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Full text of "Apologie de la religion chrétienne, contre l'auteur du Christianisme dévoilé, & contre quelques autres critiques"

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/ 


* 


APOLOGIE 


D  E 


LA   RELIGION 

CHRÉTIENNE. 


1 


♦•ta 


LIVRES 

EN  FAVEUR  DE  LA  RELIGION^ 

Qui  Je  trouvent  che\  Humblot  »  Libraire. 

JL  tXXjyE^'àz  la  Kelîgibii»  par  lé  P.  BufHerî  i  vol.  li  i^. 

2,   1.  lO.  f. 

la  Foi  judificetietouc  reproche  ds  contradidion  avec  la  raifon* 
I  voK  î/i-iï..  ^■  I.  ^r. 

La  véritable  Religion ,  par  le  P.  L«  Fcbvre  ,  i  v.  ùiit.  x  I.  x&-ft — - 
Indru^tioa  de  M.  dé  Laiigces  far  la  Religion,  i  vol.  îa'4^.  i  !•  4  ^* 
Gatéchifme  de  Montpellier  en  Latin ,  €  vol.  w^'»  4&  i* 

Ls  Dévocion  réconciliée  avec  rçfpric ,  i  vol.  i/z-xt.  x  !• 

Catcchifme  de  Bourges  »  i  vol.  1.7-4^,  SI. 

Apologie  de  la  Religion  contre  TAuteur  du  Ckriftianifme  dévoi- 
lé ,  pat  M.  Bcrgicr ,  x^vol.  m-i  1.  ^4? 
LsDcifine  céfùcé  par  lai- même,  pat  M.  Bergier»  i  vol.  fn-ia. 

i  !• 

La  Cetcitude  des  Pteuves  du  Cbriftianifme,  par  le  même,  avec  la 

Réponfe  anx  Confeils  raifonnables ,  x  vol.  m-ix.  ^  3  1. 

La  Religion  Chrétienne  démoacrée  pat  la  Réfurteâîpn  de  J.  C. 

traduit  de  TAngloîs de  Dittoa,  t  yo1..w-4**.  10  I, 

Hiiioire  de  TEtablilTemenc  du  Chrîftianifme ,   cirée  des  feuls 

Auteurs  Juifs  &  Payens ,  où  Ton  trouve  une  preuve  folide  de 

la  Vérité  de  la  Religion ,  par  M.  Bullet>  i  vol.m-4*.  7  1. 10  f. 

Pe  la  Sainteté  Oc  d^s  Devoirs  de  TEpifcoçat ,  fuivanc  les  Saiatc 

Pères  &  les  Canons  de  TEglife ,  5  ^ol*  ûi-ii.  9  U 

^^t^Diitertation  fur  i^Union  de  la  Religion ,  de  la  Morale  &  de^fa 

^^    Politique,  par  ^t^arburton,  2,  vol.  iVti.  ^  5  1. 

JPrinçipes  de  TEglife  ou  préfervarifs  contte  l'Héréfîe»  ^at  M. 

RouflTcl,  I  vol.  m- II.  a  I.  10  f. 

Principes  de  Religion,  ou  Préfervatif  contre  rincrédulité ,  i  vol. 

in-ix ,  pârleiÂâ»e»  a  1» 

La  Loi  naturelle ,  fût  U  mêm ,  in-ii,  z  L  s  C. 

Le  Proteftanc  cité  au  Tribunal  de  la  parole  de  Dieu  »  c  vol. 

în-ii.  .  al.  10  f. 

tValenhurch  de  Controverjus  j  i  vol.  w-ii.  ^  %  U 

Cqdc  de  U  Religigu  &  des  Moeurs  «  a  voK  în-ci* 


APOLOGIE 


D  E 


LA   RELIGION 

î>'^   CHRÉTIENNE, 

Contre  l  Auteur  du  Chriftianîfme  dévDîM  ^ 
se  contre  quelques  autres  Critiques. 


far  M.  BERGIER  »  Doreur  en  Théologie ,  Chanoine 
de  TEglife  de  Paris,  de  rAcadémie  des  Sciences  g 
Belles-Leures  &  Arcs  de  Befanjon» 

Jasent  fi  infid  Aoqun  wûnuatt  «  Cf  (te  argumentadonum  fiiâruni 
veifiiàa  ,  fua  mmtca  efi  fiddi  ^oritmur;  nohis  placet  Apofioli 
chedire  prœcepds ,  diccttàs  ;  ViDBTB  NS  quis  vos  DMCZPiAtH 
fBA  FUILOSOPBIAM*  S»LeO,  Epift.   X|X  ,  cap.  &• 


SECONDE  ÉDITION,  REVUE,  CORRIGéfi 

ET  AUGMENTÉE. 

/(Il'  '  '  ■ I  I    ssasaaasa 

TOME    PREMIER. 


A     PARIS, 

Chez  H  u  M  B  L  o  T ,  Libraire ,  rue  $•  Jacques ,  entre  I4 
rue  du  Plâtre  &  celle  des  Noyers ,  près  S.  Ives. 


fffi 


rï» 


,^      M.   DCC.   LXX. 

'Avec  /approbation  &  Prmiègç  du  RqU 


*f 


w      ., 


t  N 


"  "  '"  l^'^'      ■  '    rr 

B  RE  F 

DE  N.  S.  P.  LE  PAPE  CLÉMENT  XlU, 

A     M.    J^'aBbÉ    2£fiGIER. 


I«k 


CLEMENS    PAPA  XIIL 

Dr  LJECTÉ       PlLI^ 

Salutsm  SX  Apùstolicam  BsifBDi^yoirBJt* 

lAEDDiTUS  cftflobîs  tuo  ïiomme  Liber  îft 
duovolumîna  diftfibutus,  quo  Chrillianarfi 
Religionem  à  nefariis  libettinorufn  hujus 
temporis  fcrîptîonîbus  Jefendendaiti  iufce- 
pifti.  Nunquàm  exiftimaflèmus  îïnpietatem 
tb  furoris  fuifle  déventuram ,  quo  devenifle 
ex  tuo  iïbro  comperimus,  cujus  înitio  fum- 
nia  dementîflimae  DotSxinae  capua  exponis^ 
quam  prîmus  extulîffe  vîdetur  mifêrandu^ 
AuâoT    quem   refutandum    aggrederis  t 
Cùmque  hnpîî ,  quantumvîs  Evangelicag 
Doétrînae  înfenfi ,  anteà  non  dîffiterentur 
Chriftianae  difcîplinae   leges   fuâ  îpfarum 
Sanftîtate  commendari ,  cohorruimus  ex- 
titlflè  nuper  exitiale  hooiinis  monftrum  » 
qui  eflè  Reipublicse  noxias  »  folidae  moruni^ 
doi^inae  adverfes ,  &  humani  ingenii  prp- 
greffibus  obfiftentes ,  ideôque  penitùs  re- 
pudiandas    impuro    ore    blafpnemaverît. 
Magnam  tibi  proptereà  ,  Dilecte  Fili  , 

débet  gf atiam  Cbriftiana  Refpublica  *  qui 

•  •  • 


lîbro  îUo  tuo  homînîs ,  non  tàm  omnî  rc- 
ligione  expertis ,  guàm  de  ingenii  fui  acu^" 
mine  fiolidè  arrogantis  impiam  doârinam 
contuderis ,  ejufque  calumniofâs  argutias  » 
&  inania  malè  ubi  cohasrentium  atque  etiam 
à  commun!  ienfu  abhorrentîum  opinionuiti 
-commenta  refutaverîs.  Vidimus  Leûorem 
ad  duo  guasdam  alla  Scripta  tua  »  dudùm 
édita  >  à  te  fàspiufculè  amandari ,  qux  hùc 
Qondùoi  pervenijQè  dolendum  eft  y  cùm  fieri 
non  poflît  quin  tuam  Apologiam  qui  lege- 
lit ,  duo  lUa  fcripta  deficleret*  Cœterùm  nos 
pietatem  tùam ,  &  defendendae  fandiffimae 
lleligionis  flagrantiilimum  zelum  in  animo 
gerimus ,  ac  propè  in  oculis  habemus ,  ti- 
bique  de  tuo  munere  gratiflimum  animum 
-^profitemun  Deum  pr^camur  ,  ut  aetatem 
virefque  tibi  fuppeditet ,  quô  quàm  diutif- 
fîmè  è  laboribus  mis  fruâus  decerpere  pot- 
iît  Catholica  EccIeGa  ,cui  quidquid  tibi  eft 
îngenii  atque  dodrlnae  te  jàm  perfpeximus 
devovifle  :  Tibique ,  Dilecte  Fili  ,  pa- 
terno  cordis  noftri  affeâu  ,  Apoftolicam 
benediâioaem  peramanter  impertimur. 

Datum  Romae ,  apud  Sanftam  Marîam 
Majorem  ,  fub  annulo  Pifcatoris ,  die  xxxi. 
Januarii  M.  Dcc.  Lxix,  Pontificatûs  noftri 
anno  undecimo. 

M.  «  Archiepifcopus  Chalcedonenfîs. 

DiUSo  Filio  Bmrgiemo  ^  Sacra  Theolo^ 
giœ  Do3ori. 


1^.  „>tih<g?^ifirf 11.1    !■!      liy. 


BREF 

( 

DE  H.  S.  P.  LE  PAPE  CLÉMENT  Xltt, 
Notre  cher  Fils  , 

SAIUT      et     bénédiction     APOSTOIIQtffi. 

\JN  Nous  a  remis  de  votre  part  un  Livre 

en  deux  volumes ,  par  lequel  vous  ave\  pris  la 
défenfe  de  la  Religion  Chrétienne ,  contre  lès 
fernicieux  Ecrits  des  Libertins  de  nos  jours. 
Nous  n^euffions  jamais  cru  que  î impiété  dut 
envenir  au  point  de  fureur  où  elle  efl parvenue^ 
&*  que  vous  faites  connaîtra  par^^oxre  Livre  jau 
commencement  duquel  vous  txpofe^  les  prin-- 
cipaux  Articles  de  la  DoBrine  injenfée^que  le 
malheureux  Auteur  dont  vous  entreprenez  la 
réfutation  yfemble  avoir  fouienuek  premier» 
JufqJàpréfent  les  Impies  ^mcdgré  leur  prévenu' 
tion  contre  laDoBrinede  ÛEvanglle^vouoient 
du  moins  que  les  Loix  de  la  Morale  Chrétien-- 
ne  font  recommandahles  par  leur  fainteté  ; 
Nous  avons  étéfaifis  (Fhorreur  à  la  vue  de  Pé^ 
garemeru  monjîrueux  Jtun  Ecrivain,  quiypar 
un  hUfpkême  inoui,  a  ofifoutenir  que  cesLoix 
font  pernicieufes  aux  Etats ,  contraires  à  la 
faine  Morale ,  oppofées  aux  progrès  de  Vefprit 
humain  f  Qr  qu^  il  faut  abfolument  y  renoncer. 

aiv 


Vous  av^x  donc  tendu  j  hotkb  cher  Fils  |, 
unfkrvice  ejfentiel  àla  Société CkrétUnne,  de 
réfuter  par  votre  Livre  la  D^Srint  impie  j  les 
€alomhies  artificieufesjes  vaines  opinions  d'un 
Auteur  fans  Religion  ^  ridiculement  infatué  de 
la  fupériorité  de  fon  génie  ;  opinions  qui  fe 
contredifent  ^  qui  choquent  Itfens  commun. 
Nous  avons  rémarqué  que  vous  renvoye^fou'* 
yent  le  LeHeur  à  deux  autres  Ouvrages  que 
yous  ave\  déjà  publiés  Gr  que  nousfommesfâ- 
€hés  de  rCaifoir  pas  vus  :  quiconque  a  lu  votre 
jipologie^  ne  peut  fe  refufer  au  dejîr  de  voir 
€€$  deux  autres  Ecrits.  Au  rejie ,  Nous  confér- 
erons dans  notre  caur^  Gr  pour  ainjî  dire  fous 
nos  y  eux  ^  ces  témoignages  de  votre  piété  &*  du 
jéle  dont  vous  êtes  animé  pour  la  défenfe  de 
notre  fainte  Religion ,  Gr  nous  vous  remercions 
du  préfent  quevous  nous ave{  fait, Nous  prions 
Dieu  qitil  vous  conferve  la  vie  Gr  /es  forces 
pour  continuer  d'employer  vos  travaux  à  Tm- 
tilité  de  VEglift  Catholique ,  à  laquelle  nous 
r oyons  que  vous  ave\  confacré  tous  vos  talens 
naturels  G*  acquis  :  Gt*  Nous  vous  donnons  , 
KOTRB  CHPR  FiLS ,  la  Bénédiflion  Apojlo^ 
lique  avec  VajfeSion  d'un  cœur  paternel. 

Donné  à  Rome  à  Sainte  Marie  Majeure  ^ 

fous  Vanneau  du  Pêcheur  >  ie  3  l  Janvier 

1 765) ,  la  on^me  année  de  notre  Pontificat. 

M«  At  Axdu  de  Chakédoiûe. 


B  RE  F 

DE  N.  S.  P.  LE  PAPE  CLÉMENT  Xlî^, 

AU      MÊME. 


CLEMENS   PAPA   XIV. 

Dl  LSCTE       FlLIy 
SALfrrSM    BT  AfûSXOLICAU  BB}fSPlCTIÙNBMt. 

X  UA  gratulandi  officia  ob  Pontifîciam 
nobisdelatamDignitatem,  eo  jucundiora 
(uerunt ,  qxibd  tuum  ergà  Nos  »  ac  fanâam 
hanc  Apoôolicam  Scdem  oBfequiùm  ac 
obfervantiam ,  miflîs  etiatn  ad  Nos  llbrîs 
pro  tuéndâ  Relîgione  à  te  confcriptis ,  com- 
probaAi.  Has  tàm  luculentas  »  tùm  fîdei  ac 
pietads  tus  fîgnificationes  ,  tùm  doârinx 
indicia  ,  perlibenter  fané  excepimiis  ,  ac 
magnoperè  Istamur  hps  à  te ,  &  ad  impîo- 
rum  repellendos  impecus  tàm  opportunos , 
ic  ad  Fidelium  incolumitatem  tàm  utiles 
fufceptos  eflè  labores,  Teque ,  Dilectb 
FiLi ,  vehementer  hortamur ,  ut  quàm  in- 
dè ,  confècutum  te  putamus  laudem  >  non 
ut  operis  ac  vigiliarum  mercedem ,  fed  ut 
Âcitamentum  potiùs  ad  novos  hujufmodi 


fubeundoK  labores  exîftlmes ,  <leque  nobîs 
ac  Catholicâ  Ecclefiâ  benè-mereri  pergas  » 
&  quam  recepifti  à  Domino  ingenii  facul- 
tatem ,  eam  ad  illius  iaudem  &  honorem 
vindicandum  adhibere  nunquàm  intermit- 
tîs.  Nos  idoircô  gratiffimo  ergà  te  femper 
animofuturos  profitemur ,  nec  in  nobîs  mi- 
nora experturum  te  ftudia,  quàm  Sanâ:^ 
Memori»  Clementis  XIII  »  Praedecefloris 
noftri ,  fuiflent.  In  cujus  ergà  te  Pontificiae 
caritatîs  argumentum ,  Apoftolicam  Bene* 
.diftionem  tibi^DiLECTE  FiLi^  peraman* 
ter  imper timur, 

Datum  Rom« ,  apud  Sanébm  Marîam 
Majorera ,  ftib  annulo  Pifcatoris ,  die  v* 
Julii  M.  DcC.  Lxix.  Pontîficatûs  noftrî 
tono  primo. 

BenedlAus  S  ta  y. 

DikBo  Filio  Bfrgieso  ^  Prefiytero^ 
at^^in  Sacra  TheologiâDoSarL 


%^* 


I  il  ,.>rfl 


BREF. 

DE  N.  S.  K  LE  PAVE  CLÉMENT  XîV. 
Notre  cher  Fils, 

Saiut  bt  BiNiDicTiON   Apostoliqvb. 

Jl^£s  félicitations  qm  vous  nous  avt\  adnf- 
fées  fur  notre  élévation  au  Souverain  Ponti* 
jicat ,  nous  ont  été  J^ autant  plus  agréables  ^ 
que  vous  ave\  donné  des  preuves  de  votre  fou^ 
milJîon  Gf  de  votre  attachement  pour  Nous  Gr 
pour  le  Saint  Siège  Apoflolique  jpar  les  livres 

Îue  vous  ave\  compofés  pour  la  défenfe  de  la 
leligion  ,  et'  que  vous  nous  avec  envoyés* 
Nous  avons  r^u  avecplaifir  ces  témoignages 
de  votre  foi ,  de  votre  piété  ^  de  votre  évs* 
dition  ;  nous  applàudijjons  volontiers  à  des 
travaux  fi  utiles  pour  repouffer  Us  attaques 
des  Incrédules  Cf  po^r  ajj^fmir  la  foi  des  Fi* 
deles.  Nous  vous  exhortons  j  Nom,  e  ch£R 
Fizs ,  à  regarder  ^honneur  que  ces  Ouvrages 
ont  du  vous  faire  y  non  comme  la  récompenjè 
de  vos  études  Cr  de  vos  veilles ,  mais  comme 
un  mo^f  d'en  entreprendre 'de  nouveaux;  à 
continuer  de  nous  rendre  vosfervices  &  à  TE- 
glife  Catholique  ;  à  employer  pour  t honneur 
&  la  gloire  de  Dieu  les  talens  que  vous  en 


twex  reçut*  Noui  vout  ajfurom  donc  qut  ncms 
aurons  toujours  pour  vous  unejîncere  recon- 
noiJJ'ance ,  &  un  attachement  égal  à  celui  de 
Clémeik  XIII,  notre  PrédéçeJ}eur  defaime 
mémoire  ;  &  pour  gage  de  notre  bieTtveillamx 
paternelle ,  nouivoiu fJonnoru,  NOTRECHER 
Fils  ,  la  BénédjSion  ApafloUaue ,  avec  une 
Jînguliere  affiHion,  DoNNÂ  â  Rowe ,  à  Sain- 
te Marie  Majeure  ^fous  l'anneau  du  PicheuTt 
le  y  Juillet  1 765» ,  la  première  année  de 
notre  Pontificat. 

Benoît  Sta^. 

A  notre  cher  Fils  BERGiER*Prétre- 
Doâeur  en  Théologie. 


.1  'f^iar^  -il 

AF  P  RO  B  ATI  ON. 

J  AI  lu,  pat  ordre  de  Monfeigncur  le  Vic&-Chan» 
celier,  un  Manufcrit  qUi  a  pour  titre  :  Apologie  de 
la  Religion  Chrétienne,  &c.  Cet  Ouvrage  m'a  para 
folide,  lumineux,  &  digne  de  la  caufe  qu'on  y  dé- 
fend. A  Paris ,  le  xx  Avril  176^ 

RIB ALLIER,  Cenfeur  RojaL 


L 


PRIVILÈGE    DU   RÛL 


O  U I  s ,  par  la  grâce  de  Pieu ,  Roi  de  France  &  de 
Nararre  :  A  nos  amés  &  féaux  Confeillers^les  Genj  tenant 
nos  Cours  de  Parlement ,  Maîtres  des  Requêtes  ordinairef 
de  notre  Hôtel,  Grand-Confeil ,  Prévôt  de  Paris ,  Baillis  > 
Sénéchaux ,  leurs  Lieutenans  Civils ,  &  autres ,  nos  JuOtU 
ciers  qu'il  appartiendra  ;  S  A  I  u  T.  Notre  amc  le  fîeur 
Bs.RO  XBR,  Nous  a  fait  expofer  qu*tl  defireroit  foire 
imprimer  d?  dosner  au  Public ,  u^  Ouvrage  de  fa  corn* 
poficion  ,  intitulé  :  Apalopt  de  la.  Religion  Chrétienne  con» 
ire  V Auteur  du  Chrtfhaiâfûte  dévoité  *   &  comrt  quelques 
autres  Critiques  ;  s'il  Nous  plaifoit  lui  accordet  nos  Lettres 
de  Privilège  pour  ce  nécelTaires.  A  CHS  CAUSES  ,  vou« 
lanc  âvorablement  traiter  PE^ofant ,  Nous  lui  avons 
pemûs  (^  permettons  par  ces  Pre fentes,  de  faire  imprimée 
ledit  Ouvrage  autant  de  fois  q»Q  bon  iu^  femblera ,  ic 
de  le  vendre,£iure  vendre  &  débiter  par  coût  noire  Royaume 
pendant  le  temsde  (îx  années  conlecutives.,  â  compter 
du  jour  de  la  date  des  Préfentes  :  Faifons  défenfes  à  tous 
Imprimeurs ,  Libraires  &  autres  perfonnes  ,  de  quelque 
qéalité  fie  condition  qu'elles  fovent»  d'en  introduire  d'im<» 
prejlion  étrangère  dans  aucun  lieu  de  notre  obéiflànce  fi 
comme aufli  dMmprimer,  ou  faire  imprimer ,  vendre,  (aire 
YC&dre ,  débiter  ni  contrefaire  ledit   Ouvrage,  ni  d'en 
£iire  aucun  extraie ,  fous  quelque  précexce  que  ce  puifle . 
^tre ,  (ans  la  permiflion  exprefle  &:  par  écrit  dudit  £x« 
polant,  ou  de  ceux  qui  auront  drok  de  lui»  à  peine  dki 
confifcajàon  des  Exemplaires  contrefaits,  de  crois  mille 
livres  iTamende  contre  chacun  des  concrevenans ,  donc 
un  tiers  i  nous  ,  un  tiers  à  l'Hôtel- Dieu  de  Paris ,  fie 
l'autre  tiers  audit  Expofant ,  ou  à  celui  qui  auta  droia 
de  lui  y  fie  de  cous  dépens?  downia^e&  fie  îmétêd*  AU 


chargs  que  ces  Préfentes  (èroot  enregîf^rées  toucaulo^ 
far  le  Regidre  rie  la  Communauté  des  Imprimeurs  &  Li- 
braires de  Paris ,  dans  truis  mois  de  la  date  dMcelles  ;  que 
l'impreflion  dudit  Ouvrage  fera  faite,  dsins  cotre  Royau^ 
me ,  &  non  ailleurs  »  en  beau  papier  &  beaux  caraûeres» 
conformément  aux  Réglemens  de  la  Librairie,  &  notant 
ment  à  celui  du  xo  Avril  172.S  p  à  peine  de  déchéance  du 
préfent  Privilège  î  qu'avant  de  Texpofer  en  vente  »  le 
Manufcrit  qui  aura  fervi  de  copie  à  l'impreflion  dudic 
Ouvrage»  fera  remis  dans  le  même  état  où  l'Approba- 
cion  y  aura  été  donnée»  es  mains  de  notre  trèsH:her  flc 
féal  Chevalier ,  Chancelier  de  France  >  le  Sieur  DE  La» 
MOIGKON,  &c  qu'il  en  fera  enAiice  remit  deux  Exem- 
plaires dans  notre  Bibliothèque  publique  >  un  dans  celle 
de  notre  Château  du  Louvre  3  un  dans  celie  de  nôtre- 
dit  Sieur  DE  La  MOIGNON  »  &  un  dans  celle  de  notre 
très-cher  &  féal  Chevalier ,  Vice-Chancelier  ^  Garde  àes 
Sceaux  de  France,  le  Sieur  DE  Maupeou  :  le  tout  à  peine 
de  nullité  des  Préfentes.  Du  contenu  defquelles  vous 
mandons  &  enjoignbns  de  faire  jouir  ledit  JExpofant  ic 
fes  Ayans-caufe ,  pleinement  &  p^iûblement ,  fans  fouf^ 
frir  qu'il  leur  foit  fait  aucun  trouble  ou  empêchement  % 
Voulons  que  la  copie  des.  Préfentes  ,  qui  fera  impri- 
mée tout  au  long  au  commencement  ou  â  la  fin  dudic 
Ouvrage,  foit  tenue  fou^  duement  fignifiée ,  &  qu'aux 
copies  collationnées  par  Tun  de  nos  Ames  &  féaux  Con- 
leillers-Secrétaires  »  foi  foit  ajoutée  comme  â  l'original. 
Commandons  au  premier  notre  Huiflier  ou  Sergent ,  fut 
ee  requis ,  de  faire  x  pour  l'exécution  d'icelles  ,  tous  aâes 
requis  &  néceflaires  ,  fans  demander  autre  permiifion  »  ic 
nonobdant  dameur  de  Haro,  Charte  Kormande,  &  Lec<« 
cres  à  ce  contraires  5  Car  tel  eil  notre  plaiiîr.  Donné 
i  Paris  le  premier  jour  du  mois  de  Juin ,  l'an  dç  gra*. 
ce  mil  fept  cent  foixante-huit ,  &  de  notre  Régne  le  cin^ 
quante  -  troiliême.  Par  le  Roi  en  fon  Confeil. 

LE   BEGUE. 
J*aî  cédé  le  préfent  Privilège  à  perpétuité  à  M.  HUM- 
SLOT,  Libraire,  fuivant  les  conventions  faites  entre  nous* 
A  Paris,  ce  10  Juin  i7^S.  BERCl£R.r 

Regiftfi  le  préfint  Privilègt ,  tf  enfemlle  la  ceffon ,  fir  U 
Regifirt  XVU.  de  la  Chambre  Royale  (f  Syndicale  des  tî- 
hraires  &  Imprimeun  de  Paris ,  foL  44^  j  eonfbrmément  àv 
fUgtemfiUdt  ^7^3 •  A  Paris,  ce  2.  Juillet  176%, 

Briasson  .  Syadké 


TA  BLE 

D ES     CB^ P I T  R ES 

« 

•  ET   DEis  MATIERES 

•   ■ 

Contenus  dans  le  Tome  L 

Réflexions  fur  la  Préface  du 
Chrijlianifme  dévoilé. 

§.  I .  x:  R o  j  ST  Jingulicr  de  VAuteut 

Page  fi 
$.  2.  Progrès    de    Vincrédulité    che\    le$ 

Philofophes ,  3 

S.  3  »  Leurs  trais  fehtimens ,  7 

S.  4.  Ih  les  ont  puifés  dans  Bayle ,  ^ 
i*j.  Principes  qu'on  doit   leur  oppofer  ^ 

10 
$.  6.  Dangereux    effets    du    fyftime    dt 

t  Auteur  j  Q.1 

$•  7.  Ses  contradiBici^  »  24 

5.  8.  Ses  plaintes  fur  ïinutiiiti  Gr  fur  les 
'  effets  de  la  Religion  ,  27 

5.  p.  Infuffifance  des  loix  civiles  pour  gou-^ 
'  verncr  les  hommes,  2p 

S.   \0.  Divifton  .de   V Ouvrage.    Autret. 

Ecrits  à  réfuter ,  ^^z 


TAB  L  E 


tmmmmmÊm 


CHAPITRE     L 

^Néçejfité  se  difficulté  d examiner  là^ 

Religion. 

%,  l.  Jamais  Von  ri  a  interdit  cet  Eoramefi'i 

$•  2.  Lei   plaintes    des    Philojophes  font 

faujjes ,  ^8 

S.  } .  NéceJJité  de  f  éducation  Chrétienne  ; 

S.  4.  Parallèle   entre  les  Nations   Chré^ 

*  tiennes  fr  les  autres  ^  JJ 

S.  5*.  Contradiêlians  du  Militaire  Philo- 

C  H  AP IT  R^    IL 
Hifl^ire  abrégée  du  Peuple  Juif. 

$•  i.Moïfe   riefi  point    un   perpmnage 

fabuleux ,  4 

§.  2.  llefl  V Auteur  ^  Pentateuque  »      6 
%.  3*  1/  rCa  pas  pu  tromper  fa  Nation  ^ 


§•  4*  CaraSères  de  vérité  de  fon  HiJIoire  » 

§•  y.  Contradiâions  des  Auteurs  profanes 
fur  les  Juifs  ,  8p 

S*  6.  Sortit 


BESCHAPITRES. 

S.  (f.  Sortie  d'Egypte  ,  ^2 

S.  7,  Conduite  de  Moï/è  dans  le  défert  ; 

5)5 

5. 8,  Conduite  de  la  Pakjiine  ^  5)9 

§.  p.  Suire  de  VHiftoirc  :    attente    d^un 

Meffîe,  105, 

$*  lOr  ObjeSions  fur  les  mœurs  des  Juifs , 

2ia 


CHAPITRE    ni. 

Hi/loire  ahrégèe  du  Chnfiianifme.' 

S.  ïr  Sow.  établijfement  prédit  ;  caraSlere 
de  JefuS'Chrift ,  122 

$.  2,  W^x  iej  Juifs  fur  le  Mefjie  ^      128 

§.  3  FiîWcj  ç«'i/i  ^/z.r  piéliéesfur  U  naif- 
fance  de  Jefus-^Chriji  ,.  ^3 9 

§.  4.  Calomnies  fur  fa  conduite  Gr  fur  fes 
miracles  j.  ,134 

S.  ;.  Sw  Difciples  rùmt^  point  été  féduits  , 

J.  (î.  I/i  Tie  jont  point  ïmpofteurs ,      1 4.2 
§.  7»  -<4vewx  importuns  de  leurs  ennemis  , 

$.  8,  Uincrédulité  des  Juifs  ne'  prouver 
rien  contre  nous ,  i  j^ 

§.  p:  £fl  réfurrmow  de  Jefus-Chrif  a  été 
publique  y  15-4. 

J.  1:0^  Nos  dogmes-  ne  font  point^emprun- 
Jonuel^      ^  b 


table; 

tés  des  autres  Nations  y  r  Ç 

ç;  II..  DoBrine  de  S-  Paul ,.  .    1 55 

§.  12.  Apologie  de  fa  conduite ,.  163 

S.   15^.  Létabliffement    du  Cfmiftianifme 

n^ejlpas  naturel^  168: 

i§.   14..  Ai/eux  de  V Auteur  en  faveur  des 

premiers  Chrétiens ,,  17  r 

S.,  ij^i^  Chrifiianifme  ne  fut  point  toléré^ 

173 
f^  t^-  Le^  perfécutîons  fervirent  à  l'en- 
tendre „  180. 
§^  17..  Les  Empereurs  furent  forcés  de  h 
permettre, ^  183 
§•  18..  lej  Chrétiens:  tCont  jamais  ufé  de 
repréfailles  y,  185^ 
5.  ig^La  puijfance  du  Sacerdoce  n^ej: point 
Vouvrag^  des  Princes  ^                  -^188 
S.  a,o^  Le  Chrifiianifme  fia  point  caufé: 
I    de  maux  >,  1851 
S»  2.I..  Il  ne  rend  point  les  hommes  me- 
chans  y.                                          xpa^ 
%»  22^  U   ïLÎnfpirt  pdm  ^O:  cmauté  ^. 


chapitre:  fv. 

JD^  /(2  T&eo&gie  C&rédenne;^ 
f  I.  f  •.  Queftiom  qm  la.  Fbilofophie  m  r^out 


BES   CHAPITRES. 

j.^  2r  ObjeSions  contre  U  création  6*  la 

chute  de  Vhomme ,,  ao  j, 

§•  }•  Sur  le  déluge  a  2,0  S 

%  4r  Sur  le  dioix  de  la  Nation  Juive  r 

ao8 
?.  y.  Dieu  n''a  /?^mt  ahandonné  la  autres 

peuples  y  aro» 

5.  6r  La  Religion  ne  lui  attribue  paint  Iw 

cruauté,,  2.IX 

S.  7«'  5^  morale  r^efi  point  inconflante  ^ 

même  fur  la  tolérante ,  2  r^i- 

Çr  8.  La  juflke  de  Dieu  n^efi  point  la^ 

régie  de  notre  conduite  *>  2.2  a 

$•  pr  EMc  ç/î  jujiijlée  par  la  pie  devenir  r 

224 
\*  to.Surlahonte  deDieu'p  aarf 

Si  II.  Sur  V origine  du  mal  r  2^' 


«■MMW 


C  H  A  F  r  T  R  E   V. 
De  la  Révélations 

fr  X.  La  révélation  ne  bannit  point  ïa 
raifon ,.  23  % 

f.  2r  EIZe  ne  repréfente  point  PUu'  comme 
trompeur  ni  cruel  ^  255? 

f.  3 .  2^  camme  in/i(/?i  iimï  jfi;  conduite ,» 

J.  4^  tes  fnyfleres  ne  rendent  pur  Diew 
plus  inconnu  y  24  r 


TABLE 
$•  y.^  On  iCa  point  fargé  de  nouveauji- 

jnyfteres ,  24-^ 

$•  6>.  Qui  font  les  témoins  de  la  révéla" 

tion..  a^j 

Ç.  7^  De  celle  de  Moïfé^.  ^48 

5.  8.  Z>e  ceHe  ife  J.  C  5r}4 

§.  5^.  Sur  les  différentes  efpéces  de  certi* 

tude  ^  2j  8 

CHAPITRE    Vr. 
Des  preuves  de  la  Révélation. 

j,    I.  Toutes  les  Religions  ont  ^  elles   les^ 
mêmes  preuves  l  261 

Art  L  Des  Miracles^ 

J..  a.  Les  miracles^  de  Moïfé  ne.  Jhnt  point 

des  effets  naturels ,  26^ 

ç,  j.  lis  n^ont  point  été  forgés  après  coup  >. 

S.  4»^  Ceux  de  J.  C.  Jbnt  fuffifamment  at- 

tejiés.  268^ 

f.  J.  Pourquoi  les  Juifi  ont  demandé  Ja 

mort  a  26 p 

i^  &.  Mahomet  n  a  point  fait  de  miraclesi 

Incrédulité  de  S^Paul^  2ji 

J.  7»  Les  témoignages  ordinaires  fuffifent 

pour  attejler  les  miracles  „  2jj 

S»  S.  Les  Apkres  étoiem  déjntéreffés  » 

276 


•   "% 


DES  CHAPITRES. 

Çrp.  Faujfeté  duJîUnce  du  contemporains 

$.  lOr  La  réfurreSion  de  J.  C  ejl  fuffi- 

famment  prouvée  ,  282 

5.  II.  Sur  ù  poj^hilité  des  miracles  ,.  28  ^ 

S.  12.  Lewr  utilité  pour  perfuader  y  2^6- 

Akt.  II.  Des  Prophétierr 

Ç.  i^.  Elles  ne  font  point  fabriquées  aprh 
coup  j  302 

5.  14.  Il  n  était  pas  poJjflEle  de  prédire  U 
fart  des  Juifs  ^  505^ 

î.  ij^  Lei^  Prophètes  n'étaient  point  des. 
impojleursy  508* 

S»  16..  Préds   de   quelques   Prophéties  ^ 

S.  17.  Prophétie  de  /»  C.  fur  le  Temple  z 
Julienne  peut  la  rendre  fauffe.  Les  Peret 
n^ont  point  abufé  des  Prophéties  ^   3  29 

A.Rr.  III.  Des  Martyre 

S.  18*  Les  Martyrs  ne  font  point  martf 

pmr  des  opinions  ,  ni  pour  avoir  excité 

des  féditions  ^  32S 

5.  ip.  Preuves  des  perféoutions  dans  le 

premier  Jîècle ,  332 

$.  2Q»I>ani  le  fécond,  33^ 

$.2.1*  £?^nj  htrûifième,  34.5 

J.  2:^.  En   quelfens  les  Chrétiens  étaient 

moiérans^  34^ 


TABLE 


CHAPITRE    VIL 

JOes  Myjleres  de  ta  Reti^om 
Chrétiennes^ 


#r  Ir  J^im  pmt  Ttvékr   det  MyJïtreTp 

f  *  5U  Quelle  était  ta.  croyante  du  anciens^ 

Fhilofoptus?  5j8 

f  •  3  r  AdmtttaUnt  -  Us  un  Dku  fùprême  ? 

36t 
'     f •  -^^  Cannoijfoient-Ux  un  Dkw  unique  ? 

366 

f.  y..  Réprouvaient'  ils  Vidalâtrit  ?    3 70 

$*  (J.  £e   Chrijlianifme   ne  donm  paint 

unefaujfe  idét  de  Dieu  y  375^ 

S.  ja  Sur  le  Myjhre  de  la.  SainteTrinité ^ 

3-78 
§.  8.  &ir  celui  de  VTncarnatiion  ,>        381 

f.  p.  5ur  tari^ne  du  mal  ,>  &  ^wr  la  fa^ 

talité  y  j  8-^ 


CHAPITRE    VII  L 

Autres  Myjkres  SC  Dogmes^. 

5.   1.  Sur  la.  prédejlinaiiàn  Gr   P éternité 
des  peines  r  388 

f«  ar  La  béatitude  e^dle  unt  impofture  ff 

35^ 


DES  CHAPITRES. 

^  ^^  La  vit  à  vmir  étoit - e//e  inconnue 

aux  Juifs  f  5P4 

$.  4,  Ce  dogme  eft-il  imitile  ?  400 

J»  J»  Sur  les  Anges  &  fur  le  Purgatoire  » 

403* 

CHAPITRE    IX. 

I^es  Rits  ^  se  des  Cérémûnies  Chrêi 

tiennes^ 

5.  I.  Touf  1er  peuples  ont  ferai  la  nécef-^ 

filé  du  culte  extérieur  y  408 

%^  2,^  Il  affermit  les  liens  de  la  ficiété  ^ 

4IK 

5^  3  -  Utilité  des  fpeBàctes  àe  la  Religion  ; 

ils  ne  viennent  point  des  Payent ^    4?P' 

S.-  4.  Nos  rits  font  difiérensde  laThéurgie*^ 

42J 

5.  5".  Sur  le  Baptême  y.  4^7 

9.  6^  Sur  la  Confsffîon  f  437 

$.  7..  £11  Tk$  font  une  harrîert   contre 

terreur^  44^ 


CHAPITRE    X. 

^Dts  Livres  f  acres  des  Chrétiens^ 

%^  !•  AffeStation  des  Philofophes  de  ri- 
péter  ks  mêmes  objeSions  ^  .  448 


T  A  B  L  E,  &c. 

K  H  T.  I.  Des  Livres  de  V Ancien  Teflamenf^ 

$v  2.  De  la  création  Gr  de  IçifiruSure  du 
monde ,.  45'*2 

^5.   j.  Swr  /^î  lumière  Cf  fur  te  cieïj  ^6ï 
f.  \.  Sur  Vhomme  &  le  Paradii  terreftre ,» 

§.  J,  5Mr  la  tentation  &  fa  cAwrc  d^Adam  ,. 

§!•  (^.  S«r  Vaillance  avec  Noéyfuf  Varc-' 

en-ciel  y  fur  les  Anges  à  Sodome  yfur  lesr 

allégories  de  VHiJîoire  Sainte  >.       482 

S.  7.  Siir  tes  voyages  d^Ahrahanty     4.85" 

§.  8.  Conduite  dTAhraham ,  4pa 

S.  pr  Circoncijionf  pajfage  dHîérodote^  45^8 

§.  î  o»' La  circoncijîon  vient- e^le  des  Egyp-. 

tiens  ?  jop 

§•   ri.  Mort  de  Aîbïfe  .•  Hdjloîre  de.  Tofué' 

&•  deSamfon,  ^16 

Art,  !!•  Dej  Libres  dumouveau  Teflamenu 

$•  12  Prétendues  coniradlSionr  de^  Evan^ 
giles,'  \^2t 

$.  rj..Mir5'Mcr  ié  fuppojtim  dansfaint 
Matthieu,.  J5.0> 

?.  1 4*  Reproches  faits  à  faim  Paul ,  5*3  (S 

$•  I  y.  Cej  £imj  font'iU  une  fôurce  de 
dijpute  ?  j^40> 

Fin  de  la  Table  du  Tome  premier^ 

apologie; 


AFOLOGÏE 

D  E 

CHRÉTIENNE, 

Contre  l'Auteur  du  CknJUanifme 

dévoilé  i  &  contre  quelques 

autres  Critiques. 

Kèf  LEX ro NS  fur  la  Préface  &•  fur 
U  projet  de  V Auteur  du  Chriftiatiifme 
dévoilé,  fur  les  progris  fenjîbles  de 
rirreUgion  parmi  les  Philofophes  ,  fur 
leurs  contradiSions. 

S.  1. 

o  'IL  y  eut  jamais  un  projet  capable  do 
nous  étonner  »  c'eft  celui  qu^a  formé  TAuip 
teur  du  Livre  dont  nous  entreprenoHS 
l'examen.  Depuis  dix-fept  cens  ans  que 
Home  h  A 


2.  Apologie 

le  Chrîftîanifme  eft  établi ,  il  y  avoît  lien 
de  penfer  que  cette  Religion  n'étoit  plus 
inconnue.  Quand  parmi  ceux  qui  l'ont 
profeffée  il  n'y  auroit  eu  perfonne  capable 
d'en  faifir  l'elpnt  8c  les  principes ,  ou  d'en 
pefer  les  preuves ,  on  pouvoit  préfumer 
du  moins  que  dans  le  grand  nombre  des 
Philofophes  qui  l'ont  attaquée ,  il  y  a  eu 
des  génies  affez  pénétrans  pour  en  apper- 
cevoir  les  véritables  défauts.  Après  tant 
de  Livres  déjà  publiés  pour  &  coijtre , 
un  Ecrivain  qui  promet  de  dévoiler  le 
Chriftianifme ,  entreprend  de  nous  con- 
vaincre ,  que ,  foit  paripi  les  feâateurs , 
foit  parmi  les  ennemis  de  l'Evangile  >  il 
ne  s'eft  encore  trouvé  perfonne  qui  en  ait 
eu  une  véritable  idée. 

Pour  ne  laiflèr  aucun  doute  fur  fbn 
deflein  ,  l'Auteur  l'annonce  clairement  à 
la  fin  de  fa  Préface  (a).  Beaucoup  d!hom- 
mes  fans  mœurs  ^  dit  -  il  j  ont  attaqué  la 
Religion  ^  parce  qiâtlle  contrarioh  leurs  pen^ 
chans  ;  beaucoup  de  fages  Pont  méprifee , 
parce  qu^elle  leur  paroijfoit  ridicule  j  beau-- 
coup  de  perfonnes  Pont  regardée  comme  in-* 
différente  ^  parce  qu^elles  n'en  ont  point  fenti 
les  vrais  inconvéniens  :  comme  Citoyen  je 
V attaque ,  parce  quelle  me  paroit  nuifiblc 


iâ)  Page  xxvij. 


delaReligion,&c.        3 

au  bonheur  de  VEtat^  ennemie  des  progrès  de 
l*t[prit  humain  ,  oppofée  à  la  faine  morale  , 
dont  les  intérêts  de  la  politique  ne  peuvent 
jamais  fe  féparer.  Si  l'entreprife  n'eft  pas 
fenfée ,  die  eft  hardie  :  on  eft  fans  doute 
curieux  de  voir  comment  un  Ecrivain , 
dont  les  talens  ne  paroifïènt  rien  moins 
que  fublimes ,  a  pu  l'exécuter. 

Comme  Citoyen  il  attaque  la  Religion  ; 
comme  Citoyen  nous  nous  croyons  obli- 
ge de  la  défendre  :  l'Auteur  lui-même  nous 
y  invite  en  terminant  fà  Préface.  Nous 
acceptons  volontiers  cette  efpèce  de  défi  : 
nous  nous  engageons  à  lui  montrer  que 
le  Chriftianifme  eft  néceflaire  au  bonheur 
des  Etats ,  favorable  aux  progrès  de  Tef- 
prit  humain,  l'unique  fource  de  la  vraie 
morale  &  de  la  faine  politique.  Les  efforts 
redoublés  que  l'on  fait  pour  détruire  le 
principe  de  tant  de  biens ,  doivent  nous 
le  rendre  plus  cher, 

S.  2. 

Obfervons  d'abord  les  progrès  de  nos 
adverfaires  :  autrefois  plus  modeftes ,  ils 
ne  portoient  pas  fi  loin  leurs  prétentions. 
Ils  convenoient  aflèz  volontiers  qu'entre 
toutes  les  Religions  de  l'univers ,  le  Chrif- 
tianifme étoit  la  plus  pure ,  la  plus  fage  , 
la  plus  utile;  qu'en  la  réduifant  à  la  morate 

Ai] 


4  Apologie 

précifément ,  il  ne  fe  trouveroit  perfonne 
qui  pût  refufer  de  lui  rendre  hommage  ; 
qu'il  étoit  inutile  de  lui  chercher  un  autre 
appui  dans  les  faits  miraculeux  qui  ont 
fervi  à  l'établir.  Aujourd'hui  l'efprit  phi- 
lofophique  a  fait  des  progrès  ;  il  a  décou- 
vert que  cette  morale  dont  on  étoit  frappé , 
n'eft  point  ce  qu'elle  a  paru  jufqu'ici , 
qu'elle  eft  diredement  oppofée  aux  lumiè- 
res de  la  raifon ,  au  bonheur  des  Etats  ,  à 
la  faine  politique  ;  que  le  plus  grand  fervice 
.que  l'on  puiffe  rendre  au  genre  humain , 
cft  de  l'en  débarraflèr  pour  jamais  ;  enfin 
que  pour  rendre  les  homme^  fages  &  heu- 
teux ,  il  ne  faut  point  de  Religion. 

Il  y  a  long-temps  que  nous  avons  prévu 
cette  conféquence ,  &le  point  où  les  en- 
nemis de  la  Religion  vouloient  nous  con- 
duire :  nous  devons  leur  fçavoir  gré  de 
ce  qu'ils  ont  juftifié  nos  prédirions.  Celui 
auquel  nous  allons  répondre,  n'a  pas  dé- 
voilé le  Chriftianifine ,  il  l'a  défiguré  ;  mais 
il  nous  a  découvert  plufieurs  myfteres  de 
la  nouvelle  Philofophie  qu'il  eu  utile  de 
fçavoir. 

i^  Il  a  montré  les  conféquences  des 
principes  de  l'incrédulité ,  &  le  terme  où 
ils  doivent  néçeflairement  aboutir  ;  la 
chaîne  qu'il  faut  fuivre ,  dès  que  l'on  aban- 
donne h  règle  de  la  foi  ;  l'alternative  o\x  fe 


DE  LA  Religion,  Sec.  S 
trouve  tout  homme  qui  fçait  raifonner  , 
d'être  ou  Chrétien  catholique ,  ou  Pyr- 
rhonien  fans  Religion. 

Jufqu'à  préfent  nos  plus  célèbres  Philo- 
fophes  fe  bornoient  à  établir  le  Déifme 
ou  la  Religion  naturelle  :  ils  réunifibient 
toutes  leurs  attaques  contre  les  preuves 
de  la  révélation.  Tous  ont  foutenu  qu'eUe 
n'étoit  pas  néceflàire ,  puifque  plufieurs 
Nations  l'ignorent  encore;  qu'elle  a  été 
inutile ,  puifque  ceux  qui  la  connoiflent 
n'en  font  pas  devenus  plus  éclairés  ni  plus 
vertueux  ;  qu'elle  a  même  été  pernicieufe  , 
puifqu'elle  a  mis  la  divifion  parmi  les 
hommes. 

On  leur  a  fait  voir  que  la  même  ob- 
jeftion  peut  être  tournée  contre  la  Reli- 
gion naturelle ,  dont  ils  fe  déclarent  les 
défenfeurs;  que  cette  Religion,  fi  eflèn- 
tielle  à  l'homme ,  eft  méconnue  &  défi- 
gurée chez  tous  les  peuples  qui  n'ont  pas 
été  éclairés  par  la  révélation  ;  qu'elle  n'a 
pas  été  afiez  puiflante  pour  les  préferver 
de  l'idolâtrie  ni  des  défordres  les  plus  ré- 
voltans  ;  que  s'ils  en  ont  confervé  quel- 
qu'idée ,  elle  ne  fert  qu'à  les  rendre  plus 
coupables. 

L'Auteur  du  Chriflianifme  dévoilé  ^ 
convaincu  qu'il  n'y  a  rien  à  répondre  à 
ce  parallèle  ,  a  pris  le  parti  de  franchir 

A  ilj 


6  Apologie 

le  pas ,  de  foutenir  fans  détour  l'inutilité 
de  toute  Religion,  de  n'établir  les  fon- 
demens  de*  la  morale  &  de  la  fociété  que 
fur  les  loix  civiles.  C'eft  un  Philofophe 
poufle  à  bout  &  déconcerté»  qui  a  fenti 
que  le  Déifme  n'étoit  pas  un  pofte  où  l'on 
pût  tenir  long- temps ,  qui,  plus  fincere  ou 

Elus  conféquent'  que  les  autres ,  profefle 
autement  l'Irréligion  abfolue. 
Il  eft  inutile  de  lui  demander  s'il  croit 
un  Dieu  ,  &  ce  qu'il  entend  fous  ce  nom  ; 
s'il  V  a  une  Providence  ;  fi  nous  avons 
une  ame ,  quelle  eft  fa  nature  &  fa  def- 
tinée;  fi  on  doit  attendre  une  vie  à  venir  : 
il  fait  profeflîon  d'ignorer  toutes  ces  chofes 
comme  autant  de  queftions  fuperflues  , 
fur  lefquelles  même  il  eft  dangereux  de 
prendre  parti  :  nous  n'avons  pas  befoin 
de  ces  dogmes  pour  être  vertueux.  Les 
loix  civiles ,  notre  intérêt  temporel  ,  les 
peines  &  les  récompenfes  de  cette  vie; 
voilà ,  félon  lui ,  l'unique  reffort  capable 
de  rendre  l'homme  fage  &  heureux. 

Il  eft  à  préfumer  que  c'eft  ici  le  der- 
nier pas  de  la  Philofophie  ;  elle  ne  fçau<- 
roit  aller  plus  loin.  Fafle  le  Ciel  que 
l'abîme  où  elle  fe  plonge,  effraye  enfin 
fes  parti/ans ,  &  les  oblige  de  retourner 
en  arrière! 


\ 


Z)£    LÀ  ReLIG  10  N,  &c«         7 

§.  3. 

2*.  Le  Chriftianifme  dévoilé  met  au 
grand  jour  le  véritable  efprit  de  nos  ad- 
verfâires ,  &  les  fentimens  dont  ils  font 
animés.  Plufieurs  avoient  caché  fous  un 
extérieur  de  modération  le  fiel  de  leur 
cœur  &  la  haine  qu'ils  ont  jurée  à  la  Reli- 
gion ;  celui-ci,  moins  circonfpeft,  a  parlé 
le  vrai  langage  de  Timpiété ,  &  a  pris  le 
ton  qui  lui  convient.  Il  déclame ,  il  in- 
veâive  ,  il  calomnie  fans  pudeur  &  fans 
ménagement  ;  fon  caraâere  mélancolique 
lui  peint  tout  en  noir.  Tout  ce  qui  a 
rapport  à  la  Religion  lui  eft  également 
odieux  ;  les  dogmes ,  le  culte  ,  la  morale , 
la  difcipline  ,  les  Miniftres  ,  rien  n'eft  épar- 
gné. Les  Souverains  mêmes  ne  font  pas  à 
couvert  de  fes  outrages  :  dès  qu'ils  protè- 
gent la  Religion ,  ils  font ,  félon  lui  >  in- 
dignes de  gouverner  les  hommes.  Son 
Livre  feroit  beaucoup  mieux  intitulé  17r- 
religion  dévoilée;  il  nous  découvre  les 
principes  qui  y  conduifent ,  les  effets  qu'elle 
produit ,  les  fentimens  qu'elle  infpire. 

Peut-on  afïèz  admirer  combien  la  Phi- 
lofophie  s'efl  perfedionnée  de  nos  jours , 
combien  de  dogmes  lumineux  elle  a  dé- 
couverts ?  Dans   la  Lettre  de   Thrafybult  ' 
à  Leucippe ,  on  a  enfeigné  l'Athéifme  fans 

Aiv 


î  Apologie 

détour  5  dans  le  Livre  de  VEfprît ,  le  Ma- 
térialifine  pur  ;  dans  les  EJfais  Philofophi-- 
ques  fur  V entendement  humain  ,  le  Scep- 
ticifme  unlverfel  ;  dans  le  DiSionnaire 
F hUofophique ,  la  Fatalité  abfolue  :  le  Dif- 
cours  fur  Vlnégalité  nous  apprend  que 
l'état  naturel  de  rhomme  en  celui  des 
brutes  ;  eafin  le  Chriflianifme  dévoilé  nous 
fait  toucher  au  doigt  l'inutilité  &  le  danger 
d'avoir  aucune  Religîpn.  Je  ne  parle  point 
des  Ecrivains  fubalternes  qui  ont  copié  , 
commenté ,  développé  tous  ces  merveilleux 
principes  :  je  pafle  fous  filence  les  obfcé- 
nités  dont  pluueurs  de  ces  graves  Auteurs 
ont  fouillé  leur  plume  :  aflurément  la  pof- 
térité  doit  des  autels  à  des  Maîtres  qui  ont 
fi  bien  inftruit  le  genre  humain* 

Tels  font  les  monumens  immortels  des 
fublimes  découvertes  de  la  Philofophie, 
Si  fes  fedateurs  font  véritablement  ja- 
loux de  fa  gloire  ,  ce  feroit  ici  le  cas  d'en 
réparer  l'ignominie.  Ils  doivent  fentir  le 
préjudice  que  lui  caufent  des  égaremens 
aulfi  monftrueux  :  ils  font  obligés  de  ven- 
ger ,  par  les  feules  armes  de  la  raifon  >  les 
dogmes  de  la  Religion  naturelle  C  honteu- 
fement  trahis  ;  de  montrer  les  reflburces 
que  la  fociété  peut  trouver  en  eux  ,•  lorf- 
que  fes  intérêts  les  plus  chers  font  en 
danger ,  de  rafiurer  les  âmes  droites  qui 


DE  t.K  Religion,  &c.       p 

craignent  que  la  Philofophie  ,  en  (appant 
les  fondemens  de  la  Religion ,  ne  renverfe 
du  même  coup  ceux  de  la  vie  civile. 

Nos  prétendus  Citoyens  n'en  feront 
rien  ,  nous  pouvons  le  prédire  ;  quiconque 
attaque  la  Religion  eft  de  leur  parti.  Qu*il 
foit  Athée ,  Sceptique ,  Matérialifte ,  Fata- 
lifte ,  Cynique ,  cela  eft  égal  ;  pourvu  que 
le  Chriftianifme  périfle ,  tout  eft  bien, 
C'eft  l'unique  point  auquel  afpirent  les 
apôtres  de  la  Religion  naturelle. 

^^.  Il  n'eft  pas  difficile  d'appercevoîr 
que  l'Auteur  du  Chriflianifme  dévoilé  a 
emprunté  le  fyftême  de  Hobbes ,  renou- 
veUé  par  Bayle  ,  &  qu'il  a  tiré  de  ce  der- 
nier la  plupart  des  fophifmes  dont  il  a 
tâché  d'étayer  fon  opinion.  Depuis  long- 
temps les  écrits  de  ce  Critique  téméraire 
font  la  fource  où  les  incrédules  vont  puî- 
fer  leur  doftrinè  :  il  n'en  eft  pas  un  feul 
qui  ne  l'ait  copié.  Bayle ,  dans  fes  Pe n- 
[ées  fur  la  Comète ,  s'eft  efibrcé  de  prou- 
ver qu'une  fociété  d'Athées  pourroit  fub- 
fifter ,  obferver  des  loix ,  pratiquer  les 
vertus  fociales ,  fans  avoir  aucune  con- 
noiflance  de  la  Divinité  ,  fans  aucune 
Religion  :  il  foutenoit  que  le  Paganifme , 
loin  d'avoir  été  un  frein  contre  les  paf- 


'2p  Apologie 

fions ,  n'avoit  fervi  qu'à  les  fomenter ,  & 
à  juftifier  tous  les  crimes.  Cependant  il 
convenoit  que  la  connoilïance  du  vrai 
Dieu  &  la  Religion  chrétienne ,  font  une 
barrière  très-puiflante  pour  réprimer  tous 
les  vices ,  pour  affermir  les  liens  de  la  fo- 
ciété  &  les  fondemens  des  Etats  (û).  Notre 
Auteur  ,  plus  hardi ,  prétend  que  la  Reli- 
gion chrétienne  même  ne  peut  produire 
aucun  bien  ,  qu'elle  eft  plutôt  nuifible 
qu'utile  à  la  vraie  morale  &  à  la  faine 
politique.  Pour  le  prouver  ,  il  tourne  con- 
tr'elle  toutes  les  objedions  que  Bayle  avoit 
faites  contre  l'idolâtrie  ;  il  conclut  que  le 
plus  court  &  le  mieux  eft  de  bannir  toute 
Religion.  Telle  eft  la  progreflîon  natu- 
relle de  l'erreur. 

S.  X. 

Etabliflbns  en  peu  de  mots  les  principes 
que  nous  avons  à  lui  oppofer  ;  &  que  nous 
développerons  dans  la  fuite  de  l'Ouvrage. 

l*'.  Par -tout  où  les  loix  ne  reçoivent 
aucun  appui  de  la  Religion,  &  font  réduites 
à  leur  feule  force  coa&ive ,  il  faut  néceffai- 
rement  qu'elles  foient  féveres  à  l'excès ,  & 
multipliées  à  l'infini;  alors  le  Gouverne- 
ment eft  defpotique ,  &  le  peuple  efclave. 


