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Full text of "Antoine de Bourbon et Jeanne d'Albret, suite de Le mariage de Jeanne d'Albret"

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PROKFSSOR  T.S.WILL 


HANDHOLND 
AT   THE 


UN1VI  RSITY  OF 
TORONTO  PRESS 


411 


ANTOINE  DE  BOURBON 


ET 


JEANNE  D'ALBRET 


IMPRIMERIE   DAUPELEY-GOUVERNEUR,    A    NOGENT-LE-ROTROU. 


ANTOINE  DE  BOURBON 


ET 


JEANNE  D'ALBRET 

SDITE     DE 

LE  MARIAGE  DE  JEANNE  D'ALBRET 

P  A  R 

LE  BARON  ALPHONSE  DE  RUBLE 
TOME  QUATRIÈME 


PARIS 

ADOLPHE  LABITTE 

LIBRAIRE    DE   LA    BIBLIOTHEQUE    NATIONALE 
4,    RUE   DE    LILLE,    4 

1886 


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ANTOINE  DE  BOURBON 

ET 

JEANNE   DALBRET 

CHAPITRE   SEIZIÈME. 

Séparation  du  roi  et  de  la  reine  de  Navarre. 

La  reine  mère  passe  au  parti  réformé.  — Elle  modifie, 
au  profit  de  ses  nouvelles  tendances ,  V éducation  de 
ses  enfants. 

Assemblée  de  Saint-Germain  (3  janvier  1o()2).  —  Êdit 
de  janvier  (17  janvier).  —  Opposition  du  parlement. 
—  17  se  résigne  à  V enregistrement  de  Védit  (5  mars). 

Colloque  de  Saint-Germain  au  sujet  du  culte  des  images 
(27  janvier-^  février) . 

Le  roi  de  Navarre  passe  au  parti  catholique.  —  Reprise 
des  négociations  avec  le  roi  d'Espagne  au  sujet  de  la 
Sardaigne.  —  Philippe  II  demande  le  renvoi  des  chefs 
du  parti  réformé.  —  Projet  d'envoyer  le  prince  de 
Condé  en  Guyenne.  —  Philippe  II  exige  Vexil  des 
Cliastillons.  —  Le  duc  d'Albe  offre  la  Tunisie  au  roi 
de  Navarre  (1 8  janvier).  —  Rivalité  de  la  reine  mère 
iv  1 


2  ANTOINE    DE   BOURBON 

et  du  roi  de  Navarre.  —  Retraite  du  connétable 
(2G  janvier).  —  Antoine  demande  à  la  reine  le  renvoi 
des  Chastillons  (12  février).  —  Retraite  volontaire 
de  Coligny  (22  février).  —  Renvoi  du  maréchal  Saint- 
André. 

Retour  d'Antonio  d'Almeida  à  Madrid  (5  mars).  —  Les 
chefs  du  parti  catholique  recommandent  le  roi  de 
Navarre  à  Chantonay. 

Querelles  de  Jeanne  d'Albret  et  du  roi  de  Navarre  au  sujet 
de  la  religion.  —  État  de  santé  de  la  princesse.  — 
L 'ambassadeur  dEspagne  demande  l'expulsion  de 
Jeanne  dAlbret. — Jeanne  quitte  la  cour  (fin mars). — 
Henri  de  Réarn  reste  auprès  de  son  père;  sa  résistance 
au  catholicisme.  —  Jeanne  dAlbret  à  Vendôme.  — 
Pillage  de  la  collégiale  de  Vendôme  et  des  tombeaux 
de  la  maison  de  Rourbon-Vendôme  (mai).  —  La  reine 
de  Navarre  se  retire  en  Réarn. 


La  tentative  d'enlèvement  du  duc  d'Orléans  par  le 
duc  de  Nemours,  au  mois  d'octobre  1  561 ,  avait  affaibli 
les  liens  qui  retenaient  la  reine  mère  dans  le  parti 
catholique  *.  La  retraite  des  Guises  hors  de  la  cour  l'ai- 
dait à  se  désintéresser  de  leur  parti*.  L'alliance  du 
roi  de  Navarre  avec  les  catholiques  porta  le  dernier 
coup  à  sa  politique  d'équilibre.  Celui  qu'elle  avait 
essayé  d'opposer  aux  triumvirs  s'associait  lui-même 
aux  triumvirs  et  laissait  la  dynastie  des  Valois  sans 
défense  devant   les   tracasseries   du   connétable,   les 

l.  Bèze,  Eut.  aras.,  1841,  t.  [,  p.  i20  el  121. 
:.  Lettre  de  Chantonay  A   Philippe  Œ,  du   .,v:  octobre  (Orig. 
espagnol;  Arch.  mit.,  K.  1494,  a*  105). 


ET   JEANNE    DALBRET.  3 

perfidies  du  maréchal  de  Saint-André  et  les  exigences 
insondables  du  duc  de  Guise.  Le  danger,  aggravé 
par  l'ambition  des  Bourbons,  de  rester  seule  avec 
ses  enfants  mineurs  parut  imminent  à  la  reine.  Cette 
situation  fut  étudiée  dans  le  plus  grand  secret  par 
ses  conseillers  intimes,  Jean  de  Monluc,  évêque  de 
Valence,  le  chancelier,  la  dame  de  Crussol.  Après  de 
nombreuses  hésitations,  que  Monluc  eut  l'adresse  de 
dissiper,  la  reine  résolut  de  suivre  le  mouvement,  qui, 
depuis  l'ouverture  du  colloque  de  Poissy,  entraînait  la 
cour  et  le  royaume  vers  le  triomphe  du  parti  réformé, 
et,  dit  Davila,  «  de  se  liguer  avec  l'amiral  et  le  prince 
«  de  Condé,  de  fomenter  leurs  entreprises,  pour  se 
«  faire  un  bouclier  de  leurs  forces,  et  de  rajuster  et 
«  contrebalancer  de  ceste  sorte  la  puissance  des  deux 
«  factions1.  » 

Ce  changement  ne  se  fit  pas  en  un  jour.  A  mesure 
que  le  roi  de  Navarre  penchait  davantage  dans  le  sens 
de  la  politique  espagnole,  la  reine  se  rapprochait  des 
réformés.  Le  premier  acte  de  Catherine  fut  une  enquête 
sur  les  forces  de  ses  nouveaux  défenseurs.  Informée  que 
les  églises  calvinistes  étaient  organisées  en  vue  d'une 
résistance  armée,  elle  demanda  à  Coligny  l'état  de  ses 
soldats.  La  demande  parut  suspecte  à  la  plupart  des 
religionnaires,  mais  Coligny  sentit  qu'elle  cachait  une 
avance.  Il  produisit  une  liste  de  21,150  églises,  plus 
ou  moins  nombreuses,  plus  ou  moins  bien  assises, 
mais  toutes   capables   d'offrir   des  soldats   au  roi2. 

1.  Davila,  Hist.  des  guerres  civiles,  in-fol. ,  t.  I,  p.  96.  — 
Mémoires  de  Tavannes,  coll.  PetitoL,  p.  324.  —  Davila  mérite  du 
crédit  pour  l'histoire  de  la  politique  de  la  reine  mère. 

2.  Les  éditeurs  de  la  Biographie  protestante  des  frères  Haag  onl 


4  ANTOINE    DE    BOURBON 

A  l'aide  de  cette  liste,  Catherine  fit  courir  secrètement 
d'église  en  église,  sans  se  compromettre,  une  sorte 
d'appel,  où  le  royaume  de  France  était  représenté 
comme  menacé  d'une  invasion  espagnole  ou  catho- 
lique1. Le  prince  de  Coudé  et  Coligny,  au  nom  de  leur 
parti,  lui  promirent  une  armée  de  cinquante  mille 
hommes ,  moyennant  une  alliance  cimentée  par  des 
pactes  formels  et  par  des  gages  réciproques2. 

Il  est  impossible  d'évaluer,  môme  approximative- 
ment, les  forces  du  nouveau  culte.  Les  ambassadeurs 
vénitiens,  les  seuls  qui  présentent  des  vues  d'ensemble, 
se  contentent  d'affirmer  que  toutes  les  villes  étaient 
troublées  par  les  réformés3,  mais  ces  accusations 
n'établissent  pas  le  nombre  des  séditieux.  Le  nonce 
du  pape,  Prosper  de  Sainte-Croix,  estime  que  les  reli- 
gionnaires  étaient  dans  la  proportion  de  trois  ou  quatre 
pour  cent  catholiques4.  Dans  le  gouvernement  du 
maréchal  de  Saint-André,  en  Lyonnais,  on  comptait  à 
peine,  dit  Chantonay,  cinquante  hérétiques  sur  une 
population  de  4,000  bourgeois  ou  chefs  de  maisons5. 
Les  réformés  ou  calvinistes  (on  commençait  alors 
à  leur  donner  ce  nom1')  étaient  donc  peu  nombreux, 

essayé  de  refaire  cette  liste  (t.  X,  p.  52).  Leur  travail,  quoique 
très  incomplet,  fournil  de  précieuses  indications. 

1.  Bèze,  llisi.  ecclês.,  1841,  t.  i,  p.  120.  L'appel  de  la  ivine  est 
imprimé  par  de  Bèze.  —  Dupleix,  Hist.  de  France,  t.  III.  p.  (>17. 

2.  Mémoires  de  Tavannes,  dans  la  coll.  Petitot,  p.  ;U7. 

3.  Relations  des  amb.  /■<////.,  par  Tmuaseo,  t.  I,  p.   111  et  èl7, 
t.  II,  p.   17,  de  la  Coll.  des  doc.  inédits. 

4.  Lettres  de  Sainte-Croix,  dans  les  Archives  curieuses  de  Gimbei 
el   Danjmi,  i.  VI,  p.  38. 

5.  Lettre  de  Ghantonaj  à  I  Mu  lippe  11,  du  5  janvier  (Orig.  espa- 
gnol .  Arch.  nai .,  k.  1  i'.)7,  h"  3). 

il.  Mémoires  de  Gauffreteau,  t.  I,  p.  97. 


ET    JEANNE    D  ALBRET.  5 

mais  ils  se  recrutaient  dans  les  masses  militantes,  parmi 
les  hommes  avides  de  nouveauté,  de  bruit  et  de  sédi- 
tion. 

Le  premier  gage  que  Catherine  donna  à  ses  alliés 
fut  de  modifier  l'éducation  de  ses  enfants.  Le  roi 
avait  pour  gouverneur  Philibert  de  Marcilly,  sei- 
gneur de  Cypierre,  gentilhomme  catholique,  étran- 
ger aux  partis.  Il  était  difficile  de  le  renvoyer  sans 
cause;  le  hasard  en  fournit  l'occasion.  Un  jour  la 
reine  donna  au  roi  une  traduction  des  psaumes,  popu- 
larisée par  de  Bèze  à  la  cour,  en  lui  recommandant  de 
cacher  le  volume  à  son  gouverneur.  A  la  première 
visite  de  Cypierre,  Charles  IX  lui  montra  avec  orgueil 
le  cadeau  de  la  reine.  Cypierre  le  fit  aussitôt  dispa- 
raître et  dit  au  roi  qu'un  homme  ne  devait  pas  obéir 
aux  femmes,  conseil  qui  tlattait  l'orgueil  de  l'enfant 
royal.  Cypierre  eut  l'imprudence  de  révéler  le  fait  au 
connétable,  qui  blâma  publiquement  la  reine1.  Cathe- 
rine saisit  ce  prétexte  pour  disgracier  Cypierre.  La 
dame  de  Roye,  belle-mère  du  prince  de  Condé,  et  la 
dame  de  Crussol,  qui  pratiquaient  la  réforme,  furent 
chargées,  d'assister  au  lever  et  au  coucher  du  roi 
«  et  de  luy  faire  la  leçon2.  »  Cypierre  fut  remplacé 
par  le  prince  de  la  Roche- sur -Yon.  Le  nouveau 
gouverneur  tenait  par  sa  naissance  à  la  maison  de 
Bourbon  et  par  ses  opinions  religieuses  au  parti  catho- 
lique le  plus  modéré.  Mais  son  âge  et  ses  infirmités 
(il  avait  la  goutte)  le  rendaient  incapable  d'accom- 

1.  Lettre  de  Tornabuoni,  du  6  janvier  (Négoc.  delà  France  avec 
la  Toscane,  t.  III,  p.  471). 

2.  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  du  3  février  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  mit.,  lv.  1497,  n°  8). 


6  ANTOINE    DE    BOURBON 

pagncr  un  enfant  de  douze  ans  à  la  chasse,  à  cheval, 
aux  armes,  à  la  paume4.  Cypierre  au  contraire  avait 
su  entrer  dans  les  bonnes  grâces  de  son  jeune  maître 
en  prenant  part  à  tous  ses  jeux.  Quand  il  quitta  la  cour, 
le  roi  montra  plus  de  chagrin  qu'on  n'aurait  pu  l'at- 
tendre de  son  âge. 

Le  vendredi  soir,  dit  Shakerley  (le  jour  où  ce  gouverneur  a 
élé  nommé),  le  roi  n'a  presque  pas  mangé.  La  reine  apprenant 
cela  a  été  pour  le  consoler,  à  quoi  il  n'a  rien  répondu,  mais  il 
a  demandé  pourquoi  M.  Sipiere  n'était  plus  son  gouverneur,  et 
qu'il  n'en  voulait  pas  d'autre,  à  quoi  la  reine  n'a  rien  répondu. 
Le  matin  suivant,  le  nouveau  gouverneur,  après  avoir  salué  le 
roi,  lui  demanda  de  venir  jouer  dans  la  grande  salle,  comme  il 
est  accoutumé  de  le  faire,  à  quoi  il  a  répondu  qu'il  ne  voulait 
pas  jouer  ;  el  il  est  allé  à  la  messe  2. 

Le  duc  d'Orléans,  que  le  parti  catholique  avait  rêvé 
de  prendre  pour  chef,  fut  confié  aux  prêcheurs  de  la 
reine  de  Navarre.  Élevé,  ainsi  que  son  plus  jeune  frère, 
«  à  prier  Dieu  en  langue  vulgaire3,  »  il  embrassa  la 
réforme  avec  une  passion  inattendue.  Languet  écrit 
qu'en  pleine  cour  il  demanda  un  jour  à  sa  mère  de  ne 
pas  lui  donner  «  d'autres  ecclésiastiques  »  que  des 
Luthériens1.  De  tous  les  enfants  de  Catherine,  Mar- 
guerite seule  conserva  sa  gouvernante  catholique. 
Les  querelles  de  religion  N  qui  mettaient  en  feu  le 
royaume,  pénétraient   ainsi   dans  les   chambres  des 

1.  Lettre  de  Ghantonayà  Philippe  11,  'lu  30janvie]  1562  I 
espagnol  ;  A.rch.  aat.,  K.  1 197,  u"  7). 

2.  Lettre  de  Shakerley,  agenl  anglais  à  la  cour,  à  l'ambassa- 
deur Throckmorton  (nov.  1561)  (Calendars,  1564,  p.  384). 

3.  Tocsin  contre  lis  massacreurs,  1579,  in-8°,  p.  15. 

i.  Lettres  de  Languet,  citées  dans  Hubert  Languet,  par  M.  Che- 
vreuil,  p.  50. 


ET   JEANNE   d'aLBRET.  7 

fils  de  France.  Marguerite  raconte  dans  ses  Mémoires 
l'obstination  enfantine  de  son  frère,  le  duc  d'Orléans, 
à  la  convertir  à  la  religion  nouvelle. 

Mon  frère  d'Anjou,  depuis  roy  de  France,  de  qui  l'enfance 
n'avoit  peu  esviler  l'impression  de  la  malheureuse  hugueno- 
terie,  qui  sans  cesse  me  crioit  de  changer  de  religion,  jettoit 
souvent  mes  heures  dans  le  feu,  et  au  lieu  me  donnoit  des 
psalmes  et  prières  huguenotes,  me  contraignant  les  porter;  je 
luy  respondis,  à  telles  menaces,  fondante  en  larmes,  comme 
l'aage  de  sept  à  huit  ans,  où  j'estois  lors,  y  est  assez  tendre, 
qu'il  me  fist  fouetter  et  qu'il  me  fist  tuer  s'il  vouloit  ;  que  je 
souffrirois  tout  ce  que  l'on  me  sçauroit  faire,  plustost  que  de  me 
damner  ' . 

Les  nouvelles  tendances  de  la  reine  ne  restèrent  pas 
longtemps  inaperçues.  Chantonay  prit  l'éveil  avant 
même  que  l'évolution  fut  un  fait  accompli.  Dans  ses 
nombreuses  conférences  avec  Catherine,  il  essaya  en 
vain  de  lui  démontrer  que  le  triomphe  de  la  réforme 
serait  le  triomphe  de  la  maison  d'Albret.  La  régente 
restait  incrédule  ;  elle  croyait  encore  au  dévouement 
du  roi  de  Navarre  et  attachait  du  prix  aux  égards  d'éti- 
quette que  Gondé  et  Coligny  lui  prodiguaient  en  retour 
de  sa  tolérance2.  Chantonay  crut  faire  reculer  la  reine 
en  agitant  encore  une  fois  le  fantôme  de  l'intervention 
espagnole.  Il  conseilla  à  son  maître  de  prendre  une 
attitude  plus  impérieuse.  Philippe  II  envoya  le  comte 
de  Horn3   à  Saint -Germain   et   proposa  à  la  reine 

1.  Mémoires  de  Marguerite  de  Valois,  édit.  Lalanne,  dans  la  Biblio- 
thèque elzévirienne,  p.  6  et  7.  —  Ce  fait  est  confirmé  par  un 
mémoire  rétrospectif d'Ala va  (Arch.  nat.,  K.  1527,  n°  67). 

2.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  11,  du  10  septembre  (l  h 
espagnol  :  Arch.  nat.,  K.  1  194,  n<>  100). 

3.  Lettre  de  Throckmorton,  du  14  novembre  [Calendars,  1561, 


8  ANTOINE   DE   BOURBON 

une  armée,  des  capitaines,  de  l'argent  pour  exter- 
miner les  hérétiques,  propositions  qu'il  aurait  été 
fort  embarrassé  de  tenir.  Le  28  novembre,  il  adressa 
à  la  reine  des  conseils  qui  ressemblent  à  des  menaces1. 
Chaque  sommation  avait  la  vertu  d'effrayer  Catherine, 
mais  n'effrayait  qu'elle.  «  Les  avis  de  Votre  Majesté, 
«  écrit  Chantonay,  causent  de  prime  abord  quelque 
«  appréhension,  qui  dure  ordinairement  deux  ou  trois 
«  heures,  jusqu'à  l'arrivée  des  consolateurs,  qui  apla- 
«  nissent  les  choses;  et  celles-ci  continuent  leur  train 
«  ordinaire  2.  »  Les  consolateurs  étaient  les  politiques 
avisés  qui  connaissaient  la  pénurie  de  la  monarchie 
espagnole.  Dès  le  23  octobre,  par  une  lettre  fermement 
motivée,  le  roi  et  la  reine  déclinent  les  propositions  de 
secours  du  roi  d'Espagne3.  La  môme  déclaration  est 
signifiée  à  Chantonay  à  Saint-Germain1.  Le  26  décembre, 
le  roi,  informé  que  les  chefs  du  parti  catholique  multi- 
pliaient auprès  du  roi  d'Espagne  les  demandes  d'inter- 
vention et  de  secours  et  que  Philippe  11  leur  prêtait  une 
oreille  favorable ,  écrit  sèchement  à  son  ambassadeur  : 
«  11  fault  que  le  roy  catholique,  mon  bon  frère,  considère 
«  que  chacun  veult  estre  maistre  en  sa  maison  et  se 
«  faict  servir  à  sa  guyse  ;  et  n'appartient  pas  au  sub- 
«  ject,  quand  son  maistre  luy  commande  chose  rai- 


p.  396).  Le  comte  de  Horn  passa  à  Saint-Germain  Le  30  octobre 
(Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  31  octobre;  Orig.  espa- 
gnol, Aivh.  N. h.,  k.  1 194,  h0  106). 

1.  Copie  du  temps;  f.  IV.,  vol.  16103,  f.  106. 

2.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  24  octobre  (Orig.  espa- 
gnol ;  K.  1495,  ii"  86). 

3.  Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  I,  p.  240,  cote,  et  241. 

4.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II.  du  28  aovembre  (Orig. 
espagnol  .  A.rch.  nal .,  K.  I  194,  w"  114). 


ET   JEANNE    DALBRET.  9 

«  somiable,  de  s'en  plaindre  ou  recourir  ailleurs  pour 
«  se  desvoyer  de  l'obéissance  qui  luy  doibt1.  » 

Jusqu'à  la  fin  de  décembre,  l'alliance  de  la  reine 
avec  les  réformés  ne  se  manifesta  que  par  des  actes  de 
tolérance.  A  cette  date,  l'accord  du  roi  de  Navarre  avec 
le  roi  d'Espagne  et  avec  le  triumvirat,  sa  rentrée  dans 
les  rangs  du  parti  catholique  inspirent  à  Catherine 
une  politique  plus  active. 

Le  colloque  de  Poissy  avait  échoué  par  la  violence 
et  l'éclat  des  querelles  de  ses  membres,  mais  la  plupart 
des  conseillers  de  la  reine  et  la  reine  elle-même, 
malgré  les  leçons  de  l'expérience,  croyaient  à  la  pos- 
sibilité de  réconcilier  les  deux  cultes.  Le  chancelier 
de  l'Hospital  était  l'àme  de  ces  tentatives  d'accom- 
modement. Il  persuada  à  la  reine  qu'une  assemblée 
religieuse,  où  domineraient  les  gens  de  robe,  tien- 
drait plus  de  compte  des  difficultés  politiques  qu'un 
concile  de  théologiens  de  l'un  ou  de  l'autre  culte, 
enflammés  de  passions  implacables.  Le  projet  de  renou- 
veler la  conférence  de  Poissy,  admis  par  la  reine,  fut 
discuté  au  conseil  et  souleva  mainte  opposition.  Un 
jour,  à  propos  d'une  question  accessoire,  le  conné- 
table et  le  chancelier  se  prirent  de  querelle.  Montmo- 
rency, piqué  de  ne  pouvoir  faire  prédominer  son  opi- 
nion, vantait  l'expérience  qu'il  avait  acquise  sous  le 
règne  de  quatre  rois.  L'Hospital  répondit  «  qu'il  n'es- 
«  toit  plus  temps  de  gouverner  en  criant  garde  ! 
«  garde  !  »  appels  habituels  du  connétable,  «  mais 
«  qu'il  falloit  gouverner  par  la  raison.  »  Le  cardinal 
de  Tournon  lui  coupa  la  parole  en  disant  «  que  on 

I.  Lettres  de  Catherine  <l<  Médicis,  t.  T,  p.  266,  note. 


10  ANTOINE   DE    BOURBON 

«  devait  chastier  cette  canaille.  »  A  ce  mot  le  prince 
de  Condé  se  leva  furieux,  comme  s'il  eût  été  désigné 
personnellement.  Il  dit  «  qu'il  ne  savait  pas  que  la 
«  noblesse  de  France  pût  être  aussi  cruellement  outra- 
«  gée,  grande  comme  elle  était  ;  qu'il  était  de  ceux 
«  que  l'on  insultait  et  que  on  verrait  qu'il  le  prendrait 
«  mal.  »  Condé  avait  le  verbe  haut  et  ferme  ;  chez  lui 
l'acte  suivait  de  près  la  parole.  Ses  menaces  inspi- 
rèrent plus  de  modération  aux  catholiques  du  conseil 
du  roi1. 

Malgré  l'opposition  du  triumvirat,  la  reine  mère 
commanda  à  tous  les  parlements  de  désigner  deux 
conseillers  par  cour  et  de  les  envoyer  à  Saint-Germain 
dans  les  premiers  jours  de  janvier2.  Le  chancelier 
convoqua  des  ministres,  Théodore  de  Bèze  et  Mario- 
rat,  et  quelques  docteurs  catholiques.  La  reine  aurait 
désiré  être  assistée  du  cardinal  de  Ferrare,  dont  l'es- 
prit souple  et  conciliant  se  prêtait  à  toutes  les  tran- 
sactions, mais  il  déclina  à  l'avance  toute  invitation,  «  de 
«  peur,  dit-il,  qu'il  m'arrivât  de  rechef  d'être  mis  en 
«  butte  à  la  censure  d'autrui,  comme  il  advint  en  ce 
«  prêche  malencontreux  qui  fit  tant  de  bruit,  »  allu- 
sion au  sermon  protestant  que  Jeanne  d'Albret  lui 
avait  fait  entendre  pendant  le  colloque  de  Poissy 3. 

La  première  réunion  eut  lieu  le  3  janvier  dans  une 
salle  du  château  de  Saint-Germain ,  en  présence  du 
roi,  de  la  reine,  du  roi  et  de  la  reine  de  Navarre  et 


1.  Loi i  iv  de  Tornabuoni,  du  :i  janvier  [Négoc.  de  la  France  avec 

la   Toscan,  ,  I.    III.  p.    170). 

-.'.  Fragmenl  de  la  grande  histoire  du  président  Montagne  (f.  IV.. 
vol.  15494,  T.  001). 

'<.  Négoc.  du  card.  d<  Ferrare,  p.  S. 


ET   JEANNE    d'aLBRET.  11 

des  princes.  Les  assistants  étaient  au  nombre  de  vingt 
ou  vingt-deux,  sans  compter  les  membres  du  conseil. 
Les  cardinaux,  qui  n'avaient  pas  été  appelés  comme 
dignitaires  ecclésiastiques,  se  présentèrent  comme 
conseillers  du  roi  pour  faire  nombre  contre  les  enne- 
mis de  la  foi  catholique.  Le  chancelier  ouvrit  la  séance 
par  un  discours  sur  les  troubles  du  royaume.  Il  dit 
aux  députés  que  le  roi  les  avait  réunis  «  non  pour 
«  délibérer  laquelle  des  deux  religions  était  la  meil- 
«  leure,  mais  si  les  assemblées  devaient  être  permises 
«  ou  non1.  »  Il  soumit  aux  délibérations  de  l'assem- 
blée une  modification  de  l'édit  de  juillet  dans  le  sens 
de  la  liberté  des  prêches,  mais  en  obligeant  les  réfor- 
més à  rendre  les  églises.  Ces  propositions  furent  com- 
battues par  les  docteurs  catholiques2. 

La  discussion  s'ouvrit  dès  la  seconde  séance,  le 
mercredi  7  janvier.  Onze  conseillers  opinèrent,  cinq 
pour  le  maintien  des  stipulations  les  plus  sévères  de 
l'édit  de  juillet,  trois  en  faveur  de  la  tolérance  ;  trois 
autres  «  avec  tant  de  froideur  qu'on  ne  comprit  pas 
«  bien  ce  qu'ils  voulaient  conclure.  »  A  la  fin  de  la 
séance,  le  prévôt  des  marchands,  suivi  de  deux  cents 
bourgeois  de  la  ville  de  Paris,  demanda  à  être  entendu. 
11  parla  du  désaccord  religieux  qui  troublait  les  familles 
et  supplia  l'assemblée  d'y  porter  remède.  Le  lende- 
main, 8  janvier,  sept  conseillers  motivèrent  leur  vote 

1.  Fragment  de  la  grande  histoire  du  président  Montagne  (f. 
f'r.,  vol.  15494,  t'.  201).  —  Le  discours  de  l'Hospital  a  été  analysé 
par  Pasquier  (Lettres  dans  les  OEuvrcs  complètes,  t.  II,  col.  91  et 
suiv.)  ot  imprimé  ou  du  moins  analysé  par  de  Thou  (1740,  t.  111. 
|t.  118)  et  dans  uni'  pièce  <\<>a  Mémoires  de  Gondé,  i.  11.  p.  606. 

'.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  11,  du  5  janvier  r><',;'  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  I  197,  a 


12  ANTOINE   DE   BOURBON 

dans  des  sens  tellement  différents  que  le  nonce  hésite 
à  les  classer  dans  l'un  ou  dans  l'autre  parti.  Pendant 
la  délibération,  les  docteurs  de  Sorbonne  se  présen- 
tèrent à  la  porte  et  l'un  d'eux,  choisi  comme  orateur, 
se  plaignit  que  les  officiers  du  roi  avaient  laissé  sans 
punition  le  sacrilège  d'un  fanatique,  qui  avait  foulé  aux 
pieds  la  sainte  hostie.  Le  14,  sept  autres  conseillers 
exprimèrent  leur  avis1 .  Les  jours  suivants,  le  connétable, 
le  maréchal  Saint- André  et  les  chevaliers  de  l'ordre, 
présents  à  la  cour,  furent  appelés  à  se  prononcer.  La 
délibération,  élaguée  des  points  accessoires,  se  concen- 
trait sur  deux  questions.  La  première,  celle  de  la 
liberté  des  prêches,  fut  tranchée  en  faveur  de  la  tolé- 
rance après  un  discours  d'Arnaud  du  Ferrier-,  à  la 
majorité  de  24  voix3.  La  seconde,  celle  de  l'autorisa- 
tion de  bâtir  des  temples  dans  les  villes,  donna  lieu 
à  un  débat  passionné.  Le  cardinal  de  Chastillon  fit 
une  déclaration  que  le  nonce  trouva  irréprochable. 
L'évêque  de  Valence  débita  un  discours  inspiré  à  la 
fois  par  le  désir  de  plaire  aux  réformés  et  par  l'am- 
bition de  garder  sa  mitre.  Le  chancelier  se  prononça 
en  faveur  des  libertés  calvinistes,  mais  avec  une  modé- 
ration respectueuse  pour  les  dogmes  catholiques4.  En 
général  les  gens  de  robe  longue  «  tenaient  »  pour  la 

1.  Lettre  du  nonce  Prosper  de  Sainte -Croix,  du  15  janvier 
(Cimber  el  Danjou;  Arch.  cur.  pour  servir  à  Vhist.  de  France, 
t.  VI,  p.  20). 

2.  Ce  discours  esl  reproduil  dans  l'histoire  du  présidenl  Mon- 
tagne  (f.  fr.,  vol.  L5494,  f.  203). 

3.  Lettre  de  Pasquier  dans  les  Œuvres  complètes,  t.  II,  col.  91, 
92  e1  suivantes. 

i.  Lettre  de  Ghantona^  à  Philippe  El, du  23 janvier  1562 (Orig. 
espagnol    Arch.  nat.,  K.  1 197,  n°  6). 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  13 

religion  nouvelle  et  les  membres  du  conseil  pour  l'an- 
cienne. Malgré  cet  appoint,  écrit  Chantonay,  «  nous 
«  estions  en  bien  grande  apparence  de  perdre  par  la 
«  pluralité  des  voix  et  les  adversaires  eussent  eu  des 
«  temples,  avec  permission  de  vivre  comme  en  un 
«  intérim,  »  quand  le  roi  de  Navarre  et  la  reine 
mère  assurèrent  la  majorité  au  parti  catholique  '. 
Antoine  parla  de  manière  à  contenter  son  nouvel  allié 
d'Espagne.  L'assemblée  attendait  avec  curiosité  les 
conclusions  de  la  régente.  Catherine  opina  la  dernière 
et  «  de  telle  façon  qu'on  dit  n'avoir  jamais  entendu 
«  aucun  orateur  qui  se  soit  exprimé  avec  plus  d'éner- 
«  gie  et  de  succès2.  »  Sans  doute  elle  n'osa  pas  avouer 
ses  nouvelles  tendances,  se  réservant  de  les  faire  pré- 
dominer dans  ses  actes.  A  peine  la  délibération  était-elle 
achevée  qu'une  violente  querelle  s'éleva  entre  le  con- 
nétable d'une  part,  Condé  et  l'amiral  de  l'autre.  Mont- 
morency dit  aigrement  à  son  neveu  Goligny  «  que  le 
«  plus  grand  péché  dont  il  se  sentait  coupable  était 
«  de  lui  avoir  fait  du  bien  jusqu'alors  3.  » 

Le  parti  catholique  avait  eu  le  crédit  de  faire  repous- 
ser l'autorisation  d'élever  des  temples,  mais  la  tolé- 

1.  Lettre  de  Chantonay,  du  22  janvier,  dans  les  Mémoires  d" 
Condé,  t.  II,  p.  20. 

2.  Lettre  du  card.  de  Ferrare  [Négoc.  du  card.  de  Ferrare,  p.  13, 
14  et  15).  Le  cardinal  est  tellement  satisfait  du  roi  de  Navarre 
qu'il  invite  le  pape  à  lui  écrire  une  lettre  de  félicitations.  — 
Lettres  de  Prosper  de  Sainte-Croix  (Arch.  cur.  de  Gimber  el 
Danjou,  t..  VI,  p.  29).  —  Lettre  de  Tornabuoni  [Négoc.  de  la 
France  avec  la  Toscane,  t.  III,  p.  471). 

3.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  23  janvier  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  li'.iT,  n°  6).  —  Lettre  de,  Sainte-Croix 
{Arch.  curieuses,  t.  VI,  \>.  29).  —  Lettre  du  card.  de  Ferrare 
{Négoc.  du  card.  de  Ferrare,  p.  12). 


14  ANTOINE    DE   BOURBON 

rance  n'en  triomphait  pas  moins.  Le  17  janvier,  la 
reine  promulgua  l'édit  quelle  tenait  en  réserve  comme 
le  gage  de  son  alliance  avec  les  Réformés.  Les  lois 
pénales,  édictées  depuis  le  commencement  du  règne  de 
François  1er  contre  les  progrès  de  la  religion  nouvelle, 
étaient  suspendues.  La  liberté  des  prêches  et  des  céré- 
monies du  culte  était  reconnue,  mais  seulement  de 
jour  et  hors  des  villes.  Les  religionnaires  devaient  resti- 
tuer les  temples  usurpés  aux  catholiques  et  n'avaient 
pas  le  droit  d'en  élever  de  nouveaux;  mais  aucune 
clause  ne  les  empêchait  de  se  réunir  dans  les  maisons 
particulières.  Les  ministres  ne  devaient  compléter 
l'organisation  de  leurs  églises  qu'avec  l'autorisation  du 
roi  et  ne  prêcher  que  «  la  pure  parole  de  Dieu,  »  dis- 
positions trop  vagues  pour  être  gênantes  ' .  C'étaient  les 
principes  de  la  législation  que  la  France,  après  un 
demi-siècle  de  guerre  et  de  crimes,  devait  accepter 
avec  reconnaissance  de  la  main  du  plus  grand  de  ses 
rois. 

L'édit  du  1 7  janvier  fut  salué  par  les  applaudisse- 
ments unanimes  du  parti  réformé.  Cinq  jours  après, 
de  Bèze  en  envoya  l'analyse  à  Genève  avec  des  anno- 
tations triomphantes2.  Les  ministres  recommandèrent 
aux    fidèles  de   se   contenter   des    libertés   qui   leur 


1.  Gel  édil  a  cela  de  particulier  qu'il  a'esl  pas  formulé  en 
articles  comme  les  autres  édits  du  roi.  Il  a  été  très  souvent 
imprimé  el  se  trouve  aotammenl  dans  les  Mémoires  de  Gondé, 
i.  lll,  p.  s. 

2.  Cette  pièce  esl  imprimée  dans  les  Mémoires  d  t.  III, 
p.  93.  La  minute  autographe  de  de  Bèze,  qui  contiiMit,  quelques 
différences  de  rédaction,  a  été  retrouvée  aux  archives  de  Genève 
par  M.  Dardier  et  publiée  dans  la  Revue  historique,  i.  MX. 
1 1 .  147. 


ET   JEANNE    D   ALBRET.  15 

étaient  octroyées  et  d'obéir  aux  restrictions  de  l'édit4. 
Les  meneurs  travaillèrent  à  en  tirer  parti.  Reconnus 
par  le  pouvoir  royal,  investis  de  l'autorisation  de  se 
produire  au  grand  jour,  les  Huguenots  se  sentaient 
le  droit  et  la  force  de  développer  leur  action.  Les 
prêches  pullulèrent.  Tout  moine  défroqué,  tout  clerc 
chassé  de  l'église  se  crut  appelé  à  réformer  l'église. 
«  Les  ministres  prêchèrent  plus  hardiment,  qui  çà 
«  qui  là,  les  uns  par  les  champs,  les  autres  en  des  jar- 
«  dins  et  à  découvert,  partout  où  l'affection  ou  la  pas- 
ce  sion  les  guidoit  et  où  ils  pouvoient  trouver  du  cou- 
ce  vert,  comme  es  vieilles  sales  et  masures,  etjusques 
«  aux  granges  ;  d'autant  qu'il  leur  estoit  défendu  de 
«  bâtir  temples  et  prendre  aucunes  choses  d'esglises2.» 
Aucune  question  ne  paraissait  étrangère  à  leur  compé- 
tence. A  Orléans,  le  consistoire  discuta  la  question  de 
la  monarchie  élective  ou  héréditaire.  Ce  débat,  que  le 
parti  était  disposé  à  transporter  sur  le  terrain  des 
faits,  déplut  beaucoup  à  la  reine3. 

Au  premier  bruit  de  l'assemblée  de  Saint-Germain, 
le  7  janvier,  Ghantonay  s'était  plaint  à  la  reine  de  la 
«  proposition  que  y  avoit  faite  M.  le  chancelier,  tendant 

1.  Cette  circulaire  est  reproduite  par  la  Popelmièrc  (Hist.  de 
France,  in-fol.,  1581,  t.  I,  f.  281  v),  et  par  de  Bèze  {Hist.  ecclcs., 
1841,  t.  I,  p.  428). 

2.  Mémoires  de  Castelnau,  liv.  III,  chap.  v. 

3.  Lettre  de  Sainte-Croix  (Arch.  curieuses,  t.  VI,  p.  25).  —  Ce 
principe,  dont  on  a  voulu  faire  honneur  au  parti  réformé,  est 
renouvelé  du  droit  romain.  Au  xvic  siècle,  Languet  et  Bodin  le 
reprireut.  Languet  surtout  est  précis  :  «  Dicimus  jam  populum 
reges  constituere,  régna  tradere,  electionem  suo  suffi-agio  coni- 
probare,  etc.  »  {Vindiciae  contra  tyrannos.  Amsterdam,  1660, 
in-12,  p.  lOi.)  L'ouvrage,  dans  cette  édition,  est  attribué  à  de 
Bèze. 


Ni  ANTOINE    DE   BOURBON 

«  à  mettre  dans  le  royaume  une  forme  d'intérim  et 
«  laisser  vivre  tout  le  monde  à  sa  discrétion.  »  Cathe- 
rine reçut  d'autant  plus  mal  la  plainte  qu'elle  la  sentait 
fondée.  Elle  demanda  à  l'ambassadeur  sur  un  ton 
hautain  comment  il  avait  connu  le  discours  du  chance- 
lier. Chantonay  répondit  que  «  c'était  le  bruit  des 
«  pages.  »  Elle  répliqua  que  les  pages  ne  connaissaient 
pas  les  secrets  d'état,  et,  prenant  l'offensive  à  son  tour, 
elle  reprocha  à  l'ambassadeur  l'espionnage  qu'il  sou- 
doyait à  la  cour.  Elle  ajouta,  d'une  voix  tremblante  de 
colère,  «  qu'elle  voyoit  qu'il  estoit  bien  adverty,  non 
«  pas  véritablement,  mais  bien  curieusement,  et  que, 
«  si  elle  cognoissoit  ces  advertisseurs ,  qui  calum- 
et nient  ainsy  toutes  ses  actions,  elle  leur  feroit  sentir 
«  combien  ilz  s'oublient  de  parler  aussi  peu  révérem- 
«  ment  et  véritablement  d'elle.  »  A  l'issue  de  l'audience, 
elle  écrivit  au  roi  d'Espagne  que  Chantonay  cherchait 
à  brouiller  les  deux  rois1.  Catherine  ignorait  que 
l'ambassadeur  agissait  d'après  les  ordres  de  son  maître 
et  que  ses  menées  secrètes  étaient  encouragées  par 
Philippe  II  :  «  Si  la  réunion  n'est  pas  dissoute,  écrit  le 
«  roi  d'Espagne,  quand  vous  recevrez  cette  lettre, 
«  vous  me  ferez  plaisir  en  essayant  par  tous  les  moyens 
«  possibles  d'empescher  qu'on  ne  prenne  une  résolu- 
ce  tion  aussi  préjudiciable  que  celle  dont  il  est  ques- 
«  tion  2.  » 

Aussitôt  après  la   clôture  de   l'assemblée,    le   roi 
de    Navarre  envoya   son  favori,  François   d'Escars, 

1.  La  minute  de  la  dépêche  à  l'Aubespine  es!  imprimée  dans 
les  .1/1  moires  de  Condé,  1.  Et,  p.  601 . 

2.  Lettre  de  Philippe  II  à  Chantonay,  du   18  janvier    Arch. 

nui.,  k.  1496,  11"  34). 


ET    JEANNE    DALBRET.  17 

à  Chantonay.  L'Espagnol  se  méfiait  de  l'ordonnance 
avant  de  la  connaître  *  ;  il  s'y  opposa  bien  davan- 
tage quand  elle  fut  publiée.  Assisté  du  nonce,  Pros- 
per  de  Sainte-Croix,  il  vint  à  la  cour  et  protesta 
auprès  de  la  reine.  Les  deux  ambassadeurs  s'accor- 
daient à  dire  que  les  concessions  faites  à  la  Réforme 
étaient  claires  et  de  grande  portée,  tandis  que  les 
clauses  restrictives  étaient  ambiguës  ou  inutiles.  La 
défense  de  bâtir  des  temples  était  en  contradiction 
de  fait  avec  la  liberté  des  prêches.  Troublée  par  ces 
reproches,  Catherine  eut  la  faiblesse  de  rejeter  la  res- 
ponsabilité sur  le  chancelier  de  l'Hospital,  et  répondit 
que  l'édit  pourrait  être  amélioré  par  de  nouvelles 
déclarations  du  roi2.  La  plus  importante  réforme  à  y 
apporter,  disait  Chantonay,  serait  de  l'annuler,  et,  en 
attendant,  de  n'accorder  de  charges  publiques  qu'aux 
catholiques3.  En  sortant  de  l'audience  de  la  reine,  il 
rencontra  par  hasard  le  cardinal  de  Ferrare  et  lui  pré- 
dit qu'il  serait  bientôt  obligé  de  fermer  sa  chapelle, 
«  car  on  pourrait  oublier  le  respect  dû  à  un  légat4.  » 
La  complicité  du  roi  de  Navarre  dans  l'édit  de  jan- 
vier jetait  une  ombre  défavorable  sur  sa  conversion 
récente.  Mais  il  fut  reconnu  qu'il  avait  agi  de  bonne  foi, 

\.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  23  janvier (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  nat.,  K.  14'JT,  n°  6).  On  s  étonne  que,  six  jours  après 
là  signature  de  l'édit,  Chantonay  n'en  connût  pas  encore  la 
teneur. 

2.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  30  janvier  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  7). 

3.  Résumé  de  lettres  de  Chantonay  de  la  lin  de  janvier  (Arch. 
nat.,  K.  1496,  n»  48). 

4.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  5  janvier  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  3). 

IV 


18  ANTOINE   DE   BOURBON 

sans  peser  la  valeur  des  coups  qu'ii  laissait  porter  à 
l'omnipotence  catholique.  Aussi  Chantonay  engagea  son 
maître  à  ménager  le  lieutenant  général  et  à  lui  épar- 
gner ses  doléances  «  alin  de  ne  pas  le  décourager  dans 
«  le  bon  chemin  qu'il  pense  suivre1.  »  Philippe  11 
goûta  le  conseil  et  se  contenta  de  protester  auprès  de 
Sébastien  de  l'Aubespine  «  contre  le  grand  préjudice 
«  de  la  religion2.  » 

La  consternation  du  parti  catholique  égala  la  joie 
triomphante  des  réformés.  Le  pape  reçut  des  dépêches 
qui  représentaient  la  religion  comme  sacrifiée  et  le 
royaume  de  France  à  la  veille  de  sa  ruine3.  Cependant 
les  catholiques  n'avaient  rien  perdu  ;  l'édit  de  janvier 
sanctionnait  seulement  par  une  disposition  législative 
l'état  de  choses  antérieur.  Le  cardinal  de  Ferrare,  le 
plus  indépendant  des  observateurs  postés  à  la  cour  de 
France,  écrivit  au  pape  que  ceux  qui  considéraient  «  la 
«  maladie  du  royaume  comme  une  maladie  incurable 
«  se  trompaient  de  beaucoup4.  » 

Il  était  d'usage,  lorsque  le  roi  rendait  un  édit,  de  le 
présenter  d'abord  au  parlement  de  Paris,  qui  avait  le 
devoir  de  l'étudier  et  le  privilège  d'adresser  des 
remontrances.  L'édit,  modifié,  s'il  y  avait  lieu,  d'un 
commun  accord ,  était  enregistré  et  transmis  aux 
cours  de  province.   C'est  ainsi  qu'il  devenait  exécu- 

1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  30  janvier  (Orig.  espa- 
gnol ;  Arch.  n;it..  K.  I  i'.lT,  n"  7). 

•j.  Lettre  de  Philippe  II  à,  Chantonay,  du  9  février  (Arch.  aat., 
k.  1496,  n-  49). 

3.  Lettres  de  Prosper  'le  Sainte-Croix  [Arch.  au'iiiises  de 
Gimber  el  Danjou,  t.  VI,  p.  16).  Il  proteste  contre  U>  décourage- 
nii'iii  général. 

i.  Négociations  du  card.  deFerrare,  p    24.  Lettredu  ??  janvier. 


ET    JEANNE    d'aLBRET.  19 

toire  dans  toutes  les  sénéchaussées.  Le  chancelier 
suivit  une  autre  voie.  Informé  que  le  parlement  de 
Paris  refusait  de  «  savourer  »  l'édit  de  janvier1,  il  le 
communiqua  à  la  fois  à  toutes  les  cours  de  France2. 
L'ordonnance  fut  acceptée  dans  chaque  ressort  judi- 
ciaire. Seul,  le  parlement  de  Dijon  le  repoussa  obsti- 
nément par  l'influence  de  Tavannes 3. 

Restait  le  parlement  de  Paris,  le  plus  influent  et  le 
plus  éclairé  de  tous  les  parlements.  Le  20  janvier,  la 
reine  fit  présenter  le  nouvel  édit  à  l'enregistrement  par 
le  maréchal  François  de  Montmorency4.  Les  conseillers 
se  montrèrent  d'abord  blessés  de  n'avoir  pas  été  con- 
sultés pendant  les  délibérations  de  l'assemblée  de  Saint- 
Germain  ;  ils  désignèrent,  pour  examiner  l'ordonnance, 
une  commission  animée  de  passions  hostiles.  Le  premier 
président  Le  Maistre,  à  peine  remonté  sur  son  siège,  le 
procureur  général  Bourdin,  et  quelques  vieux  magis- 
trats, «  accoustumés  de  brusler  ou  rôtir  ceulx  de  la  reli- 
«  gion,  »  enflammaient  leurs  collègues  de  leur  esprit 
d'intolérance.  Ils  étaient  appuyés  par  l'université  de 


1.  De  Serres,  Le  véritable  inventaire  de  l'histoire  de  France,  1648, 
t.  I,  p.  689. 

2.  Ces  détails  sur  la  promulgation  des  lois  sont  précisas  par 
Ghantonay  (Lettre  à  Philippe  II,  du  23  février  1562;  Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  11). 

3.  Extrait  des  registres  du  parlement,  dans  les  Mémoires  de 
Condé,  t.  III,  p.  84.  —  Pasquier  dit  par  erreur  que  ce  fut  le  par- 
lement de  Provence  qui  refusa  de  publier  l'édit  (Lettres  dans  les 
OEuvres  complètes,  t.  H,  col.  91  et  suiv.).  —  Sur  le  refus  du  par- 
lement de  Bourgogne  de  publier  l'édit  de  janvier,  voyez,  deux 
lettres  du  chancelier  de  l'Hospital,  du  16  et  du  19  juin  (Bouchier, 
Commentaire  sur  la  coutume  de  Bourgogne,  t.  I,  f.  14). 

4.  Extrait  des  registres  du  parlement  de  Paris,  publié  dans  les 
Mémoires  de  Condé,  I.  III,  p.  23. 


20  ANTOINE   DE   BOURBON 

Paris  et  le  clergé,  par  le  prévôt  des  marchands,  Merle, 
et  le  bourgeois  Marcel ,  orfèvre  opulent  et  favori  de 
la  reine1.  Le  mot  d'ordre  de  la  résistance  était  :  Non 
possumus  née  debemus2.  L'état  de  la  ville  justifiait 
l'opposition  de  la  cour  suprême.  La  multitude  des 
prêches  calvinistes  accroissait  chaque  jour  l'agitation 
et  donnait  un  prétexte  à  la  violence  des  prédicateurs 
catholiques.  En  vain  la  reine  et  les  lieutenants  du  roi 
avaient  renouvelé  les  ordonnances  qui  défendaient  aux 
deux  partis  de  s'injurier  ;  la  passion  des  orateurs  était 
plus  forte  que  la  prudence3. 

Le  23  janvier,  le  roi  et  la  reine  adressèrent  au  par- 
lement une  première  injonction4  et  lui  envoyèrent. le 
roi  de  Navarre.  Antoine  se  présenta  en  solliciteur  et 
reçut  du  premier  président  de  vagues  promesses 
d'obéissance5.  Mais  trois  jours  après,  le  parlement, 
informé  que  le  libraire  Charles  Langelier,  sur  l'ordre 
du  maréchal  de  Montmorency,  devait  publier  le  texte 
de  l'édit  de  janvier,  fit  saisir  et  détruire  les  douze  cents 

1.  La  Popelinière,  in-fol.,  t.  I,  p.  282.  —  De  Bèze,  1841,  t.  1, 
p.  431.  Les  deux  historiens  se  copienl  textuellement.  —  Pendant 
que  le  parlemenl  délibérait,  dit  du  Boulay,  le  24  janvier,  l'uni- 
versité île  Paris,  représentée  par  le  recteur,  et  le  clergé,  repré- 
senté par  le  chancelier  de  l'église  Notre-Dame,  apportèrent  au 
parlemenl  leur  opposition  à  l'enregistrement  de  l'édit  (Hist.  unir. 
Paris.,  t.  VI,  p.  548  et  549). 

2.  Journal  de  Bruslard,  dans  les  Mémoires  de  Gondé,  t.  I,  p.  69 
et  sui\. 

3.  Mémoires  de  Castelnau,  liv.  III,  chap.  \i. 

4.  Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  1,  p.  272.  —  La  lettre  du  roi 
est  publiée  d'après  les  registres  du  parlement,  dans  les  Mémoires 
de  Gondé,  t.  M,  p.  26. 

5.  Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  Y,  p.  81.  — 
M   aoii  <  s  di  ("lut, .  t .  III,  p.  21. 


ET   JEANNE   D'ALBRET.  21 

exemplaires  imprimés.  Langelier,   vertement    répri- 
mandé, fut  menacé  de  perdre  son  privilège1. 

L'opposition  du  parlement  tenait  l'exécution  de 
l'édit  en  suspens.  Déjà  le  bruit  se  répandait  que  la 
nouvelle  ordonnance  ne  recevrait  aucune  suite,  comme 
les  mesures  coercitives  des  règnes  précédents2.  Les 
chefs  du  parti  réformé,  d'autant  plus  irrités  qu'ils 
avaient  conçu  de  plus  grandes  espérances,  adressèrent 
au  roi  une  requête,  pour  demander,  comme  une 
faveur,  ce  qui  leur  avait  été  concédé  par  l'édit 
de  janvier3.  On  fit  courir  une  prétendue  remontrance 
de  la  reine  au  pape,  sur  le  nombre  des  calvinistes  et  la 
justice  de  leur  cause4.  La  régente  accabla  le  parlement 
de  sommations.  Le  27  janvier,  elle  lui  envoya  Jean  de 
Saint-Marcel,  s.  d'Avanson,  membre  du  conseil,  avec 
l'ordre  de  ne  faire  aucune  réserve  sans  l'autorisation 
du  roi.  Le  29,  nouvelle  lettre.  Le  30  janvier,  la  cour 
demande  au  roi  le  temps  de  délibérer.  Le  1er,  le  1 1 ,  le 
1 2  février,  le  roi  et  la  reine  répondent  à  cette  requête 
par  des  reproches.  Le  même  jour,  le  parlement 
adresse  au  roi  des  remontrances  sur  le  fond  de  l'édit5. 
Les  magistrats  étaient  enflammés  d'une  telle  ardeur 
de  résistance  que  plusieurs  déclarèrent,  dit  Sainte- 

1.  Extrait  des  registres  du  parlement,  publié  dans  les  Mémoires 
de  Coudé,  t.  III,  p.  21  et  suivantes. 

2.  Lettre  de  Throckmorton,  du  28  janvier  (Calcndars ,  1561, 
p.  507). 

3.  Cette  requête,  sans  date,  ;i  été  conservée  par  la  Popelinière 
il.  I,  f.  282  v°).  —  Cf.  Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  575. 

4.  Cette  pièce  se  trouve  en  copie  dans  La  coll.  Moreau,  vil.  Tin, 
f.  33. 

5.  Extrait  des  registres  du  parlement,  publié  dans  les  Mémoires 
de  Condé,  t.  III,  p.  34  et  suivantes. 


22  ANTOINE    DE   BOURBON 

Croix,  que  le  roi  «  pourrait  bien  les  priver  de  la  vie, 
«  mais  non  pas  les  faire  consentir  à  une  pareille 
«  lâcheté1 .  »  Ils  étaient  soutenus  par  les  gens  de  l'hôtel 
de  ville.  Dans  les  premiers  jours  de  février,  le  prévôt 
de  Paris,  porteur  d'un  acte  de  protestation  du  corps 
des  notables2,  vint  demander  à  la  reine  l'ajournement 
de  la  publication  de  l'édit,  au  moins  à  Paris,  pour 
épargner  à  la  ville  les  horreurs  de  la  guerre  civile. 
Bafoué  par  les  seigneurs  protestants,  qui  occupaient 
déjà  en  maîtres  les  salles  du  château,  il  ne  put  même 
obtenir  une  audience  de  la  reine3. 

Le  1 4  février,  le  roi  formula  un  avis  sur  l'inter- 
prétation à  donner  au  mot  officiel'  dans  les  clauses  de 
l'édit.  Le  même  jour,  il  adressa  de  nouvelles  injonc- 
tions au  parlement.  Le  lendemain,  la  cour  hasarda 
encore  une  remontrance  par  l'entremise  des  présidents 
de  Thou  et  Viole.  La  reine  les  écouta  sèchement  et 
répondit  que  la  volonté  du  roi  n'était  pas  de  recon- 
naître les  deux  cultes  au  môme  titre,  mais  seulement 
de  soumettre  les  religionnaires  à  la  justice4.  Les  magis- 
trats délégués  rapportèrent  de  Saint-Germain  des 
lettres  du  roi,  de  la  reine  mère,  du  roi  de  .Navarre  et 
du  chancelier,  encore  plus  impératives  que  les  précé- 
dentes5. La  faiblesse,  tant  de  fois  reconnue,  de  la  reine 


1.  Lettre  de  Sainte-Crois  (Arch.  curieuses,  i.  VI,  p.  35). 

2.  Ce  manifeste  esl  imprimé  dans  le  Bulletin  de  la  Soci 
l'histoire  'lu  Protestantisme  français,  i.  W  11.  p. 

3.  Le ii  re  de  Ghantonaj  à  Philippe  II,  <lu  3  février  (Orig.  espa- 
gnol ;  Aivh.  nai.,  K.  1497,  n°  8). 

4.  Négociations  du  card.  de  Ferrare,  p.  85. 

5.  Extrail  des  registres  du  parlement,  publié  dans  les  Mémoires 
de  Condr,  i.  111.  p.  15,  60  el  suivantes.  —  Lettres  de  Catlierine  de 
V:  dicis,  û.  ;'7-i  el  ;>75. 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  23 

et  du  roi  de  Navarre  laissait  les  ambassadeurs  indécis 
sur  l'issue  du  débat.  «  La  politique,  écrit  Throck- 
«  morton,  est  si  variable  en  France,  que,  lorsque  cette 
«  lettre  arrivera,  il  y  aura  peut-être  quelque  chan- 
«  gement1.  » 

Le  1 9  février,  sur  le  conseil  du  chancelier,  Cathe- 
rine de  Médicis,  accompagnée  de  la  dame  de  Grussol, 
du  roi  et  de  la  reine  de  Navarre,  se  rendit  à  l'impro- 
viste  au  parlement.  L'Hospital  refusa  de  suivre  la 
régente  à  Paris,  s'excusant,  dit  Chantonay,  sur  la  pau- 
vreté de  sa  maison.  En  vain  le  grand  écuyer  mit  à 
sa  disposition  les  chevaux,  les  mules,  les  litières  et  les 
coches  du  roi  ;  le  chancelier  se  dit  malade  et  s'enferma 
en  son  logis.  «  J'aurais  voulu  le  voir,  dit  l'ambassa- 
de deur  d'Espagne,  s'expliquer  publiquement  au  sujet 
«  de  l'édit.  »  Informé  du  voyage,  Chantonay  envoya 
prier  le  roi  de  Navarre  de  traverser  secrètement  les 
efforts  de  la  reine  et  de  laisser  toute  liberté  à  la  cour 
suprême.  Antoine,  flatté,  répondit  «  qu'il  y  travaille- 
«  rait.  »  Catherine  prit  la  poste  et  entra  à  cheval 
dans  la  cour  du  palais  de  justice.  Peu  s'en  fallut,  dit 
Claude  Haton,  qu'elle  ne  pénétrât  en  cet  équipage 
jusques  dans  la  chambre  dorée.  Elle  «  commença 
«  à  plaider  et  crier  comme  femmes  font  quand  elles 
«  sont  courroucées,  injuriant  et  menaçant  lesd.  s. 
«  du  parlement  au  possible.  »  La  cour  laissa  couler 
avec  patience  le  flot  des  emportements  de  la  reine. 
Catherine  «  persévéra  en  ses  menaces.  »  Un  des 
magistrats  lui  répondit  :  «  Madame,  vous  et  voz 
«  enfans,  vous  repentirez  les  premiers  ;  c'est  le  moyen 

1.  Calendars,  1561,  p.  524.  Lettre  du  16  février  1562. 


24  ANTOINE   DE   BOURBON 

«  de  vous  et  eux  faire  perdre  la  couronne  et  royaume 
«  de  France,  si  aultre  que  vous  ne  s'en  mesle4.  »  Le 
19  au  soir,  la  régente  convoqua  au  Louvre  les  prési- 
dents de  chambre  et  quelques  conseillers2.  Le  premier 
président  Le  Maistre,  menacé  d'un  nouvel  exil,  avait 
promis  sa  neutralité  et  se  tenait  enfermé  chez  lui  sous 
prétexte  qu'il  avait  «  vuydé  une  pierre  assez  grosse.  » 
Le  président  Saint-André  se  disait  atteint  «  d'une 
«  iluxion  de  sang  par  le  nez3.  »  Catherine  en  personne 
engagea  une  négociation  avec  les  magistrats  les  plus 
hostiles,  tandis  que  le  roi  de  Navarre,  obéissant  aux 
suggestions  de  l'ambassadeur  d'Espagne ,  s'était 
volontairement  éloigné.  Elle  leur  dit  «  qu'elle  avoit 
«  tant  prié  etfaict  prier  Dieu,  et  n'avoict  peu  trouver 
«  autre  moyen  que  celuy  contenu  en  l'ordonnance,  que 
«  la  cour  n'avoit  voullu  vérifier.  »  Les  conseillers  pré- 
sents, intimidés  par  le  prestige  de  l'autorité  royale, 
n'osaient  se  prononcer.  Elle  les  interrogea  sur  les 
causes  des  troubles,  sur  les  moyens  de  pacifier  le 
royaume,  et  leur  demanda,  puisqu'ils  repoussaient 
l'édit  de  janvier,  de  lui  indiquer  un  autre  «  remède.  » 
Tous  lui  conseillèrent  de  chasser  les  ministres.  Cathe- 
rine leur  répondit  avec  humeur  «  qu'ils  y  pensassent 
«  un  peu  mieux.  » 

Le  lendemain,  %0  février,  la  reine  mère  et  le  roi  de 
Navarre  firent  célébrer  une  messeà  la  sainte  chapelle  en 

I.  Mémoires  de  Claudt  Eaton,  t.  I,  p.  1ST. 

.'.  Lettre  de  Chantonaj  ;'i  Philippe  11,  du  23 février  1562 (Orig. 
espagnol;  A.rch.  nat.;  K.  1497,  n°  II).  —  Cette  démarche  est  plus 
sommairemenl  racontée  dans  les  lettres  de  Sainte-Croix  (Archives 
curieuses,  i.  VI,  p.  37). 

:!.  Extraits  des  registres  du  parlement,  publiés  dans  les  Mémoires 
de  Condé,  t.  111.  p.  T:i. 


ET   JEANNE   D'ALBRET.  25 

grande  pompe.  La  foule,  attirée  par  la  curiosité,  sui- 
vait le  cortège  et  l'accompagnait  de  ses  acclamations. 
Après  la  messe,  Antoine  se  rendit  à  la  séance  du  par- 
lement avec  le  maréchal  Saint-André.  Malgré  ses 
promesses,  dit  Chantonay,  il  parla  en  faveur  de  l'édit 
de  janvier  pour  obéir  à  la  reine.  Au  sortir  du  palais, 
le  prince  se  fît  conduire  à  la  cathédrale  Notre-Dame  ; 
il  y  rencontra  plusieurs  notables,  les  accueillit  avec  sa 
grâce  ordinaire  et  les  enchanta  par  ses  déclarations 
catholiques1 .  La  régente  était  rentrée  au  Louvre  et  don- 
nait audience  à  Coligny  et  à  d'Andelot  quand  le  prince 
revint  de  l'église.  Les  courtisans  remarquèrent  qu'elle 
leur  parlait  avec  une  bienveillance  affectée,  en  signe  de 
faveur,  tandis  que  Antoine  les  traitait  en  ennemis.  Les 
deux  Ghastillons  venaient  inviter  la  reine  aux  prêches 
de  la  porte  Saint-Antoine,  où  une  cérémonie  solennelle 
avait  été  habilement  préparée.  La  veille  et  le  matin,  dit 
Chantonay,  les  chefs  du  parti  réformé  avaient  convo- 
qué tous  leurs  coreligionnaires  et  enrôlé  à  prix  d'or 
une  foule  d'indifférents.  Ils  avaient  promis  un  réal  à 
chaque  assistant  et  dépensé  800  à  1 ,000  ducats.  Le 
chanoine  Bruslard  ajoute  qu'ils  avaient  convié  «  toute 
«  sorte  de  gens  à  aller  à  la  presche,  revêtus  de  leurs 
«  beaux  habillemens,  avec  cornettes,  afin  de  donner 
«  entendre  à  la  royne  que,  en  leur  assemblée,  ce  sont 
«  tous  gens  de  respect  et  de  réputation.  »  Le  célèbre 
du  Moulin  et  l'avocat  Ruzé  assistaient  au  prêche2.  La 
démonstration  manqua  son  but  ;  Catherine  dédaigna  le 
spectacle.  La  régente  et  la  reine  de  Navarre,  déguisées 

I .  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  30  janvier  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  7). 
?.  Journal  de  Bruslard,  dans  les  Mémoires  deCondé,  t.  I,  p.  7;'. 


26  ANTOINE    DE   BOURBON 

en  bourgeoises,  coiffées  d'un  simple  chaperon,  visi- 
tèrent les  boutiques  du  palais  et  celle  du  pont  Saint- 
Michel.  Elles  parcoururent  ainsi  une  partie  de  la  ville, 
interrogeant  les  marchands  et  demandant  des  nouvelles 
de  la  cour.  Elles  recueillirent,  dit  un  chroniqueur  ano- 
nyme, «  beaucoup  de  propos  contre  les  grands,  même 
«  contre  la  royne  de  Navarre  présente1.  »  Seuls  de  la 
cour,  le  cardinal  de  Chastillon,  l'évêque  de  Valence  et 
la  dame  de  Grussol  étaient  allés  au  prêche.  Le  soir, 
lorsque  les  courtisans  se  trouvèrent  réunis  dans  la 
chambre  de  la  reine,  Antoine  reprocha  à  l'évêque  de 
Valence  son  équipée  du  jour.  Monluc  répondit  qu'il 
avait  été  attiré  par  la  curiosité  et  demanda  au  prince 
«  quelle  idée  il  avait  de  lui.  Vendôme  lui  répondit 
«  qu'il  était  un  grand  hérétique.  Valence  se  récria  et 
«  dit  que  c'était  lui  faire  insulte.  Vendôme  lui  riposta 
«  que  son  intention  n'avait  pas  été  telle,  mais  qu'il  lui 
«  disait  la  vérité2.  » 

La  reine,  en  demandant  conseil  au  parlement,  l'avait 
engagé,  avant  de  lui  répondre,  «  d'y  penser  un  peu 
«  mieux.  »  Le  %%  février,  aussitôt  après  son  retour  à 

1.  Journal  de  1562,  dans  la.  Revue  rétrospective,  t.  Y,  p.  Si.  G'esl 
p. ir  erreur  que  ce  chroniqueur,  trompé  par  le  bruit  commun,  dit 
que  la  reine  alla  voir  passer  les  Huguenots. 

2.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  23  février  1562  (Orig. 
espagnol;  A.rch.  nui.,  K.  1497,  u°  11).  —  Les  sentiments  reli- 
gieux de  Jean  de  Monluc,  évêque  de  Valence,  variaient  souvent. 
On  a  vu  que,  pendant  le  colloque  de  l'oissy,  il  ..mueuait  le  plus 
souvent  la  politique  >\<><  ministres.  Quelque  temps  auparavant, 
dans  son  diocèse,  il  faisait  montre  d'orthod  ixie.  Garle,  évêque  de 
Riez,  écrit  à  la  reine,  le  11  juin  1561  :  »  Je  ne  trouvay  M.  de 
o  Vallon  ce  à  Vallenrc,  car  il  eslovi  allé  l'aire  sa  visite,  niais  à  ce 
«  que  je  peus  entendre  démons,  de  la  Mothe  el  d'autres,  il  y  faict 
«  bien  son  debvoyr.  »  (F.  fr.,  vol.  3186,  t.  148.) 


ET    JEANNE    d'aLBRET.  27 

Saint-Germain ,  elle  lui  dépêcha  le  conseiller  d'état 
d'Avanson1,  et,  le  23,  la  cour  entra  en  délibération. 
Après  une  discussion  approfondie,  la  cour  arrêta  de 
proposer  au  roi  le  renouvellement  de  l'édit  de  juillet,  la 
plus  sévère  mesure  de  l'année  précédente,  l'expulsion 
des  ministres  ou  leur  renvoi  au  concile  de  Trente  et  la 
prédominance  du  culte  catholique  en  attendant  la  déci- 
sion œcuménique2.  Ce  programme  fut  mal  reçu  au  con- 
seil privé.  La  reine  montra  plus  d'humeur  qu'elle  n'en 
laissait  voir  dans  les  déceptions  politiques  et  décida  que 
le  prince  de  la  Roche-sur- Yon  se  rendrait  au  parlement 
avec  la  charge  de  forcer  l'opposition  des  magistrats3. 
Le  prince  se  présenta  le  3  mars  et  prononça  une  sorte 
de  harangue  sur  le  thème  Salus  populi  suprema  lcxA. 
Le  lendemain,  à  l'ouverture  de  l'audience,  le  président 
Saint-André  raconta  avec  terreur  que  près  de  dix  mille 
personnes  étaient  venues  lui  demander  en  son  logis 
l'enregistrement  de  l'édit,  qu'il  avait  été  averti  par  le 
maréchal  de  Montmorency  que  «  cinq  ou  six  mille 
«  hommes  viennent  en  diligence  en  ceste  ville,  et  qu'il 
«  falloit  craindre  une  sédition  et  un  sac,  et  que  lors  il 
«  seroit  trop  tard  pour  se  repentir.  »  Les  magistrats, 
effrayés  par  ce  récit,  réclamaient  les  conseils  du  pre- 


1.  Extrait  des  registres  du  parlement,  publié  dans  les  Mémoires 
de  Condé,  t.  III,  p.  75. 

2.  Journal  deBruslard,  «huis  les  Mémoires  de  Condé,  t.  I,  p.  72. 
—  La  délibération  du  parlement  est  conservée  en  copie  dans  le 
vol.  4017,  pièce  1.  —  Autre  copie  dans  la  coll.  Brienne,  vol.  205, 
f.  243. 

3.  Lettre  de  jussion  du  1er  mars  {Mémoires  de  Condé,  t.  III, 
p.  19).  —  Néfjoc.  du  card.  de  Ferrare,  p.  101. 

i.  Extrail  des  registres  du  parlement,  dans  les  Mémoires  d* 
Condé,  t.  III,  p.  82. 


28  ANTOINE   DE   BOURBON 

mier  président  Le  Maistre.  Il  «  se  mourait  en  son  logis 
«  d'une  suffocation  qui  l'avoit  assailly  ceste  nuit  »  et 
prenait  de  la  rhubarbe.  L'audience  du  matin  fut  levée 
au  milieu  d'une  vive  agitation.  Pendant  la  séance  du 
soir,  les  portes  de  la  salle  furent  assiégées  par  une 
bande  d'écoliers,  la  plupart  armés,  qui  demandaient  à 
grands  cris  la  publication  de  l'édit.  Le  maréchal  de 
Montmorency  dissipa  l'émeute  ;  mais  les  capitaines 
déclarèrent  qu'ils  seraient  bientôt  débordés  si  le  par- 
lement résistait  aux  exigences  de  la  foule.  Enfin,  le 
5  mars,  la  cour  suprême,  intimidée  par  les  menaces 
du  dehors  et  par  la  présence  des  gens  d'armes  du 
maréchal,  se  résigna  à  accepter  l'édit1.  Le  soir  même, 
le  président  de  Thou  en  donna  avis  à  la  reine2.  Le  6, 
le  parlement  rendit  son  arrêt  d'enregistrement  «  sans 
«  approbation  toutefois  de  la  nouvelle  religion,  le  tout 
«  par  manière  de  provision3.  »  L'édit  fut  publié  à  son 
de  trompe  le  lendemain.  Déjà  les  réformés  s'étaient 
mis  en  mesure  de  lui  obéir.  Ils  avaient  fermé  les 
prêches  de  l'intérieur  de  la  ville  et  n'avaient  conservé 
que  celui  de  Popincourt4. 

Tandis  que  le  parlement  de  Paris  luttait  pied  à  pied 
contre  l'édit  de  janvier,  Catherine  de  Médicis,  encou- 


1.  Extrait  des  registres  du  parlement  (Mémoires  de  Condé,  t.  III, 
p.  82  et  suivantes). 

2.  Lettre  à  la  reine,  du  5  mars,  autographe,  vendue  le  26  mai 
1877  par  M.  Gabriel  Charavay. 

3.  Mi-moires  de  Condé,  t.  III,  p.  20.  —  Malgré  l'arrêl  d'enregis- 
trement, le  parlement  trouva  le  moyen  de  retarder  l'exécution. 
L'édil  ne  fui  vérifié  que  I'1  26  mars  suivant.  L'arrêt  de  vérifica- 
tion est  reproduit  dans  les  Mémoires  du  clergé  de  Gentil,  t.  VI, 
p.  512. 

4.  Journal  de  l'an  1562,  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V.  p.  83. 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  29 

ragée  par  le  succès  de  l'assemblée  de  Saint-Germain, 
réunissait  une  nouvelle  conférence.  Elle  convoqua 
«  trois  manières  de  gens,  assavoir  :  des  prêtres 
«  insignes  et  renommez  de  la  Sorbonne,  quelques 
«  autres  personnages  indifférens  et  assez  bien  affectez 
«  à  la  pureté  et  ré  formation  de  la  doctrine  (c'est-à- 
«  dire  des  membres  du  conseil  privé  choisis  par  elle), 
«  et  les  ministres  des  esglises  réformées  ' .  »  Elle  leur 
soumit  certaines  dispositions  du  culte  catholique,  sur 
lesquelles  les  théologiens  de  l'un  et  de  l'autre  parti 
paraissaient  moins  éloignés  d'une  transaction2,  «  pour 
«  aviser,  dit-elle,  aux  causes  pour  lesquelles  ceux  de 
«  la  nouvelle  opinion  se  tiennent  séparés  de  nous  et 
«  regarder  s'il  y  aura  moyen  de  les  réunir  et  ramener 
«  à  nostre  esglise3.  »  Le  premier  point  concernait  le 
culte  des  images.  La  reine  se  flattait  qu'un  premier 
accord  sur  une  question  secondaire  serait  le  prélude 
d'un  rapprochement  général.  L'évêque  de  Valence 
s'agitait  en  faveur  du  nouveau  colloque.  Il  s'excuse, 
le  23  janvier,  auprès  du  duc  de  Wurtemberg,  de  ne 
pas  avoir  examiné  un  formulaire  luthérien  :  «  Nous 
«  sommes  icy  tellement  pressés  de  prendre  quelque 

1.  Lettre  du  roi  de  Navarre  au  comte  Palatin,  du  7  février 
1561  (1562)  (Mémoires  de  Condé,  t.  ni,  p.  98). 

2.  Voici  le  programme  de  ce  nouveau  colloque,  qui  est  passé 
complètement  inaperçu,  d'après  l'ambassadeur  d'Espagne  :  «  De 
imaginibus  ;  de  baptisma  et  ejus  furma  ;  de  cœna;  de  sacrificio 
missae  ;  de  invocatione  sanctorum  ;  de  vocatione  ;  de  doctrina  ;  de 
communione  sub  utraque  specie  ;  de  precibus  in  idiomate  vulgari  ; 
de  imaginibus  ex  altaribus,  seu  locis  eminentioribus,  tollendis.  » 
(Lettre  de  Ghantonav,  du  3  février  ;  Mémoires  de  Condé,  t.  II, 
p.  22.) 

3.  Lettre  de  Catberine,  du  16  février  [Mémoires  de  Castelnau, 
17:11 ,  t.  I,  p.  735). 


30  ANTOINE   DE    BOURBON 

«  résolution  qu'il  ne  nous  reste  aucune  partie  de  loisir 
«  pour  l'employer  en  autres  affaires4.  »  L'ambassadeur 
d'Espagne  se  donnait  autant  de  mouvement  pour 
entraver  l'assemblée  que  l'évêque  de  Valence  pour  la 
faire  réussir.  Il  demanda  une  audience  au  roi  de 
Navarre,  et,  avec  mille  précautions,  le  pria  de  ne  pas 
renouveler  le  concile  national  de  Poissy.  Antoine  lui 
répondit  que  le  nouveau  colloque  était  «  un  amuse- 
«  ment  pour  les  hérétiques,  qui  n'aurait  aucun  résul- 
«  tat  et  qu'avant  deux  ou  trois  jours  il  se  dissoudrait 
«  et  qu'il  n'y  aurait  plus  ni  colloque  ni  ministre2.  » 
Ghantonay  adressa  aussi  des  remontrances  à  la  reine 
et  lui  remit  de  nouvelles  lettres  de  Philippe  II,  pleines 
de  reproches  et  de  conseils  impérieux.  Catherine  se 
piqua  d'amour-propre  et  répondit  à  l'ambassadeur 
qu'elle  ne  voulait  pas  être  traitée  «  comme  une  petite 
«  fille  :î.  » 

La  conférence  s'ouvrit  le  27  janvier,  au  château  de 
Saint-Germain,  dans  une  salle  dite  salle  de  Madame,  en 
présence  du  roi,  de  la  reine  mère,  du  duc  d'Orléans,  de 
la  reine  de  Navarre  et  du   légat4.   Le  père  Laynez, 

1.  Bulletin  de  la  Soc.  de  l'hist.  du  Protest,  français,  t.  XXIV, 
p.  117. 

2.  Loi  ire  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  du  3  février  (Orig.  espa- 
gnol ;  Arcli.  mit.,  K.  1497,  n°  8). 

3.  Résumé  de  chancellerie  de  lettres  de  Chantonay  (lia  janvier 
1562)  (Arch.  nat.,  K.  ti%,  n°  48). 

i.  Récit  du  temps  [coll.  Moreau,  vol.  740,  1'.  15]  Ce  récit,  très 
détaillé,  esl  sans  nom  d'auteur,  mais  ou  peut  l'attribuera  un  des 
docteurs  catholiques  qui  prenaienl  pari  à  la  conférence,  peut- 
rliv  à  Despence.  Il  t'-numère  tous  les  assistants  de  la  séance 
d'ouverture.  A  ce  récit,  il  faut  en  ajouter  un  autre,  égalemenl 
très  Important,  et  du  temps,  mais  plus  exclusivement  théologique, 
conservé  dans  la  coll.  Dupuy,  vol.  309,  f.  25. 


ET   JEANNE   d'ALBRET.  31 

général  des  jésuites,  retenu  à  Paris  par  l'organisation 
du  collège  de  Clermont1,  aidé  de  quelques  Sorbon- 
nistes,  Despence,  Salignac,  Bouteiller  et  Pecherel, 
devait  soutenir  la  discussion  au  nom  du  parti  catho- 
lique. Le  roi  leur  faisait  donner  un  écu  par  jour  pour 
leur  entretien.  Théodore  de  Bèze,  Marlorat,  Perrocel 
et  Barbaste,  ministre  gascon,  prêcheur  de  la  reine  de 
Navarre,  défendaient  les  innovations  du  culte  réformé-. 
Le  chancelier  parla  le  premier  et  demanda  aux  doc- 
teurs de  Sorbonne  de  formuler  par  écrit  leur  thèse  sur 
le  culte  des  images,  afin  de  la  soumettre  au  concile  de 
Trente 3.  De  Bèze  attaqua  le  symbole  de  la  croix,  parce 
que  l'église,  disait-il,  n'en  avait  fait  aucun  usage  dans 
les  premiers  siècles,  jusqu'au  règne  de  Constantin. 
Laynez  lui  répondit.  «  Secutus  est  jesuita,  ille  his- 
«  trio,  écrit  amèrement  de  Bèze  à  Calvin,  qui  in  con- 
«  ventu  quoque  Possiacensi  intervenerat ,  nec  minus 
«  se  lepidum  praestitit  quam  antea4.  »  L'évêque  de 
Valence  prétendit  les  accorder  et  prononça  un  discours 
dont  les  conclusions  se  rapprochaient  de  celles  de  de 
Bèze  3. 


1.  Le  P.  Laynez  n'est  pas  nommé  dans  le  récit  de  la  collection 
Moreau,  non  plus  que  dans  celui  de  la  collection  Dupuy,  cités 
dans  la  note  précédente,  mais  il  est  expressément  désigné  dans 
la  correspondance  de  de  Bèze.  Voyez  plus  bus. 

2.  Récit  du  temps  (coll.  Moreau,  vol.  740,  f.  -56). 

3.  Journal  de  1562,  contenu  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V. 
p.  82.  Le  discours  du  chancelier  est  presque  entièrement  repro- 
duit dans  le  récit  de  la  coll.  Moreau,  vol.  740,  1'.  '16. 

4.  Lettre  de  de  Bèze,  du  1er  l'év.  (Bauin,  Theodor  Beza,  Preuves, 
p.  161).  —  Le  discours  de  de  Bèze  est  analysé  avec  détails  dans 
les  récits  de  la  coll.  Moreau  et  de  la  coll.  Dupuy. 

5.  Lettre  de  Sainte-Croix,  du  5  février  {Archives  curieuses,  t.  VI. 
p.    H 


32  ANTOINE    DE   BOURBON 

La  reine  et  le  cardinal  de  Ferrare  assistaient  généra- 
lement aux  séances,  mais  le  prélat  ne  prenait  aucune 
part  aux  délibérations1.  Le  roi  de  Navarre,  fidèle  à 
ses  nouveaux  engagements,  proposait,  à  chaque  ques- 
tion douteuse,  d'en  référer  au  concile  de  Trente.  Le 
cardinal  de  Tournon,  d'abord  très  assidu  à  la  con- 
férence, cessa  bientôt  de  s'y  rendre2.  Après  plusieurs 
jours  de  discussion,  les  évoques  de  Valence  et  de  Séez, 
appuyés  secrètement  par  la  reine,  présentèrent  un 
formulaire  qui  supprimait  presque  complètement  le 
culte  des  saints3.  Catherine  aurait  désiré  l'imposer  aux 
deux  partis.  Malade,  blessée  au  genou  à  la  suite  d'une 
chute,  elle  quitta  son  lit  pour  conférer  en  personne 
avec  le  cardinal  de  Ferrare;  mais  elle  ne  put  le  tirer  de 
sa  réserve4.  Les  docteurs  catholiques,  sur  les  obser- 
vations de  Nicolas  Maillard,  repoussèrent  la  transac- 
tion 5.  La  reine  renvoya  les  députés  le  6  février6.  Gel 
échec  mit  fin  aux  tentatives  d'accommodement.  On  a 
«  consommé  12  ou  15  jours,  écrit-elle  à  l'évêque  de 
«  bennes,  en  disputes  sur  une  simple  chose,  qui  est 
«  l'usage  des  images.  Il  n'en  est  résulté  que  une  dureté 

1.  Cependant,  à  l'ouverture  de  la  conférence,  il  prononça 
quelques  paroles  dans  le  sens  de  l'entente  commune  (Récit  du 
tcin|is;  coll.  Moreau,  vol.  740,  1'.  46). 

2.  Lettres  de  de  Bèze  et  de  Sainte-Croix,  citées  dans  les  notes 
précédentes. 

3.  Ce  formulaire  est  reproduit  textuellement  nu  analysé  par 
de  Thou  (Ilist.  unir.,  1740,  t.  III,  p.  125).  —  Le  récit  de  la  coll. 
Dupuy  donne  quelques  détails  sur  l'intervention  de  l'évêque  de 
Valence  (coll.  Dupuy,  vol.  309,  f.  25). 

i.  .Xnjor.  du  cavil.  de  Ferrare,  p.  61.  Lettre  du  6  février. 

5.  Le  discours  ou  les  conclusions  de  Maillard  ont  été  imprimés 
ci  sont  ajoutés  au  récil  de  la  collection  Dupuy  (vol.  309,  f.  25). 
Quant  au  récil  de  la  coll.  Moreau,  il  est  incomplet  ou  inachevé. 

6.  Négociations  du  card.  de  Ferrare,  p.  59  e1  60. 


ET    JEANNE    d'ALRRET.  33 

«  et  obstination  des  uns  et  des  autres,  qui  ont  plutôt 
«  combattu  pour  ne  se  laisser  vaincre,  que  disputé  et 
«  conféré  pour  ne  se  soumettre  à  la  vérité  et  à  la 
«  raison  l.  »  Huit  jours  après  la  dissolution  de  l'assem- 
blée, le  1 4  février,  les  ministres  protestants  publièrent 
un  Advis  touchant  les  images,  qui  fixait  leur  doctrine 
fort  près  des  propositions  de  la  reine.  Ils  proscrivaient 
les  croix,  les  madones,  les  statues  des  saints,  les 
emblèmes  multiples,  qui  depuis  le  moyen  âge  entrete- 
naient la  dévotion  des  fidèles,  comme  entachés  d'ido- 
lâtrie2. 

Pendant  que  la  partialité  de  la  reine  en  faveur  des 
réformés  préparait  le  triomphe  du  culte  nouveau,  le  roi 
de  Navarre  rétablissait  l'égalité  de  la  balance  en  pen- 
chant de  plus  en  plus  vers  le  parti  catholique.  «  Ainsi, 
«  par  un  changement  soudain  et  qu'on  n'aurait  jamais 
«  cru  auparavant,  le  roy  de  Navarre  passa  du  costé  des 
«  catholiques  et  la  roine  Catherine  prit  ou  fit  semblant 
«  de  prendre  le  party  des  Huguenots3.  »  Le  retour  de 
Jacques  d'Auzance  et  les  vagues  promesses  qu'il 
apportait  de  la  part  du  roi  d'Espagne  avaient  déter- 
miné la  conversion  religieuse  et  politique  du  lieutenant 
général.  Jamais  revirement  n'avait  été  plus  rapide  et 
plus  complet4.  «  C'est  une  chose  extraordinaire  à 
«  voir,  écrit  Chantonay,  que  le  changement  qui 
«  s'opère  tous  les  jours  chez  Vendôme,  grâce  aux 

1.  Lettre  de  Catherine  à  l'évêque  de  Rennes,  du  16  février 
1561  (1562)  {Mémoires  de  Castelnau,  t.  I,  p.  735). 

2.  Cette  pièce  est  publie*1  dans  les  Mémoires  de  Gondé,  t.  III. 
p.  101. 

3.  Davila,  in-fol.,  t.  I,  p.  98.  —  Tavannes  s'exprime  presque 
dans  les  mêmes  tenues  (M        n  >,  coll.  Petitot,  p.  324 

4.  Ncgoc.  du  card.  de  Ferrare,  p.  i. 

iv  ;; 


34  ANTOINE   DE   BOURBON 

«  exhortations  de  ses  nouveaux  amis  ' .  »  Il  ne  voulait 
d'autres  conseillers  que  le  cardinal  de  Tournon  et  le 
connétable2.  Le  duc  de  Guise,  ce  rival  maudit,  tant  de 
fois  anathématisé  dans  les  conseils  de  la  maison  de 
Bourbon,  était  absent  de  la  cour;  Antoine  attendait 
son  retour,  disait-il,  pour  s'allier  au  parti  lorrain3.  Au 
conseil  du  roi,  il  adoptait  avec  empressement  les 
mesures  dirigées  contre  ses  anciens  partisans  et  don- 
nait la  préférence  aux  plus  sévères i.  Le  27  décembre, 
à  Paris,  les  séditieux  avaient  pillé  l'église  Saint-Médard. 
Le  procès  menaçait  de  traîner  en  longueur.  Le  prince 
voulut  aller  lui-môme  au  Parlement  afin  de  presser  la 
condamnation  5. 

Le  premier  effet  de  la  conversion  du  roi  de  Navarre 
fut  d'éloigner  ses  anciens  partisans.  Déjà  les  tergiver- 
sations de  ce  prince  en  matière  religieuse  avaient 
ébranlé  son  influence  sur  le  parti  réformé.  La  mission 
de  François  d'Escars  à  Rome,  en  août  1 561 ,  avait  «  faict 
«  rougir,  pleurer  et  gémir  et  quasi  crever  de  despit 
«  tous  bons  zélateurs  de  la  gloire  de  Dieu6.  »  Depuis 
que  le  prince  avait  perdu  la  confiance  des  réformés,  le 

1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II.  du  5  janvier  I5G2  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  d 

-.'.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  23  janvier  (Orig.  espa- 
gnol ;  Arch.  nat.,  K.  I  i97,  n"  6). 

3.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  5  janvier  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  3). 

i.  Galcndars,  1561,  p.  502.  Lettre  du  24  janvier. 

5.  Extrail  des  registres  du  parlement,  publié  dans  les  Mémoires 
de  Condc,  t.  III,  p.  21.  La  visite  du  prince  au  parlemenl  est  du 
22  janvier. 

6.  Lettre  de  Calvin  au  roi  de  Navarre  [Lettres  de  Calvin,  t.  II, 
p.  444).  —  Voyez  aussi  la  lettre  anonyme  adressée  à  la  reine  de 
Navarre,  dont  nous  avons  publié  une  partie  (t.  111,  p.  134)  (Arch. 
des  Basses-Pyrénées,  E.  58  i). 


ET   JEANNE    d'aLBRET. 

pouvoir  réel  tendait  à  passer  à  Coligny  et  l'autorité 
nominale  au  prince  de  Gondé1.  D'ailleurs,  le  dévoue- 
ment de  l'amiral  appelait  une  comparaison  qui  n'était 
pas  favorable  au  roi  de  Navarre.  Rempli  de  désintéres- 
sement pour  lui-même,  Coligny  consacrait  toutes  ses 
forces  au  triomphe  de  la  Réforme.  Antoine  au  con- 
traire n'avait  jamais  usé,  qu'au  profit  de  ses  intérêts 
personnels,  du  pouvoir  royal  déposé  entre  ses  mains 
ni  de  la  suprématie  que  les  Huguenots  lui  recon- 
naissaient2. Après  le  retour  de  Jacques  d'Auzance  à 
Saint-Germain,  au  milieu  de  ses  premiers  transports 
de  nouveau  converti,  le  roi  de  Navarre  s'efforçait 
encore  de  dissimuler  sa  défection  et  de  retenir  dans 
les  rangs  de  son  parti  les  seigneurs  qui  pouvaient 
le  servir.  Le  7  janvier  1562,  il  proteste  auprès  du 
comte  Palatin,  Frédéric  III  de  Ravière,  l'un  des 
champions  du  Luthéranisme  en  Allemagne,  «  de 
«  la  continue  intencion  et  dévotion  que  vous  et 
«  moy  avons  à  ce  que  les  choses  qui  peuvent 
«  avancer  le  cours  de  l'évangile  et  l'union  de  la  reli- 

«  gion  soient  favorisées »  Il  combat  la  méfiance 

que  ses  anciens  alliés  pourront  garder  de  son  incons- 

1.  Lettres  de  Throckmorton,  du  14  nov.  et  du  20  décembre 
(Calendars,  1561,  p.  396). 

2.  Voyez,  outre  les  documents  publiés  ou  analysés  dans  Lettres 
d'Ant.  de  Bourbon  et  de  Jeh.  d'Albret,  par  M.  If  marquis  de 
Rochambeau,  les  lettres  d'Antoine  à  Bordillon,  du  i  octobre,  el 
à  la  vidame  d'Amiens,  du  7  décembre  (f.  fr.,  vol.  15542,  I'.  47,  el 
3188,  f.  16).  Ces  lettres,  qui  sont  inédites,  figureront  aux  Pièces 
justificatives  de  ce  volume.  —  Voyez  aussi  une  déclaration  du  mi 
qui  concède  au  roi  de  Navarre  la  jouissance  des  baronnies  de 
Ghasteauneuf,  Senonchiv,  Uiampron,  Brezolles,  etc.,  confirmée 
par  une  autre  déclaration  du  12  févrierl561  (1562)  (Copie;  Arch. 
nat.,  P.  2312,  f.  147). 


36  ANTOINE   DE   BOURBON 

tance  :  «  Vous  priant,  monsieur  mon  cousin,  estre 
«  tellement  persuadé  de  mon  intention,  quelque  chose 
«  que  les  envieux  publient  au  contraire,  que  je  ne 
«  aye  autre  but  que  de  joindre  et  accommoder,  s'il  est 
«  possible,  l'establissement  et  consentement  delà  vraie 
«  religion  avec  la  concorde  publique  et  la  tranquillité 
«  de  Testât  de  ce  royaume i .  » 

Les  chefs  du  parti  réformé  connaissaient  le  peu  de 
fermeté  du  roi  de  Navarre,  mais  ils  savaient  que  sa 
qualité  de  premier  prince  du  sang  éblouissait  la  masse 
du  peuple.  Coligny  entreprit  de  le  ramener.  Instruit 
que  François  d'Escars  était  l'agent  principal  de  sa 
désertion,  il  révéla  secrètement  au  prince  que  d'Escars, 
pendant  son  ambassade  à  Rome,  avait  tenté  de  le  trahir 
au  profit  du  roi  d'Espagne.  Antoine  ne  fut  pas  aussi 
crédule  qu'à  l'ordinaire  ;  il  demanda  une  preuve  ou 
un  témoignage  et  apprit  de  Coligny  lui-môme  qu'il 
tenait  ce  récit  de  l'évèque  d'Auxerre.  Blessé  d'être  pris 
pour  dupe,  il  fit  une  sorte  d'enquête  ;  il  réunit  à  l'im- 
proviste  Coligny,  l'évèque  d'Auxerre,  d'Escars,  les 
interrogea  séparément  et  en  présence  les  uns  des 
autres.  Goligny  fut  convaincu  de  calomnie  et  se  retira 
confus2.  D'autres  efforts  furent  tentés  par  l'intermé- 
diaire de;  la  reine  d'Angleterre,  que  le  roi  de  Navarre 
avait  toujours  écoutée  comme  sa  protectrice.  Paul 
île  Foix,  un  parent  de  la  maison  d'Albret,  conseiller  au 
parlement  de  Paris,  représentait  la  France  à  Londres3. 

1.  Lettre  du  7  janvier  1561  (1562)  (La  Popelinière,  t.  I,  f.  278. 
—  Mémoires  de  Gondé,  t.  III.  p.  98). 

I.  Lettre  'If  Chantona}  à  Philippe  II,  du  5  janvier  1562  (Orig. 
espagnol  ;  Arch.  aat.,  K.  1  i'.»7,  u°  3). 

3.  Il  fut  remplacé  par  le  comte  de  Garmain  vers  le  commen- 
cement de  février  1562  [Calendars,  1561,  p.  518) 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  37 

Throckmorton  conseilla  à  la  reine  Elisabeth  de  dire 
à  l'ambassadeur  «  qu'elle  se  demandait  avec  éton- 
«  nement  ce  que  signifiait  le  changement  du  roi  de 
«  Navarre  pour  la  religion1.  » 

Le  parti  huguenot,  qui  s'était  flatté  de  vaincre 
sous  la  conduite  d'un  tel  chef,  déçu  dans  ses  espé- 
rances les  plus  constantes,  accablait  le  déserteur 
d'anathèmes.  «  Miser  ille,  écrit  Théodore  de  Bèze  à 
«  Calvin,  jam  prorsus  est  perditus  et  omnia  secum 
«  perdere  constituit.  Uxorem  amandat  ;  Posidonium-, 
«  cui  omnia  débet,  vix  instituerisustinet.  Àccersuntur 
«  Lotharingi,  denique  extrema  omnia  in  nos  compa- 
ct rantur  ;  ita  placet  Domino  gaudium  nostrum  tempe- 
«  rare3.  »  Quelques  jours  après,  de  Bèze  le  stigmatise 
d'un  surnom  infamant,  du  surnom  de  Julien,  en  sou- 
venir de  Julien  l'Apostat  :  «  Ille  quem  minimum 
«  oportuit,  de  quo  si  deinceps  scripsero,  Julianum 
«  vocabo4.  » 

Les  catholiques  au  contraire  se  réjouissaient  de  la 
recrue  d'un  prince  dont  le  nom  seul  valait  une  armée5, 
mais  ils  ne  se  défendaient  pas  d'un  reste  de  méfiance. 
Chantonay,  bien  qu'il  le  tint  captif,  tremblait  de  le 
laisser  échapper.  Il  pria  le  maréchal  Saint-André  de 
le   pousser  à  des  engagements  qui  le  lieraient  pour 


1.  Lettre  de  Throckmorton,  du  16  février  [Calendars,  1561, 
p.  528). 

2.  Posidonius  est  Coligny. 

3.  Baum,  Theodor  Beza,  Preuves,  p.  163. 

4.  Baum,  Theodor  Beza,  Preuves,  p.  166.  Lettre  de  de  Bèze  à 
Calvin,  du  26  février.  De  Bèze  lui  donne  le  même  surnom  dans 
ses  lettres  du  22  h  du  28  mars  (ibid.,  p.   171  et  176). 

5.  Calendars,  1561,  p.  537. — Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II, 
du  30  janvier  (Orig.  espagnol;  Arch.  mit..  K.  1497,  n 


38  ANTOINE   DE  BOURBON 

toujours  au  parli  catholique,  ou  au  moins  de  lui 
conseiller  une  démonstration  solennelle  qui  le  com- 
promettrait définitivement  avec  les  Huguenots1.  La 
méfiance  dura  longtemps,  surtout  chez  les  ministres 
du  roi  d'Espagne.  Le  duc  d'Albuquerque,  qui  avait 
souvent  reproché  au  prince  la  faveur  qu'il  prêtait 
à  Charles  de  Coucy,  s.  de  Burie,  lieutenant  du  roi 
en  Guyenne,  l'accuse  de  vouloir  déplacer  ce  capi- 
taine, vieux  et  incapable  de  conduire  une  campagne, 
et  en  tire  pour  conséquence  que  le  prince  prépare 
l'invasion  de  l'Espagne2.  Au  commencement  d'avril, 
après  avoir  signalé  les  armements  du  roi  de  Navarre 
contre  le  prince  de  Gondé,  Chantonay  ajoute  «  qu'il 
«  sera  bon  d'être  sur  ses  gardes,  au  sujet  des  frontières 
«  de  Navarre,  contre  le  piège  que  ces  armements 
«  pourraient  cacher3.  »  Trois  mois  après,  à  la  fin  de 
juin,  en  pleine  guerre  civile,  un  espion  espagnol  écrit  à 
Juan  Govarin,  domestique  du  confesseur  du  roi  d'Es- 
pagne, que  le  roi  de  Navarre  est  à  la  tête  d'une  armée 
de  quarante  mille  hommes,  que  ces  troupes  vont 
s'embarquer  dans  les  ports  de  l'ouest  et  débarqueront 
à  l'improviste  à  Bilbao,  à  Saint-Sébastien  et  à  Fonla- 
rabie.  Chantonay  transmet  gravement  cette  nouvelle 
à    la    chancellerie   espagnole4.    Jamais   politique    ne 


1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  5  janvier  1562  (Orig. 
espagnol;  A.rch.  aat.,  K.  li'JT,  îr  3). 

2.  Lettre  du  duc  d'Albuquerque  à  Philippe  ii,  du  10  Février 
(Copie;  A.rch.  de  la  secret.  d'Étal  d'Espagne,  leg.  358,  f.  52).  — 
Autre  du  même  au  même,  eu  date  du  Ier  mars  (Copie,  ibid.). 

3.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II.  du  2  et  du  i  avril  1562 
i»  >rig.  espagnol .   \n-h.  nat,  K.  1 197,  a0  18 

i.  Lettre  non  signée  ni  datée  (vers  le  22  juin  1562),  écrite  de 
Paris  (Copie  espagnole;  Arch.  nat.,  K.  1569,  a°  l). 


ET   JEANNE   D  ALBRET.  39 

s'égara  sur  plus  de  chimères  à  force  d'être  soupçon- 
neuse. Les  agents  de  Philippe  II  savaient  que  le  meilleur 
moyen  de  plaire  à  leur  maître  était  de  pousser  la 
méfiance  au  delà  de  toute  limite *. 

La  métamorphose  religieuse  du  roi  de  Navarre  ouvrait 
de  nouveaux  horizons  à  la  politique  espagnole.  Cepen- 
dant Philippe  II  accueillit  la  nouvelle  avec  une  sorte  de 
doute  ;  il  craignait  qu'un  changement  si  subit  ne  cachât 
un  piège.  La  première  lettre  de  félicitations  venue  de 
Madrid  est  signée  du  duc  d'Albe  ;  le  favori  complimente 
Ghantonay  du  triomphe  de  sa  politique  et  le  prince  de 
sa  conversion  ;  mais  à  chaque  trait  revient  le  correctif 
s'il  le  fait  de  vrai2.  Lorsque  le  roi  d'Espagne  apprit 
que  le  lieutenant  général  avait  renvoyé  ses  anciens 
favoris,  qu'il  avait  installé  auprès  de  lui,  en  conseil 
permanent,  les  chefs  du  parti  catholique,  le  connétable, 
le  cardinal  deTournon,  le  maréchal  de  Saint-André  et 
l'évêque  d'Auxerre,  il  daigna  déclarer  «  qu'il  était 
«  satisfait  et  que  Vendôme  suivait  le  meilleur  chemin 
«  pour  mériter  sa  bonne  grâce3.  »  Dès  ce  jour,  les 
encouragements  ne  manquèrent  pas  au  prince.  Le 
1er  février,  Chantonay  dîna  chez  lui  en  compagnie  de 
Saint-André  et  le  «  loua  de  continuer  ses  bonnes 
«  œuvres4.  »  Le  11,  l'ambassadeur  accepta  un  nou- 

1.  Malgré  le  zèle  du  duc  d'Albuquerque,  le  bruit  courail  en 
Navarre  que  Philippe  II  n'était  pas  satisfait  de  sa  vigilance  et  que 
le  duc  de  Feria  allait  être  nommé  vice-roi  de  la  Navarre  (Calen- 
dars,  lettres  du  9  et  du  28  février,  1561-1562,  p.  519  et  539). 

2.  Lettre  du  duc  d'Albe  à  Ghantonay,  du  23  janvier  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1496,  n°  31). 

3.  Lettre  de  Philippe  II  à  Chantonav  (Arch.  nat.,  K.  1496, 
n°  34). 

'i.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II.  du  3  février  (Orig. 
gnol;  Arch.  nat.,  K.  1Î97.  q°  8). 


40  ANTOINE   DE   BOURBON 

veau  festin  chez  le  lieutenant  général,  et,  au  sortir  de 
table,  écrivit  à  son  maître  que  «  Vendôme  avait  donné 
«  des  preuves  de  son  désir  de  vivre  et  de  mourir  dans 
«  la  vraie  religion1.  »  A  cette  date,  Philippe  II  est  sorti 
de  sa  première  incertitude.  Il  charge  son  ambassadeur 
«  d'exhorter  toujours  Vendôme  à  suivre  le  chemin 
«  qu'il  a  pris.  »  Il  ne  demande  qu'à  faire  de  son  ancien 
adversaire  l'ouvrier  principal  de  sa  politique.  «  C'est 
«  lui,  dit-il,  qui  doit  nous  contenter2.  »  Philippe  II 
redoutait,  s'il  laissait  périr  la  cause  catholique  en 
France,  de  fortifier  les  réformés  de  Flandre  de  toutes 
les  forces  perdues  par  la  religion  orthodoxe.  Tel  est, 
dit  Sébastien  de  l'Aubespine,  le  secret  de  ses  ménage- 
ments pour  le  roi  de  Navarre3.  Le  roi  d'Espagne  avait 
d'autant  plus  besoin  d'un  allié  que  la  reine  mère 
s'écartait  davantage  de  la  politique  espagnole.  Depuis 
son  union  avec  les  religionnaires,  elle  fermait  les  yeux 
sur  la  violation  des  édits.  Le  mot  d'ordre  du  roi 
à  ses  officiers  était  d'inviter  les  «  gens  de  la  nouvelle 
«  religion  à  s'accomoder  dextrement  pour  leurs  prêches 
«  de  quelque  lieu  hors  les  villes,  comme   ils  font  à 

«  Paris afin  qu'il  semble  que  ce  soit  plus  une  con- 

«  nivence  qu'une  permission4.  » 

La  satisfaction  de   Philippe  II  n'allait  pas  jusqu'à 

1.  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  du  11  février  (Orig.  espa- 
gnol ;  Arch.  liai..,  k.  1497,  n"  9). 

2.  «  Es  fi  que  nos  ha.  de  <lar  contentamiento  »  (Lettre  de 
Philippe  11  à  Ghantonay,  du  9  Février  1562;  Orig.  espagnol; 
Arch.  aat.,  K.  1496,  q°  i9). 

3.  Lettre  de  l'Aubespine  à  la  reine,  du  25  février  1562  (Copie 
du  temps;  f.  IV.,  vol.  1610*3,  f.  171).  —  M.  Gachard  a  analysé 
cette  Lettre  dans  la  Bibliothèque  nationale  à  Paris,  t.  II,  p.  136. 

i.  Lettre  du  roi  à  Grussol,  du  8  janvier  1561  (1562);  f.  IV., 
vol.  3186,  f.  16,  minute  originale 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  11 

lui  faire  oublier  les  subterfuges  que,  depuis  l'avène- 
ment de  Charles-Quint ,  la  cour  d'Espagne  opposait 
aux  revendications  du  roi  de  Navarre.  Aussitôt  que 
d'Auzance  fut  revenu  à  la  cour,  au  commencement  de 
janvier,  Antoine  voulut  renvoyer  Antonio  d'Almeida  à 
Madrid.  D'Almeida  reçut  une  instruction,  où  le  prince 
multipliait  les  assurances  de  son  dévouement  et  priait 
Philippe  II  de  lui  en  payer  le  prix1.  Catherine  y  ajouta 
une  lettre  de  recommandation2.  Il  n'était  encore  ques- 
tion que  de  l'abandon  de  la  Sardaigne.  Ce  que  valait 
cette  île,  un  historien  protestant  l'exprime  en  un  trait, 
«  un  rien  entre  deux  plats3.  »  Les  chefs  du  parti  catho- 
lique ne  la  prisaient  pas  davantage.  Le  nonce  écrit,  le 
1  o  janvier,  que  Philippe  II  ne  serait  pas  «  fort  éloigné  » 
d'accorder  la  Sardaigne,  à  la  condition  de  garder  les 
places  fortes4,  et  plus  tard  que  le  roi  de  Navarre 
obtiendra  la  Sardaigne,  «  parce  qu'elle  ne  rend  pas 
«  beaucoup  au  roi  catholique5.  »  Galland  prétend  que 
le  duc  d'Albe,  au  nom  de  son  maître,  présenta  le 
duché  de  Milan  6  et  Prosper  de  Sainte-Croix  que  Phi- 
lippe II  accorderait  peut-être  la  Franche-Comté.  Mais 
ces  bruits  ne  reposent  sur  aucun  document  officiel. 
Antoine  de  Bourbon  avait  cessé  de  réclamer  la  resti- 
tution du  royaume  patrimonial  de  la  maison  d'Albret, 

1.  Orig.  sans  date  (fin  décembre  1561)  (f.  t'r.,  vol.  15877,  f.  13). 
—  Le  bruit  de  cette  négociation  était  venu  jusqu'en  Navarre 
(Lettre  du  duc  d'Alluiquerque  àErazzo;  copie;  Arch.  de  la  secret. 
d'État  d'Espagne,  leg.  358,  ï.  52). 

;'.  Lettres  de  Catherine  de  Mcdicis,  t.  I,  p.  262. 

3.  Histoire  des  quatre  rois,  in-8°,  1595,  p.  67. 

4.  Archives  curieuses,  t.  VI,  p.  25. 

5.  Lettre  de  Sainte -Croix,  du  28  février  (Archives  curieuses, 
t.  VI,  p.  44). 

6.  Galland,  Mémoires  sur  la  Navarre,  p.  Kl.!,  in-fol.,  lr0  partie 


42  ANTOINE    DE    BOURBON 

la  partie  de  la  Navarre  qui  s'étend  au  delà  des  Pyrénées. 
Chantonay  lui  avait  démontré  qu'elle  importait  trop 
à  la  sûreté  de  la  monarchie  espagnole  pour  que 
Philippe  osât  s'en  dessaisir.  D'après  le  Laboureur,  il 
y  renonçait  d'autant  plus  facilement  qu'il  n'avait  sur  la 
Navarre  d'autres  droits  que  ceux  de  Jeanne  d'Albret1. 
Ce  changement  donnerait  à  penser  qu'il  n'était  pas 
éloigné  de  répudier  sa  femme. 

Non  seulement  Philippe  II  ne  se  décidait  pas  à  des 
concessions  nouvelles,  mais  il  attendait  que  Antoine 
eût  donné  des  gages  plus  positifs  que  de  simples  enga- 
gements. Sébastien  de  PAubespine  écrit  au  lieutenant 
général  :  «  Le  roy  catholique  persiste  jusques  à  pré- 
«  sent  à  vous  faire  le  premier  déclarer  et  monstrer 
«  quelques  œuvres2.  »  La  condition  était  bien  imaginée, 
car,  le  roi  d'Espagne  étant  seul  juge  de  la  valeur  des 
«  œuvres  »  du  roi  de  Navarre,  il  gardait  l'avantage 
d'être  à  la  fois  juge  et  partie.  Le  président  de  l'Isle 
obsédait  le  pape  au  nom  du  roi  de  Navarre.  Pie  IV 
répondit  que  Philippe  II  n'accorderait  rien  «  jusqu'à 
«  ce  qu'il  ait  meilleure  opinion  du  gouvernement  du 
«  royaume3.  »  Antoine  envoya  Lansac  à  Rome;  il 
n'obtint  que  de  vagues  assurances1.  Le  pape,  mieux 
informé  qu'au  temps  de  la  mission  de  don  Pedro  d'Al- 


1.  Mémoires  de  Castelnau,  I.  I,  p.  745. 

2.  Lettre  de  l'Aubespine  au  roi  do.  Navarre,  du  3  janvier  1562 
(Orig.;  Arch.  des  Basses-Pyrénées,  E.  585).  Il  y  a  une  copie  de 
cette  lettre  dans  le  l'omis  français  (vol.  16103,  f.  132  v°)>  — 
Précis  de  chancellerie,  sans  date  ir.ni.ii>  ou  minute;  Arch.  nat., 
k.  L496,  n°  31). 

3.  Lettre  du  président  de  l'Isle  au  roi,  du  4  janvier  1561  (1562); 
Copie  du  temps,  I'.  IV.,  vol.  3955,  f.  'il  v. 

i.  Calendars,  1561 .  p.  533  <'i  555. 


ET   JEANNE   D'ALBRET.  43 

bret,  s'obstinait  à  traiter,  malgré  les  avertissements 
du  cardinal  de  Ferrare ,  les  démarches  du  prince  «  de 
«  dérisoires  et  suspectes1.  »  Ces  incertitudes  trou- 
blaient la  confiance  du  roi  de  Navarre  ;  quelquefois  il 
cédait  au  découragement  et  se  prenait  à  craindre  que 
le  roi  d'Espagne  «  l'amusât2.  »  Mais  la  moindre  pro- 
messe ranimait  ses  espérances. 

Cependant  l'ambassadeur  d'Espagne  sentait  que  les 
offres  de  Philippe  II  ne  compensaient  pas  le  sacrifice 
qu'il  imposait  au  roi  de  Navarre.  Il  lui  avait  demandé 
de  changer  de  religion  et  de  parti  ;  Antoine  avait  obéi  ; 
et  Philippe  II  ne  lui  concédait  aucune  compensation 
précise  en  retour  de  ses  exigences.  Chantonay  craignait 
que  le  lieutenant  général  ne  se  lassât  d'être  dupe.  N'osant 
exposer  toute  sa  pensée  à  son  maître,  il  tâchait  de 
convertir  les  ministres  en  faisant  l'éloge  du  prince. 
«  Le  s.  de  Vendosme,  écrit-il  au  chancelier  des  Pays- 
«  Bas,  monstre  de  se  vouloir  ranger  de  tout  en 
«  faveur  des  catholiques,  dont  les  adversaires  sont 
«  en  merveilleusement  grand  peine.  Si  le  roy  (d'Es- 
«  pagne)  luy  vouloit  donner  quelque  espoir,  nous 
«  l'aurions  gaigné  en  tout,  qui  seroit  ung  grand  bien 
«  pour  toute  la  Chrétienté.  Toutesfois  je  m'en  rapporte 
«  aux  plus  sages  et  ne  m'y  advanceray  plus  avant  que 
«  l'on  m'enverra  commission3.  »  Le  30  janvier,  il 
donne  encore  une  bonne  note  au  roi  de  Navarre4.  Le 

1.  Lettre  de  Vurgas  à  Granvelle,  <lu  "22  février  (Papiers  d'État  de 
Granvelle,  t.  VI,  p.  516). 

2.  Lettre  de  Sainte-Croix,  du  5  janvier  (Arch.  curieuses,  t.  VI, 
p.  15). 

3.  Lettre  de  Chantonay,  dans  les  Mrmoires  de  Gondé,  i .  Il,  p.  20. 
i.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II.  du  30  janvier  (Orig.  espa- 
gnol ;  Arch.  nal.,  K.  1497,  a 


44  ANTOINE    DE   BOURBON 

3  février,  il  confie  au  chancelier  ce  qu'il  n'osait  dire 
au  roi  d'Espagne  :  «  Vendôme  continue  à  montrer 
«  beaucoup  de  bons  signes  que  son  intention  soit  de 
«  demeurer  catholique  :  mais,  pour  l'entretenir  en  ce 
«  bon  chemin,  il  faudrait  que  le  roy  lui  donnât  un  petit 
«  peu  plus  d'espoir  de  traiter  avec  luy1.  » 

Ces  conseils  revinrent  de  Bruxelles  à  Madrid  avec 
plus  d'autorité  en  passant  par  la  bouche  de  la  duchesse 
de  Parme  et  décidèrent  Philippe  II  à  un  sacrifice  en 
faveur  de  son  nouvel  allié2. 

Le  \  8  janvier  1 562,  le  duc  d'Albe  adresse  au  roi  de 
Navarre  de  nouvelles  propositions.  Le  gouvernement 
espagnol  s'était  avisé  que  la  présence  d'un  prince  fran- 
çais au  milieu  de  la  Méditerranée  mettrait  en  péril  ses 
possessions  italiennes.  D'ailleurs  la  Sardaigne  était 
inaliénable,  comme  propre  de  la  couronne  d'Aragon3. 
En  conséquence  Philippe  II  offrait  la  Tunisie  en  place 
de  la  Sardaigne.  Il  exigeait  que  ce  don  fut  reçu  à  titre 
de  libéralité  et  que  le  nouveau  roi  de  Tunis  s'engageât 
à  rester  tributaire  de  l'Espagne  ;  enfin  il  imposait 
l'expulsion  immédiate  des  chefs  de  la  Réforme  et  sur- 
tout du  prince  de  Gondé,  du  cardinal  de  Chastillon  et 
de  Coligny.  Sur  ces  bases,  le  duc  d'Albe  invitait  le 
prince   à   envoyer   un    nouveau    plénipotentiaire   en 


1 .  Lettre  de  Ghantonay,  dans  les  Mémoires  de  Condê,  t.  II,  p.  21. 
—  Dans  une  lettre  écrite  le  mémo  jour  à  Philippe  II,  Ghantonay 
est  beaucoup  moins  précis  (Orig.  espagnol,  K.  1 497,  n°  8).  —  Il 
revient,  non  moins  faiblement,  sur  la  même  pensée  le  11  février 
((  ) r- i lt  espagnol  :  ibid.,  n°  9). 

2.  Ghantonay  avail  déjà  employé  cette  tactique  (t.  III,  p.  :iO."»i. 

3.  Lettre  de  l'Aubespine  à  la  reine,  du  31  janvier  (Copie;  f. 
IV.,  vol.  1 6103,  f.  156  v°).  —  Lettre  du  dur  d'Albe  à  Chantonay, 
du  5  février  (Orig.  espagnol;  Arch.  oat.,  K.  1496,  n°  40). 


ET   JEANNE    d'aLBRET.  45 

Espagne1.  Antonio  d'Almeida,  alors  à  Madrid,  fut 
chargé  d'apporter  la  proposition  à  la  cour  de  France2, 
niais  elle  fut  dissimulée  à  l'Aubespine,  peut-être  dans 
la  crainte  qu'il  ne  la  prit  pas  au  sérieux3.  Le  duc  d'Albe 
confia  deux  lettres  à  d'Almeida;  l'une  pour  Chantonay, 
qui  énumère  les  avantages  du  traité  ;  l'autre  pour  le 
roi  de  Navarre,  simple  lettre  de  créance  et  d'amitié  \ 
Antonio  d'Almeida  arriva  à  Saint-Germain  le  6  février 
à  midi,  et  entra  immédiatement  en  conférence  avec  le 
roi  de  Navarre.  Après  avoir  passé  une  partie  de  la 
journée  avec  lui,  il  se  rendit  auprès  de  l'ambassadeur 
d'Espagne.  Le  lendemain,  Chantonay  accourut  au  châ- 
teau. Sa  première  parole  fut  de  recommander  au 
prince  de  tenir  la  négociation  secrète,  même  vis-à-vis 
de  la  régente  et  de  la  reine  de  Navarre,  qui  se  seraient 
hâtées,  dit  l'ambassadeur,  de  la  révéler  au  cardinal 
de  Chastillon  et  à  Goligny.  Il  le  priait  de  n'en  parler 
qu'au  cardinal  de  Tournon,  au  maréchal  de  Saint- 
André  et  à  d'Escars.  Antoine  promit  de  garder  le 
silence  et  engagea  la  discussion  sur  le  fonds.  Les  nou- 
velles propositions  du  roi  d'Espagne  lui  causaient 
plus  de  surprise  que  de  mécontentement.  La  Tunisie, 
habitée  par  des  peuplades  barbares,  habituées  à  vivre 

1.  Lettre  du  duc  d'Albe  à  Chantonay,  du  18  janvier  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1496,  n°  35). 

2.  Lettre  de  Philippe  II  à  Chantonay,  du  18  janvier  (Arch. 
nat.,  K.  1496,  n°  34). 

3.  Lettre  de  Philippe  II,  citée  \Au<  haut.  —  Lettre  de  l'Aubes- 
pine, du  20  janvier  (Copie,  f.  fr.,  vol.  16103,  f.  139).  —Autre  du 
même  à  la  reine,  du  27  janvier  (ibid.,  f.  1  i~).  —  Autre  du  même 
au  roi  de  Navarre,  de  même  date  (ibid.,  f.  153). 

4.  Lettre  du  duc  d'Albe  à  Chantonay,  du  23  janvier  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  nat.,  K.  1496,  n°  31).  —  Lettre  du  même  au  roi  de 
Navarre,  de  même  date  (Minute  en  français;  ibid.,  n°  36). 


46  ANTOINE   DE   BOURBON 

de  pillage,  sans  commerce,  sans  villes,  sans  port,  ne 
làisait  pas  partie  du  royaume  d'Espagne.  Charles- 
Quint,  dans  le  cours  de  son  règne,  avait  vainement 
essayé  d'y  fonder  un  établissement  durable.  Difficile  à 
conquérir,  elle  était  plus  difficile  à  conserver  et  impos- 
sible à  gouverner  suivant  les  mœurs  des  états  chré- 
tiens. Chantonay  combattit  ces  critiques.  Le  don  de 
la  Tunisie  lui  paraissait  tellement  avantageux  qu'il 
ne  doutait  pas  de  l'acceptation  du  prince.  Antoine, 
feignant  de  se  laisser  convaincre,  demanda  la  Sardaigne 
jusqu'au  jour  prochain  de  la  conquête  de  la  Tunisie. 
Sa  présence,  dit-il,  était  nécessaire  à  la  cour  pour  le 
triomphe  de  leurs  idées  communes,  et  il  pourrait 
régner  en  Sardaigne  sans  quitter  le  continent.  En 
attendant  le  rétablissement  de  la  paix  religieuse,  Phi- 
lippe II  parachèverait  la  conquête  de  la  Tunisie  et 
l'échange  des  deux  royaumes  s'opérerait  sans  fraude. 
La  réponse  mettait  l'ambassadeur  dans  l'embarras.  Il 
s'en  tira  en  louant  la  générosité  de  son  maître.  Antoine 
aurait  pu  lui  observer  que  son  maître  ne  s'appauvrissait 
pas  en  donnant  ce  qu'il  ne  possédait  pas.  Les  deux 
parties  se  réservèrent  le  temps  de  la  réflexion  et  se 
séparèrent  avec  force  démonstrations  d'amitié1. 

Deux  jours  après,  le  roi  de  Navarre  réunit  en  con- 
férence l'ambassadeur  d'Espagne,  le  cardinal  de  Tour- 
non,  le  maréchal  Saint-André  et  d'Escars.  Chantonay 
tit  ressortir  les  richesses  et  les  ressources  de  la  Tunisie. 
Les  conseillers  du  lieutenant  général  V écoutaient  avec 
attention.  Le  cardinal  avait  entendu  parler  de  Tunis  du 

l.  Lettre  de  Ghanl  may  à  Philippe  II,  du  II  février  \b&2  (Orig. 
espagnol;  Arch.  uni.,  K.  1  i'.iT,  u  9).  —  Résumé  de  chancellerie, 
sans  date  (ibid.,  K.  1 196). 


ET   JEANNE    DALBRET.  47 

vivant  de  François  Ier.  Le  maréchal  n'avait  que  de  vagues 
notions  géographiques  et  demanda  si  la  Tunisie  était  une 
île. Tous  les  trois  confondaient  le  littoral  de  l'Afrique  avec 
les  grandes  Indes.  Après  uneassez  longue  délibération, 
le  roi  de  Navarre  conclut  :  il  acceptait  en  principe  le  don 
de  la  Tunisie,  mais  il  se  réservait  de  solliciter  du  roi 
d'Espagne  le  don  de  la  Sardaigne  en  attendant  la  con- 
quête de  la  Tunisie.  Cette  décision  déchargeait  la  res- 
ponsabilité de  l'ambassadeur  et  lui  permettait  de  traîner 
la  négociation  en  longueur.  Chantonay  se  soumit  donc 
aux  désirs  du  prince,  mais  il  réclama  le  secret  avec 
instance,  sous  prétexte  que  l'amiral,  s'il  était  informé, 
trouverait  les  moyens  d'entraver  la  conquête  future. 
On  convint  de  dire  à  la  cour  que  Philippe  II  avait 
promis  la  Sardaigne  au  roi  de  Navarre,  «  à  moins  qu'il 
«  lui  donnât  autre  chose4.  » 

Malgré  le  secret  juré  par  les  conseillers  du  roi  de 
Navarre,  la  reine  mère  avait  deviné  l'ouverture  de 
propositions  nouvelles  sans  pouvoir  en  pénétrer  l'objet. 
Depuis  quelque  temps  elle  était  jalouse  du  crédit  du 
lieutenant  général  à  Madrid  et  s'en  cachait  si  peu  qu'il 
s'en  avisa.  Elle  avait  demandé  au  roi  d'Espagne  une 
entrevue  pour  le  mois  de  mai.  Antoine  avait  voulu  la 
retarder  afin  de  se  concerter  sur  tous  les  points  avec 
son  allié2,  et  l'avait  emporté.  Ce  premier  échec  la  tenait 
en  éveil.  Le  mystère  dont  le  prince  et  Chantonay  entou- 
raient leurs  conférences  depuis  le  retour  de  d'Almeida, 

1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  11  lévrier  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  9). 

2.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  23  février  (Orig. 
espagnol  ;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  11).  —  Presque  toutes  les 
lettres  de  cette  période  traitent  plus  ou  moins  de  cette  entrevue. 
La  lettre  du  23  février  est  celle  qui  contient  le  plus  de  détails. 


48  ANTOINE   DE   BOURBON 

le  silence  gardé  vis-à-vis  d'elle  et  vis-à-vis  de  Sébas- 
tien de  l'Aubespine  à  Madrid  lui  faisaient  craindre  un 
refroidissement  de  Philippe  II1.  Elle  pensa  que  les 
deux  rois  «  machinaient  »  de  la  dépouiller  du  titre 
de  régente  et  elle  envoya  à  Madrid  un  messager, 
le  (ils  de  son  maître  d'hôtel,  avec  une  instruction  que 
l'Aubespine  communiqua  au  duc  d'Albe2.  Elle  se 
plaignit  elle-même  à  Chantonay  des  intrigues  du  roi 
de  Navarre  et  lui  signifia  que,  si  le  prince  poursuivait 
un  traité  à  son  insu,  elle  «  ferait  tout  son  possible 
«  pour  y  mettre  obstacle3.  »  Antoine  fut  blessé  des 
soupçons  de  la  reine.  L'ambassadeur  espagnol,  confi- 
dent des  deux  parties,  eut  l'adresse  de  pacifier  le  dif- 
férend en  témoignant  à  la  reine  du  dévouement  du  roi 
de  Navarre  et  au  roi  de  Navarre  de  la  confiance  de  la 
reine4. 

Philippe  II,  si  jaloux  de  cacher  ses  offres,  était  fort 


l.  Lettre  de  Chantonay  àPhilippe  IL,  du  1  i  février  lOrig.  espa- 
gnol; Arch.  nai.,  K.  1497,  n°  10).  — Lettres  de  l'Aubespine  au 
roi,  au  roi  île  Navarre,  du  16  lévrier,  à  la  reine,  du  20  février 
(Copie  du  temps,  l'.  tr.,  vol.  16103,  1'.  161,  168  v°  et  170).  A  cette 
dernière  date,  l'Aubespine  ne  connaissait  pas  encore  l'offre  delà 
Tunisie,  car  il  écrit  à.  la  reine  que  Philippe  II  ne  s'esl  pas  encore 

expliqué  sur  le  dédommage ni  qu'il  réserve  au  roi  deNavarre. 

—  Le  mystère  donl  Philippe  II  entourait  ses  propositions  vis-à- 
vis  de  la  reine  est  aussi  constaté  par  le  cardinal  de  Sainte-Croix 
(Lettre  du  22  février;  Archives  curieuses,  t.  VI,  |>.  42). 

;'.  Lettre  du  duc  d'Albe  à  Chantonay,  du  ■>  février  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  nai.,  K.  1496,  n°  40).  Le  messager  c'est  pas  nommé 
dans  la  lettre. 

3.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  il.  du  28 février  (Orig.  espa- 
gnol ;  Arch.  aat.,  K.   li'.iT,  w  13). 

4.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  :!  février  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  nat.,  K.  1497,  a"  8).  —  Lettre  du  même  au  même, 
du  Os  l'e\ rier  (<  hig.  espagnol  ;  ibid.,  u°  13). 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  49 

empressé  de  présenter  ses  exigences.  Dans  toutes  ses 
lettres,  de  la  fin  de  décembre  et  du  commencement  de 
janvier,  il  énumère  les  services  qu'il  attend  du  roi  de 
Navarre,  l'épuration  de  la  cour,  qui  était  une  des  con- 
ditions du  marché,  l'exil  des  ministres  et  des  princes 
huguenots,  la  disgrâce  de  personnages  qui,  à  différents 
titres,  traversaient  la  politique  espagnole,  du  chance- 
lier et  de  l'évêque  de  Valence,  hostiles  au  concile  de 
Trente1,  de  la  dame  de  Grussol,  favorite  de  la  reine, 
accusée  d'avoir  préparé  l'accord  de  sa  maîtresse  avec 
le  parti  réformé2,  et  surtout  des  trois  Chastillons, 
promoteurs  de  négociations  en  Allemagne  que  Phi- 
lippe II  redoutait  pour  les  Flandres  3.  Il  exprima  même 
officiellement  ses  désirs  à  l' Aubespine 4 .  La  charge  don- 
née au  prince  était  plus  difficile  qu'on  ne  le  supposait 
à  Madrid,  car  le  crédit  de  Condé  et  des  Chastillons 
était  lié  au  pouvoir  même  de  la  reine  mère. 

Le  roi  de  Navarre  était  d'autant  plus  disposé  à  ren- 
voyer son  frère  qu'il  le  redoutait  davantage.  Catherine 

1.  Lettre  de  Chantonay,  du  23  janvier,  à  Philippe  II  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  6).  —  Résumé  de  chancellerie 
(Ibid.,  K.  1496,  n°  48).  —  Autre  du  3  février  à  Philippe  II  (Orig. 
espagnol  ;  ibid.,  n°  8). 

2.  Lettre  de  Chantonay,  du  23  janvier,  à  Philippe  II  (Orig. 
espagnol  ;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  6).  —  Autre  du  3  février  (Ibid., 
il"  8).  —Autre  du  11  février  (Ibid.,  n°  9). 

3.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  30  janvier  15G2  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  7).  —  Autre  du  11  février 
(Orig.  espagnol;  ibid.,  n°  9).  —  Autre  du  14  février  (Orig.  espa- 
gnol; ibid.,  n°  10).  —  Résumé  de  chancellerie,  sans  date  (Ibid., 
K.  1496). 

i.  Lettre  de  l'Aubespine  à  la  reine  mère,  du  20  février  (Copie 
du  temps;  f.  fr.,  vol.  16103,  f.  170).  —  Voyez  aussi  toutes  les 
lettres  de  Chantonay,  des  mois  de  janvier  et  de  février,  que  nous 
avons  citées. 

iv  4 


50  ANTOINE   DE   BOURBON 

avait  laissé  prendre  aux  chefs  de  la  Réforme  une  part 
prépondérante  dans  le  gouvernement.  Chacun  d'eux 
usait  de  son  crédit  suivant  ses  aptitudes.  Le  prince  de 
Coudé,  plus  propre  à  compromettre  qu'à  servir  ses 
coreligionnaires,  l'employait  à  troubler  lapaix  publique. 
Le  lendemain  de  la  sédition  de  saint  Médard,  il  s'était 
rendu  à  Paris  et  avait  pris  ouvertement  parti  pour  les 
agresseurs  de  l'église.  Il  n'obtint  rien  de  la  reine  ni  du 
parlement,  mais  il  ne  se  fit  faute  d'encourager  les 
séditieux.  Le  roi  de  Navarre  lui  adressa  justement  le 
reproche  «  de  ne  pratiquer  la  nouvelle  religion  qu'en 
«  fomentant  des  troubles  et  des  soulèvements  dans  le 
«  royaume1.  »  Le  danger  de  laisser  à  la  cour,  dans  un 
moment  de  crise,  ce  chef  de  parti  aventureux  fit 
goûter  à  la  reine  l'idée  de  l'éloigner  sous  un  prétexte 
honorable.  La  Cuyenne  et  le  Languedoc  étaient,  de 
toutes  les  provinces  du  royaume,  celles  que  les  sédi- 
tieux déchiraient  avec  le  plus  d'acharnement.  La  reine 
conlia  au  prince  de  Gondé  la  mission  de  visiter  la 
Guyenne  en  pacificateur,  et,  pour  ne  pas  donner 
à  cette  charge  une  importance  exceptionnelle,  elle 
envoya  le  seigneur  de  Crussol  avec  des  pouvoirs 
analogues  en  Languedoc  et  en  Provence2.  Philippe  II 
aurait  préféré  y  employer  le  roi  de  Navarre  en  per- 
sonne ,   mais  la   reine  ne  voulut   pas  se  séparer   du 

1.  Lettre  de  Chantona^  à  Philippe  II,  du  5  janvier  156-2  (Orig. 
espagnol  ;  Ajrch.  nat.,  K.  1 197,  a"  3). 

2.  L'instruction  donnée  à  Grussol  est  conservée  en  minute  dans 
le  vol.  15875  du  f.  IV.,  f.  434.  —  En  même  temps  le  roi  écrivit  à 
Joyeuse  (Ibid.,  f.  153),  pour  lui  commander  d'aider  Crussol  dans 
son  œuvre.  — -  Autre  lettre  au  même  (Ibid.,  f.  263).  —  Lettre  de 
Chantona}  à  Philippe  H,  du  25  février  (Orig.  espagnol;  A.rch. 
uni.,  K.  1497,  u"  12). 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  51 

lieutenant   général   et    Antoine   lui-même  refusa   de 
quitter  la  cour1. 

L'instruction  remise  à  Condé  porte  que  le  prince 
devait  visiter  les  villes,  procéder  au  désarmement  du 
peuple,  restituer  aux  ecclésiastiques  les  églises  et  les 
bénéfices  usurpés  par  les  réformés,  remettre  en  charge 
les  officiers  chassés  par  les  séditieux,  punir  les  auteurs 
des  pillages  et  leur  mettre  «  tant  de  prévosts,  de 
«  mareschaux  au  cul  qu'on  en  puisse  despescher  le 
«  pays.  »  Deux  points  attirent  particulièrement  l'at- 
tention du  conseil  :  le  premier  concerne  «  les  mille 
«  escripts  scandalleux  et  diffamatoires  qu'on  faitimpri- 
«  mer  sans  permission  du  roy.  »  Le  prince  était  chargé 
«  d'advertir  ceux  de  la  relligion,  afin  que  de  leur  part 
«  ils  travaillent  d'empescher  cela  parmy  eux,  et,  s'il 
«  se  peult  trouver  quelques  ungs,  tant  des  autheurs 
a  que  des  imprimeurs,  il  ne  sauroit  faire  chose  plus 
«  agréable  au  roy  que  de  les  faire  bien  chastier.  »  Le 
second  point  révélait  l'incurable  faiblesse  qui  paralysait 
les  plus  sages  déterminations  :  aux  réformés  qui  se 
plaindraient  de  «  n'avoir  point  de  lieu  pour  prier 
«  Dieu,  »  le  prince  de  Condé  «  fera  doulcement  entendre 
«  que,  s'ilz  trouvent  de  s'accomoder  hors  les  villes  de 
«  quelque  place,  pourvu  que  ce  ne  soit  esglise  ou 
«  temple,  »  il  donnera  ordre  aux  officiers  du  roi 
«  d'y  cligner  les  yeux.  »  Ce  paragraphe,  qui  con- 
tient en  abrégé  toute  la  politique  de  la  reine  mère,  ne 
sortit  pas  de  premier  jet  du  cerveau  des  secrétaires 
d'état;  les  innombrables  ratures  de  la  minute  prouvent 
combien  il  a  été  travaillé.  La  mission  de  Condé  s'éten- 

1.  Lettre  de  Philippe  II  à  Ghantonay,  du   18  janvier   (Arch. 
nat.,  K.  1496,  n°  34). 


52  ANTOINE    DE   BOURBON 

dait  sur  une  partie  de  la  France,  Orléans,  Blois,  Bor- 
deaux, Grenade,  Fumel ,  Gahors  et  autres  villes1. 
Consulté  d'avance,  le  prince  avait  accepté  la  mission  ; 
il  avait  présenté  au  conseil  un  mémoire  que  les  secré- 
taires d'état  avaient  seulement  développé2. 

L'instruction  du  roi  au  seigneur  de  Grussol  fait  res- 
sortir l'importance  de  la  charge  du  prince.  Après  avoir 
parlé  des  soulèvements  qui  ensanglantaient  les  villes  de 
Provence  et  de  Languedoc,  de  la  fuite  de  l'évêque  de 
Nîmes,  le  roi  ajoute  :  «  Au  demeurant  je  vous  advise 
«  que  j'ay  envoyé  mon  cousin  le  prince  de  Condé  en 
«  Guyenne,  pour  les  adviz  que  j'ay  euz  de  tant  de 
«  désordres  qui  s'y  commectent,  qu'il  est  nécessaire  d'y 
«  employer  quelque  grande  personne  pour  y  remédier. 
«  Et  pour  ce,  s'il  a  besoing  de  vos  forces,  vous  l'en 
«  secourrez  et  l'advertirez  de  tout  ce  que  vous  enten- 
«  drez,  faisant  au  demeurant  tout  ce  qu'il  vous  ordon- 
«  nera  pour  le  bien  de  mon  service,  soit  pour  le  venir 
«  trouver,  s'il  vous  mande,  soit  s'il  veult  aller  là  par 
«  où  vous  serez 3 .  » 

La  nouvelle  de  la  prochaine  arrivée  de  Condé  en 
Guyenne  ne  satisfit  pas  Philippe  II.  Il  redoutait  la  pré- 
sence du  prince  à  la  cour,  mais  il  ne  redoutait  pas 

1.  Minute  originale  datée  du  mois  de  décembre  (f.  fr.,  vol. 
15875,  f.  'il  1).  —  Copie  de  la  même  pièce  nu  autre  minute  (Ibid., 
!'.  85).  —  Peu  d'historiens,  même  parmi  les  contemporains,  ont 
coiiuu  le  projel  mort-né  d'envoyer  Condé  en  Guyenne.  La 
Popelinière  est  un  des  soûls  qui  en  fassent  mention  (in-fol.,  t.  I, 
f.  283  v  i. 

2.  Cette  pièce  esl  conservée  en  minute  ou  copie  avec  correc- 
tion dans  le  vol.  15875  du  tonds  français,  !'.   109. 

3.  Minute  charg le  ratures  on  date  du  8  janvier  1561  (1562) 

(f.  fr.,  vol.  3186,  I'.  16).  Catherine  écrivil  aussi  dans  le  même  sens 
à  Crussol  [Lettres  i><  Gatherine,  t.  1,  p.  "263). 


ET    JEANNE    d'aLBRET.  53 

moins  de  le  voir  chevaucher  sur  les  frontières  d'Es- 
pagne à  la  tète  d'une  armée,  bien  que  Sébastien  de 
l'Aubespine  lui  assurât  que,  pour  un  soldat  huguenot, 
les  compagnies  du  prince  compteraient  dix  catho- 
liques1. Le  duc  d'Albuquerque  feignit  de  croire  que 
Antoine  de  Bourbon  envoyait  son  frère  à  la  conquête 
de  la  Navarre.  En  ce  moment,  Biaise  de  Monluc  assem- 
blait à  grand  bruit  des  gens  de  pied  pour  punir  les 
meurtriers  du  baron  de  Fumel.  Le  duc  d'Albuquerque 
écrivit  à  Philippe  Iï  qu'une  armée  d'invasion  se  formait 
sur  la  frontière2.  Le  roi  d'Espagne  prit  l'alarme  au 
sérieux,  et,  le  18  janvier,  le  duc  d'Albe  somma  le  roi 
de  Navarre  de  retenir  le  prince  de  Gondé  en  Picardie. 
L'injonction  dissimulait  assez  bien  les  appréhensions 
des  Espagnols,  car  elle  avait  pour  but  d'écarter  à  la 
fois  un  prince  entreprenant  et  courageux  des  fron- 
tières de  la  Guyenne  et  des  conseils  de  la  reine  mère. 
A  la  fin  de  sa  lettre,  le  duc  d'Albe  signifie  que  son 
maître  ne  poursuivra  les  négociations  avec  le  roi  de 
Navarre,  alors  en  pleine  activité,  qu'au  prix  de  la 
retraite  de  Gondé  en  Picardie3. 

Antoine,  qui  avait  été  le  premier  à  approuver  la 
mission  de  Condé  en  Guyenne,  fut  aussi  le  premier  à 
proposer  à  la  reine  de  se  déjuger.  Catherine  hésitait 

1.  Lettre  de  Philippe  II  à  Ghantonay,  du  18  janvier  (Arch.  nat., 
K.  1496,  n°  34).  —  Ghantonay  n'avait  pas  attendu  la  lettre  de 
Philippe  II  et  avait  protesté  auprès  de  la  reine  le  7  janvier  (Lettre 
de  la  reine  à  l'Auhespine,  du  8  janvier,  dans  les  Mémoires  de 
Condé,  t.  II,  p.  601). 

2.  Lettre,  du  duc  d'Albuquerque  à  Philippe  II,  du  24  janvier 
1562 (Copie;  Arch.  de  la  secret,  d'état  d'Espagne,  leg.  358,  f.  52). 

3.  Lettre  du  duc  d'Albe  à  Chantonay,du  18  janvier  1562  (Arch. 
nat.,  K.  1496,  n°  35). 


54  ANTOINE   DE   BOURBON 

par  crainte  de  blesser  le  prince.  Celui-ci  s'emportait 
contre  les  tergiversations  de  son  frère  dont  il  ne 
connaissait  pas  les  secrets  mobiles.  Son  dépit  donna 
naissance  à  un  bruit  recueilli  par  les  espions  de  la  reine 
d'Angleterre  :  qu'il  allait  rassembler  des  troupes  en 
Guyenne  pour  tenter  un  coup  de  main  sur  Avignon1. 
La  rivalité  de  la  reine  et  du  roi  de  Navarre  était  près 
d'éclater  à  l'occasion  de  Condé,  quand  le  prince  tomba 
malade  d'une  fièvre  tierce,  suivant  les  uns2,  «  d'un  apos- 
«  thume  dans  un  endroit  très  dangereux,  »  suivant  les 
autres3,  et  si  gravement  que  sa  vie  fut  en  danger.  Son 
voyage  en  Guyenne  fut  contremandé  et  il  s'éloigna  de  la 
cour  pendant  plusieurs  semaines.  Une  fois  seulement, 
pendant  la  durée  de  sa  maladie,  il  se  fit  transporter  en 
litière  à  Saint-Germain  pour  encourager  ses  coreligïon- 

1.  Calendars,  1561,  p.  504. —  C'est  dans  ce  desseiD  que  La  reine  lui 
aurait  subordonné  le  sire  de  Grussol.  —  Les  projets  de  campagne 
de  Condé  en  Provence  sont  invraisemblables.  Cependant  il  est 
Certain  qu'on  avait  parlé  de  lui  donner  la  ville  d'Avignon  ou  le 
Gomtat-Venaissin.  Sainte-Croix  raconte  que  l'ambassadeur 
d'Espagne  lui  a  dit  qu'il  était  probable  que  Philippe  II  désinté- 
resserait li'  roi  de  Navarre  et  qu'il  était  du  devoir  du  pape  d'offrir 
le  Gomtat-Venaissin  ou  la  ville  d'Avignon  à  Condé.  Cette  propo- 
sition n'eut  aucune  suite.  (Lettre  de  Sainte-Croix,  du  22  février; 
Archives  curieuses,  t.  VI,  p.  39.)  Bordenave  [Histoire  de  Foix  et  de 
Navarre,  p.  U3  el  114),  historiographe  de  la  maison  d'Albret, 
présente  autremenl  les  projets  du  prince  de  Condé  sur  Avignon. 
D'après  cci  historien,  le  parti  huguenol  avail  conseillé  au  roi  de 
Navarre  de  mettre  la  main  sur  le  Gomtat-Venaissin  par  l'inter- 
médiaire <!c  son  frère,  et,  nanti  de  ^'  gage,  d'obliger  le  roi  d'Es- 
pagne à  lui  rendre  la  Navarre  nu  à  lui  donner  la  Sardaigne. 

2.  Lettre  il''  Sainte-Croix,  du  5  ch.  curieuses,  t.  VI, 
p.  36). 

.:.  Lettre  de  Tbrockmorton,  'lu  lôfévriei  [Calendars,  1561-1562, 
p.  524).  -Quelques  jours  après, dit  Throckmorton,  ■  l'aposthume  » 
se  creva  ci  le  prince  guérit. 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  55 

naires  l.  Son  état  «  taisait  tellement  pitié,  »  même  aux 
chefs  du  parti  catholique,  que  l'ambassadeur  espagnol 
renonça  pour  le  moment  à  requérir  l'exil  du  prince  en 
Picardie2.  Le  sire  de  Grussol  remplit  seul  sa  mission 
de  pacification  en  Languedoc,  en  Provence  et  en  Dau- 
phiné3.  La  Guyenne  fut  laissée  aux  propres  forces  de 
ses  officiers.  A  défaut  du  prince  de  Gondé,  la  reine 
mère  y  accrédita  Biaise  de  Monluc  et  plus  tard  le  duc 
de  Montpensier. 

Restaient  les  trois  Ghastillons,  les  vrais  adversaires 
de  Philippe  II.  Tandis  que  le  prince  de  Condé  se  dépen- 
sait en  fanfaronnades,  les  trois  Chastillons,  sans  se 
perdre  en  démonstrations  futiles,  travaillaient  au 
triomphe  de  la  Réforme  avec  une  fermeté  calme. 
L'ambassadeur  anglais  traitait  avec  Goligny  presque 
de  puissance  à  puissance k ,  et  Calvin  lui  écrivait 
d'humbles  lettres  comme  au  seul  homme  dont  il  subît 
la  supériorité5.  Habilement  guidé  par  l'amiral,  le 
parti  huguenot  marquait  chaque  jour  par  un  progrès. 
Les  lieutenances,  les  charges  de  province,  les  capitai- 
neries des  places  fortes  et  des  villes  ouvertes  tombaient 
peu  à  peu  entre  ses  mains.  Le  maréchal  de  Brissac  était 
malade,  le  maréchal  de  Thermes  très  âgé  ;  des  intrigues 
se  nouaient  pour  choisir  leurs  successeurs  parmi  les 
hommes  de  la  religion.  Montmorency  cumulait  deux 
fonctions,  celles  de  connétable  et  de  gouverneur  du 

1.  Calendars,  1561,  p.  524.  Lettre  deThrockmorton,  du  16  février. 

2.  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  du  11  février  1562  H  >rig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  ii"  9). 

3.  Histoire  du  Languedoc,  t.  V,  p.  216  et  suiv. 

•i.  Lettre  du  29  avril  au  sujet  du  concile  national  (Calendars, 
1561,  p.  82). 
5.  Lettres  de  Calvin,  t.  11,  p.  397. 


56  ANTOINE   DE    BOURBON 

Languedoc  ;  Condé  cherchait  à  l'en  dépouiller.  Coli- 
gny, comme  amiral,  disposait  du  commandement 
des  côtes  de  l'Océan  ;  il  briguait  celui  des  côtes  de  la 
Méditerranée  et  celui  des  galères  qui  appartenait  au 
grand  prieur  de  Lorraine1.  Les  trois  Chastillons,  dit 
Chantonay,  étaient  l'àme  du  parti  réformé  ;  les 
chasser  de  la  cour  eût  été  pour  le  parti  catholique  la 
moitié  de  la  victoire.  Le  difficile  était  de  les  atteindre. 
La  reine  les  soutenait  comme  ses  meilleurs  conseillers2, 
et  le  roi  de  Navarre,  par  suite  d'une  longue  confrater- 
nité dans  leur  lutte  commune  contre  les  Guises,  par  le 
souvenir  de  tant  de  services  rendus  dans  les  mauvais 
jours  du  règne  de  François  II,  semblait  uni  aux  Chas- 
tillons par  des  liens  indissolubles.  Mais  Philippe  II 
n'entendait  pas  laisser  un  simulacre  de  liberté  au  roi  de 
Navarre.  Antoine  était  son  homme-lige  et  ne  paraissait 
à  l'ombrageux  souverain  que  propre  à  le  servir.  Il  s'en 
prit  d'abord  à  Coligny.  Quant  au  cardinal  de  Chastillon, 
homme  de  conseil,  non  d'action,  quant  à  d'Àndelot, 
homme  de  guerre,  non  de  conseil,  il  semblait  les  dédai- 
gner encore. 

Philippe  II  avait  déjà  prétendu  exiger  de  la  reine 
l'expulsion  de  Coligny  et  sa  retraite  à  Chastillon  sous 
prétexte  que,  en  qualité  d'amiral,  il  favorisait  les 
déprédations  des  corsaires  huguenots,  afin  de  se  venger 
des  mauvais  traitements  qu'il  avait  subis  de  la  part 
des  Espagnols  pendant  son  emprisonnement  à  Gand. 


I.  Lettre  de  Chantonay,  du  13  novembre,  à  Philippe  II  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  k.  1494,  n°  108).  —  Lettre  de  Throckmor- 
ton,  du  I  ï  novembre  (Calendars,  I56t,  p.  396). 

ï.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  5  janvier  1562  (Orig. 
es]  agnol ,  A.rch.  nat.,  K.  1  i'.iT,  n° 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  57 

Cette  étrange  prétention  fut  signifiée  officiellement  à 
l'Aubespine  à  Madrid.  Portée  au  conseil  de  la  reine, 
elle  y  fut  discutée  comme  une  affaire  d'état.  Chacun 
s'étonnait  de  voir  un  souverain  étranger  prendre 
à  partie  le  simple  sujet  du  roi  de  France i .  L'étonne- 
ment  fut  bien  plus  grand  quand  le  roi  de  Navarre 
appuya  la  demande  d'expulsion.  Coligny  protesta,  le 
5  janvier,  auprès  de  l'Aubespine,  contre  les  imputations 
de  Philippe  II  :  «  L'on  me  feroit  grand  tort  par  delà  de 
<r  m'estimer  homme  de  vengeance  et  qui  se  voulust 
«  ressentir  des  choses  qui  m'ont  esté  faictes  durant  le 
«  temps  de  la  guerre,  car  je  n'eus  oncques  telles  pen- 
«  sées.  »  Catherine  confirma  les  protestations  de  Coli- 
gny «  pour  l'amitié,  écrit-elle,  que  je  porte  aud.  s. 
«  admirai  et  la  cognoissance  que  j'ay  du  contraire2.  » 
On  attendit  la  réponse.  La  négociation  se  traitait  comme 
s'il  se  fût  agi  de  la  confirmation  de  la  paix  de  Càteau- 
Cambrésis.  Pendant  que  les  dépêches  volaient  d'une 
cour  à  l'autre,  Chantonay  poursuivait  son  œuvre  à 
Saint-Germain.  Chaque  audience  de  la  reine  était  l'oc- 
casion d'un  nouveau  réquisitoire  contre  Coligny  et  son 
frère  le  cardinal'.  Catherine,  surprise  de  l'acharne- 
ment de  Philippe  II,  pria  la  duchesse  de  Savoie  de 
s'interposer  ;  Chantonay  écrivit  au  duc  de  Savoie  dans 
le  sens  opposé1.  Pour  décider  le  roi  de  Navarre  à  se 

1.  Lettre  de  Throckmorton,  du  6  mars  (Calendars,  1561-1562, 
p.  545). 

2.  Documents  cités  dans  la  Vie  de  Coligny,  t.  II,  p.  H  à  15,  par 
M.  le  comte  Delaborde. 

3  Lettres  du  5  et  du  8  janvier,  à  Philippe  II  (Orig.  espagnol; 
\i'  li.  nat..  K.  1 197,  ir,s  3  ol   i). 

4.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  JŒ,  du  II  février  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  mu.,  K.  1 197,  q°  9). 


