconnaîtrait 
les  types  principaux  des  races  africaines  d'alors. 

Ce  tableau  présenterait  un  grand  intérêt  en  montrant  la  recon- 
stitution de  la  marine  antique.  On  verrait  les  agrès  des  navires 
de  commerce,  et  une  galère  de  combat  sortant  du  Cothon  montre- 


—  439  — 

rait  ce  qu'étaient  les  flottes  puniques  si  redoutables  et  qui  ne 
craignaient  pas  de  s'aventurer  jusque  sur  les  côtes  du  sud  de 
l'Afrique  et  du  nord  de  l'Europe. 

Nous  pensons  que,  pour  ne  pas  étendre  exagérément  le  cadre 
que  nous  devons  observer  et  malgré  tout  l'intérêt  qu'elles 
présentent,  il  convient  de  ne  pas  faire  de  restitution  de  l'industrie 
des  Pélasges  et  des  Etrusques,  précurseurs  dans  ce  domaine  des 
civilisations  grecque  et  romaine.  Il  serait  utile  cependant  d'avoir 
un  ensemble  donnant  un  aperçu  de  l'industrie  chez 

LES   HÉBREUX 

car  ce  peuple  tient  une  grande  place  dans  l'histoire  à  différents 
titres. 

Il  est  vrai  que  l'on  peut  difficilement  lui  attribuer  un  art 
autochtone  ou  des  découvertes  dans  le  domaine  des  sciences  et 
de  l'industrie,  mais,  vu  la  célébrité  du  temple  de  Jérusalem,  un 
tableau  pourrait  nous  fournir  une  idée  de  ce  qu'il  était  d'après 
les  données  des  sciences  modernes.  Les  travaux  de  MM.  de 
Vogué,  de  Saulcy,  Perrot  et  Chipiez  seraient  pour  cela  d'un  très 
grand  secours. 

Le  tableau  représenterait  donc  une  vue  intérieure  du  temple 
de  Salomon  avec  ses  galeries,  ses  portiques  et  dans  le  fond  le 
Saint  des  saints,  les  colonnes  d'airain,  etc.,  etc.;  bref  la  restitution 
de  tous  les  détails  minutieux  que  nous  donne  le  livre  des  Rois, 

Nous  pensons  qu'il  conviendrait  de  représenter  ensuite  les 
civilisations  nées  des  migrations  ariennes  et  parmi  elles,  en  tout 
premier  lieu,  celle  créée  par 

LES  HINDOUS 

Les  documents  ne  manquent  pas  pour  restituer  un  ensemble 
hindou. 

On  pourrait  se  servir  pour  cela  des  travaux  de  Fergusson, 
Cunningham,  Lassen,  Schnaase  et  s'inspirer  des  Stonpas  et  des 
dagobas  que  le  boudhisme  a  laissé  en  grand  nombre  sur  le  sol  de 
la  péninsule  védique. 

Les  sanctuaires  de  Chillambrun,  de  Mahamalaipur  (xvi«  siècle), 


—  440  — 

de  Jaggernaut  plus  ancien  puisqu'on  Fattribue  au  xii®  siècle,  etc.^ 
etc.,  donneraient  d'amples  détails. 

Il  serait  possible  de  représenter  un  temple  souterrain,  tel 
que  ceux  d'ElJora  ou  d'Eléphanta  et  de  placer  sous  les  plafonds 
portés  par  les  colonnes  aux  bizarres  sculptures,  produits 
étranges  de  la  civilisation  hindoue,  des  ouvriers  occupés  aux 
différentes  industries  qui  remontent  dans  ce  pays  à  une  si  haute 
antiquité. 

Les  uns  seraient  occupés  à  tailler  de  bizarres  bas-reliefs  d'une 
imagination  touffue  et  confuse  racontant  les  aventures  de 
Brahma,  de  Vischnou,  de  Çiva  et  de  leurs  compagnons  ;  d'autres 
poliraient  une  idole  de  bronze,  etc.,  etc. 

Comme  suite  logique,  nous  devrions  avoir  ici  des  salles  con- 
sacrées aux  civilisations  des  Khmers,  des  Chinois  et  des 
Japonais,  mais  nous  croyons,  étant  donné  leur  isolement  de 
notre  civilisation  occidentale,  qu'on  pourrait  les  négliger  et  se 
borner  à  les  faire  figurer  dans  la  section  ethnographique. 

Pour 

LES   PERSES 

une  restitution  de  leur  vie  serait  assez  facile,  grâce  aux 
travaux  de  MM.  Coste  et  Flandin  sur  Persépolis  et  de  M.  Dieu- 
lafoy  sur  Suse. 

On  pourrait  représenter  une  vue  de  TApadana  de  Darius,, 
retrouvé  dans  cette  dernière  cité. 

Les  colonnes  aux  chapiteaux  bicéphales  (dont  un  est  mainte- 
nant conservé  au  Louvre)  et  la  fameuse  frise  des  guerriers  de 
Darius  comme  aussi  celle  des  lions,  pourraient  trouver  place  dans 
cette  restitution.  Des  ouvriers  seraient  occupés  à  fabriquer  des 
briques  émaillées  et  d'autres  à  modeler  des  figures  et  à  façonner 
des  bijoux. 

En  suivant  le  plan  tracé  par  MM.  Ch.  Garnier  et  Ammann 
pour  leur  Histoire  de  l'habitation  humaine  exécutée  à  l'exposi- 
tion universelle  de  Paris,  en  1889,  on  représenterait  dans  le 
tableau  suivant  la  vie  industrielle  chez 

LES   GAULOIS 

Outre  les  renseignements  que  nous  ont  transmis  les  auteurs 


—  441  — 

anciens,  tels  que  Strabon,  Hérodien,  Polybe,  Diodore  de  Sicile, 
Dion  Cassius,  César  et  Vitruve  au  sujet  des  mœurs,  des  coutumes 
et  des  habitations  de  ce  peuple,  nous  pourrions  encore  nous 
appuyer,  pour  nos  diverses  restitutions,  sur  les  faits  observés 
par  les  archéologues. 

Le  tableau  destiné  à  rappeler  cette  époque  devrait  être  ordonné 
comme  suit  : 

A  droite,  par  une  percée,  on  verrait  un  village  gaulois  com- 
posé de  huttes  de  forme  ronde,  en  partie  enfoncées  dans  le  sol  et 
construites  en  pierres  sèches,  possédant  un  toit  de  chaume  au 
sommet  duquel  on  a  ménagé  une  ouverture  permettant  à  la 
fumée  de  s^échapper;  non  très  rapprochées  les  unes  des  autres, 
mais  au  contraire  éparpillées. 

Au  premier  plan,  un  groupe  de  Gaulois,  guerriers,  ouvriers 
et  femmes,  se  livreraient  à  diverses  occupations.  Les  hommes 
s'adonneraient  au  maniement  de  leurs  armes  ou  à  l'exercice  de 
leurs  différentes  professions,  les  femmes  vaqueraient  aux  soins 
du  ménage. 

A  gauche,  on  assisterait  à  la  construction  d'un  oppidum,  pro- 
montoire rocheux  dont  on  augmenterait  les  défenses  naturelles 
par  un  mur  ou  un  retranchement  fait  d'assises  alternatives  de 
troncs  d'arbres,  de  quartiers  de  roc  et  de  pierrailles,  suivant  la 
description  que  César  en  donne  au  livre  VII,  chapitre  23,  de  ses 
Commentaires  et  d'après  les  vestiges  retrouvés  à  Hastedon-lez- 
Namur  et  ailleurs. 

Viendraient  ensuite 

LES    GRECS 

que  Ton  pourrait  montrer  dans  l'Acropole  d'Athènes. 

Au  fond,  le  Parthénon  dominerait  le  tableau  qui  serait  occupé 
en  outre  par  l'Erechthéion  et  le  Pandroséion,  le  temple  de  la 
Victoire  Aptère,  rétablis  avec  leurs  proportions  si  exquises  et 
leurs  polychromies  si  vibrantes,  leurs  autels  votifs,  les  statues 
qui  les  environnaient.  Au  loin  se  dessineraient  les  silhouettes  de 
l'Hymette  et  du  Pentélique  et  par  dessus  tout,  la  chaude  colora- 
tion du  ciel  bleu  de  l'Attique  qui  accuserait  les  lignes  de  l'archi- 
tecture, les  reliefs  des  sculptures,  et  ferait  comprendre  les  colo- 
rations intenses  de  la  polychromie. 


—  442   - 

Au  premier  plan,  des  groupes  d'artistes  et  d'artisans  achève- 
raient, qui  une  construction,  qui  des  statues,  modèleraient  des 
vases  que  d'autres  seraient  occupés  à  peindre,  enfin  façonne- 
raient des  bijoux  et  des  armes.  Des  céramistes,  comme  ceux  que 
MM.  Perrot  et  Collignon  avaient  restitués  à  l'Exposition  univer- 
selle de  Paris,  une  fileuse,  etc.,  etc.,  compléteraient  la  figuration 
de  ce  tableau. 

Au  loin,  des  guerriers,  des  prêtres  et,  dans  un  exèdre,  des 
philosophes,  des  savants  discuteraient.  Dans  les  salles  annexes, 
on  pourrait  exposer  des  photographies  des  principaux  monuments 
grecs,  des  maquettes  des  ordres,  des  copies  de  vases  et  de 
statuettes  en  terre  cuite  comme  celles  qu'on  a  trouvées  à  Tana- 
gra,  etc.,  etc. 

Tout  naturellement  viendrait  ensuite  un  tableau  restituant  la 
vie  chez 

LES    ROMAINS 

Nous  n'entendons  cependant  pas  initier  le  visiteur  de  notre 
section  à  la  vie  romaine  proprement  dite.  Nous  aimerions  mieux 
lui  montrer  la  restitution  d'un  de  ces  établissements  dont  nous 
retrouvons  si  fréquemment  les  vestiges  dans  nos  campagnes,  et 
qui,  sous  le  nom  de  villœ,  servirent  d'habitations  aux  colons 
romains  qui,  durant  les  ii^  et  iii^  siècles  surtout,  vinrent  s'établir 
en  Gaule  pour  s'adonner  à  la  culture,  à  l'industrie  et  au  com- 
merce. 

Nous  voici,  après  avoir  franchi  le  prothyrum  sur  lequel  s'ouvre 
la  loge  du  portier  (cella  ostiariijy  dans  V atrium  décoré  de  peintures 
et  de  portraits  de  famille. 

Dans  la  galerie  et  dans  Vimpluvium,  autour  du  compluviuniy 
seraient  exposés  les  modèles  des  puissantes  machines  employées 
par  César  durant  la  guerre  des  Gaules,  tours,  vineœ,  catapultes, 
scorpions,  etc.,  et  auxquelles  nos  ancêtres  durent  en  grande 
partie  la  perte  de  leur  indépendance  ;  puis  des  groupes  d'esclaves 
se  livreraient  à  diverses  industries,  un  potier  tournerait  des 
amphores,  un  mosaïste  achèverait  un  pavement,  un  verrier  souffle- 
rait du  verre,  tandis  qu'un  peintre  finirait  la  décoration  des 
murailles  à  la  fresque. 

Dans  les  salles  consacrées  aux  documents,  on  pourrait  installer 


—  443  — 

des  fac-similés  des  vases,  écuelles,  jattes,  bols,  coupes  à  pieds, 
plats,  assiettes,  soucoupes,  etc.,  en  poterie  rouge  couverte  d'un 
vernis  brillant  et  ornés  de  figures  en  relief  qui  constituaient  la 
vaisselle  de  luxe  des  Romains. 

Il  serait  désirable  d'y  mettre  aussi  des  modèles  : 

de  vases  en  poterie  noire  revêtus  d'un  beau  vernis  couleur 
d'ébène,  d'autres  bronzés  et  dorés,  d'autres  encore  en  terres 
plus  grossières,  urnes,  cruches,  amphores,  etc.  ; 

de  lampes  élégantes  décorées  de  sujets  mythologiques,  histo- 
riques, allégoriques  et  astronomiques  ; 

de  statuettes  de  dieux  et  de  déesses,  des  jouets  d'enfants,  le 
tout  en  terre  cuite  ; 

d'admirables  spécimens  de  l'industrie  du  verre  d'une  excessive 
légèreté  et  d'une  élégance  sans  pareille  ; 

d'objets  de  toilette,  instruments  d'épilation  et  de  cosmétique, 
ciseaux,  miroirs,  etc. 

de  bijoux,  fibules,  colliers,  bracelets,  bagues,  épingles  à  che- 
veux ; 

des  dessins  des  différents  costumes  militaires  et  civiles  et  d'ob- 
jets divers  d'usages  domestiques,  des  outils,  etc.; 

enfin,  des  reconstitutions  très  fidèles  des  différents  modes  de 
sépultures  usités  par  les  Romains  et  les  Belges  romanisés. 

Immédiatement  après  viendrait  un  compartiment  destiné  à 
rappeler  les  grandes  invasions  germaniques  de  la  fin  du  iv^  siècle 
et  du  commencement  du  v^,  qui  eurent  pour  effet  l'établissement, 
en  Gaule, 

DES   FRANCS 

On  montrerait  une  armée  de  ceux-ci  campée  sur  les  ruines 
d'une  cité  ;  cela  permettrait  de  faire  voir  la  fortification  d'une 
ville  gallo-romaine  ;  puis  viendraient  les  produits  de  l'industrie 
de  la  Gaule  romanisée  placés  à  côté  des  objets  fabriqués  par  la  na- 
tion envahissante,  c'est  à  dire  de  spécimens  de  leurs  armes,  de 
leurs  bijoux,  de  leur  céramique  et  enfin  de  leur  verrerie. 

Au  loin,  on  verrait  un  groupe  de  guerriers,  tandis  que,  plus 
près,  quelques-uns  de  ceux-ci  procéderaient  à  l'inhumation  d'un 
des  leurs. 


—  444  — 

Dans  les  salles  annexes,  on  pourrait  installer  des  collections 
d'objets  francs  que  les  fouilles  font  découvrir  dans  le  sol  de  notre 
pays  ;  les  séries  pourraient  être  formées  d'objets  originaux  et  de 
fac-similés. 

Après  cela  viendraient  logiquement  se  placer  quelques  restitu- 
tions de  la  vie  de  nos  ancêtres  au 

MOYEN  AGE  ET  A  LA  RENAISSANCE 

Ici  le  champ  est  vaste,  les  documents  abondent. 

On  pourrait  très  bien  figurer  pour  l'époque  romane,  le  chan- 
tier de  construction  d'une  cathédrale  et  l'atelier  d'un  orfèvre 
occupé  à  la  confection  d'une  châsse  et  d'autres  objets  ;  pour  l'épo- 
que ogivale,  l'atelier  d'un  huchier,  d'un  tailleur  d'images,  ou 
des  tisserands,  des  drapiers  occupés  à  leurs  travaux,  puis,  pour 
la  Renaissance,  une  imprimerie  pour  laquelle  il  n'y  aurait  qu'à 
s'inspirer  de  la  magnifique  officine  plantinienne  d'Anvers  et  enfin, 
une  salle  de  palais,  un  atelier  de  forgeron  et  une  cuisine  avec  tout 
leur  mobilier,  comme  cela  existe  dans  quelques  musées  allemands. 

Telle  pourrait-être,  dans  ses  lignes  générales,  la  section  archéo- 
logique du  Palais  du  Peuple. 

MOYENS  d'exécution 

Si  on  nous  a  suivi  jusqu'ici,  on  a  pu  voir  que  pour  donner  idée 
de  l'histoire  du  travail  aux  visiteurs  du  palais  projeté,  il  fau- 
drait une  vingtaine  de  salles  restituant  chacune  une  civilisation 
différente. 

La  Société  d'Archéologie  de  Bruxelles  accepterait  très  volon- 
tiers d'exécuter  ces  tableaux  moyennant  le  remboursement 
intégral,  par  le  Gouvernement,  de  ses  débours. 

Pour  la  figuration,  le  choix  des  types  des  différentes  races 
rentrerait  dans  le  domaine  scientifique  de  la  Société  d'Anthro- 
pologie qui  devrait  concourir  au  but  à  atteindre. 

Nous  croyons  qu'en  outre  une  section  ethnographique,  montrant 
l'état  du  travail  chez  les  différents  peuples  de  nos  jours  serait  la 
suite  logique  de  la  section  d'archéologie. 

Quant  à  la  dépense  que  celle-ci  nécessiterait,  il  serait  assez 
difficile  de  l'évaluer  dès  maintenant  et  avant  qu'un  projet  définitif 


—  445  -- 

accompagné  de  dessins  complets,  ne  vienne  accuser  davantage 
les  détails  d'un  ensemble  dont  nous  n'avons  esquissé  que  le  plan. 

Les  tableaux,  dont  la  majeure  partie  serait  formée  par  des 
peintures  dioramiques,  présenteraient,  nous  le  supposons,  chacun 
un  développement  de  6  à  7  mètres  de  largeur. 

Les  salles  annexes  seraient  formées  par  des  moulages,  redites 
de  ceux  du  Musée  d'art  décoratif  et  autres,  et  par  des  documents 
iconographiques  :  tableaux  explicatifs,  photographies,  des- 
sins, etc.,  etc.,  collection  que  quelques  achats  et  des  dons  enri- 
chiraient bien  vite. 

Au  surplus,  la  somme  à  dépenser  se  répartirait  sur  un  certain 
nombre  d'années,  car  il  est  impossible  de  faire  les  nombreuses 
études  nécessaires  pour  exécuter  pareil  ensemble  en  quelques 
mois  ;  de  sorte  que,  pour  chaque  exercice  budgétaire,  le  Gouver- 
nement n'aurait  à  verser  qu'une  somme  relativement  minime. 

Minime  surtout  si  l'on  songe  à  l'énorme  attrait  qu'auraient  pour 
la  foule,  des  restitutions  semblables  dont  l'histoire  de  l'habita- 
tion humaine  de  l'Exposition  universelle  de  Paris  a  démontré  le 
vif  intérêt  et  les  excellents  résultats  pour  l'éducation  du  public. 

Celui-ci  apprendrait  plus,  à  voir  ainsi  les  peuples  anciens  au 
milieu  de  leurs  monuments,  maniant  leurs  outils,  leurs  ustensiles, 
vivant  en  un  mot  de  la  vie  industrielle  de  leur  temps  que  par 
de  longues  études  bibhographiques  et  autres. 

En  un  mot,  nous  croyons  qu'une  section  archéologique  vulga- 
risant les  notions  que  nous  possédons  sur  le  travail  dans  les 
temps  anciens,  serait  utile  tant  aux  classes  laborieuses  si  dignes 
d'intérêt  qu'aux  artistes  et  en  général  à  tous  ceux  qui  s'inspi- 
rent des  choses  anciennes  en  cherchant  leur  application  aux 
besoins  modernes. 

Comme 

CONCLUSIONS 

vos  rapporteurs  ont  l'honneur  de  vous  proposer  de  voter 
l'ordre  du  jour  ci-dessous  : 

La  Société  d'Archéologie  de  Bruxelles, 

considérant  la  lettre  en  date  du  26  février  1890,  de  la  com- 
mission chargée  par  le  Gouvernement  de  préparer  l'aménage- 
ment d'un  Palais  du  Peuple  à  Bruxelles,  demandant  le  concours 
de  notre  Société  pour  l'installation  d'une  section  archéologique; 


—   446   — 

charge  sa  Commission  administrative  d'entrer  en  négociation 
pour  la  réalisation  de  cette  dite  section  archéologique  avec  la 
Commission  nommée  par  le  Gouvernement  et  en  remerciant  les 
pouvoirs  publics  de  Thonneur  fait  à  notre  Société  en  l'appelant  à 
concourir  à  cette  œuvre  si  louable,  passe  à  Tordre  du  jour. 

Bruxelles,  le  6  avril  1890. 

Les  rapporteurs , 
P.  Saintenoy,  B°"  Alfred  de  I^oë. 

Vu  et  approuvé  : 
Pour  la  Commission  administrative  : 

Le  Secrétaire-général  y  Le  Président, 

Paul  Saintenoy.  C*^  François  van  der  Straten-Ponthoz. 


II 
La  vie  sociale  aux  grandes  époques  de  l'histoire. 

Messieurs, 

Conformément  aux  instructions  que  nous  a  données,  depuis 
le  dépôt  du  rapport  précédent,  M.  Ch.  Buis,  rapporteur  de  la 
Commission  du  Palais  du  Peuple,  nous  avons  l'honneur  de  vous 
proposer  de  substituer  aux  tableaux  dioramiques  retraçant 
l'histoire  du  travail,  une  représentation  de  la  vie  sociale,  tant 
religieuse  que  civile  et  privée  des  grandes  périodes  de  l'histoire. 

Une  galerie  retraçant  l'histoire  du  travail  serait  adjointe  au 
Musée  des  arts  industriels  et  pourrait,  par  une  application  judi- 
cieuse, devenir  fertile  en  résultats  précieux  pour  les  classes 
laborieuses. 

La  question  à  résoudre  actuellement  est  celle-ci  :  «  réaliser  une 
«  série  de  tableaux  dioramiques  synthétisant  les  grandes  époques 
«  de  la  civilisation  depuis  la  période  historique  à  l'aide  d'un  site 
«  monumental  caractéristique  peuplé  de  figures  représentant 
u  autant  que  possible  les  différentes  classes  de  la  société  :  chefs, 


—  447  — 

a  soldats,  citoyens,  artisans,  esclaves  dans  une  scène  ou  un  acte 
«  de  la  vie  nationale  qui  justifie  leur  réunion.  f> 

Le  problème  est  plus  complexe  que  le  précédent  et  nécessite 
une  figuration  beaucoup  plus  étendue  et  par  conséquent  plus 
coûteuse. 

Il  s'agit,  dans  la  pensée  de  Téminent  rapporteur,  de  représenter 
dans  le  cadre  d'un  tableau  dioramique,  une  grande  scène  histo- 
rique. 

Pour  en  donner  exemple,  M.  Buis  cite  la  blanche  théorie  des 
Panathénées  se  dirigeant  vers  TAcropole  d'Athènes. 

Cela  constituerait  dans  le  paysage  monumental  de  la  ville,  reine 
de  TAttique,  un  prestigieux  et  évocatif  spectacle. 

On  verrait  dans  le  fond  du  tableau  se  détacher  triomphalement 
les  masses  divines  du  temple  dédié  à  Athéna  Parthenos  par  le 
génie  des  Callicrates,  des  Ictinos  et  des  Phidias,  avec  son  cortège 
de  monuments  :  TErechtheion,  le  Pandroseion,  le  temple  de  la 
Victoire  Aptère  et  surtout  la  statue  d'Athéna  Promachos,  ensem- 
ble admirable  qui  se  détacherait  là-bas  sur  la  silhouette  du  mont 
Hymette,  tandis  que,  dans  le  lointain,  les  contreforts  du  Penté- 
lique  donneraient  encore  un  rehaut  de  splendeur  à  cette  scène 
éclairée  par  le  pur  soleil  de  la  Grèce  ! 

Alors  aux  premiers  plans  se  verrait  le  cortège  sacré  porteur 
du  Peplos  d'Athéna  ;  les  canéphores,  ces  nobles  jeunes  filles 
d'Athènes  chargées  des  corbeilles  saintes  ;  les  éphèbes,  ces  beaux 
fils  de  l'Attique,  porteurs  d'amphores  ;  les  vieillards  majestueux 
tenant  les  rameaux  d'olivier  ;  les  victimes  du  sacrifice  ;  les  cava- 
liers, espoir  de  la  patrie  athénienne,  et  aussi  les  prêtres  d'Athéna 
s'avançant  majestueusement  au  milieu  du  peuple  attentif.  Cette 
procession,  que  le  ciseau  immortel  de  Phidias  et  de  ses  élèves  a 
retracée  en  un  style  si  grandiose  sur  la  frise  de  la  cella  du  temple 
d'Athéna  Parthenos,  nous  la  verrions  se  dérouler  dans  la  plaine 
d'Athènes,  s'engager  dans  la  voie  sacrée,  longer  l'Odéon,  les 
portiques,  le  sanctuaire  d'Asclépios  et  gravir  lentement  les 
rampes  encombrées  de  stèles  et  de  monuments  votifs  qui  menaient 
aux  Propylées. 

Ce  serait  l'Athènes  de  Périclès  revivant  devant  le  spectateur. 

A  Rome,  ce  serait  le  Forum. 

Nous  assisterions   à    une   des    plus   grandes   solennités    de 


—  448  - 

l'ancienne  Rome  :  l'entrée  triomphale  d'un  empereur  ou  d'un 
général  victorieux. 

Le  cortège,  après  avoir  suivi  la  voie  sacrée,  traverserait  VArea 
du  Forum  pour  se  rendre,  par  le  Clivus  Capitolimus,  au  Capitole. 

On  distinguerait  d'abord  une  troupe  de  chanteurs  et  de  musi- 
ciens ouvrant  la  marche  et  suivie  immédiatement  de  taureaux 
blancs,  victimes  destinées  au  sacrifice.  On  verrait  ensuite  les 
objets  précieux  arrachés  à  l'ennemi,  les  couronnes  d'or  envoyées 
au  triomphateur,  des  cartels  sur  lesquels  se  liraient  les  princi- 
paux événements  de  la  campagne,  et  enfin  apparaîtraient  les  pri- 
sonniers de  guerre  chargés  de  chaînes. 

Les  licteurs  en  tunique  de  pourpre  viendraient  ensuite,  leurs 
faisceaux  enguirlandés  de  laurier,  suivis  eux  -  mêmes  des 
joueurs  de  flûte  et  de  cithare  et  des  thuriféraires,  enfin,  précé- 
dant le  char,  on  verrait  s'avancer  les  magistrats  et  le  Sénat. 

Alors  le  triomphateur  revêtu  de  la  tunîca  palmata  et  de  la 
togapida  apparaîtrait,  le  front  ceint  de  laurier,  une  palme  à  la 
main  et  tenant  de  l'autre  un  sceptre  d'ivoire,  le  visage  enluminé 
de  minium,  suivant  l'antique  coutume  observée  dans  ces  solen- 
nités, et  portant  au  cou,  par  une  bien  sage  précaution,  une 
amulette  contre  l'envie. 

Il  se  tiendrait  debout  sur  son  char  magnifique,  traîné  par 
quatre  chevaux  blancs,  ayant  auprès  de  lui  ses  filles  et  ses  plus 
jeunes  fils,  et,  l'imagination  surexcitée,  on  entendrait  la  voix 
de  son  esclave,  qui,  placé  derrière  lui  et  tenant  une  couronne 
d'or,  l'engagerait  sans  cesse  à  se  souvenir  qu'il  est  homme. 

Viendraient  ensuite  ses  fils  aînés,  ses  parents,  ses  amis,  puis 
l'armée  victorieuse 

Un  peuple  enthousiaste  et  acclamant  remplirait  les  portiques 
du  Forum. 

Ce  magnifique  tableau  d'histoire  permettrait  de  mettre  sous 
les  yeux  du  spectateur,  avec  un  luxe  et  une  profusion  incroyables 
de  figures  et  de  costumes  les  plus  divers,  toute  une  partie  res- 
tituée de  l'ancienne  Rome. 

A  Memphis,  ce  serait  la  procession  d'un  initié  aux  mystères 
d'Isis,  ou  le  cortège  d'un  roi  triomphant  allant  sacrifier  dans  le 
temple  d'Amo-Ra. 

A  Ninive,  le  cortège  royal  de  Sargon,  tel  qu'il  est  représenté 


—  449  — 

sur  les  bas-reliefs   de  Khorsabad;   à  Persépolis,   un  tributaire 
venant  apporter  ses  offrandes  à  Xerxès,  et  ainsi  de  suite. 

Certes,  le  gouvernement,  en  réalisant  une  œuvre  de  pareille 
ampleur,  donnerait  à  nos  concitoyens  une  vision  exacte  et  gran- 
diose de  l'état  social  aux  grandes  périodes  historiques.  Ce  serait 
une  convaincante  leçon  de  choses,  mais  peut-être  la  réalisation 
de  cette  grande  idée  serait-elle  difficile  en  raison  du  chiffre  pro- 
bable des  subsides  disponibles. 

Il  convient  de  mettre  en  fait  que  l'exécution  de  scènes  pareilles 
avec  leur  groupement  pittoresque  d'une  figuration  nombreuse, 
les  vêtements,  les  armes,  les  accessoires  de  leurs  personnages, 
tous  à  dessiner  sur  des  données  d'une  exactitude  absolue  et  mieux 
encore,  de  leur  cadre  monumental  consciencieusement  restitué 
sur  les  documents  les  plus  authentiques  et  les  travaux  scienti- 
fiques les  plus  sérieux,  ne  peut  être  que  Tœuvre  d'artistes  d'un 
mérite  reconnu,  travaillant  sous  le  contrôle  actif,  zélé  et  persé- 
vérant d'hommes  de  vraie  science. 

Il  faudrait,  par  conséquent,  s'adresser  —  pareille  œuvre  ne 
souffrant  pas  la  médiocrité  —  à  des  artistes  peintres,  à  des 
statuaires,  à  des  sculpteurs  très  aptes  à  saisir  les  caractéristiques 
des  divers  arts  du  passé. 

L'exécution  de  pareils  tableaux  entraînerait  à  des  dépenses 
assez  fortes,  mais  en  donnant  du  travail  à  quantité  d'artistes  très 
éprouvés  en  ces  dernières  années,  créerait  d'autre  part,  une 
œuvre  dont  notre  pays  pourrait  s'enorgueillir,  car  elle  prouverait 
combien  est  grande  son  activité  scientifique  et  artistique  et  aussi 
quel  souci  ont  les  pouvoirs  de  notre  nation  de  semer  largement 
les  germes  féconds  de  l'instruction  populaire. 

Nous  admettons  donc  la  réalisation  de  pareilles  scènes  comme 
possible,  matériellement  parlant. 

Il  convient,  dans  ce  cas,  d'examiner  quelles  civilisations  seraient 
représentées. 

Destinée  au  peuple  belge,  la  galerie  archéologique  du  Palais  du 
Peuple  doit  lui  montrer  les  principales  civilisations  d'où  découle 
son  état  social  actuel  et  cela  en  remontant  à  la  plus  haute  anti- 
quité. 

Ne  pouvant,  à  notre  grand  regret,  y  mettre  la  période  préhisto- 
rique qui  trouvera  une  place  spéciale  dans  la  galerie  anthropolo- 


_  450  — 

gique  du  même  musée,  bien  qu'elle  se  rattache,  par  des  liens 
plus  intimes,  au  domaine  de  Tarchéolog-ie,  nous  ferons  commencer 
notre  galerie  par  TÉgypte  (I).  L'Assyrie  (II)  et  la  Judée  (III)  vien- 
draient ensuite,  tandis  que  les  autres  civilisations  primitives 
des  Phéniciens,  des  Pélasges,  des  Étrusques  pourraient  figurer 
dans  les  vitrines  des  salles  annexes  par  des  moulages,,  des 
photographies,  ou  des  modèles  réduits  des  vestiges  qui  nous 
restent  de  leur  art  et  de  leur  industrie. 

Les  civilisations  nées  des  invasions  des  Aryas  :  celles  des 
Perses  (IV),  des  Gaulois  (V),  des  Grecs  (VI)  et  des  Romains  (VII) 
trouveraient  dans  les  dioramas  suivants,  des  représentations  qui 
pourraient  être  bien  attrayantes  et  suggestives,  tandis  que  le 
rameau  indou  et  les  anciens  Germains  figureraient  dans  les 
vitrines  annexes. 

L'empire  romain  partagé  en  deux  parties,  l'une  orientale,  l'autre 
occidentale,  en  395,  après  J.-C.,  a  été,  on  le  sait,  bouleversé  par 
les  grandes  invasions  que  nous  voudrions  voir  représentées  dans 
un  tableau  montrant  la  nation  franque  (VIII)  s'implantant  dans  la 
Gaule-Belgique.  Les  autres  peuples  barbares  contemporains, 
ainsi  que  les  Scandinaves,  seraient  réservés  pour  les  salles 
annexes. 

La  partie  orientale  de  l'empire  romain  serait  représentée  par 
un  diorama  nous  retraçant  les  splendeurs  de  Byzance  (IX)  qui  a 
influencé  jusque  très  loin  dans  le  moyen  âge  les  civilisations 
slaves  de  l'Europe  représentées  également  dans  les  annexes. 

Les  Arabes  (X)  montreraient  leur  art  assis  sur  les  ruines 
de  l'empire  d'Orient,  tandis  que  parallèlement,  en  Occident,  la 
civilisation  des  Français,  des  Anglo-Normands,  des  Allemands 
et  des  Italiens  trouverait  place  dans  les  tableaux  synthétisant  les 
époques  de  l'art  roman  (XI),  de  l'art  gothique  (XII)  et  enfin  de  la 
Renaissance  (XIII). 

En  laissant  pour  la  section  ethnographique,  les  civilisations  de 
la  Chine,  du  Japon,  des  Esquimaux  et  Lapons,  des  Peaux-Rouges, 
des  Aztèques  et  des  Incas  et  enfin  des  peuples  de  l'Aft-ique  équa- 
toriale  et  australe,  nous  pourrions  ainsi  faire  suivre  facilement 
aux  visiteurs  du  musée  toute  l'histoire  du  développement  social 
de  l'humanité  des  temps  historiques. 

Il  faudrait  pour  cela  treize  tableaux  dioramiques  que  nous 
classons  comme  suit,  d'après  M.  Ammann  : 


—  451  — 

1°.  Civilisations  primitives, 

X   7-     ..•         I    TT    ^  I    Phéniciens    1    ttt   ttil^^,^    \      Pélasges       1      Etrusques 

\  Egyptiens    |    W  Assyriens    |      (annexe)      |    ^^^  ^^^reux    |    (en  annexe)    |    (en  annexe) 

2°.  Civilisations  nées  des  invasions  Aryennes. 

Indous         I     Y^  p^,,,    I      Germains      |      V  Gaulois      1    yi  Grecs    I    VII  Romains 
(en  annexe)     |     ^  ^  ^^^^^     I     (en  annexe)     I     (en  annexe)     |  | 

3°.  Développement  des  Empires  romains  d^ Orient  et  d^ Occident. 


Occident. 

Invasions  barbares. 

VIII  les  Francs  envahisseurs  de  la  Gatde  romaine 
(en  annexe  :  les  Scandinaves) 
XI  époque  romane 
XII  époque  gothique 
XIII  époque  de  la  Renaissance 


Orient. 


IX  les  Byzantins 
X  les  Arabes. 


La  liste  de  nos  tableaux  arrêtée,  nous  avons  recherché  ce  qu'il 
convenait  d'y  représenter  pour  donner  une  idée  générale  de  Tétat 
social  de  chaque  période. 

Faut-il  prendre  des  sites  historiques  ou  créer  de  toutes  pièces 
des  paysages  renfermant  le  plus  grand  nombre  possible  de  spéci- 
mens de  monuments  ? 

Sans  méconnaître  ce  que  ce  dernier  mode  permet  de  donner 
d'une  façon  résumée  et  concrète,  beaucoup  d'éléments  en  un 
espace  restreint,  nous  craignons  cependant  que,  précisément  à 
cause  de  cela,  il  n'en  reste  qu'une  image  confuse  dans  l'esprit  du 
spectateur.  Celui-ci  retiendra  beaucoup  mieux  le  caractère  d'un 
site  monumental  authentique,  tel  que  le  grand  temple  hypostyle 
de  Kharnak,  l'Acropole  d'Athènes,  le  palais  de  Xerxès  à  Persé- 
polis  ou  le  Forum  de  Rome.  Ce  seront  les  monuments  eux-mêmes 
que  le  visiteur  aura  de  cette  façon  sous  les  yeux  et  c'est  la  vie 
ancienne  dans  ses  propres  manifestations  sans  intervention  ima- 
ginative  de  l'auteur  du  diorama  qu'on  pourra  saisir  sans  effort. 

Les  tableaux  doivent  représenter  autant  que  possible  la  vie 
civile  personnifiée  dans  les  chefs,  les  juges  et  les  guerriers,  la  vie 
religieuse  représentée  par  les  prêtres,  la  vie  privée  qui  serait 
montrée  dans  le  citoyen,  l'artisan  et  l'esclave. 

Pour  résumer  plus  ou  moins  nos  idées  à  ce  sujet,  nous  avons 
dressé  le  tableau  ci-contre. 


MONUMENTS 


Chef 
Juge 

Guerrier 
Prêtre 


Palais,    sénat,   forum,    hôtel   de   ville,   beffroi,  bâtiment 
d'administration,  etc. 


Citoyen 


a» 
> 


Artisan 


Esclave 


Prétoire,  tribunal,  basilique,  etc. 
Prison,  bagne,  galère,  etc. 


» 


Camp,  caserne,  forteresse,  marine  militaire,  refuge  per- 
manent, temporaire,  château,  burg,  donjon,  enceinte 
fortifiée,  retranchement,  etc. 

Bois  sacré,  fontaine,  temple,  synagogue,  église,  mosquée,, 
cathédrale,  chapelle,  baptistère,  lieu  d'initiation,  abbay^ 
monastère,  presbytère,  cloître,  ermitage,  etc. 


Le  mariage  — 

La  naissance  - 
L'éducation  — 
L'instruction  — 

Le  vêtement 

La  nutrition  — 
La  souffrance  - 
L'agriculture  - 
L'industrie  — 

Le  commerce 

L'art  — 

La  science  — 

La  récréation 


Habitation,  maison,  villa,  etc. 

Baptistère,  lieu  d'initiation,  etc. 
École,académie, athénée, université,  etc. 
Lycée,  séminaire,  etc. 

Du  corps,   de  la    tête,  des  mains,  des 
pieds. 

Hôtellerie,  auberge,  etc. 

Hôpital,  hospice,  etc. 

Ferme. 

Fabrique,  atelier,  gynécée,  etc. 

Entrepôt,  bourse,  port,    canal,  routq^ 
aqueduc,  etc. 

Académie,  musée,  etc. 
Observatoire. 

Théâtre,  odéon,  cirque,  etc. 
Naumachie,  thermes,  etc. 


Hypogée,  columbarium,  et 
Catacombe,  crypte,  etc. 

Pyramide,  mastaba,  etc. 
Mausolée. 
Voie  sacrée. 
52  3  '7Î      }     Tumulus. 


Campo  sancto. 

Lanterne  des  morts,  chapelle 
sépulcrale,  etc. 


MOBILIER 

Trône. 

Banc  de  justice. 

Machines  de  guerre. 


Idole,     autel,     cathédrâj 
fonts,  chaire,  etc. 


Mobilier  domestique,  tissus 
céramique,  orfèvrerie, etc. 


Barque,  chariot,  etc. 


Litière  funèbre,  char,  cata- 
j  )      falque,  bûcher,    cénota- 
phe, le  sarcophage,  etc. 