(4)  Âddidon  aux  Penlees  dîverfes  ,  chap.  4< 


DE  LA  Religion,  &c;      ti 

Ce  point  fera  démontré  par  le  fait  &  par 
des  obfervations  tirées  de  VEfprit  des  Loix. 
AinC  notre  Politique ,  en  déclamant  contre 
le  defpotifme  des  Souverains  ,  &  contre 
rafTerviilèment  des  peuples  fous  les  loix  de 
la  Religion ,  travaille  de  toutes  fes  forces 
à  établir  l'un  &  l'autre  par  les  loix  civiles  ; 
il  ne  fait  que  tranfporter  à  celles-ci  la  pré- 
tendue tyrannie  qu'il  reproche  fauilèmenc 
à  la  Religion  :  première  contradiftion. 

2°.  La  Religion ,  loin  d'affoiblir  les  mo- 
tifs humains  qui  peuvent  nous  porter  aux 
vertus  fociales ,  notre  intérêt ,  l'amour  bien 
réglé  de  nous-mêmes  ,  la  crainte  des  peines 
temporelles  &  de  l'infamie ,  &c.  les  affermit 
au  contraire  »  &  les  appuie  de  tout  fon 
poids  :  elle  y  ajoute  un  motif  plus  fort  & 
plus  réprimant ,  mais  qui  ne  détruit  pas  les 
autres.  C'eft  une  abfurdité  d'avancer  que 
fans  la  Religion  ces  motifs  naturels  feroient 
plus  puiflans.  N'eft-il  pas  abfurde  de  foute- 
nir  que  de  deux  poids  qui  entraînent  l'hom- 
me de  concert  &  du  même  côté.,  fi  l'on  en 
retranche  un ,  l'autre  fera  plus  efficace  ? 

Bayle  &  fon  Copifte  nous  reprochent 
continuellement  que ,  malgré  le  lentiment 
moral  &  les  lumières  de  la  raifon  ,  malgré 
l'autorité  des  loix  civiles  &  l'attention  de 
la  police ,  malgré  le  frein  de  la  Religion  & 
la  crainte  d'une  autre  vie ,  l'homme  eft 


1 


T2  APOIlrOGlE 

toujours  mécham  :  &  par  une  contradic- 
tion grofliere ,  ils  foutiennent  que  fans  ce 
dernier  mo6f ,  iTiomme  peut  être  ver- 
tueux. 

3**,  La  néceffité  de  la  Religion  pour  épu- 
rer les  mœurs ,  pour  appuyer  le  gouverne- 
ment ,  eft  déiÀèntrée  par  l'expérience  & 
par  nu  fait  inconteftable.  Chez  toutes  les 
Nations  de  l'univers  qui  ne  font  point  con- 
duites par  ce  puiflànt  mobile  >  on  ne  trouve 
ni  moeurs  pures  >  ni  vertus  fociales ,  ni  loix 
fages ,  ni  Gouvernement  modéré.  L'état 
de  ces  peuples  eft  ou  entièrement  barbare  « 
ou  infiniment  au-deiTous  du  nôt^'e.  Les 
ennemis  de  la  Religion  feroient  aflez  punis, 
s'ils  étoient  réduits  à  vivre  parmi  les  peuples 
gui  n'en  ont  point.  Or ,  en  fait  de  morale  & 
de  politique  >  démentir  l'expérience  ,  c'eft 
choquer  le  fens  commun. 

4*^.  Il  n'eft  pas  moins  certain  que  c'eft  la 
Religion  qui  a  policé  tous  les  peuples  autre- 
fois barbares;  qu'elle  a  précédé  par-tout 
l'établiilement  des  loix  &  de  la  fociété  ;  que 
tous  les  premiers  Légiflateurs  ont  eu  re- 
cours à  elle  pour  donner  la  fanâion  &  la 
force  à  leurs  Loix.  Il  n'en  eft  aucun  qui 
ait  penfé  que  les  motifs  purement  tempo- 
rels fuflent  aflèz  puiflàns  pour  affermir  les 
liens  de  la  vie  fociale.  Vouloir  maintenir 
leur  ouvrage  ,  en  détruîfant  le  fondement 


DE    LAReLIÔIONj&C*        TJ 

fur  lequel  ils  l'ont  appuyé  ,  n'eft-ce  pas 
ramener  le  genre  humain  à  l'état  d'où  ils 
l'ont  tiré ,  à  la  vie  brutale  &  fauvage  ? 

j°.  Chez  les  peuples ,  même  policés , 
les  loix  civiles  font  impuiflantes  fans  les 
mœurs  :  Quid  van(z  fine  moribus  leges  pro" 
ficknt  ?  difoit  Horace  ;  &  tous  les  fages 
font  répété  après  lui.  Bâtir  l'édifice  de  la 
morale  uniquement  fur  les  loix  humaines , 
c'eft  prétendre  que  le  plus  foible  foutien- 
dra  le  plus  fort,  c'eft  ôter  aux  Nations 
corrompues  tout  moyen  &  toute  efpérance 
de  réforme.  On  peut  confulter  là-deflîis 
l'excellent  chapitre  des  Mœurs»  dans  VAmi 
des  Hommes  (a) ,  où  le  fyftème  de  notre 
Auteur  eft  réfiité  d'avance. 

6**.  Ce  fyftème  eft  contredit  par  les 
plus  célèbres  Philofophes  anciens  &  mo- 
dernes :  il  eft  aflèz  iingulier  qu'un  Ecri- 
vain ,  dont  Tautorité  eft  très-foible ,  pré- 
tende aujourd'hui  les  redreflèr  tous.  Cicc- 
ron ,  après  avoir  établi  le  dogme  important 
de  la  préfence  d'un  Dieu  fcrutateur  des 
cœurs ,  s'exprime  ainfi  :  «  Peut  -  on  nier 
»  que  ces  fentimens  -  là  ne  foient  d'une 
3»  grande  utilité,  lorfqu'on  voit  dans  com- 
»  bien  d'occafions  le  ferment  eft  le  fccau 
»  de  nos  paroles  ,  pour  combien  h  Reli- 


■■•Ml 


fa)  Deuxième  Parde .  ch.  4  y  pag.  141, 


J4  Apologie 

»  gion  entre  dans  la  foi  de  nos  traités  » 
»  combien  de  crimes  la  crainte  d'une  pu- 
»  nition  divine  a  prévenus ,  &  combien 
»  eft  fainte  une  fociété  d'hommes  perfuadés 
»  qu'ils  ont  au  milieu  d'eux,  &  pour  juge  , 
»  &  pour  témoin ,  la  Divinité  même  (a)> 

»  Sans  la  piété ,  dit-il  encore ,  il  n'y  aura 
39  ni  fainteté  ni  Religion  ,  &  dès-lors  quel 
»  dérangement ,  quel  trouble  parmi  nous  ? 
3>  Je  doute  fi  d'éteindre  Ja  piété  envers  les 
j>  Dieux ,  ce  ne  feroit  pas  anéantir  la  bonne 
»  foi ,  la  fociété  civile ,  &  la  principale  des 
»  vertus ,  qui  eft  la  juftice  (b)  ». 

Plutarque  obferve  qu'on  ne  trouvera 
nulle  part  une  ville ,  fans  la  connoiflance 
d'un  Dieu  &  d'une  Religion  ;  il  ajoute 
même  que  l'on  bâtiroit  plutôt  une  ville  en 
l'air ,  que  de  fonder  une  République  fans 
aucun  culte  religieux  (c). 

Les  anciens  avoient  plus  de  refpeét 
pour  l'idolâtrie ,  que  les  Philofophes  d'au- 
jourd'hui n'en  ont  pour  la  Religion  la  plus 
iainte.  Epicure  ni  fes  fedateufs  n'ont  point 
déclamé  publiquement  contre  les  Dieux  du 
Paganifme ,  contre  leur  culte ,  contre  leurs 
Miniftres.  Platon  convaincu  de  la  faufleté 


(a)  De  Legihus,  1. 1,  n.  7, 

(l>)  De  Nat.  Deor.  1.  i ,  n.  i,     •  ^ 

(ç)  Dans  Ton  Traité  concre  Colotès« 


DE    L  A  ReLIGI  O  N,&C.  Ij" 

de  la  croyance  commune ,  ne  vouloit  point 
que  Ton  entreprît  de  toucher  à  la  Religion 
populaire  (a)*  Dans  Cicéron ,  l'Acadé- 
micien Cotta  déclare  que  fur  la  Religion 
il  faut  s'en  tenir  aux  inftruftions  des  Prê- 
tres ,  fans  confulter  les  Philofophes  (t). 
Le  Stoïcien  Balbus  reconnoît  que  c'eft  une 
coutume  pernicieufe  &  impie  de  difputer 
contre  les  Dieux ,  foit  qu'on  le  fafïe  par 
conviâion  ou  par  amufement  (c).  Ces  Phi- 
lofophes fe  trompoient  dans  l'application 
du  principe  ;  mais  ils  donnoient  à  ceux  dd 
nos  jours  une  leçon  dont  ils  ont  mal  pro* 
fité.  ' 

Quoique  la  plupart ,  entêtés  des  princi- 
pes d'une  faufle  Métaphyfique  ,  ne  cruflênt 
point  les  peines  ni  les  récompenfes  de  la 
vie  future  ,  tous  cependant  ont  reconnu 
la  néceflîté  de  ce  dogme  pour  maintenir 
la  Ibciété,  Quand  ils  ont  parlé  comme 
Légiflateurs,  ils  ont  raifonné  tout  diflfé- 
remment  de  ce  qu'ils  enfeignoient  dans 
leurs  écoles  (d).  C'eft  ainfi  que  la  Philo- 
fophie  a  toujours  fait  profeflîon  de  fe  con- 
tredire ,  &  a  fouvent  rendu  à  la  Religion 
un  témoignage  forcé. 


(a)  Dans  le  Tirncc  &  TEpinomis. 

[h)  De  Nau  Deor,  1. 3  ^  n*  4* 

(c)   lbii»'l>  1,  in  fine, 

Id  )  Huitième  DilTect.  cirée  de  Vacburthon« 


i6  Apologie 

7®,  Les  Athées  les  plus  décidés  contre 
la  Religion ,  n'ont  pas  laiffé  d'en  avouer 
Futilité ,  lorfqu'ils  Tont  regardée  comme 
une  invention  des  Politiques  pour  retenir 
les  peuples  dans  le  devoir  :  ils  lui  ont  rendu 
hommage ,  même  en  la  calomniant.  En  trai- 
tant la  Religion  de  Fable ,  ils  conviennent 
que  la  beauté  de  la  vertu  peut  faire  im- 
preffion  tout-au-plus  fur  les  Philofophes 
&  fur  les  hommes  d'un  naturel  heureux  , 
mais  que  la  Religion  feule  peut  faire  agir 
la  plupart  des  autres  (a).  Pour  tout  hom- 
me qui  croit  un  Dieu ,  reconnoître  la  nécef- 
iïté  de  la  Religion ,  c'eft  en  confefler  la 
vérité  :  Dieu  n'a  pas  pu  attacher  à  l'erreur 
l'ordre  &  la  félicité  du  genre  humain. 

8**.  Malgré  la  prévention  de  nos  beaux 
cfprits  modernes  contre  la  Religion  ,  tous 
n'ont  pas  adopté  le  paradoxe  de  Bayle  à 
plufieurs  même  l'ont  réfuté,  «Telle  eft, 
P9  dit  le  plus  célèbre  de  nos  Ecrivains  ,  la 
.90  foiblefle  du  genre  humain  ;  &  telle  eft  (a 
»  perverfité ,  qu'il  vaut  mieux  fans  doute 
9»  pour  lui  d'être  fubjugué  par  toutes  les 
jo  luperftitions  poffibles  ,  pourvu  qu'elles 
a»  ne  foient  point  meurtrières ,  que  de  vivre 
»  fans  Religion.  L'homme  a  toujours  eu 
»  befoin  d'un  frein  ;&  quoiqu'il  fût  ridicule 

(n)  Ikîd*  Fjemiere  Diflert* 


DE  LA  Religion,  &c.       17 

»  de  facrifîer  aux  Faunes , aux  Sil vains,  aux 
»  Naïades ,  il  étoit  bien  plus  utile  d'adorer 
»  ces  images  fantaftiques  de  la  Divinité  » 
»  que  de  fe  livrer  à  FÀthéifme.  Un  Athée 
»  qui  feroit  raifonneur ,  violent  &  puifïànt , 
»  feroit  un  fléau  auflî  funefte  qu'un  fuperftî- 

»tîeux  fanguinaire Par-tout  où  il  y 

»  a  une  fociété  établie ,  une  Religion  eft 
»  néceflTaire.  Les  loix  veillent  fur  les  cri- 
3>  mes  publics ,  &  la  Religion  fur  les  crimes 
»  fecrets  »  (a). 

Nous  verrons  ailleurs  que  l'Auteur  de 
?Efprn  des  loix  établit  la  même  vérité» 
Celui  à^Emile  a  réfuté  Bayle  avec  encore 
plus  de  force  (h).  Dans  l  Encyclopédie  on 
a  examiné  foigneufement  la  queftion  ,  & 
on  l'a  jugée  en  faveur  de  la  Religion  (c). 
Dans  les  EJjais  Philojophiques  Jur  Ven^ 
tendement  humain  ,  on  traite  de  mauvais 
Citoyens  &  de  mauvais  Politiques  ,  tous 
ceux  qui  travaillent  à  défabufer  les^ommes 
des  préjugés  de  Religion  (4).  Mylord  Bo- 
lingbroke  ,  dans  une  Lettre  au  DoSleur 
Sivifi ,  n'en  parle  pas  plus  avantageufe- 
ment  (e).  WooUafton  reconnoit  que  fans 


«■M 


(«)  Traité  Tur  la  Tolérance,  c.  xo. 
ih)  Eniilc.rome  5  ,  p.  i8i  &  fuiv. 
ie)  Voyez  les  sut,  prohîté ,  ficîété ^  venu 
ià)  II'  EfTai,  corne  i»  p.  114. 
£€)  Mercure  Helvet«  Mal  17^7.1  F*  f  21» 

Tome  L  B 


i8  Apologie 

les  habitudes  religieufes ,  les  hommes  re- 
nonceroiént  bientôt  à  toute  vertu ,  rede- 
viendroient  féroces  &  fauvages( a).  «  Cher- 
3>  chez ,  dit  M.  Hume ,  un  peuple  qui  n'ait 
3>  point  de  Religion ,  fi  vous  le  trouvez , 
3>  loyez  fur  qu'il  ne  diffère  pas  beaucoup 
a>  des  bêtes  brutes  (è)  ».  L'Auteur  de  la 
Lettre  de  Thrajybule  à  Leucippe  ,  après 
avoir  fait  tous  fes  efforts  pour  établir 
l' Athéifme ,  convient  que ,  «  les  fiâions  de 
3>  la  vie  à  venir  font  néanmoins  très-avan- 
»  tageufes  au  genre  humain  ;  qiie  le  com- 
»  mun  des  hommes  eft  trop  corrompu  & 
»  trop  infenfé,  pour  n'avoir  pas  befoin 
»  d'être  conduit  à  la  pratique  des  aftions 
»  vertueufes  par  l'efpoir  de  la  rëcoms- 
»  penfe  ,  &  détourné  des  aftions  crimi- 
»  nelles  par  la  crainte  du  châtiment  (  c  )  ». 
Dans  VHomélie  fur  V Athéifme  ,  on  re- 
connoît  que  fans  l'opinion  d'un  Dieu  ré- 
numérateur &  vengeur  ^  la  plupart  des  hom- 
mes feroient  des  monflres(^). 

p^,  Bayle ,  lui-même ,  lorfqu^il  étoît  de 
fens  froid,  &  qu'il  n'étoit  plus  emporté  par 
la  vanité  de  défendre  un  fyftème  infenfé, 
réfutoit  (es  propres  principes.  «  Si  l'on  ne 

(  <)  1 5«  niflert  tirée  de  Varbunhon,  p,  173. 

{h   (Suvre<  PhiloT.  tome  5 ,  p.  la, 

ic\   Page  181. 

id)  Voyez  ci-aptèf ,  tome  1 2  ^c^* ^"^ ^'^'^'  ^^^ 


DE  LA  Religion,  &c.      ip 

»  joîgnoit  pas ,  dit-il ,  à  l'exercice  de  la 
»  vertu  ces  biens  à  venir  que  TEcriture 
30  promet  aux  fidèles  ,  on  pourroit  mettre 
»  la  vertu  &  l'innocence  au  nombre  des 
»  chofes  fur  lefquelles  Salomon  a  prononcé 
»  fon  arrêt  définitif,  vanité  des  vanités ,  &f 
7>  tout  ejî  inanité  »  (a).  Il  feft  donc  bien 
décidé  que  dans  le  fyftème  de  TAthéifroe 
&  de  l'Irréligion  ,  il  ne  refte  aucun  motif 
folide  pour  porter  les  hommes  à  la  vertu, 

oc  Généralement  parlant ,  dit-il  encore , 
»  la  véritable  &  la  principale  force  de  la 
»  Religion ,  par  rapport  à  la  pratique  de  la 
3>  vertu ,  confifte  à  être  perfuadé  de  l'éter- 
»  nité  des  peines  &  des  récompenfes  ;  & 
»  ainfi  en  ruinant  le  dogme  de  l'iiumor- 
»  talité  de  l'ame ,  on  caffe  les  meilleurs  ref- 
»  forts  de  la  Religion  »  (  fc  ). 

Après  des  aveux  auflî  formels ,  on  ofe 
écrire  que  la  morale  n'a  pas  befoin  d'être 
appuyée  fur  les  peines  &  les  récompenfes 
de  l'autre  vie  ;  que  par  la  feule  force  des 
loix  civiles ,  les  Etats  &  les  Nations  feroient 
beaucoup  mieux  policés  que  par  les  loix 
de  la  Religion  ;  Ton  n'a  pas  honte  de  re- 
mettre fur  la  fcène  un  fyftème  reconnu  faux 
par  fon  Auteur» 


(a  )  Dîâ.  cttc.  art.  Brutus ,  Kem»  F» 
ih  )  I^ii»  art»  SaiiwJenip  Renu  E. 

Bij 


TS- 


^o  Apologie 

lO^  Enfin  accordons  à  nos  adverfaircs 
plus  qu'ils  n'ont  droit  de  prétendre,  & 
plus  qu'ils  ne  prouveront  jamais,  l'inutî- 
îité  abfolue  de  la  Religion  pour  appuyer 
la  -morale  &  les  fondemens  de  la  fociété  ; 
s'enfuit -il  de -là  qu'il  faille  détruire  le 
Chriftianifme  ?  Je  foutiens  qu'il  s'enfuit  en- 
core qu'il  faut  le  conferver.  L' Athéifine  ou 
l'Irréligion  n'eft  point  un  état  naturel  à 
l'homme  ;  pour  être  Athée ,  il  faut  être 
ou  abruti  jufqu'à  la  flupidité ,  ou  égaré  par 
une  fauflè  Philofophie.  Dans  les  Etats  po- 
licés ,  le  peuple  n'eft  ni  l'un  ni  l'autre.  S'il 
n'a  pas  une  Religion  vraie ,  il  s'en  fera  né- 
ceÛairement  une  faufle  ;  cela  eft  démontré 
par  la  conduite  de  toutes  les  Nations  de  l'u- 
nivers. L'Auteur  lui-même  s'eft  propofè 
cette  objeftion  ,  &  il  n'y  a  rien  répon- 
du (  a  )•  Avant  de  conclure  à  la  deftruâion 
du  Chriftianifme  ,  il  faut  donc  commen- 
cer par  prouver  que  c'eft  la  pfusmauvaife 
de  toutes  les  Religions ,  &  nous  en  afiigner 
une  autre  qu'il  (oit  plus  avantageux  de 
donner  au  peuple. 

Nous  propofera-t-on  le  Déifme  ou  la 
Religion  de  la  Chine  ?  Mais  cette  Reli- 
gion tant  vantée ,  ne  peut  encore  fatis- 
faire  ni  le  Peuple  ni  Içs  Philofophes.  A 

^(0)  Préface^  p.iv» 


DE   LâReLIGION,&C.        21 

la  Chine  plufieurs  Lettrés  font  Athées  &c 
Matérialiftes ,  comme  chez  nous  ;  le  peuple  « 
fans  exception  ,  efi  idolâtre  (a).  Ce  fait 
confirme  ce  que  l'on  vient  d'avancer. 

Que  prétendent  donc  les  ennemis  du 
Chriftianifme  ?  Qu'ils  foient  Athées ,  s'ils 
le  veulent ,  c'eft  leur  afiaire  ;  mais  pour 
rendre  les  peuples  entiers  femblables  à 
eux ,  il  faut  commencer  par  les  abrutir. 
C'eft  tout  le  prodige  que  peut  opérer  Ja 
Philofophie  de  nos  jours. 

5.  6. 

Cependant  notre  nouveau  Politique  , 
dès  l'entrée  de  fa  Préface ,  commence  par 
ie  couronner  de  fes  propres  mains.  Un 
prétendu  Cenfeur  qui  a  lu  fon  ouvrage  » 
eft  forcé  de  convenir  que  tout  y  eft  dé- 
montré &  inconteftable  ;  il  eft  réduit  à 
confeflèr ,  que  le  Chrijiianifme  eft  un  tijfâ 
itabfurdités ,  &  le  produit  informe  de  pref- 
que  toutes  les  anciennes  fuperftitions;  qfxc 
c'eft  une  Rekgicn  fanguinaire ,  qui  chantée 
les  Rois  en  tyrans ,  &  les  peuples  en  ef- 
clave»  ;  qu'wn  bon  Chrétien  ne  peut  avoir 
aucune  connoijjance  de  la  vraie  morales 
quil  ne  peut  être  qu^un  mifant[ope  inutile 


S2  Apologie 

ou  un  fanatique  turbulent  (a).  Ainfi  dans 
trois  pages ,  ou  plutôt  dans  trois  mots ,  la 
caufè  de  la  Religion  eA  jugée  fans  appel  ; 
voilà  le  ton  qui  règne  dans  tout  l'ouvrage. 
Nous  montrerons  en  détail  la  faufleté  & 
rabfurdité  de  ces  déclamations  qui  revien-- 
aent  à  tout  moment. 

Il  prétend  néanmoins  que  fon  Livre  ne 
fçauroit  être  dangereux  pour  le  peuple  ;  le 
peuple ,  dit-il,  eft  incapable  de  lire  &  de  rai- 
fonner  ;  quand  mime  un  infenjé  confeiUeroit 
aux  gens  du  peuple  de  voler  ou  d^ajajjîner  , 
le  gibet  les  avertirait  de  nen  rien  faire^ 
Si  par  hafard  ilfe  trouvait  parmi  le  peu- 
ple un  homme  capable  de  lire  un  ouvrage 
fhilafophique  ^  il  eft  certain  que  ce  ne  ferait 
pas  communément  un  fcélérat  à  craindre  .• 
d'ailleurs  la  vérité  n'eft  jamais  capable  de 
nuire  (b).  L'apologie  eft  courte ,  voyons 
£  elle  eft  fenfée. 

Il  s'enfuit  bien  clairement  des  princi- 
pes de  l'Auteur ,  i*^.  que  tout  nomme 
aftêz  habile  pour  dérober  fes^  forfaits  à  la 
connoiflance  du  public ,  ou  afiez  fort  pour 
fe  fouftraire  à  la  peme  du  gibet ,  peut  être 
voleur  &  aflkflin  fans  conféquence  ;  il  n'a 
rien  à  redouiDer  ni  en  ce  n^ionde  ni   ea 


ia)  Préface,  pp. ij «  i^  &  ly» 
(i')  Jbid»  p*  V» 


! 


Db  la  Religion, &c.  25 
Fautre  ;  2*^.  que  tous  Ie$  crimes  contre 
lefqueis  la  loi  civile  n'a  ftatué  aucune 
peine  t  ne  doivent  plus  nous  faire  horreur  ; 
on  peut  fans  fcrupiûe  manquer  à  fa  parole  » 
trahir  un  ami ,  violer  la  foi  jurée ,  fé- 
duire  l'innocence  ,  troubler  l'union  des 
familles,  &c.  il  n'y  a  point  de  fupplice 
à  craindre  pour  tout  cela.  Telle  eft ,  félon 
notre  Cenfeur ,  l'édifiante  morale  que  l'on 
peut  enfeigner  au  peuple  fans  aucun 
danger. 

Le  peuple  n'eft  pas  capable  de  lire  un 
ouvrage  philofophique  ;  mais  il  eft  très- 
capable  d'entendre  le  langage  &  les  ma- 
ximes du  Chrijlianifme  dévoilé  ••  que  la 
Religion  eft  un  ti0u  de  chimères  &  d'ab* 
furdités  ;  que  nous  voyons  des  Princes  rem^ 
plis  de  foi  entreprendre  les  guerres  les  plus 
injujies  ^  prodiguer  inutilement  le  fang  Gi* 
les  biens  de  leurs  Sujets ,  arracher  le  pain 
des  mains  du  pauvre ,  permettre  Cr  même 
ordonner  le  vol ,  les  concujfîons  ^  les  injuf- 
tices  ^  que  parmi  les  Prêtres  nous  voyons 
régner  l'orgueil ,  V avarice  ^  la  lubricité , 
ïejfprit  de  domination  Gr  de  vengeance  (b). 
Ces  déclamations  mille  fois  répétées  dans  un 
Livre  ,  n'ont  pas  befoin  de  commentaire  ; 
fans  être  Philofophe,  le  peuple  conclura 


■"^'■■•^^-"«•^■■•■«■■«■■■««■■««■■iaaMMaiMMitfHaiP» 


(H)  Préface ,  pp,  ix  &  >• 


l 


â4  Apologie. 

aifémcnt  qu'il  faut  courir  fus  aux  Prêtres  & 
aux  Princes ,  détruire  le  Sacerdoce  &  la 
Royauté. 

Un  homme  capable  de  lire  un  ouvrage 
philofophique  ,  n^eft  pas  communément  un 
fcélérat  à  craindre.  S'il  ne  l'eft  pas  com- 
munément ,  il  peut  du  moins  l'être  ;  parmi 
les  gens  de  Lettres  il  peut  y  avoir  de  mau- 
vais cœurs.  Dans  un  fiècle  où  tout  le  mon- 
de fe  pique  de  fçavoir ,  des  connoiilànces 
communes  font-elles  un  frein  bien  aflliré 
contre  le  crime?  Quand  le  Chriftianifmt 
dévoilé  ne  pervertiroit  qu'un  feul  homme, 
n'en  eft  ce  pas  aflez  pour  le  profcrire  & 
pour  faife  détefter  l'Auteur?      "^ 

La  vérité  n^eft  jamaif  capable  de  nuire  s 
mais  c'eft  juftemcnt  ce  qui  prouve  que 
le  fyftème  qu'on  nous  propofe  n'eft  pas  la 
vérité. 

Si  nous  en  croyons  notre  fage  Critique , 
teft  la  Religion  qui  fit  éclorre  les  defpotes 
&*  les  tyrans  ;  les  Rois  furent  appelles  les 
images  de  Dieu  ,  ils  furent  abfotus  comme 
lui ,  ils  créèrent  le  jufle  &  L^injujie ,  leurs 
volontés  fanSifierent  fouvent  Vopprejjion  * 
la  violence*  la  rapine  ,  &(r.  (a)  :  &  voilà 

précîfémeat 


DE  LA  Religion,  &c.        a^ 

précifément  te  defordre  que  l'Auteur  veut 
établir ,  en  détruifànt  toute  Religion  ;  il 
prétend  que  la  volonté  du  Prince  foit  la 
feule  loi  fuprême  ,  qu'il  n'y  ait  d'autres 
peines  à  craindre  que  celles  qu'il  peut  in- 
fliger ,  d'autres  récompenfes  à  efpérer  que 
celles  qui  dépendent  de  lui.  N'eft  -  ce  pas 
alors  que  les  Souverains  feront  abfolus 
comme  .Dieu ,  &  qu'à  proprement  parler 
ils  feront  les  feuls  Dieux  de  la  Terre  ? 

Un  Souverain  .  dit-il ,  à  qui  la  fociété  a 
confié  V autorité  fuprême  ^  tient  dans  fes 
mains  les  grands  mobiles  qui  agijfent  fur 
les  hommes  ;  il  a  plus  de  pouvoir  que  les 
Dieux  ^  pour  établir  Gr  réformer  les  mœurs. 
Sa  pré  fend ,  fes  récompenfes ,  fes  menaces , 
ue  disrje  /  un  feul  de  fes  regards  peuvent 
ien  plus  que  tous  les  fermons  des  Prêtres» 
Les  honneurs  de  ce  monde  j  les  dignités ,  les 
richejjes ,  agijfent  bien  plus  fortement  fur 
les  hommes  les  plus  religieux  ,  que  toutes 
les  efpérances  pompeufes  de  la  Religion.  Le 
courtifan  le  plus  dévot  craint  plus  fon  Roi 
que  fan  Dieu  (a  ). 

Ce  langage  ,  emprunté  de  Bayle  (  i^  ) , 
cft  un  chef-d'œuvre  d'abfurdité.  D'un  côté 
l'Auteur  s'élève  contre  le  defpotifme  des 


î. 


{«)  Préface  j  page  xx. 


26  Apologie 

Rois  ;  de  l'autre  H  les  rend .  feuls  arbitre^ 
de  la  deftinée  des  hommes  :  il  les  accufe 
d'avoir  créé  le  jufte  &  l'injûfte,  &  il  né 
reconnoît  d'autre  règle  que  la  loi  émanée 
de  leur  autorité  ^  pour  diftinguer  le  crime 
de  la  vertu.  IlJeur  reproche  de  s'être  mis 
à  la  place  de  Dieu,  SciMeur attribue  plus 
de  pouvoir  qu'à  Dieu:  il  les  blâme  d'abu- 
fer  de  la  Religion  pour  aflfervir  le  peuple 
à  leurs  volontés  ,  &  il  veut  détruire  la  Re- 
ligion ,  qui  eft  la  (eule  barrière  qu'an  puifl'e 
oppofer  à  l'abus  de  leur  pouvoir. 

Cejî  fu  Svuv£rain  ^  félon  lui ,'  quil  ap^ 
fartUnt  de  reformer  les  mœurs  ;  elles  fe- 
ront bonnes ,  larfque  le  Prince  fera  bon  & 
vertueux  lui-même  (a).  Mais  fi  malheùreu- 
femcnt  il  étoit  vicieux  ,  que  deviendroient 
alors  les  mceurs  ,  les  loix ,  l'Etat  &  la  àe(' 
tinée  des  peuples  ?  N'eft-ee  pas  alors  que 
fa  volonté  janHifiera  t'oppreffîon  ^  la  vio^ 
lence  ^  la  rapine  ?  Si  tout  dépend  de  la 
conduite  &  du  caraâere  du  Souverain , 
quQl  eft  le  garant  qui  nous  en  répondra , 
d^s  qu'il  n'y  aura  plus  de  Religion,  & 
que  le  Souverain  .ignorera  s'il  y  a  un 
Pieu  ? 

On  reconnoît  ici  toute  fa  fegacité  de 
l'efprit  philofophique  \.  il  n'a  de  force  que 


f^mf 


(4)Pïéfacc,  pagcxxi. 


DE  LA  Religion,  &c.  ±7 
pour  détruire  :  c'eft  à  faire  des  objeftions 
contre  la  Religion  qu'il  triomphe.  S'agit- 
il  d'y  fubftituer  vta  fyftème  raifonnable  > 
Nos  fçavans  Critiques  tombent  au  premier 
pas ,  tous  leurs  principes  font  des  contra- 
didiotï&4 

$.  8. 

Rîert  de  plus  éloquent  que  les  déclama- 
tions de  l'Auteur  fur  l'inutilité  de  la  Reli- 
gion. Les  hommes  ,  dit-il  y  mettent  toujours 
la  Religion  de  côté  ^  dès  quelle  s'oppofe 
à  leurs  dejîrs  y  ils  ne'^Yécoutent  que  lorf^ 
quelle  favorife  leurs  paffîons  ,  lorfquellé 
s'accorde  avec  leur  tempérament  ^  &•  avec 
les  idées  qu  ils  fe  font  du  bonheur ^1A-AqS\j^ 
il  peint ,  fous  les  plus  noires  couleurs ,  la 
conduite  des  Souverains  &  des  Prêtres  «  de$ 
Grands  &  du  Peuple  (  ^  )• 

FafTcMisJui  pour  un  moment  Pamertiimô 
de  fa  cenfure  ;  quelle  conféquence  peut-il 
en  tirer?  La  Religion  n'étouffe  pas  entière- 
ment les  paflîons  \  donc  il  faut  l'anéantir  : 
de  même  les  loix  civiles  nVrêtent  pas  tous 
les  crimes  ;  donc  il  faut  les  fupprimer. 
«Dire  que  la  Religion  n'eft  pas  un  motif 
»  réprimant ,  parce  qu'elle  ne  réprime  p£» 
»  toujours ,  c'eft  dire  que  les  loix  civiles  ne 


■«p 


(  #  )  Ptéface,  p.  ix  &  Aiiy^ 

Cia 


5?  Apologie 

pp  font  pas  un  motif  réprimant  non  plus  ».. 
Aînfî  raifonne  contre  Bayle  ,  TAuteur  de 
l'Efprit  des  Loix  (a). 

Affranchir  les  paflîons  du  joug  de  Ist 
Religion  ,  pour  ne  leur  oppofer  d'autre 
barrière  que  les  Loix ,  c'êft  ôter  à  un  ani- 
mal féroce  le  plus  fort  des  liens  qui  le  re- 
tiennent ,  pour  ne  lui  en  laifler  qu'un  dont 
îl  n'eft  enchaîné  qu'à  moitié.  Plus  Iqs  Loîx 
font  fëveres  &  multipliées  y  plus  elles  font 
impuiffantes  :  le  grand  nombre  des  Loix 
çft  la  marque  certaine  de  là  décadence  des 
mœurs.  CorruftiJJîma  Rejpublica  ^  flurimct 
hg&s. 

Mais  l'Auteur  ne  fe  borne  pas  à  foutenîr 
que  la  Religion  eft  inutile;  il  prétend  qu'elle 
eft  pçrnicîeufe  ;  il  renouvelle  contr'elle  tou- 
tes les  calomnies  de  fes  ennemis  anciens  & 
modernes  (b).  Que  s'enfuit -il  encore  ? 
i  1°.  a  C'eft  mal  raifonner  contre  la  Religion , 
30  dit  Montefquieu  >  de  raflembler  dans  un 
»  grand  Ouvrage  une  longue  énumération 
3»  dés  maux  qu'elle  a  produits ,  Çi  l'on  ne 
V  fait  de  même  celle  des  biens  qu'elle  a  faits, 
»  Si  je  voulois  raconter  tous  les  maux 
?»  qu'ont  produit  dans  le  monde  les  Loix; 
p  civiles ,  1^  Monarchie  >   le  Gouverne-: 


(A)  EfpFic  des  Loîx,  livre  £4^  chap.  i% 
i*)  Frcf.p.xvij. 


DELA  ReliGION,&C.  2^ 

»  ment  Républicain  ,  je  dirois  des  chofes 
oo  effroyables  (a)».  2^  Accordons  le  prin- 
cipe pour  un  moment  :  toutes  les  Reli- 
gions,  fans  exception,  font  pernicieufes; 
mais  en  dépit  de  la  Philofophie  ,  J'homme 
eïl  invinciblement  déterminé  à  s'en  faire 
une  :  point  de  vie  fociale  fans  Religion, 
Il  faut  donc  préférer  la  moins  mauvaife  : 
refufera-t-on  encore  ce  privilège  au  Chrif- 
tianifnie  ?  3°.  Nous  démontrerons  que  ja- 
mais le  Chriftianifme  n^a  fait  de  mcil^ 
que  grâces  à  l'Evangile  ,  nous  fommes 
mieux ,  à  tous  égards  ^  que  les  Nations  infi^ 
délies  :  le  plus  grand  malheur  feroit.donc 
de  laîfler  détruire  ou  alfoiblir  la  Religioa 
parmi  nous. 

Notre  zélé  Citoyen  fe  plaint  de  ce  que 
l'éducation  n'a  aucun  rapport  à  la  politi- 
que 2  il  prétend  que  la  morale  religieufe 
fait  des  nommes  inutiles  ou  nuifibles  au 
monde;  que  c'eïïau  Gouvernement  &  à  la 
Politique  de  former  des  Citoyens.  U  veut 
donc  que  le  Gouvernement  ^  à  Caide  des 
Loix  ,  des  récompenfes  &*  des  peines ,  con- 
Jirme  les  leçons  que  ïéducatiori  aura  don--- 
nées  ;  que  le  bonheur  accompagne  tes  allions 


aÊtim>i^i^i^fmmmmmtmm>miÊ0mmmmmmtmmmimi9l* 


ia  )  E(pric  des  Lobe  »  i*  ^^>  c.  1. 


50  Apologie 

miles  &  vertaeufes  ;  que  la  honte ^  le  mépris^ 

le  châtiment  puniffentlt  crime  &  le  vice  (a). 

Beau  projet  en  idée ,  digne  de  la  Répu- 
blique de  Platon  !  L'exécution  en  eft-elle 
poffible  fans  Religion  ?  Jamais  ce  Philofo- 
phe  ne  l'auroit  penfé.  Chez  une  Nation 
Athée  ,  s'il  pouvoit  y  en  avoir  une ,  ceux 
qui  feront  à  la  tête  des  affaires  ,  auront-ils 
dç3  motifs  affez  puiflans  pour  fe  dévouer  au 
bien  public  ,  &  les  peuples  feront-ils  affez 
dociles  pour  faire  plier  leurs  paflîons  & 
leurs  intérêts  particuliers  fous  le  joug  de 
l'autorité  ?  C'eft  ce  qu'il  faudroit  examiner 
d'abord. 

Il  feroit  bo^n  de  nous  apprendre  enfuîte 
quels  feront  les  fondemens  d'une  morale 
toute  politique  &  fans  aucun  rapport  à  la 
Religion ,  quelles  notions  claires  &  certai- 
nes Ton  pourra  fe  former  du  vice  &  de  la 
vertu ,  quelle  règle  on  aura  pour  difcerner 
les  bonnes  loix  d'avec  les  mauvaifes  ? 

Enfin  il  faudroit  démontrer  en  détail  la 
poflîbilité  d'établir  des  récompenfes  tempo- 
relles pour  toutes  les  aftions  louables ,  des 
châtimens  fenfibles  pour  toutes  celles  que 
la  raifon  condamne  :  &  cela  eft  impratica- 
ble. Pour  punir  les  crimes  ,  il  n'eft  pas  né- 
cçflàire  d'exammer  l'intention  qui  les  a  fait 


{a)  Pséface  >  ïbiL 


BE   LA    Re-LIGÏÔN,  &C*  ^t 

commettre  ;  il  fuffit  qu'ils  foient  nuifibîes  à 
la  focieté.  Pour  récompenfer  une  adion 
vertueufc  ,  il  faut  en  connoître  le  motif» 
c'eft  ce  qui  en  fait  le  mérite  ;  &  qui  peut 
fonder  les  coeurs  ?  ou  trouvcra-t-on  un 
fonds  aflez  riche  pour  récompenfer  tout 
ce  qui  paroît  louable  ?  Aucun  Légiflateuf 
n'a  fuivi  ce  plan ,  &  aucun  ne  le  tentera 
jamais  C^}. 

Si  l'Auteur  avoit  raifonné ,  on  pourrolt 
fe  difpenfer  de  le  réfuter  plus  au  long  :  l'ex* 
pofition  feule  de  fon  fyftème  en  fait  fentir 
l'abfurdité.  Mais  il  né  raifbnne  pas ,  il  in  - 
veâive  ;  il  parcourt  toutes  les  matières  faes 
en  approfondir  aucune;  il  raflemble  toutes 
les  objedions  fans  les  prouver  ;  il  allègue 
des  faits  &  illes  d^uife  ;  il  cite  quelques. 
pafTages ,  &  ordinairement  il  les  falfifie  ;  fi 
l'on  fiipprimoit  les  répétitions ,  fon  Livre 
feroit  accourci  de  moitié  ;  il  feroit  réduit  à 
quelques  difficultés  communes  que  l'on  re- 
trouve dans  tous  les  Ecrits  des  Incrédules, 

Cependant  comme  il  attaque  fur-tout  la 
morale  du  Chriftianifme  &  le  culte  exté- 
rieur ,  ces  deux  points  ont  paru  mériter  une 
difcuflîon  particulière.  Dans  les  deux  Ou- 
vrages que  l'on  a  donnés  depuis  peu  au  Pu- 


(a). Pfeiuttre  DifTcriation  titU dé  Varburihon ,  p.  j^ 


Civ 


2  A  POLO  (5  11 

flic  (a) y  on  s'eft  attaché  principalement  à 
expofer  les  preuves  de  notre  Religion;  Ton 
n'a  parlé  qu'incidemment  de  fa  morale ,  de 
fon  culte  y  de  fa  difcipline  ,  de  fes  effets  :  la 
réfutation  du  Chrijlianïfmé  dévoilé  fervira 
de  fupplément  &.dé  fuite  à  cette  impor- 
tante matière.  Lorliju'il  fe  préfentera  des 
objections  que  nous  avons  déjà  réfolues 
ailleurs ,  on  nous  permettra  d'y  renvoyer  le 
Leûeur. 

S.  lo. 

r 

Le  Chrijiianifme  dévoilé  consent  fcîze 
chapitres.  Dans  le  premier ,  l'Auteur  expofe 
la  nécejfîté  d'examiner  la  Religion  ^  &*  les 
cbjiacUs  que  Von  rencontre-  dans  cet  exa* 
jnen  ;  il  accufe ,  mal-à-propos ,  les  Souve- 
rains &  les  Prêtres  de  lereaouter  &  de  l'in- 
terdire :  nous  ferons  voir  que  ce  reproche , 
toujours  faux;  ne  fut  jamais  plus  déplacé 
qu'aujourd'hui.  Comme  il  prétend  que  la 
Religion  Chrétienne  eft  un  rejetton  de  Ju- 
daïfme ,  il  fait  dans  le  fécond  chapitre  une 
Hifioire  faulfe  &  bizarre  du  peuplé  Juif  & 
de  fa  Religion  ;  &  il  en  juge  contre  toutes 
les  règles  de  la  juftice  &  de  la  bonne  foi. 
Dans  le  troifième  il  raconte ,  félon  fes  pré- 


(q)L^  Déifoie  réfuté  pat  lui-iuéme.  La  cerdcii<ie  des 

Preuves  du  Chri(liaDiraie« 


Di:  LA  Religion,  &c.  53 
jugés  ,  la  manière  dont  le  Chriftianifme  s^ejl 
établi  ;  &  les  aveux  qui  lui  échappent ,  fuffi- 
fent  pour  démontrer  que  cet  établiflement 
eft  furnaturel.  Dans  le  quatrième',  il.  exa- 
mine les  Notions  que  la  Religion  Chré^ 
tienne  nous  donne  de  Dieu  &  .de  fa  con- 
duite ;  c'eft  ce  qu'il  appelle  ,  par  dérifîon , 
la  Mythologie  Chrétienne  :  il  défigure  nptre 
croyance  pour  la  rendre  odieufe  &  ridi- 
cule» Le  cinquième  &  le'fixième  traitent  dé 
la  révélation  &*  de  fe's  preuves^  des  mira- 
cles ^  des  prophéties  y  des  martyrs  ^  maisfu- 
perficîeHement ,  fans  approfondir  aucun  de 
ces.objets  ;  il  ne  propofe  que  des  objeftions 
rebattues.  Dans  le  feptième  &  le  huitième ,  il 
expofe  les  myfteres  &*  les  dogmes  du  Chrif- 
tianifme  avec  peu  d'exaditude  >  &-fouvent 
avec  peu  de  fincérité.  Pour  infpirer  le  mé- 
pris du  culte  extérieur  &  des  cérémonies  de 
la  Religion ,  il  les  appelle  dans  le  neuvième 
la  Théurgie  des  Chrétiens,  Il  renouvelle 
dans  le  dixième  la  plupart  des  objeBions 
que  l'on  a  faites  contré  lés  Livres  faints  ,* 
dans  le  Diêliorînaire  Philofophique ,  dans  Iç 
Livre  de  Freret ,  dans  la  Philofophie  de 
THiJîoire ,  &c.  Les  trois  chapitres  fuivans 
renferment  V examen  ,  ou  plutôt  la  cenfure 
de  la  morale  de  t Evangile  ,  d^s  vertus  qu'il 
infpire ,  des  devoirs  fir-  des  pratiques  quii 
prefcrit  j  ç'eft  \'miçh  le  plus  eflfentiel  ^  9^ 


34  Apologie 

celui  fur  lequel  TAuteur  fait  paroître  une 
prévention  plus  aveugle.  Il  foutlent  dans  1« 
quatorzième ,  que  cette  morale  eft  direBe- 
mtnt  contraire  à  la  faine  politique  Gr  aux 
intérêts  de  lafociété;  c'eft  encore  une  répé- 
tition des  calomnies  de  Bayle  ,  de  Fréter , 
&  d'une  infinité  d'autres  Ecrivains.  Le 
quinzième  eft  une  déclamation  continuelle 
cotAre^YEglife  Cr  le  Sacerdoce^  Le  feizième 
UBQ.  récapitulation  aflez  inutile  de  ce  qui  a 
été  dit  dans  le  corps  de  l'Ouvrage. 

Nous  fuivrons  le  même  ordre ,  quoiqu'il 
ne  foit  pas  extrêmement  régulier ,  &  que 
l'Auteur  fe  répète  continuellement  ;  nous 
conferverons  même  tous  les  titres  dés  cha- 
pitres; nous  n'omettrons  rien  de  ce  qui 
peut  préfenter  la  moindre  apparence  de  dif- 
ficulté ;  mais  nous  fupprimerons  les  invec- 
tives indécentes ,  &  qui  fe  réfutent  elles- 
mêmes.  S'il  nous  arrive  quelquefois  de  ré- 
péter les  mêmes  réflexions  &  les  mêmes  ré- 
ponfes  ,  ce  n'ell  pas  à  nous  ,  mais  à  l'Au- 
teur qu'il  faut  en  attribuer  la  faute.         ■  - 

Oq  nous  blâmera  peut-être  d'avoir  trop 
fouvent  infifté  fur  des  ôbjedions  -frivoles  , 
fiir  des  fuppofîtions  dénuées  de  preuves  ; 
mais  dans  un  temps  où  tous  les  Livres  écrits 
contre  la  Religion  font  accueillis  &  lus 
avec  avidité,  où  les  moindres  fophifines 
font  vantés  comme  des  argumens  infolu- 


Ï5E  LÀ  Religion,  &c.  3T 
blés ,  où  les  fyftèmes  les  pluis  abfurdes  peu" 
vent  faire  fortune ,  au  moins  pendant  quel" 
ques  xnomens ,  &  féduire  une  infinité  de 
ledeurs ,  il  nous  a  paru  néceflàîre  de  ne 
rien  négliger.  Nous  aimons  mieux  pouffer 
l'exaftitudc  jufqu'à  l'excès ,  que  de  donner 
lieu  à  aucun  reproche  contre  la  caufe  que 
nous  foutenons ,  &  de  laiflèr  le  moindre 
nuage  fur  la  vérité. 

Il  étoit  impoffiblc  de  faire  une  réfuta- 
tion plus  courte.  Pour  démontrer  la  fauf- 
feté  d'une  fuppofition  hafardée  ,  il  faut 
fouvent  confulter  l'Hiftoire  ,  éclaircîr  des 
faits  a  expliquer  uiï  dogme  ,  raffembler  des 
preuves.  Si  notre  marche  eft  moins  légère 
que  celle  du  Critique  dont  nous  fuivons 
les  écarts,  elle  fera  plus  iur#,  &  conduira 
plus  çffiç2icement  le  Leftevix  à  h  çonnoif- 
fance  du  vrai. 

Il  n'eft  pas  moins  difficile  de  répondre 
d'une  manière  intéreflante  à  des  difficul- 
tés qui  fe  réduifent  à  rien ,  lorfqu'elles 
font  dépouillées  du  ftyle  empoulé  &  dé- 
clamateur  dont  elles  étoient  revêtues  :  le 
Lèfteur  pourra  s'ennuyer  d'entendre  répé- 
ter fans  çeffe  ;  cela  eft  faux  ;  ï Auteur  im" 
pofe  ;  il  calomnie.  Mais  le  danger  d'être 
peu  lu  ,  doit  -  il  nous  engager  à  trahir  les 
intérêts  de  la  Religion  ?  Ses  ennemis  ne 
craignent  peint  de  révolter  les  efprits  rai^ 


3^  Apologie 

lonnables  par  des  attaques  furieufes  &  in- 
décentes ;  aurons  -  nous  peur  de  dégoûter 
le  Public  par  des  apologies  froides  &  in- 
fîpides.  Pourvu  qu'elles  foient  folides  & 
convaincantes  ,  on  doit  nous  difpenfer  de 
les  rendre  agréables  :  des  difcuflîons  aufïî 
férieufes  ne  font  point  faites  pour  amufer 
les  efprîts  frivoles  ;  il  faut  laiflèr  les  pres- 
tiges du  ftyle  aux  Charlatans ,  qui  cher- 
chent à  féduire. 

En  répondant  à  un  Ecrivain  qui  s'oublîo 
&  s'emporte  à  chaque  inftant ,  il  eft  dange- 
reux de  prendre  un  ton  d'aigreur  ;  nous  tâ- 
cherons de  l'éviter  autant  qu'il  ferapoffible^ 
Au  langage  de  la  prévention  &  de  la  haine , 
nous  oppoferj^  celui  de  l'innocence ,  de 
Ja  droiture ,  delà  vérité.  Nous  nous  abftien- 
drons  de  nommer  PAuteur ,  parce  qu^il 
n^eft  plus,  &  que  c'eft  peut-être  un  nom 
emprunté  :  nous  n'en  voulons  point  à  la 
perfonne,  c'eft  au  Livre  feul  que  nous  nous 
propofons  de  répondre. 

Pour  rendre  l'apologie  de  la  Religion 
plus  complette ,  nous  avons  fait  des  remar- 
ques fur  plufieurs Ouvrages  très-conformes 
pour  le  fond  &  pour  le  ftyle  au  Chrifiia- 
nifme  dévoilée  Le  DiElionnaire  Philofophi- 
que  y  la  Phdofophie  de  PHiJîoire  ,  le  Traité 
fur  la  Tolérance  ;  V  Examen  important  de 
Mjlord  BoUn^brQh  ,   le   Catéckifme    de 


BE  LA  Religion,  Sec.  57 
Fkannête  Homme  ,  le  Sermon  des  Cirt^ 
quart  te ,  les  QueJIions  de  Zapata  ,  le  Dfncr 
du  Comte  de  Boulainy  illier  s  >  &c.  renou- 
vellent les  mêmes  objeftions  que  le  Livre 
de  Frère t  &  que  le  Chriftianifme  dévoilé. 
Déjà  Ton  avoir  publié  YExamen  de  la  iîe- 
ligion  y  attribué  à  Saint  -  Evremont ,  VA- 
nalyfe  de  la  ReVgion  Chrétienne  par  Du- 
marfais  ,  &  le  Militaire  Pkilofophe ,  où 
l'on  a  dit  précifément  les  mêmes  chofes , 
où  l'on  a  luivi  le  même  plan  &  la  même 
méthode  :  voilà  bien  des  répétitions.  Nous 
aurons  foin  de  relever  ces  divers  aggref* 
feufs ,  autant  de  fois  que  l'occafion  s'en 
préfentera ,  &  que  la  matière  paroîtra  l'e- 
xiger ;  mais  en  nous  attachant  toujours 
principalement  au  texte  du  Cbrijiianifmc 
dévoilé.         • 

Comme  la  plupart  de  ces  Livres  font 
anonymes ,  &  qu'Û  eft  incertain  fi  plufieurs 
autres  qui  ont  été  publiés  fous  le  nom  de 
quelques  Auteurs  refpedables ,  font  vérita- 
blement  d^eux ,  on  le  croit  moins  obligé 
de  l«s  ménager  dans  la  réfutation,' 

Il  eft  à  propos  de  prévenir  le  Ledeur; 
cju'il  faut  diftinguer  deux  Ouvrages  ,  in- 
titulés :  Mélanges  de  Littérature ,  d'Hifloirs 
&*  de  Plîilofophie  ;  l'un  en  cinq  volumos 
in-  12  ,  attribué  à  M,  d'Alembert  ;  nous 
jca  avons  cité  cjuelque^  jrçflexiQUS  très-juf-i 


58  Apologie 

tes ,  &  ce  n'eft  point  fur  celtii  -  ci  que 
tombe  notre  cenfure  :  l'autre  en  quatre 
volumes  in- 8^,  inféré  dans  la  Colleârion 
complette  des  Œuvres  de  M.  de  Voltaire  » 
&  qui  forme  les  tomes  trois ,  quatre  & 
cinq  de  cette  Colledion.  Il  eft  fâcheux 
pour  la  gloire  de  cet  Ecrivain  très-célè- 
bre, que  l'on  ait  fait  paroître  fous  fon  nora 
des  Livres  pleins  d'erreurs ,  &  dont  nous 
avons  été  obligés  de  réfuter  quelques  en- 
droits :  fouvent  il  s'eft  plaint  lui-même 
de  la  hardiefTe  des  Libraires  ;  en  attaquatit 
de5  Ecrits  qu'il  n'a  point  avoués  ,  nous  ne 
croyons  point  manquer  aux  égards  qui  lui 
font  dûs. 

En  général  nous  fkifbns  profeûSpn  de 
refpeder  lès  talens  fupérleu|^ ,  dans  ceux 
même  qui  en  abufent.  Un  Ecrit  pernicieux  » 
dont  nous  montrons  les  erreurs  ,  ne  nous 
empêche  pas  de  rendire  juftice  aux  Ouvra* 
ges  d'un  autre  genre  qui  paroiflènt  être  for- 
ris  de  la  même  plume^  Mais  les  plus  grands 
fervîces  rendus  à  la  Littérature ,  ne  donnent 
droit  à  perfonne  de  calomnier  la  Religion  » 
ni  d'enlever  à  la  fociété  le  plus  précieux  de 
tous  les  biens.  Les  Ecrivains  les  plus  capa* 
blés  d'éclairer  leur  Cècle  ne  méritent  plusr 
nos  hommages  >  dès  qu'ils  ceflent  de  refpec- 
ter  la  venu.  Un  des  objets  qne  nous  noua, 
propofons  dans  nos  Remiarques  >  eft  de  ïes 


DE  LA  Religion,  &:c.      j^ 

engager  à  faire  un  meilleur  ufage  de  leurs 
lumières ,  à  fe  renfermer  dans  les  bornes  de 
leur  talent,  à  ménager  davantage  leur  répu- 
tation. 

A  Dieu  ne  plaife  qu'en  donnant  aux  In- 
crédules le  nom  de  Fhilofophes ,  on  cherche 
à  décréditer  la  vraie  Philofophie  :  elle  eft 
également  utile  à  la  Religion  &  à  la  Socié- 
té. Ce  n'eft  point  décrier  fart  de  guérir , 
que  de  démaïquer  lés  Empyriques*  Lorfqiie 
nous  accufons  les  Philolophes  de  liberti- 
nage ,  ou  d'enfeigner  une  morale  fauflè  & 
pernicieufe  ,  nous  ne  prétendons  pas  éten- 
dre ce  reproche  à  tous  fans  exception  : 
nous   reconnoiflbns  avec  plaifir  qu'il  en 
eft  plufieurs   dont  la   conduite  eft  irré- 
prochable ,    qui    fdht    profeflion    d'une 
Jxaâ:e  probité ,  qui  défapprouvent  même 
fes  excès  &  les  égar^  mens  des  autres*  Les 
BLites  &  les  erreurs  font  perfonnelles  ;  on 
le  doit  les  attribuer  qu'à  ceux  dont  nous 
dtons  nommément  les  Ecrits.  Sans  haine , 

Sns  partialité  ,  fans  prévention  contre  qui 
le  ce  foit ,  nous  nous  bornons  à  l'examen 
î  Livres  publiquement  connus  ,  fur  lef- 
tiels  tout  nomme  a  droit  de  dii:e  fon  avis, 
ttachés  d*efprit  &  de  cœur  à  la  Religion 
kîntedont  n^us entreprenons  l'apologie, 
tous  n'avons  d'autre  intérêt ,  ni  d'autre  am- 
îtion  »  que  d'infpirer  à  nos  Lefteurs.  les 


^o  Apologie 

^ntimens  de  refped  &  d'amour  dont  nous 

femmes  pénétrés  pour  elle. 