58  ANTOINE    DE   BOURBON 

mettre  en  mouvement  à  sa  suite,  il  lui  fit  dire  d'abord 
par  d'Escars,  puis  par  d'Almeida,  que  «  s'il  vouloit 
«  resjouir  Sa  Majesté  Catholique  il  n'avoit  qu'à  faire 
«  tout  son  possible  pour  chasser  de  la  cour  l'amiral  et 
«  ses  frères 1 .  » 

Tandis  que  le  roi  d'Espagne  assiégeait  les  Chastillons 
dans  leur  crédit  comme  dans  une  place  forte,  la  reine 
mère  leur  accordait  de  nouvelles  faveurs.  Elle  fit  entrer 
d'Andelot  au  conseil  privé  du  roi2,  sans  prendre  l'avis 
du  roi  de  Navarre3.  Antoine,  n'osant  pas  protester 
ouvertement  contre  un  acte  qu'il  aurait  approuvé  en 
d'autres  temps,  pria  Philippe  II  d'être  l'interprète  de 
leur  déplaisir  commun  auprès  de  la  reine4.  Bientôt  le 
bruit  se  répandit  que  le  grand  écuyer  Boisy  et  plusieurs 
autres  officiers  de  la  maison  du  roi,  connus  comme, 
catholiques,  allaient  être  remplacés  par  des  seigneurs 
au  choix  de  Monluc  de  Valence,  que  l'amiral  serait 
attaché  à  la  personne  de  la  reine  en  qualité  de  lieute- 
nant général  de  la  régente.  Cette  dignité,  de  création 
nouvelle,  aurait  fait  glisser  peu  à  peu  toutes  les  affaires 
entre  ses  mains.  Antoine,  à  cette  nouvelle,  montra  un 
chagrin  puéril,  que  Chantonay  lui-même  raconte  avec 
ironie;  il  accusa  la  reine  d'ingratitude,  fit  le  mécontent, 
confia  son  découragement  à  tous  les  courtisans,  feignit 
de  tomber  malade  et  pendant  plusieurs  jours  ne  sortit 

1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  11,  du  23  janvier  (Orig. 
espagnol;  Arch.  tiat.,  K.  1497,  n°  6).  —  Autre  .la  30  janvier  à 
Philippe  II  (Orig.  espagnol  ;  ibid.,  q°  7). 

2.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  «lu  5  janvier  (Orig.  espa- 
gnol ;  Aicli.  nai.,  k.  1  i'.iT,  n"  3). 

3.  I î < •  s 1 1 1 1 1 r>  de  lettres  de  Chantonay  (Arch.  aat.,  K.  1496, 
n°  48). 

4.  Il.i.l. 


ET   JEANNE    u'ALBRET.  T.! l 

pas  de  son  logis1.  Son  dépit  fut  habilement  entretenu 
par  l'ambassadeur  d'Espagne.  Antoine  était  combattu 
dans  l'intérieur  de  sa  maison  par  Jeanne  d'Albret; 
Chantonay  lui  prouva  par  une  foule  de  remarques  que 
la  maison  de  Chastillon  était  le  foyer  de  résistance  de 
la  reine  de  Navarre.  Il  irrita  son  amour-propre  par 
des  railleries.  La  jalousie  du  prince  s'aigrit  de  cette 
découverte2.  La  faveur  de  la  reine  pour  les  Chastil- 
lons  et  l'inimitié  du  roi  de  Navarre  pour  ces  favoris  de 
la  reine  devinrent  peu  à  peu,  par  suite  de  la  pression 
du  roi  d'Espagne,  l'occasion  de  la  lutte  entre  la  régente 
et  le  lieutenant  général.  Déjà  leur  double  revirement  les 
condamnait  à  se  combattre.  Les  événements  de  chaque 
jour  amenaient  des  incidents  qui  envenimaient  leur 
rivalité  latente.  Antoine  travaillait  à  se  faire  un  parti 
parmi  les  membres  du  conseil,  les  chevaliers  de  l'ordre, 
parmi  les  courtisans  jusqu'alors  attachés  à  la  reine,  le 
connétable,  les  cardinaux  de  Bourbon  et  de  Tournon, 
les  maréchaux  de  Brissac  et  de  Thermes.  Il  s'était 
réconcilié  avec  le  maréchal  de  Saint-André,  le  seigneur 
le  plus  en  crédit  auprès  de  l'ambassade  espagnole3.  Il 
imposait  à  la  reine  ses  nouveaux  conseillers  et  cîiassait 
les  anciens4.  Les  Rohan,  les  Crussol,  l'évêque  de 
Valence,   qu'il   avait  autrefois  comblés  de   faveurs, 


1.  Lettre   de   Chantonay   à   Philippe    II.   du    30    janvier    1562 

.  espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  7).  —  Autres  lettres  de 
Chantonay  (Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  22). 

2.  Lettre  de  Chantonay   à   Philippe   II,    du    11    février    1562 
(Orig.  espagnol;  Arch.  nat..  K.   1497,  n°  9). 

3.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  5  janvier  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  3). 

4.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  IL  du  23  janvier  (Orig 
gnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  6). 


60  ANTOINE    DE   BOURBON 

furent  éloignés1.  A  Paris,  ses  partisans,  dirigés  par 
François  d'Escars  ou  par  Pévêque  d'Auxerre,  circon- 
venaient les  membres  du  parlement.  Plus  d'un  cour- 
tisan, de  ceux  qui  avaient  contribué  à  l'élévation 
de  Catherine,  plus  d'un  prélat,  sous  prétexte  de 
religion,  se  montraient  assidus  auprès  du  prince.  En 
vain  Catherine  s'efforçait  de  reconstituer  son  parti. 
Elle  songea,  dit  Chantonay,  à  rappeler  le  duc  de 
Guise.  Mais  le  danger  de  ces  revirements  désespérés 
la  ramenait  chaque  jour  à  l'alliance  des  réformés2. 
Incertaine  de  l'avenir  et  prévoyant  vaguement  le 
triomphe  du  premier  des  Bourbons,  elle  tenta  de 
diminuer  au  moins  la  durée  de  sa  servitude.  Elle  fît 
décider  par  le  conseil  que  le  roi  serait  majeur  à  l'âge 
de  quatorze  ans,  malgré  l'opposition  du  roi  de  Navarre, 
qui  voulait  prolonger  sa  minorité  jusqu'à  sa  vingtième 
année3.  Le  parti  catholique  accepta  cette  décision  sans 
protester,  parce  que  la  prépondérance  du  lieutenant 
général  pouvait,  avant  l'échéance,  modifier  la  compo- 
sition du  conseil  du  roi  et  faire  ajourner  la  déclaration 
de  majorité4. 

1.  Lettre  de  Chantonay  à.  Philippe  II,  du  11  février  (Orig.  espa- 
gnol ;  Arrh.  nat.,  K.   1  497,  n"  9). 

.'.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  3  février  (Orig.  espa- 
gnol ;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  8). —  Autres  du  14  et  du23février 
(il)id.,  nos  10  et  11).  Lettre  de  Throckmorton,  du  16  février  (Galen- 
dars,  1561,  p.  524).  — Les  bruits  de  la  rivalité  d'Antoine  et  de 
Catherine  coururenl  jusqu'en  Navarre  (Lettre  du  duc  d'Albu- 
querqueà  Philippe  El,  du  1"  mars,  et  de  Pampelune;  copie;  Arch. 
de  la  secret,  d'étal  d'Espagne,  leg.  358,  fol  52  . 

3.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  H,  du  23  février  (Orig.  espa- 
gnol ;  Arch.  nat.,  k.  1497,  n"  11).  —  Résumé  de  chancellerie 
sans  date  (ibid.,  K .  I  196,  0     18  - 

i.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  22  mars  1562  (Orig. 
espagnol ,  Arch.  nal .,  K.  1 197,  q°  17). 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  61 

Le  seigneur  le  plus  empressé  à  soutenir  le  roi  de 
Navarre  dans  sa  lutte  contre  la  reine  était  le  conné- 
table. Montmorency  se  laissait  emporter  par  son  ani- 
mosité  contre  les  Chastillons.  Il  leur  reprochait  de  se 
séparer  de  lui  en  religion  et  en  politique  et  de  s'allier 
à  ses  ennemis.  Condé  briguait  le  gouvernement  du 
Languedoc,  qui  appartenait  au  connétable  ;  La  Roche- 
sur-Yon  était   en   procès   avec   lui  ;   les   Chastillons 
avaient  pris  parti  pour  les  deux  princes  au  conseil  : 
deux  griefs  inexcusables  aux  yeux  de  l'avide  conné- 
table1.  Il  n'était  pas  moins  jaloux   de  leur  faveur. 
Plusieurs  fois  il  avait  blâmé  la  confiance  que  la  reine 
réservait  à  Coligny  dans  les  affaires  graves,  les  mis- 
sions confidentielles  du  cardinal  de  Chastillon  auprès 
des  seigneurs  de  la  cour,  les  conseils  secrets  qu'elle 
tenait  avec  les  trois  frères.  Le  hasard  fit  éclater  son 
dépit.  Un  jour  qu'il  était  en  tiers  dans  le  cabinet  de 
Catherine  avec  le  lieutenant  général,  celui-ci  se  plai- 
gnit que  la  reine  ouvrait  certaines  dépêches  et  y  répon- 
dait sans  lui  en  faire  part  et  sans  communiquer  ses 
réponses   à   d'autres  conseillers   qu'aux   Chastillons. 
Catherine  nia  ;  Antoine  insista  et  fut  appuyé  en  termes 
très  vifs  par  le  connétable.  Son  intervention  blessa  la 
reine.  Elle  lui  reprocha  de  l'avoir  toujours  combattue 
depuis  l'avènement  de  François  II.  Montmorency  répli- 
qua sur  le  même  ton  «  qu'il  voyait  bien  que  le  seul 
«  désir  de  la  reine  était  qu'il  partit  de  la  cour.  »  Elle 
lui    répondit    très    sèchement   «    qu'il    pouvait    s'en 
«  aller  s'il  en  avait  envie.  »  Il  sortit  à  l'instant,  et, 
le  lendemain,  26  janvier,  de  bonne  heure,  il  monta 

1.  Lettre  du  5  janvier  à  Philippe  II  (Arch.  uat.,  K.  1497,  n"  3). 


62  ANTOINE   DE    BOURBON 

à  cheval  sans  prendre  congé  du  roi  et  se  retira  à 
Chantilly1. 

La  retraite  du  connétable  fit  grand  bruit.  Sa  clien- 
tèle était  si  nombreuse  et  si  puissante,  ses  quatre  fils 
si  bien  placés  qu'il  avait  l'état  d'un  prince  du  sang. 
Depuis  qu'il  était  l'allié  du  roi  de  Navarre,  il  avait 
pris  du  crédit  sur  lui2.  Chantonay  accourut  à  Saint- 
Germain  et  conseilla  au  lieutenant  général  de  pro- 
tester auprès  de  la  reine,  à  la  fois  contre  le  renvoi 
du  plus  ancien  officier  de  la  couronne  et  contre  la 
faveur  des  Chaslillons1.  Sur  le  premier  point,  Antoine 
déclina  la  mission.  La  reine,  dit-il,  avait  d'anciens 
griefs  qui  s'étaient  fait  jour  dans  un  accès  de  colère  ; 
il  fallait  lui  donner  le  temps  de  se  calmer.  Sur  le  second 
point,  il  promit  de  saisir  une  occasion  favorable.  Mais 
l'imminence  de  la  guerre  civile  ne  permettait  plus 
d'attendre.  Chantonay  rappela  au  prince  que  les  dons 
de  Philippe  II  étaient  subordonnés  à  la  retraite  des 
Chastillons l.  Antoine  était  sur  le  point  d'écrire  au  duc 
d'Albe  au  sujet  de  la  Tunisie.  Chantonay  lui  promit 
que  la  bonne  nouvelle  de  leur  départ,  ajoutée  au  mes- 
sage, ménagerait  un  accueil  plus  favorable  au  mes- 
sager5.   Ainsi   pressé   par  l'ambassadeur,    le   prince 

1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  30  janvier  i<  >riu-.  espa- 
gnol; Arch.  nat.,  K.  1497,  q°7). — Autredu  3  février  [M 

de  Gondé,  i.  H,p.  21). 

2.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  30  janvier  (Orig.  espa- 
gnol ;  Arch.  nat.,  K.  1 197,  q°  7). 

3.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  30  j  an  a  -  espa- 
gnol ,   Arch.   u;il .,  I\.   1  197,  n "  7). 

i.  Lettre  du  dur  d'Albe  à  Chantonay,  du  I8janvier  (<  >rig.  espa* 
gnol  ;  An  h.  nat.,  k.  1 196,  □    35). 

5.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  11  IV-vrier  ir>r>-2  (Orig. 
espagnol  ;  Arch.  na1 .,  K.  1 197,  d    9). 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  63 

s'engagea  à  faire  partir  les  Ghastillons  dans  dix  jours1 . 
Le  12  février,  à  l'issue  du  conseil,  le  roi  de  Navarre 
prit  la  reine  à  part  et  lui  demanda  impérieusement  le 
renvoi  du  chancelier  et  des  Chastillons.  Il  ne  motivait 
pas  sa  demande  en  ce  qui  concernait  le  chancelier, 
mais  les  Chastillons,  disait-il,  étaient  indispensables 
dans  leurs  provinces  pour  faire  exécuter  l'édit  de 
janvier.  Catherine  s'attendait  à  l'attaque  ;  elle  répondit 
que,  si  les  réformés  étaient  exclus  du  conseil,  il  était 
équitable  d'éloigner  également  les  chefs  catholiques  ; 
et  elle  nomma  le  connétable,  le  duc  de  Guise  et  le 
maréchal  de  Saint-André,  le  triumvirat  tout  entier.  Les 
deux  premiers  étaient  absents,  mais  ils  pouvaient 
revenir.  Antoine  répliqua  que  le  duc  de  Guise, 
le  connétable  et  Saint-André  étaient  nécessaires  au 
conseil;  la  reine,  que  les  Chastillons  et  le  chancelier 
ne  l'étaient  pas  moins  ;  ils  se  séparèrent  sans  conclure. 
Catherine  pressentait  que  le  lieutenant  général  était 
l'écho  de  l'ambassade  espagnole.  Le  soir  même  de 
cette  conférence,  elle  envoya  un  courrier  à  Madrid,  afin 
de  protester  contre  les  exigences  de  Chantonay2. 
Quelques  jours  après,  irrité  peut-être  de  cette  dénon- 
ciation, l'ambassadeur  vint  en  personne  au  secours 
du  roi  de  Navarre.  Il  demanda  à  la  reine  l'expulsion 
des  trois  Chastillons,  du  prince  et  de  la  princesse  de 
Condé,  de  la  dame  de  Roye,  de  Jean  de  Monluc,  évêque 
de  Valence,  et  de  Jean  de  Saint-Romain,  archevêque 

1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  :!  février  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  8).  —  Autre  du  11  février  i1  >rig. 
espagnol;  ibid.,  n°  9). 

2.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  14  février  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  10).  —  Résumé  de  chancellerie 
(ibid.,K.  1496). 


64  ANTOINE   DE   BOURBON 

d'Àix.  La  reine  parut  étonnée  de  voir  «  son  fils  bien- 
ce  aimé,  »  Philippe  II,  lui  imposer  la  proscription  de 
quelques-uns  de  ses  conseillers.  Chantonay,  s' exaltant 
à  froid,  signifia  qu'il  fallait  opter  entre  les  Ghastillons 
et  le  roi  d'Espagne  et  qu'il  avait  reçu  l'ordre  de  quitter 
la  cour  si  les  Ghastillons  y  restaient.  Son  langage  impé- 
rieux offensa  la  reine  ;  elle  lui  commanda  de  se  retirer. 
La  scène  fut  si  vive  que  le  bruit  courut,  parmi  les 
ambassadeurs  étrangers,  que  Chantonay  ne  pourrait 
conserver  son  poste  à  la  cour  de  France  et  qu'il  serait 
remplacé  par  son  frère,  le  s.  de  Ghampagny4. 

Cependant  les  efforts  réunis  du  roi  de  Navarre  et  de 
l'Espagnol  avaient  ébranlé  la  fermeté  de  la  reine.  «  Avec 
«  des  princes  qui  ont  peur  d'ombres,  dit  judicieusement 
«  Throckmorton,  le  roi  d'Espagne  osera  beaucoup  entre- 
«  prendre2.  »  Informée  de  la  ligue  qui  se  nouait  chaque 
jour  entre  les  triumvirs  et  les  catholiques,  sous  les 
auspices  du  lieutenant  général,  tremblante  pour  «  son 
«  autorité  qui  lui  était  aussi  chère  qu'aucune  religion,  » 
elle  se  décida  à  quelques  concessions  apparentes,  afin 
d'arrêter  les  défections  qui  grossissaient  le  parti  du 
roi  de  Navarre3.  Elle  fit  signer  au  roi  une  ordonnance 
qui  prohibait  le  transport,  en  Espagne  et  en  Portugal, 
des  livres  signalés  par  l'autorité  ecclésiastique  comme 
suspects  d'hérésie4.  Le  remplacement  de  Cypierre  par 

1.  Lettres  de  Throckmorton  du  16  février  et  du  6  mars  (Calen- 
dars,  1561-1562,  p.  524  el  545). 

2.  Ibi.l. 

3.  Lettre  de  Throckmorton,  du  16  février  [Galendars,  1561, 
p.  524).  —  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II  du  11  février  (Orig. 
espagnol  ;  A.rch.  aat.,  K.  1 197,  n"  10). 

4.  Ordonnance  du  roi  datée  du  10  février  1561  (1562)  (Copie; 
coll.  Brienne,  vol.  205,  f.  249). 


ET   JEANNE   D'ALBRET.  65 

le  prince  de  la  Roche-sur-Yon,  en  qualité  de  gouverneur 
de  Charles  IX ,  était  deven  u  une  affaire  entre  les  deux  rois . 
Philippe  II  avait  demandé  à  la  reine  que  le  roi  «  enten- 
«  dit  seulement  des  prédications  catholiques,  »  et  avait 
déclaré  à  Antoine  de  Bourbon  qu'il  le  rendait  respon- 
sable de  l'éducation  religieuse  de  Charles  IX1.  Cathe- 
rine sacrifia  la  Roche-sur-Yon  et  rappela  Cypierre2. 
Elle  renvoya  de  la  maison  de  ses  enfants  les  maîtres 
qui  pratiquaient  la  réforme3.  Elle  défendit  les  prêches 
à  la  cour  et  ne  permit  qu'à  un  docteur  du  tiers  parti, 
Me  Bouteiller,  de  conserver  sa  chaire4.  Elle  commanda 
à  ses  filles  d'honneur  de  pratiquer  le  catholicisme 
sous  peine  de  disgrâce5.  Le  4  février,  elle  assista  à 
une  grand'messe ,  communia  et  suivit  une  proces- 
sion. Elle  ratifia  les  expulsions  de  ministres  que  le  roi 
de  Navarre  avait  ordonnées  dans  sa  propre  maison 
malgré  la  volonté  de  Jeanne  d'Albret6.  Enfin  elle  se 
résigna  à  écarter  momentanément  l'amiral  du  conseil 
et  à  le  laisser  partir  de  son  plein  gré,  s'il  avait  la 
générosité  de  se  sacrifier. 

L'amiral  fut  bientôt  informé  de  la  faiblesse  de  sa 


1.  Lettre  de  Philippe  II  à  Chantonay,  du  18  janvier  1562  (Arch. 
nat.,  K.  1496,  rr  34). 

2.  Lettre  du  16  février  (Calendars,  1561,  p.  524). 

3.  Lettre  de  Sainte-Croix,  du  5  février  (Archives  curieuses,  t.  VI, 
p.  35). 

4.  Lettre  de  Sainte -Croix,  du  28  février  (Archives  curieuses, 
t.  VI,  p.  44).  —  Négoc.  du  card.  de  Ferrare,  p.  93.  —  Sur  Bouteil- 
ler, voyez  un  résumé  des  lettres  de  Chantonay  (Arch.  nat.,  K. 
1496,  n°  48).  —  Lettres  de  Chantonay  à  Philippe  II  du  3  février, 
(Orig.  espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  8). 

5.  Lettre  de  Chantonay,  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  'M . 

6.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  11  février  1561  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  ti°  9). 

iv  5 


66  ANTOINE   DE   BOURBON 

protectrice,  et,  reconnaissant  que  sa  présence  était 
une  cause  de  gène,  même  pour  son  parti,  il  annonça 
publiquement  que  les  prochaines  couches  de  sa 
femme  lui  imposaient  un  voyage  à  Chastillon  ' .  Le 
22  février,  Coligny  et  d'Andelot  prirent  congé  de 
la  reine  ;  le  cardinal  de  Chastillon  se  retira  quelques 
jours  plus  tard2.  Le  jour  de  leur  départ,  Catherine 
paraissait  honteuse  et  afiligée  ;  elle  dit  à  l'amiral 
«  qu'elle  le  cognoissoit  tant  iidèle  serviteur  et  tant 
«  affectionné  envers  sa  majesté  que,  si  le  besoing  l'y 
«  rappeloit,  il  ne  seroit  paresseux  à  employer  tous 
«  ses  moyens  à  la  garantir  d'une  conspiration  des 
«  Guises3.  »  En  quittant  l'audience  de  la  reine,  l'amiral 
dit  au  roi  de  Navarre  «  qu'il  se  retirait  satisfait  de 
«  lui-même  devant  Dieu  et  devant  sa  conscience,  mais 
«  que,  devant  les  hommes,  il  avait  été  plus  outragé 
«  qu'aucun  gentilhomme  de  France,  qu'on  n'avait  eu 
«  aucun  motif  pour  lui  faire  cet  affront,  car  il  avait 
«  toujours  été  le  fidèle  serviteur  du  roi  et  de  M.  de 
«  Vendôme  lui-même.    »    Ces  paroles  laissèrent   le 


1.  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  du  3  février  (Orig.  espa- 
gnol  ;  An-îi.  mit..  K.  1497,  n"  8). 

2.  Lettre  de  Sainte-Croix,  du  22  février  [Arch.  curieuses,  t.  VI, 
p.  39).  —  Journal  de  Bruslard  {Mémoires  île  Co/idi,  t.  I,  p.  71).  — 
Lettre  du  card.  de  Ferrare,  du  24  février  (Négoc.  du  card.  dt  Fer- 
rare,  p.  90).  —  Lettre  de  de  Bèze  à  Calvin,  du  26  février  (Baum, 
Thcodor  Bcza,  Preuves,  p.  166). 

3.  Ces  paroles  sonl  rapportées  dans  une  déclaration  postérieure 
du  prince  de  Condé  [Mémoires  dt  Gondé,  i.  111.  p.  587).  —  Torna- 
buoni  raconte,  dans  une  lettre  du  24  mars,  une  entrevue  de  la 
reine  avec  Coligny,  qui  modifierait  notablement  le  récit  de  son 
départ  (Négoc.  <i<  la  I  /'  cane,  t.  111.  p.  172).  Mais 
un  exi attentif  de  cette  lettre  nous  a  convaincu  qu'elle  appar- 
tient à  l'année  1  r»<  >  1  e1  non  à  1 562. 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  67 

prince  sans  réponse.  Coligny  ajouta  la  prédiction  sui- 
vante, que  tous  les  politiques  avisés  redisaient  au  roi 
de  Navarre  :  «  ...  que  avant  trois  mois  il  (Vendôme) 
«  reconnaîtrait  les  tromperies  du  gouvernement  espa- 
ce gnol  et  pourrait  juger  lequel  de  ses  conseillers  lui 
«  avait  donné  de  meilleurs  avis,  lui,  Coligny,  ou  ceux 
«  à  qui  le  prince  s'était  livré.  »  Antoine  ne  sentit  pas 
la  leçon  ;  il  raconta  cette  scène  à  Chantonay  et  se 
réjouit  avec  lui  d'être  débarrassé  d'un  rival  l.  Après 
l'avoir  salué,  Coligny  et  d'Andelot  montèrent  à 
cheval  et  quittèrent  le  palais  de  Saint- Germain.  Ils 
rencontrèrent  à  la  porte  l'ambassadeur  d'Espagne. 
Chantonay  constata  avec  plaisir  qu'ils  avaient  <r  bien 
«  petite  suyte,  car  celle  qu'ils  avoient  autrefoys  estoit 
«  pour  respect  de  leur  crédit  avec  led.  s.  de  Ven- 
«  dosme2.  »  Quelques  jours  avant  de  se  retirer  devant 
les  menaces  de  l'étranger,  l'amiral  avait  exécuté  une 
grande  entreprise,  qui  aurait  pu,  si  le  roi  l'avait  sou- 
tenue, déplacer  au  profit  de  la  France  la  puissance 
coloniale  de  l'Espagne.  Le  18  février,  Jean  Ribaut 
avait  mis  à  la  voile  pour  la  Floride.  L'expédition  avait 
été  préparée  avec  tant  de  mystère  qu'à  l'heure  même 
où  Jean  Ribaut  voguait  à  la  conquête  d'un  monde 
nouveau,  le  gouvernement  espagnol  en  était  encore 
aux  enquêtes  sur  ses  desseins3. 

1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  28  février  (Orig.  espa- 
gnol ;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  13). 

2.  Lettre  de  Chantonay,  du  23  février  {Mémoires  deCondc,  t.  II, 
p.  25).  —  Il  raconte  au>si  le  départ  de  Coligny  dans  sa  lettre  du 
28 février  à  Philippe  II  (Orig.  espagnol;  Arch. nat., K.  1  i97,  n"  18). 

3.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  11  février  (Orig.  espa- 
gnol; Arch  nat.,  K.  1497,  n°  9).  Cette  expédition  esl  justement 
célèbre.  M.  Gaffarel  l'a  racontée  d'après  les  documents  nouveaux 


68  ANTOINE    DE   BOURBON 

Le  cardinal  de  Chastillon  resta  quelques  jours  à  la 
cour  après  la  retraite  de  Coligny.  Plus  modéré  dans 
la  forme,  mais  aussi  passionné  que  ses  frères,  il  se 
déguisait,  disait-on,  pour  assister  aux  sermons  de 
Théodore  de  Bèze 1 .  Le  roi  de  Navarre  attendait  son 
départ  pour  expédier  Antonio  d'Almeida  en  Espagne2, 
et  le  pressait  de  suivre  ses  frères  avec  une  insistance 
que  la  reine  combattait  secrètement.  Un  jour,  le 
%  mars,  au  milieu  d'une  foule  de  courtisans,  Antoine 
dit  tout  haut  que  les  troubles  religieux  s'étaient  accrus 
de  la  faiblesse  des  pouvoirs  publics,  et  «  qu'une  bonne 
«  inquisition,  »  à  l'exemple  de  l'Espagne,  aurait  sauvé 
le  royaume.  Le  cardinal  de  Chastillon,  qui  avait  contri- 
bué à  l'échec   du  saint -office  pendant  le  règne  de 

dans  VHistoire  de  la  Floride  française,  in-8",  1875.  L'ambassadeur 
espagnol  avait  été  mis  en  éveil  par  les  préparatifs  des  naviga- 
teurs,  mais  il  ivstaii  incertain  sur  l'objet  de  l'expédition.  Le 
15  décembre  1561,  il  écril  au  roi  d'Espagne  :  «  La  reine  mère, 
«  Vendôme,  Grussol,  l'amiral  et  le  prince  de  Gondé  ont  arrêté 
«  deux  ou  trois  navires  français,  chargés  déjà  de  marchandises, 
«  pour  naviguer  vers  le  Brésil,  et  ils  mit  promis  aux  marchands 
ci  de  leur  payer  ce  qu'ils  on1  dépensé  pour  les  préparer.  La  reine, 
o  Vendôme  el  les  autres  veulent  envoyé!-  ces  navires  avec  des 
«  troupes,  afin  de  découvrir  la  cote,  plages  et  positions  qui  se 
«  trouvent  entre  le  cap  et.  ia  Floride,  parce  qu'en  l'année  \  \  \  I  \ , 
«  Vincent  Tirou  et  G-randgean  Bucier  apportèrent  île  là,  dans  un 
x  navire,  appelé  Delphino,  vingt-neuf  livres  d'or.  On  pense  qu'ils 
«  veulenl  aller  à  la  rivière  du  Canada  et  à  Xalaqua,où  toucha  le 
«  capitaine  Etoberval.  de  crois  cependanl  que  pour  le  moment  ils 
«  n'onl  aucun  projet  arrête.  Le  chef  de  cette  entreprise  est  le 
«capitaine  Fiquinville.  La  reine  et  ces  autres  seigneurs  pré- 
«  tendent  se  partager  entre  eux  ce  qu'on  découvrirait.  Il  paraît 
o  que  les  navires  m'  partiront  que  vers  la  lin  de  janvier.  0  (Orig. 
espagnol;  A.rch.  nat.,  I\.  1495,  n*  97.) 

1.  Lettre  de  Sainte-Croix,  du  13  mars  1562  (Gimber el  Danjou, 
t.  VI,  p.   17). 

2.  Négociations  du  card,  </<  Ferrare,  p.  90,  lettre  du  24  février. 


ET    JEANNE    d'aLBRET.  69 

Henri  II1,  répondit  qu'un  partisan  de  l'inquisition  ne 
saurait  être  bon  Français.  Antoine  repartit  vivement 
que  les  intérêts  de  la  France  le  touchaient  plus  que 
personne.  Odet  de  Chastillon  garda  le  silence.  Le 
prince,  encouragé  par  la  réserve  du  cardinal,  «  se 
«  mit  à  le  traiter  de  rechef  en  termes  pleins  de  mépris 
«  et  encore  plus  piquants2.  »  Cette  scène,  que  chaque 
seigneur  pouvait  commenter  au  gré  de  ses  passions, 
fit  sentir  au  cardinal  que  l'heure  de  la  retraite  avait 
sonné  pour  lui.  Il  partit  peu  de  jours  après  sans  éclat 
et  se  rendit  à  Paris3.  Avant  de  rejoindre  ses  frères  à 
Chastillon,  il  envoya  demander  au  connétable  la  liberté 
de  prendre  congé  de  lui.  Le  vieux  Montmorency  lui 
fit  répondre  «  qu'il  ne  le  verrait  point  jusqu'à  ce  qu'il 
«  ait  changé  de  sentiment 4.  » 

La  nouvelle  de  l'exil  des  trois  Chastillons  ne  désarma 
pas  la  colère  du  roi  d'Espagne.  Dans  une  audience, 
qu'il  donna  peu  de  jours  après  à  Sébastien  de  l'Au- 
bespine,  il  s'exprima  sur  leur  compte  «  avec  une  ani- 
«  mosité  extraordinaire,  »  et  chargea  l'ambassadeur  de 
France  d'écrire  à  la  reine  mère  qu'il  espérait  qu'elle 
ne  les  rappellerait  jamais5. 

Le  départ  de  Coligny  rendit  la  reine  inébranlable 
sur  le  renvoi  des  triumvirs.  Le  connétable  boudait  la 


1.  Antoine  de  Bourbon  et  Jeanne  d'Albret,  t.  I,  p.  231. 

2.  Négociations  du  card.  de  Ferrare,  p.  102. 

3.  Il  était  parti  à  la  date  du  9  mars  (Lettre  de  Tbrockmnrt<in 
de  cette  date;  Calendars,  1561-1562,  |>.  552). 

4.  Lettre  de  Sainte-Croix,  du  13  mars  (Cimber  et  Danjou,  t.  VI, 
p.  47).  —  Lettres  de  Tornabuoni  [Négoc.  entre  la  France  et  la  Tos- 
cane, t.  III,  p.  172  et  475). 

5.  Lettre  de  Sébastien  de  l'Aubespine  à  la  reine,  du  25  mars 
1562  (Copie  du  temps;  f.  IV.,  vol.  16103,  fol.  201  v  |. 


70  ANTOINE   DE    BOURBON 

cour  à  Chantilly,  le  duc  de  Guise  en  Lorraine.  Seul,  le 
maréchal  de  Saint-André  assistait  régulièrement  aux 
séances  du  conseil.  Catherine  lui  avait  retiré  sa  faveur 
à  cause  de  sa  partialité  pour  le  roi  de  Navarre4.  Elle 
le  fit  venir  de  Paris  et  lui  commanda  de  regagner  sans 
délai  son  gouvernement  du  Lyonnais.  Le  roi  de  Navarre 
était  absent  et  apprit  cette  nouvelle  par  un  courtisan 
indiscret.  Elle  le  toucha  d'autant  plus  que  Saint-André 
était  son  intermédiaire  habituel  auprès  de  Chantonay 2. 
Le  soir  même  il  accourut  à  Saint-Germain,  la  menace 
à  la  bouche,  et  reprocha  à  la  reine  «  son  éloignement 
«  pour  les  gens  de  bien.  »  Catherine  lui  répondit  que 
le  renvoi  des  gouverneurs  de  province  avait  été 
demandé  par  lui-même  plusieurs  mois  auparavant3. 
Antoine  critiqua  en  termes  amers  la  politique  de  la 
reine,  qui  reléguait  en  province  des  capitaines  comme 
Saint-André  et  le  duc  de  Guise4.  Il  parlait  sur  un  ton 
si  menaçant  que  tous  les  seigneurs  présents  restèrent 
interdits.  Seul,  le  prince  de  Condé  approuvait  les 
expulsions  ordonnées  par  la  reine,  mais  en  réservant 
les  droits  des  princes  du  sang.  Antoine  se  retourna 
contre  son  frère  et  fit  l'éloge  du  duc  de  Guise,  du 
maréchal  de  Saint-André,  du  cardinal  de  Tournon. 
«  Lorsque    je    serai    accompagné    par    ces    hommes 

1.  Lettre  du  card.  de  Ferrare,du3  mars  (Négociations  <Ut  rm-ii. 
de  Ferrare,  p.  104). 

2.  Lettre  de  Chantonay  A  Philippe  11.  'lu  5  janvier  (Orig.  espa- 
gnol ;  Ai-ch.  mil.,  k.  !  197,  Q°  3). 

;î.  Cette  résolution  lui  arrêtée  .tu  conseil  vers  le  milieu  d'oc- 
tobre (Lettre  de  Suriano  du  19  octobre;  Dépêches  vénit.,  iil/.a 
4  bis,  T.  96  v). 

\.  Celle  appréciation  lui  avail  été  suggérée  par  L'ambassadeur 
d'Espagne  il, eu  ce  de  Chantonay  ;'i  Philippe  II.  du  ".'S  février; 
I  >rig.  espagnol .  Arch.  aat.,  K.  1 197,  □    13). 


ET    JEANNE    DALBRET.  71 

«  honorables,  dit-il  à  la  reine  et  à  Gondé,  d'une  voix 
«  tremblante  de  colère,  vous  n'aurez  même  pas  avec 
«  vous  des  personnes  qui  vaudront  les  domes- 
«  tiques  de  leurs  domestiques.  »  La  reine  se  contenta 
de  hausser  les  épaules.  Comme  il  était  tard,  Antoine 
se  retira  et  commanda  à  son  frère  de  l'accompagner 
«  pour  montrer  à  la  reine  que  ce  prince  le  suivait,  lui, 
«  plutôt  qu'elle.  »  Condé  eut  la  faiblesse  d'obéir. 
Antoine  appela  un  des  gens  du  maréchal  Saint-André 
et  l'envoya  dire  à  son  maître  et  au  maréchal  de  Brissac 
qu'il  voulait  «  vivre  et  mourir  »  dans  leur  compagnie. 
Il  sortit  en  déclarant  aux  courtisans,  qui  assistaient  à 
cette  explosion  de  dépit,  «  qu'il  avait  toujours  été 
«  chrétien,  malgré  les  stimulations  et  les  importunités 
«  de  quelques  courtisans  intéressés  à  faire  penser  le 
«  contraire1.  » 

La  reine  ne  se  laissa  pas  intimider  par  la  colère  du 
roi  de  Navarre,  et,  pour  rétablir  la  balance  dans  les 
délibérations  du  conseil,  elle  s'occupa  de  renvoyer  de 
la  cour  les  adversaires  les  plus  compromis  du  parti 
huguenot.  Les  catholiques  n'avaient  rien  perdu  tant  que 
le  cardinal  de  Tournon  demeurait  à  la  cour.  Confident 
de  Chantonay  et  du  nonce,  supérieur  à  tous  les  courti- 
sans par  le  souvenir  de  sa  grandeur  passée,  le  car- 
dinal, malgré  son  âge,  dirigeait  le  roi  de  Navarre. 
Catherine  lui  donna  sèchement  l'ordre  de  quitter  la 
cour  en  même  temps  que  le  cardinal  de  Chastillon2. 
Il  obéit  sans  se  plaindre.  Depuis  le  colloque  de  Poissy 

1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  25  février  1  r, i >    [<  i  : 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  12).  —  Résumé  de  chancellerie 
(Ibid.,  K.  1496,  n°  48). 

2.  Négoc.  du  card.  de  Ferrare,  p.  106;  lettre  du  3  mars. 


72  ANTOINE   DE    BOURBON 

«  il  ne  portoit  onc  santé,  ains  prioit  Dieu  qu'il  luy 
«  pleust  l'oster  de  ce  inonde,  affin  qu'il  ne  vist  la 
«  profanation  du  sanctuaire  par  les  mains  des  héré- 
«  tiques 1 .  »  D'après  le  cardinal  de  Ferrare,  au  contraire, 
il  éprouva  un  violent  dépit,  qu'il  sut  dissimuler  à  ses 
ennemis.  Trop  malade  pour  se  faire  transporter  hors 
de  Saint-Germain,  il  s'enferma  dans  son  logis  et  ne 
reparut  plus  au  conseil'.  Il  mourut  moins  de  deux 
mois  après  sa  disgrâce,  «  chargé  d'ans  et  plein  d'ennuis, 
«  voyant  la  religion  ainsi  ébranlée  au  royaume  où  il 
«  l'avoit  vue  fleurir  par  sus  toutes  les  provinces  de  la 
«  Chrétienté3.  »  La  reine  partagea  ses  bénéfices  entre 
le  légat,  le  cardinal  de  Bourbon,  le  duc  d'Àngoulème, 
tils  naturel  de  Henri  11,  et  un  des  neveux  du  cardinal 
de  Tournon  4. 

Depuis  le  commencement  de  février,  Antonio  d'Al- 
meida,  prêt  à  revenir  à  Madrid,  attendait  que  la  cour 
fût  «  nettoyée  des  ennemis  du  roi  d'Espagne  '.  »  Aus- 
sitôt après  le  départ  des  Ghastillons,  le  roi  de  Navarre 
lui  commanda  de  se  mettre  en  route.  Le  prince  lui 
adressa  la  lettre  suivante  qui  devait  lui  servir  d'intro- 
duction auprès  de  la  cour  de  Madrid  : 

Seigneur  d'Almeida,  ayant  entendu  ce  que  vous  m'avez  apporté 

1.  Belleforest,  t.  II,  fol.  1628 v°. 

2.  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  du  20  mars  1562  (Orig. 
espagnol  ;  Arch.  nat.,  K.  1 197,  ii°  16). 

'.  Yégoc.  du  card.  de  Ferrure,  p.  106.  ■ —  Belleforest,  t.  II, 
i.  1628 v*.  —  Ce  passage  a  été  littéralemenl  copié  par  Piguerre, 
llisi.  il,  nostr  '  temps,  f.  105. 

i.  Lettre  de  Sainte-Croix,  du  28  avril  (Àrch.  curieuses,  t.  VI, 
p.  95). 

5.  Lettres  de  Sainte-Croix,  du  22  février  (Cimber  el  Danjou, 
t.  VI,  p.   10).  —  Négoc.  du  card.  de  Ferrure,    p.  90  el  97. 


ET    JEANNE   d'âLBRET.  73 

de  la  part  du  roy  catholique  et  congnu  par  là  et  le  raport  que 
vous  m'avez  fait  la  bonne  volunté  qu'il  me  porte  et  l'envie  qu'il 
a  de  faire  pour  moy,  je  vous  ay  voulu  renvoyer  vers  Sa  Majesté 
pour  luy  faire  entendre  l'obligation  que  je  luy  en  ay  et  le  désir 
en  quoy  je  suis  de  la  mériter  par  chose  qui  luy  soit  agréable. 
Et  î'asseurerez  que,  quant  au  contentement  qu'il  a  de  mes 
actions  au  faict  de  la  religion,  j'espère  avec  l'aide  de  Dieu  y 
persévérer,  de  façon  qu'il  ny  trouvera  aulcun  changement,  mais 
plustot  augmentation  de  jour  à  aultre.  Et,  quant  au  faict  de  ma 
récompense,  par  le  mémoire  que  je  vous  donne  et  responce  que 
vous  m'avez  aporté,  se  verra  mon  intention,  en  laquelle  il  ne  se 
trouvera  jamais  faillie,  comme  je  masseure  que  Sa  Majesté 
catholique  ne  deffaudra  de  son  côté  à  la  promesse  qu'il  m'a  fait 
par  son  mémoire. 
Escript  et  signé  de  ma  main 1 . 

A  cette  lettre  soumise,  à  peine  digne  d'un  vassal, 
Antoine  ajouta  une  instruction  détaillée,  où  il  renou- 
velait officiellement  ses  protestations  précédentes.  Il 
jure  à  Philippe  II  de  le  servir  avec  dévouement  et  ne 
veut  toucher  une  récompense  que  quand  il  l'aura 
méritée  ;  il  demande  l'appui  du  duc  d'Albe  et  du  prince 
d'Eboli  et  leur  promet  sa  reconnaissance  sur  le  ton  du 
plus  humble  sujet  du  roi  catholique2. 

Antonio  d'Almeida,  nanti  de  ces  instructions  et  de 
chaudes  recommandations  de  la  reine  mère  pour 
Sébastien   de  l'Aubespine3,   partit  de  la  cour   pour 


1.  Minute  autographe  du  roi  de  Navarre,  sans  date  (Arch.  des 
Basses-Pyrénées,  E.  585). 

2.  Minute  sans  date;  f.  IV.,  vol.  15877,  f.  13. 

3.  Nous  n'avons  pas  l'instruction  du  roi  de  Navarre.  La  lettre 
de  la  reine  est  imprimée  dans  Lettres  de  Catherine,  1. 1,  p.  280.  — 
L'Aubespine  à  cette  date  ne  croyait  pas  que  le  roi  de  Navarre 
obtint  jamais  un  dédommagement  (Lettre  du  05  février  1562 
adressée  à  la  reine;  copie  du  temps  ;  f.  IV.,  vol.  16103,  f.  174). 


74  ANTOINE   DE   BOURBON 

Madrid  vers  le  5  mars.  Sa  mission  était  appuyée  par 
Chantonay  et  par  les  chefs  catholiques.  Chantonay 
écrit  à  Philippe  II  :  «  Quant  à  l'obéissance  que  Ven- 
«  dôme  professe  envers  Votre  Majesté,  il  cherche  à  me 
«  convaincre  qu'elle  est  sans  restriction  et  que  celui 
«  qui  dit  le  contraire  à  Votre  Majesté  ne  fait  que  le 
«  tromper1.  »  Un  peu  plus  tard,  dans  une  nouvelle 
lettre,  l'ambassadeur  présente  le  triomphe  de  l'an- 
cienne religion  comme  lié  au  succès  de  la  négociation 
et  se  permet  presque  d'accuser  son  maître  de  manquer 
d'équité  vis-à-vis  du  roi  de  Navarre2.  Les  chefs  du 
parti  catholique  à  la  cour,  n'osant  pas  s'adresser  direc- 
tement à  Philippe  II  de  crainte  d'indisposer  la  reine, 
recommandèrent  collectivement  le  prince  à  l'ambassa- 
deur. Le  1 8  mars,  Melchior  de  Lottes,  seigneur  de 
Montpesat,  lieutenant  de  la  compagnie  du  duc  de 
Guise,  apporta  à  Chantonay  une  lettre  signée  du  duc 
et  du  cardinal  de  Guise,  du  connétable,  du  duc  d'Au- 
male  et  des  maréchaux  de  Saint-André,  de  Brissac  et 
de  Thermes. 

Monsieur  l'ambassadeur,  nous  retrouvant  tous  ensemble  en 
cette  ville,  nous  n'avons  esté  d'advis  d'en  partir  sans  vous  faire 
ce  mot  de  lettre  par  M.  de  .Mmilpezal,  que  nous  avons  prié  d'aller 
devers  vous  pour  vous  faire  entendre  que,  pour  la  conservation 
de  noire  saincte  et  ancienne  religion  catholique,  nous recepvons 
tous  les  jours  tant  de  bien  et  de  faveur  du  roy  de  Navarre,  qu'à 
vous  en  parler  franchement  cl  ,i  l,i  \ériié,  nous  ne  saurions 
désirer  de  luy  de  meilleurs  ny  plus  louables  offices  que  ceulx 
qu'il  làil  en  toutes  les  occasions  qui  se  présentent,  ayanl  à  colla 

I  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  Os  février  1562  (Orig. 
espagnol  .  Arch.  aal .,  k.  1 197,  a!  13). 

2.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  11.  du  20  mars  (Orig.  espa- 
gnol .  Arch.  mit.,  K.  1 197,  n°  16). 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  75 

tellement  levé  le  masque  qu'il  ne  fault  plus  craindre  ni  doubter 
qu'il  puisse  estre  diverty  du  bon  et  vray  chemin,  en  quoy  il  est. 
Et  pour  estre  asseurez  du  plaisir  que  vous  recepvrez  d'un  si 
grantbien,  non  seulement  pour  ce  roiaume,  mais  aussi  pour  toute 
la  Chrétienté,  nous  n'avons  voullu  faillir  vous  en  donner  advis 
et  par  même  moyen  vous  supplier,  Monsieur  l'ambassadeur,  le 
vouloir  faire  entendre  au  Roy,  votre  maistre,  affm  que  Sa  Majesté 
congnoisse  le  bon  zèle  dud.  s.  roy  de  Navarre,  et  combien  il 
s'est  rendu  digne  d'un  bon  et  favorable  traictement  de  Sa  Majesté, 
qui  mettra,  s'il  luy  plaist,  en  considération  le  bien  qui  dépand 
du  contanlement  qui  recepvra  d'elle  et  de  la  continuation  de  ses 
bons  offices.  Vous  faisant  tous  ensemble  affectionnée  requeste 
d'y  tenir  la  main  et  de  voulloir  de  nostre  part  très  humblement 
supplier  Sa  Majesté  que,  par  sa  libéralité  et  bonté,  il  luy  plaise 
donner  occasion  à  ce  prince  de  continuer  et  augmenter  la  bonne 
voullonté  en  quoy  il  est1. 

Chantonay  reçut  la  recommandation  avec  honneur 
et  dit  à  Montpezat  que  les  seigneurs  de  la  cour  «  trou- 
ai veraient  toujours  son  maître  disposé  à  favoriser  les 
«  bons  Catholiques,  »  qu'il  était  satisfait  de  la  poli- 
tique de  M.  de  Vendôme  et  qu'il  espérait  «  qu'en 
«  continuant  ces  bonnes  œuvres  et  d'après  le  témoi- 
«  gnage  de  telles  personnes,  le  roi  d'Espagne  répon- 
«  drait  en  peu  de  temps,  de  façon  à  satisfaire  led. 
«  Vendôme2.  »  Le  lendemain,  il  écrivit  aux  chefs 
catholiques  : 

Messeigneurs,  j'ay  receu  les  lettres  qu'il  vous  a  pieu  m'es- 
cripre,  du  18  de  ce  mois,  et  me  les  a  apportées  M.  de  Montpezat. 

1.  Copia  de  la  carta  scripta  a  M.  de  Chantonay  de  parte  do  los 
senores  duque  de  Guisa,  card.  de  Guisa,  condestable ,  duque 
d'0mala,mar.  de  Saint-André,  Brissac,  de  Thermos  (Arch.  nal., 
K.  1496,  n°  49). 

2.  Lettre  de  Chantonay  à,  Philippe  II,  du  20  mars  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  mit.,  K.  1497,  n"  16). 


70  ANTOINE    HE    BOURBON 

Je  receoy  plus  de  faveur  que  je  ne  sçauroys  mériter  de  la  sou- 
venance qu'il  vous  plaict  avoir  de  moj  et  de  la  qualité  du  per- 
sonnage a  qui  vous  .nez  donne  la  commission. 

Je  voy  les  choses  encheminées  a  ce  que  de  long  temps  j'ay 
désire,  qu'il  y  eut  une  bonne  et  seure  intelligence  entre  les 
principaux  princes  et  seigneurs  de  ce  royaulme  pour  la  conser- 
vation île  la  religion,  bien  et  repos  de  la  France,  desestats 
sins  et  généralement  de  toute  la  Chrétienté.  Et,  congno  - 
le  pied  duquel  le  roy  de  Navarre  chemine  à  la  fin  que  dessus, 
j'en  loue  Dieu,  espérant  qu'il  luy  donrra  la  uràcede  continuer  de 
bien  en  mieux.  Et  ne  fauldray  de  mon  coustel  d'en  donner 
advertissement  au  Roy.  mon  maistre,  et  faire  l'office  que  je 
doibs  pour  le  bien  des  affaires  dud.  s.  r<>\  de  Navarre;  les 
œuvres  duquel  et  le  tesmoignage  de  vous.  Messeigneurs,  seront 
en  telle  considération  vers  Sa  Majesté  catholique  que  j'espère, 
avec  fayde  de  Dieu,  que  led.  s.  roy  de  Navarre  aura  en  brief occa- 
sion de  raisonnable  contentement  ;  et  sera  cogneu  de  vous  et 
de  tout  le  monde  le  désir  du  Roy,  mon  maistre.  estre  conforme  à 
vos  bonnes  et  sainctes  intencionsde  conserver  l'honneur  et  ser- 
vice de  Dieu,  la  grandeur  du  Roy  très  chrestien  et  procurer  le 
s  et  la  tranquillité  de  ce  royaulme. 
lespescheray  dans  deux  jours  pour  Fspaigne.  suyvant  ce 
que  vous  me  commandez,  pour  asseurer  toujours  de  la  bonne 
intencion  du  roy  de  Navarre,  selon  que  i'ay  fait  toutes  les  fois 
qu'il  est  venu  quelque  chose  à  ma  eongnoissance,  que  m'a 
semble  estre  pour  l'avancement  de  ses  affaires  et  correspondant 
à  la  tin  que  dessus,  tant  désirée  par  tous  les  gens  de  bien. 

A  tant.  Messeigneurs ,  je  présentera)  mes  très  humbles 
recommandations  a  vus  bonnes  grâces,  suppliant  le  créateur 
vous  donner  en  santé  et  prospérité  très  longue  el  1res  heu- 
reuse vie  f 

Ces  flatteries  gonflaient  d'orgueil  et  d'espérance  le 
cœur  du  roi  de  Navarre.  Mais  les  éloges  et  les  encou- 

!u  temps,  datée  du  19  mars.  E  ;  lit  ce  titre  en 

chitTresA  avec  la  traduction  Es  es  la  respuesta  de  mus.  de  Chan- 
tone  a  lus  senores  que  le  scrivieron  de  Paris  >>  (Arch.  nat.,  K. 


ET    JEANNE    d'aLBRET.  77 

ragements  des  Catholiques  ne  le  dédommageaient  pas 
du  blâme  et  des  réprimandes  qu'il  recevait  dans  l'inté- 
rieur de  son  logis.  Chaque  jour  il  essuyait  de  violentes 
querelles  de  la  part  de  Jeanne  d'Albret.  Profondément 
irritée  contre  la  désertion  de  celui  qu'elle  avait  voulu 
élever  sur  deux  trônes,  pénétrée  d'une  conviction 
qu'aucune  considération  cl" intérêt  humain  ne  pouvait 
fléchir,  elle  portait  dans  ses  reproches  une  passion 
ardente  qui  tranche  avec  le  scepticisme  intéressé  de- 
là cour  des  Valois.  Son  opiniâtreté  est  expliquée  par 
ce  jugement  de  Le  Laboureur  : 

S'il  est  vrai  que  le  roy  de  Navarre,  son  mary.  l'ait  attirée  à  la 
nouvelle  opinion  sous  prétexte  de  la  réforme  des  mœurs,  il  faut 
confesser  qu'il  ne  prit  pas  le  moyen  de  la  regagner  à  la  véri- 
table religion  de  la  vouloir  contraindre,  de  se  dégoûter  d'elle, 
d'entendre  en  même  temps  les  propositions  d'un  autre  mariage, 
de  prendre  une  maîtresse  à  la  cour  et  de  donner  sujet  aux 
Huguenots  de  mal  parler  d'une  vie  qui  déplaisait  encore  davan- 
rtage  à  une  femme  généreuse,  qui  ne  pouvoit  être  que  du  parti 
qui  la  plaignoit  le  plus  et  duquel  en  apparence  elle  recevoit  plus 
de  consolation  ' . 

Ce  jugement  est  impartial  et  bien  fondé;  la  passion 
de  Jeanne  d'Albret  tenait  à  la  fois  du  fanatisme  du 
sectaire  et  de  la  jalousie  de  la  femme  outragée.  La 
reine  de  Navarre  n'était  pas  seulement  l'âme  du  parti 
huguenot;  elle  en  personnifiait  la  morale  austère.  Le 
roi  de  Navarre  au  contraire,  «  oubliant  toute  chose, 
«  n'avait  plus  en  tète  que  la  Sardaigne  et  les  femmes, 
«  entre  lesquelles  une  certaine  tille  de  la  roine  com- 
«  mença  a  avoir  fort  bonne  part-.  » 

1.  Mémoires  de  Castelaau,  t.  I.  p.  857,  in-fol.,  1731. 

2.  Bèze,  Hist.  ecclés.,  1841,  t.  I.  p.  132.  De  Bèze  désigne  pro- 


78  ANTOINE   DE   BOURBON 

Convaincu  que  l'utilité  de  plaire  à  Philippe  II  primait 
toute  prudence,  le  roi  de  Navarre,  aussitôt  après  le 
colloque  de  Poissy,  avait  tenté  de  ramener  sa  femme 
de  force  aux  pieds  des  autels  catholiques.  Il  préparait 
dès  lors  une  conversion  éclatante  et  se  posait  en 
arbitre  de  la  religion  à  la  cour.  Le  premier  gage  à 
donner  à  l'ambassadeur  d'Espagne  était  de  lui  prouver 
qu'il  était  le  maître  dans  sa  maison.  Il  voulut  conduire 
sa  femme  à  la  messe,  mais  il  se  heurta  à  une  fermeté 
supérieure  à  la  sienne.  Elle  lui  signifia  qu'on  la  tuerait 
plutôt  que  de  la  conduire  à  l'église  et  le  prince  n'osa 
pas  insister1.  Théodore  de  Bèze,  le  prêcheur  favori 
de  la  reine  de  Navarre,  retrace  en  termes  émus  la 
constance  de  sa  néophyte  : 

La  Roy  ne  de  Navarre  cependant,  comme  princesse  très  sage 
et  vertueuse,  taschoit  de  réduire  (son  mari),  supportant  tout  ce 
qu'elle  pouvoit  et  luy  remonstrant  ce  qu'il  devoità  Dieu  et  aux 
siens.  Mais  ce  fut  en  vain,  tant  il  estoit  ensorcelé.  Quoy  voyant, 
elle  n'avoit  recours  qu'aux  larmes  et  aux  prières,  faisant  pitié  à 
tout  le  monde,  fors  au  s.  dit  Roy.  La  Ruyne  mère,  en  ces  entre- 
faites, taschoit  de  luy  persuader  de  s'accommoder  au  Roy  son 
mary  ;  à  quoy  finalement  elle  fit  ceste  réponse  que  plus  tost  que 
d'aller  jamais  à  la  messe,  si  elle  avoit  son  royaume  et  son  fils  à 
la  main,  elle  les  jetterait  tous  deux  au  fond  de  la  mer,  pour  ne 
luy  estre  un  empeschement,  ce  qui  fut  cause  qu'on  la  laissa  en 
paix  de  ce  costé'-. 

bablement,  dans  ce  passage,  Louise  du  Rouet.  Cependant  les 
correspondances  ne  parlent  d'elle,  comme  la  maîtresse  du  roi  de 
Navarre,  qu'au  mois  de  mai.  Voyez  les  chapitres  suivants. 

1.  Lettres  de  Chant onay  dos  18,  -.M,  -20  novembre  et  3  décembre, 
.ï  Philippe  11  (Orig.  espagnol;  Aivh.  nat.,  K.  1  i'.i'i,  nos  109,  110, 
1?0  et.  115). 

■2.  Bèze,  Hist.  ecclés.,  1882,  t.  1,  p.  372.  Ce  passage  a  été  cité 
par  M.  B ie1  [Lettres  <l>  Calvin,  t.  II.  p.  158 


ET   JEANNE   d'aLBRET.  79 

Obligé  de  renoncer  à  mener  sa  femme  librement 
à  l'église,  Antoine  voulut  l'empêcher  de  faire  prêcher 
chez  elle  et  même  d'assister  au  prêche1.  Ce  fut  l'occa- 
sion de  luttes  dont  il  ne  sortait  pas  toujours  victorieux. 
Faible  de  raisonnement,  sans  élévation  de  caractère, 
toujours  prêt  à  se  contredire,  il  était  battu  par  la 
logique  inflexible  d'une  femme  sans  reproche,  qui 
l'attaquait  par  ses  propres  maximes  et  par  ses  exemples 
passés2.  Le  maréchal  de  Saint-André,  souvent  témoin 
de  ces  querelles,  les  racontait  à  l'ambassadeur  d'Es- 
pagne3 et  Chantonay  n'épargnait  aucun  encouragement 
pour  entretenir  le  zèle  du  roi  de  Navarre4.  Enfin, 
cédant  à  la  violence,  Jeanne  fut  «  contrainte  de  se 
«  désister  des  prêches  qui  se  souloient  faire  en 
«  son  quartier  à  Saint-Germain5.  »  Elle  se  soumit, 
pourvu  que  son  mari  ne  la  forçât  pas  d'aller  à  la 
«  messe.  »  Cette  négociation  fut  conduite  par  d'Escars 
au  gré  de  l'ambassadeur  d'Espagne0.  Mais  la  paix 
ne  rentra  pas  dans  le  logis  du  roi  de  Navarre. 
Chantonay  écrit  que,  lorsque  le  prince  eut  chassé  les 
ministres  de  sa  maison,  Jeanne  d'Albret  prit  l'habitude 
d'assister  aux  prêches  du   prince  de   Condé.  Après 

1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  30  janvier  1562  (Orig. 
espagnol  ;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  7).  —  Le  môme  au  même,  du 
3  février  (Ibid.,  n°  8). 

2.  Lettre  de  Chantonay,  du  14  février  (Mémoires  de  Castelnau, 
t.  I,  p.  747). 

3.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  5  janvier  1502  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n"3). 

4.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  3  février  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  8). 

5.  Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  22. 

G.  Lettre  de  Chantonay  ;'i  Philippe  U,  du  11  février  15G2(Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  9). 


80  ANTOINE   DE   BOURBON 

une  assez  longue  tolérance,  Antoine,  un  jour,  s'avisa 
de  le  lui  défendre.  Jeanne  résista  et  refusa  d'obéir. 
Le  jour  du  prêche,  elle  donna  des  ordres  aux  servi- 
teurs qui  devaient  l'accompagner.  La  discussion  entre 
les  deux  époux  devint  si  bruyante  que  tous  les  habi- 
tants du  château  en  furent  informés.  Enfin  Jeanne 
contremanda  ses  équipages1.  Quand  le  roi  de  Navarre 
conduisait  sa  femme  à  Paris,  il  occupait  l'hôtel  de  son 
confident,  Philippe  de  Lenoncourt,  évoque  d'Auxerre, 
et  la  retenait  presque  de  force  au  logis.  Quelquefois 
elle  échappait  et  courait  au  prêche  de  Popincourt 
avec  le  prince  de  Gondé,  mais  le  plus  souvent  la  pri- 
sonnière était  obligée  de  céder  à  la  violence2. 

Les  documents  originaux  reviennent  si  souvent  sur 
l'état  de  santé  de  la  princesse  qu'il  faut  peut-être 
chercher  une  corrélation  entre  ses  souffrances  phy- 
siques et  l'àpreté  maladive  qu'elle  apportait  à  la  lutte 
religieuse.  Le  21  novembre,  Antoine  confie  à  l'ambas- 
sadeur d'Espagne  que  sa  femme  est  si  malade  qu'il 
craint  de  lui  faire  violence  pour  la  mener  à  la  messe. 
Chantonay  justifie  cette  prudence  :  «  La  dame  de 
«  Vendôme  est  vraiment  malade,  écrit-il,  et  les  méde- 
«  cins  assurent  qu'elle  ne  se  rétablira  pas3.  »  A  la  fin 
de  novembre,  le  cardinal  de  Bourbon  commande  au 
secrétaire  Victor  Brodeau,  s.  de  la  Chassetière,  de  se 
rendre  auprès  d'elle  «  pour  la  tenir  tousjours,  dit-il, 
«  et  monsieur  mon  nepveu  en  la  bonne  grâce  du  roi 

1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  14  février  1562  (Orig. 
espagnol .  Arch.  aat.,  K.  1 197,  d    10). 

2.  Journal  de  l'année  1562,  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V, 
p.  s',. 

3.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II.  'lu  21  novembre  1561 
(Orig.  espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1494,  n°  110). 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  81 

«  et  aussy  que  par  votre  moyen  je  pourray  tousjours 
«  avoir  de  ses  nouvelles  ' .  »  Ces  derniers  mots  semblent 
contenir  une  mission  de  garde-malade.  Au  commence- 
ment de  janvier,  un  affidé  de  l'ambassadeur  d'Angle- 
terre écrit  à  Throckmorton  que  la  reine  de  Navarre  est 
malade  et  en  danger2.  Une  lettre  de  la  princesse  à 
Marguerite  de  Bourbon,  duchesse  de  Nevers,  sa  belle- 
sœur,  contient  des  indications  qui  confirment  les 
renseignements  des  témoins. 

Ma  sœur,  je  suis  bien  aise  de  avoir  sceu  les  premières  nou- 
velles de  vostre  lettre.  Quant  aux  dernières,  nous  en  deviserons 
s'il  vous  plest  venir  demain  disner  avecques  moy.  Je  prens  ce 
matin  de  la  casse  et  demain  de  la  thérébantine  pour  cestc  fas- 
cheuse  doulleur  de  rains  et  fais  mon  compte  aller  coucher  à 
Jully3  jeudy  pour  y  mener  ma  fille  et  ma  cousine.  Et,  sy  le  roy 
vient  icy,  je  reviendray  avecques  lui  ;  s'il  ne  bouge  de  delà  où  il 
est,  je  prendray  congié  de  luy  pour  m'en  aller  trouver  le  roy  mon 
mary,  car  je  crains  qu'il  soit  ou  malade  ou  marry  contre  moy 
ou  sy  amoureux  qu'il  ne  luy  convient  de  moy,  car  il  y  a  trois 
sepmaines  et  plus  que  je  n'ay  eu  de  ses  nouvelles  ni  de  pas  ung 
de  ses  gens.  Sy  vous  savés  que  le  roy  devient  après  ces  festes, 
je  vous  prie  de  me  le  mander.  Priant  Dieu,  ma  sœur;  vous 
donner  aultant  de  contentement  que  vous  en  désire. 

Vostre  bien  bonne  sœur  et  parfaicte  amie, 
Jehanne. 

Je  n'ay  encore  eu  de  nouvelles  de  monsieur  le  cardinal  vers 
lequel  j'ay  envoyé.  J'en  atans  demain,  vous  priant  ne  faillir  à 
me  venir  voir  ;  je  vous  attenclray  à  disner4. 

1.  Lhermitte  Soulier,  Noblesse  de  Touraine,  in-fol.,  1669,  p.  121. 

2.  Calendars,  1561,  p.  483. 

3.  Juilly,  abbaye  de  chanoines,  appartenait  à  Nicolas  Dangu, 
évêque  de  Monde,  ci  passa  plus  tard  aux  Oratoriens.  Le  cœur 
do  Henri  d'Albret,  père  de  Jeanne,  y  fut  déposé  en  1">67  et  y  est 
encore  conservé  (Note  publiée  dans  le  Pohjbiblion  d'août  1883, 
p.  180). 

4.  Autographe  sans  date  (f.  fr.,  vol.  4711,  I'.  2). 

iv  6 


82  ANTOINE    DE   BOURBON 

Plusieurs  historiens  racontent  que  le  cardinal  de 
Ferrare  proposa  au  roi  de  Navarre  de  répudier  Jeanne 
d'Albret,  avec  dispense  du  pape,  comme  «  manifeste- 
«  ment  entachée  d'hérésie,  »  et  de  demander  aux  Guises 
la  main  de  Marie  Stuart.  Antoine,  dit-on,  repoussa  la 
proposition  non  par  amour  pour  sa  femme,  mais  au 
souvenir  de  ses  petits  enfants.  Ce  récit  ne  repose  que 
sur  des  bruits  répandus  à  la  cour,  mais  il  est  présenté 
par  trois  historiens  bien  informés  et  de  trois  partis 
différents,  par  Davila,  l'annaliste  du  parti  catholique, 
favori  de  la  reine  mère,  par  Bordcnave,  serviteur  et 
historiographe  de  la  maison  d'Albret,  et  par  Brantôme, 
courtisan  bavard  mais  sagace,  et  chroniqueur  sans 
parti  pris  ' . 

Quelle  que  fût  la  défaveur  de  la  reine  de  Navarre 
auprès  de  son  mari,  les  chefs  du  parti  catholique 
redoutaient  la  sourde  inimitié  de  la  princesse.  Cette 
âme  ardente,  capable  de  tous  les  dévouements,  était 
aussi  susceptible  de  ressentiments  implacables.  Dans 
la  crainte  d'un  retour  de  fortune,  l'ambassadeur  d'Es- 
pagne demanda  le  renvoi  de  la  princesse  en  Béarn.  Son 
appréhension  de  l'avenir  se  déguisa  d'abord  sous  le 
voile  de  la  sollicitude.  Il  écrit  à  Philippe  II,  le  %\  no- 
vembre, qu'il  espère  que  «  Madame  de  Vendôme  par- 
oi tira  avant  peu  à  cause  des  douleurs  qu'elle  éprouve 
«  pour  aller  à  certains  bains2.  »  La  volonté  de  la 
politique  espagnole  s'accordait  avec  les  passions  liber- 

1.  Davila,  Ln-fol.,  i.  I.  y.  94.  —  Bordenave,  Hist.  il''  Béarn, 
p.  I  lu.  —  Brantôme,  i.  VII,  p.  120.  —  Il  est  à  remarquer  que 
ces  trois  historiens,  publiés  longtemps  après  ces  événements, 
n'oni  pu  se  copier  mutuellement. 

2.  Lettre  de  Ghantonaj  à  Philippe  II.  du  21  Qovembre  1561 
(Orig.  espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1494,  n"  110). 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  83 

tines  du  roi  de  Navarre.  Le  prince  eut  bientôt  pris  son 
parti,  et,  au  commencement  de  janvier,  après  l'arrivée 
de  d'Almeida,  comme  complément  de  sa  transforma- 
tion politique,  il  proposa  à  Chantonay  l'expulsion  de 
Jeanne  d'Àlbret.  L'ambassadeur  l'encouragea  vive- 
ment, mais  la  reine,  la  clame  de  Crussol  et  tout  l'en- 
tourage de  Catherine  intercédèrent  si  bien  en  faveur 
de  la  reine  de  Navarre  que  Antoine  lui  permit  de  pro- 
longer son  séjour  à  Saint-Germain1.  Trois  jours  après, 
les  reproches  de  Chantonay  le  ramenèrent  à  sa  pre- 
mière résolution  et  il  parut  déterminé,  aussi  ferme- 
ment qu'il  pouvait  l'être2.  Les  prochains,  états  du 
Béarn  ouvraient  un  prétexte  pour  décider  la  princesse 
à  quitter  la  cour  de  son  plein  gré.  Les  instances  des 
courtisans  procurèrent  un  nouveau  répit  à  Jeanne 
d'Albret3.  Ils  avaient  beau  jeu  à  représenter  au  prince 
que  d'Auzance  n'apportait  de  Madrid  que  des  pro- 
messes et  qu'il  était  imprudent  d'obéir  aux  sommations 
du  roi  d'Espagne  avant,  d'en  toucher  le  prix.  Tiraillé 
par  ses  conseillers ,  anciens  et  nouveaux ,  par  les 
huguenots  et  par  les  catholiques,  il  ne  se  pronon- 
çait ni  pour  le  départ,  ni  pour  le  séjour  de  la  reine 
de  Navarre.  Enfin  il  ajourna  sa  décision  jusqu'au 
printemps,  «  soit  pour  la  rigueur  de  la  saison  d'hiver, 
«  soit  pour  l'indisposition  de  sa  personne  (de  la 
«  princesse)  4.  »  Il  expédia,  avec  la  signature  de 
la  reine  de  Navarre,   à  Louis  d'Albret,   évêque  de 

1.  Lettre  de  Chantonay   à  Philippe  II,  du    ô  janvier  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  3). 

2.  Négoc.  du  card.  de  Ferrure,  p.  11. 

3.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  8  janvier  (Orig.  espa- 
gnol ;  Arch.  nat.,  k.  1497,  n"  i). 

4.  Négoc.  du  card.  de  Ferrare,  \>.  11. 


84  ANTOINE    DE   BOURBON 

Lescar,  et,  à  Arnauld  de  Saint-Geniez,  seigneur  d'An- 
danx,  les  pouvoirs  nécessaires  pour  présider  les  états 
de  l'année  1562 1. 

Jeanne  d'Albret  était  soutenue  par  le  prince  de  Gondé 
et  par  les  hommes  de  la  religion.  Pendant  la  durée 
de  son  séjour  à  la  cour,  Coligny  avait  été  son  principal 
appui.  Point  de  conseil  et  d'encouragement  qu'elle  ne 
reçût  de  lui2.  L'ambassadeur  d'Espagne  ne  dissimulait 
pas  qu'un  des  motifs  de  l'acharnement  de  son  maître 
contre  l'amiral  était  le  désir  d'atteindre  Jeanne  d'Albret, 
dont  il  était  le  chevalier.  «  Les  Ghastillons  chassés,  dit-il 
«  dans  une  lettre  à  Philippe  II,  il  ne  sera  pas  difficile  de 
«  faire  partir  madame  de  Vendôme3.  »  Les  frères  de 
Coligny  n'étaient  pas  moins  serviteurs  de  la  reine  de 
Navarre  et  ne  perdaient  aucune  occasion  de  lui  prouver 
leur  dévouement.  Chantonay  raconte  qu'un  jour  le 
légat  et  le  roi  de  Navarre  étaient  en  conférence  dans 
un  coin  du  cabinet  de  la  reine;  ils  encourageaient  le 
prince  à  résister  à  sa  femme.  Pendant  qu'ils  le  haran- 
guaient tour  à  tour,  le  cardinal  de  Ghastillon  et  l'amiral 
s'approchèrent  pas  a  pas.  Le  légat,  s'apercevant  qu'ils 
prêtaient  l'oreille,  éleva  la  voix  et  se  livra  à  de  violents 
anathèmes  contre  les  colloques,  les  huguenots  et  les 
prêches  des  princes.  Les  Ghastillons  recueillaient  chaque 
parole  sans  mot  dire.  Enfin  le  légat  acheva  son  dis- 
cours en  disant  que,  «  s'il  élevait  la  voix,  c'était  pour 


1.  Pouvoir  daté  du  20  janvier  1561  (1562),  signé  du  roi  et  delà 
reine  de  Navarre,  contresigné  par  Brodeau  (Copie  du  temps  ;  coll. 

Dupiiy,  \ol.    I.".,i,  f.  73). 

2.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II.  du  II  février  1562  (Orig. 
espagnol  ;  Arch.  aat.,  K.  1 197,  q°  9). 

3.  "ibid. 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  85 

«  éviter  de  la  peine  à  ceux  qui  cherchaient  à  écouter1.  » 
Les  chefs  du  parti  huguenot,  témoins  du  courage 
de  la  reine  de  Navarre,  parlent  d'elle  avec  admiration. 
Throckmorton  la  recommande  à  la  reine  Elisabeth 
comme  la  plus  noble  incarnation  de  la  Réforme2.  Théo- 
dore de  Bèze  écrit  à  Calvin  :  «  Uxorem  (Navarreni) 
«  autem  tibi  affirmo  duplo  fortiorem  esse  quam 
«  unquam  antea3.  »  Calvin  s'efforce  de  la  consoler,  et, 
pour  ménager  cette  àme  fîère,  feint  d'attribuer  la 
«  trahison  »  du  roi  de  Navarre  à  de  perfides  conseils  : 

Le  roi,  vostre  mari,  a  déjà  esté  longtemps  assiégé  de  deux 
cornes  du  diable,  d'Escars  et  l'évêque  d'Auxerre.  Non  seule- 
ment il  s'en  est  laissé  abattre,  mais  luy-mème  s'arme  contre 
Dieu  et  les  siens.  Je  parle  comme  d'une  chose  notoire  :  je  sais, 
Madame,  que  les  premiers  arts  se  dressent  contre  vous.  Mais 
quand  il  y  auroit  cent  fois  plus  de  difficultés,  la  vertu  d'en 
haut,  quand  nous  y  aurons  notre  refuge,  sera  victorieuse.  Seu- 
lement, Madame,  ne  vous  lassez  point  de  tenir  bon4. 

La  faveur  que  la  reine  mère  prêtait  aux  hugue- 
nots s'était  étendue  à  Jeanne  d'Albret.  Les  deux 
reines,  marchant  dans  la  même  voie,  semblaient 
unies  dans  la  même  politique.  Lorsque  la  régente 
donnait  une  audience  solennelle,  elle  recevait  dans  sa 
chambre,  entourée  de  ses  enfants.  La  reine  de  Navarre 
s'asseyait  auprès  du  roi  et  presque  sur  le  même  rang, 
ce  qui  intimidait  les  ambassadeurs  catholiques,  sou- 
vent porteurs  de  plaintes  contre  les  Réformés.  Plu- 

1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  3  février  1562  (<  Irig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  8). 

2.  Calendars,  1561,  p.  518. 

3.  Lettre  de  de  Bè/.e,  du  26  février  (Baum,  Theodor  Ikza, 
Preuves,  p.  166). 

i.  Lettres  de  Calvin,  t.  II,  p.  160. 


86  ANTOINE   DE   BOURBON 

sieurs  fois,  Ghantonay  essaya  de  parler  à  voix  basse  à 
la  reine  ;  mais  les  sièges  étaient  si  rapprochés  que  la 
précaution  était  inutile.  Un  jour,  pendant  qu'il  chucho- 
tait avec  elle,  le  cardinal  de  Ghastillon  et  d'Andelot 
s'approchèrent  de  la  reine  de  Navarre  et  tous  trois  se 
mirent  en  conférence  secrète.  Ce  fut  un  grand  scandale 
et  chaque  courtisan  sentit  la  leçon  indirecte  qui  était 
donnée  à  l'ambassadeur1. 

Le  renvoi  d'une  princesse  étrangère,  malade,  sans 
amis  à  la  cour,  sans  armée  dans  son  royaume,  devenait 
l'affaire  capitale  de  la  chancellerie  espagnole.  Le  cardi- 
nal de  Ferrare  aidait  ses  alliés  du  parti  catholique.  Il 
obtint  de  la  reine  mère  et  du  roi  de  Navarre  la  promesse 
que  pendant  l'absence  de  Jeanne  d'Albret  «  il  ne  se 
«  parleroit  plus  de  prêches  à  la  cour2.  »  A  la  fin  de  jan- 
vier, le  duc  d'Albe  écrivit  à  Ghantonay  que  son  maître 
approuvait  l'éloignement  de  la  reine  de  Navarre3,  et 
Chanto'nay  communiqua  au  lieutenant  général,  par  l'in- 
termédiaire de  d'Escars,  cette  précieuse  approbation4. 
A  la  suite  de  cette  lettre,  le  1er  février,  Antoine  promit 
à  l'ambassadeur  d'Espagne,  en  présence  du  cardinal 
de  Bourbon  et  du  maréchal  de  Saint-André,  de  faire 
partir  la  reine  de  Navarre  le  8  ou  le  9  de  ce  mois5. 
Elle  était  à  Saint-Germain.  Le  prince,  décidé  à  brus- 
quer des  procédés  dont  il  était  honteux,  lui  signifia  par 

1.  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  du  11  février  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  liai.,  I\.   1  197,  ii'  9). 

2.  Négoc.  ducard.  de  Ferrare,  p.  11. 

3.  Lettre  du  23  janvier  (Arch.  nat.,  K.  1 196,  n°  31). 

i.  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  U,  du  30  janvier  (Orig.  espa- 
gnol ;  Arch.  nat.,  K.  1 197,  n    ; 

."..  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  du  3  février  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  nat.,  K.  1497,  a»  8). 


ET    JEANNE    I)'aLBRET.  87 

lettre  l'ordre  de  se  rendre  à  Vendôme1.  Cependant  la 
princesse  était  encore  à  la  cour  le  1 6  février,  mais  elle 
préparait  son  «  voyage  »  et  ses  amis  considéraient  les 
derniers  délais  comme  des  délais  de  grâce2.  Throck- 
morton  révèle  à  la  reine  d'Angleterre  la  cause  de  ces 
retards  ;  Catherine  pressentait  que  la  guerre  civile  était 
proche  et  craignait  d'éloigner  les  chefs  du  parti  réformé, 
surtout  le  prince  de  Condé  et  la  reine  de  Navarre,  au 
moment  de  la  prochaine  arrivée  du  duc  de  Guise3.  Le 
1 0  mars,  Jeanne  d'Albret  écrit  à  la  seigneurie  de  Genève 
une  lettre  de  recommandation  en  faveur  du  s.  de 
Saint-Germier.  Cette  lettre  renferme  des  allusions  à  la 
retraite  de  la  princesse. 

Messieurs  et  bons  amys,  le  s.  de  Saint-Germier  s'en  retour- 
nant de  delà  où  les  affaires  de  sa  maison  l'appellent,  apprès  ung 
si  long  séjour  qu'il  a  faict  près  de  ma  personne,  me  faisant 
service,  je  ne  l'ay  voulu  laisser  partir  sans  par  luy  me  ramen- 
tevoir  à  vos  bonnes  grâces  et  vous  prier  affectueusement  que, 
lors  qu'il  aura  donné  ordre  à  son  petit  mesnage,  vous  luy  per- 
mectezme  venir  me  trouver  incontinent;  le  vous  recommandant 
et  ses  dictes  affaires,  que  vous  prandrez,  s'il  vous  plaist,  en 
vostre  protection,  comme  de  très  bon  cueur  j'auray  tousjours 
les  vostres  et  ce  qui  me  sera  présenté  de  vostre  part;  le  tenant 
pour  si  saige  et  vertueux  personnaige  que  je  m'asseure  que  vous 
serez  bien  ayse  de  le  favoriser  et  tenir  aussy  cher  que  l'ung  de 
vos  confrères  et  bons  citadins,  dont  il  est  de  ce  nombre. 
Me  recommandant,  Messieurs  et  bons  amys,  ci  vos  bonnes 

1.  Détails  rétrospectifs  contenus  dans  la  lettre  de  Chantonay 
du  25  mars,  adressée  à  Philippe  II  (Orig.  espagnol;  Arch.  nat., 
K.  1497,  n"  17). 

2.  Lettre  de  Throckmorton,  du  1G  février  [Galendars,  1561-1562, 
p.  524). 

3.  Calendars,  1561-1562,  p.  545.  Partie  de  cette  lettre  a  été  tra- 
duite et  publiée  par  M.  le  comte  Delaborde  [Coligny,  t.  II,  p.  570). 


88  ANTOINE   DE    BOURBON 

grâces;  pryant  nostre  bon  Dieu  vous  donner  les  siennes  très 
sainctes. 

A  Paris,  ce  xme  jour  de  mars  \  564 . 

Vostre  bonne  amie  et  aliée, 
Jehanne. 
Machault*. 

Un  incident  accrut  encore  l'inimitié  personnelle 
que  l'ambassadeur  d'Espagne  portait  à  Jeanne  d'Al- 
bret.  Au  commencement  de  mars,  Cliantonay  eut 
un  fils  et  demanda  à  Charles  IX  de  servir  de  par- 
rain au  nouveau-né.  Le  roi  y  consentit  à  l'insti- 
gation du  roi  de  Navarre.  La  cour  devait  quitter 
Saint-Germain  le  jeudi,  5  mars;  la  reine  ajourna  le 
départ  au  lendemain,  à  cause  de  la  cérémonie2.  Le 
jeudi,  dans  l'église  de  Poissy,  l'enfant  fut  tenu  sur  les 
fonts  baptismaux  par  le  roi  de  France,  le  roi  de 
Navarre  et  la  princesse  Marguerite,  sœur  du  roi. 
Antoine  n'avait  pu  décider  Jeanne  d'Albret  à  assister 
au  baptême  ;  elle  refusa  même  d'y  laisser  conduire  son 
fils.  Cliantonay  fut  dédommagé  de  cette  offense  par  un 
présent  d'argenterie  de  la  valeur  de  deux  mille  cou- 
ronnes donné  par  le  roi3.  Mais  son  dépit  se  fit  jour  dans 
une  scène  violente.  Il  courut  chez  la  reine  et  prétendit 
lui  imposer  l'expulsion  immédiate  de  Jeanne  d'Albret. 

1.  Original;  Arch.  de  Genève,  extrait  des  portefeuilles  histo- 
riques, dossier  n°  1713.  —  Reçue  au  conseil  le  30  mars  1561 
(1562).  —  On  lit  sur  la  suscription  :  «  A  Messieurs  bons  amys 
les  syndiques  ei  conseil  de  Genève,  uoz  voisins  et  alliez.  »  — 
Nous  croyons  que  le  s.  de  Saint-Germier  n'est  autre  que  Théo- 
dore de  l'.è/.e. 

2.  Négoc.  du  card.  de  Ferrare,  p.  103.  Lettre  du  3  mars  L562. 

3.  Lettres  de  Throckmorton,  du  6  el  du  11  mars  [Calendars, 
1561-1562,  p.  549  el 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  89 

Comme  la  reine  se  révoltait  contre  ses  exigences,  il 
éleva  par  degrés  le  ton  de  ses  instances  jusqu'aux 
menaces  qui  lui  avaient  si  bien  servi  pour  obtenir 
l'exil  des  Ghastillons.  A  la  fin  de  l'audience,  il  signifia 
à  la  régente  qu'il  avait  ordre  de  quitter  la  cour  de 
France  si  la  reine  de  Navarre  y  prolongeait  son 
séjour1. 

Le  6  mars,  Jeanne  d'Albret  suivit  la  cour  à  Monceaux, 
puis  à  Fontainebleau,  laissant  à  Paris,  à  la  tête  de  ses 
ennemis,  le  roi  de  Navarre  qu'elle  ne  devait  jamais 
revoir.  La  guerre  civile  débutait  sur  tous  les  points  du 
royaume  par  des  massacres,  et  les  Réformés  prenaient 
les  armes.  Chantonay,  convaincu  qu'il  n'aurait  jamais 
raison  de  la  reine  mère  tant  qu'elle  serait  soutenue  par 
la  reine  de  Navarre,  pressait  Antoine  de  Bourbon 
d'exiler  sans  délai  sa  femme  à  Vendôme.  «  Il  est  vrai, 
«  écrit-il  à  Philippe  II,  que,  si  la  cour  se  rend  à  Blois, 
«  Mme  de  Vendôme  n'en  sera  éloignée  que  de  treize  ou 
«  quatorze  lieues,  mais  il  suffit  qu'elle  ne  soit  pas  pré- 
«  sente  à  la  cour  pour  qu'avec  le  temps  les  affaires 
«  religieuses  marchent  mieux.  »  Le  prince  suivit  le 
conseil  sans  prendre  le  temps  d'aller  à  la  cour.  De 
Paris,  il  adressa  à  Jeanne  d'Albret  une  injonction  qui 
ne  comportait  pas  de  remise2.  Il  était  alors  tout-puis- 
sant par  ses  nouvelles  alliances  et  montrait  à  son 
ancien  parti  les  plus  menaçantes  dispositions.  Le 
prince  de  Condé  venait  de  quitter  Paris  et  réunissait  à 
JVleaux  l'armée    des   religionnaires.    Jeanne  d'Albret 

1.  Lettre  de  Throckmorton,  du  6  mars  (Calondars,  1561-1562, 
p.  545).  D'après  l'ambassadeur  d'Angleterre,  Chantonay  aurait 
même  renouvelé  plusieurs  fois  la  même  déclaration. 

2.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  25  mars  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nal.,  K.  1  i(J7,  n»  17). 


90  ANTOINE   DE  BOURBON 

s'enfuit  secrètement  de  Fontainebleau,  en  petit  équi- 
page, dans  les  derniers  jours  de  mars,  et  se  réfugia 
auprès  de  son  beau-frère,  à  Meaux,  sans  autre  com- 
pagnie que  celle  de  Théodore  de  Bèze1. 

Antoine  avait  pris  des  mesures  encore  plus  pénibles 
pour  la  reine  de  Navarre.  Elle  ne  put  obtenir  la  conso- 
lation d'emmener  son  fils.  Depuis  que  le  départ  de  la 
princesse  était  arrêté,  Antoine  avait  fait  venir  l'enfant 
à  Paris,  auprès  de  lui2.  Ghantonay  avait  donné  ce 
conseil  par  crainte  de  l'autorité  nominale  que  ce  prince 
de  huit  ans  pouvait  prendre  sur  le  parti  réformé3. 
Jeanne  entourait  son  éducation  de  soins  maternels. 
Elle  avait  choisi  un  gouverneur,  la  Gaulcherie,  et 
faisait  élever  son  fils  dans  le  culte  de  la  réforme.  La 
Gaulcherie  était  un  calviniste  sans  passion4,  d'autant 
plus  désintéressé  qu'il  avait  souffert  de  la  fureur  de 
ses  coreligionnaires.  Sa  maison  avait  été  pillée  par  les 
séditieux,  sa  femme  et  sa  famille  odieusement  traitées. 
«  Ce  qu'on  a  fait  à  ce  gouverneur  est  bien  mérité,  dit 
«  Chantonay,  car  c'est  un  hérétique  forcené5.  »  Le  roi 
de  Navarre  le  chassa  de  sa  maison  et  donna  à  son  fils 
un  gouverneur  catholique,   Jean   de  Losses,   ancien 

1.  Lettre  tlt>  do  Bèze  à  Calvin,  du  28  mars  (fiaum,  Thcodor  lleza, 
Preuves,  p.  176).  I ^^  départ  de  la  reine  de  Navarre  n'est  men- 
tionné  que  I»1  s  avril  par  le  cardinal  de  Ferrare  (Négoc.  du  card. 
de  Ferrare,  p.  136),  et  le  même  jour  par  Ghantonay  (Lettre  orig. 
à  Philippe  li,  du  8  avril;  Arch.  mil.,  K.  li'.i?,  u°  21). 

2.  Négoc.  du  card.  de  Ferrare,  y.  136. 

;'..  Lettre  de  Ghantonay  ;ï  Philippe  II,  du  S  avril  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  nat.,K.  1497,  n°  21). 

i.  La  Gaulcherie  avail  exercé  une  mission  pacifique  auprès  de 
l'Église  réformée  do  Loudun  [Lettres  de  Calvin,  i.  11,  p.  'iU8). 

5.  Lettre  do  Ghantonay  .'i  Philippe  II,  du  5  janvier  1562 (Orig. 
espagnol ,  Arch.  nat.,  W.  1  197,  n°  3). 


ET   JEANNE   D ALBRET.  91 

lieutenant  du  roi  à  Marianbourg,  plus  tard  capitaine 
des  gardes  et  lieutenant  en  Guyenne1.  Depuis  la  défec- 
tion du  roi  de  Navarre,  Jeanne  d'Albret  s'était  efforcée 
de  prémunir  le  jeune  prince  contre  les  faiblesses  de 
son  père  et  de  demeurer  fidèle  au  Calvinisme2.  Péné- 
tré des  conseils  de  sa  mère,  l'enfant  montrait  une 
fermeté  au-dessus  de  son  âge.  Après  une  longue  lutte, 
Antoine  n'avait  encore  rien  obtenu3.  A  la  fin  de 
février,  il  en  est  encore  à  promettre  à  l'ambassadeur 
d'Espagne  qu'il  aura  raison  de  l'obstination  de  son  fils4. 
Philippe  II  encourageait  les  efforts  du  roi  de  Navarre 
et  avait  recommandé  à  Chantonay  de  veiller  à  la  conver- 
sion du  jeune  prince5. 

Avant  de  quitter  la  cour,  Jeanne  d'Albret  ne  demanda 
qu'une  seule  faveur  au  roi  de  Navarre,  celle  d'em- 
brasser son  fils.  Elle  lui  adressa,  dit  le  cardinal  de 
Ferrare,  «  une  longue  et  sévère  remontrance  pour  luy 
«  persuader  de  n'aller  jamais  à  la  messe,  en  quelque 
«  façon  que  ce  fust;  jusques  à  luy  dire  enfin  que,  s'il 
«  ne  luy  obéissoit  en  cela,  il  pouvoit  s'asseurer  qu'elle 

1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  23  février  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  11).  —  Résumé  de  chancellerie 
sans  date  (ibid.,  K.  1496,  n°  48).  —  Le  choix  de  Jean  de  Lusses 
était  un  bon  choix.  On  sait  que  le  prince  de  Béarn  était  capi- 
taine d'une  compagnie  d'ordonnance.  Sur  le  paiement  de  ses 
gages  à  cette  date,  voyez  la  lettre  du  roi  de  Navarre,  du  8  mars 
[Lettres  d'Ant.  de  Bourbon  et  de  Jeanne  d'Albret,  p.  250). 

2.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  5  janvier  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  3). 

3.  Lettre  de  Throckmorton  du  16  février  (Calendars,  1561-1562, 
p.  524). 

i.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  23  février  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  11). 

5.  Lettre  de  Philippe  II  à  Chantonay,  du  30  mars  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1496,  n°  52). 


92  ANTOINE    DE   BOURBON 

«  le  déshériteroit,  ne  voulant  pas  qu'on  la  tînt  à  l'ad- 
«  venir  pour  sa  mère1.  »  Les  regrets  maternels  de  la 
reine  de  Navarre  et  l'énergie  de  sa  résolution  frap- 
pèrent les  courtisans  et  les  ambassadeurs  étrangers. 
Cette  scène  n'émut  pas  moins  l'enfant.  «  Je  ferai  mon 
«  possible  pour  qu'il  aille  à  la  messe,  »  dit  Ghantonay 
sur  un  ton  de  doute2. 

Dès  ce  jour  commença  entre  le  père  et  le  fils  une 
lutte  inégale.  Privé  des  exemples  et  des  encourage- 
ments de  sa  mère,  Henri  de  Béarn  n'en  obéissait  pas 
moins  à  ses  derniers  conseils.  En  vain  le  gouverneur 
du  jeune  prince,  les  enfants  de  son  âge  et  les  frères  du 
roi  le  pressaient  de  se  soumettre.  Châtiments  et 
récompenses  glissaient  sur  cette  âme  héroïque3.  A  la 
date  du  19  mai,  près  de  deux  mois  après  le  départ  de 
Jeanne  d'Àlbret,  Chantonay  constate  amèrement  que 
le  roi  de  Navarre  n'a  rien  obtenu  et  que  son  fils  refuse 
encore  d'aller  à  la  messe.  Antoine  avait  trouvé  un 
singulier  détour  pour  tirer  parti  de  la  résistance  de  son 
fils.  Il  affirma  sérieusement  à  l'ambassadeur  que 
l'enfant  se  convertirait  quand  le  roi  d'Espagne  aurait 
desintéressé  la  maison  d'Albret  et  que  la  reine  de 
Navarre  acceptait  cette  condition.  Chantonay  transmit 
cette  clause  à  son  maître  avec  l'ironie  qu'elle  méritait. 
Cependant  les  courtisans  s'étonnaient  de  la  résistance 
du  jeune  Henri  de  Béarn.  Sa  constance,   comparée 

1.  Nègoc.  du  card.  de  Ferrure,  p.  136. 

2.  Lettre  de  Ghantonaj  à  Philippe  II,  du  8  avril  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  nat.,  K.  14'.)7,  u°  -Jli. 

;'..  Bordenave,  historiographe  de  la  maison  d'Albret,  raconte 
«  qu'il  le  falut  foeter  pour  le  fere  aler  à  La  messe;  el  y  ayant  esté 
«  mené  une  fois  par  force,  tomba  malade.  »  [Hist.  de  Béarn  et  de 
Navarre,  p.  115.) 


ET   JEANNE    d'aLBRET.  93 

à  la  mobilité  ordinaire  des  enfants  de  son  âge,  fai- 
sait présager  une  âme  d'une  fermeté  peu  commune. 
Ghantonay  lui-même  se  défend  mal  d'un  sentiment 
d'admiration  :  «  Tout  ceci,  écrit-il  à  Philippe  II,  reste 
«  dans  le  même  état.  D'après  le  dire  des  gens,  le 
«  jeune  homme  est  encore  très  enfant,  bien  qu'il 
«  soit  vif,  intelligent  et  fort  joli,  et  montre  être  ferme 
«  dans  l'opinion  de  sa  mère  jusqu'à  ce  que  son  père 
«  la  lui  fasse  quitter  par  son  autorité1.  »  L'enfant 
royal  lutta  encore  pendant  deux  mois,  mais,  au  com- 
mencement de  juin,  le  bruit  des  armes,  le  sanglant 
spectacle  de  la  guerre  civile,  peut-être  un  sentiment 
naturel  de  répulsion  contre  la  révolte  du  prince  de 
Gondé ,  impressionnèrent  défavorablement  pour  la 
cause  protestante  la  droiture  de  son  âme.  Le  lundi 
1er  juin,  le  jeune  prince  se  laissa  conduire  à  la  messe 
par  son  père,  jura  entre  ses  mains  de  garder  la  foi 
orthodoxe  et  de  mourir  pour  elle  et  reçut  l'accolade 
de  chevalier  de  l'ordre  de  Saint-Michel,  en  compagnie 
de  quelques  autres  seigneurs  catholiques2. 

Deux  mois  auparavant,  le  29  mars,  le  jour  même 
où  le  prince  de  Gondé  s'était  mis  en  campagne,  Jeanne 
d'Albret  était  sortie  de  Meaux  et  avait  pris  la  route  de 
Vendôme  en  fugitive3,  abandonnée  même  par  Théo- 
dore deBèze  qui  suivit  le  prince  de  Gondé  à  Orléans4. 

1.  «  ...  muchacho  es  muy  nino,  aunque  vivo,  agudo  y  muy 
bonito...  »  (Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  du  19  mai  1562  ; 
Orig.  espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  33.) 

2.  Lettre  de  Ghantonay,  du  3  juin  1562,  à  Philippe  II  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1498). 

3.  La  lettre  de  Théodore  de  Bèze,  du  13  mai,  que  nous  citons  plus 
loin,  constate  que  la  reine  de  Navarre  n'était  pas  accompagnée 
{Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  359). 

4.  Baum,  Thcodor  Dcza,  Preuves,  p.  177. 


94  ANTOINE   DE   BOURBON 

Le  roi  de  Navarre  lui  avait  enlevé,  en  le  rappelant  à  la 
cour*  le  secrétaire  Victor  Brodeau,  s.  de  la  Chassetière, 
dont  elle  aimait  les  services.  Arrivée  à  Vendôme4,  elle 
s'adonna  avec  passion  à  la  propagande  calviniste. 
Les  habitants  ne  s'y  montraient  pas  favorables2. 
Entraînées  par  le  mouvement  général  qui  poussait  la 
France  à  la  guerre  civile,  des  bandes  de  partisans 
huguenots  s'organisèrent  autour  de  la  princesse.  Le 
pillage  des  églises  catholiques  fut  leur  premier  exploit. 
Dans  les  premiers  jours  de  mai3,  la  chapelle  du  château 
de  Vendôme,  les  tombeaux  de  la  maison  de  Bourbon4, 

t.  Jeanne  arriva  à  Vendôme  dans  le  courant  d'avril,  mais  nous 
ignorons  la  date  exacte.  Elle  y  était  le  3  mai  (Lettres  d'Antoine  de 
Bourbon  et  de  Jehanne  d'Albrct,  p.  251). 

2.  Le  bruit  se  répandit  à  Paris  que  les  catholiques  de  Vendôme 
avaient  été  pilles,  massacrés  en  masse  ou  mis  en  fuite.  «  Lesdits 
«  Huguenot/.,  dit  un  rapport  anonyme  qui  paraît  un  extrait  de 
«  lettre  missive,  ont  l'ait  à  Vendôme  toutes  les  meschancetez 
«  dont  il/,  se  sont  peu  adviser,  et,  pour  ce  que  la  pluspart  des 
a  femmes  el  enffantz  s'en  estoient  enfouyz  au  bois  et  se  cachoient 
«  parmy  les  bledz,  lesdietz  Iluguenotz  avoient  de  grands  dogues 
«  d'Angleterre,  lesquelz  ilz  laissoient  et  faisoient  courir  par  tout 
«  pour  descouvrir  ceulx  qui  se  pensoient  sauver  ;  et  là  ont  esté 
«  dévorez  beaucoup  d'hommes,  enffantz  et  femmes.  »  Ce  récil 
n'est  confirmé  par  aucun  témoignage.  Le  dossier  de  la  reine  de 
Navarre  est  assez,  chargé  sans  y  joindre  i\r>  contes  invraisem- 
blables. L'historien  doit  seulement  les  reproduire  afin  de  prouver 
à  quel  degré  de  passion  les  esprits  étaient  montés.  Du  reste,  le 
narrateur  a'esl  poinl  révolté  par  le  procédé.  Il  ajoute  qu'en 
retour  «  ne  fault  qu'on  parle  icy  de  la  huguenoterie  pour  la  favo- 
«  riser,  à  peine  de  la  vie  el  d'estre  sacagé  sur  le  champ,  o 
(Copie  du  temps;  sans  date  ni  signature  ;  f.  IV.,  vol.  20153,  f.  95.) 

3.  La  preuve  que  ces  profanations  eurent  lien  dans  les  com- 
mencements  de  mai  résulte  «le  la  lettre  de  (le  Bèzedu  13  mai  que 
nous  citons  plus  loin. 

i.  Quelque  temps  auparavant,  le  cardinal  de  Bourbon,  dans  une 
lettre  du  24  novembre,  avait  vainemenl  prescrit  des  mesures  pour 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  95 

les  statues  et  les  autels  de  la  collégiale  de  Vendôme, 
aux  yeux  mêmes  de  Jeanne  d'Albret,  tombèrent  sous 
les  coups  de  ces  sectaires1.  La  collégiale  contenait 
une  relique  vénérée  depuis  le  XIe  siècle,  une  des 
larmes  que  le  Christ  avait  versées  sur  le  tombeau  de 
Lazare2;  heureusement,  le  cardinal  de  Bourbon,  au  pre- 
mier bruit  des  troubles,  l'avait  envoyée  à  l'abbaye  de 
Chelles ,  près  de  Paris3 ,  puis  à  l'abbaye  de  Saint-Germain- 
des-Prés4.  Les  autres  reliques  furent  profanées  par  la 
soldatesque  huguenote.  D'après  une  tradition,  Jeanne 
d'Albret  les  fit  ramasser  dans  un  linge  et  ordonna  à  un 
Suisse  de  son  escorte  de  les  jeter  dans  le  Loir.  En  des- 
cendant l'avenue  du  château,  le  soldat  rencontra  un 
bourgeois  de  la  ville,  nommé  Dupont,  lieutenant  par- 
ticulier du  bailliage,  et  les  vendit  pour  quelques 
deniers.  Dupont  les  cacha  en  son  logis  et  les  rendit 
après  la  guerre  au  chapitre  de  Saint-Georges5. 

La  preuve  que  Jeanne  d'Albret  se  sentit  troublée 
dans  son  équité  naturelle  par  ces  odieuses  profana- 

conserver  les  archives  et  les  monuments  de  sa  maison  (Lhermitte 
Soulier,  Noblesse  de  Touraine,  p.  121). 

1.  Lettre  de  Ghantonay,  du  23  mai  1562  (Mémoires  de  Condé,  t.  II, 
p.  42). 

2.  Sur  cette  relique  voyez  le  Voyage  à  la  sainte  Larme  de  Ven- 
dôme, par  le  marquis  de  Rochambeau,  in-8*,  1874.  Tout  ce  qui 
intéresse  l'histoire  de  ce  pieux  monument  de  la  foi  du  moyen  âge 
y  est  savamment  présenté. 

3.  Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  169 
et  172. 

4.  Cette  relique,  apportée  le  28  juin  à  Saint-Germain-des-Prés, 
dont  le  cardinal  de  Bourbon  était  abbé  depuis  la  mort  du  cardinal 
de  Tournon,  y  resta  jusqu'au  26  juillet  (Félibien,  Histoire  de  Paris, 
t.  II,  p.  1082). 

5.  Rochambeau,  Galerie  des  hommes  illustres  du  Vendômois, 
Antoine  de  Bourbon  et  Jchanne  d'Albret,  p.  83. 


96  ANTOINE   DE   BOURBON 

lions,  c'est  qu'elle  consulta  Théodore  de  Bèze  ;  elle 
reçut  de  son  ancien  prêcheur  de  sévères  reproches  : 
«  Je  ne  puis  dire  autre  chose  de  cet  abatis  d'images 
«  sinon  ce  que  j'en  ay  toujours  senty  et  presché  ;  c'est 
«  à  sçavoir  que  ceste  manière  de  faire  ne  me  plaist 
«  aucunement,    d'autant  qu'elle   me   semble  n'avoir 

«  aucun  fondement  en  la  parole  de  Dieu Mais  ce 

«  brisement  de  sépultures  est  entièrement  inexcusable, 
«  et  vous  puis  asseurer,  Madame,  que  M.  le  prince1 
«  est  du  tout  délibéré  non  seulement  d'en  faire  inqui- 
et sition  jusques  au  bout,  mais  aussi  punition  telle  que 
«  les  autres  y  puissent  prendre  exemple  ;  et  de  ma 
«  part  je  m'en  rends  solliciteur,  espérant  que  nous 
«  verrons  Peffect  de  ma  diligence2.  » 

Cependant  le  prince  de  Condé  réclamait  à  ses  core- 
ligionnaires de  l'argent  et  des  armes.  Le  19  mai, 
Jeanne  d'Àlbret  arracha  de  force  au  chapitre  ou  se  fît 
livrer  par  les  chanoines  les  vases  sacrés,  les  reliquaires, 
les  chandeliers,  les  croix,  tous  les  trésors  de  la  collé- 
giale. Deux  prêtres,  André  Chevalier  et  Lucas  Tessier, 
en  dressèrent  l'inventaire  et  tirent  estimer  par  deux 
orfèvres  les  métaux  précieux3.  La  reine  de  Navarre  en 
donna  quittance  le  27  mai  et  fit  fondre  l'or  et  l'argent.  Le 
creuset  rendit  seize  marcs  d'or  et  cent  vingt-neuf  d'ar- 

1.  Le  prince  de  Coudé,  alors  chef  de  l'année  huguenote  à 
<  Orléans. 

2.  Lettre  de  de  Bèze, du  13  mai  L562.  Cette  Lettre  a  été  impri- 
mée plusieurs  t'ois  d'après  une  copie  contenue  dans  la  coll.  Dupuy 
et  toujours  sous  la  date  erronée  de  1561  [Mt  moires  de  Condé,  t.  II, 
p.  359.  -  Mayer,  Galerie  philosophique,  t.  111,  p.  226.  —  Lettres 
d'Antoine  de  Bourbon  il  de  Jehanne  d'Albret,  p.  J33). 

3.  Cet  inventaire,  longtemps  perdu,  a  été  retrouvé  par  M.  l'ahhé 
Métais  et  publié  dans  le  Bulletin  de  la  Société  archéologique,  scien- 
tifique et  littéraire  du  Vendômois,  1882. 


ET   JEANNE   d'ALBRET.  97 

gent,  estimés  trente  mille  livres1.  Après  avoir  pris 
l'argent,  la  reine  de  Navarre  confisqua  les  armes.  Le 
20  mai,  deux  officiers  municipaux,  Duvau  et  Lacaze, 
intimèrent  aux  échevins  l'ordre  de  conduire  au  château 
les  pièces  d'artillerie  et  les  arquebuses.  Le  25,  la  reine 
de  Navarre  en  «  donna  quittance2.  »  Il  est  probable  que 
la  somme  et  les  armes  furent  livrées  à  l'armée  protes- 
tante d'Orléans  et  que  Jeanne  d'Albret  ne  garda  pas  un 
écu  pour  ses  besoins  personnels,  car,  vers  le  même 
temps,  elle  se  plaint  de  sa  pénurie  à  la  reine  mère. 
C'est  la  seule  considération  qui  puisse  atténuer  des 
actes  de  fanatisme,  d'autant  plus  odieux  que  la  prin- 
cesse responsable  avait  l'esprit  plus  élevé. 

Les  nouvelles  du  pillage  de  la  collégiale  de  Vendôme 
arrivèrent  à  la  cour  le  21  mai.  Le  roi  de  Navarre  fut 
profondément  irrité  de  la  dévastation  des  tombeaux 
de  sa  maison3.  Il  résolut  de  se  venger  sur  Jeanne 
d'Albret  et  consulta  l'ambassadeur  d'Espagne.  Son 
plan  était  de  faire  mettre  sous  le  séquestre,  en 
vertu  d'un  arrêt  du  conseil  du  roi,  le  royaume  de 
Béarn  comme  biens  de  mineur  et  de  s'en  réserver 
l'administration.  Quant  à  Jeanne  d'Albret,  il  ne  lui 
laissait  que  la  vie.  La  princesse  dépossédée  serait 
emprisonnée  dans  une  forteresse  et  entretenue  aux 
frais  de  sa  propre  succession.  Chantonay  ne  fait  pas 

1.  Bull,  de  la  Soc.  arch.  du  Vendôrnois,  1882. 

2.  Rochambeau,  loc.  cit.,  p.  82.  —  Abbé  Métais,  mémoire  cité 
plus  haut.  —  Il  y  a  un  peu  de  doute  sur  les  dates  de  ces  actes. 

3.  Journal  de  Bruslard,  dans  le  t.  I  des  Mémoires  de  Condé, 
p.  86.  —  Lettre  de  Chantonay,  du  23  mai  (ibid.,  t.  II,  p.  42).  — 
Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II  (Orig.  espagnol  ;  Arch.  nat., 
K.  1497,  n»  36). 

rv  7 


98  ANTOINE   DE   BOURBON 

connaître  sa  réponse,  mais  sans  cloute  elle  ne  fut  pas 
défavorable  ;  il  écrit  au  roi  d'Espagne  :  «  Ce  serait 
«  un  grand  exemple  pour  les  grands  du  royaume,  et, 
«  en  voyant  cette  manière  de  procéder,  beaucoup  se 
«  corrigeraient1.  » 

Théodore  de  Bèze  avait  conseillé  à  Jeanne  d'Albret 
de  se  retirer  en  Béarn2.  Les  projets  menaçants  du 
roi  de  Navarre  commandaient  une  fuite  rapide 3. 
Avant  de  se  livrer  aux  hasards  des  grands  chemins,  à 
travers  une  partie  du  royaume  ensanglantée  par  la 
guerre  civile,  Jeanne  demanda  à  la  reine  mère  les 
subsides  nécessaires  à  son  voyage. 

A  la  royne,  ma  souveraine  Dame. 

Madame,  l'envie  que  j'ay  de  vous  aller  faire  très  humble  révé- 
rence me  rand  importune  [envers]  vous  pour  m'en  donner  le 
moyen.  Et  pour  ce,  Madame,  que  je  ne  trouve  point  de  faveur 
au  Roy,  mon  mary,  il  fault  que  je  vous  supplie  très  humble- 
ment de  luy  dire  de  puissance  de  maistresse  et  luy  commander, 
comme  ce  porteur  en  porte  des  mémoires,  sur  lesquelz,  Madame, 
je  vous  supplie  très  humblement  me  faire  donner  cinquante 
mille  francs,  qui  sera  peu  pour  Sa  Majesté  et  beaucoup  pour 
moy.  Vous  asseurant,  Madame,  que  n'ayant  eu  les  cent  mille 
qu'il  vous  avoit  pieu  me  faire  donner,  cela  m'a  esté  retarde- 
mant  de  plus  de  cinquante  qu'ilz  m'eussent  vallu  au  temps  de 
ma  nécessité.  Vous  suppliant  très  humblement,  Madame,  vou- 
loir voir  ce  porteur  sur  ce  fait;  car,  sans  cela,  je  suis  attendue 
chez  moy,  qui  m'est  un  regret  incroyable  de  n'estre  près  de 

1.  Lettre  de  (Ihanlonav,  du  G  juin,  à  Philippe  II  (Orig.  espa- 
gnol ;  Airli.  ual.,  K.   1  i98,  u°  6). 

2.  Lettre  du  13  mai  déjà  citée  [Mémoires  de  Condc,  t.  II, 
p.  359). 

3.  Bordenave  parle  des  projets  du  roi  de  Navarre  contre  Jeanne 
d'Albret,  ce  qui  prouve  qu'ils  n'étaienl  pas  ignorés  dans  la  mai- 
sou  de  la  princesse  [Hist.  de  Foix  et  de  Navarre,  p.  110). 


ET  JEANNE   d'ALBRET.  99 

vous  pour  vous  faire  service  très  humble.  Et  sur  ce,  je  prierez 
le  Seigneur,  Madame,  vous  donner  ce  que  je  désire. 
Vostre  très  humble  et  très  obéissante  sœur  et  subjecte, 

Jehavne1. 

Il  est  peu  probable  que,  au  milieu  des  graves  événe- 
ments du  mois  de  juin  1562,  Catherine  ait  eu  le  pou- 
voir de  gratifier  la  reine  de  Navarre  d'une  somme  de 
cinquante  mille  francs.  Cependant  le  temps  pressait. 
Jeanne  d'Albret  quitta  Vendôme  vers  la  fin  de  juin 
et  traversa  à  grandes  journées  la  vallée  de  la  Loire,  le 
Poitou  et  la  Saintonge.  Biaise  de  Monluc,  lieutenant  du 
roi  de  Navarre  en  Guyenne,  avait  reçu  l'ordre  de  l'ar- 
rêter au  passage.  Heureusement  pour  la  princesse, 
l'ordre  arriva  trop  tard.  Armand  de  Gontaut,  seigneur 
d'Andaux,  avait  armé  une  compagnie  de  cinq  à  six 
cents  arquebusiers  à  cheval  béarnais  et  attendait  sa 
souveraine  sur  les  bords  de  la  Garonne.  Lorsque 
Monluc  se  mit  en  campagne,  la  princesse  avait  trouvé 
un  refuge  au  château  de  Caumont,  seigneurie  de  la  mai- 
son de  la  Force,  depuis  le  %%  juillet2.  Elle  y  tomba 
malade  et  y  séjourna  quelques  semaines  sous  la  garde 
de  deux  capitaines  de  la  troupe  de  d'Andaux3.  Les 
mouvements  militaires  de  Biaise  de  Monluc  la  chassèrent 
bientôt  de  sa  retraite.  Elle  reprit  sa  route,  évitant  les 
villes  closes  et  les  lieutenants  du  roi,  passa  à  Bor- 

1 .  Autographe  tirée  de  la  collection  des  autographes  de  Saint- 
Pétersbourg  (vol.  LIII,  f.  68).  Nous  publions  cette  copie  telle  que 
nous  l'avons  reçue. 

2.  Bordenave*  p.  111.  —  Olhagaray,  p.  530.  —  Rochambeau, 
Galerie  des  hommes  illustres  du  Vendômois,  Antoine  de  Bourbon 
etJehanne  d'Albret,  p.  82  et  suiv.  Voyez  surtout  la  note  suivante. 

3.  Bordenave,  Ilist.  de  Béarn  et  Navarre,  p.  411.  Note  de 
M.  Raymond. 


100  ANTOINE   DE   BOURBON 

deaux1  et  arriva  à  Pau  au  prix  de  mille  dangers2.  Elle 
se  trouvait  en  sûreté  au  milieu  de  ses  braves  Béar- 
nais3, dont  le  dévouement  traditionnel  avait  tant  de 
fois  défié  les  forces  ennemies.  La  Navarre  jouissait 
d'une  paix  profonde,  que  troublait  à  peine  l'écho  loin- 
tain des  combats  de  la  Guyenne.  Malheureusement, 
Jeanne  d'Albret  apportait  à  ses  sujets  un  cœur  altéré 
de  vengeance  contre  le  parti  catholique  et  une  passion 
religieuse  qui  devait  la  pousser  aux  derniers  excès4. 

1.  Calendars,  1562,  p.  252. 

2.  Quatre  comptes  de  dépense,  principalement  applicables  à  la 
campagne  de  d'Andaux  au-devant  de  la  reine  de  Navarre;  un  de 
1085,  un  de  137,  un  de  00  et  un  de  48  livres  (tome  IV  des  Esta- 
blissements  de  Béarn;  Arch.  des  Basses-Pyrénées,  G.  682,  f.  88). 

3.  Le  premier  acte  officiel  de  la  reine  de  Navarre,  daté  de  Pau, 
est  du  19  aoûl  1562  [Etablissements  de  Béarn,  t.  VI;  Arch.  des 
Basses-Pyrénées,  G.  684,  f.  117  v°). 

4.  On  trouve  dans  le  Report  of  the  royal  commission,  t.  II,  p.  82, 
l'analyse  .d'une  lettre  d'Antoine  de  Bourbon  à  Jeanne  d'Albret, 
écrite  «  au  moment  de  son  départ,  »  qui  nous  parait  un  docu- 
ment apocryphe. 


CHAPITRE  DIX-SEPTIÈME. 

Massacre  de  Vassy  (1er  mars).  —  Prise  d'Orléans  (2  avril). 

Négociations  du  duc  de  Guise  en  Allemagne.  —  Entre- 
vue de  Saverne  (15  février  156*2).  —  Massacre  de 
Vassy  (Ier  mars).  —  Conférences  de  Nanteuil  entre 
Guise,  le  connétable  et  Saint- André  (12  mars).  — 
Nouvelles  de  la  cour.  —  Entrée  du  duc  de  Guise  à 
Paris  (16  mars).  —  Lettres  de  la  reine  à  Coudé 
(16  au  26  mars).  —  La  cour  est  conduite  à  Fontai- 
nebleau par  le  roi  de  Navarre  (18  mars).  —  Le  roi 
de  Navarre  vient  à  Paris  (21  mars).  —  Procession 
du  dimanche  des  Rameaux  (22  mars). 

Condé  sort  de  Paris  et  se  rend  à  Meaux  (23  mars).  — 
Enlèvement  du  roi  par  le  triumvirat  (26-31  mars). 
—  Le  connétable  arrive  à  Paris  (4  avril) .  —  Condé 
se  met  en  campagne  (29  mars).  —  Condé  sous  les 
murs  de  Paris  (31  mars).  —  Prise  d'Orléans 
(2  avril). 

Lorsque  le  duc  de  Guise  quitta  la  cour,  au  mois 
d'octobre  1561,  le  lendemain  de  la  tentative  d'en- 
lèvement du  duc  d'Orléans,  il  n'obéissait  pas,  comme 
le  connétable,  à  un  dépit  de  jalousie  puérile  contre 
l'amiral    de    Coligny.    François    de    Lorraine    avait 


102  ANTOINE    DE   BOURBON 

de  grands  desseins.  Il  se  disposait  à  faire  aux  réfor- 
més une  guerre  sans  quartier,  et,  avant  d'entamer  la 
lutte,  il  cherchait  des  alliés.  Toutes  les  forces  espa- 
gnoles lui  étaient  acquises.  Restait  l'Allemagne,  pays 
immense,  sans  culture,  peuplé  de  princes  pauvres  et 
mendiants,  de  soldats  grossiers  et  courageux,  toujours 
prêts  à  s'enrôler  sous  la  cornette  du  capitaine  le  plus 
riche.  Pendant  l'été  de  1 5G1 ,  il  avait  entamé  les  pour- 
parlers par  des  protestations  d'amitié.  A  la  fin  du  col- 
loque de  Poissy,  le  11)  octobre,  avant  de  quitter  Saint- 
Germain,  il  écrivit  au  duc  de  Wurtemberg  et  au  comte 
Palatin  deux  lettres,  dans  lesquelles  il  se  montrait 
favorable  à  la  confession  d'Augsbourg1.  Dès  ce  jour 
s'ouvrit,  entre  François  de  Lorraine  et  Christophe  de 
Wurtemberg,  une  sorte  de  rapprochement.  Le  1o  no- 
vembre, Rascalon,  secrétaire  du  duc  de  Guise,  écrit 
au  prince  allemand  que  son  maître  se  dirige  vers  la 
frontière  lorraine  dans  l'espoir  de  l'y  rencontrer. 
Le  %%  novembre,  le  duc  de  Wurtemberg  répond  au 
duc  de  Guise  et  lui  donne  rendez-vous  à  son  choix 
dans  les  terres  du  comte  de  Bitch,  à  Ingueiler  ou  à 
Saverne.  Il  tient  à  son  nouvel  allié  le  langage  d'un 
ministre. 

M'a  esté  une  grande  joye  d'avoir  entendu  par  voz  lettres 
qu'en  matière  de  iby  ne  désirez  aullre  chose  plus  que  vostre 
conscience  soiL  bien  instruite  par  la  parole  de  Dieu Espé- 
rant que  vous  trouverez  que  ce  n'a  esté  que  pour  l'extresme 
nécessité  de  aostre  salut  éternel  (pie  moy  et  les  autres  estais  du 
saint  Empire  et  ailleurs  nous  sommes  séparés  des  anciennes 
coustumes  de  la  religion Si  est  ce  que  nous  savons  bien  que 

1.  Ces  deuxlettres  ont  été  publiées  dans  le  Bulletin  delà  Société 
de  l'histoire  du  Protestantisme  français,  i.  XXIV,  p.  77  et  7'J. 


ET   JEANNE   d'âLBRET.  103 

la  claire  et  manifeste  vérité  de  la  parole  de  Dieu  doibt  estre  pré- 
férée à  toutes  anciennes  coustumes  et  usances,  quelque  lon- 
gueur du  temps  que  l'on  y  vueille  alléguer1. 

Le  duc  de  Wurtemberg  hésitait  à  s'engager  dans 
une  négociation  sans  l'assentiment  du  roi  de  Navarre. 
Il  lui  fit  part,  le  15  décembre  1561,  de  sa  future 
entrevue  avec  le  duc  de  Guise2  et  de  son  projet 
d'arracher  François  de  Lorraine  à  l'influence  du  cardi- 
nal, «  préférant,  dit-il,  l'honneur  et  la  gloire  de  Dieu 
«  à  toutes  choses  mondaines,  mettant  aussy  peinne  à 
«  trouver  et  faire  une  bonne  concorde  et  union  entre 
«  les  estats  pour  la  paix  et  tranquilité  de  tout  le 
«  royaume  de  France,  considérant  les  maux,  troubles 
«  et  confusions  qui  par  telles  discordes  legierement 
«  s'en  peuvent  ensuivre3.  »  Telle  était  la  simplicité 
de  ses  desseins.  Le  duc  de  Guise,  beaucoup  plus 
habile,  ne  livrait  pas  les  siens. 

Le  30  décembre,  François  de  Lorraine  écrit  au  duc 
de  Wurtemberg  en  néophyte  qui  cherche  la  vérité  reli- 
gieuse et  accepte  le  rendez-vous.  L'entrevue  souffrit 
quelques  retards4.  Enfin  les  deux  princes  se  rencon- 
trèrent le  dimanche,  15  février,  à  Saverne.  Le  duc  de 
Guise  arriva  le  premier  avec  ses  frères,  les  cardinaux 
de  Lorraine  et  de  Guise,  le  grand  prieur,  et  son  fils,  le 

1.  Les  lettres  de  Rascalon  et  du  duc  de  Wurtemberg  sont 
publiées  dans  le  Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire  du  Protestan- 
tisme français,  t.  XXIV,  p.  82  et  113. 

2.  Il  lui  envoya  l'original  de  la  lettre  du  duc  de  Guise,  du 
19  octobre,  car  cette  pièce  se  trouve  actuellement  aux  Archives 
des  Basses-Pyrénées,  E.  584. 

3.  Lettre  originale  (Arch.  des  Basses-Pyrénées,  E.  584). 

4.  Lettre  du  duc  de  Guise  au  duc  de  Wurtemberg,  du  30  dé- 
cembre; lettre  du  duc  de  Wurtemberg  au  duc  de  Guise  du  10  jan- 


104  ANTOINE   DE   BOURBON 

prince  de  Joinville.  Il  était  accompagné  d'un  cortège 
de  cinq  cents  chevaux.  Le  duc  de  Wurtemberg  arriva 
le  même  soir  suivi  de  son  fils,  des  docteurs  Brentius 
et  Andréas  Faber  et  de  deux  cents  chevaux.  Il  occupa 
le  château  de  Saverne,  qui  appartenait  à  l'évêque  de 
Strasbourg,  tandis  que  le  duc  de  Guise  et  ses  somp- 
tueux équipages  s'entassaient  dans  une  maison,  dite 
de  la  chancellerie,  près  de  la  cathédrale.  Érasme  de 
Limbourg,  évêque  de  Strasbourg,  faisait  les  honneurs 
de  la  conférence.  Chaque  jour  les  Allemands  et  les 
Français  dînaient  chez  lui,  mais  le  soir  les  Guises  sou- 
paient  seuls  en  leurs  logis.  Gomme  on  était  en  carême, 
l'évêque  imposa  la  règle  de  l'abstinence  à  ses  hôtes. 
Seuls,  les  valets  allemands  reçurent  de  la  «  chair  vive.  » 
Les  pages  et  les  serviteurs  du  duc  de  Guise,  pendant 
toute  la  durée  de  la  conférence,  se  nourrirent  de 
«  viandes  de  caresme1.  » 

Le  lendemain,  16  février,  à  sept  heures,  le  duc  de 
Guise  fit  une  visite  solennelle  au  duc  Christophe  et 
l'invita  à  un  sermon  du  cardinal  de  Lorraine.  Dans  la 
journée,  les  deux  princes  curent  une  première  confé- 
rence. François  de  Lorraine  se  montra  conciliant  sur 

vier;  lettre  du  duc  de  Guise  nu  duc  de  Wurtemberg,  du  14  février 
1562  [Bulletin  de  lu  Société  de  l'histoire  du  Protestantisme  français, 
i.  XXIV,  \k  115,  U6  el  119). 

1.  Rapport  d'un  s.  Fournery,  espion  du  baron  de  Polweiler, 
sur  l'entrevue  de  Saverne  (Orig.  ;  Arch.  nat.,  K.  1496,  n°  39). 
Le  baron  de  Polweiler,  que  nous  avons  déjà  vu  mêlé  aux  plus 
secrètes  négociations  du  roi  d'Espagne,  avail  été  chargé  de  sur- 
veiller l'en  ire  vi  io  de  Saverne.  Il  envoya  Fournerj  à  Saverne,  se  fit 
adresserun  rapporl  el  l'expédia  au  eard.  de  Ciran\elle  Lettre  de 
Polweiler  au  card.  de  Granvelle,  du  18  février  1562;  Orig.;  Arch. 
uiit..  K.  1496,  q°  13).  M.  de  Houille  a  connu  le  rapport  île  Four- 
aery  el  en  cite  quelques  mots  [Histoin  des  Guises,  t.  II,  p.  168). 


ET  JEANNE   d'aLBRET.  105 

les  doctrines,  mais  sévère  pour  les  docteurs  du  calvi- 
nisme. Habile  à  flatter  les  manies  théologiques  de  son 
interlocuteur,  il  lui  demanda  des  consultations,  feignit 
de  se  laisser  convaincre,  critiqua  les  arguties  de  la 
secte  calviniste  et  posa  les  bases  d'une  alliance  poli- 
tique entre  les  partis  luthérien  et  catholique.  Le  len- 
demain matin,  le  duc  de  Wurtemberg  assista  de  nou- 
veau au  sermon  du  cardinal  de  Lorraine.  A  midi,  le 
duc  de  Guise  l'avertit  officiellement  que  dans  la  journée 
le  cardinal  aurait  l'honneur  de  le  visiter.  Christophe 
de  Wurtemberg,  déjà  séduit  par  la  déférence  des  sei- 
gneurs français,  se  hâta  de  le  prévenir  et  se  rendit  au 
logis  du  prélat  avec  le  docteur  Brentius,  un  de  ses 
prêcheurs.  Charles  de  Lorraine  l'attendait  au  milieu  de 
ses  frères  et  lui  donna  la  place  d'honneur.  Un  colloque 
s'ouvrit  entre  le  prélat  et  Brentius.  Le  cardinal  dirigeait 
habilement  le  débat  et  ne  le  laissait  pas  dévier  des 
vérités  communes  aux  deux  cultes.  Le  duc  de  Wur- 
temberg était  charmé  d'entendre  l'orateur  le  plus  auto- 
risé du  parti  catholique  s'accorder  avec  son  docteur 
favori.  Il  prenait  acte  des  concessions  du  cardinal  sur 
le  culte  des  saints,  sur  les  processions  et  sur  le  con- 
cile de  Trente.  Les  Lorrains  se  montrèrent  si  accom- 
modants qu'ils  jurèrent,  «  sur  leur  foy  de  prince  et  sur 
«  le  salut  de  leur  àme,  de  ne  persécuter  ni  ouverte- 
«  ment  ni  en  secret  les  partisans  de  la  nouvelle  doc- 
«  trine.  » 

Le  mercredi  18  février,  le  duc  de  Guise  et  le  cardi- 
nal de  Lorraine  proposèrent  au  duc  de  Wurtemberg 
la  présidence  «  d'une  conférence  amicale  »  entre  les 
docteurs  luthériens  d'Allemagne  et  les  catholiques  de 
France.  Le  cardinal  se  faisait  fort  de  prouver  que  les 


106  ANTOINE   DE    BOURBON 

deux  cultes  n'étaient  séparés  que  par  des  formes  exté- 
rieures et  que  ie  calvinisme  était  l'ennemi  commun. 
Le  plan  répondait  aux  rêves  du  prince  ;  mais  le  col- 
loque allemand  importait  peu  aux  Guises.  La  conclu- 
sion des  débats  se  dégageait  en  évidence  sans  avoir 
même  été  formulée.  Puisque  le  luthérianisme  et  le 
catholicisme  étaient  si  près  de  s'entendre,  les  luthé- 
riens devaient  secourir  les  catholiques  contre  les  calvi- 
nistes. L'entrevue  finit  sur  ces  projets  de  conciliation. 
A  Saverne  comme  à  Poissy,  le  cardinal  de  Lorraine 
l'avait  emporté  sur  ses  adversaires 4  en  utilisant  habi- 
lement leurs  divisions.  Jamais  l'esprit  pesant  d'un 
prince  allemand  n'avait  été  joué  avec  plus  de  dexté- 
rité par  le  génie  d'un  homme  d'état  français.  Le  duc 
de  Wurtemberg  et  les  Guises  se  séparèrent  le  soir 
même2.  Le  premier  rendit  compte  au  roi  de  Navarre, 
qu'il  regardait  encore  comme  son  coreligionnaire,  du 
dévouement  des  Lorrains  au  service  du  roi  et  de  la 


1.  Le  cardinal  de  Lorraine,  probablement  pour  démontrer  au 
baron  de  Polweiler  qu'il  n'étail  pas  dupe  de.  ses  espions,  lui  écri- 
vit lui-même,  le  18  février,  le  jour  de  la  clôture  de  la  conférence. 
8a  lettre  contient  un  compte-rendu  qui,  malgré  sa  réserve, 
mérite  de  u'être  pas  néglige  (Copie  du  temps;  Arch.  nat. , 
K.  1496,  n°  43).  Cette  lettre,  de  même  que  le  rapport  de  Fournery, 
fut  communiquée  par  Polweiler  au  cardinal  de  G-ranvelle  el  par 
Granvelle  à  Philippe  II. 

2.  Récil  de  l'entrevue  de  Saverne  par  le  duc  de  Wurtemberg 
[Bulletin  de  la  Soàétéde  l'histoire  du  Protestantisme  français,  t.  IV, 
p.  is'i  el  suiv.).  Ce  document  capital  avail  été  |  blié  en  1771 
par  Sattler  [Geschichl  von  Wurtemberg  unter  den  Herzxgen,  t.  IV. 
p.  215).  —  Compte-rendu  de  Fouraery  au  baroD  de  Polweiler 
(Arch.  nai.,  K.  1496,  a' 39).  —  Noos  avons  tiré  de  ces  deux 
récits  originaux  unis  les  détails  ci-dessus.  Mais  Le  fonds  était 
connu  depuis  longtemps.  Voyez,  pour  ne  citer  que  les  anciens, 
Théodore  de  Bèze,  t.  1,  p.  434,  el  Dupleix,  t.  111.  p.  650. 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  107 

tolérance  du  cardinal4.  Il  rapportait  à  Stuttgard,  avec 
une  grande  admiration  pour  ses  nouveaux  alliés2,  une 
confiance  qui  résista  quelque  temps  aux  enseignements 
de  la  guerre  civile. 

Les  projets  d'entrevue  du  duc  de  Guise  avec  les 
autres  princes  allemands  échouèrent.  Le  landgrave  de 
Hesse  et  Wolfgand  de  Veldens,  duc  de  Deux-Ponts, 
moins  naïfs  que  le  duc  de  Wurtemberg,  ne  cédèrent 
pas  aux  avances  des  Lorrains3. 

Au  sortir  de  Saverne,  le  duc  de  Guise  et  ses  frères 
prirent  la  route  de  Joinville.  A  Blamont  en  Lorraine, 
le  duc  reçut  deux  lettres  de  la  reine  mère  et  du  roi  de 
Navarre  qui  l'appelaient  au  conseil  et  qui  l'informaient 
de  graves  désordres  survenus  dans  son  gouvernement 
du  Dauphiné.  Il  répondit  quelques  jours  après,  le 
221  février,  de  Charmes-sur-Moselle,  et  promit  d'arri- 
ver à  la  cour  en  passant  par  Joinville,  Reims  et  Nan- 
teuil4.  A  mesure  qu'il  se  rapprochait  de  la  France,  il 
recevait  des  messages  plus  alarmants  de  la  cour.  Tous 
les  partis  voulaient  s'attacher  un  puissant  prince,  aussi 
grand  homme  de  guerre  qu'habile  politique.  Les  chefs 
catholiques  surtout  l'appelaient  à  leur  secours  pour  le 
triomphe  de  la  religion5.  Throckmorton  raconte  que 


1.  Lettre  du  27  février  (Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire  du  Pro- 
testantisme français,  t.  XXIV,  p.   121). 

2.  Surtout  pour  l'éloquence  du  card.  de  Lorraine  (Ibid.). 

3.  Sattler,  loc.  cit.,  note  de  la  page  100. —  Lettre  de  Rascalon,  du 
8  novembre  1561;  lettre  du  duc  de  Guise  du  10  février  1562  (Bul- 
letin de  la  Société  de  l'histoire  du  Protestantisme  français,  i .  XXIV, 
p.  81  et  120). 

4.  Lettre  citée  par  le  marquis  de  Bouilli'  [Histoire  des  Guises, 
t.  H,  p.  170). 

5.  Lettre  de  Pasquier  dans  les  Œuvres  complètes  (t.  II,  col.  95, 


108  ANTOINE   DE   BOURBON 

pendant  le  voyage  du  duc  de  Guise,  Claude  de  Lorraine, 
duc  d'Aumale,  arriva  par  hasard  à  Saint-Germain. 
Aussitôt  il  fut  entouré  et  les  chefs  catholiques  le  sup- 
plièrent de  presser  la  marche  de  son  frère1. 

Le  duc  de  Guise  s'avançait  à  petites  journées.  A  la 
fin  de  février,  il  était  à  Joinville  auprès  de  sa  mère, 
Antoinette  de  Bourbon.  Le  dernier  jour  du  mois  il 
coucha  à  Dammartin-le-Franc.  De  là,  il  envoya  à  Biaise 
de  Pardaillan  de  la  Mothe-Gondrin,  son  lieutenant  en 
Dauphiné,  l'ordre  de  faire  un  exemple  du  ministre  de 
Romans  «  comme  autheur  des  séditions  ou  tumultes  » 
de  la  ville,  en  le  faisant  «  tout  soudain  pendre  et 
«  estrangler2.  »  Le  duc  était  déjà  loin  des  déclarations 
conciliantes  de  Saverne.  Le  1er  mars,  il  devait  s'arrê- 
ter à  Vassy  et  y  rallier  une  partie  de  sa  compagnie 
d'ordonnance.  La  ville  de  Vassy,  aux  confins  du  Bar- 
rois,  dépendante  du  douaire  de  Marie  Stuart,  était 
administrée  par  le  duc  de  Guise.  Les  réformés  y  avaient* 
organisé  une  église  et  s'y  réunissaient  légalement,  aux 
termes  de  l'édit  de  janvier,  dans  une  grange.  La 
nouvelle  église  était  évangéliséc  depuis  l'année  précé- 
dente par  un  ministre  inconsidéré  dans  son  langage, 

lettre  14).  —  La  Popelinière ,  in-fol.,  t.  I,  f.  283  v°;  DavHa, 
in-fol.,  t.  [,  p.  100;  Mathieu,  t.  I.  p.  255. 

1.  Lettre  de  Throckmorton,  du  16  février  (Calendars,  1561-1562, 
p.  524). 

2.  Cette  Lettre  a  été  publiée  par  de  Bèze  [Hist.  ccclcs.,  1882, 
i.  II,  p.  402).  D'après  de  Thou,qui  admel  l'authenticité  du  docu- 
ment, elle  fui  surprise  par  des  partisans  huguenots  et  causa  la 
mort  de  la  Mothe-C.oiulrin  (voyez  le  chap.  suivant).  On  pourrait 

soupçi er  qu'elle  a  été  fabriquée  pour  excuser  les  meurtriers  de 

ce  capitaine,  si  elle  a'étail  rappelée  dans  une  autre  lettre  du  duc 
de  Guise,  citée  par  M.  le  marquis  de  Bouille  (Hist.  des  Guises,  t.  II, 
p.  171  ,  donl  l'original  appartenail  à  M.  Champolion. 


ET    JEANNE    d'aLBRET.  109 

nommé  Léonard  Morel.  Plusieurs  fois  l'audacieux  pré- 
dicant  avait  insulté  du  haut  de  sa  chaire  la  vieille 
duchesse  de  Guise,  en  l'appelant  mère  des  tyrans.  Ces 
injures  rapportées,  envenimées  par  des  serviteurs  trop 
zélés,  troublaient  le  repos  d'Antoinette  de  Bourbon. 
A  la  fin  de  décembre,  elle  avait  essayé  de  dissoudre  la 
nouvelle  église  et  envoyé  à  Vassy  Jérôme  de  Burges, 
évêque  de  Chàlons.  L'évêque  avait  été  injurié  et  chassé 
de  la  ville.  Premier  grief  de  la  maison  de  Lorraine. 

Le  dimanche  matin,  1 er  mars,  le  duc  de  Guise  arrive 
à  Vassy.  Il  amenait  avec  lui  sa  femme,  Anne  d'Est, 
grosse  de  plusieurs  mois,  son  frère,  le  cardinal  Louis 
de  Guise,  dont  la  poltronnerie  était  célèbre,  son  fils 
aîné,  un  autre  de  ses  jeunes  enfants,  ses  pages  et  les 
femmes  de  la  duchesse.  Un  cortège  ainsi  composé 
témoignait  d'intentions  pacifiques.  Il  était  accompagné, 
il  est  vrai,  de  sa  compagnie  d'hommes  d'armes,  mais 
un  prince  de  son  rang  ne  voyageait  pas  au  xvie  siècle 
sans  un  grand  équipage  de  guerre1.  Malheureusement 
ses  gens,  animés  de  passions  ardentes,  rapportaient 
de  Joinville  le  désir  de  venger  la  duchesse  des  injures 
de  Léonard  Morel. 

Le  duc  se  rend  à  la  messe  ;  il  apprend  du  prieur 
de  Vassy  que  dans  ce  moment  les  réformés  vont 
célébrer  leur  office  ;  il  entend  même  la  cloche  d'appel 
du  prêche.  L'occasion  d'adresser  une  réprimande  à 
l'impertinent  ministre  lui  paraît  opportune  et  il  députe 

1.  Sur  le  train  ordinaire  du  duc  de  Guise,  voyez  les  comptes 
de  ce  seigneur  pour  l'année  1562  (Copie  ;  f.  fr.,  vol.  22437,  f.  65 
.  ceux  de  la  duchesse  de  Guise  pour  la  même  année  [ibid., 
f.  69),  et  enfin  les  comptes  généraux  de  Guillaume  de  Champagne, 
trésorier  ordinaire  de  la  maison  de  Guise,  pour  les  années  1562 
et  1563  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  22433). 


110  ANTOINE   DE   BOURBON 

au  temple  un  de  ses  gentilshommes,  Jacques  de  la 
Brosse,  et  deux  pages  allemands.  Comment  les  trois 
messagers  s'acquittèrent-ils  de  la  mission  ?  C'est  un  des 
points  obscurs  de  cette  sanglante  histoire.  D'après  les 
annalistes  protestants,  ils  heurtent  violemment  aux 
portes,  se  poussent  dans  l'enceinte  avec  insolence  et 
interrompent  le  service  religieux.  D'après  les  catho- 
liques, ils  sont  accueillis  à  leur  entrée  au  prêche  par 
des  injures  et  chassés  sans  avoir  pu  formuler  leur  mes- 
sage. Aux  injures  ils  ripostent  par  des  menaces.  Refou- 
lés par  le  grand  nombre  des  fidèles,  ils  mettent  l'épée 
à  la  main.  Les  pages  et  les  valets  qui  les  suivaient,  et 
qu'attirait  une  curiosité  certainement  malveillante, 
volent  à  leur  secours.  D'après  les  uns,  Jacques  de  la 
Brosse,  debout  sur  le  seuil,  est  renversé  au  pied  de 
la  porte  ;  d'après  les  autres,  retenu  prisonnier.  On 
dit  à  son  père,  lieutenant  de  la  compagnie,  qu'il  a  été 
tué.  Déjà  un  combat  s'engage  et  les  cris  des  combat- 
tants arrivent  au  duc  de  Guise.  François  de  Lorraine 
accourt  à  l'instant  et  trouve  ses  gens  en  proie  à  une 
irritation  violente.  La  porte  du  temple  était  barri- 
cadée et  les  réformés  se  défendaient  avec  des  pierres 
accumulées  sur  un  échaffant  au-dessus  du  porche. 

Le  duc  de  Guise  s'approche  sans  armes  et  tache  de 
parler  aux  assiégés.  Le  tumulte  couvre  sa  voix.  Les 
projectiles  pleuvent  autour  de  lui.  Le  seigneur  de  la 
Brosse,  le  père,  est  atteint.  Un  caillou  frappe  le  duc 
lui-même  au  bras  ;  un  autre;  à  la  joue  gauche  et  couvre 
son  visage  de  sang.  A  cette  vue,  les  hommes  d'armes, 
malgré  ses  efforts  pour  les  retenir,  se  précipitent  en 
avant.  Les  portes  volent  en  éclats  et  les  coups  de  feu 
retentissent  dans  la  salle  du  prêche.  Hommes,  femmes 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  111 

et  enfants  tombent  indistinctement  sous  les  arquebu- 
sades  ;  l'arme  blanche  achève  les  victimes.  Les 
religionnaires  fuient  de  toutes  parts,  les  uns  par  les 
fenêtres,  les  autres  par  la  toiture  ;  des  pistoliers,  pos- 
tés au  dehors  du  temple,  abattent  les  fuyards  ou  les 
poursuivent  jusque  dans  leurs  logis  en  présence  du 
duc  de  Guise  et  de  ses  lieutenants. 

Au  bruit  des  arquebusades,  la  duchesse  de  Guise  sor- 
tit de  sa  litière  et  envoya  un  messager  à  son  mari  pour 
demander  la  grâce  des  femmes  enceintes.  Le  duc  arrêta 
le  massacre  et  rallia  ses  gens.  Toute  sa  fureur  tomba 
alors  sur  le  ministre,  Léonard  Morel,  qui  était  resté 
entre  les  mains  des  soldats.  Blessé  de  plusieurs  coups 
de  feu  ou  de  dague,  le  malheureux  fut  traîné  devant 
le  duc  de  Guise.  «  Viens  çà,  lui  dit  le  duc,  es-tu  le 
«  ministre  d'icy?  Qui  te  fait  si  hardi  de  séduire  ce 
«  peuple?  —  Monsieur,  répondit  le  ministre,  je  ne  suis 
«  point  séditieux,  mais  j'ay  prêché  l'évangile  de  Jésus- 
«  Christ.  »  Cette  réponse  irrita  le  duc  :  «  Mort-Dieu, 
«  dit-il,  l'évangile  prêche-t-il  sédition  ?  Tu  es  cause  de 
«  la  mort  de  toutes  ces  gens.  Tu  seras  pendu  tout 
«  maintenant.  Çà,  prévôt,  qu'on  dresse  une  potence 
«  pour  pendre  ce  bougre.  »  11  se  ravisa  cependant  et 
envoya  le  ministre,  sanglant  et  mutilé,  aux  prisons  de 
Saint-Dizier 1 . 

Le  premier  mouvement  passé,  le  duc,  honteux  peut- 
être  de  la  férocité  de  ses  gens,  et,  suivant  les  chroni- 
queurs protestants,  blâmé  par  le  cardinal  de  Guise, 
réfléchit  aux  conséquences  de  la  cruelle  exécution  com- 

1.  Pour  les  sources  historiques  de  notre  récit  du  massacre  de 
Vassy,  nous  renvoyons  le  lecteur  à  une  note  que  nous  avons 
rejetée  à  la  Un  du  volume. 


112  ANTOINE    DE   BOURBON 

mise  sous  ses  yeux.  Il  s'en  prit  au  gouverneur  de  la 
ville,  Claude  Tondeur,  lui  reprocha  d'avoir  autorisé 
les  prêches  de  Vassy,  le  qualifia  de  traître  et  l'emmena 
prisonnier.  Avant  de  monter  à  cheval,  il  prescrivit 
une  enquête  et  écrivit  à  la  reine  mère  et  au  roi  de 
Navarre.  Le  soir  même  il  s'éloigna  de  ce  sanglant 
théâtre  et  alla  coucher  à  Éclaron.  Inquiet  de  l'impres- 
sion que  le  massacre  causerait  à  la  cour,  il  passa  deux 
jours  dans  l'incertitude  et  l'inaction.  Le  récit  du  car- 
nage de  Yassy,  aggravé  par  la  rumeur  publique,  volait 
de  bouche  en  bouche,  accueilli  avec  joie  par  les  uns, 
avec  rage  ou  terreur  par  les  autres l .  François  de  Lor- 
raine apprit  que  les  gens  de  Vitry-le-François  avaient 
fermé  leurs  portes  et  l'attendaient  les  armes  à  la 
main.  Cette  nouvelle  lui  fit  modifier  son  itinéraire.  Il 
refusa  d'entrer  à  Châlons-sur-Marne  de  peur  de  sur- 
prise et  campa  dans  un  village,  hors  la  ville,  comme 
en  pays  ennemi.  En  passant  près  de  la  Fère,  ses  cour- 
riers rencontrèrent  une  troupe  armée.  Le  duc  rangea 
sa  compagnie  en  ordre  de  bataille  et  manœuvra  pour 
éviter  une  rencontre2.  Ce  serait  mal  juger  ce  grand 
homme  de  guerre  que  d'attribuer  ces  précautions  à  la 
crainte.  Le  duc  de  Guise  aimait  à  braver  ses  ennemis. 
Mais  le  sentiment  de  la  responsabilité  que  les  événe- 
ments faisaient  peser  sur  lui  glaçait  son  audace  natu- 
relle. Chaque  jour  il  expédiait  un  courrier  à  Saint-Ger- 
main et  attendait  les  réponses  aux  courriers  précédents. 
Il  arriva  ainsi,  vers  le  12  mars,  à  petites  étapes,  au 


1.  Lettre  de  Throckmorton  du  1  i  mars  [Galendars,  1562,  p.  553). 

2.  Discours  prononcé  par  le  duc  de  Guise  au  parlement,  publié 
d'après  les  registres  du  parlement,  dans  l'Histoire  de  France 
de  Pierre  Mathieu,  t.  I,  p.  257  et  258. 


ET    JEANNE    d'aLBRET.  113 

château  de  Xanteuil  et  y  reçut  le  lendemain  ses  col- 
lègues du  triumvirat,  le  connétable  de  Montmorency 
et  le  maréchal  de  Saint-André  * . 

Le  duc  de  Guise  recueillit  de  ces  deux  seigneurs  les 
plus  graves  informations.  Le  roi  était  aux  portes  de 
Paris,  mais  le  prince  de  Condé  y  commandait  en  maître. 
Chargé  par  la  reine  de  faire  publier  et  exécuter  l'édit 
de  janvier,  le  prince  avait  usurpé  l'autorité  du  lieute- 
nant du  roi.  Dans  l'intérieur  de  la  ville,  la  méfiance 
était  générale  ;  la  guerre  civile  s'annonçait  par  des 
rixes.  Certains  corps  de  métier  étaient  «  bandés  » 
contre  les  autres.  Les  habitants  s'armaient  en  troupes 
contre  leurs  voisins.  Au  faubourg  Saint-Marceau,  les 
catholiques,  plus  nombreux,  menaçaient  de  mettre 
le  feu  au  prêche  de  la  maison  du  patriarche 2.  Des 
quartiers  entiers  étaient  occupés  par  des  bandes 
errantes  de  calvinistes  aux  ordres  du  prince,  «  bel- 
«  listres,  dit  Bruslard,  se  disans  sans  son  aveu  gen- 
«  tilshommes,  »  parmi  lesquels  se  distinguaient 
cependant  deux  chevaliers  de  l'ordre,  François  de 
Genlis  et  Guy  Chabot  de  Jarnac3.  Les  officiers  du  roi 
s'étaient  retirés  à  la  cour  ;  les  gens  de  justice  avaient 
pris  la  fuite  ;  les  bourgeois  paisibles  se  cachaient  au 
fond  de  leurs  maisons.  La  populace  était  agitée  par 
une  de  ces  rumeurs  superstitieuses,  qui  saisissent  les 
foules  comme  un  pressentiment  aux  approches  des 
grandes  commotions.  Pendant  plus  de  quinze  jours, 
dit  gravement  Belleforest,  on  avait  vu  du  côté  de  Meu- 
don  «  une  armée  en  l'air,  qui  paroissoit  tous  les  soirs, 

t.  Lettre  de  Sainte-Croix  (Arch.  curieuses,  t.  VI,  p.  47). 

2.  Lettre  de  Sainte-Croix  {Arch.  curieuses,  t.  VI,  p.  48). 

3.  Journal  do  Bruslard  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  I,  p.  47G. 

rv  8 


114  ANTOINE   DE   BOURBON 

«  à  grands  escadrons  de  cavalerie  et  d'infanterie,  com- 
<r  battans  pesle-mesle  ensemble1.  » 

Les  chefs  du  parti  réformé  avaient  reconnu  dès  le 
premier  jour  le  parti  qu'ils  pouvaient  tirer  du  «  forfait  » 
de  leurs  ennemis.  «  Sans  le  massacre  de  Vassy,  dit 
«  un  chroniqueur  protestant,  le  prince  et  l'amiral 
«  eussent  esté  contraints  de  tout  quitter  ou  même  de 
«  sortir  du  royaume,  attendu  qu'ils  n'avoient  paravant 
«  pensé  ni  à  défensive  ni  à  chose  qui  approchast,  moins 
«  encore  à  offensive.  L'édit  de  janvier  et  les  promesses 
«  de  la  reine  leur  tenoient  les  mains2.  »  L'irritation 
des  calvinistes  était  habilement  entretenue  par  les 
meneurs.  L'église  de  Paris  demanda  aux  églises  de 
province  des  prières  pour  les  martyrs3.  Théodore  de 
Bèze  se  rendit  à  Gaen  et  fit  imprimer  secrètement  un 
libelle  qui  racontait,  en  les  aggravant,  les  scènes  de 
carnage  de  Vassy4.  Il  écrivit  à  lord  Gecil  une  lettre 
suppliante  et  lui  demanda  l'appui  de  la  reine  d'Angle- 
terre en  faveur  des  victimes  survivantes5.  Toutes  ces 
lettres  étaient  écrites  sur  un  ton  ardent  de  récrimi- 
nation, malheureusement  justifié,  qui  sonnait  l'appel 

I.  Belleforest,  Les  grandes  Annales,  l"i79,  t.  II,  f.  1627.  Ge  pas- 
sage  ;i  été  textuellemenl  reproduil  par  Piguerre  [Hisinire  fran- 
çaise de  noslre  temps,  1581,  f.   iOl). 

