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Full text of "Antiquités de la région andine de la République Argentine et du désert dAtacama"

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MISSION    SCIENTIFIQUE 
G.  DE  CRÉQUI  MONTFORT  ET  E.  SÉNÉCHAL  DE  LA.  GRANGE 

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ANTIQUITÉS 


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D  E   LA   R  É  G  ION   ANDINE 

DE  LA  RÉPUBLIQUE  ARGENTINE 

ET  DU   DÉSERT  D'ATACAMA 

PAR 

.ERIC  ROMAN 
TOME    PREMIER 

NANT  2  CARTES,  32  PLANf.  JES  ET  28  FIGURES  DANS  LE  TEXTE 


PARIS 

IMPRIMERIE  NATIONALE 


LIBRAIRIE  H.  LE  SOUDIER,  BOULEVARD  SAINT -GERMAIN,   il  h 


MDCGCCVIII 


ANTIQUITÉS 

DE   LA    RÉGION    ANDINE 

DE  LA  RÉPUBLIQUE  ARGENTINE 
ET  DU  DÉSERT  D'ATACAMA 


PUBLICATIONS  DE   LA   MISSION. 


Rapport  siir  une  Mission  scientifique  en  Amérique  du  Sud  (Bolivie,  République 
Argentine,  Chili,  Pérou),  par  G.  de  Créqui  Moxtfokt  et  E.  Séxéchal  de  la  Grange. 

Carte  des  régions  des  Hauts-Plateaux  de  l'Amérique  du  Sud  (Bolivie,  Argentine. 
Chili,  Pérou),  parcourues  par  la  Mission  française.  Carte  dressée  par  V.  Hugt,  d'après 
les  travaux  des  membres  de  la  Mission,  les  sources  originales  inédites  et  les  documents 
les  plus  récents,  à  l'échelle  de  1/750000. 

Les  lacs  des  Hauts-Plateaux  de  l'Amérique  du  Sud,  par  le  D'  M.  Neveu-Lemairk 
avec  la  collaboration  de  MM.  Bava  y,  E.-A.  Birge,  E.  Chevreux,  E.  Marsch,  J.  Pelle- 
GRiN  et  J.  Thoulet. 

Anthropologie  bolivienne ,  par  le  D'  Chervin. 

Tome  l".  Ethnologie ,  Démographie ,  Photographie  métrique. 
Tome  II.   Anthropométrie. 
Tome  III.  Cranioiogie. 

Linguisticfue  comparée   des  Hauts-Plâteaux  boV;--'  ^ns  et  des  régions  circonv 
sines,  par  G.  de  Créqui  Montfort  '^f  *-.  K!r.-T. 

Explorations  géologiques   dans    l'Amérique   du  Su«i,   suivi   de  tableaux   météo 
logiques,  par  G.  Courty. 

Antiquités  de  la  région  andine  de  la  République  Argentine  et  du  Désert 
d'Atacama ,  par  Eric  Boman. 

Tome  I".  Vallées  in  vjrandines  de  la  République  Argentine. 
Tome  II.  Puna  argentine ,  Désert  d'Atacama  et  province  de  Jujuy. 

Fouilles  archéologiques  à  Tiahuanaco ,  par  G.  Courty  et  Adrien  de  Mortillet. 

Faune  mammalogique  des  Hauts  -  Plateaux  de  l'Amérique  du  Sud,  par  le 
D'  M.  Neveu-Lemaire  et  G.  Graxdidier. 

Notes  physiologiques  et  médicales  concernant  les  Hauts-Plateaux  de  l'Amérique 
du  Sud,  par  le  D"^  M.  Neveu-Lemaire. 

Études  paléontologiques ,  par  M.  Boule. 

Géographie  des  Hauts-Plateaux  des  Andes ,  par  V.  Huox. 


MISSION    SCIENTIFIQUE 
G.  DE  CRÉQUI  MONTFORT  ET  E.  SÉNÉCH  VL  DE  L\  GRANGE 

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ANTIQUITÉS 

DE    LA   RÉGION   ANDINE 

DE  LA  RÉPUBLIQUE  ARGENTINE 

ET   DU   DÉSERT   D'ATACAMA 

PAR 

ÉRIC  BOMAN 


TOME    PREMIER 

CONTENANT  5  CARTES,  j-i  PLANCHES  ET  28  FIGURES  DANS  LE  TEXTE 


PARIS 

IMPRIMERIE  NATIONALE 


LIBRAIIIIE  H.  LE  SOlJDIER,   BOULEVARD   SAllNT-GERM  VIN,    ^^^ 


MDGGCCVIII 


PRÉFACE. 

Le  présent  ouvrage  est  surtout  un  exposé  des  recherches 
efFectuées  au  cours  d'un  voyage  que  j'ai  fait  dans  l'extrême 
nord-ouest  de  la  République  Argentine,  en  iQoS,  comme 
membre  de  la  Mission  G.  de  Créqui  Montfort  -  E.  Sénéchal 
de  la  Grange.  Un  récit  sommaire  de  mon  voyage  a  été  pu- 
y  M.  le  comte  de  Créqui  Montfort  (iio)^'),  dans  son 

rappos  l  officiel  sur  les  résultats  scientifiques  de  la  Mission. 

Je  me  suis  rendu  par  chemin  de  fer  de  Buenos-Aires 
à  Salta,  chef-lieu  de  la  province  argentine  de  ce  nom,  où 
j'arrivai  le  18  mai.  Après  quelques  jours  de  préparatifs, 
acquisition  de  mulets,  engagement  de  personnel,  etc.,  j'ai 
commencé,  le  28  mai,  mes  recherches  archéologiques  dans 
la  Vallée  de  Lerma.  Du  7  au  2  3  juin,  j'ai  fait  des  fouilles 
dans  la  Quebrada  del  Toro  et  dans  la  Quebrada  de  ias 
Guevas,  étroites  vallées  qui  donnent  accès  au  haut  plateau. 
Après  une  excursion  dans  la  partie  occidentale  de  ce  haut 
plateau,  laPuna  de  Atacama,  j'en  ai  visité  la  partie  orientale, 
la  Puna  de  Jujuy,  presque  tout  entière  ;  puis  je  suis  des- 
cendu du  haut  pays  par  la  Quebrada  de  Humaimaca  qui 
aboutit  à  la  ville  de  Jujuy,  où  je  suis  arrivé  le  2  septembre. 

Ce  voyage  est  le  second  que  j'ai  effectué  dans  ces  régions. 
En  1901,  faisant  partie  de  la  Mission  Suédoise  dirigée  par 
mon  ami  et  compatriote  M.  le  baron  Erland  Nordenskioid , 

'')  Pour  les  renvois  bibliographiques,  voir  la  bibliographie,  à  la  lin  (hi  lumc  II. 


M  PREFACE. 

j'avais  parcouru  une  partie  de  la  Puna  de  Jujiiy  et  aussi 
Test  de  cette  province  et  le  sud  de  la  Bolivie.  Auparavant, 
j'avais  déjà  voyagé  dans  les  provinces  de  Cataniarca  et  de 
ïucuman.  Naturellement,  les  observations  et  les  études 
de  ces  divers  voyages  ont  contribué  au  résultat  de  ma  der- 
nière expédition. 

Les  recherches  archéologicpes  ont  été  le  but  principal  de 
mon  voyage  ;  cependant  à  Susques,  dans  la  Puna  de  Ata- 
cama,  j'ai  fait  des  études  sur  les  Indiens  actuels.  Dans  les 
anciennes  sépultures,  j'ai  recueilli  une  collection  de  crânes 
et  de  squelettes  qui  ne  sont  pas  étudiés  ici  ;  leur  description 
paraîtra  dans  l'ouvrage  du  D''  Arthur  Chervin  (99,  i.  s  .1  sur  la 
collection  de  crânes  rapportés  par  la  Mission.  Je  me  borne 
donc  ici  à  donner  les  numéros  que  portent  dans  cet  ouvrage 
les  crânes  que  j'ai  réunis. 

L'un  des  grands  problèmes  de  Tai^héologie  dans  1 
nord-ouest  de  la  République  Argentine  était  de  détermine 
l'étendue  géographique  de  l'ancienne  culture  que  l'on  a  pri; 
l'habitude  de  dénommer  «  civihsation  calchaquie  »  et  les  rap- 
ports entre  cette  culture  et  la  civilisation  ando-péruvienne 
en  général.  Mais  les  renseignements  historiques  sur  ces 
questions  sont  difficiles  à  retrouver  dans  les  volumineux 
ouvrages  des  historiographes  de  l'ancien  Pérou  et  des  chro- 
niqueurs jésuites  du  Tucuman.  D'autre  part,  les  données 
archéologiques  que  l'on  possède  sont  éparpillées  dans  un 
grand  nombre  de  petites  brocliures,  peu  à  portée  de  tous  et 
écrites  dans  une  langue  peu  usuelle,  l'espagnol.  Comme 
un  aperçu  général  de  ces  données  n'existe  pas,  j'ai  cru 
rendre  service  aux  Américanistes  en  commençant  mon  tra- 
vail par  une  étude  ethnogéographique  de  la  région  inter- 
andine  de  la  République  Argentine  et  par  un  résumé  de  nos 


PREFACE.  vn 


connaissances  sur  cette  région ,  au  point  de  vue  de  Tarchéo- 
loo-ie.  J'y  ai  ajouté  la  description  et  les  figures  de  quelques 
pièces  intéressantes  appartenant  à  la  collection  de  la  Mission 
Française.  Vient  ensuite  la  description  d'une  importante 
trouvaille  faite  à  Lapaya ,  dans  la  Vallée  Calchaquie. 

Dans  le  rapport  sur  mes  recherches  personnelles  effec- 
tuées lors  de  mon  dernier  voyage,  j'ai  choisi  f exposition 
par  ordre  géographique,  en  suivant  mon  itinéraire.  Bien 
que  cette  méthode  occasionne  des  redites,  c'est  celle  qui 
cependant  donne  fidée  la  plus  nette  des  vestiges  laissés  par 
les  habitants  préhistoriques  d'un  pays. 

Mes  recherches  sur  le  haut  plateau  de  la  Puna  de  Jujuy 
m'ont  amené  à  la  conviction  que  les  anciens  habitants  de 
ce  haut  pays  appartenaient  à  un  peuple  distinct  des  Dia- 
guites  dits  «  Calchaquis  » ,  des  vallées  interandines.  D'autre 
part,  le  matériel  archéologique  de  f  ouest  de  la  Puna  de 
Jujuy  est  identique,  jusqu'aux  moindres  détails,  aux  nom- 
breux objets  exhumés  par  fun  des  chefs  de  la  Mission 
Française,  M.  E.  Sénéchal  de  la  Grange,  dans  le  cimetière 
de  Calama,  qu'il  fut  assez  heureux  de  découvrir  au  cours  de 
ses  voyages  dans  le  Désert  d'Atacama.  M.  Sénéchal  de  la 
Grange  a  bien  voulu  me  confier  la  description  de  la  collec- 
lion  fort  importante  qu'il  y  a  recueillie.  Le  cimetière  de  Ca- 
lama, ainsi  que  d'autres  sépultures  du  Désert  d'Atacama, 
comme  celles  de  Chiuchiu,  etc.,  proviennent  sans  doute 
des  anciens  Atacamas,  et  fanalogie  parfaite  du  matériel 
ethnographique  de  cette  région  avec  celui  que  j'ai  rapporté 
de  la  Puna  de  Jujuy  permet  d'établir  fétendue  géogra- 
phique des  Atacamas  qui,  par  conséquent,  occupaient  jadis 
toute  la  vaste  zone  allant  de  la  Puna  de  Jujuy  jusqu'à  f  océan 
Paciliaue. 


VIII  PREFACE. 

A  l'exposé  des  résultats  scientiliques  de  mon  dernier 
voyage  j'ai  ajouté  un  aperçu  sur  les  découvertes  archéo- 
logiques faites  par  la  Mission  Suédoise  dans  l'est  de  la  pro- 
vince de  Jujuy,  sur  les  bords  du  Grand  Ghaco. 

Mon  ouvrage  a  certainement  des  lacunes.  Le  manque  de 
temps  et  les  ditïlcultés  matérielles  que  présentent  les  voyages 
dans  ces  déserts  en  sont  la  cause.  L'extrême  réserve  des 
Indiens  du  haut  plateau ,  qui  refusent  obstinément  de  four- 
nir au  voyageur  tout  renseignement,  n'a  pas  été  fune  des 
moindres  difficultés  de  mon  voyage.  Cependant  je  crois 
qu'il  ne  reste  plus  beaucoup  à  faire,  au  point  de  vue  des 
recherches  archéologiques,  dans  la  Puna  de  Jujuy  et  dans 
la  Quebrada  del  Toro.  La  carte  archéologique  insérée  à  la 
fin  du  tome  II  est,  je  crois,  une  carte  assez  complète  des 
endroits  habités  à  fépoque  préhispanique.  Pour  les  signes 
archéologiques  de  cette  carte,  j'ai  pris  pour  base  la  légendv^ 
internationale  établie  sur  f  initiative  du  Congrès  international 
d'archéologie  et  d'anthropologie  préliistoriques  de  Stock- 
holm, 187/i,  publiée  par  la  Revue  de  l'Ecole  d'anthropologL 
de  Paris  (209),  mais  avec  les  modifications  que  j'ai  dû  y  in- 
troduire en  raison  des  différences  que  présentent  les  anti- 
quités préhistoriques  de  fAmérique  et  celles  de  TEurope. 

J'ai  essayé  d'éviter  de  longues  et  ennuyeuses  descriptions 
détaillées  des  objets  composant  les  collections  que  j'ai  rap- 
portées. Je  laisse  autant  que  possible  les  figures  remplacer 
les  descriptions  et  j'emploie  la  méthode  descriptive  seule- 
ment pour  les  détails  que  f  on  ne  peut  voir  sur  les  figures. 
Au  contraire,  j'ai  attaché  de  fimportance  à  la  comparaison 
de  mes  collections  avec  des  objets  analogues  trouvés  dans 
d'autres  régions  de  fAmérique,  surtout  avec  ceux  des  di- 
verses parties  de  la  région  ando-péruvienne.  Sans  négliger 


PREFACE.  IX 

]a  littérature  ancienne,  les  «chroniqueurs  »,  j'en  ai  fait  un 
usage  prudent  en  examinant  avec  soin  leurs  renseignements 
en  pénéral  si  obscurs  et  souvent  contradictoires. 

Une  description  géographique  sommaire  est  donnée  pour 
chacune  des  régions  dont  il  est  question ,  ainsi  qu'un  aperçu 
de  ce  qui  peut  intéresser  dans  la  flore  et  dans  la  faune,  au 
point  de  vue  de  l'ethnographie. 

Je  saisis  cette  occasion  pour  dire  combien  je  reste  obligé 
envers  les  personnes  qui,  d'une  manière  ou  d'une  autre, 
m'ont  aidé  à  accomplir  ma  mission.  Ce  sont,  dans  la  Répu- 
blique Argentine,  M.  Domingo  T.  Pérez,  sénateur  de  Jujuy 
au  Congrès  argentin,  M.  le  Ministre  du  Gouvernement  de 
Jujuy,  le  D''  Octavio  Iturbe,  actuellement  député  au  Congrès 
argentin,  MM.  les  Gouverneurs  de  Salta,  M.  Angel  Zerda, 
et  du  Territoire  des  Andes,  M.  le  lieutenant-colonel  Nicolas 
Menéndez.  Ces  hommes,  qui  étaient  à  la  tête  des  provinces 
que  j'ai  parcourues,  m'ont  donné  les  recommandations  les 
plus  efficaces  pour  leurs  subordonnés,  et  c'est  spécialement 
grâce  à  M.  Menéndez  que  j'ai  pu  effectuer  mon  voyage  assez 
difïicile  chez  les  Indiens  de  Susques.  Mon  ami  le  D""  Jus- 
liniano  L.  Arias,  juge  à  Salta,  s'est  mis  très  aimablement 
à  ma  disposition,  avec  ses  nombreuses  relations,  pendant 
mon  dernier  voyage  aussi  bien  que  lors  de  mon  premier 
séjour  dans  cette  ville  au  temps  de  la  Mission  Suédoise. 
A  MM.  Nicolas  Arias  Cornejo  et  Domingo  Torino  je  dois 
une  charmante  hospitalité  dans  leurs  domaines  de  la  Vallée 
de  Lerma  et  de  la  Quebrada  del  Toro.  A  Buenos- Aires, 
m'ont  aidé  de  différentes  manières  MM.  le  D'  Francisco  P. 
Moreno  et  le  D"^  Florentino  Ame^rhino,  threcteurs  du  Musée 
de  La  Plata  et  du  Musée  national  de  l^uenos-Aires;  MM.  le 
D""  R.  Lehmann-Nitsche  et  J.  B.  Ambroselli.  .rcvpriiiic  égale- 


X  PRÉFACE. 

ment  toute  ma  oratitude  à  mon  ami  M.  Eduardo  A.  Holm- 
berg  fils  pour  le  travail  artistique  qu'il  a  bien  voulu  faire 
pour  Texécution  définitive  de  mes  croquis. 

Le  maître  des  études  ethnographiques  en  France,  M.  le 
D'"  E.-T.  Hamy,  m'a  guidé  de  ses  conseils  pendant  la  rédac- 
tion de  mon  ouvrage  et  m'a  donné  toutes  les  facilités  néces- 
saires  pour  les  études  comparatives  que  j'ai  dû  entreprendre 
au  Musée  d'ethnographie  du  Trocadéro.  Je  tiens  à  lui  en 
témoigner  ma  profonde  reconnaissance.  De  même  je  re- 
mercie cordialement  le  nouveau  conservateur  du  Musée  du 
Trocadéro ,  M.  le  D'^  R.  Verneau ,  de  faide  qu'il  m'a  prêtée , 
et  f inspecteur  du  Musée,  M.  Jules  Hébert,  de  toute  fobli- 
geance  dont  il  a  fait  preuve  envers  moi. 

Mon  regretté  ami,  M.  le  professeur  Léon  Lejeal,  du 
Collège  de  France,  est  mort  récemment.  Je  garderai  toujours 
le  meilleur  souvenir  de  l'amabilité  qu'il  n'a  cessé  de  me  té- 
moigner pendant  mon  séjour  à  Paris  et  de  tous  les  services 
qu'il  m'a  rendus. 

Enfin  je  suis  fort  obligé  à  plusieurs  spécialistes  pour  le 
concours  qu'ils  m'ont  prêté  en  effectuant  des  études  et  des 
déterminations  du  domaine  de  leurs  spécialités.  Ce  sont 
MM.  les  professeurs  du  Muséum  d'histoire  naturelle  A.  La- 
croix, L.  Vaillant  et  G.  Maquenne;  MM.  Jules  Poisson  et  le 
D"  A.-T.  de  Rochebrune,  assistants  au  Muséum;  M.  le  pro- 
fesseur G.  Pouchet,  de  la  Faculté  de  médecine;  mon  col- 
lègue de  la  Mission  Française ,  M.  Georges  Courty  ;  M.  le 
D'  Walther  Lehmann,  du  Musée  royal  d'ethnographie  de 
Berlin;  M.  le  conseiller  intime  L.  Wittmack  et  M.  le  D' 
L.  Plate,  professeurs  à  TEcole  royale  des  hautes  études 
d'agriculture  de  Berlin;  M.  le  professeur  G.  V.  Callegari, 
de  Padoue;  M.  E.  Visto,  préparateur  au  laboratoire  d'ana- 


PREFACK.  XI 


tomie  comparée  du  Muséum  d'histoire  naturelle.  M.  Victor 
Huot,  du  service  géographique  de  la  maison  Hachette,  a 
exécuté  avec  beaucoup  de  précision  et  de  goût  les  cartes  el 
les  plans  qui  accompagnent  mon  ouvrage. 

Paris,  Février  1908. 

E.  BOMAN. 


CARTE  ETHNIQUE 

DE  LA  RÉGION  ANDINE  DE  L'AMÉHKU  E  DU  SUD 

ENTRE  LE  2r  ET  LE  33"^  DEGRÉ  LATITUDE  SUD 
AU  XVr  SIÈCLE 


CAUTE  ETHNIQI  E 

DK   L:V   RÉGION   AISDIÎSE   DE   L'AMÉUIQUE  DU   SUD 

E>TRK  LI-:  22    I-:T  LE  33"  DEGRÉ  LATITUDE  SUD 

AU  XVr  SIÈCLE. 

Les  recliercbes  contemporaines,  anssi  bien  dans  le  domaine 
de  rarchéologie  que  dans  celui  de  Fanlliropologie  physique, 
démontrent  nettement  l'existence  réelle  de  cette  race  auto- 
chtone de  l'Amérique  du  Sud  qu'on  s'est  habitué  à  nommer 
la  race  ando-péruvienne,  et  qui  équivaut  plus  ou  moins  au 
rameau  péruvien  de  la  race  ando-péruvienne  de  d'Orbigny 
(274,1,  p.  11).  Les  peuplades  qui,  à  l'époque  de  la  conquête 
espagnole,  habitaient  le  haut  plateau  et  les  vallées  des  Andes 
ont  toutes,  en  dehors  de  leurs  affinités  somatologiques,  une 
civilisation,  des  mœurs  et  une  industrie  aiialo<»ues,  depuis  la 
r»épul)lique  de  l'Equateur  jus([u'à  la  République  Ar^^entine 
et  au  (Ihili.  Tout  ce  territoii'c  forjne  ce  que  nos  confrères 
allemands  appellent  un  kulliirlireis  bien  homogène,  une  zone 
ethnique  bien  distincte  de  celles  du  Nord  et  du  Sud,  et  sur- 
tout de  celles  constituées  par  les  peuples  habitant  les  régions 
basses  à  l'est  de  la  Cordillère. 

La  conquête  espagnole  s'eirectua  presque  entièrement  du 
côté  du  Pacifique.  Ce  n'est  qu'à  des  dates  postérieures  que  les 
Espagnols  réussirent  à  prendre  pied  sur  quelques  j)oint,s  isolés, 
sur  les  bords  des  grandes  rivières  appartenant  au  bassin  du  Rio 
de  la  Plala.  Dans  les  Andes,  les  conquérants  trouvèrent  des 
J'Aals  solidement  établis  avec  des  systèmes  de  gouvernement 
admiiables  par  leur  organisation  aussi  sinq^le  qu'efficace;  ces 
peuples,  d'une  civilisation  ancienne  assez  avancée,  étaient  très 
dociles  à  leurs  souverains,  ce  f[ui  facilita  réiahlissement  de  la 
domiiialion  espagnole  (uii  n'était,  au  début,  ([uim  change- 
ment de  régime.  Au  contraire,  les  plaines,  couvertes  de  lorêts 


4  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

vierges  jusqu'au  3o''  dcgi'é,  dénudées  au  sud  de  ce  parallèle, 
étaient  peuplées  de  tribus  sauvages,  pour  la  plupart  nomades, 
qui,  aidées  par  la  nature  de  leur  territoire,  opposèrent  une 
résistance  désespérée  aux  invasions.  Ce  n'est  qu'en  exterminant 
presque  complètement  ces  tribus  que  la  race  blanche  parvint 
à  prendre  possession  de  leur  sol,  alors  que  depuis  longtemps 
les  Indiens  de  la  Cordillère,  habitués  à  un  gouvernement  ré- 
gulier au  temps  de  leur  indépendance,  bon  gré  ou  mal  gré 
s'étaient  soumis  aux  Blancs,  s'étaient  mélangés  à  eux  et  contri- 
buaient ainsi  à  la  formation  d'un  important  élément  ethnique 
de  l'Amérique  espagnole.  Un  Etat  comme  la  République  Ar- 
gentine, où  l'organisation  moderne  est  relativement  avancée, 
fournit  un  exemple  de  la  résistance  opposée  à  l'invasion  par 
les  tribus  des  plaines.  Jusqu'au  milieu  du  xix'^  siècle,  les  In- 
diens ont  dominé  la  plus  grande  partie  de  la  province  de 
Buenos- Aires;  les  tribus  du  Grand  Chaco  sont  encore  au- 
jourd'hui absolument  indépendantes. 

La  partie  montagneuse  de  la  République  Argentine  CO' 
prend,  du  Nord  au  Sud,  les  provinces  suivantes:  Jujuy;  Sait»!  ; 
Catamarca;  une  partie  de  Tucuman,  au  nord-ouest  de  Cata- 
marca,  sur  les  pentes  orientales  de  la  Sierra  de  Aconquija;  La 
Rioja;  l'ouest  de  Côrdoba  occuj^é  par  ]a  Sierra  de  Côrdo])a;  et 
enliu  San  Juan.  Au  point  de  vue  de  l'archéologie,  le  sud  de 
Salta,  l'ouest  de  Tucuman  et  Catamarca  sont  les  parties  les 
mieux  connues.  La  Rioja  et  San  Juan  n'ont  pas  été  explorées, 
elles  sont  presque  inconnues  archéologiquement.  Cependant  les 
antiquités  qui  y  ont  été  trouvées  démontrent  une  analogie  par- 
faite avec  celles  de  Catamarca  et  de  Salta.  La  province  de  Men- 
doza  ne  paraît  pas  avoir  fait  partie  de  la  civilisation  andine; 
elle  send3le  constituer  la  limite  méridionale  de  celle-ci.  Sur  la 
Sierra  de  Cordoba,  il  n'existe  que  très  peu  de  données  archéo- 
logiques. Ces  montagnes  étaient,  nous  aurons  à  le  redire,  ha- 
bitées, à  l'époque  de  la  conquête,  par  un  peuple  dont  on  ne  sait 
presque  rien,  mais  qui  était,  tout  au  moins  linguistiquement, 
différent  du  reste  de  la  population  de  la  région  interandine. 


CAiriK   ETHNIQUE. 


A  l'époque  (]q  la  conquête,  presque  toute  la  région  était, 
comme  nous  le  verrons,  habitée  par  un  peuple  appelé  Dia- 
aiiites,  et  la  concordance  de  la  zone  archéologique  dont  nous 
avons  parlé  avec  le  territoire  alors  occupé  par  ces  Diaguites 
justifie  l'attribution  à  ce  peuple  de  la  plupart  des  vestiges  pré- 
hispaniques qui  s'y  trouvent,  bien  qu'il  y  ait  aussi  des  débris 
provenant  d'époques  et  de  peuples  antérieurs,  que  l'on  n'a 
pas  réussi  jusqu'à  présent  à  distinguer  de  ceux  de  la  culture 


(haguite. 


Sur  le  haut  plateau  et  dans  le  Désert  d'Atacama,  au  nord  des 
Diaguites,  nous  trouvons  les  vestiges  d'une  culture  inférieure 
à  la  leur,  au  point  de  vue  industriel  et  artistique  :  celle  des  an- 
ciens Atacamas.  A  l'est  de  ceux-ci,  dans  l'étroite  vallée  nommée 
la  Quebrada  de  Humahuaca  et  dans  les  montagnes  environ- 
nantes, habitait  une  peuplade  très  guerrière,  les  Omaguacas, 
qui  semblent  différents  aussi  bien  des  Diaguites  que  des  Ala- 
camas. 

En  me  basant  sur  les  documents  historiques  qui  nous  sont 
restés  et  dont  les  informations  ne  sont  malheureusement  pas 
très  explicites,  j'ai  essayé  de  délimiter  géographiquement  ces 
peuples,  et  dans  ce  but  j'ai  dressé  la  carie  fig.  1,  où  sont  indi- 
quées aussi  les  peuplades  voisines.  Cette  carie,  qui  compreud 
toute  la  région  occupée  par  la  Cordillère  des  Andes  depuis 
le  22*^  jusqu'au  33*^  parallèle  Sud,  montre  la  distribution  des 
peuples  américains  dans  cette  région  au  wi*^  siècle,  c'esl-à-dire 
à  l'époque  de  la  conqucle  de  ces  pays  par  les  Espagnols,  .l'y 
ai  tracé  des  limites  pour  les  Diaguites,  les  Atacamas  et  les 
Omaguacas  seulement,  car  il  serait  aventureux  d'essayer  de  le 
faire  pour  les  peuplades  de  la  plaine,  les  renseignements  (pie 
nous  en  possédons  étant  trop  vagues.  Afin  de  rncililcr  la  com- 
paraison avec  les  cai-tes  courantes,  j'ai  doimé  les  limites  des 
lépubliques  et  des  provinces  actuelles.  Les  chefs-lieux  dont  ces 
d(M'nières  tirent  leurs  noms  sont  marqués  en  gros  caractères. 

Plus  loin  sont  insérées  deux  aulres  caries  à  des  ('clielles  plus 


6  ANTIQl  ITKS   DE  LA  REGION   ANDINE. 

i^randes.  La  première,  fi(j.  10,  représente  la  partie  la  plus 
importante  de  la  région  des  Diaguites  et  indique  les  localités 
intéressantes  au  point  de  vue  de  l'archéologie  et  de  Tethno- 
graphie.  La  deuxième  de  ces  cartes,  qui  se  trouve  k  la  fin  du 
présent  ouvrage,  est  une  carte  archéologique  détaillée  des 
légions  de  Jujiiv,  de  Salta  et  de  la  Puna  de  Atacama  que  j'ai 
i^arcourues.  Ces  deux  cartes  doivent  être  consultées  pour  les 
détails  des  régions  qu'elles  comprennent,  tandis  que,  pour  le 
reste  du  territoire,  les  localités  que  je  nomme  au  cours  de  ce 
travail  se  trouvent  sur  la  carte  générale, ^^.  1. 

Sources  historiques  de  la  Carte  ethnique.  —  Pour  la  déli- 
mitation géographique  du  territoire  des  anciens  Diaguites  et 
pour  la  localisation  des  peuples  qui  les  entouraient,  deux  do- 
cuments puhliés  dans  les  Rclaciones  Gcogràficas  de  Induis  sont 
d'une  grande  importance.  Ce  sont  la  Reîacion  de  las  provincias  de 
Tiiciiman,  par  Don  Pedro  Sotelo  Narvaez  (253),  écrite  en  iSS*^ 
et  la  lettre  du  P.  Alonso  de  Btirzana  (55)  au  Provincial  des  .h 
suites,  datée  à  l'Assomption-du-Paraguaydu  8  septembre  1^)94- 

Pedro  Sotelo  Narvaez,  habitant  de  la  capitale  de  l'ancienne 
province  espagnole  de  Tucuman,  la  ville  de  Santiago  del 
Estero,  v  était  un  citoven  notable.  11  fut  condamné  à  mort  par 
le  gouverneur  Don  Hernando  de  Lerma,  comme  un  dange- 
reux partisan  de  Don  Gonzalo  de  Abreu,  prédécesseur  et  rival 
de  Lerma,  et  acquitté  ensuite  par  VAudiencia  de  los  Charcas.  Cet 
épisode,  raconté  par  le  P.  Lozano  (220,  iv,  p.  35i-352),  est  le  seul 
renseignement  biographique  que  je  connaisse  sur  Narvaez.  Sa 
relation,  écrite  avec  précision,  clarté  et  concision,  dénote  une 
connaissance  approfondie  du  territoii'e  qu'il  décrit  et  des  In- 
diens qui  y  habitaient.  Cette  relation  correspond  en  général 
au  questionnaire  du  Gouvernement  espagnol  intitulé  :  Ccdida, 
Instruccion  y  Memoria  para  la  formacion  de  las  rclaciones  y  dcs- 
cripciones  de  los  pueblos  de  Indias ,  circiiladas  en  1577 ,  question- 
naire qui  a  suscité  tant  de  documents  importants  pour  la  con- 
naissance de  l'Amérique  préhispanique. 


CARTE  ETHNIQUE.  7 

Alonso  de  Bârzana^'',  «l'apôtre  de  Tiicmnan»,  naquit  à 
Cordoiie^""^  en  i5'i8,  fut  l'ec^u  dans  la  (Compagnie  de  Jésus  eu 
i565  et  envoyé  eu  Amérique  eu  iSGg.  Les  Jésuites  avaient 
divisé,  à  cette  époque,  l'Amérique  du  Sud  eu  deux  provinces  : 
le  Brésil  et  le  Péiou.  \.e  Provincial  de  cette  dernière  résidait  à 
Lima.  Ce  fut  dans  cette  ville  que  Bârzana  commença  à  dé- 
ployer son  activité.  La  connaissance  des  langues  indigènes  était 
naturellement  de  première  importance  pour  la  conversion  des 
Indiens.  Barzana  se  fit  remarquer  par  son  exceptionnel  talent 
de  linguiste  en  composant  des  grammaires  et  des  vocabulaires 
des  langues  péruviennes.  En  i586,  il  passa  en  Tucuman  avec 
les  premiers  jésuites  qui  y  furent  appelés  par  Don  Francisco 
de  Victoria,  premier  évoque  du  nouveau  diocèse  de  Tucuman. 
Depuis  cette  époque,  il  ne  cessa  de  visiter  les  sauvages;  nous 
le  trouvons  tantôt  à  Santiago  del  Eslero,  à  Côrdoba,  ta  Es- 
teco,  dans  la  Vallée  Galchaquie,  tantôt  dans  le  Grand  Chaco  et 
au  Paraguay,  où  il  passa  en  109.3  comme  premier  commis- 
saire de  rinquisition.  Le  P.  Nicolas  del  Techo  (341;  1.  i,r.  wn, 

XXVI,  XXVII,  xxxvni,  XLiii,  xliv;  l.  11,  c.  xi,  xv,  etc. ;  p.  18,  20,  26,  3o,  3i , /|3,  /17) 

nous  donne  beaucoup  de  renseignements  sur  les  voyages  de 
Bârzana  et  rend  également  compte  de  ses  travaux  linguis- 
tiques. On  a  raconté  des  merveilles  de  son  endurance  dans  les 
voyages  et  il  semble  qu'il  avait  appris  onze  langues  américaines. 


'''  Son  nom  est  généralomont  ('"crit 
Jiârzena ,  ([uolquorois  liûrcena  ou  liârsena. 
Mais,  en  piihliani  la  lettre  ([lie  nous  avons 
mentionnée,  M.  Mârcos  Jiménez  de  la 
Espada  emploie  l'orthographe  Bârzana, 
sans  doute  parce  (pie  le  nom  est  ('-erit  ainsi 
dans  cette  lettre,  et  B;'irzana  signe  de 
même,  d'après  Sommervogel  (44, 1 ,  p.  997), 
plusieurs  documents  conserv(;s  à  la  Bihlio- 
lh('(pie  nationale  de  liima.  Fray  Luis- 
Geionimo  Ore  (275),  dont  B;irzana  avait 
6[à  le  collaborateur,  et  le  P.  liartolomé 
Alcazar  (7,  n,  |>.  ay"?),  dans  sa  Chrono- 
Historia  de  la  Compania  de  Jeans  en  la  Pro- 
vincin  de  Tnledn ,  ainsi   que  le    P.   Ijozano 


(219)  dans  la  Dcscripcîon  chovocjraphiea  del 
gran  Cluico,  écrivent  aussi  Bârzana.  Pour 
ces  motifs,  j'adopte  cette  (lerni(*re  orllio- 


g'" 


phe. 


<"'  Selon  les  PP.  Hihadeneira  ci  Ale- 
gambe  (309,  p.  17].  .Mais  le  P.  Alcazar 
(7,  ii,p  273)  dit  (pie  Bilrzana  —  d'apn^'s 
un  catalogue  conservé  dans  les  archives  du 
Collège  impérial  des  Jésuites  de  Madrid 
—  était  enrej'islré  comme  né  à  Vêlez 
(Malaga).  l'inlin,  suivant  Don  Maitiii 
Ximena  Jurado,  dans  les  Anales  del  nbU- 
padn  de  Jaen ,  le  lieu  de  naissance  de  B;ir- 
zana  serait  Baeza  (province  de  Jaen). 


8  ANTIQUITÉS  DK  LA  RÉGION  ANDINE. 

Bârzaiia  momul  à  Giizco  en  1598,  à  Fâge  de  70  ans.  11  y  avait 
été  apporté  sur  une  litière,  ayant  élé  frappé  d'une  attaque  de 
paralysie  lojs  de  son  dernier  voyage.  Malheureusement  pour 
la  science,  très  peu  de  ses  ouvrages  linguistiques  ont  été  con- 
servés jusqu'à  nos  jours.  Sa  lettre,  dont  nous  nous  servons, 
contient  une  description  sommaire  des  pays  où  Barzana  avait 
passé,  très  claire  et  très  précise. 

l\armi  les  Relaclones  Geocjràficas  se  trouvent  deux  autres  rap- 
])()rls  sur  l'ancienne  province  de  Tucuman  :  l'un  très  court, 
de  Don  Diego  Pacheco  (282);  l'autre  consiste  en  une  descrip- 
tion de  l'expédition  qu'effectua  le  général  Don  Geronimo  Luis 
de  Cabrera,  depuis  Santiago  del  Estero  jusqu'à  Gordoba.  Une 
lettre  du  licenciado  Juan  de  Matienzo  (232)  au  roi  d'Espagne 
contient  aussi  de  précieuses  informations  géographiques  et 
ethniques,  sur  le  nord  du  territoire  andin  de  la  République 
Araentine.  Enfin ,  sur  le  sud  de  la  Bolivie  et  sur  le  Désert  d'Ata- 
cama,  une  autre  lettre,  celle  de  Don  Juan  Lozano  Machuca 
[222),  factor  de  Potosi,  au  vice-roi  du  Pérou,  donne  des  ren- 
seignements intéressants. 

Tous  ces  documents,  contenus  dans  les  Relaciones  Geofjrà- 
fcûs  de  Ind'ias,  doivent  être  considérés  comme  les  informations 
les  plus  authentiques  sur  le  territoire  que  nous  étudions,  car 
ils  ont  été  écrits  peu  d'années  après  la  conquête  du  Tucuman, 
lorsque  ses  habitants  autochtones  étaient  encore  dans  leur 
état  primitif.  Ces  documents  sont  tous  presque  contemporains 
entre  eux  et  ils  ont  pour  auteurs  des  Espagnols  qui  connais- 
saient personnellement  le  pays  et  décrivaient  d'api'ès  ce  qu'ils 
avaient  vu  et  entendu,  indépendamment  les  uns  des  autres,  ce 
qui  permet  de  contrôler  la  véracité  de  leurs  récits.  Ainsi  on 
ne  peut  supposer  que  Narvaez  et  Barzana  se  soient  emprunté 
des  renseignements,  et  cependant  leurs  rapports  concordent. 

Les  historiographes  ])Ostérieurs  de  fancienne  province  de 
Tucuman  furent  tous  des  jésuites  qui  ont  écrit  l'histoire  de  la 
province  jésuite  du  Paraguay,  séparée  en  1607  de  celle  du 
l^'M•()u    et   (le   ]nqii(>ll(^   faisaient  partie  le  Tucuman   et  le   Rio 


CAUTK  ETHNIQUE.  9 

de  la  Plata.  Un  Français,  le  P.  del  1'echo,  occupe  la  première 
place  parmi  ces  historiens. 

Nicolas  del  Techo,  né  à  Lille  en  1611,  entra  en  i63o  au 
noviciat  de  la  Compagnie  de  Jésus.  Il  partit  en  16/19  P<>^"*  le 
Paraguay,  où  il  fut  plus  tard  le  Provincial  de  l'ordre.  Il  mou- 
rut en  i685,  à  Apostoles,  dans  le  territoire  actuellement  ar- 
gentin de  Misiones.  Son  nom  était  du  Toict  ou  du  Toit,  mais, 
comme  antérieurement  Jean  du  Toit  ^^\  le  franciscain  apôtre  du 
Mexique,  il  l'avait  traduit  en  espagnol,  el  c'est  sous  le  nom  de 
del  Techo  qu'il  est  connu.  Son  Historia  provinciœ  Paraxjuaviœ  fut 
imprimée  à  Liège  en  1673.  Selon  le  P.  Lozano,  (221, 1,  prologue), 
Techo  a  pris  une  grande  partie  de  ses  renseignements  sur  le 
Tucuman  d'une  histoire  manuscrite  du  P.  Juan  Pastor  cpii  n'a 
jamais  été  imprimée.  Si  cette  information  est  exacte,  la  valeur  de 
l'ouvrage  du  P.  Techo,  loin  d'être  diminuée,  en  serait  augmen- 
tée, car  le  P.  Pastor  avait  été  recteur  du  collège  des  jésuites  à 
Santiago  del  Estero  dans  la  première  moitié  du  xvii** siècle,  et  il 
devait  connaître  très  bien  le  pays  où  il  avait  été  missionnaire. 
Techo  peut  être  accusé  de  partialité  en  faveur  des  jésuites, 
chose  toute  naturelle,  mais  ses  renseignements  sur  les  Indiens 
semblent  être  véricliques;  sa  méthode  d'exposition  et  sa  clii-o- 
nologie  sont  supérieures  en  précision  à  celles  de  la  plupart 
des  écrivains  de  son  époque.  L'ouvi'age  de  Techo  est,  après 
les  documents  du  xvr  siècle,  la  meilleure  source  d'informa- 
tions cpie  nous  possédons  sur  l'ancien  Tucuman. 

Pedro  Lozano  naquit  à  Madrid  en  1697,  entra  au  noviciat 
de  la  Compagnie  de  Jésus  en  1711  et  arriva  au  Rio  de  la  Plata 
en  1717  environ.  L'année  de  sa  mort  est  inconnue^'-^l  En  Amé- 
rique, il  résidnit  liabiluelleuient  à  Côrdoba,  étant  professeui* 
(le  philosophie  (;t  de  théologie  à  l'université  de  cette  ville.  H  a 
fait  aussi  des  voyages  dans  l'ancienne  province  de  Tucuuian, 

'"'  Fray  Juan    del  Tcclin,    airivé  à   lu  '"'  Suivant     M.    Lamas.    D'apn's    Soin- 

Nouvelle-I'iSj)a<,Mic    en    i.Mis,    élail    d'ail-  nieivof^e!    (44,  v,   |).   i.loK    Lo/ano    seiail 

leurs,  roniMie  son  lioinonvun^,   originaire  ])arli  <l(>  i'Ks|)agn('  pour  le  Hio  de  la  iMala 

des  l'Mandres.  en    1  ■y  1  >  el  mort  vers  \''i^">\)- 


10  ANTIQUITES  DE  LA   REGION  ANDINE. 

au  Paraguay  et  dans  le  Rio  de  la  Plata.  M.  Andrés  Lamas ,  éditeur 
de  Tun  de  ses  ouvrages  historiques,  donne  de  lui,  dans  l'intro- 
duction de  cet  ouvrage  (220),  une  biographie  assez  complète, 
bien  que  trop  favorable.  Lozano  a  beaucoup  écrit.  Les  trois 
ouvrages  principauN:  qui  nous  intéressent  sont  indiqués  dans  la 
liste  bibliographique  à.  la  hn  du  second  volume,  sous  les  nu- 
méros Q  1 9 ,  2 20  et  2 2  1 .  Il  est  clair  que  Lozano  tient  de  Techo 
la  plus  grande  partie  des  renseignements  sur  les  Indiens  qu  il 
i:)ublie,  et  il  l'avoue  lui-même  dans  le  prologue  de  son  Historia 
(le  la  Compania  de  Jésus  en  el  Paraguay.  Cependant  Lozano  a 
ajouté  quelques  nouvelles  informations  recueillies  auprès  de 
ses  collègues  missionnaires.  Il  a  aussi  examiné  personnelle- 
ment les  archives  de  Santiago  del  Estero,  de  Tucuman  et  de 
Salta,  mais  les  renseignements  qu'il  a  pu  obtenir  des  docu- 
ments conservés  dans  ces  archives  se  rapportent  plutôt  à  l'his- 
toire des  concjuistaclores  espagnols  qu'aux  Indiens.  Lozano  a 
de  grands  défauts.  On  s'aperçoit,  en  le  lisant,  qu'il  commet 
à  chaque  instant  des  erreurs  géographiques  et  que  ses  connais- 
sances personnelles  du  territoire  qu'il  décrit  et  de  ses  habitants 
autochtones  étaient  très  limitées.  Il  semble  moins  connaître  les 
Indiens  et  le  territoire  des  provinces  diaguites  que  les  indi- 
gènes et  le  pays  du  Paraguay  et  du  Ghaco.  Un  autre  défaut 
de  Lozano  est  la  confusion  et  le  manque  de  clarté  dans  ses 
informations;  on  y  trouve  aussi  souvent  des  contradictions. 
Malgré  tout,  Lozano,  compilateur  de  documents  et  savant  de 
cabinet,  reste  indispensable  pour  étudier  fhistoire  de  la  con- 
quête de  ces  pays.  Une  histoire  du  Paraguay,  de  Buenos-Aires 
cl  du  Tucuman,  très  connue,  publiée  au  commencement  du 
XIX'  siècle  par  Gregorio  Funes  (139),  doyen  de  la  cathédrale  de 
Cordoba,  n'est  guère  qu'une  rej^roduction  servile  de  Lozano. 
José  Guevara,  né  à  Recas,  près  de  Toledo,  en  1720,  habi- 
tait Gordoba  à  la  même  époque  que  Lozano.  Il  a  écrit  aussi  une 
histoire  du  Paraguay  (154),  mais  cet  ouvrage  est  un  simple  ré- 
sumé de  Lozano.  Suivant  Azara  (42,  i;  p.  26),  les  jésuites  de  Gor- 
doba avaient  chargé  le  P.  Guevara  d'une  revision  des  ouvrages 


CARTE   ETHNIQUE.  H 

(1o  Lozano,  et  il  aurait  profité  de  cette  circonstance  pour  écrire 
son  liistoire,(lont  on  trouva  le  manuscrit  dans  les  arcliiv(\s  des 
jésuites  après  leur  expulsion  en  1767,  par  le  gouvernenr  Don 
Francisco  de  Paula  Bucarelli  y  Ursua.  Guevara  fut  aloj-s  em- 
barqué pour  TEurope  à  bord  de  la  frégate  la  Vénus,  et  on  ne 
sait  ce  qu'il  advint  de  lui,  comme  c'est  aussi  le  cas  de  Lozano. 

Pierre -François -Xavier  de  Charlevoix,  jésuite  français, 
naquit  à  Saint-Quentin  en  i68*i.  Il  fit,  de  1720  à  1722,  un 
voyage  très  accidenté  et  très  périlleux  à  travers  le  Canada  et 
descendit  le  Mississipi ;  il  s'embarqua  ensuite  pour  Saint-Do- 
mingue, mais  fit  naufrage  et  dut  retourner,  en  longeant  à  pied 
la  côte  delà  Floride,  cà  fembouchure  du  Mississipi;  il  rentra 
enfin  en  Europe  en  passant  par  Saint-Domingue.  Le  P.  Cliarb^- 
voix  consacra  le  reste  de  sa  vie  à  écrire  fhistoire  du  Japon, 
de  Saint-Domingue,  de  la  Nouvelle-France  et  du  Paraguay.  Il 
mourut  à  la  Flèche  en  1761.  Ses  ouvrages  sont  des  recueils 
très  complets  de  tout  ce  que  Ton  savait,  à  son  époque,  sur  les 
pays  dont  il  s'est  occiq^é,  et  leurs  nombreuses  éditions  témoi- 
gnent de  fintérêt  qu'ils  ont  suscité.  h'Histoire  du  Paracjaaj  fut 
imprimée  en  1767,  deux  ans  à  peine  après  la  dernière  œuvre 
de  Lozano,  V Histoire  de  la  Compagnie  de  Jésus  an  Paraguay. 
L'ouvrage  du  P.  Charlevoix  est  une  récapitulation  de  ce  qui  a 
été  écrit  par  les  auteurs  antérieurs  sur  cette  province  jésuite, 
et  contient  un  bel  ensemble  des  principaux  faits  historiques 
de  la  conquête  espagnole  de  ces  pays,  des  descriptions  de  sa 
flore,  de  sa  faune  et  des  Indiens,  surtout  de  ceux  du  Cliaco 
et  du  Paraguay.  L'histoire  de  Charlevoix  nous  montre  la  ])ro- 
fonde  érudition  de  son  auteur  et  son  talent  d'historiographe, 
mais,  au  rebours  de  son  livre  sur  le  Canada,  il  n'ap|:)()rte  |)as 
de  laits  nouveaux  et  ne  dit  rien  que  n'aicmt  déjà  fait  connaiire 
les  auteurs  antérieurs,  ce  qui  est  tout  naturel  puisciu'il  ne  con- 
naissait pas  personnellement  FAmérique  méridionale. 

Voyons  maintenant  ce  que  nous  apjorennent  ces  aiilems,  en 
premier  lieu  sur  les  Diagiiites  et  les  Atacamas  (jui  nous  inlc- 
ressent  tout  spécialement,  et  aussi  sur  les  peuplades  voisines 


12  ANTIQUITÉS  DE  LA  REGION  ANDINE. 

qu'il   nous  est  nécessaire   de  connaître  afin   de  nous  rendre 
compte  de  la  limitation  géographique  de  ces  deux  peuples. 

Diaguites.  —  Ce  peuple  occupait,  à  l'époque  de  la  conquête 
espagnole,  toute  la  région  montagneuse  du  territoire  argentin 
actuel,  depuis  le  Nevado  de  FAcay  et  la  Vallée  de  Lerma  au 
Nord,  probablement  jusqu'à  la  province  de  Mendoza  au  Sud; 
il  faut  exce^Dter  toutefois  la  Sierra  de  Cordoba  où  vivaient  les 
Comechingons,  dont  la  culture,  de  même  que  celle  des  Dia- 
guites, paraît  avoir  eu  des  affinités  avec  le  type  andin,  mais  qui 
ne  parlaient  pas  la  langue  générale  des  Diaguites,  le  cacan. 

Aucun  document  ne  mentionne  des  Diaguites  au  noi'd  de 
TAcay,  excepté  la  relation  de  Narvaez  (253,  p.  i/i8),  d'après  laquelle 
les  Indiens  de  Casabindo,  sur  le  haut  plateau  de  la  Puna  de 
.Tujuy,  «parlaient  la  langue  des  Diaguites».  Mais,  nous  le  ver- 
j-ons  en  nous  occupant  des  Atacamas,  il  résulte  des  découvertes 
archéologiques  et  des  documents  écrits  qu'ils  n'étaient  pas  des 
Diaguites.  Quant  à  la  Vallée  de  Lerma  comme  limite  nord 
des  Diaguites  à  fépoque  de  la  conquête,  Narvaez  (253,  p.  i5o) 
(lit  que  cette  vallée  était  habitée  par  des  Lules,  et  que  les 
Diaguites  de  la  Vallée  Galchaquie  s'y  rendaient  seulement 
pour  leur  commerce.  Le  D'"  Francisco  P.  Moreno  (245,  p.  n), 
qui  connaît  bien  ces  régions,  donne  aussi  l'Acay  comme  la 
limite  des  Diaguites,  ou,  ainsi  qu'il  le  dit,  de  la  «civilisation 
calchaquie  » ,  vers  le  Nord. 

Narvaez  (253,  p.  1/17-1/18)  rapporte  «  qu'il  y  avait  dans  les  mon- 
tagnes des  Indiens  qui  dépendaient  de  Santiago  [(jue  scrvian  à 
Saiit'uKjo) ,  habillés  comme  les  Diaguites  et  parlant  leur  langue  »; 
plus  loin,  «que  les  vallées,  grandes  et  petites,  depuis  Santa 
Maria  jusqu'au  Chili,  étaient  habitées  par  des  Diaguites  belli- 
(rueux»  et  que,  parmi  les  Indiens  dépendant  de  Tucuman, 
il  y  avait  aussi  des  Diaguites.  Dou  Diego  Pacheco  (282,  p.  137) 
conhrme  cette  dernière  information  en  disant  que  les  Indiens 
que  «  servian  à  Tucuman  »  étaient  des  Diaguites  et  des  Juris. 
Le  P.  Bârzana  (55,p.  uv)  donne  la  Vallée  Calchaquie,  la  Vallée 


CARTE  ETHNIQUE.  13 

(le  Catamarca,  une  grande  paiiie  de  La  Rioja  et  une  partie  de 
Santiago  del  Estero  comme  habitées  par  des  Diagiiiles.  Le 
même  Bârzana  [ihid.,  p.  lvi)  alllrme  que  les  Calchcuiius  élaient  des 
Diacjaites. 

Antonio  de  Herrera  (164;  déc.  vm,  i.  v,  c.  ix;  t.  iv, p.  107)  mentionne, 
en  i6oo  environ,  des  Diaguites  clans  La  Vallée  de  Quinmivil, 
qui  fait  partie  du  département  actuel  de  Belen  (Catamarca). 

Techo  (341)  applique,  dans  plusieurs  chapitres  de  son  ou- 
vrage, le  nom  de  Diaguites  aux  Indiens  des  provinces  actuelles 
de  Salta  et  de  Catamarca.  Ainsi  il  dit  que  le  lieutenant  gouver- 
neur de  Salta  avait  des  Diaguites  dans  le  territoire  qu'il  com- 
mandait (1.  II,  c.  xix;  p.  /jcj),  et  qu'il  en  existait  aussi  dans  la  région 
située  entre  San  Miguel  de  Tucuman  et  Londres  :  la  «  Vallée  de 
Aconguinca  »  (Aconquija),  et  dans  la  Vallée  de  Yocavil  (1-  iv, 

c.  VI;  p.  102). 

Lozano  (220;  i,  p.  177)  définit  le  territoire  des  Diaguites  comme 
comprenant  \esjiirisdicciones  de  la  Ciudad  delValle  (Catamarca) 
et  de  La  Rioja,  jusqu'à  leurs  limites  avec  le  Chili,  et  aussi  une 
partie  de  lnjunsdiccion  de  la  ville  de  San  Miguel  de  Tucuman. 
Lozano  mentionne  d'ailleurs  partout  dans  son  ouvrage  des  Dia- 
guites habitant  dilïerentes  parties  interandines  de  ce  territoire. 
Ainsi,  pour  ne  citer  que  deux  exemples,  il  j^arle  {il)i<l.,  n,  p.  /n'.».) 
des  ((  Diaguites  de  La  Rioja»;  à  un  autre  endroit  {ibid..  iv,  p.  /i7o), 
il  rapporte  que  les  Abaucans  et  les  Huai  fins  des  Vallées  d'Abau- 
can  cl  de  Hualhn,  dans  les  départements  actuels  de  Tinogasla 
et  (le  Belen  (Catamarca),  parlaient  la  langue  des  Diaguites,  l<' 
cacau,  par  conséquent  ils  étai(;nt  des  Diaguites. 

\a\  proviiwia  de  Tacunian,  promneia  del  Taeainaii  on  pronneias 
de  Tnciunati,  c(>mj)r(;uait  les  provinces  argentines  actuelles  de 
Jujuy,  Salta,  Catamarca,  Tucuman,  Santiago  del  Estero,  La 
rdoja   et   Cordoba''^.    Le    gouverneur   résidait  à   Santiago.   On 

''^  Ces  territoires  relevaient  du  gouvcr-  Nievas.   Il   faut  distinguer  cette  ancienne 

nenient  espagnol  du  Chili  iu?([n'cn  ir)(i3,  province   du  Tucuman ,  d'une  aussi  vaste 

année  où   fut  créée  la  province  du  Tucu-  étendue,  de  la  province  argentine  aclucllc 

nian ,   par  le  vice-roi  du  Pérou,  comte  de  du  même  nom. 


14  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

voit  souvent  donner  à  cette  ancienne  province  de  Tucuman 
différents  noms,  dont  l'un,  celui  de  gobernacion  de  Tucuman, 
Juries  y  Diaguitas,  signifie  «gouvernement  de  Tucuman,  des 
Indiens  de  la  plaine  (Juris)  et  des  régions  montagneuses  (Dia- 
guites)».  Ce  terme  est  fréquemment  employé  par  Lozano  et 
également  par  Herrera  (164;  dec.  vm,  i.  v,  c.  vm;  t.  iv,  p.  i35).  Lozano 
(220,  IV,  p.  )o3)  dit  aussi  :  provincia  de  los  Diacjuilas.  En  i6o4i 
un  gouverneur,  Don  Francisco  de  Barraza  y  de  Cârdenas, 
s'intitule  capitan  (jeneral  y  justicia  major  de  estas  provincias 
de  Tucuman,  Juries  y  Dlacjuitas  y  ComecMmjones ,  en  signant  deux 
concessions  de  terres  d'Esteco ,  dont  des  co2:)ies  ont  été  publiées 
par  M.  M. -R.  Trelles  (352,  i, p.  111-117).  Le  i^om  «  Comechingons  » 
se  rapporte  aux  Indiens  de  Cordoba. 

Nous  le  voyons  donc  :  tous  ces  renseignements  des  anciens 
historiens  établissent  de  la  manière  suivante  les  limites  du  ter- 
ritoire occupé,  à  fépoque  de  la  conquête,  par  les  Diaguites  : 
la  partie  montagneuse  de  la  province  actuelle  de  Salta,  au  sud 
de  fAcay  et  de  la  Vallée  de  Lerma;  les  provinces  entières  de 
Catamarca  et  de  La  Rioja;  la  partie  montagneuse  de  la  province 
de  Tucuman,  c'est-cà-dire  les  pentes  orientales  de  la  Sierra  de 
Aconquija. 

Au  nord  des  montagnes  et  des  vallées  des  Diaguites  s'étend 
le  haut  plateau  —  d'environ  3,4oo  mètres  d'altitude  moyenne 
au-dessus  du  niveau  de  la  mer  —  dont  la  partie  orientale  se 
nomme  la  Puna  de  Jujuy,  et  la  partie  occidentale,  la  Puna  de 
Atacama.  Les  habitants  de  la  première  de  ces  régions  n'étaient 
pas  des  Diaguites  :  les  documents  historiques  et  les  recherches 
archéologiques  le  démojitrent.  Mais,  dans  la  Puna  de  Atacama, 
il  est  difficile  d'établii*  la  limite  entre  les  Diaguites  et  les  an- 
ciens Atacamas.  Sur  la  carte  ethnique,  j'ai  attribué  provisoire- 
ment le  sud  de  la  Puna  de  Atacama,  où  sont  situées  Anto- 
lagasta  de  la  Sierra  et  Antofalla,  aux  Diaguites,  parce  que  la 
plupart  des  débris  archéologiques  du  premier  de  ces  lieux 
offrent  une  analogie  remarquable  avec  les  vestiges  des  vallées 
des  Diaguites.  Cependant,  je  le  sais,  ces  antiquités  n'ont  été  que 


CARTE  ETHNIQUE.  15 

très  sommairement  étudiées  par  M.  Juan  B.  Amlirosetti  (28), 
qui  n'a  pas  visité  personnellement  cette  région  et  se  base  sur 
des  objets  d'une  autlienticilé  douteuse.  Mais  les  communica- 
tions de  la  Vallée  Calcbaquie  ou  de  Belen,  anciens  domaines 
des  Diaguites,  avec  Antofagasta  de  la  Sierra  sont  relativement 
faciles,  tandis  que  d'immenses  déserts  séparaient  ce  dernier 
endroit  des  Atacamas  de  la  Puna  de  Jujuy  et  des  environs  du 
Salar  de  Atacama.  Bien  que  les  Diaguites  ne  se  soient  pas,  en 
général,  étendus  sur  le  haut  plateau,  il  n'est  donc  pas  invrai- 
sendjlable  qu'ils  aient  eu  des  colonies  à  Antofagasta  de  la 
Sierra  et  aux  environs. 

En  dehors  des  territoires  où  les  historiens  placent  les  Dia- 
guites, il  est  une  autre  région  dont  les  vestiges  archéologiques 
ont  une  analogie  2:)arfaite  avec  ceux  de  la  région  diaguite  en 
général  :  c'est  la  partie  montagneuse  de  la  province  de  San 
Juan.  Les  auteurs  que  nous  avons  cités  ne  s'occupent  pas  de 
San  Juan ,  car  ils  étaient  les  historiens  du  «  Tucuman  »  ;  or  San 
Juan,  après  la  conquête,  appartenait  à  une  province  espagnole 
très  didérente,  celle  de  Cuyo,  placée  sous  la  dépendance  des 
gouverneurs  du  Chili.  Les  historiens  du  Chili  ne  nous  donnent 
pas  non  plus  des  renseignements  suffisants  sur  San  Juan.  Le 
P.  Alonso  de  Ovalle  (278)  est  presque  le  seul  auteur  que  l'on 
puisse  consulter;  nous  reparlerons  de  lui  à  propos  des  Iluarpes. 
Il  ne  nomme  pas  les  Diaguites,  ce  qui  cependant  ne  doit  pas 
nous  étonner,  car  il  est  très  possible  que  les  Espagnols  du  Chih 
et  ceux  de  Tucuman  aient  donné  des  noms  diflérents  aiiv 
mêmes  Indiens.  Peut-être  aussi  le  P.  Ovalle  n'a-t-il  pas  voyagé 
dans  les  vallées  de  la  Cordillère  de  San  Juan,  la  roule  du 
Chili  passant  par  Mendoza,  c'est-à-dire  ])lus  au  Sud  :  il  ne 
paraît  pas  connaître  les  Indiens  de  ces  vallées.  San  Juan  n'a 
pas  encore  été  exploré  aichéologiquement,  mais,  pour  au  lai  il 
qu'on  puisse;  émettre  un  avis  sur  des  collections  laites  par  des 
amateurs^'^  ces  collections  et  les  pièces  isolées  que  j'ai  eu  l'oc- 

'■'   L'un  d'eux,  M.  Dcsiderio  S.  Aguiar         c olleclion.  Os  piiMiciilions  n'oiil  pas  de  va- 
(5    cl  6),  a  publié  deux  opuscules  sur  sa         leur  scienliiiquc,  niais  les  figures  sont  iule- 


16  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

casion  de  voir  montrent  nne  analogie  parfaite  avec  les  vestiges 
préhispaniques  de  la  région  des  Diagiiites  en  généra]  :  il  n'y  a 
pas  une  seule  pièce  qui  puisse  être  considérée  comme  carac- 
téristique à  San  Juan;  on  les  retrouve  toutes  en  Salta,  Gata- 
marca  ou  La  Piioja.  Les  ruines  préhispaniques  de  la  Tamheria 
de  Calingasta ^^^,  en  San  Juan,  ressemblent  aussi,  d'après  mes 
données,  à  celles  de  la  région  des  Diaguites.  D'ailleurs  le 
D'  H.  F.  G.  ten  Kate  (343,  p.  61)  a  étudié  un  grand  nombre  de 
crânes  et  de  squelettes  provenant  de  sépultures  préhispaniques 
de  Jachal,  de  Galingasta  et  des  environs  de  la  ville  de  San 
Juan,  et  il  a  trouvé  que  la  plupart  de  ces  crânes  «  ressemblent 
tellement  cà certains  crânes  calchaquis  (diaguites), qu'il  y  a  lieu 
de  se  demander  si  nous  n'avons  pas  affaire  Là  à  de  véritables 
Galchaquis  (Diaguites)  ».  Tout  ce  qui  précède  semble  indiquer 
que  la  zone  montagneuse  de  la  province  de  San  Juan  faisait 
partie  du  territoire  diaguite. 

Les  Diaguites  constituaient  une  unité  ethnique,  non  seule- 
ment au  point  de  vue  de  leur  culture,  mais  aussi  linguistique- 
ment.  Ils  parlaient  tous  une  langue  commune,  le  cacan,  caca 
ou  kakan.  Le  P.  Barzana  (55,  p.  liv)  nous  donne  sur  ce  point 
des  renseignements  très  précis  :  «Le  cacan  est  parlé  par  tous 
les  Diaguites,  dans  toute  la  Vallée  Galchaquie,  dans  la  Vallée 
de  Gatamarca  et  dans  une  grande  partie  de  la  Nueva  Rioja.  » 
Lt  plus  loin  {ilnd.,  p.  Lviii)  il  ajoute  que  le  cacan  était  en  usage 
«dans  La  Rioja  et  à  Famatina».  Narvaez  (253,  p.  làA)  rapporte 
que  les  Indiens  de  la  province  de  Tucuman  «parlaient  nue 
langue  générale  qui  s'appelait  le  diagidte,  bien  qu'il  y  en 
eut  quatre  auti-es  :  le  tonozote  (tonocoté),  l'indama,  le  sana- 
viron  et  le  Iule».  Le  diaguite  de  Narvaez  est  évidemment 
le  cacan  des  Diaguites,  tandis  que  les   quatre  autres  langues 

ressantes,  parce  qu'elles  établissent  celte  '''  Tamheria  yienidumotqnichuatambo, 

grande  analogie  entre  la  partie  monlagneu-  stations    ou   relais    qui    se    trouvaient    le 

se  de  San  Juan  et  le  reste  du  territoire  des  long   des  routes   péruviennes   à  l'époque 

Diaguites,  au  point  de  vue  arclicologique.  incasique. 


CARTE  ETHNIQUE. 


17 


concernent  les  peuples  de  la  plaine  que  nous  mentionnerons 
ensuite.  Le  P.  Bârzana  [ibid,  p.  nv)  avait  composé  un  Arie  y  vo- 
cabnlario  cacan.  Il  dit  lui-même  :  «  Hay  liée  ho  artc  y  vocahalario 
desta  lengiiay^,  et   Teclio  (341;  1. 1,  c.  xun;  p.  3o) '^^   nous    informe 


^''  ^iltaque  sesqiiicnnali  spatio  Alfonsus 
Barseiia,  sexaginla  quinqae  annorum  senex , 
iiimliahili  aidmarum  Christo  lucrandaruin 
desiderio  Jlagrans ,  coininunicatis  ciim  Petro 
Agnasco  stndiis,  Guavanicam,  Naticam, 
Qiiisoqiiinam,  Ahipomcaiii ,  Quiranguicam j 
lingnas  didicit ,  Vocahulariis ,  Riidimenlis , 
Catechismis  et  Concionibus ,  ad  earuin  usuin 
composids  :  cum  tamen,  antequam  uterqiie  e 
Tuciimania  discederent,  Tonocotanam ,  Ka- 
kanain,  Paquinam,  Quirandicam ,  ad  prœ- 
ccpla  et  lexica  eo  fuie  reduxissent ,  ut  Sociis 
in  parlein  laboriim  ventuvls  facilitatein  ad 
cas  perdiscendas  adfenent.  Atque  ut  latUis 
ulililas  Sicrperet ,  Petrus  Agnascus  pleraque, 
omnia  ab  Alfon.w  Barsena  prœsertim 
compoiita ,  eleganlissimo  caractère  plnries 
transcripsit,  transcriptaque  publici  jnris 
fecit.  » 

Tous  les  auteurs  modernes  rapportent 
qu'un  ouvrage  de  Bârzana  aurait  été  im- 
primé à  Lima,  ouvrage  contenant  des  vo- 
cabulaires, des  principes  de  grammaire, 
la  doctrine  chrétienne  et  le  catécliisme  en 
puquina,  tonocoté,  cacan ,  guarani  et  en 
mogosna,  langue  des  Indiens  Mogosnas 
habitant  la  partie  orientale  du  Chaco  ar- 
gentin ,  prcs  de  Rio  Paraguay,  d'après  ce 
qu'on  ])eut  voir  dans  les  documents  pu- 
bliés par  M.  M.-R.  TroUes  (352, , , ,,.  353-:;:)/. )• 
Le  désir  de  découvrir  l'ouvrage.de  Bâr- 
zana sur  le  cacan  m'amena  à  une  en- 
quête bibliographique  qui  m'a  convaincu 
que  cet  ouvrage  n'a  jamais  été  imprimé 
et  que  ce  ne  serait  que  comme  manuscrit 
que  l'on  pourrait  avoir  l'espoir  de  retrou- 
ver un  jour  l'étude  sur  le  cacan. 

Dans  la  Bibliothcca  scriplorum  Societniis 
Jesu ,  les  PP.  Ribadeneira  et  Alegambe 
(309,  [)•  17)  donnent  sur  Bârzana  nia  oticc 
suivante  : 

nScripsil   hic   TacunianCiisiuin  Aposlulu.t 

i. 


[quonwdo   cum  passini  appcUanl)    in  niul- 
tariini  gentiuin  utilitatein  : 

«  Lexica  ; 

«  Prœcepla  graniinalica; 

«Doctrinam  Christianam  ; 

«  Catechismum; 

u  Libruni  de  confessionis  rulione ,  niullis 
additis  prccationibus  sernionibusque  qiiinqne 
Indorum  lingais,  quarum  longe  lateque  per 
Americœ  Australis  mediterranea  usns  est, 
Puquinica,  Tenocotica ,  Catamareana,  Gua- 
ranica ,  Nalixana,  qnam  ctiam  Mogazna- 
nam  vocant  ad  quas  phirimœ  aliœ  reduc- 
lantur.  » 

Dans  la  nouvelle  édition  de  la  même 
Bibliothcca  (Rome,  1676)  parle  P.  South- 
well  (310,  p-  33),  cette  notice  se  trouve 
reproduite  textuellement.  11  y  a  deux  er- 
reurs d'impression  :  Tenocotica  pour  To- 
nocoticaei  Catamareana  pour  Catamareana. 
Bien  que  la  première  édition  de  la  Bi- 
bliotheca  ait  été  imprimée  trente  ans  avant 
l'ouvrage  de  Techo,  celui-ci  n'a  pas  em- 
prunté aux  PP.  Riljadeneira  et  Alegambe 
ses  renseignements  sur  les  langues  étu- 
diées par  Bârzana,  car  les  deux  notices 
sont  bien  différentes. 

Antonio  de  Léon  Pinelo  (214),  dans  la 
première  édition  de  son  Epitome,  en 
163g,  ne  monlionne  pas  Bârzana,  mais, 
dans  la  deuxième  édition  de  cet  ouvrage 
par  A.  Gonzalez  Barcia  (215,  n,  toi.  t^^), 
en  17^7,  nous  trouvons  la  notice  de  Riba- 
deneira et  Alegambe  traduite  en  espagnol 
de  la  manière  suivante  :  «  El  P.  Alonso  de 
Bûrccna,  nnlural  de  Vêlez,  escribiô  Voca- 
bnlarios,  Gramâtica ,  Doctrina  Christiana  . 
Calecismo,  en  lengua  de  Tnciiman,  i  nn 
libro  del  modo  de  conjharw ,  cou  muchas 
Oraciones  i  Sermoncs ,  en  ciuco  Icnguas  In- 
dianas,  Puquinica,  Truccolica ,  Catama- 
reana, Guaniuica  i  Natixana  6  Moguna  ,  û 

1 

■•rriurmr   niTinititt. 


18 


ANTIQUITfiS  DE  LA  REGION  ANDINE. 


d'ailleurs  que  Bârzana  avait  appris,  en  Tucunian,  le  tonocoté, 
le  cacan,  le  paqui(?)  et  le  quirandi(?),  dont  il  avait  composé, 
aidé  en  partie  par  le  P.  Pedro  Anasco,  des  grammaires  et  des 
A'ocabulaires.  Ce  dernier  a  copié  ces  ouvrages  en  plusieurs 
exemplaires,  mais  les  copies  semblent  être  toutes  perdues. 

La  perte  de  l'ouvrage  du  savant  P.  Barzana  sur  le  cacan 
nous  laisse  dans  une  obscurité  complète  sur  les  affinités 
ethniques  des  Diaguites  :  tout  ce  que  l'on  a  écrit  et  tout  ce 
que  l'on  pourrait  écrire  sur  cette  question  n'est  et  ne  sera  que 
théories,  jusqu'à  ce  que  quelque  américaniste  soit  assez  heu- 
reux pour  découvrir  un  exemjilaire  de  ce  manuscrit,  égaré  ou 


las  cnales  se  reducen  olras  de  la  Tierra 
adeniro  del  Pcni,  Tiiciunan  i  otras  partes, 
secjiin  el  P.  Alcàçar,  toin.  2 ,fol.  273 ,  i  Alc- 
gaiiibe,  fol.  17.»  —  Barcla  semble  croire 
que  la  «langue  de  Tucuman  »  est  une 
autre  langue  que  le  calainarcana  ou  cacan , 
alors  qu'en  réalité  ces  trois  noms  ne 
peuvent  correspondre  qu'à  une  seule 
langue,  celle  des  Diaguites.  Barcia  a  pro- 
bablement pris  ses  renseignements  dans 
l'ouvrage  du  P.  Alcazar  (7,  ii,p.  270),  im- 
primé en  l'y  10. 

Nicolas  Antonio  (35,  i,  p.  i3),  dans  la 
Bibliolheca  Uispana  nova,  1783,  reproduit 
la  notice  de  la  Bibliotheca  scriptorirn  S.  J. 
de  la    manière    suivante  :  li  Alphonsiis  de 

Barcena scripsit   Indiarum   quinqne 

linguis ,  qiianin  per  ca  loca  iisus  est  :  Lexica, 
Prœcepta  fjrainmatica ,  Doctrinam  Christia- 
nam ,  Catcrliisiiniin ,  Libriim  de  Coiifessionis 
ralionc.  » 

Ainsi,  les  bibliograpbes  anciens  ne 
disent  rien  d'un  ouvrage  imprimé  de 
Barzana;  ils  se  bornent  à  constater  que 
celui-ci  avait  écrit  des  études  sur  diverses 
langues  indiennes. 

Mais,  en  1802,  M.  G.  Peignot  (283, 
I,  p.  3Go),  bibliotbécaire  delà  Haute-Saône 
et  auteur  d'un  intéressant  Dictionnaire  de 
bibVologie ,  commence  à  parler  d'un  vo- 
lume imprimé.  Il  dit  :  «Alphonse  Barzena 
de  Cordoue  a  publié  :  Lexicon  et  prœcepta 


(jranimatica ,  it.  lib.  coiifessionis  el  precuni 
in  qainc.  indorum  lingais ,  quariint  nsas  per 
Ainericani  australem  nempe  puqninicà ,  teno- 
colicâ ,  catamareanâ ,  rjuaranicâ  ,  natixanâ, 
s.  marjusnanâ,  Periiviœ,  1590,  in-fol.n 

Peignot  a  été  suivi  par  M.  J.-Ch.  Brunet 
(82) ,  dans  le  Manuel  du  libraire  et  de  l'anui- 
tenr  de  livres.  Les  première  et  deuxième 
éditions  de  ce  recueil  ne  mentionnent  pas 
Bârzana,  mais,  dans  la  troisième  édition, 
de  1820,  nous  trouvons  le  titre  du  soi- 
disant  volume  imprimé  reproduit  presque 
au  pied  delà  lettre,  sous  la  forme  suivante  : 

«  Lexica  et  prœcepta  (jrammatica  item 
liber  confessionis  et  precuin  in  quinqne  In- 
doru:n  linguis,  quurum  usas  per  Americani 
Australem,  nempe  Pnquinica,  Tenocotica, 
Catamareanâ,  Guaranica ,  Nalixana  sive 
Mogaznana.  Peruviœ ,  1590.  Infol.  » 

Brunet  ajoute:  «Livre  très  rare  cité  par 
Sotwel ,  Biblioth,  Soc.  Jesu,  page  33  ,  qui 
n'en  marque  ni  la  date  ni  le  lieu  d'im- 
pression, et  par  M.  Peignot ,  Dict.  bibliol., 
tome  I",  page  36o.  C'est  la  plus  ancienne 
impression  faite  à  Lima  que  l'on  con- 
naisse      Le   P.   Alphonse     Barzena , 

surnommé  r«  apôtre  du  Pérou»,  n'a  point 
d'article  dans  la  Biographie  universelle.  « 
La  notice  de  Brunet  est  reproduite  en 
abrégé  dans  la  Biographie  universelle  de 
Felier  (127,  i,  p.  377),  de  i838. 

Il  est  de  toute  évidence  que  ce  titre  a 


CARTE  ETHNIQUE. 


19 


oublié  peut-être  dans  de  vieilles  archives  quelconques.  Jusque- 
là  nous  n'aurons  que  les  vagues  renseignements  des  auteurs 
de  relaciones,  des  chroniqueurs  jésuites,  et  les  données  archéo- 
logiques, pour  identifier  ce  peuple  qui  a  occupé  une  partie 
si  considérable  de  la  région  andine  de  l'Amérique  du  Sud. 
Je  démontrerai  dans  un  autre  chapitre  comment  tous  ces  do- 
cuments indiquent  une  aiïinité  complète  entre  la  civilisation 
des  Diaguites  et  celle  des  anciens  Péruviens. 

Tout  ce  qui  reste  actuellement  du  cacan  consiste  en  quelques 
noms  de  lieux,  mais  il  faut  remarquer  que  la  toponymie;  de 
la  région  des  Diaguites  est,  presque  en  totalité,  du  phis  pui- 


été  composé  d'après  la  notice  de  Ribadc- 
neira  et  Aleganibe ,  en  gardant  même  les 
erreurs  d'Impression  des  mots  Toiiocotica 
et  Catainarcuna.  D'ailleurs  le  mot  Pe- 
riiviœ ,  employé  comme  nom  de  lieu  de 
publication ,  confirme  le  fait  que  le  litre 
a  été  arbitrairement  composé.  Il  est  sur- 
prenant {[ue  l'auteur  de  celte  adaplation 
n'ait  pas  remarqué  que  Ribadeneira  et  Ale- 
gambe  disent  clairement  scripsit  et  qu'ils 
indiquent  au  moyen  d'un  numérotage 
spécial  les  ouvrages  imprimés,  comme  le 
fait  aussi  Barcia  en  donnant  toujours  pour 
ces  ouvrages  l'année  et  le  lieu  d'impression. 

M.  Charles  Weiss,  auteur  de  l'article 
(I  Bârzena  »  dans  la  Biographie  univer.selle 
de  Michaud  (237)  [éd. de  1842],  présente, 
de  même  que  Brunet,  les  travaux  du  P. 
Bilrzana  dont  nous  nous  occupons,  comme 
un  ouvrage  inq)rimé.  11  reproduit  le  même 
titre  :  <i Lcxica  cl  prœcepla»,  etc.,  y  com- 
pris les  bévues  typographiques  plus  haut 
signalées;  mais  il  change  le  lion  d'impres- 
sion en  mettant  :  En  Los  Reyes ,  apiid 
Antonio  Ricardo,  1590,  in-fol.,  au  lieu  de 
Peruriœ,  1590,  in-fol.,  connue  dans  Pei- 
gnol  et  Brunet.  Dans  la  Biofjrapliie  univer- 
selle publiée  antérieurement,  en  i84i, 
par  le  même  M.  Weiss  (375,  i,  p.  270),  le 
prétendu  livre  de  Bàrzana  portait  encore, 
comme  lieu  d  impression ,  Peruviœ ,  1590. 

Les  PP.  de  Backer(43,  in,  p.  luj),  dans 


leur  Bibliotlicqne  des  ccrirains  de  la  Com- 
pagnie de  Jésus  (i85/i-i86i),  répètent  le 
faux  litre  ;  «  Lexica  et  prœcepla  » ,  etc. ,  avec 
la  date  d'impression  :  Pernriœ,  1590,  don- 
nés, par  lirunet.  Ils  ajoulent  que  «le  P. 
Bârzena  a  encore  écrit  d'autres  opuscules 
d'après  l'indication  de  nos  bibliographes», 
après  quoi  ils  copient  la  notice  de  Ribade- 
neira et  Alegambe  :  «  Scripsil  liic  Tucunia- 
nensiuni  Apostolus  » ,  etc.  11  est  étonnant  que 
les  PP.  de  Backer  n'aient  pas  remarqué  la 
sinirulière  coïncidence  entre  le  titre  du 
soi-disant  ouvrage  imprimé  et  celle  der- 
nière notice. 

Dans  la  nouvelle  édition  (1890-1900) 
de  la  Bibliothèque  des  PP.  de  Backer, 
l'éditeur  C.  Sonunervogel  (44,  1,  p- 097) 
persiste  à  transcrire  et  le  litre  ^i  Lexica 
et  prœcepla  »  comme  celui  d'un  ouvrage 
inqirimé,  et  la  notice  de  Ribadeneira  et 
Alegambe. 

Enfin  le  comte  de  la  Vinaza  (371  ,p.  /i5), 
dans  son  érudite  bibliographie  des  langues 
américaines,  reproduit  le  tilre  "Lexica 
et  prœcepla ...  Peruviœ ,  1590»,  comnae 
s'il  s'agissait  d'un  ouvrage  imprimé;  mais 
il  est  évident  (pi'il  l'a  pris  de  Brunel, 
qu'il  cite. 

Toutes  ces  circonstances  démontrent 
que  le  litre  donné  par  Peignol ,  et  repro- 
duit [)ar  lanl  d'autres,  est  laclicc-,  el  nous 
n'avons  aucun  indice    que    les  études  de 


20 


ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 


quicliiia  et  que  les  noms  qui  n'appartiennent  pas  à  cette  langue 
sont  rares;  ce  sont  ces  derniers  que  Ton  suppose  être  cacans. 
M.  Samuel  A.  Lafone-Quevedo  (199)  a  dressé  une  liste  très 
complète  de  noms  de  lieux  et  de  termes  d'origine  indienne 
encore  en  usage  chez  les  habitants  de  la  province  de  Catamarca , 
et  il  classe  ceux  qui  ne  sont  pas  quichuas  comme  «  probable- 
ment cacans  ».  Le  cacan  existait  encore  comme  langue  vivante 
au  XVII*'  siècle.  Ainsi  Lozano  nous  apprend  que  le  jésuite  Her- 
nando  de  Torreblanca  était,  en  iGôy,  le  seul  Espagnol  «qui 
savait  la  langue  des  Galchaquis  ».  Le  mot  cacana,  d'après  l'abbé 
Lorenzo  Hervas  (165,  i,  p.  170),  n'appartiendrait  pas,  du  reste, 
à  cette  langue,  mais  serait  dérivé  du  quichua  racrt  =  montagne. 


Bârzana  sur  les  langues  énumérées  dans 
ce  titre  aient  jamais  été  imprimées.  Les  j 
renseignements  de  Ribadeneira  et  Ale- 
gambe  et  de  Techo  indiquent  également 
que  Bârzana,  selon  toute  probabilité,  avait 
écrit  un  ouvrage  spécial  sur  chaque  langue . 
au  lieu  de  réunir  les  diverses  langues  dans 
un  seul  ouvrage ,  comme  le  faux  titre  men- 
tionné le  fait  croire. 

M.  .1.  G.  Th,  Graesse  (151,t. i,  p.  3o5)  a 
été  le  premier  à  attirer  l'attention  sur  ce 
livre  imaginaire,  mais  il  donne  une  autre 
indication  qui  semble  erronée.  Il  dit  que  la 
«  Bll)llofhèque  impériale  de  Paris  possède 
un  Vocabiilario  de  Bârzena,  imprimé  à 
Los  Reyes  en  i586».  J'ai  fait  des  re- 
cherches soigneuses  pour  trouver  ce  Voca- 
bulario  à  la  Bibliothèque  nationale,  mais 
il  n'y  existe  pas.  Probablement  M.  Graesse 
se  réfère- l-il  à  un  vocabulaire  anonyme 
de  quichua  qu'il  attribue  par  erreur  à  Bâr- 
zana. Cet  ouvrage  porte ,  à  la  Bibliothèque 
nationale,  la  cote  Rés.  Inv.  X2îi3,et  son 
titre  est  le  suivant  :  Aiie,  y  vocahvlario  en 
la  leiigva  gênerai  del  Peiv  llamada  Quichua 
y  en  la  lencjca  Espai'iola.  El  mas  copioso  y 
élégante  que  hasta  agora  se  ha  impresso.  En 
los  Reyes  por  Antonio  Ricardo.  Aiio  de 
M .D.LXXXVi.  La  préface  est  de  l'impri- 
meur Ricardo,  qui  dédie  le  livre  au  vice- 
roi    comte   del   Villar.    M.    de   la   Viiiaza 


371 ,  p.  ^3)    donne   quelques    extraits  des 

Préambules  de  ce  vocabulaire. 

Pour  terminer  cet  aperçu  bibliogra- 
phique sur  les  œuvres  du  P.  Bârzana, 
M.  Joseph  Sabin  (319,  i,  p.  k'x^),  dans  son 
grand  dictionnaire  de  bibliographie  amé- 
ricaine, ne  mentionne  d'autre  ouvrage 
imprimé  de  Bârzana  qu'un  Arte  y  Vocaha- 
pris  le  titre  de  Lude\vig(223,  p.  210),  qui, 
lario  de  la  Lengua  de  los  Indios  Abiponcs  y 
Quiranguis ,  210  pages,  dont  M.  Sabin  a 
de  sa  part,  dit  l'avoir  pris  de  Lozano.  Ce 
titre,  sans  lieu  ni  date  d'impression,  me 
semble  très  suspect,  et  la  publication  du 
travail  sur  les  Ablpons  et  Quiranguls  reste 
pour  moi  extrêmement  douteuse.  Lozano 
(219 ,  p.  116)  dit  que  B;lrzana  avait  écrit  un 
arte  de  ces  deux  langues,  mais  sans  ajouter 
que  cet  ouvrage  avait  été  Imprimé.  C'est 
là  proljablement  l'origine  du  titre. 

Il  semble  que  les  seuls  ouvrages  lin- 
guistiques du  P.  Bârzana,  connus  au- 
jourd'hui, sont  les  textes  en  puquina, 
publiés  par  l'évèque  Ore  (275),  et  peut- 
être  VArte  de  la  lengua  toha  (56)  qu'a  fait 
connaître  M.  S.  A.  Lalone-Quovedo,  mais 
([ui.  paraît-il,  ne  peut  être  avec  certitude 
altiilmé  au  P.  Bârzana.  M.  Enrique  Torros 
Salamando  (351),  qui  cependant  connaît 
bien  les  archives  de  Lima,  n'apporte  rien 
de  nouveau  à  ce  sujet. 


(:\I\TE  ETHNIQUE.  21 

Les  Diagiiites  étaient  divisés  en  de  nombreuses  tribus  dont 
nous  retj-ouYons  aujourd'hui  les  noms  désignant  des  localités 
ou  des  districts  du  territoire  qu'ils  ont  habité.  Lozano  surtout 
donne  de  longues  listes  de  ces  tribus  dont  nous  citerons  quel- 
ques-unes :  Tolombons,  Pacciocas,  Quilmes,  Acalians,  Hua- 
chipas,  Tafis,  Anfamas,  Andalgalàs,  Mallis,  Huasans,  Huachas- 
cliis,  Pipanacos,  Hualhns,  Famayfds^  Abaucans,  Gatamarcas, 
Capavans,  Copayampis,  Paccipas,  Guandacols,  Famatins,  etc. 

Parmi  les  tribus  des  Diaguites,  les  Calchaquis  ont  attiré  plus 
qu'aucune  autre  l'attention  des  historiens,  à  cause  de  leur  ré- 
sistance opiniâtre  aux  Espagnols,  résistance  qui  dura  plus  d'un 
siècle  après  l'arrivée  des  premiers  conquérants.  Ils  habitaient 
la  partie  sud  de  la  Vallée  Calchaquie,  les  départements  actuels 
de  San  Carlos  et  de  Gafayate,  et  on  voit  aussi  désigner  comme 
Galchaquis  les  Indiens  de  la  Vallée  de  Yocavil,  prolongation  de 
la  Vallée  Galchaquie  vers  le  Sud.  Lozano  nomme  quelquefois, 
dans  ses  énumérations  des  nations  indigènes,  les  Galchaquis 
de  telle  façon  que  l'on  peut  supposer  qu'ils  formaient  une 
nation  indépendante  à  côté  des  Diaguites;  mais  plusieurs  au- 
teurs plus  anciens  nous  apprennent  d'une  manière  catégoi'ique 
que  les  Galchaquis  étaient  bien  des  Diaguites,  parlant  leur 
langue,  le  cacan.  Bârzana  (55,p.  i.vi),  le  premier  missionnaire 
qui  pénétra  dans  la  Vallée  Calchaquie  en  iôSq,  le  déclare  très 
nettement,  et  les  jésuites  Juan  Romero  et  Gaspar  de  Monroy  le 
confirment  d'une  manière  qui  ne  laisse  aucun  doute.  D'après 
Techo  (341, 1.  II,  c.xvi-xviii;  p.  47-/18),  ces  jésuites  continuèrent,  en 
1601,  l'œuvre  de  Bârzana  et  ils  rendent  compte  eux-mêmes 
de  leurs  travaux  dans  une  lettre  adressée  à  leur  Provincial, 
le  P.  Diego  deTorres^^\  où  ils  désignent  le  territoire  sous  le 
nom  de  Valle  Calcliaclii ,  mais  en  appelant  toujours  ses  habitants 
des  Diacjuui,  sans  employer  une  seule  fois  le  nu)t  «  Galcha- 

'''   Cette  lettre  est  insérée  dans  une  re-  Pndri  Gio.  Romero  e  Gnspuio  di  Monroy  di 

lallon  (lu  P.  Torres  (350) ,  publiée  en  italien  Tiiciiinan.  [Édhiou  italiiimc,  p.  22-3o;  tWlition 

et  en  français.  l'Ule   porto,  dans  l'édition  française,  fol.  l'i-ig.) 
originale  italienne,  le  titre  :  Lctlera  dclli 


22  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

quis  ».  Ce  témoignage  prouve  que  cette  dernière  dénomination 
lut  tirée,  à  une  date  postérieure,  du  nom  de  la  vallée.  Techo 
{ibid. ;  l  wu ,  c.  m;  p.  .iôi)  dit  également  que  les  Diaguites  d'Andal- 
galâ,Belen,  etc.,  étaient  sanguine  et  hncjua  Calchacjmnis  affines. 
Romero  et  Monrov,  dans  la  lettre  citée,  mentionnent  aussi 
des  Indiens  nommés  Pulares  qui  habitaient  une  partie  de  la 
\  allée  Galcliaquie,  et  Lozano  parle  souvent  de  ces  Indiens, 
qu'il  localise  dans  la  partie  nord  de  la  vallée.  Bien  que  Lozano 
donne  une  certaine  autonomie  à  ces  Pulares  en  les  énumérant 
quelquefois  parmi  les  principales  nations  de  l'ancienne  pro- 
vince du  Tucuman,  parallèlement  aux  Diaguites,  aux  «  Ju- 
ris  » ,  etc. ,  il  me  semble  probable  qu'ils  n'étaient  qu'une  tribu 
des  Diaguites  et  même  qu'ils  faisaient  partie  intégrante  des 
Calcliaquis.  Ils  devaient  parler  le  cacan,  car  aucun  auteur  ne 
mentionne  une  langue  qui  leur  fut  spéciale.  Lozano  (220, v,  p.  Gi, 
160,  2i3)  cite  des  Pulares  près  de  l'Acay,  ta  Chicuana,  située 
entre  Gaclii  et  Molinos,  et  à  Luracatao,  dans  les  montagnes  à 
l'ouest  de  Molinos.  Ces  renseignements  précisent  l'étendue  de 
leur  territoire. 

Tous  les  auteurs  donnent  aux  Diaguites  les  épithètes  de  bel- 
liqueux, guerriers,  terribles,  grands  tireurs  d'arc,  etc.  Techo 
(341;  p.  147-148)  nous  a  laissé  quelques  renseignements  curieux 
sur  leurs  mœurs  et  leurs  coutumes.  Dans  le  xxii^  chapitre  du 
v°  livre  de  son  Ilistoria,  après  avoir  défini  géographiquement 
la  Vallée  Galchaquie,  en  y  comprenant  aussi,  semble-t-il,  la 
Vallée  de  Yocavil,  il  décrit  les  habitants  de  cette  vallée  comme 
fort  guerriers  et  très  vaillants,  toujours  en  rébellion  contre 
les  Espagnols,  et  défenseurs  opiniâtres  de  leur  liberté.  Les 
femmes,  portant  des  torches  allumées,  excitaient  leurs  maris 
au  combat,  et,  si  ceux-ci  voulaient  fuir,  elles  les  obligeaient,  en 
brandissant  les  torches,  à  retourner  à  la  bataille.  Ces  femmes, 
lorsqu'elles  voyaient  la  bataille  perdue,  se  jetaient  du  sommet 
des  rochers  en  bas,  pour  ne  pas  tomber  entre  les  mains  du 
vainqueur.   Les  jésuites  eurent  beaucoup  de  difficultés  j^our 


CARTE  ETHNIQUE.  23 

convortir  los  Galcliaquis.  Enfin  en  i64i  furent  déllnitivenient 
établies  les  missions  de  San  Carlos  et  de  Santa  Maria,  fondées 
déjà  en  1617,  mais  souvent  détruites  pendant  les  rébellions 
des  Indiens  et  toujours  restaurées  avec  cette  ténacité  carac- 
téristique aux  fds  d'Ignace  de  Loyola.  San  Carlos  et  Santa 
Maria  sont  aujourd'hui  des  chefs-lieux  de  départements,  ap- 
partenant l'un  à  la  province  argentine  de  Salta,  et  l'autre  à  celle 
de  Catamarca. 

Techo  consacre  le  chapitre  suivant,  le  xxiii''  du  v^  livre, 
tout  entier  aux  coutumes  et  aux  cérémonies  des  Calrhaqnis. 
Le  texte  de  ce  chapitre  mérite  d'être  reproduit  : 

De  Calchaquinorum  moribus.  —  Calchaqiiinos  ah  Jiidœis  onfjincm  diiccrc 
indc  prima  orta  siispicio  est,  qiiod  siih  priimim  HispanoruDi  iiujrrssum  ah  non 
paacis  Davidis  et  Salomonis  nnmina  usuipari  in  hâc  valle  rrprrtani  sit;  et  asse- 
rcvent  (jcntis  anlicjiiissimi ,  majores  siios  olini  circumcidi  solere.  Defnnctorum  fra- 
triim  semen  siiscitare  :  vestis  ad  tcrramjluxa,  et  ad  siniim  cimjiilo  collecta,  aliipiod 
Jiidaici  moris  indiciiim  hahet.  Siispicionem  liane  aiujet  quonimdam  opinio  apud 
Josephiim  Acostam  et  alios  aatlwres  Americanorum orifjinem  adJndœos  referentinm. 
Gens  omnis,  nt  Jiidœi,  ad  insaniam  siiperstitionihiis  dedita  est.  Arbores  plnmis 
ornatas  passim  adorât,  adeo  ut  in  illani  jactari  possit  (jiiod  olini  in  Sinagocjam , 
sub  omni  arbore  frondosâ  prosternebaris  millier.  Soleni  pro  primario  Numine,  pro 
feciindariis  Diis  tonitriiiun  et  fulgiir  colit.  Acervis  lapidiim,  Majoriim  suoriim 
monumentis  [nt  ex  eo  ctiam  Jiidœos  agnoscas)  sims  est  honor.  Magos  pro  medicis 
ac  sacerdotibiis  vcteralionihiis  insignes  veneralur.  Hi  in  semotis  sacellis  decjnnt, 
Dœmonem  consultantes,  aut  abs  se  consultari  fmgenles.  Hiijusmodi  Sacerdotiim 
ojficiuni  est,  alios  nefandis  prosus  execralionihus  initiare.  Apud  initiatos  pleriun- 
(pie  puhlicas  debacchationes  exercent  :  finariim  dehacchationum  tanta  est  frrocitas 
et  tarpitudo,  (juanUim  mctiias  ah  projligatissimis  morlalihus  ebrielate  (juolidiana 
acfnrore  corriiptis.  Ubi  vino  incalnere,  in  miituam  prœteritarum  injuriarnin  rin- 
dictam  in  sese  tiimiiUuose  involant,  capita  inviccm  arciibiis  ferienles.  In  Itis  bac- 
chanalibiis  prœliis  declinarc  ictum,  aut  manu  averlere ,  perpelun  dedecori  est  : 
ruinera  vero  accepisse ,  sancjuinem  large  Judisse  faciem  dejormari,  inler  piimaria 
décora  computant.  Calenlc  jam  debacchatione ,  Sacerdos  multa  verba  deblaterans 
cciDW  calvam  sagitlis  hirsutam  Soli  consecrat,  aqris  fertilitatem  deprccans  : 
exccrandam  mox  calvam  allcri  tradlt,  (put  acceplala,  deharchalionis  se(iuenlis 
indupcralor  constituitur.  Sic  per  orhcm  (jenlis  primores  Irsserd  accepta,  tolain 
vitani  inler  furibiinda  hilaria  transigunt.  la  sacrificiis  a  Mago  animalium  san 
gnine  expin(junlur.  Scd  nus(iuam  alihi  insaniiinl  mugis,  (juam  m  funerihus.  Ad 


24  ANTIQUITÉS  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

moribundi  domuin  coiicurruut  consamjiiiiiei  omnes  ac  amici,  diii  noctaqiie  morbi 
temporc  compolilalnri  :  œcjroti  liomims  stratuni  innumcris  scujitis  solo  injîxis  cir- 
cumdant;  ne  mors  scilicct,  sagittanim  metii,  accedcrc  aiidcat.  Rcccnlcr  inoiiuuin 
quanta  possunt  vociim  conlentione  lamentantiir.  Circa  cadavcr  scdi  iwposiliini , 
omnis  gcneris  cibos  et  vinuni  depomint,  focos  excitant,  thiiris  loco  nescio  (juas 
frondes  concremant.  Ad  commovendam  commiserationeni  viri  fœnimœcjue  snpel- 
lectilcm  defancti  nniltitudini  ostentant;  aliis  intcr  insanas  clwreas  ac  saltitationes 
cri  cadaveris ,  quasi  cornes  tari,  cibos  admoventibiis ,  et  frustra  admotos  pro  mortao 
decjlutieniibns.  Octiduo  in  liis  et  aliis  insaniis  transacto  cadaver  sepeliunt ,  canes, 
arma,  eqnos  et  defnncli cœteram  supeUectilem ,  variasque  vestes  ab  aniicis  oblatas, 
in  camdeni  cum  eo  fossam  conjicientes.  Subinde  domum  mortmdem ,  ne  scilicct 
mors  eo  iterum  redeat,  concremant.  Anno  integro  in  luctuposito,  anniversarium 
iisdem  cerimoniis  célébrant.  Pro  veste  lugabri  corpus  nigrore  inficiunt.  Ne  quid  in 
his  omnibus  peccetur,  magistrum  ccrimoniarum  adliibcnt.  Nullum  morte  natarali, 
sed  omnes  violenter  mori  aatumant  ex  quel  hacresi  mutuis  suspicionibus  perpétua 
livescunt  aut  prœlianiur  .  Dœmone,  ut  bella  seminet,  vere  aut  mendaciter  mor- 
tium  authores  per  Magos  quandoque  dilvugante.  Animas  suorum  post  mortem 
existimant  in  stellas  converti,  eo  splendidiores ,  quo  invita  fucre  aut  gradu  aut 
facinoribus  insignores.  Festis  diebus  plumis  versicoloribus  se  coronant.  Capillos  ad 
cingulum  usque  promissos  vittisque  discriminatos  muliebriter  innodant.  Brachia 
cubito  tenus  argenteâ  œneave  lamina  ad  usum  sagittandi,  et  ad  adliquod  corporis 
ornamentum ,  vestiunt.  Gentis  primores  orbe  argenteo  œneove  diademati  inferto 
frontem  cingunt.  Pueri  usu  veneris  interdicuntur,  donec  ab  veteratoribus  nefando 
prorsus  rita  emancipentur.  Virgules  pictis  vestibus  utuntur,  quas  prostato  pudore 
in  simplices  vertunt.  Calcliaquinorum  factiones  contimiis  ferme  bellis  sese  confi- 
ciunt.  Nihil  potentius  focmiius  ad  pacem  inter  utramque  armatorum  partem  indu- 
cendam,  Barbarissimis  morlalium  sexui,  a  quo  lac  ac  alimoniam  sumpserunt, 
omnia  facile  concedentibus.  Triginta  millia  Indigenarum  inpagis  oppido  plurimis 
incolentium  sub  id  tempus  esse  perhibebantur  :  quamquam  de  hoc  numéro  discon- 
venire  reperio  etiam  illos,  qui  gentem  excoluere.  Sed  in  hoc  convcniunt  omnes, 
quod  Calchaquini  tam  facile  Christianorumfidem  approbent,  quam  postea  nulla 
causa  execrentur.  Ex  his,  quiolim  baplismum  susceperant,  nullus  Christianorum 
more  vivebat.  Promiscue  cum  Ethnicis  avitos  ritus  omnes  sine  discrimine  usur- 
pabant.  Quare  Socii  communi  consilio  decrevere,  nullum   imposterum  ex   hac 
gente  baptizandum,  nisi  in  mortis  articula,  aut  multorum  annorum  experimento 
probatum.  Infantes  liberius  sacris  undis  immergebantur.  Quia  igitur  projliqandœ 
prius  erant  Barbarorum  inveteratœ  consuetudines ,  quam  Christianœ  leges  induci 
passent.  Patres  imlli  labori  parcebant.  Spreto  mortis  periculo  ubique  idola  distur- 
babant.  In  perversas  sepeliendi  ritus  acri  sermone  invehebanlur,  et  si  quid  hujus- 
madi  erga  baptizata  corpora  Christiani  agere  vellent,  ne  hid  sieret  fortiter  pro- 
hibebant.  Prœterca  maqnam  vim  adhibebant  in  ainovcndd  plerorumquc  opinione, 


CAiriK    K/niMOUE.  25 

arhjtrantium  se  millâ  in  rc  pcccarc,  et  proiiide  millâ  Exhomolo(jcsi  indicjerc.  Cuni 
vevo  in  recjione  perversd  fructus  non  respondebat  opcri,  lutc  se  Sncii  cfxjitdtione 
solabantiir  qnodJre(juenlibus  nwricnlium  puerorum  et  snbinde  adaltonun  hdptlsniis 
minierwn  Cœlestium  cmgerent,  obstaculoque  essent  ne  pcdam  (jens  in  Hispdnos 
rebellaret,  mit  bella  doniestica  exercevet.  Cœtciuni  (juani  ApostoUca  esset  liœc 
expeditio,  inde  collecji  potest,  (juod  bini  in  singulis  sedibus  Socii,  barbaro  cibo 
contenti,  miUo  per  alùjiwt  annos  Eiiropœorani  consortio,  sala  cœlcstinni  rernni 
suavitate  pascerentur.  Singulis  sedibus,  prœter  annucun  stipeni,  campanœ  et  orna- 
menta  sacra,  Régis  Catholici  beneficentia ,  transmissa  sunt  :  tanto  Rege  Bar- 
baroruni  miserrimos  ad  uUinins  uscpie  Orbis  angulos  libcraliter  prosecpienfe. 


On  le  voit,  le  P.  Teclio  commence  ce  chapitre  en  se  de- 
mandant si  les  Calchaquis  descendaient  des  Jnifs,  la  théorie 
de  la  descendance  Israélite  des  Indiens  en  général  étant  très  en 
vogue  chez  les  auteurs  qui  ont  écrit  sur  T Amérique  aux  pre- 
miers temps  de  la  conquête.  Mais  Acosta  (2;l.i,  c.xxin; t.i,  i).7o), 
que  Techo  cite  comme  partisan  de  cette  théorie,  est  justement 
d'opinion  contraire.  A  l'appui  de  la  descendance  israélite  des 
Calchaquis,  Techo  nous  fait  connaître  plusieurs  particularités 
de  ce  peuple,  intéressantes  au  point  de  vue  ethnographique. 
Ainsi  il  nous  apprend  que  les  ancêtres  des  Calchaquis,  d'après 
ce  que  racontaient  les  individus  les  plus  âgés,  pi-atiquaient  la 
circoncision.  Le  vêtement  principal  des  Calchaquis  était  une 
longue  rohe  retenue  par  une  ceinture,  probahlement  la  «che- 
mise »  péruvienne  [camiseta  des  chroniqueurs)  que  nous  décri- 
rons plus  loin,  mais  descendant  au  moins  jusqu'aux  genoux, 
comme  on  le  voit  sur  la  fresque  de  la  grotte  de  Carahuasi, 
pvd^liée  par  M.  .1.  B.  Ambrosetti  (13),  et  aussi  s  ni-  celle  de 
Pucarâ  de  Rinconada,  dans  la  Puna  de  Jujuy,  i-eprodiiile 
plus  \om,fi{j.  Iâ7.  Un  frère  survivant  se  mariait  avec  la  vcMive 
de  son  fj-ère  défunt.  Les  Calchaquis  adoraient  des  arbres 
ornés  de  plumes.  Le  Soleil  était  leur  dieu  princij)al  et  ils  ado- 
raient aussi  le  tonnerre  et  les  éclairs,  cultes  dans  lesquels  nous 
constatons  l'influence  incasique,  car  les  Incas  inlroduisaieul 
l'adoration  du  Soleil  chez  Ions  les  ])eu])les  qu'ils  .'iniiex.'ilenl  à 
leui"  enqiire.   Comme  monuments    ruiMMiiires,  les  Cnl(ha(piis 


26  ANTIQUITÉS  DE  LA  REGION  ANDINE. 

érigeaient  des  monceaux  de  pierres  sur  les  sépultures.  Ils  véné- 
raient des  médecins  et  des  prêtres  fameux  qui  habitaient  des 
lieux  secrets  où  ils  consultaient  les  puissances  surnaturelles. 
L'enseignement  des  rites  religieux  par  les  prêtres  était  accom- 
pagné d'orgies  se  terminant  dans  l'ivresse  la  plus  absolue  et 
ayant  comme  conséquence  des  rixes  générales,  quelquefois 
même  de  vraies  batailles  où  les  arcs  et  les  flèches  jouaient  un 
rôle  principal.  On  considérait  comme  un  honneur  d'y  recevoir 
des  blessures  et  d'en  conserver  des  cicatrices  sur  la  figure.  Au 
milieu  de  l'orgie ,  le  prêtre ,  en  demandant  la  fertilité  des  champs , 
offrait  en  sacrifice  au  Soleil  une  tête  de  biche  hérissée  de  flèches. 
Cette  tête  était  ensuite  remise  à  un  sorcier  qui,  s'il  facceptait, 
devait  présider  l'orgie  prochaine.  Les  principaux  personnages 
célébraient  souvent  de  ces  orgies  tumultueuses.  Lorsqu'un  Gal- 
chaqui  était  atteint  d'une  maladie  mortelle,  tous  ses  parents  et 
amis  se  rendaient  chez  lui,  et,  aussi  longtemps  que  durait  la 
maladie,  ils  buvaient  jour  et  nuit  et  plantaient  des  flèches  dans 
le  sol  autour  du  lit  pour  que  la  mort  n'osât  pas  s'en  approcher. 
Immédiatement  après  la  mort,  les  personnes  présentes  com- 
mençaient à  se  lamenter  à  haute  voix.  Elles  plaçaient  auprès 
du  cadavre  des  mets  et  des  boissons,  allumaient  des  feux  et 
brûlaient  comme  encens  certaines  herbes.  Pour  inspirer  de  la 
compassion  à  la  foule,  des  hommes  et  des  femmes  lui  mon- 
traient les  vêtements  du  défunt;  d'autres  dansaient  et  sautaient 
autour  de  celui-ci  et  lui  offraient  des  mets;  lorsqu'ils  voyaient 
qu'il  n'y  touchait  pas, il  les  mangeaient  eux-mêmes.  Ces  cérémo- 
nies duraient  huit  jours,  après  quoi  on  enterrait  dans  une  fosse 
le  cadavre  revêtu  des  vêtements  donnés  par  ses  amis;  on  brûlait 
ensuite  sa  maison  afin  d'empêcher  la  mort  d'y  revenir.  Le  deuil, 
qui  durait  un  an,  se  portait  avec  des  vêtements  noirs,  et  à  la  fin 
on  répétait  les  mêmes  cérémonies.  Les  Calchaquis  croyaient 
qu'il  n'y  avait  pas  de  mort  naturelle,  mais  que  tout  le  monde 
mourait  de  mort  violente;  cette  croyance  avait  pour  résultat 
des  souT)çons,  des  inimitiés  fréquentes  entre  les  familles.  Les 
sorciers  contribuaient  à  inspirer  ces  soupçons  et  incitaient  ta  la 


CARTK  ET  II M  OLE. 


27 


discorde.  Les  Calcliaqiiis  croyaient  aussi  que  les  morts  étaient 
convertis  en  étoiles,  d'autant  plus  brillantes  que  leur  situation 
avait  été  plus  élevée.  Les  jours  de  fête,  les  Calcliaqiiis  ornaient 
leur  tcte  de  plumes  multicolores.  Ils  avaient  des  cheveux  longs 
jusqu  à  la  ceinture  et  réunis  en  tresses  fixées  au  sommet  de  la 
tête  en  forme  de  nœud.  Ils  portaient  à  favant-bras  des  lames  ou 
des  bracelets  en  argent  ou  en  cuivre,  pour  faciliter  le  manie- 
ment de  l'arc  ou  comme  parure.  Les  chefs  entouraient  leur  front 
d'un  bandeau  en  argent  ou  en  cuivre.  Le  commerce  avec  les 
femmes  était  défendu  aux  jeunes  gens  jusqu'à  ce  qu'ils  fussent 
déclarés  pubères  par  les  sorciers  à  la  suite  de  cérémonies  spé- 
ciales. Les  jeunes  fdles  portaient  des  vêtements  multicolores 
qui.prostrato  piidore,  étaient  échangés  contre  de  plus  simples. 
Les  Galchaquis,  toujours  divisés  en  factions,  étaient  continuel- 
lement en  guerre.  Les  femmes  avaient  une  grande  autorité  pour 
séparer  les  combattants,  et  ceux-ci  les  respectaient.  On  évalue 
à  trente  mille  les  Galchaquis  de  la  campagne  et  des  villages, 
mais  les  difiPérents  auteurs  de  l'époque  ne  sont  pas  d'accord 
en  ce  qui  concerne  cette  évaluation  ^'^.  Ces  Indiens  se  laissaient 
très  facilement  convertir  au  catholicisme,  mais  ils  oubliaient 
avec  une  égale  facilité  la  religion  et  retournaient  à  leurs  an- 
ciennes coutumes  païennes.  Pour  ce  motif,  les  Pères  s'étaient 
vus  obligés  de  les  baptiser  seulement  in  articiilo  mortis,  ou 
quand  leur  fidéhté  au  christianisme  avait  été  éprouvée  pen- 
dant plusieurs  années.  Ces  informations  du  P.  Techo  sont  don- 
nées d'une  façon  si  simple  et  si  sincère,  que  l'on  est  convaincu , 


f''  Les  évaluations  des  individus  compo- 
sant les  diverses  nations  et  tribus  indiennes, 
faites  par  les  auteurs  anciens ,  sont  toujours 
h  peu  près  sans  valeur  lorsqu'elles  ne  sont 
pas  i)asées  sur  les  recensements  réf,^uliers 
(jue  les  Espagnols  dressaient  quelquefois  des 
Indiens  soumis  au  payement  d'un  tribut 
dansun  certain  territoire.  Comme  exemple , 
nous  citerons  Narvaez  (253,  i>-  i  'i8)  qui  éva- 
lue les  Indiens  de  la  Vallée  Calcliaquie  à 
2,5oo,  se  référantsansdoute  aux  guerriers 


seulement.  L'évèque  deTucuman ,  MeK  lior 
INlaldonado  de  Saavedra  (227),  évalue,  en 
i6r)8,  les  mêmes  Indiens  à  20,000  indi- 
vidus, dont  6,000  guerriers.  Actuellement 
la  N'allée  (^alcliacpiie  et  les  montagnes 
environnantes,  c'est-à-dire  les  départe- 
ments de  La  Ponia,  Cachi,  Molinos,  San 
Carlos  et  Cafayatc,  contiennent  2 2,000  ha- 
bitants, d'après  le  recensement  de  la  Ué- 
publi(|ue  Argentine  de  i8<)5.  La  Vallée  de 
Yocavil  en  contient  (j.ooo  environ. 


28  ANTIQUITÉS  DE  LA  REGION  ANDINE. 

en  les  lisant ,  qu  elles  ont  été  obtenues  des  Indiens  eux-mêmes 
ou  de  personnes  qui  les  connaissaient  Lien.  Elles  sont  d'autant 
plus  précieuses  que  nous  possédons  très  peu  de  renseignements 
ethnographiques  sur  les  anciens  Diaguites. 

Techo  termine,  comme  on  le  voit,  son  chapitre  en  rendant 
compte  des  difficultés  que  rencontrèrent  les  premiers  mission- 
naires jésuites  de  la  Vallée  Calchaquie.  Plus  loin  {ihid;  1.  xn,  c.  xi; 
p.  326),  il  décrit  les  coutumes  funéraires  des  Diaguites  delà 
région  de  Londres.  Ils  laissaient  les  yeux  des  morts  ouverts, 
pour  que  ceux-ci  jDUssent  voir  leur  chemin  dans  l'autre  vie. 
Pour  les  funérailles,  il  y  avait  des  pleureuses  (^laudatrices)  qui 
avaient  pour  mission  de  proclamer  les  mérites  du  défunt  et 
de  se  lamenter  à  haute  voix  auprès  du  cadavre,  coutume  en- 
core en  usage  aujourd'hui  chez  les  métis  de  l'ancien  territoire 
des  Diaguites.  D'après  Techo,  les  Indiens  de  Londres  n'enter- 
raient pas  leurs  morts,  mais  ils  les  gardaient  dans  un  «sarco- 
phage »  placé  à  un  endroit  élevé  au-dessus  du  sol.  Il  me  semble 
que  cette  information  doit  être  inexacte,  car  les  données  ar- 
chéologiques ne  fournissent  pas  d'indices  de  cette  coutume, 
tandis  que  toute  la  région  est  pleine  de  tondues  sous  terre. 
Peut-être  les  cadavres  étaient-ils,  avant  d'être  enterrés, 
exposés  pendant  quelque  temps  dans  le  «  sarcopliage  »  élevé  que 
mentionne  Techo.  Une  autre  habitude  des  Indiens  de  Londres 
était  d'asperger  les  plantes  naissantes  avec  du  sang,  afin  d'ob- 
tenir une  moisson  al)ondante. 

Lozano  (220,  i,  p.  /lacj/iSo)  répète  tout  ce  que  dit  Techo  sur  les 
coutumes  des  Indiens  de  Londres.  Quant  à  l'habitude  de  placer 
les  cadavres  au-dessus  de  la  terre,  à  celle  de  laisser  leurs 
yeux  ouverts  et  à  celle  des  pleureuses,  qu'il  dénomme  préficas, 
on  ne  peut  douter  que  Lozano  ait  copié  Techo  directement. 
En  ce  qui  concerne  les  cérémonies  pour  obtenir  une  bonne 
moisson,  il  donne  des  informations  complémentaires.  H  ra- 
conte que,  pour  semer,  on  attendait  f apparition  de  certaines 
étoiles.  Lorsque  les  nouvelles  plantes  sortaient  du  sol,  on 
organisait  une  chasse  et  on  gardait  le  sang  du  premier  hua- 


CARTE  ETHNIQUE.  29 

naco  OU  du  premier  lièvre  (agouti)  tué,  pour  eu  asperger  les 
fruits  de  la  terre.  Les  premiers  fruits  de  la  terre  étaieut  sus- 
pendus à  un  arbre  et  olFerts  aux  dieux  :  cette  cérémonie  s'ap- 
pelait pilla-jacica.  Je  parlerai  plus  loin  des  cérémonies  cpii 
ont  lieu  encore  aujourd'hui  dans  la  Puna  à  l'occasion  des 
semailles. 

Dans  la  lettre  des  PP.  Romero  et  Monroy  publiée  par  le 
P.  Diego  de  Torres,  et  que  nous  avons  déjà  mentionnée,  ces 
missionnaires  donnent  la  description  suivante  des  vêtements 
et  des  armes  de  quelcpies  Diaguites  qu'ils  virent  au  cours  de 
leur  voyage  dans  la  Vallée  Calchaquie  en  1601.  Nous  transcri- 
vons cette  description  de  l'édition  française  de  la  relation  du 
P.  Torres  (350,  fol.  16)  : 

Ayant  achevé  de  dîner,  vinrent  pour  nous  visiter  deux  Curaqiies  avec  dix 
hidicns  diaquitcs  d'un  autre  peuple  voisin  dont  l'aspect  et  l'habit  est  si  fier 
et  si  bizarre,  qu'il  épouvante.  Ils  portent  les  cheveux  longs  et  avec  tresse, 
retroussés  sur  les  épaules,  et  à  i'entour  de  la  tête  un  cordon  de  laine  filée, 
là  où  ils  y  mettent  plusieurs  plumes  colorées.  Ils  peignent  leur  front  de  noir 
jusqu'aux  yeux,  et  le  reste  du  visage  ils  se  despeignent  de  mille  couleurs. 
Ils  y  sont  de  grand  corsHge''^  et  d'un  regard  terrible  :  depuis  les  cils  des 
yeux  jusqu'à  la  ceinture,  il  leur  pend  deux  cordons  de  laine  ou  poil  df 
chèvre  [sic)  de  couleur  d'escarlate.  Ils  se  vêtent  d'une  chemise  qui  leur  va 
jusqu'au  col  du  pied,  tant  homme  que  femme,  laquelle  ils  ceinturent  quand 
ils  vont  à  la  chasse,  à  la  guerre  et  en  voyage.  En  aucun  temps  qui  soit  ils  ne 
laissent  l'arc,  ni  le  carquois  chargé  de  plus  de  cinquante  flèches,  et  ont  un 
grand  renom  d'èlrc  vaillants  et  adroils  pour  tirer  de  l'arc.  Ils  portent  au 
bras  des  bandes  en  façon  de  laserans,  qui  sont  de  laine  rouge  reluisante, 
ce  pendant  demeurant  tout  le  reste  découvert  jusqu'au  coude,  et  ont  des 
patins  dans  les  pieds. 

On  trouve  sans  doute  de  légères  conlracbclioiis  dans  ces 
])assages  des  PP.  Romero  et  Monroy  et  du  P.  Techo.  Cepen- 
dant ces  relations  constituent  presque  les  seules  données  an- 
ciennes et  aulhenliques  des  couliimes  des  Diagiiiles.  Vu  leur 
inqwrtance  [)()ur  l'ethnograpliie  préhispaiiicpic  de  ce  |)('Uj)le, 

'''  Corsage  .la  taille  ou  le  busle,  clc[)uis  les  hanches  jus(ju'au\  éj)aules;  de  l'ancien 
français  cors  (=  corps). 


30  ANTIQUITÉS  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

j'ai  cru  intéressant  de  les  citer,  sans  toutefois  entrer  dans  Tliis- 
toire  de  la  conquête  espagnole. 

Pour  cette  histoire  de  la  concjuista,  les  ouvrages  de  Techo,  de 
Lozano  et  de  Guevara  sont  les  principales  sources  à  consulter; 
on  peut  trouver  aussi  des  détails  dans  les  documents  inédits 
conservés  dans  les  archives  coloniales  d'Espagne,  dans  celles 
de  Buenos-Aires,  de  Santiago-du-Chih,  de  Lima,  et  enhndans 
les  archives  puhliques  et  particulières ,  surtout  familiales ,  des 
provinces  argentines.  M.  Lafone-Quevedo  a  fait  des  recherches 
soigneuses  dans  les  archives  provinciales ,  surtout  en  Catamarca , 
et  il  a  mis  au  jour  heaucoup  de  détails  inconnus  jusqu'alors. 
Gomme  histoire  générale  de  la  conquête  espagnole  du  pays  des 
Diaguites,  l'ouvrage  du  clianoine  Funes  (139)  est  intéressant. 
Martin  de  Moussy  (230,  t.  m)  et  Burmeister  (85,  p.  84-107)  ont  donné 
des  aperçus  de  cette  histoire. 

Don  Diego  de  Almagro  fut  le  premier  des  comjii'isladores  qui 
pénétra  dans  le  pays  des  Diaguites,  en  i536;  mais  il  ne  fit 
que  passer  par  la  Vallée  Galchaquie  pour  se  rendre  au  Chili. 
En  i5/io,  Diego  de  Rojas,  venu  du  Pérou,  tenta  de  conquérir 
la  région  diaguite;  mais  il  y  trouva  la  mort.  Son  compagnon, 
Francisco  de  Mendoza,  arriva  jusqu'au  Rio  Paranâ,  où  il  fut 
assassiné  par  ses  propres  soldats.  La  deuxième  tentative  eut 
lieu  en  i549,  ^c>us  les  ordres  de  Juan  Nunez  del  Prado,  qui 
était  parti  du  Pérou.  D'autres  expéditions  suivirent,  comman- 
dées par  des  Espagnols  venant  du  Chih  :  Francisco  Villagran , 
Francisco  de  Aguirre  (i553),  Juan  Pérez  de  Zurita  (1558), 
Gregorio  Castaneda  (i56i).  Ces  généraux  ne  faisaient  pas 
seulement  la  guerre  aux  Indiens,  ils  semblent  avoir  autant 
combattu  les  uns  contre  les  autres,  excités  par  fambition  et  la 
jalousie. 

J'ai  indiqué  sur  la  carte  fuj.  10  les  dates  de  fondation  des 
])rincipales  villes  et  de  quelques  «  missions  »  des  jésuites.  Ces 
dates,  à  elles  seules,  découvrent,  étape  par  étape,  rétablisse- 
ment  des   Espagnols   dans   les    différentes    régions.  Mais  les 


CARTE  ETHNIQUE.  31 

premières  villes  furent  presque  imiuécliatement  détruites.  Ces 
villes  disparues  sont  marquées  sur  la  carte  avec  un  point  noir 
et  des  caractères  spéciaux.  L'emplacement  de  certaines  autres 
villes  changea  souvent,  jusqu'à  ce  que  l'on  eût  rencontré  un 
endroit  où  les  ressources  fussent  suffisantes  et  la  défense  contre 
les  Indiens  possible.  La  première  ville  fut  Ciudad  del  Barco, 
fondée  en  1550,  par  Nunez  del  Prado,  et,  d'après  Teclio  (341; 
i.  I,  c.  xx;p.  i4),  sur  le  Rio  de  Escava.  Cette  ville  connut  plusieurs 
emplacements.  M.  Lafone-Quevedo  (197),  qui  a  étudié  son  his- 
toire, doute  de  la  position  primitive  sur  le  Rio  de  Escava.  La 
deuxième  ville,  fondée  par  le  rival  de  Prado,  Francisco  de 
Aguirre,  en  i553,  fut  Santiago  del  Estero,  pendant  longtemps 
capitale  de  toute  l'ancienne  province  de  Tucuman  ,  et  aujour- 
d'hui encore  chef-lieu  de  la  province  argentine  de  Santiago  del 
Estero.  Pérez  de  Zurita  fonda  Londres^^^  en  i558.  Un  village 
du  même  nom  existe  encore  à  la  place  du  premier  Londres, 
mais  l'ancienne  ville  fut,  elle  aussi,  souvent  déplacée.  Ainsi, 
en  1607,  la  «ville  de  Londres»,  rejuadada,  se  trouvait  près  du 
village  actuel  de  Belen,  et,  en  i633,  elle  était  à  l'endroit  du 
Poman  actuel.  M.  Lafone-Quevedo  (196)  a  fait  aussi  une  étude 
intéressante  sur  l'histoire  de  cette  ville  ambulante.  En  i559, 
Zurita  fonda  encore  les  deux  «  villes  »  de  Côrdoba  de  Calcliaqui 
etde  Canete.GràceàMatienzo(232,  p.  xLiv),  nous  connaissons  la 
jDOsition  précise  de  la  première ,  qui  fut  détruite  par  les  Calcha- 
qiiis  en  i562.  Quanta  la  seconde,  Canete,  abandonnée  égale- 
ment en  i562,  il  est  impossible  de  la  localiser,  les  divers  au- 
teurs donnant  des  renseiji^nements  contradictoires  à  cet  é^ard 
et  le  même  nom  étant,  paraît-il,  employé  pour  désigner  des 
villes  différentes.  M.  Lafone-Quevedo  (197)  a  émis  des  hypo- 
thèses à  ce  sujet.  Sur  la  carte,  j'ai  placé  Canete  suivant  le  ren- 
seignement de  Matienzo  [ibid.).  Si  cette  position  est  celle  du 
Canete  de  Zurita,  l'endroit  coïncide  presque  avec  le  [)r('mi('r 
emplacement  de  San  Miguel  de  Tucuman,  fondé  en  i56,>  et 

'''    Apjiclce     îiinsi     cii     riioiiiunir    de         de    Philippe,  iiil'aiil    (rEsp;ignc,  le   lulur 
Marie  Tudor,  reine  d'Anglelcrrc,  liancée         roi  IMiilippc  II. 


32 


ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 


dépiacé  en  i685.  San  Miguel  de  Tucnman  serait,  dans  ce  cas, 
la  continuation  de  Canete.  Après  les  villes  de  Zurita  suivirent  : 
San  Juan  en  i56i,  Esteco  en  i566,  la  ville  actuelle  de  Cor- 
doba  —  souvent  dite  «  Côrdoba  del  Tucuman  »  pour  la  distin- 
guer d'autres  villes  du  même  nom  —  en  i  oyS,  Salta  en  i582  , 
La  Rioja  en  1 69 1 ,  Jujuy  en  1  ôgS ,  Catamarca  en  1 683.  On  voit 
que  la  conquête  ne  peut  être  considérée  comme  un  fait  acquis 
avant  l'année  1600,  la  domination  esj)agnole  ayant  été  tout  à 
fait  précaire  au  xvi^  siècle. 

Araucans.  —  Vers  l'Ouest,  les  Diaguites  étaient  séparés  du 
territoire  chilien  actuel  ]yar  la  Grande  Cordillère  des  Andes^'\ 
De  l'autre  côté  de  ces  hautes  montagnes  habitaient  les  Araucans 
qui  occupaient  presque  tout  ce  territoire,  leur  langue  étant 
parlée  «  dejDuis  Coquimbo  jusqu'à  Chiloë»  d'aj)rès  Antonio  de 
Léon  (214),  et  ils  s'étendaient  probablement  aussi  sur  une  partie 
de  la  Patagonie.  Il  n'entre  pas  dans  le  plan  de  cet  ouvrage  de 
discuter  l'étendue  géograj^hique  des  Araucans  à  l'éj^oque  de  la 
conquête,  car  ils  n'appartiennent  pas  à  la  civilisation  ando- 
péruvienne^'-^^  Ils  se  trouvaient  à  un  degré  de  civilisation  très 
inférieur  à  celui  des  Diaguites,  mais  leur  affinité  ethnique 
avec  ceux-ci  constitue  toujours  un  problème.  Des  recherches 
somatologiques  modernes,  par  exemple  celles  de  Virchow  (373, 


'"'  Je  nomme  «  Grande  Cordillère  »  la 
haute  chaîne  occidentale  des  Andes  qui 
forme  d'aboi'd  la  limite  ouest  du  haut  pla- 
teau bolivien  et  ensuite  la  frontière  entre 
la  République  Argentine  et  le  Chili.  Dans 
ces  derniers  pays,  on  a  l'habitude  de  nom- 
mer celte  chaîne  la  Cordillera  Real,  mais 
j'évite  l'emploi  de  cette  dénomination , 
car,  en  Bolivie,  une  autre  chaîne,  celle 
qui  passe  à  l'est  du  lac  Titicaca,  porte  le 
même  nom  de  Cordillera  Real,  tandis  que 
l'on  nomme  la  chaîne  occidentale  Cor- 
dillera de  las  Andes. 

'''  L'ouvrage  classique  sur  les  Arau- 
cans •  Los  Aborigènes  de  Cliile,  par  M.  José 


Toribio  Médina  (234),  est  une  excellente 
compilation  des  renseignements  histo- 
riques sur  ce  peuple.  Les  travaux  récents 
du  D'  R.  Lenz ,  basés  sur  de  longues  études 
parmi  les  Araucans  eux-mêmes,  ont  jeté 
beaucoup  de  lumière  sur  leur  folklore, 
leur  linguistique  et  leur  ethnographie. 
Ses  Estudios  Araiicanos  (213)  contiennent 
une  riche  collection  de  folklore  araucan. 
Suivant  M.  Lenz,  M.  Médina,  dans  la  pré- 
face d'un  texte  du  P.  Luis  de  Valdivia 
(364)  a  publié  dernièrement  une  biblio- 
graphie complète  de  la  langue  araucane. 
Malheureusement ,  je  n'ai  pu  consulter  cet 
ouvrage. 


CARTE  ETHNIQUE.  33 

p.  4o3),  du  D"*  ten  Kate  (343,  p.  61)  et  du  D""  R.  Verneau  (368)  ont 
signalé  certaines  analogies  crâniennes  entre  les  Araucans  et 
les  anciens  habitants  du  Pérou,  de  la  Bolivie  et  de  la  région 
andine  de  la  République  Argentine. 

Je  veux  seulement  rappeler  quaucommencement  du  xiv'' siècle 
le  Chili  fut  conquis  jusqu'au  Rio  Maule  (35**  20'  latitude  Sud, 
plus  au  Sud  que  Mendoza  qui  est  situé  au  3 2°  53')  parl'Inca 
Yupanqui  et  par  son  général  Sinchi-Roca.  Les  vestiges  laissés 
par  les  anciens  Araucans  démontrent  qu  ils  n'en  étaient  qu'à 
l'«  âge  de  pierre  » ,  et  il  est  facile  de  voir  que  les  instruments 
en  métal  et  la  céramique  perfectionnée  que  l'on  a  trouvés  au 
Chili  ne  proviennent  pas  d'eux,  mais  bien  de  leurs  conquérants 
péruviens.  M.  R.  A.  Philippi  (286),  ancien  directeur  du  Musée 
national  de  Santiago-du-Chili,  certainement  expert  en  anti- 
quités chiliennes,  considère  aussi  toute  la  poterie  de  fabrica- 
tion et  d'ornementation  supérieures  trouvée  au  Chili  comme 
de  provenance  péruvienne ,  ou ,  si  elle  a  été  faite  au  Chili,  imitée 
des  modèles  péruviens. 

Un  problème  intéressant  serait  de  savoir  s'il  y  a  eu  com- 
munications, commerce  ou  migrations  à  travers  les  Andes 
entre  les  Diaguites  et  les  Araucans.  Les  cols  pour  traverser  la 
Cordillère  sont  très  rares,  depuis  la  Puna  de  Atacama  jusqu'à 
Mendoza,  et  d'ailleurs  situés  à  une  altitude  considérable;  le  pas- 
sage en  est  extrêmement  dilFicile  et  périlleux.  Suivant  une  tra- 
dition, répétée  par  Lozano  (220,  t.  iv,  p.  9),  la  tribu  des  Quilmes, 
qui  habitait  la  Vallée  de  Yocavil,  aurait  émigré  du  Chili  au 
pays  des  Diaguites,  mais  rien  ne  prouve  la  véracité  de  cette 
tradition.  Probal)lement,  ce  sont  les  Incas  qui  ont  établi  les 
relations  entre  les  Araucans  du  Chili  et  les  Diaguites. 

Huarpes. —  Comme  il  a  été  dit  déjà,  on  a  voulu  attribuer 
les  ruines  et  les  débris  préhispaniques  des  vallées  andines  de  la 
province  de  San  Juan,  que  je  considère  comme  jjrovenant  des 
Diaguites,  à  des  Indiens  nommés  Huarpes. 

Le  P.  Alonso  de  Ovalle  (278;  1.  m,  c.  vu;  i.  r,  p.  175  et  suiv.)  nous 

I.  3 

lUPIIIMCIII    KATIOSiLt. 


34  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

donne  une  description  très  précise  de  ces  Indiens,  qu'il  appelle 
Guarpes.  Ovalle  a  écrit  en  i64o  environ,  quatre-vingts  ans 
seulement  après  la  conquête  de  l'ancienne  province  de  Cuyo, 
comprenant  les  provinces  argentines  actuelles  de  Mendoza, 
San  Juan  et  San  Luis,  conquête  effectuée  par  les  Espagnols 
du  Chili.  Ovalle  fait  remarquer  les  différences  très  marquées 
existant  entre  les  Araucans  et  les  Huarpes  :  ceux-ci  avaient  la 
peau  beaucoup  plus  foncée  que  les  premiers;  ils  étaient  d'une 
taille  beaucoup  plus  élevée  et  très  minces,  tandis  que  les  Arau- 
cans étaient  moins  grands,  mais  robustes  et  trapus,  ce  qui  est 
également  le  cas  des  Araucans  de  nos  jours;  les  Huarpes  par- 
laient une  langue  tellement  différente  de  l'araucan  du  Chili, 
qu'il  n'y  avait  pas  un  mot  semblable  dans  l'une  et  l'autre  langue. 
D'autre  part,  les  HuarjDes  construisaient  leurs  maisons  sans 
aucun  soin,  se  contentaient  de  huttes  misérables,  et  ceux  qui 
vivaient  auprès  des  lagunes  (celles  de  Huanacache)  habitaient, 
comme  des  troglodytes,  dans  des  trous  creusés  dans  la  terre. 
Les  Huarpes  couraient  avec  une  vitesse  extrême  et  ils  étaient 
d'une  endurance  extraordinaire.  Ils  chassaient  les  nandous  en 
les  jDOursuivant  à  pied  pendant  un  jour  ou  deux,  sans  s'arrêter, 
jusqu'à  ce  que  le  nandou,  brisé  de  fatigue,  se  laissât  prendre 
avec  les  mains.  Techo  (341;  i.  in,  c.  xxm;  p.  82)  donne  la  même  des- 
cription des  Huarpes  qu'Ovalle.  Il  les  représente  aussi  vivant 
sur  les  bords  des  lagunes,  habitant  des  terriers  creusés  dans  le 
sol  ou  menant  une  vie  errante  et  se  nourrissant  de  la  pêche,  de 
la  chasse,  des  racines  de  plantes  aquatiques.  Techo,  dans  ce 
chapitre,  les  nomme  des  Ciiyoémes,  mais  dans  un  autre  cha- 
pitre {ibid.;\.  vu,  c.  xv;  p.  188)  il  racoute  que  le  jésuite  Domingo 
Gonzalez,  missionnaire  en  Cuyo  vers  161 5  environ,  savait  la 
lingiia  cjuarpana. 

Ces  descriptions  ne  peuvent  en  aucune  façon  correspondre 
aux  anciens  habitants  de  la  Tamberia  de  Calini>asta  et  antres 
villages  en  ruines  des  vallées  andines  de  San  Juan,  habités  par 
un  peuple  qui  bâtissait  des  maisons  en  pierre,  était  très  avancé 
dans  l'art  de  la  céramique  et  dans  celui  de  fondre  le  cuivre 


CARTE  ETHNIQUE.  35 

pour  en  faire  des  inslriimenls,  qui,  eu  uu  mol,  avait  alleiul 
uu  assez  haut  degré  de  civilisation.  D'ailleurs,  comme  nous 
l'avons  vu,  les  squelettes  des  anciennes  sépultures  de  Calin- 
gasta  et  de  Jachal,  étudiés  par  M.  ten  Kate  (343,  p.  61),  ne  cor- 
respondent pas  à  ces  Huarpes  minces  et  de  haute  taille;  ils 
sont  au  contraire  identiques  aux  Diaguites  des  Vallées  Calcha- 
quie  et  de  Yocavil.  M.  ten  Kate  a  examiné  aussi  une  autre 
catégorie  d'anciens  squelettes  conservés  au  Musée  de  la  Plata 
étiquetés  comme  provenant  de  San  Juan  ;  or  ces  derniers  sque- 
lettes correspondent  bien,  paraît-il,  aux  Huarpes  décrits  par 
Ovalle. 

11  résulte  de  tout  ceci  que  les  Huarpes  étaient  un  peu])le  sau- 
vage vivant  en  dehors  des  montagnes  de  San  Juan,  dans  les 
plaines  autour  des  grandes  lagunes  de  Huanacache,  probable- 
ment jusqu'aux  pentes  occidentales  de  la  Sierra  de  Côrdoba; 
ils  n'avaient  aucun  rapport  avec  les  habitants  des  vallées  an- 
dines. 

Vers  le  Sud,  les  Huarpes  s'étendaient  jusqu'aux  parties  sej)- 
tentrionales  de  San  Luis  et  de  Mendoza,  où  ils  se  trouvaient  en 
contact  avec  d'autres  Indiens  que  le  P.  Ovalle  nomme  des 
Pampas,  nomades  sans  aucune  espèce  de  domicile,  construi- 
sant chaque  nuit  \in  abri  rudimentaire  à  l'endroit  même  où  ils 
se  trouvaient,  habillés  de  peaux,  chassant  avec  la  holeadora  et 
mangeant  des  sauterelles  grillées.  Ces  Indiens,  différents  aussi 
des  A raucans,  venaient  quelquefois  jusqu'à  la  ville  de  San  Luis 
(«Punta  de  los  Veuados»).  Les  Pampas  décrits  par  Ovalle 
sont  probablement  les  Puelches. 

Les  Huarpes,  appelés  aussi  «  Allentiac  »,  parlaient  la  langue 
de  ce  nom,  dont  le  missionnaire  jésuite,  le  P.  Luis  de  \  aldivia 
(363) ,  a  composé  une  grauimaire  et  un  vocabulaire.  Il  avait  étudié 
cette  langue  en  catéchisant  quelques  Huarpes  des  environs  des 
Lagunas  de  Huanacache,  venus  au  Chili  où  résidait  Valdivia. 
M.  Bartolomé  iVlitrc  (239)  a  fait  une  analyse  de  la  grammaire 
de  Valdivia,  el  il  n'a   lroiiv<''   aucune   aninil(''  ciilit'    r.illciiliar , 

S. 


36  ANTIQUITÉS  DE  LA  REGION  ANDINE. 

d'un  côté,  et  les  langues  de  la  Patagonie  :  araucan,  j^uelche  et 
tehuelche,  de  l'autre.  En  comparant  Tallentiac  avec  le  qui- 
chua  et  l'aymara,  M.  Mitre  a  obtenu  le  même  résultat  :  il  n'a 
rencontré  dans  Tallentiac  que  le  inoi  pat aca  [pacJiaj  «cent»), 
mot  commun  à  l'aymara  et  au  quichua,  et  qui  doit  y  avoir  été 
introduit  jDar  des  relations  commerciales ^^l  M.  Mitre  {ibid.,^.  52) 
arrive  à  la  conclusion  que  l'allentiac  est  une  langue  isolée,  sans 
analogie  lexique  avec  aucune  des  langues  qui  géograpliique- 
ment  l'entouraient,  et  complètement  différente  de  celles-ci  par 
son  système  grammatical.  M.  Raoul  de  la  Grasserie  (153)  a  lait 
une  autre  analyse  de  l'allentiac  de  Valdivia.  Le  distingué  lin- 
guiste américain,  M.  D.  Brinton  (77,  p.  323),  ne  paraît  pas  s'être 
beaucoup  occupé  des  Huarpes,  car  il  confond  l'allentiac  avec  le 
millcayac,  que  nous  mentionnerons  ensuite;  il  donne  ces  deux 
langues  comme  des  dialectes  parlés  par  les  Huarpes,  et  localise 
ceux-ci  en  Mendoza  au  lieu  de  San  Juan;  il  cite  enfin,  comme 
source  d'information  au  sujet  de  ces  langues,  YArlede  la  Icngaa 
de  Claie  (araucan)  de  Valdivia  (362),  où  il  n'en  est  pas  question. 
Les  noms  Hiiarpe  et  Allentiac  ne  semblent  pas  appartenir  à 
la  langue  allentiac  ;  ces  noms  paraissent  avoir  été  donnés  aux 
Huarpes  par  des  étrangers  :  on  peut  dériver  «  Allentiac  »  du 
mot  tehuelche  :  allen  =  homme,  gens;  et  «  Huarpe  »  serait  ay- 
mara.  La  position  isolée  de  la  langue  allentiac  et  les  différents 
noms  donnés  aux  Huarpes  et  provenant  du  Sud  et  du  Nord 
peuvent  faire  supposer  que  ceux-ci  seraient  les  derniers  restes 
d'un  peuple  qui,  à.  des  éj^oques  antérieures,  aurait  habité  les 
vastes  territoires  de  la  partie  méridionale  de  l'Amérique  du 
Sud.  Fait  intéressant  à  noter,  les  Huarpes  employaient,  pour 
naviguer  dans  les  Lagunas  de  Huanacache ,  la  même  sorte  de 
balsas  en  totora  que  les  Uros  du  Titicaca  et  du  Desaguadero. 

L'allentiac  est  maintenant  complètement  éteint;  il  n'en  reste 
rien,  pas  même  des  noms  de  lieux,  car  la  toponymie  de  San 

<"'  Il  y  avait  des  mots  quichuas  en  usage  les  langues  des  Araucans  et  des  Puelchcs. 
chez,  plusieurs  nations  de  ces  régions.  M.  Siemiradsky  (331,  p.  i36)  mentionne 
D'Orbigny  (274,  i,  p.  258)  en  trouva  dans         à  tortjoaiaca  comme  étant  un  mot  guarani. 


CARTE  ETHNIQUE.  37 

Juan  est  pour  la  plupart  quicliua,  comme  dans  les  autres  pro- 
vinces andines  de  la  République  Argeuliue. 

Après  avoir  publié  son  arle  de  rallenliac,  le  P.  Valdivia  écrivit 
une  grammaire  et  un  vocabulaire  d'une  autre  langue  parlée 
par  des  Indiens  de  Mendoza  et  nommée  millcayac,  qu'il  ne 
faut  pas  confondre  avec  l'allentiac  des  Huarpes,  ni  considérer 
comme  un  dialecte  de  cette  dernière  langue.  Cet  ouvrage  a  été 
perdu,  sans  avoir  jamais  été  imj)rimé.  Lozano  (221),  en  donnant 
une  notice  biographique  de  son  confrère  Valdivia,  dit  que  le 
millcayac  était  la  langue  des  Puelches  de  la  Patagonie. 

Don  Antonio  de  Léon  (214),  relator  del  Supremo  i  Real  Consejo 
de  las  Indias,  antérieur  à  Valdivia  et  à  Ovalle,  confirme  ce  que 
nous  avons  exposé  sur  les  rapports  entre  l'araucan,  l'allenliac 
et  le  millcayac,  et  établit  nettement  la  différence  entre  les 
Araucans,  d'un  côté,  et  les  Allentiac  (Huarpes)  et  Millcayac 
(Puelches?)  de  l'autre.  11  dit  de  l'araucan  :  [Lemjna  clàlena) 
assise  llama  la  lengua  (jcncral,  a  dijerencia  de  la  Millcayac,  i  de  la 
Allentiac,  (jne  usan  los  piichlos  de  Cuyo,  (jiic  auiKjiie  sujeios  oy  al 
mismo  Reyno  (Chili)  estanfiicra  dcl,  i  son  ullramonianos. 

Comechingons.  —  La  seule  partie  de  la  région  montagneuse 
non  habitée  par  les  Diaguites  était  la  Sierra  de  Cordoba,  sys- 
tème de  montagnes  d'une  assez  grande  étendue,  séparée  des 
autres  échelons  des  Andes  par  de  vastes  plaines  semi-désertiques. 

Don  Pedro  Sotelo  Narvaez  (253,  p.  i5i)  cite  les  Comechin- 
gons comme  habitant  les  domaines  de  la  ville  de  Cordoba;  il 
les  décrit  comme  étant  d'une  civilisation  assez  élevée,  portant 
des  vêtements  de  laine  de  lama,  de  longues  tunic[ues  et  des 
mantes  ornées  de  c]ia(faira''^\  Ils  possédaient  aussi  des  brnrelets, 

*''  Les  chaquiras  étaient   de   petits  dis-  aujourd'hui  ces  petits  distjucs  poui'  oincr 

ques  ou   houlons   faits  en    cocpiille,    (pie  leurs  ceintures  et  d'autres  elTi'ls  d'IuiMlle- 

les   Péruviens    et   beaucoup    d'autres    In-  ment  et  de  parure.  Antonio  de   Ilcrrera 

diens    portaient    cousus    sur    leurs    vêle-  (164;  «le.-,  iv,  I.  i\,  r.  nr  ;  i.  n,  p.  aaG)  délinit 

iMcnIs,  fonnanl  des  parements  et  d'autres  les    clin<i(iir(is    connue    étant    «des    perles 

ornements.  Plusieurs  tribus  du  (iliaco,  et  blanches  tenues  en  grande  valeur  parles 

[larmi  elles  les  Mata(t)s,  emploient  encore  Indiens». 


38 


ANTIQUITÉS  DE  LA   RÉGION  ANDINE. 


des  aigrettes  frontales  et  d'autres  objets  de  cuivre.  Ils  parlaient 
deux  langues  :  le  comechingon  et  le  sanaviron. 

Le  général  Don  Geronimo  Luis  de  Cabrera  (88,  p.  i/|o),  fon- 
dateur de  la  ville  de  Côrdoba,  décrit  dans  une  relacion  le  voyage 
qu  il  fit  en  1672  et  au  cours  duquel  il  choisit  fendroit  où  il 
allait  placer  cette  ville.  Il  mentionne  là  des  Indiens  monta- 
gnards, portant  des  vêtements  ornés  de  chacjiilra.  Les  indica- 
tions géograj^liiques  qu'il  donne  sur  sa  marche  sont  assez 
vagues '^^,  mais  on  j^eut  parfaitement  se  rendre  compte  qu'il 
s'agit  des  Indiens  de  la  Sierra  de  Côrdoba,  c'est-à-dire  des 
Comechingons.  Cabrera  donne  des  renseignements  intéressants 
sur  les  villages  et  les  habitations  de  ces  Indiens.  Leurs  vil- 
lages étaient  petits,  a  de  dix  à  quarante  maisons»,  et  entourés 
d'une  clôture  de  cactus  et  d'arbres  épineux.  Chaque  village 
était  habité  seulement  par  les  familles  alliées  entre  elles  et 
qui  constituaient  un  clan.  Les  «  maisons  »  étaient  très  grandes, 
basses  et  creusées  dans  la  terre  jusqu'à  la  moitié  de  leur  hau- 
teur; chacune  d'elles  abritait  quatre  ou  cinq  Indiens  mariés. 
Ces  Indiens  étaient  agriculteurs  et  se  servaient  de  l'irrigation 
artificielle,  par  canaux,  pour  leurs  cultures.  Selon  Rui  Daiz 
de  Guzman  (116;  1.  n,  c.vi;p.  77),  Don  Francisco  de  Mendoza 
avait  déjà  en  i543  traversé  Côrdoba,  le  pays  des  Comechin- 
aons.  Diaz  de  Guzman  mentionne  aussi  leurs  habitations 
demi-souterraines.  Cependant  cette  manière  de  construire  les 
maisons  ne  justihe  pas  fépithète  de  «troglodytes»  qui  a  été 
appliquée  aux  Comechingons  j^ar  plusieurs  auteurs. 

Le  P.  Bàrzana  (55,  p.  mv)  n'emploie  le  nom  Comechingon  ni 
pour  les  Indiens  de  Côrdoba,  ni  pour  leur  langue.  Il  dit  que 


''^  Le  général  Cabrera  n'était  pas  fort 
on  géographie.  Il  dit  qu'il  est  parti  de  la 
ville  de  Santiago  en  direction  Sud  et  néan- 
moins qu'il  a  marché  longtemps  dans  des 
montagnes  limitrophes  du  Chili  qui  sont 
situées  à  l'ouest  de  Santiago.  Mais  il  abou- 
tit à  l'endroit ,  qu'il  délinit  très  clairement , 
où  est  située  la  ville  actuelle  de  Côrdoba 
et  où  il  n'aïu'ait  pu  parvenir  s'il  avait  suivi 


vraiment  les  montagnes  de  Catamarca  et 
de  La  Rioja.  D'ailleurs  Cabrera  parle  aussi 
d'une  grande  p'aine,  propre  à  l'élevage 
du  bétail  européen,  qui  ne  correspond 
pas  aux  déserts  de  ces  provinces,  mais 
])Iutùt  aux  plaines  de  Côrdoba.  Les  mon- 
tagnes parcourues  par  Cabrera  ne  peu- 
vent donc  être  que  celles  de  la  Sierra  de 
Côrdoba. 