Depuis  la  première  édition  de  cet  Ou- 
vrage ,  il  en  a  paru  un  nouveau  fous  le 
titre  de  L  ettres  à  Eugénie  ,  qui  a  une  con- 
formité iînguliere  avec  le  Chrifiianifme  dé- 
voilé ;  le  plan  ,  le  fyftème  ,  les  objeâions , 
le  ftyle  >  font  precifément  les  mêmes  dans 
ces  deux  Livres,  Lequel  a  fervi  de  modèle 
à  l'autre  ?   C'eft  ce  que  nous  ignorons: 
mais  il  eft  certain  qu'ils  ont  été  copiés 
l'un  &  l'autre  fur  la  Contagion  facrée  ,  tra- 
duite de  l'Anglois.  L'Auteur  de- celui-ci, 
partifan  outré  de  l'indépendance^  a  juré 
ttne  haine  irréconciliable  à  toute  Religion, 
parce  que  toute  Religion  prefcrit  l'obéif- 
lance  au  Gouvernenj|)nt  ;  les  vapeurs  de 
fa  bile  ne  peuvent  manquer  de  produire  I 
de  grands  effets  parmi  nous.  Par  les  cita- 
tions que  nous  aurons  foin  de  rapprocher, 
le  Ledeur  fera  convaincu  que   ces  deux  1 
derniers  Ouvrages  fe  trouvent  réfutés  par 
nos  réponfes  ♦  avant  même  qu'ils  ayent 
paru» 

îm 


jCHAPITRB 


i 


L  DE  LÀ  Keligioit,  &C       4Ï. 

•CHAPITRE  PREMIER- 

Ds  la  nécejpté  d* examiner  la  Religion^ 
&*  des  objlacles  que  ton  nncorure  dam 
jcet  exameru 

jLïs  Dofteufs  de  la  Religion  Chrétienne 
n'ont  jamais  prétendu  interdire  à  perfonne 
Ja  liberté  d'en  examiner  les  preuves  ;  c'éfl: 
I    non-feulement  un  droit  qu'il  feroit  injidle 
d'ôter  aux  hommes ,  mais  encore  une  obli- 
gation qu'il  eft  eflentiél  de  leur  prêcher.  Le 
Chriftianifme ,  loin  d'impofer  à  fes  Se£ta- 
\  teurs  le  joug  d'une  crédulité  aveugle ,  corn- 
1   me  feè  ennemis  l'en  ont  toujours  accufé  (4)» 
leur -commande  au  contraire  d'ctre  toujours 
prêts  à rendreraifonàe leur  e/pérarrée (fcjXa 
.    foi  n'eu  point  un  entêtement  de  fyftème* 
(   mais  unejbumijjîan  raifonndble  (  c  ).  La  mùl- 
^   titude  djes  Ouvrages  qui  ont  étécompofês^ 
liir-tout  dans  ces  derniers  fiècles  ,  pour  dé. 
Telopper  les  principes  ,les  preuves,  lesdog. 
mesj  la  morale  du  Chriftianifme,  pour  tri-  ' 


CA)  Orig.. conte  Cclf.  1.  i ,  ^dit.  de  Canibiidg*.,  .p.  8, 
.(.t)  I  Feiri,  3,15.  •  *i 

35 


^2  Apologie 

pondre  aux  objeâions  de  ceux  qui  les  ont 
attaqués ,  font  un  témoignage  certain  de 
l'efprlt.qui  anime  les  Mipiftres  de  cette  Re- 
ligion ,  &  du  zèle  fincere  dont  ils  font  péné- 
trés pour  l'inftruclion  des  peuples. 

C'eft  une  vaine  déclamation  de  dire  que 
les  hommes  j  pour  la  plupart ,  ne  tiennent  à 
leur  Religion  que  par  habitude  ;  que  cette 
Religion  fut  toujours  la  chofe  quiU  craigni- 
rent le  plus  d' approfondir  ;  que  jamais  ils 
nom  daigné fe  rendre  compte  de  leur  croyan-> 
ce  (a)  y  Se  de  continuer  fur  c«  ton  dans 
toute  la  fuite  d'un  chapitre. 

Si  ce  reproche  peut  être  vrai  à  Tégard 
des  peuples  élevés  dans  l'infidélité,  dans  l'i- 
dolâtrie, dans  le  Mahométifme ,  des  peu- 
ples qui  n'ont  aucune  teinture  des  lettres  ni 
des  fciences ,  il  eft  abfolument  déplacé  parmi 
les  Chrétiens  ;  il  l'eft  encore  davantage 
dans  un  fiècle  &  chez  une  Nation  où  l'étude 
&  les  connoiflances  font  plus  commu- 
nes &  ont  fait  plus  de  progrès  que  par-tout 
ailleurs. 

Jamais  l'on  a  écrit  avec  autant  de  liber- 
té ,  difons  mieux ,  avec  autant  de  licence 


(^)  Chrift.  dévoilé ,  page  i.  Examen  importanc  àç  My 
loi-J  Bolingbrokc  ,  proëm.  page  i.  Examen  de  la  Religion , 
Tous  Le  nom  de  Saint- fcvremonc,  chap.  i.  Le  Militaire  Phi- 
lofophs,  chap.  4.  Première  Letcfe  â  Eugénie  >  tome  tf 
p.  1^.  Conugion  facrés^  chap.  1 9  p.  ii. 


DE  LA  Religion,  &c.      45 

qu'aujoui-d'hui  fur  la  Religion.  Si  elle  étoit 
mal  fondée ,  fi  les  preuves  en  étoient  douteu- 
fes ,  il  y  a  long-temps  que  Ton  feroit  par- 
venu à  les  détruire ,  à  faire  voir  ,  par  des 
démonfirations  fans  réplique ,  la  fauflfeté  de 
cette  Religion,  coatre  laquelle  les  Philofo- 
phes  réunifient  tous  leurs  efforts,  contre 
laquelle  leur  plume  diftile  un  fiel  fi  amer* 
Leurs  Livres  font  entre  les  mains  de  tout 
le  monde;  grâces  au  zèle  Philofophique  • 
ils  font  répandus  dans  toute  l'Europe,  Si 
jamais  ces  matières  peuvent  être  éclaircies, 
elles  le  font  certainement  aujourd'hui  :  ce 
n'eft  plus  le  temps  de  dire  qu'on  n'a  pas 
«ncore  examiné  le  Chriftianifme» 

Après  tant  de  difcuflîons ,  de  raifonne- 
mens  ,  de  clameurs  «  a-t  -on  réuiïi  à  détronv- 
per  l'univers ,  à  confondre  les  ApologiÛes 
Chrétiens  î  Quel  a  été  le  fuccès  des  Apôtres 
de  l'Irréligion  ?  Leurs  viâoires  font  con- 
nues* Ils  ont  féduit  de  jeunes  imprudens , 
qui  ont  voulu  lire  les  objedions  contre  la 
foi ,  avant  que  d'en  avoir  étudié  les  preu- 
ves ,  en  qui  les  paflSons  naiflantes  ont  pré- 
fidé  à  l'examen  ,  &  ont  jugé  en  dernier  ref- 
fort;  ils  ont  aveuglé  quelques  leâeurs.  qui 
à  peine  iiiftruits  des  dogmes  de  leur  croyan- 
ce ,  n'ont  jamais  réfléchi  fur  les  raifons  qui 
les  établifïent;  ils  ont  confirmé  dans  l'incré- 
dulité des  efprits  déjà  pervertis ,  en  qui  le 

Dij 


44  Apologie 

/  libertinage  avoir  effecé  depuis  long-temp^ 
les  principes  de  Religion,  Pour  ceux  qui 
l'ont  étudiée  avec  foin  ,  qui ,  exempts  de 

{)affions  &  de  préjuge ,  étoicnt  capables  de 
aire  un  examen  impartial ,  quel  fruit  ont- 
ils  remporté  de  la  lefture  des  Ecrits  de  nos 
Cenfeurs?  De  Tindignation  ou  de  la  pitié. 
Quelques  -  uns ,  moins  éclairœ  ,  ont  été 
éblouis  d'abord  ;  leur  foi  a  été  ébranlée 
pour  quelques  momens ,  mais  ils  ont  été 
bietlrôt  détrompés  par  la  lefture  des  Livres 
de  nos  Apologiftes ,  &  leur  croyance  eft 
devenue  plus  ferme.  Ce  ne  font  donc  pas 
ceux  qui  demeurent  aujourd'hui  attachés  à 
'  leur  Religion  qu'il  faut  accufer  de  crédu- 
lité ,  de  prévention  ,  d'aveuglement  ;  ce 
font  plutôt  ceux  qui  l'ont  abandonnée  fans 
la  connoître. 

Il  y  a  du  moins  une  différence  eflentielle 
entre  la  manière  d'écrire  de  {qs  défenfeurs , 
&  celle  de  fes  ennemis.  Les  premiers  pro- 
cèdent régulièrement  &  de  fang  froid  :  ils 
pofent  des  principes ,  ils  en  tirent  dés  con- 
féquetices ,  ils  citent  des  témoignages  &  des 
monumens  ;  ils  rapportent  de  bonne  foi  les 
objedions  de  leurs  adverfaires ,  &  ils  y  ré- 
pondent ;  ils  préfentent  un  fyftème  lié ,  fui- 
vi ,  foutenu ,  dont  un  efprit  droit  demeure 
fatisfait.  Les  Critiques  de  la  Religion  s'y 
prennent  autrement  ;  ils  entaûènt  des  diâ- 


t)iE  LA  Religion,  &c.  4^ 
cultes ,  ils  les  répètent ,  ils  (c  copient  ;  mais 
ils  gardent  un  profond  filcnce  fur  le  fond 
des  preuves  &  fur  les  réponfes  que*  Ton  a 
données  cent  fois  à  leurs  objeàions;  ils 
plaifantent,  ils  inveâivent  ,  mais  ils  ne 
prouvent  rien.  La  haine  ,  les  railleries ,  & 
fouvent  les  obfcénités ,  leur  tiennent  lieu 
de  raifons ,  &  font  leurs  plus  forts  argu- 
Tuens^  Leurs  ouvrages  lus  avec  avidité  par 
les  efprits  fuperficiels  ,  toujours  annoncés 
avec  emphafe  comme  des  produâions 
neuves ,  comme  des  écrits  vidorieux ,  aux- 
quels les  Théologiens  ne  répondront  ja- 
mais (a^y  ne  font  'Sans  le  fond  que  des  re- 
dites. Ce  font  les  dépouilles  de  Hobbes ,  de 
Spinofa,  deBayle,  ouïes  extraits  de  quel- 
ques Livres  Anglois.  Il  n'en  eft  aucun  où 
l'on  ne  découvre  un  fond  de  mauvaife  foi 
^  de  malignité  :  avec  ce  caractère ,  un  Au- 
teur eflrpeupropre  à  découvrir  la  vérité,  Sc 
encore  moîns  à  la  montrer  aux  autres. 

Ce  qu'il  y  a  de  fingulier ,  c'eft  qud  ces 
Meilleurs  prétendent  tirer  avantage  de  leur 
opiniâtreté  même  pour  s'attribuer  la  vic- 
toire. D  faut  bien ,  difent-ils ,  que  les  ré- 
ponfes des  partifans  de  la  Religion  foient 
infuffifantes  ,  puifqu'on  leur  répète  tou- 


^■fl)  Voyez  TAvis  ies'Editftu»  "dls'PBxiimexi  icapotuflt* 


^6  A  p  o  L  o  a  I  s 

Jours  Ijes  mêmes objedions  (a).  La  preuve 
eft  Ikns  doute  excellente.  Pourquoi  donc 
n'ont-ils '^pas  encore  fait  fur  nos  Livres  ce 
que  nous  faifons  ici  fur  les  leurs  ?  Pour- 
quoi n'ont -ils  pas  eflayé  de  les  réfuter 
pied  à  pied  ,  &:  de  démontrer  la  fauflèté  ou 
la  foiblefle  de  nos  raifons  ?  Qu'ils  le  faf- 
fent  enfin ,  ou  qu'ils  ceflent  de  triompher 
mal-à-propos, 

L'Auteur  de  YExamen  important ,  pour 
rendre  fufpeâs  tous  ceux  qui  écrivent  en 
faveur  de  la  Religion ,  dit  que  lyjprit  de 
psLTti  Sr  Cemie  de  Je  faire  raioir  les  préoccu^ 
pent  (b)i  fsffis  doute  les  Philofophes  font 
exempts  de  ces  défauts.  Inaccelîibles  aux 
payions  humaines ,  ils  ne  font  jamais  domi- 
nés par  Tefprit  de  parti  ni  par  Tenvie  de  fe 
faire  valoir  :  le  flyle  dont  ils  écrivent ,  eft 
une  preuve  démonftrative  de  la  candeur  de 
leur  ame ,  &  de  la  pureté  de  leurs  inten- 
tions. 

Il  Aous  débite  la  fable  d'un  Jean  Mélier, 
prétendu  Curé ,  qui  a  demandé  pardon  à 
Dieu  en  mourant  d'avoir  enfeigné  le  Chrif- 
tianlfmè  (c).  L'exemple  feroit  unique  en  fon 
efpèce.  Mais  tant  de  Philofophes  qui  ont  de- 


(fl)  Pr  itiîcrc  Lettre  â  Eugénie ,  page  ij. 
CMPàgex. 


DE  LAReLIGION,  &C.         47 

mandé  pardon  à  Dieu  en  moui-ant ,  d'avoir 
attaqué  la  Religion  par  libertinage,  qui  après 
avoir  vécu  en  impies  ,  ont  voulu  mourir 
en  chrétiens  (a) y  ne  forment-ils  pas  un 
violent  préjugé  contre  la  fincérité  des  au- 
tres ?  Ils  font  intrépides  en  bonne  fanté  ; 
un  accès  de  fièvre  fuffit  pour  renverfer 
toutes  leurs  démonftrations.  Bayle  qui  de- 
voir les  connoîrre  ,  en  a  plaifanté  le  pre- 
mier (b). 

Ces  converfions ,  difent-ils,  ne  prour 
vent  autre,  chofe  que  la  foiblefle  d'ef- 
prit  du  malade  ;  il  n'y  a  que  l'impcf- 
ture  qui  puijje  fe  prévaloir  du  témoignage 
d^un  mourant  (c).  Mais  d'autres  fe  font 
coflvenis  en  bonne  fanté  &  dans  toute  la 
force  de  l'âge  ;  fi  leur  changement  ne  con- 
clut rien  ,  qû'eft-ce  que  prouve  la  multi- 
tude des  infenfés  que  nos  Philofophes  fe 
flattent  d'avoir  pervertis  ?  Celfons  donc 
de  compter  les  lufTrages ,  &  bornons-nous 
à  pefer  les  caifôns. 


(a)  L'Auicur  du  Cluiftianifme  dévoilé  cft  heurcufc- 
n^cnt  de  '  ce  nombre  ;  c*ell  un  témoignage  ^ue  nout 
joramcs  charmés  de  pouvoir  rendre  à  fa  mémoire ,  &c  ua 
JAic  que  nous  tenons  de  la  propre  bouche  du  Vicaire  de 
"  Paroiffc  gui  lui  a  adminillré  les  derniers  Sacremens. 

(  h)  Répoufe  au  Provincial ,  chap.  ii  ;&  Did.  criuarc* 
Ves'uyreauv.  Rem.  F. 

{c)  Douzième  Letuc  à  Eugénie,  p.  i  j8.  Contagion  U-^ 
ttce,  c.  14,  p.  lûQ, 


Apologue 
S.  2* 

L'Auteur  du  Chrifliamfme  dévoilé  de- 
j)lore  d'un  ton  pathétique  le  malheur  du 
;genre  humain.  Tomts  Us  forces  ^  dit-il ,  fe 
réimsjfentpour  lui  cacher  la  Write. ^  les  Tyr/ins 
la  détejient  et*  V oppriment  ^  parce  qu^etle  ofe 
difcuter  leurs  titres  irijujles  6r  chimériques.: 
le  Sacerdoce  la,  décrie ,  parce  qitclle  met  au 
néant  f es  prétentions fajlueufts  (a).  Langa- 
ge pompeux  3  mais  qui  n'eft  point  celui  de 
la  ratfon.  La  vérité  confifte  donc  ,  félon 
fui ,  à  difcuter  les  titres  des.  Souyerarns  & 
les  prétentions  du  Sacer<iocc.  En  effets 
c'eft  le  -double  6bjet  de  fon  ouvrage.  Les 
Souverabs  y  font  traités  avec-  autant  d'in- 
dignité que  les  Miniftres  de  là  Religion  ; 
les  droits  du  Trône  n'y  font  pas  plus  ména- 
gés que  ceux  de  TEglife  ;  il  s'eft  propofë 
^'anéantir ,  non-feulemeat  toute  Religion 
quelconque  ,  mai^  encore  toute  autorité  & 
toute  fubordination.  Voilà  ce  qu'on  appelle 
montrer  la  Write  au  genre  Âumain. 

Le  Sacerdoce  la  décrie.:  point  du  tout; 
il  invite  au  contraire  tous  ceux  qui  en  font 
capables  à  la  rechercher  3  mais  à  le  faire  de 


■• 


(d)  Chrift.  dévoilé,  p.  7.  Première  Lettre  i  Eugénie^ 
y.  6,  Coitagion  factéc,  c.4,  p.  ^^  &£.  Lattes  FhiloC 
4i£  Toiaiid)jp.  4.0» 

bonne 


i>iLAREr.iGipN,  &c.      4jr 

Bonne  foi ,  à  étudier  la  Religion  dans  les 
fources ,  avant  que  de  lire  ce  qui  peut  inf- 
pirer  des  préventions  contr'elle.  Il  défend 
de  lire  les  Livres*  de  fes  ennemis  ,  mais  à 
ceux  qui  ne  font  pas  affez  inftruits  pour  en 
porter  un  jugement  éclairé.  Il  en  permet  la 
lefture  à  tous  ceux  que  l'étude  a  fuffifam- 
ment  aguerris  pour  n'avoir  pas  à  redouter 
la  fèduâion  :  il  approuve  tous  les  écrits 
polémiques  où  les  matières  font  difcutées 
avec  exaétitude  &  avec  impartialité  ;  il  fe 
plaint  même  de  ce  que  ces  ouvrages  ne 
font  pas  afièz  lus. 

Les  plaintes  oppofées  de. nos  adverfai- 
res  (  a  )  ne  font  qu'un  artifice  pour  engager 
tout  le-  monde  à  lire  leurs  propres  quvra- 
ges  >  &  ce  tour  infidieux  ne  leur  réuflit  que 
trop  bien.  Ces  Livres ,  toujours  préfentés 
fous  différentes  formes ,  &c  toujours  les  mê- 
mes pour  le  fond ,  font  entre  les  mains  des 
femmes  &  des  jeunes  gens.  Il  y  a  lieu  d^ef- 
pérer  que  leur  multitude  même  fervira  plus 
que  toute  autre  chofe  à  les. décréditer  :  1^ 
myftere  fous  lequel  on  les  communique ,  en 
fait  fouvent  le  plus  grand  mérite.  Le  public 
fe  laflèra  enfin  d'entendre  le  même  lophif- 
me  répété  par  vingt  échus  différens.  Après 
avoir  dévoré  tant  de  brochures  où  les  mé- 


■Mti 


(H)  Examen  impoi:ua&>  p.  9« 

Xome  L  £ 


5'o  Apo^LoaiK 

mes  objeâioQs  reviennent  fans  ce(ïê ,  on 
iêra  peut-être  curieux  de  voir  ce  que  nous 
^voQsà  répofldle  ;  &  fon  finira  par  où  l'on 
aioroit  dû  commencer.    - 

ït  n'ëft  pas  vrai ,  du  moins  parmi  nous  ^ 
^çjue  te  commun  dés  hommes  ?en  rapporte 
m^ei^lémeru  à  ceux  que  le  hafard  lui  a  don^ 
nés  pour  guides  (a).  Nous  fixons  voir  dans 
'Ta  (uite  que  dans  ïe  fcin  de  TEglife  Catho- 
Ik^  ,  la  docilité  du  commun  des  hommes 
è  l'in(WuâioB  dm  Pafteurs ,  n'eft  point  une 
confiance  aveugle  i  le  fidèle  écoute  leur 
voix ,  parce  qu'ils  lui  montrent  des  titres 
liHthentiques  de  leur  miffion  ;  ces  titres  font 
ée  nature  à  juftifier&  à  tranquillifer  la  foi  de 
f  hoéhme  le  plus  ignorant ,  comme  <>elte  du 
Chrétien  le  plus  éclairé  (i).  Si  le  repro- 
che de  l'Auteur  peut  avoir  lieu  dans  les 
autres  Communions  ou  parmi  les  Infidèles , 
jc'eft  à  eux  feuls  d'en  répondre  ;  nous  ne 
fommes  pas  garans  des  défauts  auxquels 
flous  n'avons  point  de  p^t« 

Cependant  ^  ajoute-t-on  ,  il  Je  trowu 
dans  tous  lesjîêcles  des  hommes  s  qui  détrom^ 
fés  des  préjugés  de  leurs  Concitoyens ,  oferent 
UuT  montrer  la  vérité  ;  mais  les  Prêtres  & 


(a)  Chrid.  dévoilé  ,  p.  9»  Exjiinen  important ^  p.  !• 
{h)  Veycsia  Cera^de  4cs  f  ceuvjet  4u  Chriitiamixiiei 


DE  LA  Religion,  &c.  jJ 
fes  Roîs  fe  réunirent  pour  leur  impofer  fi« 
lence  (a).  Il  eût  été  à  propos  de  nous  ap-^ 
prendre  quels  out  été  ces  grands  hommes  , 
qui  dans  tous  les  fiècles  o^t  prêché  la  véri- 
té ,  c'eft-à  dire  ,  rAtBéîfme  &  l'Irréligion.; 
cette  rare  doârine  n'efi  pas  ancienne  parmi 
nous  :  dans  les  (iècles  précédens ,  fes  Seâa* 
teurs  étoient  moins  communs  qu'aujouiv 
d'hui.  Enfiif ,  malgré  l'autorité  des  Rois  & 
des  Prêtres ,  les  ouvrages  de  ces  fublimei 
génies  font  parvenus  jufqu'à  nous.  On  a 
confervé  ceux  de  Vanini ,  de  Pomponac©» 
de  Hobbes  >  de  Spinofa  &  de  tant  d'autres 
qui  les  ont  copiés.  Nous  ferions  en  état  de 
les  entendre ,  s'ils  s'étoient  entendus  eux^ 
mêmes  :  nous  fçavons  de  quelles  preuvesnls 
ont  appuyé  ce  qu'on  ofe  appeller  la  vérité. 
Ceux.d'aujourd'hui ,  encore  moins  timides, 
dogmatifent  aflez  publiquement;  leur  voix 
retentit  dans- toute  l'Europe  :  on  peut  juger 
par  les  livres  que  nous  examinons ,  com* 
bien  leurs  raifons  font  redoutables.  Vaine- 
ment ils  fe  flattent  d'un  fuccès  plus  brillant 
que  leors  prédéceflèui^  ;  leurs  écrits  (ont  un 
peu  plus  intelligibles ,  fans  être  plus  folides  : 
c'eft  ce  qui  les  fera  méprifer  encore  plus 
promptement.  On  a  réfuté  folidement  les 


iû)  Chrift.  dévoilé  »  pâg.  9*  Militaire  ?hîiorophe>  chftp*  li 
page  15*  Conta^ioii  faccée  >  c.  x  $  >  pag.  177. 

Eij 


SI  Apologie 

anciens,  cela  n'étoit  pas  fort  difficile  ;  les 
modernes  feront  réfutés  à  leur  tour ,  &  tom- 
beront dans  le  niême  oubli. 

Ce  n'eft  point  l'habitude ,  l'exemple ,  le 
préjugé  ,  la  politique ,  Its  cris  impofans  de 
Vimpojlure ,  qui  ont  confervé  jufqu'à  préfent 
la  Religion ,  malgré  les  clameurs  des  Incré- 
dules ;  c'eft  la  folidité  des  preuves  qui  l'ont 
établie  ,  l'expérience  désavantages  qu'elle 
procure ,  la  comparaifon  toujours  frappante 
des  peuples  Chrétiens  avec  les  Nations  in- 
fidelles  ,  l'abfurdité  de  tous  les  fyftèmes 
qu'on  a  voulu  lui  oppofer ,  le  foin  qu'ont 
toujours  eu  fes  adverfaires  de  (e  méprifer, 
de  fe  haïr  ,  de  fe  réfuter  les  uns  les  autres. 
Parmi  les  prétendus  Seftateurs  de  la  vérité , 
peut-on  en  citer  deux  qui  aient  été  parfai- 
tement d'accord ,  &  qui  foient  convenus 
des  mêmes  principes  ?  L'Auteur  de  VExa- 
men  important  paroît  vouloir  établir  le 
Déifmç  ;  il  nou$  confeille  d'adorer  un  Dieu 
par  la  raiforv(û)  ;  celui  du  Ckrijiianifme 
dévoilé  y  en  laiffant  indécife  la  queftion  de 
l'exiftence  de  Dieu ,  qe  veut  pas  qu'on  en 
parle  (b). 

t     (a)  Page  1. 

(h  1  Chap.  7,  pag.  loi  &  103.  ii   Lettre â  Eugénie  ^ 
BH^  'M'  Contagion  facrée ^  c,  1 5  > page  171^ 


ï>n  LA  Religion,  &c.      S3 

Il  déplore  l'abus  d'infpîrer  aux  hommes , 
dès  l'enfance ,  les  préjuges  de  Religion. 
L'éducation  ^  dit*il ,  nefemble  avoir  pour  ob- 
jet que  déformer  des  Fanatiques^  des  Dévots ^ 
des  Moines^  cefi-à-dire^  des  hommes  nuifi- 
blés  ou  inutiles  à  lafociété;  on  nefonge  nulle 
pare  à  former  des  Citoyens  (a)^  Déjà  il  s'é*- 
toit  plaint  dans  fa  Préface,  de  ce  que  Tédu- 
cation  de  la  jeunejQe  efl  confiée  à  des  Prê-*- 
tr6^.  Il  les  appelle  des  pédagogues  mercenai* 
res,  des  âmes  àbjeSles  &*  retrécies^  des  pé dans 
avilis  aux  yeux  mêmes  de  ceux  qui  leur  con* 
fient  leurs  enfans  ^  des  guides  ineptes  Cr  me* 
prifahles  (b).  Oe&le  ton  poli  des  philofo- 
phes  modernes ,  une  honnêteté  littéraire  qui 
eft  en  ufage  parmi  eux. 

A  ce  langage  décent ,  modéré ,  fage ,  fi 
propre  à  former  la  jeuneflè ,  nous  oppofpns? 
l'expérience.  -Qui  font ,.  dans  la  fôciété  > 
ceux  qui  en  rempliflènt  le  mieux  lés  char« 
ges  i  qui  en  obfervent  le  plus  fidèlement  les 
devoirs,  qui  rendent  les  plus  importans  fer- 
vices  5  ceux  à  qui  l'on  a  donné  de  bonne 

heure  des  principes  de  morale  &  de  Chrif- 

• 

(«)  Chrift.  dévoilé, pag.  lo.  x^c.  Lettre  â Eugénie,  p.  7* 
Contagion  facrée ,  c.  4 ,  p.  io| .  Lettres  Philofî  dé  Toland  , 

i  h)  PréÊice»  pag.  xr« 

£  11) 


^4  ATOUxstt 

tianifme ,  ou  ceux  à  qui  Ton  n'a  pas  daigné 
apprendre  s'il  y  a  un  Dieu  ;  ceux  qui  ont 
4Êt^,  inftruits  par  des  Prêtres ,  ou  ceux  qui 
4fm  été  élerés  par  des  l^ilofephes  ?  Nou$ 
invitons  ces  Meflîeurs  à  cit6r  tes  prodiges 
^u'a  déjà  opérés  Péducation  pEitofophique , 
ies  héros  &  les  grands  hommes  fourmes  par 
Jeurs  foins.  Quand  Pan  d'enti^'ea^  a  voulu 
tracer  un  plan  d'éducation ,  il  a  coïîfenti  du 
moins  ^u'à  l'âge  de  vingt  ans  fon  élève  ap- 
prît qu^il  y  a  un  Dieu ,  qoe  noitô  avoite  une 
^one ,  qu'il  y  a  un  autre  vie  :  il  a  rendu  jufti- 
ce  à  la  fainteté  de  la  morale  chrétiidnne  ;  il  a 

Sefque  reconntt  la  Divinité  de  fon  Auteur, 
n  fçait  néanmoitiS  quels  fuccès  ont  eu  les 
kiîpruderfôqui  om  voulu  ef&yer  faméthode, 
Cilte  qtie  pr^criroit  n^tre  Auteur ,  félon 
fes  principes ,  feroit'I^éo^ê  ptàipietkite ,  & 
^rodu&#oit  de^  éSottpl^  mersreiHeux. 

C'éft  ufi  âi^lbeur  déplorable  y  fans  dou- 
te  >  qUe  tes  Prêtres  foient  chargés  d'éle  - 
ver  la  jôunfdTé  ;  il  y  a  ufi  remède  :  le  2èle 
A^  Ii¥é«éâulés  5  pour  le  bien  public ,  doit 
tes  engager  à  le  fôettte  en  u%e%  Qu'ils 
fècùfifsctem  eux-mêmes  à  oétte  foAâiion 
péiïilble  de  în^ftante^  mais  <)u'âs  le  fa^nt 
gramitement  fans  prétentions  &  iàns  ho- 
noraires ,  de  peur  qu'on  ne  les  appelle  à 
leur  tôUr  des  pédagogues  j  des  mercenaires  ^ 
des  pédfins  avilis  par  V intérêt.  C'eft  ici  le 


DE  LA  R*i.IGfélî,  &C*        75 

procès  des  frelons  contre  ks  abeilles }  l'our» 
vrage  ièul  peut  fèrvîr  à  le  décider. 

JLeB  cirçonâafices  ne  fcHM;  .pas  favôra^ 
blés  pour  diécrier  les  travaux  tba  Prêtr^s^ 
Lorîque  le  Gouv^œmeat  a  domié  ano 
fioiiiyelle  forme  aux  écoles  publiques ,  les 
«oes  ont  été  confiées  a  des  Séculiers ,  Ie9 
«icres  à  des  Ë^défîaftiqaes  :  ^tteadonfi  di| 
moins  révé&eaaeiK ,  pour «fçavoir  4efqueUe5 
attro»t  le  pim  ëe  fuccès.  Déjà ,  fî  notis  en 
croyons  ud  Ëcrivam  B0n  fetîpeâ ,  rexfér 
nence  a  décidé  :  la  pfaipart  des  <3oIl%^  ^ 
l'on  a  -mis  des  laïc^  ^  ùmt  déports  qu  dé^ 
«aBgés<fl> 

Notre  Griciqise  a  iènti  que^  fes  dédwift^ 
tions  fur  les  fuœâes  effets  de  la  Rditgîoa  & 
de  la  morale  chréctenne  fêroieat,  awes  à 
confondre  par  le  parallèle  des  Notions  qui 
la  proleâènt,  as^c  l'écat  des  peuples  îfifidè* 
les  :  il  a  eflayé  de  prévenir  cette  répooife 
accablante*  &i  damMn.état'€hrétàmf  ditril» 
on  voit  quelquaS'wiîé ,  fi  ton  y  trauve  ie- 
lafcience  &  des  metun  fochdzs  9  cefi  -fule/i 
ai  fit  de  leurs  opinùmsreligimfes  »  la  nature  ^^ 
toutes-Us  fais  quldlek.fnut^  ramàm  ks  bmxi^ 
mes  à  la  raifon^  &  les  forcé  de  trojmlkr  à 

(a)  Rîft.  impart*  dit  JcAiicct  |iom^  1  -,  j^.  i^ii.  -  i 

piv 


5<î  A  ?  Ô  t  O  O  I  E 

kur  propre  bonheur  (a).  Celaeft  au  mieux. 
C'eft  donc  en  dépit  de  la  Religion ,  &  con- 
tre fes  prin^pes,  que  lès -Nations  chrétien- 
nes ont  de  la  fcience ,  de  i'induftrie  ,  de 
l'aftivité ,  des  mœurs  douces  &  civilifèes  , 
une  politique  éclairée  éc  fage ,  un  Gouver- 
nement tranquille  &  modéré  :  le  fingulier  de 
ce  prodige  yf^eH  que  ces  pii^cieux  avanta- 
ges ne  fe  trouvant  point  ailleurs. 

Selon  le  cours  ordinaire  des  chofes ,  le 
contraire  auroit  dû  arriver.  Car  enfin,  fi,  par- 
roi  nous ,  malgré  une  morale  pernicieufe  8c 
une  Religion  meurtrière ,  la  nature  eft  en- 
core aShz  puiflante  pour  ramener  les  hom- 
mes à  la  raifon ,  la  nature  dégagée  de  ces 
obftacles  doit  avoir  bien  plus  de  force  dans 
des  climats,  non  moins  heureux.  Dans  la 
Grèce ,  par  exemple ,  autrefois  le  féjour  des 
fciences ,  desarts  >  du  courage ,  de  la  liber- 
té,  de  la  politique ,  les  peuples  débarrafles 
des  entraves  du  Chriftianifme ,  doivent  être 
plus  édaicés ,  plus  laborieux  ,  plus  policés , 
plus  heureux  que  nous  ne  fommes.On  fçait 
ce  qu'il  en  eft. 

Par  une  bizarrerie  plus  inconcevable  en- 
core ,  le  Chriftianifme  produit  les  mêmes 
effets  dans  tous  les  climats ,  fous  les  glaces 

*     ■  '■  '       '   .'  ■ '\'     ■  '  '  ' 

<€>Chrîft.  dévoilé,  pag.  ii.  Contagion  facrée >  c.  5, 


Di  LA  Religion,  &c.       5^7 

du  Nord  &  dans  les  fables  brûlans  de  T  Afri- 
que, fur  les  bords  du  Danube,  &  fur  les  ri- 
ves du  Gange ,  en  Europe  &  en  Améri- 
que. Par-tout  où  cette  Religion  s'établit , 
lesjîeuples  fortent  de  la  bai-barie ,  de  la  pa- 
refle ,  de  l'ignorance ,  de  l'efclavage  ,  de- 
viennent plus  humains ,  plus  fociables,  plus 
paifibles ,  plus  heureux.  Il  n'y  a  qu'à  com- 
parer l'Abyffinie  Chrétienne  avec  l'Ethio- 
pie Mahométane ,  la  Pologne ,  avec  la  Tar-. 
tarie ,  le  Paraguay  avec  les  Sauvages  voi-- 
fins ,  l'Europe  entière  avec  le  refte  du 
monde  :  par-tout  les  mêmes  dogmes  &  la 
même  morale  opèrent  la  même  révolution. 
Malgré  l'évidence  de  ces  faits ,  des  Philofo  • 
phes  ne  rougiflent  point  d'écrire  que  le 
Chriftianifme  eft  une  Religion  craelle ,  fa- 
natique, infenfée,  deftructive  de  la  fociétéj 
que  pour  être  homme  &  citoyen  il  faut  y 
renoncer  ;  que  le  Chrétien  j  s'il  était  fenfé , 
ngretteroit  mille  fois  la  paifible  ignorance 
defes  ancêtres  idolâtres  (a). 

Tels  font  les  panégyriques  par  lefquels 
on  fe  flatte  d'arracher  au  Chriftianifme  le 
voile  dont  ilfe  couture ,  d'exciter  contre  lui 


(a)  Chrift  dévoilé,  p.  j;.  Examen îtnporcan(;coaclii» 
fioo,  p.  II  j  3f  ruiv«  "^ 


r8  Apologie 

la  haine  &  Texécration  du  genre  humaîri. 
Difons  mieux ,  tels  font  les  excès  par  lef- 
quels  l'impiété  fe  démafque  &  fe  déshonore, 
travaille  à  s'attirer  l'indignation  &  le  mé- 
pris des  hommes  fenfés.  Peut  -  elle  iilîeox 
)aftifîer  la  Religion  fatnte  que  nous  profef- 
fons ,  qu'en  nous  montrant  les  travers  dont 
les  Philofophes  font  capables  , ,  dès  qu'ils 
ont  élevé  l'étendard  contr'dle  ?  Cette  Rdi- 
gion  divine  eft  afièz  vengée  par  le  ridicule 
dont  Ces  ennemis  font  couverts. 

L'Auteur  du  Militaire  Philofophe ,  qui 
fe  pique  de  raifonner ,  n'a  pas  É^t  paroîtr© 
une  meilleure  logique  dans  ce  qu'il  a  dit 
fur  l'examen  de  la  Religion  (a)*  Il  pofe 
pour  principe  que  la  Religion  eft  à  l'hom- 
me une  afeire  perfonnelle ,  que  fes  preuves 
doivent  être  à  portée  de  tout  le  monde  , 
que  chacun  doit  les  examiner  par  foi- même , 
que  cet  examen  doit  être  défintérefle ,  qu'il 
y  faut  fuivre  les  mêmes  règles  que  l'on  ob- 
lerve  dans  toute  autre  matière ,  qu'on  ne 
doit  point  recufer  la  raifon  dans  l'examen 
<le  la  Religion.  Ces  maximes  bien  enten- 
dues font  inconteftables  ;  mais  l'Auteur 
en  tire  des  conféquences  très-fauflès. 

i^  Il  conclut  que  la  Religion  ,  qui  a 
pour  objet  le  falut  des  Particuliers ,  n'inté- 


iâ)  Miliuire  Philolbphe  >  chap.  i  >  5  >  4  >  ;  >  ^  &  7» 


DE  LA  Religion,  &c.       yp 

refle  point  la  fociété;que  Fautorité  ne  doit 
point  s'en  mêler;  que  tout  homme  eft  libre 
d'embraJÛTer  &  de  fuivre  quelle  Religion  il 
lui  plaira  (a).  Mais  la  Religion  eft -elle  une 
af&ire  ;?areme/ir  perfonnelle  ?  n'a-t-elle 
point  d*autre  objet  que  le  falut  d^s  Particu- 
liers? n'influe- f-elle  en  rien  fur  leur  con- 
duite à  l'égard  de  leurs  femhlables  ?  L'Au- 
teur lui  même  fe  réfute  en  s^efforçant  de 
prouver  que  la  Religion  chrétienne  eft 
contraire  aux  intérêts  de  la  fociété  (t).  La 
Religion  eft  donc,  de  fon  propre  aveu, 
une  aflàire  de  fociété  :  dès-lors  le  Gouver- 
nement n'a-t-il  pas  droit  de' s'informera 
les  Particuliers  en  profeflènt  une  qui  foit 
fauflè  &  pérnicieufe  > 

2^.  Les  preuves  de  la  Religion  doivent 
être  à  portée  de  tout  le  monde.  L'Auteur 
conclut  qu'elle  ne  doit  point  être  prouvée 
par  des  faits ,  qu'aucun  fait  ne  peut  être  in- 
vinciblement prouvé,  qu'il  n'y  a  de  vérités 
inconteftables  que  les  vérités  phyfiques  & 
métaphyfiques  (c).  Indépendamment  de 
la  faufleté  de  cette  dernière  propofitîon  qui 
fera  démontrée  dans  la  fuite ,  je  demande  fi 
la  difcuflîon  des  vérités  métaphyfiques  eft 


m 


id)  Miliuire  Philofophe,  p.  4S  ^  jo« 
(h)  Ihid,  chap.  i  fie  chap.  xo, 
U)  i^ù^  c«  11^  p.  xoi  &  lOji 


6ù  Apologie 

plus  à  portée  de  tout  le  monde  que  rexameil 
des  faits? 

3**.  Le  Militaire  Philofophe  foutîent 
avec  raifoD  ,.^qu'un  Miniftre  de  la  Religion  , 
-  un  Prédicateur  doit  prouver  clairement  l'or-* 
ire  &  la  mijpon  quil  a  reçu  de  Dieu  C  ^  )  > 
&  par  une  contradidion  groffiere  ,  il  pré- 
tend qu'on  n'eft  obligé  d'écouter  ni  de 
croire  aucun  Prédicateur  (i).  Sur  quoi 
donc  peut  être  fondée  l'obligation  qu'on 
lui  impofe  de  prouver  fa  miffion  ?  &  peut-il 
là  prouver  autrement  que  par  des  faits  ? 

4.^.  Tout  homme  doit  examiner  fa  Reli* 
gion  &  en  juger  par  foi^même(c).  Et  l'on 
nous  enfeîgne  qu^il  eji  impo£îblé  de  raifort" 
ner ,  déjuger  »  d^  examiner  les  preuves  de  la 
Religion  ,  ni  par  conféquent  de  s^en  convain- 
cre^puifquefon  nom  feuljuffit  pour  nous  rap- 
peller  des  idées  terribles  Gr  propres  à  nous 
faire  trembler  (d).  Toutes  les  Religions ,  dit 
V  Auteur ,  font  fondées  fur  la  crainte  (c)  ;  la 
Religion ,  même  naturelle,  eft  dans  le  cas, 
puifqu'elle  eft  fondée  fur  l'idée  d'un  Dieu 
rémunérateur  &  vengeur. 

5**.  L'examen  de  la  Religion  doit  être 


id)  Militaire  Philofophe ,  chap.  9  ,  p.  7$, 
iè)  Chap.  19,  p.  I45, 

(c)  Châp.  4,p.  f  I* 
id)  C.  19  t  p.  XH« 
Û;  îbii*  p.  ip« 


DELA  Ke  L  I  g  I  O  N>  &C.        6i 

défintérelTé  (a);  &  Ton  prétend  que  tout 
homme  qui  a  fucé  les  principes  d'une  Re- 
ligion dès  l'enfance  ,  n  eft  plus  capable  de 
Texaminer  fans  prévention  &  fans  intérêt  : 
il  faudroit  étrç  \  homme  de  la  nature,  ou  tel 
que  Socrate  ,  Lucrèce  ,  Sénèquç  ou  Epi- 
cure  (b).  Quiconque  n'eft  pas  né  Sauvage 
ou  Philofophe»,  efi  hors  d'état  de  faire  cet 
examen ,  qui  çft  cependant  Iç  dçvoir  d9 
tous  les  hommes. 

Les  Philofophes  eux-mêmes  font -ils 
déCntéreffés  ?  Ils  font ,  fi  l'on  veut ,  au-  def- 
fui  des  préjugés  de  V éducation  ;  rpais  font-ils 
inacceffibles  à  la  vanité ,  à  l'efprlt  d'indé- 
pendance ,  à  l'entêtement  de  fyftème ,  à 
l'envie  de  fecouer  le  joug  pefant  &  incom- 
mode de  la  Religion  ?  A  qui  donc  en  eft 
réfervé  l'examen  ? 

Voilà  les  contradiftions  &  Içs  abfurdités 
que  le  Militaire  Pliilofopke  appelle  pom- 
peufement  dies  Argumens  démonftratifs  , 
dont  il  a  formé  le  tiflu  de  fon  ouvrage. 
Nous  les  difcuterons  plus  en  détail  en  fui- 
vant  le  fil  des  matières  ;  cç  prétendu  Philo- 
fophe  ne  dit  rien  de  nouveau. 

Nous  ne  réfuterons  point  ici  lesinveâîves 
par  lefquelles  l'Auteur    du  Cliriftianifmc 

ia)  Milûaîre  PhiJofophCi  ch^p«  y  >  p.  j^» 


'»/ 


62  Apologie 

dévoilé  termine  fon  premier  chapitre ,  Sc 
qu'il  a  déjà  inférées  dans  fa  Préface  ,  ni  le 
portrait  odieux  qu'il  fait  des  dogmes  &  de 
la  morale  chrétienne  (j)  :  on  en  retrouve 
la  copie  fidelle  dans  le  Militaire  PhMofo-- 
phe  (b).  Cette  difciiffion  feroit  prématu- 
rée ,  puifquc  les  mêmes  plaintes  reviendront 
pluOeurs  fois  dans  la  fuite.  Il  eft  plus  à  pro^ 
pos  d'examiner  d'abord  les*  preuves ,  les 
faits  ,  les  monumens  qu'on  va  nous  oppo- 
fer.  Quand  nous  en  aurons  démontré  le 
faux  ,  nous  ferons  plus  en  état  de  rele-* 
ver  l'indécence  &  le  ridicule  des  décla- 
mations de  nos  adverfaires.  Selon  l'Auteur 
du  Chrijlianifme  dévoilé ,  nous  avons  em- 
prunté des  Juifs ,  les  notions  que  nous  avons 
de  Dieu ,  du  culte  qui  lui  eft  dû  «  des  prin- 
cipes de  la  morale  ;  il  commence  donc  par 
donner ,  à  fa  manière ,  l'Hiftoire  de^  Juifs 
&  de  leur  Religion. 

L'exaâitude  &  la  tranquillité  avec  leC" 
quelles  nous  difcuterons  les  objeâions  >  les 
reproches ,  les  principes  de  nos  Critiques , 
prouveront  contr'eux-mêmes ,  que  nous  ne 
redoutons  point  l'examen  des  fondemens 
de  notre  croyance ,  que  nous  cherchons  la 
vérité  de  bonne  foi  >  que  nous  ne  refufon^ 


(â)  Chrift.  dévoile,  p.  ii ,  ij  &  14. 
i^)  Miiiukc  Philorophe»  c.  i'&  lo* 


DELA  ReLIOÎOK,  Sec.         Cj 

jamais  de  fatûfaixe  aux^difficultés  qu'oa 
nous  propofe. 

C  H  A  P  I  T'  R  E  .  1 1.     - 

Hijloire  abrégée  du  Peuple  Juif. 

§   I. 

jTSIl  VÀNT  qiie  d'examiner  fi  l'Hiftoîre  de$r 
Juifs  y  telle  qu'elle  eu  rapportée  dans  les 
Livres  faints  ,  eft  vraie  ou  fauflè,  il  y  a 
deux,  ou  trois  quefUuns  préliminaires  à  trair 
ter.  Moïfe  eft -il  un  perfonnage  réel  ou 
fabuleux  ?  Eft  il  véritablement  l'Auteur  du 
Pentateuque  ?  Le  Légiflateur  des  Juifs  , 
quel  qu'il  foit,  a-t41  voulu ,  .a-t-il  pu  imr- 
pofer  à  fon  peuple  &  aux  autres  Nations  ^ 
en  racontant  des  fables  ? 

L'Auteur  du  CkriJIianifme  dévoilé  aç 

s'eft  point  arrêté  à  ces  queftions  ;  celui  de 

YExamen  important  y  a  confacré  le  pre^- 

mier ,  le  fécond  &  le  quatrième  chapitre  de 

fon  Livre  :  c'eft  la  répétition  d^  liarticlç 

Moïje  inféré  dans  le  Diâionnaire  Pliilofo 

phique;dts  chapitres  28  &  4,0  de  la  Philo- 

fophie  de  VHifloire^  de  la  note  du  cha^ 

pitre  1 2  du  Traité  fur  la  Tolérance ,  page 

107  ;  des  Lettres  fur  les  Miracles  y  &  des 

Quejiions  de  Zapata%  On  ne  peut  trop  ad-r 


Ç^  Apologie 

mirer  la  fagacit^  l'érudition ,  la  bonne  foi 
qui  fe  font  remarquer  dans  ces  diyerrs  écrits  ; 
des  objeâions  répétées  Cx  fois, doivent  être 
înfolubles  ,  far-tout  quand  on  les  a  copiées 
dans  Spinofâ. 

Nous  apportons  pour  preuve  de  Texif 
tence  de  Moïfe ,  i^  le  témoignage  de  tous 
les  Ecrivains  Juifs.'  Il  n'eft  prefqué  pas  ua 
feul  de  leurs  Livres  où  Moïfe  ne  foit  cité 
comme  Légiflateur  de  la  Nation,  Pour  ne 
pas  fatiguer  le  ledeur  par  une  longue  fuite 
île  paflages ,  on  le  prie  d'ouvrir  feulement 
une  concordance ,  il  y  verra  le  nom  de 
Mocfe  rappelle  par  tous  les  Auteurs  qui  ont 
paru  après  lui  :  la  Loi  des  Juifs  eft  conf- 
tamment  nommée  la  Loi  de  Moïfe.  Pour 
plus  grande  •  certitude ,  fa  généalogie  étoit 
confignée  dans  les  archives  publiques;  on 
la  trouve ,  non-feulement  dans  TExode  , 
dans  le  Lévitique ,  dans  le  Livre  des  Nom- 
bres ,  mais  encore  dans  celui  des  Paralipo- 
menés  (^).  Il  eft  bon  de  fe  fouvenir  que  la 
conftitution  de  la  République  Juive  dépen- 
doit  effentiellement  de  la  confervapon  des 
généalogies. 

2^.  L'opinion  conftante  de  toute  la  Na- 
tion. Jamais  aucun  Juif  n'a  douté  qqé 
Moïfe  n'ait,  été  le  chef&  l'unique  Légif- 


«HP 


lateur 


DE  LA  Religion,  &c,       6^^ 

lateur  de  fon  peuple.  On  ofe  défier  tous  nos 
fçavans  Critiques  tfaflSgner  aucune  époque 
où  cette  opinion  ait  pu  commencer ,  au- 
cune raifon  qui  ait  pu  l'introduire ,  finon  la 
légiflation  de  Moïfe.  Les  Juife ,  fans  doute , 
ont  eu  un  Légiflateur ,  puifqu*ils  ont  eu  des 
loix;  fi  ce  n'eft  pas  Moïfe,  qui  eft-ce  qui 
les  leur  a  données  ? 

5®,  Le  fufFrage  de  tous  les  Ecrivains  pro- 
fanes qui  ont  parlé  des  Juifs  &  de  leurs 
loix  ;  Diodore  de  Sicile ,  Trogue  Pompée 
dans  Juftin ,  Strabon ,  Tacite ,  Pline ,  Juvé* 
na!,  Lucien ,  Porphyre ,  Celfe ,  Julien ,  Ché- 
réirion  même ,  Hiftorien  Egyptien ,  ont  re-^ 
connu  Moïfe  pour  Légiflateur  des  Juifs  (a)  :  * 
aucun  des  Ecrivains  de  l'antiquité  ne  s'efl 
avifé  de  révoquer  en  doute  fon  exiftence 
îii  fon  minlftere  ;  après  trois  mille  ans  il  eft 
un  peu  tard  pour  découvrir  que  c'eft  une 
fable. 

4?.  Le  Sacerdoce  attribué  chez  les  Jui6 
à  la  tribu  de  Lévi'&  à  la  famille  de  Moïfe  , 
monument  perpétuel  &  inconteftable  de  fa 
légiflation  &  de  la  fidélité  dé  fa  généalogie, 

5"^.  Les  raifons  par  lefquelles  nous  mon- 
trerons cî-après  que  Moïfe  eft  véritable- 


<  a)  Jbfephe  dans  fes  livres  contre  Appîon;  Eufébc  âanf 
ft  Préparation  évangclique  ,1.  19  j  Origenî  ,  i.  j  ,  concrs 
Ccifc;  S.  Cyrille,!,  i  ,  contre  Julien,  onc  citéplulku/ 
.autres  Hifloriens  profença  que  nous  n'avons  plus, 

F. 


66  Apologie 

ïtiènt  FAuteur  du  Pentateuque ,.  prouvent 
plus  certainement  encore  qu'il  n'eft  point 
un  perfonnage  fabuleux. 

Il  (uffit  d'indiquer  fommairement  toutes 
tes  preuves  ;  elles  fe  foutiennent  mutuel- 
lement ,  &  la  plupart  des  Apologiftes  de 
la  Religion  les  ont  développées  plus  au 
long. 

Leur  a-t-on  oppofé  quelque  fait  pofitif  ^ 
quelque  monument  certain ,  ou  des  raifon-^ 
nemens  folides  ?  Non  ;  l'on  fe  conteAte  de 
dire  que  tout  eft  G  prodigieux  dans  la  vie 
de  Moïfe ,  qu'il  paroît  un  perfonnage  fan- 
taftique  ;  qu'aucun  Auteur  profane  n'a  parlé 
'de  fes  miracles  ;  que  fon  hiftoire  eft  copiée 
fur  celle  du  Dieu  Bacchus  des  Arabes  ;  oa 
s'efforce  de  montrer  en  détail  que  toutes  fea 
adions  font  incroyables  (  ^  ). 

Il  eft  fort  aifé  d'anéantir,  par  cette  mé- 
thode ,  toutes  les  hiftoîres  du  monde ,  &  de 
démentir  tous  les  Ecrivains  :  il  n'eft"  pas 
tefoin  pour  cela  d'être  grand  Critique.  La 
vie  de  Moïfe  >  il  eft  vrai ,  eft  une  fuite  con- 
tinuelle de  prodiges  >  mais  fi  ce  Légiflateur 
n'avoit  pas  eu  le  pouvoir  d'en  faire ,  il  lui 
eut  été  impoflîble  de  contenir  &  de  policer 
un  peuple  tel  que  les  Juifs.  Les  Hiftoriens 
profanes  n'ont  pas  parlé  de  fes  miracles 


tfai 


(aj  £kamcairoporuui(yC.A,p.  i^ 


p E  LA  Religion,  &c.      Sf 

|)arce  qu'au  fiècle  de  Moïfe ,  aucune  Nation 
n'écrivoit  IHiftoire ,  &  parce  que  les  Juifs 
étoient  peu  connus  des  autres  peuples; 
mais  ils  ont  du  moins  parlé^de  fa  perfonne  » 
de  fa  fortie  de  ^Egypte  à  la  tête  de.  (a  Nar 
tion ,  ile  fa  Légiflation  (  a  ). 

Il  eft  faux  que  les  Arabes  aient  raconté 
du  Dieu  Bacchus  la  fable  que  l'Auteur  de 
^Examen  important  a  forgée  ;  aucun  Au- 
teur ancien  n^en  a  fait  mention.  Hérodote 
nous  apprend  feulement  que  les  Arabes 
àdoroient  Bacchus  fous  le  nom  d'f/ro- 
talt (h) y  6c  non  pas  fdus  celui  de  Back  oa 
de  Mifem ,  comme  l^a  rêvé  le  faux  Bolîng- 
broke ,  fans  citer  aucun  garant  (r).  Quand 
cette  fable  feroit  née  autrefois  chez  les  Ara- 
bes ,  comment  Efdras ,  que  l'on  fuppofe 
Auteur  des  Livres  de  Moïfe ,  &  qui  étoit 
né  en  Chaldée,  feroit-îl  allé  emprunter  tin 
conte  des  Arabes ,  plutôt  que  tles  Chai* 
déens? 

lïous  veîT(yns  cî-iprès  que  ce  qui  pàroît 
incroyable  dans  la  cofliduite  de  Moïfe ,  eft 
juftement  ce  qui  prouvé  quece  Légiflateur 


«■■ 


ih)  Hérodgw >  1. 3  > ««^ 

4c  )  -La  mêins  chtéfc  e^-répétée  dans  la  PhibC  ^ic  THiâ. 

%r.  -xi.t  ,p.  MVî  &  4-ipf^nîe^«cir2  fur  ki  ^Ikarlcs ,  p.  ji. 

JL*  Auteur  Ta  ertipruacéc/dè  ïîl.  Huet,  qu'il  a4éfiigurc,& 


'<?8^  Ap:OLOgie 

étdît  guîdé  par  des  lumières  fupéjrîeures  à 
l'humanité.  -, 

■  Des  argumiens  auffi  frivoles  font-ils  ca- 
pables de  détruire  les  preuves  pofitives  que 
nous  avons  de  l'exiftence  de  Moïfe  ? 

Moïfe  eft-il  Auteur  du  Pentateuque  ou 
des  cinq  Livres  qu'on  lui  attribue  ?  Nous  le 
foutenons  &  nous  le  prouvons ,  i^.  par  le 
texte  même  de  ces  Livres  qui  nous  l'ap- 
prend. Pour  contredire  les  archives  d'une 
Nation ,  il  faut  des  raifons  démonftratives; 
nos  adverfaires  n'oppofent  à  celles  des  Juifs 
que  des.  conjectures  &  de  prétendues  proba- 
bilités. 

2°.  Par  la  chaîne  de  témoignages  des 
Ecrivains  Juifs  poftérieurs  ^  tous  regardent 
Moïfe  comme  Auteur  des  Loix ,  d^s  ufa- 
ges  religieux  &  politiques  de  leur  Nations 
il  eft  donc  naturel  que 'Moïfe  les  ai,t  écrits 
ou  les  ait  fait, écrire  ,  pour  en.perpétuçr  le 
fouvenir  &  la  pratique. 

3**.  D  n'eft  augun  motif  vraifemblable 
qui  ait  pu  engager  un  Ecrivain  Juif  à  fup- 
pôfer  ces  Livres  fous  le  nom  de  Môïfe  ; 
&  il  n'eft  aucune  époqae'oû|  cette  fùp^ofi- 
tion  ait  été  poffible.  Le  Légiflateur.  des 
Juifs,  quel  qu'il  foit;.en  quelque  temps 
qu'il  ait  vécu,  au  lieu  dQ.doQqer  fes  Loi^ 


DE  LA  R,ELTGION,&C^        6^ 

fous  fon  propre  nom ,  &  de  s'en  faire  hon- 
neur ,  les  a  publiées  fous  le  nom  d'un  per- 
fonnage  imaginaire  ;  contre  fon  intérêt , 
malgré  l'amour  propre  naturel  à  tous  les 
hommes ,  il  a  trompé  fa  Nation  fans  aucun 
motif,  &  la  Nation  entière  a  reçu  cette  opi* 
nion  fans  aucun  fondement  :  voilà  le  para* 
doxe  que  l'on  veut  nous  perfuader. 