.'.  Histoire  des  quatre  rois,  1595,  I'.  69  v°. 

3.  Lettre  à  l'église  d'Angers,  du  I"  mars  (Histoire  de  Bretagne, 
i.  III,  Prouves,  ml.  l;ia-ji.  -  Leiiro  à.  l'église  de  Nantes,  du 
13  mars  [Ibid.,  col.  1303). 

4.  Ge  libelle,  le  premieren  date,  e  si  imprimé  dans  les  Mémoires 
de  Gondè  (t.  HI,p.  111), dans  les  Archives  curieuses  (t.  IV,  p.  105) 
ei  enfin  dans  les  Mémoires  de  Guise  (p.  171).  Voir  la  note  sur  lo 
massacre  de  Vassy,  placée  à  la  fin  du  volume. 

5.  Lettre  du  la  mars  (Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire  du  Pro- 
testantisme français,  t.  VIII,  p.  510). 


ET   JEANNE   d'ALBRET.  115 

aux  armes.  Théodore  de  Bèze,  accompagné  de  Ger- 
vais  Barbier  de  Francourt  et  d'autres  huguenots 
notables,  demanda  audience  à  la  reine.  Catherine  le 
reçut  en  présence  du  roi  de  Navarre,  de  Prévost  de 
Sansac  et  de  la  Chapelle-des-Ursins.  De  Bèze  lui  porta 
ses  plaintes,  et,  dans  le  cours  de  la  harangue,  qua- 
lifia le  duc  de  Guise  de  «  meurtrier  du  genre 
«  humain.  »  A  ces  mots  le  roi  de  Navarre  prit  vive- 
ment la  défense  «  de  son  bon  frère  de  Guise  »  et  dit 
que  «  qui  le  toucherait  du  bout  du  doigt,  le  toucherait 
«  à  luy  à  tout  le  corps.  »  Le  cardinal  de  Ferrare  arriva 
pendant  l'audience  et  prétendit  excuser  les  excès  de 
Vassy  par  les  crimes  de  Saint-Médard.  La  discussion 
s'aigrit.  De  Bèze  parlait  avec  «  autant  d'animosité  que 
«  s'il  eût  eu  la  dague  dans  le  sein.  »  La  reine  lui  répon- 
dit que  les  huguenots  avaient  été  les  provocateurs, 
le  roi  de  Navarre  «  qu'il  méritoit  d'estre  pendu.  »  — 
«  Sire,  repartit  de  Bèze,  c'est  à  l'église  de  Dieu,  au 
«  nom  de  laquelle  je  parle,  d'endurer  les  coups  et  non 
«  pas  d'en  donner.  Mais  aussi  vous  plaira-il  vous  sou- 
«  venir  que  c'est  une  enclume  qui  a  usé  beaucoup  de 
«  marteaux1.  » 

Ces  nouvelles,  rapportées  au  duc  de  Guise  par 
ses  collègues  du  triumvirat,  s'aggravaient  de  celles 
de  la  cour.  Catherine  de  Médicis,  effrayée  de  l'état  de 
Paris  depuis  le  jour  de  sa  conférence  avec  le  parlement, 
avait  quitté  Saint-Germain  le  7  mars  et  s'était  retirée 

1.  Négociations  du  card.  de  Ferrare,  p.  112.  —  Lettre  de  Sainte- 
Croix  (Arch.  curieuses,  t.  VI,  p.  51).  —  Histoire  ecclésiastique  de 
de  Bèze,  t.  I,  p.  490  (édit.  de  Toulouse,  1881).  —  La  Popelinière, 
1. 1,  f.  286  y*  (De  Bèze  et  La  Popelinière  se  copienl  textuelle- 
ment). —  P.  Mathieu,  t.  I,  p.  254.  —  Scipion  Dupleix,  t.  III, 
p.  652. 


116  ANTOINE   DE   BOURBON 

à  Monceaux-en-Brie  avec  le  roi,  son  fils,  le  roi  de 
Navarre  et  le  cardinal  de  Ferrare1.  Sa  politique  favo- 
rite était  toujours  «  d'accommoder  les  voiles  de  son 
«  vaisseau  suivant  le  vent  et  de  jouer  plusieurs  per- 
«  sonnages  sur  le  théâtre2.  »  C'est  ainsi  qu'elle  avait 
rappelé  les  trois  Chastillons  auprès  d'elle  et  rendu  à 
Coligny  tout  son  crédit'.  Informée  des  conférences  que 
le  chancelier  tenait  habituellement  avec  le  prince  de 
Condé  et  le  cardinal  de  Chastillon,  elle  le  chassa  de  la 
cour4;  quelques  jours  après,  elle  lui  permit  de 
reprendre  sa  place  au  conseil 5.  Le  6  mars,  Throckmor- 
ton  écrit  qu'elle  favorise  «  les  papistes,  »  mais  que 
l'amiral  répond  d'elle;  le  9  et  le  14,  il  constate  qu'elle 
penche  vers  le  parti  réformé0.  Nulle  part  on  n'aper- 
çoit, dans  le  gouvernement,  cette  ligne  droite  et  ferme 
qui,  à  défaut  de  convictions,  aurait  dû  guider  la  reine. 
L'approche  du  duc  de  Guise  la  troublait  profondément. 
Pas  un  de  ses  conseillers  qui  ne  sentit  que  l'arrivée 
des  Lorrains  allait  précipiter  la  crise7.  Le  duc  de  Guise, 
écrit  Théodore  de  Bèze,  est  attendu  à  la  cour,  «  unde 
«  conjicio  nondum  fînitam  tragœdiam8.  »  Un  seigneur 

1.  Lettre  <lo  Sainte-Croix  [Archives  curieuses,  i.  VI,  p.  41)).  — 
Lettre  de  Throckmorton  du  (.i  mars  (Galendars,  1562,  p.  551).  — 

Nëgoc.  du  card.  de  Ferrare,  p.  in:!. 

■J.  Mol  de  M;illii<Mi  (t.  I,  p.  2.7.1). 

3.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  16  mars  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  nai.,  K.  1 197,  a0  I  i). 

'i.  Lettresde  Sainte-Croix  [Archives  curieuses,  t    VI,  p.  .M.  52 

ri    54). 

.7  Mémoires  de  Smibise,  publias  par  M.  Bonnet,  in-8°,  p.  51  et 
suivantes. 

6.  Galendars.  1.7V?,  p.  .74."),  .75?,  .753. 

7.  Lettre  du  0  mars  [Galendars,  1562,  p.  545). 
s.  Baum,  Theodor  /•'•;</,  Preuves,  p.  169. 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  117 

de  grande  naissance,  appartenant  au  parti  réformé, 
Jean  Larchevêque,  seigneur  de  Soubise,  avait  obtenu 
depuis  quelque  temps  un  grand  crédit.  Chaque  jour, 
à  l'aide  du  chancelier,  il  conférait  avec  la  reine  et  la 
sollicitait  de  se  mettre  à  la  tête  du  parti  réformé. 
Catherine  hésitait.  A  l'approche  du  duc  de  Guise, 
Soubise  prit  congé  d'elle  et  lui  demanda  congé  pour 
Philippe  Strozzi,  qu'il  voulait  emmener  au  secours 
du  prince  de  Condé.  La  reine  refusa,  parce  que,  dit- 
elle,  «  il  ne  luv  seroit  pas  possible  de  persuader  à  ceux 
«  de  Guise  qu'elle  ne  feust  de  la  partie,  quand  même  il 
«  n'en  seroit  rien1.  »  Tandis  que  le  connétable  et  le 
maréchal  Saint-André  exposaient  l'état  de  la  cour  au 
duc  de  Guise,  arriva  de  Monceaux  à  Nanteuil  une  lettre 
de  la  reine,  qui  révélait  le  secret  de  ses  appréhensions. 
Catherine  commandait  à  François  de  Lorraine  «  de 
«  venir  droit  en  cour  sans  armes,  attendu  que  tout 
«  estoit  en  paix2.  » 

Le  dimanche  I  5  mars,  le  duc  de  Guise  coucha  à 
Nantouillet.  Le  16,  à  trois  heures  de  l'après-midi,  il 
entra  à  Paris,  accompagné  du  connétable,  du  maréchal 
de  Saint-André,  du  duc  d'Aumale,  d'une  foule  de  sei- 
gneurs et  d'une  troupe  armée  que  l'ambassadeur  d'An- 
gleterre évalue  à  trois  mille  hommes3.  Son  fils,  le 
prince  de  Joinville,  était  entouré  des  fils  du  connétable 

1.  Mémoires  de  Soubise,  p.  51  et  suiv. 

2.  La  Popelinière,  t.  II,  f.  283.  —  Mémoin  s  de  Castelnau,  in- 
fol.,  t.  I,  p.  83.  —  De  Thou,  1740,  t.  III,  p.  132.  —  Cette  lettre 
n'a  pas  été  retrouvée. 

3.  Lettre  publiée  dans  le  Bulletin  de  laSocièté  du  Protestantisme 
français,  t.  XUI,  p.  15.  —  Lettre  de  Throckmorton,  du  20  mais 
(Calendars,  1562,  p.  558).  Cette  lettre  est,  de  tous  les  documents, 
celle  où  les  événements  sont  racontés  avec  le  plus  de  détails. 


118  ANTOINE   DE    BOURBON 

comme  un  seigneur  d'un  rang  plus  élevé.  Le  cortège 
prit  la  rue  Saint-Denis,  bien  que  la  rue  Saint-Martin 
fût  plus  directe,  sans  doute  parce  que  la  première, 
réservée  aux  entrées  du  roi,  était  «  plus  belle  et  peu- 
«  pléc  de  riches  marchands1.  »  Une  foule  immense 
l'attendait  à  la  porte.  Quand  le  duc  eut  franchi  la  herse, 
les  cris  de  vive  Guise  sortirent  de  toutes  les  bouches. 
A  mesure  qu'il  descendait  la  rue  Saint-Denis,  l'alllucnce 
du  peuple  devenait  plus  nombreuse.  Dans  la  rue,  aux 
fenêtres,  sur  des  échafaudages  élevés  à  la  hâte,  se 
pressait  une  foule  enthousiaste  qui  fêtait  par  des  accla- 
mations l'arrivée  du  «  défenseur  de  la  foi.  »  Le  duc, 
vêtu  de  satin  blanc,  suivant  sa  coutume,  saluait  de  la 
main  avec  grâce.  Jamais  roi  de  France  n'avait  fait  une 
entrée  plus  superbe.  François  de  Lorraine  allait  entrer 
à  l'hôtel  de  Guise2  quand  une  troupe  armée  parut 
à  l'extrémité  du  pont  Saint-Michel.  C'était  l'escorte 
du  prince  de  Gondé  qui,  au  sortir  du  prêche,  ren- 
trait à  son  hôtel  de  la  rue  de  Grenelle-Saint-IIonoré  3 
avec  800  cavaliers,  suivant  les  uns,  400  arque- 
busiers ,  suivant  les  autres ,  au  milieu  desquels 
chevauchait  Théodore  de  Bèze,  armé  et  cuirassé  de 

I.  l)ii|il(M\,  i.  111,  p.  1)53.  —  Lettre  de  Throckmorton ,  du 
20  mars. 

•J.  Claude  Haton  di1  que  le  duc  do  Guise  alla  droit  à  son  hôtel 
près  la  rue  du  Temple  (Mnnaifrs,  i.  I,  p.  -JUS).  L'hôtel  de  Guise 
('Mail  situé  rue  du  Chaume,  là  où  sonl  maintenant  les  Archives 
nationales.  On  eu  voit  encore  la  porte  rue  des  Ai.      .   s. 

3.  La  Popolinière  it.  I.  !'.  ;'S7i  dit  que  le  prince  de  Condé 
demeurail  rue  de  G-renelle.  H  indique  certainement  la  rue  de 
Grenelle-Saint-Honoré,  où  Louis  Guillart,  évêque  de  Chartres, 
devenu  huguenot,  possédait  un  hôtel  que  les  Bourbons  protes- 
tants, uotammenl  Jeanne  d'Albret,  ont  quelquefois  habité  (Étal 
de  répartition  d'un  emprunt  Forcé  eu  1571  ;  f.  fr.,  vol.  L1692). 


ET    JEANNE    DALBRET.  119 

pied  en  cap1.  Un  combat  paraissait  imminent,  mais  les 
deux  rivaux  arrêtèrent  leurs  partisans.  Les  troupes 
se  croisèrent  en  silence  et  les  princes  se  saluèrent 
froidement  du  pommeau  de  leur  épée2. 

Le  prévôt  des  marchands,  Guillaume  de  Marie,  atten- 
dait François  de  Lorraine  à  l'hôtel  de  Guise.  Il  le  haran- 
gua et  lui  offrit  au  nom  de  la  ville  une  garde  de  vingt 
mille  hommes  et  un  prêt  d'argent  de  deux  millions 
d'or  pour  rétablir  la  paix  religieuse,  même  au  prix  des 
armes.  Le  duc  répondit  modestement  que  la  reine 
mère  et  le  roi  de  Navarre  sauraient  rétablir  l'ordre, 
et  que,  en  sa  qualité  de  sujet  du  roi,  il  mettait  son 
honneur  à  leur  obéir.  Ces  paroles  furent  accueillies 
par  de  nouveaux  applaudissements3.  A  peine  des- 
cendu de  cheval,  il  envoya  le  capitaine  René  d'An- 
glure,  seigneur  de  Givry,  enseigne  de  sa  compagnie, 
au  prince  de  Gondé,  pour  témoigner  de  ses  inten- 
tions pacifiques  et  lui  dire  «  qu'il  n'estoit  accompagné 
«  que  pour  se  garder.  »  De  son  côté,  le  connétable 
chargea  son  fils  de  porter  la  même  déclaration  au 
prince.  Pendant  la  nuit,  par  crainte  d'un  retour  offen- 
sif des  huguenots,  François  de  Lorraine  concentra 
secrètement  ses  gens  dans  les  rues  voisines;  de  son 

1.  Lettre  de  Chantonay,  du  25  mars  (Mémoires  de  Gondé,  t.  II, 
p.  27). 

2.  Lettre  de  Sainte-Croix  {Archives  curieuses,  t.  VI,  p.  55).  — 
Lettre  publiée  dans  le  Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire  du  Proies- 
tantisme  français,  I.  XIII,  p.  15.  —  Lettre  de  Throckmorton,  du 
20  mars.  —  Tous  les  historiens  du  lemps  racontent  de  la  même 
façon  L'entrée  tin  duc  de  Guise.  La  Popelinière  (t.  1,  f.  287)  est 
peut-être  celui  qui  donne  le  plus  de  détails. 

3.  Journal  de  1562  (Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  85).  —  Lettre 
de  Sainte-Croix  (Archives  curieuses,  i.  VI,  p.  55).  —  Voyez  sur- 
toui  l,i  lettre  de  Throckmorton,  du  20  mars. 


120  ANTOINE   DE    BOURBON 

côté,  le  prince  de  Condé  convoqua  le  ban  et  l'arrière- 
ban  de  ses  partisans.  Des  compagnies  entières  se 
massèrent  par  groupes  autour  de  leurs  chefs.  Au 
lever  du  jour,  toute  la  rive  droite  de  la  Seine  était 
occupée  par  deux  armées  ennemies  qui  ne  rêvaient 
«  que  de  piller  et  de  saccager  la  ville1.  » 

Dès  ce  moment  l'hôtel  de  Guise  devint  le  centre  du 
gouvernement.  La  reine  mère,  informée  à  Monceaux 
de  l'entrée  des  Lorrains,  envoya  chercher  en  poste, 
après  avis  du  roi  de  Navarre,  le  cardinal  de  Bourbon. 
Le  cardinal  avait  voulu  rentrer  dans  son  diocèse  pour 
y  faire  ses  pàques  et  chevauchait  déjà  sur  la  route  de 
Rouen.  Il  rebroussa  chemin  et  reçut,  à  son  retour  à 
Paris,  des  lettres  de  la  reine,  qui  le  chargeait  du  gou- 
vernement de  la  ville  avec  des  pouvoirs  illimités.  Le 
coup  était  habile.  Charles  de  Bourbon,  prélat  borné, 
mais  inoffensif,  bon  catholique,  ne  pouvait  donner  de 
l'ombrage  au  duc  de  Guise,  son  coreligionnaire,  ni  au 
prince  de  Condé,  son  frère.  II  s'installa  au  Louvre 
le  17  mars  et  s'entoura  des  maréchaux  de  Brissac 
et  de  Thermes,  des  conseillers  d'Avanson  et  de 
Selve2.  Le  duc  de  Guise  renouvela  ses  protesta- 
tions de  fidélité  au  roi.  Le  soir,  le  cardinal  appela 
au  conseil  les  présidents  du   parlement.  La  ville  ne 


1.  La  Popelinière,  in-fol.,  i.  I,  f.  287.  —  Lettre  publiée  dans  le 
Bulletin  </<  la  Socù  I  de  l'histoire  du  Protestantisme  français,  t.  XIII, 
p.  15.  —  Discours  du  connétable  au  parletnenl  repro  luil  d'après 
les  registres  de  la  c<  ur,  pur  P.  Mathieu,  t.  [,  p.  257.  —  Lettre 
de  Throckmorton,  du  20  mars.—  Lettres  de  Catherine  à  Condé, 
du  16  au  26  mars  [Lettres  de  Gallierine,  i.  I.  p.  281  el  suiv.). 

2.  Journal  de  Bruslard  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  I,  p.  75. 
—  Journal  de  l'année  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V, 
p.  85  ''i  86.  —  Lettrede  Throckmorton,  du  20  mars. 


ET    JEANNE    D ALBRET.  121 

pouvait  être  occupée  à  la  fois  par  deux  princes  enne- 
mis, que  l'ardeur  de  leurs  partisans  poussait  à  la  guerre 
civile.  On  décida  que  le  prince  de  Gondé  et  le  duc  de 
Guise  seraient  invités  à  s'éloigner  de  Paris,  l'un  par 
la  route  de  Meaux,  l'autre  par  celle  de  Chartres4.  Tor- 
nabuoni  assure  même  que  le  cardinal  avait  reçu  la 
mission  d'offrir  à  son  frère  une  pension  de  trente  mille 
livres,  à  la  condition  qu'il  se  retirerait  en  Picardie2. 
Condé  promit  de  battre  en  retraite  deux  heures  après 
le  départ  du  triumvirat  ;  les  triumvirs,  de  sortir  de  la 
ville  à  la  même  heure  que  le  prince.  Mais  le  prévôt 
des  marchands  et  les  officiers  municipaux  assaillirent 
de  tant  d'instances  le  duc  de  Guise  que  la  proposition 
ne  fut  pas  appuyée.  Les  deux  princes  continuèrent  à 
se  fortifier  dans  leur  logis  et  leurs  armées  à  se  retran- 
cher dans  leurs  quartiers3. 

Le  même  jour,  1 7  mars,  les  triumvirs,  le  cardinal 
de  Guise,  le  duc  d'Aumale,  les  maréchaux  de  Saint- 
André,  de  Brissac  et  de  Thermes  écrivirent  une  lettre 
collective  au  roi  pour  s'excuser  de  ne  pas  aller  à  Mon- 
ceaux. 

Sire,  nous  pensions  aujourd'hui  partir  de  cesle  ville  pour 
aller  baiser  les  mains  de  Vostre  Majesté  sans  les  raisons  que 
nous  escripvons  bien  amplement  à  la  Royne,  avecq  ce  qui  nous 
semble  estre  nécessaire  pour  le  repos  et  la  tranquilité  de  ccste 
ville  et  pour  le  bien  de  vostre  service  qui  nous  (effacé  par  l'hu- 
midité)... Nous  supplions  très  humblement  Vostre  Majesté  de 
croire  que  nous  n'avons  rien  devant  les  veux  que  l'honneur  de 
Dieu,  la  conservation  de  vostre  couronne  et  de  l'autorité  de  la 

t.  Belleforest,  t.  II,  p.  1628.  —  Voyez  aussi  les  notes  suivantes. 

2.  Négociations  entre  la  France  cl  la  Toscane,  t.  lit,  p.  474. 

3.  Discours  du  connétable  au  parlement,  dans  I'.  Mathieu, 
t.  I,  p.  257. 


122  ANTOINE    DE   BOURBON 

I!d>  ne.  Et  pour  ce,  Sire,  que,  par  les  lettres  de  Sa  Majesté,  nous 
luy  faisons  ample  discours  de  toutes  choses,  nous  finerons  ceste 
lettre  après  avoir  supplié  le  Créateur,  Sire,  donner  à  Voslre 
Majesté  perfète  santé  et  très  longue  vie. 

De  Paris,  ce  17e  jour  de  mars. 

Françoys  de  Lorraine,  Loys,  cardinal  de  Guyse,  Montmo- 
rency, Claude  de  Lorraine,  Sainct-André,  Brissac,  Paule  de 
Termes'. 

Cette  lettre,  où  l'injonction  impérative  des  vainqueurs 
se  dissimule  sous  l'obséquiosité  des  termes,  était  accom- 
pagnée d'un  mémoire  à  la  reine.  Les  triumvirs  y  fai- 
saient un  effrayant  tableau  de  l'agitation  de  Paris,  énu- 
méraient  les  violences  commises  par  les  aventuriers  qui, 
pendant  la  domination  du  prince  de  Condé,  avaient 
terrorisé  la  ville,  et  convoquaient  le  roi  de  Navarre  au 
secours  des  bourgeois  paisibles 2.  Le  maréchal  de  Cossé- 
Brissac  fut  chargé  de  porter  la  double  déclaration  à 
Monceaux. 

Le  maréchal  trouva  la  reine  en  proie  à  de  nouvelles 
perplexités.  Catherine  n'espérait  plus  rien  du  roi  de 
Navarre  et  redoutait  tout  des  empiétements  du  parti 
catholique.  Condé,  les  Chastillons,  l'évêque  de  Valence, 
du  Mortier  et  le  chancelier  l'engageaient  à  veiller  à  sa 
sûreté  personnelle  et  à  échapper  au  duc  de  Guise3. 
Coligny  lui  conseillait  de  fuir  jusqu'à  Blois  le  foyer 
catholique  de  Paris  el  de  se  rapprocher  des  provinces 
de  l'ouest,  où  dominait  la  réforme4.  Le  projet  souriait 

].  Original;  f.  fr.,  vol.  6609,  F.  19. 

.'.  Original;  f.  fr.,  vol.  6611,  f.  20. 

3.  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II.  du  16  mars  (Orig.  espa- 
gnol ;  Aivh.  ual.,  K.  1  197,  ir  1  i  . 

i.  Lettre  de  Sainte-Croix,  du  15  mars  (Arch.  curieuses,  \.  VI, 
p.  :,.;  m  :>i).  —  Cettre  <l<i  Ghantonay,  'lu  25  mars,  à  Philippe  il 
i<  >rig.  espagnol  :  Arch.  aat.,  K.  1 197,  n°  17). 


ET    JEANNE    d'aLBRET.  i"-^.". 

à  la  reine.  Débarrassée  du  roi  de  Navarre,  prisonnier 
du  triumvirat,  du  cardinal  deTournon,  des  maréchaux 
de  Brissac  et  de  Thermes,  que  leur  âge  retenait  à 
Paris,  protégée  par  son  éloignement,  elle  visait,  dit 
Chantonay,  à  renouer  à  distance  les  trames  italiennes, 
dont  elle  expérimentait  la  faiblesse  à  Monceaux,  à 
séparer  les  ambitieux  en  convoquant  les  plus  dange- 
reux à  la  cour,  à  annuler  les  autres  en  leur  donnant  des 
missions 1 . 

Le  sentiment  du  danger  que  les  meneurs  du  parti 
catholique  pouvaient  faire  courir  au  pouvoir  éphémère 
qu'elle  exerçait  encore  lui  fit  oublier  les  règles  de  la 
prudence.  Elle  avait  déjà  invité  le  prince  de  Condé  à 
sortir  de  Paris  et  à  donner  l'exemple  du  désarmement 
aux  seigneurs  catholiques.  Dans  une  seconde  dépêche, 
elle  le  pria  d'avoir  «  seulement  souvenance  de  conser- 
«  ver  les  enfants  et  la  mère  et  le  royaume.  »  Elle  lui 
adressa  deux  autres  lettres  de  teneur  confuse,  que  le 
prince  interpréta  ou  feignit  d'interpréter  comme  une 
capitulation  de  la  royauté  entre  ses  mains2.  Cette 
démarche  accomplie  dans  l'effarement  de  la  première 
heure,  Catherine  résolut  de  se  réfugier,  en  compagnie 
du  roi,  dans  une  ville  forte.  Le  prince  de  la  Roche-sur- 
Yon,  gouverneur  de  Charles  IX,  seigneur  indépendant 
et  serviteur  dévoué  de  la  régente,  était  lieutenant  du 
roi  à  Orléans;  elle  se  remit  entre  ses  mains.  Elle  était 

1.  Lettre  de  Chantonay,  du  16  mars,  à  Philippe  II  (Orig.  espa- 
gnol ;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  14). 

2.  Ces  quatre  lettres  prirent  plus  tard  une  grande  importance 
par  l'usage  (pue  le  prince  de  Condé  en  tira.  Voyez  le  chapitre 
suivant.  Elles  ont  été  souvenl  imprimées.  Le  comte  de  Laferrière 
les  a  réimprimées  dans  lo  tome  premier  des  Lettres  de  Catherine 
de  Médicis  (p.  281  et  suiv.)  avec  les  notes. 


124  ANTOINE    DE    BOURBON 

prête  à  partir  lorsque  le  maréchal  de  Brissac  arriva  à 
Monceaux1. 

La  présence  du  maréchal,  l'empressement  du  roi  de 
Navarre  à  souscrire  aux  propositions  secrètes  qu'il 
apportait  de  la  part  du  triumvirat,  enlevèrent  toute 
liberté  à  la  reine.  Goligny  fut  exilé  à  Ghastillon  avec 
ses  frères,  le  voyage  d'Orléans  ajourné,  et,  le  lende- 
main, le  roi  et  la  reine  traînés  presque  en  prisonniers 
par  le  roi  de  Navarre  à  Fontainebleau2.  Telles  étaient 
les  instructions  du  duc  de  Guise.  Le  connétable  et  le 
maréchal  Saint-André  y  avaient  déjà  envoyé  leur 
maison3. 

Cependant  le  roi  de  Navarre  se  sentait  éclipsé  par 
le  duc  de  Guise.  Trahir  ses  amis,  déserter  son  parti, 
donner  l'exemple  de  toutes  les  palinodies  religieuses, 
et  n'obtenir,  en  retour  de  tant  de  sacrifices,  que  le 
second  rang  dans  l'armée  catholique,  c'était  un  échec 
pour  un  premier  prince  du  sang.  Le  maréchal  de  Saint- 
André  devina  les  souffrances  de  son  orgueil  et  s'en- 
tremit pour  rétablir  l'harmonie  entre  les  Bourbons  et  les 
Lorrains4.  II  suffit  de  quelques  honneurs  d'apparat.  Le 


1.  Lettre  de  Throckmorton ,  du  20  mars  [Calendars,  ir>r>2, 
p.  558). 

2.  Lettre  de  Sainte-Grois  [Arch.  curieuses,  t.  VI,  p.  50).  — 
Lettre  de  Ghantonay,  du  ;'0  mars,  à  Philippe  II  (Orig.  espagnol  ; 
Arch.  nai.,  K.  1497,  n°  16).  —  La  reine  arriva  à  Fontainebleau 
le  jour  même  de  son  dépari  de  Monceaux,  le  18  mars  {Lettres  de 
Catherine  de  Médicis,  t.  [,  p.  284).  —  De  Thou  dit  que  la  reine 
vint  à  McIiiii  avant  de  se  rendre  à  Fontainebleau  (t.  III,  1740, 
p.  134).  C'est  une  des  rares  erreurs  de  ce  grand  historien. 

3.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  16  mars  1562  (Orig. 
espagnol  ;  Arch.  nat.,  K.  1 197,  a'  1 1). 

4.  Lettre  orig.  de  Ghantonaj  à  Philippe  Œ,  du  s  avril  1562 
(Arch.  liai.,  K.  1497,  n°  21). 


ET   JEANNE   DALBRET.  125 

%\  mars,  après  avoir  conduit  le  roi  à  Fontainebleau, 
Antoine  courut  à  Paris1.  Le  duc  de  Guise  avec  trois 
de  ses  frères,  le  maréchal  de  Saint-André,  une  foule 
d'autres  seigneurs  l'attendaient  à  la  porte.  Le  prince 
de  Gondé  ne  sortit  pas  de  ses  retranchements,  soit 
qu'il  se  tint  sur  ses  gardes,  soit  qu'il  craignît  de  mettre 
ses  partisans  en  comparaison  du  brillant  cortège  du 
duc  de  Guise.  Il  se  fit  excuser,  sur  un  prétexte  d'in- 
disposition, par  un  simple  gentilhomme2.  Antoine 
reçut  à  peine  le  messager  et  refusa  d'entendre  ses 
explications.  Mais  il  accueillit  avec  empressement  les 
hommages  de  François  de  Lorraine.  Le  soir,  il  assista 
à  un  grand  festin  chez  le  connétable,  dont  les  trium- 
virs lui  firent  les  honneurs3.  Il  accepta  l'hospitalité 
à  l'hôtel  de  Montmorency,  rue  Vieille-du-Temple. 
Le  duc  de  Guise  était  établi  dans  son  propre  logis 
de  l'ancienne  rue  du  Chaume.  Réunis  par  le  voi- 
sinage, les  trois  seigneurs,  pendant  le  séjour  du  roi 
de  Navarre,  prenaient  leurs  repas  en  commun  et  con- 
féraient ensemble  à  l'abri  des  espions  de  la  reine4.  De 
grandes  résolutions  furent  prises  dans  ces  réunions  et 
le  prince  se  mit  au  service  de  ses  alliés  pour  les 
exécuter. 

Le    lendemain,    dimanche   des    Rameaux,   suivant 

1.  Journal  de  Bruslard  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  I,  p.  Tti. 
—  Journal  de  l'année  1562,  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  Y,  p.  87. 

2.  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  du  25  mars  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  nat.,  K.  1197,  n°  17). 

3.  Négociations  du  card.  de  Ferrure,  p.  118.  Cette  lettre  porte 
l'étiquette  du  16  mars,  mais  nous  parait  mal  datée.  Elle  ne  peut 
être  que  du  18.  —  Lettre  de  Sainte-Croix  [Arch.  curieuses,  t.  VI, 
p.  59). 

4.  Lettre  do  Chantonay,  du  25  mars  (Orig.  espagnol;  Arch. 
nat.,  K.  1497,  n°  17). 


12f)  ANTOINE   DE   BOURBON 

l'usage,  les  paroisses  de  Paris,  rassemblées  à  l'église 
Sainte-Geneviève,  devaient  aller  en  procession  à  la 
grand'messe  de  la  cathédrale.  Princes  et  ambassadeurs, 
seigneurs  et  gens  de  robe  avaient  été  convoqués  la  veille 
au  soir  par  le  roi  de  Navarre  à  l'hôtel  du  connétable 
et  se  rendirent  en  corps  à  l'église  Sainte-Geneviève. 
Antoine  prit  la  première  place  derrière  le  dais.  Le 
connétable,  malade  de  la  goutte,  chevauchait  en  avant, 
monté  sur  sa  mule.  Il  disait  à  la  foule  :  «  Mes  amis, 
«  reniiez  grâces  à  Dieu  de  ce  qu'il  vous  a  délivrés  de 
«  plusieurs  maux  en  vous  envoyant  le  roi  de  Navarre. 
«  Vous  voyez  la  bonne  union  qu'il  y  a  entre  luy  et 
«  M.  de  Guise  pour  vous  maintenir  en  paix,  en  ser- 
«  vaut  Dieu  et  procurant  le  bien  de  la  religion,  avec 
«  tout  ce  qui  peut  contribuer  à  l'honneur  et  à  l'éléva- 
«  tion  de  nostre  Roy1.  »  La  foule  se  pressait  sur  les 
pas  des  princes,  mais  les  acclamations  étaient  réservées 
au  duc  de  Guise  et  ne  s'adressaient  au  chef  de  la  maison 
de  Bourbon  que  pour  applaudir  à  la  concorde  du  prince 
et  des  Lorrains.  «  La  joie  était  grande  parmi  le  peuple, 
«  dit  Chantonay  avec  son  emphase  espagnole.  Tous  éle- 
«  vaient  les  mains  au  ciel  et  un  grand  nombre  pleu- 
«  rait  de  joie2.  »  Les  calvinistes  préparaient,  pour  le 
dimanche  des  Rameaux,  une  cérémonie  solennelle  et 
avaient  convié  leurs  (idèles  de  Rouen  à  Orléans.  Us  vou- 
laient, dit  Chantonay,  «  y  commectre  leurs  abomina- 

1.  Lettre  de  Sainte-Croix,  du  22  mars  (Arch.  curi  uses,  t.  VI, 
p.  59). 

2.  Lettre  do,  Ghantonav  à  Philippe  11,  du  25  mars  (Orig. 
gnol;  Ai'di.  nat.,  K.   I497,   n"  17).      -   La    popularité  du  roi  de 
Navarre  avail  fail  des  progrès  depuis  que  l'on  connaissait  à  Paris 
son  accord  avec  les  Guises  (Lettre  de  Chantonaj  à  Philippe  II, 
du  16  mars  ;  Orig.  espagnol;  Aivli.  nat.,  I\    1497,  n°  li  . 


ET    JEANNE    d'ALBRET.  127 

«  tions  en  public1.  »  Les  dispositions  menaçantes  du 
roi  de  Navarre  et  des  triumvirs  tirent  échouer  la 
manifestation.  Les  religionnaires  se  réunirent  en  deux 
groupes,  dans  un  jardin  particulier  avec  Théodore  de 
Bèze,  dans  un  coin  obscur  des  fossés  de  la  ville  avec 
le  ministre  Rivière2.  Tandis  qu'ils  célébraient  la  cène 
presque  secrètement,  les  catholiques,  à  l'ombre  de 
l'autorité  du  lieutenant  général,  comptaient  leurs 
forces.  La  procession  fut  le  triomphe  du  parti  des 
Guises.  Une  foule  immense  s'était  rassemblée  sur  le 
parvis  de  Notre-Dame.  Les  étudiants,  les  gens  du 
pauvre  peuple  brandissaient  des  rameaux  verts  en 
guise  de  ralliement  ;  les  femmes  les  portaient  au  cha- 
peron. Les  passants  dépourvus  de  ce  signe  étaient 
supposés  huguenots,  bafoués  et  chassés  par  la  popu- 
lace. La  procession  fut  plusieurs  fois  troublée  par  de 
sanglantes  rixes.  Après  la  messe,  le  connétable  réunit 
à  sa  table  les  ambassadeurs  étrangers  et  les  principaux 
seigneurs  catholiques.  Tous  les  honneurs  furent  pour 
le  roi  de  Navarre.  Assis  sur  une  «  chaire  »  à  la  pre- 
mière place,  il  parla  avec  enthousiasme  des  splendeurs 
de  la  fête  du  jour  et  prit  les  assistants  à  témoin  de  son 
dévouement  au  catholicisme3. 


4.  «  ...  hacer  las  abominaciones  publicamente...  »  (Lettre  de 
Ghantonay  à  Philippe  II,  du  25  mars;  Arch.  nat.,  K.  1407,  n°  17.) 

—  Lettre  Je  Throckmorton,  du  '20  mars  {Calendars,  15G2,  p.  558). 

2.  Journal  de  1 56*2  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  ST. 

3.  Sur  cette  procession  qui  fut  un  véritable  événement,  voyez 
la  lettre  de.  Ghantonay,  du  25  mars,  que  nous  avons  déjà  citée. 

—  Lettre  de  Ghantonay,  du  24  mars  {Mémoires  de  Condé,  t.  II, 
p.  27).  —  Lettre  de  Sainte-Croix  [Arch.  curieuses,  t.  VI,  p.  59). 

—  Journal  de  Bruslard  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  I,  p.  77.  — 
Journal  de.  l'année  1563  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  \,  p.  <s7.  — 


128  ANTOINE   DE   BOURBON 

Le  même  jour,  il  adressa  au  parlement  une  déclara- 
tion solennelle  :  «  Ma  venue  par  deçà  estoit  bien 
«  nécessaire  pour  le  désordre  que  j'y  ay  trouvé  tel 
«  que  sy  on  n'y  eust  pourveu  de  bonne  heure,  toutes 
«  choses  tumboyent  en  bien  grand  danger.  »  11  ajou- 
tait ces  paroles  qui  scellaient  son  accord  avec  les  trium- 
virs :  «  Nous  sommes  en  voye  de  les  restablir  en  bon 
«  état 1 .  » 

Cependant  les  hésitations  de  Catherine  troublaient 
les  chefs  catholiques2.  Après  le  repas  offert  par  le  con- 
nétable, Antoine  prit  le  nonce  en  particulier  et  lui 
demanda  de  visiter  la  reine  à  Fontainebleau,  afin  de 
la  rassurer  «  comme  de  son  propre  mouvement  » 
sur  les  intentions  du  duc  de  Guise,  de  lui  dire  que  le 
duc  avait  sauvé  Paris  du  pillage  et  de  l'inviter  à  ne  pas 
s'éloigner,  «  parce  que  son  absence  ruinerait  tout.  » 
Le  cardinal  de  Sainte-Croix  trouva  la  reine  inquiète  et 
disposée  à  chercher  un  refuge  sous  les  murs  d'Or- 
léans3. Il  rapporta  ses  impressions  au  triumvirat.  Les 
triumvirs  envoyèrent  alors  à  Fontainebleau  Charles  de 
la  Rochefoucauld,  comte  de  Randan,  aussi  bon  catho- 
lique, dit  Chantonay,  que  son  frère  aîné  était  hérétique, 
puis  le  cardinal  de  Guise,  puis  enfin  Charles  de  Cossé- 
Gonnor,  frère  du  maréchal  de  Brissac,  pour  la  con- 
vaincre «  qu'ils  ne  traiteraient  rien  à  son  préjudice, 
«  si  ce  n'est  pour  la  conservation  de  la  religion  et 


Lettre  de  Tornabuoni,  du  25  mars  [Négoc.  entre  la  France  et  la 
Toscan'-,  l.  III.  p.   17  l). 

1.  Original  .lui,'  du  22  mars;  f.  IV..  vol.  3241,  f.  2. 

2.  Lettre  delà  reine  ;'i  Boisy  [Lettres  de  Gatherine,  t.  I,  p.  284). 

3.  Lettres  de  Sainte-Croix  [Archives  curieuses,  t.  AT,  p.  61 

ri    63). 


ET   JEANNE   D'ALBRET.  129 

«  l'obéissance  à  l'autorité  royale1.  »  Randan,  le  car- 
dinal et  Gonnor  trouvèrent  la  reine  prête  à  leur  échap- 
per. Elle  leur  répondit  que  la  santé  de  son  fils  lui 
interdisait  tout  déplacement,  que  sa  présence  était 
inutile  à  Paris  et  qu'elle  n'avait  aucun  conseil  à  don- 
ner aux  habiles  défenseurs  du  roi2.  Les  incertitudes 
de  la  reine  n'étaient  pas  un  secret,  mais  cette  affecta- 
tion de  modestie  politique  fit  craindre  une  surprise. 
La  personne  du  roi  pouvait  donner  une  si  grande 
autorité  morale  à  ses  défenseurs  que  les  deux  partis, 
catholiques  et  huguenots,  résolurent  de  prévenir  sa 
fuite3. 

Le  lendemain  de  la  procession  des  Rameaux,  le 
prince  de  Condé,  malgré  les  conseils  de  ses  lieutenants, 
rassembla  secrètement  la  tleur  de  sa  compagnie,  et, 
escorté  d'une  troupe  de  mille  hommes  bien  équipés, 
sortit  de  Paris  à  l'improviste.  Son  départ,  que  nul 
n'avait  prévu,  frappa  la  ville  et  les  triumvirs  d'éton- 
nement.  Il  avait  dit  si  haut  «  qu'il  ne  bougeroit  jamais 
«  de  Paris  que  le  duc  de  Guise  n'en  fust  parti4.  »  Il 
passa  à  la  Ferté-sous-Jouarre,  visita  sa  femme  malade, 
et  campa  à  Meaux,  en  attendant  le  reste  de  ses  par- 
tisans. Sa  retraite  fut  généralement  blâmée.  Les 
ministres  s'étaient  vainement  efforcés  de  le  retenir. 
Pasquier  et  de  Bèze  le  comparent  à  Pompée,  qui  eut 
l'imprudence  de  laisser  Rome  à  César5;  cette  com- 

1.  Lettre  de  Ghantonay,  du  25  mars,  à  Philippe  II  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  17). 

2.  Lettre  de  Throckmorton,  du  31  mars  (Calcndars ,  1562, 
p.  571). 

3.  Davila,  t.  I,  p.  104. 

4.  Journal  de  l'année  1562  {Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  88). 

5.  Lettre  de  Pasquier  dans  les  OEuvres  complètes,  t.  II,  col.  96. 

rv  9 


130  ANTOINE   DE    BOURBON 

paraison  a  fait  le  tour  des  historiens  protestants.  Fran- 
çois de  la  Noue,  meilleur  juge  dans  les  questions  de 
guerre  que  de  Bèze  et  Pasquier,  reconnaît  que  la  grande 
disproportion  des  forces  du  duc  de  Guise  et  du  parti 
réformé  condamnait  le  prince  de  Gondé  à  s'éloigner  : 
«  Son  armée,  dit-il,  consistoit  en  trois  cens  gentils 
«  hommes  et  autant  de  soldats  expérimentés  aux  armes, 
«  plus  en  quatre  cens  escholiers  et  quelques  bourgeois 
«  volontaires,  sans  expérience.   Et  qu'estoit  que  cela 
«  contre  un  peuple  comme  infini,  si  non  une  petite 
«  mousche  contre  un  grand  éléphant.  Je  cuide  que,  si 
«  les  novices  des  couvents  et  les  chambrières  des  prêtres 
«  seulement  se  fussent  présentées  à  l'impourveu  avec 
«  des  bastons  de  cotterets  à  mains,  que  cela  leur  eust 
«  faict  tenir  bride  * .  »  Le  prince  avait  demandé  dix  mille 
écus  à  ses  partisans  pour  tenir  tête  au  duc  de  Guise 
dans  Paris.  Il  n'avait  obtenu  que  1 ,600  écus,  «  car 
«  ceux  qui  avoient  moyen  d'en  fournir  ne  vouloient 
«  ouir  parler  de  la  guerre  tant  qu'ils  seroient  mainte- 
«  nus  en  l'exercice  de  leur  religion 2.  »  Arrivé  à  Meaux, 
il  perdit  plusieurs  jours  à  attendre  Coligny,  d'Andelot, 
Soubise  et  les  principaux  seigneurs  de  son  parti.  Puis, 
au  lieu  «  d'aller  droit  à  Fontainebleau  sans  marchan- 
de der,  »  il  écrivit  à  la  reine  et  lui  demanda  ses  ordres3. 
Pendant  que  Gondé  ralliait  péniblement  ses  coreli- 
gionnaires à  .Meaux,  le  parti  catholique,  bien  dirigé, 
obéissait  à  cette  maxime  de  Tavannes  :  «  La  prise  du 


—  Lettre  de  de  Bèze  à  Calvin,  du  28  mars  (Baum,  Theodor  Beza, 
Preuves,  p.  176). 

1.  Mémoires  de  La  Noue,  éd.  Petitot,t.  XXXIV,  p.  128. 

2.  La  Popelinière,  i.  I,  L  287.  --  Pierre  Mathieu,  t.  I,  p.  255. 

3.  La  Popelinière,  t.  I,  I'.  287  v°. 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  131 

«  roy  ou  de  Paris  est  la  moitié  de  la  victoire  en  guerre 
«  civile.  L'on  fait  parler  l'un  comme  l'on  veut  et 
«  l'exemple  de  l'autre  est  suivy  de  grande  partie  des 
«  villes  du  royaume  ! .  »  Le  roi  de  Navarre  commença 
par  prendre  un  fort  point  d'appui  à  Paris.  Il  leva 
1,500  hommes  et  les  divisa  en  quinze  compagnies;  il 
donna  au  maréchal  de  Thermes  une  compagnie  de 
40  cavaliers  et  partagea  la  ville  en  quatre  quartiers, 
sous  la  surveillance  de  quatre  chevaliers  de  l'ordre  et 
du  cardinal  de  Bourbon  2.  Restait  à  obtenir  de  gré  ou 
de  force  la  participation  de  la  reine.  Le  26  mars,  il 
partit  à  franc  étrier  pour  Fontainebleau  avec  le  conné- 
table, en  grand  équipage  de  guerre,  suivi  d'une  troupe 
de  mille  cavaliers.  Ils  couchèrent  à  Gorbeil  et  arrivèrent 
le  lendemain  à  la  cour.  Le  roi  et  surtout  la  reine  mère, 
étonnés  de  ce  déploiement  de  force,  «  leur  firent  une 
«  étrange  mine3.  »  Les  deux  seigneurs  entrèrent  en 
explications.  Après  avoir  rappelé  les  incidents  des 
derniers  jours,  ils  signifièrent  à  la  reine  que  l'état  du 
royaume  leur  imposait  des  mesures  de  défense  et  que 

1.  Mémoires  de  Tavanncs,  coll.  Petitot,  t.  XXIV,  p.  329.  — 
Cette  même  pensée  est  reproduite  dans  les  lettres  de  Pasquier 
(OEavres  complètes,  t.  II,  col.  96). 

2.  Avis  remis  au  roi  de  Navarre  en  date  du  24  mar-  1561  (1502) 
par  les  principaux  seigneurs  du  parti  catholique,  les  cardinaux 
de  Bourbon  et  de  Guise,  les  ducs  de  Guise  et  d'Aumale,  le  con- 
nétable, les  maréchaux  de  Saint- André  et  de  Brissac,  Chavigny, 
Candale,  Bonnivet,  d'Avançon,  de  la  Brosse,  Nemours,  Randan, 
Odot  de  Selve,  Montpezat,  Sansac,  d'Escars  et  Givrv  (Orig.; 
Arch.  des  Basses-Pyrénées,  E.  584).  —  Lettre  de  Sainte-Croix 
[Archives  curieuses,  t.  VI,  p.  G4|.  Cette  levée,  dit  Sainte-Croix,  lit 
fuir  Théod.  de  Bèze. 

3.  Lettre  de  Throckmorton,  du  31  mars  (Calendars,  1562,  p.  571). 

—  Journal  de  l'année  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  88. 

—  Lettre  de  Sainte-Croix  [Archives  curieuses,  t.  VI,  p.  64). 


132  ANTOINE   DE   BOURBON 

la  cour  devait  les  suivre  à  Paris.  La  reine  essaya  de  ses 
subterfuges  ordinaires,  mais  le  prince  et  le  connétable 
insistèrent  impérieusement,  firent  montre  de  leurs 
forces,  et  Catherine  se  remit  entre  leurs  mains.  Cepen- 
dant elle  exigea  un  délai.  Dans  la  soirée,  elle  eut  de 
secrètes  conférences  avec  le  lieutenant  général  et  lui 
parla  si  habilement  de  ses  négociations  au  sujet  de  la 
Navarre,  du  triomphe  qu'il  ménageait  au  duc  de  Guise 
en  se  mettant  à  la  remorque  du  triumvirat,  qu'il  fut 
ébranlé.  Chantonay  et  le  nonce  expliquent  autrement 
les  nouvelles  hésitations  du  prince  ;  ils  disent  qu'il 
était  satisfait  de  voir  le  parti  huguenot  prospérer  sous 
les  ordres  de  son  frère,  parce  qu'il  se  flattait  de  le 
diriger  sous  son  nom,  et  que,  à  aucun  prix,  il  ne  vou- 
lait l'accabler  avant  d'avoir  reçu  les  réponses  défini- 
tives du  roi  d'Espagne  ' . 

L'indécision  du  prince  paralysait  le  connétable, 
vieux  courtisan,  qui  craignait  de  se  compromettre.  Le 
duc  de  Guise  en  fut  informé.  Il  accourut  aussitôt  à 
Fontainebleau,  laissant  Paris  au  cardinal  de  Bourbon, 
aux  maréchaux  de  Thermes  et  de  Brissac.  Son  arrivée 
rendit  le  courage  à  Montmorency  et  le  zèle  au  roi  de 
Navarre.  Antoine  signifia  durement  à  la  reine  qu'il 
allait  conduire  immédiatement  le  roi  à  Melun  «  pour 
«  la  sûreté  d'iceluy  et  qu'elle  suivit  puis  après  si  elle 
«  vouloit.  »  Le  connétable  donna  l'ordre  de  préparer 
les  équipages.  Comme  les  serviteurs  hésitaient,  il  s'em- 


1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II.  du  20  mars  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  nat.,  K.  1497,  q°  16).  —  Lettre  de  Sainte-Croix, 
dans  les  Archives  curieuses,  t.  VI,  p.  68.  —  Lettre  il<>  Chantonay 
à.  Philippe  II,  du  25  mars  lOrii:.  espagnol  ;  Aivli.  nat.,  K.  1497, 
n»  17). 


ET   JEANNE   D'ALBRET.  133 

porta  et  «  menaça  de  coups  de  bâton  ceux  qui  ne 
a.  vouloient  destendre  le  lit  du  roy  par  crainte  de  la 
«  royne.  »  Forcée  d'obéir,  Catherine  écrivit  au  prince 
de  Gondé  de  ne  pas  perdre  courage1.  Antoine  de 
Bayancourt,  s.  de  Boucha  vannes,  lieutenant  de  la  com- 
pagnie du  prince  de  Gondé,  venait  d'arriver  à  la  cour 
avec  un  message  de  son  maître  et  se  tenait  caché  loin 
des  yeux  du  duc  de  Guise.  Catherine  le  fit  appeler 
secrètement  et  lui  confia  sa  lettre.  François  de  Lor- 
raine le  rencontra  par  hasard  à  la  porte  et  le  chassa 
avec  tant  de  violence  que  Bouchavannes  prit  la  fuite 
au  risque  de  la  vie2.  Maître  du  roi,  le  duc  de  Guise 
lui  fit  signer  une  déclaration  qui  proscrivait  les  prêches 
établis  dans  les  villes  du  royaume  depuis  l'édit  de 
janvier3. 

La  cour  se  mit  en  route  le  31  mars,  jour  de  Pâques, 
le  roi  et  la  reine  en  litière,  les  seigneurs  de  l'escorte  à 
cheval,  armés  en  guerre  comme  en  pays  ennemi.  Des 
cavaliers,  lancés  dans  toutes  les  directions  par  le  duc 
de  Guise,  exploraient  la  forêt  de  Fontainebleau  et  les 

1.  C'est  une  des  quatre  lettres  que  nous  avons  signalées  plus 
haut,  p.  123,  note  2. 

2.  Lettre  de  Ghantonay,  du  20  mars,  à  Philippe  II  (Orig.  espa- 
gnol ;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  1G).  —  Lettre  du  même  au  môme, 
du  2  avril  (Orig.  espagnol;  ibid.,  K.  1498,  n°  18).  —  Lettre  d'un 
ambassadeur  florentin  dans  les  Mémoires  de  Gondé,  t.  II,  p.  29.  — 
Lettre  de  Chantonay,  du  4  avril  (Résumé  <le  chancellerie  en 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1496,  n°  54).  —  Lettre  de  Sainte-Croix 
{Arch.  curieuses,  t.  VI,  p.  67).  —  Mémoires  de  Tavanncs,  colL. 
Petitot,  t.  XXIV,  p.  328.  —  Hist.  ecclés.  de  de  Bèze,  t.  I,  p.  492, 
éd.  di>  1881.  — La  Popelinière,  t.  I,  p.  288.  —  Lettre  de  Throck- 
morton  du  31  mars  [Calendars,  1561,  p.  571).  —  Davila,  1. 1,  p.  104 
à  107.  —  Dupleix,  t.  III,  p.  655. 

3.  Copie  ;  coll.  Moreau,  vol.  740,  f.  99.  Cette  déclaration  manque 
au  savant  recueil  des  Mémoires  de  Gondé. 


134  ANTOINE    DE   BOURBON 

campagnes  voisines.  Le  roi,  témoin  depuis  la  veille  de 
scènes  menaçantes,  se  croyait  prisonnier  et  versait 
d'abondantes  larmes.  La  reine  ne  prononçait  pas  une 
parole.  Le  duc  de  Guise  ne  s'en  «  mettoit  nullement  en 
«  peine  et  disoit  tout  haut  qu'un  bien  qui  venoit 
«  d'amour  ou  de  force  ne  laissoit  pas  d'estre  toujours 
«  un  bien.  »  Cependant  les  chefs  catholiques  se  mon- 
traient soumis  et  respectueux.  A  Melun,  par  une  ruse 
inattendue,  Catherine  faillit  recouvrer  sa  liberté.  Le 
duc  de  Cuise  avait  fait  préparer  des  logements  dans  la 
ville,  mais  la  reine  voulut  coucher  au  château,  forte- 
resse du  moyen  âge,  inhabitée  et  réservée  depuis 
longtemps  à  la  garde  des  prisonniers.  Il  fallut  obéir. 

Le  capitaine  du  château,  Tristan  de  Rostaing,  ouvrit 
les  portes  et  ne  laissa  entrer  que  le  roi,  la  reine  et 
leurs  serviteurs  personnels.  Le  duc  de  Guise  se  crut 
trahi.  Déjà  les  soldats  menaçaient  les  gardes  de  la 
forteresse  et  faisaient  mine  d'entamer  un  siège,  quand 
le  prévôt  des  marchands,  venu  de  Paris  à  la  rencontre 
du  roi,  demanda  une  audience  à  la  reine.  Il  lui  certifia 
que,  «  si  elle  ne  ramenoit  le  roy  à  Paris,  il  y  avoit  dan- 
«  ger  qu'il  y  arrivât  quelque  horrible  sédition.  »  Cette 
menace  détermina  la  reine  à  faire  ouvrir  les  portes 
du  château  aux  chefs  catholiques,  «  tellement  qu'eux, 
«  voyans  là  où  ils  estoyent,  se  raccommodèrent  avec 
«  elle 1 .  » 

Ces  négociations  durèrent  quatre  jours,  quatre  jours 

{.Mémoires  de  Tavannes,  édit.  Petitot,  t.  XXXV,  p.  MS. — 
Davila,  t.  I,  p.  107  et  108.  —  La  Popelinière,  i.  I,  !'.  -288.  —  De 
Bèze,  Hist.  ccclés.,  1881,  t.  I.  p.  192.  —  Lettre  de  Sainte-Croix 
dans  les  Arch.  curieuses,  i.  VI,  p.  TH.  —  Journal  de  1562  dans  la 
Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  90. —  Mémoires  de  Castelnau,  ('dit.  in- 
fol.,  (.  1,  p.  85. 


ET    JEANNE   D'ALBRET.  135 

précieux,  qui  faillirent  faire  perdre  au  duc  de  Guise 
le  bénéfice  de  son  hardi  coup  de  main.  Pendant  ce 
délai,  Catherine  écrivit  plusieurs  lettres  comme  pour 
éloigner  l'idée  qu'elle  était  prisonnière  :  «  Les  choses 
«  sont  plus  troublées  en  ce  royaume,  mande-t-elle  à 
«  d'Humières,  gouverneur  de  Picardie,  qu'elles  ne 
«  furent  jamais1.  »  Le  roi  de  Navarre  lui  commanda 
aussi  de  l'informer  «  s'il  y  aura  chose  qui  se  meuve  ou 
«  remue,  soyt  du  costé  de  vos  voisins  ou  d'ailleurs,  à 
«  quoy  vous  aurez  l'œil  ouvert  pendant  toutes  ces 
«  folyes2.  » 

Le  4  avril,  le  connétable  arriva  à  Paris  à  huit  heures 
du  matin,  sous  le  prétexte  de  préparer  l'entrée  du 
roi.  Sans  descendre  de  cheval,  il  se  rendit  au  prêche 
de  Jérusalem,  entre  les  portes  Saint-Marcel  et  Saint- 
Jacques,  et  fit  abattre  la  chaire  et  les  bancs  des  fidèles. 
Dans  la  journée,  il  détruisit  également  le  prêche  de 
Popincourt,  près  de  la  porte  Saint- Antoine.  Un  ministre, 
Jean  Malo3,  et  l'avocat  Ruzé,  qui  se  faisait  appeler  le 
chancelier  des  huguenots,  furent  jetés  en  prison.  La 
populace,  encouragée  par  l'exemple  du  connétable,  se 
rua  sur  la  maison  du  prêche  de  Popincourt,  traina  les 
restes  du  mobilier  devant  l'hôtel  de  ville  et  y  mit  le 
feu  au  chant  des  cantiques.  Les  passants  qui  refusaient 
d'applaudir  à  l'exécution  étaient  pris  pour  hérétiques 
et  frappés  ;  plusieurs  furent  égorgés.  Cette  expédition, 

1.  Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  I,  p.  288.  —  Autre  lettre  à 
Senarpont,  Ibicl.,  p.  289. 

2.  Original,  daté  du  i  avril  (f.  fr.,  vol.  3187,  f.  10). 

3.  On  le  recherchait  surtout,  dit  La  Popeliniùrc,  parce  qu'il  avait, 
été  vicaire  à  Saint-André-des-Arcs  (t.  I,  f.  289).  Trois  jours 
auparavant,  un  bourgeois  qui  lui  ressemblait  avail  été  lui'  par  la 
populace  (Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  90i. 


136  ANTOINE   DE   BOURBON 

peu  glorieuse  pour  un  capitaine  qui  avait  fait  la  guerre 
aux  Espagnols  pendant  un  demi-siècle,  excita  les  rail- 
leries des  écrivains  réformés  et  mérita  au  connétable 
le  surnom  de  capitaine  brûle-bancs1. 

Le  5  avril,  le  roi  et  la  reine  quittèrent  enfin  Melun 
et  se  rendirent  au  château  de  Vincennes.  Le  6,  le  roi 
fit  son  entrée  à  Paris  sans  apparat.  Le  prévôt  des 
marchands  et  les  échevins  l'attendaient  à  la  porte 
Saint-Lazare,  vêtus  «  de  leurs  bons  habits  seulement 
«  sans  autre  solemnité  ne  triomphe,  réservant  les 
«  autres  solemnités  accoustumées  à  autre  meilleur 
«  temps2.  »  Le  connétable  et  le  cardinal  de  Bourbon 
ouvraient  le  cortège.  Le  roi,  accompagné  de  peu  de 
courtisans  et  d'une  simple  garde,  était  à  cheval.  La 
reine,  entourée  de  ses  deux  autres  fils,  puis  le  roi  de 
Navarre  suivaient  le  roi.  L'empressement  du  peuple 
et  les  applaudissements  qui  accueillirent  la  famille 
royale  prouvèrent  à  la  reine  les  sentiments  catholiques 
de  la  ville.  Le  roi  descendit  la  rue  Saint-Denis,  prit  la 
rue  de  la  Ferronnerie  et  alla  droit  au  Louvre3.  Le 


1.  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  du  8  avril  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  nal.,  K.  1497,  n°  20).  —  Lettre  de  Tliroekmorton, 
du  10  avril  (Calendars.  15112,  p.  595).  —  Journal  de  1562  dans  la 
Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  91.  —  Journal  de  Bruslard  dans  les 
Mémoires  de  Condé,  t.  I,  p.  80.  —  Lettre  de  Sainte-Croix  dans  les 
Arch.  curieuses,  I.  VI,  p.  73.  —  Lettre  de  Pasquier  (Œuvres  com- 
plètes, t.  II,  col.  96).  —  Belleforest,  t.  11.  i.  L628.  —  La  Popeli- 
nière,  t.  I,  f.  289. 

2.  Registres  originaux  de.  la  ville  de  Paris  cités  par  M.  Robi- 
quet,  Hist.  mun.  tir  Paris,  p.  542. 

3.  Lettre  de  Ghantonav  à  Philippe  IL  du  s  avril  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  L497,  n"  20).  —  Robiquet,  Hist.  mun. 
de  Paris,  p.  542,  d'après  les  registres  du  conseil  de  ville.  Voyez 
aussi  les  documents  eiies  dans  les  deux  unies  précédentes. 


ET   JEANNE    d'âLBRET.  137 

même  soir,  Chantonay  demanda  une  audience  au  roi 
de  Navarre  et  le  félicita  du  triomphe  remporté  par  le 
parti  catholique,  comme  de  son  œuvre  personnelle. 
Il  me  répondit,  écrit  Chantonay  à  Philippe  II,  «  que 
«  cela  n'étoit  rien  à  côté  de  ce  qu'il  espéroit  encore 
«  faire  pour  le  service  de  Dieu  ;  et,  afin  que  Votre 
«  Majesté  pût  le  juger  à  fond,  quoiqu'il  eût  fait  plus 
«  que  Votre  Majesté  lui  avoit  demandé,  qu'il  avoit 
a  appelé  à  la  cour  des  hommes  vertueux  et  en  avoit 
«  chassé  les  méchants;  qu'il  avoit  accrédité  les  pre- 
«  miers  de  telle  façon  que  chacun  pût  les  comparer 
«  avec  les  autres,  qui,  s'il  plaît  à  Dieu,  seront  punis. 
«  Il  me  parla,  en  outre,  de  ses  affaires  propres,  en 
«  me  suppliant  de  ne  pas  le  faire  trop  attendre...  Je 
«  le  contentai  tant  que  je  pus  en  le  flattant  toujours 
«  et  en  lui  promettant  que  Votre  Majesté  ne  l'oublie- 
«  roit  pas1.  » 

Les  chefs  de  la  réforme  étant  campés  à  Meaux,  les 
triumvirs  à  Paris,  commence  une  comédie  politique  qui 
ne  fait  honneur  à  aucun  des  deux  partis.  Tandis  que 
huguenots  et  catholiques  se  préparent  ouvertement 
à  la  guerre,  chacun  d'eux  proteste  de  ses  intentions 
pacifiques.  Le  roi  de  Navarre  se  fortifie  dans  Paris 
et  le  prince  de  Gondé  convoque  le  ban  et  l'arrière- 
ban  de  l'armée  calviniste.  Le  triumvirat  s'empare  de 
la  personne  du  roi  et  le  prince  arme  ses  partisans 
sous  les  murs  de  Meaux.  Goligny  était  à  Chastillon 
avec  François  de  Hangest  de  Genlis,  Antoine  de  Bou- 
card,  François  de  Briquemaut,  et  d'autres  qui  le  pres- 
saient de  se  mettre  en  campagne.  Mais  il  se  refusait  à 

1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  8  avril  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  mit.,  K.  1497,  n"  20). 


138  ANTOINE   DE    BOURBON 

donner  le  signal  de  la  guerre.  De  graves  scrupules 
agitaient  sa  conscience.  D'Aubigné  a  tracé  un  éloquent 
tableau  des  incertitudes  de  cette  àme  élevée,  trop 
ardente  pour  se  soumettre,  trop  clairvoyante  pour 
s'aveugler  sur  les  dangers  et  les  crimes  de  l'avenir4. 
L'amiral  hésitait  encore  quand  son  frère,  François 
d'Andelot,  échappé  de  Paris  en  même  temps  que  le 
prince  de  Condé,  le  rejoignit  à  Ghastillon.  Bientôt  les 
deux  frères  reçurent  l'appel  aux  armes  du  prince. 
Aussitôt,  sans  mesurer  le  danger,  ils  partirent  pour 
Meaux  ;  ils  y  arrivèrent  le  27  mars  avec  une  troupe 
de  soldats  qu'ils  avaient  ralliée  en  route2.  Quelques 
jours  auparavant,  le  roi  de  Navarre,  informé  de  la 
réunion  des  capitaines  à  Chastillon,  s'était  plaint  à  la 
reine  des  armements  des  huguenots,  et  la  reine,  peut- 
être  pour  gagner  du  temps,  avait  interrogé  l'amiral. 
Le  jour  même  de  son  arrivée  à  Meaux,  Goligny  répon- 
dit aux  accusations  du  lieutenant  général  :  «  Je  ne 
«  scay  d'où  le  roy  de  Navarre  a  eu  advertissement  que 
«  je  faisois  levée  de  gens,  mais  je  vous  respons  sur 
«  mon  honneur,  Madame,  que  je  n'y  ai  pas  seulement 
«  pensé  ;  bien  ay-je  adverty  quelques  ungs  de  mes 
«  voisins  et  amys  et  prié  de  me  faire  compagnie 
«  pour  venir  trouver  mons.  le  prince;  que  si  d'ad- 
«  venture  il  s'en  est  veu  dans  ma  compagnie  d'armés, 
«  il  me  semble  qu'il  ne  doit  estre  trouvé  non  plus 
«  est  range  que  de  ceulx  qui  vont  trouver  M.  de 
«  Guize  avec  armes  descouvertes  et  dont  je  puis  par- 


1.  D'Aubigné,  Hisl.  unir.,  Hi-Jt»,  i.  I,  col.  185. 

2.  Lettre  de  de  Bèze  à  Calvin,  du  28  mars  (Baum,  Thcodor 
B^ .'-',  Preuves,  p.  176). 


ET   JEANNE   D'ALBRET.  139 

«  1er  comme  les  ayant  veus * .  »  Nier  ses  intentions 
belliqueuses  à  l'heure  même  où  il  entrait  en  campagne, 
est  une  fourberie  indigne  du  caractère  de  Coligny. 
De  mensonge  en  mensonge,  les  deux  partis  en  étaient 
arrivés,  les  uns  à  donner  le  signal  de  la  guerre  civile, 
les  autres  à  être  prêts  à  la  soutenir. 

Le  29  mars,  jour  de  Pâques,  Gondé  divisa  sa  cava- 
lerie en  deux  corps.  Le  premier,  sous  le  commande- 
ment de  François  d'Andelot,  se  porta  sur  Orléans  à 
marches  forcées.  Le  second  se  mit  en  campagne  avec 
le  prince  et  prit  la  route  de  Paris.  Les  dames,  qui 
avaient  suivi  le  prince  à  Meaux,  cherchèrent  un 
refuge  hors  du  théâtre  de  la  guerre.  Jeanne  d'Albret 
partit  pour  Vendôme.  Léonor  de  Roye,  princesse  de 
Gondé,  alors  dans  un  état  de  grossesse  avancé,  se 
dirigea  sur  Muret  en  Picardie  avec  ses  femmes,  son 
fils  aîné  et  une  petite  escorte.  En  passant  à  Vau- 
dray,  elle  rencontra  une  procession  catholique  que  les 
gens  de  son  cortège  refusèrent  de  saluer.  Aussitôt  les 
villageois,  excités  par  le  prêtre  qui  portait  le  saint 
sacrement,  assaillirent  la  princesse.  Elle  fut  menacée, 
insultée  et  son  coche  criblé  de  coups  de  pierre.  Elle 
échappa  cependant  et  se  retira  à  Gandelu,  à  quelques 
lieues  de  là.  Mais  elle  avait  été  si  troublée  par  cette 
attaque  qu'elle  y  accoucha  le  lendemain  avant  terme 
de  deux  jumeaux,  dont  un  seul  survécut2.  Ce  fut  le 

1.  Cette  lettre  est  publiée  d'après  l'original,  par  M.  le  comte 
Delaborde  (Gaspard  de  Coligny,  t.  II,  p.  48),  et  réimprimée  par 
M.  le  comte  de  Lafcrrière  {Lettres  de  Catherine  de  Mcdicis,  t.  I, 
p.  285,  note). 

2.  La  Popelinière,  t.  I,  f.  289.  Celui  de  ces  enfants  qui  survé- 
cut se  lit  catholique  et  devint  plus  tard  le  cardinal  de  Bourbon. 
—  M.  le  comte  Delaborde  a  établi  son  récit  d'après  un  document 


140  ANTOINE    DE   BOURBON 

premier  malheur  de  la  guerre  civile  ;  il  tomba  sur  une 
maison  dont  le  chef  devait  payer  de  sa  vie  la  coupable 
prise  d'armes  du  29  mars. 

Pendant  sa  marche  sur  Paris1,  le  prince  de  Condé 
rencontra  en  route  un  de  ses  espions  et  apprit  que  le 
triumvirat  s'était  emparé  du  roi.  A  cette  nouvelle,  il 
«  s'arrêta  tout  court  dessus  son  cheval.  »  Bientôt 
arriva  l'amiral.  «  Le  prince,  après  un  souspir  qui  lui 
«  eschappa  :  c'en  est  fait,  dit-il,  nous  sommes  plongés 
«  si  avant  dans  l'eau  qu'il  faut  boire  ou  se  noyer2.  » 
Le  soir  il  campa  à  Saint-Cloud  et  se  présenta  le  lende- 
main à  la  porte  Saint-Honoré,  suivi  de  l'amiral,  de 
d'Andelot,  des  ducs  de  Bouillon  et  de  Nevers,  de 
500  cavaliers  et  de  1,000  hommes  de  pied.  La  ville, 
avertie  de  sa  présence,  était  préparée  à  un  siège.  Le 
maréchal  de  Thermes  parut  sur  les  murs  en  parlemen- 
taire. Le  prince  demandait  à  entrer.  Le  maréchal  lui 
répondit  qu'il  serait  reçu  avec  honneur,  lui  douzième, 
mais  que  sa  suite  serait  repoussée  par  la  force.  Un 
messager  du  cardinal  de  Bourbon,  Christophe  d'Alegre, 
vint  prier  le  prince  de  respecter  la  ville.  Condé  pro- 
mit de  ne  pas  attaquer  s'il  n'était  attaqué  lui-même 
dans  la  position  qu'il  avait  prise  au  pont  de  Saint-Cloud. 
Les  pourparlers  cachaient  une  surprise.  Un  capitaine 
hardi,  le  s.  de  Bussy,  accompagné  de  600  chevaux, 
avail  tourné  rapidement  la  ville  par  Yaugirard.  Aidé 

du  temps  (Éléonore  de  Roye,  p.  115.  —  Gaspard  </,  Uoligny,  t.  II, 
p.  62). 

1.  Ghantonay  raconte  que  le  prince,  mal  informé  des  moyens 
de  défense  des  triumvirs,  croyait  encore  pouvoir  prendre  Paris 
(Lettre  à  Philippe  II,  «lu  2  el  du  i  avril  1562;  Orig.  espagnol; 
Arch.  oat.,  K.  1 197,  n-  L8). 

2.  Davila,  1. 1,  p.  108. 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  141 

de  quelques-uns  de  ses  coreligionnaires  du  quartier, 
il  essaya  de  forcer  la  porte  Saint-Jacques.  Aux  pre- 
mières arquebusades,  les  murs  se  couvrirent  de  sol- 
dats. Bussy  fut  obligé  de  battre  en  retraite  au  galop 
et  rejoignit  son  maître  à  Saint-Cloud  1 . 

Le  soir,  les  chefs  huguenots  tinrent  conseil.  Pendant 
la  nuit,  ils  reçurent  un  renfort  de  300  argoulets.  Le 
lendemain  matin,  Gondé  invita  ses  compagnons  d'armes 
à  le  suivre  à  Orléans.  L'armée  traversa  la  Seine  en  bon 
ordre  et  marcha  sur  Palaiseau,  Longjumeau  et  Mont- 
Ihéry  d'un  pas  assez  lent  pour  permettre  aux  troupes 
retardataires  de  rallier  le  corps  principal.  A  Étampes, 
elle  reçut  un  nouveau  renfort  de  200  cavaliers.  Le 
prince  campa  à  Augerville  le  soir  de  la  première  étape. 
Deux  heures  avant  le  jour,  arriva  en  poste  Artus  de 
Gossé-Gonnor,  frère  du  maréchal  de  Brissac,  accom- 
pagné du  secrétaire  d'état  Robertet  de  Fresne,  porteur 
de  deux  lettres  du  roi  et  de  la  reine.  La  lettre  du  roi 
enjoignait  au  prince  de  déposer  les  armes  et  de  se 
rendre  à  la  cour  avec  sa  suite  ordinaire.  Condé  pro- 
mit de  se  soumettre  quand  le  duc  de  Guise,  son  ennemi 
personnel,  aurait  licencié  ses  troupes.  Gonnor  répon- 
dit que  François  de  Lorraine  suivait  les  ordres  du  roi. 
Gondé  riposta  qu'il  n'ignorait  pas  que  les  Lorrains 
avaient  emprisonné  le  roi  dans  son  château  de  Fontai- 
nebleau. Ainsi  se  révélait  dès  le  premier  jour  la  poli- 
tique du  prince;  il  ne  faisait  la  guerre,  disait-il,  que 


1.  Lettre  de  Throckmorton ,  du  1er  avril  (Calcndars ,  1562, 
p.  577).  —  Journal  de  Bruslard  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  I, 
p.  78.  —  Lettre  de  Sainte-Croix  dans  les  Arch.  curieuses,  t.  VI, 
p.  69.  —  La  Popelinière,  1. 1,  f.  288. — Lettre  de  Chantonay  dans 
les  Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  30. 


142  ANTOINE   DE   BOURBON 

pour  délivrer  le  roi  des  mains  du  duc  de  Guise.  Tan- 
disque  la  conférence  se  prolongeait,  Jean  Larchevèque 
de  Soubise  s'avisa  que  Gonnor  n'avait  d'autre  mission 
que  celle  de  «  l'amuser  pendant  une  partie  de  la  mati- 
«  née  »  et  le  pressa  de  hâter  sa  marche.  Soubise  avait 
deviné  la  vérité.  Jean  d'Estrées,  grand  maître  de  l'ar- 
tillerie, se  portait  sur  Orléans  à  marches  forcées,  afin 
de  défendre  la  ville.  Le  prince  perdit  trois  heures  à 
répondre  à  la  reine  et  se  remit  en  route.  A  Artenay, 
il  fut  avisé  que  d'Andelot  combattait  aux  portes  d'Or- 
léans. Moitié  par  persuasion,  moitié  par  violence,  le 
frère  de  Goligny  gagnait  peu  à  peu  du  terrain  dans  la 
ville.  Mais  l'infériorité  de  ses  forces  vis-à-vis  d'une 
population  nombreuse  et  très  divisée  mettait  sa  com- 
pagnie en  danger.  A  cette  nouvelle,  dit  d'Aubigné, 
«  les  plus  avancés  se  mettent  à  toute  bride  et  tout  le 
«  reste  les  suit  sans  ordre,  tellement  que  plusieurs, 
«  allant  le  chemin  de  Paris,  voyoient  chapeau  et 
«  manteau  par  terre  qu'on  ne  daignoit  amasser,  les 
«  prenoient  ou  pour  fols  venant  de  Saint-Mathurin,  ou 
«  pour  gens  qui  jouoient  à  l'abbé  Mogouverne  jusqu'à 
«  ce  que,  trouvant  une  si  grosse  troupe,  on  jugea  que, 
«  bien  qu'il  y  eust  beaucoup  de  fols  en  France,  ils  ne 
«  pouvoient  tant  ensemble  s'unir  à  un  dessein1.    » 

{.  D'Aubigné,  t.  I,  col.  188. —  Lettre  de  Sainte-Croix  dans  les 
Arch.  curieuses,  t..  VI,  p.  69.  —  Journal  de  Bruslard  dans  les 
Mémoires  de  Condé,  t.  I,  p.  78.  —  La  Popolinière,  t.  I,  f.  288.  — 
Mémoires  de  Soubise,  édit.  Bonnet,  p.  55.  —  Il  est  à  remarquer 
que  Mergey  el  La  Noue  racontenl  la  marche  de  Condé  sur 
Orléans  de  la  même  fanon  et.  presque  avec  les  mêmes  termes 
[Mémoires  de  Mergey,  édit.  Petitot,  t.  KXXTV,  p.  16.  —  Mémoires 
de  La  Noue,  ibid.,  p.  132.  —  Journal  de  L"i62  dans  la  Revue 
rétrospective,  t.  Y,  p.  90.  —  Lettre  de  Throckmorton,  du  10  avril 
(Calcndars,  1562,  p.  595). 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  143 

Cette  précipitation  réussit  à  l'armée  huguenote.  «  Un 
«  bon  ordre,  dit  encore  d'Aubigné,  n'eust  pas  valu  ce 
«  désordre.  » 

Les  réformés  étaient  en  minorité  à  Orléans,  mais 
assez  nombreux  pour  exercer  publiquement  leur  culte. 
A  la  nouvelle  du  massacre  de  Vassy,  ils  avaient  pris 
les  armes.  Le  lieutenant  du  roi,  Innocent  Tripier,  sei- 
gneur de  Monterud,  disciplina  les  séditieux  en  les 
employant  à  la  garde  de  la  ville.  Mais,  quelques  jours 
plus  tard,  il  ouvrit  les  portes  à  une  partie  de  la  com- 
pagnie de  Philibert  de  Marcilly  de  Cypierre,  en  garni- 
son dans  le  voisinage.  Le  1er  avril,  l'édit  de  janvier 
fut  publié  à  Orléans.  Les  ministres,  appelés  à  prêter 
serment,  montrèrent  au  lieutenant  du  roi  des  disposi- 
tions douteuses.  Il  appela  alors  d'autres  gens  de  pied 
campés  à  Beaugency.  Monterud  se  flattait  de  conserver 
la  ville.  La  veille  au  soir,  d'Andelot  était  arrivé  en 
poste  de  Cercottes  avec  un  seul  serviteur.  Ses  cava- 
liers le  suivaient  à  de  longs  intervalles  et  se  grou- 
paient sans  bruit  à  quelque  distance  des  murs.  Pendant 
la  nuit  et  à  la  première  heure  du  jour,  entrèrent  pêle- 
mêle  des  soldats  des  deux  partis,  des  gens  de  pied  de 
Beaugency  et  des  cavaliers  de  d'Andelot.  Les  hugue- 
nots, recueillis  par  des  guides  avertis  à  l'avance,  se 
cachaient  aux  environs  de  la  porte  Saint-Jean  ;  les 
catholiques  se  rendaient  auprès  du  lieutenant  du  roi. 
Le  matin  du  %  avril,  les  corps  de  garde  calvinistes, 
qui  avaient  passé  la  nuit  aux  portes,  furent  relevés, 
sur  l'ordre  de  Monterud,  par  des  compagnies  catho- 
liques. Une  rixe  s'élève  entre  les  soldats.  Monterud 
accourt,  ferme  la  porte  et  prend  les  clefs.  D'Andelot 
arrive  bientôt,  suivi  de  trois  cents  cavaliers  cachés 


144  ANTOINE   DE   BOURBON 

aux  abords  de  la  porte  Saint-Jean.  Monterud  et  les 
siens,  chassés  et  mis  en  fuite,  se  retirent  dans  l'in- 
térieur de  la  ville.  D'Andelot  s'empare  de  la  porte,  la 
fait  ouvrir  à  coups  de  marteau,  donne  passage  aux 
soldats  qui  l'avaient  suivi  depuis  Cercottes  et  se  bar- 
ricade dans  les  maisons  du  voisinage1. 

Le  prince  de  Condé,  averti  par  des  messages  de 
d'Andelot  qui  se  renouvelaient  d'heure  en  heure,  arriva 
à  une  lieue  d'Orléans  dans  la  matinée  du  %  avril. 
D'Andelot  avait  peu  à  peu  gagné  toute  la  ville.  A 
onze  heures  du  matin,  le  prince  franchit  les  portes 
en  compagnie  de  l'amiral  et  descendit  de  cheval  sur 
la  place  de  l'Étape,  devant  un  logis  connu  sous  le 
nom  de  la  Grand'Maison.  Monterud  lui  présenta  ses 
hommages  et  lui  demanda  la  permission  de  se  retirer. 
Condé  lui  répondit  qu'il  était  venu  à  Orléans  pour  le 
service  du  roi  et  s'efforça  vainement  de  le  retenir.  Les 
gens  de  justice,  les  officiers  de  la  ville  vinrent  le  saluer 
et  lui  demander  sa  protection.  Au  moment  où  le 
prince  allait  se  mettre  à  table,  Jean  d'Estrées  entra 
dans  la  ville.  Il  était  trop  tard.  Condé  commandait  en 
maître  au  nom  des  huguenots  dans  la  ville  même  où 
il  avait  été  condamné  à  mort  au  nom  du  parti  catho- 
lique seize  mois  auparavant.  D'Estrées  s'en  retourna 
le  même  jour  à  la  cour  avec  des  lettres  du  prince  à 
l'adresse  de  la  reine2. 

1.  La  Popelinière,  t.  I.  f.  288  v.  —  Davila,  t.  I,  p.  109.  — 
D'Aubigné,  t.  I,  col.  188. 

2.  La  Popelinière,  t.  II,  f.  288  v°.  —  Journal  de  Bruslard 
dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  I,  p.  7'.'. 


CHAPITRE  DIX-HUITIÈME. 


Avril  et  mai  1562. 


Effet  de  la  prise  d'Orléans  à  la  cour.  —  Dispositions 
de  la  reine  et  du  roi  de  Navarre. 

Armements  des  huguenots.  —  Condé  et  Coligny  à 
Orléans.  —  Le  comte  de  La  Rochefoucault.  —  Acte 
de  confédération  du  11  avril  1562. 

Négociations  de  la  reine  et  du  triumvirat  avec  le  prince 
de  Condé.  —  Exigences  du  parti  réformé.  — 
Catherine  propose  une  entrevue  au  prince  de  Condé. 
—  Premier  manifeste  du  prince  (8  avril).  —  La 
reine  embrasse  le  parti  catholique.  —  Second  mani- 
feste du  prince  (25  avril).  —  Requête  du  triumvirat 
au  roi  (4  mai).  —  La  cour  à  Monceaux.  —  Réponse 
de  Condé  à  la  requête  du  triumvirat  (19  mai).  — 
Pillage  des  églises  a"  Orléans . 

Armements  des  catholiques.  —  Prépondérance  du  roi  de 
Navarre  à  la  cour.  —  Négociation  de  d'Almeida  en 
Espagne.  —  Philippe  II  promet  le  royaume  de  Tunis 
au  roi  de  Navarre  et  lui  accorde  la  Sardaigne  en 
attendant  la  conquête  de  la  Tunisie. 

La  nouvelle  de  «  l'entreprise  »  des  huguenots  sur 
Orléans  saisit  la  cour  à  Melun,  pendant  le  voyage  de 
iv  10 


146  ANTOINE   DE   BOURBON 

Fontainebleau  à  Paris,  et  tomba  sur  le  triumvirat 
comme  un  coup  de  foudre.  Jean  d'Estrées,  le  grand 
maître  de  l'artillerie,  avait  cependant  été  envoyé  à 
Orléans  pour  organiser  la  défense  de  la  ville4.  Com- 
ment un  capitaine  diligent,  voyageant  en  poste, 
s'était-il  laissé  devancer  par  une  armée  entière?  On 
savait  qu'il  pratiquait  la  réforme,  et  les  accusations 
de  trahison  sortaient  de  toutes  les  bouches 2. 

La  reine  mère  dissimulait  ses  espérances.  Traitée 
en  prisonnière  par  les  triumvirs,  offensée  par  l'enlè- 
vement du  roi,  elle  voyait  sans  regret  l'autorité 
échapper,  avec  les  villes  du  royaume,  au  roi  de 
Navarre,  qui  se  posait  en  maître,  au  duc  de  Guise, 
déjà  trop  grand  pour  ne  pas  être  à  craindre,  au  con- 
nétable, protecteur  brutal  et  impérieux,  au  maréchal 
Saint-André,  soldat  sans  conscience  et  sans  dévoue- 
ment. Entourée  d'une  petite  cour  de  familiers  plus  ou 
moins  hostiles  au  parti  catholique,  Jean  de  Moulue, 
évèque  de  Valence,  le  chancelier  de  l'Hospital,  la 
dame  de  Grussol,  la  dame  de  Thermes,  elle  hési- 
tait à  se  livrer  au  parti  réformé.  En  attendant  les 
événements,  elle  se  flattait  de  conserver  le  pouvoir 
suprême  et  même  la  direction  du  parti  catholique, 
quand  elle  surprit  les  menées  du  triumvirat  pour  la 
dépouiller  de  la  régence  nominale  qu'elle  exerçait 
encore.  Un  gentilhomme  lorrain,  le  s.  du  Parck, 
majordome  de   la   duchesse   de   Lorraine,   avait  été 

1.  Lettres  deGhantonay  à  Philippe  II,  du  ?  et  du  i  avril  ir>(ï2 
(Orig.  espagnol  ;  Airh.  nat.,  K.  1497,  a0 18). — Autre  du  mémo 
au  même,  du  i  avril  (Résumé  de  chancellerie;  Arch.  nat.,  K. 
1496,  a1  54). 

2.  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  11.  du  28  avril  (Orig.  espa- 
gnol ;  Arch.  nat.,  K.  1 197,  n°  26). 


ET   JEANNE    DALBRET.  147 

chargé  d'intéresser  Philippe  II  à  une  révolution  de 
palais  en  faveur  du  roi  de  Navarre.  La  mission  de  du 
Parck  coïncidait  avec  un  changement  d'attitude  du 
lieutenant  général  vis-à-vis  de  la  reine.  Depuis  le  retour 
d'Almeida,  Antoine  avait  renoncé  à  son  ancienne  défé- 
rence. Catherine  chargea  Sébastien  de  l'Aubespine  de 
sonder  le  roi  d'Espagne  ;  Philippe  II  s'efforça  de  dissi- 
per les  soupçons  de  la  reine,  mais  démentit  faiblement 
cette  intrigue1.  Les  craintes  de  la  reine  s'accrurent  à 
la  nouvelle  que  le  duc  d'Albe  protégeait  le  s.  du  Parck 
et  l'avait  recommandé  à  Chantonay 2.  Dans  cette  grave 
circonstance,  Catherine  eut  recours  à  la  duchesse  de 
Savoie,  Marguerite  de  France,  la  sœur  de  Henri  II, 
la  princesse  de  l'ancienne  cour  qui  lui  inspirait 
le  plus  de  confiance.  Elle  lui  écrivit,  dit  Tavannes, 
«  qu'elle  soupçonnoit  le  roy  de  Navarre  de  vouloir 
«  osier  la  couronne  à  ses  enfants,  »  et  qu'elle  avait 
résolu  de  favoriser  les  réformés  contre  le  triumvirat. 
«  Et  prioit  mad.  de  Savoie  d'aider  lesd.  huguenots  de 
«  Lyon,  Dauphiné  et  Provence,  et  qu'elle  persuadast 
«  son  mary  d'empescher  les  Suisses  et  levées  d'Italie 
«  des  catholiques.  »  Cette  lettre  compromettante  fut 
confiée  à  un  joueur  de  luth,  un  de  ces  agents  obscurs 
que  Catherine  aimait  à  employer.  Les  lieutenants  du 
roi,  mis  en  garde  par  les  nouvelles  de  la  cour,  redou- 
blaient alors  de  surveillance.  En  traversant  Chalon- 
sur-Saône,  le  joueur  de  luth  fut  arrêté,  conduit  à 
Tavannes  et  fouillé.  Les  lettres   furent   ouvertes   et 


1.  Lettre  de  Philippe  II  à  Chantonay,  du  30  mars  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat..  K.  1 1%,  n 

2.  Lettre  du  duc  d'Albe  à  Chantonay,  du  21  mars  1  .")•/.'  i<  ni-, 
espagnol;  Arch.  nat.,  k.  1496,  n°  51). 


148  ANTOINE   DE   BOURBON 

lues.  A  la  vue  de  la  signature  de  la  reine,  ïavannes 
lui  rendit  la  liberté,  mais  il  voulut  «  s'esclaircir  davan- 
«  tage  »  auprès  de  la  reine.  Il  en  reçut  «  maigre  res- 
te ponce.  »  Cette  imprudence  l'empêcha,  dit-il,  d'être 
maréchal  de  France  dix  ans  plus  tôt  «  par  l'offence 
«  qu'en  reçut  la  royne1.  »  La  démarche  de  Catherine 
n'obtint  pas  le  succès  qu'elle  espérait.  Le  duc  de 
Savoie  lui  répondit  qu'il  la  soutiendrait  de  toutes  ses 
forces,  jusqu'à  lui  sacrifier  «  sa  propre  vie;  »  mais  il 
lui  conseilla  de  chasser  les  dames  de  Roye  et  de 
Crussol,  le  chancelier  et  l'évêque  de  Valence,  qui 
déshonoraient  la  cour2.  Ainsi,  Catherine  était  blâ- 
mée par  ses  plus  fidèles  amis.  D'après  Brantôme, 
elle  aurait  été  menacée  d'un  autre  danger.  Un  jour, 
en  écoutant  à  une  ouverture  creusée  dans  le  plan- 
cher de  la  chambre  du  roi  de  Navarre,  elle  entendit 
le  maréchal  de  Saint-André  opiner  qu'il  fallait  mettre 
la  reine  mère  dans  un  sac  et  la  jeter  à  l'eau.  Seul,  le 
duc  de  Guise  s'opposa  à  cette  exécution  sommaire3. 
De  ces  anecdotes  racontées  par  ïavannes  et  par  Bran- 
tôme, il  se  dégage  un  fait,  c'est  que  le  parti  catho- 
lique se  préparait  à  agir  sans  la  reine,  malgré  sa 
volonté  et  peut-être  contre  elle.  Tel  est  le  jugement 
de  Chantonay  :  «  Les  seigneurs  catholiques,  dit-il, 
«  montrent  avoir  peu  de  crainte  et  pensent  être  les 
«  plus  forts.  Je  crois  que,  si  la  reine  voulait  être  d'un 

1.  Mémoires  de  Tavannes,  édit.  Petitot,  t.  KXIV,  p.  341.  Si  ce 
récil  a'étail  pas  rapporté  par  un  historien  de  la  valeur  de 
Tavannes,  qous  aous  permettrions  de  le  révoquer  en  doute. 

2.  Lettre  de  Sainte-Croix  dans  les  Archives  curieuses,  t.  VI, 
p.  67. 

3.  Brantôme,  t.  VII,  p.  356,  édit.  de  la  SociéU  <l<  l'Histoire  dt 
France. 


ET    JEANNE    d'âLBRET.  149 

«  autre  côté  (ce  que  Dieu  ne  permettra  pas),  ils  ne  le 
«  souffriraient  pas1.  » 

Le  roi  de  Navarre  «  se  pavanait  »  au  milieu  de  ses 
nouveaux  alliés.  Aveuglé  par  les  promesses  de  Phi- 
lippe II,  il  restait  insensible  aux  «  pasquils  »  injurieux 
des  réformés2.  Le  duc  de  Guise  ne  rêvait  que  ven- 
geance. Throckmorton  le  dépeint  comme  un  soldat 
fanatique,  d'autant  plus  dangereux  qu'il  ne  savait 
«  comment    se    faire    absoudre   de    son    exploit   de 

«  Vassy Il  devient  chaque  jour  plus  forcené,  de 

«  sorte  que  la  reine  mère,  le  roi  de  Navarre  et  le 
«  connétable  ont  peur  et  n'osent  lui  déplaire  en  rien, 
«  car  tout  ici  dépend  de  son  commandement3.  » 

Le  jour  même  de  son  arrivée  à  Orléans,  le  prince 
de  Gondé  organisa  un  conseil  des  principaux  seigneurs 
qui  avaient  suivi  sa  fortune.  Bientôt  une  foule  de 
cavaliers,  qui  n'avaient  pu  suivre  la  «  course  folle  » 
de  la  noblesse,  se  joignirent  à  l'armée  huguenote.  Le 
o  avril,  trois  jours  à  peine  après  la  prise  d'Orléans, 
Théodore  de  Bèze  écrit  à  Calvin  que  l'armée  compte 
déjà  deux  mille  cavaliers.  Elle  n'avait  pas  encore 
de  gens  de  pied,  mais  elle  en  attendait  de  tous 
les  points  du  royaume1.  Le  mouvement  fut  accéléré 
par  les  appels  aux  armes.  Des  émissaires  furent 
envoyés  aux  églises,  aux  capitaines,  aux  seigneurs  du 
parti    réformé.    Aux    églises,    le    prince    demandait 

1.  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  du  2  et  du  4  avril  1562 
(Orig.  espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  a'  18). 

•?.  Théodore  do  Bèze  écrit  à  Calvin  le  28  mars  :  «  La  perfidie 
«  de  Julien  a  dépassé  tous  les  exemples  des  anciens.  »  (Baum, 
Theodor  Beza,  Preuves,  p.  176.) 

3.  Lettre  de  Throckmorton.  du  24  avril  [Calendars,  1562,  p.  619). 

4.  Baum,  Theodor  Beza,  Preuves,  \>.  177. 


150  ANTOINE   DE   BOURBON 

«  hommes  aguerris  et  armez.  Pour  le  moins,  disait-il 
«  dans  sa  lettre,  mettez-vous  en  devoir  de  subvenir 
«  d'argent  pour  en  soudoyer1.  »  Aux  seigneurs  et 
aux  capitaines,  le  prince  adressait  des  convocations 
personnelles.  Nul  ne  fut  pris  au  dépourvu,  comme 
l'ont  écrit  les  annalistes  protestants2.  La  plupart  des 
réformés,  depuis  le  massacre  de  Vassy,  se  préparaient 
à  la  guerre  et  s'étaient  mis  en  campagne  sans  attendre 
le  signal. 

Aucuns  ont  pensé,  dil  la  Noue,  qu'on  avoil  prémédité  ceci  de 
longtemps,  ou  qu'il  estoit  avenu  par  la  diligense  des  chefs  : 
mais  je  puis  affirmer  que  non,  pour  avoir  esté  présent  et 
curieux  d'en  rechercher  les  causes.  Il  est  certain  que  la  plus- 
part  de  la  noblesse,  ayant  entendu  l'exécution  de  Vassy,  pous- 
sée d'une  bonne  volonté,  et  partie  de  crainte,  se  délibéra  de 
venir  près  Paris,  imaginant,  comme  à  l'aventure,  que  leurs 
protecteurs  pourroyent  avoir  besoin  d'elle.  Et  enceste  manière 
partoycnt  des  provinces  ceux  qui  estoyent  les  plus  renommez, 
avec  dix,  vingt  ou  trente  de  leurs  amis,  portans  armes  cou- 
vertes et  logeans  par  les  hostelleries,  ou  par  les  champs  en 
bien  payant,  jusques  à  ce  qu'ils  rencontrèrent  le  corps  et  l'oc- 
casion tout  ensemble.  Plusieurs  d'entre  m'ont  assuré  que  rien 
ne  les  fit  mouvoir  que  cela  :  et  mesmes  j'ay  ouï  confesser  plu- 
sieurs fois  à  messieurs  les  princes  et  admirai,  que  sans  ce 
bénéfice  ils  eussent  esté  en  hazard  de  prendre  un  mauvais  parti 3. 

A  Paris,  et  dans  le  voisinage,  des  agents  soudoyés 
embauchaient  des  volontaires.  Les  premiers,  dit  le 
nonce,   furent  levés  à  Longjumeau4.  La  Popelinière 

1.  Lettre  datée  du  7  avril  1562  (La  Popelinière,  t.  [,  f.  299  v°. 
—  Mémoires  de  Gondé,  t.  111,  p.  221). 
.'.  Nbtammenl  de  Bèze  (Ilist.  ccclisiasliqur,  issi,  i.  I,  p.  491). 

3.  Mémoires  de  La  Noue,  édit.  Petitot,  t.  \\\I\ ',  p.  122. 

4.  Lettre  de  Sainte-Croix,  du  11  avril  (Archives  curieuses,  t.  VI, 
p.  77). 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  151 

reconnaît  que  l'armée  réformée  se  recruta,  dans  le 
premier  moment,  parmi  les  aventuriers  sans  aveu 
qui  traînaient  dans  les  hôtelleries  de  la  ville.  Il  nomme 
les  capitaines  Coupé,  Pâté,  la  Madeleine,  le  rebut  des 
compagnies  de  gens  de  pied,  et  autres,  dit-il,  «  qui 
«  avoient  toujours  vécu  fort  scandaleusement  et  en 
«  vrais  enfants  de  la  Mate1.  »  D'autres  agents,  dit 
Belleforest,  s'efforçaient  de  débaucher  les  soldats 
catholiques  dans  les  carrefours  de  Paris.  L'un  se 
nommait  Chrétien  et  était  d'Auxerre,  «  cruel,  sangui- 
«  naire  et  grand  meurtrier  de  prêtres.  »  Un  autre, 
de  la  compagnie  de  Noailhan,  connu  sous  le  sobriquet 
de  capitaine  Gascon,  était  de  Toulouse.  Ils  subornèrent 
la  compagnie  de  Forcez,  chef  de  la  garde  de  Charles  IX, 
et  l'amenèrent  au  prince  de  Condé2.  Les  armements 
étaient  complétés  en  secret  et  dissimulés  aux  officiers 
de  la  ville,  tous  dévoués  au  duc  de  Guise.  Malheur 
aux  agents  huguenots  pris  sur  le  fait.  Un  bourgeois, 
nommé  Baza,  cordonnier  au  service  du  roi  de  Navarre, 
dénonça  plusieurs  raccoleurs  aux  affidés  du  trium- 
virat et  les  fit  passer  par  les  armes3.  Il  n'en  était  pas 
de  même  hors  de  Paris  ;  le  désordre  général ,  la 
difficulté  d'organiser  l'armée  royale  laissaient  le  champ 
libre  aux  recruteurs  huguenots.  «  Je  sais,  écrit 
«  Chantonay  à  Philippe  II,  que  tous  les  jours  il  leur 
«  arrive  des  cavaliers  et  des  fantassins,  soit  de  ce 
«  côté,  soit  de  la  Guyenne.  Beaucoup  passent  à  quatre 

1.  La  Popelinière,  t.  I,  f.  303.  —  Les  enfants  de  la  Math1,  dit 
Brantôme,  étaient  «  les  plus  fins  et  meilleurs  couppeurs  de 
«  bource  et  tireurs  de  laine.  »  Charles  IX  en  fit  venir  un  jour 
quelques-uns  à  la  cour  (Brantôme,  t.  V,  p.  279). 

2.  Belleforest,  t.  II,  f.  1630. 

3.  La  Popelinière,  t.  I,  f.  303. 


152  ANTOINE    DE   BOURBON 

«  lieues  de  Paris,  sur  la  grande  route  d'Orléans,  de 
«  quatre  en  quatre,  de  six,  de  huit  et  même  de 
«  vingt  à  la  fois,  sans  cacher  leurs  armes.  Et,  si  on 
«  leur  demande  où  ils  vont,  ils  répondent  qu'ils  vont 
«  à  Orléans  avec  autant  de  hardiesse  que  s'ils  disaient 
«  qu'ils  se  rendent  au  service  de  leur  roi1.  » 

Dans  les  provinces  éloignées,  les  principaux  sei- 
gneurs du  parti,  aidés  par  les  ministres,  le  comte  de 
la  Rochofoucault,  beau-frère  du  prince  de  Gondé,  le 
vicomte  de  Rohan,  le  comte  de  Gramont,  les  seigneurs 
d'Esternay  et  de  Genlis,  levaient  des  soldats.  Au 
moment  de  l'entrée  du  duc  de  Guise  à  Paris,  François 
de  la  Rochefoucault  était  à  Verteil  en  Poitou.  Il 
dépêcha  son  lieutenant,  Jean  de  Mergey,  à  la  reine  et 
lui  demanda  ses  ordres.  La  reine  était  sous  le  coup  de 
l'irritation  que  lui  causaient  les  menaces  du  trium- 
virat. Elle  lui  répondit,  assure  Mergey,  «  qu'il  ne  fist 
«  point  de  difficulté  de  se  joindre  avec  M.  le  prince, 
«  et  que  ce  qui  estoit  bon  à  prendre  estoit  bon  à  gar- 
ce der.  »  Cette  réponse  étonna  si  fort  la  Rochefoucault 
qu'il  renvoya  son  lieutenant  au  prince  de  Coudé. 
Mergey  arriva  à  Paris  le  29  mars,  au  moment  où  le 
prince  venait  de  se  mettre  en  campagne,  et  sut  falsi- 
fier la  signature  du  cardinal  de  Bourbon  pour  obtenir 
des  chevaux  de  poste.  Il  rejoignit  Coudé  à  Claye,  près 
de  Meaux,  prit  ses  ordres  et  repartit  pour  Verteil. 
François  de  la  Rochefoucault  n'était  pas  un  ambitieux 
vulgaire.  Comme  Coligny,  il  entrevoyait  l'abîme  dans 
lequel  pouvait  sombrer  la  monarchie  et  où  il  devait 


1.  Lettre  de  Ghantona^  à  Philippe  II,  du  11  avril  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  nat.,  K.  1 197,  q°  22). 


ET    JEANNE   D'ALBRET.  153 

perdre  la  vie.  Mergey  raconte  en  termes  saisissants 
les  hésitations  de  ce  seigneur  : 

Estant  arrivé  à  Verteil,  je  trouve  M.  le  comte  en  la  salle, 
avec  compagnie  de  dames,  lequel  me  voyant  entrer  fut  comme 
tout  transi,  et  se  levant  me  fit  signe  que  je  le  suivisse,  ce  que 
je  fis.  Il  entra  en  la  gallerie  qui  regarde  sur  la  rivière,  ferma 
la  porte  par  derrière,  où  je  luy  rendis  compte  de  tout  mon 
voyage;  lequel,  ayant  entendu  le  tout,  s'appuya  sur  l'une  des 
fenestres  qui  regardoient  sur  la  rivière,  où  il  demeura  un  gros 
quart  d'heure  sans  dire  un  seul  mot,  puis,  se  tournant  vers 
moy,  me  demanda  ce  qu'il  debvoit  faire,  auquel  je  fis  response 
que  je  n'avois  pas  l'esprit  capable  ny  l'expérience  suffisante 
pour  le  conseiller  en  affaire  de  telle  importance,  et  qu'il  falloit 
qu'il  prist  conseil  de  luy  mesme.  Lequel  me  répliqua  qu'il 
estoit  bien  résolu  de  ce  qu'il  debvoit  faire,  mais  qu'il  vouloit 
que  je  luy  en  dise  mon  advis  ;  alors  je  luy  dis,  puisqu'il  me  le 
commandoit,  que  mon  advis  estoit  qu'il  debvoit  faire  ce  que  la 
royne  et  M.  le  prince  luy  mandoient,  puisque  il  y  alloil  du  ser- 
vice de  Leurs  Majestés  et  de  leur  liberté.  Il  me  dist  alors  que 
telle  estoit  aussi  sa  volonté  et  résolution  ;  et  quant  et  quant 
retourna  en  la  salle  trouver  la  compagnie  avec  un  visage  riant  ' . 

Le  parti  catholique  avait  espéré  que  le  comte  de  la 
Rochefoucault,  ancien  lieutenant  de  la  compagnie  du 
duc  de  Guise,  refuserait  de  prendre  les  armes  contre 
son  ancien  capitaine,  et  que  le  vicomte  de  Rohan, 
cousin  germain  de  Jeanne  d'Albret,  n'oserait  désobéir 
au  roi  de  Navarre  2.  Mais,  moins  de  huit  jours  après  la 
prise  d'Orléans,  la  cour  apprit  que  ces  deux  seigneurs 
s'avançaient,  l'un  du  Poitou,  l'autre  de  la  Bretagne, 
chacun  à  la  tête  d'un  corps  de  troupes  que  les  lieute- 

1.  Mémoires  de  Mergey,  coll.  Petitot,  t.  XXXIV,  p.  'iT. 

2.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  8  avril  (Orig.  espa- 
gnol ;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  21). 


154  ANTOINE   DE    BOURBON 

nants  du  roi  ne  pouvaient  arrêter1.  Le  20  avril,  le 
comte  de  la  Rochefoucault  arriva  sous  les  murs  d'Or- 
léans avec  trois  ou  quatre  cents  gentilshommes  mon- 
tés et  armés2.  Quelque  temps  après,  l'armée  hugue- 
note reçut  à  Orléans  un  renfort  de  gens  de  pied  de 
4,000  Gascons,  que  le  comte  de  Gramont  avait  levés 
en  Béarn  et  en  Gascogne,  malgré  les  efforts  du  roi  de 
Navarre3,  et  de  1 ,200  soldats  du  Languedoc,  comman- 
dés par  divers  capitaines,  entre  autres  par  Peyraud  et 
Gondorcet4. 

La  plupart  des  seigneurs,  qui  avaient  marché  d'ac- 
cord avec  le  prince  de  Condé,  prirent  parti  pour  la 
cause  de  la  réforme,  plutôt  par  hostilité  contre  les 
Guises  que  par  passion  religieuse.  Plusieurs  cependant 
refusèrent  de  faire  la  guerre  au  roi.  De  ce  nombre, 
Ghantonay  cite  le  duc  de  Longueville,  bien  qu'il  fût 
huguenot  et  éloigné  des  Lorrains  par  un  ressentiment 
implacable,  et  le  duc  de  Nevers,  qui,  le  29  mars,  avait 
osé  suivre  Condé  à  Meaux5. 

Le  prince  de  Condé  et  Coligny  recevaient  ces 
troupes  qui  «  avolaient  »  de  tous  côtés  au  secours 
d'Orléans  ;  ils  les  divisaient  en  compagnies,  leur  dis- 
tribuaient des  armes  et  s'efforçaient  de  les  discipliner. 
Il  fallait  donner  un  nom  et  un   signe  de  ralliement 

1.  Lettre  de  Throckmorton,  du  10  et  du  24  avril  {Calendars, 
1562,  p.  595  et  619). 

2.  Mémoires  de  Mergey,  coll.  Petitot,  t.  XXXIV,  p  47. —  La 
Popelinière,  I.  1,  f.  303. 

3.  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II.  du  11  el  «lu  -28  mai  1562 
(Orig.  espagnol;  Arch.  aat.,  K.  L497,  qos  30  el  36). 

'k  D'Aubigné,  1626,  t.  I,  col.  197. 

5.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  8  avril  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  uat.,  K.  1497,  u°  21). 


ET   JEANNE    d'aLBRET.  155 

à  une  armée  en  désordre,  composée  en  partie  de 
déserteurs.  Les  chefs  adoptèrent  comme  un  honneur 
la  qualification  de  huguenot,  jusqu'à  ce  jour  consi- 
dérée comme  une  injure,  et  prirent  les  couleurs  de  la 
maison  de  Condé,  la  casaque  et  l'enseigne  blanches1, 
qui  devaient  devenir,  sous  le  commandement  du 
Béarnais,  les  couleurs  de  la  monarchie  des  Bour- 
bons. 

Les  munitions  arrivaient  aussi  rapidement  que  les 
soldats.  Jean  de  Paz,  seigneur  de  Feuquières,  fut 
envoyé  à  Tours  et  s'empara,  malgré  les  protestations 
des  gens  de  la  ville,  d'une  quantité  considérable  de 
poudre,  de  balles  d'arquebuse,  de  boulets  de  canon  et 
de  quelques  pièces  d'artillerie.  Il  les  chargea  sur  un 
bateau  ;  mais  la  Loire  était  défendue  à  Amboise  par 
un  pont  fortifié.  Il  prit  les  devants,  et  seul,  en  parle- 
mentaire, il  visita  Jean  Babou  de  la  Bourdaisière,  qui 
occupait  le  château  avec  les  plus  jeunes  enfants  de  la 
reine.  Il  fit  si  bien  «  le  bon  apôtre  »  que  la  Bourdai- 
sière accorda  l'autorisation  demandée.  Son  arrivée  à 
Orléans  fut  saluée  par  des  acclamations.  Déjà  le  prince 
de  Condé  avait  dépouillé  les  églises  de  leurs  cloches  et 
établi  une  fonderie  de  canons,  requis  toutes  les  armes 
de  la  ville,  transformé  le  couvent  des  Gordeliers  en 
arsenal,  et  organisé  un  hôtel  des  monnaies  sous  la 
direction  d'Abel  Foulon,  savant  et  poète,  ancien  valet 
de  chambre  de  Henri  II2. 

Pour  lier  ses  compagnons  d'armes,  le  prince  de 
Condé  leur  fit  signer,  le  1 1   avril,  un  acte  d'associa- 

1.  Mémoires  de  Castelnau,  t.  I,  p.  89,  in-fol. 

2.  La  Popelinière,  t.  I,  t'.   305  v°.  —  D'Aubigné,   1626,  t.  I, 
col.  189. 


156  ANTOINE   DE   BOURBON 

tion  en  quatre  articles,  dans  lequel  les  confédérés 
juraient  «  d'employer  corps  et  bien  et  jusques  à  la 
«  dernière  goutte  de  leur  sang...  à  la  délivrance  du 
«  Roy  et  de  la  Royne,  la  conservation  des  édits  et 
«  ordonnances  faictes  par  eux  et  finalement  la  juste 
«  punition  et  correction  des  contempteurs  d'icelles l.  » 
On  sait  quelles  passions  ambitieuses  se  dissimulaient 
sous  ce  verbiage.  Les  rebelles  reconnaissaient  pour 
chef  le  prince  de  Condé  et  devaient  rester  unis 
jusqu'à  la  majorité  du  roi  :  «  c'est  assavoir  jusques 
«  à  ce  que  Sa  Majesté,  estant  en  aage,  ait  pris  en  per- 
ce sonne  le  gouvernement  de  son  royaume2,  »  terme 
vague  qui  laissait  le  champ  libre  aux  interprétations 
de  l'avenir. 

La  rapidité  de  l'organisation  de  l'armée  huguenote 
étonna  les  ambassadeurs  étrangers.  Chantonay  en  tira 
mauvais  augure  pour  l'avenir.  Heureusement,  dit-il, 
les  catholiques  sont  beaucoup  plus  nombreux3.  Moins 
aveuglé  par  ses  haines,  l'ambassadeur  aurait  reconnu 
dans  cet  ordre  méthodique  l'influence  d'un  capitaine 


t.  Cet  acte,  rempli  de  protestations  contre  la  prétendue  déten- 
lidii  du  roi,  lit,  donner  aux  réformés,  d'après  La  Popelmière,  le 
nom  de  protestants,  qu'ils  onl  gardé  depuis  (La  Popelinière,  t.  I. 
p.  302  v). 

2.  Cette  pièce  fui  imprimée  en  1562  in-4°e1  in-12avec  lasigna- 
ture  seule  du  princo  de  Condé.  Elle  a  été  reproduite  dans  les 
Mémoires  de  Condé,  t.  III,  p.  258.  L'original  que  M.  le  comte 
Delaborde  a  vu  aux  archives  de  Berne  contient,  outre  la  signa- 
ture de  Condé,  celles  de  Jean  de  Rohan,  de  La  Rochefoucault,  de 
Goligny,  du  prince  de  Porcian,  de  d'Andelot,  de  Piennes,  de 
Soubize,  d'Yvoy,  de  Morviliers,  de  Genlis,  de  Gany,  etc.  (Goli- 
gny,  i.  II,  p.  69,  aote  2). 

3.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  11.  du  II  avril  1562  (Orig. 
espagnol;  A.rch.  uat.,  K.  1497,  n"  22). 


ET    JEANNE    D  ALBRET.  157 

supérieur  au  prince  de  Condé,  l'influence  de  Coligny. 
Poussé  par  une  passion  ardente,  qu'il  cachait  sous 
un  front  de  marbre,  l'amiral,  soit  au  conseil,  soit  dans 
les  rangs  de  l'armée,  s'imposait  de  lui-même  par  son 
courage,  son  dévouement  et  sa  sagesse.  «  Omnia 
«  geruntur,  écrit  Languet,  consilio  admiralli,  hominis, 
«  ut  mihi  videtur,  sapientissimi  et  moderatissimi1.  » 
En  même  temps  qu'il  réunissait  une  armée,  le 
prince  de  Condé  adressait  aux  princes  étrangers  des 
demandes  de  secours  ou  des  mémoires  justificatifs. 
Ses  espérances  se  tournèrent  d'abord  du  côté  de  l'Al- 
lemagne, d'où  la  cause  de  la  réforme  avait  reçu  tant 
d'encouragements.  Le  massacre  de  Vassy,  le  soulève- 
ment des  huguenots  de  France  y  avaient  eu  un  grand 
retentissement.  Avant  la  prise  d'Orléans,  le  prince  de 
Condé  et  Coligny  avaient  envoyé  à  l'électeur  palatin  et 
au  duc  de  Wurtemberg  un  gentilhomme,  Louis  de  Bar, 
chargé  de  demander  du  secours2.  Le  9  avril,  Coligny 
invoque  de  nouveau  l'appui  du  duc  Auguste  de  Saxe3. 
Le  1 0,  le  prince  de  Condé  supplie  les  princes  de  la  ligue 
luthérienne  de  refuser  leur  aide  aux  chefs  du  parti 
catholique,  qu'il  représente  comme  les  ennemis  du  roi4. 
Dans  une  lettre  confiée  au  même  messager,  il  accuse 
le  triumvirat  de  s'être  «  violentement  emparé  de  la 


1.  Lettre  citée  par  M.  le  comte  Delaborde  {Coligny,  t.  II,  p.  74). 
—  Etienne  Pasquier  porte  le  même  témoignage  (Lettre  du 
6  avril  dans  les  OEuvres  complètes,  t.  II,  col.  98). 

2.  Lettre  de  Frédéric  III  au  duc  Christophe,  du  25  mais,  citée 
par  le  comte  Delaborde  (Gaspard  de  Coligny,  t.  II,  p.  37,  notes  1 
et  2). 

3.  Ebeling,  Geschichte  Franckrcichs  unter  Karl  IX,  p.  1. 

4.  L'instruction  est  publiée  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  III, 
p.  271. 


158  ANTOINE    DE    BOURBON 

«  personne  de  nostre  roy  et  de  la  royne  sa  mère 
«  pour  plus  facillement  par  après  exécutter  sur  les 
«  pauvres  fidèles  leurs  furieux  desseins  et  poursuyvre 
«  le  piteux  commencement  de  la  tragédye  de  Vassy l.  » 
Le  20,  il  renouvelle  ses  actes  d'accusation  contre  les 
Guises2.  Les  princes  allemands  reçurent  froidement 
ces  déclarations.  Ils  n'étaient  disposés  à  intervenir 
en  France  qu'au  prix  de  subsides  bien  payés.  Encore 
ne  montraient-ils  de  préférence,  entre  les  partis  qui 
déchiraient  le  royaume,  qu'au  parti  le  plus  riche  et  le 
plus  généreux.  Pour  toute  faveur  à  ses  coreligion- 
naires, l'électeur  palatin  recommanda  au  roi  l'exécu- 
tion des  édits  qui  assuraient  la  liberté  de  conscience3, 
et  au  prince  de  Gondé  de  «  ne  laisser  en  arrière  une  si 
«  belle  occasion  de  procurer  le  bien  et  profit,  non 
«  seulement  de  la  France,  mais  aussi  de  toute  la  chré- 
«  tienté4.  »  Le  20,  il  s'avança  jusqu'à  assurer  le 
prince  que  personne  ne  désirait  autant  que  lui  «  l'ad- 
«  vancement  de  l'évangile  en  France,  et,  dit-il,  la  pro- 
«  tection  et  assurance  de  vostre  personne  avec  la  paix 
«  et  tranquillité  des  églises  réformées  en  France5.  » 
Mais  aucune  troupe  de  soldats,  aucun  subside  d'argent, 
aucun  secours  d:armes  n'accompagna  ces  protestations. 


1.  Cette  lettre  es!  publiée  par  La  Popelinière,  t.  I,  f.  301. 

2.  Coi  h'  lettre,  en  latin,  esl  publiée  dans  1rs  Mémoires  de  i 
i.  III,  p.  309. 

3.  Lettre  du  11  avril  citée  par  le  comte  Delaborde  (Goligny, 
i.  Il,  p.  38,  note  . 

i.  Lettre  'lu  1'.'  avril  publiée  dans  les  Mémoires  de  Gondé,  t.  III, 
p.  272. —  Voyez  ;i ussi  la  lettre  de  Frcdt'rie  d<>  Haviôro  au  prince 
de  Condc,  du  11  avril  [Lettres  de,  Frédéric  le  Pieux,  1868,  Munich, 
i.  [,p.  280). 

5.  Mémoires  de  Gondé,  t.  111.  p.  308. 


ET    JEANNE    d'aLBRET.  159 

Il  en  fut  de  même  des  cantons  suisses,  malgré  l'ap- 
pui de  Calvin1. 

La  reine  d'Angleterre  se  montra  favorable  à  la  prise 
d'armes  du  1 er  avril.  Elle  feint  de  regretter  les  troubles 
du  royaume,  écrit  l'ambassadeur  de  France,  Paul  de 
Foix,  à  la  reine,  mais,  au  fond  du  cœur,  elle  s'en 
réjouit;  elle  désire  ardemment  le  succès  des  réformés, 
afin  d'écraser  par  le  contre-coup  le  parti  de  Marie 
Stuart2.  Le  31  mars,  Elisabeth  démasque  sa  poli- 
tique ;  elle  commande  à  Throckmorton  d'encourager 
à  la  constance  la  reine  mère,  qu'elle  traitait  encore 
en  alliée  des  huguenots,  la  reine  de  Navarre,  Condé 
et  Coligny,  parce  qu'elle  avait  l'intention  de  les 
soutenir3. 

Le  prince  de  Condé  s'adressa  même  aux  puissances 
catholiques  et  prétendit  leur  prouver  qu'en  prenant  les 
armes  contre  le  roi,  il  faisait  acte  de  fidèle  sujet.  Le 
11  avril,  il  dépêcha  au  duc  de  Savoie  Charles  de  Thé- 
ligny,  jeune  capitaine  de  la  plus  grande  espérance, 


1.  Lettre  du  prince  de  Condé  aux  cantons  suisses,  du  12  avril 
(Mémoires  de  Condé,  t.  III,  p.  210).  —  Lettre  de  Calvin  citée  par 
le  comte  Delaborde  {Coligny,  t.  II,  p.  37,  note  2). 

2.  Lettre  de  Paul  de  Foix  à  la  reine,  du  29  mars  156-2  (Copie 
du  temps;  f.  f'r.,  vol.  6612,  f.  34).  Cette  lettre  est  très  importante 
et  fait  connaître  des  faits  nouveaux.  L'ambassadeur  écrit  que  le 
n,i  de  Suède  est  à  Londres  et  que  la  reine  d'Angleterre  l'.iii  toul 
ce  qu'elle  peut  pour  le  retenir,  dans  la  crainte  qu'il  n'aille  visi- 
ter Marie  Stuart.  En  conséquence,  il  conseille  à  la  cour  de 
France  de  favoriser  le  mariage  de  ce  prince  avec  la  reine 
d'Ecosse,  afin  de  fortifier  l'ennemie  naturelle  de  la  reine  d'An- 
gleterre. 

3.  Calendars,  1562, p.  590.  Cette  lettre  a  été  traduite  et  publiée 
par  le  duc  d'Aumale  (Hist.  des  Condé,  t.  I,  p.  351)  et  par  le  comte 
Delaborde  (Gaspard  de  Coligny,  t.  II,  p.  36). 


160  ANTOINE   DE   BOURBON 

plus  tard  gendre  de  l'amiral1.  Le  20,  il  envoya  à  l'em- 
pereur Ferdinand2,  et  vers  le  même  temps  au  roi 
d'Espagne3,  deux  longs  mémoires  sur  les  actes  de 
violence  des  catholiques,  depuis  la  tentative  d'enlè- 
vement du  duc  d'Orléans  par  le  duc  de  Nemours, 
au  mois  d'octobre  précédent,  jusqu'à  «  l'arrestation  » 
du  roi  à  Fontainebleau  par  les  triumvirs.  Ces  mani- 
festes, surtout  le  dernier,  contiennent  nombre  de 
ces  affirmations  effrontées  que  les  chefs  de  partis  ont 
toujours  à  leur  service  quand  ils  parlent,  non  pour 
convaincre  les  étrangers,  mais  pour  entretenir  les 
passions  de  leurs  sectaires. 

L'ardeur  des  huguenots  laissait  peu  d'espérance  aux 
amis  de  la  paix.  Théodore  de  Bèze  jugeait  très  bien 
les  dispositions  de  son  parti  lorsqu'il  écrivait,  le 
6  avril,  à  Calvin  :  «  Pneter  bellum  nihil  audeo  spe- 
«  rare4.  »  Cependant  les  courtisans  ne  prenaient  pas 
encore  la  guerre  civile  au  tragique.  La  plupart,  à  qui 
la  légèreté  de  Condé  était  connue,  espéraient  que  le 
roi  de  Navarre  saurait  ramener  le  prince.  Le  trium- 
virat n'annonçait  de  sévérités  que  pour  Goligny 5, 
le  véritable  chef  des  réformés.  Le  connétable,  dit 
Chantonay,  était  surtout  ardent  contre  ses  neveux0. 


1.  Instruction  de  Condé  à  Théligny  (f.  IV.,  vol.  10190,  f.  151  v", 
copie  du  temps)'. 

2.  Cette  pièce  esl  publiée  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  III, 
p.  305. 

3.  Copie  du  temps,  sans  date  (Arch.  nat.,  k.  1500,  u°  27). 

4.  Baum,  Thcodor  Deza,  Preuves,  p.  177. 

5.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  24  avril  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  k.  1497,  a*  25). 

6.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  11,  du  S  avril  1562  (Orig. 
espagnol  ;  A.rch.  uni.,  K.  1497,  q°  21). 


ET    JEANNE    d'aLBRET.  161 

On  parlait  de  traduire  Coligny  et  d'Andelot  à  la  barre 
du  parlement,  de  les  dégrader,  l'un  de  la  charge 
d'amiral,  l'autre  de  celle  de  colonel  général  de  l'in- 
fanterie, et  de  les  priver  de  leurs  biens.  Le  titre 
d'amiral  serait  donné  à  Jacques  de  Savoie,  duc  de 
Nemours,  pour  prix  de  son  mariage  avec  Françoise  de 
Rohan,  et  celui  de  colonel  général  au  marquis  d'El- 
beuf,  frère  du  duc  de  Guise 1 .  Ainsi  les  deux  chefs  du 
parti  catholique  auraient  bénéficié  de  la  dépouille  de 
la  maison  de  Ghastillon,  le  roi  de  Navarre  en  faisant 
épouser  au  duc  de  Nemours  sa  cousine  germaine  par 
alliance,  le  duc  de  Guise  en  élevant  le  seul  de  ses 
frères  qui  ne  fût  pas  encore  gorgé  d'honneurs. 

Avant  d'en  arriver  aux  armes,  le  triumvirat  consentit 
à  essayer  des  moyens  de  conciliation.  Malheureusement 
les  huguenots  étaient  encouragés  par  la  prise  d'Orléans. 
Gharles  de  Gossé,  s.  de  Gonnor,  celui  môme  qui  avait 
été  chargé  de  retarder  le  prince  à  Augerville,  fut 
envoyé  à  Orléans  avec  des  lettres  du  roi,  qui  enjoi- 
gnaient à  Condé  de  déposer  les  armes.  Le  prince 
répondit  qu'il  viendrait  à  la  cour  si  le  roi  de  Navarre 
lui  donnait  son  tils  en  otage.  Il  se  posait  ainsi  en  bel- 
ligérant et  prétendait  traiter  d'égal  à  égal  avec  les  sei- 
gneurs qui  parlaient  au  nom  du  roi.  Les  triumvirs 
chargèrent  Jean  Pot,  seigneur  de  Rhodes,  maître  des 
cérémonies  de  l'ordre  Saint-Michel,  de  citer  à  la  barre 
du  conseil  l'amiral,  d'Andelot,  de  Piennes,  Soubise  et 
Genlis,  chevaliers  de  l'ordre  et  complices  de  Condé, 
comme  prévenus  de  félonie.  La  citation  ne  portait  pas 
le  nom  du  prince,  que  le  roi  de  Navarre  se  flattait  de 

1.  Lettre  de  Sainte-Croix  dans  les  Archives  curieuses,  I.  VI,  \>.  72. 
v  iv  11 


162  ANTOINE   DE   BOURBON 

ramener  par  d'autres  mesures.  L'intimidation  ne  réus- 
sit pas.  Gondé  écrivit  au  nom  de  ses  compagnons 
d'armes  qu'il  n'avait  pris  les  armes  «  que  pour  mettre 
«  le  roy  en  liberté  et  la  royne  mère,  qui,  comme  pri- 
«  sonniers,  estoient  détenus  par  ceux  qui  gouver- 
«  noient4.  » 

La  réponse  du  prince  fut  apportée  par  un  gentil- 
homme flamand,  vers  quatre  heures  du  soir.  Aussi- 
tôt la  reine  appela  le  roi  de  Navarre.  Dès  qu'il  fut 
entré,  elle  le  pria  avec  instance  de  ne  pas  lui  refuser 
ce  qu'elle  allait  lui  demander.  Le  prince  répondit 
qu'il  ferait  tout  ce  qui  serait  en  son  pouvoir  pour 
le  service  du  roi  et  pour  elle,  mais  qu'il  ne  fallait 
pas  exiger  davantage.  Catherine  lui  confia  que,  malgré 
l'avis  de  ses  conseillers,  elle  désirait  entrer  elle-même 
en  conférence  avec  le  prince  de  Gondé.  Antoine 
approuva  le  projet  et  promit  à  la  reine  de  l'escorter 
avec  une  troupe  de  vingt  cavaliers2.  Il  invoqua  alors 
le  témoignage  du  messager  de  Gondé  :  «  Madame, 
«  dit-il  à  la  reine,  vous  ne  parlez  pas  comme  une  pri- 
«  sonnière,  car  vous  allez  où  bon  vous  semble,  quoique 
«  cela  puisse  avoir  des  dangers  plus  tard.  »  Et  se  tour- 
nant vers  le  gentilhomme  huguenot  :  «  Vous  rappor- 
«  terez  au  prince  de  Gondé  et  à  ses  amis  ce  que  vient 
«  de  dire  la  reine  et  vous  serez  témoin  qu'elle  n'est 
«  pas  prisonnière,  non  plus  que  le  roi,  comme  on  le 

1.  Lettre  de  Ghantona}  à  Philippe  II,  du  1  avril  1562  (Résumé 
de  chancellerie  ;  Arch.  nat.,  K.  1496,  n°  54). — Journal  de  Brus- 
lard  dans  li'-  Mémoires  dt  Gondé,  t.  I,  p.  79. 

2.  Ghantonaj  constate  que  les  catholiques  trouvaient  cette 
entrevue  indigne  de  la  majesté  royale,  mais  lui-même  ne  la 
désapprouve  pas  (Lettre  du  12  avril  dans  les  Mémoires  de  Gondé, 
i.  Il,  p.  33). 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  163 

«  dit  chez  vous1.  »  L'entrevue  se  termina  sur  ces 
paroles,  et  la  reine,  sans  révéler  ses  desseins,  envoya 
chercher  l'évêque  de  Valence2. 

Après  l'audience  du  gentilhomme  flamand,  les 
triumvirs  se  réunirent  en  conseil,  avec  le  maréchal  de 
Brissac,  le  nonce  et  l'ambassadeur  d'Espagne.  On  agita 
les  moyens  de  frapper  un  grand  coup.  Le  chancelier 
émit  un  avis  en  faveur  de  la  paix.  A  ce  mot,  le  conné- 
table l'interrompit  et  lui  dit  que  les  questions  de 
guerre  ne  regardaient  que  les  capitaines.  L'Hospital 
riposta  que,  «  malgré  que  ceux  de  sa  robe  ne  se  con- 
«  nussent  à  manier  les  armes,  ils  ne  laissoient  toute- 
ce  fois  à  connoître  quand  et  pourquoy  il  en  falloit 
«  user3.  »  Il  sortit  et  ne  fut  plus  admis  aux  conseils 
secrets.  A  la  place  du  chancelier,  le  triumvirat  appela 
Claude  Gouffîer  de  Boisy,  grand  écuyer,  le  comte  de 
Villars,  beau-frère  du  connétable,  d'Escars  et  l'évêque 
d'Auxerre.  On  décida  de  renvoyer  une  seconde  fois 
Gonnor  à  Orléans  avec  les  deux  frères  Robertet. 
Leur  mission  était  de  demander  au  prince  le  dernier 
mot  de  ses  exigences.  Gonnor  partit  le  lendemain, 
7  avril.  Le  parti  huguenot  avait  eu  le  temps  de  pré- 
parer sa  réponse.  Condé  promit  de  se  soumettre  à 
la  condition  que  le  duc  de  Guise,  le  connétable  et  le 
maréchal  de  Saint-André,  qui  avaient  donné  l'exemple 
des  armements,  déposeraient  les  armes  et  se  retire- 
raient de  la  cour.  A  ce  prix,  le  roi  et  la  reine  ayant 
repris  leur  liberté,  il  rendrait  Orléans  et  viendrait  à  la 

1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  0  avril  (Orig.  espa- 
gnol; Arcli.  Liât,,  K.  1497,  n°  21). 

2.  Lettre  de  Chantonay  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  33. 

3.  Lettre  de  l'asquier  dans  ir-  OEucres  complètes,  t.  II,  col.  97. 


104  ANTOINE    DE    BOURBON 

cour  avec  son  train  ordinaire1.  Voici  l'ultimatum  du 
prince  : 

L'intention  de  M.  le  prince  de  Coudé  et  la  responce  qu'il  fait 
sur  ce  que  le  roy  et  la  royne  lui  ont  mandé  par  M.  de  Gonnort 
est  que,  pour  faire  perdre  au  peuple  l'opinion  qu'il  a  conçue  de 
la  captivité  de  Sa  Majesté  et  la  royne  sa  mère,  fault  que  ceulx 
qui  sont  venuz  armés  devers  eulx  et  qu'il  a  ci-devant  nommés 
s'en  voysent  en  premier  lieu  en  leurs  maisons  et  gouvernementz. 

Que  le  roy  deppule  commissaires  pour  faire  départir  les 
forces  d'une  part  et  d'aultre,  et  lesquels  ayent  charge  de  ne 
partir  des  deux  costés  jusqu'à  ce  qu'ilz  ayent  veu  tous  leurs 
seigneurs,  et  mesmes  mond.  s.  le  prince  et  mond.  s.  de  Guise, 
réi  lui  Iz  à  leur  train  ordinaire. 

Cependant  et  affin  que  l'on  ne  présume  que  led.  s.  prince 
veuille  riens  attenter,  il  offre  de  bailler  entre  les  mains  de  la 
royne  ses  enfans  pour  en  faire  ce  que  bon  luy  semblera,  et  que, 
estant  ceste  obéissance  rendue  par  led.  seigneur,  il  est  prest  à 
venir  trouver  Leurs  Majestés  et  faire  ce  qu'il  leur  plaira  luy 
commander  quant  il  sera  mandé. 

Demande  que  par  mesmes  moyen  Mons.  de  Guyse  Jaysse 
entre  les  mains  de  la  royne  ses  enfants  durant  ce  temps-là, 
tout  ainsy  que  luy,  et  après  qu'il  revienne  à  la  court  quand  il 
plaira  à  la  royne  luy  mander. 

Requiert  aussi  que  l'édit  de  janvier  soyt  entretenu  et  que 
ceste  restrinction  pour  la  ville  de  Paris,  faubourgs  et  banlieue 
d'icelle,  soyt  ostée2. 

1.  Lettres  de  Chantonayà  Philippe  H,  du  G  el  du  11  avril  1562 
(Orig.  espagnol;  Aiv.h.  aat.,  K.  1497,  aos  21  et  22).  —  Négoc.  du 
card.  de  Ferrare,  p.  128  et  152.  —  Lettre  de  Throckmorton,  du 
17  avril  (Calendars,  1562,  p.  603).  —  Journal  do  1562  dans  la 
Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  92,  93  el  95.  —  Journal  do  Bruslard 
dans  les  Mémoires  de  Gondé,  t.  1.  \>.  T'.i.  — La  Popelinière,  t.  1, 
I'.  289  V. 

2.  Copie  du  temps,  sans  date  m  signature  (!'.  fr.,  vol.  6617, 
l'.  V.i).  —  Nous  croyons  que  cette  pièce  doil  être  datée  du  11  avril, 
car  elle  lut  accompagnée  d'une  lettre  de  cette  date  de  Gondé  à  la. 
reine  (Copie;  coll.  Brienne,  voi.  205,  !'. 


ET    JEANNE    d'ALBRET.  165 

Catherine,  au  risque  de  contrecarrer  la  mission  de 
Gonnor,  avait  donné  suite  à  son  projet  de  négociation 
personnelle.  La  proposition  d'entrevue  fut  apportée 
au  prince  de  Gondé  par  Jean  de  Mon  lue,  évêque  de 
Valence,  prélat  habile  et  insinuant,  de  religion  dou- 
teuse, «  un  digne  ministre,  dit  Chantonay,  pour  une 
«  telle  entreprise,  »  que  les  réformés  pouvaient  regar- 
der comme  un  défenseur  au  conseil.  Le  roi  de  Navarre 
laissait  à  son  frère  le  soin  de  déterminer  le  lieu  de  la 
conférence  et  lui  proposait  de  s'y  rendre,  chacun  avec 
une  escorte  de  vingt  cavaliers  seulement.  Monluc  partit 
de  Paris  le  6  avril  avec  un  des  Gondi  et  deux  secré- 
taires de  commandement.  Il  vit  le  prince  de  Condé, 
l'amiral,  les  principaux  seigneurs,  protesta  de  la  bonne 
volonté  de  la  reine  en  leur  faveur  et  fît  goûter  au 
prince  le  projet  d'une  entrevue  avec  elle.  Il  avait  reçu 
l'ordre  de  rapporter  une  réponse  immédiate,  mais  il 
jugea  que  sa  négociation  ne  pouvait  se  parfaire  en  un 
jour.  Pour  prolonger  sa  mission  à  Orléans,  il  feignit 
de  tomber  malade.  Les  uns  disaient  qu'il  était  mort, 
d'autres  qu'il  avait  embrassé  la  réforme.  11  revint  enfin 
le  \%  avril  à  Paris,  courut  au  Louvre,  et,  sans  vouloir 
répondre  aux  questions  des  courtisans,  s'enferma 
avec  la  reine  dans  le  jardin  du  château.  Les  triumvirs 
considéraient  l'évêque  comme  un  agent  de  la  reine 
plutôt  chargé  de  trahir  le  parti  catholique  que  de  le 
servir.  Dépité  de  ne  pas  être  appelé,  Antoine  s'avisa, 
par  manière  de  passe-temps,  de  faire  «  sonner  les 
«  cornets  à  bouquin  à  une  fenêtre  qui  répondait  sur 
«  le  jardin...  La  royne  montra  ne  prendre  grand 
«  plaisir  à  la  musique 1 .  » 

\.  Lettre  de  Throckmorton,  du  10  avril  (Calendars,  1 562,  p.  595) . 


166  ANTOINE   DE   BOURBON 

Les  deux  partis  en  étaient  là  de  leurs  négociations, 
quand  le  prince  de  Condé  rompit  les  pourparlers  par 
un  coup  d'éclat.  Le  8  avril,  il  lance  un  manifeste  solen- 
nel «  pour  monstrer  les  raisons  qui  l'ont  contraint 
«  d'entreprendre  la  défense  de  l'autorité  du  roy,  du 
«  gouvernement  de  la  royne  et  du  repos  de  ce 
«  royaume1.  »  Après  avoir  rappelé  l'édit  de  janvier, 
le  massacre  de  Vassy,  l'entrée  menaçante  du  duc  de 
Guise  à  Paris,  l'emprisonnement  du  roi  à  Fontaine- 
bleau, à  Melun,  à  Paris,  le  prince  proteste  «  que  la 
«  seule  considération  de  ce  qu'il  doit  à  Dieu,  avec  le 
«  devoir  qu'il  a  particulièrement  à  la  couronne  de 
«  France,  sous  le  gouvernement  de  la  royne,  et  tina- 
«  lement  l'affection  qu'il  porte  à  ce  royaume,  le  con- 
«  traignent  à  chercher  tous  moyens  licites  selon  Dieu 
«  et  les  hommes,  et  selon  le  rang  et  degré  qu'il  tient 
«  en  ce  royaume,  pour  remettre  en  liberté  la  personne 
«  du  roy,  la  royne  et  Messieurs  ses  enfants.  »  Il  demande 
à  la  reine  de  se  retirer  «  en  telle  ville  de  ce  royaume 
«  qu'il  luy  plaira,  pour  de  ce  lieu  commander  par  le 
<i  moindre  de  sa  maison  à  toutes  les  deux  parties  de  se 
«  désarmer.  »  Et  si  la  reine  veut  rester  à  Paris,  il  la 
supplie  de  chasser  de  la  cour  le  duc  de  Guise  et  ses 
frères,  le  connétable  et  le  maréchal  de  Saint-André,  et 


—  Lettres  de  Sainte-Croix  dans  les  Archives  curieuses,  t.  VI, 
p.  76,  78  el  83. —  Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective, 
i.  Y.  p.  96.  —  Lettre  de  Throckmorton,  du  17  avril  {Calendars, 
1562,  p.  603).  —  Lettre  de  Ghantonay,  du  8  avril  1562,  à  Phi- 
lippe Il  (Orig.  espagnol;  4r'ch.  aat.,  K.  1497,  a"  21). 

I.  Tel  est  le  titre  de  l'édition  originale,  1562,  in-8*.  Cette  pièce 
importante  a  été  réimprimée  dans  toutes  les  éditions  des  Mi  moires 
de  Courir.  Dans  l'édition  de  Secousse,  elle  se  trouve  au  t.  III, 
p.  222. 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  167 

promet  à  ces  conditions  «  de  se  retirer  volontiers  et 
«  faire  désarmer  toute  sa  compaignie  qui  est  avec  luy1 .  » 
Le  parti  huguenot  donna  la  plus  grande  publicité  à 
cette  déclaration.  Elle  fut  imprimée,  adressée  aux  sou- 
verains étrangers2,  répandue  à  profusion  dans  toutes 
les  villes  du  royaume  3.  Nul  huissier  ne  fut  assez  hardi 
pour  la  signifier  officiellement  au  parlement  de  Paris. 
Mais  le  1 3  avril,  à  l'ouverture  de  l'audience  du  matin, 
un  huissier,  du  nom  de  David,  remit  un  pli  cacheté  au 
président  Christophe  de  Thou.  L'enveloppe  portait  en 
suscription  :  «  A  Messeigneurs  de  la  cour  du  parle- 
«  ment  de  Paris,  pour  les  très  expresses  affaires  du 
«  roy,  de  la  part  de  Messieurs  du  parlement  de  Tou- 
«  louse.  »  Le  paquet  contenait  une  lettre  d'envoi,  datée 
du  1  1 ,  et  le  manifeste  du  prince4,  dont  le  texte,  depuis 
la  veille,  volait  de  bouche  en  bouche.  On  appela  David. 
L'huissier,  sommé  de  révéler  l'origine  du  message, 
répondit  sous  la  foi  du  serment  «  qu'un  homme  inconnu 
«  l'avoit  baillé  à  sa  servante,  lorsque,  estant  prête  à 
«  s'aller  coucher,  elle  ferma  l'huis.  Et  ne  l'avoit  veu 
«  ni  parlé  à  luy5.  »  Sur  cette  déposition  invraisem- 

1.  Cette  pièce  est  datée  du  8  avril;  mais  elle  est  signalée  dans 
une  lettre  de  Throckmorton,  du  7.  Peut-être  était-elle  connue  la 
veille  de  sa  publication.  Peut-être  y  a-t-il  erreur  de  date  dans  les 
Cakndars,  1562,  p.  587. 

2.  Lettre  du  prince  de  Condé  aux  gens  île  Genève,  du  11  avril 
(Duc  d'Aumale,  Histoire  des  Condé,  1. 1,  p.  345).  —  Lettre  du 

au  duc  de  Savoie,  du  12  avril  (Delaborde,  Goligny,  t.  II,  p.  84). 

3.  Mémoires  de  Condé,  t.  III,  p.  301. 

4.  Elle  était  accompagnée  d'une  lettre  au  parlement  de  Paris, 
qui  est  conservée  dans  la  coll.  Brienne,  vol.  205,  f.  375. 

5.  Registres  du  parlemenl  de  Paris  reproduits  par  Mathieu 
{Hist.  de  France,  t.  I,  p.  256),  et  dans  les  Mémoires-journaux  du 
duc  de  Guise,  p.  488,  e1  dans  les  Mémoiresde  Condé,  t.  111,  p.  273. 


168  ANTOINE   DE   BOURBON 

blable,  l'huissier  David  fut  emprisonné 4 .  La  déclaration 
de  Gondé  fut  acceptée  comme  émanant  d'un  prince  du 
sang  et  communiquée  au  roi.  Peu  après  le  parlement 
répondit  au  prince2. 

Le  même  jour,  à  l'ouverture  de  la  séance  du  soir, 
le  duc  de  Guise,  le  connétable  et  son  fils  se  présen- 
tèrent au  parlement.  François  de  Lorraine  refusa 
d'user  de  son  droit  de  préséance.  Montmorency  remer- 
cia le  duc  «  de  vouloir  honorer  son  vieil  âge  »  et 
remit  à  la  cour  une  protestation  du  roi ,  datée  du 
(S  avril,  contre  «  la  calomnie  »  de  sa  captivité3.  Puis 
il  s'efforça  de  réfuter  le  récit  mensonger  des  événe- 
ments, qui  faisait  le  fond  du  manifeste  du  prince.  Il 
assura  que  le  duc  de  Guise  n'avait  fait  que  se  dé- 
fendre à  Vassy,  qu'aucun  des  seigneurs  n'avait  pris  les 
armes  et  que  le  roi  et  la  reine  jouissaient  de  toute 
leur  liberté.  Le  duc  de  Guise  prit  la  parole  après  lui, 
remercia  le  connétable  de  son  témoignage  et  l'approuva 
en  tous  points.  Le  président  de  Saint-André  leur  donna 
acte  et  la  cour,  après  avoir  entendu  les  avocats  géné- 
raux, enregistra  les  lettres  du  roi4. 

1.  Lettre  de  Sainte-Croix  dans  les  Archives  curieuses,  i.  VI, 
ji.  su. —  Extrail  des  registres  du  parlemenl  de  Paris  dans  les 
Mémoires  de  Gondé,  i.  III,  p.  279.  —  Il  lui  relâché  le  lendemain 
sur  parole  (Ihiil.,  p.  280). 

1.  La  réponse  du  parlement,  datée  du  21  avril,  est  dans  les 
Mémoires  de  Gondé,  (.  III,  p.  ;!ll  ;  dans  La  Popelinière,  t.  I,  f.  303, 
et  ailleurs. 

3.  (les  lettres  sonl  conservées  dans  La  coll.  Brienne,  vol.  205, 
l'.  :!7T.  —   Le   roi  écrivit   aux   souverains  dans  le  même  sens 
(voyez  sa  lettre  au  die'  de  Wurtemberg  dans  le-  Mémoires  <l 
Gondé,  i.  III.  p.  281). 

i.  Registresdu  parlementde  Paris  dans  les  Mémoires-journaux 

<///  dur  tir  liuisr.   p.  489. 


ET   JEANNE   d'aLBRET.  169 

Le  manifeste  du  prince  de  Condé  offensa  la  reine. 
Ce  ton  hautain,  cette  violence  dans  les  termes,  mise 
au  service  d'une  rébellion  ouverte,  ces  appels  aux 
armes  sonnés  dans  les  villes  du  royaume  et  auprès 
des  gouvernements  étrangers,  révélaient  les  desseins 
ambitieux  d'un  prince  qui  visait  au  pouvoir  plutôt  que 
la  passion  sincère  d'un  confesseur  prêt  à  combattre 
pour  sa  foi.  Cependant  Catherine  hésitait  encore, 
quand  un  incident  imprévu  rompit  les  liens  qui  la 
rattachaient  encore  au  parti  huguenot. 

En  même  temps  qu'il  lançait  son  manifeste,  Condé 
écrivit  à  du  Mortier,  un  de  ses  partisans  secrets  au 
conseil,  et  lui  communiqua  les  lettres  que  la  reine 
avait  écrites  dans  les  jours  d'angoisse  qui  avaient 
précédé  la  surprise  d'Orléans.  Ces  lettres  ne  conte- 
naient aucune  mission  précise,  sauf  «  d'avoir  sou- 
«  venance  de  conserver  les  enffans  et  la  mère  et 
«  le  royaume,  comme  celluy  à  qui  touche,  »  et  plus 
loin  «  de  l'aider  à  conserver  ce  royaume  et  le  service 
«  du  roy.  »  Ces  phrases  vagues  n'excédaient  pas  la 
portée  des  recommandations  que  la  reine  adressait 
journellement  à  ses  officiers.  Mais  le  prince  de  Condé 
prétendait  en  tirer  la  preuve  que  la  reine  avait  voulu 
se  remettre  entre  ses  mains,  qu'elle  en  avait  été  empê- 
chée par  la  marche  audacieuse  du  triumvirat  sur 
Fontainebleau  et  qu'elle  lui  avait  conseillé  la  prise 
d'armes  du  29  mars1. 

1.  Le  parti  huguenot,  nanti  de  la  possession  de  documents 
aussi  importants  à  ses  yeux,  envoya  au  mois  de  novembre 
Jacques  Spifame,  évêque  défroqué  de  Nevers,  à  la  diète  de 
Francfort  pour  justifier  la,  guerre  civile.  Spifame  prononça,  le 
A  novembre,  en  présence  de  l'empereur,  une  harangue  qui  a  été 
publiée  à  pari  el  réimprimée  successiveme.nl  dans  le  Sommaire- 


170  ANTOINE   DE   BOURBON 

La  dépêche  de  Condé  à  du  Mortier  fut  interceptée  par 
les  batteurs  d'estrade  du  parti  catholique  et  livrée  au 
triumvirat.  On  apprit  en  même  temps  que  le  prince, 
s'exagérant  la  valeur  de  l'arme  que  la  reine  avait  lais- 
sée tomber  entre  ses  mains  dans  un  jour  d'égarement, 
voulait  communie] uer  ces  lettres  à  tous  les  souverains 
étrangers  pour  justifier  sa  rébellion.  A  la  nouvelle  que 
ses  prétendues  promesses  étaient  divulguées,  le  pre- 
mier mouvement  de  la  reine  fut  de  nier  l'authenticité 
de  ses  lettres.  Elle  «  se  troubla  beaucoup,  écrit  Chan- 
ce tonay,  et  dit  que  les  ennemis  du  roi  étaient  si  per- 
«  vers  que,  pour  sauver  leur  responsabilité,  ils  avaient 
«  falsifié  sa  signature1.  »  Son  second  mouvement  fut 
de  maudire  l'indiscrétion  du  prince.  Qu'espérer  d'un 
chef  de  parti  qui  abusait  des  épanchements  de  sa  sou- 
veraine, et  qui,  sans  être  acculé  aux  dernières  néces- 
sités, livrait,  à  ceux  que  la  veille  encore  il  appelait  leurs 
ennemis  communs,  les  secrets  confidentiels  de  son 
alliée  ?  «  La  reine,  dit  Sainte-Croix,  s'est  mise  telle- 
ce  ment  en  colère  de  l'affront  qu'on  lui  fait  en  la 
«  calomniant  de  cette  sorte,  qu'elle  a  dit  publiquement 
«  que  ces  gens-là  sont  des  fous  et  des  atrabilaires  et 

recueil  des  choses  mémorables  advenues  depuis  1560  jusqu'à  présent, 
in-8",  1564,  p.  137,  dans  les  Mémoires  de  Gastelnau,  t.  II,  p.  28, 
el  dans  1rs  Mémoiresde  Condé,  t.  IV,  p.  56.  Catherine  de  Médicis, 
informée  de  la  mission  de  Spilame,  \  ivpoïKlit  par  une  apologie 
solennelle  de  sa  propre  conduite,  datée  du  5  décembre  el  adres- 
sée à  la  duchesse  douairière,  Christine  de  Lorraine,  pièce  impri- 
mée dans  les  Mémoires  de  Castelnau,  t.  Il,  p.  13,  et  ilaus  les 
Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  1.  p.  141.  La  réponse  de  la 
duchesse  de  Lorraine  à  la  reine  mère  est  imprimée  à  la  suite  de 
ce  document  (ibid.,  p.  143,  aote). 

1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  11,  du  11  avril  1562  (Orig. 
espagnol»;  A.rch.  oat.,  k.  1497,  a°  22). 