CARTE  ETHMQUE.  39 

ces  Indiens  parlaient  plusieurs  lang^ues  différentes;  il  men- 
tionne cependant  le  sanaviron  de  Cordoba  comme  Tune  des 
principales  langues  de  Tancienne  province  de  Tucuman. 
Teclîo  (341;  1.  II,  c.  XV ;  p.  46)  ne  donne  pas,  lui  non  plus,  le  nom 
de  Comechingons  aux  Indiens  de  Cordoba,  mais  il  raconte 
qu'en  167 3,  année  de  la  fondation  de  la  ville  de  ce  nom,  il  y 
avait  dans  le  territoire  en  dépendant  4o,ooo  Indiens  guer- 
riers, sans  compter  les  vieillards,  les  femmes  et  les  enfants, 
et  que  les  Espagnols  les  ayant  tellement  exterminés,  il  n'en 
restait  que  8,000  en  1600.  Cette  information  nous  édifie  sur 
la  disparition  rapide  des  Indiens  qui  ne  voulaient  pas  se  sou- 
mettre aux  conquérants. 

Les  historiens  postérieurs,  Lozano  et  Guevara,  parlent  tou- 
jours des  Comechingons  comme  habitant  Cordoba.  Le  P.  Gue- 
vara (154,  p.  107)  dit  qu'ils  occupaient  la  Sierra  de  Cordoba  et 
que  leur  nom ,  en  langue  sanaviron ,  signifie  «  cavernes  soutex^- 
raines  ».•  On  voit  souvent  les  historiens,  par  exemple  Lozano 
(220,1,  p.  176),  donner  au  territoire  de  Cordoba  le  nom  de  pro- 
vincia  de  Comechingones. 

Je  ne  connais  pas  d'antiquités  provenant  de  la  Sierra  de 
Cordoba  et  aucune  publication  n'a  été  faite  sur  les  vestiges  que 
doivent  y  avoir  laissés  ses  habitants  préhispaniques.  On  ne  peut 
donc  établir,  par  voie  archéologique,  les  affinités  ou  les  dilfé- 
rences  de  ceux-ci  avec  les  Diaguites  ou  avec  d'autres  peuples. 
Les  rochers  à  cupules,  que  je  mentionne  page  109,  situés  à 
Capilla  del  Monte,  se  trouvent  dans  l'ancien  domaine  d(\s 
Comechingons,  ainsi  que  des  fresques  peintes  dans  des  abris 
sous  roche  du  département  de  Rio  Seco,  dans  la  partie  nord  de 
la  Sierra  de  Cordoba.  M.  Leopoldo  Lugones  (224)  a  donné  des 
figures  de  ces  peintures  représentant  des  hommes  qui  semblent 
coiffés  de  plumes  et  dont  quelques-uns  sont  armés  de  flèches 
et  de  haches.  H  y  a  aussi  des  figures  d'aniinaii\,  doiil  il  csl 
impossible  de  déterminer  les  espèces.  M.  Lugones  a  mi,  d;ms 
ces  abris  sous  roche,  plus  de  deux  cents  figun^s  peintes  eu 
blanc,  rouge,  noir.  A  en  juger  par  ses  reproductions,  hî  style 


40  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

de  ces  peintures  difFère  de  celui  des  fresques  rupestres  et  des 
pétrogiyphes  de  la  région  des  Diaguites ,  et  se  rapproche  plutôt 
du  style  des  peintures  sur  rochers  de  la  Patagonie  ;  mais  au- 
cune indication  ne  permet  de  les  attrihuer  avec  certitude  aux 
Comechingons.  C'est  également  le  cas  des  pierres  à  cupules, 
qui  peuvent  parfaitement  être  plus  anciennes  que  ce  peuple. 
Dans  la  ville  de  C6rdoha,un  musée  provincial  dirigé  par  fabhé 
Geronimo  Lavagna,  que  je  n'ai  pas  eu  l'occasion  de  visiter, 
doit  contenir  des  antiquités  de  la  région.  Elles  pourraient  peut- 
être  aider  à  établir  des  comparaisons  avec  l'archéologie  de  la 
région  diaguite.  M.  E.  H.  Giglioli  (144,  p.  24/O  possède,  dans  sa 
grande  collection  générale  d'objets  lithiques,  sept  haches  de 
pierre  à  gorge,  de  San  Marcos  (département  de  Cruz  del  Eje), 
San  Vicente,  Cosquin  et  Punilla,  tous  endroits  situés  dans  la 
Sierra  de  Côrdoba.  M.  Giglioli  croit  que  les  Comechingons 
étaient  apparentés  aux  Diaguites,  mais  un  fait  s'y  oppose  :  les 
Comechingons  ne  parlaient  pas  le  cacan. 

Sanavirons  et  Indamas.  —  D'après  Narvaez  (253,  p.  i5i),  les 
Indiens  de  Côrdoba  «  j^arlaient  deux  langues  :  le  comechingon 
et  le  sanaviron»,  et,  suivant  Barzana  (55,  p.  liv),  il  y  avait  en 
Côrdoba  deux  nations  :  les  Sanavirons  et  les  Indamas.  Narvaez 
{ibid.,\^.iii6)  dit  aussi  que,2Darmi  les  Indiens  au  service  des  Es- 
pagnols de  Santiago  del  Estero,  se  trouvaient  des  Sanavirons. 
Techo  (341;  1.  IX,  c.  i;  p.  235)  mentionne  des  Sanavirons,  en  1629, 
sur  le  Pùo  Dulce.  Ce  sont  là  tous  les  renseignements  que  nous 
possédons  sur  ces  Indiens,  et,  suivant  ces  informations,  il  faut 
les  placer  entre  Côrdoba  et  Santiago,  c'est-à-dire  à  l'est  et  au 
sud  des  Salinas  Grandes  de  Côrdoba. 

Sur  leurs  langues  nous  ne  savons  rien,  les  jésuites,  d'après 
Barzana  [ibid.),  ne  les  avant  pas  apprises,  car  les  Sanavirons 
et  les  Indamas  avaient  appris  le  quichua  que  savaient  les 
missionnaires.  Barzana  dit  que  les  Indiens  de  Côrdoba  par- 
laient beaucoup  de  langues  différentes,  mais  il  est  difficile  de 
comT)rendre   si  ces  «  Indiens  de  Côrdoba  »  étaient  les  Come- 


CARTE  ETHNIQUE.  41 

chingons  de  la  Sierra  ou  d'autres  tribus  de  la  plaine  à  l'est 
des  montagnes.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  paraît  que  le  coniechin- 
gon,  le  sanaviron  et  l'inrlama  étaient  les  trois  langues  princi- 
-pules  de  Cordoba,  si  toutefois  le  comecliingon  et  le  sanaviron 
ne  sont  pas  une  même  langue,  question  qui  me  semble  assez 
obscure.  Lozano  (220,  i,p.  19)  dit  que  la  langue  la  plus  parlée 
par  les  Indiens  du  «  vaste  district  de  C6rdol)a  »  était  le  sana- 
viron. Toutes  ces  langues  sont  maintenant  éteintes. 

«Juris.»  —  Nous  trouvons  souvent  ce  nom  dans  les  documents 
et  dans  les  chroniques  des  premiers  siècles  après  la  conquête. 
Ce  n'est  pas  le  nom  d'une  nation,  mais  bien  une  dénomination 
générale  donnée  à  tous  les  Indiens  plus  ou  moins  sauvages, 
d'une  civilisation  inférieure  à  la  culture  péruvienne  des  In- 
diens des  montagnes,  et  habitant  la  plaine  couverte  de  forêts, 
à  l'est  des  cliaînes  de  l'Aconquija  et  d'Ancasti,  c'est-à-dire  la 
plaine  formée  par  les  provinces  actuelles  de  Salta,  Tucuman 
et  Santiago.  Les  «Juris»,  d'après  les  chroniqueurs,  étaient 
(jeiile  desniida  (nus),  au  contraire  des  Diaguites  des  montagnes 
qui  étaient ^<?/i/e  vestula,  «  gens  vêtus  ».  Ils  sont  dépeints  comme 
des  sauvages  et,  quant  à  leur  asjDect  physique,  comme  étant 
d'une  haute  taille,  extrêmement  maigres,  avec  des  jambes  très 
longues  et  très  minces,  ce  qui  a  fait  dire  à  Gonzalo  Fernândez 
de  Oviedo  y  Valdez  (280;  l.  xi.vn.c.  m;  t.  n,  p.  26I)  que  leur  nom 
dérivait  de  sari  «autruche»  (nandou),  en  quichua. 

D'après  la  relacion  de  Don  Diego  Pacheco  (282,  p.  137),  la  ville 
de  Santiago  del  Estero  était  située  «dans  les  Juris»,  voire  sur 
le  territoire  des  Juris,  et  il  y  avait  aussi  des  Juris  qui  dépen- 
daient (h^  Tucuman.  Le  générai  Cabrera  (88),  (|iii  résidait  à 
Sanliago,  '^\n\\\.n\ini  (joheniador  de  los  Jiiries  ou  (johcniador  de  las 
prnvincias  de  los  Jades.  Cabrera  [Uml,  p.  1 V))  dit  que  le  Rio  Dnice, 
(liTil  nomme  «  Puo  del  l'^slei'o»,  arrose  la  |)ro\lii(»'  des.liiris, 
du  Nord  au  Sud^^l 

'''  H  ne    l;iut    pas  coufoiulic  cos  Jiiiis         par  Spix  ol  von   Marlius  (333.  1,  |>.  mii), 
avec  les  Juiis  ilu  Brésil  qui  lurent  étudies         dans  la  ré^'ion  du  Iud  lapina. 


42  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

Sous  la  ])lume  de  Narvaez  et  de  Bârzana  on  ne  trouve  j^as 
le  nom  de  Juris,  sans  doute  parce  qu'ils  connaissaient  les  vrais 
noms  des  tribus  indiennes  et  n'avaient  pas  besoin  d'employer 
un  terme  qui  ne  désignait  pas  une  nation  déterminée,  mais 
était  la  dénomination  générale  des  Indiens  de  beaucoup  de 
tribus  différentes,  ce  qui  d'ailleurs  est  confirmé  par  le  fait 
qu'aucun  auteur  ne  parle  d'une  langue  jurie. 

Lozano,  fex^plorateur  d'archives  de  fancienne  province  de 
Tucuman,  sans  expérience  pratique  des  populations  et  des 
choses,  emploie  le  mot  «  Juris  »  de  diverses  manières,  quelque- 
fois comme  nom  d'une  nation,  d'autres  fois  pour  désigner  en 
général  les  Indiens  habitant  la  plaine  et  les  distinguer  de  ceux 
des  montagnes.  Cependant,  dans  un  passage  de  son  ouvrage, 
Lozano  (220,1,1x177,178)  défmit  nettement  ce  qu'il  considère 
comme  la  «  province  des  Juris  »  :  il  dit  qu'elle  était  traversée 
par  deux  rivières,  le  Rio  Dulce  et  le  Rio  Salado,  et  à  la  page 
suivante  que  «  la  province  des  Juris  est  le  territoire  de  San- 
tiago del  Estero».  Lozano  oppose  cette  «province  des  Juris» 
à  la  «  province  des  Diaguites  »  qui  comprenait  les  territoires 
de  Catamarca,  de  la  Rioja  et  la  partie  montagneuse  de  celui  de 
San  Miguel  de  Tucuman. 

Suivant  Oviedo  y  Valdez,  dans  le  chapitre  cité,  Almagro 
rencontra  dans  la  «province  de  Xibixuy  »  (Jujuy)  des  Juris 
très  guerriers  qui  entravèrent  fort  sa  marche.  Ces  Juris, 
nomades  comme  les  Arabes,  avaient  dévasté  et  pillé  tout, 
depuis  Jujuy  jusqu'à  la  «province  de  Chicoana  »  (probable- 
ment la  Vallée  Calchaquie,  comme  nous  le  démontrerons  plus 
loin). 

Les  Juris  de  Santiago  del  Estero  devaient  être  les  Tonocotés 
qui  habitaient  cette  province  à  fépoque  de  la  conquête.  Les 
Tonocotés  de  Tucuman  et  de  Salta  sont  peut-être  aussi  des 
Juris  dans  quelques  auteurs,  mais  on  appliquait  plus  encore 
ce  nom,  paraît-il,  aux  Lules  nomades  qui,  avant  la  conquête 
espagnole,  avaient  envahi  ces  régions.  Les  Juris  de  Jujuy 
dont  parle  Oviedo  y  Valdez  pourraient  être  des  Omaguacas, 


CARTE  ETHNIQUE.  43 

et  ceux  qui  avaient  désolé  le  territoire  entre  Jujuy  et  «  Clii- 
coana  » ,  des  Lules. 

En  résumé,  le  nom  «  Juris  »  était  plus  ou  moins  employé 
comme  le  mot  Cliiinchos  dont  on  se  sert  au  Pérou  et  dans  le 
nord  de  la  Bolivie  pour  désigner  toutes  les  tril)ns  sauvages 
habitant  les  lorêts  au  pied  de  la  Cordillère,  sans  distinction  de 
race  ou  de  langue,  comme  les  Tacanas,  les  Panos,  les  Campas, 
les  Guarayos,  les  Araunas,  les  Cavinas,  etc. 


Tonocotés.  —  Les  noms  «  Tonocoté  »  et  «  Lule  »  ont  été  con- 
fondus aussi  bien  par  les  auteurs  anciens  que  par  les  modc'rnes. 
Le  premier  de  ces  deux  noms  est  cependant  bien  défini.  Nar- 
vaez  (253,  p.  i/i6,  148-1/19)  nous  dit  cpi'à  la  fin  du  xvi''  siècle  les 
Tonocotés  servian  à  Santiago,  à  Tucuman  et  à  Esteco ,  c'est-à- 
dire  qu'ils  dépendaient  de  ces  villes  et  habitaient  des  territoires 
de  leur  ressort.  D'après  Bârzana  (55,  p.  uv),  contemporain  de 
Narvaez,  la  langue  tonocoté  était  parlée  par  «  toutes  les  nations 
dépendant  de  Tucuman  et  d'Esteco ,  par  presque  toutes  celles  du 
Rio  Salado^'^et  par  cinq  ou  six  nations  du  Rio  del  Estero  (Rio 
Dulce)  ».  Techo  (341;  1. 1,  cxxiv,  xxv,  xxxi;  p.  18-19, 23)  confirme  les 
renseignements  de  Narvaez  et  de  Barzana^Ce  dernier,  dit-il, 
catéchisait  les  Indiens  d'Esteco  en  langue  tonocoté  en  i586. 
Le  tonocoté  était  également  la  langue  des  Indiens  des  envi- 
rons de  la  ville  de  Santiago  del  Estero  et  des  Indiens  habitant 
les  rives  du  Rio  Salado.  Ainsi  les  Tonocotés  occupaient,  à  la 
fin  du  xvi''  siècle,  toute  la  plaine  formée  par  les  provinces 
actuelles  de  Salta,  Tucuman  et  Santiago,  excepté  l'extrémité 


'"'  Il  faut  (lislinguor  ce  Rio  Salado  de 
tant  d'autres  rivières  du  même  nom.  Ce 
fleuve  commence  sur  les  pentes  méridio- 
nales du  Nevado  dol  Acay,  suit  la  Vallée 
Calchaquie  du  Nord  au  Sud,  reçoit  près 
de  Cafayale  le  Rio  Santa  Maria  venant  de 
la  Vallée  de  Yocavil ,  se  dirige  ensuife 
vers  le  Nord  par  la  Qiichrada  de  las  Cou- 
chas ou  de  Guachipas,  entre  dans  la  Vallée 
de  Lerma ,  tourne  vers  l'Est,  traverse  la 


chaîne  qui  sépare  cette  vallée  de  la  plaine 
et  va  enfin  se  jeter  dans  le  Rio  Paranâ,  à 
proximité  de  la  ville  de  Santa  Fé,  après 
avoir  traversé  une  paitie  de  Salta  et  les 
jirovinces  de  Sanlia;^^)  del  Estero  et  Santa 
Fé.  En  sortant  de  la  \'all('(»  de  Lerma,  la 
rivière  prend  d'ahoid  li>  nom  de  Rio  Pa- 
satrc  et  ensuite  celui  de  Uio  Juramento. 
Le  nom  de  Rio  Salado  lui  est  donné  dès 
qu'elle  entre  dans  la  province  de  Santiago. 


44  ANTIQUITÉS  DE  LA  REGION  ANDINE. 

sud  de  cette  dernière  où  vivaient,  comme  nous  l'avons  vu,  les 
Sanavirons.  C'est  le  même  territoire  dont  les  habitants  ont  reçu 
d'auteurs  contemporains  de  Narvaez  et  de  Bârzana  le  nom  ou 
plutôt  le  sobriquet  de  Juris  dont  nous  venons  de  parler.  Les 
Tonocotés  s'étendaient  jusque  dans  le  voisinage  immédiat  des 
montagnes,  car  Narvaez  dit  qu'ils  «  eurent  beaucoup  à  soulTrir 
des  attaques  des  Diaguites  de  guerre,  de  Calchaqui  ». 

Suivant  le  P.  Antonio  Maclioni  (226,  p.  32),  les  Tonocotés  des 
environs  d'Esteco  abandonnèrent  cette  région  lors  du  tremble- 
ment de  terre  qui,  en  1692  ,  détruisit  la  ville.  Cette  nation ^^^  se 
comjDOsait  alors,  toujours  d'après  Maclioni,  de  cinq  tribus  :  les 
Lules,  les  Isistinés,  les  Toquistinés ,  les  Oristinés  et  les  Tono- 
cotés. Les  quatre  premières  avaient  habité  près  d'Esteco  et  le 
long  du  Piio  Salado;  la  cinquième,  près  de  la  ville  de  Concep- 
cion^""\  dans  le  Chaco,  d'où  elle  s'était  retirée  vers  le  Nord,  sur 
les  rives  du  Piio  Pilcomayo  et  du  Piio  Yabibiri,  pour  échapper 
aux  mauvais  traitements  que  faisaient  subir  à  ces  Indiens  les 
encomenderos  espagnols  de  Concepcion.  Ce  peuple  était  si  nom- 
breux qu'à  Esteco  seulement  v'^o,ooo  individus  payaient  tribut, 
et  cela  sans  compter  les  femmes  et  les  enfants.  Les  quatre  tribus 

'*'  Machoni  n'emploie  pas  le  nom  «To-  celui  que  mentionne  Techo,  et  je  n'ai  pas 

nocotéi)  pour  la  nation  en  général,  et  ne  entendu  parler  non  plus  cVun  lac  de  cette 

lui  donne  pas  non  plus  d'autre  nom  gé-  étendue.  Sur  la  carte  de  d'Anville  (36), 

néral.                                 *■  Concepcion    est  située   beaucoup    plus  à 

'^^  Cette  ville  de  Concepcion  de  Buena  Tintérieur,  au  confluent  du  Rio  Bennejo 

Esperanza,  cpil  a  disparu  sans  laisser  au-  et  d'une  autre  rivière  qui  ne  peut  être  que 

cune   trace,   fut   fondée,    d'après    Techo  le  Rio  Teuco. 

(341;  1.  I,  c.  xii;  p.  28),  en  1670,  par  Don  11  est  remarquable  que  les  Espagnols 
Alonso  de  Vera  y  Aragon,  et,  suivant  de  celte  époque  aient  pu  maintenir  la 
Lozano  (219,  p.  92,  107)  détruite  par  les  communication  ouverte  entre  le  Tucu- 
Indiens  soixante  ans  après  sa  fondation.  man  et  le  Paraguay  en  passant  par  Con- 
Selon  Techo,  Concepcion  était  située  près  cepcion  ,  alors  qu'aujourd'hui  ce  voyage, 
d'un  lac  de  8  lieues  de  circonférence,  sur  prcs([ue  impossi])le ,  ne  pourrait  être  el- 
les rives  du  Rio  Bermejo,  à  00  lieues  fectué  que  sous  forme  d'expédition  armée, 
(sans  doute  des  lieues  coloniales  de  8  ki-  Une  expédition  de  ce  genre  occasionne- 
lomètres  chacune)  de  son  embouchure  rait  des  frais  élevés  et  n'empêcherait  pas 
avec  le  Rio  Paraguay.  J'ai  remonté  le  les  voyageurs  de  risquer  leiu-  vie  par 
Bermejo  jusqu'à  cette  hauteur  sans  avoir  suite  de  la  présence  d'Indiens  hostiles  et 
vu   aucun  lac  qui  puisse  correspondre   à  à  cause  de  la  sécheresse. 


CARTE  ETHNIQUE.  45 

qui  avaient  fui  Esteco  auraient  erré  dans  le  Cliaco  jusqu'en 
1710,  époque  à  laquelle  elles  revinrent  —  sauf  les  Oristinés 
qui  s'étaient  «  perdus  dans  les  forêts  »  —  vers  les  régions  se 
trouvant  sous  la  domination  des  Espagnols,  et  se  soumirent  au 
gouverneur  de  Tucuman,  Don  Esteban  de  Urizar  y  Arespaco- 
chaga,  qui  chargea  les  jésuites  de  les  prendre  sous  leur  tutelle. 
On  fonda  alors  dans  ce  but  les  missions  de  Miraflores  et  de 
Valbuena  sur  le  Rio  Salado^'\  près  de  remplacement  oii  avait 
été  situé  Esteco.  Les  Indiens  qui  s'étaient  soumis  se  groupèrent 
autour  de  ces  missions,  et  celle  de  Miraflores,  dont  le  P.  Ma- 
choni  était  chargé,  reçut  la  tribu  nommée  «les  Lules».  C'est 
ainsi  que  Maclioni  (226)  fut  amené  à  écrire  une  grammaire  et 
un  vocabulaire  de  la  langue  parlée  par  cette  tribu.  L'ouvrage 
porte  ce  titre  :  Arte  y  vocahiilario  de  la  lencjua  Liile  y  Tonocote, 
et  a  été  imprimé  en  ij732.  Maclioni  applique  à  cette  langue, 
ainsi  qu'on  le  voit,  deux  noms  synonymes:  Iule  et  tonocote, 
et  il  dit  qu'elle  était  commune  aux  cinq  tribus  citées. 

Maclioni  était  recteur  du  Colecjio  Màximo  des  jésuites,  à  Cor- 
doba,  où  Lozaiio  était  professeur.  La  Descripcion  cJioro(jraphica 
(Ici  cjraii  Chaco,  de  ce  dernier,  parut  en  1  ySS ,  presque  en  même 
temps  que  Y  Arte  lule-tonocoté  de  Maclioni,  et  celui-ci  en  a 
écrit  la  préface.  Lozano  (219, 11.  5i ,  54,  94  et  suiv.)  y  confirme  ce  que 
rapporte  Maclioni  sur  l'émigration  des  Tonocotés-Lules  dans 
les  forêts  du  Chaco,  et  il  dit  avoir  eu  cette  information  d'une 
bonne  source  :  une  relacion  conservée  dans  les  archives  des 
jésuites  de  Cordoba,  laquelle  contenait  des  déclarations  d'iii- 

'■^  Les  missions  des  jésuites  sur  le  Rio  Orlega  (Omoampas   :  triini  Je   Vilclas), 

Salaclo  sont  désignées  sur  la  carie  Jlg,  i.  fondée  en  1763; 

Ces  missions,  d'après  Tahljé  Hervas  (165,  Macapillo  ou.  Nucstra  Senora  de  la  Co- 

I,  p.  192),  étaient  les  suivantes  :  lumna  (Pasains  :  tribu  de  Vilelas),  fondée 

San    Estéhan    de    Miraflores   (Indiens  en  17^3; 
Luios),  fondée  en  1711,   puis   abandon-  San  José  de   IVlacas  (Vilelas),   fondée 

née  et  rétablie  en  175^;  en  1705,  déplacée  en  1761; 

San  Juan  Baulista  de  Valbuena  (Isisti-  Dans  la  \'allée  de  San  Francisco   (Ju- 

nés,  'Jocpiislinés),  fondée  en  1751,  dé-  juy),  les  jésuites  avaient  aussi  une  ntission  : 
placée  en  1765  ;  San  Ignacio  de  Ledesma  (Tobas  et  M.i- 

Nuestra  Senora   del   Buen   Consejo  de  taguayos),  fondée  en  1756. 


46  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

diens  Guaycurus  aux  jésuites  du  Paraguay  et  d'autres  déposi- 
tions faites  au  Pérou  par  des  Espagnols  qui  avaient  voyagé  dans 
le  Gliaco.  Lozano  consacre  tout  le  paragraphe  XVI  (p.  94  eisuiv.) 
aux  «  Lules  ou  Tonocotés  »  qu'il  divise  en  deux  catégories  :  les 
«  Grands  Lules  »  et  les  «  Petits  Lules  » ,  les  premiers  correspon- 
dant à  la  tribu  des  Lules  de  Machoni,  les  derniers  aux  trois 
tribus  des  Isistinés,  Toquistinés  et  Oristinés.  Lozano  emploie 
le  nom  «  Tonocotés  «  comme  nom  général  de  la  nation  com- 
posée par  toutes  ces  tribus. 

Le  P.  Bârzana  avait  déjà,  comme  nous  l'avons  signalé,  écrit 
une  grammaire  et  un  vocabulaire  tonocotés,  résultat  de  ses 
études  chez  les  Tonocotés  d'Esteco  et  de  Santiago,  au  cours 
de  sa  première  tournée  dans  le  Tucuman,  lorsqu'il  y  arriva 
venant  du  Pérou,  en  i586.  Cet  ouvrage  a  malheureusement 
été  i^erdu,  comme  celui  qu'il  avait  fait  sur  le  cacan.  Machoni 
alFirme  que  son  «  Iule  et  tonocoté  »  serait  la  même  langue  que 
le  tonocoté  de  Bârzana. 

Or,  en  1784-1800,  l'abbé  Lorenzo  Hervas  (165;  i,  p.  165-171)^'^, 
dans  son  grand  ouvrage  de  linguistique  universelle,  soutient 
que  les  renseignements  donnés  par  Machoni,  dans  la  préface 
de  son  Arte,  sur  les  Lules  parlant  son  lule-tonocoté ,  ne  corres- 
pondent pas  à  ce  que  rapportent  Techo,  Lozano  et  Charlevoix 
(96)  sur  les  Lules,  et  il  nie  par  conséquent  que  la  langue  étu- 
diée par  Machoni  soit  le  tonocoté  de  Bârzana.  Hervas  avait  de- 
mandé des  renseignements  à  ce  sujet  au  P.  José  Ferragut  qui 
avait  été  à  la  tête  de  la  mission  de  Miraflores  après  1762,  cette 
mission  ayant  été  abandonnée  pendant  quelque  temps  et  réta- 
blie à  cette  époque.  Les  arguments  de  Hervas  sont  les  suivants  : 
l'existence  des  Tonocotés  du  Rio  Pilcomayo  et  du  Rio  Yabi- 
biri  est  une  simple  supposition  de  Machoni;  les  Espagnols 
de  Guadalcâzar^"^^  qui  auraient  du  connaître  les  Tonocotés  de 

''^   Ilorvas   écrit    Toconolc ,   au  lieu    de  il  faut   supposer  cpi'il  s'agit  d'une   simple 

Tonocoté;  mais ,  comme  Téminent  linguiste  métalhèse. 

Bârzana  et  le  grand  connaisseur  du  pays  '^'  La  ville  de  Santiago  de  Guadalci'izar, 

Narvaez  adoptent   cette  dernière  forme,  dans  le  Chaco,  fut  fondée  en  1628  parle 


CARTE  ETHNIQUE. 


47 


CCS  fleuves,  les  ignoraient.  Les  Lules,  dont  la  langue  a  été 
étudiée  par  Maclioni  à  Mirailores,  ne  seraient  pas,  comme  ce- 
lui-ci le  suppose,  une  tribu  des  Tonocotés  qui  s'était  enfuie 
d'Esteco,  car  d'anciens  missionnaires  des  Lules  auraient  dit  à 
Hervas  n'avoir  jamais  entendu  les  Lules  parler  de  leur  parenté 
avec  ces  Tonocotés,  ni  avec  les  Matarâs  qui  sentaient  les  vrais 
Tonocotés  dont  la  langue  a  été  étudiée  par  Bârzana.  Les  Ma- 
tarâs  auraient  habité  d'abord  les  environs  de  Concepcion  (sur 
le  Bermejo),  et  de  là  ils  se  seraient  transportés  dans  la  région 
du  Salado,  à  cause  des  continuelles  attaques  des  Abipons,  Mo- 
covi's  et  Tobas,  auxquelles  ils  étaient  ex23osés  dans  le  Chaco^^^. 
Après  Hervas,  les  linguistes,  aussi  bien  les  anciens,  par 
exemple  Adelung  (4,  t.  m,  2=  part.,  p.  5o6  etsuiv.),  que  les  modernes 
comme  Brinton  (77,  p.  on)  et  Lafone-Quevedo,  se  sont  beau- 
coup occupés  de  cette  question. 

M.  Lafone-Quevedo  (194)  a  pul^lié  un  vocabulaire  Iule-espa- 
gnol basé  sur  celui  de  Machoni  et  précédé  d'une  étude  gram- 
maticale. Dans  un  autre  travail  (193),  le  même  auteur  essaie, 
d'une  manière  très  ingénieuse,  de  prouver  que  le  tonocoté  de 
Bârzana  n'est  autre  que  le  mataco  actuel.  M.  Lafone-Quevedo 


gouverneur  de  Tucuman,  Don  Martin  de 
Lcdesma  Valderrama.  Elle  fut  bientôt  dé- 
truite et  n'a  pas  laissé  de  trace.  Suivant 
un  renseignement  de  Don  Flliberlo  de 
Mena,  publié  par  M.  M.-R.  Trclles  (352, 
m,  p.  25),  cette  ville  était  située  sur  les 
rives  du  Rio  Bermejo,  à  l'est  de  Zenta. 
Ce  renseignement  est  conOrmé  par  la 
carteded'Anville(36),sur  lacjucllc  (iuadal- 
Ci'izar  est  placé  au  nord-est  de  Jujuy ,  au 
confluent  de  deux  rivières,  qui  paraissent 
être  le  Rio  Bermejo  et  le  Rio  San  Fran- 
cisco, (niadalcazar  était  donc  pr()l)able- 
mcnt  situé  au  sud-est  de  l'actuel  bourg 
d'Oran. 

'"'  Les  Matarâs  avaient  été  convertis 
parle  P.  Bârzana  on  i.^Hy.  En  i^i/ji,  !<' 
P.  Juan    Paslor   partit  de  Santiago    del 


Eslero  pour  faire  chez  eux  une  nouvelle 
mission.  D'après  Techo  (341;  1.  i,  c.  .\lii; 
I.  Mil,  r.  IV  ti  v;  p.  19  cl  353) ,  ces  deux  mis- 
sionnaires se  faisaient  comprendre  dos 
Malanis  on  employant  la  langue  (onocolé. 
En  quittant  les  Matanis,  Pastor  continua 
son  voyage  jus([ue  chez  les  Abiponcs,  qui 
étaient  à  Go  lieues  des  premiers.  Cette 
distance  pormol  de  localiser  les  Matarâs  à 
rotto  opocpie  sur  lo  Rio  Sahido,  et,  en 
lait,  doux  dopartoiiionts  do  la  prn\inoo 
de  Santiago  dol  Estoro  sur  la  rive  gauche 
du  Salado  portent  encore  aujourd'hui  les 
noms  do  Matarâ  I  et  Matai;!  II.  (iopen- 
dant,  sur  les  cartes  de  Eozauo  (219)  vl 
do  d'Anville  (36),  les  Matarâs  figurent  à 
l'est  do  la  Sierra  Santa  Barbara,  c'ost-à- 
dirc  au  nord  de  ces  dopartomonls. 


48  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

raisonne  ainsi  :  Le  tonocoté  de  Barzana  ne  j^ouvait  être  le 
lule-tonocoté  de  Machoni,  car  celui-ci  ne  connaissait  j)as  les 
Tonocotés  qu'il  suppose  avoir  habité  sur  le  Rio  Pilcomayo, 
c'est-à-dire  loin  de  sa  mission  de  Mirailores.  Une  nation  aussi 
nombreuse  à  la  fin  du  x\i°  siècle  que  celle  des  Tonocotés  n'a 
pu  disparaître  totalement,  et  pourtant  aucune  langue,  aucune 
tribu  de  ce  nom  ne  sont  connues,  pas  plus  aujourd'hui  qu'au 
xviii''  siècle,  car  les  voyageurs  de  cette  époque,  comme  le 
colonel Matorras  (1774)  (233)  et  le  colonel  Fernândez  Cornejo 
(1780)  (128),  en  donnant  des  listes  des  tribus  du  Chaco,  ne 
nomment  jDas  les  Tonocotés.  Au  contraire,  les  Matacos  consti- 
tuent, de  nos  jours  encore,  une  nation  très  nombreuse,  peu- 
plant de  grandes  étendues  dans  le  Chaco,  et  cej^endant  Techo 
et  Lozano  ne  mentionnent  pas  la  langue  mataco,  tandis  qu'ils 
j^arlent  beaucoup  de  la  langue  tonocoté.  Ni  Hervas,  ni  Ade- 
lung,  ni  Azara,  ajoute  M.  Lafone  (i7»iV/.,p.  202),  ne  citent  aucune 
langue  du  groupe  mataco- mataguayo,  bien  que  les  langues 
de  ce  groupe  soient  parlées  aujourd'hui  j^ar  un  plus  grand 
nombre  d'Indiens  que  celles  d'aucun  autre  grouj)e  linguistique 
du  Chaco.  La  langue  mataco  a  dû  pourtant  exister  déjà  au 
xvi°  siècle  et  aurait  été  alors  le  tonocoté.  De  plus,  la  langue 
des  Mataràs  était,  d'après  Techo,  le  tonocoté  étudié  par  Bar- 
zana, et  les  Mataràs  étaient,  suivant  M.  Lafone,  des  Matacos.  Si 
donc  le  tonocoté  de  Bàrzana  est  le  mataco  moderne,  ce  tono- 
coté ne  peut  être  le  lule-tonocoté  de  Machoni,  car  cette  der- 
nière langue  n'a  rien  de  commun  avec  le  mataco  :  le  système 
grammatical  de  f  une  et  de  f  autre  est  bien  différent.  Le  mot 
«  Iule  ))  signifierait  en  mataco  «  indigène  » ,  «  fils  du  JDays  » ,  et  ce 
seraient  les  Tonocotés  qui  auraient  donné  ce  nom  aux  Lules 
lorsqu'ils  sont  arrivés  dans  leur  pays.  M.  Lafone  propose, 
d'autre  part,  une  étymologie  mataco  du  nom  «Tonocoté», 
pour  le  cas  où  la  manière  de  Hervas  d'écrire  ce  mot  (JYoconoié) 
serait  la  véritable  forme.  Le  mot  signifierait  alors  en  mataco 
«  Notenes  rouges  » ,  les  Notenes  ou  Noctenes  étant  une  trilni 
de  Matacos  crui  habite  actuellement  les  rives  du  Pilcomavo. 


CARTE  ETHNIQUE.  49 

L'idenlificatiou  des  Toiiocotés  et  des  Matacos  esl  acceptée  par 
M.  Ehreiireicli  (122,  p.  60). 

Contre  rargumentation  de  M.  Lafone-Qiievedo,  je  me  per- 
mettrai les  ()l)jections  suivantes.  Je  yeux  bien  croire  que  les 
Matarâs  ap2)artenaient  aux  Tonocotés,  car  Teclio  (341;  1.  i, 
c.  xi.ii;  p.  19)  dit  clairement  qu'ils  avaient  tous  été  convertis  loiw- 
cotanœ  liiKjaœ  beneficio,  d'où  Ton  peut  conclure  qu'ils  parlaient 
tous  le  tonocoté  (de  Bârzana)  qui  doit  avoir  été  leur  propre 
langue.  Mais  je  ne  sais  sur  quoi  se  fonde  M.  Lafone  pour  dire 
que  les  Matarâs  sont  des  Matacos.  Quant  aux  étymologies  des 
mots  «  Lule  »  et  «  Tonocoté  »,  dérivées  de  la  langue  mataco,  la 
première  nie  semble  un  peu  rechercliée  et  la  deuxième  est 
basée  sur  la  forme  Toconoté  de  Hervas  qui,  comme  je  l'ai  déjà 
dit,  ne  peut  prévaloir  contre  l'autre  forme,  employée  par  Bâr- 
zana, Narvaez,  Techo  et  Machoni. 

D'autre  part,  il  est  inexact  que  la  langue  mataco  n'ait  point  été 
mentionnée  par  Techo,  Lozano,  Hervas  et  Adelung.  En  effet, 
nous  trouvons  une  lengua  de  los  Matagaayos  citée  dans  la  relation 
du  P.  Gaspar  Osorio^*^,  missionnaire  dans  le  Cliaco,  de  i63o 
environ,  relation  transcrite  littéralement  par  Lozano  (219,  p.  172- 
176),  et  il  faut  remarquer  qu'Osorio  distingue  parfaitement 
les  Mataguayos  (Matacos)  des  Tonocotés.  Hervas  (165;  i, p.  16/1) 
nomme  aussi  la  lengua  matagiiaya  en  énumérant  les  tribus  qui 
la  parlaient,  entre  autres  les  Matacos  et  les  Palomos.  11  cite 
également  («7»»^.,  p.  192)  la  mission  de  Mataguayos,  de  San  Igna- 
cio deLedesina,  fondée  en  1766,  et  il  indique  enfin  la  gram- 
maire et  le  vocabulaire  matacos  écrits  par  le  P.  Joseph  Araoz, 
ancien  missionnaire  des  Mataguayos,  que  Hervas  avait  con- 
sultés. Bien  que  celui-ci  ait  dû  avoir  des  informations  très 
précises  du  P.  Araoz  et  des  autres  jésuites,  an  sujet  de  ces 
Mataguayos,  il  n'a  pas  le  moins  du  month^  ïn\vv  (fidenlirier 
ces  derniers  aux  Tonocotés.  Si  une  tradition  (pHdcoïKpie  de 
Mataguayos   avait    qualifié   les  Tonocotés   de  leurs   ancèlres, 

^  '  Belacion  del  niii'ia  (Icsciihiunicnlo  de  lu  Vadrc  (laspar  Ossorio  (adressée  au  Général 

Pvnvincin  dcl  Cl  nu  Chacn  (iiKtlandxi ,  par  cl         des  ji-siiilcs,  le  I'.  Mii/id  \'illclcsclii  ). 
I.  /, 


50  ANTIQUITÉS  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

Hervas  ravirait  su,  et  il  l'aurait  mentionnée  dans  son  ouvrage 
où  il  s'occupe  tout  spécialement  des  Tonocotés  et  de  leur 
langue.  A  tout  ceci  nous  devons  ajouter  que  Teclio  (341; I.  m, 
c.  xwiii;  et  1.  VIII,  c.  xv;  p.  87  ei  216)  et  Lozauo  (219,  p.  5i ,  53,  119)  dis- 
tinguent toujours  les  Touocotés  des  M^taguavos  ou  Matacos; 
le  premier  de  ces  auteurs  donne  à  ceux-ci  le  nom  de  Mataguœ. 

Le  P.  Jolis  (182,  p. 392),  missionnaire  desVilelas  à  Ortega  en 
17  63,  en  énumérant  les  principales  nations  du  Chaco,  distingue 
aussi  nettement  les  Matacos  et  les  Mataguayos  des  Matarâs. 

Enfin  une  autre  raison  milite  encore  contre  Tidentification 
des  Tonocotés  et  des  Matacos  :  les  premiers  sont  décrits 
comme  de  bons  traA ailleurs,  intelligents  et  faciles  cà  gouver- 
ner, tandis  que  les  Matacos  sont  au  contraire,  comme  j'ai 
eu  f occasion  de  m'en  convaincre  j^ersonnellement,  très  peu 
aptes  aux  travaux  agricoles,  paresseux,  sales,  faux,  vagabonds 
et  se  trouvent,  au  point  de  vue  moral,  à  fun  des  derniers 
degrés  de  féchelle  bumaine.  Ce  n'est  pas  à  tort  que  Hervas 
dit  qu'ils  sont  la  nacion  la  màs  vil  de  todas.  En  outre,  les  Ma- 
tacos ont  un  caractère  physique  qui  leur  est  tout  à  fait  propre 
et  que  mentionne  Lozano  (219,  p.  73)  :  ils  n'ont  presque  pas  de 
mollets,  ce  qui  attire  immédiatement  fattention  et  permet 
de  les  distinguer  d'autres  Indiens.  J'ai  moi-même  toujours  joré- 
sente  fimpression  curieuse  que  m'ont  faite  ces  Matacos,  pe- 
tits, mais  d'un  squelette  très  fort,  lorsque  j'ai  vu  leurs  jambes 
décharnées,  presque  dépourvues  de  muscles,  supportant  un 
corps  aussi  trapu  et  aussi  robuste.  Si  les  Tonocotés  avaient  été 
des  Matacos,  cette  particularité  physique  aurait  certainement 
été  relevée  par  les  auteurs  qui  ont  parlé  d'eux.  Lozano  (219, 
p.  95)  dit  au  contraire  que  les  Tonocolés  étaient  de  grande  taille 
et  avaient  le  corps  bien  développé. 

Je  ne  conqjrends  pas  d'ailleurs  que  fou  aille  chercher  les 
descendants  des  Tonocotés  aussi  loin  que  chez  les  Matacos.  Il 
faut  rappeler  que  ces  Tonocotés  problématiques,  qui  s'étaient 
enfuis  jusqu'aux  rives  du  Pilcomayo,  n'étaient  qu'une  partie 
de  la  nation  tonocotée  :  celle  qui  avait  été  attachée  au  service 


CARTE  ETII.MOUK.  31 

des  Espa«^iiols  (rEstcco.  Que  lait-oii  de  tous  les  Touocotés  de 
Tucuinaa  et  de  Santiaj>o,  a|)]^art(Miant  à  la  uièiiie  uatiou  et 
parlant  la  même  langue,  selon  Ik'uzana  et  Narvaez?  La  poi:)ula- 
tion  de  ces  provinces  se  compose  actuellement  de  mrtis  avant 
une  pro])ortlon  insi«^niflante  de  sang  blanc  et  qni  descendent 
certainement  des  Indiens  habitant  le  pays  au  temps  de  la 
conquête,  Indiens  au  service  des  Espagnols,  cncomcndados^^^ 
de  ceux-ci,  et,  par  conséquent,  protégés  par  eux  contre  les  at- 
taques des  tribus  sauvages  du  (iliaco.  Il  n'existe  aucun  indice 
d'une  émigration  en  masse  ou  d'une  extermination  de  ces 
Touocotés  du  XV!*"  siècle,  que  tous  les  auteurs  dépeignent 
comme  des  Indiens  dociles  et  parfaitement  assimilés  au  non- 
veau  genre  de  vie  et  aux  travaux  ([ne  leur  inq:)osaient  lenrs 
maîtres  européens.  Ces  Tonocotés  se  sont,  sans  aucun  clou  le, 
perpétués  dans  la  population  actuelle  de  ces  provinces,  et  il 
doit  en  avoir  été  de  même  pour  ceux  d'entre  eux  qui  |)()rliii('iil 
le  nom  de  Matarâs.  Leur  nom  et  leur  langue  ont  disparu 
comme  tant  d'autres  noms  de  peuples  et  de  langues  indigènes. 
C  est  précisément  le  cas  des  Diaguites  :  leur  nom  n'est  con- 
servé que  pai*  les  chronique uis,  et  leur  langue  avait  été  étu- 
diée par  Bârzana,  mais  son  ouvrage  a  été  perdu.  Nous  avons 
une  longue  liste  de  ces  langues  éteintes,  par  ex('uq)l(*  :  rallcn- 
tiac,  le  comechingon,  le  sanaxirou,  le  cacan,  poui'  n'en  ciliM' 
que  quelques-unes. 

Le  tonocoté  de  Barzana  était-il  la  même  langue  que  le  lidc- 
tonocoté  de  Machoni:^  Et,  dans  le  cas  conhaiic,  comuu'iil  doil- 
on  considérer  cette   dernière  langue?   (ic  (pii  est  absoluiucnl 

^'^  Encomcnderos  :  ainsi  s'apjiclaicnl ,  le  dntit  (l\'\ig('r  un  liihnl  de  ses  f/Ho;;i(//- 
comnie  on  le  sait ,  les  jK-rsonncs  (|iii ,  jiac  iladus.  Ecs  cnoimuiulas ,  au  contraire  df 
un  acle  royal,  avaient  la  protection  d'un  ce  qu'elles  auraient  dû  cMre,  n"»''laient  en 
certain  n(»uil)re  d'Indiens,  avec  la  charge  réalilé  ((u'une  sorte  de  glèi»'  ou  d'es<  ja- 
de veiller  sur  leurs  intérêts  et  de  leur  \a;,'e,  les  ciimmcndcrus  cherrlianl  à  Im-r 
enst'i^'uer  le  calérliisme.  dette  cliarj^e,  il'  leurs  Indiens  liiul  le  [irolil  (|u'ils  |i(iu- 
avec  les  privilèges  (jui  y  appartenaient,  vaient.  Cliarlevoix  liaduit  lU  Iraneais  cii- 
|)orlait  le  nom  iVcncomieiida  et  les  Indiens  comciidcin  par  commamUilnirc. 
relui  iVciirnmnidddos.    \.'riiciinicndi'rtt  avait 


52  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANOINE. 

certain,  c'est  que  les  Lules  de  la  mission  de  Mlraflores,  les  Isis- 
tinés  et  les  Toquistinés  de  celle  de  Valbuena,  parlaient  cette 
langue,  et  ce  sont  eux  qui  ont  déclaré  au  P.  Maclioni  qu'ils 
appartenaient  à  cette  nombreuse  nation  des  Tonocotés  ayant 
habité  aune  époque  antérieure  les  environs  d'Esteco,  les  rives 
du  Rio  Salado  et  les  territoires  de  Tucuman  et  de  Santiago.  Il 
est  difficile  d'admettre  que  cette  information  est  inexacte,  car 
Maclioni  vivant  parmi  ces  Indiens  devait  pouvoir  contrôler  la 
véracité  de  leurs  affirmations.  Jolis  (182, p.  392)  considère  les  Lules 
(de  Miraflores) ,  les  Isistinés,  les  Toquistinés  et  les  Tonocotés 
non  comme  des  «  nations  » ,  mais  comme  des  tribus  d'une  même 
nation  qu'il  dénomme  les  «  Lules  ».  Adelung  (4,  t.  m,  2'=  part.,  p.  5o8) 
émet  aussi  l'opinion  qu'ils  devaient  faire  partie  d'une  nation  com- 
posée de  tribus  parlant  toutes  la  langue  de  Machoni.  En  ejfet, 
aucun  argument  sérieux  ne  s'oppose  à  l'hypothèse  que  ces  trois  tribus 
n'appartenaient  pas  à  la  grande  nation  tonocoté  nommée  par  Bàrzana, 
Narvaez,  Techo,  et  dont  les  Mataràs  étaient  aussi  une  tribu.  En 
somme,  c'est  surtout  le  nom  «Lule»,  porté  au  tenq)s  de  Ma- 
choni par  l'une  de  ces  tribus,  qui  est  la  cause  de  ces  incerti- 
tudes, et  nous  verrons  ensuite  que  ce  nom  a  été  appliqué  par 
différents  auteurs  à  des  nations  et  des  tribus  très  différentes. 
On  invoque,  du  reste,  un  autre  argument  pour  nier  l'identité 
du  lule-tonocoté  et  du  tonocoté  de  Bârzana  :  c'est  l'information 
négative  donnée  par  le  P.  Ferragut  à  Hervas  sur  l'existence  des 
Tonocotés  du  Rio  Pilcomayo  et  confirmée  par  Jolis  (182,  p.  090). 
Mais  la  question  de  fexistence  de  cette  tribu  ne  peut  pas  fournir 
de  preuves  pour  la  solution  du  problème,  à  savoir  si  la  langue 
j)rimitive  des  autres  tribus  a  été  ou  non  le  tonocoté  de  Bàrzana. 
Que  si,  cependant,  les  Lules  de  Maclioni  n'étaient  pas  des 
Tonocotés,  on  peut  en  ce  qui  les  concerne  formuler  trois  hypo- 
thèses :  1°  Ils  seraient  l'une  des  nombreuses  tri])us  de  Lules 
nomades  qui  sont  mentionnées,  comme  nous  le  verrons,  jiar 
Narvaez  et  Bârzana,  mais  assimilée  k  la  nation  des  Tonocotés 
et  ayant  adopté  leur  langue  ;  2"  Comme  dans  la  première 
hypothèse,  les  Lules  de  Maclioni  seraient  une  tri])u  de  Lules 


C  \r«TE   KTHNIQl  K.  53 

nomades,  mais  n'auraient  pas  adopte  la  langue  tonocoté  (de 
Bârzana).  Leur  «  lule-tonocolé  »  serait  alors  l'un  des  dialectes 
des  Lules  nomades  dont  joarle  Bârzana  dans  sa  lettre.  Les  ren- 
seignements nécessaires  manquent  pour  vérifier  ces  deux  hypo- 
thèses;  3"  On  pourrait,  à  cause  du  nom,  être  tenté  de  voir 
dans  le  lule-tonocoté  de  Machoni  un(^  relation  avec  les  Lules 
de  l'Aconcprija  décrits  par  Teclio,  mais  ces  derniers  sont  diflé- 
rents  des  Lules  de  Machoni,  ainsi  que  nous  le  démontrerons 
ensuite.  Il  est  prohahle  que  les  Lules  montagnards  de  Teclio 
étaient  une  trihu  diaguite  parlant  le  cacan,  et,  dans  ce  cas,  le 
lule-tonocoté  de  Machoni  serait  le  cacan,  ce  cfui  est  impossible, 
car  la  première  de  ces  langues  n'a  aucune  de  ces  inflexions 
gutturales  que  tous  les  auteurs  attribuent  à  la  dernière. 

Si  nous  cherchons  des  affinités  du  lule-tonocoté  de  Machoni 
dans  les  autres  langues  indiennes,  nous  voyons  quelles  en 
difl^èrent  toutes,  excepté  celles  de  deux  tribus  du  Chaco,  les 
Vilelas  etles  Ghunupis  (Chulupisou  Sinipis).  Lozano  (219,  p.  85 
ei  suiv.)  parle  en  1  78 3  des  Vilelas  et  des  Ghunupis,  «  deux  tribus 
diiïerentes,  mais  appartenant  à  la  même  nation  »,  habitant  dans 
le  Chaco,  sur  le  Rio  Bermejo,  et,  d'après  Hervas  (165,  i,  p.  17/1), 
il  y  en  avait  en  1767  dans  les  missions  de  Petacas,  d'Ortega 
et  de  Macapillo,  en  dehors  de  ceux  errants  dans  le  Chaco.  Ils 
ont  été  étudiés  dernièrement  par  M.  Giovanni  Pelleschi,  qui 
a  fait  un  vocabulaire  de  leur  langue.  Ce  vocabulaire,  ainsi 
qu'un  autre  de  M.  And)rosetti  (11)  et  les  données  plus  anciennes 
de  Hervas  et  d'Adelung-  ont  servi  de  matéri:\u\  à  M.  Lafone- 
Quevedo  (195)  pour  un  travail  contenant  des  observations  his- 
toriques, des  notes  grammaticales  et  un  vocabulaire  du  vilela 
et  du  chunupi,  qui  paraissent  presque  identiques.  M.  Pelles- 
chi avait  observé  des  Vilelas  sur  le  Bermejo  et  des  Ghunupis  sur 
le  Pilcouiayo.  Hervas  (165,  i,  p.  175)  avait  déjà  signalé  la  grande 
affinité  existant  entre  le  vilela  vl  le  lule-tonocoté  (h*  Machoni. 
J^'a])bé  Gilij  (146,  m,  p.  ;i(3;i  et  suiv.)  ])ublie  des  vocabulaires  com- 
parés (\v  ces  deux  langues.  Adehing  (4,  t.  m,  ?/  part.,  p.  507)  déclare 


54  ANTIQUITÉS   DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

qu'elles  ont  une  «grande  analogie.  Brinton  (77,  p.  3i3)  croit  que  le 
\ilela  est  une  «représentation  moderne  du  lule-tonocoté ,  mais 
très  corrompue  par  des  emprunts  ».  Lafone-Quevedo  (195,  p.  /lo) 
estime  que  «le  vilela  a  une  affinité  assez  grande  avec  le  Iule 
de  Machoni,  mais  ce^^endant  avec  certaines  diilérences  mar- 
quées "^^l  Les  Vilelas  et  les  Chunupis  devaient  être  sans  doute 
des  tribus  du  Chaco  appartenant,  au  moins  au  point  de  vue 
linguistique,  au  même  groupe  que  les  Lules  de  Machoni, 
c'est-à-dire  au  groupe  des  Tonocotés,  si  l'on  admet  que  ces 
Lules  en  faisaient  partie. 

En  conclusion,  il  est  parfaitement  établi  que  la  plaine  des 
provinces  argentines  actuelles  de  Salta,  Tucuman  et  Santiago 
del  Estero  était,  à  l'époque  de  la  conquête  espagnole,  peuplée 
par  une  nombreuse  nation,  les  Tonocotés,  qui  avaient  une 
langue  commune,  le  tonocoté,  aujourd'hui  éteinte,  sur  laquelle 
Bârzana  a  écrit  l'ouvrage  linguistique  qui  est  maintenant  perdu, 
et  leurs  descendants  sont  les  métis  actuels  de  ces  provinces. 

Quant  aux  Lules  de  Miraflores  et  à  la  langue  lule-toconoté 
de  Machoni,  la  longue  discussion  commencée  par  Hervas  en 
i8oo  et  continuée  jusqu'à  nos  jours  n'a  pas  prouvé  à  l'évi- 
dence que  cette  langue  n'est  pas  le  tonocoté  de  Bàrzana,  mais 
elle  n'a  pas  non  plus  prouvé  le  contraire.  La  seule  chose  mise 

C'  Suivant  le  D' Francisco Xarque  (381),  cher  aucune  importance  à  ces  traditions, 

cité  par  Lozano  (219, p.  86),  les  Yilelas  et  en  entendant  un  vieux  Mataco,  qui  était 

les  Cliunupis  du  xvii"  siècle  conservaient  présent   lorsque  je  fouillai  un   cimetière 

une  Iradition  d'après  laquelle  ils  auraient  ancien   dans  le   Chaco,- me  raconter  que 

habité  la  région  andine,  d'où  ils  se  seraient  ses  aïeux  étaient  enterrés  dans  des  urnes 

enfuis  dans  le  Chaco  pour  se  soustraire  sur  le  haut  plateau  (Puna  de  Jujuy),   ce 

aux  rudes  travaux  que  les  Espagnols  leur  ([ui   est    impossible  parce  (jue  les  Matacos 

imposaient.    Cette    tradition,    à    laquelle  ont  habité  le  Chaco  depuis  la  conquête 

M.  Lafone-Quevedo  paraît  attacher  une  espagnole,  parce  qu'ils  n'enterrent  jamais 

certaine  importance,  est  d'après  moi  sans  leurs  morts  dans  des  urnes,  et  enfin  parce 

aucune  valeur  réelle,  comme  tant  d'autres  qu'il  n'existe  pas  de  sépultures  dans  des 

traditions   des  tribus    indiennes   sur  leur  urnes  dans  la  Puna  de  Jujuy. 
origine,    par   exemple   celle   relative  àla  P^'rancisco  Xarque  avait  appartenu  à  la 

provenance  chilienne  des    Quilmes  dont  Compagnie  de  Jésus  et  voyagé  en  Jujuy 

parle   Lozano  (220,  iv,  p.  9).  J'ai  eu  l'occa-  en    i63g,    d'après    le    P.    Lozano    (219, 

sion  de  me  convaincre  qu'il  ne  faut  atta-  p.  i^^i). 


CAUTE  ETHNIQUE,  55 

en  évidence  par  cette  discussion,  c'est  que  les  Lnles  monta- 
gnards décrits  par  Teclio  n'étaient  pas  les  ancêtres  des  Lules 
de  Miraflores.  Si  la  langue  de  ceux-ci  n'est  pas  le  tonocoté  de 
'Bârzana,  elle  ne  peut  être  que  l'un  des  dialectes  des  Lules 
nomades,  dont  nous  allons  nous  occuper. 

Lules.  —  Plusieurs  auteurs  décrivent  sous  ce  nom  unique 
des  peuplades  qui  sont  évidemment  différentes.  Narvaez  et  Bâr- 
zana parlent  de  Lules  nomades  et  sauvages  habitant  la  plaine; 
Teclîo  nomme  d'autres  Lules  sédentaires  des  montagnes,  et, 
comme  nous  l'avons  vu,  Machoni  nous  présente  une  troisième 
sorte  de  Lules,  ceux  de  la  mission  de  Miraflores,  qui,  d'après 
lui,  seraient  une  tribu  des  Tonocotés. 

Lules  nomades.  —  Selon  Narvaez  (253,  p.  148-1^19),  des  Lules 
habitaient  les  domaines  d'Esteco  et  de  Tucuman,  c'est-à-dire  le 
territoire  occupé  par  les  Tonocotés,  ceux-ci  pacifiques  et  bons 
serviteurs  des  Espagnols,  tandis  que  les  Lules  étaient  au  con- 
traire des  nomades,  se  nourrissant  de  la  chasse  et  de  la  pêche, 
et  pas  du  tout  pacifiques  :  no  estàn  del  lodo  de  paz,  dit  le  texte. 
Bârzana  (55,  p.  lu)  confirme  cette  information  et  ajoute  que  les 
Lules  étaient  des  Alàrabes  et  n'avaient  ni  domicile,  ni  propriété, 
mais  étaient  très  nombreux,  grands  guerriers,  et  qu'ils  auraient 
exterminé  les  Tonocotés,  si  la  conquête  espagnole  n'était  pas 
survenue.  Ces  Lules,  bien  qu'ils  appartinssent  tous  à  la  même 
nation,  parlaient  différentes  langues  (dialectes)  qu'il  fut  im- 
possible aux  jésuites  d'étudier  pour  en  faire  des  grammaires 
et  des  vocabulaires.  Les  Lules  connaissaient  en  général  le  lono- 
coté,  qui  paraît  avoir  été  la  leiKjua  (jenend  dans  celte  région, 
comme  le  guarani  au  Brésil,  le  quichua  dans  les  pays  andins 
et  le  nahuatl  au  Mexique.  En  se  servant  du  tonocoté,  les  mis- 
sionnaires catéchisèrent  et  convertirent  beaucoup  de  Lules. 
Narvaez  [Und.,  p.  i^o)  place  aussi  des  Lules  dans  la  Vallée  de 
Lerma,  dont  les  habitants  soni  appelés  des  Juris  par  Oviedc)  y 
Valdez,  ainsi  qu'il  a  été  vu. 

Lules    de   l'AcONQIMA.    Techo  (341:  1.  i,  r.  xwix;  p.  0,7;  otl.  n, 


5() 


ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 


c.  XX,  p.  49)  rend  compte  de  la  conversion  au  catholicisme  d'une 
j)euplade  qu'il  nomme  des  Lules,  mais  ceux-ci  ne  paraissent 
pas  devoir  être  confondus  avec  les  Lules  nomades  de  Barzana 
et  de  Narvaez,  car  Teclio  les  dépeint  comme  étant  sédentaires 
et  habitant  des  villages  (^oppida)  dans  les  montagnes.  En  par- 
lant du  voyage  de  Bârzana,  qui  fut  le  premier  à  pénétrer  dans 
les  domaines  de  ces  Lules,  en  1689,  Techo  fait  une  longue 
description  des  montagnes  escarpées,  des  profondes  vallées  et 
des  torrents  impétueux  qui  y  entravèrent  sa  route.  L'habitat 
de  ces  Lules  devait  être  situé  près  de  la  ville  de  Tucuman^'^, 
puisque  cette  ville  fut  toujours  exposée  à  leurs  attaques  et 
qu'ils  tentèrent  même  de  l'incendier.  La  Sierra  de  Aconquija 
étant  la  seule  région  montagneuse  aux  environs  de  Tucuman, 
ce  sont  sans  doute  ces  montagnes  qu'habitaient  les  Lules  nom- 
més j)ar  Techo  ^"^\  Douze  ans  après  Bârzana,  les  jésuites  Fer- 
nando Monroy  et  Juan  Viana  visitèrent  ces  Lules  qui  avaient 
déjà  presque  abandonné  la  religion  chrétienne,  et  les  conver- 
tirent de  nouveau.  Les  missionnaires  pouvaient  se  faire  com- 
prendre de  la  plupart  d'entre  eux  au  moyen  du  quichua  et 
du  tonocoté,  mais  ils  devaient  employer  des  interprètes  au- 
près de  ceux  qui  ne  savaient  que  le  cacan.  11  paraît  donc  que 
les  Lules  de  l'Aconquija  parlaient,  à  cette  époque,  le  quichua 
parce  qu'ils  avaient  été  sujets  des  Incas,  le  tonocoté  parce 
([u'ils  avaient  des  relations  commerciales  avec  les  Tonocotés,  et 


'*'  San  Mignei  de  Tucuman ,  comme 
nous  l'avons  dit,  ne  se  trouvait  pas,  à 
l'origine,  à  l'endroit  où  est  situé  actuelle- 
ment Tucuman.  La  ville  fut  fondée  en 
1  r)65  par  Don  Diego  de  Villaroel ,  près 
du  Rio  Monteros;  mais,  en  i685,  le  gou- 
verneur Don  Fernando  de  Mendoza  Mate 
de  Lima  la  transporta  là  où  elle  se  trouve 
maintenant,  c'est  à-dire  l^eaucoup  plus  au 
Nord  que  son  premier  emplacement. 

'"'  Près  de  la  ville  actuelle  de  Tucuman 
est  un  village  Lules  oh  Los  Lules,  ainsi 
nommé  sans  doute  en  mémoire  d'un  lait 
cjuelconcpie  se   rapportant   aux   Lules.  Il 


serait  cependant  aventureux  de  tirer  du 
nom  de  ce  village  la  conséquence  que  des 
Lules  y  auraient  habité  à  une  certaine 
époque.  Le  D'  Adan  Quiroga  (299,  p.  SScj) 
a  publié  la  figure  d'une  très  intéressante 
«  idole  »  en  terre  cuite ,  trouvée  dans  cette 
localité ,  mais  il  n'y  a  aucune  raison  pour 
attribuer  cette  idole  aux  anciens  Lules, 
comme  le  fait  le  D' P.  Ehrenreich  (122, 
p.  Co),  probablement  par  suite  d'une  er- 
reur d'impression  dans  la  jmblication 
de  Quiroga  :  Idoh  de  los  Lules,  au  lieu  de 
1(1  ni 0  de  Los  Lules, 


CARTE  KTIIMQUE.  57 

le  cacan,  prol)ablement  parce  que  c'était  leur  propre  langue; 
dans  ce  cas,  ces  Lules  de  Techo  ne  seraient  c[u'une  tri])u  des 
Diaguites,  ce  qui  me  paraît  assez  vraisemblable^^'.  M.  Lafone- 
Quevedo  (193,  p.  198)  partage  cette  opinion,  qu'il  apj^uie  de 
bons  arguments.  Toutefois  remarquons  que  Techo  distingue 
les  Lules  des  Diaguiles  en  énumérant  Tonocotani,  Diagiut(c  et 
LiiUi,  et  ajoutons  que  son  récit  sur  la  mission  de  Bârzana  chez 
les  Lules  sédentaires  des  montagnes  ne  concorde  pas  avec  la 
description  donnée  par  ce  dernier,  dans  sa  lettre,  des  peu- 
plades qu'il  appelle  Lules. 

Lules  (Tonocotés?).  —  Nous  avons  déjà  longuement  discuté 
sur  la  troisième  catégorie  de  Lules,  ceux  dont  la  langue  a  été 
étudiée  par  Machoni  dans  la  mission  de  Miraflores;  mais  reste 
toujours  à  savoir  s'ils  formaient  une  des  tribus  des  Lules  no- 
mades de  Narvaez  et  de  Bàrzana,  ou  bien  une  tribu  des  Tono- 
cotés. Ce  qui  est  certain ,  c'est  qu'ils  ne  sont  pas  les  descendants 
des  Lules  de  Techo  (de  l'Aconquija).  Hervas  (165,  i,  p.  170),  le 
premier,  l'a  démontré.  Il  nomme  les  Lules  de  Techo  «anciens 
Lules  »  et  ceux  de  Machoni  «  Lules  modernes  ».  Lozano  les  con- 
fond toujours  :  il  cite  (219,  p.  106),  en  parlant  des  derniers,  la 
description  que  fait  Techo  des  premiers,  ceux-ci  montagnards 
belliqueux  et  indomptables,  ceux-là,  les  Lules  de  Machoni, 
Indiens  de  la  plaine,  dociles  et  soumis.  Si  l'on  admet  que  les 
Lules  de  Techo  composaient  une  peuplade  diaguite,  la  dilïé- 
reuce  entre  les  uns  et  les  autres  devient  plus  nette  encore, 
caria  langue  des  Lules  de  Machoni  ne  peut  pas  être  le  cacan, 
on  le  sait  déjà. 

Sur  la  carte  ethni([ue  fi(j.  1,  les  Lules  l^de  TeclioY'^  sont  j)lacés 
dans  les  limites  des  Diaguites,  et  je  désigne,  avec  le  mol  Jjtles, 

''*   Lozano  (221;  1.  III ,  c.  xviii;  t.  I,  p. /iSO) ,  (jiii  cciivil  cent  ans  avant  Lo/.ano  cl    <|iii 

en  reproduisant  la  narration  de  Techo  sur  csl  l'iiirorniatcurdc  celui  ci.  Lo/.ano  scnii)lt' 

la  mission  des  PP.  Monroy  et  Viana,  dit  que  avoir  rcmpl.icé  le  mot  «cacan  »  par  celui  de 

les  Ijules  parlaient  le  (piicluia,  le  tonocoté  «  Iule  »,  simplement  parce  cpi'il  mira  cru  cpie 

cl  le  Iule,  au  lieu  du  (piicliua,  du  lonocoté  les  Lules  devaient  parler  le  m  Init'». 
et  du  rrtc«/i,  mais  il  faut  plutôt  croire  Techo  ^''    Fiules  de  l'AcoïKpiija. 


58  ANTIQUITÉS  DE  LA   RÉGION  ANDINE. 

en  dehors  de  ces  limites,  les  Liiles  iioiiiades  de  Narvaez  et  de 
Bàrzana.  Les  Lules  de  Maclioni  n'ont  pu,  naturellement,  être 
localisés. 

Atacamas.  —  Le  haut  plateau  de  la  Puna  de  Jujuy,  au 
nord  des  Diaguites,  a  été  habité  par  un  peuple  jusqu'à  pré- 
sent sans  nom  dans  l'ethnographie,  mais  qui  a  laissé  des  ruines 
et  des  sépultures  en  bon  état  de  conservation.  L'étude  de  ces 
vestiges  a  été  le  but  principal  de  mon  dernier  voyage,  et  une 
grande  partie  de  cet  ouvrage  est  destinée  à  rendre  compte  des 
recherches  que  j'ai  effectuées  à  ce  sujet.  En.  même  temps, 
l'un  des  chefs  de  notre  mission,  M.  E.  Sénéchal  de  la  Grange, 
faisait,  dans  le  Désert  d'Atacama,  des  découvertes  archéolo- 
giques, que  je  décris  aussi  dans  le  présent  ouvrage.  Il  résulte 
de  mes  recherches  et  de  celles  de  M.  Sénéchal  de  la  Grange, 
ainsi  que  l'on  peut  s'en  convaincre  en  lisant  les  chapitres  cor- 
respondant à  nos  explorations  respectives,  que  les  vestiges 
laissés  par  les  anciens  habitants  de  la  Puna  de  Jujuy  et  par 
ceux  du  Désert  d'Atacama  sont  identiques  :  un  même  peuple 
aurait  donc  habité  la  vaste  zone  comprise  entre  la  Puna  argen- 
tine et  le  Pacifique. 

Les  vestiges  du  Désert  d'Atacama  ne  peuvent  être  attribués 
qu'aux  anciens  Atacamas  qui,  d'après  les  données  historiques, 
à  l'époque  de  la  conquête  esj)agnole,  occupaient  le  désert 
depuis  plusieurs  siècles.  Par  conséquence,  à  ces  Atacamas  ap- 
partenaient aussi  les  anciens  habitants  de  la  Puna  de  Jujuy  : 
Santa  Catalina,  Rinconada,  Cochinoca  et  Casabindo. 

Les  documents  écrits  ne  parlent  pas  beaucoup  des  Ata- 
camas du  Désert  d'Atacama,  encore  moins  de  ceux  delà  Puna 
de  Jujuy.  hefactoràe  Potosi,  Don  Juan  Lozano-Machuca  (222, 
p.  xxv),  dans  une  lettre  adressée  en  i58i  au  vice-roi  du  Pérou, 
donne  aux  Indiens  habitant  «la Vallée  d'Atacama»,  c'est-à-dire 
le  bassin  du  Salar  d'Atacama,  le  nom  d'Atacamas;  ils  étaient 
au  nombre  de  2,000  et  avaient  été  concédés  en  encomlenda 
à  Don  Juan  Velâsquez  Altamirano,  de  La  Plata  (Chuquisaca). 


CARTE   ETHNIQUE.  59 

Selon  Macliuca,  Velâsqiipz  ne  tirait  pas  ^rand  bénéfice  de  ses 
Atacamas,.  qui  ne  lui  donnaient  que  1,000  pesos  par  an,  et  en- 
core payaient-ils  ce  tribut  d'une  manière  irrégulière.  Machuca 
])ropose  au  vice-roi  d(^  les  placer  directement  sous  la  dépen- 
dance de  la  couronne,  de  les  concentrer  dans  un  village,  de 
leur  faire  payer  un  tribut  au  roi  et,  de  plus,  de  les  faire  tra- 
vailler dans  les  mines  de  cuivre  des  environs  du  port  d'Ata- 
cama  (Cobija).  Macbuca  propose  aussi  qu'on  les  emploie  pour 
faire  la  guerre  aux  Indiens  de  Omaguaca  (Quebrada  de  Hu- 
mahuaca).  Les  historiographes  postérieurs  ne  disent  presque 
rien  sur  les  Atacamas.  Suivant  Garcilaso  de  la  Vega  (140-,  I.  vn, 
c.  xvni;  fol.  i84),  des  Atacamas  et  des  Indiens  du  Tucuman  avaient 
donné  au  gouvernement  de  l'inca  des  renseignements  sur  le 
Chili,  et  ils  furent  employés  comme  guides  de  l'armée  que 
rinca  dirigea  contre  ce  pays  et  qui  s'en  empara.  Presque  tous 
les  chroniqueurs  espagnols  désignent  Atacama  comme  quartier 
général  des  armées  envoyées  de  Cuzco  à  la  conquête  du  ChiH, 
au  commencement  du  xiv''  siècle.  Oviedo  y  Valdez  (280;  1.  xlmi, 
r.  v;  t.  IV,  p.  280),  décrivant  la  conquête  espagnole  du  Chili  par 
Almagro,  en  i536,  rapporte  que  «la  province  d'Atacama  a 
une  longueur  (probablement  du  Nord  au  Sud)  de  quarante 
lieues,  non  compris  le  désert  inhabité,  et  compte  environ 
sept  cents  guerriers,  Indiens  belliqueux  et  «vicieux»,  vêtus 
comme  les  Yuncas.  Ils  récoltent  assez  de  maïs  pour  leur 
nourriture  et  possèdent  des  lamas  en  abondance.  Ils  ont  aussi 
dans  leur  pays  de  Valgarroha  et  une  sorte  de  petites  noix  que 
l'on  mange  après  les  avoir  moulues  et  qui  existent  égaleiUiMit 
à  Copiapô  » . 

D'après  Garcilaso  de  la  Vega  (140;  1.  iv,  c  x\;  fol.  ()G),  le  Désert 
d'Atacama  lut  annexé  à  l'empire  incasique  vers  la  fin  (hi 
XII 1"  siècle  par  Mayta-Inca,  général  de  l'inca  Yahuar-lluacac, 
r|iii  «conquit  toute  la  côte  depuis  Arequipa  jusqu'à  Tacama  », 
un  territoire  «long  et  étroit,  peu  peuplé».  Au  temps  de  la 
conquête  espagnole,  les  Atacamas  étaient  de  fidèles  vassaux 
des  Incas,  car  Oviedo  y  Valdez  nous  informe,  dans  le  même 


60  AMIQUITÉS  DE  LA  REGION  ANDINE. 

chapitre,  qu  Almagro  étant  revenu  du  Chili,  ils  se  révohèrent 
contre  les  Espagnols,  «par  ordre  deTInca». 

Encore  j)lus  vagues  sont  les  renseignements  sur  les  Ata- 
camas  de  la  Puna  de  Jujuy.  Les  Espagnols  paraissent  ne  pas 
s'être  aperçus  que  c'étaient  des  Atacamas.  Le  pays  qu'ils  habi- 
taient était  d'ailleurs  si  aride,  si  froid,  si  désert  et  si  bien  caché 
dans  le  labyrinthe  des  montagnes  du  haut  plateau,  qu'il  oflVait 
sans  doute  peu  d'attrait  à  la  convoitise  des  Espagnols.  On  a  dû 
surtout  oublier  ces  Indiens  parce  qu'ils  étaient  pacihques  et 
n'attiraient  pas  l'attention  par  des  rébellions  ou  des  guerres; 
ils  se  sont  soumis  sans  doute  sans  résistance.  On  ignore  en 
effet  l'époque  à  laquelle  les  Espagnols  ont  pris  possession  du 
pays.  Lozano-Machuca  (222,  p.  xxiv)  avait  envoyé  un  certain  Pedro 
Sande  pour  explorer  les  mines  et  étudier,  au  point  de  vue 
pratique,  les  Indiens  de  Lipez.  Sande  rapporta  que  des  In- 
diens «  voisins  des  Indiens  de  guerre  de  Omaguacas  et  de  Casa- 
bindo  »  venaient  à  Potosi  sous  le  nom  d' Atacamas  pour  y 
échanger  leur  «bétail»  (lamas)  et  d'autres  produits  contre  des 
marchandises,  probablement  de  la  coca,  Potosi  étant  alors  un 
centre  de  commerce  de  cet  article  si  recherché  par  les  Indiens 
du  haut  plateau.  Cette  information  ne  peut  correspondre  k 
d'autres  Indiens  qu'à  ceux  de  Rinconada,  Cochinoca  et  Casa- 
bindo.  Il  est  vrai  que  Lozano-Machuca  dit  :  «  Indiens  voisins 
d'Omaguacas  et  de  Casabindo  » ,  en  comprenant  ceux  de  Casa- 
bindo  parmi  les  «  Indiens  de  guerre  »  et  non  parmi  leurs  voi- 
sins pacifiques;  mais  ce  doit  être  là  une  confusion,  très  expli- 
cable chez  un  homme  qui  tenait  ses  renseignements  de  seconde 
main  et  encore  d'une  personne,  Sande,  qui  n'avait  pas  été 
sur  les  lieux,  mais  avait  obtenu  ces  renseignements  loin  de 
là,  en  Lipez.  Au  surphis,  nous  retrouvons  ces  confusions  à 
chaque  instant  dans  les  anciens  rapports  espagnols  et  surtout 
celles  occasionnées  par  l'emploi  de  la  conjonction  et,  spécial 
à  l'espagnol  de  cette  époque.  Les  Indiens  de  Casabindo  sont 
bien  identifiés  à  ceux  de  Cochinoca,  Piinconada  et  Santa  Cata- 
hna  par  les  vestiges  qu'ils  ont  laissés,  et  ces  mêmes  vestiges 


CARTE  ETHNIQUE.  Gl 

prouvent  qu'ils  étaient  différents  des  Oniaguacas.  On  peut 
facilement  tirer  des  informations  de  Sande,  répétées  par  Lo- 
zano-Machuca,  la  conclusion  que  les  Indiens  de  la  Puna  de 
Jujuy  se  nommaient  eux-mêmes  des  Atacamas. 

Le  hcenciado  Juan  de  Matienzo  (232)  est  fauteur  d'un 
j^rojet  de  route  stratégique  et  commerciale  de  Chnquisaca  à 
Santiago  del  Estero,  à  travers  la  Puna  de  Jnjuy  et  la  Vallée 
Calchaquie.  J'ai  essayé  plus  loin  de  reconstituer  fitinéraire 
qu'il  avait  proposé;  cette  reconstitution  est  indiquée  sur  la 
carte  archéologique  insérée  à  la  fin  de  cet  ouvrage.  Matienzo 
donne  les  noms  des  Indiens  habitant  près  de  chacune  des 
stations  de  la  route.  Jusqu'à  Moreta,  en  venant  du  Nord,  il  y 
place  des  Chichas,  mais  il  ne  donne  pas  le  nom  des  habitants 
de  la  région  de  Casabindo;  puis  ii  cite  de  nouveau  ceux  des 
stations  de  la  Vallée  Calchaquie  qui  étaient  des  «  Calchaquis  ». 
Matienzo  connaissait  bien,  on  le  voit,  et  les  Calchaquis  (Dia- 
guites)  et  les  Chichas.  Si  nos  Atacamas  de  Cochinoca  et  de 
Casabindo  avaient  appartenu  aux  uns  ou  aux  autres,  il  leur 
eût  certainement  donné  leur  nom.  La  nomenclature  de  Ma- 
tienzo indique  aussi  indirectement  que  Narvaez  (253,  p.  i48) 
commet  une  erreur  en  disant  que  les  Indiens  de  Casabindo 
«parlaient,  en  dehors  de  la  langue  des  Chichas,  la  leur  qui 
était  le  diaguite  »  (cacan),  voire  qu'ils  étaient  des  Diaguitcs. 
Du  reste  Narvaez,  si  bieu  renseigné  sur  les  provinces  de  Tu- 
cuman,  ^Santiago,  Catamarca,  Côrdoba,  La  Rioja  et  Salta,  fest 
naturellement  beaucoup  moius  en  ce  qui  concerne  la  géo- 
graphie des  déserts  du  haut  plateau,  presque  inconnus  à  son 
époque. 

Les  historiens  postérieurs  nous  apprennent  peu  de  choses 
sur  les  Indiens  de  la  Puua  de  Jujuy.  Le  P.  Pedro  Lozano  (220) 
les  nomme  plusieurs  lois,  mais  toujoui-s  sous  les  nonis  (hî 
leurs  villages  :  Cochinocas,  Casabindos,  etc.,  sans  leur  ap])h- 
quer  de  désignation  spéciale ^'^.  Guevara  (154)    imite   Lozano. 

^')  Lozano  (220,  i,  p.  179)  non  plus  ne         phie  de  la  Puna  de  Jnjuy.  Pour  lui,  «les 
paraît  pas  connaître  beaucoup  la  géojrra-  montagnes  de   la  Vallée   (]alclia(piie  sont 


02  ANTIQUITÉS  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

Aucun  des  deux  auteurs  ne  dit  rien  d'intéressant  sur  ces  In- 
diens, sauf  qu'ils  prirent  seulement  une  très  faible  part  aux  ré- 
bellions des  Calchaquis  et  des  Omaguacas  contre  les  Espagnols. 

Ilerrera  (164;  déc  vm,  1.  v,  c  ix;  t.  iv,  p.  i36)  paraît  donner  aux  In- 
diens de  la  Puna  de  Jujuv  le  nom  d'Atacamas.  En  parlant  des 
avantages  qu'offrit  la  fondation  d'une  ville  dans  la  vallée  de 
Salta  (Lerma),  il  dit  que  cette  ville  serait  le  rendez-vous  des 
Indiens  de  Casabindo,  Cochinoca,  Moreta  et  des  Indiens  Apa- 
lamas  (Atacamas),  qui  y  viendraient  pour  échanger  leurs  pro- 
duits contre  des  marchandises.  Il  semble  commettre  la  même 
erreur  que  tant  d'autres  écrivains  de  fépoque  :  il  emploie  à 
faux  la  conjonction  et,  et  considère  comme  différents  des  noms 
qui  probablement  ne  sont  que  des  synonymes.  Ses  Apatamas 
ne  peuvent  être  les  Atacamas  du  Désert  d'Atacama,  séj^arés  de 
la  Vallée  de  Lerma  par  la  Grande  Cordillère  et  par  6oo  kilo- 
mètres de  désert;  il  ne  peut  donc  s'agir  que  de  nos  Atacamas 
de  la  Puna  de  Jnjuy,  auxquels  appartenaient  les  Gasabindos  et 
les  Gochinocas. 

En  fait,  les  informations  des  historiens  sur  les  iVtacamas 
ne  sont  pas  suffisantes  pour  en  tirer  des  conclusions  en  ce  qui 
concerne  l'identité  des  Indiens  de  la  Puna  avec  les  anciens 
Atacamas  du  Désert  d'Atacama,  mais,  ainsi  que  je  l'ai  dit,  les 
découvertes  archéologiques  de  la  Mission  Française  démontrent 
que  les  uns  et  les  autres  formaient  un  seul  peuple. 

Des  survivants  de  ces  Atacamas  préhispaniques,  les  Ataca- 
menos,  existent  encore  dans  le  bassin  du  Salar  de  Atacama. 
D'Orbigny  (274,  i,  p.  n)  les  a  étudiés  en  i8oo,  et  il  en  fait  l'une 
des  quatre  nations  de  sa  branche  péruvienne  de  la  race 
andopéruvienne,  les  trois  autres  nations  étant  les  Quichuas, 

continuées  par  colles  de  Lipez  qui  est  une  le  chef-lieu  de  la  province  de  Lipez.  Sur 

mine  très   riche  de   la  province   de  San  sa  carte,  Lozano  (219)  laisse  et  la  Vallée 

Antonio».  Il  laisse  donc  de  côté  toute  la  Calchaquie  et  la  Puna  presque  en  blanc. 

Puna  et  semble  croire  que  la  vaste  pro-  Dans  cette  dernière  région  seulement,  les 

vince  de  Lipez  est  une  mine  qu'il  place  localités  Casabindo,  Cochinoca  et  Yavi  sont 

dans  la  «province  de  San  Antonio»,  alors  indiquées.  Les  Salinas  Grandes  n'y  figu- 

que  San  Antonio  de  Lipez  est,  en  réalité,  rent  pis. 


CARTE  ETHNIQUE.  63 

les  Aymaras  et  les  Cliaiigos.  D'Orbigiiy  (liid.,  p.  o3o)  veut  les 
identifier  aux  Li2:)es  de  la  lettre  de  Lozano-Machiica  (222), 
mentionnés  également  par  Garcilaso  de  la  Vega  (140;  I.  iv,  c.  w, 
fol.  (j6).  Mais  celui-ci  distingue  parfaitement  le  territoire  des 
Lllpi  (Lipes)  de  celui  de  Tacama,  et  raconte  que  les  Lipes  et 
les  Gliiclias  furent  soumis  à  fempire  incasique  par  Yahuar- 
Huacac,  dans  une  guerre  j^ostérieure  à  celle  qui  eut  pour 
résultat  la  conquête  de  la  côte  jusqu'à  Atacama.  D'ailleurs  les 
Lipes  actuels  parlent  le  quichua,  n'ont  pas  les  vêtements  et 
les  coutumes  particuliers  aux  Atacamenos  et  ne  semblent  pas 
avoir  de  rapports  ethniques  avec  ceux-ci. 

Les  Atacamenos  ont  une  langue  complètement  diflerente 
de  toutes  les  autres  langues  américaines.  On  a  pris  flia])i- 
tude  de  lui  donner  le  nom  d'«  atacameno  » ,  mais  eux  l'appellent 
le  clmnza,  ce  qui  signifie  «notre»,  c'est-à-dire  «notre  langue». 
MM.  Philippi  (285,  p.  G7),  von  Tschudi  (356,  v,  p.  82),  Th.  H.  Moore 
(242),  F.  J.  San  Roman  (321)  ont  publié  des  petits  vocabulaires 
d'atacameno;  Moore  y  a  ajouté  aussi  des  principes  de  gram- 
maire. Mais  ce  sont  surtout  MM.  Vaïsse,  Hoyos  et  Echevarria 
(361)  qui  en  ont  donné  dernièrement  un  vocabulaire  très  com- 
plet, comprenant  1,100  mots  dont  il  faut  cependant  écarter 
beaucoup  de  mots  quichuas  introduits  dans  fatacameno.  Ils 
ont  ainsi  sauvé  de  foubli  cette  langue  qui  est  sur  le  point  de 
disparaître.  Elle  n'est  maintenant  plus  parlée  qu'à  San  Pedro 
de  Atacama  et  dans  les  petites  localités  voisines  :  Toconao, 
Soncor,  Camar,  Socaire  et  Peine.  Selon  M.  Vaïsse  et  ses  colla- 
borateurs [ihid.,  p.  53o),  il  n'y  a  actuellement  qu'une  vingtaine 
de  personnes  qui  possèdent  bien  fatacamefio,  l'espagnol  pre- 
nant peu  à  peu  sa  place.  D'après  M.  von  Tscbudi,  on  parlait 
encore  l'atacameno  dans  la  deuxième  moitié  du  dernier  siècle 
à  Calama,  ([ui  ])()rlait  jadis  le  nom  de  «Atacama  Baja»,  à 
Chiuchiu  et  à  Antolagasta,  mais  à  présent  il  n'v  est  plus  du  tout 
en  usage.  Au  rapport  de  M.  Moore  (242,  p.  h-]),  on  pcul  siii\re 
les  traces  de  celte  langue  par  les  noms  de  lieux,  depuis  (iobija 


64  ANTIQUITES  DE  LA  UEGION  ANDINE. 

sur  la  côte  jusqu'à  Piirilari  (^)«n  =  eau,  /a//--  rouge)  dans  Tin- 
térieur,  et  en  effet  beaucoup  de  noms  dans  la  partie  sud  de 
la  province  de  Tarapacâ  proviennent  de  Tatacameno.  Les  Ata- 
canieîïos  se  nomment  eux-mêmes  Lickan-Antai  «le  peuple 
du  village  ».  Lickan  «  le  village  » ,  comme  en  latin  urbs  «  la  ville  » 
par  excellence,  est  surtout  San  Pedro  de  Atacama;  pour  dési- 
gner des  localités  étrangères,  les  Atacamefïos  disent  IcrL 

La  toponymie  du  nord  de  la  Puna  de  Atacama,  c'est-à-dire 
du  désert  qui  séj^arait  les  Atacamas  du  Salar  de  Atacama 
de  ceux  de  la  Puna  de  Jujuy,  est  presque  totalement  tirée  de 
l'atacameno,  sauf  quelques  mots  pris  du  quicliua  et,  naturel- 
lement, quelques  noms  esj^agnols^^l  Dans  la  Puna  de  Jujuy, 
les  noms  dont  on  peut  dire  avec  certitude  qu'ils  dérivent  de 
l'atacameno  sont  rares,  mais  il  y  en  a  pourtant  quelques- 
uns.  Ainsi  le  nom  indigène  de  l'Al^ra  de  Cobres  est  Abra  de 
Cabi,  et  Ckabi  est  un  nom  d'Indien  qui  figure  sur  les  registres 
de  féglise  de  San  Pedro  de  Atacama,  en  Tannée  i6i3.  Près  de 
Cobres,  il  y  a  aussi  une  localité  appelée  Potor,  ce  qui  veut  dire 
en  atacameno  «  avalanche  de  terre  ».  Beaucoup  de  noms  de  lieux 
dans  la  Puna  de  Jujuy  ne  dérivent  pas  du  quichua  et  pro- 
viennent d'autres  langues  indiennes,  peut-être  de  fatacameno, 
mais,  en  général,  les  Incas  semblent  avoir  imposé  la  nomen- 
clature quichua  dans  cette  partie  du  haut  plateau,  ce  qui 
est  tout  naturel,  car  fune  de  leurs  jDrincipales  routes  traversait 
ce  territoire. 

D'Orbigny  (274,  i,i).  33o)  a  évalué  le  nond3re  des  Atacamenos 
(le  son  temps  à  7,^00  individus  environ,  dont  y, 000  dans  la 

'">  Citons    quelques    exemples  :   Catua  anus);  Caurchari  [ckuhur  =  haute  mon- 

(cAa/H  =  roche);  Puripica,  près  de  Catua  tagne,   ckari  =  vert);  Z:ipaleri    [Ischapnr 

(pfj(7  =  eau,  picka  =  frais:  eau  fraîche);  =  renard);     Mucar    [iinickar  ==  mort); 

Pairique  (pajVi^  mouche)  ;  La  ri,  près  de  Pultur    (peut-être    de    piilcklur  =  svm- 

Susques  (/arî=  rouge);   Salar  de  Arlzaro  vrer),  etc.  C'A",  suivant  l'orthographe  adop- 

(/;rt«ri  =  vautour,  ara  ou  aro  =  demeure  :  tée  par  MM.Vaïsse,  Hoyos  et  Echeverria, 

demeure  des  vautours) ;  Olaroz  (peut-être  représente  un  son  guttural  spécial  à  l'ata- 

de  /io?or  =  quinoa);  Salar  de  Jama  (peut-  camcno   et    resseml)lant    au  ch  allemand 

être  de  ckumai  =  petit-fds);  Toro  [toro  —  suivi  d'une  sorte  de  r. 


CARTE  ETHNIQUE.  65 

province  crAtacama  et  5,4oo  dans  celle  de  Tarapaca.  Ces 
derniers  sont  maintenant  complètement  absorbés  par  les 
Aymaras.  A  San  Pedro  de  Atacama,  les  Atacamenos  paraissent 
s'être  conservés  très  purs.  Lors  du  passage  de  M.  von  Tschudi, 
il  n'y  avait  parmi  eux  aucun  blanc.  M.  Alejandro  Bertrand 
(60,  p.  277)  estime,  en  i884,  la  population  indigène  du  Désert 
et  de  la  Puna  de  Atacama  à  4, 000  individus,  dont  la  moitié 
environ  auraient  été  des  Atacamenos  et  le  reste  des  Changos 
et  des  Indiens  de  la  Bolivie. 

AI.  Pliilippi  (285,  p.  65)  décrit  les  Atacamenos  comme  ayant 
une  taille  peu  élevée  (i  m.  60  en  moyenne,  d'après  d'Orbi- 
gny),  le  front  bas,  le  nez  jAat  et  large,  les  pommettes  assez 
saillantes. 

Les  Atacamenos  ont  conservé  beaucoup  d'anciennes  tradi- 
tions qu'il  serait  d'un  grand  intérêt  de  colliger  le  plus  tôt  pos- 
sible, avant  qu'elles  ne  soient  perdues  pour  toujours,  ce  à  quoi 
il  faut  s'attendre  d'ici  peu  d'années,  car  elles  seront  oubliées 
avec  la  laniifue.  La  tache  de  recueillir  ce  folklore  est  loin  d'être 
facile,  les  Atacamenos  étant  fort  réservés  sur  ces  choses.  J'ai 
rencontré  à  Cochinoca,  dans  la  Puna  de  Jujuy,  une  femme 
Atacamena,  mais  il  me  fut  impossible  de  rien  tirer  d'elle  sous 
ce  ra]3port. 

Les  hommes  Atacamenos  sont  plus  ou  moins  vêtus  à  l'euro- 
péenne, comme  les  Indiens  de  la  Puna;  mais  les  femmes  por- 
tent des  vêtements  spéciaux  composés,  d'après  M.  von  Tschudi 
(356,  V,  p.  78),  du  coton,  de  Vackso  et  de  la  Uicla. 

Coton,  c'est  une  longue  robe  en  laine  de  couleur  brun  ioncé, 
pourvue  de  manches  et  descendant  jusqu'aux  chevilles. 

Aciiso :  vêtement  ouvert  d'un  côté,  couvrant  la  partie  (boite 
du  buste,  et  ramené  par  deriûère  et  par-dessus  fépaule  gauche 
sur  la  poitrine  où  il  forme  poche,  pour  s'attacher  enhn  à  la 
ceinture  du  côté  droit.  L'ac/f50  est  toujours  rayé  de  couleurs 
criardes:  jaune,  ronge,  noir;  vert,  ronge, jaune;  verl,  l'onge, 
noir,  etc.,  rappelani  les  lissns  rayés  des  anciennes  sépultures 
de  Calama  el  de  l;i  INina. 


IC     7<AT10^ALr. 


66 


ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 


Llicla^^  :  sorte  de  châle  jeté  sur  les  épaules,  généralement 
d'un  tissu  grossier  et  poilu,  rouge  ou  vert  pour  la  plupart. 

Je  ne  dois  pas  laisser  ici  passer,  sans  la  mentionner,  une 
théorie  de  M.  von  Tschudi  (356,  v,p.  d>'v,  et  357,  p.  71),  ou  plutôt 
une  su])position ,  car  il  ne  ra])puie  pas  de  raisons  plausihles. 
A  son  a>is,  les  Atacamenos  seraient  les  derniers  survivants 
des  anciens  «  Calchaquis  »  et,  par  con'séquent,  leur  langue 
serait  l'ancien  cacan.  Lorsque  l'inca  Yupanqui  fit  la  con- 
quête du  Chili,  les  Calchaquis  lui  auraient  opposé  une  résis- 
tance téméraire  dans  leurs  forteresses,  et  une  partie  d'entre 
eux  se  seraient  réfugiés  dans  le  Désert  d'Atacama  pour  ne  pas 
se  soumettre  aux  Péruviens.  Or  la  situation  des  vestiges  du 
chemin  incasique  démontreraient  que  les  Incas  n'ont  jamais 
pénétré  dans  les  oasis  de  San  Pedro  de  Atacama  et  de  Toconao, 
et  que  ces  endroits  n'auraient  jamais  appartenu  à  l'empire 
incasique.  La  rareté  relative  de  mots  quichuas  dans  l'atacameho 
confirmerait  ce  fait.  Ces  arguments  sont  tout  à  fait  contraires 
à  ce  que  nous  apprend  l'histoire.  Aucun  document  ne  donne 
des  informations  sur  une  résistance  opiniâtre  des  Calchaquis 
ou  Diaguites  contre  les  Incas,  et,  si  nous  en  croyons  Garcilaso 
de  la  Vega,  cité  plus  haut,  la  soumission  des  Calchaquis  fut 
plutôt  volontaire  ;  le  même  auteur  rend  compte  de  la  conquête 
d'Atacama  sous  l'empire  de  Yahuar-Huacac,  et,  d'après  lui,  ce 
lurent  des  Indiens  d'Atacama  et  de  Tucuman  (des  Diaguites, 


f'^  Le  mot  llich  ou  ïïiclla  est  quichna. 
La  lUcla  était  aussi  en  usage  chez  les  In- 
diennes du  Pérou,  mais  le  colon  et  Vackso , 
tels  qu'ils  sont  décrits  par  von  Tschudi, 
diffèrent  du  vêtement  préhispanique  des 
lénimes  péruviennes ,  Vunacu,  sorte  de  long 
sac  sans  fond  qui  couvrait  le  corps  depuis 
les  aisselles  jusqu'aux  pieds  et  dont  les 
bords  supérieurs  étaient  ramenés  au-dessus 
des  épaides  pour  y  être  agrafés  au  moyen 
d'épingles  [topos).  Cependant  les  femmes 
des  Yuncas  employaient  aussi  Vacso  ou 
a/s«,  connue  le  démontre  une  ordonnance 


du  vice-roi  Don  Francisco  de  Toledo  (48, 
fol.  i't6),  signée  à  Arequipa  en  i575.  D'ail- 
leurs, comme  nous  l'avons  dit, les  anciens 
Atacamas  étaient,  suivant  Oviedo,  vêtus 
comme  les  Yuncas. 

Suivant  le  P.  Cobo  (103,  n  ,  p.  162),  les 
Péruviennes  se  ceignaient  avec  le  chu  m  pi , 
large  bande  d'étoffe  à  laquelle  elles  lai- 
saient  faire  plusieurs  tours  autour  du 
ventre.  Suivant  des  renseignemenls  qui 
m'ont  été  donnés,  les  femmes atacamenas 
emploient  aussi  le  cliiiinpi,  quoique  von 
Tschudi  ne  le  menlionne  pas. 


CARTE  ETHNIQUE.  67 

peut-être  justement  des  Calchaquis)  qui  servireuL  de  guides 
à  Tarmée  de  l'Inca,  Yupanqui.  Suivant  M.  Philippi,  la  route 
dite  «  de  l'Inca  »  jDasse  par  San  Pedro  de  Atacama  et  par  Toco- 
nao,  et,  même  s'il  n'en  a  pas  été  ainsi,  cette  route  traversait 
certainement  le  bassin  du  Rio  Loa  où  l'on  parlait  l'atacameno 
il  y  a  moins  d'un  siècle.  D'ailleurs  il  est  impossible  de  sup- 
poser que  les  Incas  n'aient  pas  soumis  à  leur  enq:)ire  l'oasis  de 
San  Pedro  de  Atacama  et  ses  environs,  seuls  endroits  dans  ces 
régions  désertiques  pouvant  fournir  des  provisions  aux  nom- 
breuses troupes  péruviennes  allant  au  Cbili  ou  retournant 
au  Pérou.  Quant  au  fait  que  la  langue  des  Atacamenos  s'est 
maintenue  assez  pure  de  mots  qnichuas,  il  ne  prouve  rien. 
Et  d'ailleurs  on  y  retrouve  plusieurs  de  ces  mots,  parmi  les- 
quels certains  désignent  des  croyances  religieuses  nettement 
péruviennes.  Au  contraire,  dans  la  toponymie  de  la  région 
diaguite,  où  l'on  rencontre  les  seuls  restes  connus  du  cacan, 
on  ne  trouve  pas  de  mots  atacamenos.  L'hypothèse  de  M.  von 
Tschudi,  d'après  laquelle  les  Atacamenos  seraient  des  survi- 
vants des  «  Calchaquis»,  n'est  donc  justifiée  par  aucun  fait. 

Les  peuj)les  voisins  des  Atacamas  à  l'époque  de  la  conquête , 
en  étendant  ceux-ci  à  la  Puna  de  Jujuy,  comme  les  découvertes 
archéologiques  findiquent,  sont  :  au  Sud,  après  des  déserts,  les 
Araucans  et  les  Diaguites;  à  l'Kst,  les  Omaguacas;  au  Nord, 
les  Ghichas  bien  connus  comme  appartenant  à  renq:)ire  inca- 
sique,  les  Lipes,  et,  en  Tarapaca,  les  Yuncas.  On  ne  peut  ris- 
quer une  opinion  en  ce  qui  concerne  fextension  des  Atacamas 
vers  le  Nord,  dans  cette  dernière  province,  avant  que  celle-ci 
ait  été  explorée  archéologiquement. 

Uros  (Changos).  —  Le  long  de  la  côte  (Ui  i\u'i(iqiie,  sur  le 
territoire  même  des  Atacamas,  et  dépenchuit  probablement  de 
ceux-ci,  habitait  une  peuplade  de  pêcheurs,  les  Uros,  qui  se 
trouvaient  au  degré  le  plus  bas  de  la  civilisation.  Don  Juan 
J^ozano-Machuca  (222,  p.  wv-xwn)  donne  sur  les  Uros  (f  \tacama 

5. 


68  ANTIQUITES  DE  LA  HEGIOM  ANDINE. 

le  renseignement  suivant  :  «  Dans  la  baie  crAtacama  (Cobija)  où 
est  situé  le  port,  il  y  a  /ioo  Indiens  Uros,  pêcheurs  qui  ne  sont 
pas  baptisés  et  qui  sont  incapables  de  servir  à  quoi  que  ce 
soit;  cependant  ils  donnent  du  poisson  aux  caciques  d'Atacama 
en  signe  de  soumission.  Ces  Indiens  sont  très  brutes  :  ils  ne 
cultivent  pas  la  terre,  ils  n'en  récoltent  pas  les  produits,  ils  se 
nourrissent  exclusivement  de  poisson.  »  D'après  Lozano-Ma- 
chuca,  il  y  avait  aussi  des  Uros  ])êclieurs  sur  la  côte  de  la 
province  actuelle  chilienne  de  Tarapacâ,  depuis  Pisagua  jus- 
qu'à l'embouchure  du  Rio  Loa ,  et  plus  d'un  millier  sur  la  côte 
d'Arequipa. 

Les  Changos  qui  habitent  actuellement  la  côte  du  Pacifique 
de  Cobija  au  Nord,  jusqu'càHuasco  au  Sud,  ne  peuvent  être  que 
les  descendants  des  anciens  Uros  de  la  côte,  mentionnés  par 
Lozano-Machuca.  Frézier  (137,  p.  i3o),  qui  visita  Cobija  en  1712, 
dit  que  ce  village  était  alors  composé  d'une  cinquantaine  de 
cases  d'Indiens  faites  de  peaux  de  loups  marins.  Ces  Indiens,  qui 
étaient  des  Changos,  ne  vivaient  ordinairement  que  de  poisson, 
d'un  peu  de  maïs  et  de  pommes  de  terre  qu'ils  obtenaient  à 
Atacama  en  échange  de  leur  poisson.  D'Orbigny  (274,  i,  p.  333 
et  suiv.)  a  étudié  les  Changos  en  i83o.  D'après  lui,  ils  habi- 
taient à  cette  é|3oque  la  côte  entre  le  2  2"^  et  le  2  4''  degré,  j^i'inci- 
palement  les  environs  du  port  de  Cobija.  Il  les  évalue  à  mille 
âmes.  Leurs  maisons  étaient  faites  de  trois  ou  quatre  piquets 
fichés  en  terre  sur  lesquels  ils  jetaient  des  peaux  de  loups 
marins  et  des  algues.  Leur  mobilier  consistait  en  quelques 
coquilles,  quelques  vases  et  en  instruments  de  pêche,  petits 
harpons  ingénieusement  confectionnés.  La  pêche,  la  chasse  des 
loups  marins  étaient  leur  seul  moyen  d'existence.  Leurs  bateaux 
étaient  formés  de  deux  outres  en  peau  de  loup  marin  soufflées 
et  attachées  ensemble.  Ils  savaient  tisser.  Leurs  femmes  por- 
taient les  fardeaux  en  se  servant  de  hottes  coniques  formées 
de  six  bâtons  et  soutenues  par  une  sangle  qu'elles  avaient  sur 
le  front.  Philippi  (285,  p.  22, /i2, 43)  a  vu  les  Changos  en  i853. 
Il  les  a  surtout  étudiés  au  sud  de  Taltal.  Ils  avaient  alors  des 


CAKTK  ETH.MQl  K.  69 

chèvres  et  des  ânes.  Leiu's  liuttes,  faites  de  cotes  de  baleines  et 
de  pieux  en  bois  de  Cereus,  étaient  couvertes  de  peaux  de  loup 
marin,  de  peaux  de  chèvre  ou  de  vieilles  voiles.  Ils  étaient 
vêtus  de  haillons,  restes  de  vêtements  européens.  Ils  se  nour- 
rissaient de  molluscpies,  de  poissons,  d'œuls  d'oiseaux  marins 
et  de  viande  de  chèvre.  Leurs  halsas  ou  radeaux  étaient  tou- 
jours construits  en  peaux  de  loup  marin.  Bollaert  (66,  p.  171) 
donne  aussi  une  description  desChangos,  mais  moins  détaillée. 
Vers  1860,  il  en  avait  observé  environ  deux  cent  cinquante 
disséminés  en  plusieurs  endroits  de  la  côte,  de  Paposo  au  sud 
jusqu'au  nord  de  Cobija. 

D'Orbi<»nY  (274,  i,  p.  33/i)  paraît  avoir  été  en  rapport  avec  des 
Changos  qui  parlaient  encore  leur  ancienne  langue  indienne, 
mais  il  ne  put  malheureusement  recueillir  des  sj)écimens  de 
cette  langue;  les  Changos  eux-mêmes  lui  assurèrent  qu'elle 
différait  de  l'atacameno,  du  quichua  et  de  l'aymara.  Lors  du 
voyage  de  M.  Philippi,  les  Changos  avaient  totalement  oublié 
leur  langue  et  ne  parlaient  que  l'espagnol,  ce  que  M.  Fran- 
cisco J.  San  Roman  (321,  p. /i)  afFirme  comme  Philippi.  M.  Bol- 
laert (66,  p.  171)  dit  que  les  Changos  qu'il  a  vus  «  comprenaient 
un  peu  d'espagnol,  mais  que  leur  propre  langue  était  pr()])a- 
blement  un  mélange  d'atacameno  et  d'aymara».  Ce  rensei- 
gnement ne  laisse  pas  d'être  une  simple  supposition  formulée  à 
la  légère  et  ne  peut  être  opposé  aux  informations  de  (rOrbigny, 
de  Philippi  et  de  San  Roman. 

Ces  Changos  de  1  7  1  2,  de  i83o,  de  1853,  de  1860,  ainsi  que 
ceux  de  notre  époque,  ne  peuvent  être  que  les  Uros  de  i58i, 
ceux  de  Lozano-Machuca,  habitant  les  mômes  localités  et  al)- 
solument  identiques  dans  les  différentes  descriptions.  Le  nom 
Clicmgo,  d'une  étymologie  douteuse  et  d'une  signihcation  mé- 
]:)i'isante,  paraît  d'ailleurs  avoir  été  employé  par  les  Espagnols 
à  une  époque  relativement  récente.  Il  est  à  nolei-  que  Frézier, 
le  plus  ancien  des  voyageurs  qui  aient  visité  les  Changos,  ne  se 
sert  pas  de  cette  expression.  Ce  mêm(»  mot  cliaiHjo  est  (Muployé 
par  les  métis  delà  région  andinc  de  l'Argentine,  notamnienl  en 


70 


ANTIQUITES  DE  LA  REGION   ANDINE. 


Catamarca,  dans  le  sens  de  «  gamin  »,  ce  qui  peut  avoir  un  rap- 
port avec  le  nom  des  Indiens  Gliangos,  car  ceux-ci  sont  d'une 
très  petite  taille. 

Les  Changos  ont  été  souvent  confondus  avec  les  Atacamenos. 
M.  Elirenreicli  (122, p. 65)  se  demande  si  les  Atacamas  et  les 
Changos  ne  sont  pas  un  même  peuple.  M.  José  Toribio  Polo 
(292,  p.  i5)  les  confond,  dans  son  travail  sur  les  Uros.  Cepen- 
dant il  est  tout  à  fait  certain  que  les  Atacamas  et  Atacamenos 
n'ont  aucun  rapport  etlmique  avec  les  Changos  et  les  Uros. 
Lozano-Machuca  (222,p.  xxv)  les  distingue  parfaitement.  D'Or- 
higny  (274,  i,  p.  333)^^'  fait  des  Changos  une  «nation»  spéciale, 
parallèle  aux  Quichuas,  Aymaras  et  Atacamas,  et,  pour  von 
Tschudi  (356,  V,  p.  78),  les  Atacamenos  «forment  une  tribu  tout 
à  fait  différente  aussi  bien  des  Indiens  de  la  côte,  les  Changos, 
que  de  ceux  du  haut  plateau  bolivien  ». 

Sur  la  côte  du  Pacifique  où  habitent  les  Changos,  on  trouve 
souvent  des  sépultures  anciennes  qui  proviennent  très  vrai- 
send)lablement  de  leurs  ancêtres,  c'est-à-dire  des  Uros  préhis- 
paniques. M.  Philippi  (285,  p.  33)  a  fouillé  quelques-unes  de  ces 
sépultures  aux  environs  de  Taltal  et  de  Paposo.  Elles  étaient 
indiquées  par  des  cercles  de  pierres  de  l\  pieds  de  diamètre,  à 
la  surface  du  sol.  M.  Philippi  y  a  trouvé  beaucoup  de  pointes 
de  flèches  et  de  harpons  en  silex.  Nous  décrirons  plus  loin 
une  de  ces  sépultures,  fouillée  à  Chimba,  sur  la  baie  d'Antofa- 
gasta,  par  M.  E.  Sénéchal  de  la  Grange. 

Les  Changos  ou  Uros  de  la  côte  semblent  être  les  derniers 


(')  D'Orbigny  (274,  i,  p.  SSy)  exhuma 
à  Cobija  plusieurs  squelettes  de  Changos. 
Deux  crânes  provenant  de  ses  fouilles  ont 
été  étudiés  par  Quatrefages  et  Hamy  (293, 
p.  /175).  Leur  étude  établit  une  notable  dil- 
iérence  soniatologique  entre  les  Changos 
et  les  autres  races  de  l'Amérique  du  Sud  : 
«Les  Changos  de  l'Atacama,  dont  d'Orbi- 
gny  avait  recueilli  deux  crânes,  no  renlront 
ni  dans  l'une,  ni  dans  l'autre  des  séries 
que  nous  venons  de  mesurer.  Ils  sont  plus 


volumineux ,  aussi  longs ,  mais  plus  larges 
et  surtout  plus  hauts  que  ceux  des  cavernes 
des  Andes,  et  présentent  une  dilatation 
notable  de  la  face  qui  devient  sensiblement 
plus  large  que  dans  les  autres  groupes.  » 
L'indice  céphaiique  de  ces  deux  crânes 
est  de  76.66  et  76.77;  diamètre  basilairc- 
bregmatique,  137;  largeur  frontale  maxi- 
mum, 109;  largeur  frontale  minimum, 
93;  capacité  crânienne,  i,48o  centimètres 
cubes,  etc. 


CARTE   KTIlMOriv  71 

vestiges  d  nn  ancien  peuple  qui  a  habité  le  pays  avant  les 
Yiincas,  les  Quicliuas  et  les  Ayaiaras.  Sir  (Uem<Mits  Markhaiii 
(229,  p.  321)  fait,  comme  nous,  remarquer  les  probal^ilités  de 
cette  manière  de  voir. 

Autour  du  lac  Titicaca  et  du  Rio  Desaguadero  se  trouvaient 
aussides  «  Uros  «.DonPedrodeMercadodePenaloza  (236,p.54-56), 
dans  sa  relacwn  sur  la  province  des  Pacajes,  énumère  les  Uros 
vivant  dans  ce  territoire.  H  y  en  avait  270  aux  environs  de  San- 
tiago de  Mamaneca,  sur  le  Desaguadero ,  plus  de  100  dans  le 
district  de  Tialiuanaco  et  d'autres  à  Huaqui,  sur  le  ^Fiticaca. 
Tous  ces  Uros  étaient  des  pêcheurs,  d'un  degré  de  civilisation 
très  bas;  ils  se  nourrissaient  de  poissons,  de  racines  de  joncs 
et  de  totora  [Malachochœte  Totora,Meyen) ,  haute  cypéracée  aqua- 
tique, dont  ils  faisaient  aussi  et  font  encore  aujourd'hui  leurs 
halsas  ou  radeaux.  Ces  Uros  sont  également  nommés  par  plu- 
sieurs des  chroniqueurs  :  Garcilaso  de  la  Vega  (140;  1.  vu,  c  iv; 
fol.  169);  Acosta  (2;  1.  II,  c.  VI ;  t.  I,  p.  86);  Balboa  (47;  c  xi;  p.  i43); 
Herrera(164;  dec.  v,  i.  m,  c  xm;  t.  m,  p.  73);  Calancha  (89;  1.  n,  c  vm; 
p.  353).  Tous  qualifient  les  Uros  de  la  même  manière  :  telle- 
ment sauvages  et  tellement  incultes  «  qu'ils  se  rapprochaient 
davantage  des  animaux  que  des  hommes»,  vivant  exclusive- 
ment de  la  pêche,  employant  la  totora  à  tous  les  usages  :  ils 
en  faisaient  des  abris  et  des  radeaux,  s'en  servaient  comme 
com])ustible  et  en  mangeaient  les  racines. 

Les  descendants  de  ces  Uros,  disparus  des  environs  du  lac 
Titicaca,  habitent  encore  les  bords  du  Piio  Desaguadero.  Ils 
n'ont  rien  changé  à  leurs  anciennes  habitudes  et  se  tieniicut 
toujours  au  même  degré  inhme  dans  la  civilisation.  Ils  n'onl 
lait  aucun  progrès,  d'après  M.  Polo  (292),  qui  a  recueilh  de  leur 
bouche  et  publié  un  certain  nombre  de  mots  et  de  phrases.  Mon 
coUèg^ue  le  D'^Neveu-Lemaire  (257,  p.  i3)  avait  cru  rencontrer  des 
Uros  dans  l'île  Panza  du  lac  Poopo,  mais  il  trouva  cette  île  habitée 
par  quarante  Indiens  parlant  l'aymara.  Néanmoins  il  n'est  pas 
impossible  que  les  hal)itantsde  l'ilc  Panza  soient  des  Uros,  soit 


79 


ANTIQUITÉS  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 


qu'ils  aient  remplacé  leur  propre  lan<^ue  par  ïiw  niara,  soit  cpi'ils 
la  conservent  encore,  mais  qu'ils  l'aient  cachée  à  mon  collègue 
selon  leur  habitude  d'extrême  réserve  vis-à-vis  des  étrangers. 

On  a   voulu    identifier   avec  la  langue   des   Uros   l'ancien 
puquina ,  dont  nous  possédons  des  spécimens  avec  traduction 
[Pater  Noster,  Ave  Maria,  les  Articles  de  la  Foi,  etc.),  rédigés 
par  le  P.  Bârzana  et  publiés  par  Fr.  Luis  Jerônimo  Ore  (275, 
p.  4oo-4o3).  Le  Pater  Noster  a  été  reproduit  par  Adelung  (4,  m, 
2=  part.,  p.  549);  dernièrement  M.  Raoul  de  la  Grasserie  (152)  a  édité 
ces  textes  entiers,  copiés  d'après  l'original.  Ore  [ihid.  p.  1 1)  com- 
prend le  puquina  parmi  les  «  quatre  langues  générales  »  du 
Pérou,  les  trois  autres  étant  le  quichua,  l'aymara  et  leyunca- 
mochica;  mais  l'évoque  de  Cuzco,  Don  Antonio  delà  Raya,  dans 
un  préambule  du  livre  d'Ore  [ibid,  p.  7),  classe  seulement  le  qui- 
chua et  l'aymara  comme  lengnas  cjenerales.  Suivant  Hervas  (165, 
i,p.  2/i5),  la  langue  puquina  était,  à  son  époque,  parlée  dans  la 
mission  des  PP.  Mercenaires  près  de  Pucarani,  dans  les  îles  du 
lac  Titicaca  et  dans  quelques  localités  appartenant  au  diocèse 
de  Lima.  Comme,  à  une  certaine  époque,  il  y  a  eu  des  Uros  dans 
les  îles  du  lac  Titicaca,  M.  Brinton  (77,  p.  221)  en  a  déduit  que  le 
puquina  était  la  langue  des  Uros,  quoique  ni  Ore,  ni  Hervas, 
ni  Adelung  ne  le  disent.  Au  contraire,  Hervas  cite  Garcilaso 
de  la  Vega  (140;1.  vu;  c.  iv;fol.  169)  qui  distingue  parfaitement  les 
Puquinas  des  Uros.  D'ailleurs  il  est  difficile  de  supjDOser  que 
la  langue  de  ces  Uros  sauvages   ait  pu  être  qualifiée  comme 
fune  des  «langues  oénérales  du  Pérou».  Enfin  le  vocabulaire 
uro  de  M.  Polo,  contenant  quatre  cents  mots  en  dehors  de 
phrases,  etc.,  démontre  à  févidence  que  la  langue  uro  n'a  rien 
de  commun  avec  le  puquina.  Cette  dernière  langue  était  pro- 
bablement parlée  par  d'autres  Indiens  des  îles  du  Titicaca, 
mais  certainement  pas  par  les  Uros. 

Les  Uros  du  Desaguadero  sont  peut-être  les  mêmes  que  les 
Uros  ou  Changos  du  Pacifique  :  les  descriptions  des  uns  et  des 
autres  sont  en  effet  parfaitement  concordantes  et  les  deux  au- 


CAUTE   ETHNIQUE.  73 

teiirs  de  relaciones,  Lozano-Macliuca  et  Mercado  de  Penaloza, 
contemporains  (if^Si  et  1082),  mais  écrivant  indépendam- 
ment l'un  de  l'autre,  leur  donnent  le  même  nom  :  Uros.  Sir 
Cléments  Markham  (229,p.  3o5),  cejDendant,  les  distingue  dans 
sa  classification  géographique  des  tribus  apj^artenant  à  l'em- 
pire incasique  :  il  place  les  Uros  du  Titicaca  dans  sa  «  région 
du  Collao  )^  et  les  Changos  dans  la  «région  Yunca»,  sans  éta- 
blir d'affinités  entre  les  uns  et  les  autres.  Mais  M.  Markham 
n'avait  pas  lu  les  relations  de  Lozano-Machuca  et  de  Mercado 
de  Penaloza,  et  il  a  d'ailleurs  négligé  la  partie  sud  de  l'empire 
en  désignant  les  Changos  comme  la  tribu  la  plus  méridionale 
et  en  ne  nommant  pas  les  Chichas  qui,  sans  aucun  doute,  se 
trouvaient  sous  la  domination  incasique.  11  me  semble  très 
possible  que  les  Uros  du  Titicaca  et  du  Desaguadero  soient 
identiques  à  ceux  de  la  côte.  On  pourrait  objecter  l'éloignement 
géographique  entre  les  uns  et  les  autres,  mais  il  faut  se  rappeler 
que  le  Titicaca  n'est  pas  loin  d'Arequipa  ou  d'Arica. 

Omaguacas '^^  —  La  Quebrada  de  Humahuaca,  à  l'est  de  la 
Pnna  (l(*  '^^\j^i}%  et  les  montagnes  des  deux  côtés  de  cette  que- 
brada étaient,  à  l'époque  de  la  conquête,  habitées  par  une  peu- 
plade à  laquelle  les  auteurs  donnent  les  noms  d'Omaguacas, 
Humahuacas  ou  Humaguacas.  On  les  voit  aussi  dénommés 
Omaguas,  mais  à  tort,  car  aucun  des  auteurs  anciens  n'enmloie 
ce  nom.  Ainsi  Techo  dit  toujours  Omaguacœ,  quoique  M.  Juan 
B.  Ambrosetti  (23,  p.  3)  dise  avoir  pris  de  lui  le  non)  d'Oma- 
guas.  J'ai  même  vu  des  auteurs  qui  mettent  les  Omaguacas  en 
ra])port  avec  les  Omaguas,  Tn])is  de  la  région  équatoriale  à 
l'est  de  la  CordiUère  et  avec  lesquels  naturellement  les  Oma- 
guacas n'ont  rien  à  voir. 

Narvaez  (253,p.  iSi)  mentionne  el  vallc  de  ()ma(/nara,  licrra 
rua,  (listante  de  SaUa  d(*  trente  lieues  et  de  Jujnv  de  \ingl  en- 
viron. Cette  dernière  distance  semble  (h'Miionlici-  (iiic  NarNac/ 

'"'   Voir,  en  dehors  de  la  rarlo  fuj.  i ,  la  rarlo  archcolog^irpK^  à  la  lin  fin  Idino  M. 


7'j  ANTIQUITÉS   DR  LA   RÉGION  ANDINE. 

veut  indiquer  la  parHo  supérieure  fie  la  Ouebrada  de  Huma- 
luiaca,  c  est-à-dlre  les  environs  du  village  actuel  de  llumaliuaca. 
Lozano-Macluica  (222,p. x\iv)  caractérise  les  Omaguacas  comme 
(les  Indiens  belliqueux.  Selon  Teclio  (341  ;  1.  n,  c.  vi-vm;  p.  Sg/lo),  les 
Omaguacas  babitaient  «  la  partie  du  Tucuman  qui  s'étend  vers 
le  Pérou  »  [Oniacjiiacœ  Tuciimaaiœ  fines ,  cjua  Pernviœ  ohtencUtiir, 
hahitant).  Il  les  décrit  comme  des  Indiens  belliqueux  et  rebelles 
et  il  rend  compte  des  eiTorts  continus  du  P.  Gaspar  de  Monroy 
r)0\\v  les  convertir  à  la  religion  catbolique.  Enfin  les  deux 
caciques  principaux  des  Omaguacas,  Piltipico  et  Teluy,  furent 
faits  prisonniers  et  baptisés  par  force,  en  iSgS.  Ainsi  les  Esj:)a- 
gnols  réussirent  à  dominer  les  Omaguacas  qui,  depuis  le  pas- 
sage d'Almagro  en  i536,  n'avaient  cessé  d'attaquer  les  troupes 
espagnoles  se  rendant  du  Pérou  en  Tucuman  et  de  détruire 
leurs  établissements  en  Jujuy.  Lozano  (220,  iv,  p.  no,  2^7,  2G6, 
/io2,  4ii,  etc.)  décrit  en  détail  plusieurs  de  ces  combats,  et,  dans 
sa  description  du  Cliaco  (219,  p.  1 22-180),  il  fait,  d'après  Teclio, 
le  récit  de  la  conversion  de  Piltipico.  M.  Ambrosetti  (23,  p.  6-12) 
a  publié  un  résumé  des  principaux  renseignements  que  donne 
Lozano  à  ce  sujet. 

Tous  les  auteurs  dénomment  Jiijuys  les  Indiens  qui  s'oppo- 
sèrent à  la  marche  de  Don  Diego  de  Almagro;  ces  Jujuys,  très 
vraisemblablement,  n'étaient  qu'une  tribu  des  Omaguacas. 
Quoique  aucun  auteur  ne  désigne  la  localité  exacte  où  fut  atta- 
quée l'avant-garde  d'Almagro,  les  Jujuys  étaient  probablement 
l'une  des  tribus  habitant  la  Quebrada  de  Humahuaca.  Lozano 
(220,  IV,  p.  /io2)  énumère  les  tribus  suivantes  qui  furent  assujetties 
par  les  fondateurs  de  la  ville  de  Jnjuy  :  Purumamarcas,  Osas, 
Paypayas,  Tilians,  Ocloyas  et  Fiscaras.  Toutes  ces  tribus  étaient 
probablement  des  Omaguacas,  quoique  Lozano  nomme  ceux-ci 
cà  part  pour  signaler  les  Omaguacas  des  environs  du  village  actuel 
de  Humahuaca.  Les  «  Purumamarcas  » ,  nommés  aussi  Puquiles 
par  le  même  auteur  {ihid.,\\  24s) ,  étaient  la  tribu  habitant  la  Que- 
brada de  Purmamarca.  «Fiscaras»  doit  être  Tilcaras,  la  tribu 
de  Tilcara,  village  situé  au  nord  de  Purmamarca.  Quant  aux 


CARTE   ETHNIQUE.  75 

Ocloyas,  ils  hal)itaieot  les  moiitagiips  au  nord-est  de  la  ville  de 
Jujiiy,  oii  une  localité  porte  encore  leur  noni^'^.  D'après  Nar- 
vaez  (253,  p.  i5o),  ils  étaient  «  à  dix  lieues  de  distance  de  la  vallée 
(le  Jujuy».  Suivant  Techo  (341;  1.  xn,  c  xn  etxxvm;  p.  327  et  33G),  les 
PP.  Gaspar  Osorio  et  Antonio  Ripario  firent,  vers  i638,  un 
voyage  chez  les  Ocloyas  et  baptisèrent  600  de  ces  Indiens.  Ces 
missionnaires  «  devaient  traverser  le  pays  des  Ocloyas  pour  aller 
au  Chaco  ».  Par  conséquent,  les  Ocloyas  devaient  occuper  une 
grande  ]:)artie  des  montagnes  qui  séparent  la  Quebrada  de 
Humabuaca  de  la  Vallée  de  San  Francisco,  et,  du  côté  de  cette 
vallée,  ils  devaient  sVlendre  jusqu'à  la  Sierra  de  Calilegua  on 
peut-être  plus  au  nord  encore.  Gomme  les  Ocloyas,  les  Osas  ont 
donné  leur  nom  à  un  endroit  appelé  Osas,  dans  la  Sierra  de 
Sapla,  et  les  Paypayas,  le  leur  au  village  de  Palpalà,  ancienne- 
ment Paypaya,  près  de  la  ville  de  Jujuy. 

Il  est  difficile  de  donner  les  limites  exactes  des  Omaguacas, 
mais  leur  centre  était  sans  doute  aux  environs  du  a  illage  actuel 
de  Humabuaca,  et  les  dilTérentes  tribus  occupaient  probable- 
ment les  montagnes  des  deux  côtés  de  la  quebrada  de  ce  nom; 
peut-être  s'étendaient-elles  aussi  sur  des  parties  des  départe- 
ments actuels  d'Iruya  et  de  Santa  Victoria.  Par  la  similitude 
des  vestiges  archéologiques  du  département  de  Yavi,  sur  le 
haut  plateau,  avec  ceux  de  la  Quebrada  de  Humabuaca,  j'ai 
également  compris,  sur  la  carte  fi(j.  1 ,  ce  département  dans  la 
région  des  Omaguacas.  Ce  qui  est  curieux,  c'est  qu'il  y  a  un 
autre  endroit  portant  le  nom  de  Yavi,  dans  la  i-égion  (l(*s 
Ocloyas,  au  nord-ouest  de  San  Pedro. 

De  la  langue  des  Omaguacas  nous  ne  savons  rien.  Cepen- 
dant les  Ocloyas  paraissent  avoir  eu  une  langue  spéciale^  à  (mi\, 

*''   Sur  la  carto  do  Lo/.ano  (219),  ily  a  San  Francisco.  Sur  la  raric  de  (r\n\ille 

un  «Rio  (le  Ocloyas»  où  l'uront  assassinés  (36),  l<*  Rio  de  Ocloyas  est  placé  hoauconp 

par  les  Indiens  les  PP. Osorio  et  Ripario,  cl  plus  au  Nord.  Celte  rivière  y  li{,Hue  connue 

(|ui  correspond  plus  ou  moins  au  Rio  Nof^Mo  \u\  alllucnl  du  Rio  Berniejo  de  Tarija  cl 

actuel  ou  peut-être  au  Rio  San   liorenzo,  pourrait  correspondre  au  Rio  de  Zcnla  qui , 

lous  deux  ailluents  du  Rio  San  Francisco,  venant  dlruNa,  se  jette  dans  le  Rio  Rer- 

auquel  il  se  réunissent  dans  la  Vallée  de  inejo  jirès  dOran. 


76  ANTIQUITÉS  DE  LA  RFÎGION  ANDINE. 

car  le  P.  Osorio,  suivant  Teclio  (341;  1.  xn,  c.  xxvm;  p.  336),  avait 
rédigé  un  vocabulaire  en  langue  ocloya  qu'il  possédait  ainsi 
que  le  toba,  le  tonocoté  et  le  quicliua.  Peut-être  cette  langue 
ocloya  serait-elle  la  langue  générale  des  Omaguacas. 

Le  P.  Ovalle  (278,  i,  p.  25i  )  caractérise,  à  propos  de  la  marche 
d'Almagro,  les  Indiens  de  Jujuy  comme  étant  un  peuple  très 
belliqueux,  que  les  Incas  redoutèrent  toujours  beaucoup  (///- 
jiiy  es  un  hujar  6  provincia  de  (jente  mny  helicosa,  à  cjuien  los  Incas 
tnvieron  siempre  temory  II  est  presque  certain  que  le  P.  Ovalle 
se  réfère  ici  aux  Omaguacas,  et  cette  phrase  indiquerait  —  si 
nous  l'en  croyons  —  qu'ils  auraient  su  se  maintenir  indépen- 
dants de  la  conquête  incasique,  comme  leurs  voisins  du  Nord, 
les  Chiriguanos.  Cependant  il  peut  se  faire  qu'Ovalle  ait  voulu 
simplement  dire  que  les  Omaguacas  se  révoltaient  souvent 
contre  les  Péruviens. 

M.  Ambrosetti  (23,  p.  3-5)  soutient  que  les  Omaguacas,  comme 
tous  les  Indiens  de  la  province  de  Jujuy,  notamment  ceux  de 
la  Puna,  seraient  des  «  Calchaquis  » ,  c'est-à-dire  des  Diaguites. 
Comme  arguments  à  l'appui  de  cette  thèse,  il  invoque  la  simi- 
litude des  objets  d'industrie  et  d'art  préhispaniques  trouvés 
dans  la  région  diaguite  et  en  Jujuy,  et,  d'autre  part,  le  fait  que 
les  Indiens  de  Jujuy,  dans  certaines  occasions,  se  sont  alliés 
aux  Diaguites  pour  secouer  le  joug  des  Espagnols.  Je  dois 
d'abord  remarquer  qu'il  ne  faut  pas  englober  les  Indiens  préliis- 
paniques  de  la  Puna  (Casabindo,  Cochinoca,  Rinconada,  etc.) 
avec  ceux  de  la  Quebrada  de  Humahuaca.  Sur  les  premiers, 
j'ai  déjà  consigné  les  renseignements  historiques  que  je  pos- 
sède, et  plus  loin  j'analyserai  en  détail  l'archéologie  de  cette 
région.  Sur  la  base  de  ces  éléments,  je  classe  ces  Indiens, 
comme  je  l'ai  déjà  dit,  parmi  les  anciens  Atacamas.  Je  répon- 
drai ici  aux  arguments  de  M.  Ambrosetti  en  ce  qui  concerne 
les  Omaguacas.  Quant  au  premier  argument,  il  ne  hgure 
dans  les  collections  décrites  par  Al.  Ambrosetti  qu'un  seul  objet 
provenant  de  la  Quebrada  de  Humahuaca  :  c'est  une  sorte 
de  crapaud  en  terre  cuite  {ibid.^i^  66)  qui  avait  formé  un  orne- 


CARTE  ETHNIQUE.  77 

ment  en  relief  sur  un  vase.  Je  ne  peux  rien  trouver  de  «  style 
calchaqui  »  dans  ce  crapaud,  et,  d'après  ce  que  j'ai  vu  du  ma- 
tériel archéologique  de  la  Quebrada  de  Hunialiuaca,  ce  maté- 
riel diffère  autant  de  celui  de  la  région  diaguite  que  de  celui  de 
la  Puna  de  Jujuy.  Si  l'on  veut  comparer  les  objets  exhumés 
dans  la  région  de  Humahuaca  avec  les  débris  préhispaniques 
d'autres  régions,  ce  serait  de  ceux  de  Chiclias  qu'ils  se  raj)- 
procheraient  le  plus,  mais  nullement  de  ceux  de  la  Puna  et 
moins  encore  de  ceux  de  la  région  des  Diaguites.  Au  sujet  du 
deuxième  argument,  nous  ne  devons  pas  nous  étonner  que 
les  Omaguacas  fissent  cause  commune  avec  les  Diaguites  dans 
certaines  rebellions  contre  les  Espagnols;  nous  savons  que 
tous  les  Indiens  se  confédéraient  contre  l'envahisseur,  l'ennemi 
commun,  quand  ils  le  pouvaient.  Suivant  Lozano  (219,  p.  120) 
et  Gorrado  (105,  p.  19),  les  Omaguacas  dans  d'autres  occasions 
se  sont  alliés  aux  Chiriguanos  contre  les  Espagnols,  mais  j^er- 
sonne  ne  voudrait  en  conclure  une  parenté  quelconque  entre 
ces  deux  peuples,  d'une  culture  si  différente.  Enfin  la  preuve 
linguistique  manque  pour  rapporter  les  Omaguacas  aux  Dia- 
guites, aucun  auteur  n'ayant  lait  mention  que  les  premiers 
parlassent  le  cacan.  La  toponymie  de  la  Quebrada  de  Huma- 
huaca est,  comme  partout  dans  la  région  andine  de  fArgentine, 
tirée  pour  la  plupart  du  quichua  :  il  n'y  a  que  peu  de  noms 
dérivés  d'autres  langues  indigènes.  Ces  derniers  ne  ressemblent 
pas  aux  noms  de  la  région  diaguite  considérés  comme  prove- 
nant du  cacan. 

Tobas.  —  Comme  nous  favons  vu,  les  Ocloyas,  qui  élaient 
selon  toute  probabilité  une  tribu  des  Omaguacas,  occupaient 
]('s  montagnes  portant  actuellement  les  noms  de  Sierra  de 
Sapla,  Sierra  de  Calilegiia,  elc,  qui  s'élèvent  entre  Jujuy  et 
la  Quebrada  de  Humahuaca,  d'un  côté,  et  la  Vallée  de  San 
Francisco,  de  l'autre.  Les  Ocloyas,  suivant  Narvaez  (253,  p.  if)!) 
qui  écrivait  en  i583,  avaient  pour  voisins  les  Tobas  (pii  fai- 
saient continuellement  des  invasions  dans  leur  pnvs  {(lonfiiian 


78  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

con  otra  (jente  (fue  Ilaman  los  Tohas,  (jenle  hdicosa  mas  alla  y  des- 
proporc tonada,  los  cucdes  los  van  apocando  y  rohando  cada  dlii).  En 
1628,  le  P.  Gaspar  Osorio,  Tapôtre  des  Ocloyas,  écrivit  au 
Provincial  des  jésuites  du  Paraguay,  le  P.  Duran  (120,  p.  23), 
([u'il  pensait  «  rester  parmi  ces  Tobares  »  et  que  «  leur  rivière 
l)elle  et  fort  large  se  nomme  Taricha».  Ce  Rio  de  Tarija  ou 
Rio  Bermejo  de  Tarija  est  la  rivière  qui,  unie  au  Rio  San  Fran- 
cisco à  l'ouest  de  Humahuaca  et  au  nord  de  la  Sierra  Santa 
Barbara,  forme  le  Rio  Bermejo^^^.  Près  de  la  jonction  se  trouve 
actuellement  le  petit  bourg  d'Oran.  Plus  tard ,  en  1766,  suivant 
Hervas  (165,  i,  p.  176)  fut  fondée  par  les  jésuites  une  «  réduction  » 
ou  «  mission  »  de  Tobas  à  Ledesma,  dans  la  Vallée  de  San  Fran- 
cisco. Enfin,  en  1 79 1 ,  il  y  avait  une  autre  «  réduction  »  de  To- 
bas sur  le  Rio  Negro,  près  de  San  Pedro,  dans  la  même  vallée, 
selon  le  colonel  Don  Adrian  Fernândez  Cornejo  (128)  qui  tra- 
versa, à  cette  époque,  tout  le  Cliaco  jusqu'au  Rio  Paraguay.  11 
y  existe  encore  une  localité  appelée  Reduccion. 

Tous  ces  faits  démontrent  que  les  Tobas,  pendant  les  xvi% 
wii*"  et  xviii''  siècles,  occupaient  les  forêts  qui  remplissent  la 
Vallée  de  San  Francisco  et  la  région  de  Cliaco  où  est  main- 
tenant situé  Oran.  Les  Tobas  étaient  alors,  de  toutes  les  tri])us 
nomades  du  Cliaco,  la  plus  proche  des  montagnes  du  Jujuy. 

A  la  fin  du  xv!!!*"  siècle,  il  parait  que  les  Matacos  ont  envahi 
ces  régions,  car,  en  1800,  Fray  Antonio  Comajuncosa  (349), 
préfet  des  Franciscains  de  Tarija,  écrit  à  propos  de  la  mission 
de  Zenta,  située  dans  les  montagnes  à  l'est  de  Humahuaca,  que* 
cette  mission  était  «  entourée  de  trois  côtés  par  des  barbares 
infidèles  :  au  nord  les  Chiriguanos,  au  sud  les  Matacos  et  à 
l'est  les  Tobas;  à  l'ouest  se  trouvaient  les  chrétiens  de  Huma- 
huaca ».  Les  Matacos  auraient  donc  à  cette  époque  remplacé  les 
Tobas  près  des  montagnes,  et  ceux-ci  se  seraient  retirés  plus  à 
fintérieur  du  Chaco.  Les  Matacos  sont  encore  aujourd'hui  les 
maîtres  des  forêts  environnant  le  cours  supérieur  du  Bermejo. 

'"'  Sur   la    carie   de    Lozaiio,  les  Tobas  sont    placés  justement    aux  environs   de  la 
jonction  de  ces  rivières. 


CARTE  ETHNIQUE.  79 

Les  Tobas  appartiennent  au  groupe  des  Guaycurùs  et  sont 
actuellement  assez  nombreux  dans  la  partie  orientale  du 
Cliaco,  depuis  le  Pilcomayo  au  nord  jusqu'au  Rio  Salado  au 
sud,  surtout  aux  environs  du  cours  inférieur  du  Rio  Bermejo. 
11  y  a  aussi  des  Tobas  sur  les  bords  du  cours  supérieur  du  Pil- 
comayo, jDrès  des  jnontaqnes  boliviennes,  mais  la  partie  occi- 
dentale du  Cbaco  argentin  et  les  rives  du  Bermejo  supérieur 
sont,  au  contraire,  babitées  par  les  Matacos.  Je  ne  veux  pas 
m'étendre  ici  sur  les  Tobas  modernes,  lesquels  oui  été  rol)jet 
d'un  grand  nombre  d'études  etbnograpbiques  et  linguistiques. 
Le  D*"  Tli.  Koch-Grunberg  (186),  dans  son  précieux  ouvrage 
sur  le  groupe  des  Guaycurùs,  a  donné  un  aperçu  très  complet 
de  l'état  actuel  de  nos  connaissances  au  sujet  des  Tobas.  J'ai 
été  en  contact  et  avec  des  Tobas  du  cours  supérieur  du  Pilco- 
mayo et  avec  ceux  de  la  région  du  Rio  Paraguay.  Les  premiers 
ne  se  considèrent  pas  comme  «compatriotes»  des  derniers, 
mais  M.  Koch-Grûn])erg  a  démontré  que  les  deux  fractions 
j^arlent  la  même  langue.  Une  bonne  compilation  des  rensei- 
gnements bistoriques  sur  les  Tobas  et  sur  les  autres  tribus  chi 
Cbaco  a  été  publiée  récemment  par  M.  L.  Kersten  (185).  Cet 
ouvrage  est  acconq^agné  de  deux  cartes  liistorico-etb niques  du 
Cbaco;  l'une  montre  la  distribution  géograpbique  des  tribus  à 
l'époque  de  1750-1767,  l'autre  vers  l'année  1800. 


lARIELIHMytT'  Dh  L.\  RK  ION  \>DINf 

entre  les  22  et  33   degrés 

IXNT-   Si,-i-le.) 

■.P„,,.l.,f„l„^,„...,„r.  zzrr-z  L,^,.'..  ,fi;,..h  ./,/,«,. 


r 


ANTIQUITES    DE    LA   RÉGION   DiAGlITE 
DITE   "RÉGION  CALCHAQUIE» 


G 

iHrntuLnic    xatiuïialr. 


DESCUIPTION   SOMMillîK 
DU  TKRRIÏOIRE   DES  ANCIENS   DIAGUITES. 

l^e  versant  oriental  de  la  Cordillère  des  Andes  forme,  dans 
la  rK'puJjlique  Argentine,  une  série  de  chaînes  secondaires, 
presque  toutes  parallèles  à  la  chaîne  principale.  Entre  ces 
chaînes  s'intercalent  de  grandes  plaines  dont  la  végétation 
consiste  en  hroussailles  :  arbustes  et  petits  arbres  épineux,  à 
leuilles  dures,  coriaces,  d'un  teint  grisâtre.  Alternant  avec  les 
])roussailles,  on  trouve  d'immenses  landes  de  sable  mouvant 
ainsi  que  des  sciUnas  d'une  grande  étendue,  couches  horizon- 
tales de  chlorure  de  sodium  mélangé  à  de  petites  quantités 
d'autres  sels. 

L'aspect  de  ces  plahies  est  profondément  désolant;  on  s'en 
rend  compte  en  traversant  ce  pays  par  les  chemins  de  fer  qui 
unissent  Buenos-Aires  aux  chefs-lieux  des  provinces  andines. 
Dès  que  l'on  entre  sur  le  territoire  andin ,  les  heures  s'écoulent 
sans  que  le  paysage  change  :  toujours  les  mêmes  broussailles 
grises  et  poussiéreuses  dont  la  monotonie  n'est  interrompue 
que  par  les  silhouettes  vagues  des  montagnes  qui  se  dressent  à 
distance. 

C'est  au  manque  de  pluie  qu'il  faut  attribuer  une  végétation 
aussi  mesquine.  La  terre  est  très  fertile,  et,  partout  où  l'irri- 
gation est  possible,  de  petites  oasis  se  forment  où  fleurissent 
toutes  les  cultures  des  pays  tempérés  et  subtropicaux. 

C'est  surtout  au  pied  des  montagnes  qu'il  faut  chercher  ces 
oasis,  dans  l'étroit  espace  fertilisé  par  le  mince  volume  d'eau 
des  torrents  i^arroyos^  à  leur  débouché  de  la  monlagne.  La  vé- 
gétation est  également  luxuriante  dans  les  étroites  vallées  creu- 
sées par  les  torrents  et  par  les  rivières  à  même  les  sierras.  Ces 
vallées  sont  appelées  dans  le  j^ays  (juebradas;  lorsqn'elles  sont 
d'il  ne  l;n-g(Mir  relativement  considérable,  on  les  nomme  vallcs. 
Par  exemple,  l;i  \  allée  Calchaqnie  (e/  VaJlc  Cdlchmini)  n'est  en 

6. 


84  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

réalité  qu'une  longue  (jnehrada,  atteignant  jusqu'à  5  kilomètres 
de  largeur.  Cependant  le  mot  espagnol  valle,  comme  on  le 
comprend  en  général  dans  l'Argentine,  signifie  autre  chose  que 
quehrada.  El  Valle  de  Lerma  ou  el  Valle  de  Catamarca  sont  des 
plaines  entourées  de  montagnes,  d'une  étendue  de  quelques 
dizaines  de  kilomètres  dans  un  sens  et  dans  l'autre.  Les  histo- 
riographes esjDagnols  de  l'époque  de  la  conquête  appliquent 
quelquefois  le  nom  valle  même  aux  grandes  plaines  qui  s'éten- 
dent entre  les  différentes  sierras.  Le  mot  (jnebrada,  qui  revient 
à  chaque  instant  dans  toute  description  des  pays  andins  de 
l'Amérique  du  Sud,  n'a  pas  d'équivalent  en  français ^^^. 

Dans  un  pays  de  pluie  tout  à  fait  insuffisante  pour  la  culture, 
l'eau  des  rivières  est  naturellement  f  élément  vital  des  habitants. 
Partout  où  coule  une  petite  rivière,  si  mince  soit-elle,  on  ren- 
contre des  demeures  humaines;  où  l'eau  manque,  le  territoire 
est  désert.  Actuellement  les  droits  de  prise  d'eau  sont  les  mo- 
tifs les  plus  fréquents  de  différends,  de  procès,  de  querelles, 
même  de  meurtres.  Quelquefois  les  habitants  d'un  village 
livrent  de  vraies  batailles  à  ceux  d'un  autre  village  plus  rap- 
j)roché  de  la  source  de  la  rivière,  ces  derniers  ayant  pris  plus 
d'eau  qu'ils  n'en  avaient  le  droit;  le  sang  coule ,  et  les  vainqueurs 
détruisent  les  canaux  des  vaincus. 