INSIGNES 

Sceptre,  couronne,   blason, 
sceau,  etc. 

Main  de  justice,  glaive,  ba- 
lance, etc. 

Trophée,  enseigne,  drapeau, 
etc. 


Amulette,  objet  de  supersti- 
tion, ex-voto,  etc. 


USTENSILES 


Instruments  de     torture,    gibet, 
échafaud,  etc. 

Arme  d'attaque,  de  défense, 
(tactique  et  poliorcétique.) 


Jeux,     jouets,   équitation,    nata- 
tion, chasse,  pêche,  écriture,  etc. 


Vaisselle. 

Instruments  de  médecine. 


Monnaie,  poids,  mesure,  etc. 


-  454  — 

Telle  pourrait  être  la  galerie  historique  de  Tœuvre  si  utile  qui 
naîtra  de  la  haute  pensée  de  notre  auguste  Souverain. 

Remercions  les  pouvoirs  publics  qui  nous  appellent  à  sa  réali- 
sation, et  espérons  que  bientôt  nous  pourrons  mettre  la  main  à 
l'œuvre,  pour  aider  les  pouvoirs  publics  à  édifier  cette  concep- 
tion grandiose. 

Bruxelles,  le  20  février  1891 . 

Les  Rapporteurs  y 
P.  Saintenoy,  B^"  a.  de  Loë. 

Pour  la  Commission  administrative  : 

Le  Secrétaire-général  y  Le  Président  y 

Paul  Saintenoy.  C*®  Goblet  d'Alviella» 


LA 


MAISON  DES  DOUZE-APOTRES 


à  Bruxelles 


|l  est  un  genre  d'études,  fort  négligé  autrefois,  et  mis 
en  honneur,  avec  raison,  en  ces  derniers  temps.  Nous 
voulons  parler  des  recherches  sur  les  institutions  de 
bienfaisance  du  moyen  âge. 

En  parcourant,  en  effet,  les  annales  de  ces  antiques  hôpitaux, 
hospices,  asiles,  etc.,  on  est  étonné  de  la  foule  de  captivants 
détails  qu'elles  renferment. 

Sans  entrer  dans  des  généralités  sur  cette  mine  féconde  en 
précieux  enseignements,  la  présente  notice  a  pour  objet  une  des 
plus  célèbres  fondations  charitables  du  vieux  Bruxelles  :  la  mai- 
son des  Douze- Apôtres.  Son  histoire  constitue  une  curieuse  page 
de  celle  de  la  capitale.  Elle  est  intimement  liée  au  passé  de  la 
vénérable  Collégiale. 

*  * 

L'hospice  des  Douze- Apôtres  consistait  en  une  vaste  demeure, 
avec  un  grand  jardin  et  un  vignoble.  Il  avait  sa  chapelle  et 
comptait,  parmi  ses  dépendances,  une  boulangerie  et,  probable- 
ment aussi,  une  boucherie  de  modestes  dimensions.  Son  fonda- 
teur est  Guillaume  Bont,  chantre  et  chanoine  de  Téglise  Sainte- 


—  456  — 

Gudule,  qui,  dans  son  acte  de  dernière  volonté,  stipula  des 
donations  considérables  au  profit  de  cette  œuvre. 

Après  sa  mort,  ses  exécuteurs  testamentaires,  pour  réaliser  le 
projet  du  défunt,  acquirent  une  habitation,  sise  près  de  l'hospice 
de  Ter-Arcken  (by  der  Arcketi,  Arca  Dei),  en  face  de  la  rue  Cuil- 
ler-à-Pot.  D'après  la  tradition,  nous  apprend  V Histoire  de 
Bruxelles  *,  c'était  la  maison  même  du  rabbin  où  les  hosties, 
volées  par  les  juifs,  à  Téglise  Sainte-Gudule,  en  1370,  auraient 
été  poignardées. 

Suivant  le  désir  du  testateur,  on  appliqua  à  cette  Maison-Dieu 
le  nom  de  teii  Apostelen  ou   des  Douze-Apôtres. 

Voici  la   règle  de  cette  institution. 

Treize  vieillards,  de  Bruxelles  ou  des  environs  ^,  pauvres  et 
incapables  de  gagner  leur  vie,  y  seront  logés  et  nourris,  confiés 
aux  soins  d'une  unique  servante.  Ils  ne  pourront  avoir  à  leur 
charge  ni  femme,  ni  enfants.  Leur  réputation  devra  être  irrépro- 
chable. Des  mendiants  de  profession  ne  seront  pas  admis. 

Après  le  décès  ou  la  démission  des  exécuteurs  testamentaires, 
la  réception  des  candidats  appartiendra  au  curé,  aux  fabriciens  et 
aux  proviseurs  de  la  mense  du  Saint-Esprit  de  la  paroisse  Sainte- 
Gudule.  Tout  leur  avoir,  ainsi  que  les  produits  de  leur  travail, 
aumônes  et  successions,  seront  à  apporter  à  la  communauté. 

Les  repas  du  matin  et  du  soir  se  prendront  en  commun. 

Les  frères  mèneront  une  vie  paisible  et  morale.  Ils  ne  pour- 
ront ni  se  frapper,  ni  se  cogner,  ni  s'injurier  entre  eux,  sous  peine 
de  correction  en  rapport  avec  l'infraction  commise.  L'accès  des 
tavernes^  leur  sera  interdit.  Il  leur  sera  défendu  aussi  de  se 
procurer  de  la  boisson  à  prix  d'argent,  mais  ils  seront  libres 
d'accepter,  de  personnes  honnêtes,  à  boire  et  à  manger  pour 
l'amour  de  Dieu. 

Ils  ne  pourront  héberger  ni  leurs  amis,  ni  leurs  parents.  Les 
femmes  seront  rigoureusement  exclues  des  chambres  à  coucher  *, 
voire  même  de  la  table  commune. 


1  Henné  et  Wauters,'  III,  p.  298.  D'après  M.  l'abbé  de  Bruyn,  Histoire  de  Sainte- 
Gudule^  etc.,  cette  profanation  aurait  eu  lieu  dans  la  synagogue,  qui  se  trouvait  là 
où  s'élève,  maintenant,  la  chapelle  de  Salazar. 

*  ...  in  steden  oft  dorpen  daer  ontrent  gelegen.,. 
^  .,.in  eenighe  taverne..» 

*  ...  e^heene  vrouwen  in  haer  cameren  houden  oft  laten  benachten,,. 


-   457  — 

Suivant  les  conseils  de  leur  curé,  les  vieillards  iront  fréquem- 
ment à  confesse.  En  bons  chrétiens,  ils  approcheront  du  Saint- 
Sacrement,  au  moins  une  fois  par  an.  Sauf  empêchement  légitime, 
ils  assisteront  à  la  messe  tous  les  jours. 

Tous  les  mardis  et  jeudis,  deux  d'entre  eux,  les  plus 
robustes  et  les  plus  honnêtes,  munis  de  besaces,  iront  quêter  leur 
pain.  lisse  rendront,  de  plus,  à  toutes  les  distributions  de  vivres 
qui  se  feront  dans  Bruxelles. 

Les  dimanches  et  les  jours  de  fête,  les  Frères  se  tiendront  dans 
le  circuit  du  chœur,  à  l'église  Sainte-Gudule,  du  côté  sud,  pour  y 
recueillir  les  aumônes  des  bonnes  gens. 

Tous  les  dons,  en  nature  et  en  argent,  seront  remis  à  la  servante 
de  Fhospice. 

Quand  l'un  des  treize  vieillards  tombera  malade,  les  autres,  ou 
l'un  d'eux,  à  ce  désigné,  le  soigneront. 

Tous  sont  obligés  d'aider  la  servante  dans  les  travaux  de  la 
maison,  du  jardin  et  du  vignoble  :  ils  devront  porter  et  fendre  du 
bois,  puiser  de  l'eau,  cuire  le  pain,  bêcher,  ensemencer  etc.,  etc. 

A  moins  d'être  malades,  ils  réciteront,  pour  leurs  prières 
journalières,  à  midi  et  aux  vêpres,  eii  l'honneur  de  Dieu,  de  la 
Vierge  et  des  douze  Apôtres,  un  Paier  et  un  Ave,  de  même  que 
les  autres  petites  heures,  savoir  :  la  prime,  la  tierce,  la  sexte,  la 
none  et  les  complies.  Ils  diront  également  un  Pater  et  un  Ave, 
avant  leurs  repas,  et,  après  ceux-ci,  les  mêmes  prières,  comme 
actions  de  grâces. 

Les  Frères  réintégreront  la  Maison,  en  été,  entre  8  et  9  heures 
du  soir  ;  en  hiver,  à  6  heures.  Après  le  souper,  l'un  d'entre  eux, 
à  ce  désigné,  les  réunira  par  deux  coups  de  cloche,  pour  dire  en 
commun  cette  prière  : 

O,  bon  Seigneur  Dieu,  créateur  du  ciel  et  de  la  terre,  soyez  béni, 
loué  et  remercié  de  tout  le  bien  que  vous  nous  avez  fait  et  accordé. 
Nous  vous  prions  de  nous  donner  votre  miséricorde  et  de  nous  déli- 
vrer de  tous  les  péchés. 

Puis,  ils  continueront  : 

Prions  maintenant  pour  notre  redoutable  seigneur,  le  duc,  et  la 
duchesse  de  Brabant,  pour  leur  progéniture,  pour  son  noble  conseil 
(du  duc),  pour  la  grande  ville  de  Bruxelles,  pour  sire  Guillaume 


-  458  - 

Boni,  feu  chantre  et  chanoine  de  V  église  Saînte-Gudule ,  notre  fonda- 
teur, et  poiir  ses  exécuteurs  testamentaires,  qui  ont  érigé  cet  hospice 
suivant  ses  dernières  volontés,  et  tous  ceux  qui  nous  ont  fait  du  bien  et 
qui  nous  en  font  encore  tous  les  jours,  ainsi  que  pour  toutes  les  âmes 
qui  sont  parties  de  ce  inonde,  pour  que  notre  bon  Seigneur  ait  pitié 
d'eux,  et  disons  chacun  pour  eux  un  Pater  noster  et  un  Ave  Maria, 

Entraîneront  l'exclusion  de  Thospice  :  un  caractère  insociable, 
la  folie,  rivrognerie  incorrigible,  les  blasphèmes,  les  maladies 
contagieuses,  le  vol  et  l'infamie.  Pour  certains  cas,  il  sera  rendu 
à  l'exclu  tout  l'avoir  qu'il  a  apporté  ;  pour  d'autres  cas,  ses  biens 
resteront  à  la  communauté. 

*  * 

Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  dire  quelques  mots  du  fondateur  de 
la  Maison  des  Douze-Apôtres. 

Guillaume  Bont  était,  en  1394,  chanoine  à  Lierre  et  conseiller 
de  la  duchesse  Jeanne  *.  En  1420,  il  figura  parmi  les  conseillers 
du  duc  Jean  IV,  condamnés  à  Texil,  par  les  nobles  et  la  ville  de 
Louvain,  pour  aussi  longtemps  que  la  Hollande,  la  Zélande  et  la 
Frise  n'auraient  pas  été  rendues  à  leur  souverain  légitime  ^. 

Fondateur  de  deux  chapellenies  en  l'honneur  de  Saint-Michel, 
il  mourut  en  1432.  Dans  la  chapelle  de  Saint-Michel-au-Mont  (au 
coin  du  Treurenberg  et  de  la  plaine  de  Sainte-Gudule),  on  voyait, 
autrefois,  une  peinture  représentant  plusieurs  saints  et  portant 
une  inscription  qui  rappelait  la  mort  et  l'enterrement  du  person- 
nage ^.  Les  auteurs  de  V Histoire  de  Bruxelles  en  ont  inféré,  assez 
logiquement,  que  le  chanoine  avait  reçu  la  sépulture  dans  cette 
chapelle.  Il  n'en  est  rien.  Guillaume  Bont  fut  inhumé  en  l'église 
Sainte-Gudule,  devant  le  sanctuaire  de  Sainte- Agathe.  Ses  deux 
anniversaires  se  célébraient  le  9  juin  et  le  24  juillet  *. 

Le  tableau  aura  été  déplacé  après  coup,  et,  de  là,  la  méprise, 
très  pardonnable,  des  historiens. 

En  qualité  de  secrétaire  de  la  duchesse  Jeanne,  il  apposa,   le 

1  Alph.  Wauters,  Histoire  des  environs  de  Bruxelles,  t.  III,  p.  433. 

2  Henné  et  Wauters,  op.  cit.,  t.  I,  pp.  199-200. 

*  Voyez  Henné  et  Wauters,  op.  cit.,  t.  III,  p.  298,  et  Christyn,  Basilicahruxeî 
Jensis,  édition  1743,  t.  II,  p.  29. 

*  Archives  de  l'église,  registre  n^  338. 


—  459  — 

13  septembre  1398,  à  une  charte,  un  sceau  rond  (2i'"/m)  avec  un 
écu  plain,au  chef  chargé  d'un  croissant;  légende  :  ►r*  S'wtlbelmt. 

Mctt.:Bont^ 

* 
♦  * 

Dès  1434,  l'hospice  des  Douze-Apôtres  fonctionnait  et  était 
peuplé  de  treize  vieillards,  d'un  receveur  et  d'une  servante.  Cela 
résulte  d'un  acte  du  20  mai  de  cette  année,  qui  constate  officiel- 
lement la  réalisation  du  généreux  projet  du  chanoine  Bont. 

Douze  ans  plus  tard,  en  1446,  les  administrateurs  de  la  Maison 
se  virent  obligés  de  révoquer  leur  receveur,  le  prêtre  Jean  Han- 
sen,  dont  la  gestion  avait  donné  lieu  à  de  graves  mécontente- 
ments. Ce  fut  le  prêtre  Hubert  van  der  Linden  qui  lui  succéda, 
non  sans  avoir  dû,  au  préalable,  déposer  un  sérieux  cautionne- 
ment. Cette  mesure  fut  déclarée  applicable  à  tous  les  titulaires 
futurs  de  son  emploi. 

Le  document  dressé  à  cette  occasion,  nous  apprend  les  condi- 
tions réglant  l'engagement  des  receveurs.  Ils  avaient  leur  habita- 
tion dans  l'hospice  et  y  recevaient  la  même  nourriture  que  les 
vieillards.  Outre  leur  salaire,  il  leur  revenait,  annuellement,  une 
somme  de  trois  florins  du  Rhin,  pour  un  repas  ^,  à  titre  de  rému- 
nération pour  les  travaux  de  comptabilité.  La  reddition  de  compte 
devait  se  faire  entre  derthienmîsse  (le  6  janvier,  l'Epiphanie)  et 
papen  vasielavont. 

Avant  de  prendre  une  décision  quelque  peu  importante,  ils 
étaient  tenus  de  la  soumettre  à  l'approbation  des  administrateurs. 

De  même  que  la  servante,  le  receveur  pouvait  être  remercié  à 
toute  heure. 

Ces  dernières  dispositions  semblent  avoir  été  dictées  par  les 
expériences  fâcheuses  faites  du  temps  de  Hansen.  Lors  de  l'entrée 
en  fonction  de  son  successeur,  on  introduisit,  de  plus,  dans  le 
règlement  de  la  maison,  un  article  important  :  en  vertu  de  ce 
nouveau  paragraphe,  la  désobéissance,  les  injures  proférées  à 
l'égard  des  régents  et  les  infractions  à  la  règle,  constitueraient  des 
motifs  d'exclusion  immédiate,  sans  que  celui  qui  serait  frappé 
de  cette   mesure  de  rigueur,    eût   le    droit   d'en  appeler   aux 

1  Archives  départementales,  à  Lille  ;  fonds  :  èvêché  et  chapitre  de  Cambrai, 
^   ...  voor  eene  maeltyt,. . 


—  4^0  — 

tribunaux  ecclésiastiques  ou  séculiers.  En  tout  état  de  cause,  un 
recours  ne  pourrait  avoir  lieu  que  contre  les  biens  de  Thospice;  et 
non  contre  ceux  des  administrateurs... 

Des  exécuteurs  testamentaires  du  fondateur,  deux  étaient 
encore  en  vie  en  1450  :  un  sien  neveu,  Jean  Bont,  docteur  en 
droit,  trésorier  de  Cambrai  et,  comme  le  défunt,  chantre  et 
chanoine  de  l'église  Sainte -Gudule,  ainsi  que  Lambert  de  Cock, 
petit  chanoine  de  la  même  église. 

Jean  Bont,  qui  avait  été  aussi  archidiacre  de  Famenne  (1436), 
avait  rempli  les  hautes  fonctions  de  chancelier  de  Brabant.  Par 
donation  entre  vifs,  qu'il  confirma  par  son  testament,  il  dota 
l'hospice  des  Douze- Apôtres  de  biens  considérables,  notamment 
une  maison  dans  la  rue  de  la  Montagne  (BerchsirateJ  ,k  Bruxelles, 
une  cour  de  tenanciers  (laathof),  s'étendant  sous  Vossem,  Leefdael 
et  Duysbourg,  et  comprenant  une  ferme  à  Vossem,  avec  un 
jardin,  des  bois  et  d'autres  appartenances  *.  Il  assigna,  ensuite, 
une  somme  de  150  florins  du  Rhin,  à  réserver  pour  des  dépenses 
extraordinaires  de  la  Maison,  et  attribua  le  restant  de  sa  fortune, 
moitié  à  la  fabrique  de  Téglise  Sainte-Gudule,  moitié  aux  pauvres 
de  cette  paroisse. 

Dans  la  même  église,  Jean  Bont  fonda  une  chapellenie  à  Tautel 
des  saints  Lambert,  Pancrace  et  Sébastien,  en  stipulant  diverses 
largesses  en  faveur  du  chapitre,  du  chapelain,  des  chanteurs  et  des 
sacristains.  De  concert  avec  Lambert  de  Cock,  il  affecta  à  la 
garantie  de  ces  dotations  tous  les  biens  de  la  Maison  des  Douze- 

1  Cette  seigneurie  avait  été  achetée,  le  10  décembre  1394,  par  Guillaume  Bont 
(alors  chanoine  à  Lierre  et  secrétaire  de  la  duchesse  Jeanne)  qui,  à  la  même  époque, 
s'était  rendu  acquéreur,  à  Vossem,  d'un  moulin  à  eau,  où  les  habitants  de  Tervueren 
et  de  Duysbourg  étaient  tenus  de  faire  moudre  leur  grain. 

En  vertu  d'un  octroi  de  Philippe  le  Bon,  du  23  août  1445,  en  faveur  de /m  maistre 
Jehan  Bonî,  en  son  temps  chancellier  de  Brabant,  la  ferme  de  Vossem,  appelée  depuis  la 
Cour  des  Dou^e- Apôtres ,  pouvait  envoyer  pâturer,  dans  le  bois  de  Soigne,  16  vaches, 
I  taureau,  4  chevaux,  $0  pourceaux  et  100  brebis. 

Rectifier  ainsi  les  détails  donnés  à  ce  sujet  dans  V Histoire  des  environs  de  Bruxelles^ 
t.  III,  p.  435.  (V.  Chambre  des  comptes,  Sesde  volumen  van  de  Swerte  Registres,  n»  15, 
f°  3 10,  et  Greffes  scabinaux,  arrondissement  de  Louvain,  n°  153  :  Résister  des  Laethofs  der 
12  Appostelen  be^innende  6  october  1766  en  de  eyndigende  1795.) 


—  461  — 

Apôtres.  Cette   nouvelle  fondation  fut  confirmée  par  un  instru- 
ment notarial  du  21  juin  145 1  *. 

Le  4  janvier  précédent  (1450  vieux  style),  les  deux  chanoines 
avaient  dressé,  pour  Thospice,  un  acte  spécial  dans  lequel  les 
biens  de  Bont  et  ceux  de  la  Maison  des  Douze-Apôtres  avaient 
été  engagés  à  l'église,  du  chef  des  diverses  libéralités  de  Jean 
Bont.  Outre  celui-ci  et  Lambert  de  Cock,  étaient  intervenus  à  cet 
acte  :  Alexandre  van  Beringhen,  curé,  Henri  Magnus,  Jean  van 


1  Ce  document  est  important  pour  l'histoire  de  la  Maison  des  Douze-Apôtres  et 
donne,  en  outre, des  renseignements  intéressants  concernant  l'église  Sainte-Gudule. 
A  ce  double  titre,  il  mérite  d'être  publié  in  extenso. 

Le  voici  : 

In  nomine  Domini  Amen.  Universis  présentes  litteras  inspecturis  seu  audituris, 
decanus  et  capitulum  ecclesie  Sancte  Gudile  bruxellensis,  cameracensis  diœcesis, 
salutem  in  Domino  et  infrascriptorum  agnoscere  verilatem.  Notum  facimus  quod 
anno,  mense,  die,  hora,  indictione  et  pontificatu  infrascriptis,  nobis,  capitulariter 
congregatis,  exposuit  egregius  et  circuraspectus  Dominus  etconfrater  noster  carissi- 
mus,  Dominus  Johannes  Bout,  utriusquejuris  doctor,  ihesaurarius  cameracensis  ac  cantor  et 
canonicus  nostre prejate  ecclesie,  quatenus  ipse  considerans  varios  humane  conditionis 
lapsus  que  nunquam  in  eodem  statu  permanet  aut  consistit,  ad  ruine  exterminia  fina- 
liter  perventura,  ne  preventus  amare  mortis  examine,  de  negligenti  dispensatione 
temporalium  bonorum  ei  a  divina  clementia  concessorum  in  districto  Dei  iudicio 
inculpetur,  dudum  ad  honorem  omnipotentis  Dei  ac  gloriose  Virginis  Marie,  eius 
genitricis,  omniumque  sanctorum  et  sanctarum  ac  anime  sue  et  suorum  progenito- 
rum  salutem,  condidit,  ordinavit  et  solemniter  fecit  testamentum  suum  et  ultimam 
dispositionem  et  ordinationem  super  suis  temporalibus  bonis,  ubi  inter  cetera  nobis 
dédit  et  legavit  viginti  unum  florenos  renenses,  a  âomo  Jpostoïorum,  sita  in  dicta 
oppido  bruxellensi,  iuxta  hospitale  de  Archa,  in  festo  nativitatis  Domini  annuo  (!)  et  per- 
petuo  recipiendos,  ad  distribuendum  eosdem  in  choro  ecclesie  nostre  predicte  in 
decem  festis  de  novo  per  eum  ordinatis  et  dudum  per  nos  admissis,  cupiens  etiam 
pro  omnium  fidelium  defunctorum  et  signanter  Domini  Wilhelmi  Bont,  quondam 
cantons  et  canonici  ecclesie  predicte  y  avunculi  sui,  parentum  suorum  et  sua  animabus,  de 
novo  fundari  et  erigi  unam  capellaniam  perpetuam  in  eadem  ecclesia,ad  altare  sanc- 
torum marlyrum  Lamberti,  Panera tii  et  Sebastiani,  sub  onere  trium  missarum,  cer- 
tis  modis  et  formis  septimanatim  perpetuis  temporibus  dicendarum.  Pro  eiusdem 
capellanie  dotatione  ordinavit,  quod  huîusmodi  capellanie  capellanus,  aut  eidem  offi- 
cians  pro  tempore  existens,  recipiet  a  domo  Apostohrum  supradicta  annuatim  et  per- 
petuo,  in  festo  nativitatis  Domini,  Iredecim  et  dimidium  modios  siliginis,  mensure 
bruxellensis,  magister  vero  cantus  et  secum  unam  dictarum  missarum  in  honorem 
sancti  Sebastiani  martyris  septimanatim  discantaturi  sex  et  dimidium  modios  siligi- 
nis dicte  mensure;  custodes  quoque  ecclesie  nostre  predicte,  quia  per  fundationem 
huiusmodi  decem  festorum  atque  missarum  sancti  Sebastiani  predictarum  et  alias 
plus  solito  in  sonitu  et  tinnicione  campanarum  onerati  erunt,pro  recompensa  labo- 
rum  suorum,  sicut  decet,  a  sepefata  domo  Apostohrum  viginti  sextaria  siliginis,  men- 
sure predicte,  récipient  et  levabunt,  prout  hec  omnia  et  singula  cum  suisconditioni- 


—  462  — 

Hornicke,  fabriciens,  et  Walter  Magnus,  Everard  t' Seraerts, 
Jean  de  Hertoghe  et  Jean  Maten,  proviseurs  des  pauvres  de 
Téglise  Sainte-Gudule.  En  appendant  son  sceau  à  ce  document, 
Guillaume  Bout,  J.  U.  D.  et  doyen  de  Louvain,  neveu  de  Jean, 
fait  connaître  son  adhésion  à  tous  les  arrangements  pris  par 
son  oncle. 

La  charte  que  nous  analysons  nous  apprend  des  détails  fort 
curieux. 


bus,  modis  et  formis,  uti  ab  eodem  ordinata  fuerant,  habentur  et  continentur  in 
certis  clausulis  dicti  sui  testamenti,  nobis  per  ipsum  exhibitis,  quarum  ténor  de  verbo 
ad  verbum  sequitur  et  est  talis  : 

Item  lego  capitule  béate  Gudile  prefate  viginti  unum  florenos  renenses  a  domo 
Apostolorum,  sita  iuxta  hospitale  de  Archa,  annuo  (!)  et  perpetuo  recipiendos  in  festo 
nativitatis  Domini,  ad  distribuendum  eosdem  in  choro  eiusdem  ecclesie  in  decem 
festis  per  me  ordinatis  sub  modo  et  forma  subscriptis.  Et  primo  in  festo  béate  Bar- 
bare, quod  obtinui  de  consensu  capituli  esse  festum  triplex,  et  per  prius  duplex 
dumtaxat  erat,  pro  festo  eiusdem  très  florenos  renenses.  Item  in  quolibet  festorum 
sequentium  nativitatis  beati  Joannis  Baptiste,  quod  solebat  esse  maius  duplex,  et 
procuravi  de  cetero  esse  triplex  in  octava  eiusdem  ac  in  festo  decoUationis  ipsius, 
necnon  in  festis  beatorum  Lamberti,  Sebastiani,  Joannis  ante  portam  latinam,  Ser- 
vacii  et  Pancratii  atque  in  octava  béate  Barbare  hic  ante  de  dicta  octava  nunquam 
fuerat  memoria,  que  omnia  procuravi  de  consensu  ut  supra  esse  duplicia,  prout  ante 
non  fuerant,  duos  florenos  renenses  consimiles,  qui  faciunt  in  summa  viginti  unum 
florenos  renenses,  quorum  quidem  très  florenos  in  béate  Barbare  ac  duos  in  qua- 
libet  dictorum  sanctorum,  ut  profertur,  festivitate,  volo  et  cupio  distribui,  mediatim 
Dominis  de  capitulo,  plebano  ac  suis  vicariis  et  mediatim  minoribus  canonicis,  suis 
vicariis,  capellanis  et  mercenariis,  chorum  ecclesie  débite  frequentanlibus,  sub  modo 
et  forma  subiungendis,  videlicet  quod  tertiam  suam  partem  porcionis  cedere  habe- 
bunt  canonicis  plebano  et  suis  vicariis,  qui  intererunt  primis  et  secundis  vesperis, 
aliam  tertiam  interessentibus  matutinis  et  reliquam  tertiam  partem  interessentibus 
prime,  tertie,  sexte,  summe  misse  et  none,  taliter  tamen  quod  ibidem  veniant  et 
persévèrent  cantando,  legendo  et  silentium  debitum  observando,  sicut  decet, 
adeoque  dictis  horis  quotidianam  distributionem  ordinatam  per  quondam  bone 
memorie  dominum  Theodoj'icum  de  Gorchem,  cantorem  ecclesie^  lucrari  mereantur,  et 
non  alias.  Et  pari  passu  volo  et  ordino  de  média  portione  cedenda  minoribus  cano- 
nicis, suis  vicariis,  capellanis  et  mercenariis.  Si  tamen  aliquis  dictorum  dominorum 
decani,  canonicorum  ac  plebani  contingeret  in  futurum  tempore  dictorum  festorum 
missum  esse  aut  impeditum  in  negotiis  capituli  vel  etiam  infirmum  aut  suscipere 
medicinam,  volo  quod  talis  lucretur,  acsi  personalirer  dictis  horis  interesset,  omni 
tamen  dolo  et  fraude  seclusis.  Item  quia  custodes  per  fundationem  dictorum  decem 
festorum  sunt  plus  solito  in  sonitu  et  tinnicione  onerati,  prout  etiam  sunt  in  pul- 
satione  viagne  et  omnium  aliarum  campcinarum  nove  turris,  tam  in  profesto  et  festo 
Innocentium  inter  vesperas  et  completorium  et  in  crastino  Innocentium,  tempore 
commendationum  legendarum  in  novo  choro  sacerdoti  (!)  super  tumuhim  meum,  prout 
etiam  erunt  in  anniversario  mec,  quod  pro  hoc  et  quod  qualibet  septimana  onerati 


—  463  — 

D'après  les  intentions  du  fondateur  de  Thospice,  les  dépenses 
étaient  à  réduire  au  strict  nécessaire,  et  Ton  ne  devait  demander 
Taumône  qu'en  cas  de  nécessité  absolue.  Instruits  sur  les  besoins 
réels  de  la  Maison,  par  une  pratique  de  nombreuses  années,  les 
deux  mambours  avaient  cru  faire  œuvre  sage  d'en  fixer  le  budget 
—  quitte  à  leurs  successeurs  de  le  modifier,  si  les  circonstances 
le  comportaient  —  et,  dans  leur  pensée,  le  moment  en  était  venu. 

Outre  les  frais  de  réparation  à  faire  à  Thospice  et  à  ses  proprié- 
tés, ainsi  que  les  sommes  affectées  aux  rentes  à  servir,  ils  ordon- 
nèrent donc  les  dépenses  annuelles  suivantes  : 

sunt  et  erunt  die  mercurii,  vel  alio  die  forsan  correspondenti  ad  tinniendum  more 
solito  pro  missa  sancti  Sebastiani  finitis  matutinis  septimanatim  discantanda,  pro 
recompensa  laborum  suorum  in  his,  sicut  decet,  lego  dictis  custodibus  annuo  (!) 
in  festo  nativitatis  Domini,  per  dictam  domum  Apostolorum  persolvenda,  vîginti  sex- 
taria  siliginis,  mensure  brtixellensis.  De  omnibus  volo  quod  superior  custos  dum- 
taxat  habeat  quartam  partem.  Item  pro  omnium  fidelium  defunctorum  et  signanter 
quondam  Domini  Wilheîmi  Bout,  cantons  et  canonici  ecclesie  sancte  Gudile  prefate, 
avunculi  et  factoris  mei,  parentumque  meorum  ac  mea  animabus  cupiens  fundare 
unam  capellaniam  in  ecclesia  prelibata,  ad  altare  sanctorum  Lamberti,  Pancratii 
et  Sebastiani,  in  honorem  salvatoris  nostri  eiusque  matris  Virginis  gloriose,  nenon 
et  omnium  sanctorum  et  sanctarum,  et  signanter  beatorum  Lamberti,  Pancratii 
et  Sebastiani  predictorum,  sub  onere  trium  missarum,  quarum  unam  volo  fieri 
per  capellanum  vel  loco  sui  substituendum,  si  legitimum  impedimentum  pro 
temp  ore  habuerit,  sub  cantu  et  discantu,  semper  feria  quarta  immédiate  post 
matutinas,  nisi  dicta  feria  quarta  fuerit  per  solemne  festum  occupata,  cum  tune 
volo,  quod  die  precedenti  anticipetur,  vel  ad  aliam  magis  congruentem  differatur,  et 
alias  duas  celebrabit  submissa  voce  capellanus  aliis  diebus  in  septimana  sicuti  sibi  et 
quando  magis  congruerit.  Ordino  pro  eiusdem  dotatione  quod  capellanus  annuatim 
recipiet  a  domo  duodecim  Apostolorum  supratacta  in  festo  nativitatis  Domini  tre- 
decim  cum  dimidio  modios  siliginis,  mensure  bruxellensis,  pro  se  et  ad  utilitatem 
suam.  Et  magnus  cantor  ab  eadem  domo  etiam  recipiet,  modo  et  forma  prelibatis, 
pro  labore  suo  et  secum  dictam  missam  discantare  debentibus  alios  sex  modios  cum 
dimidio  siliginis  persolvendos  ;  faciunt  prout  viginti  modios  siliginis  eiusdem  men- 
sure. Pro  cuiusquidam  discantande  misse,ad  quam  etiam  tinniendum  erit,  more  solito 
tam  in  cantu  quam  in  pulsu,  explecione  débite  fienda,  prefatus  capellanus  magistrum 
discantus  et  custodem  sollicitare  habebit  et  erit  astrictus,  volens  quod  si  defectus  in 
eo  acciderit  in  aliqua  dictarum  trium  missarum  pro  qualibet  discantanda  prefato 
capellano  unum  sextarium  et  pro  qualibet  bassa  missa  due  fertelle  defalcentur.  Quod 
si  in  dicto  capellano  defectus  non  foret,  sed  in  magistro  cantus  in  discantando,  seu  in 
custodibus  in  tinniendo,vol^quod  predicto  magistro  cantus  sic  defectuoso  pro  qualibet 
vice  defectus  très  fertelle  siliginis  et  custodi  due  fertelle,  dicte  domui  Apostolorum 
applicande, defalcentur  et  tantominus  recipere  quilibet  eorum  habebit.  In  dicte  tamen 
capellanie  fundatione  cupio  ponere  et  esse  talem  modum  qui  sequitur  ;  videlicet  quod 
dictos  tredecim  cum  dimidio  modios  recipere  annuo  (!)  habebit  Dominus  Gerardus 
Pistorum,  presbyter,  capellanus  meus,  vel  alius  forsan  per  me  nominandus,  et  dictas  très 
missas  cum  diligentia  de  qua  supra  facere  erit  obiigatus  sub  pœna  prenarrata.  Et 


-  4^4  — 

Pour  pain,  20  rasières  de  seigle,  mesure  de  Bruxelles,  maxi- 
mum ;  au  boulanger,  7  plaquettes  pour  chaque  rasière  de  seigle  ; 
pour  cervoise  ou  bière  23  ryders,  savoir,  par  jour,  15  pots,  dont 

quamdiu  dictus  Dominus  Gerardus  vel  alius  ut  prefertur  nominandus,  quem  totiens 
quotiens  mihi  placuerit  variare  et  mutare  potero  me  superstite  et  quam  diu  ultimo 
sic  per  me  nominatus  viiam  habuerit  in  humanis,  volo  quod  officium,  et  non  bene- 
ficium,  censebitur  compatibile  cum  alio  beneficio  ecclesie,  quod  ipse  vel  alius  in 
ecclesiam  jam  capellanus  obtinet,  aul;  forsan  in  antea  obtinebit  ;  sed  quam  cito  ille 
debitum  carnis  exsolverit,  volo  quod  tune  primitus  incipiat  esse  capellania  ad  dispo- 
sitionem  dicti  capituli  pertinens,  sicut  alie  capellanie  ecclesie  si  et  in  quantum  tune 
etiam  vita  functus  fuero,  cum  vita  mea  comité  dispositionem  desuper  mihi  soli 
réserve.  Et  quia  predictus  dominus  cantor  summopere  desideravit  predictas  suas 
ordinationes  omnes  et  singulas  perpetuis  futuris  temporibus  inviolabiliter  observari, 
nos  requirere  et  hortari  curavit,  obsecrans  attentius  quatenus  easdem  omnes  et  sin- 
gulas cum  suis  modis,  formis  et  conditionibus,  quantum  in  nobis  est,  confirmare, 
approbare,  admittere  et  ratificare  alque  dictam  novam  capellaniam  ad  altare  et  sub 
onere  predicto  erigere  et  fundare  vellemus,  presentans  nobis  atque  realiter  tradens 
ad  opus  predictum  patentes  litteras  obligatorias  dicte  dornus  Apostolomm,  sigillis 
mamburnorum  eiusdem  sigillatas  et  roboratas,  una  cum  litieris  confirmationis  reve- 
rendi  in  Christo  patris,  domini  Johannis,  episcopi  cameracensis,  eisdem  infixis. 

Nosque  decanus  et  capitulum  ecclesie  béate  Gudile  predicte,  habita  ut,decuit,prius 
super  premissis  omnibus  et  singulis  et  ea  concernentibus  informatione  débita  et 
requisita,reperimus  dictam  domini  cantorisrequestam  fore  piamet  rationi  consonam; 
eidem  liberaliter  condescendimus,  ipsa  omnia  et  singula  acceptantes,  admittentes, 
approbantes,  ratificantes  et  omologantes  alque  capellaniam  prefatam  fundantes  et 
erigentes,  fundamus  quoque  et  erigimus  per  présentes,  sub  onere,  formis  et  conditio- 
nibus prius  expressatis  quas  et  que  hic  habere  volumus  pro  repetitis. 

In  cuius  rei  testimonium  sigillum  nostrum  ad  causas,  quo  utimur  in  hac  parte, 
cum  signo  et  subscriptione  nostri  notarii  iurati  infrascripti  presentibus  duxîmus 
apponendum.  Datum  et  actum  in  loco  nostro  capitulari,  nobis  capitulum  générale 
celebrantibus  et  facientibus,  die  vigesima  prima  mensis  Junii,  anno  domini  mille- 
simo  quadringentesimo  quinquagesimo  primo,  indictione  décima  quarta,  pontificatus 
sanctissimi  domini  nostri  Nicolai,  divina  providentia  pape  quinti,  anno  suo  quinto, 
presentibus  honorabilibus  viris  domino  Egidio  Wychiian^  presbytero,  minons  prébende 
canonico,  et  Gerardo  van  den  Kerchove,  capituli  ecclesie  béate  Gudile  h-uxellensis  virgifero, 
cameracensis  diœcesis,  testibus,  ad  premissa  vocatis  specialiter  et  rogatis. 

Et  ego  Johannes  Jakemuns,  presbyter,  cameracensis  diœcesis  publicus  sacris  aposto- 
lica  et  imperiali  auctoritate  venerabilisque  capituli  ecclesie  béate  Gudile  bruxellensis 
notarius  iuratus,  quia  premissis  expositioni,  requisitioni,  exhortation!  litterarum 
obligatariarum  et  confirma tionum  predictarum  acceptationique  earum  et  admission!, 
approbationi,  ratification!  et  omologationi  omnibusque  aliis  et  singulis  dum  sicut 
premittitur  agerentur  ei  fièrent,  una  cum  prenominatis  presens  interfui  eaque  sic 
fieri  vidi,  scivi  et  audivi,  in  notitiam  recepi,  ex  quo  presens  publicum  instrumentum 
seu  présentes  liiteras  manu  aliéna  fideliter  scriptas  seu  scriptum  confeci  et  in  hanc 
formam  publicam  redegi  signoque  apostolico  et  nomine  meis  solitis  hic  me  proprîa 
manu  subscribendis,  una  cum  appensione  sigilli  dicti  capituli  ad  causas,  signavi, 
rogatus  et  requisitus  in  omnium  et  singulorum  fidem  et  testimonium  premissorum. 