ET    JEANNE    d'aLBRET.  171 

«  qu'elle  les  traitera  comme  tels1 .  »  Le  maréchal  Saint- 
André  comprit  que  le  prince  de  Condé  avait  perdu 
plus  de  crédit  en  un  jour  dans  l'esprit  de  Catherine 
qu'il  n'en  avait  gagné  depuis  le  commencement  des 
troubles.  Il  engagea  l'ambassadeur  d'Espagne  à  la  voir, 
à  lui  conseiller,  au  nom  de  Philippe  II,  de  se  séparer 
d'amis  qui  la  trahissaient2.  Chantonay  avait  déjà  prié 
son  maître  d'adresser  un  ambassadeur  extraordinaire 
à  la  reine3.  En  attendant  l'arrivée  du  messager,  il 
s'acquitta  lui-même  de  la  mission.  Il  trouva  la  reine 
dans  l'incertitude,  mais  fermement  décidée  à  user  de 
tous  les  moyens  pour  éviter  l'effusion  du  sang.  Comme 
l'ambassadeur  lui  recommandait  la  rigueur,  elle  invo- 
qua l'exemple  de  Charles-Quint,  qui  avait  apaisé  sans 
prendre  les  armes  le  soulèvement  de  Gand  en  1539. 
Chantonay  lui  riposta  aigrement  que  ses  souvenirs  per- 
sonnels ne  lui  rappelaient  que  les  nombreux  supplices 
ordonnés  par  le  grand  empereur4.  Mais  les  leçons  de 
Chantonay  étaient  inutiles.  Catherine,  encore  plus 
mécontente  de  ses  anciens  alliés  que  satisfaite  des 
encouragements  de  l'Espagnol,  s'était  déjà  résignée 
à  la  tutelle  du  triumvirat.  Elle  envoya  chercher  Anne 
d'Esté,  duchesse  de  Guise,  et  lui  confia  que  jusqu'à 
ce  jour  elle  s'était  méfiée  de  l'alliance  des  chefs  du  parti 
catholique  avec  le  roi  de  Navarre,  mais  que  les  der- 

1.  Lettre  de  Sainte-Croix  dans  les  Archives  curieuses,  t.   VI, 
p.  89. 

2.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  11  avril  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  nat.,  K.  1497,  n»  22). 

'■>.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  8  avril  1562  (Arch. 
nat.,  K.  1497,  .r  21). 
4.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  IL  du  13  avril  1562  (Orig. 
-nol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  'ISj. 


172  ANTOINE    DE    BOURBON 

niers  événements  lui  avaient  ouvert  les  yeux,  et  que, 
moyennant  l'assurance  que  sa  dignité  de  régente  serait 
sauvegardée,  elle  embrasserait  résolument  leur  cause. 
La  duchesse  de  Guise  porta  ces  ouvertures  à  son 
mari.  Aussitôt  le  roi  de  Navarre,  suivi  des  triumvirs, 
accourut  dans  le  cabinet  de  la  reine  et  protesta  de 
ses  bonnes  intentions.  Catherine  les  accueillit  avec 
empressement  et  leur  tendit  la  main.  Cependant  elle 
leur  demanda  de  s'associer  à  une  dernière  tentative 
de  conciliation,  sur  la  base  de  l'édit  de  janvier4,  jurant 
que,  si  la  nouvelle  mission  échouait,  elle  abandonne- 
rait le  parti  huguenot  à  sa  destinée  de  rebelle2.  Le 
même  jour,  elle  adressa  à  Sébastien  de  l'Aubespine 
une  profession  catholique  qui  dut  combler  les  vœux 
du  roi  d'Espagne 3,  et  au  cardinal  de  Chastillon  une 
lettre  de  reproche 4  ;  elle  y  énumère  ses  ordres  paci- 
fiques et  reproche  à  Condé  d'avoir  répondu  à  chaque 
ordre  par  de  nouveaux  armements5.  Le  lendemain, 
\%  avril,  jour  de  Quasimodo,  comme  pour  accentuer 
l'union  catholique  de  la  cour  de  France,  la  reine  et 
tous  les  princes  assistèrent  à  une  messe  solennelle  à 
l'église  Notre-Dame r'. 

1.  Lettre  de  Throckmorton ,  du  17  avril  (Calendars,  1562, 
p.  603).  —  L'avant-veille,  le  II  avril,  la  reine  avail  fait  signer 
au  roi  une  confirmation  de  l'édit  de  janvier  [Mémoires  de  Condô, 
t.  III,  p.  256). 

2.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  11  avril  i()rig.  espa- 
gnol; Areh.  nai..  K.  1497,  n-  22). 

3.  Lettres  de  Catherine  de  Médias,  t.  I.  p.  293. 

4.  Le  cardinal  de  Chastillon  étail  le  négociateur  en  titre  du 
parti  huguenot.  Voir  sa  lettre  à  la  reine,  du  7  avril  (Delaborde, 
Goligny,  i.  Il,  p.  571). 

5.  Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  1.  p.  290. 

6.  Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V.  p.  96. 


ET   JEANNE    DALBRET.  173 

Artus  de  Cossé,  seigneur  de  Gonnor,  repartit  pour 
Orléans  le  13  avril,  en  compagnie  de  Jean  de  Beau- 
lieu,  seigneur  de  Losse,  et  du  secrétaire  d'état,  Ro- 
hertet,  s.  d'Alluye '.  Dans  l'intervalle  un  massacre 
épouvantable  avait  ensanglanté  la  ville  de  Sens.  La 
populace  catholique  s'était  ruée  sur  les  habitants  qui 
passaient  pour  hérétiques,  avait  égorgé  les  uns 
et  précipité  les  autres  dans  l'Yonne2.  Presque  en 
même  temps  on  apprit  que  les  réformés  de  Tours 
avaient  été  victimes  d'un  guet-apens  aussi  sanglant 
que  celui  de  Vassy,  mais  qui  avait  tourné  à  leur 
triomphe.  A  Sens,  à  Auxerre,  à  Cahors,  à  Aurillac,  à 
Carcassonne,  à  Avignon,  dans  beaucoup  d'autres  villes, 
d'après  d'Aubigné,  trois  mille  personnes  avaient  été 
«  poignardées,  lapidées,  précipitées,  étranglées,  assom- 
«  mées,  brûlées,  éteintes  de  faim,  enterrées  vives, 
«  noyées  et  étouffées3.  »  Le  «  coup  de  Vassy  »  sem- 
blait un  signal  donné  aux  fanatiques  de  toutes  les  pro- 
vinces pour  anéantir  les  religionnaires4.  Gonnor  trouva 
les  huguenots  d'Orléans  en  proie  à  l'exaltation  la  plus 
vive.  Ils  accusaient  du  massacre  de  Sens  le  cardinal  de 
Lorraine  comme  archevêque  de  Sens,  bien  que  ce  titre 
appartint  au  cardinal  de  Guise,  et  rapprochaient  ces 


1.  Lettre  de  Ghantonay,  du  13  avril,  à  Philippe  II  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  23).  —  Journal  de  1562  dans  la 
Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  96. 

2.  Mémoires  de  Claude  Haton,  1. 1,  p.  189  et  suivantes.  Cet  histo- 
rien est  celui  qui  donne  le  plus  de  détails  sur  ces  événements. 
—  Voyez  aussi  un  article  de  M.  Maury  sur  {Histoire  des  guerres 
du  calvinisme  dans  l'Auxerrois,  par  M.  Ghalle,  dans  le  Journal  des 
Savants  de  1870. 

3.  D'Aubigné,  1626,  t.  I,  col.  183  et  18i. 

4.  Lettre  de  Throckmorton,  du  14  mars  [Calendars,  1562,  p.  553). 


174  ANTOINE   DE    BOURBON 

meurtres  du  forfait  de  Vassy1.  Condé  avait  demandé 
justice  à  la  reine  mère 2  et  n'avait  pas  obtenu  de 
réponse.  La  passion  de  la  vengeance  enflammait 
tous  les  esprits.  Coligny  se  fit  l'écho  du  sentiment 
des  réformés  en  écrivant  à  la  reine  :  «  Madame,  on 
«  voit  de  telles  cruautés  s'exercer  en  plusieurs  endroits 
«  de  ce  royaume  et  fraîchement  à  Sens  que  l'on  ne 
«  peut  attendre  que  une  totale  ruine  de  tous  ceux  qui 
«  font  profession  de  la  religion  réformée,  avec  les 
«  langages  qui  se  tiennent  ordinairement  que  l'on 
«  n'attend  autre  chose  que  de  nous  voir  désarmés, 
«  pour  puis  après  nous  couper  à  tous  la  gorge3.  » 
Les  sages,  les  modérés  n'auraient  pu,  sans  être  accu- 
sés de  trahison,  prêter  l'oreille  à  des  négociations. 
Condé  formulait  des  exigences  inacceptables,  le  désar- 
mement du  parti  catholique,  le  renvoi  des  Guises  et  du 
connétable,  des  indemnités  pour  le  passé,  des  garanties 
pour  l'avenir4.  Le  roi  de  Navarre  avait  chargé  de  Losse 
de  remettre  une  lettre  à  son  frère,  dans  laquelle  il  lui 
reprochait  d'être  «  tombé  dans  la  boue.  »  Condé  lui 
répondit  en  se  faisant  honneur  de  sa  conduite  et  en 


1.  Mémoires  de  Castelnau,  in-fol.,  t.  I,  p.  89.  Gastelnau  nomme 
le  cardinal  de  Lorraine  comme  archevêque  de  Sens,  mais  il  se 
trompe.  Le  siège  de  Sens  appartenait  au  cardinal  de  Guise,  qui 
avait  été  témoin  du  massacre  de  Vassy. 

2.  Lettre  île  Gondé,  du  19  avril  [Mémoires  de  Condé,  t.  III, 
p.  300).  Le  duc  d'Aumale,  en  réimprimanl  cette  lettre,  y  a  ajouté, 
d'après  l'original  autographe,  un  post-scriptum  ires  important 
(Duc  d'Aumale,  Histoire  des  Condé,  t.  [,  p.  347). 

::.  Lettre  de  l'amiral  de  Goligny  à  la  reine,  sans  date  (Copie; 
coll.  Brienne,  vol.  205,  f.  498). 

i.  Lettre  de  Sa iute-( Jroix  dans  les  Archives  curieuses,  t.  VI, 
p.  88.  —  Lettre  de  Throckmorton,  du  17  avril  [Calendars,  1562, 
p.  603).  —  Négoc.  du  card.  dt  Ferrari ,  p.  152 


ET    JEANNE    d'aLBRET.  175 

glorifiant  sa  prise  d'armes4.  Gonnor  revint  à  Paris  le 
14  avril  sans  avoir  pu  remplir  sa  mission2. 

Quelques  jours  après,  le  19  avril,  Catherine  réunit 
le  roi  de  Navarre,  le  duc  de  Guise,  le  connétable,  les 
maréchaux  de  Saint-André  et  de  Brissac,  «  et  leur  dit 
«  qu'en  considérant  les  intérêts  du  royaume  et  les 
«  menées  des  ennemis  du  roi,  elle  voyait  clairement  la 
«  gravité  des  événements  et  les  mauvais  conseils  qui 
«  lui  avaient  été  donnés  par  ceux  auxquels  elle  s'était 
«  fiée.  En  conséquence,  elle  les  priait  de  mettre  de 
«  côté  toute  animosité  et  de  chercher  un  remède  effi- 
«  cace,  leur  promettant  de  suivre  leurs  conseils.  Elle 
«  dit  que  jusqu'à  ce  jour  elle  n'avait  pu  se  résoudre  à 
«  suivre  une  autre  voie  que  celle  de  la  douceur,  mais 
«  que,  à  cette  heure,  voyant  la  hardiesse  des  ennemis, 
«  elle  voulait  mettre  cette  affaire  aux  mains  des  capi- 
«  taines.  Elle  promit  de  leur  laisser  tous  les  pouvoirs 
«  du  roi,  de  leur  remettre  l'argent  nécessaire,  d'agir 
«  elle-même  de  son  côté.  Et  elle  ajouta  qu'elle  avait 
«  l'espoir  que  c'était  pour  le  service  de  Dieu  et  le  bien 
«  du  royaume3.  »  Elle  pria  le  nonce  de  recommander  à 
Philippe  II  la  demande  de  secours  du  roi  très  chrétien4. 
Son  langage  se  modifia  ;  elle  «  parla  avec  plus  de 
«  hauteur  et  de  fierté.  »  Son  crédit  s'accrut  ;  le  roi 


1.  La  lettre  de  Gondé  est  imprimée  par  le  duc  d'Aumale  (Hist. 
des  Condé,  t.  I,  p.  347). 

2.  Lettre  du  cardinal  de  Ghastillon  à  la  reine,  du  15  avril 
(Delaborde,  Coligny,  t.  II,  p.  573).  Cette  lettre  fut  répandue  à  la 
cour.  On  en  trouve  des  copies  dans  plusieurs  recueils  manuscrits 
du  temps. 

3.  Lettre  de  Cliantonay  à  Philippe  II,  du  24  avril  1562  (Orig. 
espagnol;  Arcli.  nat.,  k.  1497,  u°  25). 

\.  Ibid. 


176  ANTOINE    DE    BOURBON 

signifia  aux  courtisans  «  que,  si  quelqu'un  n'avoit  pas 
«  autant  de  respect  pour  sa  mère  qu'il  luy  en  estoit  dû, 
«  il  ne  l'oublieroit  jamais  et  qu'il  lui  en  feroit  paroitre 
«  son  ressentiment  quand  il  seroit  dans  un  âge  plus 
«  avancé.  »  Ces  reproches  étaient  la  revanche  des 
scènes  de  Fontainebleau.  Aussi,  dit  Sainte-Croix,  les 
triumvirs  parlaient  à  la  reine  avec  déférence.  Un  jour, 
au  conseil,  sur  un  mot  déplaisant  du  maréchal  de 
Saint-André,  Catherine  «  luy  fit  une  si  grande  rebuf- 
«  fade  qu'il  faillit  verser  des  larmes1.  »  Les  Guises 
informèrent  Philippe  II  du  changement  de  la  reine  ; 
ses  hésitations  précédentes,  disaient-ils,  étaient  inspi- 
rées par  le  «  regret  de  différer  l'exécution  de  ce 
«  qu'elle  a  toujours  plus  que  nulle  autre  chose  dési- 
«  rée.  »  Le  roi  de  Navarre  ajouta  son  témoignage  : 
«  J'ay  bien  voullu  vous  témoigner  pour  vérité  le 
«  contenu  en  ceste  lettre  comme  celluy  qui  a  la  prin- 
«  cipale  connoissance  et  des  effets  et  de  l'intention 
«  d'icculx2.  » 

La  prise  des  villes  de  Tours,  de  Blois,  du  Mans  et 
d'Angers  (30  mars  au  5  avril)  avait  allumé  les  espé- 
rances des  huguenots;  la  prise  de  Rouen  (16  avril) 
mit  le  comble  à  leur  enthousiasme3.  La  prise  de  Lyon 
(30  avril)  accabla,  dit  Throckmorton,  la  fermeté  des 
catholiques4.  Le  duc  de  Guise  lui-môme  était  près  de 
céder  au  découragement.    Le    roi   de    Navarre  avait 

1.  Lettre  de   Sainte -Croix,  du  'J'.t   avril,  dans   les  Archives 
curieuses,  t.  VI,  p.  94. 

2.  Lettre  du  2i   avril   1562,  publiée  par  le  comte  Delaborde 
(Coligny,  t.  II,  p.  85). 

3.  Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  97. 

i.  Sur  la  prise  de  Lyon  voyez  une  série  de  pièces  dans  Les 
Mémoires  île  Condé,  i.  III,  p.  339. 


ET   JEANNE   d'aLBRET.  177 

«  l'esprit  fort  perplexe1;  »  il  tomba  malade  «  d'une 
«  grosse  fièvre  »  qui  dura  plusieurs  jours2.  Seule, 
Catherine  garda  toute  son  énergie.  Elle  renforça  le 
conseil  du  roi  de  huit  chevaliers  de  l'ordre,  afin 
de  balancer  l'autorité  des  conseillers  du  tiers  parti, 
suspects  au  parti  catholique.  Les  nouveaux  élus  étaient 
le  maréchal  François  de  Montmorency,  secrètement 
dévoué  à  la  réforme,  mais  dont  le  connétable  pouvait 
répondre,  le  comte  de  Villars,  le  grand  écuyer  de  Boisy, 
Louis  de  Lansac,  Jacques  de  la  Brosse,  lieutenant  du 
duc  de  Guise,  Charles  de  la  Rochefoucault-Randan  et 
le  comte  de  Carces3.  La  reine  mère  interdit  à  Renée  de 
France ,  duchesse  de  Ferrare ,  l'exercice  de  la  réforme 
à  Montargis,  sous  peine  d'être  renfermée  dans  un 
couvent 4,  et  fit  crier  à  Paris  la  défense  de  procéder 
aux  cérémonies  calvinistes  qui  avaient  été  tolérées 
jusqu'alors.  «  Ceux  qui  autrefois,  dit  Sainte-Croix, 
«  n'entraient  jamais  dans  les  églises  s'y  tiennent 
«  maintenant  avec  de  belles  apparences  de  dévotion 5.  » 
Aux  dispositions  militaires  du  roi  de  Navarre  Cathe- 
rine ajouta  des  mesures  équitables,  qui  pouvaient 
séduire  les  hommes  modérés.  Le  roi  publia  la  liste  des 

1.  Lettre  du  47  avril  (Galendars,  1562,  p.  603). 

2.  Lettre  de  Sainte-Croix  dans  les  Archives  curieuses,  t.  VI,  p.  89. 

3.  Lettre  de  Throkmorton,  du  24  avril  [Galendars,  1562,  p.  619). 

4.  Lettre  de  Sainte-Croix  dans  les  Archives  curieuses,  t.  \  1  -, 
p.  74.  M.  Jarry  a  raconté,  avec  les  pièces  à  l'appui,  parmi  les- 
quelles se  trouve  une  curieuse  enquête  datée  de  1608,  le  pillage 
des  '-lises  de  Montargis,  qui  eut  lieu  le  9  mai  1562,  el  les  excès 
de  tout  genre  commis  par  les  huguenots  dans  cette  ville  si  m-  les 
yeux  et  avec  la  complicité  de  Renée  de  France,  duchesse  de 
Ferrare  (Renée  de  France  à  Montargis,  Orléans,  1868). 

5.  Lettre  de  Sainte-Croix  dans  les  Archives  curieuses,  t.  VI, 
p.  86  et  93. 

iv  12 


178  ANTOINE    DE   BOURBON 

villes  où  serait  toléré  l'exercice  de  la  religion  nouvelle, 
afin  de  délimiter  les  prescriptions  de  l'édit  de  janvier1. 
Le  parlement  de  Paris  entama  une  information  sur  les 
massacres  de  Sens2.  Le  roi  commit  la  grand'chambre 
du  parlement  pour  connaître  «  des  excès  faits  à  Vassy 
«  le  1er  mars3.  » 

Les  triumvirs  ripostèrent  à  l'accusation  de  tenir  le 
roi  en  captivité  par  une  calomnie  non  moins  invrai- 
semblable. Le  roi  de  Navarre  feignit  de  croire  que 
son  frère  était  prisonnier  des  huguenots  et  qu'ils  le 
retenaient  de  force  à  Orléans4.  Le  1(.)  avril,  fut  crié 
dans  les  rues  de  Paris  à  son  de  trompe  «  que  les 
«  armes  que  l'on  tenoit  estoient  pour  recouvrer  M.  le 
«  prince  de  Condé,  qui  estoit  détenu  par  les  hugue- 
«  nots5.  »  Le  «  pauvre  peuple  »  accepta  le  prétexte 
avec  autant  de  confiance  que  la  plèbe  de  la  réforme 
croyait  à  l'emprisonnement  du  roi.  Pasquier  constate 
que  les  uns  faisaient  la  guerre  pour  délivrer  le  roi,  les 
autres  le  prince  de  Condé.  «  C'est  bien,  à  la  vérité, 
<r  troc  pour  troc,  »  dit-il0. 

Le  2!3  avril,  le  parti  catholique  reçut  un  aide  impor- 
tant. Le  cardinal  de  Lorraine,  qui  s'était  éloigné  de  la 
cour  à  la  suite  du  colloque  de  Poissy,  entra  à  Paris. 


1.  Mémoires  de  Condé,  t.  IV,  p.  333. 

2.  Mémoires  de  Condé,  i.  III,  p.  315. 

3.  Mémoires  de  Condé,  t.  III,  p.  31»"»  el  354. 

4.  Lettres  de  ChailtOIiay,  du  1;' avril,  dans  les  Mémoires  de  Condé, 
t.  II,  p.  33.  —  Lettre  <ln  même  à  Philippe  II,  du  13  avril  1562 
(Orig.  espagnol;  A.rch.  nat.,  K.  I  i'.'T,  n°  23).  —  Lettre  de  Throck- 
morton,  du  24  avril  (Calendars,  1562,  p.  619). 

5.  Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  i.  Y,  p.  99. — 

Lettre  de   Sainto-Croix   dans   les   Archives  curieuse*;,    t.  VI,  p.  91. 

6.  Lettre  de  Pasquier  dans  les  OEuvi   ■  complètes,  t.  II,  cul.  100. 


ET    JEANNE    d'aLBRET.  179 

Le  roi  de  Navarre  avait  envoyé  son  fils  au-devant  de 
lui.  Le  cardinal  de  Bourbon  et  le  cardinal  de  Guise, 
accompagnés  d'une  troupe  de  seigneurs  de  2,000  che- 
vaux, s'étaient  joints  au  cortège.  La  reine  le  reçut  avec 
un  empressement  affecté,  afin  de  lui  faire  oublier  ses 
précédentes  hésitations.  Charles  de  Lorraine  fut  logé 
au  Louvre  auprès  du  roi.  Catherine  le  pria  d'enseigner 
la  religion  chrétienne  à  ses  enfants.  Avec  l'éducation 
qu'ils  ont  reçue,  dit  malignement  Chantonay,  «  ils  ne 
«  peuvent  avoir  l'intelligence  bien  développée,  »  sur- 
tout le  duc  d'Orléans1.  Le  lendemain  et  les  jours  sui- 
vants, le  cardinal  de  Lorraine  prêcha  à  Notre-Dame, 
puis  à  Saint-Germain-l'Auxerrois.  Chaque  jour  le  zélé 
prélat  montait  en  chaire,  «  chose  toute  nouvelle  pour 
«  moi,  »  observe  Pasquier.  Il  était  suivi  «  d'une 
«  incrédule  affluence  d'auditeurs  »  et  les  encourageait 
à  «  plustot  mourir  et  se  laisser  épuiser  jusqu'à  la 
«  dernière  goutte  du  sang  que  de  permettre,  contre 
«  l'honneur  de  Dieu  et  de  son  église,  qu'autre  religion 
«  eut  cours  en  France  que  celle  que  nos  ancestres 
«  a  voient  si  estroitement  et  religieusement  observée2.  » 
Pendant  les  armements,  les  négociations  se  ravi- 
vaient en  secret.  Le  20  avril,  le  prince  de  Condé 
envoya  dire  à  la  reine 3  par  son  secrétaire  «  que,  ayant 
«  appris  que  ni  le  roi  ni  elle  n'estoient  prisonniers,  il 

1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  28  avril  1502  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  26).  —  Journal  de  156-2  dans 
la  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  99.  —  Lettre  de  Sainte-Croix  iJans 
les  Archives  curieuses,  t.  VI,  p.  95.  Cette  pièce  parait  inexacte- 
ment datée  par  l'éditeur. 

2.  Lettre  de  Pasquier  dans  les  OEuvr es  complètes,  t.  II,  col.  100. 
:'.  Journal  de  1502  dans  la  Revue  rétrosp.,  t.  V,  p.  99.  —  Lettre 

de  Sainte-Croix  dans  les  Archives  curieuses,  t.  VI,  p.  95. 


180  ANTOINE   DE   BOURBON 

«  désiroit  recevoir  ses  ordres  de  sa  propre  bouche1.  » 
Le  cardinal  de  Chastillon  recommandait  l'entrevue  du 
prince  et  de  la  reine2.  L'ambassadeur  d'Espagne  encou- 
rageait le  roi  de  Navarre  à  y  prendre  part.  Antoine 
chargea  le  secrétaire  de  Condé  de  proposer  à  son 
maître  une  conférence  à  Étampes.  Les  chefs  catho- 
liques voulaient  détacher  Condé  de  son  parti  et  infliger 
à  ses  complices  un  châtiment  éclatant3.  Catherine 
aurait  voulu  comprendre  l'amiral  et  d'Andelot  dans 
«  l'appoinctement ,  »  mais  le  lieutenant  général  s'y 
refusa,  parce  que,  disait-il,  ils  étaient  les  vrais  inspi- 
rateurs de  la  rébellion  de  son  frère4.  Le  24  avril,  Jean 
de  Morvillier,  évoque  d'Orléans,  et  Claude  de  l'Au- 
bespine,  secrétaire  d'état,  furent  députés  à  Orléans 
avec  les  réponses  de  la  reine  mère  et  du  roi  de 
Navarre 5 . 

Les  pourparlers  paraissaient  en  bonne  voie,  quand 
le  prince  de  Condé  lança,  le  %b  avril,  un  nouveau 
manifeste  plus  offensif  que  le  premier.  Sans  rien 
abandonner  de  ses  précédentes  exigences,  il  y  pré- 
sente l'apologie  de  son  parti  ;  il  accuse  les  triumvirs 
et  les  chefs  du  parti  catholique  des  troubles  actuels  ; 
il   s'attribue  le  soin  de  la  défense  des  édits  royaux 


1.  Lettre  »lc  Ghantonay,  du  24  avril  1562,  à  Philippe  II  (Orig. 
espagnol  ;  Arch.  nat.,  k.   1497,  q°  25). 

2.  Lettre  du  card.  de  Chastillon  à  la  reine,  du  20  avril  (Dela- 
borde,  Goligny,  t.  Il,  p.  573). 

3.  Lettre  de  Ghantonay,  du  24  avril,  citée  plus  haut. 

i.  Lettre  de  Ghantonay,  du  2  mai,  dans  les  Mémoires  de  Condé, 
i.  11,  |».  35. 

5.  Journal  de  1562  dans  la  Bévue  rétrospective,  t.  V,  p.  100.  — 
Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  11,  du  28  avril  1562  (Arch.  nat., 
K.  1497,  ii    26).  —  Nègoc.  du  card.  de  Ferrure,  p.  179. 


ET    JEANNE    d'aLBRET.  181 

et  somme  les  bons  sujets  du  roi,  les  cours  souveraines, 
les  officiers  de  justice  de  «  luy  prester  aide,  faveur 
«  et  assistance  en  une  cause  si  juste  et  si  sainte.  »  Ce 
factum  laisse  tomber  en  oubli  la  fable  de  la  captivité 
du  roi,  mais  il  reproduit  les  accusations  contre  le 
parti  catholique,  avec  lesquelles  les  seigneurs  hugue- 
nots entretenaient  les  passions  de  l'armée1.  Le  prince 
adressa  son  nouveau  manifeste  aux  parlements  de 
Paris2,  de  Rouen3  et  d'Aix4.  La  cour  de  Paris  com- 
muniqua la  pièce  au  roi  et  chargea  l'huissier  Acarie 
de  signifier  sa  réponse  au  prince.  L'huissier  remplit  sa 
mission  au  prix  de  dangers  qu'il  relate  dans  son  pro- 
cès-verbal5. 

Cette  nouvelle  bravade  aigrit  encore  les  esprits. 
Jean  de  Morvillier  et  Claude  de  l'Aubespine  revinrent 
à  Paris  le  %  mai 6  et  eurent  une  conférence  avec  la  reine 
dans  le  jardin  du  Louvre.  La  reine  avait  imaginé  de 
réconcilier  le  prince  de  Condé  et  le  duc  de  Guise  sur 
la  base  d'un  mariage  à  contracter  entre  le  fils  aîné  du 
prince  et  la  fille  du  duc.  Les  futurs  époux  n'étant  encore 
que  des  enfants,  Condé  avait  répondu  avec  mépris  «  que 
«  c'estoit  paroles  perdues".   »  Cependant,  Catherine 


1.  Mémoires  de  Condé,  t.  III,  p.  319. 

2.  Mémoires  de  Condé,  t.  III,  p.  333. 

3.  Gopio,  du  temps,  f.  fr.,  vol.  4053,  f.  6. 

4.  Lettre  du  prince  de  Condé  au  parlement  d'Aix,  du  1er  mai  1562 
(Copie  du  temps;  f.  fr.,  vol.  10190,  f.  170). 

5.  Mémoires  de  Condé,  t.  III,  p.  334  et  335. 

i..  Ils  apportaient  à  la  reine  une  lettre  du  prince  datée  du 
24  avril,  et  au  roi  une  lettre  du  29  avril  1562  (Coll.  Brienne, 
vol.  203,  f.  399,  et  vol.  205,  f.  119).  Ces  deux  lettres  sont  pleines 
de  protestations  pacifiques. 

7.  Journal  de  Bruslard  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  I,  p.  83. 
—  Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  lui. 


182  ANTOINE   DE   BOURBON 

cherchait,  à  défaut  de  l'évêque  de  Valence,  suspect  aux 
triumvirs,  un  négociateur  plus  souple  que  des  secré- 
taires d'état  ou  des  capitaines,  tous  plus  ou  moins  com- 
promis dans  leurs  partis  respectifs.  Elle  jeta  les  yeux 
sur  Madeleine  de  Roye,  belle-mère  du  prince,  dame 
d'un  grand  caractère  et  considérée  parmi  les  rebelles 
comme  «  une  mère  de  l'église.  »  La  dame  de  Roye  refusa 
la  mission.  Catherine  choisit  alors  un  personnage  sans 
notoriété  politique,  l'abbé  de  Saint-Jean  de  Laon, 
familier  du  cardinal  de  Lorraine,  et  l'expédia  à 
Orléans  avant  même  le  retour  de  Jean  de  Morvillier1. 
Il  revint  à  Paris  le  3  mai  et  n'apporta  à  la  reine  de  la 
part  du  prince  que  de  vagues  protestations  pacifiques2. 
Rien  n'était  modifié  dans  la  situation  des  belligé- 
rants, mais  les  conseils  de  Jean  de  Morvillier  et  de 
Claude  de  l'Aubespine  portaient  des  fruits.  La  dame 
de  Roye  et  le  cardinal  de  Chastillon  s'employaient 
activement  en  faveur  de  la  paix.  Le  bruit  courut 
que  le  cardinal  de  Bourbon  et  le  prince  de  la 
Roche  -  sur  -  Yon  étaient  partis  secrètement  pour 
Orléans3.  La  reine  répondit  au  prince  de  Condé  sur 
un  ton  de  conciliation4.  Le  môme  jour,  le  roi  publia 
une  déclaration  favorable  à  l'exécution  de  l'édit  de 
janvier5.  Les  dispositions  du  prince  lui-même  présa- 


1.  La  Popelinière,  t.  I,  !'.  305  v°. 

2.  Mémoires  de  Condé,  i.  111,  p.  3S7 .  Lu  lettre  du  prince  est 
accompagnée  d'un  mémoire  qui  se  trouve  dans  le  même  recueil, 
p.  384,  'M  dans  La  Popelinière,  i.  [,  f.  306. 

3.  Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  101. 

i.  La  lettre,  datée  du  i  mai,  est  imprimée  dans  les  Mémoires 
tir  Condé,  i.  III,  p.  W'.ï.  —  Le  roiécrivil  aussi  au  prince.  Sa  lettre 
esl  dans  La  Popelinière,  t.  1,  f.  307  v°. 

5.  Le  frère  de  Laval,  Hist.  des  troubles,  t.  I.  f.  153  v°. 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  183 

geaientune  détente.  Il  adressa  à  la  reine  un  mémoire 
raisonné,  qui  s'élevait  au-dessus  des  entraînements  de 
ses  partisans1.  Pour  la  seconde  fois  la  paix  semblait 
probable,  quand  les  bas  sectaires  du  parti  huguenot 
engagèrent  la  lutte  en  province  par  un  crime  odieux, 
qui  imposa  silence  aux  négociateurs.  Le  duc  de  Guise, 
comme  gouverneur  du  Dauphiné,  avait  pour  lieute- 
nant Biaise  de  Pardaillan,  seigneur  de  la  Mothe-Gon- 
drin,  capitaine  gascon,  qui  s'était  illustré  dans  les 
guerres  d'Italie.  A  la  nouvelle  de  la  prise  d'Orléans,  la 
Mothe-Gondrin  leva  deux  enseignes  de  gens  de  pied  et 
se  mit  en  campagne,  serré  de  près  par  François  de 
Beaumont,  baron  des  Adrets.  Le  roi  de  Navarre  comp- 
tait faire,  de  l'armée  de  la  Mothe-Gondrin,  le  pivot  de 
ses  opérations  militaires  dans  l'Est2.  Le  25  avril,  la 
Mothe-Gondrin  s'était  rendu  à  Valence  pour  veiller 
aux  élections  consulaires  de  la  ville.  Il  y  fut  reçu  avec 
méfiance.  Quelques  jours  auparavant,  dit  de  Thou,  des 
coureurs  huguenots  avaient  intercepté  des  lettres  du 
duc  de  Guise,  qui  contenaient  des  ordres  sangui- 
naires3. Le  bruit  courut  que  la  Mothe-Gondrin  venait 
les  mettre  à  exécution.  Le  26,  les  réformés  prirent  les 
armes  et  engagèrent  la  lutte  dans  l'intérieur  de  la  ville. 
La  compagnie  de  la  Mothe-Gondrin  fut  bientôt  débordée . 


1.  Ce  mémoire,  daté  du  2  mai,  avant  que  l'on  connût  à  la  cour 
les  événements  du  27  avril,  est  imprimé  par  La  Popelinière  (t.  I, 
p.  306)  et  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  III,  p.  384. 

2.  Lettre  du  roi  de  Navarre  au  s.  de  la  Mothe-Gondrin,  du 
28  avril;  Copie  du  temps;  Arch.  de  Lyon,  AA.  2i,  n°  125.  — 
Voyez  aussi  la  lettre  de  la  reine  de  même  date  [Lettres  de  Cathe- 
rine de  Médicis,  t.  [,  p.  299). 

3.  Cette  lettre,  écrite  au  lendemain  du  massacre  de  Vassy,  esl 
publiée  par  de  Bèze  (1881,  t.  II,  y.  402). 


184  ANTOINE   DE   BOURBON 

Dans  la  nuit  du  26  au  27  avril,  le  baron  des  Adrets  parut 
sous  les  murs  à  la  tête  d'une  armée  de  8,000  hommes, 
s'empara  d'une  des  portes,  livra  bataille  aux  troupes 
catholiques  et  les  mit  en  déroute.  La  Mothe-Gondrin 
battit  en  retraite  dans  son  logis  et  y  fut  bientôt  forcé. 
D'après  les  uns,  il  capitula  sur  la  parole  du  baron  des 
Adrets  ;  d'après  les  autres,  il  fut  pris  les  armes  à  la 
main.  Un  gentilhomme,  nommé  Jean  de  Vise  deMont- 
joux,  se  précipita  sur  lui  le  poignard  à  la  main  et  le 
frappa  dans  l'aîne  au  défout  de  la  cuirasse.  Le  cadavre 
du  lieutenant  du  roi,  traîné  dans  les  rues  aux  accla- 
mations de  la  plus  vile  multitude,  fut  pendu  aux 
fenêtres  de  la  maison  de  Gaspard  de  Saillans,  où  la 
victime  avait  perdu  la  vie1.  La  Mothe-Gondrin  avait 
longtemps  servi  en  Italie  et  dans  le  Nord  sous  les 
ordres  du  connétable  et  du  maréchal  de  Saint-André  ; 
il  était  le  compagnon  d'armes  de  presque  tous  les  capi- 
taines de  l'armée  catholique.  Sa  mort  était  une  menace 
personnelle  à  l'adresse  de  tous  les  gens  de  guerre 
fidèles  au  roi.  La  nouvelle  arriva  à  la  cour  le  3  mai2. 
Le  lendemain,  4  mai,  le  triumvirat  lança,  en  réponse 
au  manifeste  du  prince  de  Condé,  une  requête  reten- 
tissante, qui  demandait  au  roi,  sur  un  ton  impérieux, 
«  de  n'approuver,  ne  souffrir  en  son  royaume  aucune 
«  diversité  de  religion3.  »  Dans  une  seconde  déclara- 

1.  De  Thou,  i.  III,  p.  218  h  suiv.  —  Histoire  ecclésiastique, 
i.  Il,  p.  iO'i.  —  Mémoires  de  Condé,  t.  III.  p.  444.  —Le  baron  des 
Adrets  écrivil  à  la  reine,  pour  se  disculper  du  meurtre,  une  lettre 
qui  lui  imprimée  en  1562  e1  qui  se  retrouve  dans  les  Mémoiresde 

Cm,!,,  I.   III,  p.  348. 

I.  Lettre  du  roi  de  Navarre  à  Laurenl  de  Maugiron,  «lu  i  mai 
(Copie  du  temps;  Arch.  de  Lyon,  A.A.  24,  n*  lv*6). 
.:.  i  lette  pièce  importante  a  été  plusieurs  fois  imprimée,  notam- 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  185 

tion  du  même  jour,  les  triumvirs  offraient  de  se  reti- 
rer à  la  condition  que  le  prince  de  Condé  mettrait 
bas  les  armes4.  Les  deux  pièces  furent  immédiatement 
publiées,  lues  en  chaire,  placardées  dans  les  carrefours 
de  Paris  aux  applaudissements  de  la  multitude,  adres- 
sées à  toutes  les  villes,  aux  officiers  du  roi  et  aux  sou- 
verains étrangers. 

Cette  démonstration  rompit  les  pourparlers.  L'abbé 
de  Saint-Jean  revint  le  5  mai  à  Orléans  et  ne  put  dissi- 
muler l'ardeur  vindicative  des  triumvirs.  Goligny  écrivit, 
le  6  mai,  à  son  oncle  le  connétable,  avec  lequel  il  était 
en  hostilité  depuis  longtemps.  Après  lui  avoir  reproché 
de  se  laisser  traîner  à  la  remorque  de  ses  ennemis 
et  de  travailler  à  la  ruine  de  sa  propre  maison  : 
«  Toute  la  compaignie  qui  est  icy,  dit-il,  n'est  pas  déli- 
ai bérée  de  se  laisser  prendre  au  piège,  et  tout  ainsy 
«  que  l'on  ne  veult  point  donner  la  loy  à  ceulx  de 
«  l'église  romaine,  aussy  ne  veult  l'on  point  recevoir 
«  la  loy  d'eulx2.  »  Le  prince  de  Condé  répondit 
au  roi  de  Navarre  que  la  requête  du  triumvirat 
l'avait  «  tellement  diverty  de  ma  première  délibéra- 
it tion,  dit-il,  qu'il  ne  m'a  esté  possible  me  résouldre 
«  à  faire  responce  à  ce  que  leurs  Majestés  et  vous 

ment  par  La  Popelinière  (t.  I,  t'.  306)  et  dans  les  Mémoires  de 
Condé,  t.  III,  p.  388.  L'original,  signé  de  François  de  Lorraine, 
de  Montmorency  et  de  Saint-André,  est  conservé  dans  le  f.  fr., 
vol.  6611,  f.  2?/ 

1 .  dette  seconde  requête  est  imprimée  dans  les  Mémoires  de 
Condé,  1.  III.  p.  392.  L'original,  signé  des  triumvirs,  est  conservé 

le  f.  fr.,  vol.  6609,  f.  52. 

2.  La  lettre  de  Goligny  ;i  été  publiée  par  Le  Laboureur  dans 
les  Mémoires  de  Castelnau  (t.  I,  p.  7.">7i  et  dans  les  Mémoires  de 
Condé  (t.  III,  p.  '1  il  1.  L'original  est  conservé  dans  les  Ve  de  Gol- 
bert,  vol.  21,  pièce  11!. 


180  ANTOINE    DE    BOURBON 

«  m'avez  mandé 4 .  »  L'abbé  de  Saint-Jean  porta  cette 
lettre,  le  9  mai,  à  Paris  et  repartit  le  lendemain2  avec 
un  billet  de  la  reine,  qui  informait  Gondé  que  le  roi 
ne  permettrait  pas  au  triumvirat  de  quitter  la  cour3. 
L'amiral  signifia  au  nom  de  son  parti  que  la  prétention 
des  triumvirs  de  supprimer  le  protestantisme  en 
France  équivalait  à  une  déclaration  de  guerre  à  mort*. 
L'évèque  de  Valence,  qui  se  tenait  de  sa  personne  à 
Orléans,  afin  de  faire  mouvoir  les  intrigues  dont  il  avait 
le  secret,  écrivit  à  la  reine  que  les  chefs  huguenots 
étaient  devenus  intraitables,  que  «  tout  le  mal  procé- 
«  doit  d'un  double  de  requête  qu'on  disoit  avoir  été 
«  présentée  par  MM.  de  Guise,  connétable  et  maréchal 
«  de  Saint-André,  »  et  demanda  à  la  reine  de  mettre 
fin  à  sa  mission5.  L'abbé  de  Saint-Jean  revint  le  12  à 
Paris  et  rapporta  à  la  cour  de  nouvelles  récriminations 
contre  le  triumvirat,  qui  rajeunissaient  l'ancienne  fable 
de  la  captivité  du  roi6. 

Cette  calomnie,  popularisée  par  le  parti  huguenot, 
faisait  le  tour  du  royaume.  La  délivrance  du  roi 
était  le  mot  d'ordre  des  rebelles.  Le  bruit  s'était 
répandu  que  les  triumvirs  avaient  séparé  le  roi  de  sa 
mère  et  l'avaient  enfermé  dans  une  chambre,  où  il 

1.  Original,  daté  du  S  mai  1562;  i".  fr.,  vol.  6607,  f.  20. 

2.  Journal  de  1502  dans  la  Revue  rétrospective,  i.  V,  p.  103. 

3.  La  lettre  «le  la  reine,  datée  du  9,  est  dans  Lettres  de  Cathe- 
rine de  Màlicis,  l.  I,  p.  oO'.l. 

i.  Cette  lettre  esl  publiée  par  le  e.nnue  Delabonle,  Goligny, 
t.  Il,  i».  102. 

f,.  Original,  daté  du  11  mai  1562;  f.  fr.,  vol.  0007,  f.  23. 

0.  Journal  de  1.">02  dans  la  Revue  rétrospective,  [.  V,  p.  104.  — 
Lettre  du  prince  de  Gondé  à  la  reine,  du  H  mai  1562.  Cette  lettre 
appartenait  à.  M.  Ratherj  el  figure  sur  le  catalogue  de  vente  de 
ses  autographes  sous  le  u"  778. 


ET   JEANNE   D'ALBRET.  187 

pleurait  sans  cesse,  «  disant  qu'il  voulait  être  sous  la 
«  tutelle  de  sa  mère  et  non  d'aucune  autre  personne1 .  » 
On  conseilla  à  Catherine  de  conduire  le  roi  hors  de 
Paris,  afin  de  prouver  à  tous,  amis  et  ennemis,  que  la 
famille  royale  n'était  pas  retenue  sous  les  verrous  du 
triumvirat2.  Le  12  mai,  la  cour  se  rendit  à  Meudon  et 
prit  part  à  une  fête  offerte  par  le  cardinal  de  Lor- 
raine3. Le  13,  la  reine  partit  pour  Monceaux-en-Brie 
avec  les  cardinaux  de  Bourbon  et  de  Ferrare,  le  prince 
de  la  Roche-sur-Yon,  tous  les  Lorrains,  le  connétable, 
le  maréchal  de  Saint-André  et  le  chancelier4.  Mon- 
ceaux était  une  habitation  de  plaisance,  que  la  reine 
aimait  à  cause  de  ses  jardins.  Les  princes  et  les  sei- 
gneurs s'y  établirent  difficilement,  les  uns  dans  le  châ- 
teau, les  autres  dans  des  maisons  particulières.  Mais 
la  crainte  de  laisser  la  reine  à  ses  anciennes  inspira- 
tions rendait  les  triumvirs  peu  exigeants  sur  le  choix 
du  logis5.  Le  roi  de  Navarre,  le  connétable  et  les  Guises 
furent  bientôt  rappelés  à  Paris  par  les  soins  de  leurs 
armements6.  Le  18,  le  roi  de  Navarre,  informé  par  le 
secrétaire  Bourdin  que  la  reine  était  malade  «  d'un  flux 
«  de  ventre  qui  lui  donne  un  mauvais  goust  à  la  bou- 

1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  6  avril  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  21). 

2.  Lettre  de  Chantonay,  du  19  et  du  28  mai,  à  Philippe  II, 
(Orig.  espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  nos  33  et  36).  —  Lettre  du 
même  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  41.  —  Négoc.  du  card. 
de  Ferrare,  p.  198. 

3.  Journal  de  1562  dans  la  lierue  rétrospective,  t.  V,  p.  !04. 

4.  Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  104.  — 
Lettre  de  Sainte-Croix  dans  les  Archives  curieuses,  t.  VI,  p.  99. 

5.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  19  mai  L562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  '1497,  n°  33). 

I).  Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  Y,  p.  106. 


188  ANTOINE    DE    BOURBON 

«  che1,  »  revint  en  poste  à  Monceaux2.  La  reine  était 
déjà  rétablie  et  avait  écrit  au  connétable  que  «  les  enfans 
«  et  la  mère  faisaient  très  bonne  chère3.  »  Le  20  mai,  le 
prince  repartit  pour  Paris,  où  régnait  une  agitation 
dangereuse.  L'absence  du  roi  et  de  la  reine  mère  était 
une  cause  de  terreur  pour  la  ville*.  Catherine  s'ex- 
cusa au  parlement  d'avoir  emmené  le  roi  à  Monceaux, 
«  parce  qu'il  estoit  nécessaire  de  luy  faire  changer  d'air 
«  pour  le  bien  de  sa  santé  et  afin  aussy  de  donner  à 
«  connoître  à  chacun,  dit-elle,  que  nous  ne  sommes 
«  point  prisonniers  comme  aucuns  l'ont  voulu  dire5.  » 
La  reine  espérait  que  les  huguenots  diminueraient 
leurs  exigences  en  apprenant  qu'elle  n'était  plus  sous  la 
pression  du  duc  de  Guise.  Elle  se  flattait  d'exercer  de 
Faction  sur  le  prince  de  Gondé  et  le  prince  lui- 
même  n'épargnait  ni  égards  ni  serments  pour  entre- 
tenir cette  illusion.  Quelques  jours  auparavant, 
elle  l'avait  prié  de  sauver  du  pillage  les  haras  de 
Meung-sur-Loire,  où  le  roi,  depuis  le  règne  de  Henri  II, 
entretenait  une  écurie  de  chevaux  de  prix.  Condé 
lui  répondit  le  11  mai  :  «  Tant  s'en  fault,  Madame, 
«  que ,  non  -  seulement  en  cella  mais  en  moindre 
«  chose,  je  voulsisse  souffrir  qu'il  fust  en  rien  entre- 
«  prins,   il  n'y   aura   personne  en    ma   trouppe  qui 


t.  Lettre  de  Bourdin  au  roi  de  Navarre,  du  17  mai  1562  (Orig., 
f.  fr.,  vol.  15876,  f.  63). 

2.  Lettre  de  Ghantonay,  du  19  mai,  dans  les  Mém  '  'es  de  Condé, 
t.  11,  i».  il. 

3.  Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  I,  p.  317. 

'i.  Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  i.  V,  p.  106.  — 
Anvt  du  21  mai  [Mémoires  de  Gondé}  t.  111.  p.  i49  el  150).  — 
Lettre  de  Ghantonay  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  43. 

5.  Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  1,  p.  321. 


ET   JEANNE    d'aLBRET.  189 

«  contreviegne  à  voz  commandements1.  »  Convaincue 
de  son  influence,  la  reine  reprit  les  négociations  en 
son  nom  personnel.  Villars  et  Vieilleville,  deux  capi- 
taines du  plus  haut  rang,  furent  députés  à  Orléans  avec 
des  propositions  nouvelles2  :  les  triumvirs  quitteraient 
la  cour  sans  attendre  le  licenciement  de  l'armée  hugue- 
note; les  forces  du  roi  resteraient  entre  les  mains  du 
roi  de  Navarre,  qui  ne  pouvait  être  suspect  aux  com- 
pagnons d'armes  du  prince  de  Condé3.  L'armée  pro- 
testante accueillit  les  deux  ambassadeurs  par  des 
railleries.  Le  s.  de  la  Mothe,  capitaine  des  aven- 
turiers, écrit  à  un  de  ses  coreligionnaires  :  «  Hier 
«  sont  arrivés  le  comte  de  Villars  et  de  Vieilleville 
«  pour  une  paix  fourrée,  c'est  que  les  s.  du 
«  triumvirat  partiront  de  la  cour,  mais  les  forces 
«  demeureront  entre  les  mains  du  roi  de  Navarre.  Par 
«  ainsi,  nos  forces  dissipées,  nos  ennemis  reviendront 
«  incontinent  et  puis  grand  chère  de  nos  têtes.  Mais, 
«  Dieu  merci,  ils  ont  affaire  à  des  entendeurs4.  »  Condé 
répondit  officiellement  qu'il  ne  déposerait  les  armes 
que  si  les  églises  jouissaient  de  toute  liberté5,  et  les 

1.  F.  fr.,  vol.  GG07,  f.  21.  Malgré  ces  protestations,  le  prince 
de  Condé  s'empara  du  haras  de  Meung  et  y  prit  vingt-deux 
étalons  qui  servirent  à  monter  ses  capitaines  (Brantôme,  t.  IX, 
p.  348). 

2.  Lettre  de  la  reine  au  parlement,  du  21  mai  Mcmoùrs  de 
Condé,  t.  III,  p.  U'.'i.  —  Lettre  de  la  même  au  roi  de  Navarre 
{Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  I,  p.  314). 

3.  L'instruction  confiée  à  Villars  et  à  Vieilleville  a  échappé 
aux  recherches  de  Secousse.  Elle  est  conservée  dans  la  coll. 
Brienne,  vol.  205,  f.  459. 

4.  Lettre  du  capitaine  La  Mothe,  du  21  mai  (Copie  du  temps; 
1.  fr.,  vol.  10190,  f.  173). 

5.  Lettre  de  Condé  à  la  reine,  du  ?"2  mai  1562  (Copie  du  temps; 


190  ANTOINE    DE   BOURBON 

deux  négociateurs  s'en  retournèrent  le  26  mai  à  Paris 
avec  cet  ultimatum1.  Les  seigneurs,  réunis  à  Orléans 
sous  le  commandement  du  prince,  confirmèrent  par 
un  acte  collectif  la  déclaration  de  leur  chef2.  Le 
cardinal  de  Chastillon  écrivit  à  la  reine  qu'il  n'avait 
pu  tempérer  leurs  exigences3.  Chaque  parti  offrait 
de  poser  les  armes,  mais  nul  ne  se  souciait  de 
donner  l'exemple  dans  la  crainte  d'être  accablé  par 
l'ennemi.  Peut-être  étaient-ils  également  fondés  dans 
leurs  soupçons.  Tout  se  préparait  à  la  guerre,  dit  de 
Bèze,  mais  «  on  ne  laissoit  de  plaider  par  escrit,  fust 
«  qu'une  partie  taschat  d'endormir  l'autre,  fust  que 
«  quelques-uns  taschassent  à  la  vérité  de  pacifier  ces 
«  troubles  par  quelque  bon  et  doux  moyen4.  » 

Pendant  que  la  reine  était  à  Monceaux,  le  prince 
de  Gondé  avait  répondu  le  1 9  mai  à  la  requête  du 
triumvirat.  Son  manifeste,  plus  développé  que  les  pré- 
cédents, n'est  pas  seulement  un  réquisitoire  contre  les 
actes  du  parti  catholique  ;  il  anathématise  la  direction 
donnée  à  l'éducation  du  roi,  l'usurpation  des  triumvirs, 
la  bassesse  des  Guises  devant  le  nonce  et  l'ambassadeur 
d'Espagne,  leurs  violences  à  Paris,  la  trahison  dont  ils 
s'étaient  rendus  coupables  au  profit  de  Philippe  II  vis- 


coll.  Brienne,  vol.  ".'05,  f.  494).  Cette  lettre  est  une  répétition  des 
précédentes.  —  Journal  de  Bruslard  dans  les  Mémoires  de  Condé, 
t.  I,  p.  86.  —  Lettre  de  Tornabuoni  (Ncgoc.  île  la  France  avec  la 
Toscane,  t.  III,  p.  'iTTL 

1.  Journal  de  I.M1;'  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  108. 

2.  La  réponse  de  la  noblesse  est  dans  les  Mémoires  de  Gondé, 
i    m,  p.  ï;,s. 

3.  heure  datée  du  22  mai  (Delaborde,  Coïigny,  t.  II,  p.  574). 

4.  Histoire  ecclésiastique,  loc.  cit. 


ET    JEANNE    d'aLBRET.  191 

à-vis  du  roi  de  Navarre1.  Ce  factum  ne  paraît  rédigé 
ni  par  de  Bèze  ni  par  les  secrétaires  ordinaires  du 
prince  de  Gondé.  On  pressent  un  rédacteur  plus  habi- 
tué aux  secrets  de  la  haute  politique  et  mieux  informé 
de  la  mystérieuse  ambition  de  la  maison  de  Guise.  Le 
cardinal  de  Ferrare  dit  que  le  manifeste  fut  attribué  à 
l'évêque  de  Valence 2,  et  cette  attribution  a  d'autant  plus 
de  fondement  que  l'évêque  était  en  ce  moment  même  à 
Orléans3.  Le  prince  adressa  sa  déclaration  au  parlement 
de  Paris,  qui  refusa  de  la  recevoir  et  la  renvoya  au  roi. 
Il  l'adressa  aussi  à  la  reine  en  la  suppliant  «  de  la  faire 
«  attentivement  lire  devant  elle4.  » 

La  réponse  du  prince  de  Condé  à  la  requête  du 
triumvirat  fut  reçue  comme  une  déclaration  de  guerre. 
«  Il  ne  fut  plus  question,  dit  de  Bèze,  de  débattre  par 
«  écrit,  mais  fut  résolu  de  sortir  de  Paris  et  de  faire  la 
«  guerre5.  »  L'ardeur  belliqueuse  des  religionnaires, 
entretenue  par  les  nouvelles  qui  arrivaient  coup  sur 
coup  à  Orléans,  poussait  Condé  à  prendre  une  revanche 
éclatante  des  massacres  de  Vassy  et  de  Sens.  Son  pre- 
mier exploit  fut  de  piller  les  églises  d'Orléans.  Les 

1.  Cette  pièce  est  imprimée  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  III, 
p.  395. 

2.  Lettre  du  20  mai;  Négoc.  du  card.  de  Ferrare,  p.  197. 

3.  L'évêque  de  Valence  était  encore  à  Orléans  le  21  mai  (Lettres 
de  ce  personnage  aux  consuls  de  Valence  et  à  l'abbé  de  Malloc  ; 
Copies  du  temps;  f.  fr.,  vol.  10190,  f.  163). 

4.  Lettre  de  Condé  au  Parlement  [Mémoires  de  Condé,  t.  III, 
p.  417).  —  Arrêt  du  Parlement  (Ibid.,  p.  446).  L'arrêt  du  Parle- 
ment porte  la  date  du  14  mai  par  erreur.  —  Autre  arrêt  du  Par- 
lement du  26  mai  (Ibid.,  p.  418).  —  Procès-verbal  de  Jean  du 
Tillet  (Ibid.,  p.  446).  —  Lettre  de  Condé  à  la  reine  (Ibid.,  p.  416). 

5.  Histoire  ecclésiastique,  1840,  t.  II,  p.  46. 


192  ANTOINE    DE   BOURBON 

restes  de  saint  Agnan,  premier  évêque  de  la  ville  au 
Ve  siècle,  les  reliques  des  églises,  le  cœur  de  Fran- 
çois II,  enseveli  dans  le  chœur  de  la  cathédrale  Sainte- 
Croix,  furent  brûlés  et  jetés  au  vent  ;  les  châsses  des 
saints ,  les  vases  précieux ,  les  ornements  d'or  et 
d'argent  fondus  au  profit  de  l'armée.  Les  églises 
des  environs  n'échappèrent  pas  aux  fanatiques. 
L'oratoire  de  Notre-Dame  de  Cléry,  célèbre  par 
la  dévotion  de  Louis  XI,  la  chapelle  sépulcrale  des 
seigneurs  de  Longueville ,  descendants  du  grand 
Dunois,  furent  saccagés  de  fond  en  comble  ;  le  mau- 
solée de  Louis  XI  détruit,  les  tombeaux  violés,  les 
monuments  brûlés  ' .  Théodore  de  Bèze  raconte  ces 
crimes  en  termes  pleins  d'indulgence.  «  Le  21  avril, 
«  quelques  églises  se  trouvèrent  avoir  esté  ouvertes  la 
«  nuit  et  quelques  images  abbattues,  et  de  là  en  avant 
«  il  n'y  eust  ordre  de  pouvoir  empescher  qu'en  moins 
«  de  rien  il  ne  s'en  fit  une  merveilleuse  exécution, 
«  combien  que  le  prince,  avec  l'admirai  et  autres  de 
«  leur  suite,  accourans  au  grand  temple  Sainte-Croix, 
«  y  donnassent  coups  de  baston  et  d'espée2.  » 

Le  pillage  d'Orléans  fut  un  signal  pour  les  hugue- 
nots de  France.  Dans  les  villes  du  royaume,  partout  où 

1.  Sur  le  pillage  des  églises  d'Orléans  voyez  l'ouvrage  de 
Claude  de  Sainctes,  Discours  sur  le  saccagement  des  églises  catho- 
liques, l."ili;\  peut  iu-S°,  réimprimé  en  partie  dans  les  Archives 
curieuses,  i.  IV,  p.  359.  C'est,  un  livre  très  passionné,  mais  auquel 
le  nom  de  l'auteur  donne  du  crédit.  —  Voyez  aussi  le  récil  de 
['Histoire  françoise  de  noslrc  temps,  attribuée  à  Piguerre,  in-fol., 
1581,  t.  1,  f.  106.  —  Voyez  au>si  les  Mémoires  de  Claude  Haton, 
i.  1,  p.  250.  —  En  racontanl  ces  pillages,  Tornabuoni  ne  peut, 
dissimuler  son  horreur  (Lettre  du  6  juillet  1562;  Nègoc.  de  lu 
France  avec  la  Toscane,  t.  III,  p.  i88). 

;!.  Histoire  ecclésiastique,  1881,  I    t,  p.  506. 


ET   JEANNE    d'aLBRET.  193 

ils  se  sentaient  les  plus  forts,  à  Caen,  au  Mans,  à  Rouen, 
ils  se  ruaient  sur  les  églises  et  sur  les  monastères,  sur 
les  autels  et  sur  les  tombeaux  avec  une  rage  qui 
excuse  les  représailles  de  leurs  ennemis.  La  plupart  des 
historiens  huguenots  justifient  ces  actes  de  barbarie  ou 
les  passent  sous  silence.  Cependant  les  chefs  en  rougis- 
saient1. Calvin  accuse  ses  propres  ministres  de  com- 
plicité2. «  Encore  n'étoit-ce  pas  assez  si  on  eust  couru 
«  les  champs  pour  lever  butin  et  pillage  des  vaches  et 

«  autre  bestial Insolence  dont  ceux  qui  se  vantent 

«  d'estre  ministres  de  la  parole  de  Dieu  n'ont  point  eu 
«  honte  de  se  mêler.  Maintenant  ces  vieilles  plaies 
«  nous  ont  été  rafraîchies  quand  nous  avons  ouï  que 
«  les  rapines  que  l'on  avoit  tirées  de  Saint-Jean  ont 
«  été  exposées  en  vente  au  dernier  offrant  et  despé- 
«  chées  pour  1 1  %  écus,  mesme  qu'on  a  promis  aux 
«  soudarts  de  leur  en  distribuer  à  chacun  sa  por- 
«  tion3.  »  Ni  prince,  ni  seigneur,  ni  capitaine,  ni 
ministre  n'avait  le  courage  de  s'opposer  aux  vio- 
lences des  bas  sectaires  du  parti.  Le  23  mai,  Condé 
et  Coligny  commandent  au  baron  des  Adrets  de 
tempérer  par  humanité  les  rigueurs  de  la  guerre 
civile4.  Deux  jours  après,   le   %'ô  mai,  le  prince  de 

1 .  Voir  la  lettre  de  de  Bèze  àla  reiae  de  Navarre,  du  1?  mai  1562 
[Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  359).  Cette  lettre  est  datée  de  1561, 
mais  ne  peut  être  que  de  1562. 

2.  La  ville  d'Orléans  était  le  refuge  de  tous  les  ministres  fugi- 
tifs. Le  25  avril  eut  lieu  le  troisième  synode  national  sous  la  pré- 
sidence de  Antoine  de  Ghandieu  (Haag,  La  France  prolestante, 
t.  X,  p.  58). 

3.  Lettres  de  Calvin,  ledit.  Bonnet,  t.  II,  p.  467. 

4.  Ces  deux  lettres  sont  publiées  par  le  comte  Delaborde  [Coli- 
gny, t.  II,  p.  112  et  113). 

IV  13 


194  ANTOINE   DE   BOURBON 

Gondé  donne  officiellement  commission  à  La  Roche- 
foucault,  Gcnlis  et  autres  capitaines  de  saisir  les  lingots 
d'or  et  d'argent  qui  provenaient  des  châsses  de  Saint- 
Martin  de  Tours  et  des  autres  églises  de  la  ville1. 
Quatre  jours  après,  un  des  lieutenants  de  Gondé,  usur- 
pateur du  gouvernement  de  Ghinon,  le  s.  de  Graon, 
s'empare  au  même  titre  du  trésor  de  l'église2.  La 
profanation  des  tabernacles  devient  le  mot  d'ordre  des 
capitaines  huguenots.  Les  vases  sacrés  étaient  saisis  et 
les  reliques  jetées  à  la  voirie.  «  Quant  aux  reliques, 
«  écrit  le  capitaine  La  Mothe,  nous  en  avons  fait  de 
«  beaux  écus  au  soleil.  Je  crois  qu'il  y  aura  plus  de 
«  quatre  ou  de  cinq  cens  mille  francs3.  » 

Les  évèques,  les  prêtres,  les  moines,  qui  refusaient 
d'abjurer,  tombaient  sous  les  coups  des  factieux  quand 
ils  n'avaient  pu  trouver  leur  salut  dans  la  fuite.  A 
Orléans,  dit  de  Bèze,  le  lendemain  de  l'arrivée  de 
l'armée  huguenote,  malgré  les  promesses  du  prince  de 
ne  pas  troubler  leurs  offices,  la  plupart  des  prêtres 
sortirent  de  la  ville4.  Les  autres  furent  victimes  de 
leur  confiance.  Claude  llaton  raconte  avec  d'horribles 
détails    le    supplice   du    curé   de  Saint-Paterne.    Le 

1.  Commission  du  prince  do  Gondé,  du  25  mai  (Gervaise,  Vie 
de  saint  Mari  in,  1699,  p.  415).  —  Voyez  surtout  le  Procès-verbal 
du  pillage  de  Saint-Martin,  in-8°,  181)3,  publié  pur  M.  Grandmai- 
son.  De  Bèze  énumère  une  partie  de  ces  reliques  (Hist.  ccclés., 
1881,  t.  II,  p.  129). 

2.  Ordre  du  s.  de  Graon  daté  du  29  mai  [Mémoires  de  Gondé, 

i.  m,  p.  47i). 

;!.  Lettre  du  cap.  La  Motte  au  s.  Holbrac  (Copie  du  temps; 
f.  fr.,  vol.  10190,  l.  173).— Une  lettre  évalue  à  plus  de  300,000  écus 
li'  butin  ramassé  dans  les  églises  (Lettre  anonyme  sans  date; 
copie  du  temps;  I'.  fr.,  vol.  20153,  t.  95). 

•'i.  Histoire  ecclésiastique,  1881,  t.  1,  p.  506. 


ET   JEANNE    d'aLBRET.  195 

malheureux  était  resté  caehé  dans  la  ville  et  y  célébrait 
secrètement  la  messe.  Arrêté  et  livré  aux  soldats,  il 
fut  pendu  comme  séditieux  en  présence  du  prince  de 
Condé  et  de  Goligny1.  Plusieurs  autres  prêtres  furent 
«  tués  par  pandaison,  coups  de  hallebardes,  laissés 
«  mourir  de  faim,  sciés  et  fendus  avec  des  cordes, 
«  brûlés  à  petits  feux2.  » 

Les  prélats  du  plus  haut  rang  n'échappaient  que 
par  le  nombre  de  leurs  gardes  au  supplice  des 
pauvres  prêtres.  Le  roi  de  Navarre  avait  mandé  à  la 
cour  le  cardinal  Georges  d'Armagnac3.  Le  cardinal 
n'osa  se  mettre  en  route  qu'après  avoir  réuni  une 
nombreuse  compagnie.  A  chaque  ville,  presque  à 
chaque  étape,  capitaines,  gens  d'armes  et  de  pied 
s'ajoutaient  à  sa  suite.  Lorsqu'il  approcha  de  Paris, 
son  cortège  ressemblait  à  une  armée.  Partout  il  trou- 
vait les  villages  sous  les  armes.  «  Arrivant  à  Villeneuve- 
ce  Saint-Georges,  fut  sonné  le  tocsin,  pensant  que  son 
«  train  fut  une  troupe  de  huguenots,  ce  qui  lui  fut  fait 
«  en  plusieurs  villages.  Et  estoit  contraint  d'envoyer 
«  un  homme  au-devant  pour  dire  et  déclarer  qui  il 

\.  Goligny,  sur  un  ton  dégagé,  écrit  à  d'Andelot  le  3  août  : 
«  Le  curé  de  Saint-Paterne  a  esté  trouvé  caché  dans  ceste  ville, 
«  faisant  des  pratiquer,  quia  esté  pendu  eu  la  place  du  Martroy.  » 
(Kervyn  de  Lettenhove,  Documents  inédits  relatifs  à  l'histoire  du 
XVI6  siècle,  p.  9,  in-8°,  1883.) 

2.  Mémoires  dr  Claude  Haton,  t.  I,  p.  250  et  suiv.  —  Claude  de 
Sainctes,  Discours  sur  le  saccagement  des  églises  catholiques  dans 
les  Archives  curieuses,  t.  IV,  p.  359.  —  Théâtre  des  cruautés  des 
hérétiques  dans  le  même  recueil,  t.  VI,  p.  299.  —  Ces  récits  con- 
tiennent des  détails  invraisemblables,  mais  sont  dignes  de  créance 
pour  le  fond. 

3.  Le  cardinal  d'Armagnac  était  à  Villefranche  de  Rouergue 
avec  Burie  et  Monluc  (Commentaires  de  Monluc,  t.  11,  p.  381). 


196  ANTOINE   DE   BOURBON 

«  estoit.  Mais  pourtant  il  ne  pouvoit  faire  que  les 
«  villages  ne  s'assemblassent  pour  voir  et  connoître 
«  qui  il  estoit  ' .  » 

L'évêque  de  Poitiers,  Charles  d'Escars,  un  des  favo- 
ris du  roi  de  Navarre,  courut  plus  de  dangers. 
Il  fut  arrêté  par  la  compagnie  du  s.  de  Mouy,  conduit 
à  Orléans  et  jeté  en  prison.  «  J'oubliois  à  vous  mander, 
«  écrit  Antoine  à  la  reine,  que  ceulx  d'Orléans  ont  prins 
«  l'évesque  de  Poitiers,  frère  de  M.  d'Escars,  comme  il 
«  me  venoit  trouver,  qui  est  une  terrible  façon  de  faire. 
«  Je  vous  supplie  très  humblement,  Madame,  leur  en 
«  vouloir  escripre,  comme  je  fais,  de  ma  part,  à  ce 
«  qu'ils  ayent  à  le  laisser  aller2...  »  On  agitait,  dans  le 
parti  huguenot,  de  supplicier  cet  évêque  inoffensif 
ou  au  moins  de  le  retenir  jusqu'à  la  paix,  quand  on 
observa  que  les  enfants  du  prince  de  Condé  étaient 
sans  défense  en  Picardie.  «  Quant  aux  ecclésiastiques, 
«  écrit  La  Mothe,  on  ne  peut  faire  ce  que  mandés  seu- 
«  lement  pour  un  inconvénient  merveilleux,  qui  est 
«  que  les  enfans  de  Monseigneur,  excepté  l'aisné,  sont 
«  tous  à  Muret,  et  que  l'on  les  peut  prendre  et  mal- 
«  traiter.  Sans  cela,  M.  de  Mouy,  qui  avoit  pris  l'évêque 
«  de  Poictiers,  frère  d'Escars,  ne  l'eust  laissé  aller3.  » 

La  nouvelle  des  armements  du  prince  de  Condé 
arrivait  chaque  jour  à  la  cour,  amplifiée  par  la 
crainte  générale  et  par  les  amis  du  prince.  Il  ne  res- 
tait au  parti  catholique  qu'à  opposer  les  armes  aux 
armes.  Dans  les  rangs  des  jeunes  courtisans,  la  guerre 

1.  Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  107. 
V.  Minute  originale  de  mai  1562  (F.  fr.,  vol.  15876,  f.  60). 
3.  Lettre  du  s.  La  Motte,  capitaine  d'aventuriers,  au  s.  Hol- 
brac,  du  21  mai   1562  (Copie  du  temps;  t.  IV.,  vol.  10190,  f.  173). 


ET    JEANNE    d'aLBRET.  197 

civile  prenait  chaque  jour  plus  de  faveur.  «  On  ne  parle 
«  plus  que  de  guerre,  écrit  Etienne  Pasquier  le  6  avril, 
«  chacun  fourbit  son  harnois.  Le  chancelier  s'en  con- 
«  triste.  Tous  les  autres  y  prennent  plaisir.  Dulce  bel- 
ce  lum  inexpertis1.  » 

Le  génie  d'organisation  du  duc  de  Guise  était  aussi 
bien  à  la  hauteur  de  sa  tâche  que  celui  de  Coligny. 
Dès  les  premiers  jours  du  règne  de  Charles  IX, 
il  avait  prévu  que  l'épouvantable  drame,  noué 
par  les  «  muguets  »  de  la  cour  en  chantant  les 
psaumes  de  Alarot,  aboutirait  à  une  conflagration 
générale.  Les  réformés  étaient  mieux  préparés,  mais 
les  catholiques  étaient  plus  nombreux2.  Le  %  avril, 
par  ordre  du  roi,  au  premier  bruit  de  la  marche  de 
Condé  sur  Orléans,  la  ville  de  Chartres  fut  avertie  de 
se  tenir  en  défense3.  Le  11,  le  roi  de  Navarre  et 
les  triumvirs  visitèrent  les  abords  de  Paris  et  firent 
élever  des  tranchées  sur  le  chemin  d'Orléans4.  Le 
duc  de  Guise  réunit  une  nombreuse  artillerie.  Vingt 
pièces  arrivèrent  de  Compiègne 5.  Il  leva  aux  environs 
de  la  ville  «  force  terraillons  »  pour  les  traîner6. 
Le  %%,  le  roi,  suivi  de  la  cour,  soupa  à  l'arsenal, 
visita  ses  canons  et  les  fit  tirer.  «  M.  de  Ronsard  et 

1.  Lettres  d'Etienne  Pasquier  dans  les  OEuvrcs  complètes,  t.  II, 
col.  96,  lettre  XV. 

2.  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  du  11  avril  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  22). 

3.  Merlet,  Lettres  des  rois  de  France,  p.  50.  Cette  lettre  est  mar- 
quée comme  étant  du  11,  mais  (die  ne  peut  être  que  du  2  avril, 
car  elle  est  datée  de  Melun. 

4.  Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  95. 

5.  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  du  28  avril  1562  (Orig. 
espagnol  ;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  26). 

6.  Journal  de  1562  dans  la  Ikv ue  rétrospective,  t.  V,  p.  99. 


198  ANTOINE    DE    BOURBON 

«  moy,  dit  un  chroniqueur  anonyme,  pensasmes  y 
«  perdre  les  oreilles1.  »  Le  connétable  porta  à 
300  hommes  les  quinze  compagnies  de  gens  de  pied 
chargés  de  la  garde  de  Paris  et  les  organisa  pour  entrer 
en  campagne2.  Le  27  avril,  il  présida,  au  Pré-aux- 
Clercs,  sur  les  bords  de  la  Seine,  une  montre  de  douze 
enseignes  de  gens  de  pied.  La  foule  se  pressait  sur 
les  pas  des  chefs  catholiques  et  les  accompagnait  de 
ses  acclamations.  Pendant  la  durée  de  la  montre,  le 
peuple  curieux  fut  témoin  d'un  spectacle  qui  dut 
refroidir  son  enthousiasme.  La  Seine  charriait  des 
cadavres  ;  «  et  estoient  ceux  que  les  papistes  avoient 
«  tués  et  jetés  dans  la  rivière  à  Sens  en  Bourgogne3.  » 
Le  trésor  du  roi  était  vide,  malgré  les  emprunts 
volontaires  et  forcés  que  les  officiers  de  finances  men- 
diaient à  toutes  les  portes.  Le  cardinal  de  Ferrare  cite 
un  exemple  curieux  de  cette  détresse,  il  eut  l'impru- 
dence de  dire  à  la  cour  qu'il  désirait  envoyer  une 
somme  de  deux  mille  écus  à  Fabricio  Serbelloni,  neveu 
du  pape,  à  Avignon.  Aussitôt  la  reine  et  le  duc  de 
Guise  le  supplièrent  de  confier  cette  somme  au  s.  de 
Suse,  que  le  triumvirat  envoyait  en  Dauphiné.  En  vain 
le  cardinal,  prévoyant  que  l'argent  n'arriverait  pas  à 
son  adresse,  résista  aux  instances.  Il  fut  obligé  de 
l'émettre  la  moitié  de  cette  somme  et  signa  une  lettre 

\ .  Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  99.  — 
Malgré  nos  recherches,  nous  n'avons  pu  percer  l'anonyme  de  ce 
chroniqueur.  La  phrase  citée  ci-dessus  es1  la  se:1"  qui  puisse 
aidera  découvrir  sa  personnalité.  G'étail  probablement  un  des 
hommes  de  letl  res  qui  suivaienl  la  cour. 

2.  Lettre  de  Chantônay  à  Philippe  II,  du  s  avril  1562  (Orig. 
espagnol  ;  Arch.  nal .,  K.  I  i'.»7,  n°  21 1. 

3.  Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  100. 


ET   JEANNE    DALBRET.  199 

de  change  pour  l'autre  moitié1.  Le  connétable,  chargé 
de  demander  au  nonce  un  don  de  deux  cent  mille 
écus,  fit  valoir  que  la  cour  romaine  était  aussi  inté- 
ressée que  le  roi  d'Espagne  au  triomphe  des  catho- 
liques. Le  cardinal  de  Sain  te -Croix  reçut  froidement 
la  requête.  Mais  le  connétable  et  la  reine  pressèrent 
tellement  le  nonce  qu'il  promit,  au  nom  du  pape, 
«  tout  le  secours  qu'il  luy  seroit  possible2.  »  En 
attendant,  Pie  IV  adressa  à  la  reine  mère,  au  conné- 
table et  au  duc  de  Guise  plusieurs  lettres  d'encou- 
ragement3. Plus  tard,  il  envoya  par  lettre  de 
change  100  mille  écus  en  pur  don  et  prêta  les 
1 00  mille  autres,  à  la  condition  que  le  roi  rétablirait 
la  religion  catholique,  punirait  les  hérétiques  et 
chasserait  le  chancelier  de  la  cour.  Cette  dernière 
clause  déplut  à  la  reine.  Elle  écrivit  au  pape  que,  «  s'il 
«  aimait  véritablement  le  roi,  il  ne  devait  pas  impo- 
«  ser  de  telles  exigences.  »  Cependant,  elle  accepta 
les  200  mille  écus4.  Le  duc  de  Savoie,  poussé  par  sa 
femme,  Marguerite  de  France,  et  par  le  désir  de  plaire 
à  la  reine,  promit  10,000  Italiens  qu'il  se  réservait 
d'employer  en  Provence  au  mieux  de  ses  intérêts5. 

1.  Nègoc.  du  card.  de  Ferrare,  p.  128  et  201. 

2.  Lettre  de  Sainte-Croix  dans  les  Archives  curieuses,  t.  VI, 
p.  86.  —  Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  100. 
—  Querelle  entre  le  roi  de  Navarre  et  le  connétable  au  sujet  de 
cet  emprunt  [Négoc.  du  card.  de  Ferrare,  p.  223).  —  Journal  de 
Bruslard  dans  les  Mémoires  de  Condè,  t.  I,  p.  84. 

3.  Annal.  Rainaldi,  t.  XXI,  ann.  1562,  nos  142,  143  et  156. 

4.  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  du  30  juin  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1198,  n°  6).  —  Lettre  anonyme  ans 
date  (lin  juin)  (f.  fr.,  vol.  20153,  f.  95). 

5.  Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective ,  t.  V,  p.  100.  — 
Négoc.  du  card.  de  Ferrare,  p.  14!).  —  Le  duc  de  Savoie  fut  assez 


200  ANTOINE   DE   BOURBON 

Le  duc  de  Guise  n'avait  pas  attendu  l'échec  des 
négociations  pour  rechercher  des  alliances.  A  la  fin  de 
mars,  au  commencement  d'avril,  il  avait  demandé  au 
duc  de  Wurtemberg  l'exécution  des  promesses  scel- 
lées à  Saverne.  Mais  le  prince  allemand  était  fort 
refroidi  depuis  la  catastrophe  de  Vassy.  Il  écrivit  au 
duc  de  Guise  de  permettre  aux  pauvres  fidèles  et 
chrétiens  «  le  prêche  et  ouïe  de  la  parole  de  Dieu,  et 
«  de  ne  souffrir  qu'ils  soient  doresnavant,  comme 
«  jusques  à  présent,  mis  en  proie  et  pillage  d'un  cha- 
«  cun1.  »  Le  duc  lui  répond,  le  10  avril,  de  ne  pas 
«  ] (rendre  offence  »  des  nouvelles  de  Vassy  :  «  Vous 
«  jugerez,  s'il  vous  plest,  et  tous  princes  vertueux  et 
«  bien  nez,  que  d'offendre  il  est  blâmé  et  permis  de  se 
«  défendre,  mesmement  uzant  de  toutes  les  pas- 
«  siences  que  l'on  peut2.  »  Le  15  avril,  le  duc  de 
Wurtemberg  adresse  à  la  reine  et  au  roi  de  Navarre 
de  longs  sermons  en  style  biblique,  où  les  éloges  des 
«  pauvres  chrestiens  confesseurs  de  la  foy  »  se 
mêlent  à  des  anathèmes  contre  «  l'abominable  idolà- 
«  trie  papistique3.  »  La  correspondance  se  prolonge 
sur  le  même  ton  pendant  plus  d'une  année.  Le  duc 

habile  pour  obtenir  dos  lettres  patentes  par  lesquelles  le  roi 
l'autorisait  à  prendre  les  villes  de  Lyon,  Valence  el  autres  sur 
le  Rhône,  afin  de  les  enlever  aux  rebelles  (Orig.  sur  parchemin 
sans  date;  A.utog.  de  Saint-Pétersbourg,  vol.  34,  ;',  !'.  Î0). 

1.  Mémoires-journauâ  du  duc  de  Guise,  p.  193.  —  Lettre  de 
Mundt,  du  7  avril  (Calend/ns,  \~>\Y1,  p.  591). 

2.  Bulletin  de  la  Sociétt  de  l'histoire  du  Protestantisme  français, 
i.  XXIV,  p.  501. 

3.  Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire  du  Protestantisme  français, 
t.  \\IY,  p.  304  el  507.  —  Voyez  aussi  la  lettre  de  Frédéric  de 
Bavière,  du  11  avril  [Lettres  de  Frédéric  le  Pieux,  1868,  Munich, 
t.  I,p.  277). 


ET   JEANNE   D'ALBRET.  201 

de  Guise  se  plaint  des  «  obstinations  de  quelques- 
«  uns  qui,  à  la  poursuite  de  leur  dessein,  se  sont  tou- 
«  jours  voulu  servir  de  manteau  de  religion,  combien 
«  qu'ils  en  soient  totalement  si  esloignés  qu'il  ne 
«  se  connoit  en  eux  chose  qui  en  approche1.  »  Le 
roi  de  Navarre  jure  au  prince  allemand,  le  20  mai, 
sans  plus  de  profit,  qu'il  n'est  pas  moins  dévoué 
que  lui  «  à  la  conservation  de  la  religion.  »  Le 
duc  de  Wurtemberg  répond  par  des  apologies  de  la 
réforme  ;  il  compare  les  séditieux  aux  martyrs  des 
premiers  siècles  et  refuse  de  concéder  que  les  auteurs 
de  la  surprise  d'Orléans  soient  coupables  de  rébel- 
lion2. 

Il  était  dans  la  destinée  des  deux  partis  d'avoir  des 
chefs  réels  autres  que  leurs  chefs  nominaux.  Les 
catholiques  et  les  huguenots  avaient  mis  à  leur  tète, 
les  uns  le  roi  de  Navarre,  les  autres  le  prince  de 
Gondé,  et  ils  obéissaient  en  réalité  au  duc  de  Guise  et 
à  l'amiral  Coligny.  Etienne  Pasquier,  témoin  sceptique, 
mais  clairvoyant,  constate  que  le  roi  de  Navarre  est 
par  son  sang  le  premier  des  catholiques.  «  Toutefois, 
«  dit-il,  monsieur  de  Guise  a  la  plus  grande  part  au 
«  gâteau3.  »  Un  jour,  les  échevins  de  Paris  vinrent 
demander  du  secours  au  lieutenant  général.  «  En  par- 
«  lant  à  luy,  ils  ne  se  pouvoient  tenir  d'adresser  leurs 
«  propos  à  M.  de  Guise,  qui  estoit  joignant  le  roi  de 
«  Navarre.  Quoy  voyant,  M.  de  Guise  leur  disoit  modes- 

1.  Lettre  du  duc  de  Guise  au  duc  de  Wurtemberg,  du  22  mai  1 562 
[Mémoires-journaux  de  Guise,  publiés  par  M.  Ghampollion  dans  la 
collection  Michaud  et  Puujouku,  p.  491). 

2.  Mémoires  de  Gondé,  t.  III,  p.  372,  284,  286,  148,  151,  452. 

3.  Lettre  du  6  avril  dans  les  OEuvres  complètes,  I .  II,  col.  97  el  98. 


202  ANTOINE   DE   BOURBON 

«  tement  que  ce  estoit  au  roy  de  Navarre  et  non  à  luy 
«  que  se  falloit  adresser.  Sur  quoy  le  roy  de  Navarre 
«  répondit  à  tous  qu'eux  d'eux  n'estoient  qu'un,  et  qui 
«  parloit  à  l'un  parloit  bien  à  l'autre1.  » 

Le  duc  de  Guise,  par  un  calcul  habile,  s'effaçait 
devant  le  roi  de  Navarre  et  lui  laissait  les  privilèges 
honorillques  du  commandement,  comme  la  signature 
des  ordres  envoyés  aux  gouverneurs  de  province  et 
les  correspondances  diplomatiques.  Ainsi,  le  4  et  le 
15  avril,  le  prince  recommande  au  seigneur  d'IIu- 
mières,  gouverneur  de  Péronne2,  de  faire  bonne 
garde  et  d'aider  les  armées  royales.  Le  21  juin,  il 
adresse  au  cardinal  de  Lorraine  l'ordre  de  procéder 
au  paiement  des  Suisses3.  Le  26  juin,  les  6,  8  et 
25  juillet  et  le  4  août,  il  adresse  à  Joyeuse,  au  duc 
d'Estampes,  au  comte  de  Lude  des  instructions, 
et  aux  habitants  de  la  Rochelle  des  reproches4.  Dans 
les  provinces  déjà  ensanglantées  par  la  guerre  civile, 
Antoine  dirigeait  les  lieutenants  du  roi5.  Le  8  avril, 
il  réclame  à  l'ambassadeur  de  France  à  Berne  une 
levée  de  Suisses  et  les  convoque,  avec  l'autorisation 
de  Marguerite  de  Parme,  à  Dijon  par  le  chemin  de  la 
Franche-Comté ,;.  Le  même  jour,  il  signe  une  conven- 

1.  Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V,  i>.  93. 

2.  Orig.,  f.  fr.,  vol.  3187,  f.  10  et  11. 

3.  Orig.,  f.  fr.,  vol.  3219,  f.  125. 

4.  Orig.  ou  minutes;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  161,  205,  355,  216  et 
327.  Toutes  ces  lettres  figureront,  en  analyse  ou  en  texte,  aux 
pièces  justificatives. 

5.  Voyez  le  chapitre  suivant.  On  y  trouvera  un  assez  grand 
nombre  de  lettres  du  roi  de  Navarre  que  nous  ne  mentionnons 
pas  ici. 

6.  Lettres  du  roi  de  Navarre  aux  s.  Goignetel  Pasquier,  ambas- 
sadeurs en  Suisse,  des  s.  26  el  30  avril  1562  (F.  fr.,  vol.  17981, 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  203 

tion  avec  le  comte  Christophe  de  Roggendorf,  capitaine 
allemand,  qui  avait  fidèlement  servi  le  roi  Henri  II, 
pour  la  levée  de  1 ,300  pistoliers  à  cheval  et  de  quatre 
cornettes  de  gens  de  pied,  chacune  de  300  hommes1. 
Comme  Chantonay  s'inquiétait  de  la  possibilité  d'en- 
gager des  soldats  catholiques  dans  un  pays  protestant, 
le  roi  de  Navarre  lui  répondit  qu'on  les  trouverait 
parmi  les  vassaux  des  évêques.  «  En  définitive,  dit-il, 
«  les  Allemands  se  battent  pour  qui  les  paye2.  »  Son 
zèle  et  sa  diligence  sont  signalés,  dès  le  8  avril,  dans 
les  lettres  de  Chantonay.  Le  roi  de  Navarre,  dit  l'ambas- 
sadeur espagnol,  «  concentre  les  forces  du  parti  du  roi  et 
«  tous  les  hommes  armés  dont  les  catholiques  peuvent 
«  disposer.  Il  a  aussi  enjoint  à  tous  ceux  qui  ont  suivi 
«  le  prince  de  Condé  de  quitter  les  places  fortes  qu'ils 
«  occupaient  et  y  a  envoyé  d'autres  capitaines,  en  leur 
«  fournissant  les  moyens  de  se  procurer  des  chevaux 
«  et  des  armes3.  » 

Philippe  II  était  l'allié  naturel  des  catholiques.  L'adage 
célèbre  A  France  huguenote  Flandre  libre  ne  lui  permet- 
tait pas  de  marchander  ses  secours.  Le  roi  d'Espagne 
en  était  d'autant  plus  pénétré  que,  dès  la  fin  de  février, 
son  ambassadeur  lui  signalait  les  ramifications  du  parti 
huguenot  dans  les  Pays-Bas  :  «  On  dit  et  on  assure  que 

i'.  70,  70  v°  et  72  v°.  Copies  du  temps).  —  Lettre  du  roi  aux 
mêmes  (Ibid.,  f.  69).  —  Lettres  de  la  reine  mère  aux  mêmes,  des 
8,  26  et  30  avril  (Lettres  de  Catherine  de  Mcdicis,  t.  I,  p.  289,  297, 
299  et  300). 

1.  Cm  le  pièce  est  conservée  aux  archives  des  Basses-Pyré- 
nées, I,  585. 

2.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  8  avril  1562  (Orig. 
espagnol;  K.  1197,  u"  80). 

3.  Lettre  de  Chantonay,  du  8  avril  1562,  à  Philippe  II  (Orig. 
espagnol  ;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  20). 


204  ANTOINE   DE   BOURBON 

«  l'amiral  a  de  nombreuses  intelligences  dans  les  Pays- 
«  Bas,  et,  quoique  ce  soit  les  hérétiques  qui  le  publient, 
«  ils  en  sont  très  fiers.  Madame  la  duchesse  de  Parme 
«  est  avertie,  et  je  pense  qu'elle  surveillera  ces  menées, 
«  afin  d'y  porter  remède4.  »  Le  jour  même  de  l'entrée 
du  duc  de  Guise  à  Paris,  Chantonay  conseille  à  son 
maître  un  «  pronunciamento  »  contre  la  politique  de 
tolérance  de  la  reine2.  Philippe  II  usa  d'un  nouveau 
mode  d'action.  Depuis  longtemps,  Catherine  deman- 
dait une  entrevue  à  son  gendre3.  Philippe  II  ne  repous- 
sait pas  la  proposition,  mais  l'ajournait  indéfiniment. 
Le  30  mars,  il  écrivit  enfin  à  Chantonay  qu'à  la  fin  de 
l'été  ou  au  commencement  de  l'hiver,  il  lui  serait  pos- 
sible de  se  rapprocher  des  frontières  de  France  ;  mais 
il  exigeait  que  cette  entrevue  auguste  ne  fût  souillée 
de  la  présence  d'aucun  mécréant.  «  La  reine,  écrit-il, 
«  ne  pourra  amener  aucune  personne  de  religion  dou- 
«  teuse,  car  je  ne  veux  rien  avoir  de  commun  avec 
«  elles,  ni  les  voir,  ni  les  entendre.  Je  veux  au  con- 
te traire  les  fuir,  comme  si  c'était  des  diables;  car 
«  elles  sont  en  réalité  ses  ministres4.  » 

Les  déclarations  de  Philippe  II  ne  laissaient  aucun 
doute  sur  son  empressement  à  secourir  le  roi  de 
France.  Malheureusement,  un  point  noir  assombrissait 


1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  28  février  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  aat.,  I\.  L497,  n°  13). 

'2.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  16  mars  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  14). 

3.  La  question  était  en  instance  depuis  longtemps.  La  reine  y 
réuni  à  la  lin  de  février  i  Lettre  de  Chantonay,  du 22  février  1562, 
dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  Il,  p.  26). 

i.  Lettre  de  Philippe  II  à  Chantonay,  datée  du  monastère  de 
Guitando  (Orig.  espagnol;  Arch.  aat.,  K.  1496,  q°  52). 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  205 

l'entente  cordiale  des  deux  cours.  Vers  le  mois  de 
décembre,  au  temps  où  la  reine  cherchait  un  point 
d'appui  en  dehors  du  parti  catholique,  Nicolas  d'An- 
gennes,  seigneur  de  Rambouillet,  avait  été  envoyé  en 
Allemagne.  Cette  démarche,  rapprochée  des  relations 
fréquentes  du  roi  de  Navarre  avec  le  duc  de  Wurtem- 
berg, fit  craindre  à  Philippe  II  que  la  négociation  de 
l'ambassadeur  français  ne  menaçât  les  Flandres.  Il  se 
plaignit  à  Sébastien  de  l'Aubespine,  et  l'Aubespine, 
avant  de  répondre,  demanda  des  instructions  au 
prince1.  Antoine,  terrifié  par  la  crainte  de  perdre  la 
faveur  de  Philippe  II,  écrivit  à  la  reine  d'Espagne  qu'il 
était  «  trop  homme  de  bien  pour  faire  office  maveze 
«  et  user  d'acte  indigne  envers  celuy  dont  je  cherche, 
«  dit-il,  la  bonne  grâce,  et  de  qui  j'espère  tant  d'hon- 
«  neur  et  tant  de  bien2.  »  Catherine  répondit  en  toute 
hâte  que  Rambouillet  n'avait  reçu  d'autre  mission  que 
celle  de  saluer  les  princes  allemands3.  Elle  envoya 
Rambouillet  en  Espagne,  afin  de  lui  donner  les  moyens 
de  se  disculper  lui-même*.  La  mission  réussit,  écrit 
l'Aubespine,  et  Philippe  II,  satisfait  de  la  déférence  de 
la  reine,  ne  garda  plus  aucun  soupçon  de  la  politique 
du  roi  de  Navarre  en  Allemagne5. 


1.  Lettre  de  l'Aubespine  au  roi  de  Navarre,  du  3  avril  1562 
(Copie  du  temps;  f.  fr.,  vol.  16103,  f.  213). 

2.  Lettre  du  roi  de  Navarre  à  la  reine  d'Espagne,  du  22  avril 
{Négociations  sous  François  II,  p.  886). 

3.  Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  I,  p.  301,  614  et  615.  — 
Ncgoc.  du  card.  de  Fer  rare,  p.  156. 

4.  Dépêches    vénit.,    filza  4,   f.    354,    lettre   de   Barbaro,    du 
22  avril  1562. 

"'.  Mémoire  de  l'Aubespine  au   roi,  de  mai  1562   [Lettres  de 
Catherine  de  Médicis,  t.  I,  p.  614,  note). 


206  ANTOINE   DE   BOURBON 

A  mesure  que  la  guerre  civile  devenait  plus  immi- 
nente, l'importance  du  roi  de  Navarre  grandissait  à 
la  cour.  Chantonay  constate  avec  douleur,  le  %  avril, 
que  le  lieutenant  général  est  le  chef  du  parti  catholique 
dont  le  duc  de  Guise  n'est  que  le  premier  soldat1, 
qu'il  se  montre  d'autant  plus  pressant  que  les  hugue- 
nots paraissent  plus  redoutables,  d'autant  plus  exi- 
geant que  les  catholiques  ont  plus  besoin  de  lui2. 
Aigri  par  une  longue  attente,  Antoine  avait  des  accès 
d'humeur  qui  faisaient  tout  craindre  aux  triumvirs. 
Il  avait  perdu  une  partie  de  sa  confiance  et  se  méfiait 
d'être  dupe.  Un  jour,  il  avoua  ses  doutes  au  cardinal 
de  Lorraine3.  Il  écrit  à  Sébastien  de  l'Aubespine  dans 
les  premiers  jours  de  mai  :  «  Ayant  singulier  désir  de 
«  scavoir  par  où  j'en  dois  passer,  je  vous  prie,  tant 
«  que  je  puis  regarder,  d'emploier  tous  les  moiens 
«  pour  y  voir  clair4.  »  A  la  cour,  il  ne  manquait  pas 
de  conseillers  disposés  à  lui  remontrer  que  le  roi 
d'Espagne  «  lui  tenait  le  bec  dans  l'eau.  »  Le  prince 
de  Gondé  se  lamentait  des  tromperies  dont  son  frère 
était  victime,  et  Coligny  en  haussait  les  épaules.  La 
reine  mère,  jalouse  des  éloges  que  Philippe  II  lui  pro- 
diguait, observait  discrètement  que  le  roi  d'Espagne 

\.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  «lu  0  avril  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  nat.,  K.  1497,  q°  18).  —  Ncgoc.  du  card.  de  Ferrarc, 
p.  152. 

2.  Il  revienl  sur  ce  sujet  le  17  juin,  lorsque  les  opérations  mili- 
taires étaient  presque  engagées  (Lettre  de  Chantonay  à.  Phi- 
lippe II,  du  17  juin  1562;  Orig.  espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1498, 
n°  5). 

3.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  11,  du  28  avril  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1 197,  n°  26). 

i.  Lettre  du  roi  de  Navarre  à  Sébastien  de  l'Aubespine,  du 
ii  mai  1562  (Orig.;  I'.  IV.,  vol.  6606,  l'.  3). 


ET    JEANNE    I)'ALBRET.  207 

pourrait  être  un  allié  solide,  mais  non  pas  empressé1. 
La  France  entière  était  aux  pieds  du  lieutenant  géné- 
ral2. La  reine  d'Angleterre,  les  souverains  allemands 
briguaient  sa  faveur.  Chantonay  assure  que  le  sultan, 
séduit  par  sa  renommée,  lui  offrit  un  royaume  du  côté 
de  la  Grèce.  Antoine  eut  la  sagesse  de  le  refuser, 
parce  que,  dit-il,  le  premier  prince  du  sang  de  France 
ne  pouvait  devenir  le  vassal  d'un  infidèle3.  Enorgueilli 
du  crédit  que  les  événements  accumulaient  autour  de 
son  nom,  il  se  montrait  à  la  cour  en  maître  absolu. 
Marguerite  de  Bourbon,  sa  sœur,  était  veuve  du  duc 
de  Nevers  depuis  le  13  février.  Il  voulait  la  donner  au 
marquis  de  Mantoue,  et  le  duc  de  Guise  à  son  frère,  le 
grand  prieur  de  France.  Antoine  objecta  qu'il  avait  fait 
venir  le  marquis  à  la  cour  pour  épouser  la  duchesse  ; 
François  de  Lorraine,  qu'il  avait  fait  défroquer  son 
frère4.  «  Et  moi,  pour  votre  respect ,  riposta  le  prince, 
«  j'ai  abandonné  le  mien.  »  La  querelle  s'échauffa.  Les 

1.  Lettres  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  18  et  du  28  avril  1562 
(Orig.  espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  nos  24  et  2G). 

2.  Vers  cette  époque,  un  s.  Léonard  de  Montrauson,  considé- 
rant le  roi  de  Navarre  comme  un  réformateur  universel  et  tout- 
puissant,  lui  adressa  une  sorte  de  mémoire  contenant  tout  un 
système  de  gouvernement.  L'auteur  conseille  la  confiscation  de 
toutes  les  espèces  monnayées  au  profit  du  roi,  qui  resterait 
chargé  des  dettes  de  ses  sujets  et  pourrait  procéder  à  une  meil- 
leure répartition  de  la  fortune  mobilière  du  royaume.  Cette  idée 
a  été  reprise  de  nos  jours  par  des  rêveurs  aussi  fous  que  Mon- 
trauson. Le  mémoire  est  intitulé  :  La  Fontaine  d'or  et  d'argent,  et 
est  conservé  en  original  dans  le  f.  fr.,  vol.  692. 

3.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  28  avril  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n"  26). 

4.  Le  cardinal  de  Ferrare  s'était  employé  pour  autoriser  le 
grand  prieur  à  quitter  l'habit  de  chevalier  de  Rhodes  {Néijoc.  du 
card.  de  Ferrare,  p.  159). 


208  ANTOINE    DE   BOURBON 

deux  seigneurs  en  vinrent  aux  menaces.  Le  prince, 
étonné  qu'on  osât  lui  résister,  se  mit  dans  une  telle 
fureur  qu'il  en  tomba  malade.  Le  cardinal  de  Lorraine 
eut  de  la  peine  à  les  réconcilier1. 

Antonio  d'Almeida,  le  messager  ordinaire  du  roi  de 
Navarre,  était  parti  le  5  mars  pour  Madrid,  chargé  des 
recommandations  du  roi  et  de  la  reine,  et  des  requêtes 
du  prince.  Il  trouva  la  cour  d'Espagne  peu  disposée  à 
l'écouter.  Sébastien  de  l'Aubespine  écrit,  le  9  mars, 
pendant  que  le  négociateur  cheminait  encore,  qile  le 
roi,  le  duc  d'Albe,  le  prince  d'Eboli,  sommés  par  lui 
de  se  prononcer,  refusent  d'accorder  la  Sardaigne  au 
roi  de  Navarre,  malgré  les  déclarations  de  Chantonay, 
et  qu'il  regarde  les  promesses  du  roi  catholique  comme 
un  leurre2.  Quelques  jours  après,  il  renouvelle  ses 
instances  auprès  du  roi  catholique  et  n'obtient  que 
des  réponses  évasives3.  Le  30  mars,  Philippe  II 
approuve  formellement  la  politique  de  «  Vendôme,  » 
mais  il  ne  précise  pas  la  récompense  qu'il  lui  réserve4. 
Dans  les  premiers  jours  d'avril,  d'Almeida  arriva  à 
Madrid,  et  le  roi  d'Espagne  sortit  du  monastère  de 
Guitando,  où  il  s'était  retiré  en  cellule  pendant  le  temps 
pascal5.  L'ambassadeur  de  France  se  rendit  à  l'au- 


1.  Loi  lie  île  Chantonay  citée  plus  haut. 

2.  L'Aubespine  écrivit  ce  jour-là  trois  lettres  à  la  reine  et  une 
au  roi  de  Navarre.  Ces  quatre  lettres  sont  conservées  en  copie 
.lu  temps  dans  le  f.  fr.,  vol.  16103,  !'.  181,  187,  189  et  191. 

3.  Lettres  du  25  mars  1562  à  la  reine  (Copie  du  temps;  f.  fr., 
vol.  16103,  F.  198  et  201).  —  Lettre  du  même  au  roi  «le  Navarre, 
de  même  date  (Ihid.,  f.  204). 

\.  Lettre  de  Philippe   11  à  Chantonay,  du  30  mars,  datée  du 
monastère  de  Guitando  (Orig.,  Arch.  uat.,  K.  1496,  n°  52). 
5.  Lettre  du  roi  de  Navarre  à  l'Aubespine,  du  10  avril  1562 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  209 

dience  du  roi  le  15  avril.  Philippe  II  l'accueillit  froi- 
dement et  ne  voulut  même  pas  admettre  en  sa 
présence  Antonio  d'Almeida,  malgré  les  pressantes 
sollicitations  de  la  reine  d'Espagne1.  Cependant,  il 
laissait  dire  autour  de  lui  qu'il  concéderait  au  prince  la 
ville  d'Avignon  et  ses  dépendances  et  qu'il  indemnise- 
rait le  pape  dans  le  royaume  de  Naples,  nouvelle  invrai- 
semblable que  l'Aubespine  communiqua  avec  ses  doutes 
au  roi  de  Navarre2.  Le  crédule  prince  la  prit  cepen- 
dant comme  une  communication  officielle  et  consulta 
Chantonay.  Le  comté  d'Avignon,  disait-il,  était  une 
possession  précaire  ;  d'ailleurs,  il  méritait  un  royaume 
et  n'accepterait  rien  de  moins.  Chantonay  calma  cet 
excès  d'orgueil  en  conseillant  au  prince  d'attendre  les 
rapports  de  d'Almeida3.  Tandis  que  Antoine  faisait 
sonner  si  haut  sa  dignité  de  roi,  la  chancellerie  espa- 
gnole cherchait  un  biais  pour  permettre  à  Philippe  II 
de  répondre,  sans  lui  donner  ce  titre,  à  une  décla- 
ration des  triumvirs  apostillée  par  le  lieutenant 
général4.  Après  avoir  bien  réfléchi,  Chantonay 
conseilla  à  son  maitre  d'adresser  une   lettre  collec- 


(Orig.,  f.  fr.,  vol.  6606,  f.  2).  —  Lettre  de  la  reine  au  même,  du 
11  avril  (Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  I,  p.  295). 

1.  Lettres  de  Sébastien  de  l'Aubespine  à  la  reine  et  au  roi  de 
Navarre,  du  15  avril  1562  (Copies  du  temps;  f.  fr.,  vol.  16103, 
f.  217  et  223  v). 

2.  Lettre  de  Sébastien  de  l'Aubespine  au  roi  de  Navarre,  du 
23  avril  1562  (Copie  du  temps;  f.  fr.,  vol.  16103,  f.  229  v°). 

3.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  5  mai  1562  (Orig. 
espagnol;  Arcli.  nut.,  K.  1497,  n°  28).  — Autre  du  18  avril  (Ibid., 
K.  1498,  n-  24). 

'i.  Lettre,  collective  des  triumvirs,  du  21  avril  1562  (Orig.,  Arch. 
nat.,  K.  1497,  n"  61).  Cette  pièce  est  imprimée  dans  le  Musée  des 
Archives. 

vi  14 


240  ANTOINE   DE    BOURBON 

tive  au  duc  de  Guise,  au  connétable  et  au  maréchal 
de  Saint-André,  et  d'ajouter  de  sa  propre  main 
en  forme  de  post-seriptum  :  «  Mon  cousin,  j'ai  été 
«  satisfait  de  savoir,  après  l'avoir  appris  par  votre 
«  propre  lettre,  à  laquelle  je  réponds,  le  soin  que  vous 
«  vous  donnez  pour  faire  face  aux  affaires  de  ce 
«  royaume.  J'en  suis  véritablement  satisfait,  et  je 
«  saurai  faire  ce  qui  est  juste.  »  Ravi  de  son  inven- 
tion, Ghantonay  ajoute  :  «  De  cette  façon,  il  sera  con- 
«  tent  sans  qu'il  y  ait  eu  besoin  de  l'appeler  roi  ni 
«  monsieur  de  Vendôme  ' .  » 

Ces  vaincs  déclarations  ne  pouvaient  abuser  le 
roi  de  Navarre.  Qu'arriverait-il  de  la  religion  catho- 
lique, si  le  lieutenant  général,  mettant  à  exécution 
les  menaces  qu'il  avait  tant  de  fois  formulées, 
passait  avec  ses  partisans  dans  les  rangs  du  parti 
réformé?  Vers  le  15  avril,  Chantonay  eut  une  confé- 
rence avec  le  maréchal  Saint-André  et  parcourut  avec 
lui  la  carte  des  possessions  espagnoles.  La  Sardaigne 
ne  pouvait  être  sacrifiée  contre  la  volonté  des  Gortès; 
la  Flandre  était  trop  riche  ;  le  Milanais,  le  royaume  de 
Naples  ne  pouvaient  être  démembrés.  Ghantonay  pro- 
posait la  régence  de  Tunis  et  suggérait  d'employer  à 
cette  conquête  l'activité  des  capitaines,  qui,  depuis  la 
paix  de  Gâteau-  Cambrésis,  s'étaient  jetés  dans  les 
rangs  de  l'armée  rebelle.  Ils  conclurent  d'attendre  le 
retour  de  d'Almeida.  Le  maréchal  était  inquiet  du 
succès  de  la  mission.  «  Je  vois,  écrit  Ghantonay,  qu'il 
«  est  en  défiance,  disant  que,  si  cette  planche  du  salut 


1.  Lettre  de  Ghantonay   à  Philippe  II,  du  L2\  avril  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nul.,  lv.  1497,  n"  25). 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  211 

«  vient  à  manquer,  son  parti  et  lui  sont  perdus1.  » 
Les  premières  lettres  de  d'Almeida  arrivèrent  à  la 
cour  vers  le  milieu  de  mai.  Elles  racontaient  au  prince 
qu'il  avait  été  bien  reçu  à  la  cour  d'Espagne,  qu'il  était 
entré  en  conférence  avec  le  duc  d'Albe  et  avec  le  prince 
d'Eboli,  que  les  ministres  du  roi  lui  avaient  paru 
bien  disposés,  mais  que  l'accident  survenu  à  l'infant 
Don  Carlos  imposait  un  ajournement2.  Le  dimanche 
19  avril,  au  château  d'Alcala,  l'infant  avait  fait  une 
chute  au  pied  d'un  escalier  obscur,  en  allant  retrou- 
ver dans  un  jardin  une  jeune  fille  qu'il  aimait.  Atteint 
d'une  lésion  au  crâne  et  peut-être  au  cerveau ,  Don 
Carlos  fut  pris  d'une  fièvre  ardente  et  tomba  dans 
le  délire.  On  le  trépana,  on  lui  arracha  la  peau  du 
crâne;  il  fut  soigné,  suivant  l'empirisme  du  xvie  siècle, 
avec  tant  de  barbarie,  que  son  état  s'aggrava3.  Cepen- 
dant, la  chancellerie  espagnole  affectait  une  confiance 
immuable.  Le  15  mai,  Philippe  II  commanda  à  ses 
secrétaires  d'écrire  à  Chantonay  que  l'état  de  l'infant 
s'améliorait  et  qu'il  allait  répondre  à  la  mission  d'An- 
tonio d'Almeida4.  Mais  le  bruit  de  sa  mort  courut  à 
Paris5  et  inspira  au  roi  de  Navarre  un  de  ses  desseins 

1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  18  avril  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1198,  n°  24). 

2.  Original  autographe  daté  de  Madrid,  du  5  mai  1502  (Arch. 
des  Basses-PyréniMV,  E.  585). 

:!.  Les  documents  abondent  sur  ce  funeste  événement.  Nous 
citerons  seulement  une  lettre  de  l'Aubespine,  du  11  mai,  5  la 
reine  (Copie  du  temps;  f.  fr.,  vol.  16103,  f.  242),  et  surtout  le 
savant  ouvrage  de  M.  Gachard,  Don  Carlos  et  Philippe  II,  in-8°, 
1865,  p.  65  et  suiv. 

i.  Notes  do  chancellerie,  du  15  mai  1562  (Arch.  nat.,  K.  1496, 

M'    7  II. 

5.  Journal  de  1502  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  106. 


212  ANTOINE   DE    BOURBON 

les  plus  chimériques.  Il  conseilla  à  la  reine  mère  de 
négocier  le  mariage  du  roi  Charles  IX  avec  Juana 
d'Autriche,  sœur  de  Philippe  II1.  Charles  IX  n'avait 
pas  encore  douze  ans,  et  la  princesse  Juana,  veuve 
du  roi  de  Portugal ,  en  comptait  plus  de  trente. 
II  est  vrai  que,  en  cas  de  mort  de  Don  Carlos,  elle 
devenait  héritière  du  trône  d'Espagne.  Catherine 
adopta  avec  empressement  ce  mariage  et  ordonna  à 
Sébastien  de  l'Aubcspine  de  demander  la  main  de  la 
princesse2.  Quanta  Marguerite  de  Valois,  que  Cathe- 
rine avait  successivement  promise  à  Henri  de  Béarn  et 
à  Don  Carlos,  elle  fut  promise  une  seconde  fois  au 
fils  du  roi  de  Navarre3.  En  même  temps,  la  reine 
accueillait  avec  faveur  pour  sa  fille  la  candidature  du 
prince  Sébastien  de  Portugal  l.  Le  rétablissement  de 
l'infant  ne  mit  pas  à  néant  ces  négociations  matrimo- 
niales. Môme  après  sa  guérison,  la  reine,  pour  flatter 
Philippe  II,  feignait  de  désirer  également  le  mariage 
de  Charles  IX  avec  la  princesse  de  Portugal,  et  celui 
de  sa  fille  avec  Don  Carlos5. 

Ce  fut  au  milieu  de  ses  soucis  de  père  de  famille 
que  le  roi  d'Espagne  reçut  la  demande  officielle  de 

4.  Lettre  du  roi  de  Navarre  à  la  reine  (Lettres  d'Antoine  de  Bour- 
bon et  de  Jeanne  d'Albret,  p.  253). 

2.  Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  I,  p.  349. 

3.  Négoc.  du  card.  de  Ferrure,  p.  203. 

4.  Lettre  de  Barbaroà  la  république  de  Venise,  du  22  avril  1502 
(Dép.  vénit.,  filza  4,  f.  354).  Cette  négociation,  dil  Barbaro,  était 
conduite  à  l'insu  du  roi  de  Navarre.  Mais  il  la  soupçonnail  sans 
doute,  car  nous  le  voyons  souvent  en  têteà  tête  avec  les  ambas- 
sadeurs portugais.  Voyez  notamment  le  Journal  de  1562  dans  la 
Bévue  rétrospective,  i.  V,  p.  94  el  95,  et  ailleurs. 

5.  Lettre,  de  Ghantonay  à  Philippe  IL  du  30  juin  1562  (Orig. 
espagnol  ;  A.rch.  nat.,  K.  1498,  n°  G). 


ET   JEANNE   D'ALBRET.  213 

secours  de  la  part  du  roi  de  France.  Malgré  le  mécon- 
tentement du  roi  de  Navarre,  et  ses  menaces  déguisées 
sous  forme  de  réclamations1,  l'alliance  de  Philippe  II 
était  assurée.  Le  23  avril,  il  commande  à  la  reine 
sa  femme  et  à  Sébastien  de  l'Aubespine  de  faire 
savoir  à  la  cour  de  France  qu'il  offre  au  parti  catho- 
lique les  troupes  et  les  trésors  de  ses  royaumes2.  Le 
1 5  mai,  il  trace  de  sa  propre  main  le  plan  d'une  lettre 
à  écrire  à  Chantonay  :  «  Sa  Majesté  a  la  volonté  de 
«  secourir  le  roi  de  France  contre  les  rebelles  héré- 
«  tiques.  Qu'on  avise  s'il  faudra  de  l'infanterie  et  com- 
«  bien  d'hommes,  et  dans  quel  délai  ;  car,  quoiqu'on 
«  soit  prêt,  il  faudra  en  avoir  l'avis  pour  la  dépêcher. 
«  Que  cela  soit  écrit  avec  empressement3.  »  Cet 
«  empressement  »  même  inquiétait  la  reine  ;  elle  crai- 
gnait l'intervention  de  Philippe  II  comme  celle  d'un  ami 
dangereux4.  Seuls  à  la  cour,  les  triumvirs  imploraient 
sans  arrière-pensée  l'appui  du  roi  catholique.  Les 
Guises  passaient  déjà  pour  avoir  des  accords  particu- 
liers avec  lui5.  Ils  demandèrent  à  la  duchesse  de 
Parme  le  libre  passage  des  Suisses  à  travers  la  Franche- 


1.  La  correspondance  de  Chantonay  prouve  que  l'on  redoutait 
toujours  à  Madrid  une  invasion  béarnaise.  Voir  la  lettre  du 
4  avril  à  Philippe  II  (Résumé  de  chancellerie  ;  Arch.  nat.,  K.  1  i96, 
n-  54). 

2.  Lettre  de  Sébastien  de  l'Aubespine  à  la  reine,  du  23  avril 
(f.  fr.,  vol.  16103,  f.  227,  copie  du  temps). 

3.  Décision  du  roi  sur  ce  qui  doit  être  écrit  à  son  ambassadeur 
en  France  (Minute  avec  ratures  et  corrections  autographes,  datée 
d'Alcala  et  du  15  mai  ;  Arch.  nat.,  K.  1496,  n°  74). 

4.  Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  I,  p.  330,  Lettre  du  13  juin 
adressée  ;'i  S.'luslieu  de  l'Aubespine. 

5.  Lettre  de  Granvelle  à  Philippe  II,  du  li  juin  (Papiers  d'état, 
t.  VI,  p.  569). 


214  ANTOINE    DE    BOURBON 

Comté1  et  la  facilité  de  lever  en  Flandre  une  troupe 
de  1 ,500  cavaliers  en  cas  de  besoin2.  Toutes  ces  auto- 
risations furent  accordées,  et  Philippe  II,  malgré 
le  délabrement  de  ses  finances,  s'occupa  de  masser 
aux  pieds  des  Pyrénées  une  armée  d'invasion.  L'am- 
bassadeur d'Angleterre  pressentait  l'intervention  et 
conseillait  à  sa  maîtresse  de  créer  des  embarras  au  roi 
d'Espagne  pour  l'entraver3. 

Le  4  mai,  la  requête  du  triumvirat  au  roi  dissipe 
les  dernières  hésitations  de  la  reine.  Le  8  mai, 
Charles  IX  écrit  à  Philippe  II  : 

Monsieur  mon  frère,  aiant  entendu  par  la  despèche  de  Tévesque 
de  Limoges,  mon  ambassadeur,  l'honneste  offre  qu'il  vous 
plaisL  me  faire  en  ce  besoing  que  j'en  ay,  je  n'ay  voulu  faillir 
vous  en  remercier  par  la  présente  et  vous  asseurer  que  n'ay 
chose  en  ma  puissance  que  je  n'emploie  pour  la  conservation 
de  vous  et  voz  estats,  quand  vous  trouveriez  en  pareille  néces- 
sité. Et,  encore  que  j'espère  que  Dieu  me  fera  la  grâce  d'en 
venir  à  bout  sans  incommoder  nul  de  ceux  qui  me  monstrent 
bonne  voullenté  en  mon  endroit,  si  est-ce  que,  pour  avoir  l'as- 
seurance  que  j'ay  en  vous,  et  vous  vouloir  monstrer  par  offert 
comme  je  m'y  fie,  je  vous  supplie  commander  que,  ce  que  j'ay 
prie  à  vostre  ambassadeur  vous  demander  pour  mon  secours, 
bientost  le  puisse  avoir,  ainsi  que  mon  ambassadeur  vous  fera 
aussi  entendre.  Et  vous  pouvez  en  recompense  promettre  tout 
ce  que  ha  et  aura  jamais  de  puissance  et  en  son  pouvoir  pour 
vostre  service 

Vostre  bon  frère, 

Charles4. 

1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II.  du  8  avril  1562  (Orig. 
espagnol  ;  Air.li.  nal .,  K.  I  197,  a"  20). 

.'.  Lettre  de  Chantonaj  à  Philippe  II.  du  II  avril  1562  (Orig. 
espagnol  ;  Airh.  nat.,  K.  1 197,  d°  22). 

3.  Lettre  de  Throckmorton  à  lord  Gecil,  du  17  avril  1562  (Duc 
'I  A 1 1 1 1 1 ;i le.  Histoire  des  Condé,  i .  I,  p.  354). 

i.  Autographe,  s;m>  date,  mais  de  même  date  que  la  lettre  'lu 


ET    JEANNE    d'aLBRET.  215 

Le  roi  demandait  à  «  sou  bon  frère  1 0,000  hommes 
«  de  pied  et  3,000  chevaux  ;  c'est  assavoir  3,000  Espa- 
ce gnolsqui  viendront  par  le  costé  de  la  Guyenne, 

«  3,000  Italiens  qui  viendront  du  costé  du  Piémont, 

«  la  solde  de  4,000  lansquenets, 2,000  chevaux 

«  des  Pays-Bas  et  1 ,000  reistres1 .  »  La  même  demande 
fut  présentée  à  Ghantonay  à  Paris  par  la  reine  mère  et 
par  le  roi  de  Navarre2. 

La  réponse  de  Philippe  II  fut  aussi  favorable  que  la 
cour  de  France  pouvait  l'espérer.  Dans  les  derniers 
jours  de  mai,  la  reine  fut  informée  que  le  roi  d'Espagne 
accordait  le  secours  de  10,000  hommes  de  pied  et  de 
3,000  cavaliers3.  Philippe  II  écrivit  au  maréchal  de 
Bourdillon,  gouverneur  du  Piémont,  qui  devait  être 
chargé  du  commandement  des  compagnies  italiennes  *. 
Le  8  juin,  il  ordonna  au  comte  d'Aremberg  de  se  pré- 
parer à  entrer  en  France  à  la  tête  de  2,000  hommes 
d'armes5.  Ce  fut  la  dernière  négociation  à  Madrid  de 

roi  ù  FAubespine  que  nous  citons  dans  la  note  suivante.  Au  dos, 
on  lit  :  Recibida  en  Alcala  a  20  de  mayo  (Arch.  nat.,  K.  1496, 
n°  68).  —  Lettre  de  Catherine  à  Philippe  II  {Lettres  clc  Catherine 
de  Médicis,  t.  I,  p.  303). 

1.  Partie  de  cette  lettre  a  été  publiée  par  le  comte  Delaborde 
(Coligny,  t.  II,  p.  107). 

2.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  7  mai  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  29).  —  Autre  lettre  du  même 
dans  les  Mémoires  de  Gondé,  t.  II,  p.  41. 

3.  Mémoire  de  Saint-Suplice  au  roi,  sans  date  (Ve  de  Golbert, 
vol.  480,  f.  5).  —  La  date  de  l'arrivée  de  ce  mémoire  est  donnée 
par  une  ment  ion  du  journa  I  de  1 562  (Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  109). 

4.  Cette  pièce  est  publiée  en  espagnol  dans  les  Annales  de 
Bellcforest,  t.  II,  f.  1629  v°,  et  traduite  dans  Y  Histoire  de  France 
de  Piguerre,  p.  409. 

5.  Lettre  de  Philippe  II  à  la  duchesse  de  Parme  (Corresp.  île 
Philippe  II,  t.  II,  p.  218) 


216  ANTOINE   DE    BOURBON 

Sébastien  de  l'Aubespine.  Le  3  avril,  la  reine  mère  lui 
avait  écrit  qu'elle  le  remplaçait,  suivant  ses  vœux, 
par  Jean  Ébrard  de  Saint-Suplice  ' ,  chevalier  de  l'ordre, 
conseiller  du  roi,  plus  tard  capitaine  de  cinquante 
hommes  d'armes.  Saint-Suplice  arriva  le  15  mai  près 
de  Madrid2,  pendant  que  le  roi  d'Espagne  était  à 
Alcala,  et  obtint  sa  première  audience  le  27  mai  3. 

Peu  de  jours  après,  le  roi  de  Navarre  reçut  la 
réponse  de  Philippe  II  à  la  mission  d'Antonio  d'AI- 
meida.  Le  7  juin,  le  roi  d'Espagne  commanda  à  Chan- 
tonay  de  dire  au  prince  qu'il  s'engageait  à  lui  accorder 
le  royaume  de  Tunis  aussitôt  qu'il  l'aurait  conquis,  et, 
en  attendant,  la  Sardaigne.  Il  exigeait  seulement  le 
secret  le  plus  absolu  vis-à-vis  de  la  cour  de  France4. 
Tel  était  le  mystère  de  la  négociation  que,  le  11  juin, 
lorsque  Sébastien  de  l'Aubespine  prit  congé  de  la  cour 
d'Espagne,  le  roi  lui  dit  que,  la  veille,  il  avait  dépêché 
au  roi  de  Navarre  un  courrier  sans  s'expliquer 
sur  la  nature  de  ses  propositions.  Saint-Suplice  et 
l'Aubespine  ne  purent  obtenir  d'éclaircissements. 
Seulement,  le  duc  d'Albe  parut  surpris  de  l'insis- 
tance du    prince   à    revendiquer   la  Sardaigne5.    Le 

1.  Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  I,  p.  288. 

■?.  Lettre  de  Saint-Suplice  à  la  reine,  du  2i  mai  I562(0rig.,f.  fr., 
vol.  15870,  ('.  78).  —  Saint-Supliee  (d'après  sa  signature,  et  non 
Saint-Sulpiee)  fut  ambassadeur  à  Madrid  jusqu'au  20  octobre  1565. 

3.  Lettre  de  Saint-Suplice  à  la  reine,  du  Ier  juin  1562  (Copie-; 
f.  IV.,  vol.  3161,  f.  4). 

4.  Mémoire  adressé  à  Gbantonay,  daté  d'Aranjuez  et  du 
7  juin  1562  (Copie  de  chancellerie  ;  Arcb.  uat.,  K.  l'i'.Hi,  u"  85). 

Lettre  d'envoi  à  Chantonay  de  même  date  (Ibid.,  n°  86,  orig. 
signé   de   Philippe   II).  —  Mémoire   de  chancellerie,  daté  du 
1.;  pin,  1562  (Ibid.,  a»  90). 
5    Lettre  de  Saint-Suplice  à  la  reine,  du   12  juin  1562  (Copie; 


ET   JEANNE   D'ALBRET.  217 

16  juin,  le  duc  d'Albe  et  le  prince  d'Eholi  remirent  à 
Antonio  d'Almeida  un  mémoire  signé  de  leur  main  : 
«  Sa  Majesté  veut  offrir  au  prince  de  nouveau  le 
«  royaume  de  Tunis  avec  toutes  les  prérogatives  que 
«  l'on  énoncera  dans  l'acte  de  possession,  afin  qu'il 
«  puisse  avoir  le  titre  de  roi  et  être  un  des  principaux 
«  souverains  de  la  chrétienté.  Pendant  que  l'on  se 
«  préparera  à  faire  la  conquête  du  royaume  de  Tunis, 
«  afin  de  le  lui  remettre,  Sa  Majesté  veut  le  mettre  en 
«  possession  du  royaume  de  Sardaigne,  mais  avec  des 
«  sûretés,  afin  que  de  cette  île  on  ne  puisse  causer  de 
«  préjudice  aux  États  de  Sa  Majesté  catholique.  »  Les 
délais  de  la  donation  n'étaient  pas  stipulés.  «  S'il  veut 
«  envoyer  un  ambassadeur  pour  traiter  des  particu- 
le larités,  il  peut  le  faire  quand  il  voudra  ;  s'il  préfère 
«  attendre  que  Sa  Majesté  se  rapproche  des  frontières, 
«  ce  qui  sera  bientôt,  l'un  et  l'autre  parti  sont  à  son 
«  choix.  »  Le  roi  d'Espagne  avait  tant  de  fois  promis 
de  dédommager  le  chef  de  la  maison  d'Albret  après 
l'anéantissement  de  la  réforme,  que  cette  date  pouvait 
être  considérée  comme  implicitement  contenue  dans 
sa  donation.  Cependant,  l'acte  confié  à  Antonio 
d'Almeida  ne  contenait  pas  d'engagement,  et,  sur 
ce  point  comme  sur  celui  des  garanties  à  récla- 
mer, le  donateur  restait  juge  et  partie  ;  cette  réserve 
équivalait  à  un  ajournement  indéfini.  Le  secret  gardé 
vis-à-vis  de  l'ambassadeur  de  France  pouvait  aussi 
inspirer  des  soupçons.  Les  ministres  de  Philippe  II 
cachaient  la  concession  du  roi  et  disaient  que  d'Al- 
meida avait  charge  de  remettre  à  Ghantonay  ou  à  un 

f.  IV.,  vol.  3161,  f.  13).  Cette  lettre  a  été  analysée  par  M.  Gachard 
(la  Bibliothèque  nationale  à  Paris,  t.  II,  p.  143). 


218  ANTOINE    DE    BOURBON 

ambassadeur  extraordinaire  le  soin  de  parachever  la 
négociation1.  Les  derniers  mots  du  mémoire  du  duc 
d'Albe  contiennent  une  ironie  amère  :  «  D'après  cela, 
«  il  (Vendôme)  pourra  comprendre  que  l'on  ne  cherche 
«  pas  à  gagner  du  temps,  mais  que  l'on  veut  aller  droit 
«  au  but  avec  franchise  et  loyauté2.  » 

Le  roi  d'Espagne  ne  put  se  résigner  à  compléter  sa 
concession  en  rendant  hommage  à  la  dignité  royale  de 
son  allié.  Plutôt  que  de  lui  donner  le  titre  de  roi,  il 
aima  mieux  écrire  à  d'Almeida  : 

Antoine  d'Almeida,  vous  direz  à  mon  cousin  le  plaisir  que 
j'ai  eu  d'entendre,  par  voire  rapport  et  par  le  mémoire  qu'il 
vous  donna  de  sa  main,  les  services  qu'il  rend  à  la  religion,  et 
son  intention  de  continuer  suivant  mon  désir;  ce  que  j'estime 
grandement.  Ainsi,  j'espère  qu'il  poursuivra  en  avant,  comme 
il  le  dit,  de  sorte  que  In  lionne  volonté  que  j'ai  pour  lui  s'aug- 
mentera ;  et  je  ferai  promptement  ce  qui  lui  est  promis  dans 
l'écrit  qui  vous  a  été  donné  à  part.  De  même,  je  le  prie  de  hâter 
les  affaires  qu'il  a  entre  les  mains,  parce  que  il  ne  peut  m  obli- 
ger davantage  en  rien  sur  tout  ce  qui  le  regarde3. 

1.  Malgré  le  secret,  le  26  juin,  I»1  légat,  informé  de  la  négocia- 
tion, écrit  .m  cardinal  Borromée  que  le  roi  d'Espagne  donne  au 
roi  de  Navarre  l'île  île  Sardaigne  en  attendant  un  autre  royaume 
«  qui  vaille  colle  isle.  »  Mais  il  ne  sait  lequel  (Négoc.  du  card.  de 
Ferrare,  p.  256). 

2.  Original  espagnol,  daté  du  16  juin;  Arch.  des  Basses-Pyré- 
nées, E.  585.  —  On  conserve  une  copie  de  cette  pièce  aux 
Archives  nationales,  k.  1-496,  u°  89.  —  Du  reste,  elle  est  presque 
la  copie  textuelle  du  mémoire  adressé  à  Ghantonay  sous  la  date 
du  7  juin.  Voyez  plus  haut. 

3.  Autographe  espagnol  su  us  date  ;  Arch.  des  Basses-Pyrénées, 
E.  585.  -Hue  copiede  cette  pièce  est  conservée  aux  Arch.  aat., 
K.  1496,  ir  89. 


CHAPITRE  DIX-NEUVIÈME. 

Avril,  mai,  juin  1562. 


Commencement  de  la  guerre  civile.  —  Dauphiné.  — 
Le  baron  des  Adrets.  —  Prise  de  Lyon  (1 er  mai  1 562) . 
—  Le  s.  de  Maugiron.  —  Provence.  —  Les  s.  de 
Tende  et  de  Sommerive.  —  Bourgogne.  —  Gaspard 
de  Saulx-Tavannes. 

État  de  V armée  royale.  —  Mesures  de  défense  prises  à 
Paris.  —  Suite  des  négociations  de  la  reine  et  du  roi 
de  Navarre  avec  le  prince  de  Condé.  —  Entrevue  de 
Toury  (9  juin). 

Reprise  des  négociations  (13  juin).  —  Trêve  de  six 
jours.  —  Conférence  du  roi  de  Navarre  et  du  prince 
de  Condé  à  Beaugency  [%\  et  %%  juin).  —  Manifeste 
des  huguenots  (24  juin) .  —  Entrevue  de  la  reine  et 
des  seigneurs  réformés  à  Saint-Simon  (29  juin).  — 
Rupture  définitive  des  négociations. 


Avant  qu'aucun  des  capitaines  du  triumvirat  ou  du 
prince  de  Condé  eût  tiré  l'épée  sous  les  murs  d'Or- 
léans, la  guerre  civile  avait  commencé  en  Dauphiné. 
Le  27  avril,  à  Valence,  le  lieutenant  du  duc  de  Guise, 
Biaise  de  Pardaillan,  seigneur  de  la  Mothc-Gondrin, 


220  ANTOINE   DE   BOURBON 

avait  été  assassiné  par  les  gens  du  baron  des  Adrets 
et  presque  sous  ses  yeux.  La  nouvelle  surprit  la  reine 
au  milieu  de  ses  négociations  pacifiques.  Le  roi  de 
Navarre  envoya  en  toute  hâte  Laurent  de  Maugiron  en 
Dauphiné  avec  la  charge  de  «  donner  si  bon  ordre  de 
«  réduire  et  remettre  toutes  les  choses  que  vous  ver- 
ce  rez  mal  aller  audit  gouvernement  par  le  moyen  de 
«  voz  amyz  et  voysins,  et  du  crédict  que  vous  avez 
«  par  delà,  que  l'on  aura  grande  occasion  de  s'en 
«  contenter  et  se  reposer  cy-après  sur  vous1.  » 

La  prise  de  Valence  et  l'assassinat  de  la  Mothe- 
Gondrin  obligeaient  le  baron  des  Adrets  à  vaincre  ou  à 
mourir.  Le  28  avril,  il  marche  sur  Lyon.  Le  maréchal 
de  Saint-André,  gouverneur  du  Lyonnais,  avait  pour 
lieutenant  François  d'Agout,  comte  de  Saulx,  seigneur 
huguenot2,  mais  fidèle  au  roi.  Le  30  avril,  au  milieu 
de  la  nuit,  les  réformés  lyonnais,  conduits  par  les 
affidés  du  baron  des  Adrets,  se  saisissent  des  prin- 
cipaux postes.  L'hôtel  de  ville,  le  couvent  des  Corde- 
liers,  les  portes  et  les  murailles  tombent  presque 
sans  défense  entre  leurs  mains.  Les  capitaines  catho- 
liques sont  arrêtés  dans  leur  lit;  les  prêtres,  les 
chanoines  de  Saint-Jean,  les  principaux  catholiques 
jetés  hors  des  murs  sans  violence.  Au  matin,  les 
chefs  complètent  la  surprise  de  la  ville  en  plaçant  des 
canons  sur  les  places,  aux  carrefours  des  rues,  par- 
tout où  un  combat   pouvait  s'engager.  Ces  mesures 


1.  Lettre  du  3  mai  156?  (Copie  du  temps;  Archives  de  Lyon, 
\  \    M,  il»  126). 

2.  Il  fut  tué  à  la  bataille  de  Saint-Denis  (Brantôme,  t.  V,p.  16). 
—  De  Thou  dit  qu'il  ne  prit  aucune  pari  à  la  guerre  ;  c'esl  une 
drs  rares  erreurs  de  ce  grand  historien 


ET   JEANNE   D'ALBRET.  221 

prises,  ils  se  rendirent  au  logis  du  comte  de  Saulx  et 
lui  signifièrent  qu'ils  avaient  agi  par  ordre  du  prince 
de  Condé.  Ils  lui  proposèrent  même  de  conserver  sa 
charge;  de  Saulx  refusa,  et,  quelques  jours  après,  se 
retira  en  Provence4. 

Le  baron  des  Adrets  entra  le  lendemain  avec  ses 
troupes  et  prit  le  commandement  au  nom  du  prince 
de  Condé.  Le  prince  lui  adressa  les  plus  chaudes  féli- 
citations. Le  18  mai,  il  lui  recommande  surtout  de  se 
garder  des  surprises.  N'ajoutez  aucune  foi,  lui  dit-il, 
«  à  pas  une  des  choses  qui  vous  seront  écrites,  dites 
«  ou  mandées,  non  pas  mesme  quand  vous  en  aurez 
«  vu  une  lettre  signée  en  mon  nom,  dont  ils  (les 
«  catholiques)   se  vouldroient  aider  en  la  contrefai- 

«  sant »  Ne  vous  effrayez  «    pour  les  menaces, 

«  confiscations,  proscriptions,  bannissemens  et  autres 

«  telles  choses Les  armes  nous  feront  raison  de 

«  cela2.  »  La  ville  de  Lyon  n'était  pas  seulement  la 
seconde  ville  du  royaume,  elle  était  la  plus  riche.  Les 
marchands  y  avaient  créé  des  maisons  de  banque  avec 
lesquelles,  depuis  le  règne  de  François  Ier,  le  roi  était 
en  compte  courant.  Condé  n'a  garde  de  négliger  ces 
ressources.  En  même  temps  qu'il  écrit  au  baron  des 
Adrets,  il  demande  à  un  s.  Aubrèche,  marchand  ou 


1 .  Sur  la  prise  de  Lyon,  voyez  deux  récits  du  temps  réimprimés 
dans  les  Archives  curieuses,  t.  IV,  p.  195  et  215.  Le  second,  dû  à 
Gabriel  de  Saconay,  est  surtout  complet  et  détaillé.  —  Autre 
pièce  du  temps  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  III,  p.  339.  —  Voyez 
aussi  le  récit  de  de  Bèze  (Histoire  ecclésiastique,  t.  II,  p.  SOI , 
édit.  de  1881). 

2.  Copie  du  temps;  f.  fr.,  vol.  10190,  f.  164.  —  Autre  lettre  du 
prince  de  Condé  au  baron  des  Adrets,  du  21  mai  1562  (Copie  du 
temps,  ibid.,  f.  165). 


222  ANTOINE    DE   BOURBON 

banquier  de  la  ville,  un  emprunt  de  100,000  écus. 
Aubrèche  était  protestant,  et  Condé  fait  appel  à  ses 
sentiments  religieux1.  Le  prince  avait  d'autres  moyens 
de  remplir  ses  coffres.  Il  ordonne  au  baron  des  Adrets 
de  saisir  les  châsses,  les  reliquaires  d'or  et  d'argent 
de  Lyon  et  des  villes  voisines,  de  les  transformer  en 
lingots,  de  les  faire  monnayer  ou  de  les  vendre  au 
plus  offrant2. 

Victorieux  presque  sans  avoir  tiré  l'épée,  le  baron 
des  Adrets  édicta  de  sévères  règlements  en  faveur  des 
habitants  inoffensifs  et  des  églises  catholiques.  Mais  la 
violence  des  sectaires  de  son  parti  rendit  ces  mesures 
impuissantes.  Les  églises,  les  monastères,  les  maisons 
catholiques  furent  saccagés,  les  couvents  de  filles  livrés 
aux  soldats.  Condé  adressa  des  reproches  au  baron  des 
Adrets,  le  20  mai  :  «  Que  personne  ne  soit  travaillé  sans 
«  grande  occasion,  et  que  chacun  vive  en  repos  et  tran- 
«  quillité,  autant  que  faire  se  pourra,  sans  mesmement 
«  gêner  nv  forcer  les  consciences,  comme  de  nostre 
«  part  nous  ne  voudrions  point  qu'on  forçast  les  nostrcs, 
«  laissant  à  ceulx  qui  ne  sont  de  la  religion  réformée, 
«  et  principalement  aux  marchands  et  banquiers, 
«  quelques  lieux  et  temples  pour  l'exercice  de  la  leur, 

«  sans  leur  donner  aucun  empeschement »  Cette 

lettre,  où  s'étalent  de  nobles  sentiments  d'humanité, 

1.  Lettre  du  18  mai  1562  (Copie  du  temps;  f.  IV..  vol.  10190, 
f.  165  v*).  —  M.  Kervyn  de  Lettenhove  a  publié  dans  Documents 
inédits  relatifs  à  l'histoire  du  XVIe  siècle,  p.  '.'.  une  lettre  de  Goli- 
j_ti i y  à  d'Andelot,  du  •'>  août,  sur  les  emprunts  du  parti  huguenot 
à  Lyon. 

2.  Lettre  du  is  mai  1562  (Copie  du  temps;  f.  fr.,  vol.  10190, 
f.  164).  —Lettre  de  Spifame  aux  huguenots  de  Lyon,du  "2 1  mai  1562, 
datée  d'Orléans  (Copie  du  temps;  ibid.,  f.  173). 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  223 

fut  lue  par  ordre  à  l'assemblée  générale  de  la  maison 
de  ville.  Coligny  écrivit  le  même  jour,  dans  le  même 
esprit,  au  baron  des  Adrets1.  Malheureusement,  ces 
belles  déclarations  étaient  démenties  par  les  faits.  Le 
lendemain  du  jour  où  Gondé  et  Coligny  avaient  recom- 
mandé aux  huguenots  de  Lyon  le  respect  de  leurs 
adversaires,  ils  laissaient  les  soldats  de  l'armée  se  ruer 
sur  les  églises  de  la  ville  d'Orléans. 

A  la  nouvelle  de  la  surprise  de  Lyon,  la  reine  essaya 
de  traiter  avec  des  Adrets.  Le  baron  n'était  pas  de 
ceux  que  l'on  jugeait  à  la  cour  incapables  d'accepter 
des  conditions  avantageuses.  Il  pouvait  se  vendre,  et 
Catherine  ne  demandait  qu'à  l'acheter.  Elle  chargea 
un  capitaine,  nommé  Murât,  d'entrer  en  pourparlers 
avec  lui.  La  négociation  fut  découverte  par  le  prince 
de  Gondé,  qui  se  hâta  d'en  prévenir  le  conquérant 
de  Lyon  :  «  On  vous  envoie  ou  on  vous  enverra 
«  bientôt  Murât,  que  vous  connaissez,  avec  charge 
«  expresse  et  sous  belle  promesse  de  faire  ou  plutôt 
«  feindre  un  appointement  avec  vous  pour  les  choses 
«  advenues  par  delà.  Et  ne  fault  doubter  que  pour 
«  parvenir  à  cela  on  ne  vous  fasse  les  plus  belles  pro- 
«  messes  du  monde,  et  mesme  de  vous  faire  entendre 
«  que  telle  est  mon  intention2.  »  La  reine  commanda 
à  Jean  de  Monluc,  évêque  de  Valence,  de  se  rendre  à 
Lyon  et  en  Dauphiné.  L'évêque  passait  pour  réformé. 
Peu  empressé  d'essuyer  le  feu  de  diocésains  emportés, 


1.  Lettre  de  Gondé  au  baron  des  Adrets,  du  20  mai  1562  (Copie 
du  temps  ;  f.  fr.,  vol.  10190,  f.  157).  —  Lettre  de  Goligny  au  même, 
de  même  date  (Copie  du  temps;  ibid.,  f.  158). 

2.  Lettre  du  18  mai  15112  (Copie  du  temps;  f.  fr.,  vol.  10190, 
1'.  164). 


224  ANTOINE    DE   BOURBON 

qui  assassinaient  les  lieutenants  du  roi,  il  jugea  pru- 
dent de  rester  à  Orléans  et  se  contenta  d'expédier 
à  Valence  un  messager1.  Le  roi  de  Navarre  envoya 
à  Laurent  de  Maugiron  le  comte  de  Suze,  avec  une 
lettre  et  un  mémoire  détaillé  sur  la  conduite  à  tenir 
vis-à-vis  des  rebelles2.  Maugiron  s'était  déjà  mis  en 
campagne.  Le  20  mai,  le  roi  de  Navarre  compléta  les 
instructions  qu'il  lui  avait  précédemment  adressées. 

Monsieur  de  Maugiron,  j'ay  veu  ce  que  vous  avez  escript  au 
roy,  mon  seigneur,  et  à  moy,  du  xne  de  ce  moys,  par  ce  por- 
teur, que  j'ay  bien  voullu  vous  renvoyer  présentement  avec 
cesle  responce  à  vostre  dicte  dépesche,  pour  vous  dire  que  vous 
avez  fort  bien  faict  de  vous  mectre  dans  la  ville  de  Quirieu 
pour  estre  de  quelque  force  et  seureté,  et  d'avoir  receu  les  gen- 
tilz  hommes  du  pays  qui  se  sont  venus  offrir  à  vous  pour  vous 
faire  service,  lesquelz  vous  regarderez  d'entretenir  et  d'en  reti- 
rer d'autres,  le  plus  que  vous  pourrez,  affin  que,  avec  eulx  et 
les  gens  de  guerre  que  nous  doibt  envoyer  Mons.  de  Savoye, 
comme  vous  aurez  veu  par  la  dépesche  que  vous  a  portée  le 
s.  de  Suze,  et  autres  moyens  qui  vous  sont  baillez  par  ladicte 
dépesche,  joint  aussi  le  secours  que  vous  pouvez  avoir  de  vingt 
cinq  enseignes  de  Provence  soubz  la  charge  du  comte  de  Som- 
merive,  après  qu'il  aura  donné  ordre  aux  troubles  de  Provence 
et  comtat  de  Venysse,  suivant  ce  qui  luy  est  présentement 
escript,  vous  regardez  à  vous  faire  le  plus  fort  pour  faire  rendre 
l'obéissance  au  roy,  mon  seigneur,  etnccloyerce  pays  de  toutes 
ces  rébellyons  et  insolences  qui  se  y  usent,  pour  après  vous  en 
venir  à  Lyon  en  faire  de  mesmes,  secourant  aussy  par  vous 
ledit  s.  de  Sommerive  s'il  en  a  besoing.  Et  à  cest  effect  vous 
vous  aiderez  des  xxv"'  livres  que  Messieurs  les  légat  et  duc  de 
Guise  doibvent  faire  fournir.  Et,  si  cella  ne  peult  vous  soulïiiv, 

1.  Le  messager  apportail  deux  lettres  qui  sont  conservées  on 
copies  du  temps  dans  le  vol.  10190  du  I'.  fr.,  f.  163  et  163  v°. 

2.  Lettre  du  l"2  mai  L562  (Copie  du  temps;  Archives  de  Lyon, 
A  A.  24,  f.  127). 


ET  JEANNE    DALBRET.  225 

11  fauldra  que  vous  regardez  de  prendre  pour  y  employer  ce  que 
vous  pourrez  tirer  des  deniers  des  décimes  et  des  trésors  des 
églises,  selon  l'instance  que  vous  en  pourrez  faire  aux  gens 
d'église  de  delà.  Et  m'asseurant  que,  pour  le  singulier  zelle  et 
affection  que  vous  portez  au  service  au  Roy,  mon  seigneur, 
vous  n'oublierez  aucune  chose  de  tout  ce  qui  y  sera  requis  de 
faire  en  cest  endroit,  je  me  remectray  du  surplus  sur  la  dicte 
dépesche  du  s.  de  Suze  et  prieray  Dieu  qu'il  vous  ayt,  Monsieur 
de  Maugiron,  en  sa  saincte  et  digne  garde. 
Escript  à  (la  localité  manque),  le  xxe  jour  de  may  4  562. 

Vostre  meilleur  amy, 

Antoine1. 

Le  roi  de  Navarre,  informé  que  Maugiron  ne  pou- 
vait tenir  la  campagne,  lui  ordonna,  le  9  juin,  de  munir 
d'artillerie,  de  munitions  et  de  vivres  le  château  Dau- 
phin, place  imprenable,  mais  en  mauvais  état,  qu'il 
importait  de  ne  pas  laissera  l'ennemi2.  Bientôt  Mau- 
giron apprit  que  le  baron  des  Adrets  était  parti  pour 
la  Provence.  Il  quitta  la  Savoie,  où  il  levait  des 
troupes,  et  se  rapprocha  de  Grenoble.  Il  préparait 
un  coup  de  main  quand  il  reçut  une  députation  du 
parlement  du  Dauphiné  et  des  consuls,  qui  le  sup- 
pliait de  ne  pas  entrer  dans  la  ville3.  Maugiron 
répondit  qu'il  ne  pouvait  transiger  avec  le  devoir  de 

1.  Copie  du  temps;  Archives  de  Lyon,  AA.  24,  f.  128. 

2.  Lettre  du  9  juin  1562  (Copie  du  temps;  Arch.  de  Lyon, 
AA.  24,  f.  129).  —  Comparez  la  lettre  de  la  reine  mère  à  Mau- 
giron (Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  I,  p.  327). 

3.  De  Thou,  d'après  de  Bèze  (Hist.  ecclés.,  1881,  t.  II,  p.  411), 
a  écrit  que  cette  démarche  était  simulée  et  avait  pour  objet  réel 
de  s'entendre  avec  Maugiron  sur  les  conditions  de  la  livraison 
de  la  ville  (De  Thou,  t.  III,  1740,  p.  229).  De  Thou  et  de  Bèze 
se  trompent,  ainsi  que  le  prouve  la  lettre  du  roi  de  Navarre  que 
nous  citons  plus  loin,  lettre  dans  laquelle  le  prince  blâme  éner- 
giqucment  la  démarche  des  gens  de  Grenoble. 

iv  15 


226  ANTOINE    DE    BOURBON 

restaurer  l'autorité  royale  partout  où  la  fortune  des 
armes  lui  donnait  la  victoire,  mais  que  les  habitants, 
catholiques  ou  réformés,  seraient  garantis  de  tout  dam 
par  la  discipline  de  ses  troupes.  Le  roi  de  Navarre 
blâma  sévèrement  la  requête  des  députés.  Il  écrivit 
à  Tavannes  de  marcher  au  secours  de  Maugiron  et  de 
l'aider  «  à  nectoyer  le  pays  de  cette  vermine  de 
«  rebelles.  »  Dans  la  crainte  d'une  rivalité  entre  les 
deux  capitaines,  il  stipula  que  Maugiron  laisserait  à 
Tavannes  le  commandement  général1.  Le  14  juin, 
l'armée  catholique,  forte  de  200  cavaliers  et  de 
1 ,200  hommes  de  pied,  entra  dans  Grenoble  en  grande 
pompe,  tabourins  sonnants.  Aussitôt  les  soldats  se 
débandent  et  courent  au  pillage  avec  plus  d'ardeur 
qu'à  l'ennemi.  En  vain  Maugiron  s'efforce  de  les  rap- 
peler ;  en  vain  il  fait  élever  à  la  hâte,  dans  les  lieux 
les  plus  apparents,  des  potences  destinées  aux  pillards. 
Il  dut  laisser  ses  gens  assouvir  leur  avidité,  et  ne  put 
les  rassembler  que  le  lendemain.  Le  baron  des  Adrets, 
rappelé  par  les  plaintes  de  ses  coreligionnaires,  reve- 
nait en  Dauphiné  avec  une  armée  victorieuse.  A  son 
approche,  Maugiron  décampa  secrètement  et  se  retira 
en  Savoie.  Il  n'en  sortit  que  pour  rejoindre  Tavannes 
en  Bourgogne,  laissant  le  Dauphiné  aux  mains  du  plus 
féroce  chef  de  partisans  dont  l'histoire  du  xvie  siècle 
ait  gardé  le  souvenir. 

La  fortune,  pendant  toute  la  campagne,  resta  fidèle 
au  baron  des  Adrets.  Tournon,  Grenoble  et  Vienne  lui 
ouvrirent  leurs  portes.  Bientôt  toutes  les  villes  du  Dau- 

1.  Copie  du  temps,  datée  du  12  juin  1562  (Arch.  de  Lyon, 
AA.  2i,  f.  130).  —  Conférez  la  lettre  de  la  reine  à  Maugiron  de 
même  date  (Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  I,  p.  329). 