On  conjeâure  qu^Efdras  forgea  les  contes 
de  VHifloire  Juive  au  retour  de  la  capti'- 
vite  Cû).  Y  a-t-on  bien  penfé ,  avant  que 
de  hafarder  cette  fuppofition  ?  Elle  n'eft  pas 
fort  difficile  à  détruire. . 

1^,  Efdras  attefte  le  contraire  ;  il  fe 
donne  pour  Reftaurateur ,  &  non  pas  pour 
Fondateur  de  la  Religion  &  de  la  Répu- 
blique Juive  ;  il  en  attribue  formellement 
les  JLoix  à  Moïfe  {h).  Cette  Religion , fans 
doute  ;  avoit  fubfifté  avant  Efdras  :  or  elle 
eft  fondée  toute  entière  fur  le  Penta- 
Ceuque. 

2,"".  SiJEfdras  étoit  Auteur  du  Pentateu- 
que  &  des  autres  Livres  qui  en  font  la  fuite, 
il  les  auroit  écrits  dans  la  langue  que  les 
Juifs  parloient  au  retour  de  la  captivité , 
comme  il  a  écrit  ia  propre  hiftoire.  Point 
du  tout;  pour  faire  entendre  ces  Livres  aux 


{a )  Examen  important ,  c.  4,.  p.  iç» 

Kb i  EJdr»  i,  i ,  c.  6 ,  18. L.  1 , c.  i,  7>  &c» 


•70  Apologie 

Juifs ,  il  fallut  faire^es  Paraphrafes  Chaldaî* 
ques  qui  fubfiftent  encore»  Premier  menu- 
ment  qui  attefte  que  les  Livres  paraphrafes 
font  plus  anciens  qu'Efdras, 

3^  Plus  de  deux  cens  ans  avant  le  re- 
tour de  la  captivité ,  les  Cuthéens ,  en- 
voyés à  Samarie,  furent  inftruits  par  un 
-Prêtre  Juif,  mêlèrent  le  culte  du  vrai  Dieu 
&  les  rits  de  Moïfe  à  la  Religion  de  leur 
ancienne  Patrie  (^)«  Ils  ont  confervé  dès* 
lors  le  Pentateuque  en  langue  Hébraïque  Se 
«n  caraâercs  Hébreux  qu  Samaritains.  Ces 
caraderes  font  exactement  conformes  à 
ceux  des  médailles  ou  des  ficles ,  frappés  à 
Jerùfàlem  fous  les  Rois  des  Juifs  &  avant 
Ja  captivité  (b).  Autre  monument  plus  an- 
cien qu'Efdras  &  que  Tufage  des  carafteres 
Chaldéens  dans  la  Judée. 

Il  paflfè  pour  confiant  qu'il  y  a  des  Juî& 
ÎL  la  Chine  qui  s'y  font  -établis  au  moins 
joo  ans  avant  J.  C;  par  conféquent  avant 
qu'Efdras  fût  au  monde  (c)  :-ces  Juifs  ont 
^u  dès-lors  le  Pentateuque  Hébreu  ,  con- 
forme à  celui  des  Juifs  de  la  Paleftirte. 
TroiCème  monimient  dont  Efdras  ne  peut 
pas  être  l'Auteur. 

^»m  ■  ■  .1..    .  iiii         »m  I    ■     Il    »  ;  •mmmmmÊmmàÊlk 

m 

.   i^)  4.  Heg".  17. 
(h)  Prolégomènes  de^Valcon  >  à  U  Utç  de  h.  Polyglotte 
^Ang  et,  Vrolcg.  j.,  a*  i^  &  jû. 

4,c)  £ngel ,  EiTai  lur  Ja  f  0jpuJ«  de  rAméri^ue,  c.  4,  p.  171^ 

• 


D  Ê  L  A  R  E 1 1 G  I  O  N,  &C.         71 

4*.  Suppofens  pour  un  moment  qu'É^ 
dras  ,  fans  aucun  motif  raifonnable  ,  aii: 
voulu  fuppofer  les  Livres  de  Moïfe ,  & 
tous  les  autres  Livres  où  il  en  eft  fait  men- 
tion ;  établir  de  fon  chef  des  Loix  &  une 
Religion  fous  le  nom  de  cet  ancien  perfon- 
nage.  Lui  étoit-il  ppâîble  de  le  faire? 
Efdras  ne  commandoit  point  à  un  peuple 
récemment  forti  dés  entrailles  de  la  terre. 
Il  ramenoit  avec  lui  de  Babylone  des  an*- 
ciens  d^  la  Nation ,  des  Prêtres ,  des  Lévites  » 
tous  munis  de  leur  généalogie  ;  des  hona- 
mes ,  dont  les  pères  avoLont  vu  de  leur^ 
yeux  l'ancien  Temple ,  avoient  pratiqué 
les  cérémonies  >  les  loix ,  les  ufages  qui 
avoient  régné  en  Judée  avant  la  captivité  > 
&  qui  rapportoient  avec  eux  les  vafes  ,  les 
inftrumens  qui  avoient  fervi  au  culte  du 
Seigneur ,  avant  la  ruine  dç  Jerufalem  (a). 
Il  trouva  dans  la  Judée  le  grand  nombre 
des  Juifs  qui  y  avoient  été  reconduits  par 
2k>robabel,  73  ans  auparavant ,  &  les  def- 
cendans  de  ceux  qui  s'étoient  enfuis  à  Ut 
défolation  dé  leur  Patrie.  Efdras  a-t-il  pu 
faire  recevoir  fous  le  nom  de  Moïfe ,  à  ces 
différens  Juifs ,  des  Loix  >  des  Cérémonies , 
des  Hiftoires ,  des  Livres  dont  ils  n'avoieiit 
jamais  ouï  parler?  Efàras  environné  des  Sa. 


{i^)KPt.U^Uà)i 


72  Apologie 

marîtaînsi  ennemis  jaloux  &  appliqués  à  le 
traverfer ,  auroit-îl  ofé  rien  cnanger  à  Tan- 
eienne  police  de  la  Nation  ?  Auroit-il  per- 
fuadé  aux  chefs  du  peuple  de  renvoyer  les 
femmes  étrangères  qu'ils  avoient  épou- 
fées ,  &  dont  ils  avoient  des  enfans  ,  fi  la 
Loi  de  Moïfe  ,  anciennement  connue  & 
refpeôée ,  ne  l'avoit  exprefférpent  ordon- 
né (a)? 

j^,  Efdras  n'a  pas  pu  fuppofer  les  Livres 
de  Moïfe  ,  fans  fuppofer  les  ouvrages  de 
tous  les  autres  Auteurs ,  qiïi  de  fiècle  en 
fiècle  ont  écrit  THiftoire  des  Juifs,  Tous 
font  une  allufion  continuelle  aux  Loix ,  au 
culte ,  aux  mœurs  établies  par  ce  Légifla- 
teur  célèbre  ;  tous  fprment  une  chaîne  & 
une  fuite  de  faits  dont  les  derniers  ont  une 
lîaifon  eflèntielle  avec  les  premiers.  D  lui 
auroit  fallu  fuppofer  encore  les  généalo- 
gies des  différentes  familles  ,  en  remontant 
jufqu'au  partage  de  la  Terre  promife  , 
pour  aflîgner  à  chacune  les  poflèffions  & 
les  privilèges  qui  leur  appartenoient  en 
Vertu  de  cette  première  diftribution.  Le 
plus  habile  fauflàire  en  feroit-  il  venu  à 
bout? 

6".  Si  Efdras  étoit  F  Auteur  du  Penta- 
teuque  ,  des  loix ,  du  culte ,  des  ufages ,  de 

la 


DE  LA  Religion, &c.  75 
la  croyance  que  ce  Livre  établit ,  il  auroit 
donné  à  fa  Nation  les  moeurs  &  la  Religion 
des  Chaldéens ,  parmi  lefquels  il  étoit  né , 
&  qui  avoient  aflervi  la  Judée,  Rien-  de 
commun  néanmoins  entre  ces  deux  peuples. 
L'Aut«ir  de  V  Examen  imporcuni  pofe  pour 
maxime  »^|ue  'es  Juifs  ont  tout  emprunte  det 
autres  N^mons  (a).  Se  par  une  contradic*» 
tion  grofliere  il  foutient  qu'ils^i'ont  par  içu 
tirer  des  Ch^éenf  ,  le  dogme  de  l'iramorta-^ 
lité  de  l'ame  (h).  Efdras , le  plus^roit  des 
impofteurs ,  n'a  pas  eu  l'efprit  d'inférer  ce 
dogme  dans  les  Écrits  qu'il  a  forgés  fous  le 
nom  de  Moïfe ,  quoiqu'il  ait  été  adopté  par 
^s  Jui^  depuis  la  captivité. 

Je  penjè  ,  dit  ce  grand  Critique ,  que  la 
Juifs  nejçurent  lire  &*  écrire  que  pendant 
leur  captivité  çhe^  les  Chaldéens  .•  Je  con* 
jeâurt  qu^Ejdras  forgea  tous  ces  contes  au 
retour  de  la  captivité  ^  il  les  écrivit  en  let" 
très  Ckaldéennes  dans  le  jargon  dit  pays.  Je 
crois  que  Jérémie  put  contribuer  beaucoup  à 
la  compojîtion  de  ce  Romande).     . 

En  vérité  la  conjeôure  eft  heureufe  dans 
tous  fes  points.  Les  Juifs  ne  fçurent  lire  & 
écrire  que  pendant  leur  captivité  ;  &  nous 
avons,  encore  la  monnoie  frappée  fous  les 

(b)Chap.  j. 

(  c  )  ^xjimen  imporuat  i  c.  4« 

Tome  L        *  G 


74  Apologie 

Rois  des  Juifs  en  caraderes  Samaritains  ; 
conformes  au  Pcntateuque  Samaritain: 
c'eil  y.  n'en  déplaife ,  au  faux  Bolingbroke, 
l'alphabtt  purement  Hébreu  (a), 
.  Efdras  écrivit  le  Pentatcuque  dans  le 
jwrgon  du  pays  ;  &  pout  le  mettre  dans  le 
jargon  du  pays ,  il  fallut  &ire  le^^aphra* 
iês  Chaldaïques.  " 

Jérémie  put  contribuer  beaucoup  à  la  corn" 
fofition  de  ce  Roman;  &fércniieéf oit  mort 
54  ans  avant  le  retour  de  la  captivité  ,127 
ans  avant  l'arrivée  d'Efdras  à  Jerufalem  ; 
Jérémie  n'alla  jamais  à  Babylone. 

Si  nous  tombions  dans  des  bévues  aufli 
groffieres ,  avec  quelles  railleries  nous  fe- 
rions accueillis  !  Cela  me  paroît  démontrer 
que  le  rôle  d'impofteur  n' eft  pas  aifé  à  fou- 
tenir, 

•  Que  l'on  place  en  quel  temps  on  voudra 
k  pritetkiue  fisppontion  de  llùAoire  de 
Moïiè  ,  l'impoflibilité  fera  toujours  la 
ssiêmB.  Sous  les  Rois  >  lorfqtie  la  Judée 
étoit  divifée^  en.  deux  petits.  Royaumes 
pre%ie  toujours  ennemis»  pouvok-^QQ  y 
întEoduire  une  Religion  &  des  loix  cohunu-- 
nesyy  accrâiiter  des  &hles ,  fànss'expoiè]: 
à  la  coQcradiâion  &  à  la  réclamatioadê  Vmx 

(a)  Je  fçaîs  que  cette  opinion  eft  conteâéeparde  f^avans 
Critiques;  mais  que  le  Ciiaidéen  foie  plus  ancien  que  le  Sa-r 
maricain  chez  lc«  Juiff  ^  ou  au  consi»iire|  oeia  eâ;ej^« 


DE  LA  Religion,  &c.  yj: 
ou  de  l'autre  parti?  Le  fchîfme  des  dix 
Tribus  perpétué  depuis  Salomon  jufqu'à  la 
captivité ,  étoit  donc  une  barrière  infur- 
montable  contre  toute  efpèce  d'innova- 
tion, &  contre  le  projet  qu'un  fourbe 
auroit  pu  former  de  fçduire  la  Nation  enr 
riere  par  une  hiftoire  forgée  à  plaifin 

Dans  ce  temps-là  même ,  les  Juifs  avoient 
fous  les  yeux  les  monumens  de  la  légiflatioa 
de  Moïfe  ,  les  divers  fymboles  du  culte 
Divin  qui  avoient  déjà  fervi  dans  le  Taber- 
nacle du  défert ,  l'arche ,  la  verge  d'Aarojn  , 
les  tables  de  la  Loi  »  l'urne  pleine  de  manne 
qui  y  étoient  renfermés  ;  la  divifion  des  fa- 
milles Sacerdotales  &  Lévitiques ,  les  fêtes 
que  l'on  célébroit,  les  Cantiques  &  les 
Pfeaumes  que  l'on  chantoit  dans  leTemple, 
la  ftruâure  du  Temple  même ,  conforme  à^ 
celle  de  l'ancien  Tabernacle ,  tout  rappel- 
loit  aux  Juifs  le$  inftitutions  de  Moïie  Sc 
les  événemens  de  fon  Hiftoire.  Ils  étoient 
tranfinîs  pai:  tradition  ;  les  pères  dévoient 
en  inftruire  kurs  enfaas^;  les  Prêtres  étoient 
chargés  de  les  lire  au  peuple  ;  les  Prophè- 
tes ne  paroiflbient  en  public  que  pour  en 
rappeller  le  fouvenir  ;  les  Rois  mêmes  fe 
aoyoîent  ofeHgés  d?obferver  ces  loix  déjà 
anciennes.  Au  milieu  d'une  Nation  entière, 
divifée  en  diflferens  ordres ,  compofée  de 
&miUes  qui  avoient  divers  intérêts ,  un  im:: 

Gij 


7^  Apologie 

pofteur  a-t-'iljpu,  fans  pouvoir,  fans  carac- 
tère ,  fans  mimon  fumatur^lle  ,  perfuader  à 
tous  qu'ils  avoient  appris  de  leurs  pères  des 
événemens  dont  ils  n'avoient  jamais  ouï 
parler,  qu'ils  ^voient  r£çu  de  leurs  aïeux 
des  loix  dont  il  étoit  lui-même  l'Auteur  , 
qu'*'ls  célébroient  dans  leurs  fêtes  &  leurs 
cérémonies  des  miracles  qu'il  avoit  lui- 
même  forgés  ?  A-t-on  dans  l'univers  quel- 
qu'exemple  d'un  pareil  phénomène? 

Sous  les  Juges ,  l'impofture  n'auroit  pas 
«eu  plus  de  facilité  à  réuflîr.  Les  12  Tribus 
féparées  en  différens  quartiers  de  la  Pales- 
tine ,  occupoient  les  poffeflions  qui  leur 
avoient  été  aflîgnées  fous  Jofué ,  félon  les 
ordres  de  Moïfe  (a).  Les  familles  Sacer- 
dotales &  Lévitiques  jouiffoient  de  leurs  pri- 
vilèges en  vertu  des  loix  contenues  dans  le 
Pentateuque.  Le  peuple  avoit  fous  les  yeux, 
non-feulement  le  tabernacle  &les  fymboles 
du  culte  Divin  qui  avoient  déjà  fervi  dans 
le  défert  ;  mais  encore  les  tombeaux  de  (es 
pères ,  d'Abraham ,  d'Ifaac ,  de  Jacob ,  de 
Jofeph(^);  il  connoiflbit  les  lieux  &  les 
veftiges  de  la  demeure  de  ces  anciens  Pa- 
triarches, le  Chêne  de  Mambré ,  lé  Puits  du 
Serment ,  le  Puits  du  Vivant  &  du  Voyant  » 

■ 

■*i— i— — — — —     Il    II    ■ "■  ■        ■      ^—i«»«^— w— ^ 

.  (a)  3oltie%c,  I*  4,  II»  ij,io,&c. 


DE  LA  Religion,  &c.  77 
Bethel ,  la  montagne  de  Moria ,  les  ruines 
de  Sodome  &  de  Gomorrhe ,  &c,  nu)nu* 
mens  toujours  préfens  de  l'hiftoûre  confî- 
gnée  dans  les  Livres  de  Moïfe  ;  les  reftes 
des  Nations  Chananéennes  qui  ilibiîftoient 
au  milieu  des  Juifs  ,  atteftoient  d'une  ma- 
nière authentique  l'entrée  de  ceux-ci  dans  la 
Paleftine  au  fortir  du  défert.  Les  dernières 
paroles  de  Jofué  ,  avant  fa  mort,  avjient 
été  une  répétition  fommaire  des  évéaemeas 
arrivés  fous  Moïfe  (û). 

Ainfi  d'âge  en  âge  fe  fotit  perpétués  ,  à 
côté  des  Livres  de  Moïfe ,  les  monumeiis 
qui  en  atteftoient  la  vérité,  &  qui  en  garan* 
tiffoient  les  circonftances.  Etoit-ce  ^\x  mi-^ 
lieu  de  cette  multitude  de  témoins  muets 
qu'un  impofteur  pouvoit  forger  une  hif- 
toire  de  deux  miltê  cinq  cens  ans,  &  en 
ajufter  toutes  les  circonftances  ? 

L'Auteur  de  V Examen  important  a  écrit 
très-mal-à-pr opos ,  que  ni  Phiftoire  des  Juges 
ni  celle  des  Rois  j  ni  aucun  Prophète  ne  cite  uri 
feul  pajfage  de  la  Genèfi  (t).  Quand  le  fait 
feroit  vrai ,  il  ne  prouyeroit  rien  :  n'eft-ce 
pas  allez  que  ces  difFérens  écrits  faflent  men- 
tion de  Moïfe  ,  de  fes  aâions ,  de  fes  loix , 
conformément  au  Pentateuque  ?  Mais  il 

(a)  Jofwy  c.  14* 

{h)  Ëxamea  important ,  c.  tf  ^  p.  3  5. 

Giij 


78  Apologie 

fiiffit  de  les  parcourir ,  pour  être  convaincu 
du  contraire.  Il  n'en  eft  pas  un  feul  qui  ne 
&ile  allufîon  à  quelque  paflage  ,  à  quelque 
événement ,  à  quekju'ulage  rapporté  dans 
Ja  Génèfe  &  dans  les  autres  Livres  du  Légis- 
lateur des  Juifs*  Plufieurs  Pfeaumes  font  un 
abrégé  de  l'Hiftoire  de  Moïfe  :  les  Parali- 
pomènes  reprennent  la  ^généalogie  des  Pa- 
triarches depuis  Adam  (a)  :  les  Prophètes 
répètent  fans  cefle  aux  Juifs  les  loix  &  les 
menaces  de  leur  Légiflateur.  Il  èft  ridicule 
d'objefter  que  les  Prophètes  ne  difent  rien 
des  plaies  de  l'Egypte  ni  des  miracles  de 
Moïfe  (  A  )  ;  il  en  eu  parlé  dans  les  Pfeaumes , 
•dans  1%  Sageife  ydans  f  Eccléfiaftique ,  &  dans 
d'autres  Livres  :  étoit-il  nécelfaire  de  répé- 
ter la  même  chofe  dans  tous  les  Ecrits  des 
Prophètes. 

S.  3* 

Refte  donc  à  examiner  fi  Moïfe  lui- 
même  a  pu  tromper  fa  Nation  fur  les  évé- 
laemens  qu'il  raconte  dans  fes  Livres ,  & 
dont  il  prend  continuellement  les  Juifs  à 
témoin.  Si  Moïfe  n'a  point  opéré  de  mira- 
cles ,  fi  tous  les  prodiges  qu'il  raconte  font 
dos  fables ,  nous  demandons  qu'on  nous 


■« 


(a)  i  Parai  i. 

ii)  Diner  du  Comte  de  Boulalnvilliers ,  p.  17* 


DE    LA   R  ELIGION,  &:c.         7p 

explique  ,  I^  comment  il  a  pu  tirer  fon 
peuple  de  l'Egypte  ;  comment  il  a  pu  s'en 
faire  iùivre  dans  un  defert  pendant  40  ans; 
comment  il  a  pu  gouvercier  cp  peuple  r«- 
belle  &  indomptable ,  tel  -qa^joa  nous  le 
peindra  bientôt  ;  xx)mment  il  a  pu  l'affii- 
jettir  à  des  loix  pénibles  &  onéreufes  qcd 
rendoient  ce  peuple  odieux  à  tous  fes  voi- 
fins  ;  comment  il  a  ofé  fi  fbuvent  lui  faire 
les  reproches  les  plus  vifs  &  les  plus  amers!; 
punir  les  féditieux  avec  la  dernière  févé« . 
rite  ?  ^ 

2^^ /Comment  il  a  eu  le  front  d'kïfiituer 
des  fêtes,  des  cérémonies ,  des  ufages  qui 
rappelloient  continuellement  le  fouvenir 
de  ces  miracles ,  &  comment  les  Jwû  ont 
confenti  à  les  obferver  ? 

L'Auteur  de  VEjfamen  important  ré^ 
pond  dédaigfieufement  à  ce  raifbnnement 
d'Abadie  :  il  demande  fi  Moïfe  a  lu  fon 
Pentateuque  à  deux  millions  de  Juifs ,  s'ils 
étoient  <:apables  de  le  réfuter  par  écrit , 
s'ils  ont  figné  fon  Hiftoire  comme  té- 
moins («)? 

Oui ,  ils  l'ont  fignée ,  je  le  foutiens ,  en  fe 
foumettant  aux  loix  du  Pentateuque  ;  ils 
l'ont  figf^  de^leur  fang  ,  en  exécutant  fur 
eux-mêmes  la  circoncifion  interrompue 


(a)  Examen  important  >  c.  z»  p.  ii. 

Gîv 


80  A  PO  L  O  G  I  £ 

dans  le  défert  pendant  40  ans  :  le  lieu  nom^^ 
me  Gàlgala  étoit  le  monument  qui  Tappre-^ 
Boit  à  la  poftérité  { a  ).-  La  -circoncifion 
avoit  été  pratiquée  avant  Moïfe  ;  mais 
après  une  interruption  de  40  ans ,  il  fal- 
loit  toute  la  févérité  de  la  Loi  de  Moiïe 
pour  en  faire  reprendre  l'ufege.  Moïfe  a 
donc  lu  fon  Pentateuque  ^ux  Juifs  ;  il  a 
fait  plus ,  il  les  a  forcés  à  îs'y  foumettre  &  à 
le  conferver  comme  le  titre  de  leurs  con- 
quêtes &  de  leurs  efpérances.  La  plupart 
des  Juifs  ne  pouvolent  pas  écrire  contre 
lui,  mais  ils  pouvaient  le  maflacrer  ;  &  ils 
Tauroient  fait ,  fi  c'eût  été  un  impofteun 

On  nous  demande  encore  fi  les  Temples 
de  Bacchus  ,  d'Hercule  ,  de  Perfée  prou- 
vent la  vérité  de  leurs  fables  ?  Non ,  ils  ne 
la  prouvent  point ,  jtarce  que  ces  Temples 
ne  remontent  point  jufqu'au  fiècle  où  l'on 
fuppofe  que  ces  perfonnages  ont  vécu  ;  il 
n'eft  aucun  de  leurs  monumens  qui  ne  leur- 
foit  poftérieur  de  plus  de  300  ans.  Les  fêtes 
&  les  cérémonies  Juives  remontent  jus- 
qu'au tenips  de  Moïfe ,  &  n'ont  jamais  été 
interrompues  ;  tout  comme  nos  fêtes  com- 
mémoratives  remontent  jufqu'au  temps^es 
Apôtres ,  fans  aucune  interruption,  C'eft  là 
diÔérence  effentielle  qui  (e  trouve  toujours 


{a)Jofut,c.  f* 


/ 


/ 


De  la  Religion, &c.      8i 

entre  les  monumens  de  la  vraie  Religion  & 
ceux  de  l'Idolâtrie  ,  différence  fur  laquelle 
nos  adverfaires  affedent  vainement  de  fer- 
mer tes  yeux. 

Nous  voyons  dans  le  Calendrier  des 
Juifs  >  dés  fêtes ,  des  jeûnes ,  des  expiations , 
pour  conferver  la  mémoire  des  événemens 
qui  ont  fuivi  la  captivité ,  de  ceux  qui  font 
arrivés  pendant  fa  durée ,  &  de  ceux  qui 
l'ont  précédée.  Les  faits  poflérîeurs  à  la  cap* 
tivité  ne  font  pas  douteux ,  ils  font  confir- 
més par  THifloire  Profane  ;  fur  ces  articles 
le  Calendrier  Hébreu  efl  un  monument 
authentique  &  à  couvert  de  foupçon.  Par 
quelle  raifen  le  croirons  nous  moins  fidèle 
fur  les.  autres  points  ,•  dès  qu'il  s'accorde 
avec  l'Hifloire  Sainte  (a)? 

On  peut  nous  traiter  de  fous,  d'imbé- 
cilles ,  de  fripons ,  parce  que  nous  foutenons 
ces  faits  (  >)  >  ce  langage  brutal ,  que  jamais 
Bolin;^broke  ne  fe  feroit  permis  ,  ne  peut 
faire  tort  qu'au  fauflaire  qui  a  emprunté  fon 
nom, 

Puifque  nous  n'écrivons  que  des  inepties, 
un  Doâeur  auflî  redoutable  devroit  nous 
écrafer  par  des  démonftrations  :  on  va  voir 


(â)  Introduâ.  â  I*Ecricure  Sainte  j  par  le  Père  Lami  i 
c.  I( 

(fr)  Examen  împorrant,  c.  t»  p.  ti. 


S2r  Apologie 

ce  ()u'il  nous  oppofe  ;  il  l'a  pris  dans  Spî* 

ncfa. 

1°.  Eft-il  vraifemblable  ,  dit -il ,  que 
Moïfe  ait  fait  graver  le  Pentateuque  fur  la 
pierre  (  ^  )  ?  Non  ,  cela  n'eft  pas  vraifem- 
blable; auffi  l'Ecriture  ne  le-dit  point.  Elle 
dit  feulement  que  Moïfe  fit  graver  fur  la 
pierre  la  Loi ,  c'eft-à-dire  ,  les  dix  Com- 
snandemens  de  Dieu  ;  ce  qui  eft  fort  difie* 
rent. 

a**.  Il  eft  rapporté  dans  le  Livre  de  JoJUé 
quej'on  écrivit  le  Deutérotiome  fur  un  Autel 
de  pierres  brutes  ^  enduites  de  Mortier;  corn-' 
ment  écrire  tout  un  Livre  fur  du  mortier  ? 
Voilà  feulement  deux  faufletésfPremiére- 
ment  il  n'eft  point  parlé  de  mortier  dans  le 
Livre  de  Jofué  (i).  Il  eft  dit  que  Jofué 
bâtit  un  Autel  de  pierres  brutes  ,  &  y  im- 
mola des  viâimes  ;  enfuite  il  eft  dit  que 
Jofué  grava  le  double  de  la  Loi  fur  des  pier- 
res. C'eft  donc  une  autre  fuppofition  fàufle  > 
de  prétendre  que  Jofué  fit  graver  un  Livre 
tout  entier  ;  il  fit  graver  la  copie ,  ou  la 
répétition  de  la  Loi  :  tel  eft  le  fens  du  texte 
original  &  de  toutes  les  verfions. 

Si  l'on  demande  de  quelle  matière  Moïfe 
a  pu  fe  fervir  pour  écrire  fes  Livres  ,  on 


(a)  Çxamen  important,  c.  i ,  p.  ij. 
{h)  Jofue,  8,  ji. 


©  E  L  A  R  E  L  I  G  I  O  N ,  &c;        Sj 

fera  pleinement  fatisfait ,  en  confultant  là- 
deflus  le  fçavant  Ouvrage  de  M.  Goguet  (a). 
On  y  verra  que  du  temps  de  Job ,  que  l'on 
croit  anférieur  à  Moïfe,  on  écrive  it  déjà 
fur  des  feuilles  de  plomb  >  &  d'autres  nié- 
taux. 

3®.  L^on  reprocjie  à  l'Auteur  du  Penta- 
teuque  des  fautes  innombrables  de  géogra- 
phie ,  de  chronologie  &  des  contradiâions. 
Nous  ferons  voir  que  toutes  celles  qu'on 
nous  objeâera  dans  la  fuite,  font  ée  vai- 
nes fuppofitions ,  &  que  l'on  ne  peut  en 
prouver  aucune. 

4^.  Le  premier  verfet  du  Deutéronomc 
porte  :  voici  les  paroles  que  prononça  Moïfi 
au-delà  du  Jourdain  :  cependant  Moïfe, 
nous  dît-on ,  ne  pafli  jamais  le  Jourdain, 
Abadie  avoir  répondu  que  la  prépofîtion 
Hébraïque  que  Yon  traduit  par  au  -  delà  » 
lignifie  également  au-deçà  ;  &  c'eft  aînfî 
que  l'a  rendu  la  verfion  Syriaque.  On  lui 
objeâe  que  fa  réponfe  eft  ridicule.  Il  Ifc- 
loit  auparavant  confulter  un  DidionnairQ 
Hébreu ,  pour  voir  fi  Abadie  a  eu  tort.  Le 
texte  poste  :  voici  les  paroles  que  pronon- 
ça Moïfe  au  pa£age  du  Jourdain  ;  & ,  fé- 
lon les  meilleurs  Lexicographes ,  le  terme 

(a)  Origine  des  Loixf  des  Arts  &  des  Sciences  >  première 
Partie,  1«  i>c.^. 


§4  Apologie 

Hébreu  exprime  également  au  volpna^t  ou 
vU-à-vis  (  û  ).  Uobjeâion  eft  donc  absolu- 
ment nuUew 

y**.  Le  Cenfeur  de  Moïfe  demande  s'il 
eft  vraîfemblable  que  ce  Légiflateur  ait 
donné  dans  le  défert  des  préceptes  aux 
Rois  dés  Juifs  «  qui  ne  vinrent  que  tant 
de  fiècles  après  lui  ?  Je  demande  à  mon 
tour  :  Si  Efdras  eft  l'Auteur  du  Pentateu- 
que ,  eft-il  vraifemblable  qu'il  ait  donné 
des  ptéceptes  aux  Rois  des  Juifs  dans  un 
temps  où  les  Juifs  n'avoient  plus  de  Rois  î 
Moïfe  étoit  Prophète  ;  il  eft  donc  vrai- 
femblable qu'il  ait  prédit  aux  Juifs  qu'un 
jour  ils  auroient  des  Rois  »  &  qu'il  ait  donné 
des  préceptes  pour  eux  »  comme  pour  tous 
les  autres  Etats.       « 

6^.  On  dit  que  Moïfe  aflîgne  aux  Lévi- 
tes 48  villes  dans  un  petit  canton  où  il  y 
avoit  à  peine  deux  villages.  La  fuppofition 
eft  faufle.  Ces  4.8  villes  font  affignéer  aux 
Ukrites  dans  toute  l'étendue  de  laPaleftine» 
&  dans  tout  le  pays  divifé  aux  douze  Tri- 
bus C^).  D'ailleurs  l'Auteur  de  l'objeârion 
paroît  ignorer  que  le  terme  viUe ,  dans  la 
langue  de  Moïfe ,  exprime  feulement  ha^ 
bitation  ,  8(  qu'il  peut  défigner  Amplement 
un  hameau  ou  un  village. 

(  0  )  V.  Hyie ,  de  Riiig*  Petfarum^  c  z  •  p.  47« 
(h)  Jojuet  Q*ii* 


BE  LA  Religio»,  &c.      8;* 
7*^.  Comment  un   Ange  du  Seigneur 
vient -il  tuer  tous  les  animaux  d'Egyp-. 
te  ?  Et  comment  après  cela  lé  Roi  d  É- 
gypte  a-t-il  une  armée  de  cavalerie  ?  Et 
comment  cette  cavalerie  entre-t-elle  dans 
le  fond  bourbeux  de  la  mer  rouge  (a)  ?  Ce 
tt'eft  pas  la  faute  de  Moïfe  fî  l'on  rend  mal 
le  fens  de  Ton  texte  :  il  y  ef^  dit  que  la  pefie 
tua  les  animaux  des  Egyptiens  quiétoient 
dans  les  champs  (b):  ceux  qui  étoient  ren- 
fermés .dans  les  maifons ,  furent  donc  pré- 
fervés.  La  cavalerie  de  Pharaon  put  entrer 
dans  le  fond  de  la  mer  rouge ,  parce  que  Dieu , 
pour  donner  paflage  aux  Ifraélites ,  fit  fouf- 
fier  un  vent  violent  qui  le  deflecha  (c). 

8**.  S'il  eft  vrai  que  TAnge  du  Seigneur 
aie  fait  mourir  tous  les  aînés  des  familles 
Egyptiennes ,  pourquoi  Moïfe  ne  penfa- 
t-il  point  à  s'emparer  de  ce  beau  pays  >  au 
lieu  de  conduire  deux  millions  d'hommes 
dans  un  défert  f  C'eft  que  Moïfe  fçavoit 
que  Dieu  ne  deftinoit  point  à  ion  peuple  la 
poflèflion  de  l'Egypte  ,  mais  celle  de  la 
Palefline.  Nous  convenons  que  la  conduite 
de  Moïfe  n'eft  point  conforme  aux  règles 
de  la  polidque  humaine  :  aufli  foutenons* 


(«)  Examen  impoconc ,  c«  x ,  P*  i^« 


S6  Apologie 

nous  qu'il  étoit  conduit  par  des  vues  fupé- 

Heures  &  fur  naturelles.  ; 

Nous  avons  cru  ne  devoir  omettre  au- 
cune des  objeâions  du  faux  Bolingbroke , 
afin  que  le  leâeur  pût  juger  du  mérite  d'un 
Livre  qui  eft  annoncé  comme  le  plus  élo* 
qutnt ,  h  plus  profond ,  le  plusfott  qu'on  ait 
encore  écrit  contre  le  fanatifme ,  c'eft-à- 
dire  ,  contre  la  Religion  C  ^  )  :  fi  cela  eft , 
tous  les  autres  font  bien  foibleSi 

Voyons  fi  l'Auteur  du  ChriJIianifme  dé- 
i^oïlé  raifonne  mieux  dans  Ion  Hiftoire 
abrégée  du  Peuple  Juif. 

S.  4. 

Pour  faire  l'Hiftoire  d'une  Nation  duel- 
conque  ,  la  vérité  exige  que  l'on  conlulte 
les  Auteurs  contemporains,  ou  qui  ont  tou- 
ché de  plus  près  aux  événemens  qu'ils  rap- 
portent ,  qui  ont  fréquenté  le  peuple  dont 
ils  parlent ,  qui  ont  été  à  portée  d'en  con* 
noître  le  génie ,  les  mœurs ,  le  gouverne- 
ment: il  eft  de  la  prudence  de  s'en  fier 
plutôt  aux  Hiftoriens' anciens  qu'aux  mo- 
dernes ,  aux  Ecrivains  de  la  Nation  qu'aux 
étrangers.  C'eft  ainfî  que  l'on  procède , 

3uand  on  veut  connoître  les  différens  peuples 
e  l'Univers ,  fur-tout  les  peuples  anciens. 

fct  I  >  I        II       ■— .— *M— miX^I 

ia)  Avû  i  la  téce  de  rCxamen  împortam. 


DE  LA  Religion,  &c.  87 
Eft  -  il  queftion  de  peindre  lés  Juifs  ? 
Nos  ad  ver  (aires  s'y  prennent  difieremment. 
Ils  commencent  par  dire  que  ce  peuple  a 
été  inconnu  aux  étrangers  (a);  &  c'eft  de 
ces  étrangers  mêmes ,  très-mal  informés , 
qu'ils  empruntent  leurs  narrations.  Ils  rejet*» 
tent  le  témoignage  de  Moïfe,  quoiqu'il  re-* 
monte  à  la  fource  des  événemens  ;  &  ils 
nous-  citent  des  Ecrivains  qui  ont  vécu 
fept  ou  huit  cens  ans  a^rès  lui.  Rien  de  fi 
judicieux ,  fans  doute ,  que  ce  procédé  ;  rien 
de  plus  propre  à  nous  montrer  la  vérité.  Ils 
copient  fort  exaâemént  dans  les  Livres  de$ 
Juifs  >  tout  ce  qui  peut  contribuer  à  rendre 
ce  peuple  odieux  ;  &  ils  n'ajoutent  aucune 
foi  à  ces  mêmes  Livres  fur  ce  qui  paroît  fa^ 
vorable  à  la  Nation.  L'équité  Philofophi* 
que  efi  d'utie  finguliere  efpèce. 

S'il  y  eut  jamais  une  Hiftoire  qui  portât 
tous  les  caraderes  de  la  vérité ,.  c'eft  afluré- 
ment  celle  de  Moïfe.  Il  tenoit  des  Patriar- 
ches »  fes  ancêtres  s  les  événemens  qui 
a  voient  précédé  fon  fiècle  ;  la  brièveté 
avec  laquelle  il  les  raconte  >  fait  fentir  qu'il 
n'a  pas  voulu  écrire  plus  qu'il  n'en  fçavoit  ; 
la  fimpUcité  &  la  naïveté  de  fon  ftyje  porte 
l'empreinte  des  mceurs  de  fon  fîècle.  Il  ne 
s'eft  pas  conireàté  de  citer  .des  faits  ifolés ,  U 


(tf}Chrift.déY0ilé2P.i^. 


88  Apologie 

les  enchaîne  par  lels  dates  8f  par  les  généalo- 
gies ;  il  en  fixe  le  temps  &  le  lieu  précis. 
S'il  eût  été  moins  inftruit ,  s'il  eût  rapporté 
des  fables ,  tout  fe  démentiroit  dans  fon 
Hiftoire  ,  à  chaque  inftant  il  fe  trouverait 
en  défaut  ou  en  contradiâion  ;  &  jamais 
on  n'a  pu  le  convaincre  de  faux  mr  un 
feul  point.  Il  raconte  ce  qui  s'Wl  pafle  d^ 
fon  temps ,  non-feulement  comme  témoin 
oculaire ,  mais  comme  aâeur  principal  ;  il 
ne  difCmule  ni  fes  propres  fautes  ,  ni  celles 
de  fes  proches ,  ni  les  vices  ni  les  malheurs 
de  fon  peuple.  S'il  n'a  .pas  droit  de  fe 
faire  écouter ,  aucun  Hiftorien  ne  mérite 
croyance. 

L'Auteur  de  la  Phîlofgphie  de  VHiJloire  , 
pour  donner  une  grande  idée  des  Annales 
Chinoifes ,  fait  remarquer  que  les  époques 
en  font  fixées  par  des  obfervations  aftrono- 
iniques ,  que  les  Chinois  ont  lié  l'Hiftoire 
du  Ciel  à  celle  de  leur  Empire  (a).  Moïfe 
a  mieux  pourvu  à  la  certitude  de  la  fienne  ; 
il  l'a  ^oitement  liée  à  celle  des  Nations 
connues  pour  lors ,  &  à  tous  les  monumens 
répandus  fur  la  furface  de  la  terre.  Par  le 
moyen  des  tables  aftronomiques  5  on  peut 
faire  l'hiftoire  du  ciel  >  en  remontant  jufqu'à 
la  création  ;  mais  nous  n^avons  point  de 


MMM«PWIfMMB*M 


itf)  PhiloCderHiitc.  it. 

tables 


DE    L  A  R  E  L  I  G  I  O  N  ,  &C.        8p 

tables  qui  nous  apprennent  ce  qui  eft  arrivé 
fur  la  terre  depuis  cette  époque  ;  ou  Moïfe 
l'a  fçù  par  une  tradition  authentique,  ou  par 
révélation; 

Quand  on  veut  le  contredire  ;  il  fau- 
droit  du  moins  concilier  entr'eux  les  divers 
Ecrivains  qu'on  lui  oppofe ,  ou  nous  ap« 
prendre  laquelle  de  ces  narrations  contra- 
diâoires  mérite  plus  de  créance.  Manéthon 
&  Chérémon ,  Hiftoriens  Egyptiens ,  que 
l'Auteur  du  Chriftianijme  dévoilé  cite  avec 
très-peu  de  fidélité  ,  ne  font  point  d'ac- 
cord (a).  Le  premier  liippofe  que  les  Juifs 
étoient  un  peuple  étranger  venu  de  l'Orient 
en  Egypte,  qui  fe  rendit  maître  de  ce  Royau- 
me >  &  qui  en  fut  chafle  les  armes  à  la  main , 
après  l'avoir  tenu  fous  le  joug  pendant  plus 
de  5 CTO  ans  ;  c'eft  ce  que  l'on  a  nommé  la 
Dynaftie  des  Rois  Pafteurs,  Le  fécond  pré- 
tend que  les  Juifs  éroient  une  multitude  de 
lépreux  Egyptiens ,  qui  furent  bannis  par  le 
Roi  Aménophis,  &  qui  chêifirent  pour  leur 
chef  un  Prêtre  d'Héliopolis  nommé  Moïfe* 
Diodore  de  Sicile  penfe  comme  Manéthon , 
que  les  Juifs  étoient  une  nation  étrangère  , 
qu'ils  furent  chafles  d'Egypte  >  parce  qu'Us 


m» 


H 


$)0  Apologie 

avoîettt  utieiEleligion  dîfïerente  de  xxlie  des 
£g3^tietis  {a)*  Strebon  donne  ia  même 
raifoti  de  leur  ibrtie  ,  mais  il  les  croit 
originaires  d'Egypte  (i).  Juflin ,  après 
iTrogue-Pompée ,  dit  que  la  ville  de  Damas , 
en  Syrie ,  étoit  leur  première  Patrie  ;  il 
rappc^te  fommairement  l'Hiftoire  de  Jo 
f^n  &  la  fortie  d'Egypte ,  comme  elle  eA 
racontée  dans  les  Livres  de  Moïiè  (c). 
tTtcite  raflèmble  ce  que  les  divers  Hifto- 
riens  avôieatéoit  avam  lui  fur  l'orlgiine  des 
Juifs;  le^  uns  les  £aifoient  ibrâr  de  l'Ifle  de 
Crète  >  les  autres  de  la  Syrie  ,  ceux-<:i  de 
l'£gypte  ,  ceux-là  de  l'E^iiiopîe  ;  enfin  il 
s^en  tient  à  oe  que  l'on  publioit  de  leur  ban-- 
niflesient  d'Egypte  à  caufè  de  la  lèpre  <i), 
L'Auteur  de  VEâCûmen  important  »  beau- 
coup {dus  éclairé  que  les  anciens ,  décide 
^ue  Its  Hébreux  ^peufk  tris-récent ,  était  une 
horde  Arabe  (  c  ).  AfKirément  nous*  voilà 
bien  inâruits parles  Hiftoriens  profanes. 

Mm  H  y  a  un  fait  certain.  Les  Hébreux 

parlaient  une  langue  qui  n'eft  pas  entiére- 

inent  la  même  qte  le  Syriaque  ou  le  Phénix 

;  ciea ,  qui  eft  différente  de  l'Arabe  ,  de  TE- 


(a)  Fragmens  de  Dîodore ,  1«  40 •>  tome  7  »  p.  24J1 

i  h  )  Strabon  ,1.  i  ^ ,  p.  yti» 

(c)  Juftin,  1.  3^. 

((f)  Tacite,  hi(t.  1.  ç,  n.  i&nJ. 

i  €  )  Chap.  I  y  p.  1)  ^  ec  Dia.  FiiHor.  ait.  Ctnèfu 


DE  LA  Religion,  &c.  $^t 
gyptien  &  ëe  l'Ethiopiefî  ;  cette  langue  fub- 
fiftê  encoi?e  ,  &  Moïfe  s'en  «ft  fervi  pour 
écrire  :  voilà  le  monument  qui  nous  garan- 
tit fa  fidélité ,  &  qui  démontre  que  les  Hé- 
breux  ne  tiroient  leur  origine  d'aucun  des 
peuples  <}ue  nous  avons  nomméi?.  Il  eft 
étonnant  qu'aucun  de  ces  Auteurs^  dont 
on  vante  la  fagacité,  n'ait  fak  cette  obfçr- 
vation. 

Pour  la  détruire  >  on  nous  objeôe  le 
Pfeaume  80 ,  où  il  eft  dit  que  le  peuple  de 
Dieu  y  fartant  de  ÏE^pte  ^  intendit  parler 
une  langue  fwi  iui  éteit  inconnue  :  il  parloît 
donc  Egyptien  {a).  Si  on  avoit  confulté 
le  texte  Hâ)reu  &  les  Paraphrafes  C3ialdaï- 
ques ,  on  auroit  conclu  tout  te  contraire.  Il 
y  dft  dit  que  Jofepky  tn  entrant  en  Egypte  y 
entendit  parler  une  langue  qui  lui  étoit  in- 
connue ;  cela  eftcoiA'mé  par  le  cfcap.  4 
'étt  faGenèfe ,  îf'.  23  >  où  on  lit  que  JofepI 
parloit  à  fes  frères  par  iTn  interprète.^ 

Si  Moïfe  &  fon  peuple  euflent  été  de 
race  Egyptienne  ,  ce  Légiflateur  ,  fans 
doute ,  -eut  donné  aux  Jmfs  les  lôîx  ,  la 
Religion ,  tes  mœurs  de  l'Egypte.  Un  hom- 
me qui  n'a  eu  d'autres  maîtres  que  fes  pères , 
d'aqtres  idées  que  celles  de  la  Nation,  ne 
change  point  tout-à-cocrp  de  génie ,  de  ca- 


^  A  )  Défenfe  de  oiqh  Oocld ,  p*  z  i  ^* 

Hij 


$2  Apologie 

raâere  «  de  croyance  »  les  hoinmçs  ne  devi- 
nent point ,  ils  copient.  Moïfe  ,  dans  fes 
Ioix>  afTeôe»  prefque  par-tout ,  de  détruire 
les  ufàges  »  les  fuperftitions ,  les  préjugés 
des  Egyptiens  :  cela  n'edpas  naturel. 

S'il  avoit  voulu  forger  des  fables  pour 
illuftrer  fa  Nation ,  il  auroit  prévenu  Mané- 
thon  ;*il  auroit  dit  que  la  poftérité  d'Abra- 
ham étoit  entrée  en  Egypte  les  armes  à  la 
main ,  en  avoit  fait  la  conquête ,  lui  avoit 
donné  de&^Rois ,  &  n'avoit  été  forcée  d'en 
fortir  que  par  une  guerre  malheureufe.Tout 
au  contraire  >  il  raconte  ingénuement  que  la 
famille  de  Jacob  fut  obligée  «"par  la  famine , 
de  quitter  la  Paleftine  pour  aller  vivre  en 
Egypte  >  qu'elle  fut  réduite  en  efclavage 
par  les  Egyptiens  ,  qu'elle  ne  put  fe  tirer 
de  leurs  mains  que  par  une  proteAion  mi- 
raculeufe  du  Ciel.  Ce  n'eft  point-là  le  toû 
d'un  impofteur  qui  cherche  à  fe  faire  valoir. 

§.  6. 

Selon  l'Auteur  du  Chriilianifme  dévoi- 
lé ,  les  Hébreux ,  long-temps  efdMVes  che^ 
les  Egyptiens  9  fwrent  délivrés  de  leur  Jirri* 
tudepar  un  Pritre  d* Héliopolis  ^  qui^parfon 
génie  (s^  fes  connoijfances  fupérieures  9  Jfut 
prendre  de  Cafcendant  fur  eux  (  a).  Conx-. 


tmt-M 


{/ê)  Défcaic  4c  nHm  Ondc;  page  i^» 


DE  LAReLIGION,  &C.         ^^ 

ment  ce  Prêtre  vint-il  à  bout  de  les  dclir 
vrer  ?  C'eft  ce  qu'on  ne  nous  apprend  point. 
Mais  puîfqu'on  vouloit  adopter  une  partie 
de  la  narration  de  Chérémon ,  il  falloit  donc 
commencer  par  réfuter  Manéthon ,  qui 
fuppofe^  non  pas  que  les  Hébreux  étoient 
elclaves  en  Egypte ,  mais  au  contraire  , 
qu'ils  avoient  réduit  l'Egypte  en  efclavage , 
&  qu'ils  en  avoient  chaffè  les  Souverains 
légitimes. 

Dans  une  note ,  on  reproche  à  Moïfe 
d'avoir  ailàilîné  un  Egyptien.  La  Bible  ne 
juftifie  ce  crime  que  par  la  miffion  extraor- 
dinaire de  Moîfe ,  miilioQ  prouvée  par  la 
fuite  des  événemens.  On  l'accufe  d'avoir 
épouie  la  fille  d'un  Prêtre  idolâtre.  Il  n'eft 
ait  nulle  part  que  Jethro  ni  fa  fille  fuflènt 
idolâtres  ;  l'Hiftoire  de  Moïfe  témoigne  au 
contraire  que  Jethro  connoiilbit  &  adoroit 
le  vrai  Dieu  (a).  On  dit  qu'il  retourna  en 
£gypte  pour  foulever  fa  Nation  mécon- 
tente contre  le  Roi.  Il  efi  queflion  de  fça- 
voir  fi  une  Nation  étrangère ,  réduite  en 
efclavage  contre  le  droit  des  gens ,  viole  la 
}ufl:ice  en  voulant  fortir  d'un  pays  où  elle 
eft  opprimée.  Enfin  on  ajoute  que  Moï(ê 
régna  très-tyrànniquement,  parce  que  Coré, 
Dathan  &Abyron  furent  punis  de  s'être  ré*. 


514  Apologie 

voltés  contre  luî.  L'Hiftoîre  dît  qu'ils  fu- 
rent engloutis  tous  vivans  dans  les  entrail- 
les de  la  terre.  Moïfe  eft-il  rcfponfable 
d'une  punition  furnaturelle  &  miracu- 
leufe? 

Si  nous  en  croyons  notre  Critique  , 
Moïfe  perfuada  aux  Héhrtux  qù!il  était  Vin^ 
terprète  des  volantes  de  leur  Dieu.  ....Il  ap^ 
puyafa  mijjîan  par  des  œuvres  qui  parurent 
furnaturdles  à  des  hommes  ignor ans  des  voies 
de  la  nature  &  des  rejfourtes  de  Part  (fl).  Il 
eût  été  bon  de  nous  expliquer,  i**.  comment 
Moïfe ,  après  avoir  féduit  les  Hébreux ,  put 
vaincre  les  Egyptiens ,  &  arracher  d'entre 
leurs  mains  ce  peuple  qu'ils  retenoient  dans 
f  efclavage ,  &  dont  ils  tiroient  les  fcrvîces 
les  p  lus  utiles  ;  2**.  tjuelles  fiirent  ces  œuvres 
que  les  Hébreux ,  par  ignorance ,  regardè- 
rent comme  fiimaturelles  ?  Toutes  les  eaux 
du  Ni!  changées  en  fang ,  toute  TEgypte 
reîmplie  d'intedes  &  d'anitnaux  nuiflbfes, 
ravagée  par  la  grêle  &  la  contagion  »  cou- 
verte d'épaiflès  ténèbres,  ou  délivrée  de  ces 
fléaux  à  la  parole  d'un  fèul  homme  ;  tous 
les  premiers  nés  des  Egyptiens  mis  à  mort 
^dans  une  feule  nuit;  les  eaux  de  la  .mer 
rouge  fufpendues  à  droit  &  à  gauche ,  pour 
donner  paflàge  à  la  Nation  entière  des  Hé- 

»— ^— IIWII  11.  II.  I  II  w 

(a)  Chrift,  dévoilé  >  p*  17*  Contagion  facrée,  f  •  74» 


D  E  L  A  R  E  L  I  G  I  O  N ,  &C.       pjT 

breux  ;  une  colo«ne  de  nuée  qui  marchoit 
à  leur  tête  pendant  le  jour ,  &  qui  deve- 
noit  lumineuiê  pendant  la  nuit  :  (ont-ce  là 
des  œuvres  qu'un  impofteur  puiflè  opérer 
par  les  voies  de  la  nature  ou  par  leis  reffour» 
ces  de  l'art  ? 

•Le premier  ordre  que  Moïfe  donna  aux 
Hébreux  de  la  pan  de  fin  Dieu  ,fut  de  roUr 
leurs  Maîtres  quils  ément  fur  le  point  de 

Siuitter.  C'eft  la  remarque  de  nos  Gên- 
eurs (a),  i^.  Il  eft  faux  que  les  Hét^reux 
ayent  volé  les  Egyptiens  :  ils  leur  deman- 
dèrent leurs  meubles  les  plus  précieux  ,  êc 
ces  derniers  les  donnèrent  fans  héfiter  > 
pour  accélérer  le  d^art  des  Hébreux ,  8c 
dans  la  crainte  de  périr  ,  fi  on  le  retardoît 
plus  long-temps.  Les  Egyptiens  compre- 
noient  très4)iefl  que  lesHœrenx  ne  revien- 
droient  jamais  (*)•  2?*  Dieu ,  fouvcrain 
arbitre  du  droit  des  deux  peuples ,  étoit 
le  mmtre  de  'donner  aux  Hébreux  les  rir 
cheiles  des  Egyptiens ,  comme  une  jiifte 
compenfation  des  fervices  que  les  Hâ^reux 
leur  avoiem  rendu  pendant  leur  efdavage. 
•5*,  Si  les  Egyptiens  regardèrent  les  Hé- 
breux comme  des  fugitifs  &  des  voleurs , 

M^ _  ■    ■ _  _ _ 

U)  Chrift.  dévoilé ,  p.  iS.ExameA  important,  c.  7, p.  i^ 
Militaire  PhiJofophe,  c  10^  p.  15^  &  itfo,  3«  Lcuic  à 
£agé<Bie,  p.  ^. 

ib)  Enfid.  11^  53, 


$6  ApoLoeiB 

qu'eft  -  ce  qui  les  empêcha  de  pourfuivre 
cette  troupe  d'efclaves  »  de  reprendre  \t 
butin  dont  elle  s'étoit  emparée ,  &  de  Tex- 
terminer  ?  Voilà  fur  quoi  Ton  n'a  pas  jugé 
à  propos  de  nous  inftruire. 

5-7- 

Moife ,  contînue-t-on ,  ^Jfuré  de  la  con-- 
fiance  des  Hébreux  ^  les  conduifit  dans  un  de-- 
fert,  où  pendant  40  ans  il  les  accoutuma  â 
la  plus  aveugle  ohéijfance  ;  il  leur  apprit  la 
fable  merveiUeufe  de  leurs  ancêtres  a  les  céré* 
montes  bigarres  auxquelles  le  Très^Haut  atta^ 
choit  fes  faveurs  ;  il  leur  infpira  fur-tout  la 
haine  la  plus  envenimée  contre  Us  Dieux  des 
autres  Nations,  &  la  cruauté  la  plus  étudiée 
contre  ceux  qui  les  adoroient  :  à  force  de  car^ 
nage  &  defévérité^  il  en  fit  des  efclaves  fou^ 
fies  Jt  fes  volontés  y  prêts  à  féconder  fes  paf", 
fions  ,  prêts  àfe  facrifier  à  fes  vues  ambi^ 
tieufes.  En  un  mot ,  il  fit  des  Hébreux  des 
monfires  de  phrénéfie  ér  de  férocité  (tf). 
Ce  ton  paflk»iné  &  déclamateur  n'eft  point 
le  caraâere  dé  la  raifon  ni  de  la  vérité  ;  il 
y  a  ici  autant  de  paradoxes  que  de  mots. 
Ou  Moïfe  fut  un  homme  ordinaire ,  réduit 
aux  expédiens  naturels  &  alix  feules  ref- 


{A)  Cbrift.  dévoilé  ;  p.  18,  Miliuire  Philofophe ,  c.  »o» 
page  1)^  U  xtfo« 

fources 


DELA  R  €  C  I  a  I  O  N,  &c,         p7 

fources  de  Ton  génie ,  ou  il  fut  le  Mîoiftre 
des  volontés  de  Dieu ,  ariné  d'un  pouvoic 
fuperieur  à  ta  Qdtuf?.  Pans  le  iècond  cas  il 
eft  juftifié  ;*  accufer  fa  conduite ,  c*eft  s'en 
prendre  au  Ciel  xnême. 