Jo.  Jakemuns.  (D'après  la  copie  authentiquée 
par  le  notaire  J.  de  Maeyere). 


—  465  — 

8o  forment  un  tonneau,   à  25  plaquettes  *,  soit,  par   16  jours, 
3  tonneaux,  au  coût  d'un  rydeVy  ou  15  sols  ; 

un  bœuf  ordinaire  de  Frise,  pouvant  coûter  jusque  10  écus 
Guillaume  ^  ;  huit  cochons  maigres  pour  être  engraissés  au  moyen 
de  son  ; 

Ce  document,  on  le  voit,  rappelle  des  fondations  antérieures.  Les  pièces  qui  ont 
trait  à  celles-ci  sont  intéressantes  au  double  point  de  vue  historique  et  archéolo- 
gique. 

Voici  le  plus  ancien  acte  de  ces  fondations  : 

^ y  Lucas  van  Eyke,  canoenck  tôt  Sinte  Goedelen  te  Bruessel,  Willem  Ron^maUy 
Ridder,  heere  te  Bigardeny  ende  ]an  van  Coithem,  kercmeesters  van  der  fabriken  der 
voirs.  kercken,  kennen  ende  liden  dat  wy  overconien  zyn  metten  eerwerdi^hen  ende 
vnsen  heere  meester  Jan  Bont,  doctoer  in  heiden  rechten,  cancelier  van  Brahant,  canter  en  de 
canoenck  der  selver  kercken,  van  der  voirs.  kercken  weghen,  als  dat  van  voirtaen 
ewelyc  aile  kersavond  te  vesperen  ende  in  kerstdaighe  te  mettenen,  te  missen,  ende 
te  vesperen,  die  fabrike  sal  doen  berren  een  ende  vyftich  wessen  kerssen  op  eene 
crone  in  dcn  coer  hangende,  die  de  selve  canter  heeft  op  siinen  cost  doen  maken, 
ende  desgelycs  oie  veertich  der  geliker  keersen  omtrent  den  coer  staende  ende  oie 
mede  op  des  heylichs  sacraments  avont  ende  sdaighs  thien  keersen  meer  dan  dair  te 
voeren  plagen  geset  te  wesen,  wair  af  wy  kennen  ons  van  den  voirs.  eerwerdighen 
heere  ende  wisen  meester  Jan  voirgenoemt  wael  vernuecht  ende  dat  ghelt  in  dên 
oirboir  der  selver  kercken  bekeert  te  wesen,  ghelovende  in  goeden  trouwen,  dat  by 
ons  ende  onsen  nacomelingen  tôt  ewighen  daighen  bestelt  ende  gedaen  te  worden, 
sonder  eenich  wederseggen.  In  oirkonde  der  fabriken  seghel  der  voirs.-  kercken  aen 
desenbrief  ghehangen,  int  jaer  ons  heeren  duysent  vierhondert  viere  ende  dertich 
viere,  ende  thiene  daighe  in  meye. 

(Original  sur  parchemin,  avec  sceau  ogival  de  la  fabrique  en  cire  verte  :  bras 
avec  lanterne,  etc.) 

Par  acte  du  20  mai  1436,  les  mêmes  marguillers  reconnurent  avoir  reçu  de  Jean 
Bont  (outre  les  titres  ci-dessus,  ils  lui  donnent  encore  celui  d'archidiacre  de  Fatnenne), 
une  nouvelle  donation  pour  augmenter  le  nombre  des  cierges  spécifiés  dans  le  docu- 
ment qui  précède  (même  sceau). 

Enfin,  le  8  novembre  1446,  le  chanoine  Bont  (il  n'était  plus  chanceHer  alors)  fit 
une  nouvelle  fondation  en  faveur  de  l'église  Sainte-Gudule.  (C'est  celle  qui  se 
trouve  spécifiée  dans  l'acte  du  21  juin  145 1).  A  la  charte  y  relative,  se  voient  encore, 
en  cire  rouge,  les  sceaux  de  deux  fabriciens,  tous  deux  conseillers  du  duc,  à  savoir  : 

de  Jan  die  Herto^e,  chevalier  ;  trois  tours  ;  au  franc-quartier,  chargé  de  trois  fleurs 
dehs,  au  pied  coupé  ;  cimier  :  une  étoile  entre  deux  cornes  de  taureau,  chacune  char- 
gée d'une  étoile  ;  supports  :  un  hon  et  un  aigle  ;  légende  :  StôtllU  ♦  jObHUUtS 
^UCi6mllttl0(26-An); 

de  Henri  Magnus  :  parti-émanché  ;  au  chef,  chargé  de  trois  fleurs  de  lis,  au  pied 
coupé  ;  cimier  :  un  bonnet  ou  écran,  arrondi  au  haut,  aux  armes  de  l'écu,  les  fleurs 
de  lis  posées  i  et  2  ;  tenant  dextre  :  un  homme  sauvage  velu,  armé  d'une  massue  ; 
légende  :  S  ♦  IbCU^iCi  *  btCtt  ♦  maÔttUS  (25'"/m).  Deux  très  beaux  types 
de  sceaux. 

^  15  pollen  hoppen  luyn,  mate  dyer  tache ntich  een  dre^elvat  maken,  dat  gemeyneîyck  cost 
XXVple^ken. 

^  Item   tsiaers  eenen  shemeynen  vriesschen  osse,  van  thien  Wilîems  schilde  oft  daer  onder, 

30 


—  466  — 

Nota  bene,  les  peaux  seront  abandonnées  au  boucher,  comme 
prix  de  Tabattage  de  ces  animaux,  pour  la  préparation  de  la 
salaison,  ainsi  que  la  fourniture  de  chandelles  et  d'épices  pour  les 
tripes  *  ; 

150  livres  de  beurre  de  la  Dendre  ou  de  la  Sennette,  au  plus  bas 
prix  ^  ;  pour  sel,  la  quantité  nécessaire  pour  saler  le  bœuf,  les 
huit  cochons  et  les  autres  mets,  et  à  acheter,  à  l'exemple  des  maî- 
tres des  pauvres,  à  l'étape  d'Anvers  ou  à  celle  de  Malines  ; 

125  charges  d'âne  de  bois  ^  ; 

400  fagots  et  six  rasières  de  charbon  ; 

un  tonneau  de  harengs  et  un  panier  de  figues,  pour  le  carême  ; 

une  poîse  et  demie  de  fromages  de  Flandre  *  ; 

six  setiers  de  fèves  et  de  pois  ; 

pour  navets,  en  hiver,  la  valeur  de  40  à  50  plaquettes  ; 

pour  cuves,  tonneaux  et  seaux,  environ  40  plaquettes  ; 

pour  \geltes  de  saindoux  à  employer  en  carême  •^,  on  consacrera 
un  setier  de  grain,  dû  par  certain  Winne,  de  Vossem  ; 

pour  deux  pitances,  Tune  à  l'anniversaire  de  la  mort  de 
Guillaume  Bont,  l'autre  au  jour  des  Apôtres,  2  clinckaert  (nota 
bene  une  rente  de  un  clinckaert  avait  été  constituée,  à  cette  fin,  par 
Guillaume  van  Drumpt  ^)  et  enfin  : 

les  gages  du  receveur  et  de  la  servante. 

Le  3  février  1451  (n.  st.),  Jean  Bont  et  Lambert  de  Cock  décla- 
rèrent que,  seuls  les  biens  de  la  Maison  des  Douze-Apôtres 
devaient  être  affectés  à  la  garantie  des  donations  faites,  par  le 
premier,  à  l'église  Sainte-Gudule,  et  non  leurs  propres  biens. 
Cette  modification  de  l'acte  du  mois  précédent  fut  agréée  par  le 
curé,  la  fabrique  et  la  mense  des  pauvres  de  l'église  ^. 

* 
*    * 

1  ...  riiete  keerssen  ende  cruyde  te pensen. 

*  ...  van  op  de  Dendere  oft  van  Senneken,  ten  besien  coop  in  syn  saysoen. 
'  ...  houdt,  cuesbaer  soets.., 

*  ...  onderhalven  wa^hen  vîaemschen  keese, 

^  ...  vier  gelten  smouts,  voor  die  vasten.  (Une  ^elte  =  8  litres.) 

6  Plus  tard,  la  Maison  des  Douze-Apôtres  levait  une  rente  féodale  de  25  fl.  du 

Rliin,  à  charge  de  la  moitié  que  le  prince  de  Nassau  possédait  de  la  terre  de  Grim- 

berghe  {Cour  féodale  de  Bràbant,  reg.  n^  357,  f»  304). 

^  Le  sceau  du  petit  chanoine  Lambert  de  Cock,   en  cire  rouge,  porte   dans  un 

quadrilobe,  un  écu  coupé  ;  au  i*^,  parti  :  a)  plain  ;  b)  échiqueté  ;  au  franc-quartier 


—  467  — 

De  même  que  son  oncle,  Jean  Bont  avait  été  un  des  conseillers 
du  duc  Jean  IV,  bannis,  en  1420,  par  la  noblesse  et  la  ville  de 
Louvain.  11  s'était  vu,  depuis,  élever  au  poste  de  chancelier  du 
duché.  \J Histoire  de  Bruxelles  place  cet  événement,  à  tort,  en 
1445.  D'après  Butkens,  et  son  indication  semble  être  exacte,  la 
nomination  aurait  eu  lieu  en  1427,  et  Bont  aurait  résigné  ses 
fonctions  quelques  années  avant  sa  mort.  En  effet,  un  document 
dont  nous  allons  parler,  établit  que  Bont  était  déjà  chancelier  en 
1428,  et  un  autre  acte  —  il  en  a  été  question  plus  haut  *  —  prouve 
qu'il  ne  l'était  plus  en  1446.  Elu  chantre  de  l'église  Sainte-Gudule 
en  1448,  il  se  démit  de  cette  dignité  en  faveur  de  Nicolas  de 
Cloppere  ^. 

Il  décéda  en  1453.  Sa  dépouille  fut  déposée  en  l'église  Sainte- 
Gudule,  dans  le  chœur  de  la  chapelle  du  Saint-Sacrement  de 
Miracle,  sous  une  pierre  bleue,  ornée  de  ses  armoiries,  et  portant 
cette  inscription  : 

3oanne6  :fiSont 

buiiis  eccleste  canontcus  et  cantor 

arcblMaconus  J'amène 

In  Bcclesta   XeoMensi 

metropoUs  Cameracensts 

canonicus  et  tbesaurattus 

ab  anno  /llb.  51^.  ÏÏIDJJ.  ©bttt  /ïlb.  JID.  X533  \ 

Son  anniversaire  se  célébrait  le  8  février  ^. 

chargé  d'une  merlette  {van  der  Aa)  ;  au  2<^  plain,  diapré.  L'écu  est  soutenu    par  un 
ange  ;  légende  :  ©.  lambettt.   COCf.  pbtt  (23  ^U), 

Par  son  testament  du  20  mars  145 1  (style  de  Cambrai),  —  pièce  curieuse  qui 
mériterait  d'être  publiée,  —  ce  prêtre  demande  à  être  enterré,  en  l'église  Sainte- 
Gudule,  devant  la  Sainte-Croix,  dans  la  sépulture  de  son  cognatiis,  Guillaume 
de  Megen.  Parmi  les  nombreux  legs,  nous  en  remarquons  un  en  faveur  de  l'hôpital 
de  Megen,  probablement  le  lieu  d'origine  du  testateur.  Entre  autres  libéralités, 
l'église  Sainte-Gudule  reçoit  un  cens  à  charge  du  domistadiiim  de  Waleran  de  Won- 
deringen,  fabricant  de  cire  {cereifex),  sis  à  Bruxelles,  iuxtafri^idum  montent  in  quoàam 
paruo  vico  ibidem,  dicto  tpyperstreetken,  quasi  in  opposite  honorum  dicti  Willelmi  Bont, 
cantons  et  canonici  eccles'e  heate  Gudile  (Archives  de  l'église,  n"  228).  Deux  chartes  de 
1444  établissent  que  Lambert  était  fils  de  feu  Guillaume  de  Cock  {ibidem j  no  352). 

1  Page  465,  suite  de  la  note  qui  commence  à  la  p.  461. 

2  Archives  de  l'église,  reg.  n°  141,  f<^  30. 

8  Archives  de  l'église,  reg.  no  141,  f*^^  46  et  47. 

*  Februarius,  8.  Dominus  et  ma^ister  Joannes  Bont,  cantor  et  canonicus  huius  ecclesie. 


—    4^8    — 

Selon  un  désir  exprimé  par  cet  ecclésiastique,  tous  les  ans,  à  la 
fête  des  Innocents  et  à  la  veille  de  ce  jour,  entre  les  vêpres  et  les 
complies,  les  élèves  des  écoles  de  la  ville,  sous  la  conduite  de 
Tévêque,  chantaient  sur  sa  tombe  un  Miserere  et  un  De  Frofundis. 
En  vertu  d'une  fondation  ultérieure, du  27  janvier  1451  (n.  st.),  on 
faisait  brûler,  à  la  même  place,  pendant  ces  deux  jours,  quatre 
cierges.  A  son  anniversaire,  on  allumait  également  deux  cierges 
sur  la  sépulture  *. 

Le  célèbre  Pierre  a  Thymo  lui  succéda  dans  un  de  ses  cano- 
nicats  ^. 

Dans  sa  liste  des  chanceliers,  Butkens  ^  attribue  à  Jean  Bont 
pour  blason  :  un  chevron  accompagné  de  trois  quintefeuilles,  ou, 
mieux  dit,  roses;  Fécu  est  sommé  de  ce  bonnet  que  les  auteurs 
modernes  appellent  la  cour  orme  de  baron  à  f  antique  ;  derrière 
Técu,  passées  en  sautoir,  deux  masses,  symbole  du  pouvoir  de 
chanceher. 

Ces  armes  sont  apocryphes.  Le  bonnet  est  un  produit  du 
xvii^  siècle.  L'emploi  des  masses  dans  les  armoiries  ne  remonte 
pas  non  plus  au  temps  du  chancelier  Bont. 

Ce  personnage  portait  un  écu  plain,  au  chef,  chargé,  à  dextre, 
d'un  fer  de  moulin.  Telles  sont  les  armes  sur  un  sceau  rond  qui 
se  rencontre  à  des  chartes  de  1428  jusqu'en  145 1;  Técu  y  est 
soutenu  par  un  ange;  légende  :  S.  tobanuts  bOUt  (24  %).  Jean 
appendit  ce  sceau,  entre  autres,  à  un  acte  du  29  juin  1428,  dans 
lequel  il  déclare  avoir  reçu,  en  qualité  de  chancelier  du  duché,  le 
serment  de  féauté  du  chapitre  de  Cambrai^. 

îeeght  in  H  Sacramens  choor  onder  eenen  hlauiuen  zarck  met  lynder  ivapenen  (Archives  de 
l'église,  reg.  n°  338). 

^  A  cet  acte,  se  trouvent  encore  appendus  les  sceaux  des  deux  fabriciens  Henri 
Magnus,  conseiller  et  lieutenant  de  la  Cour  féodale  de  Philippe-le-Bon  (voyez  plus 
haut),  et  de  Jean  van  den  Hornicke,  échevin  de  Bruxelles.  Ce  dernier  sceau,  en  cire 
verte,  porte  un  écu  écartelé  ;  aux  ler  et  4^6^  à  trois  macles  ;  aux  2®  et  3e,  à  la  fasce 
d'hermine,  accompagnée  en  chef  d'un  lion  passant  ;  casque  couronné  ;  cimier  :  une 
tête  et  col  d'aigle  ;  tenant  dextre: un  homme  velu,appuyant  une  massue  sur  l'épaule 
droite. 

^Archives  de  réglise  Sainte- Gudule,  reg.  n*^  141,  fo  47,  et  A.  Wauters,  Inventaire 
des  cartul.  et  autres  reg.  faisant  partie  desarch,  anc.  de  la  ville  (de  Bruxelles),  I,  1888, 

p.  13. 

3  Trophées  tant  sacrés  que  profanes  du  duché  de  Brahant,  II,  p.  360. 

*  Archives  du  Nord,  à  Lille  ;  évéché  et  chapitre  de  Cambrai.  Des  exemplaires  du 
sceau  de  Jean  Bont  se  trouvent  aux  Archives  de  Sainte-Gudule.  G.  Demay,  Sceaux 
delà  Flandre,  le  décrit,  ainsi  que  celui  de  Guillaume  Bont  (nos  362  et  5700). 


—  469  — 

A  part  les  deux  meubles  du  chef;  évidemment  des  brisures, 
te  armes  de  Jean  et  de  Guillaume  Bont  sont  identiques. 

En  présence  du  fer  de  moulin,  meuble  carastéristique  de  Bois- 
le-Duc  et  de  ses  environs,  serait-il  téméraire  de  croire  la  famille 
Bont  originaire  de  cette  partie  du  Brabant  ? 


/  ^ 


Sceau  de  Jean  Bont. 


S^^ 


Sceau  de  Lambert  de  Cock. 


D'après  une  inscription  que  l'on  voyait  dans  la  chapelle  de 
l'hospice  des  Douze-Apôtres  *,  la  devise  des  deux  Bont,  oncle  et 
neveu,  était:  Niet  te  Bont;  ce  que  l'on  pourrait  traduire  par  : 
Mesure  en  tout. 


*    « 


Lorsque,  le  12  octobre  1603,  les  régents  nommèrent  receveur 
le  prêtre  N.  Nijs,  ils  lui  recommandèrent  une  conduite  paternelle 
envers  les  treize  vieillards  et  de  les  pourvoir  de  tout  ce  dont  ils 
auraient  besoin,  de  façon  à  ne  pas  donner  lieu  à  des  réclamations. 
On  lui  interdit  ensuite  de  donner  accès  à  la  Maison  aux  per- 
sonnes étrangères,  et,  enfin  —  autre  prescription  nouvelle  —  on 
lui  enjoignit  de  faire  figurer,  dans  son  compte,  pour  mémoire, 
l'inventaire  de  tous  les  meubles  et  ustensiles. 

Comme  ses  prédécesseurs,  le  nouveau  receveur  aura  Tusage 
du  jardin  et,  avec  ses  revenus  et  ses  charges,  la  chapellenie 
fondée  dans  la  chapelle  de  Thospice. 

Cette  chapelle  semble  dater  de  Tannée  1445,  millésime  qu'on 
lisait  dans  Tinscription  dont  il  a  été  question  plus  haut.  Au  témoi- 


1  Cette  inscription  a  été  reproduite  dans  Christyn,  Basilica  bruxeïlensis,  édition 
1743,  IIj  29,  et  Henné  et  Wauters;  op.  cit.,  III,  298  ;  comp.  aussi  J.  Le  Roy, 
Grand  Théâtre  Sacré,  I,  193. 


—  470  — 

gnage  de  V Histoire  de  Bruxelles,  il  existait,  plus  tard,  près  de 
l'autel,  du  côté  de  l'épître,  une  autre  inscription,  indiquant  que 
le  sanctuaire  d'alors  remontait  à  1638.  On  avait  donc  construit 
une  nouvelle  chapelle,  ou  bien  fait  subir  à  l'ancienne  des  trans- 
formations importantes,  entre  1603  et  1638. 

* 

Les  revenus  assurés,  par  Jean  Bont,  à  l'église  Sainte-Gudule 
avaient  été  payés  intégralement,  jusqu'en  1578. 

Pendant  les  dix  années  suivantes,  les  troubles  de  la  guerre 
avaient  mis  la  Maison  des  Douze-Apôtres  dans  l'impossibilité  de 
continuer  ces  paiements.  De  1588  à  1598,  au  lieu  des  vingt 
setiers,  dus  aux  sacristains,  elle  n'avait  pu  leur  fournir  que  sept, 
et,  depuis,  jusqu'au  milieu  du  siècle  suivant,  ce  chiffre  avait  été 
porté  à  douze. 

Ces  rentes  étaient  servies  en  nature  ou  en  argent,  selon  la 
valeur  des  céréales. 

En  1650,  les  chanoines  de  la  seconde  fondation,  auxquels 
ressortissaient  les  sacristains  chargés  de  sonner  les  cloches  pour 
la  messe  de  Saint-Sébastien,  adressèrent  aux  mambours  de  l'hos- 
pice une  requête  tendant  à  obtenir,  de  nouveau,  la  totalité  des 
vingt  setiers.  A  l'appui  de  leur  demande,  ils  invoquèrent  le  fait 
que,  depuis  plus  de  trente  ans,  la  Maison-Dieu  jouissait  intégra- 
lement de  tous  ses  revenus  et  qu'en  ces  derniers  temps,  elle  avait 
pu  rétabhr  également  les  émoluments  primitifs  des  chanteurs  de 
l'église. 

Un  accord  intervint  le  4  octobre  :  on  consentit  aux  sacristains 
la  redevance  annuelle  réclamée,  de  vingt  setiers,  plus  une  com- 
pensation de  onze  setiers,  une  fois  payés. 

* 
*    * 

On  connaît  les  terribles  conséquences  du  bombardement,  à 
boulets  rouges,  infligé  à  Bruxelles,  par  le  maréchal  de  Villeroy. 
Un  grand  nombre  de  maisons  avaient  été  incendiées  et  beaucoup 
de  bourgeois  réduits  à  la  mendicité.  Parmi  les  habitations  com- 
plètement détruites,  se  trouvait  celle  de  Pierre  van  Volxem, 
orfèvre  ^,  sise  in  den  Pongel  merckt,  près  de  la  maison  dite  den 

1   Goud-^nde  silversmith. 


—  471  — 

Tuymeler  *.  Elle  était  échue  à  cet  artiste,  du  chef  de  ses  parents, 
Paul  van  Volxem  et  Barbe  Moutton.  Ceux-ci  l'avaient  acquise, 
devant  les  échevins,  de  Quintin  Sijmons  et  Barbe  Daelmans,  le 
15  avril  1636. 

Pour  réédifier  leur  demeure,  Pierre  van  Volxem  et  sa  femme, 
Marie  Hazard,  empruntèrent,  le  18  août  1696,  du  prêtre  Guil- 
laume Dominique  Vinckels,  alors  receveur  de  la  maison  des 
Douze- Apôtres,  une  somme  de  2084  florins  de  change,  Tescalin  à 
6  sols  ^,  moyennant  une  rente  héritable  de  104  florins  du  Rhin, 
4  sols.  En  garantie  de  cette  rente,  ils  donnèrent  une  hypothèque 
sur  tous  leurs  biens,  présents  et  futurs,  notamment  sur  leur  ter- 
rain et  la  maison  qu'ils  s'étaient  engagés  à  y  faire  construire  ^. 

De  ce  montant,  884  florins  avaienj;  été  fournis  par  les  chanoines 
de  la  seconde  fondation  ;  357  florins  constituaient  une  somme  due 
à  l'hospice,  par  Jean  de  Mol,  maïeur  de  Huldenberg,  et  qui 
venait  d'être  remboursée  par  la  veuve  du  conseiller  Ryckaert, 
payant  en  qualité  de  caution.  Enfin,  les  843  fl.  restants  provenaient 
de  la  vente  de  chênes  de  la  forêt,  dite  Elsdael  bosch,  à  Vossem. 

La  Maison  des  Douze-Apôtres  avait  donc,  elle,  contribué  pour 
1200  florins,  produisant  une  rente  de  60  florins. 

Elle  la  céda,  en  1703,  aux  chanoines,  en  remplacement  de  la 
redevance  des  vingt  setiers  de  seigle  ^. 

Le  rachat  de  la  rente  eut  lieu  le  19  mai  1727. 

* 

Les  pensionnaires  de  notre  Maison-Dieu  intervenaient  officiel- 
lement dans  beaucoup  de  cérémonies  de  l'église  Sainte-Gudule. 
C'est  ainsi  que  trois  d'entre  eux  figuraient  parmi  les  douze  pau- 
vres qui  entouraient  le  maître-autel  lors  de  l'anniversaire  de 
Philippe  Nigri,  premier  évêque  d'Anvers  (26  novembre)  ^. 

^  naest  de  huysinge  oft  erjfve  geheeien  den  Tuymeler,  ter  Sint-Jans  kerke  werts,  in  de 
een  syde,  ende  de  erjve  genoempt  den  Moknsteen,  ter  Forcierstraete  werts  ter  andere  syde... 

2  ...  ins  Conincx  munte  ende  swaer  wisselgelt.  i  florin  du  Rhin  =::  20  sols  ;  i  sol  = 
3  plaquettes,  ou  plecken  oft  ^rooten  Bràbants. 

3  . .  .eene  hqffstadt  ofte  ledige  erffve,  daer  een  huys  heeft  op  ^estaen,dweïck  door  de  bombarde- 
rin^e  deser  stadt  is  ajfgehrandt. . . 

*  Livre  aux  résolutions  de  Sainte-Gudule,  sous  la  date  du  7  mai  1703,  fo  33. 

^  Voyez  notre  notice  intitulée  :  Philippe  Ni^ri,  chancelier  de  r  ordre  de  laToison  d'Or, 
chanoine  et  doyen  des  églises  Sainte-  Gudule,  à  Bruxelles,  et  Saint-Rombaut,  à  MalineSy 
premier  évêque  d"" Anvers. 


-  472  — 

C'est  ici  que  s'arrêtent  nos  documents  relatifs  à  Thospice. 

\J Histoire  de  Bruxelles  suppléera  pour  retracer  le  sort  ultérieur 
de  cette  institution.  En  1776,  y  lisons-nous,  la  ration  des  treize 
vieillards  était  réduite  à  une  portion  de  soupe  et  à  différentes 
rétributions  pécuniaires,  faites  dans  le  courant  de  Tannée,  et  s'éle- 
vant  à  75  florins,  6  sous  et  6  deniers,  par  pensionnaire.  On  leur 
fournissait,  de  plus,  deux  chemises,  une  paire  de  bas  et  une  paire 
de  souliers.  Le  total  des  revenus  était,  alors,  de  2,920  florins, 
15  sous,  3  deniers,  la  dépense  de  2,599  florins,  3  sous,  2  de- 
niers. 

Assimilée  aux  couvents,  la  Maison  fut  supprimée,  en  1784. 
Au  commencement  du  nouveau  siècle,  elle  fut  annexée  à  l'hospice 
des  Alexiens. 

Sa  chapelle  avait  été  fermée,  en  vertu  d'un  ordre  de  la  muni- 
cipalité, du  8  pluviôse,  an  VI. 

Bientôt,  la  pioche  des  démolisseurs  fut  mise  à  ces  bâtiments 
auxquels  se  rattachaient  tant  d'intéressants  souvenirs. 

De  nos  jours,  des  maisons  particulières  s'alignent  là  où  s'éle- 
vait, jadis,  cette  institution  si  éminemment  humanitaire,  due  à 
la  générosité  de  ces  deux  philantropes  qui  ont  nom  Guillaume  et 
Jean  Bont,  chanoines  de  Sainte-Gudule  et  hauts  fonctionnaires 
de  ce  xv^  siècle  tant  mouvementé  *.  Honneur  à  leur  mémoire  ! 

Seul,  le  nom  d'une  rue  rappelle  aux  Bruxellois  l'existence 
passée  de  cette  antique  Maison  des  Douze- Apôtres.  ' 

* 
*     * 

En  commémoration  de  la  passion  du  Sauveur,  l'église  Sainte- 
Gudule  organisait,  autrefois,  le  Dimanche  des  Rameaux,  une 
procession  dont  le  groupe  principal  était  formé  par  des  fidèles 
représentant  les  douze  Apôtres  et  les  Enfants  d'Israël: 

1  Un  ma^uttr  Gerîacus  Bont,  chanoine  de  l'église  d'Anderlecht,  fut  enterré  en 
l'église  Sainte-Gudule  devant  l'autel  de  sainte  Agathe.  Son  anniversaire  se  célébrait 
le  yiuin  (reg.  n^  338). 

Un  Paul  Bont,  chanoine  delà  même  église  que  le  précédent,  mourut  en  1483 
{Grand  Théâtre  Sacré,  I,  p.  296). 

Un  Jacobus  Bont,  in  medicinis  doctor,  decanus  ecclesie  sancti  Gommari  Lyrensis,  Came- 
racensis  dtocesis /îidex,QSt  cité  par  un  acte  de  1446  (Archives  de  Sainte-Gudule,  n°  217, 
armoire  7,  case  3). 


—  473  — 

L'origine  de  cet  usage,  nous  en  avons  Tintime  conviction, 
remonte  à  l'un  des  deux  chanoines  Bont. 

Au  commencement  du  xvii*  siècle,  cette  procession  fut,  à  plu- 
sieurs reprises,  troublée  par  la  populace  —  preuve  que  l'aimable 
espèce  >^^//'^  n'est  point  un  produit  du  Bruxelles  moderne.  —  Les 
Apôtres  et  leur  entourage  étaient  particulièrement  en  butte  aux 
quolibets  et  aux  brutalités  de  la  foule,  ou,  mieux  dit,  de  certains 
garnements  qui  trouvaient  plaisant  de  leur  jeter  des  pierres  et 
des  ordures.  Plusieurs  fidèles  reçurent  ainsi  des  blessures  plus 
ou  moins  graves. 

Redoutant  que  la  procession  ne  fût  compromise  pour  Tavenir, 
les  fabriciens  implorèrent  la  protection  du  magistrat.  Par  acte  du 
2  avril  1621,  celui-ci  édicta  une  peine  de  six  florins  du  Rhin  pour 
tous  ceux  qui  lanceraient  des  projectiles  aux  douze  Apôtres,  au 
peuple  de  Jérusalem  qui  les  accompagne  ou  à  tous  autres  partici- 
pants à  la  procession.  Il  déclara  responsables,  les  parents  de  leurs 
enfants  et  les  maîtres  de  leurs  domestiques. 

Cette  procession  semble  avoir  été  supprimée  à  la  Révolution 
française. 


Les  détails  qui  précèdent  sont  inédits,  comme  presque  tous 
ceux  qui  concernent  la  Maison  des  Douze-Apôtres. 

Ils  ont  été  puisés  dans  les  riches  archives  de  la  Collégiale  dont 
M.  l'abbé  Keelhoff  nous  a  fait  les  honneurs  de  cette  façon  aimable 
et  obligeante  qui  lui  acquiert  la  reconnaissance  et  la  sympathie 
de  tous  ceux  qui  ont  recours  à  lui  *. 

(Lu  en  séance  du  6  mai  1891). 

J.-Th.  de  Raadt. 

A  Tous  les  documents  de  l'église  des  SS.  Michel  et  Gudule,  dont  nous  nous 
sommes  servi  pour  la  présente  étude,  viennent  d'être  réunis  en  deux  liasses  spé- 
ciales :  elles  portent  les  nos  222  et  299. 


T 


DEUX  PORTRAITS 

ATTRIBUÉS    A    HoLBEIN  REPRÉSENTENT-ILS 

NICOLAS    d'AUBERMONT 


ET 


JEANNE  de  GAVRE,  SA  FEMME  ? 


g¥^3  m  la  séance  du  12  avril  1888  de  la  Société  historique  et 
Ifi  M?l  rai  ^^^^^'^^^^^  ^^  Tournai,  M.  L.  Cloquet  a  lu  une  notice  sur 
'H^SiM  deux  portraits  appartenant  à  M.  le  général  de  Forma- 
noir  de  cette  ville.  Orné  de  la  reproduction  de  l'un  de  ces  portraits, 
celui  d'une  dame,  ce  travail  a  été  publié  dans  les  Bulletins  de  la 
dite  société  ^  Sous  cette  reproduction,  on  a  cru  devoir  mettre  le 
nom  de  Jeanne  de  Gavre.  Sont  joints  à  ce  mémoire,  en  guise 
d'annexés,  une  déclaration  délivrée,  le  24  février  1888, .par  M.  le 
baron  de  Rasse,  président  du  conseil  héraldique  de  Belgique,  et 
un  crayon  généalogique  tendant  à  établir  comment  M.  le  général 
de  Formanoir  est  devenu,  par  succession  en  ligne  collatérale, 
propriétaire  de  certaine  maison  à  Tournai,  ayant  appartenu,  dès 
1604,  à  la  famille  d'Aubermont. 
Le  lecteur  voudra  bien  m'accorder  quelques  minutes  d'atten- 

1  Tournai,  chez  H.  et  L.  Casterman  1880. 


—  475  - 

tion,  pour  examiner  avec  moi  les  considérations  de  M.  Cloquet, 
au  sujet  de  ces  deux  tableaux,  qui  semblent  être  très  remar- 
quables et  présenter  toutes  les  qualités,  qui  caractérisent  les 
œuvres  de  portraitistes  illustres.  D'après  une  tradition  de  famille, 
ils  seraient  dus  au  pinceau  de  Holbein.  Le  millésime  1543  que 
l'on  y  voit,  n'exclut  pas  la  possibilité  de  cette  attribution,  attendu 
que  Holbein,  suivant  l'opinion  généralement  admise,  mourut  à 
Londres,  vers  la  fin  de  1543,  et  que,  d'après  M.  Charles  Blanc*, 
il  aurait  même  encore  été  en  vie  en  1547. 

Les  peintures  ne  sont  pas  signées;  elles  ne  portent  pas  davan- 
tage le  monogramme,  ni  les  initiales  de  l'artiste.  Des  connais- 
seurs sérieux,  tels  que  le  gouverneur  général  des  Indes  Néer- 
landaises van  Lansberge  et  le  peintre  Leys,  dont  les  appréciations 
sont  relatées  dans  la  notice  susmentionnée,  tout  en  reconnaissant 
le  mérite  de  ces  œuvres,  n'en  attribuent  pas  la  paternité  formel- 
lement et  catégoriquement  à  Holbein. 

Je  conclus  donc  que  nous  avons  affaire  à  deux  tableaux  d'un 
maître  inconnu,  de  tout  premier  rang,  contemporain  de  Holbein, 
ou  peut-être,  Holbein  lui-même. 

*    * 

Mon  intention,  toutefois,  est  moins  d'envisager  ces  tableaux  au 
point  de  vue  de  l'art,  que  de  soumettre  à  un  examen  critique  les 
conclusions  du  travail  précité,  quant  aux  personnages  qu'ils 
représentent.  Selon  Fauteur  de  celui-ci,  le  portrait  d'homme  porte, 
outre  le  millésime  1543,  l'inscription  :  Aetatis  sue  5g,  celui  de 
la  dame  :  Aetatis  sue  36.  Au  reste,  ni  noms,  ni  initiales,  ni  bla- 
sons, ni  symboles,  ni  attributs.. .  en  un  mot,  rien  de  plus  qui  puisse 
jeter  quelque  jour  sur  l'identité  de  ces  personnages. 

En  ce  qui  concerne  l'histoire  des  portraits,  nous  apprenons  seu- 
lement qu'ils  ont  été  enlevés, -il  y  a  quelques  années,  des  boiseries 
d'une  maison  à  Tournai,  où,  peints  sur  toile,  collés  sur  des 
planches,  ils  s'étaient  trouvés  encastrés,  et  qu'ils  ont  été  rentoilés 
en  1873.  Nous  voyons  ensuite  que  cette  habitation,  sise  à  l'angle 
des  rues  de  la  Ture  et  des  Jésuites  (jadis  rue  des  Allemands),  fut 
acquise,  le  4  novembre  1604,  par  Charles  d'Aubermont,  marié  à 

1  Histoire  des  peintres  y  vie  de  Holhein,  pp.  20  et  22. 


—  476  — 

Barbe  de  Preys^  de  son  beau -frère  Paul  de  Preys,  et  enfin,  que  les 
encadrements  des  peintures  sont  environ  d'un  siècle  plus 
modernes  que  celles-ci. 

C'est  sur  ces  données  que  Fauteur  dé  la  notice  visée  base 
une  série  de  suppositions,  qu'il  émet  comme  des  vérités  démon- 
trées, à  savoir  :  les  tableaux  ont  été  placés  par  Charles  d'Auber- 
mont  dans  sa  nouvelle  maison,  en  1604,  au  plus  tard  (pag.  12 
et  13)  ;  les  tableaux  représentent  des  ancêtres  de  Charles 
d'Aubermont  ;  les  tableaux  représentent  des  ancêtres  en  ligne 
directe  et  paternelle  ;  les  tableaux  représentent  deux  époux. 
Conclusion  :  ces  personnages  ne  peuvent  être  que  Nicolas 
d'Aubermont  et  Jeanne  de  Gavre. 

<(  Malgré  de  nombreuses  recherches,  n  lisons-nous  dans  le  mé- 
moire qui  nous  occupe,  "on  n'est  pas  parvenu  à  découvrir  la  date 
précise  de  la  naissance  de  Nicolas  d'Aubermont.  On  sait  seule- 
ment qu'il  était  fils  de  Michel  d'Aubermont,  seigneur  du  Ques- 
noy,  échanson  du  roi  de  France,  Louis  XI,  et  de  Jeanne  Cottrel, 
dame  du  Chasteler,  lesquels  se  sont  mariés  en  148 1  et  paraissent 
n'avoir  pas  eu  d'autres  enfants  que  Nicolas.  Pour  que  celui-ci  ait 
eu  cinquante-neuf  ans  en  iS43i  il  faut  quil  soit  né  en  1^83-84,  cest^ 
à'dire  deux  ans  environ  après  le  mariage  de  ses  parents,  ce  qui  est 
fort  vraisemblable.  Nicolas  d'Aubermont  épousa  en  1509,  en  pre- 
mières noces,  Marie  Henneron,  fille  de  Jean,  seigneur  de  Hérin  et 
de  Jeanne  des  Markais,  vicomtesse  de  Roulers  ;  en*  admettant 
qu'il  fût  né  en  1483-84,  il  aurait  eu  vingt-cinq  à  vingt-six  ans  à 
l'époque  de  son  mariage,  ce  qui  est  encore  dans  l'ordre  naturel  des 
choses.  )} 

La  même  page  porte,  au  bas,  la  note  suivante  : 

a  II  paraît  résulter  de  certains  actes  d'achat  de  rentes,  consi- 
gnés dans  les  cartulaires  déposés  aux  archives  de  Tournai,  que 
Nicolas  d'Aubermont  serait  né  en  1487-88.  Mais,  il  est  à  remar- 
quer que  ces  sortes  d'actes  ne  font  pas  foi  d'une  manière  absolue, 
car  on  sait  avec  quelle  négligence  ils  étaient  souvent  dressés, 
notamment  dans  la  manière  d'ortographier  les  noms  et  dans 
rindication  de  l'âge  des  parties.  Notons  aussi  que  l'adoption  de  la 
date  de  1483-84,  pour  la  naissance  de  Nicolas  d  Aubermont  s* accorde 
mieux  que  celle  de  148J-88  avec  V époque  du  mariage  de  ses  parents 
et  de  son  propre  mariage  à  lui,  n 


-  477  — 

«Nicolas  d^Aubermont,  »  continue  le  texte,  «  gentilhomme  de  la 
maison  de  Tempereur  Charles-Quint  et  premier  maître  d'hôtel 
(grand  maître  de  la  maison)  du  comte  de  Nassau,  prince  d'Orange, 
eut  un  assez  grand  nombre  d*enfants  de  son  mariage  avec  Marie 
Henneron.  Devenu  veuf,  il  épousa  en  secondes  noces  Jeanne  de 
Gavre,  dame  de  Masnuy-Saint-Pierre,  dont  il  n'eut  pas  d'enfants, 
et  qui,  elle-même,  était  veuve  de  Jacques  des  Ablens,  seigneur  de 
Familleureux.  Uindication  de  l*âge  de  trente-six  ans,  en  iS43,  sur 
le  portrait  de  la  fefmne,  s' accorde  parfaitement  avec  ces  données  *.  w 

Uauteur  ne  semble,  toutefois,  pas  vouloir  assumer  toute  la 
responsabilité  de  ce  raisonnement,  car  il  ajoute  immédiatement  : 
u  C'est  sur  ces  éléments  que  M.  le  baron  de  Rasse,  président  du 
conseil  héraldique,  et  compétent  en  pareille  matière,  s'est  basé 
pour  déclarer  que  les  deux  portraits  que  possède  le  général  de 
Formanoir,  ne  peuvent  représenter  que  Nicolas  d'Aubermont  et 
Jeanne  de  Gavre,  sa  seconde  femme.  « 

Examinons  le  fondement  de  ces  assertions. 

