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ANNALES
DE LA SOCIÉTÉ
D'ARCHÉOLOGIE
DE
BRUXELLES
sous LA PRÉSIDENCE d'HONNEUR DE S. A. R. M^R LE COMTE DE FLANDRE
Secrétariat Général : rue des Palais, 63, Bruxelles.
MEMOIRES, RAPPORTS ET DOCUMENTS
PUBLICATION PÉRIODIQUE
TOME CINQUIÈME
LIBRAIRIE SPÉCIALE D'ARCHITECTURE
ARCHÉOLOGIE, AMEUBLEMENT, DÉCORATION, BEAUX-ARTS
E. LYON-CLAESEN, Éditeur
8, RUE BERCKMANS, 8
BRUXELLES
IMPRIMÉ PAR A. VROMANT ET C'«, 3, RUE DE LA CHAPELLE, BRUXELLES
MORT DE S. A. R. LE PRINCE BAUDOUIN
T Tn coup fatal et inattendu vient de frapper douloureusement notre
^ auguste Famille Royale, et plonge dans un deuil profond tout le
peuple beige. La mort de son Altesse Royale Monseigneur le Prince
Baudouin, a causé également un sympathique émoi et une sincère
affliction aux membres de la Société d'Archéologie de Bruxelles, que
son Altesse Royale Monseigneur le Comte de Flandre a honoré de sa
haute bienveillance en daignant accepter leur Présidence d'honneur.
Tous ont pris une part prééminente dans les regrets universels
que laisse la perte de ce jeune prince, enlevé à la tendresse et à l'amour
de ses parents, à l'attachement et à l'affection de la nation entière, à
un avenir qui s'annonçait brillant!
ANNALES
DE LA
SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE
DE BRUXELLES
TIRÉ SUR lES PRESSES
DE l'imprimerie
A. VROMANT ET Cie, BRUXELLES
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ANNALES
DE LA SOCIETE
D'ARCHÉOLOGIE
DE
BRUXELLES
sous LA PRÉSIDENCE d'hONNEUR DE
S. A. P. MSr LE COMTE DE FLANDRE
Mémoires, Rapports et Documents
TOME CINQUIÈME
ANNÉE 1891
ilt
SECRETARIAT GENERAL :
63, RUE DES PALAIS, 63
BRUXELLES
E. LYON - CL AESEN
ÉDITEl H
8, rue Borckman?, S
BRUXELLES
Encadrement grave par C. Galle, le jeune, né à Anvers, en 1615 f 1678
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Fonts de Fowlis, — Forfarshire (Ecosse). Dessin de M. Russell Walker
ARCHITECTURE COMPARÉE
PROLÉGOMÈNES
A l'Étude de la filiation des
FONTS BAPTISMAUX
DEPUIS LES BAPTISTÈRES JUSQU'AU XVI^ SIÈCLE
AVANT-PROPOS
n fait bien intéressant à étudier, c'est, par la
suite des âges, le mouvement d'évolution suc-
cessif, continu, sans arrêts qui est productif de
la filiation ininterrompue des éléments architec-
turaux de toutes les époques. Car toujours dans
l'histoire de TArchitecture, on constate la dispa-
rition lente, pénible, formant une période de transition
entre l'élément ancien et l'élément nouveau, des mé-
thodes de construction tombées en désuétude.
Ce n'est, en règle générale, qu'après cette transition
que le mode ancien de bâtir est vaincu par. le nouveau,
et encore celui-ci conserve-t-il longtemps encore maints
indices de l'élément disparu.
— 6 —
Aux époques de déclin artistique, aux temps où des méthodes
empiriques, poussées à leurs dernières conséquences, font oublier
les règles primitives déduites de données positives, alors que tout
annonce un revirement dans la direction initiale de Fart de bâtir,
se montrent les germes embryonnaires des éléments nouveaux
qui constitueront Tart futur. On les voit par la suite des années,
se transformer lentement d'abord, avec rapidité ensuite, changer
Tallure du mode ancien, l'altérer profondément et le faire
disparaître enfin, non sans laisser subsister longtemps encore des
marques certaines de son existence évanouie.
Ce sont ces indices qui doivent surtout guider Tarchéologue
dans sa patiente reconstitution du passé monumental, ce sont eux,
et eux seuls, qui peuvent Taider à restituer les formes intermé-
diaires disparues.
)t ^
Toute l'histoire de Tarchitecture doit être basée sur la filiation
des formes et, de même que le naturaliste reforme lentement les
échelons perdus de l'échelle des êtres, de même l'archéologue
doit s'efforcer de reconstituer les formes intermédiaires pour effa-
cer tout hiatus entre elles.
Car il ne peut en exister.
« L'artiste ne peut se soustraire, comme l'a très bien dit notre
savant confrère M. Chipiez*, à Tinfluence des formes antérieures;
il puise à cette source d'innombrables motifs compatibles avec la
nature des nouveaux matériaux, n
L'architecture, art essentiellement d'imagination, ne puisant
dans la nature qu'indirectement les données de ses formes,
se transforme par transition d'une forme à l'autre.
La nature ne fait pas de saut, disent les naturalistes; de même
l'architecture ne se change pas par révolution, mais par évolution,
car dans cet art, innover, c'est toujours, quoi qu'on en dise, mettre
ses souvenirs au service de son inspiration.
Ce n'est, pour en prendre un exemple, qu'avec lenteur que se
forme la base de la colonne ionique des Grecs ; si vous la suivez
1 Histoire de la formation des ordr s grecs. Paris, 1876, p. 356.
— 7 —
ensuite à travers les civilisations des Romains et du Bas-Empire
pour arriver ainsi à la période romane, vous la voyez lentement
se transformer pour devenir la base si caractéristique de rarchi-
tecture ogivale primaire. Plus tard encore, alors que la période
flamboyante a dénaturé totalement ces formes primitives, on peut
voir, par une transition fort longue à travers les premières années
de la Renaissance primaire, la base reprendre approximativement
ses données initiales. Certes, par Teftbrt de l'imagination humaine,
des formes complètement nouvelles viennent quelquefois, s'impo-
ser, mais encore, et nous aurons occasion de le voir au cours de
cette étude, ces formes dites neuves sont elles-mêmes basées sur
d'autres d'une destination différente.
C'est ainsi, que l'homme du déclin de l'époque néolithique,
découvrant l'art de fondre des outils de bronze, donne d'abord à
ses instruments de métal exactement les formes de ses outils de
silex polis, comme l'a clairement démontré, avec nombre d'au-
tres savants, notre confrère M. Henri SiRET,par ses belles fouilles
des établissements préhistoriques du Nord de l'Espagne *.
Il faut une longue expérience pour lui démontrer que ces formes
ne sont pas appropriées à cette matière nouvelle, avant qu'il ne les
transforme.
Dans l'architecture primitive, quand l'homme abandonne la ca-
bane de bois, pour en bâtir une en pierre, il donne à celle-ci la forme
delà première. Les colonnes de pierre des civilisations naissantes,
imitent souvent les formes des montants de matière ligneuse ou
des piliers de pierre grossière.
A ce propos, Viollet-le-Duc a montré que le montant fourchu
de l'habitation chinoise est imité dans les cryptes de Ganesa à
Cuttack, dans l'Inde, et que plus tard, cette forme de chapiteau
engendre celle d'un des temples d'Ajunta.
Le chapiteau bicéphale de Xapadana d'ARTAXERXÈs à Suse et
des palais de Darius et deXERxÈs à Persépolis est le poteau four-
chu de bois des habitations agrestes de la Susiane où il s'est con-
servé jusqu'à nos jours.
1 A. etL. SiRET. La Métallurgie à Vaurorede la civilisation*
— 8 —
Les monuments américains de Chunjuju, de Zaiji et autres, pré-
sentent des indices certains d*un prototype ligneux.
Beaucoup des données principales de Tarchitecture égyptienne
ne peuvent-elles se résumer dans l'imitation de la construction
primitive en faisceaux de cannes et de lotus, reliés par des liens
de byblos *, et les portes des palais de Khorsabad ne nous mon-
trent-elles pas de véritables assemblages de troncs d'arbre, exé-
cutés en pierre?
Le sarcophage en basalte de Mycerinus, découvert par Vyse
en 1837 et malheureusement perdu par suite d'un naufrage sur
les côtes d'Espagne, présentait tous les caractères d'un ouvrage en
charpente ^.
Cette tombe de Paiafa-le-lycien du British Muséum, elle
aussi, ne nous montre-t-elle pas comme les édifices des Doriens
et des Ioniens, la construction primitive ligneuse ?
Et ce qui est vrai lors d'une révolution causée dans Tarchitec-
ture par l'emploi de matières nouvelles, Test aussi, lorsque l'in-
troduction de principes innovés fait prendre une direction diver-
gente à la mise en œuvre des mêmes matériaux.
La transformation du pilier en colonne ne se suit-elle pas de-
puis le petit temple de Gyzeh, les hypogées de Memphis, les
temples de Kharnak, depuis le tombeau égyptien de "Béni -Hassan
en passant par Golgos et Eddé, en Chypre, les monuments de la
Ptérie, en Asie mineure, jusqu'aux temples de Corinthe, d'Agri-
gente, de Syracuse, de Ségeste et de Pœstum ?
C'est ainsi également que l'architecture du moyen âge ne se
débarrassa que très tard de certains éléments de l'antiquité. Le
pilastre, d'un emploi si contestable et si irrationnel chez les Ro-
mains, se maintint dégénéré, il est vrai, mais encore parfaitement
caractérisé, jusque très avant dans la période dite romane.
Dans le midi de la France, on en trouve jusqu'au xii^ siècle ^.
Dans l'occident de l'Europe, il est superflu de citer l'exemple de
1 ViOLLET-LE-Duc. Kist. àtVhob. humaine p. 7X.
2 Perrot et Chipiez, Uht. de VArt dans V Antiquité, I, p. 509.
3 Revoil, Architecture romane dans le midi de la France.
^^^^^^^^m — 9 - IMIIIIIIIIliMMIimilllH
Tabbaye de Lorsch (Allemagne), très commet qui n'est pas unique,
bien loin de là.
Plus tard, on le retrouve successivement au baptistère de
Saint-Jean à Poitiers, à Saint-Front de Périgueux (x^ siècle); —
dans la haute Bourgogne, le Morvan et la haute Champagne, il
persiste jusqu'au commencement du xiii^ siècle. On le voit dans
les cathédrales d'Autun et de Langres, dans les églises de Saulieu
et de Beaune *, et même dans l'abbatiale bénédictine de Vezelay
(Yonne.)
Nous avons observé naguère, de véritables pilastres sur les
clochers des églises de Winxele et d'Hérent (xi^ et xii^ siècles).
On pourrait en citer beaucoup d'autres.
C'est pourtant là un des éléments les plus illogiques de l'archi-
tecture romaine, et dans son œuvre d'épuration rationnelle, il
semble que l'école du Bas- Empire, aurait dû s'en débarrasser
rapidement.
Il est vrai de dire que, dans l'Ile de France, qui a été le centre
novateur de tout le mouvement architectural de la période romano-
ogivale, le pilastre ne se retrouve pas, car la tradition y a
été bien vite annihilée par la transformation successive et très
rapide des éléments de construction.
C'est ainsi enfin, pour prendre un dernier exemple de cet
état de choses, que lorsqu'à la fin de la période dite gothique,
l'art du moyen âge en était arrivé à un monde de prescriptions
et de a secrets w précieusement gardés dans les corporations et
que cet état de choses présageait une décadence prochaine, l'avè-
nement de la Renaissance se fit, non par la mise en place (en bloc
pour ainsi dire) d'un style nouveau, mais bien par une transition
longue et continue. La colonne romaine, avec ses donnéesfixes, ne
prend la place du pilier du moyen âge qu'en empruntant à celui-ci
ses proportions spéciales et si variables ; l'arc-boutant persiste
aussi, ne disparaît que bien longtemps après ; l'architrave et
tout l'entablement ne supplante l'arcade ogivale que par une
suite de transitions et enfin le piédestal, cette superfétation
I ViOLLET-LE-DUC. Dict. (T Architecture, VII. p. 150.
lO —
introduite sous la colonne par Tart latin, ne reparaît que diffi-
cilement dans ses formes antiques.
•3f ^
A notre époque d'anarchie artistique, ces principes ne sont
pourtant plus rigoureusement vrais.
La science moderne nous a fait connaître les monuments de tous
les peuples et de tous les temps ; elle a mis à notre disposition,
des matériaux inconnus du passé et demandant une esthétique
nouvelle non encore connue.
En ce temps donc, trop de coefficients étant en jeu pour qu'on
puisse sérieusement étudier le résultat de leurs influences contra-
dictoires, les principes que nous avons posés ci-dessus ne sont
plus justes, mais ils le sont, pensons-nous, lorsqu'on les applique
à toutes les autres époques de l'histoire.
Voici suffisamment de développements, pour prouver les prin-
cipes dont nous croyons devoir nous inspirer pour l'étude des
fonts baptismaux.
De siècle en siècle, de période en période, nous suivrons la
transformation lente, Téclosion difficile des formes nouvelles
données à ces meubles d'église.
Telle est en effet, en ce qui les concerne, la force de la tradition,
que souvent l'influence des changements de styles ne s'est fait
ressentir que dans leur ornementation. C'est ainsi que suivant
M. Enlart, on trouve à Davenescourt et à Fécamp, dans le nord
de la France, des cuves du xvi^ siècle, dont le plan se rapproche
complètement de celui des fonts romans à cinq colonnettes ^
C'est ainsi également, que les fonts de Spontin (Belgique) que
nous signale notre confrère M. le major Combaz, sont du xvi^ siècle,
tout en ayant les dispositions des fonts de la période romane.
Nous verrons donc les mêmes formes, à l'ornementation près,
se reproduire à des époques différentes, mais aussi dans des con-
trées diverses.
Nous supposons que ce fait peut s'expliquer par des communi-
1 M. Enlart, cité par M. Périn dans V Architecture, journal hebd. de la Société
centrale des architectes français. Ile année, n^ 25, p. 299.
— II —
cations existant de ce temps entre les gens d'église, les archi-
tectes monacaux et les artisans civils de ces contrées.
On pourrait peut-être aussi y trouver la preuve de certaines
ordonnances, de règles fidèlement suivies ou surtout de centres
de fabrication d*oii l'on expédiait ces meubles au loin. Ceci est
prouvé pour Tournai ; car, comme le disent très justement MM. de
LA Grange et Cloquet, on retrouve des fonts en pierre prove-
nant des environs de cette ville dans tout le nord de la France *,
les Flandres, le Hainaut et même, parait-il, en Angleterre ^.
M. Enlart, dont nous avons déjà eu occasion de citer le nom,
a dit en outre à un des derniers congrès tenus à la Sorbonne parles
Sociétés savantes de France (1889), que beaucoup de fonts du
Nord de la France, datant de Tépoque romane, doivent pro-
venir des ateliers de Tournai et de Boulogne, comme le prou-
vent la nature de la pierre employée et la ressemblance frap-
pante qu'ils présentent entre eux.
M. Desmaison a ajouté qu'en Champagne, on rencontre égale-
ment beaucoup de fonts baptismaux romans en pierre bleue de
Belgique ; à partir du xiii^ siècle, les sculpteurs firent usage de
la pierre du pays.
Il est probable que des sièges de fabrication existaient dans
tous les pays possédant de la pierre en grand échantillon.
On en cite un tout particulièrement en Allemagne ; c'est celui
de Bentheim, chef lieu de l'ancien comté feudataire du même nom
dans le Hanovre et situé non loin de la frontière néerlandaise.
Ce dernier centre de fabrication a dû être fort important, puis-
que tout le nord des anciens Pays-Bas s'y fournissait de pierres
blanches.
Ainsi que veut bien nous le dire notre ami M. J. A. Frederiks,
architecte du Gouvernement, à Middelbourg (Ile de Walcheren),
elle était fort en usage en Zélande, aux xv^ et xvi^ siècles.
1 Les beaux fonts de Chéreng (à 6 kil. de Lille) sont en pierre de Tournai.
Revue de VArch. et des Travaux publics. XXI, p. 98. A Saint-Just dans l'Oise,
M. WoiLLEZ a signalé une cuve en a pierre noire ayant la dureté et le poli du
marbre » et qui pourrait bien, à en juger par ce détail et le style de l'ordonnance,
provenir des ateliers hennuyers.
2 A. DE LA Grange et L. Cloquet. Études sur Vart à Tournai et sur les
anciens artistes de cette ville. Tournai, 1887, vol. L, p., 97.
— 12 —
On l'y employait concurremment avec la pierre de Brème'
et celle de Tournai et de Namur ; on retrouve la preuve de
remploi de cette dernière à partir du xiii^ siècle.
M. J. Ortt van Schonauwen a signalé l'emploi de la pierre de^
Namur pour des fonts baptismaux, aux environs d'Utrecht, à
Bunschoten, entre autres *.
■ Il est probable aussi que les fonts qui se trouvent en Cham-
pagne sont également de Namur. En Allemagne, on cite un grand
nombre de ceux-ci dans les contrées rhénanes. M. Otte le fait et
dit qu'ils sont exécutés en marbre noir de Namur ^.
■X-
Il faudrait donc toujours, lorsqu'on décrit des fonts, bien préciser
en quelle pierre ils sont faits. C'est très important, car nous le
répétons, les mêmes formes se retrouvent dans des pays fort
différents, et il serait alors intéressant d'établir leurs endroits
d'origine.
M. Enlart^ a, le premier, comme nous l'avons dit plus haut,
insisté sur les lieux d'origine des fonts et la nature géologique
de la pierre employée.
Distinguant le calcaire de Tournai de celui de Boulogne, il
confirme la thèse exposée précédemment par MM. de La Grange
et Cloquet dans leurs Etudes sur l*Art à Tournai, et attribue aux
ateliers tournaisiens les fonts d'Evin, Neuf-Berquin, Vimy,
Guarbecques, Ames-Saint-Venant, la Neuville-sous-Corbie, Saint-
Pierre de Montdidier, Vermand et Chéreng.
Cet exemple devrait être suivi.
■X-
Mais à côté de ces fonts, de même origine, il en est d'autres
pour lesquels il est fort difficile d'admettre le transport et qui
pourtant se ressemblent. Pour ceux-là, nous admettrions plutôt les
rapports entre constructeurs ou l'observation de certaines règles
canoniques.
Quoi qu'il en soit et en n'abordant qu'incidemment ce sujet, qui
1 Kronyk van het historisch Genootschap. Utrecht 1858, p. 151.
^ H. Otte, op. cit. p. 307.
3 M. ExLAKT cité par M. CcoauET, Revue de V Art chrétien, 1890, p. 416.
— 13 —
ne touche que de loin aux matières que nous demandons à traiter
dans cette étude, ajoutons que l'on ne peut pas dire qu'il y ait
succession dans les formes ; que par exemple, la cuve a rem-
placé la piscine des baptistères, que les fonts pédicules ont remplacé
les fonts cylindriques, etc.
Loin de là ; la cuve est une dégénérescence de la piscine des
baptistères; les fonts pédicules, une transformation des fonts cylin-
driques, mais ces formes ont été parfois en honneur dans les mê-
mes temps, dans les mêmes pays, bien plus, la forme procréée a
souvent disparu avant la forme mère. Donc, il n'y a pas eu suc-
cession, mais procréation, et on ne peut pas dire, en reprenant
l'exemple ci-dessus, que les fonts pédicules ont succédé aux fonts
cylindriques, mais seulement que les premiers sont une dégénéres-
cence des seconds.
Cette transformation s'est faite parfois très rapidement et nous
soupçonnons même que certains ateliers fabriquaient, en même
temps, des fonts de formes qui actuellement semblent être déduites
les unes des autres.
Mais c'est là une supposition que rien jusqu'ici ne vient prouver
et qu'une étude approfondie des ateliers de fabrication des fonts
et dés dates pourrait seule vérifier.
Encore n'est-ce pas sûr.
Car il faut se défier de la haute antiquité que l'on attribue à
certains fonts. Les indices sont minces en l'absence presque tou-
jours complète^ de toute indication manuscrite ; la forme généri-
que, en bien des cas, n'est que de peu de poids ; l'ornemen-
tation, le style des inscriptions, les détails architcctoniques,
la grandeur relative des fonts par suite de la substitution de
l'infusion à l'immersion, sont, la plupart du temps, les seuls
facteurs à mettre en ligne de compte.
Or, c'est chanceux d'arriver — de cette façon — à une évalua-
tion juste.
Notre éminent et savant confrère de la British Archœological
Association, M. J. Romilly Allen, Esq., a lu le i^^ juji^ 1887, à
cette société savante, un mémoire intitulé : On the Aniiqidty of
— 14 —
fonts in Great Britain) et dans lequel il établit les points principaux
qui font reconnaître, en Angleterre, l'antiquité des fonts.
C'est tout d'abord le style paléographique des caractères de
l'inscription, s'il y en a une, et le cas échéant, les noms des dona-
teurs, des artistes auteurs des fonts, ou naturellement les dates,
ce qui est assez rare.
On cite pour ce dernier cas, ceux deS^-Mary's, Beverley (1530) ;
qui portent une curieuse inscription en vieil anglais que l'on
traduit par :
PRIEZ . POUR . l'aME . DE . WILLIAM . TERIFFAXE . DRAPIER
ET . SON . ÉPOUSE . QUI . ONT . FAIT . FAIRE . CES . FONTS
A . LEURS . FRAIS . LE . X . JOUR . DE . MARS . DE . l'aN
DE . N . s . 1530 .
de Walsoken, Norfolk (1544) ; EUesmere Shropshire (1569) ;
Wixhall Chapel, Shropshire (1608) ; Probus, Cornwall (1661) \
Fig. I. — Fonts de l'église de Waha (Belgique), xvi® s, dessin de M. E. Puttaert.
Sandal Magna, Yorkshire (1662) ; Cumwhitton, Cumberland
(1662); etc. On ne peut en citer qu'un seul exemple antérieur au
xv^ siècle : les fonts de Kirton dans le Lincolnshire (1405).
15
\Cv!yre baptismale
En Belgique, nous ne connaissons que les fonts de Waha
(fig. i), datés de 1590, et portant l'inscription :
/nbarie . fille . a . Ibuber . ^c - Ibcbre
at . tfonc . cest . pis . pot . fait . prier
pour . son . âme.
et ensuite ceux de Laroche (1593); et de Solre-sur-Sambre (1434) *,
(fig. 2) ; ces derniers portent l'inscription :
%'an . /nbCCCd . trente . quatre .
pour . enfans . en . son .
JSaptister . ^onna . ces .
3fons . li . escolastre . be .
Sougnies . ja . li . Carlier.
Citons encore les fonts portant ~\ """' ' T
des dates ou des inscriptions,
de Saint- Barthélémy à Liège
(11 12), de Saint-Germain à Tir-
lemont (1149), de N-D. de Hal
(1456) avec le nom de l'auteur 1 —
Willaume le Fèvre) ^, de Lou- iT"
vain (Eglise S^-Pierre), de Wil- r
deren, Beernem, Berlaer ^, etc.
Les fonts à armoiries ne sont
pas plus communs dans notre
pays ; nous ne pouvons citer que
ceuxde Brugelette (xv^s.) (fig. 7.)
On en cite beaucoup en An-
gleterre et en Ecosse.
Nous aurons occasion de citer,
au cours de ce travail, les fonts
à inscriptions de la Scandinavie p^^^ ^ _ p^^^^ ^^ ^.^^.^^ ^^ S^l^^.
(fig.5, fonts de Baarse-Danemark) sur-Sambre ^. — Belgique — xve s.
^ Van Bastelaer, Annales de la Soc. palêont. et archéol. de Charleroi, vol. X.
2 voici cette inscription :
Ces fonts fist millaume Xe ff evre ton^eur à
XTourna^ l'an /IDCCTCCïXlDλ
3 Ces fonts aujourd'hui détruits portaient l'inscription : Giefte van Gommer
Lysen alieas de Hokd. 1608 (sic) Tu. de Raadt, Berlaer et ses seigneurs, p. 117.
^ Cliché obligeamment prêté par la Société paléontologique et archéologique de
Charleroi.'
s:
Pour r«?a\^S Cw Cor. "i'
¥on«'i% rfcoTatttf ^l'
e
— i6 —
En France, on cite, entre autres, les fonts de Neuvy-Sautour,
de Molsheim, 1624, (Alsace) portant les noms de leurs donateurs ;
ceux de Bordeaux — (église Saint-Seurin), Magneville (Manche),
Perpignan, Plally, — ceux-ci portent l'inscription :
J'ons aquœ vitœ
Folleville et de Beaumont (Tarn-et-Garonne) :
iRist Quts renatus fuerit ej aqua et Sptritu sancto non
potest introlre in rcGnum Dei (1583)
portant des inscriptions religieuses ; ceux du Musée de Mont-
pellier portant des armoiries semblables à celles du comté de
Toulouse ; ceux de Lurville (1544) et de Plailly sont datés, ainsi
que ceux de Blosseville-ès-Plains (Seine-Inférieure), qui portent
rinscription :
3e fns teste Tan mtl ID- Ï55Î
et ceux du Saint-Sépulcre de Montdidier, qui nous présentent
l'inscription :
3e tus cbi5 mis et assi neut Tan mtl ID^ ïïïîï
Le nom du sculpteur se trouve sur les fonts de Beaumont-
sur-Sardolles (Nièvre) qui nous apprennent que
Ces tonts».»» a tait taire par Hutboene IRouarb,
le 10 mars X541»
Enfin, ceux de Mélan portent une inscription rappelant un fait
historique (le baptême des rois Charles V et Charles VI).
En Itahe, les fonts de la cathédrale d'Assise, de l'église Saint-
Just de Suse, du couvent des sœurs à Murano ; en Allemagne,
ceux de Osnabruck, Brandebourg, Hildesheim présentent des
inscriptions religieuses, tandis que d'autres portent les noms de
leurs auteurs *.
On cite, à Wurzbourg, l'inscription :
Bcftarbus . nomen ♦ mtbi ♦ Ipaj . sit . beprecor ♦
et en Italie, à Lucques (1154) :
IRobertus magister
1 CORBLET. — Les lieux au haptême. ■ — Revue de V art chrétien j 1878.
— 17 —
Mais, voici dans son ensemble, et avec les principaux exemples
cités, les caractères permettant de reconnaître scientifiquement, et
avec toute certitude, l'antiquité des fonts dans la Grande-Bretagne,
d'après le savant mémoire de M. J. Romilly Allen ;
Exemples
, ^ , , ( fonts de Bridekirk (Cumberland) i.
donnant le nom de l t .^., r>.,,- ,\j \ ' u- n 9
1, .. . , , ] » « Little Billing (Northamptonshire) ^,
1 artiste ou du dona- < n ♦• u ro \ \ X,- \ % ^
i » » Pratishow (Brecknockshire) 3.
f » » Keysoe (Bedfordshire) "*, etc.
TOI j donnant le texte d'un ( ^ , p, ..,.., , . .
I. Styles des carac- ! ^^^^^^^ ^^ Yxm^z reli ^ ^^"^^ ^^ Potterne (Wiltshire) xie s.
tèresdel'inscrip- / ^ieux relativement au ) '' '' Lullington (Somersetshire) xiie s.
tion. \ baptême. f " ^^ Adderley (Shropshire) xiie s.,etc. ^
donnant la significa- l fonts de Hook Norton (Oxfordshire) xiie s.
tion des sujets sculp- '' '' nT^''^n ^Tt \''^ e"' ''
tés sur les fonts '' '' Bakewell (Derbyshire) xii^ s.
( » » Brookland (Kent) xiie s., etc.
1 Ces fonts (xiie s.), portent l'inscription :
RlKARTH HE ME IWROKTE
& TO THIS MERTHE GERNR ME BROKTE
en dialecte mi-scandinave, mi-anglais primitif et qui doit se lire :
Richard he me wrought
(Richard il me travailla)
And to this beauty carefully me brought
(et à cette beauté soigneusement m'amena).
^ Ces fonts portent l'inscription :
WlGBERHTUS ARTIFEX ATQ.. C.EMENTARIUS HUNC FARRICAVIT.
Q.UISQ.UIS SUUM VENIT MERGERE CORPUS PROCUL DUBIO CAPIT
(Wigberhtus, artisan et maître-maçon, fait cela [ces fonts])
(quiconque vient y plonger son corps, prend [le rite])
Le savant M. Romilly Allen l'attribue, d'après les caractères paléographiques de
l'inscription, au xie siècle.
^ Ces fonts portent l'inscription :
Menhir me fecit i(n) te(m)pore Genillin
(Menhir m'a fait du temps de Genillin)
d'après M. le prof. Westwood, il s'agirait de Genyllin Voel, seigneur de Ystradwy
et prince de Powis au miheu du xie siècle.
■* Portant l'inscription en vieux français :
Tr£stui ke par hici passerui
PUR le ALME WaREL PRIEU
ke DEU par sa GRACE
VERRtY MERCI LI FACE — AM.
Ces fonts datent du xiiie siècle.
^ Ces fonts portent la bizarre inscription :
Hic Mâle primus homo fruitur cum conjuge pomo
2
— i8
II. Style de l'orne-
mentation.
III. Style des fi-
bres dans les
bas-reliefs.
emploi de formes cel-
tiques ou saxonnes.
IV. La décoration | ^-^j
"1
Arcades.
, j , — lonnes.
architecturale des j Moulures,
fonts.
V. Emploi d'objets
plus anciens tels
que : fragments
d'édifices anté-
rieurs, etc.
etc.
colonnes romaines.
autels romains.
fonts de Pennon (Anglescy).
» » Deerhurst (Gloucestershire).
» » Eegmund (Shropshire).
» » Eardisley (Herefordshire).
» » Chaddesley Corbett(Worcestershire).
» » Bucknell, etc.
» » Mellor (Derbyshire).
fonts de Tissington (Derbyshire),
fonts de Kenchester (Herefordshire).
» » Wroxeter (Shropshire).
j fonts de Staunton (Herefordshire).
I » » Haydon (Northumberland).
pied de croix saxonne, j fonts de Wilne (Derbyshire).
■5f
•3f ^
Tous ces caractères; proposés par M. J. Romilly Allen,
sont applicables aux fonts de l'Europe centrale, à condition d'y
ajouter, comme nous le disions plus haut :
VI. La grandeur relative des fonts.
VIL La présence, sur les fonts, d'armoiries qui donnent des indi-
ces sur leur âge.
Moyennant cette adjonction, nous adoptons pleinement la thèse
développée par l'honorable M. Romilly Allen, que nous félici-
tons bien chaleureusement, pour l'ordre qu'il a su apporter en
ces matières restées si confuses, malgré les nombreuses études
faites jusqu'à ce jour *.
Telles sont, dans leurs lignes générales, les quelques observa-
tions que nous avons tenu à faire, avant d'aborder le sujet principal
de cette étude.
1 J. Romilly Allen, esq., F. S. A. Scot. On the antiquity of fonts in Great Britain,-
British Archîeological Association -- 1888, p. 164 et suiv.
19
BâpTlsfèFB Ô9Mov;are.(yfsJ
coupa.
B
:çua.
Fig. 3. — Baptistère de Novare
(dessin de l'auteur).
Les Baptistères.
our suivre avec cer-
titude la filiation de
toutes les formes des fonts
baptismaux, il convient, d'a-
près nous, d'aborder cette
étude par quelques vues gé-
nérales sur les baptistères
de la primitive Eglise.
— 20 —
C'est peut-être remonter un peu haut ; on le trouvera au pre-
mier abord, mais nous le croyons nécessaire, car c'est là que ^se
trouvent en germe toutes les idées qui, plus tard, amèneront
les formes successives des fonts baptismaux.
Il est donc impossible d'étudier ceux-ci sans entrer dans quel-
ques détails sur les baptistères^
Suivant Tertullien ^ les premiers chrétiens n'avaient d'au-
tres baptistères que les fontaines, les rivières ^, les lacs ou,
mais plus rarement, la mer.
Le baptême se donnait par immersion, mais aussi parfois par
aspersion, puisque des apôtres baptisaient des milliers de person-
nes en un jour. (Fig. 4).
Cet usage se perpétua jusqu'au vi^ siècle, car au dire de Bède
LE Vénérable, (672 f 735), Saint Paulin, évêque d'York, bap-
tisait les Angles dans des rivières ^.
10,000 Anglo-Saxons furent baptisés après les prédications du
moine Augustin et de ses compagnons, à la fête de Noël de
Tan 597, dans les eaux de la Swale au confluent de la Medway.
M. le professeur Lindsay dit cependant que le Concile de
Ravenne de 131 1 est le premier qui ait légalisé le baptême
par aspersion [sprinkling) en le laissant au choix du ministre
officiant *. •
Dans les catacombes de Rome, les premiers chrétiens prati-
quèrent des baptistères. On cite particulièrement celui du cime-
tière de Saint-Pontien qui remonte au iii^ siècle.
Mais cela ne donne pas idée encore des dimensions que
prirent ces édifices après la conversion de Constantin le Grand.
Il s'agissait de donner une grande solennité à l'administration
1 Tertullien, De haptismo, chap. iv.
2 Le Sauveur baptisé par Saint-Jean-Baptiste dans les eaux du Jourdain est
représenté sur une mosaïque du ve siècle, placée au centre de la coupole du bap-
tistère orthodoxe de Ravenne. C'est un document précieux pour l'iconographie
chrétienne ; d'ailleurs cette représentation est fort fréquente sur les fonts et tou-
jours d'une façon presque identique et semblant traditionnelle. Nous citerons les
bas-reliefs des fonts de Saint-Barthélémy à Liège, ceux de Fenal (Namur) etc., etc.
3 Hist. eccl, sentis an^lonmi, lib. II, chap. 14 et 16.
* Encyclopedia Britannica, vol. III, p. 348.
— 21 —
du baptême, et bientôt on vit s'élever des baptistères extrême-
ment vastes et presque tous dédiés à SAmT -Jean-Baptiste.
C'est ainsi que celui de Téglise Sainte-Sophie de Constanti-
nople était si spacieux qu'il servit d'asile à l'empereur Basilisque
qui disputait le trône de Byzance à Zénon-lIsaurien (475), comme
le dit, à ce propos, M. de Quatremère de Quincy ^ et de salle
d'assemblée à un concile fort nombreux.
Jusqu'au ix^ siècle, le baptême
se donnait par immersion, la veille
des deux grandes fêtes de Pâques
et de la Pentecôte ^, dans les églises
métropolitaines, par les évêques
qui, seuls, ^ avaient le droit de l'ad-
ministrer '•".
Cet usage semble s'être établi à
dater du v^ siècle, car il est certain ^. r , .
. . rig. 4. — .Le baptême par immersion
que dans les premiers temps de 1 E- et par aspersion — fresque au
glise, on baptisait sans observer ni cimetière de Saint-Calliste à
, . -1 , K Hume. (Dessin de l'auteur).
les jours, ni les époques ^.
Quoi qu'il en soit, il fallait donc de vastes espaces pour con-
tenir le grand nombre de catéchumènes qui venaient de toute
part recevoir le sacrement regénérateur.
De là l'origine des baptistères.
Ces édifices, fort vastes comme nous venons de le dire, étaient
1 Op. cit., p. 157.
2 Ci.ovis fut pourtant baptisé le jour de Noël, voir Reusens, Eléments, I,
page 152.
3 Voici ce qu'en dit M. l'abbé Martigny dans son Dictionnaire des antiquités chré-
tiennes : Primitivement les évêques seuls, successeurs des apôtres et héritiers de
leur pouvoir (Matth. xxviii, 19), administraient le baptême solennel (Tertull.
Debaptismo,xwu). Les prêtres, sous l'autorité des évêques, étaient aussi les minis-
tres ordinaires de ce sacrement {Const. apost. III, II). Les diacres ne le conféraient
qu'en vertu d'une délégation épiscopale [ibid. VIII, 28). Dans le cas de nécessité,
les laïques pouvaient baptiser, pourvu qu'ils ne fussent pas bigames et qu'ils eus-
sent reçu le sacrement de confirmation (Concil. llîib. can. XXXVIII.)
* G. DuRANDUS, Ration, divin, officior. I. 6, § 25.
5 ViOLiET-LE-Duc. Dictionnaire de V architecture française, \ .,^. 534.
— 22 —
isolés des basiliques, quoique situés le plus souvent dans leurs
environs immédiats. On jugeait nécessaire que les catéchumènes
fussent baptisés avant d'avoir libre accès dans la basilique ^
Les baptistères étaient de forme rarement carrée, plutôt ronde,
octogone ou quelquefois hexagonale; ils avaient un enfoncement
Qwpiscina rappelant le bassin (impluvium) des habitations antiques
et où l'on descendait par quelques marches pour entrer dans
l'eau K
Ce bassin, lahrum^ lavacrum, était assez large et assez profond,
d'après M. Batissier, pour contenir plusieurs personnes à la
fois ^. Il recevait Teau d'une source ou des fontaines de la ville.
Ses formes ont varié beaucoup.
On employa ensuite des cuves de granit, de porphyre ou de
marbre, enlevées aux thermes impériaux ^. Quand on ne pouvait
se procurer des bassins de cette sorte, on rassemblait, sur un
plan carré ou polygone, des tablettes de pierre dressées autour
d'une aire de béton qui formait le fond de la cuve ^. Mais n'anti-
cipons pas, et décrivons d'abord quelques-uns des principaux
baptistères, à piscine creusée en contre-bas.
Le baptistère ôiit de Constantin {SanGiovanni in fonte) à Rome ^
bâti à la fin du iv^ siècle, ou peut-être par le pape Sixte III
(t 440), nous en montre l'exemple le plus ancien que nous con-
naissions. Elevé avec des fragments de monuments antiques, il
se compose d'une piscine^ entourée de huit colonnes corin-
thiennes et ioniques^ formant la galerie de l'enceinte dont le
diamètre est de 19 mètres.
1 Albert Lenoir, Architecture monastique^ dans la Revue de l'Architecture et des
Travaux publics. Paris, 1851, vol. IX, pp. 386-387.
2 Saint Grégoire de Tours dit en effet que les baptistères étaient construits
en rond et qu'au milieu était un enfoncement où l'on descendait. Ai^ert Lenoir,
op. cit., p. 387.
3 Comité historique des arts et monuments, cahier d'instruction. Paris 1846,
p. 65.
* Ajoutons que des fragments d'architecture tels que des chapiteaux, des bases,
des autels etc., servirent également de fonts, après une transformation sommaire.
^ Batissier, Histoire de l'art monumental. Paris 1845, p. 375.
^ Voir HuBSCH (trad. Guerber), Monuments de r architecture chrétienne, depuis Cons-
tantin jusqu'à Charlemagne. Paris 1866, texte p. 5, planches VII, fig. 2, VIII,
fig. 6 et 7 ainsi, que Mgr Barbier de Montaut — Revue de Vart chrétien, le baptême
au moyen âge, 1876, p. 118.
- 23 —
Nous ne pouvons nous attarder à décrire cet édifice, d'ailleurs
fort connu, et dont l'historien Anastase vante la beauté et la
richesse, dans sa vie du pape saint Sylvestre ^
M. HuBSCH fait à juste titre remarquer qu'il s'attache plus à
décrire la beauté du bassin baptismal (d'un diamètre de 7 m.
environ et richement décoré d'or et d'argent) que les formes
architectoniques de l'édifice. Celles-ci ne peuvent être détermi-
nées avec certitude, car le monument a subi de grandes modi-
fications.
A rapprocher du baptistère, dit de Constantin, celui de Novarê,
composé d'une enceinte de forme octogonale et couvert par une
voûte en plein cintre, surmontée d'une lanterne ajourée ^. (Fîg. 3).
Signalons encore le curieux baptistère d'Ezraen Syrie centrale,
bâti vers la fin de 515 ou au commencement de 516 ^, celui de
la ville de Nocera degli Pagani dans Tancien royaume de Naples ^,
sur lequel nous aurons occasion de revenir, et le baptistère^d'é'
Biella en Italie (ix^ siècle), composé de quatre absidioles à'ccostées
à une lanterne centrale carrée. Rappelons pour mémoire que
l'usage de bâtir des baptistères isolés s'est -perpétué en Italie
jusqu'à une époque très rapprochée de nous. Il est superflu
de citera ce propos, ceux de Florence, Sienne, Parme, Bari, etc.
Mais occupons-nous des piscines à rebords saillants, qui va
bientôt remplacer, dans les baptistères mêmes, la piscine imitée de
Vi'mpluvmm des bains antiques ^.
•X-
La piscine à rebords saillants s'est pourtant perpétuée en Italie,
car on ne peut classer que dans cette catégorie les fonts élevés
1 Anastase. Bibîiothec. in vUa S. Silvestri : « Fontem Sanctum (fecit) ubi bap-
« tizatus est Augustus Constantinus ab eodem Episcopo Sylvestre. Ipsum sanctum
« fontem ex lapide porphyretico ex omni parte coopertum intrinsecus et foris
a et desuper, et quantum aqua continet ex argento purissimo in pedibus quin-
« que, qui persavit argent! libros tria millia et octo. In medio fontis columnos
« porphyreticos, qu--^ portant phialam auream, etc »
^ Corroyer, l'Architecture Romane. Paris 1888, p. 69.
3 Melchior de Vogué, la Syrie centrale, pi. 21. — Gosset, Les coupoles d'Orient
et d'Occident, — Annales delà Société d\ir théologie de Bruxelles. 1890, vol.'iv, pi. xv.
* Albert Lenoir, op. cit., p. ^87.
^ Corroyer, op. cit., p. 166.
— 24 —
par Jacopo della Quercia et Lorenzo Vecchietti, en 14 14, dans
l'église de San Giovanni à Sienne. (PI. i).
En marbre blanc, ces fonts sont constitués par une piscine
hexagonale, présentant sur chacune de ses faces des bas-reliefs en
bronze, sur lesquels sont figurés :
i® L'ange apparaissant à Zacharie, par Donatello ;
2° La naissance de saint Jean-Baptiste, par della Quercia ;
3° Saint Jean prêchant, par della Quercia ;
4° Saint Jean baptisant le Christ, par Lozenzo Ghiberto ;
5'' Saint Jeak devàût Hérode, par Lorenzo Ghiberto ;
6° Salomé présentant à Hérode la tête de saint Jean, par
P. POLLAJOLA.
Entre xes bas-reliefs, des statues : la Foi et l'Espérance, attri-
buées à Donatello, la Valeur attribuée à Verrochio et enfin, la
Justice, là Charité et la .Sagesse.
Un tabernacle s'élève au miheu de la piscine ; il est orné des
figures de la Vierge, avec FEnfant-Dieu et des saints.
Au sommet, la figure de saint Jean, par Jacopo della Quercia,
(1374 t 1438). (Un moulage en existe au South Kensingion mu-
séum 1886-8 .)
Fig. 5. — Fonts de Baarse-Danemark.
. Dessin de M. Bulens,
d'après un croquis de M. Burman-Beckeh,
PI. I. — Fonts baptismaux de la cathédrale de San Giovanni à Sienne.
II
Les piscines des baptistères à rebords saillants.
es baptêmes de catéchumènes adultes sont devenus moins
nombreux, depuis que TÉglise s'est établie définitivement au
grand jour. Plus n'est besoin d'avoir des piscines de 40 ou 50
mètres carrés ; aussi, celles-ci diminuent-elles de grandeur et se
transforment-elles. Au lieu d'être constituées par un enfoncement
dans le sol, elles sont formées par des cuves ou de grandes vas-
ques en marbre ou en granit, placées sur quelques marches et
construites hors du sol, comme on le voit encore dans un édifice
de beaucoup postérieur, le baptistère de Pise.
Mais un édifice beaucoup plus ancien, le baptistère de San
Giovanni infonte * à la cathédrale de Ravenne, va nous fournir un
bel exemple de cet état de choses. ^
Datant de la première partie
du v^ siècle, suivant Agnellus
qui rapporte que l'évêque Néon,
a fait élever ce baptistère, ce-
lui-ci ne nous intéresse pourtant
pas autant, pour la suite de notre
sujet, que les fonts en marbre
blanc que M. Hubsch croit con-
temporains de l'édifice ^. Ils sont
formés par une vasque octogone
placée hors du sol et dont un des
côtés, pour la facilité de l'offi-
ciant, est concave vers Tinté-
rieur *.
Fig. 6. — Fonts baptismaux conservés
au Musée de Venise (Italie) ix® siècle.
(Dessin de M. Bui.ens).
Comme on le voit, la piscine a disparu ; les fonts apparaissent
dans l'histoire de l'art et de la religion chrétienne.
1 Ou encore le Battistero de^Ii Ortodossi,
2 Hubsch, op. cit., p. 26-27, pi. xiii, fig. 13-16, pi. xv, fig. 2-5 et pi. xix, fig.4-5.
3 Hubsch, op. cit., p. 28.
^ Revseks, Eléments d' Archéologie chrétietine, Louyn'm, 1885, I, p. 155.
— 28 —
Bientôt le principe nouveau se développe. On remarque, en
effet, que les rebords s'élèvent et que la cuve devient beaucoup
plus petite. Cette disposition nouvelle est nécessitée par un chan-
gement dans les traditions reçues, car bientôt, malgré les défenses
de SAINT Léon IX *, des conciles de Tolède, d'Auxerre, de Paris
et de Girone, l'usage de baptiser les enfants peu après leur nais-
sance et non pas à Pâques et à la Pentecôte prévalut ^.
Cela produisit une véritable évolution dans l'art de bâtir, car
de ce moment, les baptistères devenant inutiles, disparurent en
grande partie, laissant en place et en tradition d'eux, un édicule
comme on en voit sur les fonts-réservoirs du baptistère de Cividale
en Frioul ^.
1 Pape en 1048, mort vers 1054.
'^ ViOLLET-LE-DUC, Op, Cit. V p. 534.
3 ViOLLET-LE-Duc, Op, cit., V, p. 555 ; Comité historique, op. cit., p. 65.
Fig. 7. — Fonts de Brugelette (xve siècle.)
Belgique, relevé de M. L. CLoauET.
29
III
Les fonts à édicule.
(f^es fonts du bap-
B-™| tistèredeCivi-
dale sont, d'après
nous , fort impor-
tants pour Thistoire
de ces meubles d'é-
glise, car ils mar-
quent une date très
certaine.
Placés actuellement
dans la collégiale,
datant du vm^ siècle.
Fig. 8. — Baptistère avec édicule, de Nocera degli
Pagani (Italie). (Dessin de l'auteur).
puisqu'ils ont été construits par Caliste, patriarche d'Aquilée,
ces fonts présentent les caractères que voici : ils se compo-
sent d'un bassin entouré de dalles — • fragments de monu-
ments antiques * — formant un octogone. A chaque angle
de celui-ci, des colonnes d'ordre corinthien altéré, portent des
1 Ces fragments ont été ajoutés à une époque postérieure. A. Lenoir, op. cit., XIV,
p. 119.
30 —
arcades couronnées par une plate-forme, surmontée probable-
ment à l'origine d'un dôme aigu. (Fig. 9).
Le tout forme une sorte de ciborium ou de baldaquin surmon-
tant le bassin baptismal, mais ne le couvrant pas, ce qui permettait
aux poussières et autres impuretés de se répandre dans l'eau
sacramentelle.
Au baptistère de Sancta Maria Majore à Nocéra degli Pagani,
près de Salerne, la piscine, quoique abritée sous la coupole de
l'édifice, est recouverte d'un dais soutenu par huit colonnes corin-
thiennes, (Fig. 8).
C'est là un exemple fort curieux qui montre la transition entre
les baptistères et les fonts à édicule ^
M. le chanoine Cor-
blet attribue les fonts à
édicule ou à baldaquin,
au respect qu'inspirait
le sacrement de la régé-
nération. Il dit que c'est
ce sentiment qui a fait
couvrir les fonts baptis-
maux de cette sorte de
ciborium, comme on le
faisait pour les autels.
Cet édicule, ajoute-t-il,
se changea ensuite en
dôme ou en pyramide -
soutenue également par
4, 6 ou 8 colonnes. t^. t, .• .« j n- -^ 1 /c • n
^' Fig. 9. — Baptistère de Cividale (Frioul).
On trouve, en Angle- (D'après VUnivm illustré).
terre et en Bretagne, de curieux exemples de cette' décoration
monumentale, que la Renaissance remit plus tard en honneur en
construisant autour de la cuve un petit temple à colonnes^.
La cuve de l'ancien baptistère d'Aquilée (Illyrie) avait un dais
semblable ^. On sait que cette dernière ville est située à une dis-
tance relativement minime de Cividale ; on pourrait, par consé-
1 HuBSCH, op, cit., pi. XVII et xviii.
2 Chan. CoRLLET, Les lieux de baptême , Revue de V Art Chr. XXV, p. 3
' Reusens, cp. cit., I, p. 156.
,6.
— 31 —
quent, en conclure que c'était là une forme seulement usitée dans
une région unique; mais il n'en est rien, puisque cette même dis-
position se retrouve dans le Nord de l'Europe .
En effet, Tillustre auteur du Dictionnaire de l* architecture fran-
çaise^ M. VioLLET-LE-Duc, possédait un ivoire sculpté du xi^
siècle, fort intéressant et présentant la figuration de fonts re-
couverts d'un édicule. (Fig. lo).
L'officiant se trouve sous celui-ci, ainsi que les fonts qui affectent
la forme d'une croix grecque à branches hémisphériques, tandis
qu'autour du petit monument se tiennent les diacres et les clercs
tenant les objets nécessaires à la cérémonie.
Le baptême se fait par immersion, car l'enfant doit se trouver
dans la cuve très distinctement indiquée en margelle de puits.
Nous avons personnellement
observé sur un ivoire sculpté du
ix^ siècle, représentant la légende
de l'apôtre des Francs, Saint-
Remy, et conservé au Musée d'i\-
miens, un baptême — celui de
Clovis probablement — qui se
fait dans une cuve cylindrique^
cantonnée de colonnettes soute-
nant un ciborium.
Cette pratique de construire
des édicules au-dessus des fonts
s'est maintenue fort tard, puis-
qu'en Angleterre, dans le Bed-
fordshire, Luton Chiirch * possède
encore une construction de ce
genre datant d'une époque fort postérieure aux exemples pré-
cédents.
En effet, on ne peut assigner à cet édicule comme date d'exé-
cution que la seconde moitié du xiv^ siècle.
Des fonts de l'époque ogivale, avec un dais très important, exis-
Fig. 10. — Fragment d'un bas-relief en
ivoire, de l'ancienne collection de
VioUet-le-Duc. — France, xie s.
1 Simpson. A stries of ancient baptismal fonts, LonJoit, 1828. pi. I, p. 53. — Cet
ouvrage, que nous aurons à citer plusieurs fois au cours de cette étude, date d'une
époque déjà ancienne ; il contient peu de renseignements historiques., mais ses
gravures sont fort intéressantes.
— 32 —
tent à Saint-Peter Mancroft (Norwich). Ils ont été restaurés ou
plutôt refaits dans ces dernières années par M. Frank T. Bag-
GALLAY, architecte, qni les a restitués d'une façon conjecturale en
assez de points. Un dais d'une structure presque semblable
existe cependant sur les fonts de l'église de Trunch *.
On voit donc que cet usage s'est maintenu fort longtemps.
M. CoRBLET 2 pensait que le dais de Luton Church était unique
en Angleterre, mais il y en a d'autres là et ailleurs.
Et on en a beaucoup démolis, car lorsque plus tard, la
coutume s'établit de couvrir les fonts avec grand soin, afin de
soustraire absolument Teau sacramentelle aux influences exté-
rieures, il est à supposer que partout les anciens fonts à édicule
auront été détruits, comme ne pouvant plus servir aux pratiques
nouvelles.
En Bretagne, Féglise de Guimiliau (Finistère), contient des
fonts à édicule datant d'une époque encore beaucoup moins
ancienne. Situés dans le pays de Léon entre Morlaix et Brest,
dans une contrée qui a, à un degré intense, le culte des tradi-
tions, ces fonts datent du temps du vénérable et discret messire
H. GaiLLERM, recteur (1675).
" La cuve baptismale, dit un article du Magasin pittoresque ^,
abritée par un baldaquin de chêne que supportent d'élégantes
colonnes torses enlacées de vigne, chargées de raisins, et d'une
variété infinie de fleurs, de fruits et d'insectes, a' pour amortis-
sement un dauphin, au-dessus duquel deux Renommées embou-
chent la trompette et élèvent la couronne royale. De petits dra-
peaux aux couleurs des donateurs flottent au-dessus des trom-
pettes, et l'on y reconnaît les armes des donateurs : Un sieur de
CoRNOUAiLLES et uuc dcmoiselle de Kergolay, sa compagne,
possesseurs au xvii® siècle de la Seigneurie de . Kerbalanec,
paroisse de Guimiliau. n (Vicus Miliau),
Cet édifice est réellement étrange et il surprend, quoiqu'il
n'ait qu'un intérêt artistique de second ordre. Une légende
explique son existence.
1 On peut trouver des détails sur ces fonts et sur ceux de Saint-Peter Man-
croft, dans the Builder, du 4 janv. 1890, p. 12.
^ Rn'îie de VArt chrétien. J. Corblet, Histoire du sacrement du haptéme. XXII,
r. 299.
^ Ma^. Pit. 1878, p. 261 — desoin de M. Alfred Beau.
— 33 —
Nous n'y voyons, pour notre part, rien de merveilleux, mais
tout simplement une preuve de traditions soigneusement sui-
vies et passées à travers tant de siècles pour se perpétuer dans le
baptistère de Guimiliau.
De ces exemples, il nous est permis de conclure que ces édi-
cules formaient une tradition des baptistères d'autrefois, ce que
M. VioLLET-LE-Duc avançait en ne s'appuyant que sur Ti voire
sculpté de sa collection *.
Une fois de plus, nous vérifions là une vérité qui apparaît
à chaque page de Thistoire architecturale, c'est que, quand un
élément constructif, par une circonstance ou Tautre, tend à dis-
paraître, cette disparition ne s'opère pas sans que l'élément
supprimé laisse pendant longtemps des traces de son existence
passée.
Le baptistère, édifice isolé en dehors des églises, a comme dérivé
les fonts placés dans les basiliques. Les seconds héritent des pre-
miers, l'édicule rappelant les formes générales de ceux-ci. Nous
verrons, par la suite, l'édicule disparaître à son tour, mais laisser
des traces de son existence passée, jusque bien avant dans le
moyen âge.
(à suivre.) Paul Saintenoy.
1 ViOLLET-LE-DUC, Op. Cit., \q\. V., p. S35-
Fig. II. — Fonts baptismaux de Saint-Mard devant- Virton,
Relevé de feu O . Maus. (Dessin de l'auteur).
^s
i
^^^
^^m
QUELQUES RENSEIGNEMENTS
CIMETIÈRE BELGO-ROMAIN
découvert à Archennes ^ (Brabant) en 1883.
os collègues, MM. P. Saintenoy et le docteur Raeymae-
kers, ayant eu l'obligeance de nous aviser de l'existence,
au château de MM. Oldenhove frères,, à Archennes
(Brabant), d'une belle série de vases belgo-romains provenant
d'une trouvaille faite, il y a quelques années, sur les bords de la
1 Le village d' Archennes fait partie de l'arrondissement administratif et judi-
ciaire de Nivelles.
D'après Chotin {Etudes élymùîc piques) cq nom d' Archennes signifierait confluent.
Il aurait pour radicaux ar, aar, mot celtique qui voudrait dire rivière, et chena
qui désignerait le lieu où un cours d'eau se réunit à un autre.
C'est en effet sur le territoire de cette commune que la rivière appelée le Train
se jette dans la Dyle.
Le mot chena est passé dans la langue romane ; nous l'avons retrouvé à Moha
(province de Liège), appliqué à un escarpement rocheux et boisé situé au bord
de la Méhaigne et dans le flanc duquel s'ouvre une grotte que nous avons fouil-
lée. L'existence de plusieurs petites ravines se rejoignant, et par lesquelles les
eaux pluviales s'écoulent du plateau dans la vallée, pourrait donc justifier cette
dénomination de Bois et de Trou du Çbena.
D'autres étymologistes pensent que ce nom a pour racine l'allemand arche, con-
duite d'eau, ou arca, mot de la basse latinité qui signifie digue.
— 35 -
Dyle, nous nous sommes empressés de nous rendre sur les lieux,
afin de connaître l'endroit précis et les circonstances de la décou-
verte et de pouvoir dresser Tinventairc des objets trouvés. Ce
sont ces renseignements que nous avons Thonneur de venir con-
signer dans nos Annales.
Le cimetière dont il s'agit était situé à Tune des extrémités
du territoire de la commune d'Archennes *, sur un coteau élevé,
actuellement boisé, dominant la vallée de la Dyle et Tenclos de
Florival "^, entre les lieux dits r Egyptienne y ou Bois des Egyp-
tiennes ou des Gipsies ^, et la Campagne de Maguinsart,
Bien d'abbaye à l'origine, ce terrain fut cédé à la commune
et acquis ensuite par M. Aug. Oldenhove, qui, en 1883, le fit
défoncer de 80 centimètres à i mètre de profondeur et planter
de sapins.
C'est au cours de ces travaux de plantation que les ouvriers
découvrirent les sépultures qui; s'il faut en juger par le grand
nombre de vases recueillis, devaient être assez nombreuses.
Il semble résulter, en outre, de notre enquête que la plupart
des dépôts funéraires avaient été faits en pleine terre ; c'est-
à-dire que les parois des fosses ne présentaient aucun revê-
tement '*.
Quant aux objets que nous avons vus ou qui nous ont été
1 A la cote 70 environ.
2 Vallis florida, Vaulx fleuri, Val ou Vallon fleuri, Florival. A l'endroit où se
voient aujourd'hui de vastes ateliers pour le tillage du lin et le blanchiment des
toiles, s'élevait autrefois la florissante abbaye de Florival, célèbre communauté des
filles de l'ordre de Citeaux.
Ce monastère, fondé en 1218, fut supprimé lors de la Révolution française.
Il y a quelques années, le Génie militaire a extrait du lit de la Dyle et
transporté au musée de la Porto de Hal, quelques pierres tombales provenant de
cette abbaye.
3 Tirant son nom, d'après la tradition, d'une race de sorcières vivant sous terre
et rendant certains services aux habitants, comme de laver le linge, etc... (Tariier
<>/ Wauters, Géographie et histoire des communes belges, canton de fVavre, p. 188.)
* Toutefois la trouvaille de quelques tegulœ entières, faite sur les lieux lors des
travaux, tendrait à faire- croire à l'existence de certaines loges ou caveaux protec-
teurs des dépôts.
- 36 -
renseignés, ils consistent en vases de terre et de verre, presque
tous intacts, en une spatule on cuillère en bronze, en quelques
tuiles et en quelques monnaies.
La majeure partie des vases se trouve encore actuellement chez
le propriétaire du terrain, au château de Florival; d'autres, offerts
à M. van Zeebroeck, sont au château de Nethen ; enfin M. le
chanoine E. Reusens, professeur d'Archéologie à Louvain, pos-
sède également quelques antiquités provenant d'Archennes.
Voici un inventaire, fort incomplet sans doute, des pièces
exhumées :
Au château de Florival :
Urnes cinéraires dont Tune, en poterie de couleur rougeâtre,
sans ornements, présente les dimensions suivantes :
hauteur 21 cent.
diamètre de l'ouverture .... 17 id.
Cruches ou lagènes en terre de couleur jaune ou blanche.
Soucoupes et jattes en terre samienne.
Têles en poterie grossière.
Ampoule * en verre de couleur bleuâtre, à col très court et
muni de deux petites anses, mesurant :
hauteur . . 6 cent.
largeur à la panse 6 id.
Une spatule en bronze.
Au château de Nethen :
Cruche ou lagène en terre de couleur jaunâtre;
hauteur 22 1/2 cent.
largeur à la panse 15 id.
Jatte de forme conique, en terre samienne, non sigillée ;
hauteur 51/2 cent.
diamètre de l'ouverture ... ±0 id.
Soucoupe en faux samien ;
1 Terme général qui désignait un vaisseau de toute forme ou de toute matière,
mais plus exactement un vaisseau de verre, au col étroit et au corps enflé comme
une vessie. (A. Rich, Dictionnaire des antiquités s^recgues et romaines, au mot ampuîa).
^ 37 —
hauteur 4 cent.
diamètre 9 id.
A Louvain * :
Petit flacon en verre bleu de 6 cent, de hauteur.
Autre petit flacon également en verre bleu (brisé) à deux
anses ;
hauteur 11 cent.
Patère sur piédouche. en terre samienne (fortement détério-
rée), renfermant, outre quelques ossements incinérés, une pièce
de monnaie en bronze du temps des Antonins.
»
* *
La découverte d'un cimetière est un signe certain de Texis-
tence, dans les environs immédiats, d'un ou de plusieurs établis-
sements ; car, qui dit habitations, agglomérations, dit sépultures,
cimetières; et, comme nous l'avons fait remarquer déjà, le nombre
assez considérable de vases recueillis — nous ne parlons pas des
petits objets qui ont pu passer inaperçus ou s'égarer — peut nous
donner une idée de l'importance ou de la durée de ces établis-
sements.
Des vestiges de constructions antiques ont du reste été signalés
sur le territoire d'Archennes ; MM. Tarlier et Waulers ^ rappor-
tent que devant la nouvelle église, en creusant les fondations
du mur de clôture du cimetière, on a trouvé des tuiles romaines et
du ciment mêlé de brique pilée.
Ajoutons, pour compléter nos renseignements, que le point
où cette découverte a été faite n'est éloigné^ à vol d'oiseau, que de
3200 mètres du village d'Ottenbourg, où passe l'embranchement
de la chaussée de Bavay à Cologne, qui se dirige vers Malines.
Ce diveriiculum, qu'on appelle communément Chemin des
Wallons ^, part de Gembloux *, et traverse Walhain ^, Corroy-
1 Renseignements dus à l'obligeance de M. le chanoine Reusens.
2 Géographie et histoire des communes belges, t. I, p. 191.
3 Voir Wauters, Histoire des environs de Bruxelles, t. II, p. 681 ; Ann. de VAcad,
d'Archêol. d'Anvers, 2^0 série, t. V, p. 394; Carte Van der Maelen ; Carte Van
Dessel.
* Le Geminiacum de l'Itinéraire d'Antonin et de la carte de Peutinger.
^ Poteries, armes et tuiles romaines, puits antiques. V. Tarlier et Wauters,
Géographie et histoire des communes heîses, canton de Perweii, p. 22.
-^.38 -
le-Grand *, Wavre 2, Ottenbourg ^, Duysbourg, Tervueren ^,
Stcrrebeek, Steenockerzeel ^, Perck et Elewyt ^.
2 mars 1890. B^^^ Alfred de Loê.
^ Sépulture belgo-romaine, V. Ballet, des connu, roy. d' Art. et d'ArcbéoL, t. III,
pp. 189 et 551,
2 A Basse-Wavre, vestig^es de constructions romaines, tumuli. V. Bulletin des
eomm.roy. d'Art et d'ArchéoL, t. III, p. 546,
,3 D'après les Comptes de la vénerie des du:s de Brabant y plusiQars tumuli auraient
existé autrefois sur le territoire de cette commune. Un cerf, dit le dDCument cité
ci-dessus, dans une chasse que fit Philippe le Bon, en août 143 1, trouva la mort
aux tomhs d' Ottenbourg.
* Poteries romaines. V. Galesloot, Le Brabant, etc., p. 5 1 .
^ Débris de tuiles et de poteries, V. Ann. de 'Acad. d'Archéol. d'Anvers, 2^6 sé-
rie, t. X, p. 527.
" ^ Bourgade belgo-romaine et cimetière de la même époque. V. Bullet. de V Acad.
rpy. de Belgique, 2^6 série, t. XIII, p. 407 ; t. XXVIII, p.. 749 et t. XXIX,
p. 749.
Afin, de VAcad. d'Archéol. d'Anvers, r^ scrie, t. VII, p. 46 ; 2^6 série, t. VI,
p. 395 ; t. VIII, p. 186 et t. IX, p'. 782.
Bullet. des comm. roy. d'Art et d^Arcbéol., t. XIII, p. 56.
Rei'ue d'Histoire et d'Archéologie, t. I, p. 278.
, 1
S
1
' 1
UËCRITLJRE MUSICALE
ANCIENNE
Chers et honorables confrères,
n vous entretenant quelques instants de l'écriture de
cette sublime langue du sentiment que Ton appelle
musique, je n'ai, cela va sans dire, nullement la pré-
tention ni l'intention de traiter à fond ce sujet si intéressant, ce
qui d'ailleurs, a déjà été fait avec beaucoup de science par plus
d'un savant musicien-archéologue, parmi lesquels il faut placer
au premier rang M. Gevaert, Térudit auteur de YHistoîre de la
musique de Pantiquité.
En exhibant quelques spécimens de l'écriture musicale du
moyen âge, je me bornerai à vous communiquer les modestes
résultats de mes propres recherches et observations, après vous
avoir d'abord donné un aperçu rapide etsuccinct de l'artde tracer
lassons au moyen de signes, depuis Tantiquité.
La plus ancienne musique des Hindous et des Chinois aurait
été dans une échelle de cinq tons. On a prétendu que ce fut d'eux
— 40 —
que les Égyptiens en reçurent les premières notions; mais ceci
est loin d'être prouvé.
En Grèce, il semble qu'à partir du vi^ siècle avant J.-C, on ait
déjà étudié scientifiquement la musique, et en particulier, qu'on
se soit appliqué à mesurer les sons. Lassus d'Hermione, en Pélo-
ponèse, composa, prétend-on, vers Pan 546 avant notre ère, un
écrit théorique sur la musique. Pythagore et plusieurs de ses
disciples s'occupèrent des rapports mathématiques des sons. Il
inventa pour la précision des sons, le monocorde, dit canon de
Pythagore,
Aristoxène, disciple d'Aristote, né vers l'an 324 avant J.-C. et
qui composa, ainsi que nous l'apprend Suidas, quatre cent cin-
quante-trois volumes, fut l'auteur des Eléments harmoniques, en
trois livres, le plus ancien traité que l'on possède en ce genre. La
doctrine musicale d' Aristoxène est l'opposé de celle de Pythagore;
il bannit les nombres et le calcul pour s'en remettre à l'oreille
seule. Vers l'an 277 avant J.-C, Euclide traita, le premier, d'une
manière scientifique, la théorie mathématique des sons. A Timo-
thée le Milésien (340 ans avant J.-C), qui ajouta à la harpe la
dixième et la onzième corde et qui écrivit dix-sept livres sur la
musique, on attribua l'invention du genre dit chromatique, parce
qu'il l'aurait marqué par des couleurs ycoiu.y. (chroma en grec
signifie couleur). Chez les Grecs, la division n'était pas basée
comme de de nos jours, sur l'octave, mais sur la quarte.
On avait trois genres : le genre diatonique, le genre chromatique
et le genre enharmonique. De ce dernier genre, l'invention est
attribuée par quelques-uns à Olympius le Phrygien. Toute la série
des tons se réduisait à cinq tétracordes (série de quatre tons), dont
le quatrième ton était toujours en même temps le premier du tétra-
corde suivant; excepté deux de ses tétracordes, qui .avaient plu-
sieurs tons de commun, mais avec des appellations différentes, de
sorte que chacun de ces trois genres était composé de quinze tons.
Par exemple, dans la méthode d'exposition actuelle, il en résul-
terait à peu près, pour le genre diatonique, la série suivante :
si y do, ré, mi; — mi, fa, sol, la; — la, si^émol^ do, ré; — si, do,
ré, mi; — mi, fa, sol, la.
Les tétracordes du genre chromatique avaient la forme sui-
vante : si, do, ré àihe^ mi; — mi, fa, sol dièse ^ la.
— 41 —
Dans le genre enharmonique, les tétracordes se composaient de
deux quartes (dièse) et d'une grande tierce, qu'on ne pourrait
pas représenter avec notre système de notation.
Les Aristoxéniens comptaient trois espèces de dièses (diesis) :
V enharmonique mineur, qui haussait la note d'un quart de ton ; le
chromatique, qui l'élevait d'un demi-ton mineur, et enfin Venhar-
monique majeur, qui l'élevait de trois quarts de ton.
Les Grecs se servaient des lettres de l'alphabet pour écrire leur
musique.
Us avaient deux sortes d'écriture musicale : l'une pour la musi-
que vocale et l'autre pour la musique instrumentale. Pour le
chant, ils se servaient des caractères de l'alphabet ionien et pour
les instruments, des lettres grecques d'un ancien alphabet local,
auxquelles on donnait des formes et des positions différentes, en
les tronquant, les retournant, les renversant ou les couchant.
Comme leur système comprenait en outre un très grand nom-
bre de modes, pas moins de quinze, dont je ne parlerai pas
ici, il fallait nécessairement une infinité de signes, dont l'inven-
tion est attribuée par quelques-uns à Terpandre, et par d'autres à
Pythagore, et dont le nombre est évalué par Alypsius, à seize
cent vingt.
Ce chiffre semble toutefois très exagéré, car les signes des
genres chromatique et enharmonique étaient les mêmes. Aussi
M. Albert Tottmann dit^ que ce chiffre peut être réduit à quatre-
vingt-cinq ou quatre-vingt-dix *.
Les lettres servant de signes musicaux étaient placées au-
dessus des paroles.
Les Romains semblent avoir emprunté aux Étrusques leur
musique religieuse et aux Grecs la musique instrumentale. Ils se
servaient des caractères de leur propre alphabet, pour leur écri-
ture musicale.
Notons ici que le chant des Grecs et des Romains consistait
principalement en récitation et en déclamation musicale, qu'on
accompagnait avec des instruments, simplement et plutôt pour
relever le rythme.
Les Hébreux n'employèrent pas des lettres de leur alphabet
^ lets over hct uotenschrift, Dietsche Wiirande, 1889, p. 361.
— 42 —
comme signes musicaux; mais ils se servirent de points et
figures, pour indiquer l'élévation ou rabaissement de la voix.
Par ces signes, qui étaient placés les uns au-dessus et les autres
au-dessous du texte, on désignait généralement des séries de
sons.
Il étaient divisés en signes de sons distinctifs et en signes de
sons conjonctifs; il y en avait en tout trente.
Ce système primitif d*écriture musicale, composée de signes
accompagnant le texte, est aujourd'hui encore en usage dans les
synagogues, pour la lecture du Pentateuque (les cinq livres attri-
bués à Moïse), qui se fait en chant récitatif. L'hébreu se lisant de
notre droite à notre gauche, la notation moderne n'est pas bien
applicable au texte hébraïque.
Il ne faut'pas que Ton confonde ces signes musicaux des Israélites,
avec les treize points-voyelles, dits points masoréthiques , employés
dans la langue hébraïque pour reproduire en quelque sorte la
prononciation de cette langue, depuis longtemps morte, et qui se
souscrivent tous, sauf un, qui se marque sur la tête et un autre
dans le ventre de la lettre.
Une méthode d'écriture musicale, ayant beaucoup d'analogie
avec celle employée par les Hébreux, fut adoptée au moyen âge,
à la fin du vii^ siècle, pour les chants de l'Église chrétienne; on
désigna ces signes par le nom de neumesy et ils se plaçaient au-
dessus du texte. Quand ils sont fins et pointus on les appelle
saxons, et quand ils sont lourds, ronds ou carrés, on les dit lom-
bards (Voyez pi. II, fig. I et 2).
a La longueur et l'extrême complication de la plupart des mor-
ceaux mélismatiques, dit M. Gevaert, le savant académicien direc-
teur du Conservatoire royal de Bruxelles *, nous forcent à faire
remonter à l'époque du pape Serge I (687-701), peut-être un peu
auparavant, l'introduction d'une notation rudimentaire, celle des
neumes, visiblement imaginée pour des chants à vocalises et même
inapplicable à des cantilènes syllabiques. Apprendre et retenir un
répertoire de plus de mille morceaux, dont la plupart ne se chan-
tent qu'une fois l'an, ne paraît guère possible en l'absence d'un
moyen graphique, servant à guider la mémoire. Telle est l'unique
1 Le chant liturgique de l'Église latine. Étude musicale. Bulletin de V Académie royale
des sciences, lettres et beaux-arts de Belgique, 1889, n°- 9 et 10, p. 475.
- 43 —
utilité de cette écriture musicale : en effet, elle peut évoquer dans
Tesprit, le souvenir d'une mélodie connue, mais non pas donner la
connaissance d'une cantilène nouvelle. »
M. Gevaert, croit également, que ce fut ce même pontife,
qui, le premier, initia les chantres romains à la doctrine des
huit modes ecclésiastiques, dont l'origine syro-hellénique est
indéniable.
Sur le témoignage de Jean le Diacre, moine bénédictin, qui
écrivait en 882, on a toujours attribué au pape saint Grégoire,
dit le Grand, qui occupa le trône pontifical de 590 à 604, un goût
très prononcé pour la musique et particulièrement pour le chant
liturgique. Il aurait composé ou compilé l'antiphonaire romain,
réglé la psalmodie des psaumes, des oraisons, des cantiques;
institué un collège de chantres et enseigné lui-même aux jeunes
élèves, la pratique du chant. Ce serait lui aussi, qui aurait substi-
tué aux quinze premières lettres de l'alphabet, employées dans le
système dit hoëcien, dont l'invention est attribuée au philosophe
Boëce, né à Rome en 470, une autre notation par lettres. Après
avoir remarqué, que les rapports des sons sont exactement les
mêmes dans chaque octave, il aurait adopté pour la gamme de
sept sons, soit de cinq tons et deux demi-tons, les sept premières
lettres de l'alphabet.
Pour le premier ou le plus bas octave, les lettres majuscules :
A, B, G, D, E, F, G; pour l'octave suivant ou moyen, les lettres
minuscules : a, b, c, d, e, f, g ; et pour l'octave supérieur, les
doubles lettres : aa, bb, ce, dd, ee, ff, gg.
Or, comme l'a fait observer M. Gevaert ^, les assertions de
Jean le Diacre ne sont confirmées par aucun document antérieur;
et puis, dans la masse d'écrits qui reste de ce pape (entre autres
une correspondance de plus de 800 lettres), on ne trouve pas une
seule phrase, où il soit fait allusion à des travaux ou des occupa-
tions ayant le chant d'église pour objet; et enfin, V Antiphonxire
Grégorien, sur lequel Jean le Diacre appuie ses assertions, ne
concorde, en aucune façon, avec le calendrier ecclésiastique du
temps du pape saint Grégoire, mais se rapporte à l'usage litur-
gique de Rome, vers l'an 750.
1 Ihià., pp. 461-463.
— 44 —
De tout cela, M. Gevaert conclut que la coordination de TAn-
tiphonaire romain a été antidaté de plus d'un siècle ; et que, si
Tépithète «Grégorien, «a quelque droit d'y figurer, elle désigne,
ou Grégoire II (715-731), ou,plus probablement encore^son succes-
seur. Grégoire III, mort en 741, comme étant le compilateur de
tous les chants de la messe, en une collection pareille à celle que
le pape Agathon (678-681) avait fait coordonner pour les antiennes
des Heures.
Vers Tan 900, Hucbald ou Hugbald, moine bénédictin à Saint
Amand en Flandre, mort en 930, qui avait enseigné les premiers
rudiments du contre-point, inventa un nouveau système, dans
lequel il désigna les sons grégoriens A, G, F, E, D, G, par les
lettres J. M. p. c. f. b ; ensuite il en inventa un autre encore,
où, à rinstar des Grecs, il introduisit des lettres auxquelles il
donnait des positions différentes, en les retournant à droite et à
gauche.
Il se servait de quatre tétracordes, auxquels il donna les noms
suivants : Graves, Finales, Supertores et Excellentes. Dans chacun
de ces tétracordes, les sons s'appelaient : Archoos, Deuterus,
Tritus, Tetrardus et étaient désignés par quatre lettres, posées
différemment dans chacun des quatres tétracordes. Ces lettres
étaient en outre précédées d'un T ou d'un S, pour indiquer les
tons et les semi-tons. Il rangeait les quatre lettres de chacun des
quatre tétracordes perpendiculairement, et les tétracordes étaient
placés dans l'ordre suivant : au bas Graves , et puis Finales, ensuite
Superiores et au haut Excellentes.
Entre chaque lettre, il tirait une ligne horizontale et, dans les
interhgnes^ il plaçait les paroles du chant ; de façon à ce que la
place que chaque syllabe occupait dans l'un ou dans l'autre des
interlignes correspondait avec la lettre indiquant le son.
Il avait en outre soin de rallier les syllabes, qui se trouvaient
dans des interlignes différents, par des traits diagonaux ^
Au x^ siècle, Romanus de Saint-Gall, ajouta aux neumes des
lettres minuscules, destinées à faciliter la lecture de ces signes
musicaux et à suppléer à ce que ce système avait de défectueux
et d'incomplet. Par exemple, les lettres a, d, i, s, e, indiquaient
^ Tottmann, 1. c. p. $63.
— 45 —
les tons élevés ; c tt f le temps ; d et f Taccent bien tenu, et une
croix en sautoir x la pause.
Herman Contractus, qui vécut vers Tan 1015, fut l'inventeur
d*une nouvelle écriture musicale, indiquant les intervalles, c'est-à-
dire la distance d'un son à un autre, par un e pour prime; par un 5
pour petite seconde ; par / pour grande seconde ; par is pour petite
tierce ; par tt pour grande tierce ; par D pour quarte ; par A pour
quinte ; par ù.s pour petite sixte ; et par A/ pour grande sixte *.
Les progrès que Fart musical fit au xi^ siècle, et la révolution
qui s'opéra alors dans le système de notation, doivent principale-
ment être attribués à l'adoption de lignes, dont est résultée la
portée.
Plusieurs auteurs, qui ont traité cette matière, nous apprennent
que Ton commença d'abord par une seule ligne, celle de fa (f) qui
était rouge ; qu'ensuite, on ajouta au-dessus de celle-ci, une
seconde ligne jaune, celle de do ou ut (c) ; qu'un peu plus tard, on
ajouta à ces deux lignes 'deux autres, et qu'ainsi on arriva à avoir
la portée de quatre lignes, qui est encore en usage pour le plain
chant.
Toutefois, sur les deux spécimens d'écriture musicale de la fin
du xi^ siècle, que j'ai l'honneur de vous montrer, les deux lignes
ne sont pas, l'une rouge et l'autre jaune ; mais elles sont, comme
les neumes qui s'y trouvent, toutes les deux noires. Aussi, ne
sagit-il nullement de lignes, exclusivement destinées au/tf (fj et
au do ou ut (c) : car, par exemple, la lettre c et le petit trait indi-
quant la clef de fa, se placent tantôt comme clef devant la ligne,
et tantôt devant l'interligne, dans le vide au-dessus ou au bas de
la ligne.
Quelquefois, sur la même feuille, on a ajouté une troisième et
même une quatrième ligne : au-dessus, en dessous ou entre les
deux lignes, et quelquefois on ne s'est servi que d'une seule ligne,
où l'indication de clef se trouve dans le vide au-dessus et au bas
de cette ligne (Voyez pi. II, fig. 3, 4, 5, 6 et 7).
On se servait, comme aujourd'hui, aussi bien des interlignes
que des lignes, pour y placer les neumes ou les notes.
Sur trois autres spécimens qui semblent dater du milieu du
^ Tottmann, 1. c. p. 560.
-46-
XII® siècle, l'une avec neumes et les deux autres avec notes dites
pattes de mouches ^ on s'est servi sur la même feuille de trois, de
quatre et même, dans certains cas, de cinq lignes. Parmi ces
lignes, il y en a de rouges, de jaunes, de vertes et de noires.
Les lignes : b (si) noire ;/ (fa) rouge *; c (do ou ut) jaune ; et
g (sol) rouge, sont précédées respectivement des lettres 3,/, c
ct^/ tandis que les lignes intermédiaires ; d Cré) verte; a(laj
noire ; e (mi) verte, ne sont pas indiquées par des lettres.
Dans la portée de trois lignes, on a au bas : la ligne/ rouge,
puis une ligne noire (a) et au haut, la ligne c, jaune. (Voyez pi. II,
fig. 8).
Dans la portée de quatre lignes, on a au bas : une ligne verte
(djj la ligne/ rouge, une ligne noire (a)^ et puis la ligne ^ jaune) ;
(pi. II, fig. 9) ou bien : d'abord la ligne/ rouge, une ligne noire (a),
la ligne c jaune et au haut une ligne verte (e) (pi. I, fig. lo) ; ou
bien encore : la ligne b noire, une ligne verte (d)y la ligne/ rouge,
et une ligne noire (a)^ (pi. II, fig ii).
Dans la portée de cinq lignes, on a : la ligne/ rouge, une
ligne noire (a), la ligne c jaune, une ligne verte (e) ç^i la ligne ^
rouge (pi. II, fig. 12).
Il en résuite clairement que les portées n'avaient pas encore
un nombre déterminé de lignes et que l'on employait autant de
lignes que le besoin Texigeait, en augmentant leur nombre au fur
et à mesure |que cela était nécessaire, pour indiquer le degré
d'élévation ou d'abaissement des notes ; comme aujourd'hui on
ajoute, aux notes rejetées hors de la portée au-dessus et en des-
sous, des fractions de lignes, dites lignes supplémentaires, qu'on
nomme aussi lignes accidentelles ou fausses.
On plaçait les lettres ou signes indiquant la clef, tantôt devant
une ligne, tantôt devant une autre. Par ce moyen> on pouvait
maintenir la voix dans la portée, sans avoir recours trop souvent
à des lignes additionnelles. Parfois les lignes changent, à un certain
endroit, de clef et par conséquent aussi de couleur ïpl. II, fig. 13).
L'emploi de lignes de diverses couleurs, pour les distinguer
1 M. H. Lavoix fils, dans son Histoire de la musique, dit à la page 28, que la ligne
du fa fut peinte en vert. C'est une erreur ; lorsque les couleurs furent appliquées
aux lignes, celle du fa fut peinte en rou^e.
- 47 —
les unes des autres, s'explique dès que le nombre de lignes se
multiplia.
A cette époque, vécut un homme dont le nom est devenu
célèbre dans les annales de la musique ; je veux parler de Gui ou
Guido d'Arezzo^ aussi nommé Guy Aretin, moine bénédictin de
l'abbaye de Pompose, né à Arezzo en Toscane, vers Tan 990 et
mort en 1066. Dès sa jeunesse, il s'était livré avec passion à
l'étude de la musique, et bientôt il fut chargé d'enseigner cet art
aux religieux de son couvent. 11 écrivit un traité sur la musique,
qu'il intitula Micrologiis, et la méthode qu'il employait était telle-
ment supérieure à celle qui était usitée de son temps, que le pape
Jean XIX le fit appeler à Rome. Sa nouvelle méthode fut approuvée
par le pontife, qui l'appliqua lui-même.
On a généralement attribué les perfectionnements introduits à
cette époque dans l'écriture musicale, à Gui, bien qu'il paraisse
qu'on se servît déjà de lignes avant lui. u II n'est d'ailleurs, a
a dit Hector Berlioz, rien moins que certain, au sujet des inven-
ii tions de Guido d'Arezzo, qu'elles soient réellement les siennes ;
u car lui-même, dans ses écrits, en cite plusieurs comme choses
« universellement admises avant lui. n Quoi qu'il en soit, il
semble qu'il lui revienne toutefois l'honneur d'avoir inventé les
notes, telles à peu près que nous les employons encore aujour-
d'hui.
On eut, dès lors, deux différentes sortes d'écriture musicale :
l'écriture avec les véritables notes, dites guidoniennes, appelées
pattes de mouches (Pedes muscarum) et l'écriture ayant conservé
la forme des anciens neumes et qui finit par devenir un composé à
la fois de neumes et de notes. Celle-ci ne fut entièrement aban-
donnée qu'au commencement du xvi^ siècle (Voyez pi. II, fig.
3-I5)-
La notation guidonienne fut déjà introduite dans les Pays-Bas,
au commencement du xii^ siècle, ainsi que le prouve le catalogue
de la bibliothèque abbatiale d'Egmont ^
Comme nous l'avons vu, les notes étaient désignées par les sept
premières lettres de l'alphabet, ainsi que cela se pratique encore
de nos jours dans plusieurs pays ; entre autres en Allemagne, en
Angleterre, en Néerlande, etc.
^ Van Wijn, Huisiillftid Lcvcn, t. I, p. 323.
-48 -
Les dénominations ut, 7'é, mi,fa, sol, la, sont, prétend-on, égale-
ment dues à Guido d'Arezzo, qui avait remarqué, ainsi que le dit
M. F. Danjou, que les six premières syllabes de chaque vers
d'une strophe de l'hymne de Saint Jean correspondaient à six
sons différents, qui se suivaient diatoniquement et dans l'ordre
suivant :
C. UT queant Iaxis,
D. REsonare fibris,
E. Mira gestorum,
F. FAmuli tuorum,
G. SOLve polluti,
A, LAbii reatum,
Sancte Joannes.
Ce ne fut que plus tard, que le si fut substitué au b, et au
xvii^ siècle, la dénomination ut pour le premier degré de la
gamme guidonienne, fut remplacée par cette autre do. Quelques-
uns ont attribué cette innovation à Doni, qui vivait en 1630 ; et
d'autres à Bononcini, qui dit dans son Musico pratîco, publié en
1673 : Savverta che in vece délia sillaba ut, i moderni si servano dido,
per esserepiU risonante. (On remarquera qu'au lieu d'employer la
syllabe «/, les modernes se servent de do, comme plus sonore).
Il paraît certain que l'usage du bémol, dont quelques-uns attri-
buent l'invention à Lemaire, à Van der Putten, et d'autres au
chanoine Jean de Mûris et au moine Banchieri, remonte égale-
ment au temps de Gui d'Arezzo.
Le nombre de lignes de la portée, qui, ainsi que nous l'avons
vu, variait d'après les besoins, fut dans la suite (xiii« siècle) fixé à
quatre. Elles étaient toutes de la même couleur, rouges ou bien
noires; tandis que les notes étaient invariablement de cette der-
nière couleur (PI. II, fig. 14 et 15).
On plaçait ordinairement devant la ligne do ou ut, un C; de-
vant celle de fa un / ou bien un petit trait diagonal, auquel on
ajouta plus tard une queue (PI. II, fig. 13, 14, et 15).
Au XV® siècle, apparaissent pour la clef de fa et celle de sol, à
peu près les mêmes figures que celles que nous employons au-
jourd'hui pour désigner ces clefs.
Pour le plain-chant, nom que l'on donne dans l'Église romaine
Annales de la Société dAî^chéolûgie de Bruxelles. Yol.V iô9L
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SPEGiMENS D'ECRITURES MUSICffl.ES DU MOYEN-ÂC-E.
Q.JUavalette, sculp'
— 49 —
au chant ecclésiastique et qui s'exécute à l'unisson ou en octave,
on a conservé encore aujourd'hui la portée.de quatre lignes et les
deux clefs do ou ut ç^tfa; alors, que depuis plusieurs siècles déjà,
on note sur cinq lignes, mode que l'Église réformée avait adopté
pour son plain-chant. Toutefois, notre honorable confrère, M. le
major Combaz, conseiller de notre Société^ possède un curieux
Graduel y livre de chant catholique, imprimé à Amsterdam en [763,
par P. T. Craijenschot, dans lequel les portées sont de cinq lignes.
Cette dérogation à l'usage conservé dans l'Église catholique,
semble s'expliquer par le fait que ce livre a été imprimé dans un
pays protestant, où, ainsi que je le disais, la portée de cinq lignes
était introduite pour le plain-chant.
Rappelons ici que Ton peut considérer le plain-chant, plantas
canins, chant uni, tel qu'il existe encore, comme un précieux reste
de l'ancienne musique grecque. Malgré les modifications que l'on
y a apportées et qui lui ont enlevé de son énergie, ce. chant reste
noble, élevé et majestueux.
Au xiv^ siècle, on remarque un changement dans la forme des
notes ; elles deviennent carrées (PL II, fig. 16) pour prendre plus
tard la forme de losange (PL II, fig. 18) et ensuite la forme ronde
de notre notation actuelle.
Pendant longtemps les notes furent toutes d'une valeur égale
sous le rapport de la durée, et ne marquèrent que les différents
degrés de la gamme, ainsi que les diverses modifications de l'in-
tonation, fonctions auxquelles elles sont encore à peu près réduites
de nos jours dans le plain-chant.
Ce fut vers la fin du xiv« siècle, ainsi que nous l'apprend M. Char-
les Bechem, que le chanoine Jean de Mûris, auquel l'art musical
est redevable de précieuses améliorations, imagina, selon l'opi-
nion commune, d'indiquer les rapports de durée que les diffé-
rentes notes devaient avoir entre elles, par des changements dans
leur forme.
Ainsi ont été introduites dans la notation : la longue, un carré
avec queue ; la brève, un carré sans queue et la schni-brève, un lo-
sange. Ces notes étaient primitivement toutes noires (PL II, fig.
17). Plus tard, on eut la double longue ou maxima, carré oblong
blanc avec queue ; la. longue, carré oblong blanc de la moitié de
la longueur de la note précédente, avec queue ; la brève, carré
4
— 50 —
oblong blanc comme la précédente, mais sans queue; la ronde ou
semi-brève, losange blanc ; la blanche ou minima, losange blanc
avec queue ; la ttoire ou sémi-minima, losange noir avec queue ; la
croche ou fusa, losange noir avec queue à une croche et la double
croche ou sémi-fusa, losange noir avec queue à deux croches (PL II,
fig. i8).
On remarquera cette singularité, que pour la longue, la queue
sert à indiquer qu*elle vaut le double de la brève ; tandis qu'au
contraire pour la blanche ou minima, la queue sert à indiquer
qu'elle ne vaut que la moitié de la ronde ou semi-brève.
C'est, entre autres, dans les œuvres musicales d'Orlandus Las-
sus *, natif de Mons, Tun des plus célèbres compositeurs du
xvi^ siècle, qu'on rencontre, avec les autres notes, la note carrée
(brevis) .
Si la mesure est à trois temps, la brève vaut trois semi-brèves
ou rondes, et est alors appelée brevis perfectum ; tandis que si la
mesure est à deux temps, la brève ne vaut que deux semi-brèves
et se nomme alors brevis imperfecium,
La mesure dite alla brevis ou a capella, dont Tunité est la brève,
se marquait, si elle était à trois temps, par un cercle simple ou
traversé d'une ligne verticale (PL II, fig. 19) ; et si elle était à deux
temps, par un demi-cercle barré ou non (PL II, fig. 20J. Si la barre
verticale n'existait pas, on battait deux fois sur chaque brève et
alors la mesure se trouvait par le fait être alla sémi-brevis ;
quand le cercle ou le demi-cercle était barré, on ne battait qu'une
fois sur chaque brève.
Jean-Jacques Rousseau, qui traita la musique en mathémati-
cien, chercha vainement à substituer aux notes, les chiffres i à 7.
L'expérience semble avoir prouvé que son système, quelque
ingénieux qu'il paraisse et malgré les perfectionnements qui y ont
été apportés dans ce siècle par MM. Galin, Paris et Chevé, n'of-
frait pas moins de difficultés et de confusion que la notation ordi-
naire ; et que, de plus, il était bien loin de présenter les mêmes
avantages dans les résultats pratiques. On peut dire la même
chose des divers systèmes de réforme de notation, proposés depuis
par G. Weber, par A. André, A. Gebhard, Sophie Scott,
1 La collection la plus complète des compositions d'Orlandus Lassus, ma-
nuscrites en partie, est celle que possède la bibliothèque royale de Munich.
I
— 51 —
Emmanuel Gambale, von Hârringen, Lasalette, Prévost, Fayet,
Hermann Baumgarten, etc.
Si je n'ai pas déjà trop abusé de votre patience, Messieurs, je
me permettrai d*ajouter encore quelques mots sur l'introduction
de la typographie musicale en Belgique.
On avait toujours cru que ce ne fut qu'en 1539, que Ton com-
mença dans les Pays-Bas, à publier des œuvres musicales, « année,
dit M. Alphonse Goovaerts, dans son excellent ouvrage intitulé ;
Histoire et bibliographie de la typographie musicale dans les Pays-
Bas, p. 8, où Symon Cock, d'Anvers, le premier typographe
musical des Pays-Bas, mit au jour le premier livre avec musique
qui parut dans nos provinces >; .
Il m'a été donné depuis de pouvoir, avec certitude, reculer
cette date de huit années, ayant eu la bonne fortune de découvrir
un processionnal à l'usage du clergé delà ville de Bruxelles, jus-
qu'alors resté inconnu et imprimé à Anvers, en 1531, par Chris-
tophe de Ruremonde ^
Ce livre curieux porte le titre suivant :
Processionale ad vsimi insignis ecclesie diue Gudile et ceteraru ec-
clesiariim opidi Bruxellen, diligeti cura recognitum et impressum q
absoliitissimis (vt liquet) caracteribus .
Au milieu, une vignette (gravure en bois) représentant la Tri-
nité, entourée des anges et des saints, au-dessus d'une église de-
vant laquelle sont agenouillés le pape à la tête de son clergé, et
l'empereur suivi des princes de l'empire.
Au bas : Impressum Antwerpie per Christophorum Ruremunda-
danum.
Au bas du verso de la dernière feuille on lit :
Totus hic nonus ab incude prodit libellus, eu antea 7msqj ips^^ cos-
tet exaratu. Qui eu ecclesijs opidi Bruxe lien, in habendis procès sionis
subseruit : Suigeneris exemplarium solitum presefert cognomentum,
quod Processionale est, Sumptus autem quibus absoluius est, fratres
qui eiusde opidi ludo literario prestmt prestiterut, cum Christophoru
Ruremundan vt typis excuderet conduxerint, Anno M.ccccc.xxxj,
Mese Augusto.
1 Voyez ma « Bibliographie musicale. II Publications musicales inédites^ imprimées
dans les Pays-Bas, » insérées dans les Annales du Bibliophile belge^ nouvelle série, 1. 1,
pp. 95-94.
— 52 —
Ce volume est in-4° et contient 77 feuillets. Caractères gothi-
ques imprimés en rouge et noir ; les lignes des portées, qui sont
au nombre de quatre, sont imprimées en rouge, tandis que les
notes de musique sont noires.
Un autre produit de typographie musicale, qui n*est pas men-
tionné dans le savant ouvrage précité de M. Alphonse Goovaerts,
et également d'Anvers, porte le millésime 1652 et est intitulé :
Motetta Bonifacii Gratianî, Duahus, Tribus, Quatuor, Quinque et
Sex Vocibus decantanda. Ténor.
Antwerpîœ, Apud Magdalenam Phalesîam et Cohœredes Typo-
graphî Musices . MDCLII.
In-40 de 28 pages.
Les notes sont imprimées avec des caractères détachés ou mo-
biles. Le titre encadré est orné de la marque au roi David.
Cartouche avec notes de musique
surmonté d'un écusson ornant, avant la chute
du beffroi en 1714,
un pilier de cuivre du baptistère de
l'église de Saint-Nicolas à Bruxelles.
(Ex;rait d'un manuscrit
du xviiie siècle en la possession de l'auteur.)
En terminant cette modeste communication, veuillez permettre
à un numismate-mélomane de vous montrer une médaille avec
notes, gravée par E. Rogat dirigé par P.-J. David, 1837. Elle
est frappée en l'honneur de Rouget de Lisle, dont elle porte le
- 53 —
buste. Sur le revers de cette pièce, d'un diamètre de 5 centimè-
tres, est reproduite toute la Marseillaise, musique et paroles, six
couplets.
Malgré cette médaille et la statue qu'on lui a élevée comme au-
teur du poème et de la musique de ce célèbre chant révolution-
naire, on lui contesta aujourd'hui la paternité de cette grandiose
composition. Il aurait tout bonnement adapté ses vers, faits en
1792, aune mélodie de Toratorio Esiher, composée entre 1775 et
1787 par J.-B.-L. Grison, maître de chapelle de la cathédrale de
Saint-Omer en Artois, en la faisant passer pour son œuvre à lui ! *
Il me reste, mes chers et honorables confrères, à vous remercier
de l'attention bienveillante que vous avez bien voulu me prêter,
espérant ne pas Tavoir mise à une trop rude épreuve.
C*^ Maurin de Nahuys.
^ Voyez Arthur Loth, Léchant delà Marseillaise et son vèritaUe auteur, ainsi que la
Neue MusihZeituns, de 1887, p. 109.
NOTE SUR
UN OUVRAGE EN TERRE
SITUÉ DANS LA VALLÉE DE l'ORNE
à COURT-SAINT-ÉTIENNE
a rivière FOrne, qui se jette dans la Thyle au village de
Court-Saint-Etienne, traverse, dans la partie inférieure
de son cours, une suite de bassins, ou plutôt de petits
cirques, taillés dans les roches d'âge silurien du Brabant. Le
dernier de ces cirques, qui mesure une vingtaine d'hectares, com-
munique avec le bassin supérieur par une sorte de défilé qui n'a
guère plus de cent mètres de large à la base de ses deux
versants. Cette gorge est dominée, sur la rive droite, par une
longue croupe qui s'élève jusqu'au plateau de la Quenique, connu
pour son vrai cimetière de tumulus à incinération (le fond du
cirque porte, du reste, le nom de Pré des Mottes, suffisamment
explicite en lui-même). Sur la rive gauche se dresse une ligne
d'escarpements dont la rivière longe le pied et qui sont coupés,
en aval, par un petit ruisseau encaissé, le Glori.
— 55 —
Jusqu'ici, aucune découverte archéologique n'a été faite, que je
sache, sur le versant gauche de la vallée de l'Orne. On m'avait
bien signalé, il y a quelques années déjà, la prétendue existence
de ruines dans le bois du Glori. En 1887, j'avais même été recon-
naître le terrain avec M. l'ingénieur Rucquoy. Mais l'épaisseur du
taillis nous avait empêché de poursuivre sérieusement l'examen
du terrain ; tout au plus avions-nous pu constater l'existence
d'une sorte de fossé incliné qui se cieusait dans l'accotement de
la vallée au-dessus de la jonction du Glori avec l'Orne. Mais nous
avions pensé que c'était simplement un de ces anciens chemins
creux comme on en rencontre souvent dans nos bois.
Comme le taillis avait été enlevé au cours de cet hiver, — ren-
trant à Court-Saint-Etienne, il y a quelques semaines, par la
route de Beaurieux qui longe la rive droite de l'Orne, — je fus
assez surpris d'apercevoir, sur la rive opposée, en haut des
escarpements dont la crête se découpait nettement sur le ciel,
deux espèces de monticules qui se détachaient en forme de
tumulus.
J'eus bientôt atteint le plateau terminal f)ar le vallon du Glori
et, si je fus quelque peu désappointé en reconnaissant qu'il n'y
avait rien de funéraire dans ces buttes (ou plutôt dans cette butte,
car les deux saillies entrevues du bas étaient simplement les deux
cornes d'un même cône tronqué, comme vous pouvez le voir
aisément dans la photographie), j'eus du moins la satisfaction de
constater que je me trouvais là devant un ouvrage artificiel assez
important et sans doute construit dans un but stratégique.
Quand on suit la crête droite du vallon de Glori, on débouche
sur une sorte de péninsule qui peut comprendre un quart
d'hectare et qui est enserrée, de l'autre côté, par la vallée de
l'Orne. Ce petit plateau est séparé des terrains supérieurs par
un fossé d'autant plus facilement discernable que la terre a été
rejetée vers l'intérieur pour former rempart. Il se termine, vers
la vallée, par le monticule en question, lui-même séparé du pla-
teau par un fossé presque circulaire qui mesure une profondeur
de trois à quatre mètres. C'est une butte qui peut avoir de 9 à
10 mètres de hauteur ; sa circonférence est de 75 à 80 mètres. Le
sommet se compose d'une plate-forme évidée que je comparerai
volontiers à un cratère, ou encore à une barque; le centre, en
- 57 —
effet, est occupé par une dépression de deux à trois mètres en
contre-bas de la margelle, celle-ci formant un véritable chemin
de ronde. Le fossé cesse, du côté de la vallée de l'Orne, là où la
raideur des pentes le rend inutile au point de vue défensif. Les
parois de la dépression sont, en outre, ébréchées dans la direction
de l'Orne, mais il est très possible que cette brèche soit due à
l'action des eaux atmosphériques. Des traces de terrassements se
remarquent encore un peu plus bas.
Un examen superficiel ne m'a révélé aucune trace de construc-
tion, même en pierres de schiste. Je me suis, toutefois, assuré que
la butte était formée de terrain rapporté. Il est probable qu'on
aura utilisé, pour la construire, les terres retirées du fossé ou de
ses abords immédiats. Je n'ai pas poussé plus loin les fouilles,
d'abord parce que je désirais les voir entreprendre par de plus
compétents, ensuite parce que j'aurais dû avoir l'autorisation du
propriétaire, en ce moment absent de Court-Saint-Etienne.
La vallée de l'Orne a dû servir de tout temps, comme route, ou,
tout au moins comme chemin de traverse, pour gagner la vallée
supérieure de la Dyle en partant des plateaux qui s'étendent vers
Gembloux et que coupait autrefois une voie romaine. On n'au-
rait pu choisir un meilleur emplacement que ce promontoire pour
commander le passage, ainsi qu'on peut s'en convaincre par un
simple coup d'œil sur la carte de l'Etat-major. La position était
d'une défense facile, grâce au rehefdu terrain. Enfin, du sommet,
la vue pouvait suivre la vallée de l'Orne — en amont jusqu'aux
hauteurs de Mont-Saint-Guibert, là où passe la route de Bruxelles
à Namur — en aval jusqu'au versant opposé de la vallée de la
Thyle, là où s'élève, sur la rive gauche de cette rivière, un plateau
d'environ quatre hectares, protégé en grande partie par la courbe
de la vallée et séparé des campagnes avoisinantes par un chemin
creux passé à l'état de ravin. C'est sur cet îlot, escaladé au sud-
est par la rue principale du village, qu'est bâtie, outre le châ-
teau, l'église de Court-Saint-Étienne, déjà mentionnée au xii^ siè-
cle. J'ai trouvé, en faisant exécuter des travaux de plantation, les
restes d'un mur en pierre, extrêmement épais qui longeait la base
de ce plateau parallèlement à la Thyle.
Court-Saint-Étienne semble avoir, de tout temps, possédé une
population assez dense et joué un rôle dans les opérations mili-
-58 -
taires dont le Brabant méridional était le théâtre. Le plateau de
la Quenique, situé en face de notre butte, a révélé des traces d^oc-
cupation qui datent de tous les âges, depuis celui de pierre
polie jusqu'au nôtre, en passant par le bronze, le fer et même la
pierre à fusil. Dès le xi*^ siècle, comme le constatent MM. Tarlier
et Wauters, dans leur savant ouvrage Les Communes belges, le
hameau de Beaurieux, à un kilomètre en amont, possédait une
seigneurie puissante et batailleuse ; Court-Saint-Étienne eut fort
à souffrir pendant les guerres de religion et même pendant celles
du xvii^ siècle. Le pays fut plus d'une fois occupé pendant des
périodes assez longues par les détachements des armées belligé-
rantes et, vers 1645, les habitants durent même s'armer pour se
protéger contre les incursions des troupes hollandaises.
A quelle époque se rattachent les ouvrages dont je viens de
parler ? Je ne prendrai pas sur moi de résoudre la question, mais
je demanderai à la Société s'il ne lui conviendrait pas de déléguer
une commission pour examiner ce qu'il y a de sérieux dans les
constatations que je crois avoir faites *.
Comte Goblet d'Alviella.
^ Des sondages ont été exécutés à la demande de la Société par MM. Rutot et
baron A. de Loë sur les emplacements décrits par M. le comte Goblet d'Alviella.
— On en trouvera le compte rendu dans V Annuaire de la Société pour 1891.
fNote de la Commission des publications) .
'•^%S^P
BALANCES
TROUVÉES DANS DES TOMBES DES CIMETIÈRES FRANCS d'HaRMIGNIES (HaINAUT)
de Belvaux, de Wancennes et d'Eprave (prov. de Namur).
Omnia numéro ^ pondère et mensura.
Avant de parler des balances trouvées dans les cimetières
francs d'Harmignies, de Belvaux, de Wancennes et d'Eprave, je
crois nécessaire de présenter quelques considérations géné-
rales sur cet instrument indispensable au commerce et au
progrès de presque toutes les sciences.
Il est certain que la balance remonte à la plus haute antiquité,
car Thomme a dû chercher de bonne heure un moyen sûr et
facile de comparer le poids de deux objets; le soupèsement par
les mains devait, en effet, occasionner de nombreuses contesta-
tions et ne pouvait donner que des estimations approximatives.
C'est probablement l'habitude * de peser au moyen des mains
les objets dont on voulait comparer le poids qui aura fait naître
l'idée de suspendre deux plateaux de même pesanteur à deux
bras de levier égaux basculant sur un axe. Quoi qu'il soit, une
1 Cependant, par l'habitude de peser avec la main des objets de même nature,
on arrive à une assez grande précision. Dans la Keviu S:ientifiqiu\ 1890 (15 mars),
p. 349, un employé des p.)stes raconte qu'il était parvenu à séparer facilement, sans
les peser, les lettres qui dépassaient le poids réglementaire et même à apprécier
une différence de poids qui n'était guère de plus de 10 centigrammes. L'erreur re-
lative était i/ioo environ.
— 6o —
ancienne peinture égyptienne représente deux individus occupés
à peser sur une balance à deux plateaux des anneaux de métal
donnés en échange d'un mouton placé dans un des plateaux *.
Dans les proverbes de Salomon, chap. XVI, verset ii, il est
dit : <• La balance et le trébuchet justes sont de PEternel, et tous
les poids du sachet sont son œuvre, w Je me borne à ces indica-
tions ^, mon but n'étant pas d'étudier l'origine et l'ancienneté de
la balance.
Il n'est cependant pas téméraire d'affirmer que l'emploi des
métaux précieux comme objets d'échange et l'usage des pre-
mières monnaies, qui consistaient en lingots plus ou moins
réguliers et dont il importait de vérifier le poids pour chaque
pièce, devaient nécessairement amener la découverte de la
balance, si son invention n'avait déjà pas été faite.
Or, les numismates fixent le début du monnayage au com-
mencement du vii^ siècle avant l'ère chrétienne. Ces lingots-
monnaie étant fabriqués à un poids déterminé, sont une preuve
incontestable de l'existence de la balance. Mais antérieurement
au monnayage proprement dit, la balance devait être en usage
puisque, à cette époque reculée, l'estimation des choses se faisait
par une certaine quantité d'or ou d'argent brut échangé au poids.
La balance est donc un ustensile très ancien, dont l'origine se
perd dans la nuit des temps sans qu'on puisse dire par quel
peuple elle fut inventée^; mais sa forme primitive, réproduite sans
discontinuité jusqu'à nos jours, a été celle que j'ai décrite ci-des-
sus. Aussi le nom latin de cet instrument, bilanx (gén. bilancis)
est-il composé des deux mots : bis, deux, et lanx, plateaux (donc
qui a deux bassins ou plateaux) d'où, en bas latin, le mot bilancia
duquel est dérivé le mot français balance.
' V. Monnaies et médailles, par F. Lenormant. Paris, imp, Quantin. p. 12.
2 Voy. aussi Homère, Iliade, liv. VII, v. 471 et suiv., liv. VIII, v. 69 et suiv.
3 La balance fut peut-être inventée par les Egyptiens. Notre savant col-
lègue, M. Hagemans, a bien voulu me dire qu'on trouve le nom de la balance sur
des monuments égyptiens de la plus haute antiquité. On la voit même dans les
Rituels funéraires servant à peser les âmes. Balance se disait : ma/.a ; plateaux et
poids : mâ'/atou. On trouve aussi la balance dans les groupes ^amah, hmaga,
hnas. Or ^amah, hama^a et hmag signifient enchâsser dans l'or, faire un travail de
joailler ou d'orfèvre. Ceux-ci pesaient naturellement avec soin les matières pré-
cieuses employées par eux.
— 6i —
Je m'empresse de passer au sujet proprement dit de ma com-
munication : la petite balance trouvée en octobre 1889 dans une
tombe du cimetière franc d'Harmignies(pl.III)et que j'ai le plaisir
de mettre sous vos yeux, grâce à Tobligeance de notre zélé col-
lègue, M. le baron Alfred de Loë, qui recueille avec tant de soin
et de science les objets enfouis dans cette antique nécropole.
Cette balance (fig. i, pi. IVjest en laiton ou en bronze; les bras
ont ensemble une longueur de 9 1/2 centimètres; leurs extrémités
aplaties ont des œillets par lesquels passent de petits anneaux aux-
quels étaient suspendues les cordelettes des plateaux; ceux-ci, de
forme concave régulière, sont percés, à distances égales, de trois
trous pour attacher les ficelles qui servaient à la suspension ; le
diamètre de ces plateaux ne dépasse pas de beaucoup deux centi-
mètres (fig. i^, pi. IV). Le manche mobile de cette balance a une
longueur de 4 centimètres S' la languette a 26 millimètres.
Un poids en bronze ou en cuivre trouvé à côté de cette
balance est légèrement oxydé mais ne porte aucune marque;
sa surface est unie, faiblement striée ; sa forme est ronde comme
celle des poids du moyen âge ; son diamètre est exactement d'un
centimètre, son épaisseur de i 1/2 millimètre et son poids préci-
sément d'un gramme (fig. i^, pi. IV).
Dans une autre tombe du cimetière d'Harmignies, M. le baron
de Loë a trouvé un plateau de balance d'un diamètre plus grand
(4 centimètres, à deux millimètres près). Ce plateau est aussi en
laiton ou en bronze, de forme concave régulière, et percé, à
distances égales, de trois trous (fig. 4, pi. IV).
Ce plateau était isolé et placé un peu plus bas que la boucle
du ceinturon d'un guerrier aux côtés duquel se trouvaient une
framéc, un scramasaxe et un petit couteau.
La petite balance avait été déposée aux pieds d'un guerrier
ayant une framée, une grande épée en fer, un grand couteau
en forme de scramasaxe, un petit couteau en fer, des boucles,
boutons et terminaisons de lanières, le tout en fer, un briquet
en fer, une sorte de serpe en fer, un vase en terre noire, un
clou en fer du cercueil, avec une pièce gauloise en potin (d'un
peuple de l'Est de la Gaule, peut-être des Lingons); enfin, près
1 Un morceau de ficelle conservé par l'oxydation est encore attaché au manche
mobile. Cette ficelle a sans doute servi à suspendre la balance.
- 62 —
de la balance, étaient des débris de bois et de fer, ainsi que de
petits ornements en bronze, peut-être les restes de la boîte qui
renfermait la balance.
D'après Tensemble des trouvailles faites dans le cimetière
d'Harmignies, il n'est pas trop imprudent d'affirmer que cette
petite balance a été employée dans le courant du vi^ siècle de
notre ère. C'est aussi Tâge que M. de Pétigny * attribue à une
balance trouvée à Envermeu (Normandie) par l'abbé Cochet.
Ces balances sont assez rarement trouvées dans les tombes
franques, en Belgique. Notre savant collègue, M. Désiré Van
Bastelaer, n'en a jamais découvert dans les nombreuses tombes
franques qu'il a fouillées.
Avant la trouvaille faite à Harmignies par MM. le comte de Looz-
Corswarem et le baron de Loë, je ne connaissais qu'une seule
petite balance exhumée d'une tombe franque située en Belgique.
Cet objet (fig. 2, pl.IV) rare fait actuellement partie des richescollec-
tions du musée de Namur et a été découvert à Belvaux (commune
de Resteigne, province de Namur), au lieu dit le Tombois, sur la
rive droite de la Lesse. Il n'existe plus que le fléau en bronze,
parfaitement conservé, les plateaux très délicats de cette balance
n'ayant pu résister à l'action du temps. Ce fléau a une longueur
de douze centimètres; il est encore mobile ; chaque extrémité
porte un petit œillet pour y fixer les fils qui supportaient les
bassins. Le manche mobile, terminé par une pointe s-ervant à tenir
la balance par le bout des doigts, a une longueur de quatre cen-
timètres, mais n'a pas de languette entière comme celle de la
balance d'Harmignies. Celle-ci est donc la seule balance à deux
plateaux complète, découverte dans notre pays. Le fléau, en
bronze, de Belvaux, était aussi placé dans la sépulture d'un guer-
rier qui portait un anneau sur le chaton duquel sont gravées des
croix recroisetées ^.
Notre savant collègue, M. A. Bequet, a eu l'obligeance de
m'écrire qu'il a encore trouvé dans le cimetière franc de Wan-
cennes, près Beauraing (province de Namur) un petit bassin en
bronzeayantsansdouteappartenuàunebalance(fig.5,pl. IV). Il est
1 Lettre à l'abbé Cochet.
2 BnauET, Annales de la Société archéologique de Namur, t. XV, pp. 319-321.
M. Bequet a bien voulu me permettre de publier le dessin de cette balance, dont il
n'existait aucune image.
Fer de lance. ;;
Petite boucle fer
Boutons, boucles et
terminaisons de la-
nières, etc., le tout
en fer.
Grand couteau en
forme de sera ma saxe.
Sorte de serpe en fer
Vase eu terre noire. --L....
- Boucle en fer.
Grande épée en fer.
Garnitures du four-
reau de l'épée.
Petit couteau en fer.
Débris de bois et de
fer et ornements en
bronze, peut-être les
/ débris de la boîte con-
tenant la balance.
Clou de cercueil avec
une pièce de monnaie
gauloise y adhérente.
Briquet en/er.
Petite balance, deux
plateaux et un petit
poids en bronze.
f'-'"- Cimeticre franc d'Harmignies. Tombe N« 308.
Fomlles de MM. le comte de Looz-Corswarem et le baron A. de Loê.
- 64-
fait d'une feuille de bronze assez mince et assez grossièrement
travaillée. Son diamètre est de 55 millimètres, sa concavité est
fort grande et il ne paraît pas avoir de petits trous pour attacher
les ficelles de suspension; le rebord, il est vrai, est en mauvais
état. Il y a cependant toute probabilité , remarque M. Bequet, que
ce petit godet a été le bassin d'une balance.
Tout récemment, et depuis la trouvaille de M. le baron de Loë,
le cimetière franc de la Croix-Rouge à Eprave (province de
Namur, arrondissement de Dinant) a fourni une petite balance
dite romaine *, parfaitement conservée et possédant encore son.
poidscurseur (fig. 3, pi. IV). Lefléau porte plusieurs encoches indi-
catives. (Voyezpl. IV, cette figure dessinée en grandeur naturelle).
Cette balance est en bronze et son plateau unique, rattaché au
fléau par trois grosses chaînettes, est en fort bon état. Les Francs
ont- ils pu fabriquer un objet d'une technique aussi savante? C'est
douteux. Sont-ils venus en possession de cette balance en pillant
des Gallo-Romains ou l'ont-il simplement achetée à ceux-ci? Quoi
qu'il en soit, M. Bequet m'écrit qu'il serait difficile de déterminer
si elle a été fabriquée par un ouvrier gallo-romain ou par un
franc. M. Bequet l'attribue cependant plus volontiers à un ouvrier
franc, car si la forme en est romaine, remarque le savant archéo-
logue, sa technique paraît plutôt franque. Ce serait dans ce cas
une imitation, en réduction, d'une balance romaine. M. Bequet
ajoute qu'il n'a jamais rencontré dans les villas ni'dans les tom-
beaux de l'époque romaine ces petites balances, mais plusieurs
poids dont le musée de Namur renferme de nombreux exem-
plaires qui n'ont pas encore été étudiés.
Ayant soigneusement examiné cette balance d'Éprave, elle
me semble de fabrication gallo-romaine, à cause de la perfec-
tion de travail et de la science qu'exigeait son agencement,
Elle me paraît dater du vi^ siècle, puisque des monnaies de
cette époque ont été trouvées dans une tombe rapprochée de la
sépulture contenant cette balance. Celle-ci offre une particularité
très ingénieuse : un crochet attaché tout près du plateau de la
balance permet de la suspendre en ne perdant presque rien de la
1 Cette balance fait partie des collections du Musée d'archéologie de Namur. Elle
présente beaucoup d'analogie avec la balance trouvée au Jardin-Dieu de Cugny
(Aisne).
- 65 -
longueur du bras de levier, tandis qu'un autre crochet, placé à une
plus grande distance du plateau, donne le moyen, en retournant
Finstrument, d'obtenir un bras de levier plus court et par consé-
quent de peser des objets plus légers. La tige du levier porte plu-
sieurs marques destinées à régler la position du poids curseur
pour des pesanteurs déterminées. Cette balance servait probable-
ment à peser des monnaies d'or et d'argent.
Mon intention n'étant pas de décrire toutes les balances
découvertes dans des tombes franques, je me bornerai à signa-
ler celles qui proviennent des contrées limitrophes de la Belgique
ou qui ont fait l'objet d'intéressants commentaires.
Le cimetière franc de Schandel ^ dans le Grand-Duché de
Luxembourg, a fourni, en 1859, un fléau de balance à plateaux, en
bronze. Voici comment le professeur D'" A. Namur décrit cet
objet : (i petite barre en bronze ayant une longueur de quinze
centimètres, percée de trous à chaque extrémité, munie, au cen-
tre,*d'une petite excroissance plate d'un centimètre carré et percée
d'un trou "^. »
Une balance en bronze, avec ses deux plateaux, a été recueillie
par M. Fréd. Moreau, le 27 août 1877, avec un scramasaxe, dans
une sépulture en pleine terre, à un mètre du sol, dans la nécropole
d'Arcy-Sainte-Restitue (département de l'Aisne, France). Cette
balance est dessinée, en grandeur naturelle, sur la planche supplé-
mentaire O de l'album Caranda.
Près de cette balance, il y avait deux groupes de monnaies
romaines en bronze serrées comme par un coin, au moyen d'une
aiguillette de ceinturon en bronze étamé et maintenues par une
petite patte en bronze, assez élégante. M. Frédéric Moreau y voit
deux pesons. Cela me semble douteux : ces prétendus pesons
me paraissent d'un poids et d'une grandeur trop considérables
pour qu'ils aient pu servir aune balance aussi légère et tenir dans
d'aussi petits plateaux. Arcy-Sainte-Restitue a fourni deux autres
balances, trouvées dans des tombes en pierre ; l'une à la date du
I" octobre 1877, avec ses deux plateaux en assez bon état; elle
était accompagnée d'un seul petit bronze de Posthume (258-267),
^ Schandel, arrondissenient de Diekirch, canton d'Ospern.
'' Y oyQz Publications de la Société pour la recherche et la conservation ihs monuments
historiqws dans le Grand-Duché de Luxembourg ^ t. XVI {1860, p. 138, pi. II, fig. 8).
5
— 66 —
peut-être utilisé comme peson. Il y avait, dans la même tombe,
une plaque ajourée provenant d'un ceinturon. L'autre, trouvée
le 29 juin 1878, près d'un squelette qui avait à la ceinture un fort
coutelas soutenu par un anneau de bronze et une francisque à ses
pieds. Les plateaux de cette troisième balance étaient en partie
détruits par l'oxydation ; elle était accompagnée d'un seul peson,
un petit bronze de Constantin-le-Grand (306-337).
L'abbé Hamard découvrit une semblable balance, au mont de
Hermès, dans une tombe qui renfermait une épée et un grand
couteau *. Le fléau de cette balance a 14 centimètres de longueur
et le manche a 25 millimètres. Le diamètre des plateaux est de
4 centimètres. Cette balance était renfermée dans un écrin en bois
garni de cuir, d'étoffe et de petits clous à rivets, A côté, un petit
bronze romain.
En 1883, M. Michel Hardy a fouillé, non loin de la ville d'Eu, en
Normandie, un cimetière franc composé de 70 sépultures;
dans Tune d'elles, il a recueilli, sur le corps d'un homme, une
framée, une épée, l'umbo d'un bouclier, un grand coutelas, deux
petits couteaux, une pierre à briquet, une boucle et une aiguille
en bronze, enfin une petite balance. Le fléau a une longueur de
86 millimètres; les plateaux, fort minces et à peine infléchis au
milieu, ont 35 millimètres de diamètre. Ils étaient suspendus au
fléau par trois cordelettes qui passaient dans trois petits trous
ménagés sur le bord des plateaux. Cette balance, comme celle
de Hermès, était renfermée dans un écrin ou étui en cuir.
M. J. Pilloy, de Saint-Quentin, qni a eu l'obligeance de me
donner ces derniers renseignements, a lui-même trouvé au Jardin-
Dieu de Cugny (Aisne), une petite balance dite romaine, avec
son fléau, son poids curseur, son plateau unique, ainsi que ses
tiges de suspension; comme peson, il se trouvait. dans le plateau
un petit bronze de Claude le Gothique, du poids de deux grammes.
Le guerrier franc qui était possesseur de cette balance avait une
lance placée le long du bras gauche, et à la ceinture, une jolie
plaque de boucle en bronze ^.
1 Cimetière du Mont d'Hernies. V. relation de ces fouilles par M. l'abbé Renet,
prof, au séminaire de Beauvais, dans l'ouvrage intitulé : Le mont de Hermès. — Les
Francs et les Romains ; fouilles exécutées en 1878 et 1879 P^^ ^' l^^^^bè Hamard, curé de
H^n«€5. Extrait des Mémoires de la Société académique de l'Oise, Beauvais, 1881.
^ Voy. Études sur d'anciens lieux ùe sépulture dans V Aisne j par J. Pilloy, officier
-67 -
En septembre 1855, Tabbé Cochet trouva dans la tombe d*un
guerrier, à Envermeu, près de Dieppe (Normandie), une petite
balance en bronze *, d'un type analogue à celui de la balance d'Har-
mignies, une pièce de bronze semblable à une monnaie (4 gram-
mes, 4 décigrammes) servait de peson ^. C'était la première fois
que l'abbé Cochet rencontrait la balance dans les sépultures fran-
ques et jusqu'alors (en 1857) il ne connaissait de pareille trou-
vaille, ni en France, ni en Allemagne. En Angleterre, il est vrai,
Roach Smith avait découvert, depuis 1850, dans le curieux cime-
tière anglo-saxon d'Ozingell (Kent), une petite balance sembla-
ble, parfaitement intacte, avec son fléau et ses deux plateaux ^ ;
chose très intéressante, cette balance était accompagnée de toute
une série de poids formée au moyen d'une suite de monnaies
romaines avec des marques gravées sur ces pièces par les Saxons
de l'Heptarchie. D'autres balances ont été trouvées, en Angle-
terre, dans des tombes anglo-saxonnes ^. Le Rév. Faussett raconte
qu'il a trouvé une petite balance avec ses vingt poids, en septem-
bre 1762, dans le cimetière saxon de Gikon Town, près Ash, dans
le Kent, à côté d'un guerrier armé d'une lance, d'une épée et d'un
bouclier. Cet homme possédait aussi une pierre de touche.
En Norwège, on a trouvé, en 1825, dans un tumulus, une
petite balance en bronze accompagnée de dix poids. Le musée
de Copenhague possède une autre balance également trouvée
dans un tumulus norvégien. Cette dernière balance est d'un travail
plus achevé et indique une civilisation assez avancée. En Schles-
wig, on fit aussi la découverte d'un fléau de balance. La balance
du musée de Copenhague était renfermée dans un étui en écorce
d'Académie. Saint-Quentin, 1880, 2^ fascicule, fouilles du cimetière du Jardin-
Dieu de Cugny (Canton de Saint-Simon, Aisne) page 50, pi. ûg.
1 Balance d'Envermeu : fléau 10 centimètres ; manche, 5 centimètres; plateau.x,
forme plate et non concave, contrairement à l'usage commun; diamètre des pla-
teaux, 53 millimètres; peson, 4 grammes, 4 décigrammes.
^ Sépultures s^auloises, romaines, franques et normandes, var l'abbé Cochet, Paris,
1857 pp. 184-185 et pp. 253 à 265. Voy. le dessin de cette balance, p. 185, et sa des-
cription in extenso pp. 253.
3 Voy. Roach Smith, Coîlectanea Afitiqua, vol. IJI, pp. 12-14, pi. IV, fig. i. Pour
les pnids, voy. Ibid. pi. IV, fig 2 à 15.
** V. Th. Wright. On anslo-saxon antiquitie^, with apartiadar référence to the Faussett
Collection, p. 26, et Roach Smith, inventorium sepulcbrale, pi. KVII, fig. 1,2, 3, et
p. 43, pi. XVII, fig. 4 à 20 et 21.
— 68 —
de bouleau *. Je me bornerai à ces courtes indications; puisqu'il
ne s'agit plus de tombes franqueset, je termine par quelques consi-
dérations générales en ce qui concerne uniquement les balances
exhumées des sépultures de cette dernière catégorie.
Il résulte de l'ensemble de ces trouvailles que les balances sont
rares dans le mobilier funéraire des Francs. Plus communes dans
les régions situées au sud des frontières belges, il semble que les
Francs aient usé de plus en plus fréquemment de la balance à
mesure qu'ils avançaient dans la Gaule et qu'ils se civilisaient au
contact des mœurs romaines. On peut se demander encore si l'em-
ploi de la balance ne se répandit point parmi les populations
franqueS; à l'époque oii elles firent les premières tentatives de
battre une monnaie indépendante, ne sortant pas des ateliers
monétaires de l'Empire ^. A ce point de vue, il serait intéressant
de rechercher si les Francs connaissaient l'emploi de la balance
avant leur invasion en Belgique et en Gaule, ou s'ils n'ont appris
Tusage de cet instrument que par l'intermédiaire des peuples
gallo-romains. La présence d'une balance dite romaine dans une
sépulture du cimetière franc de Cugny et à Eprave, indique évi-
demment un emprunt fait aux populations envahies, car les
Francs n'étaient probablement pas arrivés à un degré de civilisa-
tion assez développé pour inventer ou construire un instrument
aussi compliqué et d'une technique aussi savante que la balance
dite romaine. En ce qui concerne les balances à deux plateaux,
il faut être plus réservé, puisque ces balances* existaient en Orient
depuis une haute antiquité, et que les Francs ont fort bien pu les
emporter dans leurs migrations. Quoi qu'il en soit, des balances
à plateaux, fines et légères et semblables aux balances franques,
se voient sur quelques monnaies d'empereurs romains (Philippe,
Gordien, Constans et Dioclétien, etc.) ^.
Chose curieuse, la forme exacte de ces petites balances s'est
maintenue jusqu'à nos jours : les balances dont se servaient
^ V. Historisch-Antiquansche MittheiJun^en heraus^e^ében von der Kôni^îlchen Gesell-
schaft Jûr Nordische Alterthumskunàe. Copenhague, 183 5, pp. 103 et 105. Pour les poids,
voy. NofdisckTidsskriJt for Oîdkyndi^bed, I, 400.
2 Voy. Monnaies franques découvertes dans les cimetières francs d'Éprave, revue belge
de numismatique, 1890, p. 212.
3 Voy. les autres exemples cités par l'abbé Cochet dans ses Sépultures ^auloises^
romaines, franques et normandes, 1857, pp. 253 à 263.
^/ Innî^/f, , /ic(} Grandeur n«t*
PI. IV. Balances trouvées à Harmignies, Belvaux, Wancennes et Hprave.
— 7i —
encore, au commencement de notre siècle, les lombards, chan-
geurs, commerçants, banquiers, pour peser les monnaies, ne dififé-
raient en rien des balances que les Francs employaient sans doute
au même usage. C'est une tradition qu'il est intéressant de
signaler.
Il faut encore remarquer que ces balances, à l'époque franque,
sont toujours trouvées dans des sépultures d'hommes générale-
ment bien armés. Doit-on tirer de ce fait des conséquences sur
l'usage de ces balances et sur la profession de ceux qui possé-
daient ces instruments? Toute conclusion générale me paraît dan-
gereuse, puisque chez les Francs, tout homme libre, quelle que fut
sa profession, portait les armes, était guerrier. Je me garderai
donc d'exclure, avec Tabbé Cochet, les orfèvres ou les bijoutiers,
et de désigner spécialement les agents du fisc ou les officiers
monétaires. M. de Pétigny hésite à faire de ces balances les
attributs des monétaires; elles pouvaient aussi bien servir à des
comptables, des receveurs des finances, des gérants du domaine
royal. Tout cela est très possible, mais je pense que ces balances
devaient servir à des hommes de diverses professions. Ce qui est
certain, c'est que les monétaires ne pouvaient se passer de balance
et que cet instrument était aussi nécessaire aux orfèvres qu'aux
agents du fisc.
Du reste, la légèreté et la fragilité de ces balances ne permet-
taient de les employer qu'au pesage d'objets d'un petit volume, tels
que les métaux précieux, les bijoux et les monnaies. A une épo-
que où les monnaies n'étaient pas frappées avec la régularité et
la précision mathématique de nos jours, il importait de peser
chaque pièce qu'on recevait *. La meilleure raison qu'on puisse
invoquer pour soutenir que ces balances servaient surtout à peser
les monnaies, c'est que de telles balances, identiquement les
mêmes, ont été employées à cet usage particulier jusqu'au com-
mencement du siècle actuel.
Georges Cumont.
1 La loi Gombette (loi des Bourguignons) disait : De monetis solidorum prce-
cipimus custodire ut omne aurum, quodcumque pensaverit, accipiatur, praster
quatuor monetas, Valentiniani, Genavensis et Gothium, qui a tempore Alarici régis
adœrati sunt, et Ardaricanos. Il résulte de ce texte que les monnaies d'or étaient
alors prises au poids, à l'exception de quatre espèces.
LES
FRANCS SALIENS
DANS LA PROVINCE DE BRABANT
Leurs invasions, leurs établissements et leurs sépultures.
Iiour retracer les invasions et les établissements des
Francs Saliens dans notre province et y retrouver
leurs sépultures, nous nous appuyerons sur les témoi-
gnages historiques, sur les quelques découvertes de Tarchéolo-
gie, et, à défaut de celles-ci, sur des présomptions topographiques,
étymologiques, toponomastiques, toponymiques, anthropologi-
ques et sur la linguistique.
Notre travail doit donc être considéré comme une indication,
assez précise, des endroits oii Ton a des chances de trouver des
antiquités franques dans le Brabant.
Depuis l'établissement de Tempire romain jusqu'au v^ siècle, le
territoire actuel du Brabant était divisé en deux grandes parties,
— 73 —
dont Tune, à l'est, appartenait à la Germanie seconde, et l'autre,
à l'ouest, à la Belgique seconde.
En Germanie seconde, le Brabant était occupé, au nord, par les
Toxandres et, à Test, par les Tongres qui suc:édèrent aux
Éburons. En Belgique seconde, notre province était habitée par
ce qui restait des Nerviens et des Aduatiques.
Comme on le sait, les Éburons, les Nerviens et les Aduatiques
avaient fait de grandes pertes pendant la conquête de César. Sous
la domination romaine, les contrées habitées par eux n'avaient
pas été repeuplées. L'espace ne manquait donc pas aux étrangers
qui voulaient s'établir dans ces terres, presque désertes. Aussi les
Francs Saliens, qui occupaient depuis longtemps l'île des Bataves,
ne tardèrent-ils pas à pénétrer, peu à peu, dans la Toxandrie
et à s'y fixer à demeure, sans aucune autorisation des Romains.
Un texte d'Ammien Marcellin le prouve *.
Les Belges tolérèrent ces établissements, d'abord isolés et disper-
sés, qui ne causaient d'ailleurs aucune inquiétude aux Romains.
Insensiblement, les Francs Saliens furent accueillis avec plus de
faveur par les Belges et la fusion s'opéra plus facilement avec la
population préexistante. Cet accueil était le résultat de l'esprit
d'hostilité que les Belges, d'origine germanique comme les
nouveaux venus, montraient envers les Romains. Au surplus, il
n'en coûtait rien aux Belges de faciliter aux Francs Saliens des
établissements dans les vastes territoires peu habités de la
Toxandrie.
Un premier point semble donc établi par ce qui précède :
c'est que longtemps déjà avant l'arrivée de Julien, les Francs
Saliens habitaient notre province ^.
Telle était la situation, lorsqu'en 358, toute la nation des
Francs Saliens fut chassée de la Batavie par les Cattes dits Cha-
1 Quibus paratis, petit {]u\ia.nus) pi imos otnniiim Francos^ eos videîicet qiios consuetudo
Salios appelavit ausos olim in roviano solo apud Toxandriain hcum hahitacula sibi ji^ere
pfcelicenter. (Rer. Gest., XVII, 8). Ses préparatifs finis, il (Julien) se dirigea contre
les plus anciens de tous les Francs, ceux que la coutume a appelés Saliens, qui autre-
jais avaient ose se permettre d'éiahlir, sans droite leur domisile sur le territoire romain, en
Toxandrie.