La  quantité  d'eau  des  rivières  et  des  torrents  andins  semble 
diminuer  peu  à  peu.  J'ai  souvent  eu  l'occasion  de  m'en  con- 
vaincre pendant  mes  voyages.  Je  me  souviens  particulière- 
ment de  trois  villages  dans  la  Vallée  de  Catamarca  :  Miraflores, 
Villaj^ima  et  Capayan,  où  les  habitants  les  plus  âgés  m'ont  fait 
voir  les  traces  de  culture  du  temps  de  leur  enfance,  cultures 
maintenant  abandonnées  par  suite  de  la  diminution  des  cours 
d'eau  qui  arrosent  ces  villages.  En  effet,  la  limite  des  terrains 
susceptibles  d'irrigation  a,  pendant  un  siècle,  graduellement 

'''  Les  vallées  et  les  quebradas  clant  à  —  des  ValUslos,  et  leur  pays,  Los  Vallès 

peu  près  les  seuls   endroits  habités  dans  (Les  \  allées).  Ces   termes  sont  en  usage 

les  provinces  iaterandines    de  la  Repu-  dans  les  provinces  voisines  des  plaines  et 

blique  Argentine,  on  nomme  les  métis  surtout  en  Bolivie, 
de  ces  provinces  —  en  mauvais  espagnol 


RECION   DIAGLITK.  85 

reculé  vers  la  ]nontai»ne.  Le  même  fait  s'o])servc  partout  dans 
les  provinces  andines.  Il  est  très  probal^le  aussi  que  la  pluie  a 
été  j^lus  abondante  jadis  :  les  arbres  sécidaires  des  espèces  qui 
ont  besoin  d'eau  sèchent  et  meurent  sans  être  remplacés;  les 
broussailles  racbitiques  prennent  la  place  des  forêts  d'autrefois. 
Le  D"^  H.  F.  G.  ten  Kate  (343,  p.  18)  a  fait  à  ce  sujet  les  mêmes 
observations  que  moi.  11  dit,  en  parlant  de  Salta  et  de  Cata- 
marca  :  «En  effet,  on  rencontre  des  ruines  de  villages  et  des 
vestiges  de  cliamps  cultivés  situés  près  des  lits  de  rivières 
taries  où  il  n'y  a  plus  actuellement  de  traces  d'eau.  En  d'autres 
termes,  il  est  évident  que  le  climat  était  jadis  plus  humide  et 
le  pays,  par  cela  même,  plus  habitable.  »  M.  ten  Kate  compare 
ces  phénomènes  avec  ceux  qu'il  a  observés  dans  l'Amérique 
du  Nord,  et  il  ajoute  :  «  Il  est  certain  que  le  Sud-Ouest  nord- 
américain,  la  péninsule  californienne  et  les  autres  régions 
avoisinantes  du  Mexique  ont  passé  et  passent  encore  par  un 
processus  physico-climatologique  analogue,  qui  a  également 
influencé  le  dépeuplement  ou  le  déplacement  des  populations 
indigènes.  » 

Les  cultures  actuelles  sont  l(*s  mêmes  que  celles  du  sud  de 
TEurope  :  Italie  et  Espagne.  Au  temps  préhispanique,  le  maïs 
était  naturellement  la  plante  cultivée  par  excellence  et  la  base  de 
l'alimentation,  comme  il  l'est  encore  pour  les  métis  de  nos  jours. 
Tous  les  chroniqueurs  et  tous  les  auteurs  de  relacioncs  nomment 
le  maïs.  En  dehors  de  Tesj^èce  commune  Zea  Mays,  Lin.,  il  y 
en  avait  peut-être  d'autres  comme  Zea  cryptosperma ,  Bonafous 
(syn.  Zea  Mays  tunicata,  A.  St.-llil.)  qui  existe  encore  aujour- 
d'hui à  Bucnos-Aires  sous  le  nom  de  maiz  pimicjallo,  ou  Zea  ros- 
Irala,  Bonafous,  que  le  D""  A.-T.  de  lloclK^brune  (313,  p.  1 1)  a  trouvé 
en  grande  quantité  j)armi  des  graines  provenant  des  sépultures 
du  ciniclièrc  d'Ancon,  ou  encore  Zea  Mays  (juasconensis ,  Bona- 
fous, dont  M.  Sénéchal  de  la  Grange  a  exhumé  des  graines 
dans  les  sépultures  de  l'ancien  cimetière  de  Galama,  silu('*  dans 
le  Déserl  d'Atacamn.  Don  Pedro  Solelo  Narvaez  (253,  p.  i/i4,  ir)i) 


8C)  ANTIQUITÉS  DE  LA  IIKCION   ANDINK. 

parle  des  frisoles'^^^  (haricots)  commo  d'une  plante  alimentaire 
importante  des  Indiens  du  Tucuman  préhispanique,  et  dit  qu'il 
y  avait  desfrisoles  de  muclias  marieras,  c  est-à-dire  de  plusieurs 
sortes.  Il  est  probable  que  ces  haricots  étaient  une  espèce  du 
genre  Phaseolus  auquel  appartient  notre  haricot  commun,  Pha- 
seohis  viilfjaris,  Savi,  car  on  ne  trouve  pas  dans  ces  régions 
d'autres  légumineuses  à  graines  comestibles  ressemblant  sulTl- 
samment  aux  haricots  j^our  que  les  Es2:)agnols  leur  aient  donné 
le  nom  àefrisolcs.  L'espèce  péruvienne,  Phaseolus  miihljîonts, 
WUld.,  est  encore  de  nos  jours  cultivée  dans  la  Répu!)lique 
Argentine.  De  CandoUe  (92,  p.  275)  n'est  pas  sûr  de  l'origine  du 
Phaseolus  vulcjaris,  mais  il  admet  la  possibilité  que  cette  plante 
soit  originaire  de  l'Amérique.  La  plupart  des  espèces  du  genre 
Phaseolus  sont  américaines  et  ])lusieurs  d'entre  elles  ont  été, 
d'après  les  chroniqueurs,  cultivées  dans  l'Amérique  du  Sud 
avant  l'arrivée  des  Européens.  Ainsi,  selon  Herrera  (164;  dcc,  iv, 
1.  IX,  c.  m;  t.  II,  p.  226),  on  cultivait  sur  une  vaste  échelle  les  fnsoles 
dans  le  ])as  pays  du  Pérou.  Comme  on  le  sait,  des  haricots  figu- 
rent aussi ,  modelés  avec  beaucoup  de  naturel ,  sur  de  nond^reuses 
poteries  péruviennes.  M.  Léon  de  Cessac  et  MM.  Reiss  et  Stub(>l 
ont  rencontré  des  graines  de  Phaseolus  dans  les  sépultures  d'Au- 
con.  Le  D'"  de  Rochebrune  (313, p. 8, 12, 18)  en  a  reconnu  Irois 
espèces  dans  la  collection  rapportée  par  M.  de  Cessac,  et  le 
professeur  L.  Wittniack  (380),  deux  espèces,  Phaseolus  vuhjavis 
et  Ph.  Pallar,  Moliiia,  dans  les  collections  de  MM.  Reiss  et 
Stûbel.  Tous  ces  faits  démontrent  que  plusieurs  espèces  de 
Phaseolus  étaient  cultivées  au  Pérou,  et  il  est  fort  probaljle  que 
les  haricots  des  anciens  Diaguites  appartenaient  k  ce  genre. 
Selon  Narvaez  (253,  p.  i/i8) ,  les  pommes  de  terre,  ^( papas,  como 
turmas  de  t'ierra^)^  abondaient  dans  la  région  diaguite.  Parmi 
les  plantes  qu'il  énumère  figurent  aussi  les  courges  ^:apaUos; 
Cucurhita  Pepo,  Lin.),  que  l'on  cultive  encore  partout  dans  la 
République  Argentine.  Mais  on  ne  sait  si  cette  espèce  est  ori- 

(''  Frijoles  en  espagnol  moderne. 


REGION   DIAGllTE.  87 

i>inaire  de  rAiicien  ou  du  Nouveau  Moude  et  il  est  diiïicile  de 
dire  à  quelle  cucurbitacée  appartenaient  les  zapallos  que  men- 
tiouue  Narvaez.  En  dehors  des  plantes  alimentaires  dont  nous 
venons  de  parler,  les  Indiens  des  vallées  interandines  avaient 
de  nombreuses  plantes  tinctoriales  et  médicinales. 

La  végétation  naturelle  de  l'ancienne  région  des  Diaguites 
comprend  plusieurs  arbres  à  fruits  comestibles.  Le  ])rinci])al 
de  ces  arbres  est  une  sorte  de  caroubier,  Yalcjanoho  hîanco 
(^Prosopis  alba,  Grlseh.)^  de  la  famille  des  légumineuses,  très 
commun,  formant  parfois  de  véritables  forets,  bien  qu'elles 
disparaissent  peu  à  peu  par  suite  de  la  sécheresse  résultant 
du  changement  climatérique.  Cependant  le  fruit  de  Valcjarroho, 
Y alfjarroha ,  qui  forme  de  longues  gousses  d'un  goût  sucré,  est 
encore  aujourd'hui  l'un  des  aliments  importants  des  ]ial)itanls 
de  la  région  diaguite.  Lorsque  Wdcjarroha  est  mûre,  des  villages 
entiers  émigrent  dans  les  forêts  et  on  y  fait  une  récolte  abon- 
dante pour  toute  l'année.  Pendant  le  séjour  dans  ces  forêts,  on 
ne  mange  que  ce  fruit  et  on  se  livre  à  des  bacchanales  conli- 
nuelles  en  buvant  de  VaJoja,  boisson  alcoolique  pré]:)arée  avec 
Val(jarroba.  Dans  l'industrie  sucrière  de  Tucuman,  très  déve- 
loppée, la  plus  grande  partie  de  la  main  d'œuvre  comprend  des 
Indiens  et  des  métis  de  Santiago  del  Estero  où  al)ondent  les 
forêts  (VaJgarrobos.  A  la  saison  où  ces  fruits  mûrissent,  il  est  im- 
possible, même  en  leur  ollrant  des  salaires  extraordinaires,  (\o 
retenir  ces  ouvriers  et  de  les  empêcher  de  retourncu-  dans  leur 
pays  où  ils  ont  alors  suffisamment  à  manger  sans  être  obligés 
de  travailler.  L\dgarrobo  necjro  (^Prosopis  nujra ,  Ilieron.)  donne 
aussi  des  fruits  comesrd)les  bien  qu'inférieurs  à  ceux  de  Vahjar- 
robo  blanco.  Le  chahar  {^Gowiiea  decoiticans ,  (idl.'j^  de  la  lamllle 
des  légumineuses,  le  molle  (^Lilhrœa  Gdlesii,  Griscb.  et  Sc/unus 
Molle,  Lin.  p] ,  dv  la  famille  des  anacardiacées)  (;t  le  niislol 
[ZizypJuis  Mlslol,  Gmeh.)^  une  rhamnacée,  sont  égalemiMit 
des  arbres  à  fruits  comestibles,  aujoui'd'hui  encore  d'une  cer- 
taine importance  alimentaire  et  qui  en  avaienl  cerlainmicnl 
une   plus  grande  à  l'époque  préhispanicpie.  Des  Iriiils  de  ces 


88  ANTIQUITÉS  DE  LA   RÉGION  ANDINE. 

arbres  on  prépare  aussi  des  boissons  alcooliques.  Les  Indiens 
du  Cbaco  se  nourrissent  toujours,  à  une  certaine  époque  de 
l'année,  uniquement  des  fruits  du  chahar.  D'autres  arbres  et 
arbustes  de  la  région  diaguite  donnent  également  des  fruits 
bons  pour  l'alimentation,  comme  par  exemple  le  picjailhn  [Con- 
dalia  lineata,  Asa  Gray).  H  y  a  aussi  plusieurs  cactées,  spéciale- 
ment des  espèces  du  genre  Opuntia ,  dont  les  fruits  ont  certaine- 
ment servi  d'aliments  aux  anciens  habitants.  De  nos  jours,  les 
indigènes  mangent  beaucoup  les  tunas ,  fruits  d'Opuntia  Ficus 
indica,  Haw.  Cette  espèce,  malgré  son  nom,  est  d'origine  améri- 
caine et  se  trouvait  à  l'état  à  la  fois  spontané  et  cultivé  au 
Mexique,  avant  la  conquête,  mais  on  ignore  si  cette  cactée  a  été 
importée  par  les  Espagnols  dans  la  région  diaguite  ou  si 
elle  y  existait  auparavant.  Narvaez  (253,  p.  lâA,  lA-j)  raconte  que  les 
Indiens  de  Santiago  del  Estero,  avant  l'arrivée  des  Espagnols, 
avaient  des  fruits  de  différentes  sortes  de  cactées  (^cardones  et 
tunas),  de  Valcjarroba  et  du  chahar,  et  que  le  pays  des  Dia- 
guites  possédait  de  grandes  forêts  d'algairodo  (^algairobales)  et 
de  chahar  l^cliaharales) .  Le  P.  Bârzana  (55,p.  lvi)  nous  informe 
que  les  Diaguites  vivaient  surtout  de  maïs  qu'ils  semaient  en 
grande  quantité;  «ils  se  nourrissaient  aussi  en  grande  partie 
à'alcjarroha  qu'ils  recueillaient  tous  les  ans  à  l'époque  où  ce 
fruit  mûrit  et  dont  ils  faisaient  d'amples  réserves.  Lorsque  la 
pluie  n'était  pas  suffisante  pour  la  culture  du  maïs  et  que  les 
rivières  n'avaient  pas  assez  d'eau  pour  l'irrigation ,  ils  vivaient 
exclusivement  de  cette  alcjarroba.  Elle  ne  leur  servait  pas  seule- 
ment d'aliment;  ils  en  préparaient  aussi  une  boisson  très  forte, 
et  jamais  on  ne  voyait  autant  de  rixes  et  de  guerres  entre  eux 
qu'au  temps  où  ils  possédaient  de  Valgarroba  en  abondance. 
Des  missionnaires  de  la  Compagnie  de  Jésus  ont  suivi  les  Dia- 
guites dans  les  forêts  où  ils  récoltaient  Valgarroba,  et  là  ils  ont 
catéchisé,  baptisé  et  confessé  de  nombreux  infidèles;  ils  y 
ont  j)rêché  et  pratiqué  leur  saint  ministère.  » 

Selon  Narvaez  (253,  p.  i45),  les  Indiens  des  «  provinces  de  Tu- 
cuman  »   se  servaient  de  cabuya  comme  chanvre,  c'est-à-dire 


REGION   DIAGUITE.  89 

pour  en  faire  des  tissus  et  des  cordes.  Cette  cahiiya  est  proba- 
blement l'une  des  broméliacées  qui  existent  dans  la  région.  Les 
Espagnols  du  temps  de  la  conquête  paraissent  avoir  appliqué, 
dans  n'importe  quelle  région  de  l'Amérique  espagnole,  le  nom 
caraïbe  cahnya  cà  toutes  les  plantes  textiles  à  feuilles  épineuses, 
des  broméliacées  en  général.  Oviedo  y  Valdez  (280;  1.  vu,  c  ix;  1. 1, 
p.  277)  parle  de  la  calmya  «  de  Tierra  firme  » ,  qui  avait  «  des  feuilles 
comme  celles  du  chardon  »,  et  raconte  que  les  Indiens  prison- 
niers et  enchaînés  coupaient  leurs  chaînes  en  une  seule  nuit  en 
les  limant  avec  un  fil  de  cahuya  mouillé  et  passé  continuelle- 
ment sur  du  sable  fin.  Le  nom  quichua  correspondant  à  cabnya 
est  chahuar,  et  le  nom  guarani,  caracjiiatà. 

Actuellement  les  animaux  domestiques  sont  ceux  qui  ont  été 
importés  d'Europe  :  chevaux,  mulets,  ânes,  bœufs,  chèvres, 
moutons  et  la  volaille  ordinaire  européenne. 

Le  lama  n'existe  guère  que  sur  le  haut  plateau  de  la  Puna 
de  Atacama  et  à  la  lisière  de  ce  plateau ,  dans  les  vallées  les 
plus  élevées,  entre  les  montagnes  septentrionales  des  départe- 
ments de  Belen  et  de  Tinogasta.  Le  nord  de  la  province  de 
Gatamarca  est,  en  effet,  d'après  ce  que  j'en  connais,  la  limite 
méridionale  actuelle  de  cet  animal,  ce  qui  est  d'accord  avec  la 
distribution  géographique  que  lui  assigne  M.  von  Tschudi  (358), 
de  l'Equateur  à  Catamarca.  Mais,  à  fépoque  de  la  conquête,  le 
lama  était  répandu  beaucoup  plus  au  sud.  Techo  (341;  1. 1,  c  xi\; 
p.  i5)  rapporte  que  les  indigènes  de  l'ancien  Tucuman  se  ser- 
vaient de  lamas  comme  bêtes  de  somme.  Cabrera  (88,  p.  i/io)  et 
Narvaez  (253,  p.  i5i)  disent  que  les  Indiens  de  Côrdoba  avaient 
des  lamas,  et  ce  dernier  ajoute  que  ces  lamas  étaient  moins 
grands  que  ceux  du  Pérou.  Ce  renseignement  de  Narvaez  est 
intéressant,  car  j'ai  trouvé,  dans  les  ruines  de  la  Quebrada  (Ici 
Toro  et  de  la  Puna  de  -hijuy,  beaucoup  d'os  plus  analogues, 
quant  à.  leur  forme,  à  ceux  du  lama  actuel  qu'à  ceux  du  lui;i- 
naco,  mais  moins  grands.  Ce  fait  scMubh^  indicpiei*  (ju'll  v  a 
eu  jadis  une  race  de  lamas  de  taille  iniï'iicuic  .1  la  \\\cr  (l';iu- 


90  ANTIQUn  ES  DK   LA   RKCilON  ANDINE. 

jourd'Iuli.  En  ce  qui  concerne  la  distribution  géo^i^rapliique 
du  lama,  nous  voyons  qu'il  était  répandu  sur  tout  l'ancien 
territoire  des  Diaguites.  Nous  remarquons  aussi  que  cet  ani- 
mal, actuellement  confiné  sur  le  haut  plateau  au-dessus  de 
3,000  mètres  d'altitude,  vivait,  k  l'époque  préhispanique,  dans 
des  terres  beaucoup  plus  basses,  l.e  pic  le  plus  haut  de  la 
Sierra  de  Cordoba  n'a,  en  effet,  que  2,35o  mètres  d'altitude 
et  les  hautes  vallées  de  l'intérieur  de  cette  chaîne  doivent 
avoir  environ  1,000  cà  i,5oo  mètres. 

Comme  animaux  domestiques  des  indigènes  de  l'ancien 
Tucuman,  Narvaez  (253,  p.  144)  mentionne  des  autruclies  (nan- 
dous) ,  des  poules  et  des  canards.  Les  nandous  [Rhea  americana, 
Lat/iam)  sont  encore  assez  communs  dans  la  région  andine  de 
la  République  Argentine,  aussi  bien  dans  la  plaine  que  sur  les 
montagnes,  mais  on  ne  les  apprivoise  plus  de  nos  jours  dans 
la  région  montagneuse.  Les  «  poules  »  ne  pouvaient  être  les 
poules  européennes,  mais  très  probablement  des  pavas  del  monlc 
[PcnelQpeohsciira,  Vieil,  p]),  gallinacés  sauvages  communs  dans  la 
Répuldique  Argentine  et  que  l'on  rencontre  encore  quelquefois 
domestiqués  dans  ce  pays  et  aussi  en  Bolivie.  Quant  aux  ca- 
nards, il  en  existe  plusieurs  espèces  sauvages  qui  peuvent  avoir 
été  également  domestiquées  par  les  Diaguites,  de  même  que 
les  Indiens  préhispaniques  du  Pérou,  selon  Garcilaso  de  la  Vega 
(140;  1.  vin,  c.  xix;  fol.  9.17),  élevaient  des  canards,  probablement 
Y  Allas  nioscata,  Lin.,  comme  le  suppose  M.  A.  Nehring  (255). 
Un  animal  qui  probablement  aussi  a  été  élevé  par  ces  Indiens 
est  le  petit  sanglier  américain,  ou  pécari  (^Dicotyles  tonfiiatus, 
Cnv.,  et  D.  labiatas,  Cav.),  nommé  dans  le  pays  jahali  ou 
chancho  del  monte.  On  le  trouve  encore  fréquemment  dans  les 
quebradas  de  la  région  diaguite  et,  d'après  ce  qu'on  raconte, 
il  était  jadis  luuiucoup  plus  commun  qu'aujourd'hui.  Je  ne 
connais  pas  de  renseignements  historiques  concernant  son 
élevage  par  les  Diaguites,  mais  j'en  ai  vu  chez  des  métis  ha- 
bitant à  fest  de  la  Sierra  Santa  Barbara,  en  Jujuy.  Il  était,  à 
fépoque  préhispanique,  domestiqué  dans  plusieurs  parties  de 


HKCilON    1)1  ACUITE.  91 

r\ni(''rifjn('  du  Sud.  Ainsi  Lozano  (220,  i,  p. /uf))  raconte  cruo 
les  Ciuaranis  avaient  des  jabalis  domestiqués,  et  Cieza  de  Léon 
(101,  c.vi,  p.  ;>Gi)  rapporte  que  les  Indiens  d'Uraba  (Colombie)  les 
élevaient  pour  les  vendre  à  d'autres  tribus.  Il  est  regrellal)le 
qu'aucun  des  archéologues  qui  ont  fait  des  recherches  dans  la 
région  andine  n'ait  songé  à  recueillir  les  os  d'animaux  qui  se 
trouvent  toujours,  plus  ou  moins  nombreux,  parmi  les  débris 
des  anciennes  habitations.  Ces  os,  dûment  déterminés,  auraieul 
pu  nous  donner  la  solution  de  maint  problème  intéressant  cnie 
nous  ne  pouvons  résoudre  à  présent. 

Quant  aux  animaux  sauvages,  le  gibier  principal  des  an- 
ciens Diaguites  devait  être  le  huanaco,  qui  est  encore  très 
commun  dans  toutes  les  provinces  interandines  de  la  Répu- 
blique Argentine.  De  nos  jours  on  le  trouve  surtout  dans  les 
montagnes,  mais  on  rencontre  aussi  souvent  des  petits  trou- 
peaux de  ces  animaux  dans  la  brousse  des  plaines  où  on  les  a 
cependant  beaucoup  poursuivis.  A  l'époque  préhispanique,  les 
huanacos  étaient  sans  doute  plus  nombreux. 

La  vigogne,  qui  n'ha])ite  que  les  hautes  montagnes,  devait 
être  alors  également  plus  fréquente  qu'aujouid'luii,  de  même 
que  les  cerfs  [Cervus  chilensis,  Gay  [syn.  ou  var.  Cerviis  auli- 
sicnsis,  d'Orh.,  et  Furcljer  antisiensis,  Gray^^\  (Icrviis  ruj'us,  Jllin- 
r/e/'),]es  pécaris,  les  l'ïscrtc/ms  (^La(ji(Uum  pcrurianiun  ,  (jiv.y^\  les 
agoutis  ou  maras  [DuJicliotis  palagonica,  Wacjner,  a[)pelé  «  lièvre  » 
dans  le  J^'^iys),  les  cochons  d'Inde  [Cavia  leucohlep/iara,  Burin.), 
les  tatous  (7J<:/5j/;«5"  viîlosus,  Desmar.,  D.  miiniliis,  Dcsmar.  el  /). 
conurus,  Is.  St.-lfiL),  les  nandous,  etc. 

De  nondjreux  échassiers  et  oiseaux  aquali(ju(vs,  ainsi  (|ue, 
d'autre  part,   des  perdreaux    et   d'autres  gallinacés,   des  co- 

'*'   11  ne  faul  pas  confondro  le  LfUjUiinii  Aires  juscpi'à  Tmiimaii.  — Ta'  nom  vi^cii- 

{viscacha   de    la   sierra)    avec    la    viscaclia  cita  [litiiscarlut)  esl    (piicliua.    Par    oonsé- 

de  la   plaine    [LcKjostomus   tricli(yd((clyliis ,  (pient,  les  Kspa<;nols  doivent  avoir  ap|>li- 

Jhookes)    qui   est   un  animal   loul   à    l'ail  cpié   re  nom  au   La(jostoiuus ,  parce  ipiils 

diiïérent,  beaucouj)    plus  grand,    et   qui  l'auraient  trouvé   S'uihlahle  an    Lagiiliitm 

habite  les  pampas  de  la  Répul)li(jnc  Ar-  qu'ils  avaient  \u  an  l'tiou. 
gcntine,   depuis    la  province  de  Buenos- 


92  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

lombes,  des  perroquets,  augmentaient  l'ahondance  de  gibier. 
Parmi  les  bêtes  féroces,  les  seules  redoutal)les   étaient  le 
jaguar  et  le  puma,  dont  le  premier  a  presque  totalement  dis- 
paru aujourd'hui. 


LITTERATURE  ARCHEOLOGIQUE 
SUR  LA   RÉGION   ANDINE   DE  LA   RÉPURLIQLE  ARGENTINE. 

LE  NOM  «CALCHAQUI». 

A  dater  de  1890  on  a  beaucoup  écrit,  dans  la  République 
Ar<>entine,  sur  l'arcbéologie  de  la  région  andine  de  ce  pays. 
Le  D""  Francisco  P.  Moreno,  l'infatigable  fondateur,  organisa- 
teur et  directeur  du  Musée  de  La  Plata,  a  été  le  promoteur  de 
ce  mouvement  scientifique,  en  organisant  des  missions  archéo- 
logiques, en  mettant  les  publications  de  son  musée  à  la  dispo- 
sition du  monde  scientifique  international,  en  encourageant 
par  tous  les  moyens  possibles  l'étude  du  passé  préhispanique 
de  son  pays.  Depuis,  de  nombreux  ouvrages  ont  été  publiés  et 
l'on  connaît  maintenant,  dans  leurs  grandes  lignes,  les  anti- 
quités des  provinces  andines.  C'est  un  beau  début  pour  le 
développement  de  la  science  préhistorique  chez  une  nation 
jeune,  où  le  goût  des  études  qui  n'ont  pas  une  application 
pratique  immédiate  semble  enfin  s'éveiller  peu  à  peu. 

Mais  beaucoup  reste  à  faire  et  à  refaire.  Les  descriptions  et 
les  figures  d'un  certain  nombre  d'objets  de  l'industrie  préhispa- 
nique nous  olfrent  un  élément  d'étude  déjà  précieux,  mais,  en 
général,  les  collections  décrites  proviennent  d'achats  faits  à  des 
paysans  ou  à  des  trafiquants  en  antiquités  qui  n'ont  pu  donnei' 
aucun  renseignement  sur  les  circonstances  dans  lescjuelles  ces 
objets  ont  été  trouvés.  On  ne  connaît  même  pas  les  localités  de 
provenance  pour  beaucoup  de  pièces  composant  la  plus  grande 
partie  de  ces  collections,  (l'est  que  très  pvu  de  recherches 
furent  exécutées  sur  les  lieux  mêmes;  les  fouilles  méthodiques 
sont  encore  moins  nombreuses.  11  est  vrai,  les  descriptions  et 
les  plans  de  ([uelques-unes  des  ruines  préhisj)ani(|ues  ont  été 
faits  sur  place,  mais  il  est  impossible  (fétablir  avec  ([uelque 
certitude    un  rapport  (îiitre  ces  ruines  et  les  objets  cpii   pro- 


94  ANTIQUITÉS  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

viennent  de  la  région  où  elles  sont  situées.  Il  laudrait  donc  des 
missions  scientifiques  bien  organisées,  composées  d'archéolo- 
gues compétents,  munies  de  ressources  pécuniaires  suirisantes, 
et  qui  puissent  effectuer  des  études  sur  place.  Ainsi,  et  seule- 
ment ainsi,  on  pourra  jeter  quelque  lumière  sur  les  questions 
encore  si  obscures  de  rethnographie  préhispanique  du  pays 
des  Diaguites,  dont  Thistoire  ne  nous  dit  presque  rien. 

A  propos  de  la  littérature  argentine  sur  rarchéologie  de  la 
région  andine,  nous  ne  pouvons  passer  sous  silence  une  erreur 
dans  laquelle  sont  tombés  quelques  auteurs  :  nous  voulons 
])arler  des  dissertations  purement  spéculatives  sur  la  mytho- 
logie des  Indiens  préhispaniques  et  sur  la  portée  symbolique 
de  leurs  sculptures  sur  pierre,  de  leurs  décors  céramiques, des 
figures  peintes  ou  gravées  par  eux  sur  les  outils  et  sur  les  ro- 
cliers^'l  Certains  de  ces  savants  prétendent  même  fixer  la  va- 
leur symbolique  des  plus  simples  figures  géométriques,  ])arlois 
communes  à  presque  tous  les  peuples  primitifs  de  la  terre,  et 
cela  sans  alléguer  le  moindre  argument  à  l'appui  de  leurs 
interprétations.  En  lisant  les  ouvrages  auxquels  nous  faisons 
allusion,  il  est  difficile  de  dégager  les  faits  intéressants  de 
tant  de  fantaisies.  L'étude  d'une  mythologie  n'est  possible  que 
chez  des  peuples  qui  ont  laissé  des  documents,  comme  les 
codices  des  anciens  Mexicains,  ou  chez  des  peuples  qui  ont  con- 
servé des  restes  du  culte  et  des  cérémonies  de  leurs  ancêtres, 
tels  les  Pueblos.  Quant  au  folklore  obscur  et  d'origine  péru- 
vienne que  nous  rencontrons  chez  les  habitants  actuels  des 
pays  andins  de  la  République  Argentine,  il  ne  fournit  aucun 
élément  pour  interpréter  les  tentatives  artistiques  des  auto- 
chtones de  cette  région.  Ces  productions  ne  sont  d'ailleurs  le 
plus  souvent  que  de  sim|)les  ornements  sans  aucune  tendance 
s\  mJjolique  ou  mythologique. 

Il  serait  aussi  k  désirer  que  l'on  ne  compliquât  pas  f  archéo- 

'''  Dans  In  bibliographie  du  présont  de  renseignements  concrets  concernant 
ouvrage,  je  fais  abstraction  de  ces  pubb-  l'archéologie  ou  l'ethnographie  des  pays 
calions  cpiand  elles   ne  contiennent   pas         cjue  nous  étudions. 


REGION  DIACriTE.  U5 

logie  (lu  pays  desDiaguites,  en  donnant  aux  diverses  catégories 
d'objets  trouvés  des  noms  quicliuas,  empruntés  sans  discerne- 
nient  aux  chroniqueurs  péruviens  du  xvT  et  du  xvii'  siècle.  En 
général,  les  historiographes  de  la  concjiusla  ne  définissent  pas 
suIFisam ment  les  objets  qu'ils  désignent  par  un  certain  nom, 
et  les  diiîérents  auteurs  se  contredisent  à  ce  sujet.  11  est  jDré- 
lérable,  dans  ce  cas,  de  se  servir  de  terjnes  enq)runtés  aux 
langues  modernes  et  délinissant  la  forme  ou  f usage  de  fol^jcl 
(pie  fon  veut  désigner.  On  est  en  droit  de  s'étonner  que  des 
arcliéologues  soutenant  f  autonomie  de  la  culture  «  ca]clia(piie  » 
adoptent  ces  anciennes  dénominations  péruviennes  douteuses 
pour  des  objets  provenant  de  la  région  diaguite. 

La  littérature  archéologique  de  la  République  Argentine 
emploie  les  noms  «  Calchaquis  » ,  «région  calchaquie  » ,  «ci- 
vilisation calchaquie  » ,  etc. ,  en  parlant  de  toute  la  région 
diaguile.  Nous  avons  déjà  vu  que  les  Calchaquis  habitaient 
la  partie  sud  de  l'une  des  nond^reuses  vallées  interandines,  la 
longue  et  étroite  Vallée  Calchaquie  qui  court  du  Nord  au  Sud, 
près  de  la  limite  ouest  de  la  province  de  Salta,  au  pied 
de  la  chaîne  qui  séjwre  cette  province  de  la  partie  méridionale 
de  la  Puna  de  Atacama.  D'après  les  témoignages  de  Bârzana, 
Romero,  Monroy  et  Techo,  que  nous  avons  cités  page  21,  les 
Calchaquis  parlaient  sans  aucun  doute  le  cacan,  et  par  con- 
séquent ils  doivent  être  considérés  comme  une  peuplade  dia- 
guite. Les  Calclia(piis  se  rendirent  célèbres,  parmi  tous  l(!s 
Diaguites,  par  leur  esj^rit  d'indépendance,  par  leur  résistance 
opiniâtre  aux  Espagnols  et  par  leurs  continuelles  rebellions. 
Les  premiers  liistoriogni])lies,  Teclu)  par  exemple,  ne  dési- 
gnent jamais  comme  «Calchaquis»  d'aulres  Indiens  (jue  cette 
peuplade  de  la  Valh'^c  CalclKupde,  tout  en  la  classant  parmi 
les  Diaguites.  Mais  Lozano,  il  est  vrai,  avec  son  manque  de 
précision  dans  les  définilions  g(^ograplii(pies  et  teclniiques, 
emploie  le  nom  «  C;dclia([ui  »  A  lort  et  à  travers.  Quelquefois 
il   s(Mnble   indiquer  sous  ce  nom   seulement  l(\s   lndi(Mis  de  la 


96  ANTIQUITÉS  DE  LA  REGION  ANDINE. 

Vallée  Galchaquie,  daiitres  fois  il  l'ajDplique  à  plusieurs  autres 
tribus,  particulièrement  à  certaines  tribus  de  la  province  ac- 
tuelle de  Catamarca.  Mais  nous  avons  déjà  fait  remarcpier 
Tignorance  de  Lozano  en  ce  qui  concerne  la  géographie  du 
pays  qu'il  décrit,  et  nous  citerons  comme  exemple  une  de 
ses  erreurs  géographiques  (220,  i,  p.  178),  qui  démontre  qu'il  ne 
connaissait  pas  la  Vallée  Galchaquie  :  il  place  la  ville  de  Gôr- 
doba  (de  Galchaqui)  dans  la  vallée  de  Quinmivil  (Belen),  alors 
que  cette  ville,  d'après  tous  les  documents  de  l'époque,  était 
située  dans  la  Vallée  Galchaquie. 

Quand  la  région  diaguite  commença  à  être  l'objet  d'études 
historiques  et  archéologiques,  les  ouvrages  de  Lozano  furent 
])ris  pour  base  de  ces  études  et  les  auteurs  argentins  étendirent 
l'usage  du  nom  «  Galchaqui  »  à  tous  les  Diaguites.  M.  J.  B.  Am- 
brosetti  va  encore  plus  loin  :  pour  lui,  les  habitants  de  la  Puna 
de  Jnjuy  et  de  la  Quebrada  de  Humahuaca  sont  des  «  Galcha- 
quis  »  ;  il  parle  même  de  «  Galchaquis  du  Ghili  ». 

Get  emploi  si  large  et  si  vague  du  nom  «  Galchaqui  »  rend 
difficiles  les  études  archéologiques,  donne  lieu  à  des  concep- 
tions erronées  de  la  géographie  ethnique  du  territoire  andin 
la  République  Argentine  et  amène  une  confusion  regrettable 
des  peuplades  de  cette  région.  Bien  que  le  nom  «  Galchaqui  », 
dans  le  sens  inexact  que  nous  avons  signalé,  se  soit  implanté 
dnns  la  littérature,  je  crois  nécessaire  de  passer  outre  à  cet 
usage  et  je  me  propose  d'employer  l'expression  «  région  dia- 
guite »  pour  tout  le  territoire  où  habitaient  les  Diaguites,  en 
réservant  le  nom  «région  calchaquie  »  pour  la  Vallée  Galcha- 
quie et  la  Vallée  de  Yocavil,  sa  continuation  vers  le  Sud. 


RUINES. 

En  trailant  dans  les  chapitres  suivants  des  antiquités  pré- 
hispaniques  de  la  région  diaguite,  je  ne  me  propose  pas  de  les 
décrire  en  détail ,  car  il  y  faudrait  plusieurs  volumes.  Mon  in- 
tention est  de  dire  seulement  quelques  mots  des  caractères 
généraux  que  présentent  les  débris  de  cette  ancienne  civilisa- 
tion et  de  donner  un  aperçu  sommaire  des  publications  qui 
ont  paru  sur  des  sujets  concernant  l'archéologie  diaguite.  Je 
crois  cet  aperçu  indispensable  comme  base  de  comparaison 
entre  l'archéologie  du  haut  plateau  de  la  Puna  que  j'ai  exploré, 
et  celle  de  la  région  située  immédiatement  au  sud  de  ce  haut 
plateau. 

Tous  les  lieux  mentionnés  au  cours  de  cet  aperçu  sont  indi- 
qués sur  la  carie fig.  iO^^\  insérée  en  face  de  la  page  2  i  2  ,  et  qui 
comprend  toute  la  région  diaguite,  excepté  sa  partie  la  plus 
méridionale,  pour  laquelle  on  peut  consulter  la  cârieficj.  1. 

La  région  est  riche  en  ruines  préhispaniques.  Ces  ruines 
n'ont  d'ailleurs  rien  de  commun  avec  les  merveilleux  monu- 
ments mégalithiques  de  la  belle  époque  de  l'ancien  Pérou. 
Mais  les  ruines  de  la  région  andine  de  l'Argentine  ressemblenl 
aux  vestiges  subsistants  de  la  construction  vulgaire  chez  les 
habitants  ])réhispaniques  du  haut  plateau  du  Pérou  et  de  la 
Bolivie,  sur  laquelle  le  P.  Cobo  (103,  iv,  p.  iGO)  nous  donne  des 


'"'  Cette  carte  représente,  à  une 
échelle  plus  lorle,  une  grande  partie  du 
territoire  compris  sur  la  carte  ellini([ue 
firj.  1.  La  division  administrative  actuelle, 
en  provinces  et  en  départements,  y  est 
indi(piée,  étant  donnée  l'habitude  de  rap- 
porter géographiquement  les  découvertes 
archéologiques  à  ces  déparlements.  Pour 
la  |irovinre  de  T. a  Rioja,  imc;  nouvelle  di- 
vision en  d(''p;iilemen(s  a  été  établie  il  y  a 


quelques  années,  mais  j'ai  préféré  garder 
l'ancienne  division  qui  est  plus  connue. 

Pour  éviter  une  confusion  avec  les 
chiffres  indicpiant  les  dates  de  fondation 
des  villes  et  des  missions  es|)agnoles  l(>s 
plus  anciennes,  seules  les  cotes  d'alliliide 
des  principaux  pics  sont  données  sur  la 
carie  fi(j.  10,  mais  d'autres  cotes  indi- 
(piées  sur  la  car(<*  pij.  I  donnent  ime  idét; 
générale  du  relief  du  pays. 


mniiictic   >tTio«ii.e, 


98  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

renseignements  très  précis.  Ce  sont  en  général  des  restes  de 
murs  en  pierres  sèches^^^  bien  choisies  et  encastrées  les  unes 
entre  les  autres  sans  aucun  mortier.  Ces  murs  ont  une  épaisseur 
de  o"'5o  à  i"\  et  ce  cpii  en  reste  debout  ne  dépasse  presque 
jamais  i""  de  hauteur.  Un  grand  nombre  même  ne  paraissent 
pas  avoir  été  beaucoup  plus  hauts  primitivement.  Parmi  les 
plus  élevés  qui  aient  été  observés,  nous  pouvons  citer  certains 
murs  de  la  forteresse  de  Pucarâ  de  Aconquija,  de  2°' 7 5  de 
hauteur  sur  i™5o  d'épaisseur  à  la  base  et  o'"6o  au  sommet, 
d'après  M.  G.  Lange  (206),  et  d'autres,  les  plus  hauts  des  ruines 
de  Loma  Jujuy,  de  ^"'So  de  hauteur  et  2"'3o  d'épaisseur,  me- 
surés par  le  docteur  ten  Kate  (342,  p.  33/i).  Les  constructions 
à  étages  n'ont  jamais  existé.  Les  pircas  des  ruines  de  la 
région  des  Diaguites  forment  les  parois  de  constructions  rec- 
tangulaires et  rondes  de  différentes  dimensions,  mais  les 
Indiens  n'ont  presque  jamais  ^u  arriver  à  faire  des  lignes  très 
droites,  des  angles  droits,  des  cercles  ou  des  ellipses  parfaits. 
Ils  ne  traçaient  pas  d'abord  les  lignes  sur  le  sol;  ils  commen- 
çaient leur  mur  où  il  leur  semblait  bon,  et  le  continuaient  à 
vue  d'œil,  sans  l'aide  de  l'équerre  ou  de  la  corde.  C'est  pour 
cela  qu'ils  pèchent  toujours  contre  la  régularité  des  figures 
géométriques  et  contre  la  symétrie.  Une  particularité  de  leurs 
enclos,  chambres,  cours  ou  compartiments,  selon  le  nom  qu'on 
préfère  leur  donner,  c'est  que  la  plupart  d'entre  eux  n'ont  pas 
de  portes. 

Il  est  difficile  de  se  faire  une  idée  du  système  de  toiture 
employé  par  les  constructeurs  de  ces  demeures.  Ils  n'ont  pu 
vivre  dans  des  maisons  de  i""  de  hauteur  seulement,  quoique 
le  P.  Cobo  dise  qu'une  certaine  sorte  de  maisons  au  Pérou 

'"'  Ces  murs  s'appellent   clans  le  pays  de  formes  el  de  dimensions  les  plus   dif- 

des  pircas,  nom   cpie  j'adopterai.    11   y  a  férentes  et  font  ainsi  des  murs  si  compacts 

encore  parmi  les  indigènes  de  ces  régions  et  si  solides,  qu'une  construction  moderne 

des   constructeurs  habiles   de   pircas    cpii  en  brique  et  mortier  n'est  guère  supérieure 

forment  un  corps   de  métier  spécial.  J'ai  à  leurs  pircas.  Le  mot  pirca  est  quichua. 

souvent    admiré    l'adresse   de    ces  pirca-  11  est  encore  en  usage  à  Cuzco. 
dores.  Ils  assemblent  si  bien  des  pierres 


REGION   DIAGUITE.  99 

n'avaient  qu'un  eslado  de  hauteur.  Dans  cerlains  cas,  on  pour- 
rait supposer  que  le  sol  de  riiabitalion  se  Irouvait  au-dessous 
du  niveau  du  sol  extérieur.  Cabrera  (88,  p.  i/n)  mentionne  dans 
la  Sierra  de  Cordoba  des  maisons  semblables,  à  moitié  souter- 
raines. Il  dit  que  «  las  casas  son  hajas  c  la  inilad  del  altara  mw 
tieneii  eslà  hajo  de  licrra  y  enlran  à  ellas  coma  à  sôlanos  y  cslo 
hâcenlo  por  el  ahrujo  para  cl  ticmpo  frio  y  par  falta  de  madcra  nue 
en  alfjnnos  higarcs  por  alU  ticncn)K  Je  reviendrai  plus  longue- 
ment sur  ces  questions  en  décrivant  les  ruines  de  la  Vallée  de 
Lerma,  de  la  Quebrada  del  Toro  et  de  la  Puna  de  Jujuy. 

On  voit  exceptionnellement  des  murs  bâtis  en  pierre  avec 
de  la  terre  comme  mortier;  mais  ces  constructions  sont  très 
rares.  Le  mortier  à  la  chaux  élait  inconnu  dans  la  région  dia- 
guite,  à  l'époque  préhispanique.  Les  anciens  murs  en  briques 
crues  —  adohes  —  sont  rares. 

Beaucoup  de  villages  préhispaniques  s'élevaient  sur  des 
collines  d'un  accès  plus  ou  moins  difficile.  L'eau  manquait  sur 
ces  collines,  à  peu  d'exceptions  près.  Leurs  anciens  habitantes 
ont  dû  apporter  l'eau  qui  leur  était  nécessaire  des  ruisseaux 
qui  coidaient  au  pied,  et  quelquefois  même  d'une  distance 
considérable,  comnie  le  font  encore,  avec  beaucoiqj  de  dilU- 
culte,  les  Zunis  et  d'autres  tribus  habitant  les  mcsas  de  l'Ari- 
zone  et  du  Nouveau-Mexique.  Lorsqu'on  craignait  un  siège, 
il  fallait  faire  de  grandes  provisions,  ce  qui  semble  conhrmé 
])ar  les  nombreux  fragments  d'énormes  récipients  en  terre 
cuite  que  l'on  trouve  partout  dans  les  ruines. 

On  rencontre  très  communément  une  autre  sorte  de  con- 
structions. (]e  sont  des  rangées  de  pierres  de  dimensions  in- 
égales qui  n'ont  pu  servir  de  soubassements  de  murs.  Ces 
alignements  forment  aussi  des  enclos  ronds  ou  rectangulaires 
de  différentes  grandeuis.  La  couche  de  débris  (prou  v  trouve 
souvent  démontre  cjue  rpielques-uns  de  ces  enclos  ont  de 
aussi  des  emplacements  d'habitations,  mais  probablcnient  les 
rangées  de  pierres  ne  formaient  (pie  la  limit<'  (\[\  l('ir;iin 
aj)partenant  à  une  huile  ou   à  un  hangar  conslruil   m    peaux 

7- 


100  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

OU  en  chaume  sur  des  poutres  en  bois.  Ces  alignements  de 
pierres  renferment  aussi  parfois  des  superficies  trop  grandes 
pour  avoir  pu  être  des  «  cours  »  autour  d'habitations  et  ne 
peuvent  être  expHquées  non  plus  comme  des  cultures,  car 
leur  situation  et  la  qualité  du  sol  rendent  cette  explication 
impossible.  Leur  but  est  alors  une  énigme.  M.  Cari  Lumholtz 
(225, 1,  p.  8,  etc.)  décrit  des  alignements  de  pierres,  très  nom- 
breux en  Sonora,  dans  l'extrême  nord  du  Mexique.  «Ces 
pierres,  qui  ont  une  longueur  d'environ  un  pied,  sont  soli- 
dement enterrées  dans  le  sol.  Seule  leur  partie  supérieure 
apparaît  à  la  surface,  à  peu  près  comme  les  pierres-bordures 
que  l'on  voit  quelquefois  autour  des  pelouses  et  des  massifs 
dans  les  parcs  et  les  jardins.  Les  pierres  alignées  forment 
des  cercles  et  des  rectangles.  J'ai  vu  deux  cercles  se  tou- 
chant, chacun  de  6  pieds  de  diamètre.  Un  rectangle  mesurait 
5o  pieds  de  longueur  et  la  moitié  de  largeur.  Il  n'y  avait  jamais 
de  soubassements  de  murs  au-dessous  des  pierres  apparaissant 
à  la  surface  du  sol.  »  Cette  description  de  Sonora  correspond 
tout  à  fait  aux  alignements  de  pierres  de  la  région  diaguite. 
Quelquefois  les  alignements  sont  en  position  transversale  sur 
les  pentes  des  montagnes.  Leur  but  était  alors,  sans  doute,  de 
retenir  la  terre  qui  recouvre  ces  pentes,  bien  que  celles-ci 
n'aient  probablement  pas  été  utilisées  ]30ur  l'agriculture.  J'ai 
observé  des  alignements  de  cette  sorte,  parallèles,  avec  un 
écartement  de  lo"'  environ  entre  chacun,  sur  la  pente  par 
laquelle  on  descend  au  village  de  Poman ,  dans  la  province  de 
Catamarca,  en  venant  du  haut  de  la  Sierra  del  Ambato.  On 
marche  pendant  quelques  kilomètres  à  travers  ces  alignements 
de  pierres,  dont  chacun  atteint  parfois  une  longueur  de  Sog""  et 
même  davantage. 

Sur  les  hauteurs  de  cette  même  chaîne  de  montagnes,  j'ai  vu 
des  vestiges  d'un  autre  genre,  très  remarquables.  En  effectuant 
du  côté  est  l'ascension  du  pic  le  plus  haut,  le  Manchao, 
4,o5o"'  d'altitude,  on  rencontre  de  distance  en  distance, 
le  long  du  chemin  le  plus  praticable  j^our  cette  ascension, 


UEf.lON   DlACiUlTI':.  101 

dÏMiormes  blocs  de  quartz  l)lanc,  ayant  quelquefois  plus  d'un 
mètre  de  diamètre,  posés  sur  le  sommet  des  rochers  les  plus 
saillants.  Ces  blocs ,  dont  la  blancheur  se  détache  sur  le  mica- 
schiste gris  foncé  de  la  montagne,  ne  peuvent  avoir  eu  d'autre 
but  que  de  jalonner  le  chemin.  Il  a  fallu  un  travail  considérable 
pour  les  transporter  depuis  leurs  gisements,  rares  et  situés  à  de. 
longues  distances,  jusqu'aux  altitudes  où  ils  se  trouvent. 

Je  passe  maintenant  à  l'énumération  des  ruines  connues, 
à  propos  desquelles  je  citerai  les  publications  contenant  des 
plans,  des  descriptions  ou  des  notices. 

C'est  dans  la  Vallée  Calchaquie,  et  surtout  dans  la  Vallée  de 
Yocavil,  que  l'on  trouve  en  grand  nombre  des  vestiges  de  vil- 
lages préhispaniques,  presque  tous  occupant,  au  moins  en  par- 
tie, des  positions  stratégiques  sur  des  hauteurs.  I^es  ruines  de 
la  Vallée  de  Yocavil  sont  les  plus  connues,  car  cette  région  seule 
a  été  visitée  ])ar  des  archéologues.  Par  contre,  les  ruines  de  la 
Vallée  Calchaquie,  au  nord  de  Cafayate,  n'ont  pas  été  étudiées. 

Lapaya,  dans  cette  dernière  vallée,  près  de  (]achi,  est  une 
grande  agglomération  de  vieilles  constructions  en  pirca  qui 
démontre  l'existence  ancienne  d'un  grand  village.  Aucun  plan, 
aucune  description  n'ont  été  pu])liés  sur  ces  ruines,  mais  je 
dirai  plus  loin  ce  qu'on  en  connaît,  en  décrivant  une  collection 
qui  provient  de  cet  endroit. 

A  l'ouest  de  Mohnos,  la  Quebrada  de  Luracatao  paraît, 
d'après  les  renseignements  qui  m'ont  été  donnés,  i-cnh^'mer 
beaucoup  de  ruines. 

HuRViNA  est  situé  j)rès  d'Amblayo,  dans  les  montagnes,  à 
70*""  au  nord-est  de  San  Carlos.  Le  D""  ten  Kate  (342,  p.  3/|:i) 
donne  le  plan  d'un  grand  rectangle  en  pirca  de  celte  localilé, 
mesurant  i38  pieds  de  longueur  et  48  pieds  de  largeur.  L'in- 
térieur renferme  plusieurs  murs  de  séparalioii  cl  deux  pelilcs 
chambres  adossées  au  mur  extérieur.  Des  ouverhires  dans  les 
murs  intérieurs  servent  de  portes,  mais  on  n'en  voil  iiiicunc 
dans  le  niurde  circonvallation. 


102  ANTIQUITÉS  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

De  la  Qiiebrada  de  las  Couchas  ou  de  Guacbipas,  parallèle  à 
la  Vallée  Calchaquie  et  courant  à  l'est  de  celle-ci,  de  Cafayate 
à  la  Vallée  de  Lerma,  M.  ten  Kate  (342,  p.  3M)  cite,  d'après  les 
renseignements  qu'il  a  recueillis,  des  ruines  à  Gurtiembre,  à 
Carrizal  et  à  INIorales. 

Pampa  Grande  est  une  localité  du  département  de  Guachi- 
pas,  dans  les  montagnes  à  l'est  de  la  Quebrada  de  las  Concbas. 
M.  Ambrosetti  (30,  p.  169-184)  décrit  des  ruines  situées  sur  deux 
plateaux  aux  environs  de  Pampa  Grande,  dont  l'un  porte  le 
nom  de  La  Pedrera.  Les  deux  plateaux  sont  entourés  d'une 
clôture  en  pirca  et,  dans  l'intérieur  de  ces  clôtures,  existent  les 
débris  de  certaines  petites  constructions  circulaires  et  de  pircas 
formant  des  arcs  ouverts. 

QuiLMES.  Dans  la  partie  nord  de  la  Vallée  de  Yocavil  appar- 
tenant à  la  province  de  Tucuman  sont  les  ruines  de  l'ancien 
grand  village  de  Quilmes,  énorme  agglomération  de  milliers  de 
constructions  en  pirca,  au  sommet  et  au  pied  d'une  montagne. 
M.  Ambrosetti  (18)  donne  de  cette  ancienne  ville  une  description 
générale  accompagnée  de  plusieurs  figures  montrant  les  détails 
de  différentes  sortes  de  constructions.  Quilmes  est  peut-être  le 
village  préhispanique  le  plus  grand  que  l'on  connaisse  dans  la 
région  des  Diaguites,  et  présente  un  intérêt  tout  spécial  comme 
ayant  été  longtemps  habité  par  les  Indiens,  à  l'époque  histo- 
rique, après  l'arrivée  des  Espagnols.  Lozano  (220,  v,  p.  igietsuiv. 
et  233  etsuiv.)  décrit  le  siège  et  l'assaut  de  Quilmes  en  i665  par 
Don  Alonso  de  Mercado  y  Villacorta,  qui  l'avait  déjà  vainement 
attaqué  en  1669. 

Anjuana,  un  peu  au  nord  de  Quilmes,  près  de  Colalao  del 
Valle,  possède  aussi,  suivant  M.  ten  Kate  (342,  p.  346),  des  ruines 
d'une  étendue  considérable ,  de  «  nombreuses  pircas  comme  à 
Quilmes».  Aucune  description,  aucun  plan  n'existent  de  ces 
ruines. 

Dans  la  Vallée  de  Yocavil,  on  rencontre  beaucoup  d'autres 
ruines  de  grands  villages  dont  les  principales  sont  :  Loma  Rica, 
Fuerte  Quemado,  Loma  Jujuy,  Cerro  Pintado  et  Andahuala. 


I^EGION   DIAGUITE.  103 

LoMA  Rica  sont  les  premières  ruines  de  la  région  où  l'on 
ait  pratiqué  des  fouilles.  MM.  I.  Liberani  et  R.  Hernàndez 
(217)  ont  publié,  sous  forme  d'album  et  en  reproductions  photo- 
giaphiques,  les  plans  qu'ils  ont  dressés  de  ces  ruines.  Bur- 
meister(86)a  donné  une  description  sommaire  des  résultats 
de  leurs  recherches.  Le  D""  Florentino  Ameghino  (32,  i,p.  535  et 
suiv ,  pi.  X,  fig.  33  3,  428)  reproduit  en  partie  la  description  et  les 
figures.  Loma  Rica  est  un  village  préhispanique  avec  des  habi- 
tations assez  nombreuses  et  un  vaste  cimetière. 

Loma  Jujuy,  Cerro  Pfntado  et  Fuerte  Quemado  sont  trois 
anciens  villages  fortifiés,  situés  sur  des  montagnes  escarpées. 
Le  D"  ten  Kate  (343,  pi.  A)  en  a  publié  des  plans  dressés  avec 
beaucoup  de  soin,  les  meilleurs  que  nous  possédions,  mais  il 
n'en  donne  pas  de  description  et  il  n'en  détermine  pas  la  po- 
sition géographique.  Loma  Jujuy  et  Fuerte  Quemado  sont 
connues,  mais  il  est  impossible  de  trouver  Cerro  Pintado  sur 
aucune  carte.  Le  D""  Adân  Ouiroga  (302)  a  donné  une  descrip- 
tion de  Fuerte  Quemado. 

Andahuala.  m.  Moreno  (244,  p.  19)  publie,  d'après  un  dessin 
de  M.  Methfessel,  une  vue  de  ruines  composées  d'enclos  rectan- 
gulaires et  situées  près  de  la  localité  de  ce  nom. 

Au  sud  d'Andahuala,  les  pentes  occidentales  de  la  Sierra  de 
Aconquija  sont  également  parsemées  de  ruines.  M.  ten  Kate  en 
a  observé  à  Arenal  et  à  Rio  Blanco. 

La  Ciénega  et  Anfama.  A  l'est  de  Santa  Maria,  sur  le  ver- 
sant 0])posé  de  la  Sierra  de  Aconquija,  dans  le  déparlement 
du  Tafi,  se  trouvent  La  Ciénega  et  AnFama,  décrits  par  M.  Qni- 
roga  (300).  Ces  ruines  semblent  composées  en  grande  ])nrli(^ 
d'alignements  de  pierres  du  genre  de  ceux  dont  j'ai  parle,  cl 
ne  formant  que  des  enclos  circulaires.  M.  Qniroga  a  doinié 
les  croquis  de  plusieurs  groupes  de  ces  enclos.  (Certaines  cir- 
constances semblent  indiquer  qu'ils  sont  ]ilus  aiu  iciis  (jiic  les 
ruines  de  la  Vallée  de  Yocavil. 

San  Antonio  del  Cajon.  A  l'ouest  de  la  Vallée  de  Yocavil  el 
parallèlement  à  celle-ci  se  li'onve  l'élroile  N'alh'e  du  (i.ijoii,  où 


lOi  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

est  situé  le  village  actuel  de  San  Antonio  del  Cajon,  auprès 
duquel  on  voit  des  ruines  dont  M.  ten  Kate  (342,  p.  339)  a  dressé 
le  plan.  Elles  comprennent  une  rangée  d'enclos  presque  car- 
rés, placée  sur  la  crête  d'une  colline  allongée,  et  deux  autres 
rangées  au  pied  de  cette  colline,  de  chaque  côté,  contenant 
chacune  onze  compartiments  presque  carrés,  sans  portes  de 
communication  entre  eux  ou  avec  l'extérieur,  tandis  que.  entre 
quelques-uns  des  compartiments  de  la  rangée  située  sur  la 
colline,  on  trouve  des  portes. 

La  Hoyada,  au  sud  de  Cajon  :  un  enclos  rectangulaire  d'en- 
viron lô'^xS™  sur  le  sommet  d'une  colline;  à  l'intérieur,  sept 
petites  chambres  adossées  au  mur  de  circonvallation.  Plan 
dressé  par  M.  ten  Kate  (342,  p.  34o). 

GuASAMAYO ,  au  sud-ouest  de  La  Hoyada  :  ruines  d'un  village 
assez  important,  composé  de  soixante-dix  enclos  ou  maisons, 
tous  rectangulaires,  assez  irréguliers  et  situés  sur  le  plateau 
formé  par  le  sommet  d'une  colline  à  flancs  escarpés.  Le  plan 
de  M.  ten  Kate  (342,p.  3/n)  montre  un  grand  enclos  rectangu- 
laire, une  sorte  de  «place  publique»  au  milieu  du  village. 
M.  ten  Kate  donne  les  mesures  suivantes  de  quelques  enclos 
choisis  au  hasard  :  1 5°"  1  o  X  1 4"  4o ;  1 1  X  6"^  5o  ;  1  o™  X  9'"  3o ; 
6"'3ox3"'9o;  6"'  30X5""  70;  4""  50X4°"  20.  Le  mur  le  mieux 
conservé  avait  1^62  de  hauteur  et  0°"  9  2  d'épaisseur. 

En  continuant  vers  le  Sud-Ouest,  nous  rencontrons  aux 
environs  de  Hualfm,  dans  le  département  de  Belen  (Cata- 
marca) ,  beaucoup  d'anciens  vestiges. 

Gerro  Colorado  de  Hualfin.  M.  Carlos  Bruch  (80)  a  donné 
une  bonne  photographie  et  un  plan  de  quelques-unes  des 
ruines  situées  dans  les  environs  de  cette  montagne. 

Batungasta.  Encore  plus  à  l'Ouest,  dans  le  département  de 
Tinogasta,  le  plus  occidental  de  la  province  de  Catamarca,  se 
trouve  Batungasta,  à  l'entrée  de  la  route  qui  conduit  au  Chili 
par  le  col  de  San  Francisco.  Ces  ruines,  d'une  assez  grande 
étendue,  sont  intéressantes  par  suite  de  la  présence,  sur  les 
hauteurs,  d'espèce  de  tourelles  rondes  bâties  en  pisé  {^lapia 


REGION   DIAGUITE.  105 

M.  G.  Lange  (205)  en  a  dressé  un  plan  accompagné  d'une  des- 
cription faite  par  M.  Lafone-Quevedo  (192). 

PucarA  de  Aconquija.  Dans  le  département  d'Andalgala,  au 
sud  de  Santa  Maria,  il  y  a  de  nombreuses  ruines,  mais  elles 
n  ont  pas  été  décrites  et  paraissent  d'ailleurs  être  de  peu  d'im- 
portance, excepté  Pucarâ  de  Aconquija,  dont  M.  Lange  (206) 
a  donné  une  bonne  description  et  des  plans  détaillés,  dressés 
avec  soin.  C/est  une  montagne  formant  plateau,  lequel  est  en- 
touré par  une  muraille  en  pirca,  très  bien  conservée  encore 
jusqu'à  près  de  3°"  de  bauteur,  pourvue  de  bastions  et  de 
meurtrières.  L'intérieur  offre  beaucoup  de  maisons  en  pirca 
formées  d'un  ou  jDlusieurs  compartiments.  L'espace  renfermé 
dans  le  mur  de  circonvallation  a  environ  ],'ioo'"  de  longueur 
sur  660*"  de  largeur,  et  le  mur  lui-même  a  plus  de  3, 000'°"  de 
longueur  totale.  On  remarque,  dans  l'intérieur  de  ce  camp 
fortifié,  des  traces  très  nettes  d'une  source  d'eau  jaillissante, 
tarie  maintenant.  Pendant  l'un  de  mes  voyages  dans  cettc^ 
région,  j'ai  pu  examiner  personnellement  cette  forteresse,  ad- 
mirable par  sa  position,  par  sa  construction  et  par  l'instinct 
stratégique  démontré  par  ses  constructeurs:  c'est,  en  effet,  une 
forteresse  presque  inexpugnable.  Déjà  von  Tschudi  (355,  p.  i5-i(j) 
avait  visité  les  ruines  de  Pucara  de  Aconquija,  qu'il  décrit 
d'une  manière  un  peu  fantaisiste. 

Dans  le  département  de  Poman,  au  sud  d'Andalgalà,  sub- 
sistent aussi,  au  pied  des  pentes  occidentales  dr  la  Sierra  del 
Ambato,  beaucoup  de  ruines.    ■ 

Sur  l^AJANCO  et  Tuscamayo,  M.  Lafone-Quevedo  (201)  a  donné 
une  courte  notice,  sans  plan  ni  croquis. 

CiUDARGiTA,  près  du  village  actuel  de  Saujil,  au  nord  dt» 
Poman ,  est  un  ancien  village  en  ruines  assez  bien  conservées. 
Je  l'ai  examiné  sommairement;  il  est  composé  de  conslriic- 
tions  rectangulaires  en  pirca  formant  une  agglomération  com- 
pacte avec  des  ruelles  presque  droites.  M.  Quiroga  (295,  [>.:)o^) 
a  donné  une  description  très  sommaire  de  ces  l'uines. 

Nous  ne  savons  absolument  rien  des  ruines  ])réliispani(pies 


106  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

(le  la  province  de  La  Rioja,  et  pourtant  il  doit  y  avoir,  dans 
les  vallées  andines  de  cette  province,  autant  de  vestiges  qu'en 
Catamarca.  De  vagues  renseignements  qui  m'ont  été  donnés 
confirment  cette  supposition  que  j'étends  à  la  province  de  San 
Juan,  où  une  grande  agglomération  de  constructions  en  pirca 
est  connue,  à  la  Tamberia  de  Calingasta^'I 

Comme  je  l'ai  déjà  dit  page  i4,  je  ne  sais  si  l'on  doit  consi- 
dérer comme  appartenant  à  la  région  des  Diaguites  le  sud  de 
la  Puna  de  Atacama  qui  touche  les  provinces  de  Catamarca  et 
de  Salta.  Sur  la  carte  ethnique  [fig.  î)  j'ai  rapporté  provisoi- 
rement ce  territoire  à  la  région  des  Diaguites.  Là  se  trouvent, 
à  3,500°"  au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  les  ruines  d'ANTO- 
FAGASTA  DE  LA  SiERRA ,  d'une  grande  étendue,  divisées  en  deux 
groupes,  d'après  des  renseignements  recueillis  et  publiés  par 
M.  Ambrosetti  (28,  p.  i3).  L'un  des  groupes  est  situé  à  lo''"  au 
sud  du  hameau  actuel  d'Indiens,  Antofagasta,  et  se  compose 
d'un  grand  labyrinthe  de  constructions  en  pirca,  très  irrégu- 
lières et  séparées  par  des  ruelles,  suivant  M.  Ambrosetti  qui 
cependant  n'a  pas  vu  ces  ruines.  L'autre  groupe,  à  S*^""  au  sud- 
ouest  du  village  actuel,  est  situé  sur  une  colline,  et  au  pied 
de  celle-ci  il  y  a  beaucoup  de  vestiges  d'anciennes  cultures. 
Ces  dernières  ruines  sont  également  mentionnées  par  le  D""  L. 
Darapsky  (113,  p.  m)  qui  les  considère  comme  une  fortification 
[piicarà]  et  croit  avoir  vu  des  traces  de  canaux  d'irrigation 
dans  les  anciennes  cultures  au  pied  de  la  colline.  Le  D'^Moreno 
(245,  p.  i5)  a  aussi  visité  les  ruines  d'Antofagasta  de  la  Sierra. 

Dans  la  même  région  de  la  Puna  de  Atacama,  on  trouve 
d'autres  ruines  à  Antofalla,  au  pied  du  volcan  de  ce  nom;  ces 
ruines  sont  mentionnées  par  M.  Moreno  (245,  p.  i5).  Botijuela 
est  situé  à  ^o''"'  au  sud  d'Antofalla,  sur  le  bord  de  la  saline 
qui  porte  ce  nom.  D'après  M.  Ambrosetti  (28,  p.  a),  il  y  a  ]à 
encore  d'anciennes  constructions  en  pirca,  circulaires  et  rec- 
tano'ulaires. 


(1) 


Pour  la  situation  géographique  de  ces  endroits,  voir  la  carte  fuj.  1. 


REGION   DIAGUITE.  107 

Enfin  un  croquis  des  petites  ruines  de  la  Vega  del  Cerro 
GoRDO,  sur  la  frontière  de  la  Puna  de  Atacama  et  du  dé]:)arte- 
ment  de  Molinos  (Salta),  a  été  dressé  par  M.  Eduardo  A.  Holm- 
berg.  Ce  croquis  est  inséré  dans  fun  des  travaux  de  M.  And)ro- 
setti  (28,  pi.  IV,  iig.  3).  Les  ruines  se  composent  de  constructions 
en  pirca  arrondies  et  carrées. 

Ce  sont  là  toutes  les  ruines  de  la  région  diaguite  mention- 
nées dans  la  littérature.  Quelques-uns  des  plans  ont  été  dressés 
avec  soin  et  les  descriptions  sont  satisfaisantes,  mais  on  n'y  a 
jamais  fait  de  fouilles  méthodiques. 

En  ces  localités  on  voit  très  fréquemment,  dans  chaque 
habitation,  une  ou  plusieurs  pierres  longues,  plantées  debout 
dans  le  sol,  à  l'intérieur  ou  près  des  murs.  M.  Ambrosetti  (*t 
d'autres  auteurs  ont  applicpié  à  ces  pierres  le  nom  de  menhirs. 
Elles  ne  semblent  pas  avoir  eu  un  but  pratique,  ou  du  moins  il 
est  impossible  d'expliquer  lequel.  Elles  étaient  probablement 
destinées  à  un  usage  religieux  ou  cérémonial.  Ce  sont,  en  gé- 
néral, des  pierres  portant  peu  de  traces  d'un  travail  artificiel; 
elles  ont,  pour  la  plupart,  été  formées  d'une  pierre  schisteuse 
plate,  dont  on  a  détaché  certaines  parties  pour  lui  donner  la 
forme  voulue.  Elles  ont,  le  plus  souvent,  de  petites  dimensions, 
leur  longueur  ne  dépassant  presque  jamais  un  mètre. 

Je  décrirai  plus  loin  des  pierres  de  la  même  catégorie  qui 
se  trouvent  dans  les  ruines  de  Taslil  (Quebrada  del  Toro)  et  de 
Pucara  de;  Piinconada  (Puna  de  Jujuy). 

Dans  la  Vallée  de  Tafi,  à  un  endroit  nommé  El  Mollar, 
M.  Ambrosetti  a  découvert  d'autres  «menhirs»  sculptés,  de 
grandes  dimensions.  La  plus  intéressante  de  ces  pierres  a 
3'"  10  de  hauteur  et  présente  à  sa  partie  supérieure  une  face 
humaine  rudimentaire;  au-dessous  de  celle-ci,  la  pierre  est 
couverte  d'ornements  géométriques,  très  réguliers,  composés 
de  lignes  combinées  avec  des  cercles  à  point  central.  Dans  le 
même  endroit,  de  chaque  côté  du  petit  Rio  d<'l  Rincon,  il  y  a 
plusieurs  autres  pierres  de  la  même  loîigu(Mjr  ([iie  cette  (1er- 


108  ANTIQUITES  DE  LA   REGION  ANDINE. 

nière.  Ces  pierres  présentent  à  leur  extrémité  supérieure  des 
figures  humaines  dont  les  yeux,  le  nez  et  la  bouche  sont 
grossièrement  taillés  dans  la  pierre.  Le  sol,  aux  environs  des 
«menhirs»,  est  couvert  d'alignements  de  pierres  du  même 
genre  que  celui  décrit  plus  haut,  formant  en  général  des 
enceintes  circulaires  ou  ovales.  A  Rio  Blanco,  près  d'El  Mollar, 
il  existe  aussi  un  «  menhir  »  avec  des  ornements  géométriques 
rectilignes  très  artistiquement  sculptés.  Ces  monuments  ont  été 
décrits  par  M.  Ambrosetti  (17)  et  une  courte  description  en  a 
également  été  publiée  par  le  D'  Hamy  (159  et  155,  déc.  v,  n"  xlvh, 
p.  ki\  etsuiv.),  qui  les  rapproche  de  certaines  formes  observées  au 
Mexique  par  M.  D.  Charnay. 

Parmi  les  ruines  de  La  Ciénega,  dans  la  même  Vallée  de 
Tafi,  M.  Quiroga  (300,  p.  118-119)  a  trouvé  aussi  deux  «  menhirs  » 
sculptés.  Sur  f  un  d'eux,  le  nez  et  les  yeux  d'une  figure  humaine 
sont  indiqués  dans  la  partie  supérieure;  f  autre  porte  près 
de  sa  base  une  concavité  circulaire  assez  profonde ,  une  sorte  de 
cupule.  M.  Quiroga  {ibid.,ix  120)  décrit  des  «dolmens»  du  même 
endroit,  mais  je  suis  tout  à  fait  convaincu  que  ces  «  dolmens  » 
ne  sont  que  des  pierres  tombées  les  unes  sur  les  autres,  natu- 
rellement, sans  l'intervention  de  l'homme.  Je  ne  crois  pas  qu'il 
existe  de  vrais  dolmens  dans  ces  régions. 

Les  mortiers  {nietates")  en  pierre  sont  communs  dans  les 
ruines.  Celui  que  j'ai  trouvé  à  Carbajal,  dans  la  Vallée  de 
Lerma  [ficj.  47),  offre  l'exemple  de  l'une  des  formes  les  plus 
fréquentes  de  ces  mortiers.  M.  Ambrosetti  (30,  p.  160-163)  repro- 
duit un  bon  nombre  de  mortiers  grossièrement  travaillés,  pro- 
venant de  Pampa  Grande  (Salta). 

Aux  environs  des  anciennes  demeures  humaines,  des  cu- 
pules sont  souvent  creusées  dans  les  rochers.  Leur  cavité  est 
quelquefois  presque  cylindrique,  mais  en  général  elle  est  plus 
étroite  au  fond  qu'à  l'ouverture.  Elles  sont  de  différentes  di- 
mensions; les  plus  grandes  que  j'aie  vues  avaient  à  peu  près 
o'"  5o  de  profondeur  et  un  peu  moins  de  diamètre.  On  voit 
parfois  de  grands  rochers  tout  couverts  de  ces  cupules.  Ce  sont 


REGION  DIAGUITE.  109 

des  rochers  horizontaux;  les  rochers  verticaux  portent  rare- 
ment des  cupules.  M.  Ambrosetti  (28,  p.  n)  mentionne  trois 
grandes  cupules  sur  un  rocher  vertical,  situé  à  Penas  Blancas, 
près  du  Cerro  Ratones,  sur  la  limite  de  la  Puna  de  Atacama 
et  du  département  de  Molinos.  Les  cupules  creusées  dans  les 
rochers  horizontaux  sont  très  communes  dans  toute  la  réiiion 
diaguite,  et  j'en  ai  même  vu  dans  la  Sierra  Santa  Barbara,  entre 
Jujuy  et  le  Grand  Chaco.  Le  D'"  R.  Lehmann-Nitsche  (211)  dé- 
crit un  grand  nombre  de  cupules  qu'il  a  étudiées  à  Capilla  del 
Monte,  dans  la  Sierra  de  Cordoba.  M.  And^rosetti  (30,  p.  i/i)  repro- 
duit une  pierre  avec  trois  cupules  qu'il  a  découverte  récemment 
à  Pampa  Grande.  Suivant  M.  Florentine  Ameghino  (32,  i,  p.  5i/i), 
il  existe  aussi  des  cupules  dans  les  provinces  de  San  Luis  et 
de  Mendoza,  et,  selon  MM.  Fonck  et  Kunz  (134),  elles  ne  sont 
pas  rares  dans  la  partie  centrale  du  Chili.  M.  R.  Lenz  (213,  p.  423) 
mentionne  un  bloc  avec  des  cupules,  la  «  Piedra  Santa  de  Re- 
tricura»,  situé  dans  un  défilé  de  la  Cordillère  près  du  volcan 
Lonquimav,  au  nord-est  de  Valdivia.  Les  Indiens  Araucans 
y  lont  des  sacrifices  pour  le  bon  succès  du  voyage,  quand  ils 
passent  du  Chili  en  Patagonie.  Les  habitants  des  provinces 
interandines  de  l'Argentine  nomment  les  cupules  des  morteros 
(mortiers).  Il  ne  me  paraît  pas  invraisemblable  qu'elles  aient 
été  employées  dans  ce  but,  car  beaucoup  d'Indiens  de  l'ouest 
des  Etats-Unis  emploient  encore  de  nos  jours  les  cupules 
comme  mortiers.  Les  formes  combinées  de  cupules  avec  cercles 
extérieurs,  dont  M.  Garrick  Mallery  (228,  p.  i8y  et  sulv.)  décrit 
beaucoup  de  variétés  dilférentes,  sont  inconnues  dans  la  Ré- 
publique Argentine. 

Les  pentes  des  montagnes  de  la  région  diaguite  offrent,  hlcii 
qu'assez  rarement,  des  restes  d'audenes,  ces  terrasses  si  com- 
munes au  Pérou,  construites  ])ar  les  Indiens  préhispaniques 
pour  y  cultiver  le  maïs.  J'en  parlerai  longuement  en  décrivant 
les  andcnes  que  j'ai  trouvés  à  Sayate,  dans  la  Puna  de  .Iiiju\. 
M.  ten  Kate  (343,  p.  17,  fig.  22,  2/1)  donne  des  figures  re|)résentant 
un  autre  genre  de  champs  cuhivés,  liorizontanx,  limités  par 


110  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

des  alignements  de  pierres  semblables  à  ceux  que  nous  avons 
décrits  page  loo.  Cependant  je  ne  crois  pas  qu'il  s'agisse  vrai- 
ment de  champs  de  culture,  surtout  en  ce  qui  concerne  la 
figure  2  2  de  M.  ten  Kate.  Il  existe  pourtant  des  vestiges  de 
chamjjs  horizontaux  enfermés  dans  des  bordures  de  pierres,  et 
on  peut  constater  quelquefois  que  de  la  terre  y  a  été  rapportée 
pour  augmenter  l'épaisseur  de  la  couche  de  terre  végétale. 

On  entend  souvent  parler  des  grandes  routes  du  temps  pré- 
historique dites  «  routes  incasiques  »,  construites  sur  les  pentes 
des  montagnes  de  la  Cordillère,  mais  je  n'en  ai  jamais  vu 
dans  la  région  diaguite.  L'une  d'elles,  dont  nous  reparlerons 
page  2o5,  suivait  toute  la  Cordillère  jusqu'à  Mendoza,  où  elle 
passait  au  Chili.  M.  Moreno  {245,  p.  8)  confirme  l'existence  des 
vestiges  de  cette  route.  Je  décrirai  plus  loin  une  route  pré- 
hispanique de  la  Ouebrada  del  Toro. 

On  voit  aussi  dans  la  région  diaguite  des  apachetas,  grands 
monticules  de  pierres  entassées  par  les  Indiens  aux  points  les 
plus  élevés  où  les  chemins  traversent  la  crête  des  montagnes. 
L'Indien  y  dépose  encore,  en  passant,  de  la  coca  et  d'autres 
offrandes  pour  le  bon  succès  de  son  voyage.  M.  Ambrosetti 
(15,  p.  76)  a  donné  une  description  des  coutumes  relatives  aux 
apaclietas.  M.  ten  Kate  (342,  p.  337)  mentionne  un  de  ces  autels 
au  sommet  de  la  chaîne  de  montagnes  qui  sépare  Quilmes, 
dans  la  Vallée  de  Yocavil,  de  la  Vallée  del  Cajon,  et  M.  Quiroga 
(295,p.  5o5)  a  vu  une  autre  apacheta,  entre  Aymogasta  et  Alpa- 
sinchi,  sur  la  frontière  des  provinces  de  Galamarca  et  de  La 
Rioja.  Les  apaclietas  sont  d'origine  péruvienne.  Suivant  Calan- 
cha  (89;  1.  II,  c.  xi;  p.  372),  Ics  Péruvieus  «  adoraient  des  monceaux 
de  pierres  que  les  Indiens  du  Cuzco  et  les  Collas  dénommaient 
apachitas)K  Le  Père  Arriaga  (39,  p.  i3o)  les  nomme  parmi  les 
«  idolàlries  »  des  Indiens  du  Pérou,  et  l'on  trouve  dans  les  ques- 
tionnaires pour  la  confession  de  ces  Indiens,  formulés  par  Ar- 
riaga en  1621,  et  par  farchevêque  de  Lima,  Don  Pedro  de 
Villa  Gômez  (370,  fol.  37),  en  1649,  la  question  suivante  :  «^;^f 
ciiando  van  camino  an  eçhado  6  echan  en  las  cuinhres  alias  ô  apaclietas 


REGION  DIAGUITE.  111 

à  dunde  llccjan  ô  en  piedras  (jvandcs  hendidas,  coca  mascada  6  maiz 
mascado  6  oiras  cosas  cscupicndolas ,  6  pidiciidolcs  (jae  les  (jiiitan  el 
cansancio  ciel  camino?  ))  M.  von  Tschudi  (356,v,  p.  62)  donne  une 
description  générale  très  intéressante  des  apachetas  actuelles 
du  Pérou  et  de  la  Bolivie,  ainsi  que  des  renseignements  dé- 
taillés sur  le  culte  que  les  Indiens  actuels  de  ces  pays  rendent 
à  ces  autels.  Les  cérémonies  qui  ont  lieu  auprès  des  apachetas 
de  la  République  Ai-gentine  sont  presque  identiques  à  celles 
du  Pérou  et  de  la  Bolivie.  Nous  reproduisons  plus  \(nn,fi(j.  8S, 
une  apacheta  de  la  Puna  de  Jujuy. 

INDUSTRIE. 

Céramique.  —  Peu  de  pays  sont  aussi  riches  en  débris  d'an- 
cienne poterie  que  le  pays  des  anciens  Diaguites.  Partout  de 
grandes  étendues  sont  couvertes  de  fragments  de  poterie; 
partout  où  les  bords  d'un  ruisseau  s'ellondrent  apparaît  de  la 
poterie;  partout  où  l'on  creuse  la  terre  dans  un  but  quelconque 
surgissent  de  vieux  vases,  de  vieilles  écuelles,  toutes  sortes  de 
débris  de  céramique. 

Mais  l'art  du  céramiste  préhistorique  de  ces  régions  était  loin 
d'être  aussi  perfectionné  que  celui  du  Pérou.  On  n'y  voit  pas 
ces  figures  humaines  des  anciens  vases  péruviens,  si  admira- 
blement modelés,  si  vivants  dans  leur  raideur,  si  parfaitement 
semblables  aux  descendants  actuels  des  artistes.  Le  modelage, 
la  peinture  et  la  gravure  des  céramiques  de  la  région  diaguile 
sont  plus  rudimentaires;  les  ligures  ont  toujours  quelque 
chose  de  grotesque,  d'enfantin. 

Et  cependant  le  style  est  le  style  péruvien,  les  procédés  sont 
ceux  du  Pérou.  Seulement,  c'est  do  la  polcrie  péruvienne  or- 
dinaire; les  chefs-d'œuvre,  la  poterie  très  fine,  très  arlislique, 
manquent. 

f.a  ])olerie  préliispanicpie  de  la  région  diaguile  esl ,  couune 
celle  de  toute  rAuiéri(|ue,  faite  sans  l'aide  du  lour,  sim|)lemeiit 
avec  les  mains  et  des  instruments  rudiuientaires  pour  façonner. 


112  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

aplanir  et  polir.  Le  procédé  paraît  avoir  été  celui  qui  est  en 
usage  chez  la  plupart  des  peuples  sauvages  de  nos  jours  :  l'agré- 
gation par  petites  portions  de  la  matière  en  formant  des  cercles 
superposés.  Je  décris  plus  loin  ce  procédé  tel  cpie  je  l'ai  vu 
employé  par  une  vieille  Indienne  de  la  Puna. 

La  pâte  est  très  variée ,  selon  le  soin  mis  à  sa  préparation  et 
la  qualité  de  la  terre.  Toutefois  on  ne  trouve  pas  ces  pâtes  du 
Pérou,  fines,  homogènes,  presque  aussi  compactes  que  la  por- 
celaine. Comme  dégraissant,  on  se  servait  de  vieille  poterie 
moulue,  ou  de  pierre  pulvérisée. 

Les  roches  feldspathiques  étaient  souvent  employées  à  cette 
fin;  dans  d'autres  poteries  on  trouve  quantité  de  petits  frag- 
ments de  mica  enfermés  à  même  la  pâte  et  qui  prouvent  que 
le  dégraissant  a  été  du  micaschiste  ou  d'autres  roches  riches  en 
mica,  réduites  en  poudre.  Le  mica  blanc  (muscovite)  est  assez 
commun  dans  la  région ,  à  fétat  jxir,  sous  forme  de  cristaux 
de  G™  20  de  diamètre.  Quelquefois  la  pâte,  surtout  celle  des 
grands  pots  grossiers  d'une  couleur  noirâtre,  est  tellement  riche 
en  mica,  que  l'on  est  tenté  de  se  demander  si,  par  hasard,  le 
dégraissant  n'a  pas  été  du  mica  pur  :  mais  le  minerai  pur 
n'aurait  pas  donné  l'elfet  désiré,  c'est-à-dire  rendre  la  poterie 
plus  résistante.  D'ailleurs,  la  structure  de  ces  pots  démontre 
que  le  dégraissant  emj^loyé  a  été  du  micaschiste  très  riche  en 
mica,  roche  très  commune  dans  tout  le  pays. 

Beaucoup  de  vases  sont  engobés,  quelquefois  seulement  à 
fextérieur  ou  à  l'intérieur,  quelquefois  des  deux  côtés.  Pour 
colorer  fengobe,  on  a  employé  de  l'ocre  rouge  ou  jaune  et  de 
la  plombagine,  quelquefois  de  la  chaux. 

Le  décor  des  vases  engobés  avec  de  la  plombagine  est  tou- 
jours formé  par  des  traits  gravés,  tandis  que  ceux  à  engobe 
ocreuse  sont  ornés  de  figures  peintes.  11  n'y  a  jîresque  pas 
d'exception  à  cette  règle.  On  ne  voit  que  très  rarement  de  la 
poterie  rouge  gravée,  bien  qu'il  n'y  ait  pas  de  raison  pour  que 
l'on  ne  grave  pas  sur  cette  couleur  aussi  bien  que  sur  la  poterie 
engobée  avec  de  la  plombagine.  M.  Lafone-Quevedo  (202, p. 8, 10), 


RfXiION  DIACUITE.  113 

dans  un  travail  tout  récent,  a  tenté  de  classer  la  j)oterie  d'An- 
dalgalâ  en  trois  catégories,  d'après  l'ornementalion  :  poterie 
grise  gravée,  poterie  noire  gravée  et  poterie  peinte.  La  diffé- 
rence ne  me  paraît  pas  très  grande  entre  la  poterie  gi'avée ,  noire 
et  grise,  l'engobe  de  ces  deux  variétés  étant  de  la  plomljagine 
plus  ou  inoins  foncée.  M.  Lafone  a  rencontré  des  fragments 
des  trois  sortes  partout  sur  la  surface  du  sol,  mais,  dans  les 
sépultures  d'un  ancien  cimetière  qu'il  a  fouillées,  il  n'y  avait 
pas  de  poterie  gravée;  cette  poterie  manque  dans  les  andenes 
des  environs,  où  l'on  trouve  seulement  de  la  poterie  peinte. 
M.  Lafone  en  veut  tirer  la  conséquence  que  la  poterie  des  deux 
catégories  est  différente  etlmographiquement  et  chronologi- 
quement. Ce  serait  .là  un  fait  fort  intéressant  si  l'on  pouvait  en 
prouver  l'évidence.  Cependant,  dans  d'autres  régions,  comme 
la  Quebrada  del  Toro,  j'ai  trouvé  ensemble,  en  place,  ces  deux 
sortes  de  poterie. 

La  couleur  la  plus  commune  des  ornements  peints  de  la 
céramique  est  le  noir,  probablement  à  base  de  charbon.  Mais 
il  y  a  aussi  d'autres  couleurs  :  rouge,  jaune  ,  violet,  brun,  pro- 
venant de  terres  ocreuses  ou  qui  contiennent  du  magnésium. 
Le  blanc  est  produit  avec  des  matières  calcaires;  quant  au 
vert,  je  n'en  ai  jamais  vu. 

L'usage  de  la  vannerie  comme  moules  à  pousser  les  vases 
en  terre  cuite  a  existé,  bien  que  très  rarement,  dans  la  région 
des  Diaguites.  Un  vase,  formé  de  cette  manière  et  portant  les 
impressions  très  nettes  du  panier  dans  lequel  il  a  été  moulé, 
jDrovient  de  Santa  Maria  et  a  été  figmé  par  M.  Ambroselti 
(21,  j).  i32).  Dans  la  collection  faite  par  le  comte  Henri  de  La 
Vaulx  à  El  Banado  (Quilmes),  et  donnée  au  Musée  du  Tioca- 
déro,  existe  une  grande  écuelle,  cataloguée  sous  le  n"  47828, 
de  o™38  de  diamètre  et  o^ao  de  liauteur.  A  l'extérieur,  elle 
offre  les  traces  très  manifestes  de  la  corbeille  en  vannerie  qui 
a  servi  à  la  mouler,  et  la  partie  déprimée  du  fond  montre  très 
nettciuient  la  forme  carrée  de  fainorce  pour  la  ronlection  de 
cette  corbeille.  Cette  écuelh",  (pii  Icrniail  rofidcc  d'iine  nrnc 
I.  s 


■  MPIIIirilll!    IIITIOKILS. 


114  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

funéraire  d'enfant,  a  été  décrite  par  M.  de  La  VauLx  (366,  p.  173), 
mais  il  n'en  a  pas  donné  de  ligure.  Pour  faire  connaître  ce  rare 
spécimen  de  poterie,  je  le  reproduis  ici ^fig.  3.  La  pâte  est  assez 
fine,  rougeàtre.  Dans  la  collection  de  Lapaya,  décrite  plus  loin, 
se  trouve  une  autre  écneWe.fig.  28  cet 30,  dont  les  impressions 
au  fond  démontrent  qu'elle  a  été  posée ,  j)endant  sa  confection , 
sur  une  claie  en  vannerie.  A  Puerta  de  Tastil  (Quebrada  del 
Toro),  j'ai  trouvé  aussi  un  fragment  de  poterie  avec  des  im- 
pressions de  vannerie.  M.  A.  de  Mortillet  a  rapporté  de  Tarija 
(Bolivie)  d'autres  fragments  de  poterie  poussée  en  vannerie. 
L'usage  de  la  vannerie  pour  mouler  des  vases  paraît  avoir  été 
rarement  pratiqué  dans  l'Amérique  du  Sud.  Le  D'"  Verneau 
(367,  p.  i54)  décrit  et  figure  des  fragments  provenant  d'une  sé- 
j)ulture  contenant  des  urnes  avec  des  ossements  humains,  du 
Rio  Arauca,  affluent  de  fOrénoque.  M.  Erland  Nordenskiôkl 
(269,  p.  22)  mentionne  un  fragment  de  poterie  poussée  en  van- 
nerie qu'il  a  trouvé  dans  une  grotte  de  la  Vallée  de  Queara, 
au  nord  du  lac  Titicaca.  M.  de  La  Vaulx  (366,  p.  17^)  parle  de 
fragments  de  poterie  avec  des  impressions  de  vannerie  qu'il 
aurait  recueillis  à  San  Gabriel  et  à  Choele-Choel ,  dans  la  Pata- 
gonie;  mais  M.  Verneau  (368)  ne  dit  rien  de  ces  fragments,  dans 
son  étude  sur  les  collections  patagoniennes  de  M.  de  La  Vaulx. 
Dans  l'Amérique  septentrionale,  spécialement  dans  le  nord  des 
Etats-Unis,  les  poteries  portant  des  impressions  textiles  sont 
assez  communes,  mais  ce  sont  surtout  des  empreintes  de  tissus, 
de  cordes,  etc.,  qui  ont  été  employés  en  formant  les  vases  ou 
pour  leur  décoration.  Au  contraire,  les  empreintes  de  vannerie 
y  sont  rares,  selon  M.  Holmes  (172,  p.  69),  et  les  corbeilles  n'ont 
guère  été  employées  que  comme  support  ou  pour  y  mouler 
le  fond  du  vase.  Parmi  les  milliers  de  poteries  des  Etats-Unis 
qu'a  manipulées  le  distingué  chef  du  Bureau  d'ethnologie,  il 
dit  n'avoir  vu  aucun  spécimen  ayant  été  entièrement  poussé 
dans  une  corbeille,  comme  c'est  le  cas  de  l'écuelle  de  la  col- 
lection de  La  Vaulx.  Cependant  M.  Holmes  {ibid.,  p.  58-59)  cite 
des  renseignements  historiques  suivant  lesquels  ce  mode  de 


REGION   DIA(JUITE.  115 

fabricalioii  (Hail  en  noj^uc  parmi  les  Indiens  du  Missouri  et  du 
Haut  Mississipi,  au  conimencenient  du  xix''  siècle.  La  corbeille 
était  détruite  par  le  feu  en  cuisant  le  vase. 

Les  objets  les  plus  Iréquents  dans  la  région  diaguite  sont  les 
vases  et  les  écuelles,  de  formes  et  de  décors  les  plus  variés. 

Parmi  les  vases,  les  grandes  urnes  funéraires  ont,  lout 
d'abord  et  naturellement,  attiré  l'attention  des  auteurs  qui  ont 
étudié  l'ai'chéologie  de  la  région  diaguite  ;  j'examinerai  cett(^ 
catégorie  de  vases  plus  loin,  en  parlant  des  cimetières  de  la 
région. 

Les  urnes  décorées  contenant  des  squelettes  ou  des  osse- 
ments ont  sans  doute  été  fabriquées  pour  cette  destination 
funéraire  spéciale,  et  c'est  peut-être  aussi  le  cas  de  la  plupart 
des  plats  qui  servent  de  couvercles  à  ces  urnes.  Au  contraire, 
il  n'y  a  aucune  raison  pour  appliquer,  d'une  façon  générale,  la 
même  bvpotbèse  aux  autres  vases  que  l'on  rencontre  dans  b^s 
sépultures,  et  qui  ne  sontque  de  la  polerie  de  ménage,  pbis  ou 
moins  simple  ou  artistique,  ayant  contenu  les  aliments,  les 
boissons  et  autres  provisions  que  l'on  donnait  au  défunt  pour 
l'autre  vie. 

On  a  publié  un  certain  nond)re  de  figures  de  cette  polei  ie 
de  ménage.  Voici  celles  qui  se  trouvent  dans  les  ouvrages  de 
M.  \nil)i()selli  :  si\  pièces  assez  intéressantes  «de  Tucninau  » , 
et  une  j)iece  de  Jaclial  (San  Juan)  (10,  \>.  5  ci  suh.);  sej)t  [)elils  vases 
antbroj^onïorpbesde  Molinos  (Salta),Belen  (Catamarca),  feules 
(  rucuman)  et  Calayate  (Salla)  (19,  p.  47  oi  suiv.);  deux  vases  01- 
nilliomor|:)bes  provenant  de  Seclantâs  (Vallée  (ialcbaquie)  (19, 
|).6ioisuiv.);  deux  vases  re])rései  lia  ni  des  animaux,  de  Tali  cl  de  La 
Vina(Salta)  (19,  p.  78);  un  très  iiiléressant  vase peiiil  d' \iHl;ili;;il;i 
(19,]).  84),  repiodiiil  aussi  par  M.  Lalone-QucNedo  191.  p.  i(i  cl 
par  M.Quiroga  (299,  p.  .'^«7);  un  vase  avec  une  cniiciisc  représen- 
tation bumaine  (19,  p  9^1);  un  vase  aulliroj)oin()rplie  d'Andabuala 
(Sanla  Maria)  (19,  p.  lof)];  un  pelit  vase  de  Vipos  (  rucumaii) 
(19,  |).  ia8];  un  \asc  janiciix  poilanl  une  (igiirc  liimiainc  iiiodc'<'e 

8. 


116  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

et  couvert  d'une  ornementation  peinte  très  compliquée,  décou- 
vert par  M.  Quiroga  à  Amaicha  (Vallée  de  Yocavil,  au  nord  de 
Santa  Maria)  (19,  p.  169);  ce  vase  est  aussi  figuré  par  M.  Quiroga 
(299,  p. 3i6,  et  303, p.  169);  d'autres  petits  vases  ornés  (19,  p.  218,  235); 
un  petit  vase  peint  de  Santa  Maria  (19  lis,  p.  171);  un  grand  vase 
peint  de  Santiago  delEstero  (19  ifs  p.  17/i);  trois  vases,  dénommés 
vasos  ceremoniales ,  de  La  Vina  et  de  Cafayate  (Salta)  (21,  p.  126, 
128,  129);  une  série  d'écuelles  de  Santa  Maria  peintes  avec  des 
ornements  géométriques  en  rouge  sur  fond  blanc  (26);  enfin 
plusieurs  vases  de  Lapaya  (Vallée  Calchaquie)  (22)  et  de  Pampa 
Grande  (département  de  Guacliipas,  Salta)  (30).  On  remarque 
parmi  ces  derniers  un  énorme  vase  (30,p.5i),  de  i"i8  de  hau- 
teur et  i'"2  5  de  diamètre  maximum,  que  M.  Ambrosetti  croit 
avoir  été  employé  comme  dépense  pour  le  grain,  ce  qui  est 
assez  vraisemblable.  M.  Quiroga  publie  souvent,  dans  ses 
travaux  sur  le  syml^olisme  et  la  mythologie ,  les  mêmes  figures 
que  M.  Ambrosetti.  Cependant  nous  trouvons  dans  ses  ou- 
vrages quelques  vases  intéressants  qui  n'apparaissent  pas 
chez  M.  Ambrosetti.  Les  j^lus  remarquables  sont  :  un  vase  de 
la  Sierra  de  Ambato  (Gatamarca)  (301,  p.  433  et  303,  p.  80);  un  autre 
de  Santa  Maria  (301,  p.  4/14);  un  petit  vase  d'Amaicha  (301,  p.  445); 
un  vase  ornithomorphe  avec  une  figure  humaine  fantastique, 
gravée  (301,p.  43i);  un  vase  peint  de  Capayan  (Gatamarca) 
(301,  p.  425  cl  303,  p.  99-100).  M.  Lafone-Quevedo,  en  dehors  de 
plusieurs  poteries  trouvées  dans  des  sépultures  à  Ghanar- 
Yaco  (191)  et  à  Batungasta  (Tinogasta)  (192),  nous  donne  de 
bonnes  phototypies  de  deux  vases  peints  et  de  deux  vases  gra- 
vés des  environs  d'Andalgalâ  (202,  pL  xn-xv).  M.  Bruch  (80)  figure 
une  série  de  poteries  de  Ilualfin  (Beleii).  Enfin  fallnim  de 
MM.  Liberani  et  Hernândez  (217)  contient  un  certain  nombre 
de  poteries  de  Loma  Rica;  leurs  figures  ont  été  reproduites 
par  M.  Ameghino  (32,  1. 1).  Voilà  donc  une  liste,  que  je  crois 
assez  complète,  sur  les  vases  de  la  région  diaguite  dont  nous 
avons  des  figures.  11  est  toutefois  à  regretter  que  nous  ne  possé- 
dions que  sur  très  peu  de  ces  pièces  des  indications  relatives  aux 


REGION   1)1  ACUITE.  117 

circonstances  dans  lesquelles  elles  ont  été  trouvées;  les  rensei- 
gnements se  bornent  à  donner  le  département  d'où  elles  pro- 
viennent. Le  Musée  de  La  Plata  possède  une  collection  très 
riche  d'objets  inédits. 

Nous  avons  déjà  parlé  des  fragments  de  différentes  sortes 
de  poterie  d'Andalgalà,  récemment  publiés  par  M.  Lafone- 
Quevedo  (202).  Dans  un  autre  ouvrage  du  même  auteur  (201), 
on  trouve  aussi  une  planche  de  fragments  de  poterie  peinte, 
de  Tuscamayo  et  de  Pajanco,  en  Poman ,  au  sud  d'Andalgalà, 
très  semblable  ta  celle  de  ce  dernier  département.  M.  Ambrosetti 
(19  ti.?,  p.  i66)  publie  également  une  planche  de  fragments  de 
poterie  peinte  de  Santiago  del  Estero  et  plusieurs  planches 
(30,  p.  i/u,  i43,  i46,  i/i8)  de  fragments  de  poterie  gravée,  de 
Pampa  Grande.  Mais  le  plus  curieux  fragment  connu  de  la 
région  diaguite  est  une  partie  de  vase  provenant  du  Rio  del 
Inca,  en  Tinogasta  (Catamarca).  Sur  ce  fragment  est  gravé 
un  Indien  armé  et,  à  côté,  une  grande  hache  très  curieuse. 
M.  Lafone-Quevedo  (191,  p. 25,  et  202,  p.  lA)  en  donne  une  figure, 
reproduite  plusieurs  fois  par  MM.  Ambrosetti  et  Quiroga. 

Tous  ces  vases  sont  décorés  de  figures  modelées  ou  d'or- 
nements peints.  Gomme  au  Pérou,  le  vase  entier  est  souvent 
la  représentation  grotesque  d'un  homme  ou  d'un  animal.  Ge 
sont  naturellement  les  pièces  de  formes  rares  ou  d'ornemen- 
tation compliquée  qu'on  a  publiées.  Les  auteurs  se  sont  donné 
beaucoup  de  peine  pour  imaginer,  généralement  à  faide  de  la 
mythologie  péruvienne,  si  obscure  et  si  variable,  ce  que  signi- 
fiaient ces  figures.  En  ce  qui  concerne  la  poterie  commune 
des  anciens  habitants  des  vallées  interandines  du  territoire  ai- 
gentin,  sa  technique  et  ses  formes,  presque  rien  n'a  été  écrit. 
Ges  pièces  n'attirent  pas  l'attention  des  paysans  et  des  clicr- 
cheurs  de  trésors  qui  ont  déterré  la  pluplarl  des  objets  décrits 
dans  les  pubhcations  citées,  à  fexception  toutelois  des  ()l)jels 
qni  proviennent  des  fouilles  de  M.  Lalbne-Qnevedo.  Gependant 
une  élude  scieiilidque  de  cette  poterie  commune  serait  d'une 
grande  importance  pour  l'archéologie  de  ces  re'gions. 


118  ANTIQUITÉS  DE  LA  RÉGION  ANDINE.     ' 

Un  autre  genre  de  productions  assez  caractéristique  de  la 
céramique  diagnite  est  constitué  par  les  petites  statuettes  hu- 
maines, modelées  d'une  manière  assez  rudimentaire.  M.  Am- 
brosetti  les  appelle  des  «idoles  funéraires»,  bien  quil  n'ait 
été  constaté  nulle  part  qu'on  en  trouve  dans  des  sépultures. 
M.  Lafone-Onevedo  leur  a  appliqué  le  nom  péruvien  de  compas 
ou  canopas  en  prenant  ce  mot  dans  le  sens  de  dieux  pénates, 
d'après  la  définition  de  plusieurs  auteurs  anciens,  et  parmi  eux 
Antonio  de  la  Calancha  (89;  1.  n,  c  xi;  p.  373).  Cependant,  d'après 
Joseph  de  Arriaga  (39,p.  i5-i6),  les  conopas  des  Péruviens  n'étaient 
pas  des  statuettes,  mais  des  pierres  de  formes  ou  de  couleurs 
exceptionnelles,  et  quelques-unes  de  ces  pierres  avaient  «la 
forme  d'un  carncro  (lama)».  Ces  pierres  étaient,  suivant  Ar- 
riaga, conservées  comme  une  sorte  de  mascottes,  et  dans  ce 
cas  les  conopas  seraient  les  illas  dont  nous  parlerons  plus  loin. 
Il  y  a  des  statuettes  argentines  qui  ressemblent  parfaitement 
à  des  statuettes  en  terre  cuite  rencontrées  au  Pérou  dont 
MM.  Stûbel  et  Pieiss  (340)  publient  plusieurs  spécimens. 

Les  premières  figures  de  ces  «  idoles  » ,  publiées  par  M.  La- 
-fone-Quevedo  (191,  p.  19),  ont  été  reproduites  par  M.  Ambrosetti 
(19,  p.  10-2/1,  106-108,  112,  116,  126,  128,  210-214,  217,  239),  qui  en  pu- 
blie beaucoup  d'autres,  soit  en  tout  une  trentaine.  M.  Qui- 
roga  en  a  aussi  publié  quelques-unes.  Dans  d'autres  travaux 
de  M.  Lafone-Quevedo  (192,  p.  10;  201,  p.  8  [planche],  et  202,  pl.xvi-xvn), 
il  y  a  encore  cinq  statuettes,  et,  dans  son  dernier  ouvrage, 
M.  Ambrosetti  (30,  p.  53,97)  reproduit  quatre  nouvelles  «têtes 
d'idoles».  Plusieurs  statuettes  montrent  des  coiffures  très 
compliquées.  Ces  «  idoles  »  proviennent  de  Santa  Maria,  Andal- 
galâ,  Belen,  Poman,  Ambato  et  Capayan  en  Catamarca  ;  Tafi 
et  Famaillâ  (Lules)  en  Tucuman;  Molinos,  Cafayate,  Gua- 
cliipas  et  La  Vina  en  Salta;  Los  Sauces  en  La  Rioja. 

Il  y  a  aussi  des  animaux  et  des  têtes  d'animaux  modelés  en 
terre  cuite.  M.  Ambrosetti  (19,  p.  57-59)  nous  montre  des  têtes 
de  jaguars,  très  faciles  à  reconnaître  bien  qu'elles  soient  sty- 
lisées. Une  tête  de  chauve-souris  (//^ù/.,  p.  176)  est  très  distincte, 


RKf.lON   DIAGUITE.  110 

mais  l'autre  figure  que  M.Ambrosetti  [ihid.,  p.  175)  doune  comme 
«tête  de  chauve-souris»  n'a  rien  de  commun  avec  cet  animal. 
Ce  même  objet,  actuellement  dans  la  coUeclion  de  la  Mission 
Française,  est  reproduite  icifig-  2  h.  Dans  ses  dernières  fouilles, 
à  Pampa  Grande,  M.  Ambrosetti  (30,  p.  iSG,  1 38)  a  trouvé  d'autres 
têtes  d'animaux,  dont  il  donne  des  figures.  Sur  les  vases  de  la 
région  diaguite,  surtout  sur  les  petits  plats  et  écuelles,  fappli- 
cation  de  têtes  modelées  d'oiseaux  et  de  lama,  comme  anses, 
est  assez  commune.  Les  têtes  de  canard  sont  très  fréquentes. 
Pour  donner  quelques  exemples  de  fart  du  modelage  en 
céramique  des  anciens  habitants  de  la  région  diaguite,  je  re- 
produis, fi(j.  2,  un  certain  nombre  de  statuettes  humaines  et 
de  têtes  d'animaux  appartenant  à  la  collection  de  la  Mission 
Française.  Voici  leur  description  : 

a.  Amaigha  (Vallée  de  Yocavil,  partie  appartenant  à  la  province  de  Tucu- 
nian).  —  Grande  tête  ressemblant  à  celle  d'un  jaguar.  Yeux,  nez,  narines 
et  bouche  assez  accentués,  bien  que  maintenant  un  peu  effacés  parfactiGn 
du  temps.  Il  ne  reste  que  la  trace  d'une  des  oreilles ,  modelée  de  façon  à 
imiter  celles  du  jaguar.  La  tête  est  presque  sphérique,  de  o™  09  de  diamètre, 
creuse  à  l'intérieur;  elle  a  fait  partie  de  la  paroi  d'un  grand  vase  de  o"'oi5 
d'épaisseur.  Pâte  couleur  rose,  grossière,  à  dégraissant  feldspathique.  Cette 
tête  est  figurée  à  i/3  grandeur  naturelle,  tandis  que  les  autres  pièces  le  sont 
aux  2/3. 

h.  Amaicha.  —  Tête  humaine.  Face  presque  plate;  yeux  et  bouche  pro- 
fondément creusés.  Cheveux  séparés  par  une  raie  au  milieu  et  peignés  sur 
les  deux  côtés,  comme  la  coiffure  des  Indiennes  actuelles  de  la  région.  Cette 
tête  a  servi  d'anse  à  un  vase  ou  à  une  écuelle.  Pâte  scmblal)le  à  celle  d(^  la 
pièce  précéflente. 

c.  Amaicha.  —  Mêmes  caractères  que  b. 

d.  Amaicha.  —  Tête  d'un  animal  monstrueux,  à  quatre  cornes  et  à  deux 
oreilles,  actuellement  cassées,  ainsi  que  les  pointes  (1(>  trois  des  cornes.  Nez 
aquilin;  lèvre  supérieure  fendue  au  milieu.  Celte  tête  était  placée  sur  la  paroi 
d'un  vase  de  o'"  008  d'épaisseur.  Pâte  grossière,  couleur  rose;  dégraissant 
contenant  du  mica. 

r.  Amaicha.  —  Tête  de  puma  qui  se  trouvait  en  relief  sur  un  vas(>.  Très 
analogue  aux  têtes  de  puma  cpie  l'on  rencontre  très  souvent  sur  des  vases 
péruviens,  principalement  sur  les  vases  dits  aijhalles,  dont  nous  traiterons 
longtemps  pages  2g5  et  suiv.  On  peut  parfaitement  suivre,  sur  les  ixilcrics 


120  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

de  Tiahuanaco,  la  transition  entre  les  te  tes  de  puma  modelées  d'une  ma- 
nière complète  et  naturelle  et  les  têtes  stylisées  dont  notre  figure  est  un 
exemple,  et  qui  ont  les  oreilles  et  la  bouche  simplement  indiquées  au 
moyen  de  dépressions  allongées.  Ces  têtes  de  puma  schématiques,  d'une 
forme  si  simple  et  si  caractéristique,  que  l'on  trouve  partout  dans  les 
limites  de  f ancien  empire  péruvien,  depuis  l'I^quateur  jusqu'à  la  République 
Argentine,  sont  une  preuve  indéniable  de  filiation  péruvienne  de  fart 
diaguile.  Cette  manière  si  originale  de  rendre  la  tête  du  puma  ne  peut  avoir 
été  inventée  séparément  dans  un  pays  et  dans  un  autre.  Pâte  grossière,  cou- 
leur rose. 

f.  «  Vallées  Calchaquies  »,  sans  indication  plus  précise  sur  la  provenance 
(pièce  obtenue  par  échange  avec  le  Musée  de  La  Piata).  —  Tête  d'un  ani- 
mal fantastique,  en  relief  sur  la  paroi  d'un  vase.  Yeux,  narines  et  bouche 
creusés  assez  profondément;  les  dents  marquées  j)ar  des  raies  creusées  dans 
les  lèvres.  Représente  peut-être  un  jaguar  et  ressemble  beaucoup  à  une  tête 
en  terre  cuite  provenant  de  Pampa  Grande  et  figurée  par  M.  Ambrosolti 
(30,  p.  i38).  La  tête  est  creuse,  d'une  pâte  grossière,  rouge;  dégraissant  feld- 
spathique  ;  recouverte  d'une  patine  calcaire  blanchâtre. 

g.  PoMAN  (Catamarca).  —  Tête  que  f  on  pourrait  prendre  pour  celle  d'un 
pécari  [Dicotyles).  Creuse,  presque  sphérique,  cette  tête  a  été  placée  en  reliel' 
sur  un  vase.  Le  museau  est  cassé.  Les  lignes  arquées  qui,  partant  des  oreilles, 
arrivent  au  museau,  représentent  peut-être  les  bandes  blanches  de  la  tète 
du  Dicotyles.  Pâte  fine,  jaunâtre. 

h.  Capayan  (Catamarca).  —  Tète  d'un  mammifère  dont  il  est  impossible 
de  définir  f  espèce.  En  relief  sur  un  vase.  Cette  pièce  est  celle  que  M.  Am- 
brosetti  (19,  p.  175)  a  décrite  et  figurée  comme  «  tête  de  chauve-souris  »;  mais 
il  n'existe  pas  de  chauve-souris  avec  un  museau  de  cette  forme.  Pâte  rou- 
geâtre,  grossière. 

i.  Santa  Maria  (Vallée  de  Yocavil).  —  Tête  de  lama  ayant  formé  l'anse 
d'un  vase  ou  d'une  écuelle.  Pâte  grisâtre,  grossière. 

/.  \inghina  (La  Rioja).  —  Tête  de  canard  reproduite  avec  beaucoup  do 
fidélité.  Ces  tètes  sont  très  communes  comme  anses  d'une  certaine  sorte 
de  petits  plats.  Nous  les  retrouverons,  plus  ou  moins  bien  modelées,  à 
Lapaya,  ficj.  28  g  et  29,  et  à  Pucarâ  de  Lerma,  fig.  4'J  a.  Pâte  rouge,  fine; 
cngobe  d'ocre  rouge. 

k.  Amaicha.  —  Tête  de  serpent ,  probablement  anse  d'un  vase.  Yeux  et 
bouche  bien  marqués;  derrière  les  yeux  sont  modelées  des  oreilles.  Pâte 
jaunâtre,  fine. 

/.  Cafayate  (Vallée  Calchaquie,  Province  de  Salta).  —  Tête  d'animal 
fantastique.  Paraît  avoir  été  placée  perpendiculairement  sur  le  bord  d'un 
vase,  comme  anse.  La  cavité  de  la  bouche  est  très  profonde;  sur  le  front  il  y 


REGION   DlAGllTE.  121 

a  trois  raies  horizontales.  L'envers  de  la  figure  est  plat.  Pâte  grossière ,  gri- 
sâtre et  dure;  dégraissant  contenant  du  mica;  engobe  d'ocre  rouge. 

m.  Santa  Maria.  —  Une  autre  tête  fantastique.  Il  est  difficile  de  savoir 
s'il  s'agit  d'une  tête  humaine  ou  de  celle  d'un  animal.  Sous  les  yeux  et  sous 
le  menton,  on  voit  des  raies  verticales;  le  nez  est  aquilin  et  très  prononcé. 
L'envers  de  la  figure  est  presque  plat,  modelé  sans  aucun  soin.  Cette  tête  a 
probablement  fait  partie  d'une  figure  entière,  car  le  cou,  à  l'endroit  de  la 
cassure,  est  trop  gros  pour  que  l'on  puisse  croire  qu'il  ait,  comme  dans 
la  précédente,  continué  le  bord  d'un  vase.  La  pièce  est  presque  identique  à 
une  tête  provenant  de  Pampa  Grande  et  publiée  par  M.  Ambrosetti  (30,  p.  9-, 
fig.  102).  Seulement,  dans  celle-ci,  manquent  les  raies  sur  le  menton.  Pâte 
assez  grossière,  couleur  rose. 

71.  PiPANACo  (Andalgalâ,  province  de  Catamarca).  —  Face  humaine, 
rappelant  beaucoup  certain  style  péruvien.  L'envers  est  légèrement  concave 
et  lisse,  sans  traits  gravés.  L'épaisseur  de  la  pièce  est  presque  uniforme  : 
o"'  ili  au  milieu,  s'amincissant  jusqu'à  o^ooS  aux  bords.  Cette  tête,  d'après 
ce  que  démontre  la  cassure,  a  fait  partie  du  bord  d'un  vase,  formant  un 
quadrilatère  irrégulier  qui  surpassait  ce  bord  dont  elle  formait  la  continua- 
tion vers  le  haut.  Pâte  fine,  jaunâtre;  dégraissant  contenant  des  grains  très 
fins  de  mica. 

0.  Amaicha.  —  Statuette  humaine,  plate,  de  o^oiB  d'épaisseur  sur 
g"'  o65  de  longueur  et  o'"  o35  de  largeur  maximum.  La  poitrine  et  le 
ventre  sont  légèrement  concaves,  les  mains  et  les  pieds  sont  indiquées  par 
un  certain  nombre  de  petites  incisions.  Pâte  assez  fine,  couleur  rose.  Trace 
de  peinture  noire  sur  le  front  et  le  ventre. 

p.  Amaiciia.  —  Statuette  humaine.  Les  bras  sont  rudimentaires,  mais  les 
jambes  sont  bien  développées.  La  jambe  droite  et  le  pied  gauche  manquent , 
la  pièce  a  été  cassée.  Un  trait  curieux  de  cette  petite  statuette,  ce  sont  deux 
tresses  de  cheveux  qui  pendent  devant  les  épaules.  L'envers  de  la  figure  est 
légèrement  concave.  Pâte  rouge,  fine. 

q.  «  Vallées  Calchaqliies  »,  sans  indication  plus  précise  sur  la  pro\enanre 
(pièce  obtenue  par  échange  avec  le  Musée  de  La  Plata).  —  Statuette  huniaine 
beaucoup  plus  grande  que  les  deux  précédentes  :  o'"  1  1  5  de  longueur.  Des 
lignes  indiquent  les  cheveux  peignés  des  deux  côtés  avec  une  raie  au  milieu. 
l^a  bouche  manque,  à  moins  qu'elle  n'ait  été  placée  sur  une  partie  du  men- 
ton qui  est  cassée.  Les  bras  sont  posés  sur  la  poitrine;  les  mains  et  les  doigts 
sont  bien  indiqués;  on  ne  voit  pas  les  doigts  de  la  main  droite,  car  celle 
partie  de  la  pièce  est  détériorée.  A  l'envers,  les  hanches  sont  indiquées  par 
des  parties  saillantes.  Pâte  assez  grossière,  couleur  rose. 

r.  MoLiNOS  (Vallée  Calchaquie,  province  de Salta).  —  Statuette  Immaine, 
les  mamelles  démontrent  le  sexe  li-tniniu.  Les  jambes  sont   tout  à  lait  rudi- 


122  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

mentaires  :  la  figure  n'est  pas  cassée  à  cet  endroit,  comme  on  pourrait  le 
croire.  A  l'envers  de  la  tête  sont  gravées  des  lignes  oblic{ues  et  une  raie  cen- 
trale indiquant  le  mode  de  la  coiffure.  Le  front  très  fuyant  de  cette  statuette 
comme  des  trois  précédentes  semble  représenter  la  déformation  artificielle 
du  crâne  dite  «  déformation  aymara  ».  Pâte  rouge,  très  fine. 

Les  fiisaïoles  en  terre  cuite  ornées  de  différentes  manières 
sorit  communes.  M.  Ambrosetti  (19,  p.  190-192)  et  M.  Lafone- 
Quevedo  (202,  pi.  vin  et  wi)  en  présentent  quelques  exemples. 

Des  objets  dont  la  présence  dans  la  région  diaguite  est  très 
intéressante  à  constater,  ce  sont  les  pipes.  M.  Ambrosetti  (19, 
p.  225-327)  en  donne  cinq  figures.  L'une  de  ces  pipes  est  en 
pierre,  trois  en  terre  cuite;  l'auteur  n'indique  pas  la  matière 
dont  est  faite  la  cinquième.  Deux  d'entre  elles  sont  de  Capayan 
(Catamarca),  deux  d'Amaicha  (Vallée  de  Yocavil,  partie  de 
Tucuman)  et  une  de  Los  Sauces  (La  Rioja).  Dans  le  nord 
de  l'Argentine ,  en  dehors  de  la  région  des  Diaguites ,  la  Mission 
Suédoise  a  trouvé  à  Palo  a  Pique  (Vallée  de  San  Francisco, 
Jujuy)  une  pipe  en  terre  cuite ,  à  long  tuyau  et  à  fourneau  per- 
pendiculaire, qui  a  été  reproduite  par  M.  Erland  Nordenskiold 
(262,  pi.  5,  fig.  1).  On  n'a  pas  rencontré  au  Pérou  de  pipes  du 
temps  préhispanique  ;  c'est  un  fait  connu  que  les  anciens 
Péruviens  ne  s'en  servaient  j)as.  Au  Brésil,  où  beaucoup  de 
tribus  sauvages  actuelles  fument  le  tabac  dans  des  pipes,  on 
en  a  trouvé  dans  des  tumulus  préhistoriques  à  Bahia  et  à  Sào 
Lourenço  (Rio  Grande  do  Sul),  d'après  le  D""  IL  von  Ihering 
(180,  p.  553).  M.  Médina  (234,  p.  209,  fig.  85,  87-91)  nous  fait  con- 
naître des  pipes  préhistoriques  du  Chili.  Le  D'"  Verneau  (368, 
p.  287,  fig.  63)  et  M.  F.-F.  Outes  (276,  p.  .463  eisuiv.)  en  décrivent 
plusieurs,  en  pierre,  de  la  Patagonie.  Celles-ci  ressemblent 
parfaitement  à  celles  du  Chili  et  aussi,  du  moins  comme  forme 
de  fourneau,  à  certaines  pipes  des  Araucans  modernes.  Il  est 
probable  qu'elles  proviennent  toutes  des  Araucans.  M.  von 
Ihering(177,  p.  80)  niait  autrefois  l'usage  des  pipes  avant  l'arrivée 
des  Européens  en  Amérique  du  Sud,  mais,  devant  les  pipes  de 
Bahia  et  celles  de  la  i-égion  diaguite,  il  a  changé  d'opinion.  Le 


Pl.  t. 


l'x'^iim   ili;i^uili'.    Sl.ililrllcs   liiimniili's  ri    li'lrs   <r;iiiiin,iii\    inoih 
(I,    1    ;'.  ;    A-r.    •.'   .')  lie   hi  i,'raii(lriir   ii:il  uni  le. 


■Il    Iri'CC   Cllllc 


REGION    DIAGUITE. 


123 


(listiof^iK»  arcliôologue  de  Sào  l\iulo  insinue  (180,  p.  563,  575)  que 
la  (lislril)ution  géographique  des  pipes  préhistoriques  et  cer- 
taines autres  analogies  entre  rarchéologie  des  vallées  interan- 
(lines  de  la  République.  Argentine  et  celle  du  Brésil  méridional 
démontrent  l'influence  de  la  civilisation  préhistorique  de  cette 
première  région  sur  celle  du  Brésil.  Pourquoi  ne  pas  admettre 
riiypothèse  inverse,  c'est-à-dire  que  l'habitude  de  fumer  avec 
des  pipes  aurait  été  introduite  du  Brésil  dans  la  région  diaguite 
et,  de  là,  peut-être  même  dans  la  Patagonie  et  au  sud  du  (Ihili? 
Je  décrirai  plus  loin  des  cimetières  des  Vallées  de  Lerma  et  de 
San  Francisco  qui  me  semblent  prouver  un  courant  migratoire 
tupi-guarani  du  Brésil  vers  la  partie  iuterandine  de  l'Argentine. 
La  distribution  géographique  des  pipes  sert  aussi  d'appui  à 
cette  thèse. 


Pierre  sculptée  et  taillée. —  Commençons  par  les  haches  en 
pierre.  La  Mission  Française  possède  une  trentaine  fie  haches 
de  la  région  diaguite  (provinces  de  Gatamarca  et  de  Salta, 
surtout  Vallée  de  Yocavil).  Je  reproduis, y?//.  5 ,  dix  spécimens 
de  cette  collection  que  j'ai  choisis  de  manière  à  représenter 
les  formes  et  les  dimensions  les  plus  communes.  Voici  les 
détails  de  leurs  dimensions  et  de  leurs  poids  : 


NUMÉHOS. 

LONG  UK  un. 

LAUGEUU 

MAXIMUM. 

ÉPAISSEUR 

MAXIMUM. 

POIDS. 

1 

■nilllin. 

i53 

12  1 

i38 
100 
170 

i/,r> 

1/.7 

121 

.nUIim. 

77 
62 

82 
7/. 
05 
/i/i 
/iC. 
72 

milliiii. 

5/, 
5G 
Ml 
58 

70 
60 
59 

3o 

52 

^raniinps. 

912 

775 

705 

5  5  9 

1,690 

1.12', 

1,00.4 

2  05 

22  1 

7/.3 

2 

3 

/| 

5 

0 

7 

H 

'J 

10 

Ces  haches  sont  faites  de  roches  (hircs  cl  lourdes,  <'u  gén(''ral 
des  ([uarlzites,  des  grès  ou  des  roches  gr;inili(pies.  Files  sont 


124  ANTIQUITES  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

assez  bien  polies.  Toutes  sont  bien  aiguisées,  leur  tranchant 
formant  biseau  atténué,  excepté  les  n"'  i  et  7.  Le  premier  de 
ces  deux  spécimens  ne  semble  jamais  avoir  eu  de  tranchant; 
c'est  plutôt  un  marteau  qu'une  hache.  Le  n°  7,  au  contraire, 
paraît  avoir  eu  un  tranchant,  qui  probablement  a  été  lésé  et 
émoussé  par  le  travail.  La  plupart  des  haches  en  pierre  de  la 
région  diaguite  présentent  le  tranchant  en  biseau,  comme  ceux 
de  nos  spécimens.  Quant  à  la  forme,  deux  de  nos  haches,  les 
n°'  4  et  10,  sont  plus  courtes  que  les  autres,  si  Ton  compare  la 
longueur  avec  la  largeur.  Ces  haches  courtes  ne  sont  pas  rares 
dans  la  région  diaguite,  quoique  moins  fréquentes  que  les 
haches  dont  la  longueur  est  environ  le  double  de  la  largeur. 
Les  petits  spécimens  n°^  8  et  9  semblent  trop  légers  pour  avoir 
été  employés  dans  un  but  pratique.  Peut-être  étaient-ce  des 
jouets.  Le  n**  9  présente  cette  particularité  que  le  revers  est 
plat,  la  rainure  n'existant  que  du  côté  qui  est  visible  sur  la 
figure. 

Toutes  ces  haches  sont  entourées  d'une  rainure  ou  gorge 
servant  à  fixer  le  manche.  Mais  la  "orse  ne  fait  le  tour  com- 
plet  de  toute  la  hache  que  dans  deux  spécimens,  le  n"  5  —  le 
plus  grand  —  et  le  n""  2.  Sur  les  autres,  la  rainure  comprend 
seulement  trois  côtés  :  elle  laisse  le  dos  de  la  hache  intact.  La 
première  catégorie  est  rare  au  pays  des  Diaguites;  presque 
toutes  les  haches  de  pierre  qu'on  y  a  rencontrées  sont  de  la 
deuxième  catégorie  :  ce  sont  les  haches  caractéristiques  de  la  ré- 
gion. Elles  sont,  en  général,  de  dimensions  semblables  à  celles 
des  spécimens  que  nous  avons  reproduits.  Les  renseignements 
sur  les  haches  de  pierre  n'abondent  pas  dans  la  littérature 
archéologique  de  la  République  Argentine,  et  les  reproductions 
sont  moins  nombreuses  encore.  M.  Moreno  (244,  p.  i5)  donne  la 
ligure  d'une  hache  à  gorge  entourant  toute  la  pièce,  provenant 
de  Singuil  (Gatamarca).  De  la  deuxième  catégorie,  à  gorge  in- 
complète, M.  Quiroga  (300,  p.  ii5)  reproduit  un  spécimen  qu'il 
a  exhumé  d'une  sépulture  à  La  Ciénega  (Tafi).  D'autres  haches 
de  cette  sorte,  provenant  de  Loma  Rica,  ont  été  représentées 


REGION  DIAGUITE.  125 

par  MM.  Liberam  et  Hernândez  (217,  pi.  xxi,  n"  3,4);  leurs  figures 
out  été  reproduites  par  le  D'"  F.  Ameghino  (32,  i,  pi. x,  fig.  3/|/|). 
liécemment,  M.  Anibrosetti  (30,  p.  ib-j)  a  publié  des  photogra- 
phies dViue  douzaine  de  haches  trouvées  à  Pampa  Grande  et  à 
Churcal  (Guachipas,  Salta).  La  plupart  ressemblent  beaucouj), 
comme  forme  et  comme  dimensions,  à  nos  spécimens  de  la 
deuxième  catégorie. 

Les  haches  dont  la  gorge  comprend  seulement  trois  côtés 
de  la  hache  peuvent  être  regardées  comme  typiques  pour  la 
région  diaguite.  Ce  type  est  rare,  même  exceptionnel,  dans  les 
autres  j)arties  de  FAméricpie  du  Sud,  tandis  cpie  les  haches 
d'autres  formes  sont  rares  dans  la  région  diaguite.  MM.  Stid3el 
et  Reiss  (340,  i,  pi.  i5,  fig.  i8,  19)  figurent  cependant  deux  haches 
de  notre  type  diaguite,  de  Riobamba  et  de  Quito.  En  Amé- 
rique du  Nord,  ce  type  se  trouve  surtout  dans  la  région  des 
Pueblos;  M.  Charles  C.  Abbott  (1,  p.  i3)  en  représente  aussi  un 
spécimen  du  New-Jersey,  et  M.  Holmes  (171)  plusieurs  spéci- 
mens des  environs  de  la  baie  de  Chesapeake,  mais  qui  diffèrent 
cependant  un  peu  de  notre  type.  En  Europe,  cette  forme  de 
hache  en  pierre  existe  aussi. 

Quelle  a  été  la  destination  de  ces  haches  en  pierre  «  néo- 
lithiques »,  de  formes  diverses,  mais  ayant  toujours  les  mêmes 
caractères  essentiels,  et  que  fou  rencontre  dans  le  monde 
entier,  partout  où  sont  découverts  les  vestiges  de  fhomme 
préhistorique?  Ce  problème  ne  peut  être  résolu  qu'en  étudiant 
les  peuples  actuels  qui  ne  connaissent  pas  les  outils  en  mêlai 
et  qui  se  servent  encore  de  haches  en  pierre.  Dans  TAmérique 
du  Sud,  quelques  voyageurs  ont  été  assez  heureux  de  pouvoir 
faire  des  observations  personnelles  sous  ce  rapport.  Le  pn^uiier 
(fenlre  eux  est  le  D'  Karl  von  den  Steinen  (335,  p.  88, 2o3).  Aux 
bords  du  Rio  Culisehu,  l'une  des  rivières  qui  forment  le  liio 
Xingù,  dans  le  nord  du  Matto  Grosso,  il  a  vu  de  vastes  éten- 
dues de  forêt  vierge,  dont  les  arbres  avaieni  élé  abattus  au 
moyen  de  haches  en  pierre,  comme  le  démontraient  les  traces 
(pie  ces  haches  avaient  laissées  sur  les  troncs  et,  d'autre  j)art, 


12(3  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

le  fait  que  les  haches  en  acier  étaient  complètement  inconnues 
autant  des  Bacaïris  qui  y  habitent  que  de  toutes  les  autres 
tribus  de  la  région  des  sources  du  Xingû.  M.  von  den  Steinen 
a  rapporté  des  haches  en  pierre  emmanchées,  provenant  de 
plusieurs  tribus  du  Matto  Grosso.  Ces  haches  étaient  faites  en 
diabase ,  roche  dure  et  lourde  qui,  dans  la  région  du  Culisehu, 
ne  se  trouve  que  dans  le  territoire  de  la  tribu  des  Trumais. 
Ceux-ci  détenaient,  par  conséquent,  le  monoj^ole  de  la  fabri- 
cation et  de  la  vente  des  haches  en  pierre  dans  toute  la  région 
des  rivières  qui  donnent  naissance  au  Rio  Xingù.  Suivant 
M.  von  den  Steinen,  les  Indiens  de  cette  région  exécutaient 
avec  ces  haches  tous  leurs  travaux  de  défrichement  de  la  forêt, 
de  construction  de  maisons  et  de  canots,  etc.  Le  D""  E.  A.  Gôldi 
(147)  décrit  d'une  manière  un  peu  différente  le  travail  avec  la 
hache  de  pierre,  d'après  des  renseignements  provenant  de  per- 
sonnes qui  connaissent  bien  les  Indiens  du  cours  supérieur  de 
FAmazone.  Suivant  ces  renseignements,  les  Indiens  formeraient 
d'abord  un  anneau  autour  de  l'arbre  qu'ils  ont  fintention 
d'abattre,  en  broyant  l'écorce  et  le  bois  avec  la  hache;  la  circu- 
lation de  la  sève  interrompue,  l'arbre  se  sèche  et  meurt.  L'in- 
cision annulaire  serait  alors  approfondie  au  moyen  de  la  hache , 
puis  on  y  appliquerait  de  nouveau  le  feu.  Le  travail  avec  la 
hache  et  avec  le  feu  serait  continué  alternativement  jusqu'à  ce 
que  farbre  tombe.  Le  baron  Erland  Xordenskiold  (264,  p.  282)  a 
recueilli  des  renseignements  analogues  à  propos  de  l'emploi 
de  la  hache  de  pierre  chez  les  Yamiacas  du  Rio  Inambari, 
l'un  des  affluents  du  Rio  Madré  de  Dios,  au  nord  du  lac 
Titicaca. 

Quoique  leurs  descriptions  varient  un  peu ,  ces  auteurs  nous 
ont  donné  la  solution  du  problème  concernant  la  destination 
des  haches  en  pierre  des  peuples  sud-américains  :  ces  haches 
étaient  sans  doute  surtout  des  outils  de  charj)enterie ,  pouvant 
aussi,  le  cas  échéant,  servir  d'armes. 

Pour  nous.  Européens,  il  est  difficile  de  nous  imaginer 
comment  on  pouvait  travailler  le  bois,  spécialement  les  bois 


^ 


>t^ 


Fig.   Ô.  ■ —   l'x'i^ioli    (li.i^'iiilr.    IImcIm's   ni    |iicn-c.     —   a/ô  i;i'.   liai. 


REGION  DIAGUITE.  127 

durs  de  rAiiiérique  du  Sud,  avec  des  instruments  aussi  peu 
tranchants,  mais  nous  devons  nous  déclarer  convaincus  devant 
les  renseignements  des  voyageurs  que  nous  avons  cités.  Quant 
à  nos  haches  de  la  région  diaguite,  la  description  de  celles  du 
Matto  Grosso,  par  M.  a  on  den  Steinen,  est  spécialement  inté- 
ressante ,  car  les  haches  diaguites  ont  en  général  à  peu  près  les 
mêmes  dimensions  que  celles  du  Xingù  :  la  longueur  de  ces 
dernières  est  de  o"'ii  à  o'°i2,  et  la  longueur  générale  des 
haches  diaguites,  de  o'"i2  à  o"'i5.  Les  unes  et  les  autres  se 
ressemhlent  aussi  parfaitement,  et  comme  forme  générale,  et 
comme  tranchant  et  comme  matière.  Seulement  les  haches  du 
Xingu  n'ont  pas  de  gorge,  ce  qui  indique  une  méthode  diffé- 
rente d'emmanchement  pour  les  haches  diaguites.  Mais  fana- 
logie  générale  de  celles-ci  avec  celles  que  décrit  M.  von  den 
Steinen  démontre  que  les  haches  de  la  région  diaguite  étaient 
aussi,  avant  tout,  enq:)loyées  pour  travailler  le  ])ois. 

M.  Amhrosetti  (19,  p.  iGSetsuiv.)  hgure  huit  haches  en  ])ierre 
de  forme  exceptionnelle.  Quelques-unes  ne  sont  pas,  étant  don- 
nées leurs  petites  dimensions,  d'un  usage  pratique;  elles  ont  dû 
prohablement  être  des  insignes  ou  peut-être  des  jouets.  Deux 
d'entre  elles  sont  ornées  de  figures  humaines  sculptées  sur  le 
talon.  M.  Lafone-Quevedo  (202,  pi.  m)  donne  aussi  les  figures 
de  deux  haches  de  pierre  à  talon  sculpté. 

Les  pointes  de  flèches  en  roches  siliceuses  sont  communes 
dans  la  région  des  Diaguites,  mais  aucun  auteur  ne  s'est  oc- 
cupé de  les  décrire,  et  cependant  les  différentes  formes  de  ces 
petites  pointes  peuvent  souvent  donner  des  indications  pré- 
cieuses sur  l'âge  relatif  des  ruines  où  elles  ont  été  trouvées  et 
sur  les  rap])orts  des  anciens  habitants  de  ces  ruines  avec  ceux 
d'autres  villages  préhispaniques  voisins.  Les  indications  2:)récises 
manquent  sur  la  provenance  de  presque  txmtes  les  |)()inles 
de  flèche  des  collections  de  Bu(uios-Air(\s.  D(^  sa  colleclion 
d'objets  en  pierre,  M.  E.  IL  Ciiglioli  (144,  p.  ■i/r?.)  mentionne  six 
jDointes  en  silex,  dont  une  pédonculée  et  les  cinq  autres  sans 


128  ANTIQUITÉS  DE  LA  REGION  ANDINE. 

pédoncule,  provenant  de  Cochagasta,  près  de  la  vilie  de  La 
Rioja,  et  de  Vargas,  au  pied  de  la  Sierra  de  Malanzan,  égale- 
ment dans  la  province  de  La  Rioja. 

Les  anciens  habitants  de  la  régfion  diai>uite  étaient  très  ha- 
biles  dans  l'art  de  sculpter  la  pierre.  On  trouve  de  vrais  chefs- 
d'œuvre  dans  ce  genre,  surtout  des  mortiers  ou  bassins  en 
pierre,  ornés  de  lézards  et  de  grenouilles  ou  crapauds  sculptés, 
admirablement  rejDroduits  d'après  nature.  Sans  exagérer,  on 
peut  dire  que  la  région  diaguite  n'a  rien  à  envier  aux  anciens 
Péruviens  dans  cet  art  ;  on  y  voit  des  pièces  dont  le  Pérou  pour- 
rait à  peine  montrer  l'équivalent.  Les  meilleures  pièces  ne  sont 
pas  parvenues  aux  collectionneurs  de  Buenos -Aires;  elles 
sont  gardées  dans  le  pays,  et  leurs  propriétaires  ne  veulent 
les  céder  à  personne.  Dans  certaines  églises  de  la  campagne  de 
Catamarca,  j'ai  vu  de  ces  bassins  en  pierre  sculptée  employés 
comme  fonts  baptismaux  ou  comme  bénitiers.  Dans  l'église  de 
Bolson,  département  d'Ambato,  en  Catamarca,  il  y  avait  une 
très  jolie  pièce  de  ce  genre.  Je  fis  de  mon  mieux  pour  con- 
vaincre le  curé  qu'un  objet  aussi  païen,  provenant  des  infieles, 
n'était  pas  à  sa  place  dans  ime  église  chrétienne;  mais  mon 
éloquence  n'eut  pas  de  succès.  Le  bon  curé  ne  voulut  à  aucun 
prix  se  défaire  de  ses  fonts  baptismaux  qui  étaient  ornés  sur  les 
l^ords  de  trois  lézards  admirablement  sculptés.  MM.  Liberani 
et  Hernândez  (217,  pi.  25)  figurent  un  mortier  en  pierre  sculptée 
de  Loma  Rica(.^).  Leur  dessin  a  été  reproduit  par  M.  Ameghino 
(32, 1.  pi.  M,  fig.  3/lG).  M.  Lafone-Quevedo  (202,  pi.  i\-\i)  rej^résente 
trois  autres  mortiers  sculptés  d'Andalgalà,  dont  fun  ressemble 
comme  décor  à  celui  de  MM.  Liberani  et  Hernândez.  M.  Am- 
])rosetti  (19,  p.  95-98)  en  figure  six;  M.  Quiroga  (299,  p.  329-000) 
deux,  dont  fun  est  orné  de  quatre  figures  sculptées  dans 
lesquelles  fauteur  veut  voir  des  «  figures  phalliques  » ,  mais  qui 
ressemblent  très  nettement  cà  des  cigales.  L'autre  pièce,  repré- 
sentant un  lama,  ne  doit  pas  être  considérée  comme  un  mortier  : 
c'est  sans  doute  un  de  ces  petits  lamas  en  pierre  ayant  un  creux 
dans  le  dos,  très  communs  au  Pérou,  et  qui  probablement  ont 


REGION  DIAGUITE.  129 

servi  pour  des  cérémonies  religieuses.  Je  ne  crois  pas  que  cette 
pièce  provienne  de  la  «  région  calchaquie  »;  elle  y  a  plutôt  été 
importée  du  Pérou.  On  peut  la  rapprocher  des  illas,  dont  nous 
parlerons  ensuite. 

Les  petites  figures  humaines  en  pierre  sculptée  sont  très 
fréquentes.  Parmi  ces  «idoles»,  de  formes  les  plus  variées  et 
souvent  très  fantastiques,  M.  Ambrosetti  (19,  p.  3i-/i:i,  ii3,  120, 
201, 219, 221-22/i)  et  M.  Lafone-Quevedo  (202,  pi.  x)  en  publient 
une  vingtaine.  Le  premier  les  appelle  quelquefois  «idoles», 
d'autres  fois  «  fétiches  » ,  «  amulettes  d'amour  » ,  etc.  M.  Quiroga , 
dans  divers  travaux,  reproduit  quelques-unes  de  ces  figures. 
M.  ten  Kate  (342,  p.  345)  figure  aussi  une  intéressante  petite 
statuette,  de  Molinos.  Leur  provenance  est  très  diverse  :  depuis 
la  province  de  Salta,  au  Nord,  jusqu'à  celle  de  La  Piioja,  au 
Sud.  Les  auteurs  qui  ont  étudié  farchéologie  argentine,  parti- 
culièrement MM.  Quiroga  et  Ambrosetti,  prétendent  voir  dans 
])eaucoup  de  ces  ligures  des  représentations  phalliques,  rémi- 
niscences d'un  culte  phallique.  H  y  a  sans  doute  de  rares  objets, 
surtout  en  pierre,  auxquels  leurs  auteurs  ont  donné  intention- 
nellement la  forme  d'un  phallus,  mais  de  là  à  considérer  une 
statuette  comme  une  «  idole  phallique  »  parce  qu'on  y  voit  les 
organes  génitaux,  ce  n'est  guère  raisonnable.  Presque  tous 
les  peuples  sauvages,  p)lusieurs  peuples  d'une  haute  civilisation 
même,  ont  une  autre  conception  de  la  pudeur  que  nous,  et 
ils  trouvent  tout  naturel  d'indiquer  sur  les  images  ces  organes 
aussi  bien  que  les  autres  organes  du  corps.  D'ailleurs,  en  ce  qui 
concerne  les  pièces  en  pierre  sculptée,  uiainles  fois  la  forme 
naturelle  de  la  pierre  roulée,  choisie  pour  fœuvre  artisti([U(', 
a  obligé  le  sculpteur  à  donner  sans  le  vouloir  un  aspect  «  j)1kiI- 
lique  »  à  sa  création  qui  n'avait  pourtant  dans  son  dessein  d'autre 
but  que  de  représenter  un  homme  ou  un  animal  quelconque. 

Le  tatou,  cjuircjuincho  dans  le  pays  (^Dasyjms  minuliis,  Desmar.) , 
est  très  souvent  représenté  en  pierre,  quelquefois  avec  un  cicux 
dans  le  ventre  formant  ainsi  un  petit  mortier.  M.  And^ro- 
setli  (19,  p.  i()(j)  donne  les  figures  de  trois  (inirriuinrhos  en  ])i(M-re 


130  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

provenant  de  Catamarca  et  de  Vinchina  (La  Rioja).  Le  même 
auteur  (19,p.  i63)  représente  un  curieux  objet  composé  de 
deux  animaux  monstrueux  s'étreignant,  dont  Tun  paraît  un 
(imrcjuincho  par  sa  carapace,  mais  un  alligator  par  sa  tête  et  ses 
dents.  M.  Lafone-Quevedo  (202 ,  pi.  xvm)  présente  une  très  bonne 
figure  d'un  tatou  sculj^té  en  pierre,  de  Poman  (Catamarca), 
ayant  dans  le  ventre  une  cavité  qui  communique  avec  un  canal 
se  terminant  à  la  pointe  de  la  queue.  L'auteur  considère  cette 
pièce  comme  une  pipe,  ce  qui  me  paraît  vraisemblable,  bien 
que  ce  grand  ciiùrcjuincho  en  pierre  ait  dû  être  lourd  et  peu 
facile  à  manier.  Qo,  cjiuromncho  a  une  certaine  analogie  avec  des 
pierres  sculptées  enigmatiques,  traversées  par  des  canaux,  que 
publie  M.  C.  Gay  (142,pl.  i,%.  3,  5).  Le  tatou  sculpté  de  Poman 
serait  un  nouvel  exemj^laire  de  pipe  en  pierre  de  la  région  dia- 
guite.  J'ai  déjà  mentionné  une  autre  t^ipe  en  pierre  figurée  par 
M.  Ambrosetti  (19,  p.  225).  Le  (juircjaincho  jouait  certainement  un 
rôle  dans  les  superstitions  ou  dans  les  anciens  rites  du  pays  des 
Diaguites.  M.  ten  Kate  (342,  p.  342)  a  trouvé,  à  Fuerte  Quemado, 
un  squelette  complet  de  Dasypiis  miniUiis  dans  une  urne  funé- 
raire contenant  un  squelette  d'enfant.  L'urne  était  parfaitement 
boucbée  par  une  petite  écuelle;  le  Dasypiis  y  avait  donc  été 
introduit  par  ceux  qui  avaient  enterré  fenfant  :  il  n'était  pas 
entré  dans  Furne  à  une  époque  postérieure. 

On  rencontre  souvent  des  objets  en  pierre  représentant  des 
animaux  entiers  ou  simplement  leurs  têtes,  mais  sans  qu'il 
soit  possible  de  reconnaître  fanimal  figuré.  Quelquefois,  sans 
doute,  le  sculjDteur  a  imaginé  un  être  tout  à  fait  fantastique, 
mais  d'autres  fois  la  forme  et  la  dureté  de  la  pierre  l'ont  obligé 
à  donner  un  aspect  bizarre  à  l'objet  qu'il  voulait  imiter.  Les 
objets  en  pierre  particulièrement,  mais  aussi  ceux  modelés 
en  céramique,  ont  souvent  leurs  extrémités  raccourcies,  dé- 
formées, atropliiées.  M.  Ambrosetti  (19,  p.  80,  126,  170,  19/i,  200-201, 
2o/i-2o5)  présente  une  dizaine  de  sculptures  en  pierre  difficiles 
à  interpréter;  plusieurs  d'entre  elles  figurent  des  animaux 
fantastiques. 


REGION  DIAGUITE.  131 

Un  masque  en  pierre,  le  seul  connu  de  toute  la  région  dli- 
guite,  trouvé  à  Fuerte  Queniado  (Santa  Maria),  est  reproduit 
par  M.  Quiroga  (304,  p.  7). 

M.  Ambrosetti  (19,  p.  190,  192)  donne  les  figures  de  cinq  lu- 
saïoles  en  pieri-e,  ornées  de  gravures  plus  ou  moins  conqoli- 
quées.Deux  fusaïoles  grossières,  sans  décor,  sont  figurées  dans 
un  autre  travail  du  même  auteur  (30,  p.  ir)o,fig.  i5o,  n"'4,5).  Les 
fusaïoles  en  pieri-e,pour  la  plupart  en  forme  de  disque,  sont 
communes. 

Sur  les  emplacements  d'anciennes  lial)itations  de  la  région 
diaguite,  on  trouve  souvent  des  petites  pierres  sphéroïdales, 
oblongurs  ou  fusiformes,  d'un  travail  plus  ou  moins  achevé. 
M.  Ambrosetti  (30,  p.  i5o,  i53)  reproduit  quelques-unes  de  ces 
pierres,  provenant  de  Pampa  Clrande.  Il  explique  les  pierres 
oblongues  et  fusiformes  comme  des  projectiles  destinés  à  être 
lancés  avec  la  fronde,  ce  qui  ne  me  paraît  pas  possible,  car  on 
ne  se  serait  pas  donné  tant  de  peine  pour  fabriquer  des  pro- 
jectiles qui  ne  servent  qu'une  seule  fois.  La  forme,  d'ailleurs, 
n'est  pas  avantageuse  pour  la  fronde.  Des  pierres  de  cette  forme 
existent  dans  les  gisements  archéologiques  de  beaucoup  de 
l'égions  dans  le  monde  entier,  et  l'on  n'est  pas  encore  arri\é  à 
donner  une  explication  satisfaisante  de  leur  usage.  Les  pierres 
sphériques  ont  probablement  fait  partie  des  armes  nommées 
boleadoras. 

Les  auteurs  se  sont  rarement  occupés  de  constater  la  pré- 
sence des  petites  perles,  presque  toutes  faites  de  turquoises  ou 
d'autres  minéraux  verts,  si  abondantes  (huis  loute  la  région. 
Récemment  M.  Ambrosetti  (30,  p.  37  et  i5o,  n^,'.  i5o,  n"  1)  a  publié  la 
figure  d'un  collier,  qui  est  intéressant,  parce  qu'il  a  été  trouvé 
en  place  autour  du  cou  d'un  enfant ,  à  Pampa  Grande.  De  petites 
pendeloques  perforées,  triangulaires  ou  en  forme  (faniniaux, 
faites  de  la  même  matière,  accompagnent  très  souvent  les  perles 
qui  ont  dû  former  des  colliers.  M.  Ambrosetti  (19,  p.  :>.oi ,  uo^) 
ligure  cin([  de  ces  pendeloques  dont  trois  en  forme  d'oiseaux 
eluneaulre  i-ej)i-ésenl<'iiil  un   niamniilérc.  M.  Lidonc  (hievedo 

y- 


132  ANTIQUITÉS  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

(202,  pi.  xvii)  en  donne  deux  autres,  de  forme  triangulaire. 
D'autres  petits  objets  en  pierre  taillée,  qui  n'étant  pas  per- 
forés ne  sont  peut-être  pas  des  pendeloques,  sont  figurés  par 
M.  Lafone-Quevedo  (202,  pi.  xvi). 

On  trouve  souvent  en  possession  des  métis  habitant  ac- 
tuellement la  région  diaguite  de  petites  figures  sculptées  en 
pierre  blanche.  Ces  figurines,  dites  illas,  représentent  des  ani- 
maux domestiques  :  des  lamas,  des  moutons,  des  bœufs.  Ce 
sont  des  talismans  jDOur  protéger  les  troupeaux  contre  toutes 
sortes  de  dangers  et  pour  favoriser  leur  reproduction.  Une  autre 
illa,  assez  fréquente,  consiste  dans  une  main  fermée  qui  em- 
paume  un  objet  en  forme  de  petit  bâton.  Quelquefois  il  y  a  un 
cercle  gravé  à  fin  té  rieur  de  la  main  et  représentant  une  pièce 
de  monnaie.  Cette  main,  dite  mcicjui,  est  considérée  comme  un 
précieux  talisman  pour  acquérir  la  fortune  et  faire  de  bonnes 
affaires.  M.  Ambrosetti  (19,  p.  67-68,  76)  donne  les  figures  de  ces 
deux  sortes  (ï illas  provenant  de  la  région  diaguite,  et  aussi 
d'une  autre  sorte  de  forme  triangulaire,  que  j'ai  vue  en  usage 
en  Salta,  mais  sans  avoir  pu  m'instruire  des  vertus  qu'on  lui 
attribue.  M.  Lafone-Quevedo  (190)  a  voulu  identifier  ces  illas 
avec  certaines  figurines  des  Zunis  du  Nouveau -Mexique. 
Ce  dernier  paraît  croire  que  les  illas  en  question  sont  des 
produits  de  findustrie  ancienne  ou  moderne  de  la  région 
diaguite.  M.  Ambrosetti  exprime  la  même  opinion  dans  fou- 
vrage  cité,  mais  dans  un  autre  travail  il  dit  que  les  illas  sont 
importées  de  la  Bolivie.  Celles  que  Ton  trouve  dans  la  Répu- 
blique Argentine  sont,  en  effet,  toujours  fabriquées  en  Bo- 
livie, par  certains  Indiens  Aymaras,  dits  C allai luay as ,  et  qui 
habitent  les  villages  de  Charazani  et  de  Curva,dans  la  province 
de  Munecas,  au  nord- est  du  lac  Titicaca.  Ces  Indiens  font  de 
longs  voyages  commerciaux  dans  les  pays  voisins;  ils  arrivent 
quelquefois  k  pied  jusqu'à  Buenos -Aires  en  vendant  le  long 
du  chemin  leurs  marchandises  consistant  en  herbes  médici- 
nales, en  remèdes  secrets  et  en  talismans  de  toutes  sortes. 
J'ai  vu  personnellement  à  Salta  les  illas  que  possédait  dans  son 


nE(]iON   DIAGUITK.  133 

sac  fie  voyage  un  de  ces  Indiens,  dénommés  vulgairement 
dans  TArgentine  des  Collas.  D'autres  membres  de  la  Mission 
Française  ont  acquis  des  Aymaras,à  la  grande  foire  de  Copa- 
cabana  (Titicaca),  des  illas  identiques  à  celles  que  vendent 
les  Collas  dans  la  République  Argentine.  MM.  Stûbel  et  lieiss 
(340,  II,  pi.  27,  fig.  16,  17)  figurent  deux  de  ces  illas,  une  main  et 
un  mouton,  provenant  de  La  Paz.  On  en  fabrique  aussi  au 
Pérou.  M.  Wiener  (377,  p.  578)  rapporte  que  les  Indiens  d'Aya- 
cucho  «sculptent,  dans  la  jolie  pierre  de  Huamanga,  espèce 
d'albâtre  blanc  et  transparent,  des  lamas,  des  moutons,  etc.  ». 
M.  Wiener  donne  la  figure  d'un  de  ces  moutons.  Le  mot  illa 
est  quicliua  et  signifie  au  Pérou  lesbézoards  de  divers  animaux 
considérés  par  les  Indiens  comme  des  talismans  puissants.  Le 
même  mot  illa,  comme  adjectif,  signifie  «vieux»,  «conservé 
pendant  longtemps».  Dans  l'Argentine,  illa  veut  dire  «talis- 
man» ou  «mascotte»  en  général.  M.  Ambrosetti  donne,  dans 
les  travaux  cités,  une  liste  des  différentes  catégories  (Villas. 