Pans  le  premier  cas ,  fa  md^m^e  d  agie 
cft  inconcevable»  Gomment  a-t-il  fait  fub- 
fifterfon  peuple,  pendant.  4<Q:an$  dans  ua 
dérei:(.adbux,  4an^  4^s  fablg?  arides  &  bm-i 
lans  »  où  rien  ne  croît ,  où  il  n'y  a  pas  feule- 
ment de  Teau  ?  Comment  ce  peuple  a-t-il 
pu  fe  réfoudre  à  y  lixivre  fon  conduâeur  i 
Comment  c^s  hommes  féroces  Se  iqdopipn 
tables  n'ont-ils  p^  abandonné  au  priemiei! 
pj^  un  çhpf  infl^nsÈ^?^  Coi^a;m^t;  ite  l'opi-riU 
pas  immolé  à  leur  déféfpoir  84a  leur  Cureur?! 
3^  foufrleos  ce  fait  plus  incroyable  que  tous 
les  Miracles  de  Moïfe,      :  .  ;     - 

Il  en  fit  des  efclotVès  fcmples^  à  fis^polontési 

Mairies  efplay/çsti§awiifS-4l5  çojotre  Mairt  ï 
contre  Içj  danger  :jÇOBtinu${l  do,  1^  niort'^ 
Ou,  Moïfe  ;gc  l§S/^95  ,^f^]^/ïi^(à 
&  des  phrp^t^ws,i9|tti^ifurwtiÉ9iis  la 
conduite,  de  Dieu  :  il  Hy,  à  :^as  de^milieu. 
Un  acçèsdeiphrépéfie^e.  dure  pas.quaçimte 
ans..  .   ...;t  -^i  ,  f  ,,  '»  _:  '  ('.  ,  •'  .    . > 

yli'l^iir.Amitk/4kh  mslf^mUi^fi  de  km 

tfnc:^rrèiK.É;tjqûellQ{faî>teJ?  Il  leur , apprend 
rhiftojrsrdes:  preuii^s-^g^  dii:  ttïdndc ,  U 
génçalogie  ds$  .P.attiÉirches  dont  ife  defcen^ 
TomeL  l 


^►S  A  p  o  t  c  G I  È 

doient»  Si  jamais  les  Hébreuit  D'en  avoient 
entendu  parler ,  fi  la  tradition  n'en  fubCf- 
tûit  déjà  pas  parmi  eux  >  comment  ont*>iis . 
pu  le  croire  ?  Il  leur  apprend  l'arrivée  de 
leurs  pères  en  Egypte,  rHiftoire  de  Jofeph , 
leur  propre  fervitude  ;  fî  tout  cela  écoit  une 
fiâiôn  ;  Morfe  avoit  contre  lui  autant  de 
témoins  que  d'auditeur^  ;  il  n'y  avoit  pas 
un  vieillard  qui  ne  fôt  en  état  de  le  dé* 
mentir. 

U  leur  app)*èi\d'  les  promeflès  &ites  à 
Abraham  &  à  fa  pbfiérité,  de  mettre  les  Hé- 
breux en  poflèffion  du  pays  des  Chananéens» 
NoUVelie  imprudence  :  ou  il  falloit  les  y 
Conduire  fur  le  champ ,  ou  il  ne  &lloit  pas 
feur  en  parler. 

Il  leur  enfiigrte  lès  céréménks  bigarres 
auxquelles  le  Très-Haut  attachait  fesjayeursm 
Mais  plus  ces  cérémonies  étoient  bizarres  » 
plus  les  Hébreux  dévoient^atoir  de  repu- 
gnâSHre  ai  ^V  foumé^t^ev  Un -L^iflaceur 
n'^trdprenu  pbbt,  de  propos' dâibéré  ,  de 
thaâger  tout^-cbil^  les  ihioeUi^  »  les  idées  , 
les  ufajges  de  &  Natioti ,  uniquement  pour 
la  rendre  efiâemie  des  autres  ^peuples.  Kn^ 
core  une  fois  il  n'y  a  pas  de  milieu  ;  ou 
Moïfe  a  étécùndmt  ))af  dés^lDcnUei^^  fupé- 
rieures  à  la  pt^cfence  hômaiûe ,  où  il  a  été 
le  plus  infenie  de  toti^;  les  hommes*  AulG 
ll-t-on  (iécidé  dans  lE^fomcn  important  ^  qu« 


DT!  LA  Religion^  &c.  p^ 
l'Auteur  du  Peatateuque  était  un  fou  (a )• 
de  n'eft  point-là  l'idée  qu'en  ont  eue  Stra- 
bon ,  Diodore  de  Sicile ,  le  Rhéteur  Lon* 
gin  (b),  8c  que  l'Auteur  du  Chrijiianifmt 
dévoilé  nous  eà  a  donnée  d'abord.  Il  a  die 
que  Moïfe  ,  par  fin  génie  &*  fes  connoif^, 
fances  Jupériewres ,  fçut  prendre  de  ïafqen^ 
dont  fur  les  Hébreux  :  ici  il  le  peint  comme 
un  infènfé  &  un  furieux  »  qui ,  à  force  dé 
carnage  &  defévétité ,  fe  propofe  de  for- 
mer ces  efclàves  flupides  »  des  monjlres  dé 
phrénejîe  6*  de  férocité.  On  ne  peut  pas  (b 
contredire  d'une  manière  plus  révoltante.* 
Le  portrait  du  peuple  fera-t-il  plus  raifon-; 
nable  que  cehii  de  fon  chef  3^ 

«.  S. 

Tjcs  Hébreux  marchèrent  contre  leurs 
voiims  pour  en  envahir  les  terres  6c  les  poi^ 
(èfliohs  :  le  Cid  autorifa  pour  eux  laf&urbe^' 
rie  &  la  cruauté i  la  Religion  unit  à  Pavi-' 
dite  \  étouffa  chej  eux  les  cris  de  la  nature; 
Cr/ous  la  conduite  de  leurs  chefs  inhumains  s 
ils  détruifirent  les  Nations  Otananéennès  avec 
une  barbarie  qui  révolte  tout  honirne  en  qui 
la /i^erfiition  n'a  pas  totalement  anéanti  U 

ih}  Traité  du  rublime» 

I  ij 


^ûp  Apologie 

raifon  (a)..Pour  fentir  le  ridicule  de  cette 
inveélive  ,  plaçons-nous  pour  un  moment 
dans  lesfiècles  dont  on  nous  fait  l'hiftoire» 
Chez  tous  les  peuples  anciens  &  encore  à 
demi-fauva^es ,  le  droit  de  la  guerre  a  été 
çiruel  &  inhumain  :  il  eft  encore  tel  aujour- 
d'hui chez  les  Sauvages  de  l'Amérique.  Oq 
ignoroit  le  droit  raifonnable  de  conquête , 
qui  confifte  à  conferver  les  peuples  que 
l'on  fubjugue ,  pour  en  faire  de  nouréaux 
fujets.  Cette  méthode ,  moins  barbare  de 
faire  la  guerre  „ne  s'eft  introduite  que  par 
l'établiflèment  des  grands  Empires ,  lorfqu'il 
3'eft  trouvé  des  Souverains  jaloux  d'étetûire 
leur  domination ,  &  de  reculer  les  bornes 
de  leurs  états.  Chez  les  peuples  pollc& , 
la  guerre  fe  fait  entre  une  armée  &  une  au- 
tre armée  ;  les  Citoyens  n'y  ont  point  de 
part.* Dans  les  premiers  temps ,  comme  au- 
jourd'hui chez  les  Sauvages ,  tout  homme 
étoit  foldat,  la  guerre  étoit  entre  les  parti- 
culiers ,  la  fureur  devenoit  perfonnelle  ;  on 
ne  chercboit  pas  feulement  à  vaincre  ;  on 
voulait  piller  &  détruire ,  mettre  tout  à  feu 
&àfang. 

Nous  ne  difconvenpns  point  que  les  Hé- 


"«*"ir 


(«>  Ckrift.  ééroUé ,  page  19.  Kxaaien  împorcaiit,  07;; 
jtf  &  fuiv.,  je  Lctcre  à  Eugénie ,  pag.  71,  Conugion  (a* 
ctéci  chap.  5  ,p.  }^* 


DE  LA   RËLlCStON,  &C.  tÔl 

breiix  niaient  fait  la  guerre  félon  cette 
cruelle  méthode  ;  maïs  les  autres  Nations 
le  conduifoient-elles  différemment  ?  Dira- 
t-on  que  les  Hébfeux ,  dans  la  prife  des 
villes ,  ont  ufé  d'une  barbarie  plus  révol- 
tante que  les  Grecs  dans  le  fac  de  Troîe  & 
dans  les  premières  guerres  du  Péloponnèfe; 
que  les  Généraux  de  Nabuchodonofor  dans 
la  prife  dq  Jérufalem,  que  les  Romains  dans 
l'expédition  d'Epire ,  dans  le  fîége  de  Nu- 
xnance ,  'dans  la  ruine  de  Corinthe  &.  de 
Carthage  ?  Soutiendra-t-on  que  les  héros 
Grecs  ,  auxquels  on  avoir  drefle  des  au- 
tels ,  Hercule ,  Théfée  ,  Achille  ,•  Ulyîfe  , 
étoient  des  perfonnages^  plus  humains. & 
plus  vertueux  que  les  chefs  de  la  Nation 
Juive  ?  a  Qu'eft-ce  que  les  Cèdes  héroï- 
»  ques  ,  dit  un  Philofophe  célèbre  ?  c'étoit 
»  le  temps  où  l'on  s'égorgeoit  pour  un 
»  puits  &  pour  une  citerne ,  comme  on  fait 
p  aujourd'hui  pour  une  Province  (a)  »  ? 

Les'Hébreuxuferent  fouvent  de  trahi- 
fon  &  de  fourberie  ;  fouvent  ils  violèrent 
la  juftice  &  la  bonne  foi  ;  c'étoit  la  maxime* 
adoptée  généralement  chez  tous  les  peu- 
ples: Dolus  an  vîrtus  quis  in  hojle  requiratf 
Les  Grecs ,  les  Carthaginois  ,  les  Romains 

ia)  Suite <les  mélanges  de  Lntérac  d*Hift.  le  de  Philoù 
c.  70jiomef  ,p.  131.    .     ' 

iiij 


tj02  Apoi^ogib 

Blême ,  dans  les  temps  les  plus  brillans  de 

Jeur  République ,  ne  furent  pas  plus  reli- 

fieux.  Les  Hébreux  >  que  l'on  nous  peine 
perfides ,  gardèrent  cependant  la  foi  qu'ils 
avoient  jurée  aux  Gabaonites  par  furpri- 
f^C il);  jamais  ils  ne  traitèrent  leurs  efcla- 
yes  comme  ils  avoient  été  traités  eux- 
inêmes  en  Egypte  ;  jamais  ils  n'uTerent  en- 
vers les  vaincus  de  la  perfidie  &  des  cruau** 
tés  que  l'on  peut  reprocher  aux  Lacédémo- 
niens  à  l'égard  des  Uot^  (b).  Aura-t-on 
toujours  l'injuftice  de  juger  les  Juifs  fur  ua 
droit  des  gens  inconnu  de  leur  temps,  dont 
aous  (bmmes  principalement  redevables 
aux  lumières  &  à  la  morale  de  l'£van- 
Çile  ? 

Mais  »  dirart-on^  chez  les  avtres  peuples 
on  peut  excufer  les  crimes  par  l'ignorance 
&  la  dépravation  auxquelles  Dieu  les  avoît 
abandonnés  :  çhe?:  les  Hébreux  >  c'eft  Pieu 
lui-même  qui  les  infpire ,  qui  les  comman- 
de  »  qui  le$  autorife  :  voilà  ce  qui  révolte 
f efprit  &  la  raifon* 

.  Èfieu  pouvoir,  fans  doute ,  éclairer ,  coq« 
vertir»  réformer  les  Hébreux,  refondre 
leurs  moeurs  &  leur  caraâere ,  en  faire  des 
Itiodèles  de  juftice  &  d'humanité  pour  les 

(fl)  JoJketS» 

{h  )  V.  rOrigtae  du  Loix  ^  9cc>  iroificov  pact.  U  f« 


DE    L  A  REl.I^flOV,  &C.      lO^ 

£ècles  où  ik  vivoient  ;  mais  ce  prodige , 
daas  l'ordre  iDora} ,  plus  îacroyahle  qufi 
tous  les  miracles  dans  l'ordre  phyfique , 
devoit-il  entrer  néceflairementxlans  le  plan 
de  la  Sagefle  divine  f  Voilà  le  point  que 
nos  Phiioiophes  devroieat  commencer  par 
établir.  Dieu  vouloit  punir  lesChananéens, 
peuple  abominable  ;  il  vouloit  fe  (ervir  des 
Hébreux  pour  les  exterminer  ;  raccuferoosH 
nous  d'avoir  ^ouûe  trop  loin  la  ievérité  du 
châtiment  *?  Dieu  conduifcût  les  Hébreux 
par  une  providence  particuiiece  ,,mais  il  les 
gouvemoit  fdon  le  génie ,  les  mceurs ,  les 
préjugés  politiques  répandus  alors  chez  toa« 
tes  les  Nations*  Si  les  crimes  des  Hébreux 
peuvent  nous  faire  douter  de  cette  provl^ 
deiûre  particulière ,  ces  mêmes  crimes  »  &  de 
plus  grands  encore,  communs  à  tous  les 
autres  peuples ,  w  paroiflèat  pas  moins 
déroger  à  fa  providence  générale.  Parce 
que  les  hommes  furent  toujours  méchans» 
douterons*nous  (i  c'efi  Dieu  qui  les  a  créés 
6c  qui  gouverne  le  monde  ? 

En  fécond  lieu,  je  foutiens  que  la  Nation 
Juive,  avec  des  mceurs  pltt$  douces ,  n*au- 
f  oit  pas  pu  fubfiAer  dans  le  fiècle  &  parmi 
les  peuples  où  elleTe  trouvoit.  Une  Nation 
encore  foible ,  environnée  de  peuples  (au- 
vages&  barbares,  peut-elle  ôtre  en  fureté^ 
fi  elle  ne  &it  pas  la  g^enre  comme  eux  «  fi  elle 

liv 


'TOf  Apologie 

xie  le  rend  pas  auffi  redoutable  envers  eôx 
qu'ils  le  font  à  Ton  ^ard  f  Contre  des  en- 
fitmis  qui  n&  coiuiotâènt  d'autre  droit  que 
ia  force  >  peut-eUe  ufer  dHiumanité^  &ns 
s'expofer  à  être .  la  ^viâime  ?  Malgré  la 
douceur  des  mceurs  françoiies  ,  lorfqu'il  a 
fallu  faire  la  guerre  contre  les  Sauvage 
iie  l'Amérique  ,  n'a-t-on  pas  été  forcé , 
j>our  les  intimider ,  d'ufer  des  plus  cruel- 
les repréfaiUes  ?  Leur  férocité  leur  eût  fait 
regarder  la  clémence  ^envers  les  vaincus 
scomme  une  marque  de  foiblefle  >  n^eut 
iervi  qu'à  attirer  de  leur  part  de  nouvelles 
'infultes. 

Dieu ,  en  fe  faiiànt  connoitre  au  peuple 
•Hébreu ,  le  préferva  du  poly  théifme ,  de  l'i- 
idolâtrie  &  des  déibrdres  affireux  qui  Tac* 
«ompagrioient  chez  les  autres  Nations-,  il 
.lui  donna  des  loix  (âges ,  mais  proportion- 
nées à  la  grollîéreté  &  à  la  rudeiîe  du  genre 
Mmain  encore  enfant  ;  c'eft  la  réflexion  de 
S.Paul  (a).  La  Sagefle  divine  réfervoit 
une  morale  plus  pure ,  une  Religion  plus 
fainte  à  des  fiècles.plus  heureux. 

Solpn  s'applaudiflbit  d'avoir  donné  aux 
'Athéniens  i  non  pas  les  meilleures  Loix  pof^ 
iïbles ,  mais  les  meiUeuAs  qu'ils  fuflènt  en 
-état  de  fupporter.  «  Voilà  >  dit  Montef- 

■Il  '    *"       I      I    I    ■  •     ■  »< '     r     —————— à——— 

i<2)  GàUt^  5  »  2,1.  Hebr4  j^  15,. 


DE  L  Jl  'R  Ê  L  i  (î  ION  ,  &C.      lOy 

"afe  quîeu ,  l'éponge  de  toutes  les  difficultés 
»  que  l'on  peut  faire  fur  les  Loix  de 
»  Moïfe  (  ^  )  »•  A  cette  remarque  pleine 
<le  bon  fens ,  que  répond  le  faux  Boling- 
•broke  ?  Il  crie  au  blaiphéme.  Dieu  ,  dit-il , 
fe  proportionner  /  &•  à  qui  ^  à  des  voleurs 
Juifs  :  Dieu  être  plus  grojjîer  qu^eux  (b)! 
Calmez-  vous  ,  religieux  Philofophes-  : 
quand  Solon  fe  proportionnoit  au  génie  des 
Athéniehs ,  il  n'étoit  pas  pour  çeh  plus 
grojjî&r  queux y'û  étoit  plus  fage  qu'eux, 

•  Selon  le  Chriftianîfme  dévoilé ,  les  Hé* 
hreux ,  ufurpateurs  ^  brigands  Çf  meurtriers^ 
parvinrent  enfin  à  s'établir  dans  une  contrée 
peu  fertile ,  mais  qu^ils  trouvèrent  délicieufe 
au  for  tir  de  leur  défert  (c).  Si  les  Hébreux 
furent  des  ufurpateurs ,  ils  eurent  ce  titre 
commun  avec  la  plupart  des  anciens  peu-^ 
pies  de  l'univers.  On  n'a  qu'à  jetter  un 
coup  d'ceil  fur  les  commencemens  de  l'Hit 
toire  Grecque  dans  Paufanias ,  on  y  verra 
les  premières  peuplades  qui  fe  font  for- 
mées ,  fe  chaflfer ,  fe  détruire ,  fe  dépofféder 
mutuellement ,  fe  faire  une  guerre  conti- 


{a)  Efprit  des  Loix ,  1.  14  ,  c.  2t. 
(h)  Examen  important ,  c  i ,  p.  14* 
<c)  Chap.  1,  p.  10.  }«  Lçitre  à  Eugénie  j  p.  7'»  Coa? 
tagion  facrée ,  c.  j  ,  p  45. 


iL06  Âpoloois 

nuelle  (4).  Si  l'on  confulte  les  Hiflorieiili 
Romains  »  ils  nous  apprennent  que  des 
troupes  d'aventuriers  Grecs  ont  abordé 
«n  Italie ,  qu'ils  ont  chafTé  les  Aborigènes , 
qu'ils  fe  font  emparés  de  leurs^  terres  ;  que 
du  mélange  de  ces  étrangers  avec  les  natur 
rels  du  pays ,  s'eft  formé  le  peuple  Latin  (b). 
Sans  fortir  de  chez  nous ,  ne  devons-nous 

{)as  nous  rappeller  les  eflàins  de  Gaa- 
ois ,  d'Helvetiens  »  de  Germains  »  qui  tour- 
à-tour  font  fortis  de  leurs  forêts  poi^*  aller 
dépouiller  d'autres  Nations»  &  s'établir 
chez  elles  fépée  à  la  main  ?  Faire  aux  Hé- 
breux un  crime  de  leurs  conquêtes  ,  c^eft 
ignorer  totalement  l'Hiftoire  de  l'Univers* 
Ce  fut  des  brigands  »  fi  l'on  veut,  mais  alors 
tous  les  peuples  fe  faifoient  gloire  de  l'être» 
2^.  Il  eft  faux  que  la  P^eftine ,  où  les 
Hébreux  s'établirent ,  &t  un  pays  peu  fer^^ 
tile  :  Tacite ,  Jufiin ,  Amibien  Marcellin  , 
rendent  témoignage  du  contraire  :  Ubtrfih 
lum  s  dit  Tacite ,  exiécrant  fruges  noftrum 
^d  morem ,  prœteroue  cas  baJfamum  &pal' 
ma  (c).  Aujourd'hui  même  ,  maigre  la 

Earefle  &  le  peu  d'induftrie  des  Turcs  qui 
abitent  ce  pays ,  on  y  vpit  encore  des  caa* 


tmmK 


(à)  V.  Efprît  des  Lo«.  1. 14,  c.  ih 
(J)TKc-Uve,  1. 1. 
(c>T«ciK»Hm.  1.  f  »n.  ^. 


DS  LA  KeLIGIOK/&C.        IO7 

tons  d'une  beauté  &  d'une  fertilité  Hngor 
liere. 

Il  n'eft  pas  moins  faux  que  les  Hébreux 
fondèrent  un  état  détefté  de  [es  voijim  ,  ô* 
qui  fut  en  tout  temps  V  objet  de  leur  haine  & 
ae  leur  mépris  {a).  Les  Hébreux  furent 
fouvent  alliés  des  Rois  d'Egypte  &  de 
Syrie  ;  outre  le  témoignage  des  Livres 
Saints»  Jofèphe  l'a  prouvé  par  les  Hiflo* 
riens  même  Phéniciens. 

Le  Sacerdoce  «  continue  le  même  âih 
teur  »  fous  le  nom  de  Théocratie  »  gouverna 
long-temps  ce  peuple  aveugle  b"  farouche. 
Nouvelle  fauflèté.  Après  la  mort  4e  Moïfe , 
il  fut  gouverné  pendant  quatre  cens  ans 
par  des  Juges ,  dont  la  plupart  n'étoienc 
pas  Prêtres  >  jufqu'à  ce  qu'il  voulût  avoir 
des  Rois. 

U  efl  faux  que  dans  le  choix  defon  Mor 
naraue ,  ilfe  crut  obligé  de  sUn  rapporter  à 
un  Prophète  i  l'éleâion  fut  faite  malgré  les 
repréfentations  du  Prophète  ,  &  c'eft  le 
fort  qui  en  décida. 

Il  eft  faux  que  ïhifioire  des  Juifs  ne  nom 
montre  dans  tous  fe$  périodes  que  des  Rois 
aveuglément  fournis  au  Sacerdoce  ^  ou  perpé^ 
tuellement  en  guerre  avec  lui ,  &•  forcés  d^ 


(a)  Cbrift.  dévoilé ,  p.  %i. 
ijf)  Concr.  Appîon»  1.  u 


^ô8  Apologie 

périr  fousfes  coups^  Souvent  les  Roîs ,  teîti 
d'être  fournis  aux  Prêtres ,  les  maltraitèrent 
&  cauferent  les  malheurs  de  la  Nation  , 
pour  n'aVoir  pas  voulu  écouter  les  Prophè- 
tes. Quand  ces  Rois  auroient  eu, du  refped: 
pour  les  Prêtres ,  ils  n'auroient  fait  qu'imi- 
ter les  Egyptiens ,  les  Grecs ,  les  Romains 
&  toutes  les  autres  Nations. 

Il  ett  faux  que  la  fuptrflitïon  féroce  ou 
ridicule  du  peuple  Juif  i ait  rendu  V ennemi 
né  du  genre  humain  j&f  en  ait  fait  ï objet  de 
fin  indignation  Ér  defes  mépris.  Si  quelques  ^ 
Auteurs  Payens ,  aveugles  en  fait  de  Reli- 
gion ,  &  très-peu  inftruits  des  loix  &  des 
mœurs  des  Juifs ,  ont  témoigné  du  mépris 
pour  eux  ;  d'autres  plus  cenfés ,  comme 
Diodore  de  Sicile,  Strabon,  Dion  CaflSus , 
en  ont  parlé  avec  eftime  ,  parce  qu'ils  les 
avcdent  examinés  de  plus  près'. 

Je  demande  pardon  au  leâeur  de  ces 
démentis  formels  que  je  fuis  forcé  de  don- 
ner aux  Auteurs  quejô  réfute  ;  leur  hardieC- 
£è,  en  fait  de  fuppoutibns,  m'obligera  fou- 
vent  de  retomber  dans  la  même  faute. 

Dans  quels  monumens  notre  Critique  a- 
t-il  puifé  ce  qu'il  ajoute  ,  que  le  peuple 
Juif,  fouvent  infidèle  à  fin  DieUj  dont  la 
cruautés  ainfi  que  la  tyrannie  defes  Prêtres , 
le  dégoûtèrent  fréquemment ,  ne  fut  jamais 
fournis  à  fis  Princes  ?  Tant  que  le  peuple 


DE  LA  Religion,  &c.     lop 
Juif  fut  fijièle  à  fon  Dieu ,  il  jouit  d'une 
profpérité  conftante  ;  fes  malheurs  furent 
toujours  la  punition  de  Tes  infidélités.  Il 
y  a  de  la  folie  à  dire  que  la  cruauté  de  Dieu  ' 
dégoûta  fouvent  les  Juifs  de  fon  fervice. 
Le  Dieu  des  Juifs  eft  -  il  donc  autre  que  le 
Dieu  unique  &  fouverainement  bon  que 
nous  adorons ,  &  que  notre  Auteur  femble 
ne  pas  connoître  ?  Peut  -  on  Taccufer  de 
cruauté  fans  blafphême  ?  Il  y  eut  des  fédii 
tiens ,  des  crimes ,  des  calamités  chez  le3 
Juifs  ;  &  chez  quel  peugle  de  l'univers  n'y 
en  a-t-il  pas  eu  ? 

Nouvelle  impoftijre  ,  d'avancer  que  U 
Juif  fut  toujours  la  viSlime  &  la  dupe  de  fis 
infpirés  ;  Içs  propres  Hiftoriens  dépofent 
qu'il  n'éprouva  des  infortunes  ,  que  quand  • 
Û  ne  voulut  pas  écouter  les  Prophètes, 

On  reproche  aux  Juifs  d'avoir  fupporté 
impatiemment  le  joug  de  la  domination 
Romaine  ;  ils  eurent  cela  de  commun  avec 
les  Grecs  , .  avec  les  Efpagnols ,  avec  nos 
sincetrçs^  Ferons-nous  uu  crime  aux  Gau- 
lois y  d'avoir  défendu  pendant  dix  ans  leur 
liberté  contre  toutes  les  forces  de  Rome  ? 
7acite  lui-même  avoue  que  la  hauteur  & 
la  tyrannie  des  Gouverneurs  envoyés  en 
Judée ,.  fiit  la  caufe  des  féditions  fî:équente$ 
^  de  la  révolte  de_s  Juifs  (â).  * 


4«)  Tacûc»  HiA«  ï$  4»  a«  9, 

s 


XI2  Apologie 

Nation  Juive  l'établiflement  du  Chrlftîa- 
nifm^  qui  en  eft  une  fuite  néceflaire.  U Au- 
teur du  Chriflianifmt  déyoilé ,  en  attri- 
buant au  hafard  cette  révolution  (inguliere, 
anon  feulement ,  déguifé  >  altâ-é,  fupprimé 
les  faits, mais  ilarenverie  toutes  lesidéesdu 
fens  commun» 

^.   10* 

Celui  Aq  y  Ex  amen  important  a  formé 
contre  les  Juifs  des  accufatipns  encore  plui 
atroces;  elles  avoient  déjà  paru  dans  le  Dic- 
tionnaire  Philojopliique  ^  dans  les  litres 
Livres  que  nous  avons  cités  au  conimenoe^ 
ment  de  ce  chapitre.  On  y  reproche  aux 
Juifs  l'impudicité  ,  les  meurti;es ,  .les  facri- 
fices  de  fang  humain ,  lia  cfuavité  dçs  An» 
ttopophages. 

Quapd  ce  portrait  des  mœurs  Juives  fè- 
roit  auflî  vrai  qu'il  eft  infidelle ,  on  ne  yoiç 
pas  quelle  ponféquence.il  ea  ppurrqit  réfiil- 
ter  contre  la  vérité  dé  leur  Hiftoire,  contre 
la  pureté  de  leur  Religion ,  contre  la  fagefle 
de  leurs  Loix.  Cela  prouvèroît ,  tout  au 
plus  ,  qu'ils  n'agiflbient  pas  conformé- 
ment à  leur  croyance  ;  &  où  font  les  peur 
pies  qui  aient  fuiyi  dans  leur,  conduite  les 
lumières  de  laraiibn  ?  Ljes  mœurs  des  héros 
Grecs  dans  Homère .  celles  des  Babylo- 
jûens  >  des  JPerfes ,  des  jEgyptiens  dans 

Hérodote  % 


DE  LA  Religion,  &c.     nj 

Hérodote ,  celles  des  Chinois  dans  leurs 
propres  Hiftoriens,  ne  font  pas  plus  exem- 
plaires (à  ).  Si  l'Hiftoire  de  toutes  les  Na- 
tions anciennes  avoit  été  écrite  avec  autant 
de  fincérité  &  d'exaditude  que  celle  des 
Juifs,  nous  y  verrions  la  même  groffièreté» 
les  mêmes  crimes,  &  de  plus  grands  encore.; 
C'étoîent  les  mœurs  des  premiers  âges  di| 
monde  (b).  Le  parallèle  que  nous  en  &i- 
fons  aujourd'hui  avec  celles  que  l'Evangile 
%  introduites  parmi  nous ,  ne  doit-il  pas 
nous  pénétrer  de  reconnoiflance  te  de  reC 
peâ  pour  une  Religion  qui  a  opéré  une  fî 
heureufe  révolution  dans  l'univers  ? 

Mais  admirons  l'équité  de  nos  adverfaî* 
res.  Quand  Hérodote  raconté  les  défordres 
affreux  des  Babyloniens  &  des  Perfes  ,  ils 
s'infcrivent  en  faux  contre  fon  récit  (c); 
ils  accablent  d'injures  ceux  qui  prétendent 
le  juftifîer  (i).  Il  eft  cependant  certain  que 
Strabon ,  Lucien ,  Juflin  &  d'autres,  confir- 
ment ce  que  dit  Hérodote.  Lorfqu'il  eft 
queftion  des  Juifs ,  on  fait  fonner  bien  haut 
ces  mêmes  dérèglemens  auxquels  ils  éfoient 
moins  fujets  que  les  autres  Nations,  Si  Hé- 
rodote rapporte  un  fait  qui  paroifle  cojt- 


(  a  )  Voyez  ci  après  chap.  î  i ,  $.  j, 

(  h)  Origine  des  Loix  ,  &c.  incrod.  &  I,  f ,  c.  4. 

(c)  Philof.  de  THiit.  c.  11  ,  p.  jj, 

id)  Péfeoie  de  mon  OnelQt 

K 


1X4  Afo^ogib 

traire  à  l'Hiftoire  Sainte,  on  appuie  (ur  Tau* 
torité  de  cet  Ecrivain ,  &  l'on  vante  fan 
difcernement  (a);  quand  on  a  intérêt  de  ré" 
cufer  fon  témoignage,  on  le  fait  palier  pour 
un  rêveur.  Venons  au  détail* 

l^'.  Il  y  a  eu  du  libertinage  chez  les 
'Juifs ,  cela  eft  inconteftable  ;  mais  c'étoit 
le  crime  de  quelques  particuliers ,  contre 
lequel  les  loix  rédamoient ,  &  non  pas  ua 
dérèglement  autorifé  publiquement  comms 
chez  les  autres  Nations. 

N'y  a-t-'il  pas  de  l'indécence  &  de  la 
mauvaifé  foi  à  citer  continuellement  les 
expreffipns  trop  naïves  des.  Ecrivains  Hé- 
breux ,  du  Cantique  de  Salomon ,  du  Pro- 
phète Ezéchiel ,  comme  une  preuve  de  la 
dépravation  de  leurs  mœurs  ?  «  Quand  un 
»  peuple  eft  fauvage ,  dit  un  fçavaQt  Magif- 
3>  trat,  il  eft  fimple ,  &  fes  expreffions  le  font 
9»  aufli  ;  comme  elles  ne  le  choquent  pas , 
9»  il  n'a  pas  befoin  d'en  chercher  de  plus 
»  détournées ,  (ignés  affez  certains  que  l'i* 
m  magination  a  corrompu  la  langue.  Le 
»  peuple  Hébreu  étoit  à  demi-fauvage  ;  le 
»  livre  de  fes  Loix  traite  fans  détour  des 
so  chofes  naturelles  que  nos  langues  ont  foin 
3»  de  voiler  :  c'eft  une  marque  que  ces  fa* 
9»  çons  de  parler  n'ont  rien  de  licencieux  : 

(fi  DiAîonat  JPlûlor.  aa^gvçonqfiaa^ 


BE  LA  RCLIGIOM»  &C      117 

»  car  on  n'autoit  pas  écrit  un  Livre  de 
»Loix  d'une  manière  contraire  aux 
»  mœurs  (a)  ».  Il  eft  impoflîble ,  dit  l'Au- 
teur di  Emile  >  d'imaginer  un  langage  plus 
modefle  que  celui  de  la  Bible ,  {H'écifèment 
parce  que  tout  y  eft  dit  avec  naïveté.  Cette 
fage  obfervation  eft  confirmée  par  f atten^ 
tion  qu'ont  eue  les  Juifs  dans  là  (une  des 
fiècles  ,  de  défendre  la  leâ:ure  de  certains 
Livres  de  l'Ecriture  avant  l'âge  de  30  ans. 

C'en  eft  donc  aflez  pour  juftifiçr  les 
Juifs  ;  mais  c'eft  ce  qui  fait  la  condamna- 
tion des  Cenfêurs  de  l'Ecriture  -  Saintf  • 
Dans  un  (îècle  déjà  trop  licencieux ,  peur* 
on  leur  pardonner  l'affeâation  de  retracer 
fans  çeile  des  taUeaux  capables  d'alarmer 
la  pudeur  (b)>  Se  £6nt-ils  gloire  d^être 
moins  fcrupuleux  que  les  Juifs  ?  Us  imitent 
la  conduite  d'un  homme  qui,  pour  prou- 
ver que  la  pefte  eft  à  Conftaminople  »  en 
feroit  apporter  des  ballots  infeâés. 

Que  penfèr  encore  de  l'ind^ence  avec 
laquelle  on  a  répété  dans  cinq  difierens  Ot^ 
vcages ,  qu'Ezechiel  fut  obligé ,  par  ordre 
de  Dieu ,  de  manger  des  excrémens  hu- 

(a)  Traité  de  la  Formaûon  méchan.  de»  tao^ue^  »  tpinc 
z^  n.  iSy.  EmilCi  c.  5  j  p.  i2.}« 

(  b>  Examen  imporcanc»  c.9  6c  lo.Diâioti»  Pliilor.  arc. 
XtuM^  P|iiJo%ybic  de  THift.  €«  43.  Queftions  de  7»f»Uk  t 
»•  4^«  Dîner  du  Çwnt  dfllottlaiftTiilieKs  9  pa^.  &5. 


'ïi6  .  '  /'Apologie 
mains  (tf)i?  Ceû^iine  feuflete  révoltante. 
Dieu  eoœmaada  au  Prophète  de  brûler  ces 
.excrémens  ,  &  de  faire  cuire  fon  pain  fous 
la  cendre  ;  il  révoqua  enfuitç  cet  ordre  ,  & 
lui  commande  de  brûler  la  fiente  des  ani- 
,maux  pour  le  même  ufage  (  i  ).  C'eft  le  fens 
du  texte  original  ;  toutes  les  anciennes  cver- 
fions  l'ont  rendu  de  même.  Perfonne  n'i- 
:gnore  qu'encore  aujourd'hui ,  dans  la  Chal- 
dée  &  dans  l'Arménie ,  où  le  bois  eft  fort 
rare ,  les  pauvres  qui  manquent.de  matières 
combuftibles ,  fe  chauflènt  avec  du  chaume 
&  de  la  boufe  de  vache  féchce  au  foleil , 
.dont  l'odeur  infefte  tout  ce  qu'on  cuit  (  c  ). 
Prédire  aux  Juifs  que  pendant  leur  capti- 
vité ils  feroient  réduits  à  cette  extrémité 
'  facheufe  ,  &  leur  en  mettre  l'image  fous 
les  yeux ,  pour  les  frapper  davantage  , 
étoic-ce  une  indécence ,  un  commandement 
indigne  de  la  Majejlé  Dit/ine ,  un  fujet'  de 
vomir  les  plaifanteries  dégoûtantes  dont 
nos  Philofophes  Cyniques  ont  fouillé  leur 
plume  ?  .  *     . 

On  reproche  à  J.  C.  de  compter  au 
nombre  de  fes  ancêtres  ,  quatre  femmes 
criminelles  (d);  mais  celui  qui  yenoit  ôter 


^•* 


(a)  Queft.  de  Zapara ,  n.  4^. 

(h.  Eiech  4,  n^  Il  6»  :  f. 

\e)  Mém.  des  Miffionj  dans  ie  Levant,  tome  5 >  p.  £>* 

(d)  ^mea  iui^ octane  2  (•  7.  »  p«  57* 


DE  LA'RELtGÎON.^C.  .      II7 

les  péchés  du  monde ,  ne  devoit  point  rou- 
gir d'être  né  du  fang  des  pécheurs  ;  s'il  n'a- 
voit  voulu  que  des  juftes  pour  fes  aïeux  , 
en  quel  lieu  de  l'univers  auroit-il  pu  les 
choifir  ? 

OL^.  L'on  a  fait  une  énumératîon  fort 
exaâe  des  meurtres  commis  fous  les  Roi^ 
des  Juifs,  depuis  David  jufqu'à  Phacée, 
Roi  d'Ifraël ,  pendant  un  cfpace  de  300 
ans  ;  ils  font  au  nombre  de  dix-fept.  On  en 
conclut  que  fi  le  S.  Efprit  a  écrit  cette  Hif" 
toire ,  il  na  pas  choiji  un  fujet  fort  édi^ 
fiant  (  tf  ).  Le  leâieur  fe  fouviendra ,  1°.  que 
plufieurs  de  ces  meurtres  ont  été  commis 
en  guerre  ouverte,  par  des -Rois  ou  par  des 
Généraux  qui  avôient  les  armes  à  la  main  ; 
&  nous  avons  déjà obfervéque ,  félon  l'u- 
lage  des  anciens  peuples ,  à  la  guerre  point 
de  quartier.  2**.  Que  d'autres  ont  été  or- 
donnés par  les  Rois  contre  des  fujets  dont 
ils  avoient  lieu  de  fe  défier,  de  la  part  def- 
quels  ils  craignoient  une  fédition  ou  une 
révolte:  jamais,  fur -tout  dans  les  anciens 
Gouvernemens ,  on  n'a  contefté  aux  Rois 
le  droit  de  vie  &  de  mort  fur  leurs  fujets  ; 
jamais  le  fupplice  d'un  fujet  criminel  ou  fuf- 
ped  ne  fut  nommé  un  ajjajjînat.  5*".  Qu'en 


(  a  )  Diâion.  Philof.  Hî/I^ire  des  Rok  Juifs*  £xameB  io»! 
f  ortaAç  f  c«  9» 


'Xi8  A^OLOcsis 

confîdérant  \oiis  ces  meurtres  comme  m^ 
tant  de  crimes  ,  ils  n'approchent  pas  de 
ceux  qu'on  peut  reprocher  aux  Empereurs 
Romains ,  aux  Athéniens ,  aux  Spaniates , 
aux  Chinois,  aux  Egyptiens,  &  à  toutes  lei 
Nations  connues* 

Nous  convenons  qu'en  général  l'Hiftoirç 
des  peuples  anciens  n'eft  pas  un  fujtt  fort 
édifiant;  mais  il  eft  fort  inftruâûf  :  celle  des 
Juifs ,  en  particulier ,  nous  fait  comprendre 
à  quel  excès  de  corruption  la  nature  hu-* 
maine  étoit  parvenue ,  &  le  befoin  qu'elle 
avoir  d'un  Réparateur  :  voilà  pourquoi  le 
S.  Eiprit  a  voulu  qu'elle  fût  écrite.   ' 

3^  Dans  les  divers  Ouvrages  que  nous 
avons  cités ,  l'on  accmfe  les  Jui&  d'avoir 
offert  à  Dieu  des  facrifices  de  Êmg  hu^ 
main  (a):  on  a  prétendu  le  prouver  par 
ce  qui  eft  commandé  >  Lévit.  27,  ap ,  tour* 
chant  l'Anathême  ,  par  l'exemple  de 
Jephté ,  par  le  fupplice  des  trente  Rois  ou 
chefs  des  Chananéens  que  Jofue  fit  mettre 
en  croix ,  par  le  meurtre  d'Agag* 

Une  accufation  auffi  grave  demandoit 
des  preuves  plus  folides.  Dans  le  chap.  27 
du  Lévitique,  il  eft  parlé  d'abord  de  ce  qui 
eft  voué  au  Seigneur  pour  lui  être  offert;  & 


fa)  Voyez  encore  Jet  Mllatiget  dcLittéx|tciicf  Ic  4'HifU 
et  4e  Fhilof*  ^^  dup.  6i. 


il  eft  dit  expreflement  que  fi  c'eft  un  homme 
dix  une  femme  ,  ils  ftront  rachetés  à  prix 
£  argent  y  c'eft  ainfi  que  l'on  rachetoit  cous 
les  premiers  nés<  Au  3^«  28  »  il  eft  parlé  do 
Tanathime  y  par  lequel  on  dévouoit  les  en-* 
hemis  à  la  mort ,  c'eft-à  dire  »  que  l'on  s'o-^ 
bligeoit  par  ferment  à  les  ext^miner.  Au 
9^.  2p ,  il  efi  dit  que  dans  ce  cas  on  ne  pour* 
ra  pas  les  racheter ,  mais  qu'ils  feront 
mi3  à  mort  comme  on  l'a  voué.  N'efl-ce 
pas  abufer  des  termes ,  &  tromper  les  leç* 
teurs ,  que  d'appeller  Jacrijice  une  expédi- 
tion militaire  a  laquelle  on  s'efl  engagé  psx 
ferment?  Quand  Paul  Emile ,  dans  là  guerre 
d'Epire  >  rafa  &  brûla  foixante-dix  villes  , 
emmena  cent  cinquante  mille  efclaves  t 
lorfquç  Scipion  l'Africain  faccagea  Car- 
thage  &  Numance  ,  lorfque  Mummius  dé* 
truifît  G)rinthe ,  ils  ne  furent  point  accufés 
d'avoir  offert  des  facrifices  de  fang  humain» 
Qu'efl-ce  que  les  Juifs  ont  fait  de  plus?  Les 
Romains ,  avant  la  guerre ,  invoquoient 
Mars  &  Jupiter;  les  Juifs  faifoient  des 
vœux  au  vrai  Dieu ,  voilà  toute  la  diffif- 
rence. 

Le  précepte  formel  du  Lévitique  doit 
nous  faire  juger  que  quand  Jephté  accomplit 
à  l'égard  de  fa  fille ,  le  vœu  indifcret  qu'il 
avoit  fait  >  il  ne  la  mit  point  à  mort  ;  c'eût 

été  un  crime  »  &  U  loi  ne  l'ordonooit  point» 


lao  Apologie 

mais  qu'il  la  confacra  au  fervice  du  Taber- 
nacle &  à  une  virginité  perpétuelle  :  c'eft 
ainfi  qu'Anne ,  mère  de  Samuel ,  voua  fon 
fils  au  fervice  du  Seigneur  (a).  Il  n'y  a 
rien ,  dans  le  texte  original ,  qui  nous  obli- 
ge à  croire  que  Jephté  ait  immolé  fa  fille  ; 
il  n'étoit  pai  Prêtre  ,  &  les  Prêtres  feuls 
pouvoient  immoler  des  vidimes.  Si  plii- 
fieurs  Commentateurs  ont  penfé  autre- 
ment, leur  opinion  particulière  ne  fait  pas 
règle. 

Le  fupplice  des  chefs  des  Chananéens 
ordonné  par  Jofué  ,  eft  une  févérité  mili- 
taire, &  non  un  facrifice.  ' 

Il  en  eft  de  même  de  la  mort  d'Agag, 
Samuel  le  tua,  non  pas'  fur  l'autel,  mais 
devant  le  tabernacle  où  il  fe  trouva  pour 
lors  ;  non  pas  comme  une  victime ,  mais 
comme  un  ennemi  qui  avoit  mérité  ce  trai- 
tement par  fa  cruauté.  De  même  ,  lui  dit 
Samuel ,  que  ton  épée  a  privé  les  mères  de 
leurs  enfans ,  ainjî  ta  mère  fer  a  plongée  dans 
le  deuil  par  ta  mort  (b). 

^^.  C'eft  une  impofture  encore  plus 
odijBufe,.de  reprocher  aux  Juifs  d'avoir 
mangé  de  la  chair  humaine  (c).  L'on  a  cité 

•   (d)  I.  Reg.  I. 

(c  )  DiGt»  Philuf.  arc.  Antropophages»  Traité  fur  la  To- 
(kaBOCj^c,  Il  9  P*  X  i8  ac  2.x  X,  LcKXK  X s  fur  les  Miracles» 

ea 


x>B  LA  Religion, &C.     ïzx 
en  preuve  ces  paroles  d'Ezechiel ,  chapitre 
39  3  J^^  17  -  Dites  au»  oifeaux,  du  cUl  &• 
aux  bêtes  de  la  camfogne  c  Vene\  #  accourt^ 
à  la  viBime  que  j^  vais  vous  immoler  fur  les 
montagnes  d'Ifraël ,  pour  vous  en  faire  man» 
ger  la  chair  &  boire  lefang.  j^.  1 8  :  Fous 
mangerej  la  chair  des  guerriers ,  vous  boire^ 
lefàng  des  grands  d£  la  terre  ^  des  béliers  6* 
des  taureaux  fir^i^i  Vousferei  raffafiés  de 
la  graiffe  €r  enivrés  dufang  de  la  viâimt 
que  je  vous  prépare ,  >^»  20  :  Vous  aure^pour 
nourriture  fur  ma  table  ^  le  cheval ,  le  cava^ 
lier  Gr  tous  les  guerriers ,  dit  le  Seigneur. 
Pour  impofer  au  leâeur ,  on  a  feint  que  ces 
paroles  que  Dieu  dit  aux  oifeaux  &  aujc 
animaux  carnafCers  »  étoient  adreflees  aux 
JuîÊ«  Enfuite  »  dans  une  note  où  l'on  a 
fait  fètnblant  de  corriger  la  méprife  ;  on 
foutient  que  les  verfets  ip  &  20  peuvent 
s'adrefier  aux  Juifs  auili-bien  qu'aux  vau- 
tours &  aux  loups  (a),  c'eft-à-dire ,  qu'au 
lieu  de  rétraâer  le  menfonge ,  on  l'a  con- 
firmé, lia  leâure  feule  du  pailàge  fufEe 
pour  confondre  la  calomnie.  C'eft  ainfi 
que   nos  Philoibphes  intègres  citent  les 
Livres  faints  »  attaquent  la  fuperftition ,  font 
triompher  la  vérité. 

(4)  Traité  fur  la  TolérincÇ)  p.  ixS^  211. 

Tome  L  h 


1^1  Apologie 

En  exhalant  les  vapeurs  de  leur  bile  con- 
tre les  Juife ,  en  les  peignant  comme  des 
fanatiques ,  des  barbares ,  des  furieux  ,  ils 
nous  rendent  plus  de  fervice  qu*ils  ne  pen- 
fent.  Que  l'on  mette  ce  tableau  à  côté  de 
rEvaftgile  j  tout  homme  fenfé  conclura 
qu'un  Livre  fi  fage  &  fi  fublîme ,  qui  nous 
cnfeigne  un  culte  fi  pur  &  fi  digne  de  Dieu , 
une  morale  fi  douce  &  fi  parfaite  ,  formé 
chez  une  Nation  fi  peu  fociabk ,  ne  fçauroit 
être  l'ouvrage  des  hommes. 

CHAPITRE  III. 

Hijlo'in  ahrég^e  du  ChriJliaTÙfme^ 

^  I  l'établiflcment  de  notre  Religion  étoît 
un  événement  imptévu  ,  dont  l'Univers 
n'eût  été  averti  qu'au  moment  où -il  eft  ar- 
rivé ;  fi  c'étoit  un  fait  ifolé,  fans  aucune 
liaifon  avec  les  circonftanccs  qui  l'ont.pré- 
paré ,  Se  les  effets  quLf  ont  fuivi  ;  fi  pour 
•l'opérer  on  ayoit  mis  en  ufage  les  moy eris 
que  la  prudence  humaine  pouvoit  'fuggéî- 
reç  »  nos  Critiques,  fement  excufebles  xie 
l'attribuer  à  des  caufes  purement  naturelles, 
à  la  fuperftitio^  >  à  l'amour  de  la  nouveauté  » 


DE  LARkLIGION,&C.       I^J 

a  la  (eduiftion,  à  faveuglement  des  peuples. 
Mais  une  révolution  annpncée  pluiïeurs  fîè- 
cles  auparavant  ^.dôht  toutes  le^  cîrcbnftan- 
ces  ont  été  fucceflîvement  prédites  ,  à  la- 
quelle une  Nation  entière  s'attehdoit ,  dont  j 
les  préparatife  ont  excité  l'attention  dé 
tout  l'Ûniyers  >  qui  s'eft  accomplie  exac- 
tement au  terttps  marqué  >&  par  des  moyens 
contraires  à  toutes  les  vuesde  la  fagefle  hu- 
maine :  une  itellè  révolution  peut-elle  être 
naturelle  ou  feffet  du  hafard  i  Nos  adver- 
faires ,  fî  prévenus  en  général  contre  lespro- 
diges ,  devroient  y  penfer  plus  d'une  fois , 
avant  que  à^en  admettre  un  plus  incroyable 
que  tous  ceux  qu'il$  ofênt  rejetter. 

i^i  Comment  l'opinion  d'uae  nouvelle 
Monarchie  i  d'un  '  nouveau  règne  fondé 
dans  la  Judée  >  a-t-elle  pu  fe  répandre  dans 
tout  l'Orient  (a),  comme  Tacite  &  Sué- 
tone l'ont  remarqué  ?  S'il  n'y  a  point  eu 
de  prophéties  qui  y  aient  donné  lieu,  ce 
pFéjugé  ancien ,  confiant ,  univerfel ,  s'eft- 
il  introduit  fans  aucune  raifon  ? 

2!^.  Eft-cc  par  dne  fatalité  ^veugle  que 
J.'G^apàniprécifémeritdans  le  temps  où 
l'on  s'attendoit  à  voir  un  Envoyé  de  Dieu 
dans.la  Judée ,  lorfque  l^autorité  fôuveraine 
ne  fubfiftoit^  plip  dan^  Ik  tribu  de  Juda  > 

(d)  Véx'ez  chapi prétcdeftt,  $»V 


\ 


/ 


1:24  Apologik 

félon  la  prédiâion  de  Jacob;  4^0  ans  âpi^^ 
la  reconâruâion  de  Jerufalem  Se  du  Tem- 
ple ,  félon  la  prophétie  de  Daniel  ;  avant  la 
deftrudion  de  ce  nouveau  Temple,  comme 
Aggée  &  Malachie  l'avoient  annonce  ?  £ft- 
çe  par  un  concours  fortuit  des  événemens 
que  J.  C.  a  réuni  dans  fa  perfonne  tous  les 
caraderes  fous  lefc^els  les  Prophètes  IV 
voient  défîgné  ,  çaraâeres  qui  fembloienc 
fe  contredire ,  mais  qui  fe  font  p^Eaitement 
conciliés  dans  les  différentes  circonftances 
de  fà  naijûfànce ,  de  fa  vie  ècdetà  mort  ? 

3^.Eft-ce  par  un  coup  de  la  fortune  qu'il 
eft  né  dans  la  Judée  un  homme  tel  que  TU- 
nivers  n'en  a  jamais  vu ,  auquel  aucun  autre 
homme  n'a  jamab  re0emblé  i  Au  milieu 
d'une.  Nation  que  l'on  vient  de  nous  pein- 
dre comme  la  plus  féroce ,  la  plus  infenfée; 
la  plus  odieufe  de  toutes  les  Nations ,  pa- 
roît  un  Sage  qui  fixe  bientôt  fur  lui  tous  les 
regards*  On  admire  la  douceur  &  la  pureté 
de  fes  mœurs ,  la  fîmplicité  &  la  gravité  de 
fes  inffaruâions  «  l'élévation  de  fes  maximes , 
la  fàge(fe  de  fès  difcours ,  la  juflefle  de  fes 
réponfes ,  les*  merveilles  qu'il  opere«  Sans 
ambition  &  fans  intérêt  >  fans  oftentation  & 
fans  foibleilè ,  fans  fiel  &  fans  mépris  pour 
perfonne ,  il  efl  inacceflible  aux  pâmons  hu» 
maines.  U  déclare  que  fa  doârine  ne  vient 
point  de  lui-même ,  mais  qu'il  Ta  reçue  de 


DE  LA  Religion, &c.  I2j 
Dieu  fbn  père  :  Il  parle  fans  émotion  &  fans 
vaine  complaifance  des  myfteres  qu'il  doit 
révéler,  des  contradiftions  quHl  doit  et 
fuyer,  de  la  mort  qui  lui  eft  réfervée  ,  de 
la  gloire  qui  lui  eft  promife.  Il  fait  des 
miracles  4  mais  fans  en  chercHer  l'occafîon  ; 
il  attend  qu'on  les  lui  demande;  il  les  opère 

Eour  foolagér  les  mtiférabress  jamais  pour 
umilier  ou  pour  punir  fes  ennemis. 
.  J.  C,  veut  fe  faire  connoîu^  pour  le 
Meijie ,  &  il  commence  par  choquer  de 
front  toutes  les  idées  &  tous  les  préjugés  de 
fa  Nation.  Elle  attendoit  un  Rédempteur 
puiilant  &  glorieux  ,  &  il  prédit  qu'il  fera 
mis  à  n)brt  lui-même  i  elle  efpéroic  que  fa 
loi ,  fpn  temple  >  fes  cérémonies  ieroient 
éternels ,  &  il  annonce  que  .tout  cela  fera 
détruit.  Elle  fe  glbrifioit  d'être  le  peuple 
de  Dieu  »  àl'exclufion  de  tous  les  autres; 
&  il  lui  déclare  que  les  éurahgers  feront  pré* 
férés  dans  le  Royaume  de  Dieu.  Jllle  don* 
noit  fa  confiance  ailx:  Pharifiens. ,  aux  Pré  \ 
très  4  aux  Doâeiirs  de  la  Loi  ;  *J.  C.  s'atta- 
che à  les^  déiriaf({U6jr  &.à  les  confondre.  Un 
fe(5laire ,  un  enthoufiafte ,  utl  féduâeur  s'y 
prendroit-il  de  cette  manière  ? 

Malgré  l'oppofition  des  chefs  de  la  Na-* 
tion  au  fuccès  de  fon  miniftere ,  il  a  l'affu^ 
tance  de  prédire  à  fes  Apôtres  qu'ils  vien- 
dront à  bout  d'étabiù:  fon  Evangile  \  mai^ 

Liij 


126  Apologie 

il  leur  déclare  qu'il  ne  fera  connu  luî^niême 
pour  ce  qu'il  eft ,  que  quand  il  aura  été  cru^ 
clfié  (a).  11  leur  promet  de  leur  envoyer 
fôn  Efprit ,  &  c'eft  la  force  de  cet  Efprit 
divin  qui  doit  tout  opérer. 

Ecouté  &  fuivi  par  quelques  Doâeurs 
plus  dociles,  que  les  autres  >  par  quelques 
hommes  riches  &  accrédités ,  il  ne  les  choifit 
point  pour.fes  Apôtres  ;  il  leur  préfère  des 
pauvres ,  des  ignorans  ,  des  pécheurs  :  c'eft 
à  ceux-ci  qu'il  fait  efpércr  la  converfion  de 
l'Univers,  &  il  ne  leur  promet  d'autre  ré- 
compenfe  en  ce  monde  qu'une  mort  ktù- 
blable  à  la  iîenne. 