' On ignore la date de cette transmigration ; toutefois Ammien Marcellin en
parle comme d'un établissement déjà ancien au temps de l'expédition de Julien :
ausos olim...., dit-il, comme nous l'avons vu ci-dessus.
— 74 —
iftaves, et vint se réfugier dans la Tongrie ou Turingie. Or, ce pays
s'étendait jusqu'au cœur de notre province, près de Louvain. Il
semble donc prouvé aussi qu'en 358 déjà, les Saliens occupaient
le nord-est et le centre du Brabant actuel.
Les Francs Saliens trouvèrent là leurs anciens alliés germains :
les Tongres et les Gugernes ou Sicamhres.
Julien, gouverneur de la Gaule," ignorant la cause de Tinvasion
des Francs de la Batavie, partit de Lutèce pour la Belgique afin
de réprimer cette incursion. Mais, en s'approchant du pays de
Tongres, il rencontra des députés des Francs Saliens. Ceux-ci, qui
allaient le trouver à Lutèce, lui expliquèrent la cause de leur
invasion forcée et lui demandèrent la paix. Julien s'avança néan-
moins avec son armée dans le canton que les Francs avaient
envahi, les prit au dépourvu et, les voyant se soumettre, il leur
accorda ce qu'ils demandaient : Subiio cuncfos adgressus tanquam
fulmînîs iurbo perculsit, jamque precantes potius quant resîstentes,
m opporhinam clementiœ partent effedu vidoriœ flexo, dedentes secum
opibus liberîsque suscepit ut ad sua redirent incolumes. (Ammien
Marcellin, lib. XVIL c. VIII).
11 ordonna ensuite à son armée de ne faire aucun mal aux
Francs Saliens,puisqu'ils s'étaient avancés sur le territoire romain,
non en ennemis, mais parce qu'ils y avaient été contraints par
la force. ... Jusso prius exercitu.,. Satiorum vero neminem occî-
dere, nec prohibere quoniinus in Romanorum fines itli transirent
quod non ut hostes Romanorum regionent pœterent, sed per vint a
Cattis pellerentur, v (Zosime, lib. III. — Texte grec ; version lat.).
Julien fit d'une partie de ces Francs Saliens des troupes auxi-
liaires qu'il confia à un Franc nommé Charietton.
Les terres de la Toxandrie et de la Tongrie ou Thuringie,
ils les reçurent à titre de Létes ou de colons militaires, de la même
manière que les Sicambres les avaient également obtenues des
Romains. Les Francs Saliens s'y confondirent avec ces Sicambres
et formèrent, plus tard, une souche franque dans laquelle se
produisit la famille des rois francs qui donna naissance à la
monarchie française *.
Lorsqu'en 413, Constance renouvela les traités avec les fédérés,
1 Armand de Behault, Étude sur les invasions et rétablissement des Francs en Belgi-
que (Revue de la Société des Études historiques, de Paris, 4^ série, t. VII, 1889, p. 248).
— 75 —
les Francs Saliens conservèrent leurs concessions dans la Toxan-
drie.
Il est donc démontré que les empereurs romains, Julien et
Constance, autorisèrent les Francs Saliens à s'établir dans la
Toxandrie et dans la Tongrie ou Thuringie, c'est-à-dire dans le
nord et dans le centre du Brabant.
* *
Vers 431, Clodion, le premier roi franc dont Texistence ne
soit pas mise en doute, fit irruption dans la Germanie seconde, où
Aétius vint le combattre. Idatius (Chronicon ad ammm 431) fait
connaître que les Francs furent battus et que néanmoins Aétius
leur accorda la paix et les laissa dans le pays où ils revenaient
sans cesse se rétablir.
Quoi qu'il en soit, Clodion vint établir son camp à Dispargum,
en plein pays des Francs Saliens, au centre de notre province.
Les historiens sont dans un grand désaccord au sujet de la
situation topographique de ce Dispargum *.
En dehors des considérations souvent émises pour établir où
Ton doit placer DispargutUy nous en apporterons quelques-unes
qui n*ont jamais été développées ailleurs.
Grégoire de Tours, qui écrivit son Histoire ecclésiastique des
Francs vers 574, environ 129 ans après Tinvasion de Clo-
dion (445), est Thistorien le plus ancien qui ait parlé d*une ma-
nière générale de rétablissement des Francs d'après des auteurs
contemporains de Clodion, ou ayant vécu peu de temps après
ce roi 2.
Voici comment il s'exprime à ce sujet ^ :
« Tradunt enim multi eosdem (Franc os) de Pannoni a fuisse dfgressos et primum
quidem littora Rheni amnis incohiisse ; de hinc transacto Rheno Thoringiam
TRAKSMEASSE / ihiqiie jiixta pctgos vel civitates reges crinitos super se creavisse, de
prima, et ut ita dicanty nohiliori suorum familia. Quod poslea probatum Chlodovichi
Victoria tradidere, idque in sequenti digerimus. Nam et in Consularihus legimus
^ Ibid., p. 303.
2 SuLPicE Alexandre, Renatus-Profuturus-Frigeridus, Sidoine Apollinaire,
les Fastes consulaires^ etc., etc.
3 Hisloria eeclesiastica Francorimiy lib. II, c. IX. — Voir Dom Bouciuet, Recueil
des historiens des Gaules , etc., t. II, p. 166 et 167.
- 76 -
Theodomerem Regem Fraiiconitn, filium Richimms quondam, et Aschilam matrem
ejiiSj gîadio interfedos.
« Ferunt etiam tune Chlogionem, utihm ac nohilissimum in gente sua, regem
Francorum fuisse, qui apud Dispargum castrum habit abat auoD est in ter-
MiNO Thoringorum. 7« his autem partibus, idesl ad meridionalem plagam, hàbi-
tahant Romani usque Ligerim fluvium. Ultra Ligerim vero Gotthi dominahantur.
Burguiidiones quoque Arianorum sedam sequentes, hàbitahant trans Rhodanum,
qui adjacet dvitaîi Lugdunensi.
ft Chlogio autem, missis exploratoiihus ad urbem Camaracum, perlustrala omnia,
ipse secutus, Romanos proteiit, civitatem adprehendit in qua paucum tempus residens
usque Suminiam fluvium occupavit. »
« Plusieurs rapportent que les Francs sont sortis de la Pannonie ;
qu'ils se fixèrent d'abord sur les rives du Rhin, qu'ensuite ayant
traversé le Rhin, ils passèrent dans la Thoringie, et que là, ils élu-
rent, par cantons et par cités, des rois chevelus sortis de la pre-
mière et pour ainsi dire de la plus noble famille d'entre eux. Ce
qui est prouvé quant aux victoires de Clovis, nous le dirons plus
tard. Car nous lisons dans les Fastes consulaires ç\}iq Théodomer,
roi des Francs, — fils de feu Richimer, — et sa mère Aschila,
ont été mis à mort par le glaive.
(i On rapporte que le roi des Francs était alors Chlodion, homme
très vaillant et très illustre dans sa nation. Il habitait le château
de Dispargum, qui est sur la frontière des Thoringiens. Dans ces
mêmes contrées, vers le midi jusqu'à la Loire, habitaient les Ro-
mains. Au delà de la Loire dominaient les Goths. Les Bourgui-
gnons attachés à la secte des Ariens s'étaient fixés de Tautre côté
du Rhône qui baigne la cité de Lyon.
« Ayant envoyé des éclaireurs vers la ville de Cambrai et fait
explorer tout le pays, il se mit ensuite en marche lui-même,
écrasa les Romains et s'empara de la cité. Après y être resté
peu de temps, il occupa tout le pays jusqu'au fleuve de la
Somme, n
On remarquera, dès maintenant, que Grégoire de Tours n'a
pas trouvé dans les historiens qui ont écrit avant lui, c'est-à-dire
peu de temps après Tinvasion de Clodion, que les Francs, pour
venir de Dispargum à Cambrai, eussent passé le Rhin. Il n'y a pas
un mot, à ce sujet, dans son texte. Au contraire, Thistorien
affirme que les Francs passèrent d* abord le Rhin et s* établirent en-
— 77 —
suite €71 Tkoringîe et puis a Dispargum, qui était à la frontière de ce
pays.
Grégoire de Tours, après avoir dit que Dispargum est situé
aux confins de la Thoringie, ajoute que " dans ces mêmes con-
trées, vers le midi jusqu'à la Loire, habitaient les Romains. Au
delà de la Loire dominaient, dit-il, les Goths; et les Bourgui-
gnons, attachés à la secte des Ariens, s'étaient fixés de Tautre
côté du Rhône, qui baigne la ville de Lyon, n Ces détails ne lais-
sent aucun doute sur le pays des Thuringiens qui est la Tongrie
(la Hesbaye et la Campine actuelles).
Dom Bouquet (toc, cit., t. II, p. i66) rapporte que Guillemus
Morelius dit avoir vu un ancien manuscrit de Grégoire de Tours
dans lequel était écrit de la même main Thoringorimi vel Tim-
groruni.
Notons aussi qu'un historien grec, à peu près contemporain de
Clodion, Procope, s'exprime identiquement de la même manière
(de bellogothico, lib. I, c. 12) :
« Honim sedes contiiigehaut Arborychi, curn reliqiia ormii C allia atque Hispauia
Romanis jampridem suhditi : secundiim quos ad Orieiitein Thoringi cou cessant sihi
ah Auguslo Ccesare, hnperatonim primo, rjgionem colehant. Non procid ah bis, ad
Austrum versus, degehant Biirgundiones : ultra Tboringos Suahi et Alamani, validée
nationes. Isti omnes, ah antiquo liben\ oras illas tenehant. » (Traduction latine de
Dom Bouquet, t. II, p. 29-30).
Dispargum doit donc être à la frontière de la Tongrie,
c'est-à-dire de la Hesbaye. Or, on sait que Louvain appar-
tenait à la Hesbaye et que la frontière de la Tongrie devait
se trouver à l'ouest de cette ville, c'est-à-dire en suivant à peu
près le cours de la Dyle; cette limite n'est qu'à 2 kil. 1/2 de Duys-
bourg, près de Tervueren, commune éloignée seulement de
3 lieues de la Toxandrie, le pays de Tessenderloo (Joxandnœ
locus) localité q\x Ton a retrouvé des antiquités franques.
Ce pays fut le premier établissement des Francs Saliens,au sud des
bouches du Rhin, comme les noms bien caractéristiques de Kraw^r/)'/^
(royaume des Francs) ; Klein Vrankrijk (petit royaume des
Francs) ; NieuwFrankrijk (nouveau royaume des Francs); Franscli-
broek (marais des Francs), à Lummen ; Seelbernpden (prairie des
Saliens), à Herck-la- Ville, et Zeelhem *, anciennement Saligheim^
^ Voir à ce sujet J. Ramaekers, Ges:hicdkundis overiicht dcr Gemceiite Zeelljem,
1889, p. 8 et 9.
- 78 -
qui veut dire littéralement « séjour des Saliens », en consacrent
fidèlement le souvenir.
Kous croyons donc, avec un grand nombre d'historiens *, que
c'est à Duysbourg près de Tervueren qu'il faut placer le Dispar-
gum de Grégoire de Tours.
Que devient le texte de Grégoire de Tours dans les compila-
tions des historiens qui ont écrit longtemps après lui ?
UEpitome de Grégoire de Tours, écrit par Frédégaire au
vii*^ siècle, se borne à copier le texte de Grégoire de Tours en
Tabrégeant :
« Franci eleclum a se Regem, sicut prius fuerat, crinitum inquirentes diligenterex
génère Priami, Frigi et Francionis super se créant nomine Theudemerem filium
Richemeris qui in hocpralio quod supra tnemini a Romanis interfectus est. Suhstituitur
fûius ejus Chlodio in regnum, lUilissimus vir in gente siLa, qui apud Esbargem
(Hespergem) castrum residehat auoD est in termino Thoringorum. Burgundio-
nes quoque Arianorum secta utebantur, sedentes in Cisalpiis. Chlodio^ mi s si s explo-
ratoribus ad urbem Camaracum, perlustrans omnia, ipse sequitur, Romanos proterit
civitatem capit; et inde usque Suminam fluvium occupavit, » (Hist, Franc, epitom.,
c. IX. — DomBoucluet, îoc. cit., p. 395).
On le voit, il n'est pas question encore, dans ces récits, que
les Francs auraient passé le Rhin pour aller de Dispargum
à Cambrai.
AiMOiN, écrivain du ix<^ siècle, De Gestis Francorum, lib. 1,
cap. 4, dit :
« Cui (Faramundo) jilius successit Chlodio crinitus, IIIo tempore Franco-
rum reges criniti habebantur. Finitimos itaque beïlo lacessendo, Thoringorum, qui
Germaniam in colunt, fines depopulantes, castellum quoddam Disbargum nomine
OCCUPANT, in quo rex Chlodio sedem sui constitua regni. »
1 Entre autres : Chtfflet, Dubos, Ll Comte, de Petigny, Wauters, Chotin et
MoET DE LA Forte Maison. Ce dernier croit pourtant que ce n'est pas de Dispargum,
comme le dit Grégoire de Tours, que Clodion est parti, mais Ô.'Eshargem, qui serait
Heinsherg, ville du pays de Juliers, à 4 lieues au sud de Ruremonde et de la rive
orientale de la Meuse, sur la rivière de Worm. C'est aussi l'opinion de Hertius, de
Pierre de Streithagen et de M. Bequet. Celui-ci admet aussi duisburg sur le Rhin.
MM. Van Bastelaer et Tahon disent que Dispargum est en Belgique, mais sans en
désigner l'emplacement.
— 79 —
On ne peut pas plus induire de ce texte que les Francs auraient
traversé le Rhin pour se rendre de Dispargitni à Cambrai.
Un autre écrivain du ix^ siècle, Hincmar, Viia S, Remigii^ est
le premier qui ait travesti les textes précédents; voici comment
il s'exprime :
« El lia sub principihiis criiutis^ juxta morem gentis suhindc succedentibus, per
« Tntingiam, rcgionem Germanite, a Castello Dispargo, in quo diu habitaverant
ad BdgiCiC proiincia Toniaaim et Camaracum civitales aggressi siint ; indeque iisque
ad Siimmam fluvium occupavere. »
En écrivant Z'wrw^/a;/^ au lieu de Thoringtam, Hincmar a laissé
supposer qu'il entendait parler de la Thuringe, au delà du Rhm,
et a jeté du doute dans le texte de Grégoire de Tours.
Alors les Gesta Regum Francorum qui furent écrits aussi au
ix^ siècle, modifièrent complètement les récits antérieurs de
Grégoire de Tours et de Frédégaire, les seuls documents cepen-
dant dans lesquels ils aient puisé.
Il est curieux de comparer le passage des Gesta Regwn Fran-
corum aux lignes de Grégoire de Tours. On verra que cette
compilation ne mérite aucun degré de confiance :
« Mortuo quippe Faramundo, Chlodionem fdium ejus eîevaverunt. Tune tempo-
ris crinitos Reges in initium sublimavemnt. Venientesque fugaciter infinibus Torin-
gorum, ibique resederunt, Habitabat itaque Chlodio Rex in Dispargo castello in
FiNiBUs ToRiNGORUM, in regione Getmauice. Propterea omnes regiones gentium,
qiia tdtra Rheniim fluvium sunt, hocnomine nuncupantur Germani.^ ; ex quod in
Germania corpora sunt immanissima, geueratioque sœvissima et dura et populi semper
indomili ac ferocissimi. Quorum fuisse centum pagos tradit scriptura. In illo tempote
in his paitibns, citra Rhenum usque Ligerefluvio, habitabant Romani ; ultra Ligere
autem Gothi dominabantur : Burgundiones quoque, qui Ariani erant, habitabant Juxta
Rhodanum fluvium qui praterfluit Lugdunum civitatem.
« Chlodio autem rex missis exploratoribus de Dispargo castello Toringorum,
usque ad urbem Camaracum, ipsepostea cum grandi exercitu Rhenum transiens
multo populo Romanorum prostrato, hostesfugavit. Carbonariam silvam ingressus,
Tonidcensem urbem oblinuit. Exinde Camaracum urbem properavit : ibique pauco
tempore resideiis, Romanos, quos ibi invenit, interjecit. Et exinde usqtte ad Summam
fluvium omnia occupavit. » (DoM Bouquet, loc. cit., t. II, p. 544).
« Après la mort de Faramond, Chlodion, son fils, fut élevé
dans le royaume de son père. En ce temps commencèrent à
régner des rois chevelus. Entrant en fuyant aux frontières
— So-
dés Thoringiens, ils y résidèrent. C'est pourquoi le roi Clodion
habitait dans le château de Dispargum, aux froiiiières des Thorin-
giens, dans une contrée de la Germanie. Pour cette raison toutes
les contrées qui sont au delà du fleuve du Rhin sont désignées sous
ce nom : Germanie) à tel point qu'en Germanie les hommes sont
énormes, la race est méchante et dure, et la population est in-
domptée et féroce. Les écrivains rapportent qu'ils se composent
de cent pagi. En ce temps là (v^ siècle), dans ces contrées en deçà
du Rhin jusqu'au fleuve de la Loire les Romains habitaient,
et au-delà de la Loire les Goths dominaient ; les Burgondes aussi,
qui étaient Ariens, habitaient le long du fleuve du Rhône qui
traverse la cité de Lyon.
« Quant au roi Chlodion, il envoya des explorateurs de Dispar-
giim, château des Thoringiens, jusqu'à la ville de Cambrai \puis, il
passa le Rhin avec une grande armée, et ayant exterminé beaucoup
de Romains, il mit en déroute les ennemis. Étant entré dans la
Forêt Charbonnière y il s'empara de la ville de Tournai. Ensuite il
s'avança jusqu'à Cambrai, y demeura quelque temps et y exter-
mina les Romains qu'il y trouva; de là il occupa tout le pays
jusquà la Somme, n
On le voit, Rhenum transiens se trouve dans le texte des Gesta
Regum Francorum de manière à faire croire que Clodion traversa
le Rhin pour aller de Dispargum à Tournai. Mais cette'assertion d'un
écrivain du ix^ siècle peut-elle sérieusement être mise en parallèle
avec le récit de Grégoire de Tours, écrivain du vi^ siècle, qui a
rapporté, d'après les contemporains de Clodion, que les Francs
avaient déjà passé le Rhin avant de s* établir a Dispargum et que
Clodion alla directement du camp de Dispargum à Cambrai.
Le texte de Grégoire de Tours ne dit pas non plys que Clo-
dion traversât la Forêt Charbonnière ; c'est encore une interpolation
de ceux qui ont écrit après lui, mais celle-ci, au moins, est très expli-
cable et tout en faveur de la thèse du Dispargum situé à Duys-
bourg près Tervueren, car la Forêt Charbonnière s'étendait sur le
Hainaut et jusqu'au centre du Brabant, aux environs de Bruxelles *;
il est donc tout naturel qu'en quittant Duysbourg, près de Ter-
* Voir DuviviER. La Forêt charhonnitre (Carhonaria Silvia) Rev. àliist. et d'arch.
1. 111. p. 23, Bruxelles (1862). — Bequet : La Belg- avant et pendant les invasions des
Francs. Ann, de la Soc. arch. de Namur, t. XVII. (1888.)
— 8i —
vueren,une armée dut y pénétrer pour se diriger sur Cambrai, et,
comme la voie romaine de Colonia Trajaiia à Bagaaim par Pons
Mosœ traversait la dite forêt, il semble tout indiqué que Clodion
ait suivi le dîverticidum de Duysbourg à Gembloux [Gemim'acum,
ville de la Germanie seconde) pour s'élancer, de là, sur la grande
chaussée militaire de Bavai qui rayonne sur Cambrai. Tel est
ritinéraire que nous semble avoir suivi Clodion en 445.
Au surplus, on se demande pourquoi Clodion n'aurait pas
profité de l'autorisation que lui avait donnée Aétius en 431 * (14
ans avant son invasion) de séjourner en Tongrie ou Thuringie,
et quel motif il aurait eu de retourner au delà du Rhin et de
s'éloigner de nouveau considérablement de tout ce qu'il convoitait
le plus au monde : la belle et riche contrée des Gaules, dont il res-
tait beaucoup plus rapproché en s'établissant /;/ Toxandriœ locOj
au milieu de ses alliés: les Francs Saliens.
L'erreur qui consiste à croire que Clodion partit d'au delà du
Rhin a donc son origine dans des assertions erronées : certains
commentateurs de Grégoire de Tours ont traduit Thorîngoriim
par Thuringe en Saxe ; mais ce sens n'est pas possible, car les
Francs n'ont jamais en de rois en Thuringe. Il est évident, au con-
traire, que la Thoringie^ où Clodion s'est établi, est bien la Tongrie
de la Germanie seconde. En effet, Grégoire de Tours le dit à toute
évidence. « Tradimt midti Francos de Pannonia fuisse digr es sos et
primun quidem litora Rheni amnis incohdsse, de hinc transacto
Rheno Thoringiam transmeasse ^.... n D'après ceci, les Francs
arrivèrent sur la rive droite du Rhin et ils passèrent ensuite ce
fleuve pour venir dans la Tongrie.
Or, pour aller de la Pannonie (Hongrie) en Thuringe (Haute-
Saxe), il ne faut pas passer le Rhin. Donc, c'est bien de la Ton-
grie ou Thoringie, en Gaule, et non de la Thuringe, en Allema-
gne, que Grégoire de Tours entend parler; donc aussi Dispar-
gum ne pouvait pas se trouver sur la rive droite du Rhin, et l'on
ne peut admettre que Duisburg^ sur le Rhin, entre Wesel et Dus-
seldorf, soit le Dispargmn de Grégoire de Tours.
^ Idatius, Cbronicon ad anmim 431.
2Lib. 11, cap. IX.
^ Partisans de Duisburg sur le Rhin : Ortei.ius ; Poxtanus ; Dewez ; Raepsaet,
B°" DE Reiffenberg, BEauET (qui admet aussi Hei\'sberg),Va\' der Elst, etc., etc.
6
— 82 —
Il y a encore Doesborg sur l'Issel et Duisbourg sur la Roer, où
Ton a placé Dispargum, Eccard l'indique sur la hauteur dite de
Dispurg-, près de Smalkalde, en Franconie. Enfin reste Diest dont
nous parlons plus loin.
Les chroniqueurs, pour trouver Dispargum à Doesborg sur
llssel, ou à Duisbourg sur la Roer, confondent les trois Germa-
nies en une seule et la Thoringie gauloise avec la Thuringie de la
Grande Germanie allemande, et Ton doit les réfuter ici de la même
manière que pour Duisburg sur le Rhin. On remarquera que
Dispurg n^est pas/;^ termina Thoringorum, donc l'hypothèse tombe
d'elle-même. De plus, toutes les localités citées en Allemagne et
en Hongrie sont trop éloignées de Bavai pour être d'accord avec
le texte de Grégoire de Tours *, qui ne paraît voir qu'une expédi-
tion de peu de durée à^xi^ rinvasion de Clodion, et non un voyage
aussi long que celui nécessité par le parcours de la distance
énorme qui sépare les localités allemandes précitées, de Cambrai.
Car, comme le fait fort bien observer Téminent historien,
M. Alph. Wauters ^, « il n'est pas croyable que Clodion soit parti
« d'une localité située chez les Thuringes saxons ou sur leurs
« frontières pour venir ravager les bords de la Somme, alors qu'il
« aurait pu diriger ses coups contre des contrées beaucoup plus
« rapprochées, n
Si dans le système de Duysbourg, au delà du Rhin, par exem-
ple, il faut admettre que la marche de Clodion sur Tournai est
inexplicable, puisqu'il avait la plus grande facilité de fondre sur
Cologne, on pourrait encore moins expliquer qu'il soit venu de con-
trées plus éloignées pour marcher sur Cambrai.
Remarquons d'ailleurs qu'Aétius ayant été appelé en Bel-
gique par l'invasion de Clodion, il faut que ce dernier n'ait eu qu'à
quitter le centre du pays, c'est-à-dire, les environs de Bruxelles
ou de Louvain pour entrer bientôt dans l'Artois. Au contraire,
Aétius n'aurait pas été surpris à l'improviste si les Francs avaient
dû venir des montagnes du Harz, franchir la Wesphalie, le Rhin,
la Meuse et la Belgique entière, pour arriver à Cambrai.
Quant à Diest, qui a un grand nombre de partisans ^, il faut
1 Voir citation, p. 75.
2 Hisi. des environs de Bruxelles, t. III, pp. 420 à 426.
8 Wendelix, Vredius, Wastelain, Henschenius, Mantelius, Boucher, Ges«
Q.UIERE, D.-A. Gérard, Des Roches, Van der Eist, etc, etc.
- 83 -
Técarter de prime abord. En effet, cette localité s'appelle, dès le vi^
siècle, Diosta, et au ix^, elle donne son nom 2iU pagus Distensis,
tandis qu'en 1 190 on rencontre déjà dans un document : Z^/^5-
borg (château des Allemands) y près Tervueren *.
(A suivrej.
Ar. de Behault et B°" A. de Loë.
1 A. Wauters, îoc. cit., p. 421, note I : Dusbor^, 1190 ; Duienborch, 1226 ; Du-
lehorchy 1239 > Diishur^b, 1260, Duyshur^h, 1256 ; Duysborch, 1400. — Voir aussi :
JossE BosMAXS, Pro ve eener Bcschryving lier Gemeenteen otule vryheid Duishur^, 1883.
LES
DERNIÈRES FOUILLES
D'HISSARLIK (Troie)
à M. Emile de Munck, Secrétaire
de la Société d'Archéologie de
Bruxelles.
I
MARS, AVRIL, MAI 189O.
Très honoré Confrère,
la fin de février, j'ai repris mes fouilles que Fhiver avait
interrompues. Comme auparavant, M. Dôrpfeld est
mon collaborateur. Cette fois, mon but est de mettre à
découvert : i° les trois grandes rues partant des portes de la ville
souterraine et 2° le côté sud et le côté ouest de Pergame.
De grandes difficultés se présentent, car les décombres, d'une
profondeur de plus de 16 mètres, sont composés des débris des
constructions qui se sont superposées par les colonisations succes-
sives. Chaque bâtiment que nous déterrons doit être d'abord
soigneusement nettoyé, puis photographié, afin de pouvoir en
conserver le souvenir. Il est facile de comprendre quelle perte de
temps ce procédé entraîne; aussi, n'ai-je encore atteint nulle part
- 85 -
le sol primitif, malgré mes 70 ouvriers et les trois chemins de ter
qui me servent à emporter les décombres. Bien que je travaille à
présent à l'extérieur de la grande muraille entourant la seconde
ville (celle qui périt par une terrible catastrophe), mes fouilles sont
néanmoins de la plus haute importance pour la science, car, au
milieu de TAcropole, les Romains ont nivelé le sol, détruisant
ainsi les restes des bâtiments de leurs prédécesseurs, tandis qu'ici,
plus près du mur d'enceinte de la ville romaine, les murs des bâti-
ments de la même époque sont conservés avec leurs fondations
jusqu'à un mètre environ au-dessus du sol. Les débris nous font
découvrir l'existence de trois colonisations qui se sont succédées
dans le cours des siècles, après la destruction de la cinquième
ville préhistorique.
La ville romaine a été de beaucoup la plus importante. Les bâti-
ments de cette époque ont souvent des fondations de 5 mètres.
Ensuite, vient la ville grecque, puis celle de l'époque archaïque, et
plus bas, une ville plus ancienne encore que l'on doit probablement
faire remontera l'époque des palais de Mycènes et de Tirynthe.
Les murs des différentes époques ne présentent pas de signes
bien caractéristiques par lesquels on puisse les distinguer, car tous
sont construits en pierres réunies par du mortier d'argile. Dans
la construction de quelques bâtiments romains seulement nous
rencontrons de la chaux. Mais dans toutes les maisons nous
découvrons des objets de poterie en grande quantité et qui ne
peuvent laisser aucun doute sur l'époque de leur fabrication.
Aussi nous servent-elles à déterminer avec certitude les époques
des différentes colonisations. Nous trouvons d'abord des poteries
romaines et grecques dont les types, de l'époque classique, sont
bien connus. Les poteries archaïques, datant de 500 et 600 ans
avant Jésus-Christ, sont d'un intérêt beaucoup plus grand, elles
sont souvent peintes avec art et ont probablement été importées
de Grèce.
L'importation de Grèce me paraît beaucoup plus douteuse
pour les vases à dessins géométriques (dits du style Dipylon) et
pour les poteries de l'époque de Mycène et de Tirynthe, si remar-
quables, parmi lesquelles le pot à repasser le linge *(Bugelkanne),
1 Désireux de m'assurer si tous les passages de cette lettre avaient été bien inter-
prétés, je fis parvenir à M. le docteur Schliemann des épreuves du présent travail en
— 86 —
car la civilisation qui a produit ces types a disparu de la Grèce,
sans laisser de traces, vers le commencement du xii^ siècle avant
Jésus-Christ, par l'immigration dorienne ou le soi-disant retour
des Héraclides.
Ce même fait avait dirigé Pémigration colienne vers TAsie
Mineure, et principalement vers Troie. Il me paraît donc fort pro-
bable que des poteries se sont trouvées en possession de ces émi-
grants et qu'ils ont implanté leur art à llios. Cette supposition
me semble d'autant plus fondée que nous trouvons dans les restes
de la ville de l'époque de Mycènes, en même temps que ces vases
aux anciennes formes helléniques, des quantités innombrables d'une
poterie grise monochrome de forme et de facture toute différente.
Jadis, j'ai cru ces faïences d'origine lydienne et, comme telles, je
les avais décrites minutieusement dans mon Bios, au chapitre
intitulé « Sixième Ville w ; mais à présent, je les considère posi-
tivement comme étant de fabrication indigène, car, depuis la
publication de mon livre, j'ai trouvé des faïences tout à fait sem-
blables dans mes fouilles à Kebrene, Kurschunlu Tcpj (1 ancien
Skepis et Dardaina), dans l'ancienne petite station sur b Lc.Ii-
Dagh, derrière Bumarbaschi, à Eski-Hissarlik, sur le Fulu-Dahj
et dans des tombeaux que la tradition attribue à Achille,
Patrocle et Priam. Tous ces objets se trouvent dans la collection
troyenne du Musée ethnologique de Berlin. Les -bâtiments de
l'époque de cette poterie grise avaient été détruits, par les Ro-
mains, quand ils nivelèrent l'emplacement de leur acropole ; ces
maisons subsistent, très bien conservées, jusqu'à la hauteur d'un
mètre. De plus, nous avons découvert plusieurs murs de fortifica-
tions que nous pouvons attribuer, presque avec certitude, à la
quatrième ville.
Dans les décombres de ces bâtiments, nous trouvons fréquem-
ment de grossiers marteaux, des haches en diorite bien taillées,
des concasseurs, des meules ovales fonctionnant à la main, des
couteaux en silex, ainsi que de longues aiguilles à tête ronde
ou en spirale, qui, avant l'invention de la fibule, servaient soit
comme épingles à cheveux, soit à fermer les vêtements.
En dessous de ces décombres, nous trouvons à l'intérieur du
le questionnant particulièrement au sujet de ces poteries. Quelques jours après cet
envoi, j'eus la douleur d'apprendre la mort de mon savant correspondant. E. de M.
- 87 -
mur de fortification, comme dans nos fouilles antérieures, les traces
de trois colonisations préhistoriques, et cela avant d'arriver au
niveau de la|deuxièmc" ville, celle qui fut détruite par un
incendie et qui doit avoir existé pendant une longue suite de
Fig. Reproduction du plan VII de « Troja « (édition allemande) et du plan VII de 1' « Jlios »
(édition française) de Schliemann.
siècles. Entre la plus ancienne muraille de fortification b, et
celle relativement plus moderne c, M. Dôrpfcld a découvert
une troisième muraille d^enccinte de cette deuxième ville qui
paraît être encore plus ancienne que la première. Le mur et
ses tours, parfaitement conservées, sont construits en forme de
talus et se trouvent recouverts de briques cuites au soleil. Les
murs des maisons de la deuxième ville nous font également cons-
tater un triple remaniement.
— 88 -
La ville-forte proprement dite ne comptait, après cette troi-
sième réédification, que 6 ou 7 grands bâtiments, tous orientés
parallèlement du sud-est au nord-ouest. Les murailles de ces
bâtiments, d'une épaisseur de 85 centimètres à i mètre 45 centi-
mètres, étaient pourvus de parastates, leur soubassement était
seul construit en pierres, tandis que la partie supérieure était en
briques cuites au soleil. Le plus grand bâtiment sur le plan VII
de mon livre intitulé Troja, a une salle de 20 mètres de long sur
10 mètres de large. Quant aux autres constructions, elles étaient
plus petites, mais nous pouvons conclure avec certitude que
d'une ville forte ornée de bâtiments aussi imposants, devait
dépendre une ville inférieure d'une certaine importance. Nous
travaillons déjà depuis un certain temps à mettre au jour les
bâtiments des deux périodes antérieures, afin de pouvoir en
dresser un plan. Dès maintenant, nous pouvons affirmer que tous
étaient construits de la même matière, c'est-à-dire de briques
cuites au soleil, car ces briques, calcinées ensuite par l'incendie
qui a détruit la deuxième ville, se trouvent en grande quantité
éparpillées entre les murs des maisons et ceux des fortifications.
Dans les bâtiments de la première période de la deuxième ville,
nous trouvons encore une poterie monochrome, d'un noir luisant,
qui ressemble fort à celle trouvée dans la première ville, et qui
peu à peu, s'est perfectionnée et transformée en cette faïence que
nous rencontrons à la troisième époque de la deuxième ville.
Nous avons presque complètement mis au jour le mur du côté
sud et du côté est de la ville forte ; les nombreuses marques d'un
violent embrasement, que nous découvrons des deux côtés de
cette muraille, semblent indiquer qu'elle était pourvue d'une
galerie couverte en bois, semblable à celle des murs d'Athènes.
La muraille indiquée au plan VII par B C et que nous pen-
sions être une muraille de la ville inférieure, a été débarrassée des
décombres qui la recouvraient et nous avons constaté qu'il s'agit
d'une espèce de perron à l'aide duquel on gravissait la hauteur
de la ville-forte, comme jadis à Tirynthe. Les marches par les-
quelles on montait à ce perron sont du plus haut intérêt. Nous
avons découvert des marches semblables, mais plus primitives,
du côté sud de la ville-forte.
Du côté sud-est de l'Acropole romaine, nous avons déterré un
- 89 -
petit théâtre dont le plafond est détruit. A part cela il est fort
bien conservé. Seuls, les sièges supérieurs, qui étaient appuyés
contre le mur extérieur, ont disparu.
Ce théâtre, construit en pierres calcaires dures, et dont la pre-
mière rangée de sièges est en marbre, date certainement du
temps des premiers empereurs romains, car nous y avons trouvé
deux blocs de marbre avec inscriptions, dont l'une est du temps
de Tempereur Tibère. Deux statues en marbre, de grandeur
naturelle, y ont aussi été trouvées ; Tune des deux représente
probablement l'empereur Claude I^^ v
D^ Henri Schliemann.
^
NOTE COMPLEMENTAIRE.
Par une série de communications que, grâce à l'obligeance de notre
éminent membre d'honneur, M. le Docteur Schliemann, j'ai pu faire à la
Société d'archéologie ^, il m'a été permis de donner une idée des différends
qui ont surgi entre M. le capitaine Bœtticher et MM. les docteurs Schlie-
mann et Dôrpfeld.
Deux conférences, dont le retentissement fut universel, ont eu lieu sur
l'emplacement môme de la ville antique où les fouilles avaient été
reprises par notre savant confrère à la suite du Congrès de Paris. La der-
nière de ces conférences donna, ainsi qu'on a pu le voir, pleine et entière
satisfaction à M. le docteur Schliemann.
Cependant, ce dernier, avec cette persévérance qui distingue l'homme de
science convaincu, veut encore que par de nouvelles observations, toutes
les découvertes importantes qu'il a faites jusqu'ici trouvent une confir-
mation. Non content d'être seul à chercher et à étudier, il s'entoure de
nombreux confrères formant, en quelque sorte, une commission perma-
^ Voir Annales de la Société iV Archéologie de Bruxelles^ tome IV, p. 105 à 108 ;
t. III, p. 373 et 374, et t. IV, p. 225 à 251.
— 90 —
nante de contrôle scientifique ^ . Aussi, les fouilles se succèdent-elles ainsi
que les écrits.
Répondant au désir de la Société, j'ai demandé à notre savant confrère
de m'envoyer la lettre qu'on vient de lire.
J'ajoute à ce document le passage suivant, que j'extrais d'une nouvelle
lettre de notre savant membre d'honneur, datée du 24 juillet passé. Il s'agit
de nouveaux détails sur le petit théâtre « qui pouvait contenir environ
200 spectateurs » :
« Nous ^ y avons trouvé deux statues de marbre, dont l'une de Tibère
et l'autre peut-être de la seconde Livie ou de la seconde Agrippine, mère
de Néron. Il y a deux longues inscriptions en l'honneur de Tibère. L'une
est datée de son 5™^ Consulat, c'est-à-dire de l'année 31 après Jésus-
Christ. Mais comme la môme inscription constate aussi qu'il avait alors
pour la i3™e fois le potestas tribunaîis, tandis qu'il avait celui-ci dans
l'autre inscription pour la 12™^ fois, cette dernière doit naturellement être
considérée comme la plus ancienne.
Je me permets de vous rappeler que l'Ilium avait aussi un grand théâtre
assez vaste, — il pouvait contenir plus de 6,000 spectateurs, — que nous
avons mis au jour il y a huit ans et que vous trouverez représenté dans
mon m os. »
Grâce à sa persévérance, le D"^ SchUemann marche de découvertes en
découvertes. Il me; promet de me communiquer des nouveaux détails
accompagnées de plans. « Mais tout cela, me dit-il, ne sera que provisoire,
car je me propose de continuer mes fouilles en mars 1891.
Le i^' août prochain, je devrai les cesser, à cause de la malaria. »
Emile de MUNCK.
1 « J'ai bâti ici un petit village de maisonnettes en bois que j'ai couvertes de
carton bitumé, de sorte que je puis héberger grand nombre de visiteurs. Depuis le
commencement de mars, plus de cent savants sont venus admirer les ruines de Troie,
entre autres M. Georges Perrot, l'auteur du célèbre ouvrage : VHistoire de VArt. »
Extrait d'une lettre de M. le Dr SchUemann à Em. de M., 24 juillet 1890.
C'est-à-dire MM. Schliemann et Dôrpfeld.
ik
— gi —
II
JUIN-JUILLET 1890.
Très honoré Confrère,
epuis mon rapport du 2 juin, nous avons poussé les travaux
avec ardeur et avons été favorisés par un temps splendide. Il est
vrai que la température ordinaire est de 36 degrés Celsius et
monte à l'heure de midi à 37 degrés V^- Mais le vent du Nord, qui
ne fait presque jamais défaut, rend cette température très suppor-
table, d'autant plus que Pair est parfaitement sec et que les nuits
sont toujours fraîches et vivifiantes. Le climat a dû être le même
lorsque « la sainte Ilios v était encore debout en cet endroit, et
dans toute sa splendeur. Les Troyens ont dû, sans doute, se
trouver parfaitement bien ici, car comment expliquer autrement
la persistance avec laquelle ils y demeurèrent des milhers d'années
et les ruines de plus de 16 mètres de profondeur qu'ils y ont
laissées. La qualification (( la battue des vents » . qui, dans
V Iliade, désigne six fois la sainte Ilios, et une fois, le monticule,
planté de figuiers, à côté du mur, nous prouve que déjà du
temps d'Homère, la tempête soufflait sur ces rives avec la même
furie que maintenant.
Dans l'intérêt de la science, M. Dôrpfeld et moi avons jugé
nécessaire de déblayer les couches de décombres, toujours en com-
mençant par le haut. Devant la porte Sud-Ouest et à côté de celle-
ci (R.C. sur le plan VII de « Troja w), nous avons trouvé 7 couches
avec des murs de maisons, et cela avant d'arriver au niveau de la
seconde ville, celle qui fut détruite par une terrible catastrophe.
Dans chacune de ces couches, nous avons laissé quelques murs
de maisons debout, afin que le visiteur puisse les inspecter et les
étudier. Je rappelle que ces fouilles ont été faites, non à l'extérieur de
Pergame de la seconde ville, mais à l'intérieur de l'acropole des
cités grecques et romaines. Nous avons mis le rocher à nu à
plusieurs endroits. Dans la couche supérieure, outre les murs des
maisons, nous avons aussi trouvé deux puits construits en pierres
— 92 —
régulièrement taillées et qui descendaient à travers toutes les
couches jusqu'au rocher. Des bâtiments d'une plus grande impor-
tance sont contenus dans la quatrième couche, en commençant
par le haut. C'est dans cette même couche qu'ont été trouvés
des vases en poterie grise, désignée jadis comme « Lydienne »
ainsi que beaucoup de débris de vases du' type de Mycène, entre
autres le « pot à repasser « (Biigelkanne) *. L'un de ces bâti-
ments, construits en grandes pierres taillées, montre le même
plan que celui de l'ancien Megaron, comme nous l'avons
trouvé dans la deuxième ville, et représenté sous A dans notre
plan VII de l'ouvrage Troja. (Plan VII de l'édition française à'Ilîos).
Il n'a pas, jusqu'à présent, été possible de déterminer si ce bâti-
ment était une habitation ou un temple. Nous avons laissé intact
cet édifice, qui offre le plus grand intérêt. Les trois couches infé-
rieures correspondent, d'après les poteries qu'elles contiennent,
à la 5™^, 4"^^ et 3"^^ ville, à l'intérieur de l'antique Pergame. Dans
toutes les couches nous trouvons de nombreuses amphores,
hautes d'un mètre à i m. 75 cent. Elles servaient, comme cela se
fait encore à présent^ de réservoirs pour le grain, d'autres fruits,
ainsi que pour l'huile et le vin, car, en général, dans tout l'Orient^
maintenant comme dans l'antiquité, la cave est inconnue. Dans
ces amphores, nous avons trouvé plusieurs espèces de blé, des
graines de lin, ainsi que des petits pois. Une seule en contenait
plus de 200 kilogrammes.
Grâce à nos fouilles, la large rue conduisant de la porte Sud-
Ouest de la deuxième ville (R. C. sur le plan VII dans Troja)
à la ville inférieure, fut mise à jour sur un parcours relativement
grand. Cette rue, large de 7 mètres 50 centimètres, est pavée de
grandes dalles en pierre et s'élève de i à4 mètres; elle était bordée
de parapets d'une épaisseur d'un mètre. De plus, le mur Sud-
Ouest de la forteresse de la deuxième ville a été entièrement mis
à jour par nos fouilles. Les soubassements, fortement talutés, sont
bien conservés dans toute leur hauteur qui est de 8 mètres 50
centimètres. Les nombreux débris de briques brûlées qui se
trouvent devant ce mur taluté prouvent encore suffisamment
qu'il existait jadis un bâtiment supérieur en briques séchées au
1 Voir la note de la page 85.
*:
- 93 —
soleil. Nous avons découvert, à l'Ouest, deux tours dont les par-
ties inférieures sont encore très bien conservées et qui avancent
de 2 mètres 70 centimètres sur le mur. A côté d'une de ces tours,
nous avons découvert les débris d'une grande porte, qui a appar-
tenu à la première époque de la deuxième ville. Cette porte
correspond, comme forme et mode de construction, à la grande
porte du Sud, trouvée jadis (N. F. sur le plan VII de Troja) et
qui date également de la première période de la deuxième ville.
Lorsque la porte Sud-Ouest (R. C. sur le Plan VII) existait, ces
deux portes de la première époque étaient murées et enterrées.
A côté de cette porte Ouest nouvellement trouvée, nous avons
découvert une petite porte de sortie, très bien conservée, haute
de 3 mètres et large de i mètre 20 centimètres. De cette porte,
l'on pouvait monter, par un étroit sentier, à l'intérieur de la ville
fortifiée, jusqu'à la hauteur de Pergame. Nous avons encore
trouvé de grands morceaux carbonisés des sommiers en bois qui
soutenaient les murs décote de cettepetite porte. Celle-ci se fermait
par un verrou. Les trous faits par ce dernier existent encore dans
les murs, des deux côtés. Pour maintenir la porte dans son état
actuel, nous l'avons étayée par des barres de fer.
Lorsque le grand mur de Troie était encore intact, il devait, si
nous comptons seulement six mètres pour le mur de briques et
deux mètres pour la galerie supérieure, pareille à celle qui sur-
montait le mur de Thémistocle à Athènes, et à celle que M. Dôrp-
feld et moi avons mise au jour sur le mur de Tirynthe, avoir
une hauteur de 16 mètres 50 cent.; et, ici, du côté Ouest, avec ces
tours gigantesques, faire un effet très imposant. Il est donc com-
préhensible que la construction de ce mur ait été attribuée par la
tradition, qu'Homère nous a conservée, à Poséidon (Neptune) et à
Apollon.
Nos fouilles auprès de la porte Sud-Est (OX sur le plan VII) ont
mis celle-ci au jour jusqu'à ses fondations, et ont prouvé qu'elle a
été transformée à diverses époques. La porte n'était primitivement
flanquée que de deux tours qui avançaient ; plus tard, le passage
de la porte fut rétréci, et les tours, renforcées par djg^ouvellcs mu-
railles. Devant la porte, nous découvrîmes une montée semblable
à un escalier, ce qui prouve que, de ce côté également, Pergame
était séparée du plateau entier de la ville basse par un enfoncement.
— 94 —
Bien haut, au-dessus de la porte Sud-Est, se trouvent encore
maintenant les débris de deux grandes portes qui datent des
temps romain et grec. De nombreux débris de colonnes en
marbre provenant des Propylées romains ont aussi été décou-
verts.
Les fouilles auprès de la grande porte Sud, mentionnée plus
haut^ n'ont pas été achevées et seront reprises Pannée pro-
chaine.
Les travaux à l'intérieur de Pergame ont montré clairement
les plans du plus grand nombre des bâtiments. Nous pouvons
ainsi, dès à présent, donner une esquisse exacte de ceux-ci. Nous
avons aussi pu constater les modifications qu'ont subies ces bâti-
ments dans le cours des trois époques de la deuxième ville.
Au printemps prochain, nous nous proposons de découvrir le
mur au Nord de Pergame^ car, cette année, malgré tous nos
efforts, nous n'avons pu y parvenir.
Le théâtre mentionné déjà dans ma lettre précédente est à pré-
sent complètement déblayé.
Il s'éloigne, par plusieurs particularités, des dispositions ordi-
naires des théâtres, et il pourrait se faire que nous n'ayons pas
devant nous un théâtre ou Odéon, mais la salle de réunion en
forme de théâtre, d'une corporation des (3ov/.r, par exemple.
Nous sommes confirmés dans cette opinion par la proximité du
grand théâtre, déterré par nous en Tannée 1882 et reproduit page
235 de Troja (page 797 de Tédition française de Vllios). Ce théâ-
tre pouvait contenir plus de 6000 spectateurs.
Une inscription du plus grand intérêt a été trouvée dans Per-
game, auprès des Propylées romains. Elle est de 70 lignes, dont
chacune contient de 5 à 6 noms au moins. Nous nous trouvons
probablement devant une partie de la liste de tous les citoyens
des temps helléniques de la ville, avec mention du nom de leurs
femmes et de leurs enfants.
Nous y rencontrons beaucoup de noms lus dans Homère, par
exemple : plusieurs fois Skamandrios, puis Teukros, Memnon,
Glaukos, Menestheus, et ainsi de suite, ce qui prouve que les habi-
tants d'Ilion étaient fiers de leurs ancêtres Troyens^ dont la gloire
avait été rendue immortelle par le divin poète. Ensuite, l'inscrip-
tion contient un nombre surprenant de noms complètement
— 95 —
inconnus ; c'est ainsi que nous avons vu, pour la première fois,
par exemple comme noms masculins : Anilonpolis, Eikadios, Nou-
menios, Praximenes, Pythomnestos, Euthes, Protophles, Attinos,
et, comme noms féminins: Skamandrodike, Sampris, Nikogenis,
Aristonia, Mikinna, Anda, Ina, Lydion, Manakon, Menakon,
Asinnô, Hireïs, Midasia, Mystaline, Simotera, Annis, Adeia,
Poa.
Qu'en penseriez-vous, si nous introduisions ces beaux noms
d'Ilion dans notre chère patrie allemande ; chaque dame ne serait-
elle pas fière de porter un nom troyen et de s'appeler, par exem-
ple, Skamandrodike ?
Afin de pouvoir caser convenablement les nombreux visiteurs
des ruines de Troie, j'ai construit ici, au pied de Pergame, un
petit village en bois recouvert de t papier goudronné. Depuis le
mois de mars, j'ai eu la satisfaction de recevoir plus de cent savants
représentant les nationalités les plus diverses. Des explosions
d'indignation ou de grande gaieté ont été causées à tous, sans
exception, quand M. Dôrpfeld ou moi leur contions que
quelqu'un avait osé décrier la sainte Ilion, avec ses bâtiments
imposants, et essayer, en d'innombrables pamphlets, de la faire
passer pour une minuscule nécropole.
Nous cesserons les travaux le i^"" août et nous retournerons à
Athènes. Mais nous laisserons ici, comme gardiens, deux gen-
darmes turcs qui sont chargés de mettre des chambres à coucher
à la disposition des visiteurs qui pourraient se présenter. Nous
nous proposons de reprendre les fouilles à Troie le i*^'" mars 189 1
et de déblayer alors une grande partie de la ville inférieure, par-
ticulièrement de l'Agora, le temps, pour ces travaux, nous ayant
malheureusement manqué cette année.
D^ Henry Schliemann.
~ 96
III
Traduction d'une lettre de M. le docteur Schliemann
AU prince de Bismarck
Troie, le 22 juillet 1890.
éprends la liberté d'annoncer à Votre Altesse que j'ai repris
les fouilles, ici, depuis le i^^ novembre de l'année dernière, et les
ai continuées jusqu'à maintenant, avec une petite interruption
seulement pendant Thiver. Monsieur Dôrpfeld, directeur de
rinstitut archéologique impérial allemand à Athènes, est mon
collaborateur. Il a déjà travaillé ici avec moi en Tannée 1882 et
il est connu comme excellent architecte, par rapport à l'architec-
ture ancienne.
Un de nos principaux travaux était de découvrir, cette année,
toutes les fondations des bâtiments de la seconde ville, qui a péri
dans une catastrophe si épouvantable et qui est généralement con-
sidérée comme étant Pergame ou la Troie d'Homère. Comme
Votre Altesse pourra le constater par le plan que j'enverrai fin
novembre, tous ces bâtiments sont de grande dimension et rap-
pellent singulièrement le palais des rois préhistoriques de Tirynthe
en Péloponèse, déterré par moi, en 1884 et 1885, car les sou-
bassements seuls étaient en pierres, les murailles supérieures en
briques séchées au soleil, et les toits étaient plats et formés par
une rangée de poutrelles recouvertes d'une couche de joncs et
d'argile.
Les murs du côté de la longueur se terminaient par des antœ
ou parastates en bois, qui avaient le double but de protéger le
bout des murailles et de porter le toit ; les antœ préhistoriques en
bois avaient donc uniquement un but pratique et ils sont pour-
tant les prédécesseurs de ces aniœ ou parastates en marbre qui
ne manquent jamais aux temples grecs de l'époque classique, et
qui, dans ces bâtiments, n'avaient plus qu'une raison technique
et servaient seulement d'ornement.
Les propylées ne manquent pas non plus dans Pergame et
— 97 —
ressemblent beaucoup à ceux de Tirynthe. — De ces simples pro-
pylées, avec les antœ en bois et le toit d'argile sont issus, dans le
cours des siècles, les propylées grandioses de Tépoque classique,
comme celui de l'acropole d'Athènes. Les murs de Pergame ont
été déterrés dans toute leur longueur, excepté du côté Nord. Ils se
composaient d'un soubassement talué en pierres réunies par de
l'argile, qui, pour établir le niveau, a du côté Ouest et Sud une
hauteur de lo mètres et sont pourvus de nombreuses tours avan-
çant fortement et également taluées. Sur ce soubassement se
dressait la bâtisse supérieure de briques non brûlées qui, du côté
Est, sont encore conservées sur toute la longueur, jusqu'à une
hauteur de 4 mètres. Ce mur supérieur a 4 mètres d'épaisseur,
a dû mesurer jadis 8 mètres de hauteur et avoir été garni, comme
le mur de Thémistocle à Athènes, d'une galerie couverte d'au
moins 2 1/2 mètres. Ce mur doit donc avoir eu, jadis, galerie
comprise, une hauteur d'environ 20 mètres, et avoir fait un effet
très imposant. Il n'est donc pas surprenant qu'Homère en attri-
bue la construction à Neptune et à Apollon.
Dans cette muraille, nous avons découvert quatre grandes
portes : celle du Sud et celle de l'Ouest datent de la première
époque de l'existence de cette deuxième ville, et ont dû être
enterrées, depuis des siècles, lors de la prise de la ville par les
Grecs. Quant^ aux portes Sud-Est et Nord-Ouest, elles servaient
encore alors. La dernière, large de 7 mètres 50 et pavée de
grandes dalles en pierres, conduisait à la ville inférieure. Il ne
nous a été possible de découvrir qu'une petite partie de cette rue,
malgré que nous travaillions toujours avec 70 hommes et 3 che-
mins de fer, pour emporter les décombres. Ces décombres ont
ici une profondeur de 16 à 20 mètres et contiennent les murs des
maisons de toutes les colonisations qui se sont succédées. Ils doi-
vent être tous complètement déterrés, nettoyés et photographiés,
avant de pouvoir être démolis, ce qui fait perdre beaucoup de
temps. Je suis malheureusement obligé de cesser les fouilles le
i^"" août, mais si je suis encore en vie, je compte les reprendre le
1^^ mars 1891, avec une nouvelle énergie.
Du côté Sud-Est de la cité, j'ai dernièrement mis à découvert
un odéon, admirablement conservé et orné des statues de Tibère
et de Caligula, et probablement de la seconde Agrippine ou de
7
- 98-
Poppaea, ainsi que plusieurs inscriptions en l'honneur de Tibère.
Ce théâtre ne peut contenir que loo spectateurs. Mais Ilion pos-
sédait aussi un grand théâtre que j'ai découvert et qui pouvait
tout au moins contenir 6000 spectateurs.
Minerve m'a encore été favorable et je puis augmenter la col-
lection troyenne de Berlin, qui^ par ordre de l'Empereur, sera
transférée au nouveau Musée royal d'objets magnifiques.
Je prie les Dieux afin que Votre Altesse, pour la gloire de la
patrie et la satisfaction de ses nombreux admirateurs, soit conser-
vée en vie pendant une longue suite d'années et jouisse toujours
de la meilleure santé.
Je suis, de Votre Altesse, le plus fidèle admirateur.
H. SCHLIEMANN.
RAPPORT
SUR LE
CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE
DE FRANCE
Cinquante-septième session, 1890, Brive (Corrèze)
i congrès archéologique de France a tenu cette année,
dans le département de la Corrèze, du 17 au 24 juin,
sa cinquante-septième session sous la présidence de
M. le Comte de Marsy.
La ville de Brive, qui possède la vaillante Société scientifique y
historique et archéologique de la Corrèze, et la ville de Tulle, qui
est le siège de la Société de Lettres, Sciences et Arts, ont reçu, tour
à tour, les congressistes français et étrangers qui, en grand nom-
bre, avaient répondu à Tappel de la Société française d'Archéo-
logie.
La Grande-Bretagne, Tltalie, TAcadémie royale de THistoire,
de Madrid, y étaient représentées; et un détail qu'il m'est agréa-
ble de rappeler ici, c'est que les Belges, relativement nombreux,
qui ont assisté au congrès, étaient tous membres de notre
société.
Dans le rapport que j'ai eu Thonneur de vous présenter Tan
— lOO —
dernier à mon retour du congrès d'Evreux *, j'ai cru devoir,
vous dire un mot de l'organisation des congrès français qui
diffèrent assez bien des nôtres ; je n'ai donc plus à y revenir,
et, si vous le permettez, j'aborderai, sans plus tarder, le chapitre
des excursions.
Celles-ci, admirablement bien réglées, tant au point de vue
matériel qu'au point de vue scientifique, ont été des plus intéres-
santes.
La première journée a été consacrée à la visite de la ville de
Brive. Ses vieilles rues, ses maisons à tourelles des xm^, xv^, et
xvi^ siècles, son église St-Martin, construite à la fin du xii^ siècle,
avec ses trois nefs d'égale hauteur, séparées par de hardis piliers
cylindriques, le petit séminaire, en partie de la Renaissance,
avec ses curieuses sculptures remontant à l'époque de Henri II,
ont vivement excité notre intérêt.
L'examen des objets si bien classés et étiquetés du Musée
communal et des collections de MM. Lalande, Massénat et Sou-
lingeas, les savants et heureux explorateurs des bords de la
Vezère et de la Corrèze, a été fort instructif pour ceux qui,
comme votre rapporteur, s'intéressent plus spécialement aux
études préhistoriques et à l'antiquité.
Le mercredi i8, nous nous sommes rendus à Uzerche, ville fort
ancienne, dans une situation des plus pittoresques, et présentant
l'aspect d'une immense forteresse démantelée. Elle possède une
jolie église du xii^ siècle, flanquée d'une tour de défense et sur-
montée, sur la deuxième travée de la nef, d'un magnifique
clocher, carré à la base, octogonal au sommet, et orné de pignons
sur chaque face.
Au retour, nous avons vu, à Vigeois, une curieuse église
romane, à une seule nef.
Le lendemain, nous visitions, sur le territoire de Brive, à côté
des grottes naturelles habitées par l'homme des temps quater-
naires ^, les intéressantes grottes artificielles, creusées dans le
1 Voir T. IV, p. 22 de nos Annales.
2 Aux environs de Brive, en général, les silex du type moustiérien se rencontrent
en abondance sur les plateaux et les pentes en quelque sorte à la surface du sol •
tandis que dans les vallées, les grottes et abris-sous-roche sont de Fépoque magda-
lénienne.
— lOI —
grès tendre du trias, qui forment le magnifique groupe de
LamourouX; véritable village de troglodytes.
Elles sont au nombre de quatre-vingts, superposées en cinq
étages. On croit que les excavations qui constituent la première
série ou étage inférieur, ont été l'œuvre de la nature et le refuge
de Thomme à l'époque delà pierre; que d'autres pourraient
bien avoir été creusées dès Fâge des métaux, et aussi à des épo-
ques plus rapprochées de nous, mais que toutes ont été vidées,
retaillées et modifiées souvent dans la suite des siècles *.
Ces grottes artificielles existent en assez grand nombre, en des
points différents de la France; quelques-unes même sont encore
habitées actuellement, mais ce que l'on ne retrouve nulle part
ailleurs, c'est cet ensemble, cet « aspect de ruche w de Lamou-
roux.
Le vendredi, 20, nous poussions une pointe dans le départe-
ment du Lot.
Après avoir admiré les ruines du château des puissants
vicomtes de Turenne, nous avons visité Beaulieu.
Cette ville est célèbre par son abbaye de Bénédictins, fondée en
855, dont Téglise, des xii^ et xiii^ siècles, possède un portail
décoré de sculptures romanes qui constituent Tœuvre artistique
la plus remarquable du département.
On y voit encore avec intérêt de vieilles maisons des xiii^,
xiv^ et xv^ siècles.
Non moins intéressante est la petite ville de Bretenoux (Lot) où
l'on trouve une bastide (ville libre du moyen âge) de la fin du
xii^ siècle et d'un caractère tout spécial, aux rues couvertes et
aux portes fortifiées.
Nous nous y arrêtons un instant avant d'entreprendre la
montée de Castelnau.
Castelnau de Bretenoux (Lot), par ses grandes proportions et
sa situation exceptionnelle, est une des plus belles ruines féodales
du centre de la France.
L'ensemble des bâtiments est dominé par un donjon carré
du xiif siècle, décoré de mâchicoulis du xv^.
^ .... Des documents permettent d'établir que, dans le cours du moyen âge, pen-
dant les luttes contre les Anglais, et pendant les guerres de religion, les habitants
y ont encore trouvé un refuge pour eux et pour leurs bestiaux (Qe de Marsy).
— I02 —
Au retour, quelques-uns des excursionnistes se sont séparés
du groupe pour aller reconnaître, sur les pentes de Y oppidum
d'Uxellodunum (actuellement le Puy d'Issolu, près de Vayrac,
Lot), la fameuse galerie souterraine, déblayée en 1865 par ordre
de Tempereur.
Cette galerie, creusée par César lors du siège de cette place *,
dans le but de tarir une source abondante qui sortait du rocher
au pied de la muraille et qui alimentait les assiégés, est
aujourd'hui de nouveau obstruée.
Le lendemain, autre excursion dans le Lot, à Roc-Amadour et
à Assier.
La petite ville de Roc-Amadour, que nous avons visitée
d'abord, est un lieu de pèlerinage célèbre, fréquenté dès le
xir siècle. Dans un site unique, au fond d'une gorge profonde,
ses maisons, ses églises et ses chapelles sont accrochées, accolées
pour mieux dire aux flancs d'un rocher abrupt. On y remarque
cinq portes fortifiées et quelques maisons des xv^ et xvi« siècles.
A Assier, nous avons vu les restes du château de Galliot
de Genouilhac, grand-maître de l'artillerie sous François P^
Quelques frises et bas-reliefs sont admirables de délicatesse et de
goût.
L'église de cette localité, bâtie en 1545, est surtout intéres-
sante par les souvenirs qu'on y retrouve du grand-maître de
l'artillerie à la devise fameuse : « J'aime fortune « et parfois :
« fortune 2. n
Une large bande ou litre, sur laquelle on a sculpté des tro-
phées d'armes, des pièces d'artillerie traînées par des chevaux,
etc., entoure l'église, à l'extérieur, tandis qu'à l'intérieur se voit
le mausolée de Galliot.
La veille de notre départ pour Tulle, nous nous sommes ren-
dus à Obasine, et de là aux gorges sauvages de Coiroux.
Le village d'Obasine doit son origine à une abbaye de Béné-
dictins, fondée en 1142 par saint Etienne.
Des anciennes constructions bénédictines, il reste quelques
parties du réfectoire, magnifique vaisseau ogival, la salle capitu-
1 Voir Commentaires, livre VIII (écrit par Hirtius).
2 Faisant ainsi allusion à son amour pour la Duchesse d'Angoulème, mère de
François 1er, cause de ses malheurs et de sa disgrâce.
— I03 —
laire, intacte, et l'église en bon état de conservation. Celle-ci ren-
ferme, entre autres choses remarquables, le tombeau de
saint Etienne, un des plus beaux morceaux de sculpture du
xiii^ siècle.
Elle offre, en outre, une particularité sur laquelle M. Rupin a
attiré notre attention dans son guide : la coupole porte sur
des arcs doubleaux et des pendentifs ; sur cette -coupole s'élève
un clocher octogonal, à jour.
On voit, à Textérieur, comment, du socle carré portant sur
quatre piles et les arcs doubleaux, la construction arrive à Tocto-
gone parfait au moyen de triangles à ressauts.
Les travaux hydrauliques exécutés dans les gorges de Coiroux
par les moines, pour amener l'eau à Obazine, méritent une men-
tion spéciale.
Nous avons consacré la journée du lundi, 23, à parcourir
la ville de Tulle dont les rues à escaliers, bordées de maisons des
xiii^ et xiv^ siècles, aux balcons vermoulus et aux toits qui s'avan-
cent en saillie, sont faites pour séduire l'artiste autant que l'ar-
chéologue.
Le soir avait lieu la fête du Tour de la Lunade, procession
instituée en reconnaissance de la cessation de la perte de
Tulle, de 1346 ou 1348. Elle n'a plus, à ce qu'il paraît, le carac-
tère triomphant qu'elle avait autrefois ; cependant, le spectacle
qu'elle présente est des plus pittoresques. Une statue de saint
Jean est promenée par toute la ville et suivie d'une foule nom-
breuse, portant des cierges et lançant des pétards dans toutes les
directions, tandis que, sur le parcours du cortège, flambent d'in-
nombrables petits feux de bois.
On pourrait^ je pense, sans crainte d'erreur, assigner à cette
partie de la fête une origine païenne.
Nous avons, enfin, clôturé la série de nos excursions par une
course à Meymac, qui possède une curieuse église romane, à une
seule nef, avec un transept sur lequel s'ouvrent trois absides de
largeur presqu'égale. C'est une dépendance de l'ancienne abbaye
de Meymac, fondée en 1146.
Les séances ont été, elles aussi, très fructueuses. Je vais essayer
d'en retracer la physionomie.
Dans son discours d'ouverture M. le comte de Marsy a insisté
— I04 —
sur l'importance des travaux accomplis jusqu'ici, surtout au
point de vue de rémaillerie limousine, par la société de
Brive, et passé en revue les ouvrages des membres de la
Société française d'archéologie, depuis le congrès de Tan der-
nier, en rappelant les efforts que celle-ci n'a cessé de faire
pour la conservation des monuments.
M. René Fage, membre de la société de Tulle, nous a entre-
tenus de Tétat des travaux historiques et archéologiques dans le
Bas Limousin, depuis dix ans.
Dans une étude sur la préhistoire des vallées de la Corrèze et
de la Vézère, M. Massenat a nié catégoriquement l'existence, à
l'époque quaternaire, de la coutume d'enterrer les morts. Il a pu
y avoir des enfouissements accidentels, mais c'est tout. Aurillac,
Laugerie-Basse, Le Frontal, Menton, etc., ne seraient d'après
lui, que des gisements néolithiques.
Votre rapporteur croit devoir faire ici toutes ses réserves.
Quels sont les différents peuples qui ont habité le Limousin et
qui ont formé sa population ? Après M. de Lepinay, M. le doc-
teur Vacher nous a communiqué une étude très approfondie
sur ce sujet.
Il a constaté que le Limousin, par sa situation tcpographique
et sa constitution géologique, a échappé, plus que tout autre, à
rinfluence de la conquête, d'oia la pureté relative de la race qui
a conservé les j:races du milieu sévère où elle s'est développée.
En effet, les Romains, les Germains, les Sarrasins, les Normands
et enfin les Anglais, n'ont guère altéré les caractères de la race
primitive, et l'on peut dire, encore aujourd'hui, d'une manière
générale, que l'habitant du Limousin est brun, de petite taille
et brach3Téphale.
M. P. Lalande avait dressé un magnifique inventaire descrip-
tif et raisonné des monuments mégalithiques et des tertres funé-
raires très nombreux de la Corrèze.
Le congrès doit au même auteur une excellente réfutation des
idées émises par certains écrivains au sujet de la présence, dans
le département de la Corrèze, de soi-disantes forteresses et de
monuments élevés par les peuples qui habitaient ces lieux à l'épo-
que de l'Indépendance gauloise. M, Lalande a démontré qu'il
n'existe pas en Corrèze de véritables oppidum gaulois, couvrant
— I05 —
une superficie considérable, sérieusement fortifiés et ayant été
habités d'une façon permanente ; mais qu'il n*y a rencontré, en
réalité, que de simples refuges temporaires, présentant parfois
quelques vestiges de fossés et de remparts en terre, et semblant
remonter, pour la plupart, à l'époque préhistorique.
Dans une causerie fort intéressante sur l'archéologie religieuse
du Bas-Limousin, M. l'abbé Poulbrière a signalé l'existence, sur
le territoire de la commune de S^-Merd-les-Oussines, perdu pour
ainsi dire au milieu d'une lande stérile, du plus ancien monu-
ment religieux de la contrée, portant le nom de n château des
Cars », C'est une basilique rectangulaire, de 12 mètres sur 9,
avec large cuve en pierre pour le baptême par immersion, que
l'on peut attribuer au vi^ siècle.
Cela a été une véritable révélation^ et l'annonce d'une décou-
verte aussi remarquable a rencontré, à tort ou à raison, plus
d'un incrédule.
Il m'a semblé résulter ensuite des discussions auxquelles ont
pris part MM. Poulbrière, le comte de Dion, de Fontenilles, Rous-
selet, de Fayolles, Tixier et de Lasteyrie, que l'architecture de la
région n'offre pas assez de caractères pour former une école maî-
tresse, une école purement limousine ; mais qu'au contraire elle
a subi l'influence des écoles qui ont régné dans les provinces
voisines, aussi bien de l'école poitevine, que de l'école auvergnate.
M. Rupin, le sympathique pirésident de la Société scientifique
historique et archéologique de la Corrèze, a fait ressortir les
caractères de l'école limousine d'émaillerie et a établi son anté-
riorité sur l'école allemande.
Sa conférence a été le résumé de l'admirable livre sur l'œuvre
des anciens peintres émailleurs de Limoges dont il vient de
publier la première partie.
Enfin M. Guibert a insisté sur l'importance des livres de rai-
son au point de vue archéologique et artistique.
On consultera toujours avec le plus grand fruit, a-'t-il dit, ce
registre où le père de famille inscrivait ses comptes de ménage
et les faits marquants de l'existence journalière, ce document
bourré de chiffres et plein dé détails piquants sur la manière
de vivre de nos ancêtres.
Il me reste, avant de terminer^ un devoir bien doux à remplir :
— io6 —
celui de renouveler Texpression de ma reconnaissance à M. le
comte de Marsy^ qui s'est acquitté, comme toujours, avec autant
de science que de tact, de son importante et délicate mission, et
à MM. Rupin^ Lalande, Massenat et Soulingeas, dont Tobligeance
a été inépuisable !
B^"^ Alfred de Loë.
Septembre 1890.
DE LA VALEUR ARCHÉOLOGIQUE
DES
SIMILITUDES DE FORME
ET DE COULEUR
Messieurs,
p premier soin d'un archéologue^ lorsqu'il procède à
Texamen d'une œuvre d'art, c'est de déterminer l'épo-
que de sa création et son lieu de provenance ; ensuite,
il se préoccupe, s'il y a lieu, d'en rechercher l'auteur ; mais bien
souvent il doit se borner à en constater l'origine, d'après certains
indices de forme et d'aspect dont la certitude n'est pas absolue.
Rigoureusement, l'archéologue ne devrait s'appuyer que sur
des preuves matérielles, documents, signatures, archives, etc.,
d'une authenticité irrécusable. Mais ces documents eux-mêmes ne
sont pas toujours un appui sûr, car, ainsi que le fait remarquer
très judicieusement M. le comte Maurin de Nahuys, une signa-
ture peut être fausse, un document se rapporter à une œuvre
souvent reproduite ou exécutée par un artiste employé par celui
qui a entrepris rouvrage.
— io8 —
Il faut donc tenir compte de la vraisemblance de ces preuves
et les soutenir par une étude spéciale des similitudes, qui, à
elles seules, peuvent conduire souvent à des erreurs profondes.
L'archiviste, par un heureux hasard dans ses recherches achar-
nées, peut, nous 1 avons vu par les découvertes de MM. Wauters,
Pinchart, Van Even, Génard, de Busscher, J. Weale, etc., ren-
verser tout l'échafaudage des esthètes et des experts, tels que
Waagen, Hotho, Passavant, Michiels, et une foule d'autres plus
modernes.
Mais un texte établissant que telle œuvre est incontestablement
de Bouts, par exemple, ne permet pas encore de retrouver par
comparaison un autre tableau de Bouts. Car la plupart des pein-
tres ont eu plusieurs manières, et chaque sujet leur demande
pour ainsi dire des modifications techniques.
Le cas est tout différent si Ton a à sa disposition deux ou trois
œuvres certaines, incontestables, et dès lors, l'expérience de
Texpert et du critique d'art peut offrir un appoint ina,ppréciable à
l'archéologie .
C'est ainsi que M. H. Hymans a pu récemment retrouver un
Van Eyck à Turin, dans un musée visité par tous. C'est ainsi que
plusieurs tableaux ont pu être restitués par MM. J. Weale et Justi
à Gérard David, bien que les documents ne parussent pas com-
plets à MM. Siret, Pinchart, etc.
Un seul point de départ ne suffit pas ; il faut plusieurs bases
sûres. Un expert ne se forme pas par la vue d'une seule œuvre.
De même un critique d'art ne devrait pas s'improviser... et
pourtant aujourd'hui ils sortent tout faits de nos collèges !
Il est vrai qu'une attribution a si peu de valeur !
Nous avons assisté à des expertises de tableaux, faites par des
experts renommés. Les tableaux leurs passaient sous les yeux
durant une minute à peine, et ils jetaient du bout des lèvres, d'un
ton décisif et magistral, un nom au rédacteur du catalogue ; l'attri-
bution était faite, certaine tt immuable \ Ne voyons-nous pas dans
mainte collection sérieuse des œuvres marquées Van der Meire,
alors qu'on ne possède absolument rien pour identifier cet artiste?
Nous connaissons encore, à Ixelles, un superbe diptyque attribué
à ce maître, sur la foi de l'auteur du catalogue Nieuwenhuis et
qui a tous les caractères de Qentin Metsys.
— I09 —
Pourtant; souvent les experts ne sont pas d'accord : Hippocrate
dit oui, Galien dit non !
C'est que l'examen auquel se livre un iconophile est plein
d'imprévu et qu'on ne peut se faire une opinion qu'après mainte
tergiversation, maint retour sur soi-même !
Il y a là, avant tout, une question de sincérité et de bonne foi !
Quand on s'est fait une conviction, encore peut-on être dans
l'erreur, lorsque Ton ne trouve pas un texte, une marque pour
tirer de l'incertitude.
En général, une attribution est toujours une hypothèse plus
ou moins fondée. Nous voyons aujourd'hui le Rembrandt du
Pecq, sujet de controverse entre les plus habiles connaisseurs de
Paris. Nul n'invoque l'opinion d'un autre, chacun étudie par soi-
même, et la question reste irrésolue.
N'avons-nous pas eu, au musée de la Porte de Hal, la légende
d'un diptyque en ivoire qui a défrayé pendant longtemps nos
chroniqueurs les plus médisants ?
Dans la peinture du moyen âge, et spécialement dans la minia-
ture, l'identité du sujet, des formes, fût-elle absolue, ne doit
compter que pour bien peu de chose dans la détermination de
l'auteur d'une œuvre.
Pourquoi cela? A cause de la perfection de certaines copies.
La copie, sans être habituelle, était nécessitée parfois par les
volontés du commettant, qui voulait une œuvre pareille à telle
autre. Nous avons traité ce sujet dans un mémoire sur la peinture
flamande et son enseignement *.
Nous sommes en possession d'un tableau du xv^ siècle .dont
nous avons retrouvé jusqu'à neuf répétitions dans les musées de
l'Europe et dont l'édition primitive, due à Van der Weyden, se
trouve dans la cathédrale de Bruges.
Le musée de Bruxelles offre de pareils exemples, qui abondent
dans la miniature.
Dans la peinture à l'huile, un bon copiste peut imiter l'ori-
ginal d'une façon frappante.
Le procédé à l'eau offre beaucoup plus de difficultés, et les
^ Mémoires couronnés de V Académie de Belgique, t. XLIV, p. 142. — Voir aussi
Bulletin des commissions royales. — Recherches sur les origines de V art flamand, p. 50.
— IIO —
superbes reproductions en couleur du Grimani faites dans les
meilleures conditions par un artiste vénitien nommé Prodoscini,
celles que Ton présente au public pour lui donner le change, à la
bibliothèque de Saint-Marc, montrent une telle inexactitude de
coloris, en même temps qu*une grande identité de formes et
d'aspect, que Ton ne saurait pas plus s'appuyer sur de semblables
documents que sur la reproduction photographique du célèbre
Bréviaire, que Ton trouve dans les bibHothèques.
Car, se fonder sur la photographie est également fort douteux.
Les tableaux de Metsys, à Bruxelles, de Gérard David, à Bruges,
le triptyque de Lierre perdent tellement de leur caractère réel
par la photographie qu'il est presque impossible de les reconnaître.
Aussi, emporter des photographies en voyage ne peut servir que
comme renseignements, comme points de repère, non pas comme
documents.
Mais ce qui est inappréciable, pour celui qui s'est attaché
par une longue étude spéciale aux caractères de couleur, à la
facture, au procédé d'un maître, à ses petites imperfections, c'est
l'examen comparatif et minutieux de deux œuvres certaines.
C'est par les détails seuls, par un travail long et patient, en
revoyant plusieurs fois la même œuvre sans laisser distraire son
œil par des coloris différents que l'on peut parvenir à découvrir
les points de contact ou bien les points inadmissibles.
Et, en ceci, l'archéologue, dont la patience est certainement
une des grandes qualités, peut obtenir des résultats sérieux.
Chaque artiste contracte certaines habitudes qui laissent, mal-
gré lui, leur empreinte à des fragments de ses œuvres, et qu'un
copiste ne songe même pas à s'assimiler.
Il est donc parfois plus aisé de retrouver des rapports entre
deux œuvres originales de composition différente, qu'entre deux
œuvres identiques dont l'une est l'exacte copie de l'autre.
Ainsi, on remarque dans toute l'exécution de l'original du Gri-
mani une sorte de monotonie, de régularité qui dénote la main
d'un enlumineur passé maître, n'hésitant jamais ni dans la recher-
che d'un ton, ni dans la touche^ qui est toujours ample, grasse et
arrondie. Ces caractères et d'autres encore se retrouvent dans le
manuscrit d'Horenbout à Vienne. Ils n'existent point dans tout
ce que nous attribuons à Beninc, qui cherche davantage la finesse
— III —
des tons dans ses fonds, qui est parfois plus fort de couleur dans
ses costumes, mais qui décèle toujours une réelle maladresse dans
les figures.
11 serait imprudent de mêler à ces deux grands noms d'autres
même avancés par Vasari ou Guicciardin, tels que ceux de Lan-
celot et de Gérard de Bruges, tous deux auteurs de grands
tableaux très finis, de G. Vrelandt ou d'autres enlumineurs. Il
existe, à la vérité, beaucoup d'œuvres estimables de la même
époque, mais deux mains adroites et bien différentes dominent
tout : Il y a là deux personnalités bien distinctes,
La miniature est une " source archéologique qui n'est pas
assez explorée, non pas pour rechercher un auteur, un nom quel-
conque, mais bien pour scruter les mœurs, les usages, les détails
du costume, de la vie, des professions, de l'architecture intérieure
de tout le moyen âge en Flandre.
On nous répondra par les noms de Séré, de Viollet-le-Duc, du
bibliophile Jacob, de du Sommer ard, du comte de Bastard;
tous ces auteurs sont français et se sont surtout occupés de la
France. Qu'avons-nous de spécial pour la Belgique ? Le recueil de
costumes de Devigne et, çà et là, quelques recherches qui n'ont pas
pris naissance dans nos collections de manuscrits, ni même dans
nos musées.
Nous le disons hautement : l'archéologie artistique de la Flan-
dre est encore à faire !
Evidemment la besogne n'est pas toujours agréable : les biblio-
thèques n'offrent pas de grandes facilités à ceux qui veulent feuil-
leter les manuscrits.
Quant aux conservateurs, si bien en situation d'étudier, ils sont
souvent accablés sous le poids d'autres travaux et plusieurs se
bornent à conserver les dépôts confiés à leur garde.
Que connaissons-nous de la vie intime de nos ancêtres, en
dehors de certains comptes et des contestations judiciaires de nos
dépôts d'archives?
Et pourtant certains détails trop négligés peuvent amener une
découverte.
M. le comte de Nahuys a bien voulu nous faire remarquer qu'il
existe sur le Grimani des détails d'armoiries tout à fait microsco-
piques et que l'on devrait étudier à la loupe, si l'on obtenait
l'assentiment du conservateur.
— 112 —
Il y a encore d'autres points obscurs dans ce manuscrit : celui
de savoir si l'office liturgique a été réglé par un ecclésiastique
italien ou flamand ; si le livre a été écrit avant Tenluminure, en
tout ou en partie, en Italie ou en Flandre; ce qu'indique la lettre
B sur le dessin de la Circoncision, lettre que nous traduisons par
Busleyden. Si le texte n'a point été copié en Flandre, d'après un
modèle provenant de l'Italie; enfin, comment on trouve Gregory^
pape, sur le Gebeibuch de Marie de Bourgogne, à Dresde, et sur
leGrimani : Gregori, pape, l'un de ces livres étant pour ainsi dire
l'embryon de l'autre.
Nous ferons remarquer à ce propos qu'il existe à l'étranger de
nombreuses œuvres flamandes portant des armoiries, des mono-
grammes, des inscriptions étranges dont on pourrait obtenir la
copie exacte en s'adressant à un archéologue du lieu et dont la
signification exercerait utilement la sagacité des héraldistes
érudits que possède la Société d'archéologie de Bruxelles.
En se mettant en rapport avec les sociétés régionales d'anti-
quaires, on pourrait être tenu au courant de tout ce que chaque
région possède en fait d'objets d'art flamands.
Nous avons été souvent surpris de rencontrer par hasard
dans des départements très explorés des œuvres curieuses abso-
lument ignorées, même dans la localité.
Le fait s'est produit, entre autres, pour les statuettes dont nous
avons apporté ici les photographies et qui ont fait partie du
monument de Jean P"", duc de Berry, saccagé en 1793. Récemment,
M. de Champeaux s'est occupé de tout un travail de restitution de
ce superbe échantillon de la sculpture bourguignonne.
Nous avons perdu en Italie toute une série de signes parti-
culiers notés à la volée ; il nous reste encore quelques croquis que
nous soumettons à l'étude des spéciaHstes.
Nous terminerons cette dissertation, évidemment déjà trop lon-
gue, par quelques observations sur la participation des ateliers
aux travaux importants de miniature.
Certes, de nombreux manuscrits de deuxième ordre sont les
produits d'élèves ou de francs-maîtres secondaires. Mais les maî-
tres hors ligne se sont toujours réservé les travaux d'art les plus
précieux destinés aux Mécènes délicats et raffinés, et n'ont confié
à leurs aides que les travaux courants d'imagerie pieuse, d'illus-
I
— 113 —
tration ordinaire qui faisaient vivre toute l'industrie brugeoise,
comme celle d'Utrecht ^
Comme l'enluminure était un métier dans toute la force du
terme, le maître ayant une commande de longue durée s'enten-
dait parfois avec des confrères, mais toujours, pour conserver
l'harmonie de l'œuvre, chacun restait alors dans sa spécialité.
Il ne s'associait qu'à un artiste dont le coloris (chose primor-
diale en enluminure) s'accordait avec le sien propre.
Ce même fait se reproduit au xvi^ siècle dans l'étoffage des
tableaux.
Si Guicciardin et d'autres parlent de l'habileté à manier le ver-
millon, c'est que cette couleur, avec deux au trois autres couleurs
vives, formait la base de l'enluminure.
Dans les miniatures les plus estimées, on trouve le sinople, le
minium, l'incarnadine, le bleu pour missels ou iuchlin blau, la
cendre verte, sans mélange et couchés avec art comme Tor des
rehauts. — Tel était le métier qu'il fallait apprendre consciencieu-
sement en commençant par l'ornement calligraphique et les
lettrines 2, et cette nécessité de produire des teintes vives était
la cause principale de la rareté des travaux conçus avec un senti-
ment d'harmonie dans la couleur.
Mais dans les œuvres de premier ordre, il n'était pas de trop
de toutes les ressources du maître pour arriver à un précieux
achèvement et il est de toute évidence qu'il y a travaillé seul, ou
tout au plus s'est fait aider dans l'ornementation, quand il se
réservait les grandes histoires.
Ainsi s'expliquent les trois ans de durée du Bréviaire de Jean
Van Battel, la lenteur de celle du Grimani, etc.
Tout ce qui précède se rapporte à la couleur.
Quant à la forme, les enlumineurs, par la patience et la minutie
de leur pratique, étaient souvent très embarrassés du contour et
de la composition, quand ils n'avaient pas à leur disposition un
véritable artiste.
Aussi était-il nécessaire de se rompre longuement à l'exécution
décorative de contours, de travaux linéaires ou géométriques, au
^ Voir la Peinture flamande et son enseignement. Mém. couronnés de l'Académie,
pp. 103 et 122.
^Mémoires cour, de V Académie, t. XLIV, p. 92, 122.
8
— 114 —
trait, à la plume, avant d'aborder les travaux d'art, et la tête de
Christ qui pourrait avoir été tracée par Beninc lui-même sur un
revers de page, les figures barbues, hétéroclites de la signature
d'autres enlumineurs, les grotesques de J. Scoofs à Malines, en
sont la preuve, de même que les dessins au trait mentionnés dans
notre mémoire déjà cité *.
Selon les statuts de Tournai, publiés par M. Pinchart, il était
défendu à un maître d'employer pour son usage personnel un
élève non apprenti du métier, sauf pour exécuter des dessins.
La collaboration d'élèves était donc excessivement rare.
Il y avait d'ailleurs, une foule de sections industrielles ouver-
tes aux artistes secondaires.
Par exemple, les professions de leerscrivers, d'enlumineurs de
lisière de drap, de verlichiers met de penne y met de pincheele, d'im-
primeurs d'images à l'huile avec or ou argent. Les images colo-
riées en rouleaux, etc., étaient une industrie indépendante des
manuscrits, et quatorze personnes à Bruges, en 1457, en avaient
le monopole. Mais tout cela était complètement différent de la
miniature d'art qui empruntait cependant des éléments aux pro-
cédés de décor ou de détrempe, en même temps qu'elle se servait
de couleurs lavées et décantées tirées de la teinture des étoffes,
d'encres spéciales, etc. ^.
La correction du dessin devenait d'une importance capitale
dans les grandes histoires et cela explique, dans des miniatures
coloriées par des maîtres tels que Van Laethem, Vrelandt, l'ami
de Memlinc, Horenbout, Beninc, des contours que tout le monde
reconnaît à première vue comme appartenant à Memlinc, à David,
à Gossart.
La marque de Symon Beninc qui se rapproche fortement de
l'une de celles de Hans Memlinc laisse la faculté de supposer que
des relations d'apprentissage ont pu exister entre eux, et son
nom d'apprenti, qui est raturé sur le livre des peintres, précédant
un de ses noms de famille si diversement orthographiés, ferait
peut-être utilement l'objet d'un examen attentif.
Il ne me reste. Messieurs, qu'à m'excuser d'avoir abusé de
i Loc. cit., pp. 90, 92, 94.
2 Recherches sur les couleurs employées par les peintres anciens. — Bulletin
des commissions royales à' art et d'archéologie^ i^)^-!,.
— 115 —
votre patience pour VOUS exposer des idées, et des faits qui ne sont
pas nouveaux pour vous, mais que j'ai cru pouvoir rapprocher
sans trop d'inconvénient, dansie but de répéter une fois de plus
que l'art et ses procédés les plus délicats ne sont pas dépourvus
de tout intérêt dans les problèmes de l'archéologie.
Edgar Baes.
Ixclles, 9 mars 1890.
QUESTIONS ET RÉPONSES
(voir table du tome iv)
QUESTIONS
III
Documents concernant une inscription qui a été faite vers 1768
pour être placée sur la maison du roi (Broodhuis) à Bruxelles
ai trouvé les deux documents que voici aux Archives
du royaume, conseil des finances, carton n° 385.
1° Je soussigné, conseiller receveur général des do-
maines au quartier de^Bruxelles, déclare d'avoir reçu par ordre de
son Altesse Roiale *, de Thomas Vander Motten, directeur de la
Monnoie de Sa Majesté en cette ville, deux médailles en or, au
portrait de Son Altesse Roiale, et deux en or aussi, au portrait de
Son Excellence ^ pour par moi être remises à un chartreux qui a
fait le projet des inscriptions qui seront placées au Broodthuijs et
lui servir de récompence.
Fait à Bruxelles, le 23 janvier 1700 soixante-huit.
S/^w^'.-F.-J.-D. Hannosset.
l 1 Charles de Lorraine, gouverneur général de la Belgique (1744-1780).
2 Son Excellence le ministre plénipotentiaire le comte de Cobenzl (175 3-1770).
~ 117 —
2° Dans un rapport du conseil des finances, adressé Tannée sui-
vante (le 12 janvier 1769) à Charles de Lorraine, le même fait est
rappelé :
Que les quatre médailles d'or *,dont deux au portrait de
V. A. R. et deux au portrait du ministre plénipotentiaire, ont été
remises ensuite des lettres du conseil du 16 janvier de Tannée pas-
sée (1768) au conseiller receveur général des domaines du quar-
tier de Bruxelles, Hannosset, pour par lui être données au reli-
gieux chartreux qui a fait le projet des inscriptions placées au
Broodthuijs, afin de lui servir de récompense, comme il conste de
la quittance dudit Hannosset, du 23 janvier 1768.
Les 4 médailles avaient, par conséquent, une valeur de 122 flo-
rins 8 sous, soit un peu plus de 221 francs de notre monnaie.
La médaille au portrait de Charles de Lorraine était proba-
blement le jeton d'étrennes pour Tannée 1768 rappelant un événe-
ment de Tannée précédente et portant par conséquent le millé-
sime de 1767. Or, ce jeton célébrait Theureuse guérison de
Timpératrice Marie-Thérèse, qui avait échappé à une forte atteinte
de petite vérole. Le rétablissement de la santé de notre souve-
raine fut fêté à Bruxelles, en juin 1767, par des réjouissances
publiques. Les inscriptions placées au Broodt-huys ou maison du
Roi, ne se rapporteraient-elles pas au retour de la bonne santé de
Timpératrice?
Quoique le reçu du receveur général des domaines porte la
date du 23 janvier 1768 et qu'il parle d'inscriptions qui seront
placées au Broodhuys^ il me semble plus difficile d'admettre
qu'elles aient eu rapport au séjour que le roi de Danemark fit à
Bruxelles en juillet 1768, bien que des fêtes eurent aussi lieu à
cette occasion.
Enfin, s'agit-il d'inscriptions temporaires ou permanentes?
Peut-être quelqu'un de mes collègues, plus versé que moi dans
dans l'histoire de Bruxelles, nous donnera-t-il une explication
moins douteuse.
Quant à la médaille au portrait de S. E. le ministre plénipoten-
tiaire, ce ne peut-être, à mon avis, que la pièce gravée par
1 Chacune de ces 4 médailles d'or avait le poids de deux doubles souverains ; elles
valaient donc ensemble 8 doubles souverains, au poids de 2 onces 18 esterlins, à
raison de 50 florins 12 sous la pièce.
— ii8 —
Jacques Roettiers en 1759, lorsque le comte Charles de Cobenzl
fut créé chevalier de la Toison d'or.
G. CUMONT.
Les stalles de Fabbaye d'Averbode
Ces stalles ont été sculptées en 1672.
Le chroniqueur Van Boterdael, chanoine d^AverbodC; qui
vivait à la fin du xviii^ siècle, nous apprend qu'elles ont été exé-
cutées à Anvers, par un sculpteur nommé Octave Herry,
Vers cette époque, un nommé Octave Henry faisait partie de la
gilde de Saint-Luc d'Anvers, mais il porte la dénomination de
menuisier.
A-i-on la certitude qu'il soit Fauteur des stalles et ne connaît-on
rien de plus sur cet artiste ?
Cam. Goffaerts.
Barnabe Guimard
Nos confrères français ne connaissent-ils pas de renseignements
biographiques sur Barnabe Guimard, le célèbre architecte qui
éleva, à Bruxelles, les bâtiments des ministères, des Chambres
législatives, de la place Royale, Téglise Saint-Jacques (bâtie de
1773 à 1785), les hôtels entourant le Parc, etc.^ etc.
On sait qu'il résida à Bruxelles de 1765 à 1786. Il serait d'ori-
gine française et mort dans les dernières années du xviii^ siècle
(1792?) aux environs de Paris.
C'était, en outre, un dessinateur de grand talent. On connaît
plusieurs de ses œuvres dans les collections des Archives géné-
rales du royaume, de MM.Mosselman-de Francken, comte Cornet
d'Elzius du Chenoy, Procureur, des Archives de la ville de
Bruxelles et de la Société centrale d'architecture de Belgique.
Paul Saintenoy.
VI
Les biens de l'abbaye de Saint-Remi de Reims
dans la forêt de Wavre
Le monastère de Saint-Remi, à Reims, possédait, dit-on, au
moyen âge, des biens dans la forêt de Wavre (Waverwald, nemor
— 119 —
WawirJ, qui entourait alors la ville de Malines. Pourrait-on spé-
cifier quelques-uns de ces biens ? On a lieu de croire que le nom
dudit monastère constitue Tétymologie de Ryfnenam, nom d'un
village situé là où s'étendait, autrefois, ladite forêt. A défaut de
détails précis sur les possessions de Saint-Remi, près de Malines,
on s'estimerait déjà heureux d'avoir la certitude que l'abbaye
susmentionnée a réellement eu des propriétés dans ces parages.
Y a-t-il des ouvrages qui le constatent ?
T. R.
Vil
La chronologie des comtes de Charolais,
On attribue aux comtes de Charolais deux écussons, savoir : l'un
au lion rampant ordinaire, l'autre au lion regardant ou la teste
renversée (xvi^ siècle). Quant aux émaux, on trouve également
des versions contradictoires : les armoriaux disent : champ de
gueules y lion d'or; mais un texte absolument officiel du xvi^ siècle
blasonnée : d'or a ung lyon de gueule^ la teste renversée, armé et
lampassé d'azur.
Existe-t-il des ouvrages donnant la chronologie des comtes de
Charolais, après Charles-le-Téméraire ? On s'intéresse notamment
aux comtes de Charolais du xvi^ siècle. Ce titre existait encore au
commencement du xviii^ siècle.
T. R.
VIII
Jean Viriot.
Jean Viriot, natif d'Épinal, professeur de rhétorique à Milan,
fit imprimer, en 1588, Dialogus tripartitus de stylo Sendevanii
scribendi gêner ibus^ Mediolani, tint Q) 1588, in-i2° (titre exact?).
Il mourut à Milan, en août 1596. Les quatre gouverneurs d'Épinal
lui firent ériger, dans l'église de leur ville, un monument avec
une longue épitaphe française. Trou ve-t-on dans l'ouvrage pré-
cité, extrêmement rare, à ce qu'il paraît, les vers latins suivants :
El rapidos contra flatus fluctusqiiô mentes.
Christicolis solus petra est adamantina Cbn'stus.
Sinon, d'où proviennent-ils? Quelle corrélation peut-il exister
entre eux et ledit personnage?
Jean Viriot a-t-il publié d'autres livres que celui que je viens
de citer?
T. R.
— I20 —
REPONSES
QUESTION NO IL — Annales de la Société d'Archéologie de Bruxelles.
Tome IV, p. 467.
Un parallélipipède gravé sur ses six faces et repré-
sentant des sujets tirés de l'histoire de saint
Bruno.
Au XVII® et au xviii^ siècles, on a fait, en France et en Italie, dans
les couvents surtout, beaucoup de cadres-reliquaires, avec des
bandelettes roulées et plissées de papier de diverses couleurs, à
tranches dorées principalement, représentant des ornements plus
ou moins variés, des feuillages, des rinceaux, dans lesquels Thabi-
leté de main des religieuses se faisait remarquer.
Ces décorations, dont l'épaisseur varie de 0^,005 à o'",oo8,
encadrent généralement un motif principal et plusieurs motifs
secondaires, le plus souvent de forme ronde ou ovale. Dans le
médaillon central se trouve soit une relique, soit une miniature,
soit un médaillon en cire ou en terre, représentant un sujet reli-
gieux. Dans Tentourage sont aussi ménagées des parties ovales,
circulaires ou en forme de cœur, dans lesquelles on disposait, soit
des parcelles de reliques, soit des médaillons en cire blanche et
provenant vraisemblablement de cierges bénits, sur lesquels sont
empreints les portraits du Christ et de la Vierge, des sujets reli-
gieux et des scènes de la vie des saints dont les reliques sont
placées dans les autres réserves du cadre-reliquaire. Quelquefois
c'est un Agnus Dei qui occupe le médaillon central. .
Je crois que le bloc de bronze gravé en creux, décrit par
M. G. Vallier et sur lequel il a appelé l'attention de la Société
d'Archéologie de Bruxelles, a dû servir à la confection de ces
médaillons, fabriqués dans une communauté dépendant de Tordre
de Saint-Bruno.
La facilité avec laquelle on obtient des empreintes sur la cire
blanche explique comment on pouvait se servir d'une matrice
aussi simple que celle dont il est question ici, et avec laquelle il
n'était pas nécessaire d'exercer une forte pression. Une fois l'em -
— 121 —
preinte obtenue, on rognait les bords de la cire, encore chaude,
afin de donner la forme ovale ou circulaire aux empreintes.
En même temps se comprend la présence des six compositions
sur le bloc ; chaque reliquaire renfermant une série de médaillons
variés, on obtenait ainsi, avec un seul bloc-matrice, la suite des
différents sujets à reproduire.
Telle est, nous paraît-il, l'explication la plus simple de Temploi
du parallélipipède soumis par M. G. Vallier à Texamen de la
Société d'Archéologie de Bruxelles.
Comte de Marsy,
Directeur de la Société française d'Archéologie,
Correspondant de la Société d'Archéologie de Bruxelles.
Compiègnej 22 décembre 18 go .
QUESTION NO VI. — Annales, même vol. p. 118.
Les biens de l'abbaye de St-Remi de Reims
dans la forêt de Wavre.
Monsieur,
Mes confrères de l'Académie de Reims m'ont chargé de faire les
recherches que vous leur avez demandées au sujet des biens que
l'abbaye de Saint-Remi possédait, au moyen âge, dans la forêt de
Wavre. J'ai donc consulté avec soin les archives de cette abbaye,
fonds très riche et très considérable que nous avons ici presque
au complet. Parmi toutes les collections de documents originaux
et de cartulaires que renferme ce dépôt, je n'ai trouvé qu'une
seule pièce relative à la question qui vous intéresse. C'est un
diplôme de Charlemagne, daté de 812, dont la copie se trouve
dans le cartulaire B de l'abbaye de Saint-Remi (xiii<^ siècle),
p. 108-109. Il n'est point inédit, du reste, et l'historien rémois
D. Marlot l'a publié d'après ce cartulaire [Metropolts Remensis
historia, t. i, p. 321-322).
Par ce diplôme, Charlemagne confirme à l'abbaye de Saint-
Remi la possession de la forêt de Wavre : « regiam forestam
Wavram ciirn omnibus villîs que in ea sunt, scilicet Halisca, Mi-
limbrica^ et Brumium, Seuberlara, et Letoina, et Soalena, et Bersela,
— 122 —
et RahiscOy et Salsitlo, et Nera et Rimhamna (sans doute votre vil-
lage de Rymenam), et Alon, et Urna, seu Walciteia, et Aldina, et
Blarîca, Netosa, et Andratina, etiam et Cruptinum, et Urinia w
Je dois dire que ce document paraît un peu suspect, et que
Tauthenticité en a été fort contestée par divers érudits. Le fait est
qu'il n'est point reproduit dans les autres cartulaires de Saint-
Remi, et que les inventaires les plus anciens ne font point men-
tion deToriginal. D'autre part, la forêt de Wavre n'est citée dans
aucune autre pièce. On a des bulles de plusieurs papes du xii^ siè-
cle, confirmant la possession des biens de Saint-Remi, et donnant
Ténumération de ces biens, situés en divers évêchés ; il n'y est
question d'aucune des localités figurant dans le prétendu diplôme
de Charlemagne.
Quoi qu'il en soit, si la Société d'Archéologie de Bruxelles désire
avoir une copie de cette pièce, je me ferai un plaisir de la lui
communiquer. L'édition de Marlot est très fautive, et les noms de
lieux y sont mal transcrits. Ces noms peuvent avoir quelque inté-
rêt pour vous, en supposant même que le diplôme ait été fabriqué
postérieurement à l'époque de Charlemagne.
Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de ma considération
distinguée.
L. Demaison,
archiviste de la ville de Reims,
à Monsieur Paul Saintenoy,
secrétaire général
de la Société d'Archéologie de Bruxelles.
iX
NOTES BIBLIOGRAPHIQUES
RusseixWalker, Architect,Associateofthe Royal Institute ofBritish
Architects and fellow of the Society of Scotland antiquaries. —
Pre-reformation churches in Fife and THE LoTHiANs. Vol. I, Fifeshirc.
Un beau volume in-f^, monographie d'églises, 130 planches, (26 sh.)
Notre savant et éminent confrère, M. J. Russell Walker vient de publier
sous ce titre, un ouvrage extrêmement intéressant, consacré uniquement
à faire connaître les églises paroissiales, antérieures à la Réforme, du comté
de Fife, L'ouvrage s'ouvre par l'église de S*-Macgidrin, à Abdie, ancien
prieuré de l'abbaye de Lindores, consacrée par l'évcque David de Bernhame,
en 1242, et malheureusement fort ruinée par l'incurie inconcevable de nos
contemporains, puisqu'on y a dit la messe, le 11 novembre 1827, pour la
dernière fois. Ajoutons que la cloche portait le nom d'un fondeur des
Pays-Bas :
JOANNES BURGERHUYS ME FECIT 167I
Sou Dec Gratia
Elle est aujourd'hui détruite.
L'église d'Aberdour, que nous trouvons plus loin, présente certaines
parties datant du xii«^ siècle (1178). mais sans caractères très dis-
tincts ; ajoutons que certaines pierres portent des marques de tâcherons,
et qu'il serait fort intéressant de les comparer avec celles qui ont été
— 124 —
signalées par M. le chevalier da Silva dans le Portugal et par M. Dumuys
à la cathédrale de Drontheim en Norwége. Ajoutons, d*après ce dernier,
que les marques de tâcherons de cette cathédrale sont analogues à celles
de la cathédrale de Neufchâtel et de certaines églises de France.
L'église d'Abernettry nous présente un exemple dés « iviuid tozvers », si
connues d'Irlande et d'Ecosse. Il est triste de voir dans les pages suivantes,
les sanctuaires de Carnock, Creich, Crombie, Dalgety, Dunmore, Kil-
conquhar, Monincail, mutilés affreusement, par la malveillance des hommes,
sans qu'on songe à y porter remède.
Dans l'église de Crail, signalons une cloche qui porte l'inscription :
Peeter Van den Ghein heft mij
ghegoten intjaer (m) dcxiiii
On sait que les Van den Gheyn étaient les célèbres fondeurs de cloches
de Louvain.
Ils exportaient donc leurs produits jusqu'en Ecosse.
L'église qui contient ces cloches est fort intéressante à étudier dans
les belles planches que lui consacre M. Russell Waliier. Il en est de même
pour l'église de Cupar, qui possède un clocher offrant une singulière res-
semblance avec la flèche si caractéristique de l'église de Dieghem (Brabant);
on sait que celle-ci date du miHeu du xvii® siècle. La flèche de Cupar a été
élevée aux frais du Révérend William Scott, en 1620, et au Heu d'être à
base carrée, elle est bâtie sur plan oblong.
Signalons, dans l'église de Crombie, la tombe de Philips laird of Kippo,
« mediciner », mort en 1640, et la jolie église de Dairsie, élevée en 1621 par
l'archevêque Spottiswoode ; son campanile est fort curieux.
La tour fortifiée de l'église de S^-Serf à Dysart, est également fort remar-
quable. Dysart est mentionnée dans les chartes depuis 874 ; son église
date du xiii® siècle.
A l'église d'Inverkeithing appartiennent également une cloche flamande
portant l'inscription :
SoLi Deo Gloria Michel Burgerhuys
ME FECIT ANNO 164I
et de très remarquables fonts baptismaux à armoiries.
L'église de S*-Athernase, à Leuchars, mérite une mention toute particu-
lière pour son abside normande du xiie siècle, pleine de caractère et fort
bien conservée.
Notons- y également d'intéressantes marques de tâcherons.
Pour l'église de la S^-Trinité, à S^-Andrews, qui possède une tour ogi-
vale intéressante, mentionnons, d'après M. Russell Walker, le monument de
Tarchevêque Sharpe, qui, dit-on, was made in Holland.
Ne serait-ce pas en Belgique, d'où la Hollande tirait beaucoup de ses
pierres ?
— 125 —
Les stalles de cette église aussi ont quelque chose de nos meubles simi-
laires de Flandre au xv^ siècle.
S^-Andrews possède encore l'église de S*®-Mary-on-the-Hill, qui date
du xiiP siècle et qui est malheureusement détruite presqu'entièrement. —
Signalons-y une tombe importante de l'époque romane — l'église de
S*-Regulus, dont nous reparlerons ; celle de S'-Salvador, — celle-ci très
remarquable — et enfin celle de S*-Léonard.
L'église de S*-Regulus est capitale pour l'archéologie monumentale
écossaise primitive. Sir Gilbert Scott allait jusqu'à l'attribuer au xe siècle,
mais, même en plaçant sa date d'érection au xii® siècle — ce qui paraît plus
probable — ce monument n'en est pas moins fort remarquable.
L'église de S*-Salvador a, elle aussi, son grand intérêt d'art. Elle date du
XV® siècle et fut fondée en 1456, par l'évèque James Kennedy, dont on y
voit le tombeau affreusement mutilé.
Signalons ses fenestrages flamboyants ; ce fait s'observe assez rarement
en Angleterre et en Ecosse.
Le magnifique premier volume de l'ouvrage de M. Russell Walker se
termine par la monographie de la belle église de S*^-Monance, production
du xve siècle dont les détails ont leur élégance.
Tel est le livre de notre éminent confrère M. Russell Walker.
Nous souhaitons vivement qu'il fasse bientôt paraître le volume promis
sur les Lothians, car ce volume ne peut manquer, comme celui-ci, d'avoir
la plus haute importance pour l'archéologie monumentale.
Paul Saintenoy.
VI
11*^1 uciEN Magne, architecte. Les vitraux de Montmorency et d'Ecouen.
|B.^i| Conférence faite à Montmorency. Paris, F. Didot, éditeur, 1888,
78 p. in-40, IX pi., I4fig.(5fr.)
Notre excellent confrère, M. Lucien Magne, a pubUé en ces années der-
nières, un grand ouvrage sur VŒuvre des peintres verriers français, sur lequel
nous appelons la sérieuse attention de nos lecteurs.
Armé par cette précédente étude d'une connaissance étendue du sujet et
appelé, à Montmorency même, à parler des belles verrières de l'église
paroissiale de cette ville, notre confrère s'est acquitté de sa mission en artiste
délicat à saisir les subtiles beautés des œuvres d'art et en archéologue
habile à déchiffrer les énigmes du passé.
Ces œuvres datent de ce siècle charmant qui vit en France le règne de
François I".
Pour les décrire, M. Magne a donné d'abord àson auditoire des détails sur
— 126 —
la famille de Montmorency, dont nos Bruxellois contemporains d'Albe le
Cruel, virent le blason d'or à la croix de gueules, cantonnée de seize
alérions d'azur, renversé en signe d'infamie, lors de la décapitation de
Philippe de Montmorency, (de la branche de Nivelles), comte de Hornes.
En effet, on sait que marié avec Jeanne de Fosseux, Jean II de Montmo-
rency possédait des terres dans notre pays et forma la branche de Mont-
Fig. I. Psyché offrant des présents à ses sœurs, f Gravure du Maître au dc'J.
morency-Nivelles, dont un des derniers rejetons lut Philippe, devenu par
adoption, comte de Hornes.
Mais c'est à la branche des ducs de Montmorency, issue du second
mariage de Jean II avec Marguerite d'Orgemont, que nous devons les
œuvres d'art dont M. Magne entend parler.
Le chef de cette branche ducale a été Guillaume, fils de Jean II, qui fut
un des auteurs de l'avènement de la Renaissance en France. Lui et son fils
127 —
Anne bâtirent le château de Chantilly, l'église de Montmorency, l'église et
le château d'Ecouen.
M. Magne s'étend en de très intéressants détails historiques sur ces œu-
vres et les conditions politiques de la France à l'aurore du xvi^ siècle.
Après ces piréliminaires, notre auteur décrit les verrières de Montmo-
rency qu'il attribue au commencement du xvi« siècle (avant 1524) et qui
sont réellement des
œuvres très remar-
quables.
Q.ui les a faites ?
Voilà une question
dont la réponse est
malaisée.
Ce sont, d'après
M. Magne, des œu-
vres qui ont la pré-
cision des peintures
flamandes, sans que
l'extrême finesse des
détails nuise à l'effet
décoratif de l'ensem-
ble.
Il s'agit ici de six
des quatorze vitraux
de Montmorency.
Un de ces derniers
porte Its initiales
E L P
monogra:nme du fa-
meux Engrand, Le
Prince de Beauvais,
qui a représenté sur
cette verrière, Char-
es V en S*^ Charles
et Adrien d'Utrecht,
son précepteur, pape
sous le nom d'Adrien
VI, en soldat du
Christ.
A Ecouen, il n'y a
Fig 2. Vitrail du château de Chantilly, représentant plus que deux ver-
Psyché offrant des présents à ses sœurs.
— 128 —
riéres donnant les portraits des fils (pi. V) et des filles d'Anne de Montmo-
rency, le grand connétable de France, et de Madeleine de Savoie.
Elles donnent lieu, pour M. Magne, à d'intéressants aperçus, de môme
que pour les vitraux de Psyché du même château, transportés actuelle-
ment à Chantilly.
Cette série de verrières représente la fable de Psyché et de Cupidon,
Fig. 3. Psyché prête à se venger de ses sœurs. (Gravure du Maître au déj,
tirée de VJne d'or d'Apulée. Peintes par notre compatriote Michel Coxie,
dont ses contemporains ont fait à tort un Raphaël flamand (fig. 2 à 5), ces
compositions ont été gravées par le Maître au dé.
Le verrier français s'est inspiré de ces gravures.
Ce fait n'est pas rare, d'ailleurs, à partir de la fin du xvi^ siècle. C'est
ainsi que des gravures de Hans Sébald Beham, de la suite des Sept planètes^
sont reproduites dans des verrières de l'église de Couches, et que dans
cette même église, une gravure du Maître à r étoile a été utilisée de même
façon.
Ce fait est fort intéressant à étudier dans les planches que donne
M. Magne.
V. Vitrail dans la chapelle du château de Chantilly, repr jse.itant les lîls du
connétable Anne de xMontniorency.
— 131 —
Celui-ci a une excellente méthode de travail, et par les ingénieux rappro-
chements qu'il a faits entre ces diverses verrières françaises et ces œuvres
gravées, il a jeté un jour tout nouveau sur l'histoire des peintres verriers
de France.
Paul Saintenoy.
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Fig. 4. Vitrail du château de Chantilly, représentant Psyché prête à se venger
do ses sœurs.
MELANGES
TOUTES I.ES COMMUNICATIONS INSÉRÉES SONT PUBLIÉES SOUS LA RESPONSABILITÉ
PERSONNELLE DE LEURS AUTEURS.
BELGIQUE
Musée communal de Bruxelles.
'a collection du Musée communal de Bruxelles vient de s'enrichir
d'une statuette en bronze, exécutée en 1630, par un artiste flamand,
le sculpteur Vandenbroek, d'après le Mannekenpis de Duquesnoy. C'est
un amateur étranger, M. Edward Josephs, qui a fait don à la ville de
cette œuvre intéressante, lui off'rant également le moule en plâtre ayant
1 Nous commençons, à partir de ce volume des Annales, la publication de
Mélanges archéologiques et historiques, donnant les dernières nouvelles des Musées,
fouilles, découvertes, travaux des sociétés savantes, etc., de façon à renseigner
les membres de la Société sur le mouvement archéologique non seulement de
Belgique, mais des autres contrées.
Nous espérons, pour remplir complètement ce but, obtenir la collaboration de
tous les membres de la Société à cette oeuvre si utile. C'est à eux qu'il doit appar-
tenir de rendre ces Mélanges aussi intéressants que possible.
Nous avons d'ailleurs pris les mesures nécessaires pour être renseignés promp-
tement. Tous nos soins seront apportés pour vérifier l'exactitude des faits
insérés dans cette chronique. Si cependant, dans l'avenir, certaines erreurs inévita-
bles venaient à se glisser dans ces Mélanges par l'impossibilité où nous serons de
vérifier les affirmations de nos correspondants, la Société laissant entière liberté
d'appréciation aux rédacteurs des Annales, ne pourra par conséquent, en aucun cas,
être rendue responsable des erreurs commises.
CNole du Comité des publications, J
- 133 —
servi au coulage de la statuette et la garde-robe du petit bonhomme,
comprenant plusieurs costumes de gala aux proportions voulues. Le
tout est exposé depuis quelques jours au Musée communal, et le public
bruxellois a pu admirer une reproduction, sinon fidèle, au moins très
typique, du jeune héros, qui surmonte la petite fontaine de la rue de
l'Étuve. Mais il lui a néanmoins préféré l'original, car cette copie, qui
se caractérise par une certaine lourdeur du modèle, n*a pas l'expression
spirituelle de l'impudique bambin qui lui a servi de modèle.
Musée Royal d'Antiquités de Bruxelles.
Le Musée royal d'antiquités de Bruxelles a reçu récemment une œuvre
qui ne manque pas de valeur. L'aimable donateur est un étranger —
M. Desmottes, de Paris. Cette œuvre consiste en une statuette en chêne
sculpté représentant sainte Marie-Madeleine. D'après M. Destrée, elle
appartient incontestablement à l'école de sculpture brabançonne, dont
les centres furent Anvers et Bruxelles. Cette statuette est sortie d'un
atelier d'artiste bruxellois.
On nous annonce que M. L. Cavens vient de faire également don à ce
même Musée d'une importante collection d'objets belgo-romains. Nous
y reviendrons dans une prochaine chronique.
GRECE
Les fouilles de Mantinée.
Ce n'est pas une très ancienne ville que la Mantinée dont il subsiste
encore des ruines à quatorze kilomètres au nord de TripoUtza. Elle date
du IV" siècle ; elle occupait la place de la cité primitive, détruite, en 385,
par les Lacédémoniens ; mais cela même en rend les débris très intéres-
sants; ils nous apprennent ce qu'était, au temps de Démosthène, l'archi-
tecture militaire des Grecs. Dans deux rapports étendus, M. Fougères
décrit l'enceinte de la ville, avec ses murs, ses courtines, ses tours de
défense, dont le chiffre a été discuté, et qui semblent avoir été au nombre
de cent vingt-deux, avec ses portes et leurs couloirs destinés à en rendre
l'accès plus difficile aux assaillants ; il examine les édifices qui s'élevaient
dans cette enceinte : le théâtre, le palais du Conseil, les portiques de
l'Agora, etc. Plusieurs de ces constructions ne peuvent être identifiées
avec certitude, mais toutes sont curieuses par la hâte qu'elles dénotent et
la médiocre qualité des matériaux qu'on y a fait entrer ; on se trouve
— 134 —
évidemment en présence d'une ville que la politique a subitement relevée
de ses ruines et qui n'a ni la solidité ni la beauté lentement acquises d'une
cité ancienne.
MM. Fougères et Bérard, ainsi que le dit très justement, dans la Revue
historique de Paris, M. P. Girard, qui rapporte ces détails, ne manqueront
pas de compléter leurs études sur Mantinée et de donner l'exposé complet
de leurs recherches.
ITALIE
Sépultures de quelques papes du IV^ au VP siècle.
M. le commandeur de Rossi, écrit au Temps que M. Geffroy, directeur de
TÈcole française à Rome, a clos, dans cette ville, l'année 1890, par une nou-
velle et intéressante découverte.
Les fouilles en cours d'exécution lui ont fait déjà retrouver, au-dessus
de la catacombe de sainte Priscilla, sur la via Salaria, la basilique de Saint-
Sylvestre, les traces de quelques-unes des sépultures des six papes du iv^
au vi^ siècle, dans cette basilique même, et l'amorce avec les premières
marches de l'escalier faisant communiquer la basilique avec la catacombe,
c'est-à-dire avec les chambres et la piscine de la riche demeure des Acilii
Gîahn'oneSj Uvrée aux sépultures chrétiennes, selon M. de Rossi, dès les
temps apostoliques.
Dans une de ces conférences devenues célèbres, qu'il donne périodique-
ment, au nom du CoUegium des Cultores mariyrum, M. de Rossi'a expliqué le
16 janvier dernier, sur le champ même des ruines, comment se confirmait et
se complétait aujourd'hui sa belle découverte d'il y a deux ans, relative aux
Acilii GlahrioueSj quels anciens textes avaient autorisé ses inductions et
quels vestiges on avait déjà naguère de ce qui restait à découvrir. Malheu-
reusement, la basilique de Saint-Sylvestre a été entièrement rasée et
dépouillée, sans doute à la suite des invasions. M. de Rossi n'y a retrouvé
jusqu'à présent aucun fragment d'inscription ni aucun marbre sculpté. Les
fondations de l'édifice laissent du moins apercevoir dès maintenant, et très
visibles, la forme de l'abside, l'emplacement de l'autel et les vestiges d'une
ou de deux sépultures des papes.
M. Geffroy annonce, en outre, que de grands et coûteux préparatifs se
font au Vatican pour l'installation prochaine d'un musée du moyen âge
dans les célèbres appartements Borgia. On y transportera les nombreux
tableaux et objets du moyen âge et de la première Renaissance qui sont
accumulés aujourd'hui dans les vitrines et armoires du musée chrétien.
— 135 —
Les Nouveaux Musées de Rome.
Les travaux du plan régulateur de la Ville Éternelle et ceux du Tibre, que
Ton exécute actuellement, ont amené et amènent encore des découvertes
précieuses, et la moisson est tellement considérable que l'on ne sait plus où
déposer toutes ces richesses : le Capitole en est surchargé. Il a fallu créer
de nouveaux musées. Le ministère de l'Instruction publique, malgré l'exi-
guité des fonds dont il dispose, a tenu à donner à toutes ces richesses
archéologiques la place qui leur revient, et c'est pour cela qu'il a fondé
deux nouveaux musées, l'un dans l'ancienne villa du Pape Jules II, hors la
porte du Peuple, et l'autre aux Thermes de Dioclétien, dans cet admirable
cloître dessiné par Michel Ange.
L'installation de ces musées, ajoute Vltaîfe du 12 janvier dernier, est
toute récente. Le premier est destiné à recueillir les antiquités provenant
du Latium avant la civiHsation romaine, et que l'on peut appeler musée
étrusque ; le second comprend les objets découverts à Rome et aux envi-
rons de Rome, et dans lesquels se révèle l'influence de la civiUsation
grecque.
Découvertes à Rome.
Vltah'e rapporte que sur l'emplacement où s'élevaient, A Rome, des
habitations démolies dernièrement près du pont Saint-Ange, on vient de
mettre à jour plusieurs inscriptions très intéressantes gravées sur
marbre.
Q.uelques-unes de ces inscriptions se rapportent aux liidi saculares, célé-
brés sous l'empereur Auguste, 17 ans avant l'ère chrétienne. D'autres ne
remontent qu'à l'époque de Septime Sévère.
Il parait que M. Mommsen, membre d'honneur de notre Société, se
chargera de les publier.
— IJOsservaiore roniano annonce que des fouilles vont commencer prochai-
nement au Forum Romain, précisément au point de section de la nouvelle
rue Cavour,afin de compléter les travaux de construction des égouts.
On espère, à cette occasion, découvrir les restes ou l'emplacement tout
au moins de la basilique EmiUenne qui, détruite par un incendie avec le
temple de Vesta, fut reconstruite aux frais de la gens Emilienne à l'époque
d'Auguste.
Cette basilique, d'après les annales du temps, était précédée d'un double
portique et sa façade était ornée de magnifiques bas-reliefs.
— 136 —
Musée national des Thermes de Dioclétien à Rome.
On a déposé dans cette collection récemment formée et ouverte au public,
les huit cents monnaies d'or trouvées au Forum, sur l'emplacement de la
maison des Vestales, il y a quelques années. Ces monnaies sont presque
toutes des rois anglo-saxons du x® siècle. D'après M. de Rossi, ces mon-
naies constituaient le tribut du denier de Saint-Pierre, venu de l'Angleterre
à Rome sous Martin II (942-946), ce qui ferait croire qu'un personnage
attaché à la cour du pape demeurait au milieu des ruines abandonnées de
la maison des Vestales.
FRANCE
Les fouilles de Martres-Tolosane.
De très importantes découvertes de sculptures antiques se poursuivent
dans cettecommune.il s'agit d'un nombre considérable de bustes et de
statues provenant d'un atelier gallo-romain. Le Sud-Ouest et Y Abeille de
Toulouse renferment à ce sujet d'intéressants détails dans leurs numéros
de janvier.
On lit, en effet, dans le Sud-Ouest :
Un distingué professeur de notre Faculté vient de faire, à Martres-Tolo-
sane, une découverte qui va mettre en émoi toutes les sociétés savantes
de France.
Pour comprendre cette importante découverte, il faut d'abord que nous
disions ce que sont Martres-Tolosane et son gisement archéologique. Voici
ce qu'en dit notre compatriote, M. Félix Regnault, dans un travail archéo-
logique publié au mois d'août dernier :
Comprise anciennement dans le Comminges et actuellement dans le
département de la Haute-Garonne, la localité de Martres-Tolosane con-
tient le gisement archéologique le plus considérable qui ait été signalé dans
la région pyrénéenne et même dans tout le sud-ouest de la France. La plu-
part des marbres qui en proviennent sont conservés au Musée de Toulouse,
et Ton en trouve une bonne description dans le catalogue de M. Rosbach.
Les premières découvertes furent faites au xvii« siècle ; mais c'est en
l'année 1826 que commence la période des fouilles importantes, brusque-
ment interrompues en 1830 et mollement reprises de 1840 à 1843. Depuis
lors, il n'a pas été opéré de fouilles à Martres ; mais rien ne prouve,
observe avec raison M. Rosbach, que cette mine archéologique soit
épuisée.
Comme l'a fait remarquer M. Albert Lebègue, professeur à la Faculté
— 137 —
des lettres de Toulouse, dans une excellente étude sur les monuments
antiques de Martres-Tolosane (Revue des Pyténées, année 1889, p. 146-166),
certains de ces monuments sont le produit de Fart grec ou romain, tels
que la Vénus, l'Auguste, etc.; les autres sont les œuvres originales d*un
art local, gallo-romain, peu étudié jusqu'à ce jour : elles sont en marbre
du pays, presque toujours en marbre de Sost ou de Saint-Béat.
Les bas-reliefs représentant les travaux d'Hercule sont fort intéressants :
la série des bustes d'empereurs est la plus riche que l'on connaisse. Les
dieux sont également représentés : Sérapis. Minerve, Jupiter-Ammon, Vul-
cain, Cybéle, Isis, Diane, etc.
Les deux morceaux les plus remarquables sont la « Vénus des Pyrénées
ou Vénus de Martres » et 1* Auguste.
La Vénus des Pyrénées est en marbre grec : d'après M. Lacaze, « ce
marbre antique est l'objet le plus précieux que possède le Musée de Tou-
louse. » Selon M. Lebègue, « la Vénus des Pyrénées, en marbre blanc
venu de Grèce, paraît être une réplique de la Vénus de Cnide ; même
disposition dès cheveux et de la coiffure, même physionomie ; seulement
c'est une des plus belles répHques que l'on connaisse. »
Félix Regnault concluait ainsi :
Il faut souhaiter que les fouilles soient reprises à Martres-Tolosane ;
peut-être nous vaudront-elles de nouveaux trésors, au point de vue de
l'histoire et de l'art.
Ces vœux et ces espérances sont aujourd'hui pleinement exaucés.
M. Lebègue, le sympathique et savant professeur à la Faculté des
lettres, correspondant du ministère de l'Instruction publique, s'est depuis
longtemps attaché spécialement à l'étude de certains fragments provenant
de Martres, d a su attirer de nouveau l'attention du monde scientifique
sur l'antique station gallo-romaine, et tout récemment, grâce à une subven-
tion de 3,000 francs accordée par le ministère, il a repris les fouilles sur
des points nouveaux qui permettront, dans un avenir prochain, d'élucider une
question très intéressante pour le pays toulousain.
Sommes-nous en présence, comme le pense M. Lebègue, d'un atelier de
sculpture gallo-romaine ? Les découvertes nouvelles, désignées avec un
soin minutieux par l'éminent professeur, ne laissent plus de doute sur
cette question. Depuis quelques jours, en effet, les fouilles ont mis à jour
96 pièces, dont quelques-unes sont très remarquables.
Parmi les pièces à signaler, il y a huit têtes conservées, en marbre de
Saint-Béat, un buste d'empereur, plusieurs bas-rehefs, une fort belle statue
de Minerve, plusieurs beaux fragments de statues d'hommes, des chapi-
teaux, des bas-reliefs de grande et de petite dimension, des poteries, et ce
qui démontrerait que l'hypothèse d'un atelier serait vraisemblable, des
- 138 -
socles en marbre tout disposés à recevoir des bustes. Tous ces remarqua-
bles débris sont répandus à profusion à trois et quatre mètres de profon-
deur dans le sol. L'absence complète de fondations ou d'architecture
propres aux riches villas romaines favorise l'hypothèse d'un vaste atelier
de sculpture ; ce qui le prouve encore, c'est qu'on a trouvé de gros blocs
de marbre des Pyrénées qui semblent apportés là pour le travail de sculp-
ture.
ARABIE
L'Archéolog'ie Arabique.
Le Stamboul du 27 décembre donne d'intéressantes notes sur les conclu-
sions du professeur Sayce, dans la Conkmpomry Review, concernant l'Archéo-
logie arabique.
M. Sayce estime que le professeur Muller s'est trop hâté de faire remon-
ter au dixième ou même au septième siècle avant notre ère les inscriptions
de Lihhyan dans l'Arabie du Nord. Il est désormais évident qu'elles ne sont
pas antérieures à la chute de l'empire romain. Mais, d'autre part, tout
confirme l'opinion émise par le docteur Glaser sur la très haute antiquité
du royaume minéen, dans l'Arabie du Sud, et sur la suzeraineté qu'il
exerçait dans toute la région, jusqu'aux frontières de TEgypte et de la
Palestine. On ne saurait douter qu'il n'ait précédé le fameux royaume de
Saba, lequel engloba les mêmes régions, éleva ses florissantes cités sur les
ruines de l'empire de Ma'in et finit par en effacer même le souvenir.
Or, le royaume de Saba était dans tout son lustre à l'époque de Téglat-
Phalasar, au huitième siècle avant l'ère présente. Sa juridiction s'étendait
jusque dans le Nord, puisque les souverains assyriens entraient en contact
avec lui. La visite de la reine de Saba à Salomon reporte les origines de cet
empire à une époque encore plus reculée ; si donc on accepte cette visite
comme un fait historique et non pas comme une invention des historiens
juifs, il faut admettre qu'au dixième siècle avant notre èie le royaume de
Saba s'était déjà substitué à celui de Ma'in, lequel avait disparu avec son
commerce, sa culture propre, ses villes fortifiées et ses murailles couvertes
d'inscriptions.
Le docteur Glaser a démontré que les rois de Saba eurent pour prédéces-
seurs les makaribs ou « grands prêtres » du pays. Cette succession de la
monarchie militaire à la monarchie religieuse est une loi constante dans le
monde sémitique. L'Etat assumait d'abord la forme théocratique et il
s'écoulait un certain temps avant que le roi et le prêtre fussent deux per-
sonnages distincts.
— 139 —
On est présentement en possession des noms de trente-deux rois minéens,
et trois de ces noms ont été relevés sur des inscriptions provenant de
Teima, dans l'Arabie du Nord, sur la route de Damas et du Sinaï. Ce fait
montre que l'autorité de ces souverains s'étendait sur toute la péninsule
arabique. Il est confirmé, par l'inscription qu'Halévy a relevée dans l'Arabie
méridionale, et qui a été déchiffrée par Hommel et dates, inscription
exprimant la reconnaissance de ses auteurs pour « avoir été sauvés par
Attar et d'autres divinités, dans la guerre survenue entre le souverain du
Sud et celui du Nord, et avoir pu revenir sains et saufs du milieu de PEgypte
dans leur ville natale de Quaru, lors du conflit entre ce pays (Egypte) et
le Mahdi. » Les signataires de cet ex-voto, Ammi Tsadiq et Sed, ajoutent
qu'ils vivent sous le roi minéen Abiyada Jathi, et qu'ils sont gouverneurs
de Tsar, d'Ashur et des provinces en aval de la rivière.
Le professeur Hommel estime que cet Ashur est l'Asshurim de la Bible et
Tsar une forteresse fréquemment mentionnée dans les inscriptions égyp-
tiennes comme gardant les approches du pays du côté qui est maintenant
la rive arabique du canal de Suez. Dans le Mahdi de l'inscription, le docteur
Glaser veut voir Mizzah, le petit-fils d'Esaû. Quoi qu'il en soit de cette
hypothèse, l'inscription établit que les princes minéens étaient reconnus
jusqu'aux confins de l'Egypte, à une époque qui doit avoir été contempo-
raine des Hycsos.
L'ensemble des inscriptions montre surabondamment que ces Minéens
avaient une littérature, un alphabet qui a très vraisemblablement été l'an-
cêtre de celui des Phéniciens, et que leurs princes et marchands jouaient
dans l'Orient, antérieurement à Salamon, un rôle assez important.
RUSSIE
L'architecture russe ancienne.
M. Soultanoff a récemment donné à la Société nationale des architectes
de Paris, une conférence dont M. Monmory rend compte comme suit dans
la Semaine des Constructeurs :
C'est surtout dans les monuments religieux, dit M. Soultanoff, au début
de sa conférence, que l'on peut suivre le développement de l'architec-
ture en Russie, l'art moscovite étant d'ailleurs un art essentiellement reli-
gieux.
On y distingue trois grandes périodes : dans la première, les influences
étrangères, byzantine et romane^ se manifestent ; à la seconde période appar-
tient V art russe proprement dit ; vient ensuite la période moderne
Dès le iv« siècle, le style byzantin s'étendit le long des bords de la mer
— 140 —
Noire, pénétra dans la péninsule Taurique et, de là, dans la Russie slave,
où il se maintint avec ses formes originelles aussi longtemps qu'en aucune
autre contrée. A ce propos, le conférencier, interprétant de façon ingé-
nieuse un passage de Vitruve, lui trouve une analogie remarquable avec
le mode conslructif adopté pour les églises grecques. Les quatre colonnes
romaines disposées en carré se retrouvent dans le plan byzantin ; la super-
structure qui les surmonte est remplacée par le dôme, les plafonds qui
recouvrent la galerie de pourtour font place à des voûtes cylindriques.
Laissons à M. Soultanoff le mérite et la responsabilité de ses déductions
et signalons Véglise Sainte-Sophie, à Kiev, comme étant un des spécimens
les plus caractéristiques de Fart byzantin en Russie. Ce monument, qui
date du xi® siècle, a eu sa façade modifiée au xiii® ; mais l'abside en est
restée, et la décoration intérieure, mosaïques d'émail sur fond d'or, est
éminemment byzantine.
A l'influence grecque s'est ajoutée celle venue de l'Occident, l'influence
romane, attestée par un édifice remarquable, l'église de la Transfiguration de
Notre Sauveur, construite au xive siècle, à Nowgorod-la-Grande, en Fin-
lande. Le plan en est byzantin, les parties supérieures, ou du moins la
toiture, en sont établies sur le mode russe proprement dit ; l'ornementation
est romane. A quoi M. Soultanoff attribue-t-il cette dernière influence ?
Aux rapports de commerce existant, à cette époque, entre la Finlande et
les villes hanséatiques : grâce à ces rapports, les ouvriers allemands étaient
venus exercer leur art à Nowgorod.
C'est au xiie siècle qu'a commencé à s'affirmer la personnalité de l'art
russe. Les caractères du style nouveau se manifestent dans la cathédrale de
Saint-Démétrius, à Vladimir, sur la Kliazma, dans le gouvernement de Vladi-
mir. Le plan du monument est encore byzantin ; mais ce qui est bien russe,
c'est la grande hauteur attribuée aux travées de la façade, relativement à
leur largeur, les proportions également plus sveltes données au tambour
et l'étroitesse des fenêtres, cette dernière condition paraissant imposée par
le climat. Il en résulte, pour l'ensemble, une physionomie élancée, qui
contraste vivement avec les proportions plus lourdes de l'architecture
byzantine ; c'est la prédominance de l'élément vertical sur l'élément hori-
zontal. Dans ce même édifice, la décoration sculptée est lombarde et
romane, ce qui s'explique par la participation d'artisans occidentaux,
italiens et autres, à l'achèvement de l'œuvre, participation certaine, les'
annales russes attestant la présence de ces ouvriers.