Dans  le  registre  dit  Cartulaire  des  renies  dues  par  la  ville,  renou- 
velé en  i^gs  ^,  on  trouve,  aux  pp.  315  et  485,  les  deux  postes 
suivants  : 

A  Jehenne  Cottrel,  a  présent  vesve  de  feu  Michiel  Daubermont 
eagié  de  XXXVI  ans,  et  Nicolas  Daubermont,  leur  filz,  eagie  de 
V  ans,  acquis  par  Jehan  Cottrel,  père  de  la  ditte  Jehenne,  le  dit  jour 
(premier  jour  de  jullet  au  dit  an  14Ç3J. 

A  Jehenne  Cottrel,  fille  Jehan,  a  présent  vesve  de  feu  Michiel 
Daubermont,  eagié  de  XXXVI  ans  et  Colinet  ^  Daubermont,  leur 
fil,  eagié  de  V  ans,  acquis  par  le  dit  Jehan  Cottrel,  le  premier  jour 
d'aoust,  l'an  mil  III I^  II II''''  et  XII  \ 

Il  résulte  de  ces  pièces  que  Nicolas  naquit  en  148J.  Jusqu'à 
preuve  du  contraire,  cette  date  doit  être  considérée  comme  exacte, 
et  ce  d'autant  plus  qu'il  n'y  a  absolument  pas  de  raison  pour  la 
révoquer  en  doute. 

Suivant  le  témoignage  digne  de  foi  de  M.  le  comte  du  Chastel 

1  J'ai  cru  devoir  souligner  certains  passages  dans  cette  citation,  un  peu  longue, 
mais  indispensable. 

2  Archives  communales  de  Tournai. 

3  Colinet  est  un  diminutif  de  Nicolas. 
*  Mil  quatre  cent  quatre-vingt-douze. 


-  478  — 

de  la  Howarderie  Neuvireuil  *  les  parents  de  Nicolas,  Michel 
d'Aubermont,  seigneur  del  Plancque,  de  la  Dieffle  ou  Defflière  (au 
Mont-Saint- Aubert),  du  Laibray,  etc.,  émandeur  à  Saint-Brice  et 
Jeanne  Cottrel  s'étaient  mariés  vers  1481,  En  conséquence,  leur 
fils  avait  en  1543,  c'est-à-dire  à  l'époque  du  tableau,  55  à  56  ans. 

Il  est  donc  évident  que  l'âge  de  59  ans  indiqué  sur  le  portrait, 
ne  peut  se  rapporter  à  lui. 

Pour  tout  dire,  il  convient  de  signaler  encore,  d'après  le  Car- 
tulaire  des  rentes  précité,  le  poste  que  voici  :  (page  603) 

A  Jehenne  Cottrel,  fille  de  Jehan  Cottrel  l'aîsné,  et  Colinet  Dau- 
bermont  son  filz,  qu'elle  eubt  de  feu  Michiel  Daubermont,  qui  fut 
son  mary,  eagiez,  la  dicte  Jehenne  de  quarante-quatre  ans,  et  ledit 
Colinet  de  quatorze  ans  acquis  par  ledit  Jehan  Cottrel,  ledit  jour 
(le  V g  jour  de  juing,  l'an  mil  V^  et  trois). 

Si  cela  était  exact,  Nicolas  d'Aubermont  n'eût  guère  eu,  en 
1543,  lors  de  la  confection  des  tableaux,  que  54  ans  ;  mais  il  me 
paraît  plus  vraisemblable  que,  dans  cette  dernière  inscription,  les 
âges  de  la  mère  et  du  fils  ont  été  indiqués  d'un  an  inférieurs 
à  la  réalité. 

* 
*    * 

Quant  au  portrait  de  dame,  l'auteur  de  la  notice  qui  fait  l'objet 
de  ces  lignes  y  voit  celui  de  Jeanne  de  Gavre,  uniquement  parce 
que  celle-ci  était  la  femme  du  prétendu  personnage -du  premier 
tableau,  et  estime,  sans  toutefois  nous  dire  pourquoi,  que  l'âge 
de  la  dame  au  tableau,  soit  36  ans  en  1543,  conviendrait  à  mer- 
veille à  la  seconde  femme  de  Nicolas  d'Aubermont.  A  l'égard  de 
cette  dame,  l'auteur  semble  savoir  seulement  qu'elle  avait  été 
veuve  de  Jacques  des  Ablens  et  qu'elle  était  dame  de  Masnuy- 
Saint-Pierre.  Il  ne  cite  même  pas  les  noms  de  ses  parents. 

Ce  ne  fiit  qu'après  la  mort  de  son  frère  Adrien,  qui  vivait 
encore  en  1566,  que  Jeanne  de  Gavre  reçut  la  seigneurie  de 
Masnuy-Saint-Pierre.  Elle  était  fille  de  Pierre  de  Gavre,  écuyer, 
seigneur  dudit  lieu,  et  de  Marguerite  de  Rockeghem,  dame  héri- 
tière de  ce  lieu,  d'Elseghem,  etc. 

D'après  la  généalogie  d'Aubermont,  dressée  très  soigneuse- 

1  Généalogie,  de  la  famille  d\4ubermont  (p.  34),  Tournai,  chez  H.  et  L.  Caster- 
man,  1889. 


I 


—  479  — 

ment  par  le  comte  du  Chastel  de  la  Howarderie  Neuvireuil, 
généalogiste  des  plus  consciencieux,  Jeanne  s'allia  à  d'Aubermont 
en  1539,  étant,  alors,  veuve  en  premières  noces  de  Jacques  des 
Ablens  ou  de  Sablens,  chevalier,  seigneur  du  même  lieu  (à  Grand- 
Metz)  d'Ogimont,  de  la  Rouge-Porte,  de  Familleureux,  etc., 
châtelain  de  Leuze,  etc.  ^ 

Selon  le  même  auteur  ^,  ce  gentilhomme  avait  épousé,  d'abord, 
vers  la  fin  dît  XV^  siècle,  Agnès  de  Saint-Génois,  et  mourut  vers 
IS3S-  S'étant  marié  avant  1500,  il  devait  donc  être,  à  sa  mort, 
savoir  35  ans  après  cette  date,  un  homme  d'une  soixantaine  d'an- 
nées. En  supposant,  un  instant,  que  le  portrait  en  question  soit 
celui  de  Jeanne  de  Gavre,  celle-ci  n'aurait  donc  eu,  au  décès  de  son 
premier  mari,  que  28  ans.  Bien  qu'il  arrive  parfois  qu'un  homme 
âgé  épouse  une  toute  jeune  personne,  des  unions  de  ce  genre 
sont  cependant  des  exceptions.  Ce  qui  n'empêche  pas  l'auteur  de  la 
notice  de  dire  :  (i  L'indication  de  l'âge  36  ans  en  1543  sur  le  por- 
trait de  femme  s'accorde  parfaitement  avec  ces  données,  w 

En  dépit  de  toutes  mes  investigations,  il  m'a  été  impossible  de 
trouver  l'année  de  la  naissance  de  Jeanne  et  la  date  précise  de 
son  premier  mariage.  Elle  trépassa  en  1576. 

Mais  les  portraits  doivent-ils  absolument  représenter  mari  et 
femme?  Leur  origine  incertaine   et  la  grande  différence  d'âge 

1  Comparez  les  registres  de  la  Cour  féodale  de  Brabant,  déposés  aux  archives 
générales  du  royaume  à  Bruxelles,  à  savoir  :  Keg.  «°  357,  /o/.  68  :  i  £  oct.  1549,  dame 
Jeanne  àe  Gavere,  en  dernier  lieu  veuve  de  heer  Claes  de  Auherviont^  chevalier, 
seigneur  de  Raimbercourt ,  fait  relever  par  procuration,  passée  à  Tournai,  le  6  du 
même  mois,  pardevant  Jean  Gombault,  seigneur  d'Archimont,  conseiller  de  l'em- 
pereur au  bailliage  de  Tournai  et  du  Tournaisis  et  garde-sceaux  de  la  ville  de  Tour- 
nai et  deux  tabellions,  par  suite  du  trépas  de  feu  sire  {heer)  Jacques  de  Sablens,  son 
premier  mari,  la  seigneurie  de  Familleureux,  à  titre  d'usufruitière.  Jossine  de  Pont- 
strate,  femme  de  Jean  de  Courteville,  seigneur  de  la  Bussière,  etc.,  héritière  de  feu 
Jacques,  chevalier,  seigneur  de  Sablens,  son  parent  (jieve),  est  nu-propriétaire  du  fief. 

Reg^.  «o  1-^6,  fol.  325  :  9  juillet  1552.  Procès  au  sujet  de  Familleureux  entre 
Jeanne  de  Gavere  et  lesdits  époux  de  Courteville  d'une  part,  et  Guillaume  Rifflair, 
seigneur  de  Rozées,  au  nom  de  damoiselle  Jehanne  de  Baillencourt,  sa  femme, 
d'autre  part.  Ce  dernier  réclame  l'usufruit  du  fief  pour  sa  femme  du  chef  du  seigneur 
d'Ittrc,  père  de  celle-ci. 

Re^.  «o  2i,  fol.  19  :  24  mars  1508.  Jacques  Desahlens,  Do^imont,  investi  de  Famil- 
leureux, par  transport  de  Jacques  d'Ittre.  Ibid.,  14  mai  1549.  Par  le  trépas  de  feu 
Jacques  Diltre,  son  grand  père,  et  par  le  trépas  de  feu  Damoiselle  Anne  Dittrc,  sa 
mère,  Damoiselle  Jehanne  de  Baillencourt  est  investie  de  Familleureux. 

2  Notices  généalogiques  Tournaisiennes,  I,  p.  25. 


-   48o  - 

entre  Thomme  (59   ans)  et  la  dame  (36  ans)  n'excluent  pas  la 
possibilité  que  Ton  se  trouve  en  présence  du  père  et  de  la  fille. 

A  en  croire  le  travail  que  nous  analysons,  les  deux  peintures 
auraient  été  placées  dans  la  maison  susmentionnée  après  le 
4  novembre  1604.  Sur  quoi  l'auteur  base-t-il  cette  assertion?  Ne 
pourraient-elles  pas  avoir  existé  dans  cette  demeure,  —  peut- 
être  dans  d'autres  cadres  —  auparavant  déjà  ?  Charles  d'Auber- 
mont,  on  Ta  vu,  acheta,  à  cette  date,  ledi  timmeuble  à  son  beau- 
frère,  Paul  de  Preys.  Pourquoi  donc  ne  pas  conjecturer  que  les 
tableaux  proviennent  de  la  famille  de  Preys,  et  que  le  vendeur  de 
l'habitation  les  a  cédés,  avec  celle-ci,  au  mari  de  sa  sœur?  Ils 

Quartiers  généalogiques  de  Pierre  d'Aubermont 


Nicolas 
d'Auber- 
mont,  sr 
du  Ques- 
noy,  del 
Planque, 
de  Ribau- 

court  ; 
remarié  en 
secondes 
noces  à 
Jeanne  de 
Gavre. 


Marie 

Henne- 

ron. 


Jacques 
Despars, 
chevalier, 

S'  des 

Rosières, 

écoutète 

de  Bruges 

et  du 

Franc,  dit 

le  Père  de 

la  patrie. 


Barbe  de 

Landas, 

fille  de 

Guillaume 


Jean  de 
Freys,  sr 

Anne  de 

Jean 

A  nastas 

la  Tré- 

Savary, 

Cot...' 

d'Esclai- 

mouille. 

seigneur 

née  en  U\f 

bes,  con- 

de War- 

morte  ào 

seiller  et 

coing . 

Tu  ma  ' 

avocat 

efl  1557. 

fiscal  à 

Tournai. 

Antoine  d'Aubermont, 
né  en  1523,  seigneur 
du  Laibray,  del  Planque, 
de  la  Defflière,  etc. 
(par  relief  du  18  sep- 
tembre 1548). 


Geneviève  Despars, 
mariée  en  1501. 


Denis  de  Preys, 

seigneur  de 

Froyennes,  etc., 

grand  prévôt    de 

Tournai. 


Jeanne  Savary. 


Charles  d'Aubermont,  chevalier,  seigneur 

del  Planque,  de  la  Defflière,  du  Quesnoy,  etc., 

grand  prévôt  de  Tournai,   +  en  1632. 


Barbe  de  Preys,  mariée  en  1596, 
t  en  1654. 


Pierre  d'Aubermont,  chevalier,  seigneur  du  Quesnoy,  etc., 

grand  prévôt  de  Tournai,  chevalier  d'honneur  au   Conseil  souverain 

de  Tournai,  né  à  Pottes,  en  1609,  +  en  1675. 


Jacques  Gaspard  d'Aubermont,  né 
la  Defflière,  du  Quesnoy,  etc.,  mort  en 
Dennetières,  née  en  1660,  morte  en  1691  ; 


1  Ce  tableau  généalogique,  dressé  avec  beaucoup  de  soin,  correspond  parfaite- 
ment avec  les  armoiries  que  l'on  trouve  sur  les  tombes  de  la  famille  d'Aubermont. 
D  établit  les  seize  quartiers  de  Jacques- Gaspard  d'Aubermont  (f  en  1721),  c'est-à- 
dire  ses  tris-aïeux.  A  défaut  de  registres  paroissiaux  de  leur  temps,  je  n'ai  pas  été  en 


—  48i  — 

pourraient  parfaitement  représenter  des  parents  de  Paul  et  de 
Barbe  de  Preys,  femme  de  Charles  d'Aubermont. 

Mais,  en  admettant  réellement  que  les  toiles  aient  été  trans- 
portées dans  la  propriété  en  cause,  après  1604,  et,  dans  ce  cas, 
probablement  près  de  vingt-cinq  ans  plus  tard,  soit  vers  1630, 
—  car  d'après  ce  même  écrivain,  les  cadres  sont  d'environ  un 
siècle  plus  modernes  que  les  peintures  —  et,  en  admettant,  de 

plus,  qu'elles  doivent  représenter  précisément  des  ancêtres on 

doit  se  demander  :  qui  étaient  les  ancêtres,  vivant  en  1543,  de  celui 
qui  était  propriétaire  de  ladite  maison  vers  1630  ?  J'ai  dressé  un 
tableau  généalogique,  qui  constitue  la  réponse  à  cette  question  *. 


ET    DE   RoBERTINE-FrANÇOISE    RiJM,    SA   FEMME. 


Gérard 

Barbe 

Gui  de 

Rijm    sr 

Clays- 

Seclijn, 

d'Eecken- 

sone, 

sr  de  Her- 

iwke.etde 

dame  de 

pelghem, 

Bellem. 

Hundel- 

ten  1558. 

conseiller 

ghem. 

au  Conseil 

le  Fland., 

né  en  1503, 

t  en  1570. 

Jacqueline 

de  Gruu- 

tere, 

Charles 
de  Béer, 
chevalier, 

teni55i. 

seigneur 

de  Meule- 

beke,Len- 

delede, 

etc. 

Jacqueline 

Pont  us 

Madeleine 

de  Gros, 

d'Auber- 

de  Borc- 

mariée 

mont, 

hoven, 
dame  de 

en  7548, 

seigneur 

t  en  1559. 

du  Ques- 

la  Motte, 

noy,  éche- 

manee  en 

vin  de 

1546  {ex 

St  Brice, 

niatre 

teni578. 

Barbe  de 
Gavre). 

François  Rijm  seigneur 

de   Hundelghem, 

Roosdonck,  etc.,  né 

en  1539,  +  en  1617. 


Gertrude  de  Seclijn, 

mariée  en  1571, 

t  en   161 I. 


Jean  de  Béer,  seigneur 

de   Meulebeke, 

bourgmestre  de  Bruges, 

t  en  1608. 


Robertine  d'Auber- 

mont,  mariée  à 
Audenaerde  en  1584. 


Philippe  Rijm,  seigneur  de  Roosdonck,  etc. 
ne  en  1584. 


Madeleine  de  Béer,  mariée  en 
+  en  1628. 


1613, 


Robertine-Françoise  Rijm,  dame  de  Roosdonck,  mariée  en  1632, 
morte  à  Tournai,  en  1701. 


i  1643,  seigneur  del  Planque,  de 

721  ;  marié,  en  1642  ;  à  Marie -Thérèse 

.ont    Robertine-Françoise    d'Aubermont. 


mesure  de  fournir  les  dates  de  naissance  de  la  plupart  de  ces  personnages.  Il  est 
même  probable  que  les  parents  de  l'un  ou  de  l'autre  de  ceux-ci  vivaient  encore 
en    1545.   Notons   encore  que  plus  d'un   de   ceux   qui  figurent  dans  ledit  crayon 


généalogique  a  é.é  marié  à  plusieurs  reprises. 


31 


—  482  — 

On  trouve  dans  les  archives  de  Tournai,  que  Pierre  d*Auber- 
mont  épousa,  le  27  juin  1632,  Robertine-Françoise  Rijm,  dame 
héritière  de  Roosdonck.  Les  tableaux  pourraient  donc  même 
avoir  appartenu  à  la  famille  de  cette  dame,  qui,  coïncidence 
bizarre,  descendait  des  familles  d'Aubermont  et  de  Gavre  *. 

D'après  ce  qui  précède,  j'affirmerai  donc  qu'il  n'est  pas 
prouvé  : 

1°  que  les  portraits  n'aient  été  placés  qu'en  1604,  ^^  posté- 
rieurement, dans  l'habitation  acquise,  en  cette  année,  par  Charles 
d'Aubermont  ; 

2°  que  ces  portraits  représentent  des  ancêtres  dans  la  ligne 
directe  et  paternelle  des  d'Aubermont  ; 

30  qu'ils  représentent  des  ancêtres  de  Charles  d'Aubermont  ; 

4°  que  les  personnages  soient  mari  et  femme,  et,  enfin, 

5°  —  et  c'est  précisément  ce  point  là  qui  a  été  le  moins  établi  — 
que  ces  personnages  soient  Nicolas  d'Aubermont  et  sa  seconde 
femme,  Jeanne  de  Gavre. 

On  n'était  donc  pas  fondé  de  placer,  sous  le  portrait  qui 
accompagne  la  notice  de  M.  Cloquet,  le  nom  de  Jeanne  de 
Gavre  î 

Tout  au  plus  pourrait-on  admettre,  —  et  ce  serait-là  une  bien 
large  concession  à  faire,  —  qu'en  l'état  de  la  question,  l'hypo- 
thèse que  les  tableaux  constituent  les  effigies  de  ces  époux,  ne 
doit  pas  encore  être  définitivement  écartée. 

Néanmoins,  M.  le  baron  de  Rasse,  président  du  Conseil  héraldi- 
que, a  délivré,  le  24  février  1888,  une  déclaration  certifiant  «  que 
les  deux  portraits  d'Holbein  que  possède  M.  le  général  de 
Formanoir,  étaient  autrefois  enchâssés  dans  la  boiserie  d'un  des 
salons  de  la  maison  que  ses  parents  possédaient  en  cette  ville, 
rue  des  Jésuites,  et  qu'ils  tenaient  par  héritage  de  la  dame 
Robertine  d'Aubermont,  épouse  en  premières  noces  de  François- 
Joseph  van  der  Gracht,  baron  de  Courcelles,  et  en  secondes  noces 
de  François  Baudry  de  Roisin,  baron  de  Rongy  :  la  dite  dame 
d'Aubermont  décédée  à  Tournai,  sans  postérité,  le  24  mars  1769, 
et  la  dernière  de  son  nom.  » 

1  Voyez  le  tableau  généalogique,  pp.  480  et  481. 


-483  - 

(i  Ces  tableaux,  »  —  continue  la  déclaration  —  «  que  le  général 
de  Formanoir  a  fait  détacher,  il  y  a  quelques  années,  de  la  boi- 
serie où  ils  étaient  fixés,  doivent  donc  représenter  des  ancêtres  de  la 
famille  d'Anhermont  qui  possédait  cette  maison  depuis  plusieurs 
siècles  *,  et,  vu  la  date  de  1543  inscrite  sur  les  tableaux  en  même 
temps  que  les  âges  des  personnages  représentés,  ces  ancêtres 
ne  peuvent  être,  d'après  les  renseignements  que  j'ai  pu  recueillir, 
que  Nicolas  d'Aubermont,  gentilhomme  de  la  maison  de  Charles- 
Quint  et  premier  maître  d'hôtel  (grand  maître  de  la  maison)  du 
comte  de  Nassau,  prince  d'Orange,  et  Jeanne  de  Gavre,  sa 
seconde  femme,  n 

Tant  que  Ton  n'aura  pas  fourni  les  preuves  à  l'appui  de  ces 
affirmations,  j'hésiterai,  pour  ma  part,  à  adhérer  à  pareille 
déclaration. 

P.-L.  DE  G  AVERE. 
1  Depuis  le  4  novembre  1604. 


HENRI  DE  VARICK  CHLR,VICOTSfTE  DE  BRV^ELLES 
SEIG^  DE  BOONE^TDAÉL.  BAVWXE.  ET  OLMETST.  DV 
CON5EIL  DE  GVERRE  MARCGRAVE   D'ANVERS. 


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HENRI  DE  VARICK 

vicomte  de  Bruxelles. 


e  portrait,  œuvre  d'un  des  deux  Pierre  de  Jode,  que 
nous  avons  Thonneur  de  présenter  au  lecteur,  est  celui 
d'un  homme  qui  a  joué  un  certain  rôle  *. 

Né  dans  la  seconde  moitié  du  xvi^  siècle,  fils  de  Gossuin,  qui 
fut  tué  par  les  Espagnols,  au  pillage  d'Anvers,  le  4  novem- 
bre 1576,  Henri  de  Varick  avait  choisi  la  carrière  militaire. 
Capitaine  de  300  fantassins  haut-allemands,  au  régiment  du  comte 
Biglia,  il  épousa,  en  1599,  Anne  Damant,  fille  aînée  de  Nicolas, 
chancelier  de  Brabant,  conseiller  d'Etat  et  garde-sceau  de  Son 
Altesse,  qui,  en  1606,  acquit,  moyennant  17,500  florins,  de 
Maximilien,  comte  de  Boussu,  vicomte  de  Bruxelles  et  de  Lom- 
beek,  baron  de  Liedekerke  et  de  Denderleeuw,  la  châtellenie  ou 
vicomte  de  Bruxelles. 

Quittant  les  armes  pour  la  toge,  le  capitaine  de  Varick  obtint, 
le  22  novembre  1599,  des  archiducs,  sa  nomination  d'écoutète  de 

1  Le  cliché  nous  en  a  été  prêté,  très  obligeamment,  par  la  Rédaction  du  Messager 
des  Sciences  historiques  de  Belgiqiie  ;  qu'elle  en  reçoive  nos  vifs  remerciements.  Il  a  été 
exécuté  d'après  la  gravure  originale, en  possession  de  notre  honorable  vice-président, 
M.  G.  Cumont. 

Pour  plus  de  détails  et  l'indication  des  archives  où  ont  été  puisés  les  renseigne- 
ments concernant  Henri  de  Varick,  nous  renvoyons  à  notre  notice,  intitulée 
Épisodes  inédits  de  la  Chronique  bruxelloise. 


—  486  — 

la  ville  d'Anvers  et  de  margrave  du  pays  de  Ryen,  un  des 
quartiers  du  marquisat.  Ses  lettres-patentes  rendent  justice  à  sa 
science  et  à  son  expérience  en  matière  judiciaire. 

Après  la  mort  de  son  beau-père,  il  reçut  la  vicomte  de 
Bruxelles  (1616).  Il  ne  dut  pas  en  jouir  en  tranquillité,  car  le 
comte  de  Boussu  réclama  l'annulation  du  contrat  de  vente 
intervenu  entre  lui  et  le  défunt.  Le  procès  qui  s'ensuivit  dura 
plusieurs  années.  Il  se  termina  par  un  accord  :  Varick  consentit 
à  réduire  à  100  florins  une  rente  de  250  florins  que  lui  devait  son 
adversaire  et  qui  était  hypothéquée  sur  la  maison  de  celui-ci, 
sise,  à  Bruxelles,  près  de  la  chapelle  Saint-Éloi.  Moyennant  cette 
concession,  Boussu  renonça  à  tous  ses  droits  et  délivra  les  docu- 
ments relatifs  au  fief  en  litige  (1619). 

Varick  était  membre  du  Conseil  de  guerre.  Du  chef  de  sa 
emme,  il  possédait  aussi  les  seigneuries  de  Boendael,  de  Bouwel 
et  d'Olmen. 

En  sa  qualité  d'écoutète,  il  avait  à  fournir  à  ceux  de  la  Chambre 
des  comptes,  annuellement,  à  Tapproche  du  carême,  une  rede- 
vance de  harengs.  Lorsqu'en  1626,  en  suite  d'une  disette  de  ce 
poisson,  il  n'avait  pu  s'exécuter,  la  Chambre  lui  dépêcha  express 
sur  express,  pour  réclamer  son  ancien  et  immémorial  émolument  de 
harancxy  ou  bien...  son  équivalent  en  espèces. 

Enfin,  le  3  mars,  arrive  à  Bruxelles  un  envoi,  accompagné  de 
la  missive  originale  que  voici  : 

Messieurs, 

Comme  je  n'ay  sceu  recouvrer  viande  de  caresme  salée,  je  vous  envoyé 
celle  qui  est  sucrée,  à  sçavoir  trente  pains  de  sucre,  vous  priant  les  vou- 
loir prendre  de  bonne  part,  comme  de  celui  qui  se  dict,  messieurs,  Vostre 
serviteur  très  humble, 

Henri  de  Varicq. 

Tout  porte  à  croire  que  la  substitution  dont  parle  cette  lettre 
fut  agréée  par  le  collège. 

Outre  la  série  complète  de  ses  comptes  ordinaires,  les  Archives 
générales  du  royaume  conservent  de  Henri  de  Varick,  du  22 
mai  161 1  au  6  décembre  1628,  six  comptes  des  exploits  et  con- 
fiscations, provenant  de  personnes  stispectes  ou  convaincues  d*  hérésie. 


-  48?  - 

Ce  personnage  survécut  à  sa  femme,  décédée  en  1630,  jus- 
qu'au 5  octobre  1641  ;  il  fut  enterré,  auprès  d'elle,  en  l'église  des 
Dominicains,  à  Anvers,  sous  une  belle  tombe  qui  a  été  repro- 
duite par  le  baron  Jacques  le  Roy,  dans  sa  Notitia  Marchmiatus 
S.  R.  L 

Déjà  en  1628,  il  avait  résigné  à  son  fils  Nicolas,  marié 
(depuis  1623)  à  Anne-Marie  Micault,  la  vicomte  de  Bruxelles, 
ainsi  que  ses  fonctions  d'écoutète  d'Anvers  et  de  margrave  du 
pays  de  Ryen.  Nicolas  avait  été  investi  de  la  place  de  son  père, 
par  lettres-patentes  du  22  mars  de  cette  année. 

Les  Varick  sont  d'origine  gueldroise  ;  ils  ont  pris  le  nom  de  la 
localité  de  Varick^  Sincïennement  l^auderick,  Valderîck,  etc. 

Leurs  armes  sont  :  d'argent  à  trois  têtes  de  lion  de  gueules, 
lampassées  et  couronnées  d'azur;  cimier:  une  tête  de  lion  cou- 
ronnée, de  l'écu,  entre  deux  plumes  d'autruche.  Henri  faisait 
supporter  son  blason  par  deux  griffons,  tenant  chacun  une  ban- 
nière. 

J.-Th.  de  Raadt. 


LA   BALLADE 

ET    SES    DÉRIVÉS 

CHANT   ROYAL,    CHANSON   ROYALE,   SERVENTOIS, 
PASTOURELLE   ET   SOTTE-CHANSON 

^Oo& 


I 


Origines  de  la  Ballade. 


la  naissance  des  civilisations,  le  vers  ou  parole  rhythmée, 
la  musique,  la  danse  ont  été  trois  collaborateurs  à  peu 
près  inséparables.  Ce  qui  est  naturel  aux  enfants,  aux 
naïfs  villageois  de  nombreuses  contrées  :  danser  aux  chansons,  se 
rencontre  même  encore  dans  les  usages  publics  de  certaines 
villes.  Je  n'en  veux  pour  preuve  que  le  cramignon  liégeois,  trop 
connu  pour  qu'il  soit  utile  d'y  insister. 

Les  Grecs  avaient  fait  des  vers  chantés  et  dansés  la  plus  noble 
de  leurs  institutions  artistiques  :  Vode,  divisée  en  strophe,  anti- 
strophe et  épode,  n'était  autre  chose  qu'une  ronde  en  trois  couplets, 


-  489  - 

danse  très  grave,  très  solennelle  (exceptons  le  dithyrambe)  mais 
danse,  et  même  ronde,  puisque  la  base  de  sa  chorégraphie  était 
le  déplacement  circulaire. 

Qu'ils  obéissent  à  un  sentiment  religieux,  belliqueux  ou  simple- 
ment joyeux,  les  peuples  jeunes  ont  toujours  affectionné  ce  mode 
de  manifestation,  et  leurs  poètes,  rhapsodes,  bardes,  etc.,  n'ont 
cru  pouvoir  mieux  faire  que  d'employer  leur  talent  au  service  de 
ce  goût  populaire. 

Flavius  Vopisciis  ^,  biographe  latin  du  iii^  siècle,  parle  en  ses 
œuvres  de  ballisiea  :  chansons  qu'on  chantait  en  dansant.  Le 
verbe  latin  hallare  et  le  verbe  grec  ^clWîc^ziv  nous  donnent  ample- 
ment Tétymologie  du  mot. 

Une  chanson  dansée  se  divise  naturellement  en  couplets  ;  le 
refrain  s'impose  presque  nécessairement,  afin  de  permettre  à  tous 
de  chanter,  à  certains  moments,  en  le  reprenant  en  chœur.  Donc, 
jusqu'ici,  la  Ballade  française  aurait  fort  bien  pu  naître  en  n'im- 
porte quel  endroit  de  la  France,  et  même  en  plusieurs  endroits  à 
la  fois.  Mais  un  examen  très  superficiel'nous  arrête  immédiate- 
ment sur  quelques  points  importants  qui  assignent  à  toutes  nos 
Ballades  une  origine  commune,  une  genèse  dont  il  est  intéressant 
pour  l'archéologue  de  déterminer  le  lieu  et  l'époque. 

Que  les  Ballades  soient  formées  de  strophes  égales,  rien  de  plus 
naturel,  puisque  ces  strophes  sont  les  couplets  égaux  de  notre 
ronde  ;  mais  que  ces  strophes  soient  écrites  sur  des  rimes  pareilles, 
pareillement  ordonnées,  voilà  qui  attire  sérieusement  notre  atten- 
tion. Enfin,  qu^est-ce  que  cet  Envoi  que  nous  trouvons  à  la  fin  de 
la  Ballade  ? 

Ainsi  qu'on  le  voit,  nous  nous  écartons  un  peu  de  la  simple 
ronde  dont  il  s'agissait  tantôt.  Si  celle-ci  a  été  le  point  de  départ 
de  la  Ballade,  si  le  nom  de  chanson  dansée  est  resté,  à  coup  sûr 
nous  sommes  en  présence  d'autre  chose,  d'une  dérivée,  peut-être 
éloignée  déjà  de  son  origine.  L'étymologie  ne  suffit  plus  à  la  défi- 
nir. De  même,  les  mots  :  chant  du  houe  ne  nous  donnent  pas  la 
définition  de  la  tragédie. 

Ici  donc  commence  l'investigation. 

Une  vieille  habitude  nous  conduira  en  Italie.  Cette  dispensa- 

1  Je  distingue  par  des  italiques  les  noms  d'auteurs,  la  première  fois  qu'ils  se 
présentent  dans  le  cours  de  ce  travail. 


—  490  — 

trice  des  arts,  à  qui  nous  avons  attribué  presque  tous  les  nôtres, 
nous  aura  probablement  dotés  de  la  Ballade,  parmi  tant  d'autres 
dons  qu'elle  nous  a  si  généreusement  faits? 

Dans  cette  voie  on  s'aperçoit  vite  qu'on  fait  fausse  route.  On  a 
pris  une  peine  qu'on  se  serait  peut-être  épargnée  en  méditant  la 
forme  même  du  mot  Ballade, 

Nous  en  serons  quittes  pour  revenir  sur  nos  pas,  quand  nous 
aurons  constaté  que  la  Ballata  italienne  n'est  pas  plus  ancienne 
que  la  Ballade  française. 

Il  faut  donc  renoncer  à  tout  raccord  avec  une  origine  classique 
(dans  le  sens  que  la  convention  attribue  à  ce  mot). 

Or,  si  à  la  même  époque,  l'Italie  n'est  pas  plus  avancée  que 
nous  dans  le  genre  qui  nous  occupe,  il  semble  assez  logique  de 
chercher  le  point  de  départ  entre  elle  et  nous. 

Effectivement,  entre  les  poètes  itahens  et  ceux  de  notre  langue 
d'oil,  c'est  chez  les  troubadours  de  la  langue  d'oc  que  nous  trou- 
verons la  solution  du  problème. 

Je  m'appuierai  sur  les  autorités  suivantes  : 

D'abord  Pasquier  qui  dit,  dans  ses  Recherches  de  la  France 
(édition  de  1596)  : 

Quant  aux  poUts  provençaux  et  de  Languedoc,  ils  se  trouvèrent  de  tel  poix  que  les 
italiens f  sobres  admirateurs  d^autruy,  sont  contraincts  de  reconnaître  knir  leur  poésie 
en  foy  et  hommage  d'eux  :  Ainsi  le  trouverei-vous  dans  Aquicola  en  ses  livres  de 
Vamour,  dans  Pierre  Bembe  en  ses  proses,  dans  Speron  Sperone  en  son  traite  des 
lâgues.  Puisqii'ils  le  confessent,  il  faut  les  en  croire. 

Avec  plus  de  précision  Ginguené  vient  à  la  rescousse.  Dans  sa 
Poésie  italienne  nous  lisons  que  : 

Lorsqu'au  xi^  siècle,  plusieurs  seigneurs  français,  appelés  par  le 
roi  de  Castille,  Alphonse  IV,  qui  avait  épousé  une  française 
(Constance,  fille  de  Robert  P^,  duc  de  Bourgogne),  l'eurent  aidé 
à  faire  la  guerre  aux  Maures  et  à  leur  reprendre  Tolède  (25  mai 
1085),  un  grand  nombre  de  Français,  Gascons,  Languedociens, 
Provençaux  s'établirent  en  Espagne.  Les  Arabes,  vaincus  dans 
Tolède,  y  étaient  restés  soumis  à  la  domination  espagnole.  La 
civilisation  des  Maures  eut  une  grande  influence  sur  celle  de  leurs 
vainqueurs,  et  leur  poésie,  en  particulier,  fut  imitée  par  les  gen- 


—  491  — 

tilshommes  de  la  cour  qui  en  rapportèrent  les  formules  en  France. 

Ce  dire  est  confirmé  par  Ticknor  (Histoire  de  la  poésie  espa- 
gnole). 

José  Antonio  Conde,  traducteur  d'une  collection  de  Poésies  orien- 
tales, dit,  dans  la  préface  de  son  manuscrit  : 

Dans  la  versification  des  romances  et  seguidillas  castillanes,  nous  avons  reçu  des 
Arabes  le  type  exact  des  leurs.  Depuis  V enfance  de  notre  poésie,  nous  avons  des  vers 
rimes  confonnes  à  la  mesure  employée  par  les  Arabes  dans  les  temps  antérieurs  à 
P  Islamisme. 

Nombre  de  poèmes  arabes  étaient  composés  de  manière  à  rame- 
ner continuellement  une  même  rime.  Tel  le  célèbre  poème  de 
Schan/ara,  intitulé  Lamiyyat  alarab,  dont  la  rime  est  un  lam.  Ce 
Schanfara  vivait  un  peu  avant  Mahomet. 

Tantarani,  poète  arabe  du  v^  siècle,  emploie  la  double  rime, 
ainsi  que  nous  le  fait  connaître  Dauletescha  Samarkandi.  Cette 
double  rime  se  retrouve  de  diverses  manières,  beaucoup  plus 
tard,  chez  les  poètes  romans. 

Dans  le  recueil  intitulé  Kitab  Alagani,  Hassan,  fils  de  Thahet, 
qui  fut  Tami  de  Mahomet,  rapporte  : 

Nabega  demanda  au  roi  Noman  la  permission  de  lui  chanter  son 
poème  dont  la  rime  est  en  ba. 

On  appelle  Rewi  cette  lettre  qui  joue  le  principal  rôle  dans  la 
rime  d'un  poème  arabe.  Il  peut  entrer  jusqu'à  six  lettres  dans  la 
rime,  et  chacune  de  ces  lettres  a  son  nom  spécial. 

J'emprunte  le  fond  de  ce  qui  précède  à  la  Chrestomathie  arabe  de 
Silvestre  de  Sac  y. 

Fermons  cette  parenthèse,  et  revenons  à  la  Ballade. 