ET   JEANNE    d'ALRRET.  227 

phiné,  excepté  Embrun  et  Briançon,  tombèrent  entre 
ses  mains.  Partout,  le  chef  de  la  réforme  portait  le  fer  et 
la  flamme,  pillait  et  quelquefois  démolissait  les  églises, 
massacrait  les  prêtres,  dépouillait  les  catholiques  de 
leurs  biens,  écrasait  d'emprunts  et  d'impôts  les  villes 
mêmes  qui  se  donnaient  librement  à  lui,  faisait  pendre, 
noyer,  arquebuser,  égorger  les  garnisons  qui  osaient 
lui  résister.  Les  historiens  du  temps  racontent  de  ce 
capitaine  des  traits  de  barbarie  qui  semblent  inspirés 
par  une  ivresse  sauvage.  A  Montbrison1,  il  fit  passer 
tous  les  habitants  au  fil  de  l'épée.  Fatigué  de  tuer,  il 
obligea  les  derniers  défenseurs  de  la  ville  à  se  préci- 
piter du  haut  d'une  tour  élevée.  Un  soldat  hésitait  et 
s'y  prit  à  deux  fois.  Le  baron  lui  cria  qu'il  lui  faisait 
perdre  le  temps  :  «  Monseigneur,  répondit-il,  je  vous 
«  le  donne  en  dix.  »  Ce  bon  mot  lui  fit  obtenir  sa 
grâce2.  C'est  le  seul  acte  de  générosité  qu'on  lui 
attribue.  Les  violences  du  baron  des  Adrets  lui  ont 
mérité  un  renom  de  bourreau  qui  s'est  prolongé  d'âge 
en  âge  et  qui  se  perpétue  encore  dans  les  souvenirs  du 
Dauphiné  par  des  contes  et  des  chansons  populaires3. 
La  réforme,  triomphante  en  Dauphiné  et  à  Lyon, 
était  battue  en  Provence  et  en  Bourgogne.  La  Pro- 
vence avait  pour  gouverneur  Claude  de  Savoie,  comte 
de  Tende,  et  pour  lieutenant  Honoré  de  Savoie,  comte 


1.  La  marche  du  baron  des  Adrets  sur  la  ville  de  Montbrison 
donna  au  roi  de  Navarre  l'idée  d'envoyer  le  maréchal  de  Saint- 
André  en  Lyonnais  contre  lui.  Le  projet  ne  fut  pas  exécuté 
(Lettre  du  roi  de  Navarre  à  la  reine,  du  22  juillet  1562  ;  Orig., 
f.  fr.,  vol.  15876,  f.  301). 

2.  De  Thou,  1740,  t.  III,  p.  232. 

3.  Voyez  la  Réforme  en  Dauphiné,  par  Long,  in-8",  1850. 


228  ANTOINE   DE    BOURBON 

de  Sommerive,  fils  du  comte  de  Tende.  Le  comte  de 
Tende  était  un  capitaine  âgé,  d'opinions  indécises,  dési- 
reux avant  tout  d'éviter  la  guerre  civile.  Le  roi  de 
Navarre  le  félicita  de  ses  efforts  pour  arrêter  les  sédi- 
tions locales l .  Le  comte  de  Sommerive  avait  embrassé 
le  parti  des  Guises.  Il  accusait  son  père  de  tiédeur  et 
presque  de  trahison.  Animé  d'une  ardente  jalousie 
contre  un  frère  d'un  autre  lit,  auquel  il  se  disait  sacrifié, 
il  s'était  rangé,  dès  les  premiers  troubles,  parmi  les 
ennemis  de  son  père2.  Aussitôt  après  la  prise  d'Orléans, 
sans  attendre  les  ordres  de  la  cour,  il  entra  en  campagne 
et  se  mit  à  traquer  les  protestants  de  ville  en  ville.  Le 
comte  de  Tende  leva  de  son  côté  des  troupes,  s'allia 
aux  huguenots  et  courut  sus  à  son  fils.  Ainsi,  la  guerre 
civile  naquit  en  Provence  d'une  inimitié  de  famille, 
et,  au  rebours  de  ce  qui  s'était  passé  ailleurs,  débuta 
par  le  soulèvement  des  catholiques.  Le  père  et  le  fils 
se  faisaient  personnellement  la  guerre,  armaient  des 
troupes,  pillaient  successivement  les  villes  opposantes, 
tous  deux  au  nom  du  roi.  Cette  lutte  attira  l'attention 
du  roi  de  Navarre.  Mais,  à  mesure  que  le  comte  de 
Tende  inclinait  du  côté  des  huguenots,  et  Sommerive 
dans  le  sens  des  catholiques,  le  parti  de  la  tolérance 
perdait  de  son  crédit  à  la  cour.  Vers  le  milieu  du 
mois  de  mai,  la  reine  appela  le  comte  de  Tende  à  la 
cour  et  lui  commanda  de  laisser  le  gouvernement  de 
la  Provence  à  son  fils3.  Le  comte  de  Tende  sentit  que 

4.  Minute  originale,  d'avril  1561  (1562);  coll.  Dupuy,  vol.  588, 
f.  83. 

2.  Le  comte  de  Laferrière  a  réuni  [Lettres  de  Catherine  de  Médi- 
cis,  i.  I,  p.  304,  note)  plusieurs  citations  de  documents  originaux 
sur  la  rivalité  du  comte  de  Tende  el  du  comte  de  Sommerive. 

3.  Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  1,  p.  304. 


ET    JEANNE    d'aLBRET.  229 

cet  ordre  équivalait  à  une  disgrâce.  Il  licencia  ses 
troupes  et  se  retira  en  Savoie.  Le  roi  de  Navarre 
adressa  à  Sommerive,  comme  au  vrai  lieutenant  du 
roi,  l'ordre  d'achever  la  pacification  du  pays  en 
chassant  les  séditieux,  de  les  poursuivre  en  Dauphiné, 
de  s'entendre  avec  les  sires  de  Maugiron  et  de  Suze, 
et  de  réunir  en  toute  diligence  ses  troupes  victo- 
rieuses à  celles  qui  luttaient  péniblement  contre  le 
baron  des  Adrets1.  Mais  le  comte  n'avait  point  de 
hâte  de  compromettre  ses  victoires  en  attaquant  un 
adversaire  aussi  redoutable.  Il  mit  le  siège  devant 
Sisteron,  ville  forte  de  Provence,  que  défendaient 
Mouvans  et  Monbrun  avec  toutes  les  forces  du  parti 
huguenot.  Le  roi  de  Navarre,  qui  ne  se  souciait 
de  Sisteron,  lui  commanda,  le  %  août,  de  se  «  joindre 
«  avec  les  trouppes  qui  viennent  de  Savoie  et  d'Ita- 
«  lie  pour,  estans  tous  ensemble,  faire  ung  bon  et 
«  gaillard  effect  pour  le  service  du  roi,  »  du  côté 
de  Lyon2.  Sommerive  continua  le  siège  de  Sisteron, 
la  clef  du  gouvernement  de  Provence.  Après  un  long 
siège,  poursuivi  avec  des  alternatives  diverses,  les 
habitants  capitulèrent,  les  soldats  et  une  partie  de  la 
population  s'enfuirent  et  Sommerive  entra  dans  la 
place  en  vainqueur3. 

La  Bourgogne4  était  administrée  par  Gaspard  de 

1.  Minute  originale,  datée  de  mai  1562  (F.  fr.,  vol.  15876,  f.  61). 

2.  Lettre  du  roi  de  Navarre,  du  2  août  1562,  au  comte  de  Som- 
merive (Orig.;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  351). 

3.  Lettre  de  Sommerive  au  roi  de  Navarre,  du  17  sep- 
tembre 1562  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  15877,  f.  76).  Cette  lettre  contient 
des  détails  nouveaux  sur  les  péripéties  du  siège  de  Sisteron. 

i.  Sur  l'histoire  de  la  guerre  civile  en  Bourgogne,  sujet  que 
nous  ne  pouvons  traiter  avec  développement,  voyez  Les  Mémoires 


230  ANTOINE   DE   BOURBON 

Saulx  Tavannes,  catholique  ardent  et  sans  pitié1. 
Tavannes  avait  obtenu  du  parlement  de  Dijon  l'ajour- 
nement de  l'édit  de  janvier  et  maintenait  les  hugue- 
nots en  paix  sous  sa  main  de  fer2.  La  prise  de  Lyon 
donna  le  branle  aux  rebelles  de  la  province.  Si  le  mou- 
vement l'eût  emporté  en  Bourgogne,  l'armée  royale 
aurait  été  prise  à  revers  sous  les  murs  d'Orléans,  et 
les  reîtres  auraient  marché  sans  obstacle  sur  Paris. 
Le  roi  de  Navarre  écrivit  à  Tavannes  «  que  promp- 
«  tement  et  à  bon  essient,  dit-il,  vous  mectiez  la  main 
«  à  empescher  que  ce  feu  qui  chemyne  de  vostre  cousté 
«  ne  passe  oultre3.  »  Tavannes  n'avait  ni  troupes  ni 
argent,  et  la  cour  était  trop  embarrassée  pour  lui 
venir  en  aide.  Le  roi  de  Navarre,  le  31  mai,  lui 
envoya,  au  lieu  de  troupes  et  d'argent,  l'autorisation 
d'en  lever  autour  de  lui. 

Mons.  de  Tavannes,  par  le  gentilhomme  qui  vous  fut  der- 
nièrement renvoyé  de  Paris,  je  vous  fais  entendre  que  vous 
vous  pourriez  servir  de  quatre  enseignes  des  gens  de  pied  qui 

de  Gaspard  de  Tavannes,  coll.  Petitot,  t.  XXV,  p.  338  et  suiv.  — 
Mémoires  de  Guillaume  de  Tavannes,  ibid.,  t.  XXXV,  p.  243  ot 
suiv.  —  Pingaud,  Les  Saulx  Tavannes,  in-8°,  1876,  p.  33  et  suiv. 
—  Pingaud,  Correspondance  des  Saulx  Tavannes,  in-8\  1877,  p.  83 
et  suiv.  —  Ghalle,  Le  calvinisme  et  la  Ligue  dans  l'Yonne,  t.  I, 
p.  15  et  suiv.  —  Abord,  La  réforme  et  la  Ligue,  à  Autun,  t.  I,  seul 
paru,  p.  183  cl  suiv.  —  MM.  Pingaud,  Ghalle  et  Abord  ont  cité 
beaucoup  de  documents  originaux  conservés  dans  les  archives 
locales.  —  L'illustre  Orbandalc,  par  Bertaut  et  Gusset,  t.  I,  in  tine. 

1.  Le  î  août,  le  pape  Pie  IV  adressa  à  Tavannes  une  bulle  où 
il  le  remerciail  d'avoir  conservé  la  religion  en  Bourgogne  (Annal. 
Raynaldi,  i.  XXI,  ann.  1562,  n°  169). 

2.  Sur  la  rébellion  de  Dijon,  voyez  la  lettre  de  Ghantonay  à 
Philippe  II,  du  11  mai  1562  (Orig.  espagnol;  A.rch.  nat.,  K.  1497, 
a'  30). 

3.  Original,  daté  du  10  mai  1562  (F.  fr.,  vol.  4632,  f.  143). 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  231 

avoienl  esté  levez  pour  Lyon  avecques  les  autres  quatre  que 
vous  aviez,  et,  pour  le  paiement  d'icelles,  vous  ayder  des  argen- 
teryes  des  églises ,  sur  quoy  le  Roy  vous  a  faict  scavoir  son 
intention.  Et  depuis  est  arrivé  le  général1,  présent  porteur, 
duquel  nous  avons  sceu  ce  qu'est  advenu  à  Châlons,  où,  s'il  y 
eut  eu  moyen  de  donner  ordre,  je  m'asseure  que  vous  n'y  eus- 
siez riens  obmis,  comme  vous  ne  ferez,  s'il  est  possible  de 
réduire  ledit  lieu  en  plus  de  dévotion  et  obéissance  au  Roy  qu'il 
n'est;  et  aussi  de  maintenir  les  autres  villes  et  le  pays  en  repos 
et  tranquillité.  Atendant  que  le  temps  nous  donne  plus  de  com- 
modité, comme  je  m'asseure  avec  la  grâce  de  Dieu  que  nous 
aurons,  qui  est  tout  ce  que  je  puis  escrire  pour  le  présent, 
remettant  le  surplus  à  la  lettre  du  Roy  et  de  la  Royne.  Priant 
Dieu,  Mons.  de  Tavannes,  vous  donner  ce  que  plus  vous  désirez. 
Du  boys  de  Vincennes,  le  dern.  jour  de  may  4  362. 
Yostre  bien  bon  et  ancien  amy, 

Antoine2. 

Tavannes  avait  déjà  ramassé  toutes  les  compagnies 
de  sa  province,  frappé  les  maisons  des  huguenots 
d'emprunts  forcés,  fondu  l'argent  des  églises  et  livré 
sa  propre  vaisselle.  Il  prit  l'offensive  avec  une  petite 
armée  de  600  cavaliers  et  de  1 ,200  arquebusiers, 
s'empara  de  Chalon-sur-Saône  et  mit  le  siège  devant 
Màcon.  La  prise  de  la  ville  semblait  assurée  quand, 
le  4  juillet,  le  soir  d'un  combat,  Tavannes  reçut  une 
lettre,  où  le  roi  de  Navarre  lui  rendait  compte  de  ses 
dernières  négociations  avec  le  prince  de  Gondé  :  «  Nous 
«  sommes  en  si  bons  termes  de  pacification  qu'il  fault 
«  surseoir  toute  hostilité,  ainsy  que  la  royne  vous 
«  escript3...  »  A  cette  nouvelle,  Tavannes,  qui  s'était 

1.  Le  général,  officier  de  linances. 

2.  Orig.;  f.  i'r.,  vol.  4G3?,  f.  144. 

3.  Original,  daté  de  Talcy,  du  30  juin  1562  (F.  fr.,  vol.  4632, 
f.  145). 


232  ANTOINE   DE   BOURBON 

déjà  compromis  par  de  glorieux  faits  d'armes,  craignit 
une  disgrâce  pour  excès  de  zèle.  Sans  attendre  la  con- 
firmation des  ordres  du  prince,  il  leva  le  siège  et  se 
retira  à  Chalon-sur-Saône.  Il  reçut  peu  après  une 
seconde  lettre  du  roi  de  Navarre,  datée  du  même 
jour,  qui  lui  apprenait  la  rupture  de  la  conférence  de 
Talcy  :  «  Vous  regarderez  aussy  à  faire  de  vostre 
«  cousté  ce  que  vous  pourrez  pour  recouvrer  Mascon 
«  et  satisfaire  à  la  charge  et  au  pouvoir  que  le  Roy 
«  vous  a  commis  pour  recouvrer  l'obéissance  où  elle 
«  est  perdue  ' .  »  Aussitôt  Tavannes  envoya  à  ses 
capitaines  l'ordre  de  reprendre  la  campagne;  mais, 
de  sa  personne,  il  resta  sur  la  défensive.  Le  roi  de 
Navarre,  dans  une  nouvelle  lettre,  lui  commanda  de 
marcher  au  secours  du  Dauphiné,  où  Maugiron  et 
Suze  étaient  battus  à  chaque  rencontre  par  les  bandes 
du  baron  des  Adrets2. 

Le  Dauphiné,  la  Provence,  le  Languedoc,  en  prenant 
les  armes,  n'obéissaient  pas  à  un  mot  d'ordre.  Dans  le 
parti  huguenot,  la  guerre  civile  était  livrée  à  l'initia- 
tive de  chaque  capitaine.  Point  de  direction  centrale, 
pas  d'action  commune  ;  chaque  chef  de  bande  se  ruait 
sur  les  églises  ou  sur  les  villes  de  son  voisinage  et  s'y 
établissait  en  maître  après  les  avoir  pillées,  comme  au 
temps  de  l'invasion  des  barbares.  L'armée  d'Orléans, 
sous  la  direction  de  Goligny,  prétendait  à  plus  de  dis- 
cipline. L'amiral  s'efforçait  de  l'aguerrir,  de  l'organi- 
ser, de  lui  donner  des  armes,  des  chevaux,  des  vivres, 


t.  Original,  daté  de  Talcy,  du  30  juin  L562  (F.  IV.,  vol.  4632, 
r.  146). 

2.  Lettre  du  roi  de  Navarre  à  Maugiron,  du  12  juin  1562  (Copie 
du  temps;  Arch.  de  Lyon  ;  AA.  24,  f.  I  10). 


ET   JEANNE   D'ALBRET.  233 

de  constituer  des  réserves  et  des  alliances.  Les  pil- 
lages n'étaient  qu'un  prélude,  une  satisfaction  donnée 
aux  basses  passions  de  la  plèbe  de  son  armée.  L'appât 
du  gain  lui  servait  à  recruter  des  troupes,  et  la  com- 
plicité du  pillage  à  les  retenir  sous  le  drapeau  de  la 
réforme.  Malgré  ces  attraits,  dit  Chantonay,  les  bandes 
huguenotes  se  complétaient  difficilement  et  la  plupart 
des  hommes  d'armes,  sans  emploi  depuis  la  paix  de 
Cateau-Cambrésis,  hésitaient  à  regagner  le  camp  d'Or- 
léans1. Coligny  sentait  son  infériorité.  Bien  appuyé 
sous  les  murs  d'Orléans,  il  restait  sur  la  défensive  et 
attendait  l'attaque  de  l'ennemi. 

L'armée  royale  était  mieux  organisée  en  vue  d'une 
longue  campagne.  Le  duc  d'Aumale  réunissait  en 
Normandie  des  troupes  qui  s'élevaient  à  6,000  hommes 
de  pied,  800  arquebusiers  à  cheval  et  150  hommes 
d'armes.  Dans  les  environs  de  Paris,  divers  capitaines 
avaient  levé  28  compagnies  de  gens  de  pied,  de 
300  hommes  chacune,  et  1 ,000  hommes  d'armes  com- 
mandés par  des  chevaliers  de  l'ordre.  Nevers,  Mou- 
lins étaient  le  centre  d'une  armée  de  réserve  qui  comp- 
tait :  l'une  3,500  chevaux,  l'autre  1,500".  Le  plan  de 
campagne  du  duc  de  Guise  était  de  faire  descendre 
ces  troupes  du  Bourbonnais  à  la  Loire,  tandis  que 
l'armée  rassemblée  à  Paris  se  rapprocherait  d'Étampes. 
Ainsi,  les  rebelles  auraient  été  pris  entre  deux  feux 
sous  les  murs  d'Orléans3. 

1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  18  avril  1502  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1197,  n°  24). 

2.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  11  mai  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  30). 

3.  Lettre  de  Chantonay  À  Philippe  II,  du  5  mai  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  28). 


234  ANTOINE   DE   BOURBON 

Le  roi  de  Navarre  commandait  en  chef.  Enflammé  par 
l'approche  des  combats,  il  avait  retrouvé  les  vertus 
de  sa  jeunesse.  Il  recevait  les  capitaines,  passait  en 
revue  les  compagnies  et  les  animait  de  son  propre 
courage1.  La  nouvelle  du  pillage  de  Vendôme,  que 
Jeanne  d'Albret  avait  laissé  consommer  sous  ses  yeux, 
sinon  encouragé  de  son  approbation2,  arriva  à  la  cour 
le  21  mai3  comme  pour  passionner  son  ardeur  belli- 
queuse. Il  se  plaignit  amèrement  à  l'ambassadeur 
d'Espagne  des  attentats  de  sa  femme  contre  les  plus 
respectables  reliques  de  sa  maison.  Il  l'accusait  de 
sacrilège  au  nom  de  leurs  jeunes  enfants.  Il  jura  de  ne 
pas  laisser  un  seul  hérétique  en  France,  quand  la 
guerre  civile  devrait  lui  coûter  la  vie.  Chantonay  l'ap- 
prouva et  lui  conseilla  de  rompre  pour  toujours  avec 
une  épouse  qui  se  mettait  à  la  tête  de  ses  ennemis4. 
L'ambassadeur  nous  révèle  un  fait,  qui  fut  peut-être 
un  des  motifs  secrets  de  la  fureur  iconoclaste  de  la 
reine  de  Navarre.  Catherine  de  Médicis,  toujours  en 
garde  contre  les  empiétements  du  triumvirat,  se  ser- 
vait de  toutes  ses  ruses  pour  dominer  le  lieutenant 
général.  «  Encore  use-t-elle  d'autres  moyens,  dit  Chan- 
«  tonay,  qu'est  d'emboucher  une  demoiselle,  dicte 
«  Rouhet,  de  laquelle  led.  s.  de  Vendosme  est  bien 
«  fort  amoureux,  prétendant  par  là  trouver  moyen  de 

1.  Lettre  de  Chantonay  à.  Philippe  II,  du  7  mai  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  mit.,  K.  1497,  q°  29).  Toutes  les  correspon- 
dances  sont  unanimes  sur  ce  point. 

2.  Voir  ci-dessus,  p.  94. 

;i.  Journal  de  Bruslard  dans  les  Mémoires  de  Gondé,  t..  I,  p.  86 
el  87. 

4.  Lettre  de  Chantonay  ;'i  Philippe  H,  du  28  mai  et  du  3  juin  1562 
(Orig.  espagnols;  Arch.  u.u.,  I\.  I  i')7,  n"  36,  el  1498,  u°  5). 


ET   JEANNE    d'âLBRET.  235 

«  scavoir  son  secret  et  le  séparer  d'avec  les  catho- 
«  liques [ .  »  Louise  de  la  Beraudière,  connue  à  la  cour 
sous  le  nom  de  la  belle  Rouet,  fille  de  Louis  de  la 
Beraudière,  seigneur  de  Sourches  et  de  Rouet,  et  de 
Louise  de  la  Guiche,  était  une  des  plus  «  fringantes  » 
demoiselles  d'honneur  de  la  reine  mère.  La  mention 
de  Chantonay  fixe  la  date  d'une  intrigue  galante 
qui  devait  durer  jusqu'à  la  fin  de  la  vie  du  roi  de 
Navarre. 

Le  connétable  devait  être  lieutenant  du  roi  de 
Navarre,  et  le  duc  de  Guise  chef  de  l'avant-garde2.  Le 
maréchal  Paule  de  Thermes,  seigneur  gascon,  avait 
été  destiné  au  commandement  de  l'arrière-garde  ;  il 
mourut,  le  6  mai,  au  moment  d'entrer  en  campagne3. 
Le  maréchal  de  Brissac  n'était  guère  valide.  Le  duc 
de  Montpensier  était  retenu  en  Poitou 4.  Le  prince 
de  la  Roche-sur-Yon ,  prince  indépendant  et  scep- 
tique, avait  refusé  de  s'engager  dans  une  guerre  dont 
l'issue  lui  paraissait  douteuse.  Un  jour,  écrit  le  capi- 
taine La  Motte,  la  Roche-sur-Yon  fut  «  visité  en  une 
«  petite  maladie  par  le  roy  de  Navarre,  et,  interrogé 

i.  Lettre  de  Chantonay,  du  23  mai,  dans  les  Mémoires  de  Gondé, 
t.  II,  p.  13. 

2.  Lettre  de  Tornabuoni,  du  30  mai  15G2  (Négoc.  de  la  France 
avec  la  Toscane,  t.  III,  p.  478). 

3.  Il  mourut  le  6  mai,  «  estant  plus  riche  d'honneur,  vertus, 
«  vaillance  et  bonne  renommée  que  des  biens  de  ce  monde,  mou- 
«  rant  moins  advancé  en  richesses  que  lorsque  simple  cheval 
«  léger  il  vint  au  service  du  roi.  »  Il  fut  enterré  aux  Célestins  de 
Paris  (Belleforest,  t.  II,  p.  1629).  Ce  récit  est  textuellement  copié 
par  Piguerre,  Hist.  de  nostre  temps,  p.  409. 

4.  Lettre  du  roi  de  Navarre  à  la  reine,  du  16  mai  1562  (Orig.; 
appartient  à  M.  Lacaille,  ancien  magistrat).  Nous  publierons  cette 
lettre  aux  Pièces  justificatives. 


236  ANTOINE   DE   BOURBON 

«  en  riant  s'il  avoit  faict  venir  ses  armes  et  chevaux, 
«  il  dit  en  colère  qu'il  n'en  feroit  venir  un  seul  et  qu'on 
«  ne  s'y  attendît  pas4.  »  La  charge  de  l'arrière-garde 
échut  alors  au  maréchal  Saint-André,  vieux  capitaine 
que  François  de  Lorraine  voulait  faire  assister  par  le 
duc  de  Nemours2.  Jacques  de  Savoie,  depuis  la  tenta- 
tive d'enlèvement  du  duc  d'Orléans,  s'était  retiré  en 
Italie3.  Le  roi  de  Navarre  était  mal  disposé  pour  lui. 
Nemours  l'avait  offensé  en  disant  au  duc  d'Orléans  que 
les  Bourbons  aspiraient  au  trône,  même  au  prix  de  la 
vie  du  roi  et  de  ses  frères.  La  nécessité  obligea  le 
lieutenant  général  à  faire  taire  ses  rancunes.  Avant  de 
reparaître  à  la  cour,  Nemours  se  fit  précéder  d'une 
humble  rétractation4.  Antoine  accepta  ses  excuses  et 
promit  de  lui  pardonner5.  Mais  la  reine  mère  ne  con- 
sentit au  retour  de  ce  seigneur  qu'à  la  condition  qu'il 
n'aurait  point  de  charge  auprès  d'elle0.  Saint-André 
fut  alors  envoyé  à  Poitiers  ;  le  connétable  prit  le  com- 


1.  Lettre  du  cap.  La  Motte  au  s.  Holbrac,  en  date  du  21  mai  1562 
(Copie  du  temps;  f.  fr.,  vol.  10190,  I'.  173). 

2.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  8  avril  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  21).  —  Lettre  de  Catherine  à 
la  duchesse  de  Savoie,  mai  1562  {Lettres  de  Catherine  de  Médicis, 
t.  I,  p.  303). 

3.  Il  n'était  pas  encore  rentré  à  la  cour  à  la  date  du  22  mai 
(Lettre  de  Robertet,  du  22  mai,  au  duc  de  Nemours;  Autog., 
1'.  IV.,  vol.  3200,  f.  133),  ni  à.  la  date  du  3  juin  (Lettre  du  conné- 
table à  Nemours,  du  3  juin;  Orig.,  i'.  fr.,  vol.  3180,  f.  69).  Ces 
deux  lettres  sonl  datées  de  la  cour. 

4.  Autographe,  daté  du  22  juin  1562;  Arch.  des  Basses-Pyré- 
nées, E.  585. 

5.  Copie  datée  de  Blois  ci  de  juillel  15(12;  Arch.  dos  1>u>si\~- 
Pyrénées,  I-"..  585. 

6.  Lettre  de  Ghanlonay  à  Philippe  11,  du  9  juin  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1498,  n"  2). 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  237 

mandement  de  l'arrière-garde  et  le  roi  de  Navarre 
resta  seul  à  la  tête  de  l'armée1. 

La  liste  des  capitaines  de  l'armée  royale,  destinés 
à  combattre  directement  sous  les  ordres  du  roi  de 
Navarre,  a  été  conservée  dans  une  pièce  de  compta- 
bilité2. Le  prince  s'était  fait  attribuer  des  «  gages  »  dont 
le  chiffre  élevé  prouve  qu'il  estimait  haut  ses  services. 
Il  touchait  2,500  livres  par  mois  comme  lieutenant 
général  du  royaume.  Les  s.  d'Ossun  et  de  la  Brosse, 
maréchaux  de  camp,  Charles  de  la  Rochefoucault  de 
Randan,  colonel  général  de  l'infanterie,  300  livres  ; 
les  capitaines  Sarlabous  et  Richelieu,  maîtres  de  camp 
des  bandes  françaises,  200  livres3. 

Avant  de  se  mettre  en  campagne,  le  roi  de  Navarre 
mit  la  cour  et  Paris  à  l'abri  d'un  coup  de  main.  Le  roi  et 
la  reine  s'étaient  rendus  à  Monceaux  le  1 3  mai l  ;  il  leur 
apporta,  le  %1  mai,  de  la  part  du  triumvirat5,  le  con- 


1.  Lettre  non  signée  de  la  fin  de  juin  1562  (F.  fr.,  vol.  20153, 
f.  95). 

2.  Voici  cette  liste  :  l'enseigne  colonelle  (celle  de  Charles  de  la 
Rochefoucault  de  Randan,  colonel  de  gens  de  pied)  ;  les  cap.  Sar- 
labous et  Richelieu,  mestres  de  camp;  les  cap.  Forcés,  Villeneuve, 
Boys,  Mirepeys,  -Marin,  Larivière,  Brye  (au  lieu  de  Boisjourdan), 
Hunoset,  Noailhan,  Nançay,  Achaulx,  Buno,  Sylvestre,  Lucinet, 
Serrion,  Savigny,  Jacques  Volf,  Gosseins,  Montorgueil,  Rance, 
Anglure,  Lago,  Saint-Estève,  Lagrange  ;  ces  trois  derniers  fai- 
saient partie  des  vieilles  compagnies  de  Calais  (Liste  datée  de 
juin  1562;  Copie  du  temps;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  130). 

3.  Estats  et  appointements  des  lieutenant  général  en  l'armée 
et  au  camp  et  autres  officiers,  pour  les  mois  de  juin,  juillet  et 
août  1562  (Copie  ;  Vc  de  Colbert,  vol.  84,  t.  275). 

4.  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  du  19  mai  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  33).  — Journal  do  1562  dans 
la  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  104. 

5.  Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  Y,  p.  108. 


238  ANTOINE    DE   BOURBON 

scil  impérieux  de  revenir  à  Paris  et  d'y  rester  sous  la 
surveillance  du  prince  de  la  Roche-sur-Yon i .  Les 
nécessités  de  la  guerre  ne  laissaient  pas  à  la  reine 
le  choix  de  sa  résidence.  Elle  quitta  Monceaux  dans 
les  derniers  jours  du  mois  et  s'établit  le  30  mai  au 
château  de  Vincennes,  au  grand  regret  du  peuple, 
qui  aurait  désiré  garder  le  roi  à  Paris2.  Le  trium- 
virat prit  des  mesures  pour  la  sûreté  du  roi  comme 
pour  le  retenir  prisonnier3.  L'attitude  de  la  reine 
justifiait  ces  craintes.  Catherine,  malgré  son  zèle 
apparent  en  faveur  des  catholiques,  était  aussi  incer- 
taine que  le  premier  jour.  Les  conférences  avec  le 
chancelier  se  multipliaient.  Quand  elle  ne  pouvait  le 
voir,  elle  lui  envoyait  la  dame  de  Valpergue,  «  gentil 
«  femme  hérétique,  »  que  lui  avait  donnée  la  maré- 
chale de  Thermes.  Ghantonay  raconte  qu'une  dame 
de  la  cour,  venue  d'Espagne,  la  dame  d'Aguilar,  com- 
munia un  jour  dans  une  église  de  Paris.  Les  assistants 
la  complimentèrent  «  de  ne  pas  être  hérétique  comme 
«  sa  maîtresse4.  »  Le  roi  était  circonvenu  par  les  amis 
de  Condé.  On  lui  disait  que  le  prince  «  était  les  deux 
«  bras  de  son  corps,  »  formule  extravagante  qui  frap- 


1.  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  du  5  mai  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  28). 

2.  Lettre  de  Sainte-Croix  dans  les  Archives  curieuses,  t.  VI, 
p.  104.  —  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  du  28  mai  1562 
(Orig.  espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  3(1).  —  Journal  de  1562 
dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  110. 

3.  Ordre  pour  La  garde  du  mi  tant  de  jour  que  de  nuit,  pièce 
sans  date,  mais  qui  se  rapporte  au  mois  de  mai  1562  (Négoc.  sous 
François  IL  p.  869,  dans  les  Documents  inédits). 

\.  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  du  11  mai  1562  (Orig. 
espagnol  ;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  30). 


ET    JEANNE   D'ALBRET.  239 

pait  le  jeune  roi1.  Charles  IX  garda  ses  sentiments  de 
méfiance.  Lorsque  les  troupes  allemandes  arrivèrent  au 
camp,  le  comte  Rhingrave  alla  saluer  le  roi.  Le  jeune 
monarque  «  n'en  fît  pas  grand  cas,  »  et  dit  tout  haut  à 
la  reine  :  «  Je  ne  scay  pourquoy  l'on  faict  venir  tant 
«  de  gens  estrangiers;  je  n'en  ay  point  de  besoing.  Je 
«  scay  bien  que  c'est  contre  M.  le  prince  de  Gondé; 
«  mais,  s'il  estoit  défaict  et  ceulx  de  sa  compagnie,  je 
«  crois  bien  que  l'on  feroit  de  vous  une  petite  cham- 
«  beriere  et  de  moy  ung  petit  valet2.  » 

La  ville  de  Paris  appartenait  en  majorité  au  parti 
catholique  le  plus  ardent.  Le  duc  de  Guise  y  régnait 
en  maître;  le  roi  de  Navarre,  depuis  sa  conversion, 
partageait  la  faveur  populaire  des  Lorrains3.  Antoine 
était  attentif  à flatteries  passions  religieuses  du  peuple. 
Le  17  mai,  jour  de  la  Pentecôte,  il  assista  en  grand 
apparat  à  la  messe  et  aux  vêpres  de  la  cathédrale 
et  entendit  un  sermon  du  cardinal  de  Lorraine4.  Le 
jour  de  la  Fête-Dieu,  le  28  mai,  au  retour  de  Mon- 
ceaux, malgré  les  dispositions  protestantes  des  habi- 
tants de  Meaux,  il  fit  célébrer  avec  éclat  la  procession 
du  saint  sacrement  dans  les  rues  de  Meaux  et  y  con- 
duisit la  reine5.  La  ville  de  Paris  avait  obtenu  du  roi 


1.  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  du  17  juin  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1498,  n°  5). 

2.  Lettre  de  Goligny  à.  d'Andelot,  du  3  août  1562  (Kervyn  de 
Lettenhove,  Documents  relatifs  à  l'histoire  du  XVIe  siècle,  1883,  j>.  '.li. 

3.  Lettre  do  Ghantonay  à  Philippe  II,  du  26  mai  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  36). 

4.  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  du  19  mai  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K  1497,  n°  33). 

5.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  de  juin  1562  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  nat.,  K.  1498,  n°  5). 


240  ANTOINE    DE   BOURBON 

l'autorisation  de  s'armer  l.  Le  1 1  mai,  les  «  citoyens  et 
«  manans  »  éliront  un  capitaine  et  un  lieutenant  par 
quartier  et  tirent  dresser  le  rôle  de  tous  les  habitants 
en  état  de  porter  les  armes2.  Le  16,  le  roi  de  Navarre 
approuva  l'élection ,  commanda  aux  capitaines  de 
choisir  les  enseignes,  caporaux  et  sergents  de  bande 
qui  devaient  servir  sous  leurs  ordres,  fît  acheter  des 
armes  par  les  bourgeois,  ordonna  des  revues  par  quar- 
tier et  confia  la  défense  de  la  ville  à  chaque  compagnie  à 
tour  de  rôle.  Le  jour,  les  portes  restaient  ouvertes  ;  la 
nuit,  elles  étaient  fermées  et  gardées  comme  en  temps  de 
siège.  Des  chaînes  étaient  tendues  en  travers  des  rues, 
des  lanternes  ou  des  torches  posées  sur  le  seuil  de 
chaque  maison3.  Cette  organisation  militaire  est  clai- 
rement exposée  dans  une  lettre  du  roi  de  Navarre  au 
prévôt  des  marchands,  du  16  mai4.  La  ville  entière 
se  soumit  aux  charges,  et  le  parlement  lui-même, 
malgré  ses  privilèges,  consentit  à  participer  aux  frais 
de  défense5.  Le  roi  de  Navarre  confia  le  gouvernement 
de  la  ville  et  le  commandement  des  troupes  au  maré- 
chal de  Brissac6. 


•1.  Ordonnance  du  roi,  du  2  et  du  8  mai  1562  (La  Popelinière, 
t.  I,  f.  310  v°.  —  Félibien,  Hist.  de  Paris,  t.  IV,  p.  801;  t.  Y, 
p.  291.  —  Mémoires  de  Condé,  t.  III,  p.  419). 

2.  Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  104. 

3.  Lettre  de  Ghantona}  à  Philippe  II,  du  28  mai  15G2  (Orig. 
espagnol  ;  A.rch.  nat.,  K.  1  497,  n°  36). 

i.  Lettre  du  roi  de  Navarre  au  prévôt  des  marchands,  du 
16  mai  1562  (Arch.  nat.,  11.  1784).  —  Autre  copie  do  cette  pièce 
(F.  IV.,  vol.  10191,  f.  206).  —  Ces  mesures  furenl  complétées  par 
une  ordonnance  du  roi,  du  17  mai  (Félibien,  Histoire  de  Paris, 
t.  III,  p.  G66). 

5.  Arrêl  du  22  mai  1562  [Mémoires  de  Condé,  t.  [II,  p.  454). 

6.  Négoc.  du  card.  de  Ferrare,  p.  200.  —  Les  pouvoirs  du  mare- 


ET   JEANNE    d'aLBRET.  241 

L'ardeur  des  habitants  réclamait  des  mesures  plus 
complètes.  Il  existait,  dans  les  écoles  et  dans  certains 
corps  de  métier,  une  minorité  de  réformés  «  pour 
«  remuer  mesnage.  »  Le  20  mai,  sur  les  remontrances 
de  Nicolas  Luillier,  lieutenant  civil  de  Paris,  le  roi  de 
Navarre  fit  crier  à  son  de  trompe  une  de  ces  ordon- 
nances qui  ramènent  le  XVIe  siècle  aux  temps  de  la 

barbarie  :  «  que  tous  ceulx  de  lad.  nouvelle  reli- 

«  gion,  estans  de  présent  demeurans  et  résidans  dans 
«  lad.  ville  de  Paris,  ayent,  dans  le  jour  de  jeudi  pro- 
«  chain  venant,  pour  tout  terme  et  délay,  à  s'en  reti- 
«  rer  et  sortir  hors  d'icelle  ville.  »  L'édit  de  pros- 
cription, publié  le  mardi,  ne  laissait  que  deux  jours 
aux  religionnaires  pour  s'expatrier.  Le  lendemain, 
une  nouvelle  ordonnance  aggrava  la  première  en 
accordant  aux  capitaines  dizainiers,  assistés  des  prin- 
cipaux bourgeois,  le  droit  de  désigner  «  ceux  qui  sont 
«  notoirement  diffamez  et  déclarez l .  »  C'était  donner 
aux  inimitiés  locales  la  facilité  de  satisfaire  leurs 
plus  basses  passions.  L'ordonnance  fut  exécutée  avec 
une  sévérité  implacable.  La  plupart  des  familles  chas- 
sées de  la  ville  se  retirèrent  dans  la  forêt  de  Vincennes, 
«  soit  pour  trouver  une  meilleure  retraite,  soit  pour 
«  obtenir  quelque  adoucissement2.    »   Elles  périrent 

chai  de  Brissac  furent  ratifiés  par  le  roi  par  une  ordonnance  du 
31  mai  1562  (Félibien,  Histoire  de  Paris,  t.  III,  p.  668). 

1.  Ces  deux  ordonnance-;  furent  imprimées  en  1562.  Elles  ont 
été  reproduites  par  La  Popelinière,  in-fol.,  t.  I,  f.  310  v°,  par 
Félibien,  Histoire  de  Paris,  t.  III,  p.  667,  et  dans  les  Mémoires  de 
Condé,  t.  III,  p.  462.  —  Le  parlement  en  ordonna  l'exécution  pur 
un  arrêl  du  29  mai  (Mémoires  de  Condé,  t.  III,  p.  168  . 

2.  Lettre  de  (Ihantonay  à  Philippe  II,  du  17  juin  1562  (Orig. 
espagnol;  Arcli.  nat.,  K.  1498,  n°  51). 

iv  16 


242  ANTOINE    DE    BOURBON 

de  faim  et  de  misère  ou  devinrent  la  proie  des  bandes 
armées  qui  sillonnaient  la  campagne.  Celles  qui  res- 
tèrent dans  Paris  furent  pillées,  dépouillées  et  jetées 
en  prison1. 

A  la  fin  de  mai,  l'armée  catholique  commençait  à 
être  redoutable2.  Mais  les  deux  partis  hésitaient  à 
donner  le  signal  des  combats.  Chaque  seigneur  pres- 
sentait que  le  sang  versé  appellerait  de  terribles  ven- 
geances, et  que,  de  représaille  en  représaille,  la  guerre 
civile,  embrassant  le  royaume  entier,  serait  le  tom- 
beau de  tous  les  capitaines.  «  Après  qu'on  eut  tiré 
«  plusieurs  coups  de  plume  d'une  part  et  d'autre,  dit 
«  Mathieu,  on  déguaisna  les  espées  ;  la  guerre  fut 
«  déclarée.  Le  Roy  de  Navarre  fut  le  général  de  l'ar- 
«  mée  du  Roy,  et  la  fit  marcher  vers  Montléry  pour 
«  aller  droit  à  Orléans;  les  vens  de  la  tempeste  civile 
«  furent  laschés;  il  ne  fut  plus  possible  de  les  retenir; 
«  il  n'y  a  que  Dieu  qui  les  commande.  Armes  de  çà, 
«  armes  de  là,  troubles,  confusions,  calamitez  par 
«  tout3.  » 

Le  roi  de  Navarre  fit  acheminer  l'artillerie,  le 
23  mai,  par  la  rue  Saint-Jacques.  La  foule  se  pressait 

1.  La  Popelinière,  I .  I,  I".  310  v°.  —  De  Bèze,  Hist.  ccclés.,  1581, 
t.  II,  p.  75.  —  Le  cardinal  de  Sainte-Croix:  avoue  ces  excès 
(Archives  curieuses,  i.  VI,  p.  104).  —  Lettre  anonyme  sans  date, 
écrite  par  un  catholique  (F.  fr.,  vol.  20153,  f.  95). 

2.  Ghantonay  constate  qu'elle  était  la  première  prête  à  entrer 
en  campagne  (Lettre  du  28  mai  1562  à  Philippe  II;  Orig.  espa- 
gnol :  Arch.  nai.,  K.  1497,  n°  36). 

3.  Mathieu,  Hist.  de  France,  i.  I.  p.  260.  —  Dans  un  autre  pas- 
sage Mathieu  écrit  a\ec  n îm'ins  de  verve:  «  La  guerre  civile, 

plus  ruineuse  en  un  estât  que  le  l'eu  en  une  maison,  la  peste  en 
une  ville,  la  lièvre  au  corps  humain,  fut  déclarée  et  commencée 
avec  des  cruautés  et  des  violences  estranges.  »  [Ibid.,  p.  259.) 


ET    JEANNE    d'aLBRET.  243 

sur  le  passage  des  troupes.  «  Ce  jour-là,  dit  un  chro- 
«  i liqueur  anonyme,  esmut  fort  les  gens  de  bien  de 
c«  voir  faire  un  tel  effort  contre  les  siens  propres1.  » 
Les  canons  furent  postés  sur  la  route  d'Orléans,  dans 
des  retranchements  élevés  en  1 544,  lorsque  Charles- 
Quint  était  campé  à  Saint-Dizier2.  Le  1er  juin,  le  roi 
de  Navarre  et  l'armée  se  mirent  en  campagne.  Le 
prince  marchait  à  l'avant-garde  avec  le  duc  de  Guise, 
le  connétable  au  centre  et  Saint-André  à  l'arrière- 
garde.  L'armée  se  composait  de  vingt-deux  compa- 
gnies de  gens  d'armes,  de  600  chevaux-légers  et  de 
trente-cinq  compagnies  de  gens  de  pied.  Elle  franchit 
la  première  étape  et  campa  le  soir  à  Lonjumeau3. 

Pendant  que  l'armée  royale  stationnait  à  Lonjumeau, 
la  reine  arriva  à  l'improviste  pour  négocier  encore 
une  fois  avec  le  prince  de  Condé4.  Sans  doute  la  dame 
de  Crussol,  qui  était  à  Orléans  avec  le  cardinal  de 
Chastillon,  lui  avait  fait  part  des  hésitations  du  parti 
réformé5.  L'armée  suspendit  sa  marche,  et  la 
reine,  accompagnée  du  roi  de  Navarre,  se  rendit  à 


1.  Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  A*,  p.  107. 

2.  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  du  28  niai  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  36). 

3.  Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  110.  — 
Journal  de  Bruslard  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  I,  p.  87.  — 
Lettre  de  Sainte-Croix  dans  les  Archives  curieuses,  t.  VI,  p.  100. 

4.  Dans  les  derniers  jours  de  mai,  Catherine  avait  envoyé  un 
messager  à  Condé.  Il  lui  répondit,  le  28,  une  lettre  peu  conci- 
liante qui  est  conservée  en  copie  dans  la  coll.  Brienne,  vol.  205, 
f.  500.  Malgré  cette  lettre,  la  reine  tenta  encore  une  fois  lu  voie 
des  négociations. 

5.  Lettre  de  Sainte-Croix  dans  les  Archives  curieuses,  t.  VI, 
p.  105.  —  Journal  de  Bruslard  dans  \o>  Mémoires  de  Condé.  t.  I, 
p.  87.  —  Journal  de  1592  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  112. 


244  ANTOINE   DE   BOURBON 

Étampes1.  Elle  fit  demander  au  prince  de  Gondé  une 
entrevue,  en  son  nom  et  au  nom  du  roi  de  Navarre, 
dans  un  lieu  de  son  choix  ;  et,  sans  attendre  la 
réponse,  elle  s'avança,  le  o  juin,  jusqu'à  Toury.  Là, 
elle  apprit  que  la  conférence  avait  paru  dangereuse 
et  que  le  prince  n'avait  pas  obtenu  de  son  conseil 
l'autorisation  de  sortir  de  la  ville2.  Catherine  recula 
jusqu'à  Étampes  et  renvoya  à  Orléans  Jean  de  Monluc, 
évêque  de  Valence,  avec  la  mission  de  faire  des  efforts 
désespérés  en  faveur  de  la  paix,  jusqu'à  représenter 
au  prince  que  le  parti  catholique  disposait  de  forces 
irrésistibles.  Pressé  par  la  reine,  Coudé  accepta  enfin 
une  entrevue  avec  son  frère,  à  la  condition  que  la 
reine  y  assisterait3.  Les  deux  partis  convinrent  de 
n'amener  que  100  cavaliers  et  de  se  rencontrer  le 
mardi,  9  juin,  dans  les  plaines  de  la  Beauce,  entre 
Auger  ville  et  Toury4.  Catherine  et  Antoine  appor- 
taient à  la  négociation  des  dispositions  bien  différentes. 
La  reine  voulait  «  manibus  et  pedibus5  »  empêcher  la 
guerre  civile,  et  se  montrait  si  conciliante  vis-à-vis  des 

1.  Lettres  de  Catherine  de  Médias,  t.  [,  p.  327. 

2.  De  Bèze,  Ilist.  ecclés.,  1881,  t.  II,  p.  528.  —  Lettre  de  Tor- 
nabuoni,  du  13  juin  (Négoc.  de  la  France  avec  la  Toscane,  l.  III, 
p.  481).  —  Lettre  du  card.  de  Ferrare  [Négoc.  du  card.  de  Ferrare, 
p.  233).  —  Discours  du  card.  de  Lorraine  au  pari,  de  Paris 
{Me moires  de  Gondé,  t.  III,  p.  489).  —  Presque  tous  les  écrivains 
ont  confondu  le  voyage  que  la  reine  lit  le  5  juin  à  Toury  avec 
celui  qu'elle  fil  le  9  au  même  endroit.  Voyez  plus  loin. 

3.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  6  juin  15G2  (Orig. 
espagnol  ;  Arch.  nat.,  K.  1  i98,  u°  5). 

4.  Lettres  de  sauvegarde  données  par  le  roi  de  Navarre  au 
prince  de  Gondé,  datées  d'Ktanipes,  du  S  juin  1302  (Minute  ou 
copie,  du  temps;  1".  IV.,  vol.  6618,  f.  103). 

5.  Mol  de  Tornabuoni  (Lettre  du  13  juin;  Négoc.  entre  la  France 

i  I  lu    l'usaiiie,   1 .    111,1'.  "'^l)- 


ET   JEANNE    d'ALBRET.  245 

huguenots  que  le  parti  catholique  l'accusait,  «  estant 
«  en  soupçon  de  leur  foiblesse,  de  leur  procurer  le 
«  temps  d'attendre  leurs  estrangers1.  »  Le  roi  de 
Navarre,  au  contraire,  s'était  engagé  à  repousser  les 
propositions  de  paix  qui  laisseraient  aux  hérétiques  la 
liberté  de  leur  culte2. 

Le  9  juin  au  matin,  le  roi  de  Navarre  se  mit  à  la 
tête  d'une  escorte,  composée  de  chevaliers  de  l'ordre, 
de  gens  d'armes  de  sa  compagnie  et  de  celles  des 
triumvirs,  tous  armés  de  pied  en  cap,  vêtus  de 
velours  cramoisi  et  montés  avec  luxe.  La  reine  le 
rejoignit  aux  portes  d'Étampes  en  litière.  Le  cortège 
franchit  six  lieues  et  fit  halte,  dit  La  Noue,  dans  une 
plaine  «  raze  comme  la  mer.  »  Condé  se  fit  attendre 
près  d'une  heure  et  demie.  Enfin  ses  coureurs  vinrent 
reconnaître  l'escorte  du  roi  de  Navarre.  Le  prince 
arriva,  monté  sur  un  étalon  des  haras  royaux  de 
Meung- sur- Loire,  suivi  de  Piennes,  de  Genlis,  de 
Gramont  et  d'une  brillante  troupe  de  cavaliers,  vêtus 
de  casaques  blanches  et  armés  de  lances  ornées 
de  banderoles  de  même  couleur.  Le  roi  de  Navarre  le 
rejoignit  au  galop  avec  François  de  Montmorency, 
Lansac  et  d'Escars.  Ils  s'abordèrent  froidement  et 
entrèrent  en  conférence.  La  reine,  dit  Ghantonay, 
craignant  également  ou  une  dispute  ou  un  accommo- 
dement entre  les  deux  frères,  accourut  aussitôt  de 
toute  la  vitesse  de  ses  porteurs.  A  son  arrivée,  le 
prince  de  Condé  la  salua  sans  descendre  de  cheval  et 
s'excusa  de  rester  en  selle  sur  ce  que  les  membres  de 

1.  Mémoires  de  Tavannes,  coll.  Petitot,  t.  XXIV,  p.  333. 

2.  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  du  6  juin  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1498,  n°  5). 


246  ANTOINE   DE    BOURBON 

son  conseil  l'avaient  ainsi  ordonné,  de  crainte  de  sur- 
prise. Cette  précaution  étonna  les  assistants,  mais  ne 
souleva  aucune  observation  de  la  reine.  Alors  le  prince 
de  Condé  commença  la  lecture  d'une  longue  harangue 
sur  la  religion  et  l'obéissance  due  au  roi.  Catherine 
l'arrêta  au  bout  d'une  heure  et  le  pria  «  d'arriver  au 
«  but  et  de  couper  au  plus  court.  »  11  interrompit  sa 
lecture  et  dit  «  qu'il  venait  pour  écouter  ce  que  la 
«  reine  avait  à  lui  commander.  »  Elle  lui  proposa 
d'autoriser  le  culte  réformé,  d'accorder  une  amnistie 
générale  à  tous  les  rebelles,  sauf  aux  officiers  du  roi  ; 
en  retour,  elle  demandait  au  prince  de  déposer  les 
armes,  de  restituer  les  villes  et  les  églises  usurpées. 
Elle  se  réservait  de  garder  les  compagnies  royales  sous 
les  armes  jusqu'après  l'exécution  de  ces  conditions.  Le 
prince  répondit  que  la  paix  ne  serait  possible  qu'après 
le  départ  des  triumvirs  et  demanda  la  retraite  des  chefs 
catholiques,  l'exécution  de  l'édit  de  janvier  et  le  licen- 
ciement simultané  des  deux  armées.  Catherine  répon- 
dit avec  à-propos  que  les  deux  parties  belligérantes 
n'étaient  pas  égales,  puisque  l'une  était  représentée  par 
le  roi  et  l'autre  par  des  révoltés,  dont  le  premier 
devoir  était  de  se  soumettre.  Le  prince,  interdit  par 
cette  observation,  déclara  qu'il  ne  pouvait  prolonger 
les  pourparlers  sans  l'assentiment  de  ses  conseillers, 
«  qu'il  leur  avoit  donné  sa  foy  et  n'y  pouvoit  contre- 
ce  venir.  »  Et  il  avoua  à  la  reine  que  les  affaires  du  parti 
huguenot  étaient  conduites  par  un  double  conseil, 
l'un  de  vingt,  l'autre  de  cent  membres  et  les  résolu- 
tions soumises  «  à  la  tourbe,  »  c'est-à-dire  à  l'assem- 
blée du  peuple.  «  C'est  donc  vous,  riposta  la  reine,  qui 
«  estes  prisonnier el  sans  liberté,  non  inoy.»  Cependant 


ET   JEANNE    DALBRET.  247 

lu  conférence  continua.  Gomme  le  prince  témoignait 
d'une  grande  confiance  dans  ses  troupes,  la  reine  lui 
dit  sur  un  ton  de  menace  :  «  Puisque  vous  vous  fiez  à 
«  vos  forces,  nous  aussy  nous  vous  montrerons  les 
«  nôtres.  » 

Les  deux  cortèges,  commandés  l'un  par  le  maréchal 
Henri  de  Montmorency-Damville,  l'autre  par  le  comte 
de  la  Rochefoucauld,  restaient  à  huit  cents  pas  l'un  de 
l'autre,  hors  de  la  portée  de  la  voix  des  deux  interlo- 
cuteurs. Pendant  cette  longue  attente,  les  seigneurs 
des  deux  partis  se  mesuraient  des  yeux  et  reconnais- 
saient, dit  La  Noue,  «  l'un  son  frère,  l'autre  son  oncle, 
«  son  cousin,  son  amy  ou  ses  anciens  compagnons  » 
dans  les  rangs  ennemis.  Plusieurs  demandèrent 
l'autorisation  «  de  s'accoster.  »  Bientôt,  de  l'un  à 
l'autre,  les  cavaliers  des  compagnies  rouges  et  des 
compagnies  blanches  rompirent  leurs  rangs  et  se 
mêlèrent  fraternellement.  Les  catholiques  représen- 
taient à  leurs  frères  huguenots  que  la  guerre  civile 
serait  cause  de  leur  perte,  les  huguenots  qu'elle  était 
leur  seule  chance  de  salut.  Tous  regrettaient  la  néces- 
sité de  s'entr'égorger  pour  une  divergence  d'inter- 
prétation de  texte.  «  Bref,  dit  La  Noue,  chacun  s'inci- 
«  tait  à  la  paix  et  à  persuader  les  grands  d'y  entendre. 
«  Aucuns  qui,  un  peu  à  l'escart,  considéroient  ces 
«  choses  plus  profondément,  déploroicnt  le  discord 
«  public,  source  des  maux  futurs  ;  et,  quand  ils  reve- 
«  noient  encore  à  penser  en  eux-mesmes  que  toutes 
«  les  caresses  qu'on  s'entrefaisoit  seroient  converties 
«  en  meurtres  sanglans,  si  les  supérieurs  donnoient  un 
«  petit  signe  de  combattre,  et  que,  les  visières  estaus 
a  abattues  et  la  prompte  fureur  ayant  bandé  les  yeux, 


248  ANTOINE    DE   BOURBON 

«  le  frère  quasy  ne  pardonnerait  à  son  frère,  les 
«  larmes  leur  sortoient  des  yeux1.  » 

L'entrevue  avait  déjà  duré  une  heure  et  demie  et  la 
reine  et  le  prince  de  Condé  ne  s'étaient  communiqué 
que  ces  propositions  banales  qui  revenaient,  depuis  la 
prise  d'Orléans,  dans  les  instructions  des  ambassadeurs 
des  deux  partis.  11  pleuvait  à  torrents  avec  un  vent 
violent  «  comme  au  cœur  d'un  hiver  bien  froid.  » 
La  reine  demanda  à  se  mettre  à  l'abri  dans  une  chau- 
mière délabrée,  appelée  le  château  Gaillard,  qui  s'éle- 
vait à  quelques  pas  du  chemin.  Le  prince  répondit  que 
les  instructions  de  ses  conseillers  lui  interdisaient  de 
quitter  la  campagne  découverte.  Cette  nouvelle  preuve 
de  méfiance  déplut  d'autant  plus  à  la  reine  que  les 
coureurs  de  son  escorte  avaient  dépisté  un  corps  de 
800  cavaliers  ou  arquebusiers,  cachés  par  le  prince  de 
Condé  dans  un  pli  de  terrain.  Avant  de  se  retirer,  la 
reine  demanda  à  prendre  jour  pour  une  nouvelle  con- 
férence. Le  prince  répondit  qu'il  ne  pouvait  s'engager 
sans  en  référer  à  son  conseil  et  promit  d'aviser  la 
reine.  Il  se  réserva  seulement  le  droit  d'amener  avec 
lui  Coligny,  d'Andelot  et  La  Rochefoucauld  ;  la  reine, 
celui  de  se  faire  assister  du  duc  de  Guise,  du  conné- 
table, du  maréchal  de  Saint-André  ou  du  cardinal  de 
Lorraine.  Les  deux  partis  se  séparèrent,  la  reine  et 
le  roi  de  Navarre  pour  revenir  à  Étampes,  le  prince 
de  Condé  à  Orléans.  Catherine  escomptait  le  résultat 
d'une  entrevue  à   laquelle   assisteraient  les  hommes 

I.  .)/.  La  Noue,  liv.  I,  chap.  ni.  —  La  plupart  des  his- 

toriens protestants  ont  copié  le  récit  de  La  Noue,  notamment 
d'Aubigné,  qui  en  a  reproduit  la  substance  avec  une^rande  élo- 
quence [Hist.  unir.,  i.l,  col.  195  . 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  249 

du  triumvirat,  mais  les  Guises  lui  signifièrent  qu'à 
aucun  prix  ils  ne  prendraient  part  à  des  négocia- 
tions avec  des  rebelles,  parjures  au  serment  de  fidélité 
au  roi. 

Le  lendemain  et  le  surlendemain,  10  et  11  juin,  la 
reine  attendit  vainement  à  Étampes  le  rendez-vous  du 
prince  de  Gondé.  Le  1 2,  elle  apprit  de  Jean  de  Monluc, 
évêque  de  Valence,  que  les  réformés  n'accepteraient  un 
accord  pacifique  que  sur  les  bases  posées  par  leur 
chef.  Irritée  de  ce  message,  elle  promit  aux  chefs  du 
parti  catholique  de  fermer  l'oreille  aux  propositions 
des  huguenots  et  commanda  ses  équipages  pour 
retourner  à  Vincennes.  Le  même  jour  arriva  à  Étampes 
le  seigneur  d'Yvoi,  frère  de  Genlis ,  avec  une  lettre 
du  prince  de  Coudé,  qui  confirmait  les  réponses  de 
l'évêque  de  Valence1.  La  reine  renvoya  à  Orléans  Flo- 
rimond  Robertet,  s.  d'Alluye,  un  des  quatre  secré- 
taires d'état2.  Le  1 3  juin,  elle  se  mit  en  route  à  petites 
journées,  dans  l'espoir  qu'elle  serait  rappelée  à 
Étampes.  Elle  rencontra  le  roi,  qui  était  venu  à  la  ren- 
contre de  sa  mère  sur  la  route  d'Orléans,  et  arriva  à 
Vincennes  le  13  juin  avec  toute  la  cour3. 

1.  Cette  lettre  est  imprimée  dans  les  Mémoires  de  Gondé,  t.  III, 
p.  481. 

2.  L'instruction  qui  lui  fut  confiée  est  publiée  dans  les  Mémoires 
de  Condé,  t.  III,  p.  483.  Elle  reproduit  les  mêmes  propositions. 

—  Le  secrétaire  d'étal  n'esl  pas  nommé,  mais  son  nom  se  retrouve 
dans  une  lettre  de  Gondé,  du  1G  juin,  que  nous  citons  plus  loin. 

3.  Sur  l'entrevue  de  Toury,  voyez  surtout  une  lettre  de  Ghan- 
tonay  à  Philippe  II,  des  13  el  !  i  juin  1562  (Orig.  espagnol  ;  Arch. 
nat.,  K.  1498,  n°  3),  et  un  discours  du  cardinal  de  Lorraine  au 
parlement  [Mémoires  de  Condc,i.  III,  p.  489).  —  Lettre  de  la  reine 
à  l'évêque  de  Rennes  (Lettres de  Catherine  de  Médias,  t.  1.  p 

—  Voyez  aussi  une  lettre  de  Tornabuoni,  des  13  et  1  i  juin  [Négoc. 


250  ANTOINE   DE    BOURBON 

Aussitôt  après  le  départ  de  la  reine,  l'armée  royale 
se  remit  en  mouvement.  Le  o  juin,  elle  avait  atteint 
Montlery1  et  s'était  arrêtée  aux  environs  d'Étampes 
pendant  la  conférence  de  Toury.  Le  13  juin,  elle 
campe  entre  Augerville  et  Mereville,  dans  le  voisinage 
des  lieux  ou,  trois  jours  auparavant,  catholiques  et 
réformés  avaient  échangé  de  si  touchantes  accolades.  Le 
roi  de  Navarre  écrit  à  la  reine  que  l'armée  montre  de 
bonnes  dispositions,  que  les  chefs  sont  «  enclins  à 
«  s'accomoder  à  quelques  honnestes  conditions,  » 
mais  qu'ils  demandent  à  combattre  si  les  rebelles 
«  ne  veulent  venir  à  la  raison2.  »  Le  lendemain, 
l'armée  arrive  près  de  Pithiviers,  à  une  journée 
de  marche  d'Orléans.  L'approche  de  l'ennemi  mit  le 
trouble  dans  les  conseils  du  parti  huguenot.  Les  uns 
voulaient  descendre  en  rase  campagne  et  combattre, 
les  autres  attendre  le  siège3.  Ce  fut  le  parti  le  plus 
prudent  qui  l'emporta.  Les  réformés  étaient  dans  une 
position  avantageuse.  Ils  dominaient  le  cours  de  la 
Loire  et  ne  pouvaient  être  pris  à  revers  que  si  le  roi 
de  Navarre  passait  le  fleuve.  Malgré  le  danger  de 
compromettre  sa  ligne  de  retraite,  le  lieutenant  général 
avait  arrêté  de  se  porter  en  avant,  de  descendre  la 

de  la  France  arec  la  Toscane,  t.  III,  p.  iSI  el  484).  —  Journal  de 
1562  dans  La  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  114.  —  Mémoires  de  La 
Noue,  liv.  I,  chap.  m.  —  Do  Bèze,  Hist.  ecclés.,  1882,  t.  I,  p.  529. 
—  Lettre  de  Throckmorton  dans  Le  XVIe  siècle  et  les  Valois,  par 
M.  de  Laferrière,  p.  69. 

1.  Journal  de  1562  dans  La  Revue  rétrospective,  I    V,  p.  142. 

2.  Original,  daté  du  13  juin,  du  camp  de  Mereville  (F.  fr., 
vol.  6606,  f.  5). 

3.  La  Popelinière  mel  dans  La  bouche  de  Golignj  el  de  Genli6 
deux  discours  à  la  façon  de  Tite-Live  sur  L'opportunité  d'une 
bataille  (1581,  t.  I.  F.  317  v°  el  suiv.). 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  251 

Loire,  de  s'emparer  du  pont  de  Baugency  et  de  bloquer 
Orléans  sur  l'une  et  sur  l'autre  rive1. 

Le  13  juin,  pendant  que  l'armée  royale  s'ébranlait, 
le  prince  de  Condé  avait  écrit  à  la  reine  et  au  roi  de 
Navarre  deux  lettres  qui  révélaient  certains  regrets 
de  l'échec  de  la  conférence  de  Toury2.  Les  lettres 
furent  apportées  au  camp  au  point  du  jour  par 
François  du  Fou,  seigneur  du  Vigean,  oncle  de  made- 
moiselle du  Rouet,  «  l'amie  de  Vendôme,  »  et  par 
Florimond  Robertet  d'Àlluye,  secrétaire  d'état.  Les 
deux  messagers  représentèrent  au  roi  de  Navarre  que 
sa  marche  en  avant  ouvrait  la  guerre  civile  et  consom- 
mait la  ruine  de  son  frère  au  profit  des  Guises  et  du  roi 
d'Espagne,  les  plus  mortels  ennemis  de  la  maison  de 
Bourbon.  Ils  ravivèrent  son  ancienne  rivalité  et  l'atten- 
drirent tellement,  dit  Chantonay,  dans  ses  sentiments 
fraternels,  que  le  prince  versa  des  larmes  et  résolut  de 
renouer  les  négociations.  Le  connétable  et  le  duc  de 
Guise,  aussitôt  informés,  accoururent  dans  la  chambre 
du  roi  de  Navarre,  mais  ils  ne  purent  modifier  ses 
desseins.  En  vain  lui  prouvaient-ils  qu'il  pouvait  termi- 
ner la  guerre  en  un  jour  sans  tirer  l'épée.  Le  seigneur  du 
Vigean  lui  persuada  que  l'honneur  de  la  campagne  res- 
terait au  duc  de  Guise  et  les  profits  de  la  victoire  au 
roi  d'Espagne.  Robertet  et  du  Vigean  arrivèrent  jus- 
qu'à Paris  et  prirent  un  rendez-vous  secret  avec  la 
reine  dans  le  bois  de  Vincennes.  Malgré  les  précautions 

1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  17  juin  1562  (Orig. 
espagnol  :  A.rch.  oat.,  K.  1 198,  n°  4). 

.'.  Ces  deux  lettres  sonl  publiées  dans  les  Mémoires  dt  Condé, 
t.  111,  p.  \x\  el  186.  Les  originaux  sonl  conservés,  l'un  dans  le 
f.  fr.,  vol.  15876,  f.  125,  l'autre  parmi  les  autographes  de  Saint- 
Pétersbourg,  vol.  39,  f.  3. 


252  ANTOINE   DE   BOURBON 

prises,  le  mystère  fut  découvert  par  l'ambassadeur 
d'Espagne.  Chantonay  adressa  des  représentations  à  la 
reine  et  ne  fut  pas  écouté.  Après  deux  jours  de  confé- 
rence, le  roi  de  Navarre  renvoya  les  deux  messagers  à 
son  frère  en  lui  proposant  une  trêve  de  six  jours  et 
une  nouvelle  entrevue  sous  les  murs  de  Baugency4. 

La  nouvelle  des  pourparlers  fut  accueillie  dans 
l'armée  catholique  avec  des  sentiments  divers.  La 
plupart  des  capitaines  regrettaient  d'avoir  pris  les 
armes  et  menaçaient  de  quitter  le  camp  pour  défendre 
leurs  maisons2.  L'ambassadeur  d'Espagne  envoya  offi- 
ciellement au  roi  une  lettre  de  remontrance3.  Seuls,  les 
cardinaux  de  Ferrare  et  de  Sainte-Croix,  le  premier  par 
souplesse  et  le  second  par  ambition4,  «  disaient  amen, 
«  écrit  Chantonay,  à  tout  ce  que  proposait  la  reine5.  » 
Catherine,  depuis  le  retour  d'Étampes,  «  se  sentait 
«  assez  mal  d'une  cheute  de  cheval  qui  luy  avait  fait  fort 
«  grand  mal  à  la  main,  à  la  hanche  et  au  bras6.  »  La 

1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  17  juin  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1498,  n°  4). 

2.  Lettre  de  Chantonay,  du  17  juin  (Orig.  espagnol  ;  Arch.  nat., 
k.  1498,  n°  5). 

3.  Original,  daté  de  Paris,  du  18  juin  (F.  fr.,  vol.  15876,  f.  144). 

i.  Prosper  de  Sainte-Croix,  que  nous  appelons  toujours  le  car- 
dinal de  Sainte-Croix,  parce  qu'il  a'esl  connu  que  sous  ce  titre, 
n'était  pas  encore  cardinal;  mais  il  comptait  le  devenir,  dit 
Chantonay,  par  l'influence  de  la  reine  (Lettre  de  Chantonay  à 
Philippe  II,  du  17  juin  1562;  Orig.  espagnol  ;  Arch.  nat.,K.  1498, 
n"  '.). 

5.  Lettre  de  Chantonay  citée  dans  la  note  précédente.  — Ils 
furent  désapprouvés  par  les  cardinaux  delà  cour  romaine  (Lettre 
du  présidenl  de  l'Isle  au  roi,  du  1  i  juillet  1562  ;  Copie  du  temps  ; 
T.  IV.,  vol.  3955,  f.  103). 

6.  Lettre  de  Marguerite  de  France,  duchesse  de  Savoie,  à  Bor- 
dillon,  du  28  juin  1 562  [Revue  des  sociétés  savantes,  nov.  1872,  p.  458). 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  253 

veille  elle  avait  été  saignée  et  purgée1.  Malgré  ses 
maux,  au  reçu  de  la  lettre  du  roi  de  Navarre,  elle 
partit  en  litière2.  Elle  emmenait  avec  elle  quelques 
dames,  au  milieu  desquelles,  dit  Chantonay,  «  trônait 
«  avec  honneur  l'amie  de  Vendôme,  afin  de  s'en  servir 
«  dans  cette  entreprise  comme  d'un  principal  instru- 
«  ment  pour  obtenir  de  lui  tout  ce  qu'elle  pourrait 
a  désirer.  »  Un  seigneur  catholique  observa  tout  bas 
à  la  cour  que  la  reine  se  moquait  du  roi  de  Navarre. 
Le  propos  fut  répété  ;  Catherine  protesta  vivement  de 
sa  déférence  pour  le  prince  et  dit  que  la  paix  ne  pou- 
vait lui  être  «  imputée  »  à  elle-même,  mais  bien  au 
lieutenant  général,  «  qui  seul  avait  les  armes  à  la 
main3.  » 

Le  prince  de  Coudé  accepta  les  propositions  de 
son  frère,  la  trêve  de  six  jours  et  l'entrevue  à  Bau- 
gency.  11  rappela  un  faible  corps  de  garde  huguenot 
qui  défendait  le  pont  de  la  Loire  et  proposa  au  roi  de 
Navarre  de  neutraliser  la  ville4.  La  reine  s'avançait  à 
grandes  journées.  Le  1 9  juin,  elle  arriva  à  Artenay5  et 


1.  Lettre  de  Vieilleville  à  Tévèque  de  Rennes  dans  les  Mémoires 
de  Castelnau,  t.  I,  p.  813.  — Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétros- 
pective, t.  V,  p.  168.  —  Journal  de  Bruslard  dans  les  Mémoires  de 
Condé,  t.  I,  p.  89.  —  Lettre  de  Chantonay  dans  les  Mémoires  de 
Condé,  t.  II,  p.  47. 

2.  Suivant  un  témoin,  elle  était  partie  le  17  juin,  à  petites  jour- 
nées, à  la  première  nouvelle  des  négociations  du  roi  de  Navarre 
avec  Condé  (Lettre  anonyme  sans  date  (juin  1562)  ;  Copie  du 
temps;  f.  fr.,  vol.  20153,  f.  95). 

3.  Lettre  de  Chantonay  à.  Philippe  II,  du  17  juin  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1498,  n°  4). 

4.  Lettre  de  Condé  au  roi  de  Navarre,  datée  du  16  juin  et  d'Or- 
léans (Orig.;  Arch.  dos  Basses-PyréniT-,  K.  585). 

5.  Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  I,  p.  335. 


254  ANTOINE   DE    BOURBON 

s'y  rencontra,  comme  par  hasard,  avec  la  princesse  de 
Gondé,  la  dame  de  Grussol  et  le  cardinal  de  Ghastillon1. 
Après  une  assez  longue  conférence,  que  la  reine  voulut 
tenir  aussi  secrète  que  possible,  la  princesse  de  Condé 
retourna  à  Orléans,  mais  la  dame  de  Grussol  resta 
auprès  de  la  reine.  Le  22,  Catherine,  sans  doute  pour 
éloigner  des  témoins  importuns,  envoie  sa  maison  et 
ses  secrétaires  à  Etampes  et  se  rend  en  personne  à 
l'abbaye  de  Saint-Simon2,  près  d'Orléans,  auprès  du 
roi  de  Navarre.  Pour  garder  les  dehors  de  l'impartialité, 
elle  refuse  de  se  confier  à  l'une  ou  à  l'autre  armée3  ; 
elle  s'éloigne  du  théâtre  de  la  guerre  et  s'établit  à 
Talcy,  petit  village  du  Blésois,  près  de  Marchenoir4. 
Pendant  que  la  reine  se  rapprochait  d'Orléans,  le 
prince  de  Gondé,  jugeant  qu'il  était  d'une  bonne  poli- 
tique de  faire  étalage  de  ses  armes,  s'était  mis  aux 
champs,  le  19  juin,  avec  trente  enseignes  de  gens  de 
pied  et  2,000  cavaliers5.  Il  établit  son  camp  à  deux 
lieues  d'Orléans,  sur  les  bords  de  la  Loire,  en  face  de 
l'armée  catholique.  La  Loire  seule  séparait  les  avant- 
postes.  La  reine  avait  posé  à  Artenay,  dans  sonentre- 

1.  Lettre  de  Ghantonay,  du  30  juin  1562  (Orig.  espagnol  ;  Arch. 
nat.,  K.  1498,  u°  6).  —  Lettre  de  Tornabuoni,  du  24  juin  {Négoc. 
entre  la  France  et  la  Toscane,  t.  UT,  p.  i84).  — Lettre  de  Throck- 
morton  [Calendars,  1562,  p.  102). 

2.  Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  I,  p.  338  et  339.  —  Les 
étapeB  de  la  reine  sont  exposées  clairement  dans  un  rapport 
adressé  à  Tlimckmortiin  el  publié  par  le  comte  de  Laferrière 
(Le  XVIe  siècle  et  les  Valois,  p.  Tin. 

:!.  Lettre  de  Tornabuoni,  du  24  juin  1562  (Négoc.  de  la  France 
avecla  Toscane,  t.  III,  p.  184).  —  Négoc.  du  card.  de  Ferrure,  p.  251. 

i.  Lettre  du  roi  de  Navarre  au  cardinal  de  Lorraine,  datée  de 
Saint-Simon  et  du  21  juin  1562  (Orig.,  I  IV.,  vol.  3219,  F.  125). 

5.  De  Bèze,  Hist.  ecclés.,  1881,  t.  1,  p.  536. 


ET    JEANNE    d'âLBRET.  255 

vue  avec  la  princesse  de  Condé,  les  préliminaires  d'un 
accommodement  formé  de  concessions  mutuelles.  Le 
roi  de  Navarre,  campé  à  Baugency,  eut  deux  conférences 
avec  son  frère,  le  21  l  et  le  22  juin,  et,  moitié  par 
persuasion,  moitié  par  crainte  réciproque,  les  deux 
princes  arrêtèrent  la  convention  suivante  :  les  trium- 
virs quitteraient  la  cour  et  se  retireraient  en  leurs 
maisons  ;  les  protestants  restitueraient  les  villes  con- 
quises ;  le  prince  de  Condé  se  livrerait  à  la  reine 
comme  otage  de  la  fidélité  de  son  parti  ;  le  roi  de 
Navarre  resterait  seul  à  la  tête  de  l'armée  royale  pour 
procéder  au  désarmement  général. 

Les  deux  frères  étaient  près  de  s'accorder  quand 
surgit  un  incident  qui  prouve  combien  le  roi  de 
Navarre  était  l'esclave  de  ses  intérêts  personnels.  Au 
moment  de  consigner  par  écrit  les  résolutions  prises, 
arrivèrent  le  secrétaire  de  Chantonay  et  un  courrier 
du  cardinal  de  Bourbon.  Les  réponses  de  Philippe  II 
et  les  dépêches  de  d'Almeida2,  arrêtées  pendant  trois 
jours  à  Orléans3,  avaient  été  remises  à  la  cour4.  Le 
cardinal  de  Bourbon  les  avait  ouvertes  et  se  hâtait 
d'informer  son  frère  que  le  roi  d'Espagne,  faisant  droit 
aux  légitimes  revendications  de  l'héritier  de  la  maison 


1.  Antoine  écrivit  ce  jour-là  au  cardinal  de  Lorraine  :  «  Ladictn 
dame  (la  reine)  aussy  vous  escript  comme  il  va  de  nostre  négo- 
ciation de  paix,  à  quoy  je  ne  scaurois  adjouster  aucune  chose.  » 
(Orig.;  f.  fr.,  vol.  3219,  f.  125.)  La  lettre  de  la  reine  est  perdue. 

2.  Voyez  la  tin  du  chapitre  précédent. 

3.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  30  juin  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1498,  n°  6). 

4.  L'arrivée  du  courrier  d'Espagne  est  signalée  sous  La  date  du 
20  juin  1562  dans  le  journal  de  1562  \livvw'  rrtruspectivc,  l.  Y, 
p.  170). 


256  ANTOINE   DE   BOURBON 

d'Albret,  lui  accordait  provisoirement  la  Sardaigne,  en 
attendant  la  conquête  de  la  Tunisie.  A  la  lecture  de 
cette  dépêche,  Antoine  fut  tellement  «  transporté  de 
«  l'allégresse  qu'il  en  ressentit  qu'il  ne  put  s'empêcher 
«  d'en  faire  démonstration  par  des  paroles  et  par  des 
«  signes.  »  La  convention  pacifique,  péniblement  écha- 
fàudée  les  jours  précédents,  fut  sacrifiée.  De  tous  les 
intérêts  à  défendre,  il  ne  connaissait  plus  que  les  siens, 
avec  l'utilité  de  complaire  au  roi  catholique.  Le  prince 
de  Gondé  s'était  retiré  avec  ses  conseillers  pour  libeller 
le  traité  de  paix.  Antoine  appela  son  favori,  d'Escars, 
et  lui  commanda,  lorsque  les  secrétaires  apporteraient 
l'acte,  de  le  déchirer  sous  leurs  yeux  et  de  dire  que 
les  conditions  étaient  trop  déshonorantes  pour  que  le 
prince  osât  les  recommander  au  roi.  Cet  éclat  inat- 
tendu ramena  le  prince  de  Gondé  auprès  de  son  frère. 
11  avait  appris  dans  l'intervalle  qu'un  messager  du 
cardinal  de  Bourbon  était  arrivé  à  Baugency  et  il  attri- 
buait aux  nouvelles  d'Espagne  l'évolution  subite  du 
lieutenant  général.  Antoine  le  reçut  froidement,  refusa 
de  s'expliquer  et  le  congédia  sans  un  mot  de  concilia- 
tion1. Gondé  paraissait  affligé.  Avant  de  remonter  à 
cheval,  il  s'approcha  de  son  frère  et  demanda  à  lui 
baiser  la  main  avant  de  mourir  ~. 

Rentré  au  camp,  le  prince  de  Gondé  tint  conseil.  11 
fallait  reprendre  Baugency,  queles  catholiques  tenaient 

1.  Cette  scène  singulière  a'esl  racontée  que  par  un  des  ambas- 
sadeurs vénitiens  (Déchiffrement  daté  du  23  juin  1562;  Dépêches 
vénit.,  filza  S  bis,  f.  38).  —  Tornabuoni  fait  quelques  allusions  à. 
ces  négociations  préliminaires  [Négoc.  entre  la  France  et  la  Tos- 
cane,  t.  III,  p.  ï84). 

2.  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  du  30  juin  1562  (Orig. 
espagnol  ;  Arch.  nat.,  K.  1 198,  n°  6). 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  257 

à  titre  de  restitution.  Le  prince  envoya  un  gentilhomme, 
nommé  Àrchimont,  pour  «  semondre  »  le  roi  de 
Navarre  de  rendre  la  ville.  Le  connétable  reçut  le 
messager  et  lui  demanda  s'il  était  français,  s'il  ne 
savait  pas  qu'il  y  avait  un  lieutenant  général  pour 
commander  en  place  du  roi  et  un  connétable  pour  com- 
mander en  place  du  lieutenant  général,  «  que  Bau- 
«  gency  estoit  au  Roy  et  [qu'ilj  s'esmerveilloit  qu'un 
«  françois  feust  si  hardy  et  mal  conseillé  que  de  pourter 
«  parolles  de  distraire  et  oster  à  son  prince  une  de 
«  ses  villes.  »  Puis  il  loua  Archimont  de  ses  anciens 
services,  lui  promit  de  «  l'eslever  si  hault  qu'il  seroit 
«  veu  de  tout  le  camp.  »  Par  fanfaronnade,  il  proposa 
de  rendre  aux  gens  d'Orléans  Baugency,  à  la  condition 
qu'ils  y  mettraient  2,000  de  leurs  meilleurs  arquebu- 
siers, «  s'asseurant  bien  de  crocheter  la  ville  par 
«  d'autres  clefs,  monstrant  l'artillerie1.  » 

Pendant  que  le  prince  de  Gondé  et  son  conseil 
regrettaient  la  perte  de  Baugency,  arriva  au  camp  un 
nouveau  messager  de  la  reine,  Joachim  de  Monluc,  s. 
deLioux,  frère  de  Févêque  de  Valence.  Catherine  avait 
appris  l'étrange  refus  du  roi  de  Navarre  et  reprenait 
personnellement  les  pourparlers.  Le  lendemain,  24  juin, 
Condé  expédia  à  la  reine  mère2  et  au  roi  de  Navarre 

1.  Relation  anonyme  de  l'entrevue  de  Baugency  envoyée  à 
Paris  par  un  capitaine,  en  date  du  26  juin  1562  (Copie  du  temps  ; 
F.  fi\,  vol.  20153,  f.  39). 

2.  Il  semble  même  que  Condé  ait  eu  avec  la  reine,  dans  la 
matinée  du  24,  une  première  conférence  où  il  aurait  pris  les 
engagements  les  plus  formels.  Voyez  le  journal  de  1562  dans  ht 
Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  175.  Le  témoignage  de  cet  annaliste 
est  d'autant  plus  précieux  qu'il  prétend  tenir  son  récit  de  la 
bouche  de  Joachim  de  Monluc,  s.  de  Liuux. 

iv  17 


258  ANTOINE   DE   BODRBON 

François  de  Bricquemault  avec  deux  lettres  de  créance1 
et  un  manifeste,  signé  des  principaux  seigneurs  réfor- 
més. Ce  manifeste  passe  sous  silence,  comme  non 
avenu,  avec  le  mépris  qu'il  mérite,  l'insolent  désaveu 
du  roi  de  Navarre.  Dès  ce  moment,  Antoine  perd  la 
direction  des  négociations. 

Avant  que  passer  plus  avant,  que  Messieurs  de  Guise,  con- 
nestable,  el  mareschal  de  Sainct-André  se  retirent  en  leurs 
maisons,  et,  à  l'heure  mesme  de  leur  retraite,  nous  supplions 
très  humblement  Monseigneur  le  prince  de  Condé  de  s'aller 
consigner  et  constituer  entre  les  mains  de  la  Royne  et  du  Roy 
de  Navarre  pour  plcige  et  garand  de  nostre  foy  ;  promettant  à 
leurs  Majestés  en  uostre  nom  que  nous  y  obéirons  promplement 
à  tout  ce  qui  nous  sera  commandé  de  leur  part  pour  le  service 
du  Roy,  le  salut  de  ce  royaume,  la  conservation  de  nos  biens 
et  vies,  le  tout  à  la  gloire  de  Dieu  et  liberté  de  nos  consciences. 

Faict  à  Vaussouldun,  ce  24e  juin  4 502. 

Signé  ChasLillon,  Andelot,  La  Rochefoucauld,  Genlis,  Piennes, 
Soubize,  de  Grandmont,  Mouy,  Bricquemault,  Tenneguy  du 
Rouchet,  Le  Vigen,  de  Bellcville,  Saincte-Foy,  de  La  Roche- 
foucault,  de  Belleville2. 

La  reine  accueillit  favorablement  le  manifeste  du 
%\-  juin  et  l'envoya  au  parlement  de  Paris3  avec  une 
lettre  d'actions  de  grâces  à  Dieu4.  Elle  écrivit  au  roi 


t.  La  loi  ire  de  Gondé  au  roi  de  Navarre  est  publiée  par  le 
comte  Delaborde  (Goligny,  t.  IL  p.  119).  —  La  lettre  du  même  à 
h  reine  esl  dans  le  t  fr.,  vol.  6607,  f.  Aï. 

2.  Cet  acte  a  été  plusieurs  fuis  publié,  notamment  par  de  Bèze 
(1SS1,  !..  1,  p.  TiMii)  ci  d'apirs  l'original  parle  comte  Delaborde 
(Goligny,  t.  II,  p.  118). 

3.  Celle  pièce  fui  enregistrée  dans  les  registres  secrets  delà 
cour  (Coll.  du  Parlement,  vol.  554,  f.  326). 

4.  Lettre  de  Catherine  au  parlement,  du  25  juin  (Lettres  </< 
Gatherinede  Médicis,  1. 1,  p.  340).  (Mémoires de  Gondé,  t.  III,  p.  507.) 


ET   JEANNE    d'aLBRET.  259 

et  le  pria  de  faire  chanter  un  Te  Deum  à  l'église  de 
Notre-Dame1.  Elle  rassembla  son  conseil  et  lui  commu- 
niqua l'espérance  que  le  royaume  échapperait  aux  hor- 
reurs de  la  guerre  civile.  Nul  ne  doutait  de  la  paix.  Il 
ne  restait  plus  qu'à  libeller  les  conventions  verbales. 
Catherine  expédia  dans  les  provinces  rebelles  des  offi- 
ciers chargés  de  l'aire  exécuter  le  nouveau  traité  et  de 
recevoir,  au  nom  du  roi,  les  villes  restituées  par  les 
huguenots.  Joachim  deMonluc,  s.  de  Lioux,  qui  venait 
d'Orléans,  fut  envoyé  en  Guyenne,  Saluées  en  Pro- 
vence2, Senneterre  en  Lyonnais3,  Glervaux  en  Lan- 
guedoc, ce  dernier  avec  une  lettre  du  roi  de  Navarre4. 
La  reine  informa  le  cardinal  de  Ferrare  de  la  bonne 
nouvelle 5  et  convoqua  le  roi  à  Baugency  pour  donner 
plus  d'autorité  au  traité  de  paix  du  lendemain6.  Le  roi 
partit  de  Vincennes  le  25  juin  et  coucha  le  premier  jour 
à  Gorbeil7. 

Trois  jours  après  que  le  manifeste  fut  arrivé  à 
Baugency,  le  27  juin,  les  triumvirs  se  retirèrent  de  la 
cour.  Le  roi  de  Navarre,  qui  obéissait  à  la  reine  avec 


1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  30  juin  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  nat.,  K.  1498,  n°  6). 

2.  Les  instructions  confiées  à  Monluc  de  Lioux  et  à  Saluées 
sont  conservées  dans  le  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  164  et  165. 

3.  M.  de  la  Ferrière  a  publié  en  entier  (Lettres  de  Catherine, 
t.  I,  p.  340,  note)  l'instruction  qui  fut  donnée  à  M.  de  Senneterre. 

4.  Lettre  du  roi  de  Navarre,  du  26  juin,  datée  de  Baugency 
(Minute;  f.  fr.,  vol.  15870,  f.  161).  —  Voyez  aussi  la  lettre  de  la 
reine  à  Joyeuse  [Lettres  de  Catherine  de  Médias,  t.  I,  p.  34  2). 

5.  Négoc.  du  card.  de  Ferrare,  p.  257. 

6.  Négoc.  de  la  France  avec  la  Toscane,  t.  III,  p.  384. 

7.  Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  171.  — 
Avant  de  partir,  il  envoya  la  bonne  nouvelle  au  card.  de  Ferrare 
(Négoc.  du  card.  de  Ferrare,  p.  284). 


260  ANTOINE    DE   BOURBON 

autant  de  docilité  que  s'il  ne  se  fût  jamais  mêlé  de  la 
•négociation,  peut-être  avec  l'arrière-pensée  de  la  faire 
échouer,  salua  leur  retraite,  dit  de  Bèze,  par  une  belle 
harangue,  à  la  tête  de  l'armée.  Catherine  leur  délivra, 
comme  un  titre  de  noblesse,  une  déclaration  par  laquelle 
elle  reconnaissait  que  leur  absence  était  volontaire  et 
ne  pouvait  porter  dommage  à  leur  honneur  de  fidèles 
serviteurs  du  roi l .  L'annonce  de  leur  départ  arriva  à 
Orléans  le  %l  juin,  à  minuit,  au  moment  où  la  trêve 
finissait.  Restait  au  prince  de  Condé  à  imiter  ce  désin- 
téressement et  à  se  constituer  prisonnier  à  la  cour 
«  comme  pleige  et  garant  »  de  la  bonne  foi  des  siens. 
Il  y  paraissait  résigné.  Le  lendemain  matin,  il  écrivit 
aux  fidèles  de  l'église  de  Lyon  :  «  Les  troubles  qui  ont 
«  duré  jusques  à  cette  heure  sont  sur  le  point  d'estre 
«  pacifiez,  et,  pour  cest  effect,  me  suys  achemyné  pour 
«  aller  trouver  la  royne,  le  roy  mon  frère,  pour  adviser 
«  des  articles  et  conditions  de  la  paix2.  » 

Cette  lettre  écrite,  le  prince  de  Condé  monta  à  cheval 
et  se  rendit  à  Talcy;i  en  petit  équipage.  Catherine  et  le 


1.  Ge1  acte  es!  publié  dans  1rs  Mémoires  de  Co?idc,t.  III,  p.  512, 
et  dans  les  Mémoires-Journaux  du  duc  de  Guise,  p.  495.  —  L'ori- 
ginal esl  conservé  dans  le  f.  IV.,  vol.  3194,  f.  5.  —  Le  cardinal 
de  Ferrare  donne  quelques  détails  sur  le  départ  des  triumvirs 
[Nêgoc.  du  card.  de  Ferrare,  p.  285). 

2.  Lettre  du  prince  de  Condé  à  l'église  de  Lyon,  rapportée  par 
le  comte  Delaborde  [Goligny,  t.  II,  p.  120). 

3.  D'Aubigné  raconte  u\w  singulière  aventure  qui  se  sérail 
passée  pendant  le  séjour  de  la  reine  à  Talcy  :  ■■  J'ay  appris  du 
s.  de  Talsy,  dit-il,  que  le  roy  de  Navarre  et  la  royne  mère, 
estans  à  la  fenestre  dans  une  ebambre  assez  basse,  escoutoyent 
deux  goujats,  qui,  eu  faisanl  rôtir  une  oye  dans  une  broche  de 
buis,  chantoyenl  des  vilenies  contre  la  royne.  L'un  disoit  que  le 
cardinal    l'avoil    engrossée  d'un  petit  gorret,   l'autre  disoit    d'un 


ET   JEANNE   D'ALBRET.  261 

prince  avaient  arrêté  dans  leur  première  conférence  un 
point  capital,  le  renvoi  des  triumvirs,  mais  il  restait  des 
questions  graves  à  traiter  :  la  prédominance  du  culte 
catholique,  l'exercice  de  la  réforme,  etc.  Antoine, 
«  changé  du  tout  au  tout  »  depuis  qu'il  avait  reçu  des 
nouvelles  d'Espagne,  formula  de  sévères  exigences, 
que  la  reine  n'osa  modérer.  Condé,  accueilli  avec 
égards,  mais  se  sentant  prisonnier,  prétendit  ne  pou- 
voir traiter  sans  l'assentiment  de  ses  compagnons 
d'armes4  et  obtint  de  la  reine  l'ajournement  de  la  con- 
férence au  lendemain  et  l'autorisation  d'appeler  les 
seigneurs  de  son  conseil.  Le  lendemain,  29  juin, 
l'amiral,  d'Andelot,  La  Rochefoucauld,  le  prince  de 
Porcian,  Rohan,  Genlis,  Gramont,  Soubise,  après  s'être 
longtemps  retardés,  arrivèrent  à  Baugency,  conduits 
par  Condé.  Outre  un  nombreux  cortège  de  gens 
d'armes,  ils  avaient  amené,  à  peu  de  distance,  de  l'aveu 
de  de  Bèze,  un  corps  d'armée  capable  de  les  défendre2. 

petit  mulet  ;  et  puis  ils  maugréoyent  de  la  chienne  ;  tant  elle  leur 
faisoit  de  maux.  Le  roy  de  Navarre  prenoit  congé  de  la  roine 
pour  les  aller  faire  pendre,  mais  elle,  après  avoir  dit  par  la 
fenestre  :  Hé,  que  vous  a-t-elle  l'ait?  Elle  est  cause  que  vous 
rôtissez  l'oye.  Se  tourne  vers  le  roi  de  Navarre  en  riant  et  lui 
dit  :  Mon  cousin,  il  ne  faut  pas  que  nos  colères  descendent  là, 
ce  n'est  pas  nostre  gibier.  Soit  dit  sur  ce  qu'elle  n'avoit  rien  de 
bas.  »  (Hist.  univ.,  t.  I,  col.  198,  1626.) 

1.  L'auteur  anonyme  du  Journal  de  1562  prétend  tenir  de  la 
bouche  de  Joachim  de  Monluc,  s.  de  Lioux,  que  le  prince  de 
Condé  s'engagea  absolument  et  sans  réserve  à  accepter  les  pro- 
positions de  la  reine  (Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  176). 

2.  Le  journal  de  1562  donne  d'amples  détails  sur  les  troupes 
amenées  par  les  huguenots  (Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  177).  — 
Calvin,  dans  une  communication  au  conseil  de  Genève,  du '.(juil- 
let, raconte  que  les  chefs  huguenots  n'envoyèrent  de  troupes  que 
pour  délivrer  le  prince  de  Condè  (Roget,  Hist.  dupeuple  deGenève, 


262  ANTOINE   DE   BOURBON 

La  reine  les  attendait  dans  une  grange  délabrée,  un 
bâton  à  la  main  en  guise  de  béquille,  à  cause  de  sa 
blessure.  Le  roi  de  Navarre  ne  parut  pas  à  la  confé- 
rence, soit  que  sa  conversion  de  fraîche  date  ne  lui 
permît  pas  de  se  rencontrer  en  face  d'hérétiques 
endurcis,  comme  dit  Chantonay,  soit  qu'il  craignît  des 
reproches  au  sujet  de  ses  contradictions  précédentes  l. 
Catherine  accueillit  les  chefs  réformés  «  bénigne- 
«  ment  »  et  s'efforça  de  les  flatter  en  les  traitant  de 
sauveurs  du  roi.  Ces  précautions  oratoires  étaient 
le  prélude  de  communications  importantes.  La  reine 
leur  signifia  que  l'édit  de  janvier  devait  être  sacri- 
fié à  la  paix  publique,  que  le  culte  de  la  religion 
réformée  ne  pouvait  être  toléré  en  public,  mais  que 
chaque  seigneur  garderait  le  droit  de  l'exercer  à 
l'intérieur  de  sa  maison.  La  déclaration  surprit  les 
députés.  Coligny  répondit  au  nom  de  tous  que  la 
«  parole  de  Dieu  »  ne  pouvait  être  cachée  aux  fidèles. 
Les  autres  seigneurs  approuvèrent  l'amiral,  et,  malgré 
les  instances  de  la  reine,  refusèrent  d'accepter  la  sup- 
pression de  l'édit  de  janvier.  Catherine  se  mit  «  fort 
«  en  cholère  et  parla  deux  grandes  heures  »  sans 
les  fléchir.  Elle  réclamait  au  prince  de  Condé  et  à 
ses  compagnons  l'exécution  des  promesses  qu'ils 
avaient  souscrites  le  24  juin.  Ne  pouvant  rien  obtenir 

t.  VI,  p.  234).  Tous  les  historiens  de  son  parti  conviennent  que 
Condé  n'était  prisonnier  que  comme  otage  et  sur  parole.  Voyez 
la  note  suivante. 

1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  11,  du  30  juin  lOrig.  espa- 
gnol ;  An-ii.  aat.,  1\.  1498,  n"  ni.  —  Autre  lettre  du  même  dans 
le  Mémoires  de  Condé,  t.  II.  p.  48.  —  De  Bèze,  Hist.  ecclés.,  1881, 
t.  I,  p.  «r)37.  —  Journal  de  1562  dans  la  Revue -rétrospective,  t.  V, 
p.  17 1  el  suiv. 


ET    JEANNE    d'aLBRET.  263 

du  prince,  «  elle  se  leva  et  frappa  plusieurs  fois  par  terre 
«  de  son  baston,  disant  :  Ha  !  mon  cousin,  vous  m'affb- 
«  lez,  vous  me  ruinez.  »  Condé  garda  le  silence,  mais 
le  sire  de  Soubise  répondit  pour  lui  :  «  Comment, 
a  Madame,  est-ce  cela  que  vous  nous  disiez  maintenant, 
«  que  vous  estes  si  libre,  et  que  nous  avons  tort  de 
«  dire  que  vous  soiez  captive?  Si  vous  avez  toute  puis- 
«  sance,  comme  vous  dites,  qui  est-ce  qui  vous  peut 
«  affoler1.  » 

La  suite  de  l'entretien  démontra  aux  parties  qu'elles 
ne  pouvaient  s'entendre  qu'à  la  condition  de  ne  pas 
approfondir  leurs  divergences.  L'incident  a  été  l'objet 
de  deux  récits  contradictoires,  l'un  émané  de  la  reine, 
l'autre  du  parti  huguenot.  D'après  les  lettres  de  Cathe- 
rine, les  réformés,  après  qu'elle  eut  avoué  l'impossi- 
bilité de  maintenir  l'édit  de  janvier,  déclarèrent  sans 
hésiter  qu'ils  ne  pouvaient  habiter  la  France  et  deman- 
dèrent l'autorisation  de  sortir  du  royaume  avec  leurs 
familles  et  tout  ce  qu'ils  pourraient  réaliser  de  leurs 
biens2.  La  reine  combattit  cette  résolution;  les  sei- 
gneurs multiplièrent  leurs  instances  dans  l'espoir  que 
la  crainte  de  perdre  la  fleur  de  la  noblesse  du  royaume 
déciderait  la  reine  à  céder.  Il  en  arriva  tout  autrement. 
Après  une  longue  lutte,  la  reine  consentit  brusque- 


1.  Mémoires  de  Soubise,  1879,  p.  58. 

2.  D'après  de  Thou,  qui  a  été  suivi  sur  ce  point  par  presque 
tous  les  historiens,  ce  parti  avait  été  imaginé  par  Moniuc,  évêque 
de  Valence,  et  approuvé  secrètement  par  la  reine,  qui  se  serait 
débarrassée  ainsi  des  ambitieux  des  deux  partis.  Moulue,  pétulant 
les  jours  précédents,  aurait  réussi  à  convertir  les  seigneurs  pro- 
testants à  l'idée  de  cette  retraite  (De  Thou,  1740,  t.  III.  p.  166). 
Ce  plan  est  tellement  machiavélique  qu'il  a  l'air  d'une  combi- 
naison faite  après  coup. 


264  ANTOINE   DE   BOURBON 

ment  à  leur  retraite.  Aussitôt,  changeant  d'attitude  et 
de  langage,  les  seigneurs  huguenots  remontèrent  à  che- 
val et  invitèrent  Gondé  à  les  suivre,  sous  prétexte  que 
le  triumvirat  devait  le  faire  assassiner  pendant  la 
nuit1.  La  reine  s'efforça  vainement  de  le  retenir.  Elle 
avait  à  peine  vingt  chevaux  et  les  réformés  plus  de 
huit  cents.  Les  rebelles  menaçaient  d'emmener  leur 
chef  contre  son  gré  et  de  conduire  la  reine  en  prison, 
«  que  peut-être  ne  fust  esté  grande  perte  pour  ce 
«  royaume,  »  dit  Ghantonay.  Le  prince  feignit  de  céder 
à  la  violence  et  revint  à  Orléans2. 

1.  Ncgoc.  du  card.  de  Ferrare,  p.  288. 

2.  Lettre  de  Catherine  au  duc  de  Montpensier,  juin  1562  (du 
30  probablement  plutôt  que  du  25  de  ce  même  mois)  (Lettres  de 
Catherine  de  Médias,  t.  I,  p.  341).  —  Autre  au  s.  d'Estampes,  juil- 
let (Ibid.,  p.  345).  —  Autre  à  l'évêque  de  Renues,  du  il  juillet 
[Ibid.,  p.  350).  —  Autre  au  parlement  de  Paris,  du  11  juillet 
(Ibid.,  p.  351).  — Procès-verbal  de  la  séance  du  parlement,  du 
3  juillet  (Mémoires  de  Condé,  t.  III,  p.  513).  — Instruction  donnée 
au  s.  d'Oysel,  du  13  juillet  (Ibid.,  p.  533).  —  Le  récit  de  la  reine 
esl  surtout  clairement  présenté  dans  une  instruction  de  la  reine 
à  Brissac  publiée  en  note  dans  le  tome  I  des  Lettres  de  Catherine 
de  Médicis,  p.  351.  —  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  du 
30  juin  1562  (Orig.  espagnol;  A.rch.  uat.,  K.  1498,  n°  6).  Autre 
lettre  du  même,  probablement  adressée  à  la  duchesse  de  Parme, 
du  11  juillel  1562  (Mémoiresde  Gondé,  t.  II,  p.  48).  Cette  lettre  est 
presque  la  reproduction  de  celle  que  le  même  ambassadeur  avait 
adressée  le  30  juin  à  Philippe  11.  Toutes  les  deux  présentent, des 
divers  incidents  de  la  conférence  de  Baugency,  un  récit  obscur 
ei  confus.  —  Le  cardinal  de  Ferrare  confirme  le  récit  de  la  reine 
(Négoc.  du  card.  de  Ferrare,  p.  253  el  285).  D'après  une  lettre  du 
cardinal  de  Ferrare,  la  proposition  des  seigneurs  huguenots  de 
quitter  la  France,  si  la  reine  ne  leur  accordait  pas  l'exécution  de 
l'édil  de  janvier,  aurail  précédé  la  conférence  du  29  juin.  Les 
dates  des  lettres  de  ce1  ouvrage  nous  paraissenl  sujettes  à  cau- 
tion. —  Le  journal  de  1562,  bien  qu'écril  dans  un  sens  peu  catho- 
lique, présente  aussi  la  même  versioD  (Revm  rétrospective,  t.  Y, 
p.  174). 


ET   JEANNE    d'ALBRET.  265 

D'après  les  récits  de  source  protestante,  Coudé  et  les 
siens  auraient  été  victimes  d'une  sorte  de  surprise.  La 
conférence  se  traînait  sans  conclusion  quand  le  prince 
de  Condé  eut  l'imprudence  de  dire  que,  si  sa  présence 
et  celle  des  chefs  de  la  réforme  était  un  obstacle  à  la 
paix,  il  offrait  à  la  reine  de  quitter  le  royaume  avec 
ses  compagnons  d'armes  et  de  chercher  un  asile  à 
l'étranger  *.  Il  n'avait  pas  achevé  de  parler  que  la  reine 
le  prit  au  mot,  «  disant  que  c'estoit  le  vray  moyen  pour 
«  remédier  aux  maux  qu'on  craignoit.  »  Et  elle  ajouta 
en  forme  de  commentaire  :  «  Mais  seullement  jusques 
«  à  la  majorité  du  roi,  que  je  feray  déclarer  majeur  à 
«  quatorze  ans.  »  Le  prince  de  Condé,  Coligny  malgré 
sa  présence  d'esprit2,  restèrent  sans  parole,  pendant 
que  la  reine,  avec  une  abondance  inépuisable,  dévelop- 
pait les  avantages  de  la  retraite  momentanée  des  chefs 
réformés.  L'heure  avancée  lui  permit  de  lever  la  séance 
et  de  renvoyer  les  seigneurs  sans  leur  donner  le  temps 
de  proposer  un  correctif.  «  Le  prince,  dit  La  Noue,  se 
«  retira  en  son  camp,  riant,  mais  entre  les  dents, 
«  avec  les  principaux  de  sa  noblesse,  qui  avaient 
«  entendu  les  discours.  Les  uns  se  grattoyent  la  teste, 
«  qui  ne  leur  démangeoit  pas,  les  autres  la  branloient. 

1.  Condé  parlait  au  nom  de  tous  ceux  qui  avaient  signé  ie 
manifeste  du  24  juin  (Instruction  de  la  reine  à  Brissac  dans 
Lettres  de  Catherine  de  Médicîs,  t.  I,  p.  351,  note).  —  Sic,  autres 
pièces  [Mémoires  de  Condé,  t.  III,  p.  514  et  533).  —  De  Thou 
semble  avoir  adopté  le  récit  huguenot,  peut-être  parce  qu'il  avait 
Y  Histoire  ecclésiastique  de  de  Bèze  et  les  Mémoires  de  La  Noue  sous 
les  yeux  {Hist.  univ.,  17 iO,  t.  III,  p.  165). 

2.  Le  comte  Delaborde  observe  [Coligny,  t.  II,  p.  121)  que 
l'amiral  n'avait  peut-être  pas  toute  sa  liberté  d'espril  en  ce 
moment.  La  peste  régnait  à  Orléans  et  le  fils  de  Coligny  était 
atteint.  L'enfant  mourut  le  14  juillet. 


266  ANTOINE   DE   BOURBON 

«  Celui-cy  estoit  pensif,  et  les  jeunes  gens  se  moc- 
«  quoient  les  uns  des  autres,  s'attribuant  chacun  un 
«  mestier,  à  quoy  ils  seroient  contraints  de  vacquer 
«  pour  avoir  moyen  de  vivre  en  pays  estrange1.  » 

La  reine  croyait  encore  à  la  bonne  foi  du  prince  de 
Condé,  et,  malgré  l'hésitation  qui  régnait  dans  les  con- 
seils des  huguenots,  à  sa  proposition  de  quitter  la 
France.  Le  soir  môme  de  la  conférence,  elle  envoya  à 
Orléans  Nicolas  d'Angennes,  seigneur  de  Rambouillet, 
afin  de  demander  au  prince,  le  lendemain,  à  son  lever, 
l'heure  de  son  départ  et  lui  offrir  dix  mille  écus2. 
Convaincue  que  la  paix  était  certaine,  elle  écrivit  à 
Gaspard  de  Saulx-Tavannes  :  «  Geulx  de  Mascon 
«  méritent  bien  un  bon  chastiment,  mais,  puisqu'il  a 
«  pieu  à  Dieu  nous  donner  un  bon  commencement  de 
«  paix  et  que  nous  en  sommes  en  termes  de  veoir 
«  bientôt  le  repos  mis  en  ce  royaulme  tel  que  je  désire, 
«  je  vous  prie,  M.  de  Tavannes,  surceoir  et  superced- 
«  der  en  toutes  choses  la  poursuitte  et  exécution  de 
«  vostre  entreprise3.  »  Le  roi  de  Navarre  confirma  les 
ordres  de  la  reine.  Tavannes  avait  reçu  l'ordre  d'ache- 
miner vers  le  camp  du  roi  quelques  compagnies  de 
Suisses  catholiques.  Antoine  lui  recommanda  de  les 


1.  Mémoires  de  La  Noue,  chap.  iv.  —  Do  Bèze,  Hist.  ecclés.,  1881, 
t.  I,  p.  537.  —  L'ambassadeur  espagnol  lui-même  ne  supposait 
pas  que  le  prince  de  Cornlr  pûï  faillir  à  sa  promesse  et  supputait 
le  danger  de  voir  Coligny  se  fortifier  à  Lyon  (Lettre  du  2  juillet 
dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  48).  — Mémoires  de  Caslelnau, 
1731,  i.  I,  p.  97  ei  1)8. 

.'.  Procès-verbal  de  la  séance  du  parlement,  du  3  juillet 
[Mémoires  de  Condé,  t.  III,  p.  514). —  De  Hèzo,  Hist.  ecclés.,  1881, 
t.  [,  p.  538. 

3.  Lettre  <lu  30  juin  [Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  I,  p.  343). 


ET   JEANNE   d'aLBRET.  207 

retenir  aux  environs  de  Chàlons  jusqu'à  la  signature 
du  traité  de  paix4. 

Pendant  que  la  reine  mère  et  le  roi  de  Navarre  pre- 
naient ces  dispositions,  le  conseil  des  réformés  s'était 
assemblé  au  logis  du  prince  de  Gondé,  à  Orléans.  La 
séance  s'ouvrit  avec  une  solennité  particulière.  L'ami- 
ral parla  le  premier  et  observa  qu'une  décision  aussi 
grave  que  celle  de  l'émigration  du  chef  de  la  réforme 
ne  pouvait  être  arrêtée  que  de  l'assentiment  de  tous 
les  fidèles.  Il  fit  décider  que  les  colonels  et  les  capi- 
taines parcourraient  les  campements  et  interrogeraient 
les  moindres  soldats.  Tous  répondirent  que  «  la  terre 
«  de  France  les  avoit  engendrez  et  qu'elle  leur  serviroit 
«  de  sépulture.  »  L'unanimité  des  soldats  dictait  la 
résolution  des  chefs.  L'amiral,  en  rendant  hommage  à 
la  bonne  foi  de  la  reine,  insinua  que  l'exil  du  prince  pro- 
fiterait aux  triumvirs;  d'Andelot,  que  le  prince  et  son 
parti  devaient  affronter  les  dangers  et  courir  les  chances 
de  la  guerre2.  Le  s.  de  Boucard,  vieux  capitaine  des 
armées  d'Italie,  «  qui  avoit  du  feu  et  du  plomb  à  la 
«  teste,  »  clôtura  la  discussion  en  ces  termes  :  «  Mon- 
«  sieur,  dit-il,  qui  quitte  la  partie  la  perd3...  Il  me 
«  fascheroit  fort  de  me  voir,  en  pais  estrange,  me 
«  promener  avec  un  cure-dents  en  la  bouche  et  que 
«  cependant  quelque  petit  affeté,  mien  voisin,  fist  le 
«  maistre  dans  ma  maison  et  s'engraissât  du  revenu. 
«  Qui  voudra  s'en  aller  s'en  aille.  Quant  à  moy,  je 


1.  Original,  daté  de  Talcv  et  du  30  juin  1562  (F.  IV..  vol.  1G32, 
f.  145). 

2.  Son  discours  est  reproduit  par  La  Noue  (Mémoires,  chap.  tv). 

3.  D'Aubigué  attribue  ce  mot  à  Bricquemaut  (Uisl.  unir.,  t.  I, 
col.  197). 


208  ANTOINE   DE   BOURBON 

«  mourray  en  ma  patrie  pour  la  défense  des  autels  et 
«  des  foyers1.  » 

Au  milieu  de  la  délibération,  Florimond  Robertet, 
s.  de  Fresne,  secrétaire  des  commandements,  arriva 
de  la  part  de  la  reine.  Il  vit  plusieurs  seigneurs  et 
«  connut  au  langage  qu'il  y  avoit  du  changement.  »  1! 
obtint  une  audience  de  Condé  et  apprit  de  sa  bouche 
«  qu'il  n'estoit  encore  résolu,  d'autant  que  plusieurs 
«  murmuroyent.  »  Aussitôt  il  repartit  pour  Talcy  et 
avertit  la  reine  «  qu'il  falloit  autre  chose  que  du  papier 
«  pour  le  mettre  dehors.  »  Dans  l'intervalle,  on  sut 
à  Orléans  que  les  triumvirs  s'étaient  arrêtés  à  Chà- 
teaudun.  Des  coureurs  interceptèrent  une  lettre,  pleine 
de  menaces  pour  les  rebelles,  que  le  duc  de  Guise 
écrivait  le  23  juin  au  cardinal  de  Lorraine,  au  moment 
où  la  signature  de  la  paix  paraissait  certaine  :  «  ...  La 
«  religion  réformée,  en  nous  conduisant  et  tenant  bon, 
«  comme  nous  ferons  jusques  au  bout,  s'en  va  aval 
«  l'eau,  et  les  amiraux  mal,  ce  qui  est  possible.  Toutes 
«  nos  forces  entièrement  demeurent,  les  leurs  rom- 
«  pues,  les  villes  rendues,  sans  parler  d'édicts  et  de 
«  prêches  et  administration  de  sacrements  à  leur 
«  mode2.  »  Les  chefs  huguenots,  en  quête  de  subter- 

1.  Mémoires  de  La  Noue,  chap.  iv.  —  Do  Bèze,  Ilist.  ecclês.,  1881, 
t.  I,  p.  538.  —  D'autre  part,  Soubise  constate  dans  ses  Mémoires 
(p.  57)  que  les  chefs  ne  voulaienl  pas  la  paix. 

■2.  Cette  lettre  m  été  imprimée  'huis  le  Sommaire  recueil  des 
choses  mémorables  advenues  depuis  l'un  1560,  publié  en  1564,  p.  360, 
dans  la  première  édition  des  Mémoires  de  Condé  (1565,  t.  II.  p.  375, 
réimprimée  dans  l'édition  in-  i  .  i.  III.  p.  509),  dans  la  Légende  du 
card.  de  Lorraine}  p.  18  el  19,  dans  VHist.  ecclés.  de  de  Bèze  (1882, 
t.  I,  p.  538),  ei  enfin  <hm>  les  Mémoires-journaux  du  due  de  Guise, 
p.  194  (édit.  Michaud  el  Poujoulat).  Elle  arriva  si  à  propos  pour 
le  pu  ii  i  huguenol  que  beaucoup  d'historiens  ont  jugé  qu'elle  pou- 


ET   JEANNE   u'ALBRET.  2l!«) 

fuges,  saisirent  avec  empressementles  deux  prétextes1 . 
L'arrêt  des  triumvirs  à  Ghàteaudun  leur  permit  dédire 
que  le  départ  de  leurs  ennemis  n'était  qu'une  «  fausse 
«  sortie;  »  la  lettre  du  duc  de  Guise,  que  les  chefs  catho- 
liques se  préparaient  à  violer  la  convention  de  Bau- 
gency  avant  même  de  la  signer. 

Peu  d'heures  après  le  retour  de  Robertet  à  Talcy, 
Nicolas  d'Angennes,  de  Rambouillet,  rapporta  d'Or- 
léans que  le  prince  de  Coudé  ne  pouvait  se  résigner 
à  la  retraite  et  que  ses  compagnons  d'armes  repous- 
saient les  autres  conditions  de  la  paix"2.  Il  annonça 
que  les  réformés  étaient  en  marche  et  que  l'armée 
royale  pouvait  être  attaquée  d'un  moment  à  l'autre. 
La  reine  protesta  vivement  contre  ce  manque  de  foi 
et  prit  immédiatement  des  mesures  de  défense.  Elle 
écrivit  à  Gaspard  de  Saulx-Tavannes  une  seconde  lettre, 
avec  l'ordre  «  de  faire  avancer  les  Suisses  à  marches 
forcées  vers  le  camp  du  roi3.  »  Le  roi  de  Navarre  lui 
recommanda  de  ne  «  perdre  une  seule  heure  de  temps, 

vait  être  supposée.  Quant  à  nous,  malgré  de  nombreuses  auto- 
rités, nous  croyons  à  son  authenticité  pour  les  raisons  suivantes  : 

1°  M.  de  la  Ferrière  l'a  trouvée  parmi  les  papiers  du  Record 
Oiïice,  où  elle  est  présentée  comme  un  document  indiscutable. 

2°  Elle  est  recueillie  et  publiée  dans  les  Mémoires-journaux  du 
duc  de  Guise,  p.  494,  avec  cette  étiquette  :  «  Extrait  d'une  lettre 
«  du  duc  de  Guyse,  escrite  de  sa  main,  à  monsieur  le  cardinal  de 
«  Lorraine.  »  On  sait  que  cette  compilation,  pour  tout  ce  qui 
regarde  le  duc  de  Guise,  doit  être  considérée  comme  semi-offi- 
cielle. 

1.  De  Bèze  raconte  que  le  parti  huguenot  saisit  aussi  un 
mémoire  adressé  au  roi  de  Navarre  et  il  analyse  six  articles  de 
ce  mémoire  (Hist.  ecclés.,  t.  I,  p.  538,  1881).  De  Bèze  est  le  seul 
historien  qui  parle  de  ce  mémoire. 

2.  Négoc.  du  card.  de  Ferrare,  p.  291. 

3.  Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  1,  p.  344. 


210  ANTOINE   DE    BOURBON 

«  car  je  vois  bien,  écrit-il,  que  ceulx  à  qui  nous  avons 
«  affaire  ont  autres  intentions  que  celles  qu'ils  ont 
«  voulu  faire  croyre  jusques  icy1.  »  La  reine  mère 
expédia  au  roi  à  Fontainebleau  un  messager  en  poste, 
qui  l'empêcha  de  venir  à  Baugency,  et  le  roi  repartit 
le  lendemain  matin  pour  Melun2.  Le  même  jour,  elle 
se  retira  à  Ghàteaudun,  puis  à  Melun  et  à  Vincennes. 
Les  triumvirs  reparurent  au  camp  du  roi  de  Navarre  et 
le  conseil  de  guerre  prit  des  mesures  pour  engager  les 
hostilités3. 


1.  Original  daté  de  Talcy,  du  30  juin  1562  (F.  fr.,  vol.  4632, 
f.  146). 

2.  Journal  de  Bruslard  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  I,  p.  90. 

3.  De  Bèze,  Hist.  ecclés.,  1881,  t.  I,  p.  539.  —  Mémoires  de  La 
Noue,  chap.  iv.  —  D'Aubigné  s'est  beaucoup  inspiré  du  récit  de 
La  Noue. 


CHAPITRE  VINGTIÈME. 

(Ier  juillet-sept.  1562.) 

Le  prince  de  Condé  prend  et  pille  la  ville  deBaugency. 

—  Le  roi  de  Navarre  s'empare  de  Blois  (4  juillet). 

—  Antonio  d'Almeida  est  arrêté  sous  les  murs 
de  Tours.  —  Le  roi  de  Navarre  entre  à  Tours 
(1 1  juillet) . 

Forces  de  Vannée  royale  commandée  par  Antoine  de 
Bourbon.  —  Le  roi,  la  reine  et  la  cour  arrivent  au 
camp  de  Blois  (1 1  août) .  —  Siège  de  Bourges  (1 8  août) . 

—  Prise  de  la  ville  (1er  septembre). 

Suite  des  négociations  du  roi  de  Navarre  avec  le  roi 
d'Espagne.  —  Entrevue  du  prince  et  d'Antonio  d'Al- 
meida.  —  Henri  de  Béarn.  —  Procuration  de  Jeanne 
d'Albret  à  son  mari  pour  négocier  de  l'échange  de  la 
Navarre  (25  août). 


Le  plan  de  campagne  que  le  prince  de  Condé  et  les 
seigneurs  de  son  conseil  avaient  arrêté,  depuis  que  la 
ville  de  Paris  et  la  personne  du  roi  leur  avaient 
échappé,  était  de  s'emparer  du  cours  de  la  Loire  afin 
de  se  ravitailler  dans  les  provinces  de  l'ouest,  en  Poi- 
tou, et  jusques  en  Guyenne.  Fortement  appuyés  sous 
les  murs  d'Orléans  et  leurs  réserves  garanties,  les 


272  ANTOINE   DE   BOURBON 

huguenots  pouvaient  faire  tête  à  l'armée  royale  venue 
de  Paris,  donner  la  main  aux  Allemands  et  même 
aux  Anglais  qu'ils  attendaient  sur  les  côtes  de  la  Nor- 
mandie1. Ce  plan,  conçu  depuis  les  premiers  jours  de 
la  prise  d'Orléans,  éternisait  la  guerre  et  laissait  aux 
rebelles  les  chances  de  l'imprévu. 

Le  soir  même  du  30  juin,  le  prince  de  Gondé,  dési- 
reux de  racheter  ses  tergiversations  par  une  action 
d'éclat,  tint  conseil.  Le  roi  de  Navarre  était  seul  campé 
à  Baugency  et  la  noblesse  catholique,  confiante  dans 
le  succès  des  négociations  des  jours  précédents,  avait 
morcelé  ses  cantonnements  dans  les  villages  de  la 
Beauce.  Le  connétable,  le  maréchal  Saint-André,  le 
duc  de  Guise  n'étaient  pas  encore  de  retour.  Les 
huguenots  avaient  le  temps  de  surprendre  les  catho- 
liques et  d'engager,  peut-être  de  terminer  la  guerre 
civile  par  un  coup  de  main  heureux.  Le  lendemain 
1e' juillet,  à  six  heures  du  soir,  le  prince  leva  le  camp 
de  la  Ferté-de-Seau 2  et  mit  ses  troupes  en  campagne 
dans  l'ordre  suivant  :  Coligny,  à  l'avant-garde  avec 
800  gens  d'armes,  devait  fondre  sur  la  cavalerie 
ennemie;  d'Andelot  commandait  ^,000  arquebusiers, 
et  le  prince  de  Gondé  le  reste  de  l'armée.  Tous  les 
soldats  avaient  reçu  l'ordre  de  cacher  leur  cuirasse 
sous  une  chemise  blanche.  Cette  manœuvre,  fort  en 
faveur  dans  la  stratégie  du  xvie  siècle,  portait  le  nom 
de  camisade3.   Le   prince  fut   mal   conduit    par  ses 

1.  Lettre  «le  Ghantonay,  du  i  avril  1562,  à  Philippe  II  (Orig. 
espagnol  ;  Arch.  aat.,  K.  1 197,  n°  18). 

•J.  Le  mi  de  Navarre  appelle  ainsi  ce  village  dans  son  rapport 
à  la  reine  (Minute  ;  f.  fr.,  vol.  15876,  ï.  237). 

3.  D'après  le.  père  Daniel,  les  camisades  avaienl  été  inventées 


ET   JEANNE   D'ALBRET.  273 

guides,  ou  trompé  par  l'obscurité,  et,  après  avoir 
marché  toute  la  nuit,  l'armée  huguenote  se  retrouva 
au  point  du  jour  à  une  lieue  du  camp  qu'elle  venait 
de  quitter,  et  à  deux  lieues  de  l'armée  catholique1. 

Le  roi  de  Navarre  s'attendait  à  l'attaque2.  Informé 
par  le  s.  de  Rambouillet  des  projets  des  ennemis,  il 
avait  renforcé  les  gardes  et  averti  les  gens  d'armes  de 
se  masser  au  premier  coup  de  canon  derrière  l'artille- 
rie. Par  son  ordre,  le  s.  des  Bories,  lieutenant  de  la 
compagnie  du  prince  de  Navarre,  s'était  porté  avec 
vingt  salades  sur  le  front  de  l'armée  et  se  maintenait 
en  communication  avec  les  chevau-légers  du  maréchal 
Damville3. 

Pendant  que  les  réformés  prenaient  un  peu  de 
repos,  les  coureurs  du  capitaine  des  Bories  dépis- 
tèrent l'armée  huguenote.  Ils  reculèrent  en  toute 
hâte  et  Damville,  aussitôt  prévenu,  fît  tirer  le  canon 
d'alarme.  Les  détachements   catholiques  se  rassem- 

par  le  marquis  de  Pescaire  pendant  les  guerres  d'Italie  (Voyez 
les  Commentaires  de  Biaise  de  Monluc,  édit.  publiée  par  la  Société 
de  l'Histoire  de  France,  t.  II,  p.  216,  413  et  414). 

4.  Histoire  ecclésiastique  de  Bèze,  t.  I,  p.  540,  édit.  de  1882.  — 
La  Popelinière,  1. 1,  f.  325.  Ces  deux  historiens  se  copient  presque 
textuellement.  —  De  Thou,  1740,  t.  III,  p.  168.  —  Voyez  surtout 
les  Mémoires  de  La  Noue,  chap.  v,  et  le  compte-rendu  du  roi  de 
Navarre  à  la  reine,  en  date  du  11  juillet  (Minute  ;  f.  fr.,  vol.  15876, 
f.  237). 

2.  Depuis  l'échec  de  la  conférence  de  Beaugency,  le  roi  de 
Navarre  avait  pris  des  mesures  de  défense.  Le  1er  juillet,  à  Paris, 
fut  crié  l'ordre  aux  gens  d'armes  de  rejoindre  Le  camp  sous  peine 
de  la  hart  (Journal  de  1562,  dans  la  Revue  rétrosp.,  t.  V,  p.  173. 
—  Journal  de  Bruslard  dans  les  Mémoires  deCondé,  t.  I,  p.  90). 

3.  Compte-rendu  du  roi  de  Navarre  à  la  reiuc,  du  11  juillet  1562 
(Minute;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  237). 

iv  18 


274  ANTOINE   DE   BOURBON 

blèrent  autour  de  la  cornette  du  roi  de  Navarre  et 
chaque  capitaine  prit  le  poste  de  combat  qui  lui  avait 
été  assigné.  Les  deux  armées  passèrent  une  partie  de 
la  matinée  du  2  juillet  en  présence  sans  oser  entamer 
l'action.  Vers  onze  heures  du  matin,  le  prince  de  Condé 
traversa  la  Loire  et  conduisit  ses  troupes  à  Lorges, 
près  de  Marchenoir,  et  à  Gravant.  Le  roi  de  Navarre 
perdit  l'occasion  d'attaquer  l'ennemi  au  gué  de  la 
rivière.  Il  fit  quelques  prisonniers,  vêtus  de  che- 
mises blanches,  qui  révélèrent  que  la  camisade  était 
renvoyée  au  lendemain1.  La  plus  admirable  disci- 
pline régnait  alors  dans  les  rangs  des  protestants. 
La  maraude  était  inconnue  et  le  prêche  semblait  le 
seul  délassement  des  gens  d'armes.  Pas  un  soldat 
«  ne  pilloit  ni  ne  battoit  ses  hôtes.  »  Les  capi- 
taines employaient  leurs  gages  à  «  payer  honneste- 
«  ment  »  les  dépenses  de  leur  compagnie.  «  On  ne 
«  voyoit  point  fuir  personnes  des  villages,  ny  n'oyoit- 
«  on  ne  cris  ne  plaintes2.  »  Un  capitaine,  Gabriel  de 
Boulainvilliers,  baron  de  Gourtenay,  ayant  violé  la 
fille  d'un  paysan,  fut  arrêté  sur  l'ordre  de  l'amiral  et 
faillit  payer  son  crime  de  la  vie3. 

Les  avertissements  des  prisonniers  tinrent  l'armée 
catholique  sous  les  armes.  Le  roi  de  Navarre  prit  posi- 
tion sur  les  hauteurs  pour  utiliser  son  artillerie,  multi- 

1.  Compte-rendu  du  roi  de  Navarre  à  la  reine,  du  U  juillet  1562 
(Minute;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  237). 

2.  Mémoires  de  La  Noue,  ehap.  vi. 

3.  Bèze,  1882,  p.  540.  Courtena}  se  sauva  quelques  jours  après. 
En  1569,  le  20  juillet,  dit  Bruslard,  il  eut  la  tête  tranchée  en 
place  de  Grève  (Mémoires  de  Condé,  t.  I,  p.  205).  —  L'auteur  de 
l'Histoire,  dite  des  Quatre  rois,  appelle  ce  personnage  baron  de 
Dammartin  (1595,  f.  72).  Il  était  fils  du  comte  de  Dammartin. 


ET   JEANNE   D'ALBRET.  275 

plia  les  vedettes,  et  ne  permit  aux  cavaliers  de  se 
rafraîchir,  eux  et.  leurs  chevaux,  que  «  la  bride  en 
a  main.  »  Le  connétable,  le  duc  de  Guise  et  le  maré- 
chal Saint-André  parcoururent  la  plaine  où  la  bataille 
pouvait  s'engager  d'heure  en  heure.  Le  soir,  le 
lieutenant  général  fît  camper  son  armée  sur  place. 
A  gauche,  détendu  par  un  vaste  étang,  était  le  comte 
de  Villars  avec  plusieurs  compagnies  de  gens  de 
pied.  A  droite,  le  connétable  et  son  fils,  le  maré- 
chal de  Montmorency,  puis  le  duc  de  Guise,  le  maré- 
chal de  Saint-André,  directement  sous  ses  ordres. 
Le  roi  de  Navarre  occupait  à  l'extrême  droite,  avec 
1 ,200  arquebusiers,  un  château  fort  et  un  village  qui, 
en  cas  de  revers,  auraient  pu  servir  de  défense.  L'ar- 
tillerie était  postée  en  avant  sur  deux  collines,  défen- 
due par  les  gens  de  pied  de  l'avant-garde,  et  pointée 
de  manière  à  croiser  ses  feux.  Quand  la  nuit  tomba, 
le  lieutenant  général  fit  allumer  des  fagots,  incendier 
un  moulin  à  vent  et  les  maisons  du  voisinage  afin 
d'éclairer  les  approches  des  batteries.  Tout  étant 
ordonné  pour  repousser  une  surprise,  le  roi  de  Navarre 
et  les  capitaines  prirent  un  peu  de  repos  sous  les 
armes.  Les  troupes,  entraînées  par  l'exemple  de  leurs 
chefs,  attendaient  et  désiraient  la  bataille1. 

A  huit  heures  du  matin,  Antoine  fit  faire  une  recon- 
naissance par  Henri  de  Montmorency-Damville2.  Les 
deux  avant-gardes  s'approchèrent  à  cent  pas  l'une 
de  l'autre.  Des  soldats  se  glissaient  hors  des  rangs, 

1.  Compte-rendu  du  roi  de  Navarre  à  la  reine  mère,  du  11  juil- 
let (Minute;  f.  fr.,  vol.  1587G,  f.  237). 

2.  Lettre  du  roi  de  Navarre  à  la  reine  mère,  minute  datée  de 
juillet  (f.  fr.,  vol.  15876,  f.  233). 


276  ANTOINE    DE   BOURBON 

tiraient  des  arquebusades  et  osaient  même  échan- 
ger des  coups  de  lance  avec  les  vedettes  ennemies 1 . 
Les  réformés  ne  sortirent  pas  de  leurs  retranche- 
ments. Dans  la  soirée,  un  terrible  orage  obligea 
les  deux  armées  à  battre  en  retraite.  Il  plut  telle- 
ment, dit  La  Noue,  que  sur  4,000  arquebusiers  qui 
suivaient  le  prince  de  Condé,  il  n'y  en  avait  pas  dix 
qui  eussent  pu  faire  usage  de  leur  poudre2.  Les 
deux  chefs  essayèrent  de  tourner  leurs  positions  réci- 
proques et  y  réussirent  d'autant  plus  facilement  qu'ils 
avaient  tous  deux  la  même  stratégie.  Antoine,  acculé 
à  la  Loire,  se  dégagea,  et  Condé  reconquit  le  passage  de 
la  rivière.  Les  protestants,  sans  poursuivre  les  catho- 
liques, marchèrent  surBeaugency  que  le  roi  de  Navarre 
venait  de  quitter.  La  ville  avait  été  munie  de  troupes 
et  la  tête  du  pont  fortifiée3.  Condé  battit  les  murs  en 
brèche  et  lança  à  l'assaut  les  compagnies  provençales 
et  gasconnes,  commandées  par  Jean  de  Hangest, 
s.  d'Yvoi.  La  ville  fut  prise  après  un  court  combat, 
pillée  avec  acharnement,  et  la  garnison  passée  au  lil 
de  l'épée.  Protestants  et  catholiques  furent  également 
victimes  de  la  fureur  des  soldats.  Ainsi  s'évanouit, 
dès  le  premier  coup  de  canon,  la  sévère  discipline  dont, 
la  veille  encore,  l'armée  huguenote  était  si  glorieuse. 
«  Nostre  infanterie,  dit  La  Noue,  perdit  son  pucelage 
«  et  de  ceste  conjonction  illégitime  s'ensuivit  la  pro- 
«  création  de  mademoiselle  la  Picorée,  qui  depuis  est 


1.  Compte-rendu  du  roi  de  Navarre  à  La  reine,  du  11  juillet 
(Minute;  F.  IV.,  vol.  15876,  f.  237). 

2.  Mémoires  de  La  Noue,  chap.  v. 

3.  Le  journal  do  15G2  donne  quelques  détails  (Revue  rêtrospec- 
tive,  t.  V,  p.  174). 


ET    JEANNE    DALBRET.  277 

«  si  bien  accrue  en  dignité  qu'on  l'appelle  Madame,  et, 
«  si  la  guerre  continue  encore,  je  ne  doute  point  qu'elle 
«  devienne  princesse1.  »  Les  lieutenants  du  prince  de 
Condé  avaient  commencé  la  guerre  par  un  assassinat, 
celui  de  la  Mothe-Gondrin 2  ;  Condé  lui-même  entamait 
les  hostilités  par  des  actes  de  piilage. 

Le  conseil  de  guerre  de  l'armée  catholique,  obéissant 
aux  inspirations  du  duc  de  Guise,  avait  résolu  de  sépa- 
rer le  prince  de  Condé  de  la  base  de  ses  opérations  en 
l'isolant  des  provinces  de  l'ouest3.  Pendant  que  le 
prince  amusait  ses  troupes  à  la  prise  de  Beaugency,  le 
roi  de  Navarre  descendit  la  Loire  avec  toutes  ses 
forces.  Le  1 9  juin,  il  avait  commandé  au  duc  de  Mont- 
pensier  d'entrer  à  Tours  et  de  s'y  établir  avec  ses 
troupes.  Montpensier  était  à  Champigny,  s'efforçant  de 
tenir  tête  aux  séditieux  de  l'Anjou.  A  la  réception  de  la 
lettre  du  prince,  il  rassembla  quelques  gentilshommes, 
passa  à  Saumur,  à  Chinon,  tenta  en  vain  de  réduire 
Angers  et  de  secourir  le  Mans,  oùl'évêque,  Jacques  d'An- 
gennes  de  Rambouillet,  avait  levé  une  compagnie  à  ses 
frais,  et  battit  en  retraite  jusqu'à  Champigny4.  Malgré 
ses  échecs,  il  gardait  ses  positions  et  la  troupe  de 

1.  Mémoires  de  La  Noue,  chap.  vi. 

2.  Le  27  avril  1562. 

3.  Négoc.  de  la  France  avec  la  Toscane,  t.  III,  p.  488.  —  Compte- 
rendu  du  roi  de  Navarre  à  la  reine,  du  M  juillet  (Minute;  f.  fr., 
vol.  15876,  f.  237). 

4.  Mémoire  du  duc  de  Montpensier,  daté  d'Angers,  du  23  juin 
1562  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  128).  —  Lettre  du  duc  de  Mont- 
pensier, du  26  juin  [Mémoires  de  Condé,  t.  Ht,  p.  509,  réimpri- 
mée dans  les  Mémoires-journaux  du  duc  de  Guise,  p.  494).  —  Bèze, 
Histoire  ecclésiastique,  1882,  t.  II,  p.  127  et  suiv.  —  Goustureau, 
dans  la  Vie  du  duc  de  Montpensier,  in-4°,  1642,  donne  peu  de  détails 
sur  cette  campagne. 


278  ANTOINE   DE    BOURBON 

gentilshommes    qu'il   avait  réunis    allait   devenir   le 
noyau  d'une  armée. 

Le  samedi,  4  juillet,  au  lever  du  jour,  le  connétable1 
marcha  droit  sur  Blois  avec  les  compagnies  de  gens 
de  pied  du  centre  et  une  batterie  de  six  canons.  Le 
duc  de  Guise  et  le  maréchal  Saint-André  restèrent  à 
l'arrière -garde  par  crainte  d'un  retour  offensif  du 
prince  de  Condé.  La  ville  de  Blois  était  défendue  par 
une  garnison  protestante  qui  fit  «  mine  de  se  défendre.  » 
Aux  premières  arquebusades,  le  capitaine  Cosseins  fut 
gravement  blessé  avec  une  vingtaine  de  soldats  catho- 
liques. Aussitôt,  le  roi  de  Navarre  fit  pointer  sur  le 
bord  du  fossé  l'artillerie  du  connétable.  «  En  deux 
«  volées,  dit  Gastelnau,  le  canon  fit  brèche  au  portail 
«  et  dedans  la  courtine.  »  Les  habitants  demandèrent 
à  parlementer,  et  la  garnison  huguenote  prit  la  fuite. 
Michel  de  Gastelnau  et  Florimond  Robertet,  s.  d'AUuye, 
négocièrent  la  capitulation.  Le  roi  de  Navarre,  le  duc 
de  Guise,  le  maréchal  Saint-André  entrèrent  en  hâte, 
mais  les  soldats  étaient  si  animés  que  la  ville  ne  put 
être  sauvée  du  pillage.  Les  protestants,  qui  étaient 
restés  sur  la  foi  du  traité,  furent  égorgés.  Les  maisons, 
môme  catholiques,  furent  forcées,  les  femmes  violées, 
les  habitants  riches  rançonnés,  les  pauvres  maltraités 
avec  des  raffinements  de  barbarie2.  De  Bèze  prête  un 

\.  Le  siège  <io  Blois  fut  l'œuvre  du  connétable  (Lettre  de 
Diane  de  France  à  la  connétable  de  Montmorency;  Orig.,  f.  fr., 
vol.  3194,  f.  120). 

2.  Lettre  du  roi  de  Navarre  \  la  reine,  du  5  juillet  1562  (Minute; 
f.  IV.,  vol.  15876,  f.  202.  —  Autre  minute  de  lamème  lettre,  ibid., 
f.  233).  —  Mémoires  de  Castclnau,  liv.  III,  <-lia|>.  n.  —  Compte- 
rendu  du  roi  de  Navarre  à  la  reine,  du  11  juillet  (Minute,  f.  fr., 
vol.  15876,  f.  237).  —  Négoc.  du  card.  de  Ferrure,  p.  310. 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  279 

mot  féroce  au  duc  de  Guise.  Comme  on  se  plaignait 
devant  lui  des  massacres  deBlois,  il  répondit  «  qu'aussy 
«  bien  y  avoit-il  trop  de  peuple  au  royaume  et  qu'il 
«  en  feroit  tant  mourir  que  tous  vivres  seroient  à  bon 
«  marché1.  »  Cette  bravade  n'est  rien  moins  que 
prouvée,  mais  elle  s'accorde  avec  les  mœurs  militaires 
du  temps.  C'est  peut-être  ce  qui  a  donné  lieu  à 
de  Thou  de  raconter  que  le  duc  de  Guise  donna  aux 
soldats  la  liberté  du  pillage2.  Le  roi  de  Navarre,  dans 
sa  correspondance  avec  la  reine,  avoue  une  partie  de 
ces  excès  :  «  Moy  et  tous  ces  seigneurs  avons  telle- 
ce  ment  travaillé  que  n'eusmes  jamais  repos  ni  cesse 
«  d'aller  d'une  rue  à  l'aultre,  et,  s'il  se  peult  dire,  de 
«  maison  en  maison,  que  nous  n'ayons  mis  les  soldats 
«  hors.  Cela  n'a  peu  estre  sans  qu'il  y  en  ayt  eu  qui 
«  ayent  patis ,  tant  des  bons  que  des  maulvais3.  » 
Bientôt  il  en  prit  facilement  son  parti.  Il  écrivit  quel- 
ques jours  après  à  la  reine  :  «  Encores  qu'il  se  soit  fait 
«  quelque  désordre  en  ceste  ville  au  grand  regret 
«  dud.  s.  roy  de  Navarre  et  des  aultres  seigneurs,  qui 
«  tous  y  ont  pris  une  peine  extresme  pour  l'empes- 
«  cher,  si  est-ce  que  ce  petit  exemple  a  grandement 
«  servy,  comme  il  s'est  veu  par  l'expérience4.  »  Le 
prince  de  Condé,  oubliant  ce  qui  s'était  passé  à  Beau- 
gency  sous  ses  yeux,  adressa  ses  protestations  au  lieu- 

1.  De  Bèze,  Histoire  ecclésiastique,  1882,  t.  II,  p.  126. 

2.  De  Thou,  1740,  t.  ni,  p.  169. 

3.  Lettre  du  roi  de  Navarre  à  la  reine,  du  5  juillet  1562  (Minute  ; 
i'.  fr.,  vol.  15876,  f.  202).  Il  représente  la  même  idée  dans  le 
mémoire  de  la  note  suivante. 

4.  Mémoire  du  roi  de  Navarre  à  la  reine  mère,  minute  datée 
de  juillet  (F.  fr.,  vol.  15876,  f.  235).  —  Voyez  aussi  la  lettre  de  la 
reine,  du  11  juillet  [Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  I,  p.  354). 


280  ANTOINE    DE   BOURBON 

tenant  général  et  le  menaça  de  représailles  contre  les 
catholiques  d'Orléans  ' . 

Le  lendemain  de  la  prise  de  Blois,  5  juillet,  le  roi 
de  Navarre  envoya  aux  habitants  de  Tours  un  héraut 
chargé  «  de  les  admonester  de  rendre  au  roy  l'obéis- 
«  sance  qu'ils  luy  doibvent,  »  sous  peine  de  se  voir 
infliger  un  «  pas  moindre  traitement  que  ceux  de 
«  Blois2.  » 

La  ville  de  Tours  appartenait  à  la  réforme  depuis  le 
mois  d'avril.  Les  protestants  s'en  étaient  emparés  par 
un  coup  de  main  audacieux,  en  pleine  paix,  peu  de 
jours  après  la  prise  d'Orléans.  Le  prince  de  Condé 
avait  envoyé  à  Tours  successivement  comme  gouver- 
neur Gilbert  Filhet,  s.  de  la  Curée,  et  François  Bou- 
chard d'Aubeterre,  seigneur  de  Saint-Martin-de-la- 
Coudrc,  gens  de  guerre  sanguinaires ,  vrais  hommes 
de  parti,  qui  avaient  mis  au  service  de  leurs  coreli- 
gionnaires les  plus  fanatiques  le  pouvoir  d'un  jour 
dont  ils  étaient  investis.  Deshainespassionnées  divisaient 
cette  malheureuse  ville,  et,  lorsque  les  hérauts  de 
l'armée  catholique  parurent  en  vue  des  murs,  la  moitié 
de  la  ville  était  animée  contre  l'autre  moitié  de  senti- 
ments de  vengeance  implacables. 

Un  accident  aggrava  la  situation  de  la  ville.  Quelque 
attention  que  portât  le  roi  de  Navarre  aux  affaires  de 
France,  ses  yeux  étaient  surtout  fixés  vers  les  nou- 
velles d'Espagne,  vers  les  générosités  plus  ou  moins 
gratuites  de  Philippe  II.  Antonio  d'Almeida,  le  pléni- 
potentiaire personnel  du  prince,  était  à  Madrid  depuis 
le  commencement  de  mars.  Le  roi  catholique  avait 

1.  Lettre  du  23  juillel  [Mémoires  de  Condé,  t.  HT,  p.  5G1). 

2.  Minute  datée  du  5  juillel    1562  (F.  lï.,  vol.  15876,  t*.  197). 


ET    JEANNE    d'âLBRET.  281 

promis  la  Sardaigne  en  attendant  la  livraison  du 
royaume  de  Tunis,  mais  tant  de  réticences  entravaient 
la  donation  que  le  prince  restait  dans  l'incertitude. 
Chantonay  s'efforçait  d'entretenir  sa  bonne  volonté 
et  de  l'encourager1.  Antoine  n'était  pas  avare  de  pro- 
testations et  de  promesses,  mais  il  se  lassait  d'attendre. 
Aussi  la  duchesse  de  Parme  conseillait-elle  un  sacri- 
fice au  roi  d'Espagne  en  lui  représentant  que  le  roi 
de  Navarre  tenait  en  suspens,  au  bout  de  son  épée, 
la  destinée  de  la  religion  catholique  en  France2.  Le 
pape  s'employait  aussi  en  faveur  du  prince.  Il  envoya 
à  Madrid  un  ambassadeur,  «  personnage  suffisant  et 
«  apte  à  manyer  grandes  affaires,  »  et  pressa  l'em- 
pereur, tous  les  souverains  catholiques  d'unir  leurs 
instances  aux  siennes.  Enfin  il  chargea  l'abbé  de  Saint- 
Salut  de  porter  au  roi  de  Navarre  ,  à  la  cour  de 
France,  un  bref  favorable  aux  revendications  de  la 
maison  d'Albret3.  Grâce  à  ces  prières,  au  moment 
où  la  guerre  civile  éclata,  d'Almeida  obtint  un  supplé- 
ment de  bonnes  paroles  et  informa  son  maître  à  la 
fois  du  succès  probable  de  la  négociation  et  de  son 
propre  retour4. 

La  guerre  civile  de  l'Ouest  et  de  la  Guyenne  avait 
intercepté   les  communications   entre    les  cours    de 

1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  9  juin  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1498,  n°  2). 

2.  Gachard,  Correspondance  de  la  duchesse  de  Parme  avec  Phi- 
lippe II,  t.  II,  p.  240. 

3.  Lettre  du  cardinal  d'Armagnac  au  roi  de  Navarre,  datée  de 
Vincennes  et  du  13  juillet  1562  (Orig.;  i'.  IV.,  vol.  6626,  f.  34).  — 
Lettre  du  card.  de  Forrare,  du  19  juillet  (Ncgoc.  du  card.  de  Fer- 
rare,  p.  331). 

4.  Lettre  du  roi  de  Navarre  à  la  reine  mère,  du  16  mai  1562 
(Orig.;  f.  f'r.,  vol.  6606,  f.  10). 


282  ANTOINE   DE   BOURBON 

France  et  d'Espagne.  Pas  un  courrier  qui  ne  fût  saisi, 
fouillé  à  chaque  étape,  quelquefois  soumis  à  la  ques- 
tion et  interrogé  sur  la  roue.  Au  mois  de  mai,  au 
moment  où  la  mission  d'Almeida  touchait  à  la  con- 
clusion, plusieurs  lettres  du  roi  de  Navarre  et  de  son 
messager  furent  arrêtées  par  les  coureurs  huguenots, 
portées  à  Orléans,  déchiffrées  par  des  secrétaires  du 
prince  et  divulguées1.  Au  plus  fort  des  difficultés,  le 
20  juin,  Antonio  d'Almeida  quitta  Madrid,  porteur  de 
communications  si  graves  qu'il  n'avait  pas  osé  les 
écrire.  Sans  doute  il  était  chargé,  en  outre  des  affaires 
du  roi  de  Navarre,  d'annoncer  à  la  reine  la  prochaine 
entrée  des  troupes  espagnoles  en  Guyenne.  Arrivé  à 
Montrichard,  en  Touraine,  il  fut  conduit  à  Tours  et 
emprisonné.  Antoine  venait  de  prendre  la  ville  de 
Blois  quand  il  reçut  cette  nouvelle.  Il  écrivit  aussitôt 
aux  gens  de  Tours  : 

Messieurs,  j'ay  entendu  qu'il  y  a  quelques  jours  que  ung 
gentilhomme  espagnol,  nommé  le  s.  d'Almeyda,  qui  est  à  moy 
et  vient  d'Espagne  pour  mes  affaires,  fust  arresté  à  Montrichard 
et  mené  à  Tours  avecques  sa  dépesche,  où  il  est  encore  de  pré- 
sent, chose  que  j'ay  trouvée  bien  estrange,  d'aultant  que, 
n'ayant  charge  que  de  mes  affaires,  il  semble  que  cela  ayt  esté 
seulement  pour  me  faire  desplaisir;  qui  est  la  cause  que  je  vous 
ay  dépesche  ce  trompette  pour  vous  demander  et  pour  vous 
commander  me  l'envoyer.  Quant  à  luy,  vous  pouvant  asscurer 
que,  s'il  a  mal  et  s'il  pert  rien  de  sa  dépesche  et  faictes  diffi- 
culté, ne  l'envoyez  présentement  avec  icellc,  les  uns  de  vostre 
ville,  tant  au  général  que  au  particulier,  et  les  autres,  m'en 
respondrez,  et  vous  traiteray  comme  les  plus  grands  ennemys 
que  je  saurois  avoyr.  Et  vous  ne  doubtez  point  que  je  n'aye 

I.  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  du  19  mai  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nai.,  K.  li'.)7,  n°  33). 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  283 

moyen  de  le  pouvoyr  faire  bien  promptement.  Par  quoy,  vous 
touchant  cela  de  si  près  qu'il  faict,  vous  y  pensiez.  Et  croy  que 
vous  serez  si  saiges  et  bien  advisés  que,  pour  si  peu  de  chose, 
vous  ne  voulez  ruiner.  Et  là  où  vous  ferez  tant  que  de  me 
satisfaire  en  cela,  vous  serez  les  premiers  que  vous  en  trouverez 
bien,  d'autant  que  vous  me  donnerez  occasion  à  vous  gratifier 
et  bien  traiter ' . 