* *
Au xiiie siècle, un voile de crêpe s'étendit sur toute la Russie ; l'inva-
sion tartare, arrêtée seulement non loin de Nowgorod par les épaisses
— 141 —
forêts marécageuses qui défendaient les abords de cette cité, la couvrit de
ruines.
Le siècle suivant vit éclore ce que l'on pourrait appeler une époque de
Renaissance pour la construction monumentale, et c'est à cette époque que
se constitue, en Russie, un art vraiment national. Le développement de
cet art se manifeste, notamment, à la fin du xv« siècle, par l'édification, —
sous les ordres de l'architecte italien Fioraventi, — de la cathédrale de
VAssomptioUf et sur le modèle à la fois byzantin et russe fourni par les
édifices de Vladimir. Enfin, aux xvi^ et xviie siècles, l'architecture origi-
nale moscovite atteint son apogée.
Les éléments byzantins, musulmans, et surtout les formes tirées de la
construction slave en bois, se rencontrent dans les monuments de cette
époque. Citons, entre autres, aux environs de Moscou, l'église du village
Medwio-Kovo, qui est du xvi^ siècle, ainsi que la cathédrale de Basile le
Bienheureux^ à Moscou même ; la forme alors prédominante est \^ pyramide,
surmontée et accompagnée de coupoles bulbeuses.
Dans la seconde moitié du xvii» siècle, les patriarches, désireux de reve-
nir aux traditions purement byzantines, interdisent la forme pyramidale,
particulièrement pour le corps même de l'édifice ; cette forme est alors
rejetée hors du monument, qui se trouve généralement disposé ainsi qu'il
suit : un plan carré, couvert par une voûte d'arête ou. en arc de cloître et
surmonté de cinq coupoles bulbeuses, celle du milieu symbolisant Jésus-
Christ, et les autres, plus petites, les quatres évangélistes ; deux chapelles
attenantes au nord et au sud et couronnées d'une coupole particulière ;
trois absides ; unt galerie au pourtour de plan, et en avant, absolument
distinct du corps principal, un clocher surmonté d' uuq pyramide à huit pans
et d'une coupole en forme de bulbe. L église d'Ostankino, près de Moscou,
répond à ces conditions.
La décadence arrive avec la fin du xvii® siècle et le commencement du
xviii®. Les formes générales reproduisent, en pierre ou en brique, celles
tirées de l'architecture en bois ; mais l'ornementation, imitée du style baro-
que, est due à l'influence provenant de Pologne et de l'Allemagne cen-
trale. La chapelle de l'hôtel du comte Chérométief à Moscou, l'église du
village F/7;, aux environs de la même ville, appartiennent à cette époque.
A partir de Pierre-le-Grand, c'est l'art occidental européen qui prédo-
mine, il n'y a plus d'art personnel russe.
— 142 —
PHÉNICIE
On se rappelle sans doute que, pendant le voyage qu'il fit en 1862, en
Phénicie, M. Renan découvrit, aux environs de l'ancienne Tyr, au lieu
appelé Kabr-Hiram, tombeau de Hiram, un dallage composé d'une cinquan-
taine de mosaïques provenant d'une ancienne église byzantine.
Déposées au Louvre, dans la salle du manège, ces mosaïques viennent
d'être restaurées par M. Guilbert Martin et vont être placées dans la salle
qui précède l'escalier Mollien ; mais le Louvre ne possédant pas de salle
assez vaste pour que ce dallage, qui se compose de deux travées et d'un
rnotif central relié aux travées par deux dessins importants, puisse être
reconstitué dans son intégralité, on a décidé de disposer sur le sol de la
salle qui précède l'escalier Mollien, les travées et le motif central ; quant
aux deux motifs qui servent de raccordement, ils seront posés le long des
murs de la salle.
PROCÈS-VERBAUX DES SEANCES
Séance mensuelle du mardi 7 octobre 1890.
Présidence ^ M. G. Cumont, vice-président '.
a séance est ouverte à 8 heures du soir.
Correspondance. — MM. Besier, L. Bouland, C. Goflfaerts, le général
Henrard et le général Wauvermans remercient pour leur nomination res-
pective comme membres honoraire et effectifs.
Trente-six membres sont présents ^. Le procés-verbal de la dernière
séance est adopté.
MM. Van der Linden et De Keyser remercient la Société des félicitations
qu'elle leur a adressées à l'occasion de leur nomination dans l'ordre de
Léopold.
Congrès de 1891. — M. le secrétaire général fait savoir à l'assemblée
que le bureau a élaboré un projet provisoire d'organisation, et qu'il a déjà
reçu la promesse de participation de la Société centrale d'architecture de
Belgique et de la Société belge de géologie, de paléontologie et d'hydro-
logie.
Excursion. — M. le secrétaire général propose qu'au lieu de l'excur-
sion à Dicst et à Léau, la Société visite les églises de Dieghem, de Saven-
them, de Winxele et d'Herent {Adopté.)
^ Prennent place au bureau : MM. Cumont, vice-président; Combaz et Destrée,
conseillers ; P. Saintenoy, secrétaire général ; baron de Loc et de Raadt, secrétaires ;
de Schryver, conservateur des collections.
2 Ont signé la liste de présence : MM. de Schodt, F. Heetveld, C. Heetveld, de
Behault de ûornon, Joly, A. Van dèr Rit, Ppils, Puttaert, E. Catteaux, Lavalette,
Schweisthal, L. Titz, Michaux, Petit, -Dens^ Van Elven, Van der Smissen, Mahy
de Proft, Lopez Mendez, Dillens, Nèse, van Malderghem, Muls, Delevoy, Coen-
raets, comte de Nahuys, Paulus et De Keyser.
- 144 —
Exposition. — A. D'antiquités préhistoriques ou précolombiennes pro-
venant d'anciennes sépultures indiennes de la province d'Antioquia
(Colombie), offertes par M. Charles Patin.
B. De photographies des monuments visités par le congrès archéolo-
gique de France (Corréze et Lot.)
Communications .
Le TRIPTYQUE d'Ambierle, PRÈS RoANNE. — M. Destrée prend date pour
un travail sur le triptyque d'Ambierle, près de Roanne, dont il expose plu-
sieurs photographies.
M. E. Jeannez a cru pouvoir restituer les peintures des Volets à Roger
Van der Weyden. Il est de fait que Michel de Changy, qui a légué cette
oeuvre au prieuré d'Ambierle, avait séjourné à Bruxelles et avait été en
relation avec le célèbre artiste.
QjLiant à la partie plastique du retable, M. Destrée fait observer qu'elle
a tous les caractères de la sculpture bruxelloise. Il établit cette assertion
au moyen de photographies reproduisant des hauts-reliefs existant au
Musée royal d'antiquités et dont la provenance bruxelloise ne peut être mise
en doute.
Notre confrère expose aussi des photographies représentant le rétable
de Saluce dans son ensemble. M. Destrée, revenant sur une précédente
communication, dit qu'on ne peut mettre en doute la provenance bruxel-
loise de ce monument, car il porte la marque BRUESEL, plusieurs fois
répétée. Dès lors, l'objection qui avait été faite en la séance du mois de juin,
touchant le peu de fondement de certaines restitutions, tombe d'elle-même.
Le Congrès archéologique de France, Brive (Corrèze). -^ M. le baron
de Loë présente un rapport sur ce Congrès.
Le Congrès archéologique de Liège. — M. P. Saintenoy rend compte de
ce Congrès.
Le préhistorique de la Colombie. — Sous ce titre, M. le baron de Loë
présente à l'assemblée les objets mentionnés ci-dessus.
Les silex mesviniens datent-ils d'une époque antérieure a l'industrie
CHELLÉENNE ? — M. P. Saintenoy lit un travail de M. de Munck contenant
l'exposé de découvertes récentes et répondant affirmativement à la
question.
La séance est levée à 9 3/4 heures.
LES SILEX MESVINIENS
DATENT-ILS
d'une époque antérieure à l'industrie acheuléenne?
Messieurs,
jotre excellent confrère, M. Rutot, vous ayant exposé
déjà Thistorique de cette question intéressante * qui fît
Il l'objet de longues discussions au Congrès de Liège, je
ne vous communiquerai, aujourd'hui, que les résultats de mes
observations nouvelles sur les restes de ces industries antiques,
ainsi que sur les terrains qui les renferment. Toutefois, afin de
ne pas faire double emploi avec le rapport de ce congrès qui rela-
tera surtout des faits géologiques, je ne vous donnerai, ci-après,
sous forme de légende accompagnée d'une coupe idéale, que le
résumé des observations géologico-archéologiques qu'il m'a été
donné de faire, depuis 1889, dans la région d'Havré-Saint-Sym-
phorien-Spiennes, devenue la terre classique de l'archéologie
préhistorique hcnnuyère. Puissent ces quelques lignes répondre
1 Vo!r annales Je la Soc. d'Archéol. de Brux., t. IV, p. 481.
10
— 146 —
au vœu qui m'a été exprimé par quelques-uns d'entre vouSj
désireux de retrouver, dans nos Annales, les traces d'une ques-
tion importante dans laquelle rarchéologie a tant à voir.
Coupe idéale montrant la superposition des différentes assises du terrain quaternaire
de la région d'Havré-Saint-Symphorien-Spiennes.
LEGENDE :
E. — Sable jaunâtre non Stratifié, d'origine éolienne, formant,
en certains points du territoire d'Havre, de véritables dunes. Ces
sables se trouvent à un même niveau stratigraphique que le
limon jaune hesbayen ou terre à brique, développé dans la plus
grande partie de la région. J'ai découvert de nombreux silex
taillés néolithiques, — percuteurs, nuclei, couteaux, haches taillées
et polies, racloirs, débris de la taille, etc., ainsi que- des anti-
quités belgo-romaines, — vers la surface du sable éolien et du
limon hesbayen de la région d'Havré-Saint-Symphorien-Spiennes.
Quant à Tâge géologique et archéologique de ces sables et
limons, il est postérieur à celui des dépôts quaternaires renfer-
mant des restes d'espèces éteintes, tels que le mammouth et le
rhinocéros à narines cloisonnées, associés à ceux de l'homme et
de l'industrie la plus ancienne que l'on avait signalée jusqu'ici,
avec certitude.
Fig. I. etFig. 2. — Silex taillés recueillis dans le dépôt caillouteux D'. — Havre
(Champs -Elysées) et Spiennes (exploitations de M. Helin).
— 148 —
D''. — Limon sableux stratifié plus ou moins glauconifère, sur-
tout vers la base.
D'. — Dépôt de cailloux roulés, considéré anciennement comme
formant la base du terrain quaternaire. J'ai recueilli à ce niveau
des ossements de Velephas primigenhis^ du rhinocéros tichorhinus
et du bos prhnigenius , ainsi que des silex taillés des types chel-
léens et moustériens, admirablement travaillés et attestant une
civilisation primitive mais relativement avancée, (fig. i et 2.)
O"^ . — Sable jaunâtre stratifié.
çjfi ^ — Terre brune, noirâtre, paraissant représenter un
ancien sol ; j'y ai recueilli de nombreuses dents à^equtis cahallus.
Q," . — Sable gris-verdâtre^ glauconifère à linéoles graveleuses
et à stratification nettement entre-croisée. Ces sables renferment
des silex taillés non roulés, non ébréchés accidentellement et non
patines. La parfaite conservation de ces silex, sur lesquels Ton
distingue à peine le lustre qui caractérise presque toujours les
échantillons provenant des dépôts caillouteux quaternaires, semble
démontrer qu'ils n'ont pas même été charriés avec les sables
qui les renferment. Peut-être ont-ils été perdus ou abandonnés par
l'homme durant les périodes d'émersion des terrains dans lesquels
on les retrouve *.
ÇJ , ■— Lentilles de sable gris fin et homogène avec silex taillés
semblables à ceux de la couche QJ' , A en juger par les nombreux
échantillons que j'ai recueillis jusqu'ici et classés soigneusement
suivant les divers niveaux d'où ils proviennent, les armes et les
outils des couches C et Q!' semblent marquer, au point de
vue purement industriel, une transition entre le type mesvinien
primitif et grossier et les beaux types chelléens et moustériens.
B. — Dépôt de cailloux fortement roulés et ébréchés, entre-
mêlés de sable gris-verdâtre glauconifère. Nombreux silex taillés
du type dit mesvinien : simples éclats à plan de frappe, à con-
coïde et à esquillement de percussion, éclats à plan de frappe,
esquillement et concoïde de percussion en creux et en relief
(fig. 3), blocs de silex de forme discoïde et plus ou moins taillés
1 C'est là une simple hypothèse. De son côté, mon confrère M. Jean Houzeau
de Lehaie me fait observer que ces silex non roulés pourraient s'être déposés au
fond des eaux quaternaires au-dessus desquelles ils auraient été amenés, soit par
des glaçons, soit par des racines d'arlres flottants.
149
sur deux faces. Cette sorte crarme ou d'instrument grossier se
répète assez souvent et pourrait être considéré comme caracté-
risant le mesvinien (fîg. 4).
Fig. 3. — Éclat allongé ou lame ayant servi à trancher ou à racler. Nombreux
éclatements ou traces d'usage sur les bords tranchants; en haut, vers le plan de
frappe, se voient deux concoïdcs en creux. La face postérieure non représentée
offre un beau concoïde en relief s'étendant à partir du plan de frappe bien
apparent jusqu'au bas de la lame. Spiennes (exploitation de M. Hélin).
Tous ces silex, que j'ai recueillis à un niveau stratigraphique
bien défini et inférieur à celui du dépôt caillouteux D', présentent
les traces d'un travail des plus rudimentaires. Les masses de forme
discoïde elles-mêmes, oui semblent avoir servi à trancher et à
frapper pour fracturer, n'annoncent que très vaguement l'appa-
rition de la hache amygdaloïde acheuléenne qui, dans la région
explorée, ne s'est jusqu'ici rencontrée que dans la couche D'.
- I50 —
Des découvertes d'ossements permettront peut-être, un jour,
de distinguer, au point de vue paléontologique, le Mesvinien du
Chelléen. Quoi qu'il en soit, il est un fait bien acquis, me semble-
t-il, c'est que, dans les bas niveaux du bassin d'Havré-Saint-Sym-
phorien-Spiennes, il se trouve, sous le dépôt caillouteux à osse-
ments du mammouth et à silex acheuléens et moustériens, des
Fig. 4. — Silex taillé de forme discoïde. La face antérieure est presque- totalement
taillée et ne laisse voir, au centre, qu'une petite partie de la croûte du galet dont
il a été fabriqué. Sur la face postérieure non représentée, cette croûte est plus
étendue et montre à l'évidence, par sa nature, que le galet dont s'est servi
l'homme préhistorique pour la fabrication de son outil provient de la base du
Landénien glauconifère marin, resté en place ou remanié à l'époque quaternaire.
(Voir dans la coupe et dans la légende : 2^ et 2».)
couches stratifiées sableuses et graveleuses, ayant pour base un
dépôt caillouteux bien déterminé et ne renfermant que des silex
très grossièrement taillés à grands éclats, représentant l'industrie
la plus antique et la plus rudimentaire que l'on ait découverte
jusqu'ici en Belgique.
— 151 —
A. — Sable vert glauconifère remanié, renfermant des spon-
giaires altérés, des grains de quartz, des blocs de silex à croûte
blanche disséminés dans la masse^ ainsi que des silex éclatés et
ébréchés accidentellement, plus spécialement vers la base. Ce
sont ces silex que Ton avait attribués à Thomme tertiaire. Non
seulement j'ai démontré à la Société d'Anthropologie et à la
Société d'Archéologie que la couche A n'était pas du Landénien
marin *, mais que les silex qui y ont été découverts offrent des
caractères de taille accidentelle inférieurs à ceux observés sur
des échantillons qu'il m'a été donné de recueillir dans le lit d'un
torrent où des entre-choquements, répétés sur des blocs main-
tenus au fond de ce lit, avaient produit des éclats à concoïde de
percussion, disposés d'un même côté ^.
2^. — Sable vert noirâtre, glauconifère, landénien marin, que
j'ai décrit dans un récent travail présenté à la Société belge de
géologie ^.
2^. — Conglomérat de galets verdis formant la base du landé-
nien marin.
1°. — Tufeau de Saint-Symphorien.
Le phosphate riche (i^) ne s'est, en général, développé dans la
région que sur la craie brune ; toutefois, M. J. Houzeau de Lehaie
et moi en avons découvert récemment, disposé en poches, à
la surface du tufeau ^.
i^. — Craie brune phosphatée.
Il résulte des observations dont je viens de vous donner le
résumé sous forme de coupe et de légende que l'on possède main-
^ Sur rdge des silex éclatés et ébréchés recueillis à Havre et Saint-Symphorien dans les
sables ^lauconifèî'es inférieurs au limon stratifié quaternaire. — Tome VIII du Bulletin
de la Société d'anthropologie de Bruxelles.
2 Observations nouvelles sur la taille accidentelle des roches (résumé). — Tome VIII
du bull. de la Soc. d'anth. de Brux.
3 Note sur les formations quaternaires et éoliennes des environs de Mous. — Tome IV
du Bull, de la Soc. belge de géologie.
'* Nous ne serions pas éloigné de croire que ce phosphate, disposé au-dessus du
tufeau, doive son origine à la transformation du dépôt de craie brune phosphatée
qui se serait effectuée sous l'action des courants à l'époque quaternaire. Les courants
de cette époque ont du reste raviné la craie phosphatée que l'on retrouve en place
dans le voisinage.
— 152 —
tenant, dans le bassin de Mons, des couches mesviniennes bien
définies, u Un mesvinien tangible sur lequel on peut discuter et
concentrer les efforts des chercheurs » ainsi que l'a dit M. Rutot
dans son remarquable rapport sur les travaux de la première
section du Congrès de Liège.
En supposant même que les découvertes futures viennent
démontrer que la faune du Mesvinien ne diffère pas de celle du
diluvium ou du dépôt caillouteux à silex acheuléens et moustériens,
il faudra dans tous les cas admettre que les débris de l'industrie
mesvinienne /wr^, ne se retrouvent qu'à un niveau géologique
inférieur, et plus ancien, par conséquent, que le dépôt caillouteux,
considéré jusqu'ici comme formant la base du quaternaire dans
la région de Mons.
En terminant cet exposé^ je me fais un devoir de remercier
M. Plichart, le sympathique directeur des exploitations de
M. Hélin, pour l'obligeance avec laquelle il a facilité mes re-
cherches sur le terrain.
Emile de Munck.
Séance mensuelle du mardi 4 novembre I890.
Présidence de M. le comte F. van der Straten-Ponthoz, président
a séance est ouverte à 8 heures.
Quarante-trois membres sont présents ^.
M. le secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la dernière
séance. {Adopté.)
Correspondance. — La Commission administrative des Hospices civils
d'Ixelles fait connaître qu'elle a transmis à l'administration communale
d'Ixelles notre demande au sujet du règlement des frais résultant des
fouilles faites à Anderlecht.
M. Van Bastelaer remercie pour les félicitations qui lui ont été adressées
à l'occasion de sa promotion dans l'ordre de Léopold.
M. le baron de Loë lit une lettre de M. le comte Goblet d'Alviella, con-
tenant d'intéressants renseignements sur une tombelle dite Mofte de la Belle-
Alliance, située à la limite des communes de Court-Saint-Etienne et de
Bousval.
Dons et envois reçus. — M. le comte van der Straten-Ponthoz. —
Hache à douille de l'époque du bronze, provenant de la Bretagne. (Château
de M. le comte de Lambyllie.)
1 Ont pris place au bureau ; MM. le comte van der Straten-Ponthoz, Destrée,
P. Combaz, P. Saintenoy, baron de Loë, de Raadt, Plisnier, Paris et De Schryver.
2 Ont signé la liste de présence : MM. E. Baes, C.-A. Serrure, vicomte Desmaisières,
Puttacrt, comte de Nahuys, de Behault de Dornon, Schweisthal, De Proft, Dens,
De Passe, Lavalette, Delevoy, Titz, Michaux, Lefèvre, Rutot, De Schodt, Van Ha-
vermaet, Lopez Mendez, Mève, Weckesser, G. Saintenoy, Muls, J. Petit, De Beys,
Buysschaert, Nicod, Chrbaut, Dillens, Diericx de Ten Hamme, Donny, Ranschyn,
Van der Linden et Aubry.
— 154 —
M. Casse. — Plusieurs bombes trouvées dans les fouilles de Nieuport,
M. le comte Goblet d'Alviella. — Photographie, prise par lui, de la
Moile de la Belle- Alliance.
M. le baron de Loë. — Jeton en bronze destiné à rappeler le Congrès
<ie Brive (Corrèze.)
M. Delevoy. — Un boulet (?) provenant du château de Gaesbeek.
Elections de membres. — MM. J. De Becker, G. De Cock-Rutsaert,
J. Peeters, L. Schaeken, F. Tihon, L. Van Hassel et H. Van Hoof, sont
nommés membres effectifs.
Exposition. — Fac-similé d'un reliquaire du xii« siècle, exécuté par
M. Wilmotte (M. Destrée.)
Photographies de Dieghem, Saventhem, Winxele et Herent (nouvelles
épreuves de la collection photographique de la Société.)
Miniature exécutée par Simon Boening (1530) (M. Destrée.)
Communications.
Rapport sur les sondages exécutés au Senéca-berg de Borght-lez-Vil-
voRDE. — M. le baron de Loë communique à l'assemblée le résultat de
ceux-ci et conclut à l'opportunité d'y pratiquer des fouilles méthodiques.
Remarques sur l'architecture anglaise du moyen âge et de la renais-
sance. — M. P. Saintenoy donne lecture d'un travail portant ce titre et
fait circuler de nombreuses photographies de monuments anglais.
Abandonnons l'art architectural de l'époque saxonne ; ce qui en reste
n'est réellement pas assez capital. Nous ne pourrions d'ailleurs, dit-il, en
parler avec compétence, n'ayant pas eu occasion d'en voir un spécimen im-
portant. Nous ne le regrettons guère, car la lour d'Eaiis Baiioii church 1, citée
comme vestige notable de ces temps reculés, ne présente qu'un exemple
d'art de décadence ou plutôt de tâtonnements. Il en est de même de la tour
de Téghse Saint-Benedict à Cambridge ^ que nous avons vue et qui ne
présente d'intéressant qu'un arc ^ d'une construction curieuse, mais gros-
sière, placé sous le clocher. La vieille tour d'éghse dQ Dover-Caslle, qu'il nous
a été donné devoir également, est peu importante pour l'histoire de l'art.
Elle est attribuée à l'époque romaine, mais fut fondée vraisemblablement
par Eadbald, roi de Kent, dans la première moitié du vii^ siècle. (H.
Bloxam, Die Mittelalterliche Kirchen-Baukunst in England. Leipsick, 1847, p. 54,
pi. m.)
Il est pourtant possible que les dévastations commises par les Danois,
1 S. T. H. Parkes, Sluày in Gothic Architecture. London, Winsor and Newton,
1885, p. 13.
2 G. M. Humphry. m. D. ; F. R. S. Guide to Cambridge. Cambridge, Spalding,
i86, p. 37.
3 S. T. H. Parkes, op. cit., p. 15.
— 155 —
. ixe siècle, aient fait disparaître des monuments intéressants. Il est en
effet rapporté par Bède le Vénérable que des constructeurs étrangers
furent appelés au vii'^ siècle (680) par Tévêque Benedict, généreux protec-
au
Cathédrale de Canterbury ; abside (xin*^ s.) ^.
^ Les clichés de ce résumé nous ont été obligeamment prêtés par l'Émulation,
organe de la Société centrale d'Architecture de Belgique ; le travail de M. Saintenoy
a été publié in extenso par cette revue dans ses numéros 2 et 3, 1891, tome XVI. —
E. Lyon-Claesen, éditeur, Bruxelles. (Note de la Rédaction).
- 15^ -
teur des arts, pour élever des églises en pierre « dans la manière des
Romains » (in the Roman manner) ^, au monastère de Jarrow 2 et à l'ab-
baye de Monk-Wearmouth ^.
Cette expression était d'ailleurs commune pour désigner tout ouvrage
en maçonnerie, puisqu'au commencement du vi® siècle Cassiodore I^"^, mi-
nistre de Théodoric, recommande que dans les constructions nouvelles, la
splendeur de \^ fabrique romaine ne soit point laissée en oubli; ce qui, d'après
les prescriptions du même auteur, s'applique aux constructions en maçon-
nerie, par opposition, sans doute, à celles en bois ^.
Ces monuments étaient peut-être plus intéressants que les rares vestiges
qui nous restent de ces époques reculées.
Cependant, dès lors, l'architecture avait, au pays des Angles, un carac-
tère spécial qui rend les monuments de cet âge très différents de ceux du
continent. Cela s'explique d'ailleurs facilement si l'on songe que les
Romains n'ont laissé là-bas que peu de monuments importants et que les
fragments de sculpture que l'on trouve dans les ruines de ceux-ci sont en
nombre minime.
Les artistes anglais du haut moyen âge n'avaient donc pas là d'exemples
à imiter, comme c'était le cas de leurs contemporains des contrées plus mé-
ridionales ; livrés à eux-mêmes, obligés de puiser dans leurs traditions
artistiques, ils produisirent par conséquent des monuments empreints de
leur génie propre. C'est ce qui explique le caractère spécial des monuments
dits saxons.
Après la conquête (1066), les Normands, qui élevaient des monuments
si remarquables dans la vallée de la Seine, apportèrent en Albion une ar-
chitecture toute formée, sure d'elle-même, possédant une technique et des
formules acquises par une expérience déjà longue de l'art de bâtir.
<c Ce ne fut point — dit avec raison M. Vitet dans son excellent mé-
« moire sur rart du moyen âge en Angleterre — par une imitation lente et
« successive que la grande architecture du xi^ siècle prit naissance en An-
ce gleterre ; ce fut par une véritable transplantation. Les Normands y
« port;rent leurs cathédrales pour ainsi dire toutes bâties, comme Le
« Nôtre plantait sur là terrasse de Marly les grands arbres de la forêt ^. »
Toutes ces églises normandes, — et elles sont nombreuses, puisque sur
1 Ihid.y p. 12.
- A 24 kilomètres N. E. de Durham, patrie de Bède le Vénérable.
3 A l'embouchure de la Wear, à l'ouest de Sunderland.
^ Blavignac, Histoire de V Architecture sacrée du iv« au x® siècle, dans les anciens évé-
chèsde Genève, Lausanne et Sion, Paris, Didron ; 1853, P* 8-
^ L. WiTET, Études sur V histoire de V art. Paris, Michel Lév}', 1866. — Deuxième
série, p. 271.
— 157 —
vingt-deux cathédrales qu'il y a en Angleterre, quinze conservent des par-
ties considérables de ce style — sont remarquables par un sentiment de
grandeur qui se retrouve d'ailleurs dans les églises de Normandie. On di-
rait que le vainqueur a voulu étonner et saisir les populations anglo-
saxonnes par un faste et un luxe grandioses, suivant en cela les traditions
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Cathédrale d'Ely ; façade principale (xu" s.)
des Romains, dont c'était là une des régies de conduite à l'égard des peuples
conquis.
Cette ressemblance de la cathédrale anglaise avec sa sœur française
n'est pas absolue pourtant, car il s'est produit, après la conquête, un hit
prouvé pas mal de fois : le vainqueur apportant son art dans le pays coa-
- 158 -
quis, le voit s'imprcgncr petit à petit de l'art du vaincu. C'est ainsi qu'on
peut suivre cette sûre conquête du génie normand par les principes d'art
saxon, conquête qui a produit, dés le milieu du xii® siècle, une école d'art
se rapprochant encore de l'art du xii® siècle des Gaules, mais ayant avec
celui-ci des caractères bien autrement tranchés que, par exemple, l'art
gothique primitif allemand avec son congénère français.
Prenons un exemple: la façade de la cathédrale d'Ely date de 1174 à
1197 ; comparons-la avec la façade d'une éghse normande contemporaine,
l'église de l'abbaye aux hommes à Caen ou l'église abbatiale de Saint-
Georges de Boscherville, et de suite nous suivrons l'énorme marche des
constructeurs anglo-normands, dans le sens de la personnalité de leur
art.
Tandis que le parti pris général des nefs reste sensiblement le même
dans ces édifices, que leurs absides restent hémisphériques, qu'ils sont
ornés d'une tour centrale, les élévations deviennent différentes ; à mesure
que le Normand de France accuse l'acuité de ses toitures, faisant présager
les flèches ogivales, l'Anglo-Normand abaisse les siennes. L'un voulant
saisir par la silhouette, l'autre par ses masses. Les façades principales des
premiers sont curieuses de sveltesse de ligne, et de tendance verticale qui
semble donner une élévation que l'on ne retrouve pas chez l'Anglo-
Normand ; ici; au contraire, l'usage de lignes horizontales parallèles dans
la conception générale, la répétition horizontale d'éléments semblables
alourdit considérablement, mais saisit par l'ampleur et le majestueux de
l'ensemble.
Les façades occidentales normandes sont ornées de deux tours couron-
nées de flèches aiguës ; à Ely, au contraire, une tour unique indique la
façade principale.
Les toitures mômes sont supprimées sur les tours, et, en place de
flèches, une terrasse crénelée, munie de meurtrières, semble rappeler aux
misères de cette vie, tandis qu'en suivant les lignes des façades françaises,
la pensée s'envole vers des régions plus éthérées. C'est là chose étrange
que de voir cette même race normande, conquise en France par l'i-nfluence
méridionale, par le génie des constructeurs de l'Ile de France, tandis qu'en
Angleterre, saisis par les races anglo-saxonnes, les descendants des preux
compagnons de Guillaume le Bâtard transforment les principes d'art appris
sar le continent et parviennent, en moins d'un siècle, à créer un art très per-
sonnel et tout aussi impressionnant — s'il est moins correct — que celui
qui s*épanouit aux bords fleuris de la Seine, de Mantes à Jumièges.
Cette merveilleuse et maîtresse qualité d'assimilation que possédaient
les Normands vient se prouver par un troisième exemple tout aussi frap-
pant. Nous voulons parler des édifices bâtis par les descendants de Guil-
— 159 —
laume de Hauteville et de Robert Guiscard dans leurs conquêtes de l'Italie
méridionale et de la Sicile. Certes, dans tous ces monuments, nous don-
nons une large part au génie des Maures et des artistes grecs — restes des
-J-'ortail dit de Galilée, à la cathédrale d'Hly, élevée vers 121^.
— i6o —
colonies des Doriens, — mais cela n'empêche pas que les Normands, en
s'attribuant ces principes artistiques, surent y imprimer le cachet de leur
personnalité. Les monuments bâtis dans les années qui suivirent la con-
quête de la Sicile ne sont pas les descendants directs de ceux qui sont an-
térieurs à la descente des Normands dans l'ile.
Nous verrons à la naissance du s&mi-rwnnan-styk (fin du xii® siècle),
l'architecture anglaise prendre son essor, sûre d'elle-même, et se diversifier
encore davantage.
On place la naissance de la forme ogivale en Angleterre sous le règne
de Henri II et de Richard I®% autrement dit Cœur de Lion, soit de 1159
à 1170 1.
Cela correspond à peu près à la date de fondation de la' cathédrale de
Canterbury, commencée en 1175 et complétée en 1184^.
Cependant ces dates ne sont pas rigoureuses.
On trouve à Hyde Ahhey des exemples d'ogives qui ne peuvent pas être
reportés au delà de 11 34 ^. C'est là un spécimen quelque peu isolé, car il
faut aller jusqu'en 1171 pour en retrouver un second dans les voûtes éle-
vées par l'archevêque Roger, à York ^.
Encore ces exemples sont-ils plutôt de transition, et nous aimons
mieux dire — tout en nous rangeant de l'avis de ceux qui prétendent que
l'art anglais aurait eu également son ère ogivale, s'il n'y avait pas eu
importation étrangère — que le premier édifice bâti réellement d'après
les principes gothiques, est l'abside de la cathédrale de Canterbury.
Chose bien compréhensible dans ce pays d'élection des traditions
vivaces et fortes, la transition s'opère comme à regret. On retrouve ainsi
des ornements romans sur une architecture ogivale, tandis que des mou-
lures gothiques décorent ailleurs des archivoltes en plein cintre.
Raphaël et Arthur Brandon ont signalé ce fait à Nezu-Shoreham Cburch,
dans le Sussex, Saint-Peters-Church, à Orpington, dans le Kent, etc. ^.
L'abside de la cathédrale de Canterbury est franchement française, et le
passage de Guillaume de Sens y est très nettement accusé. Il y a imité
l'abside de la cathédrale de Sens (s'il n'est pas l'auteur de celle-ci), et
quoiqu'il ait eu comme successeur, après cinq années, un maître des
œuvres, William de nom, Anglais de nation, petit de corps, mais probe et habile dans
i S. T. H. Parkes, Op. cit., p. 11.
2 Ihià., p. 37.
3 Scottisch EcchsiaUvcal Architecture ; presiàential address deîivered hefore the Edinhur^h
Architectural Association. — Nov. 1886, par Hipp. J. Blanc. F. S. A. Scot, The
Brisiish Architect, 1886, Dec, p. 642.
^ Ibid., p. 642.
5 R. et À. Brandon, Analysis of Golhic Architecture. London, David Boque,i849,
t. I, p. 44.
— i6i —
toutes sortes d'art, il est certain que c'est là un art importé totalement, et
que William l'Anglais n'a fait que suivre les plans de son éminent confrère
du continent.
On sent que celui-ci a été gêné dans sa composition, par la nécessité de
conserver les murs extérieurs de l'église romane d'Ernulf, et d'asseoir les
piliers de sa nef sur ceux de la crypte respectée par l'incendie de 1174.
Cathédrale d'Ely. — Travée de l'abside rebâtie sous l'évêque Norlhwold,
de 1229 à 1254.
Le parti n'est pas franc, surtout dans l'allongement du chœur.
Mais en laissant tout cela de côté, il est indéniable que c'est là un.
morceau d'architecture française posé en pays britannique et marquant le
premier pas d'un art promptement absorbé par le génie propre des Anglo-
Normands, qui le transforment et en font le Early oiglisJ} style.
Bientôt s'élèvent le Temple CJmrch à Londres (1185), le porche de la
cathédrale de Durham (1180-1187), le chœur de la cathédrale de Lincoln
11
— l62 —
(i 192-1200), la cathédrale de Salisbury (1220-1258), la façade orientale de
la cathédrale de Wells, etc.
D'après PuGiN, le type le plus complet de ce style est la cathédrale de
Salisbury, que nous venons de citer.
Plus tard, le génie normand absorbe absolument les principes puisés en
France, et crée un art entièrement autochtone. La révolution ne s'opère
cependant que par transition.
C'est ainsi que Westminster abbey, commencée en 1245, Lincoln cathedra!,
terminée en 1305, etc., sont encore influencées par l'art français. Cet art
si simple, si élégant, devient compliqué et surabondant. Ses profils si nets
se perdent en des détails superflus. La profusion d'ornements, que nous
avions également remarquée lors d'une précédente étude sur les cathé-
drales de Normandie, le manque de « repos » dans la composition, font
sentir tous leurs efl"ets. Les réseaux ou fenestrages des verrières se com-
pliquent. L'ogive, si belle et si gracieuse, s'abaisse et tend à former plus
tard Tare parabolique, ou encore l'arc aplati à quatre centres, connu sous
le nom d'arc Tudor. Les lignes horizontales disparaissent des ensembles, et
les verticales dominent. Les chapiteaux sont, souvent, profilés par des
moulures unies sans ornements.
A partir du xiv^ siècle, l'architecture anglaise est devenue absolument
nationale, caractère qu'elle conservera pendant deux siècles.
Le decorated style, surtout en honneur sous Edouard II et III, et Richard II
(1307 à 1377), et dont nous venons de donner les caractéristiques, eut
comme successeur le perpendiciiJar style, -en usage fort longtemps, puisqu'on
en compte des exemples depuis Henri IV (1399) jusqu'à Henri VIII
(t 1547)-
C'est surtout dans ce style que sont bâties les cités universitaires, que
nous aurons à étudier par la suite.
Chose fort curieuse en ce pays du brouillard et de la pluie, les nefs sont
généralement couvertes par des toitures aplaties comme dans nos contrées,
à l'époque romane. Les exemples de toitures aiguës sont rares, et les
créneaux dont sont garnis si souvent les chéneauxdes édifices,. même reli-
gieux, présentent ainsi, sur un fond de ciel, la dentelure de leurs merJons.
Cela donne à tous ces monuments une apparence militaire, convenant
bien à l'architecture d'un peuple conquérant en pays conquis ; c'est la
caractéristique, d'ailleurs, de tout cet art normand, altéré par des croise-
ments anglo-saxons.
Ce qu'on ne trouve que rarement en Angleterre, c'est le style flam-
boyant.
A partir du xiv^ siècle, en effet, la branche anglo-saxonne de la famille
normande se sépare totalement du rameau français. La décadence fut
— i63 —
longue, car ce n'est guère avant la seconde moitié du xvii^ siècle que le
style classique conquit le sol anglais.
Chapelle de King's Collège à Cambridge (in du xvc siècle).
— 164 —
Encore, cette victoire ne devint-elle complète que beaucoup plus tard *.
Tout au contraire, après le style Tudor (Flon'd English), nous apparaît
VElisahetham style, qui puise largement dans les traditions nationales anglo-
normandes, tout en faisant part à l'influence gréco-latine par l'emploi de
certaines parties des ordonnances antiques.
Un Italien, le sculpteur Pietro Torregiano, de Florence, est cependant
appelé, dès t 512, par Henri VIII, pour faire à Westminster le tombeau
d'Henri VII, mais cet exemple reste isolé, bien que Torregiano (Petir
Torrysany), fît, de 15 16 à 15 19, un riche dais ou ciborium {canopy) ainsi
qu'un autel, et en 15 18, la tombe de Henri VIII lui-même et de Catherine.
Ce dernier monument, un quart plus grand que celui de Henri VII, lui fut
payé 2,000 livres sterling, somme énorme pour l'époque ^.
Ce n'est que beaucoup plus tard que Giovanni di Padua, qui a proba-
blement travaillé à Longleat House ^ et à Holmby, et Théodore Havens
ou Havenius de Clèves, qui fut, dit-on, quoique ce ne soit point prouvé ^,
l'architecte de h Gâte vf honoiir âu Cajus Collège de Cambridge, introdui-
sirent réellement la Renaissance en Angleterre.
Havenius travailla à Caj us Collège de 1565 à 1574 et fit, croit-on, le por-
tique mentionné plus haut en cette dernière année.
Inigo Jones avait alors deux ans, puisqu'il était né en 1572. A titre de
comparaison, disons que Vignole était mort depuis un an et Palladio
depuis trois, ainsi que Ta fait justement observer James Fergusson ^ pour
montrer que la Renaissance a été importée en Angleterre par la tendance
générale des esprits à étudier les littératures et l'art de l'antiquité, fait qui
est général à toutes les races germaniques.
Cependant, pour adopter une comparaison du même auteur, il y a aussi
loin de Vlliade ou même de V Eue! de au Paradis perdu, que du Parthénon
à l'église Saint-Paul ^.
Après avoir bâti sous Elisabeth, Kenilworth, Leicester Castle et des
adjonctions à Windsor qui ne sont qu'une déviation (le mot est de Fer-
gusson) de l'art britannique ne dénotant pas encore l'art de Pavenir, l'école
d'architecture anglaise entre dans une nouvelle voie avec Inigo Jones.
Celiàhci est né, comme nous l'avons dit, en 1572 et mort en 1652.
ifERGUSSON (James), F. R. I. B. A. History of the modem style oj architecture. L^n-
don> Murray, 1862.
2 Journal of proceedings, R. I. B. A. 1888, p. 102.
3 Bâti de 1567 à 1579 (Fergusson, op. cit., p. 250).
* Si les comptes du collège renseignent le nom de Havenius, ils. tx<^ di^at point sa
part dans la construction,
6 Fergussox, op. cit., p. 242.
^ Ihià., p. 243.
- i65
L'art architectural anglais, confiné depuis la Rétbrnie, dans les travaux
civils et privés, puisque le catholicisme avait laissé à l'église anglicane,
plus d'églises qu'elle n'en avait besoin, reprend vers cette époque la con-
struction des temples religieux. C'est ainsi qu'on cite, comme un fait
extraordinaire, l'érection de Covent Garden church à Londres, en 1641, par
Inigo Jones.
Après le grand incendie de 1666, Christophe Wren en bâtit en grand
nombre, satellites de Saint-Paul, qu'il réédifie également ^.
Avec le régne de Jacques I" et sous l'influence de ces idées nouvelles
naît l'architecture connue sous le nom de Jacohean style.
Celui-ci se fait naturellement remarquer par une grande prépondérance
des ordres antiques, mais l'architecture anglaise persiste quand même.
Celle-ci triomphe momentanément à la fin du siècle passé, mais avec le
Gothic revival du commencement de ce siècle, l'architecture anglaise est
venue définitivement à une tendance nationale qui l'a conduite aux beaux
monuments élevés de nos jours par nos puissants et riches voisins d'outre
la mer du Nord.
Wren bâtit Saint-Paul
à Londres, la biblio-
thèque de Trinity Col-
lège (1676), la chapelle
de Pembroke Collège à
Cambridge ( 1663 ) ,
mais il élève à Oxford,
l'entrée de Christ church
Collège (Tom Tower) en
gothique.
Et c'est ainsi que
plus tard le Queen Aime
style nous montre, en-
core vivaces, les tradi-
tions nationales exis- Merton-Colles^e, Oxjord,
tant côte à côte avec l'école classique.
Pour que l'on puisse mieux se rendre compte de la concordance des
divisions principales apportées dans l'architecture du moyen âge, par la
science historique anglaise, avec les subdivisions généralement adoptées
en France et en Belgique, M. Saintenoy montre le tableau dressé par son
confrère M. Lawrence Harvey, dans son article sur rarchilecture anglaise de
la magnifique Encyclopédie de l'Architecture et de la Construction, publiée par
M. P. Planât. Le voici :
^ Fergusson, op. cit., p. 246
-- i66 —
Tableau comparatif des styles en France et en Angleterre
France.
Angleterre.
996 Robert le pieux.
[033 Henri 1.
i\
1060 Philippe I.
1108 Louis VI.
II 37 Louis VII.
'Si II 80 Philippe II.
1'
eu;
•^ I 1225 Louis VIII.
^ f 1229 Louis IX.
1279 Philippe III.
1286 Philippe IV.
13 16 Philippe V.
1322 Charles IV.
< 1328 Philippe VI.
1350 Jean IL
1364 Charles V.
1380 Charles VI.
1422 Charles VIL
1461 Louis XL
;; ( 1485 Charles VIIL
3 1498 Louis XIL
o
O
1515 François I f 1547.
950
1000
1050
IIOO
II 50
1200
1250
300
1350
1400
145
160
1650
1066 Guillaume 1.
1087 Guillaume IL
1089 Henri I.
155 Etienne.
IIS4 Henri IL
11 89 Richard I.
1190 Jean.
12 16 Henri IL
1272 Edouard I.
1307 Edouard IL
1327 Edouard III.
1377 Richard II.
1399 Henri IV.
141 3 Henri V.
1422 Henri VI.
1461 Edouard IV.
148} Edouard V.
1483 Richard III.
1485 Henri VIL
1509 Henri VIIL
1547
â
o
(U
1
§
o
a
«>
-Transition.
i*"® époque, lancette
simple.
'2^ époque, lancette
et colonnette.
)"'
00
a
eu
(U
' — 167—
Au moyen de ce tableau, on peut facilement se rendre compte de la
concordance des styles dans les deux pays.
Le Congrès du Livre, a Anvers. — M. Titz rend compte des travaux de
ce Congrès.
Reliques trouvées a l'église paroissiale d'Hastières-Notre-Dame. —
M. Dens lit une note sur ces reliques.
Les monnaies légionnaires de Marc-Antoine. — M. Alph. de Schodt,
avant de commencer une lecture sur les deniers légionnaires de Marc-
Antoine, s'exprime, à peu près, comme suit :
La numismatique de la famille Antonia est nombreuse ; elle est, de plus,
remarquable non seulement par la variété des sujets mythologiques et
historiques, et par les portraits de famille qu'elle représente, mais encore
par la réunion des espèces, des modules, poids et valeurs, qu'elle nous a
laissés.
Sous ce dernier aspect, elle offre : pour l'or, le nummus aureus (25
deniers d'argent) ; pour l'argent, le denarius, qui valait dix as, portés
ensuite à seize, et le quinarius^ qui valait la moitié du denier ; plus le cisto-
phorCy médaillon d'argent ou tétradrachme, de fabrication asiatique, ainsi
nommé de son type de la ciste bacchique, d'où s'échappe un serpent {cista
mystica).
Pour le cuivre, on connaît le sesterce, quart d'un denier d'argent ou
pièce de 4 as, et les pièces de 3 as, de 2 as, d'un as et d'un demi-as {semis)^
et, dans cette catégorie, sont classés le médaillon de bronze, le grand, le
moyen et le petit bronze. A l'époque de Marc-Antoine, l'as valait près de
6 centimes de notre monnaie.
Les aurei de l'époque de la République romaine sont, en général,
très rares ; mais la famille Antonia en fournit relativement un bon contin-
gent. Sauf sur quelques deniers des légions et un seul autre, ils font
voir tous l'efîigie du triumvir, soit qu'ils se rangent dans la famille Anto-
nia exclusivement, soit qu'ils prennent place aussi dans d'autres familles,
telles que Barbatia, Clodia, Cocceia, Domitia, Gellia, Julia, Livineia, Mu-
natia, Mussidiaet Vibia.
Puis, en ce dernier cas, l'argent et le bronze apparaissent également
dans les familles Barbatia, Calpurnia, Cocceia, Domitia, Fonteia, Julia,
Junia, Munatia, Oppia, Pinaria, Sempronia, Sepullia, Sosia, Turillia et
Ventidia.
On trouve, sur les monnaies d'or, d'argent ou de cuivre, outre l'effigie
du triumvir, soit à côté, soit en face de lui ou au revers, les tètes sui-
vantes :
Jules-César (après sa mort) ;
Lépide ;
— i68 —
Octave ;
Fui vie ;
Octavie seule ;
Octavie et Octave ;
Cléopàtre ;
Marc-Antoine, fils, dit Antylle ;
Caius Antonius, frère de Marc-Antoine ;
Lucius Antonius, autre frère.
On voit, en outre, la tête de Fulvie seule sur l'un des deux quinaires
mentionnés plus bas, sortis de l'atelier de Lyon, et sur un aureiis de la ville
de Fulvia, en Phrygie*
Le Soleil est quelqufois représenté par image ou par symbole sur les
monnaies de Marc-Antoine. On y remarque Jupiter-Ammon, qui s'iden-
tifie avec le Soleil et dont les cornes figurent, dit-on, les rayons du soleil.
Si, d'autre part, on remarque aussi, sur deux quinaires de l'atelier de
Lyon, déjà cité, un lion, c'est que cet animal était, en même temps que
Tembième de la force et du courage, qualités maîtresses du triumvir, un
symbole du Soleil, divinité pour laquelle Marc-Antoine avait un culte par-
ticulier. Il est vrai qu'il adorait, de même, le joyeux Bacchus. Il y a plus, il
se faisait passer pour le nouveau Bacchus, et des médailles montrent sa tête
ornée de lierre, ou la statue du dieu du vin, posée sur la ciste consacrée.
Or, le Bacchus regardé comme fils d'Ammon ne se confondait-il pas avec
Osiris « l'unique » {Neb-er-djer), dont la manifestation matérielle est le
soleil ? D'un autre côté, le lion est évidemment une allusion à son illustre
vainqueur, Hercule, le grand ancêtre dont Marc-Antoine prétendait des-
cendre par Anton ou Antéon, fils du héros. Sur un aureus d'Antoine, Antéon
est représenté couvert d'une peau de lion et assis sur des rochers. Dans la
guerre des géants, Bacchus se transforma en lion. Antoine, suivant Pline
(viii, 16, 20), est le premier qui ait attelé des lions à un char, et il se
faisait traîner par eux. La ville de Lyon a encore aujourd'hui un lion
comme armes parlantes. Les quinaires à son nom ont ceci de remarquable
qu'on y lit Page du triumvir (40 et 41 ans), chose tout à fait exception-
nelle en numismatique.
On possède aussi de Marc-Antoine des monnaies frappées dans plusieurs
colonies grecques (Alexandrie, Aradus, Balanée, le Pont, etc.), et dans des
colonies latines (Carthago Nova, Corinthe, Zacynthe, Parium, etc.)
M. de Schodt fait ensuite sa lecture sur les deniers légionnaires. Cen*est,
dit-il, qu'un extrait du Catalogue commenté et raisonné, qu'il prépare de
la collection de monnaies consulaires, donnée à PÉtat par feu M. Emile de
Meester de Ravestein. Voici, en résumé, ce que contient cette lecture :
Il s'agit de monnaies que le triumvir a fait frapper pour la solde de ses
— 169 —
troupes, qu'il affectionnait beaucoup. Ces pièces ont, probablement, été
émises en l'an de Rome 722 (avant J.-C. 32) et au commencement de 723
(33), pendant les préparatifs de la guerre qui se termina, entre Antoine et
Octave, à Actium, et qui valut au second l'empire du monde romain.
Les deniers ordinaires se décrivent comme il suit :
ANT. AVG. III. viR. R. c. P. (^Anloiiius, augiir tiiumvir Tcipublica constituenda).
Galère prétorienne à la voile.
Rev. LEG. PRi (kgionis prima;). Aigle entre deux enseignes militaires.
Les types font allusion, d'une part, aux forces terrestres, et, d'autre
part, aux forces maritimes de Marc-Antoine.
Ici la numismatique vient suppléer à l'histoire, trop avare sur le sujet.
Elle nous apprend qu'Antoine était à la tête de trente légions. Ajoutons, à
ce chiffre, les cohortes prétoriennes et les courriers appelés specidatores, qui
ont eu leurs monnaies spéciales.
Chaque pièce ordinaire est marquée d'un nombre (pri, ii, m, etc. jusqu'à
xxx). On trouve deux fois les légions 4 (un et iv), 9 (viiii et ix), 12 (xii et
XII antiqua), 14 (xiiii et xiv), 17 (xvii et xvii dassica) et 19 (xviiii et xix),
et trois fois la 18® légion (xviii, xviii Libyccc, xiix). Un denier de Scarpus
(famille Pinaiià), lieutenant d'Antoine dans la Cyrénaïque, frappé au nom
de celui-ci et portant l'effigie de Jupiter-Ammon, indique la légion viii sous
l'aigle légionnaire.
Il existe des légionnaires d'Antoine une grande quantité de pièces
fourrées.
Q,uant aux monnaies d'or de ses légions, on n'en connaît que quatre (lé-
gions IV, VI, XIV et XIX).
Il existe également, pour la légion vi, un denier restitué par Marc-
Aurèle et Lucius Verus.
Le musée Correr possède de la légion xiv une variété en argent, offrant,
au droit, sous la galère, les lettres xz., et au revers, dans le champ, la
lettre x.
Enfin, plusieurs deniers légionnaires ont la contremarque de l'empereur
Vespasien imp ves, rarement ves. (kg. un, viiii, xii, xx, etc.)
Les SERMENTS DE NOS VIEUX ARCHITECTES. — M. de Raadt résum.e un tra-
vail de M. Jassin, portant ce titre.
M. Destrée croit à ce propos que M. Van Even, l'archiviste de la ville
de Louvain, a publié également un serment de Mathieu de Layens.
Communications diverses.
La villa Regia de Bladel. — L'ordre du jour étant épuisé, M. de
Raadt analyse un travail du Rév. M. Welvaarts, prieur-archiviste de
— 170 —
l*abbaye de Postel, à ce sujet, et présente quelques observations sur les
conclusions de ce mémoire * concernant la résidence des rois francs à
Bladel (Campine.)
Statue de sainte Marie-Madeleine. — M. Destrée fait circuler une
gravure d'une statue que M. Aimé Desmottes, le collectionneur parisien
si connu, vient d'offrir à notre Musée national.
Cette statue, qui a 60 centimètres de hauteur, représente sainte Marie-
Madeleine. Elle porte deux marques : le maillet à peine visible, poinçon
restitué naguère par notre confrère aux imagiers bruxellois, et une feuille,
poinçon propre au maître malheureusement anonyme, et a dû être poly-
chromée autrefois. C'est un spécimen de la sculpture en bois de Pécole
de Bruxelles, fin du xv® siècle.
Parlant ensuite de la dispersion des œuvres de nos artistes, M. le comte
van der Straten-Ponthoz dit qu'il a découvert en France, chez M. le duc
d'Audiffret-Pasquier. un rétable en bois qui proviendrait de l'église Saint-
Bavon de Gand.
Miniature de Simon Benning. — M. Destrée montre une miniature
représentant Jésus-Christ attaché sur la croix et exécutée en 1530 par
Simon Benning, enlumineur demeurant à Bruges, pour orner le missel
appartenant à la chapelle de l'ancien magistrat de Dixmude. Notre confrère
fait ressortir les mérites de cette intéressante production, qui a conservé
tout son éclat. Le paysage se recommande par beaucoup de finesse et
d'observation de la nature.
Reliquaire de l'église saint Servais a Maestricht. — M. Destrée sou-
met à Passistance le beau fac-similé d'un reliquaire en cuivre doré gravé,
repoussé et cisaillé, dû à M. Wilmotte. Cet habile praticien exécute pour
la fabrique de l'église collégiale de Saint- Servais, à Maestricht, la repro-
duction de quatre reliquaires qui faisaient partie autrefois du trésor de
cette église.
Dans un moment de gêne ou d'aberration, ces précieux monuments du
xii« siècle avaient été vendus à un marchand, lequel les avait cédés au
prince Soltikoff. Lors de la dispersion des collections du célèbre amateur,
l'État belge s'en rendit acquéreur dans d'excellentes conditions.
L'imitation des émaux anciens présente d'extrêmes difiicultés et récla-
me de la part de l'artiste qui se livre à cette ingrate besogne autant de
patience que de talent d'observation. M. Wilmotte, d'après M. Destrée, a
réussi à recouvrer la palette des anciens, mais, jaloux d'assurer la durée à
son travail, il ne craint pas de le soumettre à de redoutables épreuves. Il
^ Th. -Ion. Welvaarts,
(Dietsche fVarande, 1890.)
- 171 —
n'arrête un ton qu'après lui avait fait subir un bain prolongé dans l'acide
sulfurique. Si Pémail sort intact de ce milieu délétère, il conservera indéfi-
niment son état natif.Seuls les chimistes apprécieront ce qu'il faut d'énergie
et de travail pour user d'un procédé aussi vigoureux.
Il y aurait beaucoup à dire au sujet de la fabrication frelatée des émaux.
M. Wilmotte pourra se vanter, pour sa part, de n'avoir jamais eu recours
à des expédients, lesquels ne sont malheureusement que trop en vogue.
On ne saurait jamais assez encourager l'emploi des émaux exécutés
honnêtement et avec un goût prouvé. En procédant ainsi, on assure aux
œuvres, dit en terminant M. Destrée, une valeur considérable en leur con-
servant leur éclat d'une façon indélébile.
La séance est levée à lo 1/2 heures.
^
INSCRIPTIONS FUNÉRAIRES
LA PIERRE TOMBALE
DE LAURENT LE BLANC
GRAND ONCLE DE
LOUISE-FRANÇOISE DE LA BAUME-LE BLANC, DUCHESSE DE LA VALLIÈRE
A L'ÉGLISE DE NIEUPORT.
1 y a quatre ans, je venais de rentrer en Belgique,
après avoir été dans la Touraine, le Berry, TOrléa-
nais et le Blésois, étudier les délicates productions de
la Renaissance française, lorsque passant par Nieuport> je remar-
quai, sur un des contreforts de Téglise, à côté du baptistère,
une pierre tombale du commencement du xvif siècle dont il
me paraît curieux de m'occuper plus amplement.
Il s'agit de la sépulture d'un gentilhomme francoys du pays de
Tourayne, Laurens Leblanc, escuyer, sieur de la Gasserye, lequel
estant de retour d* Espagne et désireux de cognoistre les mœurs des
nations étrangères affïn de ce rendre plus capable de servir le Roy son
Souverain Seigneur, ce seroyt acheminé en Flandres près Monsieur de
— 173 —
Laboderye, enihassadeiir pour Sa Majesté près les Archiducs
[Albert et Isabelle] ^
Ce gentilhomme tourangeau avait fait au commencement du
xvii^ siècle, Tinverse de ce que je venais de faire !
Il était venu étudier nos contrées du nord, tandis que je venais
de visiter en « désireux de cognoistre les architectures estran-
gères, w ces belles contrées tourangelles.
C'est du moins ce qu'on peut conclure de son épitaphe.
La dalle funéraire mesure 0,83 "^ de largeur sur 1,03""
de hauteur et est taillée dans une tranche de pierre bleue
(petit granit). On suppose qu'elle a été posée à sa place actuelle
au commencement de notre siècle, lorsque Téglise subit de nom-
breux et regrettables changements intérieurs.
L'épitaphe est entourée d'un cartouche ovale qui dénote encore
le xvi^ siècle, bien que les enroulements du cuir perdent déjà de
leur fermeté.
M. Jules Lair blasonne à tort Técu des Le Blanc, coupé de
gueules et d'or au lion léopardé d'argent et de sable. Le sculp-
teur — semblerait avoir fait erreur en sculptant l'écu des Le
Blanc placé au-dessus de l'épithaphe coupé de gneides stir or y an
léopard lionne d^ argent et de sable de l'un en l'autre, sommé d'un
heaume avec ses lambrequins , mais il n'en est rien.
Relevons à ce propos une autre erreur de Rietstap celle-là,
qui dans son Armoriai général y I, p. 211, 2^ édition, blasonne les
armes des Le Blanc en disant :
(( Coupé de guetdes sur or au Lion de l'im en l'autre. f>
Ainsi que veut bien me le faire observer mon savant confrère,
M. le Comte M. deNahuys, cet auteur aurait-il décrit ces armoi-
ries d'après des données inexactes et pris ainsi le léopard lionne
pour un lion ?
Dans l'église d'Avcndre, sur une clef de voûte et sur un vitrail,
on trouvait les armoiries des Le Blanc. Celles-ci sont blasonnées
comme suit par l'Hermite Souliers : Léopard rampant la moitié
en iour (sic) et l'autre moitié en sable, posé en champ de gucidle (sic)
et or. Léopard rampant doit être pris ici pour léopard lionne.
^ Nous devons ce texte à l'obligeance de MM. l'abbé J. De Lescluze et de l'archi-
tecte Henri Bogaert.
- 174 -
M. Jules Lair, ancien élève de l'Ecole des chartes, dans son bel
ouvrage sur Louise de La Vallière et la jeunesse de Louis XIV,
(Paris, Pion, 1881, un vol. in-octavo, p. 422), donne des détails
intéressants sur les armoiries des La Baume Le Blanc de la Vallière.
Nous nous permettons de les insérer ici, car ils prouvent que de
nombreuses erreurs ont été commises sur cette question que nous
soumettons pour la résoudre à de plus compétents que nous :
u L*Hermite-Souliers^ dans son Armoriai général de la province
« de Tours (p. 335), décrit ainsi les armes de M^^^® de la Vallière :
« Ecu coupé de gueules et d'or au lion léopardé coupé d'argent
a et de sable, en support deux lévriers d'argent accolés de gueules
« et cloués d'or.
« Le P. Anselme {Hist, gén,, v. p. 474) varie quant à la dispo-
u sition : coupé d'or et de gueules au lion léopardé coupé d'argent
« et de sable.
Il y a là faute évidente, il faudrait au moins : coupé d'or et
d'argent.
u L'Etat de la France pour i66ç donne en description et en
a dessin un écu coupé d'or et de gueules au lion coupé de sable
« et d'argent.
« Le portrait édité par Bertrand avant 1673 montre un écu coupé
« d'azur et d'or. Le lion n'est pas assez bien gravé pour qu'on
u puisse reconnaître les marques héraldiques, y)
u Evidemment, Vazur était une indication erronée. Larmessin
« éditant ce même portrait un peu plus tard, corrigea cette faute
« et substitua les gueules à l'azur. Le lion est d'argent et de
« sable ^
« Les armes peintes sur le portrait gravé par G. Edelinck pré-
« sentent la faute qu'on a relevée plus haut : coupé d'azur et
« d'or.
« Même erreur dans les armes des portraits en religieuse édités
u par la veuve Moncornet et par Sevin en 1683. n
a Le portrait gravé par Chaulet, d'après celui d'EDELiNCK, n'a
« pas reproduit la faute commise par son modèle : l'écu est coupé
« de gueules et d'or au lion léopardé d'argent et de sable. »
^ Le portrait placé dans un ovale porte pour épigraphe : Lovise Françoise de la
Baume Le Blanc, duchesse de La Vallière, — à Paris chez P. Bertrand, rue Saint-
Jacques, à la Pôme (sic) d'or Près Saint Séverin, avec privil. du Roy.
— 175 —
Mais revenons à notre pierre tombale, tout en faisant observer
qu'il nous semble que dans ces descriptions, lion léopardé doit
être pris pour léopard lionne.
Pour le moment, elle est assez bien conservée, quoiqu'elle
soit exposée aux intempéries ; les lettres commencent pourtant à
s'effacer, car l'endroit où elle se trouve la met fort à la portée
des brutalités des gamins qui jouent sur la place et qu'on ren-
contre constamment aux abords de l'église.
Elle mériterait assurément d'être placée — ceci soit dit entre
parenthèses — dans un endroit où sa conservation fût assurée
et je me permets d'insister auprès des administrations compé-
tentes pour faire cesser cet état de choses.
Il existe un manuscrit en la possession de M'"® V^® Fr. Dejaegher
qui donne toutes les épitaphes de l'église de Nieuport de 1413 à
1780. Au moyen de ce document et par le témoignage du père
Anselme, on pourrait replacer la pierre tumulaire à son ancien
emplacement, c'est-à-dire, dans la chapelle de Notre-Dame.
Nous souhaitons donc que le transfert se fasse sans tarder.
Notre éminent confrère, M. Léon Palustre, directeur honoraire
de la Société française d'Archéologie, a bien voulu me signaler
une fondation de messe * à l'intention de Laurent. Le Blanc, dans
l'église de Reugny, édifice ^ des xii^ et xv^ siècles, agrandi et
réparé par les seigneurs de la Vallière au commencement du
xvn^ siècle.
Laurent II Le Blanc était fils de Laurent Le Blanc, che-
valier, seigneur de la Roche, seigneur de la Vallière, Reugny,
de la Gasserie, Orfeuil, baron de la Maison Fort, etc., qui
possédait la seigneurie de la Gasserie ^ dans la commune d'Au-
zouer, voisine de celle de Reugny, d'où dépend le château de
la Vallière \
1 Renseignée dans l'ouvrage du P. Anselmk, p. 490.
2 A 7 ou 8 kil. de Monnaie. 1 237*11. possède outre son église un pavillon (xve s.),
reste du château de la Vallière, berceau de la famille fA. JoamieJ. Ces restes du châ-
teau sont décrits par M. Jules Lair dans son ouvrage sur Mademoiselle de la
Vallière.
•^ Le P. Anselme le fait en outre seigneur de Choisy et de la Vallière.
* Il nous a été impossible jusqu'à présent de trouver la date de la naissance de
Laurent Le Blanc, ni de vérifier par son acte de décès, la date exacte de sa mort. Les
anciens registres paroissiaux de Nieuport, ainsi que veut bien me l'écrire M. de Roo,
— 176 —
Ce dernier château était la propriété des Le Blanc, ancêtres de
la douce recluse des carmélites de Chaillot, Louise-Françoise de
LA Baume Le Blanc, duchesse delà Vallière, fille d'honneur d'HEN-
RiETTE d'Orléans, maîtresse du Roi Louis XIV et petite-nièce de
Laurent Le Blanc dont nous nous occupons.
Mais il est bon pour établir ce détail, de rechercher quelques
détails généalogiques sur cette famille.
Les Le Blanc sont, paraît-il, originaires du Bourbonnais, et
seraient venus ensuite en Touraine.
Ce n'est réellement qu'à partir du xiv^ siècle que les généalo-
gistes, le P , Anselme *, le chevalier de l* HermitteSouliers ^ et
Aîibert de la Chesnate- Desbois ^ donnent des détails paraissant plus
certains.
Rapportons, d'après eux, quelques particularités sur les ascen-
dants et les descendants les plus directs de notre personnage.
Perrin Le Blanc, seigneur de la Baume, qualifié capitaine des
châteaux d^ Avendre et de Chaudesaignes (Cantal), dans un titre de
1487, a laissé de son mariage avec Jeanne d'Autour, cinq fils,
dont l'aîné a constitué la branche aînée des Le Blanc qui s'est
éteinte au commencement du xvii^ siècle.
Nous ne nous en occuperons pas, car notre personnage appar-
tient à la lignée cadette.
Commençons cette dernière par :
L Jean Le Blanc, 4^ du nom, chevalier, seigneur de la Vallière y
Reugny, Orfeuille, etc, baron de la Maison- Fort, maistre d* hôtel du
roi Henri II et de la reine Catherine de Médicis, général des finances
de la province de Touraine, etc.
Il décéda sans enfants de son mariage, fait le 20 juin 1569, avec
Charlotte Adam, l'une des filles d'honneur de la reine Cathe-
rine et fille de Jacques Adam^ cLevalier, seigneur de la Gasserie,
l'honorable bourgmestre lie cette ville, en date du 11 février 1890, ne remontent,
pour ce qui concerne les décès, qu'à l'année 1646. Laurent Le Blanc devait être peu
âgé au moment de sa mort, puisque lors du partage de ses biens, en 1607, sorr
frère puîné venait d'avoir sa majorité et que le cadet ne l'avait pas encore. (P. An-
selme, op. cit.)
'^Histoire généalogique et chronologique de la Maison Royale de Fiance y etc. y parle
P. Anselme. Paris, 1726-17 53.
2 Inventaire de l'histoire généalogique de la noblesse de Touraine et pays circcnvoisins, par
le chevalier de l'Hermitte-Souliers. Paris, mdlxix.
* Dictionnaire de la noblesse, par de la Chesnaye-Desbois. Paris, 1 770-1 786.
— 177 —
maître d'hôtel de la dite Reine, et d'Anne le Clerc, sa première
femme.
II. Laurent Le Blanc, chevalier, seigneur de la Roche, frère
puiné du précédent, dont il reçut les biens en héritage et parmi
ces derniers: la seigneurie de la V allier e ; épousa le 13 août 1577,
Marie Adam, morte le 5 septembre 1607 *.
De ce mariage sont issus :
a) Notre personnage Laurent Le Blanc, écityer, seigneur de
Choisy, de la V allier e et de la Gas série, mort sans avoir été marié 2.
b) Jean Le Blanc, chevalier, seigneur de la V allier e, de la Gas-
serie, Reugny, Boissay et Orfeuil, baron de la Maison-Fort, gouver-
neur de la ville et du château d^Amboise et du château de Tours;
obtint, en 1635, par lettres patentes du Ro}^ de porter les deux
noms de La Baume le Blanc ^; épousa, le 10 août 1609, Françoise
de Bauveau, fille de Jacques, chevalier, seigneur de Revau, baron
de Saint-Gratien et de Françoise le Picard, mourut le 27 mai
1647 K
c) Jacques Le Blanc, chevalier, seigneur de Montreuil et du Mou-
linet, etc.
Du mariage de Jean Le Blanc et de Françoise de Bauveau,
naquit :
Laurent de la Baume Le Blanc, né le 25 juin 161 1, qui épousa,
le 24 novembre 1640, Françoise le Prévost^.
De ce mariage naquirent :
aj Jean-François de la Baume Le Blanc, marquis de la V allier e.
' Par suite du second mariage de Laurent Le Blanc avec Louise Sautret, nièce
du président FoRGET, morte le 5 avril 1653, naquirent :
\. Pierre Le Blanc, seigneur de la Roche, mort sans enfants ;
n. Charlotte Le Blanc ;
IH. Geneviève Le Blanc ;
IV. Louise Le Blanc.
2 Le P. Anselme et l'Hermitte-Souliers affirment le fait, qui est rapporté éga-
lement, par M. Jules Lair, dans son intéressant ouvrage sur Mademoiselle de la
Vallière,
3 La terre de la Baume, apanage de la branche ainée alors éteinte de la famille
Le Blanc, était passée dans le domaine de la maison d'Ambrun'.
* J. Lair, op. cit.
^ Jean Le Blanc et Françoise de Bauveau eurent en outre plusieurs fils et filles,
parmi lesquels Gilles, qui devint évêque de Bordeaux, et Jacques, jésuite.
12
- 178 -
baron de la Maison-Fort, cornette commandant la compagnie de Mon-
seigneur le Dauphin, baptisé le 4 janvier 1642 et mort en 1676.
b) Jean- Michel- Emard de la Baume le Blanc, mort en bas âge.
c) Mademoiselle de la Vallière : la célèbre Louise-Françoise de
la Baume le Blanc, fille d'honneur de la duchesse Henriette d^ Or-
léans, duchesse de la Vallière, etc., etc., née le 16 août 1644, morte
le 6 juin 1710.
La famille de la Baume Le Blanc s'est éteinte dans la personne
de Louis-César de la Baume Le Blanc, duc de la Vallière, petit-
fils et petit-neveu des précédents, né en 1708 et décédé en 1780.
Ce dernier est fameux par les nombreuses collections qu'il avait
rassemblées dans son château de Montrouge.
* *
Donc, d'après les généalogistes auxquels nous empruntons, en
leur en laissant la responsabilité, ces détails généalogiques, Lau-
rent Le Blanc est réputé être mort au siège d'Ostende.
Cependant, il semble qu'un certain doute doive régner sur ce
fait.
La pierre commémorative de Reugny *, dont voici le texte,
affirme bien la chose, mais nous verrons tout à l'heure que le fait
n'est pas prouvé :
LAVRENS LEBLANC ESCV DE LA
GASSERYE ESTAT EN FLANDRES
AU SIEGE DOSTANDE Y MOVRVT
LE XV"'^ DE MARS l6o2 SES FRERE
A SO INTENON ONT FODE CEANS
VNE MESSE CHVN AN LE lO^ DE sÔ
DECEDZ ILYA COTRACT PASSE
PAR GALHOR NO^^ rqyAL ARVIGNY
LE XV^*E MARS 1603
Inscription funéraire de l'église de Reugny (Touraine.)
A Cette pierre mesure 0^35 de largeur sur 01045 de hauteur.
- 179 —
Donnons maintenant le texte complet de la pierre de Nieu-
port :
Cy devant Gist Lavrens Leblanc escvyer
SiEVR de la Casserye gentilhomme fran-
COYS DV PAYS DE TOVRAYNE LEQVEL ESTANT
DE RETOVR d'EsPAGNE DÉSIREVX DE CoGNOI-
STRE LES MŒVRS DES NATIONS ESTRANGÈRES
AfFIN de ce RENDRE PLVS CAPABLE DE SER-
VIR LE Roy son Sovverain Seignevr ce
Seroyt acheminé en Flandres près
Monsieur la Boderye Embassadevr
Pour sa Mag'^'^^ près les archidvcs
OV IL EST DÉCEDDÉ LE i6 IoVR
DE FeBRIER 1603.
Inscription funéraire de l'église de Nieuport (Flandre).
Rapprochons les dates de la mort de Laurent Le Blanc d'après
les deux inscriptions.
Chose curieuse, celle de Reugny, ainsi que le témoignage du
P. Anselme, le fait mourir, le 15 mars 1602, tandis que celle de
Nieuport — qui semble la plus véridique, puisque ceux qui Tout
fait faire ^ ont dû assister au trépas de Laurent — place sa mort
le 16 février 1603, soit onze mois plus tard.
Il est vrai que lorsque l'inscription de Reugny a été posée,
Laurent Le Blanc était réellement mort depuis un mois et que le
notaire royal Galhor n'a pas eu — grâce aux douze mois d'at-
tente — à aider à la fondation d'une messe perpétuelle pour le
repos de l'âme d'un vivant.
D'oi^i viennent oes divergences ?
C'est ce que nous ne pouvons expliquer.
Laurent Le Blanc, semble avoir mené une vie assez aventu-
reuse.
De retour d'Espagne, il passe dans les Pays-Bas auprès de
l'ambassadeur de France, accrédité auprès des archiducs, alors
1 II est vraisemblable que c'est l'ambassadeur français lui même qui est l'auteur
de l'inscription.
— i8o —
occupés au long siège d'Ostende et tenant fréquemment leur
cour à Nieuport. Le diplomate français a dû accueillir Laurent
Le Blanc, qui ne semble point avoir passé en Flandre pour le guer-
rier que nous indique l'inscription de Reugny, mais bien plutôt
comme un amoureux de la science, et comme désireux de
cognoistre les mœurs des nations étrangères.
L'inscription de Nieuport semble dénoter un homme pacifique,
trop pacifique peut-être au gré de sa famille. Celle-ci poussée
peut-être par Jean Le Blanc, qui devait être très désireux de
prendre la place de Laurent à la tête des biens de la famille Ta,
sur un rapport mensonger, considéré comme mort onze mois
avant sont repas réel, et bien qu'il n'y eut qu'un mois que Laurent
était décédé, a fondé la messe d'année de Reugny au premier anni-
versaire de sa mort supposée, c'est-à-dire le 15 mars 1603.
L'érudition moderne nous apprendra peut-être un jour la vérité
sur ce fait, et qui sait si elle ne nous dévoilera pas alors quelque
ténébreuse intrigue de famille !
En attendant voilà comment l'histoire rapporte que notre étu-
diant des mœurs des nations estrangeres, fut occis au siège
d'Ostende.
Paul Saintenoy.
Bruxelles, 14 juin 1890.
Séance mensuelle du mardi 2 décembre i8go.
Présidence de M. le comte F. van der Straten-Ponthoz, président
|a séance est ouverte à 8 heures. Quarante-quatre membres sont
présents ^.
M. le secrétaire-général donne lecture du procés-verbal de la dernière
séance. {Adopté.')
Correspondance. — MM. de Munck et de Loë remercient le bureau des
félicitations qui leur ont été adressées à l'occasion de leur nomination
comme Officiers d'Académie.
Dons et envois reçus. — MM. le comte Goblet d'Alviella, G. Dens,
Dierix de Ten Hamme, Arm. de Behault et Van der Steghen font don de
volumes et de brochures.
Le Nederlandsche Leeuw, le Kempische Muséum et la Société d'Anthro-
pologie de Bruxelles envoient leurs publications.
Élection de membres. — MM. J. Bieswal, A. Rivier, P. Schéridan,
J. Van Ruysevelt, et le Rév. M. Th. J. Welvaaerts sont nommés mem-
bres effectifs.
1 Prennent en outre place au bureau : MM. Cumont, P. Combaz, J. Destrée,
P. Saintenoy, baron de Loë, de Munck, de Raadt, Plisnier, Paris et de Schryver.
2 Ont signé la liste de présence : MM. Arm. de Behault de Dornon, Puttaert,
de Brabandère, Rutot, E. van den Broeck, Mahy, De Proft, Schweisthal, Poils,
Hecq, Diericx de Ten Hamme, Van Havermaet, baron de Royer de Dour, chevalier
de Selliers de Moranville, Michaux, Lavalette, Daumerie, Michez, Titz, Petit,
C. Saintenoy, Pottelet, Dens, comte Goblet d'Alviella, Buyschaert, Bernaert, L. de
Beys, Hanssens, vicomte Desmaisières, Verbuecken, Muls, De Keyser et Rans-
chyn.
— l82 —
M. Donny est nomme membre asssocié.
Proposition d'affiliation avec la Société Belge des Ingénieurs
et des Industriels et vote sur le projet tendant à obtenir un local
permanent au Palais de la Bourse. — Après un assez long échange
d'observations entre MM. le comte van der Straten-Ponthoz, Plisnier, De
Proft, De Beys, P. Saintenoy, Van Havermaet, Destrée, comte Goblet
d'Alviella, Michel et E. van den Broeck, cette proposition est adoptée
Nomination par tirage au sort de la commission de vérification
des comptes. — MM. Delevoy, Parser, de Ghellinck, De Paire et d'Her-
bemont sont nommés membres de cette commission.
MM. Daumerie, A. Evenepoel, Willems, De Proft et FrankignouUes sont
nommés membres suppléants de cette même commission.
Présentation de candidatures à la présidence, en remplacement
de M. le comte F. van der Straten-Ponthoz, président sortant non
rééligible (art. i8 revisé des statuts). M. le comte Goblet d'Alviella est
proclamé candidat à la présidence de la Société pour Tannée 1891. {Applau-
dissements.)
Congrès archéologique et historique de 1891. — M. le président fait
part à l'assemblée que les délégués des Sociétés de Bruxelles affiliées à la
Fédération archéologique et historique de Belgique se sont réunis en vue
de l'organisation du Congrès archéologique et historique de Bruxelles en
1 891, les 21 et 31 octobre, ainsi que le 21 novembre derniers.
Après discussion, ils ont voté les ordres du jour suivants ;
1° Le congrès archéologique et historique sera organisé par les soins
des Sociétés d'Archéologie et d'Anthropologie de Bruxelles, 'avec le con-
cours des Sociétés d'Architecture, de Géographie et de Géologie.
2° Le comité général d'organisation sera composé de vingt titulaires.
Exposition. — Seau à incendie de 1723.
Appareil photographique pour excursions scientifiques.
Photographies de Dieghem, Saventhem, Winxele et Herent (nouvelles
épreuves delà collection photographique de la Société).
M. Arm. de Behault de Dornon montre à ses collègues un seau à incen-
die affecté au service du Palais des princes-évêques de Liège, au siècle
dernier. Ce seau, tout en cuir très épais, est décoré des armoiries des deux
bourgmestres alors en fonction, Henri-François de Fromenteau et Jean-
Louis de Cartier, du Péron liégeois, du millésime 1723 et du n" 5.
L'honorable membre fait don au Musée de la Société de cet objet devenu
très rare aujourd'hui. {Remerciements.)
M. Rutot donne à ses collègues toutes les explications désirables au
sujet de l'appareil photographique qu'il a exposé,
M. Cumont informe l'assemblée que le Musée archéologique d'Arlon
- i83 -
vient de s'enrichir d'un tableau important au point de vue de l'histoire de
la célèbre abbaye d'Orval.
Il s'agit du portrait de Dom Bernard de xMontgaillard, né en Gascogne,
en 1563, décédé le 8 juin 1628, 42^ abbé d'Orval.
Ce portrait du plus illustre chef de la maison d'Orval représente en
perspective, dans le fond du tableau, un plan de l'abbaye, comprenant les
bâtiments, jardins et dépendances de cette époque. Ce plan serait, paraît-il,
le seul vestige authentique qui existe des localités anciennes du domaine.
Communications.
L'Église de Saint Rémy a Haecht. — M. P. Saincenoy lit une notice
portant ce titre.
M. de Raadt donne lecture d'une traduction d'un acte passé, en 1624,
devant les échevins de Keerbergen, commune voisine de Haecht. Ce
document a trait aux pillages faits, à Haecht et dans son église, en 1622,
par les troupes du comte Henri de Nassau. M. de Raadt oftre cette pièce à
M. Saintenoy, croyant que celui-ci sera heureux d'augmenter son travail
des curieux détails contenus dans ce document.
Sondages effectués au tertre d'Havre, près Mons. — M. de Munck
expose les résultats des sondages qu'il a pratiqués en cet endroit.
Le tumulus de Lennick-S'^-Quentin. — M. le baron de Loë communique
les renseignements qu'il a pu recueillir sur ce monument actuellement
détruit.
Le Sphinx de Giseh et les derniers travaux de M. Gréraut. — M. le
baron de Royer de Dour fait une communication portant le titre ci-dessus,
et exhibe une série de photographies remarquables de monuments égyp-
tiens.
M. Cumont donne ensuite lecture de deux documents qu'il a retrouvés
aux archives générales du Royaume, concernant une inscription qui a été
faite vers 1768 pour être placée à la maison du Roi ou Broodhuis.
M. le Président propose que la note de M. Cumont soit insérée dans nos
annales sous notre rubrique : Questions et réponses. {Adopté.)
M. Destrée. — MM. Courajod et Corroyer ont exposé naguère dans
une note publiée par les Annales de la Société nationale des Antiquaires de
France, les observations qu'il avait été donné de faire sur des sculptures de
fabrication mercantile appartenant aux ateliers d'Anvers et de Bruxelles.
Il ne serait pas équitable de perdre de vue les résultats acquis à la
science, grâce aux observations judicieuses de MM. Courajod et Corroyer.
Ils constituent un point de départ certain et il y a lieu d'y revenir.
Les ateliers de tailleurs d'images, comme je l'ai établi, ont employé di-
verses marques. Ceux de Bruxelles en ont eu plusieurs qui figureront plus
— i84 —
tard dans mon étude. Les unes ont trait
à la polychromie, les autres au travail
du huchier et du sculpteur.
La présente note vise la pièce bien
connue, représentant la Sainte Vierge
portant l'enfant Jésus. Elle a été gravée
dans le travail de MM. Courajod et Cor-
royer. Son heureux propriétaire a mis
très obligeamment la statue à ma dispo-
sition pour me permettre de l'étudier à
loisir. Outre la marque de BRUESEL,
elle porte, fait sur le dos, un signe qui
consiste en une sorte de fleuron conte-
nant quatre lignes, celles des extrémités
sont plus ou moins courbées ; ces lignes
ou côtes sont nettement accusées ; en
revanche, le fleuron dans lequel elles
se trouvent est à peine indiqué. Cette
marque est-elle celle de l'imagier ou
de la gilde. Elle appartient, suivant
mon avis, à la corporation et non à
l'individu. Dans nombre de produits
mercantiles dont le groupe a été déter-
miné par MM. Courajod et Corroyer, j'ai
eu l'occasion d'observer que ces produits
sont revêtus d'une marqué s'éloignant
bien peu de celle prémentionnée et con-
sistant en lignes d'inégale grandeur.
Je n'ai observé cette sorte de poinçon
que sur des statuettes de fabrication mar-
chande, statuettes représentant la Sainte
Vierge tenant l'enfant Jésus, ou des saints
populaires, tels que saint Pierre, sainte
Catherine, etc.
Jusqu'à preuve du contraire, qu'il me
soit permis de considérer le poinçon pré-
cité comme ayant été employé surtout
pour des œuvres bruxelloises ou du moins brabançonnes exécutées presque
toujours en bois de noyer.
M. Peyre, le collectionneur parisien bien connu, possède plusieurs sta-
tuettes dont le caractère brabançon est indéniable ; elles portent toutes la
Statuette de la Vierge appartenant
à M. Corroyer.
- i85 -
marque en question. M. Bernard, antiquaire, demeurant rue Lafayette, à
Paris, en a plusieurs provenant, fait intéressant à noter, de la Bour-
gogne. En Belgique, j'en connais une demi-douzaine de spécimens, dont
un au Musée de Bruxelles.
Étant donné que ces statuettes ne peuvent avoir été exécutées par un
seul et même individu, il en résulte qu'elles sont le produit du travail d'ar-
tisans faisant partie d'une même gilde.
La séance est levée à ii heures.
^
Assemblée générale annuelle du ii janvier 1891,
Présidence de M. G. Cumont, vice-président V
a séance est ouverte à 2 1/2 heures dans la grande salle du Palais
de la Bourse.
Soixante-dix membres sont présents ^.
M. Cumont prononce les paroles suivantes :
La maladie empêche M. le comte F. van der Straten-Ponthoz de prési-
der aujourd'hui notre assemblée générale.
Nous regrettons d'autant plus vivement son absence que nous tenions
1 Prennent en outre place au bureau : MM. Buis, vice-président d'honneur, Com-
baz, J. Destrée, P. Saintenoy, baron de Loë, de Raadt, de Munck, Plisnier, Paris
et De Schryver.
2 Ont signé la liste de présence : MM. H. Rolland, Diericx de Ten Hamme,
Van Ruysevelt, Vander Smissen, V. Pourbaix, Van Ysendyck, de Hacker, Barella,
Dens, Rutotj Aubry, Peeters, vicomte Desmaisières, E. Neve, Pottelet, Van der
Linden, R. van Sulper, J. De Passe, Jordens, Mahy, Petit, baron de Royer de
Dour, De Beys, Van Havermaet, de Brabandère, De Samblancx, Nicod, Ch. Ca-
vens, G. Saintenoy, comte de Nahuys, Schavye, le général Henrard, Puttaert,
J. Baes, Simon, L. Cavens, De Proft, Van der Rit, Schweisthal, Weckesser,
Verhaeghen,Titz, Lavalette, Michaux, Poils, Ch.Heetveld, Robyns de Schneidauer,
comte Goblet d'Alviella, A. De Schodt, de Ghellinck d'Elseghem, Ed. Van
den Broeck, P. Baes, Lopez-Mendez, G. Hecq, Arm. de Behault de Dornon, Des-
trée, comte G. de Looz-Corswarem, Alberdingk-Thym et Buyschaert.
— i86 —
beaucoup à le remercier ici du soin avec lequel il a dirigé nos travaux et de
la courtoisie parfaite avec laquelle il a présidé nos séances. Nous conser-
vons tous, j'en suis certain, le meilleur souvenir des rapports si aimables
que nous avons entretenus avec notre président de l'année écoulée et je vous
propose, Messieurs, puisque nous ne pouvons pas témoigner en sa pré-
sence toute notre reconnaissance pour les services rendus à notre Société
par M. le comte van der Straten-Ponthoz, de lui adresser une lettre par
laquelle nous lui exprimerons nos sentiments de haute estime et de grati-
tude. {Applaudissements.)
M. le secrétaire général donne lecture du procés-verbal de la dernière
séance. {Adopté.)
Correspondance. — M. le Rév.Welvaaerts remercie pour sa nomination
de membre effectif.
M. Robyns de Schneidauer donne quelques renseignements sur des
restes de constructions anciennes situés sous la cour de la maison portant
le n° 6 de la rue de Bavière. Le bâtiment de la cour repose sur une vaste
cave aux voûtes intéressantes. On prétend dans le voisinage que la dite
cave faisait partie des constructions de la prison à la Steen-Port.
M. G. Hecq envoie la copie avec traduction de l'Èpitaphe de Philippe
de Dongelberghe.
Il est fait part à la Société du décès de M. le docteur H. Schliemann,.
membre d'honneur, et de M. N. J. Carpentier, membre associé.
Dons et envois reçus. — MM. le comte de Nahuys, Alp. de Witte et
Arm. de Behault de Dornon, font don de volumes, de brochures et de
journaux.
M. le comte G. de Looz-Corswaren fait don de photographies.
M. Buan offre à la Société un tableau représentant une armoirie ecclé-
siastique d'un de Broyer de Buysingen.
Exposition. — i° Une série de quinze frottis de pierres tombales.
20 Une collection de chromolithographies des tours et tourelles de
Belgique, par M. Jean Baes, membre associé ;
3° Plans et planches relatives à l'enceinte de Bruxelles au xive siècle
(M. P. Combaz) ;
4° Collection d'ornements typographiques donnés à la Société par M. De
Saucourt ;
5* Carte préhistorique et protohistorique des environs de Mons (MM. le
baron A. de Loê et E. de Munck).
Causerie. — Le berceau et le tombeau de Dioclétien : Dioclétia et
Salona. — M. Ch.Buls, bourgmestre de Bruxelles et vice-président d'hon-
neur de la Société, fait une très intéressante causerie sur ce sujet et exhibe
- i87 -
une série remarquable de photographies. {Remerciements et vifs applaudisse-
ments.)
Rapports. — M. de Raadt donne lecture du rapport de la commission
administrative sur la situation générale de la Société.
M. Plisnier communique ensuite le bilan de l'exercice écoulé et le projet
de budget pour 1891.
M. de Proft, au nom de la Commission de vérification des comptes,
donne lecture d'un rapport concluant à l'approbation du bilan de l'exercice
écoulé et du projet du budget de 1891, et rendant hommage à la gestion
prudente et habile de notre trésorier.
Élections. — M. le comte Goblet d'Alviella est élu président pour
l'année 1891, en remplacement de M. le comte F. van der Straten-Ponthoz,
président sortant non rééligible (art. 14 revisé des statuts). {Applaudis-
sements.)
MM. Destrée, P. Saintenoy, Th. de Raadt, Plisnier et De Schryver sont
maintenus respectivement dans leurs fonctions de conseiller, de secrétaire-
général, de secrétaire, de trésorier et de conservateur des collections.
MM. Alex, de Behault de Dornon, S. De Bert, G. Hecq, G. Lanneau et
E. Pourbaix sont nommés membres effectifs.
MM. S. De Greef, G. De Schodt et P. Haumann sont nommés mem-
bres associés.
M. le comte Goblet d'Alviella prend possession du fauteuil. Il remercie
ses collègues, les assure de son dévouement et rend un juste hommage à
son prédécesseur, M. le comte van der Straten-Ponthoz. {Applaudissements.)
La séance est levée à 4 1/2 heures.
DIOCLÉTIA ET SALONA
Ju cours d'un voyage dans TA-
driatique, entrepris au mois de
septembre 1890, nous avons eu
l'occasion de visiter les ruines de Dioclé-
tia et celles de Salona. La première de
ces villes a vu naître l'empereur Dioclé-
tien ; c'est dans le palais qu'il s'était con-
struit près de la seconde que s'est termi-
née son étonnante destinée.
Il nous a paru, qu'à ce titre, une de-
scription de ces ruines peu connues pré-
senterait un certain intérêt pour les
membres de la Société d'Archéologie.
Rappelons brièvement quelques faits
historiques à ce propos :
En 283, l'empereur Aurelius Carus
entreprend une expédition contre la Mé-
sopotamie, accompagné de son fils Nu-
mérien. L'empereur meurt, tué par la
foudre suivant la version officielle, assas-
siné par ses soldats selon toute probabi-
lité.
Numérien atteint d'ophtalmie ramène
Fig. I. — Campanile de Spalato.
— i89 —
Tarmée vers le Bosphore, où elle arrive en septembre 284 ; pen-
dant le passage du détroit, le jeune empereur meurt assassiné
dans sa tente. Aper, préfet du prétoire et son beau-père, est soup-
çonné d'être l'auteur du crime ; les soldats se révoltent et élisent
pour chef Dioclès, comte des domestiques ; celui-ci accuse Aper
du meurtre de son beau-fils devant un tribunal improvisé et, sans
attendre la sentence, lui plonge son épée dans le cœur.
Les soldats proclament Dioclès empereur sous le nom latinisé
de Diocletianus. C'était un soldat de fortune, né d'un esclave
dalmate, en 245, à Docléa, Dioclea ou Diocletia, petite ville
située non loin du lac de Scutari, au confluent de la Zêta et de la
Moraça. Ses ruines se voient aujourd'hui près de Podgoritza,
chef-lieu du district annexé, en 1882, au Monténégro, en vertu
des stipulations du traité de Berlin.
Il paraît que l'élévation de Dioclétien au trône impérial n'était
que la réalisation d'une .prédiction d'une prêtresse de Tongres,
en Belgique, qui lui avait annoncé qu'il arriverait à la toute puis-
sance après avoir tué un sanglier (Aper).
Le moyen le plus commode de visiter les ruines de Diocletia
est de partir de Cettigne ; on sort de la cuve au fond de laquelle
est bâtie la capitale du Monténégro par le col de Graniça, d'où
Ton jouit d'une vue admirable sur le lac de Scutari, dominé par
les Alpes albanaises. Il faut descendre d'abord jusque Rieka, puis
remonter le long des méandres pittoresques de l'étroite vallée de
la Rieka pour franchir la croupe qui la sépare de la vaste vallée
de la Moraça ; on traverse celle-ci sur le pont du Vizir, célèbre
par vingt combats sanglants entre Turcs et Monténégrins et l'on
va prendre gîte à Podgoritza.
A une heure de marche en amont de cette dernière petite ville,
se rencontrent les restes des murailles de Diocéltia, construites en
bel appareil romain ; l'emplacement de l'antique cité est marqué
par un amoncellement de pierres informes ; il a d'abord été exploré
par M. Schaffarik et récemment par un ingénieur russe.
La partie la plus intéressante est le forum (pi. VI, fig. i), com-
posé d'une place rectangulaire,dont l'un des côtés était occupé par
une basilique ; on distingue parfaitement l'abside où se plaçait le
tribunal et le péristyle qui se trouvait à l'un des longs côtés de l'é-
difice, les bases des colonnes sont seules en place, les trois autres
— 190 —
côtés sont bordés de petites chambres qui (pi. VI, fîg. 3), à en
juger par Ja disposition de Tentrée, devaient être des boutiques
analogues à celles qui se voient dans toutes les villes de la côte
dalmate ; Tune de ces chambres présente une petite abside des-
tinée, peut-ètrC; à recevoir un autel ou la statue d'une divinité ;
on y trouve encore une base qui justifie cette supposition.
Trois des côtés de la place sont bordés de canaux destinés
probablement à rafraîchir l'atmosphère de ce forum assez en-
caissé. Cela fait supposer que Dioclétia avait son aqueduc qui
Fis
Basilique de Salona.
allait prendre Teau au cours supérieur de la Moraça ou de la
Zêta. Arrosée, Timmense plaine d'alluvion, aujourd'hui dessé-
chée et brûlée, qui s'étend autour de la ville, serait d'une admi-
rable fertilité ; elle deviendrait le grenier du Monténégro, sou-
vent affamé.
Tout autour de cette place, dans les tranchées creusées par les
archéologues, on trouve des fragments de colonnes cannelées,
des chapiteaux corinthiens, des modillons ornés de feuilles
d'acanthe, des plafonds à caissons, où des têtes d'enfants alternent
— 191 —
Hnlablcmenf î)u?ûlflis )f J)ioc\?fxm. JJt Ocl elîa .
Lnrmier rpmpîo-rp par unp ^ouflnp.
JB> IPri^ conuext.
^ JDiodérTa. Pq.1.
I' JBasiHc|ue.
3 :b 3 ^
pp'ristule.
Forum.
FFrri
A- fiaseyûuïel ou
fi ^asps pp
colonrips.
C. ^BouficjUPS.
^ Canaux
^iî'irrigarion.
%
PI. VI. — Forum de Dioclétia et entablement du palais de Dioclétien
(dessin de M. Paul Combaz.)
— 192 —
avec des rosaces, des bases de colonnes, des mosaïques, des
traces de peinture.
Tous ces fragments d'architecture dénotent le style de la
décadence de l'art romain, tel surtout qu'il se pratiquait dans les
provinces éloignées de Tempire par des artistes de second ordre;
ils semblent porter la date du règne de Dioclétien ; il n'y aurait
rien d'étonnant que le puissant empereur, qui devait aimer sa
contrée natale puisqu'il voulut s'y retirer, ait doté son lieu de
naissance de constructions somptueuses. Mais l'histoire est muette
sur Diocletia ; nous n'avons pu trouver, malgré nos recherches,
aucun renseignement sur son origine ni son développement.
Après vingt années d'un règne brillant, au cours duquel il
avait associé à l'empire trois autres Césars, repoussé les barbares
des frontières, lutté vainement contre la propagande du christia-
nisme, au jour fixé par lui-même à son avènement, le i^'" mai
305, Dioclétien abdique à Nicomédie en même temps que Maxi-
mien quitte le pouvoir à Milan. L'empereur se retire aux envi-
rons de Salona, dans un somptueux palais qu'il se taisait bâtir
depuis huit ans, au bord de la mer, dans un site admirable, l'un
des plus beaux des belles rives de l'Adriatique.
Aujourd'hui, Salona n'est plus qu'un monceau de ruines et le
palais de Dioclétien est devenu la ville de Spalato.
Lucain a dépeint, en deux vers qui font tableau, .la situation
de Salona :
Qua maris Adriaci Icngas ferit undas Salonas
Et tepidum in molles Zephiros excurrit Jader ^
C'est, en effet, au bord du Jader qu'on trouve les ruines, elles
sont dominées par les croupes dénudées des Alpes dinariques,
par la masse imposante du Mossor, au pied duquel s'ouvre la
passe d'où la forteresse deClissa commande la route de la Bosnie.
Au sud, les flots bleus de l'Adriatique scintillent au soleil et vien-
nent border d'un ourlet d'écume les îles violettes qui surgissent
de la mer.
Salona a une histoire plus mouvementée que Diocletia : Appol-
lonius de Rhodes prétend qu'elle s'élève sur l'emplacement
1 Lucain, Pharsak, lib. IV, 404-405.
— 193 —
d'Illenis, fondée par Illo, fils d'Hercule, au xiu^ siècle av. J.-C.
Jason, à son retour de Colchide, y trouva un accueil hospitalier
et, par reconnaissance, y consacra à Apollon un trépied qu'il
avait eu l'indélicatesse d'enlever à son beau-père, en même
temps que Médée-.
lUenis fournit 70 galères à l'armée achéenne, pendant la
guerre de Troie.
Fig. 4. — Portique du temple de Spalato.
En 117 avant J.-C, Salona résiste aux Romains,commandéspar
le consul Métellus, qui est obligé de lever le siège ; en Tan 78 le
proconsul G. Cesconius, plus heureux, la prend après un siège de
deux ans ; en 640, elle est complètement détruite par les Avares,
et ses malheureux habitants se réfugient ad Palaimm, dans les
ruines du palais de Dioclétien, que leurs descendants occupent
encore après des vicissitudes sans nombre.
i3
— X94 —
Aujourd'hui, Tantique cité a disparu sous un amoncellement de
pierres et de terre, et Tactif vigneron dalmate y cultive sa
vigne.
De nombreuses fouilles y ont été faites par Carrara, Lanza, et
surtout par Glavinitch. Elles ont enrichi le Musée de Spalato.
Les fondations des murailles et des tours ont d'abord été déga-
gées afin de déterminer Tenceinte de la ville ; il faut cinq quarts
d'heure pour en faire le tour.
Ces fortifications paraissent appartenir à quatre époques :
1° mur soutenu par des contreforts ; 2° enceinte double ; 3° 80
tours ; 4° bastions. L'enceinte est percée de quatre portes. La
principale est Xd. porta Andertia^ qui conduisait à l'antique Ander-
tium (Glissa). La deuxième porte montre les restes de deux
ailes dans lesquelles s'encastraient la porte extérieure et la porte
intérieure ; les deux tours octogonales qui la flanquaient ont
disparu, des traces d'ornières se voient dans le pavement de la
route qui la traversait.
Les restes d'une basilique (fig. 2) ofifrent encore un pavement
en mosaïque, des bases de colonnes qui permettent d'en détermi-
ner le plan et les dimensions ; çà et là gisent des fûts de colonnes.
Un grand nombre de sarcophages romains et chrétiens ont été
trouvés à côté, les plus remarquables ont été transportés à
Spalato, mais beaucoup restent béants autour de la basilique.
Non loin de là^ on reconnaît les ruines de thermes privés, cons-
truits sur un plan octogonal ; les dispositions rappellent celles du
/r^^/iitïr/^/?;^ des bains de Pompéi. Six bases de colonnes sont en
place, les murs sont percés de quatre ouvertures entre lesquelles
sont creusées cinq niches, servant à déposer les vêtements et les
ustensiles des baigneurs ; au centre un bassin dont la margelle est
conservée. Tous les fragments de décoration architecturale indi-
quent la richesse de la construction, mais la lourdeur des profils
révèle un art de la décadence.
L'emplacement de l'amphithéâtre est marqué par des traces de
murailles formant une ellipse, quelques parties du podium restent
debout, ainsi que neut arcs du mur moyen qui soutenait les gra-
dins ; on y trouve un passage souterrain de 126 pieds de long.
Comme presque toutes les ruines antiques, celles-ci furent lar-
gement exploitées ; on en fit des carrières de pierres à bâtir, pour
— 195 —
construire Spalato et même pour orner les édifices de Venise.
Aux environs de ces ruines se dressent les arcades d'un aque-
duc sans lequel le paysage d'une ville antique serait incomplet.
Les fouilles dont nous avons parlé ont enrichi le Musée de
Spalato de plaques avec inscriptions, de stèles, de fragments de
statues, de sculptures, de fûts de colonnes en marbre, de mosaï-
ques, d'urnes, d'ustensiles de ménage, en métal, en verre, en
terre-cuite, en un mot la moisson ordinaire de ces sortes de
recherches.
Mais rentrons à Spalato ; le marché vient de finir, de nombreux
paysans dalmates et même bosniaques sortent de la ville^ la
plupart montés sur un bourriquet ou un petit cheval de montagne ;
les plus galants ont mis leur femme en croupe, mais presque tous
la laissent trotter dans la poussière qu'ils soulèvent derrière eux,
sous l'ardent soleil ; avec leur turban ou leur fez, leur veste
brodée, leurs larges culottes al/a furca, leur ceinture garnie d'ar-
mes, ils ont l'air de brigands orientaux, tandis que leurs femmes,
drapées dans leur longue dalmatique blanche, ont la noblesse de
statues antiques.
C'est en vain que nous leur demandons l'autorisation de les
photographier; ils se méfient de notre objectif comme du mauvais
œil. Pendant que notre cocher parlemente avec eux, notre détec-
tive en saisit cependant quelques-uns, sans qu'ils s'en doutent.
Dioclétien a dû parcourir souvent cette route, quand il se rendait
à ce potager où il cultivait de si beaux légumes qu'ils ne lui fai-
saient pas regretter l'empire. Il meurt dans son palais en 314 ; non
pas abandonné, ni persécuté, comme des auteurs chrétiens l'ont
avancé, mais honoré et consulté par ses successeurs ; son tombeau
est respecté jusqu'à ce que les Vandales le pillent en 409.
Les Barbares partis, un gynécée de jeunes filles dalmates est
installé dans le palais ; en 475, il est rendu à sa destination
primitive; puis, de nouveau pillé; les habitants de Salona s'y
réfugient après la destruction de leur ville par les Avares ; mais
ils n'échappent pas aux pillages successifs des Slaves, des Croates,
des Serbes, des Hongrois, des Normands, des Tartares, des
pirates narentins et uscoques, jusqu'au moment ou Vénitiens et
Grecs s'arrachent les lambeaux de la malheureuse cité ; il est peu
de villes qui aient subi d'aussi cruelles dévastations.
— 196 —
Le palais de Dioclétien forme un vaste quadrilatère de 190-
mètres de longueur sur 160 de largeur; il était flanqué de quatre
grosses tours carrées dont trois se voient encore.
La façade sud tournée vers le port, présente une puissante
muraille, fruste aujourd'hui, mais d'un bel appareil ; elle est
décorée de 50 pilastres doriques et de 50 arcades plein cintre,
celles-ci formaient une galerie ornée de statues ; cette façade est
percée de fenêtres modernes qui donnent le jour aux habitations
nichées dans le palais.
Là façade ouest est noyée dans les constructions et présente
de larges brèches par lesquelles la ville s'est répandue au dehors
pour former un quartier neuf.
Quatre portes donnaient accès au palais, à l'ouest la porte de
fer, à l'est la porte d'airain, au sud la porte d'argent, au nord
la porte dorée. Cette dernière est la plus ornée, elle présente des
arcaturcs saillantes supportées par des colonnettes, entre les-
quelles étaient creusées trois niches destinées à recevoir des
statues. Trois de ces portes étaient flanquées chacune de deux
tours octogonales; six tours carrées étaient, en outre, distribuées
autour de l'enceinte.
Ces portes étaient reliées par de larges voies se croisant au
centre de l'édifice, elles étaient bordées de portiques dont les
colonnes et les chapiteaux apparaissent encore encastrés dans les
murailles des maisons qui, aujourd'hui, ont rétréci ces Voies.
En entrant par la porte dorée, on trouvait à gauche le quartier
des gardes, à droite celui des femmes. A l'intersection des voies
s'ouvrait le forum, actuellement la place du dôme. Là, on est en
présence du péristyle du quartier de l'empereur, dont les appar-
tements s'ouvraient sur la mer, du côté sud.
Ce péristyle est orné de 16 colonnes en granit égyptiei) à bases
attiques, à chapiteaux corinthiens ; ceux-ci supportent directe-
ment les arcs ; la porte qui conduit au vestibule est précédée d'un
portique orné de quatre colonnes corinthiennes, elles portent
un entablement, horizontal latéralement, se courbant en arc au
centre ; cet arc est surmonté d'un fronton triangulaire. On se
trouve [ensuite en face d'une porte cintrée, flanquée de deux
portes à encadrement rectangulaire et surmontées de frontons
triangulaires.
- 197 -
Rien qu'à^ cette description sommaire, on aura déjà remarqué
que Ton se trouve en présence d'un intéressant spécimen de la
transition de Fart classique à un art pittoresque et fantaisiste,
qui recherche des combinaisons nouvelles parce que ceux qui le
pratiquent ont perdu le sens de la belle construction grecque, où
tout est rationnel, justifié par les nécessités de la structure et les
propriétés^des matériaux. Dans les entablements, le larmier a
Fl<^. 3. — Temple d'Esculape à Spalato.
disparu, la frise prend une courbe convexe, les profils s'alourdis-
sent et n'ont plus la gracieuse liaison organique des moulures
grecques (pi. VI, fig. 2) ; on s'aperçoit que le système horizontal
de l'architecture antique cède la place au système vertical qui ré-
gnera au moyen âge ; nous avons devant nous les premières pulsa-
tions du style baroque de l'époque romaine ; c'est un art nouveau,
mais un art de décadence, on n'y sent pas palpiter l'énergie, la
— 198 —
puissance d'un art jeune; la décoration est surchargée, en même
temps les détails sont maigres et d'une fausse richesse.
A Test, se trouve le temple de Jupiter, (fig. 4) spécialement
vénéré par Dioclétien ; il est précédé d'un portique de quatre
colonnes englobées dans le massif formant la base au campanile
vénitien construit en 1416 (fig. i), pour servir de clocher à
Téglise installée dans Tancien sanctuaire du maître des dieux.
Ce temple octogone est entouré d\m portique périptère de 24
colonnes, portant une architrave très simplement profilée.
A rintérieur huit colonnes monolithes de granit sont surmon-
tées de lourds ressauts hors de proportion avec les dimensions de
la cella et d'une frise très ornée ; au-dessus se voit un deuxième
ordre de pilastres composites entre lesquels court une frise avec
des amours combattant des lions. Sous Téglise se trouve une
vaste crypte que nous ne pûmes visiter.
En se dirigeant du forum vers la porte de fer, on rencontre bien-
tôt un petit temple tétrastyle (fig. 5) dédié au dieu que Dioclétien
honorait le plus après Jupiter, à raison de sa mauvaise santé, à Escu-
lape. Les colonnes du péristyle et le fronton ont disparu. Ce petit
édifice échappe aux critiques que nous formulions plus haut ; il
est conçu dans le style de la bonne époque de l'art romain et a
conservé quelque chose de la distinction grecque. Les antes sont
en bon état ; la porte d'entrée est couronnée d'une corniche fine-
ment sculptée en palmettes, ornée de modillons, d'oves et
supportée par deux puissantes consoles à volutes ioniques ; Fen-
cadrement de la porte est richement décoré. La cella n'est
éclairée que par la porte d'entrée ; de trois côtés court une cor-
niche très riche et la voûte est excavée en caissons profonds. La
frise présente un bas-relief d'amours se jouant au milieu de
pampres, de vases de sacrifices, de lions et de léopards.
Ce petit édifice est souvent désigné comme ayant servi de
mausolée à l'empereur. On y trouve un sarcophage dont le bas-
relief représente la chasse du sanglier du Calydon. On a voulu y
voir une allusion à la prédiction de la prêtresse de Tongres.
(Aper, sanglier). Mais la fin prématurée de Méléagre a fait choisir
souvent ce héros par les scuplteijrs de sarcophages comme figure
symbolique de la fragilité humaine. La preuve serait plus décisive
s'il était démontré que ce monument antique est resté en place.
— T99 —
Nous aurions alors deva.it les yeux ce tombeau qui, sous
Constance, était encore recouvert de la pourpre impériale, puis-
qu'un certain Danus fut accusé du crime de lèse-majesté pour
avoir dérobé ce velamen piirpureum ; poursuite qui témoigne à
l'évidence, contrairement à Tallégation de Lactance, du respect
dont la mémoire de Dioclétien était entourée par ses successeurs.
Une promenade dans les ruelles étroites de Spalato est féconde
en jouissances pour l'archéologue. A chaque pas, il se trouve en
présence d'un fragment antique : bas-relief, morceau de corniche,
débris de chapiteau, reste d'entablement saillant d'une boutique
de coiffeur, d'un magasin de tailleur ou d'une échoppe de cordon-
nier. Quelques habitations patriciennes offrent des motifs intéres-
sants de l'époque vénitienne : portes romanes, balcons italiens,
portiques de la Renaissance ; une foule d'objets sollicitent la pers-
picacité de l'antiquaire qui cherche à reconstituer l'ensemble
auquel ils ont dû appartenir. Puis, dans ce cadre pittoresque
s'agite une population qui a le bon esprit de conserver jalouse-
ment son costume national pour la plus grande joie du voyageur
en quête d'originalité et lassé de l'uniforme banalité des villes
modernes.
Ch. Buls.
LES
FRANCS SALIENS
DANS LA PROVINCE DE BRABANT
Leurs invasions, leurs établissements et leurs sépultures.
(Snik et fin) '
II
ans le chapitre précédent, nous nous sommes appliqués
à démontrer, par des documents historiques, les inva-
sions et les étabhssements des Francs saliens dans notre
province ; voyons maintenant quelles sont les données archéolo-
giques qui viennent contrôler Fhistoire : nous voulons parler des
sépultures franques découvertes jusqu^ici dans le Brabant.
Quoiqu'aucune recherche ayant pour but de découvrir des
sépultures franques n*ait été exécutée jusqu'à ce jour, dans le sol
brabançon, quelques cimetières ou tombes isolées ont néanmoins
1 Voir première partie : t. V. i^e Hvr., p. 72.
— 20I —
été mis au jour par le fait d'un pur hasard, dans les communes
suivantes :
ANDERLECHT (ar. de Bruxelles, c. de Molenbeek-S^-Jean).
Cimetière de plus de cent tombes, qui a été fouillé par les
soins de la Société, sous la direction de la Commission des
fouilles. (Notice en préparation).
BOMAL (ar. de Nivelles, cant. de Jodoigne), situé à proxi-
mité de deux dherticida.
Sépultures, au lieu dit Le Tombois. (Van Dessel, La Belg.
et les Pays-Bas av. et pend, la dom, rom. (Suite à Touvrage de
ScHAYES) t. IV, p. 54. - Baron A. de Loë, Ann, de la Fédération
arch. et hist. de Belg., t. IV, IPpart., p. 215 : Liste des sépidt.
franq. découvertes jus qtt ici en Belg.)
CORTIL-NOIRMONT (ar. de Nivelles, c. de Perwez), à
proximité de la chaussée romaine de Bagacum Nervioritm à Colo-
nia Agrippinay par Tongres et Maestricht.
Section de NOIRMONT. Sépultures où Ton a trouvé des bijoux
de la dernière époque romaine. [Cours dhist. nation, de M. A.
Wauters ; conférence du 21 novembre 188 y).
DIEST (ar. de Louvain ; chef-1. de c), non loin d'un diverticu-
hmi allant de Tirlemont à Sichem.
Débris d'un vase franc dont Torifice avait 4 cent, et 2 mill. de
diamètre et à peu près la même hauteur. Ce vase avait, dit l'abbé
Cochet, une grande analogie avec ceux trouvés à Martot (Eure).
{Mess, des sciences hist . 1859, pp. 19 et 20. Schayes, Za ^^/^. elles
Pays-Bas avant et pend, la dom. rom., t. III (Ch. Piot), p, 571. —
Cochet, Sépult. gauL, rom., franq. et norm., Paris, 1857, p. 129).
ENINES (ar. de Nivelles, c. de Jodoigne).
Quelques années avant 1854, on y a découvert un grand nom-
bre de tombeaux disposés en ligne droite dans la direction de
TE. à rO. et espacés d'environ 2 pieds. Ils étaient formés de qua-
tre grandes pierres posées de champ, dont une aux pieds et trois à
la tête ; de ces dernières, les deux latérales en soutenaient deux
autres qui formaient une sorte de toit. Les squelettes avaient les
pieds au midi et la tête au nord ; quelques-uns étaient encore
entiers. (Tarlier et Wauters. Hist. des Com. belges. — Canton
de Jodoigne, p. 323.)
— 202 —
GEEST-GEROMPONT (ar. de Nivelles, c. de Perwez), sur le
diveriîculum de Tirlemont à Namur et à proximité de la voie
stratégique de Bavay à Cologne.
Hameaiidu TOMBOIS, au lieu dit Mont des Tombes, à looo mètres
sud de la chapelle de N. D. de Hal, au Sud de la Gête, on a dé-
terré des ossements bien conservés (Tarlier et WauterS; loc, cit.,
Canton de Perwez , p . 158.).
Dans une berge de la route de Louvain, à Tangle Sud d'un
chemin conduisant de la route au centre de Petîie-Rosière (l'angle
Nord est occupé par la chapelle de N. D. de Hal) le fermier
Everarts a trouvé, il y a environ dix-sept ans (1848), des tom-
beaux en pierres, renfermant les ossements de deux hommes
de forte taille. Les tombeaux ne consistaient qu'en parois latérales
formées de deux pierres posées sans ciment, sans rien au-dessus
ni au-dessous. Le terrain où cette découverte s'est opérée se
trouve à 700 mètres O. N. O. de Téglise de Petite-Rosière (Tar-
lier et Wauters loc, cit., Canton de Perwez^ p. 158.)
GOBERTANGE, voir MELIN.
HOUGAERDE (ar. de Louvain, c. de Tirlemont), à proxi-
mité du diverticulum de Tirlemont à Namur.
Section d'OVERLAER. On a trouvé, il y a quelques années,
dans les carrières de grès de M. Victor de Tiège, les objets sui-
vants : 2 petits vases en poterie rouge ; un vase gris orné de
dessins à la roulette ; un vase grisâtre orné de deux lignes ondu-
lées ; un petit vase en terre noire ; un grand vase noir ;
une lagène en terre noire. Ces objets se trouvent chez M.
Alph. De Tiège, notaire à Bruxelles. On a encore trouvé quel-
ques perles en pâte de verre et en pâte céramique de diversescou-
leurs ; une boucle de ceinturon ; un scramasaxe ; une francisque ;
un fer de framée ; un fer de lance plus petit ^ (Cumont. Ann, de
la Soc. d'arch. de Bruxelles, 1. 1, P^ livr., p. 194 à 196. — Baron
A. DE LoË, loc, etc., p. 223).
JAUCHE (ar. de Nivelles, c. de Jodoigne), proche et à égale
distance du diverticulum de Tirlemont à Namur et de la voie stra-
tégique de Bavay à Cologne.
1 MM. D.-A. Van Bastelaer et G. Cumont qui avaient reçu, le premier, les perles
et la boucle, le second, les armes franques.de M. le notaire de Tiège, se sont
empressés de les offrir gracieusement au Musée de notre Société.
— 203 —
On a trouvé; en 1830, plusieurs squelettes entourés et recou-
verts de pierres non maçonnées. Des francisques et des épées
étaient déposées près d'eux. Ces fouilles ont été exécutées par
M. CouLON. (Bitll. del'Acad. roy.de Belg., t. XIV, i""^ part., p. 324
et 325. — Com. roy. des Mon. — Bidl. du Comité du Brabant,
— ScHAYES, loc. cit., t. III (Ch. Piot), p. 572 et t. IV, 1877 (Van
Dessel) pp. 121 et 122. — Revue d'hist, etd*arch., t. II, p. 296. —
Baron A. de Loë, loc. cit., p. 218.)
KERKOM (ar. de Louvain, c. de Glabbeek), à proximité de
deux diverticula, de Tirlemont à Aerschot et de Tirlemont à
Louvain.
Sépultures. [Carte arch. de Van der Maelen. — Schayes, loc.
cit., t. IV, 1877 (Van Dessel,) p. 125. — Baron A. de Loë, loc.
cit., p. 218).
LINDEN (ar. et c. de Louvain).
Sépultures (Van Dessel, loc. cit., p. 133 et Baron A. de Loë,
loc, cit., p. 218).
MARILLES (ar. de Nivelles, c. de Jodoigne), à proximité de
plusieurs diveriicida.
Section de NODRANGE. En juillet 1859, deux tombeaux
francs, à peu près juxtaposés, furent découverts. Ils étaient formés
de pierres de grès superposées, sans maçonneries^ recouverts de
blocs plus grands et contenaient chacun un squelette. On trouva,
en outre, dans le premier tombeau : une framée, une francisque,
une longue épée, une fibule à plaque d'or ornées de verroteries *,
plusieurs petits tubes de bronze, des débris d'une pince de bronze,
à épiler, des débris d'une bouteille de verre verdàtre, une bague
en bronze, des morceaux de bronze d'une seconde fibule, des
débris d'un bassin de bronze, des perles de collier en verre,
une petite framée, un marteau en bronze qui, d'après M.Ch. Piot,
serait le marteau de Thor ^ un fragment d'une rosette en bronze à
jour, un fragment d'un trousseau de cure-dents. La seconde
1 Absolument semblable aux fibules trouvées dans le cimetière franc de Lède
et dont Schayes a donné la description [Bail, de VAc. roy. de Beî^., t. XVII,
p. 120).
2 C'est le seul que l'on ait trouvé en Belgique jusqu'à ce jour. Cette trouvaille est,
dit M. Piot, de la plus haute importance pour constater Tépoque vers laquelle les
Francs établis en Belgique furent convertis au christianisme.
— 204 —
tombe contenait deux framéeS; des débris de coupe de verre, des
débris de bouteille de verre, une boucle de ceinturon, en bronze,
une plaque de ceinturon, en bronze, avec entrelacs, un anneau
de bronze, une croix en bronze, d'origine chrétienne^ d'après M.
Piot, une fibule ornée d'or en filigrane et de verroteries et d'une
petite plaque d'or percée de trous, une tète d'épingle en or dont
la partie supérieure est ornée de verroteries et la partie inférieure
d'arcatures romaines à plein cintre, une bague d'or à chaton orné
d'un lion, des perles de collier d'ambre et de terre cuite, un
style d'argent et d'or, la tête en forme de cure-oreille *, une pla-
que de bronze à jour représentant un homme à cheval 2. (Ch.
V\OT,Revued'hist.etd'arch.^\,.^[\'à(iQ-6\)y p. 296 à 309, 2 pi.
et 3 vignettes. (Voir les pi. en tête du vol.).-^^^. de la Féd. arch.
ethist. de Belg. t, IV, p. 170. Congrès de Charleroi. — Schayes,
loc. cit,y t. IV, 1877. — (Van Dessel)p. 144. — Baron de Loë, loc,
cit.y p. 218.)
MELIN (ar. de Nivelles, c. de Jodoigne), à proximité du
divertîculum de Tirlemont à Namur.
Section de GOBERTANGE. Sur le penchant d'une colline on a
trouvé, en 1832, à deux pieds de profondeur, un squelette, sans
aucun indice de tombe ni de cercueil et qui, la tête tournée à
l'Orient transversalement sur la colline, avait les jambes croisées.
Les ossements étaient parfaitement conservés et bien liés, ce qu^on
peut attribuer à l'élévation du terrain et à sa nature argileuse sur
un fond pierreux. Les vieillards du pays disaient, en 1832, que
ce lieu a été couvert jadis d'un bois et le père du propriétaire du
terrain où le squelette a été trouvé, assure qu'il y a quinze ans
(1817), on y a déterré d'autres squelettes qui se trouvaient dans
des tombeaux formés de pierres réunies, mais dont il ne reste plus
de vestiges, cette terre ayant été mise en culture. On avait trouvé
dans ces sépultures franques un bracelet en cuivre doré orné
d'un médaillon barbare et un autre médaillon plus petit, ainsi que
douze petits boutons en os. (Baron de Reiffenberg, Bull, de l'Ac.
' A peu près semblable à celui reproduit par l'abbé Cochet, Norni. sont.,
p. 350.
2 La découverte de Marilles est une des plus importantes qui aient été faites en
Belgique concernant l'époque franque.
L'État vient d'acheter tous ces objets à M. Léon d'Udekem de Guertechin.
— 205 —
7-oy. de Belg., t. I, 1832, p, 123 a 125 ; pi. p. 156. — Schayes,
t. IV, 1877 (Van Dessel), p. 148. — Tarlier et Wauters, Géog.
et hist. des Coin, de la Belg. — Canton de Jodoignc, p. 206. —
Rev. d'hist, et d'arch.yll, p. 196. — Baron A. de Loë, loc. cit,,
p. 218).
MELSBROECK (ar. de Bruxelles, c. de Vilvorde), à proximité
du diverticîdimi de Malines à Gembloux.
Grand nombre de squelettes, spathium, scramasaxes, objets de
parure du genre de ceux de Lède, le tout trouvé au milieu d'un
établissement romain (Schayes, Rev. d'hist, et d'arch,, 1. 1, p. 284,
et Bidl. de l'Ac. Roy. de Belg. ^ t. XXIII. — Galesloot, Laprov.
de Brabant avant Vemp. rom,, 1859, p. 55. — Schayes, La Belg.
av. et pend, la doni. rom..^ t. IV, 1877 (Van Dessel), p. 148. —
Baron A. de Loe, loc. cit.j p. 218).
NODRANGE, voir MARILLES.
NOIRMONT, voir CORTIL.
OVERLAER, voir HOUGAERDE.
SCHAFFEN (ar. de Louv., c. de Diest).
Au lieu dit Schoonaerde, on a trouvé des armes franques. (Ann.
de l'Ac. d'arch. de Belg., 2^ sér., t. V, p. 416 et s. — Schayes,
loc. cit.. t. III, 1877 (Ch. Piot), p. 573. - Baron A. de Loë, loc.
cit., p. 219).
SICHEM (ar. de Louvain, c. de Diest), sur un divertictdum.
Débris d'armes franques. [Mess, des se. hist., 1859, pp. 19
et 20)-
WAYS(ar. de Nivelles, c. de Genappe).
Sépultures. {Doc. de la Soc. pal. et arch. de Char 1er oi, t. VII,
p. Lxxxn. — Schayes, Icc. cit., t. IV, 1877 (Van Dessel),
p. 223).
L'on a encore fait quelques trouvailles dans des endroits mal
déterminés par les auteurs :
I" Aux environs de Bruxelles (?) une épingle à cheveux.
(Renseig. de M. Galesloot. — Schayes, loc. cit., t. III, 1877
(Ch. Piot), p. 434 et t. IV, 1877 (Van Dessel), p. 60. — Cochet,
la Norm. sont., pp. 49, 378-79, 400, et Tomb. de Childcric, p. 28.
— Baron A. de Loë, loc. cit., p. 215).
2° Dans le déblai de la route de Tirlemont à Winghe-Saint-
Georges (?) on a trouvé, en 1848, trois francisques et cinq urnes
— 2o6 —
franques *. (A. G. B. Schayes, Catalogue et description du Musée
royal d*arfnures et d* antiquités j 1854, p. 3, n°92; p. 106, n^s 359-
363 ; et la Belg. et les Pays-Bas avant et pend, la dont, rom.y t. III,
1877 (Ch. Piot), p. 574 et t. IV, 1887 (Van Dessel), pp. 205 et
206).
Comme Ton peut s'en rendre compte par cette courte liste,
bien des fouilles sont encore à faire et notre province est restée
presque inexplorée jusqu'ici. En effet, les données archéolo-
giques pour le Brabant ne nous ont fourni que dix-huit stations :
Anderlecht, Bornai, Cortil-Noirmont, Diest, Enines, Geest-Gerom-
pont y Hougaerde {Overlaere), Jauche, Kerkom, Linden, Marilles
(Nodrange)y Melin [Gobertange) ^ Melsbroeckj Schaffen, Sichem,
IVays, les environs de Bruxelles (?) et la route de Tirlemont à
JVinghe-Saint-Georges {?). De ces dix-huit stations, quatre sont
douteuses : Bornai, Kerkom, Linden et Schaffen ^.
Il nous reste, pour achever notre étude, à nous occuper, à
défaut de découvertes archéologiques, des présomptions topogra-
phiques, étymologiques, toponomastiques, toponymiques, anthro-
pologiques et linguistiques.
En dehors des localités où des sépultures ou objets de Tépoque
franque ont été trouvés, il faut rechercher d'abord les situations
topographiques où les Francs avaient l'habitude d'enterrer leurs
morts, c'est-à-dire le penchant des collines, au-dessus ou à
proximité des cours d'eau. C'est là, du reste, que se retrouvent
aussi, presque toujours, les villœ que les Francs avaient trouvées
abandonnées ou à l'état de ruines, et dont ils firent leurs
demeures, et comme ces villœ étaient situées à proximité des
tumuli, des chaussées et des diverticula, il s'ensuit que leurs envi-
1 Ces objets se trouvent au Musée royal d'Antiquités et d'armures de l'Etat, à
Bruxelles. ,
2 Elles ne sont indiquées que dans l'ouvrage de Van Dessel ou sur la carte de
Van der Maelen, et l'on sait que ces auteurs ont parfois annoté leurs cartes archéo-
logiques sur des renseignements qu'ils n'avaient eu ni les moyens, ni le loisir
d'aller vérifier et qu'ils ne pouvaient d'ailleurs accepter eux-mêmes que sous béné-
fice d'inventaire.
— 207 —
rons sont aussi des situations indiquées pour retrouver des cime-
tières francs.
Déjà en 1856, Attgustin Thierry {Récits des temps mérovingiens,
p. 186, en note), disait : « Les noms de lieux qui peuvent légiti-
mement se rapporter à la période franque^ sont ceux où se ren-
contrent, soit au commencement, soit à la fin, les mots : ville^ vil-
lierSy court, mont, val, bois , font, fontaine , etc. •>
Chotin ^ indique comme localités habitées par les Francs, dans
le Brabant, celles dont les noms se terminent par heim, hem, hach,
beek, sala, sele, zèle, gnies,
M. Vi^N DER KiNDERE ^ reconnaît les traces des Francs dans les
terminaisons des noms de communes en heim, hem, bach, sala,
sele, zèle.
u II est à remarquer, dit ce savant, que si les noms de lieux
d'origine franque sont miOins abondants dans la région wallonne
que dans le pays flamand, c'est que cette contrée était déjà plus
anciennement habitée, etque les agglomérations, villes ou villages,
possédaient préalablement des noms que Finvasion franque ne
leur a pas enlevés. Ensuite, ce serait une erreur de croire que les
noms francs fassent défaut dans cette région; j'ai fait remarquer
que les terminaisons en in, ain, aing, etc., correspondent souvent
à des heim; il est de même de celles de gnies, qui peuvent n'être
que des transformations de inghem : Bellignies = Bellinghem ;
Bettignies = Bettinghem. Seulement ici, il faut être prudent, car
gnies et le inghem ne sont parfois tous deux que des dérivés d'un
iacum antérieur.
« Rien n'est plus notable que la fréquence du heim franc. On le
retrouve depuis le Rhin moyen jusque dans la vallée de l'Escaut,
partout où les Francs ont fondé des établissements nouveaux.
Dans les provinces wallonnes, le heim s'est transformé en ain, in,
chin ; Houtain pour Houtheim, Ohain, Haulchin, etc., comme le
beek est devenu becq, baix : Everbecq, Molembaix, Rebais. »
1 Etudes étymologiques sur les tioms de vilhs, houro^s, villages, hameaux, rivières et ruis-
seaux de la province de Brahant. — Tournai, Malo et Levasseur (sans date).
2 Bulld. de la Soc. d'Anthr. de Bruxelles, t. III, p. 39. Sur V établissement des Francs en
Belgique, spécialement d'après la toponomastique.
— 2o8 —
De plus, les noms de lieux dits, et surtout celui bien caractéris-
tique de Tombais sont aussi des sources de renseignements utiles
et précieux.
Sans avoir la prétention de fournir une liste complète des noms
de lieux dits touchant l'époque franque, pour le Brabant, nous
donnons ci-après le résultat de nos recherches :
AsscHE. Hameau de Humieghemstmef, hameau des Huns. — Voickdghem, de-
meure des peuples.
Bautersem (Balters/;^m, 1163 ; Bouiersheim, Gram. ; Boutercheim, 1301).
Hameau de Uooghutiel.
Beauvechain (Bavenckw, 1283).
Beckerseele (Bckensela, Beckeri:^^/^, 1366).
Beersel. Hameau de Neerbeer^^/. - Neckersdelle, vallée des Nickers, souvenir
de la mythologie germanique. Les Neckers étaient des nains aquatiques*.
Bergh. Hameau de Fryssel (VryseL Vryieek, demeure des Francs).
Betecom. (Curtis de Bettenc/;^m, 11 30). Hameau de Ttimmkennsherg^ m.ont
des tombes.
Bierges-sur-Dyle. lÀtxiàïl Haies des mods.
Binckom (Benc/;^m, 1159).
Borgt-Lombeek. Hameau de Calthem (Cattes).
BousvAL, Lieu dit : Champ du Tomhois, sur la limite de Baisy, du côté de
Thy.
BuNSBEEK. Chemin des Francs. — Les Tombes de Lalloux (lyj^). Ruisseau de
la Confédération.
Ceroux-Mousty. Hameau de Franquegnies, demeure des Francs. — Franke-
gnies, 1204 ; Frankengys, 1 374 ; Franckingnies, 1412 ; Francquenies,
1566 ; Franquennie, 1607 ; Franqueny, an XIILLieu dit : Champ d'Enfer.
— Cours d'eau dit : le Ry Angon.
Cortil-sur-Orne. Lieux dits : Champ des tombes. — Chemin des tombes.
Court- St-Etienne. Lieu dit : Prairie de Franquenies demeure des Francs.
Dongelberg. Lieu dits : Champ des fosses {aux fosses, xiv^ siècle).
DuiSBOURG {Dusborg, ii<)6). Foderesse des Allemands, des Francs. Comme on
l'a vu dans la première partie de notre travail, nous partageons l'avis
des auteurs qui pensent que c'est le Dispatgum où Clodion séjourna
avant sa grande expédition au travers de la Forêt charbonnière.
1 Une rivière de ce nom, le Necker ou Neckar, existe en Allemagne. Elle passe
à Stuîtgard et à Heidelberg et se jette dans le Rhin, à Mannheim.
Voir également, concernant les Nickers ou Neckers, Wauters, Histoire des environs
de Bruxelles, t. I, p. xxix de l'Introduction.
— 209 —
Ei.iXGEN (EVmghetn).
Eppeghem. Fcrmj de Neclicrs^oel, du uiarais des Ncckers, des unions, souvcnir
de la mythologie germanique.
Gammerage. Hameau de Wc.'.derhem, hameau des sauvages.
Geet-Betz. Lieux dits : bel Dun'els h!ock (! 759), Mont des Diables.
Grez. Lieu dit : k CimMre. Cet endroit, situé à Textrémité septentrionale
de Gastuche, au point où le ruisseau du Pisselet traverse la roule, doit
son nom aux ossements qu'on y a trouvés et qui étaient mêlés à des
ustensiles de ménage (?)
Haekendover. Hameau de Wulmersom (Vulmer/;<JA«, 1086).
Halle-Bayenhoven. Lieux dits : Tuugerveld, 'e champ du Tongrois.
Hamme-Mille (MillcgZ/tîw, 1233.)
Herffei.ingen (Hervellena/;^!/;?.), lillage du comha!.
Hoeledem. Lieu dit Frauckx hosch lueg, chemin du bois des Francs.
Huldexberg. Prés de Duysbourg {Dispargum), endroit montagneux dit :
De Vranksberg, la montagne des Francs ^.
HuYSSiNGEN (Hunsen^/;6'/iz, 11 38). Hameau de NeJcersput, puit des Neckers ou
Nikers germaniques, les nutons.
LrTERBEEK. Lieu dit : Hunsloo, bois des Huns ?
Ittre. Lieu dit : Chemin des Morts.
IxELLES (E\sela, 1210).