Dans  la  collection  de  la  Mission  Française  se  trouvent  deux 
spécimens  d'une  sorte  de  barres  en  pierre,  presque  cylindri- 
ques, que  je  reproduis^?^.  4  [PLU).,  car  aucune  de  ces  pièces 
n'a  jamais  été  publiée.  La  première  de  ces  barres,  en  baut  de 
la  figure,  a  o'^Sô/i  de  longueur  et  0^046  à  o™o35  de  dia- 
mètre; la  seconde  a  ©""ôiô  de  longueur  et  o"o/i2  à  o^oSy  de 
diamètre.  La  plus  courte  a  été  trouvée  à  Andalgalâ,  dans  les 
mines  de  Las  Capillitas,  exploitées  depuis  le  temps  préliis- 
panique.  L'autre  a  été  acquise  par  échange  avec  le  Musée  de 
La  Plata  et  porte  seulement  findication  «Vallée  Calcbaquie  » 
comme  provenance.  J'ai  entendu  dire  à  des  personnes  connais- 
sant bi(;n  la  région  diaguite  que  ces  pièces  se  renconli-cnl 
toujours  dans  d'anciennes  mines.  H  est  fort  proba])le  que  ces 
instruments  étaient  employés  dans  les  mines  préliispaniques, 
bien  qu'il  soit  difficile  de  s'imaginer  dans  quel  but.  Ces  bâtons 
en  pierre  sont  presque  trop  fragiles  pour  avoir  servi  de  leviers 
ou  pour  avoir  été  employés  comme  les  mèches  ou  fleurets 
d'aujourd'hui. 


134  ANTIQUITFÎS  DE  LA.  RÉGION  ANDINE. 

Métaux.  —  Les  objets  en  or  et  en  argent,  du  temps  préhis- 
iDaniqiie,  sont  rares  clans  la  région  diagnite. 

En  or,  je  ne  connais  que  les  ornements  de  tète  de  Lapaya, 
dont  quelques-uns  ont  été  décrits  par  M.  Ambroselti  (22,  p.  i?.i  ), 
et  d'autres,  dans  le  présent  travail ,  page  2  1 8  etfi(j'  13.  Mais  ces 
objets  sont  trj^  vraisemblablement,  comme  je  l'exposerai  en 
les  décrivant,  d'origine  péruvienne.  Comme  argent,  je  ne 
trouve,  parmi  tous  les  objets  figurés  par  M.  Ambrosetti,  qu'une 
petite  plaque  (19,  p.  201)  provenant  d'Encalilla  (Tucuman).  Un 
renseignement  de  M.  Quiroga  (295,  p.  506)  semble  pourtant  dé- 
montrer que  les  anciens  liabitants  de  la  région  diaguite  exploi- 
taient l'argent  natif  qui  se  trouve  dans  bur  pays.  M.  Quiroga  a 
recueilli,  à  Rio  del  Inca  (Tinogasta) ,  un  spécimen  de  ce  métal, 
placé  dans  une  petite  écuelle  qui  était  renfermée  dans  une 
urne  contenant  des  os  bumains.  Le  P.'I'cclio  (341;  1. 1,  c.  xix;  p.  i5), 
en  parlant  des  métaux  des  Calcliaquis,  mentionne  l'argent  et 
le  cuivre,  mais  non  pas  l'or  :  jEris  et  arcjcnli,  cjiio  non  carcnl, 
exujiiiis  nsus. 

Le  cuivre  est  fréquent.  M.  Ambrosetti  (29)  a  réuni  dans  l'un 
de  ses  derniers  travaux  toutes  les  figures  d'objets  de  cuivre  de 
la  région  diaguite,  publiées  jusqu'en  i9o4-  Ce  travail  est  un 
recueil  très  complet  de  ce  que  l'on  conn:iit  sur  le  cuivre  de 
cette  région.  11  contient  les  catégories  suivantes  :  poinçons, 
couteaux,  ciseaux,  liacbes  à  oreilles,  baclies  plates  rectangu- 
laires emmancbées  comme  nos  berminettes,  spatules,  liacbes 
à  pédoncule  central  (les  tuniis  d'Ambrosetti) ,  aiguilles,  tojws, 
bagues,  bracelets,  plaques  diverses  et  objets  de  parure,  clo- 
cbettes,  épiloirs,  petites  boules  de  formes  variées,  casse-tète, 
«  baclies  de  cérémonie  » ,  «  sceptres  » ,  manopîas  (sortes  de  cestes), 
cloches,  plaques  «pectorales  et  frontales»,  disques.  Dans  le 
présent  travail  sont  décrits  des  objets  de  la  plupart  de  ces 
catégories,  trouvés  pendant  mon  voyage  ou  provenant  de 
Lapaya. 

Le  cuivre  est  presque  toujours  allié  à  une  petite  quantité 
d'étain,  comme  le  montre  notre  tableau  d'analyses.  M.  Am- 


REGION  DIAGUITE. 


135 


brosetti,  pour  celte  raison,  nomme  ce  métal  du  «bronze». 
Mais  ce  terme  est  généralement  employé  pour  désigner  un 
alliage  où  il  y  a  environ  lo  p.  loo  d'étain.  Or  la  plupart  des 
pièces  sud-américaines  en  contiennent  beaucoup  moins.  Je 
préfère  donc  conserver  le  nom  de  «  cuivre  ». 

11  n'existe  presque  aucun  renseignement  sur  les  mines  dont 
l'exploitation  date  authentiquement  de  l'époque  préhispa- 
nique. Celles  que  cite  M.  Ambrosetti  sont  d'un  âge  très  dou- 
teux. Les  seuls  vestiges  authentiques  de  l'industrie  minière 
préhispanique  sont  les  marays  et  les  débris  de  hiiairas  que 
j'étudierai  plus  loin,  à  propos  des  anciennes  mines  de  Cobres, 
sur  le  haut  plateau  de  la  Puna.  Il  est  presque  certain  que  tout 
le  cuivre  de  la  région  diaguite  a  été  fondu  dans  des  huairas, 
comme  le  cuivre  du  Pérou.  Les  minerais  d'argent  étaient  aussi 
fondus  dans  cette  sorte  de  fourneaux.  Quant  à  l'or  et  l'argent 
natifs,  peut-être  employait-on  la  méthode  que  décrit  Gieza 
(101,  c.  Gxiv,  p./i52),  suivant  lequel  les  Indiens  fondaient  ces  métaux 
dans  de  petits  fours  en  terre  cuite,  où  ils  soufflaient  avec  des 
chalumeaux.  Benzoni  (58,  fol.  /tg,  169)  donne  deux  figures  repré- 
sentant des  Indiens  fondant  de  for  dans  une  écuelle  où  ils 
soufflent  avec  des  chalumeaux  ^'l 

Presque  tous  les  objets  en  cuivre  ont  leurs  équivalents  parmi 


(''  M.  Ambrosetti  (30,  p.  i33)  décrit  un 
objet  énigmatique  provenant  de  Pampa 
Grande  (Salta),  sorte  de  capsule  fermée  en 
terre  cuite ,  d'environ  o""  2  3  de  diamètre  et 
o"'  1 5  de  hauteur  maximum.  Cette  capsule 
ne  présente  d'autres  ouvertures  que  quatre 
trous  circulaires  de  o'"02  5  de  diamètre. 
Quoiqu'il  n'y  ait  pas  de  traces  que  la  pièce 
ait  été  soumise  au  feu,  M.  Ambrosetti  sup- 
pose que  c'est  un  creuset  pour  fondre  des 
métaux,  notamment  du  enivre,  ce  qu'il  est 
fort  dillicile  de  comprendre,  car  la  mani- 
pulation de  cette  capsiJe  avec  son  contenu 
de  métal  fondu  semble  impossible.  En  tout 
cas,  s'il  s'agit  en  efl'et  d'une  sorte  de  creu- 
set, il  n'aurait  certainement  servi  que  pour 
fondre  des  métaux  purs,  jamais  des  mi- 


nerais, et  l'air  y  aurait  été  introduit  au 
moyen  de  chalumeaux.  xMais  l'auteur  sup- 
pose encore  que  c'est  une  hiiaira  que  l'on 
plaçait  sur  les  collines  pour  que  le  vent 
entrât  par  les  trous  et  fournit  ainsi  l'air 
nécessaire  pour  Ibndre  le  minerai.  Ceci  est 
absolument  impossible.  Nous  connaissons 
les  huairas,  dont  je  reproduis  plus  loin  la 
figure  d'après  le  P.  Barba.  Quelle  ressem- 
blance peut-on  trouver  entre  ces  fourneaux 
et  la  poterie  que  décrit  M.  Ambrosetti  ? 
D'ailleurs, comment  pourrail-on  s'imaginer 
que  les  Indiens  eussent  construit  un  four- 
neau de  dimensions  si  minimes  pour  le 
mettre  sur  le  sommet  d'une  montagne 
afin  que  le  vent  fit  fondre  le  minerai  (pi'il 
contenait? 


136  ANTIQUITÉS  DE  LA  REGION  ANDINE. 

ceux  découverts  au  Pérou.  S'il  y  avait  des  objets  spécifiques  de 
cette  dernière  région,  ce  seraient  les  manoplas,  les  cloches  et  les 
disques.  Les  manoplas  sont  une  sorte  de  cestes,  adaptables  à 
la  main  et  pouvant  être  employées  comme  les  coups  de  poing- 
nord-américains  modernes,  en  fer.  Elles  se  composent  d'une 
partie  droite,  plane  et  relativement  étroite,  sans  ornements, 
destinée  à  être  saisie  par  la  main ,  à  suj)poser  toutefois  que  la 
manopla  était  prise  comme  ces  coups  de  poing.  L'autre  partie 
de  finstrument,  celle  qui,  dans  ce  cas,  devait  couvrir  fexté- 
rieur  de  la  main,  est  plus  large,  courbée,  bien  polie;  trois 
exem23laires  sur  huit  connus  sont  pourvus  de  petits  perroquets, 
formant  une    sorte   de    boutons,    qui    correspondraient   aux 
pointes  que  Ton  voit  à  f  extérieur  des  couj)s  de  poing  nord- 
américains.  Sur  le  côté  du  petit  doigt,  les  manoplas  ont  toutes 
des  appendices  qui,  toujours  dans  le  cas  où  elles  étaient  des 
armes,  pouvaient  être  employés  pour  donner  des  coups  en 
levant  la  main.  M.  Lafone-Quevedo  (200),  se  basant  sur  des 
passages  de  Cobo  et  d'Acosta,  prétend  expliquer  ces  manoplas 
comme  attributs  tenus  en  main  pendant  certaines  prières  au 
dieu  Huiracocha;  mais  cette  explication  ne  me  jDaraît  pas  fon- 
dée sur  des  raisons  satisfaisantes.  M.  Ambrosetti  (29,p.  25i-256) 
donne  les  figures  des  huit  manoplas  de  la  région  diaguite.  Elles 
proviennent  de  Salta  et  de  Catamarca.  M.  D.  S.  Aguiar  (6,  p.  A9) 
en  reproduit  une  autre,  provenant  du  département  d'Igiesia,en 
San  Juan.  Jusqu'ici  on  ne  connaissait  pas  fexistence  de  ces 
manoplas  dans  d'autres  régions  de  fAmérique  du  Sud,  mais 
au  Congrès  international  des  Américanistes  tenu  à  Stuttgart 
en  août  190^,  j'ai  vu  entre  les  mains  du  D""  A.  Plagemann,  de 
Hambourg,  une  manopla  typique  qu'il  avait  trouvée  à  Taltal, 
sur  la  côte  du  Pacifique ^^l 

On  connaît  une  dizaine  de  cloches  en  cuivre  de  la  forme  de 

'"'  Ayant  mal  interprété  les  renseigne-  Brouce  en  la  Rcrjioii  CalcJuui ni,  ^a.v  i.-B.  Am- 

ments  de  M.  Plagemann,  j'ai  donné  na-  nnosioTTi,  dans  le  Journal  de  la  Société  des 

guère  cette  m«nop/a  comme  trouvée  dans  Aniéi-icaiiislca    de    Pari<; ,   n.    série,    t.    Il, 

la  province  de  Tarapacâ,  alors  quelle  a  p.  i5i,  njoT)). 
été   rencontré   à  Taltal    (Analyse   de   El 


REGION  DIAGUITE.  i;i7 

celle  de  Lapava,y?</.  là  a-d,  la  plupart  trouvées  dans  la  Vallée 
Calchaquie.  Des  cloches  de  cette  Ibrme,  en  métal,  n'ont  pas 
encore  été  rencontrées  hors  de  la  rég^ion  dont  nous  nous  occu- 
pons, mais  la  cloche  en  bois  de  Calama,  de  cette  même  forme  si 
particulière,  décrite  et  reproduite  plus  loin,  fait  supposer  que 
des  cloches  semblables  en  cuivre  seront  exhumées  en  Bolivie, 
lorsque  ce  pays  sera  exploré  archéologiquement. 

Comme  spécialité  de  la  région  diaguite,  il  ne  nous  reste 
donc  que  les  disques  fondus,  si  richement  décorés  de  figures 
humaines,  de  serpents,  etc.  Mais  des  disques  en  cuivre  ont  été 
rencontrés  aussi  en  Bolivie  et  au  Pérou.  Provenant  du  pre-* 
mier  de  ces  pays,  la  Mission  Française  en  possède  plusieurs 
dans  sa  collection.  Il  est  vrai  que  le  décor  des  disques  de  la 
région  diaguite  est  très  spécial,  mais  l'ornementation  par'i- 
culière  de  certaines  pièces  archéologiques  ne  suffît  pas  à  dé- 
montrer fautonomie  de  la  «  culture  calchaquie  »  par  rapport  à 
celle  de  fancien  Pérou. 

M.  Ambrosetti  prétend  aussi  que  les  haches  qu'il  nomme  des 
«  sceptres»  sont  caractéristiques  de  la  région  diaguite.  En  fait, 
elles  ne  représentent  qu'une  des*  innombrables  manières  de 
décorer  les  haches  de  guerre,  dont  nous  trouvons  une  si  grande 
variété  dans  toute  la  partie  andine  de  fAmérique  du  Sud. 

Bois  sculpté.  Os  sculpté.  —  Le  climat  de  la  région  des  Dia- 
guites  n'a  permis  que  dans  des  cas  exceptionnels  la  conserva- 
tion des  objets  ]:)réhistoriques  en  bois. 

Une  petite  figure  humaine  en  bois,  de  Santa  Maria,  a  él('' 
publiée  par  M.  Lafone-Quevedo  (191,  p.  20)  et  reproduite  par 
M.  Ambrosetti  (19,  p.  23),  qui  donne  aussi  (19,  p.  43,  et  23,  p.  28)  l(^s 
figures  des  deux  tablettes  en  bois,  ornées  de  sculptures,  d(^ 
Quilmes  (Vallée  de  Yocavil)  et  de  Calingasta  (San  Juan).  Je 
parlerai  de  ces  tablettes  en  décrivant  des  pièces  de  la  même 
catégorie  trouvées  à  Pucara  de  Rinconada,  à  Calama  el  à  Chiii- 
chiu.  M.  Ambrosetti  (22,  p.  i3o)  représenle  égal(>ment  d(^  petites 
pièces  en  bois,  de  Lapaya,  qui  étaient  pi'obnhlciiienl  les  hches 


138  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

de  quelque  jeu.  Une  cuillère  en  bois,  de  Hualfin  (Belen),  est 
publiée  parM.Bmch  (80,  p.  ii),et  une  autre,  trouvée  à Amaicha, 
dans  une  urne  funéraire,  par  M.  Ambrosetti  (19,  p.  200). 

Les  paysans  qui  recueillent  les  antiquités  détruisent  natu- 
rellement les  fragiles  objets  en  bois.  Lorsque  des  archéologues 
étudieront  sur  place  les  gisements  de  la  région  diaguite ,  nous 
en  connaîtrons  davantage. 

Les  pointes  de  flèches  en  os  sont  communes  dans  toute  la 
région.  M.  Ambrosetti  (22,  p.  128,  et  23,  p.  4649)  donne  les  figures 
de  quelques-unes  d'entre  elles,  de  Santa  Maria,  de  Lapaya  et 
de  Calingasta  (province  de  San  Juan).  Trois  pointes  en  os,  de 
Lapaya,  sont  reproduites ^g.  13  et  décrites  page  2  35. 

Les  objets  très  variés,  taillés  et  sculptés  en  os,  ne  sont  pas 
rares  non  plus,  mais  les  seules  figures  connues  sont  une  grande 
épingle,  portant  une  figure  humaine,  et  une  petite  plaque 
avec  deux  figures  humaines  gravées,  publiées  par  M.  Ambro- 
setti (19,  p.  127,34). 

Les  calebasses  pyrogravées  se  trouvent  dans  la  région  dia- 
guite, de  même  que  dans  les  diverses  parties  du  haut  plateau 
andin,  mais  on  peut  rarement  en  recueillir,  car  elles  ont 
presque  toujours  été  détruites  par  faction  du  temps.  M.  Am- 
brosetti (23,  p.  70-71,  79)  publie  des  dessins  sur  calebasses,  de 
Molinos  (Salta)  et  de  Santa  Maria  (Catamarca). 

Industrie  textile.  Vêtements.  —  Le  climat  des  vallées  des 
Diaguites  n'a  pas,  aussi  bien  que  celui  du  haut  plateau  ou  de 
la  côte  du  Pérou,  conservé  les  tissus  dans  les  sépultures.  Cepen- 
dant on  trouve  quelquefois  des  fragments  d'étofPes  qui  peuvent 
donner  une  idée  de  fart  textile  des  habitants  préhispaniques. 
M.  ten  Kate  (343,  p.  17)  a  rencontré,  à  Fuerte  Quemado,  «des 
restes,  encore  en  bon  état,  de  ponchos''^\  en  laine  d'une  espèce 
iVAuc/ienia ,  avec  lesquels  les  cadavres  avaient  été  inhumés». 

'"'  Le  poncho  est,  comme  on  le  sait,  le  siste  en  une  pièce  d'étoffe  carrée,  au  mi- 
vêtement  encore  aujourd'hui  en  usage  lieu  de  laquelle  est  ménagée  une  ouverture 
dans  toute  TAmérique  espagnole  :  il  con-         (fente)  pour  passer  la  tête. 


RÉGION  DIAGUITE.  139 

M.  Quiroga  (304,  p.  34  et  suiv.)  dit  avoir  exhumé  de  nond)reiix 
fragments  de  tissus,  de  cordes,  de  fds,  au  cours  des  fouilles 
qu'il  a  effectuées  à  Quilmes,  à  San  Fernando  (Belen) ,  à  Ilualfiii , 
et  dans  l'ancien  cimetière  de  l'Apaclieta,  près  d'Amaicha.  En 
ce  dernier  endroit,  les  cadavres  étaient  ensevelis  dans  du  sable. 
M.  Quiroga  «  y  trouvait  à  chaque  instant  des  fragments  de  tissus, 
de  dix  à  soixante  centimètres  de  longueur,  mais  très  détériorés 
par  le  temps».  Il  lui  parut  «qu'il  s'agissait  de  fragments  de 
chemises  [caiivsetas) ,  de  ponchos,  de  tuniques  [iûnicas) ,  de  cein- 
tures, etc.  Le  tissu  était  très  fin,  tellement  fin  que  quelques- 
unes  de  ces  étoffes  ressemblaient  à  des  tissus  de  fabrication 
européenne.  Le  jaune,  le  rouge  et  le  brun  étaient  les  couleurs 
les  plus  communes.  On  voyait  peu  de  spécimens  de  deux  ou 
plusieurs  couleurs,  et,  dans  ce  cas,  le  décor  formait  des  raies, 
des  lignes  brisées  avec  des  appendices  en  forme  de  languettes, 
des  bordures  composées  de  grecques.  Les  étoffes  étaient  en  laine 
de  lama,  de  huanaco  ou  de  vigogne.  Il  y  avait  deux  ou  trois 
échantillons  en  laine  de  mouton  [?) ,  ce  qui  prouverait  que  fou 
avait  continué  à  enterrer  les  cadavres  dans  ce  cimetière  après 
l'arrivée  des  Espagnols  ». 

Les  tissus  de  Quilmes,  déterrés  par  M.  Quiroga,  avaient  un 
décor  plus  compliqué  que  ceux  de  l'Apacheta. 

H  est  à  regretter  que  M.  Quiroga  n'ait  pas  gardé  tous  ces 
fragments;  il  en  est  de  même  pour  les  collectionneurs  d'anti- 
quités diaguites  en  général  :  ils  ne  trouvent  pas  que  ces  frag- 
ments de  vieilles  étoffes  vaillent  la  peine  d'être  conservés. 
Cependant  ce  matériel  serait  indispensable  pour  une  étude 
comparative  de  fancienne  industrie  textile  de  la  région  diaguite 
avec  celle  du  Pérou  et  des  différentes  régions  du  haut  plateau. 
En  ce  qui  concerne  les  échantillons  de  tissus  en  laine  de  mou- 
ton, il  est  en  effet,  comme  le  dit  M.  Quiroga,  assez  probable 
que  plusieurs  cimetières  préhispaniques  ont  continué  à  servir 
de  lieu  de  sépulture  pour  les  Indiens  pendant  un  certain  temps 
après  la  conquête.  Ce  n'est  qu'après  leur  conversion  au  christia- 
nisme que  les  Indiens  ont  abandonné  ces  cimetières  pour  être 


140  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

enterrés  dans  nn  terrain  consacré  par  le  rite  catholique.  Mais, 
d'autre  part,  la  distinction  entre  la  laine  de  mouton  et  celle  des 
diverses  espèces  (VAiicheniaipeiii  difficilement  être  faite  sans  un 
examen  microscopique,  et  il  ne  faut  accepter  ces  classifications 
que  sous  réserve. 

Dans  fouvrage  cité,  M.  Quiroga  (304,  p.  44  et  suiv.)  donne  une 
description  intéressante,  accompagnée  de  bonnes  figures,  des 
procédés  actuellement  en  usage  chez  les  métis  pour  la  con- 
fection de  leurs  jolis  tissus  en  laine  de  vigogne  et  de  huanaco. 
Les  femmes  de  Belen  sont  renommées  dans  le  pays  pour  cette 
industrie.  Les  procédés  de  confection  et  le  décor  de  ces  tissus 
sont  une  tradition  surtout  préhispanique ,  quoique  les  tisseuses 
aient  aussi  beaucoup  appris  depuis  la  conquête  espagnole. 

A  propos  de  Texcellente  qualité  des  tissus  en  laine  de  lama 
de  fancien  Tucuman,  Techo  (341;  l.i,  c.  xix;p.  i5)  nous  dit  que 
quelques-uns  de  ces  tissus  paraissaient  être  en  soie  :  lanamni 
vero  longe  major,  qiiam  nostratibus  tenuitas  :  ex  his  omnis  generis 
vestis  sericas  maxime  rejerentes ,  texiintiir. 

Au  contraire,  il  n'est  pas  très  certain  que  les  Diaguites  culti- 
vaient du  coton,  bien  que  Garcilaso  de  la  Vega  (140;  1.  vm,  c.  wm; 
fol.  i84)  cite  des  tissus  de  coton  parmi  les  cadeaux  que  les  Indiens 
de  Tucma  offrirent  à  flnca  Yupanqui.  Il  semblerait  plutôt  que 
le  coton  fut  introduit  en  Tucuman  par  les  Espagnols. 

Le  vêtement  principal  des  Diaguites  était  la  tunique  ou 
chemise  péruvienne,  mais  en  général  plus  longue,  paraît-il, 
que  celle  en  usage  au  Pérou.  Cette  camîseta,  uncii  en  quichua, 
sans  manches  ou  avec  des  manches  très  courtes,  est  toujours 
mentionnée  par  les  chroniqueurs  comme  une  caractéristique 
des  peuples  appartenant  à  la  civilisation  péruvienne.  Bârzana 
(55,p.  Lvii)  dit  que  les  Indiens  qui  dépendaient  de  Santiago  et 
de  Tucuman  étaient  «vêtus  comme  les  PéruAiens».  Il  fait  allu- 
sion, naturellement,  aux  Indiens  des  montagnes,  les  Diaguites, 
car  ceux  de  la  plaine  —  d'Esteco  —  étaient  au  contraire  «  cou- 
verts de  plumes  de  nandou,  et  les  femmes  avaient  des  pagnes 
très  petits».  Narvaez  (253,  p.  147)  nous  informe  que  les  Diaguites 


REGION  DIAGUITE.  141 

des  vallées  de  Catamarca  portaient  des  camisetas  muy  larcjas 
(très  longues) ,  mais  qu'ils  n'employaient  pas  de  manias  (mantes) 
«  pour  être  plus  libres  de  leurs  mouvements  pendant  les  ba- 
tailles». Nous  avons  cité,  page  29,  la  description  des  PP.  Pio- 
mero  et  Monroy  d'a^^rès  laquelle  les  Diaguiles  de  la  Vallée  Cal- 
chaquie  «  se  vêtaient  d'une  chemise  qui  leur  allait  jusqu'au 
cou-de-pied  ». 

Bien  que  Narvaez  dise  que  les  Diaguites  n'employaient  pas 
de  mantes  [ponchosj ,  il  est  probable  cependant  qu'ils  en  avaient, 
comme  c'était  le  cas  des  Comechingons  de  Cordoba,  dont 
quelques-uns,  d'après  le  même  Narvaez  [ibid,  p.  i5i),  avaient  des 
camiseta:< ,  d'autres  des  mantas. 

Les  Diaguites  aussi  bien  que  les  Comechingons  ornaient  leur 
tête  dej^lumes,  fixées  dans  une  Jiuincha  (bandeau  fronlal),  géné- 
ralement en  laine.  Piomero  et  Monroy  (350,  fol.  16)  et  Cabrera 
(88,  p.  i4o)  mentionnent  ces  décors  de  plumes. 

Ces  vêtements  :  tunique  longue  et  plumes  sur  la  tête,  se 
voient  sur  les  figures  peintes  dans  la  grotte  de  Carahuasi  (voir 
page  170). 

Ajoutons  que  les  Diaguites  portaient  des  usiitas,  sandales  en 
cuir,  d'après  Piomero  et  Monroy.  Les  «patins»  qui  figurent 
dans  la  traduction  française  de  leur  lettre,  page  29,  sont  des 
saiidah  dans  f  édition  italienne  originale.  Des  sandales  de  même 
sorte  se  retrouvent  dans  les  tombeaux  anciens  du  haut  pla- 
teau, et  ces  usutas  sont  toujours  les  chaussures  habituelles  des 
Indiens  du  haut  pays  et  aussi  des  métis  des  vallées  argentines, 
où  cependant  les  chaussures  européennes,  surtout  les  bottes, 
les  ont  supplantées  en  partie.  Les  Diaguites  devaient  être  habiles 
dans  f  emploi  de  la  peau,  particulièrement  pour  reher  les  divers 
morceaux  de  leurs  armes  ou  de  leurs  instruments,  comme  le 
font  si  bien  encore  de  nos  jours  les  métis,  leurs  descendaiils. 
Mais  tous  les  débris  des  anciens  ouvrages  en  ])eau  semblent 
perdus;  du  moins  n'en  ai -je  pas  vu  (féchantillons  dans  les 
musées  ou  dans  les  collections. 


142  ANTIQUITÉS  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 


SEPULTURES. 

Les  fouilles  méthodiques  qui  ont  été  faites  dans  les  sépul- 
tures préhistoriques  de  la  région  diaguite  sont  rares.  Les  prin- 
cipales sont  celles  de  M.  Lafone-Quevedo  (191)  à  Ghanar-Yaco, 
près  d'Andalgalâ,  et  de  M.  Carlos  Bruch  (80)  dans  les  environs 
de  Hualfin  (Belen).  Ces  auteurs  donnent  de  bons  plans  et  de 
bonnes  figures  des  sépultures  qu'ils  ont  examinées.  Un  peintre, 
M.  Adolphe  Methfessel,  qui  a  accompli  un  voyage  pour  le 
compte  du  Musée  de  La  Plata,  a  exécuté  aussi  des  fouilles 
dans  un  grand  nombre  de  sépultures,  principalement  en  Santa 
Maria.  Les  esquisses  de  ces  tombes  ont  été  publiées  par 
M.  ten  Kate  (343,  p.  1 1  et  suh.).  Récemment,  en  1 906 ,  une  mission 
envoyée  par  la  Faculté  de  philosophie  et  de  belles-lettres  de 
Buenos-Aires,  sous  la  direction  de  M.  Ambrosetti,  a  étudié  un 
très  intéressant  cimetière  et  d'autres  séj^ultures  aux  environs  de 
Pampa  Grande,  dans  le  département  de  Guachipas  (Salta). 

Les  modes  funéraires  de  la  région  diaguite  23résentent  une 
très  grande  variété.  Comme  caractères  généraux,  on  n'en  j^eut 
citer  que  deux  :  les  jambes,  sans  exception,  et  le  plus  souvent 
aussi  les  bras  du  mort,  sont  plus  ou  moins  repliés  en  avant  vers 
le  corps,  les  genoux  touchant  quelquefois  la  poitrine;  avec  le 
cadavre,  il  y  a  toujours  des  objets  enterrés,  spécialement  des 
poteries,  dont  les  plus  communes  sont  les  écuelles  dénommées 
par  les  métis  actuels  pucos,  mot  quichua  [piicu)  qui  signifie 
simj)lement  «  écuelle  »  ou  «assiette».  Et  ces  caractères  sont 
communs  à  presque  toutes  les  sépultures  de  la  région  andine 
de  fAmérique  du  Sud,  pour  ne  pas  dire  à  la  plupart  des  séjiul- 
tures  anciennes  du  continent  américain. 

Les  squelettes,  avec  les  jambes  re23liées  comme  il  est  dit 
ci-dessus,  se  trouvent  souvent  couchés  sur  le  dos  ou  sur  le 
côté.  Cependant  j'en  ai  trouvé  dans  une  position  verticale. 
Le  crâne  qui  figure  sous  le  numéro  1  dans  l'ouvrage  du 
D""  Cbervin  (99,  i.  m)    appartenait   à   un  cadavre   enseveli  dans 


REGION  DIAGUITE.  143 

cette  dernière  position,  exhumé  par  moi  à  Piedra  Blanca,  près 
de  la  ville  de  Catamarca.  Auprès  de  lui  était  une  écuelle  avec 
ornementation  peinte.  Cette  position  verticale  des  cadavres  est 
générale  dans  la  Quebrada  del  Toro,  comme  nous  le  verrons 
plus  loin.  Quelquefois  le  crâne  est  séparé  du  corps  et  enterré 
à  quelque  distance.  Ten  Kate  (343,  p.  12)  donne  la  figure  d'une 
de  ces  sépultures,  et  M.  Ambrosetti  (30,  p.  43,  106, 108)  a  observé 
le  même  fait  à  Pampa  Grande. 

Quant  aux  poteries  trouvées  dans  les  sépultures,  elles  ont 
probablement  contenu  des  aliments  destinés  au  mort.  Les  vases, 
de  différentes  dimensions,  quelquefois  très  grands,  ne  sont  pas 
rares.  Il  faut  distinguer  ces  vases  —  qui  étaient  selon  toute  pro- 
])abilité  des  récipients  pour  les  aliments  ou  les  boissons  —  des 
urnes  funéraires,  dénomination  sous  laquelle  je  comprends 
seulement  celles  qui  contiennent  des  ossements.  Les  auteurs 
parlent  toujours  d'«  urnes  funéraires  » ,  mais  il  faut  accepter  ce 
terme  avec  une  certaine  réserve,  parce  que,  en  général,  il  n'est 
pas  du  tout  certain  que  les  vases  ainsi  dénommés  aient  servi  de 
cercueils.  Les  vases  et  les  écuelles  rencontrés  auprès  des  cada- 
vres sont  quelquefois  décorés,  et  leur  décor  a  été  pris  pour  des 
«  figures  symboliques».  Lorsqu'il  s'agit  de  simples  poteries  de 
ménage  enterrées  avec  le  mort,  cette  théorie  n'est  pas  admis- 
sible :  rien  de  plus  rationnel,  en  effet,  que  cette  ornementation 
ait  simplement  eu  un  but  esthétique. 

Chaque  sépulture  contient  un  ou  deux  individus,  rarement 
trois  ou  quatre.  Les  sépultures  se  trouvent  isolées,  forment 
de  petits  groupes  ou  constituent  des  cimetières  consicférables. 
M.  Ambrosetti  (18,  p.  53-54)  a  découvert  à  Quilmes  des  tombes 
dans  le  sol  des  habitations.  Des  grottes  ou  abris  sous  roche 
naturels  ayant  servi  de  sépulcres  sont  mentionnés  par  M.  Mo- 
reno  (244,  p.  17)  et  par  M.  ten  Kate  (343,  p.  i3). 

Souvent  aucun  signe  extérieur  ne  dénonce  les  sépultures; 
d'autres  sont  signalées  par  la  présence  de  pierres  rassend)lées 
(Ml  tas  ou  disposées  en  lignes;  quelquefois  ces  pierres  forment 
une  simple  ligne  droite,  d'autres  fois  des  carrés,  des  rectangles, 


144  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

(les  cercles  simples  ou  deux  cercles  concentriques,  des  demi- 
cercles,  des  ellipses,  etc.  Très  rarement,  un  petit  tumulus  en 
terre  marque  Tenq^lacement  de  la  tombe. 

Les  cadavres  gisent  à  peu  de  profondeur,  de  o""  5o  à  2  mètres. 
Ils  sont  généralement  déposés  dans  une  fosse  sans  revêtement; 
mais  quelquefois  les  parois  de  celle-ci  sont  garnies  de  murs  en 
pirca  formant  des  puits  funéraires  cylindriques  ou  rectangu- 
laires, ou  Lien  le  cadavre  est  entouré  d'alignements  souterrains 
de  pierres  en  forme  de  cercles,  ellipses,  rectangles  ou  carrés. 
On  trouve  aussi,  d'un  côté  du  squelette  seulement,  une  pirca, 
un  alignement  de  pierres  droites,  un  demi-cercle  de  pierres,  un 
simple  monceau  de  j^ierres  ou  enfin  un  entassement  de  pierres 
formant  une  pyramide  renversée  souterraine.  Des  pyramides 
de  cette  sorte  sont  placées  quelquefois  au-dessus  des  cadavres 
après  qu'ils  ont  été  recouverts  d'une  couche  de  terre. 

Il  existe  des  tombes  souterraines  voûtées  qui,  à  en  juger 
parleur  mobilier  funéraire, paraissent  avoir  été  en  usage  pour 
les  personnages  de  distinction.  M.  ten  Kate  (342,  p.  339)  décrit 
et  figure  une  de  ces  tombes,  de  Pena  Blanca,  près  de  San 
Antonio  del  Cajon,  en  Santa  Maria.  Cette  chambre  mortuaire 
a  G™  80  de  hauteur,  o'"  70  de  largeur.  M.  Ambrosetti  (18,  p.  54) 
décrit  d'autres  tombes  voûtées,  de  Quilmes. 

A  Antofagasta  de  la  Sierra ,  dans  le  sud  de  la  Puna  de  Ata- 
caina,  il  y  a,  d'après  des  informations  recueillies  par  M.  Ambro- 
setti, des  tombes  souterraines  dont  les  parois  et  la  toiture  sont 
formées  par  de  grandes  dalles  de  schiste  placées  verticalement 
j^our  les  premières  et  horizontalement  pour  la  toiture. 

Les  urnes  funéraires  trouvées  dans  la  réiiion  diaouilo  con- 
tiennent  surtout  des  squelettes  d'enfants  en  bas  âge  et  forment 
ces  cimetières  spéciaux,  si  caractéristiques  à  la  région,  et  que 
je  décrirai  ensuite.  Des  urnes  servant  de  cercueils  aux  adultes 
existent  aussi  :  on  en  a  trouvé  à  Chanar-Yaco  et  à  Pampa 
Grande. 

L'enterrement  dans  des  urnes  n'appartient  pas  à  la  race  an- 


REGION  DIACUÎTE.  1^5 

dine  de  rAmérique  du  Sud.  De  l'ancieu  Pérou,  on  ne  connaît 
que  des  exemples  isolés  et  tout  à  fait  spéciaux  de  ce  mode  d'en- 
terrer. Parmi  les  régions  appartenant  à  la  civilisation  péruvienne, 
celle  des  Diaguites  est  la  seule  où  Ton  trouve,  généralement 
j^arlant,  des  urnes  servant  de  cercueils.  Cette  coutume  est  donc 
due  à  des  influences  autres  que  celles  du  Pérou. 

Le  cimetière  de  Cliafiar-Yaco  était  composé  de  cinq  sépul- 
tures dont  l'emplacement  est  désigné  à  la  surface  du  sol  par 
des  cercles  de  pierres.  Chaque  sépulture  renferme  un  squelette 
introduit  dans  une  grande  urne,  sans  décor,  à  une  excej^tion 
près.  Autour  des  urnes,  M.  Lafone-Quevedo  trouva  de  nom 
breuses  poteries  décorées. 

Clianar-Yaco  olfre  un  exemple  d'un  cimetière  où  tous  le? 
cadavres  sont  enterrés  dans  des  urnes  ;  il  y  avait  quatre  adultes 
et  un  enfant.  M.  Lafone-Quevedo  croit  que  ces  cimetières  ne 
proviennent  pas  du  peuple  qui  enterrait  les  morts  directement 
dans  la  terre.  Le  D*"  F.  P.  Moreno  est  du  même  avis.  D'aj)rès 
lui,  les  urnes  contenant  des  adultes  remontent  à  une  époque 
plus  reculée  et  sont  de  types  plus  primitifs  que  les  urnes  d'en- 
lants.  Je  suis  de  la  même  opinion.  Cependant  je  crois  qu'on  doit 
distinguer  en  deux  catégories  les  sépultures  d'adultes  dans  des 
urnes  :  celles  du  type  Clianar-Yaco,  qui  contiennent  de  la  cé- 
ramique fine,  décorée,  et  celles  qui  ne  contiennent  que  de  la 
poterie  grossière,  où  manque  conq:)lètement  la  céramique  d'arl. 
J'attribue  cette  dernière  catégorie  de  sépultures  à  des  Tiipis- 
Guaranis  venus  de  l'Est  et  qui,  à  une  certaine  époque,  doivent 
avoir  occupé  une  j^artie  de  la  région  diaguite.  Je  développ(M'ai 
cette  théorie  en  décrivant  les  cimetières  d'El  Carmen  et  de 
Providencia.  En  étudiant  ces  cimetières,  je  me  demandai  si 
Chafiar-Yaco  ne  devrait  pas  être  considéré  comme  appartenant 
à  cette  dernière  catégorie,  mais  la  poterie  décorée  ([ui  y  a  été 
trouvée  s'oppose  à  cette  conclusion. 

Le  cimetière  de  Pampa  Grande  a  été  d(''c  lil  par  M.  Vndii-osclli 
(30,  p.  69  eisuiv.);  sa  description  estacconipagnée  d'un  plan,  d'une 
coupe  verticale  {Und.,  p.  ()(>)  et  de  nond)r<Mis;vs  |)li()l()grapliies.  Les 


146  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

sépultures  sout  rangées  en  ligne  presque  droite  le  long  d'un 
affouillement  naturel  du  terrain ,  une  «  barranca  »  formée  par  un 
torrent.  On  n'a  fouillé  que  le  bord  de  cette  barranca,  mais  yrai- 
semblal)lement  le  cimetière  continue  en  s'éloignant  du  torrent. 
Le  cimetière  de  Pampa  Grande  comprend  des  sépultures  de  ca- 
tégories les  plus  diverses  :  i"  Adultes  enterrés  directement  dans 
la  terre ,  avec  de  la  j^oterie  grossière  ou  sans  avoir  auprès  d'eux 
d'objets  d'aucune  sorte.  2"  Adultes  enterrés  directement  dans 
la  terre,  ayant  auprès  d'eux  de  la  poterie  du  type  commun 
de  la  région  diaguite.  Les  cadavres  de  la  première  catégorie 
ont  été,  dans  deux  cas,  remués  en  creusant  les  fosses  pour  les 
cadavres  de  la  deuxième  catégorie.  S*'  Urnes  contenant  des 
squelettes  de  petits  enfants  qui,  selon  M.  Ambrosetti  [ibid,  p.  191), 
avaient  tous  «  des  dents  de  lait ,  dont  la  plu2)art  n'étaient  pas 
sorties  des  alvéoles  ».  Une  partie  de  ces  urnes  sont  du  type  des 
urnes  décorées  des  cimetières  d'enfants  de  la  Vallée  de  Yocavil, 
dont  nous  parlerons  ensuite;  d'autres  sont  grossières,  mais 
contiennent  quelquefois  de  petites  écuelles  décorées ,  du  style 
de  la  céramique  de  la  région  diaguite.  En  général,  les  urnes 
grossières  se  trouvent  au-dessous  des  urnes  décorées,  et  jamais 
le  contraire.  Cej)endant  les  deux  sortes  d'urnes  proviennent 
prol)ablement  du  même  peuple  ;  peut-être  les  urnes  grossières 
sont-elles  d'une  époque  où  il  n'y  avait  pas  dans  la  localité  d'ar- 
tiste assez  babile  pour  confectionner  des  urnes  spéciales,  de 
décor  compliqué.  4"  Une  urne  grossière  renfermant  un  sque- 
lette d'adulte  qui,  à  en  juger  par  la  jDOsition  des  os,  y  avait  été 
enseveli  immédiatement  après  sa  mort.  Cette  urne,  qui  porte 
le  n"  201  dans  l'ouvrage  de  M.  Ambrosetti  {ibid.,  p.  89,  fig.  89),  était 
couverte  d'un  autre  vase  renversé  et  formait,  avec  ce  couvercle, 
un  espace  intérieur  d'environ  i""  de  hauteur  et  0^76  de  dia- 
mètre maximum.  Auprès  de  l'urne  il  n'y  avait  qu'un  petit  vase 
en  céramique  grossière,  sans  décor.  L'urne  se  trouvait  au-des- 
sous d'une  série  d'urnes  décorées  contenant  des  enfants;  mais 
rien  n'indique  qu'elle  soit  contemporaine  de  celles-ci.  Dans 
divers  endroits  aux  environs  de  Pampa  Grande ,  M.  Ambrosetti 


REGION  DIAGUITE.  IM 

et  ses  collègues  ont  exhumé  d'autres  urnes  grossières  analogues, 
contenant  également  des  os  d'adultes. 

M.  Ambrosetti  [ibid.,  p.  19/1-196)  se  déclare  convaincu  que  les 
sépultures  de  Pampa  Grande  proviennent  d'époques  et  de 
]:)euples  différents.  11  distingue  deux  types  de  céramique,  l'ini 
constitué  seulement  j^ar  de  la  poterie  grossière,  l'autre  com- 
prenant des  urnes  et  d'autres  objets  du  style  général  de  la 
région  diaguite  («  calchaquie  «).  Les  deux  types  ont  été  rencon- 
trés séj^arément  ou,  quand  ils  se  trouvaient  mélangés,  certaines 
circonstances  démontraient  que  ce  mélange  était  accidentel.  La 
jjoterie  grossière  se  trouvait  toujours  au-dessous  de  la  poterie 
du  second  type.  11  est  en  effet  de  toute  évidence  que  les  trou- 
vailles de  Pampa  Grande  proviennent  de  diverses  époques.  La 
lecture  du  rapport  de  M.  Ambrosetti  m'amène  à  en  distinguer 
trois.  A  l'époque  la  plus  reculée  apj)artiendraient  l'urne  conte- 
nant un  adulte  et  les  autres  urnes  semblables  rencontrées  dans 
divers  endroits.  Ces  urnes  présentent  des  analogies  avec  celles 
que  j'ai  exhumées  à  El  Carmen.  Les  cadavres  enterrés  directe- 
ment dans  la  terre,  ou  au  n:>oins  une  partie  de  ces  cadavres, 
constitueraient  la  seconde  catégorie.  Quant  aux  urnes  contenant 
des  enfants,  je  crois  qu'elles  sont  indépendantes  des  autres 
sépultures  et  qu'elles  forment  l'un  de  ces  cimetières  spéciaux 
d'enfants  dont  nous  parlerons  ensuite  :  aucune  de  ces  urnes  ne 
se  trouvait  au-dessous  d'une  sépulture  d'adidle,  et  rien  ne  dé- 
montre que  l'on  ait  enterré  une  urne  d'cnlant  dans  l'une  de 
ces  dernières  sépultures.  D'autre  part.  Pampa  Grande  est  une 
petite  vallée  fertile  et  bien  pourvue  d'eau.  11  n'existe  pas  ])eau- 
coup  de  localités  dans  ce  district  montagneux  qid  olïrent  ces 
avantages;  l'endroit  a  dû  être  habité  à  toutes  les  époques  par 
différents  peuples  qui  s'y  sont  succédé. 

Aucune  répartition  géog  raphique  n'est  possible  des  sépultures 
si  variées  (h^  In  légion  diaguite  :  comme  à  Pauq^a  Grande,  on 
renconire  j^arlout  des  t()ml)es  d(^  cah'goiies  les  plus  opposéi^s 
et  quelcpielois  très  près  les  unes  des  autres.  Ces  (bllerences  cor- 


148  ANTIQUITES  DE  LA  REGIOxN  ANDINE. 

respondent-elles  à  divers  peuples,  à  diverses  époques,  à  diverses 
tribus,  à  diverses  classes  sociales?  Ce  sont  là  des  questions  que 
seule  pourrait  résoudre  une  longue  série  de  fouilles  métho- 
diques. 

Les  Incas  et  les  Espagnols  imposaient  très  fréquemment  aux 
tribus  leur  déplacement  d'une  région  à  Tautre,  souvent  à  drs 
distances  énormes.  Ces  migrations  forcées  ont  naturellement 
contribué  à  diversifier  les  sépultures,  chaque  tri])u  apportant 
avec  elle  ses  coutumes  funéraires. 


CIMETIERES 
D'ENFANTS    ENTERRÉS  DANS  DES  URNES. 

Passons  maintenant  à  une  autre  catégorie  de  cimetières  qui 
existent  exclusivement  dans  la  réi>ion  diaii^uite  :  les  cimetières 
spéciaux  d'enfants  en  bas  âge,  ensevelis  dans  des  urnes  de 
formes  particulières,  couvertes  de  dessins  symboliques  poly- 
chromes. Ces  cimetières  appartiennent  probablement,  à  en  juger 
par  la  j)oterie  trouvée  avec  les  urnes  funéraires,  au  peuple  qui 
a  enterré  ses  cadavres  directement  dans  la  terre,  et  non  à  celui 
qui  se  servait  des  urnes  comme  cercueils  pour  les  enterrements 
ordinaires,  ainsi  qu'à  Chanar-Yaco  par  exemple. 

Le  comte  de  La  Vaulx  (366)  est  le  premier  voyageur  qui  ait 
fouillé  l'un  de  ces  cimetières  d'une  manière  méthodique.  Ce 
cimetière  est  situé  à  ElBanado,  près  des  ruines  de  Quilmes. 
M.  Ambrosetti  (18,  p.  55  et  suiv.)  en  a  fouillé  un  autre,  situé  aussi 
dans  les  environs  d'El  Banado;  mais,  en  dehors  de  descriptions 
d'urnes  et  de  spéculations  sur  la  signification  symbolique  de 
leur  décor,  le  seul  renseignement  qu'il  nous  fournisse  sur  ce  ci- 
metière, c'est  que  les  urnes  contenaient  des  squelettes  de  j)etits 
enfants.  Il  ne  dit  rien  de  la  manière  dont  elles  étaient  groupées, 
rien  non  plus  sur  les  objets  qui  devaient  être  placés  autour  ou 
à  l'intérieur  de  ces  urnes.  A  ces  fouilles  il  faut  ajouter  celles 
de  Panq^a  Grande  dont  nous  venons  de  parler. 


RKGION  DIAGUITE.  149 

J'ai  été  assez  heureux  pour  découvrir  i'un  de  ces  cime- 
tières d'eulants,  assez  loiu  de  la  région  calchaqule,  à  Arroyo 
(\e\  Medio,  dans  la  province  de  Jujuy,  à  la  lisière  du  Grand 
Chaco.  Une  description  de  ce  cimetière  est  insérée  à  la  lin  de 
cet  ouvrage. 

Les  fouilles  d'El  Banado,  de  même  que  tous  les  renseigne- 
ments que  j'ai  pu  recueillir  à  ce  sujet,  démontrent  que  les 
urnes  contenant  des  enfants  forment  généralement,  dans  la  ré- 
gion diaguite,  des  cimetières  sj^éciaux  où  il  n'y  a  pas  d'adultes. 
Les  trouvailles  de  Pampa  Grande  semblent  peut-être  s'opposer 
à  cette  thèse,  mais,  comme  nous  l'avons  dit,  il  est  probable  ([ue 
la  série  d'urnes  d'enfants  qui  y  ont  été  découvertes  est  indé- 
pendante des  autres  sépultures.  Même  si  ces  urnes  étaient 
contemporaines  des  cadavres  enterrés  directement  dans  la 
terre,  le  nombre  des  urnes  et  celui  de  ces  derniers  indiquent 
qu'il  s'agit  d'un  cimetière  destiné  spécialement  à  l'enterrement 
de  petits  enfants  ensevelis  dans  des  urnes.  Il  n'y  a  que  sept 
cadavres  d'adultes,  dont  il  faut  écarter  quelques-uns  qui  mani- 
festement appartiennent  à  une  époque  dilï'érente.  Les  urnes 
contenant  des  enfants  sont  beaucoup  plus  nombreuses  :  il  en 
existe  plus  de  vingt.  Cette  proportion  n'est  pas  normale  :  un 
cimetière  ordinaire  ne  contiendrait  pas  vingt  enfants  pour 
seulement  trois  ou  quatre  adultes.  La  série  d'urnes  de  Pampa 
Grande  doit  donc  être  considérée  comme  un  cimetière  spécial 
d'enfants.  Quant  aux  cimetières  d'El  Banado,  autant  M.  de  La 
Vaulx  que  M.  Ambroselti  aiïirment  qu'il  n'y  avait  pas  d'adultes. 
M.  de  La  Vaulx  décrit  très  clairement  comment  il  y  a  trouvé  les 
urnes  :  par  groupes,  dont  chacun  se  composait  d'une  grandi» 
urne  de  forme  particulière  entourée  de  quatre  ou  cinq  ])his 
petites.  La  première  aussi  bien  que  les  dernières  conlenaienl 
(h's  restes  d'enfants.  Les  groujoes  étaient  2:)eu  éloignés  Tun  de 
l'autre. 

On  rencontre  quelquefois,  il  est  vrai  j^ar  e\c<»plion,  une 
ou  deux  de  ces  urnes  lyj)iques  hors  d'un  cinu^lière,  mais  en- 
terrées dans  un  endroit  isolé.  M.  de  La  Vaulx  (366.  p.  176)  men- 


150  ANTIQUITES  DE  LA   REGION  ANDINE. 

tioniie  un  de  ces  cas,  à  Quilmes  :  trois  urnes  déposées  dans  une 
sorte  de  grotte,  l'une  contenant  deux  squelettes  d'enfants,  une 
autre  des  cendres,  et  la  troisième  des  résidus  d'aliments  décom- 
posés. Je  dois  aussi  parler,  comme  se  rapportant  à  cette  ques- 
tion, de  quelques  urnes  contenant  des  squelettes  d'enfants  et 
provenant  de  la  Quebrada  del  Toro  et  de  la  Puna  de  Jujuv, 
reliions  situées  immédiatement  au  nord  de  la  région  diaguite. 
Ce  sont  quatre  cadavres  d'enfants  enterrés  dans  des  urnes 
d'une  céramique  grossière  que  j'ai  trouvés  dans  le  cimetière 
de  Morohuasi  (voir  p.  344)  ^ivec  un  grand  nombre  de  cadavres 
d'adultes,  non  enterrés  dans  des  urnes,  et  un  autre  squelette 
d'enfant,  de  Paerta  de  Tastil,  aussi  enterré  dans  une  urne 
(voir  p.  362).  D'autre  part,  un  enfant  enseveli  dans  une  urne 
sans  décor  a  été  trouvé  j^ar  la  Mission  Suédoise  de  1901,  à 
Casabindo,  dans  la  Puna  de  Jujuy.  Cette  urne  était  déposée, 
avec  des  cadavres  d'adultes,  dans  l'une  des  grottes  funéraires 
si  communes  dans  cette  région.  Enfui  M.  Ambrosetti  (23,  p.  ir>) 
reproduit  une  «momie  d'enfant  avec  son  urne  funéraire,  de 
Rinconada .)  (Puna  de  Jujuy),  cette  dernière  également  gros- 
sière, sans  décor.  L'auteur  ne  donne  pas  d'autres  renseigne- 
ments. 

Personne  jusqu'à  présent  ne  s'était  donné  la  peine  de  déter- 
miner l'âge  des  enfants  contenus  dans  les  urnes  de  la  région 
calcliaquie.  Parmi  les  enfants  de  la  Quebrada  del  Toro  (Moro- 
liuasi  et  Puerta  de  Tastil),  quatre  étaient  des  fœtus,  le  cin- 
quième avait  deux  ans;  deux  d'Arroyo  del  Medio  avaient  plus 
d'un  an,  un  était  plus  âgé  encore,  et  le  dernier  était  un  fœtus  à 
terme.  Le  D*"  Verneau,  à  qui  je  dois  la  détermination  de  fâge 
des  enfants  de  la  Quebrada  del  Toro,  a  bien  voulu  déterminer 
aussi  l'âge  des  deux  crânes  trouvés  par  M.  de  La  Vaulx  dans  la 
grotte  de  Quilmes  et  actuellement  conservés  dans  la  galerie 
d'anthropologie  du  Muséum  d'histoire  naturelle.  Ces  enfants 
ont  l'un  et  l'autre  3o  à  32  mois,  en  supposant  toutefois  que  le 
développement  de  la  dentition  soit  le  même  chez  ces  peuples 


REGION   DIAGUITE.  151 

que  chez  les  Européens.  Les  deux  crânes  présentent  nne  défor- 
mation occipitale  artificielle.  Il  existe  beaucoup  d'urnes  funé- 
raires «  calcliaquies  »  dans  les  musées  et  les  collections,  mais 
nous  en  avons  peu  de  renseignements.  La  détermination  de 
l'âge  des  enfants  que  fon  trouve  dans  les  urnes  serait  extrê- 
mement intéressante.  D'ajDrès  les  restes  que  j'ai  eu  foccasion 
de  voir,  je  crois  que  la  plupart  de  ces  enfants  sont  des  fœtus 
à  terme  ou  des  nouveau -nés. 

M.  de  La  Vaulx  (366,p.  170)  dit  n'avoir  rencontré  que  des 
crânes  dans  les  urnes  du  cimetière  d'enfants  fouillé  par  lui  à 
El  Banado;  il  assure  qu'il  n'a  pu  découvrir  aucune  trace  des 
autres  os  du  squelette.  Cependant  j'incline  plutôt  à  croire  que 
ces  urnes,  comme  c'est  le  cas  en  général  dans  les  cimetières 
d'enfants  de  la  région  diaguite  et  aussi  dans  celui  d'Arroyo  del 
Medio,  ont  contenu  des  squelettes  entiers,  mais  que  ceux-ci  ont 
été  détruits  par  la  décomposition,  qui  n'a  respecté  que  des  par- 
ties de  crânes.  D'après  ce  que  j'ai  observé  sur  les  squelettes 
anciens  d'enfants,  le  crâne,  en  effet,  est  toujours  la  partie  qui 
résiste  le  plus  longtemps;  il  est  même  plus  résistant  que  les 
fémurs  et  les  humérus. 

Les  auteurs  argentins  ont  publié  un  grand  nombre  de  bons 
dessins  d'urnes  funéraires,  dus  à  la  plume  habile  de  M.  Eduardo 
A.  Holmberg,  qui  a  rendu  de  grands  services  à  l'archéologie 
argentine  :  c'est  lui  qui  a  illustié,  d'une  manière  consciencieuse 
et  avec  beaucoup  d'exactitude,  tous  les  travaux  parus,' presque 
sans  exception. 

Pour  que  fon  puisse  se  faire;  une  idée  des  principaux  types 
d'urnes  funéraires,  je  donne  ici  deux  séries  des  formes  les  plus 
communes.  La  première  série, y?^.  6  a,  b,  c,  cl,  représente  les 
formes  générales  des  urnes  des  cimetières  spéciaux  d'enfants. 
Les  deux  premières  sont  des  variétés  de  la  forme  que  M.  Lafone- 
Quevedo(191,  p.  28)  a  dénommée  «type  Santa  Maria».  M.  Am- 
brosetti  (18,  p.  58)  a  vouhi  faire,  des  urnes  de  la  forme  c  et  d,  un 
type  s])écial,  «type  Amaiclia»,  qui  se  (h'stiuguerait  (\o  celui  de 


152 


ANTIQUITÉS  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 


Santa  Maria  par  le  goulot  qui  est  plus  court  que  le  corps  de 
l'urne.  Mais  cette  distinction  ne  me  semble  pas  avoir  de  raison 
d'être,  car  la  hauteur  du  goulot  varie  énormément;  il  y  a  des 
urnes  avec  des  goulots  de  toutes  les  hauteurs,  dun  extrême  à 
l'autre,  fig.  6  a,  jusqu'à  6  c.  11  serait  impossible,  par  exemple, 
de  classer  les  urnes  qui  sont  au  milieu  de  ces  extrêmes,  c'est- 
à-dire  celles  dont  le  goulot  a  à  peu  près  la  même  hauteur  que  le 
corps.  La  hauteur  du  goulot  ne  dépend  certainement  que  des 


FijT.  6.  —  Principales  formes  d'urnes  funéraires  de  la  région  diaguite.  i"  série  :  Urnes  avec  des 
pciiiLures  symboliques,  a.  h.  type  Santa-Maria  ;  c,  d,  type  dit  «Amaicl.a»  ;  c.  type  Andaluiala  ; 
J ,  type  sans  nom. 


Fiï.  '7.  —  Formes  d'urnes  funéraires,  a'  série  :  Urnes  sans  déror.  n.  h.  c,  urnes  d'enfants 
d'El  Banado  (Amhrosetti)  ;  d.  c,  urnes  de  Clianar-Yaco  (Lai'one-Quevedo). 

caprices  du  potier.  D'ailleurs  les  deux  sortes  d'urnes,  celle  à 
iroulot  lonof  et  celle  à  c:oulot  court,  coexistent  dans  les  mêmes 

o  o  o 

cimetières  ^^^.  M.   Amhrosetti  veut  distinguer  plusieurs  autres 
types  d'urnes,  mais  il  les  définit  d'une  manière  confuse. 

La  forme  de  la  ^v^.  6  f  n'est  pas  commune  dans  les  col- 
lections. M.  de  La  Vaulx  a  rapporté  d'El  Banado  une  urne  de 


'''  Les  urnes  du  «  type  Auiaicha  »  se- 
raient aussi  caractérisées  par  leur  ornc- 
menlalion  exclusivement  «  j,'éométri(jue  » , 
mais  ce  mode  d'ornementation   ne   con- 


stitue pas  non  jjlus  une  définition  accep- 
table, car  toutes  les  urnes  en  général  pré- 
sentent la  plus  grande  variété  sous  ce 
raj)port. 


REGION   DIAGUITE.  153 

ce  type  ayant  contenu  un  squelette  d'enlant,  et  qui  est  con- 
servée actuellement  au  Musée  d'etlinogiapliie  du  Trocadéro, 
où  elle  porte  le  n"  47827.  En  haut  de  cette  urne  se  trouve 
l'esquisse  d'une  face  humaine  semblahle  à  celles  qui  sont  carac- 
téristiques des  urnes  d'enfants  de  la  région  diaguite,  figure 
composée  de  deux  yeux,  d'une  bouche,  d'un  nez  rufliinentaires 
et  de  grands  «sourcils»  arqués,  en  relief.  Toute  l'urne  est 
ornée  de  serpents  enroulés  peints  en  noir,  décor  habituel  des 
urnes  funéraires.  M.  Moreno  (244, p.  n)  donne  la  figure  d'une 
urne  très  semblable,  de  Santa  Maria,  sans  autres  renseigne- 
ments. 

Des  urnes  cylindriques,  sans  goulot,  ayant  la  forme  de  la 
fi(j.  6  e  et  dénommées  par  M.  Ambrosetti  (19,  p.  23o)  «  type  Ancla- 
huala»,   ont  été  rapportées  de  Santa  Maria  comme  étant  des 
«  urnes  funéraires  ».  Je  crois  que  cette  indication,  bien  que  très 
vague,  est  authentique,  car  ces  urnes  portent  souvent  l'orne- 
mentation si  caractéristique  des  urnes  d'enfants.  Mais  ont-elles 
contenu  des  adultes,  comme  le  dit  M.  Ambrosetti,  ou  des  en- 
fants.^ C'est  là  une  question  à  résoudre.  La  Mission  Française 
possède  dans  ses  collections  deux  urnes  de  ce  type,  dont  l'une 
a  o" 64  de  hauteur  et  o™  3o  de  diamètre  intérieur  à  l'ouverture, 
et  l'autre  représentée  ici  par  \3ificj.  g  d,  o'"  56  et  o""  286  respec- 
tivement. Dans  aucune  de  ces  deux  urnes  on  n'aurait  pu  (mi- 
foncer  le  cadavre  accroupi  d'un  adulte  de  taille  ordinaire,  c'est- 
à-dire  de  i"6o  à  i™5o  minimum.  A  cette  taille  correspondent 
des  épaules  de  o"'35  à  o"/io  de  largeur,  et  le  diamètre  antéro- 
postérieur  de  la  tête  avec  fépaisseui-  de  la  jambe  et  du  mollet 
donnent  la  même  mesure,  au  moins,  si  serrées  que  soient  les 
jambes   repliées   auprès  du  corps.    Pour    contenir   un   corps 
accroupi,  une  urne  doit  avoir  comme  minimuui  o™8o  de  hau- 
teur, car  la  hauteur  moyenne  (\\\\\  liomme  assis,  d'une  lallle 
(\v  i"'6o  à  l'^Bo,  est  de  o°*  76  y  conq:)ris  la  tète.  Les  2  1  Indiens 
(hommes   adultes)  de  Siiscpies  (pie   j'ai    meusurés  assis  don- 
naient en  moyenne,  dans  celte  position,  une  liauleur  de  o"'88'i 
pour  une  taille  d(>  i"'6i2.  Cinq  lioinnuvs  de  la  Vallée  du  Cajou 


15^1  ANTIQUITES  DE  LA   REGION  ANDINE. 

(Santa  Maria)  mensurés  par  M.  ten  Kalc  (342,p.337)  étaient 
d'une  taille  plus  élevée,  1^676  en  moyenne,  et  devaient  par 
conséquent  avoir  des  épaules  en  proportion.  H  aurait  fallu 
pour  eux  des  urnes  ayant  de  plus  grandes  dimensions  encore 
que  celles  que  je  cite  comme  minimum.  L'inclinaison  de  la  tête 
en  avant  aurait  permis,  il  est  vrai,  de  diminuer  un  peu  la 
hauteur  de  l'urne;  on  peut  supposer  aussi  que  la  tête  dépassait 
peut-être  les  bords;  mais  la  diminution  de  hauteur  provenant 
de  ces  circonstances  ne  pouvait  pas  être  considérable. 

La  série  de  ^^fig-  7  représente  des  urnes  sans  décor.  Les 
spécimens  a,  b  et  c  ont  été  trouvés  par  M.  Ambrosetti  dans  le 
cimetière  d'enfants  d'El  Banado  qu'il  a  fouillé.  C'est  un  fait 
curieux  qu'au  milieu  d'un  très  grand  nombre  d'urnes  décorées, 
de  la  forme  typique,  il  en  ait  rencontré  d'autres  sans  décor.  Ce 
sont  probablement  des  vases  communs  de  ménage,  faits  pour 
contenir  des  boissons  et  employés  comme  cercueils  d'enfants 
uniquement  parce  que,  dans  ces  occasions,  on  n'avait  pas 
d'urnes  spéciales. 

hes  fi(j.  7  d,e  sont  des  urnes  sans  décor  du  cimetière  d'adultes 
de  Chanar-Yaco. 

Les  urnes  caractéristiques  pour  les  enfants  ont  les  formes 
indiquées  par  la  Jig.  6  a,  h,  c,  d.  Pourtant  il  existe  exception- 
nellement dans  les  cimetières  d'enfants  d'autres  formes  d'urnes 
décorées,  parmi  lesquelles  les  urnes  j)yriformes  méritent  d'être 
mentionnées.  M.  Ambrosetti  (18,  p.  61)  en  figure  une. 

Le  décor  des  urnes  d'enfants  est  assez  varié,  mais  presque 
toutes  se  ressemblent  par  un  détail.  A  la  partie  supérieure 
près  du  bord,  presque  toujours  un  nez  se  prolonge  vers  le  haut 
par  deux  «  sourcils  »  arqués  se  continuant  le  long  du  bord  et 
formant  généralement  une  bordure.  Au-dessous  de  ces  arcs, 
on  voit  des  yeux,  et  quelquefois  une  bouche  au-dessous  du 
nez.  Ces  organes  sont  parfois  modelés  en  relief,  mais,  le  plus 
souvent,  ils  sont  peints  et  fréquemment  enlacés  avec  l'en- 
semble des  lignes  qui  forment  le  décor  très  comj^liqué  du  vase. 


REGION   DIAGUIÏE.  155 

Il  y  a  en  général  une  de  ces  faces  liumaines  de  chaque  côté  de 
l'urne. 

Au-dessous  de  cette  face  rudimentaire,  toute  l'urne  est  cou- 
verte de  peintures  en  noir  ou  en  plusieurs  couleurs  prouvant 
une  grande  puissance  d'imagination  chez  les  artistes  et  un  goût 
artistique  remarquable,  bien  que  très  particulier.  Ces  lignes, 
entrelacées  de  la  façon  la  plus  surprenante,  forment  des  com- 
binaisons de  grecques,  d'escaliers,  de  volutes,  de  triangles,  de 
carrés  et  mille  autres  figures  géométriques;  entre  celles-ci,  oti 
voit  des  représentations  de  serpents,  de  crapauds  et  d'une  sorte 
d'oiseaux,  des  nandous  probablement.  H  y  a  aussi  quelquefois 
des  personnages  habillés  de  vêtements  ornés  de  différents  des- 
sins et  coiffés  de  panaches.  Dansfun  de  ses  ouvrages,  M.  Aui- 
brosetti  (19,  p.  ii4)  reproduit  une  série  de  ces  personnages.  Les 
nandous  et  les  crapauds  ont  souvent  une  croix  au  milieu  du 
corps.  Les  serpents  ont  une  ou  deux  têtes,  d'une  forme  plus  ou 
moins  triangulaire  généralement.  Voilà  les  éléments  principaux 
du  décor  des  urnes  funéraires;  mais  il  faut  remarquer  qu'aucun 
de  ces  éléments  n'est  commun  à  toutes  les  urnes  :  tout  au  con- 
traire, on  en  trouve  rarement  plusieurs  réunis  sur  le  même 
vase.  Cette  circonstance  rend  difficile  toute  conjecture  sur  la 
signification  de  ces  dessins  qui  cependant,  sans  doute,  sont 
symboliques.  Si  le  même  animal  ou  la  même  ligure  était  tou- 
jours dessiné  sur  les  urnes,  ou  pourrait  émettre  des  théories, 
mais  quand  une  urne  représente  des  nandous  et  fautre  des  ser- 
pents, etc.,  toute  théorie  devient  impossible. 

Sur  quelques-unes  des  urnes  on  remarque  un  décor  très 
spécial  :  elles  présentent  sur  la  panse  deux  petits  bras  couibes 
en  relief,  dont  les  mains  se  rencontrent  et  soutiennent  une 
petite  coupe  également  en  relief.  Ce  même  décor  se  relrouNc 
sur  des  poteries  péruviennes ^'\ 

'"'   M.  (le  Monlessus  de   Ballore  décrit  vase   provicnl    du    Pitou    cl    a    rli'   Irans- 

ct  figure  [Le  Salvador  jn'ccolonibii'n,  Paris,  poilé  i'i  .San  Salvador  par  des   uiarcliands 

i8()0,   |)1.   X,   fif^.    9.0)   un    vase   avec   ce  d'anlicjuilés,  roinuu'  égaleuient  l)caucou|) 

même    décor,    qu'il    a    rapporté    de    San  d'autres    poteries    reproduites    dans    l'ou- 

Salvador,  mais  il  semble   prouvé  cpie  ce  vrage  mentionné. 


15()  ANTIQUITÉS  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

Je  reproduis  ici,  ficj.  8  et  P,  six  urnes  du  type  Santa  Maria  et 
une  urne  du  type  Andahuala,  provenant  toutes  de  la  Vallée  de 
Yocavil  et  appartenant  à  la  collection  de  la  Mission  Française. 

Fin.  8  a.  Hauteur,  o'"  535.  Diauiètres  intérieurs  miniuia  du  goulot, 
o"'2  2o  et  g'"  2  10*''.  Décor  peint  en  noir  et  en  rouge  sur  fond  blanc;  le 
rouge  n'a  été  employé  que  pour  la  partie  supérieure  du  goulot,  notamment 
pour  la  ligne  qui  forme  le  nez  de  la  face  humaine.  Au-dessous  de  ce  nez,  la 
liouclie  est  indiquée  au  moyen  d'un  rectangle ,  dans  lequel  on  remarque  des 
dents  irrégulières.  Les  yeux  sont  pourvus  de  longs  appendices  du  côté  exté- 
rieur et  de  deux  petits  appendices  dirigés  obliquement  en  bas.  L'urne  fuj.  8  c 
a  deux  appendices  semblables  aux  derniers,  pour  chaque  œil;  Yurnc  ficj.  8  h 
en  a  trois,  mais  ils  manquent  sur  les  urnes  jf?^.  8  d,  9  a-b  et  9  c.  Ces  petites 
lignes  existent  souvent  sous  les  yeux  peints  sur  le  goulot  des  urnes  funéraires 
d'enfants  et  aussi  sur  d'autres  représentations  anthropomoi  plies  de  l'art 
(liaguite.  Certains  auteurs  y  ont  voulu  voir  des  larmes.  Le  décor  de  l'urne 
juj.  8  a  est  composé  d'ornements  géométriques,  excepté  deux  figures  fort 
stylisées  représentant  des  serpents  bicéphales  à  têtes  triangulaires.  L'un  de 
ces  serpents  se  trouve  à  gauche  sur  la  moitié  inférieure  du  goulot  ;  l'autre , 
qui  est  placé  à  droite  au-dessous  de  l'œil,  ne  paraît  pas  entier  sur  la  figure 
h  cause  de  la  position  oblique  de  l'urne.  Les  taches  noires  que  l'on  voit 
sur  la  panse  sont  des  «  coups  de  feu  »  provenant  de  la  cuisson  du  vase.  De 
l'autre  côté  de  l'urne,  la  même  ornementation  est  répétée  avec  des  modifica 
lions  insignifiantes  :  il  Y  ^^  quelques  lignes  rouges  de  plus  sur  le  goulot,  et  la 
«  bouche  »  de  la  face  humaine  manque.  L'une  des  anses  a  été  cassée, 

Fig.  8  h.  Hauteur,  o"'5Zio.  Diamètres  intérieurs  minima,  o'"2  3o  et 
o'"  2  10.  Ornementation  toute  géométrique,  peinte  sur  fond  blanc  en  noir 
et  en  brun  violacé,  cette  dernière  couleur  ayant  été  employée  pour  la  partie 
intérieure  de  certaines  figures  dont  les  bords  sont  noirs.  Sur  les  photogra- 
phies des  urnes,  on  distingue  bien  les  couleurs  brun,  rouge,  etc.,  du  noir, 
qui  est  la  couleur  principalement  employée  pour  leur  décoration.  A  la  base 
du  goulot  de  Wwnefuj.  8  h ,  on  voit,  quoique  presque  effacé,  un  rectangle 
représentant  la  bouche  appartenant  à  la  face  humaine.  Le  côté  opposé  de 
celle  urne  est  identique  à  celui  qui  est  reproduit  sur  la  figure. 

F/V/.   8  c.   Hauteur,  o"'55o.    Diamètres  intérieurs    minima,    o'"  2  i  o    et 

'•'  Les  virnes  du  type  Sanla  Maria  ne  grand   axe   et   le   petit   axe   de  la   partie 

sont  pas  rondes  ;  leur  section  horizontale  la  plus  étroite  du  goulot.  Ces  mesures  sont 

présente  la   forme  ovale.  Les  anses  sont  intéressantes    pour   déterminer    la    gran- 

placées  aux  extrémités  du  grand  axe  de  deur  et,  par  conséquent,  l'âge  des  petits 

cet  ovale,  près  de  la  base  de  Turne.  Les  cadavres  qui  ont  pu  être  introduits  dans 

i<  diamètres    intérieurs    minima  »    sont   le  l'urne. 


REGION  DIAGUITE.  157 

o'"  i85.  Drcor  peint  en  noir  sur  fond  blanc;  quelques-uns  des  ornenienls 
du  goulot  et  du  pied  sont  de  couleur  brun  violacé  avec  des  bords  noirs. 
En  debors  des  ornements  géométriques,  composés  de  greccpies,  etc.,  sont 
esquissés  deux  oiseaux  sur  la  partie  supérieure  de  la  panse.  A  en  juger 
par  le  long  cou,  on  a  probablement  voulu  représenter  des  nandous  [Rlwa 
amencana).  Ces  figures  rendent  parfaitement  certaine  position  de  cet  oi- 
seau prêt  à  se  coucber  par  terre.  Au-dessous  de  la  queue  du  nandou,  à  la 
droite,  il  y  a  un  cercle  noir  que  l'on  pourrait  être  tenté  d'interpréter  comnie 
un  œuf  qui  aurait  été  déposé  par  l'animal.  Sur  la  base  du  goulot,  au- 
dessous  du  nez,  est  esquissée  la  bouche  y  appartenant.  Autour  des  nandous 
passent  deux  lignes  en  relief  représentant  probablement  les  bras  du  person- 
nage dont  les  yeux,  le  nez  et  la  bouche  figurent  sur  le  goulot.  Ces  lignes 
partent  de  la  base  du  goulot, «au-dessus  de  chacune  des  anses,  et,  après 
avoir  circonscrit  les  nandous,  elles  se  réunissent  au  milieu,  oii  elles  forment 
une  agglomération  arrondie  de  petites  bandelettes  en  terre  appliquées  par  la 
j^ression  des  doigts  sur  la  surface  du  vase.  Ce  relief  pastillé  est  sans  doute 
une  substitution  de  la  petite  coupe  tenue  entre  les  mains  des  bras  en  ri'licf 
qui  existent  sur  beaucoup  d*autres  urnes  de  la  même  catégorie  et  dont  nous 
avons  parlé  j)lus  haut. 

Fi(j.  8  cl.  Hauteur,  o"'55o.  Diamètres  intérieurs  minima,  o™  226  et 
o'"  2  10.  Décor  peint  en  noir  et  en  brun  violacé  sur  fond  blanc.  Les  parties 
peintes  en  brun ,  comme  les  grands  escaliers  sur  la  panse  et  certaines  par- 
ties du  goulot,  ont  des  bords  noirs.  Ornementation  géométrique,  excepté 
les  serpents  dessinés  en  zigzag  sur  le  goulot.  L'un  de  ces  serpents  que  l'on 
voit  sur  la  figure,  dans  la  partie  inférieure  du  goulot,  est  pourvu  de  deuv 
têtes  triangulaires.  L'autre  est  placé  au-dessous  de  l'appendice  extérieur  de 
l'un  des  yeux  de  la  face  humaine.  Ce  dernier  serpent  n'a  pas  de  tète.  Les 
deux  serpents  sont  répétés  sur  le  revers  du  vase,  mais  sans  tête  ni  l'un  ni 
l'autre.  Dans  le  coin,  en  haut  à  droite,  du  rectangle  blanc  où  se  trouve  le 
serpent  bicéphale,  est  placé  un  petit  carré  représentant  la  bouche  de  la 
figure  humaine  du  goulot.  Dans  celte  bouche  se  trouvent  trois  dents  supé- 
rieures et  trois  inférieures.  L'ornementation  du  revers  de  l'urne  est  idenlicjue 
à  celle  du  côté  visible,  excepté  la  bouelie  (|ni  nian([ue,  et  le  serpent  (|ui  n'a 
pas  de  tête. 

Fuf.  9a,  h.  Ihrileiir,  ()"'5'i5.  Diamèlres  intérieurs  inininia,  o"' 220  et 
o'"  210.  Lcsjicj.  a  et  h  montrent  les  deux  côtés  de  cette  urne.  L'ornemenla- 
tion  est  exclusivement  i;éoinétri([ue  et  présente  quelques  différences  sur  un 
côté  et  sur  l'autre.  A  remar(|uer  les  croix,  dont  l'une  est  ])larée  sur  le  Iront 
de  l'une  des  faces  humaines,  et  d'autres  au-dessous  des  arcs  (|ni  snrmonlent 
les  yeux.  Le  fond  est  blanc;  la  ])lupai'!  d(>s  ornements  sont  de  coiiieiii-  bnni 
violacé,  avec  des  bords  noirs. 


158  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

Fig.  9  c.  Hauteur,  o'"6io.  Diamètres  intérieurs  niinima,  o""  220  ol 
o'"  2  1  o.  Ornements  en  relief  :  les  yeux  et  les  arcs  qui  forment,  h  leur  jonc- 
tion, le  nez  de  la  face  humaine  du  goulot.  La  bouche  de  cette  face  n'existe 
pas.  Décor  peint  exclusivement  en  noir  sur  fond  blanc.  Ornementation  géo- 
métrique, excepté  peut-être  les  deux  figures  rondes  placées  sur  le  goulot  et 
composées  de  lignes  enchevêtrées.  Ce  sont  probablement  des  figures  sché- 
matiques ornithomorphes,  représentant  peut-être  des  nandous.  Dans  ce 
cas,  l'œil  de  la  face  humaine  formerait  simultanément  la  tête  de  foiseau; 
les  pattes  seraient  indiquées  par  les  lignes  formant  des  angles  en  bas  de  la 
figure.  Le  revers  de  l'urne  présente  un  décor  identique. 

Fig.  9  cl.  «Type  Andahuala».  Hauteur,  o"  56o.  Diamètre  intérieur  à  la 
bouche  de  l'urne,  o"*  285.  Décor  géométrique,  très  sinqjle,  dessiné  par  une 
main  peu  experte.  Tout  l'extérieur  de  l'urne  •est  divisé  en  huit  zones  verticales 
dont  quatre  peintes  en  blanc  alternent  avec  les  quatre  autres  qui  sont  peintes 
en  rouge  foncé.  Sur  la  figure,  on  voit  au  milieu  l'une  des  zones  blanches, 
une  autre  est  située  en  face,  au  côté  opposé,  et  les  deux  restantes  traversent 
les  anses.  Sur  ce  fond ,  les  lignes  c[ui  sentent  d'ornementation  sont  peintes  en 
noir.  Les  deux  côtés  de  l'urne  se  ressemblent  parfaitement. 

La  pâte  de  ces  urnes  est  rouge  ou  jaunâtre,  excepté  celle  de  \uy\w  fuj.  9  d 
(type  Andahuala),  qui  est  de  couleur  grise.  On  voit  dans  la  pâte  de  toutes 
les  urnes  des  particules  de  feldspath  blanc  provenant  du  dégraissant.  La 
cuisson  est  assez  parfaite;  seule  dans  une  urne  on  remarque,  dans  une  cas- 
sure, une  couche  grisâtre  entre  deux  couches  rouges  et  qui  démontre  que 
la  cuisson  n'a  pas  atteint  d'une  manière  égale  toute  l'épaisseur  du  vase. 


Les  urnes  funéraires  d'enfants  ont,  en  général,  de  o"5o  à 
o""  60  de  hauteur.  Elles  sont  recouvertes  d'écuelles  qui  souvent 
portent  des  dessins  analogues  à  ceux  des  urnes.  Ces  écuelles 
sont  généralement  renversées  sur  la  bouche  de  l'urne,  ou,  par 
exception ,  placées  le  fond  en  bas  ;  quelquefois,  au  lieu  d'écuelles 
comme  couvercle,  le  fond  d'une  urne  brisée  ou  une  dalle  de 
schiste. 

On  a  exhumé  plusieurs  centaines  de  ces  urnes.  Dans  falbum 
de  MM.  Liberani  et  Hernândez  (217,  pi.  5-io),  nous  trouvons  les 
premières  reproductions  qui  en  ont  été  publiées.  Ce  sont  six 
urnes  dont  l'une  provient  de  Fuerte  Quemado  et  cinq  de 
Loma  Rica,  probablement,  quoique  les  auteurs   n'indiquent 


Pl.  IV. 


Fisr.  8.  —  l  rues  rim(''raii'('s  de 


\allri'  (le  Yoravil,  ayant  conlciiii  ilrs  -.(|iicl( 
Knviron  i/()  <i\\  iial. 


ilaiils 


Pl.  V 


Fi.r.  f).  Lrnos  fiiiu'i'aii'i's  de  la  \  nllro  de  Vocavil ,  ayant  roiilciiu  des  .s(iiiclollc>i  driiranls. 

Kiiviroii  i/G  gr.  iial. 


REGION  DTAGUITE.  159 

pas  de  localité.  M.  Aniegliino  (32,  i,  pi.  xi,  fig.  3-.i3-326,  429,  oi  pi.  x, 
lig.  029)  reproduit  les  ligures  de  MM.  Liberani  et  Hernâudez. 
Plus  tard,  environ  quarante  urnes  ont  été  dessinées  par 
M.  Holmberg,  et  les  dessins  de  ce  dernier  ont  été  publiés  par 
MM.  Ambrosetti  (16,  p.  222-223,  226-227;  18,  p.  56-Go;  19,  p.  no,  ii5, 
162,  172-175,  180-186,  231-233)  et  Quiroga  (297,  p.  552-557;  299,  p.  3i3- 
3i/i;  303,  p.  128-135,  139-1^4,  i5d-i55,  187-189,  225,  228,  23i).  Prescpie 
toutes  les  figures  apparaissent  chez  les  deux  auteurs  et  sont 
répétées  dans  leurs  divers  travaux;  (dles  comprennent  les  urnes 
suivantes  : 

3i  urnes  du  type  Sanla  Maria  (voir  ll(j,  6  a,  h)  :  Santa  Maria  [U  urnes), 
San  José  (y),  Loiiia  Ilica  (3),  Fuerte  Quemado  (3),  Andahuala  (2), 
Quilmes  et  El  Banado  (6),  Ainaicha  (1),    talï  (/j),  Calayate  (1   urne)'''. 

1  1  urnes  du  «  type  Aniaicha  »  (voir  Jtg.  6  c,  d)  :  Santa  Maria  (1  urne), 
Lonia  Rica  (i),  Fuerte  Quemado  (1),  Quilmes  et  El  Banado  (3),  Amaiclia  (  3), 
Cafayate  (  1  ) ,  Colonie  près  de  Molinos  (  1  ). 

k  urnes  du  type  Andaliuala  [\oirJi(j.  6  c):  1  de  Loma  Rica,  -i  de  San  José 
(Santa Maria)  et  1  d'Andalgalâ. 

On  voit  que  toutes  ces  urnes  proviennent  d'un  territoire  très 
limité  :  la  partie  méridionale  de  la  Vallée  Calchaquie,  sa  conti- 
nuation vers  le  Sud,  la  Vallée  de  Yocavil,  et  sa  ramification  en 
Tucuman,  la  Vallée  de  Tafi.  Cependant  rien  ne  s'oppose  aux 
découvertes  futui'es  de  ces  cimetières  d'enfants  dans  d'autres 
j^ai'ties  de  la  région  diaguite. Le  D'^Hamy  (155;  déc  iv,  n°xxxiv;p.  174 
cipl.  iv)  a  piil)lié  déjà  en  1896  la  ])hotogi-aphie  d'une  urne  du 
type  Santa  Maria,  provenant  du  département  de  Guachipas, 
dans  la  province  de  Salla,  et  les  dernières  découvertes  à  Pampa 
Grande  indiquent  que  ce  département  est  très  riche  en  urnes 

'"'  Les  photographies  de  cpialre  autres  Grande.  Cepentlanl,  sur  ces  figures,   les 

urnes  du  l\pe  Sanla  Maria,  sans  iudicatiou  desshis  ne  sont  en   général    jias  visiMes. 

de  localités,  sont  publiées  par  M.  Amhro-  Parmi   les   urnes   de   Pani|)a  (irande,  il  > 

selli  (25 ,  p.  i5) ,  dans  le  /i»//c/m  (/c  /a  iS'o-  en     a    plusieurs   d'un    type    nouveau    »pii 

cièlè  de  géographie    italienne.   Au  nombre  .s'écarte  un  |)eu  de  celui  déiionuné  «type 

des  figures  d'urnes  qui  ont  été  |)ubliées,  Sanla  Maria». 
il    laul    aussi    ajouter   celles    de     Pampa 


160  ANTIQUITES  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

décorées  analogues  à  celles  de  la  Vallée  Calcliaquie  et  de  la 
Vallée  de  Yocavil.  M.  Lafone-Quevedo,  dans  la  préface  d'un 
ouvrage  de  M.  Quiroga(303,  p.  xvi),  mentionne  deux  autres  urnes 
du  type  Santa  Maria,  exhumées  à  Choya,  à  2  kilomètres  d'An- 
dalgala,  c'est-à-dire  dans  un  endroit  qui  est  séparé  de  la  Vallée 
de  Yocavil  par  les  vasles  landes  du  Campo  de  Pozuelos  et  i)ar 
la  haute  Sierra  de  las  Capillitas. 

Dans  le  but  de  comparer  mes  connaissances  sur  les  enten-e- 
ments  d'enfants  dans  des  urnes,  dans  la  région  diaguite,  avec 
celles  d'un  voyageur  qui  a  effectué  une  belle  exploration  an- 
thropologique et  archéologique  dans  cette  même  région,  j'ai 
demandé  à  M.  ten  Kate  de  me  dire  ce  qu'il  pense  à  ce  sujet. 
M.  ten  Kate,  se  trouvant  en  mission  scientifique  en  Ceylan  et 
n'ayant  pas  sous  la  main  les  carnets  de  son  voyage ,  m'écrit  : 
«  Je  ne  puis  donc  vous  répondre  que  d'après  mes  souvenirs 
un  peu  vagues.  Je  crois  avoir  rencontré  les  urnes  funéraires 
du  «type  Santa  Maria»  dans  des  endroits  spéciaux,  non  mê- 
lées d'autres  tombeaux.  J'incline  à  croire  que  ces  petits  enfants 
étaient  sacrifiés  dans  un  but  religieux  quelconque.  » 

Cependant  le  fait  que  des  restes  d'enfants  ont  été  recueilfis 
dans  les  urnes  des  cimetières  et  des  grottes  funéraires  des 
contrées  immédiatement  au  nord  de  la  région  diaguite  :  la  Que- 
brada  del  Toro  et  la  Puna  de  Jujuy,  constitue  une  exception  à 
la  règle  que  les  urnes  funéraires  d'enfants  soient  toujours  en- 
terrés dans  des  cimetières  spéciaux.  Mais  notons  que  les  urnes 
de  ces  dernières  régions  n'ont  jamais  de  décor  spécial;  ce  sont 
des  vases  communs,  grossiers,  sans  ornementation.  D'ailleurs, 
en  ce  qui  concerne  la  Puna  de  Jujuy,  c'est-à-dire  Casabindo 
et  Rinconada,  les  enfants  momifiés  trouvés  dans  des  urnes  et 
mentionnés  23las  haut  étaient  beaucoup  plus  âgés  que  les 
enfants  des  cimetières  spéciaux  de  la  région  diaguite;  peut-être 
s'agit-il  ici  de  sépultures  ordinaires  .i^  Quant  à  Morohuasi  (Que- 
brada  del  Toro) ,  j'ai  en  effet  constaté  qu'on  y  enterrait  certains 
enfants  dans  des  urnes  grossières,  parmi  les  autres  morts,  dans 


RÉGION   DIACUITK.  161 

le  cimetière  général  du  village.  Peut-être  faut-il,  dans  ce  fait, 
voir  une  modification  des  coutumes  de  la  région  diaguite. 

Les  cimetières  d'enfants  de  la  région  diaguite,  ou  plutôt  de 
la  région  calcliaquie  —  car  c'est  surtout  dans  la  partie  calcha- 
quie  du  pays  des  anciens  Diaguites  qu'on  les  connaît  jusqu'à 
présent  —  sont  particuliers  à  cette  région.  Nulle  part  ailleurs 
en  Amérique,  on  ne  constate  l'enterrement  habituel  des  fœtus 
et  des  nouveau-nés  dans  des  urnes  spéciales.  Ce  mode  d'enter- 
rement d'enfants  n'est  connu  que  sporadiquement  et  dans  des 
cas  tout  à  fait  excej^tionnels  et  isolés.  Ainsi  M.  J.  T.  Médina 
(234,  p. /i23,  fig.  3o8)  donne  la  figure  d'un  grand  vase,  presque 
globulaire,  sans  décor,  provenant  de  Patagûilla,  province  de 
Curicô  (Chili),  et  qui  aurait  contenu  «des  os  d'un  enfant  et 
plusieurs  sortes  de  graines».  De  l'Amérique  septentrionale,  on 
peut  citer  un  certain  nombre  de  cas,  mais  toujours  des  cas 
isolés.  M.  J.  W.  Fewkes  (129, p.  179),  par  exemple,  mentionne  un 
grand  vase  contenant  le  squelette  d'un  enfant  et  trouvé  à  Pueblo 
Viejo  (Arizone),  dans  une  ancienne  habitation,  avec  beaucoup 
d'autres  grands  pois  grossiers ,  vides ,  qui  avaient  servi  sans  doute 
à  conserver  de  l'eau  ou  des  boissons  quelconques.  Nous  pour- 
rions citer  d'autres  cas  exceptionnels,  mais  nos  cimetières  ad 
hoc,  d'où  sont  exclus  les  adultes  et  qui  se  composent  seulement 
d'urnes  d'un  décor  spécial  et  ne  contenant  que  des  fœtus  et  des 
nouveau-nés,  ces  cimetières  ne  se  trouvent  que  dans  la  région 
diaguite. 

Les  historiographes  jésuites  des  Diaguites  ne  parlent  pas  de 
ces  sépultures  d'enfants  ni  des  rites  qui  devaient  être  en  usage 
pour  ces  enterrements.  Ce  silence  des  historiens  ne  doit  pas 
nous  étonner,  car,  ainsi  que  nous  l'avons  vu,  leurs  infoiinations 
sur  le  culte  et  la  religion  des  aborigènes  sont  des  plus  précaires. 
Sans  doute,  la  réserve  extrême  des  indigènes  sur  ces  questions 
a  empêché  les  missionnaires  d'oblenir  d'eux  (hvs  renseigne- 
ments. 

En  général,  l'usage  d'urnes  comme  cei-cueils  élail  élranger 
aux  peuples  andins  et  surtout  n'existait  pas  dans  la  région  ando- 


1G2  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

péruvienne  en  dehors  du  pays  des  Diaguites.  Les  recherches 
archéologiques  ont,  jusqu'à  ce  jour,  conhrmé  l'ahsence  de  cette 
coutume  dans  la  zone  de  l'ancienne  civilisation  péruvienne. 
Seuls,  deux  ou  trois  renseignements,  tirés  des  auteurs  espagnols 
de  la  conquête,  sembleraient,  à  la  grande  rigueur,  contredire 
ce  fait.  Zârate  (383, 1. 1,  c.  xi;  1. 1,  p.  63)^^^  d'abord,  raconte  que  «  les 
Espagnols  trouvèrent,  dans  les  temples  consacrés  au  Soleil, 
lîlusieurs  grands  pots  en  terre  pleins  d'enfants  secs  que  l'on 
avait  sacrifiés  ».  Gomara  (148,  c.  cxxi,  fol.  i58),  de  son  côté,  dit  que 
les  Indiens  sacrifiaient  leurs  propres  enfants,  mais  «ceux  qui 
agissaient  ainsi  n'étaient  pas  nombreux  (bien  qu'ils  fussent 
tous  cruels  et  d'instincts  bestiaux  dans  leur  religion).  Ils  ne 
mangeaient  pas,  d'ailleurs,  ces  enfants,  mais  les  faisaient 
sécher  et  les  gardaient  dans  de  grands  vases  en  argent». 
D'après  Arriaga  (39,  p.  i6,  17,  iSa),  les  jumeaux,  chiichos  ou  curls , 
et  les  enfants  qui  venaient  au  monde  les  pieds  en  avant  et  que 
l'on  nommait  chacpas,  étaient  conservés,  lorsqu'ils  mouraient 
en  bas  âge,  dans  des  pots  à  l'intérieur  des  maisons.  Le  clergé 
catholique  avait  brûlé  en  autodafé  public  de  nombreuses  urnes 
contenant  les  corps  de  ces  enfants.  Certaines  superstitions 
étaient  attachées  iinx clnichos  et  dLiixchacpas.  On  croyait  que  l'un 
des  jumeaux  était  le  fils  de  la  foudre.  Un  chacpa,  s'il  vivait, 
portait  pendant  toute  sa  vie  ce  mot  accolé  à  son  nom,  et  ses 
enfants  étaient  désignés  par  des  appellations  spéciales  :  masco 
pour  les  fils  et  chachi  pour  les  filles.  L'archevêque  Villa  Gômez 
(370,  c.  Lviii,  fol.  37,  38)  confirme  les  renseignements  du  P.  Arriaga. 
Son  questionnaire  pour  la  confession  des  Indiens  est,  en  grande 
partie,  formulé  d'après  ces  renseignements.  Sa  So*"  question,  à 

(''  Ce  chapitre  de  Zôrate  :  «  Des  céré-  de  manière  que  les  chapitres  originaires 
nionies  religieuses  et  des  sacrifices  des  In-  xiii ,  xiv  et  xv  portent  les  numéros  x  ,  xi 
diens  du  Pérou»,  existe  seulement  dans  et  xii.  La  figure  des  éditions  françaises, 
la  première  édition  de  son  ouvrage ,  impri-  représentant  le  sacrifice  d'un  jeune  homme 
mée  à  Anvers  en  i555,  et  dans  la  tra-  et  reproduite  par  M.  Ambrosetti  (19,  p.  90), 
duction  française  (383).  Dans  l'édition  es-  n'est  pas  prise  dans  l'édition  d'Anvers, 
pagnole  de  la  Biblioteca  de  Au  tores  Espa-  mais  dessinée  spécialement  pour  ces  tra- 
fioles  (382),  les  chapitres  x,  xi  et  xii  ont  ductions.  Cette  figure  n'a  donc  aucune  va- 
été  supprimés  et  le  nvimérotage  changé,  leur  documentaire. 


REGION  DIAGUITE.  1G3 

propos  des  chuchos  et  des  chacpas,  est  la  suivante  :  «  Quand  un 
de  ces  petits  enfants  meurt,  l'ont-ils  conservé  ou  le  conservent- 
ils  en  une  quelconque  jarre  ou  autrement,  suivant  la  coutume 
de  leur  gentilité  ?  »  Cette  question  est  précédée  de  bien  d'autres 
qui  démontrent  un  ensemble  de  superstitions  cohérentes  à 
l'égard  de  ces  enfants  :  La  femme  accouchée  de  jumeaux  a-t-elle 
«  par  coutume  de  sa  gentilité»  observé  des  jeûnes,  certaines 
abstinences  (de  sel,  cVaji  ou  piment),  certaines  continences, 
une  retraite  plus  ou  moins  longue,  loin  des  regards  de  tous, 
dans  sa  maison  ou  ailleurs?  La  naissance  de  ces  chuchos  ou  de 
ces  chacpas  a-t-elle  donné  lieu  à  une  procession  où  les  nouveau- 
nés  furent  promenés  au  son  du  tambour  ? 

C'est  là  tout  ce  que  j'ai  pu  trouver  dans  les  documents 
écrits  sur  l'usage  des  urnes  comme  cercueils  de  petits  enfants. 
Mais  les  faits  rapportés  par  Zârate  et  par  Gomara  devaient  être 
exceptionnels,  car  on  ne  trouve  pas  au  Pérou  d'urnes  conte- 
nant des  squelettes  d'enfants.  En  ce  qui  concerne  la  coutume 
mentionnée  par  Arriaga  et  par  Villa  Gômez,  elle  est  encore 
plus  exceptionnelle,  car  elle  ne  se  rapporte  qu'aux  jumeaux 
et  aux  chacpas  morts  en  bas  âge.  D'ailleurs,  les  quatre  au- 
teurs cités  visent  clairement  la  conservation  à  domicile  des 
urnes  contenant  les  corps,  et  non  leur  enterrement. 

La  sépulture  des  enfants  en  bas  âge  et  des  fœtus  dans  des 
cimetières  spéciaux,  où  il  n'y  a  ni  adultes,  ni  enfants  au-dessus 
de  deux  ans,  est  une  coutume  très  particulière  sans  doute.  En 
présence  de  ce  fait,  on  entrevoit  très  naturellement  la  possil)iHlé 
de  sacrihces  provenant  d'un  rite  qui  exigeait  fliolocausle  des 
petits  enfants  pour  obtenir  la  clémence  et  la  Ixiveur  des  dieux. 

S'il  n'en  était  pas  ainsi,  il  serait  en  elfet  bien  étonnant  que 
l'on  eût  enterré  uniquement  ces  petits  enfants  de  cette  manière 
toute  spéciale,  dans  des  endroits  ad  hoc  et  dans  des  urnes  si 
particulières  couvertes  de  dessins  symbohques.  S'il  ne  s'agissait 
pas  de  sacrifices,  pourquoi  rendre  de  pareils  honneurs  aux 
fœtus  et  aux  enfants  d'un  ou  de  deux  ans  seulement,  honneurs 


104  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

qiioii  n  accordait  pas  aux  adultes  et  aux  enfants  plus  âgés? 
En  admettant  —  ce  qui  est  invraisemblable  —  que  ces  urnes 
si  bien  décorées  aient  été  un  hommage  de  l'amour  paternel, 
pourquoi  ne  pas  avoir  enterré  ces  enfants  aimés  avec  leurs 
parents?  Pourquoi  y  aurait-il  des  enfants  inhumés  de  la  manière 
ordinaire  avec  les  adultes,  et  d'autres  enterrés  d'une  façon 
particulière  et  dans  des  cimetières  à  part?  Il  me  semble  que 
tout  plaide  en  faveur  de  la  théorie  du  sacrifice  qui  expliquerait 
ces  cimetières  si  spéciaux. 

A  l'appui  de  cette  théorie ,  on  peut  citer  de  nombreux  ren- 
seignements historiques  sur  les  sacrifices  d'enfants ,  aussi  bien 
dans  les  diverses  régions  de  l'empire  péruvien  qu'au  Mexique. 
Je  parlerai  des  principaux  de  ces  renseignements  en  ce  qui 
concerne  le  Pérou;  je  dois  toutefois  faire  remarquer  qu'il  n'y 
est  pas  question  de  sacrifices  de  fœtus  et  d'enfants  d'un  ou  de 
deux  ans,  comme  dans  la  région  diaguite,  mais  d'enfants  plus 
âgés.  Les  auteurs  ne  disent  rien  de  l'enterrement  dans  des 
urnes,  ni  d'un  enterrement  particulier  quelconque,  d'un  autre 
genre.  Pour  commencer  par  Cieza  de  Léon  (101;  c.iv,l\iii,  lxwix; 
p.  337,  416,  435),  il  parle  beaucoup  de  sacrifices  humains  et  éga- 
lement de  sacrifices  d'enfants,  mais  c'est  seulement  dans  le 
dernier  des  chapitres  cités  qu'il  rapporte  que,  dans  la  province 
de  Bilcas,  on  sacrifiait  aux  dieux  des  nihos  tiernos,  des  enfants 
en  bas  âge.  Pioman  y  Zamora  (315,  i,  p.  226)  dit  que  «les  sacri- 
fices généraux  »  (pour  tout  l'empire  du  Pérou)  «  étaient  accom- 
plis dans  les  cas  d'une  grande  nécessité,  comme  famine,  é2:)i- 
démies  et  autres  ;  dans  ces  cas ,  on  sacrifiait  des  enfants  mâles 
et  femelles  qui  n'avaient  encore  commis  aucun  péché».  Le 
P.  Cristobal  de  Molina  (240,  p.  54,  58)  rapporte  qu'un  ou  deux 
enfants  âcfés  d'environ  dix  ans  étaient  sacrifiés  à  foccasion  de 
la  fête  Capac-cocha,  instituée  par  Pachacuti-Inca-Yupanqui. 
On  étranglait  ces  enfants  et  on  les  enterrait  avec  des  statuettes 
en  argent,  etc.  On  sacrifiait  aussi,  aux  Jiaacas  princijDaux  de 
toutes  les  provinces,  des  enfants  qui,  à  une  certaine  époque 
de  l'année ,  étaient  envoyés  de  Cuzco  dans  tous  les  endroits  où 


REGION  DIAGUITE.  165 

avait  lieu  le  culte  de  ces  liuacas.  Parmi  les  victimes,  il  devait  y 
avoir  des  enfants  en  bas  âge,  car  «  ceux  qui  le  pouvaient  allaient 
à  pied  à  leur  destination,  les  autres  étaient  portés  par  leurs 
mères  ».  Une  fois  arrivés,  on  les  étranglait  et  on  brûlait  ensuite 
leur  corps.  Suivant  Acosta  (2;  1.  v,  c.  xix;t.  n,  p.  /ly),  «  il  était  d'usage 
au  Pérou  de  sacrifier  des  enfants  de  quatre  à  dix  ans  ».  A  l'occa- 
sion du  couronnement  de  l'Inca  (lorsqu'il  ceignait  la  borla),  on 
sacrifiait  deux  cents  enfants  de  cet  âge.  On  les  étranglait  et 
on  les  enterrait  ensuite  avec  certaines  cérémonies;  d'autres 
fois,  on  leur  coupait  la  gorge  et  les  Indiens  s'enduisaient  la  face 
de  leur  sang,  d'une  oreille  à  l'autre.  Lorsqu'un  Indien  était  ma- 
lade et  que  le  sorcier  prédisait  sa  mort,  on  sacrifiait  son  fils  au 
Soleil  ou  au  dieu  Huira cocha,  en  leur  demandant  de  se  conten- 
ter de  l'enfant  et  de  ne  pas  prendre  la  vie  du  père.  Garcilaso 
de  la  Vega  (140;  1. 1,  c  xi;  fol.  lo)  dit  que  chez  quelques-unes  des 
nations  qui  composaient  fempire  incasique,  les  parents  sacri- 
fiaient leurs  propres  fils  dans  certaines  circonstances  critiques, 
mais  il  ne  parle  pas  de  l'âge  de  ces  enfants  et  encore  moins  de 
leur  enterrement  dans  des  urnes.  D'après  Garcilaso,  ces  enfants 
étaient  sacrifiés  en  leur  ouvrant  la  poitrine  et  en  leur  arrachant 
le  cœur.  Herrera  (164;  dec.  v,  1.  iv,  c.  v;  t.  m,  p.  1 15)  cite  aussi  l'immo- 
lation des  enfants,  mais  ne  dit  rien  non  plus  de  leur  enterrement 
dans  des  urnes;  selon  lui,  c'étaient  des  enfants  de  quatre  à  dix 
ans  que  l'on  sacrifiait  pour  obtenir  la  guérison  de  l'Inca  lorsqu'il 
était  malade,  ou  à  foccasion  de  son  couronnement  ou  encore 
pour  remporter  une  victoii-e  en  temps  de  guerre.  Ces  enfants 
étaient  quelquefois  étranglés  et  enterrés,  d'autres  fois  décapi- 
tés. On  sacrihait  le  fils  pour  obtenir  la  guérison  du  père,  lorsque 
celui-ci  était  gravement  malade.  Dans  le  chapitre  suivant, 
Herrera  raconte  que  les  Indiens  immolaient  des  enfants  pendant 
les  grandes  fêtes  qu'ils  organisaient  à  l'époque  de  la  moisson, 
et  pour  implorer  également  la  clémence  divine  dans  les  grands 
malheurs  et  les  adversités.  Calanclia  (89;  I.ii,c.  xn;p.  375)  réj:)èle  le 
lait  rapporté  par  Acosta,  qu'on  sacrifiait  deux  cents  enfanls  âgés 
de  quatre  à  dix  ans,  à  foccasion  du  couronnement  de  l'Inca. 


166  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

Si  de  l'Amérique  du  Sud  nous  passons  au  Mexique,  nous  y 
trouvons  les  sacrifices  d'enfants  très  en  vogue.  Sahagun  (320;  1.  n, 
c.  I,  III,  IV,  XX ;  1. 1,  p.  5o,  52,  55,  84)  nous  décrit  de  vraies  hécatombes 
faites  annuellement  en  l'honneur  de  Tlaloc  et  de  Chalchiuht- 
licué,  les  divinités  des  montagnes,  des  orages  qui  s'y  forment 
et  des  eaux  qui  en  descendent.  Dans  le  premier  mois  de  l'année , 
Athcahualco ,  on  achetait  un  grand  nombre  d'enfants  en  bas 
âge  à  leurs  mères  et  on  «  les  sacrifiait  dans  certains  endroits 
situés  sur  les  sommets  des  montagnes,  en  leur  arrachant  le 
cœur,  en  l'honneur  des  dieux  de  l'eau ,  afin  d'obtenir  d'eux  une 
pluie  alDondante  ».  Ces  sacrifices  d'enfants  en  masse  continuaient 
jusqu'au  Uei  Toçoztli,  le  quatrième  mois  de  Tannée,  c'est-à-dire 
que  «  Ton  sacrifiait  des  enfants  dans  toutes  les  fêtes  jusqu'à  ce 
que  les  eaux  devinssent  abondantes  ».  Les  enfants  ainsi  sacrifiés 
jDaraissent  avoir  été  enterrés  dans  des  cimetières  spéciaux  sur 
les  hautes  montagnes,  considérées  comme  résidence  de  Tlaloc. 
M.  Désiré  Charnay  a  fouillé,  en  i88o,  un  de  ces  cimetières  à 
Tenenepanco,  sur  les  pentes  du  Popocatepetl,  à  /i,ooo  mètres 
au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  Ce  cimetière  contenait  seu- 
lement des  enfants,  ensevelis  dans  la  terre  au  hasard,  sans 
aucune  méthode,  les  corps  paraissant  avoir  été  jetés  pêle-mêle 
dans  les  fosses,  tantôt  seuls  et  tantôt  groupés,  dans  toutes  les 
attitudes  et  à  toutes  les  profondeurs.  Les  petits  cadavres  étaient 
accompagnés  de  poteries  dont  les  motifs  de  décoration  se  rap- 
portaient le  plus  souvent  à  TlalocetàChalchiuhtlicué.  M.  Char- 
nay (97,  p.  iSg  et  suiv.)  a  j^ublié  la  description  de  ses  fouilles  dans 
le  cimitière  de  Tenenepanco,  et  le  D""  Hamy  (155;  dec.n,  n''xi;p.  69 
et  suiv.)  a  fait  une  étude  complète  de  ce  cimetière  et  des  sacrifices 
d'enfants  au  Mexique. 

Comme  nous  le  voyons,  il  existe  peu  d'informations  sur 
fusage  des  urnes,  au  Pérou,  comme  cercueils  de  petits  enfants, 
et  ces  urnes  étaient  alors  conservées  dans  les  maisons  et  n'étaient 
pas  enterrées.  Quant  aux  sacrifices  d'enfants,  ils  étaient  communs 
au  Pérou  et  au  Mexique ,  mais  on  sacrifiait  des  enfants  de  tous 
les  âges  et  on  ne  les  enterrait  pas  dans  des  urnes.  L'enterre- 


RÉGION  DIAGUITE.  167 

inen  des  fœtus  et  des  nouveau-nés  dans  des  urnes  spéciales 
et  dans  des  cimetières  ad  hoc  reste  toujours  particulier  à  la  ré- 
gion diaguite.  Il  est  probable  que  ces  fœtus  et  ces  nouveau-nés 
étaient  immolés  en  sacrifice  aux  dieux. 

En  terminant  ce  chapitre,  je  dois  rappeler  une  cérémonie 
des  métis  actuels  que  M.  Ambrosetti  et  d'autres  auteurs  ont 
voulu  rattacher  aux  cimetières  d'enfants  et  aux  rites  spéciaux 
d'inhumation  infantile  dans  la  région  diaguite.  C'est  la  cérémonie 
de  Vangelito  :  lorsqu'un  petit  enfant  meurt,  il  est  habillé  de 
blanc,  paré  de  papier  peint  et  de  rubans  de  couleurs  criardes; 
on  lui  fixe  au  dos  des  ailes  en  papier  doré  ;  on  l'assoit  sur  une 
table  et  on  f entoure  de  bougies  allumées.  Le  soir,  forgie  com- 
mence dans  la  maison  mortuaire  :  on  danse  autour  du  «  petit 
ange»,  et  les  libations  continuent  jusqu'à  ce  qu'il  n'y  ait  plus 
rien  à  boire.  On  transjDorte  alors  Xamjellto  dans  une  autre 
maison,  forgie  recommence,  et  le  corps  est  ainsi  mené  d'une 
maison  à  fautre  jusqu'à  ce  qu'il  se  trouve  dans  un  état  tel  de 
décomposition  qu'il  faut  fenterrer  d'urgence.  Quelquefois  on 
met  le  corps  dans  falcool  ]30ur  le  conserver  plus  longtemps, 
et  des  cabaretiers  entrepreneurs  louent  ce  corps  pour  con- 
tinuer la  fête  chez  eux  et  vendre  ainsi  de  grandes  quantités 
d'eau-de-vie.  Les  métis  donnent  comme  prétexte  de  cette  céré- 
monie que  Xancjelito  étant  innocent,  il  faut  se  réjouir  de  sa  mort 
parce  qu'il  va  auprès  de  Dieu  prier  pour  les  vivants.  Comme 
nous  le  verrons,  cette  cérémonie  existe  aussi  chez  les  Indiens 
de  Susques,  dans  la  Puna  de  Atacama.  M.  Wiener  (377,  p.  95)  a 
trouvé  la  même  cérémonie  en  usage  au  Pérou  parmi  les 
nègres  de  Trujillo.  Elle  existe  également  chez  les  indigènes 
du  Mexique;  le  D'  Hamy  (40,  p.  76,  note)  dit,  en  parlant  de  ce 
pays  :  «  La  mort  d'un  enfant  au-dessous  de  sept  ans,  considéré 
comme  un  saint,  un  protecteur,  donne  lieu  à  des  réjouissances. 
Autour  du  cadavre,  lavé,  parfumé,  costumé  en  ange  et  couvert 
de  fleurs,  s'ouvrent  des  danses  et  commence  une  orgie  qui 
durent  jour  et  nuit  et  que  la  déconq)osilion  du  corps  n'arrête 


1G8  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDTNE. 

pas.  Des  industriels  louent,  achètent  le  cadavre  qu'ils  trans- 
portent dans  un  lieu  plus  aéré,  suivant  les  proportions  qu'ils 
veulent  donner  à  la  fête  appelée  velor'io  au  Mexique  et  velatono 
en  Espagne.  » 

Les  auteurs  argentins  prétendent  que  la  cérémonie  de 
Vangehto  est  une  réminiscence  lointaine  des  anciens  sacrifices 
d'enfants;  mais  cette  thèse  est  tout  à  fait  insoutenable,  car  des 
coutumes  semblables  existent  parmi  les  paysans  de  certaines 
parties  de  fEurope  méridionale  :  cette  cérémonie  est  donc 
d'origine  européenne  et  chrétienne. 

Sur  ma  demande,  M.  le  D*'  G.  V.  Callegari,  de  Padoue,  a 
bien  voulu  recueillir  des  informations  à  cet  égard  en  Italie. 
11  a  consulté,  entre  autres  savants  de  ce  pays , le folkloriste  bien 
connu,  le  D'"  G.  Pittré,  et  le  comte  A.  de  Gubernatis. 

Voici  ce  que  m'écrit  M.  Callegari  :  «  M.  de  Gubernatis  me 
dit  qu'il  croit  avoir  vaguement  entendu  parler  d'une  coutume 
semblable  à  celle  de  l'Argentine ,  et  il  pense  qu'elle  a  été  trans- 
portée en  Amérique  par  des  émigrants  de  fEurope  méridio- 
nale. M.  de  Gubernatis  m'informe,  et  M.  Pittré  m'assure,  que 
dans  la  campagne  toscane  f  enfant  mort  est  habillé  en  petit  ange 
[angiolino]  et  entouré  d'un  ruban  auquel  les  personnes  présentes 
font  des  nœuds,  croyant  que  tous  les  vœux  adressés  ainsi  seront 
exaucés.  Un  usage  identique  existe  également  en  Sicile.  Dans 
laCalabre,  d'ajDrès  les  renseignements  d'un  de  mes  élèves  de 
Catanzaro,  f  enfant  est  habillé  en  amjioUno  et  considéré  comme 
tel,  mais  aucune  cérémonie  n'est  faite  autour  de  son  corps.  » 
La  coutume  des  paysans  de  Toscane  est  analogue  à  la  cérémonie 
hispano-américaine  de  Xangelito,  seulement  elle  n'est  pas  suivie 
d'orgie.  Je  n'ai  malheureusement  guère  pu  obtenir  de  ren- 
seignements concernant  cette  coutume  en  Espagne.  Le  seul 
que  je  possède  de  ce  pays  provient  d'une  dame  française  de 
mes  relations  qui  a  habité  les  environs  de  Barcelone.  Elle  m'a 
raconté  qu'un  petit  enfant  étant  mort  dans  une  maison  de 
paysans  voisins  de  la  sienne,  il  fut  habillé  en  ange.  Et,  comme 
en  Amérique,  on  buvait  et  on  dansait  toute  la  nuit  autour  de 


REGION  DIAGUITE.  169 

son  corps.  Une  enquête  sur  ces  cérémonies  en  Espagne  serait 
très  intéressante.  Même  en  France,  les  paysans  se  réjouissent 
de  la  mort  d'un  petit  enfant  au  lieu  de  le  pleurer.  A  ce  sujet, 
M.  le  professeur  Jules  Humbert  m'écrit  :  «  Ce  que  vous  me 
dites  de  cette  cérémonie  m'a  rappelé  ce  qui  se  passait  encore 
il  y  a  quelques  années  dans  mon  pays,  en  Franche-Comté  : 
Quand  un  enfant  mourait,  les  parents  et  amis  qui  le  veillaient 
laisaient  des  (jaiifres  pendant  la  nuit;  et  Ixiire  des  gaufres  dans 
les  campagnes  de  la  Franche-Comté,  c'est  un  des  plus  grands 
signes  de  réjouissance.  On  pensait  qu'il  ne  fallait  pas  s'attrister 
de  la  mort  d'un  enfant,  puisqu'il  allait  directement  au  paradis. 
Je  vous  signale  ce  détail  qui  a  son  importance,  car  la  Franche- 
Comté,  qui  fut  très  attachée  à  l'Espagne  jusqu'à  la  (in  du 
xvii^  siècle,  a  gardé  nombre  de  coutumes  espagnoles.  » 

Ces  coutumes  ont  leur  origine  dans  la  théologie  catholique 
même.  D'après  cette  théologie,  les  enfants  au-dessous  de  sept 
ans  n'ont  pas  encore  atteint  l'âge  de  raison ,  c'est-à-dire ,  au  point 
de  vue  eschatologique ,  l'âge  de  responsabilité.  Quand  ils  se  con- 
fessent, le  prêtre  ne  les  absout  pas,  il  les  bénit  simplement, 
puisqu'ils  sont  censés  avoir  agi  sans  discernement.  Lorsqu'ils 
meurent,  l'église  ne  célèbre  pas  pour  eux,  à  leur  enterrement, 
la  messe  ou  l'office  des  morts,  mais  des  offices  spéciaux  :  une 
messe  dite  «  messe  d'anges».  Le  prêtre  y  revêt  des  ornements 
])lancs.  Le  sens  général  de  ces  cérémonies  est  la  joie,  (^ar  l'en- 
fant est  mort  sans  avoir  perdu  l'innocence  baptismale,  et  son 
âme,  sans  jugement,  va  grossir  le  nombre  des  anges.  Les  sur- 
vivants doivent  donc  se  réjouir  de  son  bonheur.  Parallèlement 
à  cette  particularité  liturgique,  on  sait  qu'en  France  la  formule 
lial)ituelle  De  Profiindis  des  billets  de  faire-part  mortuaires  est 
remplacée  pour  les  enfants  par  les  mots  Laiidatc pucii  Domuinm. 
Ceci  indique  bien  que  la  mort  d'un  enfant  avant  l'âge  de  raison 
doit  inspirer  au  chrétien  catholique  des  prières  d'actions  dv 
grâces  et  non  des  sup|)lications  pour  ie  re]X)s  de  l'ànie  du 
défunt.  A  noter  encore  que,  dans  certains  pays  catiioliques,  on 
ne  porte  pas  le  deuil  des  enfants  au-dessous  de  sept  ans. 


170  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

Toutes  ces  traces  européennes  de  réjouissance  pour  la  mort 
d'un  petit  enfant  «  parce  qu  il  va  directement  au  paradis  »  dé- 
montrent l'origine  européenne  de  la  cérémonie  hispano-amé- 
ricaine de  Xangelito,  et  ce  fait  nous  apprend  combien  il  laut  se 
tenir  sur  ses  gardes  pour  ne  pas  confondre  les  éléments  améri- 
cains avec  les  éléments  européens  en  étudiant  le  folklore  des 
métis  et  même  des  Indiens  de  l'Amérique  du  Sud. 

PÉTROGLYPHES. 

Les  inscriptions  sur  les  rochers  sont  très  fréquentes  dans  la 
région  diaguite.  Je  me  bornerai  ici  à  énumérer  les  pétrogiyphes 
publiés,  qui  ne  sont  pas  nombreux  quand  on  considère  que 
M.  Adan  Quiroga,  en  peu  d'années,  d'après  ce  qu'il  m'a  écrit 
en  190/i,  a  pu  réussira  former  une  collection  de  dessins  de 
287  pétrogiyphes  inédits  de  Catamarca,  Salta,  Tucuman  et  La 
Piioja.  M.  Quiroga  est  mort  sans  avoir  publié  ces  pétrogiyphes, 
et  il  serait  regrettable  que  cette  grande  collection  fût  perdue 
pour  la  science. 

Pour  fixer  leurs  inscriptions  et  leurs  ligures  sur  les  rochers , 
les  Indiens  avaient  deux  procédés  :  la  peinture  et  la  gravure. 
Quelquefois  ils  réunissaient  les  deux,  en  gravant  d'abord  les 
figures  et  en  remplissant  ensuite  les  traits  gravés  avec  des  cou- 
leurs. Ce  dernier  procédé  mixte  est  cependant  peu  commun 
dans  la  région  diaguite. 

Pour  commencer  par  les  pétrogiyphes  peints,  nous  avons 
d'abord  la  superbe  fresque  découverte  par  M.  Ambrosetti  dans 
la  grotte  de  Carahuasi  (département  de  Guachipas,  Salta).  Ce 
tableau  représente  un  grand  nombre  de  personnages  peints  en 
quatre  couleurs  :  jaune,  bleu-gris,  brun  et  blanc.  11  est  surtout 
intéressant  en  ce  qu'il  donne,  avec  une  assez  grande  clarté,  les 
vêtements,  les  coiffures  et  les  armes  très  variés  de  ces  person- 
nages. On  y  voit  aussi  beaucoup  de  ces  boucliers  ou  écus,  d'une 
forme  et  d'un  décor  particuliers ,  qui  se  retrouvent  sur  plusieurs 


REGION  DIAGUITE.  171 

pétroglyphes  et  dans  rornementation  des  disques  en  cuivre 
et  de  la  poterie  de  la  région  diaguite.  Une  planche  en  couleurs 
de  cette  fresque  a  été  dessinée  sur  place  par  M.  Holmberg  et 
publiée  par  M.  Ambrosetti  (13).  Il  y  a  beaucoup  d'analogie  entre 
cette  fresque  et  celle  que  j'ai  découverte  à  Pucarâ  de  Rinco- 
nada,  et  qui  est  reproduite  ^^.  iâ7 . 

Près  de  Carahuasi,  M.  Ambrosetti  a  trouvé  deux  autres 
grottes  peintes,  dont  l'une,  celle  de  Ghurcal,  avait  des  fres- 
ques tellement  effacées  qu'il  était  impossible  de  les  recopier. 
Ambrosetti  (13,  p.  33i-333)  donne,  de  l'autre  grotte  située  dans  la 
QuEBRADA  DEL  Rio  Pablo,  quelqucs  ligures  rej)résentant  des 
boucliers  décorés,  semblables  à  ceux  de  Carahuasi,  mais  sur- 
montés de  têtes  humaines,  et  aussi  des  jaguars  et  des  lamas. 

Dans  l'un  de  ses  derniers  travaux,  M.  Ambrosetti  (27)  publie 
des  figures  de  quatre  autres  fresques  :  f  une ,  d'une  grotte  de  la 
Quebrada  de  las  Conchas  (Salta);  deux  de  la  Quebrada  de  la 
BoDEGA,  dans  les  montagnes  qui  bordent  la  Vallée  de  Lerma  au 
Sud;  et  la  dernière ,  d'un  rocher  dans  la  Quebrada  del  Ghuzudo, 
près  de  Quilmes.  Ces  figures  ont  été  fournies  à  M.  Ambrosetti 
par  un  ancien  employé  du  Musée  de  La  Plata;  je  crains  que 
mon  collègue  n'ait  ici  bien  mal  placé  sa  confiance,  à  en  juger 
par  le  plan  des  ruines  de  Pucarâ  de  Rinconada  soi-disant  levé 
par  le  même  collaborateur  d'occasion ,  et  également  publié  par 
M.  Ambrosetti.  Je  reviendrai  plus  loin  sur  ce  dernier  point. 
Ces  quatre  fresques  représentent  principalement  des  hommes, 
des  lamas  et  ces  curieux  boucliers  dont  nous  avons  parlé. 
J'ai  appris  qu'il  existe  des  pétroglyphes  dans  la  Quebrada 
de  la  Boflega;  aussi  les  ai-je  indiqués  sur  ma  carte  archéo- 
logique. 

D'autres  fresques  rupestres  ont  été  publiées  par  M.  Am- 
brosetti (13,  p.  334-336).  Ce  sont  :  une  figure  de  nandou,  de  San 
IsiDRO  (Cafayate);  un  mammifère  douteux  et  des  figures  géo- 
métriques du  môme  endroit;  une  série  de  figures  humaines 
très  particulières  de  Tolombon,  au  sud  de  Cafayate. 

Du  sud-ouest  de  la  Puna  de  Atacama  on  a  publié  une  fresque 


172  ANTIQUITÉS  DE  LA  REGION  ANDINE. 

peinte  sur  un  rocher  près  de  la  Laguna  de  Infieles,  située  au 
pied  du  pic  portant  le  nom,  sur  la  frontière  chilienne.  Cette 
fresque  représente  cinq  personnages  armés  de  lances  et  dont 
les  têtes  sont  ornées  de  raies  perpendiculaires  représentant 
peut-être  des  plumes.  Les  figures  ont  environ  un  pied  de 
hauteur.  M.  L.  Darapsky  (113,  pi.  xn)  les  reproduit  et  M.  Amhro- 
setti  (28,  pi. IV,  2)  en  donne  aussi  une  figure,  mais  qui  diffère  de 
celle  de  M.  Darapsky.  D'après  ce  dernier  auteur,  la  fresque 
dlnfieles  est  peinte  en  rouge  ;  suivant  M.  Amhrosetti,  en  hlanc. 

Les  premiers  dessins  de  pétrogiyphes  de  la  région  diaguite 
ont  pour  auteurs  MM.  Liherani  et  Hernàndez  (217),  dont  les 
figures  ont  été  reproduites  deux  fois  par  M.  Ameghino  (31  et 32), 
Plus  tard,  MM.  Quiroga  et  Amhrosetti  ont  puhlié  un  certain 
nomhre  de  pétrogiyphes  gravés.  La  plupart  de  leurs  figures 
ont  été  dessinées  sur  place  par  de  bons  dessinateurs,  comme 
MM.  Eduardo  A.  Holmherg  et  F.  Voltmer.  Au  contraire,  je 
crains  que  les  figures  de  MM.  Liherani  et  Hernàndez  ne  laissent 
à  désirer  comme  exactitude. 

Voici  la  liste  des  pétrogiyphes  gravés  qui  ont  été  publiés.  Je 
commencerai  par  ceux  de  la  Vallée  Calchaquie  et  de  la  Vallée 
de  \ocavil  : 

San  Lucas  (San  Carlos)  :  Trois  pétrogiyphes  :  des  lignes 
courbes  enlacées  d'une  manière  irrégulière,  combinées  avec 
des  cercles  simples  ou  concentriques  et  avec  des  croix.  Quel- 
ques-unes de  ces  lignes  se  terminent  par  trois  petits  rayons 
comme  celles  d'un  pétroglyphe  de  la  Puerta  de  Rinconada, 
reproduit  ficj.  Iâ9.  11  y  a  également  des  lamas  formés  de 
lignes  droites,  comme  presque  toutes  les  figui'es  de  lama  des 
pétrogiyphes  de  la  Puna  de  Jujuy.  (Quiroga:  303,  p.  210, 211.) 

Las  Fléchas  (San  Carlos)  :  Une  figure  humaine  schéma- 
tique faite  d'une  ligne  droite  représentant  le  corps,  de  lignes 
horizontales  courbes  pour  les  bras,  de  deux  lignes  droites  pour 
les  jambes;  enfin,  d'un  cercle  pour  la  tête,  d'où  sortent  deux 
lignes  droites,  ressemblant  à  des  cornes.  D'autres  ligures  repré- 


REGION  DIAGUITE.  173 

sentent  des  mammifères,  parmi  lesquels  un  animal,  une  Inche 
peut-être,  allaitant  son  petit  dans  la  même  attitude  que  le  lama 
femelle  de  la  grotte  de  Chulin,  qui  est  reprodidte  plus  loin. 
On  voit  aussi  des  cercles  à  point  central.  (Ambroseiti  :  13,  p.  338,  339.) 

San  Isidro  (Cafayate)  :  Une  figure  humaine,  à  demi  effacée, 
deux  signes  en  forme  de  8,  deux  cercles,  dont  un  à  point  cen- 
tral, deux  autres  signes.  Publié  par  M.  ten  Kate  (342,  p.  3/i6)  et 
reproduit  par  M.  Ambrosetti  (13,  p.  335). 

Anjuana  :  Un  pétroglyphe  présentant  des  lignes  courbes, 
irrégulières,  et  des  signes.  Un  autre,  de  4'"X/|"',  avec  des 
ligures  géométriques  assez  compliquées,  mais  composées  ex- 
clusivement de  lignes  droites.  Ces  figures  sont  très  grandes, 
gravées  sur  les  deux  côtés  d'un  bloc  de  pierre.  H  y  a  aussi  une 
ligne  serpentine,  se  terminant  par  un  cercle.  Les  deux  pélro- 
giyphes  se  trouvent  à  7  kilomètres  au  nord-ouest  de  la  localité 
dénommée  Anjuana,  sur  la  frontière   entre  les  provinces  de 

Salta  et  de  TuCUman.  (Liberani  :  217,  pi.  i8  et  20.  Ameghino  :  31,  pi.  i,  fig.5; 
pi.  II,  fig.  12  ;  et  32,  i;  pi.  xi ,  fig.  358  ;  pi.  xii,  fig.  364.) 

LoMA  Rica,  sur  le  bord  du  «  Piio  Seco  »,  au  pied  de  la  colline 
où  sont  situées  les  ruines  :  divers  signes,  assez  variés,  composés 

de  lignes  courbes.  (Liberani  :  217,  pi.  20.  Aineghino  :  31,  pi.  11,  lig.  10,  11  ; 
et  32  , 1,  pi.  XII,  fig.  362,  363.) 

QuiLMES  :  Des  lamas,  des  signes  en  forme  de  points  d'in- 
terrogalion,  des  cercles,  un  signe  en  forme  de  8.  (Anibroseiil:  18. 
p.  68-6(j.) 

QuiLMES  :  Des  concavités  circulaires,  de  d(;ux  cenlimèlres 
de  profondeur,   quelques-unes  unies  par  des  lignes  gravées. 

(Quiroga  :  303,  p.  210.) 

Las Canas  (près  de  Quilmes)  :  Une  figure  humaine.  (Ambrosetti: 
18,  p.  66.) 

Las  Chilcas  (près  de  Quilmes)  :  Des  lignes  en  zigzag,  une 
grecque,  des  lignes  serpentines  dont  l'une  se  termine  par  un 
cercle.  (Ambroscui  :  18,  p.  67.)  Cc  pétrogl vplie  a  aussi  été  dessiné 
par  MM.  Liberani  et  Hernandez,  mais  leur  figure  dillère  beau- 
coup de  celle  de  M.  Ambrosetti.  Cette  dernière,  qui  a  pour 


174  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

auteur  M.  Voltmer,  est  sans  doute  la  plus  exacte.  (Liberani  :  217, 

pl.  19,  Ameghino  :  31,  pi.  ii,  i'ig.  9,  et  32,  i,  pi.  xii,  fig.  061.) 

LoMA  CoLORADA  (EucaliUa)  :  Des  figures  humaines  rudimen- 
taires,  un  mammifère.  (Quiroga  :  303,  p.  ai/i.) 

Andahuala  (Santa  Maiia)  :  Lignes  courbes,  irrégulièrement 
enlacées,  d'un  côté  de  la  pierre.  De  f autre  côté,  un  lama  formé 
par  des  lignes  droites,  analogue  aux  lamas  des  pétroglyplies 
de  la  Puna;  un  écu  surmonté  d'un  T  et  ayant  exactement  la 
même  forme  qu'un  autre  écu,  gravé  sur  le  pétroglyphe  d'Anto- 
fagasta  de  la  Sierra.  Cet  écu  ressemble  aussi  à  ceux  de  la  grotte 

de  Carahuasi.  (Liberani  :  217,  pl.  17.  Ameghino  :  31 ,  pl.  i,  fig.  3,  A,  et  32,  i, 
pl.  XI,  fig.  356,  357.) 

Ampajango  (Santa  Maria)  :  Trois  pétroglyphes  :  des  lignes, 
irrégulières  comme  celles  de  San  Lucas;  des  croix,  des  figures 
rudimentaires  d'hommes  dont  le  tronc  et  les  extrémités  sont 
très  semblables  aux  représentations  humaines  du  pétroglyphe 
de  Puerta  de  Rinconada  que  nous  avons  mentionné.  (Quiroga  : 
303,  p.  215-217.)  MM.  Liberani  et  Hernândez  reproduisent  égale- 
ment trois  pétroglyphes,  de  la  Vallée  du  Morro,  près  d'Ampa- 
jango,  composés  principalement  de  lignes  courbes  enlacées  et 
formant  les  figures  les  plus  irrégulières.  Il  v  a  aussi  beaucoup 
de  petits  cercles,  dont  un  avec  un  point  central.   Enfin,  une 

figure  de  mammifère.  (Liberani  :  217,  pL  i4,  i5,  16.  Ameghino  :  31;  pl.  i, 
fig.  1,  2;  pl.  II,  fig.  6;  et  32,  i;  pl.  XI,  fig.  353,  354,  pl.  xii,  fig.  355.) 

MiNASYACO  et  Chapi  (Santa  Maria) ,  dans  la  Vallée  de  Cajon  : 
Deux  pétroglyphes  représentant  principalement  des  lamas  et 
aussi  des  figures  formées  de  trois  ellipses  concentriques.  Le 
pétroglyphe  de  Minasyaco  est  gravé  sur  la  surface  horizontale 
d'un  bloc,  celui  de  Chapi  sur  un  rocher  vertical.  Mentionnés 
par  M.  ten  Kate  (342,  p.  338). 

San  Pedro  de  (^olalao,  sur  le  versant  oriental  de  fAcon- 
quija  :  des  figures  humaines  dont  la  tête  est  entourée  de  raies 
qui  forment  des  rayons.  (Quiroga:298, 41,  43.)  MM.  Liberani  et 
Hernândez  reproduisent  un  pétroglyphe  avec,  pour  légende, 
seulement  :  Piedra  pintada,  sans  indiquer  la  localité.  Ce  pétro- 


REGION  DIAGUITE.  175 

glyplie  est  certainement  le  même  qu'a  ligure  Quiroga,  de  San 
Pedro  de  Colalao,  quoique  les  deux  reproductions  présentent 

des  différences.  (Liberani:  217,  pi.    oo.  Aiueghino:  31,  j.l.  a,  lig.  7,  8;  et  32, 
I,  pi.  XII,  fig.  359,  36o.) 

San  Pedro  de  Colalao  :  Un  autre  pétroglyphe  avec  des 
cercles  à  point  central  et  d'autres  signes.  (Quhoga  :  298,  p.  45.) 

De  la  province  de  Calamarca,  en  dehors  de  la  Vallée  de 
Yocavil,  on  a  publié  les  pélrogiyplies  de  : 

San  Fernando  (Belen)  :  Une  croix,  des  grecques,  des  S. 

(Quiroga  :  303,  p.  219.) 

Cerro  Negro  (Tinogasta)  :  Des  croix  encadrées  de  la  même 
manière  que  celles  du  pétroglyplie  d'Incahuasi,^?^.  86,  et  des 
lignes  serjDentines.  (Quiroga  :  303,  p.  218.) 

CoNDORHUASi  (département  d'Alto)  :  Lignes  courbes  enlacées, 
plusieurs  lignes  serpentines  se  terminant  par  des  cercles.  (Qui- 
roga :  303,  p.  2  12.) 

Les  pétroglyplies  suivants  ont  été  publiés,  provenant  du 
haut  plateau  de  la  Puna  de  Atacama  (Territoire  des  Andes),  au 
nord  de  la  province  de  Catamarca  : 

Antofagasta  de  la  Sierra  :  Un  grand  pétrogly]3he  représen- 
tant surtout  des  lamas  et  ces  écus  ou  boucliers  particuliers  dont 
nous  avons  déjcà  parlé.  Photographié  par  M.  Francisco  J.  San 
Pioman,  publié  par  M.  Karl  Stolp  (338)  et  reproduit  par  M.  Am- 
brosetti  (28,  p.  8). 

Penas  Blancas  (près  du  Cerro  Ratones)  :  Principalemenl 
des  combinaisons  de  lignes  droites  et  de  points,  mais  aussi  des 
lamas.  Décrit  par  M.  llolmberg  (166,  p.  44),  dont  le  dessin  a  été 
publié  par  M.  Ambrosetti  (28,  pi.  n). 

De  la  province  de  Mendoza,  M.  Moreno  (244,  p.  8)  publie  uu 
pétroglyplie  de  Bajo  de  Canota.  Il  présente  les  mêmes  lignes 
courbes  enlacées  irrégulièrement  que  l'on  voit  sur  un  grand 
nombre  des  pétroglyphes  de  Catamarca  et  de  Salta.  M.  Mallery 
(228, p.  167)  a  repr()(biit  ce  pétroglyplie  dans  son  gr-and  ouvrage 
sur  les  inscriptions  rupestres  de  l'Amérique. 

M.  Ameghino  (31,  pL  i,  fig.  16,  et  32;  i,  p.  5ii,  pi.  i\,  fig.  3(ii)  publie 


176  ANTIQUITES   DE  LA  REGION  ANDINE. 

le  dessin  d'un  pétroglyphe  de  la  Sierra  de  San  Luis,  représen- 
tant des  hommes,  un  lama,  un  nandou,  un  autre  animal  et 
un  soleil.  A  première  vue,  on  aperçoit  que  ce  dessin,  commu- 
niqué à  M.  Amegliino  par  M.  0.  Nicour,  a  été  fait  d'une  façon 
par  trop  fantaisiste,  sans  aucune  exactitude.  Cependant  ce 
dessin  est  intéressant,  car  il  démontre  l'existence  de  pétro- 
glyphes  dans  la  jDrovince  de  San  Luis. 

En  général,  les  divers  pétroglyphes  de  la  région  diaguite  jiré- 
sentent  de  grandes  différences  :  le  style,  les  signes,  les  figures 
ne  montrent  aucune  unité  ;  les  auteurs  de  ces  inscriptions  ont 
suivi  chacun  leur  inspiration  personnelle.  La  même  combi- 
naison de  lignes  droites  ou  courbes  est  très  rarement  répétée 
sur  plusieurs  pétrogiyj)hes.  Les  signes  d'une  inscription  ne 
se  retrouvent  pas  dans  une  autre,  excepté  les  plus  simples 
qui  sont  universels,  comme  le  cercle  à  point  central,  la  croix, 
le  S,  etc.  Quant  aux  figures  de  lamas  ou  de  huanacos,  si  com- 
munes sur  le  haut  plateau,  elles  sont  assez  rares  dans  la 
région  diaguite;  au  contraire,  les  pierres  gravées  avec  des 
lignes  courbes  irrégulièrement  entrelacées  sont  très  fréquentes. 
M.  Quiroga  m'a  donné  des  renseignements  très  intéressants 
au  sujet  des  figures  les  plus  fréquemment  représentées  sur  les 
pétrogiyphes  de  sa  grande  collection.  Parmi  les  287  pétro- 
giyphes  de  cette  collection,  81  présentent  des  lignes  courbes, 
21  des  lamas  ou  des  huanacos,  5  des  autruches  (nandous), 
4  des  jaguars,  4  d'autres  animaux,  etc. 

On  a  voulu  voir  dans  les  signes  des  pétrogiyphes  une  écri- 
ture idéographique  comme  celle  qui  est  encore  en  usage  chez 
les  Indiens  de  l'Amérique  du  Nord,  mais  la  variété  même  de 
ces  signes  rend  cette  théorie  impossible.  On  ne  peut  admettre 
en  effet  que  l'idéographie  de  chaque  pierre  soit  différente.  S'il 
s'agissait  de  signes  idéographiques,  ils  devraient  se  répéter  sur 
plusieurs  pierres.  Je  crois  que  les  pétrogiyphes  sont  des  essais 
d'un  art  primitif  et  que  les  signes  qui  ne  sont  pas  des  représen- 
tations réalistes  d'objets  réels  sont  des  ornements  et  non  des 


RÉGION  DIAGUITE.  177 

signes  idéographiques  conventionnels.  Toutefois,  il  est  invrai- 
senii3lable  que  l'on  se  soit  donné  autant  de  peine  pour  un 
aimple  passe-temps;  il  est  très  possible  que  quelques-uns  des 
pétroglyplies  aient  eu  une  lin  religieuse. 

Quant  à  la  contemporanéité  des  pétrogiyphes  du  pays  des 
Diaguites  et  des  anciens  cimetières  et  ruines  de  la  région,  je 
pense  qu'un  bon  nombre  au  moins  sont  de  la  même  époque. 
On  retrouve  plusieurs  figures  de  pétrogiyphes  sur  les  objets 
d'industrie  préhispanique  rencontrés  dans  les  ruines  et  dans 
les  cimetières,  et  d'ailleurs  l'emplacement  des  pétrogiyphes  est 
le  plus  souvent  proche  de  ceux-ci.  M.  Moreno  (245,  p.  3),  dans 
une  conférence  qu'il  a  faite  à  la  Société  de  géographie  de  Lon- 
dres, émet  la  théorie  que  tous  les  pétrogiyphes  sud-américains 
appartiennent  à  une  race  qu'il  nomme  «tupi-caraïbe».  Cette 
hypothèse  ne  me  paraît  pas  vraisemblable,  car  les  types  ru- 
pestres  des  diverses  régions  de  l'Amérique  du  Sud  sont  très 
différents.  A  mon  sens,  les  inscriptions  doivent  plutôt  être  rap- 
portées à  des  peuplades  d'origine  et  d'époques  variées. 

Des  pétrogiyphes  de  types  analogues  à  ceux  que  nous  avons 
déjà  énumérés  sont  répandus  jusque  dans  la  province  de  San 
Juan,  c'est-à-dire  jusqu'à  l'extrême  limite  sud  de  la  région  dia- 
guite.  J'ai  toujours  recueilli  des  renseignements  sur  l'existence 
des  pétrogiyphes  chaque  fois  que  je  me  suis  trouvé  en  relations 
avec  des  personnes  ayant  voyagé  dans  ces  contrées;  j'espère 
donc  pouvoir  relever  un  grand  nombre  de  pétrogiyphes,  s'il 
m'est  donné  de  faire  de  nouveaux  voyages  dans  ces  régions  si 
intéressantes  pour  l'archéologue. 

FOLKLORE. 

La  population  métisse  actuelle  du  pays  des  anciens  Diaguites 
est  catholique,  mais  sa  religion  consiste  principalement  dans 
l'observance  des  cérémonies  extérieures  du  culte  :  la  messe,  la 
confession,  les  fêtes  religieuses.  Le  pouvoir  moral  des  prêtres, 
très  grand  il  y  a  un  siècle,  a  beaucoup  diminué  aujourd'hui. 


lUi-MVi  itii;    •lArlo^Al.r.. 


178  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

Le  culte  catholique  n'est  pas,  dans  le  territoire  andin  de 
l'Argentine,  aussi  intimement  lié  et  mélangé  aux  éléments 
païens  que  sur  le  haut  plateau  de  la  Puna,  en  Bolivie  et  au 
Pérou.  Cependant  les  croyances  d'origine  préhispanique  sur- 
vivent surtout  dans  les  vallées  lointaines  où  les  communications 
avec  les  villes  sont  difficiles.  Mais  ces  croyances  sont  beaucoup 
plus  indépendantes  du  catholicisme  que  sur  le  haut  plateau  : 
les  métis  gardent  les  pratiques  catholiques  et  la  foi  aux  miracles 
de  la  Vierge  et  des  Saints ,  mais  en  même  temps  ils  croient  à 
Pachamama  et  au  Chiqui,  tout  en  faisant  une  certaine  distinc- 
tion entre  les  uns  et  les  autres.  Cet  état  de  choses  rappelle  le 
polythéisme  des  anciens  Péruviens. 

Pachamama  est  le  principal  personnage  du  folklore,  ici 
comme  sur  le  haut  plateau  bolivien. 

Pachamama  est  d'origine  péruvienne.  Arriaga  (39.  c  ii,p.  n) 
dit  qu'au  Pérou  «Mamapacha,  la  Terre,  était  adorée  surtout 
par  les  femmes  à  l'époque  des  semailles;  elles  lui  demandaient 
une  bonne  récolte  et  lui  offraient  de  la  chicha  ou  de  la  farine  de 
maïs  ».  Calancha  (89;  1.  n.  c  x;  p.  071)  répète  presque  au  pied  de  la 
lettre  ce  que  dit  Arriaga.  Il  ajoute  que  les  Indiens  du  haut  pla- 
teau appelaient  la  Terre,  personnifiée  comme  divinité,  Pacha- 
mama ou  Mamapacha,  tandis  que  les  \uncas  lui  donnaient 
le  nom  de  Vis.  Parmi  les  offrandes  dédiées  à  cette  divinité, 
Calancha  nomme  la  coca.  Montesinos  (241,  c.  xm,  p.  78)  rapporte 
que,  sous  le  règne  de  Huaman-Tacco-Amauta,  le  Gi*"  roi  du 
Pérou ,  d'après  sa  chronologie,  «  on  faisait  de  grands  sacrifices  à 
la  mère  de  tous,  la  Terre,  qu'on  nommait  Pachamama  ».  Selon 
Garcilaso  (140;  1. 1,  c.  x;  fol.  10),  quelques-unes  des  tribus  péru- 
viennes «  adoraient  la  Terre  et  la  nommaient  Mère,  parce  qu'elle 
leur  donnait  ses  fruits  ».  D'autres  historiens  du  Pérou  parlent 
aussi  de  Pachamama. 

Pacha,  dans  le  quichua  actuel  du  Pérou,  signifie  «  la  Terre  » , 
«le  Monde»,  et  aussi  «jour»  ou  «temps».  Dans  la  Puna,  les 
Indiens  donnent  à  ce  mot  un  autre  sens,  d'après  les  explica- 
tions qu'ils  m'ont  fournies  maintes  fois  et  en  différents  lieux  : 


RÉGION  DIAGUITE.  179 

Pacha  veut  dire  «déitc»,  «être  surnaturel».  C'est  sans  doute 
dans  le  premier  sens  qu'il  faut  prendre  ce  mot  dans  le  nom 
Pachamama.  Marna  signifie  «  mère  ». 

Pachamama  est,  d'après  les  métis  comme  d'après  les  Indiens 
du  haut  plateau,  «  la  Sainte-Terre,  la  mère  de  tous  et  de  tout  ». 
Pachamama  est  toujours  un  être  féminin;  c'est  une  bonne 
et  bienveillante  déité;  d'elle  tout  est  né  :  hommes,  animaux  et 
plantes;  elle  protège  tout  et  spécialement  les  hommes. 