C'est  Angelo  de  Gubernatis  qui  va  nous  faire  rentrer  dans  notre 
sujet  : 

En  son  important  ouvrage  :  Storia  imiversale  délia  Letteratura, 
nous  lisons  —  et  je  traduis  aussi  littéralement  que  possible  : 

u  II  est  d'usage  dans  l'arabe  vulgaire,  d'accompagner  les  vers 
«  par  la  musique,  et  parfois  par  la  danse.  Les  érudits  ont  donné 
«  le  nom  de  Zegel  à  ces  Ballades.  » 

Et  ailleurs  : 

(i  Le  caractère  original  des  anciennes  romances  et  Ballades  me 
«  semble  démontrer  trop  évidemment  que,  si  la  poésie  espagnole 


—  492  — 

u  emprunte,  plus  tard,  quelque  ornement  de  la  Provence,  elle 
a  se  développa,  à  l'origine,  sur  le  sol  de  TEspagne,  par  une  végé- 
«  tation  native  et  puissante,  à  laquelle  le  long  séjour  des  arabes, 
«  qui  cultivèrent  leur  poésie  dans  les  cours  mauresques,  a  admi- 
«  rablement  contribué,  w 

Les  Divans  arabes  avaient  beaucoup  d'analogie  avec  nos  cours 
d* amour.  Je  reviendrai  sur  ces  mots. 

Les  pièces  arabes  galantes  finissaient  par  une  apostrophe  que 
le  poète  s*adressait,  le  plus  souvent,  à  lui-même.  C'est  là  une 
origine  de  V Envoi  de  nos  Ballades. 

Voici  maintenant  une  note  que  je  dois  à  l'obligeance  du  Père 
Henri  Lammens y  orientaliste  érudit  : 

Il  existe  en  arabe  plusieurs  variétés  de  Ballades.  Le  Zajal  ^  et  le  Mowachcha  ont 
surtout  des  rapports  frappants  avec  la  Ballade  romane .  Il  me  semble  important  de 
faire  remarquer  que  ce  genre  est  d'origine  Andalouse  ^.  C'est  à  leurs  coreligionnaires 
d'Espagne  que  les  Arabes  orientaux  Vont  emprunté. 

Ibn  Khaldoum,  dans  ses  Prolégomènes,  parle  du  Zajal,  et  en  donne  des 
exemples  :  Le  Za] al  proprement  dit  se  compose  de  couplets  ou  de  stances  régulières  ; 
la  rime  du  dernier  vers  de  la  première  stance  se  répète  à  la  fin  de  chaque  stance.  Le 
Père  Checko  S.  J.,  dans  son  Cours  de  littérature  arabe,  en  cite  un  exemple 
emprunté  aux  nomades  des  déserts  de  Syrie. 

Le  Mowachcha,  toujours  destiné  à  être  chanté^  débute  par  deux  vers  qui  sont 
comme  V Envoi  et  dont  les  hémistiches  doivent  rimer  ensemble.  Leurs  stances  sont 
de  5  vers  :  Les  3  premiers  riment  ensemble  (leurs  hémistiches  également  ^J  et  les 
2  derniers  sont  sur  la  même  rime  que  V Envoi. 

Voilà  Vidée  générale  ;  car  ici  encore  on  compte  de  nombreuses  variétés.  Ainsi  le 
célèbre  Safi  ad-Din  al-Hilli,  qui  vivait  sous  les  derniers  princes  ayoubites,  a  des 
Mowachcha  de  3  stances  à  3  vers  :  Le  premier  vers  de  chaque  stance  rime  avec  le 
premier  vers  de  la  pièce  ;  la  dernière  stance  a  un  vers  surnuméraire  sur  la  même 
rime  que  le  premier  vers.  De  plus,  il  y  a  des  répétitions  de  mots  à  des  endroits  déter- 
minés, etc. 

Ces  genres  sont  très  connus  en  Egypte.  Le  Liban  les  connaît  aussi  —  moins  la 
polissonnerie  de  la  muse  égyptienne.  Le  Divax  du  curé  Nicolas  en  renferme  de 
nombreux  exemples. 

^  Le  peuple  prononce  Zegel. 

2  On  sait  que  les  Arabes  étendaient  le  nom  dAndalousie  à  V  Espagne  entière.  La  Ballade 
yflorissait  déjà  dès  le  IW  siècle  de  V  Hégire. 

3  Comme  on  le  verra  plus  loin,  la  rime  à  l'hémistiche  constitue  notre  Ballade 
halladant. 


—  493  — 

Le  Père  Lammens  afBrme  donc  que  les  Arabes  ont  trouvé  en 
Espagne  la  formule  de  la  Ballade.  Au  contraire,  Ginguené, 
Ticknor,  Conde,  Angelo  de  Gubernatis  font  de  la  Ballade  espa- 
gnole une  importation  arabe.  Je  n'ai  pas  qualité  pour  trancher 
cette  question  ;  mais,  s'il  me  fallait  choisir  entre  les  deux  opinions, 
j'adopterais  celle  du  Père  Lammens  qui,  au  lieu  d'assertions 
vagues  et  sans  preuves,  nous  fournit  les  détails  les  plus  circons- 
tanciés sur  le  Zajal  et  le  Mowaclicha,  Le  savant  religieux  dit 
aussi  :  «  Dans  les  Prairies  d'or  de  Masoudi,  //  ny  a  pas  de  spéci- 
((  mens  du  Zajal  que  l^Orient  ne  connaissait  pas  encore,  »  Or 
Masoudi  mourut  en  346  de  l'Hégire. 

Au  surplus,  que  les  Arabes  aient  tiré  la  Ballade  de  leur  propre 
fonds,  ou  qu'ils  en  aient  trouvé  Tinspiration  dans  les  poèmes 
frustes  et  primitifs  de  l'Andalousie,  cela  n'a  pas  pour  la  Ballade 
française  une  très  grande  importance.  Contentons-nous  d'acter, 
dans  cette  origine,  la  collaboration  des  éléments  mauresque  et 
espagnol. 

Je  disais  tantôt  que  ces  formes  ont  été  importées  en  Italie  par 
les  provençaux.  Reprenons  Angelo  de  Gubernatis  qui,  en  sa 
quahté  d'italien,  ne  peut  être  soupçonné  de  partialité  en  faveur 
des  troubadours  languedociens  : 

«  A  la  cour  des  Suèves,  dit-il,  il  était  de  mode  d'écrire  en 
«  langue  provençale,  et  les  premiers  poètes  d'Italie  composèrent 
«  dans  cette  langue. 

«  Aux  cours  italiennes  du  marquis  de  Montferrat  et  du  marquis 
u  Albert  Malaspina  —  qui  lui-même  composa  couplets  et  sir  ventes 
u  —  on  poétisait  en  provençal  w . 

On  peut  même  affirmer  que  l'influence  de  la  poésie  provençale 
se  fit  sentir  jusqu'en  Allemagne  :  Wolfram  d'Eschenbach,  auteur 
du  premier  Par5//«/ ^,  cite  comme  un  de  ses  modèles  Riot  le  pro- 
vençal. (1125). 

Donc,  place  à  la  Provence  qui  nous  apporte  sa  Balada  en  trois 
couplets  avec  Rejrain,  pareille  à  la  Balata  Castillane. 

1  Le  Parsifal  des  Allemands  est  le  même  personnage  que  Percevaî  le  Gallois  de 
Chrestien  de  Troyes, 


II 


Les  Règles  de  la  Ballade. 


Mm}  semble  que  rien  ne  doive  être  plus  aisé  que  de  connaître  les 
règles  de  la  Ballade,  du  Chant  royal.  On  pourrait,  par  exemple, 
prendre  le  Dictionnaire  de  l* Académie.  J*ouvre  Tédition  de  1798,  et 
JV  lis  : 

Ballade  :  Espèce  à' ancienne  poésie  française  composée  de  couplets  faits  sur  les 
mêmes  rimes  et  qui  finissent  tous  par  le  même  vers.  On  appelle  le  Refrain  de  la  Ballade 
le  vers  intercalaire  qui  revient  à  la  fin  de  chaque  couplet. 

Il  serait  difficile  d'écrire  une  ballade  sur  des  indications 
pareilles.  Passons  au  Chant  Royal  : 

Chant  Royal  :  On  appelait  ainsi  autrefois  une  sorte  de  poème  de  six  strophes  d'onie 
vers  chacune,  et  où  P onzième  vers  de  la  première  strophe  était  répété  à  la  fin  de  toutes 
les  autres. 

Ici  il  y  a  progrès  :  Non  seulement  la  définition  est  insuffisante  ; 
elle  est  encore  absolument  fausse. 

Littré  et  Larousse  ne  nous  éclairent  pas  davantage.  Ne  nous  y 
arrêtons  pas. 

Mais,  un  dictionnaire  n'étant  pas  un  traité,  je  cherche  un 
ouvrage  qui  m'enseigne  ex  prqfesso  les  règles  de  la  Ballade,  du 
Chant  Royal, 


r 


—  495  — 

Tout  le  monde  me  dira  :  prenez  le  Petit  traité  de  Poésie  fran- 
çaise de  Théodore  de  Banville  *. 

En  effet,  Théodore  de  Banville  donne  des  règles  de  la  Ballade 
et  du  Chant  Royal,  mais  tout  à  fait  à  sa  manière  et  sans  appeler, 
en  aucune  façon,  l'attention  du  lecteur  sur  le  rapport  si  intime  qui 
existe  entre  ces  deux  formes  de  poème. 

Pour  lui,  la  Ballade  doit  7iécessairement  se  composer  de  3  dizains 
ou  de  3  hiùtainSj  avec  un  Envoi  de  5  vers  dans  le  premier  cas,  de 
4  vers  dans  le  second. 

D*après  les  définitions  très  détaillées  qu'il  donne  du  dizain  et  du 
huitain,  le  dizain,  pour  avoir  droit  à  ce  nom,  doit  être  écrit  en 
vers  de  dix  syllabes  :  quant  au  huitain,  il  sera  composé  de  vers 
ociosyllahiques . 

Or,  Clément  Marot  intitule  :  huitains  —  entre  autres  le  Huitain 
fait  à  Ferrare  —  des  poèmes  de  huit  vers  de  dix  syllabes.  Par 
contre,  son  dizain  :  Une  Dame  du  temps  passée  est  en  vers  de  huit 
syllabes  ^. 

Donc  le  huitain  traditionnel  n'est  pas  nécessairement  ce  que 
dit  Théodore  de  Banville.  Il  peut  être  écrit  en  vers  héroïques 
ou  de  dix  syllabes,  tandis  que  le  dizain  peut  être  en  octosylla- 
biques. 

Certes  l'auteur  du  Petit  Traité  n'a  pu  ignorer  l'existence  des 
centaines  de  Ballades  non  conformes  aux  lois  qu'il  promulgue.  A- 
t-il  choisi  ses  deux  types  comme  seuls  dignes  de  perpétuer  les 
règles  du  genre  ?  —  Qu'on  me  permette,  alors,  de  trouver  sa  déci- 
sion bien  arbitraire.  De  tous  les  anciens  poètes  français,  il  n'en 
est  pas  un  seid  sur  l'autorité  duquel  il  puisse  s'appuyer.  Aucun, 
en  effet,  ne  s'est  confiné  dans  la  chartre  que  prétend  imposer  l'au- 
teur des  Contes  féeriques. 

Les  règles  de  Théodore  de  Banville  naissent  au  dix-neuvième 
siècle,  à  qui  il  n'appartient  pas  d'apprendre  au  moyen  âge  à  faire 
des  Ballades. 


1  Cette  communication  a  été  annoncée  au  mois  de  février.  Rien  ne  présageait 
alors  la  mort  prochaine  de  Théodore  de  Banville,  l'élégant  fantaisiste  que  viennent 
de  perdre  les  lettres  françaises. 

2  De  môme,  François  /«r,  fait  en  vers  héroïques  son  Huictain  cVun  pleur,  et  Meîlin 
de  Saint  Gelais  la  strophe  :  Amour  me  fit  y  auquel  je  suis  tenu,  à  laquelle  il  donne  le  titre 
de  huitain. 


—  496  — 

Non,  Térudition  du  poète  des  Odes  Jiinambiilesqvies  n'est  pas  en 
défaut  —  il  n'est  même  pas  permis  de  le  supposer  —  seulement,  il 
cède  à  ce  besoin  de  dogmatiser  qui  s'empare  fréquemment  de  cer- 
tains maîtres,  et  qu'on  pourrait  appeler  la  manie  didactique.  Le  • 
plaisir  qu'il  éprouve  à  créer  des  lois,  lui  fait  oublier,  parmi  celles 
qui  existaient,  la  plus  importante  de  toutes  :  Théodore  de  Banville 
ne  parle  pas  du  Refrain  de  la  Ballade.  Ce  mot  :  Refrain  ti  l'idée 
qu'il  représente  sont  absolument  passés  sous  silence. 

Après  l'Académie  française,  Littré,  Larousse,  Théodore  de 
Banville,  ayons  recours  à  Pasquier.  Un  chapitre  de  ses  Recherches 
de  la  France  nous  dit  : 

Le  Chant  Royal  estoii  la  plus  belle  et  digne  pièce  de  toute  cette  nouvelle  poésie,  et  se 
faisoit  rhonneurde  Dieu  ou  de  la  Vierge  Marie,  et  non  seulement  la  plus  digne  mais 
la  plus  pénible  :  D'autant  que  le  fatisie  ayant  j ai  et  un  dixain,  unxain  ou  dou^ain  sur 
son  subiect,  estoit  obligé  en  tous  les  autres  couplets  suivre  la  même  consonnance  de 
rithme,  sous  diverses  paroles  :  Qui  estoit  une  rithme  très  riche...  et  la  conclusion  estoit 
de  cinq  vers,  en  un  Renvoy  qui  se  faisoit  soui  le  nom  d'un  Prince. 

Les  chants  Royaux  estoient  dedie%_  à  l'honneur  et  célébration  des  f estes  les  plus  célé- 
brées, comme  de  la  nativité  de  Nostre  Seigneur,  de  la  Passion,  de  la  Conception  de 
Nostre  Dame,  et  ainsi  des  autres  ;  la  fin  estoit  un  couplet  de  cinq  ou  six  vers  que 
l'on  addressoit  à  un  Prince  duquel  on  n'avoit  fait  aucune  mention  dans  tout  le  dis- 
cours du  Chant.  Chose  qui  peut  apprester  à  penser  à  celui  qui  ne  sçaura  ceste  ancien- 
neté. La  vérité  doncques  est  (quej'ay  apprise  du  vieux  Art  Poétique  français  par  moy 
cy  dessus  allégué)  ^  que  l'on  célébroit  en  plusieurs  endroits  de  la  France  des  leux  Flo- 
raux, où  celui  qui  avoit  rapporté  l'honneur  de  mieux  escrire,  estant  appelle  tantost  Roy, 
tantost  Prince  quand  ilfailloit  renouveller  les  ieux,  donnait  ordinairement  de  ces  chants 
à  faire,  qui  furet  pour  cette  cause  appelé^  royaux,  d^  autant  plus  que  de  toute  leur  poé- 
sie, cestuy  estoit  le  plus  riche  subject  qui  estait  donné  par  le  Roy,  lequel  donnait  aussi 
des  Ballades  à  faire,  qui  estai èl  comme  demy  Chats  Royaux.  Ces  jeunes  fatistes  ayant 
côposé  ce  qui  leur  était  enjainct ,  reblandissoient  à  la  fin  de  leurs  Chants  Royaux  et  Bal- 
lades leur  Prince,  afin  qu' en  l'honorant ,  ils  fussent  aussi  par  lui  gratifie^,  et  lors  il  dis- 
tribuait chapeaux  et  couronnes  de  fieurs  à  uns  et  autres,  selon  le  plus  ou  le  mains  qu^ils 
avaient  bien  faict.  Chase  qui  s'observe  encares  dans  Thalaie,  où  l'an  baille  PEnglantine 
à  celuv  qui  agaigné  le  dessus,  au  second  la  soulcie,  et  quelques  autres  fleurs  par  ardre, 
le  tout  toutefois  d'argent  :  Et  parte  encares  cest  haneste  exercice  le  nom  de  Ieux  Fia  - 
raux  tout  ainsi  qu'anciennement. 

1  II  s'agit  d'un  Art  poétique  de  Thomas  Sihilet  (1548). 


r 


—  497  — 

Les  Chants  Royaux,  Ballades,  Rondeaux  et  Pastorales  commencèrent  d^ avoir  cours 
vers  le  règne  de  Charles  cinquiesme  ^. 

Comme  on  a  pu  le  remarquer,  Pasquier  est  en  contradiction 
avec  lui-même.  D'abord  il  nous  dit  que  l'Envoi,  nommé  par  lui 
Renvoy,  estait  de  cinq  vers  ;  plus  loin  nous  trouvons  que  c  estait  un 
couplet  de  cinq  ou  six  vers. 

Arrêtons-nous  un  moment  à  V Envoi.  Il  a  subi  plusieurs  trans- 
formations :  nous  avons  vu  que  les  Arabes  avaient  coutume  de 
terminer  leurs  poésies  galantes  par  une  apostrophe  qu'ils 
s'adressaient  le  plus  souvent  à  eux-mêmes.  L'Envoi  était  parfois 
chez  eux  une  conclusion  dans  les  joutes  littéraires  auxquelles  ils 
se  provoquaient  devant  les  Divans. 

De  même,  nous  voyons  nos  jongleurs  se  défier,  dans  les  fêtes 
où  chacun  d'eux  terminait  sa  pièce  par  une  strophe  à  l'adresse  de 
celui  qui  présidait  la  cérémonie  ;  ce  qui  ne  tendait  souvent  à  rien 
moins  qu'à  faire  chasser  le  jong  leur  rival,  afin  de  profiter  seul  des 
bénéfices  qu'offi^ait  la  circonstance. 

Mon  intention  n'est  pas  de  m'occuper  des  Jeux  Partis.  Ce  serait 
trop  étendre  mon  sujet. 

Ensuite,  ce  sont  les  Puys  ou  cours  d'amour  qui  donnent  lieu  à 
TEnvoi.  Il  s'adresse  alors  au  Roi  ou  Prince  dont  dépend  la  distri- 
bution des  chapeaux  et  couronnes.  Ce  Roi  ou  Prince,  comme  nous 
l'a  appris  Pasquier,  était,  tout  simplement,  un  triomphateur  des 
concours  précédents.  Les  poètes  décorés  du  titre  de  Roi  le  conser- 
vaient leur  vie  durant,  et  en  signaient  leurs  écrits.  Je  citerai 
comme  exemples  Adenet  le  Roy,  auteur  à'Oger  le  Danois,  et 
Rois  de  Cambray,  auteur  de  la  Vie  de  Saint-Quentin. 

Au  xvi^  siècle,  les  Puys  d'amour  étant  tombés  en  désuétude 
presque  partout,  les  poètes  continuaient  néanmoins  à  faire  leur 
Envoi  dans  la  forme  traditionnelle.  L'un  d'eux,  Pierre  Gringorey 
ennuyé  de  voir  écrire  ce  mot  Prince  qui  ne  se  rapportait  plus  à 
rien,  céda  à  son  goût  pour  le  calembour,  et  employa  les  deux 
monosyllabes  :  Prins  ce,  qu'on  retrouve  dans  tous  ses  Envois. 


1  Charles  V  monta  sur  le  trône  en  1364. 

Ces  formes  de   poésie  sont  beaucoup  plus  anciennes'que  ne  le  pensait  Pasquier, 
car  le  xiiic  siècle  en  fournit  déjà  de  nombreux  spécimens. 

32 


-498  - 

Quant  au  nom  des  Puys  d'amour,  il  est  dû,  d'après  plusieurs 
autorités,  à  la  ville  de  Puys  Notre-Dame ,  où  se  tint,  très  ancien- 
nement, un  florissant  tribunal  littéraire  ^  Hécart,  éditeur  d'un 
recueil  de  Serventois  £t  sottes  ^  chansons  couronnés  à  Valencîennes 
aux  XIII^  et  XIV"^  siècles,  donne  une  autre  étymologie  :  Puy 
viendrait  du  latin  :  Podium  : 

Le  Podium  était,  selon  Vitruve,  un  lieu  élevé  devant  Torchestre  du  théâtre,  où 
se  plaçaient  les  consuls  et  les  empereurs.  C'est  de  là  qu^on  a  donné  le  nom  de  Puy  à 
ces  académies  oii  Ton  jugeait  les  concours,  parce  qu^on  élevait,  dans  ces  occasions,  un 
théâtre  sur  lequel  les  fondateurs  et  les  juges  des  prix  se  plaçaient  pour  la  distribution. 

Ce  qui  ôte  de  sa  valeur  à  l'explication  d'Hécart,  c'est  que  ce 
Puy  d'amour  de  Valenciennes,  qui  en  est  l'occasion,  existait 
—  suivant  la  coutume  d'une  époque  où  le  sacré  se  mêlait  volon- 
tiers au  profane  —  conjointement  avec  une  chapelle  et  une 
confrérie  de  Notre-Dame  au  Puy  ^.  Cela  nous  ramènerait  à  la 
première  étymologie,  la  plus  généralement  admise. 

Avant  d'abandonner  l'Envoi,  constatons  que  les  provençaux  et 
les  italiens  l'adressaient  ordinairement  au  poème  lui-même  : 

Va,  tu  leggiera  e  piana 
Dritta  alla  donna  mia 

dit  Guido  Çavalcantik  sa  Ballade. 

Nos  ménestrels  imitèrent  parfois  cette  manière. 

C'est  dit.  Nous  ne  trouverons  nulle  part  les  règles  de  la  Ballade, 
pas  plus  que  celles  de  ses  congénères  ;  Chant  royal,  Chanson 
royale,  Serventois,  Pastourelle  et  Sotte-chanson.  Et  nous  ne  les 
trouverons  pas  pour  une  excellente  raison  :  c'est  que  chacun  des 
vieux  poètes  les  a  interprétées  à  sa  manière  ;  c'est  que  ces  règles 
n'ont  jamais  eu  une  rigidité  qui  les  rendît  immuables. 


^  Henry  de  Croy  (15 14)  dit,  dans  son  Art  et  Science  de  Rethoricque  :  Champ  royal 
se  recorde  es  Puys  oïl  se  donnent  couronnes  et  chapeaulx  à  ceulx  qui  mieulx  le  sçavent  faire  : 
et  sefaict  à  Refrains,  comme  Balades  ;  mais  il  y  a  cinq  coupîetz  et  renvoy. 

2  Italien  Sotto  :  léger. 

8  La  Vierge  y  était  représentée  à  côté  d'un  puits.  Je  n'ai  pas  recherché  la  légende 
qui  a  donné  lieu  à  cette  image  ;  mais  il  y  en  a  une,  sans  aucun  doute. 


—  499  — 

Pour  connaître  la  Ballade  et  ses  dérivés,  il  n'y  a  qu'un  moyen  : 
étudier  les  auteurs  qui,  aux  différentes  époques,  ont  écrit  en  ces 
genres. 

Sans  doute,  ce  travail  est  assez  long  ;  mais,  une  fois  qu'on  Ta 
fait,  il  devient  possible  de  résumer  brièvement  le  résultat  des 
recherches.  C'est  ce  résultat  seul  que  je  veux  vous  communiquer. 

Mes  poètes  sont,  par  ordre  chronologique  : 

Adam  de  la  Halle,  Jehan  Baillehaus,  Guillaume  de  Mâchant^ 
Eîistache  Deschamps ^  Jehan  Froissarty  Charles  d'Orléans  j  Frayiçois 
Villon,  Jehan  Marot,  Pierre  Gringore,  François  F^  et  Clément 
Marot. 

Et  je  m'en  tiens  là,  parce  que,  arrivée  à  ce  point,  la  Ballade  est 
faite  et  parfaite  :  La  Pléiade  n'y  peut  plus  rien,  non  plus  que 
Jean  de  la  Fontaine  ou  Madame  Des  houillères.  Cette  dernière, 
surtout,  ne  pourrait  que  nous  faire  assister  à  la  décadence  d'un 
genre,  vivace  par  la  bonhomie  de  nos  vieux  Gaulois,  et  que  le 
maniérisme  du  xvii^  siècle  devait  tuer. 


Adam  de  la  Halle  (XII?  siècle). 


Les  manuscrits  du  trouvère  Adam  de  la  Halle,  publiés  par 
E.  de  Coussemaker,  nous  donnent  trente-quatre  chansons,  qui, 
toutes,  sont  des  Ballades,  au  refrain  près  ;  c'est-à-dire  que  les 
rimes  se  répètent,  semblables  et  dans  le  même  ordre,  à  chacune 
des  strophes  d'une  même  chanson.  La  plupart  de  ces  composi- 
tions ont  l'Envoi. 

Une  seule  d'entre  elles,  par  son  refrain,  devient  une  véritable 
Ballade,  mais  sans  Envoi.  Les  strophes,  au  nombre  de  4,  comp- 
tent chacune  7  vers  de  7  syllabes  et  2  vers  libres.  Le  refrain  est 
de  2  vers. 


—  500  — 

X®  Chanson  d'Adam  de  la  Halle  ^ 

DIT  LE   Bossu  d'ArRAS. 


fl-* 


'•  .A,.  1  'MJ 


Li  dous  maus  me  re  -  nou  -  vè  -  le       A  -  vœc  le  prin  -  tans. 


êzï 


"^f^..u.    c.^ 


Doi  iou  bien    es  -  tre  chan  -  tans     Pour    si     jo  -       -  li  -  e    nou 


■  ■  ■  1^  % 


^ 


'/%  I  ■  1 


^*i^^ 


vè  -  le  ;     C'on-ques  mais  nus  pour  SI      bè  -      le,     ne  plus     sa  -  ge 


M  '  "  P  ^  ■  -V 


ne   meil  -  lour,  ne  sen  -  ti  mal  ne  do-lour.  Or       est        en  - 


n  *  '     IV 


tTT 


si,         Que  j'a  -  ten  -  de  -  rai      mer-  chi. 


1  La  notation  est  reproduite  d'après  le  ms.  de  la  Vallière,  no  2736  de  la  Biblio- 
thèque nationale.  M.  le  comte  Maurin  de  Nahuys  estime  que  l'on  se  trouve  en 
présence  d'une  transcription  du  xiv®  siècle,  et  non  de  l'original  du  xme. 


—  50I  — 

Li  dous  maus  me  renouvelé, 

Avœc  le  printans 
Doi  iou  bien  estre  chantans, 
Pour  si  jolie  nouvéle 
Conques  mais  nus  pour  si  bêle. 
Ne  plus  sage  ne  meillour, 
Ne  senti  mal  ne  dolour. 

Or  est  ensi 
due  j'atenderai  merchi. 

Au  dessus  de  me  querele 

Ai  esté  deus  ans. 
Sans  estre  en  dangier  manans 
De  Dame  ou  de  Damoiselle. 
Mais  vair  œil,  blanche  maissele, 
Rians  et  vermeille  en  tour. 
M*ont  cangé  cuer  et  vigour 

Or  est  ensi 
Que  j'atenderai  merchi. 

Cant  grate  kievre  ou  gravele 

Qu'elle  est  mal  gisans  ! 
Si  est-il  d'aucuns  amans 
Tant  joue  on  bien  et  révèle 
Que  d'une  seule  estinchele 
Esprent  en  ardant  amour 
Je  fui  espris  par  tel  tour 

Or  est  ensi 
Que  j'atenderai  merchi. 

Dous  vis,  maintiens  de  puchèle 

Gras  cors  avenans, 
Vers  cui  cuers  durs  caymans 
De  joie  œuvre  et  esquartèle 
Mar  fui  à  le  fontenèle 
Où  je  vous  vi  l'autre  jour  ; 
Car  sans  cuer  fui  au  retour 

Or  est  ensi 
Qjae  j'atenderai  merchi. 


502 


Jehan  Baillehaus  *. 


D'un  manuscrit  publié  par  Hécart,  sous  le  titre  :  Serventois  et 
Sottes-Chansons  couronnés  à  Valendennes  aux  XIII^  et  XIV^  siè- 
cles, j'extrais  une  Sotte-Chanson  de  Jehan  Baillehaus,  la  meil- 
leure; selon  moi,  que  contienne  le  recueil. 

La  Sotte-Chanson  suit  les  règles  du  Chant-Royal,  mais  sans 
refrain.  C'est,  si  Ton  veut,  un  Chant-Royal  composé  sur  un 
sujet  léger  (^50^0; . 

L'Envoi  que  nous  avons  sous  les  yeux,  présente  cette  particu- 
larité, que  ses  vers  ne  riment  pas  entre  eux,  et  ramènent  simple- 
ment les  3  rimes  de  la  strophe. 

SoTE  Canchon  couronnée  au  Puy  de  Valenchiennes. 

Plourez,  amants,  car  vraie  amours  est  morte 
En  chest  païs  jamais  ne  le  verrez  ; 
Anuit  par  nuit,  vint  buskant  à  no  porte 
L'arme  de  11  qu'emportoit  un  mauflfez. 
Mais  tant  me  fist  li  dyables  de  bontez, 
L'arme  mit  jus  tant  qu'elle  ot  trois  oéspris, 
Et  par  ces  oés  iert  li  mous  retenus, 
Che  truis  tirant  en  un  kanebustin 
Où  je  le  mis  en  escrit  hier  matin. 

S'est  bien  raison  ke  chascuns  me  déporte 
Tant  que  dite  vous  soit  li  véritez 
Des  nouvelles  que  je  vous  en  aporte, 
Morte  est  amours  ensi  que  vous  oez, 
Mais  embrief  tant  sachiés  les  raverez, 
Au  départir  li  dyable  dist  Vergilius 
Quand  il  reprist  l'arme  qu'il  ot  mis  jus. 
Et  le  me  mistde  roumant  en  latin 
Si  qu'il  est  chi  escrit  en  parchemin. 

^  Cf.  Dinaux. 


—  503  - 

Accipite  li  englais  ki  ait  torte 
L'une  des  rains  et  se  soit  bien  couvés, 
Celui  quercns  qu'il  soit  de  tele  sorte 
Et  de  trois  oés  couver  li  prières  ; 
Et  s'il  les  keuve  eskiépir  les  verrez 
Dedens  VIII  jours,  et  s'il  y  avoit  plus, 
Ne  pensez  jà  que  li  fruit  soit  perdus 
Naistre  en  convient  amours  en  un  crétin, 
L'eskierpe  au  col  à  loy  de  pèlerin. 

Et  s'ensi  est  que  fortune  li  forte 
Ait  fait  amours  naistre  dou  diestre  lez, 
A  chest  engleske  qui  en  che  le  déporte, 
Je  vous  dirai,  Seigneur  que  vous  ferez, 
Encontre  amours  tout  ensaule  en  yrez 
Si  li  donra  chascuns  deus  croslecus 
Lors  li  verrez  demonstrer  ses  vertus, 
A  le  maison  rasset  ou  au  defrin 
Pour  le  grant  feu  et  le  flair  du  fort  vin. 

Geste  chose  ferment  me  reconforte 

Le  vous  dirai  pourquoi  si  vous  volez, 

Onques  ne  fui  de  passion  escorte 

Si  bien  tenus  es  bras  ne  es  costez 

due  je  ferai  d'amours,  c'est  véritez 

De  quelle  eure  que  soie  revescus, 

Mais  vous  véés  bien  que  je  suis  trestouz  nus, 

Se  diroit  tost  amours  va  ton  chemin 

Car  qui  m'agai  bon  a  parent  ne  cousin. 

Partout  lonctans  ai  esté  triste  et  mus. 
Mais  boine  amours  de  crei  sui  revestus 
Me  fait  canter  pour  Dame  de  haut  lies 
Que  j'enamai  awan  à  Saint-Quentin. 

L'examen  du  même  recueil  de  Hécart  m*a  amené,  à  l'égard 
du  Serventoîs  aux  conclusions  suivantes  : 

C'est,  dans  la  famille  de  la  Ballade,  le  poème  le  plus  irrégu- 
lier. La  plupart  des  serventois  que  j'ai  rencontrés,  étaient  en 
vers  libres.  Au  xiii^  siècle,  ils  n'avaient  pas  de  refrain,  et 
l'Envoi  était  quelquefois  réduit  à  2  vers  : 

Dame,  en  pensant  au  prix  de  vos  viaire. 
Me  vint  chis  diz  en  vous  loant  me  maire. 

Serventois  a  Valenciennes. 


-  504  — 

Dédié  le  plus  ordinairement  à  la  Vierge  Marie  à  Toccasion  de 
Tune  de  ses  fêtes,  le  serventois  tire  son  nom  de  servir.  En  cer- 
tains endroits  de  la  Picardie,  on  dit  encore  couramment  :  servir 
MU  saint  pour  :  assister  aux  cérémonies  par  lesquelles  on  célèbre 
sa  fête  *. 

Eustache  Deschamps,  dans  son  Art  de  Didier,  dit  des  serven- 
tois : 

Ils  sontfatX  de  cinq  couples,  comme  les  chansons  royaulx  et  sont  communément 
de  la  vierge  Marie  sur  la  divinité,  et  n'y  soûlait  point  faire  refrain,  mais  à  présent 
on  les  y  fait  servens  comme  en  une  balade.  Et  pour  ce  que  c'est  ouvrage  qui  se  porte 
au  puis  d'amour,  et  que  nobles  hommes  n'ont  pas  acoustumé  de  ce  faire,  n'en  fai^ 
cy  aucun  autre  exemple. 

En  effet,  si  Ton  excepte  Froissart,  les  œuvres  des  poètes  mar- 
quants ne  nous  fournissent  guère  de  spécimens  de  ce  genre  de 
dictier  qui  emprunte  la  forme  du  sirvente  ^  provençal,  mais  avec 
un  but  très  différent  :  le  sirvente,  loin  d'être  religieux,  avait  le 
plus  souvent,  un  caractère  satirique,  quelquefois  guerrier. 

Les  serventois  étant  ordinairement  de  très  piètre  qualité,  je 
crois  mieux  faire  de  ne  pas  m'en  occuper  davantage  —  à  l'exem- 
ple d'Eustache  Deschamps  —  et  de  transcrire  ici  un  sirvente  du 
troubadour  Elias  Cairels  (vers  1220)  ^  qui  nous  renseignera,  tout 
aussi  bien,  sur  la  forme  usitée  : 

Sirvente  contre  le  Marquis  de  Montferrat. 

Pos  cai  la  foilla  del  guarric 

Farai  un  gai  sonet  novel, 

Que  trametrai  part  Mongibel 

Al  marques  que'l  sobrenom  gic. 
De  Monferrat  e  pren  cel  de  sa  maire, 
Eh  a  laissât  so  que  conquis  son  paire. 
Mal  ressembla  lo  filh  Robert  Guiscart, 
Qu'Antiocha  conques  e  Mongiscart. 

1  Quelquefois,  beaucoup  plus   rarement,  le  serventois  est  amoureux.  Il  se  con- 
•  fond  alors  avec  la  chanson  royale  amoureuse,  comme  en  écrivit  Froissart. 

2  Les  explications  étymologiques  qu'on  peut  donner  du  mot  sirvente  sont  peu 
satisfaisantes.  Je  n'en  reproduirai  aucune. 

8  Edit.  Crapelet. 


—  505  — 

Marques,  los  monges  de  Clunhic 

Volh  que  fasson  de  vos  capdel, 

O  siatz  abbas  de  Cistel  ; 

Pos  lo  cor  avetz  tan  mendie, 
Que  mais  amatz  dos  buous  et  un  araire 
A  Monferrat,  qu*alhors  estr'emperaire  : 
Ben  pot  hom  dir  qu*auc  mais  filh  de  Chaupart 
Nos  mes  en  crotz  à  guisa  de  rainart. 

Gran  gaug  agron  tug  vostr*amic 

Quant  agues  laissada  la  pel 

Dont  foires  la  cap'e'l  mantel  : 

Quar  totz  cuideron  estre  rie 
Cilh  que  per  vos  son  liurat  à  maltraire, 
Q.ui  son  tondut  et  an  paor  del  raire. 
Quascus  aten  socors  de  vostra  part  ; 
Si  noi  venetz,  qui  dol  i-a  si'l  gart. 

Marques,  li  baron  vair'e  pic 

An  contra  cel  trait  un  cairel 

Que  lor  tornara  sul  capel. 

E  de  l'emperador  Enric. 
Vos  die  aitan  que  ben  sembl'al  rei  Daire, 
Qui  SOS  baros  gitet  de  lor  repaire, 
Dont  il  ac  pois  de  morir  gran  reguart  : 
Mas  mantas  vetz  qui  scuida  calfar  s'art, 

Lo  regisme  de  Salonic 
Ses  peireir'e  ses  manganel, 
Progratz  aver  ;  et  mant  castel 
D'autres  qu'ieu  no  mentau  ni  die. 
Per  dieu,  marques,  Rotlan  dis  e  sos  fraire, 
E  Guis  marques  e'n  Rainant  lor  cofraire, 
Flamenc,  Frances,  Bergonhon  e  Lombart 
Van  tug  dizen  que  vos  semblatz  bastart. 

Vostr'  ancessor,  so  au  dir  e  retraire, 
Foron  tug  pros  ;  mas  vos  non  soven  gaire. 
Si*l  revenir  no  prendetz  geinh  et  art, 
Del  vostr'  onor  perdetz  lo  terz  e'I  quart. 


—  5o6  — 
Guillaume  de  Machaut. 

Ménestrel  du  duc  d'Anjou.   (Né  à  la  fin  du  xiii®  siècle.) 

Les  Ballades  de  Guillaume  de  Machaut  ont  3  strophes,  dans 
lesquelles  le  nombre  des  vers  varie  de  6  à  9.  Ce  sont  des 
vers  de  5,  7,  8  ou  10  syllabes.  L'Envoi  n'existe  pas.  Le 
refrain  est  quelquefois  de  2  vers. 

Voici  une  ballade  tirée  du  deuxième  manuscrit  de  Machaut 
que  possède  la  Bibliothèque  nationale,  et  dont  la  publication 
est  due  à  Tardé: 

Onques  mes  cuers  ae  senti 

Se  dure  dolour 
Com  quant  je  me  départi 

De  ma  douce  amour, 
Mais  ce  me  rendit  vigour 

Quelle  vis-à-vis 
Me  dist  par  très  grand  douçour 

Adieu,  dous  amis. 

De  ce  mot  quand  je  l'oy 

La  douce  savour 
Fut  empreinte  et  fit  en  mi 

Mon  cuer  son  séjour. 
Lors  ma  Dame  au  cointe  atour 

Escript  ce  m'est  vis, 
De  sa  belle  bouche  entour  : 

Adieux  dous  amis. 

Si  ne  quiert  autre  mercy 

De  mon  douz  labour  : 
Car  j'ay  cent  joies  en  my 

Pour  une  tristour. 
Quand  la  souveraine  flour 

Dou  monde  et  le  pris 
Vuet  que  je  porte  en  s*onnour  : 

Adieu,  dous  amis. 