J0D01GNE-LE-M ARCHE. Lieu dit : Vieux cimetière, vers l'ouest, près de la
Gette. — Hameau dit Francour. Rue du Tomhois {vove de Tombov à
MolebisouJ, 146 1). Chemin des Morts. — Ruisseau de Francourt (Rieu de
Francourt, 1459-1460).
Laeken. Hameau de Nerkersgat, trou des Neckers; Nerkersdaeî, vallée des
Neckers.
Lathuy. Hameau de Francour, cour des Francs. Rieu de Francourt fFrancort,
1248). Cortil Francotte, à Francourt (1743). Le nom flamand du village
est Laetwyck {Lœlorum viens, village des Létes). Francourt vient de Fran-
corum curtis, ferme, manoir des Francs. Ces noms semblent indiquer, dit
M. Wauters, que des Létes francs y ont été cantonnés.
LennickSt-Martin. Prés du chemin qui conduit à Tombcrg, on trouve le
Walsberg, montagne des Wallons, et la Vrancxdael, vallée des Francs '^.
LiEDEKERKE. Hameau de Fransche heydi, bruyère des Francs,
LiMAL. Lieu dit : Sous la ferme des morts.
LiMELETTE. Licu dit : Fond-des-Tonibes.
LoNGUEViLLE. Licu dit: As Tombes.
' Voir Wauters, Hist. des cnv. de Bruxelles, t. HT, p. 452.
2//;/cL, t. II, p. 25!-.
14
— 2LO —
LuBBtEK. Lieu dit : Toinmeii hlûch, euclos des lombes (1427).
Machelen. Lieu dit : Tuylenb:rg. (V. Chotin, loc. cil., p. 236.)
Maleve. Lieu dit : Aux tomhdles.
Meensel - KiESEGHEM. }At\\iek (11 32). La Fmnkryhsche Simet, route du
royaume des Francs, se trouve près du Vrankenhergh (1470). montagne
des Francs, vaste plateau qui s'étend sous Meensel et aux alentours.
Lieux dits : Silverenherg et Neckerspoel K
Meldert. Lieu dit : Vranken hoenre (1340), le honnier des Francs.
NiEUWRODE. Lieu dit : Neckersgat, trou des mitons.
Mont-St-Guibert. Le KiAngon y prend sa source à la fontaine Angon.
Nivelles. Lieu dit : Bois du Sépulcre.
NoDUWEZ. Commune limitrophe de Marilles. Lieu dit : Le Tombais ; le Tom-
hois,à Noduez 14^6 ; Au Tomboy, 1658 ; au Tombois, 1716 ; Tombay de
Nodwez, 171 5 ; c'est un monticule surmonté d'un calvaire.
Oetingen. Hameau de Vrankryk, royaume des Francs.
Orbais. Lieu dit : Vrancx.
Ottignies (Otti^/;^w), Franquenies, demeure des Francs. Lieux dits : Ruelle
des Morts ; La Frankise (1260). Le Ri Angon.
Perwez. Lieu dit : Campagne des tombes.
Ramillies. Lieu dit : Chemin de Franquenèe, prés du lieu dit -.Campagne de
Rome.
RixENSART. Lieux dits : Les tombes ; Bruyère des tombes,
RoosBEEK. Lieu dit : Franckxboomgaerl, pré des Francs.
Saventhem. Lieu dit •. Tomptvelt, champ des tombes.
Steencckerzeel {Och'msala, viii« siècle) Hameaux : Wambeek, HumelgZ?^;;/.
Sterrebeek. A en Duysborch pedeken, au sentier du Fort des Allemands{des Francs).
Strombeek-Bever. Hameau du Neckersmoirtere, tene des Nickers ; Nekerken,
le petit Nicfzer.
TiRLEMONT. Lieux dits : Vrankryksche strate, route des Francs.
TouRNEPPE. Hameau de Kersterbeek, le ruisseau du camp. Lieux dits : Tom-
helveîd, champ des tombes.
UccLE. Lieux dits : Neckersgatjrou des Nickers : Droeselenberg. Mont des Diables.
Vieux-Genappe. Lieu dit : Batlis-des-morts.
1 « Les sites solitaires de Meensel se prêtent aux récits superstitieux, aux légendes.
Plus d'une histDire fantastique s'y raconte encore de nos jours.
« Les noms de 'Neckerspoel (marais des lutins d'eau) ; de Waiermans strate (chemin
des hommes d'eaux) ; ^Z/wm^Z^^r^ (montagne d'argent), elc, etc., rappellent la
croyance qui est restée enracinée dans nos populations. Celui de Fraxkenberg, mon-
tagne des Francs, se rattache peut-être à l'étabHssement des Francs Saliens dans
notre province.
Le Frankenhtrcr est situé près de la Frankryshche straet, route du royaume des
Francs. » (Wauters, Joc. cit., canton de Glabcek, p. 57).
— 211 —
ViLLERS-LA- Ville. Lieux dits : Frauqueuouilie ; fontaine de Fnuiqnciiouille.
Virginal. Lieux dits : Cimetière; Le Tomhois (à proximité de la Sennette) ;
Fontaine Francisse.
VoRST. Lieu dit : Te Neckersgate.
Watermael-B.oitsfort. Hameau : de Tomhloeck, enclos des tombes. Lieux
dits : Duivelsdelle^ Vallée du Diable.
Wauthier-Braine. Lieu dit : Au Tombois (1469).
Wesemael. Hameau de Dut^ei, allemands saliens (francs saliens).
Winghe-Saint-Georges. Lieux dits : Strytbempt^ prairies du combat ; Sassenberg,
mont des Saxons ; Sasscnbosch, bois des Saxons.
WoLuwÉ- Saint-Lambert. De Tompveld, champ des tombes.
YsscHE. Tombeck, ruisseau des tombes.
•X-
-X- -x- ■
Enfin, il faut étudier avec soin les crânes et les ossements auprès
desquels on ne trouve pas de mobilier et que les fouilles met-
tent à jour.
•X-
La linguistique, elle aussi, nous prouve que la population
flamande vient des Francs. En effet, la langue flamande dérive
du germain ; il faut donc admettre que, clans la partie du pays
où elle est restée en usage, les Francs étaient plus nombreux
que les Belgo-Romains et que, par conséquent, leur langage a pris
le dessus. Ces régions recèlent donc nécessairement des tombes
franques.
•x-
^ -X
Il résulte de ce qui précède que des sépultures nombreuses
appartenant à Tépoque qui nous occupe, doivent exister dans le
sous-sol de notre province. Si les découvertes fortuites d'anti-
quités franques n'ont pas été plus fréquentes jusqu'ici, c'est que
les terres du Brabant, comme celles des Flandres, de la province
d'Anvers et du Limbourg, ont peu subi les remaniements profonds
qu'amène l'industrie. Il faut y suppléer par l'observation.
Mettons-nous donc bravement à l'œuvre, persuadés que nos
recherches seront couronnées de succès. Notre association aura
ainsi l'honneur de répondre à un vœu émis par M. Van Bastelaer,
au Congrès de CharLeroi, ainsi conçu : " Il serait désirable que
— 212 —
dans le Nord y le centre et l'Ouest de la Belgique, r on fît des recher-
ches actives pour retrouver les cmietières francs des différentes
époques ^ n
La Société d'Archéologie de Bruxelles aura à cœur d'aider
les vaillantes sociétés de Namur et de Charleroi* dans leurs
études sur la question franque, études qui ont principalement
pour but : i° de pouvoir établir une distinction entre les con-
quêtes des Ripuaires et celles des Saliens ; 2° de pouvoir dis-
tinguer, par Tétude et la comparaison des objets, quelle est la
différence, au point de vue de Part, entre les antiquités des
Francs ripuaires, et celles des Francs saliens, et de pouvoir
préciser, de cette façon, quelles sont les contrées qui ont été
habitées plutôt par les uns que par les autres.
A Tceuvre ! Ce sera un pas de plus fait vers la solution de la
question franque dont la Belgique, depuis plusieurs années, a
pris le mouvement par ses fouilles et ses publicadons.
Arm. de Behault et B°" Alf. de Loë.
Bruxelles, le 6 mai 1890.
1 Ce vœu a t}ié voté par rassemblée (V. .^;/«. àc la Fèàtrc.tion historique et archéo-
logique de Be/^ique, t. IV, p. 182.
LA
PIERRE TOMBALE
DE
NICOLAS GRUDIUS. FILS DE NICOLAS EVERARD
Président du Grand Conseil de Malines
!jl y a quelques années, M. Camille Picqué, le savant
conservateur des collections numismatiques de TÉtat,
communiqua* à ses collègues de la Société belge de
Numismatique, une médaille inédite de Jean Second, célèbre par
ses poésies et surtout par ses dix-neuf petites pièces intitulées
Basia (les baisers).
Elle consiste dans les portraits de son frère Nicolas Grudius,
poète aussi, et de sa belle-sœur Anna Cobella ou Coebels.
Jean Second n'était pas seulement un grand poète, mais encore
un médailleur distingué.
Lorsque j'eus l'honneur de vous faire une conférence sur
' Revue belge de 'Numismatique, 1875, pp. 544.-3 >$. V. aussi l'art ancien à Tex-
position nationale de 1880, pp. 111-112 et 115.
— 2T4 —
les médailles, à l'exposition rétrospective d'art industriel, à
Bruxelles, en 1888, j*ai particulièrement attiré votre attention sur
une médaille uniface, en plomb, par laquelle le jeune et amou-
reux poète a voulu transmettre à la postérité les traits de sa
chère maîtresse, la belle Julie de Malines. Vatis amatoris Julia
sculpta matin *.
Ces deux médailles reposent dans les riches collections de TÉtat
belge.
Je n'ai pas à vous faire ici la biographie de Jean Second ; je
vous engage, si vous désirez mieux le connaître, à lire l'excellente
notice que lui a consacrée M. Picqué dans la Revue de Numis-
matique, en 1873.
Vous y trouverez aussi de très intéressants détails sur la vie
de Nicolas Grudius, quatrième enfant de Nicolas Everardus,
(en néerlandais Cl^es Everaerts), président du Grand Conseil de
Malines. Trois des enfants «lu président se rendirent célèbres
comme poètes et comme jurisconsultes, Jean Second, Nicolas
Grudius et Adrien Marins. Nicolas prit le surnom de Grudius
parce qu'il était né à Louvain et qu'il croyait que cette ville était
située dans le pays des Grudii de Jules César ^. *
Grudius fut chargé par l'empereur Charles-Quint, et ensuite
par Phihppe II de missions importantes ; il fut chevalier, con-
seiller d'Etat, trésorier des Etats de Brabant et greffier ou
secrétaire de l'Ordre de la Toison d'Or ; Swertius dit qu'il mourut
à Venise en 1571.
Ses œuvres poétiques se composent de Poemata pia, à!Elegiœ,
à' Epigrammaia, de Funera, de Sjlvae et de quelques Apctheoseis,
Le manuscrit de la bibliothèque de Bourgogne, n° 20857, écrit
M. Picqué, donne la liste des chanceliers, trésoriers, greffiers,
conseillers et premiers rois d'armes de la Toison d'Or.
Il y est dit, sous le nom de Grudius, que ce greffier fut enterré
dans la chapelle de la Sainte-Croix de l'église d'Alsemberg, à
^ V. la numismatique à l'exposition rétrospective d'art industriel à Bruxelles,
1888, par M. le comte Maurin de Nahuys — Rev. Bel^e de 'Num., 1889, p. 386.
2 Voyez dans le Bulletin mensuel de Numismatique et d' Archéologie, publié par
R. Serrure (t. IV, 1884-85, pp. 172-181), une très intéressante notice de celui-ci sur
le poète et médailleur Jean Second et sa famille à propos d'une médaille inédite au
buste de Nicolas Everard.
L
\
D • O •
• S •
ICOLAVS Grv
lyS NiCOLAI
c^Brabant
QvAs-Ord
fis. Eqc^
ELLE RI s
AVREI
'SCRI
\fiA
PJ. VIL - T.nnbe de Niu.kls wrudius, ù Alscinbcrg (Brabant).
— 2l6 —
quelque distance de Bruxelles ' — où il s'était fait construire, de
son vivant, un tombeau.
a Nous n'y avons rien trouvé, ajoute M. Picqué, malgré les
recherches que M. le secrétaire de la commune a bien voulu
faire pour nous, w
J'ai eu plus de chance que M. le secrétaire d'Alsemberg qui,
cependant, a dû passer bien souvent sur la pierre tombale de
Grudius, mais ne s'est aperçu de rien.
Samedi, 30 août dernier, étant allé me promener aux environs
d'Alsemberg, le hasard m'amena dans un estaminet intitulé a An
Cygne n, non loin de l'église de cette commune, dans la partie
basse du village. Quel ne fut pas mon étonnement en découvrant
la pierre tombale de Grudius placée devant le seuil de la porte
ouverte vers la cour de cet estaminet ? Malheureusement, cette
pierre n'est pas entière ; tout un côté a été brisé et perdu et la
partie inférieure a été enlevée, de sorte qu'aucune date n'est
visible. Malgré ces dégradations, l'inscription est assez complète
et peut être lue facilement :
DEO OPTIMO MAXIMO
SEPULTUS
NICOLAVS GRV
DIVS NICOLAI
FILIUS EaUES BRABANTIAE
aV^STOR ORDI
NIS EaUITUM
VELLERIS
AVREI
SCRI
BA
CUM CONIVGIBUS.
Nicolas Grudius, fils de Nicolas (Everard), chevalier, trésorier
de Brabant et greffier de l'Ordre de la Toison d'Or, enterré avec
ses (deux) femmes.
Sa première femme fut Anna Coebels, de La Haye, qui mourut
prématurément en Espagne, où elle avait accompagné son mari
chargé d'une mission par Charles-Quint.
^ S'il est vrai que Nicolas Grudius soit mort à Venise, il aura sans doute été
embaumé pour être transporté à Alsemberg.
— 217 —
Dans la première de ses Ncnia, Grudius chante les qualités de
la défunte et nous apprend que Jean Second a conservé les traits
de sa belle-sœur sur une médaille d'argent dont la pièce de plomb
découverte par C. P. Serrure est sans doute une épreuve ^ Sa
seconde femme, d'après M. R. Serrure, s'appelait Jeanne Moys,
mais je n'ai pu découvrir à quelle époque elle est morte. J*ai
voulu savoir pourquoi Grudius avait été enterré à Alsemberg.
Je n'ai pas trouve qu'il eût quelque fief sur le territoire ou aux
environs de cette commune. Il figure cependant parmi les dona-
teurs d'une verrière à l'église voisine de Rhode-S^-Genèse.
Possédait-il une maison de campagne à cet endroit ? Quoi qu'il en
soit, sa pierre tombale n'a été décrite ni par Foppens, ni par
Swertius^ ni par Le Roy, dans le Théâtre sacré de Brabant.
Je termine en souhaitant que le Gouvernement ne laisse pas
détruire cette intéressante pierre et en fasse l'acquisition pour le
Musée royal d'antiquités. Il sauvera ainsi une relique d'un homme
qui a joué, en Belgique, un grand rôle dans les lettres et dans
l'État, au xvi^ siècle.
Georges Cumont.
1 C'est la médaiile qui a été décrite par M. C. Picqué et qui est actuellement
•dans les collections de l'État belge.
♦
LE PRÉHISTORIQUE
DE LA COLOMBIE
la demande de notre excellent confrère, M. Lopez
Mendez, M. Charles Patin, consul général de Belgique
l'a Medellin (Colombie), vient de faire don à notre Société
d'un certain nombre d'antiquités préhistoriques, ou précolom-
biennes, comme disent quelques auteurs, consistant en armes,
outils, vases, idole, etc., provenant d'anciennes sépultures
indiennes de la province d'Antioquia.
Avant de vous présenter ces objets, je vous prierai de jeter
avec moi un rapide coup d'œil sur la préhistoire du Nouveau-
Monde.
Les Américains semblent être aborigènes.
Malgré une civilisation très avancée, comme celle dont jouis-
saient le Mexique, le Yucatan et le Pérou, la métallurgie du fer
y était restée inconnue avant la conquête des Espagnols. Les
armes et les outils étaient de bronze et de pierre *.
L'âge du fer, qui marque chez nous l'aurore des temps histo-
1 Les Mexicains et les Péruviens se semaient encore de haches en pierre, lorsque le cuivre
et le h ron^e étaient déjà assez communs parmi eux. (Alex, de Humb:;ldt, — Vue des Cor-
dillères et monuments des peuples indigènes de l'Amérique).
t
— 219 —
riques, ne date donc, pour l'Amérique; que de Tarrivée des con-
qiiistadores , soit de la fin du xv^ siècle *.
En d'autres termes, on peut dire d'une manière générale que
Tépoque du bronze a été Tapogée du développement naturel et
spontané du Nouveau-Continent. On connaissait cependant les
métaux précieux, tels que For et l'argent. Mais, à côté des
Mexicains, des Péruviens et autres, qui s'étaient élevés au point
culminant de Tàge du bronze, il y avait des peuplades moins
importantes et moins avancées. Celles-ci n'avaient pas dépassé
l'âge de la pierre polie et, en fait de métaux, ne connaissaient
que l'or. Enfin, les Peaux-Rouges, les Guarayos et d'autres tri-
bus encore ne possédaient qu'une organisation sociale très rudi-
mentiiire.
Les aborigènes de la Colombie, dont vous avez devant vous
les produits industriels, paraissent avoir été, au moment de la
conquête, en possession de cette civilisation intermédiaire qui
correspond à notre plus belle époque de la pierre.
La petite collection rapportée par M. Patin comprend :
Trois ciseaux ou gouges en pierre schisteuse polie, dont le
tranchant résulte d'un seul biseau ;
Un ciseau en roche dure de couleur noire, d'un poli admirable,
avec tranchant à deux biseaux ;
Deux haches polies en pierre dure. L'une d'elles semble avoir
été recueillie à la surface de nos champs, tant elle présente de
ressemblance avec les produits industriels similaires des peu-
plades néolithiques européennes ;
Une pierre arrondie dont j'ignore la destination ;
Un petit creuset à fondre l'or ;
Un disque en pierre perforé au centre, peut-être une amulette,
ou un simple objet de parure ;
Une espèce de coupe et une petite urne faites à la main, en
terre assez convenablement lissée et recouverte d'une couche de
couleur rougeàtre. Ces vases, destinés à être suspendus, sont
munis tous les deux de petites oreilles par oi^i passaient les
cordes. Le premier a dû être plus complet autrefois ; la disposi-
1 Toutefois, le fer était connu de quelques tribus de l'Amazone et de la Plaai, mnh
comme Jer météorique.
— 220 —
tion des bords semble indiquer en e^ïet l'existence d'un couvercle;
Deux outils, sortes de roulettes en terre cuite, avec ornements
en creux, ayant servi à décorer les vases ;
Enfin, une idole, également en terre cuite, enduite d'une couche
de couleur rouge et recouverte de vernis, qui mérite toute notre
attention.
Elle a 25 centimètres de hauteur sur 20 de largeur, et représente
un être difforme, debout, du sexe masculin. La tête est énorme,
les paupières sont fermées et horizontales, la bouche et les
oreilles sont petites, le cou est absent. Les bras, excessivement
grêles, sont apphqués sur le ventre, et les membres inférieurs,
fortement écartés, permettent de distinguer le sexe accusé d'une
façon assez crue.
L'objet est creux et possède deux petits trous, Tun à la partie
supérieure, l'autre à la partie inférieure ; sa cavité contient un
fragment d'un corps dur quelconque, libre, qui produit un bruit
lorsqu'on secoue l'idole.
Ces diverses pièces^ m'a dit M. Patin, proviennent d'anciens
tombeaux ; ce sont des offrandes funéraires.
Le donateur n'a malheureusement pas été à même de me four-
nir des indications plus précises sur leur gisement. Je suis toute-
fois d'avis que l'on peut attribuer aux aborigènes de la Colombie
des rites mortuaires et des modes de sépultures analogues à ceux
que M. le D'" Marcano a observé chez les tribus primitives du
Venezuela. Ces peuplades appartenaient, en effet, à la même
grande race, et les produits de leur industrie présentent de nom-
breux traits de ressemblance.
M. Marcano décrit, dans son intéressant ouvrage sur M Ethno-
graphie précolombienne du Venezuela, trois différentes espèces
d'anciens cimetières indiens :
Les sépultures digéraient suivant les tribus. Au Nord, on enter-
rait les morts dans leurs propres maisons. Du sol de la station sep-
tentrionale des Tarmas, on a déterré des sarcophages dans lesquels
étaient places des squelettes accroupis, toujours solitaires. Dans les
vallées méridionales ^ on déposait les cadavres dans des sillons creusés
u ad hoc. » Enfin y les tumidi (cerritcs), semblent avoir été spéciaux
aux habitants de la zone précédemment fixée ^ .
^ Pour détails, voir l'ouvrage cité, p. 8 à 12 et p. 74 et 75.
— 221 —
En me permettant d'insister d'une façon particulière sur l'inté-
rêt que présentent ces objets et sur le fruit que Ton peut retirer
d'une étude comparative de notre civilisation primitive avec celle
du continent américain, je propose à l'assemblée de voter des
remerciements à notre consul général, M. Patin, pour son don
généreux, ainsi qu'à M. Lopez Mendez.
.Baron Alfred de Loë.
Bruxelles, 7 octobre 1890.
LES TOMBELLES
DES ENVIRONS
DE WAVRE ET DE COURT-SAINT-ÉTIENNE.
jl nous paraît utile, au retour d'une excursion que nous
venons de faire aux environs de Wavre et à Court-
Saint-Etienne, et à la suite d'une enquête archéolo-
gique minutieuse à laquelle nous nous sommes livré, de rappeler
l'attention de nos collègues sur cette partie du Brabant wallon
si riche en antiquités de toutes les époques *, et surtout sur les
tombelles qui y existent encore en assez grand nombre.
Nous désignons par le mot tombelles une catégorie de tertres
funéraires de très peu d'élévation eu égard à leur grand diamètre,
datant d'une époque antérieure à la conquête de César, et
qu'il faut distinguer avec soin d'autres tertres de plusieurs
mètres de hauteur, véritables monuments que Ton aperçoit de
loin, et qui ont été élevés sous la domination romaine ^.
1 Cette région est un véritable pays de cocagne pour l'archéologue ; non seule-
ment elle fourmille de lieux-dits caractéristiques, mais on a signalé déjà : à Wavre,
plusieurs stations néolithiques et des substructions romaines ; à Grez, des vestiges
de constructions romaines et des lumuli; à Dion-le-Val et à Dion-le-Mont, des
stations néolithiques et des antiquités romaines; à Ottignies et à Court-Saint-
Étienne, de nombreuses et vastes stations néolithiques, une villa et des sépultures
belgo-romaines, etc., q:Ic.
^ Ceux-ci ne semblent guère être antérieurs au ne siècle de l'ère chrétienne. Ox\
n'y rencontre, en effet, que des monnaies de Trajan, d'Adrien, d'Antonin et de
Marc-Aurèle.
— 223 -
. L'aire de dispersion de ces tombelles est très étendue : on en
rencontre autour de Wavre, aussi bien dans le bois de Bierges
qu'à la Bruyère-Saint- Job et qu a Dion-le-Val et à Dion-le-Mont.
Il en a existé également beaucoup sur le territoire de la com-
mune de Court-Saint-Etienne; elles occupaient, pour la plupart,
le vaste plateau de la Quenique et y formaient, suivant l'ex-
pression de notre confrère, M. le comte Goblet d'Alviella, un
véritable cimetière de tiimulus * .
On en voitenoutre plusieursdansle bois de la Closière-Laurent.
D'autres enfin ont été signalées à Ottignies, à Limelette, à
Corroy-le-Grand, à Limai, à Chaumont, à Ceroux, à Bonlez,
à Boussut-sur-Dyle, à Bousval, à Genval et à Rixensart '^.
Elles mesurent approximativement i'", i"^ 50, 2"", et 2"^ 50
d'élévation sur 8, 15, 20 et jusque 30 mètres de diamètre. Par
suite de circonstances naturelles ou accidentelles, il en est même
dont la périphérie a augmenté, aux dépens de la hauteur, dans des
proportions telles, qu'elles se trouvent actuellement presque en-
tièrement effacées et qu'il est on ne peut plus difficile de les
distinguer des renflements naturels du sol.
Quelques-unes de ces tombelles ont été fouillées d'une façon
convenable; d'autres, et c'est malheureusement le plus grand
nombre, ont été saccagées et les objets qu'elles renfermaient
dispersés.
Il paraîtrait que le gouvernement, dès 1861, aurait fait ouvrir
quelques tombelles à Court-Saint-Étienne et qu'on en aurait,
retiré des urnes et des objets en bronze et en fer ^.
M. Wauters en a fouillé également plusieurs, notamment à
Limelette, et entre Basse- Wavre et Dion-le-Val, mais sans succès,
car il n'y a trouvé qu'un lit de charbon et des débris d'osse-
ments calcinés ^.
^ Il n'en reste plus aujourd'hui, à cet endroit, qu'une seule, sur laquelle on a con-
struit une chapelle; et c'est à cette circonstance que nous devons sa conservation.
2 Par MM. Tarlier et Wauters, dans leur ouvrage sur la Géographie et l'histoire des
communes belles.
3 M. le docteur N. Cloquet, de Feluy, a vu ces trouvailles au Musée de la Porte
de Hal où on les avait classées parmi les objets gnllo-romains.,
"* Voir le rapport adressé par ce savant à M. le Gouverneur du Brabant sur les
explorations de tumulus et d'autres antiquités effectuées pendant l'année 1865 (Dans
le Bull, des commun, roy. d'Art et d'ArchJoL, T. III, 1864, p. 540).
— 224 —
C*est il y a une douzaine d'années, qu'a eu lieu ce que nous
appellerons le grand sac de la nécropole de Court-Saint-Étienne.
L'administration des hospices civils de cette commune ayant
fait défricher le bois de la Quenique, presque toutes les tombelles
disparurent; la plupart des vases qu'elles contenaient furent
brisés par la cupidité des ouvriers qui s'attendaient à y trouver
des trésors, les autres furent vendus *. Quant aux objets en bronze
et en fer, beaucoup passèrent inaperçus ou demeurèrent sur place;
d'autres enfin furent cédés à divers amateurs et à des paysans,
antiquaires de circonstance, qui les brocantèrent ^.
Grâce encore une fois à l'initiative privée, c'est-à-dire au zèle
et au dévouement de M. le docteur Cloquet, de Feluy, ces belles
trouvailles, si elles n'allèrent point enrichir notre Musée national
d'antiquités, ne furent cepehdant pas entièrement perdues pour
la science. Il put se rendre à temps sur les lieux pour sauver
encore quelques pièces qu'il déposa dans les collections de la
Société archéologique de Nivelles ^, et pour recueillir de nom-
breux renseignements qu'il consigna, en une notice fort intéres-
sante, dans les annales de cette société ^.
Lors de notre excursion à Court-Saint-Etienne, nous avons pu
voir dans les collections de M. le comte Goblet d'Alviella, qui
malheureusement était absent à l'époque où eut lieu cette impor-
tante découverte, plusieurs épces ou poignards en bronze, brisés
ou tordus intentionnellement pour obéir à un rite funéraire, une
épée en fer également brisée, des bijoux et des pièces d'équipe-
ment en bronze, deux petites urnes remplies d'ossements
calcinés, une boule en grès du système bruxellien et un nautile
fossile du même étage géologique, le tout provenant des tom-
belles de la Quenique.
Nous avons vu aussi chez M. le représentant Henricot, où se
trouvent les collections de notre regretté ami Alfred Rucquoy,
les fragments d'une belle épée en fer à nervure longitudinale,
deux petits vases, dont l'un ne mesure que 45 millimètres de hau-
^ On en aurait trouvé plusieurs centaines!
2 Certains habitants de Court-Saint-Ftienne sont encore en p-^sscssion, nous
a-t-on assuré, de vases et d'autres objets provenant de la destruction des tombelles
de la Quenique. Ils n'attendent que l'occasion de s'en défaire pour un bon prix.
3 Nous y avons vu des tessons importants d'une poterie d'apparence gros-
sière, deux petits vases dont l'un, intact, est rempli d'ossements calcinés, ainsi qu'un
objet en fer indéterminable.
4 Dans le t. II.
— 225 —
teur, et quatre grandes urnes cinéraires renfermant des ossements
calcinés, de même provenance.
En 1882, MM. le marquis de Wavrin et De Pauw ont fouillé
également quelques tombelles a La Bruyère Saint- Job, entre Wa-
vre et Dion-le-Val. Ils ont recueilli, sous une série de 6 ou 8 ter-
tres de très peu d'élévation, mais d'un diamètre d'une trentaine
de mètres, disposés à la suite les uns des autres et formant une
sorte de chaîne, des fragments assez considérables de plusieurs
épées en fer, 4 ou 5 vases grossiers et une pierre polie sur toutes
ses faces, en grès tendre, assez friable, et au grain très fin, mesu-
rant o'"40 de longueur sur o'"i5 de largeur et o'^io d'épaisseur.
Elle a été trouvée brisée en une foule de petits morceaux placés
symétriquement autour d'un foyer, au centre de la tombelle, et
restituée, avec autant d'habileté que de patience, par M. De Pauw.
Cette pierre avait peut-être servi à affiler, à adoucir le tran-
chant des épées, et comme ces armes, elle fut brisée pour obéir
au même rite.
Voici maintenant quelques renseignements généraux au sujet
du dépôt funéraire des tombelles : il semble que l'on ait parfois
jonché le sol de sable blanc avant d'y élever le bûcher. L'urne
contenant les ossements calcinés, et les autres objets, se rencon-
trent au niveau du terrain primitif et non en dessous, comme c'est
le cas pour les grands tumtdi à^ l'époque belgo-romaine. Le dé-
pôt a donc été fait sur le sol couvert encore des cendres du
bûcher, puis on a élevé le tertre. Ces cendres ne forment plus
aujourd'hui qu'une mince couche de o"^02 ou o"^o3 d'épaisseur.
M. le docteur Cloquet donne la description suivante de la pote-
rie des tombelles, qui a été faite sans l'aide du tour, a Elle est de
couleur brune chocolat, la pâte est assez grossière intérieurement,
noirâtre, peu cuite, mais bien lissée à l'extérieur et recouverte
d'un engobe de pâte plus fine à laquelle on a donné un poli. »
Ces tombelles, dans lesquelles les armes en fer apparaissent
encore associées aux armes en bronze, datent du commencement
du premier âge du fer, ou, si l'on préfère, de la période de tran-
sition du bronze au fer *.
1 « Cette transition du l'âge du Bronze au premier âge du Fer s'est opérée insensi-
15
— 226 —
La nécropole de Court-S'-Etienne offre la plus grande analogie
avec les cimetières de Louette-S^-Pierre et de Gedinne (province
de Namur) dont les caractères rappellent beaucoup la civilisation
haltstattienne *.
A quelle race peut-on attribuer, chez nous, ce nouveau progrès
dans l'évolution industrielle ?
Il serait téméraire, dans l^état actuel de nos connaissances en
la matière, de vouloir résoudre la question.
Bornons-nous pour l'instant à poursuivre nos investigations
dans le sol ; consultons, en Tabsence de documents écrits, ces
archives souterraines qui certes ne Jious feront pas défaut ; étu-
dions aussi les découvertes archéologiques qui ont été faites à
l'étranger et ne cherchons pas, en un mot, à marcher plus vite
que de raison. A plus tard la synthèse, contentons-nous, pour le
moment, de recueillir et de grouper des faits.
Malgré ces fouilles et ces dévastations successives, il subsiste
un certain nombre de tombelles restées intactes, et nous ne
saurions assez engager la Société à les explorer sans tarder d'une
façon méthodique.
Grâce à notre excellent appareil de sondage et aux opérations
préliminaires auxquelles nous avons coutume de nous livrer, le
résultat de nos fouilles est rendu bien moins aléatoire. Puissent
celles-ci jeter un peu de lumière dans cette nuit où sont encore
plongées, dans notre pays, les époques immédiatement anté-
rieures à la domination romaine.
Bruxelles, 3 juin 1890
Bo" Alfred DE LOË.
blement, comme le passage de l'âge de la Pierre polie à l'âge du Bronze.» (Cloquet.)
« Toute matière nouvellement acquise à l'industrie se surajoute aux précédentes.))
(Chantre.)
Les progrès réalisés aux cours de l'époque du Bronze dans l'art de la métallurgie
ont permis à l'homme d'opérer la substitution du fer au bronze. Opération peu com-
pliquée en somme, puisqu'il ne s'agissait que d'amener le fer à l'état spongieux par
suite de la réduction de son oxyde, à le rendre seulement malléable.
1 C'est l'avis de M. G. de Mortillet.
BAH UT
TROUVÉ EN SUÈDE AVEC BLASON
RAPPELANT CELUI DE BUSLEYDEN
[on Excellence Monsieur Charles de Burenstam, minis-
tre plénipotentiaire de S. M. le Roi de Suède et de
Norvège à Bruxelles, nous a obligeamment confié la
photographie d'un bahut possédé par lui et au sujet duquel il a
bien voulu nous donner quelques renseignements.
Ce meuble en bois de chêne, orné de marqueteries et de sculp-
tures, a environ i'"75 de longueur et ©"^75 de hauteur. Il est
en style Renaissance et date de la fin du xvi^ ou du commen-
cement du xvii^ siècle. Il a subi des modifications, principalement
par l'enlèvement des pilastres, qui le décoraient primitivement
(fig. I.)
Selon l'avis de nos savants confrères, MM. Joseph Destrée,
conseiller, et Paul Saintenoy, secrétaire général de notre So-
ciété, le travail de ce bahut paraît accuser une origine septen-
trionale (Nord de l'Allemagne ou Scandinavie). Les deux blasons
dont il est orné et dont le premier nous semble être allemand, et
le second celui d'une branche d'une famille luxembourgeoise qui
s'était établie dans le Brabant, sont d'une belle exécution, tant au
point de vue artistique qu'héraldique de cette époque. Uun est
— 228 —
parti : i, deux arbres arrachés passés en sautoir ; 2, une bande char-
gée de cinq feuilles de tilleid dont les tiges recourbées touchent alter-
nativement le bord supérieur et le bord inférieur de la bande. Heaume
avec bourrelet et ses lambrequins ; Cimier : vol armorié, l'aile dextre
de la ï^^y et r aile senestre de la 2^ partie de reçu (fig. 2).
L'autre blason est écartelé : aux i et 4, unefasce accompagnée en
pointe d'une rose boutonnée et barbée ; aux 2 et j, une rose boutonnée
et barbée a tige feuillée de deux pièces. Heaume couronné avec ses
lambrequins ; Cimier : une femme issante tenant dans la dextre la
rose à tige des 2^ et 3^ quartiers, entre un vol armorié des 1^^ et ^^
quartiers de l'écu (fig. 3).
Ce bahut a été trouvé en Suède, dans la province de Nérike,
en 1876, chez un soldat d'infanterie cantonné, qui Pavait acheté
d'un paysan auquel il était échu par héritage.
Sa provenance primitive est inconnue ; les armoiries qui y fi-
gurent ne sont pas suédoises, ainsi que nous Ta positivement affir-
mé M. de Burenstam ; mais comme plusieurs familles étrangères,
qui s'étaient établies en Suède, — entre autres les de Geer (de
Hamal de la Hesbaye), les Grill (Grillo de Gênes) qui passèrent
deux siècles à Amsterdam, les Falkenberg et les Dohna d'Alle-
magne, — ont eu des propriétés dans la province de Nérike^ on
a supposé que ce bahut provenait d'une de ces familles.
Ce ne sont toutefois pas les armes de l'une d'elles qui se
trouvent sur le bahut, et dans leur généalogie, on n'est pas par-
venu à découvrir des alliances avec des familles ayant ces em-
blèmes héraldiques.
Le Kônigliche Herolds-Amt à Berlin, et le secrétaire du Hooge
Raad van Adel à la Haye, qui ont été consultés par M. de Bu-
renstam, lui ont déclaré ne pas connaître ces deux blasons.
Notre appel fait au sujet de ces armoiries dans le Monatsblatt
de la Société impériale et royale « Adler n à Vienne, est resté
sans réponse.
De hachures il n'y a pas de trace, aussi n'étaient-elles pas encore,
. — comme indication des métaux et couleurs, — d'un usage uni-
forme à l'époque à laquelle le bahut appartient, et comme les ar-
moiries n'y sont pas polychromées, on ignore leurs émaux.
Ces blasons sont tous deux très caractéristiques. Le premier,
celui du mari, ainsi que nous le disions, nous semble être aile-
— 229 —
mand. Cet écu parti est composé de deux armoiries différentes.
Les deux arbres arrachés passés en sautoir, nous les avons ren-
contrés dans un manuscrit in-4° du xyiii*^ siècle^ intitulé Monu-
mens sépulcraux, p. 98, mais malheureusement sans indication de
nom et d'émaux ^
Ce même meuble héraldique se trouve sur une pierre tombale
de 1318, d'un membre de la famille Hildemar à Lubeck 2.
Les deux arbres arrachés, passés en sautoir, y sont taillés dans
le beau style héraldique de cette époque et représentent des til-
leuls (fig. 4).
Plus tard, quand le vrai style héraldique, si caractéristique,
eut dégénéré et en grande partie disparu, on se borna à repré-
senter le feuillage des arbres sous la forme d'une touffe, ainsi
qu'on le voit sur le bahut, sans qu'il fût possible de distinguer
quelle espèce d'arbre on avait voulu représenter.
La seconde partie de l'écu rappelle énormément les armes de
Burst, qui sont ainsi décrites dans V Armoriai général de M. Riet-
stap : de sable à la bande d'argent chargée de trois feiùlles de tilleul
de sinople, les tiges en haut posées en barres.
Les armes de Burst von Ueberlingen (fig. 5), sont représentées
dans la Reichenauer Chronik, anno 149 1, de Gallus Oheim, dont
Toriginal se trouve à la bibliothèque de l'Université de Fri-
bourg ^.
Nous ne saurions toutefois affirmer si les armoiries du mari,
sculptées sur le bahut, sont celles de la famille Hildemar parties
de celles de Burst.
Le second blason du bahut, l'écu écartelé, celui de la dame,
porte, ainsi que nous l'avons dit déjà, aux i et 4, une fasce accom-
pagnée en pointe d'une rose. C'est la famille bien connue de Bus-
leyden, riche en hommes célèbres et dont plusieurs membres
^ Ce manuscrit provenant de la bibliothèque de feu M. le chevalier de Neuflforge,
est un recueil de blasons et de quartiers généalogiques pour la plupart trouvés dans
des églises à Bruxelles, Anderlecht, Alsemberg, Vilvorde, Malines, Diest, Bruges,
Aesdonck, de Melsele et de Rupelmonde, au pays de Waes, Damme, Mons, etc. Les
dessins à la plume en partie coloriés sont faits, ainsi que l'indiquent l'inscription et
la signature sur plusieurs feuilles, par G.-J. de Fiennes.
2 Voyez : Die Linde in der Heraldik in der Sphra^istik und aïs Ornament vcm Fiirsten
F. K. lu Hahenlobe-Waldenburi, inséré dans le Jahrhuch des Heraldisch-Genealo^ischen
Vereines « Adler » in Wien, 1878, pp. 44 et 53, pi. I. no 6.
3 Idem p. 44. Note i.
— 230 —
furent magistrats de la ville de Bruxelles, qui portait ces armes si
particulièrement caractéristiques^ dès la fin du xv^ sièle.
M. Rietstap dit, dans son Armoriai général, que les armoiries de
la famille de Busleyden étaient anciennement <3^ar^^/?/ à lafasce de
gueules, accompagnée en pointe dhme rose du même *, et plus tard
d*azur à la fasce d'or, accompagnée en pointe d'ime rose de gueules,
boutonnée d'or et barbée de sinople.
D'après un grand armoriai in-folio, en notre possession, dessiné
et enluminé par le célèbre héraldiste et numismate André Schoe-
maker (mort en 1735), elles étaient à' azur à lafasce d'or, accom-
pagnée en pointe dUme rose d'argent.
Le plus ancien document que nous connaissions aux armes de
Busleyden, est un sceau de Gilles P^ de Busleyden, conseiller au
duché de Luxembourg, appendu à une charte de l'an 1476 aux
archives du château de Clairvaux, Luxembourg. Notre savant
confrère, M. Jean van Malderghem, archiviste-adjoint de la ville
de Bruxelles, a eu l'obligeance de nous procurer un moulage en
plâtre de ce sceau, que nous avons publié pour la première fois
dans la Revue belge de numismatique de 1889, p. 425, et que nous
reproduisons ci-dessous^.
Il représente un homme nu portant un écusson à une rose,
entouré d'une banderole avec la légende : S» (3ilS vau bUS-
letben, en miniscules gothiques.
Ainsi qu'on le voit, il n'y a pas encore de trace de la fasce.
M. Neyen, dans sa Biographie luxembourgeoise, à l'article :
Busleyden, dit que cette famille luxembourgeoise a pris son nom
1 Voyez aussi : Chevalier P.-N.-C. -C.-A. de Kessel, Livre d'or de la noblesse
luxembourgeoise, p. 31 ; L. Germain, Mélanges historiques sur la Lorraine^ p. 222. etc.
2 Nous devons ce cliché^^à l'obligeance de la Société Royale de Numismatique de
Belgique ; nous lui exprimons nos sincères remerciements.
— 231 —
du village de Boulaide, en allemand Bauschleiden, autrefois Busch-
leyden et Busleyden, enclavé dans Tancienne prévôté de Basto-
gne, où elle possédait un beau fief, et que Gilles P"" de Busleyden,
conseiller de Philippe le Bon et de Charles le Téméraire, secré-
taire et greffier de l'Etat noble du duché de Luxembourg, qui fut
anobli par lettres patentes du mois de février 1471, données à
Bruges par Charles le Téméraire, portait « d'azur à lajasce d*or,
« accompagnée en pointe d'une rose de gueules boutonnée d'or et
a Jeuillée ^ de sinople. Vécu timbré d^ un casque d argent, grillé et
(( liseré d'or, orné de lambrequins d*or et d'azur. Cimier : une tête et
(( col de licorne cP argent, la corne, le crin et la barbe cCor, issant
a d^un mortier ou bonnet d avocat de velours bleu, bordé de deux
a galons d'or et chargé de la rose de Técu. » (fig. 6.)
Ainsi que le fait observer M. Léon Germain de Nancy. 2, les
lettres d'anoblissement de février 147 1 ^, ne font pas plus men-
tion de Torigine de la famille (le duc de Bourgogne y qualifie
seaitment le hénéûcm\red7iomme franc..,, extrait et yssu de bon-
nes et notables gens d'anchienne bourgeoisie) que des armoiries, qui
sont pourtant si caractéristiques et à l'égard desquelles M. Ger-
main dit: rt On a vu parfois des anoblis prendre, en tout ou en
«partie, les armoiries de la localité dont ils étaient originaires
" ou celles de Pancienne famille seigneuriale éteinte qui avait
" possédé cette terre. Gilles de Busle3^den a peut-être relevé ainsi,
« en en modifiant les émaux, un écu alors dépourvu de proprié-
ii taire et qu'il considérait comme représentant le lieu dont ses
« ancêtres s'étaient surnommés^. >>
M. Germain ^ signale une pierre à la clef de voûte du porche
de la tour de l'église paroissiale d'Arlon, qui représente un écus-
son sculpté aux armes de Busleyden, 011 la rose est volumineuse,
et la fasce, fort mince, est haussée vers le chef.
Gilles P"" de Busleyden avait fait construire Téglisc paroissiale
de Saint-Martin à Arlon, qui est devenue la proie des flammes,
et M. Germain se demande si, en souvenir de Gilles de Busley-
1 Comme la rose n'est pas tigce, il est probable que le niotfeuillée a été employé
pour barbée.
2 Mêlantes historiques sur la Lorraine, p. 223.
3 Ces lettres patentes sont imprimées dans les Publications de la section historique
de r Institut royal ^rand-ducal de Luxembourg, t. xxxiv (1880), p. 72.
^ Mêlantes historiques, p. 223.
^ Idem, p. 225.
— 232 —
den, on n'aurait pas incrusté, dans la tour de l'église actuelle,
une pierre ornée de ses armes, sauvée de l'incendie.
Une superbe pierre tombale sculptée, placée dans l'intérieur de
la chapelle Saint-Hilaire, à Marville, département de la Meuse,
a fait l'objet d'une étude très approfondie de M. Léon Germain *.
Sa décoration architecturale, de la période ogivale tertiaire,
avec quelques détails qui participent du style de la Renaissance,
accuse l'époque de la transition dans cette contrée au commence-
ment du xvi^ siècle. Cette pierre, qui ne porte aucune inscription,
représente l'image, en bas-relief très prononcé, d'une dame noble
en costume de veuve, couchée la tête appuyée sur un coussin, les
mains jointes tenant un chapelet ; à ses pieds un chien (emblème
de la fidélité conjugale). Sur les côtés les statuettes des saints
Christophe, Jérôme, Gilles et Michel ; au haut deux écussons,
dont le premier porle une fasce accompagnée en pointe d'une rose à
neuf pétales ; le second représente une aigle en partie cachée par un
taillé sans aucun meuble.
Le savant archéologue et héraldiste lorrain reconnut dans le
premier écusson les armes si caractéristiques de Busleyden, et
dans le second, celles de la famille de Musset ^.
Gilles i^'" de Busleyden, natif d'Arlon, mort croit-on en ou vers
1496 ^ avait épousé Isabelle ou Elisabeth de Musset, dite de Mar-
1 Notice sur la tombe d'Isabelle de Mwset, femme de Gilles P^ de Busleyden, à Mar-
ville. Voyez Léon Germain, Mélanges historiques sur la Lorraine. Nancy, 1888, pp. 214-
271, et Mémoires de la Société d* Aixhéologie lorraine pour 1886.
2 Dans un recueil manuscrit de quartiers nobiliaires qui fait partie de la biblio-
thèque de la Société d'archéologie lorraine, jM. Germain découvrit un écu sans
indication d'émaux, au-dessous duquel on lit le nom de famille Musset. Il est sem-
blable au second écusson de la pierre tombale de Marville, sauf la transforma-
tion du taillé en tranché, deux partitions qui sont souvent prises l'une pour l'autre.
Dans le Nobiliaire de Lorraine de Dom Pelletier, p. 589, on lit : « Musset (Claude de)
« clerc-juré de Marville, fut anobli par René I®'^, le 24 juin 1456. Porte de sable à
« Paille d'or, tranché, soutenu de gueules ; et pour cimier une tête et col d'aigle d'or,
« le tout surmonté d'un armet morné, orné de son bourlet et d'un lambrequin aux métail et
a couleurs de Vécu. Héraulderie de Lorraine. »
^ Voyez L. Germain : Mélanges historiques, p. 224, note i. Il est toutefois à remar-
quer que son fils aîné Gilles II, vicomte de Grimberghe, brisait ses armes, en 1502,
d'un lambel à trois pendants, ainsi qu'on le verra plus loin, ce qui semble dénoter
que son père était alors encore en vie.
Dans un acte du i^^ mai 1506, Gilles I^^, sa femme Elisabeth et leur fils Fran-
/
— 235 —
411e, et non pas Jeanne Musset ou de Musset, ainsi qu'elle est tou-
jours désignée par les auteurs *.
Du remarquable travail de M. Germain, il résulte clairement
que c*est à cette dame, morte vers 1506, qu'était destinée la
pierre tombale de Marville. Saint-Gilles et Saint-Jérôme, dont
les images figurent sur la pierre, sont les patrons du mari et
de deux des fils de la défunte 2.
çois, sont tous les trois mentionnés comme étant morts (Germain, Mèlan^eSy
pp. 226-227, n" 9)-
^ Sur la foi de ces auteurs, nous l'avons également appelée erronément /^fl««^,
dans notre notice sur un jeton de Gilles de Busleyden, vicomte de Grimberghe.
Voyez Revue beJ^e de Numismatique, année 1889, p. 424.
Voici ce que M. Germain dit à propos du nom de la femme de Gilles l^^ de Bus-
leyden (Mélati^es historiques sur la Lùiraine, pp. 219-221): « Tous les nobiliaires et
ouvrages biographiques que nous avons pu consulter appellent la femme de Gilles
de Busleyden Jea7ine Musset ou Jeanne de Musset, et la tombe de Marville montre bien
les armes de la famille de Musset accolées à celles de Busleyden. Cependant nous
avons recueilli les analyses de plus de quatre-vingts actes où figure Gilles : dans au-
cun d'eux le nom cité n'est donné à sa femme, mais sept chartes la désignent par le
prénom d'Isabelle (aj, et deux autres la nomment Isabelle de Marville (bj. Voyant que
les pièces d'archives signalent un plus grand nombre d'enfants que les nobiliaires,
nous nous étions demandé si une génération n'y avait pas été omise, ou si Gilles le^
n'avait pas été marié deux fois. L'examen de cette question nous a donné beaucoup
de peine et demandé beaucoup de temps. Mais, en fin de compte, nous n'avons rien
trouvé à changer à l'ordre précédemment établi ; nous nous sommes convaincu, par
une démonstration qu'il serait long et trop compliqué de reproduire, que les noms
Jeanne Musset et Isabelle de Marville se rapportent à une seule et même personne. Il
est à supposer que : Musset ou de Musset était le nom ordinaire de la famille ; de
Marville, le surnom sous lequel on connaissait davantage la femme de Gilles de
Busleyden ; Isabelle, le véritable prénom de cette dame, et Jeanne, celui que les gé-
néalogistes, — trompés peut-être par l'initiale /, applicable à Isabelle comme à
îehannc, — lui auront attribué, sans suffisante information. Les dates permettent,
sans que l'on puisse rien affirmer, de voir en la personne d'Isabelle de Musset, dite de
Marville, une fille de Claude de Musset, de Marville, anobli en 1456. a
{a) La plus ancienne des chartes où figure cette dame (7 janvier 1455) lui donne
le prénom allemand Elsen. La plus récente, qui la mentionne comme déjà décédée
(1506), la nomme Elisabeth. Chacun sait qu'Elisabeth et Isabelle, ou Ysabel, Isabeau
etc., sont deux formes d'un même prénom.
(b) Chartes du 10 juin 1475 et de l'année 1494.
2 MM. l'abbé V. Tihay et F. Liénaed, qui ont décrit rt reproduit cette pierre
tombale dans leur travail : Le Mont Saint-Hilaire, inséré dans les Mémoires de la So-
ciété philomathique de Verdun, t. IV, 1880, l'ont attribuée à une religieuse, sans s'être
préoccupés des deux blasons indiquant une alliance et se rapportant à la défunte,
tandis que M. Jeantin, dans son Manuel de la Meuse, 1862, t. II, p. 1284, note 2, a
poussé la légèreté au point d'oser prétendre que « cette iconographie et les deux
« écusblasonnés indiquent que là fut la sépulture de Anne de Failly, religieuse à
« Juvigny, à laquelle, en 1567, l'abbesse Catherine, sa tante, résigna la crosse, mais
— 236 —
A l'égard des armes de Busleyden, au sujet desquelles les
lettres patentes de 147 1 sont muettes, il surgit une question:
quand la fasce est-elle entrée dans ce blason ? Ainsi que nous
Pavons vu, Gilles P"" scella encore en 1476 avec la rose seule.
Vouloir en conclure, ainsi qu'on pourrait le supposer au premier
abord, que la fasce ne serait pas entrée dans cet écu lors de l'ano-
blissement en 147 1, nous semble tout au moins hasardé, car il ne
serait pas impossible que le sceau aux anciennes armes (la rose
seule) eut encore été employé pendant quelque temps après
le changement apporté dans ces armoiries par l'introduction de
la fasce.
Gilles P"" de Busleyden et Isabelle de Musset dite de Marville,
eurent sept enfants ; Gilles ou Egide II, vicomte de Grimberghe,
seigneur de Over-et-Neder-Heembeek, de Ghiersch, etc., premier
conseiller et maître de la Chambre des comptes en Brabant, qui
épousa Adrienne de Gondeval, dame de Horst, de Rhode-Saint-
Pierre et de Corttelk ; il mourut en 1536 et fut inhummé dans
l'église des SS. Michel et Gudule à Bruxelles ; François, qui fut
précepteur de l'archiduc Philippe le Beau, et successivement pré-
vôt de Saint-Donatien à Bruges, doyen d'Anvers, chanoine de la
Collégiale de Saint-Siméon à Trêves, archevêque de Besançon et
prince du Saint-Empire, mort en 1502 ; Jérôme, célèbre dans les
lettres et diplomate distingué, conseiller d'État ecclésiastique et
maître des requêtes au Grand Conseil de Malines, ambassadeur
auprès du pape Jules II, auprès de François l^^, roi de France, et
de Henri VIII, roi d'Angleterre, fondateur du collège dit des trois
langues à Louvain, décédé en 1517 et enterré dans Téglise Saint-
Rombaut à Malines ; Valérien, seigneur de Ghiersch, con-
seiller et receveur général à Luxembourg, qui épousa Anne
de Kempf alias Keymich, dame d*x\spelt, et qui décéda vers
« qui n'en put recevoir l'investiture. Anne était fille de Christophe de Failly, de son
« premier mariage avec Barbe de Housse. »
Remarquons 1° que les deux écussons n'ont aucune similitude avec les armoiries
de FaïUy et de Housse. D'après Rietstap, Armoriai général ^ de Failly, originaire de la
Lorraine, porte : £ argent à un rameau arraché àe. houx, feuille de trois pièces de gueuleSy
et de Housse également de la Lorraine : d'argent au chif èchiqueté d'or et d'azur de trois
tires ; 2° que le chien couché aux pieds de la défunte indique suffisamment que la
pierre était destinée à une dame mariée ou veuve ; et 5" que la tombe date, ainsi
que le dénote son style, des premières années du xvi^ siècle.
— 237 —
1516, ne laissant qu\ni fils appelé François, qui mourut sans
alliance, entre 1517 et 1520, et dont la succession paraît être
revenue à son oncle Gilles II, vicomte de Grimberghe ; Jacque-
line, qui épousa en première noces Clais Haltfast, receveur à
Arlon, et en secondes Henri Hoeclin, greffier du Conseil à
Luxembourg ; et encore deux filles qui se firent religieuses en
1475 *•
Gilles ou Egide II de Busleyden, vicomte de Grimberghe, por-
tait unejasce accompagnée en pointe (Tune rose, Vécu brisé en chef
d'un lambel à trois pendants (fig. 7) ainsi que nous le montre son
jeton au millésime 1502 ^.
M. Douët d^Arcq ^ décrit ainsi le sceau de François de Bus-
leyden, archevêque de Besançon, appenduàun acte de Tan 1501
(archives nationales, J. 951) : « Ecu portant une tierce en fasce,
a accompagnée en pointe d\me rose ; timbré d'une croix. Légende
i( sur deux cercles concentriques : SIGILLVM CAMERE
«P^RANGDEBVS..... - EPISCOPI BISVNTINI SACRI IM-
« PERI (Sigillum camere Francisa de Bus archiepiscopi Bisiin-
ii tini sacri imper ii. ) n
Le Musée royal d'antiquités à Bruxelles possède un bas-relief
en pierre calcaire de la fin du xv^ ou du commencement du xvi^
siècle, représentant les armes d'un des membres de la famille de
Busleyden, — probablement de Jérôme, conseiller et maître des
requêtes au Grand Conseil de Malines, — à lafasce accompagnée en
pointe d*une rose, l*écu brisé d'une étoile à huit rais au franc canton
(fig. 8), et sommé d'un casque avec ses lambrequins, sans cimier.
Les faibles traces de polychromie, qu'on y découvre encore, nous
montrent que la fasce était d'or et la rose de gueules, boutonnée
d'or. De l'émail du champ et de l'étoile, il n'y a plus rien à recon-
naître.
Sur un superbe tableau à l'Hôtel de Ville de Bruxelles, don de
la famille Evenepoel, peint, vers 1600, par Martin de Vos (mort
' L. Germain, hc. cit. p. 227,
2 Voyez notre notice : ]eion$ démesure. Louis Quarrê... etdemessire Gilles de Busley-
den... in série dans la Revue bel^e de Numismatique, 1889, pp. 420-429. Le jeton de Gil-
les II de Busleyden, vicomte de Grimberghe, avait été publié par Van Mieris. Histûri
der Nederlaudscbe Vorsten, t. 1er, p, 545^ no 3, et par M. DugnioUe, Le jeton historique,
n° 758, mais avec attribution erronée.
* Collection de sceaux, n° 6295.
— 238 -
en 1603), et représentant les syndics et jurés du serment de l'ar-
balète de Saint-Georges à Bruxelles (en tout seize personnes), on
voit, au premier plan, à droite du tableau, le portrait de Gilles ou
Egide III de Busleyden, qui fut bourgmestre de Bruxelles en
1592 et 1593, et créé chevalier, le 30 novembre 1599, à l'occasion
de la joyeuse entrée des archiducs Albert et Isabelle à Bruxelles.
Il était fils de Nicolas, vicomte de Grimberghe et de Philippotte
van der Noot, et petit-fils de Gilles II, vicomte de Grimberghe et
d'Adrienne de Gonderval. Il mourut en 1623 et fut enterré dans
l'église de Saint-Géry, à Bruxelles, sous une pierre tombale
ornée de son blason.
Ses armoiries, qui sont peintes au-dessous de lui, sont les
pleines armes de Busleyden, sans brisure aucune : IX azur à la
fasce d*orj accompagnée en pointe d'une rose de gueules, boutonnée
cPor ; cimier : la tête et col de licorne ; lambrequins d'or et d^azur.
Ce tableau, mesurant i^6(^ de hauteur sur 2"^33 de lar-
geur, aurait été offert par Gilles III de Busleyden, à Téglise de
Saint-Géry, à Bruxelles, après qu'il eut été créé chevalier et en
mémoire de cet événement ^.
Aussi, d'après MM. Henné et Wauters^, Gilles ou Egide III,
bourgmestre de Bruxelles, en 1592 et 1593, blasonnait aux pleines
armes de Busleyden, tandis que son frère, maître Guillaume de
Busleyden, plusieurs fois échevin de cette ville, entre 1563 et
1573, portait les mêmes armes brisées d'une bordure componée
d'argent et de gueules (fig. 9).
Ainsi qu'on a pu le voir par ce qui précède, les diverses
branches de la famille de Busleyden brisaient leurs armes de diffé-
rentes manières, afin de se distinguer entre elles, et comme ces
armoiries ne sont pas de celles qui sont communes à d'autres
familles ^, mais qu'elles sont au contraire particulièrement carac-
1 Note de la famille Evenepoel, qui m'a été obligeamment communiquée par
notre honorable confrère, M. Victor Jamaer, architecte de la ville de Bruxelles ;
qu'il en reçoive nos sincères remerciements.
2 Histoire de la ville de Bruxelles, t. II, pi. VI.
3 Outre les armes de Busleyden, les seules que nous ayons jamais rencontrées
représentant une fasce accompagnée en pointe d'une fleur à cinq pétales (rose ou
quintefeuille), sont celles qui entrent dans le blason des Girard, comtes de Villeta-
neuse, en Bretagne, qui portent : écarteU aux i et 4 d'argent, à la fasce de gueules,
chargée d'un lion léopardè d'or, accompagnée en pointe d'une qidntefeuille d'azur, et aux 2 et
3 d'or à trois merlettes de sable; sur le tout de Girard, qui est losange d'argent et de gueules.
- 239 —
téristiques, vu, comme l'a dit si bien M. Germain, qu'il est anormal
qu'une fasce soit accompagnée en pointe sans 1 être en chef, nous
n'hésitons pas, jusqu'à preuve contraire, à attribuer le second
blason du bahut, celui de la femme, à une de Busleyden, qui
aura écartelé ses armes de famille avec celles à la rose à tige
feuillée, brisure provenant peut-être des armes maternelles.
MM. Jules Bosmans, le comte Amaury de Ghellinck d'Elseghem,
héraldistes belges, le professeur N. van Werveke, secrétaire de
la section historique de l'Institut royal-grand-ducal de Luxem-
bourg, Léon Germain, de l'Académie Stanislas, inspecteur de la
Société française d'archéologie, bibliothécaire-archiviste de la
Société d'archéologie lorraine, et d'autres encore, que nous avons
consultés, sont tous de notre avis. Toutefois, un héraldiste dis-
tingué, notre honorable confrère, M. J.-Th. de Raadt, secrétaire
de notre Société, ne partage pas notre opinion. 11 ne veut pas ad-
mettre que ce soient les armes de Busleyden qui ornent les i^''et4^
quartiers de l'un des écus du bahut, et nonobstant leur originalité
indiscutable, il pense, toutefois sans en fournir la preuve, que
d'autres familles, étrangères à la Belgique, auraient bien pu por-
ter des armoiries semblables. Malgré toutes nos recherches, nous
n'en avons jamais rencontré de pareilles. Qu'on nous les indique,
nous ne demandons pas mieux que d'être convaincu, car nous
n'avons d'autre but que d'arriver à la vérité; mais aussi longtemps
qu'on ne pourra absolument rien nous signaler, nous sommes en
droit de maintenir notre attribution ^
M. de Raadt fonde son jugement sur ce fait, que le cimier n'est
pas celui des Busleyden, la tête et col de licorne. A ceci nous ré-
pondrons que si des membres ou branches de la famille de Busley-
den ont porté pour cimier la tête et col de licorne, cela n'excluait
en aucune façon la faculté, pour les autres branches de cette famille,
1 Notre honorable confrère, M. Armand de Behault de Dornon, l'un des deux
rapporteurs de ce travail, a bien voulu nous faire part qu'il avait consulté plusieurs
armoriaux manuscrits et imprimés, et que parmi plus de dix-huit mille blasons, il n'en
avait pas rencontré un seul, sauf celui de Busleyden, ayant une fasce accompagnée
uniquement en pointe d'une rose, ou même d'un autre meuble. Tout ce qu'il avait
trouvé était un tiercé en fasce de gueules, d\iroent et d\iiur, chargé en pointe d'un coquillage
(Kerckwerve) et deux cas d'un chevron accompagné en pointe d'une rose (Bnlfourt
et Bloeme.J « Résultat qui prouve, dit-il, que les pièces figurant uniquement en pointe
avec une bande ou un chevron sont très rares. »
— 240 —
de mettre sur leur heaume un vol armorié de l'écu, comme nous
le voyons d'ailleurs sur le bahut ; surtout quand on a voulu y
joindre, ainsi que cela a été ici le cas, le cimier des 2^ et 3"^ quar-
tiers, la femme issante, qui ne pouvait pas trouver place sur le
casque en même temps que la tête et col de licorne.
Un tel changement de cimier n'offre rien d'extraordinaire ; on
a vu souvent les diverses branches d'une même famille porter
des cimiers différents. Ce fait se présente surtout fréquemment
chez les familles bruxelloises. L'argumentation adverse tombe
par conséquent à néant.
Une bonne et complète généalogie de la famille de Busleyden
pourrait tout expliquer. Mais où la trouver ?
M. de Raadt a eu l'obligeance de nous procurer une généalogie
de cette famille, afin que nous pussions nous convaincre que l'al-
liance supposée par nous d'une demoiselle de Busleyden avec un
membre d'une famille portant les armes représentées sur le pre-
mier écusson du bahut, ne s'y trouvait pas. Effectivement, une telle
alliance n'y est pas mentionnée ; mais, comme cette généalogie
n'est qu'un fragment très incomplet, non exempt d'inexactitudes,
où, entre autres lacunes, il ne figure que trois enfants de Gilles P'"
de Busle3^den et de Jeanne, lisez Isabelle de Musset, tandis que
ces époux en avaient sept, il est fort problable que la demoiselle,
dont nous croyons avoir retrouvé les armes sur le bahut, aura
subi le même sort que les quatre enfants oubliés de Gilles P^ et
d'Isabelle de Musset, dite de Marville.
Les recherches faites pour nous avec tant de complaisance par
notre savant confrère, M. Germain, qui a composé une généalogie
beaucoup plus complète de cette famille, n'ont malheureusement
produit aucun résultat en ce qui concerne l'alliance en question.
Voici ce qu'il a bien voulu nous écrire à ce sujet : « Les armoi-
« ries d'alliances des filles, du moins telles que je les trouve dans
Il l'armoriai publié en 1865, pour le Nobiliaire de Vegiano, n'ont
u aucune analogie avec celles du meuble en question ; il est tou-
u tefois des armes que je ne connais pas. n
Cependant, comme nous allons le démontrer, la manière dont
est brisé l'écusson de Busleyden sur le bahut, nous indique à
quelle branche la dame en question appartenait. Si les généa-
logies que l'on connaît de la famille de Busleyden ne mentionnent
— 241 —
pas cette dame, on ne doit pas trop s'en étonner, car dans les
arbres généalogiques des plus grandes familles, que Ton avait
considérés comme très complets, on découvre constamment des
lacunes, surtout à Tégard des filles, qui n'y figurent pas. Ainsi,
par exemple : dans aucune généalogie de Tillustre maison de
Wassenaer, branche de Duvenvoorde, il n'est fait mention d'Elisa-
beth de Duvenvoorde, fille de Thierry, qui épousa, en 1430,
Simon d'Adrichem, et cependant M. de la Faille de Leverghem
et nous-même, nous possédons chacun son portrait authentique
avec ses armoiries, Adrichem parti de Duvenvoorde *. Il existe
au cabinet des médailles, à Paris, un jeton de Claude de Beaune,
dame de Chambrun, orné de ses armoiries et portant le millé-
sime 1566, et cependant cette dame n'est mentionnée dans
aucune généalogie de cette maison. On pourrait citer de nom-
breux cas analogues.
Pour ce qui est de la rose à tige feuillée des 2^ et 3^ quartiers
de Técusson de la dame, plusieurs familles portent ce meuble dans
leurs armes, comme Bloemendaele, Petrey, Ruysch, Vander
Stappen, etc.
Dans la généalogie précitée nous trouvons que François de
Busleyden, seigneur de Ghiersch, Horst, etc., écuyer de la reine
de Hongrie, l'aîné des enfants de Gilles II, vicomte de Grimberghe
et d'Adrienne de Gondeval, épousa Marguerite Van der Stap-
pen, remariée en secondes noces à Louis du Chesne.
Dans le grand armoriai in-folio d'André Schoemaker, déjà
mentionné par nous, on voit les armes de Van der Stappen, qui
sont : d'argent à la rose de gueules, boutonnée, barbée, tigée et
feuillée de trois pièces de sinople (fig. 10) 2.
Il est probable que pour se distinguer des autres branches de
la famille, les descendants de François de Busleyden et de Mar-
guerite Van der Stappen ont écartelé les armes de Busleyden
avec celles de Van der Stappen, ainsi que cela se voit sur le
bahut, et que ce meuble ait appartenu à une petite-fille ou
1 Voyez notre notice : Peinture à V huile sur parchemin du XV^ siècle, représentant
Elisabeth de' Duvenvoorde, épouse de Simon d* Adrichem. Bulletin de V Académie d^ Archéo--
lo^ie de Belgique, t. II, p. 199.
2 Nous devons le beau dessin du bahut et des armoiries représentés p. 233 au
talent de l'auteur, M. le comte de Nahuys. (Note du Comité des publications.)
16
— 242 —
arrière-petite-fille de François de Busleyden et de Marguerite
Van der Stappen, non mentionnée dans la généalogie.
Si les armoiries du mari sont effectivement de Hildemar de
Lubeck, nous ferons remarquer qu'une alliance entre une demoi-
selle de Busleyden avec un Lubeckois n'offrirait rien d'étonnant,
surtout si Ton considère qu'Anvers était un des plus grands
entrepôts de la Ligue hanséatique, où plus de mille maisons
étrangères étaient venues s'établir, parmi lesquelles on comptait
de nombreux comptoirs fondés par des citoyens de la ville libre
et hanséatique de Lubeck. Cette alliance expliquerait aussi
parfaitement la présence des armes de Busleyden sur un bahut,
coffre de ménage, de facture nord-germanique.
Rappelons ici que Ducange fait dériver le mot bahut de hahu-
duniy employé dans la basse latinité pour indiquer une espèce de
coffre ; d'autres croient qu'il vient du mot celtique bahuy par
lequel on désignait un coffre dont le dessus était fait en rond.
Ménage le fait dériver de l'allemand behuten ou hehalteny qui
signifie garder, préserver, conserver.
Si nos recherches n'ont abouti qu'à un résultat partiel,
nous croyons toutefois avoir fait la lumière sur la provenance du
bahut armorié; et, en expliquant au moins l'un des deux blasons,
avoir indiqué la juste voie qui doit conduire à la solution com-
plète du problème héraldique et généalogique que présentent les
deux écussons d'alliance, dont est orné ce meuble;
Qu'on veuille bien nous excuser de nous être étendu si lon-
guement sur ce sujet : nous y avons été contraint malgré nous,
afin de prouver que notre attribution n'était pas faite à la légère
et ne reposait pas sur des suppositions en l'air.
C*^ Maurin de Nahuys.
p. s. Au cours de l'impression de cette notice, M. N. Van Werveke nous com-
munique obligeamment la date exacte de la mort de Gilles pJ* de Busleyden. A la
page 232, nous disions que l'on croyait qu'il était mort en ou vers 1496, tandis qu'il
décéda le 28 juin 1499 [Registre aux comptes de la recette générale de Luxembourg^ aux
archives du royaume à Bruxelles, année 1498-1499, fol. 12).
Il en résulte que Gilles II de Busleyden continua à briser son écusson d'un lam-
bel à trois pendants, encore après la mort de son père, ainsi que le prouve son
jeton de 1502, et probablement aussi longtemps que vécut sa mère, morte vers 1506.
O^ M. N.
ARCHITECTURE COMPARÉE
PROLÉGOMÈNES
A l'Étude de la filiation des
FONTS BAPTISMAUX
DEPUIS LES BAPTISTÈRES JUSQU'AU XVI^ SIÈCLE
(suite, voir Annales, voL V, p. 5 à 33)
IV
Généralités sur les fonts baptismaux
Perhaps there is no subject in the
whole range of Ecclesiastical Anti-
quity so difficult to arrange and dis-
cuss in ail its departments, historical,
architectural and décorative as that
of baptismal fonts 1.
F. A. Paley.
l'ous avons dit que malgré les défenses du pape saint
Léon IX (xi^ siècle), la coutume qui avait prévalu depuis
I longtemps à son époque de baptiser les enfants dès leur
naissance et non plus seulement à Pâques et à la Pentecôte, se
continua.
Dès le vii^ siècle, le privilège baptismal avait été étendu, en
France, des évêques aux églises archi-diaconales et plus tard à
certains sanctuaires paroissiaux qui devinrent ainsi églises bap-
tismales.
1 Combe. Illustrations of baptismal fonts with an introduction hy F. A. Paley. M. A.
London, John van Voorst, MDCCCXLIV, p. 7.
— 244 —
« Charlemagne, dit l'abbé Corblet, se préoccupant du dan-
ii ger où étaient les enfants de mourir sans baptême, ordonna en
a 789 que tous fussent baptisés dès Tàge d'un an et comme consé-
u quence de cet édit voulut qu'on multipliât les fonts dans les
(( églises paroissiales et même dans les églises conventuelles
il ayant charge d'âmes. »
u Plus tard, vers le xi® siècle, la réforme s'étendit et on baptisa
« Tenfant dès les premiers jours de sa naissance, v
En Allemagne, elle fut plus tardive : en 895 le concile de Tribur
( Triburiuniy dans le grand-duché de Hesse-Darmstadt) ne parle
que des baptistères des villes ^
Ceux-ci s'étaient pourtant transformés avant ce temps et les
baptistères avaient fait place aux cuves baptismales.
Profondes au début, pour permettre rimmersîon de catéchu-
mènes adultes, celles-ci deviennent moins spacieuses à mesure que
l'usage du baptême, suivant immédiatement la naissance, s'intro-
duit et surtout que l'infusion se substitue dans l'Europe occiden-
tale aux pratiques primitives.
La cuve perd donc ses grandes dimensions dans l'Europe du
Nord, tandis que celles-ci persistent dans le Midi — particulière-
ment en Italie — jusque très tard dans le moyen âge.
Les fonts, d'après de Caumont, devaient être en pierre ; le
concile de Lerida, tenu en 524, décida que le prêtre qui ne pouvait
s'en procurer devait avoir un vase réservé exclusivement au bap-
tême et attaché à l'église 2.
Saint Edmond, archevêque de Canterbury, qui vivait dans la
première moitié du xiii? siècle ^, exige dans ses Constitutions [122,6) y
pour les églises des fonts en pierre ou faits avec d'autres maté-
riaux solides et capables de retenir l'eau ^. Vel de alia materia
congrua et honesta, tali videlicet, quœ sit solida durabilis et fortis, ac
aquœ infusœ reteniiva
La pierre était donc imposée pour la confection des fonts.
On en cite cependant beaucoup en métal — or, argent, bronze,
1 Corblet /o£:. «7., p. 302.
^ Oninis presbyter^ quifontem lapideum habere neguivent, vas conveniens ad hoc solum-
modo hapti^andi officium habeat, guod extra eccîesiam deportetur,
3 Saint Edmokd fut nommé archevêque de Canterbury, le 2 avril 1234. — 11
mourut en France en 1240. Ses restes reposent à Pontigny.
4 DE CAiJUOtiT, Cours d'Archéologie, Paris, 1841, VI, p. 33.
— 245 — .
cuivre, étain, plomb, en bois et en céramique, béton, poterie,
faïence et même, s'il faut en croire M. Corblet, en porcelaine.
Ce qui est certain, c'est qu'au xviii*' siècle, on en fit en faïence.
Nous n'en voulons pour preuve que les fonts possédés par
M. Albert Evenepoel, membre effectif de la Société d'Archéo-
logie de Bruxelles, et qui nous ont été signalés par M. le baron
DE RoYER de Dour, membre également de la Société.
Il est vrai qu'ils sont d'une date relativement récente puisqu'ils
datent de la seconde moitié du xviii® siècle. Fabriqués à Delft
(Pays-Bas) pour l'ancienne église des Anabaptistes d'Amsterdam,
ils sont décorés par deux arabesques et des fleurs sur fond bleu
encadrant deux réserves à sujets religieux. Les deux anses figu-
rent des coquilles. Le couvercle est décoré d'ornements à jour ;
sur le bord, on lit l'inscription : die Gelooft zal hebben en
GEDOOPT ZAL zijN ZALiG (zal) worden. mar : i6 V. i6. Cette
pièce curieuse porte la marque L B. et a figuré sous le n° 2181
à l' Exposition rétrospective d' art industriel de Bruxelles, 1888.
Son possesseur a eu l'obligeance de nous écrire que M. H. Ha-
VARD, dans son ouvrage sur les faïences de Delft, mentionne :
JoosT ou JusTus Brouwer, 1759, dont la fabrique portait l'en-
seigne de la Hache de porcelaine.
C'est, paraît-il, le fabricant des fonts possédés par M. Eve-
nepoel.
En 1764, Brouwer fit le dépôt de la marque consistant en une
hache.
On lui attribue aussi quelques pièces portant une marque con-
sistant en un I et un B accouplés.
Ce qui est aussi incontestable, c'est l'usage que l'on fit du
bois pour sculpter des fonts baptismaux. Citons à l'appui de ce dire
les curieux fonts de Dinas Mowddwy (Merionethshire), dans le
pays de Galles (fig. 15), qui furent trouvés dans un marais et
qui sont taillés dans un bloc de bois de chêne noueux.
Figurés dans le Journal of the Archœological Institute, vol.
XIII, p. 292, ils ont été signalés par Miss Emma Swann dans son
savant mémoire sur les fonts de formes inusitées,avec appendices,
lu à la séance du 8 mars 1887 de VOxford Architectural and histo-
rical Society *. D'autres fonts en bois existent à Efenechtyd (pays de
1 Proceedin^s and excursions of the Oxford Arch. and hist. Soc. 1887, p. 69.
— 246 —
Salles). On peut en trouver la figuration dans The Archœological
Camhrensis (july 1884, p. 171).
C'est dans une cuve en bois (super pelvîm ligneunt) que le pape
SAINT Caius baptisa saint Claudius.
Les fonts de Perpignan ont encore la forme d'un tonneau de
bois cerclé (rv^ s.). Jusqu'en 1855, Montfort-sur-Rille, dans
l'Eure, a conservé ses fonts en bois.
M. CoRBLET pense aussi qu'avant le xi^ siècle, on se servait de
cuves en bois dans la plupart des églises baptismales du Nord et
surtout dans les campagnes *. On nous dit que Leeuwarden, en
Frise, possède encore des fonts en bois.
J. A. Paley rapportant qu'à Efenechtyd, en Angleterre (Sur-
rey), il y a des fonts taillés dans un bloc de chêne octogonal, ajoute
qu'il n'est pas improbable, que dans les époques primitives, il erp
fut ainsi fort souvent.
Il en existe un grand nombre en métal.
En Angleterre, le même auteur cite ceux de Dorchester,
Warborough, Long Whellington, Wareham, Wolstane, Childrey,
Ashower, Brookland, Great-Plumstead, Clewer, Pitcombe, Clim-
bridge (avec une date, 1640), Brundall et Siston^, tous en plomb.
Il en existe, de plus, rapporte- t-il, à Clifton (Oxfordshire) et à
Walton-on-the-Hill (Surrey) 3.
Inutile de parler, pour les Pays-Bas, des fonts en bronze ou en
laiton de Liège (Saint-Barthélémy), Tirlemont, Louvain, Maes-
tricht, Bois-le-Duc, Tournai, Hal, etc., etc., trop connus pour
que nous ayons à les citer.
En Allemagne, les fonts d'Hildesheim sont célèbres à juste
t^tre ; ceux de la collection Seillière, vendus récemment à Paris,
provenaient également de ce pays.
En Ecosse, plusieurs historiens nous font savoir que Içs enfants-,
royaux étaient baptisés à Holyrood Chapel, dans des fonts en
bronze. Enlevés en 1544, par Sir Richard Lea, ceux-ci furent
transportés dans l'église de Saint- Alban et ensuite détruits, par
les Puritains.
1 Revue de l'Art, chrétien, XXV, p. 29.
2 Paley, Baptismal fonts, p. 23.
3 Archœolosia. XI, p. 122.
— 247 —
En France, M. Tabbé Cochet a signalé à Houdetot (Seine-
Inférieure), des fonts baptismaux en plomb présentant à chaque
u angle, une curieuse gargouille w (sic) et qu'il croit du xvr siècle.
M. DE Clauville a ajouté à cette communication, faite en 1874,
à la Commission des antiquités de la Seine- Inférieure, qu^il croyait
en avoir vu d'analogues dans l'église de Bourg- Achard ; seule-
ment ils étaient décorés de douze personnages qui se sont
trouvés successivement enlevés par les curieux venus pour admi-
rer ces fonts (sic) *.
Les fonts en plomb deLombez, de Berneuil et deSaint-Evroult-
de-Monfort sont trop connus pour que nous ayons à insister.
Dans l'Inventaire des ornements, reliques, statues, images, vases
et bijoux de la grande église de Notre-Dame de Lausanne, on voit
renseigné sous le n° 38, " un grand bassin d'argent pour Teau
des baptêmes n .
La cathédrale de Canterbury possédait également des fonts,
d'argent que Ton envoyait en temps utile à Westminster pour
ondoyer les enfants royaux.
Quelquefois aussi on a affecté à cet usage des sarcophages
antiques.
Citons parmi les nombreux exemples :
Le sarcophage d'ANicius Probus, préfet du prétoire, mort en
395, et de Proba Faltonia, sa femme, est devenu la cuve
baptismale de Saint-Pierre au Vatican, à Rome, usage auquel
il fut affecté depuis le pape Symmaque jusqu'en 1699.
Un fait analogue s'observe à Saint-Trophime d'Arles, à Saint-
Cannât et dans un grand nombre d'autres localités.
^ Revue de P Art chrétien, 1874, p. 77.
^
Fonts placés au contre-bas du sol.
vant de parler des fonts baptismaux proprement dits, nous
désirons mentionner les quelques rares exemples de fonts que
nous classons sous la dénomination ci-dessus et dont le prototype
se trouve dans la piscine en contre-bas des baptistères pri-
mitifs.
M. RussELL Walker en a signalé de curieux en Ecosse, dans
Fîle de May, où la chapelle ruinée de Saint-Adrien montre
encore ses fonts rudimentaires à leur place primitive ; ils y sont
au moins depuis le xii^ siècle *.
Mais en France, les archéologues ont rencontré des exemples
encore plus remarquables de cet état de choses.
C'est ainsi qu'on a découvert, il y a quelques années (1885), à
Tours, en démolissant — bien malencontreusement — la vieille
église de Saint-Clément, des fonts en béton qui se rattachent par
leurs formes aux cuves cylindriques dont nous nous occuperons
ensuite. Notre savant confrère, M. Palustre, l'éminent président
de la Société archéologique de Touraine, en a donné une notice dans
sa belle monographie de Téglise Saint-Clément de Tours, écrite
en collaboration avec M. Léon Lhuillier. Ces fonts doivent re-
monter — suivant toute probabilité — au x^ ou xr siècle ^, (fig.
12-13)^. Voici ce qu'en disent ces auteurs :
1 RussELL Walker. Prerejbrmation churches Fife and the Lothians. Edinburgh,
1888.
2 Léon Palustre et L. Lhuillier. Mon. de l'église Saint-Clément de Tours.Touxs^
L. Péricat, éditeur, 1887, p. 136.
3 Clichés obligeamment prêtés par M. Palustre.
Fig. 12. . — ■ Fonts découverts à l'église St-Clément de Tours, (xe ou xie siècle).
(Extrait de la Monographie de cet édifice par MM. Palustre et Lhuillier).
Fig. 13. — Vue perspective de ces mêmes f-ints.
PI. IX. — Fonts de l'Église S*-Clément de Tours (France)
(x® ou XI® siècle).
— 251 —
« En fouillant le sol près du premier pilier, à droite, les ouvriers
rencontrèrent, à un mètre environ de profondeur, une piscine en
béton, d'aspect assez grossier, qui nous semble avoir servi au
baptême par immersion. Cette manière d'administrer l'un des
sacrements les plus importants de TEglise fut en usage, on le
sait, durant une grande partie du moyen âge. Les catéchumènes,
lorsqu'il s'agissait de grandes personnes, n'étaient pas plongés
dans l'eau, mais il suffisait qu'ils pussent s'y enfoncer jusqu'aux
genoux. La profondeur de la piscine variait donc ordinairement
de o'".30à o'".45, et ici nous avons o'". 40. Quant à la largeur, qui
est de o"^.84, elle ne laisse pas de convenir même à un adulte, n
« En second lieu, l'enfoncement dans le sol est incontestable, car
sans cela, on ne s'expliquerait guère la rugosité de l'extérieur.
Très probablement cette piscine fut en usage aux premiers temps
de la fondation de la paroisse (Saint-Clément, à Tours). Puis, peu
à peu, le baptême par immersion étant
tombé en désuétude, le vénérable monu-
ment se vit abandonné, et comme par lui-
même il ne présentait aucune valeur,
l'architecte, en 1462, loin de songer à le
relever de terre, l'enfouit sans façon sous
une épaisse couche de gravier. La place
1, , , on 'L. -i. 1 P'g- ^4' — Fonts baptismaux
OU on U retrouve, en 1885, était- donc conservés au Musée de la
celle qu'il occupait primitivement et cette Société. Archéologique d'Indre-
constatation ajoute à l'intérêt de la dé- ^^^Ztl:'^^:^
couverte. » l'abbé Chevalier).
Au musée de la Société archéologique d* Indre-et-Loire^ à Tours,
on conserve une cuve baptismale datant, dit-on, du vi^ siècle
\^g. 14) et dont nous devons le dessin à l'obligeance de notre
savant confrère français, M. Léon Palustre.
M. l'abbé Chevalier a consacré à ce meuble d'église, si remar-
quable par sa rareté et sa haute antiquité, une notice intitulée :
Piscine baptismale à immersion du Vh siècle *.
Il se rattache au groupe des fonts cylindriformes, bien que,
comme dans l'exemple précédent, il s'agisse sans doute d'une
piscine placée en contre-bas du sol et où l'on descendait.
1 Mémoires de la Société archéologique d' Indre-et-Loire, tome XIII, p. 217.
— 252 —
L'usage de baptiser Tenfant au moment de sa naissance et
surtout la cessation du baptême des catéchumènes adultes ont dû
faire proscrire l'emploi de ces sortes de fonts, qui trouvent leur
prototype ancestral — nous Pavons dit — dans les baptistères
primitifs.
Fig« ï$' — Fonts de Dinas Mowddwy (Pays de Galles).
(Miss Swann, Proceedin^s of the Oxford architectural and historical Society).
Fig. i6. — Fonts de Balquhidder, Perthshire (Ecosse), dessin de M.RussellWalker.
VI
Fonts à formes non équarries ou rudimentaires.
ous classons, sous ce titre, une catégorie de fonts baptismaux
jusqu'ici peu étudiés ; ce sont les primitifs blocs de pierre
non équarris, les racines ou les troncs d^arbres dans lesquels sim-
plement une cuvette a été pratiquée pour contenir l'eau régéné-
ratrice. Ce sont surtout les études de nos savants confrères, Miss
Emma Swann et M. J. Russell Walker, qui ont fait connaître des
spécimens de ces fonts dont nous ne pouvons d'ailleurs pas citer
d'exemple dans nos contrées.
Les fonts de Dinas Mowddwy (fig. 15) dont il a été question
plus haut, ceux de Clisson (Loire-Inférieure), signalés par Miss
Swann; ceux de Gullane Church (Ecosse), Fernan Church (Loch
Tay), (Ecosse), actuellement au château de Taymouth, d'Inner-
wick (Ecosse), de Balquhidder (fîg. 16), d'Old Church of Dyce
(Ecosse), de Saint- Adrians Chapel (île de May, Ecosse) et surtout
ceux de Saint-Coivius, de Buru, près de Killean Church et de
Saint-Fillans, appartiennent à cette catégorie.
Ces fonts à formes non déterminables ont cependant servi de
— 254 —
prototypes à certaines cuves d'aspect bizarre, et il est incontes-
table que les fonts de Clisson (Loire-Inférieure) (fîg. 17), et de
Cosseuil (Isère); signalés par Miss Emma Swann procèdent d^un
type ancestral semblable aux fonts de Dinas Mowddwy.
C'est ainsi aussi que les curieux fonts suspendus d'Obigies
(Hainaut) signalés par notre honoré confrère, M. Louis Cloquet,
et assimilés par lui à la cuve ronde antique en marbre vert, qui
sert de bénitier dans la cathédrale d'Angers, rappellent, mais à
Fig. 17. — Fonts de Clisson (France, Loire- Inférieure).
(Miss E. Swann, Proceedings of tbe Oxford Archeolo^ical Society).
un degré moindre, certains fonts écossais et spécialement ceux de
Balquhidder (fig. 16), de Aberlour, de Cupar-Angus, de Saint-
Fillans, de Old-Church, Arisaig), quoique ceux-ci n'aient pas
le rebord saillant, de Melrose, plus évasés, etc., signalés par
M. RussELL Walker.
On comprend que les fonts de cette sorte ne se soient conservés
que rarement dans des contrées riches comme les nôtres et qu'il
— 255 —
faille aller dans des pays moins prospères et par conséquent plus
conservateurs des anciens monuments, comme la Bretagne et
l'Ecosse, pour en retrouver des exemples.
Il est donc très important de recueillir les moindres fragments
de fonts semblables qui pourraient exister dans la structure de
certains temples anciens de nos contrées, et nous signalons ce
fait à nos confrères, en espérant qu'ils pourront enrichir la
science archéologique de nouveaux spécimens de cette catégorie.
LISTE DE FONTS TYPIQUES DE
LA FORME RUDIMENTAIRE
PROVINCE
w
VILLE OU VILLAGE
ÉGLISE
ou DÉPAR-
TEMENT
PAYS
H
<:
Q
BIBLIOGRAPHIE
Journal of Arch. In-
Dinas Mowddwy
Pays de
Galles.
Angleterre
stitute. XIII, p. 292;
Oxford Archit. and
hist. Society 1887.
Clisson
Loire-inf''®
France
S* Andrew Gullam
Ecosse
\
Actuellement au
Fernan Church
«
château de Tay-
mouth.
Innerwick
«
f
dessinés et décrits
Balquhidder
»
par J. RussEL'.
Dyce
Old
Church
»
Walker.
St Coivius de Burn
»
)
Miss Swan. Oxford
Cosseuil
Isère
France
Archit. and hist.
Soc. 1887.
4-
VII
Les fonts cylindriformes, cubiques, coniques, trapézoïdaux,
cylindriques ou polyédriques.
près les fonts à formes rudimentaires, le type le plus ancien
de la cuve baptismale est celui ^ç^'s fonts cylindriformes posés
directement sur le sol.
Leur forme est le produit d'une altération de la piscine à
rebords saillants des anciens baptistères et de l'imitation en pierre
d'un prototype ligneux : la cuve en bois.
M. Heinrich Otte dit que, dès le ix^ siècle, on avait substitué
en Allemagne les fonts à la piscine ^ On en trouve la plus ancienne
trace dans un dessin à la plume (n° 13) qui se trouve dans le
célèbre IVessobrtmner Codex, manuscrit précieux à plus d'un titre,
conservé dans la Bibliothèque de la Cour, à Munich. Ce dessin
représente le baptême d'un juif par l'évêque de Jérusalem. Le
catéchumène, nu jusqu'à la ceinture, se trouve dans des fonts
cylindriques ornés en bas, en haut et au milieu par une bande
unie sans ornement. L'officiant, qui se trouve à gauche près
des fonts, touche la tête du juif avec la main droite, semblant
verser l'eau régénératrice. De l'autre côté des fonts se tient un
clerc avec un drap ^.
M. Otto Henné am Rhyn, archiviste de la ville de S^-Gall, en
adonné la reproduction dans sa curieuse Kultiirgeschtchte des
deutschen Volkes ^. Cette représentation des fonts baptismaux,
exécutée à une époque dont il ne nous reste que peu de docu-
1 Heinrich Otte. Handbuch der kirchîichen Kunst-Archàolo^ie des deutschen Mittel-
alters. Leipzig, T. O. Weigel, p. 302.
* Heinrich Otte, op. cit. y p. 303.
3 Otto Henné am Rhyn, Kultur^eschichte des deutschen Volkes. Berlin, G. Grote,
éditeur, 1886, p. 115.
- 257 -
ments de ce genre, a tous les caractères des cuves sculptées sur
les célèbres fonts de Téglise Saint-Barthélémy, à Liège *.
En effet, sur ceux-ci, battus en 1112, par Lambert Patras,
batteur en cuivre de Dinant, sur la demande de Hellin, chanoine
de Saint-Laurent de Liège et abbé de Notre-Dame, on voit la
représentation du baptême de Craton le philosophe par saint
Jean-Baptiste. La cuve baptismale représentée est composée de
Fig. 18. — Fonts baptismaux actuellement à l'église de Saint-Barthélémy, à Liège.
(Œuvre de Lambert Patras. — 1112) 2.
• 1 Voir à leur sujet Didron. Les Cîrémcnies et les fonts du hapte'me. Annales archéo-
logiques, V, p. 21. — Rousseau. Bidhtin des Commissions royales d\nt et d' archéologie ,
XIV, p. 33. — Reussens. Éléments d'archéologie chrétienne^ I, p. ^148. — De Bruyn.
Archéologie religieuse, II, p. 175. — Kuger. Handbuch der Kunst Geschichte, t. II, p. 168.
— Héris. Mémoire sur le caractère de l'école flamande de peinture, p. 61. — PP. Cahier
et Martin. Mélanges d'archéologie, IV, p. 99. — Weale. Belgium, etc., p. 289. —
Schmaase. Niederl. Briefe. — Waaghn. Kunslblatt, n°i. — Axdré Van Hasselt.
Bulletin de l'Académie royale de Belgique, XIII, ne partie, 184. — Helbig. La Sculpture
au pays de Liège ; etc, etc.
'^ Cliché prêté par rÉmulation, organe de la Société centrale d'Architecture.
17
— 258 -
fonts cylindriques posés sur une base composée d*un listel, d'un
quart de rond aplati et d'une plinthe. La partie supérieure est
garnie d'un anneau dont les moulures sont indiquées d'une façon
assez indécise et d'une sorte de frise ornée de demi-cercles garnis
de clous à têtes circulaires ^
M. DiDRON s'exprime comme suit à ce sujet : Craton, " philo-
sophe d'Ephèse et proneur fastueux de la pauvreté, se laisse con-
vertir aux paroles et aux miracles de saint Jean. L'apôtre le
plonge dans un cuve pleine d'eau et lui pose la main droite sur la
tête en lui disant la formule du baptême écrite sur un livre qu'il
tient de la main gauche : Ego te baptizo in nomme Patris et Filii et
Spîritus sancii. Amen, n
Fig. 19. — Bas-relief des fonts de Saint-Barthélémy à Liège, représentant le
baptême de Cornélius, le centurion, et de Cratok, le philosophe.
(Dessin de J. Stuckens, d'après un relevé de feu A. Schaepkens).
f , 1 II est à remarquer que les lignes verticales figurées sur cette cuve peuvent
dénoter une cuve en bois. •— S'il faut en croire une vignette de de Caumont
{Abécédaire, p. s 07) représentant un bas-relief des fonts baptismaux de Pont-à-Mous-
son (fig. 24) décrits par M. Digot (Bulletin monumental, tome XII), on pourrait voir
dans'^les^fonts dans lesquels l'évêque baptise deux enfants, une cuve en bois. C'est
d'ailleurs l'avis de M. le chanoine Corblet. M. Victor Gay dit aussi que les fonts
se firent « même en bois » [Glossaire archéologique, p. 730).
— 259 —
//Jean, ce beau vieillard, ainsi que les Byzantins aiment à le re-
présenter, a la figure inspirée; il lève les yeux au ciel, cet inspiré,
cette ardente imagination qui convertit ce philosophe ou cette
raison froide, résume en lui toute l'histoire des triomphes du
Christianisme. Un jeune homme, un disciple de Craton, assiste
au baptême qu'il va lui-même recevoir. Ce n*est plus dans un
fleuve que les apôtres saint Pierre et saint Jean baptisent, mais
déjà dans une cuve dont la forme et les détails méritent d'être
remarqués ^ »
Lambert Patras, obéissant aux
idées de son temps, commettait
là un lourd anachronisme, car
sûrement, dans les temps évan-
géliques où nous reporte son su-
jet, les fonts, modelés par lui,
n'existaient pas. Seulement, ils
n'en sont pas moins intéressants
à étudier, car certainement les
fonts du temps de Lambert Pa-
tras, ceux de Saint-Barthélémy
eux-mêmes en donnent la preuve
— ne se faisaient plus ainsi. Le
dinandier aura donc représenté
des fonts tels qu'on les faisait
avant son époque, à peu près
comme les imagiers représen-
taient sur les dais des statues,
des édifices d'une architecture
disparue. Disons au surplus que
ces mêmes fonts de Saint-Barthélémy de Liège présentent la figu-
ration du baptême de Cornélius, centurion de la cohorte italique
à Césarée, par saint Pierre.
De même que pour le sujet précédent, Cornélius est plongé à
mi-corps dans une cuve cylindrique qui se rapproche de celle de
Craton, mais qui en diffère en ce qu'elle est ornée d'arcaturcs en
plein cintre ornant tout le pourtour des fonts.
Fig.'20. — Bas-relief de la couverture du
Sacramentoire de DROGON(Bibl. nat.,
Paris). (Dessin de J. Stuckens, d'après
Lexormand.)
1 Le^enda aurca, de san:to Johanne Evangelisla.
— 26o —
Sur la couverture entaillée en ivoire du Sacrainentaîre , dit de
Drogon, évêque de Metz (Bibl. nat. mss. fonds latin 9428), qui
date du ix^ siècle et qui est par conséquent d'une période fort an-
térieure aux fonts de Patras, on voit la représentation de fonts
ressemblant fort à ceux du baptême de Craton dans Pœuvre lié-
geoise *. Dans ce même et célèbre manuscrit, on voit en outre,
dans les initiales, plusieurs représentations de fonts ^.
Celle qui nous occupe se trouve sur l'un des XVIII petits
carrés d'ivoire de soixante millimètres sur cinquante qui ornent
cette reliure et qui sont entourés, neuf sur chaque face, d'un
cadre d'argent ^.
Cette forme de la cuve cylindrique persiste d'ailleurs dans cer-
tains pays jusqu'au xv^ siècle, en Angleterre par exemple *, et
dans d'autres jusqu'au xiii ^, avec des variantes cependant, car
certains fonts, au lieu d'être sphériques, sont carrés, ou polygo-
naux.
C'est ainsi qu'en Angleterre on en cite de fort remarquables,
notamment parmi ceux qui datent du xi^ siècle, les fonts de Dee-
ping-Saint-James dans le Lincolnshire ^, et ceux de la vénérable
église Saint-Martin à Canterbury ; ceux-ci, que nous avons eu
le bonheur de pouvoir étudier de visu, auraient servi, d'après la
tradition, le 2 juin 597, à l'immersion d'ExHELBERT, qui régnait sur
le Kent^, et qui était le plus puissant roi de l'Heptarchie saxonne^.
On sait que ce fut sous l'influence de son épouse Berthe, fille
de Caribert^ roi de Paris, et sur les prédications du bénédictin
Augustin, prieur du monastère de Saint- André à Rome, envoyé
en 596, par saint Grégoire le Grand en Grande-Bretagne, en-
suite archevêque de Canterbury et primat de l'église anglicane,
que ce souverain fut ondoyé ^ .
1 Trésor àe Glyptique, par Lenormand, p. .18, pi. I, etLECOY delà Marche, les
manuscrits, p. 332.
2 Voir Ch. Cahier (le père), nouveaux mêlantes à' Archéologie. Paris, 1874, p. 116,
136, 142 et 143.
3 Labarte, Histoire des' arts industriels.
* Simpson, op. cit.
6 Heinrich Otte, op. cit., p. 303.
6 Simpson, op. cit., y. 5-6.
7 CoRBLET, Revue de Part chrétien, XXV, p. 298.
« C, Robinet, Résumé de V histoire d'Angleterre, Brux. 1847, P- 16.
s David Hume, History of Englandfrom the invasion of Julius Casar to the révolution
tn 1688. London, 1809, I,[p. 36.
— 26l —
La tradition qui attribue les fonts de Canterbury a un âge si
éloigné; nous semble peu fondée et nous croyons avec Simpson *
qu'ils ne remontent pas si haut et qu'ils datent tout au plus des
premiers temps de la conquête normande, soit de la seconde
moitié du xi^ siècle.
En effet, il est à supposer que Tinfluence romaine (quoique
Rome n ait pas élevé de bien grands édifices en Grande-Bretagne)
était encore vivace dans ce pays au vi^ siècle. On se souvient
que sous la domination romaine, les Bretons avaient fait de tels
progrès dans les arts, et que leurs mœurs s'étaient tellement civili-
sées, qu'ils s'étaient bâti vingt-huit villes considérables, sans
compter nombre de villages et de maisons champêtres ^.
Au vi^ siècle, des vestiges de cette civilisation renversée par
les invasions des Saxons et des Angles, devaient pourtant encore
exister. A l'appui de ce fait^ nous pouvons rapporter, pour prouver
que l'influence romaine n'était pas éteinte, les paroles de Bède le
Vénérable, qui dit que des constructeurs étrangers furent appe-
lés au vif siècle par l'évêque d'York, Benedict, mort en 709, géné-
reux protecteur des arts, pour élever des églises en pierre « sui-
vant les procédés des Romains w [more Romand) ^ au monastère de
Jarrow * et à l'abbaye de Monk Wearmouth ^.
Cette expression était d'ailleurs usitée à cette époque, puisqu'au
commencement du vi^ siècle, comme le rappelle notre savant
confrère, M. Alph. Wauters ^, Cassiodore, premier ministre de
Théodoric, recommande que dans les constructions nouvelles, la
splendeur de \di fabrique romaine uq soit point laissée en oubli.
L'église d'Upsal, en Suède, est désignée comme construite
more romano ^.
Nous n'avons cité ces faits que comme appuyant le dire de
Bède le Vénérable. Celui-ci prouve qu'au vii*^ siècle, les Bretons
1 Simpson, op. cit., p. 5-6.
^ Hume, op. cit., I.
3 S. T. H. Parker. Study in ^othic Architecture. London, Winsor and Newton,
1885, p. 12.
** A 24 milles N.-E. de Durham, patrie de Bède le Vénérahi k.
^ A remboiichure delà Wear, à l'Ouest de Sunderland (commencée en 675).
® Annales de la Société d' Archéologie de Bruxelles. L'architecture romatie dans ses
diverses transformations. Vol. III, 1889.
' Blavigmac. — Histoire de l'Architecture sacrée, du ive au xc siècle dans les an-
ciens évêchés de Genève, Lausanne et Sion — Paris, Didron, 1853, p. 8.
— 262 —
conservaient des traditions — tout au moins — de Tinfluence ro-
maine. Donc, au vi*^ siècle, à plus forte raison, il devait en être de
même ; ce qui fait que si les fonts de Téglise Saint-Martin de Can-
terbury sont de ce temps, nous y reconnaîtrions facilement des
marques d'une influence antique.
Or, il n'en est pas du tout ainsi ; les sculptures dénotent sans
aucun doute une origine septentrionale — Les flancs de la cuve
sont ornés de ces entrelacs si fréquents dans les décorations Scan-
dinaves, les arcatures qui décorent les parties supérieures sont,
elles aussi, d'un caractère Scandinave très prononcé.
On pourrait nous objecter qu'ils peuvent avoir été exécutés
par un artiste saxon ; il nous suffira de faire remarquer en réponse
que les fonts de Canterbury présentent tous les caractères de l'ar-
chitecture du xi^ siècle.
C'est un très bel exemple de la cuve cylindrique et il était fort
important de bien établir la date de son exécution. En admettant
la tradition, nous aurions eu là, au vi^ siècle, des fonts tels qu'on
les a faits aux x^ et xi^ siècles.
Ce serait un prototype des fonts cylindriques, mais comme
nous l'avons dit, le style des sculptures doit faire rejeter cette
tradition. Même en étant du xi^ siècle, ces fonts sont extrêmement
remarquables et ils jouissent en Angleterre d'une juste célébrité
que leur intérêt artistique justifie.
Quant aux fonts de Deeping-Saint-James (Lincolnshire) *, que
nous avons cités tantôt, ils présentent une série d'arcatures entou-
rant la cuve. Celle-ci a tous les caractères des fonts cylindriformes
en forme de margelles de puits.
D'autres fonts de ces temps reculés existent encore en Angle-
terre ; à Morwenstow en Cornouailles, il y en a qu'on dit avoir
été érigés par Ethelwolf ; ils ont été décrits et dessinés par
J.-S. Blepht, dans son ouvrage intitulé Ancîent crosses, etc., of East
Cornwall (1858).
Dans le Yorkshire, à Kirkburn, il y en a également. Ils sont de
forme circulaire, ornementés d'entrelacs et présentent la figura-
tion de sujets bibliques grossièrement sculptés. Entre autres, et ceci
est fort curieux si on rapproche cet exemple de ceux de Saint-
^ Simpson, op. cit., p. 4.
— 263 —
Barthélémy à Liège et de Pont-à-Mousson (fig. 24), on y voit le
baptême du Christ dans des fonts circulaires ,
Nous avons parlé, dans la première partie de ce travail, des
fonts de Téglise de tous les Saints, à Little Billing (Northamp-
tonshire) *, qui datent de la seconde moitié du xi^ siècle, d'après
M. Combe 2. Leurs formes se rapportent au type de la cuve
cylindriforme. Comme d'ailleurs les fonts dessinés par le même
auteur à Saint- Anne-Church, Lewes (Sussex), Saint-Lawrence
Church, Sandridge (Hertfordshire), xii^ siècle, à Avebury, dont
nous donnons un croquis (fig. 22), Alphington (Devonshire)
(fin du xii^ siècle) et surtout à Stanton Fitz Warren dans le
Wiltshire, à Gillingham dans le Kent, à Thurlby dans le Lin-
colnshire (xiii^ siècle).
Le type des fonts cubiques en forme de margelles de puits, en
Angleterre, est bien représenté parles cuves normandes d'Aston-
le-Walls (Northamptonshire) (xii^ siècle), de Saint-Augustine
Church à Locking (Somersetshire) (xii^ siècle), d'Holy Trinity
Church à Lenton (Nottinghamshire)— celles-ci très remarquables
et datant, d'après leurs caractères archéologiques et la tradition
qui s'accordent dans ce cas-ci, à la fin du xi^ siècle — d'Ail
Saints Church à West Haddon (Northamptonshire), de Ticken-
cote dans le Rutlandshire fxiii'^ siècle), de Rotherfield Greys
(Oxfordshire, xiii^ siècle), de Bradbourne (Derbyshire).
Quelques fonts polyédriques sont également montrés par
M. Combe. Signalons ceux de Goadby Marwood, dans le Lei-
cestershire (xiv^ siècle), de Patrington, dans le Yorkshire— ceux-
ci, en pierre de Caen, semblent français d'origine (xv^ siècle), —
d'Ewerby (Lincolnshire), fonts hexagonaux, copiés, semble-t-il,
au xiv^ siècle, sur un prototype normand, de Poynings dans le
Sussex (xiv= siècle) et d'Hurley (Berkshire) (xv^ siècle).
Nous possédons, sur les fonts d'Ecosse, un excellent travail dû
à notre estimé et savant confrère M. J. Russell Walker, archi-
tecte, membre de la Société des antiquaires d'Ecosse et intitulé :
Scottish baptismal fonts ^.
Le baptême par immersion est resté fort longtemps en usage
1 Saintenoy, h:, cit., p. 17.
2 (Combe), Bapliumil fonts.
3 Proceedin^s of the Society of Anliqaaries of Scotland.
— 264 —
dans ce pays et a persisté, même quelque temps après la Réforme.
Les fonts n'y sont pas aussi riches en sculptures que ceux d'An-
gleterre, mais ils présentent tous un intérêt majeur.
Nous avons déjà parlé des fonis à formes rudimentaires signalés
par notre éminent confrère, mentionnons maintenant quelques-
uns des fonts cylindriformes qu'il nous fait connaître.
Ce sont tout d^abord les fonts de Polwarth (Berwickshire) que
M. RussELL Walker fait dater de la fin du xiv^ siècle ( 1378 envi-
ron), mais qui appartiennent à un type plus ancien. C'est là un
exemple complet des fonts cylindriformes circulaires.
Les fonts de Kettins, Dryburgh abbey^ Cupar-Angus abbey
présentent ces caractères à un degré moindre.
21. — Fonts baptismaux d'Aldbar, Forfarshire (Ecosse),
(dessin de M. Russell Walker.)
Nous les retrouvons complets dans les fonts de Kelso (Rox-
burghshire), de Lilliesleaf (Roxburghshire), Glencorse (Edin-
burgshire), Kenmure, Loch Tay (Perthshire), Innerwick, Lyne
Church, Kirkhope, Aldbar (iig. 21), Restennet Church, Ar-
broath abbey, Melrose abbey, de la chapelle Saint-Adrien
dans Tîle de May, à Coldingham dans le Berwickshire, tant il
est vrai que c'est l'usage qui a fait les changements dans la
forme des fonts.
Dans ce pays, où la tradition du baptême par immersion est
restée appUquée jusqu'au xvi^ siècle, les formes anciennes persis-
tent en beaucoup d'endroits.
Fig. 22. — Fonts d'Avebury (Angleterre).
(Dessin de M. J. Stuckens, d'après un croquis de Miss Emma Swann).
Fig. 23. — Fonts de Risterod, près d'Undevalla (Suède).
(Dessin de M. J. Stuckens, d'après The Building News, 24 oct. 1890).
PI. X. — Fonts anglais et suédois.
— 267 —
Ajoutons cependant que le manque de richesse du pays a con-
tribué à la conservation de ces vestiges remontant à l'introduction
du christianisme en Ecosse, tandis que dans nos contrées, c'est à
peine si nous pouvons en citer quelques exemples.
En Allemagne, on peut cependant remarquer des fonts où le
même parti a été suivi; c'est ainsi qu'à Wetzlar, à Schwarz-Rhein-
dorl *, et à Cologne, dans l'église de Saint-Georges et dans
rabba3^e Saint-Martin ^, on rencontre les mêmes fonts cylindri-
ques^. Ces derniers ont, d'après la tradition, été donnés par le
pape Léon III en l'année 803 ; ce seraient alors les plus anciens
connus en Allemagne.
Ceux de Schwarz-Rheindorf rappellent fort bien les fonts du
baptême de Craton, représentés sur la cuve de Saint-Barthélémy
à Liège. Posés sur une base attique d^un profil abâtardi, les fonts
s'évasent en cône renversé, et sont ornés à leurs sommets d'arca-
tures qui ont la plus grande ressemblance avec celles des fonts
monopédiculés à cuve ronde ornée d'amortissements d'angle
d'Archennes (Brabant).
Cette forme a été également usitée en France. Nous avons
cité le bas-relief des fonts de Pont-à-Mousson (fig. 24). Les fonts
de Limay *, près de Mantes (Seine-et-Oise) en présentent un
magnifique exemple ; seulement, étant donnée leur date d'exé-
cution (xiiF siècle), le type traditionnel n'est pas resté pur et un
semblant de pédicule se montre à la base.
M. le chanoine Corblet le décrit comme suit : « fonts du xiii^
siècle dont le plan est ovale à l'intérieur, dodécagone à l'exté-
rieur ; la base, garnie de petites niches, est tellement large qu'elle
épouse presque les proportions du réservoir. Autour du bord su-
périeur du châssis se trouvent un agneau pascal, une croix et
une tête de bœuf, w
Nous pourrions citer nombre de fonts cylindriformes en France.
Bornons-nous à mentionner encore ceux de Merlemont ^, —
1 Schwarz-Rheindorf. Fonts du xi® siècle.
2 Sui.P. BoissERÉE. Mon. cV architecture du Rhin inférieur. Munich, I842, p. 6.
3 Heinrich Otte, op. cit., p. 307.
* Gau.hahaud. Architecture du X^ au XVl*^ siècle. Vol. IV. Les fonts baptismaux
de Limay ; Art pour tous, vol. XI, pL n» 281.
^ W011.1.EZ, op. cit.
— 268 —
cuve circulaire, — de Saint-Gervais de Pont-Point — cuve à coins
coupés ornée d'arcature sur toutes ses faces, — d'Evreux — circu-
laires — et surtout les fonts à appendices cités' par de Caumont
et signalés par Miss Emma Swann à Quimper (Finistère), Chi-
rens, Saint-Nicolas de Macherin, Cosseuil (Isère) *. Nous ran-
geons ces derniers dans cette catégorie malgré leurs appendices.
Il conviendrait cependant de les classer comme variétés à cause
de ce fait exceptionnel.
Dans le nord de la France, M. Enlart cite des fonts de cette
sorte du xi^ au xii^ siècle, et ajoute qu'il n'en connaît pas de pos-
térieurs à 1150.
En Belgique, pauvre en cette catégorie, nous devons mention-
ner une découverte encore inédite faite par feu notre excellent et
regretté confrère Clément Maus, qui a bien voulu nous la commu-
niquer en 1889.
11 s'agirait d'une cuve en margelle de puits découverte naguère
en démolissant une porte fermée en 1687, de l'antique église de
Saint-Mard (Vieux- Virton).
Ce sanctuaire a remplacé en 1280 une église plus ancienne. Il
n'en resta que le chœur, après une réédification presque totale en
1627.
Le monument est-il véritablement une cuve baptismale ?
Nous faisons quelques réserves à ce sujet, tout en attirant
l'attention de nos lecteurs sur l'intérêt que présente ce curieux
monument (fig. 11).
La Suède présente les fonts de Bolum, de Refvesjo, de Maus-
tad, etc. (Wester-Gôtland), qui peuvent être placés dans cette
catégorie, bien qu'ils soient surmontés d'une sorte de châssis
rectangulaire dans lequel se trouve creusée la cuvette ^.
Mais les fonts trapézoïdaux de Norum, de Karreby et de
Risterod (fig. 22) doivent certes trouver place ici. — Ajoutons
qu'ils ressemblent beaucoup, au point de vue général de la forme,
à ceux de Penmon (Anglesey), signalés par M. Romilly Allen 3.
En Italie, les fonts conservés au Musée de Venise (fig. 6) cons-
1 WoiLLEZ, ibidem.
2 Romilly Allen, op. cit., p. 171.
3 Antiqvarisk Tidskriftfor Sverig^e g^enont H ans Hildebrand. Elfte delen, forsta och
andrahaftet 1890, p. 103.
— 269 —
tituent un magnifique exemple de la cuve cylindriforme. Datant
du ix^ siècle et provenant, croyons-nous, de Tîle de Murano, ils
offrent un intérêt capital, tant par leur forme générique que par
leur décoration extrêmement intéressante.
Les fonts de Téglise San Giovanni in fonte à Vérone (xii^ s.) ^,
présentent encore quelques-uns des caractères de la piscine suré-
levée de quelques marches.
Très remarquables comme œuvre scupturale, qui semble déno-
ter un dernier reflet de Tinfluence byzantine, ces fonts présen-
tent une disposition fort curieuse et assurément très rare. Très
grands et de forme octogonale, les fonts de Vérone possèdent
au centre une cuve quatrilobée restant à sec et entourée totale-
ment par Teau des fonts, d'après Gailhabaud, — ce qui nous
semble très contestable, — afin de permettre à Tofîiciant de rem-
plir facilement son office. Nous n'avons pas à nous appesantir
sur ce fait exceptionnel.
Cependant, faisons remarquer que parfois la place du prêtre
était marquée sur certains fonts par un nœud, une petite tête, une
bête accroupie ou des motifs semblables sculptés sur le bord de la
cuve ^. Toutes ces dispositions spéciales ne se sont pas généra-
lisées.
1 Gailhabaud, op. cit., vol. IV, la cuve baptismale àQ San GiovanniùifonU à
Vérone.
2 Heinrich Otte, op. cit., p. $05.
Fig. 24. — Bas-relief des fonts de Pont-à-Mousson (France).
(Dessin de M. J. Stuckens, d'après de Caumont, Abécédaire^ p 307).
Fig. 25. — Fonts baptismaux de Dunrod, Kirkcudbrightshire (Ecosse).
(Dessin de M. Russell Wai.ker).
VIII
Fonts cylindriformes, cubiques, coniques, trapézoidaux
cylindriques ou polyédriques, montés sur socle.
mesure que Tinfusion, symbole de l'immersion, a gagné sur
la réalité de celle-ci et que les baptêmes d'adultes ont dis-
paru, la cuve cylindrique a successivement diminué d'importance,
mais tel est, dans certains pays, le respect de la tradition, que
pour cela elle n'a pas changé de forme. Elle a simplement diminué
de grandeur.
Pour la mettre à hauteur normale, on s'est borné à là surhaus-
ser sur un socle rond, carré ou polygonal, suivant la forme des
fonts, sur des pédicules ou des figures cariatides ^ comme à
certains fonts allemands, entre autres à Biisum et à Angermiinde^.
Ce fait est visible aussi sur les fonts de Nordherringen (Alle-
magne) ; seulement, dans ce cas-ci, le pédicule qui soutient la cuve
est cantonné de quatre consoles figurant des mufîles de lion
^ La collection de M. le baron Seilliére contenait des fonts en bronze de ce
type. Voici leur description :
« Fonts baptismaux en bronze de forme circulaire, supportés par quatre figures
d'anges debout, tenant des écussons armoriés et offrant au pourtour, sous une arca-
ture flamboyante, treize figures de saints et apôtres debout, en bas-relief, ainsi que
la scène du- crucifiement avec la Vierge et saint Jean ; au-dessus de chaque apôtre,
son nom en caractères romains. En haut et en bas, zone de noms de saints et dédi-
cace en vieil allemand, en caractères gothiques, ainsi que la date de 1483 en chiffres
romains. Travail allemand. »
^Heixrich Otte, op. cit. y p. 317-318.
— 271 —
d'un style archaïque et supportées par un socle carré*. A ce
propos, notre savant confrère et ami M. le comte Maurin de
Nahuys nous communique un dessin fait par lui d'une curieuse
cuve baptismale qui se trouvait encore^ en 1860, dans le jardin
de M. le baron Van Ittersum à Brummen (grooie %egerij), pro-
vince de Gueldre (Pays-Bas), et qui est d*un type semblable. Le
fait n'est pas isolé dans les Pays-Bas '^, car à Heemse, dans
FOveryssel, on en trouve aussi. Ces deux derniers fonts sont en
pierre de Bentheim ^.
Bornons-nous à les signaler ici, car nous aurons à y revenir
lorsqu'il sera question des fonts monopédiculés.
En Angleterre, le fait est fort fréquent ; on en trouve de nom-
breux exemples, notamment à Paulers-Pury, Greens-Norton^
Osbournby,Threckingham^ Noseley-Chapel, Leckhampsted, Hay-
don, Carlton Scroope, etc., etc. ^.
Dans tous ces exemples, le fait est bien manifeste. Ils prouvent
en outre que la cuve cylindrique s'est perpétuée pendant fort
longtemps, puisque parmi les derniers il s'en trouve du xv^ siècle
(Haydon et Carlton Scroope).
La cuve est encore bien caractérisée dans certains fonts donnés
par Combe dans ses Baptismal fonts. C'est ainsi que les fonts de
Dodford (xii<^ siècle), (Saint- Mary the Virgin chnrch) ; de West
Chelborough (xii^ siècle); de Rothley — bien curieux et rappelant
certaines marqueteries en bois par sa décoration bizarre (xii^ siècle);
de Locking (Somersetshire) ; de Saint-Anne, Lewes (Sussex),
d'EastHaddon, etc., etc., présentent bien certainement tous les in-
dices de la cuve surélevée sur un socle ou un pédicule prototypique.
A Heckingham (Norfolk); à Southover (Sussex); à Stibbington
(Huntingdonshire), à Thurlby (Lincolnshire), datant de l'époque
romano-normande, les cuves sont surélevées sur plusieurs pédi-
cules.
Chose assurément curieuse, on retrouve très nette cette tradi-
tion dans les fonts de Petrockstow et de Saint-Neot en Cor-
nouailles, qui datent des xiv^ et xv*^ siècles !
1 Heinrich Otte, 0/;. cit., p. 309.
^ C'est aussi l'avis de M. Otte, qui en cite plusieurs dans la Frise occident-iie.
^ Kronyk van het Historisch Genootschap gev. lot. Utrecht, 1858, p. 149-150.
* Simpson, op. cii.
— 272 —
Miss Emma Swann signale, de son côté, les fonts de Youlgrave
(Derbyshire), de Shipton-on-Cherwell (Oxfordshire), qui, bien
qu'ils appartiennent tous à la variété des fonts dits à appendices,
doivent être classés parmi les fonts cylindriques surhaussés sur
socles ou colonnettes.
Les fonts de Berneuil (xiP siècle) ; de Lombez (xiiie siècle)
(Gers) * ; de Saint-Evroult-de-Montfort (Orne)^, prouvent qu'en
France il en a été de même.
Il s'agit, dans ces trois exemples, de fonts en plomb posés sur
une base en pierre d'assez haute dimension. Le même fait pour-
rait se déduire de l'étude des fonts de Guerande ^ (Loire-Infé-
rieure).En Belgique, on peut citer, dans ce genre, les beaux fonts
de Téglise de Fénal (Namur), surhaussés sur des figures de lions.
Nous en empruntons la description à M. Henri Crépin ^ notre
honorable confrère de la Société archéologique de Namur :
« Ils sont formés d'une cuve circulaire, présentant à sa partie
« inférieure un renflement sur lequel on remarque, de même que
« sur le reste de la cuve, des figures en relief. Quatre lions d'un
u aspect fort barbare supportent le tout.
« Le bas-relief qui orne les flancs de la cuve représente tout
a d'abord le baptême du Christ. Au milieu Jésus-Christ nu est
a plongé jusqu'à la ceinture dans le Jourdain, qui est figuré par
u des flots grossiers. A sa gauche, saint Jean, revêtu d'une peau
u et s'avançant dans les flots jusqu'aux genoux, baptise Notre-
« Seigneur. A droite et à gauche, l'artiste a sculpté deux anges^
« le premier présentant un linge pour essuyer le corps de Jésus-
« Christ, et le second tendant un autre linge qui paraît avoir
« déjà servi pour cet usage. Chacun d'eux est vêtu d'une tunique
« à plis flottants, serrée autour de la taille au moyen d'une cein-
« ture.
« Les sept autres figures du bas-relief forment trois groupes de
« deux ou trois personnages chacun. L'extrême simplicité de
u ces groupes rend leur explication très difficile et surtout hypo-
« thétique.
1 VIOLLET-LE-DUC, Op. Cit., V. p. 54I-542.
2 De Caumont, Abécédaire d\irchêolo^ie. Caen, 1870, II, p. 308.
3 Fig. dans Raguenet, Doc. classés, fonts bapt., pi. 14.
^ Annales de la Société archéologique de 'Namur. Notes d'un touriste. — Fénal.
\
PI. XI. — Fonts baptismaux de la cathédrale d'Hildesheim (Allemagne) (xiiie s.)
18
— 275 —
« Dans la partie inférieure du bas-relief, on voit encore deux
« dragons ailés, dont les queues, en forme de serpents, sont entre-
« lacées.
« Les quatre lions qui supportent la cuve paraissent être de la
même époque que celle-ci.
« La hauteur totale des fonts est de un mètre ; leur diamètre
« de o'"8i et le diamètre du bassin de o'^ôo. w
M. Crépin les attribue à juste titre au xii^ siècle.
Fig. 26. — Fonts baptismaux de l'église Saint-Germain, à Tirlemont, actuellement
au Musée d'Amiquités de Bruxelles (xii^ siècle) l.
La forme des fonts de Fénal se retrouve beaucoup plus tard
dans ceux de Luxeuil (Fran'^e), qui datent du xvi^ siècle et sont
également portés sur quatre lions ^.
Ajoutons que certaines parties des bas-reliefs des fonts de Fénal
1 Cliché obligeamment prêté par la Revue de l'Art drctieiu Tournai, Desclée
ET Cie, éditeurs.
^L. Cloquet. Les fonts baptismaux romans de Helgique. Revue lie V Art chntieu,
1890.
— 276 —
ont un grand air de parenté avec ceux des fonts de Saint-Bar-
thélémy de Liège, notamment le baptême du Christ.
Les fonts en bronze de Téglise Saint-Germain, de Tirlemont
(1149) ^ sont également portés sur des figures de lions et de
griffons, tandis que les fonts de l'église Saint-Barthélémy de
Liège sont posés, comme la mer d'airain du Temple Salomo-
niep, sur douze bœufs.
Ces derniers fonts se rattachent par leur forme à la cuve cylin-
drique ^, tandis que ceux de Tirlemont (fig. 27) en forment une
variété évasée qui se retrouve dans les fonts de Frendenstadt
(Wurtemberg)^; seulement la coupe y est moins allongée et
repose sur des figures d'animaux couchés.
C'est le moment de parler des célèbres fonts baptismaux conser-
vés dans la chapelle Saint-Georges à la cathédrale d'Hildesheim.
Nous considérons ces fonts comme une variété trapézoïdale de la
classe des fonts cylindriques et polyédriques surhaussés sur
socles ou cariatides (pi. XI).
Qu'on les examine, en effet, en faisant abstraction de leurs
couvertures, qui les font ressembler à une grande pyxide de
Fépoque romane, et l'on verra qu'ils sont proches des fonts de
Fénal, de Saint-Barthélémy, à Liège, et autres.
Ils sont de bronze comme ces derniers, en forme de coupe pro-
fonde et trapézoïdale, supportée par quatre figures et couverte
d'un couvercle conique.
Les groupes et les figures qui décorent la coupe et ce dernier
sont en haut relief et remarquablement curieuses, tant par elles-
mêmes que par les nombreuses inscriptions qui les accompagnent.
Les quatres figures qui supportent les fonts représentent les
quatre fleuves du paradis : Géon, Phison, Tigris et Euphrate.
L'ornementation de la coupe est divisée en quatre sujets prin-
cipaux séparés par des arcades trilobées. Le premier représente
la Vierge avec l'enfant Jésus entre deux Saints évêques, tandis
qu'un personnage se trouve agenouillé à droite dans ce tableau.
^ Actuellement au Musée royal d'antiquités, d'armures et d'artillerie de Bruxelles
(E. 29). Voir à leur sujet : Trésor de l'Art chrétien, par A. Schaepkeks, p. 8. —
ScHAYES, Hist. de VArch. en Belgique, II, p. 70. — Didron, Annales archéologiques y
XIX, p. 188, — De Bruyn, ArchéoL relig., II, p. 175. — Reussens, ^É/mm/ d'arch,
chrét., I, p. 446, etc.
2 Heinrich Otte, op. cit.
^ Archivfûr Christliche kunst, iSS^.
- 277 -
Le second compartiment contient le passage de la mer Rouge
par les enfants d'Israël ; dans le troisième on voit le baptême di-
vin par saint Jean-Baptiste avec la descente de l'Esprit-Saint, et,
dans le quatrième, TArche d'alliance portée par les Israélites au
passage du Jourdain sous la conduite de Josué.
De nombreuses figures de prophètes, de vertus et les emblèmes
des quatre évangélistes occupent les espaces intermédiaires.
Le couvercle est également orné de quatre groupes principaux :
Le premier représente la verge fleurie d'Aaron ; le second, le
baptême du sang, représenté par le massacre des innocents ; le
troisième, le baptême de la Pénitence, figuré par la femme lavant
les pieds du Sauveur, et enfin le quatrième, la Charité assise sur un
trône et distribuant ses dons à Taffamé, à l'altéré, au malade, à
l'étranger et au prisonnier.
On a été jusqu'à faire remonter cette œuvre jusqu'au x^ siècle,
mais la critique historique moderne s'accorde à l'attribuer à la se-
conde moitié du xiii^ siècle (1260 env.).
M. Fr. Kusthardt en a fait en 1874, un moulage pour le Musée
de South Kensington ^ dont la direction a bien voulu nous com-
muniquer les détails qui précèdent.
Nous avons cité plus haut un bon nombre de fonts anglais et
français montés sur un socle.
Successivement celui-ci se transforme et devient pédicule.
Les fonts de Sapcote (Leicestershire) montrent la cuve se
dégageant sur un pédicule ^.
C'est là une œuvre qui marque la transition entre la cuve et
les fonts pédicules.
Cet exemple n'est pas unique, les fonts de Waltham-on-the-
Wolds et de Thorpe- Arnold, AU-saints, Weston^ etc., prouvent
la même chose.
Au xii^ siècle, nous rencontrons encore, sur la terre des Angles
et des Saxons, les fonts de Wansford, dans le Northamptonshire
et d'Osbournby, dans le Lin :olnshire "^ qui sont dans le même
cas.
1 Ce moulage porte le n^ 29. — Voir au sujet de ces fonts l'ouvrage de Kratz,
DerdomiuHildesheim iSi^o, Didrom, o/?. c//., XIX° vol., de C.\umont, Abécédaire,
p. 536, Ri-ussENs, II, p. 292, etc., etc.
2 Simpson, op. cil.
3 W., op. cit.
— 278 —
Les fonts de Wansford * particulièrement sont fort curieux,
car dette ancienne cuve à immersion a été depuis transformée en
cuve à infusion. Pour cela, on Ta surhaussée sur un pédicule
central et quatre piliers portant la cuve en dessous, à Thorpe-
Morieux ^ (on sait que ce village tire son nom de Hugues de
MoRiEux, seigneur d'extraction franco-normande), et àPreston^,
il en est à peu près de même.
Fig, 27. — Fonts de l'église de Barnack (Angleterre), d'après V Architectural
Association Sketchbook.
A Barnack (fig. 27), on observe un parti semblable, sauf que
des arcatures trilobées soutiennent la cuve en placé des colon-
nettes du cas précédent.
Le même fait se remarque encore à Osbournby *, mais là c'est
un socle qui sert à surhausser la cuve. Bref, de tous ces exemples,
on peut conclure que le pédicule est venu en grande partie de la
nécessité de surhausser les fonts cylindriques, rendus plus petits à
partir de l'adoption du baptême des enfants immédiatement
après leur naissance.
1 Simpson, op. cit., p. 13.
2 Id,, op. cit., p. 15.
3 Ces fonts du xie siècle présentent une cuve rectangulaire déprimée à la base et
portée sur cinq colonnettes.
^ La cuve de ces fonts est très curieusement décorée : de forme cubique, elle est
portée sur un pédicule central et quatre colonnettes d'un fort joli travail.
Les fonts de Thorpe-Morieux et de Preston-Church sont figurés dans le Builder du
26 OCX, 1889, p. 296 et 297.
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— 28l —
Nous avons vu, dans les pages précédentes, le baptistère pri-
mitif en contre-bas du sol laisser comme dérivés les fonts de Tours
et de Tîle de May. Nous avons ensuite montré les fonts à formes
rudimentaires et les fonts cylindriformes donner naissance aux
fonts en margelles de puits posés sur un socle ou sur des piliers,
ce qui amena certains fonts pédicules dont nous nous occuperons
dans les pages prochaines de cette étude.
(A suivre),
Paul Saintenoy.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
Séance mensuelle du lundi 2 février 1891.
Présidence de M. le comte Goblet d'Alviella, président ^
a séance est ouverte à 8 heures.
Quarante-neuf membres sont présents ^.
M. le Président fait part du décès de S. A. R. Mgr le prince Baudouin
et fait savoir à l'Assemblée que le bureau s'est empressé d'envoyer une
couronne au palais de LL. AA. RR. Mgr. le comte et Madame la
comtesse de Flandre en leur exprimant, dans une adresse, la grande part
que prennent les mem.bres de la Société d'Archéologie de Bruxelles dans
les regrets universels que laisse la perte de ce jeune prince, enlevé à la ten-
dresse et à l'amour tle ses parents, à l'attachement et à l'affection de
la nation entière (Approbation unanime).
M. le secrétaire-général donne lecture du procès-verbal de la dernière
séance (Adopté).
Correspondance. — M'"^ Constant Almain-de Hase fait part du décès
de son mari, membre effectif et fondateur de notre Société (Condoléances).
M. De Béer remercie pour sa nomination de membre effectif.
M. le baron J. de Baye transmet au bureau une lettre de M. Leitner,
secrétaire-général du Comité d'organisation de la prochaine session du
Congrès international des Orientalistes.
Dons et envois reçus. — Vases belgo-romains et francis et autres
antiquités offerts par M. de Munck.
1 Prennent en outre place au bureau : MM. Cumont, J. Destrée, P. Saintenoy,
baron de Loë, de Munck, de Raadt, Plisnier, Paris et De Schryver.
2 Ont signé la liste de présence : M"ies Daimeries et Frère ; MM. Arm. de
Behault de Dornon, Ch. Heetveld, le comte G. de Looz-Corswarem, Puttaert,
Schweisthal, Van der Rit, de Brabandère, Hecq, Alex, de Behault de Dornon,
Titz, le comte F. van der Straten-Ponthoz, Michaux, Diericx de Ten Hamme,
Francart, E. Neve, Poils, Hauman, Dillens, Muls, Dens, Casse, Sheridan,
Ch. Saintenoy, V. Saintenoy, Lavalette, De Beys, Ranschyn, le vicomte Desmai-
sières, Weckesser, Verbuecken, Van Havermaet, Van Gelé, Lanneau, Van der
Linden, Beernaert, de Proft et le baron de Royer de Dour.
— 283 —
MM. de Munck et Plisnier proposent qu'outre un inventaire général des
collections, à tenir au courant par le conservateur, au fur et à mesure de
l'entrée des objets, la Société d'Archéologie établisse un grand livre sur
lequel les membres pourraient inscrire des renseignements ou des obser-
vations concernant les objets faisant partie des collections d'étude de la
Société. Ces inscriptions serviraient au classement scientifique et à l'étiquetage
des pièces, ainsi qu'à la rédaction d'un catalogue raisonné {Adopté).
Élection de membres.— MM. J. De Soignies, H. Gielen de Carvalho,
L. Dardenne, G. Benoidt, E. Bayet, O. Raquez, comte L. de Beauffort,
baron L. de Cuvelier, P. Bailly, J. Carsoel et F. G. Waller sont nommés
membres effectifs.
MM. V. Saintenoy, G. Renders, H. Rolland et A. Buan sont nommés
membres associés.