Les  métis  font  des  prières,  des  invocations  à  Pachamama 
dans  toutes  les  circonstances  de  la  vie.  La  plupart  de  ces  prières 
sont  dites  en  quichua,  ou  en  quichua  mélangé  de  mots  et  de 
phrases  espagnols.  M.  Ambrosetti  (15)  a  publié  un  travail  inté- 
ressant sur  le  folklore  de  la  Vallée  Calchaquie,  et,  dans  un  autre 
travail  (19,  p.  i8,  70,  i33,  189,  igS-igS,  216),  le  même  auteur  donne 
une  bonne  collection  d'invocations  à  Pachamama  qu'il  a  re- 
cuellie  dans  cette  vallée.  Cette  collection  comprend  des  prières 
à  l'occasion  des  semailles  afin  d'obtenir  une  abondante  moisson; 
pour  le  travail  de  filer  la  laine,  afin  que  le  fil  ne  se  casse  pas 
et  que  le  travail  marche  vite;  lors  de  la  marque  des  moutons  et 
des  chèvres,  pour  que  les  troupeaux  se  reproduisent;  lorsqu'on 
chasse  les  vigognes  et  les  huanacos,  pour  avoir  beaucoup  de  gi- 
bier; afin  que  les  troupeaux  ne  se  perdent  pas  quand  ils  paissent 
dans  les  montagnes;  pour  éviter  le  soroche  et  d'autres  maladies 
pendant  les  voyages;  quand  on  tue  des  animaux  domestiques, 
probablement  à  cause  de  l'analogie  qui  existe  entre  les  sacri- 
fices et  faction  de  tuer  un  animal  pour  le  manger.  D'autres 
invocations  doivent  être  prononcées  chaque  fois  que  Ton  ab- 
sorbe des  boissons  alcooliques  ou  quand  on  mâche  de  la  coca. 
Enfin  certaines  prières  demandent  à  Pachamama  de  faire 
«  rentrer  fesprit  »  dans  une  personne  qui  a  été  efl rayée  :  les  In- 
diens croient  en  effet  que,  dans  ce  cas,  l'esprit  s'enfîiit;  si  Pacha- 
mama ne  le  fait  revenir,  la  personne  reste  privée  de  sa  raison. 
Les  métis  font,  dans  toutes  les  circonstances  inqiortantes  ou 
banales  de  leur  vie,  des  offrandes  à  Pachamama  plus  ou  moins 
semblables  à  celles  des  habitants  de  la  Puna  et  de  la  Bolivie. 


180  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

Dans  la  Puna,  surtout  à  Susques,  j'ai  moi-même  recueilli 
nombre  d'invocations  à  Pachamama.  Elles  sont  analogues  à 
celles  publiées  par  M.  Ambrosetti  et  provenant  de  la  Vallée 
Calchaquie. 

Le  Chiqui  est  une  autre  déité  péruvienne.  Montesinos  (241, 
c.  XIV,  p.  80)  nomme  ainsi  «la  fortune  adverse»  qui  poursuivit 
certains  Incas  dont  il  raconte  l'histoire.  C'est  la  déité  ennemie 
des  hommes,  d'où  proviennent  tous  les  malheurs,  tous  les 
revers  de  fortune. 

Or,  dans  la  province  de  Catamarca,  on  célèbre  encore  une 
fête  en  l'honneur  du  Chiqui,  ou  plutôt  pour  apaiser  sa  colère. 
Cette  curieuse  fête  a  lieu  à  l'ombre  d'un  vieil  alcjarrobo.  On 
coupe  les  têtes  d'animaux  sauvages  :  huanacos,  agoutis,  nan- 
dous, chassés  pour  cette  occasion;  on  les  fait  rôtir  et  on  danse 
en  agitant  ces  têtes  tenues  en  mains.  M.  Quiroga  (297,  p.  553-557) 
décrit  la  fête  du  Chiqui,  et  M.  Lafone-Quevedo  (189,  p.  378) 
donne  une  curieuse  chanson ,  mélange  d'espagnol  et  de  quichua 
impossible  à  traduire,  chantée  à  la  fête  du  Chiqui  dans  le 
Valle  Vicioso  (La  Rioja). 

Selon  toute  apparence ,  la  fête  du  Chiqui  devait  être  primi- 
tivement une  fête  de  sacrifices;  de  nos  jours  elle  a  j^erdu  ce 
caractère,  elle  n'est  j)lus  qu'un  prétexte  à  libations  et  à  orgies. 

Llastay  est  peut-être  une  personnification  ou  un  attribut  de 
Pachamama,  mais  il  est  masculin  et  son  pouvoir  ne  s'étend  que 
sur  les  animaux  sauvages  :  le  gibier.  Il  en  est  le  maître  et  le 
protecteur.  Il  se  fâche  quand  on  en  tue  trop.  De  lui  dépendent 
les  chasses  heureuses.  Llastay  a  certaines  analogies  avec  Co- 
quena,  que  nous  décrirons  plus  loin,  qui  est  le  génie  des 
Indiens  du  haut  plateau,  et  également  le  maître  des  animaux 
sauvages.  Llastay  est  pourtant  plus  bienveillant  envers  les 
hommes  que  Coquena. 

Le  mot  llastay,  en  quichua ,  est  un  verbe  qui  signifie  «  saisir 
quelque  chose»,  «se  cramponner  à  quelque  chose».  Suivant 
la  légende,  Llastay,  en  effet,  «saisit»  les  chasseurs  qui  lui  en- 
lèvent trop  de  gibier. 


RÉCION  DIAGUITE.  181 

HuAiRAPUCA  OU  LA  Mère  DU  VENT  est  la  déité  qui  règne  dans 
l'air;  elle  paraît  être  hermaphrodite.  Elle  est  maléhque  poui' 
les  hommes;  elle  empêche  toujours  la  pluie  bienfaisante  en 
chassant  les  nuages.  M.  Quiroga  (301)  a  publié  sur  ce  person- 
nage des  légendes  provenant  de  la  Vallée  Calchaquie  et  de  la 
Vallée  de  Tafi. 

Ilaaira  en  quichua  signifie  «  vent  » ,  puca  «  rouge  »  :  «  le  vent 
rouge  ». 

PucLLAY,  ou  PujLLAY,  n  est  j)as  une  déité  ou  un  être  mytho- 
logique comme  le  suppose  M.  Quiroga.  C'est  simplement  un 
personnage  de  carnaval,  travesti  d'une  manière  spéciale  et  qui 
amuse  par  son  badinage  et  ses  bouffonneries.  C'est  l'arlequin 
des  Indiens.  Il  hgure  dans  le  carnaval  de  la  Bolivie  comme 
dans  celui  de  la  région  diaguite ,  auquel ,  dans  la  province  de 
la  Rioja,  on  donne  le  nom  de  Chaya.  Nous  devons  à  M.  Qui- 
roga (297,  p.  56i  etsuiv.)  une  bonne  description  de  cette  «fête  de 
la  Chaya  » ,  qui  a  beaucoup  de  ressemblance  avec  le  carnaval 
bolivien.  On  y  voit  représenter  des  coutumes  et  des  cérémonies 
de  provenance  préhispanique,  mélangées  à  d'autres  d'origine 
européenne. 

Le  verbe  pujUay,  en  quichua,  signifie  «jouer»,  «  s'amuser». 

Comme  on  le  voit,  le  folklore,  la  mythologie  païenne  des 
métis  de  la  région  diaguite  est,  presque  en  totalité,  nettement 
péruvienne. 

Une  collection  de  folklore  de  la  province  de  San  Juan  serait 
d'un  grand  intérêt,  car  elle  permettrait  de  savoir  si  les  mêmes 
mythes  existent  dans  la  partie  méridionale  de  la  région  andine 
de  la  République  Argentine  et  de  reconnaître  l'homogénéité  de 
l'ancienne  culture  dans  toute  cette  région. 


PRETENDUE  DESCENDANCE  COMMUNE 
DES   «CALCHAQUIS»   ET  DES  INDIENS  PUEBLOS. 

M.  Ambrosetti ,  défenseur  de  Tautonomie  de  la  «  civilisation 
calcliaquie  »  par  rapport  à  la  civilisation  péruvienne ,  a  préco- 
nisé une  curieuse  théorie  de  descendance  commune  des  «  Cal- 
chaquis  »  et  des  Indiens  Pueblos  (Shiwis)  de  l'Amérique  du 
Nord.  Dans  trois  de  ses  travaux  (20,  24 et  25),  il  développe  cette 
théorie.  Mais  c'est  surtout  dans  une  communication  à  la  So- 
ciété de  géographie  italienne  (25,  p.  12)  qu'il  la  formule.  D'après 
lui ,  les  «  Calchaquis  »  et  les  Pueblos  seraient  les  derniers  restes 
d'une  race  très  ancienne  qui  aurait,  à  une  certaine  époque, 
occupé  toute  la  région  andine  des  deux  Amériques,  mais  qui 
aurait  disparu  partout,  laissant  des  vestiges  seulement  dans  ces 
deux  régions. 

M.  Ambrosetti  appuie  sa  théorie  sur  les  coïncidences  existant 
entre  certains  faits  archéologiques  et  ethnographiques  communs 
à  l'une  et  à  l'autre  région.  Quelques  fétiches  animaux  et  sta- 
tuettes humaines  en  terre  cuite  ont,  dans  les  deux  régions,  une 
certaine  ressemblance.  Dans  la  région  diaguite  on  a  trouvé  des 
figurines  à  coilîure  en  forme  de  houppes  latérales;  les  jeunes 
lilles  des  Hopis  ont  encore  aujourd'hui  une  coiffure  semblable. 
L'usage  de  «  tuer  la  poterie  »  au  moyen  d'un  trou  intentionnel  a 
été  observé  dans  les  sépultures  des  deux  régions.  Parmi  les  cou- 
tumes funéraires  actuelles  de  l'une  et  de  l'autre  région  figurent  : 
la  cérémonie  du  lavage  des  objets  ayant  appartenu  à  un  mort; 
le  bain  cérémoniel  donné  au  veuf  ou  à  la  veuve  ^^^;  l'habitude  de 
tuer  un  chien  pour  qu'il  aide  son  maître  décédé  à  passer  le 
fleuve  de  la  mort.  En  dehors  de  ces  faits,  M.  Ambrosetti  cite 


'"'  Ces  coutumes  ont  certainement  été  duisons   plus  loin ,  à  propos  de  la  céré- 

introduites  du  Pérou,  comme  le  démontre  monie  du  lavage  des  effets  du  délunt  telle 

le  passage   de  la   Carlu  pastoral  de    l'ar-  qu'elle  est  pratiquée  par  les  Indiens  de 

chevéque  Villa   Gômcz   que   nous  repro-  Susques. 


IS'i  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

aussi,  comme  preuves,  ses  propres  hypothèses  mytliologiques, 
comme  par  exemple  son  identification  du  tJninder-bird  nord- 
américain  avec  certaines  hgures  peintes  sur  la  poterie  de  la  ré- 
gion diaguite,  etc.  On  ne  peut  vraiment  fonder  sur  de  pareils 
arguments  une  théorie  comme  celle  que  nous  venons  d'expo- 
ser. M.  Ambrosetti  s'appuie  d'autre  part  sur  l'autorité  du  dis- 
tingué anthropologiste  M.  ten  Kate,  qui  a  voyagé  et  dans  la 
région  diaguite  et  chez  les  Pueblos.  M.  ten  Kate  (3^2,  p.  347)  at- 
tire en  effet  l'attention  sur  des  analogies  archéologiques  entre 
ces  deux  régions.  Son  opinion  est  que  «  certaines  analogies 
mythico-religieuses  ont  dû  exister  entre  ces  deux  j^opulations 
américaines  » ,  et  il  cite  comme  exemples  «  la  similitude  des 
pétrographies  en  partie  probablement  rituelles  » ,  la  ressem- 
blance de  certains  fétiches  en  pierre  de  la  région  diaguite  avec 
d'autres  exhumés  dans  les  ruines  shiwiennes,  la  présence  de 
certaines  petites  ardoises  gravées  dans  les  deux  pays ,  fliabitude 
de  «  tuer  la  poterie  »  en  la  perforant  d'un  coup  de  foret,  ou  en 
cassant  d'une  autre  manière  les  vases  destinés  à  être  enterrés 
dans  les  séjDultures.  La  forme  des  poteries  diaguites  diffère, 
suivant  M.  ten  Kate,  de  celle  des  Shiwis,  mais  la  couleur  et  la 
décoration  offrent  quelquefois  des  analogies.  Dans  son  grand 
ouvrage  sur  l'anthropologie  physique  des  anciens  habitants  de 
la  région  «  calchaquie  »,  M.  ten  Kate  (343,  p.  62)  fait  aussi  remar- 
quer des  ressemblances  entre  les  crânes  de  ces  Indiens  et  ceux 
qui  ont  été  exliumés  des  anciennes  sépultures  du  Mexique  cen- 
tral, de  l'Arizone  et  du  Nouveau -Mexique,  mais  surtout  avec 
les  crânes  de  Santiago  de  Tlaltelolco  étudiés  par  le  D''  Hamy 

(158,  p.  i5  et  suiv.  et  pi.  i). 

Cependant  M.  ten  Kate  est  loin  d'adopter  l'hypothèse  d'une 
descendance  commune  ou  d'une  parenté  ethnique.  Il  se  borne 
simplement  à  faire  remarquer,  entre  les  deux  races  et  entre  les 
deux  cultures,  certains  points  de  contact  provenant  peut-être 
des  milieux  désertiques  très  semblables  où  évoluaient  Diaguites 
et  Pueblos.  M.  ten  Kate  me  dit  d'ailleurs,  dans  une  lettre  datée 
à  Ceylan  du  21  avril  1905  :  «  J'ai  été  le  premier  à  appeler  l'at- 


REGION  DI ACUITE.  185. 

tention  sur  les  analogies  de  la  civilisation  calcliaquie  avec  la  cul- 
ture shiwienne,  sans  vouloir  prétendre  pour  cela  que  l'une  et 
l'autre  s'étaient  fait  des  emprunts,  si  l'on  peut  s'exprimer  ainsi, 
au  sujet  des  idées  religieuses  et  des  coutumes  qui  en  résultent.  » 
D'ailleurs,  la  meilleure  raison  contre  la  théorie  de  M.  Am- 
brosetti  se  trouve  dans  la  question  suivante  :  Pourquoi  cette 
ancienne  race,  dont  les  «  Calchaquis  »  et  les  Pueblos  seraient 
les  derniers  restes,  n'a-t-elle  pas  laissé  de  vestiges  dans  les 
immenses  contrées  qui  se  trouvent  entre  l'une  et  l'autre  ré- 
gion? 11  est  impossible  qu'elle  ait  passé  sur  toute  l'Amérique 
andine  ou  qu'elle  ait  occupé  toute  cette  vaste  étendue  sans  y 
laisser  de  traces. 


RAPPORTS 

ENTRE  L'ANCIENNE   CIVILISATION  PÉRUVIENNE 

ET   LA  CULTURE   PRÉHISPANIQUE 

DE  LA  RÉGION  DIAGUITE. 

Cette  question  a  été  discutée  par  tous  les  auteurs ,  historiens 
ou  archéologues  qui,  chacun  à  leur  point  de  vue  spécial, 
étudièrent  la  région  interandine  de  la  République  Argentine. 
C'est  le  P.  Lozano  qui  a  inauguré  cette  discussion  en  niant 
que  les  Incas  aient  jamais  dominé  le  territoire  des  Diaguites,  en 
quoi  Lozano  se  sépare  des  chroniqueurs  antérieurs  qui  tous 
avaient  accepté  cette  domination  comme  un  fait.  Après  Lozano, 
les  auteurs  européens  du  xix''  siècle,  comme  Martin  de  Moussy 
(230,  III,  p.  A33  etsuiv.)  et  Burmeister  (85),  devaient  revenir  à  la 
première  tradition,  suivis  plus  récemment  en  Argentine  par 
le  D""  Florentino  Ameghino  (32,  i,  p.  507  et  suiv.),  par  l'abbé  So- 
prano (332, p.  87  etsuiv.)  et  par  le  D''  Vicente  G.  Quesada  (294). 
Mais  M.  Ambrosetti  (19,  p.  i/ii  et  suiv.)  a  repris  les  arguments 
de  Lozano  pour  défendre  ses  théories  personnelles  sur  l'auto- 
nomie de  la  culture  diaguite  ou  «  calchaquie  » ,  comme  il  la 
nomme,  par  rapport  à  la  civilisation  péruvienne. 

Pour  moi,  mes  études  des  antiquités  de  la  République  Ar- 
gentine m'ont  amené  à  la  profonde  conviction  que  cette  culture 
diaguite  fait  partie  intégrante  de  la  civilisation  ando-péru- 
vienne,  qu'elle  émane  presque  entièrement  de  l'ancien  Pérou, 
sans  plus  de  différence  entre  les  deux  civilisations  que  celle 
qui  existe  entre  l'ethnographie  des  diverses  autres  parties  de 
l'empire  des  Incas, par  exemple  entre  l'Entre-Sierras  du  Pérou 
et  la  région  des  Collas.  La  région  yunca  présente  même  des 
différences  ethnographiques  plus  marquées  par  rapport  à  ces 
deux  régions  que  celle  des  Diaguites. 

Remarquons-le  :  l'origine  péruvienne  de  la  culture  diaguite 
n'implique  pas  nécessairement  une  domination  des  Incas  sur 


188  ANTIQUITÉS  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

le  pays  des  Diaguites,  mais  raiïiiiité  ethnograpliique  rend  cette 
domination  vraisemblable  au  jdIus  haut  degré.  11  y  a,  d'ail- 
leurs, des  arguments  d'un  autre  ordre  en  faveur  de  cette  pro- 
babilité . 

Les  preuves  du  caractère  péruvien  de  la  culture  diaguite  et 
de  la  subordination  politique  de  la  région  des  Diaguites  à  l'an- 
cien Pérou  émanent  de  trois  sources  :  i"  l'archéologie;  2"  l'ex- 
pansion de  la  langue  quichua  et  du  folklore  péruvien  dans  la 
région  diaguite;  S"*  les  renseignements  historiques. 

Archéologie.  —  Les  résultats  des  recherches  archéologiques 
réalisées  sur  le  territoire  diaguite  viennent  d'être  passés  en 
revue.  Les  ruines  de  ce  territoire  nous  offrent  des  construc- 
tions en  pirca,  tout  à  fait  semblables  aux  demeures  anciennes 
de  la  Bolivie  et  du  Pérou  :  pircas  basses  et  irrégulières  comme 
celles  qui  ont  abrité  tous  les  sujets  de  l'empire  incasique.  Dans 
les  montagnes  de  l'Argentine  aussi  bien  que  sur  les  hauts  pla- 
teaux du  Pérou  et  de  la  Bolivie ,  les  tribus  préhispaniques  se 
défendaient  de  la  même  façon,  en  temps  de  guerre,  par  des 
piicaràs  placés  sur  des  collines  escarpées  et  offrant  partout  les 
mêmes  dispositions. 

Les  andenes  du  pays  des  Diaguites  évoquent  une  agriculture 
tout  à  fait  identique  au  système  péruvien.  Seules  les  grandes 
constructions  :  les  temples,  les  palais  et  les  forteresses  faits  de 
blocs  taillés,  gigantesques,  manquent  dans  l'Argentine  comme 
dans  presque  toute  la  Bolivie.  Mais  il  est  à  croire  que  l'on  ne 
construisait  ces  édifices  monumentaux  que  dans  la  partie  cen- 
trale de  fempire.  Quant  aux  habitations  populaires,  elles  étaient 
plus  ou  moins  les  mêmes  partout. 

Dans  aucune  de  ses  branches,  l'industrie  de  la  région  dia- 
guite ne  présente  de  différence  notable  avec  findustrie  pré- 
hispanique du  Pérou.  Pour  la  céramique  d'abord  :  technique , 
procédés,  formes  et  décors  sont  les  mêmes.  Le  style  péruvien 
est  aussi  caractérisé,  aussi  facile  à  reconnaître  que  le  style 
gothique  ou  le  style  mauresque,  par  exemple.  Et  ce  style  péru- 


REGION  DIAGUITE.  180 

vieil  se  retrouve  toujours  dans  les  figures  humaines  et  ani- 
males, dans  la  forme  et  dans  les  ornements  de  la  céramique 
(liaguite.  Au  contraire,  le  style  des  vases  de  la  Colombie,  du 
nord  de  f  Equateur  et  de  la  côte  du  Pacifique  où  habitaient  les 
Yuncas,  est  tout  autre.  Nous  avons  reproduit,  y/^.  2  e,  cette 
tête  schématique  de  puma,  caractéristique  de  la  céramique 
péruvienne  et  qui  est  aussi  commune  dans  la  région  diaguite. 
Un  autre  exemple  très  convaincant  de  la  connexité  entre  Fart 
du  potier  dans  ces  deux  régions  nous  est  fourni  par  les  vases 
dits  aryhalles,  si  fréquents  dans  les  limites  de  f  empire  in- 
casique ,  mais  que  Ton  ne  trouve  pas  en  dehors  de  ces  limites. 
Plus  loin,  pages  296  et  suiv. ,  en  décrivant  un  aryballe  que  j'ai 
trouvé  dans  la  Vallée  de  Lerma,  j'énumérerai  les  vases  de  ce 
type  qui  ont  été  publiés. 

En  ce  qui  concerne  les  objets  en  pierre  sculptée,  ils  sont 
aussi  tout  à  fait  de  style  péruvien.  Les  pipes  à  fumer  sont  une 
exception,  car  d'après  ce  que  je  connais,  on  n'en  a  pas  trouvé 
au  Pérou  et  en  Bolivie.  Mais  f  origine  péruvienne  de  la  cul- 
ture diaguite  n'exclue  point,  bien  entendu,  d'autres  influences 
venues  d'ailleurs. 

La  forme  typique  des  haches  en  pierre  de  la  région  diaguite 
n'est  pas,  ainsi  que  nousfavons  dit,  la  forme  la  plus  commune 
des  haches  péruviennes,  mais  ce  type  de  haches  existe  aussi, 
quoique  exeptionnellement,  au  Pérou,  et  Ton  retrouve  en 
outre,  dans  la  région  diaguite,  presque  toutes  les  formes  de 
haches  connues  du  Pérou. 

Les  objets  en  cuivre  de  la  région  diaguite  sont,  comme  je 
fai  remarqué,  presque  tous  identiques  aux  objets  correspon- 
dants du  Pérou.  La  forme,  les  procédés  métallurgiques  sont 
les  mêmes.  Les  fourneaux  péruviens,  les  hnairas  qui  utilisaient 
le  vent  comme  soufflet,  ont  été  en  usage  aussi  bien  dans  les 
montagnes  des  Diaguiles  que  sur  le  haut  plateau  du  Pérou  et 
de  la  Bolivie.  I^'orneuientation  de  certains  ol)j('ts  est  particu- 
lière, il  est  vrai,  mais  c'est  une  circonstance  insignifiante  en 
vérité  et  qui  ne  suffit  nullement  à  attribuer  aux  Diaguiles  hi 


190  ANTIQUITÉS  DE  LA  REGION  ANDINE. 

plus  légère  originalité  dans  l'art  de  travailler  les  métaux. 
Enfin,  preuve  plus  évidente  encore  des  origines  péruviennes 
de  cette  métallurgie  préhispanique  de  l'Argentine  :  la  com- 
position des  alliages  métalliques.  A  la  lin  du  présent  travail, 
j'ai  donné  un  tableau  d'analyses  d'objets  préhispaniques  en 
cuivre  de  toute  la  région  andine  de  l'Amérique  du  Sud.  Ce 
tableau  démontre  clairement  que  ce  métal  est  mélangé  avec  une 
petite  quantité  arbitraire  d'étain,  dans  tout  le  haut  plateau  du 
Pérou  et  de  la  Bolivie  comme  dans  les  vallées  interandines  de 
l'Argentine.  Au  contraire,  dans  la  République  de  l'Equateur 
et  sur  la  côte  péruvienne  du  Pacifique,  cet  alliage  n'était  pas 
usité.  C'est  là  une  différence  essentielle  qui  nous  permet 
d'établir  une  région  métallurgique  bien  définie  comprenant 
la  Bolivie,  le  Pérou  et  le  pays  des  Diaguites,  parfaitement  sé- 
parée de  celle  qui  se  trouvait  au  nord  de  ces  limites  et  s'éten- 
dait au  sud,  le  long  de  l'Océan. 

L'industrie  textile  de  la  région  des  Diaguites,  je  fai  indiqué 
aussi,  a  donné,  pour  autant  qu'on  la  connaît,  des  produits 
ayant  une  grande  analogie  avec  les  tissus  péruviens.  Et,  de  part 
et  d'autre,  la  forme  des  vêtements  se  ressemblait.  Le  lama, 
f  animal  domestique  par  excellence  et  pour  ainsi  dire  spécial 
des  autochtones  du  Pérou,  en  fournissait  la  matière,  aussi  bien 
dans  la  région  diaguite  que  dans  tous  les  autres  pays  de  fem- 
pire  des  Incas. 

Les  coquilles  marines  provenant  du  Pacifique  et  trouvées 
dans  les  sépultures  de  fArgentine  donnent  une  autre  preuve 
des  rapports  de  ce  dernier  pays  avec  le  Pérou. 

Les  sépultures  de  la  région  des  Diaguites  présentent  des 
types  très  variés,  mais  sans  aucune  originalité  foncière  par 
rapport  aux  habitudes  funéraires  des  diverses  parties  de  la  zone 
ando-péruvienne.  Certains  de  ces  pays  possédaient  même  des 
modes  de  sépulture  beaucoup  plus  caractéristiques.  Je  citerai 
par  exemple  la  région  des  Collas,  avec  ses  to*mbeaux  si  particu- 
liers, les  petites  maisons  sépulcrales  dites  chulpas  ou  chiiUpas, 
dont  la  distribution  vers  le  Nord-Est  a  été  déterminée  récem- 


REGION  DIAGUITE.  191 

ment  par  M.  Erland  Nordenskiôld  (265,  p.  69-71),  de  même  que 
mon  collègue  de  la  Mission  Française,  le  D""  M.  Neveu-Lemaire, 
croit  avoir  rencontré  leur  limite  méridionale  à  la  hauteur 
d'Oruro.  Toutefois  la  région  diaguite  possède  une  sorte  de  sé- 
pulture qui  ne  se  constate  que  par  exception  sur  d'autres  points 
de  la  région  ando-péruvienne  :  ce  sont  les  urnes  funéraires. 
Je  démontrerai  plus  loin,  pages  262  et  suiv. ,  que  certaines  de 
ces  sépultures  proviennent  d'un  peuple,  probablement  guarani , 
immigré  du  Brésil  et  qui  habitait  la  région  diaguite  sans  doute 
avant  l'introduction  de  la  culture  péruvienne.  Une  autre  caté- 
gorie de  sépultures  dans  des  urnes  est  probablement  indigène. 
Il  s'agit  des  urnes  exhumées  de  ces  cimetières  spéciaux  qui  ne 
contiennent  exclusivement  que  des  restes  d'enfants  en  bas  âge. 
Jusqu'alors,  les  cimetières  d'enfants  paraissent  limités  à  la  ré- 
gion calchaquie  proprement  dite.  Mais  admettons,  comme  les 
faits  nous  y  invitent,  que  la  coutume  des  Diaguites  fût  d'en- 
terrer les  enfants  nouveau- nés  d'une  manière  spéciale;  ce  fait 
ne  prouve  pas  l'autonomie  de  la  culture  diaguite  par  rapport 
à  la  civilisation  péruvienne,  car  les  Incas  avaient  l'habitude 
de  laisser  aux  peuples  soumis  par  eux  une  liberté  complète 
quant  à  leur  religion  et  aux  cérémonies  du  culte  qui  leur  étaient 
propres.  Restent  les  enterrements  d'adultes  dans  des  urnes  dé- 
corées et  accompagnées  d'un  matériel  de  poterie  funéraire  plus 
ou  moins  analogue  au  type  général  de  la  céramique  diaguite. 
De  ces  sépultures  le  cimetière  de  Chanar-Yaco  est  un  exemple. 
Ce  mode  de  sépultures  et  ces  urnes  funéraires  ne  sont  pas 
d'origine  péruvienne ,  mais  nous  les  expliquerons  aussi  par  des 
influences  étrangères,  peut-être  antérieures  à  celle  de  la  culture 
péruvienne. 

Lespétrogiyphes  de  la  région  diaguite  présentent  une  certaine 
variété  de  ligures  et  de  signes.  Ceux  du  Pérou  sont  peu  connus, 
mais  un  essai  de  classification  géographique  des  pélrogiyphes 
sud-américains  amènerait  certainement  à  grouper  cnsend)]e 
ceux  du  Pérou,  de  la  Bolivie  et  de  la  région  andine  de  l'Argen- 
tine, à  les  séparer  nettement  des  pétroglyphcs  du  Venezuela,  du 


192  ANTIQUITÉS  DE  LA   RÉGION  ANDINE. 

Brésil,  de  la  Patagonie;  le  Chili  olIVirait  aussi  des  spécimens 
différents  qui  ne  se  retrouvent  pas  dans  d'autres  pays ,  particu- 
lièrement les  gigantesques  pintados  de  Tarapacâ. 

La  langue  quichua  et  le  folklore  péruvien.  —  La  topo- 
nymie de  toute  la  région  andine  de  la  République  Argentine 
est,  comme  nous  l'avons  dit,  à  très  peu  d'exceptions  près,  dé- 
rivée du  quichua,  et  cette  langue  était  encore,  à  la  lin  du 
XVII*'  siècle,  parlée  par  les  indigènes  de  tout  ce  territoire. 

M.  Lafone-Quevedo  (189,  p.  93,9/i)  donne  à  ce  sujet  d'intéres- 
santes informations  relatives  à  la  province  de  Catamarca.  En 
1705,  les  Indiens  d'Andalgalâ  avaient  besoin  d'interprètes  pour 
converser  avec  les  Espagnols  et,  en  1810,  on  parlait  exclusive- 
ment le  quichua  à  Huaco,  petit  village  près  d'Andalgalâ.  Encore 
aujourd'hui,  des  personnes  très  âgées  parlent  le  «  Cuzco  »,  terme 
par  lequel  la  population  métisse  désigne  le  quichua.  M.  Lafone 
donne  des  exemples  concernant  Andalgalâ  et  les  petits  villages 
situés  au  pied  de  la  Sierra  del  Ambato,  comme  Mutquin, 
Colpes,  etc.  En  ce  dernier  endroit, j'ai  entendu  moi-même  une 
vieille  Indienne  parler  le  quichua;  de  même,  j'ai  toujours  re- 
marqué que  les  métis  de  La  Rioja,  du  sud-ouest  de  Salta,  de 
Catamarca  et  de  San  Juan  mélangeaient  leur  espagnol  de  mots 
du  plus  pur  quichua ,  parfois  si  nombreux  qu'il  était  difficile  de 
comprendre  un  langage  ainsi  altéré.  M.  Lafone-Quevedo  [ibid.) 
donne  un  curieux  échantillon  de  cette  langue  mixte. 

Dans  une  province  entière,  située  cependant  en  dehors  des 
montagnes,  Santiago  del  Estero,  les  paysans  indiens,  à  peu 
2)rès  purs,  parlent  entre  eux  presque  exclusivement  le  quichua; 
il  en  est  même  qui  ne  comprennent  pas  l'espagnol. 

Une  particularité  de  la  toponymie  nous  démontre  combien 
intimement  le  quichua  s'est  incorporé  à  fhabitude  linguistique 
des  indigènes  dans  la  région  andine.  C'est  la  formation  de  mots 
espagnols  selon  les  lois  de  la  langue  quichua,  bien  que  cette 
dernière  soit  une  langue  synthétique  et  fespagnol  une  langue 
analytique.  Quelquefois,  ces  mots  sont  composés  d'un  vocable 


RECION   DIAGUITE.  193 

espagnol  et  d'un  autre  vocable  quichua,  comme  Burriiyaco,  de 
hnrro,  espagnol  =  âne,  eiyaco,  quichua=  eau:  «  L'eau  de  l'âne  ». 
D'autre  fois,  les  deux  vocables  sont  espagnols,  par  exemple 
Leonpozo,  au  lieu  de  P020  del  Leon^  de  leon=  iion  (pimia)  et 
pozo=  mare  :  «  La  mare  au  lion  ». 

En  ce  qui  concerne  le  lexique  de  la  grammaire,  le  quicliua 
de  la  République  Argentine  ne  dilïère  guère  de  celui  du  Pérou. 
La  différence  consiste  surtout  dans  la  prononciation  de  certains 
sons  et  n'est  du  reste  pas  très  considérable.  Le  dialecte  de  la 
République  Argentine  se  rapproche  du  quichua  de  la  Bolivie. 
L'abbé  Miguel-Angel  Mossi  (248)  est  l'auteur  d'une  étude  inté- 
ressante sur  le  quichua  de  Santiago  del  Estero,  et  nous  avons 
déjà  mentionné  l'ouvrage  de  M.  Lafone-Quevedo  (199)  sur  les 
mots  de  quichua  et  d'autres  langues  indiennes  en  usage  parmi 
les  ha])itants  de  Gatamarca. 

Nous  avons  inventorié  les  principaux  éléments  du  folklore 
des  provinces  diaguites  et  démontré  que  toutes  ces  légendes, 
toutes  ces  anciennes  croyances  sont  d'origine  péruvienne. 
Techo  (341;  1.  II,  c.  XVIII,  et  1.  v,  c.  xxiii;  p.  A8,  i48)  affirme  également 
que  les  Diaguites  adoraient  le  soleil  et  les  étoiles ,  et  il  est  bien 
connu  que  les  Incas  imposaient  toujours  aux  peuples  qu'ils 
avaient  annexés  à  leur  empire  le  culte  du  Soleil,  tout  en  per- 
mettant aux  vaincus  de  conserver,  à  côté  de  ce  culte  principal, 
leurs  religions  et  rites  particuliers.  Le  culte  du  Soleil  a  été  cer- 
tainement importé  chez  les  Diaguites  de  cette  manière.  Nous 
pouvons  ajouter  qu'en  1611,  les  Indiens  d'Andalgalâ  possé- 
daient, semble-t-il,  des  (luipiis.  Lozano  (221;  1.  vi,c.  v,  t.  n,  p.  292) 
raconte  qu'à  cette  date,  ces  Indiens,  baptisés  auparavant  |)ar 
d'autres  jésuites,  se  présentèrent,  à  l'occasion  d'une  visite  des 
PP.  Dario  et  Boroa,  pour  se  confesser  et  énumérèrent  leurs 
péchés  à  l'aide  de  (fuipiis.  Le  voyage  des  PP.  Dario  et  Boroa  est 
confirmé  par  Techo  (341;  1.  iv,  c  vi;  p.  102)  d'après  lef[uel  ces  mis- 
sionnaires l^aplisèrent  en  la  circonstance^  cincj  cents  ïlnasans, 
Mallis,  Hnacliaschis  et  Andalgalàs,  tous  Diagnltes,  habitant  les 
environs  de  l'actuel  Andalgalà.Orles  Péruviens  seuls, du  moins 


194  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  AN  DINE. 

dans  l'Amérique  du  Sud,  employaient  ces  combinaisons  de 
cordelettes  et  de  nœuds  comme  appareils  compteurs  et  mné- 
moniques. 

Les  défenseurs  de  rautonomie  de  la  culture  diaguite  essaient 
d'expliquer  la  toponymie  et  la  langue  quicliuas  dans  la  région 
comme  un  résultat  de  la  conquête  européenne  :  dans  cette 
hypothèse,  conquérants  et  missionnaires  auraient  essayé  d'im- 
poser aux  vaincus  le  quichua  pour  instituer  ainsi  une  lengiia 
gênerai,  comme  il  fut  fait  du  guarani  au  Brésil,  du  nahuatl  au 
Mexique  ou  du  maya  dans  l'Amérique  centrale,  afin  de  pouvoir 
par  là  régir  les  Indiens  ou  les  catéchiser  sans  avoir  à  apprendre 
les  différentes  langues  locales. 

Contre  cette  théorie  s'élèvent  d'abord  plusieurs  données 
historiques  concrètes  qui  démontrent  de  toute  évidence  que 
le  quichua  était  connu  et  parlé,  à  côté  des  langues  indigènes, 
avant  farrivée  des  premiers  Espagnols.  Ainsi Techo  (341; Lu, c.xx; 
p.  5o)  affirme,  comme  nous  favons  vu  page  56,  que  les  Indiens 
des  montagnes  de  fAconquija,  qu'il  dénomme  des  Lules,  par- 
laient le  quichua ,  en  dehors  du  cacan  et  du  tonocoté ,  lors  de 
la  visite  des  PP.  Monroy  et  Viana.  Le  P.  Bârzana  étant  le  seul 
Européen  qu'ils  eussent  vu  auparavant,  ce  dernier,  en  quelques 
jours  ou  même  quelques  semaines,  aurait-il  pu  vraisemblable- 
ment implanter  parmi  ces  Lules  la  langue  quichua,  s'ils  ne 
f  avaient  sue  déjà.^  Le  même  Techo  [ibid;  l.  ix,  c.  xxxiv;  p.  258)  cite  le 
fait  qu'en  1 6  3  i  les  Indiens  parlaient  le  quichua  et  le  «  calchaqui  » 
(cacan)  dans  les  «  montagnes  de  Quimilpa  »  et  dans  la  Vallée  de 
Catamarca.  Or,  à  cette  époque,  les  Espagnols  n'avaient  fait  que 
des  incursions  accidentelles  dans  ces  parages.  Donc,  en  toute 
certitude,  ils  n'avaient  pas  eu  le  temps  d'y  porter  le  quichua. 
Enfin,  si  nous  en  croyons  Garcilaso  de  la  Vega  (140;  L  vu,  cm; 
fol.  167),  le  quichua  «était,  à  fépoque  des  Incas,  parlé  depuis 
Quito  jusqu'au  royaume  du  Chili  et  jusqu'au  royaume  de 
Tumac  (Tucma,  Tucuman)  ». 

Ces  exemples  démontrent  que  le  quichua  était  parlé  par  les 
Diaguites  avant  la  conquête  espagnole.  Cependant,  on  ne  peut 


REGION  DIAGUITE.  195 

le  nier,  ceux-ci  ont  contribué  à  répandre  cette  langue  dans 
certaines  régions  de  la  République  Argentine  actuelle.  A  ce 
sujet,  il  faut  d'abord  remarquer  que  l'action  hispanique, 
dans  ce  cas,  a  été  très  exagérée.  Certains  auteurs  prétendent 
que  les  autorités  et  les  encomenderos  espagnols  auraient  imposé 
le  quiclîua  aux  indigènes,  et  que  les  yanaconas  péruviens, 
amenés  par  les  conquérants,  auraient  été  les  instruments  de 
cette  «  quichuisation  »  des  Indiens.  Or  c'est  plutôt  le  contiaire 
qui  est  vrai  :  les  Espagnols  essayaient  de  répandre  partout  leur 
propre  langue,  et  non  le  quichua  dans  le  monde  indigène, 
et  ceci  d'après  le  témoignage  de  plusieurs  chroniqueurs.  Ainsi 
le  P.  Blas  Valera,  cité  par  Garcilaso  (140;  1.  vu,  c.  i;fol.  i66),  dit 
clairement  que  le  quichua,  après  la  conquête,  «  se  perdit  dans 
plusieurs  provinces  » ,  et  Don  Antonio  de  Léon  Pinelo  (214) 
rapporte,  en  1629,  que  le  quichua,  à  cette  époque,  «  était  très 
altéré  par  des  éléments  espagnols  et  s'était  perdu  dans  quelques 
provinces,  par  suite  de  la  négligence  des  gouverneurs  espa- 
gnols ».  Ces  renseignements  démontrent  que  les  autorités  espa- 
gnoles ne  faisaient  rien  pour  la  conservation  du  quichua.  En  ce 
qui  concerne  \e,^  yanaconas,  les  conquérants,  d'après  les  données 
historiques,  n'ont  jamais  amené  dans  les  provinces  diaguites 
un  nombre  considérable  de  ces  auxiliaires,  si  l'on  excepte  Don 
Diego  de  Almagro  qui  ne  s'arrêta  pas  dans  cette  région,  mais  la 
traversa  seulement  pour  se  rendre  au  Chili.  Les  conquérants 
du  Tucuman  n'eurent,  à  aucun  moment,  àç^s yanaconas  assez 
nombreux  pour  que  ceux-ci  aient  pu  même  contri])uer  à  la 
diffusion  du  quichua.  Engénéral,  les  immigrations  ou  introduc- 
tions d'Indiens  du  Pérou  dans  le  territoire  argentin  acluel,  à 
l'époque  espagnole,  ne  méritent  pas  d'être  prises  en  considéra- 
tion. Bien  plus,  un  décret  du  vice-roi  (hi  Pérou,  Don  Francisco 
de  Toledo,  daté  de  La  Plata  (Chuquisaca),  2  novend3re  lôyS, 
et  publié  en  partie  par  le  D'  Quesada  (294,  p.  iS)  démoiilic  (juc 
les  Espagnols  du  Pérou  avaient  pris  l'habitude  d'amener  du 
l'ucuman  des  Indiens  pour  les  employer,  en  Bolivie  et  au 
Pérou,  sur  leurs  pr{)]:>riélés,  pour  les  \(uidr(*  comme  esclaves  ou 


196  ANTIQUITÉS  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

les  louer  à  des  tiers.  Cette  opération  se  faisait  sur  une  si  grande 
échelle  que  le  vice-roi,  craignant  le  dépeuplement  du  Tucuman , 
se  vit  obligé  de  défendre,  sous  des  peines  sévères,  l'espèce  de 
traite  en  question. 

Reste  la  possibilité  d'une  introduction  du  quichua  par  les 
missionnaires  et  par  les  membres  du  clergé  espagnol  qui  tous 
l'avaient  appris  au  Pérou.  Nous  avons  quelques  raisons  de  croire 
que  le  clergé  a  travaillé  dans  ce  sens  afin  de  s'éviter  la  nécessité 
d'apprendre  les  diverses  langues  indiennes.  Mais,  d'après  les 
chroniqueurs,  cette  action  des  ecclésiastiques  se  serait  exercée 
plutôt  en  dehors  des  limites  des  Diaguites  que  parmi  ces  der- 
niers Indiens.  L'abbé  Mossi  (248, p.7)  croit  que  l'introduction  et 
la  persistance  du  quichua  en  Santiago  del  Estero  sont  dues  en 
partie  à  une  résolution  du  Concile  de  Lima  de  i583,  par 
laquelle  il  aurait  été  ordonné  au  clergé  d'enseigner,  seulement 
en  langue  quichua,  la  doctrine  et  le  catéchisme  aux  indigènes, 
et  de  n'employer  d'autres  textes  pour  les  prières  et  le  catéchisme 
que  ceux  qui  avaient  été  approuvés  par  le  Concile ,  et  qui  étaient 
rédigés  en  quichua  et  en  aymara.  Mais,  suivant  l'édition  d'Ila- 
roldus  (161  bis;  aciioi",  c.  m;  p.  6)  des  actcs  de  ce  Concile,  celui-ci, 
au  contraire,  ordonne  aux  évêques  de  faire  traduire  les  textes 
approuvés  dans  les  diverses  langues  de  leurs  diocèses.  Cepen- 
dant, d'autre  part,  le  P.  Jolis  (182,  p.  45 1)  rapporte  que  les  Mata- 
râs,  habitant  à  l'est  de  la  ville  de  Santiago  del  Estero,  ne 
parlaient  plus  leur  langue  propre,  le  tonocoté,  à  la  fin  du 
xv!!!*"  siècle,  mais  seulement  le  quichua.  Or  les  Matarâs,  à 
l'époque  de  la  visite  du  premier  missionnaire,  Barzana,  ne 
savaient  encore  que  le  tonocoté  et  paraissent  avoir  appris  le 
quichua  postérieurement.  Barzana  (55,p.  uv)  dit  aussi  que  les 
Sanavirons,  les  Indamas  et  d'autres  Indiens  qui  dépendaient  de 
Santiago,  de  San  Miguel  de  Tucuman,  de  Côrdoba,  de  Salta 
et  d'Esteco,  «avaient  appris  la  langue  de  Ciizco  ».  Mais  ces 
Indiens  ne  peuvent  avoir  été  des  Diaguites  qui,  d'après  le  témoi- 
gnage de  Techo  que  nous  venons  de  citer,  savaient  déjà  le  qui- 
chua avant  l'arrivée  des  Esj^agnols.  H  ne  peut  s'agir  que  des 


REGION    DIXGUITE.  197 

Indiens  de  la  plaine,  chez  lesquels  on  ne  peiil  nier  Tinfluence 
des  missionnaires  pour  la  dilïïision  du  quichua. 

En  résumé,  les  faits  énumérés  le  prouvent,  les  Diaguites 
parlaient  le  quichua,  concurremment  avec  le  cacan  avant  la 
conquête,  et  l'influence  des  missionnaires,  si  elle  s'exerça  sous 
ce  rapport,  s'est  simplement  bornée  à  maintenir  la  langue.  Com- 
ment, du  reste,  admettre  que  quelques  prêtres  aient  pu,  chez 
un  peuple  d'un  assez  haut  degré  de  culture,  implanter  une 
langue  étrangère  assez  profondément  pour  avoir  supprimé  tout 
à  fait  la  langue  originelle  et  même  changer  du  tout  au  tout  la 
toponymie?  Dernier  argument  décisif  :  ce  n'est  j)as  seulement 
l'introduction  du  quichua,  c'est  aussi  celle  des  idées  mytholo- 
gicjues  et  religieuses  du  Pérou  —  les  seules  reliques  de  l'ancien 
paganisme  conservées  par  les  descendants  des  anciens  Diaguites 
dans  leur  folklore  —  qu'il  s'agit  d'expliquer.  Faudrait-il  donc 
attribuer  aussi  ce  dernier  phénomène  au  clergé  espagnol ,  comme 
le  veut  la  logique,  mais  comme  s'y  refuse  le  simple  bon  sens.^ 

Renseignements  historiques.  —  Comment  ont  été  introduits 
chez  les  Diaguites,  d'une  manière  si  large,  si  profonde,  l'art 
péruvien,  la  métallurgie  péruvienne,  la  langue  quichua,  les 
croyances  péruviennes,  le  culte  incasique  du  Soleil.»^  Les  rela- 
tions commerciales,  des  déplacements  fréquents  de  Diaguites 
au  Pérou  et  de  Péruviens  au  pays  des  Diaguites,  des  guerres 
avec  l'échange  consécutif  de  prisonniers,  ne  suffiraient  pas  à 
expliquer  ce  développement  de  la  culture  péruvienne  dans  les 
vallées  argentines.  Seule  fliypothèse  d'une  longue  domination 
péruvienne  peut  nous  donner  la  solution  du  problème.  Mal- 
heureusement, les  renseignements  donnés  à  ce  sujet  par  les 
historiens  généraux  du  Pérou  et  ceux  de  la  province  jésuite  du 
Paraguay  sont  obscurs  et  incertains. 

Trois  historiens  seulement  du  Pérou  préhispanique  ont,  à 
notre  connaissance,  parlé  du  Tucuman  antérieur  à  la  conquête 
européenne  :  Montesinos,  Garcilaso  et  Pachacuti.  Les  autres 
historiographes  du  Pérou  ne  font  que  les  reproduire. 


198  ANTIQUITÉS  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

Le  llcenciado  Fernando  de  Montesinos  (241)  passa  une  douzaine 
d'années  à  voyager  dans  les  difFérentes  régions  du  Pérou,  où  il 
s'occupait  spécialement  d'entreprises  minières  et  de  l'appren- 
tissage métallurgique  des  Espagnols.  Il  arriva  au  Pérou  en  1629 
et  le  manuscrit  de  ses  Memorias  antiguas  y  poUticas  porte  la  date 
de  1642.  C'est  un  des  ouvrages  les  plus  critiqués  de  l'ancienne 
historiographie.  Plusieurs  auteurs  mettent  même  en  doute 
l'authenticité  des  légendes  qu'il  rapporte.  Cependant  Monte- 
sinos est  le  seul  qui  se  soit  occupé  de  l'époque  préincasique, 
on  peut  même  dire  qui  en  ait  eu  la  notion,  notion  pourtant 
naturelle,  historiquement  et  logiquement  nécessaire,  car  la 
civilisation  péruvienne  ne  peut  avoir  eu  le  temps  de  se  déve- 
lopper pendant  la  courte  durée  —  un  peu  plus  de  quatre  cents 
ans  —  de  l'empire  des  Incas.  D'autre  part,  des  monuments 
mégalithiques,  comme  ceux  de  Tiahuanaco,  d'époque  anté- 
rieure —  tout  l'atteste  —  à  cette  dynastie,  ne  peuvent  avoir 
été  construits  que  par  des  souverains,  maîtres  d'un  grand 
Etat  régulièrement  organisé  et  sans  doute  autocratique.  C'est 
l'histoire  de  ces  souverains,  les  Pyrhuas  et  les  Amautas,  qu'a 
écrite  Montesinos.  Il  a  dressé  une  chronologie  de  l'antiquité 
péruvienne  comprenant  environ  4 ,000  ans  et  commençant  cinq 
cents  ans  après  le  «  diluve  ».  Il  énumère  1  o  1  rois  du  Pérou,  tan- 
dis que  Garcilaso  en  nomme  seulement  i/i,  et  Acosta,  7.  Nous 
ignorons  de  quelle  source  Montesinos  a  tiré  ses  récits  préinca- 
siques,  mais  certainement  ils  ne  peuvent  être  l'œuvre  de  son  ima- 
gination. Ils  ont  une  saveur  tellement  indienne,  qu'au  temps  de 
Montesinos  nul  Espagnol  n'aurait  été  capahle  de  fahriquer 
de  toutes  pièces  de  pareilles  légendes  avec  la  connaissance  du 
monde  indigène  qu'il  pouvait  avoir.  La  simple  lecture  du  livre 
dit  la  sincérité  de  l'écrivain,  instruit  vraisemhlahlement  du 
passé  préincasique  par  les  derniers  amautas  qui  conservèrent, 
comme  en  dépôt,  la  tradition  et  la  science  nationales.  Les  dy- 
nasties préincasiques  et  la  chronologie  de  Montesinos  viennent 
de  trouver  aujourd'hui  un  appui  dans  les  théories  formulées 
par  le  D"^  Max  Lhle,  à  la  suite  de  ses  dernières  recherches  au 


REGION  DTAGUITE. 


199 


Pérou.  M.  Ulile  altri])ue  à  la  civilisation  de  Tialiuanaco,  anté- 
rieure à  l'ère  incasique,  une  durée  de  i,5oo  ans,  et  il  classe 
des  vestiges  découverts  à  Ica  et  à  Nazca  comme  provenant 
d'une  civilisation  encore  plus  reculée. 

Voici  les  passages  de  l'ouvrage  de  Montesinos  qui  mention- 
nent le  «Tucuman»,  c'est-à-dire  la  région  diaguite  : 

C.  VIII,  p.  AS,  Gobernà  Manco  Capac  Yupaïujiii  su  reino  cou  todapaz  auiujue 
sus  capitanes  tuvieron  algunas  guerras  contra  los  del  Tucuman  que  habian  entrado 
por  los  Chichas.  («  Manco-Capac-Vupanqui^^' régnait  dans  une  paix  par  faite, 
quoique  ses  capitaines  eussent  quelques  guerres  avec  les  habitants  du  Tucu- 
man qui  étaient  entrés  par  la  province  des  Chicbas.  ») 

C.  XI,  p.  6/i.  Déjà  Paullu  Toto  Capac  por  heredero  à  Cayo  Manco  Amauta, 
scgundo  deste  nombre.  En  tiempo  deste  liubo  grandes  alborotos  en  el  reyno  por  las 
nuevas  que  vinieron  de  que  por  Tucuman,  Ckiriguainas y  Cliile  habia  venido  gente 
ferocisima  y  guerrera.  («  Paullu-Toto-Capac  laissa  comme  héritier  Cayo- 
Manco -Amauta ^^^  le  deuxième  de  ce  nom.  Dans  son  temps  il  y  eut  de  grandes 
inquiétudes  dans  le  royaume,  à  cause  de  la  nouvelle  arrivée  que  des  gens 
très  féroces  et  guerriers  étaient  entrés  de  Tucuman ,  de  Chiriguainas  et  du 
Chili.  ») 

C.  XIII,  p.  y  5.  Tupac  Curi  Amauta  dejô  por  heredero  à  Huillcanota  Amauta. 
En  tiempo  de  este  rey  vinieron  mâchas  tropas  de  génies  por  el  Tucuman  y  sus 
gobernadores  se  vinieron  retirando  al  Cuzco.  («  Tupac-Curi- Amauta  laissa 
comme  héritier  Huillcanota-Amauta^^'.  Au  temjjs  de  ce  roi,  de  grandes  mul- 
titudes de  gens  vinrent  du  Tucuman  et  leurs  [ses?]  gouverneurs  furent  obligés 
de  se  retirer  à  Cuzco  »^^U 


'*'  De  la  dynastie  des  Pyihuas ,  6°  roi  du 
Pérou,  selon  Montesinos.  Jl  aurait  régné 
environ  i,5oo  ans  avant  Jésus-Christ. 

'^^  24°  roi  du  Pérou.  Il  régnait ,  suivant 
Montesinos,  plus  de  /joo  ans  après. Manco- 
Capac-Yupanqui. 

('^  55*  roi  du  Pérou.  Selon  Montesinos, 
on  peut  calculer  qu'il  aurait  régné  environ 
700  ans  après  Cayo-Manco-Amaula,  c'est- 
à-dire  un  peu  plus  d'un  siècle  avant  l'ère 
chrétienne,  en  se  rapportant  au  «  dchige  » 
de  Montesinos.  Naturellement,  la  chrono- 
logie de  celui-ci  n'est  basée  que  sur  des 
légendes,  et  il  faut  la  prendre  sous  héné- 
fice  d'inventaire. 

(*'  M.  J.  B.  Ambroselti  (19,  p.  88)|ran- 


scrit  dans  l'un  de  ses  travaux  les  mêmes 
passages  de  Montesinos  d'après  une  édition 
des  McDiorias ,  insérée  dans  la  Revisla  de 
Biicnos-Airex,  t.  XXI  et  XXII.  Le  texte 
de  celte  édition  présente  des  dilTérences 
avec  l'édition  espagnole,  mais  on  ne  peut 
hésiter  entre  les  deux,  la  dernière  ayant 
été  l'aile  par  les  soins  de  l'érudit  Marcos 
Jiinénez  de  la  Espada,  d'après  un  manu- 
scrit en  partie  autographe  de  Montesinos. 
M.  Ambrosetti  cite  aussi  d'autres  passages 
de  celui-ci,  où  il  est  parlé  d'invasions  de 
los  Andes  au  Pérou.  L,os  Andes  n'ont  rien  à 
voir  avec  le  Tucuman,  connue  semble  le 
croire  M.  Ambrosetti.  Los  Andes  de  Monte- 
sinos   sont    naturellement  les    Antis   des 


200  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

Analysons  ces  passages.  Les  deux  premiers  nous  parlent 
d'invasions  des  Indiens  du  Tucuman  dans  le  Haut  Pérou, 
c est-à-dire  dans  la  Bolivie  actuelle.  Il  semble,  d'après  Monte- 
sinos ,  que  la  région  diaguite,  à  cette  époque  reculée,  n'avait  pas 
encore  été  conquise  par  les  Péruviens,  mais  que  ceux-ci  domi- 
naient déjà  la  partie  méridionale  du  haut  plateau  bolivien, 
le  pays  des  Chichas.  Quant  au  troisième  passage,  sur  l'invasion 
au  temps  de  Huillcanota-Amauta,  le  texte  espagnol  n'est  pas 
clair,  le  motsHS  {^(johernadores)  pouvant  être  traduit  par  «leurs» 
ou  par  «  ses  ».  Dans  le  premier  cas,  ce  seraient  les  gouverneurs 
péruviens  du  Tucuman  qui  se  virent  obligés  de  se  retirer  de- 
vant la  révolte  de  leurs  sujets;  dans  le  second  cas,  ce  seraient 
les  gouverneurs  péruviens  de  Huillcanota  dans  les  Chichas, 
qui  durent  s'enfuir,  leur  pays  ayant  été  envahi  par  les  Indiens 
du  Tucuman.  Quoi  qu'il  en  soit,  Montesinos  nous  apprend 
que,  plusieurs  siècles  déjà  avant  les  Incas,  le  Pérou  avait  des 
relations,  belliqueuses  ou  non,  avec  le  Tucuman.  En  tout  cas, 
le  Tucuman,  dès  ces  temps  lointains,  était  bien  connu  des 
Péruviens.  Nous  sommes  donc  loin  des  affirmations  de  certains 
défenseurs  de  l'autonomie  de  la  «  culture  calchaquie  » ,  quand 
ils  prétendent  que  les  Incas  ne  connaissaient  même  pas  la 
région  diaguite. 

De  Montesinos  passons  à  Garcilaso  de  la  Vega  (140).  Fils  du 
gouverneur  espagnol  de  Guzco  et  d'une  nusta,  princesse  du 
sang  des  Incas,  sa  naissance  le  mettait,  plus  que  tous  les  autres 
écrivains  de  l'époque,  à  même  de  recueillir  les  traditions  indi- 
gènes. 11  eut  aussi  l'avantage  d'écrire  au  premier  temps  de  la 
conquête  :  il  était  né  à  Cuzco  en  iBSg  et  mourut  à  Cordoue 
en  i6i6.  La  première  édition  de  ses  Comentarios  Reaies  fut 
imprimée  à  Lisbonne  en  1609.  On  l'a  accusé,  non  sans  raison,  . 
de  s'être  efforcé  de  peindre  ses  ascendants,  les  Incas,  aussi  favo- 
rablement que  possible,  parfois  aux  dépens  de  la  vérité.  Mais 
prétendre,  comme  M.  Ambrosetti  (19,p.  idi)  que  la  soumis- 
anciens  Péruviens,  c'est-à-dire  les  pentes  Titicaca,  y  compris  la  Montana  forestière, 
orientales  des  Andes  au  nord-est  du  lac         au  pied  de  la  Cordillère. 


REGION   DIAGUITE.  201 

sion  des  Indiens  du  rncunian,  racontc'e  par  Gai'cilaso,  est  une 
pure  invention  de  celui-ci,  destinée  à  rehausser  la  grandeur  des 
Incas,  c'est  aller  un  peu  trop  loin. 

Voici  ce  que  dit  Garcilaso  sur  cette  soumission  : 

L.  V,  c.  XXV,  fol.  )2h.  Estando  el  Inca  (i'Inca  Yupanqui,  surnommé 
Huiracocha-Inca,  fils  de  I'Inca  Yahuar-Huacac ,  97"  roi  du  Pérou  d'après 
Montesinos ,  8"  Inca  selon  Garcilaso;  il  régnait  probablement  au  commen- 
cement du  xiv"  siècle '^^)  en  la  provincia  de  Charcas,  vinieron  embajadores  dcl 
Rey  110  l  lama  do  Tue  ma,  que  lo  s  Espafioles  llaman  Tucuman,  (jue  esta  doscienlas 
léguas  de  los  Charcas  al  sudeste  j  puestos  aiite  él  le  dijeron  :  Capac  Inca  Hui- 
racoclia,  la  fama  de  las  hazanas  de  los  Incas  tus  progenitores ,  la  rectitud  e 
igualdad  de  su  justicia,  la  hondad  de  sus  leyes,  el  gohierno  tan  en  favory  bene- 
ficio  de  los  sdbditos,  la  excelencia  de  su  religion,  la  piedad,  clemencia  y  manse- 
dumbre  de  la  real  condicion  de  todos  vosotros,  y  las  grandes  maravillas  que  tu 
padre  el  Sol  nuevamente  ha  hecho  por  ti,  ha  penetrado  hasta  los  àltimos  fines  de 
nuestra  tierra  y  aun  passan  adelante,  de  las  cuales  grandesas  aficionados  los 
Caracas  de  todo  el  reyno  Tucma  envian  à  suplicarte  hayas  por  bien  recibirlos  de- 
bajo  de  tu  imperio  y  permitas  que  se  llamen  tus  vasallos,  para  que  goccn  de  tus 
beneficios,  y  te  dignes  de  darnos  Incas  de  tu  sangre  real  que  vayan  con  nosotros 
à  sacarnos  de  nuestras  bârbaras  leyes  y  costumbres  y  à  ensenarnos  la  religion  que 
debemos  tener  y  los  fueros  que  debemos  guardar.  Para  lo  cual  en  nombre  de  todo 
nustro  Reyno  te  adoramos  por  hijo  del  Sol  y  te  recibimos  por  Rey  y  senor  nuestro 
en  testimonio  de  lo  cual  te  ojrecemos  nuestras  personasy  losfrutos  de  nuestra  tierra, 
para  quesea  sefialy  muestra  de  que  sonios  tuyos.  («  L'Inca  étant  dans  la  province 
de  Charcas ,  des  ambassadeurs  arrivèrent  du  royaume  dit  Tucma ,  que  les 
Espagnols  appellent  Tucuman  et  qui  est  situé  à  deux  cents  lieues  au  sud- 
est  de  Charcas.  Une  fois  devant  I'Inca,  ils  lui  dirent  :  Capac-Inca-Huiracocha, 
le  renom  des  prouesses  des  Incas,  tes  ancêtres,  est  arrivé  jusqu'aiLx  ultimes 
frontières  de  notre  pays;  nous  avons  eu  connaissance  de  leurs  rectitude  et 
impartialité  en  justice,  de  la  bonté  de  leurs  lois,  de  leur  gouvernement  si 
favorable  et  bienfaisant  à  leurs  sujets,  de  l'excellence  de  leur  religion,  de  la 
piété,  de  la  clémence  et  de  la  mansuétude  de  toutes  vos  royales  personnes 

*'^  Suivant  la   liste   des   Incas   donnée  reprendre  la  discussion  sur  les  dilTérentes 

par  Garcilaso  et  acceptée  par  la   plupart  chronologies  incasiques,    mais  je  reniar- 

des  auteurs,  tant  anciens  que  modernes.  querai  toulelbis  que  le  bon  sens  s'oppose 

Montesinos  supprime  des  Incas  après  Ilui-  à  rhypolhèse  que  cette  con([U(Me  eût  eu 

racocha  et  avance  de  celte  manière,  en  un  lieu  seulement  un  siècle  avant  la  con([uête 

siècle  environ,  la   conciuèle  du  Chili  (et  espagnole.  Huiracocha  ligure  dans  Monfe- 

du  Tucuman).  Il   ne  convient  pas  ici  de  sinos  sous  le  nom  de  Tupac-'ïupanqui. 


202  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

et  des  grands  miracles  que  ton  père  ie  Soleil  récemment  a  faits  pour  toi.  Les 
Curocas  de  tout  le  royaume  de  Tucma,  épris  de  ces  grandeurs,  nous  en- 
voient pour  te  supplier  de  vouloir  bien  les  accepter  dans  ton  empire  et  de 
leur  permettre  qu'ils  se  disent  tes  vassaux,  pour  pouvoir  jouir  de  tes  bien- 
faits. Daigne  nous  donner  des  Incas  de  ton  sang  royal  tpii  nous  accompagne- 
ront pour  nous  délivrer  de  nos  lois  et  de  nos  usages  barbares  et  pour  nous 
enseigner  la  religion  que  nous  devons  suivre  et  les  coutumes  que  nous  devons 
garder.  C'est  pourquoi,  au  nom  de  tout  notre  royaume,  nous  t'adorons 
comme  fds  du  Soleil ,  et  nous  t'acceptons  pour  notre  Roi  et  Seigneur.  En  té- 
moignage de  quoi  nous  t'offrons  nos  personnes  et  les  fruits  de  notre  terre, 
c[ui  seront  signe  et  preuve  que  nous  sommes  tiens.  ») 

Les  ambassadeurs  donnèrent  à  l'Inca  «des  tissus  de  coton, 
du  miel  d'une  qualité  supérieure,  du  maïs  et  d'autres  grains 
et  légumes  de  leur  terre».  L'Inca  Huiracoclia  accepta  la  sou- 
mission des  habitants  de  Tucma  et  leur  fit  de  superbes  ca- 
deaux, entre  autres  des  vêtements  sacrés  confectionnés  pour  sa 
propre  personne  impériale  par  les  mamaconas ;  il  ordonna  à  des 
Tncas,  ses  parents,  de  partir  pour  Tucma  pour  y  enseigner  sa 
religion;  il  y  envoya  également  de  ses  officiers  pour  instruire 
les  Indiens  dans  fart  de  faire  des  canaux  d'irrigation  et  dans 
fagriculture ,  «  afin  d'augmenter  les  biens  du  Soleil  et  du  Roi  ». 

Les  ambassadeurs,  avant  de  retourner  à  Tucma,  annon- 
cèrent à  finca  «que,  non  loin  de  leur  pays,  entre  le  Sud  et 
l'Occident,  il  y  avait  un  grand  royaume  nommé  Chili,  très 
peuplé,  avec  lequel  le  Tucma  n'avait  pas  de  relations  commer- 
ciales à  cause  d'une  grande  cordillère  neigeuse  qui  séparait  les 
deux  pays.  Ils  tenaient  de  leurs  ancêtres  des  renseignements 
sur  le  Chili  et  ils  les  communiquèrent  à  flnca  pour  qu'il 
ordonnât  la  conquête  et  fannexion  de  ce  royaume  à  son 
empire  ». 

Plus  loin,  Garcilaso  {ibid.;  1.  vn,  c.  xvm;  fol.  i84),  en  parlant  de 
la  conquête  du  Chili  par  le  même  Inca  Huiracoclia,  dit  qu'il 
donna  comme  guides  aux  chefs  de  l'armée  envoyée  contre  ce 
pays  des  indios  de  los  de  Atacama  y  de  los  de  Tucma,  por  los 
ciiales  como  atras  dijimos  habia  alcjiina  nolic'ia  del  reyno  de  Chili 
(«  Indiens  d'Atacama  et  de  Tucma  par  lesquels,  comme  nous 


RÉGION  DIAGUITE.  203 

l'avons  dit  anlrrieureinenl,  on  avait  des  renseignements  sur  le 
royaume  du  Chili  »). 

Le  noble  Indien  Don  Joan  de  Santacruz  Pacliacuti  Yamqui 
(281,  p.  292)  était,  d'après  ses  propres  déclarations,  le  descen- 
dant d'une  famille  de  caciques  des  Gollahuas,  qui  faisaient 
partie  des  Rucanas  et  habitaient  au  nord  d'Arequipa.  Dans 
sa  Relacwn  de  antujiïedadcs  dcl  Perû,  écrite,  d'après  M.  Jiménez 
de  la  Espada,  vers  16 13,  Pacliacuti  conhrnie  le  fait,  rapporté 
par  Garcilaso ,  d'une  domination  incasique  dans  le  Tucuman , 
sous  l'empire  de  Yupanqui  (Huiracocha).  Voici  le  passage 
intéressant  de  cette  relation  : 

A  esta  saxon  vicne  la  micha  como  los  Chillcs  hazian  (jcntc  de  guerra  para  contra 
el  ynga,  y  entonces  despacha  un  capitan  con  veinte  mil  hombres  y  otros  veinte  à 
los  Gaarmeoaucas ,  los  cuales  dos  capitanes  llegail  hasta  los  Coquimhos  y  Chilles 
y  Tucuman,  muyhien,  trayendoles  muclio  oro;  y  los  ennemigos  no  liacen  tanto 
dafio  en  los  de  acà,  unies  on  poca  fazelidad  fueron  sujetados,  y  los  Guarmeaucas 
lo  mismo,  y  en  donde  los  déjà  una  compahia  para  que  servieran  de  garafwnes,  y 
de  alli  irae  grau  cantidad  de  oro  l'inisimo  para  el  Cuzco.  («  A  cette  époque  on 
reçoit  des  nouvelles,  suivant  lesquelles  les  Chilles  préparaient  des  gens  de 
guerre  contre  l'Inca  [Yupanqui]  et  celui-ci  expédia  contre  eux  un  capi- 
taine avec  Adngt  mille  hommes  et  vingt  mille  autres  contre  les  Guarnieo- 
aucas(?).  Les  deux  capitaines  arrivèrent  à  Coquimho,  au  Chili  et  à  Tucuman 
où  ils  prirent  beaucoup  d'or.  Les  ennemis  ne  firent  pas  grand  mal  aux  Péru- 
viens; au  contraire,  ils  furent  facilement  vaincus,  de  même  que  les  Guar- 
meaucas. Les  capitaines  y  laissèrent  une  compagnie  d'hommes  pour  servir 
d'étalons*^'  et  rapportèrent  à  Cuzco  une  grande  quantité  d'or  très  fin.  ») 

Les  relations  écrites  après  la  conquête,  suivant  les  traditions 
verbales,  sont  naturellement  toujours  vagues,  et  on  pourrait 
se  demander  si,  dans  le  cas  présent,  il  s'agit  d'une  attaque  des 
Indiens  du  Chili  et  du  Tucuman  contre  l'Inca  ou  d'une  rébel- 
lion de  CCS  Indiens  contre  le  pouvoir  d('')à  étal)li  dans  leur 
pays  par  le  Cuzco.  Mais  le  fait  que  les  capitanes  incasiques  lais- 

''^   Garaûon ,   littôralcmont   :    âne    non  peul  s'inlerpnHor  ([uVn  faisanl  a[»|H*l  à  1V\- 

chàtré,  propre  à  la  reproduction.  Ce  pas-  pression   rabelaisienne  «porter  sa   graine 

sage  de  Pachacuti,  si  curieux  pour  félude  chez  le  voisin  ». 
des  procédés  incasiques  d'assimilation,  ne 


204  ANTIQUITES  DE  LA  RECION  ANDINE. 

sèrent  une  «  comj^agiiie  »  en  garnison,  après  avoir  réduit  la 
révolte,  confirme  l'existence  de  la  domination  incasique  dans 
le  Tucuman,  rapportée  par  Garcilaso.  Cette  confirmation  est 
d'autant  plus  significative  que  Pachacuti  probablement  n'a  pu 
consulter  Garcilaso. 

Un  autre  auteur,  le  capitaine  Rui  Diaz  de  Guzman  (116;  l.  m), 
c.  xii;p.  i35),  presque  contemporain  de  Pachacuti,  mais  habitant 
Assomption-du-Paraguay,  confirme  aussi  le  fait  de  la  domi- 
nation des  Incas  dans  le  Tucuman.  Diaz  de  Guzman  écrit  que 
San  Miguel  de  Tucuman  fut  fondé  «  dans  une  contrée  de  quatre 
ou  cinq  mille  Indiens  dont  une  partie,  ceux  qui  habitaient  les 
montagnes,  avaient  reconnu  jadis  finca  du  Pérou  comme  leur 
roi.  Les  autres  avaient  des  caciques  qu'ils  respectaient». 

Don  Juan  de  Matienzo  (232,  p.  xliu-xliv)  donne  un  témoignage 
concret  que  la  Vallée  Calchaquie ,  et  tout  au  moins  certaines 
parties  de  Catamarca,  comme  Belen  et  Tinogasta,  se  sont  trou- 
vées sous  la  domination  régulière  des  Incas.  Nous  reproduisons 
plus  loin  f itinéraire  proposé  par  Matienzo  pour  la  jonction  de 
la  Bolivie  avec  le  Piio  de  la  Plata.  Matienzo  dit  clairement  que 
le  «  chemin  des  Incas  »  vers  le  Chili  passait  par  la  Vallée  Cal- 
chaquie ,  par  Londres  (Belen)  et  parla  «  Cordillera  de  Almagro  » 
(c'est  sans  doute  la  j)artie  de  la  Grande  Cordillère  où  le  col 
de  San  Francisco  sert  de  passage  entre  Tinogasta  et  le  Chili). 
Plus  loin,  Matienzo  rajDporte  qu'à  toutes  les  étapes  de  cette 
route  il  y  avait  des  tamhos  del  Inca,  c'est-à-dire  des  auberges 
qui  étaient  en  même  temps  des  relais  pour  les  courriers  impé- 
riaux. A  fépoque  incasique,  dans  le  voisinage  de  ces  stations, 
les  Indiens  étaient  tenus  à  prêter  tous  les  services  qu'on  exigeait 
d'eux,  au  nom  de  fInca.  Narvaez  (253,  p.  i/iy),  en  parlant  des 
A  allées  situées  entre  Santa  Maria  et  le  Chili,  confirme  f  exis- 
tence du  chemin  incasique  mentionné  par  Matienzo.  Il  dit  : 
Vapor  acjui  elcamino  real  del  incja  del  Pirii  à  Cliile  («  Le  chemin 
royal  de  f  Inca ,  du  Pérou  au  Chili ,  jDasse  par  là  »  ) .  L'établissement 
d'un  service  régulier  de  postes,  par  la  Vallée  Calchaquie  et  à 
travers  la  province  de  Catamarca,  avec  les  obligations  qui  en 


REGION  DIAGUITE.  205 

étaient  la  conséquence  et  qui  étaient  imposées  aux  habitants 
du  pays,  démontrent  que  les  Incas  exerçaient  une  souverai- 
neté absolue  sur  les  régions  attenantes  à  ce  chemin.  L'autorité 
d'un  homme  comme  Matienzo,  ayant  des  connaissances  aussi 
approfondies  sur  l'Amérique  espagnole  de  son  époque,  donne 
à  ses  renseignements  une  très  grande  valeur.  Lozano  (220,  iv, 
p. 77),  quoiqu'il  nie  la  domination  incasique  dans  la  région  dia- 
guite,  confirme  pourtant  les  renseignements  de  Matienzo  et 
de  Narvaez,  en  disant  que  «  le  chemin  royal  des  Incas,  de  Cuzco 
au  Chili,  passait  par  les  plaines  de  Salta  »  [los  Uanos  de  Salta, 
por  donde  iba  el  camino  Real  de  los  Incas  desde  el  Ciizco  al  reiiio 
de  Chile).  Ces  «plaines  de  Salla  »  ne  peuvent  être  que  la  Puna 
de  Jujuy,  d'où  le  chemin  devait  nécessairement  continuer  par 
la  Vallée  Calchaquie.  Selon  le  capitaine  Miguel  de  Olaverrj'a 
(273  bis,  p.  23),  qui  écrivait  vers  169/^,  ce  chemin  continuait 
jusqu'à  Mendoza,  d'où  il  traversait  la  Cordillère  pour  se  ter- 
miner au  Chili.  Jusque-là  il  y  avait  des  tambos  le  long  du  che- 
min. A  la  fin  du  xv*'  siècle,  une  armée  péruvienne  faurait  suivi 
en  se  dirigeant  sur  le  sud  du  Chili.  Olaverria  semble  avoir  eu 
ces  renseignements  des  Araucans  de  ce  pays.  Il  dit  avoir  vu  des 
ruines  de  tambos  jusque  dans  les  passages  les  plus  élevés  de  la 
Cordillère. 

Le  P.  Bàrzana  (55,  p.  lv)  parle  d'un  manière  très  Aague  de  la 
domination  incasique  sur  les  Diaguites.  Des  régions  appar- 
tenant à  f ancienne  province  de  Tucuman,  il  semble  croire 
que  seule  la  Vallée  Calchaquie  ait  eu  un  «  gouvernement  géné- 
ral» [cabeza  (jeneraï)  et  il  ne  dit  pas  si  ce  «gouvernement  gé- 
néral» avait  été,  d'après  son  opinion,  f  empire  incasique. 

Techo  (341;  1.  I,  c.  XIX ;  p.  i5)  commeuce  par  définir  ainsi  les 
limites  du  Tucuman  :  Tacumania  inter  Paraguarinm  et  C/nlennni 
refjniim  média,  ab  Oriente  partim  ipsl  Paracjuario,  partim  Arcjenteo 
JJiiimni  adjacentes  terras  respicit,  ab  Occidente  Pernviœ  monldxis 
terminatur.  Le  Tucuman  déterminé  de  cette  iiiaLiiérc  est  donc 
pris  dans  le  sens  le  plus  vaste  du  mot.  Techo  décrit  ensuite» 
les  habitants  de  ce  territoire,  parmi  lesquels  il  compte  les  no- 


206  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

mades  des  déserts  de  San  Juan  —  les  Huarpes  —  et  les  tribus 
sauvages  des  plaines  à  l'est  de  la  région  montagneuse.  Enfin 
Techo  dit  des  Indiens  des  montagnes  :  Ullim'i  in  cxujius  pagis 
ver  vallcs  et  montium  aspen taies  oh  Peruviœ  vicinUatein,  et  commer- 
ciiim,  aliciiaiito  ciiltius  ac  latins  decjiint.  Ces  derniers  Indiens, — 
les  Diaguites  —  «  voisins  du  Pérou  « ,  relevaient,  suivant  Techo, 
de  l'empire  incasique  :  Qiia  Peniviœ  contermuii  erant,  Incjœ  Recji 
parehant.  Au  contraire ,  les  Indiens  des  plaines  se  répartissaient 
en  tribus  gouvernées  par  des  caciques  :  Cœtcr'i  in  factiunciilas 
dieisi,  Casimius  aclhœrehant,  non  tam  monbus ,  cjuam  diversitate 
linguarum  notahiles.  Or  Techo,  sans  aucun  doute,  considérait 
tous  les  Diaguites  comme  «  voisins  du  Pérou  » ,  et  par  consé- 
quent, d'après  lui,  tous  les  Diaguites  s'étaient  trouvés,  avant 
la  conquête  espagnole,  sous  la  domination  des  Incas.  En  ce 
qui  concerne  les  Calchaquis,  Techo  [ibid,  1.  v,  c.  xn;  p.  1^7)  s'ex- 
prime avec  plus  de  clarté  encore  :  CalcJiacininos  Imjis  Periiviœ 
Recjihns  oUm  pariiisse  docent  miilta  victœ  (jentis  monumenta  :  persé- 
vérante adhuc  in  indicjenariim  aninus  ercja  Imjaruni  nomen  venera- 
tione. 

Ainsi,  selon  Techo,  les  Calchaquis  et,  en  général,  les  Dia- 
guites, après  la  conquête  espagnole,  continuèrent  à  vénérer  les 
Incas.  La  confirmation  de  ce  fait  nous  est  fournie  par  la  célèbre 
révolte  qui  eut  pour  chef  Pedro  Chamijo,  connu  sous  le  nom 
de  Pedro  Bohôrquez.  Lozano  (220,  v,  p.  13-179)  s'occupe  très  en 
détail  de  cette  rébelhon.  Bohôrquez  était  un  aventurier  espa- 
gnol qui  avait  commis  au  Pérou  de  nombreuses  escroqueries 
et  autres  délits.  Il  fut  déporté  au  Chili  et  enfermé  dans  la  prison 
de  Valdivia,  mais  il  put  s'échapper  et  traverser  la  Cordillère, 
se  rendant  d'al^ord  à  San  Juan,  ensuite  à  La  Rioja,  où  il  ar- 
riva en  i6v56.  Bohôrquez  avait  passé  de  longues  années  parmi 
les  Indiens  du  Pérou  et  il  s'était  parfaitement  assimilé  leurs 
coutumes.  Dans  la  Vallée  de  Guandacol  et  parmi  les  Capayans 
deFamatina,  il  se  présenta  comme  fun  des  descendants  des 
Incas.  Il  obtint  crédit  et  les  Indiens  facclamèrent  comme  Mes- 
sie libérateur.  Sous  le  nom  de  Huallpa-lnca  et  accompagné  de 


REGION  DIAGUITE.  207 

sa  concubine,  une  métisse  aiFublée  du  titre  de  Colla,  la  femme 
de  rinca,  Taventurier  se  rendit  dans  la  Vallée  de  Catamarca, 
dans  les  montagnes  de  l'Aconquija  et  enlin  dans  la  Vallée  Cal- 
cliaquie.  Sa  tournée  fut  une  vraie  marche  triomphale  :  partout 
les  Indiens  l'acclamaient  et  lui  rendaient  les  honneurs  que 
Ton  rendait  jadis  aux  Incas.  Le  gouverneur  de  Tucuman,  Don 
Alonso  de  Mercado  y  Villacorta,  craignant  peut-être  finfluence 
de  Bohôrquez  sur  les  Indiens  et  peut-être  aussi  séduit  par  la 
promesse  de  partager  avec  Bohôrquez  les  trésors  cachés  des 
Incas,  se  laissa  aller  à  signer  un  traité  d'alliance  avec  faven- 
turier.  H  donna  même  à  Bohôrquez  la  permission  de  porter 
le  titre  que  celui-ci  avait  usurpé.  Le  faux  Inca,  accompagné 
d'une  suite  de  1 17  caciques,  eut  à  Poman  une  entrevue  avec 
le  gouverneur,  qui  l'accueillit  en  grande  pompe.  Mais  le  gou- 
verneur Mercado  reçut  du  vice-roi  du  Pérou  l'ordre  d'arrêter 
Bohôrquez  et  de  le  remettre  prisonnier  à  Lima.  L'exécution  d'un 
tel  ordre  ne  fut  pas  facile.  Le  faux  Inca  souleva,  en  1657,  ses 
fidèles  Indiens  qui  attaquèrent  Mercado,  dans  la  Vallée  (le 
Lerma,  où  celui-ci  avait  rassemblé  des  forces  considérables. 
Avec  beaucoup  de  difficulté  Mercado  réussit  à  repousser  leur 
attaque.  Mais,  pour  s'emparer  de  Bohôrquez,  il  fallut  lui  donner 
un  sauf-conduit.  Enfin,  contre  la  promesse  formelle  qu'il  aurait 
la  vie  sauve,  Bohôrquez  se  livra  et  fut  conduit  à  Lima,  où  il 
demeura  emprisonné  jusqu'en  1666.  Son  pouvoir  sur  les  Cal- 
chaquis  était  si  grand,  qu'il  put  de  sa  prison,  par  émissaires, 
préparer  une  nouvelle  révolte;  il  fut, pour  ce  motif ,  condamné 
à  mort  et  exécuté.  On  n'en  peut  douter  :  c'était  comme  Inca 
que  les  Indiens  suivaient  Bohôrquez.  Plusieurs  de  ses  contem- 
porains l'affirment.  Ainsi  le  P.  Eugenio  del  Sancho,  mission- 
naire à  Santa  Maria  pendant  le  séjour  de  l'aventurier  dans  la 
Vallée  Galchaquie,  écrivit  au  gouverneur  Mei'cado  —  la  lettre 
a  été  publiée  ])ar  Lozano  {ibid..  v,  p.  35)  —  que  les  Indiens  «  tai- 
saient fête  à  Bohôrc[uez  et  facclamaient,  comme  s'il  avait  été 
un  de  leurs  anciens  Incas».  L'évêque  de  Tucuman,  Fr.  Mel- 
chor  Maldonado  de  Saavedra  (227,  [>.  4G)  dit  aussi  avoir  averti 


208  ANTIQUITES  DE  LA   REGION  ANDINE. 

Mercado  des  dangers  que  créait  la  présence  parmi  les  Indiens 
d'un  individu  «portant  le  nom  d'Inca».  L'imposteur  aurait-il 
pu  s'imposer  d'une  manière  telle  aux  Diaguites,  si  ces  derniers 
n'avaient  pas  appartenu,  avant  la  conquête,  à  l'empire  des 
Incas  ? 

L'évêque  Maldonado,  dans  une  autre  lettre  adressée  à 
Bohôrquez  même,  et  reproduite  par  Lozano  (220,  v,  p.  69  70),  dit 
clairement  que  les  «  Calchaquis  »  avaient  été  jadis  soumis  et 
maintenus  sous  la  domination  des  Incas  au  moyen  de  forte- 
resses. Les  Calchaquis,  ajoute  l'évêque,  n'aimaient  point  ces 
souverains  qui  les  gouvernaient  seulement  par  la  force.  On  ne 
peut  en  douter  :  Maldonado  présente  ainsi  les  choses  afin  de 
persuader  Bohôrquez  d'abandonner  ses  plans  ambitieux  et  son 
rôle  de  soi-disant  Inca.  Dans  son  commentaire  de  la  lettre  du 
prélat,  Lozano  (i7»îW.,  p.  71)  se  fait  l'écho,  tout  en  la  contestant, 
d'une  tradition  en  vogue  parmi  les  Espagnols  de  son  époque. 
D'après  ce  récit,  farmée  des  Incas  aurait  deux  fois  conquis  la 
Vallée  Calcliaquie,  mais  les  habitants  se  seraient  par  deux  fois 
révoltés  contre  les  vainqueurs.  A  la  seconde  de  ces  rébellions, 
une  armée  aurait  été  envoyée  de  Guzco  avec  l'ordre  de  détruire 
tous  les  villages  de  la  vallée,  ordre  scrupuleusement  exécuté. 
Le  nom  Galchaqui  viendrait  du  verbe  quichua  calchani  «  abattre 
le  maïs  »  ^'',  et  ce  nom  aurait  été  donné  à  la  vallée  parce  que  ses 
maisons  et  ses  habitants  furent  abattus  comme  des  chaumes. 

Une  nouvelle  j)reuve  de  la  domination  des  Incas  dans  la 
région  des  Diaguites.nous  est  fournie  par  la  tradition  d'après 
laquelle  ces  souverains  du  Pérou  auraient  exploité  les  liches 
mines  d'argent  du  Cerro  de  Famatina,  dans  La  Rioja.  Lozano 
(220, 1,  p.  i85),  au  premier  volume  de  son  ouvrage  historique, 
répète  cette  tradition  en  rapportant  que  «  les  officiers  des  Incas 
extrayaient  du  Cerro  de  Famatina  de  très  grandes  richesses  d'or 
et  d'argent  »  (e/  altisimo  y  miiy  fainoso  cerro  de  Famatina,  de  ciiyas 
entranas  sacaban  los  jnimstî'os  de  los  Ingas  (jrandisimas  rinuecas  de 

''^  En  quichua  moderne,  de   Cuzco,  le  verbe   callchny,   que  Lozano   écrit   calchani, 
signifie  en  effet  «  faucher  » ,  «  moissonner  ». 


REGION  DIAGUITE.  209 

oro  Y  plata),  que  les  Incas  faisaient  travailler  là  des  milliers 
d'Indiens  voisins  de  la  montagne  et  que  plusieurs  forteresses 
assuraient  la  sécurité  de  l'exjiloitation.  Lozano  continue  en  di- 
sant que  les  Espagnols  ont  vainement  cherché  ces  mines,  con- 
nues des  temps  incasiques,  car  il  leur  a  été  impossible  de  tirer 
aucun  renseignement  des  Indiens  obstinément  muets  sur  les 
secrets  de  ce  genre  qu'ils  se  transmettaient  de  père  en  fils. 

Or,  plus  loin,  au  premier  chapitre  de  son  quatrième  volume 
(220,  IV,  p.  5-12),  consacré  à  prouver  que  fancien  Tucuman  n'a 
jamais  connu  la  domination  incasique,  Lozano  revient  sur  ces 
mines  de  Famatina.  Cette  fois  il  nie  que  les  Incas  les  aient 
jamais  exploitées  et,  sous  prétexte  que  de  son  temps  les  Espa- 
gnols n'en  faisaient  rien,  il  nie  même  l'existence  des  gisements 
rendus  fameux  par  la  tradition  indigène.  Or  les  mines  d'argent 
dont  il  s'agit  sont,  en  réalité,  les  plus  riches  et  les  plus  pro- 
ductives de  la  République  Argentine  actuelle,  et  si  prospères 
sont  les  compagnies  propriétaires  qu'on  a  pu  établir,  à  frais 
considérables,  pour  faciliter  fextraction,  un  chemin  de  fer 
aérien  jusqu'au  sommet  de  la  montagne,  qui  a  une  altitude  de 
6, COQ  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  En  somme,  si, 
malgré  les  traditions  relatives  à  la  richesse  de  Famatina,  les 
Espagnols  n'en  avaient  pas  encore ,  au  temps  de  Lozano ,  com- 
mencé la  mise  en  valeur,  c'est  justement  à  cause  du  mutisme 
des  indigènes  au  sujet  de  l'existence  et  de  l'emplacement  des 
veines.  Et,  dès  lors,  les  récits  relatifs  à  une  exploitation  inca- 
sique deviennent  infiniment  probables. 

Les  autres  arguments  de  Lozano  contre  la  domination  inca- 
sique sont  d'ordre  tout  à  fait  dialectique,  et  d'ailleurs  assez 
confus.  Les  Incas,  dit-il  en  substance,  avaient  en  effet  réussi  à 
soumettre  les  vaillants  Diaguites,  mais  ils  n'avaient  pas  étendu 
leur  conquête  aux  plaines  du  Tucuman.  Et  Lozano  s'étonne, 
car,  selon  lui,  les  Indiens  de  la  plaine  leur  auraient  opposé  une 
résistance  assurément  beaucoup  moins  opiniâtre,  puisqu'ils  ont 
été  si  facilement  vaincus  par  les  Es2:)agnols.  C'est  là  naïvement 
oublier  que  les  Péruviens  étaient,  par  délinition,  en  quelque 


210  ANTIQUITÉS  DE  LA  REGION   ANDINE. 

sorte  un  peuple  montagnard  et,  comme  leurs  lamas,  ne  pou- 
vaient vivre  dans  les  forêts  des  plaines.  Ils  n'ont  jamais  étendu 
leurs  conquêtes  sur  les  régions  basses  autour  du  cours  supé- 
rieur des  affluents  de  l'Amazone,  ni  dans  le  Grand  Chaco,  et 
il  est,  par  suite,  tout  naturel  qu'ils  ne  se  soient  jamais  préoc- 
cupés des  plaines  de  Tucuman  et  de  Santiago  del  Estero. 

Lozano  s'efforce  aussi  de  réfuter  les  arguments  linguistiques 
qui  pèsent  d'un  si  grand  poids  en  faveur  d'une  ancienne  suze- 
raineté incasique  sur  la  région  diaguite ,  à  savoir  la  prépondé- 
rance de  la  langue  quicha  et  le  caractère  quichua  de  la  topo- 
nymie dans  cette  région.  Nous  avons  déjà  discuté  ces  points. 
Il  nous  faut  seulement  ajouter  ici  que,  pour  expliquer  en 
dehors  d'une  conquête  péruvienne  l'existence  des  noms  de  lieux 
quichuas,  Lozano  se  borne  à  examiner  deux  cas  particuliers 
dont  il  rend  compte  à  sa  façon.  D'abord  celui  du  nom  Chicoana 
((  dans  la  Vallée  Calchaquie  ».  Ce  nom  pourrait,  suivant  Lozano, 
avoir  été  donné  à  cette  localité  par  quelques  Indiens  originaires 
de  Chicoana ,  près  de  Cuzco ,  qui  se  seraient  enfuis  de  leur  vil- 
lage natal,  par  crainte  d'être  punis  pour  un  délit  quelconque 
I^Pudiera  ser  (jue  algunos  chicoanos  discjnstados  del  nnperio  de  su 

soherano  o  fugitivos  del  miedo  jwr  ahjiin  delito ,  se  hubiesen 

refiigiado  à  Calcliacjiii .  .  .  .  ,  j  ellos  diesen  el  nombre  de  Chicoana 
para  recuerdo  de  su  ahandonada  patria .  .  .).  Le  deuxième  nom  de 
lieu  expliqué  par  Lozano  est  celui  d'une  autre  localité  située 
également  dans  la  Vallée  Calchaquie ,  qui  s'aj)pelait  «  Tambo 
del  Inca  ».  L'explication  la  plus  naturelle  de  cette  dénomination, 
c'est  que  l'endroit  aurait  servi  de  relais  aux  courriers  incasiques 
à  l'époque  préhispanique.  Lozano  préfère  admettre  que  l'Inca 
Paulin  s'y  serait  arrêté  en  escortant  Almagro  dans  son  expédi- 
tion au  Chili.  Et  voici  les  justifications  de  cette  hypothèse  :  Les 
serviteurs  de  Paulin  faisaient  rouler  devant  lui ,  pour  aplanir  le 
chemin,  un  cylindre  de  pierre.  Or  ils  se  seraient  vus  obligés 
de  l'abandonner  à  «  Tambo  del  Inca  » ,  la  route  devenant  trop 
pas  mauvaise ,  et  la  localité  aurait  porté  depuis  lors  le  nom  de 
Piumusaicué,  «pierre  fatiguée»  en  quichua.  Je  ne  comprends 


REGION  DIAGUITE,  211 

pas  bien  le  rapport  pouvant  exister  entre  les  noms  Rumisaicué 
et  Tambo  del  Inca.  Mais  admettons  que  le  premier  prouve  que 
ce  Tambo  fiel  Inca  date  seulement  du  temps  d'Almagro  et  de 
Paulin,  il  y  a  un  grand  nombre  d'autres  «  Tambo  del  Inca  »  et 
«  Incahuasi  »  («  maison  de  l'Inca  ») ,  distribués  sur  tout  le  terri- 
toire diaguite  et  qui  ne  peuvent  s'expliquer  par  la  marche  de 
Paulin  à  travers  la  Vallée  Galchaquie.  D'ailleurs  les  renseigne- 
ments de  Matienzo  constatent  l'existence  de  plusieurs  tamhos  le 
long  du  chemin  incasique  qui  traversait  cette  vallée. 

En  une  autre  partie  de  son  livre,  Lozano  (220,  i,  p.  175)  voit 
dans  la  «  quichuisation  »  du  pays  diaguite  l'œuvre  d'un  parti 
d'Orejones  qui  se  seraient  enfuis  de  Cuzco  au  temps  de  la  con- 
quête espagnole ,  pour  s'établir  dans  les  montagnes  du  Tucuman. 
Cette  hypothèse,  comme  les  autres,  n'est  fondée  sur  rien;  elle 
est,  en  elle-même,  tout  à  fait  invraisemblable. 

M.  Ambrosetti  (19,  p.  1/1 1-1 5o)  transcrit  in  extenso  l'argumenta- 
tion de  Lozano  contre  l'hypothèse  d'une  domination  incasique. 
De  son  cru,  il  n'y  ajoute  rien.  H  n'y  a  joint  que  d'autres  cita- 
tions de  Lozano.  D'après  ces  derniers  passages,  les  «  Galcha- 
quis  »  avaient,  à  l'époque  de  leurs  rebellions  contre  les  Espa- 
gnols, l'habitude  d'envoyer  de  village  en  village  et  de  maison 
en  maison  une  flèche  pour  convoquer  à  la  guerre.  Quelle 
analogie  y  a-t-il  entre  cette  coutume  et  l'ancienne  soumission 
des  Diaguites  aux  Incas,  ou  avec  leur  autonomie  par  rapport 
au  royaume  de  Cuzco .►^  Je  ne  le  comprends  pas  bien. 

Enlin,  je  dois  le  remarquer,  Lozano  (220,  i,p.  175)  reconnaît 
lui-même  que  les  Incas  avaient  conquis  la  partie  du  Tucuman 
qui  était  sur  la  frontière  du  Pérou  (Los  In(jas  poderosos  enipera- 
dores  de  la  América  no  concjidstaron  de  esta  provuicia  —  Tucu- 
man —  sino  solo  sas  cxtrenios  hacia  el  Perûy 

En  résumé  :  les  Diaguites  sont  peut-être,  comme  l'insinue 
M.  Ehrenreiclî  (122,  p.d/i),  (piant  à  leur  ethnogénie,  un  mélange 
de  différents  éléments,  mais  les  études  archéologiques  el  histo- 
riques démontrent  que  leur  culture  est  nettement  péruvienne, 

i4. 


212  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

sans  autres  éléments  hétérogènes  que  quelques  coutumes  ri- 
tuelles et  funéraires.  Quant  à  la  question  de  savoir  si,  politi- 
quement, les  Diaguites  ont  été  ou  non  subordonnés  à  l'ancien 
Pérou ,  il  faut  d'abord  avouer  que  l'existence  dans  leur  pays  de 
la  civilisation  péruvienne,  des  arts  et  industries  du  Pérou,  de  la 
langue  quichua  et  du  folklore  péruvien,  ne  serait  guère  expli- 
cable sans  cette  subordination  politique.  Les  documents  écrits 
ne  sont  pas  tout  à  faits  décisifs  à  ce  sujet,  mais  tous  les  historio- 
graphes qui  ont  traité  des  Diaguites  s'accordent  quant  à  la  sou- 
mission de  ceux-ci  à  l'Inca  Yupanqui,  excepté  un  compilateur 
relativement  moderne,  le  P.  Lozano.  Montesinos  a  d'ailleurs 
constaté  le  contact  qu'il  y  a  eu  entre  le  Pérou  et  le  pays  des 
Diaguites,  en  des  temps  beaucoup  plus  reculés,  circonstance 
en  effet  fort  vraisemblable. 


JVtê  d  £L  n 
&  r  a.  n  d  e 

jts  d'Aljga.' 


A  kp:(;i()>  des  diagi  rri:s 

ocalites  dun  intérêt archeologiaue 


/v,^,/VAv„ ,,,-/;;.-... 


M I SSION  aPE  CREQUI  MOWTFORT  irE  SENECHAL  DE  U  GRANGE 


(ARTK  DK  LA  KKCIO.N  DES  DIAGLTl'ES 

indiquant  les  -ocalites  dun  intérêt  archéologique 


O 


LAPAYA 

(VALLÉE  CALCHAQUIE 


LAPAYA^''. 

Après  avoir  essayé  de  résumer  nos  connaissances  sur  l'ar- 
chéologie de  la  région  des  anciens  Diaguites  et  avant  de  com- 
mencer le  compte  rendu  des  résultats  de  mon  voyage,  je 
donnerai  ici  la  description  d'une  intéressante  trouvaille  faite 
dans  la  Vallée  Galchaquie. 

En  1902,  en  rentrant  à  Buenos-Aires,  après  mon  premier 
voyage  à  la  Puna  et  en  Bolivie,  je  rencontrai  dans  le  train  deux 
personnes  :  Tune  était  M.  Piafael  Martinez,  propriétaire  de  la 
hacienda  Carbajal,  près  de  Salta,  chercheur  infatigable  de 
mines  d'or  et  de  trésors  cachés;  l'autre,  qui  remplissait  les 
fonctions  de  conseil  «technique»  de  M.  Martinez,  avait  toutes 
les  professions  :  il  était  maître  d'école,  pharmacien,  médecin, 
expert  en  mines,  et  je  ne  sais  quoi  encore.  Ces  messieurs  me 
racontèrent  avec  beaucoup  de  mystère  que,  dans  un  voyage,  ils 
avaient  trouvé  un  trésor  caché  «  par  les  Incas  »  à  Lapaya,  dans 
la  Vallée  Galchaquie.  Ils  me  montrèrent  quelques  pièces  pro- 
venant àe  ce  trésor,  et  particulièrement  une  sorte  de  diadème 
en  or  qu'ils  appelaient  «  la  couronne  du  roi  Inca  » ,  enfin  quelques 
poteries  très  intéressantes,  le  tout  d'origine  préhispanique.  Ils 
voulurent  me  vendre  leur  collection  à  un  prix  exorbitant  et, 
sans  doute  pour  en  augmenter  la  valeur,  me  dirent  les  histoires 
les  plus  fantastiques  et  les  plus  contradictoires  sur  son  origine 
et  la  manière  dont  ils  l'avaient  trouvée. 

La  collection  fut  acquise  par  le  Musée  national  fle  Buenos- 
Aires,  et  M.  J.  B.  Ambrosetti  (22)  l'a  décrite  dans  les  Anales  de 
ce  musée,  sous  le  titre  de  El  Scpulcro  de  La  Paya. 

A  mon  dernier  séjour  à  Salta,  je  fus  assez  heureux  d'ac- 
quérir pour  la  Mission  Française  une  nouvelle  collection  de 
Lapaya,  de  M.  Manuel  Delgado,  receveur  d'impôts  dugouver- 

<■)  Voir  los  {)lanclics  VI-XV,  inscréos  après  la  pac^e  a/jG. 


216  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

nement  de  Salta  dans  le  département  de  Gachi,  où  est  situé 
Lapaya. 

M.  Delgado  avait  continué  les  fouilles  de  M.  Martinez,  le 
lendemain  de  la  visite  de  ce  dernier.  M.  Delgado  m'a  donné  des 
renseignements  très  précis  sur  les  circonstances  dans  lesquelles 
M.  Martinez  et  lui-même  ont  déterré  les  objets  des  deux  col- 
lections; ces  renseignements  sont  complètement  différents  de 
ceux  fournis  par  M.  Martinez  et  son  «  conseil  »  à  M.  Ambrosetti, 
et  que  celui-ci  a  publiés  dans  son  ouvrage.  M.  Delgado  m'a  paru 
un  homme  sérieux;  de  plus,  en  le  questionnant  sur  le  sujet, 
j'ai  posé  mes  questions  de  façon  à  pouvoir  contrôler  ses  infor- 
mations; je  n'ai  donc  aucun  doute  sur  leur  véracité. 

D'après  M.  Martinez  et  son  «  conseil  » ,  M.  Ambrosetti  men- 
tionne leur  trouvaille  comme  ayant  été  faite  dans  une  tombe 
voûtée,  construite  en  pierre,  à  2™  de  profondeur,  «entre  les 
ruines  d'une  fortification  indigène  à  fendroit  dit  Puerta  de  La 
Paya  ».  Dans  cette  tombe  on  aurait  aussi  rencontré  deux  sque- 
lettes que  les  chercheurs  de  trésors  n'avaient  pas  emportés.  Les 
contradictions  entre  les  récits  faits  respectivement  à  M.  Am- 
brosetti et  à  moi  par  M.  Martinez  d'une  part,  et  les  renseigne- 
ments de  M.  Delgado  d'autre  part,  m'ont  convaincu  que  cette 
tombe  n'a  jamais  existé.  M.  Ambrosetti  accompagne  ses  expli- 
cations d'une  ligure  représentant  «  une  tombe  voûtée  de  la  ré- 
gion calchaquie»,  reproduction,  au  moyen  du  même  cliché, 
d'un  dessin  schématique  que  M.  Ambrosetti  (18,  p.  5d)  a  publié 
dans  un  autre  ouvrage,  pour  expliquer  la  construction  de  cer- 
taines tombes  voûtées  de  Quilmes.  Cette  figure  n'a  aucun  rap- 
port avec  Bapaya,  et  il  me  semble  que,  même  si  les  objets  de 
cette  collection  avaient  été  trouvés  dans  une  tombe  voûtée,  la 
présence  de  ce  dessin,  au  lieu  d'éclairer  le  lecteur,  lui  ferait 
plutôt  croire  que  c'est  là  le  soi-disant  «  sépulcre  de  Lapaya  ». 

Lapaya  ^^^  est  situé  à  lo*""  au  sud  de  Cachi.  Le  D*"  ten  Kate 
(342,  p.  344)  y  a  fait  une  courte  visite  en  1 898.  11  dit  qu'il  y  a  des 

'''  Voir  la  carte  de  la  région  diaguite,  fi(j.  10,  et  aussi  la  carte  archéologique  à  la  fin 
du  présent  ouvrage. 


LA  PAYA, 


217 


ruines  sur  une  vaste  étendue  de  terrain.  Il  a  exhumé,  au  point 
le  plus  élevé,  une  grande  urne  contenant  un  squelette  d'en- 
fant, un  petit  vase  et  deux  écuelles  ;  ces  trois  pièces,  ornées  de 
peintures.  Le  sol,  entre  les  ruines,  est  parsemé  de  fragments 
de  poterie  et  de  pierres  travaillées.  Au  dire  d'un  habitant  du 
pays,  à  quelque  distance  des  ruines  se  trouveraient  des  «  roches 
peintes  « ,  c'esl-à-dire  des  pétroglyphes. 


Fig.  11.  —  Plan  de  \a  ruine  où  ont  étr  faites  les  trouvailles  de  Lapaya. 

D'après  M.  Delgado  aussi,  les  ruines,  d'une  grande  étendue, 
consistent  en  des  restes  de  constructions  en  pirca,  rectangu- 
laires et  rondes.  Au  milieu  de  ces  ruines,  on  voit  une  maison 
bâtie  avec  beaucoup  plus  de  soin  que  les  autres,  avec  des 
pierres  spéciales,  j^lates,  apportées  d'un  endroit  situé  à  7  kilo- 
mètres des  ruines,  alors  que  le  matériel  des  autres  construc- 
tions du  village  a  été  pris  sur  place.  Je  donne  fig.  ii  le  plan 
de  cette  maison,  d'après  le  croquis  que  m'en  fit  M.  Delgado; 
c'est  une  construction  rectangulaire  avec  deux  annexes  eu 
forme  de  triangles. 

La  présence  d'une  maison  si  spéciale  parmi  les  ruines  d'un 
village  préhispanique  n'est  pas  un  fait  unique  dans  ces  régions. 
A  Pucarâ  de  Rinconada,  j'en  ai  trouvé  une  autre  dans  les  mêmes 
conditions,  mais  elle  avait  une  annexe  semi-circulaire  au  lieu 
des  annexes  triangulaires  de  Lapaya. 


218  ANTIQUITES  DE  LA   REGION   ANDINE. 

C'est  à  Tendroit  désigné  B^  dans  un  coin  de  la  maison,  que 
M.  Martinez  a  fait  sa  trouvaille.  L'excavation  de  M.  Delgado  a 
été  faite  en  A^  au  centre  de  la  maison,  où  apparaissait,  d'après 
lui,  l'extrémité  d'un  pieu  enfoncé  perpendiculairement.  En 
suivant  ce  pieu,  à  3°"  de  profondeur,  M.  Delgado  a  trouvé  les 
pièces  que  je  vais  décrire. 

J'ai  dû  céder  au  Musée  national  de  Buenos-Aires,  en  échange 
d'autres  objets  ethnographiques,  quelques-unes  des  pièces 
provenant  des  fouilles  de  M.  Delgado,  et  je  regrette  de  ne  pou- 
voir donner  ici  leur  description.  Voici  la  liste  de  la  collection, 
ces  pièces  exceptées  : 

Objets  éh  or.  —  Une  aigrette  en  or  laminé  [fig.  13  e)  de 
o™2  'j8  de  longueur;  poids,  8  grammes.  Deux  bandeaux  [ficj.  13 
f,  g)  de  G™  o  1 3  de  largeur  et  de  o™  2  7  2  et  o™  2  3 5  de  longueur 
respectivement;  ils  pèsent  ensemble  9  grammes.  Cette  aigrette 
et  ces  bandeaux  faisaient  sans  doute  partie  d'une  coiffure.  Les 
bandeaux  sont  pourvus  de  trous,  destinés  à  les  coudre  sur  une 
haincha  (bandeau  en  tissu  ou  en  peau).  Ces  trous  devaient 
exister  aux  deux  extrémités;  mais  j'ai  été  forcé  de  couper  le 
bout  de  l'un  des  bandeaux  pour  fanalyser,  et  l'autre  n'était  pas 
entier  quand  je  l'ai  acquis.  L'aigrette  fixée  dans  le  bandeau  par 
sa  partie  inférieure  aiguë  devait  produire  un  joli  effet  brillant 
lorsque  les  deux  branches  oscillaient  au-dessus  de  la  tête.  Les 
extrémités  supérieures  de  l'aigrette  représentent  deux  têtes  de 
serpents  dont  les  contours  et  les  yeux  sont  indiqués  en  travail 
repoussé. 

M.  Ambrosetti  décrit  et  figure  une  aigrette  d'or,  de  la  col- 
lection Martinez,  de  même  forme  que  la  nôtre,  mais  sans  les 
lignes  pointillées  sur  les  têtes  des  serpents.  Cette  aigrette  est 
pourvue  d'un  trou,  à  la  base  de  la  pointe,  sans  doute  pour 
coudre  faigrette  au  bandeau.  Notre  aigrette  n'a  pas  de  trou, 
mais  elle  pouvait  facilement  être  fixée  au  moyen  d'un  fil  entou- 
rant la  base  de  chacune  des  branches.  Le  diadème  appelé  par 
Martinez  «  la  couronne  du  roi  Inca  »  est  aussi  reproduit  dans 


LA  PAYA.  219 

ToLivrage  de  M.  Ambrosetti  :  c'est  une  mince  lame  d'or  sur- 
montée de  deux  appendices  perpendiculaires.  La  lame  et  les 
appendices  se  terminent  en  croissants.  Sur  ces  croissants  se 
trouvent  des  faces  humaines  formées  de  lignes  repoussées  ana- 
logues à  la  face  humaine  de  la  plaque  de  Golgota  [fuj.  53  a). 
Il  est  en  effet  très  probable  que  cette  lame  d'or  a  été  employée 
comme  diadème,  car  elle  est  pourvue  de  quatre  petits  trous 
servant  à  la  coudre  sur  un  bandeau.  Le  Musée  national  de 
Buenos-Aires  possède  une  aigrette  ayant  presque  la  même 
forme  que  celles  que  nous  avons  décrites,  mais  en  cuivre.  Elle 
diffère  de  celles  de  Lapaya  seulement  quant  à  ses  extrémités 
qui  sont  arrondies  au  lieu  d'avoir  la  forme  de  têtes  de  serpent. 
Cette  pièce  provient  de  Santa  Maria,  et  M.  Ambrosetti  (29,  p.  229) 
en  donne  une  figure.  Selon  Narvaez  (253,  p.  i5i),  les  Comechin- 
gons  de  Côrdoba  ornaient  la  tête  de  plumas  de  cohre  y  otros 
metalcs  (plumes  en  cuivre  ou  autres  métaux);  ces  «plumes» 
étaient  sans  doute  des  aigrettes  analogues  aux  spécimens  que 
nous  venons  d'énumérer.  MM.  Stûbel  et  Reiss  (340,  i,  pi.  1^,  n^.  1) 
reproduisent  une  aigrette  semblable,  en  cuivre,  contenant 
i5  p.  100  d'argent,  de  Caiïar,  dans  la  République  de  l'Equa- 
teur. Dernièrement,  le  D*^  Paul  Rivet  a  rapporté  de  ce  dernier 
pays  une  superbe  couronne  en  or,  trouvée  dans  une  sépul- 
ture et  composée  d'un  bandeau  et  de  plusieurs  aigrettes  ana- 
logues à  celles  que  nous  avons  décrites. 

Le  P.  del  Techo  (341;  l.  v,  c  xxm;  p.  i48)  rappelle  fliabitude 
des  chefs  calchaquis  de  porter  des  diadèmes  en  argent  ou  en 
cuivre^^^  :  Geiitis  pnmores  orbe  argentea  œneove  diademati  infcrlo 
frontcm  cincjunt.  Mais  les  diadèmes  en  or  devaient  être  rares 
et  étaient  probablement  importés  du  Pérou.  Les  Péruviens, 
suivant  Herrera  (164;  déc.  iv,  1.  ix,  c.  m;  t.  n,  p.  226),  «avaient  des 
ornements  en  laine  pour  la  tête  ;  les  riches  garnissaient 
ces  ornements  avec  de  l'or  ou  de  l'argent,  ou  avec  des  chu- 
niiiras.  » 

^'^   M.  Ainbroselli  (22,  p.  i^a)  Iraduil  ;'i  lorl  «  DiadriiH's  en  ari,'fnt  on  on  or». 


220  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

L'aigrette  et  les  ])anfleaux  de  Lapaya  ne  sont  pas  en  or  pur. 
L'or  est  allié  à  la  moitié  d'argent  environ  (53. gS  p.  loo  d'or  et 
4d.8o  p.  loo  d'argent  pour  les  bandeaux).  La  plaque  de  Gol- 
gota  a  donné  58. 80  p.  100  d'or  et  4o.io  p.  100  d'argent.  Cet 
alliage  est  probablement  intentionnel,  car  l'or  natif  de  ces 
régions  contient  seulement  une  toute  petite  quantité  d'argent. 
Par  exemple,  l'analyse  d'une  pépite  d'or  que  j'ai  recueillie 
moi-même  à  Colquimayo  (Rinconada)  a  donné  98. 5o  p.  100 
d'or  et  6.10  p.  100  d'argent^^^.  Il  est  difficile  de  dire  si  c'est  la 
rareté  de  l'or  qui  poussait  les  Indiens  à  le  mélanger  avec  l'ar- 
gent ou  si  leur  but  était  d'obtenir  un  métal  plus  dur. 

Objets  en  cuivre.  —  La  fig.  13  c  représente  une  épingle 
pour  attacher  les  vêtements.  La  tête,  pourvue  d'un  trou  de  sus- 
pension, forme  une  lame  dont  le  bord  supérieur  est  tranchant, 
bien  aiguisé.  La  Mission  Française  a  rapporté  de  plusieurs 
parties  de  la  Bolivie,  comme  Tiahuanaco,  la  Vallée  de  Panagua 
(Porco)  et  Tarija,  des  épingles  de  la  même  forme.  M.  Erland 
Nordenskiôld  (269,  %.  10,  id  et  pi.  2)  décrit  et  reproduit  une  dou- 
zaine d'épingles  très  analogues,  rencontrées  dans  des  tombeaux 
dans  la  Vallée  de  Queara  et  à  Pelechuco  (Bolivie),  dans  les 
Vallées  d'Ollachea  et  de  Quiaca  (Pérou),  au  nord  du  lac  Titi- 
caca.  Quelques-uns  de  ces  spécimens  ont  été  trouvés  dans  des 
chuUpas,  mausolées  qu'on  attribue  généralement  aux  anciens 
Aymaras  ou  Collas.  En  dehors  des  épingles  à  tête  plate, 
M.  Nordenskiôld  y  trouva  aussi  des  spécimens  d'autres  formes, 
notamment  des  épingles  ornées  de  têtes  d'animaux,  etc.  Wiener 
(377,  p.  167)  donne  la  figure  d'une  épingle  tout  à  fait  du  même 
type  que  la  nôtre,  mais  en  argent;  elle  provient  de  Marca- 
Huamachuco,  au  nord  du  Pérou.  MM.  Stiibel  et  Reiss  (340,  i, 
pl.  24,  fig.  5,  6)  en  représentent  deux  spécimens,  en  cuivre,  de 
Canar  (Equateur),  et  M.  Anatole  Bamps  (50,  p.  i33,  pl.  xxvi), 
d'autres,  provenant  de  la  Répubhque  de  fÉquateur.  M.  Am- 


0) 


Pour  les  analyses  complètes,  voir  le  tableau  à  la  fia  du  présent  ouvrage. 


LA  PAYA.  221 


brosetti  (29,  p.  217,  fig.  3i)  publie  des  figures  de  plusieurs  de  ces 
épingles  à  tête  plate  avec  un  trou,  appartenant  à  la  collection 
du  Musée  national  de  Buenos-Aires  et  provenant  de  «  la  région 
calchaquie  » ,  sans  autre  indication  de  localité.  Cependant  la 
tête  de  notre  épingle  de  Lapaya  s'en  rapproche  moins  que  des 
formes  bolivienne  et  péruvienne.  Une  épingle  en  or,  exacte- 
ment de  la  même  forme  que  celle  de  Lapaya  et  provenant  de 
Copiapo  (Chili),  est  figurée  par  M.  J.  T.  Médina  (234,  i.g.  i3i). 

Le  nom  quichua  de  ces  épingles  est  topo  ou  topa.  Zârate 
(383;  1. 1,  c.  Yiii;  1. 1,  p.  4i)  parle  de  ces  topos  en  décrivant  les  vête- 
ments des  «  femmes  des  Indiens  qui  habitent  les  montagnes  du 
Pérou»  :  «Elles  ont  par-dessus  certains  mantelets  de  laine, 
à  peu  près  comme  des  peignoirs  quelles  attachent  au  cou 
avec  des  grandes  épingles  d'or  ou  d'argent,  selon  qu'elles  les 
peuvent  avoir;  elles  les  nomment  dans  leur  langue  topos;  ces 
espèces  d'épingles  ont  des  têtes  fort  grandes  et  fort  plates  et 
si  tranchantes,  qu'elles  peuvent  s'en  servir  à  couper  plusieurs 
choses.  »  Comme  Zârate,  le  P.  Cobo  (103,  iv,  p.  162)  nous  apprend 
que  les  têtes  plates  de  ces  topos  servaient  d'instruments  tran- 
chants. En  effet,  les  anciens  topos  de  cuivre,  de  la  forme  de 
notre  spécimen  de  Lapaya,  peuvent  très  bien  avoir  été  em- 
ployés à  cette  fm.  De  nos  jours  encore,  toutes  les  Indiennes  de 
la  Puna  et  de  la  Bolivie  portent  des  topos  dans  leurs  mantes 
dites  llicllas,  mais,  excepté  certaines  pièces  de  grand  luxe,  les 
topos  actuels  sont  en  laiton  et  leur  tête  est  en  forme  de  cuillère 
tout  à  fait  de  la  forme  de  nos  cudlères  à  thé.  Cette  forme  de 
cuillère  n'est  pas  fantaisiste  :  le  topo  sert  en  effet  de  cuillère  et 
d'épingle  tout  à  la  fois^^'. 

Une  autre  épingle  est  donnée  dans  la/^/.  13  l  Cette  épingle, 
beaucoup  plus  petite  que  le  topo  que  nous  venons  de  décrire, 
a  pour  tête  le  corps  d'un  oiseau  qui  ressemble  beaucoup  à  un 
perroquet.  Les  petites  épingles  semblables,  avec  lêles  en  foniu» 

<')  Ces  épingles  à  cuillère  sont  peiiU-lrc  en  existe  de  nonihieux  s|)('-(im(Mis  prove- 
d'originc  européenne.  Au  Musée  hislnii(pie  nani  de  la  France  el  picscpie  identiipies 
de  la  Ville  de  Paris  (Musée  Carnavalet),  il         aux  lopos  modernes  de  la  liolivie. 


222  ANTIQUITÉS  DE  LA  REGION  ANDINE. 

d'oiseaux  ou  d'autres  animaux,  sont  aussi  très  communes  dans 
l'archéologie  de  la  Bolivie  et  du  Pérou. 

La  petite  boule  en  cuivre  en  forme  de  sphère  aplatie ,  repré- 
sentée d'en  haut  et  de  côté  par  ^àfig.  13  o  et  n,  était  destinée  à 
être  attachée  à  une  corde,  comme  on  le  voit  sur  la  coupe /i^.  J2. 
C'est  une  merveille  de  l'art  du  fondeur  pratiqué  par  les  anciens 
habitants  des  vallées  andines.  11  est  difficile  de  se  rendre  compte 
de  la  méthode  employée  pour  fondre  des  pièces  aussi  petites  en 
y  ménageant  le  canal  circulaire  qui  se  trouve  à  l'intérieur  et 
en  laissant  au  milieu  la  petite  barre  qui  sert  d'attache  pour  la 
corde.  Trois  de  ces  petites  boules  ont  été  trouvées  par  M.  Del- 
gado;  c'est  justement  là  le  nombre  nécessaire  pour  former  des 


Fig.  12.  —  Lapaya.  Coupe  verticale  de  la  boule  en  cuixrefuj.  13  n,  o. 
Grandeur  naturelle. 

libes^^\  comme  sur  le  haut  plateau  on  nomme  la  petite  holcadora 
dont  on  se  sert  pour  chasser  les  vigognes.  L'une  de  ces  boules 
pèse  46  grammes,  une  autre  4 7  grammes.  Leur  poids  est  infé- 
rieur au  poids  des  libes  en  pierre  des  Indiens  actuels,  dont 
nous  reproduisons  //^.  96  un  spécimen  provenant  de  la  Puna. 
Les  trois  boules  en  pierre  de  ces  derniers  libes  pèsent  respec- 
tivement 176,  170  et  95  grammes,  y  compris  les  fourreaux  en 
peau,  c'est-à-dire  beaucoup  plus  que  les  boules  de  cuivre  que 
nous  venons  de  décrire.  Les  libes  des  Indiens  de  la  Cordillère 
sont  maniés  de  la  même  manière  que  la  boleadora  des  Gau- 
chos des  Pampas  :  les  trois  boules  sont  attachées  au  bout  de 
cordes  d'une  même  longueur  dont  les  autres  extrémités  sont 
reliées  ensemble.  En  prenant  Tune  des  boules  dans  la  main,  on 
fait  tourner  les  deux  autres  au-dessus  de  la  tête.  Lorsqu'elles 

^'^  Liluii  dans  le  quichua  du  Pérou. 


LA  PAYA.  223 

ont  acquis  une  vitesse  aussi  grande  que  possible,  on  les  lâche. 
Mues  par  la  force  centrifuge,  elles  entravent  les  pattes  du 
gibier  qui,  alors,  tombe  enveloppé  par  les  cordes. 

Lapaya  a  fourni  deux  sortes  de  haches  en  cuivre.  La  pre- 
mière catégorie,  les  haches  lourdes  à  oreilles,  est  représentée 
ficj.  là  e.  Cette  hache  a  o""  i  5o  de  longueur  totale,  o°'o34 
de  largeur  immédiatement  au-dessous  du  talon  et  o°*o2  5 
d'épaisseur  au  même  endroit,  c'est-à-dire  que  la  section  de  la 
hache  à  sa  partie  supérieure  est  presque  carrée.  La  longueur 
du  talon  est  de  o™  080.  La  hache  pèse  1 ,06  5  grammes.  Le  tran- 
chant est  symétriquement  cunéiforme  et  a  été  corrigé  à  l'aide 
de  coups  de  marteau  après  la  fonte.  Cette  hache  est  l'une  des 
rares  pièces  en  cuivre  où  ce  métal  ne  soit  pas  allié  à  une  petite 
quantité  d'étain.  J'ai  cédé  au  Musée  national  de  Buenos-Aires 
une  autre  hache  à  oreilles  de  Lapaya,  de  tranchant  plus  large 
que  le  spécimen  que  je  viens  de  décrire.  Les  haches  à  oreilles 
sont  communes  dans  la  région  diaguite  et  dans  toute  la  région 
andine.  M.  Ambrosetti  (29,p.  206-215,  fig.  20-29)  en  publie  un  bon 
nombre,  provenant  des  provinces  de  Salta  et  de  Catamarca. 
Quatre  d'entre  elles  (Kg.  26  a,  h,c,  etfig.  27),  ainsi  qu'une  autre 
de  la  Vallée  de  Catamarca,  figurée  par  M.  Moreno  (244,  p.  i3), 
sont  presque  identiques  comme  forme  à  notre  spécimen  de 
Lapaya.  Au  Chili,  on  a  rencontré  aussi  des  haches  à  oreilles; 
un  spécimen  en  a  été  publié  par  M.  Thomas  Ewbank  (125,  p.  112, 
pl.  viii),  dans  le  rapport  de  la  Mission  navale  et  astronomique 
des  États-Unis,  de  1849-1 852.  M.  Médina  (234)  reproduit  la 
figure  de  ce  spécimen.  La  pièce  provient  du  Cerro  de  Très 
Puntas,  près  de  Copiapô,  sur  le  «Chemin  de  l'Inca  »  qui  se 
dirige  sur  San  Pedro  de  Atacama.  Elle  est  certainemenl  (l'ori- 
gine péruvienne,  comme  tant  d'autres  antiquités  dn  Chili.  On 
trouve  aussi,  dans  toutes  les  régions  de  la  Cordillère,  des 
haches  en  pierre  de  la  même  forme.  M.  Ambrosetti  (29,  p.  212) 
donne  la  figure  d'une  de  ces  haches,  de  Molinos,  dans  la  Vallée 
Calchaquie,  et  M.  Erland  Nordenskiold  (262,  pl.  5,  (ig.  3)  en  repré- 


224  ANTIQUITES  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

sente  une  autre,  d'Agua  Blanca,  clans  la  Vallée  de  San  Fran- 
cisco (Jujuy).  La  Mission  Française  possède  une  hache  à 
oreilles,  en  pierre,  provenant  de  Tarija  (Bolivie),  et  au  Musée 
du  Trocadéro  on  en  conserve  une  de  Tiahuanaco  (n°  4 06 8  du 
catalogue).  Plusieurs  spécimens  à  oreilles,  un  peu  modifiés  et 
provenant  de  la  République  de  l'Equateur,  ont  été  reproduits 
par  M.  Bamps  (50,pl. xxviii,xxxi,  xxxn).  Un  autre  encore,  de  la 
Colombie,  est  figuré  par  Stiibel  (340,  i,  pi.  i3).  Dernièrement, 
M.  Nordenskiold  (266,  p.  93  et  269,  pi.  v)  a  trouvé  ensemble,  dans 
les  Vallées  de  Quiaca  et  de  Sina,  au  nord  du  Titicaca,  des 
haches  à  oreilles  en  pierre  et  d'autres  en  cuivre.  L'une  de 
ces  haches  en  pierre,  dont  il  donne  la  figure,  est  d'une  forme 
identique  à  celles  en  cuivre  qui  paraissent  être  une  imitation 
de  celle-ci. 

Quel  était  fusage  de  ces  lourdes  haches  de  cuivre.»^  Sans 
doute,  elles  étaient  employées  comme  armes  en  temps  de 
guerre.  Ainsi  Don  Juan  de  Ulloa  MogoUon  (359,  p.  45)  raconte 
que  les  Collahuas  se  battaient  avec  des  haches  en  cuivre.  Mais 
elles  devaient  avoir  aussi  un  autre  but  :  celui,  par  exemple,  de 
couper  du  bois.  M.  Ambrosetti  (29,  p.  208)  donne  des  figures 
très  intéressantes  de  deux  haches  à  oreilles,  de  la  Vallée  Cal- 
chaquie,  dont  le  tranchant  est  plus  usé  vers  l'un  des  coins  que 
vers  l'autre,  comme  c'est  également  le  cas  de  la  hache  décrite 
par  M.  Ewbank  et  que  nous  avons  déjà  mentionnée.  Cette  usure 
inégale  du  tranchant  ne  peut  avoir  été  produite  que  par  un 
long  usage  de  ces  instruments  à  la  façon  dont  nous  employons 
nos  haches  en  acier,  c'est-à-dire  pour  hacher.  Le  tranchant  de 
la  jDlupart  des  haches  dont  nous  nous  occupons  prouve,  par 
de  certains  signes,  qu'on  avait  l'habitude  de  les  aiguiser  à 
coups  de  marteau. 

La  fi(j.  16  représente  un  moule  pour  couler  les  haches  à 
oreilles.  L'original  de  ce  moule  en  terre  cuite  se  trouve  au 
Musée  de  la  Plata,  et  la  Mission  Française  possède  un  moulage 
de  cette  intéressante  pièce  qui  provient  de  San  Fernando,  dans 
le  département  de  Belen  (Catamarca). 


LAPAYA.  225 

Je  ne  connais  pas  d'exemplaires  emmanchés  de  ces  haches 
à  oreilles.  Cependant  le  Musée  du  Trocadéro  (n°  2  6533  du 
catalogue)  possède  le  moulage  d'une  pièce,  dont  l'original  existe 
à  Madrid  et  fut  présenté  au  Congrès  international  des  Amé- 
ricanistes  à  Paris,  en  1890.  C'est  un  petit  modèle  de  hache  à 
oreilles  emmanchée,  tout  en  cuivre,  provenant  du  Haut  Pérou. 
J'en  donne  la  photographieriez.  15  b.  Comme  on  peut  le  voir, 
la  hache  est  attachée  à  un  manche  cylindrique  au  moyen  de 
liens  en  corde  ou  en  peau,  je  ne  sais  au  juste;  ces  liens  forment 
une  croix  au  dos  du  manche.  De  chaque  côté  du  talon  on  a 
placé  au-dessous  des  liens  un  morceau  de  bois  pour  remplir 
les  interstices  et  pour  donner  plus  de  solidité  à  la  hache.  La  pièce 
entière  n'a  que  a  o""  2  55  de  longueur  :  ce  n'est  donc  pas  une 
véritable  hache,  mais  un  petit  modèle,  comme  nous  l'avons 
dit,  qui  a  peut-être  servi  de  jouet  à  un  enfant,  ou  plus  pro- 
bablement ce  devait  être  l'insigne  d'une  dignité,  car  la  pièce 
a  été  exécutée  avec  trop  de  soin  pour  un  jouet.  La  partie 
antérieure  du  manche  est  incrustée  d'argent  et  de  cuivre  plus 
rouge  que  celui  dont  est  formée  toute  la  pièce.  Le  décor  ainsi 
obtenu  consiste  en  croix  et  losanges.  Le  Musée  du  Trocadéro 
possède  aussi  un  vase  figurant  un  homme  porteur  d'une  hache 
à  oreilles,  emmanchée  de  la  même  manière  que  celle  que 
nous  venons  de  décrire.  Ce  vase  a  été  figuré  par  le  D''  Hamy 
(160,  pi.  xxxiv,  fig.  107).  Les  deux  pièces  établissent  d'une  ftiçon 
certaine  comment  étaient  emmanchées  les  haches  à  oreilles. 
Elles  démontrent  aussi  qu'il  ne  faut  pas  faire  des  recon- 
structions de  fantaisie,  comme  le  manche  dont  M.  Ambrosetti 
(29,  p.  2\à,  fig.  26  a)  a  muni  une  de  ces  haches.  D'ailleurs  des 
Indiens  actuels  ont  encore  des  haches  de  pierre  à  oreilles, 
emmanchées  comme  le  démontre  la  pièce  du  Musée  du  Tro- 
cadéro, et  portant  même  de  petites  cales  de  chaque  côté  du 
talon  ainsi  que  cette  dernière.  M.  Erland  Nordenskiold  (264, 
p.  •.>.82,et  269,  p. /|/i)  reproduit  une  de  ces  haches,  moderne^  (h\s 
Indiens  Huachipairi,  de  la  région  supérieure  du  Rio  Madré 
de  Dios. 


226  ANTIQUITÉS  DE  LA  REGION  ANDINE. 

Une  deuxième  sorte  de  haches  est  rejDrésentée  par  trois 
spécimens  [fuj.  là  j ,  (j ,  h).  C'est  une  sorte  de  tranchet  qui 
ressemble  assez,  pour  la  forme,  à  certains  outils  cpie  les  cor- 
donniers modernes  emploient  pour  couper  le  cuir.  Ce  sont 
des  lames  de  cuivre  à  tranchant  bien  affilé  pourvus  de  pédon- 
cules. En /et  (j  ces  pédoncules  sont  lamelliformes,  c'est-à-dire 
qu'ils  constituent  une  continuation  de  la  lame.  En  //,  au  con- 
traire, le  pédoncule  est  rond.  Ce  dernier  exemplaire  a  l'extré- 
mité de  son  pédoncule  contournée,  formant  une  sorte  d'œillet, 
tandis  que  les  extrémités  en/  et  cj  sont  simplement  coupées. 
La  longueur  du  tranchant  des  différentes  pièces  est  de  o"'  i  29 
en  /,  o'"i45  en  ^,  et  o""  099  en  //.  Epaisseur  maximum 
de  la  lame  :  /,  o'"ooi;  (j,  o°'oo4;  A,  o"ooi5.  Poids  : 
f,  io5  grammes;  ^,  2i3  grammes;  A,  4 2  grammes.  Les  trois 
spécimens  portent  des  traces  démontrant  qu'ils  ont  été  forgés 
ta  faide  d'un  marteau. 

Ces  outils  sont  communs  depuis  la  région  diaguite  jusqu'au 
Mexique.  La  forme  du  tranchant  varie  peu  :  parfois  il  est  cur- 
viligne ou  bien  presque  droit.  Mais  le  pédoncule  peut  se  pré- 
senter sous  deux  aspects.  Dans  la  catégorie  à  laquelle  appar- 
tiennent nos  trois  spécimens,  le  pédoncule  est  mince,  sans 
décor  et  se  termine  souvent  en  forme  d'œillet,  comme  notre 
exemplaire  h.  Dans  l'autre  catégorie,  le  pédoncule,  beaucoup 
plus  éj)ais,  cylindrique,  se  termine  en  bouton  ou  en  jDetites 
figures  représentant  des  têtes  d'animaux,  etc.  Il  est  souvent 
incrusté  d'ornements  en  argent  ou  en  cuivre  d'une  couleur  dif- 
férente de  la  couleur  générale  de  l'instrument.  Le  pédoncule 
forme  alors  un  véritable  manche  adapté  à  la  main,  étonne 
peut  pas  douter  que  l'outil  ait  été  employé  comme  tranchet, 
ce  qui  ne  paraît  pas  être  le  cas  pour  la  première  catégorie. 
M.  Wiener  (377,  p.  167,  583-584)  donne  des  figures  de  pièces  de  la 
seconde  catégorie  provenant  de  Marca-Iiuamachuco  et  M.  Ew- 
bank  (125,  p.  ii4,  pi.  vm)  publie  une  de  ces  pièces  exhumée  d'un 
tombeau  de  San  José  sur  le  Rio  Maipù  (Chili).  Le  manche, 
relativement  éjDais,  porte  des  ornements  gravés  et  se  termine 


LA  PAYA.  227 

par  une  patte  d'oiseau,  imitée  avec  beaucoup  de  naturel. 
M.  J.  T.  Médina  (234,  fig.  iH)  reproduit  la  même  figure.  Je  ne 
connais  pas  de  ces  tranchets  à  manche  épais  et  décoré  pro- 
venant de  la  région  diaguite.  Du  Pérou,  un  spécimen  est  figuré 
dans  l'atlas  de  MM.  Rivero  et  von  Tschudi  (311,  pi.  xxxiv,  fig.  5)  et 
plusieurs  autres  dans  l'ouvrage  récent  de  M.  Bœssler  (45)  sur 
les  objets  en  métal  de  l'ancien  Pérou. 

Quant  à  l'autre  catégorie  de  ces  instruments,  ceux  à  pédon- 
cule mince  et  simple,  comme  nos  exemplaires  de  Lapaya, 
c'étaient  des  haches  et  non  des  tranchets.  Cela  est  démontré 
par  le  spécimen  trouvé  avec  son  emmanchure  dans  un  tombeau 
de  Chiclayo,  au  nord  de  Trujillo,  sur  la  côte  du  Pérou,  et 
publié  par  M.  E.  H.  Giglioli  (145),  dont  je  reproduis  la  figure 
[fi(j.  15  a).  Le  pédoncule  de  cette  hache  traverse  verticalement 
la  hampe  en  bois  qui  est  renforcée  par  une  ligature  en  fil  de 
coton.  Cette  hache  ressemble  beaucoup  aux  haches  de  guerre 
des  Zoulous  et  des  Basoutos  de  l'Afrique  méridionale  dont  le 
Musée  du  Trocadéro  possède  une  bonne  collection  :  celles-ci 
ont  la  même  forme  et  sont  emmanchées  de  la  même  façon, 
bien  qu'elles  soient  faites  en  fer.  M.  Ambrosetti  (29,  p.  2o5,  fig.  19) 
représente  douze  haches,  de  la  catégorie  que  nous  sommes  en 
train  de  décrire,  apjiartenant  aux  collections  du  Musée  national 
de  Buenos-Aires.  Ces  haches  ont  des  pédoncules  minces  comme 
nos  spécimens  de  Lapaya;  quelques-unes  ont  l'extrémité  re- 
courbée en  œillet,  d'autres  non.  11  y  a  aussi  un  exemplaire  dont 
le  pédoncule  se  termine  en  un  tout  petit  bouton  en  forme  de 
disque,  mais  il  est  mince  et  sans  décor,  et  doit  par  conséquent 
être  considéré  comme  appartenant  à  notre  deuxième  catégorie. 
Dans  la  collection  Martinez,  de  Laj^jaya,  il  existe  encore  une 
pièce  de  cette  forme,  figurée  par  M.  Ambrosetti  (22,  p.  127,  fig.  8). 
Pour  une  de  ces  haches,  Ambrosetti  a  fait  construire  un  manche 
court  couvrant  le  pédoncuh;  longiliidiiialement,  emmanchure 
qui  n'est  pas  réelle  et  qui  n'a  aucune  raison  d'être,  d'autant 
plus  que  la  figure  de  M.  Giglioli  nous  montre  un  dispositif 
tout  à  fait  différent. 


228  ANTIQUITÉS  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

A  tous  ces  instruments,  sans  distinguer  ceux  à  manche 
épais  de  ceux  à  manche  mince,  M.  Ambrosetti  apphque  le 
nom  de  tumi.  Il  l'a  pris  de  Montesinos  (241,  c.  xxvi,  p.  i53)  :  Tumi 
era  un  instrumento  de  cobre  al  modo  de  trinchante  de  zapatero  cjue  se 
enhastaba  en  un  palo.  Montesinos  donne  cette  définition  pour 
expliquer  le  nom  de  Tumipampa,  localité  située  à  l'endroit 
où  se  trouve  actuellement  la  ville  de  Cuenca,  dans  la  Répu- 
blique de  l'Equateur.  L'un  des  Incas  y  gagna  une  bataille  et  ht 
tuer  tous  ses  prisonniers  à  coups  de  couteau  {j)asarlos  à  cucJidlo). 
A  la  suite  de  cet  événement,  l'endroit  reçut  le  nom  de  Tumi- 
pampa qui  signiherait  Llano  del  cuchûlo,  c'est-à-dire  la  «  Plaine 
du  couteau».  Mais  asta,  en  espagnol,  désigne  «hampe»  d'une 
lance,  d'une  hallebarde,  etc.,  et  non  le  manche  court  d'un 
couteau  ou  d'un  tranchet.  Les  tumis  de  Montesinos  auraient 
donc  été  emmanchés  comme  la  hache  de  M.  Giglioli.  Cepen- 
dant M.  von  Tschudi  (358,  p.  loi)  donne  une  autre  explication  du 
mot  tumi;  il  ajDpelle  ainsi  des  couteaux  en  pierre  ou  en  cuivre 
employés  pour  ouvrir  le  poitrail  des  lamas  qu'on  sacrifiait  aux 
dieux.  M.  von  Tschudi  ne  désigne  pas  l'auteur  auquel  il  a  pris 
ce  renseignement.  M.  E.  W.  MiddendorlF  (238,  p.  825)  traduit  le 
mot  tumi  d'une  troisième  manière  :  d'après  lui,  ce  serait  «une 
sorte  de  couteau  employé  par  les  Indiens  pour  hacher  la  viande 
ou  les  légumes  en  petits  morceaux  ».  A  propos  de  ses  pièces  de 
Marca-Huamachuco,  M.  Wiener  emploie  les  noms  champi  et 
tulpo  qui  lui  ont  été  probablement  fournis  par  les  gens  du  lieu. 
Je  laisse  de  côté  tulpo,  nom  aussi  employé  par  M.  Médina,  mais 
dont  je  n'ai  pu  arriver  à  déterminer  la  signification.  Quant 
à  champi,  le  sens  général  en  quichua  moderne  est  :  alliage 
de  cuivre  avec  for  ou  f argent,  et  encore  :  bijoux  faits  de  ces 
alliages.  Pour  M.  Middendorfif  (iTnU,  p.  342),  ce  serait  aussi  une 
«  arme  des  Indiens,  sorte  de  lourd  bâton,  avec  une  petite  hache 
fixée  à  son  extrémité».  D'autre  part,  Garcilaso  de  la  Vega  dit 
que  les  cliampis  étaient  des  haches  de  guerre  que  l'on  maniait 
avec  une  seule  main.  Suivant  Cristobal  de  Molina  (240,  p.  6), 
le  champi  était  fun  des  insignes  des  Incas,  et,  d'après  Cobo 


LA  PAYA.  229 

(103,  IV,  p.  196),  ce  serait  là  le  nom  des  casse-tête  en  forme 
d'étoile,  «  armes  particulières  des  Incas».  Selon  Molina  [ibid., 
p.4o),  il  y  avait  aussi  une  autre  arme,  leyauri,  «  bâton  à  l'extré- 
mité supérieure  duquel  était  attaché  un  couteau  »  ;  or  Midden- 
dorir  [ibid.,  p.  101)  donne  ce  nom  de  yauri  à  une  sorte  d'aiguille 
de  grande  dimension ,  «  généralement  faite  d'une  épine  » ,  les 
ciraciinas  de  Cobo  (103,  iv,  p.  i63).  En  somme,  de  cette  nomen- 
clature il  résulte  que  le  sens  précis  de  ces  différents  termes 
est  très  confus,  que  tous  ces  mots  ont  plusieurs  significations 
et  que  le  nom  original  quichua  de  nos  haches  et  de  nos  tran- 
chets  peut  aussi  bien  avoir  été  tumi,  tiilpo ,  champi  ou  yaiiri, 
ou,  après  tout,  peut-être  s'appelaient-ils  d'un  tout  autre  nom. 
Aussi  aimé-je  mieux  pour  les  instruments  à  pédoncule  mince  la 
désignation  «haches  à  pédoncule  central»,  et  pour  les  autres 
l'expression  «  tranchets  à  manche  central  ». 

M.  Ambrosetti  (29,  p.  20/i),  à  propos  de  nos  haches  à  pédon- 
cule central,  invoque  de  plus  un  passage  de  la  relation  du 
général  Cabrera  (88,  p.  Mo),  d'après  lequel  certains  Indiens  de 
l'ancien  Tucuman  portaient  un  couteau  suspendu  à  la  main 
droite  au  moyen  d'une  courroie  [un  cuchillo  colcjado  cou  iinfiador 
de  la  mano  derecha).  Mais  quelle  raison  y  a-t-il  pour  supposer 
que  ces  cuchillos  —  qui  d'ailleurs,  suivant  Cabrera,  étaient  en 
fer,  obtenus  probablement  par  échange  avec  les  Espagnols  — 
fussent  les  instruments  en  question.^  Dans  d'autres  parties  de 
l'Amérique  andine ,  il  y  avait  des  armes  tout  à  fait  différentes 
qui  se  portaient  suspendues  à  la  main.  Ainsi  le  célèbre  vase 
«  Sécrestan  »  (Musée  du  Trocadéro,  n°  21  261  du  catalogue), 
provenant  du  Grand -Chimu  et  figuré  par  M.  Hamy  (160, 
pi.  xu),  représente  en  peinture  un  personnage  tenant  dans  la 
main  une  lame  de  hache  sans  manche,  avec  à  la  base  un  trou 
où  passe  une  courroie  servant  à  l'atlacher  au  poignet.  Un  autre 
vase  du  Trocadéro  (n"  du  catalogue  7282),  de  Chiclayo,  offre 
des  personnages  avec  la  même  sorte  de  haches  attachées  à  la 
main.  Ces  haches  n'ont  aucune  ressemblance  avec  celles  que 
M.  Ambrosetti  appelle  des  tiimis;  elles  ressemblent  plutôt  à  ces 


230  ANTIQUITÉS  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

lourdes  haches  de  cuivre,  à  large  tranchant  semi-circulaire  et 
à  talon  perforé  que  Ton  rencontre  surtout  dans  l'Equateur.  De 
plus,  nos  haches  en  forme  de  tranchet  n'ont  pas  toutes  des 
trous  de  suspension ,  il  n'y  a  donc  aucune  raison  pour  les  iden- 
tifier au  caclnllo  dont  parle  Cabrera. 

Les  cloches  en  cuivre  constituent  des  objets  très  intéressants 
de  l'archéologie  de  la  région  diaguite.  Une  de  ces  cloches,  re- 
produite sous  différentes  faces  j^ar  ^^fi(j-  ià  a,  h,  c,  cl,  se  trou- 
vait parmi  les  objets  déterrés  j^ar  M.  Delgado  à  Lapaya.  Cette 
cloche  a  o™i85  de  hauteur,  son  ouverture  est  ellij)soïde  et  a 
0™i85  de  diamètre  maximum  et  o'^oyo  de  diamètre  minimum. 
La  partie  supérieure  correspondante,  c'est-à-dire  celle  qu'on 
peut  appeler  le  «  fond  »  de  la  cloche,  a  o""!  i5  de  longueur  sur 
o^oSg  de  largeur  maximum.  Le  poids  est  de  i,4oo  grammes. 
La  cloche  a  été  fondue  dans  un  moule  fait  avec  beaucoup  de 
soin  pour  donner  à  ses  parois  la  même  épaisseur  partout.  A  la 
partie  supérieure,  on  voit  deux  ouvertures  carrées  qui  devaient 
2:)robablement  servir  à  susjDendre  la  cloche  et  peut-être  aussi  à 
fixer  le  battant.  Ces  trous  ne  paraissent  pas  avoir  été  faits  au 
ciseau,  mais  semblent  résulter  de  la  fonte  même.  La  surface 
supérieure  de  la  cloche  montre  en  trois  endroits  des  aspérités. 
Ce  sont  sans  doute  les  marques  laissées  par  les  jets  de  fonte; 
on  les  distingue  bien  sur  la^?^.  là  a.  La  cloche  donne  un  son 
fort,  agréable  et  profond  quand  on  la  frappe  avec  un  objet 
métallique.  C'est  une  vraie  œuvre  d'art  du  fondeur,  et  la  fa- 
brication du  moule  n'a  certainement  pas  été  la  chose  la  plus 
facile,  étant  donnés  les  éléments  dont  disposaient  les  auteurs. 
Le  moule  extérieur  a  été  divisé  en  deux  valves,  comme  on 
peut  le  voir  par  les  traces  de  leurs  joints  sur  la  cloche.  Il  est  très 
probable  que  ce  moule  et  son  noyau  étaient  faits  en  terre  cuite, 
comme  le  moule  de  la  hache  à  oreilles  que  nous  avons  repro- 
duit y?^.  16. 

On  connaît  une  vingtaine  de  ces  cloches,  toutes  provenant 
de  la  région  diaguite,  particulièrement  de  la  Vallée  Calchaquie 


LA  PAYA.  231 

et  de  la  Quebrada  de  las  Conchas.  Ambrosetti  (29,  p.  260)  en  men- 
tionne une  qui  avait  élé  achetée  à  bijuy,  mais,  comme  il  le  dit, 
il  est  probable  qu  elle  avait  dû   y  être  apportée.   J'ai  acquis 
d'un  Indien  d'Abrapampa  (Puna  de  Jujuy)  un  grand  fragment 
d'une  cloche  de  ce  genre ^'^  dont  la  partie  supérieure  intacte  a 
o"2  0  de  longueur  sur  o'^oy   de  largeur  maximum,  presque 
le  double  de  la  cloche/^.  14.  La  moitié  inférieure,  y  compris  le 
bord,  avait  été  séparée  à  coups  de  ciseau  pour  en  extraire  de  l'or, 
car  les  Indiens  croient  que  le  cuivre  des  antujiios  contient  tou- 
jours beaucoup  d'or.  Je  fus  tout  surpris  de  rencontrer  sur  le  haut 
plateau  une  de  ces  cloches  caractéristiques  des  Vallées  Calcha- 
quies,  et  je  fis  une  enquête  pour  savoir  le  lieu  exact  où  elle  avait 
été  trouvée.  D'après  les  renseignements  des  habitants  de  l'en- 
droit, elle  avait  servi  pendant  longtemps  de  cloche  à  fécole  du 
village  et  elle  proviendrait  d'un  emplacement  de  vieux  murs 
en  j)irca  qui  existe  près  d'Abrapampa.  Mais  un  vieil  Indien, 
s'étant  alors  présenté ,  me  raconta  que  son  père  l'avait  trouvée 
à  Molinos,  dans  la  Vallée  Calchaquie,  au  cours  d'un  voyage 
qu'il  y  avait  fait;  les  Indiens  avaient  pris  leur  repas  près  de 
cette  localité,  non  loin  de  la  haute  berge  d'une  rivière  dont 
l'eau  avait  emporté  des  blocs  de  terre,  mettant  ainsi  la  cloche  à 
découvert.  Cet  incident  prouve  qu'il  ne  faut  jamais  se  lier  aux 
renseignements  donnés  par  les  paysans  sur  les  objets  archéo- 
logiques qu'ils  vendent;  l'authenticité  de  la  provenance  des 
pièces  ainsi  acquises  est  toujours  suspecte  et  peut  parfois  causer 
de  grandes  confusions  dans  les  études  archéologiques. 