Guillaume  de  Machaut  a  écrit  aussi  des  chansons  balladées,  ^ 

*  Chançons  baladées  sont  ainsi  appelîées  pour  ce  que  h  refrain  d'une  haîaie  sert  tous- 


—  507  — 
Eustache  Deschamps  (né  en  1324). 


Eustache  Deschamps  écrivit  1175  Ballades. 

La  plupart  ont  3  strophes  ;  d'autres  en  ont  4  ou  5.  Dans 
ce  cas,   il  les  nomme  parfois  chmiçons  roiaux. 

Le  nombre  de  vers  par  strophe  varie  entre  7  et  15.  Ce 
sont  des  vers  de  7,  8  ou  10  syllabes.  Parfois  un  vers  libre 
se  glisse  dans  le  corps  de  la  strophe  ;  ainsi  dans  la  Ballade  : 
Le  bois  de  Vincennes. 

L'Envoi  manque  très  fréquemment.  Lorsqu'il  existe,  il  est 
de  4  ou  6  vers. 

Dans  la  Ballade  intitulée  :  Amoureuse^  Deschamps  remplace 
le  mot  Envoi  par   ceux-ci  :  Double  chançon  royal  ^ 


Jehan  Froissart  (1333). 

Outre  ses  Ballades  amoureuses,  Froissart  écrivit  des  Pastou- 
relles et  des  chanso'ns  roiaux  amoureuses  ^. 

Les  Ballades  proprement  dites  ont  3  strophes  de  6,  7,  8,  9  ou 
10  vers.  Les  mètres  employés  sont  17,  8  ou  10  syllabes.  L'Envoi 
n'existe  jamais. 

Quelquefois,  dans  les  Ballades  en  vers  de  10  syllabes  ou 
héroïques,  le  5^  vers  est  de  7  syllabes,  quel  que  soit  le  nombre 
de  vers  de  la  strophe. 

fours  par  manière  de  ruhriche  à  la  fin  de  chascune  couple  d^icelle  ;  et  la  chançon  baladée  de 
trois  vers  doubles  a  tousjours,  par  diférence  des  balades,  son  refrain  et  rebriche  au  commence- 
ment, que  aucuns  appellent  du  temps  présent  Virelays.  (Eustache  Deschamps  ;  Art  de 
Dictier.J 

Dans  une  autre  communication,  je  m'occuperai  du  Virelai,  ainsi  que  du  Lai,  du 
Rondeau  et  du   Triolet, 

^  De  nouvelles  recherches  m'ont  amené  à  voir  dans  ce  titre  de  l'Envoi  une  er- 
reur du  copiste.  11  existe  d'Eustache  Deschamps  un  Double  chançon  Royal  de  9  stro- 
phes avec  Envoy  :  sur  la  mutacion  du  ciel  et  de  la  terre.  Il  ne  me  parait  pas  admissible 
que  le  poète  appelle  de  la  même  manière  un  simple  Envoi  et  le  plus  long  Cliant 
Royal  que  j'aie  rencontré. 

2  Édit.  Scheler. 


~  5o8  - 

Exeeptionnellement  le  refrain  est  de  2  vers. 

Voici  une  minuscule  Ballade  :  Les  strophes  n'ont  que  6  vers 
de  7  syllabes.  Une  singularité  de  plus,  c'est  que  les  rimes  sont 
fraternîsées  ou  équivoques  : 

XXVIII®  Ballade  de  Jehan  Froissart. 

Vrés  désirs  qui  m'enlummg  Car  une  amoureuse  espint 

Mine  mon  cœr  trop  [tsufont;  Espine  mon  cœr  âdont, 

Font  dont  ses  rais  un  tel  signe.  Dont  quant  ceste  partchew/w^, 

Si  ne  se  cessent,  ils  m* ont  De  mi  ne  sçai  qu'il  diront. 

Monté  en  un  dur  parti  ;  Wire  ont  mon  cœr  reparti, 

Ensi  l'ai-je  mol  parti.  Ensi  l'ai-je  mslpatii. 

Mes  Espérance  bénigne 

Bénignement  me  semont, 

Se  m^ont  cil  rai  qui  sont  digne 

Di,  ne  sçai  s'il  le  teuront  : 

«  Teut,  ront,  fait  tout  à  parti.  » 

Ensi  l'ai-je  mal  parti. 

Les  Pastourelles  suivent  la  tradition  provençale  et. espagnole. 
Intgo  Lopez  de  Mendoza,  Marquis  de  Santillane  (né  en  1398) 
écrivit  des  pastourelles  dans  une  forme  analogue. 

Froissart  leur  donne  5  strophes  de  11,  12,  14  ou  16  vers 
toujours  octosyllabiques.  L'Envoi  est  de  5  vers.  Le  refrain  est 
observé. 

Les  Chansons  roiaux  amoureuses  ont  5  strophes  de  vers  héroï- 
ques au  nombre  de  10  ou  11.  Elles  sont  sans  refrain  et  l'Envoi 
cohipte  3,  4  ou  5  vers. 


Charles  d'Orléans. 


Il  composa  152  Ballades,  de  3  strophes  pour  la  plupart  —  il  en 
est  de  5  strophes.  Le  nombre  des  vers  par  strophe  varie  de 
7  à  II  :  ils  sont  de  5,  7,  8  ou  10  syllabes.  L'Envoi,  qui  manque 
assez  souvent,  s'étend,  d'autres  fois,  jusqu'à  7  vers  *. 

^  Charles  d'Orléans,  pendant  sa  captivité,  écrivit  une  Ballade  en  anglais. 


—  509  — 

Un  long  poème  du  manuscrit  de  la  Bibliothèque  Nationale 
commence  par  quatre  Ballades  successives,  sans  interruption  de 
sens,  mais  sans  liaison  de  forme.  La  pièce  se  continue  en  rimes 
jumelles  ou  accollées,  puis,  après  quarante-quatre  vers,  elle 
reprend  en  trois  Ballades  successives  —  formule  suivant  laquelle 
elle  a  débuté.  Soixante-quatre  vers  en  rimes  jumelles  terminent 
le  morceau. 

Voici  une  Ballade  en  vers  de  5  syllabes  : 


J'oy  estrangement 
Plusieurs  gens  parler 
Q.ui  trop  mallement 
Se  plaingnent  d'amer  ; 
Car  légièrement, 
Sans  peine  porter, 
Vouldr oient  briefment 
A  fin  amener 
Tout  leur  pensement. 


C'est  fait  follement 
D'ainsi  désirer, 
Car  qui  loyaument 
Veulent  acquister 
Bon  guerdonnement, 
Maint  mal  endurer 
Leur  fault  et  souvent 
A  rebours  trouver 
Tout  leur  pensement. 


L'amour  humblement 
Veulent  honnorer, 
Et  soingneusement 
Servir  sans  fausser, 
Des  biens  largement 
Leur  fera  donner  ; 
Mais  premièrement 
Il  veult  esprouver 
Tout  leur  pensement. 


Cette  Ballade,  écrite  sur  deux  rimes,  s'écarte  de  la  tradition 
quant  à  Tordre  des  vers.  Les  rimes  y  sont  constamment  alternées, 
au  lieu  que,  habituellement  dans  la  Ballade  et  les  poèmes  de  la 
même  famille,  la  disposition  des  vers  dans  la  strophe  n*a  pas 
cette  régularité.  Après  les  premières  rimes  alternées,  viennent 
brusquement  deux  vers  à  rimes  jumelles  quelque  fois  quatre. 
Cette  disposition  constitue  une  manière  de  musique  propre  à  la 
Ballade,  et  à  laquelle  l'oreille  s'accoutume  au  point  d'en  faire 
presque,  pour  ces  compositions,  une  condition  sme  qua  non 
d'existence. 

Le  morceau  de  Charles  d'Orléans  ici  transcrit,  prouve,  une  fois 
de  plus,  que  toutes  les  prétendues  règles  du  genre  ont  été  trans- 
gressées, tour  à  tour. 

François  Villon. 


Les  Ballades  de  Villon  ont  généralement  3  strophes  —  l'une 
d'elles  en  a  4.  Il  existe  de  ce  poète  des  Doubles-Ballades  de 
6  strophes.  Celle  du  Grand  Testament  est  nommée  Triple  Ballade 
dans  plusieurs  anciennes  éditions. 


—  5IO  — 

Les  strophes  ont  8,  lo  ou  12  vers  de  8  ou  10  syllabes.  L'En- 
voi, qui  existe  toujours,  à  de  4  à  7  vers.  La  Ballade  des  Escoutans 
est  terminée  par  un  Envoi  de  8  vers  ;  mais  elle  est  attribuée  à 
Villon  —  peut-être  à  tort. 

La  Ballade  VI  du  Jargon  présente  de  grandes  variantes  au 
refrain. 

Les  deux  Doubles-Ballades  sont  irrégulières  : 

Dans  la  première,  la  5®  strophe  ne  rime  pas  avec  les  autres. 

Dans  la  seconde,  les  trois  premières  strophes  riment  entre 
elles,  mais  non  avec  les  trois  dernières.  Elle  se  compose  donc, 
en  quelque  sorte,  de  deux  Ballades  distinctes,  qui  n'ont  de  com- 
mun que  le  refrain. 

Les  Doubles-Ballades  n'ont  pas  d'Envoi. 

Voici  la  IIP  Ballade  du  Jargon.  Je  la  donne  comme  spécimen 
de  haute  fantaisie  dans  l'espèce  :  Les  deux  premières  strophes 
sont  de  12  vers,  la  3^  de  13.  Les  strophes  ne  sont  pas  sur  rimes 
pareilles. 

Les  vers,  de  3,  4,  7  ou  8  syllabes  sont  arbitrairement  disposés. 
L'Envoi,  de  6  vers,  n'est  ordonné  conformément  à  aucune  des 
strophes.  Néanmoins  —  et  j'appuie  à  dessein  sur  cette  constatation 
—  Villon  donne  au  morceau  le  titre  de  Ballade. 


Ballade  III  du  Jargon. 

Spélicans 

Qui  en  tous  temps, 
Avancez  dans  le  pogois 

Gourde  piarde 

Et  sur  la  tarde 
Desbousez  les  pauvres  niois, 
Et  pour  soustenir  vostre  pois, 
Les  duppes  sont  privez  de  caire, 

Sans  faire  haire 

Ne  hault  braire. 
Mais  plantez  sont  comme  joncz 
Pour  les  sires    ui  sont  si  longs. 


—  5"  — 

Souvent  aux  arques 
A  leurs  marques 
Se  laissent  tousjours  desbouser 
Pour  ruer 
Et  enterver 
Pour  leur  contre  que  lors  faisons. 
La  fée  aux  arques  vous  respond, 
Et  rue  deux  coups  ou  bien  trois, 
Aux  gallois 
Deux  ou  troys 
Mineront  trestout  aux  fronts 
Pour  les  sires  qui  sont  si  longs. 

Pour  ce,  benards, 

Coquillards, 
Rebecquez  vous  de  la  montjoie, 

Q.ui  desvoye 

Vostre  proye, 
Et  vous  fera  du  tout  brouer  ; 

Par  joncher 

Et  enterver 
Ce  qui  est  aux  pigeons  bien  cher. 

Pour  rifler 

Et  placquer 
Les  angels  de  mal  tous  rondz 
Pour  les  sires  qui  sont  si  longs. 

Envoi. 

De  paour  des  rhumes 

Et  des  grumes 
Rassurez  vous  en  droguerie 

Et  faerie  ; 
Et  ne  soyez  plus  sur  les  joncz 
Pour  les  sires  qui  sont  si  longs. 


Jehan  Marot  (né  en  1463). 


Jehan,  père  de  Clément  Marot,  a  écrit  deux  Chants  Royaux. 
Le  premier  intitulé  :  Chant  Royal  de  la  Conception  —  qu*il  ne 
faut  pas  confondre  avec  ceux  de  Clément  Marot  portant  le  même 


—  512  — 

titre  —  se  compose  de  5  strophes  de  1 1  vers  héroïques  chacune, 
avec  refrain.  L'Envoi  est  de  5  vers. 

Le  second  :  Chant  Royal  digne  destre  escript  en  tableau  soubz 
la  pouriraîcture  de  Jesu-Chrisi  ayant  la  couronne  d'espines  sur  la 
teste,  tenant  ung  roseau  en  sa  main  et  assis  tout  nud  sur  sa  croix, 
comprend  également  5  strophes  de  11  vers  héroïques,  mais 
l'ordre  des  rimes  n*est  pas  le  même  que  dans  le  premier  poème. 
L'Envoi  a  6  vers.  Le  refrain  commence  et  termine  chaque 
strophe  : 

«  Ceurs  endurcis  par  obstination.  » 

Pierre  Gring-ore   (f  1547). 

ou  Gringoire  —  car  lui-même  écrit  son  nom  de  ces  deux  fa- 
çons différentes,  —  nous  a  laissé  un  certain  nombre  de  Ballades. 

Composées  de  3  strophes  de  9  à  12  vers  héroïques  chacune, 
ses  Ballades  ont  toutes  un  Envoi  de  4,  5  ou  6  vers  ;  il  en  faut 
excepter  un  poème  nommé  par  l'auteur  Balade  baladant,  dont  les 
rimes  ne  sont  pas  pareilles,  et  qui  n'a  point  d'Envoi  ^. 

Une  Moralité  de  Gringore,  fragment  du  :  Jeu  du  Prince  des 
sots  et  Mère  sotte^  renferme  deux  Ballades  sur  des  rimes  diffé- 
rentes :  les  strophes  se  croisent,  en  manière  de  dialogue  ;  de 
même  les  Envois. 

Un  autre  passage  de  la  même  Moralité  est  une  Ballade  dialo- 
guée  de  5  strophes  de  9  vers  chacune.  Envoi  :  4  vers. 

Gringore  nous  donne  aussi  un  Chant  Royal  formé  de  5  stro- 
phes de  II  vers  héroïques,  avec  Envoi  de  6  vers. 

^  Balade  baladant  lient  pour  les  termes  de  termes  de  Balades  communes  sinon  que  les 
coupleti  sont  comme  vers  septins  d'aultres  Imytains,  aulcûs  aient  quelles  sont  de  six  de  dix  et 
de  unie  sillabes.  Et  est  batelée  à  la  IIII^  sillahe  en  certaines  lignes.  (Henry  de  Croy. L'art 
et  science  de  Rethoricque  pour  faire  Rimes  et  Balades,) 

La  Ballade  balladant  donnée  comme  exemple  à  l'appui  de  cette  règle,  est  sur 
rimes  pareilles,  hattelées  en  certains  vers.  L'Envoi  existe  : 

Prince  du  puis,  se  este  dbeyssant 
Nous  commanda;?/  gaigner  gloire  infinie 
Lassus  regnaw/  le  verrez  dominai/ 
Dieu  tout  puissa/z/  vérité  voye  et  vie. 

Le  même  Art  et  Science  de  Rethoricque  nous  donne  les  règles  de  la  Ballade  fratrisée 
eu  jumelée  à  deux  refrains. 


—  513  — 

Dans  toutes  ces  compositions,  Gringore  commence  TEnvoi  par 
les  mots  :  Prias  ce  —  ainsi  que  je  Tai  dit  précédemment. 
Voici  l'Envoi  du  Chant  Royal. 

Prins  ce,  Seigneurs,  ne  soyez  irritez 
Si  peine  avez,  car  vous  le  méritez  ' 
Tous  malfaiteurs  se  mettent  en  scrvaige  ; 
Force  leur  est  de  recevoir  chastoy, 
Q.uant  s'efforcent  despriser  par  oultraige 
Ung  Dieu,  ung  Roy,  une  Foy,  une  Loy. 

François  P^ 

Je  ne  connais  qu'une  Ballade  du  roi  François  :  mais  elle  est 
intéressante  par  la  singularité  de  son  Envoi.  Disposition  :  3 
strophes,  9  vers,  10  syllabes. 

Les  strophes  sont  sur  3  rimes.  L'Envoi,  de  6  vers,  rappelle 
tous  les  vers  correspondant  à  2  des  rimes,  et  néglige  les  3 
autres  vers. 

Ballade  pendant  la  Captivité  en  Italie^. 

Triste  penser  en  prison  trop  obscure. 
L'honneur,  le  soing,  le  debvoir  et  la  cure 
Q,ue  je  soustiens  des  malheureux  souldardz, 
Devant  mes  yeulx  desquels  j'ai  la  figure, 
Q.ui  par  raison  et  aussi  par  nature 
Debvoient  mourir  entre  picques  et  dardz 
Plutost  que  veoyr  fuyr  leurs  estendardz. 
Me  font  perdre  de  raison  l'attrempense, 
duand  de  te  veoir  j'ay  perdu  l'espérance. 

Toujours  Amour  par  fermeté  procure 
Qu'à  desespoir  point  ne  face  ouverture  ; 
Mais  tous  malheurs  viennent  de  tant  de  partz 
Q.u'ilz  me  rendent  indigne  créature  : 
Tant,  que  d'erreur  à  mon  chef  faiz  ceinture. 
Les  yeulx  baignez  vers  toy  sont  les  regardz  ; 
Ne  faisant  plus  outre  ennuy  les  rempartz, 
Si  n'est  avoir  ton  nom  en  reverance, 
Quant  de  te  veoyr  j'ay  perdu  Pesperance. 

^  Publiée  par  Champollion-Figeac. 


—  514  — 

Mais  je  ne  sçay  pourquoy  tourna  l'augure 
En  mal  sur  moy  :  car  ma  progéniture 
Eut  tant  de  biens,  qu'en  tous  lieux  fut  espars  ; 
Plaisir  pour  dueil  estoit  lors  leur  vesture  ; 
Plaisante  et  doulce  sembloit  la  nourriture 
De  leurs  subjectz,  gardans  brebis  et  parcs; 
Tousjours  bâtirent  les  lyons  et  liepars. 
Mais  j'ay  grand  peur  n'avoir  tel  heur  en  France, 
Quand  de  te  veoir  j'ay  perdu  l'espérance. 

O  grande  amour,  eterne  sans  rompture, 
Dont  l'infini  est  juste  la  mesure, 
Dy-moy,  perdray-je  à  jamais  ta  présence  ? 
Doncq  brief  verras  sur  moy  la  sépulture  : 
L'esperit  à  toy,  pour  le  corps  pourriture, 
duand  de  te  veoir  j'ay  perdu  l'espérance. 

Clément  Marot. 


Les  Ballades  de  Clément  Marot  se  partagent  en  3  strophes  de 
10,  II  ou  12  vers  héroïques  —  exceptionnellement  octosyllabi- 
ques.  L'Envoi  comprend  5,  6  ou  7  vers  —  4  pour  la  Ballade  en 
vers  de  8  syllabes. 

Ses  deux  Chants  Royaux  De  la  Conception  ont  5  strophes  de 
II  vers  héroïques  ;  l'Envoi  :  5  vers. 

Un  bizarrerie  du  poète  est,  sans  contredit,  sa  Ballade  Du  jour 
de  Noël.  Je  la  donne  à  titre  de  curiosité  seulement,  car  elle  est 
loin  d'être  un  modèle  du  genre. 

Du    JOUR    DE   NOEL. 

Or  est  Noël  venu  son  petit  trac, 

Sus  donc  aux  champs,  bergiers  de  respec 

Prenons  chascun  panetière  et  bissac, 

Fluste,  flageol,  cornemuse  et  rebec. 

Ores  n'est  pas  temps  de  clorre  le  bec,  * 

Chantons,  saultons,  et  dansons  rie  à  rie, 

Puis  allons  veoir  l'enfant  au  povre  nie, 

Tant  exalté  d'Hélie,  aussi  d'Enoc, 

Et  adoré  de  maint  Roy  et  duc  : 

Son  nom  dit  nac,  il  fauldra  dire  noc  ; 

Chantons  Noël  tant  au  soir  qu'au  desiuc. 


—  515  — 

Colin  Georget,  et  toy  Margot  du  Clac 

Escoute  un  peu  et  ne  dors  plus  illec  : 

N'a  pas  longtemps  sommeillant  près  d'un  lac, 

Me  fut  advis  qu'en  ce  grand  chemin  sec 

Un  ieune  enfant  se  combatait  avec 

Un  grand  serpent  et  dangereux  aspic  : 

Mais  Penfanteau  en  moins  de  dire  pic 

D'une  grand'croix  lui  donna  si  grand  choc, 

Qu'il  l'abbatit  et  lui  cassa  le  suc  :  ' 

Garde  n'avait  de  dire  en  ce  défroc  : 

Chantons  Noël  tant  au  soir  qu'au  desiuc. 

Quand  je  l'ouy  frapper  et  tic,  et  tac, 
Et  lui  donner  si  merveilleux  eschec, 
L'ange  me  dit  d'un  joyeulx  estomac, 
Chante  Noël,  en  Françoys  ou  en  Grec, 
Et  de  chagrin  ne  donne  plus  un  zec. 
Car  le  serpent  a  été  prins  au  bric, 
Lors  m'esveillay  et  comme  fantastic 
Tous  mes  troupeaux  ie  laissay  près  un.roc 
Si  m*en  allay  plus  fier  qu'un  archiduc 
En  Bethléem  :  Robin,  Gautier,  et  Roch, 
Chantons  Noël  tant  au  soir  qu'au  desiuc. 

Envoy  : 

Prince  dévot,  souverain  catholic, 
Sa  maison  n'est  de  pierre  ne  de  bric, 
Car  tous  les  vents  y  soufflent  à  grand  floc. 
Et  qu'ansi  soit,  demandez  à  Saint  Luc, 
Sus  donc  avant,  pendons  soucy  au  croc, 
Chantons  Noël  tant  au  soir  qu'au  desiuc. 

Je  me  suis  promis  de  ne  pas  suivre  la  Ballade  jusqu'au  xvu^ 
siècle  ;  il  faut  néanmoins  que  je  signale  chez  La  Fontaine  une 
particularité  digne  d'être  notée  :  On  rencontre  dans  les  œuvres 
du  Bonhomme  des  Ballades  en  Alexandrins  :  Sur  le  nom  de 
^  Lotus  le  Hardi  ;  Hier  je  mis  chez  Chloris... 

Comme  on  Ta  vu,  les  poètes  du  Moyen  âge  et  de  la  Renais- 
sance ne  firent  pas  usage  de  TAlexandrin  dans  leurs  Ballades. 


-  5i6  - 

P-^  APPENDICE 

La  Ballade  en  Espagne. 

ul  prophète  n'est  en  honneur  dans  son  pays  et  parmi  les 
siens  « .  Cette  parole  du  Christ  se  trouve  vérifiée,  une  fois  de 
plus,  en  ce  qui  concerne  la  Ballade.  Les  lettrés  espagnols  n'eurent 
rien  de  plus  pressé  que  de  se  dégager  des  anciennes  formes  de 
leur  poésie,  pour  copier  les  grecs,  les  latins  et  les  italiens. 

Odes,  Sonnets,  Sextines  pleuvent  dru  dans  leurs  œuvres,  mais 
sans  parvenir,  toutefois,  à  étouffer  complètement  la  note  natio- 
nale. Chez  certains  auteurs  elle  se  manifeste  encore  sous  forme 
de  VillancicoSy  Soledades,  Letrillas,  Romances  y  Canciones,  Motes^ 
Chmizonetas,  Glosas  y  etc. 

Voici  un  fragment  de  Cantar  ^  religieux  de  Pedro  Lopez  de 
Ayala  (fin  du  xiv^  siècle). 

La  tu  noble  esperança 
Reyna  noble  de  valor, 
Virgen  digna  de  onor, 
Me  mantiene  en  alegrança. 

Ati  amo  tu  seruir. 
Agora  e  cada  dia 
Del  tu  seruicio  partir 
Mi  coraçon  non  queria, 
Ca  toda  mi  buen  andança 
Es  cuydar  en  tu  loor, 
E  de  mi  tira  dolor 
Si  tengo  yo  tribulança 

De  ti  quiera  yo  seruir 
Loores  de  grant  valia, 
Ca  lu  me  fases  veuir 
Esforçado  todavia  : 
En  ti  tengo  grant  fiança 
Que  por  ser  tu  seruidor, 
Maguer  so  muy  pecador 
Ave  de  Dios  perdonança. 

1  Ce  Cantar  fait  partie  du  Rimado  de  Palacio. 


—  517  - 

Angel  te  vino  désir 
Muy  alta  mcnsageria 
Que   a  Dios   concebir 
Otorgado  te  séria  : 
Sennora,  con  humildança 
Respondiste  e  con  pauor, 
Cûnplalo  el  Saluador 
Lo  que  dises  syn  tardança. 

Ainsi  qu'on  le  voit,  le  morceau,  dédié  à  la  Vierge  Marie, 
correspond  assez  bien  à  notre  serventois. 

Cristobal  de  Castillejo  (né  en  1494)  se  consacre  au  culte  des 
vieux  modes  poétiques  de  la  Castille.  Ses  Glosas  *  sont  fréquem- 
ment ordonnées  comme  suit  : 

Letra 

Defendiâme  Dios  de  mi^ 

Glosa 

En  el  campo  me  meti 
A  lidiar  con  mi  deseo. 
Contra  mi  mismo  peleo  ; 
Defendiâme  Dios  de  mi. 

A  tan  mortal  enemigo 
Yo  non  basto  a  resistir, 
Ni  menos  puedo  huir, 
Porque  le  llevo  conmigo. 
Rendirmele  luego  alti 
Es  un  ejemplo  muy  feo. 
En  gran  estrecho  me  veo  ; 
Defiéndame  Dios  de  mi. 

La  razon  que  me  endereza, 
Portia  con  mi  porfia  ; 
Pero  vuelve  todavia 
Las  manos  en  lo  cabeza. 
Y  esperar  socorro  a  qui 
De  ninguno  es  devaneo  ; 
Pues  soy  yo  con  quien  peleo, 
Defiéndame  Dios  de  mi. 

1  D'autres  Gloias  ont  la  disposition  de  la  Glose,  française,  pour  laquelle  elles  ont 
vraisemblablement  servi  de  patron. 


-  5i8  - 

Les  Villancicos  ont  la  même  ordonnance,  moins  la  Letra. 

La  strophe  qui  correspond  à  notre  Envoi,  se  trouve,  tantôt  au 
commencement,  tantôt  à  la  fin  du  poème.  Parfois  —  surtout  dans 
les  Letrîllas  —  on  la  rencontre  aux  deux  bouts.  Fréquemment 
elle  n'est  que  le  thème  sur  lequel  brodent  les  grandes  strophes  ; 
mais,  dans  les  Canciones  —  où  elle  vient  en  conclusion  —  elle 
contient  une  apostrophe  à  la  pièce,  un  souhait  de  bon  voyage. 

Dans  certains  des  cas  où  elle  paraît  en  tête,  elle  reçoit  le  nom 
de  sohrescrito, 

Adolfo  de  Castro  nous  apprend  que  Cervantes  s'est  exercé  dans 
Fart  des  anciens  chansonniers;  à  preuve  ce  fragment  de 


Pedro  de  Urdemalas 

A  la  puerta  puestos 
De  mis  amores, 

Espinas  y  zarzas 
Se  vuelven  flores. 

El  fresno  escabroso, 
La  robusta  encina, 
Puestos  a  la  porta 
Do  vive  mi  vida, 
Verân  que  se  vuelven, 
Si  acaso  los  mira, 
En  matas  sabeas 
De  sacros  olores, 

Y  espinas  y  zarzas 
Se  vuelven  flores. 

Do  pone  la  vista 
O  la  tierna  planta 
La  yerba  marchita, 
Verde  se  levanta  ; 
Los  campos  alegra, 
Regocija  el  aima, 
Enamora  a  siervos, 
Rinde  à  senores, 

Y  espinas  y  zarzas 
Se  vuelven  flores. 


—  519  — 

Je  citerai  un  Caneton  Real,  de  la  fin  du  xvi^  siècle,  attribué 
par  les  uns  à  Bariolomé  Leonardo  de  Argensola,  par  les  autres  à 
Antonio  Mirademiiesca:  Elle  a  pour  titre  :  A  la  Instabilidad  de 
las  Cosas  de  la  Vida  et  se  compose  de  7  strophes,  de  19  vers 
chacune.  Il  n'y  a  ni  refrain  ni  similitude  de  rimes.  L'Envoi  est 
à  la  fin.  Le  voici  : 

Cancion  vc  à  la  Coluna 
due  sustentô  mi  prospéra  fortuna, 

Y  veras  que  si  entonces 
Te  parecio  de  marmoles  y  bronces, 

Hoy  es  mujer  ;  y  en  suma 
Tuve  bien,  facil  viento,  levé  espuma. 


2^  APPENDICE 
La  Ballade  en  Italie. 

iprgl'ai  dit,  en  commençant,  que  la  Ballade  a  suivi,  en  Italie, 
iBLa|  une  marche  parallèle  à  celle  de  la  Ballade  française.  Il  n'est 
pas  sans  intérêt  de  rechercher  quel  degré  de  ressemblance  ces 
deux  sœurs  ont  conservé. 

Dans  le  poème  italien,  Tenvoi  est  tantôt  au  commencement, 
tantôt  à  la  fin.  On  le  nomme  entrata  ou  epodo  ;  parfois  encore 
congedo  ou  licenza. 

Les  deux  premières  strophes  s'appellent  mutazionî;  la  troisième 
volta. 

La  Ballade  est  quelquefois  réduite  à  une  seule  strophe.  On  la 
dit  alors  igmida,  par  opposition  à  la  Ballade  complète  ou 
vestita. 

D'ailleurs,  en  Italie  comme  en  France,  les  règles  sont  loin 


—    520    — 

d'être  immuables.  Le  caprice  s'est  même  taillé  une  plus  large 
place  au  delà  des  Alpes. 

Comme  exemples,  voici  d^abord  une  Ballade  de  Guido  Caval- 
cantî,  mort  en  1300. 

Elle  est  très  irrégulière  :  l'Envoi,  qui  précède,  est  de  6  vers  ; 
puis  viennent  4  strophes  :  les  trois  premières  de  10  vers,  la4«  de 
9  vers. 

Il  n'y  a  pas  de  refrain;  les  rimes  ne  sont  pas  pareilles;  mais 
la  même  rime  termine  TEnvoi  et  chacune  des  strophes,  parfois 
sans  rimer  avec  aucun  des  autres  vers  de  sa  strophe.  Les  vers 
sont  libres. 

Perch'io  no  spero  di  tornar  Giammai, 
Ballatetta,  in  Toscana, 
Va,  tu  leggiera  e  plana 
Dritta  alla  donna  mia, 
Che  per  sua  cortesia 
Ti  fara  molto  onore. 

Tu  porterai  novelle  de  sospiri 

Pieni  di  doglia  e  di  molta  paura  ; 
Ma  guarda  che  persona  non  ti  miri, 
Che  sia  nemica  di  gentil  natura  ; 
Che  certo  per  la  mio  disavventura 

Tu  saresti  contesa, 

Tanto  da  lei  ripresa 

Che  mi  sarebbe  angoscia  : 

Dopo  la  morte  poscia 

Pianto  e  novel  dolore. 

Tu  senti,  ballatetta,  che  la  morte 
Mi  stringe  si,  che  la  vita  m'abbandona, 
E  senti  come  '1  cor  si  sbatte  forte 
Per  quel  che  ciascun  spirito  ragiona  : 
Tant  è  distrutta  giajamia  persona, 

Ch'io  non  posso  soffrire  ; 

Se  tu  mi  vuoi  servire, 

Mena  l'anima  teco, 

(Molto  di  cio  ten  preco) 

Quando  uscira  del  cuore. 


—  521   — 

Deh,  ballatetta,  alla  tua  amistate 
Quest'  anima  che  trienia,  raccommando 
Menala  teco  nella  sua  pietate 
A  qella  bella  donna,  a  cui  ti  mando  : 
Deh,  ballatetta,  dille  sospirando 

Quando  le  sei  présente  : 

Questa  vostra  servente 

Vien  per  istar  con  vui, 

Partita  de  colui, 

Che  fu  servo  d'amore. 


Tu,  voce  sbigottita  e  deboletta, 
Ch'esci  piangendo  dello  cor  dolente, 
Va,  ragionando  délia  strutta  mente. 
Voi  troverete  una  donna  piacente 

Di  si  dolce  intelletto 

Che  vi  sara  diletto 

Starle  davanti  ognora. 

Anima,  e  tu  l'adora 

Sempre  nel  suo  volere. 

Beaucoup  plus  régulière  est  la  Ballade  de  Boccace  (1313);  qui 
termine  la  première  journée  du  Décaméron. 

L'Envoi  owEntrata  est  de  3  vers.  Les  strophes,  au  nombre  de  3, 
sont  formées  de  7  vers,  dont  6  endécasyllabes  ;  Tavant  dernier 
est  de  6  syllabes. 

Comme  refrain,  les  mêmes  mots  :  giammai  et  vaghezza  termi- 
nent les  deux  derniers  vers  de  l'Entrata  et  de  chacune  des  stro- 
phes. Enfin  les  i'"^  et  3^  strophes  sont  construites  sur  rimes 
pareilles. 

Remarquons  que  Boccace,  comme  Guido  Cavalcanti,  donne  à 
son  morceau  le  nom  de  Ballatetta, 


Ballatetta 

lo  son  si  vaga  délia  mia  bellezza  \ 

Che  d'altro  amor  giammai  \  K  Enirata 

Non  curero,  ne  credo  aver  vaghezza  )  ^'       ) 


—    522     — 

lo  veggio  in  quella  ogni  ora  ch'io  mi  specchio, 

Quel  ben  che  fa  contento  lo'ntelletto, 

Ne  accidente  nuovo,  o  pensier  vecchio 

Mi  puo  privai-  di  si  caro  diletto.  ^  i^Mutaiione 

Quai  altro  dunque  piacevole  oggetto 

Potrei  veder  giammai  )   „ 

Che  mi  metesse  in  cuor  nuova  vaghezza.         ' 


Non  fugge  questo  ben  qualor  disio 

Di  rimirarlo  in  mia  consolazione, 

Anzi  si  fa  incontro  al  placer  mio 

Tanto  soave  a  sentir,  che  sermone  )  i^Muiaiione 

Dir,  nol  poria,  ne  prender  intenzione 

D'alcun  mortal  giammai, 
Che  non  ardesse  di  cotai  vaghezza. 

Ed  io,  che  ciascun'ora  piu  m'accendo, 

Quanto  piu  fiso  gli  occhi  tengo  in  esso, 

Tutta  mi  dono  a  lui,  tutta  mi  rendo, 

Gustando  gia  di  quel,  che  m'ha  promesso,  )  Voila. 

E  maggior  gioia  spero  piu  dappresso 

Siffatta  che  giammai  \ 

Simil  non  si  senti  qui  di  vaghezza.  )  ^' 


Parmi  les  Ballades  italiennes  qui  ont  l'Envoi  à  la  fin;  citons 
celle  de  Franco  Sacchetti  :  Le  Monfanine,  Elle  se  termine  par  un 
Epodo  de  6  vers  adressé  à  la  Ballade  elle-même. 

Cette  pièce  a  4  strophes  de  longueurs  variables.  Les  rimes  ne 
sont  pas  pareilles,  à  part  celle  du  dernier  vers  de  chaque  strophe. 
C'est  là  tout  le  refrain.  Il  y  a  donc  grande  similitude  avec  le 
poème  précédemment  cité  de  Cavalcantî. 

Des  français,  parfois,  ont  copié  la  manière  italienne  —  excep- 
tionnellement. 

Un  recueil  de  chansons,  publié  par  M.  Gaston  Paris  *,  nous 
offre  une  imitation  flagrante  du  procédé  transalpin.  Le  poète  va 

1  Société  des  anciens  textes  français. 


TT#*                T+A            ^     f*  A* 

n^Tn     ^               T*i              T*i          T'^^^i**- 

1 

,  ■                    ' 1 1 

N 

A  lie  -  ta  vi  -  ta     A-mor  c'in-vi-ta  Fa  la  la  la    la    la  la    la 

llt#                       llfé'^fL 

... 

il       \     \     \    ^  i         T   'r  *  i   ^  A    -  —          t 

1^    1    1     1          •       1     1     1        ♦          1 

^                  ^ 

A  lie -ta    vi  -  ta       A  -  mor  c'in-vi  -  ta    Fa  la  la    la    la    la   la    la 

A^^fJlT^^éfT 

(       T                                      'Il 

U                                                                  '              '                                   ' 

m 

Chi     gi-oir    bra-ma,          Se   di   cor  a -ma,  Do-nerail   co  -  re 

f            A«f             •     9     ^              \               1 

Ttf       T       iTif'i       é  &      ^ 

.!f                !           llT*j«3^è^**Sia*^ 

A  untal  Si  -  gno-re           Fa    la    la    la      la      la     la    la      la 

â+l              *Tl            fidflf 

•     !T                     l'                         TlT                  Tf 

L,*|l               1                   '            l'I             'IT 

^          j      1                                                                   1                          1       1 

la 

A^^ftÉ                          Itll             1                   1 

1 

♦    '^    1    ''   T    ♦  vvv    f .    1      lié       1    M 

1 

L,                         1                  1                            [♦^♦♦♦WiéW 

1 

d    \                                     \                                               I 

1 

H 

PI.  XX.  —  L'Innamorato. 


Ballo  di  Giacomo  Gastoldi  da  Caravaggio,  maestro  di  Capella  del  S''  Signorc 
Duca  di  Mantua.  MDXCIII. 


—  524  — 

jusqu'à  écrire  en  vers  endécasyllahes ,   qui  sont  les  eroicî    des 
trcrvatori. 

Trop  penser  me  font  amours,  dormir  ne  puis, 
Si  je  ne  voy  mes  amours  toutes  les  nuyts. 

«  Comment  parlerai-je  à  vous,  fin,  franc  cueur  doulx  ?  » 

«  Vous  y  parlerez  assés,  mon  amy  doulx  : 

Vous  viendrez  à  la  fenestre  à  la  minuyt  ; 

Quant  mon  père  dormira  j'ouvrirai  l'uys.  » 

Trop  pencer  me  font  amours,  dormir  ne  puis 

Si  je  ne  voy  mes  amours  toutes  les  nuyts. 

Le  gallant  n'oblia  pas  ce  qu'on  luy  dist, 
De  venir  à  la  fenestre  à  la  minuyt  ; 
La  fille  ne  dormoit  pas  ;  tantoust  l'oyst  : 
Toute  nue  en  sa  chemise  el  luy  ouvrit. 
Trop  penser  me  font  amours,  dormir  ne  puis 
Si  je  ne  voy  mes  amours  toutes  les  nuytz. 