Le  roi  de  Navarre  écrivit  en  même  temps  au  prince 
de  Gondé  pour  le  supplier  de  faire  délivrer  son  mes- 
sager et  ses  dépêches2,  et  à  la  reine  pour  se  plaindre 
de  ce  contre-temps3.  Les  échevins  de  Tours,  terrifiés, 
se  hâtèrent  de  relâcher  Antonio  d'Almeida  et  de 
répondre  au  lieutenant  général  que  le  s.  d'Almeida 
n'avait  point  «  esté  prins  ni  retenu  par  nostre  com- 
«  mandement  ne  à  nostre  sceu,  »  qu'il  avait  été  renvoyé 
à  Sébastien  de  l'Aubespine  avec  toutes  ses  dépêches. 
«  Quant  à  celles,  Sire,  qui  ont  esté  ouvertes,  elles 
«  avoient  esté  gectées  dedans  un  retrait  par  led. 
«  s.  d'Almeida,  qui  par  après  feurent  apportées  aud. 
«  s.  de  Saint-Martin  toutes  ouvertes,  comme  elles  vous 
«  ont  esté  présentées,  dont  led.  s.  de  Saint-Martin  a 
«  démontré  estre  fasché,  veu  ce  qu'il  n'estoit  question 
«  que  de  vos  affaires  et  service4.  » 

Au  moment  de  la  sommation  du  roi  de  Navarre, 
Tours  n'était  défendue  que  par  cinq  compagnies  de 
soldats,  dont  trois  de  gens  de  pied.  La  ville,  déchirée 

1.  Minute  datée  de  Blois  et  du  mois  de  juillet  1562  (vers  le  6 
ou  le  7)  (F.  fr.,  vol.  15876,  f.  263). 

2.  Lettre  du  roi  de  Navarre  au  prince  de  Condé,  du  5  juillet  1562 
(Minute  orig.;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  201). 

3.  Lettre  du  roi  de  Navarre  à  la  reine  mère,  du  5  juillet  156".' 
(Minute  orig.;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  203). 

4.  Original;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  218. 


284  ANTOINE    DE    BOURBON 

par  les  dissensions  intestines ,  ne  pouvait  songer  à 
la  résistance.  Les  officiers  municipaux  répondirent, 
le  8  juillet,  par  un  acte  de  soumission  complète 
et  supplièrent  le  roi  de  Navarre  de  prendre  leur  cité 
en  pitié1.  Le  lieutenant  général  avait  mis  en  cam- 
pagne le  seigneur  de  Beauvais-Nangis,  avec  une  com- 
pagnie de  gens  de  pied ,  et  le  capitaine  Richelieu , 
mestre  de  camp  des  bandes  françaises2,  redouté 
pour  sa  cruauté  sur  les  bords  de  la  Loire3.  En  route, 
pour  entretenir  leurs  dispositions  sanguinaires,  les 
conquérants  de  Blois  pillèrent  le  village  de  Mer  et 
égorgèrent  la  plupart  des  habitants4.  A  leur  approche, 
les  compagnies  protestantes  de  Tours  s'enfuirent  dans 
la  direction  de  Chàtellerault,  mal  armées,  mal  com- 
mandées, dans  l'espoir  de  trouver  un  refuge  sous  les 
murs  de  Poitiers.  Le  roi  de  Navarre,  pour  changer  leur 
retraite  en  déroute,  avait  commandé  à  Jean  de  Daillon, 
comte  du  Lude,  gouverneur  du  Poitou,  de  ramasser 
toutes  les  troupes  disponibles  autour  de  lui  et  de  faire 
bonne  garde  en  avant  de  Poitiers5;  il  avait  envoyé  le 
comte  de   Villars  et   une  forte  compagnie   de  gens 

1.  Orig.,  daté  du  8  juillet  (F.  IV.,  vol.  15876,  f.  218).—  Mémoire 
du  roi  de  Navarre  à  la  reine  mère  (Minute  sans  date.  f.  fr., 
vol.  15876,  f.  235). 

2.  Etat  do  solde  de  l'armée  de  juin  à  septembre  1562  (Ve  de 
Colbert,  vol.  24,  pièce  105;  ibid.,  vol.  8'.,  I  275). 

3.  Mémoire  du  roi  de  Navarre  à  la  reine  (Minute  sans  date  ; 
f.  fr.,  vol.  15876,  f.  235).  —  Mémoires  de  Castelnau,  t.  I,  p.  98. 

4.  De  Bèze,  1882,  t.  II,  p.  127.  —  De  Thou,  t.  III,  p.  169. 

5.  Lettre  du  roi  deNavarreau  comte  du  Lude,  du  8  juillet  1562 
(Minute  orig.;  I'.  IV.,  vol.  15876,  f.  216).  —  M.  Ratbery  possédai! 
une  lettre  du  duc  de  Cuise  au  même  seigneur,  contenant  les 
mêmes  ordres.  Cette  lettre,  datée  du  11  juillet,  ligure  sur  le  cata- 
logue de  sa  vente  sous  le  numéro  168. 


ET   JEANNE   d'àLBRET.  285 

d'armes  à  marches  forcées  sur  Chàtellerault,  avec  la 
mission  de  couper  la  grande  armée  protestante  d'Or- 
léans des  provinces  de  l'ouest  et  de  la  Guyenne1.  Vil- 
lars, malgré  sa  diligence,  arriva  trop  tard.  Le  13  juil- 
let, à  la  Haye,  il  apprit  que  la  cavalerie  de  Tours  était 
passée  la  veille,  en  désordre,  comme  une  armée  qui  se 
sent  poursuivie.  Le  lendemain,  les  jours  suivants,  de 
nouvelles  bandes  huguenotes  parurent  sur  la  grande 
route.  Villars  les  chargea  et  les  mit  en  fuite.  Les 
soldats  qui  venaient  en  queue,  avertis  par  le  désastre 
de  leurs  compagnons  d'armes ,  tentèrent  de  reculer 
jusqu'à  Tours.  Pris  entre  deux  feux,  ils  furent  défaits, 
et  tombèrent  victimes  de  la  vengeance  des  manants 
de  la  Touraine,  qu'ils  avaient  tyrannisés  pendant  trois 
mois2. 

La  ville  de  Tours  resta  aux  mains  du  capitaine 
Antoine  du  Plessis  de  Richelieu,  ancien  moine,  alors 
capitaine  de  gens  de  pied ,  un  des  plus  cruels  chefs 
d'aventuriers  que  la  guerre  civile  ait  produits.  Il  se 
plaisait  à  traîner  de  force  les  habitants  à  la  messe,  fai- 
sait rebaptiser  les  enfants  et  infligeait  aux  femmes  des 
traitements  où  la  lubricité  du  «  frocard  défroqué  » 
s'alliait  au  fanatisme  du  sectaire.  Les  réformés,  cou- 
pables du  pillage  du  trésor  de  Saint-Martin,  payèrent 
cruellement  cet  acte  de  vandalisme.  Jean  Bourgeaud, 
président  du  présidial,  s'était  racheté  des  mains  du 
capitaine  Charles  de  Chabot  de  Clairvaux,  lieutenant 
du  capitaine  Le  Roy  de  Chavigny,  qui  représentait  à 

1.  Mémoire  du  roi  de  Navarre  à  la  reine  mère  (Minute  sans 
date;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  235). 

2.  Lettre  de  Villars  au  roi  de  Navarre,  datée  de  Ghastellerault 
et  du  li  juillet  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  251). 


286  ANTOINE    DE   BOURBON 

Tours  le  duc  de  Montpensier,  gouverneur  de  la  pro- 
vince, et  s'était  enfui  de  la  ville  sous  un  déguisement. 
Reconnu  dans  la  campagne  par  les  pillards  de  l'armée 
catholique,  il  fut  assommé  et  pendu  à  un  saule  sur  les 
bords  de  la  rivière,  la  tête  en  bas.  Comme  il  tardait 
à  rendre  le  dernier  soupir,  les  bourreaux  l'éven- 
trèrent  à  coups  de  dague  en  disant  «  qu'il  avoit  avalé 
«  ses  escus1.  »  Le  capitaine  Richelieu,  bien  qu'il  ne  fût 
pas  l'auteur  de  tous  les  crimes  commis  à  l'ombre  de 
son  nom,  s'attira  autant  d'ennemis  que  les  chefs  hugue- 
nots. Quelques  semaines  plus  tard,  au  siège  de  Bourges, 
il  fut  défié  par  le  capitaine  Saint-Martin,  peut-être  celui 
même  qu'il  avait  mis  en  fuite  au  moment  de  la  prise 
de  Tours2  :  «  A  moy,  à  moy,  capitaine  Richelieu,  lui 
«  cria  Saint-Martin.  D'autres  fois  nous  sommes-nous 
«  connus;  il  faut  icy  encore  renouveler  la  cognois- 
«  sance,  non  comme  amys,  mais  comme  ennemys.  » 
Là-dessus,  dit  Brantôme,  il  lui  donna  «  un  grand  coup 
«  d'espieu  dans  la  cuisse3.  » 

1.  De  Bèze,  Hist.  ecclés.,  1882,  t.  II,  p.  135.  —  Sic,  de  Thou, 
1740,  t.  III,  p.  175.  —  De  Bèze  et  de  Thou  font  un  martyr  de  ce 
vieillard,  mais  M.  Grandmaison  prouve  qu'il  avait  été  l'un  des 
promoteurs  du  pillage  de  L'abbaye  Saint-Martin  (Procès-verbal  du 
pillage...  1863). 

2.  Il  y  a  un  peu  d'obscurité  sur  ce  point.  L'annotateur  de  la 
nouvelle  édition  de  Y  Histoire  ecclésiastique  dit  que  le  capitaine 
Saint-Martin  qui  commandait  à  Tours  (Hait  François  Bouchard 
d'Aubeterre,  seigneur  de  Saint-Martin  de  la  Gouldre  (1882,  t.  II, 
p.  128).  Et  de  Thou  dit  que  Le  capitaine  Saint-Martin,  qui  défia 
Richelieu,  se  nommai!  Saint-Martin  Brichanteau  :17ih,  t.  III, 
p.  198).  D'après  le  passage  de  Brantôme,  cité  plus  bas,  il  semble 
que  ce  fut  l'ancien  gouverneur  de  Tours  qui  défia  Richelieu.  — 
Belleforest  dit  qu'il  était  de  Saint-Martin-en-Bigorre,  et  «  prêtre 
renié»  (In-fol.,  f.  1632  v°).  Piguerre  copie  Belleforest  (p.  419). 

.:.  Brantôme,  t.  V,  p.  419.  —  De  Thou  raconte  que  ce  fui 


ET   JEANNE   d'aLBRET.  287 

Le  roi  de  Navarre  n'avait  pas  suivi  ses  troupes 
à  Tours.  Chef  d'une  des  plus  fortes  armées  que  la 
monarchie  des  Valois  ait  mises  sur  pied,  il  s'occupait  à 
discipliner  ses  soldats,  à  monter  sa  cavalerie,  à  orga- 
niser son  artillerie,  à  transformer  en  un  corps  de 
bataille  les  masses  un  peu  désordonnées  que  l'amour 
de  la  guerre  et  l'espoir  du  pillage  avaient  réunies  sous 
son  commandement.  Le  duc  de  Guise  et  le  connétable 
l'aidaient,  le  premier  de  son  coup  d'œil  militaire  et  de 
la  confiance  qu'il  inspirait  aux  gens  de  guerre ,  le 
second  de  son  expérience  et  de  sa  rigueur  discipli- 
naire. Avant  d'entamer  une  campagne  laborieuse,  il 
était  prudent  de  réserver  à  l'armée  royale  une  base 
d'opération  assez  ferme  pour  subir  l'épreuve  d'un 
revers.  La  ville  de  Paris  ,  par  ses  dispositions 
et  par  son  importance,  offrait  ces  avantages.  Mais  la 
Brie  et  la  Beauce  étaient  la  proie  des  rebelles1.  Les 
réformés  s'étaient  rendus,  par  un  coup  de  main  auda- 
cieux, les  maîtres  de  Meaux2.  Le  roi  de  Navarre  y 
envoya  le  sire  d'Armentières  avec  une  compagnie  de 
200  chevau-légers  et  bloqua  les  séditieux  dans  l'inté- 
rieur de  la  ville3. 


Richelieu  qui  défia  Saint-Martin  et  que  Saint-Martin,  vainqueur, 
emporta  le  casque  de  son  adversaire  (t.  III,  1740,  p.  198). 

1.  On  conserve  dans  le  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  162,  une  curieuse 
lettre  d'un  capitaine,  Gilles  des  Ursins,  au  roi  de  Navarre,  qui 
donne  une  idée  du  désordre  général.  Ce  capitaine  est  à  la  recherche 
de  sa  compagnie  de  gens  de  pied  à  Étampes,  à  Corbeil,  etc.  Il  la 
trouve  enfin  dans  les  environs  de  Meaux  (Lettre  datée  du  3  juillet). 

2.  Voyez  une  lettre  du  prévôt  des  marchands  et  des  échevins 
de  Paris  au  roi  de  Navarre,  sur  les  excès  des  gens  de  Meaux, 
datée  du  30  juin  1562  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  175). 

3.  Pièces  publiées  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  III,  p.  519, 
520  et  522. 


288  ANTOINE   DE   BOURBON 

Le  roi  de  Navarre,  d'après  Claude  Haton,  comman- 
dait à  près  de  30,000  hommes,  divisés  en  plusieurs 
corps  et  conduits  par  les  meilleurs  capitaines  des 
armées  de  Henri  II1.  Le  duc  de  Guise,  le  connétable, 
le  maréchal  Saint-André,  revenus  de  Chàteaudun,  le 
duc  de  Montpensier  se  contentaient  du  rôle  de  lieute- 
nants et  lui  obéissaient  comme  au  roi  lui-même.  Un 
mémoire  officiel  du  prince  à  la  reine  énumère  les 
forces  présentes  ou  attendues  au  camp  de  l'armée 
royale  :  30  enseignes  de  gens  de  pied  français,  quinze 
enseignes  de  Suisses,  900  hommes  d'armes,  600  che- 
vau-légers  ou  arquebusiers  à  cheval,  1  ,200  pistoliers 
allemands  conduits  par  le  comte  de  Roggendorf,  et 
enfin  4,000  lansquenets,  1 ,000  pistoliers  et  2,000  cava- 
liers flamands  promis  par  le  roi  d'Espagne.  L'artillerie, 
préparée  par  le  s.  d'Estrées,  se  composait  de  vingt- 
deux  pièces,  dont  dix-huit  amenées  d'Amiens,  sans 
compter  celles  qui  appartenaient  à  la  ville  de  Paris2. 

En  Allemagne,  les  négociations  avaient  été  appuyées 
par  des  subventions.  Le  rhingrave  avait  promis 
6,000  lansquenets.  Après  la  conférence  de  Talcy, 
Antoine  le  pressa  de  lui  en  envoyer  seulement  3,000. 
«  Estant  promptement  secouru  de  ce  petit  nombre, 
«  cela  nous  fera  beaucoup  plus  de  bien  et  service  que 
«  plus  grand  nombre  à  l'attendre  longuement3.  » 
Malgré  ces  instances,  le  19  juillet,  le  roi  de  Navarre 
se  plaint  à  la  reine  que  les  soldats  du  rhingrave  n'ont 


1.  Mémoires  de  Claude  Haton,  t.  I,  p.  282. 

2.  Mémoire  du  roi  de  Navarre  à  la  reine,  sans  date  (du  1"2  au 
15  juillet  1562)  (Copie  du  temps;  1'.  fr.,  vol.  ir,S77,  f.  84). 

3.  Lettre  du  mi  de  Navarre,  du  22  juin  (Kervyu  de  Lettenhove, 
Coll.  d'autog.  de  M.  de  Stassart,  p.  18). 


ET   JEANNE    d'ALBRET.  289 

pas  dépassé  la  frontière1.  Les  autres  troupes  alle- 
mandes ne  montraient  pas  plus  de  diligence.  Le 
7  juillet,  le  roi  de  Navarre  envoya  au  comte  de  Rog- 
gendorf  et  aux  reîtres  sous  ses  ordres  un  capitaine, 
le  s.  de  Renouart,  chargé  de  presser  leur  marche  et 
de  les  amener  sur  le  théâtre  de  la  guerre2.  Les  reîtres 
arrivèrent  à  la  fin  du  mois,  mais,  au  dire  du  prince  de 
Condé,  le  plus  grand  nombre  changea  de  parti  et  se 
mit  au  service  de  la  réforme3. 

En  Suisse,  l'envoi  de  troupes  mercenaires  avait 
été  accordé  par  la  diète  helvétique4.  Les  compagnies, 
retardées  par  Tavannes  en  Bourgogne  pendant  les 
négociations  de  Beaugency,  entrèrent  en  France  au 
commencement  de  juillet.  Le  25,  elles  entrèrent  en 
Beauce  sous  le  commandement  du  colonel  Frœlich  et 
furent  ralliées,  le  28,  par  le  duc  de  Guise  et  le  marquis 
d'Elbeuf,  à  la  tête  de  quatre  compagnies  de  gens 
d'armes  et  de  chevau-légers.  L'armée  suisse  était  alors 
campée  à  Bonneval,  non  loin  de  Chartres.  Antoine 
Haffner  de  Soleure,  qui  faisait  partie  du  régiment  de 
Frœlich,  raconte  que  cinq  bourgeois  de  Bonneval 
furent  pendus  par  ordre  du  duc  de  Guise  pour  avoir 
essayé  d'empoisonner  leurs  hôtes.  Le  supplice  de 
ces  malheureux  fut  probablement  une  de  ces  injustices 

1.  Lettre  du  roi  de  Navarre  à  la  reine,  Blois,  19  juillet  1562 
(Minute;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  292). 

2.  Instruction  du  roi  de  Navarre  au  s.  de  Renouart,  du  7  juil- 
let 1562  (Minute;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  214). 

3.  Lettre  du  prince  de  Condé  au  duc  de  Deux-Ponts,  du  31  juil- 
let 1562  (Mémoires  de  Condé,  t.  III,  p.  574). 

4.  Lettres  du  roi  de  Navarre  aux  ambassadeurs  Goignet  et  Pas- 
quier,  du  8,  du  22  et  du  30  avril  (Copie  ;  f.  fr.,  vol.  17981,  f.  137, 
138  et  142). 

IV  19 


290  ANTOINE   DE   BOURBON 

par  lesquelles  les  capitaines  français  s'efforçaient  d'ob- 
tenir un  peu  de  popularité  dans  les  rangs  des  étran- 
gers. Le  7  août,  Frœlich  arriva  à  Blois  et  y  fut  reçu 
avec  honneur.  Le  13  août,  les  Suisses  furent  divisés 
en  deux  corps.  Le  premier,  composé  de  huit  enseignes, 
suivit  le  roi  au  siège  de  Bourges.  Le  second,  de  six 
enseignes,  se  rendit  à  Beaugency,  et  reçut  la  mission, 
sous  les  ordres  du  marquis  d'Elbeuf,  de  bloquer  les 
troupes  du  prince  de  Gondé  à  Orléans1. 

Après  l'échec  de  la  conférence  de  Beaugency,  le 
roi  était  venu  au-devant  de  la  reine  mère  à  Melun.  Le 
8  juillet,  il  était  revenu  avec  sa  mère  à  Vincennes2.  De 
cette  forteresse,  assez  proche  de  Paris  pour  rassurer  le 
parti  catholique,  assez  éloignée  pour  laisser  à  la  reine  la 
liberté  de  ses  mouvements,  Catherine  conduisait  encore 
des  négociations  avec  le  prince  de  Gondé  par  l'inter- 
médiaire d'un  marchand  italien  nommé  Calcina3.  Elle 
envoya  même  à  Orléans  d'Angennes  de  Rambouillet 
avec  des  propositions  d'amnistie,  que  le  prince  de 
Gondé  repoussa  avec  ses  récriminations  ordinaires1. 
Au  milieu  de  ces  pourparlers  arriva  à  la  cour  une 
lettre  de  Philippe  II  qui  conseillait  de  presser  l'action. 
Le  roi  d'Espagne  blâmait  les  négociations  et  annonçait 
l'entrée  immédiate  d'une  armée  espagnole  en  Guyenne5. 

1.  Zurlauben,  Ilist.  milit.  des  Suisses,  t.  IV,  p.  287  et  suiv., 
d'après  les  mémoires  manuscrits  d'Antoine  Haffner  de  Soleure. 

2.  Lettres  de  Sainte-Croix  dans  les  Archives  curieuses,  t.  VI, 
p.  178. 

3.  Le  cardinal  de  Ferrare  est  le  seul  qui  parle  de  ces  négocia- 
tions [Nègoc.  du  card.  de  Ferrare,  p.  313,  318  et  326).  — De  Thou, 
t.  ni,  p.  191. 

4.  Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  I,  p.  361. 

5.  Lettre  de  Philippe  Ll  à  Ghantonay,  du  9  juillet  1562  (Orip. 
c-l'ainiol;  Arch.  nat.,  K.  1496,  n°  loi). 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  291 

Cette  lettre  était  un  ordre  pour  le  roi  de  Navarre. 
Philippe  II  avait  parlé  ;  toute  hésitation  était  interdite. 
Le  triumvirat  désirait  faire  venir  le  roi  au  camp1, 
pour  qu'il  ne  fût  plus  permis  aux  rebelles  de  séparer 
la  cause  royale  du  parti  catholique  et  d'appeler  l'armée 
royale  l'armée  des  Guises  ou  du  roi  de  Navarre2. 
A  peine  Antoine  voulut-il  attendre,  avant  de  donner 
le  signal  des  hostilités,  l'arrivée  du  roi.  Il  envoya 
précipitamment,  le  25  juillet,  le  connétable  à  Vincennes 
pour  prendre  le  commandement  du  cortège  royal. 
Deux  jours  après,  il  s'y  rendit  lui-même.  Charles  IX 
alla  à  sa  rencontre,  à  Charentonneau ,  le  28  juillet, 
et  consentit  à  le  suivre  le  lendemain  au  Louvre3. 
Catherine  résistait.  Après  deux  jours  de  lutte,  Antoine 
l'emporta,  et,  le  31  juillet,  la  cour  entière  partit  pour 
Chartres 4.  Les  triumvirs  tinrent  conseil  en  sa  présence. 
On  décida  le  partage  de  l'armée  en  plusieurs  corps.  Le 
duc  de  Nemours,  qui  reparaissait  au  service  du  roi  pour 
la  première  fois,  reçut  l'ordre  de  marcher  sur  Bourges 5 
et  le  maréchal  Saint-André  d'attaquer  Poitiers.  Ainsi 
se  trouvait  complété  le  plan  stratégique  du  duc  de 
Guise  :  séparer  les  défenseurs  d'Orléans  des  réserves 
que  les  protestants  de  la  Guyenne,  animés  par  Jeanne 
d'Albret,  accumulaient  dans  les  provinces  de  l'ouest. 

1.  Mémoires  de  La  Noue,  chap.  vu. 

2.  Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  185. 

3.  Lettres  de  Sainte-Croix  dans  les  Archives  curieuses,  t.  VI, 
p.  187. 

4.  Lettre  de  Ghantonay  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  52. 
—  Négoc.  de  la  France  avec  la  Toscane,  t.  III,  p.  493. 

5.  Le  duc  de  Nemours  était  arrivé  à  la  cour  depuis  le  4  juillet 
(Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V.  p.  173.  — 
Calendars,  1572,  p.  174). 


292  ANTOINE    DE    BOURBON 

Le  lendemain,  le  roi  et  la  reine  revinrent  à  Vincennes. 
La  guerre  civile  allait  entrer  dans  la  phase  des  opéra- 
tions décisives.  Le  1er  août,  Catherine  rassembla  le 
conseil  de  la  ville,  assistée  de  l'ambassadeur  d'Espagne, 
et  demanda  au  prévôt  des  marchands  un  prêt  de 
300,000  écus1.  L'énormité  de  la  somme  fit  hésiter  les 
officiers  municipaux.  Le  cardinal  de  Lorraine  usa  de 
son  habileté  persuasive  et  fit  décider  que  le  conseil 
profiterait  de  l'entraînement  des  habitants  pour 
ouvrir  une  souscription 2.  Les  registres,  clans  tous  les 
quartiers,  furent  bientôt  couverts  de  signatures.  Guil- 
laume de  Marie,  prévôt  de  Paris,  s'inscrivit  le  pre- 
mier et  donna  une  partie  de  son  argenterie.  Les  bour- 
geois, les  conseillers  au  parlement,  les  marchands, 
les  officiers  du  roi  s'engagèrent  à  la  suite  du  prévôt 
avec  une  émulation  stimulée  peut-être  par  la  terreur 
des  violences  de  la  populace.  Parmi  les  donateurs 
figure  Diane  de  Poitiers  pour  un  don  d'argenterie  de 
la  valeur  de  1 ,%%%  livres3. 

Le  lendemain  de  la  visite  de  la  reine  à  l'hôtel  de 
ville,  Charles  IX  et  le  roi  de  Navarre  partirent  de  Vin- 
cennes4, soupèrent  aux  Tuileries  et  couchèrent  à  Bou- 
logne, au  château  de  Madrid5.  Le  4  août,  la  cour  se 

1.  Journal  de  Bruslard  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  I,  p.  93. 
—  Lettres  de  Chantonay,  Ibid.,  t.  II,  p.  52  et  53.  —  La  ville  de 
Paris  avait  déjà  accordé  au  roi  une  subvention  de  400,000  francs 
(Lettre  anonyme  sans  date  (juin  1562),  copie  du  temps;  f.  fr. 
vol.  20153,  f.  95). 

2.  Lettre  de  Chantonay  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  53. 

3.  Le  registre  original  est  conservé  dans  la  collection  Moreau, 
vol.  1060. 

4.  Lettre  du  roi  de  Navarre  au  comte  de  Sommcrivo,  du  2  août 
(Minute  ou  copie  du  temps;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  351). 

5.  Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  188. 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  293 

mit  en  route  pour  Blois1,  à  petites  journées,  suivie 
d'un  gros  cortège  en  cas  de  surprises.  La  reine  lança 
une  déclaration  officielle  «  sur  le  grand  debvoir  auquel 
«  elle  s'estoit  mise  pour  mettre  fin  aux  troubles2.  » 
Le  conseil  décida  que  les  officiers  du  roi  rebelles 
seraient  déclarés  déchus  de  leurs  charges.  Le  plus 
illustre,  Gaspard  de  Coligny,  fut  remplacé  dans  la 
dignité  d'amiral  par  Henri  de  Montmorency-Damville, 
second  fils  du  connétable,  mais  l'exécution  de  cet  arrêt 
fut  renvoyée  à  la  paix3.  La  cour  arriva  à  Blois  le 
11  août4.  Les  régiments  suisses  étaient  déjà  sous  les 
murs  de  Blois.  Ils  donnèrent  à  la  cour  la  représenta- 
tion d'un  combat  simulé  et  furent  passés  en  revue  par 
le  roi  lui-même5. 

Le  conseil  de  guerre  de  l'armée  catholique  avait 
décidé  à  Chartres  de  commencer  la  guerre  par  le  siège 
de  Bourges.  La  ville  avait  été  prise  au  mois  de  mai  par 
Gabriel  de  Lorges,  comte   de  Mongommery G.   Les 


1.  Lettre  du  roi  de  Navarre  au  duc  d'Estampes,  du  4  août 
(Minute  orig.;  f.  fr.,  vol.  15875,  f.  355). 

2.  Déclaration  de  la  reine  au  concile  de  Trente,  envoyée  par 
Lansac,  le  6  août  1562  (Copie  du  temps,  collection  Dupuy, 
vol.  322,  f.  118.  —  Autre  copie,  coll.  Brienne,  vol.  206,  f.  47).  — 
Il  est  probable  que  cette  déclaration  fut  également  adressa'  à 
toutes  les  puissances  catholiques.  —  Pièce  inédite. 

3.  Lettre  de  remercîment  de  Damville  à  la  reine,  datée  de  Blois 
et  du  9  août  1562  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  384). 

4.  Journal  de  Bruslard  dans  les  Mémoires  de  G  onde,  t.  I,  p.  94. 
—  Zurlauben,  Hist.  militaire  des  Suisses,  t.  IV,  p.  287  et  suiv., 
d'après  les  mémoires  manuscrits  d'Antoine  Haffner  de  Soleure. 

.").  Zurlauben,  Histoire  militaire  des  Suisses,  t.  IV,  p.  290  et  suiv., 
d'après  les  mémoires  manuscrits  d'Antoine  Haffner  de  Soleure. 

6.  Les  débuts  de  la  réforme  à  Bourges  et  le  siège  de  la  ville 
ont  été  très  bien  racontés  dans  Y  Histoire  du  Berry,  de  M.  Raynal, 
t.  IV,  p.  17  et  suiv. 


294  ANTOINE   DE  BOURBON 

églises,  les  couvents  avaient  été  dépouillés  de  toutes 
leurs  richesses1,  les  prêtres  et  les  moines  expulsés, 
les  chapelles  fermées  avec  un  ordre  méthodique  sous 
le  commandement  du  lieutenant  de  Condé.  Dès  les  pre- 
miers jours  de  juillet,  le  parti  huguenot,  devinant, 
d'après  la  marche  de  l'armée  royale,  le  plan  de  cam- 
pagne du  duc  de  Guise,  avait  résolu  de  fortifier  la 
ville.  Jean  de  Hangest,  seigneur  d'Yvoi,  gentilhomme 
du  Berry,  fut  envoyé  à  Bourges  avec  4,000  hommes 
de  pied  et  une  forte  artillerie.  Il  pilla  les  églises,  les 
couvents  qui  avaient  échappé  aux  dévastations  régu- 
lières de  Mongommery2.  Les  maisons  religieuses  du 
voisinage  de  Bourges  furent  ensuite  la  proie  de  ce 
capitaine.  A  Saint-Sulpice  se  trouvait  une  abbaye 
célèbre  que  d'Yvoi  avait  autrefois  demandée  au  roi.  Il 
en  prit  le  titre,  s'empara  des  objets  précieux  de  la  cha- 
pelle et  les  fît  porter  en  son  château  d'Yvoi3.  Les  rail- 
leries ne  lui  manquèrent  pas.  Vis-à-vis  de  ses  compa- 
gnons d'armes,  surpris  de  voir  un  capitaine  de  leur 
parti  se  parer  de  la  mitre  et  de  la  crosse,  d'Yvoi  arguait 
de  sa  qualité  d'abbé  de  Saint-Sulpice4.  Vers  les  pre- 
miers jours  d'août,  il  tenta  contre  la  ville  d'Issoudun 
une  expédition  qui  ne  fut  pas  plus  glorieuse.  La  ville 
était  défendue,  en  vertu  d'une  commission  du  roi  de 


1.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  11  mai  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  30). 

i.  Mémoires  de  Claude  Halon,  t.  I,  p.  277.  —  Voyez  aussi  les 
historiens  locaux  cites  par  M.  Raynal  (Ilist.  du  Berry,  t.  IV,  p.  61 
et  suiv.). 

3.  Yvoi-le-Marron,  dans  l'Orléanais. 

4.  Le  duc  de  Montpensier  lui  donne  plaisamment  le  titre  d'abbé 
(Lettre  de  Montpensier  au  roi  de  Navarre,  du  7  août  156;!:  cuil. 
de  Saint-Pétersbourg,  vol.  104,  f.  10,  copies  île  la  Bibl.  nat.). 


ET   JEANNE   d'ALBRET.  295 

Navarre1,  par  Charles  de  Barbançois,  seigneur  de  Sar- 
zay,  capitaine  dur  et  implacable,  aussi  terrible  pour  les 
huguenots  que  d'Yvoi  pour  les  prêtres.  D'Yvoi  arriva 
sous  les  murs  d'Issoudun  le  5  août,  au  point  du  jour. 
11  posta  son  artillerie  et  battit  les  murs  de  la  ville.  L'as- 
saut était  ordonné  pour  le  lendemain,  quand  le  chef 
huguenot  apprit  que  Jacques  de  la  Brosse,  lieutenant 
du  duc  de  Guise,  s'avançait  à  marches  forcées  au 
secours  des  assiégés 2.  A  cette  nouvelle,  il  leva  le  siège 
et  se  retira  précipitamment  à  Bourges.  En  route,  les 
soldats ,  mal  payés  et  honteux  de  la  lâcheté  de  leur 
capitaine,  se  mutinèrent.  D'Yvoi  réussit  à  apaiser  la 
sédition  en  répandant  le  bruit  qu'il  avait  admis  les 
assiégés  à  composition  moyennant  le  paiement  d'une 
somme  de  16,000  écus.  La  révolte  recommença  après 
le  retour  de  l'armée  à  Bourges.  Les  gens  de  pied,  pre- 
nant au  sérieux  les  mensonges  de  leur  chef,  récla- 
mèrent l'arriéré  de  leur  solde  et  refusèrent  de  faire  le 
service  de  la  place.  D'Yvoi  voulut  les  apaiser  et  fut 
chassé  des  campements.  Il  se  réfugia  dans  la  grosse 
tour  de  la  ville,  tandis  que  les  soldats,  de  plus  en  plus 
exaltés,  élisaient  un  de  leurs  capitaines,  le  s.  de  Hau- 
mont,  qui  s'était  signalé  par  sa  bravoure.  Haumont 
refusa  de  prendre  la  charge  de  son  chef  et  parla  si 
bien  aux  gens  de  pied  qu'il  les  ramena  aux  remparts. 

1.  Lettre  de  Sarzay  au  roi  de  Navarre,  du  22  juillet  1562  (Orig.  ; 
f.  fr.,  vol.  15876,  f.  297).  Ce  recueil  contient  plusieurs  lettres  de 
ce  capitaine  relatives  aux  événements  du  Berry. 

2.  La  Brosse  allait  à  Romorantin  et  avait  ordre  d'y  attendre, 
le  gros  de  l'armée  royale  en  ménageant  ses  troupes  (Lettre  des 
ducs  de  Montpensier  et  de  Montmorency  au  roi  de  Navarre, 
du  7  août  1502;  Orig.,  coll.  des  autog.  de  Saint-Pétersbourg, 
vol.  104,  f.  10;  Copies  de  la  Bibl.  nat.). 


29G  ANTOINE   DE   BOURBON 

D'Yvoi  sortit  de  la  tour  et  reprit  son  commandement1. 

La  ville  de  Vierzon  fut  seule  assez  heureuse  pour 
résister  aux  pillages  de  ce  chef  de  bande.  Défendue 
par  le  capitaine  Innocent  Tripied,  seigneur  de  Monte- 
rud,  et  par  des  gentilshommes  du  pays,  les  s.  de  Sar- 
zay  et  de  la  Loe,  elle  avait  reçu,  à  l'ouverture  de  la 
guerre,  une  compagnie  d'arquebusiers  commandée  par 
le  capitaine  Breuil.  Dans  le  milieu  de  juillet,  un  sei- 
gneur huguenot,  le  s.  de  la  Beuvrière,  tenta  inutilement 
plusieurs  coups  de  main  contre  Vierzon.  La  ville  devint 
le  boulevard  du  parti  catholique  en  Berry  et  le  mois 
de  juillet  se  passa  tout  entier  en  escarmouches  entre 
les  catholiques  de  Vierzon  et  les  compagnies  protes- 
tantes de  Mehun-sur-Yèvre  et  de  Bourges2. 

L'armée  de  Blois  était  pleine  d'ardeur  pour  le  siège 
de  Bourges.  À  la  noble  ambition  de  servir  le  roi  se 
mêlait  un  sentiment  de  mépris  pour  d'Yvoi.  Trois 
jours  avant  l'arrivée  du  roi  au  camp,  les  ducs  de  Mont- 
pensier  et  de  Montmorency  écrivent  au  roi  de  Navarre  : 
«  Sire,  avec  vostre  venue  par  deçà  et  la  diligence 
«  qu'il  vous  plaira  faire  d'aller  veoir  Mons.  le  jeune 
«  abbé  d'Yvoi  à  Bourges,  nous  assurons  presque  que 
«  Dieu  nous  fera  la  grâce  de  remettre  ceulx  dud. 
«  Orléans  bientôt  à  l'obéyssance  du  Boy3.  » 

1.  Lettre  de  Monterai!  au  due  de  Montmorency,  datée  de  Vier- 
zon, du  9  août  1562  (Orig.;  f.  IV.,  vol.  15876,  f.  385). 

2.  Lettre  do  Sarzay  au  mi  de  Navarre  (Orig.  daté  ^c  Vierzon 
et  du  22  juillet  1562  ;  I'.  Ir..  vol.  15876,  l  297).  —  Lettre  des  gens 
de  Vierzon  au  roi,  mémo  date  (Ihid.,  !'.  307).  —  L'iiic  de  La  Loe 
.m  roi,  même  date  (Ibid. ,  f.  306). 

3.  Lettre  des  ducs  do  Montpensier  el  de  Montmorency  au  roi 
de  Navarre,  datée  de  Blois  el  du  7  aoûl  (Orig.;  coll.  des  autop. 
de  Saint-Pétersbourg,  vol.  104,  I'.  10;  Copies  de  la  Bibl.  nat.). 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  297 

Le  connétable  partit  de  Blois  le  1 1  août ,  avec  le 
gros  de  l'armée  ;  son  fils,  François  de  Montmorency, 
le  lendemain  avec  la  cour1.  La  compagnie  du  duc  de 
Guise,  commandée  par  le  capitaine  Jacques  de  la 
Brosse,  parut  la  première,  le  14  août,  sous  les  murs 
de  Bourges2.  Le  15,  un  trompette,  au  nom  du  roi, 
somma  les  échevins  d'ouvrir  les  portes.  Les  éche- 
vins  répondirent  qu'ils  avaient  abdiqué  leurs  pou- 
voirs entre  les  mains  du  s.  d'Yvoi  pour  se  protéger, 
eux  et  les  habitants,  contre  les  entreprises  des  gen- 
tilshommes du  voisinage  ;  et  d'Yvoi,  qu'il  tenait  le 
commandement  des  mains  du  prince  de  Condé  et  qu'il 
le  gardait  pour  rendre  la  ville  au  roi  à  l'issue  de  sa 
captivité.  Ces  protestations  étaient  le  langage  ordinaire 
des  séditieux  de  1 562.  L'avant-garde  de  l'armée  assié- 
geante prit  position ,  le  1 8  août ,  du  côté  du  pont 
d'Auron.  Le  maréchal  de  Saint- André  se  présenta  le 
lendemain  avec  de  bonnes  troupes,  bien  armées  et 
bien  commandées,  enorgueillies  de  leurs  victoires  en 
Poitou. 

Le  roi,  la  reine  mère  et  le  roi  de  Navarre  arrivèrent 
le  18  août  à  Mehun3.  Antoine  s'était  fait  donner  une 


1.  Lettre  de  Diane  de  France  à  la  connétable  de  Montmorency, 
datée  de  Blois  et  du  il  août  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  3194,  f.  120). 

2.  Journal  de  Jehan  Glaumeau,  1868,  p.  129.  Glaumeau  était  un 
prêtre  de  Bourges,  qui,  au  commencement  de  la  réforme,  avait 
embrassé  le  calvinisme  et  s'était  marié.  Il  a  laissé  un  journal  qui 
commence  au  règne  de  François  Ier  et  finit  en  1562.  Le  manus- 
crit, signalé  par  M.  Baynal  dans  son  Histoire  du  Derry,  a  été 
analysé  par  M.  Bourquelot  dans  le  tome  XXII  des  Mémoires  des 
Antiquaires  de  France,  1855,  3e  série,  t.  U,  p.  191.  Il  ;i  été  publié 
intégralement,  en  1868,  par  le  président  Hiver. 

3.  Lettre  du  roi,  du  19  août,  datée  de  Mehun-sur-Yèvrc,  por- 
tant ordre  à  certains  évoques  de  se  rendre  au  concile  de  Trente 


298  ANTOINE   DE   BOURBON 

garde  personnelle  de  %h  Suisses  pour  toute  la  durée 
de  la  guerre1.  Le  19,  la  cour  coucha  au  village  de 
Pleinpied  et  le  lendemain  au  château  de  Lazenay,  près 
de  Bourges.  Les  approches  de  la  maison  royale  étaient 
défendues  par  deux  compagnies  de  reîtres  campées 
dans  les  carrières  de  Lazenay  ou  près  de  l'église,  et 
par  une  compagnie  de  ggns  d'armes2.  Catherine  pré- 
voyait que  les  remparts  de  Bourges  ne  l'arrêteraient 
pas  longtemps.  Le  1 7,  elle  avait  écrit  au  s.  de  Lansac  : 
«  Gomme  je  n'y  espère  grande  difficulté,  nous  tour- 
«  nerons  vers  Orléans  pour  faire  le  semblable  de  ceux 
«  qui  y  sont3.  »  Le  roi,  qui  ne  rêvait  que  gloire  et 
bataille,  prenait  part  au  siège  avec  l'entrain  d'un 
soldat  et  ne  se  fâchait,  dit  Brantôme,  que  lorsque 
son  gouverneur  l'éloignait  des  points  menacés  par 
l'artillerie  ennemie 4.  L'armée  catholique  comptait 
1G,000  hommes  de  pied  et  3,000  cavaliers5.  La 
garnison  était  plus  faible  en  nombre,  mais  presque 
aussi  forte  en  artillerie,  et  pouvait  s'accroitre  parmi 
les  habitants,  que  d'Yvoi  opprimait  de  levées  et  de 
corvées  sans  relâche.  Elle  comptait,  dit  Brantôme,  des 


(Copie  du  temps;  Arch.  nat.,  K.  1498,  n°  26).  —  Lettre  du  roi  à 
Jean  de  Monluc,  évèque  de  Valence  (Copie;  f.  fr.,  vol.  3193, 
f.  15).  —  Le  roi  était  accompagné  de  ses  deux  plus  jeunes  frères 
(Journal  de  Gilles  Chauvet  à  la  suite  du  Journal  de  Glaumeau, 
p.  151). 

1.  Etat  de  solde  de  l'armée  de  juin  à  septembre  1562  (Copie  du 
temps;  Vc  de  Golbert,  vol.  24,  pièce  105). 

2.  Journal  de  Jehan  Glaumeau,  1808,  p.  133. 

3.  Mémoires  de  Gastclnau,  1731,  t.  I,  p.  861. 

4.  Brantôme,  t.  V,  p.  250. 

5.  Jehan  Glaumeau  évalue  l'armée  royale  à  80,000  ou  100,000 
hommes,  sans  compter  l'artillerie  (Journal,  p.  119),  mais  ces 
chiffres  contiennent  une  exagération  évidente. 


ET    JEANNE    d'aLBRET.  299 

capitaines  de  grand  renom,  les  deux  frères  Saint- 
Remy,  Brion,  du  Poyet,  d'Arambure1.  Aussitôt  après 
son  arrivée  au  camp,  Catherine  s'efforça  d'augmenter 
ses  gros  bataillons.  Les  gens  de  pied,  que  le  roi  d'Es- 
pagne envoyait  au  secours  du  roi  de  France,  étaient 
entrés  en  France  par  Fontarabie,  le  20  juillet,  et  com- 
battaient sous  le  commandement  de  Biaise  de  Monluc 
et  de  Charles  de  Coucy,  s.  de  Burie 2.  La  reine  mère 
ordonna  au  duc  de  Montpensier  d'amener  au  camp  de 
Bourges  les  deux  tiers  des  Espagnols  et  des  compa- 
gnies de  Biaise  de  Monluc 3.  Le  lendemain,  elle  expédia 
à  don  Diego  de  Carvajal,  capitaine  de  l'armée  espa- 
gnole, une  «  recharge  »  dans  le  même  sens4.  Deux 
jours  après,  témoin  de  la  résistance  que  les  assiégés 
opposaient  à  l'armée  royale,  Catherine  donna  com- 
mission à  Malicorne  de  conduire  à  marches  forcées  au 
camp  de  Bourges,  non  plus  la  plus  grande  partie,  mais 
la  totalité  des  Espagnols5.  Cet  ordre  allait  être  exécuté 
quand  le  parlement  de  Bordeaux  supplia  le  roi  de 
laisser  Burie  et  3,000  Espagnols  en  Guyenne6. 
La  ville  de  Bourges  offrait  au  xvie  siècle  l'aspect  d'un 

1.  Brantôme,  t.  V,  p.  419. 

2.  Lettre  de  Philippe  II  à  Burie,  du  14  juillet  (Orig.  espagnol; 
Arch.  nat.,  K.  1496,  n°  103). 

3.  Minute  originale  datée  de  Mehun-sur-Yèvre  et  d'août  1562 
(F.  fr.;  vol.  15876,  f.  379). 

4.  Lettre  du  roi  à  don  Diego  de  Carvajal,  datée  du  camp  de 
Bourges  (Minute  originale  d'août  1562;  f.  fr.,  vol.  15877,  f.  186). 
—  Lettre  de  la  reine  au  même  (Lettres  de  Catherine,  t.  I,  p.  384). 

5.  Instruction  du  roi  au  s.  de  Malicorne,  s.  1.,  août  1562 
(Minute  orig.;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  396). 

6.  Lettre  du  parlement  de  Bordeaux  au  roi,  du  26  août  1562 
(Orig.;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  470).  La  reine  fit  droit  à  la  requête  du 
parlement  de  Bordeaux. 


300  ANTOINE   DE   BOURBON 

carré  long,  bordé  sur  deux  côtés  par  les  sinuosités 
d'une  rivière  divisée  en  plusieurs  ruisseaux.  Ces  cours 
d'eau  ne  servirent  pas  à  la  défense,  car  ils  étaient 
couverts  de  ponts  que  d'Yvoi  oublia  de  rompre.  Les 
abords  avaient  été  reconnus  par  les  lieutenants  du  duc 
de  Guise.  De  larges  tranchées  couvertes,  à  l'épreuve 
du  canon ,  furent  creusées  à  distance  et  défendues 
par  des  ouvrages  de  terre  garnis  de  meurtrières1. 
L'artillerie  fut  pointée  dans  un  pré,  de  l'autre  côté 
de  la  rivière,  en  face  d'une  maison  désignée  sur  les 
anciens  pians  sous  le  nom  de  maison  de  Pestiférés2. 
A  peine  était-elle  en  position  que  les  canons  de  la 
grosse  tour,  dirigés  par  le  fils  du  capitaine  Saint-Mar- 
tin, le  luthérien3,  la  démontèrent.  Le  même  jour,  il  y 
eut  une  rencontre  dans  un  faubourg  appelé  le  Beu- 
gnon,  et  un  autre  combat  près  de  la  contrescarpe  du 
côté  de  l'archevêché,  où  les  assiégés  obtinrent  l'avan- 
tage. Pendant  la  nuit  du  18  au  19,  malgré  le  feu  des 
assiégés,  l'artillerie  royale  se  rapprocha  de  la  ville  et 
s'établit  contre  le  château  Saint-Ursin.  Ces  mouve- 
ments coûtèrent  la  vie  au  capitaine  Roch  de  la  Chas- 

1.  Lettre  de  François  de  Montmorency  à  sa  mère,  en  date  du 
19  août  (Autog.;  I'.  fr.,  vol.  20500,  f.  15.  —  Cette  lettre  est,  par 
erreur,  datée  du  19  juin,  mais  elle  ne  peut  être  que  du  19  août, 
puisqu'elle  est  écrite  d'Yvoi  et  qu'elle  raconte  les  débuts  du  siège 
de  Bourges). 

2.  André  Thevet  a  publié  on  une  planche  in-folio,  à  Paris,  chez 
Mathurin  Brouille,  en  1562,  un  plan  en  perspective  de  la  ville  de 
Bourges  et  du  camp  des  assiégeants.  On  trouve  un  exemplaire 
de  ce  plan  dans  le  f.  IV.,  vol.  10193,  I'.  188  bis. 

3.  D'après  de  Bèze  (t.  II,  p.  83,  1882),  il  y  avait  deux  capi- 
taines Sainl-Mai'lin  à  Bourges.  L'un  était  connu  sous  le  sobri- 
quel  de  Saint-Martin  le  luthérien,  l'autre  de  Saint-Martin  le 
huguenot. 


ET   JEANNE   D'ALBRET.  301 

teigneraye,  s.  de  Toufou,  et  au  s.  de  la  Roche-Posay A  ; 
Charles  de  la  Rochefoucault-Randan  reçut  une  arque- 
busade  à  la  tête. 

L'investissement  fut  complété  le  20  août  par  l'ar- 
rivée de  nouvelles  troupes  2  et  par  un  renfort  d'artil- 
lerie de  dix  pièces.  Les  assiégés,  profitant  du  peu 
d'ordre  de  l'armée  royale,  firent  une  «  saillie  furieuse  » 
sur  les  compagnies  de  gens  de  pied  qui  servaient  l'ar- 
tillerie. C'est  là,  d'après  Théodore  de  Bèze,  que  fut 
blessé  le  capitaine  Antoine  de  Richelieu,  le  sangui- 
naire héros  de  la  prise  de  Tours.  Les  soldats,  démo- 
ralisés par  la  chute  de  ce  chef,  se  rejetèrent  sur  les 
gens  d'armes,  campés  en  arrière  du  feu  de  la  ville. 
Les  assiégés  restèrent  un  moment  maîtres  des  bastions 
de  l'artillerie  ;  ils  auraient  pu  ramener  les  pièces  dans 
la  ville,  s'ils  avaient  eu  des  chevaux  prêts,  ou  les 
enclouer  ;  mais  ils  furent  à  l'instant  assaillis  des  deux 
côtés  de  la  rivière  par  le  duc  de  Guise  et  le  roi  de 
Navarre.  Craignant  d'être  tournés,  ils  battirent  préci- 
pitamment en  retraite  vers  le  pont  de  l'Yèvre  sans 
laisser  de  prisonniers  3. 

La  batterie  commença  le  lendemain,  vendredi, 
21  août,  à  cinq  heures  du  matin,  et  dura  jusqu'à  la 
nuit,  «  d'une  façon  si  horrible  que  non  seulement  ceulx 
«  qui  estoient  dans  la  ville  trembloient,  mais  aussi 

1.  Lettre  de  Ghantonay  dans  les  Mémoires  deCondé,  t.  II,  p.  62. 
—  La  Roche-Posay  était  parti  le  17  août  (Lettre  de  la  Roche- 
Posay  à  son  père,  en  date  du  17  août;  Hist.  généal.  de  la  maison 
de  Chasteignet,  p.  285). 

2.  Lettre  du  card.  de  Lorraine  à  Artus  de  Gossé,  s.  de  Gonnor, 
datée  de  Mehun  et  du  20  août  1562  [Mémoires-journaux  de  Fran- 
çois de  Lorraine,  p.  495,  dans  la  coll.  Michaud  et  Poujoulat). 

3.  De  Bèze,  1882,  t.  II,  p.  83. 


302  ANTOINE   DE   BOURBON 

«  toute  la  ville  et  bastiments  d'icelle  estoient  tous 
«  ébranlez,  car  incessamment  laschoient  tous  ensemble 
«  douze,  quinze  et  vingt  canons1.  »  Le  premier  jour,  la 
ville  reçut  plus  de  600  boulets,  suivant  Jehan  Glau- 
meau,  et  plus  de  700,  suivant  de  Bèze.  Cette  terrible 
canonnade  produisit  peu  d'effet.  Le  22,  elle  recom- 
mença, mais  avec  moins  de  violence.  On  tira  300  coups 
de  canon  sans  plus  de  résultat  que  le  premier  jour.  Le 
soir,  à  la  faveur  de  l'obscurité  de  la  nuit,  le  roi  de 
Navarre  fit  commencer  une  mine  du  côté  de  la  porte  de 
Bourbonnoux.  Pendant  que  les  pionniers  déblayaient  le 
terrain,  les  soldats  eurent  l'imprudence  de  mettre  le  feu 
aux  buissons  autour  d'eux.  La  lueur  de  l'incendie  décou- 
vrit les  travailleurs.  Aussitôt  l'artillerie  de  la  ville  fut 
tournée  dans  cette  direction.  «  N'oubliez  pas  les  frères 
«  mineurs  !  »  criaient  les  soldats  protestants  du  haut 
des  remparts,  pendant  l'intervalle  des  détonations2. 

Le  lendemain  23  et  les  jours  suivants,  le  bombarde- 
ment fut  réduit  à  30  ou  40  coups  par  jour.  Pendant 
la  nuit,  les  capitaines  catholiques  essayèrent  de  recon- 
naître la  brèche.  Les  murs,  bâtis  en  pierres  molles, 
subissaient  sans  se  rompre  le  choc  des  boulets.  Les 
rares  ébranlements,  produits  par  les  projectiles,  étaient 
immédiatement  étayés  à  l'intérieur  et  les  trous  bou- 
chés avec  de  la  terre.  On  reconnut  que  la  brèche 
était  «  moins  accessible  et  plus  dangereuse,  pour  le 
«  hasard  de  beaucoup  d'hommes,  qu'elle  n'estoit  du 
«  premier  et  second  jour3.  » 


1.  Journal  de  Jehan  Glaumeau,  1868,  p.  430. 

2.  Do  Bèze,  1882,  t.  II,  p.  Si. 

3.  Lettre  de  Moreau,  officier  de  linancos,  attaché  à  l'armée 
catholique,  au  s.  de  Gronnor  (Orig.;  daté  du  28  août  1 502  ;  f.  fr., 


ET   JEANNE   D'ALBRET.  303 

Le  roi  de  Navarre,  craignant  d'épuiser  les  munitions 
de  l'armée  et  de  rester  sans  défense  devant  un  ennemi 
meilleur  ménager  de  ses  réserves,  envoya  les  compa- 
gnies de  Nicolas  de  Vaudemont,  de  Cypierre,  d'Artus 
de  Gossé-Gonnor  et  du  marquis  d'Elbeuf  au-devant 
d'un  convoi  de  trente-six  charrettes,  chargées  de 
poudre,  de  canons  et  de  boulets,  que  la  ville  de  Paris 
expédiait  au  camp  du  roi1.  Pendant  que  les  com- 
pagnies royales  cheminaient  à  sa  rencontre,  l'amiral 
de  Coligny,  averti  par  ses  espions,  s'était  embusqué 
sur  son  passage.  Il  surprit  le  convoi,  embourbé  dans 
les  terres  cultivées  de  la  Beauce,  non  loin  de  Ghà- 
teaudun,  dispersa  l'escorte  et  fit  sauter,  au  moyen 
de  traînées  de  poudre,  les  trente-six  charrettes  et  les 
canons  de  la  ville  de  Paris2.  En  même  temps,  sous 
les  murs  de  Bourges,  le  26  août,  les  arquebusiers 
du  capitaine  Haumont  firent  «  une  saillie  furieuse  » 
et  rembarrèrent  les  troupes  royales.  Le  capitaine 
Linières  et  de  Meun-Sarlabous,  mestre  de  camp  des 
bandes   françaises 3,  furent  blessés  gravement  ;  une 


vol.  3216,  f.  65).  —  Lettre  de  Chantonay  dans  les  Mémoires  de 
Condé,  t.  H,  p.  62.  —  Journal  de  Jehan  Glaumeau,  p.  131.  L'au- 
teur évalue  à  1,560  et  plus  le  nombre  de  coups  de  canon  que 
reçut  la  ville.  —  Lettres  de  Catherine  de  Médicis ,  t.  I,  p.  388 
et  389. 

1.  Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  191  et 
192.  —  Arrêt  du  parlement,  du  28  août,  qui  prescrit  des  prières 
publiques  pour  l'heureux  succès  du  siège  (Mémoires  de  Condé, 
t.  IH,  p.  634). 

2.  Lettre  de  Chantonay  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  71 
et  73.  —  Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  193. 
—  La  Popelinière,  in-fol.,  t.  I,  f.  338. 

3.  État  de  solde  de  l'armée  de  juin  à  septembre  (Ve  de  Colbert, 
vol.  24,  pièce  105). 


304  ANTOINE    DE   BOURBON 

douzaine  de  soldats  furent  tués  et  beaucoup  de  blessés 
«  demourarent  sur  le  champ  1 .  » 

Ce  double  revers  refroidit  l'enthousiasme  de  l'armée 
royale.  «  Le  courage  de  nos  dits  François  pour  coin- 
ce battre,  écrit  le  trésorier  Moreau ,  diminue  et  deffault 
«  de  jour  à  aultre,  au  veu  et  au  sceu  de  tout  le 
«  monde  2.  »  La  pauvreté  du  trésor  obligeait  le  roi  de 
Navarre  à  suspendre  la  paye  des  soldats  et  à  renvoyer 
les  montres  après  la  prise  de  la  ville.  Encore  escomp- 
tait-il à  l'avance  le  succès  de  l'armée  royale  et  la  con- 
tribution de  guerre  qu'il  imposerait  aux  vaincus.  Les 
lansquenets  se  plaignirent  si  vivement  que  la  reine 
mère,  craignant  de  les  voir  se  débander  ou  passer  à 
l'ennemi,  les  fit  payer  d'urgence3.  Les  princes,  les 
capitaines  de  l'armée  ne  donnaient  pas  l'exemple  du 
désintéressement.  Le  bâtard  d'Angoulême,  Henri  de 
Valois,  fils  de  Henri  II,  exigea  la  pension  du  quartier 
de  juillet,  bien  que  le  roi  lui  eût  donné  une  abbaye. 
Le  roi  de  Navarre  réclamait  «  son  plat  »  pour  quatre 
mois,  à  raison  de  mille  écus  par  mois,  soit  quatre 
mille  écus4.  La  reine  le  désintéressa  en  lui  octroyant 
toutes  les  confiscations  de  biens  qui  seraient  prononcées 
contre  les  rebelles  dans  les  terres  de  France  5. 


1.  Lettre  do  Moreau,  officier  de  finances,  au  s.  de  Gonnor,  du 
28  août  1562  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  3216,  f.  65). 

2.  Lettre  de  Moreau  à  Gonnor,  du  28  août  1562  (Orig.;  f.  fr., 
vol.  3216,  f.  65). 

3.  Lettre  de  Moreau  à   Gonnor,  du  28    août    (Orig.;   f.  fr., 
vol.  3216,  f.  65). 

4.  Lettre  de  Moreau  au  s.  de  Gonnor,  du  26  août  1562  (Orig.; 
f.  fr.,  vol.  3216,  f.  63). 

5.  Original  sur  parchemin,  signé  seulement  de  Claude  de  l'Au- 
bespine,  daté  du  25  août  1562  (Arch.  des  Hassos-Pyivnées,E.  585). 


ET    JEANNE    d'aLBRET.  305 

Incapable  de  prendre  la  ville  de  haute  lutte,  le 
roi  de  Navarre  tenta  la  voie  des  accommodements. 
Jacques  de  Savoie,  duc  de  Nemours,  fut  envoyé  en 
parlementaire  aux  portes  et  chargé  de  représenter  aux 
assiégés  que  le  roi  «  aymoit  mieux  leur  pardonner 
«  que  les  avoir  de  force1.  »  La  première  conférence 
faillit  être  fatale  au  prince  italien.  Gomme  il  se  répan- 
dait en  promesses  et  engageait  son  honneur  à  obtenir 
aux  défenseurs  de  la  ville  des  conditions  favorables, 
un  seigneur  huguenot,  qui  avait  fait  partie  de  la  con- 
juration d'Amboise,  l'apostropha  d'un  ton  menaçant  : 
«  Garderez-vous  votre  parole  plus  fidèlement  que  vous 
«  ne  l'avez  gardée  au  sire  de  Castelnau  ?  »  Gastelnau 
avait  rendu  son  épée  à  Nemours  sur  sa  foi  et  avait 
été  supplicié  le  lendemain.  Quand  Nemours  voulut 
répondre,  un  grand  tumulte  s'éleva  dans  les  rangs  des 
réformés,  et  le  favori  des  Guises  eut  de  la  peine  à 
regagner  le  camp  royal2.  Le  lendemain,  le  connétable, 
le  rhingrave,  le  secrétaire  d'état  Claude  de  l'Aubes- 
pine  prirent  la  direction  des  pourparlers.  Le  rhingrave 
vint  à  la  porte  d'Auron  et  conféra  plusieurs  fois  sans 
témoins  avec  le  s.  d'Yvoi.  Rien  ne  transpirait  de  la 
négociation.  Le  lieutenant  de  Condé  ne  consultait 
aucun  de  ses  capitaines;  il  se  disait  obligé  à  garderie 
secret,  mais  il  affirmait  que  les  clauses  étaient  hono- 
rables et  que  le  siège  serait  bientôt  levé.  Pendant  les 
conférences,  un  trompette  vint  demander  deux  faveurs 
à  d'Yvoi  :  la  première,  d'interroger   l'archevêque, 

1.  Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  I,  p.  389.  —  Lettre  du 
2  septembre  à  Saint-Sulpice.  —  Lettre  de  Ghantouay  dans  les 
Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  70.  —  Lettre  du  roi  de  Navarre  ;'i  de 
Lude  {Lettres  d'Ant.  de  Bourbon  et  de  Jeh.  d'Albret,  p.  270). 

2.  De  Bèze,  1882,  t.  II,  p.  84. 

IV  20 


306  ANTOINE   DE   BOURBON 

Jacques  Leroy,  qui  n'avait  pas  quitté  son  siège  épis- 
copal,  sur  les  traitements  qu'il  avait  subis  à  Bourges 
depuis  le  commencement  du  siège  ;  la  seconde,  de  faire 
connaître  aux  soldats  huguenots  que  le  roi  était  sous 
les  murs  de  la  ville.  L'archevêque  répondit  qu'il  n'était 
pas  maltraité,  mais  qu'on  avait  détruit  son  logis,  pris 
son  argenterie  et  qu'on  lui  avait  emprunté  200  écus. 
La  seconde  mission  du  trompette  était  plus  déli- 
cate, mais  d'Yvoi,  par  fanfaronnade,  y  donna  son 
assentiment.  Le  trompette  monta  sur  la  muraille,  et, 
profitant  d'un  moment  de  calme,  demanda  aux  assié- 
geants au  nom  de  qui  ils  combattaient  :  «  Pour  le 
«  roi,  »  crièrent  les  soldats  d'une  voix  unanime  ;  et 
tout  le  camp  cria  :  «  Vive  le  roi  !  »  avec  tant  de  force 
que  la  ville  entière  put  l'entendre.  Cet  empressement 
donna  à  réfléchir  aux  gens  de  guerre  huguenots,  que 
le  prince  de  Condé  entretenait  dans  l'idée  que  le  roi 
était  prisonnier  du  triumvirat1. 

Catherine  savait  que  d'Yvoi  était  plus  courtisan  que 
capitaine  et  voulut  avoir  une  entrevue  avec  lui.  D'Yvoi 
se  fit  autoriser  à  prêter  l'oreille  aux  propositions,  mais 
s'engagea  à  ne  prendre  aucune  résolution  sans  l'avis 
des  autres  capitaines.  Il  vint  au  château  de  Lazenay2, 
conféra  en  secret  avec  la  reine  mère,  avec  le  roi  de 
Navarre,  avec  le  connétable  et  se  laissa  séduire  ou 
acheter.  Il  accepta  un  projet  de  capitulation  qui 
remettait  la  ville  au  roi,  moyennant  quelques  garan- 
ties. Avant  de  signer,  il  se  réserva  de  consulter  le 
prince  de  Condé  et  lui  envoya  le  capitaine  La  Che- 

1.  De  Bèze,  1882,  t.  II,  p.  84. 

2.  Ghantonay  écril  qu'il  vinl  le  jour  de  Notre-Dame  (lel5aoùt), 
mais  il  se  trompe  de  date  (Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  62). 


ET   JEANNE   D'ALBRET.  307 

noche.  Le  messager  partit  en  hâte  avec  un  sauf- 
conduit  de  la  reine.  Il  devait  revenir  le  surlendemain  ; 
on  l'attendit  en  vain  ;  le  duc  de  Nemours  l'avait  fait 
arrêter  en  route.  Pendant  ces  deux  jours,  d'Yvoi  s'ef- 
força de  décourager  ses  compagnons  d'armes,  en  leur 
représentant  d'une  part  leur  défaite  prochaine,  d'autre 
part  les  sauvegardes  promises.  Le  troisième  jour, 
sans  attendre  plus  longtemps  le  retour  de  La  Che- 
noche,  d'Yvoi  signa  l'acte  de  capitulation  et  le  remit, 
le  1er  septembre,  au  connétable  de  Montmorency1. 

L'exécution  du  traité  souleva  une  vive  opposition 
dans  les  rangs  des  défenseurs  de  la  ville.  Le  capitaine 
Saint-Martin,  le  luthérien,  demandait  à  occuper  la  grosse 
tour  en  gage  des  garanties  stipulées.  D'Yvoi  lui  répon- 
dit qu'il  ne  pouvait  traiter  avec  le  roi  comme  avec 
l'ennemi.  Il  sortit  avec  sa  compagnie  et  remit  la 
garde  des  portes  au  prince  de  la  Roche-sur- Yon 2  qui 
l'attendait  sur  le  bord  du  fossé.  Puis  il  fit  crier  dans 
les  rues,  au  bruit  du  tambour,  l'ordre  aux  soldats  de 
sortir  avec  armes  et  bagages  et  de  se  retirer  en  leurs 
maisons.  Le  prince  de  la  Roche-sur-Yon  entra  aussi- 
tôt et  prit  le  commandement.  Déjà  une  collision  avait 
éclaté  au  pied  des  murs.   Un  capitaine  de  l'armée 

1.  L'acte  de  capitulation  est  imprimé  dans  les  Mémoires  de 
Condé,  t.  III,  p.  634,  et  a  été  reproduit  par  M.  Raynal,  Histoire 
du  Derry,  t.  IV,  p.  61,  d'après  de  Bèze,  1882,  t.  II,  p.  85.  —Une 
copie  de  cet  acte,  actuellement  conservée  aux  Arch.  nat. 
(K.  1498,  n°  30),  fut  envoyée  au  roi  d'Espagne.  Philippe  II  la 
reçut  avec  mépris,  et  dit  à  Saint-Suplice  que  plusieurs  clauses 
ne  lui  semblaient  point  convenables,  de  sujet  à  roi  (Lettre  de 
Saint-Suplice  au  roi,  du  8  octobre  1562;  Copie  du  temps,  f.  fr., 
vol.  3161,  f.  41  v°). 

2.  Le  prince  de  la  Roche-sur-Yon  était  officiellement  le  gou- 
verneur de  la  province. 


308  ANTOINE   DE   BOURBON 

royale  voulait  entrer  par  la  brèche,  bien  qu'elle  ne  fût 
praticable  qu'à  l'aide  de  longues  échelles,  et  le  s.  de 
Ilaumont,  le  plus  énergique  des  mécontents,  se  dis- 
posait à  le  combattre.  Dans  la  journée,  l'armée  pro- 
testante sortit  en  bon  ordre,  avec  les  honneurs  de  la 
guerre,  les  arquebusiers  à  l'avant-garde,  les  piquiers 
et  les  hallebardiers  au  centre  et  la  cavalerie  sur  les 
ailes.  Elle  traversa  les  troupes  royales  et  fut  conduite 
au  village  de  Grosses,  à  quatre  lieues  de  Bourges,  par 
six  cornettes  de  cavalerie.  De  Crosses,  les  uns  mar- 
chèrent vers  Orléans  sous  le  commandement  des  capi- 
taines Haumont,  Saint-Martin  le  luthérien,  La  Magde- 
laine,  Pâté  et  Coupé,  que  la  reine  n'avait  pu  ou  voulu 
acheter.  D'autres  se  retirèrent  isolément  et  furent  mis 
en  déroute  par  un  parti  catholique  que  Jean  du  Tillet, 
greffier  du  parlement  de  Paris,  entretenait  en  sa  mai- 
son de  la  Bussière,  près  de  Chastillon-sur-Loire. 
D'autres  capitaines,  La  Porte,  Saint-Remy,  Brion, 
Saint-Martin  le  huguenot ,  prirent  du  service  dans  la 
compagnie  du  duc  de  Guise  :  «  Je  ne  me  suis  tant 
«  mis  icy,  dit  Brion  au  duc  de  Guise,  pour  la  reli- 
«  gion  que  pour  un  mécontentement  que  j'eus  après 
«  la  guerre,  m'en  voyant  si  mal  récompensé.  Et  MM.  le 
«  prince  et  admirai  m'ayant  les  premiers  recherché, 
«  je  les  ay  servis  fidèlement,  comme  je  serviray  le 
«  roy,  ainsy  que  j'ay  faict  au  roy  son  père 4.  » 

D'Yvoi  ne  recueillit  que  des  reproches  à  Orléans. 
Gondé  refusa  de  le  recevoir  et  lui  fit  dire  qu'à  défaut 
du  pardon  des  hommes  il  n'avait  plus  à  espérer  qu'en 
la  miséricorde  de  Dieu.  Les  capitaines  de  l'armée  pro- 

I.  Brantôme,  t.  V,  p.  120.  Brion  tut  tué  au  siège  de  Rouen 
(Ibid.).  —  De  Ur/v,  Iss-j,  t.  11,  p.  86. 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  309 

testante  et  le  s.  de  Genlis  lui-même,  son  frère  aîné, 
voulaient  le  citer  à  la  barre  du  conseil  et  lui  deman- 
der compte  de  la  faiblesse  de  la  défense  de  Bourges. 
L'amiral  craignit  d'ouvrir  la  porte  aux  soupçons  outra- 
geants, aux  récriminations,  à  la  désunion  de  l'armée. 
Méprisé  des  soldats,  accusé  de  lâcheté  par  les  moindres 
capitaines,  d'Yvoi  quitta  le  parti  réformé  et  se  réfugia 
au  camp  du  roi.  Il  n'y  fut  pas  mieux  reçu1.  Le  duc 
de  Guise  soudoyait  des  traîtres  ;  il  ne  les  aimait  pas. 
D'Yvoi  chercha  un  refuge  dans  la  retraite.  En  1572, 
il  reparut  à  la  cour  et  accepta  le  commandement  d'un 
corps  de  volontaires  que  Goligny  envoyait  au  secours 
des  révoltés  des  Pays-Bas.  Les  opérations  militaires 
furent  si  mal  combinées,  si  mollement  conduites  qu'il 
en  tomba  victime.  Fait  prisonnier  par  Frédéric  de 
Tolède  dans  une  marche  au  secours  de  Mons,  il  fut 
égorgé  secrètement  par  les  ordres  du  duc  d'Albe2. 

Après  la  sortie  des  troupes  huguenotes,  à  quatre 
heures  du  soir,  le  roi  fit  son  entrée  à  Bourges,  en  grand 
équipage,  avec  sa  maison  et  une  nombreuse  escorte. 
Le  maire,  les  échevins,  les  conseillers  de  la  ville,  les 
habitants  notables  vinrent  au-devant  de  lui  et  lui 
remirent  les  clefs  des  portes.  Le  roi  et  la  reine  mère 
occupèrent  la  maison  de  Jacques  Cœur,  le  célèbre 
argentier  de  Charles  VII,  qui  appartenait  au  secrétaire 
d'état  Claude  de  l'Aubespine3.  Aussitôt  le  prince  de 
la  Roche-sur-Yon  fit  crier  à  son  de  trompe  que  nul, 


1 .  Lettres  de  Chantonav  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  Il,  p.  78 
et  82. 

2.  Mémoires  de  Michel  de  la  Huguerye,  publiés  pour  la  Société 
de  l'Histoire  de  France,  t.  I,  p.  111  à  127. 

3.  Journal  de  Jehan  Glaumeau,  p.  432. 


310  ANTOINE   DE   BOURBON 

sous  peine  de  la  hart,  ne  molestât  les  religionnaires 
dans  leurs  personnes  ou  dans  leurs  biens.  Le  lende- 
main, il  destitua  les  officiers  municipaux,  les  remplaça 
par  des  catholiques  et  envoya  à  l'hôtel  de  ville  l'ordre 
d'acquitter  une  contribution  de  guerre  de  50,000  écus. 
La  somme  fut  réduite  à  20,000  sur  les  instances  des 
échevins  et  payée  au  moyen  d'une  taxe  prélevée  sur 
les  habitants  réformés  l.  Les  prêches  furent  interdits, 
les  ministres  expulsés,  les  églises  restituées  au  culte 
catholique2.  Le  roi  leur  fit  rendre  les  châsses,  les  orne- 
ments, les  meubles  qui  purent  être  retrouvés.  D'Yvoi 
avait  pris  à  la  sainte  chapelle  de  Bourges  un  calice 
orné  de  pierres  précieuses  qui  passait  pour  un  chef- 
d'œuvre  d'orfèvrerie  ;  il  fut  obligé  de  le  laisser  à  la 
reine  mère,  qui  oublia  ou  refusa  de  le  restituer.  Plu- 
sieurs capitaines  catholiques  s'attribuèrent  aussi  une 
part  du  butin,  les  uns  sur  les  biens  des  huguenots,  les 
autres  sur  les  dépouilles  des  catholiques.  C'est  le 
malheur  des  faibles  en  temps  de  guerre  d'être  pillés 
successivement  par  leurs  ennemis  et  par  leurs  défen- 
seurs. 

Le  roi  partit  le  dimanche,  6  septembre,  laissant  à 
Bourges  Philibert  de  Marcilly,  s.  de  Gypierre,  comme 
gouverneur,  et  Innocent  Tripied,  s.  de  Monterud, 
comme  lieutenant3.  Le  triomphe  de  l'armée  royale 
n'avait  été  marqué  par  aucune  violence,  mais  l'admi- 
nistration de  Monterud  fut  plus  dure.  Il  prit  des  mesures 

1.  Le  rôle  de  cette  taxe  est  imprimé  à  la  si"''1  du  Journal  de 
Jehan  Glaumeau,  p.  161. 

2.  Plus  tard,  le  mi  confirma  les  faveurs  accordées  aux  églises 
de  Bourges  {Immunités  de  l'église  de  Bourges,  y.  \~). 

3.  Journal  de  Jehan  Glaumeau,  \>.  134.  Après  lo  départ  du  roi, 
les  réformés  furent  maltraités  par  Monterud,  d'après  cet  annaliste. 


ET   JEANNE   D  ALBRET.  311 

de  contrainte  pour  faire  rentrer  la  taxe  imposée  par 
le  prince  de  la  Roche-sur-Yon  ;  il  restaura  les  murailles 
et  les  portes  aux  frais  des  vaincus  ;  il  expulsa  de  la 
ville  les  séditieux  et  les  suspects.  Monterud  se  souve- 
nait de  l'affront  que  lui  avait  infligé  la  ville  d'Orléans 
et  voyait  des  conspirateurs  chez  tous  les  réformés  * . 

Pendant  que  le  roi  de  Navarre,  uni  à  la  reine  mère, 
s'illustrait  dans  l'art,  sinon  de  prendre  les  villes  fortes 
du  parti  huguenot,  au  moins  de  les  acheter,  l'alliance 
de  ce  prince  avec  le  roi  d'Espagne  et  la  négociation 
pour  la  «  récompense  »  de  la  Navarre  avaient  avancé 
d'un  pas.  Antonio  d'Almeida,  relâché  par  les  habitants 
de  Tours  aux  premières  menaces  du  roi  de  Navarre, 
se  rendit  auprès  de  son  maître  à  Blois.  Antoine  l'écouta, 
lut  ses  dépêches,  l'interrogea  avec  anxiété.  Ses  lettres, 
qui  avaient  failli  causer  la  ruine  de  la  ville  de  Tours, 
ne  contenaient  rien  de  plus  que  les  précédentes.  Le 
roi  d'Espagne  promettait  de  donner  à  son  allié  l'île  de 
Sardaigne,  en  attendant  le  royaume  de  Tunis  ;  mais  de 
fixer  la  date  de  la  livraison  de  l'île  promise,  de  délimiter 
les  clauses  du  marché,  il  n'en  était  pas  plus  question 
dans  les  dernières  dépêches  de  d'Almeida  que  dans 
les  premières. 

Cependant  il  était  d'une  bonne  politique  de  montrer 
une  grande  allégresse.  Le  prince  écrivit  à  l'ambassa- 
deur d'Espagne  une  lettre  de  remerciement  et  le  sup- 
plia de  «  parachever  son  œuvre  »  en  obtenant  du  roi 
catholique  des  déclarations  plus  précises2.  Le  cardi- 

1.  Lettre  de  Monterud  au  prince  de  la  Roche-sur-Yon,  datée 
de  Bourges  et  du  23  septembre  1562  (Orig.;  f.  i'r.,  vol.  15877,  f.  107). 

2.  Lettre  du  roi  de  Navarre  à  Ghantonay,  du  12  juillet  1562 
i Minute  orig.;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  264). 


312  ANTOINE   DE   BOURBON 

nal  de  Ferrare  témoigna  à  la  fois  à  son  gouvernement 
de  la  satisfaction  du  prince  et  de  l'utilité  pour  le  parti 
catholique  de  le  contenter  pleinement  ' .  Antoine  écri- 
vit de  sa  propre  main  à  Philippe  II,  ainsi  qu'à  la  reine 
d'Espagne,  pour  les  remercier.  Le  message  devait 
être  confié  à  des  ambassadeurs  d'un  autre  rang  que 
d'Almeida.  Le  prince  choisit  OdetdeSelve2,  négociateur 
de  renom,  et  François  d'Escars,  son  favori,  promu,  en 
faveur  des  circonstances,  à  la  dignité  de  lieutenant  du 
roi  en  Guyenne3.  Il  commanda  à  Claude  de  l'Aubes- 
pine  de  rédiger  une  instruction  «  propre  à  séduire  la 
«  cour  d'Espagne4,  »  et  pria  la  reine  mère  de  joindre 
ses  instances  aux  siennes5.  Catherine  était  encore  à 
Vincennes.  Avant  de  prendre  la  route  de  Madrid, 
François  d'Escars  partit  pour  Paris  le  16  juillet,  fut 
reçu  par  la  reine  et  eut  plusieurs  conférences  avec 
l'ambassadeur  d'Espagne  en  présence  du  cardinal  de 
Lorraine.  Tous  deux  pressaient  Chantonay  de  déter- 
miner son  maitre.  Celui-ci  objectait  l'importance  de  la 
donation.  «  On  a  bien  vu,  disait-il,  donner  des  baron- 
«  nies,  comtés  et  duchés,  mais  de  royaulmes  l'on  n'en 
«  veist  de  longtemps  donner0.  »  Dans  un  de  ces  entre- 

1.  Nègoc.  du  card.  de  Ferrare,  p.  312.  Lettre  du  18  juillet. 

2.  Lettre  du  roi  de  Navarre  à  M.  de  Selve  (Minute  datée  de 
juillet  1562;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  260). 

3.  Commission  du  roi  en  faveur  de  François  d'Escars,  datée  de 
Vincennes  et  du  16  juillet  1562  (Orig.  sur  parchemin;  Arch.  des 
Basses-Pyrénées,  E.  585). 

i.  Lettre  du  mi  de  Navarre  à  Claude  de  l'Aubespine,  datée  du 
12  juillet  1562  (Minute  originale;  f.  fr.,  vol.  15876    f.  261). 

5.  Lettre  du  mi  de  Navarre  à  la  reine,  du  16  juillet  1562 
(Minute  originale;  f.  IV.,  vol.  15876,  f.  262).  —Lettres  de  Sainte- 
Croix  dans  les  Archives  curù    ses,  t.  \  I,  p.  181. 

6.  Lettre  de  François  d'Escars  au  mi  île  Navarre,  datée  de 
Vincennes  et  du  21  juillet  (Orig.,  f.  IV.,  vol.  15S76,  f.  295). 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  313 

tiens,  d'Escars  exhiba  une  lettre  de  Philippe  11,  qui 
recommandait  à  la  reine  et  au  roi  de  Navarre  de  pour- 
suivre vigoureusement  les  rebelles  et  d'avoir  confiance 
en  sa  générosité j  ;  et  il  donna  lecture  d'un  mémoire 
du  roi  de  Navarre,  sorte  d'apologie  détaillée,  dans 
lequel  le  prince  rappelait  les  grands  services  qu'il  avait 
déjà  rendus  au  parti  catholique,  l'exil  et  la  destitution 
des  dignitaires  huguenots  de  tout  rang,  princes,  capi- 
taines et  officiers  de  justice,  l'expulsion  des  ministres, 
la  fermeture  des  prêches,  la  proscription  par  arrêt  du 
parlement  des  sectateurs  de  la  réforme,  l'envoi  des 
prélats  français  au  concile  de  Trente  ;  «  pour  l'exécu- 
«  tion  de  quoy,  ajoute  le  lieutenant  général  en  forme 
«  de  conclusion,  lesd.  d'Escars  et  de  Selve  demande- 
d.  ront  la  délivrance  de  la  Sardaigne  aux  conditions 
«  portées  par  le  brevet,  avec  les  sûretés  réciproques 
«  d'une  part  et  d'aultre  ;  laquelle  s'affectuant ,  led. 
«  seigneur  roy  de  Navarre  en  demourera  perpétuelle- 
ce  ment  obligé  à  Sa  Majesté  catholique.  Et  si,  sur  cela, 
«  il  se  mectoit  en  avant  quelques  difficultez,  lesquelles 
«  ils  ne  peussent  résouldre,  ne  fauldront  d'envoyer 
«  courrier  exprès  devers  led.  s.  roy  de  Navarre  pour 
«  entendre  son  intention2.  » 

Dans  le  cours  de  ces  conférences,  de  graves  ques- 
tions furent  soulevées  par  les  conseillers  d'Antoine 
au  sujet  des  gages  qu'il  promettait  «  à  son  bienfai- 

1.  Lettre  de  Philippe  II  à  Chantonay,  du  9  juillet  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1496,  n°  101). 

2.  Minute  originale  datée  d'août  1562  (Coll.  des  autog.  de.  Saint- 
Pétersbourg,  vol.  21,  f.  138).  —  Autre  minute  ou  copie  dans 
le  môme  fonds  (Correspondance  de  Charles  IX,  t.  II,  p.  100). 
—  Ces  manuscrits  sont  conservés  à  la  Bibliothèque  nationale  de 
Paris. 


314  ANTOINE   DE   BOURBON 

«  teur.  »  La  première  se  rapportait  aux  villes  fortes 
de  la  Sardaigne,  que  le  roi  d'Espagne  voulait  con- 
server en  sa  possession.  Bien  qu'il  eût  proposé  autre- 
fois lui-même  cette  clause  étrange,  son  ambition 
croissant  avec  le  péril  du  parti  catholique,  Antoine  la 
repoussait  au  nom  de  la  maxime  Donner  et  retenir  ne 
vaut,  «  d'aultant  que  ce  seroit  luy  bailler  la  possession 
«  d'un  lieu  où  le  baillant  auroit  plus  d'autorité  que 
«  l'acceptant.  »  La  seconde  exigence  de  Philippe  II, 
que  le  prince  lui-même  avait  également  fait  naître  par 
ses  concessions  imprudentes,  regardait  le  jeune  Henri 
de  Béarn,  que  la  chancellerie  espagnole  réclamait 
comme  otage1. 

Henri  de  Béarn,  depuis  le  départ  de  Jeanne  d'Al- 
bret,  était  élevé  à  la  cour  de  France  avec  les  frères 
du  roi2.  Il  avait  alors  un  peu  moins  de  neuf  ans.  Au 
commencement  de  la  guerre,  le  roi  de  Navarre  l'avait 
confié  aux  soins  de  la  duchesse  de  Ferrare  à  Montar- 
gis.  Le  projet  de  l'envoyer  en  Espagne  ne  pouvait 
être  admis  ;  on  se  souvenait  à  la  cour  de  France 
des  durs  traitements  que  les  fils  de  François  Ier  y 
avaient  essuyés  pendant  leur  captivité.  Antoine 
répondit  à  cette  exigence  en  observant  que  le  jeune 
prince  était  aux  mains  du  roi  de  France,  son  suze- 
rain. Suivant  la  coutume  féodale,  l'autorité  royale 
primait  jusqu'à  l'autorité  paternelle.  C'est  au  nom  de 


1.  Instruction  secrète  du  roi  do  Navarre  ;ï  d'Escars,  datée  de 
Romorantin  et  d'août  (vers  le  17)  (Minute  originale;  coll.  des 
autog.  de  Saint-Pétersbourg,  vol.  21,  t'.  liô;  Copie  de  la  Biblio- 
thèque  nationale). 

2.  Lettre  du  cardinal  d'Armagnac  au  roi  de  Navarre,  datée  de 
Vincennes  et  du  13  juillet  156?  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  6626,  f.  34). 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  315 

ce  principe  que  François  Ier  avait  marié  de  force 
Jeanne  d'Albret  avec  le  duc  de  Glèves  et  qu'Antoine 
de  Bourbon  inséra  la  clause  suivante  dans  l'instruc- 
tion confiée  à  d'Escars  :  «  S'ilz  luy  parloient  de  avoir 
«  son  fils,  il  remettra  cela  à  en  advertir  le  roy  de 
«  Navarre,  d'aultant  qu'il  n'en  a  aucune  charge  et 
«  que,  estant  led.  s.  prince  entre  les  mains  du  roy  et 
«  de  la  royne,  il  n'y  a  nulle  puissance  et  ne  le  voudroit 
«  faire  sans  leur  congé  *'.  »  Les  circonstances  prêtèrent 
bientôt  de  nouveaux  arguments  au  roi  de  Navarre. 
Le  jeune  prince  tomba  malade.  Une  forte  rougeole  se 
déclara  et  mit  ses  jours  en  péril.  Le  siège  de  Bourges 
venait  de  se  terminer.  La  reine  et  le  lieutenant  géné- 
ral se  rendirent  à  Montargis2.  Le  bruit  se  répandit 
que  l'enfant  avait  la  petite  vérole.  Chantonay  raconte 
que,  lorsqu  Antoine  quitta  Montargis,  son  fils,  bien 
qu'il  fût  très  malade,  demanda  avec  instance  à  son 
père  de  le  suivre  au  camp3,  et  loue  la  noble  ardeur 
de  ce  cœur  généreux.  On  fit  prendre  à  Henri  de  Béarn 
de  la  rhubarbe,  des  «  bouillons  de  bonnes  herbes,  » 
mainte  autre  purgation  qui  ne  l'empêchèrent  pas  de 
guérir4.  Après  le  départ  de  la  cour,  un  parti  huguenot 
s'approcha  de  Montargis  par  une  pointe  rapide  et  faillit 
enlever  le  jeune  prince,  peut-être  avec  la  connivence 

1.  Instruction  secrète  du  roi  de  Navarre  à  d'Escars,  datée  de 
Romurantin  et  d'août  (vers  le  17)  (Minute  orig.;  coll.  des  autog. 
de  Saint-Pétersbourg,  vol.  21,  f.  145). 

2.  Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  I,  p.  617. 

3.  Lettre  de  Chantonay  dans  les  Mémoires  de  Condr,  t.  II,  p.  86. 

4.  Rapport  d'un  médecin  au  roi  de  Navarre  (la  signature  a 
été  enlevée),  daté  de  Montargis  et  de  septembre  1562  (Autog.; 
f.  fr.,  vol.  15877,  f.  98).  —  Voyez  ce  document  aux  Pièces  justifi- 
catives. 


316  ANTOINE   DE   BOURBON 

de  la  duchesse  de  Ferrare1.  Jeanne  d'Albret  aurait 
applaudi  à  ce  coup  de  main,  qui  lui  aurait  rendu  son 
fils  bien-aimé. 

Restait  une  troisième  réclamation  de  la  cour  d'Es- 
pagne. Antoine  de  Bourbon  n'avait  par  lui-même 
aucun  droit  à  la  «  récompense  »  de  la  Navarre.  Il 
traitait  au  nom  de  Jeanne  d'Albret.  La  chancellerie 
du  roi  catholique,  formaliste  jusqu'au  moindre  détail, 
lui  demanda  une  procuration  de  sa  femme.  Elle  ne 
s'était  avisée  de  cette  procédure  qu'au  mois  de  juin 
1562,  après  plusieurs  années  de  négociation,  lorsque 
la  séparation  des  deux  époux  était  devenue  irrémé- 
diable, dans  l'espérance  que  Jeanne  d'Albret  refu- 
serait ses  pleins  pouvoirs.  Aussitôt  après  le  retour 
de  d'Almeida,  au  mois  de  juillet,  le  lieutenant  général 
s'était  mis  en  mesure  d'obéir  à  cette  nouvelle  exi- 
gence. Il  envoya  à  Pau  la  minute  d'un  acte,  au  bas 
duquel  il  exigeait  que  Jeanne  d'Albret  apposât  sa 
signature.  Sur  ce  point  s'engagea  une  négociation  dont 
nous  ne  connaissons  l'existence  que  par  Bordenave. 
Menaces  au  nom  du  parti  catholique,  prières  au  nom 
de  l'avenir  de  leurs  enfants,  le  roi  de  Navarre  n'épar- 
gna rien.  C'était  le  temps  où  l'armée  catholique  portait 
le  fer  et  la  flamme  à  Blois,  à  Tours,  à  Poitiers,  où 
Biaise  de  Monluc  écrasait  les  huguenots  en  Guyenne, 
où  les  compagnies  espagnoles  passaient  une  à  une  la 
frontière  d'Espagne.  Jeanne  d'Albret,  convaincue  que 
cet  étalage  militaire  était  dirigé  contre  elle,  signa  la 
procuration.  Elle  chargeait  son  mari  «  de,  pour  et  au 
«  nom  de  lad.  dame  constituante,  traiter  et  accorder 

■1.  Lettre  de  Chantonay  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  86. 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  317 

«  de  tous  et  chacuns  les  différends  qui,  jusques  à  ceste 

«  heure,    ont    esté  meus    avec  très   hault (Phi- 

«  lippe  II) passer  traités,  conventions,  etc.1.  » 

Mais,  dit  Bordenave,  «  pour  conserver  le  droit  à  ses 
«  enfans,  si  Dieu  leur  donnait  un  temps  plus  paisible 
«  et  plus  favorable,  et  auquel  la  justice  eut  plus  de 
«  crédit  que  la  force,  elle  fit,  par  devant  le  juge  du 
«  séneschal  de  Béarn,  un  acte  de  révocation  de  ceste 
«  procure,  comme  faite  par  force  et  crainte,  ne  l'ayant 
«  osée  refusera  son  mari2.  »  La  procuration  de  Jeanne 
d'Albret  ne  fut  pas  envoyée  à  Madrid.  Elle  resta  entre 
les  mains  du  roi  de  Navarre,  pour  être  produite  au 
moment  le  plus  opportun3. 

Ces  difficultés  pouvaient  entraver  l'affaire  prin- 
cipale. Avant  de  faire  partir  François  d'Escars,  le  roi 
de  Navarre  jugea  prudent  d'expédier  encore  une  fois 
à  Madrid  Antonio  d'Almeida4.  D'Almeida,  rompu  par 


i.  Original  sur  parchemin  avec  sceau,  daté  de  Pau  et  du 
25  août  1562  (Arch.  du  département  des  Basses-Pyrénées,  E.  585). 
—  Nous  croyons  que  cette  pièce  fut  dressée  à  la  cour  de  France 
et  envoyée  à  Jeanne  d'Albret  toute  prête  à  être  signée  :  1°  parce 
que  l'écriture  du  corps  de  la  pièce  ressemble  à  celle  des  expédi- 
tions de  la  cour  de  France  et  non  à  celles  de  la  cour  de  Pau  ; 
2°  parce  que  l'encre  du  corps  de  la  pièce  et  l'encre  de  la  signa- 
ture Jehanne  ne  sont  pas  de  la  même  nuance.  — Lettre  de  Ghan- 
tonay  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  83. 

2.  Bordenave,  Histoire  de  Béarn  et  de  Navarre,  p.  113. 

3.  Voilà  pourquoi  elle  est  actuellement  conservée  aux  archives 
des  Basses-Pyrénées. 

4.  Lettre  du  roi  de  Navarre  à  d'Almeida,  datée  d'août  1562 
(Orig.;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  403).  —  La  minute  de  l'instruction 
donnée  à  d'Escars  seul  est  conservée  dans  la  coll.  des  autographes 
de  Saint-Pétersbourg,  vol.  21,  f.  141.  Cette  pièce  existe  en  copie, 
sous  les  mêmes  indications,  à  la  Bibliothèque  nationale  de  Paris. 
Elle  est  identique  cumme  texte  avec  celle  que  nous  avons  signa- 


318  ANTOINE   DE   BOURBON 

une  longue  pratique  aux  ruses  dilatoires  du  roi  catho- 
lique, avait  pour  mission  de  sonder  la  cour  d'Espagne. 
Le  lieutenant  général  commanda  à  Jean  d'Ebrard, 
baron  de  Saint-Suplice,  ambassadeur  de  France  à 
Madrid,  successeur  de  Sébastien  de  l'Aubcspine,  de 
l'appuyer  auprès  du  roi  d'Espagne1  et  écrivit  au  duc 
d'Albe,  au  prince  d'Eboli,  des  lettres  obséquieuses, 
dans  lesquelles  il  implorait  leur  faveur2. 

Antonio  d'Almeida  arriva  à  Madrid  leâ  septembre. 
Le  lendemain,  Saint-Suplice  le  recommanda  au  prince 
d'Eboli3.  Philippe  II  était  au  bois  de  Ségovie  et  lui 
donna  audience.  Il  écouta  les  requêtes  du  prince  avec 
autant  d'attention  que  s'il  les  eût  entendues  pour  la 
première  t'ois,  mais  il  se  retrancha  sur  la  nécessité 
d'obtenir  des  gages  et  ne  donna  au  messager  que  de 
bonnes  paroles.  Ses  ministres,  tour  à  tour  interrogés 
avec  instance,  ne  sortirent  pas  de  leur  réserve4.  La 
prochaine  arrivée  de  François  d'Escars  à  Madrid  ouvrait 
une  nouvelle  échappatoire  à  la  chancellerie  espagnole,  et 

lée  dans  la  note  2  do  la  page  313,  sauf  qu'il  n'y  est  pas  parlé  de 
de  Selve. 

1.  Minute  originale,  datée  de  Saint-Léger  et  d'août  (F.  fr., 
vol.  15876,  f.  402).  —  Dans  une  lettre,  du  12  août,  Saint-Suplice 
écrit  au  roi  de  Navarre  que  d'Escars  sera  le  bienvenu  a  Madrid 
(Orig.;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  407).  —  Autre  lettre  du  même  au 
même,  du  15  août  (Orig.;  ibid.,  f.  430). 

2.  Minute  datée  de  Saint-Léger  et  du  6  août  (F.  fr.,  vol.  15876, 
f.  427). — -Autre  minute  absolument  différente,  datée  de  Saint- 
Léger  et  du  7  août  (Ibid.,  f.  404).  —  Lettre  originale  au  duc  d'Albe, 
datée  de  Blois  et  du  7  aoûl  (Arch.  nat.,  K.  1496,  n°  109). 

3.  Lettre  de  Saint-Suplice  au  roi  de  Navarre,  du  3  septembre 
(Orig.;  f.  fr.,  vol.  15877,  f.  22  . 

4.  Lettre  d'Antonio  d'Almeida  au  roi  de  Navarre,  datée  de 
Madrid  et  du  7  septembre  1562  (Autog.  en  espagnol;  Arch.  des 
Basses-Pyrénées,  E.  585). 


ET   JEANNE   D'ALBRET.  319 

elle  en  usait  avec  empressement.  Ce  prétexte  décida  le 
roi  de  Navarre  à  presser  le  départ  de  son  plénipoten- 
tiaire. Le  12  septembre,  Catherine  commanda  à  Saint- 
Suplice  d'appuyer  la  mission  de  d'Escars l .  Le  duc  et 
la  duchesse  de  Savoie  envoyèrent  au  roi  d'Espagne  un 
ambassadeur  extraordinaire2.  D'Escars  se  mit  en  route 
à  petites  journées,  laissant  à  d'Almeida  le  soin  de  pré- 
parer les  conditions  du  traité.  Le  %3  octobre,  il  écrit 
à  la  reine,  de  sa  maison  d'Escars,  en  Limousin,  que 
l'état  de  sa  santé  ne  lui  a  pas  permis  de  hâter  son 
voyage,  mais  qu'il  va  partir  dans  quelques  jours3. 

Pendant  qu'il  s'attardait  sur  les  chemins  de  l'Es- 
pagne, Antonio  d'Almeida  renouvelait  ses  instances 
auprès  des  ministres  de  Philippe  II.  Dans  une  de  ses 
nombreuses  suppliques,  il  prie  le  duc  d'Albe  et  le 
prince  d'Eboli  de  formuler  les  exigences  de  leur  maître 
et  de  les  rendre  acceptables.  A  bout  de  raisonnements, 
l'infortuné  messager  faisait  valoir  la  fatigue  de  ses 
voyages  :  «  Ainsi,  dit-il,  j'aurai  terminé  mes  nom- 
«  breuses  allées  et  venues  dont  je  suis  presque  estro- 
«  pié i.  »  Argument  qui  toucha  peu  la  chancellerie 
espagnole.  Le  duc  d'Albe  et  Ruy  Gomez  de  Silva  répon- 
dirent, le  %\  octobre,  que  l'ambassadeur  du  roi  de 
Navarre,  le  s.  d'Escars,  serait  accueilli  avec  honneur, 
mais  qu'il  serait  utile,  avant  de  l'envoyer,  de  s'accorder 
sur  les  gages  que  le  roi  de  Navarre  était  en  mesure 

1.  Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  I,  p.  399. 

2.  Lettre  de  Robertet  au  roi  de  Navarre,  datée  de  Fossano  et 
du  18  septembre  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  15877,  f.  80). 

3.  Lettre  de  François  d'Escars  à  la  reine,  du  23  octobre  (Orig.; 
f.  fr.,  vol.  15877,  f.  271). 

4.  Mémoire  de  d'Almeida  à  la  cour  d'Espagne,  sans  date  (Autog. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1496,  n°  121). 


320  ANTOINE   DE   BOURBON 

d'offrir  au  roi  d'Espagne1.  Philippe  II  commanda  en 
môme  temps  à  Ghantonay  de  discuter  la  question  des 
garanties  avant  le  départ  de  d'Escars2.  Le  principe  de 
la  revendication  admis,  la  négociation  pouvait  se  pro- 
longer indéfiniment,  puisque  le  roi  d'Espagne  était  à  la 
fois  juge  et  partie.  Sans  doute  il  espérait  par  des  pro- 
messes entretenir  la  confiance  du  roi  de  Navarre  jus- 
qu'au jour  du  triomphe  de  la  cause  catholique  en 
France.  C'est  ainsi  qu'il  écrivit,  le  25  octobre,  à  la  reine 
mère  :  «  Vous  me  recommandez  les  affaires  de  M.  de 
«  Vendôme,  les  bons  services  qu'il  rend  en  tout  ce  qui 
«  se  présente  pour  le  service  du  Roy,  mon  frère,  ainsi 
«  que  pour  la  religion.  J'en  suis  si  satisfait  que  j'en 
«  serai  toujours  reconnaissant,  ainsi  que  du  généreux 
«  appui  qu'il  donne  à  Votre  Majesté3.  »  Le  duc  d'Albe 
et  le  prince  d'Eboli  écrivirent  aussi  au  roi  de  Navarre 
et  l'assurèrent  de  leur  bonne  volonté4. 

Le  roi  de  Navarre  était  destiné  à  mourir  sans  voir 
la  fin  de  la  négociation  à  laquelle  il  avait  tout  sacrifié. 

1.  Avis  du  prince  d'Eboli  et  du  duc,  d'Albe  sur  la  réponse  à  fairo 
à  d'AImeida,  daté  de  Madrid  et  du  21  octobre  1562  (Orig.  espa- 
gnol ;  Arch.  nat.,  K.  1496,  n°  120). 

2.  Lettre  de  Philippe  II  à  Ghantonay,  du  26  octobre  1562  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1496,  n°  123). 

3.  Lettre  de  Philippe  II  à  la  reine,  du  25  octobre  1562,  de 
Madrid  (Orig.  espagnol;  Arch.  nat.,  k.  1496,  n°  122). 

4.  Minute  originale  en  espagnol,  datée  du  27  octobre  1562  (Arch. 
nat.,  K.  1496,  n«  36). 


CHAPITRE  VINGT  ET  UNIÈME. 


Mort  du  roi  de  Navarre. 


Négociations  du  parti  réformé  et  du  parti  catholique 
en  Suisse,  en  Allemagne  et  en  Angleterre.  —  Mission 
de  Sydney  en  France.  —  Traité  de  Hamptoncourt 
(20  sept.  1562). 

La  ville  de  Rouen  tombe  aux  mains  des  réformés  (1 5  au 
1 6  avril  1 562) .  —  Préliminaires  du  siège  de  Rouen. 

—  L 'armée  royale  sous  les  murs  de  Rouen  (27  sep- 
tembre). —  Gabriel  de  Lorges,  comte  de  Mongon- 
mery.  —  Prise  du  fort  Sainte-Catherine  (6  octobre). 

—  Blessure  du  roi  de  Navarre  (1 6  octobre).  —  Prise 
de  Rouen  par  V armée  royale  (26  octobre).  —  Mort 
du  roi  de  Navarre  (17  novembre). 


Après  le  pillage  de  Beaugency,  le  prince  de  Condé 
rentra  à  Orléans,  aussi  mécontent  de  son  armée  que 
l'armée  pouvait  l'être  de  son  chef.  Beaucoup  de 
gentilshommes,  dans  le  parti  réformé,  craignaient 
d'avoir  compromis  leur  honneur  pour  une  cause  peu 
iv  21 


ANTOINE   DE    BOURBON 

justifiée.  Les  uns  «  alléguoient  qu'en  leur  absence 
«  leurs  maisons  estaient  assaillies  ;  les  autres  cou- 
ce  vroient  leur  lâcheté  de  quelques  scrupules  sur- 
ce  venus  en  leur  conscience.  »  D'autres  demandoient 
«  congé  ou  le  prenoient  d'eux-mêmes1.  »  Les  der- 
niers furent  qualifiés  du  surnom  infamant  de  Guillebe- 
douins2.  Les  désertions,  le  manque  d'argent  démora- 
lisaient l'armée.  Coudé  tint  un  conseil  de  guerre.  11 
avait  encore  3,000  cavaliers  et  6,000  hommes  d'in- 
fanterie. Plusieurs  capitaines  proposèrent  de  gagner 
Lyon  et  de  se  rallier  au  baron  des  Adrets,  dont  les 
exploits  en  Dauphiné  exaltaient  l'esprit  du  soldat; 
d'autres,  de  se  retirer  en  Guyenne  auprès  de  la 
reine  de  Navarre  ;  d'autres  enfin ,  de  se  rendre  à 
Rouen  et  de  se  fortifier  en  Normandie3.  Le  conseil  de 
guerre  de  l'armée  huguenote  prit  un  quatrième  parti. 
En  attendant  l'arrivée  des  renforts  d'Allemagne  et  de 
Suisse,  il  se  décida  à  rester  sur  la  défensive4  et  envoya 
les  principaux  capitaines  en  province  :  Soubiseà  Lyon, 
La  Rochefoucault  en  Saintonge,  Duras  en  Guyenne, 
Genlis  à  Bourges,  Bricquemaut  en  Normandie,  pour 
raccoler  des  soldats  et  demander  du  secours5. 

Depuis  la  prise  d'Orléans,  le  prince  négociait  en 
Suisse,  en  Allemagne  et  en  Angleterre.  En  Suisse,  il 


1.  Do  Bèze,  Hist.  ecclés.,  t.  I.  p.  541,  édit.  de  1882.  —  La  Pope- 
linière,  t.  1,  F.  325  v°.  Les  deux  auteurs  se  copient. 

2.  La  Popelinière,  f.  326.  Guillebedouin  vient  peut-être  du  mot 
Guille,  qui  veut  dire  tromperie. 

::.  Lettre  de  Throckmorton ,  du  1;'  juillet;  Calcndars,  1562, 
p.  153. 

i.  Lettres  du  cap.  La  Motte  au  prince  de  Gondé  et  à  l'amiral 
de  Coligny  (Copie  du  temps;  f.  Fr.,  vol.  10190,  t.  154  v°). 

.").  Mémoires  <i>  Lu  Noue,  édit.  Petitot,  p.  154. 


ET   JEANNE    d'aLBRET.  323 

accrédita  d'abord  le  s.  de  Laumont1,  et  plus  tard 
Théodore  de  Bèze,  qui  partit  avec  empressement, 
satisfait  d'échapper  aux  dangers  de  la  guerre  civile2. 
En  Allemagne,  Condé  avait  donné  à  l'illustre  Fran- 
çois Hotman  3  la  mission  de  traverser  les  menées  du 
roi  de  Navarre4.  Un  grand  seigneur  allemand,  le 
burgrave  Christophe,  baron  de  Dhona,  aidait  Hotman 
de  son  crédit,  soit  pour  secourir  «  les  pauvres  églizes 
«  affligées,  »  soit  pour  empêcher  l'arrivée  en  France 
de  «  gens  loués  à  prix  d'argent  pour  estre  bourreaux 
«  des  chrétiens5.  »  En  vain  le  roi  de  Navarre  avait 
envoyé  en  Allemagne  un  plénipotentiaire,  le  s.  d'Oisel, 
chargé  de  dons  et  de  promesses6,  et  la  reine  avait  sup- 


1.  Lettres  du  prince  de  Condé  aux  cantons  de  Zurich,  de  Berne, 
de  Bàle  et  de  Schaffouse,  du  20  mai  (Copie  du  temps;  f.  fr., 
vol.  10190,  f.  166).  —  Autre  du  21  mai  (ibid.,  f.  159).  —  Lettre 
du  cap.  La  Motte  au  prince  de  Condé,  du  29  juin  (ibid.,  f.  154  v"). 
—  Lettres  de  Coligny,  de  d'Andelot,  de  Condé,  du  12  des  calendes 
de  juin  (Copies  en  latin  ;  ibid.,  f.  167  et  suiv.j.  —  Négoc.  de  la 
France,  avec  la  Toscane,  t.  III,  p.  492. 

2.  Négoc.  de  la  France  avec  la  Toscane,  t.  III,  p.  492. 

3.  Lettre  d'Hotman,  du  17  mai,  au  landgrave  de  Hesse  (Copie 
du  temps  en  latin;  f.  fr.,  vol.  10190,  f.  177). 

4.  Lettre  d'Hotman  au  landgrave  de  Hesse  (Copie  du  temps; 
f.  fr.,  vol.  10190,  f.  161  v»). 

5.  Lettre  de  Coligny  et  de  d'Andelot  au  landgrave  de  Hesse,  du 
19  mai  (Copie  du  temps  ;  f.  fr.,  vol.  10190,  f.  161).  —Autre  lettre 
de  d'Andelot  à  Vezines,  du  21  mai  (ibid.,  f.  172).  —  Lettre  du 
baron  de  Dhona  à  Condé,  du  17  juin  (Copie  du  temps  en  latin; 
f.  fr.,  vol.  10190,  f.  171  v°).  —  Lettre  de  Condé  au  duc  de  Deux- 
Ponts,  du  14  juin  (Copie  du  temps  en  latin;  ibid.,  f.  169).  —  Lettre 
il"  Coligny  et  de  d'Andelot  au  landgrave  de  Hesse,  du  14  des 
calendes  de  juin  (Copie  du  temps;  ibid.,  f.  172  v°).  —  Lettre  de 
Coligny  au  comte  Everard  de  Erbach,  de  même  date  (Copie  du 
temps;  ibid.,  f.  177  v"). 

6.  Instruction  du  roi  au  s.  d'Oysel,  en  date  du  13  juillet  (Coll. 


324  ANTOINE   DE    BOURBON 

plié  l'empereur  d'interdire  aux  grands  feudataires  l'al- 
liance des  rebelles  de  France1.  Ces  démarches  furent 
inutiles.  Les  princes  de  la  confession  d'Augsbourg,  le  duc 
de  Wurtemberg-,  le  comte  palatin,  le  marquis  de  Bade 
repoussèrent  les  dons  du  roi  de  France2  et  armèrent  des 
troupes  au  secours  des  rebelles3.  Hotman  fit  signer  au 
prince  de  Condé  une  profession  de  foi,  qui  rapprochait 
les  calvinistes  de  France  des  luthériens  d'Allemagne4, 
et  obtint,  à  l'aide  de  cette  capitulation  religieuse, 
une  aide  de  quatre  régiments  de  gens  de  pied  et  de 
G, 000  cavaliers  que  les  chefs  huguenots  s'engagèrent 
à  solder  pendant  toute  la  durée  de  la  guerre5.  Enfin, 
la  reine  de  Navarre,  la  plus  sûre  alliée  du  parti  réformé 
et  la  seule  qui  apportât  à  la  guerre  civile  du  désin- 
téressement, avait  promis  à  l'armée  d'Orléans  un 
renfort  de   4,000   hommes   de  pied  béarnais  payés 


Brienne,  vol.  206,  f.  25).  Partie  de  cette  pièce  a  été  imprimée  dans 
les  Mémoires  de  Coude,  t.  III,  p.  533.  —  Voyez  aussi  ibid.,  p.  542. 

1.  Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  [,  p.  363  et  117. 

2.  Lettres  du  duc  de  Guise,  du  5  juillet,  aux  princes  allemands 
(Mémoires  de  Condé,  t.  111,  p.  526,  528  et  562). 

:i.  Voyez  nombre  de  pièces  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  III, 
]>.  431,  443,  444,  165,  197,  501.  —  Voyez  surtoul  la  lettre  duduc 
de  Wurtemberg  en  réponse  à  la  mission  de  d'Oysel,  du  12  août 
(ibid.,  t.  III,  p.  598).  —  Réponse  du  roi  (ibid.,  p.  609). 

4.  Mémoires  de  Condé,  t.  III,  p.  524.  —  La  l'ope.linière,  t.  I, 
p.  326. 

5.  Lettre  de  Bassompierre  au  mi  de  Navarre,  du  12  juin  1562 
(Orig.;  1'.  IV.,  vol.  6018,  f.  104).  D'après  Bassompierre,  les  princes 
allemands  s'engageaieni  à  l'aire  de  nouvelles  levées  si  le  roi  d'Es- 
pagne prenait  part  à  la  guerre.  On  trouve  dans  le  Bulletin  de  la 
Soc.  de  l'hist.  du  Prot.  français,  t.  XVI,  p.  1 10,  une  des  capitula- 
tions que  le  prince  de  (lundi'  signa  avec  les  Allemands,  datée  du 
is  août  1562.  —  Lettre  de  Gondé  au  landgrave  de  Hesse,  du 
26  ami!  (Mémoires  de  Gondé,  t.  III,  p.  630 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  325 

d'avance1.  L'ensemble  formait  une  troupe  d'autant 
plus  redoutable  pour  le  parti  catholique  que  l'armée 
royale  s'usait  en  sièges  et  en  marches. 

Restait  l'Angleterre  et  la  reine  Elisabeth,  que  les 
passions  anti-romaines  décoraient  déjà  du  surnom  de 
papesse  des  huguenots.  Dix  jours  à  peine  après  la 
prise  d'Orléans,  Coligny  avait  fait  sonder  les  disposi- 
tions de  cette  princesse  par  le  s.  de  Sechelles2,  gentil- 
homme «  d'une  grande  maison  de  Picardie,  qui  a 
«  souffert  persécution  pour  son  zèle  pour  la  religion, 
«  et  dont  la  reine  de  Navarre,  le  prince  de  Gondé, 
«  l'amiral  et  d'autres,  qui  favorisent  la  religion,  font 
«  grand  cas3.  »  L'un  des  plus  hardis  capitaines  de 
Condé,  Jean  de  Ferrières,  vidame  de  Chartres,  s'em- 
pare du  Havre.  Le  17  avril,  Throckmorton  conseille  à 
la  reine  Elisabeth  de  demander  au  parti  huguenot,  en 
retour  de  l'appui  de  l'Angleterre,  les  villes  de  Calais, 
de  Dieppe  et  du  Havre,  «  les  trois  places  ensemble,  si 
«  on  peut,  ou  au  moins  une  des  trois,  n'importe 
«  laquelle.  »  Les  réformés,  dit-il,  sont  «  des  gens 
«  vrais  et  fidèles,  »  tandis  que  les  papistes  sont  «  des 
«  gens  doubles  et  rusés.  »  Il  espère  que,  pressés  par 
leurs  ennemis,  ils  prendront  eux-mêmes  l'initiative 


1.  Lettre  de  Tornabuoni,  du  17  juillet  [Négoc.  de  la  France  avec 
la  Toscane,  t.  III,  p.  492).  —  Lettre  du  card.  de  Ferrare,  du  18  juil- 
let [Négoc.  du  card.  de  Ferrare,  p.  317).  —  Lettre  de  Killegrew  à 
lordCecil,  du  10  août  [Calendars,  1562,  p.  234).  Killegrew  dit  que 
ce  secours  devait  être  couduit  par  François  de  la  Rochefoucault, 
beau-frère  de  Condé. 

2.  La  lettre  de  Coligny,  datée  du  11  avril,  est  dans  Coligny, 
t.  Il,  p.  78,  par  le  comte  Delaborde. 

3.  Calendars,  1562,  p.  61'».  Letl  re  de  recommandation  de  Throck- 
morton à  la  reine,  du  l'i  avril,  en  faveur  de  Sechelles. 


326  ANTOINE   DE    BOURBON 

de  ces  propositions,  et  compte  sur  la  crainte  de  l'in- 
tervention espagnole  pour  les  acculer  à  la  nécessité  de 
trahir  le  roi 1 . 

A  la  fin  d'avril,  Catherine  de  Médicis  adressa  un 
ambassadeur  extraordinaire  à  la  reine  d'Angleterre, 
le  comte  Roussy2.  Elisabeth  prit  pour  prétexte  la 
nécessité  de  répondre  à  cette  mission  et  expédia  en 
France  un  des  seigneurs  de  son  conseil,  sir  Henry 
Sidney.  Sous  des  dehors  de  pure  cérémonie,  Sidney 
dissimulait  la  charge  de  demander  les  ports  de  la  Nor- 
mandie3. Il  arriva  à  Paris  le  8  mai  et  fut  mal  accueilli 
à  la  porte  Saint-Marceau.  Traité  en  ennemi  par  les 
bourgeois  armés,  il  avait  été  déjà  arrêté  et  menacé, 
quand  l'ambassadeur  de  Portugal,  passant  par  hasard, 
lui  prêta  sa  recommandation  et  l'introduisit  avec  lui4. 
Sidney  proposa  au  roi  de  Navarre  la  médiation  de  la 
reine  Elisabeth,  mais  le  secret  de  son  intrigue  était 
connu  ;  le  prince  ne  lui  parla  que  de  son  retour  en 
Angleterre  «  par  ailleurs  que  le  Havre,  non  par 
«  méfiance,  mais  par  crainte  que,  en  ce  tumulte,  il  luy 
«  arrivât  quelque  inconvénient  à  luy  ou  aux  siens5.  » 
Sidney  voulut  remplir  sa  mission  à  Orléans  et  demanda 
au  roi  de  Navarre  un  passeport  pour  un  de  ses  affi- 

1.  Cette  lettre  esl  publiée  et  traduite  dans  V Histoire  des  Condé 
du  duc  d'Aumalo,  t.  I,  p.  354. 

2.  Galendars,  1562,  p.  617.  Lettre  de  Throckmorton,  du  21  avril. 

3.  Ghantonay  croyail  que  Sidney  était  arrivé  en  Franco  pour 
proposer  à  La  reine  mère  de  s'allier  avec  la  reine  d'Angleterre 
contre  le  parti  catholiiiui!  i l.fti iv  orig.  en  espaui'"1  de  (Ihautona^ 
à  Philippe  II,  du  11  mai  1562;  Arch.  nat.,  K.  1497,  u»  30). 

i.  Lettre  de  Throckmorton  du  8  mai,  publiée  dans  l'Histoire  des 
Condé  du  tUu-  d'Aumale,  t.  [,  p.  358. 

5.  Lettre  du  roi  de  Navarre  à  la  reine,  minute  datée  de  mai 
(f.  IV.,  vol.  15876,  f.   18 


ET    JEANNE    DALBRET.  327 

dés1.  Antoine  le  lui  refusa  nettement.  «  Je  ne  suis  pas 
«  d'advis,  écrivit-il  à  la  reine,  que  vous  luy  permet- 
«  tiez  d'y  envoyer,  afin  de  n'accoustumer  les  ambas- 
«  sadeurs  à  se  mesler  de  noz  affaires  plus  que  de 
«  raison,  et  aussi  que  je  crains  etay  grandement  sus- 
ce  pecte  sa  négociation  pour  cent  mille  raisons  que 
«  pouvez  bien  penser2.  » 

Sidney  quitta  la  France  le  \  8  mai ,  mais  la  négo- 
ciation n'en  chemina  pas  moins.  Jean  de  Ferrières, 
Beauvais  de  la  Nocle,  les  seigneurs  rebelles  de  la 
Normandie  servaient  d'intermédiaires  entre  la  reine 
d'Angleterre  et  le  parti  huguenot.  L'agent  anglais, 
Nicolas  Throckmorton,  dépositaire  des  désirs  cachés 
d'Elisabeth,  ne  cherchait  dans  les  troubles  religieux  de 
la  France  que  l'occasion  de  recouvrer  Calais.  Son  plan 
de  campagne  était  de  faire  entrer  les  Anglais  au  Havre. 
«  Les  Français,  disait-il,  rendront  Calais  pour  avoir  le 
«  Havre3.  »  En  vain  la  reine  Catherine  s'efforça  de 
traverser  les  intrigues  des  ambassadeurs  anglais  en 
accréditant  le  maréchal  de  Vieilleville  à  Londres 4. 
Les  députés  de  Condé,  Jean  de  Ferrières,  vidame  de 
Chartres,  et  le  s.  de  la  Haye,  appelés  à  Greenwich, 
posèrent  les  bases  de  l'alliance.  Le  20  septembre,  à 

1.  Sidney  avait  reçu  de  la  reine  d'Angleterre  une  lettre  de 
créance  pour  le  prince  de  Condé.  Cette  lettre  est  publiée  par  le 
duc  d'Aumale  [Hist.  des  Condé,  t.  II,  p.  372). 

2.  Lettre  du  roi  de  Navarre  à  la  reine  (Minute  orig.  de  mai 
1562;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  60). 

3.  Fragment  de  lettre  de  Throckmorton  cité  par  le  comte  de 
la  Ferrière  dans  la  Normandie  à  l'étranger,  p.  9. 

4.  La  mission  de  Vieilleville,  que  nous  ne  faisons  que  mention- 
ner, est  racontée  avec  détails  dans  les  Mémoires  de  Garloix,  l.  VIII, 
en.  xxxi,  et  dans  le  XVIe  siècle  et  les  Valois,  p.  ?.'!,  par  le  comte  de 
la  Ferrière  d'après  des  documents  nouveaux. 


328  ANTOINE   DE   BOURBON 

Hamptoncourt,  fut  signé  le  traité  par  lequel  Elisabeth 
promettait  aux  huguenots  100,000  couronnes  d'or 
payables  en  Allemagne  après  la  remise  du  Havre1. 
Quinze  jours  après,  le  5  octobre,  un  corps  de 
3,000  Anglais  débarqua  au  Havre  et  prit  officielle- 
ment possession  de  la  ville2.  Le  roi  de  Navarre  pro- 
testa auprès  du  prince  de  Gondé  contre  cet  acte  de 
trahison.  Condé,  dit  La  Popelinière,  répondit  «  que 
«  ce  n'estoit  pas  luy  qui  avoit  convié  les  estrangers 
«  d'entrer  en  France,  mais  ses  ennemis  ;  y  ayans  intro- 
«  duit  depuis  trois  mois  en  çà  Suisses,  Allemans,  Ita- 
«  liens  et  Espagnols  à  leur  solde3;  »  comme  si  un 
gouvernement  régulier,  qui  demande  du  secours  à 
ses  alliés,  peut  être  comparé  à  des  rebelles  qui  démem- 
brent le  royaume  au  profit  de  l'étranger.  Malgré 
les  sophismes  de  Gondé,  les  réformés  sentaient  qu'ils 
imitaient  le  connétable  de  Bourbon.  L'un  d'eux, 
Beauvoir  de  la  Nocle,  eut  la  naïveté  d'adresser  à  la 
reine  mère  un  mémoire  de  justification.  «  Notre  but, 
«  dit-il,  ne  tend  qu'à  deux  points  :  le  premier  à  la 
«  gloire  de  Dieu,  le  second  à  la  délivrance  et  sûreté 
«  de  la  minorité  du  roi4.  »  L'amiral  seul,  dit  un 
apologiste,  repoussait  la  responsabilité  de  cet  acte5. 
La  trahison  du  Havre  exaspéra  la  cour  et  le  parti 

1.  Ce  traitr,  plusieurs  fois  imprimé,  se  trouve  notamment  dans 
les  Mémoires  de  Gondé,  t.  III,  p.  689,  et  dans  les  Mémoires  de  Nevcrs, 
t,  I,  p.  131. 

2.  Détails  sur  cet  événement  dans  la  Normandie  à  Vétranger, 
par  M.  de  la  Ferrière,  p.  8. 

3.  La  Popelinière,  t.  I,  f.  330. 

4.  La  Ferrière,  Le  XVIe  siècle  et  les  Valois,  p.  TU. 

.").  Discours  du  voyagt  fait  à  l'avis  par  M.  l'admirai  au  mois  de 
janvier  dernier,  1565,  p.  8.  Pamphlet  contre  le  cardinal  de  Lor- 
raine inspiré  par  l'amiral  Goligny. 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  329 

catholique.  Le  peuple,  surtout  à  Paris,  poursuivait 
de  ses  huées  l'ambassadeur  d'Angleterre  '.  Throck- 
morton,  inquiet  de  ces  dispositions,  alla  trouver  la 
reine  et  demanda  à  se  retirer  à  Londres,  alléguant 
qu'il  ne  pouvait  «  voir  les  grandes  cruautés  du  peuple 
«  de  Paris.  »  Catherine  lui  répondit  sèchement  que, 
puisqu'il  sollicitait  son  congé,  elle  allait  rappeler 
l'ambassadeur  de  France  à  Londres2.  Throckmorton 
craignit  peut-être  les  reproches  de  son  gouvernement 
et  se  réfugia  seulement  à  Orléans3. 

Les  pourparlers  des  huguenots  avec  la  reine  d'An- 
gleterre avaient  été  conduits  avec  tant  de  mystère 
que  la  cour  de  France  en  ignorait  l'objet.  Le  6  juin, 
Paul  de  Foix,  ambassadeur  de  Charles  IX  à  Londres, 
écrit  à  la  reine  qu'il  doute  des  secours  promis  par 
Elisabeth  aux  rebelles  d'Orléans4.  A  la  fin  de  juillet, 
Antoine  conseille  à  la  régente  de  faire  «  patte  douce  » 
à  l'intervention  anglaise  et  ne  parait  pas  soupçonner 
l'importance  des  gages  qu'on  lui  offre5.  Le  26  août, 
Paul  de  Foix  signale  à  la  reine  l'arrivée  à  Greenwich 
et  à  Londres  des  principaux  députés  huguenots,  mais 
il  ne  pense  pas  que  l'Angleterre  exige  une  place  de  la 

1.  Lettre  de  Throckmorton,  du  23  juillet,  publiée  par  le  duc 
d'Aumale  (Hist.  des  Condé,  t.  I,  p.  376). 

2.  Journal  de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  188. 

3.  En  même  temps,  la  reine  Elisabeth  lança  doux  proclama- 
tions, qui  ne  se  ressemblent  pas;  l'une  est  publiée  (huis  les 
Mémoires  de  Condé,  t.  III,  p.  693,  l'autre  dans  le  XVIe  siècle  et  les 
Valois,  par  le  comte  de  la  Ferrière,  p.  76. 

4.  Lettre  originale  de  Paul  de  Foix,  du  6  juin  1562  (f.  IV., 
vol.  6612,  f.  54). 

5.  Lettres  d'Antoine  de  Bourbon  et  de  Jchanne  d'Âlbret,  p.  257. 
Dans  nue  autre  lettre  (p.  '268),  il  conseille  à  Philippe  II  coruiitis 
ménagements  pour  la  reine  Elisabeth. 


330  ANTOINE    DE    BOURBON 

Normandie  pour  prix  de  son  secours1.  Le  lendemain, 
Chantonay,  dont  la  perspicacité  est  cependant  aigui- 
sée par  la  haine,  écrit  au  roi  de  Navarre  qu'il  faut  se 
méfier  de  la  reine  Elisabeth,  «  combien  que  je  tiens, 
«  dit-il,  qu'elle  crye  plus  haut  qu'elle  n'a  envie  de 
«  mordre2.  »  La  chancellerie  espagnole  n'était  guère 
mieux  informée.  Le  1er  septembre,  l'ambassadeur  de 
France  à  Madrid  reçoit  de  la  bouche  même  de  Phi- 
lippe II  la  singulière  assurance  que  la  reine  Elisabeth, 
«  sans  se  désister  de  son  entreprise  en  France,  paraît 
«  s'cstre  fort  refroidie3.  » 

Ce  ne  fut  qu'au  commencement  de  septembre,  après 
la  prise  de  Bourges,  presque  à  la  veille  du  traité  de 
Hamptoncourt,  que  la  nouvelle  de  la  prochaine  livrai- 
son du  Havre  arriva  à  la  cour  de  France.  Aussitôt,  le 
roi  de  Navarre  tint  un  conseil  de  guerre.  Antoine  vou- 
lait continuer  la  campagne  par  le  siège  d'Orléans, 
mais  la  majorité  décida  que  l'invasion  anglaise  obli- 
geait le  roi  à  marcher  sur  Rouen 4  pour  empêcher  la 
Normandie  de  tomber  en  entier  aux  mains  des  enne- 
mis5. Le  1 1  septembre,  l'armée  royale  quitta  ses  cam- 
pements de  Bourges.  Le  12,  le  roi  de  Navarre  est  à 
Gien  ;  il  écrit  à  Guy  Chabot  de  Jarnac  en  Poitou  et  lui 
envoie  «  de  bonnes  et  gaillardes  forces  pour  se  faire 


1.  Orig.;  f.  Ir.,  vol.  6612,  f.  137. 

2.  Lettre  du  27  août  1562,  datée  <lo  Chartres  (Copie  du  temps; 
Arch.  mit.,  K.  1498,  n°  28). 

3.  Orig.,  daté  de  Madrid;  f.  IV.,  vol.  15877,  f.  5 

4.  Rouen,  Orléans,  Lyon  et  Bourges  étaient  les  quatre  princi- 
pales places  du  parti  tiuguenol  (Lettre  de  Sainte-Croix  dans  les 
Archives  curieuses,  t.  VI,  p.  106). 

5.  .1/,  moires  <(<  Claude  Haton,  i.  I,  \>.  285.  —  Mémoires  de  La  Noue, 

cil.    VII. 


ET    JEANNE    D'AI.BRET.  331 

«  passage1.  »  Le  15,  le  roi,  la  reine  et  la  cour  passent 
à  Ghàteaudun ,  le  1 G  à  Montargis ,  le  1 7  à  Chàteau- 
Landon,  le  19  à  Étampes2,  pendant  que  l'armée,  à 
marches  forcées,  traverse  la  Beauce.  La  reine  était 
décidée  à  «  employer  le  vert  et  le  sec  pour  avoir  rai- 
«  son  »  des  Anglais3.  Mécontente  du  roi  d'Espagne, 
qui  n'avait  pas  fourni  les  soldats  et  les  subventions 
promis  au  roi  de  France4,  elle  envoya,  sans  s'arrêter 
aux  soupçons  de  Chantonay,  Rambouillet  en  Alle- 
magne5; elle  signa  un  marché  avec  un  colonel  alle- 
mand, Frédéric  de  Reiffenberg,  qui  s'engageait  à  lever 
4,000  «  vrais  lansquenets,  »  et  ie  reçut  à  prêter  ser- 
ment le  %%  septembre  «  sur  sa  part  en  paradis  et  en 
«  foy  d'homme  de  bien0.  »  Pleine  d'ardeur  contre  les 
Anglais,  Catherine  caressait  encore  l'espérance  de 
ramener  le  prince  de  Gondé,  et  parlait  seulement  «  de 
«  lui  laver  bien  la  teste7.  »  Le  roi  de  Navarre,  au 
contraire,  se  montrait  intraitable  vis-à-vis  de  ses 
anciens   partisans8.    Le  roi   partit   avec  l'armée,    le 


1.  Lettre  du  12  septembre,  publiée  dans  le  catalogue  d'auto- 
graphes de  la  coll.  Morrisson,  p.  29. 

2.  Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  I,  p.  400  et  suiv. 

3.  Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  I,  p.  40i. 

4.  Lettre  de  Saint-Suplice  à  la  reine,  du  1er  septembre  1562, 
datée  de  Madrid  (Orig.,  f.  fr.,  vol.  15877,  f.  5).  Cette  lettre  four- 
nit de  curieux  détails  sur  la  pénurie  du  roi  d'Espagne. 

5.  En  annonçant  cette  nouvelle,  Chantonay  dit  :  «  Ses  allées 
me  sont  plus  suspectes  que  d'homme  qui  traicte  en  ce  costel  » 
(Lettre  du  24  septembre  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  89). 

G.  L'acte  du  serment,  daté  du  22  septembre,  esl  conservé  en 
original  aux  archives  des  Basses-Pyrénées,  E.  584. 

7.  Lettre  de  Chantonay  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  91. 

8.  Lettre  de  Chantonay,  «lu  \!  septembre,  dans  les  Mémoires  dt 
Condé,  t.  II,  p.  81. 


332  ANTOINE   DE    BOURBON 

%\  septembre,  d'Étampes  pour  Dourdan  * .  Catherine 
s'attarda  en  route,  aux  environs  de  Dreux,  pour 
rendre  visite  à  Diane  de  Poitiers  au  château  d'Anet, 
voyage  inattendu,  qui  cachait  sans  doute  une  négo- 
ciation mystérieuse 2 . 

La  ville  de  Rouen  était  tombée  au  pouvoir  du  parti 
huguenot  à  la  suite  d'une  émeute  locale,  pendant  la 
nuit  du  15  au  16  avril.  Le  lieutenant  du  roi,  Villebon 
d'Estouteville,  forcé  par  les  rebelles  dans  l'intérieur 
du  château,  avait  été  expulsé,  le  parlement  réduit  au 
silence  et  le  calvinisme  impatronisé  dans  les  églises3. 
Le  roi  de  Navarre,  informé  par  un  conseiller  de  par- 
lement, le  prieur  de  Baudribosc,  envoya  à  Rouen 
le  duc  de  Bouillon,  seigneur  du  tiers-parti,  réputé 
favorable  à  la  réforme.  Le  duc  fit  de  vains  efforts 
pour  rétablir  l'autorité  du  roi4.  Dépourvu  de  troupes, 
impuissant  à  désarmer  les  rebelles,  chaque  jour 
insulté  par  les  factieux,  plus  maîtres  que  lui  de  la 
ville,  il  quitta  Rouen  et  se  réfugia  à  Argentan  pour 
réunir  des  soldats.  Peu  de  jours  après  son  départ,  le 
dimanche,  3  mai,  à  la  suite  d'un  prêche,  toutes  les 
églises  de  Rouen  furent  envahies  et  pillées,  les  taber- 

1.  Lettre  de  Sainte-Croix  dans  les  Archives  curieuses,  t.  VI, 
p.  193. 

2.  Lettre  de  Chantonay,  du  12  septembre  1562,  dans  les  Mémoires 
de  Condé,  t.  II,  p.  81.  —  Autre,  ibid.,  p.  89. 

3.  Relation  des  troubles  excités  par  les  calvinistes  dans  la  ville 
de  Rouen  de  15157  à  1582  (dit  le  ms.  Pelhestre),  publiée,  en  1837, 
par  M.  Pottier.  Ce  manuscrit,  auquel  l'éditeur  a  ajouté  plusieurs 
pièces  intéressantes,  contient  d'amples  détails  sur  les  débuts  de 
la  réforme  à  Rouen. 

i.  La  réponse  officielle  des  habitants  de  Rouen  aux  communi- 
cations du  duc  de  Bouillon  est  imprimée  dans  les  Mémoires  de 
Gondé,  i.  111,  p.  302.  G'esl  un  réquisitoire  contre  le  parti  cm  ludique. 


ET    JEANNE    d'aLBRET.  333 

nacles  violés,  les  autels  et  les  statues  renversés,  les 
chaires  et  les  stalles  brûlées1.  Le  duc  de  Bouillon  revint 
aussitôt  à  Rouen,  mais  il  essuya  tant  de  menaces  qu'il 
s'enfuit  de  la  ville  pour  n'y  plus  revenir.  11  fut  suivi 
par  les  membres  du  parlement2;  ceux-ci,  après  avoir 
salué  le  roi  à  Monceaux,  se  réunirent  à  Louviers  et  y 
constituèrent  une  sorte  de  cour  de  justice  jusqu'au 
rétablissement  de  la  paix3.  La  ville  resta  au  pouvoir 
des  huguenots  et  fut  soumise  au  despotisme  le  plus 
dur.  Un  conseil,  composé  des  plus  audacieux  parmi  les 
rebelles,  dirigé  d'abord  par  le  s.  de  Morvillier4, 
puis  par  Gabriel  de  Lorges,  comte  de  Mongonmery, 
lieutenant  du  prince  de  Condé,  exerçait  tous  les  pou- 
voirs. Les  trésors  des  églises,  qui  avaient  pu  échapper 
au  pillage  du  3  mai,  furent  la  première  proie  de  ce 


LA  la  suite  du  manuscrit  cité  dans  l'avant-dernière  note, 
se  trouve  un  Inventaire  des  ornemens  pille:  et  volez  aux  esglises 
de  Nostre  Dame,  Saint  Ouen  et  autres  en  l'année  1562  à  Rouen 
(Ve  de  Golbert,  vol.  270).  Suivent  trois  autres  pièces  sur  le  même 
sujet. 

2.  Les  lettres  du  parlement  de  Rouen  au  roi  pendant  cette 
période  portaient,  d'après  un  chroniqueur,  cette  souscription  sin- 
gulière :  «  de  par  ceux  qui  souloient  tenir  et  ne  tiennent  plus 

vostre  cour  de  parlement  de  Rouen  »  (Journal  de   1562  dans  la 
Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  104). 

3.  La  déclaration  du  roi  qui  transfère  le  parlement  de  Rouen  à 
Louviers  est  du  22  juillet  [Mémoires  de  Condé,  t.  III,  p.  557).  — Le 
26  août,  ils  rendirent  un  arrêt  barbare  qui  mettait  les  ministres 
hors  la  loi.  Voir  sur  cet  arrêt  YHist.  du  pari,  de  Normandie,  par 
M.  Floquet,  t.  II,  p.  528.  —  Commission  du  duc  d'Aumale  pour 
la  séance  de  la  commission  du  parlement  envoyée  à  Louviers, 
du  27  août  (Copie;  coll.  Brienne,  vol.  206,  f.  73). 

4.  Louis  de  Lannoy,  seigneur  de  Morvillier,  gouverneur  de 
Boulogne-sur-Mer.  Il  a  laissé  un  mémoire  apologétique  de  sa  con- 
duite, qui  est  imprimé  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  V,  p.  246. 


334  ANTOINE   DE   BOURBON 

capitaine1.  Bientôt  il  assaillit  les  villes  voisines.  Vire 
succomba  en  juillet2.  Pontorson  fut  pris,  rançonné  et 
pillé  au  mois  d'août3.  Mongonmery  étendait  sur  tous 
ses  voisins  sa  main  de  fer,  nouait  des  rapports  avec 
l'Angleterre,  avant  même  la  signature  du  traité  d'Hamp- 
toncourt4,  remplaçait  les  officiers  du  roi  fugitifs5  et 
sommait  toutes  les  villes  de  la  Normandie  de  se  mettre 
sous  la  protection  de  Rouen0.  Prévoyant  que  l'armée 
royale  allait  fondre  sur  lui,  il  s'efforçait  de  discipliner 
les  bandes  que  le  goût  du  pillage  avait  réunies  sous  son 
commandement.  Le  19  août,  il  rendit  une  ordonnance 
sévère  qui  expulsait  des  rangs  les  vagabonds  et  gens 
sans  aveu,  proscrivait  les  désordres,  les  duels,  les 
désertions,  les  vols,  les  actes  d'indiscipline,  sous  peine 
de  la  hart,  et  fixait  les  gages  des  capitaines  et  des  sol- 
dats7. En  septembre,  il  reçut  un  secours  commandé 

1.  L'inventaire  du  trésor  do  Saint-Oueu  est  imprimé  dans  la 
Normandie  chrétienne,  p.  604,  par  Favin. 

2.  Quittance  dos  reliques  des  églises  do  Vire  remises  à  Mon- 
gonmery, datée  du  29  juillet  (Orig.  signé  de  Mongonmery;  f.  fr., 
vol.  3190,  f.  14). 

3.  Lettre  des  habitants  de  Pontorson  au  duc  d'Aumale,  datée 
du  12  août  1562  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  3190,  f.  18). 

4.  Enquête  et  interrogatoire  de  Habland  Mauser,  serviteur  de 
Mongonmery,  touchant  les  faits  de  son  maître  (Copie  du  temps; 
f.  fr.,  vol.  6618,  f.  147  et  149). 

5.  Ordonnance  de  Mongonmery  datéedu  20  septembre  [Mémoires 
de  Condé,  t.  III,  p.  088). 

r>.  (  ordonnance  de  Mongonmery  datée  du  23  septembre  (Mémoires 
de  Condé,  t,  III,  p.  706). 

7.  Un  exemplaire  do  cette  ordonnance  imprimée,  datée  de  Saint- 
Lô  ci  <hi  11)  août  1562,  fui  envoyé  à  Philippe  IL  et  se  retrouve 
actuellement  aux  Archives  nationales,  K.  1496,  n°  112.  Voici  le 
tableau  <\r>  gages  de  chaque  grade  :  a  <  lapitaines  de  gens  d'armes, 
100  livres  tournois  par  mois;  cornettes,  50;  maréchal  des  logis, 
50 ;  chaque  homme  à  cheval,  16;  chacun  fourrier,  lf>:  le  trom- 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  335 

par  le  s.  de  Bricquemaut.  Quelques  jours  après,  Coli- 
gny adressa  trois  lettres  aux  capitaines  de  Rouen, 
l'une  à  Mongonmery,  du  22  septembre,  l'autre  aux 
capitaines,  du  24,  la  troisième  à  Bricquemaut,  du  25 
du  mois.  Ces  trois  lettres  annonçaient  l'attaque  de 
l'armée  royale  et  donnaient  des  nouvelles  du  secours 
que  d'Andelot  amenait  d'Allemagne.  Elles  étaient 
écrites,  de  la  main  même  de  Coligny,  sur  une  toile 
blanche  taillée  en  forme  de  pourpoint.  Le  messager, 
envoyé  d'Orléans  à  Rouen  à  travers  un  pays  sillonné 
par  des  corps  de  partisans,  portait  sur  lui  ces  ordres 
cousus  dans  la  doublure  de  son  pourpoint [ . 

Le  roi  de  Navarre  préparait  le  siège  de  Rouen 
depuis  le  commencement  de  la  guerre2.  Après  l'échec 
de  la  mission  du  duc  de  Bouillon,  le  duc  d'Aumale 
avait  reçu  l'ordre  de  se  rendre  en  Normandie  avec  des 
troupes  et  de  resserrer  la  ville3.  Pendant  que  le  duc 
se  dirigeait  à  petites  journées  vers  Darnetal4,  la  reine 

pette,  12  ;  capitaines  de  gens  d'armes,  100;  chacun  lieutenant,  50; 
chaque  enseigne,  30;  chacun  sergent,  20;  chacun  capporal,  18; 
chacun  tabourin  et  fifre,  12;  chacun  fourrier,  12;  chacun  corce- 
let,  10  ;  chaque  arquebusier  morionné,  10  ;  les  autres  sans  morion, 
8;  la  pique  sèche,  7.  » 

1.  Ces  trois  lettres,  tirées  des  Archives  nationales  («F.  969),  sont 
actuellement  conservées  au  Musée  des  Archives  (n°  606).  Elles 
ont  été  plusieurs  fois  publiées  :  par  le  citoyen  Camus ,  dans 
Notices  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  nationale,  t.  VII,  2e  pa  rtie, 
p.  217  ;  dans  le  Musée  des  Archives,  n°  666  ;  par  le  comte  Délai  torde 
dans  Gaspard  de  Coligny,  t.  II,  p.  153. 

2.  Lettres  de  Catherine  de  Médias,  t.  I,  p.  323,  327,  etc. 

3.  Lettres  de  Chantunay  à  Philippe  II.  du  1 1  et  du  28  mai  1562 
(Orig.  espagnol,  Arch.  nat.,  K.  1497,  nos  30  et  36).  —  La  com- 
mission du  duc  dAumale,  datée  du  5  mai,  est  imprimée  dans 
les  Mémoires  de  Condé,  t.  III,  p.  436. 

4.  Le  duc  d'Aumale  partit  de  Paris  pour  Rouen  le  9  mai,  avec 


336  ANTOINE    DE    BOURBON 

mère  et  le  roi  de  Navarre  envoyèrent  à  Rouen  Henri 
Clutin,  s.  d'Oysel,  pour  «  semondre  »  les  rebelles  et  leur 
offrir  le  pardon  du  roi,  à  la  condition  qu'ils  dépose- 
raient les  armes  et  restitueraient  les  biens  des  églises1. 
Au  commencement  de  juillet,  Antoine  prit  des  mesures 
plus  énergiques.  Le  7,  il  commanda  au  duc  d'Aumale 
de  réunir  toutes  les  troupes  disponibles  dans  les  gar- 
nisons de  la  Normandie,  et  de  circonvenir  la  ville  en 
attendant  les  renforts  de  l'armée  royale2.  Le  duc  de 
Bouillon,  suspect  à  la  cour  par  ses  tendances,  suspect 
au  parti  réformé  par  sa  fidélité  au  roi,  s'était  plaint 
de  la  défaveur  qui  avait  suivi  son  échec  de  Rouen3  ; 
Antoine  lui  envoya  une  commission  pour  lever  trois 
compagnies  de  chevau- légers  et  d'arquebusiers  à 
cheval1.  Sébastien  de  Luxembourg,  vicomte  de  Mar- 
tigues,  et  le  s.  de  Matignon,  qui  étaient  en  Bretagne, 
reçurent  aussi  l'ordre  de  se  rendre  en  Normandie5. 

400  hommes  d'armes  et  2,000  hommes  de  pied  pour  Rouen  (Jour- 
nal de  1562  dans  la  Revue  rétrospective,  t.  V,  p.  104).  Au  com- 
mencement de  juin,  il  envoya  chercher  de  l'artillerie  à  Vincennes 
(Ibicl,  p.  113  et  114). 

1.  L'instruction  du  roi  à  d'Oysel,  datée  du  29  mai  1562,  est 
conservée  en  copie  dans  la  coll.  Brienne,  vol.  205,  f.  506.  — 
Le  18,  la  reine  avait  adressé  une  première  injonction  aux  gens 
de  Rouen  [Lettres  de  Catherine  de  Médias,  t.  I,  p.  317). 

2.  Minute  datée  du  7  juillet  etdu  camp  de  Blois  (f.  i'r.,  vol.  15876, 
f.  217). 

3.  Deux  instructions  du  duc  de  Bouillon  au  capitaine  Berthe- 
ville  envoyé  au  roi  de  Navarre,  datées  du  14  juillet  1562  (Orig.; 
f.  IV.,  vol.  15876,  f.  245  el  247).  La  seconde  de  ces  instructions  a 
été  imprimée  par  le  comte  de  la  Ferrière  dans  la  Normandie  à 
l'étranger,  p.  5,  note. 

i.  Lettres  d'Antoine  de  Bourbon  et  tic  Jehanne  d'Albret,  p.  260. — 
Instructions  d'Antoine  à  Bertheville  (Ibid.,  p.  261). 

5.  Lettres  du  roi  du  18  août  1562  (Preuves  de  ['Histoire  di  Bre- 
tagne de  doin  Moine,  t.  111,  col.  1318 


ET   JEANNE    d'ALBRET.  337 

L'armée  royale  arriva  par  détachements  le  27  sep- 
tembre sous  les  murs  de  Rouen.  Le  roi  de  Navarre, 
lieutenant  général  du  roi,  commandait  en  chef;  il 
était  accompagné  de  Charles  de  la  Rochefoucauld, 
seigneur  de  Randan,  colonel  général  de  l'infanterie,  du 
s.  d'Ossun,  maréchal  de  camp,  de  Richelieu  et  de 
Sarlabous,  mestres  de  camp1.  Le  duc  de  Guise  et  le 
connétable  étaient  soumis  aux  ordres  du  prince.  Le 
28,  le  duc  de  Guise  établit  son  camp  à  Tourvillc, 
et,  le  29,  à  Darnetal,  aux  portes  de  Rouen2.  Le  même 
jour,  les  pionniers  entamèrent  la  tranchée  du  côté 
de  la  porte  Saint-Hilaire,  et  les  45  pièces  d'artillerie 
furent  braquées  contre  le  fort  Sainte-Catherine3.  Avant 
de  commencer  le  feu,  le  roi  de  Navarre  fit  sommer 
par  un  trompette  la  ville  de  se  rendre,  aux  conditions 
que  Bourges  avait  acceptées.  Le  trompette  fut  expulsé 
sans  avoir  pu  remplir  sa  mission4.  La  valeur  et 
l'énergie  de  Mongonmery  présageaient  une  défense 
acharnée.  Rouen,  la  première  ville  du  Nord,  était  la 
clef  de  l'alliance  anglaise,  et  le  prince  de  Condé  y  avait 
réuni  la  fleur  de  son  armée. 

Le  29  septembre,  après  une  courte  batterie,  l'ar- 

1.  Le  roi  de  Navarre  touchait  2,500  livres  par  mois;  Randan, 
300  livres  ;  d'Ossun,  300  livres  ;  Richelieu  et  Sarlahous,  200  livres 
(États  de  l'armée  devant  Rouen  pour  le  mois  de  septembre  ;  Copie 
du  temps;  Ve  de  Golbert,  vol.  24,  pièce  105). 

2.  Mémoires-journaux  de  Guise,  dans  la  coll.  Michaud  et  Pou- 
joulat,  p.  496.  On  a  imprimé  Rouville  au  lieu  de  Tourville. 

3.  André  Thevet  a  publié  à  Paris,  chez  Mathurin  Breuille, 
sans  date,  en  une  planche  in-folio,  un  plan  en  perspective  du 
camp  des  assiégeants  et  de  la  ville  de  Rouen.  On  en  conserve  un 
exemplaire  dans  le  f.  IV.,  vol.  10193,  f.  223  bis. 

4.  Lettre  de  Ghantonay  dans  les  Mémoires  de  Coudé,  t.  II,  p.  92. 

iv  22 


338  ANTOINE   DE   BOURBON 

mée  royale  se  lança  à  l'assaut  du  fort  Sainte-Catherine 
et  fut  repoussée;  le  lendemain,  elle  attaqua  la  porte 
Saint -Hilaire.  Le  1er  octobre,  les  soldats  du  fort 
Sainte-Catherine,  sous  le  commandement  de  Mon- 
gonmery,  firent  une  sortie  à  l'improviste  et  péné- 
trèrent jusqu'au  milieu  du  camp  royal.  Il  y  eut 
un  moment  de  trouble  dans  l'armée  catholique,  que 
les  huguenots  auraient  pu  changer  en  déroute  s'ils 
avaient  été  plus  nombreux1.  Charles  de  la  Rochefou- 
cauld-Randan,  colonel  général  de  l'infanterie,  se  jeta 
au-devant  des  ennemis  avec  quelques  gens  de  pied. 
Son  héroïque  résistance  donna  aux  autres  capitaines 
le  temps  de  rallier  l'armée.  Mongonmery  battit  en 
retraite  devant  des  forces  supérieures.  Randan,  blessé 
à  mort,  languit  quelques  jours  et  mourut2. 

Les  succès  de  Mongonmery  enflammaient  d'ardeur 
les  défenseurs  de  Rouen.  Deux  capitaines,  Rouvray  et 
Valfenières,  arrivèrent  de  Dieppe  avec  une  troupe  de 
50  cavaliers,  forcèrent  le  blocus  et  pénétrèrent  dans 
la  ville.  Quelques  jours  après,  une  galère,  armée 
de  douze  gros  canons  et  pourvue  de  munitions, 
remonta  la  Seine  à  l'aide  de  la  marée,  et,  malgré  un 
feu  terrible,  franchit  les  retranchements.  Plusieurs 
compagnies  anglaises,  détachées  du  Havre,  rejoi- 
gnirent la  garnison  à  la  faveur  de  sorties  heureuses. 
La  dame  de  Mongonmery  entra  à  Rouen  avec  ses 


1.  Lettre  anonyme  publiée  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  IV, 
p.  39. 

2.  La  date  de  sa  mort  est  un  peu  incertaine.  Le  Père  Anselme 
dit  le  4  novembre.  Il  est  certain  qu'il  n'était  pas  mort  à  la  date  du 
21  octobre  (Lettre  de  Uobertet  à  Nemours,  de  cette  date;  autog., 
f.  IV.,  vol.  3200,  f.  135). 