Présentation de candidatures pour la nomination d'un membre
d'honneur en remplacement de M. le D"^ Henri Schliemann, décédé. —
La candidature de M. le docteur Dôrpfeld, le collaborateur et le continua-
teur des travaux de Schliemann, est présentée.
Il sera procédé à cette élection, lors de la prochaine séance.
Congrès international des Orientalistes. (Londres, septembre 1891).
— M. le Président prie ceux de nos confrères qui auraient l'intention
d'assister à ce Congrès de bien vouloir en avertir à temps le bureau, afin
qu'une délégation leur soit confiée.
Exposition. — L Arbre généalogique de Philippe IV, document ancien
en parchemin au bas duquel se trouve une vue de Bruxelles. (Prêté à la
Société par M. Hannottau, artiste-peintre).
II. Généalogie des de la Bawette-lez-Wavre, document ancien en parche-
min (M. de Munck).
III. Frottis de pierres tombales (M. Paul Saintenoy).
IV. Plat moderne en cuivre à inscription couffique, reproduisant un
thème de l'art assyro-chaldécn. (Comte Goblet d'Alviella).
V. Série de vases belgo-romains et francs.
VI. Lettres-patentes de Philippe, baron de Lamine, de 1764 (comte de
Looz-Corswarem).
M. de Raadt donne des explications sur ce curieux document obHgeam-
ment prêté à cette fin par son propriétaire, M. le comte G. de Looz-
Corswarem. Ce sont les lettres-patentes — chef-d'œuvre de calligraphie,
richement orné de dessins à la plume — données à Viennne, le 3 mars
1764, par lesquelles l'empereur François confère le titre de baron (Pannier-
und FreyberrJ, respectivement de baronne du S. E. R. avec le prédicat de
Wohlgebohrenj à Philippe Lamine et à sa descendance des deux sexes. Ce
personnage, originaire de Liège, après avoir rempli, pendant plusieurs
années, les fonctions de Praceptor Unsers vielgeliehten Sohns and Kron-PrinsenSy
— 284 —
des Ertihertiogs Josephs LiebdeUf avait été nommé conseiller aulique actuel,
puis secrétaire intime du Cabinet de l'Archiduc et désigné, en cette qualité,
pour assister, à Francfort, au sacre de ce prince comme Roi des Romains i.
Communications.
M™e Daimeries. —La dentelle.
M. E. de MuNCK. — Découverte belgo-romaine (vill?e) à Havre et à
Villers-Saint-Ghislain.
M. J. Destrée. — L'Aiguière de Charles-Q.uint. (Musée du Louvre.)
M. ScHWEiSTHAL. — Une acropole préhistorique de l'Asie-Mineure.
M. P. Saintenoy, (lecture au nom de M. de la Roche de Marchiennes)
Vîlla belgo-romaine de Nouvelles. Fouilles de 1890.
M. Arm. de Behault de Dornon (lecture au nom de M. Gielen) Notice
sur la ville de Maeseyck.
Communications diverses.
M. de Raadt signale l'existence, au Musée de Grenoble, d'un portrait
d'homme armorié, attribué à Frans Hais, et portant cette inscription : JBT.
SUA 84, OBYT ANNo 1663, 27A augusti. Le blason 2 lai a permis de
déterminer ce personnage, désigné comme inconnu dans le catalogue. C'est
Christophe van Volden, seigneur de Reygaertsvliet et de Zevecote, redenaer
de la prévôté de Bruges, marié à Alexandrine van der Goes, fille de Jean,
seigneur de Bautersem (sous Contich). Il était fils de Herman van Volden,
seigneur desdits lieux et de Ter-Leye, échevin, conseiller et trésorier de
Bruges, tuteur de l'hôpital Saint-Jean, oh l'on peut voir son portrait^ et
d'Adrienne de Ruddere. Il fut inhumé dans le caveau de sa famille, en
l'église Saint-Donat, dans la chapelle de Sainte-Anne.
M. de Raadt termine en priant ses collègues de lui signaler les portraits
armoriés, surtout d'origine néerlandaise non encore identifiés, qu'ils ren-
contreront dans les Musées du pays et de l'étranger. On pourrait retrouver
ainsi un grand nombre de portraits de Belges marquants.
M. Destrée annonce que le Musée Royal d'Antiquités vient de recevoir
de notre collègue, M. L. Cavens, un don important d'objets belgo-romains
et francs, provenant de Thy-le-Baudouin (ancienne collection Van HoUe-
beck).
La séance est levée à 10 1/2 heures.
1 Les armoiries, de ces lettres-patentes, blasonnées incorrectement par r Armoriai
général de M. Rietstap, sont : écartelé ; aux {^^ et 4e, d'az. au compas d'arg.,
ouvert en chevron ; au 2® et 3e, de gu. à la fleur de lis d'arg. ; en cœur :
d'arg. au merle (Amsel) de sa. ; l'écu sommé de la couronne des barons du S. E. i?.,
à cinq {sic !) perles. Deux casques cour. ; cimiers : 1° le merle, 2*^ la fleur de hs
de l'écu. Supports : deux griffons de sa., lamp. de gu.
2 D'arg., au chef de sa., chargé de trois poissons d'or, posés en bande.
UNE VISITE AU MUSÉE
DU
CONSERVATOIRE ROYAL DE MUSIQUE
A BRUXELLES
e jeudi 23 janvier 1890, notre Société a visité le Musée
instrumental du Conservatoire royal de musique à
Bruxelles, sous la savante direction de M. Victor
Mahillon, conservateur de cette belle collection.
Dans tout établissement de ce genre, quand on a souci, non
seulement de former des compositeurs et des virtuoses, mais en-
core de donner aux artistes une instruction soignée et une con-
naissance approfondie de leur art, on a soin de placer à côté de la
Bibliothèque une collection d'instruments anciens et modernes.
Le Musée de Bruxelles est un des plus complets qui existent et
Tun des mieux classés.
Comme une collection d'instruments de musique n'est intéres-
sante à visiter, que pour autant que l'on puisse juger " de anditii n
de leur timbre, M. Mahillon avait organisé, lors de notre visite,
et nous lui en sommes très reconnaissant, un petit concert de
— 286 —
musique historique. C'est ainsi que nous avons pu admirer la
beauté du timbre des trompettes romaines, jouées dans des repro-
ductions absolument exactes des modèles anciens et que Bach,
Rameau et d'autres ont repris leur véritable physionomie, dans
leurs œuvres pour clavecin, sous les doigts habiles de M''^ Marie
Ghalio.
C'était il y a quelques années : le Conservatoire possédait, pour
tout bien, la collection de 76 instruments laissés par Fétis. C'était
peu.
M. Gevaert, dans sa sollicitude bien connue pour le Conser-
vatoire royal de Bruxelles, dont il est Téminent directeur, rêvait
de créer un musée qui pût, lui aussi, rivaliser avec ceux des autres
pays, et il eut le bonheur de trouver l'homme qu'il fallait pour
remplir une pareille mission.
M. Mahillon se mit avec un zèle infatigable et une patience à
toute épreuve, à rassembler et à classer ce que l'on possédait au
Conservatoire, et fit rentrer, non sans peine, quelques instruments
qui se trouvaient à la porte de Hal.
D'un autre côté, les dons affluèrent, et aujourd'hui, par des
achats habilement faits, le Musée du Conservatoire royal de
Bruxelles possède une des plus belles, sinon la plus belle collec-
tion d'instruments de musique du monde entier.
Avant de jeter un coup d'œil rapide sur cette superbe collection,
nous ne saurions trop attirer l'attention de tous, sur un point
capital : les locaux sont trop peu spacieux et surtout trop exposés
en cas d'incendie, et ce serait un désastre irréparable pour la
science et pour l'art, si un sinistre devait éclater dans ces salles
qui renferment tant de pièces rares, sinon uniques.
Dans les deux salles du rez-de-chaussée, nous pouvons suivre
l'histoire des instruments à embouchure : le cor, la trorrtpette, le
trombone, l'ophicléide, etc. Ce n'est point ici le moment de faire
l'histoire détaillée de chacun de ces instruments, de montrer ses
origines, ses perfectionnements, de raconter ses gloires et ses
décadences !
Une pareille œuvre est colossale ! Combien l'ont entrevue ?
Combien l'ont tentée ? Combien ont réussi ? Nous ne pouvons pas
non plus décrire chacun des instruments du Musée, ce qui nous
conduirait trop loin et empiéterait sur le catalogue illustré que va
— 287 —
faire paraître M. Mahillon. La seule chose que nous puissions
raisonnablement faire, c'est de donner quelques renseignements
sur les instruments les plus curieux et les plus intéressants de ce
Musée.
Puisque nous parlons d'instruments à vent, rappelons que,
depuis Sauveur, et surtout depuis Chladni, on a reconnu que le
timbre d'un instrument à vent ne dépend nullement de la matière
dont il est fait, mais seulement des proportions du tube sonore.
M. Mahillon nous en a du reste donné une preuve directe, en
nous faisant entendre successivement une trompette en cuivre et
une trompette semblable en bois : le son est absolument identique.
Les Romains avaient une prédilection marquée pour la
trompette, qui était avec la flûte les instruments essentiellement
nationaux. Ils en connaissaient d'ailleurs d'autres, comme le
tambourin, les crotales (fig. 10), et tous les instruments à cordes,
qu'ils avaient empruntés aux Grecs.
Il y avait à Rome deux collèges ou congrégations : celui des
joueurs de flûte (tibicines) (fig. 7, 8, 9) et celui des joueurs de
trompette {cornîcines) (fig. 9). Les empereurs ne dédaignaient
pas de déposer le sceptre pour jouer de la trompette, et l'on dit
que Norbanus, Flaccus et Héliogabale étaient des virtuoses de cet
instrument.
La trompette, introduite chez les Romains par les Lydiens,
devint surtout l'instrument au son duquel on menait les troupes
au combat. Elle portait, suivant sa grandeur et son emploi, diffé-
rents noms : litiius, buccina, cornu.
Le lituus (fig. 5 et 6), dont le Musée de Bruxelles possède un
fac-similé, en bronze, de l'original conservé au Musée du Vatican
à Rome et provenant d'un tombeau de guerrier découvert en
1827 à Cervetri (la Caere des Etrusques), était en usage dans la
cavalerie romaine.
Le lihtus se compose d'un tuyau cylindrique adapté, par un
manchon, à un tuyau recourbé. Sa longueur totale est de l'^oô.
La tuba curva (fig. i) a été reproduite d'après un instrument
du Musée national de Naples et provenant des fouilles de Pompéi.
On peut voir des reproductions de tuba curva sur la colonne
Trajane, l'arc de triomphe de Titus, l'arc de Constantin, etc.
Le tuyau se courbe à partir de l'embouchure, passe sous le bras
— 288 -
gauche de rexécutant et remonte au-dessus de Tépaule droite, où
il se termine par le pavillon (fig.2). Une traverse, placée dans le
sens du diamètre, conserve la forme de l'instrument et aide à le
porter. La longueur totale est de 3"'4o, embouchure comprise.
D^autre fois, la trompette était droite et s'appelait simplement
tuba (fig. 3 et 4).
La trompette fut Tun des instruments à vent les plus employés
à l'orchestre : nous trouvons dans Touverture ù'Orfeo de
Monteverde (1607) une toccata pour cinq trompettes.
On cultiva la trompette comme instrument de virtuosité depuis
la fin du xvn^ sièclejusqu'à Haydn ; Bach et Haendel ont écrit dans
leurs œuvres des parties très importantes pour cet instrument.
En montant l'escalier, jetons un coup d'œil sur la trompette
marine (fig. 11), l'instrument favori de M. Jourdain. Nous n'en-
trerons pas dans les discussions qui ont passionné le monde, sur
la question de savoir pourquoi cet instrument monocorde s'appe-
lait trompette marine : nous dirons seulement qu'elle servait, dans
les couvents de femmes, pour remplacer les instruments à vent du
même nom, dont elles ne pouvaient convenablement se servir.
Quant à l'étymologie : disputatur inter audores
Avant d'entrer dans les salles qui s'ouvrent devant nous, les
instruments rustiques de tous les pa3^s méritent une mention.
Il y en a là de bien curieux, parmi ces instruments simples et
naïfs, qui amusent le peuple et d'oia, souvent, sont sortis les mer-
veilleux instruments qui charment nos oreilles, sous les doigts
agiles des artistes.
A gauche,dansunevitrine,s'étalentlesluths,archiluths,théorbes,
si en vogue au moyen âge et tout à fait abandonnés aujourd'hui.
Leur forme, souple et gracieuse, est bien faite pour tenter un
artiste ; mais leurs cordes sont si nombreuses, que l'on passait,
dit-on, ordinairement quatre-vingts ans de sa vie à les accorder.
Le luth n'est plus employé aujourd'hui ; Richard Wagner
cependant s'est servi d'une sorte de luth dans la sérénade de
Èeckmesser, dans les Maîtres chanteurs.
A droite s'aligne une longue file de harpes (fig. 12, 13, 14), cet
instrument si suave et si angélique, dont nos compositeurs
modernes ont tiré des effets merveilleux. Cependant, le croirait-
on, cet instrument est assez délaissé aujourd'hui pour qu'on ait
peine à recruter des exécutants ; peut-être est-ce à cause des difiî-
— 289 —
cultes que présente l'étude de la harpe ; mais le résultat auquel
peut arriver un artiste vaut, ce semble, bien la peine de vaincre
quelque difficulté.
Tîbir'ina, TS)
Tibicfn. {9)
e»«i«t c«««'> M(,t94
La harpe, instrument d'origine très ancienne, a subi dans ces
derniers temps de grands perfectionnements, surtout grâce à
M. Sébastien Erard.
19
— 290 —
Le violon, au contraire, est arrivé presque du premier coup à la
forme qu'il a aujourd'hui ; le violoncelle supplanta peu à peu les
violes dans la seconde moitié du xvii^ siècle (fig. 15 et 16).
Nous pouvons admirer, dans les vitrines,des instruments magni-
fiques, sortis des mains des plus habiles luthiers, ou ayant appar-
tenu à des personnages célèbres,. comme la basse de François I^^,
la basse de Servais, et des essais de toute espèce, pour arriver à
des perfectionnements toujours rêvés.
Nous devons encore signaler la viole pomposa de Bach : les
instrumentistes n'étaient pas toujours de première force, cela
arrive bien de nos jours, et ne savaient jouer qu'aux premières
positions. Bach fit confectionner un instrument plus petit que les
violes, et pouvant les remplacer dans les registres élevés. Les
exemplaires de cet instrument sont fort rares.
Dans la salle suivante, l'attention est attirée sur une pièce
tout à fait remarquable du Musée : c'est un jeu de cromornes,
de facture française, et datant du xvi^ siècle (fig. 17).
Il existe peu de cromornes dans les collections instrumentales.
Le Musée du Conservatoire de Paris n'en a qu'un seul exemplaire,
et le considère comme une des pièces les plus précieuses qu'il
possède. La réunion d'un jeu complet est, au point de vue de
l'histoire des instruments de musique, d'une grande importance, et
c'est là une des merveilles du Musée du Conservatoire royal de
Bruxelles. C'est par une suite de circonstances vraiment excep-
tionnelles que cette précieuse collection y est parvenue.
M. le comte L. F. Valdrighi, de Modène, son précédent posses-
seur, démontre [Musurgiana iiP 2, Firenze, G, G. Guidi^ i88o)y
que ces instruments ont appartenu à la famille d'Esté, où ils avaient
été introduits, peut-être, par une princesse française, alliée à la
maison ducale.
Peu goûtés en Italie, ils furent relégués dans la collection
instrumentale de cette famille et parvinrent ainsi jusqu'à nous,
grâce à l'habileté de M. Mahillon, qui sut les acquérir au moment
oià ils allaient tomber entre d'autres mains.
Notons encore, dans cette même salle, le componium de l'an-
cienne collection Tolbecque. Cette merveille de mécanique est
signée : « Diederich Nicolas Winkel invenit etfecit à Amsterdam^
an. 1821. w Le componium fut saisi judiciairement et demeura
— 291 —
longtemps dans un pavillon de la barrière du Trône^ à Paris, où
il subit de graves détériorations, par suite de Thumidité. L'inven-
teur mourut en 1826, et le componium passa successivement en
plusieurs mains, pour arriver enfin au Musée du Conservatoire.
Cette curieuse pièce a pour but de composer et de faire entendre
des variations nouvelles sur un thème de 80 mesures.
On a évalué mathématiquement le nombre de variations que
peut exécuter le componium et on est arrivé au chiffre de
14. 5i3> 461, 557t 741» 527; 824.
En supposant qu'il faille cinq minutes pour Texécution d'un
morceau, on arriverait à un total de 138 trillions d'années pour
épuiser toutes les combinaisons.
Disons, en passant^ un mot sur les flûtes, hautbois, bombardes,
bassons, etc.
Plus riche que nous, sous certains rapports, le xvi^ siècle possé-
dait des flûtes droites et traversières, dont les instruments graves
avaient des sonorités comparables à celles de l'orgue (fig. 18).
Si le fifre, avec le tambour et la grosse caisse, étaient employés
comme instruments guerriers, par contre le flageolet servait
surtout à la danse, accompagné par le tambourin.
Dans la famille du hautbois, les instruments graves étaient diffi-
ciles à jouer. Après bien des essais infructueux, un chanoine de
Pavie, nommé Afranio, inventa, dit-on, vers 1539, un instrument
grave, à anche, qu'il nomma fagotto et qui, après bien des transfor-
mations, devint notre basson actuel (fig. 19).
La clarinette fut inventée en 169 1 par Denner, selon l'opinion
commune, mais il est plus probable qu'il ne fit qu'apporter des
perfectionnements à un instrument déjà existant ; elle ne parut en
France qu'en 1755.
Tous ces instruments ont conservé à peu près les mêmes formes
qu'autrefois, mais que d'améliorations se sont faites dans leur
justesse et leur timbre, grâce aux efforts de nombreux inventeurs
comme Gordon, Coche, Dorns, Buffet, Ad. Sax^ Triébert et
surtout Théobald Bochny,qui trouva, vers 1831, la loi de la perce
rationnelle des tuyaux.
Un des instruments dont les transformations et les perfection-
nements ont été des plus considérables, c'est notre piano. On a
beaucoup discuté sur l'invention du clavecin : on ajouta probable-
— 292 —
ment un clavier au psaltérion (fig. 20) ; en mettant les cordes en
vibration au moyen de languettes de cuivre, le psaltérion devint
le clavicorde (fig. 21). Puis on remplaça les languettes de cuivre
par des plumes de corbeau ; à la fin du xvi^ siècle, Tépinette
était excessivement répandue, elle portait différents noms :
harpsichorde, virginal, etc. (fig. 22). Vers la fin du xvi^ siècle,
Hans Ruckers, d'Anvers, apporta de nouvelles améliorations à
Tépinette, ses successeurs les augmentèrent encore, et Tépinette
devint le clavecin, dont les cordes sont grattées par une sorte de
plectre (fig. 10).
Dans la première moitié du xviii^ siècle, Cristofori, à Florence,
Marins, à Paris, Gottlob Schroeter, en Saxe, conçurent Tidée de
faire ft-apper les cordes du clavecin par des marteaux. C'est ainsi
que naquirent les premiers pianos-forte, fabriqués vers 1730 par
Silbermann, de Freyberg.
Puis, Sébastien et Pierre Erard inventèrent le système de
Téchappement, augmentant ainsi la souplesse et la solidité du
marteau, et à partir de ce moment, le piano se perfectionna, de jour
en jour, pour devenir l'instrumenta la mode.
Un instrument qui mérite surtout notre attention, c'est l'orgue,
qui doit son origine à la i\)Q\.yi o\x flûte de Pan. Le poète Pin-
dare, né en l'an 520 avant J.-C, attribue l'invention de l'orgue à
Minerve. Quelques siècles après Pindare, le mécanicien Ctesibius^
d*Alexandrie^ qui vivait environ 124 ans avant J.-C, appliqua à
l'orgue les découvertes qu'il avait faites dans l'hydrodynamique,
et le mécanisme qu'il imagina a été longuement décrit par Héron,
son disciple.
Uorgue, jusque-là appelé flûte, prit alors le nom d'hydraule. La
pression de l'air dans les tuyaux avait lieu par l'impulsion de
l'eau.
Vitruve cite cet instrument un peu avant J.-C, Athénée en
donne une description, trois siècles plus tard, et saint Augustin en
parle longuement.
L'orgue simplement pneumatique, c'est-à-dire avec soufflets, ne
semble pas avoir été en usage avant le v^ siècle de notre ère.
Les premières représentations que l'on possède des orgues
primitives, se trouvent sur des médaillons dits contorniates, du
in ou rv® siècle.
— 293 —
Les Byzantins excellaient, dit-on, dans Tart de construire les
orgues.
Peu à peu, des perfectionnements furent apportés aux orgues :
les tuyaux devinrent plus nombreux, les claviers plus maniables,
la soufflerie plus aisée. Au xv^ siècle, le compositeur Bernard
Mured inventa les pédales.
Cependant le luth et le clavecin éclipsèrent les orgues porta-
tives ou régales (fig. 23 et 24), et elles disparurent peu à peu.
Depuis lors, les grandes orgues ont fait des progrès immenses
et sont aujourd'hui des instruments ayant une perfection, une am-
pleur, une variété de sons incomparables.
Il nous reste encore à jeter un coup d'œil rapide sur les instru-
ments de musique extra-européens, dont le Conservatoire possède
une très belle collection.
Ces instruments sont excessivement intéressants à étudier, car
ils sont les types primordiaux dont sont sortis presque tous nos
instruments modernes.
Nous ne pouvons cependant entrer dans de grands détails sur la
musique orientale, ce sujet ayant été traité, du reste, dans plusieurs
monographies spéciales. Cette musique paraît avoir peu changé
dans la suite des temps. Nous remarquons, toutefois, que les inter-
valles de son échelle musicale ne sont pas employés dans la nôtre.
L'harmonie, telle que nous la comprenons, c'est-à-dire plusieurs
parties superposées, n'est pas connue, et, si plusieurs personnes
chantent ensemble plusieurs notes, il n'y a là aucune trace d'un
art établi sur des bases solides.
■Quelques-uns des peuples orientaux ont une notation musicale:
tels les Arméniens, les Chinois, les Hindous et les Persans ; d'au-
tres n'en ont pas, comme les Arabes. La tradition, le plus sou-
vent, sert à transmettre, d'âge en âge, les mélodies orientales.
Les instruments à percussion sont surtout très nombreux ;
parmi,les instruments à cordes, il faut signaler le genre guitare ou
luth.
Pour les Hindous (fig. 28, 26, 27), leur richesse consiste surtout
dans les instruments à cordes pincées, dont le nombre, contraire-
ment à ce que Ton trouve chez les Chinois, est plus grand que
celui des instruments à percussion. 11 existe une grande similitude
entre leurs guitares et leurs luths, et les nôtres (fig. 11).
— 294 —
Pour les Arabes, leurs principaux instruments sont le tambour
et la guitare. Quoique leur musique n'ait pas de notation, elle a
eu, avec nous, plus de contact, par suite des croisades et des
séjours assez longs des Arabes en Espagne.
Les Chinois (fig. 32) possèdent une musique constituée suivant
des règles fixes. On peut consulter sur ce sujet le mémoire inté-
ressant du Père Amyot. Ils aiment les instruments à cordes nom-
breuses, et sont riches en instruments du genre luth ou guitare.
Les instruments africains (fig. 31) sont des plus primitifs et
des plus simples — on pourrait presque les comparer à des ins-
truments de musique préhistorique.
L'histoire des instruments de musique, c'est presque l'histoire
de la musique, et quand on considère leur nombre et leur variété,
le travail ardu auquel se sont livrés une foule d'artisans et d'ar-
tistes, pour leur donner des perfectionnements, on voit quelle
large place la musique tient dans la vie humaine. C'est comme
une autre langue plus délicate, plus perfectionnée, qui permet aux
hommes d'exprimer leurs émotions les plus intimes et les plus
subtiles, leur être même, et qui, si elle n'est pas parlée par tous^
est aimée et comprise de tous.
GiSBERT COMBAZ.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
Séance mensuelle du lundi 2 mars 1891.
Présidence de M. \q comte Goblet d'Alviella, président 1.
a séance est ouverte à 8 heures.
Cinquante membres sont présents ^.
M. le secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la dernière
séance (Adopté sans obseiuation).
Correspondance. — Le Comte O. d'Oultremont de Duras, au nom
de Leurs Altesses Royales le Comte et la Comtesse de Flandre, remercie
la Société de la part qu'elle a prise à leur vive douleur.
M. P. D'Hondt fait part du décès de sa mère.
M. le comte G. de Looz-Corswarem signale à Pattention du bureau le
montant en bois sculpté d'une porte d'un vieil hôtel, sis dans la rue Antoine
Dansaért. A la partie supérieure de ce montant, se trouve sculpté un
écusson qui semble se rapporter à la famille de Recourt de Licques.
LaKoninkHjke Vlaamsche Académie voor Taal-en Letterkunde, le Royal
Archaeologlcallnstitute of Great-Britain and Ireland et la Société archéolo-
gique de Charleroi, accusent réception de notre annuaire- 1 891.
Dons et envois reçus. — M™e la comtesse Ouvarow, présidente de
la Société Impériale archéologique de Moscou, MM. Vorsterman van
Gyen, le lieutenant Hecq, Arm. ile Behault de Dornon, L. Paris, le comte
1 Prennent en outre place au bureau : MM. Cumont, P. Combaz, J. Destrée,
P. Saintenoy, baron de Loë, de Munck, de Raadt, Plisnier, Paris, De Schryver et
Vorsterman van Oyen.
2 Ont signé la liste de présence : MM. Arm. de Behault de Dornon, Puttaert,
Oyens, Paulus, Schweisthal, Mahy, E. BaeSjVan der Rit, Renders, Nicod, Storms,
Goffaerts, Ronner, le comte de Nahuys, Hauman, A. Dillens, E. Michel, le vicomte
Desmaisières, P. Verhaegen, de Proft, H. Hymans, G. Hecq, de Brabandère,
Poils, comte G. de Looz-Corswarem, J. Wauters, Raquez, Pottelet, van Malder-
ghem, Verbuecken, Jordens, G. Combaz, Muls, J. Van der Linden, De Passe,
Malfait, Van Gelé, Van Havermaet, De Ro et de la Roche de Marchiennes.
f
— 296 —
de Nahuys, Hippcrt et Van der Rit, font don de livres, de brochures et
de plans.
M. de Munck enrichit nos collections des objets suivants : Christ en
bois polychrome provenant d'une égUse du Grand-Duché de Luxembourg;
images coloriées avec application de tissus ; francisque et scramasaxe pro-
venant de tombes franques découvertes à Havre.
Élections de membres, — M. le docteur Dôrpfeld est nommé
membre d'honneur en remplacement de M. le docteur Schliemann, décédé
(^Applaudissements) .
MM. V. Allard, Papleux, De Vestel et Missoten sont nommés membres
effectifs.
M. A. Van Gelé est nommé membre associé.
Rapport sur le Palais du Peuple. — MM. P. Saintenoy et le baron
DE LoË soumettent à l'approbation de l'assemblée le nouveau rapport qui
leur a été demandé par la commission d'étude du Palais du Peuple {Adopte).
Exposition. — 1° Gravures de Luc Vorsterman (M. Vorsterman-van
Oyen).
2** Urne belgo-romaine, en terre noire assez fine, trouvée à Stuyckens-
kerke, prés Nieuport (M. Duvivier).
3° Défense de narval (Menodon monoceros) perforée, même provenance
(M. Duvivier).
4? Dinanderies (M. Pottelet).
5° Plan et album de Louvain (M. Arm. de Behault de Dornon).
6° Couverture de livre, en cuir estampé, portant une marque, spécimen
curieux de l'industrie des cuirs, florissante à Bruxelles et surtout à Malines,
au XVII® siècle (comte G. de Looz-Corswarem).
7° Assiettes en étain, aux armes des comtes van den Steen de Jehay,
et marquées au verso d'un Saint-Michel terrassant le démon (M. de Raadt).
8° Vues prises dans la cour de l'abbaye de la Cambre, lors de la visite
qu'y a faite la Société (Van Gelé).
9® Dolium ou vase à conserver les liquides, etc. (Commission des
fouilles) .
Communications.
J. Destrée. —Le plat d'Alexandre Farnèse.
P. Saintenoy. — Compte rendu de l'excursion à Dieghem, Saventhem,
Winxele et Herent.
E. Michel. — Les voyages au moyen âge.
Communications diverses.
M. le comte Goblet d'Alviella attire l'attention de ses collègues sur
un plat de cuivre repoussé, avec inscription coufïique. Ce plat, dû à l'in-
dustrie moderne de la Syrie, reproduit le type du palmier, entre deux
— 297 —
personnages affrontés, qui remonte aux plus vieilles productions de l'art
assyrien.
L'Œuvre de Luc Vorsterman.
M. Vorsterman- VAN Oyen entretient l'assemblée des gravures de Luc
Vorsterman, M. H. Hymans donne ensuite un aperçu rapide de la vie et
de l'œuvre de Vorsterman. L'illustre graveur n'est point Originaire de nos
provinces. Il vit le jour en Gueldre (Zalt-Bommel), et tout semble devoir
faire admettre qu'il y fit ses premiers pas dans la carrière artistique. M. Hy-
mans ne partage pas cette opinion presque générale que Vorsterman
aurait, d'abord, exercé la peinture sous la direction de Rubens ; il n'existe
aucune présomption de preuve à l'appui de cette affirmation. D'autre
part, on ne peut avec certitude désigner aucune œuvre du graveur produite
avant l'apparition de ces grandes estampes d'après Rubens ; celles-ci, tout
au moins, sont les premières pièces datées que l'on rencontre sous sa
signature. Elles sont aussi les premières que Rubens revêt d'un triple
privilège obtenu successivement, dans les Pays-Bas, en France et en Hol-
lande; d'où cette mention : cum pn'viîegïo régis christianissimi, principum Belga-
rum et ordinum Bataviœ, qui figure sur tant d'estampes publiées sous la
direction de l'illustre peintre, à dater de 1620.
Rubens eut, par la suite, à revendiquer devant les tribunaux ses droits de
propriété, et l'entreprise des plagiaires des belles estampes parues avec son
approbation, ne laissa pas que de lui causer un réel souci. Parmi ces estam-
pes, les œuvres de Vorsterman occupent le premier rang. Un moment vint
où, brusquement, cessa la féconde collaboration de deux maîtres si bien
faits pour se comprendre.
Il s'est démontré que Vorsterman, frappé de folie vers l'année 1622, eut
une querelle avec Rubens et alla même jusqu'à le menacer, ce qui ne fut
pas sans jeter l'inquiétude dans la population d'Anvers. Le fait se déduit
d'une pétition adressée à l'infante Isabelle et se confirme, d'ailleurs, par une
lettre adressée à Rubens.
Vorsterman, après sa rupture avec le grand peintre, s'en alla travailler à
Londres, où il produisit des pages extrêmement importantes, sans égaler
toutefois ses œuvres antérieures. M. Hymans désigne, parmi les estampes
exposées, quelques-unes de celles appartenant à cette période.
De retour à Anvers, l'artiste n'y semble pas avoir jamais retrouvé sa
vogue passée, bien que, de loin en loin, son burin mît encore au jour des
productions excellentes. On a su, dans les derniers temps, que sa vue, gra-
vement altérée, ne lui permit pas de poursuivre ses travaux avec la régu-
larité voulue. Atteint également dans ses intérêts, il finit par tomber dans
une gêne profonde, n'ayant, pour le secourir dans sa détresse, qu'une fille,
religieuse dans un couvent d'Anvers. Il mourut, presque oublié, vers 1670,
— 298 —
laissant un fils graveur, connu dans l'histoire comme Lucas Vorsterman,
le jeune, maître d'un rang secondaire.
La situation de Norderwijck et d'Itegem a l'époque des pagi. — M. de
Raadt, occupé à reconstituer l*historique de ces deux communes, fait
connaître ses conclusions au sujet de leur situation du temps des pagi. Un
diplôme impérial de 974 place Northreuuic dans la Toxandrie. Un autre de
976, contient la même indication quant à cette localité et à Idïngehem, eit
cite, ensuite, Bouchout, comme faisant partie du pagus de Rijen ^. Or,
contrairement aux termes si formels de ces documents, d'autres textes,
non moins officiels, établissent parfaitement que Norderwijck et Itegem
étaient, à cette époque, compris dans le pagus de. Rijen. Comment expliquer
cette contradiction apparente ? L'orateur, rejetant l'opinion émise naguère,
d'après laquelle le pays de Rijen serait une dépendance de la Toxandrie,
conclut que les deux localités avaient appartenu à l'ancien pagus major de
la Toxandrie, et qu'après la Subdivision de cette circonscription administra-
tive, elles ont été attribuées au nouveau pagus de Rijen. Ce canton était
subordonné à un comte spécial. Deux documents de 725 ou 726, parlant
du pagus Kï]en, sont apocryphes ^. La plus ancienne pièce qui le mentionne
et dont l'authenticité puisse être admise, date de l'an 868. Si, néanmoins,
les diplômes de 974 et 976 indiquent Norderwijck et Itegem dans la Toxan-
drie, c'est que, probablement, les chartes relatives à des donations anté-
rieures de ces endroits contenaient la même désignation géographique, et
que, pour éviter toute équivoque sur la situation précise et l'identité des
locahtés, on aura tenu à reproduire les termes exacts des actes primitifs,
coutume qui, d'ailleurs, s'est maintenue, à travers le moyen âge, jusqu'aux
temps modernes.
M. J. Destrée dit quelques mots d'un objet d'art que l'on vient de pro-
poser en vente au Musée royal d'antiquités. C'est un retable en bois poly-
chrome, œuvre de la corporation de nos anciens imagiers brabançons.
M. de Proft signale l'existence, dans le quartier Nord-Est, d'une vieille
tour située rue du Cardinal et qui a fait partie du palais de Granvelle. Cette
tour devant être démolie prochainement, M. de Proft exprime le désir qu'on
en fasse prendre une photographie {adhésion).
La séance est levée à 10 heures 1/2.
1 Archives de l'Etat à Gand. Les deux documents sont imprimés dans Serrure,
Cartulaire de Saint-Bavon, nos 9 et 7, et MlR^us, Opéra diplomatica^ I, 344 et 49.
2 MiR^us. op. cit. y I, 10, II, 12.
LA
VILLA BELGO-ROMAINE
DE NOUVELLES *
Fouilles de 1890.
jendons hommage d*abord à la gracieuse complai-
sance de M. Léon Cornez, d^Asquillies, nouveau loca-
taire du terrain de nos fouilles. En nous permettant de
continuer nos travaux, il a droit à toute notre reconnaissance.
Depuis plusieurs années, nous connaissions la légende d\in
souterrain, reliant, prétenduement, à la ville de Bavai notre villa
romaine, dont remplacement porte encore aujourd'hui le nom de
Petlt-Bavai. Ce souterrain légendaire nous intriguait considéra-
blement. Plusieurs sondages effectués précédemment sans succès
ne nous découragèrent cependant pas. Il importait de connaî-
tre ce qu'il fallait défalquer de la tradition au profit de la vé-
rité. Grâce aux précieux renseignements de MM. Leleux et
Mathieu, d'AsquiUies, qui nous indiquèrent Tendroit où la charrue
1 Voir les rapports lus en séance du 6 novembre 1888. — Annales de la Société
à'' Archéologie de Bruxelles, tome II, i*"® livraison et du 4 février 1890.
— 300 —
heurtait un obstacle permanent, bientôt le voile se dissipa et
notre desideratum se manifesta sous Taspect d'un aqueduc.
Ce conduit d'eau, que nous allons décrire, dénote l'importance
de la villa et n'est, à notre connaissance, que le troisième connu
en Belgique, desservant Thabitation romaine. Les deux autres
sont celui d'Anthée * et celui de Strée ^.
Le point où nous l'avons découvert — à une profondeur de
20 centimètres — est situé sur le territoire de la commune
d'Asquillies, à environ 300 mètres de la villa, entre le chemin dit
des Rayons et la chaussée de Mons à Maubeuge. Il se dirige vers
nos fouilles précédentes, parcourant en ligne droite une cinquan-
taine de mètres. Alors, décrivant une courbe savante, pour main-
tenir son niveau et contourner une sinuosité de terrain, il parcourt
encore une centaine de mètres, puis, se préparant à une nouvelle
courbe, il cesse brusquement au milieu d'un fouillis de pierrailles.
Nous sommes ici éloignés d'une couple de cents mètres des subs-
tructions découvertes précédemment. La pente du courant d'eau;
calculée par M. Honorez, géomètre d'Harmignies, n'est que de
3 millimètres et demi par mètre, et si notre aqueduc s'enfonce en
cet endroit à. la profondeur de 70 centimètres, cela provient du
relèvement du terrain. A ce même niveau, nous suivons, dans la
direction de la ville, pendant une quarantaine de mètres, un
pavement en pierrailles — d'une largeur de i m. 25 — avec
traces de béton. Après cela, nous ne voyons plus rien qui puisse
se rattacher à l'aqueduc, car c'est à un niveau supérieur —
25 centimètres sous le sol actuel — que nous découvrons un che-
min pavé en tafeau de Ciply et large de i m. 25. Après un par-
cours d'une trentaine de mètres, cette voie se perd dans une sorte
de nappe calcareuse.
Décrivons maintenant la substance de l'aqueduc. L'eau coulait
sur une couche de ciment gris-rougeâtre excessivement dur,
d'une épaisseur de 15 centimètres et d'une largeur de 20 centi-
mètres. Cette couche reposait sur une fondation de gros cailloux
anguleux et bruts posés les uns sur les autres et atteignant à peu
1 Voir Villa à' Anthée, par Eug. Del Marmol. — Annales de la Société d'Archéologie
de Namur, tome XV, i^^ livraison, 1881.
2 Voir Aqueduc romain, Van Bastelaer. Rapport de la fouille de Strée. — Documents
et rapports de Charleroi, tome VIII, 1877.
— 30I —
près la même épaisseur. Le courant d'eau avait, de chaque côté,
un rebord de lo centimètres et était probablement voûté par des
rangées de cailloux superposés en arc de cercle, comme le décrit
M. Reyer pour la partie de l'aqueduc de Vieil-Evreux, située dans
une glaise extrêmement compacte *. Mais nous n'avons retrouvé
aucune trace de la voûte qui s'était sans doute effondrée, laissant
ses cailloux épars de chaque côté du conduit sur une largeur de'
30 à 40 centimètres.
Les travaux agricoles ne nous ont pas permis de remonter
Taqueduc jusqu'à sa naissance. Cependant, d'après les renseigne-
ments de M. Leleux qui, en temps de dégel, l'avait suivi de sa
canne pendant plusieurs mètres, il devait s'alimenter au ruisseau
d'Asquillies, à un kilomètre de la villa. Mais ce qui nous rend per-
plexe, c'est le profond encaissement du ruisseau et, par cela
même, la difficulté que devaient éprouver les Romains à amener
l'eau à l'aqueduc au faîte du ravin, dont la hauteur dépasse à
peine celle de la villa. La roue hydraulique, déjà connue alors ^
suffisait-elle pour hausser l'eau à une quinzaine de mètres (hauteur
approximative du ravin) ? ou'bien la faisaient-ils transporter dans
le conduit par des esclaves?... Espérons que nos recherches de
l'an prochain nous apporteront quelque lumière.
Passons à la description de deux nouvelles pièces, découvertes
récemment à environ 33 mètres de nos fouilles de l'an dernier.
La première, dépourvue de pavement, mesure 3 m. 50 du nord
au sud, et, à en juger par quelques restes de murs, 6 m. 20 de
l'est à l'ouest. Sa base est à 90 centimètres du sol actuel et nous
avons rencontré les murs à 30 centimètres de profondeur. Au
coin nord-ouest se présente un escalier très délabré. Les trois
marches, formées de pierres et de carreaux, devaient avoir
80 centimètres de largeur sur 25 de hauteur. A peu près au centre
de cette pièce, mais adossé au mur méridional, se trouve un
fourneau. Sa hauteur, comprenant sept carreaux superposés, est
de 42 centimètres; sa longueur de i m. 77 et sa largeur de
I m. 55. Les carreaux, noircis et presque consumés, attestent Tar-
deur du foyer. A l'un d'eux, on remarque trois encoches. Le mur
1 Voir Abécédaire d' Archéologie, ère gallo-romaine. De Caumont, p. 138 et suiv.
2 Voir Dictionnaire des antiquités romaines et grecqiU'S, par Anthony Rich, traduit de
l'anglais par M. Cheruel, p. 541. Paris, 1861.
— 302 —
ouest de cette pièce est construit en petit appareil. Son épaisseur
est de 60 centimètres. Un couloir extérieur de la même largeur
le sépare d'un autre mur parallèle et de dimensions semblables.
A Touest et au nord, nous perdons la trace de deux autres mu-
railles, l'une à la distance de i m. 10, la seconde à 3 m. 50.
Au midi de la pièce à fourneau et lui communiquant par une
ouverture de 60 centimètres, se dégage une pièce avec pavement
en béton — à i m. 13 de profondeur — semblable à celui de
l'hypocauste. Les parois, mesurant 3 m. 25 de l'est à l'ouest et
4 m. 25 du nord au sud, étaient revêtues d'un béton rougeâtre
presque détruit.
Les trouvailles sont analogues à celles des années précédentes.
Débris de tuiles, tuileaux, poteries samiennes, grises, noirâtres,
une anse d'amphore, peu de marbre, quelques clous, des osse-
ments d'animaux et une grande quantité de peintures murales
noires^ brunes, rouges, jaunes, vertes, etc.
A la prochaine reprise, nous espérons conduire la pioche sur
le territoire d'Harvengt. M. Mathieu, avec une obligeance toute
particulière, nous a indiqué, non loin de l'hypocauste, un espace
où ses récoltes croissaient avec moins de vigueur, signe très pro-
bable de substructions. Puisse une ample moisson archéologique
y compenser la médiocrité des céréales !
Emile de la Roche de Marchîennes.
Harvengt, 26 novembre 1890.
LA CONFÉRENCE DU LIVRE
A ANVERS
LES 7-8-9 AOUT 1890.
Messieurs et chers Collègues,
«ans le rapport que je vais avoir l'honneur de vous lire,
je ne puis vous rendre compte, étant donné le carac-
tère de notre Société, de toutes les questions qui ont
été discutées à ce Congrès ; je dois me borner à celles qui ont
quelque rapport avec Tarchéologie. Ces questions étaient en bien
petit nombre, et ce n'est même qu'incidemment que Ton y a traité
des choses du passé. Le véritable but de cette conférence était
de résoudre des questions d'intérêt matériel, des questions
pratiques, tels que, par exemple : recherche d'un système de
détermination des formats, questions pratiques de reliure, droits
de transport et droits de douane , organisation des bibliothèques
publiques et utilité d'un catalogue général à Tusage du public,
échange officiel de livres entre divers pays ou diverses bibliothè-
ques, etc., etc.
La première question pouvant vous intéresser a été présentée
— 304 —
par M. le marquis de Granges de Surgères qui, dans un rapport
rédigé d'une façon très élégante mais très énergique, demande
aux bibliophiles de ne plus imprimer sur les livres de leurs biblio-
thèques des noms, des armoiries ou des monogrammes. « Ces
marques, dit- il, sont souvent placées d'une façon si maladroite,
quelquefois en plein titre ou sur le frontispice, que le livre est
abîmé ou a perdu, au moins, une grande partie de sa valeur. »
Même étant propriétaire d'une œuvre d'art, l'on n*a pas encore le
droit de la détériorer.
M. Jorissen demande ensuite que les livres rares soient
assimilés aux œuvres d'art, afin qu'ils soient par ce fait, de la
part du Gouvernement, l'objet de la même sollicitude.
La seconde assemblée générale a eu Thonneur d'être présidée
par M. J. Vandenpeereboom, Président d'honneur du Congrès.
Nous savons tous que notre Ministre des chemins de fer, postes et
télégraphes est un des bibliophiles les plus distingués que nous
possédions en Belgique. M. Vandenpeereboom ouvre la séance
en improvisant un discours des plus remarquables, dans lequel il
trace à grandes lignes l'histoire de la reliure dans notre pays,
faisant ressortir, pour les diverses époques, les points de compa-
raison avec les écoles françaises et allemandes. Cette communi-
cation, d'un caractère bien nouveau, fut d'autant plus intéressante
qu'elle a été traitée avec toute la compétence que nécessitait le
sujet. L'orateur, ensuite, reproche aux musées, aux bibliothè-
ques, au Gouvernement, de n'avoir pas fait assez pour posséder
ou conserver chez nous tant de belles reliures qui sont allées
enrichir les musées étrangers.
A cette même séance, notre honorable Président, M. le Comte
Fr. van der Straten-Ponthoz émet le vœu de voir nos éditeurs,
pour les titres de leurs livres, se rapprocher davantage de l'or-
donnance des titres des beaux ouvrages anciens.
A la dernière séance, M. Destrée fait une communication sur
l'utilité qu'il y aurait à exécuter « un album reproduisant des
miniatures contenues dans les manuscrits, envisagées comme do-
cuments pour l'histoire de l'art et comme modèles pour l'illustra-
tion des livres liturgiques...., etc. » M. Destrée dépose également
un rapport, rédigé avec la collaboration de M. Paul Claessens, sur
la nécessité d'organiser des collections de reliures.
— 305 —
Voilà, Messieurs et chers Collègues, les quelques questions
pouvant vous intéresser (comme archéologie bien entendu) qui ont
été traitées au Congrès du livre. La Commission travaille active-
ment au compte rendu complet des délibérations ; vous y
trouverez des notes du plus grand intérêt.
La lecture de ces annales vous prouvera combien cette confé-
rence,par les services pratiques qu'elle pourra rendre, mérite que
nous nous joignions à tous les membres du Congrès pour adresser
nos félicitations à son comité d'organisation, et surtout à M. Max
Rooses, qui en fut Tàme et le promoteur, et à M. Charles Ruelens,
qui a présidé avec tant de tact les assemblées générales.
P. S. — Ajoutons un juste tribut de regrets à la mémoire de celui-ci,
savant distingué, mort depuis que ces lignes sont écrites.
Louis Titz.
20
QUESTIONS ET RÉPONSES
(voir table du tome IV ET TOME V, p. II 6)
QUESTIONS
IX
La famille de Dobbelere.
ésireux de posséder des données authentiques sur la famille de Dob-
belere, Dobbeleer, Dobbeler, etc., pour le xvi® siècle et le comrnen-
cement du siècle suivant, je serais heureux de recevoir tous documents y
relatifs.
J.-Th. DE Raadt.
X
Le calligraphe Wilmart.
Ces jours-ci, j'ai aperçu à la montre d'un libraire parisien un^ manuscrit
sur velin, d'environ 60 pages, format in-8°. intitulé :
Exercices spirituels, ou Écrit à Bruxelles, par G. -H. Wilmart, 1673.
Ce volume a été fraîchement relié ; et on y a ajouté un blason et une
dédicace en l'honneur de la personne à laquelle le volume a été offert.
Connaît-on quelque chose sur la vie de ce calligraphe ?
V. Advielle.
— 307 —
XI et XII
Armoiries à déterminer.
Sait- on à quelle famille appartiennent les armoiries suivantes :
D'or à la fasce bretessée et cotitre-bretessée de gueules, accompagnée de trois losanges
de sinople.
Ces armes se trouvent sur un portrait de dame portant Tinscription
« iEtatis XX-1651 ».
Le portrait appartient à l'école hollandaise.
Peut-on dire qui est cette dame ?
P. S.
«
Quelles étaient les armoiries de la famille de Monsenaire de Mons ?
A. DE B. DE D.
XIII
Sainte Jeanne Chusa.
Connaît-on, en dehors de sainte Jeanne Chusa, de Jérusalem, une autre
sainte Jeanne ou un saint Jean, que l'on aurait représentés portant, de la
main droite, un panier et, de la gauche, une corbeille, comme caracté-
ristiques ?
Ces renseignements doivent servir à la description du méreau de Henry
de Monsenaire et de Jeanne Cantineau, son épouse.
Ar. de B. de D.
REPONSES
QUESTION No Yl\. — Annales, tome V, page 119.
La chronologie des comtes de Charolais.
La chronologie des comtes de Charolais, après Charles le Téméraire,
duc de Bourgogne, est fort simple.
A la mort de ce prince, en 1477, Louis XI, roi de France, s'empara de
ce comté. En vertu de la paix de Senlis, le 23 mai 1493, le roi Charles VIII
le rendit, avec l'Artois, la Franche-Comté et la seigneurie de Nogent, au
roi des Romains, MaximiUen, archiduc d'Autriche, en sa qualité de père
et tuteur de Philippe le Beau, pour le tenir en fief de la couronne de France.
Le Charolais fut néanmoins l'objet de sérieux démêlés entre Charles-
— 3o8 -
duint et François P% qui furent terminés entre leurs successeurs, par le
traité de Cateau-Cambrésis, signé le 3 avril 1559. La propriété de ce
comté devait demeurer à Philippe II, roi d'Espagne, et à ses successeurs,
pour le tenir sous la suzeraineté du roi de France. Les traités de Vervins
(2 mai 1598) et des Pyrénées (7 novembre 1659) confirmèrent le droit des
rois d'Espagne, qui restèrent possesseurs de ce comté jusqu'en 1684, quand
le roi Cliarles II le céda au Grand Condé, qui en fit adjuger la possession
à son fils Henri-Jules de Bourbon, prince de Condé. Le haut domaine en
fut, comme toujours, réservé à la couronne de France.
Les comtes de Charolais des xvi^ et xvii® siècles étaient par conséquent :
Philippe le Beau, 1493-1506 ;
Charles-Quint, t 506-1 5 56 ;
Phihppe II, 15 56-1 598 ;
Philippe III, 1598-1621 ;
Philippe IV, 1621-1665 ;
Charles II, 1665-1684,
quand la maison de Condé entra en possession de ce comté.
Les personnages qui ont porté le titre de Charolais, à la fin du xvii^ et
pendant le xviiie siècle, sont :
1° Anne-Louise-Bénédicte, fille de Henri-Jules, prince de Condé, nommée
d'abord Mademoiselle d'Enghien, et puis Mademoiselle de Charolais. Elle
épousa Louis-Auguste, duc de Maine, fils adultérin de Louis XIV et de
Madame de Montespan ;
2° Louise-Elisabeth, fille de Louis II et petite-fille de Henri- Jules, princes
de Condé, nommée d'abord Mademoiselle de Charolais et puis Ma'demoiselle de
Bourbon. Elle épousa Louis-Armand, prince de Conti ;
3° Louise-Anne, sœur de la précédente, nommée d'abord Mademoiselle
de Sens et plus tard Mademoiselle de Charolais ;
40 Charles, frère des deux précédentes, qui porta le titre de comte de Cha-
rolais. Il naquit^en 1700 et mourut en 1760.
O^ M. DE N.
Fig. I. Cloître de S. Servais à Maeslricht. — Tympan sculpté du xii^ siècle.
NOTES BIBLIOGRAPHIQUES
VII
(f^JA SCULPTURE ET LES ARTS PLASTIQUES AU PAYS DE LiÈGE ET SUR LES BORDS
|B.^| DE LA Meuse, par Jules Helbig. Deuxième édition. Desclée et De
Brouwere, Bruges, 1890.
La première édition de l'ouvrage du sympathique auteur a paru à la
suite d'un concours ouvert par la Société d'Emulation de Liège. Ce cons-
ciencieux mémoire fut couronné en 1887. M. Helbig, qui avait vu arriver
avec quelque regret l'échéance fatale du dépôt de son manuscrit, se remit
bientôt à l'œuvre. Après une couple d'années, il livrait à la publicité une
seconde édition, enrichie de nouvelles données et de nombreuses illus-
trations.
La tâche de l'historien n'était pas aisée. Tout préparé qu'il y était par
l'élaboration de sa remarquable histoire de la Peinture au pays de Liège (1873),
M. Helbig se trouvait devant une série de problèmes délicats, problèmes
qui jusqu'alors n'avaient guère sollicité l'attention des érudits. Si j'en
excepte le travail de M. de Linas ^, l'art mosan ou, si l'on préfère, les
manifestations artistiques sur les bords de la Meuse n'avaient pas fait l'objet
d'un travail spécial. De nombreuses questions restaient à résoudre. Il
1 Vart et Vindustrie d'autrefois dans les régions de la Meuse belge. Souvenirs de
V exposition rétrospective de Liège en 1881, par M. Chari.es de Linas.
— 3IO —
fallait, d'une part, recueillir les renseignements, conservés par les chroni-
queurs ou enfouis dans la poussière des archives ; d'autre part, étudier les
rnonuments qui ont échappé à l'indifférence ou au vandalisme. M. Helbig
peut se flatter d'avoir épuisé beaucoup de questions d'un très haut intérêt,
et d'avoir fourni une voie toute frayée aux recherches des érudits.
L'auteur ne s'en est pas tenu à des développements historiques ou esthé-
tiques, il a eu à cœur d'animer son exposé par beaucoup d'illustrations.
« L'étude des arts et des monuments, écrit-il à ce sujet, a pris un caractère
très précis et très positif auquel il convient de donner satisfaction. Ce n'est
pas seulement par des recherches, fussent-elles les plus consciencieuses, ou
par les déductions les mieux établies que l'on peut se flatter de répondre
à toutes les exigences en faisant l'histoire des arts. Le lecteur veut, pour
ainsi dire, voir de ses propres yeux et contrôler par lui-même les juge-
ments de la critique. »
M. Helbig, comme on le verra, s'est évertué à répondre aux légitimes
exigences du lecteur. En efi"et, l'ouvrage renferme XXVI planches hors
texte, exécutées au moyen de la phototypie, auxquelles il faut joindre
63 gravures intercalées dans le texte.
*
« *
Le pays de Liège, à l'exclusion des autres provinces belges, partage avec
l'Allemagne l'immense avantage de rattacher l'histoire de sa plastique au
régne de Charlemagne et de se relier ainsi aux manifestations les plus an-
ciennes de l'art chrétien.
Le grand empereur d'Occident, passionné pour les arts libéraux, avait
rêvé d'introduire à sa résidence d'Aix quelques-unes des merveilles qu'il avait
admirées à Rome et à Ravenne. Il rempht le dôtm d'Aix-la-Chapelle d'objets
précieux,venus des deux villes précitées. Si les candélabres,les vases précieux
ont disparu, heureusement, les grilles et les portes d'airain existent encore;
la précision avec laquelle elles s'adaptent aux moindres détails de la cons-
truction prouve qu'elles ont dû être exécutées sur place ou à peu près; sans
doute, les grilles de ces portes sortaient des ateliers d'Aix-la-Chapelle, et
la qualité du travail, qui, pendant longtemps, les a fait attribuer à Rome,
fait honneur aux ouvriers dirigés par Eginhard. Les portes du palais
d'Ingelheim auraient, pour M. Helbig, la même provenance, ainsi que les
deux statuettes équestres de Charlemagne, dont l'une est conservée au
musée de Metz.
Le foyer si actif allumé par Charlemagne étendit son influence salutaire
sur le pays de Maestricht et de Liège. Aussi peut-on placer, sans crainte
d'erreur,le berceau de l'art dans ces contrées sous le viii®-ix® siècle. Si cette
culture artistique avait un protecteur éclairé sur le trône, elle avait un refuge
assuré dans le sein même des antiques monastères. Les hôtes de ces oasis
— 3" —
avaient une triple mission à remplir : celle de prêcher la bonne nouvelle,de
conserver et de propager les traditions et les connaissances de l'antiquité.
L'union de la religion et de l'art est du reste, au moyen âge, des
plus intimes. La piété porte sur les autels des hommes d'une sainteté insi-
gne et l'art met au service des fidèles toutes les ressources dont il dispose.
Il va de soi que jamais circonstances ne furent plus favorables à l'exécution
d'un grand nombre de châsses et de reliquaires. Nous ne rappelons pas le
rôle de saint Eloi, dont la popularité n'a jamais subi d'éclipsé. Son biogra-
phe, saint Ouen, nous apprend qu'il fit beaucoup de châsses ; il cite entre
autres celles des saints Germain, Sévérian, Piat, Quentin. Lucien,
Geneviève, Colombe, Maximien et Julien. Il en fit encore beaucoup
d'autres, mais surtout celle de saint Martin de Tours. « Ce fut le roi
Dagobert qui pourvut à cette dépense. Le tombeau de ce saint évêque fut
orné d'un admirable travail en or et pierres précieuses. Ce qui se passait
en Touraine, en Neustrie et en Bourgogne, se passait aussi en Taxandrie,
en Hesbaye, en Ardenne et sur les bords de la Meuse, peut-être un
siècle plus tard, par des orfèvres qui n'avaient ni le talent ni la notoriété
du saint monétaire de Clotaire II et de Dagobert I<^^. »
Saint Remacle et Goduin, abbés de Stavelot, manifestèrent un grand zèle
pour le culte des saints auquel était inhérente la création de châsses somp-
tueuses. A l'abbaye de Saint-Trond, les délégués d'un évêque de Metz
dressent l'inventaire des trésors possédés par cette maison en 870 ; et
à en juger par l'énumération qui nous est parvenue, ce trésor renfermait
un ensemble incomparable. Adélard II, qui succéda à Contran en 1055,
passait pour un homme versé dans la littérature et les arts. Cinquante ans
plus tard, Théodoric reconstruit son abbaye et enrichit son trésor de dons
nombreux. A l'abbaye de Lobbes, Alchan, puis Folcuin, son successeur
immédiat, se distinguent en faisant exécuter plusieurs travaux importants.
Notger nous a laissé le souvenir d'un aigle-lutrin qui devait passer, à
cette époque, pour une merveille incomparable.
A Liège, l'évêque Réginard donne à l'abbaye Saint-Laurent, le 3 novem-
bre 1053, un grand nombre d'objets précieux, pièces d'orfèvrerie, tissus,
manuscrits. Vers la même époque, Erembert, abbé de Waulsort, confec-
tionnait de ses mains des tables précieuses pour l'autel majeur de l'église
de son monastère, l'une servant probablement d'antependium et l'autre de
retable. Albert (1012) et Tictmar (1077), abbés de Gembloux, enrichirent
leurs abbayes de précieux travaux d'orfèvrerie. L'abbaye de Saint-Hubert,
grâce à l'abbé Thiéry, posséda bientôt un temple des plus somptueux, et
où brillaient de tout leur éclat des œuvres de métal précieux, dont la durée
fut malheureusement bien courte.
Sous le patronage intelligent et magnifique des évêques et des abbés
dans le pays mosan, l'art ne semble pas avoir subi d'arrêt ou de recul.
— 312 —
Dans les pages consacrées à l'orfùvre Jourdain de Liège (xii« siècle),
M. Helbig nous initie à l'élaboration d'une châsse destinée à un
monastère de Saint-Berthuin, à Malonne. Le chroniqueur dit que l'œuvre
de l'artiste wallon était réussie: a mais elle ne se fit pas sans l'aide de l'un
des frères de la maison, Grégoire, dont la science et la subtile doctrine
furent largement mises à réquisition pour le travail de cette châsse. »
A cette époque, l'alliance de l'élément laïc et de l'élément religieux est si
intime qu'il serait fort difficile de découvrir, dans les monuments qui ont
été conservés, des disparates ou de démêler des influences contradictoires.
Le moine fournit le thème, l'artiste l'exécute ; mais en somme, l'inspiration
sort du cloître. C'est en ce sens que l'on peut dire que pendant le xii*
siècle les productions artistiques portent l'empreinte monastique : elles
sont sévères, d'un sentiment élevé, et d'une iconographie savante. On le
remarquera, tous les foyers artistiques, dans la principauté de Liège, se
trouvent surtout dans les grandes abbayes. Malheureusement, les rares
épaves qui ont été recueillies donnent une faible idée des trésors anéantis
et disparus.
*
Mais venons à la sculpture monumentale. Ici, que de douloureux souve-
nirs ! Que reste-t-il aujourd'hui de cette fameuse église de Saint-Lambert,
à Liège! Incendiée en 1186, elle avait été relevée de ses ruines, et un
siècle n'avait pas paru aux Liégeois un laps de temps trop considérable
pour rebâtir un temple déjà célèbre. Plus tard, il suffira d'un moment de
colère pour anéantir une des gloires de leur cité. La destruction de tout
trésor cause à l'historien de la sculpture un désappointement profond. Que
faire pour étabHr une restitution lorsqu'on ne dispose que de dessins sans
personnalité ou de renseignements incolores des anciens chroniqueurs ?
*
C'est une lacune profonde ; à défaut de sculpture, l'orfèvrerie nous
livre des éléments dans les œuvres de Godefroid de Claire, bourgeois
de Huy,né dans les premières années du xiie siècle. Artiste nomade,iI passe
plusieurs années en Palestine, séjourne à la cour des empereurs d'Alle-
magne, enfin revient à Huy et obtient un canonicat à Noirmoutier. L'ex-
position de Bruxelles de 1888 nous montrait de lui deux châsses très
mutilées : celle de saint Domitien et celle de saint Mengold.
Nous ne pouvons passer, sans nous arrêter quelques instants devant Wi-
baldjUnedes plus grandes personnalités du moyen âge. Il fut successivement
abbé de Stavelot, de Corbie, dans le nord de l'Allemagne, et du Mont-
Cassin, pendant peu de temps conseiller et confident des empereurs, ho-
noré de la confiance des papes ; il est peu d'hommes dont la patrie belge ait
— 313 --
le droit d'être plusiicre. Ce grand moine, comme Suger, son contemporain,
favorisa les arts.
Un dessin découvert il y a quelques années dans une liasse de papiers a
fait reconnaître le retable de l'église abbatiale^de Stavelot, érigé sur les
ordres et les indications de l'illustre abbé ; des fragments conservés dans
le cabinet du prince de HohenzoUern, ont montré quels en étaient le
style et le caractère. Le chef de saint Alexandre, qui a été également
exécuté à la demande de Wibald en 1145, est conservé dans le Musée de
l'Etat, à Bruxelles. Nous inclinons à y voir une œuvre de Godefroid de
Claire.
Le xii« siècle avait amené avec lui un grand développement des arts plas-
tiques. M. Helbig nous donne la reproduction d'un curieux monument,
plein de style et d'allure, conservé encore à Liège, et qui ornait proba-
blement la porte d'une école. Il représentait les figures symboliques :
Vhonneur, le travail, la sollicitude. Nous regrettons que l'auteur n'ait pas
cru devoir reproduire, au moins en les abrégeant, les commentaires si
ingénieux que ce bas-relief unique lui avait jadis suggérés.
Citons ensuite la vierge de DomRupert, allaitant l'enfant Jésus. « Malgré
l'état fruste des têtes, on peut y reconnaître la main d'un artiste » (voir
pi. VI). Le sculpteur a su allier le sentiment de dévotion à l'observation de
la nature. A titre de contraste, le tympan de la porte de la chapelle Saint-
Maur, à Huy, apparaît comme une œuvre barbare et seulement intéres-
sante au point de vue archéologique.
L'auteur se fût manqué à lui-même s'il avait oublié de s'arrêter aux fonts
de Saint-Barthélémy, à Liège. Deux planches hors texte très bien venues
font connaître sous tous ses aspects l'œuvre de Lambert Fatras, qui, indé-
pendamment des difficultés techniques vaincues, est remarquable par la
clarté presque antique de la composition des groupes et la pureté de
style des figures. »
La châsse de Saint-Hadelin, conservée à Visé depuis le xiv® siècle, n'é-
tonne pas autant que le chef-d'œuvre du maître dinantais; ce qui est hors de
doute, c'est le tempérament de celui qui a conçu le travail et l'a exécuté.
M. Helbig redit avec beaucoup de soin toutes les vicissitudes de ce pré-
cieux monument, dont l'auteur est resté malheureusement inconnu. Nous
ne reparlerons pas de la chasse de Saint-Servais, à Maestricht, ni des
reliquaires, aujourd'hui la propriété du Musée de Bruxelles.
* *
La personnalité du frère Hugo, dont l'œuvre était réuni à Bruxelles, lors
de la dernière exposition rétrospective, doit être envisagée sous deux as-
pects distincts. Pour la plastique, le célèbre orfèvre se rattache encore aux
— 314 —
maîtres du xiie siècle. Les figures de ses personnages sont empreintes
d'une certaine lourdeur; en revanche, il se montre ingénieux, personnel,
novateur dans la confection de ces frises charmantes dont il a décoré
des reliquaires et des évangéliaires. En somme, il existe peu d'artistes dont
les procédés soient mieux appréciés. M. Helbig n'a pas fait la description
de toutes ses œuvres. Toujours sobre et concis, il s'est borné à bien
mettre en relief la personnalité du maître.
Le moine d'Oignies a fait école ; la croix de Walcourt est exécutée
d'après la même méthode. Un fragment de reliquaire, conservé à l'église
de Saint-Martin, à Ypres, et même certains détails de lâchasse de Saint-
Eleuthère, à Tournai, se ressentent de l'influence du frère Hugo (p. 79).
A l'exposition de 1888, nous avons remarqué une croix, de la cathédrale
de Tournai, décorée d'ornements en relief, qui, apparemment, était établie
au moyen des mêmes procédés techniques, mais, au lieu de pièces estam-
pées avec un soin extrême, l'orfèvre n'avait employé que des pièces
fondues ; mais il est manifeste, pour l'observateur, qu'un reliquaire exécuté
à la manière du frère Hugo avait servi de modèle.
Le contemporain du frère Hugo, Nicolas de Verdun, est laissé malheu-
reusement dans l'ombre. Personnalité importante dans Part de nos pro-
vinces, il a certains liens de parenté avec le moine d'Oignies. Nicolas
possède, à nos yeux, plus de talent. Les types de ses personnages sont
mieux choisis et exécutés avec un soin qui décèle un artiste supérieur.
Les émaux de Klosterneubourg, qu'il nous a été donné d'examiner il y a
trois ans, ont beaucoup intrigué les archéologues; nous avions en mémoire
l'œuvre du Frère Hugo, revue naguère à Namur. Il n'y aurait pas de
témérité à affirmer qu'entre les nielles des reliquaires de'Namur et les
plaques émaillées de l'artiste de Verdun, il y a de grandes analogies de
style, que nous nous bornons à noter.
Depuis quelques années, on a posé la question : existe-t-il une école
d'orfèvrerie mosane ?
Des hommes d'une haute compétence, MM. Palustre et Wilmotte ne
voient pas de distinction à établir entre les émaux exécutés sur les bords du
Rhin et ceux provenant des bords de la Meuse. Pour eux, ce sont les
mêmes procédés qui ont été mis en œuvre par les émailleurs de Cologne,
de Maestricht et de Liège, etc. (xii« siècle). Les émaux sont plus ou
moins réussis ; mais, en somme, les artistes usent de recettes communes
aux divers ateliers du Rhin et de la Meuse. Au congrès de Liège, cette
question a fait l'objet d'intéressants débats, que l'on pourra Hre dans
les comptes rendus du congrès tenu dans cette ville. Q.uant au côté plas-
tique proprement dit de l'orfèvrerie rhéno-mosane, il n'en a pas été ques-
tion au congrès de Liège. Cet aspect méritait cependant d'être étudié
avec quelque attention.
— 315 —
Q.iie l'on compare les ouvrages de la même époque ; ceux conservés en
Allemagne et notoirement connus comme y ayant reçu le jour avec la
■châsse de Saint-Hadelin, celle de Saint-Mengold, et, plus prés de nous,
celle de Notre-Dame à Huy, de Saint-Remacle à Stavelot, et certaines
œuvres de Nicolas de Verdun, on constatera que ces manifestations artis-
tiques ont une physionomie très propre et souvent particulière ; c'est un
art vigoureux d'aspect, et parfois dépourvu de noblesse, mais sain, car
il a des attaches avec la nature. Les auteurs des monuments précités ont
dû s'inspirer aux mêmes sources et ils ont vécu dans une même atmosphère.
On sera peut-être surpris de nous voir parler de tendance réaliste.
Il n'y a pas de contrées en Europe où elle n'ait fait son apparition, si on
en excepte, toutefois, celles qui sont restées invinciblement rivées aux tra-
ditions byzantines ; mais, dans le pays de Liège, les effets de cette tendance
ne se manifestent jamais avec continuité ni avec intensité, soit que les
artistes de la Meuse restent dans leur patrie, soit qu'ils se fixent à l'étranger.
* *
Du XIII® siècle, bien peu de monuments plastiques sont arrivés jusqu'à
nous.
On pourrait citer les curieux bas-reliefs de l'église Notre-Dame à Dinant,
représentant des scènes du jugement dernier, lesquelles se distinguent par
la netteté et la sveltesse des formes. Ils est manifeste qu'une tendance
nouvelle se fait jour, elle s'affirmera avec éclat dans le portail de Huy,
oeuvre encore charmante en dépit des mutilations qu'elle a subies.
Les dévastations dans l'ancien pays de Liège ont été si nombreuses que
c'est le seul spécimen de ce caractère et de cette importance que nous
puissions étudier.
*
* *
A la fin du xiv® siècle, il semble que nos contrées soient gagnées à cette
manière qui nous venait du nord-est. L'artiste oublie les recettes anciennes.
Il pose résolument devant lui le modèle qu'il a pris dans le milieu qu'il
fréquente, et il s'attache à le faire revivre le plus fidèlement possible sans
se préoccuper le moins du monde de le rehausser de quelque charme
d'emprunt. Le pays liégeois et les bords de la Meuse ne pouvaient
échapper complètement à cette fièvre, s'il est permis de s'exprimer ainsi,
due l'on considère, pour s'en convaincre, les oeuvres des Van Eyck, ces
artistes nés dans l'ancienne principauté ecclésiastique, ou bien ces char-
mantes plaques anonymes en argent ciselé, provenant, vraisemblablement,
de la collégiale de Saint-Servais à Maestricht, et dont M. Helbig met le
premier en lumière toutes les qualités.
- 3i6 -
N'oublions pas de mentionner la tombe si intéressante de Colars Jacoris,
tailleur d'images, laquelle a été transportée de l'ancienne chapelle des
Grands-Malades (Lépreux) à l'hospice Saint-Gilles, à Namur.
On pourrait sans témérité admettre que la tombe a été exécutée par
Jacoris lui-même, ainsi que M. J. Rousseau le propose.
L'examen que nous avons fait naguère du monument, nous confirme
dans cette opinion. Fait digne de remarque, l'inscription a été gravée par
deux mains différentes ; les derniers mots donnant la date accusent une
hig. 2. — Abbaye de Westminster. — Cénotaphe de Philippine de Hainaut,
morte le 15 août 1369, épouse de Edouard III, roi d'Angleterre, par Hennequin
de Liège, (xive s.)
réelle inhabileté. L'artiste avait donc laissé en blanc l'endroit destiné à
indiquer le jour exact de son décès.
M. Helbig a très bien retracé la carrière du célèbre Hennequin de
Liège, qui fut pendant une série d'années le sculpteur favori de Charles V,
roi de France. Combien il déplore la destruction de ce fameux tombeau
dont Charles le Sage avait confié l'exécution à l'artiste liégeois. Des
chanoines lui substituèrent un fastueux mausolée ; tandis que l'efïigie
réfugiée à Saint-Denis était anéantie en 1495. « Les principes de la
— 317 ^
Renaissance italienne, dit M. Helbig à propos de cette destruction, por-
taient leurs fruits. Il s'était fait, dans le goût et dans les lois de Pesthétique,
une révolution qui, au commencement du xviii« siècle, se traduisait par
lies actes de fanatisme, témoignant à la fois d'une sorte d'aveuglement
à l'endroit d'œuvres parfois exquises, et, ce qui est plus fâcheux, d'une
véritable cécité morale. Ailleurs, comme à Rouen, des hommes qui auraient
dû s'instituer les gardiens les plus fidèles des monuments de l'art élevés par
la religion dont ils étaient les ministres, semblaient pousser à les détruire
par une méconnaissance systématique de leur beauté. Trois ans après la
destruction du mausolée de Charles V par les chanoines de la cathédrale
de Rouen, les tréfonciers du noble chapitre de Saint-Lambert à Liège fai-
saient disparaître du chœur de leur cathédrale les tombeaux historiques
des évoques Jean d'Enghien, Louis de Bourbon, Adolphe de la Marck,
Hugues de Pierpont, oubliant que le mausolée de ce dernier, au moins,
aurait dû être respecté et rester intact sous les voûtes de l'édifice sacré
dont l'évèque avait été le constructeur. »
Jean de Liège fut l'auteur du tombeau de la reine Philippine à l'abbaye
de Westminster, « Il est, dit M. Helbig, formé d'un cénotaphe en marbre
noir, historié de trente statuettes, représentant les parents de la défunte
ou les alliés de sa famille. Elles sont posées sur des consoles ornées d'un
décor de végétation, en-dessous desquels^sont fixés des écus armoriés, se
détachant sur des quatre-feuilles eti surmontées de dais et d'arcatures
dans lesquelles on voit des anges avec divers attributs. Tout ce décor a
été taillé en albâtre légèrement rehaussé de couleurs et de dorures. La
végétation ornementale, en général, était dorée ; les cottes d'armes sont
peintes de leurs émaux héraldiques, et le reste du costume est enrichi
,de diaprages d'une grande élégance. L'effigie de la reine est de grandeur
naturelle ; suivant l'opinion d'un archéologue anglais de grande compé-
tence, elle serait la plus ancienne des statues tombales de Westminster
que l'on puisse considérer comme un portrait basé sur Vétudc immédiate de
la nature (W. Burger). » Soulignons ces^ derniers mots, car ils ont leur
importance. Il en résulterait donc que Hennequin de Liège a suivi l'impul-
sion réahste, qui faisait des Slutcr et de ses^émules de véritables novateurs.
Les comptes relatifs à l'exécution de ce travail ont été publiés par Dixon,
dans ses Pells Records; voici la mention relative au sculpteur: Jan 20.
To Hawkin (de) Liège, from France in money paid to him in discharge of 200
marks luJjich the lad the king commanded to he paid to him for making the tomh
of Philippa, queen of Eiigland, the Kiugs cousort, hy iviit of Privy Seal, 133 /. 6.
s. 8. d. «
A en juger par le monument de Westminster, l'artiste liégeois se
distingue par beaucoup de noblesse et d'élégance.
- 3i8 -
M. Helbig a pris soin de nous faire connaître plusieurs statues de saint
Christophe. Celle de Hannut, qui est reproduite en gravure, tient de la
charge ; c*est une manifestation naïve de Part populaire, mais celle de
Huy est célèbre. La physionomie du géant qui reflète une grande tristesse
est d'un faire habile* Citons, pour son faire élégant, la statue de saint
Germain (xiv® siècle), également dans l'église de Notre-Dame, à Huy.
* *
Avant M. Demay, on n avait guère songé à étudier, au point de vue
artistique, la sigillographie, cette mine si riche de monuments. Depuis les
Fig. 3 et -1. — Sceau de Thierry de Fauquemont.
travaux du regretté savant, on aurait mauvaise grâce de négliger l'étude
de ces produits si intéressants de la sphragistique. Elles ont parfois l'avan-
tage de combler de très regrettables lacunes dans l'histoire de Fart. Pour
la fin du xii" siècle et le début du xiiF, on ne s'aventurerait pas en affirmant
que les graveurs de sceaux ont suivi l'impulsion des imagiers. Obligé à
se borner par le cadre qu'il avait adopté, M. Helbig nous donne cepen-
dant une idée du talent souple et varié des artistes liégeois des bords de
la Meuse. Aussi, à en juger par les spécimens assez nombreux représentés
— 319 —
dans l'ouvrage, on voit que la sphragistique liégeoise ne le cède en rien à
celle de la Flandre et du Brabant. Souhaitons avec l'estimable auteur que
l'étude de ces ravissantes productions occupe une plus large place dans
les préoccupations des critiques et des érudits. Outre qu'elle fournit
beaucoup de réponses précises pour le costume et les mœurs de nos
ancêtres, elle a le privilège de nous initier, sous une forme restreinte,
aux progrès et à toutes les évolutions artistiques.
* *
Nous ne suivrons pas l'auteur dans tous les intéressants développements
au sujet des tombeaux. M. Helbig reproduit les tombeaux de Jean de
Marchin et de Jeanne de la Vaulx-Renard, conservés à Modave, dont il fait
ressortir les qualités.
La tradition, comme dans beaucoup de cas analogues, a voulu attribuer
ces sculptures à des artistes italiens. Nous ne voyons aucune raison pour
admettre un fondement à cette attribution. On ne connaît pas de sculp-
teur italien travaillant au pays de Liège à cette époque; il y avait, en
revanche, dans la principauté, des artistes très capables d'exécuter sem-
blable monument. Si l'on se rend compte de la difficulté du transport des
objets pondéreux qui existait alors, il est peu probable qu'un seigneur de
Modave ait eu la pensée de faire sculpter son mausolée en Itahe.
*
Il est à regretter que l'auteur ne nous ait pas fait connaître les croix
par quelques reproductions. M. Helbig constate leur grande variété. Nous
formons le vœu que l'auteur nous les fasse connaître par uae dissertation
spéciale. Il est peu d'objets plus intéressants, à notre avis, que l'étude
comparative de ce genre de monuments, tant au point de vue de la liturgie
que de l'esthétique. Et, comme le dit très bien M. Louis Courajod :
« Depuis la grande renaissance du xi® siècle jusqu'à nos jours, on pourrait,
avec les calvaires, écrire l'histoire de l'art occidental en Europe ^ »
Nous recommandons aux archéologues le chapitre traitant de la repré-
sentation de la Mère de Dieu et de l'enfant Jésus. L'auteur n'a épargné ni
les données puisées dans les chroniqueurs et dans les archives, ni les
gravures explicatives. Remarquable entre toutes, la Vierge de saint Jean
l'Evangéliste, Sedes sapientia. Nous citerons à ce sujet un spécimen peu
connu, la Vierge de Diest, qui reproduit la même donnée iconographique,
mais avec moms de noblesse et de sentiment.
La Vierge de Saint-Servais nous est arrivée mutilée. Heureusement que
la tête de cette charmante création n'a subi aucun outrage. Elle est com-
^ Le Bulletin des Musées. — 1890, p. 132.
— 320 —
parable aux œuvres les plus gracieuses dues aux artistes de l'école fran-
çaise ; la Vierge de Maestricht n'est pas d'un ensemble bien agréable ; le
modelé de la figure décèle de l'observation. Elle est, en tous cas, d'un
caractère moins idéal que la Vierge conservée à l'hôtel de ville de Saint-
Trond. M. Helbig reproduit, dans une planche. hors texte, la Vierge de
l'église de Saint-Jacques. Ici, il est manifeste que le sculpteur a été puiser
ses inspirations chez nos voisins de l'Est.
*
* *
M. Helbig n'a traité l'étude de la dinanderie qu'autant qu'elle avait
un rapport direct avec la plastique liégeoise. La planche XIX reproduit
l'aigle-lutrin, travail important du liégeois Jean de Hamal, aujourd'hui
conservé à Freeren, près de Tongres. Il a figuré avec honneur à l'expo-
sition rétrospective de Bruxelles, en 1888. L'aigle proprement dit est
d'une facture puissante. Il est regrettable que les trois branches qui
s'échappent du pied aient reçu pour terminaisons des boules informes.
Les amortisssements des contreforts du pied constituent des adjonctions
aussi modernes que défectueuses. Autrefois, les branches dont il est ques-
tion avaient vraisemblablement pour fonctions de porter des statues.
Nous signalerons, à ce sujet, l'ancien lutrin de Saint-Pierre, à Louvain,
actuellement au couvent d'Oscott, en Angleterre, et qui offre avec celui
de Freeren de frappantes analogies. Dans celui d'Oscott, le dinandier est
parvenu à former, de ces statues isolées, un groupe représentant l'ado-
ration des Mages.
Le buste de sainte Pynose, planche XX, mérite d'être signalé. « La
tête est d'une expression charmante qui semble indiquer une influence
italienne, mais les détails du décor, d'après M. Helbig, décèlent sa parenté
avec l'art régional mosan. Le diadème, si peu gracieux, dont cette figure
est affligée, nuit à cette aimable création.
La dissertation consacrée aux plaques en argent retraçant des faits de la
légende de saint Servais, est aussi complète qu'on la peut souhaiter. Ces pla-
ques, aujourd'hui la propriété du Musée des arts industriels à Hambourg,
datent évidemment du premiers tiers du xv® siècle; la manière de conce-
voir les arbres et les fabriques est identique à celle usitée par les enlumi-
neurs de l'époque précitée. Par le caractère énergique des têtes, le jet des
draperies, le réalisme qui apparaît dans les moindres détails, les plaques
de Hambourg se rattachent à l'école personnifiée par les Van Eyck. En
d'autres termes, ce sont des productions de l'art flamand.
Sous Érard de la Marck, l'art devait prendre un nouvel essor. Parmi les
productions les plus intéressantes qui ont échappé aux bouleversements et
aux révolutions, il faut citer le buste reliquaire de saint Lambert, exécuté
PI. XII. — Buste de Richelieu par Warin (xviie siècle.)
21
— 322 —
par Henri Soete, Suavius ou Ledoux, orfèvre liégeois dont la famille était
originaire de Maestricht.
Saint Lambert est représenté à mi-corps, revêtu de vêtements pontificaux
et posé sur une base hexagonale. Le reliquaire actuel, comme le fait
remarquer très judicieusement M. Helbig, ne répond pas au plan que l'ar-
tiste s'était tracé. Au lieu de ce buste dont les dimensions sont trop consi-
dérables, Soete avait projeté d'élever un édifice pour y abriter une image
de saint Lambert (vraisemblablement en pied) ainsi que cela résulte de la
présence dans la base de piliers tronqués, et qui, arrivés à la hauteur vou-
lue, auraient eu pour fonctions de supporter le dais. Mais Erard arrêta le
travail pour faire apparaître, sous ses propres traits, son saint prédéces-
seur. L'inspiration malencontreuse du grand prélat nous a valu un monu-
ment d'un goût discutable. Mais tel qu'il est, il restera toujours cher à tout
vrai Liégeois. Aux jours des solennités, dans le faste d'une procession, le
buste projette sur tout ce qui l'entoure les feux étincelants de l'or et des
pierreries. S'il n'évoque pas l'image d'un saint, il rappelle du moins la phy-
sionomie d'un prince qui a occupé une grande place dans l'histoire de la
principauté ecclésiastique.
L'auteur analyse ensuite en détail l'important retable de l'Église Saint-
Denis et croit pouvoir,, pour divers motifs, le restituer à Soete. — Les
bas-reliefs, ayant trait à la vie du saint, concorderaient, à son avis, avec
les mêmes similaires du buste. Il n'est pas impossible, encore moins invrai-
semblable, que les bas-reUefs, se rapportant à la vie de saint Denis, ne soient
dus à un autre artiste. Quel qu'il soit, il est étranger aux bas-rehefs du
buste reliquaire de Saint-Lambert, et appartient à un des puissants atehers
brabançons qui inondaient nos contrées de leurs nombreuses productions
(p. 156).
M. Helbig fait allusion à l'ancien retable de Venraij, sous Venloo, ac-
tuellement dans l'égHse Notre-Dame à Tongres. Il en eût fait l'objet d'un
examen approfondi, s'il était possible de l'attribuer avec quelque certitude
à un sculpteur des bords de la Meuse. « Mais il n'est pas possible, dit-il, qu'il
émane d'un imagier du Bas-Rhin ; nous avons préféré laisser. cette œuvre
intéressante en dehors du cadre de notre étude. »
Ce monument nous intriguait : l'ordonnance des scènes et le caractère
des figures nous l'avait fait restituer, dès le début, à l'école brabançonne.
Il est constaté depuis longtemps que cette œuvre porte la marque des
tailleurs d'images anversois. L'auteur s'y est inspiré, évidemment, des
productions bruxelloises, dont le retable de Notre-Dame à Lombeek peut
être considéré comme une des manifestations les plus importantes.
*
* *
Nos contrées subissaient, chacune à son tour, l'influence de la Renais-
— 323 —
sance. Liège devait avoir fatalement le sien. L'artiste qui, dans la princi-
pauté ecclésiastique, accueillit avec le plus de faveur les idées nouvelles,fut
Lambert Lombart.A la fois peintre, architecte, graveur, antiquaire et poète,
il exerça, sur les artistes de son temps, une influence notable par
l'étendue et la variété de ses connaissances. Aussi peut-il être considéré, à
bon droit, comme un initiateur, sinon comme un novateur. Avec lui, com-
mence la période moderne de l'art liégeois.
M. Helbig donne beaucoup de renseignements inédits sur le compte d'ar-
tistes du xviie et du xviiie siècle à peine connus ou mal connus.
Le chapitre consacré à Warin est très attrayant. L'auteur éclaire très
bien la physionomie de l'artiste. Cet homme heureux qui, échappé comme
par miracle à la potence, devint, sans transition, l'artiste favori de Riche-
lieu, auquel il était redevable de l'existence. Tailleur de coins sans rival, il
organise la Monnaie à Paris ; sculpteur de mérite, il se voit honoré des
faveurs de Louis XIV. Il exécuta des médailles en commémoration des évé-
nements les plus considérables du règne de Louis XIII et de la régence
d'Anne d'Autriche, et, en mourant, il légua à Louis XIV la statue qu'il avait
faite du grand monarque. « Si Warin s'est montré grand sculpteur dans ses
médailles, dit M. Courajod, il s'est montré quelque peu graveur de médail-
les dans ses statues. » — « Nous ne pouvons pas, toutefois, dit M. Helbig,
nous ranger à son opinion, lorsqu'il prétend reconnaître un caractère exclu-
sivement flamand au buste de Louis XIII et aux œuvres plastiques de
l'artiste. Il serait d'ailleurs assez difficile d'expHquer où Warin aurait pris
les traditions et le style de Part flamand. Les artistes des bords de la
Meuse n'y ont jamais incliné et ne pouvaient le faire, ni par les affinités de
race, ni par des analogies de tempérament. En ce qui concerne le célèbre
graveur de médailles dont l'art français s'enorgueillit, il n'a été, à aucune
époque de sa vie, en contact avec l'art des Flandres. Il a passé directement
des ateliers du monnayage du comte de Rochefort à ceux du roi de
France ; c'est à Paris que Warin a formé son goût et son style. » Il y a
lieu toutefois de faire remarquer que, sous Louis XIII, les artistes français
s'inspirent des arts somptuaires de la Flandre.
La biographie de Jean Delcour est fort bien étudiée. L'élève favori du
Bernin, le travailleur consciencieux et fécond revit devant nous. 11 semble
qu'il n'ait jamais connu d'autre passion que celle de son art et de son métier.
En eff'et, cet artiste accueillait indiff"éremment grand et petit travail, perpé-
tuant ainsi les traditions en honneur si longtemps. L'artisan sauvait, quand
les commandes somptueuses se faisaient rares, l'artiste de la gêne et de la
pénurie. L'auteur, pas plus ici que dans tout son bel ouvrage, n'a négligé
l'étude du côté humain et moral, se souvenant qu'une œuvre d'art est tou-
jours le témoin sincère de son époque.
J. Destrée.
324
VIII
UPPLÉMENT AUX RECHERCHES SUR LES MONNAIES DES COMTES DE HaINAUT^
DE Renier Chalon, par Alphonse de Witte. Bruxelles, R. Dupriez,
1891. Un beau volume in-4°, de 52 pages avec deux planches et deux
figures intercalées dans le texte.
Feu M. Chalon, le regretté et érudit académicien, président d'honneur
à vie de la Société royale de numismatique de Belgique, avait déjà pubUé
trois suppléments à ses Recherches sur les monnaies des comtes de Hainaut, et>
plus tard, il découvrit encore quelques pièces inédites des souverains hen-
nuyers.
Après la mort de cet éminent numismate belge, M. le conseiller J. Dele-
court remit les quelques matériaux déjà réunis par son beau-père, à notre
honorable confrère M. Alphonse de Witte, le savant bibliothécaire de la
Société royale de numismatique de Belgique, sachant que M. Chalon comp-
tait le charger du texte de son quatrième supplément.
Les recherches personnelles faites par M. de Witte aux Archives géné-
rales du royaume et dans divers cabinets du pays et de l'étranger, l'ont
mis à même de parfaire, dans une large mesure, ces premières données et
de publier ainsi, à la monographie de M. Chalon, un précieux complément
où il nous fait connaître vingt-et-une pièces, restées jusqu'ici inédites,
tandis qu'il y a introduit plusieurs rectifications importantes.
A la fin de son volume, l'auteur a ajouté sept documents relatifs à la
Monnaie, comme pièces justificatives.
Les planches, dues à l'habile burin de M. G. Lavalette, rendent les mon-
naies avec une fidélité irréprochable.
Nous félicitons bien vivement M. de W^ittede son intéressante publication,
qui lui fait le plus grand honneur et qui vient dignement occuper sa place
à côté des doctes volumes de M. Chalon.
Qe M. N.
IX
ONNAIES RÉCEMMENT DÉCOUVERTES DANS LES CIMETIÈRES FRANCS d'ÉpRAVE
(province de Namur), par g. Cumont.
Dans les annales de notre Société, tome IV, pp. 301-305, nous avons
donné un compte-rendu de l'excellent travail de notre savant vice-prési-
— 325 —
dent, M. Georges Cumont, sur de curieuses monnaies franques découvertes
dans les cimetières francs d'Éprave.
Depuis la publication de cette notice, les fouilles ont été continuées au
cimetière de la Croix rouge, M. Cumont leur a consacré un nouvel article
dans la Revue belge de Numismatique, 1891, pp. 2 [9-222. Il nous y apprend
qu'il est démontré que ce cimetière servait encore aux inhumations pen-
dant le vie, et même jusqu'au vu® siècle.
Dans une des sépultures, on a trouvé une petite monnaie d'argent de
Théodoric, roi des Goths d'Italie (493-526) ; dans une autre tombe, a été
découvert un triens, à fleur de coin, de Justinien (527-566), qui n'est,
peut-être, qu'une imitation serviie, faite, avec un certain talent, par un
artiste barbare,
0«M. N.
AN SCHOONBEKE EN HET MaAGDENHUIS VAN AnTWERPEN, par Ed. GeU-
DENS. Antwerpen, drukkerij L. Delà Montagne, 1889 ; in-8'*, 154 p. ;
avec tables.
M. Geudens, déjà avantageusement connu par sa monographie de
V Hôpital Saint-Julien, nous fournit, dans son nouvel ouvrage, une importante
contribution à l'histoire de l'antique cité de l'Escaut.
Het Maagdenhuis, asile pour les enfants trouvés du sexe féminin et les
orphelines pauvres, fut fondé en 1552, par un riche négociant de la ville,
Jean van der Meeren. De nombreuses donations vinrent augmenter ses
revenus. La plus considérable fut celle des héritiers du célèbre Gilbert van
Schoonbeke, mort en 1556, dont la succession, restée indivise, fut attri-
buée, environ quatre-vingts ans après, aux aumôniers de la ville, au profit
de cette œuvre de bienfaisance.
C'est au génie et à l'esprit d'initiative de van Schoonbeke qu'Anvers
est redevable des plus notables embellissements qu'elle a vu se réaUser
au XVI® siècle. Ce personnage décéda commis et conseiller des domaines
et finances.
Le beau livre de M. Geudens donne des détails pleins d'intérêt sur un
genre d'institutions charitables peu traité jusqu'à présent par les histo-
riens ; il contient, de plus, des renseignements précieux sur un grand
nombre de familles patriciennes d'Anvers.
Une petite-fille dudit Jean van der Meeren, Marguerite van Nispen,
épousa Gilles van Eyckelberg, dit Hooftman, seigneur de Cleydael et
— 326 —
d'Aertselaer, richissime négociant, une des plus curieuses figures anver-
soises du xvi« siècle. Une fille de ces époux, Anne, devint la femme d'Olivier
Cromwell, oncle du fameux Lord-protecteur d'Angleterre.
L'amateur d'histoire lira avec plaisir ces pages, puisées exclusivement
dans les actes authentiques de Tépoque. C'est avec non moins de plaisir
que l'archéologue suivra l'auteur dans sa visite à la mortuaire de Schoon-
beke, pour examiner avec lui le mobilier et les œuvres d'art d'un ama-
teur du vieux temps.
Plusieurs planches : une vue du Maagdenhuis ; les portraits de Schoon-
beke et de sa fille Éléonore ; un autographe fac-similé de Jean van der
Meeren ; un sonnet des xvie-xvii® siècles, avec musique, et, enfin, un
groupe allégorique du Maagdenhuis — une femme assise, recueillant un
enfant nu qui lui tend ses petits bras — ornent ce volume dont la confec-
tion typographique est à la hauteur du texte, œuvre d'un chercheur
infatigable et consciencieux.
J.-Th. de R.
MELANGES'
TOUTES LES COMMUNICATIONS INSÉRÉES SONT PUBLIÉES SOUS LA RESPONSABILITÉ
PERSONNELLE DE LEURS AUTEURS
BELGIQUE
atherine van dep Ryt et son mari, Evepard T'Sepclaes, che-
valiep, seigneup de Cpuquemboupg-, fondent, en l'église
Sainte-Gudule, à Bpuxelles, un annivepsaipe à la mémoipe de
feu Gossuin, chanceliep de Bpabant, et de feue Cathepine Smeets,
son épouse, pèpe et mèpe de ladite dame ; le 14 juin 1479.
Notum sit universis quod domina Katherina van der Ryt, fîlia quondam
domini Gosuini van der Ryt,cancellarii dum vixit illustrissimi principisducis
Burgundie, Brabantie, etc., quam habuit a quondam domicella Katherina
Smeets, sua légitima conthorali, et Dominus Everardus dictus T'Serclaes,
miles, dominus de Cruykenborch, etc., eius maritus et tutor legitimus,
promiserunt dare annuatim et hereditarie domino Willelmo dicto Goetkint,
presbitero, recipienti et acceptant! nomine et ad opus anniversarii dictorum
quondam domini Gossuini van der Ryt et Katherine Smeets, perpetuis tem-
poribus in ecclesia béate Gudile bruxellensis celebrandi, quolibet videlicet
anno duos florenos denarios aureos,dictos Rynschegulden,quinque videlicet
solidis grossorum Brabantie bonorum et Icgaliuni aut valoris eorundem pro
utroque dictorum florenorum computatis semper in festo natalis domini
1 Nous devons toutes les notes publiées, sous ce titre, dans cette livraison, à
l'obligeance de M. J.-Th. de Raadt, secrétaire de la Société d'Archéologie de
Bruxelles. ("Note de la Commission des publications) .
— 328 —
solvendos, in modum sequentem distribuendos, videlicet pro una quarta
parte ad opus raaiorum canonicorum in dicta ecclesia sancte Gudile, pro
secunda quarta parte ad opus minorum canonicorum et communium
capellanorum in eadem ecclesia, et pro reliquis duabus quartis partibus
ad opus capellanorum presbiterorum missas temporedicti anniversarii cele-
brantium; et proinde obligaverunt ei ad opus predictum, titulo veri
pignoris, domistadium cum omnibus domibus tam ante quam rétro super-
stantibuSjOrto, stabulo rétro adjacentibus etsingulis suis aliispertinentiis et
omnibus eius appendiciis sitis iuxta ecclesiam sancte Gudile predictam,inter
bona relicte et liberorum quondam Pétri Sblonden, ex una parte, etbona Hen-
rici didi Magnus, militis, ex altéra, venientibus rétro partim ad bona predic-
torum relicte et liberorum quondam Peiti Sblonden, et partim ad bona dicti
domini Henrici Magnus et ibidem sufficienter assignatis pro allodio tali con-
ditione mediante quod predicti promittentes quandocunque eis imposterum
potius placuerit, quitare poterunt et redimere dictos duos florenos dena-
rios aureos, dictos Rynsgulden, simul et unica vice utrumque exinde
florenum denarium aureum, dictum Rynsguldenen, pro et mediantibus de-
cem et octo consimilibus florenis denariis aureis, dictis Rynschegulden,
valoris praedicti, semel tradendis, et cum censu terminipost diem quitatio-
nis huiusmodi proximo casuram ac cum hiis se et sua dicta bona de censu
sic quitalo alleviare et exonerare. Testes sunt Hemicus dictus Cluelînck et
Henricus dictus Loenys, scabini bruxellenses, quorum sigilla presentibus
sunt appensa.Datum anno domini millesimo quadrigentesimo septuagesimo
nono, die décima quarta mensis junii. Sic signatum G. T'Serclaes.
(Cartularium Sanctge Gudilas de Bruxellis, f° 22 ; provenant de la vente
de Cheltenham ; Archives générales du Royaume.)
L'anniversaire du chancelier van der Ryt se célébrait, en l'église Sainte-
Gudule, le 26 avril. Le registre n" 338, des archives de la Collégiale,
porte, sous cette date : Magister Goswinus van der Ryt, cancellarius Brabantie,
leeght bij sinte Lysbelfen onder eenen blauwen steen met lattoone, met synder divisen :
plus boni plus mali.
Un fragment de compte de Philippe le Bon.
Notre excellent confrère, M. le major Combaz, vient de trouver un
curieux parchemin qui servait de couverture à VAlmanach van Milanen
VQor het jaer IX der fransche Republieke waer achter volgt den Gregoriaenschen alma-
nach voor het Jaer MDCCCL Toi Cent, by de weduwe Michel de Goesin recht
over den ouden Raed.
Ce parchemin constitue le fragment d'un compte de la cour braban-
7 (
-» 4;^^éviî^ ^jx^>^ rv^^w^ /ivs^M^ "XV>^^ '^
r
r'»*»
PI. XIII. — Fragment de compte de Philippe le Bon. (En possession
de M. le major Combaz.)
- 331 —
çonne. A la lecture de cette pièce, nous avons rencontré deux mots, ou
mieux dit deux abréviations, dont nous ne parvenions pas à trouver la
juste interprétation. Ayant soumis le document à notre honorable confrère
et ami, M. Jean van Malderghem, archiviste-adjoint de la ville de Bru-
xelles, celui-ci vient de nous adresser à ce sujet, l'intéressante lettre sui-
vante.
Bruxelles, le 23 avril, 1891.
Mon cher ami, y
Saviez-vous qu'au xv^ siècle on fabriquait quelquefois le pain avec du
cumin et qu'on en mangeait ainsi préparé à la cour du duc de Bourgogne ?
Non, je suppose, car ni les glossaires, ni les études spéciales qui ont été
faites sur les denrées au moyen âge n'en disent rien. Et pourtant c'est ce
que nous apprend le curieux fragment de compte de 143 1 que vous avez
bien voulu me communiquer.
En effet, on y lit :
Pain de bouche.
De Jehan de Milan
De lui pain de comin ij^ xviij douiaines
Vous me demanderez sur quoi je me base pour être aussi affirmatif. Je
vais vous l'expliquer ; la chose en vaut la peine, puisque Alfred Franklin
lui-même, dans son remarquable ouvrage sur la vie privée d'autrefois {Les
Repas), paru en 1889, i^'en fait pas mention. M. Frankhn, comme vous ne
l'ignorez pas, est l'auteur d'un beau travail bibliographique intitulé : Les
sources de Vhistoire de France, fort apprécié des savants. C'est donc une auto-
rité. Connaissant si parfaitement les sources, il paraîtrait étonnant qu'un
détail aussi curieux et aussi intéressant que celui qui nous occupe, lui eût
échappé. Mais il faut croire que ce détail n'est révélé nulle part, ou que le
mot qui l'exprime a été mal lu dans les anciens textes, ou mal interprété.
Cependant le cumin est d'un usage très ancien. Déjà Joinville en parle dans
son Histoire de Saint-Louis, à propos de l'Egypte : sèment là froment, ris, orges,
commins. . .
Le dictionnaire de Trévoux dit que le comin (cumin) entre dans plusieurs
préparations. Aujourd'hui encore, en Hollande, on en met dans certain fro-
mage qu'on appelle Komijne kaas. C'est même cette particularité qui m'a
conduit à comparer le mot français au mot flamand et d'en tirer la déduc-
tion qu'il pouvait y avoir affinité dans leur signification. En effet, bien
qu'on ait jadis employé l'expression vin de commun et, peut-être, dans le
même sens, pain de commun, il n'était pas possible de donner cette orthogra-
phe au mot abrégé, ^/ . Pour en faire commun, il aurait évidemment
égé, 9/
fallu 0/ 7 , avec un jambage de plus. Après le signe conventionnel de
— 332 —
la première syllabe, la lettre w, comme initiale de la deuxième syllabe,
était également inadmissible. C'était donc bien comin qu'il fallait lire, et ce
qui le prouve surabondamment, c'est que,, en Allemagne, on mélange
encore assez souvent le cumin dans la pâte avec laquelle on prépare le pain.
Voilà donc une question vidée.
*
* *
Je passe maintenant à l'examen de la fameuse abréviation
jT^^qui,
de même que la précédente, ne figure dans aucun traité, pas plus dans ceux
de Chassant, publiés en 1884 et 1885, que dans celui de Prou, paru en
1890.
Étant donné que la lettre g avec sa boucle à crochet relevée au-dessus
de la tête ne pouvait se traduire que par ^^r, gar^ ou, au besoin, par gre, gra,
gro, je me demandais d'abord s'il serait permis de \ivt garnuisse ou grenuisse,
pour garnache ou grenache, nom d'un vin que l'on buvait beaucoup au
moyen âge et qui est encore connu de nos jours, comme vous le savez.
Mais, ni Du Cange, ni Lacurne (je me borne à citer les principaux auteurs),
ne fournissent d'exemple d'une variante aussi étrange que gamuisse ou gre-
nuisse. Au surplus, les ordonnances de Bruxelles sur les vins (xv® siècle) ne
mentionnent parmi les vins dont le nom pourrait commencer par gar^ ger^
gra, gre, gro que le vin de grenache ou garnache. C'est après ces recherches
infructueuses que je me suis demandé s'il ne conviendrait pas de traduire
l'abréviation par garnison.
Dans l'analyse
W^ == ni
P
r= son, et autres finales, à preuve ces deux
exemples suivants tirés du même texte : mon3 = [mon-] seigneur.
cuij6 = [cui-] sinier.
Or, garnison répond parfaitement au sens exact du texte, comme vous
allez le voir :
Nus ne nous osoit venir de Damiette pour apoHer garnison couiremont Vyaue pour
lourgalies. . . dit Joinville.
Et Froissart : Si se saisi dou Chastiel et de la ville et y mist ses gens dedens et
ses garnisons Comment estes vous si osés que de vous mettre sur les champs et de
cueillir et embler (dérober) la garnison des laboureurs
- 333 —
Approvisionnement^ tel est, par conséquent, la signification du mot garnison
dans les anciens textes, du moins dans l'acception particulière qui nous
intéresse ici, et c'est ainsi que l'explique aussi Du Cange.
On doit donc lire vin de garnison, pour vin (T approvisionnement^ vin de
provision, c'est-à-dire pour vin de réserve, vin en cave.
Maintenant, que les deux difficultés sont levées, le fragment, que je
vous renvoie avec la présente, peut être transcrit complètement. Il mé-
rite, de plus, d'être publié en fac-similé, puisqu'il révèle des données paléo-
graphiques inédites et des détails, également inédits, qui peuvent servir à
compléter ce que l'on sait déjà sur la vie d'autrefois.
Je reste, mon cher ami, votre très dévoué,
Jean van Malderghem.
En remerciant vivement notre aimable correspondant, nous nous plaisons
à reconnaître l'exactitude des lectures proposées par lui, et n'hésitons pas
à les insérer dans notre copie de ce curieux document.
Voici cette copie :
Venredi x^ jour daonst lan mil iiij^ xxxj Monseigneur le duc
Madame la duchesse de Bourgoingne et de Brabant, et
Anihoine Monseigneur tout le jour a Brouxelles, aux
despens de monditseigneur, escu xx sols a la valeur de xl gros
monnoie de Flandres.
Pannetier par Jehan de Molant
Pain de bouche
de Jehan de Milan vjxx douzaines
de lui pain de comin ij^ xviij douzaines
Jehennin Briffant pour façon doublées ij sols
Guillame Aubrake pour iij loi de moustarde vj sols
Cardon pour beurre frais xviij deniers
Guillame le Galois pour viij livres de sucre iiij livres xvj sols.
Argent Cv sols vj deniers
ESCHANÇON PAR ChANTEMERLE
Vin de garnison compté le ij^ jour de ce mois huy despensé x m. ^ et demi
Gilet du Celier pour iij pintes d'ypocras xvj sols vj deniers
Jehan de le Beke pour ij cacques de seivoise xxiij sols iij deniers
Somme du vin despensé x m. ^ et demi
Argent xxxix sols ix deniers
Cuisinier par Loys Duvegny
Macé et Richart pour iij milliers et iij^ dœfs xiiij livres xvij sols
A eulx pour iiij fromages de gain xij sols.. ..
* Cette lettre m est l'initiale de inuid ou de mesure.
— 334 —
ht fac-similé de Poriginal permettra au lecteur d'apprécier si cette copie
est rigoureusement fidèle.
* *
A part les deux points traites par M. van Malderghem, notre fragment de
compte présente encore un double intérêt, économique et généalogique.
Il nous fait connaître les prix que coûtaient, en 143 1, certaines épices,
victuailles et boissons, tels que moutarde, sucre, œufs, fromage, hypocras
et cervoise. On remarquera notamment que le sucre se payait alors un prix
si exorbitant (plus d'une demi-livre par livre), qu'il ne pouvait figurer que
sur la table des plus riches personnages.
Voyons maintenant l'intérêt généalogique qu'offre -notre parchemin. Le
duc et la duchesse de Brabant et de Bourgogne qui y sont mentionnés
sont, évidemment, Philippe le Bon et sa troisième femme, Isabelle de Por-
tugal, fille du roi Jean l^'. Mais qui est Monseigneur Antoine ? Les ouvrages
que nous avons consultés d'abord ne nous ayant pas renseigné d'autres
enfants de ces époux princiers que Charles le Téméraire, nous étions à
nous demander si le duc n'avait pas emmené à Bruxelles, le 10 août 143 1,
celui de ses nombreux enfants naturels qui, plus tard, s'est rendu si célèbre
sous le nom du Grand Bâtard et qui, alors, se trouvait dans sa dixième
année. Nos recherches ont, toutefois, établi que Philippe et Isabelle ont
eu, avant la naissance de Charles, deux fils : Antoine et Josse, qui tous
deux, moururent en bas âge.
C'est donc, à n'en pas douter, de ce prince Antoine, alors âgé de moins
d'un an, qu'il est question dans notre compte.
Cet enfant fut enterré dans le chœur de l'église Sainte-Gudule. Son anni-
versaire s'y célébrait le 8 février ^
Puisque nous venons de parler du Grand Bâtard, rectifions une erreur
commise par les généalogistes, à propos de sa mère.
Celle-ci s'appelait Jehannette, et non pas Yolande, de Presles ou Presle.
Les comptes de Jehan Abonnel, receveur de Phifippe le Bon ^, nous ap-
prennent des détails pleins d'intérêt à son sujet. Le duc la donna pour
femme â un de ses huissiers d'armes, Hennequin de Fretin, en la dotant de
beaux cadeaux, consistant en peaulx d'aigneaulx, engorges de maiires, letices,
menuvair,... dou^e aidnes d^escarlatte et viij aulnes d'autre drap d^Yppre; il
poussa la libéralité jusqu'à défrayer Michelette du Buisson, cousine de la
1 Le registre No 338, des archives de Sainte-Gudule, porte : S fehruarius {anniver-
saire de) Dominus Antonius, primo^enitus Domini Philippin Bràbantie ducis ; ponuntur
candele ad tunibam in choro.
L'anniversaire de Philippe le Bon se célébrait le 15 Juin (ibidem).
2 Année 1432-33. Voyez Les ducs de Bour^osne, par le Comte de Laborde, preuves.
— 335 —
mariée, du voyage qu'elle avait fait, de Paris à Bruxelles, pour assister aux
nopces de sa parente.
Nous remercions M. le major Combaz de nous avoir autorisé à publier
l'intéressant parchemin dont il doit la découverte à un heureux hasard.
Notre collègue pense que d'autres exemplaires de l'almanach, dont la cou-
verture recelait ce petit trésor, pourraient bien être reliés dans les frag-
ments du même manuscrit. Ce serait à rechercher. Avis aux amateurs !
Notes sur quelques anciens artistes bruxellois.
Domicdla Aleydis van der Eycken, dicta van Beerte, filia Willemi van der Eycken,
didi van Beerte y aurifabri, et Johannes fdius natiiralis quondam Ottonis dictt de
Hertoghe, eiusmatitus, donnent à l'église Sainte-Gudule un cens de i florin
apud Obhruxellam (de nos jours Saint-Gilles), pour un anniversaire pour
chacun des deux époux ; 12 septembre 1449 '.
*
* *
Jan, soen vjylen Jan Tays, ende Roelant de Mol, momhoren Jan de Wyngerdere^
geheten Wter Perssen, scildere, Willem de Swaef, goutsmet, ende Jan van
Goten, groeffsmet, provisoren der bmederscap van Sinte Loys in Bruessele... 28 mai
1462 2.
* *
LA MARQUISE DE MARBAIS DONNE A LA CHAPELLE DU SAINT SACREMENT
DE MIRACLE DEUX ANGES EN ARGENT.
Compte 1591-1592 : Payé à Albert van de Minste, orfèvre, woonende
beneden de capelle van Sint-Jans, teghen over '/ Sweert, du chef de 34 onces
d'argent, fourni par lui pour deux anges, 85 florins du Rhin et 3 sols;
pour la façon, 30 sols par once, soit 51 florins du Rhin et 3 sols, total
136 florins du Rhin et 6 sols.
Payé au menuisier, pour deux socles (blocxkensj, 20 sols ; au peintre
Jean van de Venne, pour décorer les deux socles fvan de voerseyde blocxkens
te stofferen), et y peindre les armoiries de Madame la marquise de Marbais
(van MarbeysJ, donatrice des deux anges, 30 sols ^.
*
* *
16 jiinius (anniversaire de) Magister Rogerus van der Weyen, ecxellens
piCTOR, cum uxore, liggen voor Sinte Cathelynen autaer onder eenen blauiuen stecn,
daer een doye op staet.
1 Cartulaire de Sainte-Gudule, provenant de la vente de Cheltenham, f° 117.
Archives générales du Royaume (Comp. Het Testament van een aaniienlijken Brusse-
îaar der yiiv^ eeuw, door Joh.-Theod. de Raadt).
2 Ibidem, fo 14.
2 Extraits des comptes de la chapelle du Saint Sacrement de Miracle, en l'église
Sainte-Gudule, à Bruxelles.
— 336 —
26 apriîis (anniversaire de) Wilhelmus de Masenieîe, alias op den Galloys,
leeght hy Sniie Berbelen barick onder eenen hlauwen steen met eenen ronden compassé^
boven heer Diericx van Heyckene steen ^ ende syn tafereel hanckt boven aen den
pilaer tegen sinte Bastiaen over^ dat M"^ Rogier gemaeckt heeft ^
*
* *
L'orfèvre Henri Bosch répara la croix, servant à renfermer les trois
hosties, qui, le 8 janvier 1532 (n. st.), avait été brisée par le prêtre Jean
van Sotteghem, subitement frappé de démence 2.
Pierre van Volxem, orfèvre (gond- ende silversmith) (fils de Paul et de
Barbe Moutton), et sa femme Marie Hazard, empruntent de l'argent pour
reconstruire leur maison, in de Pongel merckt^ détruite par le bombarde-
ment de la ville ; 1696 3.
Jean de Lannoy, seigneur de Molembaix, laisse à la chapelle
du Saint Sacrement de Miracle sa Toison d'Or.
Item xxvij may (1560) is by den testamente van mynen heere, heerjan de Lannoy,
heere van Moknbais, ghelaten syn cleyn gulden vlies, dwelck syn huysvrouwe gere-
dimeert heeft, gevende xiiij rinsgulden.
Jean de Lannoy était chambellan de Charles-Quint, gouverneur et capi-
taine général du Hainaut. Sa femme, mentionnée dans ce compte, était
Jeanne de Ligne, fille de Louis, seigneur de Barbançon *.
J.-Th. de Raadt.
1 Archives de Sainte-Gudule, reg. n» 338, portant sur le dos : Designatio
SEPUI.TURARUM.
2 Voyez notre notice : Episodes inédits de la chronique bruxelloise.
2 Ibidem, liasse n° 299.
4 Extrait des comptes de la chapelle du Saint Sacrement de Miracle, en l'église
Sainte-Gudule, à Bruxelles.
LES
PREMIERS REMPARTS DE LOUVAIN
ians notre notice sur les remparts de Bruxelles *,
nous avons été amenés, incidemment, à parler des
fortifications de Louvain, élevées, comme les premiers,
au xii^ siècle. Il nous a paru intéressant de revenir sur cette
question et d'entreprendre la description de cette enceinte,
aussi remarquable que celle de la capitale, à une époque où
Tarchéologie compte de jour en jour un plus grand nombre
d'adeptes et à laquelle, par conséquent, il est permis d'espérer
que chacun fera désormais tous ses efforts pour conserver au
moins les parties les plus intéressantes des travaux exécutés
aux siècles antérieurs.
Il ne s'agit pas ici de monuments artistiques y ornés de sculptures
des maîtres dans l'art, ni de vastes constructions qui nous éton-
nent, mais bien de monuments historiques. Sous un aspect simple,
ceux-ci montrent, cependant, que les architectes du temps passé
^ Annales de la Société iV Archéologie de Bruxelles, t. 1, 2^ fascicule, p. 141
22
- 338 -
(on n'a cessé de le dire) savaient mieux que les nôtres adapter
Tornementation aux convenances et que, sans le rechercher, ils
arrivaient à donner le style voulu à leurs constructions. Ces
monuments, parfaitement appropriés au but à atteindre, doi-
vent nous servir, en outre, de témoins précieux de l'architecture
militaire au moyen âge, de cette architecture dont l'étude, si négli-
gée encore il y a peu d'années, a été reprise avec ferveur depuis
les travaux des grands archéologues, tels que les de Caumont,
les Viollet-le-Duc, etc.
Dans notre pays, on s'est principalement attaché à l'étude des
monuments religieux, et, certes, la beauté de nos églises explique
cette préférence, mais les investigations relatives à l'architecture
militaire ne doivent pas être négligées, et c'est dans ce but que
nous avons commencé, et que nous continuerons l'étude des
anciens remparts de nos cités.
En poursuivant cette série d'études, nous ferons usage, comme
pour la première enceinte de Bruxelles, des documents anciens,
complétés par des relevés de détails sur le terrain. Ces détails
manquent en général dans tous les dessins qui accompagnent
les notices archéologiques, au point que les monuments en
deviennent réellement méconnaissables et que les planches,
dessinées par des artistes, non architectes, ni archéologues,
tout en présentant un aspect des plus pittoresques, ne sont d'au-
cun secours pour l'étude archéologique.
Nous croyons devoir appeler sur ce point l'attention des
archéologues, et nous pensons être dans le vrai, en exprimant
le désir de voir les dessins, même archéologiques, traités avec
plus d'observation dans les détails, si nous en jugeons par le
grand nombre de vignettes que nous rencontrons, en feuilletant
les diverses publications de l'espèce.
*
Comme Bruxelles, Louvain a dû, tout d'abord, être entouré
de simples remparts en terre, bien suffisants pour arrêter les
incursions, à une époque où l'art des sièges était tombé en désué-
tude ; sur ces premiers remparts s'éleva plus tard l'en-
ceinte murale. C'est peut-être à Lambert-le-Barbu que remonte
— 339 —
cette enceinte en terrassement ; ce prince, d'un caractère très
remuant, qui faisait consister ses parties de plaisir à guerroyer
chez ses voisins, a certainement songé à mettre les villes, faisant
partie de ses domaines, à l'abri de représailles.
M. E. Van Even croit qu'au xi^ siècle, une partie de la ville
de Louvain, du côté de Touest (depuis la rue de Redingen jusque
derrière Tabbaye de Sainte-Gertrude), bordant laDyle, se trou-
vait suffisamment protégée par les différents bras de la rivière ;
ces eaux formaient ainsi une défense naturelle. Le savant archi-
viste en conclut que cette partie du territoire de la ville n'a pas
été pourvue, dès le début, de remparts en terre *.
C'est là une supposition qu'il nous est impossible d'admettre et
qui aurait été à l'encontre des règles appliquées à toute époque
pour la défense des villes. Certes, la rivière formait obstacle; mais
comment défendre alors le passage ? En s'exposant à tous les
coups d'un adversaire que l'on doit supposer être supérieur en
nombre aux défenseurs ? Un rempart était donc nécessaire de
ce côté, comme ailleurs, et la Dyle n'en formait que le fossé
plein d'eau. Si, d'ailleurs, la ville n'avait pas été close à l'ouest,
comment Lambert-le-Barbu aurait-il pu offrir une résistance vic-
torieuse à Godefroid d'Ardenne, lorsque celui-ci, comme le rap-
porte Sigebert de Gembloux, vint faire le siège du Castrum Lova-
mum^, en 10 12 ^ ?
*
C'est à cette époque reculée, que quelques auteurs reportent
la construction de trois portes de ville : la porte aux Loups, la
porte Saint-Michel et la porte de la rue du Prévôt, prétendument
beaucoup plus anciennes que les autres parties de la première
enceinte murale. (Voir planche XIV, plans de Louvain.)
Ce point mérite d'être examiné.
1 Louvain momimenial^ p. 20.
2 Le mot Castrum était alors employé pour désigner une ville fortifiée. Le cha-
noine liégeois Anselme contemporain dit : Villula quxdam est Lovaniensi op-
piDO proxima, cujus.... — Chape auville Gesta Pontificum Tungrensium. Liège,
i6i2. T. L p. 124.
3 Si^eherli Gfmhlacensis Chronicon apiid Perti, t. VI, p. 355.
— 340 —
Divœus ^ et Boonen ^, qui vivaient à une époque où toute la
première enceinte murale de Louvain était encore debout (1557 et
1594) disent qu'il leur semble que ces portes sont de beaucoup
plus anciennes que le reste des murailles, mais ils n'appuient leur
assertion sur aucun document authentique.
M. Van Even ^ croit que l'observation de ces deux histo-
riographes acquiert quelque vraisemblance, attendu que les
portes ci-dessus étaient en grès ferrugineux brunâtre, extrait
de carrières qui se trouvent à proximité de Louvain, tandis que
les courtines sont en pierres calcaires blanches provenant de
dépôts qui n'existent pas dans les environs immédiats de la ville.
S'il en était vraiment ainsi, l'argument de M. Van Even serait
de grande valeur; malheureusement, les faits infirment cette asser-
tion. L'emploi de grès ferrugineux se rencontre, comme on peut
le voir, encore aujourd'hui, dans les tours de Louvain, oii des
assises de moellons calcaires alternent avec des assises de
moellons en grès ferrugineux^. L'argument invoqué en faveur
d'une plus grande ancienneté de quelques-unes des portes nous
semble donc pécher par la base.
Nous ne pensons pas que l'on ait produit jusqu'ici des
motifs plausibles pour faire remonter les susdites portes à une
époque plus reculée, d'autant plus que l'emploi des matériaux
de colorations diverses s'explique facilement.
Les portes de Louvain étaient construites tout entières en grès
ferrugineux, les tours présentaient ^ des rangées de pierres blan-
ches, alternant avec des rangées de grès ferrugineux jusqu'à la
moitié de leur hauteur, à partir de la base, et les courtines mon-
traient enfin le grès ferrugineux employé seulement dans les
angles et les arcades, tandis que le calcaire blanc y dominait. Cet
ensemble des murs, sur lesquels se détachait la masse foncée des
1 « Portas quidem aliquot multo vetustiores esse apparet. » Ant. ap. Lov., p. 6.
^ « ... hoewel nochtans datter sommighe Poorten vêle ouder schynen te zyn, te
wetene die op hoochde van der stadt liggen, als de Wolfs poorte, Sinte-Quinteus
op de Proeffstraet binne Poorte, en Sinte-Michiels oft Hoelstraet binnen Poorte. »
Ant. Lov., t. II, P 296 vo.
3 Louvain monumental, p. 21.
'■* Uem. p. 23. M. Van Even constate lui-même qu'il y a des pierres ferrugineuses
dans les tours.
s On les voit encore telles aujourd'hui.
— 341 —
portes, devait produire un effet très heureux, et de nature à
embellir, par ces colorations diverses, les masses imposantes et
sévères de l'architecture militaire du xii^ siècle.
On peut, ce nous semble, rapprocher Talternance des assises de
couleur différente que nous signalons ici, du mode de construc-
tion des Romains, qui, dans leurs monuments, séparaient les
assises de pierre par des assises de briques plates rouges, tran-
chant sur le blanc du grès ou du calcaire.
Toutefois, nous devons faire remarquer que, même lorsque
Tenceinte était formée de remparts en terre, les issues ou portes
de la ville, toujours réduites au nombre strictement nécessaire,
devaient être percées dans des bâtiments en maçonnerie, afin
d'obtenir une fermeture complète et une surveillance à couvert.
Ces bâtiments primitifs sont-ils ceux que signalent les histo-
riens ci-dessus? Restèrent-ils subsister lorsqu'on éleva la
muraille de l'enceinte, ou bien remplaça-t-on alors les portes pri-
mitives par de nouvelles constructions mieux aménagées ? Nous
ne saurions le dire, car aucun document suffisamment précis ne
nous permet d'asseoir une opinion définitive sur ce point, et les
constructions, dont il s'agit, ont disparu depuis longtemps sans
laisser aucune trace.
11 est assez curieux de remarquer que les trois portes susmen-
tionnées sont celles qui se trouvent au sud de la place, qui était
un des points vulnérables de la forteresse.
*
* *
Comme nous l'avons fait pour notre travail relatif à la pre-
mière enceinte de Bruxelles, nous avons eu recours à la bien-
veillance bien connue de notre savant confrère M. Rutot, afin de
connaître la composition et le lieu de provenance des matériaux
employés dans la construction des murs de Louvain.
Voici les renseignements géologiques qu'il a bien voulu nous
transmettre : « J'ai examiné avec soin les matériaux de la pre-
mière enceinte de Louvain. Ils sont de deux espèces : i° un grès
ferrugineux glauconifère que M. E. Van den Broeck et moi
sommes d'accord pour déterminer comme tiré du terrain diestien.
Cet étage diestien (pliocène inférieur) est très répandu aux
— 342 —
environs de Louvain et il forme le sommet des hauteurs à Touest
de la ville vers Cortenberg d'une part, et le sommet de celles qui
se dirigent à l'Est, du Pellenbergh et de Rotselaer, d'autre part,
vers Aerschot et Diest.
« L'église d' Aerschot, l'église de Diest et plusieurs monuments
sont bâtis en grès ferrugineux diestien.
« Le terrain originaire est un sable grossier très glauconifère
d'origine marine. Depuis son émersion, ce sable a subi les
influences atmosphériques, la glauconie a été décomposée et
oxydée, et l'oxyde ferrique formé a englobé et durci les grains
silicieux du sable pour former un grès dur. Nous croyons que les
matériaux de grès ferrugineux qui nous ont été soumis provien-
nent plutôt des environs de Rotselaer, où nous connaissons des
carrières abandonnées de grès diestien. Toutefois, ce grès est
moins foncé et plus homogène que les fragments provenant des
murs de Louvain. Quant à l'autre échantillon, c'est un grès cal-
careux blanc existant en abondance autour de Louvain jusque
Bruxelles. C'est le grès calcareux bruxellien qui se trouve vers
le sommet de l'étage bruxellien. La variété utilisée à Louvain
ne provient peut-être pas des environs immédiats de la ville ;
elle peut provenir de Saventhem, de Dieghem, de Melsbroeck ou
de la région avoisinant ces villages, car il est difficile de déter-
miner l'emplacement exact des anciennes carrières de ce grès. «
*
A quelle époque faut-il faire remonter la construction de la
première enceinte murale de Louvain ? La question déjà posée
par nous, pour celle de Bruxelles *,a été résolue, au moins dans ce
sens, que les limites entre lesquelles on peut la reporter sont des
plus étroites. M. Wauters penche pour la fin du xi^ siècle, tandis
que M. le major Combaz, dans son étude sur la restauration de la
Tour Noire, la reporte, pour plusieurs motifs, au commencement
du xii^ siècle ^. Dans notre notice sur l'enceinte de la capitale, nous
avions émis l'opinion que les fortifications de Louvain étaient peu
1 Annales de la Société d^ Archéologie de Bruxelles, t. I.
2 Idem, t. IV.
— 343 —
antérieures ou presque contemporaines de celles de Bruxelles,
parce que nous ne pouvions admettre que les comtes de Louvain,
qui avaient fixé leur résidence au château de Louvain pendant
le xii^ siècle, eussent doté Bruxelles d'un rempart magnifique en
pierre, avant de faire ceindre de murs leur propre ville, mais
nous supposions alors que les remparts de Bruxelles dataient du
milieu du xii^ siècle. Ceux-ci étant reportés au commencement
du même siècle, la considération ci-dessus est de nulle valeur, et
les remparts de Louvain, s'il faut en croire les annalistes que nous
allons faire connaître, seraient certainement postérieurs à ceux de
Bruxelles.
D'après Divaeus, la première enceinte de Louvain date de
1161 *, mais le même auteur dit plus loin : Interiores muros urbis
anno iij6 erectos manuscripti annales y itescio anfide digni produnt'^ ,
Juste-Lipse donne également la date de 11 56 ^.
Haeraeus s'accorde avec Divœus sur Tan 1161.
Gramaye, Van Gestel '" et Le Roy ^ fixent leur construction
en 1165.
M. Piot, se rapprochant de Topinion de Divœus et de Juste-
Lipse, les croit élevés en 1152 ^.
Boonen ^, de son côté, prétend avoir vu des documents origi-
naux qui attestent que les premiers remparts de Louvain datent
de 1156 : Die bimten vesten van der voorscreven stadi Loeven gelyck
ons de aiithentike schriften leeren, wordden eerst gemaect anno 11 j6.
En somme, tous ces auteurs ne diffèrent entre eux que de
quelques années, neuf années au plus. Il se peut que ces remparts
commencés en 1156 n'aient été achevés que six ans après, en
1161, ou même neuf ans plus tard, c'est-à-dire en 1165.
M. Van Even *^ dit à son tour :
u Ce fut d'abord Godefroid III, qui régna de 1142 à 1190, qui
accorda aux habitants de Louvain l'autorisation d'entourer leur
1 Annales.
^ Res Lovan., p. 3.
3 Lovanium, etc., p. 16.
* Historia sacra et profana archiepiscopatus mechîinietisis. La Haye, 1725, t. I, p. 149.
"' J. LE Roy. Le ^rand thàître profane du Duché de Brahant, 1750.
* Histoire de Louvain, p. 84.
' Ant. Lov,, t. II, F 296 vo.
^ Louvain monumental, p. 22.
— 344 —
cité de murs, à la condition toutefois de les construire à leurs
frais, et de payer, de ce chef, à lui et à ses successeurs, un impôt
annuel à échoir à la Saint-Remy. Cet impôt, ajoute Téminent archi-
viste, fut servi pendant tout un siècle. »
Pour avancer les faits précédents, M. Van Even s'appuie sur
une charte du mois de mars 1233, dans laquelle Henri P'", duc de
Brabant, de concert avec ses deux fils, Henri et Godefroid, libère
les Louvanistes de Timpôt qu'ils devaient payer aux comtes pour
avoir élevé des murs autour de la ville.
Divœus parle de cette charte, mais il n'en donne pas le texte ;
il dit simplement : Extant Henrîci I ducis, dîplomata anno 1233
data, quo trihuto quod eaienus ad munîtionem urhis levabatur, libé-
rant,
M. Van Even donne pour la première fois le texte de cette
charte, d'après le Clein Charterboek, f° 5.
Or, le texte ne dit nullement que cet impôt fût levé par Gode-
froid III, ni qu^il fût servi pendant tout un siècle ; il n'y a pas
dans la charte de 1233 un seul mot qui puisse motiver ces con-
clusions.
Si rimpôt avait été servi tout un siècle, il l'aurait été certes
jusqu'au milieu du xiii^ siècle, ce qu'infirme la charte de 1223,
tandis que si l'on admet le paiement pendant un siècle terminé
à la date de 1233, il faut reporter à 1133 la construction des rem-
parts de Louvain, et alors le duc régnant était Godefroid-le-Barbu
et non Godefroid III ?
De toutes façons, il y a, dans les conclusions de M. Van
Even, des assertions qui ne peuvent reposer sur le texte de la
charte de Henri P"" et qui mériteraient d'être confirmées par
d'autres preuves.
En somme, la question de connaître la date précise de la con-
struction des premiers murs de Louvain reste, comme celle des
murs de Bruxelles, dans une certaine obscurité. On ne connaît
jusqu'aujourd'hui aucun document authentique qui fixe la date
exacte de ces constructions, et l'on est forcé de s'appuyer sur le
témoignage des auteurs, qui les reportent au miheu du xii^ siècle.
L'examen de ces constructions corrobore en effet leur conclusion
et c'est bien à l'époque de transition qu'elles appartiennent
d'après leur architecture.
*
% «
— 347 —
Contrairement à ce que Ton suppose généralement, les restes
nombreux de fortifications que nous avons relevés à Bruxelles,
ne sont pas les seuls témoins des guerres du xii^ siècle, restés de-
bout.
Louvain, notamment, possède des spécimens aussi nombreux,
mais malheureusement moins bien conservés que ceux de la
capitale. On retrouve en effet les remparts d'une façon presque
continue, sur les deux tiers de leur circuit, et ils présentent
un bien vif intérêt, sans que Ton y rencontre des détails de
construction aussi précis qu'à Bruxelles ; la raison en est que les
remparts de Louvain sont restés comme clôtures à des pro-
priétés, clôtures soumises à toutes les injures des saisons, tandis
que les restes de Tenceinte de Bruxelles avaient été englobés
dans les pâtés de maisons et soustraits à ces intempéries.
Une visite détaillée de cette enceinte mérite l'attention des
archéologues ; elle n'a pas été faite jusqu'ici dans l'esprit qui
nous guide, et nous voulons combler cette lacune.
*
Nous engageons donc le lecteur à nous suivre dans la prome-
nade que nous allons entreprendre le long de ces vieux remparts,
avec un guide sûr, causeur agréable et érudit : nous voulons
parler de l'ouvrage intitulé : Louvain monumental, dû à la
plume autorisée de M. Van Even, le savant archiviste de
Louvain. (PI. XIV).
La circonvallation de la ville était de forme circulaire, dit
Monsieur Van Even * ; depuis la rue Redingen jusque derrière
l'abbaye Sainte-Gertrude, les murs furent construits à ras de
terre, les bras de la Dyle leur tenaient lieu de fossés ^ ; mais à
partir de ce dernier endroit jusqu'à la Porte aux Loups, rue des
Moutons, ils furent bâtis sur un remblai de terre, bordé par un
large fossé, probablement celui des fortifications primitives en
terre.
L'étendue de la ville en longueur était, depuis le jardin de Saint-
1 Louvain monumental, p. 23.
2 Nous avons examiné ce point ci-dessus, p. 339.
- 348 —
Sébastien, rue de Bruxelles, jusqu'à la place du Peuple, de 860
mètres, et, en largeur, depuis la Haute Colline jusqu'au Manège,
de 810 mètres. L'enceinte avait un périmètre de 2,750 mètres,
proportions considérables, eu égard à l'état des villes de cette
époque.
Les murailles étaient construites en pierres calcaires, réguliè-
rement taillées à Fextérieur. Elles étaient posées sur des arcades
en pierres brutes, jointes par un ciment d'une dureté extraordi-
naire et avaient une épaisseur de l'^yo. Le haut des murailles,
garni de créneaux, était porté en encorbellement * par une
suite de 413 arcades en plein cintre, qui servaient, en temps de
guerre, d'abri aux soldats. Au milieu de chacune des arcades se
trouvait une longue fente verticale, très étroite à Textérieur et
s'élargissant à l'intérieur. Ces ouvertures, appelées aujourd'hui
meurtrières, étaient destinées à lancer des flèches.