«  Mon  amy,  la  nuit  s'en  va  et  le  jour  vient  : 
Despartir  de  nos  amours  il  nous  convient  ; 
Baisons  nous,  acoUons  nous,  mon  amy  gent 
Comme  font  vrays  amoureux  secrètement.  » 
Trop  pencer  me  font  amours,  dormir  ne  puis 
Si  je  ne  voy  mes  amours  toutes  les  nuytz. 

Terminons  par  une  petite  Ballade  en  musique  de  Gtacomo 
Gastoldi  da  Caravaggio  (1593).  (p.  523) 


Hor  lieti  homai 
Scacciando  i  guai. 
Quanto  ci  resta 
Viniamo  in  festa 
E  diam  l'onore 
A  un  tal  signore. 


Chi  a  lui  non  crede 
Privo  é  di  fede 
Onde  hauer  merta 
Contra  se  aperta 
L'ira  e  Pfurore 
D'un  tal  signore. 


Ne  suggir  giova 
Ch'  egli  ognun  trova 
Veloci  ha  Tali 
E  foco  e  strali 
Dunque  s'adore 
Un  tal  signore. 


Lieutenant  Gaëtan  Hecq. 


y 


Fig.  I.  Inscription  lapidaire  de  l'Eglise  de  Beyghem  (xve  s.) 


L'EXCURSION 


DE  LA 


SOCIETE  D'ARCHEOLOGIE  DE  BRUXELLES 

à  Dieghem,  Saventhem,  Winxele  et  Hérent. 


e  lundi  20  octobre  1890,  un  groupe  important  de  mem- 
bres de  notre  société,  parmi  lesquels  quelques  dames, 
a  visité  Dieghem,  Saventhem,  Winxele  et  Hérent,  ces 
jolis  villages  brabançons  situés  tout  le  long  de  la  ligne  de  chemin 
de  fer  de  Bruxelles  à  Louvain. 

Départ  pour  Dieghem,  de  la  gare  du  Nord  à  8  h.  56  et  arrivée 
dans  cette  belle  commune  à  9  h.  15. 

Nous  visitons  d'abord  Téglise  dédiée  à  Sainte-Catherine. 

On  peut  y   voir   —   mais  malheureusement    une    cérémonie 

funèbre  nous  en  a  empêché  —  deux  autels  dont  l'un,  exécuté  en 

1649-50  par  Michel  van   den   Bergen,  de  Bruxelles,  est   orné 

par  un  tableau  de  Henri  De  Clerck  (1570-1620  ?)  représentant  la 


Sainte-Famille,  et  l'autre,  par   un  Saint-Corneille  attribué  jus- 
qu'en ces  dernières  années  à  Gaspard  de  Crayer. 

En  1883,  M.  A.  Jacobs  a  découvert  sur  cette  dernière  peinture 
les  initiales  I.  H.  V.  H.,  entrelacées,  et,  en  consultant  les  archives 
de  Téglise,  il  a  pu  établir  qu'elles  se  rapportaient  à  Johan  van 
Houbraecken,  admis  dans  la  Gilde  de  Saint-Luc,  à  Anvers,  en 
1602  *. 

Ce  tableau  a  été  exécuté  en  1642- 1643,  ainsi  qu'il  résulte  des 
comptes  de  l'église. 

Il  orne  un  autel  exécuté  vers  1640,  par  le  même  Michel  Van 
den  Bergen  ;  le  curé  Van  der  Eycken  était  alors  en  fonction  (1640- 
1684). 

En  1827,  l'œuvre  de  van  Houbraecken  fut  restaurée  par  Leroy. 

Cinq  autres  autels  existent  dans  l'église.  On  y  voyait,  autrefois, 
un  tabernacle  de  la  fin  du  xv^  siècle, malheureusement  détruit  ;  on 
n'en  conserve  qu'un  fragment  de  la  base. 

On  y  trouve  en  outre  quelques  dalles  tumulaires  parmi 
lesquelles  celles  de  Charles  de  Brecht,  seigneur  de  Dieghem, 
d'Alexandre  Oudart,  époux  de  Gertrude  de  Brecht,  seigneur 
d'Opstalle,  de  Doggenhout,  de  Rymenam,  de  Ranst,  de  Mille- 
ghem,  ainsi  que  le  dit  M.  de  Raadt,  dans  sa  notice  sur  Nicolas 
Oudart  ^,  et  enfin  de  Philippe  Happart  et  de  sa  femme  Catherine 
Oudart,  seigneur  et  dame  de  Dieghem. 

On  implore  spécialement  le  lundi  de  Pâques,  dans  ce  sanctuaire, 
Saint-Corneille  pour  le  mal  caduc. 

Les  orgues  ont  été  exécutées,  d'après  M.  Wauters,en  1793,  par 
Adrien  Rochet.  G.  de  Wauthier  nous  apprend  en  outre  qu'elles 
ont  coûté  60,000  fl.  En  1822,  Rochet  les  restaura  moyennant 
14T  florins. 

1  Extrait  du  compte  de  l'église  de  1640  à  1644,  par  M.  Jacobs  : 

Item  heejt  deien  rendant  hetaelt  Johan  van  Houbraecken,  schilder,  op  reheninge  van  het 
schilderen  van  het  aultaer  stu:k  van  Sinte  Cornelis  aultaer,  hem  aenhestaijdt  hij  den  heere 
pastoir  voor  ende  om  Ix  Rh^. 

Item,  20  j an.  1643,  ^^^^  denseîuen  nochhetaeît  ter  goeder  rekenin£-e,  de  somme  van 
XCRs. 

Item,  12  juin  1643,  ^^'^  denselven  door ordre  van  den  heer  pastoirnoch  hetaelt  IC  Rins- 
guldens. 

2  Nicolas  Oudart  et  son  jeton,  par  J. -Th.  de  Raadt  ;  Bull,  du  Cercle  archéol.  litt.  et 
artist.  de  Maltnes,  1889,  p.  13  du  tiré  à  part. 


—  527   — 

Quant  à  Textérieur,  nous  parlerons  peu  de  son  curieux  clocher 
qui  offre  une  certaine  ressemblance  avec  celui  de  Cupar  dans  le 
comté  de  Fife  (Ecosse),  ainsi  que  nous  Tavons  fait  observer 
naguère. 

Haut  de  64  m.,  bâti  en  1653,  restauré  en  1769,  ce  clocher  est 
garni  à  la  base  de  sa  flèche  par  quatre  grandes  lucarnes  sur 
lesquelles  on  lit  les  inscriptions  :  * 

(Lucarne  du  nord)    Del  et  Marlœ  heatls  CorneLIo  et  Katharinœ. 
(       «        de  Touest)  Ilhtstri  ac  nob.  D.  Gerolîno  Oudart  toparchae 

de  Diegem. 
(       n        de  Test)      R,  D,  Joanni  van  der  Eycken  S.   T.  L.  F. 

pastori  in  Diegem. 
(        w        du  sud)       Erigebatanno  donmii  i6jj. 

Bâtie  sur  un  plan  en  forme  de  croix  latine,  l'église  de  Dieghem 
a  des  transepts  composés  chacun  de  deux  travées.  Son  abside  a 
également  deux  travées  et  un  chevet  pentagonal. 

Une  mention  spéciale  est  due  aux  porches  principal  et  du 
transept  droit. 

Ce  dernier  est  surmonté  d'un  tympan  qu'entoure  une  ogive  et 
qui  est  orné  de  la  statue  de  Saint-Corneille,  accompagné  de  l'efE- 
gie  de  deux  autres  saints.  On  remarque  son  meneau  battant, 
datant  du  commencement  du  xvii^  siècle  et  d'une  belle  venue. 

De  Téglise,  nous  allons  vers  l'ancien  château,  dont  il  ne  reste 
qu'une  intéressante  poterne  datant  de  la  fin  du  xv^  siècle. 

Charles  de  Brecht  acquit  du  roi  Philippe  II,  la  seigneurie  de 
Dieghem,  en  1561,  par  engagère  ;  par  le  mariage  de  Catherine 
Oudart,  elle  fut  dévolue  plus  tard  à  Philippe  Happart  qui  l'acheta 
définitivement  du  roi  Philippe  IV. 

Elle  appartenait  dans  la  11^  moitié  du  xvm^  siècle,  à  M""^  la 
Douairière  Pieremans  (1760)  et  ensuite  à  M.  de  Beaudignies.  La 
poterne  qui  subsiste  du  château  des  seigneurs  de  Dieghem  a  été 
restaurée  dans  ces  dernières  années  par  son  propriétaire  actuel, 
M.  Antoine. 

Elle  a  beaucoup  de  caractère  et  marque  bien  cette  transition 

1  Description  de  l'église  de  Dieghem,  par  A.  Jacobs.  Revue  iVarchcolo^ie  théorique^ 
1883,  p.  15  et  22. 


—  528   — 

entre  la  demeure  fortifiée  du  xv^  siècle  et  la  résidence  de  cam- 
pagne du  xvi^  siècle.  Les  courtines  restent  percées  de  meurtrières, 
les  tours  flanquent  toujours  l'entrée  ;  mais  de  larges  baies  annon- 
cent clairement  que  l'on  n'est  plus  devant  une  demeure  fortifiée. 

¥r 

A  lo  h.  38,  les  excursionnistes  partent  pour  Saventhem  dont 
l'admirable  Saint-Martin,  dû  au  magistral  pinceau  d'Antoine 
Van  Dyck,  fait  la  célébrité  actuelle. 

Le  village  de  Saventhem  est  fort  ancien,  paraît-il.  On  lui  a 
donné  une  origine  fabuleuse. 

Ce  qui  paraît  plus  certain,  c'est  que  des  tombes  romaines 
étaient  situées,  à  ce  qu'il  semble,  à  quelque  distance  au  Nord-Est 
du  village,  au  lieu  nommé  encore  den  Kalckhoven,  le  Four-à-chaux, 
près  d'un  ancien  champ,  dit  Tomfveld  on  Tomberg^. 

En  1507,  un  conseiller  de  la  Chambre  des  Comptes,  René 
Cleerhage,  acheta  à  Saventhem  quelques  terres  au  milieu  des- 
quelles se  trouvait  une  éminence  factice,  qui  avait  cinquante- cinq 
pieds  de  haut  et  trois  cent  quatre-vingts  de  tour  ;  à  son  sommet  on 
remarquait  cinq  vieux  chênes.  En  la  déblayant,  on  découvrit, 
dit-on,  un  caveau  voûté,  long  de  sept  pieds,  large  de  six,  haut  de 
huit  à  neuf  et  construit  de  pierres,  les  unes  grises,  les  autres  de 
marbre  ;  il  renfermait  un  grand  nombre  d'objets  curieux,  entre 
autres,  un  sarcophage  de  pierre  avec  son  couvercle,  une  urne 
remplie  de  débris  calcinés  et  faite  d'un  verre  épais  d'un  demi 
doigt  ;  une  lampe  ;  une  urne  qui  contenait  outre  trois  monnaies 
frustes,  un  Néron,  un  Antoine  et  une  Faustine  ;  une  bague  dont 
le  chaton  offrait  un  cavalier  perçant  un  cerf  de  sa  lance,  etc. 

Charles-Quint  et  plusieurs  personnes  de  distinction  vinrent 
visiter  cette  tombe.  Les  antiquités  que  l'on  y  recueillit,  étaient 
encore  soigneusement  conservées  au  commencement  du  xvii^ 
siècle,  par  Charles  Brooman,  le  petit-fils  de  René.  Celui-ci  avait 
fait  placer  dans  le  cimetière  du  Sablon  à  Bruxelles,  une  pierre 
qui  provenait  aussi  de  la  tombe  de  Saventhem  ;  on  y  voyait  un 
Génie,  sous  la  forme  d'un  homme  nu  et  ailé,  portant  dans  la  main 

1  Renseignements  dus  à  l'obligeance  de  M.  le  chevalier  Diericx  de  Ten  Hamme. 


—  529  -  - 

droite  un  pain,  et,  dans  la  main  gauche,  une  corne  d'où  jaillissait 
du  vin  *. 

Revenons  à  l'église  de  Saventhem  qui,  en  elle-même,  n'offre 
rien  de  remarquable.  Le  clocher  est  bâti  sur  la  croisée,  son  abside 
date  de  la  fin  du  xvi<^  siècle,  les  voûtes  portent  le  millésime  1680. 
Les  collatéraux  avaient  été  construits  un  peu  auparavant,  en  1644. 
Dans  les  transepts,  on  voit  un  autel  de  la  Vierge  (l'écusson  des 
Boisschot  est  taillé  sur  la  clef  de  la  voûte  qui  le  recouvre)  et  un 
autel  dédié  à  Saint-Martin  (écusson  des  Kônigsegg  dans  la  même 
position  que  le  précédent). 

Un  mot  sur  un  fort  joli  cul-de-lampe  de  la  fin  du  xv^  siècle, 
placé  dans  le  collatéral  gauche,  d'un  beau  profil  et  orné  de 
feuilles  de  vigne  et  de  grappes  de  raisin,  par  une  main  habile. 

Après  avoir  pris  le  frottis  d'une  des  pierres  tombales  de 
Téglise,  nous  allons  faire  honneur  à  une  collation  champêtre,  bien 
méritée  par  une  aussi  belle  promenade. 

A  12  h.  45,  nous  reprenions  le  train.  A  la  gare  de  Velthem, 
nous  attendait  le  vénérable  curé  de  Winxele,  M.  Van  de  Ven  — 
un  octogénaire  —  qui,  allègrement,  nous  fit  faire  un  trajet  d'une 
demi-heure  pour  arriver  à  sa  belle  église  ^. 

Celle-ci  est,  certes,  un  des  édifices  romans  les  plus  curieux  de 
la  partie  rurale  de  notre  pays. 

Bornons-nous  à  faire  remarquer  à  Fappui  de  ce  dire  que  la  nef 
semble  posséder  dans  son  mur  gauche,  des  arceaux  appartenant 
à  un  collatéral  détruit  qui  pourrait  remonter  au  xi^  siècle. 

La  base  de  la  tour,  placée  à  la  façade  orientale,  est  de  la  fin 
du  xii^  siècle,  et  son  beau  portail  présente  tous  les  caractères  de 
cette  époque.  Observons  cependant  que  les  chapiteaux  à  crochets 
et  le  profil  des  bases  fait  déjà  prévoir  la  période  ogivale. 

Ce  portail,    défiguré  de  nos  jours  par  un  surhaussement   ex- 

^  M.  Ed.  Van  der  Straeten  a  publié  un  manuscrit  du  xvii*^  siècle,  copié  proba- 
blement sur  un  document  contemporain  de  la  découverte  et  donnant  de  nombreux 
détails  et  des  dessins  relatifs  à  cette  tombe.  —  Revue  d'Histoire  et  d'Anhcvlocrie, 
1864,  p.  57. 

2  M.  A.  Jacobs  a  donné  une  étude  sur  cette  église  dans  ses  Environs  de  Louvain, 
Louvam,  G.  Robyns,  1877,  P*  24. 

34 


—  530  — 

cessif  du  pignon,  présente  dans  son  tympan,  un  trilobé  qui  dénote 
les  tâtonnements  de  la  transition. 

Sur  les  façades  latérales  de  ce  clocher,  nous  observons  de  belles 
fenêtres  de  la  première  période  ogivale,  présentant  le  gros  tore 
pourvu  d'anneaux  ou  bagues,  comme  on  en  voit  au  porche 
latéral  de  Té^lise  Saint-Georges,  à  Cologne.  Mais,  arrivons  à 
Tabside  de  Téglise  de  Winxele,  beau  morceau  d'architecture 
de  la  fin  du  xiii^  siècle,  dont  l'intérieur  est  certes  d'un  aspect 
saisissant  par  sa  lourde  voûte,  reposant  sur  un  appui  trapu  et 
ses  belles  fenêtres  géminées,  bien  encadrées  par  les  intrados  des 
voûtes. 

A  l'extérieur,  les  fenêtres  de  cette  abside,  élégamment  décou- 
pées dans  le  bel  appareil  des  murs,  présentent  un  rare  cachet 
d'élégance. 

Comme  mobilier,  nous  ne  notons  rien  de  remarquable  dans 
cette  éghse  que  nous  quittons  à  2  h.  30  pour  nous  rendre  à  Hérent. 

Dans  ce  village,  nous  avions  à  voir  une  des  plus  belles  églises 
romanes  du  Brabant  ^ 

Mais  auparavant,  nous  nous  sommes  rendus  à  la  cure  pour  y 
examiner  un  tableau,  datant  de  la  fin  du  xv^  ou  du  commence- 
ment du  XVI®  siècle,  et  représentant  la  Vierge  et  l'enfant  divin, 
M.  Bellon,  curé  de  la  paroisse,  nous  montre  également  les  projets 
de  restauration  de  l'éghse.  Les  excursionnistes  apprennent  avec 
un  vif  étonnement  que  l'on  se  propose  —  et  le  mal  est  déjà  fait  en 
partie  —  de  transformer  la  nef  qui  date  du  xv®  et  de  la  fin  du 
XVI®  siècle,  en  une  nef  du  xii®  siècle,  et  d'y  ajouter  un  baptistère  à 
une  place  inusitée  dans  le  même  style  î 

Cela  s'appelle  «  restaurer  en  donnant  de  l'unité  au  monument  n  ! 
_  Après  avoir  exprimé  notre  stupéfaction  au  vénérable  curé 
d'Hérent,  nous  avons  pris,  sous  sa  direction,  le  chemin  de 
l'église. 

Celle-ci  est  bâtie  sur  un  plan  en  forme  de  croix  latine  avec  tour 
du  XI®  siècle,  à  la  façade  orientale,  nef  reconstruite  au  xv®  siècle, 

1  A.  Jacobs,  op.  cit,  p.  77. 


—  531   - 

et  bas  côtés  du  xvi^,  transepts  de  la  fin  du  xii^  siècle,  et,  enfin, 
abside  de  la  même  époque,  bâtie  sur  plan  carré. 

La  tour  est  très  remarquable  ;  son  ornementation  dénote  bien 
Ja  fin  de  la  période  primitive  de  l'art  roman.  Sur  un  lourd  stylo- 
bate  s'élève  un  étage  orné  d'arcatures  groupées  par  trois  sur  de 
véritables  pilastres,  ce  qui  est  une  tradition  antique  invétérée.  Au- 
dessus  s'élève  une  ordonnance  fort  difTérente  formée  d'arcades  en 
plein  cintre,  se  croisant  et  déterminant  ainsi  une  série  d*ogives. 
Une  ornementation  semblable  est  fréquente  dans  l'art  anglo- 
normand  et  dans  son  congénère  français.  On  l'observe  spéciale- 
ment à  la  cathédrale  de  Canterbury,  à  Graville,  à  Haute- Alle- 
magne, près  de  Caen  et  même  à  Amiens.  Ces  arcatures  sont 
portées  sur  colonnettes  jumellées  et  engagées  à  chapiteaux 
cubiques. 

Enfin,  l'étage  supérieur  est  formé  sur  cinq  arcades  complètes 
avec  piédestaux,  ce  qui  est  fort  curieux  à  observer.  L'arcade  du 
centre,  plus  large  que  les  autres,  est  recouverte  par  un  trilobé 
rudimentaire. 

Ajoutons  pour  la  confusion  des  modernes  restaurateurs  qu'ils 
ont  couronné  cet  ensemble,  tout  au  moins  fort  curieux,  par  une 
corniche  en  bois  de  sapin,  inspirée  par  les  plus  mauvais  pastiches 
antiques,  en  honneur  dans  l'architecture  privée  d'il  y  a  quelque 
vingt  ans  ! 

N'y  a-t-il  donc  plus  déjuges  à  Berhn  ? 

Mais  passons. 

A  l'intérieur  de  la  tour,  au  premier  étage,  une  salle  où  sont 
disposées  les  orgues,  présente  de  belles  arcades  donnant  vers 
l'église.  M.  Jacobs  y  a  vu  une  salle  des  catéchumènes  et  de  repen- 
tants, mais  étant  donné  qu'on  retrouve  ce  même  parti  dans  nom- 
bre d'églises  romanes  de  notre  pays,  à  Saint-Barthélémy  de  Liège, 
à  l'église  abbatiale  d'Hastière,  etc.,  nous  y  verrions  plutôt  une 
influence  clunisienne  des  grands  porches  d'Autun,  de  Vézelay,de 
Chatel-Montagne,  de  Paray-le-Monial,  etc.  Dans  ces  dernières 
églises,  si  on  peut  rejeter  l'hypothèse  hardie  d'une  destination  à 
l'usage  des  catéchumènes,  on  ne  peut  tout  de  même  pas  observer 
une  raison  plausible  au  développement  de  ces  salles,  dans  les- 
quelles Viollet-le-Duc  voit  tout  simplement  des  chapelles. 

Dans  le   nef  d'Hérent,  nous  ne  signalerons  que  la  chaire  de 


—  532  — 

vérité,  œuvre  du  xviii^  siècle,  dans  laquelle  le  rococo  ne  va  pas 
sans  s'allier  à  une  réelle  élégance.  Nous  nous  souvenons  de  la 
chaire  de  Peuthy,  datant  de  la  même  époque  et  remarquable 
également  par  Timagination,  non  exempte  de  lourdeur,  mais 
toujours  intéressante  de  son  auteur  ;  arrivons  au  transept  et  à 
Tabside.  Nous  avons  ici  un  curieux  spécimen  de  l'art  roman  de  la 
dernière  période.  Extérieurement,  les  façades  de  cette  partie  de 
Téglise,  reposent  sur  un  stylobate  orné  d'arcatures,  le  chéneau 
repose  sur  des  arcatures  ou  des  corbeaux.  Les  fenêtres  ont  été 
remaniées,  sauf  la  superbe  rose  de  Tabside  réouverte  en  1854, 
mais  trop  restaurée,  en  pierre  étrangère,  d'un  tout  autre  appareil 
que  celui  qui  devait  s'y  trouver. 


Fig.  2.  Inscription  lapidaire  de  l'Église  d'Hérent  (xiiie  s.) 

Sur  le  chevet  du  transept  nord,  au-dessus  du  stylobate,  dont 
nous  venons  de  parler,  on  lit  le  nom  Petercella  (fig.  i)  qu'il 
est  curieux  au  point  de  vue  épigraphique  de  rapprocher  de 
rinscription  que  nous  avons  relevée  dans  les  maçonneries  plus 
récentes  de  l'église  de  Beyghem  (fig.  2).  Nous  signalons  ces  deux 
inscriptions,  aux  études  des  épigraphistes  qui  pourront,  peut-être, 
en  donner  une  interprétation  complète.  Ajoutons,  pour  en  reve- 
nir à  l'église  d'Hérent,  qu'une  sacristie  moderne  singeant  les  for- 


—  533  — 

mes  anciennes  a  été  malencontreusement  accolée  à  ce  morceau 
d'architecture  dans  lequel  on  ne  distingue  qu'avec  peine  les 
fragments  échappés  au  vandalisme  des  restaurateurs,  bien  plus 
complet.que  du  temps,  les  irréparables  outrages. 

A  l'intérieur  de  Tabside,  nous  devons  signaler  d'intéressants 
morceaux  de  sculpture  monumentale  et  les  fonts  baptismaux  du 
xv^  siècle,  presque  absolument  identiques  à  ceux  de  Brugelette  *. 
Ceux-ci  portent  seulement  des  armoiries  dont  ceux  d'Hérent 
sont  exempts. 

A  4  h.  57,  nous  reprenions  le  train  pour  Bruxelles. 

Tel  est.  Messieurs,  par  les  grandes  lignes,  cette  belle  excursion 
qui  a  été  pour  beaucoup  d'entre  les  excursionnistes,  une  révéla- 
tion, car  si  les  beaux  monuments  des  pays  voisins  nous  sont 
bien  connus,  nous  ignorons  souvent  qu'à  deux  pas  de  notre 
ville  natale,  peuvent  se  voir  des  églises  intéressantes  comme 
celles  de  Winxele  et  d'Hérent  2,  malgré  leurs  restaurateurs  ! 

Paul  Saintenoy. 

^  P.  Saintenoy.  Prolégomènes  à  l'étude  de  la  filiation  des  fonts  baptismaux. 
Annales  de  la  Société  d'Archéologie  de  Bruxelles,  1891,  vol.  V,  p.  28. 

2  Cons.  Description  de  l'église  d'Hérent,  par  A.  Jacobs.  Revue  d' Archéologie 
théorique,  1883,  p.  33. 


QUESTIONS  ET  RÉPONSES 


REPONSE 

QUESTION  X.  —  Annales,  tome  V,  page  306. 
Le  calligraphe  Wilmart. 

e  chevalier  J.  Camberlyn  possédait  un  autre  manuscrit  de  cet  artiste. 
Il  fut  adjuge  15  francs  à  la  vente  de  sa  bibliothèque  (1882),  et  est 
mentionné  de  la  manière  suivante  dans  le  catalogue  : 

«  537.  Livre  de  diverses  sortes  d'Escritures  le  plus  usitées  en  la  Chres- 
«  tienté.  Escrites  par  G.  H.  Wilmart  à  Bruxelles  l'an  1683  ;  in-4°  oblong, 
«  broché. 

«  Manuscrit  sur  papier,  contenant  un  titre  et  27  modèles  d'Écritures,  calligraphiés 
«  avec  le  plus  grand  soin  (le  n»  18  manque).  » 

Paul  Bergmans. 


NOTES   BIBLIOGRAPHIQUES 


XI 


ELRE,    HÉRAUT    d' ARMES    DE    I334    A     I372,  WAPENBOECK  OU    ARMORIAL, 

contenant  les  noms  et  armes  des  princes  chrétiens  ecclésiastiques 
et  séculiers,  suivis  de  leurs  feudataires  selon  la  constitution  de  l'Europe  et 
particulièrement  de  l'empire  d'Allemagne,  conformément  à  l'édit  de  1356, 
appelé  à  la  Bulle  d'Or,  précédé  de  poésies  héraldiques,  avec  la  traduction 
du  thiois  en  français.  Publié  pour  la  première  fois  par  M.  Victor  Bouton, 
peintre  héraldique  et  paléographe,  en  8  volumes  petit  in-folio  texte,  impri- 
més sur  beau  papier  vergé,  200  planches  coloriées  à  la  main. 


Notre  savant  confrère,  M.  Victor  Bouton,  nous  apprend  qu'il  met  la 
dernière  main  à  ce  remarquable  ouvrage,  reproduction  diplomatique  du  plus 
ancien  monument  héraldique  connu  et  conservé  à  la  Bibliothèque  Royale 
de  Bruxelles.  —  Il  contient  200  planches  qui  n'ont  été  tirées  qu'à  soixante, 
exemplaires.  Les  pierres   ont  été  effacées  après  le  tirage  de  chaque  feuille. 

Les  200  planches  renferment  environ  2000  armoiries  des  princes  et 
chevaliers  du  xiv«  siècle  qui  ont  figuré  dans  toute  l'Europe  à  l'origine 
de  la  guerre  de  cent  ans.  Nous  sommes  heureux  de  pouvoir  en  donner 
quelques  spécimens  dans  les  pi.  XXI,  XXII  et  XXIII.  Chaque  blason  est 
accompagné  de  notes  et  de  recherches  sur  le  chevalier  ou  sur  sa  famille. 

Le  tome  i«f  comprend  :  La  notice  sur  le  héraut  Gelre  et  les  poésies 
héraldiques,  —  Les  défis  contre  Jean  III,  —  La  bataille  de  Staveren,  — 
Petite  Chronique  de  Brabant,  —  Chronique  de  Hollande,  —  Douze  éloges 
ou  chants   narratifs,  Henri   de   Nucft,    —   Roger   Racts,  —    Thierri  de 


—  536  — 

Elnaer,  —  Daniel  de  la  Merwede,  —  Jean  de  Spanheim,  —  Guillaume  de 
Hainaut,  —  Rodolphe  de  Nydou,  —  Gérard  de  Holstein,  —  Renaud  de 
Fauquemont,  —  Virnenburg,  —  Adam  de  Mabbertingen,  —  Guillaume  de 
Juliers,  —  les  armes  des  ducs  Antoine  et  Jean  IV  de  Brabant,  —  les 
armes  du  marquis  de  Ferrare,  —  avec  des  notes  historiques,héraldiques  et 
philologiques  pour  les  personnages  et  les  poèmes,  —  Ce  volume  renferme 
37  feuilles  de  texte  et  44  planches  coloriées  à  la  main  reproduisant  les  nuan- 
ces des  couleurs,  avec  tous  les  défauts  et  les  ratures  de  l'original,  de  sorte 
que  chaque  exemplaire  est  un  manuscrit  nouveau. 

Au  point  de  vue  de  l'histoire,  de  l'architecture  et  des  beaux-arts,  ce 
premier  volume  renferme  des  révélations  inattendues,  et  la  linguistique 
y  a  déjà  puisé  de  nouveaux  éléments. 

Le  Supplément  comprend  : 

1^  Deux  feuillets  nouveaux,  texte  et  traduction,  complétant  les  pages 
illisibles  du  manuscrit  original  de  la  Bibliothèque  Royale  à  Bruxelles  ; 

2^  Le  fragment  d'un  autre  manuscrit  de  deux  poésies,  dans  un  autre  dia- 
lecte que  ceux  de  Bruxelles,  découvert  dans  la  BibUothèque  Grand-Ducale 
de  Gotha,  par  le  D»'  Pertsch,  —  sa  transcription  par  le  D^  Regel, —  sa  tra- 
duction par  le  D^  J.-J.  Salverda  de  Grave,  avec  des  observations  grammati- 
cales et  phonétiques  et  des  éclaircissements  historiques, —  les  rectifications 
de  l'éditeur,  etc. 

3°  Les  fac-similé  du  fragment  de  Gotha. 

Le  tome  II,  qui  est  sous  presse,  contiendra  l'Empire,  —  l'Évèque  de 
Mayence,  —  l'Évoque  de  Cologne,  —  l'Évêque  de  Trêves,  —  le  Roy  de 
Bohême,  —  le  Palatinat,  —  la  Saxe,  —  le  Brandebourg,  — '  la  Souabe,  — 
Nuremberg,  —  Hildesheim. 

Ce  tome  II,  fruit  de  vingt  années  de  recherches,  et  rempH  de  documents 
inédits,  jette  un  jour  tout  nouveau  et  complet  sur  l'histoire  féodale  des 
pays  de  Trêves,  de  Cologne  et  de  Mayence,  du  Palatinat  et  de  la  Souabe  : 
trois  à  quatre  cents  familles  se  dressent  là  vivant  par  leurs  généalogies, 
leurs  sceaux,  et  leurs  armoiries  avec  leurs  cimiers  :  c'est  un  travail  qui 
attirera  l'attention  des  Universités  allemandes  aussi  bien  que  celle  des 
Facultés  françaises. 

Le  tome  III  contiendra  la  France,  ainsi  que  la  Hongrie,  —  la  Pologne, 
—  et  le  Danemark. 

Les  tomes  IV  et  V  sont  prêts  ;  ils  renferment  29  planches  contenant 
14  grandes  armoiries  de  monarques  et  de  puissants  souverains  et  250  de 
dynastes  et  de  chevaliers,  toutes  peintes  à  la  main  en  fac-similé  de  l'origi- 
nal, —  13  planches  en  héliogravure  ou  photogravure  de  sceaux  et  con- 
tre sceaux  tirés  des  archives  de  Paris,  de  Vienne  et  de  la  Tour  de  Lon- 
dres, —  quatre  photogravures  de  miniatures  tirées  du  Froissart  ms.  de  la 


—  543  — 

Bibliothèque  Nationale  à  Paris  ;  —  trois  photogravures  présentant  la 
généalogie  des  rois  d'Ecosse,  tirée  de  la  Bibliothèque  Mazarine  à  Paris  ; 

—  une  centaine  de  gravures  dans  le  texte  représentant  des  sceaux,  des 
médailles,  des  monnaies,  etc.—  Il  comprend  dans  leur  ordre  diplomatique, 
l'Angleterre,  —  l'Espagne,  —  l'Arragon,  —  l'Ecosse,  —  la  Suéde,  —  le 
Roy  de  Navarre,  —  le  Roy  de  la  Norwège,  —  le  Roy  de  Portugal,  —  la 
Sicile- Anjou,  —  la  Sicile-Arragon,  —  la  Bohême  encore  —  le  Roy  de 
Chypre,  —  le  Roy  d'Arménie,  —  l'Autriche,  —  et  la  Bretagne. 

Le  tome  VI  comprendra  le  Brabant,  —  la  Flandre,  —  la  Hollande. 
Le  tome   VII  comprendra  les   Pays  de  Juliers,  —  de   Gueldre,  —  de 
Berghes,  —  de  Clèves,  —  de  Liège. 

Le  tome  VIII  :  la  Hesse,  —  le  Holstein,  —  Nassau,  —  Mecklenbourg, 

—  la  Chevalerie  d'Orient,  —  l'Evêché  d'Utrecht,  —  la  Mark,  —  Munster, 

—  le  Grand-Maître  de  Prusse. 

Les  dernières  recherches  du  texte  s'achèvent  ;  les  planches  sont  prêtes 
depuis  dix  ans.  L'auteur  possède  300  sceaux  de  ces  princes  et  chevaliers, 
qu'il  fait  graver  pour  servir  de  contrôle  au  texte  et  aux  armoiries,  et  il  a 
acquis  une  trentaine  de  photographies  du  grand  manuscrit  de  Breslau  qu'il 
fait  aussi  photograver. 

Nous  croyons  inutile  de  faire  ressortir  l'importance  capitale  de  ce 
splendide  ouvrage,  d'une  valeur  inestimable  pour  l'histoire,  et  qui  est,  ainsi 
que  le  savant  auteur  l'a  si  bien  dit  :  le  Commentaire  vivant  des  chroniques 
de  Froissart. 

M.  Bouton  pourra  être  fier  d'avoir  doté  la  science  d'une  œuvre  aussi 
grandiose,  et  nous  souhaitons  à  cet  érudit  et  infatigable  travailleur  tout 
le  succès  et  la  satisfaction  qu'il  mérite. 

Qe  M.  N. 


XII 


ONNAIES    BARBARES   d' ARGENT,  TROUVÉES  DANS  LE  CIMETIÈRE   MÉROVINGIEN 

d'Herpes,  avec  une  planche. 

Sous  ce  titre,  M.  Maurice  Prou  a  puMié,  dans  la  Revue  Numismatique 
(Paris  1891),  un  intéressant  travail  sur  onze  petites  monnaies  d'argent  fort 
minces,  découvertes  par  M.  Philippe  Delamain,  dans  une  tombe  du  cime- 
tière mérovingien  d'Herpes,  commune  de  Courbillac  (Charente).  Elles 
étaient  soudées  les  unes  aux  autres  par  l'oxydation  et  se  trouvaient  dans 
la  main  du  mort. 

Ces  onze  pièces  sont  des  imitations  barbares  de  monnaies  romaines,  sur 
lesquelles  les  légendes  ne  sont  que  simulées,  et,  ainsi  que  le  fait  observer 
M.  Prou,  elles  offrent  une  frappante  analogie  avec  les  pièces  qui  ont  été 


—  544  — 

trouvées  dans  le  cimetière  d'Eprave  (province  de  Namur),  et  auxquelles 
M.  Georges  Cumont  a  consacré,  dans  la  Revue  belge  de  numismatique^  deux 
excellentes  études,  dont  nous  avons  eu  l'occasion  de  parler  précédemment 
dans  ces  Annales, 

M.  Prou  place  l'émission  de  ces  pièces  au  milieu  du  vie  siècle. 

Ce  qui  nous  semble  très  important  à  constater,  c'est  que  la  trouvaille 
d'Herpès  vient  pleinement  confirmer  ce  que  M.  Cumont  avait  déjà  parfai- 
tement établi,  notamment  que  les  premières  monnaies  frappées  par  les 
Francs  étaient  des  imitations  de  pièces  romaines.  Aussi,  le  savant 
numismate  français,  qui  rend  un  juste  hommage  à  l'érudition  de  M.  Cumont, 
termine-t-il  son  travail  par  ces  mots  :  «  L'étude  des  onze  monnaies  décou- 
vertes par  M.  Ph.  Delamain  dans  une  sépulture  du  cimetière  d'Herpès, 
nous  amène  donc  à  cette  conclusion  qu'il  y  a  eu  dès  le  vi^  siècle,  dans  les 
pays  soumis  à  la  domination  mérovingienne,  un  monnayage  d'argent,  qui 
a  eu  pour  point  de  départ,  tout  comme  le  monnayage  des  Goths  et  des 
Vandales,  la  contrefaçon 'des  monnaies  romaines  contemporaines  ». 

0«  M.  N. 


xni 


ARON  L.  Double.  Cabinet  d'un  curieux  —  Description  de  quelques 
livres  rares.  —  Paris,  S.  L.,  MDCCCXC,  un  vol.  in-8°,  ix-136  p., 
nombreuses  planches. 

M.  le  baron  L.  Double  a  suivi  dignement  les  traditions  paternelles.  Fils 
d'un  bibUophile  célèbre,  il  a  su  réunir  une  collection  vraiment  fort  belle  de 
Uvres  rares  ou  précieux. 

Rares  par  leur  ancienneté,  précieux  par  leur  histoire,  livres  échappés  à 
la  dispersion  de  bibliothèques  royales,  aux  retours  de  fortune,  des  Fouquet, 
comme  des  du  Barry  et  des  Pompadour,  des  Lamballe  et  des  Marie- 
Antoinette,  livres  charmants  de  naïveté,  tels  que  le  xvi^  siècle,  ce  «  temps 
magnifique  de  perspectives  grandioses  »  en  a  produit,  adorables  d'érudition 
pédantesque  ou  de  grâce  frivole,  incunables  et  livres  gothiques  aux 
archaïques  figures, bégaiements  de  l'art  xylographique  à  ses  débuts,  comme 
celles  de  ce  rarissime  Spéculum  Humana  salvaîionis  *,  la  perle  des  livres 

1  M.  le  baron  L.  Double  en  donne  la  description  suivante  : 

94  Spéculum  humant  salvationis.  (En  tête  du  feuillet)  Incipit   phemium  libri 

sequentis.  (Au  verso  du  dernier  feuillet)  Explicit  humaneqz  salutis  sûmula  plane  a 

me  fratre  lohanne  tui  pater  ordinis  aime  vir  bndicte  puto  quasi  minimo  monacho. 

S.  L  n.  d.  in-fo  de  269  feuillets  ;  192  fig.  sur  bois.  Maroquin  bleu  compart.,  tr.  dor. 

(Trautz-BauionnetJ. 


—  545   — 

rares  de  M.  le  baron  L.  Double,  tout  cela  réuni  par  leur  heureux  pos- 
sesseur, historien  de  mérite  et  bibliophile  renommé  qui  a  eu  l'excellente 
idée  d'en  publier  une  monographie  qui  n'est  pas  dans  le  commerce  et  qui 
porte  l'épigraphe  :  «  Elles  ne  peuvent  plus  mourir  »  entourant  une  touffe 
de  pensées. 