La  cloche  de  Lapaya  est  ornée  d'une  bordure  composée  de 

C'  Ce  fragment   porte    sur   le    tableau  On    voit    que    cette    analyse   coïncide 

d'analyses  chimiques  le  n"  2  3,  et  la  cloche  prescpie    avec  celle    faite   à  Paris  ,  et  les 

de  Lapaya,  le  n°  24.  Un  morceau  du  frag-  petites     diiïérences    peuvent    s'expliquer 

ment  que  j'avais  donné  à  M.  Ambrosetli  parfaitement  par   le   manque   d'homogé- 

(29,  p.  ^6/1)  a  été  analysé  par  le  D'  .1.  J.  néité  du  métal  des  diflérentes  parties  do 

Kyle,  de  Buenos-Aires ;  l'analyse  a  donné  :  la  cloche. 

-  .  M,  Ambrosetti  donne  l'échantillon  ana- 

Cuivro qi.2n.  loo  i      ^     i-  i- 

Y^^\^  C  lysé  comme  provenant  de  Lachi,  au  lieu 

Fer.. .  ! ...........  ..^.  traces.  ^le  Molinos,  et  je  saisis  cette  occasion  pour 

OxygÎMi(>  anhydre  rlp.itrs.        2.8  p.  100         rectifier  l'erreur. 


232  ANTIQUITES  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

lignes  courbes  formant  une  rangée  d'ellipsoïdes,  dont  chacune 
contient  un  autre  ellipsoïde  plus  petit.  Au  Musée  national  de 
Buenos-Aires ,  on  voit  une  autre  cloche  avec  le  même  décor, 
figurée  par  Ambrosetti  (29,  p.  259,  264,  fig.  66  e),  mais  tous  les 
autres  spécimens  connus  portent  une  ornementation  diffé- 
rente, dont  le  motif  principal  est  cette  face  humaine  rudimen- 
taire  faite  de  lignes  courbes  et  droites,  décor  très  commun 
des  objets  préhisjDaniques  de  la  région  diaguite  et  du  Pérou,  et 
dont  la  plaque  d'or  de  Golgota,  fig.  53  a,  et  le  fragment  de 
poterie, y?^.  2n,  donnent  des  exemples. 

Comme  nous  l'avons  déjà  dit,  tous  les  spécimens  connus  de 
ces  cloches  en  cuivre  proviennent  des  vallées  calchaquies. 
Ils  se  ressemblent  tous  comme  forme  et  comme  fabrication,  et 
aussi  dans  le  style  de  leur  décor,  excepté  les  deux  spécimens 
à  bordure  d'ellipsoïdes.  Seules  les  dimensions  varient  dans  de 
notables  proportions  :  de  o°'32  à  o™i  1  de  hauteur.  Ces  cloches 
seraient  donc  exclusivement  propres  à  la  région  diaguite,  ce 
qui  donnerait  l'indice  d'une  industrie  spéciale  à  cette  région. 
Mais  M.  Sénéchal  de  la  Grange  a  trouvé  à  Calama,  loin  des 
vallées  diaguites,  plusieurs  cloches  en  bois  du  même  modèle 
que  nos  cloches  en  cuivre.  Une  de  ces  cloches  en  bois  est 
figurée  plus  loin,  dans  le  chapitre  consacré  à  la  description  de 
la  collection  de  Calama.  Les  habitants  des  confins  du  Chili  et 
de  la  Bolivie  avaient  donc  des  cloches  tout  à  fait  de  la  même 
forme,  et  très  probablement  dans  un  avenir  prochain  on  trou- 
vera aussi  des  cloches  en  métal  en  Bolivie  ou  au  Pérou. 

Outre  les  objets  déjà  décrits,  notre  collection  de  Lapaya 
comprend  trois  de  ces  petits  ciseaux  en  cuivre,  si  communs 
dans  toute  l'Amérique.  L'un  d'eux  est  donné  par  lâfig.  13  h;  il 
a  o^ilxi  de  longueur,  o"'oo3  d'épaisseur  maximum,  et  son 
tranchant,  qui  est  bien  affilé,  a  o"oi4  de  largeur. 

A  la  collection  exhumée  par  M.  Martinez  appartiennent  deux 
objets  en  cuivre  dont  on  ne  trouve  pas  d'équivalents  dans  la 


LA  PAYA.  233 

collection  de  la  Mission  Française.  Le  premier  est  une  superbe 
hache  emmanchée,  d'une  forme  assez  rare.  L'extrémité  du 
manche  cylindrique  en  bois  est  adaptée  à  la  hache  de  la  même 
manière  que  nos  haches  communes,  c'est-à-dire  que  l'extré- 
mité du  manche  passe  par  un  trou  laissé  dans  la  masse  de  la 
hache  lorsqu'on  l'a  fondue.  M.  Ambrosetti  (22,  p.  120)  reproduit 
cette  hache  qu'il  prétend  être  une  «  hache  de  commandement  » , 
uniquement  par  suite  de  la  présence  d'une  sorte  d'appendice 
en  forme  de  crochet  que  l'on  voit  sur  son  bord  antérieur. 
M.  Ambrosetti  a  donné  aux  pièces  qu'il  considère  comme 
des  «  haches  de  commandement  »  le  nom  araucan  toki,  parce 
que  les  haches  servant  d'insignes  aux  chefs  araucans  portaient 
ce  nom.  Il  me  semble  tout  à  fait  arbitraire  d'appliquer  des 
noms  araucans  à  des  objets  qui  n'ont  aucun  rapport  avec  les 
Araucans.  La  seconde  des  pièces  particulières  à  la  collection 
Martinez,  figurée  aussi  par  M.  Ambrosetti  (22,  p.  126;  29,  p.  255, 
i'ig.  62  e),  est  une  de  ces  curieuses  manoplas  dont  nous  avons  parlé 
page  i36. 

Le  tableau  inséré  à  la  fin  du  présent  ouvrage  donne  des 
analyses  chimiques  de  la  cloche,  de  la  hache  à  oreilles,  d'un 
ciseau,  de  l'une  des  petites  boules  de  libes,  d'un  fragment  de 
plaque  et  d'un  autre  fragment  de  couteau,  tous  appartenant  à  la 
trouvaille  de  Lapaya.  Le  premier  des  fragments  provient  d'une 
plaque  fondue,  de  forme  rectangulaire,  et  le  deuxième  d'une 
pièce  mince  à  tranchant  un  peu  courbe,  peut-être  un  couteau 
ou  une  hache  à  pédoncule  central. 

Objets  en  bois.  —  Une  timbale  en  bois  est  représentée  en 
photographie  à  gauclie  sur  \3if1g.  17 ;  k  droite,  elle  a  été  dessinée 
pour  montrer  son  décor,  trop  effacé  pour  être  visible  sur  la 
photographie,  mais  assez  clair  cependant  pour  m'avoir  jx'rinis 
d'en  reconstituer  tous  les  détails.  Ce  vase  a  o'"  108  de  hauteur, 
o""  1 20  de  diamètre  maximum  et  son  fond  o'"  092  de  diamètre. 
Il  est  laqué  en  trois  couleurs;  il  a  d'abord  été  peint  tout  entier 
en   brun;  cette  première  couche  est  représentée  sur  le  dessin 


23't  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

par  un  ton  grisâtre.  Sur  cette  couleur  on  a  appliqué  le  noir  et 
le  blanc  qui  forment  l'ornementation;  celle-ci  est  uniforme 
autour  du  vase,  c'est-à-dire  que  sa  partie  inférieure  aussi  bien 
que  sa  partie  supérieure  se  composent  chacune  de  six  carrés  de 
deux  différents  dessins  qui  alternent.  A  Lapaya  on  a  trouvé 
deux  timbales  exactement  pareilles. 

Le  D""  Hamy  (160,  pi.  xi.,  fig.  ii5,  116)  représente  deux  de  ces 
timbales,des  grottes  sépulcrales  de  Pisac,  à  cinq  lieues  au  nord 
de  Cuzco.  Elles  sont  un  peu  plus  grandes  que  celles  de  Lapaya 
et  décorées  aussi  de  laques  polychromes,  mais  elles  représen- 
tent principalement  des  fleurs  et  des  personnages  avec  peu  de 
motifs  géométriques.  La  Mission  Française  a  rapporté  de  Tiahua- 
naco  une  autre  timbale  en  bois  laqué,  avec  des  dessins  poly- 
chromes du  même  style  que  ceux  des  vases  de  Pisac.  Sur  cette 
timbale,  on  a  peint,  outre  des  ornements  géométriques  et  des 
fleurs,  deux  Indiens,  l'un  avec  trois  plumes  dans  sa  coiffure  et 
l'autre  portant  un  bouclier  carré.  Les  vases  exactement  de  la 
même  forme,  mais  en  terre  cuite,  sont  communs  àTiahuanaco; 
la  Mission  Française  en  a  rapporté  plusieurs  spécimens  avec  le 
décor  si  typique  de  cette  localité.  Au  Musée  royal  d'ethnographie 
de  Berlin,  il  existe  un  exemplaire  de  bois  laqué,  de  Casabindo 
(Puna  de  Jujuy),  rapporté  par  le  D""  Max  Uhle.  Dans  une  grotte 
funéraire  de  ce  même  endroit,  la  Mission  Suédoise  de  1901 
trouva  deux  timbales  en  bois  avec  des  ornements  géométriques 
gravés,  au  lieu  de  décorations  en  laque.  Le  comte  von  Rosen 
(316,pl.  ix)  donne  la  figure  de  l'une  d'elles.  M.  Ambrosetti  (23, 
p.  67,  68,%.  5i)  figure  aussi  trois  timbales  en  bois  provenant  de 
Cochinoca,  près  de  Casabindo.  Elles  ont  la  même  forme  que 
notre  timbale  de  Lapaya,  bien  que  plus  petites,  mais  ne  sont 
pas  laquées;  fune  d'elles  est  décorée  de  bordures  gravées 
comme  les  petits  Ynsesficj.  18.  Les  timbales  ornées  de  fleurs  sont 
probablement  plus  modernes  que  celles  qui  portent  un  décor 
géométrique  de  style  péruvien. 

Les  \a.sesfig.  18 ,  également  en  bois,  ont  o"'  o65  de  hauteur 
eto"o5o  de  diamètre  maximum.  Celui  qui  est  marqué  a  n'a 


LA  PAYA.  235 

aucun  décor,  mais  ceux  qui  portent  les  lettres  h  et  c  ont  les 
bordures  inférieure  et  supérieure  gravées,  très  simjolement 
comme  les  figures  le  démontrent;  ils  sont  parfaitement  égaux 
et  forment  une  paire. 

Parmi  les  autres  objets  en  bois  provenant  de  Lapaya  sont 
de  grands  outils  en  forme  de  couteaux,  d'un  type  que  j'ai  ren- 
contré dans  la  Quebrada  del  Toro.  L'un  de  ces  couteaux,  bien 
conservé,  a  presque  la  forme  et  les  dimensions  de  celui  de 
Morohuasi  représenté  par  ^Sifig.  74  e. 

Un  fuseau  en  bois  très  dur  est  donné  par  la  ficj.  13  d.  La 
fusaïole  ressemble  comme  forme  aux  fusaïoles  du  Pérou,  dont 
M.  Wiener  (377,  p. 45)  donne  une  série  de  figures,  mais  diifère 
des  fusaïoles  communes  dans  la  région  diaguite  qui  ont  presque 
toutes  la  forme  d'un  disque  ou  d'un  cône. 

Objets  en  os.  —  Un  topo,  très  bien  travaillé,  orné  d'une  tête 
d'oiseau,  à  bec  très  grand,  est  donné  par  Isl/kj-  i»5  a.  11  a  o"'  1 5  i 
de  longueur,  sans  compter  la  pointe  qui  est  brisée.  La  tête  est 
semblable  des  deux  côtés.  Les  yeux  sont  formés  d'un  cercle 
avec  un  point  au  centre;  à  la  base  de  la  tête,  de  chaque  côté, 
se  trouvent  huit  autres  cercles  avec  points  centraux.  Les  cercles 
et  les  points  sont  gravés  et  noircis  au  feu.  Parmi  les  objets  de 
Lapaya  que  j'ai  cédés  au  Musée  national  de  Buenos-Aires  se 
trouve  un  autre  topo  en  os,  exactement  pareil  au  spécimen 
que  nous  venons  de  décrire,  excepté  la  tête  qui  représente  une 
effigie  humaine  sculptée,  de  style  tout  à  fait  péruvien. 

La  pointe  de  ùèchefifj.  ie5  /f  a  o""  i  27  de  longueur  et  elle  est 
formée  de  la  partie  centrale,  face  antérieure,  d'un  métatarsien 
de  lama.  L'os  a  été  coupé  longitudinalement  et  a  été  gratté 
jusqu'à  ce  qu'il  eût  la  forme  voulue.  Mais  on  peut  toujours  re- 
connaître sa  surface  naturelle  sur  l'axe  cenlrnl ,  des  deux  côtés. 
Le  côté  de  la  flèche  qui  correspond  à  la  moelle  est  plat;  celui 
correspondant  à  l'extérieur  de  l'os  est  courbe.  Ces  flèches  en  os 
sont  assez  communes  dans  la  l'égion  diaguite,  et  le  D'MaxUhle 
en  a  rencontré,  d'après  M.  Seler  (327),  à  Gasabindo,  Puna  de 


236  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

Jiijuy.  M.  Uhle  a  trouvé  ensemble  fies  flèches  à  jDointes  en  os 
et  à  pointes  en  silex,  ce  qui  démontre  que  les  deux  sortes  sont 
contemporaines.  M.  E.-H.  Gigiioli  (144,  p.  2^2)  mentionne  aussi 
deux  grandes  jDointes  de  flèche  en  os,  de  sa  collection,  qui 
probablement  sont  de  même  sorte  que  celles  que  nous  avons 
décrites.  Elles  proviennent  de  Sanagasta  (La  Rioja). 

hdifig.  13  i,  j  montre  deux  pointes  de  flèches  en  os  d'une 
autre  forme,  très  rare.  Ces  pointes,  de  o°'o65  de  longueur  et 
3  millimètres  d'épaisseur  seulement,  sont  faites  d'un  os  très  dur 
et  sont  polies  d'une  manière  très  spéciale.  Elles  sont  presque 
identiques  comme  forme  à  certains  os  des  grands  siluriens  du 
Rio  Paranâ,  et  j'ai  cru  d'abord  que  c'étaient  en  effet  des  os  de 
poisson,  importés  de  la  région  fluviale.  Je  fus  ainsi  amené  à 
soumettre  l'une  de  ces  pièces  à  l'examen  microscopique  de 
M.  le  professeur  Vaillant,  mais  il  obtint  un  résultat  tout  autre  : 
le  microscope  démontra  que  ces  pointes  étaient  faites  d'un  os 
long  de  mammifère,  probablement  de  lama.  Les  Indiens  ont  dû 
exécuter  un  travail  de  longue  haleine  pour  pouvoir  obtenir  de 
l'un  de  ces  os  des  flèches  aussi  minces. 

M.  Ambrosetti  (22,  p.  128)  a  figuré  sept  flèches  en  os  de  la 
collection  Martinez.  Elles  sont  larges  et  plates  comme  celles 
que  nous  avons  décrites,  mais  elles  varient  quant  à  leur  forme 
et  à  leur  longueur.  M.  Ambrosetti  les  suppose  fabriquées  de 
côtes  de  huanaco,  de  lama  ou  de  vigogne,  ce  qui  n'est  guère 
vraisemblable,  car  la  structure  spongieuse  des  côtes  rend  ces 
os  peu  aptes  à  fabriquer  des  pointes  de  flèches.  Sans  doute, 
ces  pointes  sont  faites,  comme  les  nôtres,  avec  des  os  longs. 

Objets  en  pierre.  —  La  hache,  y?^.  19,  en  grès  très  dur, 
bien  polie,  a,  comme  les  haches  typiques  de  la  région  diaguite 
[fixj.  5),  sa  gorge  formée  par  une  rainure  qui  n'entoure  pas 
toute  la  hache,  mais  cesse  sur  l'une  de  ses  faces  étroites.  Cette 
hache  a  o""  i3o  de  longueur,  o^^oS/i  de  largeur  maximum, 
o°°0/45  d'épaisseur  maximum  et  pèse  896  grammes. 

Le  petit  vase  en  stéatite,^^.  13  m,  a  o'"o44  de  hauteur  et 


LA  PAYA.  237 

o™o33  de  diamètre;  il  est  d'une  couleur  blanc  jaunâtre  et  pro- 
fondément creusé. 

La  ficj.  13  h  représente  une  série  de  perles  cylindriques  de 
turquoise,  couleur  vert  pomme.  La  perforation  de  ces  pièces 
d'enfdage  a  été,  d'après  la  méthode  générale  des  peuples  primi- 
tifs pour  perforer  les  pierres,  opérée  des  deux  côtés,  probable- 
ment en  faisant  tourner  sur  la  pierre  un  petit  bâton  avec  du 
sable  mouillé  au  bout.  Le  trou  est  plus  étroit  au  milieu  et 
forme  deux  cônes  qui  se  rencontrent  par  leurs  sommets. 

Céramique.  —  La  poterie  de  Lapaya  est  très  variée  comme 
forme,  qualité,  pâte,  style  et  décor.  On  peut  y  distinguer  : 
i'' grands  vases  à  parois  très  minces,  d'une  pâte  fine,  grisâtre 
ou  rouge  pâle,  décorés  avec  de  la  peinture  noire;  2°  poterie 
fine,  compacte,  rouge,  lustrée,  absolument  identique  à  un  cer- 
tain type  de  poterie  péruvienne;  3"  poterie  noire,  engobée  avec 
de  la  plombagine,  très  bien  lustrée;  4°  poterie  mince,  de  pâte 
noirâtre,  riche  en  mica;  5°  poterie  grossière  de  diiférentes 
pâtes.  Il  est  rare  de  trouver  dans  une  même  fouille  autant  de 
différentes  sortes  de  poterie. 

A  la  première  catégorie  appartiennent  plusieurs  vases  d'une 
forme  se  rapprochant  plus  ou  moins  de  celle  de  ces  vases  dits 
«  aryballes  » ,  qui  caractérisent  la  céramique  péruvienne  et  sur 
lesquels  je  reviendrai  page  296. 

Le  \asefi(j.  22  est  d'une  pâte  rouge  pâle,  àpatine  rouge  foncé, 
presque  brune.  Les  ornements  peints  en  noir  commencent  à 
la  base  du  goulot  par  une  bande  réticulée  diagonalement;  la 
zone  qui  suit  est  composée  de  grecques  alternant  avec  d'autres 
dessins  très  effacés;  dans  la  troisième  et  la  quatrième  zone,  on 
a  formé,  au  moyen  de  triangles  peints  en  noir,  des  bandes 
ondulées  de  la  couleur  du  vase;  la  première  de  ces  bandes 
ondulées  est  couverte  de  petites  figures,  surtout  d'une  espèce 
de  trident.  Une  tête  de  lama,  de  o™02  5  de  hauteur,  en  relief, 
est  placée  d'un  côté  du  vase  au-dessous  du  goulot.  Au  lieu  de 


238  ANTIQUITES  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

se  terminer  en  pointe  comme  les  vrais  aryballes,  ce  vase  a  un 
fond  plat  de  0^07  de  diamètre,  de  sorte  qu'il  peut  se  tenir 
debout  sans  support.  Il  a  ©""SgÔ  de  hauteur  et  o""  2o3  de  dia- 
mètre maximum  à  la  panse. 

Un  autre  vase,  dont  je  ne  donne  pas  la  figure,  est  de  la  même 
pâte  et  de  la  même  couleur,  presque  de  mêmes  forme  et  di- 
mensions, mais  il  n'a  pas  de  tête  de  lama  en  relief  et  les  zones 
horizontales  sont  ornées  de  spirales  ressemblant  à  celles  des 
xâsesfig.  23  et  24,  bien  que  tracées  avec  des  lignes  plus  fines. 
Ce  vase  se  termine  dessous  en  pointe.  Un  vase  exactement  de  la 
même  forme,  avec  une  tête  de  lama  en  relief  et  provenant  de 
Tarija  (Bolivie) ,  est  figuré  par  M.  von  Rosen  (316,  pi.  vu). 

Les  deux  vases ^^.  23  et  2â  sont  en  pâte  grisâtre  très  fine, 
mélangée  de  mica  très  pulvérisé.  La  patine  est  jaunâtre;  le 
décor  peint  en  noir  forme,  sur  le  premier  de  ces  vases,  deux 
et,  sur  le  deuxième,  trois  bandes  horizontales  composées  de 
volutes  assez  compliquées,  bien  qu'elles  ne  soient  pas  tracées 
avec  beaucoup  de  régularité.  Le  premier  vase  a  o™385  de 
hauteur  et  0°"  290  de  diamètre  maximum  à  la  panse ,  le  second 
o""  3 75  et  G™  290  respectivement. 

Le  \3ise  fig.  21  se  rapproche  davantage  des  aryballes.  Il  a 
0°"  38  de  hauteur  et  o'"2  6  de  diamètre  maximum  à  la  panse. 
Sa  patine  est  jaunâtre,  sa  pâte  rouge  pâle,  avec  beaucoup  de 
mica.  Il  se  termine  dessous  en  pointe,  et  il  est  pourvu  d'un  côté 
d'un  petit  mamelon  au-dessous  du  goulot.  Des  ornements  géo- 
métriques peints  en  noir  occupent  un  côté  du  vase  seulement; 
l'autre  côté  n'a,  en  fait  de  peinture,  que  celle  du  goulot. 

Dans  la  collection  de  Lapaya  publiée  par  M.  Ambrosetti  (22, 
p.  i33- 139) ,  plusieurs  vases  ressemblent  comme  forme  et  comme 
décor  à  ceux  que  je  viens  de  décrire.  La  poterie  de  ce  style 
occupe  la  première  place  à  Lapaya,  ce  qui  est  curieux,  parce 
que  le  décor  n'appartient  pas  du  tout  à  la  région  dioguite. 

A  la  même  catégorie  de  poterie  que  les  vases  décrits  ci-dessus 
appartiennent  aussi  plusieurs  petits  plats  ou  écuelles.  La  mieux 
décorée  est  celle  de  la  ficj.  25  qu'on  voit  d'en  haut  et  de  côté. 


LA  PAYA.  239 

Cette  écuelle  a  o™2  0  de  diamètre;  elle  est  d'une  pâte  fine, 
rouge  pâle,  à  patine  rouge.  Le  décor  peint  en  noir  montre 
les  mêmes  petites  figures  tridentées  que  le  vase  fuj.  22  et,  à 
l'extérieur,  les  volutes  du  vase  ficj.  24.  Les  mêmes  volutes  se 
rencontrent  dans  quatre  petites  écuelles,  dont  deux  sont 
données  par  les  ficj.  27 h  et  28  h,  mais  elles  n'ont  aucun  décor 
intérieur;  la  pâte  defune  d'elles  est  jaunâtre,  celle  des  autres, 
rouge  pâle. 

Dans  la  première  catégorie  se  range  encore  le  platy?^.  29  de 
o'"  1  70  de  diamètre,  en  pâle  rouge  pâle  et  patine  jaunâtre,  dé- 
coré de  peintures  noires  et  d'une  tête  rudimentaire  de  canard 
formant  anse.  Le  petit  plat /^.  28  j,  de  o^^ogy  de  diamètre, 
est  d'une  couleur  rouge  vif  avec  une  bordure  intérieure  de 
grecques  en  noir  et  une  bordure  extérieure  composée  d'une 
sorte  de  points  d'interrogation  horizontalement  renversés. 
L'anse  est  une  tête  de  lama  bien  modelée  avec  cou  perpendi- 
culaire, garni  d'un  collier  peint  en  noir.  Le  petit  \a.sefig.  28  f 
est  d'un  ton  plus  brun  que  les  autres,  très  brillant,  avec  des 
ornements  géométriques  en  noir.  Deux  petits  vases  presque 
de  mêrnes  (orme  et  décor,  fun  provenant  de  Fuerte  Quemado 
et  l'autre  de  Loma  Rica  (Vallée  de  Yocavil),  sont  figurés  par 
MM.  Liberani  et  Hernândez  (217,  pi.  22,  ^?.?^)  et  par  M.  Ameghino 
(32,1,  p.  539,fig.  333,  336). 

La  deuxième  catégorie  de  poterie  de  Lapaya  est  représentée 
seulement  par  la  tasse  dont  un  grand  fragment  est  donné  fi(j.  26. 
Elle  a  o"'o75  de  hauteur  et  le  diamètre  a  été  de  o'"  120.  La 
pâte  est  très  hne  et  compacte,  très  rouge,  et  fengobe  égale- 
ment d'un  rouge  brillant.  Le  décor  est  une  borduie  en  trois 
couleurs  :  blanc,  noir  et  vermillon.  Cette  bordure  est  com- 
posée d'une  bande  blanche  en  haut,  puis  d'une  bande  noire 
ornée  d'une  lii»ne  blanche  brisée,  et  enfin  (fune  troisième 
bande  divisée  en  carrés  de  deux  sortes  alternant  entre  eux  :  des 
carrés  remplis  de  triangles  noirs  et  blancs  et  des  carrés  blancs 
avec  des  raies  perpendiculaires  couleur  vermillon.  Cette  pièce 


240  ANTIQUITES  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

est  identique  comme  forme,  dimensions,  pâte,  couleur,  décor, 
à  une  tasse  du  Musée  national  de  Montevideo,  provenant  de 
Guzco.  Les  deux  tasses  sont  tellement  pareilles  qu'on  les  confon- 
drait, si  notre  tasse  de  Lapaya  était  entière.  Il  n'est  guère  pos- 
sible que  cette  pièce  ait  été  fabriquée  à  Lapaya;  certainement 
elle  y  a  été  introduite  du  Pérou. 

A  notre  troisième  catégorie  correspondent  les  deux  vases 
fig.  21  (j  et  h;  le  premier  a  o""  1 3o  de  hauteur  et  o°'  1 20  de  dia- 
mètre maximum  à  la  panse;  le  deuxième,  o™i5o  et  o""!  26  res- 
pectivement. Ces  vases  sont  très  bien  engobés  avec  de  la  plom- 
bagine fort  noire,  ce  qui  leur  donne  un  joli  aspect  très  brillant. 
Les  vases  de  cette  forme  ne  sont  pas  rares  dans  toute  la  région 
andine.  Le  Musée  du  Trocadéro  en  possède  un ,  de  couleur  rouge 
brun,  de  la  République  de  l'Equateur  (n*'  9766  du  catalogue). 

Les  vases  à  piedy?^.  28  aei  c  forment  notre  quatrième  caté- 
gorie. Ils  sont  d'une  poterie  noirâtre , riche  en  mica,  bien  cuite, 
de  pâte  homogène,  sans  patine.  Chacun  de  ces  vases  présente, 
du  côté  opposé  à  l'anse,  près  du  bord,  deux  petits  mamelons 
circulaires  avec  un  petit  creux  au  centre.  On  les  voit  bien  sur 
^^jî(]'  28  a.  Le  vase  a  a  o"'i35  de  hauteur  et  o™o85  de  dia- 
mètre intérieur  à  l'ouverture;  le  vase  c,  respectivement  o™i8o 
et  0°"  1 12.  Notre  collection  de  Lapaya  comprend  un  troisième 
vase  de  cette  forme,  et  M.  Ambrosetti  (22, p.  132)  en  mentionne 
trois  autres  trouvés  par  M.  Martinez.  M.  Ambrosetti  (23,  p.  56, 
lig. /i3fl)  ligure  aussi  un  de  ces  vases  originaire  de  Cochinoca, 
sur  le  haut  plateau,  et  M.  Ameghino  (32;  i,  p.  538;  pi. xf,%.  33o), 
d'après  MM.  Liberani  et  Hernândez  (217,  pl.  i3),  un  autre,  de 
Loma  Rica.  M.  Médina  (234,%.  182)  en  donne  un  autre  de  Frei- 
rina,  entre  Copiapé  et  Coquimbo  (Chili).  Le  D""  Hamy  (160; 
pl.  XXXIV,  fig.  108)  représente  un  vase  de  la  même  forme,  avec  un 
couvercle,  trouvé  à  Copacabana  par  M.  Théodore  Ber.  Ce  vase 
a  cependant  une  petite  anse  à  l'endroit  où  sont  situés  les  ma- 
melons sur  ceux  de  Lapaya.  D'autres  vases  de  la  même  forme. 


LA  PAYA.  241 

d'ïnfaiîtas  (Pérou)  et  de  l'île  de  La  Plata  (Equateur),  sont 
figurés  par  MM.  Wiener  (377,  p.  597)  et  G.  A.  Dorsey  (119,  p.  -^58. 
lig. /n).  Celui  de  l'île  de  J^a  Plata  est  pourvu  d'un  couvercle. 
Deux  autres  spécimens  de  la  République  de  l'Equateur  ont  été 
publiés  par  M.  Anatole  Banips  (50 .  [).  1 1 7. 1  u5 :  pi.  vm ,  fi-,  -i ,  ii  xvi,  % 5). 
L'un  de  ces  vases  provient  d'Imbabura,  au  nord  de  Quito. 
Enfin  un  dernier  spécimen  a  été  rapporté  récemment  par  le 
D'  Rivet,  de  Cuenca  (Equateur).  Les  spécimens  deCopacabana 
et  de  l'Equateur  sont  d'une  fabrication  plus  perfectionnée  que 
ceux  de  la  République  Argentine. 

La  cinquième  catégorie  de  poterie  de  Lapaya  consiste  en 
pièces  de  différentes  formes  et  structure,  toutes  d'une  fabrica- 
tion plus  ou  moins  grossière.  Les  pâtes,  noires,  grises,  rouges, 
plus  ou  moins  riches  en  mica,  sont  différentes  dans  les  diverses 
pièces,  ce  qui  semble  démontrer  qu'elles  ont  été  fabriquées 
en  des  localités  distinctes.  Les  vases  fi(j.  27  a  et  cl  offrent  les 
striures  très  visibles  d'un  racloir  à  dents,  tandis  que  les  écuelles 
ficj.  281),  d,  c,cj,  i  sont  relativement  lisses;  une  ou  deux  d'entre 
elles  ont  f  intérieur  engobé  avec  de  la  plombagine.  L'écuelle  </ 
est  pourvue  d'une  anse  en  forme  de  tête  d'oiseau. 

L'écuelle y?^.  28  c  et  ,9(^  a  o""  2  20  de  diamètre  maximum;  son 
fond  plat,  de  o'"ioo  de  diamètre,  a  été  posé  sur  une  claie  de 
vannerie  pendant  le  moulage.  La  fnj.  28  e  montre  cette  écuelle 
au  tiers  de  sa  grandeur  naturelle;  la//^.  ^W  reproduit  la  même 
écuelle  à  la  moitié  de  la  grandeur  naturelle  et  vue  du  dos,  pour 
montrer  les  empreintes  de  la  vannerie  sur  le  fond. 

Le  gobelet  à  une  anse,  Jig.  27 c,  mérite  une  mention  spéciale. 
11  a  o™  i5o  de  hauteur  et  o'"  io3  de  diamètre  à  l'ouverture.  La 
pâte  est  grisâtre,  sans  engobe  et  sans  patine;  la  surface  est  lisse. 
Cette  forme,  tellement  rapprochée  de  celle  de  certains  objels  de 
poterie  moderne,  est  rare  dans  farchéologie  sud-américaine. 
M.  Ambrosetti  (23,  p.  57-68,  fig.  43  a)  donne  la  figure  d'un  gobelel 
de  cette  forme,  de  Cocbinoca,  et  j'ai  vu  dans  les  groltes  funé- 
raires de  Sayate  des  fragments  de  vases  semblables.  Le  Musée  (bi 
I.  16 


242  ANTIQUITÉS  ])E  LA  RÉGION  ANDINË. 

Trocadéro  ne  possède  pas  de  spécimens  de  ce  type  d'aucune 
localité  de  l'Ainérique. 

A  la  poterie  gi'ossière  nous  devons  ajouter  aussi  la  petite 
pièce  y?^.  27  f,  qui  a  peut-être  servi  de  lampe.  Son  diamètre 
maximum  est  de  o"  i  o5 ,  et  celui  de  l'ouverture,  de  o"'02  5  ;  elle 
est  d'une  pâte  rougeâtre,  jaune  à  l'extérieur,  avec  une  bordure 
peinte,  maintenant  presque  effacée.  La  pièce //</.  27 c  est  faite 
de  la  même  sorte  de  poterie.  Ayant,  comme  la  précédente,  des 
bords  recourbés  vers  le  centre,  elle  est  peinte  avec  une  rangée 
de  grecques  noires,  d'une  exécution  très  imparfaite,  d'ailleurs. 
L'ouverture,  de  o"'o63  de  diamètre,  s'entoure  de  deux  bras 
humains  en  relief,  rudement  modelés,  et  se  terminant  chacun 
par  trois  doigts.  Au  milieu  de  la  ligne  en  relief  formée  par  ces 
bras,  il  y  a  une  cassure  où  devait  être  j)lacée  une  tête  qui  sûre- 
ment correspondait  aux  bras.  Les  deux  pièces  que  nous  venons 
de  décrire  ont  beaucoup  d'analogie  avec  la  céramique  commune 
du  département  de  Sauta  Alaria. 

Coquillage.  —  Une  valve  de  Pecten  piirpiiratus ,  Lmck.  [fig.  20  ) , 
a  été  trouvée  avec  les  objets  que  nous  avons  énumérés.  C'est 
une  espèce  marine  qui  vit  dans  le  Pacifique.  Comme  les  autres 
coquillages,  par  exemple  les  Oliva,  que  livrent  les  tombeaux 
(le  ces  régions,  ce  Pecten  est  une  nouvelle  preuve  des  rela- 
tions entre  les  divers  peuples  préhispaniques  de  l'Amérique 
du  Sud. 

Une  monnaie  romaine.  —  Parmi  les  objets  que  M.  Delgado  a 
déterrés  à  Lapaya,  il  se  trouve  une  monnaie  romaine  en  bronze, 
à  l'effigie  de  l'empereur  Constantin  le  Grand(3o7-337  de  notre 
ère)^'^  D'après  Delgado,  cette  monnaie  fut  rencontrée  à  i*"  de 

'''  La  monnaie  porte  le  buste  casqué  sur  lequel  sont  inscrits  les  mots  :  VOT  ' 

de  l'empereur  à  droite  et  autour  Tinscrip-  P  •  R*  (  Vola  Popiili  Romani).  A  l'exergue, 

tion  :  IMP-  CONSTANTINVS  AVG-  la  m.arque  d'atelier.  M.  Babolon,  membre 

Au    revers    :      VICTORIAE     LAET*  de  l'Institut  et  conservateur  du  Cabinet  dos 

PRINC'      PERP*    avec     deux    Victoires  médailles  de  la  Bibliothèque  nationale,  a 

tenant,  au-dessus  d'un  autel,  un  bouclier  bien  voulu  déterminer  cette  monnaie. 


LA  PAYA.  243 

profondeur,  cesi-à-dire  à.  2°"  au-dessus  des  objets  que  nous 
\enons  de  décrire.  Bien  que  la  présence  de  cette  monnaie  soit 
tout  à  fait  surprenante,  je  n'ai  aucune  raison  de  douter  de  la 
véracité  des  informations  de  M.  Delgado  sur  les  circonstances 
dans  lesquelles  elle  a  été  trouvée,  Delgado  n'avait  pas  les  con- 
naissances nécessaires  pour  comprendre  la  valeur  de  la  monnaie 
trouvée  au  cours  de  ses  fouilles  dans  des  ruines  préhispaniques. 
Il  n'y  attachait  aucune  importance,  et  il  me  l'a  jnontrée  tout 
naïvement  comme  une  monnaie  des  gcntiles,  en  exprimant 
son  regret  que  ceux-ci  n'aient  pas  enterré  aussi  des  monnaies 
d'or.  Les  paysans,  d'ailleurs,  ont  en  général  la  croyance  que 
les  Indiens  préhispaniques  avaient  de  la  monnaie.  On  trouve 
quelquefois  dans  ces  régions  des  pots,  remplis  d'anciennes 
monnaies  d'or  et  d'argent,  enterrés  par  les  premiejs  Espagnols, 
et  les  paysans  croient  toujours  que  ces  trésors  ont  appartenu 
aux  (jenliles. 

De  nos  jours,  il  n'y  a  sûrement  personne  dans  la  Vallée 
Calchaquie  qui  fasse  des  collections  numismatiques.  Il  est  im- 
230ssible  qu'une  monnaie  romaine  soit  arrivée  à  Lapaya  du  lait 
d'une  collection. 

La  patine  de  la  monnaie  est  semblable  à  celle  des  outils  pré- 
hispaniques en  cuivre  que  nous  avons  décrits,  ce  qui  confirme 
la  déclaration  de  M.  Delgach)  (ju'il  l'avait  trouvée  enterrée  au 
même  endroit  que  les  outils. 

Naturellement  je  suis  loin  de  croire  que  cette  monnaie 
romaine  soit  arrivée  dans  la  Vallée  Calchaquie  avant  la  con- 
(juête  espagnole  et  (ju'elle  ait  appartenu  aux  propriétaires  pré- 
hispaniques  des  trésors  de  Lapaya.  Vraisemblablement,  c'est 
un  des  premiers  Espagnols  parvenus  dans  la  région  qui  l'a 
perdue  en  fouillant  le  sol  de  la  maison  de  Lapaya.  Elle  y  est 
restée  jusqu'à  ce  que  les  chercheurs  modernes  de  trésors  l'aient 
découverte.  En  tout  cas,  la  trouvaille  de  cette  moiiiKiic  n'est 
pas  dépourvue  d'intérél,  parce  qu'elle  constitue  un  souvenir 
de  la  présence  des  Européens  dans  la  Vallée  CalclKupiic  à  une 
épofjue  reculée. 

iG. 


244  ANTIQUITÉS   DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

Résumé.  — Les  renseignements  de  M.  Delgado  consignés  au 
commencement  de  ce  chapitre  démontrent  que  les  pièces  exliu- 
mées  dans  la  construction  princij^ale  des  ruines  de  Lapaya  ne 
faisaient  point  j^artie  d'une  sépulture.  Ces  nombreux  et  beaux 
objets  en  métal  et  en  poterie  fine  constituaient  sans  doute,  à 
répoc[ue  prélîisjjanique ,  pour  teur  valeur  intrinsèque  et  pour 
leurs  mérites  artistiques,  un  Yérital)le  trésor.  Mais  ce  trésor, 
pourquoi  fa-t-on  enterré  dans  cette  maison  ?  Je  ne  peux  m'ex- 
pliquer  ce  fait  que  par  fliypotlièse  d'une  cachette.  Les  pro- 
priétaires auraient  dissimulé  leurs  richesses  sous  le  sol  de  leur 
habitation,  pendant  quelque  rébellion  des  Diaguites  contre 
leurs  sauverains  péruviens  ou  peut-être  à  fentrée  des  Espagnols 
dans  le  pays. 

Plusieurs  pièces  appartenant  à  ce  trésor  sont  nettement  pé- 
ruviennes. Ainsi  les  aigrettes  en  or  et  un  bon  nond3re  de  pote- 
ries, parmi  elles  la  tasse y?^.  26 ,  les  vases  aryballoïdes ,  les  vases 
à  ipiedficj.  28  a,  c  et  les  vases  noirs  lustrés  y?^.  27  (j ,  h.  Au 
contraire,  la  cloche  est  une  pièce  caractéristique  de  la  métal- 
lurgie diaguite,  et  quelques  pièces  de  poterie,  des  moins  im- 
j)ortantes,  comme  celles  représentées  y/^/.  27  c,  f,  rappellent 
la  céramique  commune  de  la  Vallée  de  Yocavil.  Mais  les  pièces 
de  type  péruvien  offrent  un  ensemble  si  bien  défini,  qu'on 
est  tenté  de  se  demander  si  elles  n'ont  pas  été  importées  de 
Cuzco  dans  la  Vallée  Calchaquie.  Cette  hyj)othèse  est  cor- 
roborée par  la  position  de  Lapaya  sur  la  route  incasique  cpii 
menait  au  Chili.  Il  n'est  pas  du  tout  invraisemblable  que  le 
trésor  de  Lajoaya  ait  appartenu  à  fun  des  représentants  de 
rinca  qui  aurait  apporté  avec  lui,  du  Pérou,  un  certain  nombre 
de  bijoux  et  d'ustensiles,  et  qui  aurait  acquis,  pendant  son 
séjour  en  pays  diaguite,  d'autres  objets  de  valeur  provenant 
de  findustrie  locale. 

M.  Ambrosetti  attire  fattention  sur  la  similitude  existant 
entre  j)lusieurs  poteries  de  Lapaya  et  d'autres  exhumées  à 
Freirina,  entre  Copiapô  et  Cocjuimbo  (Cliili).  En  effet,  comme 
nous  l'avons  dit,  un  vase  à  j)ie(\,  pareil  à  ceux  de  Lapaya,  a 


LA  PAYA.  245 

été  trouvé  à  Freirina,  et  l'on  constate  aussi  des  analogies  frap- 
pantes entre  rornementation  de  quelques-unes  des  poteries  de 
Lapaya  et  celle  d'un  petit  vase  de  Freirina,  figuré  par  M.  Mé- 
dina (234,  fig.  i65)  et  reproduit  par  M.  Ambrosetti  (22,  p.  189, iig.  35). 
Les  volutes  doubles  de  nos  pièces  fuj.  23 ,  24,  25  et  27  b  se 
retrouvent  à  l'extérieur  de  ce  vase  qui,  à  l'intérieur,  présente 
les  mêmes  petites  ligures  tridentées  que  nos  poteriesy?^.  22  et 
25  et  que  plusieurs  pièces  reproduites  par  M.  Ambrosetti  [ibid., 
fig.  20-26).  Le  signe  noir  terminé  des  deux  côtés  par  des  cornes 
recourbées  qu'on  remarque  sur  le  platy/(/.  25,  dans  le  secteur 
à  droite  en  bas,  se  retrouve  aussi  sur  la  pièce  de  Freirina.  Ce 
signe  se  voit  encore  sur  trois  des  poteries  de  Lapaya  publiées 
par  M.  Ambrosetti  (fig.  20, 22.  20),  où  il  se  complète  de  manièi-e 
à  former  une  sorte  de  ligure  d'oiseau.  Eidin  la  pièce  de  l''n;i- 
rina  montre  un  autre  genre  d'oiseau  que  répètent  deux  des  pote- 
ries publiées  par  Ambrosetti  (fig.  21,  2/1).  Ces  analogies  si  notables 
dans  le  décor  de  certaines  céramiques  de  Laj)aya  et  d'une 
poterie  du  Chili  ne  peuvent  pas  être  l'œuvre  du  hasard.  Toutes 
ces  pièces  furent  sans  doute  fa])riquées  au  même  endroit  et 
peut-être  par  le  même  artiste.  Dans  cette  rencontre,  M.  Ambro- 
setti veut  voir  une  preuve,  même  une  évidence,  que  les  do- 
maines des  «  Calchaqiiis  »  s'étendaient  jusqu'à  la  partie  centrale 
du  Chili.  Cette  hypothèse  est  vraiment  trop  subtile.  Nous  pré- 
férons admettre  que  quelques-unes  des  poteries  péruviennes 
de  Lapaya  furent  transportées  le  long  de  la  route  des  Incas  jus- 
qu'à leurs  possessions  chiliennes.  Du  reste,  presque  toutes  les 
pièces  provenant  de  Freirina  sont  de  pur  type  péruvien.  Toutes 
concourent  à  justifier  l'opinion  du  D""  R.  A.  Philippi  286)  sui- 
vant lequel  «  toutes  les  poteries  décorées  ou  de  formes  arlisti- 
(pu's  trouvées  au  (]hili  sont  d'origine  péruvienne  ou  au  moins 
(les  imitations  de  modèles  ])éru\iens  ».  f^es  statuettes  eu  or 
et  en  argfMit,  exhumées  des  sépultunvs  de  Freii'ina  et  figurées 
par  M.  Vledina  (234,  fig.  i38-x42),  sont  aussi  absolument  caracté- 
risticpics  (le  l'art  péruvien,  soit  comme  forme  et  comme  traits 
des  j^jersounages  repré.sentés,  soit  comme  tcchnicpie.  Ces  sta- 


2'4r)  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

tuettes  prouvent  jusqu'à  l'évidence  l'origine  péruvienne   des 
sépultures  de  Freirina. 

M.  Martinez  et  son  Maître-Jacques  avaient  présenté  à  M.Am- 
brosetti  une  molaire  de  cheval  actuel,  qui  d'après  eux  accom- 
pagnait les  objets  qu'ils  ont  exhumés.  Si  cette  dent  figurait 
vraiment  dans  le  matériel  de  Lapaya,  elle  indiquerait  que  la 
cachette  n'est  pas  23réhispanique,  ce  qui  est  possible.  Mais 
l'authenticité  de  cette  dent  est  extrêmement  douteuse.  Mes  com- 
pagnons de  voyage  de  1902  m'assuraient  que  c'était  «  une  dent 
du  cheval  de  Don  Diego  de  Almagro,  tombé  dans  la  bataille 
de  Chicoana  »  ! 


Pi..  VT 


I-'ig.   ,;•,.  —  Lii|)iiy;i.  01)jols  en  or  (c,  /",  </)  ;  en  cuivre  (/'.  C  /,  n,  n];  on  os  [a,  i.  j.  h] 
cil  bois  ((/);  en  pierre  (A.  m).  —  i/i  gr.  nal. 


Pl.  vn. 


F.Lr.     ./,.- 


liipaya.  C.loclie,  liaclic  à  oi'cilli's  ri   liacli 
1,.)  irr.  liai. 


|ic(lcini'lllr  irlilrjil  ;  en    cillM 


Pl.  vm. 


l'Ii;.  iT).  —  a.  Ilaolio  on  cuivre,  à  pcdonciilfi  roiUral ,  Pininimclirc.  Cliiclayi)  (riiiim'i  ,.  — 
.■')/i  1  m'.  liai.  —  /).  Modèle  ancien,  on  ciiivi'C,  do  liadio  à  oreilles,  emnianclié.  liaiil-Péron. 
()ri^inal  à  Madrid;  moulage  au  Trocadéro.  —   1/2  gr.  nal. 


Kii:.  il'..  — 


San   {''ernando  (  Relen  ,  (',alainarca\  ironie  en   lerre  mile  pmir  cniil 
des  liaclios  à  oreilles.  —  \  ■>  iri".  nal. 


Pl.  L\. 


Fig.  17.  —  Lapaya.  Tiinhalr  en   l)ois  laqué  et  rpronsliliilion  de  smi  dessin.  —   i/'j  <j,v.  nat. 


a  b 

Fig.  18.  —  Lapaya.  Pclitcs  (inihales  en  l)oi.s 


3  o  «jr.  nal. 


Fig.    1  (J.     —   I,a|)a\;i.    Iliiclic   ilc   j> 
1/2  gr.  nal. 


Fig.  20.  — •  l^apaya.  (i<i(|iiillc  marine  Pcctcn  pur- 

puralus  Liiik.)  trouvée  dans  les  iiiines. 

1/2  gr.  nal. 


Pl.  X. 


Fig.  2  1.  —  Lapaya.  N'ase  arybalhjïde.  —  i/4  gr.  iia( 


Fig.  22.  —  Lapaya.  \  aso  en  Inic  ciiile.  —  i/3  gr.  nal. 


Pl.  XI. 


) 


Fig.  23.  —  Lapaya.  Vase  en  terre  ciiile.  —  1//1  gr.  nal. 


Fig.  24.  —  Lapaya.  \  ase  on  Icrrc  ciiile.  —   i/'i  g 


V.  liai. 


Pl.  XII. 


Fig.  2  5.  —  Lapaya.  Plal  en  terre  cuite.  —   1/2  t,n-.  iial. 


Fig.  2().  —  Lapava.  Tasse  en  leri'e  mit 


•iiite.  —   1/2  gr.  liai. 


Pl.  XIII. 


'il,'.   •}.-.  —  Lapava.  l'olcrics.  —    i/3  gr.  iial. 


I^i..  M\ 


Fig.  '(S.      -  [.;i|)a\;i.  Poteries.  —   i/'.\  gr.  iial. 


Pi..  XV 


Fig.  29.  —  Lapaya.  Plat  en  l(M-ri'  mile.  —    1/2  gr.  nal. 


rig.  3o.  —  Lapaya.   ilriicllc  de  la  //</.  2S  <■ .  \nrscnlvc,  par  \r  d"^  pour  niciiilni-  1rs  ciuprcinlc 
(le.  vamici'ic  du  Ibiul.  —   1/2  gr.  iial. 


VALLÉE   DE   LERMA 


LA  VALLEE  DE   LERMA. 

J'ai  pris  comme  point  de  départ  de  mon  voyage  la  ville 
de  Salta  où  je  suis  arrivé  de  Buenos-Aires  par  chemin  de  fer. 
Cette  ville  est  située  dans  la  partie  boréale  de  la  Vallée  de 
Lerma,  à  24"  àCV  20"  latitude  Sud  et  Gy"  f\\'  33"  longitude 
Ouest  de  Paris,  à  environ  1 ,200"'  d'altitude  au-dessus  du  niveau 
de  la  mer. 

La  \  allée  de  Lerma  a  quelque  60"^'"  de  longueur  du  Nord 
au  Sud  et  une  largeur  de  gô"^""  dans  sa  joartie  la  plus  large.  Elle 
est  encaissée  de  tous  côtés  entre  d'assez  hautes  montagnes ,  der- 
niers  contreforts  orientaux  de  la  Cordillère;  à  quatre  ou  cinq 
endroits  seulement,  ces  montagnes  sont  traversées  par  d'étroits 
défilés  permettant  l'accès  flans  la  vallée.  Le  plus  large  de  cesdé- 
fdés  est  la  Puerta  de  San  Bernardo  de  Di'az,  par  laquelle  on 
entre  dans  la  Quehrada  de  las  Couchas  ou  de  Guachipas.  Cette 
quebrada  se  dirige  vers  le  Sud  et  aboutit  dans  la  Vallée  Calclia- 
quie  près  de  Cafayate. 

Le  sol  de  la  Vallée  de  Lerma,  comjDosé  d'alluvions,  est  tout 
à  fait  plat,  excepté  dans  les  environs  du  village  de  Cerrillos, 
où  quelques  collines  dressent  leurs  sommets  d'une  centaine  de 
mètres  de  hauteur. 

Plusieurs  petites  rivières  et  torrents  descendent  des  mon- 
tagnes dans  la  vallée  où  ils  se  réunissent  et  foiment  le  Puo 
Pasaje  ou  Juramento,  qui  quitte  la  Vallée  de  Lerma  par  une 
gorge,  traverse  les  plaines  argentines  et  va  se  jeter  dans  le  Rio 
Paranâ  sous  le  nom  de  Rio  Salado.  Les  petites  rivières  creusenl 
parfois  d'assez  profonds  ravins  dans  l'alluvion,  formant  ainsi  de 
hautes  berges  nommées  dans  la  langue  du  pays  des  barranras''^\ 

'"'  Collo    (oriTialion    flo    fondrières    est  lui  a|)|)li<|uor  un  mol  de  la  ferniinolo<,Me 

très  particulière  aux  plaines  irallnvions  de  géo(^Ma|)lii(|ui'    ou     <,'éolof,M(|ue     française. 

rAmérique  du  Sud,  et,  en  raison  de  ses  Pour  ce  niolif,   j  a(l()|>lcrai   donc   le   nom 

caractères   particuliers,   il   est  dilVKilc   de  du  |>aN>:  humuHii. 


250 


ANTIOI  ITÉS  DE  LA  RÉGION   ANDTNE. 


Partout  s'allongent  d'anciens  lits  (le  rivières,  aujourd'hui  à  sec, 
renfermés  entre  des  barrancas.  On  voit  que  les  eaux  ont  souvent 
changé  de  cours,  ce  qui  est  très  naturel  étant  données  la  sur- 
face plate  et  horizontale  et  la  friabilité  du  sol. 

Le  tableau  suivant  donne  une  idée  du  climat  de  la  Vallée  de 
Lerma.  11  est  dressé  d'après  dix  ans  d'observations  faites  à  Salta 
pour  le  Bureau  central  de  météorologie  de  la  République  Ar- 
gentine, et  publiées  par  son  directeur,  M.  W.-G.  Davis  (114,p.2i  i 


cl  SUIV. 


MOIS. 

TEMPÉr.ATUR 

E  C) 

aiMSllM. 

PRESSION 

BAr.O- 
MÉTnltJUE 

moyenne. 

HUMIDITÉ 

ATMO- 
SPHÉRIQUE 

moyenne. 

l'I.UIE 

MOÏE>NE. 

MOÏEKNE. 

MAXIMIU. 

degrés. 
2  2 

2  1     5 
20 

'7 
l'i 

10  5 

11  5 
i4 
17 
19 

21  5 

22  5 

degrés. 

'i3 
38 
35 
3o 
3n 

29 
28 
33 
35 
35 
38 
38 

degrés. 
10 

I  2 
10 

:) 

-'1 

-G 

—0 

—2 
1 
5 
8 

I I 

millini. 

660   58 

660  89 

661  l3 
661     90 

66 1  96 
663  20 

662  85 
662   22 
662    23 
661   \i 

660  29 
669  90 

661  55 

78     1 

80  8 
82    1 
78  5 
76  5 

7'   9 
66  3 
62   h 

62  2 

63  2 
66  8 

71 

milUm. 
1-Vl 
l38 

117  5 

22     5 

9 

0  5 
0 
2 

7  5 
11    5 

'17   5 
7'' 

Mars 

Avril 

Mai 

Juillet 

Septembre 

Octobre 

Novembre 

Décembre 

Toute  l'année 

17  5 

43 

-6 

7'    7 

57/. 

(')  Les  maxima  et  les  miniina 
cliiffres  ne  représentent  donc  pa 

sont  ceux  qui  ont  été  enregi 
s  les  vrais  maxiina  et  minima. 

très  aux  lieure 

s  des  observât! 

Dns  ,  trois  fois 

lar  jour.   Ces 

Ainsi  la  temj)érature,  qui  présente  de  grandes  variations, 
est  assez  élevée,  sans  être  excessivement  chaude.  Le  climat  est 
sec;  la  pluie  peu  abondante.  Pendant  les  trois  mois  d'hiver  : 
juin,  juillet  et  août,  elle  est  presque  nulle,  et  ce  n'est  qu'en 
décembre,  janvier,  février  et  mars  qu'il  y  a  des  pluies  dont 
il  faut  tenir  compte.  Cependant  il  est  probable,  comme  nous 
favons  déjà  remarqué  en  parlant  de  la  région  diaguite,  que  la 
pluie  était  jadis  |)his  abondnntc 


VALLEE  DE  LERMA.  251 

La  terre  est  très  fertile,  mais  elle  ne  peut  être  cultivée  sans 
irrigation  artificielle,  car  la  pluie  n'est  pas  suffisante  par  elle- 
même  pour  la  culture.  Le  territoire  de  la  vallée  est  divisé  entre 
un  petit  nombre  de  propriétaires.  Leurs  propriétés,  relative- 
ment grandes,  sont  appelées  des  haciendas.  On  y  cultive  du 
maïs,  du  tabac,  du  blé,  et  surtout  de  la  luzerne.  Celle-ci  sert  à 
engraisser  le  bétail  élevé  dans  les  estancias''^^  des  montagnes, 
qui  doit  passer  cpielques  mois  dans  les  champs  de  luzerne  de 
la  vallée  afin  de  pouvoir  supporter  le  long  voyage  à  travers  les 
déserts  du  haut  plateau  et  les  chaînes  neigeuses  de  la  Cordillère 
avant  d'être  vendu  au  Chili ,  où  la  production  de  viande  est 
presque  nulle  dans  les  provinces  du  Nord.  Cette  exportation 
du  bétail,  pratiquée  sur  une  grande  échelle,  constitue  fune  des 
principales  ressources  de  la  Vallée  de  Lerma.  Les  chevaux  et 
mulets  sont  élevés  aussi  dans  les  haciendas  depuis  les  premiers 
temps  de  la  colonisation  espagnole.  Lozano  (220,  i,  p.  181)  dit  que 
tous  les  ans  on  exportait  de  Salta  au  Pérou  des  milliers  de 
mulets  provenant  des  provinces  de  Tucuman  et  du  Rio  de  la 
Plata.  Ces  mulets  devaient  rester  un  hiver  dans  la  Vallée  de 
Lerma  ou  aux  environs  de  Jujuy  pour  être  remis  en  bon  état 
avant  d'être  envoyés  sur  le  haut  plateau  aride  du  Pérou ,  où  ils 
étaient  soumis  à  de  rudes  travaux. 

Dans  les  parties  non  cultivées  du  sol,  la  végétation  est  pauvre. 
Elle  consiste  en  arbustes  et  en  de  rares  graminées.  Cà  et  là,  il 
y  a  aussi  une  végétation  arborescente  composée  d'arbres  peu 
élevés  et  d'arbustes  disséminés  dans  la  plaine.  La  plupart  de 
ces  arbres  sont  des  Cccsalpinées,  entie  autres  plusieurs  espèces 
(\' Acacia  et  de  Prosopis.  Les  ai-bustes  appartenant  au  genre  Ccllis 
sont  communs,  ainsi  que  le  churqni  (^Prosopis  ferox,  Griseh.). 
Parmi  les  arbres  non  cultivés,  le  cochiicho  i^ZanthoxyJum  (lovo, 

'"'  Les  cstunrids  sont  les  |ii()|)ii(''l('s  où  s|)onlan(''(>  est  moins  pauvre  en  licrhcs  (|iic 

il  n'y  ii  pas  de  ciillnic,  niais  (pii   scMvcnt  dans    la    terre  hasse.  Le  mol  lunicmin  ,  en 

exclnsivemont   ponr    rdeva^^c   à   hase    de  français  «^'ran<,'0»,  osl  en  iisaj^e  en   lioli- 

lonrraj^o  j)rodnit  spontanément  par  le  sol.  vie,  en  .'njny  et  en  Salta;  en   Catainaiva 

En    Salta,   les    eatamids    sont   tonjonis   si  el  pins  .m  Snd  ,  on  emploie  plutcM  le  hhiI 

Inées  dans  les  nionlai^nes  où  la  véi^élalion  fiiitn. 


252  ANTIQUITES  DE  E\    REGION  ANDINE. 

GUI.)  est  celui  qui  atteint  la  pins  grande  hauteur,  quelquefois 
jusqu'à  huit  ou  dix  mètres. 

La  population  actuelle  de  la  Vallée  de  Lerina  est  composée 
pour  la  plus  grande  partie  de  métis  dont  la  proportion  de  sang- 
indien  est  de  beaucoup  supérieure  à  celle  de  sang  blanc.  Mais 
leur  origine  n'est  pas  du  tout  homogène.  Ils  descendent  de 
métis  immigrés  de  toutes  les  provinces  de  l'intérieur  de  la  Ré- 
publique Argentine,  d'Indiens  de  la  Puna  et  d'Indiens  et  métis 
boliviens.  Ces  descendants  de  tant  d'éléments  ethniques  diffé- 
rents présentent  naturellement  des  types  très  divers.  L'espagnol 
est  la  seule  langue  parlée;  le  quichua  est  tout  à  fait  oublié,  sauf 
des  personnes  immigrées,  par  exemple  les  Boliviens,  qui  l'ont 
appris  dans  leur  pays.  La  population  de  la  Vallée  de  Lerma,  cal- 
culée d'après  le  dernier  recensement  général  de  la  République 
Argentine  (37),  en  1890,  s'élève  à  3 2,000  habitants  environ 
dont  16,672  pour  la  ville  de  Salta.  Parmi  les  personnes  recen- 
sées, 1,280  sont  nées  en  Bolivie,  5^2  dans  la  province  de  Cata- 
marca,  5o3  dans  celle  de  Tucuman  et  496  dans  celle  de  Jujiiy. 
Je  donne  ces  chiffres  pour  que  l'on  puisse  se  faire  une  idée  de 
l'immigration  actuelle,  mais  il  faut  se  rappeler  qu'une  grande 
partie  des  habitants  de  la  vallée,  nés  dans  la  province  de  Salta, 
sont  des  descendants  d'immigrants  d'autres  régions.  L'élément 
européen  est  si  peu  nombreux,  qu'il  ne  mérite  pas  d'être  pris 
en  considération.  11  n'y  a  de  sang  blanc  en  grande  proportion 
que  dans  les  veines  de  la  classe  dirigeante  et  propriétaire,  la- 
quelle conserve  beaucoup  des  traits  caractéristiques  des  anciens 
hidalgos  espagnols. 

L'hétérogénéité  de  cette  population  a  sa  cause  dans  le 
commerce  actif  de  transit  entre  les  provinces  argentines  et  la 
Bolivie  qui,  depuis  les  premiers  temps  de  la  colonisation  espa- 
gnole, a  été  exercé  par  la  ville  de  Salta.  Le  chemin  de  fer  nord- 
argentin,  qui  a  maintenant  -Tujuy  pour  terminus,  et  celui  qui 
unit  Antofagasta  sur  le  Pacifique  avec  le  centre  de  la  Bolivie, 
ont  presque  anéanti  ce  commerce;  mais,  avant  la  construction 
de  ces  lignes,  Salta  était  l'entrepôt  de  toutes  les  marchandises 


VALLEE  DE  LE  RM  A.  253 

allant  en  Bolivie  et  de  tous  les  |)roduils  qui  en  venaient.  Plus 
de  5o,ooo  mulets  chargés  étaient  continuellement  en  route 
entre  Salta  et  la  Bolivie. 

Don  Pedro  Sotelo  Narvaez  (253,  p.  i5o)  nous  apprend  que  les 
Indiens  de  la  Vallée  Calchaquie  et  «  de  la  Cordillère  »,  cest- 
à-dire  delà  Puna,  à  l'éjDoque  de  la  conquête,  venaient  Iréquem- 
ment  dans  la  Vallée  de  Lerma,  sans  doute  pour  y  échanger 
leurs  produits.  Cette  vallée  en  efl'et  a  dû  être,  à  l'époque  préhis- 
panique déjà,  un  centre  de  commerce  par  suite  de  sa  situation 
au  milieu  de  tant  de  régions  différentes.  Les  (inebradas,  seuls 
chemins  de  la  région  montagneuse,  y  aboutissent  de  tous 
côtés  :  au  Sud,  elle  communique  avec  les  Vallées  Calchaquie  et 
de  Yocavil  par  les  Quebradas  de  las  Couchas  et  d'Escoipe;  à 
rOuest,  la  Quebrada  del  Toro  mène  à  la  Puna;  au  \ord,  le 
chemin  de  Caldera  met  la  Vallée  de  Lerma  en  communication 
avec  JLijuy  et,  par  la  Quebrada  de  Humahuaca,  avec  le  haut 
plateau;  enfin  à  TEst,  les  quebradas  de  Mojotoro  et  du  Rio  Ju- 
ramento  donnent  passage  à  la  grande  plaine  argentine  et  au 
Chaco. 

La  Vallée  de  Lerma  était  d'abord  placée  dans  \a  jiinsdiccion 
de  la  ville  de  Nuestra  Seiiora  de  Talavera  ou  Esteco.  Mais  Es- 
teco  était  trop  éloigné  des  sauvages  de  la  Vallée  de  Lerma  pour 
pouvoir  les  maintenir  en  paix,  et,  en  168:2,  le  gouverneur  de 
Tucuman,  Don  Hernando  de  Lerma,  fonda  la  ville  de  Salta 
sous  le  nom  de  Ciiidad  de  Lerma  en  el  Valle  de  Salta,  provincla  de 
Tacunian,  nom  cpii  fut  changé  en  celui  de  San  Felipe  de  Lerma 
en  el  Valle  de  Salta.  Maintenant  c'est  la  ville  qui  s'a[)pelle  Salta, 
et  la  vallée,  Lerma.  Don  Hernando  de  Lerma,  un  homme  éner- 
gicpie,  d'une  volonté  de  fer,  a  beaucoup  lait  pour  la  conquête 
de  ces  régions  et  pour  la  soiiinission  des  indiens.  Lo/ano  f220. 
IV,  p.  ;ir)7)  l'attaque  violemment  et  lui  re|)roche  d'avoir  été  tyran 
et  despote,  mais  on  voit  bien  que  Lozano  n'est  pas  inq^artial; 
la  raison  de  ses  attaques  est  sans  doute  ([iie  Lerma  n(^  laissa  pas 
les  jésuites  gouverner  comme  ils  le  voulaienl.  Suivant  Lo/auo, 
Lerma  avait  d'abord  l'intention  de  fonder  sa  nouvelle  ville  dans 


254  ANTIQUITES  DE  LA  REGION   ANDINE. 

la  Vallée  Calchaquie,  où  les  Indiens  avaient  détruit  la  première 
ville  fondée  par  les  Espagnols,  Côrdoba  de  Calchaqui;  mais  il 
se  décida  pour  l'emplacement  actuel  de  Salta,  parce  que  de  là 
on  j)ouvait  combattre  en  même  temps  les  Calchaquis  et  les 
Pulares  du  Sud  et  de  l'Ouest,  les  Cochinocas  et  les  Omaguacas 
du  Nord,  «qui  faisaient  continuellement  la  guerre  aux  Espa- 
gnols et  qui  étaient  toujours  en  rébellion  contre  le  service  de 
Sa  Majesté  ».  Salta  eut,  au  début,  beaucoup  à  soufTrir  des  belli- 
queux Indiens  qui  l'entouraient  de  tous  côtés. 


ARCHEOLOGIE   DE  LA  VALLEE  DE   LERALL 


EL  CARMEN, 
CIMETIKUb:  PUOBIBLEMENT  DOUIGINE  (iUARANIE. 

La  Vallée  de  Lertna  est  très  riche  en  restes  préliispaniques 
dont  l'hétérogénéité  révèle  Torigine  de  peujDles  et  d'époques 
dllFérents.  J'ai  pratiqué  des  fouilles  principalement  en  deux 
endroits  de  la  vallée  :  aux  environs  de  Pucarâ*'^  et  d'El  Carmen, 
à  l'est  de  l'embouchure  de  la  Quebrada  del  Toro,  et  sur  les 
domaines  de  la  hacienda  de  Carbajal,  au  pied  des  montagnes 
qui  bornent  la  vallée  au  sud  du  village  de  Rosario  de  Lerma. 

En  1901,  lorsque  je  lis  partie  de  la  Mission  Suédoise,  mes 
amis,  le  D"^  Justiniano  L.  Arias  et  M.  Nicolas  Arias  Cornejo 
m'offrirent  d'occuper,  pour  les  préparatifs  du  voyage  que  cette 
mission  entreprenait  au  haut  plateau  de  la  Puna ,  leur  hacienda 
El  Carmen.  Cette  propriété  est  située  à  environ  2  5*^™  au  sud- 
sud-ouest  de  la  ville  de  Salta  et  à  5''°'  à  l'ouest  de  la  ligne  de 
chemin  de  fer  de  Salta  à  Zuviria,  entre  les  stations  de  Cer- 
rillos  et  de  La  Merced. 

Pendant  mon  dernier  séjour  à  Salta,  j'ai  joui  de  nouveau 
de  l'hospitalité  de  MM.  Arias  et  je  passai  une  dizaine  de  jours 
à  El  Carmen  où  j'avais  été  attiré  par  de  nombreux  restes  pré- 
hispaniques que  l'on  trouve  aux  environs.  J'y  ai  fait  des  lo ailles 
intéressantes  et  je  commencerai  par  une  trouvaille  archéolo- 


^''  Le  mot  (juichua  pucarâ  slgnKîc,  carâ  de  Aconquija.  J'ai  fait,  pondant  mon 
comme  on  le  sait,  «  forteresse  ».  Dans  la  voyage,  des  fouilles  dans  deux  endroits 
région  diaguite.  comme  également  au  portant  le  nom  de  Pucani,  celui  de  la 
Pérou  et  en  Bolivie,  il  y  a  de  nombreuses  Vallée  de  Lerma,  et  un  autre  dans  le  dé- 
localités qui  portent  le  nom  de  Pucani,  et  partement  de  l^inconada  (Puna  de  .lujuv). 
où  il  existe  toujours  des  vestiges  d'an-  Pour  éviter  une  confusion,  je  les  désignerai 
ciennes  places  fortes.  Nous  avons  doimé,  respectivement  sous  les  noms  de  Viinirà 
page  io5,  une  courte  description  de  Pu-  de  Lrrina  et  de  Piirnrâ  tic  Wnroiindd. 


256  ANTIQUITES  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

gique  de  catégorie  différente  des  autres,  faite  par  un  hasard 
la  veille  de  mon  départ  pour  le  haut  plateau.  J'avais  achevé 
mes  préparatifs  et  je  devais  jjartir  le  lendemain,  lorsque  fun 
des  péons  '^  métis  de  la  hacienda  m'apporta  quelques  grands 
fragments  de  poterie  grossière.  11  ajoutait  qu'il  y  avait  beau- 
coup de  vilciucs'-''  contenant  des  ossements  et  enterrés  à  moins 
de  1*""  à  f  ouest  de  l'habitation  de  la  hacienda. 

Je  me  rendis  à  1  endroit  indiqué,  et  je  vis  les  excavations 
faites  par  le  métis  qui,  en  voulant  exhumer  trois  ou  quatre  des 
vases,  avait  naturellement  tout  cassé.  Un  ruisseau  avait  miné 
le  bord  du  chemin  et  mis  au  jour  ces  urnes;  son  bord  formait 
une  harrauca;  les  urnes  se  trouvaient  à  o"5o  de  profondeur 
au-dessous  du  niveau  actuel  du  sol. 

Je  commençai  à  fouiller,  mais  avec  un  médiocre  résultat, 
car  la  poterie  humide  et  ramollie  par  le  temps  tombait  en  mor- 
ceaux au  seul  contact  de  l'air.  De  plus,  je  n'avais  guère  de 
temps,  devant  partir  le  lendemain,  ma  caravane  étant  prête 
et  mon  temps  juste  suffisant  pour  pouvoir  remplir  le  pro- 
gramme de  mon  voyage.  Si  j'avais  eu  cinq  ou  six  jours  à  ma 
disposition,  peut-être  eussé-je  réussi,  par  des  méthodes  spé- 
ciales, à  extraire  quelques  urnes  entières. 

Cependant  j'ai  pu  examiner  trois  urnes,  et  je  donne  ici  le 
croquis  de  fune  d'elles  [fi(j.  SI).  Sa  forme  est,  je  le  crois, 
reproduite  fidèlement,  moins  les  contours  du  couvercle  qui 
recouvrait  l'urne  jusqu'à  la  moitié  de  sa  hauteur  environ, 
car  il  n'en  restait  que  les  bords;  le  fond  avait  été  détruit  par 
la  pression  de  la  terre.  La  ligne  pointillée  qui  marque  sur  la 
ligure  cette  partie  du  couvercle  est  donc  conventionnelle. 

Cette  urne,  comme  toutes  les  autres,  était  d'une  terre  assez 
mal  cuite,  couleur  rouge  brique,  et  grossièrement  modelée, 
sans  décor  d'aucune  sorte.  Elle  était  pourvue  de  deux  grandes 

''^   Peoii  est  le  nom  que  l'on  donne  aux  ^^^    ViUjuc  [Innrqni)  est  un  mot  quichua 

travailleurs  indigènes  des  haciendas  et  des  dont  se  servent  les  Indigènes  et  qui  signi- 

cstancias.  Il  sert  aussi  à  désigner,  en  gé-  lie  «  grand  pot  en  terre  cuite  »   ancien  ou 

néral,  les  ouvriei's  sans  métier  spécial.  moderne. 


VALLEE  DE  LERMA. 


257 


anses  latérales,  horizontales,  placées  un  peu  au-dessous  de  sa 
mi-hauteur.  Les  parois  avaient  environ  o™  oi  d'épaisseur.  La 
ficj.  32  montre  quelques  fragments  de  la  panse  de  l'urne  (a), 
de  son  bord  (/>,  c)  et  du  bord  du  couvercle  [d).  vSur  le  grand 
fragment,  on  aperçoit  très  clairement  les  stries  laissées  par 
leracloir_qui  a  servi  à  lisser  la  poterie.  L'ouverture  de  l'urne 
était  de  o'"8o,  et  sa  hauteur  de  o'"55.  Le  fond  était  perforé 
au  centre,  le  diamètre  du  trou  était  d'environ  o^oaS. 


I''ig.  .'îi.  —  L'rnc  [mu'rairo  du  riinclièro  d'I'Jl  (iarmcri.  —  i/io 


nal. 


IVuriK!  était  remplie  de  terre  qui  avait  dû  pénétrer  quand 
le  couvercle  s'était  brisé.  En  examinant  cette  terre,  j'y  trouvai 
les  débris  du  crâne  et  de  la  phipart  des^_o^s  d'un  squelette 
d'adulte.  Bien  que  ces  os  fussent  dans  un  état  de  décomposilion 
presque  compléter,  je  pus  constater  qu'ils  se  trouvaieni  ///  sila 
et  que  le  cadavre  avait  été  placé  entier  dans  l'urne,  dans  une 
positioii_accrmipie ,  les  jambes  et  les  bras  repliés  sur  la  poi- 
trine, la  tète  inclinée  en  avant. 

Deux  autres  urnes  que  j'ai  cviiumées  étaient  ])resque  de  la 


ATIOXILL. 


/^ 


258  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

même  forme  et  en  tout  point  analogues  à  celles  que  je  viens  de 
décrire. 

Les  urnes  du  cimetière  étaient  placées  très  près  les  unes 
des  autres,  espacées. d'environ  i  mètre.  J'ai  vu  des  débris  d'une 
dizaine  d'urnes  sous  le  bord  du  chemin  où  j'effectuai  mes 
fouilles;  beaucoup  d'urnes  doivent  avoir  été  emportées  par  le 
ruisseau,  et,  de  l'autre  côté  du  chemin,  dans  une  excavation 
faite  pour  le  réparer,  j'ai  également  trouvé  des  fragments 
d'urnes,  à  une  distance  de  lo""  des  premières.  Le  cimetière 
continuait  sûrement  au-dessous  du  chemin,  et,  en  calculant  sa 
superficie,  on  peut  estimer  à  une  centaine  le  nombre  d'urnes 
enterrées  là. 

Avec  les  urnes  d'El  Carmen,  je  n'ai  trouvé  d'autres  objets 
qu'une  curieuse  pièce  de  poterie  en  forme  de  tonneau  sans 
fond,  de  la  même  qualité  de  céramique  que  les  urnes,  et  striée 
sur  la  surface  comme  l'urne  que  je  viens  de  décrire.  Cette 
pièce  est  représentée  par  l^fg-  33.  Elle  a  o""  16  de  hauteur  et 
o™  17  de  diamètre  maximum.  Il  n'est  pas  facile  de  formuler 
une  théorie  sur  sa  destination.  A  ma  connaissance,  c'est  le  pre- 
mier objet  en  terre  cuite  de  cette  forme  rencontré  par  l'archéo- 
logie de  l'Amérique. 

En  deux  autres  localités  de  la  Vallée  de  Lerma,  il  existe  des 
cimetières  d'urnes  funéraires  en  tous  j)oints  analogues  à  celui 
d'El  Carmen.  A  Carbajal,  j'ai  entendu  parler  d'un  grand  nombre 
d'urnes  de  cette  même  catégorie,  et  à  La  Canada,  au  pied  des 
montagnes  qui  bornent  la  vallée  à  l'Est,  on  en  avait  découvert 
deux  autres.  Un  de  ces  cimetières  d'urnes  paraît  avoir  existé  là 
même  où  se  trouve  la  principale  place  de  la  ville  de  Salta.  Don 
Filiberto  de  Mena  (235,  p.  26)  raconte  qu'en  1791  on  apercevait 
au  ras  du  sol,  sur  cette  place,  à  côté  de  l'ancienne  église  des 
jésuites,  les  goulots  de  quelques  urnes  que  l'on  disait  être 
des  «sépultures  de  (lentlles^^^  n.  Cependant  Mena  n'en  avait  pas 
vu  le  contenu  :  pendant  les  trenle-six  ans  qu'il  vécut  à  Salta, 

^''   Gentiles  :  nom  que  l'on  donne,  clans  les  provinces  andines,  aux  Indiens  païens  qui 
y  vivaient  avant  la  conquête.  On  dit  aussi  ant'ujnos. 


Pl.  XVI. 


Fi  g.  Sa.  —  CiiiK'lièro  (VVA  Caiinoii.  Kni^mcnls  d'iiiK^  iirru-  I'iiik  rairo  cl  (K;  son  couvercle 

i/'i  gr.  Mal. 


ri;;.  .').'î.   —  CimcliiTC  (l'FJ  ('.armcu.  ('.\Iiii(lrc  en  Icnr  ciilli'.      -   i/'i  gr.  nal. 


VALLEE  DE  LERMA.  259 

«  personne  n'avait  eu  la  curiosité  de  faire  des  excavations  pour 
examiner  ces  sépultures  ». 

Le  cimetière  d'El  Carmen  fut  pour  moi  une  découverte  très 
intéressante,  car  aucun  autre  cimetière  de  ce  genre  n'a  été 
décrit  de  la  région  andine  de  l'Argentine,  et  la  trouvaille  en 
était  d'autant  plus  notable  que  j'avais  examiné,  en  1901 ,  des 
sépultures  tout  à  fait  analogues  dans  la  Vallée  de  San  Fran- 
cisco, en  Jujuy.  La  Mission  Suédoise  séjourna  alors  pendant 
trois  semaines  à  San  Pedro,  situé  dans  cette  vallée.  Bien  que 
nous  fussions  surtout  occupés  d'études  ethnographiques  sur 
les  Indiens  Matacos  du  Chaco  qui,  au  nombre  de  i,5oo  envi- 
ron, travaillaient  dans  la  récolte  des  grandes  plantations  de 
canne  à  sucre  de  ces  parages,  j'ai  pu  cependant  employer 
quelques  heures  disponibles  à  examiner  sommairement  les 
urnes  funéraires  anciennes  qu'on  exhumait  accidentellement 
pendant  le  labourage  des  terrains. 

A  Providencia,  près  de  San  Pedro,  j'ai  vu  dans  des  localités 
difierentes  huit  ou  dix  de  ces  urnes  funéraires,  semblables  à 
celles  d'El  Carmen,  faites  de  terre  assez  mal  cuite,  façonnées 
d'une  manière  grossière,  sans  aucun  décor.  Les  parois  avaient 
environ  o"'oi  d'épaisseur;  les  dimensions  étaient  d'environ 
0^80  de  hauteur  sur  o*"  5o  à  o"*  60  de  diamètre.  Le  contenu 
était  toujours  un  squelette  d'adulte,  mais  en  si  mauvais  état 
de  conservation,  en  raison  de  l'humidité,  que  les  os  tombaient 
en  poussière  aussitôt  qu'on  les  touchait.  D'ailleurs  les  urnes 
elles-mêmes  se  séparaient  en  petits  morceaux,  une  fois  ex- 
posées à  l'air.  Chaque  urne  funéraire  était  toujours  surmontée 
d'une  autre  urne  renversée  qui  lui  sei*vait  de  couvercle,  ayant 
peu  près  la  même  forme  que  celle  qui  contenait  les  restes 
humains.  Le  croquis  de  la  Jicj.  3â  montre  approximativement 
la  forme  de  quelques-unes  de  ces  urnes. 

Elles  se  trouvaient  toujours  au  nombre  de  deux  ou  de  plu- 
sieurs ensemble,  et  parfois  la  grande  quantité  de  morceaux 
de  poterie  épars  dans  leur  voisinage  démon Ir.iit  f[ue  les  tra- 

»7- 


260 


ANTIQUITES  DE  LA   REGION  ANDINE. 


vailleiirs  avaient  brisé  joliisieurs  urnes  en  ouvrant  la  trancliée. 
En  quelques  endroits,  une  dizaine  d'urnes  avaient  été  certai- 
nement inhumées  ensemble.  Ainsi  qu'à  El  Carmen,  on  ne 
rencontrait  jamais  dans  ces  urnes,  ou  aux  alentours,  ni  de  la 
poterie  décorée  comme  celle  qui  se  trouve  toujours  dans  les  sé- 
pultures de  la  région  diaguite,  ni  d'autres  ol^jets. 


Fig.  3'i.  —  llrne  funéraire  de  Providencia  (San  Pedro).  —  i/io  gr.  nat. 


Ces  cimetières  de  la  Vallée  de  Lerma  et  de  la  Vallée  de  San 
Francisco  se  caractérisent  par  leurs  sépultures.  L'enterrement 
dans  des  urnes  est  exclusif.  Ces  unies  sont  de  facture  grossière, 
sans  aucun  décor.  Les  cadavres  y  ont  été  introduits  entiers, 
placés  dans  la  position  accroupie.  Aucune  poterie,  aucun  objet 
ne  les  accompagnent  démontrant  chez  le  peuple  d'où  pro- 
viennent les  cimetières  un  quelconque  développement  des 
aptitudes  artistiques.  En  région  diaguite,  les  cimetières  d'urnes 


VALLÉE  DE  LERMA.  261 

funéraires,  cimetières  d'enfants  en  bas  cage  ou  cimetières 
d'adultes  (tel  gelui  de  Ghanar-^aco],  livrent  des  poteries,  des 
objets  de  parure  qui  impliquent  une  relative  culture  artistique. 
Parfois,  il  est  vrai,  dans  le  domaine  de  l'arcbéologie  diaguite, 
cà  El  Banado  par  exemple  (voir  page  iv^)4),  des  cimetières  spé- 
ciaux d'enfants  ont  fourni  quelques  urnes  grossières,  au  milieu 
des  urnes  décorées.  Mais  le  fait  s'explique  parfaitement  par  le 
manque  accidentel  d'une  céramique  appropriée  à  l'usage  fu- 
néraire, qui  a  obligé  à  employer  momentanément  des  pote- 
ries vulgaires.  Et  d'une  circonstance  très  exceptionnelle  on  ne 
peut,  en  aucune  façon,  conclure  à  une  parenté  ethnique  entre 
les  découvertes  d'El  Carmen  et  de  Providencia,  d'un  côté,  et 
celles  du  pays  diaguite,  de  Fautre. 

Si  nous  exceptons  la  région  diaguite  et  quelques  cas  isolés 
d'enterrements  d'enfants  dans  des  urnes,  de  la  Quebrada  del 
Toro  et  de  la  Puna  de  Jujuy,  ce  mode  de  sépulture  était  tout 
à  fait  inconnu  dans  toute  la  région  appartenant  à  la  culture 
ando-péruvienne.  La  riche  littérature  archéologique  de  cette 
région  explorée  avec  soin  ne  m'a  présenté  que  deux  rensei- 
gnements relatifs  à  des  cadavres  ensevelis  dans  des  vases,  et 
l'un  de  ces  cas  seulement  est  assez  bien  défini  pour  pou- 
voir être  pris  en  considération  :  M.  Th.  J.  Hutchinson  (174,  t, 
p.  iiO)  mentionne  une  urne  d'environ  deux  pieds  de  hauteur, 
«  contenant  tous  les  os  d'un  être  humain  »,  qui  fut  exhumée 
à  Ica.  Quant  à  M.  Bastian  (57,  n,  p.  ()i()),  qui  cite  des  «  urnes  avec 
os  humains»  de  Ganete,  au  sud  de  Lima,  il  ne  donne  pas  la 
source  d'où  il  a  tiré  cette  information.  La  nécropole  d'Ancon, 
suivant  MM.  Reiss  et  Stûbel  (308,  i,  pi.  8,  9),  n'a  pas  révélé  de 
cadavres  ou  d'ossements  ensevelis  dans  des  urnes.  Tout  au 
plus,  en  quelques  cas  seulement,  a-t-on  trouvé  des  fragments 
ou  fonds  de  grands  vases  placés  au-dessus  des  momies,  dans  la 
même  position  que  les  pierres  horizontales  qui  couvrent  la  tête 
des  morts  dans  maints  cimetières  piéhispaniques  de  toute  la 
région  andine.  Nous  avons  déjà,  page  i()'.^,  analysé  les  pas- 
sages de  /iârale,  Gomara,  Arriaga  et  Villa  (lomez,  d'après  les- 


262  ANTIQUITÉS  DE  LA  REGION  ANDINE. 

quels  certains  enfants,  dans  des  cas  tout  à  fait  spéciaux,  étaient 
conservés  dans  des  vases,  ceux-ci  d'ailleurs  n'étant  pas  en- 
terrés. Mais  de  telles  exceptions  ne  peuvent  pas  infirmer  la 
règle  générale  que  fusage  d'urnes  comme  cercueils  n'appar- 
tient pas  à  la  civilisation  ando-péruvienne,  et  qu'il  était  en 
général  inconnu  à  tout  le  domaine  de  cette  civilisation.  Nous 
pouvons  donc  considérer  comme  un  fait  établi  que  nos  cime- 
tière des  Vallées  de  Lerma  et  de  San  Francisco  ne  proviennent 
pas  d'un  peuple  de  la  race  andine. 

Il  faut  chercher  forigine  de  ces  cimetières  parmi  les  peuples 
de  moindre  culture  qui  avaient  l'habitude  d'enterrer  leurs 
morts  dans  des  urnes  grossières.  Us  sont  nombreux  dans  toute 
la  partie  orientale  de  l'Amérique  du  Sud,  à  l'est  de  la  Cor- 
dillère des  Andes.  Parmi  eux  nous  notons  deux  variétés  d'en- 
terrements dans  des  urnes.  Certaines  tribus  plaçaient,  dès  la 
mort,  le  cadavre  entier  dans  le  vase.  Chez  d'autres,  le  corps 
était  d'abord  déposé  à  même  la  terre,  et,  quand  la  putréfaction 
avait  accompli  son  œuvre,  les  os  étaient  ramassés  et  définitive- 
ment déposés  dans  l'urne.  En  fétat  actuel  de  nos  connais- 
sances ethnographiques  sur  le  Brésil,  le  premier  de  ces  modes 
funéraires  peut  être,  en  Amérique  du  Sud,  presque  exclusive- 
ment attribué  aux  peuples  de  la  race  tupi-guaranie ,  le  second, 
à  peu  d'exceptions  près,  était  pratiqué  par  d'autres,  comme 
Nu-Aruacs,  Caraïbes,  Tapuyas. 

Dans  toutes  les  fractions  de  la  grande  race  tupi-guaranie 
régnait  ou  règne  encore  la  coutume  d'employer  des  urnes  en 
terre  cuite  comme  cerceuils  et,  dans  ces  urnes,  de  placer, 
immédiatement  après  la  mort,  le  cadavre  entier,  les  jambes 
repliées,  les  genoux  appuyés  sur  la  poitrine,  les  bras  croisés 
et  également  repliés  sur  la  poitrine,  le  tout  formant  un  paquet 
d'un  volume  aussi  réduit  que  possible.  Vu  finfériorité  des 
Tupis  dans  l'art  de  la  céramique,  les  urnes  sont  d'une  facture 
grossière,  sans  décor  ou  avec  une  ornementation  très  simple. 
En  général,  les  vases  ne  paraissent  pas  avoir  été  fabriqués 


expressément  pour  servir  de  cercueils,  mais  l'on  employa  et 
Ton  emploie  encore  à  cette  fin  de  grands  pots  faits  pour  con- 
tenir de  la  c/iicha  ou  de  l'eau. 

Pour  commencer  par  les  «  Tupis  orientaux»,  ceux  qui  à 
l'époque  de  la  conquête  étaient  répandus  sur  toute  la  côte  bré- 
silienne, jusqu'à  l'Amazone,  l'un  des  premiers  voyageurs  euro- 
péens, le  célèbre  cosmographe  André  Thevet  (345,  fol.  9.>.r)),  dit 
sur  les  Tupinambâs  du  Cap  Fri'o  :  «  Ils  le  courbent  (le  mort) 
en  un  bloc  et  monceau,  dans  le  lict  où  il  est  decedé  :  tout  ainsi 
que  les  enlans  sont  au  ventre  de  la  mère, puis  ainsi  enveloppé, 
lié  et  garrotté  de  cordes  de  cotton,  ils  le  mettent  dans  un 
grand  vase  de  terre,  qu'ils  couvrent  d'un  plat  aussi  de  terre .  .  . 
Ce  fait  ils  le  mettent  dans  une  fosse  ronde  comme  un  puits, 
et  profonde  de  la  hauteur  d'un  homme  ou  environ,  avec  ung 
peu  de  feu  et  de  farine,  de  peur,  disent-ils,  que  le  maling 
esprit  n'en  approche ,  et  que  si  l'ame  a  faim  qu'elle  mange  :  puis 
après  couvrent  le  tout  de  la  terre  qui  a  esté  tirée  de  cette  fosse. 
Si  c'est  un  père  de  famille,  il  est  enterré  dans  la  maison  à 
l'endroit  propre  où  il  couchoit  :  et  si  c'est  un  enhuit,  il  est  mis 
hors  et  derrière  la  maison  dont  il  estoit.  Autres  sont  enterrez 
dans  leurs  jardins  et  autres  lieux  où  les  delYuncts  auront  prins 
plus  de  plaisir  en  leur  vivant.  »  Les  Tupis  orientaux  se  répan- 
daient avant  la  conquête,  vers  le  Nord  le  long  de  la  côte, 
jusque  sur  les  îles  formant  le  delta  de  l'Amazone.  A  Pacoval 
et  à  Os  Camutins,  sur  l'île  Marajô,  ont  été  faites  d'intéres- 
santes découvertes  de  cimetières  composés  d'urnes  funéraires, 
mais  les  opinions  diffèrent  sur  la  provenance  de  ces  nécro- 
poles. Martius  (231,  i,  p.  178)  et  Brinton  (77,  p.  ?M)  les  considèrent 
comme  des  vestiges  des  anciens  Tupis,  tandis  que,  pour 
d'autres  ethnologues,  ces  cimetières  proviennent  de  l  ri  bus 
aruacs.  Les  urnes  décrites  sont  d'ailleurs,  en  général,  de  di- 
mensions trop  petites  pour  avoir  contenu  des  cadavres  entiers 
d'adultes.  Ainsi  une  ui-ne  figurée  par  le  D'  llamy  (160,  pi.  i.vi), 
de  forme  très  semblable  à  notre  urne  d'El  Carmen,  n'a  que 
o'"2C)  de  hauteur  et  o'"43   de  diamètre  à  l'ouvcrlure.   Elle 


264  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

n'aurait  pu  contenir  un  adulte  entier  que  si  le  cadavre  avait 
dépassé  le  bord,  sa  partie  supérieure  étant  abritée  par  un 
dôme  formé  par  un  autre  vase  en  guise  de  couvercle.  Suivant 
M.  Hamy  {ibid.i).  hj),  «un  troisième  vase  nous  est  aussi  resté 
(à  Paris),  à  la  suite  de  l'Exposition  de  1889.  Cette  grosse  mar- 
mite (diamètre,  o"'3o)  avait  été  sciée  horizontalement,  de 
façon  à  montrer  les  ossements  d'un  adulte  vus  en  coupe  dans 
la  terre  durcie  ».  D'autre  part,  M.  G.  F.  ffartt  (162,  p.  0.2)  a  ren- 
contré dans  une  urne  de  l'île  Marajo  des  parties  de  corps  hu- 
main avec  les  os  encore  articulés.  Plusieurs  urnes  du  delta  de 
l'Amazone  sont  de  dimensions  suffisantes  pour  avoir  contenu 
des  cadavres  entiers,  et  la  région  n'est  pas  assez  explorée  pour 
qu'on  puisse  distinguer  entre  les  différentes  catégories  de  sé- 
pultures qui  probablement  y  existent.  Il  se  pourrait  bien  que 
quelques-unes  de  ces  sépultures  provinssent  des  Tupis,  et 
d'autres  sépultures  de  races  différentes. 

En  suivant  la  côte  brésilienne  vers  le  Sud,  nous  trouvons  les 
provinces  de  Sào  Paulo,  de  Santa  Catharina  et  de  Rio  Grande 
do  Sul,  dans  le  territoire  desquelles  on  a  souvent  découvert  de 
grandes  urnes  contenant  des  squelettes  ;  mais  les  premières 
de  ces  trouvailles  et  les  renseignements  y  relatifs  proviennent 
d'amateurs.  M.  Cari  Nehring  (256)  rend  compte  à  la  Société 
d'anthropologie  de  Beilin  de  ses  fouilles  dans  un  grand  cime- 
tière d'urnes  près  de  Piracicaba  (Sào  Paulo).  H  y  a  exhumé 
quatre  urnes  :  deux  contenant  des  squelettes  d'adultes,  et  deux 
des  squelettes  d'individus  jeunes.  Les  premières  étaient  assez 
grandes  pour  contenir  «trois  himptcn  (environ  i5o  livres)  de 
pommes  de  terre  ».  Les  squelettes,  suivant  M.  Nehring,  parais- 
saient y  avoir  été  ensevelis  entiers.  Les  urnes  étaient  couvertes 
de  deux  à  quatre  pieds  de  terre.  Elles  étaient  de  diverses  formes 
et,  en  général,  placées  avec  l'ouverture  en  haut  et  pourvues 
d'un  couvercle.  Cependant  quelques  urnes  occupaient  une  posi- 
tion renversée.  Aux  environs  on  ne  trouvait  «  pas  d'armes,  pas 
de  pointes  de  flèches,  pas  de  haches,  seulement  beaucoup  de 
fragments  de  poterie,  la  tête  d'une  statuette  en  terre  cuite  et 


VALLEE  DE  LERMA.  265 

une  pierre  à  aiguiser».  M.  Th.  BischoIT  (62)  dit  avoir  trouvé, 
également  dans  le  Sào  Paulo,  des  vases  grossiers  contenant  des 
ossements,  mais  de  dimensions  trop  petites  pour  avoir  pu  con- 
tenir des  cadavres  entiers.  Les  renseignements  de  M.  BischofT 
sont  d'ailleurs  assez  obscurs.  Il  attribue  ces  urnes  à  une  sorte 
d'Indiens  qu'il  appelle  «  Campos-Bugres  »,  race  qui,  d'après 
lui,  en  aurait  remplacé  une  nommée  «  Sambaquy-Bugres  »  (?), 
Un  manuscrit  poslluime  de  M.  Carlos  Ratli  (307)  sur  les  dilïé- 
rents  modes  d'enterrement  dos  sauvages  du  Brésil  a  aussi  été 
publié  dans  les  actes  de  la  Société  d'anthropologie  de  Berlin. 
M.  Rath  avait  voyagé  surtout  en  Sâo  Paulo  et  dans  les  pro- 
vinces environnantes.  Il  dit  avoir  vu  maintes  fois  des  sépul- 
tures où  les  morts  étaient  enterrés  dans  des  urnes,  auxquelles 
on  donne  le  nom  (Vujarahas  et  qui  ont  environ  2  pieds  à 
3  pieds  1/2  de  hauteur,  la  partie  la  plus  large  de  la  panse  ayant 
3  à  4  pieds  de  diamètre  et  l'ouverture  2  à  3  pieds.  Les  parois 
ont  1  pouce  à  1  pouce  1/2  d'épaisseur,  et  l'extérieur  de  l'urne 
porte  un  décor  simple  qui  consiste  en  des  lignes  et  des  carrés 
peints.  Ces  icjaçabas  sont  généralement  pourvues  d'un  cou- 
vercle. M.  Rath  a  examiné  soigneusement  une  icjaraba  conte- 
nant un  squelette  ])ien  conservé,  en  position  accroupie,  les 
bras  et  les  jambes  repliés  sur  la  poitrine,  les  genoux  ramenés 
aussi  haut  que  possible.  Pour  maintenir  le  cadavre  dans  cette 
position,  qui  seule  permet  de  l'introduire  dans  l'urne,  on  le 
lie  avec  des  lianes.  M.  Rath  paraît  attribuer  ces  sépultures 
surtout  à  des  tribus  Tapuyas,  mais  sa  terminologie  ethnique 
est  trop  vague  pour  accepter  ses  classifications  :  il  se  rend  cou- 
pable de  contradictions,  et  sa  note  posthume,  d'ailleurs,  n'était 
peut-être  pas  destinée  à  être  publiée  dans  la  forme  qu'il  lui 
avait  donnée.  Enfm,  de  Rio  Grande  do  Sul,  M.  P.  A.  Kunert 
(188)  publie  une  autre  note  sur  des  urnes  funéraires.  Une  urne 
de  la  Vallée  de  Forromecco  «  était  si  grande,  que  Ton  y  aurait 
bien  pu  enfoncer  un  individu  corpulent  en  j)osilion  accroupie  ». 
Une  autre  uiiie  avec  couvercle,  piovenant  de  Lomba  (ïrande, 
près  de  Sào  Leopoldo,  contenait,  d'après  ce  qu'on  avait  raconté 


266  ANTIQUITÉS  DE  LA  REGION  ANDINE. 

à  M.  Kunert,  des  ossements  en  désordre.  Le  crâne  était  placé 
au-dessus  de  ces  ossements,  dans  une  écuelle  spéciale.  11  s'agit 
donc,  dans  ce  cas,  d'un  second  enterrement. 

Ces  renseignements  sont  en  partie  fort  vagues;  d'autre 
part,  ils  émanent  de  personnes  qui  n'ont  fait  que  des  observa- 
tions locales  dans  la  contrée  qu'ils  habitaient  et  qui  se  fondent 
aussi  sur  des  données  empruntées  à  des  tierces  personnes, 
de  colons  sans  instruction  suffisante  pour  apprécier  les  faits. 
Cependant  il  semble  constaté  que,  dans  le  sud  du  Brésil, 
existaient  les  deux  variétés  de  sépultures  dans  des  urnes,  outre 
plusieurs  sortes  d'enterrements  directs  de  la  terre.  Cette  diver- 
sité de  modes  funéraires  est  d'ailleurs  très  explicable  par  la 
grande  variété  de  races  indiennes  qui  ont  habité  les  provinces 
méridionales  du  Brésil.  Pour  s'en  convaincre,  il  n'y  a  qu'à  jeter 
un  coup  d'œil  sur  les  deux  intéressantes  cartes  publiées  par 
le  D'' von  Ihering  (181),  qui  montrent  la  distribution  ancienne 
et  actuelle  des  Indiens  dans  ces  provinces.  Nous  y  trouvons 
nombre  de  tribus  différentes  des  groupes  des  Tupis-Guaranis, 
des  Tapuyas  et  d'autres  encore.  Mais  de  quels  Indiens  pro- 
viennent les  urnes  funéraires.^  M.  von  Ihering  (178,  p.  ]5,etl81, 
p.  3i)  qui  connaît  si  bien  l'ethnographie  du  sud  du  Brésil, 
attribue  nettement  aux  Tupi-Guaranis  fenterrement  des  icja- 
rahas.  Il  dit  que  «  les  Guaranis  et  les  TujDis  enterraient  en 
général  leurs  morts  dans  des  urnes  funéraires,  en  position 
assise  ».  On  trouve  ces  urnes  très  nombreuses  en  Piratinin"a 

o 

et  en  d'autres  districts  voisins  de  la  ville  de  Sào  Paulo,  jadis 
habités  par  les  Tupinaquins.  Seulement,  dans  le  cas  où  un 
guerrier  mourait  loin  de  chez  soi,  on  fenterrait  provisoirement 
et  l'on  transportait  plus  tard  les  os  du  mort  dans  son  village. 
Des  Cayuâs,  Guaranis  du  Rio  Paranapanema,  le  même  auteur 
(181,  p.  7)  rapporte  qu'ils  employaient  jadis  des  urnes  comme 
cercueils  pour  leurs  morts,  mais  qu'aujourd'hui  ils  les  en- 
sevelissent directement  dans  le  sol  de  leurs  cases,  qui  alors 
sont  brûlées.  Dans  une  publication  antérieure,  M.  von  Ihering 
(177,  p.  78)  avait  déjà  fait  remarquer  la  différence  entre  les  Gua- 


VALLÉE   DE  LERMA.  267 

ranis  et  les  autres  races  dlndiens  :  les  premiers  ensevelissenl 
leurs  morts  dans  des  urnes,  tandis  que  les  «  Crens  »  (Gès),  par 
exemple,  les  enterrent  simplement  à  même  la  terre.  Le  Musée 
de  Sào  Paulo  possède  deux  de  ces  urnes  décorées  extérieure- 
ment avec  des  lignes  rouges  et  noires  sur  fond  blanc.  Dans  la 
collection  de  la  Commission  de  géographie  et  de  géologie  de 
l'Etat  de  Sào  Paulo  se  trouvent  deux  autres  urnes,  dont  Tune 
a  0°*  65  de  hauteur,  i'"02  de  diamètre  maximum  (panse)  et 
o°'4o  de  diamètre  à  l'ouverture^''. 

D'après  M.  von  Ihering-,  les  icjaçahas  sont  recouvertes  par 
d'autres  vases  plus  petits,  renversés.  11  croit  que  les  ujaçahas 
n'ont  pas,  en  général,  été  destinées  exclusivement  à  un  usage 
funéraire,  mais  qu'elles  ont  servi  à  l'origine  pour  y  conserver 
le  cauim^^^  que  les  Tupis  préparent  et  consomment  en  grande 
quantité. 

Avec  l'opinion  de  M.  von  Ihering,  attribuant  les  ujaçahas  aux 
Tupis-Guaranis,  concorde  celle  de  M.  Ehrenreich  (121),  qui, 
pendant  une  visite  à  Sào  Paulo,  en  i885,  écrivait  :  «Je  crois 
que  ce  sont  les  Tupis  qui  ont  laissé  les  innombrables  frag- 
ments de  poterie,  les  urnes  funéraires,  les  haches  de  pierre  et 
les  pipes,  car  nous  trouvons  ces  objets  partout  où  ce  peuple 
a  passé,  depuis  le  Paraguay  et  le  Brésil  méridional  jusqu'à 
l'Amazone.  Ce  ne  sont  pas,  comme  on  le  croit  souvent  ici,  les 
Puris,  qui  au  commencement  du  siècle  présent  se  trouvaient 
à  un  degré  très  bas  de  civilisation.  Aussi  la  céramique  des 
Coroados  est  relativement  très  primitive.  » 

Passons  aux  Guaranis  du  Paraguay.  Les  missionnaires  jé- 
suites nous  renseignent  que  ces  Tupis  enterraient  dans  des 


^'^  Cette     urne,    comme    celles    dont  ser  que  le  cadavre  dépassait  quelquefois  le 

M.  Rath  donne  les  mesures,  est  sulllsani-  hord  de  l'urne  et  que  sa  partie  sujit'rioure 

ment  grande  pour  contenir  le  corj)s  d'un  se  trouvait  alors  dans  le  dôme  lormé  par 

adulte.  Voir  ce  (pie  nous  avons  dit  à  ce  le  vase  qui  servait  de  couvercle. 
sujet,    page  1 53.    Môme    (piand    il    s'agit  '*'   Nom  guarani  de  la  rliichu  [azua  vu 

d'urnes  de   o"  5o  seulement  de  hauteur,  (piichua),  boisson  alcoolicpie  préparée  avec 

elles  ont  pu  servir   pour  des   personnes  du  mais  fermenté  à  l'aide  de  la  salive  hu 

adultes,  car  l'on  peut  parfaitement  suj)po.  maine.  Le  mol  chirha  est  caraïbe, 


268  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

urnes.  Le  P.  Ruiz  de  Montoya  (318,  fol.  i/i),  en  décrivant  au 
commencement  du  xvii"  siècle  les  «Rites  des  Guaranis»,  dit 
qu'ils  «  enterraient  leurs  morts  dans  de  grands  vases  couvrant 

leur  ouverture  avec  un   |)lal Ces  vases  étaient  enfoncés 

dans  la  terre  jusqu'au  goulot».  De  son  côté,  le  P.  Martin 
DobrizbofFer  (118,  i,  p.  7;'>)  donne  le  même  renseignement  à 
propos  des  Indiens  de  Mbaeverâ,  sur  le  Rio  Acaray,  affluent 
delà  rive  droite  de  l'Alto  Paranà,  dans  la  jDartie  orientale  de 
l'actuelle  Répidjlique  du  Paraguay.  Dobrizhoffer  ajoute  que 
ce  mode  de  sépulture  «était  un  rite  des  anciens  Guaranis  »  : 
Suoriwi  cadavera  uujcnlihus  cant/ians  ex  arcjilla  fictis ,  el  ad  iaiiem 
excoctis  claiidnnt  Qiutraniorum  velerum  rUu.  Très  ejusmodi  caii- 
tharos,  sed  inanes,  hoc  in  itinere  per  sylvam  depreJiendimus.  11  ne 
peut  y  avoir  de  doute  que  ces  Indiens  fussent  des  Guaranis, 
car  le  nom  de  leur  dieu  était,  selon  Dobrizhoffer,  Tupa.  Les 
renseignements  de  ces  jésuites  sont  corroborés  par  les  récentes 
découvertes  archéologiques  de  M.  Ambrosetti  (12)  qui  a  exhumé 
de  grandes  urnes  funéraires  grossières  sur  les  rives  de  l'Alto 
Paranâ,  autant  sur  le  territoire  du  Paraguay  que  sur  territoire 
argentin,  en  Misiones.  J'ai  vu  moi-même,  au  Musée  national 
de  Buenos-Aires,  quelques-unes  de  ces  urnes  qui  présentent 
beaucoup  d'analogie  avec  celles  des  Vallées  de  Lerma  et  de 
San  Francisco.  Le  D' von  Ihering  (177,  p.  77)  mentionne  aussi 
le  même  mode  d'enterrement  chez  les  anciens  habitants  du 
Paraguay.  L'un  des  amis  de  M.  von  Ihering  avait  eu  l'occasion 
d'examiner,  pendant  la  guerre  fin  Paraguay  aux  environs  de 
1867,  une  de  ces  grandes  urnes  contenant  un  squelette  entier 
et  recouverte  d'un  autre  pot  renversé.  M.  J.  Koslowsky  (187,  p.  8) 
mentionne  des  cimetières  d'urnes  analogues  qu'il  a  examinés 
sur  les  bords  du  Rio  Paraguay,  beaucoup  plus  au  Nord,  dans 
les  environs  de  Descalvados  (Matto  Grosso,  au  nord  de  la  ville 
de  Corumbâ).  Ces  cimetières  ])roviennent  aussi,  très  vraisem- 
blablement, de  Guaranis. 

Au  sud  du  Paraguay,  le  long  du  Rio  Paranâ  et  sur  les  îles 
formées  par  son  delta,  habitaient  jadis  en  r)lusieurs  endroits 


VALLÉE  DE  LERMA.  269 

des  tribus  giiaranies.  Suivant  Pmi  Diaz  de  Guzman  (116;  1.  m, 
c.  XVIII ;  |).  149),  ces  Guaranis  occupaient,  à  Tépoque  de  la  conquête, 
les  îles  entre  Baradero  et  le  Rio  de  las  Palnias,  dans  le  delta. 
A  eux  correspondent  très  vraisemblablement  les  urnes  funé- 
raires mentionnées  par  le  D*'  H.  Burmeister  (84,  p.  196),  trouvées 
dans  les  îles  du  delta  du  Rio  Paranà.  Selon  M.  Burmeister,  ces 
urnes  sont  assez  grandes  pour  contenir  des  cadavres  d'adultes 
en  position  accroupie.  Quelques-unes  d'entre  elles  contenaient 
encore,  lorsqu'elles  furent  déterrées,  des  squelettes  entiers 
dans  cette  position,  quoique  comi^lètement  eilrités.  Une  urne 
conservée  entière  avait  environ  2  pieds  de  hauteur  et  autant 
de  diamètre;  ses  parois  avaient  un  demi-pouce  d'épaisseur  et 
l'extérieur  était  orné  de  quelques  simples  lignes  gravées. 

Les  Guaranis  qui,  de  nos  jours,  sont  les  plusjoroches  voisins 
des  Vallées  de  San  Francisco  et  de  Lerma  sont  les  Clîirii»ua- 
nos,  établis  au  nord  du  Rio  Pilcomayo,  sur  les  pentes  du  haut 
plateau  bolivien  vers  le  Chaco.  Une  partie  des  Chiriguanos  ha- 
bitait cette  région  longtemps  avant  la  conquête,  dès  le  temps 
de  rinca  YujDanqui,  d'après  Garcilaso  (140;  1.  vu,  c.  wn;  fol.  i83), 
mais  une  autre  partie,  suivant  Rui  Diaz  de  Guzman  (116,  p.  20), 
paraît  être  immigrée  du  Paraguay  en  i5'j6.  Les  Chiriguanos 
enterrent  encore  aujourd'hui  leurs  morts  comme  jadis,  dans 
de  grands  vases  en  terre  cuite,  grossiers  et  surmontés  d'un 
autre  vase  renversé,  formant  couvercle,  absolument  comme 
dans  nos  cimetières  d'El  Carmen  et  de  San  Pedro.  Le  premier 
auteur  qui  ujentionne  cette  coutume  chez  les  Chiriguanos  est 
probablement  l(î  P.  Lozano  (219,  p.  69),  suivant  lequel  ces  Inchens 
«ensevelissent  leurs  morts  dans  de  grands  pots,  dans  lesquels 
ils  sont  assis;  on  couvre  ces  vases  après  y  avoir  mis  quelques 
mangeailles  ».  Dans  les  Lettres  édifiantes  est  insérée  une  lellre 
du  père  jésuite  Ignace  Chômé  (100, p.oii^),  de  1735,  qui  écrilsur 
les  Chiriguanos  :  «  Quand  quel([u'un  de  leur  famille  (\st  décédé, 
ils  le  mettent  dans  un  jiot  de  [vvvv  ])r()portionné  à  la  grandeur 
du  cadavre,  et  l'enterrent  dans  leurs  propres  cabanes.  C'est 
jDOurquoi  tout  autour  de  chaque  cabane  on  voit  la  terre  élevée 


270  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

en  espèce  de  talus,  selon  le  nombre  de  pots  de  terre  qui  y  sont 
enterrés.  »  Don  Francisco  de  Viedma  (369,  p.  181)  dit  des  Cliiri- 
ofuanos  habitant  la  région  entre  Santa  Cruz  de  la  Sierra  et 
Parapiti  :  «  Ils  ont  la  coutume  d'enterrer  leurs  morts  dans  leurs 
maisons,  placés  dans  de  grands  pots,  avec  les  objets  qui  leur 
avaient  appartenu  et  avec  des  provisions  de  comestibles  et  de 
boisson.  »  D'Orbigny  (274,  n,  p.  339)  :  «  A  la  mort  de  l'un  d'eux, 
on  reploie  ses  membres,  on  j^lace  le  corps  dans  un  grand  vase 
de  terre  avec  tout  ce  qui  lui  a  appartenu,  on  l'enterre  dans  sa 
propre  maison.  »  H.  A.  Weddel  (374,  p.  3i  1)  :  «  Lorsque  l'un  d'eux 
vient  à  mourir,  on  place  son  cadavre  dans  un  pot  de  chicha, 
avec  ses  armes,  ses  ornements,  du  maïs,  une  cruche  d'eau  et  du 
bois  pour  faire  du  feu;  on  le  recouvre  ensuite  avec  un  autre  pot 
ou  une  dalle,  et  on  le  dépose  dans  le  sol  même  de  sa  maison.  » 
FrayAlejandro  Maria  Gorrado  (105,p.52),  du  collège  franciscain 
de  Tarija,  donne  une  description  détaillée  des  enterrements 
des  Chiriguanos.  Selon  lui ,  l'urne  est  d'abord  placée  dans  la  terre 
et  le  cadavre  y  est  mis  ensuite,  habillé  de  ses  plus  beaux  vête- 
ments et  orné  de  ses  bijoux ,  la  figure  peinte  comme  pour  une  fête. 
Les  Chiriguanos  appellent  les  grands  vases  en  terre  cuite  des 
yamhuis,  et  un yamhui  renversé  sert,  d'après  Gorrado,  de  cou- 
vercle à  celui  qui  contient  le  cadavre.  M.  Thouar  (348,  p.  62),  qui 
a  visité  le  cours  sujDérieur  du  Rio  Pilcomayo  à  la  recherche 
des  vestiges  du  massacre  de  Grevaux,  décrit  la  cérémonie  funé- 
raire des  Ghiriguanos  de  la  manière  suivante  :  «  Trente  heures 
après  la  mort,  le  plus  proche  parent  commence  à  creuser  la 
fosse  dans  un  coin  de  la  case,  près  du  mur.  Il  fait  un  trou  d'un 
mètre  de  diamètre  environ.  Pendant  ces  ])réparatifs,  la  veuve 
fend  par  le  milieu  le  grand  vase  en  terre  appelé  yamhin  qui  lui 
servait  à  j^réparer  la  chicha.  On  glisse  la  partie  iidérieure  du 
yamhui  au  fond  de  la  fosse,  jDuis  le  corps  qu'on  recouvre  aus- 
sitôt de  la  partie  supérieure.  »  Il  doit  y  avoir  une  erreur  dans 
le  récit  de  cet  auteur,  car  les  vases  des  Ghiriguanos  pour  j^ré- 
parer  la  chicha  sont  largement  ouverts  :  ils  n'ont  23as  de  goulot 
et  leurs  bords  ne  sont  que  légèrement  incurvés,  de  sorte  que 


VALLÉE  DE  LERMA.  271 

rorifice  a  un  diamètre  presque  aussi  grand  que  le  diamètre 
maximum  du  vase.  La  partie  supérieure  ne  peut  donc  servir  à 
recouvrir  le  cadavre.  Si  quelquefois  on  fend  les  vases  horizon- 
talement pour  y  faire  entrer  le  cadavre,  on  doit  alors  employer 
deux  vases,  et  le  cadavre  doit  être  déposé  dans  Tun  d'eux, 
tandis  que  le  fond  de  l'autre  forme  couvercle.  M.  Domenico 
del  Campana  (90,  p.  98),  d'après  des  renseignements  fournis  par 
des  franciscains  italiens  qui  ont  passé  de  longues  années  parmi 
les  Ghiriouanos,  décrit  très  minutieusement  les  enterrements 
de  ces  Indiens  et  les  cérémonies  qui  y  sont  célébrées.  Selon 
lui,  on  agrandit  d'abord  l'orifice  ànyamhui,  on  y  met  ensuite  le 
cadavre;  l'urne  est  descendue  dans  la  fosse  et  recouverte  par 
un  'autre y amhiii  après  y  avoir  déposé,  au  préalable,  une  écuelle 
pleine  d'eau  ou  de  cliicha,  de  la  braise  afin  que  le  défunt  ne 
manque  pas  de  feu  dans  l'autre  vie,  et  quelquefois  un  perroquet 
vivant.  Si  le  mort  est  un  jDetit  enfant,  on  met  dans  son  urne 
une  écuelle  remplie  du  lait  de  sa  mère.  Enfin  M.  Erland  Nor- 
denskiold  (258, p.  456; 261,  p.  joi;  268,p.  18)  a  trouvé  en  1902  ,  près 
de  Caiza,  à  l'issue  du  Rio  Pilcomayo  de  la  Cordillère,  un  ca- 
davre de  Chiriguano,  encore  en  décomposition,  enterré  dans 
un  grand  vase  de  i'"'-2  0  de  hauteur,  recouvert  par  un  second 
vase.  Le  cadavre  était  placé  dans  l'urne  en  position  accroupie. 
Il  portait  des  vêtements  européens  qui  doivent  avoir  été  don- 
jiés  à  cet  Indien  par  les  Blancs.  Autour  de  la  tête,  on  voyait  le 
bandeau  frontal,  de  couleur  rouge,  que  portent  tous  les  Chi- 
riguanos.  Il  y  avait  par-dessus  cette  urne  funéraire  i""  de  terre. 
D'a2:)rès  des  renseignements  recueillis  sur  place,  ce  Chiriguano 
avait  été  enterré  en  1899. 

Sur  les  «  Tupis  occidentaux  »,  dont  différentes  tribus  habi- 
taient dès  avant  la  conquête  espagnole  à  proximité  de  la  Cor- 
dillère, les  renseignemenis  quant  à  leurs  habitudes  funéraires 
nous  manquent  complètement.  Cependant  M.  Baslian  (57,  11, 
p.  775)  rapporte,  malheureusement  sans  indiquer  sa  source 
d'information,  que  la  plus  septentrionale  de  ces  tribus,  les 
Omaguas,  du  territoire  à  l'est  des  Andes  équatoriennes,  «  enter- 


272  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

raient  leurs  morts  dans  leurs  huttes,  ensevelis  dans  des  vases  ». 
Ce  renseignement  est  confirmé,  mais  aussi  sans  indication 
de  provenance,  par  M.  Hartt  (162, p.  27),  suivant  lequel  «les 
Omaguas  enterraient  dans  des  urnes  le  corj^s  entier,  sans  le 
préparer  d'une  manière  spéciale  ». 

Exceptionnellement,  certains  Tupi-Guaranis  n'employaient 
les  urnes  que  pour  un  second  enterrement  des  os,  après  la 
décomjDOsition  de  la  chair.  Mais  les  exemples  connus  provien- 
nent de  tribus  de  Textrême  nord  de  l'Amérique  méridionale, 
considérées  comme  Tupis  pour  des  raisons  linguistiques.  Ainsi 
les  Oyampis  et  les  Palicurs  de  l'OyajDoc.  Les  premiers  ont  été 
décrits  par  Crevaux  (111, p.  iM,  iSy),  et  une  urne  qu'il  a  rapportée 
est  figurée  par  le  D""  Hamy  (160,  pi.  lmi).  Sur  les  usages  funé- 
raires des  Palicurs,  le  P.  Fauque  (126,  p.  383)  s'exprime  ainsi  : 
«  J'entrai  dans  une  Case  haute  que  nous  appelons  Soura  en 
langage  Galiln  :  m'entretenant  avec  ceux  qui  fhabitoient,  je  fus 
tout-à-coup  saisi  d'une  odeur  cadavérique,  et  comme  j'en 
témoignai  ma  surprise,  on  me  dit  qu'on  venoit  de  déterrer  les 
ossements  d'un  mort  qu'on  devoit  transporter  dans  une  autre 
Contrée,  et  l'on  me  montra  en  même  temps  une  espèce  d'Urne 
qui  reiifermoit  ce  dépôt.  Je  me  ressouvins  alors  que  j'avois  vu 
ici,  il  y  a  trois  ou  quatre  ans,  deux  Palicours,  lesquels  étoient 
venus  chercher  les  Os  d'un  de  leurs  parens  qui  y  étoit  mort. 
Comme  je  ne  pensai  pas  alors  à  les  questionner  sur  cette  pra- 
tique, je  le  fis  en  cette  occasion,  et  ces  sauvages  me  ré2:)ondirent 
que  l'usage  de  leur  Natioji  étoit  de  transporter  les  ossements 
des  Morts  dans  le  lieu  de  leur  naissance,  qu'ils  regardent 
comme  unique  et  vérital^le  patrie.  »  11  sem])le,  d'après  ce  récit, 
que  les  Palicurs  mentionnés  pratiquaiiMith^  second  enterrement 
dans  une  urne  pour  transporter  le  cadavie  d'un  individu  mort 
loin  de  son  pays;  mais  Fauque  ne  dit  j^as  si  cette  mode  funé- 
raire leur  était  hal^ituelle.  Fauque  laisse  d'ailleurs  comjirendre 
que  d'autres  Indiens  de  la  région,  non  Tupis,  comme  les  Ga- 
libis,  avaient  la  même  coutume.  Il  n'est  j)as  du  tout  invrai- 


VALLEE  DE  LERMA.  273 

semJ3lable  que  les  Palicurs  aussi  bien  que  les  Oyampis  aient 
emprunté  ce  second  enterrement  des  peuples  voisins. 

On  a  aussi,  par  exception,  constaté  l'enterrement  direct 
dans  des  urnes,  immédiatement  après  la  mort,  chez  des  In- 
diens qui  n'appartiennent  pas  à  la  race  tupie,  tels  les  Goytacâs 
du  Rio  Parahyba,  au  nord  de  Rio  de  Janeiro.  Le  P.  Ayres  de 
Gazai  (41,  II,  p.  5/i)  dit  que  ces  Indiens  «  enterraient  jadis  leurs 
caciques  dans  de  grands  vases  cylinrlriques  en  terre,  nommés 
cammiicis  et  dont  on  trouve  parfois  quelques-uns  contenant  des 
ossements».  Le  prince  de  Wied-Neuvvied  (376,  i,  p.  i3i)  donne 
le  même  renseignement.  Le  voyageur  français  J.-B.  Debret 
(115,  p.  20,  pi.  iv)  donne  une  figure  d'une  urne  funéraire  dans 
laquelle  on  voit  la  momie,  et  il  répète  les  renseignements 
d' Ayres  de  Gazai.  Spix  et  von  Martius  (333.  i,  p.  383)  visent  pro- 
bablement les  mêmes  Indiens  en  parlant  des  «  Goroados  du 
Rio  Xipoto  ')  qui  habitaient  aux  environs  des  sources  du  Rio 
Doce,  dans  l'Etat  de  Minas  Geraes,  au  sud-est  d'Ouro  Preto. 
Ges  «  Goroados  »  enterraient  leurs  morts  «  en  position  accrouj)ie, 
ou  dans  de  grands  vases  en  terre  cinte,  ou  directement  dans 
la  terre,  ensevelis  dans  des  tissus  de  coton  ou  d'autres  fibres 
végétales».  D'après  Ayres  de  Gazai  et  Debret,  les  Goytacâs 
enterraient  dans  des  urnes  seulement  les  chefs,  et,  dans  ce 
cas  comme  dans  d'autres  cas  exceptionnels  où  dçs  peuples  non 
tupi  s  pratiquent  un  mode  funéraire  qui  est  propre  aux  Tupis- 
Guaranis  et  général  chez  eux,  il  est  parfaitement  permis  de 
supposer  que  cette  coutume  a  été  transmise  aux  premiers  par 
les  derniers.  Nous  connaissons  les  migrations  des  Tupis  à 
fépoque  de  la  conquête  européenne.  Le  P.  Gristôbal  de  Acuna 
(3,  p.  i66-i()7)  nous  a  donné  uu  exemple  j)ar  celle  des  Tupi- 
nambâs  de  la  région  de  Pernambuco  (pi'il  av.iit  rencontrés, 
en  16.39,  ^^^^  ^^^  ^^^  ^  ^^  lieues  de  rembouchure  du  Rio  Ma- 
deira  dans  TAmazone,  bien  loin  de  leurs  anciennes  habitations. 
A  l'époque  de  Spix  et  von  Martius  (333,  m,  p.  lofîi),  au  commen- 
cement (kl  xiK*^  siècle,  les  Tupinand)âs  existaient  encore  dans  ces 
régions  :  au  sud-ouest  d'Obydos,  près  de  rembouchure  du  Rio 


MAT1<I!VAI.C. 


274  AM'IOLITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

Mauhé  dans  l'Amazone ,  et  à  Villa  de  Boim ,  près  de  rembouchure 
du  Tapajoz  dans  l'Amazone.  D'autre  part,  nous  savons  comment 
les  Tupis  ont  imposé  leur  langue  à  d'autres  tribus,  et  il  n'y 
aurait  rien  d'étonnant  que  leurs  coutumes  funéraires  aient  aussi 
été  adoptées  par  des  peuples  avec  lesquels  ils  étaient  en  contact. 

Beaucoup  d'aulres  voyageurs  parlent  d'urnes  funéraires 
qu'ils  ont  trouvées  dans  diverses  parties  du  Brésil,  mais  ils  ne 
donnent  pas  d'indications  d'après  lesquelles  on  pourrait  for- 
muler des  conclusions  quant  aux  Indiens  d'où  proviennent  ces 
sépultures.  Pour  citer  l'un  de  ces  auteurs,  M.  Keller-Leuzinger 
(184,  p.  26)  décrit  des  icjarahas  contenant  des  squelettes  entiers, 
en  position  accroupie,  et  qu'il  a  exhumées  près  de  Manàos. 
M.  Keller-Leuzinger  donne  une  figure  représentant  une  de  ces 
trouvailles. 

Nous  ne  devons  pas  passer  sous  silence  la  découA^erte  d'urnes 
grossières  contenant  des  squelettes  entiers,  dans  l'ile  Aruba, 
l'une  des  Petites  Antilles,  située  au  large  de  la  côte  vénézué- 
lienne, au  nord  de  la  presqu'île  deParaguanâ.  Le  D^C  Leemans 
(208,  p.  1 5 ,  pi.  VIII ,  fig.  1)  donne  la  description  et  deux  figures  de 
ces  urnes.  L'île  d'Aruba  était  probablement,  comme  Curaçao 
et  d'autres  îles  voisines,  habitée  d'abord  ]:)ar  des  Aruacs  et 
postérieurement  envahie  par  des  Caraïbes;  l'on  pourrait  tirer 
de  ces  faits  la  conséquence  que  les  Caraïbes  ou  les  Aruacs 
auraient  répandu  sur  le  continent  sud-américain  la  coutume 
de  l'enterrement  direct  dans  des  urnes.  Mais  la  sépulture  décrite 
23ar  M.  Leemans  ne  constitue  qu'un  fait  isolé,  puisque  la  plu- 
part des  urnes  funéraires  qui  ont  été  exhumées  aux  Antilles 
ne  contiennent  que  des  os  provenant  d'un  second  enterrement. 
D'ailleurs,  ni  les  Caraïbes,  ni  les  Aruacs  du  Venezuela  ne  sui- 
vaient la  coutume  de  l'enterrement  direct  dans  les  urnes,  et, 
comme  ce  sont  les  Tupis  qui  la  pratiquaient  partout  sur  le 
continent,  une  telle  conclusion  n'est  ^^as  logique. 

Je  suis  naturellement  loin  de  prétendre^  f[ue  les  renseigne- 
ments consignés  dans  les  j)ages  précédentes  constituent  une 


VALLEE  DE  LEHMA.  275 

monographie  sur  les  eiiterieiiieiits  dans  des  urnes  en  Amérique 
du  Sud;  je  crois  simplement  avoir  prouvé  que  nos  connais- 
sances actuelles  de  l'ethnographie  sud-américaine  inrhquent 
l'enterrement  immédiat  dans  des  vases  en  terre  cuite  comme 
caractéristique  pour  toutes  les  branches  de  la  race  tupi-guaranie 
et  que,  chez  les  peuples  andins,  les  urnes  n'étaient  qu'exception- 
nellement et  dans  des  cas  spéciaux  employées  comme  cercueils. 
Pour  appuyer  encore  plus  la  première  de  ces  thèses,  je  me  per- 
mettrai d'ajouter  les  opinions  de  quelques  ethnologues  éminenls 
qui  ont  voyagé  au  Brésil  et  font  autorité  en  ce  qui  concerne  ce 
pays.  Déjà  d'Orhigny  (274,  n,  p.  3io)  disait  que,  chez  les  Guara- 
nis, «  à  la  mort  d'un  homme,  on  le  pare  de  ses  vêtements,  de  ses 
peintures  de  fête;  il  est  enterré  dans  un  vase  de  terre  ou  dans 
un  fossé  de  clayonnage  au  milieu  même  de  sa  maison  ».  Martius 
(231,1,  p.  177)  note  que  les  «  Tupis  enterraient  leurs  morts  en 
position  verticale,  assise  ou  accroupie.  .  .,  ensevelis  directe- 
ment dans  la  terre  ou  bien  renfermés  dans  des  vases  en  terre 
cuit(»  ».  Ces  urnes,  nommées  ùjarahas  ou  camotms,  ajoute-t-il, 
étaient  fabriquées  très  simplement  et  sans  ornementation,  de 
terre  rougeàtre,  et  on  les  enterrait  à  très  peu  de  profondeur 
sans  se  soucier  de  leur  conservation,  f^es  deux  auteurs  admet- 
tent la  concomitance  de  deux  usages  :  sépultures  directes  dans  la 
terre  et  enterrement  dans  des  urnes;  mais  cette  circonstance  ne 
peut  pas  ôter  au  dernier  des  deux  modes  funéraires  sa  situation 
d'habitude  carastéristique  chez  les  Tupis-Guaianis.  iNous  le 
savons,  en  elfet,  des  tribus  qui  jadis  enterraient  dans  des  urnes 
ont  maintenant  al^andonné  cette  coutume  et  placent  les  cadavres 
directement  dans  la  terre.  D'un  autre  côté,  les  naturels  n'avaient 
certainement  pas  toujours  à  leur  disposition  des  vases  de  gran- 
deur sulhsaute.  Ils  étaient,  dans  ce  cas,  forcés  de  s'en  passer. 
Ainsi  j'ai  vu  des  Çhiiiguanos  qui  temporairement  travaillaient 
comme  ouvriers  dans  les  plantations  à  la  récolle  de  la  canne  à 
sucre,  en  Jujuy,  enterrer  les  morts  sans  urnes,  tandis  cjuils  les 
employaient  ])our  les  sépultures  (huis  leur  pays,  sur  le  Pilco- 
mayo.  Elirenreich  (122,  p.  47)  écrit  :  «  Gomme  les  ancieus  Tuj)is 

18. 


276 


ANTIQUITES  DE  LA  UEGION  ANDINE. 


avaient  ia  coutume  d'enterrer  leurs  morts  clans  des  urnes  gros- 
sières, de  dimensions  colossales,  les  trouvailles  de  ces  urnes 
offrent  des  bonnes  indications  pour  déterminer  la  distribution 
ancienne  de  cette  race.  »  Enfin  MM.  Brinton  (77,  p.  23A)  et  von 
Siemiradzki  (331,  p.  if)-?)  tiennent  aussi  l'enterrement  dans  des 
urnes  comme  caractéristique  pour  les  Tupis. 

En  conclusion  :  les  cimetières  d'El  Carmen  et  de  Providencia 
n'appartiennent  pas  à  la  civilisation  diaguite  dite  «  calchacpiie  », 
ni  à  aucune  autre  civilisation  andine.  Ces  cimetières  sont  des 
vestiges  d'un  peuple  de  culture  notablement  inférieure ,  lequel 
à  une  certaine  époque  occupait  une  partie  des  vallées  inter- 
andines  de  la  République  Argentine  et  qui  y  était  arrivé  du 
Brésil.  Ce  peuple,  pour  les  raisons  exposées,  doit  avoir  appar- 
tenu à  la  race  tupi-guaranie.  La  j^artie  de  la  grande  plaine 
sud-américaine  la  plus  proche  des  Vallées  de  Lerma  et  de 
San  Francisco,  le  Grand  Chaco,  était  au  temps  de  la  conquête 
habitée  par  des  tribus  guaycurues.  C'est  donc  à  une  époque 
antérieure  que  les  Guaranis  avaient  occupé  les  vallées  en 
question  ^^\ 


''^  Sur  les  découvertes  d'El  Carmen  et 
de  Providencia ,  j'ai  formulé  dans  une  com- 
munication faite,  en  igoS,  à  la  Société 
des  Américanisles  de  Paris  (70)  les  con- 
clusions que  je  viens  d'exposer.  Cette  pu- 
blication a  été  l'objet  d'une  étude  critique 
de  la  part  de  M.  Félix-F.  Outes  (277) ,  étude 
assez  volumineuse  où  l'auteur  s'elTorce 
surtout  de  donner  une  bibliographie  dé- 
taillée, d'ailleurs  incomplète  et  en  partie 
étrangère  à  la  question  en  cause,  c'est-à- 
dire  les  migrations  précolombiennes  in- 
diquées par  ces  cimetières  qui  proviennent 
d'une  culture  à  première  vue  totalement 
différente  de  la  «  civilisation  calchaquie  » 
et  de  toute  l'ancienne  culture  andine. 

Il  me  déplairait  d'attarder  ici  le  lecteur 
dans  une  polémique.  Je  crois  du  reste  avoir 
suffisamment  développé  la  matière  dans 
ce  présent  chapitre.  Cela  n'était  pas  pos- 


sible dans  le  temps  nécessairement  res- 
treint d'une  communication  préliminaire. 
J'v  ai  donc  considéré  comme  un  principe 
établi,  inutile  à  discuter  et  accepté  d'ail- 
leurs par  tous  les  ethnographes  qui  se  sont 
occupés  du  Brésil,  le  caractère  essentiel- 
lement tupi-guarani  de  l'enterrement  di- 
rect dans  des  urnes.  L'argument  principal 
opposé  par  M.  Outes,  c'est-à-dire  les  cas 
exceptionnels  des  Goytacâs,  des  Oyampis 
et  des  Palicurs,  ne  peut  modifier  la  règle 
générale.  M.  Outes  remarque  aussi  que 
les  Tupinambâs,  les  Tupinaquins  et  les 
Munduruciis,  d'après  certains  auteurs,  en- 
sevelissent les  cadavres  directement  dans 
la  terre.  Nous  avons  vu  que  les  Tupinani]);is 
de  Thevet  employaient  des  urnes  comme 
cercueils ,  et  de  même ,  d'après  von  Ihering, 
les  T(q)inaquins  de  Sào  Pauh^  Si  ces 
Indiens,  dans  certaines  circonstances,  se 


VALTJIK    l)K   LKliMA. 


277 


•obal)l( 


^11( 


res  proDai)ieineiu,   on    découvrira   encore   (h'    nouvelles 
traces  des  Guaranis  ^[uë>  à  l'intérieur  de  la  région  diaguite. 
M.  Lafone-Quevedo  m'a  dit  avoir  vu,  à  Andalgalâ  (Catamarca), 
il  y  a  quelques  années,  des  débris  de  grandes  urnes  grossières 
sans  aucun  décor,  contenant  des  squelettes  d'adultes  vêtus  en-  \ 
core  de  lambeaux  de  vêtements.  Ces  urnes  avaient  été  exliumées  j  ///^ 
par  un  habitant  d'Andalgalâ,  mais  elles  étaient  complètement  / 
en  morceaux  lorsque  M.   Lafone  les  a  vues.  Il   ne  sait  pas  si  ' 
elles  avaient  eu  des  couvercles  ou  non.    Peut-être  ces  urnes 
provenaient-elles  aussi  d'un  cimetière  guarani.  Quant  à  un  ci- 
metière découvert  «  dans  la  Cordillère  »  par  M.  Octavio  Nicour, 


voyaient  forcés  de  se  passer  d'urnes,  ce 
fait  n'a  aucune  importance.  Quant  aux 
Mundurucûs  modernes,  ils  peuvent  très 
bien,  comme  beaucoup  d'autres  Tupis, 
avoir  abandonné  leurs  anciennes  coutumes 
funéraires. 

Enfin  M.  Outes  ajoute  un  autre  argu- 
ment contre  la  ibéorie  de  la  provenance 
tupi-guaranie  des  cimetières  d'Kl  Carmen 
et  de  Providencia  :  les  découvertes  de 
M.  Ambrosetti  à  Pampa  Grande  que  nous 
avons  sommairement  décrites  page  i46. 
M.  Outes,  lorsqu'il  écrivit  sa  criti((ue, 
n'avait  jeté  qu'un  coup  d'œil  sur  les  col- 
lections de  Pampa  Grande ,  et  il  supposait 
que  toutes  les  trouvailles  faites  dans  ce  ci- 
metière appartiennent  à  la  même  époque. 
On  y  a  trouvé  de  grandes  urnes  gros- 
sières contenant  des  cadavres  d'adultes 
entiers  et,  d'autre  part,  des  cadavres  in- 
bumés  directement  dans  la  terre,  ayant 
auprès  d'eux  de  la  poterie  du  typecomnuui 
de  la  région  diaguite;  enfin,  une  série 
d'urnes  décorées,  du  type  d(^  celles  de 
la  Vallée  de  Yocavil  et  contenant  des 
.squelettes  de  petits  enfants.  De  ces  laits 
M.  Outes  déduit  (pu;  les  urnes  grossières 
contenant  des  adultes,  celles  d'VA  (jarnien 
et  de  Providencia  y  comprises,  appartien- 
draient, comme  les  autres  sé|)ullures,  à 
la  culture  diaguite.  Mais  M.  Outes  igno- 
lait  (pi'on  a  constaté  à  Pamj)a  Grand*; 
une    superposition    d'au  moins  deux   cul- 


tures diffénMites  et  (pie,  selon  les  laits 
observés  par  M.  Ambrosetti  (30,  p.  ig'iji 
les  sépultures  ne  contenant  que  de  la  po- 
terie grossière  proviennent  d'une  épixjue 
différente,  plus  reculée,  (pie  les  sépul- 
tures contenant  des  objets  du  style  dia- 
guite. L'argument  de  M.  Ouïes  est  donc 
dénué  de  tout  fondement ,  et  il  est  fort 
vraisemblable  que  les  grandes  urnes  fu- 
néraires grossières  de  Pampa  Grande, 
comme  celles  des  vallées  de  Lerma  et  de 
San  Francisco,  proviennent  d'un  peuple 
émigré  du  centre  de  l' Américpie  du  Sud 
et  appartenant  très  probablement  à  la 
race  tupi-guaranie. 

Il  faut  convenir  (|ue  les  déductions 
de  M.  Outes  ne  sulllsent  même  jias  à 
diminuer  la  probabilité  de  l'origine  tupi- 
guaranie  des  cimetières  d'El  Carmen  et 
de  Providencia.  Au  sujet  de  la  brochure 
de  M.  Outes,  M.  Erland  Nordenskiold 
(268,  p.  19)  écrivait  réceunnent  :  «  [ihypo- 
thèse  de  Boman  me  semble  d'un  baut 
degré  de  ])rol)abilité,  car  la  seule  tiibu 
habitant  |)rès  de  la  Vallée  de  Salla  et 
pratiquant  ce  mode  de  sépulture,  sont  les 
CMiiriguanos  ,  coni[)ris  dans  les  Tupis.  Si 
(les  tribus  non  Inpies,  dans  des  régions 
brésiliennes  éloignées  (\ii  nord  de  l'Ar- 
gentine ,  avaient  la  uuMue  coutume  Inné- 
ce  fait  ne  peut  pas,  d'après  iikmi 
des  (on- 


l'aire 


opinion,    modifier   l'exaclitud 
clusions  de  lioman.  » 


278  ANTIQUITES  DE  LA  RECTON  ANDÎNE. 

dont  les  renseignements  ont  été  pii])liés  ])ar  le  D'  Aniegliino 
(32, 1,  p.  5i5),  ces  renseignements  sont  Irop  vagues  pour  cpi'on 
en  tienne  compte.  I^a  localisation  même  de  ce  cimetière  fait 
défaut.  11  s'agit  peut-être  diin  cimetière  du  type  Chanar- 
Yaco. 

M.  Moreno  (244,  p.  12),  en  parlant  de  la  région  diaguite,  s'ex- 
prime ainsi  :  «  Il  semble  que  l'habitnde  d'enterrer  dans  des 
urnes,  à  l'époque  de  la  conquête,  était  en  usage  seulement  pour 
les  cadavres  d'enfants  en  bas  âge,  en  Catamarca.  Il  est  très  rare 
de  trouver  des  adultes  enterrés  de  cette  manière,  et,  quand 
on  en  rencontre,  les  urnes  sont  de  types  plus  primitifs  et  pro- 
viennent sans  doute  d'une  époque  antérieure.  » 

En  ce  qui  concerne  l'existence  de  ces  cimetières  guaranis 
dans  les  plaines  à  l'est  des  derniers  contreforts  des  Andes,  on 
n'a  que  des  renseignements  vagues.  Dans  le  Chaco,  à  l'est  et  au 
nord-est  de  Jnjuy,  il  est  probable  qu'il  doit  en  exister,  car  les 
anciens  Guaranis  des  vallées  de  Salta  et  de  Jujuy  ont  traversé  le 
Cbaco  pour  se  retirer  dans  les  territoires  qu'ils  habitent  actuelle- 
ment. Dans  le  département  d'Anta  (province  de  Salta) ,  qui  fait 
partie  du  Chaco  et  qui  est  situé  à  l'est  de  la  Sierra  de  la  Lum- 
brera,  il  y  a  des  cimetières  du  même  genre  que  ceux  de  Provi- 
dencia  et  d'El  Carmen,  c'est-à-dire  des  sépultures  d'adultes  dans 
des  urnes  grossières,  sans  décor,  ayant  pour  couvercles  d'autres 
urnes.  Je  tiens  ces  informations  d'habitants  de  la  ville  de  Salta 
qui  possèdent  des  propriétés  en  Anta.  M.  Moreno  (244,  p.  n)  a 
trouvé,  plus  au  Sud,  dans  la  province  de  Santiago  del  Estero, 
sur  les  bords  du  Rio  Dulce,  un  cimetière  avec  des  urnes  gros- 
sières contenant  des  ossements  humains.  Ce  cimetière  est  peut- 
être  de  la  même  catégorie  que  ceux  dont  nous  nous  occupons. 
M.  Giovanni  Pelleschi  (284,  p.  204)  raconte  aussi  avoir  vu,  près 
de  la  ville  de  Santiago  del  Estero,  un  cimetière  contenant  un 
grand  nombre  d'urnes,  mais  de  dilfé rentes  dimensions.  Ces 
urnes,  dont  quelques-unes  étaient  sans  décor  et  d'une  facture 
grossière,  d'autres  ornées  de  «lignes  entrelacées»  et  de  «des- 
sins (le  lignes  disposées  géométriquemeut  »,  conleiiaient  des 


VALLEE  DE  LEP^LX.  279 

ossemeiils  hmiianis.  M.  I  liilcliiiison  (174,  i,  [..  i  iGj  a  é'>al(Mii('iit  i 
vu  un  cimetière  (ruines  à  '(Bi-aclio»  (Quebraclios?) ,  en  San-  \  ' 
tiai>o  (le!  Esteio.  Jl  mentionne  «une  urne  contenant  un  corps 
humain  ».  J^e  D"^  Juan  A.  Dominguez,  de  Buenos-Aires,  m'a 
parlé  d'un  cimetière  encore  plus  au  Sud,  à  Ambargasta,  sur  la 
limite  entre  les  provinces  de  Santiago  del  Estero  et  de  Côrdoba; 
il  y  avait  là  environ  quarante  grandes  urnes  qui  apparaissaient 
à  la  surface  du  sol  dont  la  couche  supérieure  avait  été  em- 
portée par  les  eaux.  Par  curiosité,  M.  Dominguez  fit  exhumer 
deux  ou  trois  de  ces  urnes  grossières  qui  contenaient  des  os. 
Il  est  très  ])ro])al)le  qu'il  s'agissait  également  d'un  cimetière 
guarani.  Des  fouilles  en  Santiago  del  Estero  donneraient  sans 
doute  des  résultats  intéressants. 

PUCARA  DE  LERMA.  -  GROUPES  DE  Tl  MULUS. 

La  région  siluée  immédiatement  à  l'ouest  de  la  hacienda  lA 
Carmen  se  nomme  «  Campo  del  Pucarâ  »  (Champ  du  Pucarâ). 
Tout  à  fait  plate,  cette  partie  de  la  vallée  est  partagée  entre 
plusieurs  haciendas  qui  toutes  sont  nommées  «Pucarâ»;  on 
ne  les  distingue  entre  elles  que  par  le  nom  de  leurs  proprié- 
taires. Le  terrain  à  l'ouest  des  domaines  d'El  Carmen  appar- 
tient à  M.  Félix  Usandivaras;  au  sud  de  sa  propriété  se  trouve 
la  hacienda  de  M.  Ricardo  Isasmendi,  et,  au  nord,  celle  du 
colonel  Torena. 

En  1901,  MM.  Arias,  dont  j'ai  déjà  parlé,  attirèrent  mon 
attention  sur  une  curieuse  «cité»  de  petits  tunuilus  artificiels 
qui  existait  dans  la  propriété  d(;  M.  Usandivaras.  La  Mission 
Suédoise  se  rendit  à  cet  endi'oit  et  nous  y  trouvâmes  le  groupe 
de  tumulus  que  je  désigne  ici  par  A  (^fùj.  /)*6')  et  (pii  est  situé 
à  i"""'  à  l'ouest  du  cimetière  d'urnes  funéraires  que  je  viens  de 
décrire.  Nous  exécutâmes  quel([ues  louilles  dans  les  tumulus  et 
dans  les  environs,  mais  la  date  fixée  pour  notre  dépai't  ne  nous 
permit  pas  d'en  faire  une  étude  soigneuse. 

En  igo.H,  j'ai  découvert  les  gi'oupes  />  et  C  [fuj.  .'>/  et  /)<V), 


280  ANTIQUITES  DE  LA   REGION  ANDÏNE. 

situés  sur  ie  terrain  de  M.  Torena,  j'y  fis  des  fouilles  métho- 
diques et  je  dressai  des  plans  des  trois  groupes ^'l 

Les  tumulus,  dont  j'ai  compté  un  total  de  1,668,  sont  tous 
identiques,  circulaires,  régulièrement  arrondis,  mesurant  ac- 
tuellement de  ()"'4o  à  o"'5o  de  hauteur  au-dessiis  du  sol 
naturel. 

Le  diamètre  de  ceux  du  groupe  A  est  de  2^60  k  2'"  70; 
celui  des  tumulus  des  groupes  i^  et  C  un  peu  plus  grand,  de 
2°"  80  à  2^90,  quelquefois  jusqu'à  S"".  On  voit  que  les  faibles 
variations  de  diamètre  des  tumulus  d'un  môme  groupe  ne 
sont  pas  volontaires,  mais  qu'elles  ont  été  causées  par  des  ir- 
régularités dans  l'exécution  de  la  construction,  les  construc- 
teurs  ayant  voulu  les  faire  tous  égaux. 

Les  tumulus  sont  entourés  d'une  ou  deux  rangées  circu- 
laires de  pierres  roulées,  ayant  toutes  plus  ou  moins  les  mêmes 
dimensions,  i5xioXio  à  20Xi5x  iS'^"'.  Dans  les  environs 
immédiats  il  n'y  a  pas  de  pierres;  elles  ont  été  apportées  d'un 
lit  de  rivière,  d'au  moins  un  kilomètre  du  groupe  A,  mais  plus 
près  des  groupes  B  et  C.  Une  j^ai'tie  de  ce  lit  de  rivière  est 
signalée  sur  ^^fi(j-  39. 

hdijicj.  35  donne  faspect  général  (a)  et  la  coupe  verticale  [d) 
d'un  des  tumulus,  ainsi  que  le  plan  d'un  tumulus  à  un  cercle 
de  pierres  (è)  et  celui  d'un  autre  à  deux  cercles  (c).  Il  faut 
avertir  qu'il  n'existe  aucune  relation  entre  les  diamètres  diffé- 
rents des  tumulus  et  le  nombre  des  cercles  de  pierres;  les  tu- 
mulus, qu'ils  soient  à  un  ou  à  deux  cercles,  ne  sont  pas  placés 
d'une  manière  particulière  les  uns  par  rapport  aux  autres. 
Tout  au  contraire ,  les  deux  sortes  sont  distribuées  irrégulière- 
ment, ceux  à  un  cercle  étant  plus  communs  que  ceux  à  deux 
cercles. 

Les  tumulus  des  trois  groupes  sont  disposés  en  rangées  par- 

'*'  J'ai  publié  un  travail  préliminairo  résultats  de  la  Mission,  et  les  plans  des 
sur  les  tumulus  de  Pucarâ  de  Lernia  groupes  sont  insérés  dans  une  coninuini- 
(69).  Une  courte  notice  à  ce  sujet  a  au«si  cation  qu'il  a  faite  au  Congrès  interna- 
été  donnée  par  M.  de  Créqui  Montfort  tional  des  Américanistes,  à  Stuttgart,  en 
(110)    dans   son    rapport   oiïlciel    sur   les  i()o/i(109). 


VALLÉE  DE  LRP.M  \. 