ET   JEANNE   D'ALBRET.  339 

enfants.  Mongonmery  avait  établi  une  discipline 
implacable  et  veillait  jour  et  nuit  sur  les  murs.  Les 
femmes  étaient  employées  à  la  préparation  des  muni- 
tions, les  catholiques  aux  transports  déterre,  les  bour- 
geois à  la  garde  des  murs,  les  hommes  capables  de 
porter  les  armes  aux  sorties.  L'armée  royale  n'était 
pas  moins  bien  conduite.  Les  soldats  marchaient  à  la 
tranchée  avec  un  entrain  de  vieilles  troupes,  et  les 
princes  payaient  de  leur  personne  comme  de  simples 
capitaines. 

Le  6  octobre,  après  une  batterie  furieuse,  le  roi 
de  Navarre  lance  les  bandes  de  gens  de  pied  sur 
les  glacis  du  fort  Sainte-Catherine ,  à  l'heure  où  les 
compagnies  de  la  ville,  fatiguées  par  des  sorties 
presque  journalières,  prenaient  habituellement  leur 
repos.  Les  murs  de  la  forteresse  se  couvrent  de  sol- 
dats. Les  troupes  protestantes,  appelées  à  la  res- 
cousse par  les  cris  des  combattants,  accourent  aux 
portes  du  fort.  Mais  les  catholiques,  supérieurs  par  le 
nombre  et  l'armement,  étaient  déjà  victorieux.  Le 
capitaine  Louis,  commandant  du  fort,  est  tué1.  Les 
huguenots  sont  chassés  avec  de  grandes  pertes  et 
se  retirent  sur  un  mamelon  fortifié,  à  peu  de  dis- 
tance du  premier.  Assaillis  par  l'armée  royale  qui 
les  suivait  pas  à  pas,  ils  sont  débusqués  de  leurs 
retranchements  et  refoulés  dans  l'intérieur  de  la 
ville  avec  les  compagnies  de  bourgeois  venus  à  leur 
secours.  Quelques  capitaines,  entraînés  par  l'ardeur 
de   la  lutte,   entrent  pêle-mêle  avec    les   assiégés. 


1.  Relation  des  troubles  excités  par  les  calvinistes  (Mss.  Polhestre), 
publiée  par  André  Pottier,  in-8°,  1837. 


340  ANTOINE    DE   BOURBON 

Malheureusement,  ils  ne  peuvent  être  soutenus  et 
succombent  les  armes  à  la  main  après  des  prodiges 
de  valeur l . 

La  reine  mère  informa  le  parlement  de  Paris2,  et  le 
roi  de  Navarre  l'ambassadeur  d'Espagne,  de  la  vic- 
toire de  l'armée  catholique  sur  les  ennemis  communs. 
«  L'on  est  entré  d'assault,  mais  ce  a  esté  si  furieuse- 
«  ment  que  l'on  n'a  jamais  veu  combatre  mieux,  dont, 
«  pour  la  grande  conséquence  qu'elle  porte  à  ceste 
«  entreprise,  je  n'ay  voulu  faillir  à  vous  advertir3.  » 
La  prise  du  mont  Sainte-Catherine  permettait  à  l'ar- 
mée royale  de  diriger  des  feux  plongeants  sur  la  ville. 
Deux  batteries  furent  établies  sur  les  ruines  du  fort, 
l'une  dans  la  direction  de  la  porte  Martinville,  l'autre 
de  la  porte  Saint-Hilaire.  La  première,  battue  jour  et 
nuit  de  front  par  les  nouveaux  ouvrages  d'artillerie, 
de  côté  par  les  anciens,  fut  bientôt  ébranlée.  Déjà, 
la  largeur  de  la  brèche  conviait  l'armée  à  l'assaut. 
Le  8,  le  roi  de  Navarre  ordonna  l'attaque  pour  le  len- 
demain. Pendant  la  nuit,  les  piliers  de  la  porte  furent 
relevés  et  les  bastions  couronnés  d'armes  nouvelles. 
Quelques  jours  après,  une  vieille  tour,  dite  la  tour  du 
Colombier,  garnie  de  meurtrières,  qui  servait  de  poste 
principal  aux  arquebusiers  huguenots,  fut  tellement 


1.  La  prise  du  fort  Sainte-Catberine,  la  clef  de  la  ville  de  Rouen, 
est  racontée  dans  une  lettre  du  roi  à  du  Mortier  de  l'Isle,  du 
24  octobre  (Cnpie  du  temps;  f.  fr.,  vol.  17988,  f.  40  v°),  et  dans 
une  lettre  de  Robertet  à  Nemours  (Lettres  de  Catherine  de  Médi- 
cis,  t.  I,  p.  414,  note).  Le  parlement  de  Paris  ordonna  des  actions 
de  places  (Arrêt  du  7  octobre;  Mémoires  de  Condé,  t.  IV,  p.  41). 

2.  Mémoires  de  Condé,  t.  IV,  p.  41. 

3.  Lettre  du  roi  de  Navarre  à  Cbantonay,  du  G  octobre  1562 
(Copie;  Arcb.  nat.,  K.  1500,  n°  9). 


ET   JEANNE   D'ALBRET.  341 

battue  par  l'artillerie  catholique,  qu'elle  s'écroula  en 
partie.  Au  lever  du  jour,  elle  était  rétablie  à  l'aide  de 
gros  madriers  garnis  de  terre,  et  elle  rouvrit  son  feu 
contre  les  assiégeants. 

Le  9  octobre,  la  reine  mère  fut  informée  par 
Beauvoir  la  Nocle,  l'un  des  promoteurs  du  traité  de 
Hamptoncourt,  de  l'arrivée  de  4,000  Anglais  au  Havre 
et  de  4,000  à  Dieppe,  «  pour  la  gloire  de  Dieu 
«  et  la  délivrance  de  la  minorité  du  roi1.  »  Cette 
nouvelle,  destinée  à  effrayer  le  conseil  du  roi,  fut 
heureusement  corrigée  le  même  jour  par  la  lettre 
d'un  capitaine  de  Harfleur,  qui  apprenait  à  la  reine 
que  l'armée  anglaise  comptait  à  peine  en  tout 
400  hommes.  Mais  le  voisinage  de  la  rose  rouge 
suffisait  à  maintenir  l'ardeur  des  assiégés2.  Une  com- 
pagnie anglaise  de  500  hommes,  commandée  par  le 
capitaine  Grey,  rompit  le  blocus  et  entra  dans  Rouen. 
Le  même  jour,  plusieurs  navires  chargés  de  vivres 
et  de  munitions  s'efforcèrent  de  briser  les  bar- 
rières que  l'armée  royale  avait  accumulées  sur  la 
Seine  ;  l'un  d'eux  échoua  et  tomba  aux  mains  des 
catholiques;  les  autres  reculèrent,  et,  profitant  du 
courant,  disparurent  le  long  de  la  rivière. 

Le  1 3  octobre,  le  roi  de  Navarre  ordonna  un  assaut 
général.  A  dix  heures  du  matin,  l'armée  se  précipita 
sur  la  brèche  que  défendaient  les  Anglais.  Après  un 
long  combat,  les  assaillants  furent  repoussés.  Ils 
revinrent  en  bon  ordre  avec  de  nouvelles  troupes, 

1.  Cette  lettre,  datéo  du  Havre  et  du  7  octobre,  est  conservée 
en  original  dans  le  f.  t'r.,  vol.  15877,  f.  17."). 

2.  Lettre  datée  d'Harfleur  et  du  8  octobre  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  15877, 
f.  189). 


342  ANTOINE   DE   BOURBON 

pendant  que  l'artillerie  nettoyait  la  crête  des  murs. 
D'autres  compagnies  se  portèrent  sur  les  autres  points 
de  la  ville.  Tous  leurs  efforts  furent  inutiles.  Le  len- 
demain, au  lever  du  jour,  le  roi  envoya  en  parlemen- 
taire l'abbé  de  Vély  à  Rouen.  L'abbé  fut  reçu  à  l'hô- 
tel de  ville  et  pressa  le  conseil  de  capituler.  Le  conseil 
ajourna  sa  réponse  au  soir  même.  Pendant  les  pour- 
parlers, le  roi  de  Navarre  tenta  une  nouvelle  surprise. 
Les  troupes  montèrent  à  l'assaut  avec  autant  d'ardeur 
que  la  veille.  Mongonmery  s'attendait  peut-être  à 
l'attaque  ;  il  avait  fait  cacher  ses  troupes  et  démasqua 
brusquement  ses  lignes  de  défense  au  premier  feu. 
L'armée  royale  fut  repoussée  et  rentra  dans  ses  can- 
tonnements après  avoir  perdu  plus  de  G00  hommes  l. 
De  Thou  et  d'Aubigné,  d'après  de  Bèze  et  La  Popeli- 
nière,  racontent  un  curieux  incident  de  ce  combat.  Un 
gentilhomme  huguenot,  appelé  François  de  Civile,  reçut 
une  balle  dans  le  cou  et  tomba  au  pied  d'un  des  bastions. 
Le  soir,  les  fossoyeurs  de  l'armée  le  trouvèrent  sans 
connaissance,  le  dépouillèrent  et  l'enterrèrent.  Cepen- 
dant le  valet  de  Civile  cherchait  partout  son  maître. 
Il  apprit  qu'il  avait  été  tué  et  obtint  de  Mongonmery 
l'autorisation  de  retirer  le  corps  de  la  fosse  commune 
pour  le  rapporter  à  sa  famille.  On  déterra  les  cadavres, 
<jui,  pour  la  plupart,  avaient  été  frappés  au  visage  et 
étaient  défigurés  par  leurs  blessures.  Le  valet  ne  put 
reconnaître  celui  qu'il  cherchait  et  les  remit  dans  la 
tombe.  L'un  d'eux  avait  été  couché  le  bras  en  l'air. 
Le  valet  se  disposait  à  le  recouvrir  de  terre  quand  il 


1.  Ce  combat  est  raconté  avec  détails  dans  une  lettre  de  Marc- 
A u util te  Barbaro, du  18 octobre  (Dépêches  vénit.,  filza  ibis,  1*.  150). 


ET   JEANNE    d'aLBRET.  343 

vit  scintiller  au  clair  de  lune  une  bague  ornée  de  dia- 
mants que  son  maitre  portait  habituellement.  Aussitôt 
il  releva  le  corps,  et,  lui  trouvant  un  reste  de  cha- 
leur, il  l'apporta  au  monastère  de  Sainte-Claire,  où 
Mongonmery  avait  établi  l'hospice  des  blessés.  Les 
chirurgiens  de  l'armée  l'examinèrent  et  déclarèrent 
qu'il  était  mort.  Chassé  du  couvent,  le  valet  le  déposa 
alors  dans  l'hôtellerie  où  il  était  logé  et  le  pansa  soi- 
gneusement. L'infortuné  Civile  ne  donnait  aucun  signe 
de  vie.  Enfin,  le  soir  du  quatrième  jour,  il  ouvrit  les 
yeux  et  put  prendre  un  peu  de  nourriture.  Dès  lors, 
son  rétablissement  était  assuré.  Le  jour  de  la  prise  de 
Rouen,  au  milieu  du  sac  de  la  ville,  des  soldats  catho- 
liques reconnurent  à  l'hôtellerie  le  capitaine  huguenot, 
le  criblèrent  de  nouvelles  blessures  et  le  jetèrent 
par  la  fenêtre.  La  fortune  le  secourut  encore  une 
fois.  Il  tomba  sur  un  tas  de  fumier  et  ne  se  fit 
aucun  mal.  Pendant  trois  jours,  il  ne  reçut  aucun  soin. 
Enfin,  un  capitaine  normand,  nommé  du  Croisset, 
son  parent,  voulant  lui  donner  une  sépulture  hono- 
rable, le  fit  porter  dans  un  château  du  voisinage  où 
l'on  reconnut  qu'il  vivait  encore.  Il  fut  pansé  et  gué- 
rit. Il  était  plein  de  vie,  dit  de  Thon,  quarante  ans 
après  le  siège  de  Rouen,  et  avait  continué  son  service 
dans  les  armées  du  prince  de  Condé4. 

Cependant,  le  siège  se  poursuivait  avec  des  alterna- 
tives diverses.  Les  princes,  les  hauts  seigneurs  de 
l'armée  donnaient  l'exemple  et  s'exposaient  au  feu 
comme  de  simples  capitaines.  «  Il  est  à  craindre  qu'il 
«  n'en  advienne  quelque  désastre,  »  écrit  Chantonay 

1.  De  Thou,  1740,  t.  El, p.  330.  — D'Aubigné,  1626, 1. 1,  col.  221. 


344  ANTOINE   DE   BOURBON 

en  signalant  la  bravoure  du  duc  de  Guise1.  Le  roi  de 
Navarre  était  un  des  plus  hardis  et  se  mettait  en  avant 
à  la  moindre  escarmouche.  Il  avait  voulu  reconnaître 
en  personne  les  approches  du  fort  Sainte-Catherine2. 
Le  1 6  octobre,  pendant  un  combat  violent,  il  ne  quitta 
pas  les  avant-postes  et  passa  une  partie  de  la  journée 
dans  une  tranchée  menacée  par  les  feux  convergents 
de  l'ennemi.  Il  y  fit  servir  son  repas  et  consentit  à 
peine  à  s'abriter  derrière  un  mur.  Un  de  *ses  pages, 
qui  lui  versait  à  boire,  fut  atteint  par  un  projectile 
à  ses  pieds.  Un  capitaine,  presque  à  côté  de  lui,  fut 
frappé  à  mort  «  estando  asi  mismo  meando3.  »  Le 
prince,  entraîné  par  le  feu  du  combat,  se  riait,  dit 
Chantonay,  de  toute  précaution.  Il  eut  l'imprudence 
de  s'écarter  un  moment  du  talus  et  de  se  découvrir 
au  lieu  même  où  le  capitaine  avait  été  tué,  et  pour 
le  même  objet.  Aussitôt,  il  reçut  à  l'épaule  gauche, 
de  haut  en  bas,  une  arquebusade  qui  le  renversa  en 
arrière4. 

Presque  en  même  temps,  le  duc  de  Guise  fut  frappé 
au  bras  d'un  coup  de  pierre  lancée  par  un  fauconneau5. 

1.  Lettre  du  2  octobre  (Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  92). 

2.  Lettre  du  roi  à  du  Mortier  de  l'Isle,  du  24  octobre  (Copie  du 
temps;  f.  fr.,  vol.  17988,  f.  40  v°). 

3.  Lettre  de  Chantonay  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  97. 
—  Autre  du  même,  beaucoup  plus  détaillée,  adressée  à  Philippe  II, 
le  19  octobre  1562  (Orig.  espagnol  ;  Arch.  nat.,  K.  1496,  n°  119). 

4.  Smith  écrit  à  lord  Cecil  que  la  même  arquebusade  blessa 
le  roi  de  Navarre  au  genou  et  qu'il  reçut,  en  outre,  un  coup  de 
pique  dans  le  flanc  (Calendars,  1562,  p.  375).  Aucun  autre  contem- 
porain ne  parle  de  ces  deux  blessures. 

5.  Lettre  citée  par  le  comte  de  la  Perrière  (Lettres  de  Catherine 
de  Médicis,  t.  I,  p.  420,  note).  —  Lettre  de  Smith  (Calendars,  1562, 
p.  375). 


ET   JEANNE   t/ALBRET.  345 

Il  s'approcha  cependant  du  prince,  le  releva  et  aida  à  le 
placer  sur  une  civière.  Le  blessé  fut  conduit  dans  le 
logis  du  Rhingrave.  La  reine  mère,  le  prince  de  la 
Roche-sur- Yon,  le  connétable  accoururent  au  chevet 
de  son  lit.  Les  chirurgiens  sondèrent  longuement  sa 
plaie  sans  réussir  à  trouver  la  balle.  La  blessure 
paraissant  grave,  on  transporta  le  prince  dans  une 
maison  éloignée  du  champ  de  bataille,  à  Darnetal, 
château  appartenant  au  maréchal  de  Vieilleville,  assez 
loin  de  Rouen  pour  être  à  l'abri  d'un  retour  offensif 
des  troupes  huguenotes.  Pendant  la  route,  le  prince 
souffrit  cruellement  et  les  porteurs  furent  plusieurs  fois 
obligés  d'interrompre  leur  marche.  Un  soupçon,  que 
personne  n'avouait  à  haute  voix,  troublait  les  assis- 
tants. On  doutait,  d'après  la  direction  de  l'arquebu- 
sade,  qu'elle  eût  été  tirée  de  la  ville.  Le  lieutenant 
général  aurait  donc  été  lâchement  assassiné  par  un  de 
ses  compagnons  d'armes { .  Peu  de  jours  auparavant, 
le  duc  de  Guise  avait  fait  arrêter  un  gentilhomme  du 
Maine,  qui  avait  avoué  l'intention  de  l'assassiner.  Le 
duc  voulut  l'interroger  lui-même  «  pour  sçavoir  s'il 
«  avoit  reçeu  quelque  desplaisir  de  luy.  11  respondit 
«  que  non.  Sur  quoy  le  duc  de  Guise  lui  dit  :  Qui  t'a 
«  donc  porté  à  attenter  sur  ma  vie?  C'est  le  seul  zèle 
«  que  j'ay  pour  ma  religion,  respondit  l'assassin, 
«  d'autant  que  j'ay  creu  que  vostre  mort  lui  serviroit 
«  d'un  grand  avancement.  Si  ta  religion,  repartit  le 
«  duc  de  Guise,  t'apprend  à  assassiner  ceux  qui  ne 

1.  Pièce  du  temps  ajoutée  aux  Mémoires  du  duc  de  Nevers,  t.  II, 
p.  576.  —  Lettre  de  Ghalloner  à  lord  Gecil  {Oalendavs,  1562, 
p.  i82).  Cet  agent  accuse  le  duc  de  Guise  d'avoir  voulu  se  débar- 
rasser de  sou  rival.  —  P.  Mathieu,  dans  son  Hist.  de  France,  dit  que 


346  ANTOINE  DE   BOURBON 

«  t'ont  jamais  offensé,  la  mienne  m'apprend  à  par- 
ce donner  à  mes  ennemys;  c'est  pourquoy  va-t'en  en 
«  toute  liberté,  afin  que  tu  ayes  le  loisir  d'apprendre 
«  désormais  une  meilleure  leçon1.  » 

Pendant  que  les  capitaines  livraient  de  glorieux 
combats,  la  reine  mère  s'efforçait  d'arrêter  l'œuvre 
sanglante  de  la  guerre.  Elle  envoya  des  sauf- con- 
duits à  certains  habitants  de  Rouen  choisis  parmi 
les  notables.  Trois  personnages  d'autorité,  Jean 
Dubosc  d'Émandreville,  président  à  la  cour  des  aides, 
Michel  de  Roquemare,  vieux  capitaine  des  armées 
d'Italie,  Jean  Ferry  de  Durescu,  vinrent  au  camp  de 
l'armée  royale.  La  reine  les  harangua  elle-même  et 
leur  promit  la  liberté  de  conscience  et  une  amnistie 
générale2.  Ces  négociations  portèrent  leurs  fruits  et 
les  modérés  accueillirent  un  projet  de  capitulation  qui 
laissait  sortir  les  soldats  avec  les  honneurs  de  la  guerre. 
La  ville  devait  payer  une  somme  de  80,000  livres  pour 
se  racheter  du  pillage,  et  le  roi,  par  des  lettres  de 
sauvegarde,  garantissait  les  habitants  de  toute  recherche 


cette  opinion  était  généralement  adoptée  dans  l'entourage  de 
Henri  IV  et  que  Henri  IV  lui-même  la  partageait.  L'accusation 
ne  présente  aucun  fondement. 

1.  La  Fortune  de  la  cour,  1642,  p.  317.  — Le  marquis  de  Bouille 
reproduit  ce  récit  d'après  l'histoire  manuscrite  des  Guises  par 
Oudin  (Hist.  des  Guises,  t.  II,  p.  213).  —  Ces  derniers  mots  rap- 
[ii'lleut  les  beaux  vers  de  Voltaire  : 

Des  Dieux  que  nous  servons,  connais  la  différence; 
Le  tien  t'a  commandé  le  meurtre  et  la  vengeance, 
Et  le  mien,  quand  ton  bras  vient  de  m'assassiner, 
M'ordonne  de  te  plaindre  et  de  te  pardonner. 

2.  Lettre  de  Marc-Antoine  Barbaro,  du  21  octobre  (Dépêches 
vénit.,  filza  4  bis,  f.  152). 


ET   JEANNE   d'ALBRET.  347 

ultérieure1.  Le  conseil  de  la  ville,  réuni  solennelle- 
ment dans  l'église  des  Gélestins,  refusa,  à  l'unanimité, 
toutes  les  propositions  de  la  reine.  Le  parti  huguenot 
tenait  la  ville  en  telle  sujétion  que  les  catholiques 
n'osèrent  prendre  part  aux  délibérations.  Les  gens  de 
guerre,  disposés  par  état  à  pousser  la  lutte  aux  der- 
nières extrémités,  les  séditieux  compromis  dans  les 
troubles  précédents,  les  ministres  protestants,  qui  ne 
pouvaient  espérer  de  salut  que  dans  la  victoire,  for- 
maient la  majorité  du  conseil  et  imposaient  silence  aux 
dissidents.  Les  assiégés,  tout  en  protestant  de  leur 
fidélité  au  roi,  jurèrent  de  s'ensevelir  sous  les  ruines 
de  leur  cité  plutôt  que  de  se  soumettre  à  la  faction 
des  Guises,  qui  disposait,  au  profit  de  ses  passions 
ambitieuses,  de  l'autorité  royale2. 

Le  17  octobre,  un  héraut  d'armes  somma  encore 
une  fois  la  ville  de  se  rendre.  Le  !20,  le  connétable, 
qui  avait  pris  le  commandement  à  la  suite  de  la  bles- 
sure du  roi  de  Navarre,  ordonna  un  assaut  général. 
Les  troupes  s'élancèrent  avec  ensemble,  mais  la  brèche, 
trop  étroite,  empêcha  les  assaillants  de  se  développer. 
Ils  furent  refoulés  ;  cependant  ils  gardèrent  les  posi- 
tions conquises  au  pied  des  remparts.  Les  assiégés 
furent  aussi  décimés  que  l'armée  royale  ;  ils  perdirent 
800  hommes3.  Le  lendemain,  les  coureurs  du  conné- 


1.  Lettre  de  Marc- Antoine  Barbaro,  du  9  (probablement  29)  oc- 
tobre (Dépêches  vénit.,  blza  4  bis,  f.  149). 

2.  Outre  tous  les  documents  sur  le  siège  de  Rouen  que  nous 
citons  plus  loin,  voyez  la  lettre  de  Ghantunay  du  8  octobre 
(Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  93)  et  deux  pièces  contenues  dans  le 
même  recueil  (t.  IV,  p.  45  et  46). 

3.  Lettre  du  roi  à  du  Mortier  de  l'Isle,  ambassadeur  à  Rome, 
du  24  octobre  1562  (Copie  du  temps  ;  f.  fr.,  vol.  17988,  f.  40  v°). 


348  ANTOINE   DE   BOURBON 

table  surprirent  une  lettre  de  Mongonmery  aux  gens 
du  Havre,  dans  laquelle  il  avouait  une  partie  de  sa 
détresse  et  demandait  avec  instance  des  soldats 
capables  de  servir  l'artillerie.  La  lettre  lue,  le  porteur 
fut  relâché  et  s'acquitta  de  son  message.  Montmo- 
rency-Damville  avait  été  placé  en  observation  sur  la 
route1.  Il  surprit,  dans  le  bois  de  Pavilly,  une  com- 
pagnie de  400  arquebusiers  envoyée  de  Dieppe,  fit 
300  prisonniers,  prit  cinq  pièces  d'artillerie  et  de 
nombreuses  munitions.  Les  soldats,  sortis  de  Rouen 
au-devant  de  ce  renfort,  furent  reçus  les  armes  à  la 
main2.  Ils  auraient  été  mis  en  déroute  sans  une  pluie 
battante  qui  favorisa  leur  fuite.  Depuis  le  commence- 
ment d'octobre,  un  détachement  catholique,  conduit 
par  le  capitaine  Lacaille,  prévôt  de  Normandie,  avait 
réussi  à  détourner  le  ruisseau  de  Martin  ville,  qui  ser- 
vait de  moteur  aux  moulins3.  Pendant  deux  jours,  les 
meules  furent  arrêtées  et  la  farine  manqua  aux  habi- 
tants. La  menacede  la  disette fîtnaître l'idée d'unaccom- 
modement.  Les  huguenots  demandèrent  au  roi  de  faire 


1.  Lettre  de  Marc- Antoine  Barbaro,  du  21  octobre  (Dépêches 
vénit.,  lilza  4  bis,  f.  152).  Le  frère  aîné  de  Henri  de  Montmorency 
avait  aussi  été  mis  en  observation  du  côté  de  Caudebec,  pour 
empocher  les  secours  venus  de  Dieppe  ou  du  Havre  (Lettre  du 
22  octobre,  de  Caudebec,  adressée  par  François  de  Montmorency 
à  sa  mère;  Orig.;  f.  fr.,  vol.  20500,  f.  13). 

2.  Lettre  du  roi  à  du  Mortier  de  l'Isle,  du  24  octobre  1562 
(Copie  du  temps;  f.  fr.,  vol.  17988,  f.  40  v°). 

3.  Lettre  de  Henri  de  Mont  murène  y- I)a  uni  Ile  .•■..,  w  de  Navarre, 
du  5  octobre  (Coll.  des  autog.  de  Saint-Pétersbourg,  vol.  104, 
f.  12;  copies  de  la  Bibl.  aat.).  Cette  lettre  contienl  beaucoup 
d'autres  détails  sur  l'entrée  des  secours  anglais  à.  Rouen.  Voyez 
aussi  la  lettre  d'Estouteville  au  roi  de  Navarre,  de  même  date 
(Orig.;  I'.  fr.,  vol.  15877,  f.  165). 


ET  JEANNE    d'aLBRET.  349 

venir  le  prince  de  Condé  avec  un  sauf-conduit  et  pro- 
mirent de  traiter  avec  lui  de  la  possession  de  la  ville. 
Repoussés  par  le  conseil  de  guerre  à  l'instigation  du 
duc  de  Guise,  les  assiégés  firent  un  effort  «  à  la 
«  désespérade.  »  Le  barrage  du  ruisseau  de  Martin- 
ville  fut  rompu.  La  tour  du  Colombier,  qui  avait  reçu 
plus  de  2,000  coups  de  canon,  fut  revêtue  d'ouvrages 
de  terre  et  recommença  son  feu.  De  nouveaux  com- 
bats occupèrent  quatre  jours  entiers  avec  des  alter- 
natives diverses. 

Cependant,  la  chute  de  la  ville  était  assurée  et  les 
assiégés  sentaient  eux-mêmes  qu'ils  ne  combattaient 
plus  que  pour  vendre  chèrement  leur  vie.  Le  blocus, 
entretenu  par  une  armée  formidable,  les  empêchait 
de  se  ravitailler  en  hommes  et  en  munitions  ;  les 
moulins  furent  coupés  de  nouveau  ;  la  disette,  mal- 
gré les  dures  réquisitions  de  Mongonmery,  com- 
mença à  faire  des  victimes  ;  les  murs  étaient  presque 
démolis,  les  bastions  de  la  ville  désemparés,  les  mines 
conduites  jusqu'au  pied  des  portes.  Mais  la  reine 
mère  hésitait  à  donner  le  signal  de  l'assaut1.  On  lui 
avait  représenté,  et  elle  savait  mieux  que  personne, 
«  que  ceste  ville-là  ne  se  peult  prendre  ni  saccaiger 
«  que  les  marchands  de  Paris  n'y  aient  une  bien  lourde 
«  perte  et  que  le  moyen  de  secourir  le  roy  ne  se 
«  diminue  d'autant2.  »  Rouen  eût  été  emporté  depuis 
longtemps,  écrit  le  cardinal  de  Bourbon,  «  sans  la 


1 .  Lettre  de  Chantonay,  du  \  7  octobre,  dans  les  Mémoires  de  Condé, 
t.  H,  p.  98.  —  Lettre  de  la  reine  au  card.  de  Lorraine  (Lettres  de 
Catherine  de  Médicis,  t.  I,  p.  430). 

2.  Lettre  du  secrétaire  Bourdin  au  s.  de  Gonnor,  du  22  octobre 
(Orig.;  f.  fr.,  vol.  3219,  f.  102). 


350  ANTOINE   DE   BOURBON 

«  crainte  de  la  reine  du  sac  et  pillage  de  la  ville, 
«  qui  seroit  un  dommage  sans  profit1.  »  Cette  modé- 
ration fait  honneur  à  l'esprit  politique  de  la  reine, 
mais  n'était  pas  approuvée  par  tous  ses  officiers. 
«  Cette  canaille  de  Rouen,  dit  un  des  secrétaires 
«  d'état,  qui  n'est  point  signalé  par  son  ardeur  belli- 
«  queuse,  nous  a  longuement  abusés,  et  le  désir  qu'on 
«  a  de  le  sauver  nous  a  fait  perdre  bien  du  temps 2.  » 
Enfin,  le  24  octobre,  la  résolution  suprême  fut  prise 
au  conseil.  Le  dimanche  25,  à  l'heure  du  prêche,  l'ar- 
mée royale  engagea  à  la  porte  Saint-Hilaire  un  com- 
bat violent  et  mit  le  feu  à  trois  mines,  mais  sans 
beaucoup  de  succès.  Cependant,  la  brèche  présentait 
de  l'importance. 

Le  lundi,  26  octobre,  au  point  du  jour,  le  duc  de 
Guise  fait  mettre  le  feu  aux  mines.  Vers  midi,  un 
grand  morceau  de  mur,  près  de  la  porte  Saint-Hilaire, 
s'écroule.  Aussitôt,  toutes  les  batteries,  disposées  sur 
les  crêtes  du  fort  Sainte-Catherine  et  dans  les  tran- 
chées voisines,  sont  pointées  à  la  fois  sur  la  brèche. 
Un  feu  terrible,  nourri  d'arquebusades,  empêche  les 
assiégés  de  s'y  maintenir.  Le  duc  de  Guise  et  les  gen- 
tilshommes s'élancent  les  premiers  à  l'assaut.  Ils  sont 
repoussés.  Une  compagnie  de  gens  d'armes  vole  à 
leur  secours  et  ne  réussit  pas  à  entamer  les  lignes. 
Cependant  un  gentilhomme  catholique  du  Béarn,  le 
s.  de  Sainte-Colombe,  capitaine  de  gens  de  pied, 
enfonce  une  bande  anglaise  à  l'aile  droite  et  plante 

1.  Lettre  du  carcl.  de  Bourbon  au  s.  d'Humières,  du  26  octobre 
(Orig.;  f.  fr.,  vol.  3187,  f.  32). 

2.  Lettre  du  secrétaire  Robertet  à  Nemours,  du  21  octobre 
(Autog.;  f.  fr.,  vol.  3200,  f.  135). 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  351 

sur  la  brèche  l'étendard  de  sa  compagnie.  Au  premier 
feu,  il  reçoit  à  la  tête  une  blessure,  dont  il  mourut 
quelques  jours  après,  et  ses  gens  reculent  en  désordre 
au  delà  du  fossé.  Le  colonel  de  gens  de  pied,  Gas- 
pard de  la  Chastre  de  Nancay,  successeur  de  Randan, 
les  ramène  en  avant.  Dangereusement  blessé  à  la 
cuisse,  Nancay  est  emporté  loin  du  champ  de  bataille, 
mais  ses  soldats  gagnent  du  terrain.  Pendant  deux 
heures,  la  garnison,  principalement  les  gens  d'armes, 
luttent  pied  à  pied.  Enfin,  les  Allemands,  conduits 
par  le  rhingrave,  franchissent  la  brèche.  A  l'arrivée 
de  ces  troupes  fraîches ,  les  assiégés  fléchissent  ;  le 
duc  de  Guise  fait  une  nouvelle  charge  à  l'entrée  des 
rues  qui  s'ouvrent  sur  la  porte  Saint-Hilaire,  et  les 
huguenots  prennent  la  fuite,  laissant  sur  le  champ  de 
bataille  plus  de  600  morts  ou  blessés.  Avant  de  les 
poursuivre,  le  duc  recommande  à  ses  gens  de  ne  pas 
se  débander  et  de  marcher  en  colonne  serrée  jusqu'au 
centre  de  la  ville1.  Le  reste  des  troupes  royales  se 
précipite  comme  un  torrent  par  la  porte  Saint-Hilaire 
et  court  au  pillage  avec  autant  d'ardeur  qu'à  l'assaut2. 

1.  Mémoires  de  La  Noue,  coll.  Petitot,  p.  161.  —  Catherine,  dans 
ses  lettres,  reconnaît  que  la  prise  de  Rouen  est  due  au  duc  de 
Guise  (Lettres,  t.  I,  p.  430). 

2.  Les  documents  originaux  sur  le  siège  de  Rouen  sont  assez 
abondants.  Outre  de  Bèze  et  de  Thou,  qui  présentent  un  récit 
très  détaillé,  nous  citerons  : 

1"  La  Relation  des  troubles  excités  par  les  calvinistes  dans  la  ville 
de  Rouen,  de  1537  à  1582  (dite  le  manuscrit  Pelhestre),  publiée  en 
1837  par  M.  André  Pottier.  Cette  pièce  donne  plus  de  détails  sur 
les  débuts  de  la  réforme  à  Rouen  que  sur  le  siège. 

2°  Récit  communiqué  au  Parlement  de  Paris  {Mémoires  de 
Condé,  t.  IV,  p.  50). 

3°  Lettre  du  roi  à  du  Mortier  de  l'Isle,  ambass.  à  Rome,  du 


352  ANTOINE    DE   BOURBON 

La  ville  de  Rouen  était  une  des  plus  riches  du 
royaume.  Elle  concentrait  tout  le  commerce  de  la 
France  avec  les  pays  du  Nord,  surtout  avec  l'Angle- 
terre, et  était  habitée  par  une  opulente  bourgeoisie. 
Toute  cette  population  fut  la  proie  des  bandes  royales. 
Les  huguenots  furent  les  premières  victimes  des  vain- 
queurs, mais  bientôt  les  catholiques  subirent  le  même 
sort.  Catholiques  et  huguenots,  sujets  fidèles  et  rebelles 
au  roi,  tous  passaient  pour  ennemis  aux  yeux  d'une 
soldatesque  ivre  de  carnage  et  de  sang1.  Mongon- 
mery,  après  avoir  fait  des  prodiges  de  valeur,  fut 
presque  le  seul  capitaine  de  marque  assez  heureux 
pour  s'échapper.  Il  monta  sur  une  galère,  préparée 
depuis  le  matin,  avec  quelques  soldats  anglais,  et 
s'enfuit  si  rapidement,  pendant  que  les  vainqueurs 
s'acharnaient  à  piller  la  ville,  qu'il  franchit,  à  la  faveur 
de  la  nuit,  malgré  les  efforts  de  François  de  Montmo- 

24  octobre  1562  (Copie  du  temps;  f.  fr.,  vol.  17988,  f.  40  v°).  Cette 
lettre  est  presque  de  même  teneur  qu'une  lettre  de  Charles  IX  à 
Saint-Suplice,  imprimée  par  M.  de  la  Ferrière  dans  la  Normandie 
à  iétranqer,  p.  23. 

4°  Nouvelles  envoyées  de  France  par  Smith,  en  date  du  26  oc- 
tobre (Forbes,  t.  II,  p.  165.  —  Calendars,  1562,  p.  414).  C'est  un 
récit  détaillé  de  la  prise  de  Rouen. 

5°  Lettre  de  Marc-Antoine  Barbaro,  du  29  octobre  1562,  à  la 
république  de  Venise  (Dépèches  vénit.,  filza  4  bis,  f.  154).  Récit 
détaillé  de  la  prise  de  la  ville. 

1.  Le  pillage  de  Rouen  est,  raconté  dans  deux  lettres  de  Moreau, 
officier  de  finances,  à  Artus  de  Cossé-Gonnor;  la  première,  la 
plus  intéressant*1,  datée  du  30  octobre,  est  publiée  en  partie  dans 
Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  I,  p.  430,  note  ;  la  seconde, 
datée  du  5  novembre,  est  conservée  en  original  dans  le  f.  fr., 
vol.  3216,  f.  82.  Chantonay  prétend  que  le  pillage  de  Rouen  «  se 
passa  doulcement  »  (Mémoires  de  Comte,  t.  II,  p.  203),  mais  il  est 
en  désaccord  avec  les  autres  ambassadeurs  (voyez  la  note  précé- 
dctiUM  et  avec  tous  les  historiens. 


ET   JEANNE   d'aLBRET.  353 

rency,  l'estacade  de  Caudebec  et  se  retira  au  Havre1. 
Le  roi  entra  le  lendemain  vers  dix  heures  du  matin 2, 
mais  sa  présence  n'arrêta  pas  le  désordre.  Les  princi- 
paux habitants  se  retirèrent  au  vieux  palais,  et, 
après  un  semblant  de  résistance,  se  rendirent  au  capi- 
taine Saint-Estève.  Les  ministres  furent  jetés  en  pri- 
son, les  bourgeois  retenus  en  otage.  La  nuit  suivante, 
pendant  que  leurs  gardes  pillaient  l'hôtel,  la  plupart 
des  prisonniers  s'enfuirent.  Ils  sortirent  même  de  la 
ville  au  milieu  de  la  confusion  générale.  Le  28,  sous 
prétexte  de  rechercher  les  fugitifs,  les  soldats  inves- 
tirent et  pillèrent  les  maisons  qui  leur  avaient  échappé 
la  veille.  Ils  prirent  le  président  d'Émandreville  et 
le  ministre  Augustin  Marlorat,  malgré  le  paiement 
d'une  forte  rançon,  et  les  conduisirent  au  conné- 
table, qui  les  fit  traîner,  le  29  octobre,  dans  les 
cachots  du  palais.  Le  parlement  revint  de  Lou- 
viers  et  inaugura  l'ère  des  supplices.  D'Émandre- 
ville, Marlorat  et  deux  conseillers  de  la  ville  furent 
condamnés  à  mort  le  premier  jour,  et  les  uns  décapi- 
tés, les  autres  pendus3.  Le  roi  fit  crier  un  pardon 
général  à  tous  les  séditieux  qui  déposeraient  les  armes 
et  qui  l'aideraient  à  chasser  les  Anglais4.  En  récom- 
pense du  zèle  des  capitaines  de  l'armée  royale,  Cathe- 

1.  La  fuite  de  Mongonmery  est  racontée  avec  détails  dans  la 
lettre  de  Marc- Antoine  Barbaro,  du  29  octobre  (Dépêches  vénit., 
filza  4  bis,  f.  154). 

2.  Nouvelles  envoyées  d'Évreux  par  l'agent  Smith  à  la  reine 
Elisabeth  (Forbes,  t.  II,  p.  165.  —  Calendars,  1562,  p.  414).  — 
Lettre  de  Ghantonay,  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  101. 

3.  Lettre  de  Ghantonay  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  102. 

4.  Voyez  les  documents  que  nous  avons  cités  dans  la  note  2 
de  la  page  351.  —  Les  lettres  du  roi,  datées  du  27  octobre,  sont 
imprimées  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  IV,  p.  53. 

iv  23 


354  ANTOINE    DE   BOURBON 

rine  voulut  gratifier  les  blessés1  d'un  don  de  200  écus 
pour  les  uns,  de  1 00  pour  les  autres,  de  50  pour  les 
lieutenants  et  de  30  pour  les  enseignes,  malgré  les  repré- 
sentations des  officiers  de  finance,  «  que  la  générosité 
«  de  la  reine  grèveroit  le  trésor  du  roi  de  4,800  écus, 
«  et  que  les  capitaines  ont  si  bien  profité  de  ceste 
«  ville  qu'il  semble  qu'ils  s'en  passeroient  bien2.  » 

Aussitôt  après  la  prise  de  Rouen,  le  roi  de  Navarre 
voulut,  en  sa  qualité  de  lieutenant  du  roi,  faire  une 
entrée  triomphale  dans  la  ville.  L'infortuné  prince  ne 
pouvait  quitter  son  lit  de  douleur.  On  abattit  l'une 
des  murailles  de  sa  chambre  et  les  Suisses  portèrent 
le  lit,  sur  lequel  trônait  le  blessé,  jusqu'à  la  brèche. 
Les  compagnies  de  gens  d'armes  l'y  attendaient. 
Antoine  passa  la  brèche,  fit  le  tour  de  la  ville  et  res- 
sortit avec  pompe  au  bruit  du  tambour,  entouré  de 
soldats.  Puis  il  rentra  par  la  même  voie  et  se  fit  por- 
ter dans  une  maison  qui  lui  avait  été  assignée  à  côté 
du  logis  du  roi. 

L'état  du  roi  de  Navarre,  depuis  le  jour  de  l'arque- 
busade,  n'avait  point  subi  de  variation,  mais  n'ins- 
pirait aucune  inquiétude.  Cependant  les  médecins 
n'avaient  pu  retrouver  la  balle.  Le  16  octobre,  Tor- 
nabuoni  annonce  au  grand-duc  de  Toscane  la  blessure 
du  prince,  sans  se  prononcer  sur  sa  gravité3.  Le  17, 

1.  Voici  les  noms  des  capitaines  de  gens  de  pied  biessés  :  Tou- 
rier,  Perez,  Sarlabous,  Lagrange,  Cosse.ms,  Gouart,  Saint-Esteve, 
Brion,  Romolles,  Sainte-Colombe,  Noailhan,  Lago,  Levy,  Saint- 
Martin,  Massé,  Prunel,  Cornai  (Pièce  du  temps;  f.  fr.,  vol.  15877, 
f.  347). 

2.  Lettre  de  Moreau,  ofHcicr  de  finances,  à  Artus  de  Cossé- 
Gunnor,  du  5  novembre  1562  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  3216,  f.  82). 

3.  Nùgoc.  de  la  France  avec  la  Toscane,  t.  III,  p.  496. 


ET   JEANNE   d'aLBRET.  355 

l'ambassadeur  vénitien,  dans  une  dépêche  en  chiffres, 
formule  quelques  appréhensions  :  «  Je  ne  sais  pas 
«  encore  la  nature  du  mal,  car  on  tient  la  chose 
«  secrète1.  »  Le  18,  il  écrit  que  «  il  n'y  a  pas  encore 
«  de  signe  qui  fasse  connaître  si  le  coup  est  mortel2.  » 
Les  agents  anglais  prédisaient  le  résultat  qu'ils  dési- 
raient le  plus,  la  mort  du  roi  de  Navarre,  mais  leur 
éloignement  du  champ  de  bataille  diminue  le  crédit  de 
leur  témoignage3.  Ghantonay,  à  la  première  nouvelle 
de  l'événement,  se  transporta  au  camp  afin  de  juger 
de  la  condition  du  prince  par  ses  propres  yeux.  Ren- 
tré à  Paris  le  19  octobre,  il  adressa  à  Philippe  II  un 
rapport  circonstancié.  «  J'ai  vu  M.  de  Vendôme  et  je 
«  lui  ai  parlé.  D'après  ce  que  m'ont  dit  le  prince  de 
«  la  Roche-sur-Yon  et  les  chirurgiens,  la  blessure 
«  n'est  pas  mortelle,  parce  qu'elle  est  haute  et  proche 
«  du  nœud  de  l'épaule,  et  parce  qu'elle  n'atteint  pas 
«t  le  creux  du  corps,  bien  qu'elle  se  dirige  de  haut  en 
«  bas.  Ledit  Vendôme  avait  un  bon  parler  et  était 
«  de  bonne  mine,  malgré  un  peu  de  fièvre;  mais  il  est 
«  sujet  à  la  fièvre  au  moindre  mal.  La  balle  n'est  pas 
«  encore  sortie,  mais  la  blessure  rend  déjà  du  pus,  ce 
«  qui  est  bon  signe4.  » 

La  fin  d'octobre  n'amena  aucun  changement  dans 
l'état  du  roi  de  Navarre.  Les  correspondances  origi- 
nales permettent  d'établir  un  bulletin  presque  journa- 
lier. Le  21   octobre,  Florimond  Robertet  informe  le 

1.  Dépêches  vénit.,  filza  4  bis,  f.  47  v°. 

2.  Dépêches  vénit.,  filza  4  bis,  f.  150. 

3.  Lettre  de  Thomas  Keniys  à  lord  Gecil,  du  20  octobre,  datée 
de  Dieppe  (Forbes,  t.  LE,  p.  127). 

4.  Lettre  orig.  en  espagnol  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du 
19  oct.  1562;  Arch.  nat.,  K.  1496,  n°  119. 


356  ANTOINE   DE  BOURBON 

duc  de  Nemours,  ennemi  du  lieutenant  général,  d'un 
ton  dégagé,  que  le  prince  a  eu  «  une  bonne  arquebu- 
«  sade  en  lieu  fort  douloureux1.  »  Le  même  jour, 
Marc- Antoine  Barbaro,  ambassadeur  de  Venise,  pense 
«  que  le  roi  de  Navarre  n'est  pas  bien  et  qu'il  n'est 
«  pas  hors  de  danger2.  »  Bourdin,  autre  secrétaire 
d'état,  dit  :  «  Le  roi  de  Navarre  a  eu  ceste  nuit,  qui 
«  estoit  la  septième,  de  l'inquiétude  (c'est-à-dire  de 
«  l'agitation),  mais  si  n'est-ce  pas  que  les  médecins  et 
«  chirurgiens  voyent  rien  de  mauvais  qui  les  fasse 
«  doubter  de  sa  garison3.  »  Le  nonce  visita  le  prince 
le  %%  et  constata  avec  plaisir  «  qu'il  se  portoit 
«  mieux1.  »  La  cour  était  troublée  par  ces  nouvelles, 
que  les  seigneurs  interprétaient  au  gré  de  leurs  espé- 
rances5. Les  deux  partis  se  donnaient  rendez- vous  au 
chevet  du  blessé  et  étudiaient  sur  son  visage  les  chances 
de  vie  qui  lui  restaient.  En  général,  les  réformés, 
dominés  par  leur  haine,  annonçaient  sa  mort  prochaine  ; 
les  catholiques,  au  contraire,  croyaient  à  son  rétablis- 
sement. Le  roi,  dans  sa  correspondance  officielle,  dit 
que  la  blessure  n'offre  aucun  danger,  et  que  «  son 
«  oncle,  le  roi  de  Navarre,  avec  l'ayde  de  Dieu,  n'en 
«  auroit  que  le  mal0.  »  Gatherine  s'efforçait  de  pro- 

1.  Lettre  autographe;  f.  fr.,  vol."3200,  f.  135. 

2.  Dépêches  vénit.,  filza  4  bis,  f.  152. 

3.  Lettre  du  secrétaire  Bourdin  au  s.  de  Gonnor,  du  22  octobre 
(Orig.;  f.  fr.,  vol.  3219,  f.  102). 

4.  Lettre  de  Sainte-Croix,  du  22  octobre,  dans  les  Archives 
curieuses,  t.  VI,  p.  1!  4. 

5.  Telle  est  l'appréciation  de  Jeanne  de  Gontaut,  dame  de 
Nouilles  (Lettre  à  l'évêque  de  Dax,  du  22  octobre;  Copie  du  temps; 
f.  IV.,  vol.  6910,  f.  206). 

6.  Lettre  du  roi  ;*i  du  Mortier  de  l'Isle,  du  24  octobre  1562  (Copie 
du  temps;  f.  fr.,  vol.  17988,  f.  40  v°).  M.  de  la  Ferrière  a  publié 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  357 

pager  le  même  optimisme  '.  Ces  appréciations, 
habilement  répandues,  firent  courir  le  bruit  que 
le  roi  de  Navarre  était  entièrement  rétabli  et  que  les 
chirurgiens  avaient  retiré  la  balle  2.  Les  alternatives 
qui  accompagnent  toute  blessure  amenaient,  chaque 
jour,  tantôt  une  amélioration,  tantôt  une  rechute. 
Cependant,  il  paraît  certain  qu'à  la  fin  d'octobre  le 
prince  éprouvait  un  grand  soulagement.  Son  frère,  le 
cardinal  de  Bourbon,  l'atteste,  le  26  octobre  :  «  La 
«  convalescence  et  amendement  du  roy,  mon  frère, 
«  dit-il,  dont  je  loue  Dieu,  me  causera  mon  retour 
«  plus  joyeux3.  »  Chantonay  et  Tornabuoni  certi- 
fient ces  heureuses  nouvelles,  mais  rapportent  que 
la  balle  n'a  pu  être  extraite4.  Le  parti  réformé  nour- 
rissait d'autres  espérances.  Throckmorton,  réfugié  à 
Orléans,  est  l'écho  des  bruits  qui  couraient  autour 
de  lui  :  «  La  balle  n'a  pu  être  retrouvée,  dit-il,  et 
«  reste  dans  le  corps  du  blessé,  de  sorte  que  la  bles- 
«  sure  n'a  pu  être  sondée  ni  bien  pansée.  C'est  pour- 
ce  quoi  il  ne  peut  pas  vivre,  bien  qu'il  puisse  languir 
«  encore  quelque  temps5.  » 

dans  la  Normandie  à  l'étranger,  p.  23,  une  lettre  de  Charles  IX  à 
Saint-Suplice,  de  la  même  date  et  presque  de  la  même  teneur. 

1.  Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  I,  p.  424. 

2.  Lettre  de  la  dame  de  Noailles  à  l'évêque  de  Dax,  datée  de 
Bordeaux  et  du  26  octobre  (Autog.;  f.  fr.,  vol.  6910,  f.  207). 

3.  Lettre  orig.  au  s.  d'Humières  (F.  fr.,  vol.  3187,  f.  32). 

4.  Lettre  de  Chantonay,  du  28  octobre,  dans  les  Mémoires  de 
Condé,  t.  II,  p.  99.  —  Lettre  du  même  à  Philippe  II,  du  1er  no- 
vembre (Orig.  espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1500,  n°  11).  —  Lettre 
de  Tornabuoni,  du  1er  nov.  (Négoc.  de  la  France  avec  la  Toscane, 
t.  III,  p.  498).  —  Ces  trois  lettres  sont  écrites  de  Rouen. 

5.  Lettre  de  Throckmorton  à  la  reine  d'Angleterre,  du  30  oc- 
tobre (Calendars,  1562,  p.  404). 


358  ANTOINE   DE    BOURBON 

Informée  que  le  roi  de  Navarre  avait  été  blessé, 
Jeanne  d'Albret  voulut  courir  à  Rouen.  Mais  comment 
serait-elle  reçue?  Quelle  était  la  gravité  de  la  bles- 
sure? Elle  envoya  un  gentilhomme  en  poste  chargé 
d'offrir  ses  services  et  de  demander  une  lettre  de  sau- 
vegarde. Le  messager  arriva  au  camp  le  26  octobre, 
parla  au  prince  et  reçut  de  sa  bouche  même  l'ordre 
d'inviter  la  reine  de  Navarre  à  se  rendre  au  chevet  du 
lit  de  son  mari.  Mal  accueilli  par  les  seigneurs  catho- 
liques, qui  le  soupçonnaient  d'espionnage,  il  repartit 
aussitôt  après  l'audience  à  franc  étrier  et  ne  s'arrêta 
qu'à  Évreux  pour  prendre  un  peu  de  repos1.  Dans 
l'intervalle,  Jeanne  d'Albret  reçut  de  Bordeaux  des 
dépêches  rassurantes  :  «  Madame,  sachant  la  peine  en 
«  quoi  vous  êtes  de  scavoir  des  nouvelles  de  ce  que 
«  plus  vous  aimez,  j'ay  pensé  vous  faire  ce  mot  pour 
«  vous  asseurer,  Madame,  que  je  viens  maintenant 
«  d'avoir  certain  advertissement  par  un  gentilhomme 
«  portugais,  qui  partit,  vendredi  dernier,  de  Paris, 
«  ayant  charge  expresse  d'asseurer  le  roy  de  Porto- 
ce  gai  soy-mesme,  de  la  part  de  l'ambassadeur,  corn- 
et ment  le  roy  de  Navarre  a  la  balle  hors  de  son 
«  espaule,  du  mercredi  précédent,  et  qu'il  est  sans 
«  fièvre  et  sans  danger2.  »  Ces  bonnes  nouvelles  «  de 
«  ce  qu'elle  plus  aimait  »  ne  pouvaient  suffire  à  la  reine 
de  Navarre.  Vers  le  commencement  de  novembre, 
elle  achevait  ses  préparatifs  de  voyage  et  attendait  un 
sauf-conduit  pour  se  mettre  en  route,  confiant  sa  des- 

1.  Rapports  datés  du  26  et  du  31  octobre  dans  Forbes,  t.  II, 
p.  165,  el  dans  les  Calendars,  1562,  p.  îi:'>  el  114. 

2.  Lettre  de  Noailles,  du  28  octobre,  publiée  dans  la  Revue  his- 
torique, avril  1874,  p.  170. 


ET   JEANNE    DALBRET.  359 

tinée  au  hasard  des  événements 1 .  D'après  une  lettre 
du  duc  d'Albuquerque  à  Philippe  II,  elle  se  méfiait  d'un 
piège  que  la  faiblesse  de  son  mari,  vis-à-vis  des 
chefs  du  parti  catholique,  rendait  vraisemblable.  Dans 
cette  hypothèse,  prévoyant  un  acte  de  violence, 
elle  ouvrit  une  sorte  de  négociation  avec  Philippe  II, 
comme  avec  le  plus  puissant  et  le  plus  généreux  de 
ses  ennemis2. 

Le  roi  de  Navarre  consacrait  aux  négociations  espa- 
gnoles l'activité  qui  lui  restait.  Parmi  les  prétextes 
qui  aidaient  Philippe  II  à  «  amuser  »  le  roi  de  Navarre, 
se  trouvait  la  vente  de  la  terre  d'Enghien  en  Hainault. 
Depuis  le  commencement  de  la  rivalité  de  François  Ier 
et  de  Charles-Quint,  les  revenus  de  cette  terre  étaient 
saisis,  à  chaque  reprise  des  hostilités,  par  le  fisc 
espagnol.  Aussi,  la  maison  de  Bourbon-Vendôme  cher- 
chait à  se  défaire  de  ces  biens,  et,  par  la  même  raison, 
le  roi  d'Espagne  entravait  la  vente.  A  la  fin  de  1562, 
Antoine  était  en  marché  avec  le  comte  d'Egmont  ;  le 
comte  avait  obtenu  toutes  les  autorisations  néces- 
saires et  la  vente  paraissait  assurée3.  La  «  récom- 
«  pense  »  de  la  Navarre  était  un  plus  grave  souci. 

1 .  Lettre  de  la  dame  de  Noailles  à  l'évêque  de  Dax,  de  Bordeaux, 
et  du  5  novembre  (Autog.;  f.  fr.,  vol.  6910,  f.  208). 

2.  Lettre  du  duc  d'Albuquerque  à  Philippe  II,  du  1er  décembre 
1562  (Orig.  espagnol;  Arch.  de  la  secret.  d'État  d'Espagne; 
leg.  358,  f.  52).  Cette  pièce  est  antérieure  à  l'arrivée  de  la  nou- 
velle de  la  mort  du  roi  de  Navarre.  On  trouvera  dans  le  volume 
suivant  d'assez  nombreux  détails  sur  ces  négociations  de  Jeanne 
d'Albret. 

3.  Lettre  de  Catherine,  du  29  octobre  (Lettres  de,  Catherine  de 
Médicis,  t.  1,  p.  426). —  Lettre  do.  la  duchesse  de  Parme,  du 
13  novembre  [Correspondance  de  Marguerite  d'Autriche  avec  Plu- 
lippe  II,  t.  II,  p.  395). 


360  ANTOINE    DE   BOURBON 

Antonio  d'Almeida  avait  précédé  Odet  de  Selve  et 
François  d'Escars  à  Madrid.  Vers  le  milieu  d'octobre, 
Antoine  reçut  de  d'Almeida  l'avis  qu'il  avait  «  peu  de 
«  satisfaction  à  recevoir  de  Sa  Majesté  catholique1.  » 
A  cette  nouvelle  il  s'emporta  contre  les  Espagnols. 
Déjà  le  parti  catholique  redoutait  les  effets  de  son 
dépit,  quand  le  prince  se  laissa  persuader  que  cet  avis 
n'avait  rien  de  définitif.  Il  fit  partir  pour  Madrid 
Odet  de  Selve  avec  ses  instructions  et  des  pou- 
voirs illimités.  De  Selve  devait  rejoindre  François 
d'Escars  en  Guyenne  et  franchir  la  frontière  avec  lui. 
Homme  de  robe,  ancien  ambassadeur  à  Venise,  il 
voyageait  en  litière  à  petites  étapes  avec  deux  mes- 
sagers de  la  reine,  redoutant  les  «  grandes  corvées,  » 
mauvaises  conditions  pour  franchir  sans  encombre 
le  théâtre  de  la  guerre.  Il  fut  pris  par  un  corps  de 
partisans,  conduit  à  Orléans,  emprisonné  et  sa 
correspondance  déchiffrée 2.  Les  découvertes  des 
réformés  dans  ses  papiers  donnèrent  une  issue  tra- 
gique à  sa  mission.  Outre  les  affaires  personnelles 
du  roi  de  Navarre,  dont  les  huguenots  ne  se  sou- 
ciaient nullement,  de  Selve  était  chargé  de  remer- 
cier Philippe  II  du  secours  envoyé  en  France  et  de 
lui  demander  des  renforts.  Plusieurs  compagnies 
espagnoles  avaient  déjà  franchi  la  frontière  et  arrê- 
taient le  ravitaillement  de  la  grande  armée  protes- 
tante dans  le  Midi.  Les  rebelles  d'Orléans,  se  sen- 
tant bloqués  au  nord  et  au  sud  entre  deux  feux , 


1.  Lettre  de  Sainte-Croix,  du  2?  octobre,  dans  les  Archives 
curieuses,  t.  VI,  p.  1 1  i. 

2.  Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  du  10  octobre  (Orig. 
espagnol  ,  Arch.  oat.,  K.  1496,  n°  119). 


ET    JEANNE   D'ALBRET.  361 

s'en  prirent  à  l'ambassadeur.  Ce  fut  leur  premier 
grief  contre  Odet  de  Selve.  Peu  de  jours  après,  on 
apprit  à  Orléans  le  supplice  des  séditieux  de  Rouen. 
Ces  nouvelles  accrurent  tellement  l'irritation  des 
soldats  que  Condé  n'osa  pas  résister  à  leur  fureur 
sanguinaire.  Il  réussit  à  sauver  la  vie  d'Odet  de  Selve, 
à  la  requête  de  Claude  de  Selve,  capitaine  hugue- 
not, son  frère,  mais  il  abandonna  à  la  tourbe  de 
son  parti  Jean-Baptiste  Sapin,  conseiller  au  parlement 
de  Paris,  beau-frère  du  premier  président  Le  Maistre, 
et  Jean  de  Troyes,  abbé  de  Gastines,  qui  avaient  été 
arrêtés  avec  Odet  de  Selve.  Les  malheureux  furent 
condamnés  et  mis  à  mort  le  %  novembre1.  Antoine  se 
laissa  consoler  par  une  visite  de  l'ambassadeur  d'Es- 
pagne, chargé  de  le  féliciter  de  sa  guérison  prochaine. 
L'alliance  des  deux  rois  d'Espagne  et  de  Navarre  était 
entretenue  par  des  protestations  réciproques,  malgré 
quelques  mésintelligences  passagères.  Ainsi  Phi- 
lippe II  n'avait  encore  pu  se  résigner  à  donner  à  son 
allié  le  titre  de  roi,  et  Antoine  à  accepter  les  lettres 
qui  ne  portaient  pas  ce  titre,  de  sorte  que  les  deux 
souverains  ne  s'écrivaient  jamais  directement  et  ne 
correspondaient  ensemble  que  par  l'intermédiaire  de 
Chantonay2. 

Catherine  se  préparait  à  lancer  l'armée  royale  contre 
le  Havre  et  les  Anglais,  quand  elle  apprit  l'entrée  en 

1.  Lettre  de  Chantonay  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  105. 
—  Journal  de  Bruslard  (Ibid.,  p.  100).  —  L'arrêt  du  prince  de 
Condé,  daté  du  2  novembre,  est  imprimé  par  La  Popelinière, 
1581,  t.  I,  lre  partie,  f.  337  v°,  et  par  Le  Maire,  Hist.  d'Orléans, 
2e  partie,  p.  336. 

2.  Lettre  de  Philippe  II  à  Chantonay,  du  10  novembre  1562 
(Résumé  de  chancellerie  ;  Arch.  nat.,  K.  1496,  n°  126). 


362  ANTOINE    DE    BOURBON 

campagne  de  Condé.  Après  la  prise  de  Rouen,  le 
prince  de  Condé,  bien  conseillé  par  l'amiral  Coligny, 
avait  payé  d'audace.  Il  avait  rassemblé  ses  troupes 
et  marché  sur  Paris.  Le  1 1  novembre,  il  se  renforça 
à  Pithiviers  d'un  corps  de  cavalerie  allemande,  que 
d'Andelot  amenait  de  Strasbourg.  L'armée  protes- 
tante était  forte  de  6,000  cavaliers,  gens  d'armes  ou 
chevau-légers,  et  de  8,000  gens  de  pied.  L'armée  catho- 
lique comptait  le  double  de  soldats,  mais  les  sièges 
de  Bourges  et  de  Rouen,  les  marches  et  les  combats 
avaient  désorganisé  les  compagnies.  Catherine,  obli- 
gée de  couvrir  la  première  ville  du  royaume,  résolut 
de  remonter  la  Seine  et  d'arrêter  les  rebelles.  Le  roi 
de  Navarre  voulut  la  suivre.  Les  médecins  lui  repré- 
sentèrent que  la  campagne  pouvait  compromettre  sa 
convalescence.  Antoine,  sentant  que  son  absence  équi- 
valait à  une  démission,  rappela  ses  devoirs  de  chef 
de  l'armée.  On  fréta  pour  lui  un  vaste  bateau,  armé 
de  canons  comme  une  galère,  qui  coûta  au  roi  400  écus, 
et  le  prince  blessé  fut  transporté  à  bord  dans  sa 
litière1. 

Le  roi,  la  reine  mère  et  toute  la  cour  devaient  s'em- 
barquer le  1  %  novembre  avec  lui  et  remonter  la  Seine 
jusqu'à  Paris2.  Marc-Antonio  Barbaro,  ambassadeur 
vénitien,  écrit,  le  6  novembre,  que  le  lieutenant  géné- 
ral est  agité  par  une  forte  fièvre,  et  que  sa  blessure 


1.  Lettre  de  Moreau,  oilicier  de  finances,  à  Artus  de  Cossé- 
Gonnor  (Orig.;  f.  IV.,  vol.  3216,  f.  82). 

2.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  9  novembre  1562 
(Orig.  espagnol;  Areli.  nat.,  K.  1500,  n°  15).  —  Ils  partirent  un 
peu  plus  tôt,  puisque,  le  10,  Catherine  était  à  Saint-Germain 
[Lettres  de  Gath.  de  Mfdicis,  t.  1.  p.  i32) 


ET   JEANNE   D'ALBRET.  363 

se  résout  en  un  dépôt  purulent  qui  nécessite  un  cau- 
tère1. Chantonay  dit  le  même  jour  que  l'état  du  prince 
ne  lui  permet  pas  encore  le  voyage,  et  que  la  cour 
attendra  un  peu  d'amélioration2.  Le  7  novembre,  la 
blessure  s'aggrava  subitement,  probablement  à  la  suite 
de  quelques  imprudences3.  Le  8,  l'ambassadeur  véni- 
tien adressa  à  la  république  sérénissime  un  rapport 
détaillé  : 

Prince  sérénissime,  Sa  Majesté  le  roi  très  chrétien  se  dispo- 
sait, comme  je  l'ai  écrit  dans  mes  dernières  lettres  du  6,  à  aller 
avec  toute  la  cour  de  Rouen  à  Saint-Germain  ;  mais  il  paraît 
que  ce  départ  a  été  différé  à  cause  du  mal  survenu  au  roi  de 
Navarre,  auquel,  comme  on  me  l'écrit  par  les  lettres  du  5  de  la 
cour,  on  aurait  découvert  trois  apostèmes  venus  de  la  blessure, 
lesquels  lui  ont  donné  une  fièvre  continue,  qui  met  sa  vie  en 
danger,  parce  que  un  de  ces  apostèmes  est  du  côté  droit.  Ce 
dont  cependant  on  ne  faisait  pas  grand  cas;  mais  les  deux  autres 
sont  venus  dans  la  partie  de  devant  ;  l'un,  qui  est  sous  l'épaule, 
ce  qui  est  très  dangereux,  parce  que  c'est  un  endroit  plein  de 
nerfs  et  de  muscles;  l'autre,  un  peu  plus  bas.  Et  aussi,  outre 
la  fièvre  continue,  il  lui  est  survenu,  ce  qui  est  pis,  des  frissons 
qui  l'ont  tourmenté  pendant  une  heure.  Ce  signe  est  considéré 
comme  très  mauvais  dans  les  blessures.  Il  ne  dort  pas.  Il  est 
très  agité,  et  un  jour,  qui  fut  le  5,  s'efforçant  de  cracher,  il 
s'ouvrit  sa  blessure,  de  laquelle  est  sortie  une  once  et  demie  de 
sang,  ce  qui  le  retarda  beaucoup,  Sa  Majesté  étant  de  com- 
plexion  très  débile  et  délicate.  Et  pour  ceci  et  pour  d'autres 
causes  encore,  il  paraît  qu'on  ne  peut  espérer  rien  de  bon  de  lui. 
Voici  ce  que  j'ai  vu  écrit  par  un  médecin  instruit  de  son  mal, 
ce  qui  est  aussi  conforme  à  ce  que  je  tiens  d'autres  lettres  venues 
de  la  cour-5. 

1.  Lettre  du  6  novembre  1562  (Dépèches  vénit.,  filza  4  bis,  f.  156). 

2.  Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  du  6  novembre  1562 
(Orig.  espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1500,  n°  14). 

3.  Lettres  de  Catherine  de  Médias,  t.  I,  p.  433. 

4.  Dépèches  vénit.,  filza  4  bis,  f.  259. 


364  ANTOINE   DE   BOURBON 

Le  9,  l'ambassadeur  vénitien  écrit  que  la  reine  mère 
a  laissé  échapper  le  secret  de  ses  perplexités,  et 
«  quelle  tient  le  roi  de  Navarre  pour  mort1.  »  Trois 
jours  après,  le  mal  avait  fait  des  progrès  effrayants  ; 
le  bras  et  la  poitrine  du  prince  étaient  pris  par  une 
inflammation  violente.  «  Le  roi  de  Navarre  n'était  pas 
«  mort  ce  matin,  écrit  Smith  à  lord  Gecil,  le  121  no- 
ce vembre,  mais  il  ne  peut  pas  vivre  vingt-quatre 
«  heures2.  »  Malgré  son  état  désespéré,  Antoine  vou- 
lut s'embarquer  à  Darnetal,  le  15  novembre,  et 
rejoindre  la  reine.  Le  prince  de  la  Roche-sur- Yon, 
chargé  de  l'accompagner  à  Paris,  écrivit  à  Catherine  : 
«  A  ce  matin,  le  roy  de  Navarre  a  si  bien  pris  en  opi- 
«  nion  qui  guérisset  si  changet  d'air  et  antret  en  basteo 
«  qui  l'a  fallu,  malgré  tout  le  monde,  le  luy  amener. 
«  Il  ne  c'est  point  plus  mal  trouvé  par  les  chemins. 
«  Il  dit  qu'il  se  trouve  mieulx.  Mais  je  n'y  voy  amèn- 
es dément.  Il  a  du  courage,  que  je  crins  bien  luy  nuye. 
«  Tout  est  en  la  main  de  Dieu,  que  je  luy  supplie 
«  estandre  sur  ce  posvre  prince.  Il  avoit  ordonné  que 
«  Malicorne  vous  fust  envoyé  pour  vous  en  advertir. 
«  S'il  y  a  chose  nouvelle,  vous  l'entandrés  incontinent 
«  par  luy  ou  aultre3.  » 

Pendant  que  le  roi  de  Navarre  luttait  avec  les 
affres  de  la  mort,  d'actives  intrigues  se  nouaient  à  la 
cour  autour  de  sa  charge  de  lieutenant  général.  Cha- 
cun regardait  la  reine  mère  comme  incapable  de  con- 
duire seule  les  affaires  du  roi,  et  chaque  prince  s'at- 
tribuait la  mission  de  la  suppléer.  Dès  le  12  novembre, 

1.  Dépêches  vénit.,  Qlza  i  bis,  f.  V.l 

2.  Calendars,  1562,  p.  453. 

3.  Original  avec  post-scriptum  autographe  ;  f.  fr.,  vol.  GG06,  f.  40. 


ET   JEANNE   D'ALBRET.  365 

Marc-Antoine  Barbaro  écrit  que  le  conseil  du  roi  est 
disposé  à  investir  le  fils  d'Antoine  de  Bourbon,  Henri 
de  Béarn,  de  la  dignité  et  des  pouvoirs  de  son  père1. 
A  ce  parti  on  reconnaît  les  passions  ambitieuses  des 
grands.  Un  roi  de  douze  ans,  une  femme  régente,  un 
lieutenant  général  de  moins  de  neuf  ans,  en  temps  de 
guerre  civile,  ne  pouvaient  fermer  le  champ  aux 
mouvements  des  factieux.  D'autres  prônaient  la  can- 
didature de  Louis  de  Bourbon,  duc  de  Montpensier, 
prince  faible  et  sans  ambition,  voué  jusqu'alors  aux 
rôles  secondaires;  d'autres,  celle  du  prince  de  Gondé2, 
peut-être  pour  faire  leur  cour  à  la  reine  mère3, 
qui  n'avait  jamais  cessé  de  regretter  l'alliance  des 
chefs  du  parti  huguenot.  Sa  révolte  ne  paraissait 
pas  un  obstacle,  puisqu'il  n'avait  pas  été  déclaré 
officiellement  rebelle4.  Condé  ne  repoussait  pas  un 
changement  de  front  et  négociait  secrètement  avec  la 
reine.  Elle  lui  envoya  Artus  de  Cossé-Gonnor5,  frère 
du  maréchal  de  Brissac,  mais  elle  n'osa  s'avancer 
davantage,  tant  l'heure  de  la  paix  lui  paraissait  encore 
éloignée.  Loin  de  se  montrer  exigeant,  Gondé  avait 
diminué  ses  prétentions.  Il  se  contentait  de  l'exécu- 

1.  Dépêches  vénit.,  filza  4  bis,  f.  49  v°. 

2.  Lettre  de  Marc -Antoine  Barbaro,  du  17  octobre  1562 
(Dépêches  vénit.,  filza  4  bis,  f.  47  V). 

3.  Lettre  de  Sainte-Croix,  du  23  novembre  (Arch.  cur.,  t.  VI, 
p.  115).  —  Lettre  de  Marc-Antoine  Barbaro,  du  25  novembre 
(Dépêches  vénit.,  filza  4  bis,  f.  1G4). 

4.  Dépêches  vénit.,  filza  4  bis,  f.  49  v. 

5.  Voyez  les  deux  lettres  de  Catherine  au  s.  de  Gonnor,  du  7 
et  du  10  novembre  (Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  1. 1,  p.  43?  et 
433).  Ces  lettres,  écrites  à  mots  cou  verts,. sont  expliquées  par  la 
lettre  de  Coligny  à  Gonnor,  publiée  clans  les  Mémoires  de  Condé, 
t.  IV,  p.  55. 


366  ANTOINE    DE   BOURBON 

tion  de  l'édit  de  janvier  et  s'engageait  à  désarmer 
ses  compagnons  d'armes.  Cette  solution  plaisait  à 
Catherine.  N'osant  prendre  seule  une  détermination 
qui  pouvait  lui  coûter  le  pouvoir,  elle  consulta  le 
duc  de  Guise ,  comme  chef  du  parti  catholique  ; 
le  duc  lui  répondit  qu'on  ne  pouvait  avoir  aucune 
confiance  dans  les  promesses  de  Condé1.  La  pro- 
motion du  prince  était  vue  avec  faveur  par  les  chefs 
de  son  parti.  La  reine  d'Angleterre  considérait  la  nomi- 
nation comme  assurée  ;  elle  conseilla  à  Condé  de  ne 
pas  sacrifier  les  intérêts  de  la  réforme  à  la  nouvelle 
dignité  dont  il  allait  être  investi,  recommandation  qui 
ne  paraissait  pas  inutile  vis-à-vis  d'un  prince  aussi  peu 
ferme  dans  ses  croyances2. 

Le  parti  catholique,  qui  n'osait  encore  introniser 
le  duc  de  Guise,  préconisait  le  cardinal  de  Bour- 
bon3. Charles  de  Bourbon,  archevêque  de  Rouen, 
frère  cadet  du  roi  de  Navarre,  était  un  prélat  zélé, 
mais  incapable,  un  chef  nominal  comme  les  ambi- 
tieux pouvaient  le  souhaiter.  Le  pape 4  et  le  roi 
d'Espagne  s'intéressaient  à  sa  cause.  Dans  la  nuit  du 
24  au  25  novembre,  un  courrier  de  Chantonay,  arrivé 
en  poste,  apporta  à  Madrid  la  nouvelle  «  du  détail ie- 

1.  Lettre  de  Marc-Antoine  Barbara,  du  25  novembre  (Dépêches 
vénit.,  filza  4  bis,  f.  164).  —  Lettre  de  Chantonay,  du  3  décembre 
(Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  III). 

2.  Duc  d'Aumale,  Histoire  des  Condé,  t.  I,  p.  388,  Pièces  justi- 
ficatives. 

3.  Lettre  de  Marc-Antoine  Barbara,  du  12  novembre  (Dépèches 
vénit.,  filza  4  bis,  f.  49  v°). 

4.  Pie  IV  adressa  même,  le  10  décembre  1562,  une  bulle  au 
cardinal  de  Bourbon  pour  L'exhorter  à  exercer  avec  fermeté  ses 
nouvelles  fonctions  de  lieutenant  général  auprès  de  Charles  IX 
[Annal.  Hainaldi,  t.  XXI,  1562,  n°  173). 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  367 

«  ment  et  extrémité  du  roy  de  Navarre,  et  que  les 
«  médecins  et  cyrurgiens  estoient  hors  de  toute  espè- 
ce rance  de  sa  santé  par  les  indices  qu'ilz  en  avoyent 
«  heu  le  sixiesme  et  dixiesme  de  ce  mois  l.  »  Aussitôt, 
avant  de  connaître  la  destinée  du  blessé,  Philippe  II 
écrivit  à  la  reine  en  faveur  du  cardinal  de  Bourbon, 
comme  du  seul  prince  digne  de  le  remplacer2.  Il 
envoya  le  duc  d'Albe  à  l'ambassadeur  de  France,  Jean 
d'Ébrard  de  Saint-Suplice3.  Il  ordonna  le  même  jour 
à  Ghantonay  d'aider  le  cardinal  de  son  influence  et 
d'écarter  à  tout  prix  le  prince  de  Condé  des  conseils 
de  la  reine.  Sa  lettre  témoigne  de  ses  incertitudes. 
A  la  fin  de  sa  dépêche,  Philippe  II  enjoint  à  son 
ambassadeur  de  tenir  ses  instructions  secrètes  si  le 
roi  de  Navarre  vit  encore4.  Quatre  jours  après,  le 
29  novembre,  Philippe  II  envoie  à  la  cour  de  France 
un  ambassadeur  extraordinaire,  François  de  Alava, 
chargé  de  peser  sur  la  reine.  Outre  une  instruction5, 
dont  le  ton  pressant  rappelle  l'ultimatum  d'un  ennemi 
plutôt  que  les  conseils  d'un  allié,  Alava  était  porteur  de 
lettres  impératives  à  l'adresse  de  Catherine  de  Médicis, 
de  Charles  IX,  du  cardinal  de  Bourbon,  du  duc  de 

1.  Lettre  de  Saint-Suplice  à  la  reine,  du  25  novembre  (Orig.; 
f.  fr.,  vol.  15877,  f.  386).  M.  Gachard  a  analysé  cette  lettre  d'après 
une  copie  contenue  dans  le  vol.  3161,  f.  74,  du  f.  fr.  [La  Biblioth. 
nat.  à  Paris,  t.  II,  p.  146). 

2.  Lettre  de  Philippe  II  à  la  reine,  du  25  novembre  (Minute  ; 
Arch.  nat.,  K.  1496,  n°  127). 

3.  Lettre  de  Saint-Suplice  à  la  reine,  du  25  novembre  (Orig.; 
f.  fr.,  vol.  15877,  f.  386). 

4.  Lettre  de  Philippe  II  à  Chantonay,  du  25  novembre  1562 
(Orig.  espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1496,  n°  128). 

5.  Instruction  de  Philippe  II  à  Alava,  du  29  novembre  (Arch. 
nat.,  K.  1496,  n°  132). 


368  ANTOINE    DE   BOURBON 

Guise,  du  prince  de  la  Roche-sur- Yon,  du  connétable1 
et  de  Ghantonay2. 

Au  milieu  de  ces  menaces  déguisées  et  des  sombres 
alternatives  que  la  mort  du  roi  de  Navarre  sem- 
blait lui  réserver,  la  reine  mère  éloignait  l'heure  de 
prendre  une  décision.  Peut-être  attendait-elle  l'ins- 
piration des  événements  ou  les  coups  imprévus  que 
ménage  la  fortune  de  la  guerre.  Son  inquiétude 
perçait  dans  ses  moindres  actes.  Le  langage  de  la 
reine  change  d'heure  en  heure,  écrit  l'ambassadeur 
vénitien,  ainsi  que  ses  résolutions.  «  Hier  matin,  Sa 
«  Majesté  est  allée  à  Madrid,  et  elle  est  venue  dîner  à 
«  Paris.  Puis  elle  décida  d'aller  au  pont  de  Gharenton, 
«  et  enfin,  très  tard,  elle  changea  d'avis  et  se  rendit 
«  au  bois  de  Vincennes.  »  Ces  déplacements  cachaient 
sans  doute  une  de  ces  négociations  mystérieuses  où 
Catherine  se  plaisait  à  l'insu  du  triumvirat.  De  tous  les 
partis  à  prendre,  depuis  que  le  choix  du  prince  de 
Condé  avait  été  repoussé,  celui  qu'elle  caressait  avec 
le  plus  de  préférence,  c'était  de  ne  donner  aucun  suc- 
cesseur au  roi  de  Navarre  et  de  garder  en  main  le 
pouvoir  tout  entier.  Pendant  plusieurs  jours ,  elle 
attendit,  sans  oser  la  saisir,  l'occasion  de  s'en  ouvrir 
au  duc  de  Guise.  Les  nécessités  de  la  guerre  la  rendaient 
tributaire  de  cet  habile  capitaine;  aussi  lui  montrait- 
elle  autant  de  confiance  dans  les  affaires  militaires  que 
de  réserve  dans  les  difficultés  du  gouvernement. 
Elle  le  consulta  enfin.  L'aveu  lit  craindrr  au  duc  une 


1.  Lettres  de  Philippe  II,  du  29  (Minutes;  Arch.  nat.,  K.  1496, 
no  129). 

2.  Lettre  de  Philippe  II  à  Ghantonay,  du  29  novembre  (Minute  ; 
Arch.  nat.,  K.  1496,  n°  130). 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  369 

nouvelle  retraite  de  la  cour,  un  second  voyage  à 
Fontainebleau,  peut-être  la  fuite  du  roi  à  Orléans.  Sur- 
le-champ  il  prit  sa  résolution.  Le  15,  Catherine  avait 
conduit  encore  une  fois  le  roi  à  Madrid.  Le  16,  sans 
user  de  violence  apparente,  le  duc  de  Guise  et  le 
connétable  allèrent  chercher  le  roi  et  la  reine  et  les 
ramenèrent  à  Paris.  Plus  d'un  courtisan  crut  à  l'enlè- 
vement du  roi.  Blessée  par  ces  mesures  de  défiance, 
Catherine  était  près  de  s'abandonner  aux  plus  graves 
extravagances  ;  elle  agita  de  se  retirer  en  Flandres 
avec  le  roi  et  de  se  confier  au  roi  d'Espagne.  Le  duc 
de  Guise  laissa  échapper  ce  secret  et  un  courtisan  le 
révéla  à  l'ambassadeur  vénitien1. 

Le  roi  de  Navarre,  pendant  les  derniers  jours  de 
sa  demeure  à  Darnetal,  avait  appelé  auprès  de  lui 
la  belle  Louise  du  Rouet  de  la  Beraudière,  demoiselle 
d'honneur  de  la  reine,  sa  maitresse  depuis  plusieurs 
mois.  Sa  blessure  s'aggrava  par  suite  d'imprudences 
dont  les  ambassadeurs  étrangers  parlent  à  mots  cou- 
verts. Il  en  accusa  l'air  de  Rouen  et  pressa  son  départ 
pour  Saint-Maur.  Un  jour,  Catherine  vint  le  visiter  à 
Darnetal  et  lui  conseilla  de  demander  à  ses  serviteurs 
quelques  lectures  pieuses.  Il  lui  répondit  que  tous  ses 
serviteurs  appartenaient  à  la  réforme2.  Le  parti  catho- 
lique envoya  alors  au  chevet  de  son  lit  Vincent  Lauro, 
ancien  serviteur  du  cardinal  de  Tournon,  autrefois 
attaché  à  sa  maison  au  temps  du  colloque  de  Poissy. 

1.  Lettres  de  Marc-Antoine  Barbare»,  du  16  et  du  18  novembre 
(Dépêches  vénit.,  tilza  4  bis,  f.  50  v°  et  161). 

2.  Cette  visite  ne  put  avoir  lieu  qu'à  Rouen,  comme  le  dit  de 
Bèze  [Hist.  ecclés.,  t.  II,  p.  173),  et  non  après  l'embarquement  du 
prince,  comme  le  dit  la  pièce  publiée  dans  les  Mémoires  de  Condé, 
t.  IV,  p.  117. 

IV  24 


370  ANTOINE   DE    BOURBON 

Lauro  exhorta  si  bien  le  prince  qu'il  le  décida  à  se 
confesser,  le  9  novembre,  à  l'official  de  Rouen  et  à 
recevoir  la  communion  ' .  A  la  suite  de  cette  démons- 
tration, sur  les  conseils  de  Nicolas  Dangu,  évêque  de 
Mende,  il  fit  son  testament  et  promit  quelques  legs  aux 
gentilshommes  catholiques  et  des  chevaux  au  duc  de 
Guise2. 

Enfin  il  s'embarqua  le  15  novembre  avec  Raphaël 
de  Taillevis  de  la  Mesière,  médecin  huguenot,  qui  le 
servait  depuis  plus  de  vingt  ans.  Jean  de  Losses,  gou- 
verneur du  prince  de  Béarn,  vint  le  visiter.  Son  état 
ne  laissait  plus  d'espérance.  Le  16,  Marc-Antoine  Bar- 
baro  écrit  :  «  Le  roi  de  Navarre  laborat  in  extremis; 
«  et,  à  ce  qu'on  dit,  il  n'y  a  plus  de  remède  à  son 
«  mal3.  »  La  nuit  qui  suivit  son  départ,  Antoine 
appela  son  médecin  et  lui  demanda  une  lecture  des 
saints  évangiles.  «  Je  veux,  dit  le  prince,  envoyer 
«  Raphaël  à  Genève  pour  être  ministre.  »  Dans  le 
cours  de  la  lecture,  il  rencontra  un  passage  de  Saint 
Paul,  qui  recommande  aux  femmes  l'obéissance  à  leurs 
maris.  Ces  mots  rappelèrent  au  prince  l'abandon  de  sa 
femme  :  «  Raphaël,  vous  voyez  comme  Dieu  veut  que 
«  les  femmes  obéissent  à  leurs  maris.  »  —  «  Il  est  vrai, 
«  répondit  Raphaël,  mais  l'Écriture  dit  aussi  :  Maris, 

1.  Ce  t'ait,  est  raconté  par  de  Bèze  [Hist.  ecclês.,  1882,  t.  II, 
p.  173),  par  de  Thou  (1740,  t.  111,  p.  336),  et  certifié  par  Borde- 
nave  [Hist.  de  lira  ni,  p.  114). 

2.  Pièce  publiée  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  IV,  p.  116.  Cette 
pièce,  qui  est  imprimée  d'après  une  copie  contenue  dans  la  coll. 
Dupuy,  a  été  connue  de  île  Bèze,  qui  en  reproduit  presque  tex- 
tuellement les  parties  principales.  Mlle  esl  t^néralernent  attri- 
buée à  Raphaël  de  Taillevis,  s.  de  la  Mézière,  médecin  du  roi  de 
Navarre  (Brantôme,  t.  IV,  p.  il9) 

'.    Dépêches  vénit.,  filza  4  bis,  ï.  161. 


ET   JEANNE    d'aLBRET.  371 

«  aimez  vos  femmes.  »  Le  médecin  profita  de  ce 
moment  pour  adresser  des  représentations  à  son 
maître  :  «  Ah  !  Raphaël,  je  vois  bien  que  je  suis  mort. 
«  Il  y  a  vingt-sept  ans  que  vous  me  servez  et  mainte- 
«  nant  vous  voyez  les  jours  déplorables  de  ma  vie1.  » 
Après  cet  aveu,  il  protesta  que,  si  Dieu  lui  faisait 
grâce  de  la  vie,  il  ferait  prêcher  l'évangile  dans  tout 
le  royaume  suivant  le  formulaire  de  la  confession 
d'Augsbourg.  Le  16  au  soir,  il  éprouva  un  peu  d'amé- 
lioration. Le  lendemain,  il  dit  qu'il  voulait  vivre  et 
«  mourir  en  l'opinion  d'Auguste-.  »  L'infortuné  prince 
touchait  à  ses  derniers  moments.  Le  bateau  s'arrêta 
en  face  des  Andelys.  Le  cardinal  de  Bourbon  et  le 
prince  de  la  Roche-sur-Yon,  pour  donner  le  change 
sur  ses  derniers  sentiments,  introduisirent  au  chevet 
de  son  lit  un  jacobin  défroqué,  qui  avait  repris  l'habit 
depuis  la  prise  de  Rouen.  Le  jacobin  lui  reprocha  ses 
variations,  son  inconstance  religieuse  en  termes  qui 
eurent  l'approbation  du  cardinal  de  Bourbon.  Antoine 
ne  répondit  rien  et  le  jacobin  continua  à  «  l'admones- 
«  ter  fort  chrestiennement  et  sans  cafarder.  »  Raphaël 
de  Taille  vis  recommença  sa  lecture.  Antoine  tomba  en 
syncope.  Au  moment  de  rendre  le  dernier  soupir,  il 
sortit  de  sa  léthargie,  appela  un  valet  italien  qu'il 
aimait,  le  prit  par  la  barbe  et  lui  dit  :  «  Servez  bien 
«  mon  fils  et  qu'il  serve  bien  le  roy.  »  Ce  furent  ses 
dernières  paroles.  Il  expira  à  neuf  heures  du  soir3. 


1.  Pièce  publiée  dans  les  Mémoires  de  Condô,  t.  IV,  p.  117. 

2.  Voyez  plus  loin. 

3.  Lettre  de  Chantonay,  du  18  novembre,  dans  les  Mémoires  de 
Condé,  t.  II,  p.  109.  —  Les  derniers  moments  du  roi  de  Navarre 
sont  racontés  dans  le  récit  attribué  à  Raphaël  (\o  Taillevis. 


372  ANTOINE    DE    BOURBON 

Antoine  de  Bourbon  était  d'une  taille  élancée.  Son 
élégance  personnelle,  la  noblesse  de  son  maintien,  la 
recherche  de  ses  vêtements,  le  luxe  de  ses  équipages 
l'avaient  distingué  à  la  cour  de  Henri  II.  Ses  por- 
traits, d'accord  avec  la  réputation  qu'il  a  laissée, 
donnent  plutôt  l'idée  d'un  courtisan  raffiné  que  d'un 
prince  doué  d'assez  fortes  qualités  pour  jouer  un  rôle 
politique.  Le  grand  soin  qu'il  avait  de  sa  personne  lui 
avait  fait  prendre  des  habitudes  qui  accusent  peu  d'élé- 
vation d'esprit.  Même  dans  l'âge  mûr,  soit  à  la  cour,  soit 
à  la  guerre,  il  portait  des  bagues  et  des  boucles  d'oreille 
à  la  façon  des  femmes  galantes  ' .  Cette  mode  étrange  fut 
suivie  sous  Henri  III  par  les  mignons  de  la  cour.  Sci- 
pion  Dupleix,  historien  gascon,  fait  connaître  une 
manie  encore  plus  singulière  de  ce  prince  :  «  J'ay  appris 
«  de  ses  serviteurs  domestiques  qu'il  avoit  une  seule 
«  mauvaise  habitude,  laquelle  sembloit  procéder  de 
«  quelque  influence  de  Mercure.  C'est  qu'il  ne  pouvoit 
«  s'empescher  de  desrober  quelque  petite  chose  par- 
te tout  où  il  alloit;  de  sorte  que  les  siens  visitoient  le 
«  soir  les  pochettes  de  ses  chausses,  après  qu'il  estoit 
«  couché,  et  prenoient  ce  qu'ils  y  trouvoient  :  lui- 
«  même,  le  plus  souvent,  leur  commandant  de  ce  faire 
«  et  leur  nommant  ceux  à  qui  ces  chosetes  apparte- 
«  noient,  afin  de  les  leur  rendre2.  » 

C'était  surtout  en  matière  religieuse  que  le  roi  de 
Navarre  montrait  une  légèreté  coupable.  Tantôt  fer- 
vent calviniste,  tantôt  catholique,  tantôt  luthérien,  il 
changeait  de  culte  aussi  facilement  que  de  politique, 
ou  plutôt  il  subordonnait  les  pius  graves  devoirs  de 

\.  Relation*  des  ambassadeurs  vénitiens,  t.  I,  i>.  553;  t.  II,  p.  45. 
'2.  Dupleix,  Hist.  de  France,  in-fol.,  1637,  t.  III,  p.  645. 


ET    JEANNE    DALBRET.  373 

la  religion  aux  futiles  exigences  de  la  politique. 
Il  montra  à  ses  anciens  coreligionnaires,  quand  il  les 
eut  abandonnés,  une  dureté  implacable.  Le  duc  de 
Guise  était  «  cent  fois  plus  miséricordieux1.  »  Sa  mort 
fut  l'image  de  sa  vie  ;  il  se  confessa,  communia,  fit  une 
profession  de  foi  luthérienne  et  prêta  l'oreille  avec 
plaisir  aux  exhortations  de  son  médecin,  mi-recettes 
médicales,  mi-conseils  luthériens.  Marc-Antoine  Bar- 
baro,  le  témoin  le  plus  autorisé  des  derniers  moments 
du  prince,  atteste  qu'il  mourut  dans  les  sentiments 
de  la  confession  d'Augsbourg  :  «  Je  veux  vous 
«  écrire  quelques  particularités  sur  la  mort  du  roi  de 
«  Navarre,  parce  qu'on  en  a  parlé  de  différentes 
«  manières,  suivant  la  disposition  et  l'esprit  particu- 
«  lier  de  chacun.  Cependant,  par  ce  que  j'ay  pu  com- 
te prendre,  l'opinion  générale  est  qu'il  est  mort  dans 
«  la  confession  augustine  et  que,  quelques  jours  avant 
«  sa  mort,  il  auroit  laissé  entendre  et  auroit  fait  la  pro- 
«  testation  qu'il  mouroit  dans  cette  confession.  Et  il 
«  auroit  ajouté  ces  autres  paroles  :  que,  si  Dieu  l'avoit 
«  laissé  vivre,  il  auroit  voulu  se  réconcilier  avec  son 
«  frère  et  chercher  à  ramener  tout  son  royaume  à  cette 
«  confession.  On  veut  que,  nonobstant  ceci,  ce  roi  ait 
«  communié  pendant  sa  maladie,  parce  que  la  confes- 
«  sion  augustine  n'exclut  pas  la  communion  ;  mais 
«  elle  nie,  comme  le  sait  Votre  Sérénité,  la  transmu- 
«  tation  de  la  substance2.  » 

Quelques  jours  après,  le  même  ambassadeur  confir- 
mait ses  premiers  renseignements  :  «  Je  me  suis  assuré 

1.  Brantôme,  t.  IV,  p.  236. 

2.  Lettre  du  25  novembre  1562,  (Dépèches  vénit.,  filza  A  bis, 
f.  164). 


374  ANTOINE   DE   BOURBON 

«  de  ce  que  j'avois  déjà  écrit  à  Votre  Excellence,  que 
«  j'avois  entendu  que  le  roi  de  Navarre  est  mort  dans 
«  la  confession  augustine  et  que  véritablement  il  a  dit 
«  de  sa  propre  bouche  qu'il  mouroit  dans  cette  con- 
«  fession  1 .  » 

Antoine  relevait  son  caractère  sur  les  champs  de 
bataille.  Bienveillant  pour  ses  inférieurs,  affable  vis-à- 
vis  de  ses  égaux,  prêt  à  payer  de  sa  personne  au  pre- 
mier rang,  il  avait  la  vertu  d'entraîner  les  gens  de 
guerre,  qu'il  légua  à  son  fils.  Son  exemple  ne  laissait 
aucun  soldat  indifférent.  Bon  capitaine  plutôt  qu'habile 
chef  d'armée,  il  ne  le  cédait,  au  jour  du  danger,  ni  au 
duc  de  Guise,  ni  au  maréchal  de  Brissac,  ni  à  Biaise  de 
M  on  lue,  pour  conduire  les  hommes  au  feu,  et  montrait 
devant  l'ennemi  une  bravoure  naturelle,  qui  est  deve- 
nue le  patrimoine  de  sa  race2. 

Ses  mœurs  ne  paraissent  pas  avoir  été  plus  cou- 
pables que  celles  de  la  plupart  des  princes  de  son 
temps.  Après  sa  mort,  Louise  de  la  Béraudière  de 
l'Isle-Bouet,  dont  il  avait  été  le  «  serviteur  »  pendant 
la  dernière  année  de  sa  vie  et  qui  lui  avait  donné  un 
fils3,  épousa  Louis  de  Madaillan,  seigneur  de  Lesparre, 

1.  «  Io  mi  son  cerliiicato  rti  quelle,  che  gia  scrissi  a  V.  E.  haver 
sentito  de]  re  < l i  Navarra  che  fusse  morto  con  la  confessione 
Augustana,  havendo  veramente  cosi  esso  detto  di  bocca  sua  che 
con  taie  confessione  moriva.  »  (Lettre  du  li  décembre  1562; 
Dépêches  vénit.,  filza  i  bis,  f.  -106.) 

2.  Relations  des  ambassadeurs  vénitiens,  t.  1,  p.  44.  —  Mémoires 
de  Claude  Ilatou,  t.  I,  p.  291. 

:>.  Ce  lils,  Charles  de  Bourbon,  donl  la  date  de  la  naissance  esl 
incertaine,  fui  élevé  «lans  les  principes  de  la  réforme  et  fait  pri- 
sonnier à.  la  bataille  de  Jarnac  (Mémoires  de  Gastelnau,  liv.  VII, 
ch.  iv).  Plus  lard,  il  devint  évêque  de  Clominges  [Lettres  d' A  /il.  de 
Bourbon  et  de  Jehanne  d'Albret,  p.  302  el  350),  prieur  de  Saint- 


ET   JEANNE    I)  ALBRET.  375 

baron  d'Estissac,  gouverneur  de  la  Rochelle  et  du  pays 
d'Aunis,  célèbre  dans  les  provinces  de  l'Ouest  par  sa 
haine  pour  la  réforme.  Elle  eut  deux  filles,  dont  l'une 
épousa  en  1 587  François  de  la  Rochefoucault  et  porta 
dans  cette  illustre  maison  le  nom  de  la  seigneurie 
d'Estissac.  Devenue  veuve  en  1 565 ,  la  belle  Rouet 
reparut  à  la  cour  et  y  reprit  sa  vie  galante.  Brantôme 
parle  d'elle  en  termes  qui  laissent  supposer  plus  d'un 
mystère1.  En  1580,  elle  reçut  en  don  du  roi  l'évèché 
de  Quimper,  dans  la  Cornouaille,  et  épousa  Robert  de 
Gombaut,  seigneur  d'Arcy-sur-Aube,  l'un  des  courti- 
sans de  Henri  III  et  le  chef  du  conseil  de  ses  mignons2. 
Ce  don  du  roi  et  le  mariage  qui  en  avait  été  le  prix 
excitèrent  la  verve  des  railleurs3.  Gombaut,  «  avec  sa 
«  gravité  naturelle4,  »  resta  impassible  devant  les 
satires.  En  1583,  il  devint  chevalier  du  Saint-Esprit 
et  premier  maître  d'hôtel  du  roi  ;  sa  femme,  dame 
d'atour  de  la  reine  Louise  de  Lorraine.  Ils  furent  chas- 
sés de  la  cour  le  3  septembre  15885. 

Orens  à  Auch,  évèque  de  Lectoure,  archevêque  de  Rouen,  abbé 
de  Marmoutiers,  etc.  Il  mourut  en  1610.  Nous  reviendrons  sur  le 
compte  de  ce  personnage. 

1.  Brantôme,  t.  X,  p.  428  et  suiv. 

2.  Mémoires  de  Marguerite  de  Valois,  édit.  elzév.,  p.  141. 

3.  Rasse  des  Nœuds  a  recueilli  le  sixain  suivant  (f.  fr.,  vol.  22665, 
f.  55),  qui  a  depuis  été  publié  par  M.  Lalanne  (Brantôme,  t.  X, 
p.  405)  : 

Pour  espouser  Rouet,  avoir  un  évesché, 

N'est-ce  pas  à  Gombault  sacrilège  pesché, 

Dont  le  peuple  en  murmure  et  l'esglise  en  souspire. 

Mais  quand  de  Cornouaille  on  vient  dire  le  nom, 

Digne  du  mariage  on  estime  le  don 

Et,  au  lieu  d'en  plorer,  chacun  n'en  fait  que  rire. 

4.  Mot  de  Marguerite  (Mémoires,  édit.  elzév.,  p.  142). 

5.  Mémoires  de  Cheverny,  coll.  Petitot,  p.  11  i  et  note. 


376  ANTOINE   DE   BOURBON 

La  politique  d'Antoine  de  Bourbon,  son  ambition 
aveugle  méritent  de  graves  reproches.  Jamais  il  ne 
sut  reconnaître  que  l'Espagne  ne  pouvait  ni  ne  vou- 
lait rien  faire  pour  lui  et  il  sacrifia  tout  à  la  dédai- 
gneuse alliance  de  Philippe  II.  Sa  crédulité  était  un 
objet  de  risée  pour  ses  propres  serviteurs.  Presque 
à  sa  dernière  heure,  il  entretenait  son  médecin  des 
fertiles  vallées  de  la  Sardaigne,  de  la  richesse  des 
habitants,  des  bois  d'orangers  qui  couvraient  les 
montagnes  l.  Le  lendemain  même  de  sa  mort,  Antonio 
d'Almeida  arriva  à  la  cour2,  porteur  de  mauvaises  nou- 
velles. «  Le  Portugais  est  revenu  d'Espagne,  écrit  le 
«  nonce,  et  je  crois,  suivant  ce  que  j'ai  vu  des  résolu- 
«  tions  qu'il  en  apporte,  que  ça  a  été  un  grand  bonheur 
«  qu'il  ait  trouvé  le  roi  de  Navarre  mort,  parce  que, 
«  n'y  ayant  point  de  conclusion,  mais,  au  contraire, 
«  l'ambassadeur  de  France  qui  réside  en  ce  pays-là 
«  ayant  écrit  qu'il  ne  pouvait  pas  l'obtenir,  je  me 
«  figure  que  ce  refus  aurait  causé  quelque  grand  chan- 
«  gement,  puisqu'il  y  avait  déjà  beaucoup  de  dispo- 
«  sition  pour  cela3.  » 

Au  commencement  de  novembre,  Antoine  de  Bour- 
bon avait  envoyé  François  d'Escars  à  Madrid4.  D'Escars 
se  retarda  en  Guyenne  et  reçut  à  Bordeaux  la  nouvelle 
de  la  mort  de  son  maître5.  Catherine  se  hâta  de  clore  la 


1.  Mémoires  de  Condé,  t.  IV,  p.  116. 

2.  Lettre  autographe  de  François  d'Escars  an  roi  d'Espagne, 
du  1er  janvier  1503  (Arch.  nat.,  K.  1500,  n°  31). 

3.  Lettre  de  Sainte-Croix,  dans  les  Archives  curieuses,  t.  VI, 
1».  115. 

4.  Lettre  de  Ghantonay,  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  104. 

5.  Lettre  de  d'Escars  à  la   reine,  du  3  décembre  1562  (Orig.; 
f.  fr.,  vol.  15877,  f.  433). 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  377 

comédie  des  négociations  espagnoles.  Elle  commanda  à 
d'Escars  de  rester  à  Bordeaux  et  prétexta  que  le  roi  de 
Navarre  lui-même,  avant  de  rendre  le  dernier  soupir, 
avait  ordonné  l'ajournement  de  l'ambassade1.  Ainsi  se 
terminèrent  les  négociations  que  Henri  d'Albret  et 
Antoine  de  Bourbon  avaient  engagées  après  la  dépos- 
session de  1512  et  poursuivies  malgré  les  événements, 
quelquefois  même  au  prix  de  leur  honneur  de  princes 
français.  D'Escars  seul  en  tira  quelques  avantages.  Il 
reçut  d'importantes  charges  en  Guyenne,  et,  en  com- 
pensation de  ses  dépenses,  un  don  du  roi  provenant 
de  la  vente  d'un  office  de  maître  des  requêtes2.  D'Al- 
meida  fut  moins  heureux.  Il  n'obtint  même  pas  la  con- 
firmation des  pensions  que  le  roi  de  Navarre  lui  avait 
payées  pendant  sa  vie  et  fut  réduit  à  accepter,  pour 
mériter  ses  gages,  de  nouvelles  missions  en  Espagne3. 
La  mort  du  roi  de  Navarre  apporta  peu  de  change- 
ment aux  affaires  de  l'État.  Irrésolu,  chimérique, 
prompt  à  subordonner  à  de  mesquines  considérations 
les  impérieux  devoirs  de  sa  dignité  de  lieutenant  géné- 
ral, il  n'exerçait  en  dehors  des  champs  de  bataille  qu'un 
pouvoir  secondaire  ;  la  reine  mère  avait  appris  à  le 
maîtriser  sans  le  heurter  de  front4.  Elle  ne  le  regretta 
guère  et  n'avait  aucun  motif  de  le  regretter.  Ne  lui 
avait-il  pas  disputé  la  régence  et  imposé  les  conseils  de 
Philippe  II?  Elle  feignit  une  grande  douleur5;  mais,  dit 

1.  Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  I,  p.  436. 

2.  Acte  du  18  décembre  1562  (Copie  du  temps;  f.  fr.,  vol.  15877, 
f.  423. 

3.  Lettre  de  d'Escars  à  Philippe  II,  du  1er  janvier  (Autog.;  Arch. 
bat.,  K.  1500,  ir  31). 

4.  Mémoires  de  Tavannes,  coll.  Petitot,  p.  376. 

5.  Mémoires  de  Claude  Haton,  t.  I,  p.  291. 


378  ANTOINE    DE   BOURBON 

Le  Laboureur1,  «  c'estoit  assez,  pour  ne  lui  donner  que 
«  de  fausses  larmes,  que  ce  roy  luy  en  eût  tiré  de  véri- 
«  tables  quand  il  la  ramena  de  Fontainebleau  à  Paris2.  » 
Le  roi,  par  une  circulaire  pompeuse,  informa  tous  ses 
officiers  que  «  il  avoit  plu  à  Dieu  appeler  à  sa  part  son 
«  oncle  le  roy  de  Navarre,  »  et  commanda  à  tout  capi- 
taine, lieutenant  ou  gouverneur,  de  n'obéir  qu'à  lui- 
même  ou  à  sa  mère3.  La  cour  de  France  prit  le  deuil, 
un  deuil  d'étiquette,  qui  n'ajoutait  rien  aux  faibles 
regrets  que  le  lieutenant  général  laissait  après  lui4. 
Pie  IV  et  le  cardinal  Borromée  adressèrent  leurs  con- 
doléances à  la  reine  de  France5.  La  mort  du  prince  fut 
communiquée  officiellement  au  duc  d'Albuquerque  par 
un  des  secrétaires  de  Jeanne  d'Albret.  Voici  la  lettre 
du  duc  au  roi  d'Espagne  :  «  J'ai  reçu  ce  matin  la 
«  visite  d'un  secrétaire  de  madame  de  Vendôme, 
«  nommé  Colon,  envoyé  par  elle  pour  faire  part  à 
«  Votre  Majesté,  par  mon  intermédiaire,  de  la  mort  de 
«  son  mari  et  de  son  vif  désir  de  servir  Votre  Majesté 
«  et  de  posséder  votre  amitié.  Il  est  reparti  cette  après- 
«  midi  en  grande  hâte,  parce  que,  d'après  ce  que  je 
«  crois,  sa  maîtresse  a  beaucoup  plus  de  crainte  qu'il 
«  ne  dit  et  que  nulle  part  elle  ne  se  sent  en  sûreté6.  » 

1.  Mémoires  de  Castelnau,  1731,  t.  I,  p.  845. 

2.  Voyez  ci-dessus. 

3.  Lettre  de  Charles  IX  au  s.  de  Mailly,  du  18  nov.  1562  (Orig.; 
f.  fr.,  vol.  20434,  f.  50). 

4.  Etienne  Pasquier  constate  dans  ses  lettres  combien  le  prince 
(Hait  peu  regretté  (Lettres  dans  les  OEuvres  complètes,  in-fol., 
t.  II,  col.  101  et  102). 

5.  Ces  deux  lettres,  datées  du  7  décembre,  sont  imprimées, 
l'une  dans  les  Annal.  Raynaldi,  t.  XXI,  ann.  1502,  n"  171  ;  l'autre 
dans  Gallia  purpurala  de  Frizon,  p.  616. 

il.  Lettre  du  i\wr  d'Albuquerque  à  Philippe  11,  du  9  novembre 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  379 

Le  roi  et  la  reine  d'Espagne  prirent  le  deuil  pour 
quatre  jours4.  Les  recueils  du  temps  contiennent  six 
lettres  de  condoléance  adressées  à  la  reine  de  Navarre 
par  le  prince  et  la  princesse  de  Condé,  le  comte  et  la 
comtesse  de  la  Rochelbucault,  le  prince  de  Melphe  et 
Adam  Fumée2.  Calvin  à  son  tour  écrivit  à  Jeanne 
d'Albret  le  2!0  janvier  suivant3. 

Les  historiens  du  temps  sont  unanimes  dans  leurs 
jugements  sur  le  caractère  du  roi  de  Navarre.  Us 
rappellent  sa  légèreté  incurable,  l'aveuglement  de  sa 
politique,  son  inconstance  «  plus  par  foiblesse  de  cer- 
«  velle  que  de  cœur  *  ;  »  tous  lui  pardonnent  ses  défauts 
en  faveur  des  qualités  de  son  fils.  «  C'est  perdre  temps, 
«  dit  Mathieu,  que  de  chercher  autre  témoignage  de 
«  ce  qu'il  estoit  à  la  France  que  son  propre  sang5.  » 
Ce  jugement  sera  sans  doute  le  dernier  jugement  de 
l'histoire  :  «  Quand  en  son  temps,  dit  Brantôme,  il 
«  n'auroit  fait  autres  belles  choses  que  d'avoir  faict 
«  et  procréé  nostre  grand  roy  d'aujourd'hui,  Henri  IV, 
«  à  qui  la  France  doit  tout  son  bonheur,  il  a  fait  beau- 
ce  coup  et  est  digne  de  très  grandes  et  incomparables 
«  louanges6.  » 

1562  (Orig.  espagnol;  Arch.  de  la  secrétairerie  d'État  d'Espagne, 
Navarre,  fllza  358,  f.  52). 

1.  Lettre  de  Saint-Suplice  à  la  reine  mère,  du  17  décembre 
1562  (f.  fr.;  vol.  3161,  f.  76  V). 

2.  Ces  lettres,  datées  des  21,  22,  25,  26  et  27  novembre,  sont 
imprimées  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  IV,  p.  123. 

3.  Lettres  françaises  de  Calvin,  t.  II,  p.  188. 

4.  D'Aubigné,  Hist.  univ.,  1626,  t.  I,  col.  221. 

5.  P.  Mathieu,  Hist.  de  France,  in-fol.,  t.  I,  p.  203. 

6.  Brantôme,  t.  IV,  p.  372. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 


I. 


Lettre  de  Chantonay,  ambassadeur  d'Espagne,  à  Philippe  II, 
Poissy,  8  janvier  4  562.  —  Bonnes  intentions  du  duc  de  Ven- 
dôme pour  le  parti  catholique.  —  Il  parait  satisfait  de  la  réponse 
apportée  de  Madrid  par  le  seigneur  d'Auzance.  —  Ses  conseil- 
lers les  plus  habituels  sont  François  d'Escars  et  Philippe  de 
Lenoncourt,  évêque  d  Auxerre.  —  La  reine  mère  est  encore 
troublée  de  la  tentative  d'enlèvement  du  duc  d'Orléans  par  le 
duc  de  Nemours.  —  Elle  a  près  d'elle  pour  conseillers  l'amiral 
de  Coligny  et  le  cardinal  de  Chastillon.  —  Chantonay  estime 
que  la  culpabilité  du  duc  de  Nemours  n'est  pas  aussi  démontrée 
qu'on  veut  le  faire  croire  et  que,  d'ailleurs,  l'affaire  n'est  pas 
aussi  grave  qu'on  le  dit.  —  Le  duc  de  Vendôme  y  attache  cepen- 
dant une  grande  importance.  —  Il  a  promis  à  l'ambassadeur 
d'Espagne  qu'il  chasserait  bientôt  sa  femme  de  la  cour.  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat.,  K.  4497,  n°  4.) 

Lettre  de  Philippe  II  à  Chantonay,  Madrid,  iS  janvier  \  ->ii2. 
—  Le  seigneur  d'Auzance  est  parti  de  Madrid.  —  Le  roi  d'Es- 
pagne désapprouve  les  voyages  que  fait  le  prince  de  Condé  avec 
une  escorte  armée.  —  Il  félicite  le  duc  de  Vendôme  du  choix  de 
ses  nouveaux  conseillers.  —  Il  approuve  l'opposition  de  Chan- 


382  ANTOINE   DE   BOURBON 

tonay  à  rassemblée  de  Saint-Germain.  —  Il  regrette  l'éducation 
anti-catholique  que  la  reine  fait  donner  au  roi  ainsi  qu'au  duc 
d'Anjou  et  conseille  à  Ghan tonay  de  protester  auprès  du  duc  de 
Vendôme.  —  Le  roi  regrette  que  le  seigneur  de  Cypierre  ait  été 
renvoyé  d'auprès  le  roi  de  France.  (Orig.  espagnol;  Arch.  nat., 
K.  1496,  n°34.) 

Lettre  du  duc  d'Albeà  Chantonay,  Madrid,  \ 8 janvier  4562. 
—  Même  sujet  que  la  lettre  du  roi  d'Espagne  précédemment 
analysée.  —  Le  duc  d'Albe  insiste  en  outre  sur  l'impossibilité 
de  donner  au  duc  de  Vendôme  File  de  Sardaigne  et  sur  les  avan- 
tages du  don  de  la  Tunisie.  —  En  qualité  de  roi  de  Tunis,  Ven- 
dôme sera  tributaire  du  roi  d'Espagne.  —  Philippe  II  agit  à 
titre  de  libéralité  et  non  pas  de  compensation.  —  La  générosité 
du  roi  d'Espagne  est  soumise  à  une  condition  résolutoire,  celle 
de  la  protection  que  le  duc  de  Vendôme  s'est  engagé  à  donner 
au  parti  catholique.  —  Sur  ces  bases  le  duc  de  Vendôme  peut 
envoyer  un  plénipotentiaire  à  Madrid.  (Orig.  espagnol  ;  Arch. 
nat.,  K.  1496,  n°  35.) 

Précis  des  points  sur  lesquels  Sébastien  de  PAubespine, 
évoque  de  Limoges,  ambassadeur  de  France  à  Madrid,  a  demandé 
qu'il  lui  soit  répondu  par  la  chancellerie  espagnole,  sans  date 
[vers  le  \  8  janvier  \  562) .  —  Pièce  relative  aux  négociations  du 
roi  de  Navarre  en  Espagne  et  compte-rendu  des  efforts  poursuivis 
par  l'ambassadeur  de  France,  en  faveur  du  prince,  auprès  de 
Philippe  II.  (Résumé  de  chancellerie  en  espagnol;  Arch.  nat., 
K.  U96,  n0  34.) 

Lettre  de  Sébastien  de  l'Aubespine  au  roi  de  Navarre,  Madrid, 
20  janvier  1564  (1562).  —  Récit  d'une  audience  donnée  par  le 
roi  d'Espagne  à  l'ambassadeur  de  France.  —  Philippe  II  feint 
d'ignorer  l'objet  des  revendications  du  prince,  mais  il  se  montre 
très  généreux  en  paroles  el  très  abondant  en  promesses.  (Copie 
du  temps;  f.  fr.,  vol.  16103,  f.  139.) 

Pouvoir  expédié  par  le  roi  et  par  la  reine  de  Navarre  à  Louis 
d'Albret,  évèque  de  Lcscar,  et  à  Arnaud  de  Saint-Geniez,  sei- 
gneur d'Audos,  pour  commander  en  Béarn.  (Copie  du  temps; 
coll.  Dupuy,  vol.  153,  f.  73.) 


ET   JEANNE   d'aLBRET.  383 

Lettre  du  duc  d'Albe  au  duc  de  Vendôme,  adressée  «  à  mon- 
sieur le  roy,  prince  de  Béarn,  »  Madrid,  23  janvier  4  564  (4  562). 

—  Lettre  de  salutation  et  réponse  à  une  lettre  précédente;  pro- 
testation nouvelle  d'amitié.  (Minute  en  français  accompagnée 
d'une  copie  en  espagnol;  Arch.  nat.,  K.  -1496,  n°  36.) 

Lettre  du  duc  d'Albe  à  Chantonay,  Madrid,  23  janvier  4  562. 

—  Satisfaction  du  roi  d'Espagne  de  la  négociation  suivie  avec 
le  duc  de  Vendôme  et  approbation  de  la  nouvelle  politique  de  ce 
prince,  ainsi  que  de  l'expulsion  de  la  cour  de  Jeanne  cTAlbret. 
(Orig.  espagnol;  Arch.  nat.,  K.  4496,  n°  34). 

Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  Poissy,  23  janvier  4  562. 

—  Récit  détaillé  de  l'assemblée  de  Saint-Germain.  —  Elle  a 
duré  jusqu'au  48  du  mois.  —  Analyse  du  discours  de  l'évéque 
de  Valence.  —  Habile  modération  du  chancelier.  —  Le  duc  de 
Vendôme  a  parlé  en  faveur  des  catholiques.  —  Résolutions 
prises  par  rassemblée  de  Saint-Germain.  —  Concile  de  Trente. 

—  Le  duc  de  Vendôme  a  envoyé  à  l'ambassadeur  d'Espagne 
François  d'Escars,  pour  lui  faire  part  de  ses  bonnes  intentions. 

—  De  l'édit  prochain  ;  Chantonay  doute  de  son  orthodoxie.  — 
D'Escars  assure  que  la  reine  et  que  le  duc  de  Vendôme  ont 
donné  toute  leur  confiance  au  cardinal  deTournon  et  au  conné- 
table de  Montmorency.  —  L'amiral  de  Coligny  et  le  cardinal  de 
Châtillon  ne  sont  plus  en  crédit.  —  Vendôme  promet  de  les 
chasser  de  la  cour.  —  Il  faudra  aussi  chasser  la  dame  de  Crus- 
sol.  —  Le  connétable  est  en  hostilité  déclarée  avec  ses  neveux 
de  Chastillon  et  regrette  de  les  avoir  protégés  jusque-là.  — 
Le  cardinal  de  Ferrare,  légat,  a  pu  obtenir  ses  lettres.  — 
Touchant  ie  mariage  projeté  entre  le  duc  d'Orléans  et  la  fdle  de 
Vendôme  ;  elle  aura  en  dot  les  biens  que  Vendôme  possède  dans 
les  Pays-Bas.  —  Vendôme  est  à  la  veille  d'écrire  au  roi  d'Es- 
pagne. (Orig.  espagnol-,  Arch.  nat.,  K.  4  497,  n°  6.) 

Lettre  de  Sébastien  de  PAubespine  au  roi  de  Navarre,  Madrid, 
27  janvier  4  564  (4  562).  —  Mauvaises  dispositions  du  roi  d'Es- 
pagne et  de  ses  ministres  parce  qu'ils  s'imaginent  que  les 
agents  du  roi  de  Navarre  ont  voulu  exciter  contre  eux  les  sujets 
de  Catalogne.  (Copie  du  temps-,  f.  fr.,  vol.  46403,  f.  453.) 


384  ANTOINE   DE   BOURBON 

Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  Poissy,  30  janvier  1562. 

—  Jugement  de  Ghantonay  sur  l'édil  de  janvier.  —  La  reine  est 
surprise  de  l'opposition  que  l'ambassadeur  d'Espagne  fait  à  cet 
acte.  —  Le  chancelier  est  plus  coupable  qu'aucun  autre  conseil- 
ler de  la  reine  de  la  promulgation  de  l'édit.  —  Vendôme 
annonce  de  bonnes  intentions.  —  Ghantonay  conseille  à  son 
maître  de  ne  pas  écrire  à  Vendôme  qu'il  désapprouve  cet  édit 
pour  ne  pas  le  décourager.  —  Vendôme,  bon  catholique,  va 
chaque  jour  à  la  messe.  —  Sa  déclaration  au  Parlement  dans 
le  sens  catholique.  —  Il  ne  veut  pas  que  sa  femme  aille  au 
prêche.  —  Il  presse  le  Parlement  d'enregistrer  l'édit.  —  Retour 
sur  le  tumulte  de  Saint-Médard.  —  Conversation  de  l'ambassa- 
deur avec  François  d'Escars  au  sujet  de  la  part  de  Vendôme 
dans  Ledit  de  janvier.  —  Demande  d'explications  au  sujet  du 
voyage  de  Rambouillet  en  Allemagne.  —  Conseils  d'écarter  de 
la  cour  les  Chastillon  et  Jeanne  d'Albret.  —  Popularité  de  Ven- 
dôme dans  les  rangs  du  parti  catholique.  —  Curieuse  altercation 
de  la  reine  avec  Vendôme  au  sujet  des  correspondances  que  la 
reine  lui  dissimule.  —  Altercation  de  la  reine  avec  le  connétable, 
à  la  suite  de  laquelle,  le  2(5  de  ce  mois,  le  connétable  s'est  retiré 
à  Chantilly.  —  L'état  de  santé  du  prince  de  La  Roche-sur- Yon 
ne  lui  permet  pas  d'entrer  dans  la  chambre  du  roi.  —  Charges 
qu'ambitionne  l'évèque  de  Valence.  —  Aveuglement  de  la  reine 
pour  l'amiral.  —  Il  est  question  de  l'investir  de  la  charge  de 
lieutenant  général  de  la  reine  comme  Vendôme  est  lieutenant 
général  du  roi.  —  Vendôme,  mécontent  de  la  reine,  se  dit  malade 
et  ne  sort  pas  de  sa  chambre.  —  Il  jure  qu'il  n'est  pas  coupable 
du  départ  du  connétable.  —  Services  qu'il  rend  à  la  religion. 

—  L'ambassadeur  est  décidé  à  lui  conseiller  de  reprocher  à  la 
reine  l'appui  qu'elle  prête  aux  Chastillon  et  à  l'évèque  de 
Valence.  (Orig.  espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1-597,  n°  7.) 

Lettre  de  L'Aubespinc  à  la  reine,  Madrid,  .'îl  janvier  1562. 

—  Le  roi  d'Espagne  ne  consentira  jamais  à  donner  la  Sardaigne 
au  roi  de  Navarre,  parce  qu'elle  sert  de  liaison  entre  la  Sicile, 
Naples  et  l'Espagne,  et  parce  qu'elle  appartient  à  la  couronne 
d'Aragon,  qui  n'en  permettra  jamais  l'aliénation.  (Copie  du 
temps;  f.  fr.,  vol.  16103,  f.  156.) 


ET    JEANNE    d'aLBRET.  385 

Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  Poissy,  3  février  4562. 

—  Récit  d'une  entrevue  de  l'ambassadeur  d'Espagne  avec  le  duc 
de  Vendôme.  —  Chantonay  lui  a  conseillé  de  compléter  sa  con- 
version et  de  renvoyer  sa  femme.  —  Il  Fa  félicité  de  lui  avoir 
défendu  les  prêches.  —  Requête  du  prévôt  des  marchands 
contre  l'édit  de  janvier.  —  Vendôme  fera  partir  sa  femme  le  8 
ou  le  9  de  ce  mois.  —  Le  cardinal  de, Bourbon  et  le  maréchal 
de  Saint- André  assistaient  à  l'entretien.  —  Détails  rétrospectifs 
sur  le  départ  du  connétable.  —  Le  nouveau  colloque  ne  sera 
qu'un  amusement.  —  Prochain  départ  des  Chastillon.  — 
L'amiral  est  résigné  à  se  retirer  volontairement.  —  Renvoi 
de  Mme  de  Crussol  et  de  l'évèque  de  Valence.  —  Méfiance  à 
garder  de  la  politique  de  la  reine  mère.  —  Satisfaction  de 
Vendôme  des  lettres  écrites  par  Sébastien  de  l'Aubespine.  — 
On  dit  la  reine  jalouse  de  l'alliance  de  Vendôme  avec  le  roi 
d'Espagne.  —  Effort  de  l'ambassadeur  pour  prévenir  les  mau- 
vais effets  de  cette  jalousie.  —  Chantonay  félicite  la  reine  mère 
d'avoir  interdit  les  prêches.  —  Conférence  entre  Vendôme,  le 
légat  et  l'ambassadeur  d'Espagne  pour  empêcher  les  prêches  de 
la  reine  de  Navarre;  la  conversation  est  écoutée  et  rapportée 
par  les  Chastillon.  —  Catherine  et  ses  dames  d'honneur.  — 
Nécessité  de  satisfaire  le  duc  de  Vendôme  quant  à  ses  revendi- 
cations, sans  quoi  la  religion  catholique  est  perdue  en  France. 
(Orig.  espagnol;  Arch.  nat.,  R.  1497,  n°  8.) 

Lettre  du  duc  d'Albe  à  Chantonay,  Madrid,  5  février  4562. 

—  Touchant  l'entrevue  projetée  entre  Philippe  II  et  la  reine 
mère.  —  Prétentions  du  roi  de  Navarre  sur  l'île  de  Sardaigne. 

—  Le  duc  proteste  que  Philippe  II  n'a  jamais  poursuivi  la 
dépossession  de  la  reine  mère  au  profit  du  roi  de  Navarre. 
(Orig.;  Arch.  nat.,  K.  1496,  n°  40.) 

Ordonnance  de  Charles  IX  portant  défense  à  ses  sujets  de 
faire  passer  en  Espagne  et  en  Portugal  aucuns  livres  suspects 
d'hérésie.  (Copie;  Saint-Germain,  \  0  février  \  564  (1562).  Coll. 
Brienne,  vol.  205,  f.  249.) 

Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  Poissy,  M  février  1562. 

—  Lettre  très  développée  dans  laquelle  l'ambassadeur  espagnol 

iy  25 


386  ANTOINE    DE    BOURBON 

raconte  dans  le  plus  grand  détail  la  négociation  dont  il  a  été 
chargé  par  Philippe  II,  pour  faire  accepter  au  roi  de  Navarre  la 
Tunisie  en  place  de  la  Sardaigne.  —  Le  duc  de  Vendôme 
revient  au  catholicisme  avec  décision.  —  Expulsion  des  Chas- 
tillon  de  la  cour.  (Orig.;  Arch.  nat.,  K.  -1497,  n°  9.) 

Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  Poissy,  44  février  4302. 
—  Le  duc  de  Vendôme  a  exigé  le  départ  des  Ghastillon.  — 
Mécontentement  de  la  reine.  —  Elle  exige  que  Saint-André,  le 
connétable  et  les  Guise  partent  pour  leur  gouvernement.  — 
Dénonciation  de  la  reine  contre  l'ambassadeur  d'Espagne.  — 
Chantonay  a  observé  à  Vendôme  qu'il  était  inutile  d'envoyer 
Almeida  k  Madrid  avant  le  départ  des  Ghastillon.  —  Violents 
démêlés  du  roi  de  Navarre  avec  Jeanne  d'Albret.  —  La  conduite 
de  la  reine  mécontente  tous  les  catholiques  et  les  jette  dans  le 
parti  de  Vendôme.  —  Jalousie  qu'elle  ressent  de  la  popularité 
de  Vendôme.  (Orig.;  Arch.  nat.,  K.  -1497,  n°  -10.) 

II. 

Lettredu  cardinal  de  Lorraineau  baron  de  Polweiler,  Saveme, 
18  février  4562.  —  Compte-rendu  abrégé  de  Tcntrevue  de 
Saverne.  —  Nouvelles  de  France.  —  Contributions  de  l'évêché 
de  Metz.  (Copie  du  temps;  Arch.  nat.,  K.  4496,  n°  43.) 

Lettre  du  baron  de  Polweiler  au  cardinal  Granvelle,  Saverne, 
22  février  1562.  —  Envoi  de  la  pièce  suivante.  (Copie  du  temps; 
Arch.  nat.,  K.  1496,  n°  43.) 

Rapport  du  sieur  Fournery,  agent  du  baron  de  Polweiler,  sur 
l'entrevue  de  Saverne,  s.  I.  n.  d.  —  Rapport  très  circonstancié 
que  nous  avons  utilisé  dans  la  première  partie  du  chapitre  xvi. 
Ce  rapport  l'ut  communiqué  par  Granvelle  à  Philippe  II  d'après 
une  traduction  espagnole  qui  est  jointe  à  la  copie  française. 
(Copie  du  temps-,  Arch.  nat.,  K.  4496,  n°  39.) 

III. 

Lettre  de  Sébastien  de  l'Aubcspine  au  roi  de  Navarre,  Madrid, 
16  février  1564  (4562).  —  Le  mécontentemenl  que  le  roid'Es- 


ET   JEANNE    DALBRET.  387 

pagne  éprouvait  de  la  politique  de  la  cour  de  France  commence 
à  se  calmer.  —  La  chancellerie  espagnole  attend  le  retour  de 
d'Almeida.  —  Bonnes  dispositions  du  roi  catholique.  —  On  se 
plaint  ici  que  les  Espagnols  qui  traversent  la  Guienne  et  le  Lan- 
guedoc sont  trop  souvent  molestés.  (Copie  du  temps  ;  f.  fr., 
vol.  46403,  f.  468  v°.) 

Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  Poissy,  23  février  1562. 

—  La  reine,  accompagnée  de  Vendôme,  de  Jeanne  d'Albret  et 
de  la  dame  de  Grussol,  est  allée  à  Paris  pour  faire  enregistrer 
Tédit  de  janvier.  —  Pourquoi  le  chancelier  a  refusé  de  l'accom- 
pagner. —  Démonstrations  catholiques  de  la  reine  et  du  duc  de 
Vendôme.  —  Visite  des  Chastillon  à  la  reine.  —  Promenade  de 
la  reine  avec  Jeanne  d'Albret  à  travers  la  ville.  —  Le  24 ,  la  cour 
est  retournée  à  Saint-Germain.  —  Le  cardinal  de  Chastillon, 
l'évêque  de  Valence  et  la  dame  de  Crussol  sont  allés  au  prêche. 

—  Audience  de  la  reine  du  22  février.  —  Négociation  tou- 
chant l'entrevue  que  la  reine  propose  au  roi  d'Espagne.  — 
La  reine  voudrait  que  l'entrevue  eût  lieu  au  mois  de  mai.  — 
Vendôme  voudrait  retarder  l'époque.  —  Jalousie  de  la  reine 
contre  Vendôme.  Utilité  de  le  contenter.  —  Vendôme  a  promis 
de  conduire,  malgré  sa  femme,  leur  fils  à  la  messe.  —  Il  lui  a 
donné  un  gouverneur  catholique,  le  seigneur  de  Losses.  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nal.,  K.  4497,  n°  4  4.) 

Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  Poissy,  25  février  4562. 

—  Vendôme  est  allé  se  plaindre  à  la  reine  qu'elle  ait  convoqué 
le  maréchal  Saint-André  à  la  cour  pour  lui  signifier  l'ordre  de 
rentrer  dans  son  gouvernement,  qu'ainsi  elle  entrave  ses  négo- 
ciations avec  le  roi  d'Espagne  en  chassant,  contre  l'avis  de  ce 
prince,  les  catholiques  de  la  cour.  —  La  reine  répond  que  la 
règle  de  faire  partir  les  gouverneurs  est  générale.  —  Vive  et  im- 
pertinente réplique  de  Vendôme.  —  Récriminations  réciproques. 

—  En  se  retirant,  Vendôme  emmène  son  frère  et  envoie,  un 
messager  au  maréchal  Saint- André.  (Orig.  espagnol;  Arch. 
nat.,  K.  4497,  n°  4  2.) 

Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  Poissy,  28  février  4562. 

—  Touchant  la  retraite  des  Chastillon.  —  Vendôme  proteste  de 
son  dévouement  pour  le  roi  d'Espagne.  —  Récit  d'une  confé- 


388  ANTOINE    DE   BOURBON 

rence  de  l'ambassadeur  avec  la  reine.  —  La  reine  ne  veut  pas 
permettre  à  Vendôme  de  traiter  avec  le  roi  d'Espagne  à  son  insu. 

—  Récit  des  adieux  de  Coligny  à  Vendôme  et  de  sa  retraite  de 
la  cour.  —  Chantonay  félicite  Vendôme  du  départ  de  Coligny. 

—  Relations  secrètes  de  Coligny  avec  les  mécontents  des  Pays- 
Bas.  —  Touchant  la  prochaine  entrevue  des  deux  cours  de 
France  et  d'Espagne.  (Orig.  espagnol;  Arch.  nat.,  K.  4497, 
n°  43.) 

Lettres  de  Sébastien  de  l'Aubespine  à  la  reine  et  au  roi  de 
Navarre,  Madrid,  9  mars  4564  (4562).  —  Il  s'est  plaint  aux 
ministres  de  Philippe  II  de  leur  réponse  évasive  au  roi  de 
Navarre.  —  Le  duc  d'Albe  et  le  prince  d'Eboli  lui  ont  dit  qu'il 
ne  saurait  être  question  de  donner  la  Sardaigne  au  roi  de 
Navarre,  malgré  toutes  les  promesses  que  Chantonay  a  pu  faire 
à  Paris.  —  L'Aubespine  regarde  comme  un  leurre  la  promesse 
de  Philippe  11  de  dédommager  le  roi  de  Navarre.  (Copie  du 
temps;  f.  fr.,  vol.  40103,  f.  484,  487,  489  et  494.) 

Lettre  du  duc  d'Albuquerque  à  Philippe  II,  Pampelune, 
4er  mars  4  502.  —  Bruit  du  désaccord  de  la  reine  mère  et  du  duc 
de  Vendôme.  —  Projet  belliqueux  de  ce  prince  et  ses  préparatifs 
de  guerre.  (Copies;  Arch.  de  la  secrétairerie  d'État  d'Espagne: 
Navarre,  leg.  358,  f.  52.) 


IV. 

Lkttre  du  Roi  de  Navarre  au  (Parlement?). 

Paris,  22  mars  1561  (1562). 

Explication  de  son  arrivée  à  Paris. 

Messieurs,  pay  receu  les  lettres  que  m'avez  e  scriptes  et  vous 
remercie  des  nouvelles  que  m'avez  mandées.  Quant  est  des 
nostres,  vous  en  entendrez  bien  amplement  du  s.  de  Gonnord 
présent  porteur.  Toutcsfoys  je  vous  diray  que  ma  venue  par 
deçà  estoyt  bien  nécessaire  pour  le  désordre  que  j'y  ay  trouvé, 
tel  que  si  on  n'y  eust  pourveu  de  bonne  heure  toutes  choses 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  389 

tumboyent  en  bien  grand  danger.  Nous  sommes  en  voye  de  les 
restablir  en  bon  estât,  ainsy  que  le  s.  de  Gonnord  pourra  tes- 
moigner.  Sur  lequel  me  remectant  je  ne  vous  en  feray  la  pré- 
sente plus  longue,  à  laquelle  je  meltray  fin,  en  priant  Dieu, 
Messieurs,  vous  avoir  en  sa  sainte  garde. 

Escript  à  Paris,  ce  xxn  mars  \  56 i . 

Vostre  bien  bon  amy, 

Antoine. 

Messieurs  je  vous  bayse  les  mains.  Mons.  de  Gonnord  me 
(coupée  par  le  relieur)  tant  que  je  ne  vous  en  diray  aultre  chose. 

(Orig.;  f.  fr.,  vol.  3241,  f.  2.) 


Lettre  de  Sébastien  de  l'Aubespine  au  roi  de  Navarre,  Madrid, 
25  mars  1 56-i  (-1562).  —  Il  serait  utile  de  signifier  officielle- 
ment à  l'ambassadeur  d'Espagne  le  sujet  des  revendications  du 
roi  de  Navarre.  —  L'Aubespine  laisse  entrevoir  qu'il  a  peur  que 
le  prince  ne  puisse  rien  obtenir.  —  Il  recommande  d'autant 
plus  l'observation  des  formes  régulières,  comme  pour  mettre  le 
droit  de  son  côté.  (Copie  du  temps-,  f.  fr.,  vol.  4  6103,  f.  204.) 

Lettre  de  Philippe  II  à  Ghantonay,  Monastère  de  Guitando, 
30  mars  4  562.  —  Touchant  les  relations  secrètes  que  la  reine 
soupçonne  entre  Philippe  II  et  le  roi  de  Navarre.  —  Le  roi 
d'Espagne  commande  à  Chantonay  de  dissiper  les  soupçons  de 
la  reine.  —  Prochaine  entrevue  des  deux  cours.  —  Philippe  II 
ne  veut  y  voir  que  des  gens  d'opinion  orthodoxe.  —  Satisfac- 
tion que  lui  fait  éprouver  la  conversion  de  Vendôme.  —  Il  veut 
que  le  prince  de  Béarn  soit  élevé  dans  la  religion  catholique. 
(Orig.  espagnol;  Arch.  nat.,  K.  4490,  n°  52.) 

Lettre  de  Sébastien  de  l'Aubespine  au  roi  de  Navarre, 
Madrid,  3  avril  4  562.  —  Envoi  d'un  messager  spécial  pour 
connaître  la  vérité  au  sujet  des  affaires  d'Allemagne,  dont  la 
chancellerie  espagnole  rend  le  roi  de  Navarre  responsable. 
(Copie  du  temps-,  f.  fr.,  vol.  4 (H 03,  f.  213.) 

Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  Paris,  4  avril  4  502.  — 
Le  duc  de  Vrendôme,  le  duc  de  Guise  et  le  connétable  se  sont 


390  ANTOINE   DE   BOURBON 

rendus  à  Fontainebleau  pour  ramener  le  roi.  — Gondé  demande 
que  le  duc  de  Guise  dépose  les  armes  et  se  retire  de  la  cour  ; 
à  ce  prix  il  rendra  la  ville  d'Orléans.  —  Vendôme  et  Guise 
avaient  ordonné  au  sieur  d'Estrées  de  s'emparer  d'Orléans.  — 
La  reine  a  fait  appeler  le  duc  de  Nemours.  —  11  faut  prévoir 
que  les  armements  cachent  un  coup  de  main  sur  la  frontière 
de  Navarre.  (Résumé  de  chancellerie  en  espagnol;  Arch.  nat., 
K.  -1496,  n°54.) 

Mémoire  du  prince  de  Condé  au  roi  d'Espagne  pour  justifier 
sa  prise  d'armes;  il  prétend  qu'il  agit  d'après  les  instructions 
de  la  reine  et  pour  délivrer  le  roi  de  sa  captivité.  (Copie  du 
temps  -,  longue  pièce  de  vingt-deux  pages,  sans  date  (avril  \  502)  ; 
Arch.  nat.,  K.  -1500,  n°  27;  le  prince  envoya  des  mémoires 
analogues  à  tous  les  souverains.) 

VI. 

Lettre  du  roi  de  Navarre  au  comte  de  Tende,  avril  156-1  [\  562) . 

—  Renvoi  à  la  lettre  que  le  roi  et  la  reine  lui  ont  écrite  ce  même 
jour.  —  Ordre  d'entretenir  la  paix  autant  qu'il  sera  possible. 

—  Anathèmes  contre  les  séditieux  qui  troublent  le  repos  public. 
(Minute;  coll.  Dupuy,  vol.  588,  f.  83.) 

Lettre  du  roi  de  Navarre  au  sieur  de  Humières,  gouverneur 
de  Péronnc,  Melun,  4  avril  -1562.  —  Confirmation  des  ordres 
du  roi.  —  Demande  de  nouvelles  fréquentes.  —  Recomman- 
dation de  veiller  à  la  paix  publique.  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  3-187, 

f.  -10.) 

Lettre  du  roi  de  Navarre  au  sieur  Coignet,  ambassadeur  de 
Suisse,  Paris,  8  avril  1502.  —  Touchant  une  levée  de  merce- 
naires suisses,  autorisée  au  profit  du  roi  par  la  ligue  helvétique. 

—  Recommandation  de  presser  l'envoi  du  secours.  (Copie  du 
temps;  f.  fr.,  vol.  -17981,  f.  70.) 

VII. 

Lettre  du  prince  de  Condé  à  la  reine  mère,  \\  avril  I5f>2.  — 
Longue  protestation  d'obéissance  et  envoi  d'un  mémoire  justi- 
ficatif. (Copie;  coll.  Brienne,  vol.  205,  f.  373.) 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  391 

Instruction  du  prince  de  Condé  au  s.  de  Téligny  envoyé  au 
duc  de  Savoie,  Orléans,  4  4  avril  4562.  —  Mémoire  justificatif 
destiné  à  excuser  la  prise  d'Orléans  et  le  soulèvement  des  hugue- 
nots. (Copie  du  temps;  f.  fr.,  vol.  40490,  f.  4  54  v°.) 

Lettre  de  Goligny  à  la  reine  mère,  s.  I.  n.  d.  (après  le 
4  2  avril  4  362).  —  L'amiral  se  plaint  à  la  reine  du  massacre  de 
Sens.  —  Il  accuse  les  catholiques  de  ne  demander  le  désarme- 
ment des  réformés  que  pour  les  massacrer  impunément.  — 
Longues  protestations  pacifiques.  (Copie;  coll.  Brienne,  vol.  205, 
f.  498.) 

Lettre  de  L'Àuhespine  au  roi  de  Navarre,  Madrid,  4  5  avril 
4  562.  —  L'ambassadeur  informe  le  prince  et  la  reine  qu'il  a 
présenté  la  demande  du  roi  de  Navarre  au  roi  catholique,  avec 
insistance,  et  qu'il  attend  sa  réponse.  (Copie  du  temps;  f.  fr., 
vol.  4  64  03,  f.  223  vo.) 

VIII. 

Lettre  dd  roi  de  Navarre  a  Sébastien  de  l'Aubbspine, 
ambassadeur  a  madrid. 

Paris,  10  avril  156?. 

Négociations  avec  le  roi  d'Espagne.  —  Nouvelles  de  France. 

Monsieur  de  Limoges,  par  ce  porteur  j'ay  receu  voz  lettres 
et  ne  scaurois  assez  vous  dire  combien  je  suis  tenu  à  vous  du 
soing  que  vous  tenez  en  mon  affaire,  auquel  l'arrivée  d'Almede 
par  delà  vous  pourra  faire  veoir  plus  clair.  Et  toutesfois,  pour 
la  congnoissance  que  je  scay  que  vous  avez  des  humeurs  et 
façons  des  hommes  du  pais,  n'en  veulx-je  riens  ou  peu  espérer 
que  ce  que  le  temps  ou  les  effecls  m'en  feront  congnoistre. 
Quant  aux  affaires  de  deçà,  vous  scaurez  par  les  lettres  de  la 
royne  et  de  ce  porteur  comme  ilz  vont  ;  qui  est  beaucoup  pis 
que  je  ne  vouldrois,  non  sans  mon  très  grand  regret.  Mais 
j'espère  que  Dieu  donnera  la  grâce  aux  bons  serviteurs  du  roy 
d'assister  si  utillement  la  bonne  intention  de  la  royne  que  sa 
Majesté  sera  obéy  et  sa  couronne  maintenue  en  la  dignité  et 


392  ANTOINE   DE    BOURBON 

grandeur  accoustumée,  dont  je  ne  vous  diray  riens  davantage. 
Seullement  vous  prieray  ne  vous  lasser  de  vous  emploier  en 
mond.  affaire  selon  le  bon  commancement  que  vous  y  avez 
donné,  à  ce  que,  avant  nostre  partementde  là,  j'en  puisse  veoir 
la  fin.  Priant  Dieu,  monsieur  de  Limoges,  vous  avoir  en  sa 
garde. 

Escript  à  Paris,  ce  xe  jour  d'avril  4  502. 

Vostre  bien  bon  amy, 

Antoine. 

(Original;  f.  fr.,  vol.  6606,  f.  2.) 

IX. 

Lettre  du  rol  de  Navarre  au  s.  d'Humières,  gouverneur 
de  péronne. 

Paris,  15  avril  1562. 

Morl  du  cap.  de  Bavas.  —  Ordre  d'en  faire  justice.  —  Recommandation 
de  faire  bonne  garde. 

Mons.  de  Humières,  j'ay  esté  bien  marry  d'entendre  la  mort 
du  feu  cappitaine  baron  de  Bavas,  et,  puisque  la  chose  est  ainsi 
advenue,  vous  ne  scauriez  pas  mieulx  faire  que  de  sercher  tous 
les  moyens  qu'il  sera  possible  de  faire  prendre  ceulx  qui  l'ont 
tué  et  principalement  le  varlet  qui  a  tiré  le  coup  de  pistolet  pour 
estre  acte  qui  mérite  une  bien  roide  punition. 

J'ay  veu  ce  que  me  mandez  de  vos  voisins.  Toutesfoys, 
pourcc  que,  estans  les  troubles  en  ce  royaume  telz  que  l'on  les 
voyt,  il  est  bien  nécessaire  d'avoir  l'oeil  plus  ouvert  que  jamais 
sur  leurs  actions.  Je  vous  prie  mectre  peine  d'en  estre  ordinai- 
rement et  véritablement  adverty  et  vous  donner  plus  de  soing 
de  vostre  place  que  vous  ne  feistes  jamais,  suivant  ce  que  le 
roy,  mon  seigneur,  vous  en  a  escript  par  deux  de  ses  dépesches. 
Et  je  voys  prier  Dieu,  Mons.  de  Humières,  qu'il  vous  ayt  en  sa 
sainle  garde. 

Escript  à  Paris,  le  xve  jour  d'avril  I'i<;2. 

Vostre  bon  amy, 

Antoine. 

Orig.;  f.  fr.,  vol.  3187,  f.  11.) 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  393 

X. 

Lettre  de  Marc  Antoine  Barbaro,  ambassadeur  de  Venise,  à 
la  république  de  Venise,  Paris,  22  avril  1562.  —  Envoi  de 
Nicolas  d'Angennes  de  Rambouillet  en  Espagne  pour  dissiper 
les  inquiétudes  du  roi  calbolique  au  sujet  des  négociations  de 
la  cour  de  France  et  spécialement  du  roi  de  Navarre  en  Alle- 
magne. —  Pourparlers  du  mariage  de  Marguerite  de  Valois  avec 
le  roi  de  Portugal  conduits  à  l'insu  du  roi  de  Navarre.  (Copie 
en  italien;  Bibl.  nat.;  Dépêches  vénit.,  filza  4,  f.  354.) 

Lettre  de  Sébastien  de  l'Aubespine  au  roi  de  Navarre,  Madrid, 
23  avril  \  562.  —  Inquiétude  de  la  cour  d'Espagne  sur  les  nou- 
velles de  France.  —  Satisfaction  du  roi  de  l'assistance  prêtée 
par  le  roi  de  Navarre  à  la  cause  catholique.  —  Le  bruit  court 
à  Madrid  que  Philippe  II  serait  décidé  à  donner  au  prince  Avi- 
gnon et  ses  dépendances  et  à  indemniser  le  pape  en  Italie.  — 
Le  plus  difficile  est  de  le  décider  au  principe  de  l'indemnité. 
(Copie  du  temps;  f.  fr.,  vol.  -16103,  f.  229  v°.) 

Lettre  du  prince  de  Condé  à  la  reine  mère,  Orléans,  24  avril 
4562.  —  Suite  de  protestations  pacifiques,  mêlées  d'anathémes 
contre  les  Guises,  sans  conclusion.  (Copie;  coll.  Brienne, 
vol.  205,  f.  399.) 

XL 

Lettre  du  roi  de  Navarre  a  MM.  Coignet  et  Pasquier, 

AMBASSADEURS    EN    SUISSE. 

Paris,  26  avril  1562. 
Envoi  du  secours  obtenu  de  la  ligue  helvétique. 

Messieurs,  je  vous  fais  ce  petit  mot  de  lettre  en  toute  dili- 
gence pour  vous  advertir  que  Madame  de  Parme,  régente  es 
Pays-Bas  pour  le  roy  catholique  des  Espaignes,  nous  a  accordé 
que  les  Suysses  que  vous  avez  charge  de  lever  pour  le  service 
du  roy,  mon  seigneur,  passent  par  la  Franche-Comté,  ce  que 
vous  ferez  entendre  aux  cappitaines  avec  lesquelz  vous  accorde- 


394  ANTOINE   DE    BOURBON 

rez  desd.  levées,  affin  qu'ilz  preignent  se  chemin-là  et  asseignenl 
à  leurs  soldats  le  lieu  de  leur  monstre  première  à  Dijon;  qui 
sera  de  beaucoup  acoursir  leur  chcmyn.  Aussy  regarderez-vous 
de  leur  donner  le  moingtz  de  jours  que  vous  pourrez  pour  se 
rendre  aud.  Dijon,  leur  faisant  user  de  la  plus  grande  diligence 
qu'il  vous  sera  possible,  de  sorte  que  nous  les  puissions  avoir 
par  deçà  au  plus  lost  que  faire  se  pourra.  Pryant  Dieu,  Mes- 
sieurs, qu'il  vous  ayt  en  sa  sainte  garde. 

Escript  à  Paris,  le  xxvie  jour  d'avril  4  51)2. 

Vostre  bon  amy, 

Antoine. 

(Copie  du  temps;  f.  fr.,  vol.  17981,  f.  70  v\) 

XII. 

Lettre  du  roi  de  Navarre  à  Biaise  de  Pardaillan,  s.  de  la  Mothe 
Gondrin,  lieutenant  général  en  Dauphiné,  Paris,  28  avril  4  562. 
—  Ordre  de  rassembler  deux  enseignes  parmi  les  soldats  de  la 
religion  catholique.  —  Félicitations  d'avoir  fait  échouer  rentre- 
prise  des  huguenots  sur  la  ville  de  Valence.  (Copie  du  temps; 
Arch.  mun.  de  Lyon-,  AA.  24,  n°  425.) 

Lettre  du  roi  de  Navarre  à  MM.  Coignet  et  Pasquier,  ambas- 
sadeurs en  Suisse,  Paris,  30  avril  4562.  —  Le  roi  de  Navarre 
et  la  reine  mère  n'ont  pas  oublié  la  provision  d'argent  nécessaire 
pour  la  levée  des  Suisses.  —  Ordre  de  presser  la  marche  de 
cette  troupe.  —  L'argent  sera  à  Dijon  aussitôt  que  les  soldats. 
(Copie  du  temps;  f.  fr.,  vol.  47981,  f.  72  v°.) 