Collection  Double  n°  94.  Estampe  du  «  Spéculum  Humana  Salvationis  »  s.  1.  n.  d. 
in-fo  de  269  f.  192  figures  sur  bois. 

Pensée  d'amour  pour  cette  collection  dont  le  souvenir  restera,  grâce  à 
ce  volume  tiré  à  petit  nombre. 

Il  nous  suffira  de  le  signaler  aux  recherches  de  nos  confrères  ;  nous  lui 
devions  cela  tant  pour  le  mérite  de  la  bibhothéque  qui  y  est  décrite,  que 
pour  la  science  de  l'auteur  qui  fait  mieux  connaître  tant  de  volumes 
déjà  justement  célèbres. 

P.  S. 


XIV 


Bahaley.  Obchtchiy  olcherk  drevnostey  kharkovskoï  gouhemii .  (Récit  général 
des  antiquités  du   gouvernement  de  Kharkov),  Kharhovsky  Sboniik 
rRecueil  de  Kharkov)  t.  IV,  1890,  p.  76-92. 

L'article  intéressant  de  M.  Bahaley,  professeur  de  PUniversité  de  Khar- 

35 


—  546  — 

kov,  nous  permet  de  jeter  un  coup  d'œil  général  sur  les  antiquités  de 
l'Ukraine  orientale, considérée  jusqu'à  présent  comme  un  pays  complètement 
désert  pendant  plusieurs  siècles  et  tout  à  fait  stérile  au  point  de  vue  d'ar- 
chéologie. Les  recherches  entreprises  par  ce  savant  ukrainien,  dans  le  but 
d'élaborer  une  carte  archéologique  de  cette  province,  nous  montrent  qu'elle 
était  habitée  jadis  par  un  peuple  inconnu  qui  nous  a  laissé  beaucoup  de  poin- 
tes de  flèches  en  silex  et,  des  haches  de  pierre,  qu'on  trouve  dans  les  dis- 
tricts d'Isioum,  de  Koupiansk  et  de  Bohodoukhov.  On  ne  sait  pas  encore 
à  quelle  époque  appartiennent  ces  instruments,  mais  la  présence  du  mam- 
mouth est  constatée  pour  ce  pays  par  une  trouvaille  d'un  squelette  presque 
complet  de  cet  animal  dans  le  district  d'Akhtyrka.  Les  fouilles  de 
M.  Zariétzky  ont  donné  une  quantité  assez  considérable  des  objets  de 
bronze,  achetés  pour  le  Musée  Historique  de  Moscou  :  haches,  lances, 
poinçons,  harpons,  hameçons,  aiguilles,  fibules,  etc.  Les  trouvailles  des 
objets  de  l'âge  de  fer,  faites  par  M.  Zariétzky  aussi,  dans  les  tumuh\  cons- 
tatent l'existence  de  plusieurs  sortes  d'inhumation  :  dans  le  kourgane  de 
Vitova,  par  exemple,  le  corps  était  enveloppé  dans  un  tissu  et  dans  une 
fourrure,  au-dessous  de  lai  se  trouvait  le  cheval  et  dans  un  coin  de  la 
fosse  un  carquois  orné  de  plaques  d'or  ;  dans  le  kourgane  d'Opichliany,  la 
fosse  portait  des  traces  du  feu  et  contenait  un  vase  rempH  des  os  calcinés 
et  un  carquois  ;  dans  un  autre  kourgane,  le  cadavre  était  mis  dans  une 
nacelle  d'écorce  et  avait  auprès  de  la  tête  un  vase  avec  les  grains  de  millet 
et  les  boucles  d'oreille  en  or,  au-dessous  de  lui,  dans  une  cage  en  bois,  se 
trouvaient  des  armes  et  des  objets  de  harnais.  Plusieurs  flèches  portent  les 
signes,  probablement  ceux  de  la  propriété.  Une  monnaie  de.Septime-Sévère 
prouve  que  les  kourganes  fouillés  par  M.  Zariétzky  se  rapportent  au  iiMii» 
siècle  de  notre  ère. 

Les  autres  trouvailles  monétaires  appartiennent  à  l'époque  khazaro-slave 
(vi®-x®  siècle.)  Ce  sont  les  traces  des  anciennes  forteresses  {horodichtcha) 
qui  représentent  les  monuments  les  plus  intéressants  de  cette  époque. 
M.  Bahaley  les  a  mis  sur  sa  carte  au  nombre  de  quarante-deux,  mais  elles 
sont,  dit-il,  beaucoup  plus  nombreuses.  Elles  sont  situées  aux  bords  des 
fleuves  les  plus  importants  du  pays. Dans  le  bassin  du  Dnieper,  elles  sont  au 
nombre  de  vingt-trois  et  dans  celui  de  Donetz  au  nombre  de  dix-huit. 
D'après  M.  Bahaley,  ce  sont  les  restes  des  villes  fortifiées  des  anciens  slaves 
russes  et  notamment  des  Séveriens. 

Les  tribus  turques  enfin  ont  laissé  dans  la  province  de  Kharkov, leurs  traces 
sous  la  forme  des  statues  grossières,  connues  dans  le  pays  sous  le  nom  des 
femmes  en  pierre  (kamiany  baby)  ou  des  aïeuls  blancs  (bily  didy)  qui  se  trouvent 
ordinairement  sur  les  sommets  des  kourganes.  Ces  statues  ont  été  men- 
tionnées par  Rubruquis,    voyageur  du  xiii«  siècle,    qui  raconte  que  les 


—  547  — 

Polovtzys  faisaient  des  tnmiili  au-dessus  des  tombeaux  de  leurs  morts  et 
mettaient  sur  les  sommets  de  ces  tumuli,  des  statues  en  pierre  dont  les 
figures  étaient  tournées  à  POrient  et  qui  tenaient  dans  les  mains,  au-des- 
sous du  ventre,  de  petits  vases.  Ces  hamiany  haby  sont  très  nombreuses 
dans  les  districts  méridionaux  du  gouvernement  de  Kharkov  et  manquent 
presque  absolument  dans  les  districts  du  Nord,  ce  qui  s'explique  bien  par 
k  fait  que  la  partie  méridionale  de  la  province  actuelle  de  Kharkov  appar- 
tenait aux  xie-xiie  siècles  aux  Polovtzys,  tandis  que  la  partie  septentrionale 
était  occupée  par  les  Sévériens.  Les  fouilles  régulières  de  ces  kourganes 
ornés  de  statues  en  pierre,  jeteront,  selon  l'opinion  de  M.  Bahaley,  la 
lumière  sur  leur  origine,  jusqu'à  présent  toujours  énigmatique. 

Th.  Volkov. 


MÉLANGES 


TOUTES    LES   COMMUNICATIONS   INSÉRÉES    SONT   PUBLIÉES   SOUS    LA   RESPONSABILITÉ 
PERSONNELLE    DE  LEURS    AUTEURS. 


BELGIQUE 


n  signale  dans  l'ancienne  église  Saint-Servais,  à  Schaerbeek,  aujour- 
d'hui désaffectée  et  transformée  en  école  de  dessin,  la  découverte  de 
restes  de  polychromie,  tant  sur  les  murs,  que  sur  la  charpente  de  cet 
édifice. 


ESPAGNE 

La  Epoca  de  Madrid   donne  quelques  notes  intéressantes  sur  le  Musée 
archéologique  de  cette  ville. 

Nous  croyons  intéressant  d'en  résumer  quelques  passages  ^  : 
La  création  du  Musée  archéologique  de  Madrid  a  été  décidée  le  20  juil- 
let 1867.  Son  inauguration  date  du  9  juillet  1871.  On  y  a  transporté  la 
collection  de  monnaies  et  des  antiquités  de  la  Bibliothèque  Nationale, 
une  grande  quantité  d'objets  provenant  d'Asie,  d'Afrique,  de  l'Amérique 
et  de  l'Océanie,  que  le  roi  Charles  III  fit  venir  de  Naples,  et  une  collec- 
tion d'objets  d'histoire  naturelle,  formée  par  la  Commission  scientifique, 
envoyée  à  l'Océan  pacifique.  Ces  diverses  collections,  qui  constituent  la 
base  du  musée,  sont  installées  provisoirement,  dans  l'ancien  Casino   de   la 


1  Nous  devons  ces  lignes    à   l'obligeance  de   feu  M.  Lopez  Mendez,  membre 
effectif  la  de  Société. 


-  549  — 

Reine,  sous  la  direction  de  M.  José  Ramon  Melida,  mais  elles  seront 
transférées  dans  une  section  du  vaste  bâtiment  que  le  gouvernement  fait 
construire  actuellement  dans  la  rue  de  Recolebas,  pour  les  divers  éta- 
blissements de  l'instruction  publique. 

L'État  a  acquis  dernièrement,  une  riche  collection,  appartenant  au 
marquis  de  Salamani,une  autre,  léguée  par  M.Osensi,  et  a  reçu  de  précieux 
dons    faits  par  MM.  Foda,  Rada  y  Delgado  et  Vilanova. 

La  première  salle  du  Musée  est  celle  qui  attire  de  préférence  l'atten- 
tion des  étrangers.  Elle  renferme  des  restes  de  l'art  mauresque,  en  bois, 
en  albâtre  et  en  plâtre  ;  des  arcs  de  VAÎjafert'a  de  Zamgoia  avec  des  réminis- 
cences persanes  ;  des  modèles  de  l'Alhambra  et  de  l'Alcazar  de  Séville  ; 
une  lampe  de  fer,  très  grande  et  très  étrange,  une  série  de  plats,  aux 
reflets  métalliques  (qu'on  imite  très  bien  à  la  Monalva  et  à  Valence)  et 
quantité  de  bijoux  et  de  toiles  d'origine  ou  de  style  oriental,  et  vieilles  de 
cinq  ou  six  siècles.  Il  y  a  aussi  —  et  ils  sont  du  plus  bel  effet  —  des 
spécimens  curieux  de  petites  fenêtres  arabes,  en  usage  jadis  dans  la 
péninsule. 

On  trouve,  dans  la  seconde  salle,  une  collection  de  tapisseries,  parmi 
lesquelles  une  tapisserie  flamande  du  xv^  siècle,  qui  est  considérée 
comme  une  merveille.  Elle  représente  la  Vierge  et  l'enfant  ;  les  figures 
sont  d'une  grande  délicatesse  d'expression  ;  les  couleurs  ont  conservé 
tout  leur  état  primitif.  D'autres  tapisseries,  très  riches  aussi,  mais  d'un 
goût  baroque,  sont  pourtant  intéressantes  au  point  de  vue  historique. 
Elles  ont  appartenu  au  comte-duc  d'Olivares,  le  ministre  de  Philippe  IV. 
Brodées  en  soie  avec  des  fils  d'or,  elles  représentent  des  animaux  et  des 
fruits,  se  détachant  dans  une  galerie  de  colonnes  de  grandeur  naturelle  et 
elles  font  l'eflFet  d'une  sculpture  brodée. 

Cette  salle  renferme  aussi  des  chaises,  des  bancs,  des  bronzes  et  autres 
objets  du  xvii«  siècle.  Comme  curiosité  historique,  il  y  a  l'astrolabe  de 
Philippe  II,  et  une  Htière  de  construction  française,  style  Louis  XV, 
richement  dorée  et  peinte  avec  des  rideaux  de  soie. 

Les  stalles  de  l'égHse  del  Parral  (Segovie)  attirent  l'attention  dans  la 
troisième  salle.  Ces  stalles  sont  très  importantes  pour  l'histoire  de  la 
sculpture  en  bois,  ainsi  qu'une  chaire  en  style  ogival  pur,  qui  se  trouve 
dans  la  même  salle.  A  côté,  dans  l'ancienne  chapelle  du  Casino,  sont 
exposées  les  statues  de  Dofia  Aldonza  de  Mendoza  (xv«  siècle),  et  de  Don 
Pedro  l^  de  Castille,  dit  le  Cruel  ou  le  Justicier,  comme  on  voudra.  A 
côté  et  dans  un  cadre  très  mesquin,  l'étendard,  porté  par  Cisneros,  lors 
de  la  prise  d'Oran.  En  sortant  de  la  chapelle,  on  voit  une  grande  pierre 
tombale  de  l'époque  gothique,  représentant  un  guerrier  en  relief. 

Dans  la  cinquième  salle,  un  autel  avec  de  grands  bas-reliefs  en  terre 


—  550  — 

colorée,  rappelle  les  fameux  Lucas  de  Robbia.  Il  y  a  aussi  dans  cette  salle 
un  plat  authentique  d'Urbin,  et  plusieurs  armoires  pleines  d'échantillons  de 
la  céramique  nationale  et  étrangère.  Même  spectacle  dans  la  salle  n°  6,  où 
Ton  trouve  représentée  l'industrie  de  Talaveyra,  Alcira,  Manises,  el  Retiro 
et  Tancienne  Monelva,  pour  les  porcelaines,  Barcelone,  Valence  et  La 
Granja  pour  les  cristalleries. 

If 

ÉTATS-UNIS  D'AMÉRIQUE 
Découverte  archéologique  en  Amérique. 

On  mande  d'Edniore  (Michigan)  au  Globe  : 

On  vient  de  trouver  près  de  cette  ville,  un  tertre  rempli  d'ossements. 

Le  plus  remarquable  des  objets  découverts  est  un  coffret  scellé  contenant 
des  tablettes  et  trouvé  près  du  squelette  d'un  homme. 

Le  couvercle  du  coffret  est  en  terre  rouge;  la  forme  d'une  femme  cou- 
chée, reposant  sa  tête  sur  un  oreiller,  y  est  sculptée. 

Il  y  a  aussi  plusieurs  autres  figures,  entre  autres  un  homme  semant  du 
grain,  des  arbres  et  les  murs  d'un  château. 

Dans  le  tertre,  on  a  aussi  trouvé  des  lances,  des  plaques  de  métal  et  des 
couteaux. 


FRANCE 

M.  E.  Chuard  a  fait  remarquer  à  l'Académie  des  Sciences  de  Paris,  dans 
ses  séances  du  27  juillet  et  du  3  août  1891  ^,  que  : 

Les  objets  de  bronze  utrouvès  dans  la  terte  présentent  deux  couches  : 
10  Une  couche  superficielle  verte  qui  s^enlève  facilement,  formant  patine, 
le  plus  souvent  d'une  épaisseur  de  plusieurs  millimètres,  et  constituée 
essentiellement  par  du  carbonate  de  cuivre  (malachite)  mélangé  d'oxyde 
d'étain  ;  2*  une  couche  profonde  plus  adhérente,  formée  par  de  l'oxyde 
cuivreux. 

Quant  aux  objets  trouvés  dans  l'eau,  sur  la  vase,  ils  présentent,  en  géné- 
ral, deux   faces  d'aspect  différent  :  a)  une  face  en  contact  avec  la  vase, 

1  Revue  scientijique,  8  août  1 891,  p.  48  (2e  semestrej,  p    185 . 


—  551  — 

ordinairement  la  moins  altérée,  ayant  même  souvent  conservé  un  éclat 
presque  métallique  ;  b)  une  face  en  contact  avec  l'eau,  recouverte  de 
trois  couches  :  i°  une  couche  superficielle  formée  d'une  croûte  calcaire  ; 
2*  une  couche  moyenne,  verte,  formée  de  cuivre  carbonate  mélangé 
d'oxyde  d'étain  ;  3*^  une  couche  profonde  d'oxyde  cuivreux,  ordinairement 
cristallme  et  brillante. 

Enfin  une  troisième  et  dernière  catégorie  comprend  les  objets  en  bronze 
retrouvés  enfouis  dans  la  vase  môme.  Ces  objets,  une  fois  débarrassés  de  la 
gangue  qui  les  enveloppe  mécaniquement,  apparaissent  avec  une  couleur 
jaune  clair  et  l'éclat  métallique,  couleur  et  éclat  qui  ne  sont  pas  dus  au 
métal  lui-même,  mais  à  une  couche  ordinairement  assez  mince  (1/2  à  i/io  de 
millimètre)  qui  enveloppe  l'objet  d'unelfaçon  continue  comme  d'une  gaine, 
sous  laquelle  le  métal  apparaît,  dès  qu'on  l'enlève,  avec  la  couleur  rou- 
geâtre  habituelle  aux  bronzes  des  palafittes.  Cette  gaine  n'est  autre  qu'un 
sulfure  métallique,  une  chalcopyrite'stannifère,  dont  la  production  s'est 
faite  en  dehors  de  toute  intervention  d'une  "eau  minérale,  soit  sulfurée, 
soit  ferrugineuse. 

La  Tribune  de  Genève  (i«'  juillet),  annonce  la  découverte  d'une  tombe  de 
femme  semblant  dater  de  l'époque  gallo-romaine  à  Aire-la- Ville.  Au  bras 
droit  était  un  bracelet  de  bronze  et  tout  près  d'elle  un  poids  de  terre  cuite 
en  forme  de  poire. 


INDE 


Lq  Galignani  messengcf- du  20  janvier  1891,  donne  d'intéressants  détails 
sur  les  travaux  de  V Archaological  survey  of  Western  India  pendant  la  saison  de 
1889-90. 

MAROC 


M.  Henri  de  ^a  Martinière  chargé,  en  1883,  d'une  mission  archéologique 
au  Maroc,  par  le  Ministère  de  l'Instruction  publique  de  France,  est  rentré 
récemment  dans  ce  pays  et  a  donné  les  détails  suivants  sur  ses  décou- 
vertes à  un  rédacteur  de  la  France  (25  août). 

«  Ma  mission  au  Maroc,  nous  dit  M.  de  la  Martinière,  était  de  continuer 


—  552  — 

les  fouilles  commencées  par  Tissot,  dans  l'ancienne  Mauritanie  Tingitane^ 
c'est-à-dire  dans  la  province  qui  s'étend  entre  Tanger  et  Fez.  Les  fouilles 
se  rapportaient  à  l'époque  phénicienne  et  à  l'époque  romaine. 

«  L'histoire  est  à  peu  prés  muette  sur  l'établissement  des  Phéniciens  au 
Maroc.  On  sait  qu'ils  ont  eu  des  comptoirs  commerciaux  sur  la  côte  bai- 
gnée par  la  Méditerranée.  On  sait  aussi  —  et  là  s'arrêtent  nos  connais- 
sances —  que  le  Carthaginois  Hannon  a  fait,  à  une  époque  très  reculée,  un 
voyage  d'exploration  dans  l'Atlantique  au  cours  duquel  il  s'est  avancé 
assez  loin  sur  la  côte  occidentale  de  l'Afrique. 

«  Mais  le  passage  des  Phéniciens  au  Maroc  est  attesté  par  les  nom- 
breuses médailles,  les  lampes  et  les  poteries  que  les  fouilles  ont  fait  décou- 
vrir dans  la  région  dont  je  vous  ai  parlé  et,  notamment,  autour  de  la  ville 
de  Lixus.  Cette  ville,  de  fondation  phénicienne,  se  trouve  au  sommet  d'une 
colline  assez  élevée.  Une  partie  des  anciennes  murailles  subsistent  encore  ; 
ce  sont  des  blocs  de  pierres  calcaires  posés  les  uns  sur  les  autres,  et  l'on 
se  demande  par  quels  moyens  ces  énormes  masses  ont  pu  être  transportées 
à  cette  hauteur. 

«  Postérieurement  aux  Phéniciens,  les  Romains  se  sont  établis  dans  la 
Mauritanie  Tingitane.  Comme  témoignages  de  leur  présence,  j'ai  découvert 
des  poteries  romaines  très  bien  conservées  et  quantité  de  monnaies  d'assez, 
grande  valeur  en  bronze  et  en  argent. 

«  Les  ruines  romaines  sont  nombreuses,  surtout  autour  de' Volubilis, 
une  petite  ville  au  nord-ouest  de  Tanger,  où  j'ai  découvert,  sur  une  très- 
ancienne  pierre  tombale,  une  inscription  en  hébreu  de  l'époque  romaine. 
Avec  deux  autres  qu'a  découvertes  Tissot,  c'est  la  seule  inscription  de  ce 
genre  que  l'on  connaisse  dans  ces  régions. 

«  A  quelque  distance  de  Volubilis,  j'ai  trouvé  également  un  objet  extrê- 
mement rare  et  d'une  inestimable  valeur  :  c'est  un  encensoir  chrétien,  de 
forme  byzantine,  datant  du  second  ou,  tout  au  plus,  du  troisième  siècle  de 
l'ère  chrétienne.  C'est  jusqu'à  présent  le  seul  objet  qui  ait  été  trouvé  pour 
témoigner  de  la  présence  des  premiers  chrétiens  au  Maroc.  » 


TABLE  DES  MATIÈRES 


Archéologie  appliquée. 

P.  Saintexoy  et  baron  A.  de  Loê.  —  Rapport  sur  l'organisation  de  la 

Section  d'Archéologie  du  Palais  du  Peuple,  à  Bruxelles 430 

Archéologie  belgo -romaine. 


299 


Emile  de  la  Roche  de  Marchiennes.  —  La  villa  belgo-romaine  de 
Nouvelles 

Baron  Alfred  de  Loê.  —  Quelques  renseignements  sur  un  cimetière 

belgo-romain,  découvert  à  Archennes  (Brabant),  en  1883    ....  34 

Baron  Alfred  de  Loê.  —  Le  tumulus  belgo-romain   de  Lennick-Saint- 

Quentin 404 

Archéologie  franque. 

G.  CuMONT.  —  Balances  trouvées  à  Harmignies,  Belvaux,  Wancennes  et 

Eprave 59 

Armand  de  Behault  de  Dornon  et  baron  A.  de  Loê.  —  Les  Francs 

Saliens  dans  le  Brabant 72,  200 

Archéologie  romano-dalmate. 
Ch.  Buls.  —  Diocletia  et  Salona 188 

Archéologie  préhistorique  américaine. 

Baron  Alf.  de  Loê.  —  Le  préhistorique  de  la  Colombie 218 

Archéologie  préhistorique  de  la  Belgique. 

Baron  A.  de  Loê.  —  Les  tombelles  des  environs  de  Wavre  et  de  Court- 
Saint-Etienne  222 


—  554  — 

E.  DE  MUNCK,  —  Les  silex  mesviniens  datent-ils  d'une  époque  antérieure 

à  l'industrie  acheuléenne  ? 145 

Comte  GoBLET  d'Alviella.  —  Note  sur  un  ouvrage  en  terre  situé  dans  la 

vallée  de  l'Orne,  à  Court-Saint-Étienne 54 

Archéologie  préhistorique  de  T Asie-Mineure. 

D*"  Henry  Schuemann.  —  Les  dernières  fouilles  d'Hissarlik  (Troie),  avec 

note  complémentaire,  par  M.  Emile  de  Munck 84 

Architecture  militaire  ancienne. 

P.  CoMBAZ  et  Arm.  de  Behault  de  Dornon.  —  Les  premiers .  remparts 

deLouvain 337 

Architecture  comparée. 

Paul  Saintenoy.  —   Prolégomènes   à  l'étude  de  la  filiation  des  fonts 

baptismaux,  depuis  les  baptistères  jusqu'au  XVI®  siècle 5»  243 

Bibliographie  ancienne. 

Louis  Titz.  —  La  conférence  du  Livre,  à  Anvers,  les  7,  8  et  9  août  1890  .  303 

Congrès  archéologiques. 

Baron  A.  de  Loê.  —  Congrès  archéologique  de  France.  —  .Cinquante- 
septième  session,  1890,  Brive  (Corrèze) 99 

Excursions. 

Paul  Saintenoy.  —  L'Excursion  de  la  Société  d'Archéologie  de  Bru- 
xelles, à  Dieghem,  Saventhem,  Winxele  et  Hérent 526 

Héraldique. 

Comte  M.  de  Nahuys. —  Bahut  trouvé  en  Suède  avec  blason  rappelant 

celui  de  Busleyden 227 

Histoire. 

J.-Th.  de  Raadt.  —  Henri  de  Varick,  vicomte  de  Bruxelles.     .     ,     .     .  685 

Histoire  de  la  littérature. 

Lieutenant  Gaétan  Hecq.  —  La  Ballade  et  ses  dérivés  :  chant  royal,  chan- 
son royale,  serventois,  pastourelle  et  sotte  chanson 488 

Histoire  de  la  musique. 
Comte  M.  de  Nahuys.  —  L'Ecriture  musicale  ancienne 39 


—  555  — 

G.  CoMBAZ.  —  Une  visite  au  Musée  du  Conservatoire  royal  de  Musique  à 

Bruxelles 28$ 

S.  De  ScHRYVER.  —  Quatorze  lettres  inédites  de  Grétry,  conservées  au 

Musée  Grétry  à  Liège 392 

Histoire  de  la  peinture. 

Edgar  Baes.  —  De  la  valeur  archéologique  des  similitudes  de  forme  et  de 

couleur 107 

S.  De  Schryver.  —  Luc  Gassel,  peintre  paysagiste  du  xvi^  siècle  ...  370 

P.-L.  DE  Gavere.  —  Deux  portraits  attribués  à  Holbein  représentent-ils 

Nicolas  d'Aubermont  et  Jeanne  de  Gavre,  sa  femme  ?       .     .     .     .  473 

Histoire  des  institutions  charitables. 

J.-Th.  de  Raadt.  — La  Maison  des  Douze-Apôtres,  à  Bruxelles  ...  4$ 5 

Histoire  des  voyages. 

E.Michel.  — De  l'importance  des  voyages  au  moyen  âge Î83    ^ 

Inscriptions  funéraires. 

Paul  Saintenoy.  —  La  pierre  tombale  de  Laurent  le  Blanc 172 

Georges  CuMONT.  —  La  pierre  tombale  de  Nicolas  Grudius     ....  213 
Paul  Combaz.  —  Les  tombeaux  des  RR.  PP.  Jésuites  découverts  sous  la 

cour  de  l'ancien  Palais  de  Justice  de  Bruxelles  (rue  de  Ruysbroeck)     .  410 

Mélanges. 
Découvertes,  fouilles,  etc 130,  326,  540 

Notes  bibliographiques. 

Paul  Saintenoy.  —  Pre-reformation  churches  in  Fife  and  the  Lothians, 
par  J.  Russel  Walker.  —  Les  vitraux  de  Montmorency  et  d'Ecouen, 
par  Lucien  Magne 123,  125 

J.  Destrke.  —  La  sculpture  et  les  arts  plastiques  au  pays  de  Liège  et  sur 

les  bords  de  la  Meuse,  par  J.  Helbig 309 

O^M.  N.  —  Supplément  aux  recherches  sur  les  monnaies  des  comtes 

de  Hainaut,  par  Alphonse  de  Witte 324 

Qe  M.  N.  —  Monnaies  récemment  découvertes  dans  les  cimetières  francs 

d'Eprave,  par  G.  Cumont 324    ; 

J.  Th.   de  R.   —   Van  Schoonbeke  en  het  Maagdenhuis  van  Antwer- 

pen,  par  Ed.  Geudens 325 

C*®  M.  N.  —  Wapenboeck  ou  armoriai   de   Gelre,  Héraut  d'armes  de 

1334a  1372,  par  V.  Bouton 535 

Oe  M.  N.  —  Monnaies  barbares  d'argent  trouvées  dans  le  cimetière  mé- 
rovingien d'Herpès,  par  M.  Proux 537    • 


-  556  - 

P.  S.  —  Cabinet  d'un  curieux.  —    Description  de  quelques  livres  rares. 

(Baron  L.  Double) 538 

VoLKOV.  —  Le  préhistorique  en  Ukraine,  par  M.  Bahaley 545 

Procès-verbaux  des  séances. 

Séance  du  4  Novembre  1890 153 

»         »  2  Décembre  1890 181 

»         »  2  Janvier  1891    . •  185 

»         ))  2  Février  1891 • 282 

»         ))  2  Mars  1891 • 295 

»         »  6  Avril  1891 415 

»         »  4  Mai  1891 417 

»         »  8  Juin  1891   ....     - 422 

Questions  et  réponses. 

Questions  III  à  VIII.     ..." 116 

Réponses  aux  questions  II  et  VI 120 

Questions  IX  à  XIII 306 

Réponse  à  la  question  VII ,     ,  307 

Réponse  à  la  question  X .  $34 


—  557  — 
TABLE  DES  PLANCHES  ET  FIGURES 


Fonts  de  Fowlis.  —  Forfarshire  (Ecosse)  dessin  de  M.  Russel  Walker.     .  5 

Fonts  de  l'église  de  Waha  (Belgique) 14 

Fonts  de  l'église  de  Solre-sur-Sambre  (Belgique)  xve  s 15 

Baptistère  de  Novare  (coupe  et  plan)  dessin  de  M.  Saintenoy     ....  19 

Le  baptême  par  immersion  et  par  aspersion,  dessin  de  M.  Saintenoy  .     .  21 

Fonts  de  Baarse  (Danemark),  dessin  de  M.  Bulens 24 

Fonts  baptismaux  de  la  cathédrale  de  San  Giovanni  à  Sienne  (PI.  I.)  .     .  25 

Fonts  baptismaux  conservés  au  Musée  de  Venise  (Italie)  ixe  s.     .     .  27 

Fonts  baptismaux  de  Brugelette  (xve  s.) 28 

Baptistère  avec  édicule,  de  Nocera  degli  Pagani   (Italie)  (coupe  et  plan) 

dessin  de  M.  P.  Saintenoy 29 

Baptistère  de  Cividale  (Frioul) 30 

Fragment  d'un  bas-relief  en  ivoire  de  l'ancienne  collection  de  VioUet-le- 

Duc  (France)  xie  s 31 

Fonts  baptismaux  de  Saint-Mard-devant-Virton,  dessin  de  l'auteur  ...  33 
Spécimens  d'écritures  musicales  du  moyen  âge    (PI.  II),  dessin  de  M.  le 

comte  deNahuys,  lithog.  de  M.  Lavalette 48 

Cartouche  avec  notes  de  musique  surmonté  d'un  écusson  ornant,  avant  la 

chute  du  beffroi,  en  17 14,  un  pilier  de  cuivre  du  baptistère  de  l'église 

de  Saint-Nicolas,  à  Bruxelles .  52 

Court-Saint-Étienne.  —  Vue   de   l'ouvrage  en  terre  dans  la  vallée   de 

l'Orne  (PI.  11^) 56 

Cimetière  franc  d'Harmignies,  tombe  n»  308  (PL  III) 63 

Balances  trouvées  à  Harmignies,  Belvaux,  Wancennes  et  Eprave  (PL  IV), 

dessin  de  M.  Lavalette 69 

Reproduction  du  plan  VII  de  «  Troja  »  (édition  allemande)  et  du  plan  VII 

de  r  «  Ilios  »  (édition  française)  de  Schliemann 87 

Psyché  offrant  des  présents  à  ses  sœurs  {^Gravure  du  Maître  au  de)  ...  126 
Vitrail  du  château  de  Chantilly,  représentant  Psyché  offrant  des  présents  à 

ses  sœurs 127 

Psyché  prête  à  se  venger  de  ses  sœurs  [Gravure  du  Maître  au  dé).  ...  128 
Vitrail  dans  la  chapelle  du  château  de  Chantilly,  représentant  les  fils  du 

connétable  Anne  de  Montmorency  (PL  V) 129 

Vitrail  du  château  de  Chantilly,  représentant  Psyché  prête  à  se  venger  de 

ses  sœurs 131 

Coupe  idéale  montrant  la  superposition  des  différentes  assises  du  terrain 

quaternaire  de  la  région  d'Havré-Saint-Symphorien-Spiennes  .  .  .  146 
Silex  taillés  recueillis  dans  le  dépôt  caillouteux  d'Havre  (Champs-Elysées) 

et  Spiennes  (exploitations  de  M.  Helin)  (deux  fig.) 147 


-  558  - 

Éclat  allongé  ou  lame  ayant  servi  à  trancher  ou  à  racler 149 

Silex  taillé  de  forme  discoïde 150 

Cathédrale  de  Canterbury  ;  abside  (xiiie  s.) 155 

Cathédrale  d'Ély  (façade  principale)  (xiie  s.) 157 

Portail  dit  de  Galilée,  à  la  cathédrale  d'Èly,  élevée  vers  1215     ....  159 
Cathédrale  d'Ely.  —  Travée  de  l'abside  rebâtie  sous  l'évêque  Northwold 

de  1229  à  1254 161 

Chapelle  de  King's  Collège,  à  Cambridge  (fin  du  xv«  siècle) 165 

Merton-College,  Oxford i6s 

Statuette  de  la  Vierge  appartenant  à  M.  Corroyer  ........  184 

Campanile  de  Spalato 188 

Basilique  de  Salona 190 

Forum  de  Diocletia  et  entablement  du  palais  de  Dioclétien  (dessin  de 

M.  Paul  Combaz)  (PL  VI) 191 

Portique  du  temple  de  Spalato 193 

Temple  d'Esculape  à  Spalato 197 

Tombe  de  Nicolas  Grudius,  à  Alsembergh  (Brabant)  (PI.  VII)  dessin  de 

M.  Lavalette 215 

Sceau  de  Gilles  I^'- de  Busleyden 230 

Bahut  trouvé  en  Suède  et  armoiries  (PI.  VIII)  (dessin  de  M.  le  comte  de 

Nahuys) 233 

Fonts  de    l'église    Saint-Clément  de  Tours  (France)  (xe  ou  xie  siècle) 

PI.  IX,  deux  fig 249 

Fonts  baptismaux  conservés  au  Musée  de  la  Société  Arcbéolo^iqtie  d'Indre-et- 
Loire,  à  Tours  (France)  et  attribués  au  vie  siècle  (M.  l'abbé  Chevalier)  25 1 

Fonts  de  Dinas  Mowddwy  (Pays  de  Galles) 252 

Fonts  de  Balquhidder,  Perthshire  (Ecosse),  dessin  de  M.  Russell  Walker.  .  253 

Fonts  de  Clisson  (France,  Loire-Inférieure)  ......  ...  254 

Fonts  baptismaux  actuellement  à   l'église  de  Saint-Barthélémy,  à  Liège 

(œuvre  de  Lambert  Patras. —  11 12) 257 

Bas-relief  des  fonts  de  Saint-Barthélémy,  à  Liège,  représentant  le  baptême 
de  Cornélius,  le  centurion,  et  de  Craton,  le  philosophe.  (Dessin  de 

J.  Stuckens,  d'après  un  relevé  de  feu  A.  Schaepkens) 258 

Bas-relief  de  la  couverture  du  <Sa£:raw£w/a/r^  de  Drogon  (Bibl.  nat.  Paris). 

(Dessin  de  J.  Stuckens,  d'après  Lenormand) "    .  259 

Fonts  baptismaux  d'Aldbar,  Forfarshire  (Ecosse)  (dessin  de  M.  Russell 

Walker) 264 

Fonts  Anglais  et  Suédois  (PI.  X,  deux  fig.) .  265 

Bas -relief  des  fonts  de  Pont-à-Mousson  (France)  (dessin  de  M.  J.  Stuc- 
kens, d'après  de  Caumont,  Abécédaire,  p.  307) ,     .  269 

Fonts  baptismaux    de   Dunrod,  Kirkcudbrightshire    (Ecosse)    dessin    de 

M.  Russell  Walker 270 

Fonts  baptismaux  de  la  cathédrale  d'Hildesheim  (Allemagne)  (xuie  s.) 

(Pl.Xy 275 


—  559  — 

Fonts  baptismaux  de  l'église  Saint-Germain,  à  Tirlemont,  actuellement  au 

Musée  d'Antiquités  de  Bruxelles  (xii^  siècle)    ........  275 

Fonts  de  l'église  de  Barnack  (Angleterre)  d'après  V  Architectural  Association 

Sketchbook 278 

Instruments  de  musique  (dessin  de  M.  Gisbert  Combaz) 289 

Tympan  sculpté  du  xii®  s.  (cloître  de  Saint-Servais,  à  Maestricht)    .     .     .  309 
Abbaye  de  Westminster.  —  Cénotaphe  de  Philippine  de  Hainaut,  épouse 

de  Edouard  III,  roi  d'Angleterre,  par  Hennequin  de  Liège  (xiv®  s.)     .  316 

Sceau  de  Thierry  de  Fauquemont,  deux  hg 318 

Buste  de  Richelieu,  par  Warin  (xviie   siècle.)  (PI.  XII) 321 

Fragment  de  compte  de  Philippe-le-Bon  (en  possession  de  M.  le  major 

Combaz.)  (PI.  XIII) 329 

Plans  de  la  première  enceinte  de  Louvain  (PI.  XIV)  dessin  de  M.  P.  Com- 
baz        345 

Vues  anciennes  des  remparts  de  Louvain  (PI.  XV)  dessin  de  M. P. Combaz  349 
Restes  actuels  de  la  i*"®  enceinte  de    Louvain  (PL  XVI)    dessin   de    M. 

P.  Combaz - 353 

Inscription  du  portrait  de  Luc  Gassel 370 

Portrait  de  Luc  Gassel,  peintre-paysagiste  du  xvi®  siècle  (PI.  XVII)     ,     .  371 

La  fuite  en  Egypte  —  reproduction  du  tableau  de  Luc  Gassel     ....  377 

Monogramme  de  Luc  Gassel 380 

Emplacement  du  lumulus  belgo- romain  de  Lennick-Saint- Quentin     .     .  404 

Coupe  du  tumulus  de  Lennick-Saint-Quentin 405 

Ustensile  en  bronze  trouvé  dans  une  tombe  franque,  à  Villers  devant 

Orval  (Luxembourg) 420 

Sceau  de  Pierre-Albert  de  Launay 428 

Fac-similé  de  la  signature  de  Jacques  le  Roy 428 

Blason  des  le  Roy  (écartelé  de  Holff) 429 

Sceau  de  Jean  Bmt 469 

Sceau  de  Lambert  de  Cock • 469 

Portrait  de  Henri  de  Varick,  vicomte  de  Bruxelles  (PI.  XVIII).     .     .     .  484 

Chanson  d'Adam  de  la  Halle  (PI.  XIX) 500 

L'Innamorato  (Ballade)  (PI.  XX). 52^ 

Inscription  lapidaire  de  l'église  de  Beyghem  (xve  s.) 525 

Inscription  lapidaire  de  Téghse  d'Hérent  (xiiie  s.) 532 

Armoiries  extraites  du  Wapenhoeck  ào.  Gelre  (PI.  XXI  à  XXIII)  ....  537 

Estampe  du  Spéculum  Humana  Salvationis 544 


863.  —  Bruxelles,  imp.  A.  Vromant  et  C»»,  3,  rue  de  la  Chapelle. 


DH 
4.01 
35 
t. 5 


Soci(5té  royale  d'archéolo^ 
de  Bruxelles 
Annales 


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