Au  moment  qu'il  a  fixé  pour  fa  mort  » 
dont  il  a  prédit  toutes,  les  circonftances  ,  il 
fe  livre  lui-même  entre  les  mains  de  fes  en- 
nemie Il  paroît  devant  fes  Juges  fans  crain- 
te &  fans  affeâation  de  les  braver.  Interro- 
gé fur  fa  Divinit4,  il  la  confeflè  fans  of- 
tentation  &.  fans  détour:  il  fubit.fâ  condam- 
nation fans  murmure  &  (ans  reproche;  il 
va  au  fuppKce  avec  tout  le  fang  froid  de 
rinnocencè;  il  meurt  en  priant  pour  fes 
bourreaux  (i).  - 


(a)  Joan.c,  i y  i^i  ic  c.  Il ,  il» 
•■  (  &  >.  Ott  a  écrit^âns  1«  Dîner  du  Comte  de  Boulaînyîl- 
lîcrs  ,  p  j  I  &  î  î ,  que  Jeftts  a  fué  fang  &  eau ,  àèt  qu'il  a 
été  colidamné  par  fes  Juges.  Ce  n'ed  pas  la  peine  de  rele- 
ver le  Ùdicule  de  ceue  bévue.  ^ 


DE  LÀ  Religion, &c.     tzj 

Il  avoît  promis  à  fes  Apôtres  de  ref- 
fufciter  trois  jours  après;  &  fes  Apôtres 
témoignent  publiquement  qull  a  tenu  pa- 
role :  ils  le  publient  au  milieu  de  Jerufa^ 
lem ,  daQs  toute  la  Judée ,  dans  tout  le  mon- 
de  conny  ;  ils  foutiennent  qu'il  eft  le  ffli 
de  Dieu  &  le  Sauveur  des  hommes  ;  ils  peis 
fuadent,  &  bientôt  fur  le  témoignage  conf-^ 
tant ,  uniforme ,  invincible  de  ces  tânoins 
oculaires ,  le  monde  fe  convertit  &  adore 
Jefus  crucifié.  Telle  eft  en  abrégé  l'Hiftoirc 
du  Chriftianifme  confignée  dans  le  Nou- 
veau Teftament, 

Dirart-on  que  cette  Hiftbire  eft  inventée 
à  plaifîr ?  «  Ce  n'cft  pas  ainfî  que  l'on  înven? 
»  te ,  répondrons-nous  avec  PAuteur  d'£- 
»  mile  :  il  ferait  plus  inconcevable  que  plu- 
»  fleurs  hommes  d'accord  eufièot  fabriqué 
30  ce  Livre ,  qu'il  ne  l'eft  qu'un  fcul  en  ait 
an  fourni  le  fujet.  Jamais  des  Auteurs  Juife 
»  n'eulïent  trouvé  ce  ton  ni  cette  morale  ^ 
j>  &  l'Evangile  a  des  caractères  de  vérité  fi 
»  grands,  fi  frappans,  fi  parfaitement  inimi^ 
»  tables  ,  que  l'inventeur  en  feroit  plus 
»  étonnant  que  le  héros  (  a  )  «•  Nous  ver- 
rons fi  nos  Critiques  font  parvenus  à'  les 
obfcurcir. 


is)  Emile»  tovott  |  »  p«  i^S» 

L  iv 


(I2i  Apologie 

Ce  fut  9  dît  TAuteur  du  Chriftianîfmc 
dévoilé  «^  au  milieu  de  la  Nation  Juive  ^  àifpo" 
fée  àfe  repaître  (Tefpérances  &•  de  chimères, 
^ue  Je  montra  un  nouvel  infpiré ,  dont  les 
SeSateurs  font  parvenus  à  changer  la  face 
de  la  terre  (a).  Ces  paroles  feules,  méditées 
atteatlvement,  fufiifent  pour  confondre  un 
Auteur  qui  ne  reconnoît  rien  de  furnatu- 
Tel  dans  TétablilTement  du  Chriffianifîne. 
Qu'une.  Nation  auffi  peu  inftruite  que  la 
Nation  Juive ,  ait  donné  naiifance  au  plus 
iage  &  au  plus  éclairé  de  tous  le$L^gif- 
lateurs  ;  que  feul ,  fans  étude  ,  fans  aucune 
reffource  humaine,  iLait  formé  le  projet  de 
changer  la  face  de  la  terre  ;  que  pour  y 
réuffir  il  ait  commencé ,  non  pas  par  flatter 
les  efpérances  chimériques  de  fon  peuple , 
mais  par  choquer  de  front  toutes  fes  idées  : 
qu'il  en  foit  venu  à  bout  par  le  miniftere  de 
douze  pauvres  pêcheurs  »  ne  font-ce  pas-là 
autant  de  circonflances  abfolumpnt  con- 
traires au  cours  ordinaire  de  la  nature ,  au- 
tant de  prodiges  ? 

Avant  &  après  J.  C.  quelques  împofteurs 
ont  voulu  fe  donner  pour  le  Meffie ,  ils  ont 
été  promptement  abandonnés  &  méprifés; 

fft)  Page  14. 


DE  LA  Religion,  &c.  î2^ 
le  mauvais  fuccès  de  leur  projet  n'a  fervi 
qu'à  faire  éclater  davantage  le  furnaturel  de 
la  miifîon  de  J.  C« 

l'Auteur  de  YExanlen  important  a  fentî 
tout  le  poids  de  ces  obfervations  ;  pour  en 
éluder  les  conféquences ,  il  a  eu  recours  à  un 
expédient  fîngulief  ;  il  a  donné  un  démenti 
formel  à  Tacite  &  à  Suétone.  Perfonne 
alors  y  dit-il ,  neparloit  de  l' attente  du  Mef--. 
fie.*  ..Il  ejl  certain  que  nul  Juifn^efpéroit, 
ne  défiroity  n  annonçait  un  Mejfie  du  temps 
d^Hérode  le  Grand  (a).  Mais  toujours  fidèle 
à  fe  contredire ,  il  avoue  au  même  endroit 
qyj^ily  eut  un  parti ,  unefeSe,  qui  reconnut 
Hérodepouf  l'Envoyé  de  Dieu.  Il  fuffit  d'ob- 
ferver  qu^L  cette  attente  chez  les  Juifs  & 
chez  les  Samaritains ,  dans  le  temps  donc 
nous  parlons ,  eft  clairement  marquée  dans 
plufieurs  paflages  de  l'Evangile  ;  dans  les 
objeâions  du  Juif  que  Celfe  fait  difpu- 
ter  contre  les  Chrétiens  ;  dans  celles  du 
Juif  Tryphon  ,  rapportées  dans  S,  Juf- 
tin  ;  dans  ce  que  Jofeph  raconte  des  faux 
MeJJies  qui  parurent  pour  lors,  &  que  l'Au- 
teur du  DiBionnaire  Philofophique  a.  com- 
pilé ,  art»  Meffîe.  Il  eft  donc  bien  certain 
que  l'on  attendoit  alors  un  Envoyé  de 
Dieu  ;  que  Tacite  &  Suétone  ne  l'ont  pas 

m 

( a )  Examen  tnipoicanc  >  c^  u  >  p*  f  ^  de  $7» 


î^Ô  Apologie 

rêvé.  Si  Hérode  lui-même  n'avoit  pas  été 
perfuadé  de  cette  opinion ,  pourquoi  au- 
roit-îl  fait  maflacrer  les  innocens  ?  Trait  de 
cruauté  horrible ,  dont  un  Ecrivain  Ro- 
main a  confervé  la  mémoire  auflî-bien  que 
TEvangile  (a). 

Il  étoît  fort  inutile  d^  nous  parler  des 
différentes  feâes  obfcures  &  peu  nombreu- 
ses quife formèrent  alors  (b);  toutes ,  fans 
exception,  furent  promptement  anéanties  ; 
le  Chriftianifme  feul  eft  parvenu  à  fubjuguer 
le  monde  entier» 

5.  3. 

Nous  ne  rougîffions  point  de  rapporter 
après  nos  Critiques  les  calomnies  par  lef- 
quelles  les  Juifs  fe  font  efforcés  de  noircir 
la  naiffance  &  la  vie  du  Sauveur.  Ils  ont 
dit  que  Jefus  étoit  né  de  Marie  féduite  par 
un  foldat  ;  qu'il  avoit  appris  la  magie  en 
Egypte ,  qu'il  fut  un  brigand  &  un  chef  de 
voleun.  Mais  ils  n'ont  ofé  écrire  ces  impof- 
tures  que  plufîeurs  (îècles  après  la  naiffance 
du  Chriflianifme;  ils  les  ont  tenues  fecrettes 
pendant  long -temps  :  les  Livres  qui  les 
renferment  font  fî  remplis  d'erreurs,  d'ana- 
chronifmes ,  de  puérilités ,  que  jufqu'à  pré- 

(a)  ^acrobe»  Saturnal ,  I.  1 ,  C4. 

ib)  Ëxamca  imp ocunc »  c«  1 1  »  p.  ^  £c  ^7* 


DE  LA  Religion, &c.     151 

iênt  les  plus  audacieux  des  ennemis  de  notre 
Keligion  n'avoient  pas  ofé  en  faire  ufage. 
On  en  avoit  même  parlé  dans  le  DiSiow- 
maire  Philofophique  avec  le  dernier  mé- 
pris (j). 

Il  étoit  réfervé  au  faux  Bolîngbroke  de 
nous  apprendre  que  la  vie  de  Jefus  publiée 
par  les  Juifs ,  Livre  extravagant  \  de  fon 
propre  aveu ,  rapporte  des  chofes  beaucoup 
plus  vraifemblables  que  nos  Evangiles  (b). 
Nous  invitons  le  Ledeur  à  voir  l'extrait  de 
ces  vies  de  Jefus  dans  l'Hiftoire  de  l'établiC- 
fement  du  Chriftianifme  par  M.  Bullet  (c) , 
il  jugera  de  leur  mérite  &  de  la  fagacité  du 
Critique  qui  nous  les  oppofe. 

En  vain ,  pour  leur  donner  quelqu'auto- 
rité ,  il  prétend  que  cette  Hiftoire  eft  auflî 
ancienne  que  nos  Evangiles;  que  Celfel'a 
citée  au  fécond  fiècle.  Fauflè  allégation, 
Celfe ,  à  la  vérité ,  introduit  un  Juif  qui  re- 
proche à  Jefus  d^être  né  d'un  adultère  (d); 
mais  il  n'y  a  aucune  preuve  qu'il  ait  tiré  ce 
reproche  d'une  vie  de  Jefus  déjà  écrite  pat 
les  Juifs.  Quand  cela  feroit  vrai ,  nous  en 
tirerions  le  plus  grand  avantage ,  puilque  les 
Juifs  ont  reconnu  formellement  dans  cet 


(a)  Dia.  Philof.  art.  MeJjU. 

(h  )  Exame^mportant ,  c.  1 1  »  p.  ^o. 

Ca)  Page7f. 

ii;  Orig.  concr*  Celfe  >  !•  i ,  édi(.  Canubr.  p.  14»  2  <  ^  {ifi 


'23^  Apoloôie 

écrit  la  réalité  des  miracles  de  J.  C.(a).  Olr 
la  miffîon  de  J.  C,  eft  prouvée  par  fes  mira- 
cles ,  indépendamment  de  Ùl  naiflànce. 

2,^4  II  CM  faux  que  la  vie  de  Jefus ,  corn- 
pofée  par  les  Juifs ,  ait  été  corrompue  dans 
la  fuite ,  que  Ton  y  ait  ajouté  dts  fables  in/î^ 
pides ,  des  miracles  impertinens ,  &  que  ce 
Lu/rt  nous  fait  parvenu  fort  défiguré  (b)* 
Il  nous  eft  parvenu  tel  que  les  Juife  Tont 
compôfé  ;  ik  Pont  tenu  fecret  tant  qu'ils 
ont  pu  ,  &  lès  Chrétiens  n'en  ont  eu  coa- 
noiil^ce  que  dans  les  derniers  fiècles. 

Les  ennemis  du  Chriftianifmc,  non  con- 
tens  de  jetter  du  doute  fur  la  conception 
miraculeufe  de  Jefus  dans  le  fein  de  Marie  » 
fe  font  encore  appliqués  à  y  répandre  un  ri- 
dicule injurieux  ;  ils  ont  eu  recours  à  leurs 
armes  ordinaires ,  à  l'obfcénité  &  à  la  ca- 
lomnie. Ils  ont  avancé  que  S.  Auguftin  , 
dans  fon  Sermon  22 ,  a  dit ,  parlant  de  l'An- 
ge: imprctgnavit  Mariam  per  aurem  (c). 
C'eft  une  impofture;  ces  paroles  ne  fe  trou- 
vent point  dans  S.  Auguftin.  Ils  ont  accufé 
Sanchez  d'avoir  parlé  du  même  myftere 
dans  des  termes  qui  font  frémir  la  pu* 
deur <  d  ).  Nouvelle  infidélité  :  Sanchez  no 

(a)Hm.aexM.Bullet,p.5i. 
(  b)  Examen  important,  p.  6t, 
ic)  Dîner  du  Comte  de  Boulainvillicrs ,  p»  |j. 
(  d  )  Examea  importaac  }^  i  ;  p.  ^j*  L'Homme  aux  44 
#cus ,  p.  j^. 


t>K  LA  ReLIGION?&C.     t^f 

s'eft  point  exprimé  comme  ils  le  préten- 
dent (a).  Quoique  fes  expreflîons  ne  foienc 
point  dangereufes  pour  les  Théologiens  qui 
le  lifent  avec  un  cœur  chafle  &  dans  des 
vues  légitimes ,  nous  nous  abfliendrons  de 
les  rapporter  :  elles  feroient  encore  un 
poifon  pour  l'efprit  pervers  d^  nos  Philo- 
ibphes. 

Nous  convenons  avec  PAuteur  du  ChriJ^ 
ticmifint  dévoilé  ^  que  Jéfus  fut  un  Juifpau» 
tnre  qui  Je  prétendit  ijfu  du  fang  Royal  de 
David  (i).  La  vérité  de  cette  prétention 
eft  prouvée  par  fa  généalogie  authentique, 
tirée  des  arcnives  mêmes  d'une  Nation  qui 
eut  toujours  un  foin  particulier  de  confer- 
ver  les  généalogies ,  pour  pouvoir  juftifier 
la  naiflance  du  Meffie  ,  quand  il  paroîtroit 
fur  la  terre.  La  pauvreté  de  Jefus ,  loin  de 
nous  rendre  fufpeâe  fa  miflion-jiêrt  au  con»i 
traire  à  relever  l'éclat  de  iès  vertus  :  un 
Sauveur  qui  venoit  enfeigner  aux  hommes 
le  détachement  des  richeiles  ,.devoit  com- 
mencer par  en  donner  l'exemple.  Un  Dieu, 
ami  des  pauvres  ,  peut  fcandalifer  des  Phi- 
lofophes  fuperbes  &  voluptueux  ;  mais  €e 
n'efi  pas  d'eux  que  nous  di^vons  apprendre 
ce  qui  convient  le  mieux  à  la  Sageifè  divine. 


mm 


(4)  Sanchec»  U  i ,  Difp.  zi  >  n*  ii« 
iP)  Chriit.  dévoilé i  p.  14. 


ÂPOLOGIB 

ç.  4. 

Oefi  une  calomnie  d'avancer  que  J.  C« 
ne  trouva  des  profélytes  que  dam  la  plus  igncH 
rante  populace;  de  répeter  (ans  ceflè  que  le 
Chriftianifine  dam  fa  naijfimce  fat  forcé 
defe  borner  aux  gem  du  peuple;  qu  Une  fat 
embrajfé  que  par  les  hommes  les  plus  abjeSs 
d'entre  Us  Juifs  &  les  Payem  (a).  Nous 
avons  montré  dans  un  autreOuvrage »  que 
J.  C.  eut  pendant  fa  vie  des  Seâateurs  dif^ 
tingués  parmi  les  Juifs ,  des  Doâeurs  de  la 
Loi;  que  fesDifciples  ont  converti  des  Sça- 
vans  &  des  Philoiophes  en  très-grand  nom- 
bre (t)«  Il  n'eft  pas  néceflaire  de  répéter 
les  preuves  que  nous  en  avons  données  » 
&  que  nos  adverfaires  n'afibibliront  jamais» 

Il  y  a  encore  plus  de  mauvaife  foi  dans 
la  manière  dont  l'Auteur  de  V Examen  im^ 
portam  a  traité  les  mirades ,  la  conduite 
&  les  inftruâions  de  J.  C  ;  il  a  fuppofé  que 
(es  leâeurs  ne  connoiflbienc  pas  l'Evan- 
gile (c). 

x^.  Selon  lui ,  le  premier  miracle  que 

(a)  Chridb.  dévoilé,  p.  tf  $c  19.  E^niea  importance 

c*.  J4»  P*  ^7-  3^  Lettre  i  Eugénie  ,  p.  79*  Conugion  facrée» 
€.  i«p.5. 

,il)  Certitude  des  preuves  du  CbrifL  a.6  ^^.u    .    , 
(  c  )  Examen  important ,  c.  1 1  ,  p.  6?.  Première  &  qaa» 
sorûème  Lettre  fur  les  Misacles.  Queftions  de  Zaptta,  nxu 
44>  n  »  )^*  Oîner  du  ConKe4«  BôuliinYiUicri  »  pr^S»' 


DE  LA  Religion,  &c.  i^y 
Jefus  opère ,  eft  de  fe  {aire  tranfporter  par  le 
Démon  fur  le  haut  d'une  montagne  de  Ju- 
dée, d'où  l'on  découvre  tous  les  Royaumes 
de  la  terre  ,  &  où  fes  vétemens  paroifTent 
tout  blancs.  Il  change  l'eau  en  vin  dans  un 
repas  où  tous  les  convives  étoient  déjà  ivres. 
Il  fait  fécher  un  figuier  qui  ne  lui  a  pas  don^ 
né* des  figues  dans  un  temps  où  il  n'y  avoit 
plus  de  figues. 

L'Auteur  prétend  -  il  nous  faire  entendre 
que  l'Evangile  n'attribue  point  d'autres  mi- 
racles à  J.  C  ?  Sans  doute ,  les  boiteux ,  les 
paralytiques  >  les  lépreux ,  les  aveugles -nés 
guéris  par  une  feule  parole ,  la  multiplica- 
tion réitérée  des  pains ,  la  tempête  appaifée  » 
les  morts  refTufcites  ,  ne  font  pas  des  mira- 
cles ,  ou  ils  ne  valoient  pas  la  peine  d'être 
cités.  - 

Dans  la  première  Lettre  fur  les  Mira-- 
des ,  on  a  infinué  que  la  plupart  des  préten- 
dus prodiges  du  Sauveur  étoient  de  fimples 
paraboles  ;  que  foa  tranfport  fur  une  mon-^. 
tagne  tious  peint  les  illuuons  de  l'ambition , 
que  le  deffédiement  du  figuier  eft  une  leçon 
pour  nous  apprendre  que  nous  devons  por- 
ter dans  tous  les  temps  des  fruits  de  charité 
&  de  juftiçe ,  &c.  (^)  ' 

Cette    explication  eft  admirable  fans 


(«}  Prciûiere  Lettre  fur  les  Miracles,  p«  i^. 


t^6  Apolocîik 

doute  ;  mais  elle  nous  jette  dans  d'étrangeS 
embarras.  Il  faudrohfçavoir^  i®,  comment 
les  Evangéliftes  qu'on  nous  a  dépeints  com- 
me des  fanatiques ,  comme  des  infenfés  di- 
gnes d'être  mis  aux  Petites-Maifons  (a^, 
x)nt  pu  imaginer  des  leçons  de  morale  auifi 
îngénieufes  ;  2^.  fi  la  guérifon  des  malades , 
la  réfurreâion  des  morts  font  aufli  des  pa« 
raboles ,  &  c^  qu'elles  fignifient  ;  3°.  com- 
ment  l'Auteur  de  VExamen  important  a 
pu  confondre  le  tranfport  de  Je&s  fur  la 
montagne ,  Matt.  4. ,  avec  le  miracle  de  la 
Transfiguration  où  fes  vêtemens  devinrent 
tout  blancs  »  Matt*  17  ;  4^  en  quel  lieu  il  a 
lu  que  les  convives  des  noces  de  Cana 
étoient  déjà  ivres  ;  J**.  pourquoi  il  n'a  pas 
fait  attention  au  motif  que  Jefusf  fè  propo- 
fbit  en  faifant  fécher  le  figuier ,  &  à  rinftruc- 
tîon  qu'il  en  prit  occafion  de  faire  à  fes  Dis- 
ciples (b)}  Quand  on  veut  tourner  en  ridi- 
cule les  Évangiles ,  ou  les  entendre  autre- 
ment que  les' Chrétiens  >  il  faudroit  dire  des 
chofes  claires  ,  fenfées ,  raifonnables ,  dont 
tout  le  monde  pût  être  fatisfait^ 

2^  La  conduite  de  J,  C.  à  laquelle  (ês^ 
plus  grands  ennemis  n'eurent  jamais  rien  à 
retendre  «  n'a  pas  trouvé  grâce  devant  nos 


(  a)  Examen  împorcanri  c*  f  f  j  p«  ^1« 


^Critiques 


DE  LA  Ri;LIGI0k,  &C.       137 

Critiques  modernes*  Ils  lui  reprochent  d'ê^ 
tre  allé  fouper  chei  des  filles ,  d'avoir  mangé 
chez  les  Publicains ,  qu'il  regardoit  cepenr 
dant  comme  des  gens  abominables»  d'avoic 
chafle  du  Temple  desMarchands  qui  étoient; 
autorifés  par  la  Loi  à  y  vendre  des  viâimes 
pour  les  facrifices  (â).  v 

Il  eft  âcheux  que  nos  Philofophes  »  par 
leurs  foupçons  ihpiftes ,  &  par  la  licence  de 
leurs  expreilîons  ,  affeâent  de  nous  faire 
comprendre  jufqu'où  va  le  dérèglement  de 
leur  conduite.  J.  C*  n'a  fréquenté  que  des 
perlbanes:  vertueufes«  Marthe  &  Marie , 
fœurs  de  Lazare ,  étoient  à  couvert  de  foup-^ 
çon  :  les  Juifs  acharnés  à  calomnier  J,  C* 
n'ont  jamais  attaqué  la  pureté  de  fes  mœurs  ; 
leur  haine  étoit  moins  furieufe  que  celle  de 
nos  Doâeurs  anti  -  Chrétiens.  L'Auteur 
d'Hmiie ,  un  peu  plus  raifonn^ble  que  les 
autres ,  loin  de  &tre  à  J.  C.  un  crime  de  fon 
caraâere  doux  &  fociable  »  l'en  a  loué  avec 
raifan(&). 

Il  n'eft  pas  vnd  que  le  Sauveur  ait  regar- 
dé les  Publicains  comme  des  gens  abamina'^ 
blés  ^.c'étoit  un  eâet  de  la  prévention  &  de 
l'orgueil  des  Pharifîens  que  J.  C7  a  toujours 
condamnéSr  Quand  ces  derniers  le  blâme» 


(m)  Examen  important,  c.  ri  ,  p.  tfj* 
((|  Letcre  écrite  de  UMOAUsne,  p,  117. 


Ï3^  Ap  Q  L  O  G  I  B 

rent  de  manger  chez  les  Publicaîns ,  il  leur 
répgndit  avec  fageflè  :  ie  Médecin.eji  nécef^ 
faire  aux  malades  y  &  non  pas  à  ceux  qui  Je 
portent  bien  :  je  ne  fuis  pas  venu  appeller  les 
jujies  à  la  pénitence  ,  mais  les  pécheurs  (  a  ). 
,    Il  eft,  encore  ;fau2f  que  les;  Marchands  fuf- 
fent  autoriféspar  la  Loi  à  commercer  à  l'en- 
trée du  Temple  ;  c'étoit  un  ufàge  abufif  que 
J.  C,  étoit  en  droit  de  réformer.  Lorfque 
les  Juifs  lui  demandent  un  miracle  pour 
preuve  de  fon  autorité  ,  il  les^renyoye  à  £a 
-  réfurredion  :  détruifc{  ce  Temple ,  leur  dit- 
il  ,  je  le  rebâtirai  dans  trais  jaurs  :  l'Evahgé- 
lifte  remarque  qu'il parloit  de  fon: propre 
corps.  Mais  la  réponie  que,  ce  même  Evan- 
géhfte  attribue  aux  Jui&,  prêté  unp  nou- 
velle matierçà  la  critique.  On  a  mis  46  ans 
à  bâtir  ce  Temple  ^^  comment  dans  twis  jours 
le  rebâtire^^ous  (b)(  Il  eft  bimfçLux  ,  dit 
notre  Cemfeur.,  qu Hérodeeikmis ^6, ans â 
rebâtir  le  Temple  ;.'çela  fed  fait  bien  t^oir 
que  les  Evangiles  ont  été  écrits  par  ies  gens 
qui  n'étoient  au  fait  de  rien* 

A  la  vérité ,  Joféphe  rapporte  que  le 
Temple  fut  rçbâti  par  Hérode  en  huit  ans; 
mais  depifts  ce  temps-là  on  y  avbit  encore 
travaillé  à  diiFére.ntes.reprifes ,  fc^t  poiar  ter 


{a)  Luc.  5>  M* 


DE  LÀ  R  E,L  I  G  I  O  tr,  &C.       i  39 

parer  l'efFet'  de  quelqites  incendies ,  foit 
pour  cmbelKr  les  difFérentes  parties  de  cet 
édifice  (a).  Or  y  depuis  les  travaux  com- 
mencés par  Hérode  jufqu'à  la  première  an- 
née de  la  prédication  du  Sauveur,  il  y  a  en 
efiet  45  ans.  L'Auteur  qui  a  copié  Tobjec- 
tioîv  dans  Dom  Calmet ,  auroit  pu  y  pren- 
dre la  réponfe. 

5**.  L'Auteur  des  Lettres  fur  les  mira- 
cles (B)  avoît  paru  approuver  les  inftruc- 
tions  du  Sauveur  &  les  Paraboles  dont  il  fe 
fervait  pour  fe  faire  entendre  du  peuple  2 
ici  on  les  tourne  en  ridicule ,  &  l'on  ajoute 
que  les  Prédicateurs  d'aujourd'^huî  parlent 
dans  un  autre  goût.  Ils  n'ont  peut-être  pas 
tort  ;  mais  J.  C  avoit  encore  plus  de  fa- 
gefle  :  un  Prédicateur  doit  proportionner 
fes  inftruftions  à  la  capacité  &  au  génie  dç 
fes  Auditeurs  ;  c'eft  ce  qu'a  fait  le  fils  de 
Dieu ,  &  ce  qu'il  a  commandé  de  faire  à  (es 
Difciples.  Par  des  leçons  fimples  &  populai- 
res ,  ils  ont  converti  le  monde  ;  nos  Philo- 
fophes  avec  tous  leurs  raifonnemens  &  leur 
vain  étalage  de  (cîence ,  pervertiflent  quel- 
ques leâeurs  iniprudens  i  jamais  ils  né  ren- 
dront les  hommes  meilleurs. 

Par  où  finit  l'HiJloire  de  Jefus?  dit  ûotra 


la  )  Joféphe  Anti^.  .L  r>  ,c.  14  ;  &  I  lo  ,  c.  jj» 
ifJb  )  Fcexuiece  Laçcc  ûir  les  jMuack* ,  t>  1 7-  '  '  * 

M  i  j 


{140  "  Afologie 
Critique ,  par  taventurt  qui  arrive  à  cvix 
qui  veulent  amufer  la  populace  »  ils  finiûent 
par  être  mis  à  mort.  Il  fe  trompe  ;  l'Hiftoi- 
re  de  Jefus  ne  finit  point  à  fa  mort ,  c'eft 
plutôt  là  qu'elle  commence  ^  &  c'eft  par-là 
que  Jefus  eft  éminemment  diftingué  de 
tous  les  impofteurs.  Le  fupplice  de  ceux-ci 
termine  ordinairement  les  mouvemens 
qu'ils  ont  excités ,  difllpe  leurs  Seâateurs , 
fait  évanouir  leurs  projets  :  la  mort  de  J.  C« 
fiiivie  de  fa  réfurreâion  >  a  feryi  à  vérifier 
fes  promeflès  >  à  confirmer  fa  doârine ,  à 
lui  attacher  plus  étroitement  ies  Difciples  , 
à  fonder  fon  £glife.  U  l'avoit  prédit  »  & 
l'événement  l'a  montré.  Quel  a  pu  être  le 
principe  de  cette  fidélité  inviolaole  &  in- 
vincible des  Seâateurs  de  Jefus  f  C'eft  à 
nos  adverfaires  de  nous  l'apprendre» 

S.  y- 

Ses  Difciples  ,  dit-on  »  ou  impofieurs  au 
féduits ,  rendirent  un  témoignage  éclatant 
de  fa  puiffance  ;  ils  prétendirent  que  fa  mif-^ 
Jîon  avoit  été  prouvée  par  des  mirades  Jans. 
nombre  (a).  Voici  deux  nouvelles  quef^ 
tions  à  examiner.  Les  Difciples  de  J.  C. 
ônt-ils  pu  être  impofieurs  ou  féduits  ?  Sont- 
ils  les  feuls  qui  ayent  rendu  témoignage  aux 

ih)  Cliriftt  dévoilé; p. 25«  |eLctCCC  i  Su^éiùe^f.  9i^ 


DE  LA  RbLIGIOU,  &C.       l^t 

miracles  de  leur  Maître  ?  La  légèreté  avec 
laquelle  PAuteur  du  Chrijiianifmç  dévoilé 
paflè  fur  ces  deux  articles  >  montre  qu'il  a 
bien  peu  étudié  la  matière. 

Si  les  Difciples  de  J.  C.  ont  été  féduits , 
c'eft  fans  doute  par  les  efpérauce  de  leur 
Nation ,  que  l'Auteur  a  traitées  de  chimè- 
res ;  par  l'attente  où  étoit  le  peuple  Juif  de 
voir  paroître  le  Meffie  danà  le  temps  que 
Jefus  a  commencé  à  fe  donner  pour  tel  : 
Nous  efpérions ,  difoient41s  après  ià  mort, 
nous  efpérions  qu  il  f croit  le  Libérateur  dUp- 
raël  (a).  Ils  fe  font  attacl^  à  lui  par  les 
I»-omeflès  qu'il  leur  avoit  faites  de  leur  don^ 
ner  les  premières  places  dans  fon  Royau* 
me.  Mais  enfin  (a  mort  ignominieufe  a  dû 
les  détromper.  Demeurer  attachés  à  un 
Maître  qui  les  avoit  abufés  >  qiu  les  avoir 
expofés  au  mépris  &  à  la  haine  de  leur 
Nation  ;  s'obftiner  à  prêcher  faufleme^t  (a 
réfurreôion  &  ta,  Divinité  >  malgré  le  ref- 
fentiment  qu'ils  dévoient  conferver  contre 
lui  ;  affronter  les  tourmens  &  la  mort  pour 
un  impofteur  qui  s'étoit  pué  de  leur  cré- 
dulité ;  ce  procédé  eft-il  dans,  la  nature  ? 
Le  cœur  humain  peut-il  s'y  prêter  ?  Qu'ils 
ayent  été  féduits  jufqu'à  la  mort  de  Jefus , 
on  peut  haiarder  cette  fuppofition  ;  mais 

m  wmmÊmmmmmmmmmmmmmmÊm^mmmÊÊmmimmimmmmitm^ 


*4^  Apologie 

qu'ils  ayent  perfévéré  dans  la  féduélion  mal- 
gré fa  mort ,  malgré  la  fauflèté  de  fes  {m*o- 
meilès ,  malgré  le  danger  ^quel  leur  pré- 
dication ift  expofoit  2  voilà  certainement 
ce  qu'on  ne  comprendra  jamais*  Il  faut 
donc  néceilairement  conclure  que  Jefus  a 
effedué  ce  qu'il  avoit  promis,  en  fe  mon- 
trant reffiifcité  à  leurs  yeux  ,  que  fes  Dit- 
ciples  ne  font  ni  des  fourbes  ni  des  impof- 
teurs* 

Ont-Hs  pu  l'être  ?  Us  ne  nous  impofent 
point  d'abord  fur  les  faits  dont  nos  enne- 
mis convienne ,  &c  dont  ils  veulent  tirer 
avantage ,  fur  la  pauvreté  de  Jefus ,  fur  l'obt 
curité  où  il  a  vécu  jufqu'à  l'âge  de  trente 
ans,  fur  fa  prédication ,  fur  là  mort ,  fur  l'i- 
gnorance de  la  plupart  de  fes  Sedateurs. 
Des  impofteurs  qui  n'auroient  cherché  qu'à 
éblouir  &  à  tromper  le  monde.,  n'auroient 
pas  tommencé  par  faire  tous  ces  aveux^ 
N'importe  ;  ils  nous  impofent  fur  les  mira- 
cles prétendus  de  leur  Maître ,  fer  fa  réfur- 
reâiùn  ,  fur  fon  afeeniîon  dans  le  Ciel  : 
voilà  ce  qu'on  prétend  ;  il  faut  démontrer 
le  contraire* 

§.  6. 

!*•  Quel  fruit  peuvent-ils  efpérer  de  la. 
fable  qu'ils  ontîforgée?  Ils  l'annoncent  eux- 
mêmes  :  Jefus  leiu:  a  prédit  qu'ils  feroient 


DE  LA  Religion,  &c.     14} 

haïs  5  mépriféi  ^  perfécutés,  mis  à  mort  pour 
fan  nom  (  û).  Un  impofteur  peut  s'applau- 
dir de  (es  fuccès  ,  triompher  d'avance ,  fe 
promettre  des  viâoires  &  un  fort  brillant 
s'il  réuffit  :.^  n'en  a  point  encore  vu  qui 
aie  formé  un  projet  périlleux  pour  le  feul 
plaifîr  d'y  fuccomber  ôrd'en  être  la  vie* 
tiroe* 

2°*  Recherchent-ils  quelque  chofe  pour 
eux-mêmes  ?  Ils  ne  travaillent  que  pour  la 
gloire  de  leur  Maître ,  ils  ne  font  rien  qu'en 
fon  nom  ;  ils  ne  s'attribuent  ni  les  prodiges 
qu'ils  opèrent  »  ni  la  .do&ine  qu'ils  enfeir 
gnent(/?).  L'Âutéur  d\x  jChriJiianiJme  dé^ 
voilé  convient  que  leur  ambition  fe  hor^ 
noit  à  ^ouvzrmr  les .  âmes  (  c  )  :  c'eft-à-dirc 
qu'ils  confentent  à  demeurer  pauvres  >  à  fe 
confumer  de  travaux ,  à  facrifier  leur. vie , 
à  répandre  leur  iàng ,  ^pourvu  que  l'Evan- 
gile âruâifie;  ils  le  déclarent  &  agiflènt  fur 
ce  plan  (^J.  Voilà  des  impofleurs  bien  dé* 
fintéreÛes. 

3^  L'impofture  eft-elle  compatible  avec 
leur  caraâere,  avec  leur  dodrine,  avec 
leur  conduite?  On  leur  reproche  d'être 
fimples,groiûSers  >ignorans  dans  les  fciences 


*^v— «— — — •••^^i 


'fr^  Page  30. 


Ï44  Afologie 

humaines  »  ils  ne  s'en  défendent  point.  Le 
projet  de  convertir  l'Univers  entre-t-il  na- 
turellement dans  refprit  des  hommes  de 
cette  efpèce  f  Us  nç  prêchent  que  la  fîncé- 
rite ,  la  droiture ,  la  charité  >|ja  douceur  » 
la  patience  ;  ils  font  mieux  ,  ils  les  prati- 
quent :  notre  Auteur  leur  rendra  bientôt 
cette  juftice  (a).  Des  hommes  fimples  & 
fans  artifice  peuvent-ils  être  martyrs  dumen- 
fonge  ?  Des  fcélerats  deviennent -ils  les. 
Apôtres  de  la  vertu  >  Conftans  &  intrépi* 
des ,  ils  parlent  de  même  parmi  leurs  Difcî- 
pies  fi^-en  préfence  de  leurs  ennemis  ;  'ûs 
n'évitent  ni  les  perquifitions  ni  les  interro- 
gatoires :  ils  ne  tremblent ,  ils  ne  fe  rétrac* 
tent ,  ils  ne  fe  contredifent  ni  daps  le  parti» 
culier ,  ni  quand  ils  ibnt  railèmblés  ;  ils  prê> 
chent  la  même  chofe  dans  les  trois  parties 
du  monde  connu  ;  ils  font  les  mêmes  dans 
leurs  courfes ,  dans  leur  patrie  &  chez  les 
étrangers ,  dans  les  prifons  &  (ur  l'échafaut» 
Quel  pouvoir  inconnu  a  pu  maintenir  en- 
tr'eux  ce  concert ,  malgré  le  cho<^  de  tour 
tes  les  pafliions  humaines  i  Le  fyftème  de 
l'Irréligion  ne  peut  accorder  aupurd'hui 
deux  Philofophes  :  la  prétendue  fable  du 
Chriftianifme  a  réuni  d'abord  une  centaine 
de  Prédicateurs. 


"   '  ■'  '"^mmmmmmmmmmmmÊmmmÊmmmmmmm 

à' 


DE  laReligioii/,  &c.  14 jT 
4^  L^on  ne  peut  pas  s'y  prendre  plus 
mal-adroitement  pour  accréditer  des  fables. 
Ce  n'eft  pas  d'abord  dans  les  pays  éloignés 
que  les  Apôtres  vont  publier  les  miracles  & 
la  réfurreâion  de  leur  maître.  Ceft  à  Jeru- 
falem  ,  fous  les  yeux  même  de  ceux  qui 
l'ont  crucifié;  ils  les  prennent  à  témoin  des 
faits,  ils  ofent  c?n  attefter  la  publicité;  ils 
n'attendent  point  dix  ou  vingt  ans  après 
l'événement;  ils  prêchent  cinquante  jours 
après  la  mort  de  J.  C,  au  moment  même  ou 
le  concours  du  peuple  à  Jerufalem  eft  plus 
nombreux ,  où  les  témoins  raflêmblés  des 
diffèrenis  quartiers  de  la  Judée  fç  trouvent 
réunis.  Ils  font  écoutés ,  ils  perfuadent  ;  huit 
mille  hommes  fe  trouvent  Chrétiens  après 
deux  prédications.  Une  impofture  que  l'on 
peut  démentir  fur  le  champ ,  contre  laquel- 
le une  ville  entière  eft  en  état  de  dépofer  ; 
peut-elle  dans  cette  ville  même  fafcinet 
i'efprit  de  huit  mille  hommes  en  peu  de 
jours  ? 

y**.  Si  les  Apôtres  font  des  împofteurs ,  la 
conduite  des  Juifs  eft  un  phénomène  inex- 
plicable. Comment  le  Confeil  de  Jerufa- 
lem, fianimé,&  fi  furieux  contre  le  Maître, 
a-t-il  été  fi  patient  envers  les  Difciples  ?  U 
étoit  important  pour  ces  Magîftrats  de  jufti- 
fier  leur  conduite  à  l'égard  de  J.  Cd'empê-r 
cher  Ja  prédication  des  Apôtres,  de  publiât 
XomeJ.  N. 


ï 


145  Apologie 

dans  tout  l'univers  la  vérité  des  faits ,  d'en- 
voyer dans  les  Synagogues ,  &  fur-tout  à 
Rome,des  informations  bien  circonftanciées 
&  bien  authentiques  de  la  vie  ,  de  la  fauflè 
doârine  »  des  crimes  vrais  ou  fuppofés  de 
J,  C,  des  preftiges  par  lefquels  il  avoit  le- 
duit  le  peuple ,  de  la  faufleté  de  fa  réfurrec- 
tion ,  de  l'audace  &  de  l'impofture  de  fes 
Difciples.  Ces  Pharifiens  fi  zélés ,  ces  Prê- 
tres fi  jaloux  demeurent  dans  l'inaâion. 
Au  lieu  de  confondre  publiquement  les 
nouveaux  impofteurs ,  ils  fe  contentent  cl« 
les  emprifonner  pour  quelques  jours ,  de 
leur  faire  des  menaces  ;  ils  ne  détrompent 
perfonne.  Dans  prefque  toutes  les  villes  ou 
S.  Paul  va  porter  l'Evangile ,  il  fe  fait  des 
profélytes  parmi  les  chefs  mêmes  de  SynaS 
gogues.  Que  la  forcé  de  la  vérité  ait  fermé 
la  bouche  &  lié  les  mains  au  Confeil  des 
Juifs  >  il  n'y  a  rien  là  de  merveilleux  ;  mais 
qu'il  ait  vu  fi  tranquillement  profpérer  l'im- 
pofture a  voilà  ce  qu'çn  ne  comprendra  ja- 
mais. 

Qu'on  nous  permette  de  le  répéter  :  nos 
adverfaires  rejettent  avec  dédain  les  mira« 
des  de  J.  C.  &  des  Apôtres ,  parce  qu'ils 
dérogent  aux  loix  phyfiques  de  l'univers , 
&  ils  admettent  fans  héfiter  des  prodiges 
plus  incroyables  contre  l'ordre  moral  ^ 
qui  n'eft  pas  moins  l'ordre  de  la  nature» 


J 


1 


DE  LA  Religion,  &c.     147 
Ceft  aînfi  qu'ils  font  d'accord  avec  euxr 

i  7- 

En  fécond  lieu  les  Difcîples  de  J.  C.  fo^^ 
Ils  les  feuls  qui  rendent  témoignage  à  fes 
miracles  i  comme  l'Auteur  le  fuppole ,  pour 
les  accufer  d'impofture  ?  Les  Juifs,  malgré 
leur  intérêt  à  les  contefter ,  en  conviennent 
dans  les  Livres  mêmes  qu'ils  ont  écrits  con* 
tre  J«  C.  &  que  nos  Critiques  ont  cités.  Les 
uns. ont  dit  qu'il  les  avoit  opérés  par  la  ma- 
gie qu'il  avoit  apprife  en  Egypte  ;  les  autres  » 
par  la  prononciation  du  nom  ineffable  de 
Dieu.  Les  Auteurs  Payens ,  ennemis  &  ca- 
lomniateurs du  Chriftianifme ,  ont  fait  le 
même  aveu  dans  leurs  Livres  ;  nous  l'avons 
prouvé  dans  un  autre  Ouvrage  (a).  Nous 
avons  fait  voir  que  la  feule  force  de  la  vé- 
rité a  pu  leur  arracher  cette  confeflîon.Les 
anciens  hérétiques,  prefque  contemporains 
des  Apôtres ,  appliqués  à  contredire  leur 
doârine ,  encore  à  portée  de  vérifier  les 
faits  ,  ont  fiippofé  là  réalité  des  miracles  & 
de  la  réfurreftion  de  J.  C ,  malgré  l'intérêt 
de  leur  fyftème  ;  nous  avons  produit  leurs 
aveux  (b).  Ces  Seâaires  n'étoient  pas  des 


(a)  Cercicude  dei  Preuves  du  Cbnft*  chap*  4. 

Nij 


Ï48  Apologie  ^ 

îgnorans ,  incapables  d'examen  ;  c'étoît  des 
Philofophes  payens  mal  convertis  ,  qui 
avoient  l'ambition  de  fe  faire  des  Difcîples , 
d'être  à  la  tête  d'un  parti. 

Là-defTu?  nous  demandons  à  nos  Cen- 
feurs  :Des  faits  publics  &  palpables  ,fouvent 
réitérés  ,  publiés  fur  les  lieux ,  &  dans  le 
temps  même  oà  ils  ont  dû  arriver,  par  des 
témoins  oculaires  ,  qui  n'ont  pu  avoir  au- 
cun intérêt  vraifemblable  de  les  inventer , 
&  qui  les  ont  foutenus  jufqu'à  la  mort  ; 
avoués  par  des  ennemis  déclarés ,  Juifs  , 
Payens ,  Hérétiques ,  &  qui  avoient  tous  le 
plus  grand  intérêt  de  les  contefter, peuvent- 
ils  être  des  impoftures?  Nous  invitons  , 
nous  prions ,  nous  conjurons  M'«  les  Philo- 
fophes de  nous  donner  des  règles  de  criti- 
que plus  juftes ,  plus  certaines ,  plus  infail- 
libles ,  pour  difcerner  le  vrai  d'avec  le 
faux. 

Cet  aveu  des  Auteurs  payeas  eft  fort  in- 
commode ;  l'Auteur  des  Lettres  fur  les  Mi-^ 
racles  a  fait  tout  fon  pofTible  pour  l'éluder. 
Il  dit  a  que  fi  quelques  mauvais  Philofophes , 
»  en  difputant  contre  les  Chrétiens ,  con- 
»  vinrent  des  miracles  de  Jefus  ,  c'étoient 
a*  des  Théurgites  fanatiques  ,  qui  croyoient 
»  à  la  magie ,  qui  ne  regardoient  Jçms  que 
9>  comme  un  Magicien ,  &  qui,  infatués  des 
D  faux  prodiges    d'Apollonius  de  Tyane 


DE  LA  Religion, &c.  14P 
a»  &  de  tant  d'autres ,  admettoient  ûuflî  les 
»  faux  prodiges  de  Jefus  :  que  l'aveu  d'un 
3t>  fou  fait  à  un  autre  fou  ^une  abfurdité  dite 
»  à  des  gens  abfurdes ,  ne  font  pas  des  preu- 
»  ves  pour  les  efprits  bien  faits.  Il  prétend 
»  que  jamais  les  vrais  Philofophes  Grecs  & 
»  Romains  n'accordèrent  aux  Chrétiens 
a>  leurs  miracles  ;  qu'ils  leur  difoient  feule- 
a>  ment ,  fi  vous  vous  vanter  de  vos  prodi- 
»  ges ,  nos  Dieux  en  ont  fait  cent  fois  da- 

»  vantage vos  preftiges  ne  font  qu'une 

»  foible  imitation  des  nôtres  ;  nous  avons 
»  été  les  premiers  Charlatans  ,  .&  vous  les 
a>  derniers.  C'eft-là,  félon  lui ,  le  réfultat  de 
»  toutes  les  difputes  des  Payens  &  des  Chré- 
»  tiens  »  (û).  L'expédient  eft  des  mieux 
imaginé;  c'eft  dommage  qu'il  nous  re- 
plonge dans  d'autres  difficultés, 

1°.  Il  eft  fâcheux  de  vpir  les  plus  célè- 
bres ennemis  du  Chriftianifme  ,  Julien  , 
Celf« ,  Porphyre  ,  Hiéroclès ,  traités  de 
mauvais  Philofophes ,  de  Théurgites  fanati- 
ques ,  de  fous ,  de  gens  qui  difoient  des 
abfurdités,  Julien  ,  fur-tout ,  le  plus  grand 
homme  qui  ait  peut-être  jamais  été  y  au  ju- 
gement de  Bolingbroke  ,  dont  Vefprii  fur 
hlime  avx>it  embrajjé  lafublime  idée  de  Pla^ 


(a)  Première  Lettre  fur  les  Miracles,  pag.  ii.  Dîner  du 
Comtede£ouiainvilIiers^  p.  35. 

Niij 


'lyo  Apologie 

ton  (  fl  } ,  ne  devoit-il  pas  être  vin  peu  plu* 
ménagé  pour  l'honneur  de  la  Phîlofophie  ? 
Nous  fçavons  bien  qu'il  étoit  Théurgitefa-- 
natique  &  le  refte î  mais  fesPanégyriftes , 
fès  luccefleurs  ,  les  héritiers  de  fa  haine 
contre  le  Chriftianifme ,  n'ont  pa*^  bonne 
jgrace  de  le  dire. 

2!^.  Ceife ,  Epicurien  par  fyftème ,  ne 
croyoit  ni  à  la  theurgie  ni  à  la  magie  ;  c'é* 
toit  donc  un  trai  Pkilofopke.Or  nous  avons 
Itîontré  par  fes  propres  paroles  ,  qu'à  la  ré- 
ferve  de  la  réfurreâibn  de  J.  C.  dont  il  n'a 
jamais  voulu  convenir ,  il  n'a  point  contefté 
les  autres  miracles  (h). 

5°.  Les  vrais  PhilofojAes  ,  félon  nos 
Cenfeurs  ,  font  ceux  qui ,  perfuadés  de 
l'impoffibilité  des  miracles ,  les  regardent 
tous  comme  des  preftiges  &  des  tours  de 
Charlatan  ;  mais  un  vrai  Philofophe  peut- 
îl  fuppofer  avec  vraifemblance  que  J.  C.  & 
fes  Apôtres ,  Juifs  groflîers  ,  fans  lettres  & 
fans  culture ,  aient  été  des  fourbes  aflèz  ha- 
biles, des  impofieurs  aflèz  déliés,  pour  du- 
per le  monde  entier  ?  Des  Charlatans  peu- 
vent employer  les  preftiges  pour  fe  faire 
une  vaine  réputation ,  pour  gagner  de  l'ar« 
gent ,  pour  mener  une  vie  licencieufe  & 


(J)  Examen  important,  c.  m  ,  p.  193  &  197* 

ih  Cecûtttdfi  «S  Preuves  du  QÙiftiamiînc  2  c»  4  >  S*  xi 


DE  LA  Religion,  &c.  ijx 
vagabonde  :  que  Jefus  &  fes  Apôtres  en 
aient  fait  ufage  pour  inftruîre  les  nommes, 
pour  les  porter  à  la  vertu,  pour  faire  ado- 
rer Dieu ,  fans  aucun  avantage  pour  eux- 
mêmes  ,  aux  dépens  de  leur  repos  &  de  lein: 
vie  ;  nous  ofons  le  demander  aux  vrais  Phi- 
lofophes  ;  cfe  prodige  ne  £eroit-il  pas  plus 
fingulier ,  plus  incroyable ,  plus  contraire 
à  la  nature  que  les  miracles  mêmes  ?  Que 
l'idolâtrie  4e  foit  établie  par  des  impoftu- 
ïQs ,  cela  eft  dans  l'ordre  naturel  ;  que  le 
ChriAianiûne  ait  la  même  fource  >  cela  n'y;  ' 
eft  plus. 

4.°.  Parlons  plus  fenfément  ;  qui  font  les 
vrais  Philofophes  fur  le  fait  des  miracles  ? 
Ceux  qui  ont  raifonné  &  agi  conféquem^ 
ment ,  qui ,  perfuadés  de  la  puîflknce ,  de  la 
fageflè  &  de  la  bonté  de  Dieu ,  ont  com- 
pris qu'il  étoit  indigne  de  fa  Providence  de 
permettre  qu'une  Religion  auffi  fainte  que  - 
le  Chriftianifme  fût  fondée  fur  des  preftiges 
&  prêchée  par  des  impôfteurs  :.  que  fi  ja- 
mais les  miracles  ont  été  poffibles ,  conver 
iiables,  néceflaîres ,  c'étoit  évidemment  dans 
cette  circonftance  j  où  il  s'agiflbit  de  faire 
tomber  l'idolâtrie ,  d'inftruire  &  de  réfor- 
mer l'Univers.  Ils  ont  jugé  que  les  guérifons 
de  maladies ,  les.  réfurredions  de    morts 
opérées  fous  Jeurs  yeux ,  non  par  des  Char- 
latans >  mais  par  des  Saints  >  non  par  often^ 

Niv 


i 


1^2  Apologie 

•  tation ,  mais  par  charité  ;  non  pour  amtifer  tei 
peuple,  mais  pour  l'inftruire  ,étoiem  devrais 
miracles ,  &  non  pas  des  preftiges  ;  ils  y  ont 
cru,  ils  ont  embrafle  le  Cbriftianifme ,  ils 
l'ont  profefle  jufqu'à  la  mort.  Voilà  lesfeiils 
Philofophes  dignes  d'ctre  écoutés  ;  tous  les 
autres ,  foit  anciens ,  foit  modernes  >  font  de 
-Trains  difcoureursa 

Selon  r Auteur  du  Chriftianifme  dévoî-*^ 
le ,  le  fsul  prodige  dont  Jefus  fut  incapable  ^ 
fut  de  convaincre  les  Juifs  ^  qui  loin  d'être 
touchés  de  fes  œuvres  bienjaifantes  ^merveiU 
leufes ,  le  firent  mourir  par  un  fupplice  in^ 
fâme  (a). 

Cette  objeâion ,  déjà  faite  autrefois  pat 
Celfe&  par  l'Empereur  Julien,  doit  paroître 
fouverainèment  ridicule  fouslaplume  de  no- 
tre Critique,  i^.  Après  avoir  déclamé  contre 
le  fanatiûne,  l'aveuglement,  l'opiniâtreté  des 
Juifs ,  contre  la  vaine  efpérance  dont  ils  fe 
flattoient  de  voir  paroître  un  Monarque 
puiflant ,  un  Meflîe  triomphant  pour  les  dé- 
livrer, comment  peut-il  être  étonné  que 
J.  C»  avec  tous  fes  miracles  &  toutes  fes 
vertus ,  ne  foit  pas  venu  à  bout  de  détrom^^ 


êm 


(c)  Cbrift,  dévoilé ,  pa^,  ijL»  3«  LcWC  â  fiugénxç,  £.  7a 


DE  LA  Religion, &c.  ï^^ 
per  toute  la  Nation  ?  Un  feul  Juif  converti 
par  un  Meflîe  pauvre ,  eft  un  prodige  ;  Tin- 
crédulité  du  plus  grand  nombre ,  &  fur- 
tout  des  chefs  de  la  Nation  >  ne  peut  fur-;  , 
prendre  perfonne. 

2.^.  Les  Philofophes ,  en  général ,  ne  veu- 
lent point  de  miracles  pour  appuyer  une  doc- 
trine  qu'ils  ne  peuvent  goûter;  ces  miracles 
fuflent-ils  cent  fois  plus  évidens  &  mieux 
prouvés  ,  leur  incrédulité  eft  toujours  1^ 
même  :  fi  les  Juifs  ont  penfé  comme  eux , 
les  miracles  de  J.  C.  étoient-ils  capables  de 
les  convertir  f 

3**.  Il  eft  faux  que  J.  C.  n'ait  touché  nî 
convaincu  aucun  Juif.  Il  eut,  outre  I2 
Apôtres  &  72  Difciples  déclarés ,  un  très- 
grand  nombre  de  Sedateurs  publics  &  fe-^ 
crets  *  quoiqu'ils  ne  fuflTent  pas  attachés  à 
le  fuivre  comme  les  précédens.  Ses  Apôtres 
convertirent  d'abord  plufieurs  milliers  de 
Juifs,  &  le  nombre  en  augmenta  de  jour  en 
jour.  Il  fut  condamné  &  mis  à  mort  par  les 
chefs  de  la  Nation  ,  intérefles  à  étouffer  fa 
doârine  par  un  faux  zèle  de  Religion  ;  mais 
la  Judée  étoit  pleine  de  gens  convaincus  de 
la  faintçté  &  des  miracles  de  J.  C.  &  qui  le 
reconnoiflbient  pour  le  Meflîe^  &  le  fils  de 
Dieu.  Ce  ne  peut  être  que  la  crainte  d'un 
fouleven^ent  général ,  jointe  à  l'évidence 
des  faits,  qui  empêcha  Içs  Juifs  de  fovii: 


\ 

y 


îy4  Apologie 

contre  fes  Apôtres  auifi  violemment  que 
contre  lui. 

4.°.  Enfin  il  étoit  prédit  dans  les  Livres 
des  Juifs,  que  le  Meflîe  feroit  rejette  par 
les  fiens  (a)  ;  que  fes  miracles  feroient  at» 
tritmés  à  la  magie  par  les  méchans  ;  qu'il 
feroit  mis  à  mort  &  qu'il  reflufciteroit.  Cette 
tradition  fubfifte  encore  dans  les  Livres  de 
leurs  Dofteurs  (  t  ).  Si  toutes  ces  chofes 
font  arrivées  comme  elles  étoient  prédi- 
te» ,  l'incrédulité  des  principaux  Juifs  n'eft 
plus  une  objeâion  contre  nous ,  c'eft  un* 
preuve  contre  nos  adverfaires. 

Es  fe  réunifient  pour  nous  objefter  que 
J.  C,  eft  mort  à  la  vut  de  tout  JerufAlem  ; 
au  lieu  que  fes  Difciples  afTurent  qu'il  eft 
reflufcitéyecrcrreTîîenr;  il  a  été  vifibUpour  eux 
feuls ,  Gr  invifihle  pour  la  Nation  qu^il  étoit 
venu  éclairer  Êr  amener  à  fa  doSlrine(c). 

Il  eft^faux  que  J.  C.  foit  reflùfcité  (e- 
crettement  ;  il  eft  reflùfcité  à  la  vue  des  fol- 
dats  qui  gardoient  fon  tombeau ,  &  il  s'eft 
fait  voir  à  plus  de  joo  Difciples  raflem- 


(fr)  Hift.  de  M.  BiiIIet ,  p.  101  &  x  17. 

(c)  Chrift,  dévoilé  ,  p.  i^.  Examen  impercant^  en; 
p.  €6,  Examen  de  Saint  -  Evremont  «  chap.  4.  Celfe  dans 
Orîgcnc,  1.  *  ,  pag.  P3  &  ^8. 3e  Lcurç  i  Eugénie,  p.  /&-. 


DE  LA  Religion,  &c.     lyj" 

blés  (a)  ril  a converfé  familièrement  avec 
eux  pendant  40  jours.  Il  n'a  point  été  invi- 
fîble  pour  toute  la  Nation ,  puifque  cette 
multitude  de  Difciples  en  faiioit  partie  ,  & 
ce  nombre  étoit  plus  que  fuffifant  pour  en 
convaincre  tous  les  efprits  droits.  Il  n'eu 
pas  queftion  de  favoir  fi  J.  C.  a  pu  prouver 
la  réfurrection  d'une  manière  encore  plus 
éclatante  &  plus  invincible ,  mais  s'il  l'a 
prouvée  (uffifamment  pour  perfuader  tout 
homme  raifonnable ,  &  nous  loutenons  qu'il 
l'a  fait  (b).  Quand  J.  C.  fe  feroit  fait  voir 
à  tout  Jerufalem  en  plein  jour ,  nos  adver- 
faires  diroient  encore,  comme  ils  le  difent 
déjà',  que  cette  preuve  a  pu  fufBre  pour 
ceux  qui  l'ont  vu ,  mais  qu'elle  ne  fuflSt  pas 
pour  nous  qui  ne  l'avons  pas  vu. 