D'espace en espace s'élevaient des tours crénelées de forme cir-
culaire. Ces tours, au nombre de 31 ^, étaient également bâties en
pierres de taille alternant parfois avec des chaînons de pierres
ferrugineuses. Elles s'élevaient au-dessus des murailles comme
autant de petites forteresses. Leur usage principal était de dé-
fendre l'accès des fossés et de donner les moyens de prendre en
flanc les soldats qui voulaient assaillir les remparts ; c'est pour
ce motif que l'architecte leur avait donné une saillie très considé-
rable.
De même que les murailles, chaque tour était percée de trois
meurtrières. Ces tours étaient couvertes de terrasses voûtées,
par le motif que leur sommet devait recevoir, en cas d'attaque, un
certain nombre d'hommes, ainsi que des machines ^, des provi-
sions de pierres et d'autres projectiles.
Les escaliers qui y conduisaient étaient à vis et fort étroits *.
Ces tours se trouvaient assez près les unes des autres pour que
^ L'expression en encorbellement est de trop, car le haut des murailles était
d'aplomb et sans saillie sur la partie inférieure.
2 Si l'on peut se fier aux anciens plans, le nombre de ces tours était de 36.
3 Des machines de petites dimensions, bien entendu, car les tours étaient fort
étroites de plate-forme.
"* Ces escaliers conduisaient de la rue du Rempart, fort élevée au-dessus du sol, au
terre-plein des tours.
— 351 ~
les soldats des deux donjons * voisins pussent lancer leurs traits
sur toute la courtine ou muraille intermédiaire. Cette distance
avait la portée d'une flèche ou d'une pierre lancée à la main,
d'un lieu élevé.
Notre planche représentant une vue de Louvain au xvi^ siècle
(vue prise dans la rue du Canal actuelle) par Josse Van der
BareU; reproduit très fidèlement les murailles et les tours de
notre enceinte primitive, à partir de la porte Met S/^^« jusqu'à la
rue actuelle du Manège. (PL XV).
L'enceinte de la ville était pourvue de onze portes ^ qui facili-
taient les communications avec les faubourgs. Ces édifices étaient
primitivement composés d'un donjon^ carré du côté de la ville et
rond du côté de la campagne. Ils étaient tous couronnés d'un toit
très élevé, en tuiles et bordé de créneaux, fermés par une double
porte en chêne garnie de ferrures et d'une énorme chaîne en fer,
et contenaient, outre le logement du portier, un corps de garde
pour les archers. L'étage présentait une pièce assez vaste et pou-
vait servir à divers usages. Toutes ces portes restèrent debout
jusqu'au milieu du xviii^ siècle^, w
* '
* *
On trouve des gravures et dessins représentant la première
enceinte de Louvain dans un grand nombre d'ouvrages manu-
scrits et imprimés, parmi lesquels il faut citer les suivants :
i^ Jacques de Deventer (1560- 1570). Plans de villes, manu-
scrit no 22090 de la Bibliothèque royale de Bruxelles, dont 100
plans en cours de publication sous le titre : Atlas des villes de la
Belgique au xvi<^ siècle, etc.
Le plan de Louvain a été publié dans le tome IV, page 92,
avec texte par M. Van Even.
^ Le terme de àonjon est tout à fait impropre, les tours étaient des rédtii'Sy c'est-
à-dire des points d'appui pour la défense ; le terme de donjon ne s'applique,
pensons-nous, qu'au réduit des châteaux-forts.
2 Ces portes étaient les suivantes : la Steenporte, les Porte Saint-Esprit, Saint-
Michel, Saint-Quentin, la Porte aux Loups, les Portes de Redingen, de la rue aux
Marais, des Récollets, la Porte aux Joncs, la Porte de Minnemœn et la Porte du
Château.
3 Voir précédemment la note relative à l'emploi du mot donjon.
* Louvain monumental, p. 23.
— 352 —
2° GuiccHARDiN. Description des Pays-Bas. Anvers, 1567.
Le plan de Louvain a été reproduit dans les éditions succes-
sives de ce livre remarquable.
3° Braun. Civitates orbis terrarum, etc. Cologne, 1572.
Vue de la ville.
40 JossE Van der Baren a peint; en 1594, un tableau représen-
tant Louvain au xvi^ siècle.
C'est la vue reproduite par M. Van Even dans son Louvain
monumental, d'après la gravure de Touvrage de Juste-Lipse :
« Lovanium id est oppidi etacademige ejus descriptio. v Anvers,
1604, in-4°. (PI. XV).
5° Une vue qui se trouve au Musée de THôtel de ville de
Louvain sous le n° 205. C'est une belle gravure intitulée : Situa-
tion de la Ville de Louvain et siège yfaid le 24 de juin de Van 16 jf
par deux puissantes armées, l'v. Hollandoise et Vautre Françoise et
quité le 4 de I de la même année, et signée : « A. Pauli, fecit aqua
forti. }) (Don de M. Thonissen, Ministre d'Etat.)
6° Joannes Blaeu. Novum ac magnum theatrum urbium Bel-
gicœregiœ, 1649.
7° Les délices des Pays-Bas.
8° Le ^oy , Le grand théâtre prof ane du duché de Brabant 1733.
(Deux vues après la page 17.)
9° Gautier. Carte militaire de Bruxelles et de ses environs,
i8io.
* *
Prenons comme point de départ de notre excursion la porte
Saint-Michel, hdi porte Saint-Michel ou Hoelstrate poorte était située
dans la rue de Tirlemont actuelle, en face du Marché-aux-Grains,
à hauteur de la maison n° 90 de cette rue.
Elle fut démolie en 1781.
De cette porte, l'enceinte se dirigeait presqu'en ligne droite par
le fossé du Jardin Saint-Georges, aujourd'hui le Parc de la ville.
En pénétrant dans le Parc, on rencontre immédiatement sur
la droite les restes de la muraille et une des tours. Voici ce que
dit M. Van Even de ces restes curieux :
« La partie des murailles longeant la propriété de M. Libot
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XI
23
— 355 —
tomba en vétusté au commencement du xviii^ siècle. Le magistrat,
voulant épargner à la ville une dépense considérable, accorda par
résolution du 2 avril 1728, la propriété de cette partie des
murailles et de la tour qui en dépendait, à M. Bernard, professeur
de droit à l'université de Louvain, alors propriétaire de la maison
de M. Libot, à condition de la faire restaurer à ses frais. Le
professeur Bernard y fit construire un nouveau mur et fit res-
taurer la tour, qui existe encore aujourd'hui *. w
Ce renseignement suffit pour que nous ne nous arrêtions pas
longtemps devant cette tour qui ne présente plus comme anciennes
que les parties inférieures, et où Ton remarque tout d'abord des
assises de grès ferrugineux alternant avec deux assises de cal-
caire blanc.
La base de la tour, qui était jadis fortement en talus, a été
recoupée verticalement pour permettre l'établissement de l'allée
de la promenade. (PI. XVL)
Dans le parement extérieur, on retrouve, comme à Bruxelles,
trois créneaux ou meurtrières et sous l'un de ces créneaux une
pierre datée A^ isjo. C'est peut-être la date d'une restauration.
A l'intérieur, la tour avec sa voûte laisse voir les créneaux
dont la disposition ressemble tout à fait à ceux de Bruxelles.
Le mur attenant à la tour vers la porte Saint-Michel est en
briques modernes, mais repose sur la base du mur primitif.
Le mur et la tour sont aujourd'hui la propriété de M. le juge
de Trooz et du comte et de la comtesse du Monceau de Bergen-
dael.
*
A partir de cette tour, on retrouve, sur une grande longueur
et sur une hauteur de 2 mètres environ, la courtine qui se pro-
longe jusqu'au delà d'une deuxième tour, démolie aujourd'hui,
mais dont on reconnaît facilement l'emplacement.
Nous signalons ce fait que la partie inférieure du parement de
la courtine possède un fruit ou inclinaison du 1/12 environ.
^ Louvain monumental ^ p. 39.
— 356 —
C'est à cet endroit que commençait jadis la partie la plus impor-
tante des fortifications, celle qui, en 1860, vue du fond du
fossé, offrait Taspect imposant que M. Van Even nous donne dans
le croquis, dessiné sur nature, qui figure dans son Louvam monu-
mental^ et qui nous montre une belle tour avec ses deux courtines
adjacentes.
M. Victor Louckx, architecte, alors conducteur des travaux de
la ville de Louvain, actuellement architecte de la ville de Malines,
a fait la description suivante de cette portion de la première
enceinte :
« Les fondations de ces murailles se composent de piliers dont
les axes, distant Tun de l'autre de 5 "^50, ont une hauteur d'envi-
ron 2 mètres. Ces piliers taluent à leurs quatre côtés; leurs bases
ont une longueur, dans le sens de l'épaisseur de la construction,
de 2™40, et une largeur de 1^70 ; au sommet, ces dimensions res-
pectives se réduisent à 2 mètres et i"'3o. Ils sont reliés entre eux
par des voûtes en arc de cercle surbaissé de o"^65 de flèche et d'une
épaisseur de o"^95 de face, unis avec les piliers à l'extérieur de l'en-
ceinte. Le mur d'élévation présente à l'extérieur une face unie
formant une retraite d'environ o'"i5 sur les fondations; à l'inté-
rieur, il se compose d'arcades en plein cintre de 4 mètres de lar-
geur sur 3 mètres de hauteur ; les piliers, de i mètre d'épaisseur,
y sont élevés sur l'axe de ceux des fondations. L'épaisseur du
mur est de V^^o ; dans les arcades, elle n'est que de o'^yo. Dans
l'axe de chaque arcade et à la hauteur de i mètre de l'ancien sol,
est établie une meurtrière de 1^35 de hauteur sur o^^yode largeur,
de forme évasée, l'ouverture extérieure a o'^90 de hauteur sur
o'^o5 de largeur.
a La tour a une largeur de 6 mètres, sa saillie est dç 5"'65.
« Cette partie de nos fortifications, ajoutait M. Van Even, n'a
jamais subi de grandes restaurations et conserve par conséquent
plus ou moins son caractère primitif. C'est pour cette raison que
nous en donnons le dessin, afin de conserver aux générations
futures un spécimen complet de la construction de notre enceinte
du xii^ siècle, n
<( On a démoli, dit encore le même savant, dans ces derniers
temps, plusieurs parties de notre enceinte primitive. Nous espérons
que celle du Jardin Saint-Geofges trouvera grâce devant l'esprit
— 357 —
de Pépoque. Ce qui tend à consolider notre espoir, c'est qu'elle
appartient à la commune, tandis que les autres appartiennent à
des particuliers. Ces vénérables débris ont, du reste, droit à toute
la sollicitude de notre administration éclairée et patriotique. En
effet, ils constituent la construction la plus ancienne que renferme
notre ville ! »
De son côté, M. Charles Piot * écrivait déjà en 1839 : « Aujour*-
d'hui nous voyons >çncore au Jardin Saint-Georges, par ci et par
là, quelques vénérables restes de ces premières fortifications : on
en voit encore une partie dans le jardin des Frères de la Charité,
dans le voisinage de la Tour Jansénius et toute la partie comprise
entre la rue des Récollets et la Laie est conservée, ainsi qu'une
partie jusque près delà rue deMalines. En 1836 et 1837, la ville
vient de faire démolir la partie qui se trouvait derrière la caserne
des Dames-Blanches. Espérons que ce sera la dernière démolition ;
espérons aussi que nos magistrats prendront plus de soin pour ce
qui existe encore des vénérables restes de nos anciennes fortifica-
tions : le temps n'a déjà fait que trop, sans que la main de l'homme
vienne encore détruire notre plus vieux monument. »
Malgré ces appels si éloquents et si pressants, la ville, ayant
décidé, en 1872, la création d'un parc sur l'emplacement des jar-
dins de Saint-Georges et de Saint-Donat, fit abattre d'abord toute
la courtine de droite^ et laissa subsister la tour, (Tour M, pi. XVI)
que l'on isola de la courtine de gauche. Cette dernière courtine
fut maintenue en partie ; toutefois, on perça les arcades de voûtes
inférieures, afin que les promeneurs pussent passer dessous! Ce
travail nécessita de nouvelles fondations ; mais l'on s'y prit si
maladroitement encore que, par suite de ces transformations
insensées, le mur se lézarda, devint un danger réel et que l'on fut
obligé de le démolir, en 1885.
Les espérances de MM. Piot et Van Even s'étaient réalisées,
mais à rebours, grâce aux bons soins d'une administration com-
munale dans laquelle les amis de l'art étaient loin d'avoir la
prépondérance ! Nos regrets, quoique stériles, devant cet acte de
vandalisme, sont d'autant plus vifs, que la conservation de ces
^ Histoire de Louvain, pp. 88 et 89.
2 Dans la description des fortifications, on suppose, conventionncUement, pour
désigner la droite et la gauche, que l'observateur soit placé sur le rempart et regarde
du côté de la campagne.
- 358 -
restes dans un parc public était chose si facile et que, dégagés
entièrement de toute construction avoisinante, ces fragments de
remparts eussent offert un spécimen excessivement intéressant,
auquel des communications habilement ménagées, tant du côté
intérieur qu'extérieur, auraient donné un aspect des plus pitto-
resques, associé à une grandeur architecturale qui manque com-
plètement à Tamas de maçonnerie dégradée, resté seul debout.
On ne retrouve donc plus aujourd'hui que les maçonneries
déchaussées de la tour dont nous donnons des croquis dans Tune
de nos planches. Ces croquis montrent toute Texactitude de la
description faite par M. l'architecte Louckx, qui s'y rapporte litté-
ralement. Du côté intérieur, on voit encore les deux arcades
superposées, l'arcade inférieure, jadis noyée dans les terrasse-
ments du rempart primitif en terre,' Tarcade supérieure, servant
à la défense par le créneau percé au fond. Ce qui n'existe plus,
c'est le parapet qui surmontait l'arcade, parapet crénelé destiné à
la défense supérieure et principale de la muraille. Contre l'arcade
unique se dresse le fragment de tour, également privé de son
parapet. On y accédait par le petit escalier à vis, fort étroit, que
signale M. Van Even et qui existe encore, mais qui est particulier
à la tour dont nous nous occupons ; sur les autres parties de l'en-
ceinte, là où les arcades ne présentent qu'un seul étage de voûtes,
les communications devaient se faire par des escaliers latéraux.
Ce que nous devons signaler particulièrement dans cette tour,
c'est d'abord la meurtrière évasée que l'on trouve sous la ligne
des trois meurtrières verticales, communes à chaque tour (Cré-
neau A). Cette meurtrière, que nous avons dessinée à grande
échelle, ne devait exister rationnellement que sur cette partie de
l'enceinte, la seule posée sur un rempart en terre d'une très
grande élévation au-dessus du fossé. Son but était de donner aux
défenseurs un champ de tir plus étendu, dans le sens horizontal
aussi bien que dans le sens vertical, afin d'atteindre sûrement
l'ennemi qui se serait introduit dans le fossé. En effet, cet assail-
lant se trouvait soustrait aux coups des défenseurs tirant par
les meurtrières verticales placées au-dessus, et dont le fond n'était
pas suffisamment incliné. Nous n'avons malheureusement pas
pu pénétrer dans l'intérieur de la tour, celle-ci étant remplie de
terre et close à demeure.
— 359 —
Nous nous sommes arrêtés également devant un détail, qui, si
nos conjectures sont vraies, aurait son importance : il s'agit de
la baie de porte, fermée par un remplissage, et qui se montre sur
la face droite de la tour, contre Tangle de cette tour avec la cour-
tine adjacente (planche XVI). Cette porte, dont le seuil se trouve à
hauteur de la plate-forme intérieure du rempart, a ses deux jam-
bages en pierres ferrugineuses et se termine par un linteau de
forme triangulaire de la même pierre, que surmontent deux
pierres calcaires inclinées, reposant sur les faces supérieures de ce
linteau. Nous avons dessiné avec le plus grand soin la façade de
cette issue, parce qu'elle semble comtemporaine de la construction
primitive de Tenceinte.
D'après un renseignement fourni par M. Van Even, la petite
porte en pierres de fer que l'on voit près de l'arcade à jour, contre
la tour isolée du parc (c'est bien l'issue dont nous nous occupons),
fut pratiquée par un nommé van 'tSestich, avec l'autorisation de
la ville, à la fin du xvi^ ou au commencement du xvii^ siècle.
A notre avis, rien n'indique une construction d'une époque
aussi récente, ni même une reprise en sous-œuvre : les joints
horizontaux se continuent jusqu'aux jambages de la porte, sauf en
un seul point, ces joints restent bien horizontaux, enfin le lin-
teau triangulaire nous semble caractéristique de l'époque romane
et de transition. N'eût-on pas, au xvi^ ou au xvii^ siècle^ remplacé
ce linteau par une voûte? Jusqu'à preuve du contraire, nous
sommes tentés de voir là, une porte ou poterne de sortie, créée
par les constructeurs primitifs, pour permettre de faire, en temps
de siège, des retours offensifs contre l'ennemi. Si notre hypothèse
est vraie, nous trouverions, dans l'enceinte de Louvain, un des
rares spécimens de ces communications toutes militaires. L'ob-
servation de M. Van Even se rapporterait alors à une autre
issue.
Le dessin de M. Louckx a été fait lorsque cette partie de
l'enceinte avait déjà été dégradée, car les voûtes inférieures s'y
montrent à nu, tandis que primitivement elles étaient enterrées,
puisqu'elles servaient uniquement de fondations ; aussi croyons-
nous devoir rétablir figurativement cette partie de l'enceinte telle
qu'elle était au xii^ siècle. (Voir pi. XVL Restauration).
— 36o —
L'enceinte se dirigeait ensuite à travers l'Athénée royal, vers
la porte Saint-Quentin y que l'on appelait encore la porte de la rue
du Prévôt,
Cette porte se trouvait rue de Namur et fut démolie en 1754.
On suppose que la chapelle contenant un grand Christ et qui
est adossée au refuge de charité, rue de Namur, est un reste de
la tour de droite de la porte.
Cette porte était, en effet, percée au centre d'un bâtiment
carré, flanqué de deux tours. M. Van Even donne dans son
ouvrage un dessin représentant la porte de la rue du Prévôt *.
*
» *
De la porte Saint-Quentin, les remparts se prolongeaient sur
le versant rapide de la colline, et en ligne droite jusqu'à la Porte
aux Loups. Ils traversaient les. jardins de l'hospice actuel des
Vieillards, ancien collège van Daele, mais il n'en reste plus au-
cune trace.
* *
Laporte aux Loups ou Wolfs-poorte est une de celles auxquelles
on attribuait une ancienneté plus grande qu'à la première mu-
raille delà ville. Boonen dit qu'elle figure dans un titre de 1149...
Cette porte se composait d'une seule grosse tour, ronde du côté
de la campagne, carrée du côté intérieur de la ville et percée
d'outre en outre pour livrer passage.
La façade extérieure était ornée d'une sculpture faite dans la
pierre même de l'édifice, représentant deux loups affrontés, d'une
facture tellement grossière, qu'elle accuse au moins le xi^ siècle.
Au-dessus de ces deux loups, se trouvait une statue de guerrier
armé de pied en cap et portant la lance au poing.
Ces sculptures ont occupé nos historiens de toutes les épo-
ques :
M. Van Even émet l'opinion suivante : « Le loup est un animal
qui joue un rôle important dans la mythologie Scandinave. Le loup
a pu être pour les habitants de nos contrées l'emblème de l'homme
1 Louvain monumental, p. 20.
— 36i —
du Nord. Or, à Tendroit où s'éleva dans la suite la Porte aux
Loups et qui est situé non loin du Vêtus Castellum, le château des
Normands, se trouvait peut-être primitivement un autel consacré à
une divinité du Nord : Priape. Les Louvanistes, en faisant élever
sur cet emplacement la Porte aux Loups, ont, peut-être, voulu
laisser à leurs descendants un souvenir emblématique de la
défaite des Normands, sur notre sol, en 892. (On célébrera bientôt
le millénaire de ce fait d'armes). Si cette supposition est exacte, le
guerrier qui se trouvait jadis au-dessus des deux loups serait
Tempereur Arnulf, portant la lance pour montrer qu'il avait mis
fin aux ravages des Normands, n
La sculpture représentant les loups a été conservée et posée
définitivement au siècle dernier, à la place où on la voit encore
aujourd'hui, contre un des murs latéraux de la rue des Moutons,
avec une inscription latine dont voici la traduction :
a Les loups provenant de la Porte aux Loups, jadis située près
de cet endroit, furent placés comme monument historique dans ce
mur, l'an du Seigneur 1781, lorsque deux ans auparavant le
Sénat de la Commune en avait décrété la démolition, y
La Porte aux Loups avait donc été démolie en 1779.
M. Van Even donne une vue de la Porte aux Loups *.
Les remparts adjacents à la Porte aux Loups, ainsi que la porte
suivante, la Porte de Redingen, ont été démolis en 1770.
La porte de la ville était située dans la rue appelée autrefois de
Redîngen, par corruption Regenmolen, en face de la maison
n° 15. Si Ton peut se fier au tableau de Van der Baren, la porte
de Redmgen n'était qu'une poterne traversant la tour placée en
cet endroit ; elle porte le nom de Porta Malaria sur la gravure du
tableau dans le Lovanîum de Juste-Lipse.
Dans le jardin des Frères de la Charité, on retrouve des restes
de la première enceinte longeant la Dyle. Les portions du mur
ancien sont en grès ferrugineux, et nous avons remarqué l'emploi
de ce grès pour un grand nombre des parties de l'enceinte, bai-
gnées par la rivière.
1 Louvain tiionumental, p. 20.
— 3^2 —
Le pont actuel, à ^extrémité de la rue, semble avoir été cons-
truit avec les matériaux provenant de la démolition des remparts
et peut-être, de la porte même de Rediiigen.
* *
Un peu plus loin on rencontre remplacement de la porte sui-
vante : la Porte de la rue aux Marais, démolie en 1769. On
l'appelait aussi Limmînghen Poorte.
La porte de la rue au Marais, dénommée/>or/^ pratensis dans le
Lovaniwn, ne nous semble être, comme la précédente, qu'une
simple poterne ; cela était rationnel, car les deux issues ne don-
naient accès dans la campagne, qu'à des prairies marécageuses,
comprises entre les bras de la Dyle ; c'est cette considération qui
explique d'ailleurs la proximité des issues et leur nombre de deux,
entre la porte aux Loups et la porte des Récollets, sur un parcours
d'un peu plus de 400 mètres seulement.
* *
La portion de renceinte,à droite de cette porte, traverse la Dyle
à son entrée, en amont, dans la place. Les deux tours qui flan-
quaient cette entrée sont restées debout ; celle de gauche a pris,
dans la suite des temps, le nom de Totir Jansénius; l'autre à droite
est connue aujourd'hui, sous celui de Tour Juste-Lipse, nom tout à
fait moderne et dû au collège de ce nom, au fond du jardin duquel
elle se trouve placée. Ces deux tours, autrefois réunies par un
pont, défendaient l'entrée de la ville, par le cours d'eau.
La tour de Jansénius ne prit ce nom que postérieurement
au xvii^ siècle, après avoir subi des réparations et même une re-
construction presque totale, tout au moins dans la partie supé-
rieure ; sa base ancienne est seule conservée.
On voit en effet que c'est en vertu d'une autorisation du con-
seil communal, en date du 18 octobre 1618, que Jansénius fit cons-
truire, sur le bastion des fortifications *, les deux étages en
briques et le petit château y attenant ^. C'est là, dit-on, qu'il écri-
1 Expression impropre, car ce que l'on désigne ici sous le nom de bastion n'est
qu'une tour dans le langage de la fortification.
^ Résolution du Conseil de 1618, f° 315, vo. Archives de la ville de Louvain, citée par
M. Van Even, dans Louvain monumental, note de la page 311.
— 363 —
vit son Aiigtistiniis , ouvrage qui fit tant de bruit dans le monde
catholique et qui détermina la création de la secte, dite des Jansé-
nistes (PL XVI).
En dehors de la partie inférieure de la Tour, nous ne retrou-
vons aucun détail archéologique à noter. La tour Juste-Lipse,
quoique moins dégradée, puisque l'étage supérieur seul est mo-
derne, n'offre cependant pas, non plus, à l'intérieur, de détails
intéressants pour l'archéologue. Notons cependant, en passant,
l'escalier qui mène à l'étage ; cet escalier est composé d'une par-
tie inférieure en ligne droite, accolée à la tour, du côté intérieur
et qui se transforme plus haut en escalier à vis.
Le pont, qui reliait, autrefois, les deux tours et sous lequel
passait la Dyle, a été démoli. Une remarque à faire, c'est
qu'aucun des plans, ni celui de Guicciardin, ni celui de Bleau, ne
renseigne la tour Jansénms, tandis que la tour Juste-Lipse y est
marquée (PL XIV).
C'est à son entrée en ville, que la Dyle se divise en deux bras :
la rivière proprement dite qui traverse la cité, et le bras artificiel
qui a été creusé, au xii^ siècle, pour servir de fossé aux remparts.
Ce bras se prolonge depuis la Tour Jansénîus jusque derrière les
écluses de Sainte-Gertrude, en passant par la rue des Récollets, en
longeant l'hôpital Saint-Pierre, où l'on rencontre encore, dans les
jardins, des restes de tour et de courtines, en traversant ensuite
la rue de Bruxelles, en baignant d'un bout à l'autre le jardin
Saint-Sébastien, pour aboutir, enfin, après la traversée de la
rue de Malines, aux écluses précitées.
Les fossés remplis d'eau de l'enceinte s'étendaient de part et
d'autre des limites ci-dessus, d'un côté, depuis la Dyle, en amont,
jusque près de la Porte aux Loups, de l'autre jusque près de la
Porte Saint-Esprit, en se déversant sur leur route dans la Leye ou
Leybeek, véritable bras de décharge de la Dyle.
Ce lit artificiel est devenu pour Louvain la vraie Dyle ; depuis
que l'ancien lit de la rivière a été voûté au Marché-aux-Poissons,
il alimente des mouhns, des brasseries et d'autres établissements
industriels.
A la jonction des deux bras et contre la Tour Juste-Lipse, se
trouvent établies, du côté du fossé, des écluses fort anciennes et
qui alimentent le bras artificiel.
— 364 ~
L'aspect pittoresque que présentent les deux tours et ces écluses,
vues des jardins du pensionnat des Filles de Marie, est bien fait
pour attirer l'attention.
Il est probable que, dans un avenir plus ou moins éloigné, la
Dyle sera voûtée sur tout son parcours à l'intérieur de Tenceinte
du xii^ siècle.
Déjà nous avons vu supprimer la portion qui bordait le Marché-
aux-Poissons et le bras ouest, qui traversait la rue de Bruxelles
et rhôpital Saint-Pierre. S'il devait en être ainsi, on pourrait, en
laissant debout les deux tours, faire passer la rue entre elles et
conserver pour la ville un monument d'une véritable valeur ar-
chéologique.
A partir de la Tour Juste-Lipse, les remparts se prolongaient
vers la Porte des Récollets, située rue des Récollets, en face du jar-
din coté n° 22, près du second pont. Cette porte fut démolie en
1765-
Au delà de la rue des Récollets, l'enceinte se poursuivait jus-
qu'à la rue de Bruxelles, où Ton trouvait la Porte aux Joncs ou
Biest Poorte.
La Porte aux Joncs, située à l'entrée du Jardin Saint-Sébastien,
fut démolie seulement en 1819.
Depuis cette porte, l'enceinte longeait le bras artificiel de la Dyle
par le Jardin Saint-Sébastien, où Ton retrouve encore des restes
considérables et assez bien conservés. En entrant dans le jardin
par la rue de Bruxelles, on remarque sur la droite : une courtine
comprenant trois arcades inférieures, une tour découronn'ée reliée
à une seconde tour, moins bien conservée, par une courtine de
sept arcades, puis encore, au delà, une double série d'arcades,
l'une en comprenant huit, l'autre trois vers l'extrémité du jardin.
Toute la partie des remparts entre la Porte aux Joncs et la
porte de Minnemoen est donc pour ainsi dire restée debout, mais
elle est fort dégradée.
Les deux tours du Jardin Saint-Sébastien se trouvent dans le
jardin actuel de M. Bosquet, agent de la Banque Nationale à
Louvain, à la Leye.
- 365 -
La belle Porte aux Joncs, qui était la prison de Louvain, ser-
vait pour ainsi dire d'entrée à ce jardin. C'est sans doute à sa
destination et à Tépaisseur de ses murs que cette porte dut de
rester debout jusqu'au siècle actuel. Après sa démolition, les pri-
sonniers furent enfermés dans l'ancienne Porte de Diest, qui, à son
tour, est tombée depuis, sous la pioche des démolisseurs.
La Porte de Minnemoen * ou Minne Poorte, située à Tautre extré-
mité du Jardin Saint-Sébastien, rue de la Leye, subit, au siècle
dernier, le sort des autres portes de la première enceinte ; elle
fut démolie en 1762. Elle se trouvait en travers de la rue des
Brasseurs, au point où la Dyle se subdivisait de nouveau en deux
bras.
Les remparts au delà de la porte, en suivant la Dyle par le jar-
din des Oratoriens dit des Oratoires ^ montrent encore quelques
rares vestiges, mais, en i833, on aurait encore pu voir ces murs
en entier, flanqués d'une tour en assez bon état. Tout cela a été
abattu pour fournir des matériaux de construction !
« *
La Porte du Château ou Borgt Poorte^ rue de Malines, fut abattue
en 1796. Les remparts, des deux côtés de la porte,ne laissent non
plus aucune trace, et il faut aller jusqu'aux écluses de l'ancienne
abbaye de Sainte-Gertrude,pour retrouver des restes,de quelque
valeur,des fortifications primitives. C'est en ce point que la Dyle,
après sa traversée de la ville, rejoignait le bras artificiel, formant
fossé, et continuait son parcours dans la campagne. Des disposi-
tions particulières avaient été prises pour assurer la défense de ce
point faible, en même temps que l'écoulement des eaux de la ri-
vière à la suite des crues, mais il ne reste que fort peu de chose
de tout ce dispositif, depuis que l'on a remblayé la Dyle jusqu'au
Marché-aux-Poissons .
«
« *
1 Cette porte doit son nom à une des familles patriciennes de Louvain. Les
Minnemoen étaient des magistrats dès le xive siècle, peut-être même avant. (Voir
de Raadt, Armoriai brabançon.)
- 366 -
Une branche de la Dyle, longeant le marché aux poissons,
sortait autrefois de la place sous une arcade flanquée de deux
tours et munie d'une écluse. Cette écluse servait de retenue et
assurait l'alimentation des moulins situés en amont, dans la
ville, et la décharge des eaux surabondantes.
La tour de gauche, l'arcade et Pécluse ont disparu ; la tour de
droite seule a conservé son soubassement, mais la partie supé-
rieure en briques a été reconstruite, au xvii^ siècle, au frais des
Augustins.
Cette tour forme Textrémité du couvent, et elle nous a paru
assez intéressante pour fixer l'attention et être l'objet d'un
croquis, d'autant plus que Ton retrouve, à la base de la construc-
tion, et sous l'amorce de l'ancienne arcade, une meurtrière située
presque à fleur d'eau, qui permettait une surveillance des plus
efficaces de la campagne, et d'où l'on parvenait à atteindre, par des
coups rasants, les ennemis qui au moyen de barques, auraient
tenté de pénétrer dans la ville en remontant le cours de la rivière.
(PL XVI.)
M. Van Even donne une vignette de la sortie de la Dyle près
des écluses de Sainte-Gertrude *.
La Steenporte située rue du Canal, presque en face du Marché-
aux-pommes-de-terre, fut démolie en 1778.
Entre les écluses de Sainte-Gertrude et la Steenporte, on remar-
que, dans un jardin contigu à la propriété de M. Edouard Remy,
une portion de courtine assez étendue, ainsi qu'une tour des
mieux conservées.
Dans la tour, on retrouve les trois meurtrières habituelles; leur
partie inférieure est à 4^00 au-dessus du sol, et le jardin se
trouve lui-même en contre-bas du sol de la tour. Nous trouvons là
une nouvelle preuve que l'enceinte murale a été élevée sur un
rempart en terre dont le niveau intérieur s'élevait dans la tour
jusqu'à 3""oo environ au-dessus du niveau actuel.
Le détail des créneaux est le même que celui de la Tour Noire
de Bruxelles, mais- dans l'intérieur de la tour on ne retrouve pas,
à hauteur des naissances, le cordon saillant que Ton constate à
cette Tour Noire.
^ Louvain monumental, p. 20.
— 3^7 —
L'étage unique de la tour, formant le rez-de-chaussée, est voûté
en calotte et la maçonnerie de la façade intérieure se termine par
un cordon qui en marque évidemment la limite.
Le tour n'avait donc qu'un rez-de-chaussée voûté, au-dessus
duquel se trouvait primitivement la plate-forme à découvert, munie
de son parapet crénelé en pierre. Faute d'indications retrouvées
sur place, nous croyons que Ton accédait à la plate-forme au
moyen d'un escalier partant de la rue du rempart et appuyé laté-
ralement à la courtine.
De part et d'autre de la tour, les courtines existent, celle de
gauche se relie à la tour des écluses de Sainte-Gertrude et
comprend six arcades; sur celle de droite on en compte cinq.
Ces courtines, vues de l'extérieur, laissent apercevoir, comme
au Jardin Saint-Donat, des voûtes inférieures dont les pieds-droits
font une légère saillie sur le nu du mur qui sert de fermeture sous
ces voûtes. C'est que,là encore,le profil des remparts a été modifié
dans la suite des temps ; les voûtes inférieures étaient cachées
sous les terrassements qui formaient talus jusqu'au fossé et c'est
au-dessus de ce terrassement que s'élevait la muraille des cour-
tines, alors plus élevée qu'elle ne l'est aujourd'hui de 3 mètres au
moins et que ne dépassait peut-être pas, en hauteur, le créne-
lage de la tour.
*
* *
L'enceinte suivait ensuite un tracé parallèle à la rue des
Orphelins, jusqu'à l'impasse dit de Riiisen hof; elle se prolongeait
par la rue du Manège, en englobant le couvent des Dames-
Blanches jusqu'à la rue de Diest, où se trouvait la porte du
Saint-Esprit.
Depuis longtemps, il ne reste plus de traces de ce rempart, car
il avait été déjà l'objet d'une démolition partielle en 1626.
La porte du Saint-Esprit ou d'Oppcndorp poorte était placée en
travers de la rue de Diest actuelle, en face de la maison de Ryck-
man de Winghe ; sa démolition date de 1779.
L'enceinte, gravissant le versant de la colline, remontait enfin
-368 -
en ligne droite jusqu'à la place du Peuple, où elle passait à la mai-
son n° 6 et, traversant suivant un tracé courbe cette place et le
Marché-aux-Grains à peu près en son milieu, allait rejoindre la
porte Samt-Michelf notre point de départ dans cette excursion.
Dans le volume intitulé : Dociimeiits iconographiques et typogra-
phiques de la Bibliothèque royale (Bruxelles, Muquardt, 1877),
M. Petit décrit une estampe datant de 1530 environ, et qui repré-
sente une vue de Louvain (PI. XV).
La vue est prise de la tour dite de Verloren Cost appartenant
à la seconde enceinte. Cette vue a donc quelque analogie avec
celle de Hogenbergh, dans les Civitates or bis terrarum de Braun^
mais elle est à très grande échelle. On y distingue la première
enceinte ou enceinte intérieure et quelques portes, particulière-
ment la Porte Saint-Michel, la Porte de la rue du Prévôt, la Porte
aux Loups et la Porte de la rue au Marais,
La gravure sur bois ne porte pas de date, mais M. Petit la croit
antérieure à 1535, parce que la chapelle de Notre-Dame aux
Fièvres, près de la Porte Saint-Michel, qui fut bâtie vers cette
époque, n'y figure pas.
Dans la notice qui accompagne la gravure, M. Petit décrit les
fortifications. En ce qui concerne la première enceinte, nous rele-
vons quelques faits intéressants :
La Hoelstraat poorte ow porte Saint-Michel était surmontée d'une
église dédiée à saint Michel, bâtie en 1165, ce qui la faisait passer
pour une des sept merveilles de la ville, où
De levenden gaen onder de dooden.
(Les vivants passent sous les morts.)
l^diporie aux Loups fut surmontée de girouettes en 1360.
Lr porte du Prévôt était un bâtiment de forme semi-circulaire,
avec deux escaliers pour monter aux remparts; il avait été restauré
au xv^ siècle. Les remparts intérieurs furent convertis en vigno-
bles en 1432, et ces vignobles existaient encore au xvi^ siècle.
De cette porte à \2. porte aux Loups, le rempart se prolongeait
en ligne droite ^
* Cette assertion de M. Petit nous paraît en contradiction avec la gravure, où le
— 369 -
Nous venons de jeter un coup d'œil sur la première enceinte de
Louvain et nous avons constaté l'existence de six tours en assez
bon état, et de fragments de courtines, dont les restes permettent
une reconstitution des types de la fortification à Tépoque de tran-
sition dans notre pays. La grande analogie entre ces construc-
tions et celles de la première enceinte murale de Bruxelles, même
dans certains détails, montre bien que ces remparts appartiennent
à la même époque.
Nous terminerons notre travail en faisant un vœu : c'est que la
Société d'archéologie de Bruxelles appelle à bref délai, l'attention
des particuliers possédant, à Bruxelles, à Louvain, à Nivelles ou
ailleurs, des restes de nos constructions militaires du moyen
âge, sur l'importance archéologique et historique de ces monu-
ments. Ceux-ci deviennent, en effet, de jour en jour plus rares,
parce que leurs propriétaires ne se rendent pas compte de leur
valeur *. Peut-être est-il permis d'espérer que, grâce à cette
démarche, les démolitions seront moins nombreuses dans la suite
et que certains propriétaires feront des efforts louables pour
empêcher les dégradations dues aux injures du temps et assurer,
du moins, pour l'avenir, l'état de conservation où se trouvent
aujourd'hui ces restes précieux de notre architecture militaire
ancienne.
P. COMBAZ ET ArM. DE BeHAULT DE DORNON.
rempart présente une courbure,entre la tour la plus rapprochée de la porte aux Loups
et cette même porte.
^ Rien que pendant l'année 1889, à l'enceinte du xii^ siècle de Bruxelles, nous
avons vu démolir encore deux portions de courtine, l'une, rue Royale, n» 46, pour
l'établissement des bureaux delà Banque de Bruxelles, l'autre, rue du Gentilhomme,
no 21, où l'on a enlevé deux contreforts de la courtine adjacente à la vieille porte du
Treurenberg, pour agrandir la cour de la maison.
21
LVCAE GASSELIO HELJftONTANO
PICTORI
Salue omnes, Ijuca, ante ados parjûime cmonwm,,
O^ec ieuxus vrovrto cuire parente mini ,
Qmppe mini vrimus ora^dices datus auctor amanace,
'Dum pinais fhetâ rura cafasque manu .
Vpar àrtt vromti^jue tuoe, canaorâue : 9onorum
Et i^mcauid mentes cmcere amore poteft.
Erao Jama tucp virtutis, et artis w ûmum >
^iuat, vtroque mvhi nomine amate fmeXy •
nt Caîlt ixcui. (Dom.. Jjtff^sffnms cmùo j^vwt ■
Fig. I . — Inscription du portrait de Luc Gassel gravé, par J. Wiericx.
LUC GASSEL
PEINTRE PAYSAGISTE DU XVr SIECLE.
es dates de la naissance et du décès du peintre paysa-
giste Luc Gassel ou van Gassel, ne sont point exacte-
ment connues.
La ville de Helmond (Brabant septentrional *); où il est né ^,
ne possède plus les registres des baptêmes des xvi^ et xvii^ siècles.
Toutefois, le nom de Gassel se rencontre fréquemment dans les
archives de cette ville, depuis le commencement du xv^ siècle
jusqu'au xvm*^.
Wautger van Gassel, homme d'armes (man van wapen), figure
dans une charte du 12 octobre 1416. Un acte du 24 décembre 1418
établit que Wautger van Gassel était âgé de 75 ans. Une pièce
1 Un village de cette province porte le nom de Gassel.
' Historisch'Statistische heschrijving van het konin^rifk Holland, door Servaas De
Graaf.
PI. XVII. — Portrait de Luc Gassel, peintre paysagiste du xvi^ siècle. Gravure de
J.Wiericx, dans le recueil de J. Cock ; Piciorum aliqiiot Gcnnanice infenoris effis^es, n° 25.
— 373 —
intéressante du 7 décembre 1424 nous apprend que Marcel, fils de
Wautger van Gassel, transporte la sergenterie (vorsterie) de
Helmond à Jean de Berlaer, seigneur de Helmond et de
Keerbergen. Uacte constate que le père avait déjà possédé ce
bien ^
Les Gassel étaient donc une ancienne et importante famille de
Helmond, et il ne semble pas douteux que Tartiste qui fait Tobjet
de cette étude n'en fît partie.
Quoi qu'il en soit, aucun écrivain ne rapporte de particularités
relatives à sa vie 2. On ignore à la suite de quelles circonstances
il vint habiter Bruxelles, mais tous les auteurs sont d'accord pour
dire qu'il y est décédé à une date inconnue ^.
Le nom de Gassel ne figure pas dans le volume des archives de
l'état-civil qui contient des extraits des pierres sépulcrales de
l'église Saint-Géry, depuis 1406. Quant aux autres paroisses,
elles n'ont de documents, pour les décès, qu'à partir de 1633.
Le portrait de Gassel, placé en tête de cette notice, porte l'in-
scription : VixiT ET OBiiT Bruxellis, circa an 1560. Cette mention
prouve qu'à une époque encore très rapprochée du peintre, il
n'existait aucune donnée précise sur la date de sa mort.
* *
Parmi les auteurs anciens, Charles Van Mander * est le seul,
à notre connaissance, qui fasse mention de l'artiste. Il en parle
avec éloge. « Lampsonius ^, dit M. Henri Hymans dans sa belle
traduction du Livre des peintres de Van Mander, qui appréciait
1 Ces renseignements m'ont été obligeamment donnés par M. Th. de Raadt ;
ils sont puisés dans Krom et Sassen, Oorkonden hetrefende Helmond.
2 Neues allcremeims Kûnstkr Lexicon, par D. G. K. Nagler.
3 Bryan's dictionary of painters and engravers. — Balkena. Biograplne des peintres
flamands et hollandais,
■* Het Schilderboek, Amsterd3.m, 1618.
^ D. Lampsonius était surtout connu comme poète. Juste-Lipse le comptait
parmi les illustrations de la Flandre. Ses principaux écrits sont : Elogia in effigies
pictorum celchrium Germania inferions ^ 15 72, en vers latins ; 2° Vie de Lambert Lombard ^
1565.
L'Eglise de Saint-Quentin, à Hasselt, renferme un tableau de Lampsonius : h
Crw^^^wé-w/ Cette œuvre a été peinte en 1576, ainsi que veut bien nous le dire
M. le curé-doyen N. H. Rachels, pour 100 fl. de Brabant et a été restaurée par
M. Bonnefoy, de Liège.
— 374 —
Gassel comme artiste et qui le respectait comme un père, lui
avait donné le surnom de Sénèque. w
«On constate, ajoute M. Hymans, que, d'une manière générale,
les peintres de notre pays ont une prédilection marquée pour le
paysage ; que, tout au moins, ils ont été des maîtres dans ce
genre, au rebours des Italiens qui nous disent habiles paysagistes
et se qualifient, eux, de maîtres de l'art des figures. Un bon
nombre de nos peintres reléguèrent à Tarrière-plan Tétude de la
figure humaine où réside la plus haute puissance de l'art, pour se
contenter d'en faire l'accessoire de leurs paysages. De ce nombre
fut Luc de Helmond, qui habitait Bruxelles et y mourut. Il faisait
de bons paysages à l'huile et à la détrempe, mais produisit peu. —
C'était un homme aimable et un conteur intéressant. Il était, nous
l'avons dit, fort lié avec Lampsonius, qui lui portait une vive
affection et qui composa en son honneur le poème suivant, que je
traduis du latin (i) :
Je te salue, Lucas, comme digne entre tous,
Toi que j'honore comme un père,
Toi qui m'as donné, à mes débuts.
Ce qui fit de moi l'amant de la peinture,
Lorsque ta main savante peint le paysage et la chaumière.
Ta conscience égale ton art et ton savoir,
Et tout ce qu'un cœur honnête peut inspirer.
Que de ta vertu et de ton art le renom s'étende,
Et vive à jamais,
O vieillard, qui m'est deux fois cher ! »
M. Herris, le savant expert du Musée de Bruxelles, a consacré,
en 1864, une courte notice à Luc Gassel. Nous croyons utile d'en
rappeler quelques passages : « Si l'heureuse idée de la création
d'un musée national avait été comprise en Belgique, il y a trente
ans, sans nul doute, nous serions aujourd'hui mieux renseignés
sur l'histoire artistique de l'Ecole flamande de la peinture ; l'ému-
lation s'en serait mêlée et d'autres découvertes seraient venues
révéler les noms des artistes à qui nous devons cette série consi-
dérable d'objets d'art, et parmi lesquels aurait indubitablement
figuré celui de Luc Gassel.
« De même que Henri de Blés, Joachim Patinier, Luc et
1 Nous donnons le texte latin en tête de notre travail.
— 375 —
Martin Van Valckenbourg, Luc Gassel était Tun des premiers
peintres de paysage proprement dit : avant lui et ceux que nous
venons de citer, ce genre de peinture n'était introduit dans les
œuvres de leurs devanciers pour ainsi dire qu'en guise d'acces-
soire, n
Les œuvres de Luc Gassel se font remarquer par un coloris
distingué, très fin et harmonieux, et si parfois on y rencontre un
peu de sécheresse, c'est que cette façon de faire était propre aux
peintres du xvi^ siècle.
« Il faut, dit M. A. Wauters *, tenir compte, pour apprécier
l'œuvre et le talent d'un maître, de l'époque où il a vécu. On doit,
de plus, pour assurer son mérite, le comparer à ses contemporains
qui ont parcouru la même carrière, n
Le cabinet des estampes de la Bibliothèque royale possède le
portrait de Luc Gassel, dans quatre états différents ^. L'un de
ceux-ci — celui que nous avons reproduit — gravé par J. Wiericx,
fait partie de la collection des portraits d'hommes célèbres décédés
avant 1572. Il figure sous le n° 23, dans le recueil de J. Cock,
Piciorum alîquot Germaniœ infer torts effigies.
Bartsch ^ mentionne un portrait de Gassel où figure cette
inscription : IMAGO (la lettre A est écrite en petit, en haut,
entre les lettres M et G) LVCAE GASSELI - A. B.- lACOBO
BINCO \ AD VIVAM - EFFIGIEM DELINEATA. HONOS.
ALIT. ARTES ^ ; suit le monogramme et la date 1529. Gassel
est représenté à mi-corps, vu de trois quarts, la tête tournée à
gauche, sa barbe est courte, ses cheveux sont frisés et la tête est
^ Annales de la Société cV archéologie de Bruxelles. — La famille Breughel, t. I, II® liv.
p. 61.
^ Catalogm des Jrères Wierickx ; Portraits — Cat. Alvin, no 1910 ; I, II, III
et 1910 copie.
3 Le Peintre graveur,
* De levens en werken der Hollandsche en Vlaamsche kunstschilders,beeldhouwers, graveurs
enhowwmeesterSy door]. Immerzeel.
^ Le portrait par Binck représente Gassel beaucoup plus jeune que sur le portrait
gravé par Wiericx. Binck était, en 1546, le peintre de la cour de Christian de Dane-
mark et il séjourna déjà dans ce pays avant cette époque. — Il mourut à Kônigs-
berg vers 1560.
— 376 ~
couverte d'une barette, appelée improprement par Bartsch un
bonnet Mezetin. Il porte un manteau de fourrure de dessous lequel
sort sa main gauche, qui repose sur une pierre, et sur celle-ci on
lit rinscription citée plus haut.
Une copie de cette estampe, assez bien gravée en contre-partie,
par un anonyme, porte la même inscription et le chiffre 1529.
Le mot IMAGO est inscrit sans la faute. Une autre copie porte ce
nom : S. Kloetïng, exe. del-f., et, sur une dernière copie, enfin,
assez bien gravée aussi, en contre-partie, par J. B. V. Tienen, on
lit au bas : HONOS. ALIT. ARTES : IMAGO — LVCAE —
GASSELI. AB. JACOBO BINCO AD VIVAM EFFIGIEM
DELINEATA, J. B. V. TIENEN
* *
Les tableaux de Gassel sont rares*. Fiorillo ^ dit que, d'après
Papillon ^, il aurait aussi gravé sur bois.
Il est à remarquer qu'on trouve dans toutes les productions de
l'artiste des paysages montagneux avec figures et qu'il y a, à
droite et à gauche de Tavant-plan, un ou deux arbres.
Voici la nomenclature des tableaux connus du maître :
1° Musée de Vienne ^. — Paysage accidenté. A droite, au pre-
mier plan, sous un groupe d'arbres élevés, au feuillage toufi'u,
sont assis Judas et Thamar qui reçoit de lui la bague ; à gauche,
et un peu plus en arrière, un château entouré d'eau, communi-
quant avec la terre ferme à l'aide d'un pont-levis. Dans le fond,
on voit des bâtiments, des rochers escarpés, un port et la mer.
Une centaine de personnages sont disséminés sur le tableau.
1548, signé ; les lettres L. et G. entrelacées.
Hauteur, 79 centimètres ; largeur, i"^i4 centimètres.
2° Paysage montagneux dont les plaines sont parsemées
d'usines mues par des machines hydrauliques, et d'autres activées
à bras d'hommes : des moulins, des forges, etc. Les ouvriers re-
cueillent du minerai, forgent ou chargent des chariots.
^ D. G. K. Naglek, Die Monogrammisten,
2 Geschichte der Kiinste.
8 Vie des Peintres.
* Gemàlde heschreibendes Veîxeichniss,von E. Engerth. — Wien, 1884, p. 152.
o
<1>
H-
en
— 379 —
Une des curiosités de ce tableau — peint en 1544 — est une
scène qui représente un homme sortant d*un tunnel, poussant de-
vant lui un wagonnet placé sur des rails ! Un ouvrier se dirige
vers le tunnel portant sur ses épaules des tronçons de rails. Le
poids doit être lourd, car il ploie sous la charge. Vers le milieu du
tableau on voit un médecin ambulant, suivi de son aide, qui admi-
nistre un vomitif à un ouvrier. Sur un rocher, à droite, perche
un martin-pêcheur. Le second plan nous montre un château
entouré d'eau, que M. Herris croit être celui de Tervueren. Un
seigneur, accompagné d'une suite nombreuse, en sort, allant
vers la plaine. A Thorizon, derrière le château, on aperçoit une
grande ville. A gauche, dans une éclaircie des montagnes, la mer
sillonnée de navires. Le tableau est rempli de personnages portant
des costumes de différents pays.
L'œuvre, peinte sur bois, est signée du même monogramme
que le tableau du Musée de Vienne, (hauteur, 54 centimètres ;
largeur, i^^io — appartient à M. l'avoué Bauwens, de Bruxelles,
et provient de la famille du sculpteur Faid'herbe de Malines) *.
3° La fuite en Egypte. Saint-Joseph, d'un geste de la main,
montre à sa compagne un arbre contre lequel est placé, sous un
toit en appentis, une idole qui se brise à l'approche des person-
nages ; à gauche de l'avant-plan un martin-pêcheur près d'une
source jaillissant d'un rocher. Un piédestal architecture laisse
échapper l'eau qui s'écoule dans un bassin de pierre et, de là, dans
le ruisseau. La route que vient de parcourir la sainte famille est
bornée à sa droite par une hôtellerie, dont tous les détails sont
rendus avec fidélité. Plus loin, se laisse voir un village dont les
maisons sont, pour la plupart, couvertes de chaume. L'église
montre une nef beaucoup plus basse que l'abside, qui paraît être
ogivale et est précédée, à la façade principale, par un clocher re-
couvert d'une toiture conique effilée. Les maisons sont intéres-
santes au point de vue de l'architecture ancienne dans nos cam-
pagnes, particulièrement une ferme située sur la gauche qui pré-
sente une tour couronnée d'un hourd en bois faisant saillie sur
les parements de ses murailles. Sur la place du village, les soldats
* Ce tableau figure depuis quelques mois au Musée Royal des tableaux anciens
à Bruxelles.
- 38o —
envoyés par Hérode massacrent les enfants. Dans le champ, placé
à proximité de la ferme dont il vient d'être question, des paysans
fauchent le blé, tandis qu'un autre semble donner un renseigne-
ment à des soldats.
Derrière le village, un lac dans Teau duquel viennent plonger
les contreforts des montagnes qui ferment Thorizon. Une ville
étage ses maisons, ses temples et ses fortifications entre les replis
des roches. Un pont franchit un ravin escarpé et est précédé d'au-
tres ouvrages fortifiés. Tout au fond, un château-fort. Au centre
du tableau et au second plan, une troupe de soldats, à cheval, se
dirige vers le village, le long d'une route bordée de constructions
rurales. A quelque distance de celle-ci, un château, perché sur des
roches escarpées, nous montre tous les détails de la fortification
au déclin du moyen âge. Une poterne donne accès dans une
avant-lice entourée de courtines crénelées et dominée par le donjon
du château ainsi que par la poterne donnant accès à la lice ;
elle est défendue par un ouvrage hourdé placé au-dessus du
crénelage de la courtine formant l'enceinte du château. Cette
courtine longe les rochers et est garnie de merlons et, à une cer-
taine place, de hourds en bois qui se relient à deux tours forti-
fiées en pierre avec chemin de ronde et toitures coniques. Le
corps de logis principal est situé entre ces tours et le donjon der-
rière lequel le peintre nous montre des toitures de tuiles rouges.
Des ouvrages en bois font saillie tout autour et servent de déga-
gement aux pièces de l'habitation ; au devant du château, une sorte
de pilori s'élève d'un terrain ensanglanté, marquant ainsi le pas-
sage des soldats envoyés par Hérode. Le fond du tableau se ter-
mine au centre et à droite par un paysage montagneux boisé.
Bois : largeur, o'^9o centimètres ; hauteur, o^^yo centimètres.
Il porte le monogramme :
(Ce tableau appartient à Tauteur de cette notice et a été acheté,
il y a quelques années, à la mortuaire du curé de Meire, près d' Alost) .
-38i -
4° Paysage montagneux avec ville, village, lac sillonné de
bateaux, nombreux personnages, dont quelques-uns sont porteurs
de bannières. — Au premier plan, le Christ et la Vierge, saint
Jean guérissant des boiteux et des paralytiques. * — ANNO
DOMINI 1538. — Signé (lettres L et G entrelacées). — Bois :
hauteur, ©"^49 ; largeur, o"^62. — (Appartient à M. Weber,
consul d'Hawaï, à Hambourg.)
5° Paysage montagneux. Au premier plan, la fuite en Egypte.
Ne porte ni date ni signature. — Bois : hauteur, ©"'23 ; largeur,
o""i8. — (Appartient à M. Charles Cavens, de Bruxelles.)
M. A.-J. Wauters a retrouvé, dit-il, caché sous des noms d'em-
prunt, des tableaux du maître : plusieurs au Musée de Naples,
attribués à Breughel; un dans la galerie de Lichtenstein, à Vienne,
donné à Pierre Aartsen. Le même auteur ^ dit qu'il y a au Musée
des Offices, à Florence, un tableau signé du monogramme de
Gassel et que ce tableau passe pour un Henri de Blés. Dans une
lettre que M. Ridolfi, le directeur du musée des Offices, nous écrit
à ce sujet, il prétend que le monogramme n'existe pas et que
l'œuvre est bien de H. de Blés.
Disons quelques mots concernant des tableaux qui ont été
indûment attribués à Gassel.
i^ On lit au n° 791 du catalogue de la galerie de Dresde
(1880- 1884) : Luc Gassel. — Apollon et Pan devant le tribunal de
Midas. Le Dictionnaire des peintres, par Siret, cite aussi ce tableau.
Le nouveau catalogue scientifique de la galerie de Dresde (1887),
rédigé par son savant directeur, le professeur D'" K. Woermann,
à propos du même tableau, n^ 857, le mentionne comme étant de
Gilles van Coninxlo. En effet :
a) Le monogramme de van Coninxlo figure sur le tableau, et
ce monogramme est le même que celui qui se trouve sur un
tableau de ce peintre, à la galerie de Lichtenstein, à Vienne ;
bj Une gravure de Nie. de Bruyn ^, contemporain de Gilles
van Coninxlo, reproduit ce tableau ;
c) La facture de la peinture diffère essentiellement de celle de
^ La Peinture flamande.
2 Études, recherches et notes sur V Art flamand.
3 Cabinet des estampes de la Bibliothèque royale, à Bruxelles.
— 382 —
Gassel et enfin le monogramme n*est pas celui de ce dernier
artiste.
2° Catalogue du Musée de Lille {Le^s Alex. Laleux, 1873).
Luc Gassel. — Paysage. — Diane et Actéon. — Or, ce tableau ne
porte aucune des caractéristiques de la peinture de Gassel ; par
contre, il est signé du monogramme de Joachim Patinier.
*
« *
Passons aux gravures. Le cabinet des estampes de la Biblio-
thèque royale de Bruxelles en possède quatre, publiées par
Jérôme Cock : Hieronymus in deserio (saint Jérôme au désert) ;
Salve Antoni (saint Antoine) ; Abraham invitât angelos (Abra-
ham invite les anges à recevoir Thospitalité), et, enfin, le
Baptême du Christ. Les trois premières gravures portent le
même monogramme que celui que Ton voit sur les tableaux.
Les personnages, même ceux placés à Tavant-plan, comme
dans les peintures, n'appellent pas surtout le regard ; l'œil suit
plutôt le curieux panorama qui se déroule au loin.
Les estampes que nous venons de citer" se trouvent également
à Paris, à la Bibliothèque Nationale, ainsi qu'une cinquième :
Deflet Niniven propheta Jonas (Le prophète Jonas pleure Ninive),
S. De Schryver.
DE L'IMPORTANCE
DES
VOYAGES AU MOYEN AGE
e sera Thonneur de notre temps d'avoir fouillé le passé
avec une patience infatigable, et de s'être laissé guider
avant tout, dans ces recherches, par un sincère amour
du vrai. La Renaissance ne nous a offert qu'une antiquité
travestie par les idées et les préjugés en honneur sous
Léon X et François P^ Le xvii^ siècle a fait parader sur les
tréteaux des Grecs et des Romains de pure convention, et dont
les sentiments étaient encore plus défigurés que leurs tètes
Tétaient par les grandes perruques dont ils étaient affublés. Le
Romantisme à son tour a imaginé un moyen âge de carnaval. Il
était réservé à notre époque de faire des reconstitutions archaïques
se rapprochant de la réalité. Pour cela les artistes et les écrivains
se sont appuyés sur les travaux des savants au lieu de s'aban-
donner uniquement à leur imagination. C'est pourquoi l'on voit
aujourd'hui des tableaux d'histoire qui, à leurs autres mérites,
- 384 -
joignent celui d'une assez grande exactitude, et des récits histo-
riques évoquant véritablement un écho des mœurs et des senti-
ments de nos pères.
Parmi les époques sur lesquelles le plus grand nombre d'écri-
vains se sont escrimés, il faut compter le moyen âge. C'était assez
naturel, car il est le moins éloigné de nous et nous y tenons
encore par bien des points. Et pourtant, lorsqu'on soulève un
coin du voile qui recouvre ce passée Ton est frappé du grand
nombre d'idées fausses qui régnent encore sur lui.
Prenons un détail, assez important d'ailleurs. Parlons des
voyages de nos ancêtres et voyons d'abord l'idée que la plupart
des gens s'en font. Là dessus, comme sur bien d'autres choses, au
lieu de faire une étude, même sommaire, chacun édifie son petit
système d'après ses idées et quelque vague tradition, et voici le
résultat auquel la plupart aboutissent : Il y a trois quarts de siècle,
nos pères faisaient leur testament avant de se mettre en route
pour Amsterdam ou Cologne. Lorsque quelqu'un se décidait à
s'aventurer jusqu'à Paris, et s'il en revenait sain et sauf, il devenait
un objet de curiosité pour tous les bourgeois de son quartier, et
conservait souvent toute sa vie le surnom de Parisien. Nous
découvrons dans quelques papiers de famille et dans ces vieilles
histoires transmises de père en fils, qu'au siècle dernier, les routes
pavées étaient l'exception et qu'il fallait alors huit Jours pour
traverser la France. De là, on tire immédiatement une conclusion
qu'on croit rigoureuse, et l'on dit : Que devait-ce donc être au
moyen âge, alors qu'il n'y avait pas de routes du tout, que les
campagnes étaient infestées de brigands, qu'il n'y avait aucun
service public de transport ! Alors, évidemment, un déplacement
de Bruxelles à Vilvorde était une aussi grande affaire qu'aujour-
d'hui un voyage à Berlin. Eh bien ! Messieurs, permettez-moi de
vous le dire, ce raisonnement est radicalement faux, et il suffit de
parcourir quelques ouvrages du temps pour voir qu'il en était
tout autrement. Au risque d'être accusé de paradoxe, nous affir-
merons carrément ceci : C'est qu'au moyen âge et à l'époque
de la Renaissance, on voyageait beaucoup plus que pendant les
deux derniers siècles, et qu'il a fallu la locomotive pour que les
déplacements devinssent plus fréquents qu'ils ne l'étaient alors.
Nous ne craignons pas d'affirmer que tous ceux qui auront exa-
- 385-
miné la question seront de notre avis, et si un grand nombre de
personnes pensent autrement, cela prouve ce que nous disions
tantôt, à savoir que les préjugés sur ce temps sont encore nom-
breux.
Ouvrons n'importe quel ouvrage du temps, et nous serons
frappés des fréquentes mentions de voyages. Les romans, contes
et fabliaux en sont pleins, et les documents authentiques en four-
millent. Lorsque Ton étudie ce qui a rapport aux constructions,
on voit que beaucoup de monuments, surtout dans les campagnes,
furent construits par des corporations nomades, composées d'un
groupe de praticiens venant d'une même ville ou d'une même
région, voyageant pour s'instruire et se perfectionner, et souvent
on peut presque suivre leur itinéraire en voyant s'égrener le long
d'un certain parcours une série d'édifices ayant entre eux un air
de famille. C'est ainsi qu'on trouve en Flandre un grand nombre
d'églises de village qui sont comme des diminutifs de Notre-
Dame de Pamele d'Audenarde, ce qui paraît prouver qu'au
xiu^ siècle, une semblable confrérie de bâtisseurs, ayant fait leur
apprentissage pendant la construction de cette admirable église,
firent une tournée dans toute la Flandre pour se faire la main.
Nous voyons dans les comptes de la restauration du beffroi de
Tournai, après l'incendie de 1391, que la maçonnerie de ce tra-
vail fut confiée à un entrepreneur de Louvain. Sous les ducs de
Bourgogne, les plus belles œuvres d'art, exécutées à Dijon et
plus loin encore, portent les noms d'artistes flamands. Les fonts
baptismaux de Hal, coulés en bronze en 1424, sortent des ateliers
d'un fondeur de Tournai, comme l'atteste l'inscription qu'ils por-
tent. On pourrait multiplier ces exemples.
Nous voyons à chaque instant dans l'histoire que les seigneurs
voyageaient énormément, et cela se comprend d'ailleurs. Comme
ils n'habitaient pas les villes, ils ne pouvaient se réunir qu'au
prix de déplacements constants. Quand on songe que beau-
coup d'entre eux voyageaient avec nombre de dames d'honneur,
écuyers, pages et damoiseaux, sans compter les serviteurs, que
tout ce monde emportait une abondante garde-robe, costumes de
chasse, costumes de banquet, armures de tournoi et robes de
bal, qu'il était de mode alors d'emporter sa vaisselle et une partie
de son mobilier, on peut se faire une idée du mouvement extraor.-
25
- 386 —
dinaire qui régnait sur les chemins aux environs de la demeure
d'un seigneur lorsque celui-ci donnait une fête. Eh bien ! il ne
faut pas oublier qu'il y avait un seigneur dans chaque village, que
les fiançailles, mariages, baptêmes, élévation d'un jeune homme
au grade de chevalier et bien d'autres circonstances encore étaient
l'occasion de fêtes auxquelles étaient conviés un grand nombre
de gentilshommes venant parfois de très loin, que beaucoup de
ces seigneurs avaient de nombreuses familles, et Ton peut, sans
trop s'aventurer, dire que les nobles de cette époque étaient sou-
vent par voies et par chemins.
Si, de Taristocratie, nous passons à la classe moyenne, nous
remarquons d'abord ceci. Le commerce de gros ne se faisait que
par les foires périodiques. Pas de bourses, mais des marchés en
plein air où chacun arrivait avec toute sa marchandise sur des
chariots et véhicules de toutes formes, ou sur le dos de mules,
chevaux et baudets. Le commerce de détail ne pouvait se faire
dans chaque ville que pour les produits de la ville elle-même.
Celui qui voulait avoir un produit d'une autre localité devait donc,
bon gré mal gré, s'y rendre. Rappelons aussi que la poste n'exis-
tait pas ; donc, nul moyen de faire connaître une nouvelle à
quelqu'un, qu'en y allant soi-même ou en envoyant un messager.
Et nous nous permettons d'insister un peu sur ce point. Même en
tenant compte de la moins grande densité de la population et du
moindre mouvement d'affaires, songeons à la quantité d'allées et
venues nécessaires pour remplacer la vingtième partie seulement
des affaires innombrables que nous traitons aujourd'hui par
correspondance. Tout commerçant faisant quelques affaires de
gros était en route une bonne partie de l'année.
Voyons aussi ce qui se passait dans la classe des lettrés. Occu-
pons nous des clercs, alors les plus nombreux parmi les savants,
et prenons, si vous le voulez bien, l'une ou l'autre vie de saint ou
de personnage célèbre par son savoir et sa piété. Les trois quarts
du temps nous y voyons ceci. Né dans tel village, il étudia d'abord
dans tel monastère (à dix lieues de chez lui), nommé ensuite
prieur dans tel autre (vingt lieues plus loin), il fit un voyage à
Rome, fut envoyé par le Saint Père en Allemagne ou en Nor-
vège, puis enfin fut nommé évêque à cent cinquante lieues de son
village natal. Les hagiographes vous diront que les biographies
- 38? -
de ce genre ne sont point rares. Nous voyons aussi que les gens
qui voulaient approfondir une science, après avoir suivi les cours
de Tuniversité la plus rapprochée de chez eux, allaient étudier à
Paris, à Montpellier, à Bologne, à Nuremberg, à Louvain ; puis,
leurs études terminées, lorsqu'ils acquéraient une certaine répu-
tation, c'était une nouvelle occasion de voyages, car les rois et les
grands seigneurs d'alors les faisaient venir à leur cour et leur
offraient une large hospitalité pour s'éclairer de leurs lumières et
jouir, eux et leurs convives, des charmes d'une conversation
savante.
Il en était de même des artistes, dans la biographie desquels
nous trouvons également d'incessantes pérégrinations. Bien diffé-
rents en cela de ceux de nos jours, car si nous lisons un article
biographique quelconque sur un artiste de notre siècle, neuf fois
sur dix nous y trouverons une mention dans le genre de celle-ci :
(( Tout entier à son art, on le voyait peu au dehors, et depuis
plus de trente ans son existence si bien remplie s'écoula toute
entière dans son atelier de l'avenue de... connu de tous les ama-
teurs. » Peut-être, entre parenthèses, faut-il chercher là une des
causes de la médiocrité qui envahit l'art de nos jours, et cette
réclusion, qui est devenue en quelque sorte professionnelle, est-
e le un des motifs de la décoloration progressive de l'imagination
chez beaucoup d'artistes. Mais ne sortons pas de notre sujet.
Quant aux trouvères et aux troubadours, on sait qu'ils passaient
leur vie à voyager de château en château pour faire entendre leurs
chants.
En somme, nous voyons que la seule classe qui vécut séden-
taire était celle des laboureurs et des petits artisans. Or, il faut
reconnaître que, sous ce rapport, les mœurs de cette classe n'ont
guère changé.
Les pèlerinages étaient aussi une cause de fréquents et lointains
voyages, à cette époque de foi ardente.
Il y a encore une remarque à faire et qui vient à l'appui de
notre thèse. Voyons, d'après les manuscrits, l'histoire du costume,
et nous remarquerons qu'il se transforme, progressivement et
simultanément, dans toutes les provinces d'un grand pays comme
la France, et, sauf quelques détails particuliers à certaines ré-
gions, les modes sont à peu près les mêmes en Champagne qu'en
- 388 -
Guyenne, en Dauphiné qu'en Normandie. Nous voyons même
alors comme aujourd'hui les modes de Paris arriver assez rapide-
ment jusque en Ecosse ou au fond de TAUemagne. Comment cela
eût-il été possible sans de fréquents déplacements ?
Jetons maintenant un coup d'œil sur les miniatures et remar-
quons d'abord quelle immense variété de moyens de locomotion.
Chariots, voitures,carrioles de tous genres et de toutes dimensions,
charrettes à chiens, chaises à porteurs, litières portées par des
mules, revêtent mille formes différentes, sont garnies de trente-six
façons variées selon qu'elles doivent traverser des montagnes
ou des marais, des rivières ou des gorges, selon qu'elles doivent
fournir un parcours de quelques heures ou un voyage de plusieurs
semaines. Les harnachements des mules et des chevaux présen-
tent une variété auprès de laquelle ceux de nos jours semblent
n'offrir qu'une pauvre uniformité.
Si, des moyens de transport, nous portons nos regards sur le
costume des voyageurs, nous remarquons d'aussi grandes diffé-
rences et une entente minutieuse des nécessités du voyage. Quelle
variété de manteaux, capes, surtouts, pèlerines, chaperons, quelle
variété même dans la façon de porter le même vêtement selon
qu'il pleut ou qu'il fait du soleil, qu'on doit lutter contre le vent
ou contre la neige. C'est au point qu'il faut une grande habitude
pour reconnaître le même vêtement à voir les formes' différentes
que chaque voyageur lui donnait. Examinons les chaussures, et là
encore, nous trouvons une infinie quantité de patins, galoches de
cuir ou de bois, bottes, guêtres, houseaux, que l'on changeait
selon qu'on avait à traverser des prairies, des broussailles ou
des terres sablonneuses. Ah î si les routes étaient négligées,
l'équipement était bien loin de l'être, et nous pouvons affirmer
sans crainte qu'un marchand du xiii^ siècle, après une journée
de voyage à travers la pluie et le vent par des chemins impos-
sibles, arrivait au logis avec la peau et les vêtements de dessous
en meilleur état qu'un de ses descendants d'aujourd'hui qui a
subi une averse de deux heures dans les rues pavées de Bruxelles
en Brabant. Ils riraient bien, nos ancêtres, s'ils nous vo3raient
nous promener à la campagne ayant aux pieds les mêmes bot-
tines que nous portions la veille pour assister à un dîner, s'ils
savaient que bien des gens à leur aise n'ont qu'une espèce de
-389-
chaussures pour tous les temps et pour toutes les saisons, et s'ils
rencontraient un de nos citadins pataugeant dans la boue avec
des souliers vernis.
Mais, me direz-vous, comment pouvez-vous admettre qu'on
soit tombé d'un tel raffinement à une simplicité presque indi-
gente ? Eh ! Messieurs, est-ce donc la seule fois qu'on ait constaté
un temps d'arrêt ou même un mouvement de recul dans la mar-
che de l'humanité ? Qu'aurait dit, je vous prie, un propriétaire
gallo-romain du iv*^ siècle, ayant une riche villa décorée de
statues et de mosaïques, un triclinium aux lambris dorés et des
bains de marbre, s'il était revenu en Gaule deux siècles plus tard,
et s'il eut vu un puissant chef franc, peut-être plus riche que lui,
vivre pêle-mêle avec ses soldats et ses serviteurs dans un bâti-
ment informe couvert de chaume, buvant et mangeant dans des
écuelles de terre, sur des tables à peines rabotées, tandis que les
poules venaient picorer les miettes tombées sur la terre battue qui
servait de parquet ? Le temps avait marché pourtant mais, dans
l'intervalle, l'invasion des Barbares avait passé, balayant les arts
et la civilisation romaine. Qu'eût dit un magistrat du dernier siè-
cle, habitué à vivre dans de petits appartements coquettement
drapés de tentures, entouré de jolies porcelaines posées sur des
étagères sculptées, marchant sur de moelleux tapis, s'il avait pu
voir un intérieur de bourgeois aisés vers Tan de grâce 1815 ?
Une salle aux murs presque nus, quelques chaises de paille, en
acajou, c'est vrai, mais au dessin d'une simplicité plus que mona-
cale ; plus de bibelots, plus de tapis, mais un parquet tout uni et,
bien souvent, des carreaux rouges ou un plancher de bois blanc.
L'horloge du temps ne s'était pourtant pas arrêtée, mais il y
avait eu la Révolution française et les guerres de l'Empire, qui
avaient fait table rase des gracieuses productions du siècle de la
Pompadour.
Or, entre le moyen âge et le xvii^ siècle, s'il n'y a pas eu de
carnage comparable à l'invasion des Goths ou aux batailles de
Napoléon, il y a eu un mouvement d'idées, un bouleversement
dans les mœurs qui changea la face du monde tout autant que ces
grands événements. La Réforme religieuse d'une part, d'autre
part la Renaissance des arts et des sciences de l'antiquité modi-
fièrent profondément toutes choses. Voyons en quoi ces change-
— 390 —
ments influencèrent les mœurs de nos aïeux par rapport aux
voyages.
D'abord, le pouvoir central s'étant affermi partout, les grands
seigneurs cessant d'être rois et magistrats sur leurs terres, et n'y
étant plus retenus par leur grandeur, préfèrent venir habiter
les villes pendant la plus grande partie de Tannée. Ils y font
construire de somptueux hôtels, et c'est là désormais qu'ils don-
nent des fêtes à leurs voisins. Donc, plus de ces nombreux cor-
tèges convergeant vers l'un ou l'autre château, mais simplement
des courses en carrosse d'une rue de la ville à l'autre.
Dans le monde savant, au lieu de quelques rares esprits parcou-
rant le monde pour aller cueillir dans vingt écoles différentes une
parcelle à la fois de cette science à laquelle ils avaient tout sacrifié,
chacun put faire assez facilement quelques études superficielles,
grâce à l'établissement, dans toutes les villes, de collèges de
quelque importance où, selon des méthodes faciles et d'après un
programme uniforme, on distribuait une dose moyenne de science
à un grand nombre d'intelligences, moyennes aussi . Pour l'ensei-
gnement des arts, partout des académies où tous ceux qui le vou-
laient pouvaient apprendre en deux ou trois ans à construire un
monument selon les formules de Vitruve ou à modeler un buste
rappelant à peu près les productions de la décadence romaine.
Par conséquent, à quoi bon se déplacer puisque chacun trouvait à
la ville voisine à s'approvisionner de science ou d'art comme on
s'approvisionnait de drap ou de fil à coudre ?
La façon de faire le commerce avait changé aussi du tout au
tout. D'abord, les négociants traitaient leurs affaires par corres-
pondance, et l'on voyait des gens faire des fortunes énormes sans
quitter leur comptoir. Il s'établit des bourses où l'on fit de grandes
affaires sur simples échantillons. Dans les villes s'installèi-ent des
bazars où l'on vendait toutes sortes d'articles, des provenances les
plus variées. Là encore, donc, non suppression, mais diminution
notable des déplacements nécessaires.
Ainsi, toutes les classes de la société prirent. ces habitudes
casanières que nos pères ont si bien connues, et les mille acces-
soires de voyage qu'on employait auparavant avec tant de discer-
nement, tombèrent petit à petit en désuétude.
C'est ainsi, Messieurs, que les mœurs ont changé. Si, du côté
— 391 —
des voyages, il semble y avoir eu un recul dans la civilisation, il
serait puéril de nier que, sous d'autres rapports, il y avait eu des
progrès. Il en a, d'ailleurs, toujours été de même, et il y a eu
rarement de grands progrès dans une branche, sans qu'on ait eu
d*autre part, à constater quelque décadence. A travers toutes ces
vicissitudes, l'humanité n'en poursuit pas moins son évolution,
mais, il est bon quelquefois, de jeter les yeux en arrière, car c'est
dans le passé que l'on puise les plus précieux matériaux pour
l'avenir.
E. Michel.
QUATORZE LETTRES INÉDITES
DE
GRÈTRY
CONSERVÉES AU MUSÉE GRÉTRY, A LIÈGE
onsieur J. Th. Radoux, membre de TAcadémie royale
de Belgique, le savant directeur du Conservatoire
royal de musique de Liège, à l'initiative duquel on
doit la création d'un Musée Grétry, dans la ville natale du com-
positeur, est parvenu à y réunir, en moins de six ans, environ
cent objets ayant rapport à Fauteur de Richard Cœur-de-Lion *.
Parmi ceux-ci, nous citerons : un manuscrit j écrit entièrement
de sa main, chapitre XXX, 3^ volume, intitulé : Le malheur de
Vhomme est de n avoir que des demi-passions y 14 pages de o'" 19
sur o"^ 23 (cet article, était, sans nul doute, destiné à son ouvrage :
De la Vérité^ en 3 volumes) ; — une collection très intéressante
de portraits ; — une fort jolie miniature sur ivoire, par un artiste
inconnu, représentant Grétry à Tâge de dix-huit ans (don de
M. Terme); — une collection d'ouvrages concernant Grétry ; —
^ Le nom du donateur figure sur chaque objet.
— 393 —
une médailley frappée en 1842, à l'occasion de Tinauguration de
la statue de Grétry, à Liège ; — une tabatière, en argent, ornée
des attributs de la musique, ayant appartenu à Grétry ; — une
mèche de ses cheveux (don de son neveu Flamand-Grétry) ; —
une partition manuscrite et autographe de Topera « le Prisonnier
anglais « ; — dix partitions d'orchestre, de Grétry (don du Gou-
vernement belge) ; — un dossier très curieux, contenant une
correspondance de Grétry avec Madame Desbordes- Valmore ; —
nombre d'autres lettres de Grétry, etc., etc.
Emettons le vœu que les possesseurs d'objets se rapportant à
Grétr}'-, voudront bien seconder M. Radoux, dans l'œuvre patrio-
tique qu'il a entreprise, en les offrant au Musée Grétry.
* *
Les correspondances des hommes d'élite, comme le fait fort
judicieusement remarquer M. Charles Piot *, les font connaître
dans l'intimité. C'est à ce titre que nous reproduisons, in-extenso,
quelques-unes des lettres dont il a été question plus haut et qui
sont inédites, à l'exception de fragments des n^^ 4^, 7^, et 14^ 2.
N° I \
Grétry, membre de l'Institut national,
au Ministre de la Justice.
Citoyen Ministre,
Les artistes musiciens me sollicitent de faire imprimer une
méthode sur l'art d'improviser en musique, que je viens d'achever,
et ayant pour titre : Uharmonie musicale réduite à son principe,
^ Quelques If tires de la correspondance de Grétry avec VUzthumh. Bulletin de l'Académie
royale de Belgique, 2® série, tome XL, n°« 9 et 10, 1875.
'^ Gréh-y, par Verhulst. Liège, 1842. — Grétry ^ sa vie et ses œuvres^ par
Michel Brenet, ouvrage couronné par la classe des Beaux- Arts, dans sa séance
du 25 octobre 1883.
^ Don d'un anonyme, de Paris.
- 394 --
L'imprimerie de la République possédant seule d'excellents
caractères de musique, j'ose vous supplier de m'autoriser à y
faire imprimer (à mes frais), ce petit ouvrage, qui pourra contenir
quatre à cinq feuilles in-8°.
Salut et respect,
Grétry,
Boulevard des Italiens, n^ 340.
Paris, 25 nivôse an X.
Le ministre C. Abrial, écrivit en marge, au-dessus de sa signa-
ture, le mot : accordé.
N^ 2 '.
Monsieur,
Il y a longtemps que j'aurais dû vous remercier de la lettre que
Mgr le duc de Choiseul a eu la bonté d'écrire au prince de Liège ;
j'en attends des nouvelles et j'espère qu'elles seront bonnes.
Madame la comtesse de Chabot m'a fait l'honneur de m'écrire, à
son retour de Fontainebleau, pour s'informer de ma santé. Elle
m'a dit deux mots de votre part pour le voyage de la Rochegion.
Vous jugerez de moi, Monsieur, à votre retour à Paris, et si je
vous conviens tel que ma santé me permettra d'être, je serai bien
à votre service. Je ne vous écris jamais. Monsieur le comte, sans
vous demander une chose ou l'autre ; c'est encore où j'en suis
aujourd'hui.
Je voudrais bien savoir, Monsieur, à qui il faut que je dédie la
musique de ma parade qui va paraître dans huit ou dix jours. Je
ne connais personne qui en soit plus digne que vous, et je me
charge de le prouver dans ma lettre dédicatoire. On dit que la
musique de cette pièce est immortelle. Jugez, Monsieur, que si
elle paraît sous Tauspice du nom de Rohan Chabot, ma parade
sera une espèce de Père Eternel, qui aura été de tout temps. Je
m'aperçois cependant que je sors de mon diapason. Rohan peut-
^ Don d'un anonyme. Paris.
— 395 —
être très ancien; et ma pièce très moderne. Si vous daignez m'ac-
corder ce que je vous demande. Monsieur, je vous prie de me dire,
en me répondant, si vous voulez que je fasse mettre d'autre titre
que Monsieur le comte de Rohan Chabot. Je vous prie aussi de me
refuser sans façon, si vous en avez des raisons, telle que celle
d'éviter une foule d'auteurs importuns, qui cherchent sans doute
à vous dédier leurs ouvrages.
J'ai l'honneur d'être, avec le plus profond respect, Monsieur,
votre très humble et très obéissant serviteur,
Grétry.
P., S. — Il me reste de mon incommodité une petite toux, et de
la faiblesse qui diminue chaque jour.
Paris, ce vendredi 27 octobre 1769.
N ' 3 K
Il y a longtemps, mon cher cousin, que je désire un coin de
terre pour savoir où reposer ma tête ; je l'ai enfin, et j'ai le
bonheur d'être le sacristain d'un grand homme. Mais je ne fais
pas un pas dans Paris, qu'on ne me dise :
— Ayez des armes, des chiens, vous êtes fort isolé.
J'avoue même, que si l'hiver, lorsque mon crachement de sang
me survient, je ne pouvais me transporter à mon ermitage, je
n'en jouirais qu'imparfaitement.
Vous pourriez donc,vous, mon bon ami, et votre aimable asso-
cié, qui a trop d'esprit pour ne pas s'intéresser à un bon artiste,
me tirer de toute espèce d'inquiétude sur ma vie. J'ai deux mor-
ceaux de terre, en face de chez moi, que je vous donnerais; le
maçon du lieu, honnête homme, à ce que tout le monde m'assure,
demande dix mille francs pour bâtir deux maisons de vignerons
qui sont presque louées d'avance. Ledoux, l'architecte, veut en
faire les plans pour qu'elles soient jolies, sans en augmenter le
prix ; le maçon s'oblige de faire toutes les avances et de livrer les
1 Don de M™e la marquise de Péralta.
— 396 —
deux maisonnettes où il ne manquera pas même la crémaillière,
en lui payant un douzième par mois, pendant un an, qu'il donne
pour payer le tout. Si, pendant un an, quatre cent cinquante
livres par mois pour chacun de vous deux, n'étaient, comme je le
présume, qu'un objet de peu d'importance, mon bon ami, si, sans
abuser de votre amitié, vous pouviez me rendre ce service, vous
assureriez ma tranquillité, que je vous devrais, avec reconnais-
sance, le reste de ma vie. Je vous embrasse.
Grétry.
Paris, 7 vendémiaire an VII.
*
* *
Voici, enfin, onze lettres autographes de Grétry, adressées à
Monsieur Dumont,
notaire imp^
à Liège
dépt de rOurthe.
No 4.
J'ai vu avec plaisir. Monsieur et cher compatriote, le duo
liégeois que vous avez eu la bonté de m'envoyer. La composition
en est excellente ; c'est bien le chant qui convient aux paroles, et
la partition est claire et nette, sans affectation ni superfluité.
Recevez mes sincères remercîments, que j'irai vous faire ad
homineniy si j'ai le bonheur de retourner encore une fois dans ma
chère patrie, qui est à jamais gravée dans mon cœur. J'ai l'hon-
neur de vous saluer et de vous remercier.
Grétry.
Paris, premier février 1810.
— 397 —
N°5
J'ai reçu, mon cher compatriote, la partition liégeoise que vous
avez eu la bonté de me communiquer et qui est précédée d'une
lettre infiniment trop flatteuse pour moi. Notre jargon liégeois
est naturellement un peu burlesque; et vous avez eu de la peine,
j'en suis sûr, à varier vos motifs, l'espèce de fugue n° . est origi-
nale, et cadre très bien avec les paroles.
Recevez, je vous prie, mes remercîments, et assurez bien Mes-
sieurs Henkart, Bassenge et Fabry, que mon esprit et mon cœur
sont sans cesse au milieu d'eux.
J'ai l'honneur de vous saluer fraternellement et de toute mon
âme.
Grétry.
P, S. Je vous remercie de m'avoir procuré la connaissance de
M'^*^ Keppenne, qui est très aimable. Dites, je vous prie, à mon
ami Bassenge, que le prince-primat vient de nommer m.on neveu
de l'Académie de Francfort, avec 600 ^^ de pension, qui augmen-
tera. C'est l'ami Bassenge qui me l'a apporté de Liège à l'âge de
cinq ou six ans.
*
* *
M. Henkart, dont il est question dans cette lettre, avait fait une
cantate que M.Dumont avait mise en musique pour l'inauguration
de la Place Grétry. M. Bassenge, aîné, fit des couplets sur l'air du
vaudeville de la Fausse magie.
M. Fabry était bourgmestre de Liège.
N«6.
Mon cher compatriote.
Je viens de recevoir trois fois la Gazette de Liège ^ c'est vous
ou M. Henkart qui me les envoyez, je n'en doute pas ; et pour
- 398 -
augmenter ma reconnaissance envers vous deux, vous gardez
Tanonyme.
Ce n'est que depuis peu de jours, Monsieur et cher compatriote,
que je sais que vous avez fait les démarches auprès des autorités
de Liège pour faire réussir le projet de la place qui porte mon
nom, et qui rend ma mémoire impérissable dans la ville où je suis
né, et où je voudrais qu'un jour mon cœur fut transporté.
C'est par quelques Liégeois, qui sont venus à Paris et qui ont
appris à M. Colette, mon voisin et mon ami, que vous, M. Dumont
(que j'espère à l'avenir j'appellerai mon ami), que c'est vous,
dis-je, à qui je dois le tendre hommage qu'on daigne me rendre
dans ma patrie. Ils disent même que non content des peines atta-
chées aux sollicitations nécessaires dans toute affaire, vous poussez
la générosité jusqu'à vous charger d'une partie des frais indispen-
sables du monument. Faites-moi connaître, je vous prie, mon cher
compatriote, les obligations que je vous dois, mon cœur et mon
amitié pour vous les réclament. J'ai encore parcouru hier votre
partition d'opéra liégeois ; je ne puis vous payer ma dette qu'en
applaudissant. Lorsque j'eus l'honneur de vous répondre à ce
sujet, je crus parler à un confrère, un professeur en musique ;
vous êtes digne de l'être, mais vous faites plus, vous vous occupez
de ma gloire et vous ranimez ma vieillesse. *
Le II février prochain, j'aurai septante ans; que* ne puis-je
diminuer le. nombre de m^es années, pour aller vous embrasser. Il
me reste au moins l'espoir de vous connaître un jour personnelle-
ment et de vous voir à Paris. Recevez je vous prie, en attendant,
l'hommage de ma sincère reconnaissance^ que je vous voue pour
toute ma vie.
Grétry.
Paris, 6 décembre 1810.
N°7.
Vous ne cessez, mon cher ami, de vous occuper de moi; j'en
suis touché jusqu'aux larmes. Votre cantate, que je reçois, est
excellente, et cent fois au-dessus de ce que je puis mériter. Vous
voulez que j'aille à Liège pour le 11 février; oh mon ami! je puis
— 399 —
vous dire que je ne supporterais pas, ni le voyage, ni la cérémo-
nie, qui me touche de trop près. Chaque fois que je m'expose au
froid, je crache le sang; voilà où 55 opéras sortis de ma pauvre
tête m'ont réduits le jour de saint André. Une dame musicienne
a voulu me caresser un peu à votre manière. Après le concert,
j'ai craché le sang et j'en ai été malade huit jours; non, dans ma
bonne ville, au milieu de vous, j'étoufferais de joie et vous ne
voulez pas que je meure encore, de quelque manière que ce fût.
Adieu, mon digne ami, remerciez M. Andrieu et tous les Mes-
sieurs qui voudront bien prendre part à ma fête.
Je vous embrasse de toute mon âme.
Grétry.
Paris, 27 décembre 1810.
P. S. Quand j'aurai reçu le procès-verbal, je remercierai M. le
préfet et M. le maire.
N°8.
Je dois vous faire part, mon cher et digne ami, que je viens de
recevoir une lettre de M. le maire, à laquelle est joint l'arrêté du
Conseil municipal. Je vous dois (bons amis) l'immortaUté, et je ne
puis reconnaître vos bontés que par des vœux pour votre bonheur.
Je me plais à montrer votre cantate aux compositeurs de Parisj
ils enragent en lisant notre patois, qu'ils ne peuvent lire, et ils
sont étonnés qu'un notaire soit aussi bon musicien : tous les
notaires de Paris y disent-ils, ne savent pas deux notes.
Je vous embrasse de tout mon cœur.
Grétry.
Paris, 6 janvier 181 1.
N" 9.
Je reçois de votre part, mon cher confrère, un jambon qui est
plus gros qu'une partition en trois actes. Si ma santé revient
comme ci-devant, j'en goûterai en songeant à vous et à la douce
amitié que vous me portez.
— 400 —
J'espère bien aller encore une fois dans ma bonne ville, mais
pas clans cette circonstance ; je viens d'avoir d'ailleurs des accès
de fièvre qui m'ont cruellement fatigué. Vous, M^'^ Kepenne,
M. Henkart, causez tous mes regrets.
Vous êtes sans doute de votre société l'Émulation : dites-moi
donc si mon neveu est nommé associé. On l'a induit en erreur en
lui disant qu'il serait nommé avant que ses fables parussent ; le
jeune homme a marché trop vite; mais je serais mortifié, très
mortifié que ce fût un motif d'exclusion. Parlez-moi à cœur
ouvert sur ce point.
Adieu, cher ami, je vous embrasse bien tendrement.
Grétry.
Paris, i^"^ avril 1811.
N" 10.
Je viens vous tourmenter, mon cher confrère en Apollon.
Voulez-vous avoir la bonté de m'envoyer mon extrait baptistère,
bien dûment légalisé par M. le préfet; enfin, ce qu'il faut, vous
le savez mieux que moi !
J'ai été baptisé à Notre-Dame-aux-Fonts , proche Saint- Lambert ^
le II février 1J41 ; je suis vieux, comme vous voyez; priez
M. Bassenge de vous remettre les frais, que je lui rendrai à son
retour à Paris. L'amitié que vous avez la bonté de me témoigner
sans cesse me fait peut-être abuser des sentiments que j ai le bon-
heur de vous inspirer ; mais cette pièce m'est nécessaire dans ce
moment, et je m'adresse à vous comme à mon ami, que j'embrasse
de toute mon âme.
Grétry.
Paris, 17 avril 181 1.
P. S. Ma santé commence à se raffermir; le beau temps fera le
reste, je l'espère.
40I
N° II.
Mon cher compatriote et cher ami, j'ai reçu une lettre de
M. Henkart qui me dit que j'ai dû recevoir de vous de la musique ;
sans doute celle que vous avez eu la bonté de faire sur son
hymne, digne de la plume de Jean-Baptiste Rousseau.
Je n'en ai pas de nouvelles, cher ami, je ne Tai pas reçue cette
musique et je désire la connaître. C'est un des plus chers témoi-
gnages de l'amitié de mes deux bons amis, que j'aime pour la
vie. Informez-vous donc, et faites-la moi parvenir par la première
occasion .
Je vous embrasse de toute mon âme.
Grétry.
A l'Ermitage, 2 septembre 181 1.
Dans huit jours je serai de retour à Paris.
No 12.
Point de nouvelles du courrier, mon cher ami. Je vous envoie
un mot par M. de Fossoul. Je vous remercie d'avoir si bien réussi
dans l'affaire de mon neveu ; il est en campagne, il vous remer-
ciera lui-même à son retour.
Vous voulez des nouvelles de ma santé ; eh bien, j'ai vomi le
sang fort joliment il y a un mois ; je suis encore faible ; mais je ne
puis mourir de cette maladie, qui est aussi vieille que moi, elle a
commencé à Liège, sur le Pont des Arches, et j'avais alors quinze
ou seize ans ; elle date de loin, comme vous voyez.
Je vous embrasse mille fois.
Grétry.
Paris, le 14 septembre 181 1.
26
— 402
No 13.
Je reçois enfin, cher ami, votre cantate, que vous m'annoncez
depuis si longtemps ; c'est, j'imagine, la première copie qui aura
restée égarée. Elle restera plus longtemps, croyez-moi, dans les
archives de ma famille ; elle attestera à mes neveux vos talents et
votre rare amitié pour moi. Je vous remercie des peines que vous
a donné mon neveu. M. Rouvroy me mande qu'il engagera sa
société d'annoncer à mon neveu sa réception; je ne crois pas
qu'il puisse la remercier avant cette annonce officielle.
Remerciez, je vous prie, M. Rouvroy : il m'avait écrit le pre-
mier, mais sa lettre est restée à l'ermitage, c'est pourquoi je ne
lui ai pas répondu. Je vais me délecter avec votre cantate, que
je ferai voir aux compositeurs de Paris, pour leur prouver qu'il
y a dans mon pays des notaires amateurs de musique, quoiqu'il
n'y en ait pas ici.
Je vous embrasse cent fois de tout mon cœur.
Grétry.
Paris, 20 septembre 181 1.
M. Rouvroy, dont parle la lettre, est l'auteur d'un chant sur
l'air du quatuor de Lucile : « Où peut-on être mieux, etc. «
N" 14.
Je suis toujours Liégeois par le cœur, mon cher ami ; voulez-
vous bien avoir la bonté de m'inscrire pour un louis dans la
collecte que l'on fait pour nos malheureux bouilleurs ? Priez
M"'^ Bassenge de vous remettre cette somme, queje restituerai à
son mari, lors de son arrivée à Paris.
Il paraît ici un dictionnaire des musiciens ; j'ai vu avec plaisir
que le célèbre Dumont, dont on conserve la messe, était né près
de Liège. Si vous êtes son parent, mon ami, vous tenez de la
famille. Je vous embrasse tendrement, et de tout mon cœur.
Grétry.
Paris, 10 mars 1812.
— 403 —
Cette série de lettres est suivie de Tintéressaiite missive sui-
vante :
Paris, le 24 septembre 1813.
Monsieur,
Nous vous annonçons la mort de noire très cher oncle, Mon-
sieur Grétry. Il est décédé ce matin, à onze heures, avec toute la
sérénité d'un sage. Nous perdons un tendre père, jugez de notre
douleur.
Nous avons l'honneur d^être. Monsieur,
Vos tout dévoués, les neveux
et nièces de Monsieur Grétry.
La lettre porte l'adresse suivante :
A Monsieur,
Monsieur Dumont, notaire
à Liège,
(très pressé.)
*
« *
Les lettres n° 4 à 14, ainsi que celle qui fait part du décès de
Grétry, sont réunies dans une élégante reliure en basane verte,
avec inscriptions dorées sur plat. L'intérieur porte un ex-lihrîs
de M. A. de Witte, de Liège (1880).
Le nom du généreux donateur : M. Antonin Terme, actuelle-
ment directeur au « Musée de Lyon w , y figure.
S. De Schryver.
Bruxelles, le 8 juin 189 1.
LE
TUMULUS BELGOROMAIN
de Lennick-Saint- Quentin K
e but de cette note est de consigner ici, avec certains
détails, une découverte archéologique intéressante qui
a eu lieu il y a quelques années à Lennick-Saint-
Quentin.
Un vaste tumulus se voyait, autrefois, sur le territoire de cette
commune, en un champ 'situé près de
Téglise. Il portait, sur un titre de
J^ ^=^ "i"":"^^:}"; "''^"^ propriété de 1840, le nom caracté-
h w/a~Vé r~A~^^^^^ ristique de Tuyiherg ou Doodtberg,
Montagne de la mort ou du mort, ou
encore Montagne mortuaire.
Actuellement il n'en reste plus
rien, car il a été entièrement trans-
formé en briques !
Les vieilles gens disent qu'en 1809
^ ^ , ^^j V« 1 le tertre était encore gazonné et aussi
A. Emplacement du bûcher. 1, i-
B Station. élevé que la voûte de 1 église, soit
C. Maison De Beckcr. 12 à 15 mètres environ.
DDD. Périmètre probable du tumulus.
1 A 1.500 m. de la voie romaine de Bavai à Assche.
— 405 ^
En 1859-1860, on y a fait des travaux de déblaiement, et on a
emprunté au tumulus l'argile nécessaire à la fabrication de près
d'un million de briques pour la restauration de Péglise. Le
tertre, ainsi diminué, a pu être mis en culture, et la charrue en
a poursuivi le nivellement durant de longues années.
La butte ne s'élevait donc plus qu'à i m. 50 au-dessus des
champs voisins, lorsqu'au mois d'avril 1887, elle fut rasée complè-
tement et les terres furent employées à confectionner, à pied
d'œuvre, les briques destinées à la construction de la gare du
chemin de fer vicinal de Bruxelles à Enghien ^.
En exécutant ce travail, on a mis au jour une sorte de grossier
pavé, de 17 mètres de long sur 2 mètres de large, constitué d'in-
formes moellons, de différente nature ^, et de nombreux frag-
ments de tuiles à rebords, le tout engagé dans une terre noire
mélangée de charbons de bois.
COUPE DU TUMULUS
A Terre rapportée fornîant le tumulus.
B Ancien sol cultivé.
C Moellons, débris calcinés, os, etc.
D Limon en place.
On a recueilli sur ce pavement, qui occupait à peu près le
niveau du sol ancien, beaucoup d'ossements d'animaux (bœuf et
porc) ; un tesson de vase très commun, à deux petites anses ;
d'autres fragments informes de poteries grossières ; un morceau
de bronze fondu, du poids de 200 grammes ; la moitié d'un fer à
cheval qui dénote un sabot de petite dimension ^ ; une hache en
silex poli, longue de 12 cent, et large, au tranchant, de 6 cent.
2 mijl.; des blocs de calcaire partiellement ou totalement calci-
nés; un morceau de minerai de fer très pesant, et un tesson de
verre. Lors de ma visite, j'ai recueilli moi-même, sur l'emplace-
1 Outre la gare de Lennick-Saint-Quentin, toutes les constructions qui se trou-
vent le long de cette ligne ont été élevées avec les briques du tumulus.
2 On a reconnu parmi ces moellons : le calcaire carbonifère, le grès panisélien,
le calcaire fossilifère laekénien ou wemmélien, l'arkose de Lembecq, le poudingue
diestien, le schiste silurien et un morceau de ciment romain.
^ Des fers absolument semblables se voient dans les collections d'objets romains
du Musée de Trêves.
-^ 4o6 —
ment du tumulus, un fragment d*une poterie jaunâtre assez fine,
évidemment romaine et décorée de lignes ondulées *.
C'est M. G. Velge, ingénieur et bourgmestre de Lennick-
Saint-Quentin, qui m*a fourni, avec une obligeance et un désin-
téressement auxquels je ne saurais assez rendre hommage, tous
les renseignements qu'il avait recueillis, pour ainsi dire, jour par
jour, au moment des travaux.
Son opinion est qu*on a d'abord fait un pavement de pierres
grossières sur lequel on a construit et allumé un vaste bûcher ^
dont les cendres se retrouvent avec les pierres ; cette opération
a été suivie, comme de coutume, d'un repas, puis on a élevé
un tertre sur le tout.
M. G. Velge a observé encore, à 2 ou 3 mètres de l'extrémité
du pavement, dans la direction de la place, une accumulation de
terre végétale de couleur sombre, ayant 2 m. 50 environ de lar-
geur sur I m. 52 de profondeur, indiquant un ancien fossé com-
blé. Il a trouvé dans ces ramblais, à i m. 12 de la surface, un fer
à cheval complet, semblable au premier, et plus bas, à la base du
dépôt et reposant sur le limon en place, un fragment de tuile à
rebords.
Il a constaté un peu plus tard, dans la cave de la station et par
conséquent du côté opposé, l'existence d'un ravinement à peu
près longitudinal aux voies.
Enfin, il a cru remarquer également dans les fondations de la
nouvelle maison du sieur De Becker, les traces d'un fossé de
13 mètres de long se dirigeant vers le mur du cimetière.
Ces ravinements semblent résulter des emprunts de terre qui
ont été faits pour élever le tumulus.
* *
En l'absence de tout indice de caveau funéraire, ne pourrait-on
point émettre ici l'hypothèse d'un tumulus purement honori-
fique?
M. G. Velge est un géologue distingué, partant plus à même
* Ces objets se trouvent chez M. G. Velge.
* 11 est certain que pour calciner des blocs de 3 a 4 kilos, comme ceux que
M. G. Velge a rencontrés, il fallait un feu large et violent.
— 407 —
que quiconque d'interpréter convenablement une coupe de ter-
rain. L'hypothèse d'un tertre recouvrant simplement la place du
bûcher, alors que les ossements calcinés du défunt auraient été
recueillis et déposés en un autre endroit, hypothèse basée sur
une observation minutieuse des circonstances de la découverte,
est d'autant plus admissible que le fait ne serait pas isolé, car
M. Schuermans a observé la chose à plusieurs reprises au cours
de ses fouilles *.
Quoi qu'il en soit, nous devons nous estimer heureux de possé-
der des renseignements précis sur une découverte intéressante
qui, sans les soins de M. G. Velge, aurait sans doute passé
inaperçue.
Bruxelles, 2 décembre 1890.
B"'^ Alfred de Loë.
I « Deux des Dry-tommen, une des Twee-tommen, ont déjà révélé un premier
mode de tertre ayant pour unique destination ou de couvrir la place où fut le bûcher
ou de rehausser par leur présence l'importance du tumulus contenant la sépulture,
comme si l'on avait voulu, par plusieurs amoncellements, donner la monnaie d'un
plus grand
II se pourrait aussi que des tumulus eussent été élevés en l'honneur d'un person-
nage dont le corps n'aurait pas été retrouvé ou dont les cendres auraient été transportées
ou recueillies en un autre endroit : tels sont les tertres élevés en l'honneur d'Hector,
de Deïphobe, de Drusus, d'Alexandre Sévère, etc., monuments sur lesquels, totit
vides qu'ils étaient, on observait les solennités des funérailles appelées a imaginaires ->■).
(H. Schuermans. Exploration de quelques tumulus de la Hesbaye, dans le Bullet. des
Comm. roy. d'Art et d'Archéol.)
LES TOMBEAUX
DE RR. PP. JÉSUITES
découverts sous la cour de l'ancien Palais de Justice de Bruxelles
(rue de Ruysbroeck)
onsieur de Brandner a attiré l'attention de .la Société
d'Archéologie de Bruxelles, sur certains souterrains qui
existent au-dessous de la cour de Tancien Palais de
Justice de Bruxelles, et qui renferment des sépultures pré-
sentant de rintérêt.
Au mois de novembre 1889, une commission fut nommée pour
procédera des fouilles ; elle était composée de MM. P. Combaz,
de Munck, de Brandner, P. Saintenoy et E. Van der Smissen,
membres. Cette commission se mit immédiatement à l'œuvre et
eut l'honneur de vous faire, par l'organe de M. de Brandner, son
rapporteur, une première communication dans votre séance du
4 mars 1890.
Les fouilles n'étaient pas entièrement terminées à ce moment,
et il était nécessaire d'attendre, avant de vous présenter un rap-
port complet ; c'est de ce soin que je m'acquitte aujourd'hui.
Lorsque, pénétrant dans la cour du Palais, par l'entrée située
— 409 —
rue de Ruysbroeck, on se dirige vers Tangle nord-ouest, c'est-à-
dire vers celui qui est le plus voisin du péristyle donnant sur la
place Gendebien, on passe au-dessus du dépôt mortuaire qui fait
Tobjet de ce rapport. On a accès dans les caveaux par les souter-
rains du Palais, en suivant des couloirs étroits et obscurs, situés
à des niveaux différents et recoupés de distance en distance par
des réservoirs remplis d'eau qui en rendent Taccès assez dan-
gereux, si Ton n a pas soin de se munir de moyens d'éclairage.
Ces réservoirs remplis d'une eau claire et limpide, provenant
des sources du Ruysbroeck, servent-ils encore aujourd'hui à
quelque chose ?
Nous laissons, à d'autres de nos confrères le soin d'éclaircir ce
point, qui est en dehors de la question que nous traitons mainte-
nant, mais il est permis de pencher pour la négative, eu égard à
la présence des matières organiques en décomposition, que doit
nécessairement leur fournir le voisinage du cimetière.
Les Jésuites arrivèrent à Bruxelles sous le gouvernement du
prince de Parme, en 1586, et leur premier établissement était
situé rue Terarken ; mais ils n'y restèrent pas longtemps, car dès
l'année suivante (1587), on les voit acheter une maison adossée au
Sablon,
En 1589, ils font l'acquisition de la maison de Grimberghe,
avec jardin, cour et étang, située rue de Ruysbroeck, entre la rue
du Dcmi-Bonnier (rue de la Paille) et l'enceinte (du côté de la rue
d'Or), et bientôt de nouvelles acquisitions agrandissent leur
domaine du côté intérieur de la ville.
En 1604, ils achètent le refuge de Cambrai, où ils établissent un
collège qui prospéra pendant longtemps. Mais il leur manquait
une église ; des donations particulières en firent les frais et, la
même année (1604), les archiducs Albert et Isabelle posèrent la
première pierre de l'édifice.
« Cette construction, dit M. Wauters, rencontra de grandes
diiîicultés parce que le terrain était humide et qu'il fallut abattre
quatorze maisons. »
<' En 1608, les travaux sont interrompus à cause des malheurs
des temps et I'du construit provisoirement une chapelle domes-
tique dédiée à la Vierge, et dont la consécration a lieu en 1609.
Cette chapelle était située rue de Ruysbroeck.
— 4IO —
« En 1614, on reprit les travaux de l'église, mais, à plusieurs
reprises, les fonds manquèrent de nouveau et Téglise terminée
en 1626, ne fut consacrée qu'en 1627.
« L'architecte en était J. Francart.
« La tour ne fut élevée qu'une trentaine d'années après.
« Comme à l'endroit où l'on voulait élever sa base, se trouvaient
les réservoirs d'eau de source appartenant à la ville, il fallut aux
religieux une permission commune, w
Celle-ci leur fut accordée en 1660, et la tour fut terminée
en 1661.
C'est après cette époque que furent probablement faites les
substructions remises au jour par les soins de notre Société, car,
si l'on en juge par les épitaphes retrouvées, les premières inhu-
mations y datent de 1690.
Ainsi que nous le disions plus haut, on remarque dans ces sous-
sols des réservoirs remplaçant probablement ceux qui avaient été
supprimés en 1660.
L'ordre des Jésuites ayant été supprimé, le couvent et l'église
furent fermés en 1773.
En 1777, on reconstruisit les bâtiments pour l'établissement de
la Commission royale d'études, et plus tard (1783) pour l'installa-
tion du collège Thérésien. Joseph II y établit momentanément
les facultés de droit, de médecine et de philosophie de l'Univer-
sité de Louvain.
A l'époque de la Révolution, l'église fut, pendant les années
1792-93, le lieu de la réunion de la Société « les Amis de la liberté
et de l'égalité «, elle fut ensuite convertie en magasin militaire et
enfin démolie en 1812.
Pendant la domination française, le couvent et le collège avaient
d'abord servi de caserne, puis d'hôpital. En 1810, ils devinrent la
propriété de la Commune et furent, dès 1816, affectés au service
des tribunaux.— C'est en 1823, que l'on éleva le péristyle, place
Gendebien, et, en 1843, que l'on construisit le bâtiment situé au
milieu de la cour intérieure.
Quant à l'ancien refuge de Cambrai, il est redevenu propriété
privée depuis le siècle actuel, et il est occupé aujourd'hui par Tim-
primerie Mertens, rue d'Or. On y remarque encore quelques frag-
ments de galeries à colonnes, restes de son ancienne splendeur.
- 411 —
Les inscriptions relevées sur les tombes sont les suivantes :
1690 à 1773. — Pierres restées en place ou retrouvées à terre dans la
crypte.
I. H. S. ObiitP. Guiliemus Hesius, 4 Marti 1690.
I. H. S. Obiit Joannes Zeghers, 5 Aug. 1695.
f Obiit Antonius Six, 19 Maij 1696.
f Pater Guilielmus Arnhauts, obiit 26 octobris A** 1701.
t F. Petrus Poppe, obijt 30 Julij A° 1703.
t Fraterlgnatius Minnekrede, obiit 17 September 1703.
f M. Henricus Willa^^s, obiit 27 Julij 1705.
t F. Florentius Wael, obiit 3 Martij 1708.
t lofF^ loanna Maria Anthoine G. D., obijt 31 maij 1710.
f F. loannes Van Ouwenhuyze, obijt 23 matij 1746.
f F. Petrus Matthaei, obijt 9 Januari 1747.
f P. Engelbertus Bultijnck, obijt 5 çber 1748.
f F. Petrus Breydel, obijt i y^er 1749.
f R. P. loannes Bapta Causse, obijt 31 mert 1750.
f P. I...anes Batista La Force, obiit 7 Junius 1751.
f F. Adrianus Ceulemans, obijt 29 S^^^e 1752.
f F. Carolus de Swaef, obijt 26 meij 1753.
■f F. Cornélius De Wersier, obijt 26 Ocibris 1754.
t Famulus Joannes Eliaerts, obiit 15 maij 1755.
t F. Albertus Delplancken, obijt 7 S^Ris 1755.
t P. Michael Janssens, obiit 27 Aprilis 1756.
f F. Petrus Carette, obiit 20 8bris 1760.
f F. Balth. Parasiers, obit 1762.
f F. Joannes Goos, obiit 8 Dec. 1762.
t Tobias Matteus, famiiliis. obiit, 26. Feb: 1763.
f P. Henr. Henrici, obiit 2 aug. 1763.
f P. Petrus Haeyaert, obiit 17 Maii 1765.
f P. Franciscus Le leune, obiit 26 aug. 1769.
f F. Joannes Baptista van Hasselt, obiit 23 maii 1770
f P. Bartholomaeus Waersegere, obiit 7 februarii 1773.
R. l. P.
t F. Christianus Van Hasselt, obiit 22 Junii 1773. R. L P.
La crypte se trouve sous la cour et s'étend en partie sous
les pilastres du portique ouest ; le sol en est situé à 5"^20 sous le
niveau de la cour.
— 412 —
Une galerie avec annexes, à laquelle on avait accès par un
escalier venant de l'ancienne chapelle, située rue de Ru3^sbroeck,
servait probablement de dépôt mortuaire avant Tinhumation.
De cette chambre, on pénétrait dans la crypte par une porte
basse et étroite, dont on retrouve encore les gonds d'attache.
La crypte était de forme rectangulaire. Deux de ses faces ser-
vaient d'emplacements pour les cercueils.
Les inhumations se faisaient dans des niches en maçonnerie
superposées en rangées de trois ou quatre et accolées les unes
aux autres comme dans les cryptes- actuelles de nos cimetières
de Laeken, de Saint-Gilles, etc.
Le cercueil en bois étant introduit dans la niche, on murait
rentrée par une dalle de forme carrée, placée en diagonale, et
rappelant les noms et prénoms du défunt, la date de sa mort et
ses fonctions dans la Compagnie.
Les sépultures découvertes dans la crypte sont au nombre de
vingt-neuf, mais elles devaient être plus nombreuses autrefois.
En effet, d'abord en 1812, lors de la construction des galeries qui
entourent le palais, on a été obligé de démolir quelques tombes
pour l'établissement des fondations de l'un des piliers de sup-
port. A la fin du siècle dernier, lors de la création du Collège
Thérésien (1773), ^^ construction des souterrains de cette partie
du bâtiment a nécessité aussi, pensons-nous, d'après -les indices
recueillis, l'enlèvement d'une partie peut-être notable des
tombes.
En effet, on constate que les inhumations commencent en 1690
et s'arrêtent momentanément en 17 10, pour ne reprendre qu'en
1746 et finir en 1773, année même delà suppression du couvent.
Peut-on admettre que cette interruption a été voulue ? Nous
ne le pensons pas, et dans la négative nous demandons ce que
sont devenues les sépultures faites dans la période de 17 10 à
1746.
D'ailleurs, nous l'avons constaté, le cimetière a été violé anté-
rieurement, ainsi que l'indiquent, et les pierres tombales enlevées
et reléguées dans les coins de la crypte, et la fermeture de cer-
tains caveaux par un revêtement de ciment remplaçant la pierre
tombale. Comment expliquer autrement que les pierres recueillies
à terre dans la crypte, et un peu partout dans les locaux du palais
— 413 —
de justice, où certaines d'elles étaient employées comme pave-
ment, sont plus nombreuses que les sépultures retrouvées en
place ?
Enfin, les fouilles faites de l'autre côté du corridor, ont montré
des caveaux noyés dans l'épaisseur du mur de séparation, avec
arrachement au point de contact ; la partie ouest du cimetière ne
s'arrêtait donc pas en ce point, mais elle se prolongeait au delà,
vers le chevet de l'ancienne église, sous les bâtiments du Collège
Thérésien.
Nous avons retrouvé aux Archives du Royaume le plan des
souterrains de ce collège signés par l'architecte J.-F. Wincqz, le
20 janvier 1783 (Plans manuscrits n^ 28050) ; ce plan des souter-
rains correspond entièrement avec le plan relevé par nous sur
les lieux.
C'est donc bien à la fin du siècle dernier qu'il faut faire remon-
ter la suppression d'une partie du cimetière souterrain des Pères
Jésuites de Bruxelles.
Quant à la biographie de ces Pères, elle présente bien peu
d'intérêt ; notre excellent confrère, M. Vandersmissen, qui a bien
voulu faire des recherches à ce sujet, n'a rien trouvé de bien
intéressant. Les notes qu'il a recueillies apprennent, par exemple,
que le P. Henri Henrici s'appelait de son vrai nom Henri Ferdi-
nand Du Fumier ; que le nom du P. Wilays s'orthographiait
Willaeys, celui du P. Le Jeune, Le Jeusne, etc.
Le seul personnage de quelque mérite est le P. Hesius qui y
fut enterré en 1690. L'architecte Guillaume Hésius travailla à
l'église des Jésuites à Anvers, église dont la façade a été impro-
prement attribuée à Rubens. On doit également à Hesius, l'église
des Jésuites de Louvain, commencée en 1650 et consacrée
en 1666 *.
Nous joignons à la présente notice, et afin de rendre plus
claires les explications qui précèdent, des plans et figures, qui
remettent en lumière, quelques détails intéressants relatifs au
Bruxelles souterrain encore en partie inconnu ^.
1 Voir, au sujet du P. Hesius, Schcy, Histoire de l'influence italienne sur Vatchitec-
iure des Pays-Bas, p. 375 et 376.
2 Ces plans et dessins ont été déposés dans les archives de la Société.
(Note de la commission des puhlicationsj .
— 414 —
Ce sont :
1° Les plans et coupes, relevés sur les lieux, de la crypte sou
terraine de Tancien Palais de Justice ;
2° Deux vues des souterrains et le fac-similé de la pierre tom
baie d'Hesius. Ces dessins ont été faits d'après les photogra
phies au magnésium, de notre confrère et ami, M. de Brandner
3° Une vue perspective de cette partie du couvent des Jésuites
extrait du « Grooi kerkelyk tonneel des hergtogsdom van Brabant^
par le baron Jacques Le Roy, La Haye, 1727. «
Bruxelles, le 30 mars 1891
Paul Combaz.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
Séance mensuelle du lundi 6 avril 1891.
Présidence de M. le comte Goblet d'Alviella, président ^
a séance est ouverte à 8 heures.
Cinquante-deux membres sont présents ^.
M. le Secrétaire-général donne lecture du procès-verbal de la dernière
séance (Adopté).
Correspondance. — L'Institut archéologique liégeois et la Société
chorale et littéraire « Les Mélophiles » de Hasselt, demandent à échanger
leurs publications contre les nôtres (Adopté).
Le docteur Wilhelm Dôrpfeld remercie pour sa nomination de membre
d'honneur et assure la Société de sa collaboration et de son entier dévoue-
ment.
M. De Schryver s'excuse de ne pouvoir assister à la séance.
1 Prennent en outre place au bureau : MM. Cumont, P. Combaz, Destrée,
P. Saintenoy, baron de Loë, de Raadt, de Munck, Plisnier et Paris.
2 Ont signé la liste de présence ; Madame Daimeries, MM. Hecq, Schweisihal,
Colles, De Backer, Van Havermaet, Jefferys, Ronner, Mahy, Poils, Van der Rit,
Puttaert, C. Heetveld, comte G. de Looz-Corswarem, Dillens, Haumann, Lavalette,
comte F. van der Straten-Ponthoz, N. Préherbu, Vcrbuecken, Ranschyn, G. de
Brabandere, Titz, C. Goffaerts, Arm. de Behault de Dornon, Michel, Van Gelé,
baron T. de Jamblinne de Meux, R. Van Sulper, E. de la Roche de Marchiennes,
E. Nève, Aubry, Ch. de Ro, Hannoy, Muls, Rutot, G. Combaz, le comte M. de
Nahuys, Ed. Baes et le baron H. de Royer de Dour.
— 4i6 —
Dons et envois reçus. — VJdler, le Bediner Gesellschaft fur Anthopo-
ogie, ÏOjfice de publicité, la Revue bibliographique belge, V Institut ai chéologique
liégeois, Mélusine, VIvtermédiaire, V Excursion, VAmi des Monuments, la Dietsche
Warande et V Allgemein familieblad envoient leurs publications.
MM. le comte Goblet d'Alviella, Cumont, Bertolotti, de Raadt,
P. Saintenoy, Van Gelé et Arm. de Behault de Dornon, font don de livres,
de brochures, de journaux et de photographies ; M. le comte G. de
Looz oftrc à la Société, une belle série de cachets en cire.
Madame veuve Schliemann fait parvenir le compte rendu des dernières
fouilles pratiquées à Hissarlik, par feu M. Schliemann. {Remerciements.)
Élection de membres. — Madame la comtesse Ouvaroff, présidente
de la Société impériale archéologique de Moscou, et Son Excellence Mon-
sieur de Burenstam, ministre plénipotentaire de S. M. le Roi de Suéde et
Norvège, près S. M. le Roi des Belges, sont nommés membres correspon-
dants. •
Madame Orban, MM. le Heutenant van Baerle, Cadot-Paltzer, Charle-
Albert, De Mot, le comte de Fleury, A. Hannay, L. Leclère, A. Ronner et
M. Zuloaga y Tovar, sont nommés membres effectifs.
Exposition. — I. Le Panorama restitué de Rome, au temps de Con-
stantin (P. Saintenoy).
II. Une trentaine de poteries restaurées provenant du cimetière franc
d'Elouges (collection de Bove) (Commission des fouilles).
III. Plan des substructions de l'ancien couvent des Jésuites, xvii"^ siècle
(P. Combaz).
Communications.
M. Cam. Goffaerts. — Les stalles de l'abbaye d'Averbode.
M. P. L. DE Gavere. — Deux portraits attribués a Holbein, repré-
sentent-ils Nicolas d'Aubermont et Jeanne de Gavre, sa femme ? (Lecture
par M. de Raadt).
M. P. Combaz. — Les tombeaux des R. P. Jésuites a l'ancien Palais de
Justice de Bruxelles (rapport de la Commission des fouilles).
M. P. Saintenoy rappelle que le jésuite Hésius, dont on a retrouvé la
tombe sous l'ancien Palais de Justice, a été un architecte remarquable.
On lui doit les plans de l'église des Jésuites à Anvers (éghse Saint-Charles).
On ne saurait assez insister sur la beauté de la silhouette de la tour de ce
monument.
M. G. Hecq. — Documents pour servir a l'histoire de la Ballade
(exécution de Ballades notées).
— 417 —
M. DE Raadt. — Mémoires d'Herman de Woelmont.
M.Destrée. — Le retable de Saluces. Cette pièce remarquable, dit
l'orateur, constitue un ensemble complet, et peut être rapportée aux pre-
mières années du xvie siècle. On a voulu l'attribuer à l'auteur du retable
de Lombeek-Notre-Dame, mais, tout au plus peut-on les restituer au
môme atelier. Notre confrère termine en émettant le vœu que cette œuvre
d'art, exposée à l'hôtel du Grand Miroir, ne quitte plus le pays et que le
Musée communal de Bruxelles en fasse l'acquisition i.
La séance est levée à lo heures 1/2.
Séance mensuelle du lundi 4 mai 1891,
Présidence ^^ M. G. Cumont, vice-président
a séance est ouverte à 8 heures.
duarante-quatre membres sont présents 3.
M. le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la dernière
séance. (Adopté).
Correspondance. — Son Excellence M. Ch. de Burenstam, MM. Zu-
loaga y Tovar et L. Leclère remercient pour leur nomination de membres
correspondant et effectifs.
Le Kaiser!. 'Kœnigl. œsterr. Muséum fur Kunst und Industrie, de Vienne, an-
nonce l'envoi de ses publications.
VAllg. Geschichisforschende Gesellschafl der Schweii, le Bulletin des Commissions
royales d'Ati et d'Archéologie et V Association pour renseignement des sciences anthro-
pologiques acceptent d'échanger leurs publications contre les nôtres. Le
Verein fur Geschichte und Alterthumskunde Tji Frankfurt a. M. accuse réception
du t. V de nos Annales et de notre Annuaire pour 1891.
^ Ce vœu n'a malheureusement pu être réalisé, malgré les démarches tentées
auprès des administrations publiques compétentes.
2 Prennent en outre place au bureau : MM. P. Combaz, J. Destrée, P. Sain-
tenoy, le baron de Loë, de Munck, de Raadt, Plisnier et De Schryver.
^ Ont signé la liste de présence : Madame Daimeries, MM. Winckelmans,
le chev, Diericx de Ten Hamme, Puttaert, Van der Rit, C. Heelveld, G. Lavalettc,
le comte de Nahuys, Schavye, le général Capelle, P. Verhaegen, Poils, Van den
Bussche, le vicomte Desmaisières, H. Francart, le comte F. van der Straten-Pon-
thoz, Hecq, Arm. de Behault de Dornon, Van Havcrmaet, Pourbaix, V. Allard,
P. Sheridan, A. -J. Malfait, J. Malfait, De Schodt, Verbuecken, Papleux,
Weckesser, C. Dons, H. Préherbu, De Ridder, Clerbaut, Ronner, Nève et Titz.
27
— 4i8 —
M. de Mortillet remercie la Société pour l'accueil qu'elle a fait aux
auditeurs de son cours, lors de leur excursion en Belgique.
VUfiïon des Arts décoratifs de Belgique remercie la Société du prêt des
frottis de pierres tombales qu'elle lui a fait pour son exposition.
La Société royale de Numismatique de Belgique accuse réception et remercie
de la lettre que notre Compagnie lui a adressée pour la féliciter de son
jubilé semi-séculaire.
M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction publique nous fait con-
naître qu'il ne peut donner une suite favorable à notre lettre du 12 avril,
par laquelle nous exprimions le vœu que le gouvernement mette à notre
disposition, à l'effet d'y installer nos collections, l'ancienne chapelle Saint-
Georges, rue Montagne-de-la-Cour, ce local devant être mis prochaine-
ment à la disposition de l'administration des Archives générales du
royaume.
Dons et envois reçus. — MM. le comte de Nahuys et Th. de Raadt
font don de livres et de brochures. MM. le baron de Loê et Poils déposent
dans les collections de la Société, des objets francs (armes et ustensiles en
fer, fibule, boucle et collier) provenant des environs de Bruxelles.
Élection de membres. — MM. W. Schonlang et van de Velde-van
Zuylen sont nommés membres honoraires.
MM. le général Capelle, F. Du Bois, le baron de Haulleville, Hippert,
Ed. Vander Straeten et C. Winckelmans sont nommés membres effectifs.
MM. S. de Burbure, M. Jefterys et E. Van den Bussche, artiste peintre,
sont nommés membres associés.
Excursions. — En vertu de l'art. 87 des statuts, le bureau soumet à
l'approbation de l'assemblée le programme d'excursions pour 1891-92.
Ce programme comprend : cet été, une visite à Anderlecht et Forest
et une excursion à Alost, et, l'hiver prochain, des visites aux églises des
Riches-Claires et de Bon-Secours, ainsi qu'au Musée des Échanges interna-
tionaux (Adopté).
La Société Archéologique de Charleroi invite nos membres a participer
à l'excursion qu'elle compte faire le jeudi 7 mai à Mariemont et Mor-
lanwelz.
Exposition. — I. Dinanderies (M, Michel).
II. Inventaire d'un mobiUer et d'une bibliothèque, de 1489 (M. de Raadt).
III. Instrument de médecin trouvé à Villers-devant-Orval, dans une
tombe franque (M. Cumont).
IV. Vases francs et belgo-romains restaurés (collection De Bove).
— 419 —
Comm unications .
M. Arm. de Behault de Dorkon. — Le méreau de la fondation de Henri
DE Monsenaire et DE Jeanne Cantineau, son épouse. (1667).
M. De Schodt donne d'intéressants détails à propos des méreaux.
M. Sheridan croit voir dans l'un des personnages représentés sur le
méreau, un saint, et non une sainte, vu que la coiffure semble être une
mitre, caractéristique incontestable d'un prélat.
M. de Behault défend l'opinion émise par lui et qui est partagée par
plusieurs membres.
M. H. Préherbu. — L'Historia diplomatica de Pierre a Thymo.
L'orateur ayant exprimé le vœu de voir publier les parties essentielles
du manuscrit de Pierre a Thymo, M. de Raadt l'engage à entreprendre lui-
môme cette publication. Pour compléter les détails connus sur la vie de
ce personnage, M. Préherbu pourrait consulter utilement les archives de
l'église Sainte-Gudule qui renferment, entre autres, son testament, les
actes relatifs à ses prébendes, etc.
On a dit que Pierre a Thymo avait été enterré prés du chœur du Saint-
Sacrement de Miracle. Le registre n<* 338, aux archives de ladite église,
copie d'un autre du xvi® siècle, établit que sa tombe se trouvait dans le
chœur de la chapelle, après la réédification de celle-ci (1533).
26. Fehruarius (anniversaire de) Magi'ster Pettus de Thymo , canonicus et the-
saurarius hui'us ecclesie, leeght int heyh'ch Sacramens coor hy den larck van der Ee ;
dm Zarck es in iwee stucken ; aen den muer hancU syn iafereel de Transfiguratione.
La pierre tombale était donc déjà brisée à cette époque. Elle couvrait
également la dépouille de Dominus Joannes de Thymo (onder den larck van
meester Peeleren de Thimo, in novo choro, vooriyn iafereel) dont l'anniversaire se
célébrait le 17 octobre et dont le testament se trouve aussi dans les
archives de l'égUse.
M. le comte Fr. van der Straten-Ponthoz insiste pour que M. Préherbu
entreprenne la publication de l'œuvre de Pierre a Thymo, du moins de ses
parties principales.
M. G. Cumont. — Ustensile en bronze trouvé dans une tombe franque,
A Villers-devant-Orval (Luxembourg). L'ustensile, en forme de cuillère,
que M. J. B. Siebenaler, notre collègue, m'a prié de vous présenter, a été
trouvé dans une sépulture franque, à Villers-devant-Orval, et appartient
au Musée de l'Institut d'archéologie d'Arlon. Cet objet n'est pas nouveau.
Il en existe de semblables au Musée de Namur, trouvés aussi dans des
tombes franques. J'en ai vu plusieurs dans les vitrines du Musée d'anti-
quités de Nimègue, si riche en instruments de chirurgie de l'époque
romaine (voy. Catalogue de ce musée, Nimègue, 1889-90, pp. 189 et
— 420 —
I9i). Une autre fait partie des collections de Ravestein appartenant aujour-
d'hui au Musée royal d'antiquités de l'État, à Bruxelles. Elle a été achetée
par M. de Meester de Ravestein, en Italie, avec un grand nombre d'objets
et d'instruments de chirurgie antique.
« La plupart de ces objets, dit M. de Ravestein, dans son livre, provien-
« nent de Pompeï ; quelques-uns pourtant ont été trouvés dans les environs
« de Rome. Ce sont, en général, des lancettes, des scalpels, des sondes
« pour l'oreille, des pinces, peut-être des trépans et autres objets en
« usage en chirurgie et pharmacie.
« Ces instruments sont en bronze. »
Notre savant confrère, M. Jos. Destrée a bien voulu m'écrire qu'il avait
rencontré dans le dictionnaire de Saglio, p. 1114, un dessin d'un marbre
funéraire du Musée de Latran reproduisant des instruments de chirurgie ;
parmi eux, se voit une petite cuillère du modèle de celle qui provient de
Villers-devant-Orval.
On peut donc conclure, avec assez de vraisemblance, que ce genre
d'instruments est de fabrication romaine ou gallo-romaine. En tout cas, la
cuillère de Villers-devant-Orval est d'un style qui n'a guère le cachet de
la technique franque.
Le bas-relief du Musée de Latran permet aussi d'expliquer l'usage pro-
bable de cette mignonne cuillère : c'est un ustensile de chirurgie ou de
pharmacie.
Tel est, du reste, l'avis de M. le docteur Deneffe, professeur à l'Univer-
sité de Gand qui a formé, dans le Musée de cette Université, une collection
de fac-similés en bronze de tous les instruments connus de la chirurgie anti-
que. Voici ce que dit le savant professeur, à propos de la cuillère du Musée
de Ravestein :
« Cette cuillère me paraît avoir fait partie de la trousse d'un pharmacien
« ou d'un médecin,
« Elle servait à prendre des poudres qu'on versait ensuite sur le plateau
« d'une balance, ou qu'on projetait sur une plaie.
« Les médicaments pulvérulents tiennent, en effet, une grande place dans
« la thérapeutique de l'antiquité.
— 421 —
M. Deneffe fait, enfin, observer que beaucoup d'instruments antiques
sont à anneau comme les cuillères de la collection de Ravestein et de
Villers-devant-Orval.
Ces anneaux servaient probablement à attacher ces objets à la trousse
ou à les réunir comme un trousseau de clefs.
M. E. DE MuNCK. — L'excursion de l'école d'anthropologie de Paris
DANS LE bassin DE MONS ET A BRUXELLES.
A l'appui de ce que vient de dire M. de Munck au sujet du rôle im-
portant de l'ethnographie dans les études préhistoriques, M. P. Combaz
cite ce fait qu'il possède des flèches en bois, des îles Carolines, offrant la
plus grande analogie avec les flèches et harpons en corne de cerf et en
os que l'on trouve dans les gisements de l'époque du renne.
M. DE Raadt. — La maison des Douze-Apôtres a Bruxelles.
M. Destrée. — Un livre d'heures du xvi« siècle. Ce manuscrit ayant
appartenu à feu M. Vergauwen, sénateur de Gand, a été enluminé, d'après
toute vraisemblance, dans l'ateHer des Benning, à Bruges.
Communications diverses.
M. DE Raadt donne des détails sur l'inventaire, dressé en 1489, des biens
meubles de Walter Leonii, chanoine de l'égUse Sainte-Gudule. Ce
document, dont notre collègue exhibe l'original, est divisé en deux parties:
la première, en flamand, comprend les meubles, ustensiles, titres de
rente, etc. ; la seconde, en latin, la bibHothèque. Celle-ci, pour cette
époque reculée, excessivement riche en manuscrits et livres imprimés — il
n*y avait guère qu'une dizaine d'années qu'à Bruxelles les premiers Hvres
étaient sortis des presses des Frères de la Vie commune — contient
une série d'ouvrages, dont les titres étaient restés inconnus jusqu'à présent.
La partie flamande de ce précieux inventaire renferme un certain nombre
de termes inconnus et difficiles à expliquer '.