Lettre  du  roi  de  Navarre  au  comte  de  Sommerive,  Paris, 
mai  45(i2.  —  Félicitations  du  bon  ordre  que  le  comte  de  Som- 
merive a  établi  en  Provence.  —  Le  prince  espère  que  les  sédi- 
tieux auront  vidé  le  pays.  —  S'ils  se  sont  retirés  en  Dauphiné, 
ordre  d'y  marcher  diligemment  afin  de  se  joindre  aux  s.  de 
Maugiron  et  de  Suse.  —  Recommandations  de  s'entendre  avec 
eux  et  d'user  de  la  plus  grande  diligence.  (Minute;  f.  fr., 
vol.  45876,  f.  64.) 

Lettre  du  roi  de  Navarre  au  s.  de  Maugiron,  lieutenant  géné- 
ral en  Dauphiné,  Paris,  3  mai  1562.  —  Regret  de  la  mort  du 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  395 

seigneur  de  la  Mothe  Gondrin.  —  Le  prince  félicite  Maugiron 
d'avoir  été  désigné  pour  le  remplacer.  —  Recommandations 
d'user  de  zèle.  (Orig.;  Arch.  mun.  de  Lyon,  AA.  24,  n°  12r>.) 

XIII. 

Lettre  d'Antonio  d'Almeida  au  roi  de  Navarre,  Madrid, 
5  mai  4  562.  —  Compte-rendu  détaillé  de  sa  mission  à  Madrid. 

—  Bonne  réception  du  roi  d'Espagne.  —  Conférence  avec  le  duc 
d'Albe  et  le  prince  d'Eboli.  —  Leur  lenteur  à  se  décider.  —  On 
fait  courir  le  bruit  que  le  roi  de  Navarre  a  des  intelligences  avec 
le  prince  de  Condé.  —  Nouvelles  de  l'infant  don  Carlos.  —  Sa 
maladie  est  une  nouvelle  cause  de  retard.  —  Plaintes  et  récri- 
minations contre  François  d'Escars  et  Sébastien  de  l'Aubespine. 

—  Prières  instantes  deux  fois  répétées  de  brûler  la  présente 
lettre.  (Autographe  espagnol-,  Arch.  des  Basses  -  Pyrénées, 
E.  585.) 

Lettre  du  prince  de  Condé  au  roi  de  Navarre,  Orléans, 
8  mai  1562.  —  Le  prince  a  reçu  la  lettre  du  roi  de  Navarre 
portée  par  l'abbé  Jehan  de  Laon.  —  Comme  il  allait  y  répondre, 
il  a  vu  la  requête  du  triumvirat,  «  laquelle  m'a  tellement  diverty 
«  de  ma  première  délibération  qu'il  m'a  esté  impossible  me 
«  résouldre  à  faire  response  à  ce  que  leurs  majestés  et  vous 
«  m'avez  mandé  par  luy.  »  [Orig. 5  f.  fr.,  vol.  6607,  f.  20.) 

XIV. 

Lettre  du  roi  de  Navarre  a  Se'bastien  de  l'Aubespine, 
ambassadeur  a  madrid. 

Paris,  9  mai  1562. 
Ordre  d'employer  tous  moyens  pour  obtenir  une  réponse  du  roi  d'Espagne. 

Monsieur  de  Limoges,  encores  que  j'aye  assez  congneu  et 
veu  par  les  depesches  ordinaires  que  vous  faites  et  mesme  par 
les  lettres  que  vous  m'escripvez  et  à  vostre  frère,  le  soing  et 
atlèction  que  vous  emploiez  en  ce  qui  touche  mon  affaire  parti- 
culier, et  soys  asseuré  que,  continuant  ceste  bonne  volunté. 


396  ANTOINE   DE   BOURBON 

vous  ne  vous  lasserez,  tant  que  vous  serez  là,  d'y  faire  tout  ce 
qu'il  sera  possible  pour  en  avoir  la  bonne  fin  que  j'en  désire  et 
actendz,  de  laquelle  je  ne  veulx  ne  puis  désespérer;  si  esse  que 
envoyant  ce  courrier  par  delà  pour  l'occasion  que  vous  verrez, 
et  ayant  singulier  désir  de  scavoir  par  où  j'en  dois  passer,  je 
vous  prie  tant  que  je  puis  regarder  d'emploier  tous  moiens  pour 
y  veoir  clair  et  en  faire  sortir  ce  qui  s'en  peult  attendre.  Vous 
cognoissez  les  humeurs  de  ceulx  qui  y  peuvent,  scavez  le  devoir 
que  j'ay  faict,  et,  si  la  raison  et  ma  juste  poursuite  et  longue 
patience  méritent  quelque  chose;  qui  me  donne  asseurance, 
pour  l'affection  que  vous  avez  à  mon  contentement  et  à  ma 
satisfaction,  que  vous  ferez  tout  ce  que  vous  pourrez  pour 
achever  ce  que  vous  avez  bien  commancé,  et  que,  par  Almeida, 
que  je  vous  prie  faire  retourner  le  plus  tost  qu'il  sera  possible, 
j'en  puisse  avoir  une  fînalle  résolution,  que  je  vouldrois  bien 
eslre  avant  vostre  partement;  scachant  que  peu  de  gens  m'y 
peuvent  faire  plus  de  service.  Priant  Dieu,  mons.  de  Limoges, 
vous  donner  ce  que  désirez. 
De  Paris,  le  ix  de  may  \  5(52. 

Vostre  un  et  bon  amy, 

Antoine. 

(Orig.;  f.  fi\,  vol.  G606,  f.  3.) 

XV. 

Lettre  du  roi  de  Navarre  au  s.  de  Tavannes,  lieutenant  géné- 
ral en  Bourgogne,  Paris,  4  0  mai  -1 562.  —  Recommandations 
de  s'opposer  au  projet  des  séditieux  et  témoignage  de  confiance 
dans  le  zèle  du  destinataire.  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  4632,  f.  443.) 

Lettre  du  roi  de  Navarre  à  la  reine,  Paris,  mai  1562.  — 
Conseil  de  guerre  tenu  sur  les  événements.  —  Demande  à  la 
reine  de  son  avis.  —  Conseil  de  refuser  a  l'agent  de  l'ambassa- 
deur d'Angleterre  le  passeport  qu'il  demande,  attendu  la  suspi- 
cion qui  pèse  sur  sa  mission.  —  Les  rebelles  d'Orléans  ont  fait 
prisonnier  l'évêque  de  Poitiers,  frère  du  s.  d'Escars.  (Minute; 
f.  fr.,  vol.  4  5876,  f.  60.) 

Lettre  de  Sébastien  de  FAubespine  à  la  reine.  Madrid, 
il  mai  1562.  —  Hec.il  détaillé  de  l'accident  survenu  à  l'infant 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  397 

don  Carlos.  —  Cet  événement  a  fait  suspendre  la  décision  du 
roi  catholique  relativement  au  roi  de  Navarre.  —  Contentement 
de  Philippe  II  de  la  conversion  de  ce  prince.  (Copie  du  temps  ; 
f.  fr.,  vol.  4  6403,  f.  242.) 

Lettre  du  prince  de  Condé  à  la  reine,  Orléans,  4  4  mai  1562. 

—  Le  prince  promet  à  la  reine  sur  sa  demande  de  garantir  de 
toute  rapine  le  haras  de  Meung-sur-Loire,  qui  appartenait  au 
roi.  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  6607,  f.  24.) 

Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  Paris,  4  4  mai  4  562.  — 
Arrivée  prochaine  des  lansquenets  levés  pour  le  compte  du  roi. 

—  Armements  du  duc  d'Aumale  en  Normandie.  —  Nouvelles 
de  Gascogne.  —  Forces  des  rehelles.  —  Troupes  royales  ras- 
semblées à  Nevers  et  à  Moulins.  —  Récit  de  la  mission  de  lord 
Sidney  auprès  de  la  reine.  —  Troisième  mariage  proposé  par  le 
duc  de  Guise  à  la  duchesse  de  Nevers  malgré  l'avis  du  duc  de 
Vendôme.  —  Violent  démêlé  du  duc  de  Vendôme  et  du  duc  de 
Guise.  —  Tergiversations  politique  et  religieuse  de  la  reine 
mère.  (Orig.  espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1497,  n°  30.) 

Lettre  du  roi  de  Navarre  au  s.  de  Maugiron,  lieutenant  géné- 
ral en  Dauphiné,  Paris,  42  mai  4  562.  —  Lettre  de  créance  en 
faveur  du  s.  de  Suse,  porteur  d'une  instruction  du  roi.  (Orig.; 
Arch.  munie,  de  Lyon,  AA.  24,  n°  427.) 

Instruction  de  Philippe  II  sur  ce  qui  doit  être  écrit  à  Ghanto- 
nay et  au  comte  de  Luna,  Alcala,  4  5  mai  4  562.  —  Amélioration 
de  l'état  de  l'infant  d'Espagne.  —  Le  roi  est  près  de  répondre 
aux  communications  du  duc  de  Vendôme.  —  En  réponse  à  la 
mission  du  s.  de  Rambouillet,  le  roi  d'Espagne  promet  de 
secourir  le  roi  de  France  contre  les  réformés.  (Minute  de  chan- 
cellerie en  espagnol-,  Arch.  nat.,  K.  4496,  n°  74.) 

Lettre  du  roi  de  Navarre  à  la  reine,  Paris,  4  6  mai  4  562.  — 
Récit  de  la  visite  que  Sidney  a  faite  au  roi  de  Navarre  en  com- 
pagnie de  l'ambassadeur  d'Angleterre.  —  Le  lieutenant  général 
lui  a  conseillé  de  se  retirer  en  Angleterre  sans  passer  par  le 
Havre.  —  Sidney  se  résigne  à  prendre  un  autre  chemin  avec 
son  train.  (Minute;  f.  fr.,  vol.  45876,  f.  58.) 


398  ANTOINE   DE   BOURBON 

Seconde  lettre  du  roi  de  Navarre  à  la  reine,  Paris,  46  mai 
1502.  —  Arrivée  d'un  messager  du  duc  de  Montpensier.  — 
Lettre  de  créance  en  faveur  du  messager,  qui  se  rend  auprès  de 
la  reine.  —  Moyennant  un  petit  sacrifice  d'argent,  le  duc  de 
Montpensier  restera  maître  des  villes  de  son  gouvernement. 
(Orig.;  Coll.  d'autographes  de  M.  Lacaille.) 

Lettre  du  roi  de  Navarre  au  prévôt  des  marchands  et  aux 
échevins  de  la  ville  de  Paris,  Paris,  46  mai  4562.  —  Mesures 
à  prendre  pour  constituer  dans  la  ville  une  milice  municipale. 
(Copie;  Reg.  de  l'ancien  bureau  de  ville  de  Paris;  Arch.  nat., 
H.  4784.) 

XVI. 

Lettre  du  roi  de  Navarre  a  la  reine. 

Paris,  16  mai  1562. 

Nouvelle  d'Espagne.  —  Arrestation  des  dépêches  de  Madrid.  —  Arrivée 
du  comte  de  Roussillon.  —  Envoi  d'un  pouvoir  à  signer  au  profit  de  la 
ville  de  Paris. 

Madame,  ceste  après  disner  ce  courrier  m'est  venu  trouver 
qui  m'a  fait  entendre  comme  à  Bloys,  Moigneville  avoit  ouvert 
tous  ces  paquetz,  hormys  ceulx  qui  s'addressoyent  au  roy  et  à 
vous.  Et  de  faict  j'en  ay  veu  quelques  ungz  et  entre  aultres 
l'ung  addressant  à  mons.  de  L'Auhespineet  son  frère,  dans  les- 
quelz  j'ay  veu  par  une  lettre  sans  suscription  qui  y  estoit  comme 
il  continue  toujours  en  sa  première  opinion  touchant  mon  faict. 
D'Almeida  m'en  escript  assez  amplement,  duquel  je  ne  vous 
envoie  la  despeche  parce  qu'est  en  espagnol,  mais  je  vous  en 
diray  la  substance,  qui  est  qu'il  avoit  tant  faict  qu'il  s'attendoit 
à  estre  despeche  dans  ung  jour  ou  deux  lorsque  ce  courrier  est 
party,  et  esperoit  que  sa  despeche  seroit  bonne.  J'attendray  ce 
qu'il  ploira  à  Dieu  m'en  envoyer.  Cependant  je  vous  diray  que 
ce  seigneur  de  Moigneville  est  bien  privé  et  qu'il  me  semble, 
plus  l'on  va  en  avant,  et  plus  il  vous  donne  occasion  de  ne  vous 
contenter  de  ses  départements. 

Au  demeurant,  Madame,  le  comte  Roussillon  est  arrivé 
comme  je  vous  faisois  ceste  lettre,  par  lequel  j'ay  entendu 


ET   JEANNE    DALBRET.  399 

comme  vous  estes  devenu  bon  cappitayne,  dont  je  loue  Dieu. 
J'ay  veu  aussi  ce  que  vous  m'avez  envoyé  par  luy,  qui  vous  est 
venu  de  Metz  et  de  Ghampaigne,  à  quoy  nous  regarderons  de 
prendre  une  bonne  résolution  pour  vous  en  donner  incontinent 
advis.  Cependant  je  vous  envoyé  une  chose  que  ceulx  de  la  ville 
m'ont  baillée  pour  une  commission,  qu'ilz  demandent  affïn  de 
pouvoir  icy  assembler  une  forme  de  militie  et  faire  des  chefs  et 
des  cappitaines  entre  eulx.  Il  fault  que  le  roy  donne  par  une 
patente  ce  pouvoir  aux  premiers  des  marchands  et  eschevins, 
affin  qu'ils  ordonnent  les  cappitaines  entre  eux.  Vous  suppliant 
très  humblement,  Madame,  vouloir  commander  que  les  lettres 
leur  en  soient  expédiées  et  me  les  envoyer  pour  les  leur  bailler. 
Qui  est  tout  ce  que  je  vous  diray  pour  asteure.  Priant  Dieu, 
Madame,  après  m'estre  très  humblement  recommandé  à  vostre 
bonne  grâce,  qu'il  vous  donne  longue  et  heureuse  vie. 

De  Paris,  ce  xvie  jour  de  may  4562. 

Vostre  très  humble  et  très  obéissant  frère  et  subject, 

Antoine. 

(Orig.;  f.  fr.,  vol.  660G,  f.  10.  -  Minute;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  59.) 

XVII. 

Lettre  de  François  Hotmann  au  landgrave  Philippe  de  Hesse, 
Orléans,  M  mai  J562.  —  Récit  des  préparatifs  du  prince  de 
Condé  pour  soutenir  la  guerre.  (Copie  latine;  f.  fr.,  vol.  10190, 

f.  m.) 

Lettre  du  secrétaire  d'État  Bourdin  au  roi  de  Navarre,  Mon- 
ceaux, M  mai  -1362.  —  Récit  détaillé  d'une  indisposition  de  la 
reine.  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  4  5876,  f.  03.) 

Lettre  du  prince  de  Condé  à  maître  Aubrech,  marchand  de 
Lyon,  Orléans,  \  s  mai  I  562.  —  Prière  de  lui  prêter  \  00,000  écus. 
(Copie  du  temps;  f.  fr.,  vol.  4  0190,  f.  163  v°.) 

Lettre  du  prince  de  Condé  au  baron  des  Adrets,  Orléans, 
In  mai  13112.  —  Ordre  de  se  garder  des  surprises.  —  Recom- 
mandations de  se  méfier  des  propositions  du  capitaine  Murât. 
—  Ordre  de  saisir  toutes  les  châsses  et  reliquaires  d'or  et  d'ar- 
gent des  églises  de  Lyon,  de  les  transformer  en  lingots  et  de  les 


400  ANTOINE   DE   BOURBON 

offrir  en  gage  pour  un  emprunt  de  -100,000  écus.  —  Ordre  de 
saisir  également  les  reliquaires  des  églises  des  villes  voisines. 
(Copie  du  temps;  f.  fr.,  vol.  4  0490,  f.  J64.) 

Lettre  de  Coligny  et  de  d'Andelot  au  landgrave  de  Hesse, 
Orléans,  4  9  mai  4:302.  —  Lettre  de  créance  en  faveur  du  bur- 
grave  baron  Christophe  de  Dhona.  —  Prière  d'empêcher  par 
tous  les  moyens  la  levée  des  troupes  que  la  reine  et  le  roi  de 
Navarre  veulent  réunir  en  Allemagne.  (Copie  du  temps;  f.  fr., 
vol.  40490,  f.  4  04.) 

Lettre  de  François  Hotmann  au  landgrave  de  Hesse,  Orléans, 
4  9  mai  4  562.  —  Prière  d'empêcher  l'arrivée  des  troupes  que 
mènent  d'Allemagne  les  comtes  Rockendorf,  Reffemberg  et  le 
Rhingrave.  (Copie  du  temps;  f.  fr.,  vol.  4  04  90,  f.  464.) 

Lettre  du  prince  de  Condé  au  s.  de  Laumont,  Orléans, 
20  mai  4  562.  —  Négociations  en  faveur  du  parti  huguenot 
auprès  des  cantons  de  Zurich,  Rerne,  Bâleet  Schaffouse.  (Copie 
du  temps;  f.  fr.,  vol.  4  0490,  f.  4  66.  —  Suit  un  mémoire  sur 
le  même  sujet  et  plusieurs  lettres  du  prince  de  Condé  relatives 
aux  négociations  du  parti  huguenot  en  Allemagne  et  en  Suisse, 
f.  4  67,  4  68,  4  69,  472  et  4  77.) 

Lettre  du  prince  de  Condé  au  baron  des  Adrets,  Orléans, 
20  mai  4562.  —  Félicitations  de  la  prise  de  Lyon.  —  Ordre 
d'user  de  persuasion  et  d'éviter  la  violence.  —  Profession  de 
tolérance  dont  le  prince  veut  que  le  baron  des  Adrets  donne 
connaissance  aux  gens  de  Lyon.  (Copie  du  temps;  f.  fr., 
vol.  4  0490,  f.  457.) 

Lettre  de  Coligny  au  baron  des  Adrets,  Orléans,  20  waH562. 

—  Môme  sujet  que  la  lettre  précédente.  (Copie  du  temps;  f.  fr., 
vol.  104  90,  f.  4  58.) 

Lettre  de  François  d'Andelot  et  de  Vezine  à  François  Hot- 
mann à  Strasbourg,  Orléans,  20  mai  1562.  —  Félicitations  de 
ses  démarches  auprès  des  princes  protestants.  —  Ordre  de  les 
continuer.  —  Lettre  de  créance  en  faveur  du  baron  de  Dhona. 

—  Fmvoide  lévriers.  (Copie du  temps;  f.  fr.,  vol.  4  0490,  f.  172.) 

Lettre  du  prince  de  Condé  au  canton  de  Schaffouse,  Orléans, 


ET   JEANNE    DALBRET.  401 

21  mai  I5r>2.  —  Le  prince  a  écrit  par  Georges  de  Nicher  et  par 
le  s.  de  Laumont  touchant  l'état  des  affaires  de  France.  — 
L'honneur  du  canton  de  Schaffouse  est  engagé  à  ne  pas  servir 
parmi  «  les  bourreaux  de  la  noblesse  de  France  et  même  de 
«  tous  les  chrétiens.  »  —  Les  ennemis  se  sont  emparés  de  la 
personne  du  roi,  de  sa  mère  et  de  son  sceau.  —  «  Toutefois 
«  nous  espérons  que  voslre  prudence  pourra  juger  de  quel  poids 
«  doivent  être  envers  vous  lettres  par  force  ou  crainte  tirées  de 
«  gens  captifs  ou  emprisonnés.  Et  si  d'aventure  le  bruit  du 
«  stratagème  dont  ils  ont  usé  est  parvenu  jusques  à  vous,  ayant 
«  envoyé  le  roy  et  sa  mère  en  un  village  appelé  Monceau,  pour 
«  persuader  aux  simples  que  leurs  Majestés  estoient  délivrées 
«  de  captivité,  toutefois  je  n'estime  pas  que  ceux  qui  vous  auront 
«  parlé  de  ceste  liberté  vous  aient  fait  entendre  l'assiette  du  lieu 
«  auquel  sont  à  présent  leurs  Majestés,  lequel  est  enclos  de  deux 
«  grands  et  larges  fleuves,  et  ayant  contre  nous  l'armée  de  Paris, 
«  semble  avoir  esté  par  eux  ingénieusement  choisi  et  excogité 
«  pour  une  plus  honnête  et  un  petit  peu  plus  plaisante  prison, 
«  comme  qui  auroit  changé  à  la  Reine  ses  manesles  de  fer  à 
«  d'autres  d'or  ou  d'argent.  Attendu  même  qu'il  est  tout  notoire 
«  que,  peu  de  jours  avant  son  partement  de  Paris  pour  aller  au 
«  dit  lieu,  elle  fut  bien  près  d'être  estranglée  ou  estouffée  en 
«  son  lit.  »  Le  prince  jure  de  sa  véracité.  (Copie  du  temps  ; 
f.  fr.,  vol.  -10190,  f.  159.) 

Lettre  de  Goligny  et  de  d'Andelot  au  canton  de  Zurich,  Orléans. 

20  mai  -1362.  —  Même  sujet  que  la  lettre  précédente.  (Copie 
du  temps-,  f.  fr.,  vol.  toi 90,  f.  160. 

Lettre  de  Spifame,  évêque  réformé  de  Xevers,  à  l'église  cal- 
viniste de  Lyon,  Orléans,  21  mai  4  502.  —  Prière  de  fournir 
les  sommes  que  demande  le  prince  de  Condé.  —  Les  fidèles  de 
Montpellier  espèrent  que  leurs  coreligionnaires  de  Lyon  paie- 
ront leurs  cotisations.  —  Les  fidèles  de  Mâcon  et  de  Châlons  se 
disposent  à  envoyer  à  Orléans  les  sommes  nécessaires.  (Copie 
du  temps;  f.  fr.,  vol.  tOt'.tO,  f.  173.) 

Lettre  du  prince  de  Condé  au  baron  des  Adrets,  Orléans, 

21  mai  4562.  —  Recommandation  de  mettre  toute  diligence  à 
conserver  la  ville  de  Lyon  et  de  ne  pas  se  laisser  tromper, 

iv  26 


402  ANTOINE   DE    BODRBON 

quelque  soient  les  fallacieuses  lettres  que  lui  présenteront  les 
ennemis.  (Copie  du  temps;  f.  fr.,  vol.  -10490,  f.  1 65.) 

Lettre  du  capitaine  La  Mothe  à  maître  Holbrac,  Orléans, 
2\  mai  4502.  —  Arrivée  à  Orléans  du  comte  de  Villars  et  du 
s.  de  Vieilleville.  —  Leurs  efforts  pour  tromper  le  parti  hugue- 
not. —  La  plupart  des  capitaines  de  l'armée  catholique  sont 
secrètement  dévoués  au  parti  réformé.  —  Il  est  malheureuse- 
ment nécessairede  ménager  les  ecclésiastiques  prisonniers,  parce 
que  tous  les  enfants  du  prince  de  Condé,  excepté  l'aîné,  sont  à 
Muret  aux  mains  des  catholiques.  —  Toutes  les  reliques  ont  été 
saisies  et  les  lingots  précieux  monnayés.  (Copie  du  temps  ;  f. 
fr.,  vol.  1 0190,  f.  173.  —  Ce  manuscrit,  d'où  nous  avons  tiré 
plusieurs  pièces,  a  appartenu  au  grand  historien  de  Thou.) 

Lettre  du  prince  de  Condé  à  la  reine,  Orléans,  22  mai  \~M\1. 

—  Réponse  à  la  mission  baillée  à  Vieilleville  et  à  Villars.  — 
Protestation  de  dévouement.  —  Condé  justifie  sa  prise  d'armes 
en  soutenant  que  le  roi  et  la  reine  ont  perdu  leur  liberté.  — 
Anathème  contre  le  duc  de  Guise  et  contre  le  connétable.  (Copie-, 
coll.  Brienne,  vol.  208,  f.  494.) 

XVIII. 

Lettre  de  Cbantonay  à  Philippe  II,  Paris.  28  mai  1562.  — 
Troubles  de  Toulouse.  —  Le  duc  d'Aumale  en  Normandie.  — 
Le  prince  de  Condé  est  sorti  d'Orléans  el  s'est  mis  en  campagne, 
mais  il  est  rentré  peu  de  jours  après.  —  Les  armements  des 
catholiques  ne  sont  pas  aussi  avancés  que  ceux  des  réformes. 

—  Le  prince  de  Coude  attend  a  Orléans  le  seigneur  de  Gra- 
monl  avec  un  corps  de  gens  de  pied  gascons.  —  Pillage  de  la 
chapelle  sépulcrale  de  Vendôme;  mécontentement  du  duc  de 
Vendôme.  —  Lettre  delà  reine  au  Parlement  pour  expliquer  sa 
retraite  à  Monceaux.  —  Mesures  de  police  prises  par  le  lieute- 
nant général  à  Paris.  (Orig.  espagnol;  Arch.  nal.,  K.  1497, 
n"  30.) 

Lettre  du  prince  de  Condé  à  la  reine  mère,  28  mai  1502.  — 
Réponse  du  prince  au  dernier  message  de  la  reine.  —  Le  prince 
regrette  que  le  roi  et  la  reine  ne  soient  point  en  liberté  el  n'a 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  403 

pris  les  armes  que  pour  les  lirer  de  la  servitude.  —  Récrimina- 
lions  contre  les  triumvirs  qui  sont  venus  en  armes  à  la  cour. 
(Copie;  coll.  Brienne,  vol.  205,  f.  500.) 

Instruction  donnée  par  le  roi  au  s.  Henri  Glutin,  seigneur 
d'Oysel,  envoyé  à  Rouen,  29  mai  -1562.  —  Le  roi  déclare  qu'il 
a  chargé  le  duc  d'Aumale  de  réduire  la  ville  de  Rouen.  — 
D'Oysel  devra  se  transporter  à  Rouen  et  assembler  à  l'hôtel  de 
ville  les  conseillers  et  échevins  pour  leur  commander  de  garder 
les  édits  et  de  déposer  les  armes.  —  «  Et  au  demeurant  prendra 
«  serment  et  promesse  d'eux  de  n'avoir  aucune  intelligence, 
«  alliance,  ligue,  confédération  et  association  avec  aucunes  per- 
ce sonnes,  de  quelque  qualité  qu'elles  soient,  et  de  n'obéir  et  reco- 
«  gnoistre  autre  que  le  rov  leur  souverain.  Et  s'ils  en  avoient 
«  aucune,  qu'ils  y  renoncent  et  s'en  départent  sur  pevne,où  ils 
«  feront  le  contraire,  d'estre  punis  comme  criminels  de  lèse 
«  majesté.  »  (Copie;  coll.  Brienne,  vol.  205,  f.  500.) 


XIX. 


Instruction  du  roi  au  maréchal  François  de  Montmorency, 
envoyé  au  camp  du  prince  de  Condé,  5.  /.  n.  d.  {juin  15r»2). 
—  Le  maréchal  est  chargé  de  représenter  aux  seigneurs  hugue- 
nots qu'en  prenant  les  armes  ils  méritent  d'être  déclarés  rebelles. 
(Minute;  f.  fr.;  vol.  \W1,  f.  62.) 

Lettre  de  Paul  de  Foix,  ambassadeur  en  Angleterre,  à  la  reine. 
Londres,  6  juin  1562.  —  L'ambassadeur  a  entendu  rapporter 
que  la  reine  d'Angleterre  donnerait  du  secours  aux  rebelles 
d'Orléans,  mais,  bien  qu'il  ait  mis  tous  ses  espions  en  cam- 
pagne, il  n'a  pu  avoir  la  preuve  de  ce  fait.  (Orig.  ;  f.  fr.,  vol. 
6612,  f.  54.) 

Lettre  de  sauvegarde  donnée  par  le  roi  de  Navarre  à  son  frère, 
le  prince  de  Condé,  et  à  sa  suite  jusqu'au  nombre  de  cent 
hommes,  pour  le  venir  trouver,  lui  et  la  reine  mère,  au  lieu  de 
Bivmenville  près  Touri,  afin  de  conférer  ensemble  sur  la  paci- 
fication des  troubles,  Étai/ipes.  s  juin  1562.  (Minute  ou  copie 
du  temps;  f.  fr.,  vol.  6648,  f.  103.) 


404  ANTOINE    DE    BOURBON 

XX. 

Lettre  de  Philippe  TI  à  Chanlonay,  Aranjuez,  7  juin  4  502. 

—  Envoi  de  la  réponse  du  roi  catholique  à  la  mission  de  d'Al- 
meida  (voyez  la  pièce  suivante).  —  Satisfaction  de  Philippe  II 
de  la  nouvelle  politique  du  duc  de  Vendôme.  —  Nécessité  de 
cacher  à  la  cour  de  France  le  fond  de  la  réponse  que  rapporte 
d'Almeida.  —  Le  roi  n'a  rien  communiqué  à  Sébastien  de  l'Au- 
bespine.  (Minute  ou  copie  en  espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1491», 
n°  80.) 

Résumé  de  chancellerie  de  la  réponse  que  le  roi  d'Espagne  a 
ordonné  de  faire  à  d'Almeida,  Aranjuez,  7  juin  1502.  —  Phi- 
lippe II  trouve  de  grandes  difficultés  à  donner  au  duc  de  Ven- 
dôme L'île  de  Sardaigne,  qui  d'ailleurs  lui  serait  peu  profitable. 

—  Il  lui  offre  le  royaume  de  Tunis  et  promet  de  prendre  part 
à  sa  conquête.  — Nécessité  de  cacher  le  secret  de  la  négociation. 

—  En  attendant  la  conquête  de  Tunis,  il  lui  donnera  la  jouis- 
sance delà  Sardaigne.  (Copie  en  espagnol  -,  Arch.  nat.,  K.  1490, 
n°  85.) 


XXI. 


Lettre  du  roi  de  Navarre  au  s.  deMaugiron,  lieutenant  géné- 
ral en  Dauphiné,  Ètampes,  9  juin  1502.  —  Ordre  de  faire  con- 
duire au  château  Dauphin  quelques  pièces  d'artillerie,  une  com- 
pagnie de  cinquante  hommes,  des  armes,  des  vivres  et  des 
munitions.  (Orig.  ;  Arch.  municip.  de  Lyon,  AA.  23.  f.  129.) 

Lettre  du  roi  de  .Navarre  au  même,  E lampes,  \2juin  1302. 
—  Éloge  de  sa  conduite.  —  Désapprobation  de  la  démarche  du 
député  du  parlement,  de  la  chambre  des  comptes  et  des  conseils 
de  Grenoble.  —  Ordre  de  joindre  ses  forces  à  celles  de  Tavannes 
afin  de  «  nettoyer  le  pays  de  ceste  vermine  de  rebelles.  »  (Orig.  ; 
Arch.  municip.  de  Lyon,  A  A.  24,  n"  130.) 

Lettre  de  Bassompierre  au  roi  de  Navarre,  Strasbourg, 
12  juin  1502.  —  Le  prince  de  Coudé  a  dépêché  François  Hot- 
mail aux  princes  d'Allemagne  pour  obtenir  du  secours.  —  Ils 


ET    JEANNE    d'aLBRET.  405 

ont  répondu  qu'ils  lui  enverraient  quatre  régiments  de  gens  de 
pied  et  six  mille  cavaliers.  —  Si  le  roi  d'Espagne  envoie  des 
troupes  en  France,  ils  s'engagent  à  augmenter  le  secours.  — 
Ces  troupes  marcheront  sous  le  commandement  du  duc  de 
Deux-Ponts.  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  661  s,  f.  104.) 

Lettre  de  Jean  d'Ébrard  de  Saint-Suplice,  ambassadeur  à 
Madrid,  à  la  reine,  Madrid,  \-2juin  1562.  —  La  veille,  Sébas- 
tien de  l'Aubespine  a  obtenu  son  audience  de  congé.  —  Le  roi 
catholique  lui  a  déclaré  qu'il  venait  d'expédier  au  roi  de  Navarre 
un  courrier  porteur  de  ses  propositions,  mais  il  a  gardé  le 
silence  sur  la  nature  du  dédommagement  qu'il  offre  au  prince. 
—  Les  deux  ambassadeurs  n'ont  pu  en  apprendre  davantage. 
(Copie  du  temps;  f.  fr..  vol.  3161,  f.  13.  —  Saint-Suplice  était 
arrivé  à  Madrid  le  21  mai  1502;  lettre  de  Saint-Suplice  à  la 
reine;  orig.,  f.  fr.,  vol.  45X76,  f.  78.) 

Résumé  de  chancellerie  des  propositions  à  faire,  au  nom  de 
Philippe  II,  au  roi  de  Navarre,  13  juin  \'M\2.  —  Même  sujet 
que  la  pièce  du  7  juin  analysée  plus  haut.  (Minute  ou  copie: 
Ârch.  nat.,  K.  1496,  n°  90.) 

XXII. 

Lettre  dd  boi  de  Navarre  a  la  reine. 

Camp  de  Mereville,  13  juin  1562. 

Marche  de  l'armée.  —  Nouvelles  d'Orléans.  —  Bonnes  dispositions  des 

troupes. 

Madame,  nostre  armée  a  ce  jourd'huy  marché  jusques  en  ce 
lieu,  où  j'ay,  avecques  ces  seigneurs,  advisé  à  toutes  choses 
nécessaires  pour  la  conservation  d'icelle.  Demain  nous  en  irons 
à  Jan ville  et  par  là  pouvez-vous  juger  comme  nous  ne  perdons 
point  temps  pour  nous  approcher  de  ceulx  d'Orléans,  ausquels 
j1ay  pour  certain  entendu  que  les  loi-ces  qu'ilz  espéroyenl  de 
Provence  sont  arrivées  :  de  quoj  je  vous  puis  dire,  Madame,  que 
je  ne  suys  trop  marry,  car  au  moins  ayant  maintenant  tout  ce 
qu'ilz  actendoient,  s'ilz  ne  veulent  venir  a  la  raison  et  obéir  aux 


406  ANTOINE   DE    BOURBON 

commandemens  de  Votre  Majesté,  il  ne  se  pourra  plus  différer 
de  mettre  une  fin  à  tout  cecy,  s'ilz  ont  la  volunté  semblable  à 
leurs  paroles  et  aussi  bonne  que  ont  tous  nos  gens.  Vous  advi- 
sant  au  reste,  Madame,  que  je  suys  icy  avec  des  seigneurs  bien 
saiges  et  que  je  treuve  beaucoup  plus  enclins  à  s'accommoder 
à  quelques  bonnestes  conditions  que  je  Les  ay  encor  point  veus, 
pour  le  désir  qu'ils  ont  de  veoir  ce  royaume  en  repos.  Je  vous 
laisse  à  penser  là  dessus  le  demeurant.  Et,  après  m'estre  très 
humblement  recommandé  à  vostre  bonne  grâce,  je  prie  le  créa- 
teur que  vous  doint,  Madame,  en  parfaite  santé  très  bonne  et 
longue  vie. 

Du  camp  de  Mereville,  ce  xiue  jour  de  juing  4'Hi2. 

Vostre  très  humble  et  très  obéissant  frère  et  subject, 

Antoine. 
(Orig.;  f.  fr.,  vol.  6G0G,  f.  3.) 

XXIII. 

Lettre  du  prince  de  Gondéau  roi  de  Navarre,  Orléans,  i 6  juin 
1562.  —  Protestations  pacifiques.  —  Le  prince  consent  à  neu- 
traliser la  ville  de  Beaugencj  el  accepte  la  trêve  de  six  jours. 

—  Il  envoie  à  son  frère  le  s.  du  Vigean  et  Robertet  d'AUuye. 
(Orig.;  Arch.  des  Basses-Pyrénées,  E.  :>s:>.) 

Lettre  du  baron  Christophe  de  Dhona  au  prince  de  Condé, 
Strasbourg,  M  juin  1562.  —  Compte-rendu  de  sa  mission  en 
Allemagne  et  de  ses  démarches  pour  empêcher  l'envoi  du  secours 
destiné  aux  catholiques.  (Copie  du  temps  en  latin;  f.  fr., 
vol.  4  (M  90,  f.  ni  v°.) 

Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  11,  Paris,  M  juin  4562.  — 
Entrevue  de  la  reine  avec  les  députés  d'Orléans  dans  le  bois  de 
Vincennes.  — Trêve  conclue  malgré  l'avis  des  catholiques.  — 
Nécessité  de  ménager  le  duc  de  Vendôme  qui  es)  l'arbitre  de  la 
situation.  —  Le  prince  de  l'.eani  n'esi  pas  encore  allé  à  la  messe. 

—  On  circonvient  le  roi  en  faveur  du  prince  de  Coude.  — Suite 
de  l'affaire  de  Saint-Médard.  —  Les  réformés,  chassés  de  la 
ville  de  Paris,  séjournent  dans  le  bois  île  Vincennes.  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  nat.,  K.  1498,  n     - 


ET   JEANNE    d'aLBRET.  407 

Lettre  de  Chantonay  au  roi  de  France,  Paris,  4  s  juin  1562. 
—  Remontrances  adressées  par  l'ambassadeur  au  roi  au  sujet 
de  la  trêve  consentie  en  faveur  des  réformés.  (Orig.;  f.  fr., 
vol.  45876,  f.  4  44.) 


XXIV. 

Lettre  du  roi  de  Navarre  au  card.  de  Lorraine,  Saint-Simon, 
24  juin  4562.  —  Nécessité  de  payer  les  Suisses  et  les  lansque- 
nets. —  Négociation  de  la  paix  avec  les  réformés.  (Orig.;  f.  fr., 
vol.  3249,  f.  4  23.) 

Instruction  du  duc  de  Montpensier  au  s.  Desplatz,  envoyé  au 
roi  de  Navarre,  au  duc  de  Guise  etau  connétable,  Angers,  23  juin 
4  502.  —  Compte-rendu  détaillé  de  la  campagne  du  duc  de  Mont- 
pensier en  Anjou.  —  Demande  de  secours.  —  Sacrifice  de 
l'évéque  du  Mans  en  faveur  de  la  cause  royale.  (Orig.;  f.  fr., 
vol.  4  5876,  f.  428.) 

Lettre  du  roi  de  Navarre  au  s.  de  Joyeuse,  lieutenant  géné- 
ral en  Languedoc,  Beauyenaj,  2<o  juin  4562.  —  Annonce  de  la 
paix.  —  Ordre  de  prendre  possession  des  villes  rebelles  au  nom 
du  roi,  de  renvoyer  les  soldats  étrangers  et  de  faire  exécuter  les 
édils.  —  Le  prince  de  Gondé  envoie  un  gentilhomme  de  sa  mai- 
son à  cet  effet.  (Minute-,  f.  fr.,  vol.  45876,  f.  464.) 


XXV. 


Lettre  du  capitaine  La  Motheau  prince  de  Gondé,  Strasbourg, 
li'.i  juin  1 562.  —  Il  lui  conseille,  s'il  se  sent  le  plus  faible,  d'évi- 
ter le  combat  et  de  s'enfermer  dans  une  ville  forte  en  attendant 
que  les  Allemands  viennent  le  secourir.  —  Avis  pour  obtenir 
l'appui  des  gens  de  Strasbourg  et  des  Suisses.  (Copie  du  temps; 
f.  fr.,  vol.  4  0190,  f.  454  v°.) 

Lettre  du  capitaine  La  Motbe  à  l'amiral  de  Coligny,  Stras- 
bourg, 2'»  juin  15(12.  —  Même  sujet  que  la  lettre  précédente. 
(Copie  du  temps;  f.  IV..  vol.  104  90.  f.  4  55.) 


408  ANTOINE   DE   BOURBON 

Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  Paris,  30  juin  1562.  — 
Efforts  de  l'ambassadeur  pour  entretenir  le  duc  de  Vendôme 
dans  la  bonne  voie.  —  Les  lettres  du  roi  d'Espagne  ont  été  rete- 
nues trois  jours  à  Orléans.  —  Récit  détaillé  de  la  conférence  de 
Saint-Simon.  —  La  dame  de  Roye,  la  dame  de  Crussol  et  le 
cardinal  de  Ghastillon  sont  venus  voir  la  reine.  —Affaires  de 
Lyon.  —  Le  pape  a  donné  200,000  écus  au  roi  de  France.  — 
Nécessité  pour  la  reine  de  retourner  à  Paris.  —  Inimitié  du  par- 
lement et  du  chancelier.  —  Touchant  la  majorité  du  roi.  — Le 
roi  catholique  pourra  aider  le  duc  de  Vendôme  à  sévir  contre  sa 
femme.  —  Mariage  projeté  entre  Charles  IX  et  Dona  Juana, 
d'une  part,  et  entre  Don  Carlos  et  Marguerite  de  Valois,  d'autre 
part.  —  Négociation  entre  la  reine  Elisabeth  d'Angleterre  et 
Marie  Stuart.  (Orig.  espagnol;  Arch.  nat.,  K.  -U98,  n°  0.) 

XXVI. 

Lettre  du  roi  de  Navarre  à  Tavannes,  lieutenant  général  en 
Bourgogne,  Talcy,  30  juin  1502.  —  «  Nous  sommes  en  si  bons 
«  termes  de  pacification  qu'il  faut  surseoir  toute  hostilité,  ainsy 
«  que  la  royne  vous  escript,  et  aussi  tenir  les  Suisses  à  Ghâlons 
«  ou  es  environs,  attendant  que  vous  ayez  autres  nouvelles  de 
«  nous,  les  faisant  vivre  à  la  moindre  foule  de  peuple  que  faire 
«  se  pourra.  »  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  4632,  f.  H5.  —  Cf.  avec  la 
lettre  de  la  reine  de  même  date;  Lettres,  de  Catherine  de  Médi- 
as, t.  I,  p.  343.) 

Deuxième  lettre  du  roi  de  Navarre  au  même,  Talcy,  30  juin 
1502.  —  «  Nous  pensions  n'avoir  que  faire  des  Suisses,  mais  il 
«  est  hesoing  qu'ils  marchent  pour  les  raisons  que  la  royne  vous 
«  escript,  vous  pryant  les  faire  partir  et  acheminer  le  plus  lost 
«  qu'il  sera  possible  et  qu'ils  ne  perdent  une  seule  heure  de 
«  temps;  car, je  voj  bien  que  ceux  a  qui  nous  avons  affaire  ont 
«  autres  intentions  que  celles  qu'ils  ont  voulu  faire  croyre 
«  jusques  icy,  dont  il  me  déplaisl  infiniment.  »  (Orig.;  f.  fr., 
vol.  4632,  f.  l-ir..  —  Cf.  avec  la  lettre  de  la  reine;  Lettres  de 
Catherine  de  Médicis,  t.  I,  p.  344.) 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  409 

XXVII. 
Lettre  dd  roi  de  Navarre  au  ddc  de  Nemours. 
Mois,  juillet  1562. 
Le  prince  accepte  les  excuses  du  duc  de  Nemours. 

Mon  cousin,  j'ay  receu  la  letre  que  vous  m'avez  escripte,  par 
laquelle  vous  me  mandez  qu'ayant  esté  adverly  par  aucuns  de 
vos  amys  que  l'on  m'avoit  faict  entendre  qu'estant  dernièrement 
à  Saint-Germain  en  Laye,  vous  dictes  que  j'avoys  délibéré  de 
faire  tuer  le  Roy  et  messieurs  ses  frères,  vous  n'avez  voulu  fail- 
lir de  me  faire  ce  mot  de  letre,  escripte  et  signée  de  vostremain, 
pour  me  dire  qu'avec  le  respect  que  vous  debvez  et  que  vous 
avez  tousjours  déclaré  voulloir  avoir  à  la  personne  et  qualité  de 
Monsieur,  comme  fils  et  frère  de  ceulz  que  vous  avez  tenu  et 
tenez  pour  bons  Roys  et  souverains  seigneurs,  vous  voulez  bien 
m'asseurer  que  vous  n'avez  jamais  eu  et  n'aurez  oppinion  aultre 
de  moy,  sinon  celle  que  l'on  doibt  avoir  d'un  Roy  vertueulx  et 
prince  d'honneur.  Et  metant  la  main  sur  vostre  estomac  vous 
m'asseurez  avec  vérité  que  ceulx  qui  auront  dit  ou  vouldront 
dire  que  j'aye  voulu  tuer  le  Roy  et  messieurs  ses  frères,  vous 
les  tenez  et  tiendrez  meschans  ;  me  priant  vous  recevoir  pour 
bon  parent  et  croire  que  ne  vouldriez  avoir  tenu  langaige  de 
moy  aultre  qu'on  doibt  tenir  d'un  prince  fort  homme  de  bien. 
Estant  bien  asseuré  que  je  ne  l'endurerois  de  personne,  de 
quelque  qualité  qu'il  puisse  estre;  ce  qui  est  bien  certain,  et 
estois  bien  résolu  de  ne  laisser  en  double  chose  qui  peust  en 
riens  toucher  mon  honneur.  Parquoy,  ayant  veu  ce  que  vous 
me  déclarez  par  ce  qui  est  contenu  en  vostre  d.  lettre,  je  m'en 
contente  et  seray  bien  aise  de  continuer  à  vous  estre  bon  parent 
et  amy,  et  le  vous  faire  congnoistre  quand  l'occasion  s'y  pré- 
sentera. Cependant,  en  attendant  que  je  vous  voye,  je  me  recom- 
manderay  à  vostre  bonne  grâce  et  prieray  Dieu  qu'il  vous  doint 
bonne  et  longue  vye. 
A  Bloys,  ce...  jour  de  juillet  15<»2. 

(Copie  ou  minute;  Arcli.  dos  Basses-Pyrénées,  E.  585.  —  Autre;  copie 
ou  minute;  I.  t'r.,  vol.  1587G,  f.  211.  —  La  lettre  à  laquelle  répond  le 
roi  de  Xavarre  est  conservée  en  original  aux  Archives  des  liasses- 
Pyrénées,  E.  585.) 


410  ANTOINE    DE   BOURBON 


XXVIIÏ. 


Circulaire  du  roi  de  Navarre  aux  officiers  des  villes  pour  les 
dissuader  de  prendre  part  à  la  guerre  et  de  porter  secours  aux 
révoltés,  Camp  de  Blois,  juillet  4562.  —  Sentiments  pacifiques 
de  la  reine  et  des  seigneurs  du  Conseil.  —  Amnistie  offerte  aux 
séditieux  d'Orléans.  —  Le  roi  ne  peut  autoriser  ses  sujets  à 
prendre  les  armes  et  se  voit  obligé  de  leur  faire  la  guerre  pour 
les  désarmer  et  leur  imposer  la  reconnaissance  de  son  autorité. 
(Minute;  f.  fr.,  vol.  J5876,  f.  199.) 

Lettre  du  roi  de  Navarre  à  la  reine,  "J  juillet  4562.  —  Le 
prince  a  ouvert  un  courrier  envoyé  d'iïspagne  par  Saint-Suplice 
pour  chercher  des  nouvelles  de  ses  propres  affaires.  —  Almeida 
est  revenu  de  Madrid  et  a  été  arrêté  à  Tours  pendant  quatre  jours 
par  les  soldats  de  Condé.  —  Il  proleste  auprès  de  son  frère 
contre  cette  arrestation.  (Minute;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  203.) 

Instruction  du  roi  de  Navarre  au  héraull  envoyé  à  Tours, 
Blois,  5  juillet  1562.  —  Sommation  aux  gens  de  Tours  de  capi- 
tuler devant  l'armée  royale.  (Minute:  f.  fr..  vol.  15876,  f.  497.) 

XXIX. 

Lettre  du  roi  de  Navarre  w   prince  de  Condé. 

Blois,  5  juillet  1562. 

Prière  do  rendre  la  liberlt'-  au  s.  d'Almeida. 

Mon  frère,  je  viens  d'estre  adverty  par  une  dépesche  venant 
d'Espagne  que  d'Almeida  partit  le  20  du  passe,  qui  est  temps 
assez  suffisant  pour  estre  icy  s'il  ne  lu.\  estoil  survenu  quelque 
inconvénient  comme  je  crains.  Qui  me  faicl  vous  escripre  la 
présente  pour  vous  ramentevoir  la  promesse  ipie  vous  m'avez 
faicte  de  me  l'envoyer  s'il  tumboit  en  lieu  où  vous  eussiez  puis- 
sance, à  ce  que,  si  vous  aviez  nouvelles  qu'il  soyl  arresté,  vous 
faisez  tant  pour  moj  que  de  donner  ordre  bien  expresse  qu'il  me 
soil  envoyé,  d'aultant  que  vous  pourez  bien  penser  combien  il 


ET    JEANNE    DALBRET.  411 

m'importe  de  scavoir  sa  dépesche.  Ne  voulant  croire  et  ne  me 
le  pouvant  persuader  qu'il  vous  puisse  entrer  au  cueur  de  me 
vouloir  faire  ung  si  extresme  desplaisir,  dont  il  ne  vous  pourroit 
revenir  aultre  fruict  qu'en  rumpant  tout  le  droit  d'amytié,  me 
faire  congnoistre  en  peu  de  chose  qu'il  ne  me  faull  jamais 
actendre  de  vous  amylié  ny  courloysie,  mais  penser,  à  mon 
grand  regret,  que  je  ne  doibs  espérer  de  vous  que  tous  les  des- 
plaisirs du  monde.  Et  pour  ceste  cause,  mon  frère,  s'il  vous 
est  demeuré  aucune  scintille  de  Pamytié  que  vous  m'avez  portée, 
faictes-le  moy  paroistre  à  ce  coup  en  me  le  renvoyant,  s'il  est 
avecques  vous,  ou  donnant  ordre,  s'il  a  esté  arresté  ailleurs, 
qu'il  soit  mis  en  liberté  avec  sa  dépesche,  et  m'en  mander  des 
nouvelles  par  ce  trumpette  que  j'anvoye  expressément  devers 
vous.  Priant  Dieu,  mon  frère,  après  m'estre  recommandé  à 
vostre  bonne  grâce,  qu'il  vous  doint  bonne  et  longue  vie. 

De  Blois,  ce  5e  jour  de  juillet  1562. 

(Minute  orig.;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  201.) 

XXX. 

Lettre  du  roi  de  Navarre  a  la  reine. 

Biais,  (5)  juillet  1  562. 

Récit  de  la  prise  de  Blois. 

Madame,  je  vous  ay  ce  matin  escript  par  Ligneroles  comme 
je  m'en  venoys  en  ceste  ville,  après  avoir  veu  que  ceulx  d'Or- 
léans avoyent  perdu  l'envye  de  nous  combattre.  Mons.  le  conné- 
table est  par  icy  d'avant  le  jour  et  est  icy  arrivé  avec  six  canons 
et  la  bataille.  Et  nous  sommes  demeurez,  Mess,  de  Guise,  maré- 
chal de  Saint-André  cl  moy,  à  l'avant-garde  pour  donner  moyen 
à  toutes  nos  trouppes  de  s'achemyner.  Et  ne  sommes  peu  arriver 
assez  à  temps  que  nous  n'ayons  trouve  l'opiniâtreté  d'une  cen- 
tayne  de  paillards  qui  estoyent  icy,  avoyr  esté  telle  qu'ils  avoyent 
à  l'abord  tire  une  infinité  de  mousquetades  et  harquebu/ades, 
de  l'une  desquelles  le  eappitaine  Gosseins  a  esté  tellement  blesse 
qu'il  y  a  peu  d'espérance  de  vie,  et  une  vingtaine  d'autres  sol- 
dats que  tués  que  blessés.  Mais  eeste  fureur  ne  leur  a  guères 


412  ANTOINE   DE   BOURBON 

duré,  cTaultant  que,  ayant  ouy  une  voilée  d'artillerie,  'il  s'en 
sont  tous  fouys  delà  le  pont,  ayans  donné  ordre  de  sauver  tout 
ce  qu'ils  avoyent  de  bon  dès  que  nostre  armée  s'approcha  d'icy. 
Si  jamais  il  se  feil  chose  en  quoy  l'on  eusl  peine  et  difficulté, 
ce  a  esté  à  conserver  ceste  pauvre  ville  d'estre  saccagée,  tant 
les  soldats  y  estoyent  animés.  Et  vous  asseure,  Madame,  que 
moy  et  tous  ces  seigneurs  y  ont  tellement  travaillé  que  nous 
n'avons  jamais  reposé  ni  cessé  d'aller  d'une  rue  à  l'aultre,  et, 
s'il  se  peult  dire,  de  maison  en  maison,  que  nous  n'ayons  mis 
les  soldats  hors.  Gela  n'a  peu  estre  sans  qu'il  y  en  ayt  eu  qui 
ayent  paty,  tant  des  bons  que  des  maulvays.  Tant  y  a  que  je 
puys  dire  qu'oncques  ville  ne  se  veit  avoir  enduré  l'extrémité 
qu'a  fait  ceste-cy  et  en  estre  réchappée  à  si  bon  marché.  Nous 
y  séjournerons  tous  demain  et  de  là  en  hors  prendrons  telle 
résolution  que  nous  verrons  estre  plus  à  propos  pour  le  bien  et 
service  du  roy  et  de  vous,  dont  nous  vous  advertirons  d'heure 
à  aultre.  Et  je  prieray  Dieu,  Madame,  après  m'estre  très  hum- 
blement recommandé  à  vostre  bonne  grâce,  qu'il  vous  doint  très 
longue  et  très  heureuse  vie. 

De  Blois,  ce...  jour  de  juillet  1562. 

(Minute  ;  f.  fr.,  vol.  15876,  fol.  202  et  233.) 

XXXI. 

Lettre  do  roi  de  Navarre  ad  duc  d'Étantes. 

Blois,  (6)  juillet  1562. 

Rupture  des  conférences  et  commencement  des  hostilités. 

Mon  cousin,  la  royne  vous  escrit  si  amplement  que  je  ne 
scauroys  que  y  ajouster,  si  n'esl  vous  asseurer  qu'il  n'a  pas  tenu 
à  elle  que  nous  ne  soyons  appoinctez,  mais  Dieu  n'a  pas  voullu. 
Aussy  y  a  il  eu  tant  d'opiniastreté,  de  la  part  de  ceux  d'Orléans, 
que  je  ne  scay  si  jamais  ils  auronl  ce  qu'il  leur  a  esté  offert.  Et 
de  ma  part  j'ay  ung  extrême  respect  de  ce  que  je  voy  et  Dieu 
me  sera  lesmoing,  s'il  fault  que  nous  venions  aux  mains,  que  ce 
sera  contre  ma  volunté.  Car  j'eusse  esté  bien  ayse  qu'ils  eussent 
esté  si  raisonnables  que  nous  en  fenssions  venus  là,  mais. 


ET    JEANNE    d'aLBRET.  413 

puisque  Dieu  le  veult  et  la  nécessité  nous  y  contraincl,  vous 
vous  pouvez  asseurer  qu'il  me  coustera  la  vye  ou  je  feray  bien 
obéyr  le  roy  ;  et  dans  peu  de  jours  vous  aurez  des  nouvelles. 
Cependant  je  prieray  Dieu,  mon  cousin,  vous  avoir  en  sa  sainte 
et  digne  garde. 

De  Blois,  ce...  jour  de  juillet  1562. 

(Minute  ;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  205.) 

XXXII. 

Instruction  du  roi  de  Navarre  au  capitaine  Renouart,  envoyé 
vers  le  comte  de  Roggendorf  et  les  capitaines  des  reistres, 
'juillet  1562.  —  Ordre  de  presser  la  marche  des  Allemands 
et  de  les  amener  au  camp  du  roi.  (Minute;  f.  fr.,  vol.  13876, 
f.  214.) 

Lettre  du  roi  de  Navarre  au  duc  d'Aumale,  Camp  de  Blois, 
7  juillet  1362.  —  Le  prince  regrette  de  ne  pouvoir  donner  du 
secours  au  duc  d'Aumale.  —  Il  lui  en  enverra  quand  les  Alle- 
mands seront  arrivés.  —  Ordre  de  resserrer  la  ville  de  Rouen, 
et,  si  elle  est  prise,  d'empêcher  le  pillage.  (Minute;  f.  fr., 
vol.  13876,  f.  217.) 

Lettre  du  roi  de  Navarre  au  comte  du  Lude,  Camp  de  Blois, 
H  juillet  1362.  —  Envoi  du  comte  de  Villars  avec  une  bonne 
troupe  de  gendarmerie  en  Poitou.  —  Ordre  d'assembler  la 
noblesse  pour  marcher  contre  les  séditieux.  (Minute;  f.  fr., 
vol.  13876,  f.  216.) 

Lettre  du  roi  de  Navarre  à  la  reine,  10  juillet  1362.  —  Envoi 
à  la  reine  du  mémoire  suivant.  (Minute;  f.  fr. ,  vol.  15876, 
f.  234.) 

Mémoire  adressé  à  la  reine  mère  par  le  roi  de  Navarre,  s.  I. 
n.  d.  —  Rappel  de  la  prise  de  Blois.  —  Les  gens  de  Tours 
font  leur  soumission.  —  Le  prince  y  envoie  le  s.  de  Beauvais. 
—  Le  comte  de  Villars  se  rend  en  Touraine  et  en  Poitou.  — 
Le  prince  a  donné  au  comte  du  Lude  l'ordre  de  ramasser  des 
troupes.  —  Ce  mémoire,  sauf  les  points  ci-dessus,  parait  être 
une  première  rédaction  de  la  pièce  suivante.  [.Minute;  f.  fr., 
vol.  15876,  f.  235.] 


414  ANTOINE    DE   BOURBON 

XXXIII. 

Rapport  du  roi  de  Navarre  a  la  reine. 

Blois,  M  juillet  1562. 

Récit   des  opérations  militaires  depuis  la  rupture  des  conférences  de 
Baugency  jusqu'à  la  prise  de  Blois. 

Estant  la  royne  partie  de  Tallesy  avec  l'ennuy  et  déplaisir 
que  chacun  peult  penser  pour  le  peu  de  satisfaction  qu'elle 
remportait  de  tant  de  peine  et  de  travail,  qu'elle  avoit  prinse 
pour  la  pacification  de  ces  troubles  et  la  tranquilité  de  ce 
royaume,  et  jugeant  ceulx  d'Orléans  qu'elle  ne  pouvoit  avoir 
qu'un  juste  mesconlentemcnt  de  leurs  déportemens  en  son 
endroit,  tant  pour  avoir  maulgré  elle  amené  mons.  le  prince  de 
Condé  du  lieu  près  Baugency  où  elle  s'estoit  tant  devisé  d'aller 
parler  à  mons.  l'amyral  que  de  ce  que,  contre  ce  qu'ilz  luy 
avoient  offert  et  promis  de  se  retirer,  ils  avoient,  avec  leur 
armée,  marché  en  ça,  ilz  prirent  une  résolution,  comme  il  se 
peult  veoir  par  le  chemin  qu'ilz  tenoient  et  ce  que  l'on  apprinl 
de  leurs  nouvelles,  de  tenter  s'il  y  auroit  moicn  de  donner  une 
camisade  au  roy  de  Navarre  et  à  son  armée,  et,  pour  le  déses- 
poir où  ilz  se  voyoicnt,  hazarder  la  fortune.  Et  de  faict,  esti- 
mans  que  messrs  les  ducz  de  Guy  se  et  de  Montmorency,  con- 
nestable,  et  Saint-André,  maréchal  de  France,  ne  fussent  encore 
retournez  en  l'armée  avec  une  bonne  trouppe  de  cavallerye 
qu'ilz  avoyent  mené  avecques  eulx,  et  que  le  reste  de  noslre 
gendarmerye  fust  pour  la  commodité  du  couvert  logé  si  loing 
les  ungs  des  autres,  que,  arrivant  sur  le  poinct  du  jour,  ilz 
auroienl  bon  moien  de  les  (ailler  en  pièces  avant  qu'ilz  eussent 
loisir  de  se  recongnoistre  u\  assembler  leurs  forces;  en  ceste 
délibération,  le  mercredy  premier  dece  présenl  moyi  de  juillet, 
sur  les  six  heures  du  soir,  partirent  de  la  Ferlé  du  Seau,  qui 
estoit  à  quatre  bonnes  lieue-,  en  bataille  serrez,  tant  les  gens  de 
pied  qia-  de  cheval,  ayant,  la  cavallerye  des  casaques  blanches 
el  l'infanterye,  chacun  une  chemise  blanche,  pour  arriver  juste- 
ment une  heure  ou  deux  avant  le  jour  en  nostre  camp  exécuter 


ET    JEANNE    d'aLBRET.  ll-"> 

leur  entreprinse.  Mais  la  fortune  voulut  que,  s'estant  perduz 
par  les  chemins  à  cause  qu'il  n'y  avoit  poinct  de  lune,  ilz  ne 
peurent  arriver  à  la  poincte  du  jour  qu'à  une  bonne  lieue  et 
demye  de  nostre  camp. 

Cependant,  le  roy  de  Navarre,  dès  qu'il  entendit  par  le  sr  de 
Ramboillet  que  la  royne  avoit  envoyé  devers  eulx,  qu'ilz  mar- 
choient  vers  son  camp,  craignant  ce  qui  advint,  avoit  donné 
ordre  de  renforcer  les  gardes  et  advertir  toute  la  gendarmerye 
au  premier  signal,  qui  estoit  d'un  coup  de  canon,  de  monter  à 
cheval  et  se  rendre  à  l'artillerye.  Et,  non  content  de  cela,  avoit 
envoyé  le  sr  de  Des  Borye,  lieutenant  de  monsr  le  prince  de 
Navarre,  avec  vingt  sallades,  la  nuict  mesmes  du  mercredy, 
pour  sçavoir  de  leurs  nouvelles,  de  façon  qu'aiant  advis,  tant 
par  luy  qu'aultres,  que  messrs  les  ducz  de  Guyse  et  connestable 
avoient  envoyé  pour  cest  effect,  qu'ilz  marchoient,  et  principal- 
lement  par  mons1'  Danville,  qui  avoyt  eu  rapport  par  ceulx 
qu'il  avoyt  envoyez,  qu'ilz  marchoient  avec  délibérations  de  le 
combatre,  comme  il  s'estoit  encores  entendu  par  quelques  pri- 
sonniers, de  bon  matin  monta  à  cheval  avecques  sa  cornette 
pour  se  rendre  en  sa  place  de  bataille.  Gomme  au  mesme  ins- 
tant firent  les  dicts  srs  ducz  de  Guyse,  connestable  et  maréchal 
de  Saint-André,  qui  de  leur  costé  donnoient  ordre  de  fere  mectre 
tout  le  monde  en  bataille  au  lieu  et  place  qu'ilz  avoient  advisé 
entre  eulx.  En  sorte  qu'arrivant  à  Tartillerye  et  passant  par 
les  régimens  de  gendarmerye  et  batailluns  de  gens  de  pied,  il 
trouva  toutes  choses  si  bien  ordonnées  et  une  telle  délibération 
de  combatre  parmy  toutes  les  trouppes,  qu'il  n'en  pouvoit 
espérer,  marchans  plus  avant  ceulx  d'Orléans,  comme  il  esti- 
moit,  qu'une  victoire  certaine,  si  Dieu,  par  sa  puissance,  ne  la 
luy  vouloit  ostcr  des  mains.  Monsr  Damville  aussi,  qui  estoit 
logé  plus  avant  avec  sa  cavalJerye  legiere,  estoit  à  cheval, 
auquel  il  avoit  esté  commandé  de  les  garder  le  plus  qu'il  pour- 
rait, de  riens  recongnoistre  de  nostre  bataille,  mais  les  entrete- 
nir jusques  ad  ce  qu'il  feust  forcé  se  retirer  au  lieu  qu'il  luy 
avoit  esté  ordonné  pour  combatre. 

Toutes  choses  ainsi  ordonnées,  le  jeudy  matin,  4  Ie  du  dict 
mois,  sur  les  unze  heures,  l'on  les  veit  loger  en  ung  villaige, 
nommé  Grevant,  n'estant  qu'a  une  bonne  lieue  et  demye  de 


-110  ANTOINE   DE   BOURBON 

nostrc  camp.  Et  sceul  l'on  par  quelques  soldats,  qui  furent 
prins  avec  des  chemises  blanches,  que  leur  entreprinse  avoit 
esté  de  donner  une  camisade  ad  nostre  armée,  mais  que,  ne 
l'ayant  peu  exécuter,  ilz  se  réservoient  au  lendemain,  qu'ilz 
n'auroient  guères  de  chemyn. 

(le  qu'ayant  veu  le  roy  de  Navarre,  il  commanda  à  la  gen- 
darmerye  de  s'aller  reffreschir  et  reposer  en  leur  logis,  ayant 
premièrement  doublé  la  garde  et  ordonné  qu'ilz  ne  bougeassent 
de  leur  quartier  avec  la  bride  en  main  pour  se  rendre,  inconti- 
nent qu'il  leur  seroit  commandé,  en  leur  place  de  bataille.  Le 
semblable  feit-il  aux  gens  de  pied  avec  commandement  exprès 
ad  ung  chacun  de  se  trouver,  comme  la  nuict  fauldroit,  en  sa 
place.  D'aultant  que  l'on  avoit  eu  certain  advertissement  qu'ilz 
avoicnt  résolu  de  nous  combatre  la  nuict;  tant  pour  ce  qu'ilz 
estimoient  de  trouver  nos  forces  es  quartiers  que  pour  éviter  la 
fureur  de  nostre  artillerye,  et  qui  estoit  la  principale  occasion 
donner  moyen  à  ceulx  qui  seroicnt  de  leur  parly  en  nostre 
armée  de  passer  à  eulx.  Et  le  dict  sr  roy,  avec  les  dicts  srs  de 
Guyse,  connestable  et  maréchal  de  Saint-André,  s'en  allèrent 
recongnoistre  tous  les  lieux  et  advenues  par  où  ilz  pourraient 
venir  à  eulx,  affin  de  regarder  de  pourveoir  à  toutes  choses  et 
gaigner  tout  l'advanlaige  pour  le  combat  et  leur  aporter  tout  le 
désadvantaige  qui  se  pouvoit,  comme  pour  leur  grande  expé- 
rience et  saige  conduicte  ilz  le  sçavent  très  bien  ordonner. 

Et  pour  le mieulx entendre,  il  estbesoing  de  sçavoir  la  situa- 
tion du  lieu  où  nostre  armée,  gendarmerie  à  pied,  estoil  en 
bataille  :  qui  est  tel  qu'à  la  main  gauche  esloit  Monsr  le  conte 
du  Villars  avec  ung  régiment  et  le  bataillon  de  nos  gens  de  pied 
de  la  bataille;  auprès  d1eulx,  à  la  main  droite,  estoit  Monsieur 
le  connestable  avec  son  régiment;  à  son  costé,  Monsr  le  maré- 
chal de  Montmorency,  qui  venoit  Qnir  au  bataillon  des  gens  de 
pied  de  l'avant  garde;  et,  à  leur  main  droite,  Mous''  de  Guyse 
avec  son  régiment,  Monsr  le  maréchal  de  Saint-André  avec  le 
sien  après.  Puis  le  roi  de  Navarre,  avec  sa  cornette  et  son  régi- 
ment, qui  estoit  encores  sur  le  costé  de  la  main  droite  pour 
prandre  tel  party  qu'il  adviseroyt  plus  à  propos.  L'artilleryede 
la  bataille  estoil  devant  leurs  gens  de  pied  sur  ung  petit  mont, 
et  celle  de  l'avant  garde  sur  ung  autre,  devant  les  gens  de  pied 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  417 

de  l'avant  garde,  qui  estaient  si  à  propos  que  Tune  bande  don- 
noit  par  la  teste  de  ceulx  qui  fussent  venuz,  et  l'autre  par  le 
flanc,  et  se  flanquoient  l'une  l'aullre.  Et  davantaige  au  liane  des 
gens  de  pied  de  la  bataille,  du  costé  gauebe,  il  y  avoit  ung  grand 
estaingqui  la  flanquoit,  et  du  costé  droict  du  roy  de  Navarre, 
tirant  vers  Baugency,  troys  cens  pas  plus  avant,  sur  le  liane,  de 
la  main  droicte,  il  y  avoit  ung  chasteau  et  un  villaige,  où  ie 
dict  sr  roy  et  ses  seigneurs  avoient  faict  mectre  jusques  à  douze 
cens  harquebusiers  et  quelques  mousquetz.  Ayans  mis  quatre 
cens  harequebuziers  dans  le  chasteau  et  le  reste  dans  le  vil- 
laige, et  des  hayes  qu'ils  avoient  tellement  faict  accommoder, 
comme,  pour  leur  grande  expérience,  ils  le  sçavent  très  bien 
fere,  qu'il  est  aussi  à  croyre  qu'ilz  en  eussent  peu  tirer  beau- 
coup de  faveur  à  eulx  marcher,  plus  beaucoup  de  dommaige. 
Et,  d'aultant  que  ilz  se  voulloient  prévalloir  de  l'obscurité  de  la 
nuict  pour  oster  le  moien  à  nostre  artillerye  de  les  endommai- 
ger,  l'on  avoit  ordonné  de  fere,  sur  toutes  les  advenues,  de 
grands  tas  de  fagots;  il  avoit  esté  commandé  à  des  soldaz, 
incontinent  que  les  chevaulx  légiers  auroient  l'alarme,  et  que 
l'on  sçauroit  qu "ilz  aprocheroient,  de  mectre  le  feu;  comme  il 
avoit  esté  semblablement  commandé  fere  à  ung  moulin  à  vent 
et  à  des  maisons  du  villaige  voisin  de  là  ;  affin  que,  de  tous  ces 
feux,  il  s'en  fist  une  lueur  si  grande  que  l'on  les  peust  veoir 
venir  comme  en  plain  jour. 

Estant  le  tout  ainsi  bien  ordonné  et  chacun  adverty  de  ce 
qu'il  avoit  à  fere,  le  roy  de  Navarre  et  tous  ses  seigneurs  ne 
faillirent  poinct,  à  l'heure  qui  avoit  esté  dicte,  de  se  trouver  en 
leur  place  de  bataille,  en  laquelle  ilz  demeurèrent  avec  la  plus 
grand  résolution  qu'il  est  possible  et  le  plus  grand  plaisir  du 
monde  de  bien  combattre  toute  la  nuict  jusques  au  jour  du  ven- 
dredy  matin;  que,  n'aiant  nulle  alarme,  ilz  mandèrent  à 
Monsr  Damville  qu'il  feist  donner  quelques  sallades  jusques  à 
leur  corps  de  gardes  pour  aprendre  de  leurs  nouvelles.  Les- 
quelz,  ayant  raporté  qu'ilz  ne  bougeoient,  sur  les  huict  heures, 
ilz  commandèrent  à  tout  le  monde  se  retirer  pour  s'aller  repo- 
ser et  reffreschir,  avec  charge  expresse  de  tenir  leur  cas  si  près 
qu'à  la  première  alarme  ilz  feussent  à  cheval. 

Et,  comme  tout  le  monde  fut  retiré,  le  roy  de  Navarre  avec 
iv  27 


418  ANTOINE    DE   BOURBON 

ces  seigneurs  donnèrent  jusques  au  logis  de  Monsr  Damville 
pour  ordonner  les  gardes  qui  estoyent  si  près  que  nos  vedettes 
n'estoient  que  à  cent  pas  de  celles  de  leur  camp.  Et,  comme  ilz 
eussent  craincte  que  l'on  l'attaquast  et  eussent  l'alarme  bien 
chaude,  il  parust  deux  esquadrons  de  cavallerie  à  leur  corps  de 
garde,  qui  attaquèrent  escarmouche  assez  froidde,  où  de  noz 
soldatz  leur  alloient  donner  coups  de  lance,  d'harquebuses  et 
d'espée.  Et  se  veist  certainement  qu'ilz  n'avoyent  poinct  envye 
de  s'avancer  ny  rien  allumer  d'aullre,  d'aultant  que  leurs  chefs 
à  coups  d'espées  les  venoient  retirer. 

Et,  sur  l'aprèsdinée,  comme  ceste  petite  apparence  de  fureur 
qui  les  avoit  faict  marcher  et  précipiter  si  avant  se  feut  passée, 
et  que  la  raison  commença  à  leur  fere  congnoistre  par  expé- 
rience qu'elle  ne  leur  pouvoit  apporter  qu'une  ruyne  prompte 
et  manifeste,  ilz  prirent  party  beaucoup  plus  advantaigeux  pour 
eulx  et  moings  dommaigeable,  qui  fut  de  se  retirer  à  deux  vil- 
lages nommés  Atzelle,  et  l'aultre  tirant  vers  Baugency,  si  serrez 
qu'un  seul  homme  ne  se  desbandoit. 

Ce  que  voiant  le  roy  de  Navarre  avec  Messieurs  de  Guyse, 
connestable  et  maréchal  de  Saint-André,  encores  qu'il  eussent 
beaucoup  désiré,  puisque  les  choses  en  estoient  si  avant,  les 
terminer  par  une  bataille,  et  qu'il  eussent,  pour  cest  effect  et 
les  y  attirer,  faict  party  si  beau  que,  en  aiant  si  grande  envye 
comme  ilz  en  faisoient  le  semblant,  ilz  ne  le  dévoient  reffuser, 
le  devoir  du  lieu  qui  tient  ne  luy  eust  delTendu  et  ce  combat  ne 
portast  la  conséquence  de  Testât  du  royaume,  il  se  contenta  de 
leur  avoir  monstre  qu'il  estoit  prest  de  les  recevoir  tous  et 
quantes  fois  qu'ilz  en  auraient  envye.  Et  se  résolut,  le  sab- 
medie  mie  de  ce  moys,  de  s'en  venir  gaigner  Bloys,  d'aultant 
que  ce  faisant  il  leur  gaignoit  le  derrière,  et  avoir  moien  de  reti- 
rer à  sa  dévotion  la  plus  part  des  villes  voysines  qui  se  sont 
séparées;  et  se  mectoit  en  une  belle  assiette  et  commodde,  soit 
pour  les  travailler,  soit  pour  actendre  les  forces  estrangieres, 
qui  luy  viennent,  soit  pour  prendre  tel  autre  party  qu'il  verra 
plus  utille  et  advantaigeux  pour  le  service  du  roy  et  heureux 
progrez  de  ceste  armée. 

Pour  lequel  elîcct,  Monsieur  le  connestable  partit  à  la  poincle 
du  jour,  avec  la  bataille  et  six  canons,  et  s'en  vint  devant  la 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  419 

dicte  ville  de  Bloys,  où  une  quantité  de  soldatz  firent  conte- 
nance de  ne  voulloir  rendre  l'obéissance  qu'on  leur  demandoil, 
mais,  à  coups  de  mousquet?  et  d'harcquebuzes,  blessèrent  le 
cappitaine  Cossains  et  tuèrent  que  blessèrent  une  vingtaine 
d'autres  soldatz.  Qui  n'empescha  poinct  qu'au  même  instant, 
sans  trenchées  et  gabions,  il  mit  l'artilerye  sur  le  bort  du  fossé 
avecques  une  telle  diligence  qu'après  une  voilée  ou  deulx  ceulx 
de  dedans  s'enfuirent,  laissant  la  ville  qu'ilz  avoient  jà  à  demy 
sacaigée  en  hazarlde  l'estre  du  tout  comme  ilyavoit  apparence 
qu'elle  devoit  estre,  aiant  enduré  le  canon,  et  comme  à  la  vérité 
elle  l'eust  esté  sans  le  grand  soing  et  extrême  dilligence  que, 
tant  le  dict  sr  roy  que  les  dicts  srs  ducz  de  Guyse,  connestable 
et  maréchal  de  Saint-André  et  autres  seigneurs  à  qui  ilz  com- 
mandement prindrent.  N'aiant  tout  le  jour,  jusques  au  soir, 
bougé  de  cheval  de  rue  en  rue  et  de  maison  en  maison  pour 
empescher  les  soldatz  et  les  fere  retirer.  Qui  ne  peust  estre  sans 
quelque  désordre,  quelque  diligence  dont  ilz  eussent  usé  pour 
l'empescher;  dont  il  s'ensuivit  des  saccagemens  de  plusieurs 
maisons  que  ceulx  mesme  de  la  ville  qui  avoyent  esté  aupara- 
vant maltraitez  par  les  maistres  d'icelle,  monstroyent  aux  sol- 
datz et  les  convioient  à  les  piller. 

Et,  comme  le  dict  sr  roy  et  tous  ces  seigneurs  estoyent  bien 
empeschés  à  Bloys,  ceux  d'Orléans  prindrent  l'occasion  à  pro- 
pos pour  forcer  Baugency,  où  il  avoyt  esté  laissé  quelques  sol- 
datz avec  ordre,  s'ilz  se  voyoient  pressez,  de  se  retirer  de 
l'aultre  costéen  Beauce,  mais  soit  ou  la  volonté  de  combatre  ou 
la  faulte  de  se  résouldre  leur  feist  perdre  le  temps  qu'ilz  pou- 
voient  avoir  pour  se  retirer,  de  façon  qu'ilz  se  trouvèrent  sur- 
prins.  11  en  fut  tué  quelques  uns,  et  d'aultres  beaucoup  qui  se 
saulverent;  mais  ce  ne  fust  sans  perdre  des  lances  par  la 
marche,  assez  bon  nombre. 

(Minute;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  237.) 

XXXIV. 

Lettre  du  roi  de  Navarre  à  Chantonay,  Blois,  \2  juillet  1">62. 
—  Le  prince  a  reçu  les  communications  de  d'Almeida  et  en 
remercie  l'ambassadeur  d'Espagne.  —  Il  se  dispose  à  envoyer 


420  ANTOINE   DE   BOURBON 

un  plénipotentiaire  à  Madrid.    (Minute-,  f.   IV.,   vol.   iS876, 

f.  204.) 

Lettre  du  roi  de  Navarre  à  Claude  de  PAubespine,  secrétaire 
d'état,  Blois,  \  2  juillet  \  302.  —  Le  prince  va  expédier  François 
d'Escars  en  Espagne  et  lui  commande  de  prendre  les  instruc- 
tions de  la  reine.  —  Il  prie  L'Aubespine  de  rédiger  la  dépèche. 
(Minute;  f.  fr.,  vol.  15871;,  f.  2<H.) 

Lettre  du  roi  de  Navarre  à  Odet  de  Selve,  Blois,  \2  juil- 
let 1502.  —  Le  prince  envoie  François  d'Escars  en  Espagne  et 
commande  à  de  Selve  de  se  préparer  à  l'accompagner.  (Minute; 
f.  fr.,  vol.  13870,  f.  200.) 

Lettre  du  cardinal  d'Armagnac  au  roi  de  Navarre,  Vincennes, 
13  juillet  1502.  —  Le  cardinal  informe  le  roi  de  Navarre  que 
l'abbé  de  Saint-Salut  a  apporté  de  Rome  le  bref  par  lequel  le 
pape  recommande  au  roi  d'Espagne  la  revendication  et  les  inté- 
rêts du  prince.  —  Sa  Sainteté,  en  outre,  a  envoyé  au  roi  catho- 
lique un  ambassadeur  spécial.  —  Nouvelles  de  la  cour,  du  roi, 
de  la  reine  et  du  prince  de  Béarn.  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  6020,  f.  34.) 

Instructions  du  duc  de  Bouillon  au  capitaine  Bertheville, 
Argentan,  U  juillet  1502.  —  Réclamations  personnelles.  — 
État  de  la  basse  Normandie  et  notamment  de  Caen,  Yalognes, 
Argentan,  Cherbourg  et  Granville.  —  Demande  de  secours. 
(Orig.;  f.  fr.,  vol.  13870,  f.  2 Tl  et  2Ï7.) 

Lettre  du  comte  de  Villars  au  roi  de  Navarre,  Châtellerault, 
\h  juillet  1562.  —  11  a  appris  à  La  Haye  que  les  rebelles  de 
Tours  s'étaient  enfuis  a  Poitiers  el  regrette  de  n'avoir  pu  les 
surprendre.  —  Il  a  envoyé  une  sommation  aux  rebelles  de  Poi- 
tiers. (Orig.;  f.  fr.,  vol.  I5S70.  I'.  251.) 

Lettre  du  roi  de  Navarre  a  la  reine,  Blois,   10  juillet  1562. 

—  Envoi  de  François  d'Escars  a  la  cour,  afin  de  prendre  les 
ordres  de  la  reine.  —  Espoir  que,  moyennant  une  nouvelle 
déclaration  du  roi,  les  ^ens  d'Orléans  déposeront  les  armes. 
(.Minute;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  202.) 

Lettre  du  roi  de  Navarre  a  la  reine.   Blois,   19  juillet  1562. 

—  Il  a  envoyé  le  capitaine  Rcnouarl  aux  Allemands  pour  près- 


ET   JEANNE   d'ALBRET.  421 

ser  leur  marche.  —  Nouvelles  de  Bretagne  et  de  Poitiers.  — 
Touchant  les  dépenses  de  la  guerre.  (Minute;  f.  fr.,  vol.  15876, 
f.  292.) 

Lettre  de  François  d'Escars  au  roi  de  Navarre,  Vincennes, 

21  juillet  I.j('»2.  —  11  a  conféré  avec  l'ambassadeur  d'Espagne 
en  présence  du  cardinal  de  Lorraine.  —  Arrivée  de  quinze 
enseignes  de  Suisses  à  Lyon.  —  Odet  de  Selve  s'est  résolu  à 
faire  le  voyage  de  Madrid.  —  L'artillerie  ne  sera  prête  que  dans 
un  mois.  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  13876,  f.  295.) 

Lettre  du  roi  de  Navarre  à  la  reine,  Blois,  22  juillet  1502. 

—  Il  a  appris  que  le  baron  des  Adrets  était  parti  de  Lyon  avec 
dix-huit  enseignes  de  gens  de  pied.  200  chevaux  et  six  pièces 
d'artillerie  pour  aller  en  Auvergne,  et  qu'il  s'était  emparé  de 
Montbrison.  —  Il  invite  la  reine  à  commander  au  Rhingrave 
d'envoyer  dix  enseignes  contre  le  baron  des  Adrets.  —  Il  retient 
au  camp  les  autres  dix  enseignes  et  la  cavalerie  allemande. 
(Orig.;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  304.) 

XXXV. 

Lettre  des  gens  de  Vierzonau  roi,  22  juillet  1562.  —  Ils  ont 
reçu  une  sommation  de  la  part  du  s.  d'Yvoy,  soi-disant  colonel 
de  l'infanterie  française.  —  Les  ennemis  se  sont  retirés  à 
Meung  et  y  ont  commis  toute  sorte  de  cruautés.  —  Ils  pré- 
parent le  siège  de  Vierzon.  —  Demande  de  secours.  (Orig.- 
f.  fr.,  vol.  15876,  f.  307.) 

Lettre  du  capitaine  La  Loe  au  roi,  Vierzon,  22  juillet  4562. 

—  Vains  efforts  pour  reprendre  Meung.  —  Récit  d'un  combat 
sous  les  murs  de  la  ville.  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  306.) 

Lettre  du  capitaine  Sarzay  au  roi  de  Navarre,   Vierzon, 

22  juillet  4562.  —  Le  capitaine Brueit avec  70 arquebusiers  est 
entré  à  Vierzon.  —  Coup  de  main  manqué  -m-  Meung.  (Orig.^ 
f.  fr.,  vol.  45876,  f.  297.) 

Ordredu  prince  de  Gondé  à  François  de  Bricquemault,  attendu 
que  la  ville  d'Orléans  \;i  être  assiégée,  de  rassembler  dans  les 
villages  de  la  Beauce  un  certain  nombre  de  pionniers,  Orléans, 


422  ANTOINE    DE    BOURBON 

22  juillet  1562.  (Copie  du  temps;  f.  fr.,  vol.  4  0490,  f.  4t>2.  — 
A  la  suite  de  cet  ordre,  on  trouve  une  commission  confirmative 
du  prince  de  Gondé  en  date  du  24  juillet.) 

Lettre  du  roi  de  Navarre  aux  gens  de  la  Rochelle,  Mois, 
25  juillet  4562.  —  Sommation  de  déposer  les  armes.  (Minute; 
f.  fr.,  vol.  4  5876,  f.  327.) 

Quittance  des  châsses  et  reliquaires  des  églises  de  Vire, 
remise  à  Gabriel  de  Lorges,  seigneur  de  Mongonmery,  en  vertu 
d'un  ordre  du  prince  de  Gondé,  Vire,  29  juillet  4  562.  (Orig.; 
1".  fr.,  vol.  34  90,  f.  44.) 

Lettre  du  comte  de  Suse  au  roi  de  Navarre,  Avignon, 
4er  août  4  5('»2.  —  Les  rebelles  se  sont  fortifiés  au  pont  de 
Sorgue  avec  neuf  enseignes  et  cinq  pièces  d'artillerie.  —  Suse 
s'est  jeté  dans  Avignon  pour  défendre  la  ville.  (Orig.;  f.  fr.. 
vol.  45876,  f.  348.) 

XXXVI. 

Les  remèdes   nécessaires  qui  semblent  ao  roi  de  Navarre  et 
adx  seigneurs  qui  sont  avec  luy  soubz  le  bon  i'laisik  de  la 

ROYNE. 

[Juin  1562.) 

Envoyer  Mous,  de  Montpensier  ea  Guyenne  avec  vingt 
enseignes  de  Françoys,  trois  mille  Espaignolz,  la  gendarmerie, 
qui  est  a  présent  and.  pays  et  sa  compaignye.  Et  s'il  a  besoing 
d'artillerie,  il  en  prendra  au  chasteau  Trompette  et  autres  places 
où  il  y  en  aura.  Et,  parlant  d'icy  led.  s.  de  Montpensier,  il  sera 
accompaigné  des  s.  d'Aussun  et  de  Vanguyon  et  aussi  du  s.  de 
Sansac,  jusques  ;i  ce  qu'il  ayt  trouvé  les  s.  de  Moulue,  de 
Teride  cl  autres  seigneurs  de  Guyenne. 

{ïïcpome  de  lu  reine)  La  royne  Irouvc  1res  bon  cest  advis. 
Et  est  présentement  envoyé  le  povoir  pour  Mons.  de  Montpen- 
sier et  lettres  aux  sieurs  qui  l'accompaigneront.  El  dadvantaige 
a  esté  advisé  d'y  envoyer  Mons.  de  Gandalle  et  de  Biron. 

Envoyer  à  Lyon  Mons.  le  mareschal  de  Saint-André  avec 


ET   JEANNE   D'ALBRET.  ÏSA 

trois  mille  lansquenets  du  Ringrave  et  ses  deux  cens  pistolliers, 
les  troys  mil  Italiens  du  roy  d'Espaigne  et  les  troys  mil  Italiens 
de  Mons.  de  Savoie.  Et  pourra  led.  s.  mareschal  lever  jusques 
à  vingt  enseignes  de  Françoys.  Et  quant  aux  gens  de  cheval,  il 
aura  sa  compaignie  et  celles  du  comte  de  Tende,  prince  de  Sal- 
lerne,  des  sieurs  de  Tavannes,  de  la  Fayette  et  de  Suze  et  les 
arquebuziers  à  cheval  du  chevalier  d'Apchon  et  les  deux  cens 
chevaux  de  Mons.  de  Savoye. 

(Rép.  de  la  reine.)  On  ne  scauroit  mieulx  faire  que  de  bail- 
ler cesle  charge  à  Mons.  le  mareschal,  mais  le  roy  de  Navarre 
considérera  le  retardement  qui  est  aux  Allemans,  que  Ton 
actendoit  du  roy  catholicque,  et  peu  d'apparence  d'en  avoir, 
pour  sur  ce  prendre  résolution,  ainsi  que  luy  a  esté  escrit  par 
le  s.  de  Saint-Bonnet. 

Led.  s.  mareschal  prandra  en  Bourgongne  l'artillerye, 
pouldres  et  munitions  qui  luy  seront  nécessaires  et  sera  besoing 
que  Mons.  d'Estrées  luy  envoyé  quelques  bons  commissaires  et 
canonniers. 

Pour  la  Normandye. 

Mons.  d'Àumalle  sera  accompaigné  de  quinze  enseignes  de 
Françoys,  troys  mille  lansquenets  du  Ringrave  et  la  cavallerie 
qu'il  a  à  présent  avec  luy. 

(Rép.  de  la  reine.)  Semble  que  les  lansquenets  ne  peuvent 
aller  pour  les  raisons  susdictes. 

Pour  les  forces  du  roy  de  Navarre. 

Trente  enseignes  de  Françoys. 

Quinze  enseignes  de  Suisses. 

Les  quatre  mil  lansquenets  du  roy  d'Espaigne. 

{Rép.  de  la  reine.)  Lesd.  lansquenets  et  pistolliers  n'est  pas 
chose  seure.  El  encores  ne  scayt-on  si  aura  tous  les  chevaulx 
fiamans. 

Neuf  cens  hommes  d'armes. 

(îhevaulx  légiers  et  harquebuziers  à  cheval,  six  cens. 

Les  douze  cens  pistolliers  du  comte  de  Roquandolf. 


424  ANTOINE   DE   BOURBON 

Les  mille  pistolliers  du  roy  d'Espaigne. 

Les  deux  mille  chevaulx  flamans. 

Et  sera  le  bon  plaisir  de  la  royne  commander  au  maislre  de 
l'artillerie  de  faire  en  loule  dilligence  préparer  quarante  canons, 
dix  mille  boullets  et  deux  cens  milliers  de  pouldre;  ce  qu'il 
pourra  prandre  en  la  Picardye  au  lieu  plus  proche  de  Paris.  Et 
(jue  le  tout  soit  prest  dans  la  lin  de  ce  moys  de  juillet  ou  le 
xme  du  prochain  pour  le  plus  tard. 

(Rép.  de  la  reine.)  Le  s.  d'Estrées  ne  peult  fournir  que  dix 
huit  canons  d'Amyens  et  quatre  de  Paris,  qui  sont  vingt  deux, 
pour  lesquelz  avancer  luy  a  esté  baillé  argent,  et  aussi  pour 
faire  venir  de  Maizieres  six  milles  bouletz  et  de  Ghaslons  et 
Troyes  les  poudres  qui  y  sont.  Encores  veoyd-on  qu'il  courra 
beaucoup  de  temps  avant  qu'ilz  puissent  cstre  par  delà,  pour 
le  grand  nombre  de  chevaulx  qu'il  y  fault,  qu'il  est  impossible 
lever,  estans  quasi  toutes  les  élections  occuppées.  Et  en  celles 
qui  ne  le  sont  point,  ont  jà  esté  prins  ceulx  qui  servent  aux 
vivres  et  à  l'artillerye.  Et  seroit  besoing  que  le  roy  de  Navarre 
feist  faire  par  delà  ung  département  des  lieux  où  lesd.  chevaulx 
se  pourraient  trouver  pour  conduire  le  tout  de  Paris;  car  il  sera 
pourveu  à  les  amener  icy. 

Led.  s.  d'Escars  n'oubliera  dire  a  la  royne  ce  qu'il  a  entendu 
touchant  les  deniers  que  ceulx  d'Orléans  ont  despendu  et  ce 
que  à  peu  près  ilz  peuvent  avoir  encores  en  leurs  mains. 

Est  besoing  d'user  de  toute  dilligence  pour  les  deniers  que  le 
pappe  doyt  fournir,  et  que  M.  le  cardinal  s'efforce,  en  ce  qu'il 
pourra,  de  faire  que  l'église  fera  encores  ung  bon  et  prompt 
secours,  actendu  que  en  beaucoup  de  lieux  on  a  levé  l'empes- 
chement  qui  estoit  en  la  joyssance  de  leurs  terres  et  biens. 

[Rép.  de  la  reine.)  On  a  dépesché  le  protonotaire  de  Manne 
devers  h'  pape  pour  avancer  son  secours  d'argent,  ung  autre  à 
Venise  pour  en  recouvrer,  s'il  est  possible,  deux  cens  mille 
escuz  et  autanl  du  duc  de  Florence.  Et,  pour  le  regard  du  clergé 
de  ce  royaume,  on  ne  perd  temps  ne  expédition  pour  en  avoir 
d'eux. 

Qu'il  plaise  à  la  royne  faire  diligemment  dépescher  en  Aile- 


ET   JEANNE   D'ALBRET.  425 

magne,  Suysse  et  Angleterre  pour  rompre  et  empescher  les 
brigues  et  menées  que  s'efforcent  d'y  faire  ceulx  dud.  Orléans. 
[Rép.  de  la  reine.)  Il  y  a  esté  satisfait. 

Qu'il  plaise  aussi  à  Sa  Majesté  d'escrire  par  homme  exprès 
au  Ringrave  pour  luy  faire  entendre  que  led.  s.  mareschal  de 
Saint- André  est  ordonné  pour  aller  du  cousté  de  Lyon,  et  que 
sad.  Majesté  désireroit  que  led.  s.  comte  prit  le  chemin  de 
Bourgogne  avecq  la  moitié  de  ses  bandes  et  les  deux  cens 
reystres  qui  sont  soubzsa  charge,  et  quïlenvoyastàMons.  d'Au- 
malle  en  Normandye  les  autres  troys  mille  lansquenets  soubz 
la  conduicte  du  s.  de  Bassompierre  ou  de  tel  autre  personnage 
qu'il  advisera,  et  qu'il  plaise  à  sad.  Majesté  envoyer  deux  gen- 
Lilzhommes  pour  conduire  l'une  des  troupes  en  Bourgongne  et 
l'autre  en  Normandye. 

[Rép.  de  la  reine.)  Remis  après  que  l'on  aura  eu  response  de 
la  dépesche  que  a  portée  Saint-Bonnet. 

(Copie  du  temps,  s.  I.  a.  d.  —  Au  dos  :  Responce  au  mémoire  apporté 
par  le  s.  d'Escars.  —  F.  fr.,  vol.  15877,  f.  84.) 

XXXVII. 

Lettre  du  roi  de  Navarre  au  comte  de  Sommerive,  Vincennes, 
2  août  1 562.  —  Ordre  de  joindre  ses  forces  à  celles  qui  arrivent 
de  Savoie  et  d'Italie,  et  de  s'entendre  avec  Bourdillon  et 
Tavannes  pour  réduire  les  rebelles.  (Minute;  f.  fr.,  vol.  45876, 
f.  354 .) 

Lettre  du  roi  de  Navarre  au  parlement  de  Paris,  Vincennes. 
4  août  1562.  —  Ordre  de  recevoir  Me  Jacques  de  Mouthiers  à 
l'office  de  bailli  de  Mantes  et  Meulan.  (Minute;  coll.  du  pari., 
vol.  555,  f.  394.) 

Lettre  du  roi  de  Navarre  au  duc  d'Élampes,  Vincennes, 
4  août  4562.  —  Ordre  de  faire  bonne  garde  contre  les  entre- 
prises possibles  des  Anglais.  —  Paiement  des  Suisses.  —  Ordre 
de  réprimer  la  sédition  de  Nantes.  —  Le  prince  est  venu  cher- 
cher le  roi  à  Vincennes  pour  le  conduire  a  Blois.  (Minute;  f.  fr., 
vol.  45876,  f.  355.1 


426  ANTOINE   DE   BOURBON 

Déclaration  de  la  reine  envoyée  au  s.  de  Lansac  pour  être 
remise  au  concile  de  Trente,  6  août  4  562.  —  Récit  des  négo- 
ciations conduites  par  la  reine  avec  le  parti  réformé  pour  éviter 
la  guerre  civile.  —  Démonstration  catholique.  (Copie  du  temps; 
coll.  Dupuy,  vol.  322,  f.  Ils.  —  Autre  copie;  coll.  Brienne, 
vol.  200,  f.  47.) 

Lettre  du  roi  de  Navarre  à  Saint-Suplice,  ambassadeur  à 
Madrid,  Saint-Léger,  6  août  1502.  —  Lettre  de  recommanda- 
tion de  d'Almeida  que  le  roi  de  Navarre  renvoie  en  Espagne. 
(Minute;  f.  fr. ,  vol.  45876,  f.  402.  —  Le  même  jour,  le  roi  de 
Navarre  écrivit  à  plusieurs  ministres  du  roi  d'Espagne  dans  le 
même  objet.  Minute-,  f.  fr.,  vol.  15876,  f.  427.) 

Lettre  du  roi  de  Navarre  au  duc  d'Albe,  Blois,  7  août  4";r.2. 
—  Remerciements  des  concessions  du  roi  catholique.  —  Recom- 
mandations de  d'Almeida  que  le  prince  renvoie  en  Espagne. 
(Orig.;  Arch.  nat.,  K.  1490.) 

XXXVIII. 

Lettre  du  ducdeMontpensieret  de  François  de  Montmorency 
au  roi  de  Navarre,  Blois,  7  août  1502.  —  Explosion  de  muni- 
tions à  Orléans.  —  Désir  de  l'armée  de  marcher  au  siège  de 
Bourges.  —  Arrivée  de  La  Brosse.  (Orig.-,  coll.  des  autographes 
de  Saint-Pétersbourg,  vol.  404;  f.  10;  copies  delà  Bibl.  nat.) 

Lettre  d'Innocent  Tripied,  seigneur  de  Monterud,  au  conné- 
table, Vierzon,  9  août  -1502.  —  Récits  de  combats  livrés  sous 
les  murs  de  Bourges  entre  les  premiers  détachements  catho- 
liques et  les  soldats  du  s.  d'Yvoy.  (Orig.-,  f.  fr.,  vol.  45870, 

f.  385.) 

Lettre  de  Henri  de  Montmorency-Damville  à  la  reine,  Blois, 
9  août  4502.  —  Remerciements  de  la  charge  d'amiral.  (Orig.; 
f.  fr.,  vol.  15876,  t.  3S4.) 

Lettre  du  maréchal  Saint-André  au  roi  de  Navarre,  Poitiers, 
1 1  août  4  502.  —  Les  gens  de  la  Rochelle  font  amende  hono- 
rable. —  Envoi  de  lettres  de  Jarnac.  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  15876, 
f.  392.) 


ET   JEANNE   d'âLBRET.  427 

Lettre  de  Saint-Suplice  au  roi  de  Navarre,  Madrid,  12  août 
4  562.  —  Réponses  évasives  du  roi  d'Espagne.  —  Bonnes  dis- 
positions de  ce  prince.  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  15870,  f.  407.) 

Lettre  des  habitants  de  Pontorson  au  duc  d'Aumale,  Pontor- 
son,  12  août  i 5(>2.  —  Plaintes  contre  les  excès  des  réformés; 
récit  détaillé.  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  3490,  f.  -18.) 

Lettre  de  Saint-Suplice  au  roi  de  Navarre,  Madrid,  15  août 
-1562.  —  Bonnes  dispositions  du  roi  d'Espagne  relativement  au 
secours  promis  au  roi  de  France.  —  Lettre  de  créance  en  faveur 
du  s.  de  Lamothe.  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  1^876,  f.  430.) 

XXXIX. 

Lettre  du  roi  de  Navarre  à  Antonio  d'Almeida,  août  4  502. 

—  Ordre  de  repartir  pour  l'Espagne.  (Minute;  f.  fr.,  vol.  4  5870, 
f.  403.) 

Instruction  secrète  du  roi  de  Navarre  à  François  d'Escars, 
envoyé  en  Espagne,  Romorantin,  17  août  1562.  —  Première 
rédaction  d'une  pièce  relative  aux  négociations  du  roi  de 
Navarre  (voyez  le  document  suivant).  (Minute-,  coll.  des  auto- 
graphes de  Saint-Pétersbourg,  vol.  21,  f.  145;  copies  de  la 
Bibl.  nat.) 

Instruction  du  roi  de  Navarre  à  François  d'Escars  allant  en 
Espagne,  touchant  la  récompense  du  royaume  de  Navarre, 
août  1502.  —  Déclaration  par  laquelle  le  roi  de  Navarre 
accepte,  de  la  main  de  Philippe  II,  a  titre  de  générosité,  le 
royaume  de  Sardaigne  en  attendant  la  conquête  de  la  Tunisie. 

—  Pièce  très  développée  qu'il  est  inutile  d'analyser,  puisque  la 
mission  de  François  d'Escars  n'eut  pas  lieu.  (Minute;  coll.  des 
autographes  de  Saint-Pétersbourg,  vol.  21,  f.  138.  —  Autre 
copie,  f.  141.  —  Autre  copie;  correspondance  de  (maries  IX 
conservée  à  la  bibl.  de  Saint-Pétersbourg,  t.  II,  pièce  00  ;  copies 
de  la  Bibl.  nat.) 

XL. 

Circulaire  du  roi  aux  prélats  du  royaume  envoyés  au  concile 
de  Trente,  Meun-sur-Yevre ,   10  août  1502.  —  Ordre  de  se 


428  ANTOINE    DE   BOURBON 

rendre  au  concile  de  Trente  et  de  se  trouver  le  25  octobre  à 
Turin.  —  Le  concile  durera  probablement  six  mois.  —  Le  roi 
garde  les  frais  à  sa  charge  et  autorise  le  prélat  destinataire  à 
prélever  4,800  livres  sur  les  décimes  de  son  diocèse.  (Copie  du 
temps;  Arch.  nat.,  K.  4498,  n°  26.) 

Instruction  du  roi  au  card.  de  Lorraine  envoyé  au  concile  de 
Trente,  s.  t.  n.  d.  (49  août  4562).  —  (Pièce  originale  signée  : 
Charles,  Catherine,  Alexandre  (duc  d'Anjou),  Antoine  (roi  de 
Navarre),  Charles  de  Bourbon  (prince  de  la  Roche-sur- Yon), 
François  de  Lorraine  (duc  de  Guise),  Montmorency,  de  Lospi- 
tal,  Saint- André,  H.  de  Montmorency  (Damville);  f.  fr., 
vol.  4  042(5.) 

Ordre  du  roi  à  Jean  de  Monluc,  évèque  de  Valence,  d'aller  au 
concile  de  Trente  avec  le  cardinal  de  Lorraine,  Meun-sur-Yevre, 
49  août  4  362.  (Copie;  f.  fr.,  vol.  34  93,  f.  4  5.) 

Lettres  par  lesquelles  le  roi  ordonne  que  le  cardinal  deChas- 
tillon  continue  à  jouir  de  ses  biens,  Camp  de  Laz-enay  près 
Bourges,  22  août  4562.  (Copie;  coll.  Brienne,  vol.  205,  f.  397.) 

Don  du  roi  au  roi  de  Navarre  de  toutes  les  confiscations  qui 
seront  prononcées  contre  les  rebelles  dans  les  provinces  dudit 
roi  et  de  la  reine  de  Navarre,  Camp  de  Bourges,  25  août  4  562. 
(Orig.  sur  parchemin;  arch.  des  Basses-Pyrénées,  E.  585,  pièce 
signée  seulement  de  L'Aubespine.) 

XLI. 
Procuration  de  Jeanne  d'Albret  a  Antoine  m  Mourbon  podr 

NÉGOCIER    LA    COMPENSATION    I)D    ROYAUME    DE    NAVARRE. 

Pau,  25  août  1562. 

Fut  présente  très  haulle,  très  excellente,  très  puissante  et 
1res  maignanime  princesse,  Jehanne,  par  la  grâce  de  Dieu, 
royne  de  Navarre,  dame  souveraine  de  Béarn  et  de  la  terre  de 
Domezan,  duchesse  de  Vandosmoi>.  de  Granmont,  d'Albret  et 
Monblanc  et  Pcnefiel,  marquise  de  Lymoges,  contessc  de  Foix, 
d'Armaignac,  Bigorre,  Périgord,  Rodez  el  Marie,  viscontesse  de 


ET   JEANNE    D'ALBRET.  429 

Marsan,   Tursan,   Gavardan,    Nebouzan,  Lannes,   Villemur 
et  Tartas,  laquelle  recongnoit  et  confesse  avoir  faict  et  cons- 
titue son  procureur  spécial   très  hault,  très  excellent,  très 
puissant  et  très  maignanime  prince,  Anlhoyne,  par  la  mesme 
grâce  roy,  seigneur,  duc,  marquis  et  conte  desd.  lieux,  son 
très  honoré  seigneur  et  espoul,  auquel  seul  et  pour  le  tout  lad. 
dame  constituante  a  donné  et  par  ces  présentes  donne  plaine 
puissance  et  mandement  spécial,  avec  faculté  de  substituer  ung 
ou  plusieurs  procureurs  ayant  pareil  pouvoir  que  led.  seigneur 
roy,  son  mary,  de,  pour  et  au  nom  de  lad.  dame  constituante, 
traicter  et  accorder  de  tous  et  chacuns  les  différends,  qui 
jusques  à  ceste  heure  ont  esté  meus  avec  très  hault,  très  excel- 
lent, très  maignanime  et  très  puissant  prince,  Philipes,  par  la 
grâce  de  Dieu  roy  d'Espaigne  catholic,  pour  raison  des  droicts 
à  elle  appartenans  sur  les  villes,  places  et  pais  de  son  royaulme 
de  Navarre  à  présent  détenus  et  possédés  en  sond.  royaulme  deçà 
les  ports  par  led.  s.  roy  d'Espaigne,  et  de,  sur  lesd.  différends 
et  accords,  en  faire  passer  tous  traités  et  contracts  en  toute  telle 
forme  et  seureté  que  led.  sieur  roy,  son  procureur  ou  ses  subs- 
titués, adviseront  estre  faisable  par  raison  et  soubz  les  condi' 
tions  plus  profictables  et  commodes  pour  lad.  constituante  et 
ses  hoirs,  sans  toutes  fois  préjudiciel*  et  y  comprendre  les 
tiltres,  droicts  et  biens  par  lad.  dame  constituante  à  présent 
posseddés,  et  aussi,  pour  la  parfection  desd.  accords,  au  nom  de 
lad.  dame  constituante,  recevoir  et  accepter  les  royaulmes,  pais, 
villes  et  places  qui  seront  baillées  pour  la  paciffication  desd. 
différends  et  d'icelles  en  prandre  ou  faire  prandre  la  possession 
réelle,  actuelle  et  corporelle,  qui  en  sera  baillée,  promettant, 
soubs  l'obligation  de  tous  et  chascuns  ses  biens  présens  et 
advenir,  ratiffier,  agréer  et  approuver  tout  ce  qu'en  la  forme 
susd.  par  led.  sieur  roy.  son  mary,  et  procureur  ou  aultres  par 
luy  substitués,  aura  esté  faict  et  passé  au  nom  et  proffict  de  lad. 
dame  constituante  et  de  ses  hoirs.  El  aultrement,  sur  tout  ce 
que  dessus,  faire  conclure  accords  et  contracts  corne  lad.  cons- 
tituante feroit  et  faire  pourroit,  si  présente  en  sa  personne  y 
estoit,  combien  que  la  chose  requist  mandement  plus  spécial. 
En  tesmoing  de  quoy  lad.  dame  a  signé  ces  présentes  de  -a 
main  et  faict  sceller  du  scel  de  ses  armes  en  la  présence  de 


430  ANTOINE   DE   BOURBON 

moy,  notaire  à  Pau,  soubzsigné,  à  la  requeste  de  lad.  dame, 
qui  ay  receu  et  passé  la  présente  procuration  en  présence  de 
Girault  de  Sallignac,  seigneur  de  Rochefort,  gentilhomme  de  la 
chambre  du  roy  et  escuyer  d'escuyrie  de  lad.  dame,  et  Richard 
de  Gontault  de  Sainct  Genyès,  tesmoings  à  ce  requis,  et  par 
moi,  Jehan  de  Miramont,  notaire  susdict,  appelles.  Faict  et 
passé  à  Pau,  au  chasteau  de  lad.  dame,  lexxvejour  d'aoust, 
l'an  de  grâce  mil  cinq  cens  soixante  deux. 

Jehanne. 
Et  plus  bas  :     J.  de  Miramont. 
(Orig.;  arch.  des  Basses-Pyrénées,  E.  585;  parchemin  avec  sceau.) 


XLII. 


Lettre  de  Paul  de  Foix,  ambassadeur  à  Londres,  à  la  reine, 
Londres,  20  août  ^  562.  —  Négociations  préliminaires  du  traité 
de  Hamptoncourt.  (Orig.-,  f.  fr.,  vol.  G(H2,  f.  137.) 

Lettre  de  Moreau,  officier  de  finances,  au  s.  de  Gonnor, 
Camp  de  Bourges,  2(J  août  1562.  —  Le  roi  de  Navarre  réclame 
son  plat  avec  insistance  à  raison  de  1,000  écus  par  mois.  — 
La  ville  de  Bourges  succombera  à  la  fin  de  la  semaine.  (Orig.; 
f.  fr.,  vol.  32i6,  f.  03.) 

Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  Chartres,  27  août  4562. 

—  Lettre  tout  en  chiffres,  excepté  un  paragraphe  dans  lequel 
l'ambassadeur  raconte  une  victoire  du  duc  de  Nemours.  (Orig. 
espagnol;  Arch.  nat. ,  K.  H9S,  n°  27.) 

Lettre  de  Ghantonay  au  roi  de  Navarre,  Chartres,  27  août 
1562.  —  Avertissement  de  l'accord  qui  se  prépare  entre  la 
reine  d'Angleterre  et  les  rebelles.  (Gopie  du  temps;  Arch.  nat., 
K.  1498,  n°  28.) 

Lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  H,  Chartres,  28  août  1562. 

—  Lettre  tout  en  chiffres,  sauf  deux  paragraphes,  dans  lesquels 
l'amliassadeur  parle  des  bonnes  relations  de  Vendôme  et  de 
L'arrestation  d'un  courrier  du  prince  de  Gondé  par  le  duc  de 
Xcniours.  (Orig.  espagnol-,  K.  I Vis.  n"  20.) 


ET   JEANNE   d'aLBRET.  431 

XLIII. 

Lettre  de  Moreau  au  s.  de  Gonnor. 

Camp  de  Bourges,  28  août  1562. 

Nouvelles  du  siège  de  Bourges. 

Monseigneur,  encores  que  j'aye  bien  peu  de  subject  pour 
vous  escrire,  d'aultant  que  je  sçay  bien  que  ne  mancquez  poincl 
de  nouvelles  asseurées,  si  est-ce  que,  s'ofîrant  l'occasion  de  ce 
porteur,  je  m'enhardiray  de  vous  dire  ce  petit  mot,  qui  est  de 
nostre  batterye,  qui  jusques  à  cejourd'huy  a  continué  assez 
lentement  jusques  à  avoir  faict  bresche  à  demy  raisonnable. 
Mais  ceulx  de  la  ville  remparent  de  si  grande  force  et  dilligence 
qu'il  n'y  a  soldat  françoys  qui  ne  la  tienne  moins  accessible  et 
plus  dangereuse  pour  le  hazard  de  beaucoup  d'hommes  qu'elle 
n'estoit  du  premier  et  second  jour.  On  continue  tousjours  à  la 
sappc  dont  on  espère  quelque  chose;  mais  on  tient  pour  vray 
que  lesditz  de  la  ville  se  retranchent  et  donnent  si  bon  remède 
à  nostre  sappe,  dont  ilz  sont  fort  bien  advertis,  à  ce  qu'ilz  en 
ont  dict  tout  hault,  qu'ilz  donneront,  avant  que  de  les  pouvoir 
avoir,  beaucoup  d'affaires,  et  au  hazard  de  perdre  la  pluspart 
de  noz  bons  hommes,  sans  ceulx  qui  sont  desjà  mortz  et  blessez, 
comme  du  jour  de  devant  hier,  le  cappitaine  Lynières,  et  en  sa 
mauvaise  jambe,  que  je  croy  luy  fauldra  coupper-,  le  cappitaine 
Sarlaboz  ung  coup  d'harquebuzade  en  la  fesse  ;  oultre  x  ou  xu 
des  nostres,  tant  reistres  que  Françoys.  qui  demourarent  hier 
sur  le  champ,  sans  beaucoup  de  blessez  à  l'escarmoulche  d'une 
saillye  que  firent  ceulx  de  la  ville  avec  bien  nc  harquebuziers 
d'eslite,  et  vous  asseure  que  noz  soldatz  françoys  en  parlent  de 
telle  façon  que  leur  commun  dire  est  qu'ilz  ont  affaire  à  de 
bons  soldatz.  Et  croiez  de  vray  que  le  courage  de  nosditz  Fran- 
çoys pour  combattre  diminue  et  deffault  de  jour  à  autre,  au 
veu  et  sceu  de  tout  le  monde.  Dieu  vueille  que  tout  succède  à 
bien,  et  que  le  roy  en  puisse  avoir  la  raison  !  J'espère  demain 
m'enquérir  au  plus  prez  de  tout  ce  qui  se  sera  passé  depuis  ce 
jourd'huy,  pour  vous  en  faire  certain  par  le  premier  que  je 
trouvera)  à  propos,  sans  me  hazarder  par  la  poste,  où  il  se  pert 


432  ANTOINE   DE   BOURBON 

forces  pacquectz.  Il  ne  s'est  encores  faict  monstre  pour  se  mois 
d'aoust  que  des  lansquenetz;  chacun  se  remect  après  la  prise 
de  la  ville.  Monseigneur,  espérant  demain  vous  escrire  plus  au 
long  et  de  nouvelles  plus  fresches,  je  présenteray  mes  très 
humbles  recommandations  à  vostre  lionne  grâce,  et  prieray  le 
Créateur  de  vous  donner,  Monseigneur,  la  sienne  en  bonne  santé 
et  longue  vie.  Du  camp  devant  Bourges,  ce  xxvuie  aoust  -1562. 

Moreau. 

(Orig.;  f.  fr.,  vol.  3216,  f.  65.) 

XLIV. 

Ordre  du  roi  de  Navarre  au  maréchal  de  Bourdillon,  lui  com- 
mandant de  remettre  au  duc  de  Savoie,  en  vertu  du  traité  de 
Cateau-Cambrésis,  les  quatre  places  fortes  du  Piémont,  Camp 
devant  Bourges.  31  août  4  562.  —  Pièce  rapportée  dans  le  pro- 
cès-verbal de  la  remise  de  ces  places.  (Copie  du  temps;  f.  fr.. 
vol.  311)5,  f.  2.) 

Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  IT,  s.  I.  n.  d.  [septembre  \  562). 

—  Prise  de  Bourges.  —  Pillages  de  d'Yvoy.  Le  roi  de  Navarre 
lui  a  refusé  l'autorisation  d'emporter  le  produit  de  ses  rapines. 

—  Les  rebelles  pillent  les  villes  et  les  églises  dont  ils  peuvent 
se  rendre  maîtres.  —  Incertitude  de  la  marche  de  l'armée  royale. 

—  Il  est  probable  qu'elle  ira  assiéger  Orléans.  —  Coups  de  main 
préparés  par  les  Anglais  en  Normandie,  avec  la  complicité  des 
rebelles.  —  Nécessité  pour  Philippe  II  de  presser  l'envoi  des 
troupes  espagnoles.  —  Le  duc  de  Nemours  ira  à  Lyon  avec  les 
compagnies  italiennes.  (Orig.  espagnol;  Arch.  nat.,  K.  J498, 
n"  23.) 

Lettre  du  roi  de  Navarre  au  pape,  Étampes,  septembre  <562. 

—  Remerciements  du  prince  pour  la  lettre  qu'il  a  reçue  de  Sa 
Sainteté.  —  Protestation  de  dévouement.  (Copie  du  temps  ;  f.  fr., 
vol.  I5S77,  f.  95.) 

Lettre  de  Saint-Suplice  à  Antoine  de  Noailles,  Madrid,  Ier  sep- 
tembre  I5<>2.  —  Le  roi  d'Espagne  ne  pourra  envoyer  tout  le 
secours  qu'il  avait  promis.  (Copie  du  temps;  f.  fr.,  vol.  69-M, 
f.  373.1 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  433 

Lettre  de  Saint-Suplice  à  la  reine  mère,  Madrid,  4er  sep- 
tembre 4  562.  —  Négociations  à  la  cour  d'Espagne  au  sujet  des 
troupes  demandées  par  la  reine.  —  Quant  à  la  cavalerie,  Phi- 
lippe II,  s'attendant  à  être  attaqué  dans  les  Flandres,  est  obligé 
de  réduire  ses  propositions.  (Orig.;  f.  fr..  vol.  45877,  f.  5.) 

Lettre  de  d'Almeida  à  la  reine.  Madrid,  2  septembre  4562. 
—  Il  a  remis  au  roi  catholique  les  instructions  dont  il  était 
porteur.  —  Dans  huit  jours,  il  espère  recevoir  une  réponse 
favorable.  —  Bonnes  dispositions  de  Philippe  II  et  de  tous  ses 
ministres  pour  le  roi,  la  reine  et  le  roi  de  Navarre.  (Autographe 
espagnol;  f.  fr.,  vol.  4  3877,  f.  M.) 


XLV. 


Lettre  du  roi  de  Navarre  à  Maugiron,  lieutenant  général  en 
Dauphiné,  Camp  de  Bourges.  4  septembre  4562.  —  Ordre  de  se 
rendre  en  toute  diligence,  avec  Robertet  d'Alluye,  en  Piémont, 
afin  de  prendre  la  conduite  des  dix  enseignes  de  gens  de  pied, 
des  trois  compagnies  de  gendarmerie  et  des  deux  cornettes  de 
chevau-légers  du  maréchal  de  Bourdillon.  (Orig.;  Arch.  munie, 
de  Lyon,  AA.  24,  f.  434.) 

Lettre  d'Antonio  d'Almeida  au  roi  de  Navarre.  Madrid,  7  sep- 
tembre 4  362.  —  Récit  de  sa  mission  a  Madrid.  —  Sa  conférence 
avec  le  prince  d'Eboli.  —  Bonnes  dispositions  du  roi  d'Espagne. 
—  Il  attaquera  les  rebelles  de  France  par  l'Italie.  (Autographe 
espagnol;  Arch.  des  Basses-Pyrénées,  E.  385.) 

Lettre  du  comte  de  Sommerive  au  roi  de  Navarre,  Camp 
d'Avignon,  1 7  septembre  4  362.  —  Récit  détaillé  de  la  campagne. 
(Orig.;  f.  fr.,  vol.  45877,  f.  76. 

Lettre  de  Robertet,  secrétaire  d'État,  au  roi  de  Navarre.  Fos- 
san,  4  8  septembre  4  362.  —  Le  duc  et  la  duchesse  de  Savoie, 
pour  aider  le  prince  dans  ses  revendications,  envoient  le  sieur 
de  Morette  en  Espagne.  (Orig.-.  f.  IV..  vol.  4  3877,  f.  80.) 
rv  28 


434  ANTOINE    DE    BOURBON 

XLVI. 

Nouvelles  de  la  santé  de  Henri  de  Navarre. 
Montargis,  sept.  4562. 

Sire,  hier  et  avant  hier,  monseigneur  le  Prince,  vostre  filz, 
s'est  hien  porté,  grâces  à  Dieu,  que  n'est  lui  demourée  se  non 
une  petite  chaleur,  laquelle  j'espère  que  s'en  ira  du  tout 
avecques  l'infusion  de  reubarbe  qu'il  a  prins  aujourd'hui  à 
matin,  sans  nulle  difficulté;  je  la  lui  ai  ballée  très  volentier, 
pour  l'otter  de  tous  dengiers,  et  mesmement  voyant  que  Monsr 
Chapelin  est  de  la  mesme  opinion,  selon  que  m'a  mandé  par  sa 
lettre.  Mondict  seigneur  vostre  fils  ceste  nuict  a  reposé  fort 
doucement,  de  sorte  qu'il  commence  desjà  s'aprocher  à  sa  pre- 
mière costume  naturele  en  toutes  choses. 

La  medicine  jusques  à  cest'heure  de  midi  a  opéré  deux  foys, 
ayant  faict  sortir  par  le  bas  une  grande  quantité  d'humeurs  fort 
corrumpues-,  lesquelles,  se  fussent  demourés  dedens  le  corps, 
pouvoient  assez  aiséement  engendrer  une  novelle  et  dangereuse 
fièvre. 

Après  ceste  medicine,  on  le  faira  prendre,  par  quelques  jours, 
trois  heures  devant  disner,  de  petites  tabletes  avecques  un  boul- 
lon  des  bonnes  herbes,  lesqueles  sont  fort  propres  pour  confor- 
ter l'estomac  et  le  foye  et  pour  ayder  sortir  par  Turine  et  par 
sueur  quelque  petite  rcliquie  d'humeurs  que  pouroit  demourer 
aprez  la  pourgation-,  et,  à  petit  à  petit,  on  l'acostumera  en  son 
ordinaire  façon  de  vivre.  Espérant,  Sire,  quavecques  l'ayde  de 
Dieu,  je  n'oblierè  rien  de  cela  que  vous  a  pieu  me  comander 
par  la  lettre  qu'il  vous  pleut  m'escrire  pour  confirmer  et  con- 
server la  santé  dudict  seigneur  ;  et  vous  remercie,  Sire,  de  la 
bonne  opinion  que  [vous  avez]  de  moy,  laquele  je  m'esforcerè, 
Dieu  avdanf,  de  vous  donner  toujours  [occasion]  de  ne  l'avoir 
jamais  pire.  Me  recommandant  en  loulc  humilité  a  vostre  grâce, 
je  prie  le  Créateur,  Sire,  vous  donner  très  longue  et  heureuse  vie. 

De  Montargis,  le...  septembre  \~M\1. 

Vostre  plus  que  très  humble  et  très  excellent  serviteur. 
(Autographe,  signature  enlevée;  f.  fr.,  vol.  15877,  f.  98.) 


ET   JEANNE    d'aI.BRET.  435 

XLYII. 

État  des  appointements  du  lieutenant  général  de  l'armée 
devant  Rouen  et  des  capitaines  et  autres  officiers,  pour  le  mois 
de  septembre  4  302.  (Copie  du  temps-,  Ve  de  Colbert,  vol.  24, 
pièce  105.) 

Lettre  du  roi  à  Paul  de  Foix,  ambassadeur  en  Angleterre, 
octobre  4  362.  —  Le  roi  n'a  donné  aucune  occasion  à  la  reine  d'An- 
gleterre de  porter  secours  aux  rebelles.  —  Ordre  de  lui  faire 
des  remontrances  ainsi  qu'aux  seigneurs  de  son  conseil.  (Copie; 
coll.  Brienne,  vol.  200,  f.  109.) 

Lettre  de  Henri  de  Montmorency  Damville  au  roi  de  Navarre, 
Yvetot,  5  octobre  ^  562.  —  .Mesures  prises  pour  empêcher  la 
descente  des  Anglais.  —  Le  prévôt  de  Normandie  a  coupé  à 
Darnetal  le  ruisseau  qui  faisait  moudre  les  moulins  de  Rouen. 
—  La  disette  se  fait  sentir  dans  la  ville.  —  Les  Anglais  sont 
descendus  à  Dieppe.  —  Ils  commencent  à  paraître  au  Havre.  — 
Demande  d'argent  pour  les  compagnies  de  gens  de  pied.  (Orig.; 
coll.  des  autographes  de  Saint-Pétersbourg,  vol.  104,  f.  4  2. 
Copies  de  la  Bibl.  nat.) 

Lettre  du  capitaine  Estouteville  au  roi  de  Navarre;  même 
date  et  même  sujet  que  la  lettre  précédente.  (Orig.;  f.  fr. , 
vol.  45877,  f.  465.) 

Lettre  de  H.  de  Montmorency  Damville  au  roi  de  Navarre, 
Yvetot,  6  octobre  4  362.  —  Les  Anglais  sont  descendus  au  Havre 
au  nombre  de  deux  ou  trois  mille.  —  Nécessité  de  fortifier  les 
autres  villes.  (Orig.;  coll.  des  autographes  de  Saint-Pétersbourg, 
vol.  404,  f.  44.  Copies  de  la  Bibl.  nat.) 

Lettre  de  Beauvoir  La  Nocle  à  la  reine,  le  Havre,  7  octobre 
4  362.  —  Les  Anglais  sont  descendus  à  Dieppe  et  au  Havre.  — 
Justification  de  l'intervention  anglaise  au  nom  de  la  gloire  de 
Dieu  et  de  l'intérêt  du  roi.  —  Récriminations  ardentes  contre 
les  chefs  du  parti  catholique.  —  Offre  à  la  reine  des  services  du 
prince  de  Condé.  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  4  5877,  f.  175.) 


436  ANTOINE   DE    BOURBON 

XLVIII. 

Letlre  de  Marc  Antoine  Rarbaro,  ambassadeur  vénitien,  à  la 
république  de  Venise,  Paris,  M  octobre  4 5(i2.  —  Blessure  reçue 
par  le  roi  de  Navarre.  —  Sa  mort  aurait  pour  conséquence  de 
porter  le  prince  de  Gondé  au  pouvoir.  (Copie  ital.;  Dépêches 
vénit.,  filza4  bis,  f.  47  v°.) 

Lettre  du  même,  Paris,  4  8  octobre  4  5G2.  —  Nouvelles  du  roi 
de  Navarre.  —  Récit  de  l'assaut  du  -1  r>  octobre.  (Copie  ital.; 
Dépêches  vénit.,  filza  4  bis,  f.  4  30.) 

Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  Paris,  4  9  octobre  4562. 

—  Visite  de  l'ambassadeur  au  duc  de  Vendôme.  —  Sa  blessure 
n'est  pas  mortelle.  —  Courage  des  chefs  de  l'armée.  —  Le 
royaume  de  France  est  en  entier  déchiré  par  la  guerre  civile. 

—  Politique  de  la  reine  d'Angleterre  en  Normandie.  —  Le  duc 
de  Vendôme  dépêche  Odet  de  Selvc  à  Madrid.  (Orig.  espagnol  -, 
Arch.  nat.,  K.  4496,  n°  4  49.) 

Résumé  de  chancellerie  de  la  réponse  que  Antonio  d'Almcida 
doit  porter  au  roi  de  Navarre  de  la  part  du  roi  d'Espagne,  sur 
le  conseil  du  duc  d'Albe  et  du  prince  d'Eboli,  Madrid,  21  oc- 
tobre 4  502.  —  Puisque  le  roi  de  Navarre  veut  envoyer  Fran- 
çois d'Escars  à  Madrid,  il  sera  reçu  suivant  sa  dignité,  mais  il 
serait  bon,  avant  d'entrer  en  conférence  avec  lui,  de  s'entendre 
sur  les  assurances  que  le  roi  de  Navarre  est  à  même  de  donner 
au  roi  d'Espagne.  (Orig.  espagnol,  signé  du  duc  d'Albe  et  du 
prince  d'Eboli;  Arch.  nat.,  K.  (496,  n°  120.) 

Réponse  de  d'Almeida  à  la  pièce  précédente,  Madrid.  —  Il 
demande  à  la  chancellerie  espagnole  de  s'expliquer  clairement 
avec  le  roi  de  Navarre  et  de  préciser  les  engagements  que  le  roi 
catholique  exige  de  lui.  —  Nouvelles  de  France;  le  royaume  est 
en  proie  à  la  guerre  civile.  (Autographe  espagnol;  Arch.  nat., 
K.  4496,  n°  4  21.) 

XLIX. 

Lettre  de  Marc  Antoine  Barbaro,  ambassadeur  vénitien,  à  la 
république  de  Venise,  Paris,  21  octobre  4  302.  —  Nouvelles  du 


ET    JEANNE    D'ALBRET.  l.*>7 

siège  de  Rouen.  —  Récit  des  négociations  que  la  reine  conduit 
avec  les  rebelles.  (Copie  ital.;  Dépêches  vénit.,  filza  4  bis,  f.  452.) 
Lettre  du  secrétaire  d'État  Bourdin  au  s.  de  Gonnor,  Camp 
de  Rouen,  22  octobre  4362.  —  Siège  de  Rouen.  —  Bravoure  des 
assiégeants  et  des  assiégés.  —  Nouvelles  du  roi  de  Navarre. 
(Orig.;  f.  fr.,  vol.  324  9,  f.  4  02.) 

Lettre  de  Philippe  II  à  Catherine  de  Médicis,  Madrid,  23  oc- 
tobre 4  362.  —  Encouragements  à  réprimer  avec  vigueur  la 
rébellion.  —  Quant  aux  affaires  du  duc  de  Vendôme,  le  roi 
d'Espagne  s'en  réfère  à  sa  réponse  à  d'Almeida.  —  Il  aura  tou- 
jours égard  aux  recommandations  de  la  reine.  (Copie  en  espa- 
gnol; Arch.  nat.,  K.  4496,  n°  122.) 

Lettre  de  Marc  Antoine  Barbaro  à  la  république  de  Venise, 
Paris,  après  le  26  octobre  1562.  —  Siège  de  Rouen.  —  Depuis 
la  prise  du  fort  Sainte-Catherine,  les  réformés  ont  demandé  à 
parlementer.  —  Fuite  de  Mongonmery.  —  L'armée  royale  va 
marcher  sur  Dieppe.  —  Le  maréchal  Saint-André  et  le  duc  de 
Nemours  sont  envoyés  avec  des  forces  au-devant  de  François 
d'Andelot,  qui  revient  d'Allemagne  avec  des  troupes.  (Copie 
ital.;  Dépêches  vénit.,  filza  4  bis,  f.  149.) 

Lettre  du  cardinal  de  Bourbon  au  s.  d'Humières,  Camp  de 
Rouen.  26  octobre  4  362.  —  Convalescence  du  roi  de  Navarre. 

—  L'assaut  eût  été  donné  à  la  ville  de  Rouen  depuis  quelques 
jours,  sans  la  crainte  de  la  reine  de  livrer  la  ville  au  pillage. 
(Orig.;  f.  fr.,  vol.  34  87,  f.  32. 

Lettre  de  Philippe  II  à  Chantonay,  Madrid,  2r>  octobre  4  3(12. 

—  Ordre  de  régler  les  garanties  que  Vendôme  réclame,  afin  que, 
lorsque  d'Escars  arrivera  à  Madrid,  ces  points  préliminaires 
soient  tranchés.  —  Touchant  la  lettre  que  la  reine  mère  a  écrite 
à  Philippe  II,  au  sujet  des  troubles  de  France.  —  Le  roi  d'Es- 
pagne approuve  l'envoi  de  d'Escars,  mais  l'arrivée  de  cet  ambas- 
sadeur déplait vivement  à  Saint-Suplice.  (Orig.  espagnol;  Arch. 
nat.,  K.  4496,  n°423.) 

Lettre  du  duc  d'Albe  ou  du  prince  d'Eboli  au  roi  de  Navarre, 
Madrid,  27  octobre  4  562.  —  Réponse  à  la  lettre  du  prince  du 
7  août.  —  Protestation  de  dévouement.  (Minute  en  espagnol; 
Arch.  nat.,  K.  4496,  n°  36.) 

iv  28* 


438  ANTOINE   DE    BOURBON 


Lettre  de  Marc  Antoine  Barbaro  à  la  république  de  Venise, 
Paris,  29  octobre  -1362.  —  Récit  détaillé  de  la  prise  de  Rouen. 

—  Pillage  de  la  ville.  (Copie  ilal.;  Dépèches  vénit.,  filza  4  bis, 
f.  154.) 

Lettre  de  Moreau,  officier  de  finances,  au  sr  de  Gonnor, 
Rouen,  30  octobre  4562.  —  Détails  sur  le  pillage  de  la  ville  de 
Rouen.  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  324  6,  f.  80.) 

Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  Rouen,  -1er  novembre  4562. 

—  Convalescence  du  duc  de  Vendôme.  —  Le  reste  de  la  lettre 
est  en  chiffres.  (Orig.  espagnol  ;  Arch.  nat,,  K.  4  500,  n°  44.) 

Lettre  de  Moreau  au  sr  de  Gonnor,  Rouen,  5  novembre  4 562. 

—  Il  a  fait  la  dépêche  d'un  don  du  roi  au  bâtard  d'Angou- 
lême.  —  Le  roi  a  fait  crier  un  pardon  général  qui  ne  réserve 
que  neuf  ou  dix  rebelles.  —  Il  partira  de  Rouen  pour  Paris.  — 
On  espère  y  mener  le  roi  de  Navarre  en  bateau.  —  La  reine  fait 
donner  une  somme  d'argent  à  tous  les  capitaines  blessés.  — 
Prière  d'user  de  son  influence  pour  restreindre  telles  générosités 
qui  vont  épuiser  le  trésor.  (Orig.;  f.  fr. ,  vol.  3216,  f.  82.) 


LI. 


Lettre  de  Marc  Antoine  Barbaro  à  la  république  de  Venise, 
Paris,  6  novembre  4  5<;2.  —  État  du  roi  de  Navarre.  (Copie  ital.; 
Dépêches  vénit.,  filza  h,  f.  156.) 

Lettre  de  Chantonay  à  Philippe  II,  Rouen,  6  novembre  4  562. 

—  Le  roi  et  la  reine  ne  partiront  de  Rouen  que  lorsque  le  duc 
de  Vendôme  sera  en  convalescence.  —  Tout  le  reste  est  chiffré. 
(Orig.  espagnol;  Arch.  nat.,  K.  1500,  n°  M.) 

Lettre  de  Chantonay  a  Philippe  II,  Rouen,  9  novembre  1562. 

—  La  blessure  du  duc  de  Vendôme  fait  craindre  pour  sa  vie. 

—  La  reine  a  dit  à  l'ambassadeur  (pie  le  12  ou  le  4  3  elle  par- 
tira pour  Paris.  —  On  a  l'intention  d'amener  Vendôme  en  bateau. 

—  Victoire  remportée  près  de  Valence  par  le  duc  de  Nemours 


ET   JEANNE   d'aLBRET.  439 

sur  le  baron  des  Adrets.  (Orig.  espagnol;  Arch.  nal.,  K.  1300. 
11°  J5.) 

Lettre  de  Marc  Antoine  Barbaro  à  la  république  de  Venise, 
Paris,  9  novembre  -1562.  — La  duchesse  de  Guise  a  dit  savoir 
de  la  reine  qu'elle  tenait  le  roi  de  Navarre  pour  mort.  (Copie 
ital.;  Dépêches  vénit.,  fiiza  4  bis,  f.  49  v°.) 

Lettre  de  Philippe  II  à  Chantonay,  Madrid,  10  novembre 
4  5<î2.  —  Ordre  de  visiter  le  duc  de  Vendôme  et  de  lui  exprimer 
de  sa  part  la  satisfaction  qu'il  éprouve  de  sa  convalescence. 
(Orig.  espagnol;  Arch.  nat.,  K.  U96,  n°  -126.) 

Lettre  de  Marc  Antoine  Barbaro  à  la  république  de  Venise, 
Paris,  12  novembre  -1562.  —  Le  bruit  court  que,  si  le  roi  de 
Navarre  vient  à  mourir,  la  lieutenance  générale  écherra  au 
prince  de  Béarn.  —  Chance  que  le  prince  de  Condé  peut  avoir 
d'obtenir  cette  charge.  (Copie;  Dépêches  vénit.,  filza  4  bis, 
f.  49  v°.) 

Lettre  du  même,  Paris,  4  6  novembre  4  362.  —  État  désespéré 
du  roi  de  Navarre.  —  S'il  vient  à  mourir,  il  ne  sera  pas  rem- 
placé comme  lieutenant  général.  (Ibid.5  ibid.,  f.  160.) 

Lettre  du  même,  Paris,  48  novembre  1362.  —  Incertitude 
générale  et  perplexité  de  la  reine.  (Ibid.;  ibid.,  f.  30  v°.) 

Lettre  du  roi  au  s.  de  Mailly,  Vincennes,  48  novembre  -1362. 
—  Nouvelles  de  la  mort  du  roi  de  Navarre.  —  Défense  à  tout 
capitaine  ou  officier  de  ne  prendre  les  ordres  que  du  roi  ou  de 
la  reine  mère.  (Orig.;  f.  fr.,  vol.  20434,  f.  30.) 


LU. 


Lettre  de  Philippe  II  à  la  reine,  Madrid,  23  novembre  4562. 

—  Le  roi  a  appris  que  l'état  du  roi  de  Navarre  a  empiré.  —  En 
conséquence,  en  cas  de  mort  de  ce  prince,  il  recommande  le 
cardinal  de  Bourbon  pour  la  dignité  de  lieutenant  général. 
(Minute  en  espagnol;  Arch.  nat.,  K.  4496,  n°  127.) 

Lettre  de  Saint-Supliceàlareine,  Madrid.  23  novembre  4  362. 

—  Le  duc  d'Albe  l'a  informé  de  l'état  désespéré  du  roi  de 


440    ANTOINE    DE   BOURBON    ET   JEANNE   d'aLBRET. 

Navarre.  —  Philippe  II  recommande  le  cardinal  de  Bourbon 
comme  lieutenant  général.  —  Saint-Suplice  a  répondu  que  ce 
choix  dépendait  des  états  généraux.  (Orig.;  f.  fr.;  vol.  J.5877, 
f.  386.) 

Lettre  de  Philippe  II  à  Chantonay,  Madrid,  23  novembre -1562. 

—  Conséquence  désastreuse  de  la  mort  possible  du  duc  de  Yen- 
dôme.  —  Le  roi  commande  à  Chantonay  de  faire  tous  ses  efforts 
pour  que  la  charge  de  licutenaiil  général  tombe  aux  mains  du 
cardinal  de  Bourbon.  (Orig.  espagnol  ;  Arch.  nat.,  K.  1496, 
q°  128.) 

Instruction  de  Philippe  II  à  Francès  de  Alava,  ambassadeur 
extraordinaire  en  France,  Madrid,  29  novembre  -1362.  —  Ordre 
de  féliciter  la  reine  de  la  prise  de  Rouen.  —  Ordre  d'empêcher 
par  tous  les  moyens  que  le  prince  de  Condé  succède  à  son  frère 
et  de  faire  triompher  la  candidature  du  cardinal  de  Bourbon. 

—  Toutes  les  lettres  du  roi  confiées  à  Alava  ne  devront  être 
remises  à  leur  adresse  que  si  Vendôme  est  mort.  (Orig.  espa- 
gnol; Arch.  nat.,  K.  4496,  n°  432.) 

Lettre  de  Philippe  II  à  Catherine  de  Médicis,  Madrid,  29  no- 
vembre 4  562.  —  Philippe  II  présente  ses  doléances  à  la  reine  et 
lui  recommande  le  cardinal  de  Bourbon.  (Copie  espagnole  ;  Arch. 
nat.,  K.  4436,  n°430.) 

Lettres  de  Philippe  II  au  roi,  au  cardinal  de  Bourbon,  au  duc 
de  Guise,  au  prince  de  la  Roche-sur- Yon,  au  connétable,  Madrid, 
29  novembre  1562.  —  Même  sujet  que  la  lettre  précédente. 
(Copie  en  espagnol  ;  Arch.  nat.,  K.  1496,  n°  429.) 


TABLE. 


CHAPITRE   SEIZIÈME. 
Séparation  du  roi  et  de  la  reine  de  Navarre.  —  Page  1. 

La  reine  mère  passe  au  parti  réformé.  —  Elle  modifie,  au  profit 

de  ses  nouvelles  tendances,  l'éducation  de  ses  enfants. 
Assemblée  de  Saint-Germain  (3  janvier  1562).  —  Édit  de  janvier 

(17  janvier).  —  Opposition  du  parlement.  —  Il  se  résigne  à 

l'enregistrement  de  l'édit  (5  mars). 
Colloque  de  Saint-Germain  au  sujet  du  culte  des  images  (27  jan- 

vier-6  février). 
Le  roi  de  Navarre  passe  au  parti  catholique.  —  Reprise  des 

négociations  avec  le  roi  d'Espagne  au  sujet  de  la  Sardaigne. 

—  Philippe  II  demande  le  renvoi  des  chefs  du  parti  réformé. 

—  Projet  d'envoyer  le  prince  de  Condé  en  Guyenne.  —  Phi- 
lippe II  exige  l'exil  des  Chastillons.  —  Le  duc  d'Albe  offre  la 
Tunisie  au  roi  de  Navarre  (18  janvier).  —  Rivalité  de  la  reine 
mère  et  du  roi  de  Navarre.  —  Retraite  du  connétable  (26  jan- 
vier). —  Antoine  demande  à  la  reine  le  renvoi  des  Chastillons 
(12  février).  —  Retraite  volontaire  de  Coligny  (22  février).  — 
Renvoi  du  maréchal  Saint- André. 

Retour  d'Antonio  d'Almeida  à  Madrid  (5  mars).  —  Les  chefs  du 
parti  catholique  recommandent  le  roi  de  Navarre  à  Chan- 
tonay. 

Querelles  de  Jeanne  d'Albret  et  du  roi  de  Navarre  au  sujet  do 
la  religion.  —  État  de  santé  de  la  princesse.  —  L'ambassadeur 
d'Espagne  demande  l'expulsion  de  Jeanne  d'Albret.  —  Jeanne 
quitte  la  cour  (fin  mars).  —  Henri  de  Béarn  reste  auprès  de 


442  TABLE. 

son  père  ;  sa  résistance  au  catholicisme.  —  Jeanne  d'Albret  à 
Vendôme.  —  Pillage  de  la  collégiale  de  Vendôme  et  des  tom- 
beaux de  la  maison  de  Bourbon-Vendôme  (mai).  —  La  reine 
de  Navarre  se  retire  en  Béarn. 


CHAPITRE   DIX-SEPTIEME. 

Massacre  de  Vassy  (1er  mars).  —  Prise  d'Orléans  (2  avril).  — 
Page  101. 

Négociations  du  duc  de  Guise  en  Allemagne.  —  Entrevue  de 
Saverne  (15  février  1562).  —  Massacre  de  Vassy  (1er  mars).  — 
Conférences  de  Nanteuil  entre  Guise,  le  connétable  et  Saint- 
André  (12  mars).  —  Nouvelles  de  la  cour.  —  Entrée  du  duc 
de  Guise  à  Paris  (16  mars).  —  Lettres  de  la  reine  à  Condé  (16 
au  26  mars).  —  La  cour  est  conduite  à  Fontainebleau  par  le 
roi  de  Navarre  (18  mars).  —  Le  roi  de  Navarre  vient  à  Paris 
(21  mars).  — Procession  du  dimanche  des  Rameaux  (22  mars). 

Condé  sort  de  Paris  et  se  rend  à  Meaux  (23  mars).  —  Enlève- 
ment du  roi  par  le  triumvirat  (26-31  mars).  —  Le  connétable 
arrive  à  Paris  (4  avril).  —  Condé  se  met  en  campagne 
(29  mars).  —  Condé  sous  les  murs  de  Paris  (31  mars).  —  Prise 
d'Orléans  (2  avril). 

CHAPITRE    DIX  -  HUITIÈME. 

Avril  et  mai  1562.  —  Page  145. 

Effet  de  la  prise  d'Orléans  à  la  cour.  —  Dispositions  de  la  reine 
et  du  roi  de  Navarre. 

Armements  des  huguenots.  —  Condé  et  Coligny  à  Orléans.  — 
Le  comte  de  La  Rochefoucault.  —  Acte  de  confédération  du 
11  avril  1562. 

Négociations  de  la  reine  et  du  triumvirat  avec  le  prince  de 
Condé.  —  Exigences  du  parti  réformé.  —  Catherine  propose 
une  entrevue  au  prince  de  Condé  —  Premier  manifeste  du 
prince  (8  avril).  —  La  reine  embrasse  le  parti  catholique.  — 
Second  manifeste  du  prince  (25  avril).  —  Requête  du  trium- 
virat au  roi  (4  mai).  —  La  cour  à  Monceaux.  —  Réponse  de 
Condé  à  la  requête  du  triumvirat  (19  mai).  —  Pillage  des 
églises  d'Orléans. 


TABLE.  443 

Armements  des  catholiques.  —  Prépondérance  du  roi  de  Navarre 
à  la  cour.  —  Négociation  de  d'Almeida  en  Espagne.  —  Phi- 
lippe II  promet  le  royaume  de  Tunis  au  roi  de  Navarre  et  lui 
accorde  la  Sardaigne  en  attendant  la  conquête  de  la  Tunisie. 


CHAPITRE    DIX-NEUVIEME. 

Avril,  mai,  juin  1562.  —  Page  219. 

Commencement  de  la  guerre  civile.  —  Dauphiné.  —  Le  baron 
des  Adrets.  —  Prise  de  Lyon  (1er  mai  1562).  —  Le  s.  de  Mau- 
giron.  —  Provence.  —  Les  s.  de  Tende  et  de  Sommerive.  — 
Bourgogne.  —  Gaspard  de  Saulx-Tavannes. 

État  de  l'armée  royale.  —  Mesures  de  défense  prises  à  Paris.  — 
Suite  des  négociations  de  la  reine  et  du  roi  de  Navarre  avec 
le  prince  de  Condé.  —  Entrevue  de  Toury  (9  juin). 

Reprise  des  négociations  (13  juin).  —  Trêve  de  six  jours.  — 
Conférence  du  roi  de  Navarre  et  du  prince  de  Condé  à  Beau- 
gency  (21  et  22  juin).  —  Manifeste  des  huguenots  (24  juin).  — 
Entrevue  de  la  reine  et  des  seigneurs  réformés  à  Saint-Simon 
(29  juin).  —  Rupture  définitive  des  négociations. 


CHAPITRE   VINGTIÈME. 

1er  juillet-septembre  1562.  —  Page  271. 

Le  prince  de  Condé  prend  et  pille  la  ville  de  Beaugency.  —  Le 
roi  de  Navarre  s'empare  de  Blois  (4  juillet).  —  Antonio  d'Al- 
meida est  arrêté  sous  les  murs  de  Tours.  —  Le  roi  de  Navarre 
entre  à  Tours  (11  juillet). 

Forces  de  l'armée  royale  commandée  par  Antoine  de  Bourbon. 

—  Le  roi,  la  reine  et  la  cour  arrivent  au  camp  de  Blois 
(11  août).  —  Siège  de  Bourges  (18  août).  —  Prise  de  la  ville 
(1er  septembre). 

Suite  des  négociations  du  roi  de  Navarre  avec  le  roi  d'Espagne. 

—  Entrevue  du  prince  et  d'Antonio  d'Almeida.  —  Henri  de 
Béarn.  —  Procuration  de  Jeanne  d'Albret  à  son  mari  pour 
négocier  de  l'échange  de  la  Navarre  (25  août). 


444  TABLE. 

CHAPITRE   VINGT   ET    UNIÈME. 
Mort  du  roi  de  Navarre.  —  Page  321. 

Négociations  du  parti  réformé  et  du  parti  catholique  en  Suisse, 
en  Allemagne  et  en  Angleterre.  —  Mission  de  Sydney  en 
France.  —  Traité  de  Hamptoncourt  (20  sept.  1562). 

La  ville  de  Rouen  tombe  aux  mains  des  réformés  (15  au  16  avril 
1562;.  —  Préliminaires  du  siège  de  Rouen.  —  L'armée  royale 
sous  les  murs  de  Rouen  (27  septembre).  —  Gabriel  de  Lorges, 
comte  de  Mongonmery.  —  Prise  du  fort  Sainte -Catherine 
(6  octobre).  —  Rlessure  du  roi  de  Navarre  (16  octobre).  — 
Prise  de  Rouen  par  l'armée  royale  (26  octobre).  —  Mort  du 
roi  de  Navarre  (17  novembre). 

Pièces  justificatives P.  381 


FIN 

V ANTOINE    DE    BOURDON   ET  JEANNE   DALDRET. 


Nogent-Ie-Rotrou,  imprimerie  Daui>eley-Gouverneur. 


OUVRAGES  DU  MÊME  AUTEUR 


Commentaires  et  Lettres  de  Blaise  de  Monluc  ,  maréchal  de 
Fkvnce,  1 964-4 872.',  5  voJ.  in-8.  édition  publiée  pour  la 
Société  de  l'Histoire  de  France.  —  Épuisée. 

Mémoires  inédits  de  Michel  de  la  Huguerye,  4  877-4  880,  3  vol. 
in-8,  publiés  pour  la  Société  de  l'Histoire  de  France. 

Histoire  universelle  du  sieur  d'Apbigné,  édition  critique 
publiée  pour  la  Société  de  l'Histoire  de  France,  tome  I, 
1880. 

Notice  des  principaux  Livres  manuscrits  et  imprimés  qui  ont 
fait  partie  de  l'Exposition  de  l'art  ancien  au  Trocadéro, 
1879,  in-8,  Techener. 

François  de  Montmorency,  gouverneer  de  Paris  et  lieutenant 
pu  roi  dansl'Isle  de  France  (4530-4579),  extrait  du  tome  VI 
des  Mémoires  de  la  Société  de  l'histoire  de  Paris  et  de  l'Ile- 
de-France. 

Le  Mariage  de  Jeanne  d'Albret,  -1877,  in-8,  Labitte. 

Antoine  de  Bourbon  et  Jeanne  d'Albret,  suite  de  Le  Mariage 
de  Jeanne  d'Albret,  tomes  I,  II  et  III,  in-8,  Labitte. 

Le  duc  de  Nemours  et  mademoiselle  de  Rouan  (4534  74592). 
Paris,  4883,  petit  in-8,  tiré  à  170  exemplaires. 


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DC  Ruble,   Alphonse,   baron  de 

112  Antoine  de  Bourbon  et 

A6Rd         Jeanne  d'Albret