J.  C.  eft  mort  à  la  vue  de  tout  Jerufalem  ; 
mais  eft -il  mort  comme  un  homme  ordi- 
naire ?  Les  paroles  qu'il  prononça  fur  la 
Croix  ,  le  cri  qu'il  jetta  immédiatement 
avant  que  d'expirer  >  la  terre  ébranlée  ,  Iç 
foleil  éclipfé ,  les  tombeaux  ouverts ,  l'ap-^ 
parition  des  morts ,  étoient-îls  des  prodi- 
ges trop  foibles  pour  toucher  des  hommes 
capables  d'ouvrir  les  yeux  à  la  lumière  ? 
L'Officier  Romain ,  préfent  fur  le  Calvaire» 


(a)  i,Cor,  lî  ,  tf. 

ih)  Yoyci'Jc  Livre  de  Dicton» 


1^6  APOLOGIE 

en  fût  effrayé ,  &  confefla  la  divinité  de 
J.  C,  PluGeurs  s'en  retournèrent  frappant 
kur  poitrine  &  touchés  de  repentir  (/z)^ 
Ceux  qui  perfévérerent  dans  leur  aveugle- 
ment ,  méritoient-ils  d'être  témoins  de  la 
réfurreétion  de  J.  C.  &  de  voir  de  nou- 
veaux miracles  ?  Le  principe  de  nos  Philo- 
fophes  eft  fingulier  :  plus  un  homme  eft  en- 
têté &  opiniâtre  ,  plus  il  réfifte  à  la  vérité 
connue ,  plus  il  fe  rend  indigne  des  grâces 
du  Ciel ,  &  plus  Dieu  doit  faire  de  prodiges 
pour  le  forcer  à  croire,  La  Puiflance  divine 
eft-elle  donc  à  la  difcréiion  des  infenfés  ?  On 
eft  étonné,  de  l'incrédulité  des  Juifs  ;  ils 
n'ont  pas  cru ,  parce  qu'ils  étoient  Philq- 
fophes  (è). 

Reconnoîtra-t-on  le  Chriftianîfme  au 
portrait  qu'en  a  tracé  l'Auteur  qui  prétend 
le  dévoiler  ?  Les  difciples  de  J.  Ç.  â  force 
^accumuler  desjuperjiitions  j  àHmaginer  des 
impojtures  j  dt  forger  dss  dogmes  ^  ientajfer 
des  myfteres  j  ont peu-à-peu  formé  unfyftème 
informe  £r  découfu  qui  a  été  appelle  le  Chrif-^ 
îianifme  (c).  C'eft  fon  propre  fyftème  qui 


m$mmmmim0m^f^''^f'^'^ 


(a)  Matth.  17,  tf  Luc,  1^. 

(h)  V.  Sherlok  ,  Témoin. de  la  réfurr.  de  J.  C  p.  ttJu 

{c)  Chrid.  dévoilé ,  ^«  i^. 


DE   LA  ReLICÎION,  &C.        J^J 

cft  informe  &  découfu ,  plein  de  contradic- 
tions &  d'abfurdités  :  déjà  nous  les  avons 
mifes  en  évidence ,  &  on  les  fentira  encore 
mieux  par  la  fuite.  Les  Difciples  de  J.  C. 
n'ont  point  inventé  de  fuperftitions  ;  ils 
ont  au  contraire  déraciné  les  anciennes ,  au. 
grand  dépit  de  la  Philofophie  qui  les  avoit 
accréditées.  Ils  n'ont  point  imaginé  d'impof- 
tures  ,  ils  n'en  avoient'lii  la  volonté  ni  le 
pouvoir  ;  &  s'ils  avoient  ofé  tromper ,  la 
fourberie  auroit  été  découverte  fur  le 
champ.  Ils  n'ont  point  forgé  de  dogmes , 
ils  n'étoient  pas  aifez  habiles  ;  ils  ont  reçu 
leur  doârine  d'un  Maître  envoyé  de  Dieu , 
&  plus  fage  que  tous  les  Dofteurs  de  l'U- 
nivers. 

On  prétend  que  les  Juifs  &  les  Chrétiens 
qui  leur  ont  fuccédé^  ont  puifé  la  plupart  de 
leurs  notions  chez  les  Payens ,  chei  les 
Egyptiens  ^  che\  les  Phéniciens  ,  che^  les 
Mages  &*  che^  Us  Perfes  j  che\  les  Grecs  &• 
les  Komains  (a%  Cette  fuppofition  eft  di- 
reâement  contradiâoire  avec  ce  que  l'on 
a  écrit  dans  le  chapitre  précédent  3  que  les 
Juifs  eurent  toujours  la  haine  la  plus  enve^ 
nimée  contre  les  Dieux  des  autres  Nations  i 
&  contre  ceux  qui  les  adoroient  ^  que  la  loi 


(a)  Chrift.  dévoilé,  p.-  zy.  Examen  important,  c»  t  / 
pag.  30.  Philof.  dcTHift,  c.  ii  >  p.  54  &  c*  14  ^p•  ^4^ 
Contagion  facrée  >  c.  s$  «  p.  i67< 


tyS  Apologie 

de  Moïfe  leur  fit  détefter  dam  le  cœur  tou- 
.  tes  les  Nations  auxquelles  ils  furent  fucceflî- 
vement  fournis.  Les  Juifs  ont-ils  pu  emprun- 
ter leurs  idées  religieufes  des  Nations  dont 
ils  déteftoient  les  Dieux  &  le  culte ,  &  qu'ils 
haïflbient  dans  le  coeur  ? 

La  contradiâion  fera  encpre  plus  palpa-' 
ble  dans  le  chapitre  fuivant ,  où  l'Auteur 
s'efforcera  de  prouver  que  les  Juifs  ont  eu 
de  Dieu  des  idées  bizarres  &  entièrement 
différentes  de  celles  des  autres  Nations  ; 
que  la  Théologie  Chrétienne*  ne  reffemble 
en  rien  à  la  Mythologie  des  Payens.  Voilà 
CX)mme  nos  habiles  Ecrivains  font  conC- 
tans  dans  leurs  principes. 

Quand  ils  ne  prendroient  pas  la  peine  de 
fe  réfuter  eux-mêmes ,  la  fauffeté  cle  la  fup- 
pofîtion  ne  feroit  pas  n\oins  évidente.  Les 
Payens  adoroient  plufieurs  Dieux  ,  les  Juifs 
n'en  reconnoiffoient  qu'un  feul  ;  les  Payens 
étoient  infatués  de  l'idolâtrie  ,  les  Juifs  l'a- 
voient  en  horreur.  Les  premiers  ^dmet- 
toient  communément  la  fatalité  abfolue, 
les  féconds  crurent  toujours  la  providence 
de  Dieu  &  la  liberté  de  l'homme.  On  fup- 
pofoit  dans  le  Paganifme  des  récompenfes 
corporelles  &  fenfibles  après  la  mort ,  Jefus^ 
Chrifl  nous  a  enfeigné  que  la  vie  à  venir 
fera  purement  fpirituelle.  Sa  morale  eft  in- 
finiment fupérieure  à  celle  des  Payens^ 


DE  laRkligiok,&c.     lyp 

comment  la  Religion  qu'il  nous  a  enfeigtiée 
peut-elle  être  entée  fur  le  Paganifme  ? 

On  reproche  encore  aux  premiers  Chté* , 
tiens  d'avoir  emprunté  plufieurs  idées  de  1^ 
Philofophie  de  Platon,  Clette  accufation , 
fi  elle  étoit  vraie ,  feroit  honneur  à  leur  dif- 
cernement.  De  tous  les  Philofophes  an* 
çiens  ,  Platon  a  été  le  plus  raifonnable. 
Cicéron  ,  bon  Juge  en  cette  matière  ,  ne 
craint  point  d'appeller  Platon  ,  non-feule- 
ment le  Prince  >  mais  le  Dieu  des  Philofo^ 
phes  (a).  A  Dieu  ne  plaife  cependant  que 
nous  foyons  redevables  d'aucun  des  dog- 
mes de  notre  Religion  à  la  vaine  Philofo- 
phie des  Grecs.  !•  C.  ne  l'a  jamais  confultée; 
il  avoit  puifé  fa  dodrine  dans  une  fourcç 
plus  pure  ;  elle  eft  trop  fublime  &  trop  par- 
faite pour  être  l'ouvrage  des  hommes.  Ses 
Difciples  n^ont  point  eu  d'autre  Maître  que 
lui  ;  &  les  Chrétiens ,  pour  fçavoir  ce  qu'ils 
doivent  croire  3  n'ont  jamais  étudié  d'autrç 
Livre  que  l'Ecriture  Sainte  (b). 

ç.   II. 

Nos  Critiques  regardent  S.  Paul  comme 
le  vrai  fondateur  de  notre  Religion  ;  fans 


{by  Voyei  Ja  dcfenfc  d€$  SS.  Pcrc*  accufcs  de  Platomf-- 
me,  pa^  leF.Baltus. 

» 


t60  APOLOGIE  '^ 

lui ,  dit  l'Auteur  du  Chriftiànifme  dévoilé ,' 
elle  nauroit  pu  s^étendre  ,  par  le  défaut  de 
.lumière  defes  ignorans  collègues.  Cet  Apôtre 
porta  fa  doôlrine  affaifonnée  de  fublime  G' 
de  merveilleux  aux  peuples  de  la  Grèce  ,  de 
VAJîe ,  &  même  aux  habit  ans  de  Rome  ;  il 
tut  des  Sénateurs  y  parce  que  tout  homme  qui 
parle  à  V imagination  des  hommes  grojjîers  , 
Ijes  mettra  dansfes  intérêts  (a). 

Il  y  a  feulement  trois  faufletés  dans  cette 
allégation.  La  première ,  que  fans  les  tra- 
vaux de  S.  Paul ,  la  Religion  n'auroit  pu 
s'étendre  :  cet  Apôtre  n'a  point  prêché  dans 
l'Egypte  ,  dans  l'Afrique ,  dans  la  Perle  , 
dans  les.  Indes ,  dans  les  Gaules  :  le  Chriftia-» 
nifme  s'y  eft  néanmoins  établi  comme  ail- 
leurs ,  dès  les  premiers  fiècles.  La  féconde  • 
que  les  collègues  de  S.  Paul  aient  été  des 
ignorans  ;  ils  l'étoient  lorfque  J.  C.  les  prit 
à  fa  fuite  ;  à  cette  école  divine  ,  &  par  la 
defcente  du  S.  Efprit ,  ils  devinrent  plus 
habites  que  tous  les  fages  de  l'Univers.  Les 
écrits  de  S.  Pierre,  de  S.  Jean ,  de  S.  Jac- 
ques ,  de  S.  Jude ,  ne  refpirent  que  la  fagefle 
&  l'intelligence  des  chofes  de  Dieu.  Il  eft 
étonnant  fans  doute  que  ces  hommes  fi  peu 
verfés  dans  les  fciences  humaines  ,  aient 


(a)  Chrifl,  dévoilé ^  p.  18.  Examen  imporunc ,  c.  1 1  ^ 

mieux 


;* 


DE  LA  Religion,  &c.    i6t 

mieux  réuflî  à  éclairer  les  hommes  que  tou- 
tes les  pompeufes  écoles  de  la  Grèce.  La 
troifième ,  que  S,  Paul  ait  parlé  à  l'imagina- 
tion  des  nommes  groffiers  ,  pour  les  mettre 
dans  fes  intérêts.  Nos  dogmes ,  nos  myfte- 
res ,  nos  efpérances ,  ne  parlent  point  à 
l'imagination  ,  ils  la  révoltent  plutôt.  Ceft 
le  Paganifme  qui  patloit  à  l'imagination  des 
hommes.  Comment  une  doctrine  que  l'on 
die  ajfaifonnée  defublime  ër  de  merveilleux , 
peut'  elle  plaire  à  ceux  qui  ne  la  compren- 
nent point  ?  Il  femble  que  nos  adverfaires 
s'étudient  à  écrire  des  abfurdités. 

Il  eft  encore  plus  faux  que  S.  Paul  fe  foît 
féparé  des  autres  Apôtres ,  pour  être  chef  de 
fa  Se5le  (a).  Les  écrits  de  S.  f aul  ne  con- 
tiennent aucun  dogme  contraire  à  la  doc- 
trine des  autres  Apôtres  :  il  déclare  lui-mê- 
me qu'il  étoit  allé  exprès  à  Jerufalem  ,^  pour 
conférer  avec  eux  ,  &  voir  fi  ion  Evangiles 
étoit  différent  du  leur  (t).  S.  Pierre  ,  loin 
d'accufer  cet  Apôtre  d'annoncer  une  doc- 
trine particulière  ,  loue  fa  fageffe  >  &  l'ap- 
pelle fon  très-cher  frère  (  c  ). 
Ceft  une  preuve  pitoyable  d'alléguer 


(a)  Chriftr.  dévoile,  p.  zS,  ÇxameorimpOfcanr^  ^  '<? 
p.  71. 
(  h  )  Gat.  X ,  X. 


î6^  A  ?  O  L  O  G  ï  Ê 

feulement  le  reproche  que  les  Ebîonïref 
faifoient  à  S.  Paul  :  il  eft  faux  que  cet  Apô- 
tre ait  eu  fur  la  Loi  de  Moïfe  un  fentiment 
différent  de  fes  collègues.  On  fçait  que  les 
Ebionites  croient  des  Juifs  à  demi-Chrétiens 
qui  s'étoient  infatués  de  la  perpétuité  pré-» 
tendue  de  la  Loi  de  Moïfe ,  qui  vouloient 
y  foumettre  les  Payens  convertis  ;  erreur 
qui  fut.  condamnée  ,  non  -  feulement  par 
S.  Paul ,  mais  par  tous  les  Apôtres  affem- 
.  blés  au  Concile  de  Jerufalem  (  a  ).  - 

Enfin  c'eft  une  vaine  imagination  de 
dire  que  les  Ebionites  qui  rejettoient  Saint 
Paul ,  étoient  les  premiers  Chrétiens  >  nous 
convenons  que  le  nom  à^Ebionites  ou  de 
Pauvres ,  fut  donné  par  les  Juifs  à  ceux  d'en* 
tr'eux  qui  embraflerent  le  Chrîftianifme  : 
mais  il  n'eft  pas  moins  certain  que  ce  nom 
n'eft  demeuré  qu'à  ceux  qui  s'obftinerent 
à  conferver  le  Judaïfme  avec  la  foi  en  J.  C. 
L'Auteur  du  Chrijîianifme  dévoilé  >  qui  a 
cité  le  fécond  Livre  d'Origène  contre  Cel- 
fe  ,  n'avoit  qu'à  confulter  le  cinquième  (  t  ), 
il  y  auroit  reconnu  fon  erreur  ;  &  s'il  avait 
lu  avec  plus  d'attention  Eufebe  qu'il  nous 
oppofe  encore ,  il  y  auroit  trouvé  précifé-' 
ment  le  contraire  de  ce  qu'il  lui  fait  dire  Qc% 

tu»    f  II  Mil»    ■■■■■>       ■>!!    IB^PII^Wg— —<———> 

{a)  AU,  15.  ^ 

ib  )  r.dit.  dti'K^ambrîJge  ,  p,  172^ 


DE  LA  R£LIGION>&C«      xSj' 

Trouverons  -  nous  plus  de  fondement 
dans  les  reproches  que  fait  à  S.  Paul  l'Au- 
teur de  VExamen  important  ?  Ils  font  co- 
piés fort  exaâement  dans  le  Diêlionnaire 
Philofophique  (a),  i**.  S.  Paul  écrit  aux 
Juifs  de  Rome  ;  la  circoncijion  i/ous  eji  pro^ 
fitabU  y  fi  vous  obferv^î  la  Ici  (b)  :  &c  ii 
dit  aux  Galates  \Ji  vous  vous  faites  circori'^ 
cire  j  J.  C.  ne  vous  fervira  de  rien  (c)  ;  en- 
fuite  il  fait  circoncire  fon  difciple  Timo^ 
thée. 

Avec  un  peu  d'attention  ,  il  eft  aifé  de 
juftifier  cet  Apôtre,  i^.  Il  recommande  aux 
Juifs  la  circoncifion  &  la  pratique  de  la  loi , 
comme  utiles  pour  eux ,  même  après  la  pu- 
tlication  de  l'Evangile ,  quoique  le  fâlut  ny 
fut  plus  attaché  ,  mais  à  la  foi  en  J.  C*  En 
conféquence  il  fe  purifie  dans  le  Temple  , 
il  fait  circoncire  fon  difciple  Timothée  , 
parce  qu'il  étoit  fils  d'une  Juive  ,  quoique 
Ion  père  fût  Payen  (^)  ,  pour  montrer.aux 
Juifs  qu'il  n'étoit;  point  ennemi  de  la  Loi 
de  Moïfe  >  comme  on  l'en  accufôit»  Dix 


ia)  Examen  impotta&t,  c*  Yi  y  pv  71.  Piâ»  FbiIo£.  »f 

ih>  Rom.  *,  2j»  ^         * 

.ie)Gàl.  f  ,  r, 

Oij 


fi 


.1^4  Afologik 

ans  après  (^) ,  (  la  date  eft  ici  eflêntlelle  > 
lorfque  les  Juifs  fe  furent  obftinés  à  foutenir 
h  néceffité  de  la  circoncifion  ,  même  pour 
les  Payens  Tnialgré  la  décifion  des  Apôtres 
au  Concile  de  Jcrufalem ,.  S.Paul  écrit  aux 
Galates,  qui  n'étoientpas  Juifs ,  que  s'ils  fe 
font  circoncire ,  J.  C.  ne  leur  fervira  de 
.  rien ,  parce  qu'en  voulant  ajouter  la  circon- 
cifion à  la  foi  en  J.  C.  c'étoit  reconnoître 
que  la  foi  en  J.  C.  ne  fuffifoit  pas  pour  être 
J&uvé  ;  ce  qui  étoit  une  erreur.  Saint  Paul  a 
donc  enfeigné  par  fœ  écrits  &  par  fa  con- 
duite ,  que  la  circoncifion  n'étoit  pas  défen* 
due  aux  Juifs ,  mais  qu'elle  étoit  inutile  aux 
.Gentils  ;  &  c'étoit  la  doftrine  de  tous  les 
Apôtres. 

CL^^  Saint  Paul  dit  aux  Corinthiens  > 
qu'il  avoit  droit  d'être  nourri  à  leurs  dé-' 
pens  (t).  Mais  il  attefte  en  même  temps 
qu'il  n'a  jàm^s  ufé  de  ce  droit  >  qu'il  a  tou- 
jours fubfifté  par  le  travail  de  fes  mains , 
pour  n'être  à  charge  à  perfonne  (c)» Il  parle 
des  frères  du  Seigneur  :  maïs  on  fçait  aflèz 
que  frère  ^  dans  le  ftyle  des  Juifs ,  fignifîe 
fouvent  coufin-germain»^ 

3^»  Il  montre  de  la  jaloufîe  contre  les 


■*■«■■■««■■■■«■■■■■■ 


(a)  Voyez  fa  CTironoI.  du  Ni  Teffam». 
{h)  i.Coc.  9  »  4» 
4c)IJbiiL  4  ^L^ti^  20^  5^41 1  ThkJP ^  ^  y  \  x«Z^J{i 


DE  LA  Religion,  Sec.  i6f 
autres  Apôtres  >  &  il  veut  l'emporter  fur 
eux,  Ceft  une  fauffe  accufation  :  il  fe  jufti- 
fie  feulement  contre  ceux  qui  vouloient 
rabaiflèr  &  avilir  fon  Apoftolat. 

4.^.  D  dit  qu'il  a  été  ravi  au  troifième 
ciel ,  &  on  ne  fçait  ce  que  c'eft  que  ce  troi- 
fième ciel.  Quand  on  ne  fçauroit  pas  ce  , 
que  c'eft ,  on  n'eft  pas  autorifé  pour  cela  à 
traiter  Saint  Paul  d'impofteur  &  d'impu- 
dent (^).  Ge  ftyle  emporté  &  groflîer  n'eft 
jamais  excufable.  Le  troifième  ciel  eft  le 
ciel  le  plus  élevé,  ou  le  lieu  le  plus  haut* 
du  ciel:  l'expreffion  eft  très-intelligible. 

y**.  S.  Paul  ofe  dire  qu'il  eft  Citoyen 
Romain,  &  aucun  Juif  ne  fut  Citoyen  Ko^ 
main  que  fous  les  Decius  &  les  Pbilippes» 
Nouvelle  faufleté.  On  fçait  que  le  droit  de 
Bourgeoifie  Rq-maine  fe  donnoit  non-feu- 
lement aux  villes ,  mais  encore  aux  particur 
liers ,  non-feulement  par  récompenle ,  mais 
encore  pour  de  l'argent ,  &  que  l'Empe- 
reur Claude  le  vendoit  à  très-vil  prix  (b)  ; 
&  il  n'y  avoit  aucune  loi  qui  en  exclût  les 
Jififs.  Le  père  ou  l'aïeul  de  S.  Paul  pou- 
voit  donc  l'avoir  mérité  ou  acheté  :  dans 
l'un  &  l'autre  cas ,  S»  Paul  avoit  raifou  de 
dire  qu'il  étoît  Citoyen  Romain  par  le  droit 
de  fa  naHïance. 

(a)  Examen  important,  page  7X, 


t66  Apologie 

6^.  S.  Paul  fut  élevé  aux  pieds  de  Gama- 
liel  (a)  ;  cela  fignifie  donc  qu'il  étoit  fon 
domeftique.  Mauvaife  coiiféqaence»  Cela 
fignifie  qu'il  étoit  fon  difciple ,  &  c'eft  l'ex- 
preffion  dont  fe  fervoient  les  Juifs.  Peu  im- 
porte que  ceux-ci  ^ient  forgé  une  fable  ftir 
les  motifs  de  la  converfion  de  S.  Paul ,  & 
qu'ils  Jui  aient  attribué  une  figure  ignoble» 
Le  ièle  &  les  travaux  de  cet  Apôtre  prou- 
vent allez  que  fa  converfion  fut  fincere  & 
miraculeufe  :  le  mérite  d'un  homme  ne  dé* 
pend  point  de  fa  figure. 

7^  Peut-on  fe  perfuader  qu'une  lumière 
célefte  ait  fait  tomber  de  cheval  Saiil  en 
plein  midi,  &c?  L'Hiftoire  Sainte  ne  dit 
point  que  S.  Paul  foit  tombé  de  cheval  > 
elle  infinue  au  contraire  qu'il  étoit  à  pied  > 
puifque  fes  camarades  furent  obligés  de  le 
conduire  par  la  main  (b)* 

Mais  à  quoi  bon  ce  miracle ,  pour  faire 
cefler  la  perfécution  de  Paul ,  puifque  les 
Chrétiens  furent  également  perlecutés  dans 
la  fuite  ?  Le  miracle  ne  fut  point  opéré  pour 
faire  cefler  la  perfécution ,  mais  pour  chan- 
ger un  perfécuteur  en  Apôtre ,  &  le  rendre 
plus  propre  par-là  même  à  perfuader  les 


{a)  A£f,  il ,  }.. 
{h)  llid.  Il  ^ii^ 


DE  LA  Religion,  &c.  i6y 
autres.  JL»'événement  a  fait  voir  l'utilité  du 
miracle. 

8^,  S^  Paul  écrit  aux  Corinthiens  qu'il  ne 
pardonnera  ni  à  ceux  qui  ont  péché  ,  ni  à 
tous  les  autres  :  il  vouloit  donc  confon- 
dre les  innocens  avec  les  coupables.  La  ci- 
tation n'eft  pas  fidelle.  Il  leur  dit  qu'il  ne 
pardonnera  point  à  ceux  qui  ont  péché  au- 
trefois >  ni  à  tous  les  autres  ,  qui  ont  péché 
plus  récemment  ;  il  fufHt  de  lire  le  palfage  » 
pour  y  appercevoir  ce  fens  (a). 

^°.  Il  dit  aux  Theffaloniciens  :  je  ne  per-- 
mets  point  aux  femmes  de  parler  dans  fJEg/i-' 
fe  s  èc  dans  la  même  Epître ,  il  annonce 
qu'elles  doivent  parler  &  prophétifer  aveC 
un  voile  (*>  Nos  Cenfeurs'  de  l'Ecriture 
ne  la  lifent  qu'en  fommeillant ,  &  ils  nous 
donnent  leurs  rêves  pour  la  dodrine  des 
Apôtres.  C'eft  aux  Corinthiens  que  Saint 
Paul  écrit ,  quand  il  ordonne  aux  femmes 
de  prier  fr  de  prophétifer  avec  un  voile  (c)t 
&  c'eft  dans  la  même  Epître  qu'il  leur  dé- 
fend de  parler  dans  l'Eglife ,  pour  enfeigner 
ou  pour  interroger  ceux  qui.  inftruifent  (d)z 
fi  n'y  a  point-là  de  contradiftion  :  on  fçait 


(a)  %.  Con  1 1 ,  lo  6^  21  ;  6^c,  1 5, > a* 
jih)  Examen ,  p.  yz, 
(c)  i.Cor.  XI  j  ;• 


fï'58      ^       Apologie 
que  prophétifer  fignifie  quelquefois  louer 
Dieu. 

'  Dans  tous  les  reproches  auxquels  nous 
venons  de  répondre,  y  en  a-t-il  un  feul  qui 
ait  Tombre  de  folidité ,  &  qui  puifle  juftifier 
l'emportement  de  nos  adverlaires  ?  Qu'ils 
raifonnent  de  travers ,  c'eft  le  privilège  des 
Philofophes  ;  mais  qu'ils  violent  toutes  les 
règles  de  la  décence  &  de  la  politeflè ,  cela 
^'eft  pardonnable  à  perfonne. 

§.  13.' 

Envain  l'Auteur  du  Chriftianifme  dé^ 
voilé  fait  tous  fes  efforts  pour  trouver  des 
raifons  naturelles  de  la  propagation  du 
Chriftianifme  ;  celles  qu'il  a  imaginées ,  dé- 
montrent au  contraire  que  cet  établiflement 
eft  un  prodige  de  la  Puiffance  divine.  En 
voulant  déprimer  notre  Religion ,  il  en  fait 
le  plus  bel  éloge  :  nous  n'aurons  befoin  que 
de  fes  propres  paroles  pour  le  réfuter.  Il 
part  du  principe  ,  que  le  Chriftianifme  ne 
fut  embrafle  que  par  les  Pauvres ,  par  les 
hommes  les  plus  abjeBs  lï entre  les  Juifs  &  les 
Payens.  Nous  avons  déjà  relevé  cette  fauf- 
feté ,  &  il  va  nous  fournir  des  preuves  da 
contraire. 

ce  Un  Dieu  infortuné ,  dit-il ,  vidime 
»  innocente  de  la  méchanceté ,  ennemi  des 
j9  riches  &  des  grands  >  dut  être  un  objet 

31  coofolani: 


DE  LA  Religion,  &c.    i6$^ 

»  confolant  pour    des   malheureux.    Des 
a>  mœurs  aufteres ,  le  mépris  des  richefles  ; 
»  les  foins  défintérelfès  en  apparence  des 
3>  premiers  Prédicateurs  de  f  Evangile ,  donc 
»  l'ambition   fe  bornoit  à  gouverner  les 
»ames,  l'égalité  que  la  Religion  mettoit 
»  entre  les  hommes  ,  la  communauté  de 
yy  biens ,  les  fecours  mutuels  que  fe  prê- 
»  toient  les  membres  de  cette Sefte,  furent 
»  des  objets  très-propres  à  exciter  les  defirs 
»  des  pauvres ,  &  à  multiplier  les  Chrétiens, 
»  L'union,  la  concorde ,  l'afFedion  réciprô- 
3>  que ,  continuellement  recommandées  aux 
»  premiers  Chrétiens  ^  durent  fèduire  des 
»  âmes  honnêtes;  la  foumiffion  auxTuiffan- 
y>  ces ,  la  patience  dans  les  foufFrances ,  l'in- 
»  digence  &  l'obfcurité  ,  firent  regarder  la 
»  Seâe  naiflante  comme  peu  dangereufo 
»  dans  un  Gouvernement  accoutumé  à  to- 
»  lérer  toutes  fortes  de  Sedes  »  (  ^  ).  L'Au- 
teur ajoute  dans  une  note  ,  que  «  la  Reli- 
»  gîon  Chrétienne  dut  fur-tout  plaire  aux 
»  efclaves  qui  étoient  exclus  des  chofes  fa- 
»  crées ,  &  que  l'on  regardoit  à  peine  com- 
»  me  des  hommes  ;  elle  leur  perfuada  qu'ils 
»  auroîent  leur  tour  un  jour  ,  &  que  dans 
D  l'autre  vie  ils  feroient  plus  heureux  que 
»  leurs  Maîtres  ». 


(fl)  Chrift.  dévoile ,  p.  x^.  5e  Lettre  à  Eugénie ,   p  H* 


Èjô  Apologie 

Comptons  d'abord ,  s'il  eft  poflîble ,  les 
contradidions.  i®.  On  nous  aflure ,  on  nous 
répète  à  tout  moment  que  le  Chriftianifme 
fie  fut  embrafle  d'abord  que  par  les  gens  du 
peuple  y  par  les  plus  abje^s  (Centre  les  Juifs 
O  les  Payens  ;  &  en  même  temps  on  nous 
apprend  que  Ton  vit  régner  parmi  les  fidè- 
les le  mépris  des  richeflès ,  la  communauté 
des  biens  ,  Tégallté ,  ks  fecours  mutuels. 
S'ils  étoient  tous  des  pauvres  &  des  hom- 
mes ab jeéb ,  quelle  communauté  de  biens , 
quels  fecours  mutuels  pouvoient-ils  fe  prê- 
ter ?  Avoient-ils  befoin  d'établir  entr  eux 
l'égalité  qui  y  étoit  déjà  ?  Dès  que  les  pau- 
vres étoient  fecourus ,  il  falloit  donc  qu'il 
y  eût  des  riches. 

a^.  L'Auteur  nous  a  dépeint  S.  Paul 
comme  le  plus  ambitieux  Gr  le  plus  enthou" 
Jiafle  des  Difciples  de  Jefus  :  ici  il  recon- 
noît  que  l'ambition  des  premiers  Prédica- 
teurs de  l'Evangile  fe  bornoit  à  gouverner 
les  âmes.  Admirable  ambition  qui  les  a 
portés  à  fe  facrifier  pour  le  falut  des  âmes , 
fans  en  cfpérer  aucun  avantage  temporel  !. 
Puiflè  cette  ambition  toujours  régner  liir  la 
terre  ! 

3°.  Il  convient  que  des  mœurs  aufteres, 
la  charité  >  la  concorde  des  premiers  Chré- 
tiens durent  féduire  des  âmes  honnêtes  :  & 
|;)ieatot  il  ^ous  dira  que  \s&  Chrétiens  y  en 


DE  LA  RELi6toy>&c.    lyt 

adoptant  le  Dieu  terrible  des  Juifs ,  mt  en- 
core enchéri  fur  fa  cruauté  ^  qifils  le  repré* 
fentent  comme  le  tyran  le  plus  infenfé^  U 
plus  fourbe  j  le  plus  cruel  que  Pefprit  humain 
puij/e  concevoir  (a).  Des  âmes  honnêtes 
ont-elles  jamais  pu  fe  réfoudre  à  croire  un 
Dieu  femblable  »  à  profefler  une  pareille 
Religion  ? 

4.*".  Il  ne  porte  p^s  un  jugement  plus  fo* 
vorable  de  la  morale  Chrétienne  ;  félon  lui; 
elle  eft  incertaine  ,  outrée ,  impraticable , 
fanatique ,  nui(ible  à  la  fociété.  Des  âmes 
honnêtes  ,  loin  d'érre  féduites  par  une  telle 
morale,  ont  dû  en  être  révoltées  &  en  avoiç 
horreur, 

§.  14. 

Maïs  en  faveur  du  portrait  que  TAuteur 
a  tracé  du  Chriflianifme  naiOant ,  pafFons^ 
lui  fes  contradiâions  ;  au  moins  une  fois 
dans  fon  Ouvrage  il  lui  a  rendu  juftice# 
Cette  Religion  fainte  ,  don  précieux  d'un 
Dieu  fage  &  bon  ,  a  été  apportée  fur  la 
terre  pour  la  confolation  des  malheureux , 
des  pauvres,  des  efclaves ,  de  tous  ceux  qui 
fouffrent  ;  c'eft-à-dire  ,  des  trob  quarts  du 
genre  humain.  "Elle  s'eft  établie  par  des 
mœurs  aufteres  ,par  le  mépris  des  richeflès. 


M»i 


C«)Chrift.déY0ilé,p.  M» 


ï72j  Apologie 

par  la  charité ,  par  les  fecours  mutuels  ; 
par  la  concorde  »  par  la  foumiflîon  auxPuif- 
îances ,  par  la  patience  dans  les  foufFrances, 
C'eft  par  ces  vertus  qu'elle  a  féduit  Us  atties 
honnêtes  :  elle  ne  pouvoit  en  féduire  d'aU" 
très.  Que  les  Phiîofophes  ne  nous  fédui- 
fent-ils  ainfi  pour  nous  faire  goûter  leur 
doéirine.  «  Ne  penferons-nous  jamais ,  s'é- 
•»  crioît  Julien  ,  aux  moyens  par  Içfquels 
p  l'impiété  (  des  Chrétiens  )  s'eft  le  plus 
^  accréditée  dans  le  monde  ;  je  veux  dire  , 
m  rhofpit^lité ,  le  foin  d'enterrer  lç]5  morts , 
i^  une  vie  réglée  en  apparence  î  Us  jouent 
»  toutes  les  vertus  ;  c'eft  à  nous  de  les  prati- 
»  quer  véritablement . .  ^  •  Il  çft  honteux 
»  que  les  impies  Galil^ens  ,  outre  leurs 
a»  pauvres  ,  nourriflent  encore  les  nôtres, 
3»  que  nous  laiflbns  manquer  de  tout  (a)  ». 
Quel  éloge  dç  1^  part  d'un  ennemi  !  Voilà 
fans  doqte  l'apologie  complette  du  Chrif- 
tianifme  contre  toutes  les  infultes  dç  fes  en- 
oeniiis  anciens  &  modernes. 
/^  Admirons  à  préfent  le  prodige.  De  qui 
j  la  Providence  s'eft-elle  fervie  pour  opérer 
I  cette  heureufe  révolution  fur  la  terre  ? 
D'une  poignée  de  Juîfe  impofleur^  ou  fé^ 
\  duits ,  ambitieux ,  enthoujîajles  ;  &  ces  maL 
\     Jieureux ,  dignes  d'être  enfermés ,  pqt  faiç 


^^)  tectre  §,  Âriàcîus ,  Fongfe  dt  Galacie^ 


HÈLARlÉLICÎtdN,  &C.       î^^ 

ce  que  les  Philofophes  les  plus  fages  &  lei 
plus  vant&  n'avoient  pas  feulement  ofé 
tenter  ;  ils  ont  inftruit  &  fandifié  les  hom- 
mes. Eft-çe  par  la  fagefle  de  leur  doélrine 
qu'ils  ont  gagné  les  efprits  ?  Non ,  ils  ont 
prêché  des  myjleres  abfurdes  ^  empruntés  des 
Egyptiens i  des  Indiens ,  des  Grecs;  un  Dieu 
barbare  y  cruel  y  fourbe  ^  infenfé,  quife  vangt 
avec  rage  ù'fans  mejure  pendant  taute  Péter-- 
nité  ••  &  ces  dogmes  affreux ,  capables  de 
révolter  tous  les  hommes  ou  de  les  faire 
tomber  en  démence ,  ont  banni  les  erreurs' 
&  les  vices  dont  le  Paganifme  a  voit  infedé 
toutes  les  Nations.  Ceft  donc  par  la  fain- 
teté  de  leur  morale  ?  encore  moins;  elle  eft 
chancelante  ,  incertaine  >  outrée  »■  impratica^ 
ble^  plus  nuijîble  quavantageufe  au  genre 
humain  &  à  la  fociété^  Cette  morale ,  qui 
auroit  dû  n'enfanter  que  des  crimes ,  a  cta^ 
bli  fur  la  terre  le  règne  de  la  vertu. 

Voilà  le  tiflu  de  rêveries  &  d'abfurditésF 
que  l'on  nous  donne  pour  l'Hiftoire  abré- 
gée du  Chriftianifme  ;  c'eft  ainfi  qu'on  par- 
vient à  le  dévoiler.  BénifFons  la  Providence 
de  la  manière  dont  elle  fait  fortir  la  vérité 
de  la  bouche  même  de  nos  ennemis» 

L'Auteur  dû  Chrijlianifme  dévoilé  nous 
apprend  que  cette  Religion  s'eft  établie  à  ta 

Pli) 


174  Apologie 

faveur  â^icn  Gouvernement  accoutumé  â  to^ 
lirer  tontes  fortes  de  SeSes  (a).  Celui  de 
VExamen  important  foatient  de  même  , 
qu'on  regarda  les  Chrétiens  comme  unefeSe 
des  Juifs  a  6*  les  Juifs  étoient  tolérés  :  aucun 
Ecrivain  ne  parle  d'eux;  ^ fi  Tacite  en 
veut  bien  dire  un  mot,  ceji  en  les  confondant 
étvec  les  Juifs  (  fc  ), 

On  ces  Meffieurs  font  fort  mal  inftruîts, 
ou  ils  fe  font  un  jeu  de  tromper  les  leâeurs» 
Par  une  ancienne  loi  Romaine  »  il  étoit 
défendu  d'adorer  des  Dieux  particuliers  » 
des  Dieux  nouveaux ,  des  Dieux  étrangers , 
à  moins  que  leur  culte  n'eût  été  admis  par 
autorité  publique  (  c  ).  Cette  loi  fiit  rigou- 
reufement  exécutée  dans  tous  les  temps  (d). 

Un  des  confeils  que  Mécenas  donnoit  à 
Augufte ,  ctdit  de  contraindre  tout  le  mon- 
de à  honorer  les  Dieux  de  l'Empire  ;  de 
punir  par  des  fupplices  les  Auteurs  desReli« 
gions  étrangères ,  afin  de  prévenir  les  con- 
jurations &  les  fociétés  particulières  (e). 
Cet  avis  fut  exaâement  luivi. 

Immédiatement  après  la  conquête  des 
Gaules  »  on  défendit  à  tous  ceux  qui  n^é^ 


(a)  Cfarift.  dévoilé ,  page  30. 

i  b)  Examen  importance  c*  14^  p.^i ,  &c.  zf,  p.'^^» 

<c)  Ciaro ,  dt  Legibus,  /.  2.  «  n.  i^. 

(fi)  Tite-Lîve  ,  Décade  1V>  L,  19. 


DE  LA  Religion,  &c*       îff 

toient  pas  Gaulois  de  fe  faire  initier  dan» 
la  Religion  des  Druides.  Environ  un  iièck 
après ,  TEmpereur  Claude  abolit  ce  culic^ 
fuperftitieux  par  des  JLoix  pénales  (a). 

Tacite  raconte  que  fous  Néron ,  c'eft- 
à-dire ,  trente  ans  feulen^ent  après  la  mort 
de  J.  C»  on  fit  à  Rome  une  fanglante  exécu« 
tion  des  Chrétiens  ;  &  fes  paroles  font  re- 
marquables, «  Néron  ^  dit-il ,  fit  périr  pat 
»  d'af&eux  fupplices  ceux  que  le  peuple  ap- 
9  pelloit  Chrétiens ,  gens  déteftés  pour  îeuts 
»  crimes,  L'Auteur  de  cette  Seâe  cft 
SB  Chrift  ,  qui ,  fous  le  règne  de  Tibère ,  fut 
3>  puni  de  mort  par  Ponce  Pilate  ,  Gou?* 
»  verneur  de  Judée  ;  cette  fuperftition  dan* 
»  geteufe ,  réprimée  jufqu'alors  ,  reparoif^ 
»  foit  de  nouveau ,  non-feulement  dans  lat 
»  Judée  où  elle  avoit  pris  n^Ûance  ,  mais 
V  encore  à  Rome .  •  •  •  La  multitude  de  fes 
3>  Seâateurs  ne  fut  pas  tant  convaincue  da 
3»  crime  d'incendie ,  dont  on  les  accufoit  w 
3»  que  de  la  haine  du  genre  humain  y>(b)w 
Nous  aurons  encore  occafion  ailleurs  d'inr 
fifter  fur  ce  paSage.  Il  en  réfulte  x^.  qu^ 
déjà  fous  Néron  les  Chrétiens  n'étoiehc 
point  confondus  avec  les  Juifs ,  &  qu'ils  ne 
jouiflbient  point  de  la  tolérance  accordée- 


mmÊ 


(  a  )  Sué  ton.  in  vitâ  ChudiL 
( b)  Tacite  ,  aonal.  1. 1^  ,  ii..44. 

Piv 


«7^  Apologie 

à  ces  derniers  ;  2®.  qu'ils  étoient  en  horrenr 
aux  Payens ,  &  qu'on  les  chargeoit  de  tous 
les  crimes  ;  3*".  qu'avant  ce  temps-là  même; 
ou  les  avoit  déjà  réprimés  pour  leur  Reli- 
gion ;  qu'ainfi  ils  ont  été  haïs  &  perfécutés 
dès  leur  naiffance. 

Suétone  dit  de  même ,  que  fous  Néron 
«  l'on  punit  de  divers  fupplices  les  Chré- 
»  tiens ,  efpèce  d'hommes  d'une  fuperfti- 
m  non  nouvelle  &  pernicieufe  »  (  a  ).  Si  on 
tes  avoit  confondus  avec  les  Juifs  ,  auroit- 
on  regardé  leur  Religion  comme  nou- 
fvelle  ? 

Malgré  ce  fait  authentiquement  prouvé , 
on  ne  cefle  d'écrire  que  les  Romains  étoient 
tolérans  par  principes  ;  que  les  Empereurs 
Romains  n'ont  jamais  été  perfécuteurs  ; 
que  le  Chriftianilme  ^q9l  établi  par  la  li- 
berté de  perlfer ,  &  par  la  tolérance  accor- 
dée aux  Juifs  ;  que  s'ils  ont  été  perfécutés 
fous  Dioclétien  ,  ce  fut  pour  des  raifons 
d'Etat,  ou  parce  qu'ils  étoient  féditieux.  On 
l'a  ainfi  foutenu  dans  la  Philofophie  de 
ÏHiJiôire  (b)  ^  dans  le  DiSionnaire  Philo^ 
fophique  (c)  ,  dans  les  EJfais  fur  l'HiJioire 
générale  (d)y  dans  les  Mélanges^ de  Littéra* 


(fl)  Suérone,  vie  de  Néron. 
{h)  Chap.  50,  p.  iço. 

ic)  Art.  ChrijHanîfrru ,  Ubmé de ptnfer y  Martyrt» 
4    Tome  I  )  ch.  7. 


t)E  LA  Religion,  Sec.  tjj 
turc  ,  d'HiJîoire  &  de  Philofophie ,  i/i-8^ 
chap.  62  y  dans  le  Dîner  du  Comte  de  Bou~ 
lainv  illier  s ,  page  55* ,  mais  fur- tout  dans 
le  Traité  fur  la  Tolérance  (a);  on  a  même 
ofè  y  donner  un  démenti  formel  à  Tacite 
&  à  Suétone  (b)  :  voilà  comme  on  traite 
THiftoire  en  Philofophe. 

On  nous  dit  que  le  Goui^ernement  Ro^ 
main  sapperçut  trop  tard  des  progrès  d'une 
ajfociation  meprifée  (c)  :  point  du  tout; 
Il  s'en  apperçut  dès  le  moment  qu'elle  fe 
forma  ;  il  ne  ceflà  de  porter  contr'elle  les 
Edits  les  pins  féveres ,  &  de  lui  faire  fentir 
tout  le  poids  de  fon  autorité  :  Tacite  vient 
de  nous  l'apprendre. 

Il  n'eft  pas  plus  vrai  que  les  Empereurs 
&  les  Magiftrats  aient  pris  de  l'ombrage 
contre  le  Chriftianifme,/7^j*cc  que  les  Chré^ 
tiens  devenus  nombreux^  oferent  braver  les 
Dieux  du  Paganijmejufques  dans  leurs  TevU' 
pies.  La  faufleté  de  cette  prétendue  caufe 
des  perfécutions  que  nos  Philofophes  ont 
imaginée ,  eft  aifée  à  démontrer.     • 

1^  Par  le  témoignage  des  deux  Hifto- 
riens  que  nous  venons  de  citer  ,  où  l'on 
voit  que  la  vraie  caufe  de  la  haine  que  l'ont 


(a)  Chap.  8,  p.  16  te  fuîv. 

(&)  Page^o. 

\c)  Chrifl.  dévoilé  i  p*  fi» 


^ijS  Apologie 

avoir  jurée  aux  Chrétiens ,  étoit  leur  Reli- 
gion. Nous  examinerons  dans  le  chap.  6  , 
$•  ip  j  ce  qu*on  oppofe  à  cette  preuve. 

2^  Par  la  lettre  de  Pline  à  Trajan  ,  & 
par  la  réponfe  de  cet  Empereur  (  a  ).  Pline 
déclare  «  qu'il  ne  fçait  fur  quoi  tombe  Tin- 
»  formation  que  l'on  fait  contre  les  Chré- 
»  tiens ,  fi  c'eft  le  nom  feui  que  l'on  punit 
»  en  eux  >  ou  les  crimes  attachés  à  ce  nom  ;, 
»  qu'il  a  envoyé  au  fupplice  tous  ceux  qui 
»  ont  avoué  qu'ils  étoient  Chrétiens  &  qui 
a»  ont  perfifté  :  qu'il  a  tâché  d'arracher  la 
»  vérité  par  la  force  des  tourmens  ,  à  des 
»  filles  que  l'on  difoit  être .  employées  au 
»  miniftere  de  leur  culie  ;  qu'il  n'a  décou- 
»  vert  qu'une  fuperftition  outrée  ;  que  ceux 
»  même  qui  ont  renoncé  à  cette  Religion  ,. 
»  ont  afluré  qu'en  l'embraffant ,  ils  ne  s'é- 
»  toient  engagés  par  ferment  à  commettre 
»  aucun  crime  ;  mais  au  contra*u"e ,  à  éviter 
»  toutes  fortes  de  crimes  ».  Malgré  une 
apologie  auflî  complette ,  l'Empereur 
répond  i  oc  Qu'il  ne  faut  point  faire  de  per- 
»  quifition  des  Chrétiens  ;  mais  que  s'ils 
»  fon  accufés  &  convaincus  ,  il  faut  les 
»  punir  ;  que  fi  l'accufé  nie  qu'il  foit  Chré- 
»  tien ,  &  s'il  invoque  les  Dieux ,.  il  faut 
a»  pardonner  à  fon  repentir  ».  C'eft  donc  ua 

>i  I        ■       ————— 

(4}  flinii  Epifi.  l  xo.  Epi^  97  ^  5^« 


DE  LA  Religion,  &c.  lyp 
lait  avéré  par  le  témoignage  des  perfécu- 
te^urs  mêmes  ,  que  les  Chrétiens  étoient 
livrés  aux  fupplices,  non  pour  leurs  crimes» 
ou  pour  avoir  troublé  Tordre  public ,  mais 
pour  leur  Religion  feule ,  &  qu'en  y  renon- 
çant ils  pouvoient  éviter  la  mort. 

3**.  Par  les  Edits  des  Empereurs  portés 
contre  les  Chrétiens.  Ces  Edits  ne  leur  re- 
prochent ni  révolte  ,  ni  fédition ,  ni  atten- 
tat contre  le  culte  public  de  l'Empire  ;  la 
feule  raifon  qui  les  fait  profcrire  &  condam- 
ner,  eft  leur  refus  d'adorer  les  Dieux  (a). 

^.  Par  les  refcrîts  des  Princes  qui  ont 
fait  cefler  de  temps  en  temps  les  perfécu- 
tions ,  d'Antonin-Ie  Pieux ,  de  Marc-Au- 
rele,  d'Alexandre -Severe;  ils  accordent 
aux  Chrétiens ,  non  pas  la  liberté  de  trou- 
bler l'ordre  public  ou  l'impunité  de  leurs 
/éditions ,  mais  la  permiffion  de  fuivre  eti 
paix  leur  Religion  (  t  )  ;  &  les  Chrétiens 
ne  demandoient  rien  de  plus. 

y*^.  Par  les  reproches  des  plus  furieux 
ennemis  du  Chriftianifme  ,  de  Celfe ,  de 
Julien ,  de  Libanius  :  ils  ne  difent  point  que 
les  Chrétiens  ont  été  mis  à  mort  pour  avoir 
infulté  les  Payens-,  pour  avoir  içanqué  de 

fidélité  aux  Empereurs ,  mais  pour  leur  Re- 

^  ■  ■  ■  ■■  Il  ■  ■  ■  I  ,  .  -     1 

(a)  Voyez  ces  Edits  dans  rHifl;»de  Mi  Sulle(  >  p.  l;^  de 
fuîv. 


i8o  Apolog^i  fi 

ligion,  Libanius  loue  Julien  d'avoir  recoir- 
nu  l'inutilité  des  cruautés  que  l'on  avoit 
exercées  fous  les  règnes  précédens  contre 
les  Chrétiens ,  pour  les  obliger  à  changer 
de  Religion  (a). 

Nos  adverfaires  ne  peuvent  ignorer  ces 
monumens  qui  confirment  le  récit  de  tous 
les  Ecrivains  Eccléfiaftiques  :  dé  quel  front 
peuvent-ils  les  contredire  dans  tous  leurs 
Livres  ;  afliirer  hardiment  qu'on  ne  trouve 
aucun  Edit  qui  condamne  à  la  mêtt  unique-- 
ment  pour  faire  profejjion  du  ChriJîianiJ^. 
me  (b)?  Nous  reviendrons  encore  à  ce 
point ,  chap.  (5,  §.  i8  &  fuiv.  parce  que 
c'eft  un  de  ceux  que  nos  Critiques  ont 
traité  avec  plus  de  mauvaife  foi* 

La  force  de  la  vérité  leur  arrache  de 
temps  en  temps  des  a'^ux  dont  nous  de- 
vons leur  fçavoir  gré.  Les  fuppUces  des 
Chrétiens,  dit  l'Auteur  du  Chriftianifme 
dévoilé ,  intérejferent  en  leur  faveur  :  laper-* 
fécution  ne  fit  qu  augmenter  h  nombre  de 
leurs  amis;  enfin  leur  confiance  dans  les  tour-' 
mens  parut  Jurnaturélle  &  divine  à  ceux  qui 
en  furent   les  témoins.  Venthoufiafme  Je 

(tt)  Oraîfon  funèbre  de  Julien  >dan5  Fâbrîdus,  BîblîotJhÉ- 
jCrccque ,  tome  7 ,  p.  18  j. 
{h)  £jcameA  important >  c.  i8 ,  p.  itf;^ 


DELA  Religion,  &c.     i8i 

communiqua ,  &*  la  tyrannie  ne  fervit  qiià 
procurer  de  nouveaux  défenfeurs  à  la  SeSle 
qu^on  vouloit  étouffer  {a).  Quand  nous  ré- 
pétons à  nos  adverfaires  le  mot  de  Tertul- 
lien ,  que  lefang  des  Martyrs  a  été  une  fe-^ 
mence  4e  nouveaux  Chrétiens  ;  ils  rejettent 
cette  cxpreffion  comme  une  idée  de  décla- 
mateur  ;  lieureufement  la  voilà  confirmée 
par  leur  propre  témoignage. 

Ce  même  Critique  ne  voit  cependant 
rien  de  merveilleux  dans  les  progrès  du 
Chriftianifme.  Il  fut  la  Religion  du  pauvre 
&  des  ignorans  ;  fes  idées  lugubres  durent 
plaire  aux  malheureux  ;  les  premiers  Chré- 
tiens demeurèrent  unis ,  parce  qu'ils  étoient 
,  opprimés  ;  ils  fouffrirent  patiemment ,  parce 
qu'ils  ne  pouvoient  pas  fe  défendre  ;  leur 
confiance  fut  invincible ,  parce  que  la  ty- 
rannie &  la  perfécution  irritent  l'efprit  &  le 
rendent  indomptable  :  voilà  tout  le  pro^ 
dige(i> 

Examinons  -  en  les  cîrconftances  ,  & 
voyons  lî  ce  phénomène  eft  naturel. 

Le  Chriftianifme  fut  la  Religion  du  pau- 
vre ;  mais  il  fut  embrafle  par  ceux  des  ri- 
ches qui  eurent  aflez  d'humanité  pour  vou- 
joir  partager  leur  bien  avec  les  pauvres.  Il 

<  a  )  Chrîfl.  dcvoîlé  >  p.  51*  |^  Lettre  â  Eugénie  »  p.  t^ 
Q>)  Ihii*  p.  5 1. 


1^2  Apologie 

fiit  prêché  par  des  ign  jrans  ,  &  ces  hom- 
mes ,  faas  lettres ,  firent  briller  aux  yeux  du 
injnde  une  fag^fle  fupérieure  à  celle  des 
Philofophes  ;  ils  communiquèrent  à  tous 
les  hommes  la  connoifldnce  de  Dieu  que 
les  Sages  du  Paganifme  avoient  réfervée 
pour  eux  feuls  ;  &  ceux-ci  confentirent 
enfin  à  les  prendre  pour  maîtres  :  bientôt 
il  fe  forma  dans  Alexandrie  une  école  de 
Philofophes  Chrétiens.  Cette  Religion  con- 
fola  les  malheureux ,  caradere  le  plus  pro- 
pre à  nous  faire  fentir  qu'elle  eft  un  préfent 
du  Ciel,  &  le  bienfait  le  plus  néceflairc  aux 
hommes  ;  bien  différente  des  hypothèfes 
monftrueufes  qu'on  veut  lui  fabftituer  ,  & 
qui  ne  pourroient  fervir  qu'à  défefpérer  les 
trois  quarts  du  genre  humain.  Elle  fit  ré- 
gner la  concorde,  la  paix,  la  charité  parmi 
les  hommes  :  fi  elle  étoit  fuivie  aujourd'hui 
comme  elle  le  fut  pour  lors  ,  le  bonheur 
renaîtroit  fur  la  terre.  Elle  leur  infpira  !a 
patience  ,  non  par  foiblefle  ,  mais  par  ver- 
tu ;  les  Chrétiens  devenus  innombrable:- ,  & 
«n  état  de  faire  trembler  l'Empire  fous 
Dîoclétien ,  fe  laiflerent  égorger  auflî  tran-- 
quîllement  que  fous  Néron.  Non -feule- 
ment leur  courage  dans  les  tourmens  fut 
invincible ,  mais  il  convertit  fouvent  les 
tyrans  &  les  bourreaux.  La  perfécution  peut 
irriter  ceux  qui  en  font  les  victimes  j  mais 


DE  LA  Religion,  &c.       i8j 

fille  ne  fut  jamais  propre  à  infpirer  à  per- 
fonne  l'envie  de  s'y  expofer, 

Ainfi  nos  adverfaires  font  eux-mêmes 
l'apologie  de  notre  Religion  ;  la  vertu  eft 
le  feul  artifice  dont  elle  s'eft  fervie  pour 
féduire  les  âmes  honnêtes  ;  en  connoit-on 
quelqu'autre  qui  fe  foit  établie  par  les  me-, 
mes  moyens  ? 

5.  17. 

Le  même  Auteur ,  toujours  fidèle  à  nous 
fervir,  contre  fon. intention ,  prend  encore 
la  peine  de  réfuter  ceux  qui  prétendent  que 
le  Chriftianifme  eft  redevable  de  fon  éta- 
bliffement  aux  loix  &"  à  la  violence  des 
Empereurs  Chrétiens,  Les  Empereurs  Ko- 
mains  j  dit-il ,  devenus  Chrétiens  eux  -  mé-- 
mes»  cejî'à-dire 9  entraînés  par  un  torrent 
devenu  général ,  qui  Us  força  de  fe  frvir 
des  fecours  d'une  SeBe  puiffante  ^  firent!^ 
monter  la  Religion  fur  le  trône.  Le  torrent 
étoit  devenu  général  ;  le  Chriftianifme  n'é- 
toit  plus  alors  la  Religion  des  pauvres ,  des 
efc^aves ,'  des  ignorans  ;  elle  avoir  entraîné 
les  riches ,  les  fçavans ,  &  tous  les  ordres  de 
l'Etat:  enfin  fans  changer  d'efprit  ni  de 
conduite ,  elle  força  les  Empereurs  de  la 
faire  monter  fur  le  trône  ;  f  ns  doute  il  n'y 
a  rien  encore  là  dj  merveilleux, 

X4es  Empereurs  9   devet\us  ChrétienSjj 


184  Apologie 

fentircnt  tout  le  prix  d'une  Religion  qui 
rendoit  leurs  fujets  plus  fidèles  ;  ils  ouvri- 
rent les  yeux  fur  les  folies  &  les  abomina- 
tions du  Paganifme  ;  ils  regardèrent  de  mau- 
vais œil  ceux  qui  y  rejlerent  attachés  ;  ^eM- 
à-peu  ils  en  vinrent  jufquâ  en  interdire  i'e- 
X£rcice  ;  il  finit  par  être  défendu  fous  peine 
de  mort  Voilà  ce  que  notre  fage  Politique 
ne  peut  pardonner.  On  perfécuta  fans  mé- 
nagement j  dit-il ,  ceux  qui  s  en  tinrent  au 
culte  de  leurs  pères.  Mais  puifque  la  perfécu- 
tion  irrite  les  efprits  &  rend  l'homme  in- 
domptable ,  elle  auroit  dû  faire  fur  les 
Payens ,  le  même  effet  qu'elle  a  voit  produit 
fur  les  Chrétiens  ;  4es  attacher  plus  forte- 
ment à  leur  Religion ,  faire  des  Martyrs 
&  opérer  des  converfions.  On  ne  fçait  par 
quelle  fatalité  il  en  arriva  autrement.  Les 
fupplices  n'avoient  fervi  qu'i  procurer  de 
nouveaux  défenfeurs  au  Chriftianifme  quon 
vouloit  étouffer  ;  des  loix  &  des  menaces 
fuffirent  pour  anéantir  le  Paganifme  :  & 
l'on  ne  veut  pas  qu'il  y  ait  rien  là  de  mer- 
veilleux ! 