M. Arm. de Behault de Dornon signale, d'après un travail de M. van
1 Notre confrère se propose de publier cette pièce. lia pu faire revivre une partie de
l'écriture, effacée, au moyen d'un liquide dont voici la composition et l'emploi :
mêler six parties de chaux vive, une partie de fleur de soufre et deux parties
d'hydrochlorate d'ammoniaque; introduire le mélange dans une cornue de verre, que
l'on place sur un bain de sable ; on y adapte un récipient, contenant quatre
parties d'eau distillée, et l'on chauffe lentement. On obtient ainsi du sulfure hydro-
géné d'ammoniaque ou hydrosulfate sulfuré d'ammoniaque.
Pour faire reparaître des écritures effacées, on lave légèrement avec de l'eau
tiède, au moyen d'une éponge, et, après avoir laissé sécher entièrement, on passe
dessus un pinceau trempé dans le réactif.
' Tenir bien bouchée la bouteille qui renferme cette liqueur, vu que celle-ci s'éva-
pore très facilement et, de plus, répand une mauvaise odeur.
— 422 —
Even, publié dans le Bulletin de V Académie royale de Belgique^ 1891, N» VII,
que M. le professeur Schlie, directeur des Musées grand-ducaux de Schwe-
rin, annonce la découverte, dans une paroisse entre Stockholm et Upsala
(Suéde), d'un magnifique autel sculpté, dû, dit-il, au ciseau d'un artiste
belge « Jan Borman » .
M. Destrée fait remarquer qu'à la séance du 4 décembre 1888, tenue par
notre société, il a lui-même signalé cette découverte très importante.
La séance est levée à 10 1/2 heures.
Séance mensuelle du lundi 8 juin i8gi.
Présidence J^ M. le comte Goblet d'Alviella, président.
rennent place au bureau : MM. Cumont, Combaz, Saintenoy,
de Munck, de Raadt, De Schryver, Paris.
Une cinquantaine de membres assistent à la séance ^.
M. le Secrétaire-général donne lecture du procès-verbal de la séance de
mai. (Adopté)»
Correspondance. — M. le chevalier Edm. Marchai annonce sa nomi-
nation de secrétaire perpétuel de l'Académie royale des Sciences, des
Lettres et des Beaux-Arts, en remplacement de feu le général J. B. S. Liagre
(Félicitations.)
Le comité de « Bruxelles-Attractions » annonce qu'il a appuyé auprès
du Gouvernement notre pétition tendant à obtenir un local à l'effet d'y
étabhr un musée.
M. Alph. Casse, député pour Bruxelles, transmet une lettre de M. le
Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction publique, notifiant que l'ancienne
chapelle Saint-Georges, ne pourra être affectée à la formation du
musée.
1 Ont signé la liste de présence : MM. le comte de Looz-Corswarein, Poils,
Puttaert, Schweisthal, Ch. Heetveld, chevalier Diericx de Ten-Hamme, Hauman,
comte de Nahuys, Michel, Mahy, Titz, Michaux, De Becker-Remy, A. de Behault
de Dornon, La Valette, Ronner, Jefferys, Hecq, Schavye, vicomte Desmaisières,
Dans, De Soignies, Dillens, Drion, van Havermaet, Robyns de Schneidauer,
baron de Royer de Dour, Pourbaix, AUard, Muls, De Passe, Sheridan, Aubry,
Jordens, De Beys, Rivier et de Proft.
— 423 —
Des remerciements sont votés à l'honorable M. Casse.
L'administration communale d'Ixelles annonce qu'elle donnera prochaine-
ment une solution favorable à la question du remboursement des débours
faits par nous à Anderlecht.
M™® la comtesse Ouvaroff, présidente de la Société archéologique de
Moscou, accuse réception de nos Annales et annonce l'envoi des tomes XII,
XIII et XIV des publications de ce cercle, ainsi que de divers ouvrages de
feu M. le comte Ouvaroff.
La Société d'Anthropologie de Paris, la Real Academia de la Historia,
à Madrid, la Rédaction der Mittheilimgen des Instituts fiïr oesterreichische
Geschichtsforschungy à Vienne, la Société nationale des Antiquaires de France»
à Paris, acceptent l'échange de leurs publications avec les nôtres.
La Société de l'École nationale des Chartes, à Paris, exprime le regret
de ne pouvoir accepter un échange semblable.
VAnthropological Institute of Great-Bntain and Ireland demande un exem-
plaire de nos Annales afin d'examiner la question d'échange.
VHistorisch Genootschap gevestigd te Utrecht accuse réception de notre
Annuaire, 1891.
M. le baron de Baye a appuyé l'échange proposé à la Société nationale
des Antiquaires de France {Remerciements).
La Sociélé française d'Archéologie, etc., et le Royal Archaeological Institute
of Greai'Britain and Ireland, nous convient à participer aux congrès qu'ils
organisent dans les départements du Jura et du Doubs, du 16 au 26 juil-
let, respectivement à Edimbourg, du 11 au 18 août.
MM. Ch. Winckelman (effectif). Ed. Van der Straeten (effectif), Emm.
Van den Bussche, artiste peintre, (associé), remercient de leur nomination
de membres.
MM. Delevoy et Destrée s'excusent de ne pouvoir assister à la séance.
Nomination de Membres. — Sont nommés membres :
effectif : MM. Walter de Selys-Longchamps, au Château d'Halloy, à
Ciney ; associés : MM. Ern. Acker, Jules Brunfaut et Jules Canneel, archi-
tectes, à Bruxelles.
Congrès archéologiques. — Sont nommés délégués :
1° au congrès annuel de la Société française d* Archéologie , à Dôle :
M. le baron de Loë ;
2° au congrès annuel du Royal Archaeological Institute of Great-Btitain and
Ireland, à Edimbourg : M. Paul Saintenoy et (suppléant) M, Edouard Van-
der Smissen.
— 424 —
Communications.
M. Michel, Recherches sur l'origine des bassinoires, s'exprime en ces
termes :
A l'une de nos dernières séances, plusieurs bassinoires très curieuses
furent exposées.
Ayant trouvé chez des personnes de ma famille, une bassinoire assez
intéressante, nous nous faisons un plaisir de vous la faire voir, et de vous
présenter le résultat de quelques recherches sur l'origine de ces instru-
ments.
Dans l'antiquitéj nous n'avons pas trouvé qu'il fût question de bassi-
noires. Les anciens étaient pourtant gens assez raffinés, mais, d'autre part,
étant donnée la douceur du climat de la Grèce et de PItaUe, il est peu
probable que les habitants de ces pays aient éprouvé le besoin de chauffer
leurs Uts.
Au moyen âge, au contraire, il est à croire que cet usage fut assez
répandu, car, pendant plusieurs siècles, l'habitude étant de se coucher
sans vêtements, il paraît naturel que l'on ait chauffé les draps en hiver
pour éviter l'impression glaciale causée par le contact de la toile. Tou-
tefois, nous ne trouvons qu'assez tard la mention d'un instrument spécial
pour cet objet. Dans le Ménagier de Paris, ouvrage du xiv^ siècle, fort
intéressant, et qui entre dans une foule de détails sur tout ce qui a rapport
à la tenue d'une maison, il n'est point question de bassinoires. On chauf-
fait probablement alors les lits au moyen d'un cruchon ou d*une bouteille,
comme bien des gens le font encore aujourd'hui. Cette opinion est con-
firmée par un texte du xve siècle où l'on parle d'une bouteille et hassinouere
pour eschauffer son lit. Nous voyons donc là les deux moyens cités
ensemble.
A cette époque, divers textes se rencontrent signalant l'objet en ques-
tion. Dans les comptes de Louis XI, 1480-148 1, on trouve cette mention :
à Loys Boutard^ poeslier, pour une hassinoelle pour bassiner le lit dudit seigneur
(le Dauphin), 30 s. t. Ailleurs, il est parlé de payelle bachinoire. Dans une
pièce du poète satirique Coquillart, qui vivait sous Louis XI, il est ques-
tion de draps bacine%^ a souhaits. Au siècle suivant, Ambroise Paré parle de
bassinoire pleine de braise.
Nous n'avons malheureusement rien trouvé dans les documents figurés
avant le xvii® siècle. Au musée de Cluny se trouve une bassinoire en
cuivre indiquée comme un travail flamand du temps de Louis XIII. Les
autres objets analogues que nous avons vus ne me paraissent pas anté-
rieurs à cette époque ; toutefois, je me hâte de dire que je suis peu com-
— 425 —
pètent en cette matière, et je serais bien aise de savoir à ce sujet l'opinion
de ceux de nos confrères qui s'y connaissent mieux.
Nous regrettons de n'avoir pu trouver d'indications plus complètes à
vous communiquer; cependant, nous croyons qu'il est bon de ne pas trop
insister sur ce sujet, sous peine de donner lieu à une comparaison malicieuse
qui est peut-être déjà venue à l'esprit de plus d'un d'entre vous.
A ce propos, et avant de terminer, il me reste à vous dire un mot des
renseignements que nous avons recueillis au sujet du sens figuré dans lequel
on emploie, en langage familier, les mots : bassiner et bassinoire.
On disait autrefois : bassiner quelqu'un ; cela voulait dire lui donner une
sorte de charivari en frappant sur des bassins de métal ou d'autres objets
bruyants. Il paraît que cette plaisanterie était surtout en usage pour
tourner en ridicule une femme d'un âge mûr lorsqu'elle se disposait à
épouser un jeune homme.
De nos jours, en langue populaire, on dit encore indifféremment d'une
personne ennuyeuse : quel bassin ! ou quelle bassinoire ! D'après l'origine que
nous avons signalée, il semble que la première de ces expressions soit mieux
appliquée, car la bassinoire, étant formée de deux pièces métalliques qui
se touchent, ne peut rendre qu'un son sourd. Cependant il se peut fort
bien que cet instrument ait figuré quelquefois dans les charivaris en ques-
tion, car, par l'analogie de sa forme avec celle de la guitare, il pouvait se
prêter à quelques-unes de ces simagrées burlesques qui faisaient la joie de
nos bons aïeux.
M. VAN Havermaet présente une note traitant du même sujet.
Au XVI® siècle, dit-il, un poète champenois, Pierre Larivey, chantait la
bassinoire en un sonnet, dans ces termes, ce qui prouve que, dès lors, elle
avait déjà la même forme :
La Bassinoire
Je suis gros, bien poly et de bonne rondeur ;
J'ai des yeux assez grands, et si je n'y voy goutte,
Toujours la gayeté me suit où je me boutte
El les femmes souvent désirent ma faveur.
Qiiand je suis plus gaillard et bouillant de chaleur,
Et qu'à mon premier feu nouveau feu on adjouste,
Entre deux choses blancz dans une noire voulte,
On me met à tous coups pour dompter ma fureur.
Là pour le prompt effort de ma puissance royde,
Tous les plus morfondus et de nature froyde,
J'eschauffe tellement qu'enfin j'en refroidy.
Assui, de çà de là, si souvent on m'agite,
Que d'ardent que j'estois, j'en reste moins hardy,
Tant ma puissance adonc devient faible et petite.
— 426 —
Gabrielle d'Estrée, en 1599, possédait une bassinoire d'argent tout
blanc, dit un auteur.
Mais le xvii« siècle est le siècle par excellence de la bassinoire. Louis XIV
avait neuf bassinoires en argent, pesant ensemble plus de 81 marcs (Le
marc égalait huit onces).
Molière avait deux bassinoires en cuivre rouge pesant six livres, et les
trois bassinoires qu'on trouva après sa mort chez Claudine Bouzonnet-
Stella, étaient également toutes trois de cuivre rouge.
« Tu me bassines ! » est une expression trouvée par les laquais; En
effet, au siècle dernier et même encore au commencement de celui-ci, il
n'était point de noble dame qui se mît en voyage, dans sa chaise de poste,
sans recommander à sa domesticité de ne pas oubUer d'y placer la bassi-
noire, comme un instrument indispensable.
« Lafleur, surtout n'oublie pas ma bassinoire ! disait M.^^ de Pompa-
dour à son valet. »
Si bien que MM. les laquais et chambrières, pour désigner une maîtresse
de maison difficile, pointilleuse dans le service, s'écriaient :
« Ah ! elle me bassine la patronne ! »
Enfin, en 1770, un sieur Granchet, importa en France, la bassinoire
anglaise se chauffant à l'eau chaude, ce qui devint la Boukf cette fameuse
houle de Meilhac et Halévy, qui fut célébrée dans un amusant vaudeville,
encore rejoué il y a quelque temps à Bruxelles.
M. LE Président fait remarquer à M. Michel que, loin d'être doux, le
climat de l'Italie est très rigoureux en hiver et que, dans cette saison, l'on
ne sort guère en voiture sans chaufferette. L'antiquité aura donc, sans
aucun doute, connu cet ustensile.
M. ScHWEissTHAL présente également les observations sur l'origine des
draps de Hts et de la chemise de nuit.
M. Michel répond que le Roman de sept sages, texte en vers du xii® siè-
cle ', on trouve le passage suivant :
« En I vergier moult riche et bel
Fist la pucelle appareiller
1 bel lit soulf d'oreillier
Molz de coûtes et de bîans dras
Qui ne n'iere petis, n'eschars,
Fu toute an mi la chambre pointe. »
Un texte en prose ^, du xiii^ siècle dit ceci : « Gommant, sire, donc ne véez
1 Voir ViOLLET-LE-Duc, Dictionnaire du mobilier^ I, p. 162 ; comp. Gaston
Paris, La littérature française au moyen d^e, p. 109 pour la date du texte,
2 Texte en prose du xiiie siècle du même Roman des 7 sa^es. — V. Viollet-le^-
Duc, Dict. du Mot. I, p 164.
— 427 —
vos, chacun jor, commant ils (les chiens) atornent vos liz ; il ne passera ja
iij jors qui ne nos conviengne fere buée por vos chiens. » Si Ton devait faire
la lessive (buée) pour nettoyer les lits, c'est bien la preuve qu'ils étaient
garnis de linge. Viollet-le-Duc dit qu'avant le xiii® siècle on enroulait les
draps autour de soi pour dormir, et il montre une miniature dans lesquelles
on voit les personnages couchés, enveloppés dans un drap.
M. Em. de Munck. — Recherches sur les fusaïoles des époques pré-
HISTORiaUE, romaine ET FRANQ.UE.
M. CuMONT fait remarquer qu'il est difficile de confondre les fusaïoles
trouvées à Anderlecht avec les perles de collier. Celles-ci sont d'une pâte
beaucoup plus soignée et plus précieuse que les fusaïoles, qui sont en
poterie grossière, de la même pâte grise ou noire que les vases francs
renfermés dans les tombes d'Anderlecht. Ordinairement, ces fusaïoles se
rencontrent dans les tombeaux de femmes, très rarement dans les tombeaux
d'hommes. D'autre part, lorsqu'elles sont trouvées avec des grains de
collier, elles sont souvent à l'écart et non au milieu de ces grains, ce qui
semble démontrer qu'elles ne proviennent pas du collier.
M. LE Président dit que, parmi celles trouvées à Troie, certaines
portent le signe du Zvastica ou croix gammée. On pourrait en inférer
que ces objets étaient des offrandes pieuses, symboHsant le travail domes-
tique.
M. CuMONT. — Les fusaïoles servaient probablement de pesons de fu-
seau, ou de contre-poids aux métiers à tisser, ce qui expliquerait leur
présence fréquente dans les sépultures et particulièrement dans les fouilles
de Troie.
Ces différentes observations donnent lieu à un débat auquel prennent
part MM. Schweisthal, Cumont, le comte Goblet d'Alviella et de Munck.
Ces trois premiers rendent hommage à la logique des conclusions présen-
tées par M. de Munck.
Communications diverses.
M. DE Raadt expose un cahier en parchemin, contenant, outre un tableau
représentant les quatre quartiers de Monsieur François de Kinschot, escuyer,
seigneur de Rivière, de Clercamp, etc., escoutette de la cite et pays de Matines, des
notices, datées de Bruxelles, 27 avril 1641, sur chacune des quatre
familles en question, à savoir : de Kinschot, Douglas dit de Schot, Boote
et de Hovynes.
Ce manuscrit, orné de onze blasons enluminés, est l'œuvre du trop
fameux Pierre (Albert) de Launay, escuyer, Roy d'armes ordinaire du Roy, nostre
Sire résidant lei la personne de Monseigneur le Cardinal Infant d'Espagne, etc. De
même que tous ceux qui sont sortis des officines des deux frères de Lau-
nay, il constitue un mélange, plus ou moins habile, de vrai et de faux.
— 428 —
Après avoir rappelé le procès et la condamnation des deux célèbres
faussaires, M. de Raadt fait circuler le sceau de Pierre-Albert de Launay,
d'après la matrice appartenant à notre collègue, M. le comte Amaury de
Ghellinck d'Elseghem, et dont voici une reproduction fidèle.
Fig. I Fig. 2.
On remarque, sur ce sceau, les griffes à travers le timbre et le premier
quartier de l'écu i. M. de Raadt pense que la matrice a été oblitérée parce
que le meuble des i^^' et 4^ quartiers est un chevron ordinaire, alors que
les frères de Launay portaient un chevron engrêlé. A l'appui de cette
hypothèse, il exhibe un cachet de Pierre-Albert, apposé sur une lettre
écrite de celui-ci en 1690, à l'historien Jacques le Roy, à AnVers et montre,
ayant occasion de parler de celui-ci, le fac-similé de sa signature.
Entrant dans quelques détails sur ce dernier, il montre ensuite à l'assem-
blée une belle gravure de Luc Vorsterman le jeune, représentant le blason
des le Roy (écartelé de Hoif), tel qu'il a été adopté par Phihppe, père de
l'auteur et plénipotentiaire à la Haye, en 1647, pour y négocier avec les
États-Généraux une cessation d'armes par mer et par terre. Grâce à
M. de Raadt, nous pouvons donner ici une reproduction de cette œuvre ^.
1 Ce cliché nous a été prêté, obligeamment, par M. le comte de Ghellinck. (Note
de la Commission des Publications).
2 Voir pour plus de détails : L. Galesloot, P. A. et Jean de Launay, hérauts
d'armes du du:hé de Brabant. Histoire de leurs procès ([643-1687), et J.-Th. de Raadt,
Jacques le Roy, baron de Broechem et du S. E. R., historien brabançon, et sa famille.
Dans cette dernière notice, on trouve la teneur de la curieuse lettre mentionnée
ci-dessus. La liste des familles auxquelles les de Launay ont délivré des certificats de
noblesse, etc., publiée par Galesloot, peut être augmentée par les noms suivants :
Boote, Douglas dit Schot et Hovynes.
— 429 —
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Fig. 3,
M. S. De Schryver donne lecture de auATORZE lettres inédites de
Grétry.
Exposition.
1° Gravures des antiquités laissées par les populations primitives de la
Russie — les Mériens (don de M"^" la comtesse OuvarofF).
20 Chromolithographies représentant des peintures byzantines (don de
M"ela comtesse OuvarofF).
30 Manuscrit de Pierre-Albert de Launay, roi d'armes du xvif siècle.
La séance est levée à 10 1/2 heures.
RAPPORT SUR L'ORGANISATION
DE LA
SECTION D'ARCHÉOLOGIE
du Palais du Peuple à Bruxelles
Les conditions du travail dans les temps anciens.
Messieurs,
[otre Commission administrative a reçu, le 26 février
1890, de la commission chargée par le Gouvernement
de préparer l'aménagement d'un Palais du Peuple
dans les bâtiments du Parc du Cinquantenaire, à Bruxelles, le
rapport présenté par sa sous-commission sur Tinstallation de ce
palais et une lettre demandant le concours de notre société pour
la réalisation de ce projet.
Cette lettre nous donnait comme' mission de rechercher les
moyens de répondre au vœu des pouvoirs publics et d'éla-
borer un projet de section retraçant la vie de Thomme aux
différentes époques de l'histoire.
Le plan adopté par nous, pour Tinstallation de cette section, a
été la création d'une série de salles consacrées chacune à une
— 431 —
époque différente et formant par leur réunion l'histoire complète
de rindustrie humaine.
En effet, destinée aux classes laborieuses, la section archéolo-
gique du Palais du Peuple nous semble devoir être consacrée à
l'histoire du travail.
C'est ainsi que pour toutes les divisions de la section, nous
nous sommes efforcés de réunir les conditions du travail, les
objets domestiques, les ustensiles, les instruments dont on se
servait dans l'industrie, les moyens de transport, d'éclairage, les
costumes, etc., etc.
Bref, la section, organisée d'après ces données, montrerait
l'histoire complète du développement industriel de l'humanité à
travers les siècles.
Le visiteur, en suivant l'ordre chronologique, verrait se pro-
duire successivement les grandes inventions et il suivrait les
perfectionnements de l'art et de l'industrie.
Aux temps préhistoriques, il verrait s'ébaucher la taille du
silex, le polissage des haches, puis les premiers tâtonnements de
la métallurgie — la fonte d'une hache de bronze par exemple —
la fabrication et la cuisson des premières poteries, la confection
de vêtements de peaux. Plus tard, le verre ferait son apparition,
la poterie se perfectionnerait, le tissage des étoffes se montrerait
et, successivement, il en serait de même pour toutes les spécialités.
Il faut, pour cela, faire voir les instruments, les ustensiles, les
objets maniés par ceux qui les ont inventés et qui s'en servaient
dans leur industrie. Ce serait plus instructif pour la masse du
public que d'examiner les objets originaux étalés dans les vitrines
de nos Musées, avec des étiquettes qui ne disent rien au visi-
teur non initié.
Nous pensons que pour exécuter cette histoire du labeur de
l'humanité, dans les sphères industrielles, il conviendrait de faire
une série de salles meublées et décorées dans des styles ad hoc et
montrant des personnages figurés par des mannequins habillés de
costumes exécutés d'après les données de la science historique *.
^ Il est question d'organiser de cette façon le Musée des arts décoratifs de Paris.
Voici ce qu'en dit M. du Cleuziou dans la Semaine des Constructeurs, 1890,
p. 304 : Dès l'époque gallo-romaine, nos confrères pourront fournir des ren-
seignements très complets. M. Garnier, pour en revenir à ce maître plein de goût,
— 432 --
Ces figures sembleraient manier des instruments copiés sur ceux
que nous ont légués les siècles passés et seraient placées dans un
décor constitué mi-partie en nature, mi-partie en décor diora-
mique.
Dans la section des eaux et forêts, à l'Exposition universelle de
Paris en 1889, on avait fait usage de vues de ce genre qui nous
semblent devoir être proposées comme type de nos restitutions
de la vie industrielle des temps passés.
Il conviendrait donc de ne pas agir comme au Cristal- Palace
de Sydenham, près de Londres, où le public circule dans des
salles consacrées chacune à un art différent, ce qui rompt
rillusion, mais bien plutôt de faire, comme dans l'exposition des
Arts libéraux à Paris en 1889, circuler le public devant les resti-
tutions.
Nous voudrions, en face de celles-ci, des salles d'exposition
où seraient conservés des moulages, des tableaux explicatifs, des
pancartes résumant les principaux faits historiques de chaque
civilisation, des portraits des hommes utiles à l'humanité par
leurs inventions ou leurs découvertes, et, en général, tous les do-
cuments positifs sur lesquels les restitutions seraient basées.
Un guide explicatif donnant les détails qu'il est impossible de
a déjà exécuté dans ce style une petite cour délicieuse, dont on pourrait s'inspirer
pour la salle future destinée à abriter les collections si riches qu'exposa à plusieurs
reprises l'Union centrale, dans le palais des Champs-Elysées.
Quant aux époques romane et byzantine, sans toucher à l'architecture religieuse,
on pourrait, là, reproduire, soit la cheminée de la Réole, soit quelques-unes des
salles capitulaires, si nombreuses dans le Languedoc et la Normandie. Nous
n'avons, là, que l'embarras du choix.
Pour le xiiie et le xive siècles, l'officialité de Sens ne serait pas déplacée au
palais des Beaux-Arts.
Pour le commencement du xve siècle, on pourrait s'inspirer de Pierrefonds. Pour
la fin, de l'aile de Louis XII, au château de Blois.
En fait de xvie siècle, nos châteaux de Touraine, depuis Chambord jusqu'à
Chenonceaux, fourniraient ample matière d'étude à nos architectes.
Nous ne parlerons que pour mémoire de l'époque Louis XIII et du grand règne
de Louis XIV. Les chambres de la colonade du Louvre, les grands appartements
de Versailles peuvent être reproduits facilement en les interprétant pour les besoins
du nouveau musée.
La salle du Conseil, à Fontainebleau, fournirait pour le règne de Louis XV des
spécimens tout trouvés du style rocaille le plus pur.
Le Louis XVI est tellement à la mode, de nos jours, que nous n'avons pas à en
parler, non plus que du premier Empire.
Trianon et Compiègne ne sont pas là pour rien.
— 433 -
faire connaître autrement, dans le genre des opuscules qui se dis-
tribuent au British Muséum et au South- Kensvngton Muséum de
Londres, devrait être publié et vendu à un prix fort minime.
Le texte de ce volume devrait exprimer clairement et très
sommairement tout ce qu'il importe de savoir sur Thistoire du
travail, notamment les noms des principaux inventeurs avec les
dates des inventions importantes, les époques de perfectionne-
ment des procédés industriels, les manuels les plus recomman-
dables pour étudier davantage les questions, etc., etc.
De plus, des conférences-promenades devraient avoir lieu les
dimanches dans la section, afin de donner occasion aux visiteurs
de mieux saisir le sens des différents objets exposés.
Ces données générales étant énoncées, venons à la description
sommaire de ce que pourraient être les restitutions.
Voici tout d'abord une série de tableaux oia se montrerait
restituée la vie de l'homme aux
TEMPS PRÉHISTORIQUES
Cette première série ferait logiquement suite aux salles
consacrées à la géologie et organisées, en suivant l'excellente
initiative de la commission du Palais du Peuple, par la Société
belge de géologie et d'hydrologie.
En effet, la question du creusement et du remplissage des
vallées et celle de l'origine et du remplissage des cavernes est
intimement liée à celle de l'apparition de l'homme sur la terre.
Après l'histoire de la terre, l'histoire de l'industrie humaine.
Celle-ci commence à
l'époque paléolithique
Des escarpements rocheux, percés de cavernes et présentant des
saillies protectrices, rappelant quelques-uns des sites si pitto-
resques des vallées de la Lesse et de l'Aveyron, offriraient un
spécimen des premières demeures de l'humanité dont la nature
seule faisait les frais.
Sur le sol et dans les mains des habitants, s'étaleraient les
28
— 434 —
produits de Tindustrie primitive reconstitués d'après les données
si complètes que nous donne la préhistoire.
D'abord le tout premier essai, Tébauche du travail de l'homme,
sous forme de fragments de silex naturellement éclatés et utilisés
pour trancher, percer ou racler.
Puis des rognons de même matière, taillés à grands éclats et
grossièrement façonnés en forme de haches ou de casse-têtes et
emmanchés à la façon australienne.
On verrait ensuite l'industrie progresser avec les haches
taillées à plus petits éclats et présentant la forme amygdaloïde.
Apparaîtraient enfin les produits d'un art qui, peu cultivé
durant la période précédente, atteint maintenant tout son déve-
loppement. L'os, les bois de cervidés et Tivoire sont en effet
devenus les matières premières dont on fabrique la plupart des
ustensiles.
Tous ces objets seraient disséminés dans le paysage occupé
par des groupes de personnages quaternaires se livrant à la
taille du silex ou au travail de l'os et du bois de cerf.
Des gravures en creux prouveraient les aptitudes artistiques
de l'homme dès cette époque reculée.
De bonnes coupes des grottes funéraires du Frontal et d'Au-
rignac, placées dans les salles annexes, apprendraient au visiteur
que ses primitifs ancêtres avaient déjà le souci de leurs morts,
et qu'après avoir servi de demeure aux vivants; les cavernes
servaient souvent d'asile aux défunts.
A ces divers échantillons de l'industrie humaine seraient joints
les ossements des animaux terribles d'espèces actuellement
éteintes, tels que le grand-ours, le tigre, le mammouth et le
rhinocéros, aux côtés desquels l'homme quaternaire a vécu.
Les cloisons disparaîtraient sous une suite de dessins repré-
sentant ces animaux restaurés.
Mais voici
l'époque néolithique
Nous verrions ici des huttes chétives de forme conique, com-
posées d'un branchage recouvert de peaux ou de gazon, et ne
possédant qu'une seule ouverture munie d'une sorte de portière
faite d'une peau de bœuf fixée à l'une de ses extrémités et sou-
— 435 —
tenue de l'autre à une certaine hauteur au moyen de deux
perches. Ces demeures d'un genre nouveau nous apprendraient
que rhomme a déserté en grande partie les sombres et humi-
des cavernes pour gagner les plateaux.
Quelques groupes de personnages se livreraient, les uns au
dépècement méthodique des blocs de silex et à l'enlèvement des
longues lames, genre de travail dans lequel ils excellaient et
pour lequel ils avaient acquis un tour de main si habile; les
autres au polissage des haches et à la confection des vases. Des
haches taillées à tout petits éclats et polies, en silex et en roches
diverses, dont quelques-unes emmanchées dans des gaines en
bois de cerf, des pointes de flèche à ailerons et à tranchant trans-
versal, d'une délicatesse de taille incroyable et d'un fini vrai-
ment surprenant, des lames ou couteaux, des ciseaux ou gouges,
des grattoirs, des scies, etc., montreraient la perfection atteinte
dans Fart de tailler et de polir le silex et les roches dures.
Dans les salles annexes pourraient être placées des reproduc-
tions en liège, à une petite échelle, de quelques monuments
mégalithiques très connus, tels que les dolmens et allées cou-
vertes de Gavr'Innis, de Plouharnel, de Wéris, etc., ainsi que les
menhirs isolés de HoUain et de Fayat, et les menhirs alignés
de Carnac qui donneraient une idée de l'organisation sociale de
ces peuples, de l'autorité dont jouissaient leurs chefs, de la véné-
ration qu'ils avaient pour leurs morts et du soin qu'ils prenaient
de perpétuer le souvenir des événements marquants.
l'époque du bronze
montrerait la découverte de l'industrie du métal par l'humanité.
La conquête des métaux qui constitue le plus grand fait de
notre histoire sociale, devrait être retracée ici non seulement par
une exhibition des types des premières armes et outils, mais
par des restitutions de fourneaux et d'ateliers de mouleurs en
bronze.
Tandis que des haches à douille et à ailerons de toutes les
formes, des lames de faucille, des pointes de lance, des épées,
des poignards, des couteaux, des ciseaux, des bracelets, des
torques, etc., originaux ou moulages, étalés sur des gradins,
- 436 -
donneraient une idée très complète des produits de cette indus-
trie nouvelle, d'habiles restaurations faites d'après les traces de
fonderies primitives découvertes en Suisse, dans le Jura français,
en Allemagne et en Danemark, et des groupes de personnages
se livrant au travail, montreraient les procédés mis en œuvre.
Les dispositions principales d'une cité lacustre, c'est-à-dire un
plancher assez vaste reposant sur des pieux enfoncés dans l'eau
et supportant quelques cabanes, indiquerait le mode d'habitation
adopté surtout à l'époque du bronze.
Les divers genres de sépultures usités dans le sud-est de
l'Espagne, aux premiers âges du métal, devraient nécessairement
être reproduits ici.
l'époque du fer
Cette dénomination s'applique à la dernière période du déve-
loppement de l'humanité primitive, ainsi qu'à l'aurore des temps
historiques. Elle correspond chez nous à l'époque celtique.
Comme pour la période précédente, après l'exposition des
armes, des outils et des bijoux, on devrait offrir à la vue du
visiteur des groupes de forgerons au travail, la reproduction
des procédés employés par les peuples à demi-barbares de nos
jours, tels que les Tartares, les nègres du Fouta-Djallon (Séné-
gal) et ceux du Soudan, et la restitution de quelques fourneaux
primitifs servant à la préparation du fer, tels que ceux dont on a
retrouvé les vestiges dans la Carinthie (Autriche),en Suède, dans
le Jura bernois (Suisse) et à Lustin sur la Meuse.
Après ces époques préhistoriques, viendraient des tableaux
retraçant les annales de l'humanité laborieuse aux
TEMPS HISTORIQUES
Ici se montreraient les civilisations primitives écloses dans le
bassin de la Méditerranée et en tout premier lieu la restitution
de la vie industrielle dans la vallée du Nil.
LES ÉGYPTIENS
La salle présenterait la restitution du portique hypostyle d'un
temple.
— 437 —
Au fond, se verrait une porte entourée d'un chambranle his-
torié d'hiéroglyphes et surmontée d'une gorge ornée du disque
solaire orné d'ailes d'épervier largement ouvertes et accolé de
deux urœus ou vipères lovées.
Aux côtés de cette porte, inspirée par celle du temple de Seti,
à Abydos, se dresseraient des piliers osiriaques imités de ceux
du Ramesseum.
Des galeries latérales, formées de colonnes aux chapiteaux
campaniformes, lotiformes et hathoriques s'alternant, longeraient
les côtés de la scène.
Dans le fond, des hiéroglyphes, et par une baie ouverte se
montreraient des monuments divers dominés au loin par de
grandes pyramides et des mastabas. Au-dessus du tableau, un
vélum. Sur le sol, entre les colonnes, des esclaves sous la con-
duite d'un chef, se livreraient à diverses industries. La figure
du chef serait copiée sur celle du cheik-el-héled du musée de
Boulaq. Ranefer, prêtre de Phtah et de Sokar et l'architecte
Bakenkhonsou dont les statues sont conservées respectivement
dans les mêmes collections et à la glyptothèque de Munich, paraî-
traient à la porte du temple.
Un esclave modèlerait un vase, un autre pétrirait la farine
qu'un troisième vient de moudre.
Puis ailleurs un peintre décorerait un coffre de momie, un écri-
vain copié sur le fameux scribe du musée du Louvre, dessinerait
un papyrus, un fondeur de verre formerait des figurines et des
objets de ménage, une fileuse de lin, comme celles que M. Mas-
pero avait restituées à l'exposition universelle de Paris, travail-
lerait sous un portique, tandis qu'un bijoutier composerait, au
moyen de verroteries, de pierres et de métaux précieux, des col-
liers et des bracelets.
Un ouvrier façonnerait un siège de bois polychrome, tandis
qu'un autre sculpterait une statue couchée que d'autres poliraient
sur le sol; au milieu des ouvriers, des objets fabriqués montre-
raient au spectateur l'état de l'industrie et des arts décoratifs chez
les contemporains des Pharaons, tandis que des modèles de des-
sin taillé dans des dalles, et des œuvres ébauchées montreraient
les diverses phases du travail.
- 438 -
La civilisation chez
LES ASSYRIENS
serait restituée ensuite.
Une vue dioramique représenterait dans le fond la restauration
du palais de Sargon.
De face, on verrait s'élever les terrasses avec rampes d'accès
au-dessus desquelles se dressent les murailles de la demeure
royale.
Une zighurat dominerait le tableau. Sur les premiers plans, de
nombreux esclaves s'occuperaient à transporter la statue colos-
sale d'un taureau ailé, tandis que d'autres pratiqueraient diffé-
rentes industries.
Les uns émailleraient des briques polychromées que d'autres
viendraient de former, tandis qu'un sculpteur modèlerait une
statuette d'Istar.
Plus loin, un fondeur en bronze achèverait un casque. Auprès
de lui on verrait des objets de toilette : miroirs, broches, etc.
Les à-côtés du tableau seraient limités par des fragments d'ar-
chitecture coupés par des massifs d'arbres.
Puis viendrait l'industrie et le commerce
DES PHÉNICIENS
Nous voici à Carthage, dans le port marchand. Les galères sont
amarrées le long des quais.
De nombreux esclaves chargeraient et déchargeraient les
navires. Au fond, s'élèverait Tenceinte du Cothon ou port mili-
taire et on distinguerait dans le lointain le palais de l'amiral,
planté sur une île au milieu du port. Au premier plan, un coin
de quai présenterait l'étalage d'un marchand nouvellement arrivé
avec des objets venant de tous les pays connus alors. Le spec-
tateur verrait là tous les produits de l'industrie et de l'art de la
haute antiquité, tandis que, parmi les acheteurs, il reconnaîtrait
les types principaux des races africaines d'alors.
Ce tableau présenterait un grand intérêt en montrant la recon-
stitution de la marine antique. On verrait les agrès des navires
de commerce, et une galère de combat sortant du Cothon montre-
— 439 —
rait ce qu'étaient les flottes puniques si redoutables et qui ne
craignaient pas de s'aventurer jusque sur les côtes du sud de
l'Afrique et du nord de l'Europe.
Nous pensons que, pour ne pas étendre exagérément le cadre
que nous devons observer et malgré tout l'intérêt qu'elles
présentent, il convient de ne pas faire de restitution de l'industrie
des Pélasges et des Etrusques, précurseurs dans ce domaine des
civilisations grecque et romaine. Il serait utile cependant d'avoir
un ensemble donnant un aperçu de l'industrie chez
LES HÉBREUX
car ce peuple tient une grande place dans l'histoire à différents
titres.
Il est vrai que l'on peut difficilement lui attribuer un art
autochtone ou des découvertes dans le domaine des sciences et
de l'industrie, mais, vu la célébrité du temple de Jérusalem, un
tableau pourrait nous fournir une idée de ce qu'il était d'après
les données des sciences modernes. Les travaux de MM. de
Vogué, de Saulcy, Perrot et Chipiez seraient pour cela d'un très
grand secours.
Le tableau représenterait donc une vue intérieure du temple
de Salomon avec ses galeries, ses portiques et dans le fond le
Saint des saints, les colonnes d'airain, etc., etc.; bref la restitution
de tous les détails minutieux que nous donne le livre des Rois,
Nous pensons qu'il conviendrait de représenter ensuite les
civilisations nées des migrations ariennes et parmi elles, en tout
premier lieu, celle créée par
LES HINDOUS
Les documents ne manquent pas pour restituer un ensemble
hindou.
On pourrait se servir pour cela des travaux de Fergusson,
Cunningham, Lassen, Schnaase et s'inspirer des Stonpas et des
dagobas que le boudhisme a laissé en grand nombre sur le sol de
la péninsule védique.
Les sanctuaires de Chillambrun, de Mahamalaipur (xvi« siècle),
— 440 —
de Jaggernaut plus ancien puisqu'on Fattribue au xii® siècle, etc.^
etc., donneraient d'amples détails.
Il serait possible de représenter un temple souterrain, tel
que ceux d'ElJora ou d'Eléphanta et de placer sous les plafonds
portés par les colonnes aux bizarres sculptures, produits
étranges de la civilisation hindoue, des ouvriers occupés aux
différentes industries qui remontent dans ce pays à une si haute
antiquité.
Les uns seraient occupés à tailler de bizarres bas-reliefs d'une
imagination touffue et confuse racontant les aventures de
Brahma, de Vischnou, de Çiva et de leurs compagnons ; d'autres
poliraient une idole de bronze, etc., etc.
Comme suite logique, nous devrions avoir ici des salles con-
sacrées aux civilisations des Khmers, des Chinois et des
Japonais, mais nous croyons, étant donné leur isolement de
notre civilisation occidentale, qu'on pourrait les négliger et se
borner à les faire figurer dans la section ethnographique.
Pour
LES PERSES
une restitution de leur vie serait assez facile, grâce aux
travaux de MM. Coste et Flandin sur Persépolis et de M. Dieu-
lafoy sur Suse.
On pourrait représenter une vue de TApadana de Darius,,
retrouvé dans cette dernière cité.
Les colonnes aux chapiteaux bicéphales (dont un est mainte-
nant conservé au Louvre) et la fameuse frise des guerriers de
Darius comme aussi celle des lions, pourraient trouver place dans
cette restitution. Des ouvriers seraient occupés à fabriquer des
briques émaillées et d'autres à modeler des figures et à façonner
des bijoux.
En suivant le plan tracé par MM. Ch. Garnier et Ammann
pour leur Histoire de l'habitation humaine exécutée à l'exposi-
tion universelle de Paris, en 1889, on représenterait dans le
tableau suivant la vie industrielle chez
LES GAULOIS
Outre les renseignements que nous ont transmis les auteurs
— 441 —
anciens, tels que Strabon, Hérodien, Polybe, Diodore de Sicile,
Dion Cassius, César et Vitruve au sujet des mœurs, des coutumes
et des habitations de ce peuple, nous pourrions encore nous
appuyer, pour nos diverses restitutions, sur les faits observés
par les archéologues.
Le tableau destiné à rappeler cette époque devrait être ordonné
comme suit :
A droite, par une percée, on verrait un village gaulois com-
posé de huttes de forme ronde, en partie enfoncées dans le sol et
construites en pierres sèches, possédant un toit de chaume au
sommet duquel on a ménagé une ouverture permettant à la
fumée de s^échapper; non très rapprochées les unes des autres,
mais au contraire éparpillées.
Au premier plan, un groupe de Gaulois, guerriers, ouvriers
et femmes, se livreraient à diverses occupations. Les hommes
s'adonneraient au maniement de leurs armes ou à l'exercice de
leurs différentes professions, les femmes vaqueraient aux soins
du ménage.
A gauche, on assisterait à la construction d'un oppidum, pro-
montoire rocheux dont on augmenterait les défenses naturelles
par un mur ou un retranchement fait d'assises alternatives de
troncs d'arbres, de quartiers de roc et de pierrailles, suivant la
description que César en donne au livre VII, chapitre 23, de ses
Commentaires et d'après les vestiges retrouvés à Hastedon-lez-
Namur et ailleurs.
Viendraient ensuite
LES GRECS
que Ton pourrait montrer dans l'Acropole d'Athènes.
Au fond, le Parthénon dominerait le tableau qui serait occupé
en outre par l'Erechthéion et le Pandroséion, le temple de la
Victoire Aptère, rétablis avec leurs proportions si exquises et
leurs polychromies si vibrantes, leurs autels votifs, les statues
qui les environnaient. Au loin se dessineraient les silhouettes de
l'Hymette et du Pentélique et par dessus tout, la chaude colora-
tion du ciel bleu de l'Attique qui accuserait les lignes de l'archi-
tecture, les reliefs des sculptures, et ferait comprendre les colo-
rations intenses de la polychromie.
— 442 -
Au premier plan, des groupes d'artistes et d'artisans achève-
raient, qui une construction, qui des statues, modèleraient des
vases que d'autres seraient occupés à peindre, enfin façonne-
raient des bijoux et des armes. Des céramistes, comme ceux que
MM. Perrot et Collignon avaient restitués à l'Exposition univer-
selle de Paris, une fileuse, etc., etc., compléteraient la figuration
de ce tableau.
Au loin, des guerriers, des prêtres et, dans un exèdre, des
philosophes, des savants discuteraient. Dans les salles annexes,
on pourrait exposer des photographies des principaux monuments
grecs, des maquettes des ordres, des copies de vases et de
statuettes en terre cuite comme celles qu'on a trouvées à Tana-
gra, etc., etc.
Tout naturellement viendrait ensuite un tableau restituant la
vie chez
LES ROMAINS
Nous n'entendons cependant pas initier le visiteur de notre
section à la vie romaine proprement dite. Nous aimerions mieux
lui montrer la restitution d'un de ces établissements dont nous
retrouvons si fréquemment les vestiges dans nos campagnes, et
qui, sous le nom de villœ, servirent d'habitations aux colons
romains qui, durant les ii^ et iii^ siècles surtout, vinrent s'établir
en Gaule pour s'adonner à la culture, à l'industrie et au com-
merce.
Nous voici, après avoir franchi le prothyrum sur lequel s'ouvre
la loge du portier (cella ostiariijy dans V atrium décoré de peintures
et de portraits de famille.
Dans la galerie et dans Vimpluvium, autour du compluviuniy
seraient exposés les modèles des puissantes machines employées
par César durant la guerre des Gaules, tours, vineœ, catapultes,
scorpions, etc., et auxquelles nos ancêtres durent en grande
partie la perte de leur indépendance ; puis des groupes d'esclaves
se livreraient à diverses industries, un potier tournerait des
amphores, un mosaïste achèverait un pavement, un verrier souffle-
rait du verre, tandis qu'un peintre finirait la décoration des
murailles à la fresque.
Dans les salles consacrées aux documents, on pourrait installer
— 443 —
des fac-similés des vases, écuelles, jattes, bols, coupes à pieds,
plats, assiettes, soucoupes, etc., en poterie rouge couverte d'un
vernis brillant et ornés de figures en relief qui constituaient la
vaisselle de luxe des Romains.
Il serait désirable d'y mettre aussi des modèles :
de vases en poterie noire revêtus d'un beau vernis couleur
d'ébène, d'autres bronzés et dorés, d'autres encore en terres
plus grossières, urnes, cruches, amphores, etc. ;
de lampes élégantes décorées de sujets mythologiques, histo-
riques, allégoriques et astronomiques ;
de statuettes de dieux et de déesses, des jouets d'enfants, le
tout en terre cuite ;
d'admirables spécimens de l'industrie du verre d'une excessive
légèreté et d'une élégance sans pareille ;
d'objets de toilette, instruments d'épilation et de cosmétique,
ciseaux, miroirs, etc.
de bijoux, fibules, colliers, bracelets, bagues, épingles à che-
veux ;
des dessins des différents costumes militaires et civiles et d'ob-
jets divers d'usages domestiques, des outils, etc.;
enfin, des reconstitutions très fidèles des différents modes de
sépultures usités par les Romains et les Belges romanisés.
Immédiatement après viendrait un compartiment destiné à
rappeler les grandes invasions germaniques de la fin du iv^ siècle
et du commencement du v^, qui eurent pour effet l'établissement,
en Gaule,
DES FRANCS
On montrerait une armée de ceux-ci campée sur les ruines
d'une cité ; cela permettrait de faire voir la fortification d'une
ville gallo-romaine ; puis viendraient les produits de l'industrie
de la Gaule romanisée placés à côté des objets fabriqués par la na-
tion envahissante, c'est à dire de spécimens de leurs armes, de
leurs bijoux, de leur céramique et enfin de leur verrerie.
Au loin, on verrait un groupe de guerriers, tandis que, plus
près, quelques-uns de ceux-ci procéderaient à l'inhumation d'un
des leurs.
— 444 —
Dans les salles annexes, on pourrait installer des collections
d'objets francs que les fouilles font découvrir dans le sol de notre
pays ; les séries pourraient être formées d'objets originaux et de
fac-similés.
Après cela viendraient logiquement se placer quelques restitu-
tions de la vie de nos ancêtres au
MOYEN AGE ET A LA RENAISSANCE
Ici le champ est vaste, les documents abondent.
On pourrait très bien figurer pour l'époque romane, le chan-
tier de construction d'une cathédrale et l'atelier d'un orfèvre
occupé à la confection d'une châsse et d'autres objets ; pour l'épo-
que ogivale, l'atelier d'un huchier, d'un tailleur d'images, ou
des tisserands, des drapiers occupés à leurs travaux, puis, pour
la Renaissance, une imprimerie pour laquelle il n'y aurait qu'à
s'inspirer de la magnifique officine plantinienne d'Anvers et enfin,
une salle de palais, un atelier de forgeron et une cuisine avec tout
leur mobilier, comme cela existe dans quelques musées allemands.
Telle pourrait-être, dans ses lignes générales, la section archéo-
logique du Palais du Peuple.
MOYENS d'exécution
Si on nous a suivi jusqu'ici, on a pu voir que pour donner idée
de l'histoire du travail aux visiteurs du palais projeté, il fau-
drait une vingtaine de salles restituant chacune une civilisation
différente.
La Société d'Archéologie de Bruxelles accepterait très volon-
tiers d'exécuter ces tableaux moyennant le remboursement
intégral, par le Gouvernement, de ses débours.
Pour la figuration, le choix des types des différentes races
rentrerait dans le domaine scientifique de la Société d'Anthro-
pologie qui devrait concourir au but à atteindre.
Nous croyons qu'en outre une section ethnographique, montrant
l'état du travail chez les différents peuples de nos jours serait la
suite logique de la section d'archéologie.
Quant à la dépense que celle-ci nécessiterait, il serait assez
difficile de l'évaluer dès maintenant et avant qu'un projet définitif
— 445 --
accompagné de dessins complets, ne vienne accuser davantage
les détails d'un ensemble dont nous n'avons esquissé que le plan.
Les tableaux, dont la majeure partie serait formée par des
peintures dioramiques, présenteraient, nous le supposons, chacun
un développement de 6 à 7 mètres de largeur.
Les salles annexes seraient formées par des moulages, redites
de ceux du Musée d'art décoratif et autres, et par des documents
iconographiques : tableaux explicatifs, photographies, des-
sins, etc., etc., collection que quelques achats et des dons enri-
chiraient bien vite.
Au surplus, la somme à dépenser se répartirait sur un certain
nombre d'années, car il est impossible de faire les nombreuses
études nécessaires pour exécuter pareil ensemble en quelques
mois ; de sorte que, pour chaque exercice budgétaire, le Gouver-
nement n'aurait à verser qu'une somme relativement minime.
Minime surtout si l'on songe à l'énorme attrait qu'auraient pour
la foule, des restitutions semblables dont l'histoire de l'habita-
tion humaine de l'Exposition universelle de Paris a démontré le
vif intérêt et les excellents résultats pour l'éducation du public.
Celui-ci apprendrait plus, à voir ainsi les peuples anciens au
milieu de leurs monuments, maniant leurs outils, leurs ustensiles,
vivant en un mot de la vie industrielle de leur temps que par
de longues études bibhographiques et autres.
En un mot, nous croyons qu'une section archéologique vulga-
risant les notions que nous possédons sur le travail dans les
temps anciens, serait utile tant aux classes laborieuses si dignes
d'intérêt qu'aux artistes et en général à tous ceux qui s'inspi-
rent des choses anciennes en cherchant leur application aux
besoins modernes.
Comme
CONCLUSIONS
vos rapporteurs ont l'honneur de vous proposer de voter
l'ordre du jour ci-dessous :
La Société d'Archéologie de Bruxelles,
considérant la lettre en date du 26 février 1890, de la com-
mission chargée par le Gouvernement de préparer l'aménage-
ment d'un Palais du Peuple à Bruxelles, demandant le concours
de notre Société pour l'installation d'une section archéologique;
— 446 —
charge sa Commission administrative d'entrer en négociation
pour la réalisation de cette dite section archéologique avec la
Commission nommée par le Gouvernement et en remerciant les
pouvoirs publics de Thonneur fait à notre Société en l'appelant à
concourir à cette œuvre si louable, passe à Tordre du jour.
Bruxelles, le 6 avril 1890.
Les rapporteurs ,
P. Saintenoy, B°" Alfred de I^oë.
Vu et approuvé :
Pour la Commission administrative :
Le Secrétaire-général y Le Président,
Paul Saintenoy. C*^ François van der Straten-Ponthoz.
II
La vie sociale aux grandes époques de l'histoire.
Messieurs,
Conformément aux instructions que nous a données, depuis
le dépôt du rapport précédent, M. Ch. Buis, rapporteur de la
Commission du Palais du Peuple, nous avons l'honneur de vous
proposer de substituer aux tableaux dioramiques retraçant
l'histoire du travail, une représentation de la vie sociale, tant
religieuse que civile et privée des grandes périodes de l'histoire.
Une galerie retraçant l'histoire du travail serait adjointe au
Musée des arts industriels et pourrait, par une application judi-
cieuse, devenir fertile en résultats précieux pour les classes
laborieuses.
La question à résoudre actuellement est celle-ci : « réaliser une
« série de tableaux dioramiques synthétisant les grandes époques
« de la civilisation depuis la période historique à l'aide d'un site
« monumental caractéristique peuplé de figures représentant
u autant que possible les différentes classes de la société : chefs,
— 447 —
a soldats, citoyens, artisans, esclaves dans une scène ou un acte
« de la vie nationale qui justifie leur réunion. f>
Le problème est plus complexe que le précédent et nécessite
une figuration beaucoup plus étendue et par conséquent plus
coûteuse.
Il s'agit, dans la pensée de Téminent rapporteur, de représenter
dans le cadre d'un tableau dioramique, une grande scène histo-
rique.
Pour en donner exemple, M. Buis cite la blanche théorie des
Panathénées se dirigeant vers TAcropole d'Athènes.
Cela constituerait dans le paysage monumental de la ville, reine
de TAttique, un prestigieux et évocatif spectacle.
On verrait dans le fond du tableau se détacher triomphalement
les masses divines du temple dédié à Athéna Parthenos par le
génie des Callicrates, des Ictinos et des Phidias, avec son cortège
de monuments : TErechtheion, le Pandroseion, le temple de la
Victoire Aptère et surtout la statue d'Athéna Promachos, ensem-
ble admirable qui se détacherait là-bas sur la silhouette du mont
Hymette, tandis que, dans le lointain, les contreforts du Penté-
lique donneraient encore un rehaut de splendeur à cette scène
éclairée par le pur soleil de la Grèce !
Alors aux premiers plans se verrait le cortège sacré porteur
du Peplos d'Athéna ; les canéphores, ces nobles jeunes filles
d'Athènes chargées des corbeilles saintes ; les éphèbes, ces beaux
fils de l'Attique, porteurs d'amphores ; les vieillards majestueux
tenant les rameaux d'olivier ; les victimes du sacrifice ; les cava-
liers, espoir de la patrie athénienne, et aussi les prêtres d'Athéna
s'avançant majestueusement au milieu du peuple attentif. Cette
procession, que le ciseau immortel de Phidias et de ses élèves a
retracée en un style si grandiose sur la frise de la cella du temple
d'Athéna Parthenos, nous la verrions se dérouler dans la plaine
d'Athènes, s'engager dans la voie sacrée, longer l'Odéon, les
portiques, le sanctuaire d'Asclépios et gravir lentement les
rampes encombrées de stèles et de monuments votifs qui menaient
aux Propylées.
Ce serait l'Athènes de Périclès revivant devant le spectateur.
A Rome, ce serait le Forum.
Nous assisterions à une des plus grandes solennités de
— 448 -
l'ancienne Rome : l'entrée triomphale d'un empereur ou d'un
général victorieux.
Le cortège, après avoir suivi la voie sacrée, traverserait VArea
du Forum pour se rendre, par le Clivus Capitolimus, au Capitole.
On distinguerait d'abord une troupe de chanteurs et de musi-
ciens ouvrant la marche et suivie immédiatement de taureaux
blancs, victimes destinées au sacrifice. On verrait ensuite les
objets précieux arrachés à l'ennemi, les couronnes d'or envoyées
au triomphateur, des cartels sur lesquels se liraient les princi-
paux événements de la campagne, et enfin apparaîtraient les pri-
sonniers de guerre chargés de chaînes.
Les licteurs en tunique de pourpre viendraient ensuite, leurs
faisceaux enguirlandés de laurier, suivis eux - mêmes des
joueurs de flûte et de cithare et des thuriféraires, enfin, précé-
dant le char, on verrait s'avancer les magistrats et le Sénat.
Alors le triomphateur revêtu de la tunîca palmata et de la
togapida apparaîtrait, le front ceint de laurier, une palme à la
main et tenant de l'autre un sceptre d'ivoire, le visage enluminé
de minium, suivant l'antique coutume observée dans ces solen-
nités, et portant au cou, par une bien sage précaution, une
amulette contre l'envie.
Il se tiendrait debout sur son char magnifique, traîné par
quatre chevaux blancs, ayant auprès de lui ses filles et ses plus
jeunes fils, et, l'imagination surexcitée, on entendrait la voix
de son esclave, qui, placé derrière lui et tenant une couronne
d'or, l'engagerait sans cesse à se souvenir qu'il est homme.
Viendraient ensuite ses fils aînés, ses parents, ses amis, puis
l'armée victorieuse
Un peuple enthousiaste et acclamant remplirait les portiques
du Forum.
Ce magnifique tableau d'histoire permettrait de mettre sous
les yeux du spectateur, avec un luxe et une profusion incroyables
de figures et de costumes les plus divers, toute une partie res-
tituée de l'ancienne Rome.
A Memphis, ce serait la procession d'un initié aux mystères
d'Isis, ou le cortège d'un roi triomphant allant sacrifier dans le
temple d'Amo-Ra.
A Ninive, le cortège royal de Sargon, tel qu'il est représenté
— 449 —
sur les bas-reliefs de Khorsabad; à Persépolis, un tributaire
venant apporter ses offrandes à Xerxès, et ainsi de suite.
Certes, le gouvernement, en réalisant une œuvre de pareille
ampleur, donnerait à nos concitoyens une vision exacte et gran-
diose de l'état social aux grandes périodes historiques. Ce serait
une convaincante leçon de choses, mais peut-être la réalisation
de cette grande idée serait-elle difficile en raison du chiffre pro-
bable des subsides disponibles.
Il convient de mettre en fait que l'exécution de scènes pareilles
avec leur groupement pittoresque d'une figuration nombreuse,
les vêtements, les armes, les accessoires de leurs personnages,
tous à dessiner sur des données d'une exactitude absolue et mieux
encore, de leur cadre monumental consciencieusement restitué
sur les documents les plus authentiques et les travaux scienti-
fiques les plus sérieux, ne peut être que Tœuvre d'artistes d'un
mérite reconnu, travaillant sous le contrôle actif, zélé et persé-
vérant d'hommes de vraie science.
Il faudrait, par conséquent, s'adresser — pareille œuvre ne
souffrant pas la médiocrité — à des artistes peintres, à des
statuaires, à des sculpteurs très aptes à saisir les caractéristiques
des divers arts du passé.
L'exécution de pareils tableaux entraînerait à des dépenses
assez fortes, mais en donnant du travail à quantité d'artistes très
éprouvés en ces dernières années, créerait d'autre part, une
œuvre dont notre pays pourrait s'enorgueillir, car elle prouverait
combien est grande son activité scientifique et artistique et aussi
quel souci ont les pouvoirs de notre nation de semer largement
les germes féconds de l'instruction populaire.
Nous admettons donc la réalisation de pareilles scènes comme
possible, matériellement parlant.
Il convient, dans ce cas, d'examiner quelles civilisations seraient
représentées.
Destinée au peuple belge, la galerie archéologique du Palais du
Peuple doit lui montrer les principales civilisations d'où découle
son état social actuel et cela en remontant à la plus haute anti-
quité.
Ne pouvant, à notre grand regret, y mettre la période préhisto-
rique qui trouvera une place spéciale dans la galerie anthropolo-
_ 450 —
gique du même musée, bien qu'elle se rattache, par des liens
plus intimes, au domaine de Tarchéolog-ie, nous ferons commencer
notre galerie par TÉgypte (I). L'Assyrie (II) et la Judée (III) vien-
draient ensuite, tandis que les autres civilisations primitives
des Phéniciens, des Pélasges, des Étrusques pourraient figurer
dans les vitrines des salles annexes par des moulages,, des
photographies, ou des modèles réduits des vestiges qui nous
restent de leur art et de leur industrie.
Les civilisations nées des invasions des Aryas : celles des
Perses (IV), des Gaulois (V), des Grecs (VI) et des Romains (VII)
trouveraient dans les dioramas suivants, des représentations qui
pourraient être bien attrayantes et suggestives, tandis que le
rameau indou et les anciens Germains figureraient dans les
vitrines annexes.
L'empire romain partagé en deux parties, l'une orientale, l'autre
occidentale, en 395, après J.-C., a été, on le sait, bouleversé par
les grandes invasions que nous voudrions voir représentées dans
un tableau montrant la nation franque (VIII) s'implantant dans la
Gaule-Belgique. Les autres peuples barbares contemporains,
ainsi que les Scandinaves, seraient réservés pour les salles
annexes.
La partie orientale de l'empire romain serait représentée par
un diorama nous retraçant les splendeurs de Byzance (IX) qui a
influencé jusque très loin dans le moyen âge les civilisations
slaves de l'Europe représentées également dans les annexes.
Les Arabes (X) montreraient leur art assis sur les ruines
de l'empire d'Orient, tandis que parallèlement, en Occident, la
civilisation des Français, des Anglo-Normands, des Allemands
et des Italiens trouverait place dans les tableaux synthétisant les
époques de l'art roman (XI), de l'art gothique (XII) et enfin de la
Renaissance (XIII).
En laissant pour la section ethnographique, les civilisations de
la Chine, du Japon, des Esquimaux et Lapons, des Peaux-Rouges,
des Aztèques et des Incas et enfin des peuples de l'Aft-ique équa-
toriale et australe, nous pourrions ainsi faire suivre facilement
aux visiteurs du musée toute l'histoire du développement social
de l'humanité des temps historiques.
Il faudrait pour cela treize tableaux dioramiques que nous
classons comme suit, d'après M. Ammann :
— 451 —
1°. Civilisations primitives,
X 7- ..• I TT ^ I Phéniciens 1 ttt ttil^^,^ \ Pélasges 1 Etrusques
\ Egyptiens | W Assyriens | (annexe) | ^^^ ^^^reux | (en annexe) | (en annexe)
2°. Civilisations nées des invasions Aryennes.
Indous I Y^ p^,,, I Germains | V Gaulois 1 yi Grecs I VII Romains
(en annexe) | ^ ^ ^^^^^ I (en annexe) I (en annexe) | |
3°. Développement des Empires romains d^ Orient et d^ Occident.
Occident.
Invasions barbares.
VIII les Francs envahisseurs de la Gatde romaine
(en annexe : les Scandinaves)
XI époque romane
XII époque gothique
XIII époque de la Renaissance
Orient.
IX les Byzantins
X les Arabes.
La liste de nos tableaux arrêtée, nous avons recherché ce qu'il
convenait d'y représenter pour donner une idée générale de Tétat
social de chaque période.
Faut-il prendre des sites historiques ou créer de toutes pièces
des paysages renfermant le plus grand nombre possible de spéci-
mens de monuments ?
Sans méconnaître ce que ce dernier mode permet de donner
d'une façon résumée et concrète, beaucoup d'éléments en un
espace restreint, nous craignons cependant que, précisément à
cause de cela, il n'en reste qu'une image confuse dans l'esprit du
spectateur. Celui-ci retiendra beaucoup mieux le caractère d'un
site monumental authentique, tel que le grand temple hypostyle
de Kharnak, l'Acropole d'Athènes, le palais de Xerxès à Persé-
polis ou le Forum de Rome. Ce seront les monuments eux-mêmes
que le visiteur aura de cette façon sous les yeux et c'est la vie
ancienne dans ses propres manifestations sans intervention ima-
ginative de l'auteur du diorama qu'on pourra saisir sans effort.
Les tableaux doivent représenter autant que possible la vie
civile personnifiée dans les chefs, les juges et les guerriers, la vie
religieuse représentée par les prêtres, la vie privée qui serait
montrée dans le citoyen, l'artisan et l'esclave.
Pour résumer plus ou moins nos idées à ce sujet, nous avons
dressé le tableau ci-contre.
MONUMENTS
Chef
Juge
Guerrier
Prêtre
Palais, sénat, forum, hôtel de ville, beffroi, bâtiment
d'administration, etc.
Citoyen
a»
>
Artisan
Esclave
Prétoire, tribunal, basilique, etc.
Prison, bagne, galère, etc.
»
Camp, caserne, forteresse, marine militaire, refuge per-
manent, temporaire, château, burg, donjon, enceinte
fortifiée, retranchement, etc.
Bois sacré, fontaine, temple, synagogue, église, mosquée,,
cathédrale, chapelle, baptistère, lieu d'initiation, abbay^
monastère, presbytère, cloître, ermitage, etc.
Le mariage —
La naissance -
L'éducation —
L'instruction —
Le vêtement
La nutrition —
La souffrance -
L'agriculture -
L'industrie —
Le commerce
L'art —
La science —
La récréation
Habitation, maison, villa, etc.
Baptistère, lieu d'initiation, etc.
École,académie, athénée, université, etc.
Lycée, séminaire, etc.
Du corps, de la tête, des mains, des
pieds.
Hôtellerie, auberge, etc.
Hôpital, hospice, etc.
Ferme.
Fabrique, atelier, gynécée, etc.
Entrepôt, bourse, port, canal, routq^
aqueduc, etc.
Académie, musée, etc.
Observatoire.
Théâtre, odéon, cirque, etc.
Naumachie, thermes, etc.
Hypogée, columbarium, et
Catacombe, crypte, etc.
Pyramide, mastaba, etc.
Mausolée.
Voie sacrée.
52 3 '7Î } Tumulus.
Campo sancto.
Lanterne des morts, chapelle
sépulcrale, etc.
MOBILIER
Trône.
Banc de justice.
Machines de guerre.
Idole, autel, cathédrâj
fonts, chaire, etc.
Mobilier domestique, tissus
céramique, orfèvrerie, etc.
Barque, chariot, etc.
Litière funèbre, char, cata-
j ) falque, bûcher, cénota-
phe, le sarcophage, etc.
INSIGNES
Sceptre, couronne, blason,
sceau, etc.
Main de justice, glaive, ba-
lance, etc.
Trophée, enseigne, drapeau,
etc.
Amulette, objet de supersti-
tion, ex-voto, etc.
USTENSILES
Instruments de torture, gibet,
échafaud, etc.
Arme d'attaque, de défense,
(tactique et poliorcétique.)
Jeux, jouets, équitation, nata-
tion, chasse, pêche, écriture, etc.
Vaisselle.
Instruments de médecine.
Monnaie, poids, mesure, etc.
- 454 —
Telle pourrait être la galerie historique de Tœuvre si utile qui
naîtra de la haute pensée de notre auguste Souverain.
Remercions les pouvoirs publics qui nous appellent à sa réali-
sation, et espérons que bientôt nous pourrons mettre la main à
l'œuvre, pour aider les pouvoirs publics à édifier cette concep-
tion grandiose.
Bruxelles, le 20 février 1891 .
Les Rapporteurs y
P. Saintenoy, B^" a. de Loë.
Pour la Commission administrative :
Le Secrétaire-général y Le Président y
Paul Saintenoy. C*® Goblet d'Alviella»
LA
MAISON DES DOUZE-APOTRES
à Bruxelles
|l est un genre d'études, fort négligé autrefois, et mis
en honneur, avec raison, en ces derniers temps. Nous
voulons parler des recherches sur les institutions de
bienfaisance du moyen âge.
En parcourant, en effet, les annales de ces antiques hôpitaux,
hospices, asiles, etc., on est étonné de la foule de captivants
détails qu'elles renferment.
Sans entrer dans des généralités sur cette mine féconde en
précieux enseignements, la présente notice a pour objet une des
plus célèbres fondations charitables du vieux Bruxelles : la mai-
son des Douze- Apôtres. Son histoire constitue une curieuse page
de celle de la capitale. Elle est intimement liée au passé de la
vénérable Collégiale.
* *
L'hospice des Douze- Apôtres consistait en une vaste demeure,
avec un grand jardin et un vignoble. Il avait sa chapelle et
comptait, parmi ses dépendances, une boulangerie et, probable-
ment aussi, une boucherie de modestes dimensions. Son fonda-
teur est Guillaume Bont, chantre et chanoine de Téglise Sainte-
— 456 —
Gudule, qui, dans son acte de dernière volonté, stipula des
donations considérables au profit de cette œuvre.
Après sa mort, ses exécuteurs testamentaires, pour réaliser le
projet du défunt, acquirent une habitation, sise près de l'hospice
de Ter-Arcken (by der Arcketi, Arca Dei), en face de la rue Cuil-
ler-à-Pot. D'après la tradition, nous apprend V Histoire de
Bruxelles *, c'était la maison même du rabbin où les hosties,
volées par les juifs, à Téglise Sainte-Gudule, en 1370, auraient
été poignardées.
Suivant le désir du testateur, on appliqua à cette Maison-Dieu
le nom de teii Apostelen ou des Douze-Apôtres.
Voici la règle de cette institution.
Treize vieillards, de Bruxelles ou des environs ^, pauvres et
incapables de gagner leur vie, y seront logés et nourris, confiés
aux soins d'une unique servante. Ils ne pourront avoir à leur
charge ni femme, ni enfants. Leur réputation devra être irrépro-
chable. Des mendiants de profession ne seront pas admis.
Après le décès ou la démission des exécuteurs testamentaires,
la réception des candidats appartiendra au curé, aux fabriciens et
aux proviseurs de la mense du Saint-Esprit de la paroisse Sainte-
Gudule. Tout leur avoir, ainsi que les produits de leur travail,
aumônes et successions, seront à apporter à la communauté.
Les repas du matin et du soir se prendront en commun.
Les frères mèneront une vie paisible et morale. Ils ne pour-
ront ni se frapper, ni se cogner, ni s'injurier entre eux, sous peine
de correction en rapport avec l'infraction commise. L'accès des
tavernes^ leur sera interdit. Il leur sera défendu aussi de se
procurer de la boisson à prix d'argent, mais ils seront libres
d'accepter, de personnes honnêtes, à boire et à manger pour
l'amour de Dieu.
Ils ne pourront héberger ni leurs amis, ni leurs parents. Les
femmes seront rigoureusement exclues des chambres à coucher *,
voire même de la table commune.
1 Henné et Wauters,' III, p. 298. D'après M. l'abbé de Bruyn, Histoire de Sainte-
Gudule^ etc., cette profanation aurait eu lieu dans la synagogue, qui se trouvait là
où s'élève, maintenant, la chapelle de Salazar.
* ... in steden oft dorpen daer ontrent gelegen.,.
^ .,.in eenighe taverne..»
* ... e^heene vrouwen in haer cameren houden oft laten benachten,,.
- 457 —
Suivant les conseils de leur curé, les vieillards iront fréquem-
ment à confesse. En bons chrétiens, ils approcheront du Saint-
Sacrement, au moins une fois par an. Sauf empêchement légitime,
ils assisteront à la messe tous les jours.
Tous les mardis et jeudis, deux d'entre eux, les plus
robustes et les plus honnêtes, munis de besaces, iront quêter leur
pain. lisse rendront, de plus, à toutes les distributions de vivres
qui se feront dans Bruxelles.
Les dimanches et les jours de fête, les Frères se tiendront dans
le circuit du chœur, à l'église Sainte-Gudule, du côté sud, pour y
recueillir les aumônes des bonnes gens.
Tous les dons, en nature et en argent, seront remis à la servante
de Fhospice.
Quand l'un des treize vieillards tombera malade, les autres, ou
l'un d'eux, à ce désigné, le soigneront.
Tous sont obligés d'aider la servante dans les travaux de la
maison, du jardin et du vignoble : ils devront porter et fendre du
bois, puiser de l'eau, cuire le pain, bêcher, ensemencer etc., etc.
A moins d'être malades, ils réciteront, pour leurs prières
journalières, à midi et aux vêpres, eii l'honneur de Dieu, de la
Vierge et des douze Apôtres, un Paier et un Ave, de même que
les autres petites heures, savoir : la prime, la tierce, la sexte, la
none et les complies. Ils diront également un Pater et un Ave,
avant leurs repas, et, après ceux-ci, les mêmes prières, comme
actions de grâces.
Les Frères réintégreront la Maison, en été, entre 8 et 9 heures
du soir ; en hiver, à 6 heures. Après le souper, l'un d'entre eux,
à ce désigné, les réunira par deux coups de cloche, pour dire en
commun cette prière :
O, bon Seigneur Dieu, créateur du ciel et de la terre, soyez béni,
loué et remercié de tout le bien que vous nous avez fait et accordé.
Nous vous prions de nous donner votre miséricorde et de nous déli-
vrer de tous les péchés.
Puis, ils continueront :
Prions maintenant pour notre redoutable seigneur, le duc, et la
duchesse de Brabant, pour leur progéniture, pour son noble conseil
(du duc), pour la grande ville de Bruxelles, pour sire Guillaume
- 458 -
Boni, feu chantre et chanoine de V église Saînte-Gudule , notre fonda-
teur, et poiir ses exécuteurs testamentaires, qui ont érigé cet hospice
suivant ses dernières volontés, et tous ceux qui nous ont fait du bien et
qui nous en font encore tous les jours, ainsi que pour toutes les âmes
qui sont parties de ce inonde, pour que notre bon Seigneur ait pitié
d'eux, et disons chacun pour eux un Pater noster et un Ave Maria,
Entraîneront l'exclusion de Thospice : un caractère insociable,
la folie, rivrognerie incorrigible, les blasphèmes, les maladies
contagieuses, le vol et l'infamie. Pour certains cas, il sera rendu
à l'exclu tout l'avoir qu'il a apporté ; pour d'autres cas, ses biens
resteront à la communauté.
* *
Il n'est pas sans intérêt de dire quelques mots du fondateur de
la Maison des Douze-Apôtres.
Guillaume Bont était, en 1394, chanoine à Lierre et conseiller
de la duchesse Jeanne *. En 1420, il figura parmi les conseillers
du duc Jean IV, condamnés à Texil, par les nobles et la ville de
Louvain, pour aussi longtemps que la Hollande, la Zélande et la
Frise n'auraient pas été rendues à leur souverain légitime ^.
Fondateur de deux chapellenies en l'honneur de Saint-Michel,
il mourut en 1432. Dans la chapelle de Saint-Michel-au-Mont (au
coin du Treurenberg et de la plaine de Sainte-Gudule), on voyait,
autrefois, une peinture représentant plusieurs saints et portant
une inscription qui rappelait la mort et l'enterrement du person-
nage ^. Les auteurs de V Histoire de Bruxelles en ont inféré, assez
logiquement, que le chanoine avait reçu la sépulture dans cette
chapelle. Il n'en est rien. Guillaume Bont fut inhumé en l'église
Sainte-Gudule, devant le sanctuaire de Sainte- Agathe. Ses deux
anniversaires se célébraient le 9 juin et le 24 juillet *.
Le tableau aura été déplacé après coup, et, de là, la méprise,
très pardonnable, des historiens.
En qualité de secrétaire de la duchesse Jeanne, il apposa, le
1 Alph. Wauters, Histoire des environs de Bruxelles, t. III, p. 433.
2 Henné et Wauters, op. cit., t. I, pp. 199-200.
* Voyez Henné et Wauters, op. cit., t. III, p. 298, et Christyn, Basilicahruxeî
Jensis, édition 1743, t. II, p. 29.
* Archives de l'église, registre n^ 338.
— 459 —
13 septembre 1398, à une charte, un sceau rond (2i'"/m) avec un
écu plain,au chef chargé d'un croissant; légende : ►r* S'wtlbelmt.
Mctt.:Bont^
*
♦ *
Dès 1434, l'hospice des Douze-Apôtres fonctionnait et était
peuplé de treize vieillards, d'un receveur et d'une servante. Cela
résulte d'un acte du 20 mai de cette année, qui constate officiel-
lement la réalisation du généreux projet du chanoine Bont.
Douze ans plus tard, en 1446, les administrateurs de la Maison
se virent obligés de révoquer leur receveur, le prêtre Jean Han-
sen, dont la gestion avait donné lieu à de graves mécontente-
ments. Ce fut le prêtre Hubert van der Linden qui lui succéda,
non sans avoir dû, au préalable, déposer un sérieux cautionne-
ment. Cette mesure fut déclarée applicable à tous les titulaires
futurs de son emploi.
Le document dressé à cette occasion, nous apprend les condi-
tions réglant l'engagement des receveurs. Ils avaient leur habita-
tion dans l'hospice et y recevaient la même nourriture que les
vieillards. Outre leur salaire, il leur revenait, annuellement, une
somme de trois florins du Rhin, pour un repas ^, à titre de rému-
nération pour les travaux de comptabilité. La reddition de compte
devait se faire entre derthienmîsse (le 6 janvier, l'Epiphanie) et
papen vasielavont.
Avant de prendre une décision quelque peu importante, ils
étaient tenus de la soumettre à l'approbation des administrateurs.
De même que la servante, le receveur pouvait être remercié à
toute heure.
Ces dernières dispositions semblent avoir été dictées par les
expériences fâcheuses faites du temps de Hansen. Lors de l'entrée
en fonction de son successeur, on introduisit, de plus, dans le
règlement de la maison, un article important : en vertu de ce
nouveau paragraphe, la désobéissance, les injures proférées à
l'égard des régents et les infractions à la règle, constitueraient des
motifs d'exclusion immédiate, sans que celui qui serait frappé
de cette mesure de rigueur, eût le droit d'en appeler aux
1 Archives départementales, à Lille ; fonds : èvêché et chapitre de Cambrai,
^ ... voor eene maeltyt,. .
— 4^0 —
tribunaux ecclésiastiques ou séculiers. En tout état de cause, un
recours ne pourrait avoir lieu que contre les biens de Thospice; et
non contre ceux des administrateurs...
Des exécuteurs testamentaires du fondateur, deux étaient
encore en vie en 1450 : un sien neveu, Jean Bont, docteur en
droit, trésorier de Cambrai et, comme le défunt, chantre et
chanoine de l'église Sainte -Gudule, ainsi que Lambert de Cock,
petit chanoine de la même église.
Jean Bont, qui avait été aussi archidiacre de Famenne (1436),
avait rempli les hautes fonctions de chancelier de Brabant. Par
donation entre vifs, qu'il confirma par son testament, il dota
l'hospice des Douze- Apôtres de biens considérables, notamment
une maison dans la rue de la Montagne (BerchsirateJ ,k Bruxelles,
une cour de tenanciers (laathof), s'étendant sous Vossem, Leefdael
et Duysbourg, et comprenant une ferme à Vossem, avec un
jardin, des bois et d'autres appartenances *. Il assigna, ensuite,
une somme de 150 florins du Rhin, à réserver pour des dépenses
extraordinaires de la Maison, et attribua le restant de sa fortune,
moitié à la fabrique de Téglise Sainte-Gudule, moitié aux pauvres
de cette paroisse.
Dans la même église, Jean Bont fonda une chapellenie à Tautel
des saints Lambert, Pancrace et Sébastien, en stipulant diverses
largesses en faveur du chapitre, du chapelain, des chanteurs et des
sacristains. De concert avec Lambert de Cock, il affecta à la
garantie de ces dotations tous les biens de la Maison des Douze-
1 Cette seigneurie avait été achetée, le 10 décembre 1394, par Guillaume Bont
(alors chanoine à Lierre et secrétaire de la duchesse Jeanne) qui, à la même époque,
s'était rendu acquéreur, à Vossem, d'un moulin à eau, où les habitants de Tervueren
et de Duysbourg étaient tenus de faire moudre leur grain.
En vertu d'un octroi de Philippe le Bon, du 23 août 1445, en faveur de /m maistre
Jehan Bonî, en son temps chancellier de Brabant, la ferme de Vossem, appelée depuis la
Cour des Dou^e- Apôtres , pouvait envoyer pâturer, dans le bois de Soigne, 16 vaches,
I taureau, 4 chevaux, $0 pourceaux et 100 brebis.
Rectifier ainsi les détails donnés à ce sujet dans V Histoire des environs de Bruxelles^
t. III, p. 435. (V. Chambre des comptes, Sesde volumen van de Swerte Registres, n» 15,
f° 3 10, et Greffes scabinaux, arrondissement de Louvain, n° 153 : Résister des Laethofs der
12 Appostelen be^innende 6 october 1766 en de eyndigende 1795.)
— 461 —
Apôtres. Cette nouvelle fondation fut confirmée par un instru-
ment notarial du 21 juin 145 1 *.
Le 4 janvier précédent (1450 vieux style), les deux chanoines
avaient dressé, pour Thospice, un acte spécial dans lequel les
biens de Bont et ceux de la Maison des Douze-Apôtres avaient
été engagés à l'église, du chef des diverses libéralités de Jean
Bont. Outre celui-ci et Lambert de Cock, étaient intervenus à cet
acte : Alexandre van Beringhen, curé, Henri Magnus, Jean van
1 Ce document est important pour l'histoire de la Maison des Douze-Apôtres et
donne, en outre, des renseignements intéressants concernant l'église Sainte-Gudule.
A ce double titre, il mérite d'être publié in extenso.
Le voici :
In nomine Domini Amen. Universis présentes litteras inspecturis seu audituris,
decanus et capitulum ecclesie Sancte Gudile bruxellensis, cameracensis diœcesis,
salutem in Domino et infrascriptorum agnoscere verilatem. Notum facimus quod
anno, mense, die, hora, indictione et pontificatu infrascriptis, nobis, capitulariter
congregatis, exposuit egregius et circuraspectus Dominus etconfrater noster carissi-
mus, Dominus Johannes Bout, utriusquejuris doctor, ihesaurarius cameracensis ac cantor et
canonicus nostre prejate ecclesie, quatenus ipse considerans varios humane conditionis
lapsus que nunquam in eodem statu permanet aut consistit, ad ruine exterminia fina-
liter perventura, ne preventus amare mortis examine, de negligenti dispensatione
temporalium bonorum ei a divina clementia concessorum in districto Dei iudicio
inculpetur, dudum ad honorem omnipotentis Dei ac gloriose Virginis Marie, eius
genitricis, omniumque sanctorum et sanctarum ac anime sue et suorum progenito-
rum salutem, condidit, ordinavit et solemniter fecit testamentum suum et ultimam
dispositionem et ordinationem super suis temporalibus bonis, ubi inter cetera nobis
dédit et legavit viginti unum florenos renenses, a âomo Jpostoïorum, sita in dicta
oppido bruxellensi, iuxta hospitale de Archa, in festo nativitatis Domini annuo (!) et per-
petuo recipiendos, ad distribuendum eosdem in choro ecclesie nostre predicte in
decem festis de novo per eum ordinatis et dudum per nos admissis, cupiens etiam
pro omnium fidelium defunctorum et signanter Domini Wilhelmi Bont, quondam
cantons et canonici ecclesie predicte y avunculi sui, parentum suorum et sua animabus, de
novo fundari et erigi unam capellaniam perpetuam in eadem ecclesia,ad altare sanc-
torum marlyrum Lamberti, Panera tii et Sebastiani, sub onere trium missarum, cer-
tis modis et formis septimanatim perpetuis temporibus dicendarum. Pro eiusdem
capellanie dotatione ordinavit, quod huîusmodi capellanie capellanus, aut eidem offi-
cians pro tempore existens, recipiet a domo Apostohrum supradicta annuatim et per-
petuo, in festo nativitatis Domini, Iredecim et dimidium modios siliginis, mensure
bruxellensis, magister vero cantus et secum unam dictarum missarum in honorem
sancti Sebastiani martyris septimanatim discantaturi sex et dimidium modios siligi-
nis dicte mensure; custodes quoque ecclesie nostre predicte, quia per fundationem
huiusmodi decem festorum atque missarum sancti Sebastiani predictarum et alias
plus solito in sonitu et tinnicione campanarum onerati erunt,pro recompensa labo-
rum suorum, sicut decet, a sepefata domo Apostohrum viginti sextaria siliginis, men-
sure predicte, récipient et levabunt, prout hec omnia et singula cum suisconditioni-
— 462 —
Hornicke, fabriciens, et Walter Magnus, Everard t' Seraerts,
Jean de Hertoghe et Jean Maten, proviseurs des pauvres de
Téglise Sainte-Gudule. En appendant son sceau à ce document,
Guillaume Bout, J. U. D. et doyen de Louvain, neveu de Jean,
fait connaître son adhésion à tous les arrangements pris par
son oncle.
La charte que nous analysons nous apprend des détails fort
curieux.
bus, modis et formis, uti ab eodem ordinata fuerant, habentur et continentur in
certis clausulis dicti sui testamenti, nobis per ipsum exhibitis, quarum ténor de verbo
ad verbum sequitur et est talis :
Item lego capitule béate Gudile prefate viginti unum florenos renenses a domo
Apostolorum, sita iuxta hospitale de Archa, annuo (!) et perpetuo recipiendos in festo
nativitatis Domini, ad distribuendum eosdem in choro eiusdem ecclesie in decem
festis per me ordinatis sub modo et forma subscriptis. Et primo in festo béate Bar-
bare, quod obtinui de consensu capituli esse festum triplex, et per prius duplex
dumtaxat erat, pro festo eiusdem très florenos renenses. Item in quolibet festorum
sequentium nativitatis beati Joannis Baptiste, quod solebat esse maius duplex, et
procuravi de cetero esse triplex in octava eiusdem ac in festo decoUationis ipsius,
necnon in festis beatorum Lamberti, Sebastiani, Joannis ante portam latinam, Ser-
vacii et Pancratii atque in octava béate Barbare hic ante de dicta octava nunquam
fuerat memoria, que omnia procuravi de consensu ut supra esse duplicia, prout ante
non fuerant, duos florenos renenses consimiles, qui faciunt in summa viginti unum
florenos renenses, quorum quidem très florenos in béate Barbare ac duos in qua-
libet dictorum sanctorum, ut profertur, festivitate, volo et cupio distribui, mediatim
Dominis de capitulo, plebano ac suis vicariis et mediatim minoribus canonicis, suis
vicariis, capellanis et mercenariis, chorum ecclesie débite frequentanlibus, sub modo
et forma subiungendis, videlicet quod tertiam suam partem porcionis cedere habe-
bunt canonicis plebano et suis vicariis, qui intererunt primis et secundis vesperis,
aliam tertiam interessentibus matutinis et reliquam tertiam partem interessentibus
prime, tertie, sexte, summe misse et none, taliter tamen quod ibidem veniant et
persévèrent cantando, legendo et silentium debitum observando, sicut decet,
adeoque dictis horis quotidianam distributionem ordinatam per quondam bone
memorie dominum Theodoj'icum de Gorchem, cantorem ecclesie^ lucrari mereantur, et
non alias. Et pari passu volo et ordino de média portione cedenda minoribus cano-
nicis, suis vicariis, capellanis et mercenariis. Si tamen aliquis dictorum dominorum
decani, canonicorum ac plebani contingeret in futurum tempore dictorum festorum
missum esse aut impeditum in negotiis capituli vel etiam infirmum aut suscipere
medicinam, volo quod talis lucretur, acsi personalirer dictis horis interesset, omni
tamen dolo et fraude seclusis. Item quia custodes per fundationem dictorum decem
festorum sunt plus solito in sonitu et tinnicione onerati, prout etiam sunt in pul-
satione viagne et omnium aliarum campcinarum nove turris, tam in profesto et festo
Innocentium inter vesperas et completorium et in crastino Innocentium, tempore
commendationum legendarum in novo choro sacerdoti (!) super tumuhim meum, prout
etiam erunt in anniversario mec, quod pro hoc et quod qualibet septimana onerati
— 463 —
D'après les intentions du fondateur de Thospice, les dépenses
étaient à réduire au strict nécessaire, et Ton ne devait demander
Taumône qu'en cas de nécessité absolue. Instruits sur les besoins
réels de la Maison, par une pratique de nombreuses années, les
deux mambours avaient cru faire œuvre sage d'en fixer le budget
— quitte à leurs successeurs de le modifier, si les circonstances
le comportaient — et, dans leur pensée, le moment en était venu.
Outre les frais de réparation à faire à Thospice et à ses proprié-
tés, ainsi que les sommes affectées aux rentes à servir, ils ordon-
nèrent donc les dépenses annuelles suivantes :
sunt et erunt die mercurii, vel alio die forsan correspondenti ad tinniendum more
solito pro missa sancti Sebastiani finitis matutinis septimanatim discantanda, pro
recompensa laborum suorum in his, sicut decet, lego dictis custodibus annuo (!)
in festo nativitatis Domini, per dictam domum Apostolorum persolvenda, vîginti sex-
taria siliginis, mensure brtixellensis. De omnibus volo quod superior custos dum-
taxat habeat quartam partem. Item pro omnium fidelium defunctorum et signanter
quondam Domini Wilheîmi Bout, cantons et canonici ecclesie sancte Gudile prefate,
avunculi et factoris mei, parentumque meorum ac mea animabus cupiens fundare
unam capellaniam in ecclesia prelibata, ad altare sanctorum Lamberti, Pancratii
et Sebastiani, in honorem salvatoris nostri eiusque matris Virginis gloriose, nenon
et omnium sanctorum et sanctarum, et signanter beatorum Lamberti, Pancratii
et Sebastiani predictorum, sub onere trium missarum, quarum unam volo fieri
per capellanum vel loco sui substituendum, si legitimum impedimentum pro
temp ore habuerit, sub cantu et discantu, semper feria quarta immédiate post
matutinas, nisi dicta feria quarta fuerit per solemne festum occupata, cum tune
volo, quod die precedenti anticipetur, vel ad aliam magis congruentem differatur, et
alias duas celebrabit submissa voce capellanus aliis diebus in septimana sicuti sibi et
quando magis congruerit. Ordino pro eiusdem dotatione quod capellanus annuatim
recipiet a domo duodecim Apostolorum supratacta in festo nativitatis Domini tre-
decim cum dimidio modios siliginis, mensure bruxellensis, pro se et ad utilitatem
suam. Et magnus cantor ab eadem domo etiam recipiet, modo et forma prelibatis,
pro labore suo et secum dictam missam discantare debentibus alios sex modios cum
dimidio siliginis persolvendos ; faciunt prout viginti modios siliginis eiusdem men-
sure. Pro cuiusquidam discantande misse,ad quam etiam tinniendum erit, more solito
tam in cantu quam in pulsu, explecione débite fienda, prefatus capellanus magistrum
discantus et custodem sollicitare habebit et erit astrictus, volens quod si defectus in
eo acciderit in aliqua dictarum trium missarum pro qualibet discantanda prefato
capellano unum sextarium et pro qualibet bassa missa due fertelle defalcentur. Quod
si in dicto capellano defectus non foret, sed in magistro cantus in discantando, seu in
custodibus in tinniendo,vol^quod predicto magistro cantus sic defectuoso pro qualibet
vice defectus très fertelle siliginis et custodi due fertelle, dicte domui Apostolorum
applicande, defalcentur et tantominus recipere quilibet eorum habebit. In dicte tamen
capellanie fundatione cupio ponere et esse talem modum qui sequitur ; videlicet quod
dictos tredecim cum dimidio modios recipere annuo (!) habebit Dominus Gerardus
Pistorum, presbyter, capellanus meus, vel alius forsan per me nominandus, et dictas très
missas cum diligentia de qua supra facere erit obiigatus sub pœna prenarrata. Et
- 4^4 —
Pour pain, 20 rasières de seigle, mesure de Bruxelles, maxi-
mum ; au boulanger, 7 plaquettes pour chaque rasière de seigle ;
pour cervoise ou bière 23 ryders, savoir, par jour, 15 pots, dont
quamdiu dictus Dominus Gerardus vel alius ut prefertur nominandus, quem totiens
quotiens mihi placuerit variare et mutare potero me superstite et quam diu ultimo
sic per me nominatus viiam habuerit in humanis, volo quod officium, et non bene-
ficium, censebitur compatibile cum alio beneficio ecclesie, quod ipse vel alius in
ecclesiam jam capellanus obtinet, aul; forsan in antea obtinebit ; sed quam cito ille
debitum carnis exsolverit, volo quod tune primitus incipiat esse capellania ad dispo-
sitionem dicti capituli pertinens, sicut alie capellanie ecclesie si et in quantum tune
etiam vita functus fuero, cum vita mea comité dispositionem desuper mihi soli
réserve. Et quia predictus dominus cantor summopere desideravit predictas suas
ordinationes omnes et singulas perpetuis futuris temporibus inviolabiliter observari,
nos requirere et hortari curavit, obsecrans attentius quatenus easdem omnes et sin-
gulas cum suis modis, formis et conditionibus, quantum in nobis est, confirmare,
approbare, admittere et ratificare alque dictam novam capellaniam ad altare et sub
onere predicto erigere et fundare vellemus, presentans nobis atque realiter tradens
ad opus predictum patentes litteras obligatorias dicte dornus Apostolomm, sigillis
mamburnorum eiusdem sigillatas et roboratas, una cum litieris confirmationis reve-
rendi in Christo patris, domini Johannis, episcopi cameracensis, eisdem infixis.
Nosque decanus et capitulum ecclesie béate Gudile predicte, habita ut,decuit,prius
super premissis omnibus et singulis et ea concernentibus informatione débita et
requisita,reperimus dictam domini cantorisrequestam fore piamet rationi consonam;
eidem liberaliter condescendimus, ipsa omnia et singula acceptantes, admittentes,
approbantes, ratificantes et omologantes alque capellaniam prefatam fundantes et
erigentes, fundamus quoque et erigimus per présentes, sub onere, formis et conditio-
nibus prius expressatis quas et que hic habere volumus pro repetitis.
In cuius rei testimonium sigillum nostrum ad causas, quo utimur in hac parte,
cum signo et subscriptione nostri notarii iurati infrascripti presentibus duxîmus
apponendum. Datum et actum in loco nostro capitulari, nobis capitulum générale
celebrantibus et facientibus, die vigesima prima mensis Junii, anno domini mille-
simo quadringentesimo quinquagesimo primo, indictione décima quarta, pontificatus
sanctissimi domini nostri Nicolai, divina providentia pape quinti, anno suo quinto,
presentibus honorabilibus viris domino Egidio Wychiian^ presbytero, minons prébende
canonico, et Gerardo van den Kerchove, capituli ecclesie béate Gudile h-uxellensis virgifero,
cameracensis diœcesis, testibus, ad premissa vocatis specialiter et rogatis.
Et ego Johannes Jakemuns, presbyter, cameracensis diœcesis publicus sacris aposto-
lica et imperiali auctoritate venerabilisque capituli ecclesie béate Gudile bruxellensis
notarius iuratus, quia premissis expositioni, requisitioni, exhortation! litterarum
obligatariarum et confirma tionum predictarum acceptationique earum et admission!,
approbationi, ratification! et omologationi omnibusque aliis et singulis dum sicut
premittitur agerentur ei fièrent, una cum prenominatis presens interfui eaque sic
fieri vidi, scivi et audivi, in notitiam recepi, ex quo presens publicum instrumentum
seu présentes liiteras manu aliéna fideliter scriptas seu scriptum confeci et in hanc
formam publicam redegi signoque apostolico et nomine meis solitis hic me proprîa
manu subscribendis, una cum appensione sigilli dicti capituli ad causas, signavi,
rogatus et requisitus in omnium et singulorum fidem et testimonium premissorum.
Jo. Jakemuns. (D'après la copie authentiquée
par le notaire J. de Maeyere).
— 465 —
8o forment un tonneau, à 25 plaquettes *, soit, par 16 jours,
3 tonneaux, au coût d'un rydeVy ou 15 sols ;
un bœuf ordinaire de Frise, pouvant coûter jusque 10 écus
Guillaume ^ ; huit cochons maigres pour être engraissés au moyen
de son ;
Ce document, on le voit, rappelle des fondations antérieures. Les pièces qui ont
trait à celles-ci sont intéressantes au double point de vue historique et archéolo-
gique.
Voici le plus ancien acte de ces fondations :
^ y Lucas van Eyke, canoenck tôt Sinte Goedelen te Bruessel, Willem Ron^maUy
Ridder, heere te Bigardeny ende ]an van Coithem, kercmeesters van der fabriken der
voirs. kercken, kennen ende liden dat wy overconien zyn metten eerwerdi^hen ende
vnsen heere meester Jan Bont, doctoer in heiden rechten, cancelier van Brahant, canter en de
canoenck der selver kercken, van der voirs. kercken weghen, als dat van voirtaen
ewelyc aile kersavond te vesperen ende in kerstdaighe te mettenen, te missen, ende
te vesperen, die fabrike sal doen berren een ende vyftich wessen kerssen op eene
crone in dcn coer hangende, die de selve canter heeft op siinen cost doen maken,
ende desgelycs oie veertich der geliker keersen omtrent den coer staende ende oie
mede op des heylichs sacraments avont ende sdaighs thien keersen meer dan dair te
voeren plagen geset te wesen, wair af wy kennen ons van den voirs. eerwerdighen
heere ende wisen meester Jan voirgenoemt wael vernuecht ende dat ghelt in dên
oirboir der selver kercken bekeert te wesen, ghelovende in goeden trouwen, dat by
ons ende onsen nacomelingen tôt ewighen daighen bestelt ende gedaen te worden,
sonder eenich wederseggen. In oirkonde der fabriken seghel der voirs.- kercken aen
desenbrief ghehangen, int jaer ons heeren duysent vierhondert viere ende dertich
viere, ende thiene daighe in meye.
(Original sur parchemin, avec sceau ogival de la fabrique en cire verte : bras
avec lanterne, etc.)
Par acte du 20 mai 1436, les mêmes marguillers reconnurent avoir reçu de Jean
Bont (outre les titres ci-dessus, ils lui donnent encore celui d'archidiacre de Fatnenne),
une nouvelle donation pour augmenter le nombre des cierges spécifiés dans le docu-
ment qui précède (même sceau).
Enfin, le 8 novembre 1446, le chanoine Bont (il n'était plus chanceHer alors) fit
une nouvelle fondation en faveur de l'église Sainte-Gudule. (C'est celle qui se
trouve spécifiée dans l'acte du 21 juin 145 1). A la charte y relative, se voient encore,
en cire rouge, les sceaux de deux fabriciens, tous deux conseillers du duc, à savoir :
de Jan die Herto^e, chevalier ; trois tours ; au franc-quartier, chargé de trois fleurs
dehs, au pied coupé ; cimier : une étoile entre deux cornes de taureau, chacune char-
gée d'une étoile ; supports : un hon et un aigle ; légende : StôtllU ♦ jObHUUtS
^UCi6mllttl0(26-An);
de Henri Magnus : parti-émanché ; au chef, chargé de trois fleurs de lis, au pied
coupé ; cimier : un bonnet ou écran, arrondi au haut, aux armes de l'écu, les fleurs
de lis posées i et 2 ; tenant dextre : un homme sauvage velu, armé d'une massue ;
légende : S ♦ IbCU^iCi * btCtt ♦ maÔttUS (25'"/m). Deux très beaux types
de sceaux.
^ 15 pollen hoppen luyn, mate dyer tache ntich een dre^elvat maken, dat gemeyneîyck cost
XXVple^ken.
^ Item tsiaers eenen shemeynen vriesschen osse, van thien Wilîems schilde oft daer onder,
30
— 466 —
Nota bene, les peaux seront abandonnées au boucher, comme
prix de Tabattage de ces animaux, pour la préparation de la
salaison, ainsi que la fourniture de chandelles et d'épices pour les
tripes * ;
150 livres de beurre de la Dendre ou de la Sennette, au plus bas
prix ^ ; pour sel, la quantité nécessaire pour saler le bœuf, les
huit cochons et les autres mets, et à acheter, à l'exemple des maî-
tres des pauvres, à l'étape d'Anvers ou à celle de Malines ;
125 charges d'âne de bois ^ ;
400 fagots et six rasières de charbon ;
un tonneau de harengs et un panier de figues, pour le carême ;
une poîse et demie de fromages de Flandre * ;
six setiers de fèves et de pois ;
pour navets, en hiver, la valeur de 40 à 50 plaquettes ;
pour cuves, tonneaux et seaux, environ 40 plaquettes ;
pour \geltes de saindoux à employer en carême •^, on consacrera
un setier de grain, dû par certain Winne, de Vossem ;
pour deux pitances, Tune à l'anniversaire de la mort de
Guillaume Bont, l'autre au jour des Apôtres, 2 clinckaert (nota
bene une rente de un clinckaert avait été constituée, à cette fin, par
Guillaume van Drumpt ^) et enfin :
les gages du receveur et de la servante.
Le 3 février 1451 (n. st.), Jean Bont et Lambert de Cock décla-
rèrent que, seuls les biens de la Maison des Douze-Apôtres
devaient être affectés à la garantie des donations faites, par le
premier, à l'église Sainte-Gudule, et non leurs propres biens.
Cette modification de l'acte du mois précédent fut agréée par le
curé, la fabrique et la mense des pauvres de l'église ^.
*
* *
1 ... riiete keerssen ende cruyde te pensen.
* ... van op de Dendere oft van Senneken, ten besien coop in syn saysoen.
' ... houdt, cuesbaer soets..,
* ... onderhalven wa^hen vîaemschen keese,
^ ... vier gelten smouts, voor die vasten. (Une ^elte = 8 litres.)
6 Plus tard, la Maison des Douze-Apôtres levait une rente féodale de 25 fl. du
Rliin, à charge de la moitié que le prince de Nassau possédait de la terre de Grim-
berghe {Cour féodale de Bràbant, reg. n^ 357, f» 304).
^ Le sceau du petit chanoine Lambert de Cock, en cire rouge, porte dans un
quadrilobe, un écu coupé ; au i*^, parti : a) plain ; b) échiqueté ; au franc-quartier
— 467 —
De même que son oncle, Jean Bont avait été un des conseillers
du duc Jean IV, bannis, en 1420, par la noblesse et la ville de
Louvain. 11 s'était vu, depuis, élever au poste de chancelier du
duché. \J Histoire de Bruxelles place cet événement, à tort, en
1445. D'après Butkens, et son indication semble être exacte, la
nomination aurait eu lieu en 1427, et Bont aurait résigné ses
fonctions quelques années avant sa mort. En effet, un document
dont nous allons parler, établit que Bont était déjà chancelier en
1428, et un autre acte — il en a été question plus haut * — prouve
qu'il ne l'était plus en 1446. Elu chantre de l'église Sainte-Gudule
en 1448, il se démit de cette dignité en faveur de Nicolas de
Cloppere ^.
Il décéda en 1453. Sa dépouille fut déposée en l'église Sainte-
Gudule, dans le chœur de la chapelle du Saint-Sacrement de
Miracle, sous une pierre bleue, ornée de ses armoiries, et portant
cette inscription :
3oanne6 :fiSont
buiiis eccleste canontcus et cantor
arcblMaconus J'amène
In Bcclesta XeoMensi
metropoUs Cameracensts
canonicus et tbesaurattus
ab anno /llb. 51^. ÏÏIDJJ. ©bttt /ïlb. JID. X533 \
Son anniversaire se célébrait le 8 février ^.
chargé d'une merlette {van der Aa) ; au 2<^ plain, diapré. L'écu est soutenu par un
ange ; légende : ©. lambettt. COCf. pbtt (23 ^U),
Par son testament du 20 mars 145 1 (style de Cambrai), — pièce curieuse qui
mériterait d'être publiée, — ce prêtre demande à être enterré, en l'église Sainte-
Gudule, devant la Sainte-Croix, dans la sépulture de son cognatiis, Guillaume
de Megen. Parmi les nombreux legs, nous en remarquons un en faveur de l'hôpital
de Megen, probablement le lieu d'origine du testateur. Entre autres libéralités,
l'église Sainte-Gudule reçoit un cens à charge du domistadiiim de Waleran de Won-
deringen, fabricant de cire {cereifex), sis à Bruxelles, iuxtafri^idum montent in quoàam
paruo vico ibidem, dicto tpyperstreetken, quasi in opposite honorum dicti Willelmi Bont,
cantons et canonici eccles'e heate Gudile (Archives de l'église, n" 228). Deux chartes de
1444 établissent que Lambert était fils de feu Guillaume de Cock {ibidem j no 352).
1 Page 465, suite de la note qui commence à la p. 461.
2 Archives de l'église, reg. n° 141, f<^ 30.
8 Archives de l'église, reg. no 141, f*^^ 46 et 47.
* Februarius, 8. Dominus et ma^ister Joannes Bont, cantor et canonicus huius ecclesie.
— 4^8 —
Selon un désir exprimé par cet ecclésiastique, tous les ans, à la
fête des Innocents et à la veille de ce jour, entre les vêpres et les
complies, les élèves des écoles de la ville, sous la conduite de
Tévêque, chantaient sur sa tombe un Miserere et un De Frofundis.
En vertu d'une fondation ultérieure, du 27 janvier 1451 (n. st.), on
faisait brûler, à la même place, pendant ces deux jours, quatre
cierges. A son anniversaire, on allumait également deux cierges
sur la sépulture *.
Le célèbre Pierre a Thymo lui succéda dans un de ses cano-
nicats ^.
Dans sa liste des chanceliers, Butkens ^ attribue à Jean Bont
pour blason : un chevron accompagné de trois quintefeuilles, ou,
mieux dit, roses; Fécu est sommé de ce bonnet que les auteurs
modernes appellent la cour orme de baron à f antique ; derrière
Técu, passées en sautoir, deux masses, symbole du pouvoir de
chanceher.
Ces armes sont apocryphes. Le bonnet est un produit du
xvii^ siècle. L'emploi des masses dans les armoiries ne remonte
pas non plus au temps du chancelier Bont.
Ce personnage portait un écu plain, au chef, chargé, à dextre,
d'un fer de moulin. Telles sont les armes sur un sceau rond qui
se rencontre à des chartes de 1428 jusqu'en 145 1; Técu y est
soutenu par un ange; légende : S. tobanuts bOUt (24 %). Jean
appendit ce sceau, entre autres, à un acte du 29 juin 1428, dans
lequel il déclare avoir reçu, en qualité de chancelier du duché, le
serment de féauté du chapitre de Cambrai^.
îeeght in H Sacramens choor onder eenen hlauiuen zarck met lynder ivapenen (Archives de
l'église, reg. n° 338).
^ A cet acte, se trouvent encore appendus les sceaux des deux fabriciens Henri
Magnus, conseiller et lieutenant de la Cour féodale de Philippe-le-Bon (voyez plus
haut), et de Jean van den Hornicke, échevin de Bruxelles. Ce dernier sceau, en cire
verte, porte un écu écartelé ; aux ler et 4^6^ à trois macles ; aux 2® et 3e, à la fasce
d'hermine, accompagnée en chef d'un lion passant ; casque couronné ; cimier : une
tête et col d'aigle ; tenant dextre: un homme velu,appuyant une massue sur l'épaule
droite.
^Archives de réglise Sainte- Gudule, reg. n*^ 141, fo 47, et A. Wauters, Inventaire
des cartul. et autres reg. faisant partie desarch, anc. de la ville (de Bruxelles), I, 1888,
p. 13.
3 Trophées tant sacrés que profanes du duché de Brahant, II, p. 360.
* Archives du Nord, à Lille ; évéché et chapitre de Cambrai. Des exemplaires du
sceau de Jean Bont se trouvent aux Archives de Sainte-Gudule. G. Demay, Sceaux
delà Flandre, le décrit, ainsi que celui de Guillaume Bont (nos 362 et 5700).
— 469 —
A part les deux meubles du chef; évidemment des brisures,
te armes de Jean et de Guillaume Bont sont identiques.
En présence du fer de moulin, meuble carastéristique de Bois-
le-Duc et de ses environs, serait-il téméraire de croire la famille
Bont originaire de cette partie du Brabant ?
/ ^
Sceau de Jean Bont.
S^^
Sceau de Lambert de Cock.
D'après une inscription que l'on voyait dans la chapelle de
l'hospice des Douze-Apôtres *, la devise des deux Bont, oncle et
neveu, était: Niet te Bont; ce que l'on pourrait traduire par :
Mesure en tout.
* «
Lorsque, le 12 octobre 1603, les régents nommèrent receveur
le prêtre N. Nijs, ils lui recommandèrent une conduite paternelle
envers les treize vieillards et de les pourvoir de tout ce dont ils
auraient besoin, de façon à ne pas donner lieu à des réclamations.
On lui interdit ensuite de donner accès à la Maison aux per-
sonnes étrangères, et, enfin — autre prescription nouvelle — on
lui enjoignit de faire figurer, dans son compte, pour mémoire,
l'inventaire de tous les meubles et ustensiles.
Comme ses prédécesseurs, le nouveau receveur aura Tusage
du jardin et, avec ses revenus et ses charges, la chapellenie
fondée dans la chapelle de Thospice.
Cette chapelle semble dater de Tannée 1445, millésime qu'on
lisait dans Tinscription dont il a été question plus haut. Au témoi-
1 Cette inscription a été reproduite dans Christyn, Basilica bruxeïlensis, édition
1743, IIj 29, et Henné et Wauters; op. cit., III, 298 ; comp. aussi J. Le Roy,
Grand Théâtre Sacré, I, 193.
— 470 —
gnage de V Histoire de Bruxelles, il existait, plus tard, près de
l'autel, du côté de l'épître, une autre inscription, indiquant que
le sanctuaire d'alors remontait à 1638. On avait donc construit
une nouvelle chapelle, ou bien fait subir à l'ancienne des trans-
formations importantes, entre 1603 et 1638.
*
Les revenus assurés, par Jean Bont, à l'église Sainte-Gudule
avaient été payés intégralement, jusqu'en 1578.
Pendant les dix années suivantes, les troubles de la guerre
avaient mis la Maison des Douze-Apôtres dans l'impossibilité de
continuer ces paiements. De 1588 à 1598, au lieu des vingt
setiers, dus aux sacristains, elle n'avait pu leur fournir que sept,
et, depuis, jusqu'au milieu du siècle suivant, ce chiffre avait été
porté à douze.
Ces rentes étaient servies en nature ou en argent, selon la
valeur des céréales.
En 1650, les chanoines de la seconde fondation, auxquels
ressortissaient les sacristains chargés de sonner les cloches pour
la messe de Saint-Sébastien, adressèrent aux mambours de l'hos-
pice une requête tendant à obtenir, de nouveau, la totalité des
vingt setiers. A l'appui de leur demande, ils invoquèrent le fait
que, depuis plus de trente ans, la Maison-Dieu jouissait intégra-
lement de tous ses revenus et qu'en ces derniers temps, elle avait
pu rétabhr également les émoluments primitifs des chanteurs de
l'église.
Un accord intervint le 4 octobre : on consentit aux sacristains
la redevance annuelle réclamée, de vingt setiers, plus une com-
pensation de onze setiers, une fois payés.
*
* *
On connaît les terribles conséquences du bombardement, à
boulets rouges, infligé à Bruxelles, par le maréchal de Villeroy.
Un grand nombre de maisons avaient été incendiées et beaucoup
de bourgeois réduits à la mendicité. Parmi les habitations com-
plètement détruites, se trouvait celle de Pierre van Volxem,
orfèvre ^, sise in den Pongel merckt, près de la maison dite den
1 Goud-^nde silversmith.
— 471 —
Tuymeler *. Elle était échue à cet artiste, du chef de ses parents,
Paul van Volxem et Barbe Moutton. Ceux-ci l'avaient acquise,
devant les échevins, de Quintin Sijmons et Barbe Daelmans, le
15 avril 1636.
Pour réédifier leur demeure, Pierre van Volxem et sa femme,
Marie Hazard, empruntèrent, le 18 août 1696, du prêtre Guil-
laume Dominique Vinckels, alors receveur de la maison des
Douze- Apôtres, une somme de 2084 florins de change, Tescalin à
6 sols ^, moyennant une rente héritable de 104 florins du Rhin,
4 sols. En garantie de cette rente, ils donnèrent une hypothèque
sur tous leurs biens, présents et futurs, notamment sur leur ter-
rain et la maison qu'ils s'étaient engagés à y faire construire ^.
De ce montant, 884 florins avaienj; été fournis par les chanoines
de la seconde fondation ; 357 florins constituaient une somme due
à l'hospice, par Jean de Mol, maïeur de Huldenberg, et qui
venait d'être remboursée par la veuve du conseiller Ryckaert,
payant en qualité de caution. Enfin, les 843 fl. restants provenaient
de la vente de chênes de la forêt, dite Elsdael bosch, à Vossem.
La Maison des Douze-Apôtres avait donc, elle, contribué pour
1200 florins, produisant une rente de 60 florins.
Elle la céda, en 1703, aux chanoines, en remplacement de la
redevance des vingt setiers de seigle ^.
Le rachat de la rente eut lieu le 19 mai 1727.
*
Les pensionnaires de notre Maison-Dieu intervenaient officiel-
lement dans beaucoup de cérémonies de l'église Sainte-Gudule.
C'est ainsi que trois d'entre eux figuraient parmi les douze pau-
vres qui entouraient le maître-autel lors de l'anniversaire de
Philippe Nigri, premier évêque d'Anvers (26 novembre) ^.
^ naest de huysinge oft erjfve geheeien den Tuymeler, ter Sint-Jans kerke werts, in de
een syde, ende de erjve genoempt den Moknsteen, ter Forcierstraete werts ter andere syde...
2 ... ins Conincx munte ende swaer wisselgelt. i florin du Rhin =:: 20 sols ; i sol =
3 plaquettes, ou plecken oft ^rooten Bràbants.
3 . . .eene hqffstadt ofte ledige erffve, daer een huys heeft op ^estaen,dweïck door de bombarde-
rin^e deser stadt is ajfgehrandt. . .
* Livre aux résolutions de Sainte-Gudule, sous la date du 7 mai 1703, fo 33.
^ Voyez notre notice intitulée : Philippe Ni^ri, chancelier de r ordre de laToison d'Or,
chanoine et doyen des églises Sainte- Gudule, à Bruxelles, et Saint-Rombaut, à MalineSy
premier évêque d"" Anvers.
- 472 —
C'est ici que s'arrêtent nos documents relatifs à Thospice.
\J Histoire de Bruxelles suppléera pour retracer le sort ultérieur
de cette institution. En 1776, y lisons-nous, la ration des treize
vieillards était réduite à une portion de soupe et à différentes
rétributions pécuniaires, faites dans le courant de Tannée, et s'éle-
vant à 75 florins, 6 sous et 6 deniers, par pensionnaire. On leur
fournissait, de plus, deux chemises, une paire de bas et une paire
de souliers. Le total des revenus était, alors, de 2,920 florins,
15 sous, 3 deniers, la dépense de 2,599 florins, 3 sous, 2 de-
niers.
Assimilée aux couvents, la Maison fut supprimée, en 1784.
Au commencement du nouveau siècle, elle fut annexée à l'hospice
des Alexiens.
Sa chapelle avait été fermée, en vertu d'un ordre de la muni-
cipalité, du 8 pluviôse, an VI.
Bientôt, la pioche des démolisseurs fut mise à ces bâtiments
auxquels se rattachaient tant d'intéressants souvenirs.
De nos jours, des maisons particulières s'alignent là où s'éle-
vait, jadis, cette institution si éminemment humanitaire, due à
la générosité de ces deux philantropes qui ont nom Guillaume et
Jean Bont, chanoines de Sainte-Gudule et hauts fonctionnaires
de ce xv^ siècle tant mouvementé *. Honneur à leur mémoire !
Seul, le nom d'une rue rappelle aux Bruxellois l'existence
passée de cette antique Maison des Douze- Apôtres. '
*
* *
En commémoration de la passion du Sauveur, l'église Sainte-
Gudule organisait, autrefois, le Dimanche des Rameaux, une
procession dont le groupe principal était formé par des fidèles
représentant les douze Apôtres et les Enfants d'Israël:
1 Un ma^uttr Gerîacus Bont, chanoine de l'église d'Anderlecht, fut enterré en
l'église Sainte-Gudule devant l'autel de sainte Agathe. Son anniversaire se célébrait
le yiuin (reg. n^ 338).
Un Paul Bont, chanoine delà même église que le précédent, mourut en 1483
{Grand Théâtre Sacré, I, p. 296).
Un Jacobus Bont, in medicinis doctor, decanus ecclesie sancti Gommari Lyrensis, Came-
racensis dtocesis /îidex,QSt cité par un acte de 1446 (Archives de Sainte-Gudule, n° 217,
armoire 7, case 3).
— 473 —
L'origine de cet usage, nous en avons Tintime conviction,
remonte à l'un des deux chanoines Bont.
Au commencement du xvii* siècle, cette procession fut, à plu-
sieurs reprises, troublée par la populace — preuve que l'aimable
espèce >^^//'^ n'est point un produit du Bruxelles moderne. — Les
Apôtres et leur entourage étaient particulièrement en butte aux
quolibets et aux brutalités de la foule, ou, mieux dit, de certains
garnements qui trouvaient plaisant de leur jeter des pierres et
des ordures. Plusieurs fidèles reçurent ainsi des blessures plus
ou moins graves.
Redoutant que la procession ne fût compromise pour Tavenir,
les fabriciens implorèrent la protection du magistrat. Par acte du
2 avril 1621, celui-ci édicta une peine de six florins du Rhin pour
tous ceux qui lanceraient des projectiles aux douze Apôtres, au
peuple de Jérusalem qui les accompagne ou à tous autres partici-
pants à la procession. Il déclara responsables, les parents de leurs
enfants et les maîtres de leurs domestiques.
Cette procession semble avoir été supprimée à la Révolution
française.
Les détails qui précèdent sont inédits, comme presque tous
ceux qui concernent la Maison des Douze-Apôtres.
Ils ont été puisés dans les riches archives de la Collégiale dont
M. l'abbé Keelhoff nous a fait les honneurs de cette façon aimable
et obligeante qui lui acquiert la reconnaissance et la sympathie
de tous ceux qui ont recours à lui *.
(Lu en séance du 6 mai 1891).
J.-Th. de Raadt.
A Tous les documents de l'église des SS. Michel et Gudule, dont nous nous
sommes servi pour la présente étude, viennent d'être réunis en deux liasses spé-
ciales : elles portent les nos 222 et 299.
T
DEUX PORTRAITS
ATTRIBUÉS A HoLBEIN REPRÉSENTENT-ILS
NICOLAS d'AUBERMONT
ET
JEANNE de GAVRE, SA FEMME ?
g¥^3 m la séance du 12 avril 1888 de la Société historique et
Ifi M?l rai ^^^^^'^^^^^ ^^ Tournai, M. L. Cloquet a lu une notice sur
'H^SiM deux portraits appartenant à M. le général de Forma-
noir de cette ville. Orné de la reproduction de l'un de ces portraits,
celui d'une dame, ce travail a été publié dans les Bulletins de la
dite société ^ Sous cette reproduction, on a cru devoir mettre le
nom de Jeanne de Gavre. Sont joints à ce mémoire, en guise
d'annexés, une déclaration délivrée, le 24 février 1888, .par M. le
baron de Rasse, président du conseil héraldique de Belgique, et
un crayon généalogique tendant à établir comment M. le général
de Formanoir est devenu, par succession en ligne collatérale,
propriétaire de certaine maison à Tournai, ayant appartenu, dès
1604, à la famille d'Aubermont.
Le lecteur voudra bien m'accorder quelques minutes d'atten-
1 Tournai, chez H. et L. Casterman 1880.
— 475 -
tion, pour examiner avec moi les considérations de M. Cloquet,
au sujet de ces deux tableaux, qui semblent être très remar-
quables et présenter toutes les qualités, qui caractérisent les
œuvres de portraitistes illustres. D'après une tradition de famille,
ils seraient dus au pinceau de Holbein. Le millésime 1543 que
l'on y voit, n'exclut pas la possibilité de cette attribution, attendu
que Holbein, suivant l'opinion généralement admise, mourut à
Londres, vers la fin de 1543, et que, d'après M. Charles Blanc*,
il aurait même encore été en vie en 1547.
Les peintures ne sont pas signées; elles ne portent pas davan-
tage le monogramme, ni les initiales de l'artiste. Des connais-
seurs sérieux, tels que le gouverneur général des Indes Néer-
landaises van Lansberge et le peintre Leys, dont les appréciations
sont relatées dans la notice susmentionnée, tout en reconnaissant
le mérite de ces œuvres, n'en attribuent pas la paternité formel-
lement et catégoriquement à Holbein.
Je conclus donc que nous avons affaire à deux tableaux d'un
maître inconnu, de tout premier rang, contemporain de Holbein,
ou peut-être, Holbein lui-même.
* *
Mon intention, toutefois, est moins d'envisager ces tableaux au
point de vue de l'art, que de soumettre à un examen critique les
conclusions du travail précité, quant aux personnages qu'ils
représentent. Selon Fauteur de celui-ci, le portrait d'homme porte,
outre le millésime 1543, l'inscription : Aetatis sue 5g, celui de
la dame : Aetatis sue 36. Au reste, ni noms, ni initiales, ni bla-
sons, ni symboles, ni attributs.. . en un mot, rien de plus qui puisse
jeter quelque jour sur l'identité de ces personnages.
En ce qui concerne l'histoire des portraits, nous apprenons seu-
lement qu'ils ont été enlevés, -il y a quelques années, des boiseries
d'une maison à Tournai, où, peints sur toile, collés sur des
planches, ils s'étaient trouvés encastrés, et qu'ils ont été rentoilés
en 1873. Nous voyons ensuite que cette habitation, sise à l'angle
des rues de la Ture et des Jésuites (jadis rue des Allemands), fut
acquise, le 4 novembre 1604, par Charles d'Aubermont, marié à
1 Histoire des peintres y vie de Holhein, pp. 20 et 22.
— 476 —
Barbe de Preys^ de son beau -frère Paul de Preys, et enfin, que les
encadrements des peintures sont environ d'un siècle plus
modernes que celles-ci.
C'est sur ces données que Fauteur dé la notice visée base
une série de suppositions, qu'il émet comme des vérités démon-
trées, à savoir : les tableaux ont été placés par Charles d'Auber-
mont dans sa nouvelle maison, en 1604, au plus tard (pag. 12
et 13) ; les tableaux représentent des ancêtres de Charles
d'Aubermont ; les tableaux représentent des ancêtres en ligne
directe et paternelle ; les tableaux représentent deux époux.
Conclusion : ces personnages ne peuvent être que Nicolas
d'Aubermont et Jeanne de Gavre.
<( Malgré de nombreuses recherches, n lisons-nous dans le mé-
moire qui nous occupe, "on n'est pas parvenu à découvrir la date
précise de la naissance de Nicolas d'Aubermont. On sait seule-
ment qu'il était fils de Michel d'Aubermont, seigneur du Ques-
noy, échanson du roi de France, Louis XI, et de Jeanne Cottrel,
dame du Chasteler, lesquels se sont mariés en 148 1 et paraissent
n'avoir pas eu d'autres enfants que Nicolas. Pour que celui-ci ait
eu cinquante-neuf ans en iS43i il faut quil soit né en 1^83-84, cest^
à'dire deux ans environ après le mariage de ses parents, ce qui est
fort vraisemblable. Nicolas d'Aubermont épousa en 1509, en pre-
mières noces, Marie Henneron, fille de Jean, seigneur de Hérin et
de Jeanne des Markais, vicomtesse de Roulers ; en* admettant
qu'il fût né en 1483-84, il aurait eu vingt-cinq à vingt-six ans à
l'époque de son mariage, ce qui est encore dans l'ordre naturel des
choses. )}
La même page porte, au bas, la note suivante :
a II paraît résulter de certains actes d'achat de rentes, consi-
gnés dans les cartulaires déposés aux archives de Tournai, que
Nicolas d'Aubermont serait né en 1487-88. Mais, il est à remar-
quer que ces sortes d'actes ne font pas foi d'une manière absolue,
car on sait avec quelle négligence ils étaient souvent dressés,
notamment dans la manière d'ortographier les noms et dans
rindication de l'âge des parties. Notons aussi que l'adoption de la
date de 1483-84, pour la naissance de Nicolas d Aubermont s* accorde
mieux que celle de 148J-88 avec V époque du mariage de ses parents
et de son propre mariage à lui, n
- 477 —
«Nicolas d^Aubermont, » continue le texte, « gentilhomme de la
maison de Tempereur Charles-Quint et premier maître d'hôtel
(grand maître de la maison) du comte de Nassau, prince d'Orange,
eut un assez grand nombre d*enfants de son mariage avec Marie
Henneron. Devenu veuf, il épousa en secondes noces Jeanne de
Gavre, dame de Masnuy-Saint-Pierre, dont il n'eut pas d'enfants,
et qui, elle-même, était veuve de Jacques des Ablens, seigneur de
Familleureux. Uindication de l*âge de trente-six ans, en iS43, sur
le portrait de la fefmne, s' accorde parfaitement avec ces données *. w
Uauteur ne semble, toutefois, pas vouloir assumer toute la
responsabilité de ce raisonnement, car il ajoute immédiatement :
u C'est sur ces éléments que M. le baron de Rasse, président du
conseil héraldique, et compétent en pareille matière, s'est basé
pour déclarer que les deux portraits que possède le général de
Formanoir, ne peuvent représenter que Nicolas d'Aubermont et
Jeanne de Gavre, sa seconde femme. «
Examinons le fondement de ces assertions.
Dans le registre dit Cartulaire des renies dues par la ville, renou-
velé en i^gs ^, on trouve, aux pp. 315 et 485, les deux postes
suivants :
A Jehenne Cottrel, a présent vesve de feu Michiel Daubermont
eagié de XXXVI ans, et Nicolas Daubermont, leur filz, eagie de
V ans, acquis par Jehan Cottrel, père de la ditte Jehenne, le dit jour
(premier jour de jullet au dit an 14Ç3J.
A Jehenne Cottrel, fille Jehan, a présent vesve de feu Michiel
Daubermont, eagié de XXXVI ans et Colinet ^ Daubermont, leur
fil, eagié de V ans, acquis par le dit Jehan Cottrel, le premier jour
d'aoust, l'an mil III I^ II II'''' et XII \
Il résulte de ces pièces que Nicolas naquit en 148J. Jusqu'à
preuve du contraire, cette date doit être considérée comme exacte,
et ce d'autant plus qu'il n'y a absolument pas de raison pour la
révoquer en doute.
Suivant le témoignage digne de foi de M. le comte du Chastel
1 J'ai cru devoir souligner certains passages dans cette citation, un peu longue,
mais indispensable.
2 Archives communales de Tournai.
3 Colinet est un diminutif de Nicolas.
* Mil quatre cent quatre-vingt-douze.
- 478 —
de la Howarderie Neuvireuil * les parents de Nicolas, Michel
d'Aubermont, seigneur del Plancque, de la Dieffle ou Defflière (au
Mont-Saint- Aubert), du Laibray, etc., émandeur à Saint-Brice et
Jeanne Cottrel s'étaient mariés vers 1481, En conséquence, leur
fils avait en 1543, c'est-à-dire à l'époque du tableau, 55 à 56 ans.
Il est donc évident que l'âge de 59 ans indiqué sur le portrait,
ne peut se rapporter à lui.
Pour tout dire, il convient de signaler encore, d'après le Car-
tulaire des rentes précité, le poste que voici : (page 603)
A Jehenne Cottrel, fille de Jehan Cottrel l'aîsné, et Colinet Dau-
bermont son filz, qu'elle eubt de feu Michiel Daubermont, qui fut
son mary, eagiez, la dicte Jehenne de quarante-quatre ans, et ledit
Colinet de quatorze ans acquis par ledit Jehan Cottrel, ledit jour
(le V g jour de juing, l'an mil V^ et trois).
Si cela était exact, Nicolas d'Aubermont n'eût guère eu, en
1543, lors de la confection des tableaux, que 54 ans ; mais il me
paraît plus vraisemblable que, dans cette dernière inscription, les
âges de la mère et du fils ont été indiqués d'un an inférieurs
à la réalité.
*
* *
Quant au portrait de dame, l'auteur de la notice qui fait l'objet
de ces lignes y voit celui de Jeanne de Gavre, uniquement parce
que celle-ci était la femme du prétendu personnage -du premier
tableau, et estime, sans toutefois nous dire pourquoi, que l'âge
de la dame au tableau, soit 36 ans en 1543, conviendrait à mer-
veille à la seconde femme de Nicolas d'Aubermont. A l'égard de
cette dame, l'auteur semble savoir seulement qu'elle avait été
veuve de Jacques des Ablens et qu'elle était dame de Masnuy-
Saint-Pierre. Il ne cite même pas les noms de ses parents.
Ce ne fiit qu'après la mort de son frère Adrien, qui vivait
encore en 1566, que Jeanne de Gavre reçut la seigneurie de
Masnuy-Saint-Pierre. Elle était fille de Pierre de Gavre, écuyer,
seigneur dudit lieu, et de Marguerite de Rockeghem, dame héri-
tière de ce lieu, d'Elseghem, etc.
D'après la généalogie d'Aubermont, dressée très soigneuse-
1 Généalogie, de la famille d\4ubermont (p. 34), Tournai, chez H. et L. Caster-
man, 1889.
I
— 479 —
ment par le comte du Chastel de la Howarderie Neuvireuil,
généalogiste des plus consciencieux, Jeanne s'allia à d'Aubermont
en 1539, étant, alors, veuve en premières noces de Jacques des
Ablens ou de Sablens, chevalier, seigneur du même lieu (à Grand-
Metz) d'Ogimont, de la Rouge-Porte, de Familleureux, etc.,
châtelain de Leuze, etc. ^
Selon le même auteur ^, ce gentilhomme avait épousé, d'abord,
vers la fin dît XV^ siècle, Agnès de Saint-Génois, et mourut vers
IS3S- S'étant marié avant 1500, il devait donc être, à sa mort,
savoir 35 ans après cette date, un homme d'une soixantaine d'an-
nées. En supposant, un instant, que le portrait en question soit
celui de Jeanne de Gavre, celle-ci n'aurait donc eu, au décès de son
premier mari, que 28 ans. Bien qu'il arrive parfois qu'un homme
âgé épouse une toute jeune personne, des unions de ce genre
sont cependant des exceptions. Ce qui n'empêche pas l'auteur de la
notice de dire : (i L'indication de l'âge 36 ans en 1543 sur le por-
trait de femme s'accorde parfaitement avec ces données, w
En dépit de toutes mes investigations, il m'a été impossible de
trouver l'année de la naissance de Jeanne et la date précise de
son premier mariage. Elle trépassa en 1576.
Mais les portraits doivent-ils absolument représenter mari et
femme? Leur origine incertaine et la grande différence d'âge
1 Comparez les registres de la Cour féodale de Brabant, déposés aux archives
générales du royaume à Bruxelles, à savoir : Keg. «° 357, /o/. 68 : i £ oct. 1549, dame
Jeanne àe Gavere, en dernier lieu veuve de heer Claes de Auherviont^ chevalier,
seigneur de Raimbercourt , fait relever par procuration, passée à Tournai, le 6 du
même mois, pardevant Jean Gombault, seigneur d'Archimont, conseiller de l'em-
pereur au bailliage de Tournai et du Tournaisis et garde-sceaux de la ville de Tour-
nai et deux tabellions, par suite du trépas de feu sire {heer) Jacques de Sablens, son
premier mari, la seigneurie de Familleureux, à titre d'usufruitière. Jossine de Pont-
strate, femme de Jean de Courteville, seigneur de la Bussière, etc., héritière de feu
Jacques, chevalier, seigneur de Sablens, son parent (jieve), est nu-propriétaire du fief.
Reg^. «o 1-^6, fol. 325 : 9 juillet 1552. Procès au sujet de Familleureux entre
Jeanne de Gavere et lesdits époux de Courteville d'une part, et Guillaume Rifflair,
seigneur de Rozées, au nom de damoiselle Jehanne de Baillencourt, sa femme,
d'autre part. Ce dernier réclame l'usufruit du fief pour sa femme du chef du seigneur
d'Ittrc, père de celle-ci.
Re^. «o 2i, fol. 19 : 24 mars 1508. Jacques Desahlens, Do^imont, investi de Famil-
leureux, par transport de Jacques d'Ittre. Ibid., 14 mai 1549. Par le trépas de feu
Jacques Diltre, son grand père, et par le trépas de feu Damoiselle Anne Dittrc, sa
mère, Damoiselle Jehanne de Baillencourt est investie de Familleureux.
2 Notices généalogiques Tournaisiennes, I, p. 25.
- 48o -
entre Thomme (59 ans) et la dame (36 ans) n'excluent pas la
possibilité que Ton se trouve en présence du père et de la fille.
A en croire le travail que nous analysons, les deux peintures
auraient été placées dans la maison susmentionnée après le
4 novembre 1604. Sur quoi l'auteur base-t-il cette assertion? Ne
pourraient-elles pas avoir existé dans cette demeure, — peut-
être dans d'autres cadres — auparavant déjà ? Charles d'Auber-
mont, on Ta vu, acheta, à cette date, ledi timmeuble à son beau-
frère, Paul de Preys. Pourquoi donc ne pas conjecturer que les
tableaux proviennent de la famille de Preys, et que le vendeur de
l'habitation les a cédés, avec celle-ci, au mari de sa sœur? Ils
Quartiers généalogiques de Pierre d'Aubermont
Nicolas
d'Auber-
mont, sr
du Ques-
noy, del
Planque,
de Ribau-
court ;
remarié en
secondes
noces à
Jeanne de
Gavre.
Marie
Henne-
ron.
Jacques
Despars,
chevalier,
S' des
Rosières,
écoutète
de Bruges
et du
Franc, dit
le Père de
la patrie.
Barbe de
Landas,
fille de
Guillaume
Jean de
Freys, sr
Anne de
Jean
A nastas
la Tré-
Savary,
Cot...'
d'Esclai-
mouille.
seigneur
née en U\f
bes, con-
de War-
morte ào
seiller et
coing .
Tu ma '
avocat
efl 1557.
fiscal à
Tournai.
Antoine d'Aubermont,
né en 1523, seigneur
du Laibray, del Planque,
de la Defflière, etc.