281 


faitement  droites,  avec  des  intervalles  réguliers  et  toujours 
égaux,  dans  une  direction  comme  dans  l'autre.  Les  rangées  se 
dirigent  strictement  du  Nord  au  Sud  et  de  l'Est  à  l'Ouesl.  La 
largeur  des  rues  qui  séparent,  dans  la  direction  de  l'Est  <à 
l'Ouest,  les  tumulus  du  groupe  A,  est  d'environ  5°";  celle  des 
rues  allant  du  Nord  au  Sud,  de  5""  5o  avec  de  petites  irrégula- 
rités par  déplacement  de  quelques  tumulus  de  la  ligne  droite. 


a 


Fin.  3; 


Tiimnliis  de  Piicaiâ  de.  Leima. 


a.  Aspect  j^énéral  ;  h,  r.  Plans  de  deux  liimidus;  (/,  (loiij»-  verticale  d'im  tuiiudiis. 

licliell(!  :  1  /(')o. 

ces  irrégularités  ne  dépassant  guère  o"'5o.  Dans  les  groupes  B 
et  C,  les  rues  sont  également  régulières,  mais  plus  étroites; 
elles  ont  3"  de  largeur  seulement. 

Le  groupe  C  présente  une  particularité  qu'on  ne  rencontre 
pas  chez  les  autres  :  il  est  entouré  d'un  rempart  en  terre 
(^ffj.  38  a)  qui  est  actuellement  d'une  élévation  de  i'"  et  d'une 
largeur  de  2'"  environ.  On  doit  supposer  que  ce  renq^art  a  été 


282  ANTIQUTTExS  DE  LA  REGION  ANDINE. 

beaucoiij)  ]Aiis  élevé,  parce  que  les  pluies  ne  peuvent  que 
l'avoir  réduit.  Du  côté  intérieur  du  rempart,  il  y  a  un  fossé 
[fi(j.  38  h^  de  i"'5o  de  largeur;  la  terre  extraite  du  fossé  a  été 
employée  pour  la  construction  du  rempart.  L'un  et  l'autre  de 
ces  ouvrages  ne  peuvent  avoir  été  destinés  à  la  défense  des 
tumulus,  parce  que,  dans  ce  cas,  le  fossé  serait  situé  en  dehors 
du  rempart  et  non  du  côté  intérieur.  H  y  a,  parallèlement  à 
l'une  des  rangées  extérieures  du  groupe  C ,  un  soubassement 
de  mur  en  pirca  [ji(j.  38  c) ,  lequel  est  actuellement  rasé  jusqu'à 
terre.  Ce  n'est  qu'un  mur  droit,  et  les  fouilles  que  j'y  ai  pra- 
tiquées m'ont  convaincu  qu'il  ne  faisait  nullement  partie  de 
quelque  enclos  rectangulaire  ou  autre  sorte  de  construction, 
comme  on  aurait  pu  le  supposer. 

Les  trois  groupes  sont  situés  sur  un  sol  dur  et  parfaitement 
plat.  Pensant  que  les  tumulus  pouvaient  être  des  sépultures, 
nous  avons,  pendant  la  visite  de  la  Mission  Suédoise,  pratiqué 
des  excavations  dans  deux  ou  trois  d'entre  eux,  mais  sans  rien 
trouver.  Dans  mon  voyage  pour  la  Mission  Française,  j'ai  fait 
des  fouilles  dans  six  tumulus  pris  au  hasard,  jusqu'cà  i"'8o  de 
profondeur,  où  j'ai  atteint  le  niveau  de  feau,  et  deux  exca- 
vations en  forme  de  croix  dans  les  intervalles  situés  entre  les 
tumulus,  toujours  sans  trouver  ni  squelettes,  ni  aucun  vestige 
humain.  Au  contraire,  mes  fouilles  démontrèrent  toujours  que 
la  terre  se  trouvant  au-dessous  des  tumulus  n'avait  jamais  été 
remuée,  et  que  ceux-ci  étaient  simplement  superposés  au  sol, 
dont  la  terre  est  à  première  vue  différente  de  celle  des  tumulus. 

Généralement  la  terre  de  la  surface  est  plus  noire  que  celle 
qui  se  trouve  à  une  certaine  profondeur,  car  la  première  est 
toujours  plus  mélangée  de  débris  organiques.  Mais  ici  c'est  le 
contraire  :  la  terre  des  tumulus  est  plutôt  l'ougeâtre,  et  celle 
du  sol  plus  noire.  Ce  fait  indique  que  les  tumulus  ont  été  for- 
més avec  de  la  terre  prise  à  une  certaine  distance  de  l'endroit 
qu'ils  occupent.  M.  le  professeur  Maquenne  en  a  bien  voulu 
examiner  deux  échantillons,  l'un  piis  au-dessus  du  niveau  du 
sol  naturel,  au  milieu  d'un  tumulus  et  à  ()"''io  de  i:)rofondeur 


VALLEE  DE  LERMA. 


283 


au-dessous  du  soinmel;  l'autre  daus  le  sol  sous  le  même  tu- 
mulus  et  à  o'"8o  de  proloudeur.  Le  premier  échantillon,  celui 
du  tumulus,  contient  plus  de  gros  cailloux  que  celui  du  sol, 
mais  les  éléments  constitutifs  sont  les  mêmes,  quoiqu'ils  se 
présentent  en  des  propoitions  dillérentes  dans  chacun  des 
deux  échantillons.  Selon  M.  Maqiienne,  la  terre  des  tiimulus 
n'est  ni  plus  ni  moins  propre  pour  la  culture  que  celle  (Ui 
sol.  Je  dois  à  M.  le  j^rofesseur  Lacroix  une  analyse  minéra- 
logique  du  sable,  tamisé  et  lavé,  des  deux  échantillons.  Cette 
analyse  a  donné  le  même  résultat  :  les  deux  sables  sont  com- 
posés de  fragments  des  mêmes  roches ^^\  mais  le  sable  du  tu- 
mulus est  composé  de  grains  beaucoup  plus  fins  que  celui 
du  sol.  On  aurait  attendu  le  contraire,  car  les  éléments  fins  de 
la  terre  superficielle  auraient  pu  être  enlevés  par  la  pluie  au 
cours  des  siècles,  ce  qui  ne  pouvait  être  le  cas  pour  la  terre  se 
ti'ouvant  à  o"  80  au-dessous  du  sol.  Les  analyses  ne  prouvent 
pas  jusqu'à  l'évidence  l'origine  diverse  des  deux  sortes  de  terre, 
mais  les  dilïérences  sont  néanmoins  assez  grandes  pour  être 
considérées  comme  un  indice  que  la  terre  formant  les  tumulus 
a  été  apportée  d'un  autre  endroit.  L'identité  des  deux  échan- 
tillons, quant  à  leurs  éléments  constitutifs,  ne  s'oppose  pas  à 
cette  hypothèse,  car  le  sol  de  grandes  étendues  de  la  vallée 
est  homogène,  l'alhivion  étant  formée  de  matériaux  d'érosion 
provenant  de  montagnes  d'une  constilution  géologique  très 
homogène. 

Un  autre  fait  m'a  convaincu  que  la  terre  formant  les  tumulus 
a  été  apportée  de  loin^'^^  :  il  n'y  a  pas,  dans  les  environs,  de  creux 


^'^  Les  éléments  des  sables,  tous  très 
roulés,  comprennent  :  i  "  quartz;  :i"  l'eld- 
spaths  acides  (de  roches  granitiques?  : 
orlliose  microcline,  plagioclases  acides); 
'y  quart/.ite  Ibrniée  luiiqueinent  de  petits 
grains  de  quartz  auxquels  parfois  se  joi- 
gnent des  paillettes  de  niuscovilo  dans  les 
ternies  île  passage  aux  roches  suivantes; 
/;"  phyllade-muscovite  en  liiics  paillettes, 
avec  ou  sans  quartz. 


''^^  Ce  fait  rappelle  ce  que  disent 
MM.  Squier  et  Davis  (334,  p. /iH)  sur  les 
mounds  (pii  forment  les  «Enclos  sacrés» 
de  rAméri(pie  du  ISord  :  Tliey  me  iisikiIIy 
composed  of  eiirtli  taken  iij)  evciily  froin  ihc 
surface ,  or  froin  large  pil<  in  ihe  neighhor- 
hood.  Evident  rare  appears  in  ail  casex  to  hâve 
been  exerciscd ,  in  procuring  tlw  inatcrial, 
la  pirscrve  llie  surface  of  llic  adjacent  plane 
snioolli ,  and  as  far  as  possible  unbroken. 


28'i  ANTIQUITKS  DE  LA   REGION  ANDTNE. 

d'où  elle  aurait  pu  être  tirée.  Le  sol  et  les  tumulus  sont  si 
bien  conservés  dans  leur  état  originaire,  que  ce  serait  très  facile 
d'apercevoir  ces  cavités  s'il  y  en  avait  eu ,  d'autant  plus  que  la 
végétation  ne  se  compose  que  de  rares  graminées  basses  et  de 
quelques  petits  arbustes  épineux. 

Je  ferai,  au  sujet  des  plans  des  groupes  de  tumulus,  les  re- 
marques suivantes  : 

Les  tumulus  sont,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  en  général 
très  bien  conservés;  la  seule  détérioration  dont  ils  ont  eu  à 
souftVir  est  que  leur  élévation  a  sûrement  été  réduite  un  peu 
par  la  pluie  et  que  quelquefois  des  parties  de  leurs  bords  de 
pierres  ont  été  déplacées.  Cependant  il  y  a  des  exceptions.  Au 
coin  nord-ouest  du  groupe  A  [fig.  36  a)  passe  un  chemin.  Les 
cavaliers  et  les  rares  charrettes  qui  parcourent  le  pays  ont 
détruit  quelques-uns  des  tumulus  qui  se  trouvaient  en  cet 
endroit.  Au  nord  de  la  rangée  qui,  du  point  e,  se  dirige  vers 
l'Est,  il  existe  un  champ  cultivé  et  clos;  il  est  possible  que  les 
tumulus  se  continuaient  jadis  dans  ce  champ.  Du  côté  Est  du 
même  groupe  (dans  les  environs  des  points  /  et  //),  plusieurs 
tumulus  paraissent  avoir  disparu,  tandis  que,  dans  la  même 
direction,  à  environ  200™  plus  loin,  on  voit  encore  des  traces 
de  tumulus.  De  ce  côté,  il  n'est  pas  possible  de  définir  avec 
certitude  où  ils  s'arrêtent. 

Mais  au  contraire,  dans  plusieurs  autres  endroits  où  man- 
quent des  tumulus  nécessaires  pour  achever  la  parfaite  régu- 
larité des  groupes,  comme  en  m,  d,  n,  cj  du  groupe  A  [fuj.  36), 
au  coin  nord-ouest  du  groupe  B  [ficf.  37)  et  du  côté  sud  du 
groupe  C  [ficj.  38),  le  sol  n'est  pas  touché,  et  Ton  est  con- 
vaincu que  les  tumulus  qui  y  semblent  manquer  n'ont  jamais 
existé. 

Dans  le  groupe  A  ,  les  deux  tumulus  isolés  en  k,  les  dix  en  / , 
lesquels  semblent  occuper  un  lieu  qui  devait  rester  libre  pour 
compléter  la  grande  rue  entre  c-d  et  c-f\  le  tumulus  isolé  en  A, 
tous  ces  tumulus  ne  sont  pas,  comme  on  pourrait  le  croire, 
des  restes  de  rangées  détruites,  mais  véritablement  des  tumulus 


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280 


ANTIQUITES  DE  LA  REGION  AN  DINE. 


isolés,  placés  hors  du  plan  général,  quoique  dans  la   même 
direction  et  aA^ec  les  mêmes  intervalles  que  les  autres. 

Enfin,  en  étudiant  ces  groupes  de  tumulus,  on  arrive  aux 
résultats  suivants  :  i°  Le  plan  de  leur  conslmction  a  été  dressé  avant 


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Fig.  37.  —  Tumiiliis  (k'  Piicarà  do  Lerma.  Plan  du  grouj)c  B  (i58  tiiiniilns). 
Eclielle  :  1/2.000. 

de  commencer  les  travaux  et  l'on  a  pris  pour  base  certaines  lujnes 
droites,  qui  sont,  dans  le  groupe  A  :  a-b,  b-f-m  et  e-f;  2"  La 
construction  des  tumuhis  ne  paraît  pas  avoir  été  réalisée  en  une  seule 


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Sa^i'l'frfejaatiSrj»-;.. 


Fig.  38.  —  Tumulus  de  Pucarâ  de  Lcrma.  Plan  du  groupe  C  (/|(53  tuiiuilus). 
a.  Rempart;  b.  Fossé;  c.  Mur.  —  Echelle  :  i  '^.ooo". 

fois,  mais  peu  à  peu,  selon  le  besoin  qu'on  a  pu  avoir,  par  suite 
de  certaines  circonstances,  d'ajouter  de  nouveaux  tertres  à 
ceux  déjà  existants;  3"  En  commençant,  on  a  voulu  laisser  des 


VALLEE  DE  LEHMA.  287 

liu'(j(s  rues  libres  cnlrc  les  différenles  séchons  du  groupe /l,  mais, 
par  la  suite,  on  s'esl  décidé  à  y  placer  certains  tumulus, 
comme  ceux  situés  en  i  et  ceux  qui  sont  placés  dans  la  rue  (j-h 
{fuj.36). 

Les  trois  groupes  de  tumulus  sont  situés  k  G*"",  plus  ou 
moins,  à  Test  de  l'eml^oucliure  dans  la  Vallée  de  Lerma  de  la 
Quebrada  del  Toro. 

Le  groupe  A  contient  1,0^7  tumulus,  en  dehors  de  ceux 
qui  sont  disparus;  les  groupes  B  et  (J,  où  tous  les  tumulus  se 
sont  bien  conservés,  en  contiennent  respectivement  1  58  et  463. 
Le  groupe  B  est  situé  à  2'""  environ  de  distance  à  Touest-nord- 
ouest  du  groupe  A ,  le  groupe  C  à  300*"  à  peu  près  au  nord  du 
groupe  B^  dont  la  dernière  rangée  de  tumulus  à  l'est  forme  la 
continuation  de  la  ligne  du  rempart  du  côté  ouest  du  groupe  C. 

Le  croquis  y/^.  39  montre  les  environs  des  groupes  B  et  C. 
A  100'"  à  l'est  de  ces  groupes  il  existe  les  restes  d'un  camp 
retranché  rectangulaire  d'à  peu  près  600'"  d'extension  de 
l'Ouest  à  l'Est  et  35o"'  du  Nord  au  Sud.  Ce  camp  est  limité 
par  des  remparts  en  terre  avec  un  fossé  extérieur,  en  ligne 
droite,  et  assez  bien  conservés  des  cotés  nord  et  est,  tandis 
qu'il  ne  m'a  pas  été  possible  de  suivre  leur  tracé  du  côté  ouest, 
où  ils  ont  probablement  disparu  par  suite  du  passage  d'un 
chemin  moderne.  Du  côté  sud,  il  n'y  a  ]:)as  de  lempart,  mais 
le  camp  est  borné  ]^ar  le  lit  d'une  rivière  aujourd'hui  à  sec, 
dont  les  bords  perpendiculaires  ont  de  2  à  3"'  de  hauleur. 
C'est  peut-être  ce  lit  de  rivière  qui  a  fourni  les  ^pierres  qui 
bordent  les  tumulus.  L'endroit  paraît  avoir  été  fréquemment 
habité  aux  temps  pi'éhispaniques,  car  on  y  trouve,  sur  le 
sol,  beaucoup  de  fragments  de  poterie  ancienne,  presque  tous 
d'une  céramique  grossière,  sans  décor,  mais  très  rarement  des 
fragments  gravés,  engobés  avec  de  la  plombagine,  du  type  de 
la  //</.  53  b,  c,  cl  àc  Golgota. 

Piesque  au  centre  de  ce  camp  i-etranché  exisie  un  giand 
tertre  artificiel  de  6""  de  hauteur  dont  il  est  dilllcile  maintenant 


288 


ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 


de  mesurer  les  dimensions  j^rimitives,  la  terre  des  côtés  s'étant 
éboulée  et  le  tertre  étant  entièrement  couvert  de  vieux  arbres 
dont  les  racines  ont  contribué  à  en  altérer  la  forme  originaire. 
Il  reste  encore  une  surface  supérieure  plate  de  1 3"  de  longueur 
(Nord-Sud),  sur  6™  de  largeur  (Est-Ouest);  la  terre  éboulée 
comprise,  le  tertre  couvre  une  superficie  de  28"  dans  le  pre- 
mier sens  sur  3 2°"  dans  la  dernière  direction.  Si  l'on  suppose 
que  les  flancs  du  tertre  ont  été,  à  Torigine,  plus  ou  moins 
perpendiculaires,  il  aurait  eu  20""  de  longueur  sur  1 5""  de 
largeur  environ.   La  terre  éboulée  a  mis  à  découvert,  sur  les 


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Groupe  C 

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de  U'QuebraJi, 

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Fig.  39.  —  Tumulus  Je  Puçarâ  de  Lerma.  Environs  des  groupes  B  et  C. 
Echelle  :  i/io.ooo. 

flancs,  des  murs  cpii  paraissent  avoir  servi  à  consolider  ce 
grand  monticule  artificiel.  Partout  où  l'on  fouille  dans  le 
tertre,  ^particulièrement  près  de  ces  murs,  on  trouve  des  frag- 
ments de  poterie  ancienne  en  abondance,  la  plupart  —  comme 
sur  le  sol  du  camp  retranché  —  d'une  céramique  grossière, 
quelques-uns  gravés  et  même  un  fragment  peint  à  la  manière 
des  urnes  funéraires  de  la  région  diaguite.  Ces  fragments  gra- 
vés ou  jDeints  sont  cependant  trop  peu  nondDreux  pour  qu'on 
puisse  s'aventurer  à  vouloir  en  tirer  quelques  conclusions  en 
ce  qui  concerne  le  synchronisme  du  tertre  avec  d'autres  ruines 


VALLEE  DE   LE  KM  A.  289 

Ou  antiquités  de  la  Vallée  de  Lerma.  Dans  le  tertre,  j'ai  trouvé 
d'assez  nombreux  os  de  lama  et  de  huanaco,  espèces  qui 
n'existent  pas  actuellement  dans  cette  vallée. 

Sur  le  plan  y^ry.  39,  près  du  tertre  artificiel,  on  voit  deux 
étangs,  l'un  assez  grand  et  l'autre  plus  petit;  ce  sont  des  étangs 
modernes  construits  par  les  propriétaires  de  l'hacienda  comme 
réservoirs  d'eau  pour  l'irrigation  de  leurs  cultures. 

Près  des  tumidus  1^  il  y  a  aussi  les  restes  de  deux  étangs, 
l'un  de  Bo'^X  40"'  et  l'autre  de  54'"  X  35'".  On  voit,  de  jilus,  les 
traces  d'un  canal  se  dirigeant  de  ces  étangs  vers  le  camp  re- 
tranché, mais  ces  traces  se  perdent  avant  d'y  arriver.  Les  habi- 
tants actuels  de  l'hacienda  ne  connaissent  aucune  tiadition  sur 
ces  étangs  et  sur  ce  canal;  ils  attribuent  leur  construction  aux 
(jentUes,  mais  il  est  difficile  de  se  prononcer  sur  leur  âge. 

En  résumé,  le  tertre  et  ]:)robablement  aussi  le  rempart  et  le 
fossé  du  camp  retranché  sont  sans  doute  préhispaniques,  et  je 
crois  qu'il  faut  les  considérer  comme  contemporains  des  tumu- 
lus.  Quant  aux  étangs  et  au  canal,  leur  origine  est  douteuse; 
cependant  il  ne  serait  pas  impossilîle  que  les  constructeiu^s  des 
tumulus,  du  tertre,  du  camp  retranché,  des  étangs  et  du  canal 
ne  soient  les  mêmes.  Le  tertre  et  le  fossé  sont  mentionnés  dans 
la  relation  de  Don  FiliJ)erto  de  Mena  (235,  p.  27),  déjà  citée, 
sur  les  monuments  et  les  vestiges  des  liabitants  primitifs  de  la 
région  de  Salta  et  de  Jujuy.  Mena  dit  avoir  vu,  en  1760,  «à 
un  endroit  nommé  Pucarâ,  à  sept  ou  lui  il  lieues  de  Salta  »,  un 
pe(jucno  cerro  (fiie  se  recoiioce  s  in  csjaerzo  scr  obra  del  homhre,  Icvan- 
tado  con  tierra  y  cou  un  foso  cjue  lo  rodea.  Mena  suppose  que  ce 
tertre  a  servi  de  iortification  aux  Indiens  païens  [los  indios 
injicles). 

D(»  quelles  l'uines  et  (l(*  quels  {]él)ris  j)r(''liispaMi(pies  de  la 
Vallée  de  Lei'ina  ou  des  régions  voisines  les  luinulus  sonl-ils 
contemporains?  Il  est  difficile  de  répondre  à  cetf(»  question. 
Dans  les  tumulus  ou  autour  d'eux,  011  ne  Iroiivc^  aucun  indice 
pour  résoudre  ce  problème;  les  fragmeuLs  de  j^olerie  du  iiwup 


290  ANTIQUITÉS  DE  LA  RÉGION  ANDINË. 

retranché  et  du  tertre  n'ont,  en  général,  pas  de  décor  et  ne 
peuvent  être  considérés  comme  argument  accepta]3le.  Le  seul 
indice  serait  l'urne  funéraire y?^.  âl  trouvée,  comme  on  le  voit 
sur  le  plan  fuj.  39 ,  au  nord  du  camp  retranché.  Cette  urne 
ressemble  assez  à  celles  de  Santa  Maria  et  à  certaines  urnes  de 
Pampa  Grande;  elle  indiquerait  que  les  tumulus  appartieinient 
à  la  civilisation  diaguite,  mais  le  synchronisme  de  cette  urne 
avec  les  tumulus  est  loin  d'être  sûr,  et  nous  avons  aux  environs 
tant  d'autres  débris  de  différentes  éjDoques,  qu'il  serait  osé  de 
formuler  une  conclusion  sur  cette  base. 

Dans  quel  but  ont  été  élevés  ces  nombreux  tumulus,  uniques 
comuie  forme,  dimensions,  disposition  régulière,  non  seule- 
ment dans  l'Amérique  du  Sud ,  mais ,  d'après  mes  connaissances, 
dans  le  monde  entier.  11  fallait  un  but  important  pour  qu'on  se 
soit  donné  la  peine  d'effectuer  ce  travail  long  et  onéreux,  même 
avec  les  moyens  dont  disposent  les  ingénieurs  de  nos  jours. 

Mes  fouilles  ont  suffisamment  démontré  que  ces  tumulus  ne 
sont  pas  des  sépultures. 

Ils  ne  représentent  pas  non  plus  des  emplacements  de  huttes 
d'Indiens;  outre  leur  petite  dimension,  l'absence  a]:)solue  de 
morceaux  de  poterie,  d'os  ou  d'autres  débris  humains  prouve 
que  cela  n'est  pas  possi])le.  D'ailleurs  on  voit  clairement  que 
les  bordures  de  pierres  ont  été  posées  simplement  pour  limiter 
le  tumulus  et  qu'elles  n'ont  jamais  servi  de  soubassement  à 
des  constructions  de  quelque  nature  que  ce  soit. 

Serait-ce  des  amas  de  terre  végétale  pour  la  culture  ?  H  est 
certain  que  les  habitants  préhispaniques  des  Andes  amassaient 
de  la  terre  végétale  en  terrasses  sur  les  flancs  des  montagnes, 
les  andenes.  Mais  la  construction  de  ces  terrasses  avait  un  motif 
qui  n'existe  pas  dans  la  Vallée  de  Lerma  :  le  défaut,  dans  les 
étroites  vallées  entre  les  montagnes,  de  terrain  plat  qui  puisse 
être  cultivé.  J'ai  aussi  vu,  dans  la  province  de  Gatamarca,  d'an- 
ciennes cultures  sur  terrain  plat  entourées  de  pierres  ou  de 
pircas,  mais  jamais  surélevées  sur  le  sol  et  n'ayant  pas  la  forme 
et  la  disposition  régulière  des  tumulus  de  Pucarâ.  G'était  sim- 


VALLEK   l)i;   I.KRMA.  ^91 

plement  des  (lél)ris  de  vieux  murs  ou  de  vieux  aliguements, 
sans  aucune  symétrie,  servant  de  clôture  à  un  espace  de  ter- 
rain d'une  forme  et  de  dimensions  quelconques  qui  avait  été 
cultivé.  M.  len  Kate  (343,  ilg.  i-x  et  ilv)  donne  deux  ligures  de  ces 
anciennes  cultures. 

En  Europe,  nous  avons,  en  Bavière  et  en  Wurtemberg, 
d'anciens  amas  de  terre  végétale,  disposés  d'uue  manière  assez 
régulière.  Ce  sont  les  hochàcker,  sur  lesquels  M.  II.  von  Ranke 
(306)  a  écrit  une  monographie  très  complète.  Les  hochàcker  sont 
des  es|)èces  de  plates-bandes  de  terre  végétale,  longues  de  170 
à  3oo'",  quelquefois  même  de  1,200'",  larges  de  8  à  10'"  et  d'une 
hauteur  moyenne  de  o'"  5o  à  ©"'go.  Ces  longs  amas  de  terre 
qui  out  chacun  loujouis  la  même  largeur  sur  toute  leur  éten- 
due, sont  droits  ou  presque  droits,  placés  en  groupes,  quelque- 
fois trente  ou  quarante  ensemble,  parallèles  entre  eux,  mais 
sans  aucun  raj^port  en  ce  qui  concerne  la  direction  d'un  groupe 
relativement  à  celle  d'un  autre.  Pour  former  les  hochàcker,  on  a 
enlevé  la  terre  végétale  des  sillons  qui  les  séparent  au  milieu, 
évidemment  dans  le  but  d'améliorer  la  fertilité  du  sol  qui,  dans 
ces  régions,  est  fort  maigre  et  n'a  qu'une  couche  superficielle 
très  mince  de  terre  végétale.  Les  hochàcker  se  trouvent  répandus 
dans  la  partie  méridionale  de  la  l^avière  et  du  Wurtemberg, 
entre  le  Danube  et  les  Alj^es.  M.  von  Ranke  les  allrlhue  aux 
anciens  Vindeliciens,  peuple  celtique  qui  habitait  le  pays  avant 
sa  conquête  par  les  Romains. 

J'ai  mentionné  les  hochàcker  \y<\vc,c  que  ce  sont  les  anciennes 
cultures  les  plus  propres  à  conq^arer  à  nos  tumulus;  mais,  en 
faisant  cette  comparaison,  j'arrive  à  finqx^ssihilité  de  consi- 
dérer les  tumulus  comme  lieux  de  culture.  En  (^llet,  dans  les 
hochàcker  nous  voyons,  comme  dans  les  andencs ,  des  lra\au\ 
pratiques  qui  ont  été  exécutés  sans  aucun  autre  point  de  \ue 
([ue  l'agricultuie;  tandis  qu'on  ne  peut  conq)ren(he  ])ourqu()i 
les  constructeurs  des  tumulus  de  Pucarâ  se  sont  donné  tant 
de  peine  pour  obtenir  une  régidarité  géométrique  et  j^ourquoi 
ils   ont   transpoi-té    d'aussi    loin   l'énorme  quantité    de  picM-res 


292  ANTIQUITÉS  DE  LA   RÉGION  ANDINE. 

nécessaires  pour  former  les  ])or(ls  des  luimiliis,  si  leur  but  était 
simplement  la  culture.  Avec  des  amas  de  terre  plus  étendus, 
ils  n'auraient  eu  besoin  que  d'une  petite  quantité  de  pierres 
pour  les  bords;  en  tous  cas,  des  cultures  plus  grandes  auraient 
été  certainement  beaucoup  plus  pratiques.  D'autre  part,  l'ana- 
lyse de  M.  Maquenne  démontre  que  la  terre  des  tumulus  n'est 
pas  meilleure  pour  la  culture  que  celle  du  sol. 

Enfin  le  sol  de  la  \  allée  de  Lerma  est  trop  fertile  pour 
rendre  nécessaire  de  tels  amas  de  terre  spéciale.  Ce  qui  manque 
dans  la  région,  ce  n'est  pas  une  épaisse  couche  de  terre  végétale , 
mais  la  pluie;  or  la  forme  et  le  relief  des  tumulus  auraient 
rendu  impossible  femploi  de  l'eau  par  des  canaux  d'irrigation. 
D'ailleurs  il  n'existe  pas  de  trace  de  ces  canaux,  et,  si  les  tumulus 
avaient  été  des  cultures,  la  seule  manière  de  les  irriguer  eût 
été  de  les  arroser  à  la  main  avec  de  l'eau  apportée  d'une  grande 
distance.  J'en  conclus  qu'il  ne  faut  pas  considérer  les  tumulus 
comme  des  terrains  de  culture. 

Il  ne  nous  reste  pas  d'autre  hypothèse  que  de  supposer  que 
ces  cités  de  tumulus  ont  dû  servir  dans  de  grandes  cérémo- 
nies ou  dans  des  assemblées  d'Indiens;  chaque  tumulus  de- 
venait peut-être  alors  le  siège  ou  l'autel  d'un  individu  ou  d'un 
chef  de  famille'''. 

Cette  interprétation ,  bien  qu'elle  puisse  paraître  assez  aven- 
tureuse, n'est  pas  cependant  tellement  invraisemblable.  Nous 
devons  rappeler  que  les  Indiens  des  régions  andines  avaient, 
et  ont  encore  l'habitude  d'organiser,  dans  toutes  les  occasions 
possibles,  des  fêtes  avec  des  cérémonies.  Dans  l'ancien  Pérou, 
chaque  mois,  chacun  des  événements  périodiques  comme  les 
semailles,  la  moisson,  etc.,  avaient  leurs  fêtes.  Les  Indiens  de 
la  Puna  ont  encore  devant  leurs  huttes  le  liiiin,  autel  pour 
les  cérémonies  qui  accompagnent  l'apposition  de  la  marque  de 

^''  M.  Félix-F.  Ouïes  (277,  p.   li-S)    oh-  le  groupe  A.  Naturellement,  ii  n'y  a  au 

jerte  contre  celte  hypothèse  que  l'on  ne  cune    raison   de  supposer   qu'on    ait   fait 

pourrait  pas  entendre  les  allocutions  des  des     discours   dans    ces    assemblées,    qui 

orateurs  de  l'assemblée  à  200  mètres  de  doivent    avoir   été   rituelles,   si    elles   ont 

distance,  comme   ce   serait    le    cas  dans  existé. 


VALLEE  DE  LERMA.  293 

propriété  sur  les  lamas  et  les  moulons  :  cet  autel  se  compose 
d'un  amas  de  pierres.  Dans  l'archéologie  argentine,  nous  avons 
deux  exemples  de  sièges  ou  d'autels  situés  en  grand  nombre 
dans  un  même  endroit  et  dans  une  disposition  plus  ou  moins 
géométrique.  L'un  de  ces  exemples  consiste  en  un  groupe  de 
grandes  pierres,  disposées  symétriquement  dans  une  enceinte 
entourée  de  murs,  à  Loma  Rica  (Vallée  de  Yocavil);  ces  ruines 
figurent  dans  l'album  j^ublié  j^ar  MM.  Liberani  et  Hcrnâiulcz, 
(217, 1)1.  12).  L'autre  exemple  est  donné  par  un  grand  nombre  de 
monceaux  de  pierres  que  j'ai  trouvés  à  Puerta  de  Tastil,  dans 
la  Quebrada  del  Toro,  et  qui  sont  décrits  page  369  et  indiqués 
sur  le  plan  de  ces  mines,  Ji(j.  61  E.  Ces  monceaux  de  pierres 
ne  peuvent  avoir  eu  aucune  fin  pratique;  ils  étaient  alors 
probablement  destinés  à  un  but  religieux  ou  à  quelque  céré- 
monie. 

Si  nous  cherchons  des  analogies  en  dehors  de  l'Amérique, 
nous  remarquons,  chez  plusieurs  peuples,  que  les  endroits  où 
avaient  lieu  de  grandes  cérémonies  étaient  pourvus  d'un  grand 
nombre  d'autels,  un  pour  chaque  famille  ou  clan.  Ainsi  les 
Maoris  de  la  Polynésie  avaient,  il  y  a  peu  de  temps  encore,  des 
autels  nommés  marae,  destinés  à  y  célébrer  des  repas  sacrés  de 
tortue  et  aussi,  (Lins  certaines  îles,  des  sacrifices  humains.  Ces 
marae  étaient  des  entassements  de  blocs  de  coraux  renfermés 
entre  des  dalles  de  calcaire  corallien,  formant  rectangle,  et  le 
tout  couvert  d'autres  dalles  de  la  même  pierre.  Les  marae  ont 
1"°  à  1"*  5o  de  larjifeur  sur  une  loni»ueur  variable.  M.  L.-G.  Seurat 
(330)  a  publié  dernièrement  un  travail  sur  les  marae,  spéciahi- 
ment  sur  ceux  de  file  Fakahina,  de  farchipel  des  Tuamolu, 
qu'il  a  examinés,  et  il  dit  que,  dans  celte  île  et  dans  certaines 
autres,  les  marae  sont  tellement  nombreux  relativement  aux 
hal)itants  que  contiennent  et  que  pouvaient  contenir  ces  îles, 
que  chaque  famille  doit  avoir  eu  son  marae  spécial.  J'ai  cité  cet 
exemple  pour  démontrer  que  l'explication  des  tumulus  comme 
autels  pour  les  grandc^s  fêtes  n'esl  pas  aussi  in\  raisemhlable 
qu'on  pourrait  le  penser. 


294  ANTIQUITÉS  DE  LA  REGION   ANDTNE. 

FOIILLES   DANS    LKS    ENVIRONS  DE    PUCARA  DE  LERMA 

ET  DEL  CARMEN  "\ 

Comme  nous  l'avons  vu,  l'emplacement  des  tumulus  et  celui 
(lu  cimelière  d'urnes  funéraires  d'El  Carmen  sont  à  peu  de  dis- 
tant l'un  (le  l'autre.  Aux  environs,  le  sol  livre  partout  des  ob- 
jets d'origine  préhispanique.  Les  propriétaires,  les  régisseurs 
ou  intendants,  les  péons  des  haciendas  m'ont  parlé  de  nom- 
breuses trouvailles  faites  en  labourant  ou  en  creusant  la  terre. 
Il  est  regrettable  que  tous  ces  objets  soient  perdus  pour  la 
science  :  ou  bien  ils  sont  gardés  pendant  cjuelque  temps  dans 
les  chaumières  des  paysans,  comme  curiosités,  et  ils  finissent 
alors  par  se  casser  ou  se  perdre;  ou  bien  les  paysans  en  font 
cadeau  à  quelque  personnage  politique  qui  les  égare.  La  Mission 
Suédoise  acheta  divers  objets  aux  paysans,  particulièrement  de 
la  poterie. 

Nous  avons  fait  des  fouilles  en  1901,  dans  un  monticule  de 
terre,  à  Soo""  à  l'est  du  groupe  A  des  tumulus,  près  d'un  mou- 
lin, et  nous  y  avons  exhumé  un  certain  nombre  d'objets,  spé- 
cialement de  la  poterie  du  type  de  la  région  diaguite.  Ces  objets 
sont  maintenant  au  Musée  d'ethnographie  de  Stockholm. 

Je  décrirai  ici  les  pièces  les  plus  intéressantes  découvertes 
dans  mes  dernières  recherches,  en  1908,  aux  environs  de 
Pucarâ. 

Urne  funéraire  (?),  —  La  Jicj.  41  montre  une  grande  urne 
de  terre  cuite  de  o"'  4o5  de  hauteur  et  o"  4oo  de  diamètre  ta 
l'ouverture.  La  panse  n'est  pas  tout  à  fait  circulaire;  dans  sa 
partie  la  plus  large,  elle  a  o™  275  de  diamètre  dans  un  sens  et 
o"'2  6(^  dans  l'autre.  L'urne  a  deux  paires  d'anses  de  forme  dif- 
férente et  elle  est  d'une  poterie  jaunâtre  assez  fine.  Comme 
anses  et  comme  forme,  elle  ressemble  beaucoup  à  deux  urnes 

'■^   Voir  1  os  planchos  W  II ,  XVIII,  XIX,  insc-rcos  oprôs  la  pago  3io. 


VALLEE   DE  LERMA.  29f. 

exliiuiiées  par  M.  Aiiibrosetti  (30,  p.  9^1,  100)  à  Pampa  Grande  et 
qui  contenaient  des  ossements  (Veillants.  Elle  a  été  trouvée  à 
une  cinquantaine  de  mètres  au  nord  du  rempart  du  camp 
retranché  {yoir  fi(j.  '39);  elle  n'était  qu'à  10  centimètres  de 
profondeur.  Un  essaim  d'abeilles,  d'une  de  ces  espèces  sud- 
américaines  qui  vivent  dans  la  terre,  y  avait  fait  son  nid.  Les 
indigènes  me  dirent  qu'ils  avaient  trouvé  plusieurs  urnes  sem- 
blables da  s  le  voisinage  immédiat  de  celle-ci.  Cette  urne  est 
d'une  forme  ([ui  ressemble  à  celle  des  urnes  funéraires  d'enfants 
si  car.ictéristiques  de  la  région  diaguite.  Elle  a  probablement 
aussi  contenu  le  cadavre  d'un  enfant  dont  le  squelette  a  du 
disparaître  complètement  sous  l'action  du  temps.  L'urne  a  été 
ornée  de  peintures  comme  celles  de  la  région  diaguite,  mais  le 
décor  s'est  elïacé,  excepté  quelques  fail3les  traces  au  bord  supé- 
rieur, où  l'on  peut  encore  observer  le  nez,  les  grands  «  sourcils  » 
en  forme  d'arc  et  les  yeux  du  personnage  qui  apparaît  presque 
constamment  sur  les  urnes  funéraires  déniants  de  la  région 
diaguite.  Ces  traces  sont  trop  faibles  pour  apparaître  sur  la 
pliotograj^liie. 

Aryballe.  —  Le  vase  représenté  de  deux  côtés  par  \^  /kj-  àS 
fut  exhumé  dans  les  champs  de  luzerne  de  la  hacienda  de  M.  Isas- 
mendi,  à  i'^"'  environ  au  sud  du  groupe  A  des  tumulus.  Ce  vase 
est  d'une  poterie  jaune  assez  fine,  sans  engobe.  Il  a  o'"32  5  de 
hauteur,  non  com]:)ris  une  partie  du  goulot  qui  manque.  La 
panse  a  o""  o.lxo  de  diamètre  maximum,  sans  les  anses.  L'un  des 
côtés  du  vase  est  orné  de  lignes  horizontales  peintes  en  noir  et 
composées  de  petits  triangles,  alternant  avec  d'autres  lignes 
d'où  pendent  des  dessins  en  forme  de  crochets.  Au  milieu,  cette 
ornementation  est  interrompue  par  une  rangée  verticale  de 
losanges  triplés  également  peints  en  noir,  renfermée  entre  deux 
lignes  verticales.  Immédiatement  au-dessous  de  la  naissance 
du  goulot  se  trouve  une  cassure  qui  démontre  qu'il  y  a  eu,  à 
cet  endroit,  un  ornement  saillant  modelé  sur  la  panse  du  vase. 
Il  s'agit   probablement  d'une   léle  de  puma,  comme  celle  des 


296  ANTIQUITÉS  DE  LA   RÉGION  ANDINE. 

vases  que  nous  allons  énuniérer.  Le  côté  opposé  d-u  vase  n'est 
pas  peint,  mais  il  a,  comme  décor,  un  serpent  en  relief  très 
artistiquement  modelé. 

Ce  vase  est  une  tron\  aille  extrêmement  intéressante,  car  c'est 
un  type  caractéristique  j)(mi'  toute  la  région  où  jadis  domi- 
naient les  Incas,si  carastéristique  même  qu'il  se  retrouve  dans 
tous  les  pays  ayant  appartenu  à  l'empire  incasique,  mais  jamais 
en  dehors  des  limites  de  cet  empire.  On  peut  presque  dire  que 
la  découverte  d'un  vase  de  ce  genre  constitue  une  preuve  de 
l'influence  péruvienne  immédiate  dans  le  pays  où  la  trouvaille 
a  été  faite. 

Ces  poteries  ont  une  ressemblance  frajopante  avec  certains 
vases  antiques  de  l'Italie  auxquels  on  donne  le  nom  à'aryhalles. 
Adrien  de  Longpérier,  dans  son  catalogue  de  l'ancienne  col- 
lection d'antiquités  américaines  au  Louvre,  aujourd'hui  trans- 
férée au  Musée  d'ethnograj^hie  du  Trocadéro,  fut  le  premier 
à  attirer  l'attention  sur  cette  ressemblance  et  à  appliquer  aux 
vases  américains  le  nom  d'aryballes.  Longpérier  (218,  p.  m)  dit, 
à  propos  d'une  de  ces  poteries  provenant  d'Ollantaytand^o  : 
«  Ce  vase  pourrait  être  facilement  confondu  avec  ceux  que  l'on 
trouve  à  Gorneto  et  dans  quelques  autres  localités  au  nord  de 
Rome.  » 

Le  D''  Hamy  (160,  texte  de  la  pL  xxxmi)  douue  des  aryballes  la 
définition  suivante  :  «Col  haut,  s'élance  en  forme  de  long 
tuyau  évasé;  l'épaule  est  étroite,  la  panse  peu  dilatée; les  anses 
épaisses  et  plates  sont  attachées  très  bas;  deux  j^etits  anneaux 
évidés  viennent  de  plus  s'accrocher  symétriquement  de  chaque 
côté,  sur  la  bouche  même  du  vase.  On  voit  constamment  saillir 
en  haut  relief,  sur  la  face  la  plus  ornée,  au  niveau  de  la  base 
du  col,  une  petite  tête  d'animal,  d'un  travail  simplifié  et  géné- 
ralement fort  laide.  La  base  a  presque  constamment  la  forme 
d'un  cône  large  et  court.  »  J'ajouterai  à  cette  définition  que 
les  anses  sont  toujours  verticales  et  que  la  petite  tète  en  relief 
à  la  base  du  col  est  presque  sans  exception  cette  tète  stylisée 


VALLEE  DE  LERMA.  297 

de  piiina  dont  nous  axons  reproduity^ry.  2  un  spécimen  prove- 
nant d'Aniaiclia  (Vallée  de  Yocavil),déciit  pa^e  1 19.  Les  têtes 
de  puma  des  aryballes  péruviens  ne  se  distin<»uent  de  ce  spé- 
cimen que  ])ar  l'exécution  plus  nette  et  plus  parfaite  et  par  les 
contours  pins  rectilignes.  Il  est  plus  que  probable  que  notre 
aryballe  de  Pncara  a  élé  pourvu  d'une  de  ces  têtes,  dont  deux 
lignes  ci'eusées  verticalement  indiquent  les  oreilles  et  une  li<j^ne 
liorizonlale  la  boucbe.  I^resque  tous  les  arvl^alles  présentent 
cette  léte  de  puma  en  reliel;  rarement  la  léte  est  pins  arrondie, 
et  alors  les  yeux  sont  lormés  par  des  dépressions  circidaires; 
par  exception  la  tête  est  remplacée  par  un  simple  bouton,  ana- 
logue à  celui  du  vase  de  Lapaya,  ^y.  21.  Sur  la  panse,  en 
général  d'un  coté  seulement  —  celui  de  la  tête  en  relief,  — 
les  aryballes  présentent  presque  toujours  un  décor  peint  qui, 
à  peu  jDrès  constamment,  consiste  dans  des  ornements  géomé- 
triques. Très  fréquemment,  dans  les  régions  les  plus  dilîérenles , 
cette  ornementation  peinte  des  aryballes  est  celle  de  notre 
spécimen  de  Pucarâ,  c'est-à-dire  une  rangée  verticale  de  lo- 
sanges au  milieu,  et,  des  deux  cotés,  des  lignes  horizontales 
renfermant  d'autres  figures  géométriques,  comme  de  petits 
triangles,  etc.  Quelquefois  cette  dernière  ornementation  latérale 
est  remplacée  par  une  peinture  en  échiquier,  d'autres  fois  par 
des  figures  pinnées,  composées  d'une  ligne  droite,  perpendi- 
culaire, de  laquelle  sortent,  des  deux  cotés,  d'autres  lignes 
formant  un  angle  de  4^  degrés,  dirigées  vers  le  haut  et  souvent 
terminées  par  des  cercles  ou  par  des  points,  (le  dessin  lait 
fimpression  de  la  reproduction  schématique  d Une  plante  à 
nond)reuses  branches  terminées  en  fleurs.  Les  ligures  curvi- 
lignes ou  représentant  des  hommes  ou  des  animaux  sont  rares 
sur  les  aryballes.  La  dimension  des  arybalb^s  varie  de  10 centi- 
mètres jusqu'à  plus  {\a\\\  mètre  de  hauteur,  mais  la  phipartonl 
de  20  à  35  centimètres. 

Etant  donnée  rimj)orlance  des  aiyballes  comme  caractéris- 
tifpies   de   rarchéologic  de   fancien    empire   iiicasicpie,  il  con- 


298  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

vient  de  présenter  ici  un  aperçu  de  leur  distri])ution  géogra- 
phique. 

Commençons  par  le  Nord,  avec  la  République  de  l'Equa- 
teur. Dans  ce  pays,  on  a  trouvé  des  aryballes  dans  tout  l'Entre- 
Sierras,  mais  surtout  au  sud  de  Quito.  MM.  Stûbel  et  lleiss 
(340,  I,  |)1.  7,  liy.  1,  5)  reproduisent  un  aryballe  de  Quito,  de  f)'"  <5 
de  hauteur,  et  un  autre  d'Achupallas,  de  o'^'icS  de  hauteur. 
Les  deux  sont  pourvus  de  la  tête  de  puma  stylisée  en  relief 
et  d'ornements  géométriques  peints  :  losanges  en  bandes  ver- 
ticales.   L'abbé  (îonzâlez  Suarez  (149;  atlas  pi.  xl,!!^.  i,  et  texte  p.  16.)) 

doiuie  la  figure  d'un  autre  aryballe  typique  de  la  province 
d'Azuav.  M.  G.  A.  Dorsey  (119,  p.  ^58,  pi.  xlh)  exhuma  deux  de 
ces  vases  dans  une  sépulture  de  lile  de  La  Plata.  11  repro- 
duit l'un,  de  forme  typique,  à  ornementation  géométrique 
peinte  consistant  en  bandes  verticales  et  en  figures  pinnées; 
tête  de  puma  en  relief,  typique.  Le  D"  Seler  (326,  pi.  48,  fig.  20) 
figure  également  un  aryballe  typique,  d'ibarra,  au  nord  de 
Quito.  Sur  ce  vase  sont  peintes,  au  milieu,  plusieurs  bandes 
verticales,  contenant  de  petits  losanges,  et,  des  deux  côtés  de 
ces  bandes,  les  ornements  pinnés  que  nous  avons  mentionnés. 
M.  Anatole  Bamps  (50;  p.  1 13,  1  \\,  ^  17,  1 18,  124;  pi.  n  ùg.  1 ,  m,  iv  fig.  4 
et  6,  VIII  fig.  A  et  6,  XV  fig.  5)  reproduit,  en  couleurs,  sept  aryballes 
de  la  République  de  fEquateur.  Le  spécimen  le  plus  grand 
provient  de  Quinjeo  (province  d'Azuay)  et  a  o"'6i  de  hau- 
teur. Ce  spécimen  n'a  pas  de  dessins  peints,  mais  il  est  engobé 
en  rouge  jusque  près  de  la  naissance  (hi  goulot.  La  partie  supé- 
rieure du  vase  est  de  couleur  jaune.  Cet  aryballe  est  tout  à  fait 
typique  quant  à  sa  forme  et  pourvu  d'une  tête  de  puma  en 
relief  et  de  petits  anneaux  évidés  de  chaque  côté  de  la  bouche 
du  vase.  Un  spécimen  (pi.  m)  provenant  de  Chordeleg  (Aziiay), 
de  o'^SSS  de  hauteur,  présente  un  décor  peint  très  analogue 
à  celui  de  notre  aryballe  de  Pucara  de  Lerma.  Les  autres  ary- 
balles que  figure  M.  Bamjijs  sont  de  petits  spécimens,  de  o"'i4 
à  o'"  2  5  de  hauteur.  L'un  provient  de  la  province  de  Quito  et 
quatre  de  la  province  d'Azuay.  Tous  sont  des  aryballes  typi- 


VALLEE  DE  LERMA.  299 

ques,a\ec  des  tètes  de  puma  en  relief  et  avec  les  pelils.aiiueaux 
évidés  dont  nous  avons  parlé.  Deux  de  ces  aryballes  sont  déco- 
rés, du  côté  de  la  tète  de  puma,  avec  des  dessins  géométriques 
(<»recques  et  losanges),  formant  une  bande  horizontale.  Trois 
spécimens  n'ont  pas  de  décor  peint.  Enfin  M.  Bamps  {ibi<l,[)\.  a, 
fig.  a)  figure  aussi  la  nioitié  (fun  grand  aryballe  cassé,  lequel 
présente  des  ornements  pinnés  verticaux.  M.  Bamps  décrit  les 
aryballes  sous  les  noms  espagnols  de  càntaro  ou  càntaro  malta; 
le  grand  spécimen  de  o"'6]  de  hauteur  est  dénommé  càntaro 
ijiiallo.  Ce  sont  là  probablement  des  noms  que  Ton  donne  à 
ces  vases  dans  fEquateur.  Récemment,  en  1906,  le  D''  Rivet 
a  rapporté  de  l'Equateur  de  nombreux  aryballes.  Excepté 
un  vase  de  Ganar,  ils  proviennent  tous  d'Azuay  qui  est, 
après  Loja,  la  province  andine  la  plus  méridionale  de  la  répu- 
blique. Cinq  aryballes  de  la  province  d'Azuay  ont  de  o"'  18 
à  g""  20  de  hauteur,  trois  autres  de  o'"  1 3  à  o"'  1 5.  Ces  huit  spé- 
cimens proviennent  des  localités  suivantes  :  Incapirca,  Intipata 
(près  Azogues),  Biblian,  Sinincay  (près  Cuenca),  Guatana  (près 
Cuenca),  Sigsig,  Cumbe.  Trois  de  ces  vases  portent  des  tèles 
de  puma  typiques,  la  bouche  et  les  oreilles  étant  formées  par 
des  lignes  creuses;  sur  trois  spécimens,  ces  organes,  ou  du 
moins  les  yeux,  sont  désignés  par  des  (léj)ressions  formant  des 
points;  sur  un  autre  spécimen,  Ils  ne  sont  pas  du  tout  mar- 
qués. Seule,  sur  un  de  ces  aryballes,  la  tête  de  puma  est  rem- 
placée par  un  simple  bouton.  Ea  plupart  présentent  les  deux 
petits  anneau V  évidés  au-dessous  de  la  bouche  du  vase  et  dont 
parh'  M.  Hamy  dans  sa  définition  des  aryballes  que  nous  ve- 
nons (h;  transcrire;  dans  faiybahe  de  Biblian,  ces  anneaux 
sont  remplacés  par  de  petits  boutons.  L'ornementation  peinte 
existe  seulement  du  côté  où  se  trouve  la  tête  de  puma,  saul 
un  vase,  i\\\\\  (h'cor  peint  excej^tionnel,  et  un  autre  cpii  n'a 
pas  de  décor  peint.  Les  ornements  peints  consistent  en  figures 
géométriqiK^s  :  des  grecques,  des  méandres,  des  losanges,  des 
rectangles,  etc.  Sui-  raryl)alh^  de  Gimd)e,  on  voil  h's  ornements 
pinnés  doni  nous  avons    hiil    niciilioii.    L'ai-\l)all('  (h'  Ganar  a 


300  ANTIQUITES  DE  LA   REGION  ANDINE. 

o'"i7  de  hauteur;  les  yeux  et  la  bouche  de  la  tête  de  puma 
ne  sont  pas  marqués;  il  n'y  a  pas  d'ornementation  peinte,  mais 
le  devant  est  engobé  en  rouge  et  la  tête  de  puma  peinte  en 
blanc;  les  petits  anneaux  évasés  existent.  En  dehors  de  ces 
vases,  M.  Rivet  a  rapporté  cinq  énormes  aryballes,  tous  de  la 
province  d'Azuay  (Caldera,  Taday,  Sajil,  Zhumir,  Rio  Paute); 
les  quatre  premiers  ont  de  o™8o  à  o"'9o  de  hauteur,  celui  de 
Rio  Paute,  r"io.  Tous  ont  une  tête  de  puma  typique.  Orne- 
meutation  peinte  (seulement  sur  le  devant)  :  losanges,  grec- 
ques, méandres,  échiquier,  etc.  Le  spécimen  de  Taday  est 
orné  de  figures  pinnées;  celui  du  Rio  Paute  est  simplement 
peint,  la  moitié  supérieure  du  vase  en  blanc  et  la  moitié  infé- 
rieure en  rouge.  Le  spécimen  de  Sajil  présente  sur  le  goulot 
exactement  la  même  ornementation  que  notre  vase  aryballoïde 
de  Lapaya,  fuj.  21.  Le  Musée  du  Trocadéro  possède  trois 
petits  aryballes  typiques,  provenant  de  Guano,  près  de  Rio- 
bamba,  dans  la  province  de  Ghimborazo.  Ges  pièces  sont  cata- 
loguées sous  les  n°*  9761-9763  et  appartiennent  à  la  collection 
Gûnzbourg. 

Au  PÉROU,  c'est  aussi  surtout  dans  l'Entre-Sierras  que  nous 
trouvons  les  aryballes.  Cependant  nous  connaissons  quelques 
vases  de  cette  catégorie,  provenant  de  la  terre  basse,  c'est-à- 
dire  de  la  CÔTE  du  Pacifique.  Quelques-uns  correspondent 
dans  presque  tous  les  détails  aux  aryballes  typiques  dont  nous 
avons  donné  la  description  :  ainsi,  ceux  qui  sont  catalogués  au 
Musée  du  Trocadéro  sous  les  n°'  29966,  29967  et  3oo47- 
3oo49,  appartenant  aux  collections  Ouesnel  et  Wiener.  Pour- 
tant deux  de  ces  pièces  s'écartent  du  type  général  par  une  face 
humaine  formée  par  des  lignes  en  relief  et  appliquée  d'un  coté 
du  goulot,  les  bras  de  ce  même  personnage  étant  également 
esquissés  en  relief  sur  la  panse  du  vase.  Mais  la  plupart  des 
aryballes  de  la  cote  du  Pérou  présentent  des  difTérences  plus 
remarquables  encore  avec  le  type  général.  Le  Musée  du  Troca- 
déro en  possède  deux,  n"'  7061  et  706  3,  provenant  de  Moclie, 
près   de   Trujillo,  et  appartenant   à  la  collection   Drouillon. 


VALLEE  DE  LERMA.  301 

L'un  d'eux  est  plus  <»lo])uleux  que  les  aryballes  eu  général, 
et  l'autre  est  d'une  forme  fort  modifiée.  Deux  autres  aryballes 
du  littoral  péruvien,  de  la  collection  Lemoine,  n"*  21  o44  et 
2  1  08  1 ,  noirs,  bien  lustrés,  sont  de  la  forme  typique  et  ont  des 
têtes  de  puma  typiques  en  relief,  mais  le  décor  peint  de  la 
panse  est  renq^lacé  par  une  ornementation  curvilij^ne,  gravée. 
M.  Seler  (326,  pi.  i5,  lig.  i/i,  et  pi.  37,  %.  4)  reproduit  deux  ary- 
balles de  la  côte,  appartenant  au  Musée  d'etlinograpliie  de 
Berlin.  Le  premier,  provenant  de  Supe,  au  nord  de  Callao,  a 
la  panse  décorée  d'ornements  horizontaux,  peints,  formant 
des  méandres.  Le  second,  en  terre  noire,  provient  de  Lam- 
bayeque,  au  nord  de  Trujillo.  11  présente  la  même  face  en 
relief  sur  le  goulot  et  les  mêmes  bras  esquissés  sur  la  panse 
que  les  aryballes  des  collections  Quesnel  et  Wiener  que  nous 
venons  de  mentionner.  M.  Seler  {ibid.,  pi.  36,  fig.  9,  n)  donne  aussi 
deux  aryballes  noirs  de  Hiiaras,  dans  la  Cordillère  Maritime, 
assez  irréguliers,  avec  des  ornements  gravés  au  lieu  d'orne- 
ments peints.  Une  partie  de  cette  ornementation  consiste  en 
ligures  d'oiseaux.  Au  contraire,  un  aryballe  provenant  de  la 
côte  de  Huarmey,  situé  justement  à  l'ouest  de  Huaras,  corres- 
pond au  type  général.  Ce  vase,  de  o'"4o  de  bauteur,  est  repro- 
duit par  MM.  Stûbel  et  Reiss  (340,  i,  pi.  10,  llg.  9).  Les  mêmes 
auteurs  [ihid.,\,  pi.  10,  fig.  10)  représentent  un  autre  aryballe, 
provenant  de  «  Pueblo  Muevo  »,  de  o'"  2  1  de  hauteur,  sans  tête 
(h»  puma,  mais  orné  d'un  serpent  en  relief  qui  roule  sa  queue 
autour  du  goulot  du  vase.  Des  figures  pinnées,  de  la  sorte  que 
nous  avons  déciite,  y  font  partie  de  l'ornementation  peinte.  Il 
y  a  au  Pérou  plusieurs  localités  dénommées  Pueblo  Nuevo; 
il  s'agit  probablement  de  celle  (pii  est  située  dans  la  province 
de  Pacasmayo,  au  nord  de   trujillo. 

Les  nombreux  aryballes  de  l'ENTRK-SiKniws  du  Pkrou  cor- 
respondent presque  sans  exception  dans  tous  leurs  détails  à  la 
description  qu'on  a  lue  plus  baut.  La  ])lu])art  des  sj^écimens 
ont  été  exhumés  aux  environs  de  Cuzco  et  du  lac  Tilicaca. 
Le  D'  Hamy    (160,  pi.  xwvn)    reproduit  un  grand  aryballe,  de 


302  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

o™88  de  liauteur,  provenant  d'une  grotte  funéraire  de  San 
Sébastian,  près  de  Cuzco.  Ce  vase,  pourvu  de  la  tête  de  puma 
typique,  est  d'une  fal)rication  très  supérieure  à  celle  de  notre 
spécimen  de  Pucani  de  Lerma,  mais  l'ornementation  j^einte 
est  presque  identique  dans  l'un  et  dans  l'autre.  Un  second  ary- 
])alle,  fif^uré  dans  l'ouvrage  de  M.  Hamy  (i7»iU,pl.  xxxvm.fig.  hj), 
j)rovient  de  Sacsaïluiaman.  11  a  o'"  33  de  liauteur  et  correspond 
tout  à  fait  à  la  description  des  aryl^alles  tyjiiques,  excej^té  la 
tète  de  puma,  aux  yeux  ronds.  En  dehors  de  ces  deux  ary- 
balles,  le  Musée  du  Trocadéro  en  possède  plus  de  vingt  autres 
provenant  de  l'Entre-Sierras  du  Pérou.  Les  spécimens  les  plus 
anciens  ont  été  trouvés  par  Léonce  Angrand  à  Yucay,à  quatre 
lieues  au  nord-ouest  de  Cuzco,  et  donnés  au  Musée  du  Louvre. 
Longpérier  (218,  p.  cjd,  109-110)  les  a  décrits  sommairement. 
Une  douzaine  d'ary]3alles  du  haut  pays,  de  o'"  1  o  à  o"'  35  de  hau- 
teur, furent  rapportés  par  M.  Wiener.  Un  spécimen  de  Cuzco, 
n"  4o38,  provient  de  la  collection  Macedo.  Enfin  deux  de 
Cumana,  sur  le  Titicaca,  n**'  36  35o  et  3635 1,  de  ©"''i^  et 
de  o"'  1 7  de  hauteur,  y  furent  trouvés  par  le  comte  de  Sartiges. 
Tous  ces  spécimens  correspondent  au  tyj)e  général;  le  seul 
détail  qui  présente  quelque  variation  remarqual)le  est  la  tète 
de  puma,  remplacée  parfois  par  un  simple  bouton.  L'aryl^alle 
le  plus  notal)le  du  Musée  du  Trocadéro  est  un  grand  vase  de  la 
collection  Sartiges,  également  trouvé  à  Cumana.  Cet  aryl^alle 
a  o"'6'i  de  hauteur,  non  compris  le  col,  qui  est  cassé.  M,  Léon 
Lejeal  (212,  p.  80  et  suiv.)  en  donne  une  description  détaillée  et 
une  bonne  figure.  La  forme  est  celle  des  aryballes  typiques, 
mais  il  y  a  deux  tètes  de  puma  au  lieu  d'une  seule,  et  le  décor 
est  vraiment  remarqua])le,  composé  de  29  coquilles  imitées  en 
relief  sur  la  panse  du  vase.  Ces  coquilles  sont  des  reproduc- 
tions très  fidèles  d'un  bivalve  marin ,  Spondyhis  pictonim ,  C/iemtz. , 
originaire  de  la  côte  du  Pacifique  dans  la  région  équatoriale. 
Le  grand  ary])alle  de  Cumana  se  distingue  aussi  par  une  richesse 
peu  commune  quant  aux  couleurs  enq^loyées  dans  son  orne- 
mentation. M.  Seler  (326;  pî.  2,  fig.  1,2;  pi.  3;  pi.  5,  (ig.  /n  pi.  6,  %.  n, 


VALLKE  DE  LERMA.  303 

i5;  pi.  07,  fij;. /i,  7)  reproduit  huit  aryhallcs  de  (luzco,  deux  des 
environs  de  Puno  (Nasacara  et  Ichii)  et  deux  de  Gajamarca, 
tous  appartenant  aux  collections  du  Musée  d'ethnographie  de 
Berlin.  Tous  ont  la  forme  typique  des  aryhalles.  Seulement 
l'ornementation  ])einte  varie,  mais  deux  spécimens  de  Cuzco  et 
celui  deXasacara  présentent  une  oi'nementalion  peinte  presque 
identique  à  celle  de  l'aryhalle  de  IHicarâ  de  Lerina;  dans  le 
décor  d'un  autre  se  trouvent  ces  ligures  pinnées  que  nous  avons 
décrites.  Un  autre  spécimen  de  Cuzco  a  son  goulot  pourvu 
d'une  face  humaine  formée  par  des  lignes  en  relief,  semhlahle 
à  celle  de  faryhalle  de  Lamhayeque,  mentionné  plus  liaiil. 
Dans  ini  aryhalle,  également  de  Cuzco,  les  ornements  peints 
de  la  panse  sont  remplacés  par  des  ornements  gravés.  Les  deux 
spécimens  de  Cajamarca  sont  noirs,  mais  toujours  de  formes 
parfaitement  lypiques.  Tous  ces  aryhalles  sont  pourvus  de  la 
tête  de  jouma  caractéristique,  à  deux  exceptions  près,  où  elle 
est  remplacée  par  des  houtons.  Au  Musée  national  de  Monte- 
video, j'ai  aussi  vu  ])lusieurs  aryhalles  typiques,  provenant  de 
Cuzco.  Enfin,  dans  l'atlas  de  MM.  Rivero  et  von  Tschudi  (311, 
pl.  wxvi),  nous  voyons  un  vase  aryhalloïde  avec  des  figures  peintes 
représentant  des  oiseaux,  des  insectes,  etc.  Ces  peintures  sont 
(fun  style  si  différent  de  celui  du  décor  des  autres  aryhalles, 
qu'il  n'est  pas  impossihle  qu'elles  soient  relativement  modernes, 
appliquées  récemment  sur  un  aryhalle  ancien,  comme  c'est  le 
cas  (fiin  spécimen  rapporté  de  la  Répuhlique  de  fEquateur 
j)ar  le  D'  Rivet. 

En  Bolivie,  c'est  surtout  dans  la  région  (hi  fiticaca  qu'on  a 
trouvé  des  aryhalles.  Déjà  Castelnau  (94,  pl.  \u)  a  donné  la  ligure 
(Vun  de  ces  vases,  avec  la  légende  :  «Vase  conservé  dans  le 
Musée  de  La  Paz  (Bolivie)  ».  Il  n'y  a  pas  d'indication  sur  la 
localité,  mais  prohahlement  ce  spécimen  ])r()vient  de  la  Bolivie. 
C'est  un  aryhalle  |)arlallement  tv])i(pie,  dans  lequel  les  lignres 
pinnées  font  ])arlie  de  fornenienlalioji  peinte.  Le  Musée  du 
Trocadéro  possède  deux  aryhalles  de  Copacahana,  ])rès  de 
Tialîuanaco,  n"'  4o'i5  et  4026,  rapportés  par  M.  Ber.   fous 


304  ANTIQUITÉS  1)K  LA  RFXtION   ANDINÊ. 

deu\  ont  environ  o'^So  de  hauteur  et  sont  de  formes  et  décor 
typiques,  mais  le  n**  4oy5  présente  sur  le  col  une  face  hu- 
maine esquissée  au  moyen  de  lignes  en  relief,  comme  les  S2:)é- 
cimens  de  Guzco,  Lambayeque,  etc.,  décrits  plus  haut.  Ce 
dernier  arvhalle  a  été  figuré  et  décrit  parM.  ffamy  (160,pl\\xviii, 
fig.  ii3).  La  Mission  Française  a  rapporté  un  aryballede  Tiahua- 
naco,  d'une  céramique  très  fine,  avec  des  ornements  peints 
sur  fond  jaune,  surtout  en  noir,  mais  comprenant  aussi  quel- 
ques lignes  rouges.  Ce  vase  a  o""  38  de  hauteur,  non  compris 
le  goulot  qui  manque.  Il  présente  la  tète  de  puma  lial)ituelle, 
en  relief,  et,  du  même  côté,  un  décor  peint  en  échiquier, 
interrompu  au  milieu  par  une  rangée  verticale  de  losanges, 
encadrée  de  lignes  verticales  rouges.  A  fenvers,  il  n'y  a  pas  de 
décor.  La  partie  méridionale  de  la  Bolivie  est  archéologique- 
ment  presque  inconnue;  quand  ce  j^avs  sera  exploré,  très  pro- 
bablement on  y  trouvera  aussi  des  aryballes. 

Passons  à  la  Républioue  Argentine.  De  Suru^-â,  localité  de 
la  Puna  de  Jujuy,  mais  dont  je  ne  connais  pas  la  situation 
précise,  le  D'  R.  Lehmann-Nitsche  (210,  p.  45,  pi.  v  B  i3)  décrit 
et  figure  un  vase  qui  doit  être  classé  comme  aryballe,  quoiqu'il 
soit  d'une  facture  plus  grossière  que  les  aryballes  péruviens,  et 
l'ornementation  peinte  est  différente,  présentant  cependant 
cela  de  commun  avec  la  plupart  de  ces  vases,  que  ce  décor 
existe  seulement  d'un  côté.  La  forme  du  vase  et  des  anses  est 
la  même  que  celle  des  aryballes  en  général.  La  tête  de  puma 
est  remplacée  par  un  bouton.  Le  vase  a  o™  22  de  hauteur,  non 
compris  une  partie  du  col  qui  manque.  En  avançant  vers  le 
Sud ,  vient  ensuite  notre  S2:)écimen  de  Pucarâ  de  Lerma,  typique, 
mais  d'une  fabrication  un  peu  plus  grossière  que  celle  des 
aryballes  ])éruviens.  Nous  avons  également  décrit,  page  287, 
fuj.  27-24,  plusieurs  vases  provenant  de  Lapaya,  dans  la  Vallée 
Calcliaquie,  plus  ou  moins  aryballoïdes,  quoique  présentant 
certaines  modifications,  \irchow  (372,  p.  375,  pi.  vu,  fig.  1)  décrit  et 
reproduit  un  aryballe  de  o"'  ^o  de  hauteur,  «  de  la  région  cal- 
cliaquie » ,  sans  indication  plus  précise  de  localité.  Ce  vase  est 


VALLEE  DE  LERMA.  305 

un  aryl)aUe  parfaitement  typique,  dont  rornenientatiou  j)einte 
comprend  des  Ijandes  verticales  et  aussi  des  figures  pinnées. 
M.  Ambrosetti  (28,  p.  21,  pi.  n,  {]<;.  37)  reproduit  un  fragment  d'arv- 
haWe,  d'Antofagasta  de  la  Sierra,  et  dit  avoir  trouvé  un  autre 
de  ces  vases  à  Golomé  (Molinos).  M.  de  La  Vaul\  (366,  p.  176) 
a  trouvé  un  petit  aryballoïde  grossier,  sans  décor,  à  Kl  Ba- 
nado,  près  de  Quilmes,  dans  la  Vallée  de  Yocavil.  (le  vase 
porte  au  Musée  du  Trocadéro  le  n"  47  ^'^7-  Jusqu'à  la  province 
de  San  Juan,  on  trouve  des  vases  ressemblant  au\  arvl^alles, 
quoique  modifiés.  L'un  de  ces  vases,  à  fond  conique,  mais 
plus  globuleux  que  les  aryballes  en  général  et  dépourvu  de  la 
tête  de  puma  en  relief,  est  figuré  par  M.  D.  S.  Aguiar  (6,  p.  45). 

Au  Chili,  on  a  aussi  découvert  des  aryballes.  M.  J.  T.  Mé- 
dina (234,  fig.  211)  en  reproduit  un  spécimen  exbumé  à  Freirina, 
localité  qui  a  fourni  tant  d'objets  de  style  péruvien.  C'est  un 
aryballe  bien  typique,  dont  le  décor  peint  est  presque  iden- 
tique à  celui  de  l'aryballe  décrit  par  M.  Virchow. 

Tous  les  vases  que  nous  avons  énumérés  ont  exactement  la 
même  forme  et  le  décor  est  analogue,  souvent  identique,  sur 
des  spécimens  exhumés  dans  des  pays  si  éloignés  l'un  defaulre 
comme  la  République  Argentine  et  l'Equateur.  On  n'en  saurait 
douter  :  les  aryballes  sont  caractéristiques  de  l'archéologie  de 
l'ancien  empire  des  Incas,  et  les  vases  de  ce  genre  qui  ont  été 
découverts  dans  la  région  diaguite  constituent  une  nouvelle 
|)reuve  en  faveur  de  fopinion  que  la  culture  diaguite  faisait 
partie  intégrante  de  la  civilisation  péruvienne. 

Quant  à  la  destination  des  vases  auxquels  nous  avons  aj)|)li(jué 
le  nom  d'aryballes,  une  pièce  conservée  au  Musée  du  Troca- 
déro nous  fournit  un  renseigiiciiKMit  précieux.  C'est  un  gr()Uj)e 
en  argent  catalogué  sous  le  n"  /jojG  et  trouvé  j)ar  M.  V\'i(Mier 
dans  une  grotte  à  Sacsaïl maman.  Wiener  (377,  p.  588)  eji  donne 
une  figure  très  réduite,  et  llamy  (160,  pi.  i.m,  lîg.  i5(>),  une  belle 
pliototypie  en  grandeur  naturelle.  Cette  pièce  porle  comme 
étiquette  :  «Groupe  en  argent.  Un  Inca  et  deux  serviteurs  qui 
lui  présentent  à  boire  et  à  manger».  En  effet,  fun  des  servi- 


300  AMI  (H  ITKS   DE  LA   1',  KG  ION   AN  1)1  MO. 

leurs  porlc  dans  la  main  un  ar\  balle  typique,  tandis  que  l'autre, 
une  femme,  présente  un  plat  qui  devait  contenir  un  mets.  La 
i)résence  de  l'aryballe  dans  ces  circonstances  semble  bien  dé- 
montrer que  ces  vases  étaient  simplement  destinés  à  contenir 
des  boissons.  Ils  doivent  avoir  fait  partie  de  la  vaisselle  de  luve 
des  i^cns  riches,  dans  tous  les  dilFérents  pays  où  s'étendait 
feuinire  incasique.  Seulement  les  grands  aryballes,  d'environ 
1"'  (le  hauteur,  ne  peuvent  pas  avoir  été  employés  pour  le  ser- 
vice courant;  ces  énormes  vases  servaient  probablement  à  con- 
server les  boissons  et  spécialement  la  chicha. 

Autres  objets.  —  Dans  un  autre  endroit  de  la  hacienda  de 
M.  Isasmendi  se  trouvaient  les  trois  pièces  représentées  par  la 
fig.  45.  Leurs  diamètres  respectifs  sont  :  r/,  o"  i35;  h,  o'"  226; 
c,  o™  161.  Elles  sont  d'une  poterie  rouge, lisse,  bien  cuite.  Les 
cassures  de  l'écuelle  b  montrent  une  pâte  fine,  grisâtre,  et  l'on 
voit  que  la  belle  couleur  rouge  de  la  pièce  a  été  obtenue  en 
ensobant  la  surface,  avant  la  cuisson,  avec  une  matière  conte- 
nant  probablement  de  focre  rouge.  La  tête  de  canard  qui  forme 
l'anse  du  plat  a  est  bien  modelée;  les  yeux  et  les  narines  sont 
assez  prononcés. 

L'objet y?^.  ââ  a,  en  quartzite  gris  verdatre  assez  dur,  s'est 
rencontré  non  loin  de  ces  poteries;  c'est  la  moitié  d'un  instru- 
ment ayant  servi  à  broyer  du  maïs  ou  d'autres  grains  sur  une 
pierre  plate.  La  longueur  du  fragment  est  de  o^'^aô;  celle  de 
l'instrument  entier  devait  être  d'environ  o"5o.  La  hauteur 
de  la  surface  cassée  est  de  o""  1 1  o ,  la  largeur  maximum  o""  097 . 
La  coupe  [cl)  de  ce  broyeur  n'est  pas  tout  à  fait  symétrique,  ce 
qui  devait  faciliter  son  em23loi,  qui  consistait  à  en  faire  alter- 
nativement monter  et  descendre  les  extrémités.  On  voit  encore, 
dans  les  chaumières,  broyer  le  maïs  de  la  même  façon,  mais 
les  Indiens  actuels  ne  travaillent  plus  la  pierre  comme  leurs 
ancêlres,  ils  se  contentent  d'une  pierre  roulée  quelconque  prise 
dans  le  ruisseau  voisin;  cependant  ils  se  servent  des  broyeurs 
anciens  lorsqu'ils  en  trouvent.  L'instrument  de  la  même  espèce 


\  AI.LKK   l)K    L  KIWI  A.  .'iOT 

ac([viis  à  Hiiicoiiada  et  reproduit y/y.  155  était  en  usage  daus 
la  hutte  d'un  Indien.  Ces  broyeurs  de  pierre  existent  dans  les 
parties  les  plus  différentes  de  l'Amérique  du  Sud.  Le  Musée  du 
Trocadéro  en  possède  un  beau  spécimen  (n"  iMO'i  du  cata- 
logue ayant  prescpie  la  même  forme  et  provenant  du  Rio  Iça 
(Colombie). 

ha  Jig.  44  b,  c  représente  deux  poteries  trouvées  sur  un 
autre  point  de  la  propriété  de  M.  Isasmendi.  La  première  est 
d'une  terre  cuite  noirâtre;  elle  a  o"*  i5  de  longueur.  Le  dia- 
mètre intérieur  du  goulot  est  de  ©'"09.  L'ornementation  con- 
siste en  trois  lignes  en  relief  interrompues  par  des  traits  graves 
transversalement.  Dans  la  Puiia,  les  Indiens  fabriquent  encore 
en  terre  cuite  des  récipients  de  cette  forme,  mais  plus  grands; 
ils  sont  employés  pour  griller  le  maïs  jusqu'à  ce  qu'il  devienne 
parfaitement  dur  et  sec.  Ce  maiz  tostado  est  l'une  des  princi- 
pales provisions  de  voyage  des  Indiens. 

La  /uj.  44  c  est  une  écuelle  noire  en  terre  cuite  très  bien 
lustrée,  engobée  de  plombagine.  Son  diamètre  maximum  est 
de  o^^iSS. 

Près  de  ces  dernières  poteries  a  été  trouvée  une  autre  pe- 
tite écuelle  contenant  un  ciseau  et  un  23oinçon(?)  en  cuivre 
{fuj.â2aeib). 

Le  régisseur  de  la  hacienda  de  M.  Isasmendi  m'a  assuré  que 
l'on  découvrait  fréquemment  des  ossements  humains  dans  les 
champs,  ce  qui  est  très  vraisemblable. 

A  quelques  mètres  de  la  maison  d'haljitalion  de  la  hacienda 
El  Carmen,  j'ai  fouillé,  en  1901,  quelques  tombes  formées 
de  murs  circulaires  en  pierre  sèche,  de  quelques  décimètres  de 
profondeur  et  d'un  j)eu  plus  d'un  mètre  de  diamètre.  Chaque 
sépulture  contenait  un  ou  deux  squelettes  dans  un  état  tel, 
qu'il  n'était  pas  possible  de  retirer  les  os  do  la  terre  sans  qu'ils 
tombassent  en  poussière. 


308  ANTIQUITÉS  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 


CARBAJAL'''. 

Quelque  temps  avanl  ma  visite  à  cette  hacienda,  son  proprié- 
taire, que  j'ai  déjà  nommé  en  décrivant  la  collection  de  Lapaya, 
avait  fait  des  fouilles  sur  l'emplacement  d'une  vieille  construc- 
tion, à  quelques  centaines  de  mètres  à  l'est  de  sa  maison.  H  y 
avait  remué  4oo  à  5oo  mètres  cubes  de  terre  pour  chercher 
des  trésors  imaginaires. 

Les  murs  en  pierre  de  cette  ruine,  tracés  en  lignes  trop 
droites  pour  être  indiens,  sont  disposés  de  la  même  manière 
que  ceux  des  haciendas  du  pays  au  temps  de  l'occupation  espa- 
gnole :  une  grande  cour  entourée  d'un  mur;  d'un  côté,  un  bâ- 
timent contenant  neuf  chambres  dont  cinq  formant  façade  et 
quatre  disposées  en  deux  ailes,  deux  de  chaque  côté.  Pour  une 
personne  habituée  à  voir  des  ruines  préhispaniques,  cette  con- 
struction a  un  air  tellement  espagnol  que  je  sids  convaincu 
qu'elle  n'est  pas  indienne. 

Le  croquis y?^.  40  montre  la  disposition  des  ruines  et  les 
tranchées  de  2  mètj'es  de  profondeur,  ouvertes  par  les  cher- 
cheurs de  trésors.  Ceux-ci  m'ont  donné  des  renseignements 
précis  sur  les  trouvailles  faites,  et  j'ai  pu,  en  continuant  les 
fouilles,  recueillir  quelques  objets. 

11  est  vraiment  extraordinaire  de  rencontrer  dans  cette  con- 
struction d'une  apparence  si  espagnole  un  atelier  d'objets  en 
pierre  sculptée,  sans  nul  doute  d'origine  indienne. 

A  fendroit  marqué  A,  à  plus  d'un  mètre  de  profondeur,  on 
avait  trouvé  une  trentaine  de  pierres  de  diverses  dimensions, 
travaillées  suivant  une  forme  cvlindrique,  les  bords  arrondis 
comme  le  sont  certains  fromages.  Une  de  ces  pierres  de  dimen- 
sions moyennes,  o"  i64  <^le  diamètre  et  o^'ogo  d'épaisseur  au 
milieu,  est  représentée  par  ^'à  fig.  46  e.  H  y  en  avait  du  double 
de  cette  grandeur  et  de  plus  petites.  MM.  Stûbel  et  Reiss  (340,  i, 

''^  Voir  la  planche  XX,  insérée  après  la  page  oio. 


VAI.LKK   DE  LERMA. 


309 


pi.  18,  fig.  2^)  reproduisent  une  pierre  de  Tarapacâ,  de  la  même 
forme,  en  granit,  mais  de  dimensions  plus  petites  :  o""  1 3  de 
diamètre.  J'en  ai  trouvé  une  semblable  à  Sayate  (Puna  de  Ju- 
juy),  voir  l^fifj-  US  h.  M.  von  ih(U'ing(179,  p.  4,  %.  6)  représente 
une  autre  pierre  de  la  même  forme,  moderne,  provenant  de 
Itanalîem  (Rio  Grande  do  Sul)  et  qui  y  était  employée  par  les 
Indiens  pour  broyer  du  sel,  du  poivre  et  des  drogues.  D'après 
M.  B.  G.  de  Almeida  Nogueira  (9),  le  nom  donné  en  guarani 
à  ces  pierres  est  ila-yeré  «pierre  tournante»,  ce  qui  démontre 
qu'elles  étaient  employées  comme  broyeurs.  Il  existe  aussi  des 
pierres  de  cette  forme  en  Amérique  du  Nord.  M.  G.  G.  Abbott 
(l,p.  342)  en  figure  une,  du  New-Jersey. 


Fig.  4o.  —  Plan  de  la  ruine  de  Carbajal.  —  Echelle  :  i/i.ooo.  (Trancliées  en  gris.) 

En  B,  contre  les  fondations  du  mur,  à  0'°'  5o  de  profondeur, 
ont  été  trouvés  une  vingtaine  de  petits  mortiers  taillés,  dont 
l'un  est  représenté  fuj.  âG  c;  il  a  o'"  10  de  diamètre  extérieur. 
Rivero  et  von  Tscbudi  (311,  atlas,  pi.  wx)  re])r()duisent  une  pièce 
péruvienne  semblable,  en  «marbre  jaspé».  Les  objets  en 
pierre  de  cette  forme  sont  communs  au  Pérou  et  en  BoHvie. 

Les  pierres  en  forme  de  «fromage»  et  les  ])('tits  mortiers 
proviennent  tous  de  la  même  roclie  :  un  calcaire  zone  couleur 
blanc  jaunâtre,  translucide,  com])act,  d'un  assez  joli  aspect. 

En  B,  il  y  avait  beaucoup  de  morceaux  de  cette  roche  où 
l'on  voyait  encore  les  traits  d'nnc  taille  romnicncée  [fuj.  ^16  j, 


310  ANTIQUrr?:S  DE  LA  REGION  ANDFNE. 

h,  a).  Tout  ceci  clciiionlre  donc  que  nous  nous  trouvons  en 
présence  de  l'atelier  d'un  Indien  peut-être  au  service  des  Espa- 
gnols, habitants  de  la  maison  au  premier  temps  de  l'arrivée  des 
Européens  dans  la  vallée. 

La  petite  jDierre  à  surface  concave, y?fy.  âO  d,  a  été  trouvée  au 
même  endroit  cjue  les  mortiers  et  provient  de  la  même  roche. 

En  C  [[kj.  40)  se  trouvait  le  grand  mortier  en  grès  rouge, 
ficj.  47,  de  ©""/iS  de  longueur.  C'est  un  bloc  naturel  où  l'on  a 
creusé  une  concavité  qui  présente  une  surface  lisse  et  j^olie. 
Deux  grands  mortiers  de  la  même  sorte  se  trouvaient  à  côté  de 
celui-ci. 

Dans  la  cour,  près  du  mur,  au  fond  (Z)  sur  ^^fi(j-  40)^  les 
chercheurs  de  trésors  avaient  trouvé  un  squelette,  ayant  la 
position  étendue,  avec  un  A^ase  en  terre  cuite  auprès  de  lui,  ce 
qui  semble  démontrer  que  c'était  un  Indien,  caries  Espagnols 
n'enterraient  pas  de  vases  avec  leurs  morts. 

Mais  la  trouvaille  la  plus  curieuse  faite  par  le  projoriétaire  de 
Garbajal  dans  ces  ruines  est  un  énorme  dépôt  de  petits  cailloux 
roulés  qui  se  trouvait  au  point  E,  à  o™3o  ou  o'"4o  au-dessous 
du  sol.  Ces  petits  cailloux,  choisis  avec  soin  comme  ceux  dont 
les  enfants  se  servent  pour  jouer,  étaient  de  toutes  les  couleurs, 
blancs,  jaunes,  roses,  verts,  bruns,  la  plupart  en  quartz,  tous 
<à  peu  près  de  la  même  grandeur  :  de  3  à  ô'^'"  de  diamètre. 
Mon  hôte  me  ht  voir  huit  grands  sacs  de  ces  cailloux  qu'il  avait 
recueillis  et  qui  devaient  bien  peser  ensemble  2,000^^  au  moins. 
Il  croyait  que  c'étaient  des  pierres  précieuses  et  il  avait  l'inten- 
tion de  les  emjoorter  à  Buenos-Aires,  pensant  en  retirer  un  prix 
élevé.  Il  était  si  épris  de  ses  cailloux,  qu'il  ne  voulut  pas  m'en 
donner  un  seul,  et,  lorsque  je  lui  dis  que  c'étaient  des  pierres 
très  communes,  il  crut  que  je  parlais  ainsi  poui-  le  tromper. 

Plusieurs  années  de  travail  avaient  dû  être  nécessaires  au 
collectionneur  primitif  pour  réunir  cette  énorme  quantité  de 
cailloux,  car  les  roches  de  presque  toute  la  région  sont  des 
roches  métamorphisées  d'une  couleur  grisâtre;  les  hlons  de 
quartz  sont  rares  et  les  rivières  ne  contiennent  que  très  rare- 


VALLEK   I)K   LERMA.  31  I 

ment  des  cailloux  quarlzeux  de  jolies  couleurs.  Le  but  dans 
lequel  cette  collection  avait  été  faite  est  une  énigme.  C'est  la 
première  fois  que  j'ai  entendu  j^arler  d'un  tel  dépôt  dans  des 
ruines  de  l'Amérique  du  Sud. 

On  pourrait  cependant,  à  ce  sujet,  citer  un  passage  de  Gar- 
cilaso  (140;  1.  I,  c.  ix;  fol.  g),  suivaut  lequel  certains  habitants  de 
l'empire  incasiqne  «  adoraient  les  cailloux  de  diverses  couleurs 
qu'il  y  aA^ait  dans  les  rivières  et  les  ruisseaux  »  [Asi  adorahan  . . . 
(juijarros  y  picdrecitas ,  las  (jue  en  los  rios  y  arroyos  hallahan  de 
diversos  colores  conio  cl  jaspe). 

TINTI. 

A  7  kilomètres  environ  du  sud-ouest  du  village  actuel  de 
Rosario  de  Lerma,  et  à  peu  près  à  la  même  distance  au  nord- 
ouest  de  l'habilalion  de  la  hacienda  de  Carhajal,  se  trouvent 
les  ruines  d'un  village  préhispanique,  appelé  Tinti  par  les  in- 
digènes. 

Dans  une  plaine,  fermée  au  sud  par  de  hautes  montagnes 
et  au  nord  par  des  collines  et  des  barrancas  qui  la  séparent 
du  reste  de  la  Vallée  de  Lerma,  on  voit  les  emplacements  de 
i5o  habitations  environ.  Une  petite  rivière  sillonne  cette 
plaine  :  c'est  elle  qui  a  formé  les  barrancas.  11  n'y  a  qu'un  seul 
accès  facile  à  la  petite  plaine  de  Tinti  :  du  coté  est.  Dans  toule 
antre  direction,  les  montagnes,  les  collines  et  les  l)arranc;is 
lacilitent  la  défense  du  village  contre  finvasion  d'un  ennenn. 

Les  habitations  de  Tinti  sont  composées  de  chambres  et  de 
grands  enclos  que  nous  pouvons  apj)eler  des  «  cours  ».  Le  ])lan 
/î(j.  4(S  montre  la  disposition  d'une  de  ces  constructions  doni 
chacune  devait  former  la  demeure  d'une  famille.  On  y  voit  deux 
grandes  chambres,  presque  carrées,  de  8'"X  7'"  ('l  de  9'"X  T)'", 
accédant  sur  une  cour  plus  ou  moins  rectangulairede  25'"X  1  6'". 
Ces  chambres  sont  pourvues  de  ])ortes  vers  la  cour,  mais  celle-ci 
ne  piésente  aucune  onverhire  c()ninHini(|nant  avec  l'iîxtéiieur. 
Un  petit  mur  isolé  forme  nnc  soric  de  loge  à  côté  de  la  clunubie 


312 


ANTIQUITÉS   DE  LA   REGION  AN  DINE. 


située  au  coin  ouest  de  la  cour.  Les  murs  qui  entourent  cette 
cour  continuent  vers  le  Nord-Ouest.  Dans  le  plan ,  ils  sont  in- 
terrompus en  a  et  en  i,  mais  leur  tracé  continue  beaucoup  ])lus 
loin,  et  ils  semblent  avoir  formé  un  autre  grand  enclos,  qui 
arrivait  jusqu'à  Thabitation  suivante,  conq^osée,  comme  celle 
qui  nous  occuj^e,  d'une  cour  et  de  cliamjires. 


Fig.  48.  —  Tinli.  Plan  criino  habitation  du  village  préliispanique.  —  Echelle  :  ij^oo. 

Les  murs  sont  construits  en  pierre  sèche.  Leurs  restes  attei- 
gnent actuellement  un  peu  plus  de  o™5o  de  hauteur.  Il  est  dif- 
ficile de  discerner  leur  largeur  originelle,  car  on  ne  distingue 
pas  les  pierres  écroulées  de  celles  qui  occupent  encore  leur 
place  primitive.  Cependant  on  peut  deviner  que  la  largeur  a  été 
de  plus  de  o™  5o,  mais  de  moins  de  i™.  Les  fondations  peu  pro- 
fondes ne  dépassent  pas  o"'5o.  Les  pierres  employées  dans  la 
construction  proviennent  du  lit  de  la  rivière  voisine. 

Ces  murs  ne  peuvent  de  toute  façon  avoir  été  très  hauts.  Le 
terrain  ne  contient  pas  de  matériaux  de  même  taille  que  celle 


Pi..  XVII. 


^■!f.     % 


Fig.  Al.  —  l'ucara  de  Lnnna.  Urne  liiiicrairc.  —  i/4  gr.  nul. 


lffl'i~  "  ^ïïl'lt'^''''-  r.J!.'iâ!f^j^:v»iif)J>^^ 


Fif.  Ii2.  —  Piicafù  (le  Lri-ma.  C-iscaii  cl  iioinron  on  ciiivro.  —  2/3  gr.  nat. 


Pl.  xmii. 


FIg.  (^3.  I*ur;u'à  ilr  I^cnna.  Arsliallr.  iy"i  j^r.  iial. 


Pl.  XIX. 


b 


Fig.  /|/|.  —  Pucarâ  dn  Lcrma.  liroyniii-  cm  |)iciir  cl   jHilcrics    d,  coupe  dd  Ijroycnr 

1/3  gr.  nal. 


Fig.  'i'».     -  l'iicarà  Ai-  Lciniii.   I^)lc|•|cs.  —   i/3  i^r.   m;iI. 


Pl.  XX. 


Fig.  4(3.   —  Carijajul.  l'clil  moiliri'  ri  autres  pièces  eu  calcaiic  /(iiié.  Pierres  a  laille  commenrée 

(le  la  ini'ine  roche.  —  i/.')  gr.  nal. 


Fig.  /17.  Carhajal.   Mortier  en  ij;rès  roiij,'!-.  —    i//|   gr.  nal 


VALLEE  DE  LERM  \.  313 

des  constructions,  et  les  pierres  écroulées  ont  du,  ])our  la  plu- 
part, rester  près  des  murs  auxquels  elles  appartenaient.  Dans  le 
voisinage  n'existe  aucune  maison  moderne  pour  l'édification 
de  laquelle  on  pourrait  avoir  recueilli  les  pierres  des  ruines.  Par 
conséquent,  il  est  facile  de  calculer  le  nombre  de  pierres  par- 
semées sur  le  sol  aux  environs  de  chaque  construction.  Or  ce 
calcul  donne  comme  résultat  que  les  murs  ne  doivent  avoir 
eu  qu'environ  un  mètre  de  hauteur.  On  en  arrive,  par  suite, 
à  snp])oser  que  seule  la  partie  inférieure  des  murs  aurait  été 
bâtie  en  pierre,  tandis  que  la  partie  supérieure  était  construite 
en  bois  recouvert  de  chaume  ou  de  2:)eaux.  La  toiture  devait 
être  également  faite  de  fun  ou  fautre  de  ces  matériaux.  L'exa- 
men des  ruines  préhispaniques  de  ces  régions  suggère ,  du  reste, 
presque  toujours  des  réflexions  semblables. 

A  Tinti ,  ce  qui  attire  surtout  fattention ,  ce  sont  les  sépultures 
ou  chambres  mortuaires  à  demi  souterraines,  annexées  à  la 
plupart  des  habitations.  Sur  le  jÀanfuj.  48  on  voit  deux  de  ces 
chambres,  A  et  B,  cylindriques,  bâties  en  pierre  sèche,  avec 
plus  de  soin,  semble-t-il,  que  les  murs  des  habitations  et  de  la 
cour.  Le  sol  est  pavé  de  pierres  plates.  Les  murs  sont  revêtus 
intérieurement  d'autres  dalles  en  schiste,  formant  un  autre 
cylindre,  dans  lequel  se  trouvent  les  cadavres.  Ce  cylindre  est 
couvert  d'une  dalle  également  en  schiste.  La  hauteur  des  cy- 
lindres intérieurs  est  de  0^70  environ;  le  diamètre  intérieur 
de  la  chambre  A  est  de  0^65,  celui  de  la  chambre  B  de  1™. 
Les  pierres  plates  qui  servent  de  couvercles  sont  à  quelques  cen- 
timètres au-dessus  du  niveau  du  sol.  La  chambre  A  contenait 
un  squelette,  la  chambre  B,  deux;  mais  ils  étaient  si  mal  con- 
servés, qu'il  m'a  été  impossible  de  les  recueillir.  Les  cadavres 
avaient  certainement  été  placés  dans  la  position  assise,  étant 
données  les  dimensions  des  sé])ultures.  De  nombreux  fragments 
de  poterie  grossière,  avec  quelques  traits  gravés  comme  seul 
décor,  les  accompagnaient.  Cette  poterie  avait  probablenuMit  été 
fracturée  par  la  pression  de  la  terre;  je  n'ai  pu  avoir  entière 
qu'une  petite  écnelle,  Ji(j.  à9.  Elle  est  de  o'"  i^iT)  de  diamètre 


314  ANTIQUITES  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

maximum,  poterie  grisâtre,  un  peu  plus  (iue  que  les  autres 
débris. 

Le  village  de  Tinti  est  traversé,  de  l'Est  à  l'Ouest,  par  une 
large  rue  courbe,  bordée  de  chaque  côté  de  constructions  sem- 
blables à  celle  que  je  viens  de  décrire.  Derrière  ces  deux  ran- 
gées de  maisons  s'étendent  encore  beaucoup  de  ruines  d'autres 
maisons  situées  à  quelque  distance  l'une  de  l'autre,  tandis  que 
celles  de  la  rue  principale  se  touchent  presque.  Toutes  ces  con- 
structions présentent  les  mêmes  chambres,  parfois  trois  ou 
quatre,  groupées  autour  d'une  coui"  plus  ou  moins  trapézoïdale; 
presque  toujours  des  chambres  mortuaires  cylindriques  y  sont 
annexées. 


Fig.  /|Ç).  —  Tinti.  Ecuélie  en  terre  ciiile.  —  i/")  gr.  nat. 

La  petite  rivière  traversant  Tinti  descend  des  montagnes 
nommées  Cumbres  del  Obispo.  Elle  forme  dans  ces  montagnes 
la  (}uebrada  de  los  Manzanos,  dans  laquelle  se  trouve  un  autre 
village  préliispanique.  Je  n'ai  pas  eu  l'occasion  de  le  visiter, 
mais  on  m'a  informé  qu'il  occupe  des  hauteurs  inaccessibles 
de  manière  à  former  une  place  forte.  Peut-être  ce  village  a-t-il 
appartenu  aussi  aux  anciens  habitants  de  Tinti.  Ceci  nous  don- 
nerait un  exemple  de  ces  doubles  résidences  des  Indiens  andins  : 
l'une  fortifiée,  sur  les  hauteurs;  l'autre  près  des  cultures,  dans 
la  vallée.  Dans  la  région  diaguite,  on  constate  souvent  ce  cas  qui 
est  également  mentionné  par  les  historiens  de  l'ancien  Pérou. 
Ainsi,  suivant  Cieza  de  Léon  (101;  c.  xcix,  c;  p.  44^  ^3),  les  Collas 
avaient  des  villages  avec  des  cultures  dans  la  plaine,  et  des 
places  fortes  sur  la  montagne,  où  ils  se  retiraient  en  temps  de 
guérie.  Sur  les  Pacajes  spécialement,  Don  Pedro  de  Mercado 
de  Penaloza  (236,  p.  62)  donne  des  renseignements  identiques. 


VALLIiE  DE  LKiniA.  315 

RUINES   PRÉHISPArVIQUES 
DANS  D'AUTRES  PARTIES  DE  LA  VALLEE  DE  LERMA. 

De  Salta ,  j'ai  fait  une  excursion  à  un  endroit  nommé  El  Prado , 
situé  au  pied  des  montagnes,  à  environ  i  o"""  au  sud-ouest  de 
la  ville.  On  voyait  là,  sur  une  colline,  de  nombreux  vestiges 
de  murs  en  pirca  dans  un  très  mauvais  état  de  conservation,  et 
presque  rasés.  Quelquefois  il  était  même  presque  impossible 
d'en  restituer  le  tracé.  Ces  murs  formaient  des  clôtures  rec- 
tangulaires de  lo  à  So""  de  côté,  alternant  avec  d'autres  traces 
d'enclos  circulaires  ayant  jusqu'à  lo'"  de  diamètre.  Les  ruines 
d'El  Prado  présentent  quelque  analogie  avec  celles  de  Tinti, 
mais  elles  sont  beaucoup  moins  bien  conservées.  Les  fouilles 
que  j'y  pratiquai  ne  donnèrent  aucun  résultai. 

A  Silleta,  au  pied  des  montagnes,  un  joeu  au  nord  de  l'em- 
boucliure  de  la  Oue])rada  del  Toro,  on  voit  de  nombreuses 
traces  de  pircas,  mais  très  mal  conservées.  La  population  de 
cet  endroit  était  certainement  très  nombreuse  au  temps  pré- 
hispanique. 

Sur  le  sommet  de  l'une  des  montagnes  qui  bornent  la  vallée, 
au  nord-est  de  la  ville  de  Salta,  à  une  distance  de  6  ou  y"^'"  de 
celle-ci,  il  y  a  aussi  des  traces  de  murs  en  terrasses. 

D'api'ès  des  informations  dignes  de  foi,  il  existe  des  ruines 
d'une  grande  étendue  à  Vinaco,  à  S""'"  au  sud  de  Zuviria,  point 
terminus  du  chemin  de  fer  de  la  Vallée  de  Lerma.  Je  n'ai  pu 
visiter  ces  ruines,  mais,  d'après  les  descriptions  qui  m'en  ont 
été  faites,  elles  doivent  provenir  d'un  village  ancien  assez 
considérable,  à  peu  près  dans  le  genre  de  Tinti. 

A  La  Canada,  j'ai  vu  beaucoup  de  traces  de  pircas  rasées. 

Dans  les  montagnes,  derrière  (îhicoana,  est  également  situé 
un  village  ancien,  sorte  de  place  foilc,  d'après  les  descriptions 
données. 


316  ANTIQUITÉS  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 


RESUME. 

Les  vestiges  préliispaniques  de  la  Vallée  de  Lerma  sont  très 
hétérogènes.  Ils  proviennent  sans  doute  de  plusieurs  épocpies 
et  de  plusieurs  peuples  différents.  La  plupart  des  objets  exhumés 
dans  les  environs  de  Pucarâ  et  d'autres  pièces  que  j'ai  vues, 
provenant  de  Silleta  et  de  Rosario  de  Lerma,  dénotent  la  môme 
origine  que  les  antiquités  appartenant  à  l'ancienne  culture  de  la 
région  diaguite.  Mais  aucune  des  ruines  que  j'ai  examinées  ne 
peut  avec  certitude  être  rapportée  à  cette  culture.  Tinti  y  appar- 
tient peut-être,  mais  la  poterie  rencontrée  dans  les  deux  tom- 
beaux que  j'y  ai  fouillés  est  inférieure  à  celle  de  la  région  dia- 
guite, et,  comme  je  n'y  ai  pas  trouvé  de  pièces  décorées,  il  est 
impossible  d'en  tirer  des  conclusions.  Je  n'ai  puvisiterles  ruines 
de  Vinaco  et  de  Chicoana,  et  je  ne  sais  pas  si  elles  peuvent  être 
classées  comme  diaguites.  Les  ruines  d'El  Prado  sont  plus  pri- 
mitives et  proba])lement  plus  anciennes  que  celles  de  Tinti  et 
qu'également  celles  de  la  région  diaguite  en  général.  Quant 
aux  tumulus  de  Pucarâ,  il  est  impossible  de  les  classer,  car  ils 
sont  uniques  dans  l'archéologie  sud-américaine  et  ne  présen- 
tent pas  de  poteries  ni  d'objets  quelconques  qui  permettent 
une  comparaison  avec  d'autres  antiquités  de  ces  régions.  Si 
V urne  fi(j.  âl,  exhumée  près  de  ces  tumulus,  provenait  de  leurs 
constructeurs,  les  tumulus  seraient  diaguites,  mais  le  rapport 
qui  existe  entre  cette  urne  et  les  tumulus  n'est  pas  du  tout 
déterminé.  Enfin  les  sépultures  dans  des  urnes,  d'El  Carmen, 
de  La  Canada  et  de  Carbajal,  sont,  comme  nous  l'avons  dé- 
montré, d'une  origine  tout  à  fait  différente  des  autres  vestiges 
de  la  vallée. 

Suivant  Don  Pedro  Sotelo  Narvaez  (253,  p.  i5o),  la  ^  allée  de 
Lerma  était,  à  l'époque  de  la  conquête  espagnole,  habitée  par 
i,5oo  Indiens,  dont  la  plupart  étaient  des  «Lules,  quoiqu'ils 
cultivassent  la  terre  et  eussent  des  trou])eaux)).  Narvaez  [iUd., 
p.  i48, 1/19)  applique  en  général  le  nom  «  Lules  »  à  certaines  tribus 


VALLEE  DE  LERMA.  317 

nomades  et  sauvages  (^^i  alàrahes  n)  des  plaines  de  Santiago  del 
Estero  et  de  Tuciiman.  Nous  devons  par  suite  supposer  que 
ses  Lules  de  la  Vallée  de  Lerma  appartenaient  à  ces  mêmes 
Lules  nomades  et  s'étaient  établis  dans  cette  vallée,  ayant  adopté 
la  culture  et  l'élevage.  Selon  le  même  auteur,  des  Indiens  de  la 
Vallée  Calchaquie  et  de  la  «  Cordillère  » ,  c'est-à-dire  de  la  Puna, 
descendaient  (^bajahan)  aussi  dans  la  Vallée  de  Lei-ma,  proba- 
blement pour  échanger  leurs  produits  contre  ceux  de  cette 
vallée  et  contre  d'autres  provenant  des  plaines  voisines.  Les 
renseignements  de  Narvaez  paraissent  confirmés  par  un  passage 
d'Oviedo  y  Valdez  (280-,  l.  xr,vii,  c.  m;  t.  n,  p.  263),  suivant  lequel 
AlmagTO  trouva,  en  i536,  tout  le  territoire  dévasté,  depuis 
Jujuy  jusqu'aux  limites  «  d'une  autre  province  dite  Chicoana  », 
sans  doute  l'actuelle  Vallée  Calchaquie ,  comme  nous  le  démon- 
trerons plus  loin,  en  traitant  les  itinéraires  d'Almagro  et  de 
Matienzo  Selon  Oviedo,  des  «Juris  alàrahcs))  avaient  dévasté 
cette  contrée,  située  entre  Jujuy  et  la  Vallée  Calchaquie  et  qui 
ne  pouvait  être  autre  que  la  Vallée  de  Lerma  ^'l  Nous  avons 
déjà  signalé,  pages  /il  et  55,  le  sens  que  les  dilTéreiits  auteurs 
anciens  donnent  aux  noms  «  Juris  »  et  «  Lules  »  et  l'ambiguïté 
de  leurs  définitions.  Les  Lules  de  Narvaez  sont  sans  doute 
identiques  aux  Juris  d'Oviedo,  et  ainsi  les  renseignements  de 
ces  auteurs  nous  apprennent  que  la  Vallée  de  Lerma  aux  temps 
de  la  conquête  était  habitée  par  des  Indiens  sauvages  et  no- 
mades des  |)laines  qui ,  peu  de  temps  auparavant,  avaient  chassé 
de  cette  vallée  les  habitants  antérieurs,  fiuliens  j)lus  civilisés, 
lesquels  ne  peuvent  être  que  les  Diaguites  cpii  y  ont  laissé  de 

'"'  Oviedo  no  s'oxprimc  pas  avec-  l)caii-  vaicnt  hoauconp   <lo   maïs  et   avaient   de 

coup  d'exacliliidc.   J)'al)(»id  (page  ;'.G3),   il  nombreux  Iroupeaiix  de  lamas,  li  est  donc 

semble  comprendre  la  «province  de  Chi-  certain  cpie   la   Vallé(î  (]al(Iiaqui(>  n'était 

coana  II  ou  Vallée  Calchatpiie  parmi  les  ré-  pas  coni[)lée    parmi    les  régions  désolées 

gions  dévastées  et  dépeuplées  par  les  inva-  par  les  Juris.  Fi'aml)iguilé  d'Oviedo  a  in- 

sions  des  «Juris»;  mais  plus  loin  (p.  aO'i)  duit  en  erreur  le  D'  ten  Kale  (343,  p-  5), 

il  dit  expressément  cpie  ee  n'était  (pie  jus-  qui  semble  croire  que    les   ruines  de   la 

qu'à  la  l'rontière  de  cette  province  que  \c  région  diaguito  en  général  se  trouvaient 

pays  était  dévasté  et  (p.  2(i5)  (juc  les  liabi-  déjà  dans  cet  état  quand  les  Espagnols  y 

tauts  de  la  «province  de  Chicoana»  culti-  arrivèrent. 


318  AiNTlOMTÉS  DE  LA  RÉGION   ANDINK. 

nombreux  vestiges.  Mais,  avant  les  Diaguites,  la  vallée  a  été 
occujîée  par  un  autre  peuple,  d'un  développement  artisticpie 
beaucoup  inférieur  aux  Diaguites,  peuj)le  qui  enterrait  ses 
morts  dans  des  urnes  grossières  et  qui  était,  je  crois  l'avoir 
démontré,  un  peuple  tupi-guarani  ou,  en  tous  cas,  un  peuple 
immiirré  du  centre  du  Brésil.  Ces  faits  et  la  situation  de  la 
Vallée  de  Lerma  qui  l'indique  naturellement  comme  centre  de 
commerce  entre  tant  de  régions  différentes  nous  donnent  l'ex- 
plication de  l'hétérogénéité  des  vestiges  archéologiques  qu'on 
y  trouve. 


QUEBRADA  DEL  TORO 


LA  QUEBRADA  DEL  TORO. 

La  Quebrada  del  Toro  est  un  long-  et  étroit  ravin  qui  conduit 
des  Salinas  Grandes,  dans  la  partie  sud  du  haut  plateau  de  la 
Puna  de  Jujuy,  à  la  Vallée  de  Lerina.  Cette  quebrada  a  une  lon- 
gueur de  i5o''"'  et  une  largeur  variable  de  loo  à  1,000"".  Les 
montagnes  qui  servent  de  parois  au  ravin  sont  tantôt  escar- 
pées, presque  perpendiculaires,  tantôt  arrondies  j)ar  l'érosion, 
toujours  tellement  à  pic  qu'il  est  difficile  d'y  monter,  excepté 
aux  endroits  où  des  torrents  ont  formé  des  ravins  latéraux.  La 
ficf.  77  montre  une  des  parties  les  plus  larges  de  In  Quebrada 
del  Toro,  immédiatement  au  sud  de  sa  jonction  avec  la  Que- 
brada de  las  Cuevas,  à  Puerta  de  Tastil.  La  wiefuj.  76  est  prise 
du  même  point,  mais  vers  le  Nord.  On  y  voit  la  jonction  même, 
avec  l'embouchure  de  la  Quebrada  de  las  Cuevas  à  gauche  et  la 
continuation  de  la  Quebrada  del  Toro  à  droite.  Les  montagnes 
de  cette  partie  de  la  quebrada  sont  arrondies.  Les  photographies 
fi(].  50  et  5i  sont  prises  à  un  autre  endroit,  Golgota,  on  les 
montagnes  sont  presque  à  pic. 

Les  montagnes  des  deux  côtés  de  la  Quebrada  del  Toro,  et 
aussi  celles  de  la  Quebrada  de  las  Cuevas,  sont  composées 
d'un  quartzlte  schistoïde  très  plissé  dont  les  couches  tordues 
démontrent  la  forte  pression  qu'elles  ont  dû  subir,  lorsque 
fétat  actuel  du  relief  du  pays  s'est  formé.  Du  côté  ouest  de 
la  Quebrada  del  Toro,  de  Golgota  à  Tastil,  le  quartzite  est 
en  partie  couvert  de  couches  puissantes  d'nii  grès  feriugineuv 
tendre,  se  rapprochant  presque  de  ce  que  fou  appelle  (hi  grès 
j)sammite. 

Le  col,  au  pied  du  Nevado  del  Chani,  où  commence  la  Que- 
])rada  del  Toi-o,  nommé  l'Abra  del  Palomar,  est  silué  à  3, 600'" 
(f altitude,  et  Rio  Blanco,  endjouchure  de  la  quebrada  dans 
la  Vallée  de  Lerma,  à  i,/|5o"'.  Les  eaux  venant  du  Chani  et 
d'autres  montagnes  environnantes  se  réunissent  (fabord  dans 


322  ANTIQUITÉS  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

un  grand  marais  [ciénega),  à  Très  Cruces,  et  vont  de  là  dans 
trois  petits  lacs,  les  Lagunas  del  Toro,  à  3,334""  d'altitude.  Les 
eaux  s'infdtrent  ensuite  et  passent  sous  terre  jusqu'à  un  endroit 
appelé  Ojo  de  Agua,  non  loin  des  ruines  préhispaniques  de 
Morohuasi.  Là  commence  le  Rio  del  Toro  qui  coule  au  fond 
de  la  quebrada  jusqu'à  la  Vallée  de  Lerma  où  il  se  jette  dans  le 
Rio  Arias,  affluent  du  Rio  Pasaje  ou  Juramento  qui,  sous  le  nom 
de  Rio  Salado,  traverse  les  plaines  et  rejoint  le  Rio  Paranâ.  Le 
Rio  del  Toro  n'est  qu'un  torrent  presque  à  sec;  seulement,  à 
ré2:)oque  des  crues,  la  rivière  franchit  les  boids,  recouvre  une 
bonne  jDartie  de  la  quebrada  et  empêche  le  passage  des  voya- 
geurs, quelquefois  pendant  plusieurs  jours. 

La  végétation  spontanée  du  sol  est  composée  de  quelques 
arbustes,  de  plantes  aquatiques,  et  même,  en  quelques  en- 
droits, de  petits  gazons  près  de  l'eau.  C'est  à  peine  si  un  trou- 
peau d'ànes  ou  de  lamas  y  trouve  de  quoi  brouter  pendant 
une  halte.  Les  pentes  des  montagnes  ont  une  végétation  très 
pauvre  :  des  touffes  de  graminées  au  milieu  des  pierres  et  de 
broméliacées  grisâtres  qui  adhèrent  comme  des  lichens  aux 
rochers.  On  ne  voit  pas  d'arbres  au  nord  de  Golgota,  excepté 
quelques  saules  cultivés  [Salix  Hiimboldtiaiia ,  W^illd.).  Les  arbres 
entourant  la  maison  de  Golgota, y?^.  50,  sont  des  saules  de  cette 
espèce.  Les  derniers  se  trouvent  à  Candelaria,  au  nord  de 
Puerta  de  Tastil.  Dans  les  quebradas  latérales  de  la  partie  infé- 
rieure de  la  Quebrada  del  Toro,  la  végétation  suffrutescente  est 
un  peu  plus  prospère;  par  exemple,  dans  la  Quebrada  de  las 
Cuevas,  entre  Puerta  de  Tastil  et  Tastil,  il  y  a  d'assez  nom- 
breux arbustes  et  quelques  arbres  ayant  jusqu'à  3  ou  4™  de 
hauteur.  Dans  la  Quebrada  de  las  Capillas,  il  y  a  même  des 
viscotes  (^Acacia  Visco,  Giiseb.),  arbres  de  8""  de  hauteur  et  dont 
le  tronc  a  Go*""  de  diamètre.  Ces  arbres  donnent  un  assez  bon 
bois  de  construction;  plus  en  amont  de  la  Quebrada  del 
Toro,  le  seul  bois  de  construction  est  celui  des  hauts  cactus- 
cierges  (probablement  Cereus  Pasacana ,  [RiimpL]  Weh.).  On  cul- 
tive, notamment  entre  Golgota  et  Tambo,  de  la  luzerne  qui  est 


QUEBRADA  DEL  TUUO.  823 

veiulue  pour  les  mulets  qui  passent.  L'irrigatiou  artificielle  est 
nécessaire  à  cette  culture.  A  Las  Cuevas,  clans  la  partie  supé- 
rieure de  la  quebrada  du  même  nom,  sont  aussi  des  cultures 
de  luzerne  assez  importantes.  M.  Domingo  Torino,  proprié- 
taire de  la  Quebrada  del  Toro,  depuis  Golgota  presque  jus- 
qu'à Puerta  de  Tastil,  et  d'une  autre  partie,  à  Gandelaria,  a  dé- 
montré ce  que  l'on  peut  faire  dans  ces  ravins  stériles,  si  l'on 
sait  bien  ménager  l'eau  d'irrigation  et  si  l'on  emploie  des  mé- 
tliodes  rationnelles  pour  la  culture.  Ses  chanq:)s  de  luzerne 
sont  superbes  et  il  y  élève  même  des  moutons  Rambouillet  et 
Lincoln.  Je  suis  très  reconnaissant  à  M.  Torino  de  l'aimable 
hospitalité  dont  j'ai  été  l'objet  de  sa  part  les  deux  fois  que  j'ai 
passé  par  la  Quebrada  del  Toro. 

Les  habitants  actuels  des  Quebradas  del  Toro  et  de  las 
Cuevas,  y  compris  ceux  des  montagnes  de  chaque  côté  de 
ces  quebradas,  sont  au  nombre  de  1,800  environ,  si  l'on  se 
base  sur  le  recensement  de  1896  (37).  Cependant  ce  chiffre  me 
semble  exagéré.  La  plus  grande  partie  est  conq^osée  d'Indiens; 
il  y  a  très  j^eu  de  métis.  Beaucoup  de  ces  Indiens  sont  d'origine 
bolivienne,  d'autres  de  la  Puna  de  Jujuy;  on  n'y  trouve  presque 
pas  de  métis  des  vallées  interandines.  Une  partie  des  habitants 
sont  les  péons  des  propriétaires  des  cultures  de  luzerne,  d'autres 
ont  eux-mêmes  de  petits  champs  de  cette  plante  fourragère. 
Ceux  des  montagnes  élèvent  de  petits  troupeaux  de  moutons, 
des  ânes  et  même  ([uelques  mulets.  On  ne  voit  plus  de  lamas; 
ils  ont  été  remplacés  par  les  moutons  et  par  les  ânes.  Les  In- 
diens savent  tous  l'espagnol ,  mais  ils  parlent  souvent  le  quichua 
entre  eux. 

La  Quebrada  del  Toro  est  l'une  des  deux  routes  praticables 
entre  la  République  Argciutine  et  la  Bolivie;  l'autre  est  la  Que- 
brada de  flumahuaca.  En  laissant  ces  ravins,  on  Iraverse  la 
Puna  de  Jujuy  du  Sud  au  iVord  jusqu'à  la  frontière  bolivienne. 
Presque  tout  le  commerce  emprunte  actuellement  la  dernière 
route.  Dans  la  Quebrada  del  Toro,  tout  le  trafic  se  réduit  à 
présent  à  l'exportation  du  borate  de  chaux  des  Salinas  (Iraudes, 


324  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

au  transport  du  sel  de  ces  salines  à  Salta  et  à  l'exportation  du 
bétail  de  la  Vallée  de  Lerma  à  San  Pedro  de  Ataeama,  où  il  est 
vendu  aux  nombreux  établissements  miniers  et  aux  salitreras 
(gisements  de  nitrate  de  soude)  des  provinces  cbiliennes 
d'Antofagasta  et  de  Tarapacâ.  Si  Ton  y  ajoute  les  courriers,  les 
soldats  du  gouvernement  du  Territoire  des  Andes  et  quelques 
voyageurs  isolés,  cest  tout  ce  que  l'on  peut  rencontrer  sur 
cette  route. 

L'exportation  du  borate,  commencée  il  y  a  quelques  années, 
se  fait  au  moyen  de  charrettes,  tirées  chacune  par  six  mulets. 
Le  chemin  est  à  peine  carrossable.  Pendant  la  plus  grande 
partie  du  trajet,  les  charrettes  avancent  lentement  dans  le 
sable  du  lit  de  la  rivière,  mais  elles  arrivent  quand  même. 

Le  transport  du  bétail  au  Chili  est  une  entreprise  hardie 
dans  laquelle  les  conducteurs  s'exposent  à  perdre  la  vie,  et  les 
propriétaires  leur  bétail.  Celui-ci  est  envoyé  par  troupeaux 
d'environ  soixante  bœufs  chacun.  Les  animaux  sont  ferrés  pour 
pouvoir  marcher  dans  les  montagnes.  Us  avancent  à  une  faible 
allure,  de  i  5  à  '20^"'  par  jour,  et  derrière  eux  marchent  les  trois 
ou  quatre  gauchos  conducteurs.  Ils  laissent,  à  Puerta  de  Tastil , 
la  Quebrada  del  Toro  et  prennent  celle  de  las  Cuevas  allant  sur 
le  haut  plateau  par  la  Cuesta  de  Munano,  passent  par  la  Que- 
brada de  Chorillos  la  haute  chaîne  qui  sépare  la  Puna  de  Jujuy 
de  laPunade  Atacama,  traversent  tout  ce  territoire  absolument 
déj^ourvu  de  fourrage  et  arrivent  enfin  au  pied  de  la  Grande 
Cordillère.  Là  est  le  passage  difficile.  En  général,  le  trou- 
peau y  est  décimé  par  le  «  vent  blanc  » ,  la  redoutable  tempête 
de  neige  de  la  Cordillère.  Les  bœufs  et  les  hommes  meurent  de 
froid,  et  leurs  cadavres  restent  intacts  j^endant  plusieurs  années 
conservés  par  la  neige  et  par  la  sécheresse  de  l'atmosphère. 
Lorsque  j'ai  remonté  la  dernière  fois  la  quebrada,  j'ai  rencon- 
tré un  métis  conducteur  de  bœufs  qui  revenait  de  la  Cordillère 
où  il  avait  perdu  tout  son  troupeau  et  aussi  tous  les  doigts 
d'une  main;  il  craignait  également  d'avoir  la  gangi'ène  dans 
une  jambe.  Deux  de  ses  compagnons  étaient  morts  de  froid,  un 


QUEBP.ADA  DEL  ÏORO.  325 

troisième  avait  réussi  à  arrivera  San  Pedro  de  Atacania  après 
avoir  erré  dans  les  montagnes  plusieurs  jours.  Le  métis  appoi- 
tait  aussi  des  nouvelles  de  deux  autres  troupeaux  de  bœufs  (jui 
avaient  voulu  traverser  la  Grande  Cordillère  avant  lui.  Deux 
des  conducleurs  avaient  péri,  Tim  des  troupeaux  était  totale- 
ment perdu  et  la  moitié  seulement  de  l'autre  était  arrivée  à 
Atacama. 

Sur  l'extraction  el  le  transport  dn  sel  des  salines,  je  revien- 
drai plus  loin. 

Je  n'ai  trouvé,  dans  les  documents  et  les  cliroiiiques  de  la 
première  époque  de  la  conquête,  aucun  renseignement  sur 
la  QueLrada  del  Toro,  ni  sur  les  Indiens  y  habitant  à  l'arrivée 
des  Espagnols.  Ceux-ci  paraissent  avoir  suivi,  en  général,  le 
chemin  de  Humahuaca  ou  de  l'Acay.  Peut-être  les  nombreux 
Indiens  de  la  Quebrada  del  Toro,  par  leurs  villages  si  straté- 
giquement  situés  dont  je  décrirai  ensuite  les  ruines,  bar- 
raient-ils si  bien  le  chemin  que  les  Espagnols  n'osaient  pas  le 
prendre. 


ARCHEOLOGIE  DE  LA  QUEBRADA  DEL  TORO 
ET  DE  LA  QUETÎRADA   DE  LAS  CUEVAS. 


GOLGOTA. 

En  quittant  la  Vallée  de  Lerma,  c'est  à  Golgota^'^  qu'on 
trouve  les  premiers  vestiges  préhispaniques  de  la  Quebrada  del 
Toro.  Da  côté  sud  de  la  maison  du  propriétaire,  M.  Torino, 
les  crues  des  eaux  provenant  d'une  petite  quebrada  latérale  ont 
profondément  raviné  le  sol  et  formé  un  véritable  dédale  de 
barrancas.  ha.  fig.  50  montre  la  maison  de  M.  Torino  et  l'entrée 
de  ce  ravin  vues  de  la  Quebrada  del  Toro;  la  fuj.  51  représente 
la  barranca  principale,  prise  du  Nord. 

Dans  cette  barranca,  on  voit  apparaître  Çcà  et  là  des  ossements 
humains.  Chaque  année,  la  crue  enq:)orte  de  nouveaux  mor- 
ceaux de  terrain  mettant  au  jour  de  nouveaux  squelettes.  Le 
cimetière  en  a  certainement  contenu  plusieurs  centaines.  Trois 
crânes  que  j'ai  rapportés  de  ce  cimetière  sont  décrits  par  le 
D""  Chervin  (99,  t.  m),  sous  les  n"'  y  à  i  i. 

Les  cadavres  ont  tous  été  inhumés  dans  la  position  accroupie, 
les  jambes  et  les  bras  repliés  sur  la  poitrine.  Ils  sont  à  o"\m) 
ou  o'"  70  au-dessous  de  la  surlace  du  sol;  presque  immé- 
dialenient  au-dessus  du  cadavre,  on  trouve  une  ])ierre  plaie 
(^eu^ll•on  ()'"4oXo"'4o  ou  o'"5o.  A  l'origine,  les  cadavres  ont 
dû  être  enterrés  dans  une  position  verticale,  la  pierre  placée 
horizontalement  sur  la  tête.  J'ai  rencontré  plusieurs  squelettes 
dans  cette  position,  mais  beaucoup  d'autres  étaient  d<'j)lacés 
par  la  pression  et  les  mouvements  de  la  terre,  par  le  glissemcnl 

(''   Cette    hacienda    porte    le    nom    de  ressomhlait   au  f!ol<,M)llia  où   .Irsus- Christ 

Golgota,  parce  qu'une  ancienne  proprié-  subit  son  supphce.  Mlle  y  lit  ériger  Irois 

taire,  je   ne  sais  pourquoi,    avait  trouvé  croix  en  commémoration  du  Calvaire, 
que    l'iino   des   monlagnos    des    enviions 


328  ANTIQUITÉS  DE  LA  REGION   ANDINE. 

de  la  hairanca  et  par  l'action  de  l'eau.  Cependant  le  tibia  est 
toujours  sur  le  fémur,  le  radius  et  le  cubitus  sur  l'iiumérus,  en 
paquet  sur  la  poitrine,  ce  qui  démontre  que  les  jambes  et  les 
bras  ont  constamment  été  repliés  sur  le  corps. 

Nous  retrouvons  cbez  beaucoup  de  peuples  sud-américains, 
anciens  et  modernes,  l'babitude* de  placer  une  pierre  ou  un 
autre  objet  plus  ou  moins  plat  dans  la  sépulture,  au-dessus 
de  la  tête  des  cadavres,  pour  les  protéger  en  quelque  sorte, 
semble-t-il,  de  la  pression  de  la  terre.  Les  sépultures  de  Ga- 
lama,  décrites  plus  loin,  en  donnent  un  exemple,  et  les  cime- 
tières des  environs  de  Tiabuanaco,  décrits  par  M.  de  Créqid 
Montfort  (109,  p.  542),  en  fournissent  un  autre.  Dans  certaines 
sépultures  d'Ancon,  selon  MM.  Reiss  et  Stid3el  (308,  i,  pi.  9  et  10, 
lig.  8),  les  pierres  sont  remplacées  par  de  grands  fragments 
de  poterie  ou  par  un  clayonnage.  Dans  les  Singularités  de  la 
France  antarcticfue  de  Tbevet  (345,  p.  218),  une  curieuse  gravure 
sur  bois  représente  l'enterrement  d'un  Indien.  Le  corps  est 
déjà  placé  dans  la  fosse  que  d'autres  Indiens  sont  en  train  de 
remplir  avec  de  la  terre.  On  tient,  au-dessus  de  la  tète  du  ca- 
davre, une  écuelle  renversée  qui,  dans  ce  cas,  doit  remplacer 
les  pierres,  etc.,  dont  nous  avons  parlé.  La  même  gravure  est 
répétée  dans  la  CosmocjrapJiie  de  Tbevet  (346,  fol.  926). 

Quelquefois  trois  ou  quatre  morts  étaient  enterrés  ensemble, 
d'autres  fois  la  sépulture  n'en  contenait  qu'un  seul.  Les  distances 
entre  les  différentes  sépultures  sont  très  variables,  de  1°"  à  10™. 
Le  nombre  des  cadavres  enterrés  dans  le  cimetière  de  Golgota 
doit  être  très  grand,  car  M.  Torino  me  racontait  que  les  ava- 
lanches d'eau,  depuis  son  enfance,  enlevaient  chaque  année 
plusieurs  squelettes. 

Les  sépultures  renfermaient  peu  de  poteries  ou  d'autres  ob- 
jets; même  les  petites  écuelles  en  terre  cuite  se  rencontraient 
rarement,  ha.  Jicj.  52  en  représente  une,  de  o™  10  de  diamètre, 
d'une  poterie  noirâtre.  L'intérieur  et  l'extérieur  de  cette  pièce, 
jusqu'à  0^020  du  bord,  sont  bien  lustrés  et  engobés  avec  de 
la  plombagine  avant  la  cuisson;  le  fond  n'est  pas  engobé.  Sur 


Pl.  XXI. 


'^    .a»-,. 


-.-mm^i^-: 


l'ig.  5o.  —  Golgola.  Ilaciciula  il  riinclicn'  |)r(liis|i;nii([ii(' ;  \iir  pii'^i'  de  la  (hi('l)ra(la  di'l  Toro. 


Fig.  .')  1  .  —   (iiiL'iila.  \  lie  (li>  la   li(n-r(nicii  cnnlriiaiil    Irs  s,|iiilliins  |)iilil-.|)aMii|i 


Pl.  XXU. 


Fig.  52.  —  Golgota.  l'^ciiclle  on  Icrro  ciiilc.  —  1/2  gr.  nal. 


,'      /v^"^:n    \ 


I"'ig.  5,').  —  Ciolgola.   l'laqn<>  en  oi'  cl  (Vaginciils  de  iiolciic  gravée.  —   2/0  gf.  n;il 


Fig.  S'i.  —  Golgola.  linici'l.ls  CM  ciiivic.  —  1/2  gr.  nal. 


QUEBR\I)A  DEL  TORO.  320 

les  parties  lustrées,  on  leconnaît  très  bien  les  petites  raies  pro- 
duites par  l'outil  qui  a  servi  pour  fixer  Tengobe;  ces  raies  man- 
quent sur  la  partie  non  lustrée. 

Des  fragments  d'une  poterie  grossière,  sans  décor,  d'environ 
un  centimètre  d'épaisseur,  étaient  assez  communs.  Dans  trois 
endroits,  j'ai  trouvé  enterrés  de  grands  vases  grossiers.  Ce 
n'était  pas  des  urnes  funéraires,  puisqu'ils  ne  contenaient  pas 
d'ossements.  Les  fragments  de  céramique  décorée  étaient  ti-ès 
rares.  La  fuj.  5S,  h,  c,  d  en  montre  trois,  qui  sont  d'une  poterie 
grise  brillante  et  leur  ornementation  appartient  à  l'un  des  types 
les  plus  communs  dans  la  région  diaguite.  Le  fragment  b  ne 
porte  aucun  décor  à  l'extérieur,  mais,  sur  la  face  concave,  on 
voit  une  combinaison  de  lignes  droites  ainsi  que  l'indique  le 
dessin. 

Auprès  de  plusieurs  squelettes,  on  rencontrait  des  perles  et 
des  pendeloques  en  turquoise.  Ces  pièces  d'enfdage  gisaient 
presque  toujours  près  du  cou  des  cadavres.  Elles  doivent  cer- 
tainement avoir  formé  des  colliers.  Les  perles  sont  taillées  en 
forme  de  disque,  un  peu  irrégulières,  polies  et  perforées  au 
centre.  Leur  diamètre  varie  de  o°'oi  à  o"'  002  ;  leur  épaisseur, 
dans  le  sens  de  Taxe  du  cylindre,  est  de  o'^ooi  à  o'"oo5.  Les 
pendeloques  sont  triangulaires  ou  ovoïdes.  Sur  la  fuj.  129, 
n"'  i,  2,  3 ,  sont  représentées  trois  séries  de  perles,  de  diffé- 
rentes sépultures,  et,  au  bout  de  la  série  n"  2,  on  voit  aussi  une 
pendeloque. 

Un  squelette  était  particulièrement  remarquable  pour  ses 
ornements.  La  pierre  plate  qui  recouvrait  la  tête  était  de  di- 
mensions extraordinaires  :  ©""ôS  X  o""  35xo™  18.  Auprès  des 
vertèbres  cervicales  se  rencontraient  les  perles  et  la  pendeloque 
désignées  sous  le  if  2.  Derrière  focciput  étaient  amoncelées 
les  petites  perles  de  la  série  11"  3  qui  constituaient  peut-étic  une 
parure  pour  les  cheveux.  Le  bras  gauche  éljiit  entouré  de  trois 
bracelets  de  cuivre,  ovales,  ouverts  d'un  coté,  de  o"o63  de 
diamètre  maximum,  o'"o55  de  diamètre  minimujn,  o'"oir) 
de  largeur  et  o^'ooS  d'épaisseur.  Sur  la//^.  5^/  on  voit  ces  bra- 


330  ANTIQUITÉS  DE  LA   RP:GI0N  ANDINE. 

celets  placés  autour  du  cubitus  et  du  radius,  comme  ils  ont 
été  rencontrés.  La  bande  de  métal  qui  forme  le  bracelet  est  lé- 
gèrement courbe  dans  le  sens  de  sa  largeur,  présentant  la  con- 
cavité vers  l'extérieur.  La  longueur  du  radius  est  de  o"'3or), 
ce  qui  donne,  d'après  la  méthode  de  Manouvriei*,  une  taille  d'en- 
viron i"'5o.  Probablement  ce  squelette  est  celui  d'une  femme 
adulte,  assez  robuste. 

Des  bracelets  identiques  à  ceux  que  nous  venons  de  décrire 
ont  été  trouvés  à  Tarija  (Bolivie)  par  M.  Adrien  de  Mortillet, 
membre  de  la  Mission. 

Un  autre  squelette,  orné  aussi  d'un  collier  en  perles  de 
turquoise,  avait  près  de  lui  la  petite  plaque  d'or  fuj.  53  a, 
en  travail  repoussé,  représentant  une  figure  liumaine  avec  ses 
contours,  le  nez,  les  yeux  et  la  bouche  formés  de  lignes  droites. 
Cette  plaque  avait  été  brisée  et  son  dernier  propriétaire  y  avait 
percé  un  trou,  sur  le  nez  de  l'effigie,  de  façon  à  la  porter  encore 
au  moyen  d'un  fd. 

Enfin  j'ai  ti'ouvé  également  des  pendeloques  en  os,  sans 
décor,  avec  un  trou  pour  pouvoir  les  suspendre. 

Ces  trouvailles  ne  constituent  pas  un  butin  bien  considérable, 
si  l'on  songe  que  j'ai  fouillé  environ  une  quinzaine  de  tombes, 
11  est  vrai  que  l'état  dans  lequel  se  trouvaient  les  squelettes 
])rouvait  que  des  objets  en  bois  ne  pouvaient  pas  s'être  con- 
servés, ce  qui  n'a  d'ailleurs  rien  d'étonnant  vu  l'altitude  relati- 
vement faible  de  Golgota  :  2,35/i'".  Ce  qui  est  plus  surprenant, 
c'est  la  rarelé  de  la  poterie,  alors  que  dans  les  cimetières  pré- 
hispaniques de  ces  régions,  chaque  mort  a  toujours  auprès  de 
lui  au  moins  un  vase  rempli  d'aliments  pour  son  voyage  dans 
l'autre  vie. 

Près  du  cimetière,  on  voyait  les  traces  de  plusieurs  murs 
en  pirca  descendant  de  la  montagne  vers  le  cimetière.  Peut-être 
étaient-ce  les  divisions  des  différentes  sections  de  celui-ci.-^ 
Plus  haut,  dans  la  petite  quebrada  latérale,  il  y  avait  aussi  des 
vestiges  d'enclos  rectangulaires.  Mais,  bien  que  j'aie  examiné 
attentivement  les  environs,  je  n'ai  pas  trouvé  de  ruines  d'un 


QUEBRADA  DEL  TORO.  331 

village  préhispaniqiie  assez  important  pour  expliquer  la  pré- 
sence de  ce  grand  cimetière.  Peut-être  ce  village  était-il  situé 
à  l'endroit  où  sont  actuellement  la  maison  de  M.  Torino  et  ses 
champs  de  luzerne.  On  trouve,  en  effet,  dans  ces  champs, 
beaucoup  de  fragments  de  poterie  ancienne  qui  proviennent 
probablement  des  demeures  des  anciens  habitants  de  Golgota. 


MOROHUASl'". 

En  continuant,  à  partir  de  Golgota,  le  voyage  par  la  Que- 
brada  del  Toro,  nous  trouvons,  5"""  plus  au  Nord,  à  Lam- 
pazar,  sur  une  harranca  de  quelques  mètres  de  hauteur,  des 
restes  de  pircas,  mais  en  si  mauvais  état  qu'il  est  difficile  de 
reconnaître  leur  forme  et  leur  tracé  primitif. 

A  1  S"""  encore  plus  au  Nord ,  à  Puerta  de  Tastil ,  se  réunissent , 
ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  la  Quebrada  del  Toro  et  la  Ouebrada 
de  las  Cuevas,  cette  dernière  orientée  Nord-Ouesl.  A  la  jonction 
je  fus  assez  heureux  pour  découvrir  d'importantes  ruines  pré- 
hispaniques, mais  je  laisse  pour  le  moment  leur  descriplion 
de  côté  et  je  poursuis  mon  voyage.  A  Candelaria,  à  l'ouest  de 
la  route,  il  y  a  aussi  des  ruines,  mais  de  peu  d'imj^ortance, 
d'après  la  description  qui  m'en  a  été  faite. 

A  2  5"""  de  Puerta  de  Tastil,  nous  arrivons  à  Morohuasi,  bul 
de  mon  voyage  vers  le  Nord.  J'avais  déjà  visité  cet  endroit  <'n 
1901  et  nous  avions  alors  exécuté,  dans  le  cimetière  de  ce 
vaste  village  ])réhispanique,  des  fouilles  étendues.  Les  belles 
collections  qui  en  furent  le  résultat  se  trouvent  au  Musée 
d'ethnographie  de  Stockholm.  J'espère  qu'elles  seront  publiées 
tôt  ou  tard.  Le  comte  E.  von  Rosen  (316,  p.  10  1 1)  a  donné  quel- 
ques renseignements  sommaires  sur  ces  fouilles.  11  appelle  cet 
endroit  Ojo  de  Agua,  du  nom  de  deux  cases  (rindiens  qui  y 
existent  actuellement^'^  Je  préfère  la  dénomination  de  Moro- 
huasi, car  les   Indiens  nomment  encore   ainsi  les  ruines;  la 

'"'  Voir  les  planches  XXlli-WVlI,  insérées  après  la  pa^^o  378.  —  '''  On  noinnio  ojn 
de  aijna  tous  les  endroits  où  Peau  jailli I  de  la  Nmi-c,  (orninnt  une  source  on  ini  ruisseau. 


332  ANTIQUITES   DE  LA  REGION  ANDINE. 

montagne  snr  le  flanc  de  laqnelle  elles  sont  sitnées  porte  ce 
même  nom,  et  la  rivière  qui  passe  par  là  pour  se  jeter  clans  le 
Piio  del  Toro  s'appelle  TArroyo  Morohnasi. 

J'avais  peu  d'espoir  de  réunir  des  collections  dans  ce  cime- 
tière que  nous  avions  presque  épuisé  en  1901;  le  but  de  ma 
visite  à  Morohnasi  était  principalement  de  dresser  un  plan  des 
ruines.  Le  croquis  que  j'en  ai  fait  est  donné  par  la  fuj.  55^^\ 

Comme  on  le  voit,  le  Cerro  Morohnasi,  qui  a  environ  5oo'" 
de  hauteur  au-dessus  du  niveau  de  la  Quebrada  del  Toro, 
détache  un  contrefort  parallèlement  à  son  massif  et  qui  se 
termine  près  de  la  quebrada,  après  une  bifurcation.  La  mon- 
tagne et  son  contrefort  renferment  une  petite  vallée  d'environ 
100"'  de  largeur  sur  600  à  700"'  de  longueur.  Le  fond  de 
celte  vallée  est  presque  plat,  mais  avec  une  assez  forte  incli- 
naison de  l'Est  à  l'Ouest.  Les  flancs  du  contrefort  ont  subi  une 
forte  érosion  ;  il  est  presque  en  dos  d'àne  et  sa  surface  supé- 
rieure plate  n'atteint  pas  lo"'  de  largeur.  Cependant  il  est  in- 
terrompu par  de  petits  plateaux.  A  sa  bifurcation ,  le  contrefort 
se  divise  en  deux  branches;  celle  du  Nord  descend  graduelle- 
ment par  gradins.  La  branche  Sud  a  toujours  la  même  hauteur 
et  aboutit  à  une  petite  montagne  très  à  pic  et  beaucoup  plus 
haute  C|ue  le  contrefort  en  général.  Du  côté  sud  de  celui-ci  se 
trouve  le  lit  sablonneux  de  l'Arroyo  Morohnasi,  la  plupart  du 
temps  à  sec.  Ce  n'est  qu'à  l'époque  des  crues  que  les  eaux  des 
montagnes  y  passent  pour  aller  se  jeter  dans  le  Rio  del  Toro. 
Le  flanc  du  contrefort,  vers  l'Arroyo  Morohnasi,  est  complète- 
ment à  pic. 

Ruines.  —  La  plus  grande  partie  des  ruines  de  Morohnasi 
consistent  en  des  enclos  en  pierre,  prescpie  carrés,  de  8  à 
10°'  sur  6  à  8'".  Mais  les  murs,  en  pierre  sèche,  sont  tombés; 

'*'  Ce  plan,  comme  les  autres  plans  de  sant  pas  pour  lever  des  plans  absolument 
ruines  qui  figurent  dans  le  présent  travail ,  exacts,  je  me  suis  borné  à  fixer  la  forme 
a  été  dressé  simplement  à  l'aide  de  la  et  la  distribution  générales  des  ruines 
boussole  et  d'une  cbaîne  d'arpenteur.  Le  ainsi  que  la  topographie  de  leurs  envi- 
temps  dont  je  pouvais  disposer  ne  sudl-  rons. 


m'iÊm^, 


•? 


WM'm 


^.  ,1  ~ 


MWkWhii!      ,nuwl    s   sxwv^ 


Fig.  55.  —  Plan  du  village  préhispaniqiie  do.  Moroliuasi.  —  Éclicllo  aiiproxinialivc  :  i/ô.ooo. 


334  ANTIQUITÉS  DE  LA   REGION  ANDINE. 

on  ne  voit  que  leurs  traces,  qui  démontrent  la  forme  des  con- 
structions. Les  photographies/?^.  68  ("ijifj-  69,  prises  par  le 
comte  von  Rosen,  donnent  une  idée  de  ces  restes  de  murs, 
qui,  seulement  dans  des  cas  très  rares,  ont  une  hauteur  de 
o™5o.  Comme  à  Tinti,  les  murs  n'ont  jamais  dû  être  très 
hauts.  Ces  enclos  carrés,  d'une  si  grande  suj)erhcie,  n'ont  pu 
être  recouverts  entièrement  par  une  toiture,  étant  donnés  les 
matériaux  dont  disposaient  les  Indiens  et  qui  consistaient  en 
poutres  formées  du  bois  de  Cereus  Pasacana.  Lorsqu'on  fouille 
le  sol  des  enclos,  on  trouve  de  grandes  quantités  de  débris  de 
ce  bois.  Peut-être  les  enclos  n'étaient-ils  pas  recouverts  et  ser- 
vaient-ils de  cour;  les  Indiens  auraient  alors  habité  une  hutte 
en  adohes  ou  en  bois  de  Cereus  couverte  de  peaux  ou  de  chaume 
et  construite  dans  cette  cour.  11  faut  cependant  rappeler  que 
Ton  connaît  aussi  des  maisons  de  grandes  dimensions  de 
certains  Indiens  de  la  région  andine  de  la  République  Argen- 
tine. Ainsi,  Don  Geronimo  Luis  de  Cabrera  (88,p.  i/u)  décrit  les 
habitations  des  Indiens  de  Cordoba  comme  étant  «basses,  en- 
fouies à  moitié  au-dessous  du  sol,  de  manière  qu'on  y  entrait 
comme  dans  une  cave;  ce  mode  de  construction  est  motivé  par 
le  froid  et  par  le  manque  de  bois.  »  Cabrera  avait  trouvé  des 
maisons  très  grandes,  «  où  l'on  pouvait  faire  entrer  dix  hommes 
avec  leurs  chevaux  )>.  Dans  chaque  maison  habitaient  quatre 
ou  cinq  Indiens  avec  leurs  familles. 

Les  enclos  se  rencontrent  surtout  dans  la  petite  vallée  décrite 
plus  haut  i^E-F).  Certains,  situés  au  milieu,  ont  de  plus  grandes 
dimensions  que  les  autres;  d'autres  forment  des  terrasses,  au 
pied  du  Cerro  Morohuasi  (de  D  à  TEst). 

Sur  la  crête  du  contrefort  (de  A  vers  le  Nord)  on  voit  une 
rangée  presque  continue  d'enclos,  et  sur  les  jietits  plateaux  il 
en  existe  d'autres.  A  la  bifurcation  du  contrefort,  les  Indiens 
ont  fait  des  terrasses  [B-C)  si  solidement  construites  avec  de 
la  pierre,  que  les  eaux  n'ont  pu  les  détruire.  Ces  terrasses  sont 
entièrement  occupées  par  des  enclos.  Le  flanc  de  la  branche 
sud  du  contrefort  (la  pente  au  sud  de  B-C)  possède  également 


QUEBUADA  DEL  TOKO.  335 

des  terrasses  avec  des  enclos.  Enfin,  sur  la  montagne  qui  ter- 
mine cette  branche  vers  la  quebrada,  il  y  en  a  quelques-uns. 

Le  nombre  total  des  enclos  carrés  est  d'environ  3oo.  J'ai  pra- 
tiqué des  fouilles  dans  plusieurs  d'entre  eux,  par  exemple  aux 
endroits  marqués  par  les  lettres  A,  B,  C,  D,  E,  F.  Toutes  les 
fouilles  donnèrent  une  couche  très  épaisse,  de  o™  5o  à  i*",  de 
débris  :  bois  pouri'i  de  Cereiis,  charbon,  cendres,  laine  de  lama, 
fragments  de  fil  et  de  cordes  en  laine  de  lama,  quelques  os  de 
lama  et  l^eaucoup  de  huanaco^^^;  un  grand  nombre  des  os  longs 
avaient  été  fendus  pour  en  extraire  la  moelle.  Il  y  avait  égale- 
ment des  os  de  Lagidium  et  d'oiseaux.  Les  fragments  de  cale- 
basses étaient  assez  communs. 

Enfin  j'ai  trouvé,  dans  le  sol  des  enclos,  une  grande  quantité 
de  fragments  de  poterie  grossière,  rouge,  épaisse,  et  aussi  de 
la  poterie  plus  fine,  lisse,  engobée  avec  de  la  plombagine.  Les 
objets  recueillis  entiers  étaient,  en  général,  de  petites  écuelles 
ressemblant  à  celles  de  la  ^^.  7i.  L'art  de  décorer  la  céra- 
mique avec  des  ornements  peints  paraît  avoir  été  peu  ])rati- 
qué  par  les  anciens  habitants  de  Morohuasi,  car  les  fragments 
de  poterie  peinte  sont  extrêmement  rares. 

Parmi  les  outils  dont  des  fragments  ont  été  mis  à  découvert 
dans  la  couche  de  débris  des  enclos  de  Morohuasi,  il  faut 
mentionner  des  tronçons  de  hampes  de  flèches  comme  celles 
dont  nous  traiterons  plus  loin  en  décrivant  le  cimetière  du 
même  village,  ensuite  des  «couteaux»  semblables  à  ceux  de 
lay/^.  7â  c  et  e,  des  crochets  en  bois  identiques  à  ceux  de  la 

'"'  Grâce  à  la  collaboration  do  M.  Eimle  rieuse  en  ce  (ju'aujounrimi .  au  conlraire. 

Visio,  préparateur  au  laboratoire  d'anato-  lo  huanaco  est  peu  Iréquonl,  tandis  (jue  la 

uiie  comparée  du  Muséum  d'histoire  natu-  vij^og^ne   est  couuuune  dans  la   Puna.   .le 

relie,  j'ai  pu  comparer  tous  les  os  d'ani-  n'ai  pas  trouvé  d'os  pouvant  être  attribués 

maux  exhumés  pendant  mon  voyage  dans  à  l'alpaca. 

les  ruines  et  dans  les  sépultures  de  la  Que-  Il   y  avait  jadis  (leu\    races   dillVrenles 

brada  del  Toro   et  de  la  l'ima  de  .bijuy,  de  lamas,   fi'une  ('lail  plus  robuste  cl  plus 

avec  les  collections  du   Muséum.  La  plu-  élevée  de  (aille  ([iic  les  lamas  actuels.  Au 

part  de  ces  os  proviennent  des  différentes  contraire,  la   laee  la  plus  couuuune  était 

espèces  iVAucheiii<t.  Le  huanaco  était  par-  plus  petite  et  plus  faible  (pie  ces  derniers, 

tout   [)lus   Irécpient    ipie    le   lama.    Les   os  Le  s([uelette  de  huanaco  ancien  est  iden- 

dc  vigogne  étaient  rares,  circonstance  eu-  titpie  au  stpielelle  actuel. 


330  ANTIQUITES  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

Juj.  75  d-f,  k-n,  des  ciseaux  et  des  poinçons  de  cuivre.  Pendant 
mon  voyage  de  1901,  j'avais  trouvé,  dans  l'un  des  enclos,  un 
poinçon  à  section  carrée  comme  celui  de  Tastil,  représenté  par 
la  fi(j.  67  a,  mais  beaucoup  plus  long  et  pourvu  d'un  manche 
en  bois  recouvrant,  dans  le  sens  longitudinal,  la  moitié  de 
l'instrument.  Un  autre  enclos  offrit  le  manche  en  bois  d'un 
ciseau.  M.  von  Rosen  (316,  p.  n,  et  pi.  ix,5)  reproduit  un  ciseau 
de  Morohuasi,  emmanché  de  la  même  manière.  Ces  faits  prou- 
vent que  ces  instruments,  communs  dans  toute  la  région  ando- 
péruvienne,  étaient  en  effet  une  sorte  de  ciseaux,  emmanchés 
comme  tels.  Cependant  on  connaît  aussi  des  pièces  de  la  même 
forme,  emmanchées  et  employés  comme  une  sorte  de  haches. 
En  effet,  M.  E.  H.  Giglioli  (145)  figure  un  de  ces  «  ciseaux  »,  de 
o™  i35  de  longueur,  provenant  de  Trujillo,  et  appliqué  per- 
pendiculairement, comme  la  haicheficj.  15  a,  sur  un  manche 
de  o'"  5 1  de  longueur. 

Dans  l'enclos  marqué  D  sur  le  plan  a  été  trouvé,  à  o'"  5o  de 
profondeur,  le  grand  vase  grossier  Jig.  73  a,  de  0°"  60  de  hau- 
teur, qui  contenait  des  grains  de  maïs  assez  bien  conservés. 

A  un  seul  endroit  des  ruines  j'ai  rencontré  des  os  humains: 
dans  f  enclos  F,  j'ai  mis  au  jour  un  crâne  d'homme  et  la  plu- 
part des  os  du  squelette,  mais  brisés  et  disséminés. 

Les  dé])ris  contenus  dans  le  sol  des  enclos  prouvent  que 
ceux-ci  ont  servi  d'habitations.  La  ressemblance  des  frai^ments 

o 

d'outils  de  la  couche  de  débris  avec  ceux  qui  ont  été  exhumés 
dans  le  cimetière  de  l'autre  côté  de  la  Quebrada  del  Toro  dé- 
montre que  ce  cimetière  appartenait  aux  anciens  habitants  du 
village. 

Le  mortier  Ji(j .  71  e  provient  des  ruines  de  Morohuasi.  Il 
est  fait  d'une  pierre  roulée  naturelle;  son  creux  forme  une 
ellipse  régulière  dont  faxe  majeur  est  de  o°'095  et  faxe  mi- 
neur de  0°'  070  ;  la  profondeur  du  creux  est  de  o"'o20,  et  son 
fond  plat. 

Partout,  sur  le  sol,  on  rencontre  des  pointes  de  flèches  en 
obsidienne  noire;  la/^.  112,  n!"  10  à  15,  en  montre  six;  la  der- 


QUEBR  VI) A    DKL  TORO.  337 

nière,  par  exception,  est  taillée  en  cpiartz  (cachelong)  blanc. 
Ces  pointes  de  flèches,  comme  celles  de  la  Quebrada  del  Toro 
en  général,  n'ont  pas  de  pédoncule,  tandis  que  celles  du  haut 
plateau  sont  presque  toujours  pédonculées.  Les  flèches  sont 
minces,  taillées  avec  un  très  grand  soin;  leur  base  est  concave, 
formant  des  ailerons;  leurs  bords  sont  légèrement  arqués.  Les 
pointes  en  obsidienne  sont  tellement  nombreuses  à  Mosohuasi, 
qu'on  peut  en  ramasser  des  centaines  en  quelques  heures;  on 
trouve  aussi  beaucoup  d'éclats  d'obsidienne,  restes  de  la  fabri- 
cation des  flèches. 

Je  ne  sais  d'où  peut  provenir  cette  obsidienne;  je  n'en  ai 
jamais  trouvé  de  gisements;  s'il  y  en  a,  ils  doivent  être  très 
rares,  ou  très  éloignés  de  ma  route,  car  pendant  tout  mon 
voyage  j'ai  vainement  interrogé  les  Indiens  et  d'autres  per- 
sonnes capables  de  donner  des  explications  à.  ce  sujet. 

Tous  les  enclos  rectangulaires  se  ressemblent  quant  à  leur 
forme  et  à  la  structure  des  murs,  mais,  sur  les  plateaux  de  la 
partie  est  du  village,  il  y  a  un  autre  genre  de  constructions  : 
des  enclos  circulaires  d'environ  /i*"  de  diamètre.  Leurs  murs, 
sans  portes,  actuellement  conservés  jusqu'à  o™  5o,  parfois  jus- 
qu'à 1°'  de  hauteur,  sont  bâtis  d'une  manière  beaucoup  plus 
solide  et  avec  plus  de  soin  ([ue  ceux  des  enclos  rectangu- 
laires. Ces  enclos  circulaires  forment  trois  groupes  qui  por- 
tent la  lettre  G  sur  le  plan.  Le  premier  contient  sept  enclos, 
les  autres,  chacun  cinq.  Je  n'ai  pas  eu  le  temps  de  faire  des 
fouilles  à  l'intérieur  de  ces  enclos  et  il  est  diflicile  d'expliquer 
leur  destination;  peut-être  servaient-ils  pour  des  cérémonies, 
ou  bien  encore  comme  magasins.  Analogues  à  ces  construc- 
tions semblent  être  les  «  tourelles  cylindriques  »  de  Kuertc  Que- 
mado,  en  Santa  Maria,  mentionnées  par  M.  Lalone-Quevedo 
(189,  |).  1,  :?,  ()).  Ces  constructions  circulaires  sont  également  dé- 
pourvues de  portes.  En  ce  qui  concerne  les  diverses  formes  de 
constructions,  on  trouve  au  Pérou  des  villages  préhispaniques 
]^résentant  des  analogies  avec  celui  de  Moroliiiasi  :  ainsi  l(\s 
ruines  de  Sausa   (Jauja),  suivant  un  ])lnn  inédil,  (b-essé  par 


338  ANTFOLITÉS  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

J^éonce  Angraiidet  conservé  à  la  Bibliotlièque  nationale^'l  Cette 
ancienne  ville  péruvienne  est  composée  d'un  gi-and  nombre  (le 
petites  maisons  carrelas,  groupées  en  (errasses.  Mais,  du  côté 
Sud,  séparées  du  resie  de  la  ville  par  un  ravin,  il  y  a  une  cin- 
quantaine de  constructions  circulaires  disposées  sur  trois  ran- 
gées et  avant,  rVaprès  une  annotation  d'Angrand,  «  sept  pas  de 
diamètre,  li'ois  pas  de  distance  de  l'une  à  l'autre  et  dix  pieds 
de  hauteur».  M.  Wiener  (377,  p.  1/12)  publie  aussi  un  plan  des 
ruines  de  Sausa.  Ce  plan  est  plus  rudimentaire  que  celui  d'An- 
grand; on  y  voit  cej^endant  les  constructions  circulaires  sépa- 
rées des  maisons  carrées.  Le  P.  Cobo(103,  iv,  p.  166)  rapporte  que 
les  Indiens  du  haut  plateau  du  Pérou,  surtout  ceux  du  Collao, 
avaient  des  maisons  circulaires  aussi  ])ien  que  des  maisons  rec- 
tangulaires cà  deux  versants.  Pourtant  il  ne  me  semble  pas  que 
les  constructions  circulaires  de  Morohuasi  aient  été  des  habita- 
tions communes.  lime  paraît  dilFicile  d'expliquer  de  cette  ma- 
nière la  présence  d'un  petit  nom]3re  d'enclos  circulaires  parmi 
autant  de  grands  enclos  rectangulaires. 

Sur  la  pente  de  la  montagne  H,  il  y  a  une  troisième  sorte  de 
constructions  faites  également  avec  plus  de  soin  que  les  enclos 
rectangulaires.  Sur  cette  pente,  d'une  inclinaison  assez  forte, 
on  a  élevé  des  murs  verticaux  de  quelque  6  mètres  de  lon- 
gueur, reliés  à  la  pente  au  moyen  de  murs,  de  sorte  que  le 

tout,  vu  d'en  haut,  forme  un  1 j.  Ces  murs  ont  actuellement 

jusqu'à  1'"  de  hauteur  environ. 

Le  village  de  Morohuasi  est  inaccessible  de  presque  tous 
les  côtés.  Seule,  dans  la  petite  vallée  renfermée  entre  le  Cerre 
Morohuasi  et  son  contrefort,  une  entrée  est  possible  par  la 
Quebrada  del  Toro.  Du  côté  de  l'Arroyo  Morohuasi,  toute  ten- 
tative d'escalade  est  inqjraticable;  même  de  la  petite  vallée,  où 

'''    (le    plan    rorinc    le    folio    oo    d'un  à  la  Bibliothèque  nationale  :   P.  Angrand 

album    contenant    de    jolis    dessins     au  Eft.  8,   et  porte  le  litre  :  Lima   1838.   - 

crayon  représentant  des  villes,  des  églises,  Viaje  à  la  Sierra   1838.  —   Viajc  de  Lima 

des  ruines,  des  paysages,  des  scènes  de  la  à  Caha    1839.   —   Havana   y   Santiago   de 

vie    populaire,    etc.,    de    l'Amérique   du  Cuba  1839-18ii   y  18U2.  -  Album  n"  9. 

Sud  et  de  Cuba.  Cet  album  est  catalogué  81  Jeuillcls. 


QUEBRADA   DKL  TOUO.  339 

la  j^lupart  des  enclos  sont  situés,  une  ascension  à  la  crête  du 
contrefort  est  difllcile. 

Les  collines  et  les  montagnes  autour  de  Morohuasi  ne  por- 
tent pas  de  ruines.  La  population  ne  doit  pas  s'être  étendue 
au  delà  de  Tendroit  que  nous  avons  décrit.  La  colline  mar- 
quée K ,  K,  K  sur  le  plan  fait  cependant  exception  ;  on  y 
trouve  çà  et  là  de  rares  vestiges  de  murs  en  pirca. 

Cimetière.  —  Le  cimetière  de  fancien  village  de  Morohuasi 
est,  comme  nous  favons  dit,  situé  en  face  des  ruines,  de 
fautre  côté  de  la  Quebrada  del  Toro. 

Ce  cimetière  est  formé  d'une  colline  en  terre  grasse  d'allu- 
vion  d'environ  1 5™  de  hauteur  et  une  cinquantaine  de  mètres 
de  diamètre.  La  colline  a  été  arrano^ée  en  terrasses  ou  gradins 
consolidés  et  soutenus  de  distance  en  distance  par  de  petits 
murs  en  pirca.  Les  sépultures  se  trouvent  sur  ces  gradins,  à 
peu  de  distance  l'une  de  l'autre,  environ  un  mètre  en  général. 
M.  ten  Kate  (343,  p.  i5,  %.  17,  18)  décrit  un  cimetière  de  Loma 
lUca  (Vallée  de  Yocavil)  disposé  d'une  manière  analogue,  sur 
un  monticule  conique,  sans  gradins,  mais  avec  les  sépultures 
placées  en  rangées  concentriques  autour  du  monticule. 

En  dehors  du  cimetière,  quelques  sépultures  isolées  exis- 
tent sur  des  échelons  formés  par  la  montagne  voisine,  mar- 
qués ./,  J  sur  le  ])lan. 

Les  morts  sont  enterrés  dans  la  ])osition  habituelle  :  accrou- 
pis, les  jambes  et  les  bras  repliés  sur  la  poitrine.  Les  sque- 
lettes étaient  en  si  mauvais  état,  que  je  n'ai  pu  recueillir  un 
seul  crâne  entier.  Chose  curieuse  :  beaucoup  d'objets  en  bois 
étaient  au  contraire  bien  conservés. 

Voici  la  description  de  quelques  objets  (hi  inobiher  funé- 
raire que  j'ai  mis  à  jour  : 

Avec  chaque  cadavre  se  trouvaient  au  moins  une  ou  deux 
écuelles  en  terre  cuite.  Ces  écuelles  ont  du  contenir  des  ali- 
ments. La^?^.  71  a,  b,  f/,/  montre  quatre  d'entre  elles;  les  deux 
premières  ont  été  engobées  avant  la  cuisson  avec  de  l'ocre  rouge 


3'i()  ANTIQUITÉS  DE  LA  RÉGION   ANDINE. 

mélangé  prol^al^lcniciil  (l(^  tcrie  grasse.  L'éciielie  ^  est  noire, 
engobée  avec  de  la  plombagine.  Le  contenu  de  cette  écuelle  a  été 
examiné  par  le  D""  A. -T.  de  Rochebrune  qui  a  constaté  la  pré- 
sence d'une  terre  imprégnée  de  matière  organique  très  grasse. 

La  juj.  70  représente  la  seule  écuelle  décorée  d'ornements 
peints  :  ce  sont  des  losanges  et  des  triangles,  quadrillés  au 
moyen  de  lignes  noires.  Seule  la  surface  extérieure  a  été  en- 
gobée avant  la  cuisson  avec  de  l'ocre  rouge.  Le  décor,  fort  ru- 
dimentaire,  est  semblable  à  celui  des  fragments  de  poterie  de 
Tastil,y/^.  85,  et  aussi  à  l'ornementation  de  la  grande  écuelle 
de  Pucarâ  de  Rinconada,y?^.  lâl. 

Dans  le  cimetière  de  Morohuasi  on  trouve  très  peu  d'objets 
en  cuivre;  ^^fig-  56  a,  h,  c  représente  deux  ciseaux,  de  o""  167 
et  o"o46  de  longueur  respectivement,  et  une  plaque  rectan- 
gulaire avec  trou  de  suspension. 

Du  cimetière  de  Morohuasi  proviennent  les  objets  en  bois 
dont  voici  la  description  : 

Un  instrument  en  forme  de  couteau,  reproduit  de  deux  côtés 
fi(j.  7â  e  et  e'.  11  a  o™  5/^  de  longueur;  sa  lame  o'"  078  de  lar- 
geui-  maximum  et  o'"oi7  d'éj^aisseur  maximum.  Le  manche, 
très  lourd,  a  la  forme  d'un  cône  tronqué  de  o'"  07 4  de  diamètre 
maximum.  Cet  instrument  est  très  j^ointu,  d'un  bois  très  dur, 
mais  la  lame  n'est  pas  affilée.  M.  E.  Seler  (327)  donne  à  ces 
instruments  le  nom  de  liandpjlug  («  charrue  de  main  »),  mot  qui 
ne  me  paraît  pas  juste,  même  si  l'on  admet  qu'il  s'agit  d'outils 
de  culture.  Si  ces  «couteaux»  ne  sont  pas  des  outils  d'agri- 
culture, ils  i^ourraient  avoir  été  employés  comme  armes  à 
pointe,  mais  non  comme  armes  tranchantes.  M.  Ambrosetti 
(23,  ]).  \cj)  prétend  que  ce  serait  des  boomerangs,  ce  qui  est  im- 
possible. La  forme  et  le  manche  lourd  s'opposent  à  ce  que 
l'instrument  ait  été  employé  de  cette  manière.  D'ailleurs,  Ton 
n'a  qu'à  jeter  un  coup  d'œil  sur  une  figure  quelconque  de 
boomerangs  employés  par  les  Zuiïis,  par  les  Hopls  ou  par  les 
Wolpis,  flans  leurs  «  chasses  sacrées»,  ])nr  e\(unple  sui-  celles 
données  par  M.  James  Stevenson  (336;  ir  2o5i  oi  ao54,  lig.  r)^i8  fi  549), 


QUEBRADA  DEL  TORO. 


341 


citées  par  M.  Ambrosclti,  ou  sur  celle  de  M.  John  G.  Bourke 
(72,  p.  36i),  pour  se  convaincre  que  nos  «  couteaux  »  n'ont  rien  de 
commun  avec  ces  boomerangs.  Ceux  de  l'Australie  ne  leur  res- 
semblentpas  non  plus.  Ces  «  couteaux  »  sont  assez  communs  dans 
la  Que])rada  del  Toro  et  dans  la  Puna  de  Jujuy.  J'ai  rapporté 
des  instruments  de  cette  catégorie  de  Lapaya,  de  Morohuasi,  de 


Fig.  56.  —  Morohuasi.  Ciseaux  et  plaq ii  ciiiMv.  ,/,  Ol.jrl  on  huis.  —  2/3  gr.  naU 

Tastil,  de  Savate  et  de  Purnra  de  liinconada.  M.  Aiii('i>hi,io 
(32,1,  p.  520,  li-  ;;i7)  représenle  un  de  ces  «  couteaux  »,  d'fnca- 
Imasi,  près  de  Salta.  M.  Sénéchal  fie  hi  (Irauge  eu  a  IrouNé 
d'autres  à  Calaina. 

La/ry.  74  d  représente  un  aiiliv   oulil  eu  bols,  de  scclion 
carrée,  enjployé  peut-être  pour  lalic  des  Irons  dans  la  Irrrc 


3'42  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDTNE. 

Le  long'  bois  plat,y<"^.  74  a,  a  o""  SyS  de  longueur,  o'"  oSy 
de  largeur  niaximuui  et  o™  oi  d'épaisseur  maximum.  Les  bords 
sont  arrondis.  M.  Lehmann-Nitsche  (210,  p.  44,  pi.  v  B  G)  décrit 
une  pièce  analogue,  d(»  la  Puna  de  Jujuy.  Il  croit  que  ce  serait 
là  un  outil  pour  tisser,  ce  qui  est  probable  en  eiïet,  car  deux 
pièces  exactement  de  la  môme  forme,  rencontrées  auprès 
d'une  momie  d'Ancon,  faisaient  partie  d'une  trousse  complète 
d'outils  à  tisser.  Cette  momie,  avec  tous  les  objets  qui  l'accom- 
jwgnaient  dans  le  tondDeau,  est  figurée  par  MM.  Reiss  et  Slid^el 
(308,  I,  pi.  2.^). 

La  ficj.  56  d  j'eprésente  un  petit  objet  en  bois  sculpté;  il 
ressemble  à  celui  de  Tastil,y/^.  75  i. 

L'écuelle  fig.  75  a  est  taillée  d'une  seule  pièce  de  bois 
blanc.  La  petite  timbale  ou  èixxi  ficj.  75  h  est  très  habilement 
sculptée. 

Les  sépultures  renfermaient  fréquemment  des  faisceaux  de 
hampes  de  flèches  en  bois  de  chilca,  arbuste  à  tiges  droites  et 
à  bois  très  léger,  qui  pousse  sur  les  bords  des  rivières  et  des 
ruisseaux  des  vallées  interandines  et  que  je  crois  correspondre 
ta  la  synanthérée  Baccharis  salici/oha,  Pers.  Pendant  mes  der- 
nières fouilles  à  Morohuasi,  je  n'ai  pas  rencontré  de  flèches  con- 
servant leurs  pointes,  mais,  au  cours  des  fouilles  de  1901,  j'ai 
recueilli  quelques  spécimens  avec  des  jDointes  en  obsidienne, 
encore  en  place,  identiques  à  celles  qui  sont  si  communes 
dans  les  ruines  et  que  l'on  trouve  aussi  dans  les  tond3es  du 
cimetière.  Plusieurs  sépultures  olfi'aient  aussi  des  arcs,  mais 
toujours  cassés,  h^ficj.  57  reproduit  les  coupes  transversales  de 
deux  de  ces  arcs. 

Les  crochets  représentés  par  la  fuj.  75  /.-,  /,  m,  n  sont  très 
communs  dans  tous  les  cimetières  préhispaniques  de  la  Que- 
])rada  del  Toro,  de  la  Puna  de  Jujuy  et  dans  les  cimetières  de 
Calama  et  de  Chiuchiu.  Auprès  de  la  plupart  des  cadavres  on 
rencontre  un,  deux  ou  trois  de  ces  crochets.  Plusieurs  archéo- 
logues les  ont  pris  pour  des  «  mors  de  lama  »,  ce  qui  est  tout 
à  lait  impossible,  car  le  lama  n'a  jamais  été  monté  j^ar  les 


QUEBR\DA   DEL  TORO.  .Ti3 

Indiens,  ni  conduit  avec  des  hrides.  Je  re\ien(lrai  sur  cette 
question  à  propos  des  grottes  lunéraires  de  Sayate,  où  j'ai  trouvé 
un  grand  nond)re  de  ces  crochets.  Ceux  de  Moroluiasi  ont  res- 
pectivemenl  o"'io,  o'"i  i,  o"'o7  et  o'"or)5  d'ouverture  entre  les 
extrémités  de  leurs  deux  branches.  Dans  les  trois  premiers, 
les  fibres  du  bois  suivent  la  pièce  dans  toute  son  étendue,  ce 
cpi  démontre  que  les  pièces,  droites  à  l'origine,  ont  été  coui- 
bées  artificiellenu^nt  par  la  pression,  peut-être  en  les  trenqjani 
dans  de  l'eau  pour  les  rendre  plus  flexibles.  Le  crochet  //  esl 
fait  de  la  fourche  uaturelle  d'un  arbre,  façonnée  au  moyen  d'un 
instrument  tranchant. 


Fig.  67.  —  Morohuasi.  —  Deux  arcs  en  covipc.  —  rirancleup  naturelle. 

Dans  fune  des  sépultures,  j'ai  rencontré  une  quantité  consi- 
dérable de  bois  de  niienoa  {^Polylepis  lomenlella,  JFcdd,),  f arbre 
qui,  de  tous  les  arbres  de  ces  régions,  pousse  à  f  altitude  la 
plus  élevée  au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  Un  morceau  de  ce 
bois  est  représenté  y?(/.  71  c.  Le  Polylepis  est  actuellement  très 
rare  dans  les  montagnes  des  environs  de  la  Quebrada  del  Toi'o. 

Les  calebasses,  généralement  coupées  par  la  moitié  pour 
servir  d'écuelles,  sont  très  communes  dans  les  sépidlui-es  de 
Morohuasi  ^'l 

''^   M.  Jules  Poisson,  assistant  au  Mu-  cerlaincnuuil    d'une  cncarbitacée ,   mais  il 

séum  ,  a  bien  voulu  sounicltrc  à  un  examen  a  été  im[)ossil)l('  de   déterminer  la(|uellc. 

anatomi(jue  de  nombreux  échantillons  de  Selon  M.    Poisson,   «le    tissu    des  parties 

calebasses  que  j'ai  trouvées  dans  les  ruines  |)<''ri|)héri(|U('s  du   Iruil  esl  formé  de  col- 

et  les  sépultures  de  la  Quebrada  delToro,  Iules  rclallvenKMit  jurandes,  à  parois  minces 

ainsi  ([ue  d'autres  échantillons  de  la  Puna  et  ponctuées  légèrement;  elles  sont  allon- 

de  Jujuv  et  de  Calama.  De  cet  examen   il  gées  dans   le   sens   perpendiculaire   de   la 

résulte  que  toutes  ces  calebasses  provien-  surface,  et  plus  raccourcies  vers  la  portion 

neni   de   la   même  espèce,  et  (pi'il   s'agit  cpidcrmicpie". 


344  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

On  y  rencontre  aussi  des  morceaux  de  pâte  d'ocre  rouge  qui 
doit  avoir  servi  pour  peindre  la  poterie  et  peut-être  aussi  le 
corps  humain. 

Dans  plusieurs  sépultures,  il  y  avait  des  os  de  lama  et 
de  huanaco,  le  plus  souvent  brisés  ou  fendus  par  la  main  de 
l'homme.  On  trouvait  aussi  des  os  entiers,  surtout  des  méta- 
carpiens et  des  métatarsiens.  Ces  os  proviennent  peut-être 
de  la  viande  déposée  dans  les  tombeaux  comme  aliment  pour 
ie  mort. 

La  découverte  la  plus  intéressante  que  j'ai  faite  dans  le  cime- 
tière de  Morohuasi  a  été  celle  de  petits  enfants  enterrés  dans 
des  urnes,  comme  dans  la  région  diaguite,  surtout  en  Santa 
Maria,  etc.  Mais  j'ai  déjà  fait  remarquer  la  différence  entre 
ces  sépultures  dans  l'une  et  l'autre  région.  Dans  la  région 
diaguite,  les  urnes  sont  pourvues  de  riches  peintures  symbo- 
liques et  généralement  réunies  dans  des  cimetières  spéciaux, 
où  il  n'y  a  pas  d'adultes.  A  Morohuasi,  au  contraire,  les  enfants 
sont  enterrés  dans  des  vases  grossiers  quelconques,  sans  décor, 
déposés  dans  le  cimetière  général  parmi  les  cadavres  d'adultes. 

La.  Ji(j.  72  représente  une  des  urnes  du  cimetière  de  Moro- 
huasi, contenant  le  squelette  d'un  fœtus  à  terme.  Cette  urne  a 
les  dimensions  suivantes:  hauteur,  o™4i;  diamètre  de  fouver- 
ture,  o'"2  55;  diamètre  minimum  intérieur  du  goulot,  o""  i65; 
diamètre  maximum  de  la  panse,  o°'27o.  L'urne  est  engobée 
extérieurement  et  intérieurement  avant  la  cuisson,  avec  une 
terre  grasse,  de  couleur  brune  violacée,  qui  lui  donne  un 
aspect  assez  brillant.  A  côté  de  l'urne  était  enterré  un  adulte 
qui  avait  auprès  de  lui  fécuelle  en  terre  cuite ficj.  7 1  a  ci  celle 
en  hois  fi g.  75  a,  une  noix  [Jiujhns  australis,  Griseh.),  des 
hampes  de  flèches,  des  crochets  en  bois,  un  morceau  d'ocre 
rouge. 

Ldificj.  73  h  donne  une  autre  urne  funéraire  trouvée  non 
loin  de  la  précédente;  une  écuelle  renversée  couvrait  l'ouverture 
de  cette  urne.  L'urne  et  l'écuelle,  grossières,  en  terre  cuite 


QUEBRADA  DKL  T01\0.  345 

rouge,  sans  engobe,  étaient  en  si  mauvais  état  qu'elles  tom- 
baient en  morceaux.  Je  n'ai  pu  en  conserver  que  les  contours 
montrés  par  ie  dessin,  mais  j'ai  recueilli  des  parties  du  sque- 
lette d'un  fœtus  à  terme  et  une  petite  écuelle  en  terre  cuite 
[fuj.  7 1  f^  qui  se  trouvait  également  dans  l'urne.  La  hauteur 
de  l'urne  est  de  o°'45,  le  diamètre  de  l'ouverture,  o^^iô,  le 
diamètre  maximum  de  la  panse,  o°'4o.  La  petite  écuelle,  qui 
était  contenue  dans  l'urne,  a  o*"  i3  de  diamètre  maximum. 

J'ai  exhumé  deux  autres  urnes  funéraires  d'enfants  dans  le 
cimetière  de  Morohuasi;  l'une  est  presque  semblable  à  celle 
de  lay/^.  72  et  contenait  un  squelette  de  fœtus  un  mois  avant 
terme.  Cette  urne  était  renversée,  l'ouverture  se  trouvait  en  bas 
et  quelques-uns  des  os  étaient  tombés  en  dehors,  ce  qui  dé- 
montre que  l'urne  avait  été  déplacée  après  la  transformation  en 
squelette  du  cadavre  qu'elle  contenait.  L'autre  urne,  en  poterie 
grossière,  contenait  le  squelette  d'un  enfant  de  26  mois,  à  en 
juger  par  la  dentition. 

Je  dois  faire  observer  que  les  enfants  d'un  âge  plus  avancé 
étaient  enterrés  sans  urnes  comme  les  adultes.  J'ai  rapporté  le 
squelette  d'un  enfant  de  trois  ans  et  demi  environ  qui  était 
enterré  dans  la  position  accroupie,  comme  tous  les  cadavres  en 
général. 

CHAUSSÉES   PRÉIIISPAMQUES 
DE  MOROHUASI  À  INCAHUASI  ET  À  PAYOGASTA. 

PÉTROGLYPHES. 

LA    PARTIE  NORD  DE  LA  QUERRADA  DEL  TORO.   -  CHAINL 

Chaussées  préhispaniques.  —  Morohuasi  est  h»,  point  de  dé- 
part de  deux  de  ces  admirables  routes  préhispaniques  sem- 
blables à  celles  que  les  Incas  du  Pérou  faisaient  construire  poui- 
entretenir  les  communications  entre  leui'  capitale  et  les  ])ro- 
vinces  de  leur  empire,  et  dont  Cieza  de  Léon  (102,  rw,  p.  51  eisuiv.) 
nousa  donné  une  l)oini(^  desci-ipiioii,  Nalurelldnciil ,  j(>  ne\(Mi\ 


;V4()  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  AN  DINE. 

pas  affirmer  que  les  chemins  de  Morohuasi  aient  été  construits 
par  ordre  des  Incas,  mais  les  Indiens  les  appellent  encore  ca- 
juinos  del  Inca. 

De  Morohuasi  j'ai  pu  suivre,  j^endant  une  dizaine  de  kilo- 
mètres, l'une  de  ces  voies  qui  se  dirige  vers  le  Sud-EsL  Elle  est 
construite  sur  les  flancs  des  collines,  en  général  ta  mi -hauteur 
au-dessus  des  petites  vallées  qui  les  séparent.  Ce  qui  est  vrai- 
ment admirable,  c'est  l'art  qu'avaient  les  Indiens  pré  hispa- 
niques de  toujours  trouver  le  chemin  le  plus  court  en  même 
temps  que  la  rampe  la  plus  douce. 

La  route  est  large  d'environ  3".  Elle  n'est  pas  dallée  comme 
la  chaussée  incasiquede  Guzco  à  Quito,  mais  elle  est  très  soli- 
dement construite  avec  des  pierres  naturelles,  sans  aucun  mor- 
tier et  presque  sans  interstices  entre  les  pierres.  C'est  grâce 
à  la  patience  et  à  l'habileté  des  Indiens  à  choisir  les  pierres  et  à 
les  joindre  que  cette  chaussée  s'est  conservée  pendant  des  siècles 
sans  que  personne  ait  songé  à  l'entretenir.  Le  chemin,  dont  le 
talus  extérieur  a  une  hauteur  de  o'^ôo  à  i"",  se  trouve,  dans 
la  partie  que  j'ai  parcourue,  dans  un  état  de  conservation  tel 
qu'il  suffirait  d'étendre  un  peu  de  gravier  sur  la  surface  pour 
le  rendre  praticable  k  des  voitures  d'une  largeur  de  2""  entre  les 
roues.  Seuls  les  ponts  sont  écroulés.  Les  Indiens  suivent  encore 
aujourd'hui  cette  ancienne  chaussée  dans  leurs  voyages. 

Une  coupe  schématique  de  cette  chaussée  est  donnée y/^.  ^8. 

Le  Gouvernement  argentin  a  fait,  ces  derniers  temps,  con- 
struire cà  grands  frais  des  chemins  pour  le  passage  des  charettes  à 
travers  ces  territoires  montagneux  et  sillonnés  de  profonds  ravins; 
les  torrents,  à  l'époque  des  crues,  y  rendent  toute  circulation 
impossible  et  arrêtent  pendant  des  semaines  même  les  voya- 
geurs à  cheval.  Mais,  bien  qu'il  y  ait  des  ingénieurs  compétents, 
la  construction  de  chemins  carrossables  est  très  difficile  dans 
ces  pays.  Souvent  la  première  grande  crue  en  emporte  des  par- 
ties considérables;  certaines  routes  mêmes  doivent  être  recon- 
struites chaque  année  et  sont  toujours  détruites  à  la  fonte  des 
neiges  du  printemps  suivant  par  les  torrents  d'eau  qui  des- 


QUEBRADA   DKI.    lORO.  3'i7 

cendeiît  des  nionlagnes.  Si  nous  comparons  les  travaux  des 
Indiens  précolombiens  avec  les  ouvrages  modernes,  nous  de- 
vons reconnaître  que  les  premiers  sont  supérieurs  en  solidité 
aux  derniers;  en  ellet,  il  n'y  a  que  les  ponts  de  la  chaussée 
préhispanique  qui  soient  démolis. 

D'après  mon  guide,  qui  connaissait  très  bien  le  ])ays,  la 
chaussée  de  Morohuasi  va  jusqu'à  Incahuasi  près  de  la  Vallée 
de  Lerma,  en  passant  ]:)ar  Pascha,  où  l'on  voit  les  ruines  d'un 
village  préhispanique.  A  Incahuasi,  il  y  a  aussi  des  ruines  très 
importantes;  malheureusement  je  n'ai  pas  eu  l'occasion  de  les 
visiter;  on  y  a  trouvé  des  objets  très  intéressants  concernant 
l'industrie  préhispanique. 


l'ig.  58.  —  Coupft  verticaie  de  la  route  prchispaniquc  de  Moroliuasi  à  Iiiraliiiasi. 

Echelle  :  i/ioo. 

Je  n'ai  pas  vu  la  seconde  chaussée,  mais  mon  guide  en  qui 
j'ai  pleine  confiance  m'assurait  que  cette  route,  semblable  à 
celle  que  nous  venons  de  décrire,  part  (\{i  Morohuasi  dans  la 
direction  du  Sud-Ouest,  en  traversant  les  montagnes  jus([u'au 
village  préhispanique  de  Tastil,  pour  continuer,  parles  j)eutes 
du  Nevado  dv\  Acay  jusqu'à  Payogasta,  où  elle  aboutit  à  la 
Vallée  Calchaquie.  A  Capillas  où  passe  ce  chemin  se  trouvent 
les  ruines  d'un  village  préhispanique  assez  important.  Phi- 
sieurs  Indiens  de  la  région  m'ont  conhrmé  l'existence  de  cette 
chaussée,  et  je  n'ai  pas  hésité  à  la  iaiie  ligurer  sur  ma  caite 
archéologique. 

D'ailleurs  cette  route  paraît  avoir  été,  longtemps  encore 
a]:)rès  la  conquête,  le  chemin  employé  de  prélérence  par  l<'s 


348  ANTIQUITES  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

Indiens  se  rendant  de  la  Vallée  Calchaquie  au  Pérou.  Suivant 
Lozano  (220,  v,  p.  iSg),  ce  devait  être  par  ce  chemin  que  le  célèbre 
aventurier  Bohôrquez  envoya  un  messager  demander  à  VAu- 
chencia  de  los  Charcas  grâce  pour  les  délits  de  rébellion  qu'il 
avait  commis  dans  la  Vallée  Calchaquie.  Ce  messager  devait 
passer  por  cl  despohlado  del  Acay,  Tambo  dcl  Toro  y  Casahindo; 
le  Tambo  del  Toro  est  probablement  l'endroit  appelé  encore 
aujourd'hui  El  Tambo,  situé  à  2''""  au  sud  de  Morohuasi. 

Pétroglyphes  de  la  Quebrada  del  Rosal.  —  A  environ  3''"'  de 
Morohuasi,  à  un  endroit  où  la  chaussée  préhispanique  de  Mo- 
rohuasi à  Incahuasi  traverse  un  ravin  large  et  profond,  nommé 
Quebrada  del  Rosal,  j'ai  découvert  deux  pétroglyphes  (^fig.  59 
et  60). 

Les  lignes  formant  ces  inscriptions  rupestres  ont  peut-être 
un  demi-centimètre  de  profondeur  aux  endroits  où  les  pierres 
ont  moins  soulïert  de  férosion.  La  coupe  de  ces  traits  forme 
un  arc  de  cercle.  Tous  les  pétroglyphes  que  j'ai  relevés  dans 
la  Quebrada  del  Toro,  dans  la  Puna  et  dans  la  Quebrada  de 
Humahuaca  présentent  ces  mêmes  caractères,  ce  qui  est  aussi 
le  cas  de  la  plupart  des  pétroglyphes  de  la  région  diaguite. 

Quant  au  procédé  employé  pour  tracer  les  lignes  dans  la 
pierre,  il  me  semble  tout  à  fait  impossible  qu'elles  aient  été 
gravées  avec  un  instrument  analogue  à  nos  burins. 

M.  Ambrosetti  (18,  p.  69-70)  suppose  que  la  plupart  des  ])étro- 
glyphes  de  la  région  diaguite  ont  été  faits  avec  un  instrument 
de  percussion,  c'est-à-dire  qu'où  a  frappé  le  rocher  continuelle- 
ment avec  une  pierre  jusqu'à  creuser  les  lignes.  Exceptionnel- 
lement, certains  pétroglyphes  à  lignes  très  profondes  seraient 
gravés  au  moyen  de  ciseaux  en  cuivre,  ce  qui  ne  me  paraît 
pas  vraisemblable.  Pour  moi,  certains  pétroglyphes  indiquent 
que  le  procédé  par  percussion,  nommé  peckincj  par  M.  Gar- 
l'ick  Mallery  (228,  p  218),  a  été  employé,  mais  pas  seul,  car  on 
n'aurait  ])u,  de  cette  manière,  produire  des  lignes  à  courbes 
si  régulières,  et  le  creux  n'aurait  pas  pris  non  plus  la  forme 


QUEBRADA   DEL  TORO.  3V.) 

d'arc  légulier  qu'il  a.  Mon  collègue  M.  G.  (Joiiily  (106,  p.  •?. 
oi  107,  p.  ^)  décrit  et  ligure  un  outil  dont  il  a  exhumé  de  nom- 
breux spécimens  au  pied  du  pétroglyphe  de  Gillevoisin,  dans 
le  département  de  Scine-et-Oise.  Ce  sont  des  fragments  de 
grès  grossièrement  taillés  en  biseau  et  fort  usés  par  un  long 
frottement  sur  l'arête  ])iseautée.  M.  Courty  su])pose  que  c'est 
avec  ces  morceaux  de  grès  qu'on  a  gravé  les  lignes  de  ce  pétro- 
glyphe, ce  qui  est  très  proba]:)le.  On  aurait  frotté  pemhint  long- 
temps avec  ces  pierres  pour  produire  enfin  les  lignes  voulues, 
peut-être  eu  faisant  agir  les  pierres  biseautées  sur  du  sable  fin 
mouillé.  C'est  le  procédé  que  Mallery  [ihid.)  mentionne  sous  le 
nom  de  nibhiiKj,  et,  suivant  son  opinion,  un  grand  nond3re 
d'inscriptions  rupestres  des  Etats-Unis,  comme  celles  d'Owens 
Valley  (Cahfornie),  de  Conowingo  (Maryland)  et  de  Machias- 
port  (Maine),  ont  été  tracées  ou  au  moins  achevées  de  cette 
manière.  11  me  semble  très  probable  que  les  pétroglyphes  de 
la  région  andine  de  l'Argentine  ont  été  gravés  d'après  cette 
même  méthode  et  qu'on  y  a  aussi  employé  le  pecking,  mais 
seulement  comme  procédé  auxiliaire,  pour  produire  des  figures 
à  surface  étendue  comme  celles  décrites  plus  loin,  de  Rodero, 
pour  corriger  les  angles  et  peut-être  aussi  pour  commencer  le 
travail.  En  tout  cas,  on  voit  clairement  qiiele  peckiiuj  n'a  jamais 
été  employé  seul  pour  les  pétrogly])hes  que  j'ai  étudiés.  Pour 
s'en  convaincre,  il  n'y  a  qu'à  les  comparer  avec  les  pétrogly- 
phes exclusivement  pechcd,  comme  ceux  de  f  Afrique  du  Sud, 
dont  des  S2)écimens  rapportés  par  le  Rév.  F.  Christol  existent 
au  Musée  d'ethnographie  du  Trocadéi'O.  Ces  ])étroglyplies  ont 
leurs  figures,  de  surface  assez  étendue,  percutées  sans  prolon- 
deur,  tandis  que  les  anciens  habitants  de  la  Puna  et  de  la  région 
diaguite,  au  contraire,  formaient  leurs  figures  et  leurs  signes 
lupestres  surtout  avec  des  traits  assez  profonds. 

Le  pétroglyphe y/^.  59  consiste  en  un  grand  bloc  roulé,  de 
granit  amphiholique  altéré,  fractionné  en  deux  parties;  il  a  en 
à  l'origine  '^"' l)0  de  longueur,  r"r)0  d'épaisseur  et  !'"'.>()  de 
haui(uir.  Ce  bloc  se  trouve  à  mi-côte,  près  de  la  chaussée  qui, 


350  ANTIQUITÉS  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

à  cet  endroit,  descend  de  la  colline  vers  le  fond  duVavin.  L'eau 
a  miné  Tune  des  extrémités  du  bloc  en  la  laissant  suspendue 


Fi^.  09.  —  Qiiebrada  de!  Rosal.  P("tro<îly|)lic. 
(i)  côté  est  du  bloc;  b,  côté  ouest  diuie  partie  du  Jdoc;  c,  cxtiéuiité  sud  du  bloc. 

i/3o  gr.  nat. 

dans  le  vide.  La  pierre  ellritée  s'est  alors  divisée  en  deux  parties 
par  suite  de  son  propre  poids,  et  la  partie  se  trouvant  sans  sup- 
port a  glissé  quelques  mètres  plus  bas.  La^/^.  59  a  représente 


QUEBRADA  DEL  TOP.O. 


351 


tout  Je  bloc  vu  fl'un  coté;  l'autre  côté  du  morceau  le  ])lus 
i>rand  —  celui  qui  se  voil  à  (li-oite  en  a  —  est  repi'oduit 
fi(j.  59  h;  c  est  l'extréniité  de  la  partie  figurant  à  gauche  en  a, 
c'esl-à-dire  de  la  partie  ([ui  a  glissé. 

Toute  la  pierre  est  couverte  d'inscriptions,  mais  sur  le  dessus 
elles  sont  tellement  ellacées,  qu'il  est  imj)ossible  de  rien  dis- 
tinguer, de  même  que  sur  les  autres  parties  du  bloc  qui  ne 
sont  pas  reproduites.  Les  inscriptions  représentent  des  lamas 


Fig.  60.  —  Quchrada  (Ici  Rosal.  Pélroglyplic.  —  1/50  gr.  nal. 

de  toute  grandeui-,  des  croissants,  des  cercles  avec  ou  sans 
point  central,  et  une  ligure  rudimentaire  d'homme.  Les  lamas 
sont  tracés  au  moyen  de  traits  droits,  manièie  très  caractéris- 
tique; des  anciens  habitants  d(î  ces  régions  de  dessiner  leur 
principal  aninial  (lomesti([ue.  dépendant  la  direction  des  lignes 
l'cprésentant  le  cou,  la  tête,  les  oi'eilles  et  la  cpieue  Vcnie  dans 
les  dillérentes  (igures  :  on  a  certainement  voulu  représenter 
ainsi  l'animal  dans  diverses  attitudes.  Les  lamas  (pii  [)ortent  au 
cou  une  corde  teiininée  ])ar  une  boucle  en  spirale  sont  lemar- 
quables.  Pour  les  croissants  et  pour  trois  lamas  présentant  des 


352  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

siirtaces  si  considérables  qu'elles  ne  peuvent  plus  être  considé- 
rées comme  des  traits,  le  pechuicj  doit  avoir  été  le  procédé  prin- 
cipalement employé. 

Le  deuxième  pétroglyphe  [fi(j.  60)  se  trouve  au  fond  de  la 
Ouebrada  del  Rosal.  Cest  aussi  un  bloc  roulé  du  même  <>ranit 
altéré  que  le  premier,  mais  de  dimensions  plus  réduites  :  euvi- 
ron  i"*  20  dans  tous  les  sens.  D'un  côté  de  ce  bloc,  on  voit  des 
lignes  courbes,  irrégulièrement  ondulées,  parfois  formant 
des  esj^aces  fermés.  Ces  lignes  courbes  irrégulières  sont  très 
caractéristiques  pour  les  pétrogiyphes  de  la  région  diaguite, 
comme  nous  l'avons  déjà  dit  page  176.  Sur  fautre  côté  de  la 
pierre,  les  inscriptions  sont  presque  effacées;  les  seules  figures 
que  j'aie  pu  distinguer  représentent  un  lama  et  des  cercles 
avec  point  central,  donnés  en  h  de  la  même  figure. 

Le  nord  de  la  Quebrada  del  Toro.  —  En  1901,  j'ai  suiAi  trois 
fois  la  Quebrada  del  Toro,  de  Morohuasi  au  Nord,  jusqu'à  El 
Moreno,  sur  le  haut  plateau.  Je  n'ai  pas  vu  de  ruines  préhispa- 
niques, et,  s'il  y  en  a,  elles  doivent  être  de  peu  d'importance. 
D'après  des  renseignements  dignes  de  foi,  il  existe  des  pétro- 
giyphes représentant  des  lamas  et  des  hommes  dans  une  petite 
quebrada  latérale  nommée  Pancho  Arias,  à  fouest  du  ])remier 
des  trois  lacs  qui  portent  le  nom  de  Lagunas  del  Toro.  Il  y 
aurait  aussi  cinq  autres  pétrogivphes  au  nord  du  deuxième  de 
ces  lacs,  du  côté  est  de  la  Quebrada. 

Presque  immédiatement  avant  d'arriver  à  l'Abra  del  Palo- 
mar,  col  qui,  de  la  Quebrada  del  Toro,  donne  accès  sur  le  haut 
plateau,  on  voit  les  ruines  d'un  village  assez  grand  qui  doit, 
sans  aucun  doute,  être  un  ancien  village  espagnol  abandonné; 
la  construction  des  maisons  le  démontre  clairement.  L'endroit 
porte  le  nom  de  Pueblo  Viejo  et  est  situé  à  0,600™  au-dessus  du 
niveau  de  la  mer. 

Chani.  —  A  propos  des  antiquités  de  la  Quebrada  del  Toro, 
je  dois  mentionner  une  découverte  que  firent  deux  de  mes  col- 


QUEBUADA  DEL  TORO.  353 

lègues  (le  la  Mission  Suédoise,  le  D'  Rob.  E.  Fiies  et  M.  (iiistai 
von  llofsLén.  Us  cntrepiirenl  les  premiers  l'ascension  du  Nevado 
del  Cliafii^^^  le  plus  haut  des  pics  de  ces  régions,  6,100™  au- 
dessus  du  niveau  de  la  mer.  Au  sommet  même  de  ce  pic,  ils 
découvrirent  deu\  constructions  enpirca,  en  forme  de  U,  c'est- 
à-dire  des  murs  en  rectangle  avec  un  côté  ouvert.  Dans  l'inté- 
jieur  de  ces  constructions,  MM.  Pries  et  von  Holstén  trouvèrent 
des  fragments  de  poterie  ancienne  dont  fun  avec  ornement 
peint,  une  perle  en  turquoise  polie  et  perforée,  et  un  dépôt  de 
bois  de  Cereiis  Pasacana  et  d'une  es])èce  de  tola.  La  première 
de  ces  deux  espèces  fournit  le  seul  bois  de  construction  existant 
sur  le  haut  plateau,  et  la  seconde  est  un  des  rares  arbustes 
pouvant  servir  de  conrbustible.  L'une  et  fautre  ne  poussent 
pas  à  une  altitude  supérieure  à  41000"";  elles  ont  donc  été 
apportées  du  pied  du  Chani  à  son  sommet. 

Quel  pouvait  être  le  but  de  cette  station  à  6,100"  d'alti- 
tude, où  la  respiration  est  1res  difficile  et  où  les  Indiens  de 
nos  jours  ne  peuvent  accéder?  Peut-être  était-ce  un  lieu 
consacré  à  des  cérémonies  leligieuses,  peut-être  une  station 
de  signaux. 

Cette  découverte  a  été  décrite  par  M.  Erland  Nordenskiold 
(260)  et  par  moi-même  (68). 

Sur  le  versant  nord -ouest  du  Chani,  mes  collègues  trou- 
vèrent deux  villages  en  ruines,  à  différentes  altitudes;  d'aj)rès 
leur  descrij)tion ,  j'incline  à  croire  que  ce  sont  simplement  des 
ruines  d'habitations  de  mineurs  espagnols.  A  titre  de  curiosité, 
j'ajouteiai  que  ces  mêmes  voyageurs  ont  rencontré,  ])rès  de 
l'un  de  ces  villages,  une  pièce  de  monnaie  française  à  l'c^ffigie 
de  Louis  XIV,  qui  probablement  avait  été  perdue  par  l'un  de 
ces  mineurs. 

*''  Ïa'  nom  «Chani»  n'élail  pas  connu  zano  (219)  in(lii[U('  <o  [)ic  .soulcnuMil  sous 
des  missionnaires  jésuites  au  commence-  la  dénoiniualion  de  »  (À'iro  i^iandc  ».  Sur  la 
ment  du  wiii"  siècle,  car  la  carte  de  Le-         carte  de  d'Anville  (36)  il  n'est  pas  in(li([ué. 


33 

ît     MTIOIIILC 


354  A-M'IQLITES  DE  LA  RÉGIOÎS   ANDlNK. 


PUERTA    DE   TASTIL"'. 

Revenons  à  la  jondion  des  Quebradas  del  Toro  et  de  las 
Cuevas. 

Les  eaux  y  ont  formé,  à  une  époque  géologique  antérieure, 
un  énorme  dépôt  de  matériaux  d'érosion  consistant  surtout 
en  terre  et  menues  pierres;  ce  dépôt  formait  alors  le  fond  de 
la  vallée.  A  une  époque  postérieure,  les  rivières  provenant  des 
deux  quebradas  ont  creusé  leur  lit,  jusqu'à  une  profondeur 
de  oo"",  dans  le  terrain  formé  par  ce  dépôt;  seule  une  langue  de 
terre  en  forme  de  plateau  triangulaire  reste  entre  les  deux  ravins. 

Sur  la  partie  extrême  de  ce  plateau  sont  situées,  comme  on 
le  voit  sur  le  plan^?^.  61 ,  les  ruines  des  demeures  des  Indiens; 
ceux-ci,  aAant  la  conquête  espagnole,  ont  commandé  de  cette 
position  stratégique  le  passage  des  deux  quebradas.  Ils  ne  ])0u- 
vaient  choisir  une  position  plus  avantageuse,  pour  établir  leur 
forteresse. 

La  photogra])hiey?^.  76 ,  prise  du  vSud,  montre  le  plateau 
au  milieu  où  sont  situées  les  ruines;  à  droite,  on  voit  la  conti- 
nuation de  la  Quebrada  del  Toro  vers  le  Nord;  à  gauche,  feu- 
trée de  la  Quebrada  de  las  Cuevas.  La  ficj.  77  est  une  vue  de  la 
Quebrada  del  Toro  vers  le  Sud,  prise  d'une  petite  hacienda 
qui  se  trouve  près  de  la  jonction  des  deux  quebradas. 

L'ascension  des  flancs  du  plateau  où  est  situé  le  village  pré- 
hispanique est  très  chiïîcile  :  ils  sont  presque  à  pic  et  la  terre 
s'éboule  sous  les  pieds.  Les  jours  de  vent,  fascension  est  im- 
possible, au  dire  des  Indiens  qui  habitent  la  petite  hacienda 
située  à  quelques  centaines  de  mètres  au  sud  des  ruines. 
Comme  j'ai  eu  foccasion  de  le  constater  moi-même,  faccès 
n'en  est  possible,  quoique  assez  difficile  cependant,  que  d'un 
seul  côté  et  cela  seulement  par  un  temps  calme.  Cet  accès  se 
trouve  à  fendroit  portant  la  lettre  G  sur  le  plan. 

*'^  Voir  les  planches  XXVII-XXIX,  insérées  aj)rès  la  page  378. 


Fig.  G 1.  —  Plan  du  village  préhispanique  de  Puerta  de  ïastil.  —  Échelle  approximative  :  i/5.oo. 

a3. 


350  ANTIQUITES  DE  LA  UÉGION   ANDINE. 

Sur  le  plateau  j'ai  trouvé  (les  enclos  rectangulaires  en  pirca, 
comme  à  Morohuasi,  mais  mieux  conservés.  Les  enclos  en  B 
et  C  étaient  certainement  des  habitations.  Leurs  dimensions 
sont  en  général  ô'^X  5™,  mais  il  y  en  a  exceptionnellement  de 
plus  longs;  j'ai  mesuré  un  enclos  ayant  ly'^xG'",  un  autre 
de  1  l'^xB"",  un  troisième  de  S'^'xS'".  Ces  enclos  sont  séparés 
])ar  de  petites  ruelles,  mais  il  y  eu  a  aussi  qui  sont  séparés  seu- 
lement par  un  mur  commun.  Le  terrain  s'incline  des  deux 
côtés  vers  le  ravin  qui  sépare  les  groupes  B  et  C  et  les  ran- 
gées d'enclos  de  ces  groujoes  forment  une  sorte  de  gradins. 
Les  enclos  en  D  sont  plus  grands  que  ceux  en  B  et  C  et  plus 
séparés  les  uns  des  autres. 

Les  murs  de  ces  enclos  sont  mieux  construits  que  ceux  de 
Morohuasi.  Les  pierres  brutes  qui  les  forment  ne  sont  pas  très 
grandes  et  sont  très  bien  encastrées  les  unes  dans  les  autres. 
Souvent  le  mur  est  double,  l'intervalle  entre  les  deux  parois 
étant  rempli  de  terre.  Les  murs  sont  généralement  conservés 
jusqu'à  o™  5 G  de  hauteur,  quelquefois  plus  encore. 

Les  enclos  en  A  sont  beaucoup  plus  grands  que  ceux  que 
nous  venons  de  décrire;  j'en  ai  mesuré  de  iS'^Xio'",  de 
1  2""  X  8"'  et  le  plus  petit  était  de  i  o""  X  6°".  Les  murs  aussi  sont 
différents,  de  construction  beaucoup  plus  sommaire.  Ces  en- 
clos ne  doivent  pas  avoir  servi  d'habitation.  Peut-être  étaient- 
ils  destinés  à  renfermer  les  lamas. 

Le  nombre  actuel  des  enclos  de  la  première  catégorie  est 
d'environ  i5o,  mais  on  voit  que  les  crues  et  les  eaux  de  pluie 
ont  emporté  une  grande  partie  du  plateau,  et  tous  les  ans 
encore  de  grands  morceaux  des  flancs  s'écroulent  et  sont  en- 
traînés. Sur  les  bords  du  plateau,  il  y  avait  partout  des  enclos 
qui  ne  subsistent  plus  aujourd'hui  que  partiellement,  leurs 
murs  étant  en  partie  tombés  au  fond  du  ravin.  Les  eaux  du 
petit  ravin  entre  B  et  C  ont  aussi  englouti  beaucoup  d'enclos. 
A  la  pointe  sud  du  plateau,  il  ne  reste  qu'une  étroite  langue 
de  terre  isolée  déjà  par  une  crevasse,  de  sorte  qu'il  est  impos- 
sible d'arriver  jusqu'au  bout. 


QUEBRADA   DEL  TORO.  :i57 

Sur  le  sol  j'ai  Irouvé  beaucoup  de  frai»ments  de  poterie, 
grossière,  mais,  chose  étonnante,  il  n'y  avait  ])as  de  pointes  de 
flèches,  tandis  que  le  sol  des  ruines  des  deux  villages  voisins, 
Morohuasi  et  Tastil,  en  est  couvert.  A  Puerta  de  Tastil,  après 
beaucoup  de  recherches,  j'ai  rencontré  seulement  deux  petits 
éclats  d'obsidienne.  Cette  absence  de  pointes  de  flèches  est  dif- 
ficile à  exphquer,  mais,  dans  un  ancien  village  de  la  Puna, 
Pucarâ  de  Piinconada,  j'ai  observé  la  même  chose.  Dans  ces 
ruines,  situées  aussi  sur  un  plateau  inaccessible,  je  n'ai  pas 
trouvé  non  plus  de  pointes,  tandis  qu'il  y  avait  de  nombreuses 
flèches  à  pointe  en  silex  dans  les  sépultures.  Le  cimetière  de 
Puerta  de  Tastil  reste  encore  à  découvrir,  et  peut-être  trouve- 
rait-on là  des  flèches,  comme  dans  les  grottes  funéraires  de 
Pucarâ  de  Rinconada. 

Je  n'ai  pas  eu  beaucoup  de  temps  à  ma  disposition  pour 
fouiller  les  enclos;  dans  l'un  d'eux  cej^endant,  appartenant  au 
groupe  C,  j'ai  exhumé  la  petite  écuelle  f(j.  79  h,  el  d'autres 
poteries  grossières  de  différentes  formes  et  dimensions,  mais 
complètement  détériorées  et  cassées.  La  pierre  ronde  //</.  79  c 
provient  du  même  endroit.  Ces  pierres  sont  assez  communes 
dans  les  couches  de  débris  de  Morohuasi  et  de  Puerta  de  Tastil; 
elles  doivent  problablement  avoir  été  (employées  comme  holea- 
doras,  enfermées  peut-être  dans  de  la  peau.  Enfin ,  comme  pièce 
intéressante,  cette  fouille  a  donné  une  urne  identique,  comme 
forme,  dimensions  et  eiigobe,  à  furne  funéraire  de  Morohuasi, 
fifj.  72.  Ces  deux  urnes  sont  tellement  ressemblantes,  (jik"  Ton 
est  presque  tenté  de  croire  qu'elles  ont  été  faites  par  la  menu; 
main  et  cuites  dans  la  même  fournée.  Cette  découverte  prouve 
à  l'évidence  (jue  Morohuasi  et  Puerta  de  Tastil  étaient  contem- 
porains. 

Dans  le  sol  de  l'un  des  enclos  du  groupe  B,  donl  tiiie  piulic 
avait  déjà  été  enlevé(;  ])ar  les  eaux,  se  trouvaient  :  le  petit 
plat  //ry.  62,  le  bois  de  cerf  (^(a'itus  chilensis,  (îay,  ou  (atciis 
aulisiciisis,  lYOïh.  [i*])  fuj.  78  f,   des   fragments   de  poterie,  de 


358  ANTIQUITÉS  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

bois  travaillé  et  de  calebasses.  L'un  des  fragments  de  poterie 
portait  des  em]3reintes  textiles  bien  marquées,  de  la  catégorie 
qui  corres])ond  au  premier  groupe  de  la  classification  de 
M.  Hobues  (167),  publiée  dans  son  excellent  ouvrage  sur  les 
empreintes  textiles  de  la  poterie  des  Etats-Unis.  Au  même  en- 
droit, j'ai   houvé  un  fragment  de  vannerie  d'un    travail  très 


Fig.  To.  —  Piicria  do  Tastil.  Potoric.  —  i/3  gr.  iial. 

délicat,  formée  de  tiges  minces,  cylindriques,  lisses '^^,  unies 
par  les  fd3res  d'une  autre  plante  [fuj.  63).  l^Sifig.  75  c  reproduit 
un  autre  fragment  de  vannerie,  provenant  aussi  d'un  enclos 
de  Puerta  de  Tastil,  confectionnée  de  la  même  manière,  mais 


Fig.  63.  —  Puerta  de  Tastil.  Vannerie.  —  Grandeur  natureHe. 

beaucou]^  moins  régulière.  Dans  un  autre  enclos  j'ai  exhumé 
un  crochet  de  bois,  identique  à  ceux  qui  ont  été  décrits  au 
sujet  de  Morohuasi. 

Dans  les  enclos  fouillés,  il  y  avait  beaucoup  d'os  de  hua- 
nacos  et  de  lamas;  ceux  des  premiers  s'y  trouvaient  en  plus 
grande  quantité. 

l'^  D'une  monocotylcdone,  suivant  M.  VViltinnck. 


QUEBRADA  DEL  TORO.  359 

Au  nord  des  ruines  du  village  (en  E  sur  le  plan),  il  y  a  de 
soixante-dix  à  quatre-vingts  monceaux  de  pierres  distribués 
sur  une  surface  presque  carrée  d'environ  80°'  de  côté.  Ces 
amas  de  pierres,  qu'on  pourrait  appeler  cairns  suivant  la  ter- 
minologie archéologique  européenne,  ne  sont  pas  rangés  en 
lignes  régulières,  mais  distribués  plus  ou  moins  en  quinconce. 
Chaque  monceau,  couvrant  un  espace  presque  régulièrement 
circulaire  de  2'"  à  2'"  80  de  diamètre,  est  formé  de  pierres 
brutes,  roulées,  amoncelées  sans  ordre.  J'ai  effectué  des  louilles 
au-dessous  de  trois  de  ces  cairns  jusqu'à  l'^So  de  profondeur, 
mais  je  n'ai  rien  trouvé  qui  pût  expliquer  leur  raison  d'être  : 
la  terre,  au-dessous  d'eux,  semblait  n'avoir  jamais  été  remuée. 
Sans  prétendre  que  ce  soit  là  le  but  de  ces  amas  de  pierres,  je 
ne  peux  que  les  comparer  aux  kiiiris  que  les  Indiens  actuels 
du  haut  plateau  élèvent  derrière  leurs  maisons  et  dont  je  par- 
lerai plus  loin.  Ceux-ci,  en  effet,  ont  chacun  leur  kiurl  der- 
rière leur  hutte,  mais  il  ne  serait  pas  impossible  que  les  anciens 
habitants  de  Puerta  de  Tastil  eussent  eu  les  leurs  situés  tous 
ensemble  à  quelque  distance  du  village.  Peut-être  serait-on  dis- 
posé à  considérer  ces  cairns  comme  ayant  été  formés  avec  des 
pierres  provenant  du  nettoyage  d'un  champ  destiné  à  fagri- 
culture,  mais  cela  me  paraît  invraisemblable,  car  le  sol  ne 
révèle  aucune  trace  de  culture  et  ne  semble  même  pas  a\oir 
été  remué;  d'ailleurs,  en  cas  de  culture,  on  aurait  emporté  les 
pierres  plus  loin  au  lieu  de  les  dé{DOser  sur  une  grande  éten- 
due de  terrain  utile.  Enhn,  d'autre  part,  une  irrigation  arti- 
ficielle de  ce  terrain  par  des  canaux  eut  été  impossible. 

M.  José  H.  Figueira  (132)  donne  une  description  de  cairns 
analogues,  situés  sur  le  Cerro  Tupambaé,  dans  la  Piépublicjue 
de  l'Uruguay.  Sur  un  plateau  que  forme  cette  montagne  il  y  a, 
d'après  M.  Figueira,  environ  deux  cents  monceaux  de  pierres, 
de  forme  circulaire  ou  elliptique,  de  2  à  !^'"  de  diamètre  sur 
1™  à  o'"  5o  de  hauteur,  placés  immédiatement  sur  la  roclie  (jui 
forme  la  montagne  ou  sur  un  sol  cpii  n'a  pas  été  remué.  Ces 
nionceaux  sont  disposés  régulièrenient  en  plusieurs  rangées. 


360  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

Dans  les  monceaux  se  trouvaient  quelques  pierres  sphéroïdes, 
probablement  des  pierres  de  holeadoras  qui  devaient  se  trouver 
là  accidentellement.  M.  Figueira  suppose  que  ces  cairns  seraient 
d'anciennes  sépultures,  où  les  cadavres  auraient  été  placés  sur 
le  sol,  puis  couverts  avec  un  monceau  de  pierres;  mais  je  ne 
vois  pas  sur  quoi  s'appuie  cette  liypotbèse,  puisque ,  suivant  l'au- 
teur même,  on  n'y  a  rencontré  aucun  fragment  d'ossements; 
or  les  squelettes  ne  pourraient  pas  s'èlre  totalement  anéantis. 

A  l'ouest  des  cairns  de  Puerta  de  Tastil,  de  l'autre  côté  d'un 
ravin  profond  qui  divise  l'extrémité  du  plateau  en  deux,  il 
existe  six  constructions  circulaires  qui  portent  sur  le  plan  la 
lettre  F;  Idifig-  64  en  donne  les  détails. 

Ces  enclos  circulaires  sont  composés  de  murs  en  pirca  peu 
solides,  presque  sans  fondement,  de  o"' 60  d'épaisseur  et  ac- 
tuellement d'environ  o"'  5o  de  hauteur.  Ils  n'ont  jamais  dû 
être  beaucoup  plus  hauts,  et  probablement  n'ont  jamais  eu  de 
toiture  :  ce  sont  des  enclos  et  non  des  maisons  ou  des  huttes. 
Enfin,  comme  la  phqDart  des  constructions  de  ces  régions,  ils 
n'ont  pas  d'ouverture  servant  d'entrée.  Les  cercles  n"  1,  II,  V 
et  VI  ont  2"  20  de  diamètre  intérieur,  le  n""  111,  i"'9o,  et  le 
jjo  jY^  l'^yo.  Le  n°  1  est  pourvu  d'une  sorte  d'antichambre, 
également  presque  circulaire  et  de  1'"  de  diamètre. 

J'ai  fouillé  entièrement  tous  les  cercles  jusqu'à  o""  60  ou 
o*"  80  de  profondeur.  Je  suis  sûr  de  n'y  avoir  rien  laissé,  car 
j'ai  toujours  continué  les  fouilles  plus  bas  que  les  derniers 
objets  trouvés,  là  où  le  sol  était  encore  intact.  Je  donnerai  ici 
la  description  de  ce  que  contenaient  les  cercles. 

N"  I.  Au  sud- ouest,  sous  le  mur,  se  trouvait  le  squelette 
d'un  enfant  âgé  de  trois  ans  et  demi  à  quatre  ans,  assis,  les 
bras  et  les  jambes  repliés  sur  la  poitrine,  assez  détérioré  par  la 
pression  de  la  terre.  Auprès  de  cet  enfant,  il  y  avait  un  fais- 
ceau de  hampes  de  flèches  et  quatre  écuelles  en  terre  cuite 
dont  Tune  est  représentée  fùj.  79  e.  Dans  cette  écuelle  était 
placée  une  autre  écuelle  plus  petite.  Près  de  fenfant  se  trou- 


OUEBRVDV   DFJ.    lORO. 


30 1 


vait  aussi  le  tube  en  os,  probablement  un  étui,  repi'oduit 
fia.  78  (j.  Ce  tube  a  été  fait  en  sciant  les  deux  articulations  de 
riiumérus  d'un  lama  et  en  grattant  l'intérieur  pour  rendre  la 
cavité  plus  grande.  I^e  tube  provient  d'un  lama  extrêmement 
grand  et  robuste;  il  serait  diiïicile  de  trouver  de  nos  jours  un 


Echelle.  'A 


a  Scjueletle  dénfanl 

b  Scjuelellc  d'aàilte 

c  Urne  funéraire  contencr.t  un  fœtus 

d  Squelette  de  lama 

Echelle    '/loo 


Fig.  G/|.  —  Puerla  do  Taslil.  Conslriirlioiis  cirrulaircs.  (Voir  /''  sur  le  plan  m'iiôral  des  iMiinos.) 


de  ces  animaux  d'une  taille  aussi  lorte.  Le  tube  ])résente,  à 
l'extrémité  la  pkis  étroite,  une  incision  destinée  à  altaclier  \v 
morceau  d'étoile  ou  de  peau  (jui  servait  à  le  fernnM'.  l^'enlaul 
avait  aussi  avec  lui  rastragaie   d'un  lauia  très  jeune  *'^  cl   un 


crâne  de  /^ 


«^ 


ul 


mm 


peniv 


laïuun. 


^'*  Dans  [on  sépnllnrcs.  j'ai  souvcnl 
trouvé  des  astragales  ili-  lama  isolés,  sans 
être  accompagnés  d'autres  os  do  cet  ani- 
mal. .!(!  iiif  suis  sdiivciil  demande  si  ce  lail 


n'indi([uorail  pas  l'origine  préliis|iani(pie 
d'un  jeu  dOsselels  nommi*  labu,  très  ré-- 
pandn  parmi  les  gauchos  et  les  anires 
iiielisde  la   l*iepnl)iiinie    \rgentM)e  counni; 


362 


ANTIQUITÉS  DE  LA  REGION  ANDINE. 


Dans  ce  même  cercle,  le  n"  I,  au  nord-est,  il  y  a  une  sorte 
de  pavé  à  environ  o"'  3o  au-dessous  du  sol  actuel.  Ce  pavé 
forme  un  segment  dans  le  cercle.  Auprès,  était  un  squelette 
d'adulte  en  position  accroupie,  étendu  sur  le  côté  et  dont  le 
crâne  est  décrit  par  le  D"^  Chervin  (99,  i.  m)  sous  le  n"  i  •?.  Près 
du  crâne  était  le  petit  tube  en  os^fig.  78  e. 

Au  pied  du  squelette,  j'ai  trouvé  une  urne  funéraire,  com- 
plètement écrasée  par  la  pression  de  la  terre,  contenant  le 
squelette  d'un  fœtus  à  terme.  A  côté  de  l'urne,  on  voyait  le  tube 
fin.  78  h ,  fait  d'un  humérus  de  lama  comme  celui  décrit  plus 
haut,  dont  il  se  distingue  seulement  par  la  grandeur  et  la 
fente  d'incision  qui  manque.  Près  de  l'urne  étaient  déposées 
deux  écuelles  dont  l'une  est  représentée y?^.  79  a. 

Devant  la  partie  du  mur  qui  sépare  le  cercle  n°  1  de  son 
«antichambre»  se  trouvait  un  squelette  de  lama  adulte,  mais 
sans  tète.  Le  sol  de  1'»  antichambre  »  ne  contenait  rien. 


parmi  les  Indiens  de  la  Bolivie.  Ce  jeu 
consiste  à  jeter  un  astragale  de  bœuf  à 
une  certaine  distance.  On  gagne  le  coup 
si  l'os  tombe  en  présentant  le  côté  con- 
cave, mais  on  perd  si  le  côté  convexe 
paraît.  Les  métis  ont  une  grande  passion 
pour  ce  jeu;  ils  y  perdent  jusqu'au  che- 
val, jusqu'à  la  selle  et  jusqu'aux  éperons, 
et,  on  le  sait,  la  plus  grande  humiliation 
pour  un  gaucho  est  d'être  obligé  d'aller  à 
pied.  Même  les  membres  de  l'aristocratie 
des  provinces  argentines  sont  passionnés 
pour  la  taha.  On  voit  des  personnes  occu- 
pant les  positions  les  plus  hautes  de  la 
contrée  mettre  des  sommes  considérables 
sur  un  coup  de  taba  et  quelquefois  se  rui- 
ner à  ce  jeu.  On  racontait,  à  propos  d'un 
gouverneur  de  la  province  de  Côrdoba, 
il  Y  a  quelques  années ,  qu'il  avait  un  as- 
tragale imité  en  or  et  incrusté  de  dia- 
mants; avec  cette  tuba,  l'enjeu  minimum 
était,  pour  chaqtie  coup,  de  mille  piastres 
or  (5,ooo  francs). 

Le  nom  taha  est  employé  dans  la  Répu- 
blique Aigentine  et  pour  le  jeu  et  pour 


l'os,  11  y  a  un  mol  espagnol  lahu  qui  signifie 
astragale,  mais,  d'autre  part,  le  jeu  s'ap- 
pelle en  Bolivie  lahiia  («  quatre  »  en  qui- 
chua).  L'on  ne  saurait  dire  duquel  de 
ces  deux  mots  provient  le  nom  du  jeu. 
Chose  curieuse,  les  Indiens  Papagos  (Pi- 
mas),  de  l'Arizone,  ont  un  jeu  identique, 
suivant  M.  Stewart  Culin  [Gaines  of  the 
Norlli  American  Indians ,  p.  i/i8,  in  2i"' 
Anniial  Report  of  the  Bureau  of  American 
Ethnology,  Washington,  1907).  Ce  jeu, 
dénonuué  lunwan  par  les  Papagos,  se  joue 
avec  un  astragale  de  bison ,  d'après  les 
mêmes  règles  que  la  taha  de  l'Argentine 
et  de  la  Bolivie,  seulement  avec  celte  dif- 
férence que,  quand  on  tire  dans  ces  der- 
niers pays,  l'os  est  placé  dans  la  main  ou- 
verte, tandis  que  les  Papagos  le  prennent 
entre  le  pouce  et  l'index,  tournant  le  re- 
vers de  la  main  en  haut. 

Le  jeu  est  connu  en  Espagne,  mais  il 
serait  intéressant  de  vérilier  s'il  a  été  in- 
troduit de  l'Amérique  du  Sud,  ou  si  ce 
sont  au  contraire  les  Espagnols  qui  l'ont 
introduit  en  Amérique. 


QUEBRADA  DEL  TORO.  363 

X"  II.  Dans  ce  cercle  11  y  avait  iiii  squelette  (radiilte  étendu 
le  long  du  mur,  du  coté  est.  Un  autre  squelette,  celui  d'un 
enfant  de  12  à  i5  ans,  se  trouvait  sous  le  mur,  du  côté  sud, 
avec  beaucoup  de  fragments  d'outils  en  bois.  Près  du  mur,  du 
côté  ouest,  étaient  deux  écuelles,  une  grande  et  une  petite. 

N*"*  III  et  IV.  Le  sol  ne  contenait  absolument  rien,  ni  os, 
ni  objets  d'industrie  humaine.  J'ai  fouillé  ces  cercles  comme 
les  précédents  jusqu'à  o'"6o  de  profondeur. 

X"*  V.  Beaucoup  d'os  de  huanaco;  une  côte  avait  été  dé- 
pouillée de  la  chair  au  moyen  d'un  instrument  tranchant  dont 
on  voyait  encore  très  bien  les  marques.  Il  n'y  avait  pas  d'os 
humains,  mais  des  hampes  de  flèches,  le  petit  tube  fuj.  78  c, 
faite  avec  la  partie  centrale  du  fémur  d'un  jeune  lama  ou  d'une 
vigogne,  et  trois  morceaux  d'une  pâte  verte  contenant,  en  forte 
proportion,  du  carbonate  de  cuivre.  Enfin,  le  petit  sàcjîg.  75 j, 
fait  avec  la  peau  de  la  patte  ou  de  la  queue  d'un  animal,  cousue 
dans  sa  partie  inférieure,  et  contenant  une  poudre  blanche. 

N"  \1.  Un  squelette  humain  très  détérioré,  sous  le  mur,  du 
côté  est. 

Le  résultat  de  mes  fouilles  dans  les  six  constructions  cir- 
culaires de  Puerta  de  Tastil  est  très  remarquable.  Ce  sont  les 
seules  constructions  de  ce  genre  qui  existent  près  des  ruines 
de  ce  village  et  elles  doivent  sans  doute  avoir  joué  un  rôle  im- 
portant dans  la  vie  des  anciens  habitants.  Sur  les  six  cercles, 
trois  contenaient  des  squelettes  humains,  un  des  restes  de  repas 
et  des  objets  d'inckistrie  humaine,  les  trois  derniers  étaient 
vides.  Les  cercles  ne  constituent  pas  le  cimetière  général  du 
village;  cette  hypothèse  tombe  d'elle-même.  Seraient-ce  des 
tombeaux  de  chefs  ou  des  endroits  pour  célébrer  des  cérémo- 
nies religieuses.'*  peut-être  des  sacrifices  humains .'^ 

Dans  les  environs  immédiats  de  Puerta  de  Tastil,  on  ne» 
trouve  pas  de  ruines;  la  population  devait  avoir  été  concentrée 
dans  le  village  même.  Il  n'y  a  qu'une  seule  exception,  ce  sont 
les  ruines  d'une  dizaine  d'enclos  i-eclangulaii-es  en  pirca  silu(''s 


364  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

à  moins  d'un  kilomètre  au  Sud,  sur  un  petit  ]:)lateau  bornant  la 
Quebrada  del  Toro  à  TEst. 

La  position  stratégique  de  Puerta  de  Tastil  est,  comme  nous 
l'avons  vu,  excellente;  mais  une  question  s'impose  :  c'est  la 
provision  d'eau  nécessaire  au  village.  Sur  le  petit  plateau  où 
celui-ci. est  situé,  il  n'y  a  pas  d'eau;  ce  plateau  se  prolonge  vers 
le  Nord  et  ce  n'est  qu'à  un  kilomètre  des  cairns  qu'il  est  inter- 
rompu par  de  hautes  montagnes.  Tout  ce  plateau  est  complète- 
ment plat,  sa  végétation  se  borne  à  de  rares  graminées  et  à  de 
petits  arbustes  disséminés.  Les  sources  et  les  cours  d'eau  man- 
quent absolument  ;  la  constitution  géologique  du  sol  et  la 
conformation  de  la  surface  les  rendent  impossibles.  Il  n'existe 
même  pas  de  dépression  où  l'eau  de  pluie  puisse  séjourner 
pendant  quelques  temps.  Les  habitants  du  village  ont  donc  dû 
apporter  leur  provision  d'eau  de  l'une  des  rivières  qui  coulent 
dans  les  quebradas.  Les  nombreux  fragments  de  grands  vases 
en  poterie  grossière  que  l'on  trouve  partout  sur  le  sol  du  village 
et  dans  la  couche  de  débris  doivent  provenir  en  grande  partie 
de  récipients  d'eau. 

Je  n'ai  pas  trouvé  de  restes  d'ancienne  culture  dans  les  envi- 
rons de  Puerta  de  Tastil. 

Pétroglyphes.  —  Dans  une  petite  quebrada  qui,  ta  l'Ouest,  se 
réunit  à  la  Quebrada  del  Toro,  à  3'''"  environ  au  sud  de  Puerta 
de  Tastil,  il  y  a  des  pétroglyphes,  d'après  les  renseignements 
qui  m'ont  été  donnés. 

Dans  la  Quebrada  de  las  Guevas,  à  lo*^"'  de  Puerta  de  Tastil, 
à  mi-chemin  entre  cet  endroit  et  Tastil,  j'ai  trouvé  un  pétro- 
glyphe  que  j'ai  dessiné,  mais  malheureusement  mon  dessin 
s'est  égaré  et  je  dois  me  borner  à  le  décrire  ici.  Cette  pierre  est 
lui  bloc  roulé  de  grès  dur,  d'environ  1'"  So  de  longueur,  d'une 
surface  assez  lisse.  Elle  se  trouve  à  côté  du  chemin,  à  un  en- 
droit où  la  quebrada  très  étroite  forme  une  gorge.  Le  bloc  est 
couvert  de  dessins  à  contours  gravés,  représentés,  fuj.  65. 
Ces  dessins  reprochiisent  très  exactement  la  forme  des  iisutas 


QUEBRADA  DEL  TOHO.  .lOf) 

OU  sandales  t'ii  peau  que  portent  les  Indiens  actuels  de  ces 
régions  et  qui  ont  été  également  portées  par  les  Indiens  préco- 
lombiens de  toute  la  région  andine,  d'après  ce  que  nous  voyons 
sur  les  cadavres  des  tombeaux.  Les  asulas  gravées  sur  le  l)loc 
sont  de  toutes  grandeurs,  depuis  les  dimensions  d'un  j)i('d 
d'eidant  jusfju'à  celles  d'un  pied  d'adulte.  Le  pied  droit  et  h; 
picnl  gauche  sont  représentés  tous  deux,  mais  les  marques  des 
usiitas  ne  sont  pas  disposées  par  paires,  ni  dans  aucune  din.'c- 
tion  précise;  elles  s'entre-croisent  de  toutes  façons  et  souvent 
une  usula  est  placée  au-dessus  du  dessin  d'une  ou  de  j)lu- 
sieurs  autres.  L'âge  reculé  de  ces  dessins  est  démontré  par  les 


l^'ii;.  (i5.  —    Forme  des  empreintes  tliisutas  j^ravées  sur  le  jiéU<)L;lyj)lic 
près  de  l'ueiia  de  Tastil. 

effets  de  la  pluie  sui*  la  pierre.  A  quelques  endroits,  en  effet, 
l'eau  a  effacé  certaines  parties  des  traits  gravés,  ce  qui  n'a  ])u 
se  produire  qu'après  un  grand  laps  de  temps,  élaiil  donnée  la 
dureté  de  la  roche. 

En  Patagonie,  on  connaît  des  pétroglyphes  représentant  des 
empreintes  de  pieds  liumains,  mais  juis,  laissant  voii"  les 
orteils.  M.  Carlos  Bruch  (79)  nous  donne  la  description  et  de 
très  bonnes  figures  d'im  de  ces  pétroglyphes  (pi'il  a  découNeil 
à  Vaca  Mala,  près  du  lac  Nahuel  Huapi. 

Je  ne  connais  pas  d'autres  dessins  publiés  de  pétroglyphes  de 
l'Amérique  méridionale  représentant  des  empreintes  de  pieds 
humains;  mais  les  chroniqueurs  jésuites  en  citetH  un  bon 
nombre  à  l'appui  de  la  légende  guaranie  de  Pay  Zuuk'', 
r»  homme  blanc  voyageur  »,  dans  hnpu'l  les  jésuites  veulent  voir 


366  ANTIQUITÉS  DE  LA  RÉGION  ANDINE. 

rapotre  saint  Tlioiiias,  qui  aurait  laissé  Tempreiiite  de  ses  pieds 
en  beaucoup  d'endroits  au  cours  d'un  voyage  qu'il  aurait  fait 
longtemps  avant  la  découverte  de  l'Amérique,  pour  prêcher 
aux  Indiens  la  foi  de  Jésus-Christ!  Le  P.  Ruiz  de  Montoya  (318, 
fol.  3o-32)  mentionne  des  «  empreintes  de  pieds  de  l'apôtre  saint 
Thomas»  sur  un  rocher  de  la  plage  de  San  Vicente  (Brésil), 
sur  un  autre  tout  près  de  la  ville  d'Assonq:)tion-du-Paraguay 
et  sur  un  troisième  à  deux  lieues  du  village  de  San  Antonio, 
dans  la  province  de  Chachapoyas   (Pérou  septentrional).  Le 
P.  Piuiz  dit  avoir  vu  ce  dernier  rocher,  une  grande  pierre  hori- 
zontale sur  laquelle  se  trouvaient  les  empreintes  de  deux  pieds , 
«  de  quatorze  points  [pinitos)  de  longueur  chacun  »,  et,  devant 
eux,  deux  «  concavités  »,  sans  doute  des  cupules.  Fiuiz  décrit  un 
quatrième  pétrogiyphe  de  Calango  (près  de  Gaiiete,  au  sud 
de  Lima);  c'est  une  pierre  horizontale  «  avec  des  empreintes  de 
pieds  d'un  homme  de  grande  taille  »  et  autour  desquelles  se 
voient  «  des  caractères  d'une  langue  qui  devait  être  de  l'hébreu 
ou  du  grec»  :  par  conséquent,  un  pétrogiyphe  composé  d'em- 
preintes de  pieds  gravées  et  de  signes.  Calancha  (89,  t.  n,  1.  m; 
p.  325-328)  donne  une  curieuse  figure,  en  forme   d'écu,   de  la 
pierre  de  Calango.  C'est  probablement  la  première  reproduc- 
tion qui  ait  été  faite  d'un  pétrogiyphe  américain.  On  y  voit 
une  empreinte  de  pied  et  des  signes  en  forme  de  H,  X,  Y,  etc. 
Calancha  dit  avoir  remis  des  copies  de  l'inscription  à  tous  les 
couvents  augustins  du  Pérou ,  pour  obtenir  une  interprétation 
des  signes;  mais  il  semble  que  les  frères  augustins  ne  savaient 
ni  le  grec,  ni  l'hébreu,  car  ils  déclarèrent  que  «  c'étaient  bien 
des  lettres  hébraïques  et  grecques,  et  un  frère  qui  connaissait 
ces  langues  ne  put  pas  les  interpréter,  quelques  lettres  étant 
presque  elfacées  et  d'autres  confuses».  Techo  (341,  1.  vi,  c.  iv; 
p.  i56)    cite,   d'après  le   P.    Orlandini,  un  autre  pétrogiyphe 
avec  des  empreintes  de  pieds,  près  de  Guaira,  dans  l'Etat  ac- 
tuel de  Paranâ  (Brésil).  Lozano  (220,  i,  p.  ^1-445,  453456, /i6i),  en 
dehors  des  pétrogiyphes  mentionnés  par  Ruiz  et  par  Techo, 
en   énumère  d'autres,   représentant  aussi  des  empreintes   de 


QUEBRADA  DEL  TORO.  367 

pieds,  aux  endroits  suivants  :  Itoco  («province  de  Muso,  Nou- 
velle Grenade»),  Ubaque  (près  de  Bogota),  Pueblo  Hondo 
(près  de  Grita,  province  de  Mérida,  Colond3ie),  Itapuâ  (à  deux 
lieues  de  Baliia)  et  dans  un  autre  endroit  de  la  Baie  de  Todos 
os  Santos.  M.  Jiniénezdela  Espada  (183),  d'après  des  documents 
inédits,  ajoute  à  cette  liste  encore  d'autres  rochers  à  empreintes 
de  pieds  (Frias,  près  de  Piura  du  Pérou)  et  de  l'Equateur 
(Gonzanamâ,  dans  la  province  de  Loja;  Callo,  dans  la  province 
de  Latacunga;  Ambato).  Les  empreintes  sur  les  l'ocliers  ])aignés 
par  la  mer  des  côtes  brésiliennes  pourraient  être  des  forma- 
tions naturelles,  mais  celles  de  la  Cordillère  sont  certainement 
des  pétroglyplies. 

En  Europe,  les  pierres  avec  des  enq3reintes  de  pieds  gra- 
vées ne  sont  pas  rares.  En  France,  elles  sont  assez  communes. 
M.  Louis  Schaudel  (324),  en  décrivant  le  «Rocher  aux  pieds» 
de  Lans-le-Villai'd ,  en  donne  une  liste.  Dans  certains  pays  de 
l'Asie  (Java,  Ceylan,  etc.),  il  y  a,  dans  plusieurs  localités,  des 
empreintes  gravées  de  ce  genre  attribuées  par  la  religion  à 
Bouddha.  Dans  l'Afrique  du  Nord,  on  trouve  aussi  cette  caté- 
gorie de  pétrogiyphes. 

ÏASTIL ''. 

La  Quebrada  de  las  Cuevas  est  plus  étroite  que  la  Quebrada 
del  Toro.  Elle  forme  souvent  de  véritables  gorges  à  parois  per- 
pendiculaires. Au  fond  coule  une  petite  rivière,  le  llio  de  las 
Cuevas,  qui  apporte  les  eaux  du  versant  nord-est  (bi  xNevado 
del  Acay. 

J'ai  souvent  entendu  appliquer  à  la  Quebrada  de  las  Cuevas 
le  nom  de  Qnebrada  del  Tastil,  mais  à  tort,  car  ce  dernier  nom 
appartient  à  une  quebrada  latérale,  par  la([uelle  TViioyo  del 
Tastil,  allluent  du  Rio  de  las  Cuevas,  vient  se  jelei-  à  dioile 
dans  ce  dernier. 

(')  Voir  les  planches  XWI,  XXVii ,  XXlX-XXXil,  insérées  apr.'s  la  page  ^78. 


.'ÎGS  ANTIQUITES  DE  LA  RÉGION  AN  1)1  NE. 

A  cet  endroit,  la  Quebrada  de  las  Guevas  s'élaigil  jusqu'à 
atteindre  environ  4oo'".  C'est  là  que  se  trouve  le  village  pré- 
hispanique de  Tastil;  il  occupe,  comme  on  le  voit  sur  le  plan 
ficj.  66 y  une  position  semblable  à  celle  des  ruines  de  Puerta  de 
Tastil.  L'ancien  village  de  Tastil  est  une  énorme  agglomération 
d'enclos  reclangulaires  en  pirca,  qui  s'étendent  par  la  partie 
exlronie  des  monlagnes  séparant  la  Quebrada  de  las  Guevas 
de  celle  de  Tastil.  Sept  collines  rocheuses,  de  la  hauteur  d'une 
centaine  de  mètres,  très  escarpées  du  côté  des  quebradas, 
lorment  au  centre  une  sorte  de  plateau  concave,  mais  assez 
plat  pour  avoir  permis  la  construction  des  enclos.  Geux-ci, 
comme  on  le  voit  par  la  y?^.  80  et  par  la  coupe  A-B,fig.  81, 
sont  (lisjîosés  sur  le  plan  incliné  en  terrasses  irrégulières,  c'est- 
à-dire  chaque  rangée  d'enclos  étant  un  peu  plus  haute  que  la 
suivante. 

L'ascension  du  plateau  n'est  possible  que  par  les  points  K, 
L  et  M,  entre  les  différentes  collines,  du  coté  de  la  Quebrada 
de  las  GucAas,  et  même  ces  accès  sont  assez  diiïlciles.  En  face  de 
la  maison  indiquée  sur  le  plan  comme  «  maison  moderne  d'In- 
dien», on  peut  monter  aussi,  mais  plus  dilïicilement  encore. 
Les  pentes  du  côté  de  l'Arroyo  de  Tastil  sont  tout  à  fait  à  pic, 
même  dans  fangle  qui,  sur  le  plan,  porte  la  lettre  ./. 

Les  collines  ne  sont  pas,  comme  presque  toutes  les  mon- 
tagnes autour  des  quebradas  c[ue  nous  avons  parcourues,  com- 
posées de  quartzites  schistoïdes  plissés  :  elles  forment  un  îlot 
de  granit  ^^^  entre  les  grands  massifs  de  schiste.  Des  pierres  du 
même  granit  ont  servi  à  élever  les  murs  du  village. 

Toute  la  dépression  entre  les  sept  collines  est  couverte  d'en- 
clos; l'aggiomération  d'enclos  couvre  également  les  sommets 
et  descend  sur  les  flancs  des  collines  G,  H,  [,  au  Sud.  Les  colli- 
nes du  Nord  sont  plus  escarpées  que  celles  du  Sud;  néanmoins 
.les  enclos  s'étagent  sur  leurs  lianes  aussi  haut  que  possible. 

Les  enclos  ne  sont  pas  isolés  l'un  de  l'autre,  comme  c'est 

'"'  Ce  granit  a  été  tlëterminé  par  M.  Lacroix  comme  «granit  normal  à  biotlte,  le  gra- 
nilile  des  pétrographes  allemands». 


QIJKBRADA  DEL  TORO.  369 

généraleiiienl  le  cas  à  Moroliiiasi  et  à  Puerta  de  Taslil;  ils  ne 
sont  séparés  que  par  un  mur  commun.  Les  murs  atteignent 
encore  i*"  de  hauteur,  souvent  davantage;  leur  épaisseur  est 
de  o™5o  à  o"'6o. 

Les  dimensions  intérieures  de  la  pluj^art  des  enclos  sont 
io'"x4  ou  5'".  Cependant  il  y  en  a  aussi  cjui  ont  d'autres  di- 
mensions, par  exemple  :  G'^XÔ'",  S^xd'",  etc.  Exceptioinielle- 
ment,  on  rencontre  des  enclos  d'une  longueur  extraordinaire, 
jusqu'à  'jÔ""  sur  5  à  6"' de  largeur.  Ces  enclos  longs  se  trouvent 
particulièrement  sur  le  versant  sud  des  collines  H  et  I ,  tandis 
que  les  petits  enclos  de  6™  X  5™  sont  plus  communs  sur  les 
sommets  des  collines. 

J'ai  évalué  à  8oo  enviion  le  nombre  total  des  enclos,  et  j'es- 
time la  surface  occupée  jDar  les  ruines  à  environ  200,000  mètres 
carrés. 

ha.  fi(j.  80  donne  une  idée  de  Tasj^ect  de  cette  mer  de  pircas, 
La  vue  est  prise  du  centre  du  village,  vers  les  collines  G,  II,  I; 
sur  la  colline  du  milieu,  on  voit  un  gigantesque  Cereus. 

Les  enclos  sont,  en  général,  rangés  de  telle  sorte  que  leur 
transversale  la  plus  courte  suive  la  pente  du  sol,  les  murs  plus 
longs  lestant  par  conséquent  horizontaux;  le  sol  de  chaque 
enclos  est  aplani  de  façon  à  être  horizontal,  quand  le  terrain 
a  permis  de  le  faire ''l  La  différence  de  niveau  d'un  enclos  à 


'''  La  terre  des  enclos  contient  une 
quantité  considérable  de  salpêtre  qui  est 
recueilli  par  l'un  des  Indiens  du  voisinage 
pour  en  fabriquer  de  la  poudre,  il  met  la 
terre  dans  un  récipient  dont  le  Ibnd  esl 
remplacé  par  une  sorte  de  tamis  ou  filtre. 
Au-dessus  il  verse  de  l'eau  qui  dissout  le 
salpêtre  et  passe  dans  un  récipient  infé- 
rieur. Celte  eau  une  fois  bouillie,  la  terre 
et  d'autres  impuretés  se  déposent  au  fond 
de  ce  récipient.  On  la  passe  alors  dans  un 
troisième  récipient  où  on  la  laisse  pendant 
une  nuit.  \jv  matin  suivant ,  on  trouve  le 
salpêtre  cristallisé  au  fond.  Cin([  livres 
de  ce  salpêtre,  mélangées  avec  une  livre  de 

I. 


cbarbon  de  bois  quelconque  et  une  livre 
de  soufre,  ce  dernier  aclieté  à  la  ville, 
donnent  une  poudre  qui  n'est  pas  bonne 
j)Our  charger  des  fusils,  mais  qui  esl  em- 
ployée pour  laire  des  tirs  en  l'honneur 
des  saints  aux  lèles  religieuses,  où  l'on 
en  fait  une  grande  consommation.  Nous 
reproduisons,  p'jj.  100  a,  un  mortier  ser- 
vant pour  ces  tirs.  Cette  lahrication  pri- 
mitive (le  poudre  est  également  répan- 
due dans  certains  endroits  de  la  Puna, 
où  la  terre  contient  du  salpêtre.  La  mé- 
thode doit  être  très  ancienne  et  a  élé 
introduite  probablement  par  les  premiers 
l'jS[)agnols. 


2.1 


370  ANTIQUITES  DE  LA   REGION   ANDINE. 

Tautre  varie  suivant  riiiclinaison  du  terrain.  La  moyenne  de 
cette  différence  peut  être  estimée  à  o'"'jo  ou  o'"3o. 

J'ai  représenté  dans  la^</.  81  une  j)etite  partie  de  Tagglomé- 
ration  d'enclos  au  i//ioo,  c'est-à-dire  à  une  échelle  suffisante 
pour  montrer  les  détails,  ce  qu'il  n'était  pas  230sslble  de  faire 
sur  le  plan. 

Dans  chaque  enclos,  on  observe  des  cercles  en  pierres  d'en- 
viron 'j™  de  diamètre.  Ces  cercles  ne  sont  pas  des  nuirs,  ce  ne 
sont  que  de  simples  alignements  circulaires  de  pierres  brutes 
du  même  granit  que  les  murs.  Généralement  il  y  a  deux  ou 
trois  rangées  de  pierres  superposées;  seule  la  rangée  supérieure 
est  visible  au-dessus  de  la  terre.  Ce  sont  des  cercles  funéraires, 
indiquant  des  sépultures;  à  l'intérieur  on  trouve  toujours,  en 
effet,  des  cadavres  enterrés.  Il  y  a  dans  presque  tous  les  enclos 
un  de  ces  cercles,  le  plus  souvent  dans  un  coin  de  l'enclos. 
Il  est  très  rare  de  trouver  le  cercle  au  milieu  de  celui-ci  et 
plus  encore  de  trouver  deux  cercles  funéraires  dans  un  même 
enclos.  Dans  deux  ou  trois  cas,  le  cei'cle  remj^lissait  tout  l'en- 
clos, lequel  n'avait  alors  pas  beaucoup  plus  de  'j"'X2"'  de 
surface. 

Outre  les  cercles,  on  trouve  aussi  de  grands  mortiers  en 
pierre  brute,  ressemblant  à  cehii  de  Carbajal,^?^.  47.  Enfin, 
dans  la  plupart  des  enclos,  il  y  avait  des  pierres  en  forme  de 
dalles  j^lates,  plus  ou  moins  rectangulaires,  fichées  verticale- 
ment dans  le  sol.  Il  est  difficile  d'expliquer  le  but  de  ces  j^etits 
«  menhirs  ».  Ils  ne  sont  pas  faits  du  granit  commun  des  con- 
structions, mais  d'un  quartzite  Aert  noirâtre,  très  dur  et  à  grain 
très  fin,  qui  ne  fait  pas  partie  des  collines  sur  lesquelles  sont 
situées  les  ruines.  D'après  mon  guide,  cette  sorte  de  roche 
existe  de  fautre  coté  de  la  petite  Quebrada  de  Tastil,  et  c'est 
de  là  probablement  que  les  dalles  ont  été  a23portées.  Les  «  ineii- 
hii-s  »  avaient  de  o'"4o  jusqu'à  i""  de  longueur;  leur  largeur 
était  de  o™3o  à  o'^-jo,  rarement  plus. 

Le  village  de  Tastil  est  traversé  par  un  système  de  rues  sur- 
élevées sur  le  sol  en  forme  de  chemin  de  ronde,  construites  en 


Ql'EBli  \l)\    !)KI.  ToUu.  371 

pierre  sèche,  comiiie  les  murs  des  enclos.  Ces  rues  ont  de  i""  à 
i"5o  au-dessus  du  sol,  quelquefois  un  peu  plus;  leur  largeur 
est  de  i""  à  i'"5o.  Sur  la  y?^.  81  on  voit  une  de  ces  rues  qui 
passe  entre  deux  rangées  d'enclos;  sa  coupe  verticale  est  égale- 
ment donnée.  Sur  le  plan,  je  n'ai  pu  faire  figurer  que  les  rues 
])rincipales  DDD  qui  conduisent  de  l'entrée  M-F  aux  diffé- 
rentes collines.  Ces  rues  ont  beaucoup  de  ramifications  qui 
n'ont  pas  été  notées  sur  le  plan.  Cependant  il  faut  remarquer 
que  tous  les  enclos  ne  donnent  pas  sur  une  rue  :  pour  entrer 
dans  la  plus  grande  partie  d'entre  eux,  il  faut  traverser  plusieurs 
enclos  voisins.  Dans  V Entre-Sierras  du  Pérou,  il  existe  des  vil- 
lages préhispaniques  ayant  des  rues  surélevées  comme  celles 
de  Tastil. 

En  E  et  F,  il  y  a  des  sortes  de  grandes  places  entourées  de 
clôtures  en  pierre  faites  avec  moins  de  soin  que  les  murs  des 
enclos.  La  place  Fa  34" X  22"';  celle  en  F,  SS'^X  20°". 

A  TEst,  la  ville  est  défendue  par  un  long  mur  construit  avec 
de  très  grands  blocs  de  pierre,  pour  la  plupart  tond)és  à  terre 
actuellement. 

Le  sol  est  plein  de  fragments  de  poterie  grossière,  de  pointes 
de  flèches  et  d'éclats  de  la  loche  qui  a  servi  à  la  fabrication 
de  ces  dernières.  Dans  les  environs  delà  place  E,  particulière- 
ment, et  entre  cette  place  et  le  mur  de  défense,  les  flèches 
étaient  très  nondjreuses.  hafig.  112,  rf'  1  à  9,  repi'oduit  neuf 
de  ces  pointes.  J'en  ai  recueilli,  sur  le  sol  des  ruines,  environ 
quatre-vingts  en  une  heure,  toutes  en  silex  vei't  de  la  même 
couleur  et  qualité,  provenant  toujours,  selon  toute  apparence, 
du  même  gisement.  Cependant  deux  pointes  en  obsidienne 
noire  font  exception.  L'une  est  représentée  par  le  n"  6  de  la 
figure.  Ces  deux  pointes  sont  tout  à  fait  semblables  à  celles  de 
Morohuasi.  11  y  avait  aussi,  comme  dans  presque  tous  les 
endroits  où  Ton  trouve  des  flèches,  quelques  rares  pointes  en 
f|Mnrtz  laiteux  ou  hyalin  et  en  calcédoine. 

Les  pointes  de  llèches  de  Tastil  sont  ii  ail(M-ons  ])rolongés; 


o72 


AM'IOll  TES  DE  LA   RKCION   ANDINE. 


à  fie  rares  exceptions  près,  comme  la  j)oiiile  n"  8,  elles  n'ont 
])as  de  pédoncule  non  plus  que  celles  de  Morolmasi.  Elles 
durèrent  de  celles-ci  seulement  parce  qu'elles  sont  en  général 
un  peu  plus  grandes,  à  bords  plus  droits,  et  d'une  taille  moins 
achevée,  ce  qui  dépend  peut-être  de  la  matière  plus  difîicile  à 
travailler  que  l'obsidienne. 

Les  flèches  ont  certainement  été  fal^riquées  à  Tastil  uïême, 
ce  qui  est  démontré  par  les  jiond^reux  éclats  de  silex  vert, 
fléchets  de  la  taille,  qu'on  trouve  sur  le  sol;  j'ai  ramassé  aussi 
quelques  éclats  d'obsidienne  et  de  quartz  blanc. 


rig.  6-j.  —  Tastil.  Puiiiron  et  ciseaux  eu  cuivre  («-c).  Pendeloque  en  argent  (J"). 
Pendeloques  en  pierre  [g ,  A).  —  2/3  gr.  nat. 

La  dilTérence  de  la  matière  employée  pour  la  fabrication  des 
flèches,  obsidienne  à  Morohuasi  et  silex  vert  à  Tastil,  démon- 
trent que  ces  deux  villages,  bien  que  très  voisins  et  sans  aucun 
doute  contemporains,  avaient  chacun  leur  industrie  pro23re  en 
ce  qui  concerne  les  flèches. 

Sur  le  sol  de  Tastil,  j'ai  recueilli  encore  les  deux  petites 
pendeloques^^/.  67  g ,  li ,  taillées,  en  quartzite  Aerdàtre,  et  quel- 
ques fragments  très  oxydés  de  cuivre.  L'analyse  de  l'un  de  ces 
fragments,  partie  d'un  disque  fondu,  est  donnée  sur  le  tableau 
inséré  à  la  fin  du  présent  ouvrage  (analyse  n"  3  i  ). 

J'ai  eflectué  des  fouilles  dans  quinze  des  enclos  du  village; 
elles  ont  démontré  que  ces  enclos  avaient  en  effet  servi  d'habi- 
tations et  que  les  cercles  en  pierre  marquaient  des  sépultnres. 

Le  sol  des  enclos  présentait  tonjours  une  couche  de  débris 


QUEBRADA  DEL  TORO.  373 

de  o"'  1  o  à  o'"3o  (IV'j)aisseiir,  contenant  des  os  lendus  on  Ijrisés, 
la  plupart  de  liuanaco,  quelques-uns  de  lama,  de  vigogne 
et  de  Lagidiiim,  du  charbon ,  des  cendres,  du  fd  et  des  fiagnients 
de  tissus  en  laine  de  lama,  des  morceaux  de  poterie  grossière, 
des  restes  de  bois  de  Cereus. 

Les  seuls  objets  entiers  de  cette  couche  dignes  d'être  men- 
tionnés sont  :  le  vase^?^.  82,  en  poterie  gi'ossière,  le  poinçon  en 
cuiwefig.  67  a,  et  la  pendeloque  en  argent  fi(j.  67  f.  La  seule 
]wi'\e  de  turquoise  que  j'aie  trouvée  à  Tastil  lut  rencontrée  au 
milieu  d'un  enclos.  Il  est  à  remarquer  que  toutes  mes  fouilles 
n'ont  donné  que  cette  seule  perle,  alors  que  celles-ci  sont  si 
communes  à  Morohuasi  et  surtout  à  Golgota. 

Les  cercles  examinés  contenaient  tous  des  squelettes,  la  plu- 
part dans  un  très  mauvais  état  de  conservation.  Ils  avaient  été, 
comme  ils  le  sont  en  général  dans  toute  la  région,  enterrés 
accroupis,  les  jambes  et  les  bras  repliés  sur  le  corps.  Mais,  à 
Tastil,  il  n'y  avait  pas  de  cadavres  placés  dans  une  position  ver- 
ticale; ils  étaient  posés  horizontalement,  en  général  à  une  pro- 
fondeur de  o"'5o  au-dessous  de  la  surface  du  sol.  Les  cadavres 
se  trouvaient  presque  toujours  près  du  mur  de  l'enclos;  il  y 
avait  rarement  des  squelettes  dans  la  partie  du  cercle  funéraire 
opposée  au  mur.  Chaque  cercle  funéraire  contenait  de  un  à 
quatre  squelettes. 

Les  crânes  décrits  par  le  D"^  Chervin  (99.  i.  m),  sous  les  n**"  i  .3 
et  i4,  proviennent  de  Tastil. 

f)eu\  cercles,  dont  run  au  centre  (bi  \illage,  sont  remar- 
quables; ce  dernier  contenait  un  squelette  d'afbdte  et  les  sque- 
lettes d'un  enfant  d'un  an  environ  ,  d'un  enfant  ])his  âgé  et  d'un 
hetus  à  terme,  le  seul  foetus  que  j'aie  trouvé  hors  d'une  urne 
funéraire.  L'autre  cercle  fnn(''raire,  près  (bi  soninicl  de  la  col- 
line (t,  servait  de.  sépulture  à  un  enlanl  de  (junirc  à  ciiHi  ans, 
enterré  au  pied  du  mur,  à  ()"'(S()  de  profondeur,  avcîc  les 
deux  vases  ficj.  S'i ,  une  petite  écu(ille  en  polerie  grossière,  la 
fusaïole(.^)  en  hoisfiif.  75  i,  une  auliv  fusaïoli*  en  hois,  plusimirs 


37'!  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

outils  également  en  bois,  dont  il  ne  restait  que  (les  fragments, 
des  morceaux  d'une  pâte  de  carbonate  de  cuivre,  enfin  beau- 
coup d'os  de  liuanaco  provenant  sans  doute  de  la  viande  qu'on 
avait  déposée  comme  aliment  auprès  de  l'enfant. 

Les  deuxAases  de  ce  tombeau  [ficj.  83)  méritent  d'être  men- 
tionnés tout  sj^écialemeiit,  car  ils  étaient  parmi  les  mieux  dé- 
corés de  tous  ceux  que  j'ai  trouA'és  dans  les  Quebradas  del 
Toro  et  de  las  Cuevas.  Ils  portent  des  ornements  peints  dont  la 
grecque  est  le  motif  princi2:)al.  Le  vase  à  droite  sur  la  figure  est 
peint  en  trois  couleurs  :  les  grecques  en  brun  violacé,  le  fond 
en  gris  clair,  et  les  espaces  entre  les  grecques  et  les  lignes  on- 
dulées en  jaune  orangé.  Le  vase  à  gauclie  a  des  grecques  et  des 
triangles  j^eints  en  brun  violacé,  le  fond  est  gris  clair;  le  gou- 
lot a  été  engobé  intérieurement  et  extérieurement  avec  une  pâte 
à  l'ocre  rouge,  ainsi  que  tout  fextérieur  du  vase.  Le  vase  de 
gauche  a  o™  i  2  de  hauteur  et  o'"  2  1 5  de  diamètre  maximum  ; 
celui  de  droite,  o"i5  et  ©"'iSS.  Les  vases  de  mêmes  forme 
et  dimensions  et  presque  toujours  décorés  avec  des  grecques 
peintes  sont  communs  dans  la  région  diaguite. 

Un  autre  cercle,  au  centre  du  village,  contenait  quatre  sque- 
lettes d'adulte  avec  deux  petites  écuelles  pour  tout  mobilier 
funéraire;  un  autre,  sur  la  pente  sud  de  la  colline  G  :  trois 
aduUes ,  un  enfant  de  trois  ans  à  trois  ans  et  demi  et  un  second 
enfant  plus  jeune. 

Les  objets  enterrés  le  plus  communément  auprès  des  ca- 
davres étaient  des  petites  écuelles  en  poterie  grossière,  dont  la 
fi(j.  79  d  donne  un  exemple. 

J'ai  exhumé  aussi  beaucoup  d'outils  en  bois  ressemblant  à 
ceux  de  Morohuasi;  nous  citerons  parmi  eux  :  des  (<  couteaux» 
(^fi(j.  là  b,  c)  et  des  petits  crochets y?^.  75  d-J'.  Le  couteau  h 
devait  avoir,  lorsqu'il  était  entier,  environ  ©""SS  de  longueur; 
le  couteau  c,  o™5o.  La  distance  entre  les  pointes  extrêmes  des 
crochets  figurés  est  de  ©""gS  (c?),  o'^qo  (e),  o™55  (/).  Pour  le 
crochet /j  on  a  employé  une  fourche  d'arbre  naturelle,  comme 
pour  le  crochet y/^.  75  n  de  Morohuasi. 


QUE13I\  \l)\    DKL   TORO.  375 

h^xfig.  75  h  représente  le  fragment  d'nn  lacloir  en  l)oi.s  qui 
a  peut-être  servi  à  travailler  la  poterie.  En  <y  de  la  même 
figure,  on  voit  un  autre  petit  outil  en  bois  de  l'emploi  durniel 
je  ne  puis  me  faire  aucune  idée. 

Les  tubes  en  os  n'étaient  pas  rar^s;  celui  de  la  fcj.  78  d,  de 
o^'ogS  de  longueur,  est  fait  d'un  bumérus  d'oiseau. 

La  fi(j.  67  h-c  montre  quati'e  petits  ciseaux  en  cuivre  trouvés 
dans  difféientes  fouilles. 

Les  couleurs  les  plus  fréquemment  employées  par  les  an- 
ciens babitants  de  Tastil  étaient  l'ocre  rouiie  et  le  carbonate 
de  cuivre;  la//^.  78  a-h  représente  deux  morceaux  d'une  pâte 
ocreuse  rouse.  Le  carbonate  de  cuivre  se  trouvait  en  "énéral 

o  o 

aussi  à  fétat  de  pâte;  cependant,  à  un  endroit,  j'ai  trouvé  celte 
couleur  métallique  en  poudre  dans  une  petite  calebasse. 

Auprès  des  cadavres  des  cercles  funéraires  de  Tastil,  il  y 
avait  beaucoup  de  calebasses  coupées  par  la  moitié  et  servant 
de  récipients.  Lixji(f.84  en  montre  deux  sj^écinjens  gravés  d'or- 
nements géométriques  assez  compliqués.  C'est  de  la  pyrogra- 
vure comme  celle  que  ])ratiquent  encore  aujourd'lud  beaucoup 
de  peuples  sauvages.  Les  traces  des  pointes  incandescentes  em- 
ployées pour  la  gravure  se  voient  nettement  snr  la  figure. 

L'art  de  décorer  la  ]:)oterie  d'ornements  peints  n'était  pas 
plus  avancé  à  Tastil  qu'à  Morobuasi.  Si  nous  en  exceptons  les 
deux  vases  y/^.  83,  qui  peul-élre  sont  importées  d'ailleurs, 
les  seules  peintures  sur  polerie  que  j'ai  trouvées  sont  (bi  mo- 
dèle//<y.  85,  décor  qne  nous  avons  déjà  rencontré  à  Morobuasi 
et  dont  un  exemplaire  est  donné  fi(j.  70.  Les  ornements  qua- 
drillés sont  peints  sur  une  poterie  engobée  avanl  la  cidsson 
avec  de  focre  rouge. 

Les  enclos  de  Tastil  sont  des  babitations;  la  coucbe  de  débris 
couvrant  leur  sol  met  ce  fait  en  évidence.  Mais,  comme  dans 
les  deux  autres  villages  j^rébispaniques  de  laQuebrada  del  Toro, 
il  est  difficile  de  savoir  de  quelle  sorte  de  loilnre  ces  demeures 
luimaines  étaient  recouvertes.  Sur  le  sol,  on  ne  voit  pas  assez 


370  ANTIQUITES  DE  TA  REGION  ANDINE. 

de  pierres  écroulées  pour  admettre  que  les  murs  aient  eu  une 
hauteur  supérieure  à  i'"5o.  A  Tastil,  nous  nous  trouvons  en 
outre  en  présence  d'un  lait  extraordinaire  que  j'ai  déjà  signalé  : 
la  plujDart  des  enclos  n'ont  j^as  d'issue  sur  les  rues  ;  il  faut 
quelquefois  traverser  un  grand  nombre  d'enclos  pour  atteindre 
une  rue.  Les  murs  n'ont  pas  de  portes  :  ils  sont  assez  bien 
conservés  pour  que  je  jouisse  assurer  qu'ils  n'en  ont  jamais  eu. 
Pour  passer  d'un  enclos  à  l'autre,  peut-être  les  anciens  habitants 
de  Tastil  ont-ils  employé  le  système  d'escaliers  en  bois  comme 
les  Pueblos  de  l'Amérique  du  Nord.  Pour  arriver  aux  enclos 
éloignés  des  rues,  ils  ont  du  marcher  sur  les  murs. 

Cette  curieuse  façon  de  construire  les  habitations  se  tenant 
entre  elles  dans  une  agglomération  compacte,  sans  espaces 
libres,  a  pu  être  en  partie  motivée  par  l'exiguïté  du  terrain 
disponible  sur  le  plateau  dont  nous  avons  plus  haut  signalé  les 
avantages  stratégiques.  On  voit  en  effet,  sur  le  plateau  de  Tastil , 
chaque  parcelle  de  terrain  utilisable  occupée  par  les  enclos. 
Il  y  a  là  une  diflerence  avec  Puerta  de  Tastil  et  surtout  avec 
Morohuasi ,  où  l'on  a  laissé  des  intervalles  libres  entre  les  enclos. 

Dans  les  ruines  de  la  région  diaguite,  nous  trouvons  des 
analogies  partielles  avec  celles  de  Tastil,  mais  nulle  part  une 
analogie  complète.  Ainsi  les  ruines  de  Quilmes  présentent 
une  agglomération  également  grande  et  compacte.  Al.  Lafone- 
Quevedo  (189,  p.  2-3)  compare  les  habitations  de  Quilmes  aux 
alvéoles  d'un  rayon  d'abeilles  ;  mais  M.  Ambrosetti  (18),  dans 
une  descrij)tion  plus  détaillée,  démontre  qu'il  y  existe  des  dif- 
férences assez  notables  entre  une  habitation  et  l'autre.  Si  des 
ruines  peuvent  être  comjiarées  aux  cellules  en  cire  des  abeilles, 
ce  seraient  certainement  celles  de  Tastil,  où  l'uniformité  est  par- 
faite, et  où  la  dimension  constitue  la  seule  variation  d'une  habi- 
tation à  l'autre.  Les  sépultures  dans  les  maisons  sont  connues 
pour  plusieurs  ruines  diaguites,  par  exemple  pour  celles  de 
Quilmes,  et,  suivant  MM.  Liberani  et  Hernândez  (217) ,  Burmeis- 
ter  (86),  Ameghino  (32,  i,  p.  53G),  pour  celles  de  Loma  Rica,  mais 
seulement  par  excejotion,  landis  ([u'à  Tastil  il  n'y  a  presque 


QUEBRADA  DEL  TORO.  377 

pas  une  seule  «  maison  »  qui  n'ait  son  cercle  funéraire.  Dans  le 
r3ésert  d'Atacama  nous  trouvons,  à  «  Lasana  »  (Caspana?),  im 
village  préhispanique  où  les  sépultures  dans  les  habitations 
paraissent  être  aussi  communes  qu'à  Tastil.  Selon  M.  W.  Bol- 
laert  (66,  p.  170)  «on  y  marche  littéralement  sur  des  crânes  et 
des  ossements,  qui  remplissent  tous  les  coins  des  construc- 
tions». En  ce  qui  concerne  l'absence  absolue  de  portes  entre 
les  enclos  de  Tastil,  nous  rencontrons  souvent,  dans  les  ruines 
de  la  région  diaguite,  des  constructions  sans  portes,  mais 
cependant  les  différentes  chambres  d'un  même  logement  ayant 
appartenu  probablement  à  une  famille  communiquent  parfois 
entre  elles.  M.  Moreno  (244,  p.  18)  fait  cette  observation  au  sujet 
des  ruines  diaguites  en  général.  Quant  au  système  des  rues, 
qui  laisse  la  plujoart  des  enclos  sans  accès  direct,  le  même  fait 
s'observe  dans  certaine  ruines  diaguites,  et  M.  Bollaert  {Und.)  dit 
à  propos  de  Caspana  qu'il  y  fallait  souvent,  pour  ai-river  de 
la  rue  à  certaines  maisons,  en  traverser  dix  ou  quinze  autres. 
Cependant  ces  maisons  avaient  des  portes.  Enfui  on  retrouve, 
dans  les  villages  préhispaniques  de  la  région  diaguite,  des 
«places»  entourées  de  murs,  comme  celles  qui  portent  les 
lettres  E  et  F  sur  le  plan  de  Tastil.  Les  ruines  de  Guasamayo, 
dont  un  plan  a  été  publié  par  le  D""  ten  Kate  (342,  p  3/n),  nous 
en  donnent  un  exemple. 

Une  description  que  fait  Cieza  de  Léon  (101,  c.  xcix,  p.  H^)  des 
anciens  villages  (hi  Collao  s'applique  parfaitement  aux  ruines 
de  Tastil  :  «  Les  villages  des  indigènes  sont  très  ra])prochés  et 
les  maisons  en  sont  collées  les  unes  aux  autres,  pas  très  grandes, 
bâties  en  pierre  avec  le  toit  de  chaume  qu'ils  enq)l()ienl  Ions  au 
lieu  de  tuiles.  Jadis  toute  cette  région  était  très  peuplée  par  les 
Collas,  et  il  y  avail  de  grands  villages  tont  près  les  nns  des 
antres ^'^  ». 


'"'   Le  texio   es[)agnol  dit   :   Los  puchlos  que  lodos  en  liufav  de  lejn  sueleii  iisar.  Y  fiic 

lieiieii  Ins  iKtliirnles  jinilos ,  perjddas  Ids  rasas  aiiluiiuiinriile  inny   j)i)lilada   rsUt   veifion  jior 

nnas  con  olras ,  110  inny  (fraudes,  lodas  lie-  las    Collas    \   adoinle   lin  ho   (fraudes   jiiiehlos 

chas  de  picdru ,  y  fior  coherlura  f>af(i ,  de  la  todos  jiinlos. 


378  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

Gieza  nous  ajDprend  que  la  toiture  des  Collas  était  en  chaume; 
c'était  probablement  aussi  le  cas  pour  Tastil. 

L'ancien  village  de  Tastil  a  eu  une  population  très  nom- 
breuse. Si  nous  supposons  une  famille  de  quatre  individus 
seulement  ayant  habité  chacun  des  800  enclos,  ce  calcul  nous 
donne  au  moins  3, 000  habitants.  Actuellement,  aux  environs 
de  Tastil,  il  n'y  a  qu'une  cinquantaine  d'Indiens  qui  y  mènent 
une  existence  misérable  en  cultivant  un  peu  de  maïs  et  en  gar- 
dant quelques  maigres  troupeaux  de  moutons  et  quelques  ânes. 
Tout  le  district  ne  pourrait  pas  nourrir  un  nombre  beaucoup 
plus  grand  d'habitants.  Or  on  se  demande  nécessairement  de 
quoi  vivaient  les  3, 000  habitants  de  l'ancien  village.  Peut-être 
étaient-ils  agriculteurs,  bien  que  je  n'aie  pas  vu  de  traces  d'an- 
cienne culture.  Peut-être,  à  cette  époque,  le  climat  était-il  meil- 
leur et  permettait-il  une  culture  intense.  Les  hidiens  de  Tastil 
ne  possédaient  pas  beaucoup  de  lamas,  ainsi  que  cela  est  dé- 
montré par  la  couche  de  débris  qui  contient  beaucoup  plus  d'os 
de  huanaco  que  de  lama.  La  présence  de  ces  os  de  huanaco  en 
aussi  grande  quantité  nous  montre  que  ces  hidiens  vivaient 
en  grande  partie  de  la  chasse.  Une  autre  industrie  pourrait 
également  les  avoir  aidés  :  le  commerce  de  sel  des  salinas  de 
la  Puna,  où  l'extraction  s'est  effectuée  sur  une  grande  échelle 
à  l'époque  préhispanique.  Il  est  possible  que  les  Indiens  de 
Tastil  allaient  chercher  ce  sel  aux  Salinas  Grandes  et  le  por- 
taient sur  le  dos  de  leurs  lamas  dans  les  vallées,  pour  l'échanger 
contre  du  maïs,  comme  le  font  encore  aujourd'hui  les  Indiens 
de  ces  régions.  Cependant  l'archéologie  de  Tastil  n'a  pas  donné 
beaucoup  d'objets  de  provenance  étrangère  attestant  que  ses 
habitants  aient  exercé  un  commerce  extérieur  florissant  et  actif. 

En  dehors  du  plateau  où  est  situé  l'ancien  village,  il  n'y  a 
presque  pas  de  ruines.  Les  seuls  restes  de  pircas  que  j'aie  vus 
sont  ceux  qui  portent  la  lettre  A  sur  le  plan  et  qui  sont  situés 
sur  les  montagnes  de  la  Quebrada  de  las  Cuevas. 


Pi..  XXIII. 


Fig.  (iS.  —  Moi'olmasi.  llcslcs  de  iniiis  des  rnrlos  |)i'i''liis|>aiii(|Mrs. 


^#^ 


^:.\' 


Fig.  6f).  —  Miii(iliii;i-i.  IU'sIps  (le  iniir>;  des  ciiclus  ])ivlii>-|>niiir]iics. 


Pl.  XXIV 


Fig.  70.  —  Morolluasi.  J-^cuelle  à  décor  |H'iiit.  —    r '2  gr.  nal. 


Fig.  •^1.  —  Mofiiliiiasi.  l'oloi'it's ,  morlicr  en  incnc  cl   Ixiis  de  iinifiod.  —  i/3  <rr.  nal. 


Pl.  XXV. 


Fig.  72.  —  Moroliuasi.  Urne  funéraire  d'enfant.  —   1/4  cr.  ual. 


Kig.  73.  —  M()i-(.liiiasi.  r/,  (ir.-ind  \asc  ,<m  I.tiv  nnle,  <lii  \illai,'.'  pivhispanùii 
/'.  l  rue  fnni'i-aiic  dViifaMl,  du  rinielièrc.  —  i/io  "r.  iial. 


Pl.  xxvl 


Fig.  7^.  —  Oiilils  en  bois  do  IVIoroliiiasi  [a.  d.  c)  et  de  Taslil  (/),  c).  —   i/5  gr.  nat. 


Pl.  xxvn. 


ig.  70.  —  Oiilils  (Il   l)(iis  lie  Moi'oliiinsi  [a.  h,  1,-n)  cl  de  T;i.slil  ((/-/).   \  :iniiiiii'  il   |>i'lil  sar 
(Il  [)cau  (le  PiKM'la  (le  Tasiil  [c.j). 


Pl.  XXVIII. 


1 

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Fig.  76.  —  P*iierta  de  Tastil.  Plateau  où  est  situé  le  village  préhispauique. 


Fi 


g-  77- 


Piierla   de    Taslil.  \  ne  mit  la   Oiirliiada  dri  'l'oro   \eis   Ir  Sud. 


Pl.  XXIX. 


Fig.  78.  —  Piiorla  (le  Tas(il  [r ,  c-h)  el  Tastil  [a,  h.  d).  Tiihos  on  os  de  lama  ;  l)()is  de  rrrf; 

ocre  rouge.  —  i/3  gr.  nal. 


I' ri.s  (le  l'iKTla  (Ir  Tasiil  {a.  h.  r]  ol   de  Taslil   (r/).   l'icriv  nm,l, 

«le  Taslil    [(•.).  —    i/;5  gr.  Mal. 


lie  riici'la 


Fig.  80.  —  Tiislil.   l'aitic  (le  l'agglfjrnéralion  d'enclos  du  vdiage  |)i'éliisj)ani(jt 


ti      H ue  %)aJj   Cerclas  /f//tcr'a.i/'cs 

3«3ajKaiI&  JFuj-s  en  „ pli-ca"       "^    J/orù'efS 


B 


Coupe    suivant  ^\-B 

Fig.  81.  —  Ruines  de  Tasiil.  IMaii  d'uni'  iiailie  do  raggli)tnéi-alii)n  (I'(>iirlos.  —  Erhelle  :   i/'ioo. 


Pl.  xxxi. 


Fig.  82.  — Tastii.  V 


asc  PU  [cru 


'  niile.  —   1/3  gr.  nat. 


Fig.  H.'}.  —  Taslil.  Va: 


poiiils  en  Iroi-  couiciir.s.  —   i/3  gr.  nal. 


Pl.  XXXII. 


l'ig.  8'i.  —  'l'aslil.  Calebasses  pyrogravées.  —  5/6  <^v.  nat.. 


l'ig.  85.  —  Taslil.   IVaLjnunl-;  dr  ikiIiti'i'  à   dvrov  pcin 


•j.r.   liai. 


QUEBRADA   DEL  ÏORO. 


379 


Sur  la  coHine  B,  il  y  aurait,  ni'a-t-on  dit,  quelques  pircas. 

Sur  la  peute  marquée  C  existent,  d'après  les  Indiens  du 
pays,  plusieurs  pétroglyplies  représentant  principalement  des 
lamas.  Sur  cette  même  pente  passe  la  route  préliispanique 
qui ,  comme  nous  l'avons  vu  plus  haut,  mène  de  Moroliuasi,  par 
Tastil  et  Capillas,  à  Pavogasta,  dans  la  Vallée  Calchaquie. 

Pétroglyphe  d'Incahuasi.  —  En  poursuivant  mon  chemin 
vers  le  Nord-Ouest,  par  la  Quehiada  de  las  Cuevas,  je  n'ai 
j)as  rencontré  d'autres  ruines  préhispaniques  avant  Cuesta  de 


FIl,'.  <S6.  —  Iiicaliuasi  (Acay).  Pétroglyphe.  —  i/io  i;r.  iial. 

Munano,  déhlé  très  escarpé  qui  donne  accès  au  haut  plateau 
de  la  Puna.  Au  pied  de  ce  défilé  et  également  au  pied  du  Cerro 
Bola,  montagne  qui  fait  partie  du  Nevado  del  Acay,  se  trouve 
un  assez  grand  village  préliispanique  en  ruines,  très  mal  con- 
servées d'ailleurs.  Les  indigènes  donnent  à  ces  ruines  le  nom 
d'Incahuasi.  Le  peu  de  temps  dont  je  disposais  ne  m'a  permis 
que  d'y  jeter  un  coup  d'œil.  Les  ruines  ressemblent  à  celles 
de  Morohuasi. 

A  côté  du  chemin  actuel,  en  face  de  Incahuasi,  j'ai  trouvé  le 
pétroglyphe /?</.  86.  Le  dessin  de  ce  pélroglyphe  est  d'un  ty]:)e 
différent  de  toutes  les  autres  inscriptions  rupestres  que  j'ai 
vnes  dans  les    régions   parcourues  pendant   mon    voyage.  Ce 


380  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

dessin  est  composé  de  figures  presque  géométriques  qui  for- 
ment une  bande  diagonale  sur  un  coté  du  bloc  de  quartzite 
où  se  trouve  le  pétroglyplie.  Quatre  croix,  dont  f  une  entourée 
d'un  encadrement  également  en  forme  de  croix,  font  partie  de 
finscription. 

La  croix  encadrée  de  cette  façon  est  un  ornement  très 
simple  qui  fait  partie  de  fart  décoratif  de  beaucoup  de  peuples 
primitifs.  Nous  la  trouvons  sur  des  pétroglyphes  de  la  ré- 
gion diaguite,  comme  ceux  de  San  Lucas  (département  de 
San  Carlos,  Vallée  Galchaquie)  et  de  Gerro  Negro  (Tinogasta  en 
Gatamarca),  reproduites  par  M.  Quiroga,  (303,  p.  211 ,  9.iS).  Dans 
le  décor  des  urnes  funéraires  de  Santa  Maria,  ce  signe  est 
fréquent.  La  croix  encadrée  de  cette  manière  existe  sur  des 
pétroglyphes  de  toute  fAmérique.  M.  Mallery  (228,  p.  48,  686) 
figuie  deux  de  ces  joétrogiyphes,  de  San  Francisco  Mountain, 
dans  l'Arizone,  et  d'Ometepec,  en  Guatemala. 

D'après  les  Indiens  habitant  Incahuasi,  il  y  a  d'autres  pétro- 
glyphes aux  environs. 

RÉSUMÉ. 

Les  trois  villages  préhispaniques  que  j'ai  examinés  dans  la 
Quebrada  del  Toro  ont,  sans  doute,  chacun  leurs  particularités. 
Il  y  a  des  variantes  dans  la  construction.  A  Morohuasi,  les  ha- 
bitations sont  en  général  isolées  fune  de  fautre,  à  Puerta  de 
Tastil  elles  sont  aussi  séparées  par  des  ruelles,  mais  à  Tastil 
elles  forment  une  agglomération  compacte  sans  autre  sépara- 
tion que  les  murs  toujours  communs  (fune  habitation  avec 
l'habitation  voisine.  Beaucoup  de  murs  à  Puerta  de  Tastil  sont 
doubles,  ce  qu'on  ne  trouve  pas  dans  les  deux  autres  villages. 
Ges  différences  de  construction  sont  peut-être  motivées  ])ar  la 
to])ographie  locale.  Les  modes  d'enterrer  les  morts  présentent 
aussi  des  différences.  A  Tastil,  les  cadavres  sont  constamment 
ensevelis  dans  le  sol  des  habitations.  A  Morohuasi,  le  sol  du 
village  n'offre^pas  d'ossements  humains;  tous  les  morts  ont  été 


QUEBRADA  DEI.  TOUO. 


381 


enterrés  dans  un  cimetière  spécial,  à  une  certaine  distance  des 
ruines.  Enfin,  à  Puerta  de  Tastil,  je  n'ai  pas  découvert  de  ci- 
metière, qui  jiourtant  doit  exister,  car  les  sépultures  des  con- 
structions circulaires  décrites  plus  haut  étaient  certainement 
exceptionnelles.  Mais,  malgré  ces  variantes,  les  villages  sont 
certainement  contem])orains  entre  eux,  car  les  ojjjets  trouvés 
dans  les  louilles  démontrent  une  identité  pai'laiie  d'industrie 
des  trois  villages. 

J'incline  à  croii'e  (pie  ces  villages  datent  approximativement 
de  l'époque  de  la  conquête  espagnole,  puisque  la  Quebrada 
del  Toro^^^  était  certainement  peuplée  à  cette  époque,  et  il  n'y 
existe  pas  de  vestiges  d'habitants  autochtones  postérieurs  à 
ceux  que  nous  avons  décrits.  Il  est  très  possil)le  que  les  vil- 
lages aient  continué  à  être  habités  un  certain  temj^s  après  la 
conquête. 

A  quelle  nation  appartenaient  les  anciens  habitants  de  la 
Quebrada  del  Toro?  Comme  je  l'ai  déjà  dit,  les  historiens  et 
les  documents  des  archives  ne  nous  fournissent  pas  de  ren- 
seignements à  ce  sujet,  du  moins  à  ma  connaissance^^^.  Si 
ces  Indiens  appartenaient  à  quelqu'un  des  peuples  voisins,  ce 
serait  aux  Pulares,  les  Diaguites  du  noj'd  de  la  Vallée  Calcha- 
quie,  aux  Atacamas  de  la  Puna  de  Jnjuy  ou  aux  «  Lules  »  de  la 
Vallée  de  Lerma.  Parmi  les  objets  rencontrés  au  cours  de  mes 
fouilles  dans  la  Quebrada  del  Toro,  ])lusieurs  sont  analogues 
à  des  objets  trouvés  dans  les  sépultures  de  la  région  diaguite 
ou  de  la  Puna,  ou,  jdIus  souvent  encore,  communs  aux  trois 


'"'  Au  commencement  du  xviii'  sircle, 
le  nom  «  Quebrada  del  Toro  »  ne  seml)le 
pas  avoir  été  en  usage  parmi  les  Espagnols, 
car,  sur  les  caries  de  d'An  ville  (36)  et  de 
Lo/.ano  (219),  toulos  deux  de  J733,  la 
rixière  qui  y  passe  est  dénommée  «Hio 
Quebrada  I),  sans  «pi'il  soit  ajouté  «del 
Toro».  lia  (picbiadn,  selon  toute  proba- 
bilité, a  pris  son  nom  des  trois  «  Lagunas 
del  Toro»,  mais  il  est  douteux  que  leur 
nom  «Toro»  soit  l'écpiix aient  espagnol  du 


mot  français  «  laureau  »  ou  (ju'il  s'agisse 
du  mot  alacameno  loro  —  anus.  Le  village 
Toro,  dans  le  nord  de  la  Puna  de  Ata- 
cama,  prend  très  probablement  son  nom 
(le  ce  dernier  mot. 

'^'  Je  ne  connais  pas,  il  esl  \  rai ,  l'ou- 
vrage de  M.  Manuel  Zorreguiela  :  ApniUcs 
hisinricos  de  la  l^roviucùi  de  Salla  ;  Salla, 
1876.  Pcul-éire  y  trouvera- Ion  quehpies 
rcnseignemenls  sur  les  Indiens  de  la  Que- 
brada del  Toro. 


382  ANTIQUITES  DE  LA  REGION  ANDINE. 

régions.  Ces  analogies  ne  sont  pourtant  pas  assez  importantes 
pour  permettre  fie  classer  les  anciens  habitants  de  la  Quebrada 
ni  parmi  les  Diaguites,  ni  parmi  les  Atacamas.  Au  contraire, 
riiabileté  industrielle  et  artistique  des  Indiens  préhispaniques 
de  la  Quebrada  del  Toro  démontre  un  degré  de  développement 
très  inférieur  à  celui  des  Diaguites  en  général.  En  ce  qui  con- 
cerne les  Atacamas,  il  y  a  autant  de  différences  que  d'analo- 
gies ethnographiques,  et  Ton  peut  alléguer  beaucoup  d'autres 
raisons  contre  de  ])rétendues  affinités  de  ce  côté,  surtout  des 
raisons  géographiques.  Des  «  Lules  »  des  chroniqueurs  il  n'y  a 
pas  à  parler,  car  ils  étaient  des  nomades,  et  les  Indiens  de  la 
Quebrada  étaient  bien  sédentaires.  Comme  conclusion,  nous 
n'avons  pas  d'éléments  pour  résoudre  la  question  de  l'affuiité 
ethnique  des  anciens  habitants  de  la  Quebrada  del  Toro. 


TABLE  DES  FIGURES. 

ri.                  l'ig.  Pages. 

1.   Carte  etlinicjue  de  la  région  andine  entre  les  22*  et  33"  degrés 

(xvi"  siècle) 80 

I,  2.  Région  diagnite.  Statuettes  humaines  et  tètes  d'animaux  mode- 

lées en  terre  cuite 122 

II.  3.  El  Banado  (Quilmcs).  Ecuelle  poussée  dans  de  la  vannerie.  .  .  122 
II.  4.  Capillitas  (Andalgala)  et  «  Vallée  Calcliaquie  ».  Barres  en  pierre.  122 
m.          5.  Région  diaguite.  Haches  en  pierre 12G 

0.   Principales  lormes   d'urnes   l'unéraires    de    la  région    thaguite. 

1  '■''  série 162 

7.   Idcin.  2"  série i52 

IV.  8.   Urnes  funéraires   de  la  Vallée  de   Vocavil  ayant  contenu    des 

squelettes  d'enfants 1 58 

V.  9.  Idem i58 

10.  Carte  de  la  région  des  Diaguites  indicpiant   les  localités  d'un 

intérêt  archéologique 212 

11.  Pian  de  la  ruine  où  ont  été  faites  les  trouvailles  de  Lapaya  ...  217 

12.  Lapaya.  Coupe  verticale  de  la  boide  en  cuivre  fuj.  13  u ,  0.  .  .  .  'l'i'i 

VI.  13.  Lapaya.  Objets  en  or,  en  cuivre,  en  os,  en  bois,  en  pierre.  .  .  2/16 

VII.  14.  Lapaya.  Cloche,  hache  à  oreilles  et  liacbes  à  j)édoncule  central, 

en  cuivre 2^0 

VIII.  15.   Hache  en  cui\re,  à  [)édoncule  central,  emmanchée,  de  Chiclayo 

(Chimu).   Modèle  ancien,  en  cuivre,  de  hache  à  oreilles, 

emmanchée,  du  Haut-Pérou 2/i(i 

Mil.      I().   San  Fernando  (Belen,  Catamarca).  .Moule  en   terre  cuite  pour 

coulei'  des  haches  à  oreilles 2/16 

l\.        17.   Lapa)a.  Timbale  en  bois  laqué  et  reconstitution  de  son  dessin.  a/iO 

LX.        18.  Lapaya.  Petites  tind)ales  en  bois 2  4(1 

l\.        19.   Lapaya.  Hache  de  pierre 2^0 

L\.        20.   Lapaya.  Co([uille  marine  [Pecleii  i)uij)uratus ,  Ltnh.) 2^0 

X.        21.  Ijapaya.  Vase  aryballoide 2  ^i() 

X.  22.  Lapaya.  Vase  en  terre  cuite 2/i() 

XI.  23.  Lapaya.  Vase  en  terre  cuite 2  ^|() 

XI.  24.   Lapaya.  Vase  en  terre  cuite 2  i() 

XII.  25.  Lapaya.  Plat  en  terre  cuite 2/16 

XII.  26.  Lapaya.  Tasse  en  terre  cuite 2'i() 

XIII.  27.   Lapa\a.  Poteries 2  1() 

XIV.  28.  Lapaya.  Poteries 2l(i 

W.      29.   Lapaya.  Plat  en  terre  cuile 2'|() 

X\  .      30.   Lapaya.  Kcuell<'  de  la //<y.  "28  c  présentée  |)ar  le  dos  |)oiir  mon- 
trer les  empreintes  de  vanneiie  du  fond 2/|() 

31.  Urne  funéraire  du  cimetière  d'Kl  Carmen 267 


384  TABLE  DES  FIGURES. 

XVI.     32.   Cimetière  d'Ei  (^iarnieii.  Fragments  d'une  urne  funéraire  et  de 

son  couvercle 268 

XVI.  33.  Cimetière  d'Ei  Carmen.  Cylindre  en  terre  cuite 2  58 

3'i.   Urne  lunéraire  de  Providencia  (San  Pedro) 260 

35.  Tumuius  de  Pucarâ  de  Lerma.  Aspect  général;  plans  de  deux 

tuniulus;  coupe  verticale 281 

36.  Tumuius  de  Pucarâ  de  Lerma.  Plan  du  groupe  A  (10/17  t'"iin- 

lus  conservés 285 

37.  Tumuius  de  Pucarâ  de  Lerma.  Plan  du  groupe  B  (  i58  tumidus).  28G 

38.  Tumuius  de  Pucarâ  de  Lerma.  Plan  du  groupe  C  (465  tuniulus).  286 

39.  Tumuius  de  Pucarâ  de  Lerma.  Environs  des  groupes  B  et  C. .  288 
^lO.  Plan  de  la  ruine  de  Carbajal 309 

XVII.  il.  Pucarâ  de  Lerma.  Urne  funéraire 3 10 

XVII.  42.  Pucarâ  de  Lerma.  Ciseau  et  poinçon  en  cuivre 3  10 

XVIII.  43.  Pucarâ  de  Lerma.  Aryballe 3  10 

XIX.  kk.  Pucarâ  de  Lerma.  Broyeur  en  pierre  et  poteri(  s 3io 

XIX.  45.  Pucarâ  de  Lerma.  Poteries 3io 

XX.  46.   Carbajal.  Petit  mortier  et  autres  })ièces  en  calcaire  zone.  Pierres 

à  taille  commencée,  de  la  même  roche , 3io 

XX.  47.  Carbajal.  Mortier  en  grès  rouge 3io 

48.  Tinti.  Plan  d'une  habitation  du  village  préhis])anique 3i2 

49.  Tinti.  Ecuelle  en  terre  cuite 3  i/i 

XXI.  50.   Golgota.  Hacienda  et  cimetière  pi  éhispanicpie  ;  vue  prise  de  la 

Quebrada  del  Toro 328 

XXI.  51.   Golgota.  Vue  de  la  barranca  contenant  les  sépultures  préhispa- 

niques   328 

XXII.  52.   Golgota.  Ecuelle  en  terre  cuite 328 

XXU.   53.   Golgota.  Plaque  en  or  et  fragraenls  de  poterie  gravée 328 

XXII.  54.  Golgota.  Bracelets  en  cuivre 328 

55.  Plan  du  village  préhispanique  de  Morobuasi 333 

56.  Morobuasi.  Ciseaux  et  plaque  en  cuivre.  Objet  en  bois 34 1 

57.  Morobuasi.  Deux  arcs  en  coupe 343 

58.  Coupe  verticale  de  la  route  préhispanique  de  Morobuasi  a  Inca- 

huasi 347 

59.  Quebrada  del  Bosal.  Pétroglyphe , 35o 

60.  Quebrada  del  Rosal.  Pétroglyphe 35i 

61.  Plan  du  village  prébispanicjue  de  Puerta  de  Tasiil 355 

62.  Puerta  de  Tastil.  Poterie 358 

63.  Puerta  de  Tastil.  Vannerie 358 

64.  Puerta  de  Tastil.  Constructions  circulaires 36 1 

65.  Forme  des  empreintes  cViisulas  gravées  sur  le  pétroglyphe^  [)rès 

de  Puerta  de  Tastil 365 

66.  Plan  du  village  préhispanique  de  Tastil  et  de  ses  environs 368 

67.  Tastil.    Poinçon  et  ciseaux  en  cuivre.   Pendeloque  en   argent. 

Pendeloques  en  pierre 372 


TABLE  DES   FIGURES.  385 

XXIII.  68.  Morohuasi.  Restes  de  murs  des  enclos  préhispaniques 878 

XXm.      69.  Idem 878 

XXIV.  70.  Morohuasi.  Écueiie  à  décor  peint 378 

XXIV.  71.  Morohuasi.  Poteries,  mortier  en  pierre  et  bois  de  qiierioa.  .  .  878 

XXV.  72.  Morohuasi.  Urne  funéraire  d'enfant 878 

XX.V.       73.  Morohuasi.  Grand  vase  en  terre  cuite,  du  village  préhispa- 
nique. Urne  funéraire  d'enfant,  du  cimetière 878 

XXVI.  74.  Outils  en  bois  de  Morohuasi  et  de  Tastil 878 

XXVII.  75.  Outils  en  bois  de  Morohuasi  et  de  Tastil.  Vannerie  et  petit 

sac  en  peau  de  Puerta  de  Tastil 878 

XXVIII.  76.  Puerta  de  Tastil.  Plateau  où  est  situé  le  village  préhispa- 

nique   878 

XX VIII.  77.  Puerta  de  Tastil.  Vue  sur  la  Quebrada  del  Toro  vers  le  Sud.  878 

XXIX.  78.  Puerta  de  Tastil  et  Tastil.  Tubes  en  os  de  lama  ;  bois  de  cerf; 

ocre  rouge 878 

XXIX.  79.  Puerta  de  Tastil  et  Tastil.  Poteries 878 

XXX.  80.  Tastil.  Partie  de  l'agglomération  d'enclos  du  village  préhispa- 

nique   878 

XXX.  81.  Ruines  de  Tastil.  Plan  d'une  partie  de  l'agglomération  d'en- 

clos   878 

XXXI.  82.  Tastil.  Vase  en  terre  cuite 878 

XXXI.  83.  Tastil.  Vases  peints  en  trois  couleurs 878 

XXXU.     84.  Tastil.  Calebasses  pyrogravées 878 

XXXII.  85.  Tastil.  Fragments  de  poterie  à  décor  peint 878 

86.  Incahuasi  (Acay).  Pétroglyphe 879 


33 

IP.    KATIOHALR. 


TABLE   DES   MATIÈRES 
CONTENUES  DANS  LE  TOME  PREMIER. 

Pages. 

(]arte  ethnique  de  la  région  andine  de  l'Amérique  du  Sud  entre  le  22^  et 

LE  33^  degré  latitude  Sud,  au  xvi*  siècle ^ 

Sources  historiques  de  la  Carte  ethnique G 

Diaiïuites 


12 

32 

Huari 


Araucans. 


'Pes 33 

Comechingons 3„ 

Sanavirons  et  Indamas /.q 

«  Juris  » L 

Tonocotés ^-^ 

Luies 55 

Atacamas , r:  o 

Uros  (Changos) (j„ 

Omagnacas „3 

Tobas __ 

77 

Antiquités  de  la  région  diaguite  dite  «  région  calchaquie  » 81 

Description  sommaire  du  territoire  des  anciens  Diaguites 83 

Littérature  archéologique  sur  la  région  andine  de  la  République  Ar- 
gentine. Le  nom  «  Calchaqui  » q3 

Ruines ' 

Industrie ^  ^  ^ 

Céramique ^  ^  j 

Pierre  sculptée  et  taillée ,  o3 

Métaux ^  ■^/ 

Bois  sculpté.  Os  sculpté ,3.7 

Industrie  textile.  Vêtements i38 

Sépultures ^ /p, 

Cimetières  d'enfants  enlenés  dans  des  urnes 1  /|8 

Pétroglyphes ^^o 

Folklore.       ,^_ 

,                                           w7 

Prétendue  descendance  commune  des  «  Calchacpifs  »  et  des  Indiens 

Pueblos 1^3 

Rapports  entre  l'ancienne  civilisation  péruvienne  cl   la  ciildirc  |)iV'- 

hispanique  de  la  région  diaguite 187 

Archéologie ^88 

La  langue  quichua  et  le  Iblkiore  péruvien 192 

Renseignements  historiques 107 


388  TABLE  DES  MATIÈRES. 

f.APAVA  (Vallée  Calciiaquie) 2  i3 

Lapaya 2i5 

Objets  en  or 218 

Objets  en  cuivre 220 

Objets  en  bois 233 

Objets  en  os 2  33 

Objets  en  pierre 2  36 

Céramique 237 

Coquillage 2^2 

Une  monnaie  romaine 2/12 

Résumé 2I1I1 

Vallée  de  Lerma 2/17 

La  Vallée  de  Lerma , 2/19 

Archéologie  de  la  Vallée  de  Lerma. 255 

El  Carmen,  cimetière  probablement  d'origine  guaranie 2  55 

Pucarâ  de  Lerma.  Groupes  de  tumulus 279 

Fouilles  dans  les  environs  de  Pucarâ  de  Lerma  et  d'El  Carmen.  294 

Urne  funéraire 29/1 

Aryballe 295 

Autres  objets 3o6 

Carbajal 3o8 

Tinti 3ii 

Ruines  préhispaniques  dans  d'autres  parties  de  la  Vallée  de  Lerma .  3 1 5 

Résumé 3i6 

QUEBRADA  DEL   ToRO 3l9 

La  Quebrada  del  Toro 32i 

Archéologie  de  la  Quebrada  del  Toro  et  de  la  Quebrada  de  las  Cuevas.  327 

Golgota 327 

Morohuasi 33 1 

Ruines 332 

Cimetière 339 

Chaussées  préhispaniques  de  Morohuasi  à  Incahuasi  et  à  Payo- 
gasta.  Pétroglyphes.  La  partie  nord  de  la  Quebrada  del  Toro. 

Chani 345 

Puerta  de  Tastil 35A 

Pétroglyphes 36d 

Tastil .' 367 

Péti'oglyphe  d'Incahuasi 379 

Résumé 38o 


La  bibliographie  sera  insérée  à  la  fin  du  tome  II. 


3  3125  00033  4751 


-^*c 


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