(par relief du 18 sep-
tembre 1548).
Geneviève Despars,
mariée en 1501.
Denis de Preys,
seigneur de
Froyennes, etc.,
grand prévôt de
Tournai.
Jeanne Savary.
Charles d'Aubermont, chevalier, seigneur
del Planque, de la Defflière, du Quesnoy, etc.,
grand prévôt de Tournai, + en 1632.
Barbe de Preys, mariée en 1596,
t en 1654.
Pierre d'Aubermont, chevalier, seigneur du Quesnoy, etc.,
grand prévôt de Tournai, chevalier d'honneur au Conseil souverain
de Tournai, né à Pottes, en 1609, + en 1675.
Jacques Gaspard d'Aubermont, né
la Defflière, du Quesnoy, etc., mort en
Dennetières, née en 1660, morte en 1691 ;
1 Ce tableau généalogique, dressé avec beaucoup de soin, correspond parfaite-
ment avec les armoiries que l'on trouve sur les tombes de la famille d'Aubermont.
D établit les seize quartiers de Jacques- Gaspard d'Aubermont (f en 1721), c'est-à-
dire ses tris-aïeux. A défaut de registres paroissiaux de leur temps, je n'ai pas été en
— 48i —
pourraient parfaitement représenter des parents de Paul et de
Barbe de Preys, femme de Charles d'Aubermont.
Mais, en admettant réellement que les toiles aient été trans-
portées dans la propriété en cause, après 1604, et, dans ce cas,
probablement près de vingt-cinq ans plus tard, soit vers 1630,
— car d'après ce même écrivain, les cadres sont d'environ un
siècle plus modernes que les peintures — et, en admettant, de
plus, qu'elles doivent représenter précisément des ancêtres on
doit se demander : qui étaient les ancêtres, vivant en 1543, de celui
qui était propriétaire de ladite maison vers 1630 ? J'ai dressé un
tableau généalogique, qui constitue la réponse à cette question *.
ET DE RoBERTINE-FrANÇOISE RiJM, SA FEMME.
Gérard
Barbe
Gui de
Rijm sr
Clays-
Seclijn,
d'Eecken-
sone,
sr de Her-
iwke.etde
dame de
pelghem,
Bellem.
Hundel-
ten 1558.
conseiller
ghem.
au Conseil
le Fland.,
né en 1503,
t en 1570.
Jacqueline
de Gruu-
tere,
Charles
de Béer,
chevalier,
teni55i.
seigneur
de Meule-
beke,Len-
delede,
etc.
Jacqueline
Pont us
Madeleine
de Gros,
d'Auber-
de Borc-
mariée
mont,
hoven,
dame de
en 7548,
seigneur
t en 1559.
du Ques-
la Motte,
noy, éche-
manee en
vin de
1546 {ex
St Brice,
niatre
teni578.
Barbe de
Gavre).
François Rijm seigneur
de Hundelghem,
Roosdonck, etc., né
en 1539, + en 1617.
Gertrude de Seclijn,
mariée en 1571,
t en 161 I.
Jean de Béer, seigneur
de Meulebeke,
bourgmestre de Bruges,
t en 1608.
Robertine d'Auber-
mont, mariée à
Audenaerde en 1584.
Philippe Rijm, seigneur de Roosdonck, etc.
ne en 1584.
Madeleine de Béer, mariée en
+ en 1628.
1613,
Robertine-Françoise Rijm, dame de Roosdonck, mariée en 1632,
morte à Tournai, en 1701.
i 1643, seigneur del Planque, de
721 ; marié, en 1642 ; à Marie -Thérèse
.ont Robertine-Françoise d'Aubermont.
mesure de fournir les dates de naissance de la plupart de ces personnages. Il est
même probable que les parents de l'un ou de l'autre de ceux-ci vivaient encore
en 1545. Notons encore que plus d'un de ceux qui figurent dans ledit crayon
généalogique a é.é marié à plusieurs reprises.
31
— 482 —
On trouve dans les archives de Tournai, que Pierre d*Auber-
mont épousa, le 27 juin 1632, Robertine-Françoise Rijm, dame
héritière de Roosdonck. Les tableaux pourraient donc même
avoir appartenu à la famille de cette dame, qui, coïncidence
bizarre, descendait des familles d'Aubermont et de Gavre *.
D'après ce qui précède, j'affirmerai donc qu'il n'est pas
prouvé :
1° que les portraits n'aient été placés qu'en 1604, ^^ posté-
rieurement, dans l'habitation acquise, en cette année, par Charles
d'Aubermont ;
2° que ces portraits représentent des ancêtres dans la ligne
directe et paternelle des d'Aubermont ;
30 qu'ils représentent des ancêtres de Charles d'Aubermont ;
4° que les personnages soient mari et femme, et, enfin,
5° — et c'est précisément ce point là qui a été le moins établi —
que ces personnages soient Nicolas d'Aubermont et sa seconde
femme, Jeanne de Gavre.
On n'était donc pas fondé de placer, sous le portrait qui
accompagne la notice de M. Cloquet, le nom de Jeanne de
Gavre î
Tout au plus pourrait-on admettre, — et ce serait-là une bien
large concession à faire, — qu'en l'état de la question, l'hypo-
thèse que les tableaux constituent les effigies de ces époux, ne
doit pas encore être définitivement écartée.
Néanmoins, M. le baron de Rasse, président du Conseil héraldi-
que, a délivré, le 24 février 1888, une déclaration certifiant « que
les deux portraits d'Holbein que possède M. le général de
Formanoir, étaient autrefois enchâssés dans la boiserie d'un des
salons de la maison que ses parents possédaient en cette ville,
rue des Jésuites, et qu'ils tenaient par héritage de la dame
Robertine d'Aubermont, épouse en premières noces de François-
Joseph van der Gracht, baron de Courcelles, et en secondes noces
de François Baudry de Roisin, baron de Rongy : la dite dame
d'Aubermont décédée à Tournai, sans postérité, le 24 mars 1769,
et la dernière de son nom. »
1 Voyez le tableau généalogique, pp. 480 et 481.
-483 -
(i Ces tableaux, » — continue la déclaration — « que le général
de Formanoir a fait détacher, il y a quelques années, de la boi-
serie où ils étaient fixés, doivent donc représenter des ancêtres de la
famille d'Anhermont qui possédait cette maison depuis plusieurs
siècles *, et, vu la date de 1543 inscrite sur les tableaux en même
temps que les âges des personnages représentés, ces ancêtres
ne peuvent être, d'après les renseignements que j'ai pu recueillir,
que Nicolas d'Aubermont, gentilhomme de la maison de Charles-
Quint et premier maître d'hôtel (grand maître de la maison) du
comte de Nassau, prince d'Orange, et Jeanne de Gavre, sa
seconde femme, n
Tant que Ton n'aura pas fourni les preuves à l'appui de ces
affirmations, j'hésiterai, pour ma part, à adhérer à pareille
déclaration.
P.-L. DE G AVERE.
1 Depuis le 4 novembre 1604.
HENRI DE VARICK CHLR,VICOTSfTE DE BRV^ELLES
SEIG^ DE BOONE^TDAÉL. BAVWXE. ET OLMETST. DV
CON5EIL DE GVERRE MARCGRAVE D'ANVERS.
Pet àe LJe JtCTf^
JJ!ïiiiiix«L
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^^^^^z^^
m
»
s
^tt
HENRI DE VARICK
vicomte de Bruxelles.
e portrait, œuvre d'un des deux Pierre de Jode, que
nous avons Thonneur de présenter au lecteur, est celui
d'un homme qui a joué un certain rôle *.
Né dans la seconde moitié du xvi^ siècle, fils de Gossuin, qui
fut tué par les Espagnols, au pillage d'Anvers, le 4 novem-
bre 1576, Henri de Varick avait choisi la carrière militaire.
Capitaine de 300 fantassins haut-allemands, au régiment du comte
Biglia, il épousa, en 1599, Anne Damant, fille aînée de Nicolas,
chancelier de Brabant, conseiller d'Etat et garde-sceau de Son
Altesse, qui, en 1606, acquit, moyennant 17,500 florins, de
Maximilien, comte de Boussu, vicomte de Bruxelles et de Lom-
beek, baron de Liedekerke et de Denderleeuw, la châtellenie ou
vicomte de Bruxelles.
Quittant les armes pour la toge, le capitaine de Varick obtint,
le 22 novembre 1599, des archiducs, sa nomination d'écoutète de
1 Le cliché nous en a été prêté, très obligeamment, par la Rédaction du Messager
des Sciences historiques de Belgiqiie ; qu'elle en reçoive nos vifs remerciements. Il a été
exécuté d'après la gravure originale, en possession de notre honorable vice-président,
M. G. Cumont.
Pour plus de détails et l'indication des archives où ont été puisés les renseigne-
ments concernant Henri de Varick, nous renvoyons à notre notice, intitulée
Épisodes inédits de la Chronique bruxelloise.
— 486 —
la ville d'Anvers et de margrave du pays de Ryen, un des
quartiers du marquisat. Ses lettres-patentes rendent justice à sa
science et à son expérience en matière judiciaire.
Après la mort de son beau-père, il reçut la vicomte de
Bruxelles (1616). Il ne dut pas en jouir en tranquillité, car le
comte de Boussu réclama l'annulation du contrat de vente
intervenu entre lui et le défunt. Le procès qui s'ensuivit dura
plusieurs années. Il se termina par un accord : Varick consentit
à réduire à 100 florins une rente de 250 florins que lui devait son
adversaire et qui était hypothéquée sur la maison de celui-ci,
sise, à Bruxelles, près de la chapelle Saint-Éloi. Moyennant cette
concession, Boussu renonça à tous ses droits et délivra les docu-
ments relatifs au fief en litige (1619).
Varick était membre du Conseil de guerre. Du chef de sa
emme, il possédait aussi les seigneuries de Boendael, de Bouwel
et d'Olmen.
En sa qualité d'écoutète, il avait à fournir à ceux de la Chambre
des comptes, annuellement, à Tapproche du carême, une rede-
vance de harengs. Lorsqu'en 1626, en suite d'une disette de ce
poisson, il n'avait pu s'exécuter, la Chambre lui dépêcha express
sur express, pour réclamer son ancien et immémorial émolument de
harancxy ou bien... son équivalent en espèces.
Enfin, le 3 mars, arrive à Bruxelles un envoi, accompagné de
la missive originale que voici :
Messieurs,
Comme je n'ay sceu recouvrer viande de caresme salée, je vous envoyé
celle qui est sucrée, à sçavoir trente pains de sucre, vous priant les vou-
loir prendre de bonne part, comme de celui qui se dict, messieurs, Vostre
serviteur très humble,
Henri de Varicq.
Tout porte à croire que la substitution dont parle cette lettre
fut agréée par le collège.
Outre la série complète de ses comptes ordinaires, les Archives
générales du royaume conservent de Henri de Varick, du 22
mai 161 1 au 6 décembre 1628, six comptes des exploits et con-
fiscations, provenant de personnes stispectes ou convaincues d* hérésie.
- 48? -
Ce personnage survécut à sa femme, décédée en 1630, jus-
qu'au 5 octobre 1641 ; il fut enterré, auprès d'elle, en l'église des
Dominicains, à Anvers, sous une belle tombe qui a été repro-
duite par le baron Jacques le Roy, dans sa Notitia Marchmiatus
S. R. L
Déjà en 1628, il avait résigné à son fils Nicolas, marié
(depuis 1623) à Anne-Marie Micault, la vicomte de Bruxelles,
ainsi que ses fonctions d'écoutète d'Anvers et de margrave du
pays de Ryen. Nicolas avait été investi de la place de son père,
par lettres-patentes du 22 mars de cette année.
Les Varick sont d'origine gueldroise ; ils ont pris le nom de la
localité de Varick^ Sincïennement l^auderick, Valderîck, etc.
Leurs armes sont : d'argent à trois têtes de lion de gueules,
lampassées et couronnées d'azur; cimier: une tête de lion cou-
ronnée, de l'écu, entre deux plumes d'autruche. Henri faisait
supporter son blason par deux griffons, tenant chacun une ban-
nière.
J.-Th. de Raadt.
LA BALLADE
ET SES DÉRIVÉS
CHANT ROYAL, CHANSON ROYALE, SERVENTOIS,
PASTOURELLE ET SOTTE-CHANSON
^Oo&
I
Origines de la Ballade.
la naissance des civilisations, le vers ou parole rhythmée,
la musique, la danse ont été trois collaborateurs à peu
près inséparables. Ce qui est naturel aux enfants, aux
naïfs villageois de nombreuses contrées : danser aux chansons, se
rencontre même encore dans les usages publics de certaines
villes. Je n'en veux pour preuve que le cramignon liégeois, trop
connu pour qu'il soit utile d'y insister.
Les Grecs avaient fait des vers chantés et dansés la plus noble
de leurs institutions artistiques : Vode, divisée en strophe, anti-
strophe et épode, n'était autre chose qu'une ronde en trois couplets,
- 489 -
danse très grave, très solennelle (exceptons le dithyrambe) mais
danse, et même ronde, puisque la base de sa chorégraphie était
le déplacement circulaire.
Qu'ils obéissent à un sentiment religieux, belliqueux ou simple-
ment joyeux, les peuples jeunes ont toujours affectionné ce mode
de manifestation, et leurs poètes, rhapsodes, bardes, etc., n'ont
cru pouvoir mieux faire que d'employer leur talent au service de
ce goût populaire.
Flavius Vopisciis ^, biographe latin du iii^ siècle, parle en ses
œuvres de ballisiea : chansons qu'on chantait en dansant. Le
verbe latin hallare et le verbe grec ^clWîc^ziv nous donnent ample-
ment Tétymologie du mot.
Une chanson dansée se divise naturellement en couplets ; le
refrain s'impose presque nécessairement, afin de permettre à tous
de chanter, à certains moments, en le reprenant en chœur. Donc,
jusqu'ici, la Ballade française aurait fort bien pu naître en n'im-
porte quel endroit de la France, et même en plusieurs endroits à
la fois. Mais un examen très superficiel'nous arrête immédiate-
ment sur quelques points importants qui assignent à toutes nos
Ballades une origine commune, une genèse dont il est intéressant
pour l'archéologue de déterminer le lieu et l'époque.
Que les Ballades soient formées de strophes égales, rien de plus
naturel, puisque ces strophes sont les couplets égaux de notre
ronde ; mais que ces strophes soient écrites sur des rimes pareilles,
pareillement ordonnées, voilà qui attire sérieusement notre atten-
tion. Enfin, qu^est-ce que cet Envoi que nous trouvons à la fin de
la Ballade ?
Ainsi qu'on le voit, nous nous écartons un peu de la simple
ronde dont il s'agissait tantôt. Si celle-ci a été le point de départ
de la Ballade, si le nom de chanson dansée est resté, à coup sûr
nous sommes en présence d'autre chose, d'une dérivée, peut-être
éloignée déjà de son origine. L'étymologie ne suffit plus à la défi-
nir. De même, les mots : chant du houe ne nous donnent pas la
définition de la tragédie.
Ici donc commence l'investigation.
Une vieille habitude nous conduira en Italie. Cette dispensa-
1 Je distingue par des italiques les noms d'auteurs, la première fois qu'ils se
présentent dans le cours de ce travail.
— 490 —
trice des arts, à qui nous avons attribué presque tous les nôtres,
nous aura probablement dotés de la Ballade, parmi tant d'autres
dons qu'elle nous a si généreusement faits?
Dans cette voie on s'aperçoit vite qu'on fait fausse route. On a
pris une peine qu'on se serait peut-être épargnée en méditant la
forme même du mot Ballade,
Nous en serons quittes pour revenir sur nos pas, quand nous
aurons constaté que la Ballata italienne n'est pas plus ancienne
que la Ballade française.
Il faut donc renoncer à tout raccord avec une origine classique
(dans le sens que la convention attribue à ce mot).
Or, si à la même époque, l'Italie n'est pas plus avancée que
nous dans le genre qui nous occupe, il semble assez logique de
chercher le point de départ entre elle et nous.
Effectivement, entre les poètes itahens et ceux de notre langue
d'oil, c'est chez les troubadours de la langue d'oc que nous trou-
verons la solution du problème.
Je m'appuierai sur les autorités suivantes :
D'abord Pasquier qui dit, dans ses Recherches de la France
(édition de 1596) :
Quant aux poUts provençaux et de Languedoc, ils se trouvèrent de tel poix que les
italiens f sobres admirateurs d^autruy, sont contraincts de reconnaître knir leur poésie
en foy et hommage d'eux : Ainsi le trouverei-vous dans Aquicola en ses livres de
Vamour, dans Pierre Bembe en ses proses, dans Speron Sperone en son traite des
lâgues. Puisqii'ils le confessent, il faut les en croire.
Avec plus de précision Ginguené vient à la rescousse. Dans sa
Poésie italienne nous lisons que :
Lorsqu'au xi^ siècle, plusieurs seigneurs français, appelés par le
roi de Castille, Alphonse IV, qui avait épousé une française
(Constance, fille de Robert P^, duc de Bourgogne), l'eurent aidé
à faire la guerre aux Maures et à leur reprendre Tolède (25 mai
1085), un grand nombre de Français, Gascons, Languedociens,
Provençaux s'établirent en Espagne. Les Arabes, vaincus dans
Tolède, y étaient restés soumis à la domination espagnole. La
civilisation des Maures eut une grande influence sur celle de leurs
vainqueurs, et leur poésie, en particulier, fut imitée par les gen-
— 491 —
tilshommes de la cour qui en rapportèrent les formules en France.
Ce dire est confirmé par Ticknor (Histoire de la poésie espa-
gnole).
José Antonio Conde, traducteur d'une collection de Poésies orien-
tales, dit, dans la préface de son manuscrit :
Dans la versification des romances et seguidillas castillanes, nous avons reçu des
Arabes le type exact des leurs. Depuis V enfance de notre poésie, nous avons des vers
rimes confonnes à la mesure employée par les Arabes dans les temps antérieurs à
P Islamisme.
Nombre de poèmes arabes étaient composés de manière à rame-
ner continuellement une même rime. Tel le célèbre poème de
Schan/ara, intitulé Lamiyyat alarab, dont la rime est un lam. Ce
Schanfara vivait un peu avant Mahomet.
Tantarani, poète arabe du v^ siècle, emploie la double rime,
ainsi que nous le fait connaître Dauletescha Samarkandi. Cette
double rime se retrouve de diverses manières, beaucoup plus
tard, chez les poètes romans.
Dans le recueil intitulé Kitab Alagani, Hassan, fils de Thahet,
qui fut Tami de Mahomet, rapporte :
Nabega demanda au roi Noman la permission de lui chanter son
poème dont la rime est en ba.
On appelle Rewi cette lettre qui joue le principal rôle dans la
rime d'un poème arabe. Il peut entrer jusqu'à six lettres dans la
rime, et chacune de ces lettres a son nom spécial.
J'emprunte le fond de ce qui précède à la Chrestomathie arabe de
Silvestre de Sac y.
Fermons cette parenthèse, et revenons à la Ballade.
C'est Angelo de Gubernatis qui va nous faire rentrer dans notre
sujet :
En son important ouvrage : Storia imiversale délia Letteratura,
nous lisons — et je traduis aussi littéralement que possible :
u II est d'usage dans l'arabe vulgaire, d'accompagner les vers
« par la musique, et parfois par la danse. Les érudits ont donné
« le nom de Zegel à ces Ballades. »
Et ailleurs :
(i Le caractère original des anciennes romances et Ballades me
« semble démontrer trop évidemment que, si la poésie espagnole
— 492 —
u emprunte, plus tard, quelque ornement de la Provence, elle
a se développa, à l'origine, sur le sol de TEspagne, par une végé-
« tation native et puissante, à laquelle le long séjour des arabes,
« qui cultivèrent leur poésie dans les cours mauresques, a admi-
« rablement contribué, w
Les Divans arabes avaient beaucoup d'analogie avec nos cours
d* amour. Je reviendrai sur ces mots.
Les pièces arabes galantes finissaient par une apostrophe que
le poète s*adressait, le plus souvent, à lui-même. C'est là une
origine de V Envoi de nos Ballades.
Voici maintenant une note que je dois à l'obligeance du Père
Henri Lammens y orientaliste érudit :
Il existe en arabe plusieurs variétés de Ballades. Le Zajal ^ et le Mowachcha ont
surtout des rapports frappants avec la Ballade romane . Il me semble important de
faire remarquer que ce genre est d'origine Andalouse ^. C'est à leurs coreligionnaires
d'Espagne que les Arabes orientaux Vont emprunté.
Ibn Khaldoum, dans ses Prolégomènes, parle du Zajal, et en donne des
exemples : Le Za] al proprement dit se compose de couplets ou de stances régulières ;
la rime du dernier vers de la première stance se répète à la fin de chaque stance. Le
Père Checko S. J., dans son Cours de littérature arabe, en cite un exemple
emprunté aux nomades des déserts de Syrie.
Le Mowachcha, toujours destiné à être chanté^ débute par deux vers qui sont
comme V Envoi et dont les hémistiches doivent rimer ensemble. Leurs stances sont
de 5 vers : Les 3 premiers riment ensemble (leurs hémistiches également ^J et les
2 derniers sont sur la même rime que V Envoi.
Voilà Vidée générale ; car ici encore on compte de nombreuses variétés. Ainsi le
célèbre Safi ad-Din al-Hilli, qui vivait sous les derniers princes ayoubites, a des
Mowachcha de 3 stances à 3 vers : Le premier vers de chaque stance rime avec le
premier vers de la pièce ; la dernière stance a un vers surnuméraire sur la même
rime que le premier vers. De plus, il y a des répétitions de mots à des endroits déter-
minés, etc.
Ces genres sont très connus en Egypte. Le Liban les connaît aussi — moins la
polissonnerie de la muse égyptienne. Le Divax du curé Nicolas en renferme de
nombreux exemples.
^ Le peuple prononce Zegel.
2 On sait que les Arabes étendaient le nom dAndalousie à V Espagne entière. La Ballade
yflorissait déjà dès le IW siècle de V Hégire.
3 Comme on le verra plus loin, la rime à l'hémistiche constitue notre Ballade
halladant.
— 493 —
Le Père Lammens afBrme donc que les Arabes ont trouvé en
Espagne la formule de la Ballade. Au contraire, Ginguené,
Ticknor, Conde, Angelo de Gubernatis font de la Ballade espa-
gnole une importation arabe. Je n'ai pas qualité pour trancher
cette question ; mais, s'il me fallait choisir entre les deux opinions,
j'adopterais celle du Père Lammens qui, au lieu d'assertions
vagues et sans preuves, nous fournit les détails les plus circons-
tanciés sur le Zajal et le Mowaclicha, Le savant religieux dit
aussi : « Dans les Prairies d'or de Masoudi, // ny a pas de spéci-
(( mens du Zajal que l^Orient ne connaissait pas encore, » Or
Masoudi mourut en 346 de l'Hégire.
Au surplus, que les Arabes aient tiré la Ballade de leur propre
fonds, ou qu'ils en aient trouvé Tinspiration dans les poèmes
frustes et primitifs de l'Andalousie, cela n'a pas pour la Ballade
française une très grande importance. Contentons-nous d'acter,
dans cette origine, la collaboration des éléments mauresque et
espagnol.
Je disais tantôt que ces formes ont été importées en Italie par
les provençaux. Reprenons Angelo de Gubernatis qui, en sa
quahté d'italien, ne peut être soupçonné de partialité en faveur
des troubadours languedociens :
« A la cour des Suèves, dit-il, il était de mode d'écrire en
« langue provençale, et les premiers poètes d'Italie composèrent
« dans cette langue.
« Aux cours italiennes du marquis de Montferrat et du marquis
u Albert Malaspina — qui lui-même composa couplets et sir ventes
u — on poétisait en provençal w .
On peut même affirmer que l'influence de la poésie provençale
se fit sentir jusqu'en Allemagne : Wolfram d'Eschenbach, auteur
du premier Par5//«/ ^, cite comme un de ses modèles Riot le pro-
vençal. (1125).
Donc, place à la Provence qui nous apporte sa Balada en trois
couplets avec Rejrain, pareille à la Balata Castillane.
1 Le Parsifal des Allemands est le même personnage que Percevaî le Gallois de
Chrestien de Troyes,
II
Les Règles de la Ballade.
Mm} semble que rien ne doive être plus aisé que de connaître les
règles de la Ballade, du Chant royal. On pourrait, par exemple,
prendre le Dictionnaire de l* Académie. J*ouvre Tédition de 1798, et
JV lis :
Ballade : Espèce à' ancienne poésie française composée de couplets faits sur les
mêmes rimes et qui finissent tous par le même vers. On appelle le Refrain de la Ballade
le vers intercalaire qui revient à la fin de chaque couplet.
Il serait difficile d'écrire une ballade sur des indications
pareilles. Passons au Chant Royal :
Chant Royal : On appelait ainsi autrefois une sorte de poème de six strophes d'onie
vers chacune, et où P onzième vers de la première strophe était répété à la fin de toutes
les autres.
Ici il y a progrès : Non seulement la définition est insuffisante ;
elle est encore absolument fausse.
Littré et Larousse ne nous éclairent pas davantage. Ne nous y
arrêtons pas.
Mais, un dictionnaire n'étant pas un traité, je cherche un
ouvrage qui m'enseigne ex prqfesso les règles de la Ballade, du
Chant Royal,
r
— 495 —
Tout le monde me dira : prenez le Petit traité de Poésie fran-
çaise de Théodore de Banville *.
En effet, Théodore de Banville donne des règles de la Ballade
et du Chant Royal, mais tout à fait à sa manière et sans appeler,
en aucune façon, l'attention du lecteur sur le rapport si intime qui
existe entre ces deux formes de poème.
Pour lui, la Ballade doit 7iécessairement se composer de 3 dizains
ou de 3 hiùtainSj avec un Envoi de 5 vers dans le premier cas, de
4 vers dans le second.
D*après les définitions très détaillées qu'il donne du dizain et du
huitain, le dizain, pour avoir droit à ce nom, doit être écrit en
vers de dix syllabes : quant au huitain, il sera composé de vers
ociosyllahiques .
Or, Clément Marot intitule : huitains — entre autres le Huitain
fait à Ferrare — des poèmes de huit vers de dix syllabes. Par
contre, son dizain : Une Dame du temps passée est en vers de huit
syllabes ^.
Donc le huitain traditionnel n'est pas nécessairement ce que
dit Théodore de Banville. Il peut être écrit en vers héroïques
ou de dix syllabes, tandis que le dizain peut être en octosylla-
biques.
Certes l'auteur du Petit Traité n'a pu ignorer l'existence des
centaines de Ballades non conformes aux lois qu'il promulgue. A-
t-il choisi ses deux types comme seuls dignes de perpétuer les
règles du genre ? — Qu'on me permette, alors, de trouver sa déci-
sion bien arbitraire. De tous les anciens poètes français, il n'en
est pas un seid sur l'autorité duquel il puisse s'appuyer. Aucun,
en effet, ne s'est confiné dans la chartre que prétend imposer l'au-
teur des Contes féeriques.
Les règles de Théodore de Banville naissent au dix-neuvième
siècle, à qui il n'appartient pas d'apprendre au moyen âge à faire
des Ballades.
1 Cette communication a été annoncée au mois de février. Rien ne présageait
alors la mort prochaine de Théodore de Banville, l'élégant fantaisiste que viennent
de perdre les lettres françaises.
2 De môme, François /«r, fait en vers héroïques son Huictain cVun pleur, et Meîlin
de Saint Gelais la strophe : Amour me fit y auquel je suis tenu, à laquelle il donne le titre
de huitain.
— 496 —
Non, Térudition du poète des Odes Jiinambiilesqvies n'est pas en
défaut — il n'est même pas permis de le supposer — seulement, il
cède à ce besoin de dogmatiser qui s'empare fréquemment de cer-
tains maîtres, et qu'on pourrait appeler la manie didactique. Le •
plaisir qu'il éprouve à créer des lois, lui fait oublier, parmi celles
qui existaient, la plus importante de toutes : Théodore de Banville
ne parle pas du Refrain de la Ballade. Ce mot : Refrain ti l'idée
qu'il représente sont absolument passés sous silence.
Après l'Académie française, Littré, Larousse, Théodore de
Banville, ayons recours à Pasquier. Un chapitre de ses Recherches
de la France nous dit :
Le Chant Royal estoii la plus belle et digne pièce de toute cette nouvelle poésie, et se
faisoit rhonneurde Dieu ou de la Vierge Marie, et non seulement la plus digne mais
la plus pénible : D'autant que le fatisie ayant j ai et un dixain, unxain ou dou^ain sur
son subiect, estoit obligé en tous les autres couplets suivre la même consonnance de
rithme, sous diverses paroles : Qui estoit une rithme très riche... et la conclusion estoit
de cinq vers, en un Renvoy qui se faisoit soui le nom d'un Prince.
Les chants Royaux estoient dedie%_ à l'honneur et célébration des f estes les plus célé-
brées, comme de la nativité de Nostre Seigneur, de la Passion, de la Conception de
Nostre Dame, et ainsi des autres ; la fin estoit un couplet de cinq ou six vers que
l'on addressoit à un Prince duquel on n'avoit fait aucune mention dans tout le dis-
cours du Chant. Chose qui peut apprester à penser à celui qui ne sçaura ceste ancien-
neté. La vérité doncques est (quej'ay apprise du vieux Art Poétique français par moy
cy dessus allégué) ^ que l'on célébroit en plusieurs endroits de la France des leux Flo-
raux, où celui qui avoit rapporté l'honneur de mieux escrire, estant appelle tantost Roy,
tantost Prince quand ilfailloit renouveller les ieux, donnait ordinairement de ces chants
à faire, qui furet pour cette cause appelé^ royaux, d^ autant plus que de toute leur poé-
sie, cestuy estoit le plus riche subject qui estait donné par le Roy, lequel donnait aussi
des Ballades à faire, qui estai èl comme demy Chats Royaux. Ces jeunes fatistes ayant
côposé ce qui leur était enjainct , reblandissoient à la fin de leurs Chants Royaux et Bal-
lades leur Prince, afin qu' en l'honorant , ils fussent aussi par lui gratifie^, et lors il dis-
tribuait chapeaux et couronnes de fieurs à uns et autres, selon le plus ou le mains qu^ils
avaient bien faict. Chase qui s'observe encares dans Thalaie, où l'an baille PEnglantine
à celuv qui agaigné le dessus, au second la soulcie, et quelques autres fleurs par ardre,
le tout toutefois d'argent : Et parte encares cest haneste exercice le nom de Ieux Fia -
raux tout ainsi qu'anciennement.
1 II s'agit d'un Art poétique de Thomas Sihilet (1548).
r
— 497 —
Les Chants Royaux, Ballades, Rondeaux et Pastorales commencèrent d^ avoir cours
vers le règne de Charles cinquiesme ^.
Comme on a pu le remarquer, Pasquier est en contradiction
avec lui-même. D'abord il nous dit que l'Envoi, nommé par lui
Renvoy, estait de cinq vers ; plus loin nous trouvons que c estait un
couplet de cinq ou six vers.
Arrêtons-nous un moment à V Envoi. Il a subi plusieurs trans-
formations : nous avons vu que les Arabes avaient coutume de
terminer leurs poésies galantes par une apostrophe qu'ils
s'adressaient le plus souvent à eux-mêmes. L'Envoi était parfois
chez eux une conclusion dans les joutes littéraires auxquelles ils
se provoquaient devant les Divans.
De même, nous voyons nos jongleurs se défier, dans les fêtes
où chacun d'eux terminait sa pièce par une strophe à l'adresse de
celui qui présidait la cérémonie ; ce qui ne tendait souvent à rien
moins qu'à faire chasser le jong leur rival, afin de profiter seul des
bénéfices qu'offi^ait la circonstance.
Mon intention n'est pas de m'occuper des Jeux Partis. Ce serait
trop étendre mon sujet.
Ensuite, ce sont les Puys ou cours d'amour qui donnent lieu à
TEnvoi. Il s'adresse alors au Roi ou Prince dont dépend la distri-
bution des chapeaux et couronnes. Ce Roi ou Prince, comme nous
l'a appris Pasquier, était, tout simplement, un triomphateur des
concours précédents. Les poètes décorés du titre de Roi le conser-
vaient leur vie durant, et en signaient leurs écrits. Je citerai
comme exemples Adenet le Roy, auteur à'Oger le Danois, et
Rois de Cambray, auteur de la Vie de Saint-Quentin.
Au xvi^ siècle, les Puys d'amour étant tombés en désuétude
presque partout, les poètes continuaient néanmoins à faire leur
Envoi dans la forme traditionnelle. L'un d'eux, Pierre Gringorey
ennuyé de voir écrire ce mot Prince qui ne se rapportait plus à
rien, céda à son goût pour le calembour, et employa les deux
monosyllabes : Prins ce, qu'on retrouve dans tous ses Envois.
1 Charles V monta sur le trône en 1364.
Ces formes de poésie sont beaucoup plus anciennes'que ne le pensait Pasquier,
car le xiiic siècle en fournit déjà de nombreux spécimens.
32
-498 -
Quant au nom des Puys d'amour, il est dû, d'après plusieurs
autorités, à la ville de Puys Notre-Dame , où se tint, très ancien-
nement, un florissant tribunal littéraire ^ Hécart, éditeur d'un
recueil de Serventois £t sottes ^ chansons couronnés à Valencîennes
aux XIII^ et XIV"^ siècles, donne une autre étymologie : Puy
viendrait du latin : Podium :
Le Podium était, selon Vitruve, un lieu élevé devant Torchestre du théâtre, où
se plaçaient les consuls et les empereurs. C'est de là qu^on a donné le nom de Puy à
ces académies oii Ton jugeait les concours, parce qu^on élevait, dans ces occasions, un
théâtre sur lequel les fondateurs et les juges des prix se plaçaient pour la distribution.
Ce qui ôte de sa valeur à l'explication d'Hécart, c'est que ce
Puy d'amour de Valenciennes, qui en est l'occasion, existait
— suivant la coutume d'une époque où le sacré se mêlait volon-
tiers au profane — conjointement avec une chapelle et une
confrérie de Notre-Dame au Puy ^. Cela nous ramènerait à la
première étymologie, la plus généralement admise.
Avant d'abandonner l'Envoi, constatons que les provençaux et
les italiens l'adressaient ordinairement au poème lui-même :
Va, tu leggiera e piana
Dritta alla donna mia
dit Guido Çavalcantik sa Ballade.
Nos ménestrels imitèrent parfois cette manière.
C'est dit. Nous ne trouverons nulle part les règles de la Ballade,
pas plus que celles de ses congénères ; Chant royal, Chanson
royale, Serventois, Pastourelle et Sotte-chanson. Et nous ne les
trouverons pas pour une excellente raison : c'est que chacun des
vieux poètes les a interprétées à sa manière ; c'est que ces règles
n'ont jamais eu une rigidité qui les rendît immuables.
^ Henry de Croy (15 14) dit, dans son Art et Science de Rethoricque : Champ royal
se recorde es Puys oïl se donnent couronnes et chapeaulx à ceulx qui mieulx le sçavent faire :
et sefaict à Refrains, comme Balades ; mais il y a cinq coupîetz et renvoy.
2 Italien Sotto : léger.
8 La Vierge y était représentée à côté d'un puits. Je n'ai pas recherché la légende
qui a donné lieu à cette image ; mais il y en a une, sans aucun doute.
— 499 —
Pour connaître la Ballade et ses dérivés, il n'y a qu'un moyen :
étudier les auteurs qui, aux différentes époques, ont écrit en ces
genres.
Sans doute, ce travail est assez long ; mais, une fois qu'on Ta
fait, il devient possible de résumer brièvement le résultat des
recherches. C'est ce résultat seul que je veux vous communiquer.
Mes poètes sont, par ordre chronologique :
Adam de la Halle, Jehan Baillehaus, Guillaume de Mâchant^
Eîistache Deschamps ^ Jehan Froissarty Charles d'Orléans j Frayiçois
Villon, Jehan Marot, Pierre Gringore, François F^ et Clément
Marot.
Et je m'en tiens là, parce que, arrivée à ce point, la Ballade est
faite et parfaite : La Pléiade n'y peut plus rien, non plus que
Jean de la Fontaine ou Madame Des houillères. Cette dernière,
surtout, ne pourrait que nous faire assister à la décadence d'un
genre, vivace par la bonhomie de nos vieux Gaulois, et que le
maniérisme du xvii^ siècle devait tuer.
Adam de la Halle (XII? siècle).
Les manuscrits du trouvère Adam de la Halle, publiés par
E. de Coussemaker, nous donnent trente-quatre chansons, qui,
toutes, sont des Ballades, au refrain près ; c'est-à-dire que les
rimes se répètent, semblables et dans le même ordre, à chacune
des strophes d'une même chanson. La plupart de ces composi-
tions ont l'Envoi.
Une seule d'entre elles, par son refrain, devient une véritable
Ballade, mais sans Envoi. Les strophes, au nombre de 4, comp-
tent chacune 7 vers de 7 syllabes et 2 vers libres. Le refrain est
de 2 vers.
— 500 —
X® Chanson d'Adam de la Halle ^
DIT LE Bossu d'ArRAS.
fl-*
'• .A,. 1 'MJ
Li dous maus me re - nou - vè - le A - vœc le prin - tans.
êzï
"^f^..u. c.^
Doi iou bien es - tre chan - tans Pour si jo - - li - e nou
■ ■ ■ 1^ %
^
'/% I ■ 1
^*i^^
vè - le ; C'on-ques mais nus pour SI bè - le, ne plus sa - ge
M ' " P ^ ■ -V
ne meil - lour, ne sen - ti mal ne do-lour. Or est en -
n * ' IV
tTT
si, Que j'a - ten - de - rai mer- chi.
1 La notation est reproduite d'après le ms. de la Vallière, no 2736 de la Biblio-
thèque nationale. M. le comte Maurin de Nahuys estime que l'on se trouve en
présence d'une transcription du xiv® siècle, et non de l'original du xme.
— 50I —
Li dous maus me renouvelé,
Avœc le printans
Doi iou bien estre chantans,
Pour si jolie nouvéle
Conques mais nus pour si bêle.
Ne plus sage ne meillour,
Ne senti mal ne dolour.
Or est ensi
due j'atenderai merchi.
Au dessus de me querele
Ai esté deus ans.
Sans estre en dangier manans
De Dame ou de Damoiselle.
Mais vair œil, blanche maissele,
Rians et vermeille en tour.
M*ont cangé cuer et vigour
Or est ensi
Que j'atenderai merchi.
Cant grate kievre ou gravele
Qu'elle est mal gisans !
Si est-il d'aucuns amans
Tant joue on bien et révèle
Que d'une seule estinchele
Esprent en ardant amour
Je fui espris par tel tour
Or est ensi
Que j'atenderai merchi.
Dous vis, maintiens de puchèle
Gras cors avenans,
Vers cui cuers durs caymans
De joie œuvre et esquartèle
Mar fui à le fontenèle
Où je vous vi l'autre jour ;
Car sans cuer fui au retour
Or est ensi
Qjae j'atenderai merchi.
502
Jehan Baillehaus *.
D'un manuscrit publié par Hécart, sous le titre : Serventois et
Sottes-Chansons couronnés à Valendennes aux XIII^ et XIV^ siè-
cles, j'extrais une Sotte-Chanson de Jehan Baillehaus, la meil-
leure; selon moi, que contienne le recueil.
La Sotte-Chanson suit les règles du Chant-Royal, mais sans
refrain. C'est, si Ton veut, un Chant-Royal composé sur un
sujet léger (^50^0; .
L'Envoi que nous avons sous les yeux, présente cette particu-
larité, que ses vers ne riment pas entre eux, et ramènent simple-
ment les 3 rimes de la strophe.
SoTE Canchon couronnée au Puy de Valenchiennes.
Plourez, amants, car vraie amours est morte
En chest païs jamais ne le verrez ;
Anuit par nuit, vint buskant à no porte
L'arme de 11 qu'emportoit un mauflfez.
Mais tant me fist li dyables de bontez,
L'arme mit jus tant qu'elle ot trois oéspris,
Et par ces oés iert li mous retenus,
Che truis tirant en un kanebustin
Où je le mis en escrit hier matin.
S'est bien raison ke chascuns me déporte
Tant que dite vous soit li véritez
Des nouvelles que je vous en aporte,
Morte est amours ensi que vous oez,
Mais embrief tant sachiés les raverez,
Au départir li dyable dist Vergilius
Quand il reprist l'arme qu'il ot mis jus.
Et le me mistde roumant en latin
Si qu'il est chi escrit en parchemin.
^ Cf. Dinaux.
— 503 -
Accipite li englais ki ait torte
L'une des rains et se soit bien couvés,
Celui quercns qu'il soit de tele sorte
Et de trois oés couver li prières ;
Et s'il les keuve eskiépir les verrez
Dedens VIII jours, et s'il y avoit plus,
Ne pensez jà que li fruit soit perdus
Naistre en convient amours en un crétin,
L'eskierpe au col à loy de pèlerin.
Et s'ensi est que fortune li forte
Ait fait amours naistre dou diestre lez,
A chest engleske qui en che le déporte,
Je vous dirai, Seigneur que vous ferez,
Encontre amours tout ensaule en yrez
Si li donra chascuns deus croslecus
Lors li verrez demonstrer ses vertus,
A le maison rasset ou au defrin
Pour le grant feu et le flair du fort vin.
Geste chose ferment me reconforte
Le vous dirai pourquoi si vous volez,
Onques ne fui de passion escorte
Si bien tenus es bras ne es costez
due je ferai d'amours, c'est véritez
De quelle eure que soie revescus,
Mais vous véés bien que je suis trestouz nus,
Se diroit tost amours va ton chemin
Car qui m'agai bon a parent ne cousin.
Partout lonctans ai esté triste et mus.
Mais boine amours de crei sui revestus
Me fait canter pour Dame de haut lies
Que j'enamai awan à Saint-Quentin.
L'examen du même recueil de Hécart m*a amené, à l'égard
du Serventoîs aux conclusions suivantes :
C'est, dans la famille de la Ballade, le poème le plus irrégu-
lier. La plupart des serventois que j'ai rencontrés, étaient en
vers libres. Au xiii^ siècle, ils n'avaient pas de refrain, et
l'Envoi était quelquefois réduit à 2 vers :
Dame, en pensant au prix de vos viaire.
Me vint chis diz en vous loant me maire.
Serventois a Valenciennes.
- 504 —
Dédié le plus ordinairement à la Vierge Marie à Toccasion de
Tune de ses fêtes, le serventois tire son nom de servir. En cer-
tains endroits de la Picardie, on dit encore couramment : servir
MU saint pour : assister aux cérémonies par lesquelles on célèbre
sa fête *.
Eustache Deschamps, dans son Art de Didier, dit des serven-
tois :
Ils sontfatX de cinq couples, comme les chansons royaulx et sont communément
de la vierge Marie sur la divinité, et n'y soûlait point faire refrain, mais à présent
on les y fait servens comme en une balade. Et pour ce que c'est ouvrage qui se porte
au puis d'amour, et que nobles hommes n'ont pas acoustumé de ce faire, n'en fai^
cy aucun autre exemple.
En effet, si Ton excepte Froissart, les œuvres des poètes mar-
quants ne nous fournissent guère de spécimens de ce genre de
dictier qui emprunte la forme du sirvente ^ provençal, mais avec
un but très différent : le sirvente, loin d'être religieux, avait le
plus souvent, un caractère satirique, quelquefois guerrier.
Les serventois étant ordinairement de très piètre qualité, je
crois mieux faire de ne pas m'en occuper davantage — à l'exem-
ple d'Eustache Deschamps — et de transcrire ici un sirvente du
troubadour Elias Cairels (vers 1220) ^ qui nous renseignera, tout
aussi bien, sur la forme usitée :
Sirvente contre le Marquis de Montferrat.
Pos cai la foilla del guarric
Farai un gai sonet novel,
Que trametrai part Mongibel
Al marques que'l sobrenom gic.
De Monferrat e pren cel de sa maire,
Eh a laissât so que conquis son paire.
Mal ressembla lo filh Robert Guiscart,
Qu'Antiocha conques e Mongiscart.
1 Quelquefois, beaucoup plus rarement, le serventois est amoureux. Il se con-
• fond alors avec la chanson royale amoureuse, comme en écrivit Froissart.
2 Les explications étymologiques qu'on peut donner du mot sirvente sont peu
satisfaisantes. Je n'en reproduirai aucune.
8 Edit. Crapelet.
— 505 —
Marques, los monges de Clunhic
Volh que fasson de vos capdel,
O siatz abbas de Cistel ;
Pos lo cor avetz tan mendie,
Que mais amatz dos buous et un araire
A Monferrat, qu*alhors estr'emperaire :
Ben pot hom dir qu*auc mais filh de Chaupart
Nos mes en crotz à guisa de rainart.
Gran gaug agron tug vostr*amic
Quant agues laissada la pel
Dont foires la cap'e'l mantel :
Quar totz cuideron estre rie
Cilh que per vos son liurat à maltraire,
Q.ui son tondut et an paor del raire.
Quascus aten socors de vostra part ;
Si noi venetz, qui dol i-a si'l gart.
Marques, li baron vair'e pic
An contra cel trait un cairel
Que lor tornara sul capel.
E de l'emperador Enric.
Vos die aitan que ben sembl'al rei Daire,
Qui SOS baros gitet de lor repaire,
Dont il ac pois de morir gran reguart :
Mas mantas vetz qui scuida calfar s'art,
Lo regisme de Salonic
Ses peireir'e ses manganel,
Progratz aver ; et mant castel
D'autres qu'ieu no mentau ni die.
Per dieu, marques, Rotlan dis e sos fraire,
E Guis marques e'n Rainant lor cofraire,
Flamenc, Frances, Bergonhon e Lombart
Van tug dizen que vos semblatz bastart.
Vostr' ancessor, so au dir e retraire,
Foron tug pros ; mas vos non soven gaire.
Si*l revenir no prendetz geinh et art,
Del vostr' onor perdetz lo terz e'I quart.
— 5o6 —
Guillaume de Machaut.
Ménestrel du duc d'Anjou. (Né à la fin du xiii® siècle.)
Les Ballades de Guillaume de Machaut ont 3 strophes, dans
lesquelles le nombre des vers varie de 6 à 9. Ce sont des
vers de 5, 7, 8 ou 10 syllabes. L'Envoi n'existe pas. Le
refrain est quelquefois de 2 vers.
Voici une ballade tirée du deuxième manuscrit de Machaut
que possède la Bibliothèque nationale, et dont la publication
est due à Tardé:
Onques mes cuers ae senti
Se dure dolour
Com quant je me départi
De ma douce amour,
Mais ce me rendit vigour
Quelle vis-à-vis
Me dist par très grand douçour
Adieu, dous amis.
De ce mot quand je l'oy
La douce savour
Fut empreinte et fit en mi
Mon cuer son séjour.
Lors ma Dame au cointe atour
Escript ce m'est vis,
De sa belle bouche entour :
Adieux dous amis.
Si ne quiert autre mercy
De mon douz labour :
Car j'ay cent joies en my
Pour une tristour.
Quand la souveraine flour
Dou monde et le pris
Vuet que je porte en s*onnour :
Adieu, dous amis.
Guillaume de Machaut a écrit aussi des chansons balladées, ^
* Chançons baladées sont ainsi appelîées pour ce que h refrain d'une haîaie sert tous-
— 507 —
Eustache Deschamps (né en 1324).
Eustache Deschamps écrivit 1175 Ballades.
La plupart ont 3 strophes ; d'autres en ont 4 ou 5. Dans
ce cas, il les nomme parfois chmiçons roiaux.
Le nombre de vers par strophe varie entre 7 et 15. Ce
sont des vers de 7, 8 ou 10 syllabes. Parfois un vers libre
se glisse dans le corps de la strophe ; ainsi dans la Ballade :
Le bois de Vincennes.
L'Envoi manque très fréquemment. Lorsqu'il existe, il est
de 4 ou 6 vers.
Dans la Ballade intitulée : Amoureuse^ Deschamps remplace
le mot Envoi par ceux-ci : Double chançon royal ^
Jehan Froissart (1333).
Outre ses Ballades amoureuses, Froissart écrivit des Pastou-
relles et des chanso'ns roiaux amoureuses ^.
Les Ballades proprement dites ont 3 strophes de 6, 7, 8, 9 ou
10 vers. Les mètres employés sont 17, 8 ou 10 syllabes. L'Envoi
n'existe jamais.
Quelquefois, dans les Ballades en vers de 10 syllabes ou
héroïques, le 5^ vers est de 7 syllabes, quel que soit le nombre
de vers de la strophe.
fours par manière de ruhriche à la fin de chascune couple d^icelle ; et la chançon baladée de
trois vers doubles a tousjours, par diférence des balades, son refrain et rebriche au commence-
ment, que aucuns appellent du temps présent Virelays. (Eustache Deschamps ; Art de
Dictier.J
Dans une autre communication, je m'occuperai du Virelai, ainsi que du Lai, du
Rondeau et du Triolet,
^ De nouvelles recherches m'ont amené à voir dans ce titre de l'Envoi une er-
reur du copiste. 11 existe d'Eustache Deschamps un Double chançon Royal de 9 stro-
phes avec Envoy : sur la mutacion du ciel et de la terre. Il ne me parait pas admissible
que le poète appelle de la même manière un simple Envoi et le plus long Cliant
Royal que j'aie rencontré.
2 Édit. Scheler.
~ 5o8 -
Exeeptionnellement le refrain est de 2 vers.
Voici une minuscule Ballade : Les strophes n'ont que 6 vers
de 7 syllabes. Une singularité de plus, c'est que les rimes sont
fraternîsées ou équivoques :
XXVIII® Ballade de Jehan Froissart.
Vrés désirs qui m'enlummg Car une amoureuse espint
Mine mon cœr trop [tsufont; Espine mon cœr âdont,
Font dont ses rais un tel signe. Dont quant ceste partchew/w^,
Si ne se cessent, ils m* ont De mi ne sçai qu'il diront.
Monté en un dur parti ; Wire ont mon cœr reparti,
Ensi l'ai-je mol parti. Ensi l'ai-je mslpatii.
Mes Espérance bénigne
Bénignement me semont,
Se m^ont cil rai qui sont digne
Di, ne sçai s'il le teuront :
« Teut, ront, fait tout à parti. »
Ensi l'ai-je mal parti.
Les Pastourelles suivent la tradition provençale et. espagnole.
Intgo Lopez de Mendoza, Marquis de Santillane (né en 1398)
écrivit des pastourelles dans une forme analogue.
Froissart leur donne 5 strophes de 11, 12, 14 ou 16 vers
toujours octosyllabiques. L'Envoi est de 5 vers. Le refrain est
observé.
Les Chansons roiaux amoureuses ont 5 strophes de vers héroï-
ques au nombre de 10 ou 11. Elles sont sans refrain et l'Envoi
cohipte 3, 4 ou 5 vers.
Charles d'Orléans.
Il composa 152 Ballades, de 3 strophes pour la plupart — il en
est de 5 strophes. Le nombre des vers par strophe varie de
7 à II : ils sont de 5, 7, 8 ou 10 syllabes. L'Envoi, qui manque
assez souvent, s'étend, d'autres fois, jusqu'à 7 vers *.
^ Charles d'Orléans, pendant sa captivité, écrivit une Ballade en anglais.
— 509 —
Un long poème du manuscrit de la Bibliothèque Nationale
commence par quatre Ballades successives, sans interruption de
sens, mais sans liaison de forme. La pièce se continue en rimes
jumelles ou accollées, puis, après quarante-quatre vers, elle
reprend en trois Ballades successives — formule suivant laquelle
elle a débuté. Soixante-quatre vers en rimes jumelles terminent
le morceau.
Voici une Ballade en vers de 5 syllabes :
J'oy estrangement
Plusieurs gens parler
Q.ui trop mallement
Se plaingnent d'amer ;
Car légièrement,
Sans peine porter,
Vouldr oient briefment
A fin amener
Tout leur pensement.
C'est fait follement
D'ainsi désirer,
Car qui loyaument
Veulent acquister
Bon guerdonnement,
Maint mal endurer
Leur fault et souvent
A rebours trouver
Tout leur pensement.
L'amour humblement
Veulent honnorer,
Et soingneusement
Servir sans fausser,
Des biens largement
Leur fera donner ;
Mais premièrement
Il veult esprouver
Tout leur pensement.
Cette Ballade, écrite sur deux rimes, s'écarte de la tradition
quant à Tordre des vers. Les rimes y sont constamment alternées,
au lieu que, habituellement dans la Ballade et les poèmes de la
même famille, la disposition des vers dans la strophe n*a pas
cette régularité. Après les premières rimes alternées, viennent
brusquement deux vers à rimes jumelles quelque fois quatre.
Cette disposition constitue une manière de musique propre à la
Ballade, et à laquelle l'oreille s'accoutume au point d'en faire
presque, pour ces compositions, une condition sme qua non
d'existence.
Le morceau de Charles d'Orléans ici transcrit, prouve, une fois
de plus, que toutes les prétendues règles du genre ont été trans-
gressées, tour à tour.
François Villon.
Les Ballades de Villon ont généralement 3 strophes — l'une
d'elles en a 4. Il existe de ce poète des Doubles-Ballades de
6 strophes. Celle du Grand Testament est nommée Triple Ballade
dans plusieurs anciennes éditions.
— 5IO —
Les strophes ont 8, lo ou 12 vers de 8 ou 10 syllabes. L'En-
voi, qui existe toujours, à de 4 à 7 vers. La Ballade des Escoutans
est terminée par un Envoi de 8 vers ; mais elle est attribuée à
Villon — peut-être à tort.
La Ballade VI du Jargon présente de grandes variantes au
refrain.
Les deux Doubles-Ballades sont irrégulières :
Dans la première, la 5® strophe ne rime pas avec les autres.
Dans la seconde, les trois premières strophes riment entre
elles, mais non avec les trois dernières. Elle se compose donc,
en quelque sorte, de deux Ballades distinctes, qui n'ont de com-
mun que le refrain.
Les Doubles-Ballades n'ont pas d'Envoi.
Voici la IIP Ballade du Jargon. Je la donne comme spécimen
de haute fantaisie dans l'espèce : Les deux premières strophes
sont de 12 vers, la 3^ de 13. Les strophes ne sont pas sur rimes
pareilles.
Les vers, de 3, 4, 7 ou 8 syllabes sont arbitrairement disposés.
L'Envoi, de 6 vers, n'est ordonné conformément à aucune des
strophes. Néanmoins — et j'appuie à dessein sur cette constatation
— Villon donne au morceau le titre de Ballade.
Ballade III du Jargon.
Spélicans
Qui en tous temps,
Avancez dans le pogois
Gourde piarde
Et sur la tarde
Desbousez les pauvres niois,
Et pour soustenir vostre pois,
Les duppes sont privez de caire,
Sans faire haire
Ne hault braire.
Mais plantez sont comme joncz
Pour les sires ui sont si longs.
— 5" —
Souvent aux arques
A leurs marques
Se laissent tousjours desbouser
Pour ruer
Et enterver
Pour leur contre que lors faisons.
La fée aux arques vous respond,
Et rue deux coups ou bien trois,
Aux gallois
Deux ou troys
Mineront trestout aux fronts
Pour les sires qui sont si longs.
Pour ce, benards,
Coquillards,
Rebecquez vous de la montjoie,
Q.ui desvoye
Vostre proye,
Et vous fera du tout brouer ;
Par joncher
Et enterver
Ce qui est aux pigeons bien cher.
Pour rifler
Et placquer
Les angels de mal tous rondz
Pour les sires qui sont si longs.
Envoi.
De paour des rhumes
Et des grumes
Rassurez vous en droguerie
Et faerie ;
Et ne soyez plus sur les joncz
Pour les sires qui sont si longs.
Jehan Marot (né en 1463).
Jehan, père de Clément Marot, a écrit deux Chants Royaux.
Le premier intitulé : Chant Royal de la Conception — qu*il ne
faut pas confondre avec ceux de Clément Marot portant le même
— 512 —
titre — se compose de 5 strophes de 1 1 vers héroïques chacune,
avec refrain. L'Envoi est de 5 vers.
Le second : Chant Royal digne destre escript en tableau soubz
la pouriraîcture de Jesu-Chrisi ayant la couronne d'espines sur la
teste, tenant ung roseau en sa main et assis tout nud sur sa croix,
comprend également 5 strophes de 11 vers héroïques, mais
l'ordre des rimes n*est pas le même que dans le premier poème.
L'Envoi a 6 vers. Le refrain commence et termine chaque
strophe :
« Ceurs endurcis par obstination. »
Pierre Gring-ore (f 1547).
ou Gringoire — car lui-même écrit son nom de ces deux fa-
çons différentes, — nous a laissé un certain nombre de Ballades.
Composées de 3 strophes de 9 à 12 vers héroïques chacune,
ses Ballades ont toutes un Envoi de 4, 5 ou 6 vers ; il en faut
excepter un poème nommé par l'auteur Balade baladant, dont les
rimes ne sont pas pareilles, et qui n'a point d'Envoi ^.
Une Moralité de Gringore, fragment du : Jeu du Prince des
sots et Mère sotte^ renferme deux Ballades sur des rimes diffé-
rentes : les strophes se croisent, en manière de dialogue ; de
même les Envois.
Un autre passage de la même Moralité est une Ballade dialo-
guée de 5 strophes de 9 vers chacune. Envoi : 4 vers.
Gringore nous donne aussi un Chant Royal formé de 5 stro-
phes de II vers héroïques, avec Envoi de 6 vers.
^ Balade baladant lient pour les termes de termes de Balades communes sinon que les
coupleti sont comme vers septins d'aultres Imytains, aulcûs aient quelles sont de six de dix et
de unie sillabes. Et est batelée à la IIII^ sillahe en certaines lignes. (Henry de Croy. L'art
et science de Rethoricque pour faire Rimes et Balades,)
La Ballade balladant donnée comme exemple à l'appui de cette règle, est sur
rimes pareilles, hattelées en certains vers. L'Envoi existe :
Prince du puis, se este dbeyssant
Nous commanda;?/ gaigner gloire infinie
Lassus regnaw/ le verrez dominai/
Dieu tout puissa/z/ vérité voye et vie.
Le même Art et Science de Rethoricque nous donne les règles de la Ballade fratrisée
eu jumelée à deux refrains.
— 513 —
Dans toutes ces compositions, Gringore commence TEnvoi par
les mots : Prias ce — ainsi que je Tai dit précédemment.
Voici l'Envoi du Chant Royal.
Prins ce, Seigneurs, ne soyez irritez
Si peine avez, car vous le méritez '
Tous malfaiteurs se mettent en scrvaige ;
Force leur est de recevoir chastoy,
Q.uant s'efforcent despriser par oultraige
Ung Dieu, ung Roy, une Foy, une Loy.
François P^
Je ne connais qu'une Ballade du roi François : mais elle est
intéressante par la singularité de son Envoi. Disposition : 3
strophes, 9 vers, 10 syllabes.
Les strophes sont sur 3 rimes. L'Envoi, de 6 vers, rappelle
tous les vers correspondant à 2 des rimes, et néglige les 3
autres vers.
Ballade pendant la Captivité en Italie^.
Triste penser en prison trop obscure.
L'honneur, le soing, le debvoir et la cure
Q,ue je soustiens des malheureux souldardz,
Devant mes yeulx desquels j'ai la figure,
Q.ui par raison et aussi par nature
Debvoient mourir entre picques et dardz
Plutost que veoyr fuyr leurs estendardz.
Me font perdre de raison l'attrempense,
duand de te veoir j'ay perdu l'espérance.
Toujours Amour par fermeté procure
Qu'à desespoir point ne face ouverture ;
Mais tous malheurs viennent de tant de partz
Q.u'ilz me rendent indigne créature :
Tant, que d'erreur à mon chef faiz ceinture.
Les yeulx baignez vers toy sont les regardz ;
Ne faisant plus outre ennuy les rempartz,
Si n'est avoir ton nom en reverance,
Quant de te veoyr j'ay perdu Pesperance.
^ Publiée par Champollion-Figeac.
— 514 —
Mais je ne sçay pourquoy tourna l'augure
En mal sur moy : car ma progéniture
Eut tant de biens, qu'en tous lieux fut espars ;
Plaisir pour dueil estoit lors leur vesture ;
Plaisante et doulce sembloit la nourriture
De leurs subjectz, gardans brebis et parcs;
Tousjours bâtirent les lyons et liepars.
Mais j'ay grand peur n'avoir tel heur en France,
Quand de te veoir j'ay perdu l'espérance.
O grande amour, eterne sans rompture,
Dont l'infini est juste la mesure,
Dy-moy, perdray-je à jamais ta présence ?
Doncq brief verras sur moy la sépulture :
L'esperit à toy, pour le corps pourriture,
duand de te veoir j'ay perdu l'espérance.
Clément Marot.
Les Ballades de Clément Marot se partagent en 3 strophes de
10, II ou 12 vers héroïques — exceptionnellement octosyllabi-
ques. L'Envoi comprend 5, 6 ou 7 vers — 4 pour la Ballade en
vers de 8 syllabes.
Ses deux Chants Royaux De la Conception ont 5 strophes de
II vers héroïques ; l'Envoi : 5 vers.
Un bizarrerie du poète est, sans contredit, sa Ballade Du jour
de Noël. Je la donne à titre de curiosité seulement, car elle est
loin d'être un modèle du genre.
Du JOUR DE NOEL.
Or est Noël venu son petit trac,
Sus donc aux champs, bergiers de respec
Prenons chascun panetière et bissac,
Fluste, flageol, cornemuse et rebec.
Ores n'est pas temps de clorre le bec, *
Chantons, saultons, et dansons rie à rie,
Puis allons veoir l'enfant au povre nie,
Tant exalté d'Hélie, aussi d'Enoc,
Et adoré de maint Roy et duc :
Son nom dit nac, il fauldra dire noc ;
Chantons Noël tant au soir qu'au desiuc.
— 515 —
Colin Georget, et toy Margot du Clac
Escoute un peu et ne dors plus illec :
N'a pas longtemps sommeillant près d'un lac,
Me fut advis qu'en ce grand chemin sec
Un ieune enfant se combatait avec
Un grand serpent et dangereux aspic :
Mais Penfanteau en moins de dire pic
D'une grand'croix lui donna si grand choc,
Qu'il l'abbatit et lui cassa le suc : '
Garde n'avait de dire en ce défroc :
Chantons Noël tant au soir qu'au desiuc.
Quand je l'ouy frapper et tic, et tac,
Et lui donner si merveilleux eschec,
L'ange me dit d'un joyeulx estomac,
Chante Noël, en Françoys ou en Grec,
Et de chagrin ne donne plus un zec.
Car le serpent a été prins au bric,
Lors m'esveillay et comme fantastic
Tous mes troupeaux ie laissay près un.roc
Si m*en allay plus fier qu'un archiduc
En Bethléem : Robin, Gautier, et Roch,
Chantons Noël tant au soir qu'au desiuc.
Envoy :
Prince dévot, souverain catholic,
Sa maison n'est de pierre ne de bric,
Car tous les vents y soufflent à grand floc.
Et qu'ansi soit, demandez à Saint Luc,
Sus donc avant, pendons soucy au croc,
Chantons Noël tant au soir qu'au desiuc.
Je me suis promis de ne pas suivre la Ballade jusqu'au xvu^
siècle ; il faut néanmoins que je signale chez La Fontaine une
particularité digne d'être notée : On rencontre dans les œuvres
du Bonhomme des Ballades en Alexandrins : Sur le nom de
^ Lotus le Hardi ; Hier je mis chez Chloris...
Comme on Ta vu, les poètes du Moyen âge et de la Renais-
sance ne firent pas usage de TAlexandrin dans leurs Ballades.
- 5i6 -
P-^ APPENDICE
La Ballade en Espagne.
ul prophète n'est en honneur dans son pays et parmi les
siens « . Cette parole du Christ se trouve vérifiée, une fois de
plus, en ce qui concerne la Ballade. Les lettrés espagnols n'eurent
rien de plus pressé que de se dégager des anciennes formes de
leur poésie, pour copier les grecs, les latins et les italiens.
Odes, Sonnets, Sextines pleuvent dru dans leurs œuvres, mais
sans parvenir, toutefois, à étouffer complètement la note natio-
nale. Chez certains auteurs elle se manifeste encore sous forme
de VillancicoSy Soledades, Letrillas, Romances y Canciones, Motes^
Chmizonetas, Glosas y etc.
Voici un fragment de Cantar ^ religieux de Pedro Lopez de
Ayala (fin du xiv^ siècle).
La tu noble esperança
Reyna noble de valor,
Virgen digna de onor,
Me mantiene en alegrança.
Ati amo tu seruir.
Agora e cada dia
Del tu seruicio partir
Mi coraçon non queria,
Ca toda mi buen andança
Es cuydar en tu loor,
E de mi tira dolor
Si tengo yo tribulança
De ti quiera yo seruir
Loores de grant valia,
Ca lu me fases veuir
Esforçado todavia :
En ti tengo grant fiança
Que por ser tu seruidor,
Maguer so muy pecador
Ave de Dios perdonança.
1 Ce Cantar fait partie du Rimado de Palacio.
— 517 -
Angel te vino désir
Muy alta mcnsageria
Que a Dios concebir
Otorgado te séria :
Sennora, con humildança
Respondiste e con pauor,
Cûnplalo el Saluador
Lo que dises syn tardança.
Ainsi qu'on le voit, le morceau, dédié à la Vierge Marie,
correspond assez bien à notre serventois.
Cristobal de Castillejo (né en 1494) se consacre au culte des
vieux modes poétiques de la Castille. Ses Glosas * sont fréquem-
ment ordonnées comme suit :
Letra
Defendiâme Dios de mi^
Glosa
En el campo me meti
A lidiar con mi deseo.
Contra mi mismo peleo ;
Defendiâme Dios de mi.
A tan mortal enemigo
Yo non basto a resistir,
Ni menos puedo huir,
Porque le llevo conmigo.
Rendirmele luego alti
Es un ejemplo muy feo.
En gran estrecho me veo ;
Defiéndame Dios de mi.
La razon que me endereza,
Portia con mi porfia ;
Pero vuelve todavia
Las manos en lo cabeza.
Y esperar socorro a qui
De ninguno es devaneo ;
Pues soy yo con quien peleo,
Defiéndame Dios de mi.
1 D'autres Gloias ont la disposition de la Glose, française, pour laquelle elles ont
vraisemblablement servi de patron.
- 5i8 -
Les Villancicos ont la même ordonnance, moins la Letra.
La strophe qui correspond à notre Envoi, se trouve, tantôt au
commencement, tantôt à la fin du poème. Parfois — surtout dans
les Letrîllas — on la rencontre aux deux bouts. Fréquemment
elle n'est que le thème sur lequel brodent les grandes strophes ;
mais, dans les Canciones — où elle vient en conclusion — elle
contient une apostrophe à la pièce, un souhait de bon voyage.
Dans certains des cas où elle paraît en tête, elle reçoit le nom
de sohrescrito,
Adolfo de Castro nous apprend que Cervantes s'est exercé dans
Fart des anciens chansonniers; à preuve ce fragment de
Pedro de Urdemalas
A la puerta puestos
De mis amores,
Espinas y zarzas
Se vuelven flores.
El fresno escabroso,
La robusta encina,
Puestos a la porta
Do vive mi vida,
Verân que se vuelven,
Si acaso los mira,
En matas sabeas
De sacros olores,
Y espinas y zarzas
Se vuelven flores.
Do pone la vista
O la tierna planta
La yerba marchita,
Verde se levanta ;
Los campos alegra,
Regocija el aima,
Enamora a siervos,
Rinde à senores,
Y espinas y zarzas
Se vuelven flores.
— 519 —
Je citerai un Caneton Real, de la fin du xvi^ siècle, attribué
par les uns à Bariolomé Leonardo de Argensola, par les autres à
Antonio Mirademiiesca: Elle a pour titre : A la Instabilidad de
las Cosas de la Vida et se compose de 7 strophes, de 19 vers
chacune. Il n'y a ni refrain ni similitude de rimes. L'Envoi est
à la fin. Le voici :
Cancion vc à la Coluna
due sustentô mi prospéra fortuna,
Y veras que si entonces
Te parecio de marmoles y bronces,
Hoy es mujer ; y en suma
Tuve bien, facil viento, levé espuma.
2^ APPENDICE
La Ballade en Italie.
iprgl'ai dit, en commençant, que la Ballade a suivi, en Italie,
iBLa| une marche parallèle à celle de la Ballade française. Il n'est
pas sans intérêt de rechercher quel degré de ressemblance ces
deux sœurs ont conservé.
Dans le poème italien, Tenvoi est tantôt au commencement,
tantôt à la fin. On le nomme entrata ou epodo ; parfois encore
congedo ou licenza.
Les deux premières strophes s'appellent mutazionî; la troisième
volta.
La Ballade est quelquefois réduite à une seule strophe. On la
dit alors igmida, par opposition à la Ballade complète ou
vestita.
D'ailleurs, en Italie comme en France, les règles sont loin
— 520 —
d'être immuables. Le caprice s'est même taillé une plus large
place au delà des Alpes.
Comme exemples, voici d^abord une Ballade de Guido Caval-
cantî, mort en 1300.
Elle est très irrégulière : l'Envoi, qui précède, est de 6 vers ;
puis viennent 4 strophes : les trois premières de 10 vers, la4« de
9 vers.
Il n'y a pas de refrain; les rimes ne sont pas pareilles; mais
la même rime termine TEnvoi et chacune des strophes, parfois
sans rimer avec aucun des autres vers de sa strophe. Les vers
sont libres.
Perch'io no spero di tornar Giammai,
Ballatetta, in Toscana,
Va, tu leggiera e plana
Dritta alla donna mia,
Che per sua cortesia
Ti fara molto onore.
Tu porterai novelle de sospiri
Pieni di doglia e di molta paura ;
Ma guarda che persona non ti miri,
Che sia nemica di gentil natura ;
Che certo per la mio disavventura
Tu saresti contesa,
Tanto da lei ripresa
Che mi sarebbe angoscia :
Dopo la morte poscia
Pianto e novel dolore.
Tu senti, ballatetta, che la morte
Mi stringe si, che la vita m'abbandona,
E senti come '1 cor si sbatte forte
Per quel che ciascun spirito ragiona :
Tant è distrutta giajamia persona,
Ch'io non posso soffrire ;
Se tu mi vuoi servire,
Mena l'anima teco,
(Molto di cio ten preco)
Quando uscira del cuore.
— 521 —
Deh, ballatetta, alla tua amistate
Quest' anima che trienia, raccommando
Menala teco nella sua pietate
A qella bella donna, a cui ti mando :
Deh, ballatetta, dille sospirando
Quando le sei présente :
Questa vostra servente
Vien per istar con vui,
Partita de colui,
Che fu servo d'amore.
Tu, voce sbigottita e deboletta,
Ch'esci piangendo dello cor dolente,
Va, ragionando délia strutta mente.
Voi troverete una donna piacente
Di si dolce intelletto
Che vi sara diletto
Starle davanti ognora.
Anima, e tu l'adora
Sempre nel suo volere.
Beaucoup plus régulière est la Ballade de Boccace (1313); qui
termine la première journée du Décaméron.
L'Envoi owEntrata est de 3 vers. Les strophes, au nombre de 3,
sont formées de 7 vers, dont 6 endécasyllabes ; Tavant dernier
est de 6 syllabes.
Comme refrain, les mêmes mots : giammai et vaghezza termi-
nent les deux derniers vers de l'Entrata et de chacune des stro-
phes. Enfin les i'"^ et 3^ strophes sont construites sur rimes
pareilles.
Remarquons que Boccace, comme Guido Cavalcanti, donne à
son morceau le nom de Ballatetta,
Ballatetta
lo son si vaga délia mia bellezza \
Che d'altro amor giammai \ K Enirata
Non curero, ne credo aver vaghezza ) ^' )
— 522 —
lo veggio in quella ogni ora ch'io mi specchio,
Quel ben che fa contento lo'ntelletto,
Ne accidente nuovo, o pensier vecchio
Mi puo privai- di si caro diletto. ^ i^Mutaiione
Quai altro dunque piacevole oggetto
Potrei veder giammai ) „
Che mi metesse in cuor nuova vaghezza. '
Non fugge questo ben qualor disio
Di rimirarlo in mia consolazione,
Anzi si fa incontro al placer mio
Tanto soave a sentir, che sermone ) i^Muiaiione
Dir, nol poria, ne prender intenzione
D'alcun mortal giammai,
Che non ardesse di cotai vaghezza.
Ed io, che ciascun'ora piu m'accendo,
Quanto piu fiso gli occhi tengo in esso,
Tutta mi dono a lui, tutta mi rendo,
Gustando gia di quel, che m'ha promesso, ) Voila.
E maggior gioia spero piu dappresso
Siffatta che giammai \
Simil non si senti qui di vaghezza. ) ^'
Parmi les Ballades italiennes qui ont l'Envoi à la fin; citons
celle de Franco Sacchetti : Le Monfanine, Elle se termine par un
Epodo de 6 vers adressé à la Ballade elle-même.
Cette pièce a 4 strophes de longueurs variables. Les rimes ne
sont pas pareilles, à part celle du dernier vers de chaque strophe.
C'est là tout le refrain. Il y a donc grande similitude avec le
poème précédemment cité de Cavalcantî.
Des français, parfois, ont copié la manière italienne — excep-
tionnellement.
Un recueil de chansons, publié par M. Gaston Paris *, nous
offre une imitation flagrante du procédé transalpin. Le poète va
1 Société des anciens textes français.
TT#* T+A ^ f* A*
n^Tn ^ T*i T*i T'^^^i**-
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A lie - ta vi - ta A-mor c'in-vi-ta Fa la la la la la la la
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PI. XX. — L'Innamorato.
Ballo di Giacomo Gastoldi da Caravaggio, maestro di Capella del S'' Signorc
Duca di Mantua. MDXCIII.
— 524 —
jusqu'à écrire en vers endécasyllahes , qui sont les eroicî des
trcrvatori.
Trop penser me font amours, dormir ne puis,
Si je ne voy mes amours toutes les nuyts.
« Comment parlerai-je à vous, fin, franc cueur doulx ? »
« Vous y parlerez assés, mon amy doulx :
Vous viendrez à la fenestre à la minuyt ;
Quant mon père dormira j'ouvrirai l'uys. »
Trop pencer me font amours, dormir ne puis
Si je ne voy mes amours toutes les nuyts.
Le gallant n'oblia pas ce qu'on luy dist,
De venir à la fenestre à la minuyt ;
La fille ne dormoit pas ; tantoust l'oyst :
Toute nue en sa chemise el luy ouvrit.
Trop penser me font amours, dormir ne puis
Si je ne voy mes amours toutes les nuytz.
« Mon amy, la nuit s'en va et le jour vient :
Despartir de nos amours il nous convient ;
Baisons nous, acoUons nous, mon amy gent
Comme font vrays amoureux secrètement. »
Trop pencer me font amours, dormir ne puis
Si je ne voy mes amours toutes les nuytz.
Terminons par une petite Ballade en musique de Gtacomo
Gastoldi da Caravaggio (1593). (p. 523)
Hor lieti homai
Scacciando i guai.
Quanto ci resta
Viniamo in festa
E diam l'onore
A un tal signore.
Chi a lui non crede
Privo é di fede
Onde hauer merta
Contra se aperta
L'ira e Pfurore
D'un tal signore.
Ne suggir giova
Ch' egli ognun trova
Veloci ha Tali
E foco e strali
Dunque s'adore
Un tal signore.
Lieutenant Gaëtan Hecq.
y
Fig. I. Inscription lapidaire de l'Eglise de Beyghem (xve s.)
L'EXCURSION
DE LA
SOCIETE D'ARCHEOLOGIE DE BRUXELLES
à Dieghem, Saventhem, Winxele et Hérent.
e lundi 20 octobre 1890, un groupe important de mem-
bres de notre société, parmi lesquels quelques dames,
a visité Dieghem, Saventhem, Winxele et Hérent, ces
jolis villages brabançons situés tout le long de la ligne de chemin
de fer de Bruxelles à Louvain.
Départ pour Dieghem, de la gare du Nord à 8 h. 56 et arrivée
dans cette belle commune à 9 h. 15.
Nous visitons d'abord Téglise dédiée à Sainte-Catherine.
On peut y voir — mais malheureusement une cérémonie
funèbre nous en a empêché — deux autels dont l'un, exécuté en
1649-50 par Michel van den Bergen, de Bruxelles, est orné
par un tableau de Henri De Clerck (1570-1620 ?) représentant la
Sainte-Famille, et l'autre, par un Saint-Corneille attribué jus-
qu'en ces dernières années à Gaspard de Crayer.
En 1883, M. A. Jacobs a découvert sur cette dernière peinture
les initiales I. H. V. H., entrelacées, et, en consultant les archives
de Téglise, il a pu établir qu'elles se rapportaient à Johan van
Houbraecken, admis dans la Gilde de Saint-Luc, à Anvers, en
1602 *.
Ce tableau a été exécuté en 1642- 1643, ainsi qu'il résulte des
comptes de l'église.
Il orne un autel exécuté vers 1640, par le même Michel Van
den Bergen ; le curé Van der Eycken était alors en fonction (1640-
1684).
En 1827, l'œuvre de van Houbraecken fut restaurée par Leroy.
Cinq autres autels existent dans l'église. On y voyait, autrefois,
un tabernacle de la fin du xv^ siècle, malheureusement détruit ; on
n'en conserve qu'un fragment de la base.
On y trouve en outre quelques dalles tumulaires parmi
lesquelles celles de Charles de Brecht, seigneur de Dieghem,
d'Alexandre Oudart, époux de Gertrude de Brecht, seigneur
d'Opstalle, de Doggenhout, de Rymenam, de Ranst, de Mille-
ghem, ainsi que le dit M. de Raadt, dans sa notice sur Nicolas
Oudart ^, et enfin de Philippe Happart et de sa femme Catherine
Oudart, seigneur et dame de Dieghem.
On implore spécialement le lundi de Pâques, dans ce sanctuaire,
Saint-Corneille pour le mal caduc.
Les orgues ont été exécutées, d'après M. Wauters,en 1793, par
Adrien Rochet. G. de Wauthier nous apprend en outre qu'elles
ont coûté 60,000 fl. En 1822, Rochet les restaura moyennant
14T florins.
1 Extrait du compte de l'église de 1640 à 1644, par M. Jacobs :
Item heejt deien rendant hetaelt Johan van Houbraecken, schilder, op reheninge van het
schilderen van het aultaer stu:k van Sinte Cornelis aultaer, hem aenhestaijdt hij den heere
pastoir voor ende om Ix Rh^.
Item, 20 j an. 1643, ^^^^ denseîuen nochhetaeît ter goeder rekenin£-e, de somme van
XCRs.
Item, 12 juin 1643, ^^'^ denselven door ordre van den heer pastoirnoch hetaelt IC Rins-
guldens.
2 Nicolas Oudart et son jeton, par J. -Th. de Raadt ; Bull, du Cercle archéol. litt. et
artist. de Maltnes, 1889, p. 13 du tiré à part.
— 527 —
Quant à Textérieur, nous parlerons peu de son curieux clocher
qui offre une certaine ressemblance avec celui de Cupar dans le
comté de Fife (Ecosse), ainsi que nous Tavons fait observer
naguère.
Haut de 64 m., bâti en 1653, restauré en 1769, ce clocher est
garni à la base de sa flèche par quatre grandes lucarnes sur
lesquelles on lit les inscriptions : *
(Lucarne du nord) Del et Marlœ heatls CorneLIo et Katharinœ.
( « de Touest) Ilhtstri ac nob. D. Gerolîno Oudart toparchae
de Diegem.
( n de Test) R, D, Joanni van der Eycken S. T. L. F.
pastori in Diegem.
( w du sud) Erigebatanno donmii i6jj.
Bâtie sur un plan en forme de croix latine, l'église de Dieghem
a des transepts composés chacun de deux travées. Son abside a
également deux travées et un chevet pentagonal.
Une mention spéciale est due aux porches principal et du
transept droit.
Ce dernier est surmonté d'un tympan qu'entoure une ogive et
qui est orné de la statue de Saint-Corneille, accompagné de l'efE-
gie de deux autres saints. On remarque son meneau battant,
datant du commencement du xvii^ siècle et d'une belle venue.
De Téglise, nous allons vers l'ancien château, dont il ne reste
qu'une intéressante poterne datant de la fin du xv^ siècle.
Charles de Brecht acquit du roi Philippe II, la seigneurie de
Dieghem, en 1561, par engagère ; par le mariage de Catherine
Oudart, elle fut dévolue plus tard à Philippe Happart qui l'acheta
définitivement du roi Philippe IV.
Elle appartenait dans la 11^ moitié du xvm^ siècle, à M""^ la
Douairière Pieremans (1760) et ensuite à M. de Beaudignies. La
poterne qui subsiste du château des seigneurs de Dieghem a été
restaurée dans ces dernières années par son propriétaire actuel,
M. Antoine.
Elle a beaucoup de caractère et marque bien cette transition
1 Description de l'église de Dieghem, par A. Jacobs. Revue iVarchcolo^ie théorique^
1883, p. 15 et 22.
— 528 —
entre la demeure fortifiée du xv^ siècle et la résidence de cam-
pagne du xvi^ siècle. Les courtines restent percées de meurtrières,
les tours flanquent toujours l'entrée ; mais de larges baies annon-
cent clairement que l'on n'est plus devant une demeure fortifiée.
¥r
A lo h. 38, les excursionnistes partent pour Saventhem dont
l'admirable Saint-Martin, dû au magistral pinceau d'Antoine
Van Dyck, fait la célébrité actuelle.
Le village de Saventhem est fort ancien, paraît-il. On lui a
donné une origine fabuleuse.
Ce qui paraît plus certain, c'est que des tombes romaines
étaient situées, à ce qu'il semble, à quelque distance au Nord-Est
du village, au lieu nommé encore den Kalckhoven, le Four-à-chaux,
près d'un ancien champ, dit Tomfveld on Tomberg^.
En 1507, un conseiller de la Chambre des Comptes, René
Cleerhage, acheta à Saventhem quelques terres au milieu des-
quelles se trouvait une éminence factice, qui avait cinquante- cinq
pieds de haut et trois cent quatre-vingts de tour ; à son sommet on
remarquait cinq vieux chênes. En la déblayant, on découvrit,
dit-on, un caveau voûté, long de sept pieds, large de six, haut de
huit à neuf et construit de pierres, les unes grises, les autres de
marbre ; il renfermait un grand nombre d'objets curieux, entre
autres, un sarcophage de pierre avec son couvercle, une urne
remplie de débris calcinés et faite d'un verre épais d'un demi
doigt ; une lampe ; une urne qui contenait outre trois monnaies
frustes, un Néron, un Antoine et une Faustine ; une bague dont
le chaton offrait un cavalier perçant un cerf de sa lance, etc.
Charles-Quint et plusieurs personnes de distinction vinrent
visiter cette tombe. Les antiquités que l'on y recueillit, étaient
encore soigneusement conservées au commencement du xvii^
siècle, par Charles Brooman, le petit-fils de René. Celui-ci avait
fait placer dans le cimetière du Sablon à Bruxelles, une pierre
qui provenait aussi de la tombe de Saventhem ; on y voyait un
Génie, sous la forme d'un homme nu et ailé, portant dans la main
1 Renseignements dus à l'obligeance de M. le chevalier Diericx de Ten Hamme.
— 529 - -
droite un pain, et, dans la main gauche, une corne d'où jaillissait
du vin *.
Revenons à l'église de Saventhem qui, en elle-même, n'offre
rien de remarquable. Le clocher est bâti sur la croisée, son abside
date de la fin du xvi<^ siècle, les voûtes portent le millésime 1680.
Les collatéraux avaient été construits un peu auparavant, en 1644.
Dans les transepts, on voit un autel de la Vierge (l'écusson des
Boisschot est taillé sur la clef de la voûte qui le recouvre) et un
autel dédié à Saint-Martin (écusson des Kônigsegg dans la même
position que le précédent).
Un mot sur un fort joli cul-de-lampe de la fin du xv^ siècle,
placé dans le collatéral gauche, d'un beau profil et orné de
feuilles de vigne et de grappes de raisin, par une main habile.
Après avoir pris le frottis d'une des pierres tombales de
Téglise, nous allons faire honneur à une collation champêtre, bien
méritée par une aussi belle promenade.
A 12 h. 45, nous reprenions le train. A la gare de Velthem,
nous attendait le vénérable curé de Winxele, M. Van de Ven —
un octogénaire — qui, allègrement, nous fit faire un trajet d'une
demi-heure pour arriver à sa belle église ^.
Celle-ci est, certes, un des édifices romans les plus curieux de
la partie rurale de notre pays.
Bornons-nous à faire remarquer à Fappui de ce dire que la nef
semble posséder dans son mur gauche, des arceaux appartenant
à un collatéral détruit qui pourrait remonter au xi^ siècle.
La base de la tour, placée à la façade orientale, est de la fin
du xii^ siècle, et son beau portail présente tous les caractères de
cette époque. Observons cependant que les chapiteaux à crochets
et le profil des bases fait déjà prévoir la période ogivale.
Ce portail, défiguré de nos jours par un surhaussement ex-
^ M. Ed. Van der Straeten a publié un manuscrit du xvii*^ siècle, copié proba-
blement sur un document contemporain de la découverte et donnant de nombreux
détails et des dessins relatifs à cette tombe. — Revue d'Histoire et d'Anhcvlocrie,
1864, p. 57.
2 M. A. Jacobs a donné une étude sur cette église dans ses Environs de Louvain,
Louvam, G. Robyns, 1877, P* 24.
34
— 530 —
cessif du pignon, présente dans son tympan, un trilobé qui dénote
les tâtonnements de la transition.
Sur les façades latérales de ce clocher, nous observons de belles
fenêtres de la première période ogivale, présentant le gros tore
pourvu d'anneaux ou bagues, comme on en voit au porche
latéral de Té^lise Saint-Georges, à Cologne. Mais, arrivons à
Tabside de Téglise de Winxele, beau morceau d'architecture
de la fin du xiii^ siècle, dont l'intérieur est certes d'un aspect
saisissant par sa lourde voûte, reposant sur un appui trapu et
ses belles fenêtres géminées, bien encadrées par les intrados des
voûtes.
A l'extérieur, les fenêtres de cette abside, élégamment décou-
pées dans le bel appareil des murs, présentent un rare cachet
d'élégance.
Comme mobilier, nous ne notons rien de remarquable dans
cette éghse que nous quittons à 2 h. 30 pour nous rendre à Hérent.
Dans ce village, nous avions à voir une des plus belles églises
romanes du Brabant ^
Mais auparavant, nous nous sommes rendus à la cure pour y
examiner un tableau, datant de la fin du xv^ ou du commence-
ment du XVI® siècle, et représentant la Vierge et l'enfant divin,
M. Bellon, curé de la paroisse, nous montre également les projets
de restauration de l'éghse. Les excursionnistes apprennent avec
un vif étonnement que l'on se propose — et le mal est déjà fait en
partie — de transformer la nef qui date du xv® et de la fin du
XVI® siècle, en une nef du xii® siècle, et d'y ajouter un baptistère à
une place inusitée dans le même style î
Cela s'appelle « restaurer en donnant de l'unité au monument n !
_ Après avoir exprimé notre stupéfaction au vénérable curé
d'Hérent, nous avons pris, sous sa direction, le chemin de
l'église.
Celle-ci est bâtie sur un plan en forme de croix latine avec tour
du XI® siècle, à la façade orientale, nef reconstruite au xv® siècle,
1 A. Jacobs, op. cit, p. 77.
— 531 -
et bas côtés du xvi^, transepts de la fin du xii^ siècle, et, enfin,
abside de la même époque, bâtie sur plan carré.
La tour est très remarquable ; son ornementation dénote bien
Ja fin de la période primitive de l'art roman. Sur un lourd stylo-
bate s'élève un étage orné d'arcatures groupées par trois sur de
véritables pilastres, ce qui est une tradition antique invétérée. Au-
dessus s'élève une ordonnance fort difTérente formée d'arcades en
plein cintre, se croisant et déterminant ainsi une série d*ogives.
Une ornementation semblable est fréquente dans l'art anglo-
normand et dans son congénère français. On l'observe spéciale-
ment à la cathédrale de Canterbury, à Graville, à Haute- Alle-
magne, près de Caen et même à Amiens. Ces arcatures sont
portées sur colonnettes jumellées et engagées à chapiteaux
cubiques.
Enfin, l'étage supérieur est formé sur cinq arcades complètes
avec piédestaux, ce qui est fort curieux à observer. L'arcade du
centre, plus large que les autres, est recouverte par un trilobé
rudimentaire.
Ajoutons pour la confusion des modernes restaurateurs qu'ils
ont couronné cet ensemble, tout au moins fort curieux, par une
corniche en bois de sapin, inspirée par les plus mauvais pastiches
antiques, en honneur dans l'architecture privée d'il y a quelque
vingt ans !
N'y a-t-il donc plus déjuges à Berhn ?
Mais passons.
A l'intérieur de la tour, au premier étage, une salle où sont
disposées les orgues, présente de belles arcades donnant vers
l'église. M. Jacobs y a vu une salle des catéchumènes et de repen-
tants, mais étant donné qu'on retrouve ce même parti dans nom-
bre d'églises romanes de notre pays, à Saint-Barthélémy de Liège,
à l'église abbatiale d'Hastière, etc., nous y verrions plutôt une
influence clunisienne des grands porches d'Autun, de Vézelay,de
Chatel-Montagne, de Paray-le-Monial, etc. Dans ces dernières
églises, si on peut rejeter l'hypothèse hardie d'une destination à
l'usage des catéchumènes, on ne peut tout de même pas observer
une raison plausible au développement de ces salles, dans les-
quelles Viollet-le-Duc voit tout simplement des chapelles.
Dans le nef d'Hérent, nous ne signalerons que la chaire de
— 532 —
vérité, œuvre du xviii^ siècle, dans laquelle le rococo ne va pas
sans s'allier à une réelle élégance. Nous nous souvenons de la
chaire de Peuthy, datant de la même époque et remarquable
également par Timagination, non exempte de lourdeur, mais
toujours intéressante de son auteur ; arrivons au transept et à
Tabside. Nous avons ici un curieux spécimen de l'art roman de la
dernière période. Extérieurement, les façades de cette partie de
Téglise, reposent sur un stylobate orné d'arcatures, le chéneau
repose sur des arcatures ou des corbeaux. Les fenêtres ont été
remaniées, sauf la superbe rose de Tabside réouverte en 1854,
mais trop restaurée, en pierre étrangère, d'un tout autre appareil
que celui qui devait s'y trouver.
Fig. 2. Inscription lapidaire de l'Église d'Hérent (xiiie s.)
Sur le chevet du transept nord, au-dessus du stylobate, dont
nous venons de parler, on lit le nom Petercella (fig. i) qu'il
est curieux au point de vue épigraphique de rapprocher de
rinscription que nous avons relevée dans les maçonneries plus
récentes de l'église de Beyghem (fig. 2). Nous signalons ces deux
inscriptions, aux études des épigraphistes qui pourront, peut-être,
en donner une interprétation complète. Ajoutons, pour en reve-
nir à l'église d'Hérent, qu'une sacristie moderne singeant les for-
— 533 —
mes anciennes a été malencontreusement accolée à ce morceau
d'architecture dans lequel on ne distingue qu'avec peine les
fragments échappés au vandalisme des restaurateurs, bien plus
complet.que du temps, les irréparables outrages.
A l'intérieur de Tabside, nous devons signaler d'intéressants
morceaux de sculpture monumentale et les fonts baptismaux du
xv^ siècle, presque absolument identiques à ceux de Brugelette *.
Ceux-ci portent seulement des armoiries dont ceux d'Hérent
sont exempts.
A 4 h. 57, nous reprenions le train pour Bruxelles.
Tel est. Messieurs, par les grandes lignes, cette belle excursion
qui a été pour beaucoup d'entre les excursionnistes, une révéla-
tion, car si les beaux monuments des pays voisins nous sont
bien connus, nous ignorons souvent qu'à deux pas de notre
ville natale, peuvent se voir des églises intéressantes comme
celles de Winxele et d'Hérent 2, malgré leurs restaurateurs !
Paul Saintenoy.
^ P. Saintenoy. Prolégomènes à l'étude de la filiation des fonts baptismaux.
Annales de la Société d'Archéologie de Bruxelles, 1891, vol. V, p. 28.
2 Cons. Description de l'église d'Hérent, par A. Jacobs. Revue d' Archéologie
théorique, 1883, p. 33.
QUESTIONS ET RÉPONSES
REPONSE
QUESTION X. — Annales, tome V, page 306.
Le calligraphe Wilmart.
e chevalier J. Camberlyn possédait un autre manuscrit de cet artiste.
Il fut adjuge 15 francs à la vente de sa bibliothèque (1882), et est
mentionné de la manière suivante dans le catalogue :
« 537. Livre de diverses sortes d'Escritures le plus usitées en la Chres-
« tienté. Escrites par G. H. Wilmart à Bruxelles l'an 1683 ; in-4° oblong,
« broché.
« Manuscrit sur papier, contenant un titre et 27 modèles d'Écritures, calligraphiés
« avec le plus grand soin (le n» 18 manque). »
Paul Bergmans.
NOTES BIBLIOGRAPHIQUES
XI
ELRE, HÉRAUT d' ARMES DE I334 A I372, WAPENBOECK OU ARMORIAL,
contenant les noms et armes des princes chrétiens ecclésiastiques
et séculiers, suivis de leurs feudataires selon la constitution de l'Europe et
particulièrement de l'empire d'Allemagne, conformément à l'édit de 1356,
appelé à la Bulle d'Or, précédé de poésies héraldiques, avec la traduction
du thiois en français. Publié pour la première fois par M. Victor Bouton,
peintre héraldique et paléographe, en 8 volumes petit in-folio texte, impri-
més sur beau papier vergé, 200 planches coloriées à la main.
Notre savant confrère, M. Victor Bouton, nous apprend qu'il met la
dernière main à ce remarquable ouvrage, reproduction diplomatique du plus
ancien monument héraldique connu et conservé à la Bibliothèque Royale
de Bruxelles. — Il contient 200 planches qui n'ont été tirées qu'à soixante,
exemplaires. Les pierres ont été effacées après le tirage de chaque feuille.
Les 200 planches renferment environ 2000 armoiries des princes et
chevaliers du xiv« siècle qui ont figuré dans toute l'Europe à l'origine
de la guerre de cent ans. Nous sommes heureux de pouvoir en donner
quelques spécimens dans les pi. XXI, XXII et XXIII. Chaque blason est
accompagné de notes et de recherches sur le chevalier ou sur sa famille.
Le tome i«f comprend : La notice sur le héraut Gelre et les poésies
héraldiques, — Les défis contre Jean III, — La bataille de Staveren, —
Petite Chronique de Brabant, — Chronique de Hollande, — Douze éloges
ou chants narratifs, Henri de Nucft, — Roger Racts, — Thierri de
— 536 —
Elnaer, — Daniel de la Merwede, — Jean de Spanheim, — Guillaume de
Hainaut, — Rodolphe de Nydou, — Gérard de Holstein, — Renaud de
Fauquemont, — Virnenburg, — Adam de Mabbertingen, — Guillaume de
Juliers, — les armes des ducs Antoine et Jean IV de Brabant, — les
armes du marquis de Ferrare, — avec des notes historiques,héraldiques et
philologiques pour les personnages et les poèmes, — Ce volume renferme
37 feuilles de texte et 44 planches coloriées à la main reproduisant les nuan-
ces des couleurs, avec tous les défauts et les ratures de l'original, de sorte
que chaque exemplaire est un manuscrit nouveau.
Au point de vue de l'histoire, de l'architecture et des beaux-arts, ce
premier volume renferme des révélations inattendues, et la linguistique
y a déjà puisé de nouveaux éléments.
Le Supplément comprend :
1^ Deux feuillets nouveaux, texte et traduction, complétant les pages
illisibles du manuscrit original de la Bibliothèque Royale à Bruxelles ;
2^ Le fragment d'un autre manuscrit de deux poésies, dans un autre dia-
lecte que ceux de Bruxelles, découvert dans la BibUothèque Grand-Ducale
de Gotha, par le D»' Pertsch, — sa transcription par le D^ Regel, — sa tra-
duction par le D^ J.-J. Salverda de Grave, avec des observations grammati-
cales et phonétiques et des éclaircissements historiques, — les rectifications
de l'éditeur, etc.
3° Les fac-similé du fragment de Gotha.
Le tome II, qui est sous presse, contiendra l'Empire, — l'Évèque de
Mayence, — l'Évoque de Cologne, — l'Évêque de Trêves, — le Roy de
Bohême, — le Palatinat, — la Saxe, — le Brandebourg, — ' la Souabe, —
Nuremberg, — Hildesheim.
Ce tome II, fruit de vingt années de recherches, et rempH de documents
inédits, jette un jour tout nouveau et complet sur l'histoire féodale des
pays de Trêves, de Cologne et de Mayence, du Palatinat et de la Souabe :
trois à quatre cents familles se dressent là vivant par leurs généalogies,
leurs sceaux, et leurs armoiries avec leurs cimiers : c'est un travail qui
attirera l'attention des Universités allemandes aussi bien que celle des
Facultés françaises.
Le tome III contiendra la France, ainsi que la Hongrie, — la Pologne,
— et le Danemark.
Les tomes IV et V sont prêts ; ils renferment 29 planches contenant
14 grandes armoiries de monarques et de puissants souverains et 250 de
dynastes et de chevaliers, toutes peintes à la main en fac-similé de l'origi-
nal, — 13 planches en héliogravure ou photogravure de sceaux et con-
tre sceaux tirés des archives de Paris, de Vienne et de la Tour de Lon-
dres, — quatre photogravures de miniatures tirées du Froissart ms. de la
— 543 —
Bibliothèque Nationale à Paris ; — trois photogravures présentant la
généalogie des rois d'Ecosse, tirée de la Bibliothèque Mazarine à Paris ;
— une centaine de gravures dans le texte représentant des sceaux, des
médailles, des monnaies, etc.— Il comprend dans leur ordre diplomatique,
l'Angleterre, — l'Espagne, — l'Arragon, — l'Ecosse, — la Suéde, — le
Roy de Navarre, — le Roy de la Norwège, — le Roy de Portugal, — la
Sicile- Anjou, — la Sicile-Arragon, — la Bohême encore — le Roy de
Chypre, — le Roy d'Arménie, — l'Autriche, — et la Bretagne.
Le tome VI comprendra le Brabant, — la Flandre, — la Hollande.
Le tome VII comprendra les Pays de Juliers, — de Gueldre, — de
Berghes, — de Clèves, — de Liège.
Le tome VIII : la Hesse, — le Holstein, — Nassau, — Mecklenbourg,
— la Chevalerie d'Orient, — l'Evêché d'Utrecht, — la Mark, — Munster,
— le Grand-Maître de Prusse.
Les dernières recherches du texte s'achèvent ; les planches sont prêtes
depuis dix ans. L'auteur possède 300 sceaux de ces princes et chevaliers,
qu'il fait graver pour servir de contrôle au texte et aux armoiries, et il a
acquis une trentaine de photographies du grand manuscrit de Breslau qu'il
fait aussi photograver.
Nous croyons inutile de faire ressortir l'importance capitale de ce
splendide ouvrage, d'une valeur inestimable pour l'histoire, et qui est, ainsi
que le savant auteur l'a si bien dit : le Commentaire vivant des chroniques
de Froissart.
M. Bouton pourra être fier d'avoir doté la science d'une œuvre aussi
grandiose, et nous souhaitons à cet érudit et infatigable travailleur tout
le succès et la satisfaction qu'il mérite.
Qe M. N.
XII
ONNAIES BARBARES d' ARGENT, TROUVÉES DANS LE CIMETIÈRE MÉROVINGIEN
d'Herpes, avec une planche.
Sous ce titre, M. Maurice Prou a puMié, dans la Revue Numismatique
(Paris 1891), un intéressant travail sur onze petites monnaies d'argent fort
minces, découvertes par M. Philippe Delamain, dans une tombe du cime-
tière mérovingien d'Herpes, commune de Courbillac (Charente). Elles
étaient soudées les unes aux autres par l'oxydation et se trouvaient dans
la main du mort.
Ces onze pièces sont des imitations barbares de monnaies romaines, sur
lesquelles les légendes ne sont que simulées, et, ainsi que le fait observer
M. Prou, elles offrent une frappante analogie avec les pièces qui ont été
— 544 —
trouvées dans le cimetière d'Eprave (province de Namur), et auxquelles
M. Georges Cumont a consacré, dans la Revue belge de numismatique^ deux
excellentes études, dont nous avons eu l'occasion de parler précédemment
dans ces Annales,
M. Prou place l'émission de ces pièces au milieu du vie siècle.
Ce qui nous semble très important à constater, c'est que la trouvaille
d'Herpès vient pleinement confirmer ce que M. Cumont avait déjà parfai-
tement établi, notamment que les premières monnaies frappées par les
Francs étaient des imitations de pièces romaines. Aussi, le savant
numismate français, qui rend un juste hommage à l'érudition de M. Cumont,
termine-t-il son travail par ces mots : « L'étude des onze monnaies décou-
vertes par M. Ph. Delamain dans une sépulture du cimetière d'Herpès,
nous amène donc à cette conclusion qu'il y a eu dès le vi^ siècle, dans les
pays soumis à la domination mérovingienne, un monnayage d'argent, qui
a eu pour point de départ, tout comme le monnayage des Goths et des
Vandales, la contrefaçon 'des monnaies romaines contemporaines ».
0« M. N.
xni
ARON L. Double. Cabinet d'un curieux — Description de quelques
livres rares. — Paris, S. L., MDCCCXC, un vol. in-8°, ix-136 p.,
nombreuses planches.
M. le baron L. Double a suivi dignement les traditions paternelles. Fils
d'un bibUophile célèbre, il a su réunir une collection vraiment fort belle de
Uvres rares ou précieux.
Rares par leur ancienneté, précieux par leur histoire, livres échappés à
la dispersion de bibliothèques royales, aux retours de fortune, des Fouquet,
comme des du Barry et des Pompadour, des Lamballe et des Marie-
Antoinette, livres charmants de naïveté, tels que le xvi^ siècle, ce « temps
magnifique de perspectives grandioses » en a produit, adorables d'érudition
pédantesque ou de grâce frivole, incunables et livres gothiques aux
archaïques figures, bégaiements de l'art xylographique à ses débuts, comme
celles de ce rarissime Spéculum Humana salvaîionis *, la perle des livres
1 M. le baron L. Double en donne la description suivante :
94 Spéculum humant salvationis. (En tête du feuillet) Incipit phemium libri
sequentis. (Au verso du dernier feuillet) Explicit humaneqz salutis sûmula plane a
me fratre lohanne tui pater ordinis aime vir bndicte puto quasi minimo monacho.
S. L n. d. in-fo de 269 feuillets ; 192 fig. sur bois. Maroquin bleu compart., tr. dor.
(Trautz-BauionnetJ.
— 545 —
rares de M. le baron L. Double, tout cela réuni par leur heureux pos-
sesseur, historien de mérite et bibliophile renommé qui a eu l'excellente
idée d'en publier une monographie qui n'est pas dans le commerce et qui
porte l'épigraphe : « Elles ne peuvent plus mourir » entourant une touffe
de pensées.
Collection Double n° 94. Estampe du « Spéculum Humana Salvationis » s. 1. n. d.
in-fo de 269 f. 192 figures sur bois.
Pensée d'amour pour cette collection dont le souvenir restera, grâce à
ce volume tiré à petit nombre.
Il nous suffira de le signaler aux recherches de nos confrères ; nous lui
devions cela tant pour le mérite de la bibhothéque qui y est décrite, que
pour la science de l'auteur qui fait mieux connaître tant de volumes
déjà justement célèbres.
P. S.
XIV
Bahaley. Obchtchiy olcherk drevnostey kharkovskoï gouhemii . (Récit général
des antiquités du gouvernement de Kharkov), Kharhovsky Sboniik
rRecueil de Kharkov) t. IV, 1890, p. 76-92.
L'article intéressant de M. Bahaley, professeur de PUniversité de Khar-
35
— 546 —
kov, nous permet de jeter un coup d'œil général sur les antiquités de
l'Ukraine orientale, considérée jusqu'à présent comme un pays complètement
désert pendant plusieurs siècles et tout à fait stérile au point de vue d'ar-
chéologie. Les recherches entreprises par ce savant ukrainien, dans le but
d'élaborer une carte archéologique de cette province, nous montrent qu'elle
était habitée jadis par un peuple inconnu qui nous a laissé beaucoup de poin-
tes de flèches en silex et, des haches de pierre, qu'on trouve dans les dis-
tricts d'Isioum, de Koupiansk et de Bohodoukhov. On ne sait pas encore
à quelle époque appartiennent ces instruments, mais la présence du mam-
mouth est constatée pour ce pays par une trouvaille d'un squelette presque
complet de cet animal dans le district d'Akhtyrka. Les fouilles de
M. Zariétzky ont donné une quantité assez considérable des objets de
bronze, achetés pour le Musée Historique de Moscou : haches, lances,
poinçons, harpons, hameçons, aiguilles, fibules, etc. Les trouvailles des
objets de l'âge de fer, faites par M. Zariétzky aussi, dans les tumuh\ cons-
tatent l'existence de plusieurs sortes d'inhumation : dans le kourgane de
Vitova, par exemple, le corps était enveloppé dans un tissu et dans une
fourrure, au-dessous de lai se trouvait le cheval et dans un coin de la
fosse un carquois orné de plaques d'or ; dans le kourgane d'Opichliany, la
fosse portait des traces du feu et contenait un vase rempH des os calcinés
et un carquois ; dans un autre kourgane, le cadavre était mis dans une
nacelle d'écorce et avait auprès de la tête un vase avec les grains de millet
et les boucles d'oreille en or, au-dessous de lui, dans une cage en bois, se
trouvaient des armes et des objets de harnais. Plusieurs flèches portent les
signes, probablement ceux de la propriété. Une monnaie de.Septime-Sévère
prouve que les kourganes fouillés par M. Zariétzky se rapportent au iiMii»
siècle de notre ère.
Les autres trouvailles monétaires appartiennent à l'époque khazaro-slave
(vi®-x® siècle.) Ce sont les traces des anciennes forteresses {horodichtcha)
qui représentent les monuments les plus intéressants de cette époque.
M. Bahaley les a mis sur sa carte au nombre de quarante-deux, mais elles
sont, dit-il, beaucoup plus nombreuses. Elles sont situées aux bords des
fleuves les plus importants du pays. Dans le bassin du Dnieper, elles sont au
nombre de vingt-trois et dans celui de Donetz au nombre de dix-huit.
D'après M. Bahaley, ce sont les restes des villes fortifiées des anciens slaves
russes et notamment des Séveriens.
Les tribus turques enfin ont laissé dans la province de Kharkov, leurs traces
sous la forme des statues grossières, connues dans le pays sous le nom des
femmes en pierre (kamiany baby) ou des aïeuls blancs (bily didy) qui se trouvent
ordinairement sur les sommets des kourganes. Ces statues ont été men-
tionnées par Rubruquis, voyageur du xiii« siècle, qui raconte que les
— 547 —
Polovtzys faisaient des tnmiili au-dessus des tombeaux de leurs morts et
mettaient sur les sommets de ces tumuli, des statues en pierre dont les
figures étaient tournées à POrient et qui tenaient dans les mains, au-des-
sous du ventre, de petits vases. Ces hamiany haby sont très nombreuses
dans les districts méridionaux du gouvernement de Kharkov et manquent
presque absolument dans les districts du Nord, ce qui s'explique bien par
k fait que la partie méridionale de la province actuelle de Kharkov appar-
tenait aux xie-xiie siècles aux Polovtzys, tandis que la partie septentrionale
était occupée par les Sévériens. Les fouilles régulières de ces kourganes
ornés de statues en pierre, jeteront, selon l'opinion de M. Bahaley, la
lumière sur leur origine, jusqu'à présent toujours énigmatique.
Th. Volkov.
MÉLANGES
TOUTES LES COMMUNICATIONS INSÉRÉES SONT PUBLIÉES SOUS LA RESPONSABILITÉ
PERSONNELLE DE LEURS AUTEURS.
BELGIQUE
n signale dans l'ancienne église Saint-Servais, à Schaerbeek, aujour-
d'hui désaffectée et transformée en école de dessin, la découverte de
restes de polychromie, tant sur les murs, que sur la charpente de cet
édifice.
ESPAGNE
La Epoca de Madrid donne quelques notes intéressantes sur le Musée
archéologique de cette ville.
Nous croyons intéressant d'en résumer quelques passages ^ :
La création du Musée archéologique de Madrid a été décidée le 20 juil-
let 1867. Son inauguration date du 9 juillet 1871. On y a transporté la
collection de monnaies et des antiquités de la Bibliothèque Nationale,
une grande quantité d'objets provenant d'Asie, d'Afrique, de l'Amérique
et de l'Océanie, que le roi Charles III fit venir de Naples, et une collec-
tion d'objets d'histoire naturelle, formée par la Commission scientifique,
envoyée à l'Océan pacifique. Ces diverses collections, qui constituent la
base du musée, sont installées provisoirement, dans l'ancien Casino de la
1 Nous devons ces lignes à l'obligeance de feu M. Lopez Mendez, membre
effectif la de Société.
- 549 —
Reine, sous la direction de M. José Ramon Melida, mais elles seront
transférées dans une section du vaste bâtiment que le gouvernement fait
construire actuellement dans la rue de Recolebas, pour les divers éta-
blissements de l'instruction publique.
L'État a acquis dernièrement, une riche collection, appartenant au
marquis de Salamani,une autre, léguée par M.Osensi, et a reçu de précieux
dons faits par MM. Foda, Rada y Delgado et Vilanova.
La première salle du Musée est celle qui attire de préférence l'atten-
tion des étrangers. Elle renferme des restes de l'art mauresque, en bois,
en albâtre et en plâtre ; des arcs de VAÎjafert'a de Zamgoia avec des réminis-
cences persanes ; des modèles de l'Alhambra et de l'Alcazar de Séville ;
une lampe de fer, très grande et très étrange, une série de plats, aux
reflets métalliques (qu'on imite très bien à la Monalva et à Valence) et
quantité de bijoux et de toiles d'origine ou de style oriental, et vieilles de
cinq ou six siècles. Il y a aussi — et ils sont du plus bel effet — des
spécimens curieux de petites fenêtres arabes, en usage jadis dans la
péninsule.
On trouve, dans la seconde salle, une collection de tapisseries, parmi
lesquelles une tapisserie flamande du xv^ siècle, qui est considérée
comme une merveille. Elle représente la Vierge et l'enfant ; les figures
sont d'une grande délicatesse d'expression ; les couleurs ont conservé
tout leur état primitif. D'autres tapisseries, très riches aussi, mais d'un
goût baroque, sont pourtant intéressantes au point de vue historique.
Elles ont appartenu au comte-duc d'Olivares, le ministre de Philippe IV.
Brodées en soie avec des fils d'or, elles représentent des animaux et des
fruits, se détachant dans une galerie de colonnes de grandeur naturelle et
elles font l'eflFet d'une sculpture brodée.
Cette salle renferme aussi des chaises, des bancs, des bronzes et autres
objets du xvii« siècle. Comme curiosité historique, il y a l'astrolabe de
Philippe II, et une Htière de construction française, style Louis XV,
richement dorée et peinte avec des rideaux de soie.
Les stalles de l'égHse del Parral (Segovie) attirent l'attention dans la
troisième salle. Ces stalles sont très importantes pour l'histoire de la
sculpture en bois, ainsi qu'une chaire en style ogival pur, qui se trouve
dans la même salle. A côté, dans l'ancienne chapelle du Casino, sont
exposées les statues de Dofia Aldonza de Mendoza (xv« siècle), et de Don
Pedro l^ de Castille, dit le Cruel ou le Justicier, comme on voudra. A
côté et dans un cadre très mesquin, l'étendard, porté par Cisneros, lors
de la prise d'Oran. En sortant de la chapelle, on voit une grande pierre
tombale de l'époque gothique, représentant un guerrier en relief.
Dans la cinquième salle, un autel avec de grands bas-reliefs en terre
— 550 —
colorée, rappelle les fameux Lucas de Robbia. Il y a aussi dans cette salle
un plat authentique d'Urbin, et plusieurs armoires pleines d'échantillons de
la céramique nationale et étrangère. Même spectacle dans la salle n° 6, où
Ton trouve représentée l'industrie de Talaveyra, Alcira, Manises, el Retiro
et Tancienne Monelva, pour les porcelaines, Barcelone, Valence et La
Granja pour les cristalleries.
If
ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE
Découverte archéologique en Amérique.
On mande d'Edniore (Michigan) au Globe :
On vient de trouver près de cette ville, un tertre rempli d'ossements.
Le plus remarquable des objets découverts est un coffret scellé contenant
des tablettes et trouvé près du squelette d'un homme.
Le couvercle du coffret est en terre rouge; la forme d'une femme cou-
chée, reposant sa tête sur un oreiller, y est sculptée.
Il y a aussi plusieurs autres figures, entre autres un homme semant du
grain, des arbres et les murs d'un château.
Dans le tertre, on a aussi trouvé des lances, des plaques de métal et des
couteaux.
FRANCE
M. E. Chuard a fait remarquer à l'Académie des Sciences de Paris, dans
ses séances du 27 juillet et du 3 août 1891 ^, que :
Les objets de bronze utrouvès dans la terte présentent deux couches :
10 Une couche superficielle verte qui s^enlève facilement, formant patine,
le plus souvent d'une épaisseur de plusieurs millimètres, et constituée
essentiellement par du carbonate de cuivre (malachite) mélangé d'oxyde
d'étain ; 2* une couche profonde plus adhérente, formée par de l'oxyde
cuivreux.
Quant aux objets trouvés dans l'eau, sur la vase, ils présentent, en géné-
ral, deux faces d'aspect différent : a) une face en contact avec la vase,
1 Revue scientijique, 8 août 1 891, p. 48 (2e semestrej, p 185 .
— 551 —
ordinairement la moins altérée, ayant même souvent conservé un éclat
presque métallique ; b) une face en contact avec l'eau, recouverte de
trois couches : i° une couche superficielle formée d'une croûte calcaire ;
2* une couche moyenne, verte, formée de cuivre carbonate mélangé
d'oxyde d'étain ; 3*^ une couche profonde d'oxyde cuivreux, ordinairement
cristallme et brillante.
Enfin une troisième et dernière catégorie comprend les objets en bronze
retrouvés enfouis dans la vase môme. Ces objets, une fois débarrassés de la
gangue qui les enveloppe mécaniquement, apparaissent avec une couleur
jaune clair et l'éclat métallique, couleur et éclat qui ne sont pas dus au
métal lui-même, mais à une couche ordinairement assez mince (1/2 à i/io de
millimètre) qui enveloppe l'objet d'unelfaçon continue comme d'une gaine,
sous laquelle le métal apparaît, dès qu'on l'enlève, avec la couleur rou-
geâtre habituelle aux bronzes des palafittes. Cette gaine n'est autre qu'un
sulfure métallique, une chalcopyrite'stannifère, dont la production s'est
faite en dehors de toute intervention d'une "eau minérale, soit sulfurée,
soit ferrugineuse.
La Tribune de Genève (i«' juillet), annonce la découverte d'une tombe de
femme semblant dater de l'époque gallo-romaine à Aire-la- Ville. Au bras
droit était un bracelet de bronze et tout près d'elle un poids de terre cuite
en forme de poire.
INDE
Lq Galignani messengcf- du 20 janvier 1891, donne d'intéressants détails
sur les travaux de V Archaological survey of Western India pendant la saison de
1889-90.
MAROC
M. Henri de ^a Martinière chargé, en 1883, d'une mission archéologique
au Maroc, par le Ministère de l'Instruction publique de France, est rentré
récemment dans ce pays et a donné les détails suivants sur ses décou-
vertes à un rédacteur de la France (25 août).
« Ma mission au Maroc, nous dit M. de la Martinière, était de continuer
— 552 —
les fouilles commencées par Tissot, dans l'ancienne Mauritanie Tingitane^
c'est-à-dire dans la province qui s'étend entre Tanger et Fez. Les fouilles
se rapportaient à l'époque phénicienne et à l'époque romaine.
« L'histoire est à peu prés muette sur l'établissement des Phéniciens au
Maroc. On sait qu'ils ont eu des comptoirs commerciaux sur la côte bai-
gnée par la Méditerranée. On sait aussi — et là s'arrêtent nos connais-
sances — que le Carthaginois Hannon a fait, à une époque très reculée, un
voyage d'exploration dans l'Atlantique au cours duquel il s'est avancé
assez loin sur la côte occidentale de l'Afrique.
« Mais le passage des Phéniciens au Maroc est attesté par les nom-
breuses médailles, les lampes et les poteries que les fouilles ont fait décou-
vrir dans la région dont je vous ai parlé et, notamment, autour de la ville
de Lixus. Cette ville, de fondation phénicienne, se trouve au sommet d'une
colline assez élevée. Une partie des anciennes murailles subsistent encore ;
ce sont des blocs de pierres calcaires posés les uns sur les autres, et l'on
se demande par quels moyens ces énormes masses ont pu être transportées
à cette hauteur.
« Postérieurement aux Phéniciens, les Romains se sont établis dans la
Mauritanie Tingitane. Comme témoignages de leur présence, j'ai découvert
des poteries romaines très bien conservées et quantité de monnaies d'assez,
grande valeur en bronze et en argent.
« Les ruines romaines sont nombreuses, surtout autour de' Volubilis,
une petite ville au nord-ouest de Tanger, où j'ai découvert, sur une très-
ancienne pierre tombale, une inscription en hébreu de l'époque romaine.
Avec deux autres qu'a découvertes Tissot, c'est la seule inscription de ce
genre que l'on connaisse dans ces régions.
« A quelque distance de Volubilis, j'ai trouvé également un objet extrê-
mement rare et d'une inestimable valeur : c'est un encensoir chrétien, de
forme byzantine, datant du second ou, tout au plus, du troisième siècle de
l'ère chrétienne. C'est jusqu'à présent le seul objet qui ait été trouvé pour
témoigner de la présence des premiers chrétiens au Maroc. »
TABLE DES MATIÈRES
Archéologie appliquée.
P. Saintexoy et baron A. de Loê. — Rapport sur l'organisation de la
Section d'Archéologie du Palais du Peuple, à Bruxelles 430
Archéologie belgo -romaine.
299
Emile de la Roche de Marchiennes. — La villa belgo-romaine de
Nouvelles
Baron Alfred de Loê. — Quelques renseignements sur un cimetière
belgo-romain, découvert à Archennes (Brabant), en 1883 .... 34
Baron Alfred de Loê. — Le tumulus belgo-romain de Lennick-Saint-
Quentin 404
Archéologie franque.
G. CuMONT. — Balances trouvées à Harmignies, Belvaux, Wancennes et
Eprave 59
Armand de Behault de Dornon et baron A. de Loê. — Les Francs
Saliens dans le Brabant 72, 200
Archéologie romano-dalmate.
Ch. Buls. — Diocletia et Salona 188
Archéologie préhistorique américaine.
Baron Alf. de Loê. — Le préhistorique de la Colombie 218
Archéologie préhistorique de la Belgique.
Baron A. de Loê. — Les tombelles des environs de Wavre et de Court-
Saint-Etienne 222
— 554 —
E. DE MUNCK, — Les silex mesviniens datent-ils d'une époque antérieure
à l'industrie acheuléenne ? 145
Comte GoBLET d'Alviella. — Note sur un ouvrage en terre situé dans la
vallée de l'Orne, à Court-Saint-Étienne 54
Archéologie préhistorique de T Asie-Mineure.
D*" Henry Schuemann. — Les dernières fouilles d'Hissarlik (Troie), avec
note complémentaire, par M. Emile de Munck 84
Architecture militaire ancienne.
P. CoMBAZ et Arm. de Behault de Dornon. — Les premiers . remparts
deLouvain 337
Architecture comparée.
Paul Saintenoy. — Prolégomènes à l'étude de la filiation des fonts
baptismaux, depuis les baptistères jusqu'au XVI® siècle 5» 243
Bibliographie ancienne.
Louis Titz. — La conférence du Livre, à Anvers, les 7, 8 et 9 août 1890 . 303
Congrès archéologiques.
Baron A. de Loê. — Congrès archéologique de France. — .Cinquante-
septième session, 1890, Brive (Corrèze) 99
Excursions.
Paul Saintenoy. — L'Excursion de la Société d'Archéologie de Bru-
xelles, à Dieghem, Saventhem, Winxele et Hérent 526
Héraldique.
Comte M. de Nahuys. — Bahut trouvé en Suède avec blason rappelant
celui de Busleyden 227
Histoire.
J.-Th. de Raadt. — Henri de Varick, vicomte de Bruxelles. . , . . 685
Histoire de la littérature.
Lieutenant Gaétan Hecq. — La Ballade et ses dérivés : chant royal, chan-
son royale, serventois, pastourelle et sotte chanson 488
Histoire de la musique.
Comte M. de Nahuys. — L'Ecriture musicale ancienne 39
— 555 —
G. CoMBAZ. — Une visite au Musée du Conservatoire royal de Musique à
Bruxelles 28$
S. De ScHRYVER. — Quatorze lettres inédites de Grétry, conservées au
Musée Grétry à Liège 392
Histoire de la peinture.
Edgar Baes. — De la valeur archéologique des similitudes de forme et de
couleur 107
S. De Schryver. — Luc Gassel, peintre paysagiste du xvi^ siècle ... 370
P.-L. DE Gavere. — Deux portraits attribués à Holbein représentent-ils
Nicolas d'Aubermont et Jeanne de Gavre, sa femme ? . . . . 473
Histoire des institutions charitables.
J.-Th. de Raadt. — La Maison des Douze-Apôtres, à Bruxelles ... 4$ 5
Histoire des voyages.
E.Michel. — De l'importance des voyages au moyen âge Î83 ^
Inscriptions funéraires.
Paul Saintenoy. — La pierre tombale de Laurent le Blanc 172
Georges CuMONT. — La pierre tombale de Nicolas Grudius .... 213
Paul Combaz. — Les tombeaux des RR. PP. Jésuites découverts sous la
cour de l'ancien Palais de Justice de Bruxelles (rue de Ruysbroeck) . 410
Mélanges.
Découvertes, fouilles, etc 130, 326, 540
Notes bibliographiques.
Paul Saintenoy. — Pre-reformation churches in Fife and the Lothians,
par J. Russel Walker. — Les vitraux de Montmorency et d'Ecouen,
par Lucien Magne 123, 125
J. Destrke. — La sculpture et les arts plastiques au pays de Liège et sur
les bords de la Meuse, par J. Helbig 309
O^M. N. — Supplément aux recherches sur les monnaies des comtes
de Hainaut, par Alphonse de Witte 324
Qe M. N. — Monnaies récemment découvertes dans les cimetières francs
d'Eprave, par G. Cumont 324 ;
J. Th. de R. — Van Schoonbeke en het Maagdenhuis van Antwer-
pen, par Ed. Geudens 325
C*® M. N. — Wapenboeck ou armoriai de Gelre, Héraut d'armes de
1334a 1372, par V. Bouton 535
Oe M. N. — Monnaies barbares d'argent trouvées dans le cimetière mé-
rovingien d'Herpès, par M. Proux 537 •
- 556 -
P. S. — Cabinet d'un curieux. — Description de quelques livres rares.
(Baron L. Double) 538
VoLKOV. — Le préhistorique en Ukraine, par M. Bahaley 545
Procès-verbaux des séances.
Séance du 4 Novembre 1890 153
» » 2 Décembre 1890 181
» » 2 Janvier 1891 . • 185
» )) 2 Février 1891 • 282
» )) 2 Mars 1891 • 295
» » 6 Avril 1891 415
» » 4 Mai 1891 417
» » 8 Juin 1891 .... - 422
Questions et réponses.
Questions III à VIII. ..." 116
Réponses aux questions II et VI 120
Questions IX à XIII 306
Réponse à la question VII , , 307
Réponse à la question X . $34
— 557 —
TABLE DES PLANCHES ET FIGURES
Fonts de Fowlis. — Forfarshire (Ecosse) dessin de M. Russel Walker. . 5
Fonts de l'église de Waha (Belgique) 14
Fonts de l'église de Solre-sur-Sambre (Belgique) xve s 15
Baptistère de Novare (coupe et plan) dessin de M. Saintenoy .... 19
Le baptême par immersion et par aspersion, dessin de M. Saintenoy . . 21
Fonts de Baarse (Danemark), dessin de M. Bulens 24
Fonts baptismaux de la cathédrale de San Giovanni à Sienne (PI. I.) . . 25
Fonts baptismaux conservés au Musée de Venise (Italie) ixe s. . . 27
Fonts baptismaux de Brugelette (xve s.) 28
Baptistère avec édicule, de Nocera degli Pagani (Italie) (coupe et plan)
dessin de M. P. Saintenoy 29
Baptistère de Cividale (Frioul) 30
Fragment d'un bas-relief en ivoire de l'ancienne collection de VioUet-le-
Duc (France) xie s 31
Fonts baptismaux de Saint-Mard-devant-Virton, dessin de l'auteur ... 33
Spécimens d'écritures musicales du moyen âge (PI. II), dessin de M. le
comte deNahuys, lithog. de M. Lavalette 48
Cartouche avec notes de musique surmonté d'un écusson ornant, avant la
chute du beffroi, en 17 14, un pilier de cuivre du baptistère de l'église
de Saint-Nicolas, à Bruxelles . 52
Court-Saint-Étienne. — Vue de l'ouvrage en terre dans la vallée de
l'Orne (PI. 11^) 56
Cimetière franc d'Harmignies, tombe n» 308 (PL III) 63
Balances trouvées à Harmignies, Belvaux, Wancennes et Eprave (PL IV),
dessin de M. Lavalette 69
Reproduction du plan VII de « Troja » (édition allemande) et du plan VII
de r « Ilios » (édition française) de Schliemann 87
Psyché offrant des présents à ses sœurs {^Gravure du Maître au de) ... 126
Vitrail du château de Chantilly, représentant Psyché offrant des présents à
ses sœurs 127
Psyché prête à se venger de ses sœurs [Gravure du Maître au dé). ... 128
Vitrail dans la chapelle du château de Chantilly, représentant les fils du
connétable Anne de Montmorency (PL V) 129
Vitrail du château de Chantilly, représentant Psyché prête à se venger de
ses sœurs 131
Coupe idéale montrant la superposition des différentes assises du terrain
quaternaire de la région d'Havré-Saint-Symphorien-Spiennes . . . 146
Silex taillés recueillis dans le dépôt caillouteux d'Havre (Champs-Elysées)
et Spiennes (exploitations de M. Helin) (deux fig.) 147
- 558 -
Éclat allongé ou lame ayant servi à trancher ou à racler 149
Silex taillé de forme discoïde 150
Cathédrale de Canterbury ; abside (xiiie s.) 155
Cathédrale d'Ély (façade principale) (xiie s.) 157
Portail dit de Galilée, à la cathédrale d'Èly, élevée vers 1215 .... 159
Cathédrale d'Ely. — Travée de l'abside rebâtie sous l'évêque Northwold
de 1229 à 1254 161
Chapelle de King's Collège, à Cambridge (fin du xv« siècle) 165
Merton-College, Oxford i6s
Statuette de la Vierge appartenant à M. Corroyer ........ 184
Campanile de Spalato 188
Basilique de Salona 190
Forum de Diocletia et entablement du palais de Dioclétien (dessin de
M. Paul Combaz) (PL VI) 191
Portique du temple de Spalato 193
Temple d'Esculape à Spalato 197
Tombe de Nicolas Grudius, à Alsembergh (Brabant) (PI. VII) dessin de
M. Lavalette 215
Sceau de Gilles I^'- de Busleyden 230
Bahut trouvé en Suède et armoiries (PI. VIII) (dessin de M. le comte de
Nahuys) 233
Fonts de l'église Saint-Clément de Tours (France) (xe ou xie siècle)
PI. IX, deux fig 249
Fonts baptismaux conservés au Musée de la Société Arcbéolo^iqtie d'Indre-et-
Loire, à Tours (France) et attribués au vie siècle (M. l'abbé Chevalier) 25 1
Fonts de Dinas Mowddwy (Pays de Galles) 252
Fonts de Balquhidder, Perthshire (Ecosse), dessin de M. Russell Walker. . 253
Fonts de Clisson (France, Loire-Inférieure) ...... ... 254
Fonts baptismaux actuellement à l'église de Saint-Barthélémy, à Liège
(œuvre de Lambert Patras. — 11 12) 257
Bas-relief des fonts de Saint-Barthélémy, à Liège, représentant le baptême
de Cornélius, le centurion, et de Craton, le philosophe. (Dessin de
J. Stuckens, d'après un relevé de feu A. Schaepkens) 258
Bas-relief de la couverture du <Sa£:raw£w/a/r^ de Drogon (Bibl. nat. Paris).
(Dessin de J. Stuckens, d'après Lenormand) " . 259
Fonts baptismaux d'Aldbar, Forfarshire (Ecosse) (dessin de M. Russell
Walker) 264
Fonts Anglais et Suédois (PI. X, deux fig.) . 265
Bas -relief des fonts de Pont-à-Mousson (France) (dessin de M. J. Stuc-
kens, d'après de Caumont, Abécédaire, p. 307) , . 269
Fonts baptismaux de Dunrod, Kirkcudbrightshire (Ecosse) dessin de
M. Russell Walker 270
Fonts baptismaux de la cathédrale d'Hildesheim (Allemagne) (xuie s.)
(Pl.Xy 275
— 559 —
Fonts baptismaux de l'église Saint-Germain, à Tirlemont, actuellement au
Musée d'Antiquités de Bruxelles (xii^ siècle) ........ 275
Fonts de l'église de Barnack (Angleterre) d'après V Architectural Association
Sketchbook 278
Instruments de musique (dessin de M. Gisbert Combaz) 289
Tympan sculpté du xii® s. (cloître de Saint-Servais, à Maestricht) . . . 309
Abbaye de Westminster. — Cénotaphe de Philippine de Hainaut, épouse
de Edouard III, roi d'Angleterre, par Hennequin de Liège (xiv® s.) . 316
Sceau de Thierry de Fauquemont, deux hg 318
Buste de Richelieu, par Warin (xviie siècle.) (PI. XII) 321
Fragment de compte de Philippe-le-Bon (en possession de M. le major
Combaz.) (PI. XIII) 329
Plans de la première enceinte de Louvain (PI. XIV) dessin de M. P. Com-
baz 345
Vues anciennes des remparts de Louvain (PI. XV) dessin de M. P. Combaz 349
Restes actuels de la i*"® enceinte de Louvain (PL XVI) dessin de M.
P. Combaz - 353
Inscription du portrait de Luc Gassel 370
Portrait de Luc Gassel, peintre-paysagiste du xvi® siècle (PI. XVII) , . 371
La fuite en Egypte — reproduction du tableau de Luc Gassel .... 377
Monogramme de Luc Gassel 380
Emplacement du lumulus belgo- romain de Lennick-Saint- Quentin . . 404
Coupe du tumulus de Lennick-Saint-Quentin 405
Ustensile en bronze trouvé dans une tombe franque, à Villers devant
Orval (Luxembourg) 420
Sceau de Pierre-Albert de Launay 428
Fac-similé de la signature de Jacques le Roy 428
Blason des le Roy (écartelé de Holff) 429
Sceau de Jean Bmt 469
Sceau de Lambert de Cock • 469
Portrait de Henri de Varick, vicomte de Bruxelles (PI. XVIII). . . . 484
Chanson d'Adam de la Halle (PI. XIX) 500
L'Innamorato (Ballade) (PI. XX). 52^
Inscription lapidaire de l'église de Beyghem (xve s.) 525
Inscription lapidaire de Téghse d'Hérent (xiiie s.) 532
Armoiries extraites du Wapenhoeck ào. Gelre (PI. XXI à XXIII) .... 537
Estampe du Spéculum Humana Salvationis 544
863. — Bruxelles, imp. A. Vromant et C»», 3, rue de la Chapelle.
DH
4.01
35
t. 5
Soci(5té royale d'archéolo^
de Bruxelles
Annales
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