Celfe  au  fecond  fiècle ,  penfolt  diffé- 
remment ;  il  regardoit  la  converfion  du 
monde  &  l'établiflèment  du  Chriftianifme 
comme  impoflîbles  {a).  Ils  l'étoient  fans 

■  im '^''''•mmmmmmÊmimmÊmmmimmmmmmmmÊÊÊtÊmÊmmmÊKmm 

(  a)  Dans  Orîgene  >  1.  S  ^  p.  42 f« 

doute ,' 


HE  LA  Religion,  &c.     r8/ 

(doute ,  à  ne  confidérer  l'entreprife  que  fé- 
lon le  cours  de  la  nature  ;  mais  après  le  fuc- 
ces  ,  peut -on  douter  qu'il  ne^  foit  furna--: 
turel  ? 

$.  i8. 

Il  eft  faux  que  les  Chrétiens  aient  nnda^ 
alors  aux  Payens  j  avec  ujure^  les  mau^ 
quils  en  avoient  reçus ,  comme  nos  Cri  - 
tiques  les  en  accufenr  (  a  )v  L'Empirer 
Romain  fut  rempli  de  féditions  y  mais  il  effr 
faux  qu'elles  aient  été  caufées  par  le  ^èlç 
effréné  des  Souverains  ,  Gr  de  ces  Frétres  pa^ 
cirques  y  qui  peu  auparavant  ne  vouloienc 
que  la  douceur  Gr  l^indulgence  :  les  Auteurs  ,► 
même  Payens  >  rfont  jamais  avancé  cette^ 
calommie.  Ces  féditions  furent  caufées  pat* 
des  brouillerîes  d'Etat ,  par  les  divers  partisr^ 
des  prétendans  à  l'Empire  :&  voilà  le  fo— 
phifme  éternel  de  nos  adverfaires.  Quanct 
le  Chriftiamfme  fut  établi ,  il  y  eut  des  fédiv» 
rions  ;  donc  il  en  fut  fa  caufe*  :  on  vit  naîtreî 
des  guerres  cruelles ,  des  prôfcriptions ,  .des5 
meurtres  jdonc  la  Religion  en  fut  la  four- 
ce  :  iL  y  eut  des  fcélérats  ;<  donc  c'étoit  des» 


{a)  GHirift.  dévoilé,  p.  34.  Examen  important',  c  i^t' 
f  171.  EfTai  fur  l'Hift.  Générale  ,  tome  8  ,  Rematques,- 
p.  60.  Diâion.  Philof.  arc.  Chriftîànîfme*  Dîner  du  Comtes 
ée  Boulainviliiers ,  pages  3  5,&  58.  Milûaicc  PhiiofophC;^ 


«8tf  Apologie 

Chrétiens,  N'en  a  voit -on  point  vu  avant 
eux  ? 

Nous  convenons  que  dans  plufîeurs 
Villes  où  les  Chrétiens-  avoient  été  fou- 
vent  infultés  &  maltraités  par  les  Payens  , 
le  peuple  naturellement  violent  commit 
quelques  excès  contre  ces  derniers  ;  jnais 
il  eft  faux  qu'il  y  ait  été  excité  par  les 
Prêtres  ou  par  les  Evéques.  Dans  le  temps 
des  perfécutions ,  le  peuple  Payen ,  toujours 
fanatique  &  toujours  barbare  »  (a)  s'étoit 
porté  à  des  excès  beaucoup  plus  odieux  ; 
cependant  les  Philofophes  ne  veulent  pas 
que  l'on  attribue  ces  cruautés  aux  chefs  de 
l'Etat:  pourquoi  donc  ferions -nous  re- 
tomber les  emportemens  du  peuple  dans 
les  temps  poftérîeurs  fur  les  chefs  de  la  Re- 
ligion ? 

Les  guerres  de  Conftantin  &  de  Licinius 
contre  Maxence  ,  contre  Maximien  Her- 
cule ,  contre  Dioclétien ,  avoient  multiplié 
les  faâions ,  nourri  les  haines  y  irrité  les 
efprits.  Dioclétien  ,  viâorieux ,  avoît  dé- 
folé  l'Egypte  par  des  profcriptions  &  par 
des  meurtres  (b)'.  Maximien  n'avoit  pas 
été  moins  cruel.  Conftantin  &  Licinius  ac- 
cufoient  Dioclétien  d'avoir  favorifé  Ma- 


i 


DE    LA    KELïGtO'tiy&C.       iS^f 

xence  (a).  Eft-il  étonnant  que  quand  le 
parti  des  deux  premiers  eut  écrafé  tous  les 
autres  ,  Licinius  -,  naturelleniettt .  férofce  > 
ait  févi  contre  la  famille  de  fes  compéti- 
teurs ,  ait  fait  égorger  leurs  femmes  &  leurs^ 
enfans  ,  fe  foit  vengé  des  Magiftrats  qui 
avoient  exécuté  leurs  ordrea  faoguinaires  ?" 
L'Auteur  du  Livre  de  la  mort  des  Per/icur^ 
leurs  accufe  formelleffient  Liçiaius  d^avoir 
fait  maiTacrer  les  veuves  &  les  enfa)^  é^ 
Maximin  &  de  Galerius  ,  d'avoir  fait  jetter 
les  corps  des  deux  Impératrices  »  Tun  dai^s 
la  Mer ,  l'autre  dans  l'Oronte  (b);  Se  cet 
Auteur  n'eft  contredit  par  aucun  des  Hifr 
toriens  Payens  (c).  Aujourd'hui  ik)s  judt 
cieux  Fhilofophes  mettent  fur  le  cossiptir 
des  Chrétiens  ces  horreurs  ^  àow  leur  pkis^ 
monel  ennemi  s'eft  rendu  coupable.  Sou$ 
les  règnes  précédens  on  avoit  vu  les  même«« 
maflacres  y  les  Chrétiens ,  Uyrés  albr^  à  ]^ 
fureur  des  bourreaux ,  en  étoient-ilis  les  av^ 
teurs  ?  Us  ont  Couff^t  pendant  troijs^  fièeler 
tous  les  excès. de  la  barbarie  JRtamaine  *= 
&  on  veut  à  préfent  les  en  rendre  refpoo?- 
fables. 


"    ,  r 
(  a  )  AwrtL  ViSior.  in  Diocler. 
{ h    De  Mortth.  de  Perfecuu  cap.  ço  6»  yi^- 
(c)  Nota.  Qu'il  cft  Je  feul  Hiftoricn  qjûi'  ait  parle  &.' 
CCI  meuEcces,  &s'<^ui'énlndi^u«  le  vctiuble-Auceuu 


Q'n 


«88  Apologie 

Selon  le.Chriftianifme*  dévoilé ,  les  Em- 
pereurs j  au  politiques  ou  fuperjlitieux  ^  com- 
blèrent le  Sacerdoce  de  largejfes  6r  de  bien- 
faits quefouvent  il  méconnut  ;  ils  établirent 
fon  autorité  y  ils  refpeSlerent  enfuite,  comme 
dit^in»  le  pouvoir  qu'ils  avoient  eux-mêmes 
créé  (  a  )•  Ce  n'eft  ici  que  le  commence- 
ment d'une  violente  déclamation  contre  le 
Clergé  ;  mais  éclairciflbns  les  termes .  dont 
on  abufe.  Souvent  les  Empereurs  confiè- 
rent à  des  Evêques  ou  à  des  Prêtres  une 
-partie  de  ï autorité  civile ,  &  les  employèrent 
au  Gouvernement  ;  c'étoit  à  eux  de  choi- 
fir  les  dépositaires  de  leur  puiflance.  Il  feroit 
peut-être  à  fouhaiter ,  pour  le  bien  de  la 
Religion  ,  que  fes  Miniftres  fe  fuflent  bor- 
nés à  leurs  fondions ,  ils  auroient  excité 
moins  de  jaloufie.  Mais  ce  ne  font  point  les 
Empereurs  qui  établirent  l'^autorité  fpirî- 
tuelle  du  Sacerdoce ,  ni  fon  pouvoir  dans 
les  matières  de  Religion  :  le  Sacerdoce 
rient  cette  autorité  de  J,  C.  même  :  ce  pou- 
VQÎr  vient  de  Dieu,  Conftantin,  devenu 
Chrétiea.*  le  reconnut  ainfi  au-Concile  de 
Nicée ,  &  on  ne  peut  le  révoquer  en  doute 
fans  contredire  l'Evangile» 


iA)  Pajgc  54. 


DE    LA   ReLICÎION,  &C.      l8p 

Les  Pontifes  ,  pourfuit  l'Adteur  ,  de 
venus  plus  puijjans  que  les  Rois  y  s'arrogèrent 
hientot  le  droit  de  leur  commander  a  eux- 
mêmes  :  c^eft  la  même  équivoque.  Dès  la 
naiflance  du  Chriftianifme  ,•  les  Pontifes 
eurent  droit  de  faire  des  loix  en  ce  qui  re^ 
garde  précifément  le  culte  divin ,  mais  ils  ont 
toujours  été  obligés  d'obéir  à  leur  tour  aux 
Souverains,  en  ce  qui  regarde  la  police  &  le 
Gouvernement,  &  de  donner  les  premiers  à 
tous  les  fujets  l'exemple  de  la  foumiflîon.  Sr 
les  Pontifes ,  dans  la  fuite  des  fiècles ,  font  de* 
venus  fouverains ,  ils  ont  réuni  dans  leur  per- 
fonne  deux  pouvoirs  très-diftingués ,  &  qu'il 
ne  faut  pas  confondre. 

Julien  lui-même  reconnoît  dans  les  Prê- 
tres Payera  une  autorité  indépendante  dui 
pouvoir  des  Princes.  Il  écrit  à  un  Pontife^ 
de  Galatie  :  a  Dès  que  les  Gouverneurs  de* 
»  Province  ont  mis  le  pied  dans  le  Temple  y 
«ils  deviennent  de  fimples  Particuliers  y 
»  vous  feul  avez  droit  d'y  commander  , 
»  puifque  les  Dieux  Fordonnent  ainfi  {a)  ^^ 
Conteftera-t-on  te  même  droit  aux  Prêtres: 
du  Chriftianifme  ? 

S.  20» 

Le  grand  fecret  des  incrédules  y  pour 


«■"■■I" 


(0)  Lcccre  à  Arfacius.. 


'ipo  ,  Apologie 
rendre  la  Religion  odieufe ,  eft  de  peindre 
les 'Prêtres  comme  les  auteurs  de  tous  les 
maux  du  monde.  LUnivcrs  étonnç ,  difent- 
ils ,  a  vu  naître  fous  la  loi  de  grâce  des  que- 
relles &  des,  malheurs  qu'il  rCavoit  jamais 
éprouves  foui  les  Divinités  paijibles  qui  sé- 
toient  autrefois  partagé  fans  difpute  les 
hommages  des  mortels  {a).  Ces  pompeufes 
déclamations  peuvent  impofer  aux  igno- 
rans  ;  mais  il  n'eft  pas  néçeflaire  d'être  fort 
verfé  dans  THiftoire  ,  pour  fentir  combien 
«Ues  font  faufles  &  ridicules. 

Quoi  !  fous  le  règne  des  Divinités  du- 
Paganifme ,  les  hommes  ont  été  exempts 
de  crimes ,  de  diviiions  »  de  malheurs  ?  Il 
faut  donc  effacer  des  annales  du  monde  » 
les  cQmbats  fanglans  des  Egyptiens  pour 
leurs  diiférens  animaux  diviniles  ;  les  iacri- 
ficès  de  fang  humain  ufités  chçz  toutes  les 
Nations  &  renouvelles  par  quelques-unes 

Erefque  tous  les  jours  ( t) ;  le  cruel  ufage  des 
abitans  de  laTauride^  d'immoler  à  Diane 
tous  les  étrangers  5  la  coutume  prefqu'awfii 
barbare  des  Lacédémoniens ,  de  fouetter 
leurs  enfans  jufqu'àu  fang  au  pied  des  Au- 
tels de  cette  même  Divinité  ;  les  guerres 


(a)  Chrîft.  dévoilé,  p.  35  ;  &  Préf.  îi;  &  i>,  Exa»e» 
important,  en  ,  p.  ^8;  &  conclufion,  p.  115. 
(t)  Tbcodorcç,  d^  Curât*  Cracar.  affea,l  7» 


DE  la-Religion,  &c.  ipf 
facf ées ,  fi  fameufes  dans  l'Hiftoire  Grec-- 
que  :  les  Gaulois  enterrés  vifs  par  les  Ro- 
mains ;  les  combats  de  Gladiateurs  pour  ap- 
paifer  le  courroux  du  Cîel  ;  les  Temples  du 
Mexique  changés  en  boucherie  de  chair 
humaine  Ues  bûchers  toujours  allumés  chez- 
les  Indiens  pour  confumer  les  femmes  vi- 
vantes avec  le  corps  de  leur  mari  ;  les  péni- 
tences barbares  des  Faquirs ,  Chinois  ,  In- 
diens ,  Siamois  ;  la  dévaftation  de  l'A  fie 
pour  y  introduire  le  Mahométifme*  Des 
volumes  entiers  fuffiroient  à  peine  pour 
rapporter  les  cruautés  dont  les  fauffes  Reli- 
gions ont  été  k  fource  >  les  maux  qu'elles 
ont  caufés  au  genre  humain  ,  &  dont  le 
Chriftianifme  nous  a  délivrés. 

Et  l'on  ofe  écrire ,  on  ofe  répéter  vingt 

fois,  fans  pudeur,  que  cette  Religion,  loin  de 

procurer  aux  hommes  le  bonheur  ^  fut  pour  eux 

une  pomme  de  dif  corde  &*  le  germe  fécond  de 

leurs  calamités  ;  que  VErangile  a  coûté  au 

genre  humain  plus  de  fang  que  toutes  ks 

autres  Religions  du  monde  prifes  coVieSive'- 

ment.  Si  oa  veut  parler  de  celui  que  la 

foreur  des  Payens  leur  a  fait  répandre  pour 

exterminer  le  Chriftianifme ,  l'exagération 

paroîtra  moins  forte  ;  mais  de  quel  front 

reprochera-{-on  à  une  Religion  innocente 

&  pure  ,  les  maux  que  fes  ennemis  lui  ont 

fait  foufiirir  ?  Où  font  ici  les  vrais  çrimi- 


ip:i  A  p  o  L  o  <?  I  E 

nels  ?  font  •  ce  les  bourreaux  ou  les  viâîmes  ? 
Nous  avons  déjà  juftifié  ailleurs  (a)  les 
violences  que  l'on  reproche  au  Chriftia- 
nifme  ;  l'Auteur  que  nous  examinons  ^ 
nous  forcera  d'y  revenir  encore  plufieurs 
fois  dans  la  fuite  (b). 

Déjà  les  Incrédules  ont  eu  foin  de  fe 
réfuter  eux-mêmes.  L'Auteur  de  la  Conta- 
gion facrée  n'accufe  pas  feulenvent  le 
Chriftianifoie  >  mais  toute  Religion  quel* 
conque ,  d'avoir  été  la  boite  de  Pandore ,  de 
laquelle  font  fortis  tous  les  maux  du  genre 
humain;  il  décide  qu'il  ne  peut  y  avoir 
aucune  Religion  vraie ,  ni  utile  aux  tom- 
mes (c).  Voilà  donc  leChriftianifme  jufti- 
fié  :  du  moins  il  n'eft  pas  pire  que  toute 
autre  Religion» 

$.   12, 

Aucun  des  ennemis  de  notre  Religion 
rfavoit  encore  poufle  la  haine  contr'elle 
aufli  loin  que  celui  qui  prétend  la  dévoi- 
ler. Selon  lui,  c'eft  en  vain  qu'elle  nous 
ordonne  d'aimer  Dieu  fur  toutes  chofes  ,. 


(A)  péifme  réfuté,  lettre  dixième.  Cecchude  des  preuves 
au  Chrid.  c.  lo. 

(i^  )  Cbap.  1 1 ,  $.  10  ;  &  cbap.  i  f ,  $.  14* 

(  c  )  Contagion  facrée,  Prcf.p,  v,  c.  2,  p  &  14.  Voye» 
encore  les  deux  notes  de  M.  ircrcc  fut  les  Lettres  Philof.  de 
Toiand»  p.  81  &  1^7, 

Se 


DE  LA  ReLIGJÉOK,  &C.       ÏÇJ  \ 

&  le  prochain  <;am|i>e  sous-i^mes  :  n<^us 
rayons  les  Chrétiens ,  dit^U ,  dam  VimpoJJi^ 
bilité  d* aimer  ce  Dieu  farouche  &*  capricieux 
qu'ils  adorent  i^  ^m  autre  coté»  nous  les 
voyons  éternellement  occupes  à  tourmenter  ,' 
à  p^rfécuteir  ,  â  détruire  leur  prochain  &• 
leurs  frer^  (a).  Ce  reproche  lui  paroît  fi 
bieQ  fondé  >  qu'il  le  répète  dix  fois  de 
conaptje.&it.daus,  fon  Ouvrage.  Nous  y; 
répondrons  dans  le  chap»  1:2  »  §•  l. 

Il  fuffit  d'obferver  ici  qu'il  nous  peint 
un  Dieu  imaginaire  9  qu'il  n'a  jamais  connu 
celui  que  nous  ^dorons.  La  foi  nous  le  re- 
présente coipme  h, bonté , &  la  fainteté 
même  ;  elle  jaçi^  ^pprçind  à .  l'aimer  comme 
notre  père,. notre  bieôfait^r  ,  notre  fau-  / 

veur  ;  fans  ceffe  eUe   nous  rappelle  fes  "^ 

bienfaits  ;  elle  étale  à  nos  yeux  le  bonheur 
éternel  qu'il  npus  prépare  i  elle  nous  exhor- 
te à  nous  jetter  entre  hf  bras  de  fa  miférir 
corde*  $i  elle  nous  invite  à  craindre  Ùl  juf- 
j:ice ,  ç'éft  que  malheureufement  cette  craiu^ 
te  efl:  néce(][à[re  pour  nous  détourner  du 
jnal.  La  raifon  fait  feotir  la  jufteife  de  tou^ 
tes  ces  idées;  la  Philqfophie  ancienne  les 
avoit  entrevues  ,  il  n'y  a  qu'un  Athée  de 
profeffion  qi^^i  puijQTe  les  dé^pprouver. 

(4)  .Chrift.  dévoilé ,  ^.  5^.,  8«  lettre  â  Evg^nie ,  p.  tp^ 
Contagion  facréc ,  «•  J  >  ?•  4  7» 

Tome  L  *  JRi 


|îj4  '  '  '  A  p- ô  t  ôb-i  H 
'  Sur  le  portrait  que  l'Auteur  fait  ici  de 
la  méchanceté  des  Chrétiens  ,  on  feroit 
tenté  de  lui  demander  parmi  quels  peuples 
il  a  vécu ,  de -quelles^  cruautés  ,  de  quels 
maflacres  il  a  été  le  témoin  ou  la  vidime  ? 
Auroit-il  vécu  auffi  tranquille  ,  fi  le;  zèle 
f  eligieux  étoit  àuflî  fougueux  qu'il  le  repré- 
fente  ?  Dans  un  fiècte  où  tes  efprits  font 
calmés ,  Y  art-îl  de  h  prudence  de  renou- 
veller  des  fouvefeirs  capables  de  les  échauf- 
fer de  nouveau  ? 

On  a  beau  nous  remontrer  fans  cefle ,  que 
notre  conduite  -s'accotdd  mal  avec  notre 
créance  ;  ce  malheur  tré^p  rëel  nous  eft 
commun  avec  lès  Philofèphes»  Y  eh  a-t-il 
un  feul  qui  fuive  fidèleiîiént  dans  la  pra- 
tique les  belles  maximes  de  morale  qu'ils 
affedent  d'étaler  dans  leurs  Livres-  ?  Cicé- 
ron  feur  a  déjà  feit  ce  reproché  (4).  Pour 
les  confondre  ^  'il  fùffit  de  leur  adrôflèr  la 
rcponfede  J.  Gè  àtbc  Yh&îReA» :\que  celui 
Centre  vous  qui  è)î  Jarti  péèké^jeueîupre'^ 
jniere  pierre  contré  là  Religion. 

LaifTons  donc  de  côté  les  reproches 
amers  &  infultans  qu'on  nous  fait  ;  la  fu- 
reur ,  la  révoltie  /les  guerres ,; les  meurtrels  > 
les  perfééutiohs'ndbnt  on  charge  les  Prê- 
tres :  nous  y  reviendrons  dans  k  fuite,  Il 


»— — III  I  wi    I  1— — — — wiwpi 


i  a)  Tv£:ul.guefi,L%9  n«  zt, 


DE  LA  Religion,  &c.  195* 
s'eft  commis  des  crimes  malgré  la  Reli- 
gion ;  il  s'en  commet  malgré  les  loix  civi' 
les ,  malgré  la  vôix  de  la  raifon ,  malgré  les 
maximes  de  la  PhilofoDhie  :  donc  la  Rel^ 
gion ,  les  loix ,  la  raifon ,  la  Philofophie , 
font  là  fource  des  maux  du  genre  humain^; 
Sophifme  ridicule  ;^n  devroit  avoir  honte 
de  le  renouveller. 

Maïs  c'eft  la  Religion  qui  à  ferv^  de  pré* 
texte  four  troubler  lafôciété.  D'accord.  Ne 
l'a-t-on  pas  troublée  fous  prétexte  de  main- 
tenir les  loix ,  d'établir  l'autorité  du  Gou- 
vernement ,  de  venger  l'équité  naturelle , 
de  mettre  à  couvert  l'intérêt  des  peuples  ? 
Faut-il  pour  cela  retrancheir  ces  diffèrens 
motifs ,  dont  les  paffions  humaines  font  tou- 
jours prêtes  d'abufer  3  dont  elles  abufent 
tous  les  jours  ? 

Sans  doute  ce  font  les  Prêtres  ou  les  Sec- 
tateurs du  Chriftianifme  qui  ont  màflacré^ 
vingt-deux  Empereurs  Romains  dans  moins 
d'un  fiècle ,  qui  ont  caufé  à  la  Chine  vingt- 
deux  révolutions  générales ,  qui  ont  étran- 
ge dix  ou  douze  Sultans ,  qui  ont  fi  fouvènt 
enfanglanté  le.  trône  dans  la  Perie  &  dans 
les  Indes.  A^entendre  xaifonner  nos  içavans. 
Critiques ,  il  femble  que  tous  le&  çripie^ 
aient  été  commis  ckexi  les  Chrétiens  ;  &c^  il 
a'eft  aucun  peuple  infidèle  auquel  on  te' 

Rii 


îp6  Apologie 

puiflè  en  reprocher  de  plus  atroces  &  en 

plus  grand  nombre. 

'  Ceft  le  Chriftianifme ,  dît-on ,  qui  a  in- 
troduit dans  le  monde  l'intolérance  ;  ja- 
mais le  Paganifme  ni  la  Philofophie  n'ont 
infpiré  la  perfécut ion.  Mais  le  Chriftianifme 
fut  perfécuté  dès  fa  n^iflànde  ;  eft-ce  lui 
qui  avoit  communiqué  à  fes  ennemis  le  fa-* 
natifme  dont  il  étoit  la  viftime  ï  Julien 
étoit  Payen  &  Philofophe  ,  &  il  fot 
perfécuteur.  On  n'a  qu'à  lire  fa  vie  par  M, 
de  la  Bletterie  (a)  y  (es  propres  ouvrages  » 
fes  Edits  contre  les  Chrétiens ,  fes  Lettres 
aux  Pontifes  du  Paganifme  (b).  Il  avoit  pris 
pour  devife  ces  deux  vers  d'Hoinere  : 

To{it  exmemi  des  Dieux  doit  être  auflî  le  mien  , 
'  Et  le  Ciel  me  défend  de  lui  faire  du  bien.  (  c  ) 

il  n'avoit  pas  puifé  cette  fentence  dans  l'£* 
vangile, 

.  i*  22. 

.  Voilà  néanmoins  fur  quoi  triomphe  l'Au^^ 
teur  du  Chriftianifme  dévoilé  ;  c'eft  là-det- 
fus  que  fon  éloquence  fe  déploie  ;  à  pro» 


r 

(a)  Pag.  I7Z,  i8o  &  fuiv. 

(  h)  Mifopogen  j  vie  de  Joviea  »  tome  »,  ptV;  >  1^4  »    : 

U)  i2>îii.  pàg.  |t5« 


DE  LA  ReLIGIOK,  &C.      ip7 

prement  parler ,  c'eft  tout  le  fond  de  fon 
Ouvrage  :  il  le  répète  au  moins  dix  fois.  U 
prétend  trouver  le  dénouement  de  la  con- 
tradiâion  entre  nos  mceurs  &  notre  foi  dans 
l'idée  que  nous  avons  de  Dieu  &  de  fa  juf- 
tice.  Le  Chrétien ,  dit-il ,  voit  fon  Dieu  barr- 
lare  ,  fe  vengeant  avec  rage  &  fans  mefure 
pendant  V éternité  (a).  Supprimons  le  refte 
d'une  inveftive  que  le  fanatifme  a  (Jidée , 
&  qui  fait  horreur.  En  deux  mots ,  nous 
adorons  un  Dieu  cruel»,  voilà  pourquoi 
nous  le  fommes  •  nous-mêmes  :  c'eft  le  feul 
raifoiinement  que  l'on  puifle  tirer  de  tout 
ce  chapitre. 

Mais  tous  les  Philofophes  qui  admettent 
une  Religion  naturelle  ,  croient  des  peines 
&  des  récompenfes  après  cette  vie  ;  ^&  plu- 
sieurs anciens  les  ont  cru  éternelles ,  auflî- 
bien  que  nous  :  cette  opinion  les  a  donc 
rendus  auffi  cruels  que  nous  (b),  ■■■  ^ 

En  fécond  lieu ,  fi  l'idée  que  nous  avons 
de  Dieu  eft  la  caufe  de  nos  crimes ,  tous  le$ 
peuples  qui  en  ont  eu  une  idée  différente  , 
ont  dû  être  des  prodiges  de  douceur  & 
d'humanité.  Or ,  fans  parler  ici  des  autres 
cruautés  anciennes  ou  modernes  >  comment 


(a)  Chrift.  dévoile,?.  J7  ,  45>  ij8,  &c.  5«  Lettre  d  Eu- 
génie, pag.  114,  / 

(b  )  Voyez  les  pafTages  de  Platon  ,  de  Ceffe ,  de  Virgile. 
Qnzicmc  DîfTerr.  tirée  d'e  Vaibjrchon  j  tome  i  ,  p.  n|. 

Riij 


'jrpS  Ai^oLOGifi 

les  Paycm ,  qui  ne  croyoient  point  au  Dieu 
des  Juifs  ni  des  Chrétiens ,  ont-ils  pu  traiter 
ceux-ci  avec  tant  de  barbarie?  Comment 
parmi  les  peuples  fauvages  peut-îl  y  avoir 
des  Cannibales  ?  Faut-il  abjurer  notre  Reli- 
gion ,  pour  aller  manger  avec  ces  peuples 
bénins  la  chair  de  nos  ennemis  ? 

Nous  n'entreprendrons  pas  d'accorder  > 
^vec  les  foibles  lumières  de  la  raifon ,  le 
dogme  de  réternité  des  peines ,  que  notre 
Auteur  préfente  fous  des  couleurs  fi  horri- 
bles. La  foi  nous  l'ehfeigne  ;  les  Philofo- 
phes  anciens  ne  le  trouvoient  point  incroya- 
ble («  J.C'eft  une  calomnie  cle  l'Auteur  du 
Diitionnaire  Philofophique  ,  d'avancer  que 
plufieurs  Pères  de  l'Eglife  ne  l'ont  pas 
cru  (  i  ).  On  raifonne  très  -  mal  quand  on 
veut  fixer  les  droits  d'une  juftice  infinie  fur 
les  règles  de  la  juftice  humaine  ;  tout  ce  qui 
eft  infini  furpaflè  nos  conceptions  naturel- 
les. Nous  ne  trouvons  pas  étrange  que  la 
bonté  de  Dieu  récompenfe  pendant  toute 
l'éternité ,  une  obéilTance  qui  n'a  duré  que 
pendant  quelques  inftans  :  eft-il  plus  dîflS- 
cile  d'admettre  qu'elle  punifle  une  défobéif- 
fance  momentanée ,  ou  plutôt  la  perfévé- 
rance  dans  le  crime  jufqu'à  la  mort ,  par  ua 


(a)  Voyez  leurs  pafTaget  daoj  Tçiidroû  cic^« 
(  t  )  Dift.  Phil.  «t.  £n/cr. 


DE  Ll  R'EILfGtofc.  &C.       «pj) 

fupplice  .qui  ne  finira  jamais' t.Qn  ne  IjlamiB 
point  la  juftice  hthnaihe  ,  quand  elle  punît 
de  mort  un  crime  ^d'ùn  inoineht ,  ^Jjarce 
que  ce  n'eu  point  la  durée  de  celui-ci  qui 
en-fait  l'énormité.  t'eft  donc  une  tépiéritè 
de  s'élever  contte  la  Tevélation ,  qua«il  plie 
nous  enfeîgne  que  Dieu  vengéta  ce  même 
crime  par  un  châtiment  éternel-  Ce  dogme 
ne  fait  point  de  peine  aux  hommes  yet'^ 
tueux  ;  îl  ne  révolte  que  les  méchans.  Mais 
puiïqu'îl  ne  fuffit  pas  encore  pour  les  înti^ 
mider  /quel  frein  poùrroit-on  leur  oppo-» 
fer ,  fî  cékiî-là  leur' étoit  ôté  ? 

La  croyance  de  cette  vérité ,  loin  d'ih& 
pîrer  aux  Chrétiens  la  cruauté ,  la  perfécu- 
tion  ,  r«fprit  féditîeux ,  eti  feroit  aii  con- 
traire lé  meilleur  préfervatif ,  fi'  les  paffions 
humaines  étoient  capables  de  réfléchir.  J,  Ci 
a  menacé  du  feu  éternel  tous  ceux  qui  mah* 
quent  de  charité  envers  leurs  frères  (a).  Le 
raifonnément  de  TAuteur  du  Chrijlianifme 
dévoilé  eft  donc  fouverainement  ridicule  ;• 
&  plus  îl  le  répète,  plus  il  prouve  fon  aveu- 
gle prévention. 


i>->i 


(tf)  MflttA.  1) ,  41. 


^^ 


Riv 


POO  APOIiOG.iK 


■    I        kk^f'o'^^dd 


ce  APITRE    IV- 

De  laThéologie  Chrétienne ^  ou  àes_  idées  que 
le  Çhrïjîianîfme^nqùs  don^e  jieDieu  &r  de 
]  fa  conduite.        /*      /.     /    '    .. 

%J  N  Phîlpfophe  qui  veut  inftruire  (blide- 
jpetit  fes  leâeux:s ,  np  doit  pas  fe  contentes 
d'attaquer;  les  pj^éceodues  erreurs  dont  le 
.Chriftianifme  a  imbu  la  moitié  du  mondé 
connu,  il  eft  encore  .obligé  d'y  fubftituer 
am  fyftème  plus  raifonnable ,  mieux  lié  « 
dont  Tefprit  humain  puiflè  être  plus  fatis- 
faiti  Quand  on  fuppoferoit  pour  un  mo- 
inent ,  que  nous  ayons  de  la  Divinité  &  de 
la  conduite  des  idées  aufli  fau(res  que  le 
Ibutient  l'Auteur  du  Chriftianifme  dévoi- 
ïé  ;  en  montrer  l'abfurdité ,  c'eft  ne  remplir 
que  la  moitié  du  devoir  d'un  maître  qui 
js'eft  chargé  d'éclairer  les  hommes.  Nous 
lui  aurions  une  obligation  plus  eflèntielle , 
s'il  eût  daigné  nous  apprendre  ce  que  nous 
devons  penfer  de  Dieu  :  il  noua  auroit  du 
moins  convaincu  qu'il  en  croit  un  ,  qu'il 
n'eft  pas  abfoluinent  Athée  ;  &  il  nous  laifle 
là-defliis  dans  une  facheufe  incertitude.  Il 
jûous  donne  un  volume  entier  d'objeftions  ^ 


DE  LA  ReXÏ^ION,  &C.      201 

Ou  plutôt  4e  faufles  aceufations  contre  le 
Chriftianifme  5  il  en  conclud  qu'il  ne  faut 
point  avoir  de  Religion  :  la  conféquence 
eft  un  peu  dure.  Mais  y  a-t-il  un  Dieu  ?  Eft- 
ce  lui  qui  a  fait  le  monde  l  Exigent-  il  quel- 
que chofe  de  nous  ?  Avons  -nous  une  ame  > 
Sommes-nous  des  brutes  ,  des  automates  ? 
Il  n'a  pas  jugé  ces  queftions  aflez  importan- 
tes pour  (e  donner  I9  peine  d'y  fatisfaire^ 

Quand  il  s'agit  de  propofer  des  doutes , 
<le  former  des  diflficultés  >  d'épaiffir  les  ténè- 
bres autour  de  nous ,  nos  fçavans  Critiques 
ne  tariflènt  point ,  leur  éloquence  eft  iné- 
puifable  :  faut-il  bâtir  une  hy  pothèfe ,  dreffér 
un  fyftème  de  croyance  ?  leur  PhilofopWe 
eft  en  défaut  ;  s'il  leur  arrive  de  faire  un 
pas ,  ils  tombent ,  fans  pouvoir  fe  relever. 
Le  chef-d'œuvre  de  cette  Philofophie  lu- 
mineufe  eft  de  nous  plonger  dans  un  pyr- 
rhonifme  univerfel. 

Il  eft  fans  doute  naturel  à  l'homme  d'être 
curieux  fur  fa  propre  nature ,  fur  fon  ori- 
gine ,  fur  fa  deftinée.  Qui  fuis- je  ?  D'où  fuis- 
je  venu  ?  Où  dois- je  retourner  ?  En  dépit 
de  la  Philofophie ,  ces  queftions  auront  tou- 
jours de  quoi  affeder  vivement  un  être 
penfant.  Non-feulement  nos  fages  Doâeurs 
refufent  de  nous  l'apprendre;  ils  fe  fâchent 
encore  >  quand  nous  cher||pns  à  te  f^avoir 
d'ailleurs* 


âoi  Apologie 

L'impuiflance  &  Tincertitude  de  la  raî* 
fon  humaine  fur  ces  objets  fi  eflentiels] 
nous  font  allez  fentir  le  befoin  que  nou$ 
avions  d'une  lumière  furnaturelle ,  d'une 
révélation.  A  peine  Dieu  nous  Ta-t-il.  eu 
donnée  ,  que  des  Philofophes  inquiets  &  ja- 
loux ont  réuni  tous  leurs  efforts  pour  étein^- 
«Ire  cette  lumière  &  la  faire  diiparoître  à 
nos  yeux.  Qu'ils  fe  plaifent  à  marcher  dans 
les  ténèbres  >  c^eft  leur  affaire  ;  mais  qu'ils 
veulent  opiniâtrement  nous  y  entraîner 
avec  eux  >  c'eft  une  manie  aflèz  lînguliere. 

Dieu ,  en  nous  donnant  la  révélation  ^ 
n'a  pas  voulu  nous  apprendre  tout  ce  qu'une 
railon  préfomptueufe  peut  defirer  de  fça- 
voir  ;  il  nous  a  fagement  difpenfé  le  degré 
de  lumière  néceffaire  pour  nous  guider  ,  & 
rien  davantage.  Comme  un  père  tendre  Si. 
attentif,  il  nous  conduit  par  la  main  ;  il  fe 
montre ,  mais  au  travers  d'un  voile  ,  pour 
ne  pas  bleffer  nos  foibles  yeux.  Il  nous  ac- 
corde l'ufage  de  fes  ouvrages ,  il  nous  en 
cache  les  reflbrts  fecrets  ;  il  nous  expofe  fa 
conduite  ,  fans  nous  en  confier  les  motifs  i 
il  nous  inftruit  de  fes  deffeins ,  mais  il  fe  ré- 
fervç  de  nous  en  dévoiler  un  jour  la  fagcfle 
&  la  juftice. 

Cette  fage  économie  eft  juftement  ce 
qui  révolte  les  Ij[||rédules  ;  ils  veulent  tout 
ou  rien.  Dès  que  Dieu  ne  nous  a  pas  enfew 


DE  LA  Religion, &c.  20^ 
gné  toutes  chofes ,  donc  il  ne  nous  a  éclai- 
rés fiir  aucune.  Pour  nous  empêcher  de  prê- 
ter Toreille  à  la  voix  du  Ciel ,  ils  nous  étour* 
diflènt  de  leurs  clameurs.  Ecoutons-les  pour 
un  moment  ;  leur  grand  art  eft  de  défigurer 
les  leçons  de  la  Religion ,  pour  fe  donner  le 
plaifîr  de  les  réfuter.  Nous  avons  déjà  ré* 
pondu  ailleurs  à  la  plupart  de  leurs  objec- 
tions (a), 

$•  2. 

Selon  nos  Ecritures  »  Dieu  a  faît  fortîr 
l'Univers  du  néant  :  premier  grief.  La  créa^ 
tion  eft  inconcevable  ;  rien  ne  fe  fait  de 
rien  ;  c'«ft  un  axiome  de  l'ancienne  Philo- 
fophîe.  D'ailleurs  le  mot  Barah  de  la  Ge- 
nèfe  fignifie  feulement  faire  ou  arranger.  Le 
fens  que  nous  lui  donnons  aujourd'hui  »  eft 
une  invention  Théologique  aflèz  modère 
neC^^). 

Puifque  Tancîenne  Philofophîe  n'a  eu^ 
aucune  idée  de  la  création  >  C  l'Ecriture  n'en 
dit  rien  non  plus ,.  comment  cette  idée  a-t-* 
elle  pu  venir  à  l'efprit  des  Théologiens? 
Voilà  ce  qu'il  faudroit  expliquer  d'abord* 
Suppofons  que  le  terme  Hébreu  ne  fignifie 
pas  toujours  la  création  proprement  dite  à 


■•«'>aa«m^Ba«MMiaMaBMM«MMHMaaaaaMia. 


(a)  Certitude  des  preuves  du  Chrîd.  c.  1 1. 
(b  )  Chrill.  dévoilé »,pag.  j^.  Did.  Philof.  art.  Gtnlfi^ 
$«  Leuce  à  Eugnie ,  £   yH^ 


1204  Apologie 

quel  eft  le  fens  de  ces  paroles  de  Moiïé? 
Dieu  dit  :  que  la  lumière  foit ,  &*  la  lumière 
fut.  Celles  du  Pfalmifte  :  Dieu  a  dit^^ 
tout  a  été  fait  ;  il  a  comrnandé  Gr  tout  a 
été  créé.^  font  abfolument  les  mêmes*  Le 
langage  humain  peut41  fournir  des  expref- 
lîons  plus  énergiques  pour  exprimer  la  créa- 
tion ? 

Cette  création  eft  inconcevable  ;  fuppo* 

•'  fons-le  encore.  Un  monde  éternel ,  une  ma- 
tière éternelle ,  font-ils  concevables?  Ceux- 
ci  renferment  contradidion  ;  la  création 
h'a  rien  de  contradidoire.  Un  monde  éter- 
nel ,  une  matière  éternelle  *  feroient  auffi  in- 
dépendans,  auffi  immuables  que  Dieu:  la 
toute-puiflance  divine  n'auroit  pu  rien  opé- 
rer fur  eux.  Si  le  dogme  de  la  création ,  tel 
que  nous  le  croyons ,  avoit  étépropofé  aux 
plus  fages  des  anciens  Philofopnes ,  ik  Pau- 
roient  préféré   aux  hypothèfes  abfurdes 

"  qu'ils  ont  imaginées. 

On  objede  que,  fuîvant  nos  Livres  faints, 
à  peine  l'homme  eft-il  créé ,  que  Dieu  lui 
tend  un  piège  auquel  il  Jç avoit  fans  doute 
quil  devoit  fuccomber.  Faire  un  commande- 
ment à  l'homme  ,  c'eft  donc  lui  tendre  un 
piège  ?  L'idée  eft  neuve  &  digne  de  la  Phi- 
îofophie  moderne.  L'homme  a-t-il  été  créé 
libre ,  fufceptible  de  loix  &  d'obéiffance  ? 
^ous  portons  en  nous-mêmes  la  réponfe  à 


BK  LA  Religion,  &c.     ^of 

cette  queftîon.  Dieu  at-il  fait  tort  à  un  être 
libre  ,  de  lui  remettre  fa  deftinée  entre  les 
mains  ?  Nous  en  appelions  au  fens-com- 
mun. 

Le  ferpent  qui  parle  ,  qui  féduit  la  fem* 
me ,  eft  »un  nouveau  monftre  à  des  yeux 
Philofophes  ;  mais  jamais  les  Juifs  ni  les 
Chrétiens  ne  s'y  font  trompés.  Le  démon 
ou  l'efprit  malin  emprunta  cet  organe  ;  la 
première  femme ,  prefqu'au  moment  de  fa 
création  ^  n'avoit  pas  aflez  d'expérience 
pour  être  furprife  ou  effrayée  de  ce  phéno» 
mène.  '  ▼ 

Que  tout  le  genre  humaîn  ait  été  punî 
pour  la  faute  du  premier  homme ,  c'eft , 
lelon  nos  Genfeurs ,  une  injuftice  que  l'on 
nejpeut  pas  attribuer  à  Dieu.  Ils  penferoient 
différemment ,  s'ils  faifôient  plus  d'atten- 
tion à  la  nature  du  châtiment.  Dieu ,  à 
caufe  du  péché  du  premier  homme ,  a  pu , 
fans  injuftice ,  le  dépouiller  lui  &  fa  pofté- 
rité ,  des  privilèges  purement  gratuits  qu'il 
lui  avoit  accordés.  L'immortalité ,  l'em* 
pire  abfolu  fur  fes  paffions ,  le  droit  à  une 
béatitude  furnaturelle  n'étoient  point  des 
appanages  néceflaires  de  l'humanité.  Un 
Roi  peut  dégrader  de  noblefle  un  Gentil- 
homme ,  pour  le  punir  ;  fes  enfans ,  quoi* 
qu'innocens  de  la  faute  de  leur  père  >  en 
partagent  la  peine ,  fans  avoir  lieu  de  s'ea 


2o(îl  Apologie 

plaindre,  Nous  avons  traité  cette  queftlofl 

plus  iau  long  dans  un  autre  Ouvrage  (a). 

On  trouve  fort  étrange  que  Dieu  ait 
n&yé  le  monde  dans  un  déluge  univerfel , 
quil  fi  foit  repenti  Savoir  créé  Vhomme*  Il 
troupe  plus  facile  j  dit-on  ,  de  noyer  Êr  de 
détruire  ïefpèce  humaine  ^  que  de  changer  fin 
cceur  (b).  Tout  eft  également  facile  à  un 
Dieu  tout-puiflant  :  Ul  peut ,  quand  il  lui 
plaît ,  changer  le  cœur  des  pédieurs  ;  mais 
il  emploie  pour  les  coiHuire ,  les  loix  »  les 
châtimens ,  les  récompenfes  ;  parce  que  ce 
font  les  moy^ens  qui  conviennent  à  la  natu- 
re d'un  être  libre  &  intelligent,  L'Auteur 
du  Chriftianifine  dévoilé  ne  fçauroit  les  dé* 
(approuver ,  lui  qui  ne  veut  d'autre  frein 
pour\etenir  les  hommes ,  que  les  loix  civi- 
les s  les  peines  &  les  récompenfes  tempo- 
relles. Et  quel  monument  plus  propre  à 
feire  trembler  les  pécheurs  de  tous  les  fié- 
clés ,  que  les  veftiges  d'un  déluge  univerfel 
répandus  fur  toute  la  face  de  la  terre  ? 

Quand  l'Ecriture  attribue  à  Dieu  les  af- 
ferions  coi*porell^ ,  les  aâions  (hi  les  paf- 
fiûns  humaines ,  la  haine ,  la  colère ,  le  re« 


'{fl  >  Déifme  réfaté ,  Lettre  7«, 

ih}  Chtiil.  dévoilé  ^  p,  40, 5«  Lettte  à  Eugénie  >  p.  6Zp 


DE  LA  Religion,  &c»  207 
pentir ,  ces  expreffions  ne  peuvent  nous  in- 
duire en  erreur  fur  là  nature  divine.  Nous 
fomnaes  avertis  par  d'autres  paflages  for- 
mels ,  que  Dieu  eft  un  pur  efprit ,  éternel , 
immuable  ,  fouverainement  parfait.  Les 
Livres  faints  font  écrits  en  langage  popu^ 
laire  ,  parce  qu'ils  doivent  parler  à  tous , 
aux  ignorans ,  comme  à  ceux  qui  font  plus 
inftruits.  Quand  tous  lesPhilofophes  de  l'U- 
nivers fe  réuniroîent  pour  nous  expliquer 
la  nature  &  les  opérations  de  Dieu  ,  il  leuc 
feroit  impoflîble  de  trouver  dans  le  langage  ' 
humain  des  expreffions  propres  à  caradéri- 
fer  l'Etre  infini ,  •  &  à  diftinguér  fes  opéra^  . 
tidns  de  celles  des  créatures. 

On  reproche  à  la  Providence  l'inutilité 
du  déluge.  La  race  nouvelle  recommence  à 
fe  livrer  au  crime  ;  jamais  le  Tout-puiffant 
ne  parvient  à  rendre  fa  créature  telle  quil  Va 
defire.  Farce  que  les  hommes  n'ont  pas  afièz 
profité  de3  châtimens  dont  Dieu  a  ^uni  les 
pécheurs ,  s'enfuit-il  que  fa  juftice  ne.  devoit 
pas  -en  ufer  ?  Plufieurs  en  ont  été  touchés 
dans  tous  les  fiècles  ;  &  fans  ces  coups  d'é*- 
clat  )  le  défordre  auroit  été  plus  grand.  Les 
loix  civiles  &  les  fupplices  n'arrêtent  pas 
tous  les  forfaits  :  on  ne  s'avife  pas  pour  cela 
de  conclure  à  leur  fuppreffion.  Dieu  eft  in- 
finiment puiflknt^  mais  il  eft  infiniment 
jufte  &  iage  >  le  moindre  honneur  que  nous 


2o8  Apologie 

puiflîons  lui  rendre ,  eft  de  croire  qu'il  a  eu 

de  bonnes  raifons  pour  faire  ce  qu'Û  a  fait, 

La  prédileftion  de  Dieu  »  pour  le  peuple 
Hébreu ,  donne  fur-tout  de  l'humeur  à  nos 
.Critiques.  Dieu ,  difent-ils ,  partial  dans  fa 
tendrejfc  &  dans  fa  préférence  ^  jette  les 
yeux  fur  un  AJJyrien  idolâtre  ;  c'eft  Abra- 
ham :  il  fait  alliance  avec  lui  &  avec  fa  pof- 
térité.  Ceji  à  cette  race  choijie  que  Dieu 
révèle  fes  volontés  ;  ceJi  pour  elle  quil  dé- 
range cent  fois  Vordrequil-avoit  établi  dans 
ïa  nature  ;  c'e/Z  pour  elle  quil  ejl  injujîe  &• 
quil  détruit  les  Nations  entières  (a).  Il  y  a 
dans  ce  peu  de  mots  trois^  ou  quatre  fauf- 
fêtés* 

:  i*^,  D  eft  faux  que  la  bonté  de.  Dieu  en- 
vers les  Hébreux  foit  une  partialités  Ce  dé- 
faut ne  peut  avoir  lieu  que  quand  il  s'agit 
d'exer&r  la  juftice.  Or  Dieu  ne  dey  oit,  p^r 
juftice,  à  aucune  Nation  y  les  bienfaits  un- 
guliers  dont  il  a  comblé  fon  peuple.  £n  lui 
accordant  une  providence  particulière ,  il 
n'a  point  cefle  de  veiller  fur  le  refte  de 
l'Univers  par  fa  providence  générale  j  de 
(donner  à  toutes  les  Nations  des  témoigna* 


~'   (a)  Chrill.  dévoilé ,  page  41.  Examea  împocranc»  c*  3  » 
ptge  »^«  5«  Leuce  â  Eugénie  »,page  6B^ 

geg 


t>È  LA  ReLIGION^,  &C.       2tOp 

ges  de  fa  bonté ,  &  des  lumières  fuffifantes 
pour  le  connoître  ;  l'Ecriture  nous  l'ap- 
prend (a)  :  &  S.  Cyrille  avoit  déjà  donné 
cette  réponfe  à  Julien  (&)•  * 

2^é  11  eft  faux  qu'Abraham  ait  été  idolâ- 
tre ;  c'eft  du  moins  uneAippofition  qui  n'eft 
fondée  fur  aucune  preuve. 

5^.  H  eft  faux  que  Dieu  ait  dérangé  l'or* 
dre  de  la  nature  pour  les  Juifs  feuls  :  la  ré- 
vélation qu'il  leur  a  donnée ,  les  prodiges 
par  lefquels  il  l'a  confirmée ,  dévoient  fer- 
vir  dans  les  deffeins  de  Dieu  à  préparer  les 
voies  au  Cbriftianifme  >  &  à  inftruire  dans 
la  fuite  des  fiècles  toutes  les  Nations  de  l'U- 
nivers. On  ne  parle  point  exaftement  d'ail- 
leurs ,  quand  on  dit  que  Dieu  a  dérangé  > 
pour  les  Hébreux ,  l'ordre  de  la  nature  :  il 
a  feulement  fufpendu^  pour,  quelques  mo- 
mens  le  cours  de  certaines,  caufes  naturel^* 
les  particulières ,  fans  que  cette  fufpenfioa 
ait  rien  dérangé  dans  le  refle  du  monde. 

4"^.  Il  eft  faux  que.  Dieu  ait  été  iiijufl:e  ; 
en  fe  fervant  des  Juifs  pour  détruire  des 
Nations  entières.  Elles  avoient  mérité  pat 
leurs  crimes  d'être  traitées  avec  cette  rif 
gueur  :  Dieu  étoit  le  maître  de  choifir  lei^ 
infirumens  de  fa  vengeance.   • 


mmmmmmÊmmitÊÊmim 


•  ia)  A$k^  14^  fr^« 


y 


ara  Apologie 

Il  eft  également  faux  que  tantôt  Dieu 
hait  les  Hébreux  fans  motifs  ,  ^Que  tantôt 
il  les  aime  fans  plus  de  raifan.  Toutes  les 
fois  que  Dieu  les  a  punis ,  ils  l'avoient  mé- 
rité par  leur  défobéidance  à  fes  loix  & 
par  leur  idolâtrie  tlibn  peut  en  croire  l'a- 
veu qu'ils  en  font  eux-mêmes  dan^  leurs 
propres  Livres». 

$.  r- 

A  toutes  ces  fuppofitions  fauflès  ,  l'Au- 
teur ajoute  uae  calomnie.  Il  nous  fait  dire 
^ue  Dieu  ,  dans  Vimpojfihdité  où  ilfe  trouve. 
-de  ramener  à  lui  un  peuple  pervers  j.  quil 
-chérit  avec  opiniâtreté  ,  lui  envoie  fin  pro^ 
prefiU  ;  qu^ilfa  trouve  dans  Pimpuijfance  de 
faruvu  le  genre  humain  fans  facrifier  fan 
fKoprefib  (a).  Jamais  un  Chrétien  n'a  cru 
ni  enfeigné  que  Dieu  ait  été  dans  l'impof- 
£bilité  de  fauver  les  honmies ,  autrement 
que  par  l'incarnation  &  la  mort  de  fonûls» 
il  pouvoit  fans  doute  pardonner  le  péché 
par  pure  miféricorde  ;  il  pouvoit  le  punir 
ieulement  par  des  cbâtimens  temporels  ;  il 
pouvait ,  par  des  grâces  puiflantes ,  conver- 
tir &  fanétifier  tous  les  pécheurs  ;  il  pouvoit 
mettre  en  ufage  mille  autres  moyens  dont 
DQij^  ,n'4yons  p4s.  feulement  ridée» ,  Mais 

i— <*—*—— i—i      I       ■■        ■     ■■■■—■■  ^mm^mm^m^mÊmm-mmmÊmÊm^mmmaÊ^ 

ia)  Chtiiï.  dévoilé,  p.^ 41.  ^e  Lecire  i  Eiigéaic»  jp»  74î 


DE  LA  ReLIGÎON,  &C.      ITt 

nous  foutenons  que  celui  qu'il  a  jçhoifi ,  eft 
infiniment  fàge ,  digne  à^o,  bonté  &  de  f^ 

juftice.  .iW    .    : , 

Enfin  le  Critique  nous  impute  des  blaC- 
phème5 ,  quand  il  nous  accufe  de  croire  que 
la  Nation  farorifée  a  été  abandonnée  par  fan 
Dieu  qui  rCa  pu  la  ramener  A'  lui  i  que  mal» 
gré  les  efforts  dé  la  D ii^inité  y  fes  faveurs  font 
inutiles  ;■  que  le  plus  grand  nombre  deî 
hommes  eft  dejiiné  aux  ckâtimenréter^ 
nds  (a).  Dieu  n'a  point  abandonné  entiè- 
rement les  Juifs  ;  il  continue  de  veille^  fur 
eux ,  même  en  les  puniflànt  ;  &  il  peut  les 
ramènera  lui  quand  il  lui  plaira^ Ses  faveurs 
ne  font  point  iftutiles  'y  puifqu'ùn  grand 
nombre  rfhonvmes  en  jM-ôfite  dans  tous  les 
fiècles.  Dieu  n'a  prédeftiné  perfonhê  ^u  feii 
éternel  y  c^eft  une  erireur  de  Calvin  que  nouiS 
déteftans  y  niais  il  a  eonnu-de  toute  éternité  , 
qui  font  ceux  qui  s'y  piorigercrttt  par.  leur 
malice-Scieur împénîtenoeV  '     -  *'       ^ 

DaDs  le  titre  de  éé  chalp^tre ,  PAuteur 
nous  avoit  pronris  Ib  Mythologie  GKrétien^ 
ne j o'éft ^infi  qu'if lùi^pîude défîgner nok 
tre  Gpbyai^te  :  n^ià'il  ne  hous  a  donné  que 
fa  propre  niytbologie  yun'tiflii  d'^fardîtés^ 
dont  il  çfr  léfeul  Auteur.  Encore  a-t-il  f  aur^ 
dàce'^dé  dii*e  «n-fe^Piflànt  t  «^Ze  e/2  Phifioire 


tfl^ehriii,  iè^me;^.j^       '  '  '    —    ^    - 


ai2  Apologie 

fid^Ue  du  t)Uu  fur  lequel  le  Qiriflianifint  fi 
jbnde  :  c'eft  plutôt  l'hiftoire  fidelle  des  rêve- 
ries &  de  la  maimiie  foi  de  l'Auteuré 
;  Il  faut  que  notre  Religion  ne  foit  pas 
audî  ridicule  qu'on  voudroit  le  faire  pa- 
xoître ,  puifquç  pour  l'attaquer  avec  quel- 
^u'avantage  ,  on  eft  obligé  d'en  défigurer 
tous  les  dogmes.  Il  fuffit  de  la  montrer 
telle  .qu'elle  eft  >  pour  confondre  fes  en« 
nemis^ 

« 

D'après  le  tableau  imaginaire  que  l'Âu* 
teur  a  formé  »  il  prend  droit  d'argumenter , 
ou  plutôt  de  déclamer  contre  nous.  Il  nous 
accufe  de  n'avoir  aucune  idée  de  nos  der 
voirs;  de  méconnoître  la  juflioe  ;  de  fouler 
aux  pieds  l'humanité  ;  de  faire  nos  efforts 
pour  nous  rendre  fèmbl^bles  à  la  Divinité 
barbare  que  nous  adorons.  Sans  doute. le 
devoir,  la  juftice,  l'humanité ,  lui  ont  ipf- 
piré  ce  langage  plein  de  bile  ^iç  les  calom-* 
Jiies  dont  il  nous  honore*  r 

Quelle  indulgence  ^  dit-il ,  Vkomm^  ç/?  -  'i 
en  droit  d'attendre  d'un  Dieu  qui  na  pas 
épargné  fon  prppre  JiLs  i  Qt^eUe  in4ulgcnce 
ï homme  Chrétien  aurait-il  pour  fon  fimbla-- 
hle  ?  Difons  mieux  avec  S.  Paul ,  quelle,  in- 
dulgence l'homme  ne  doit-il  pas  attendre 
d'un  Dieu  qui  nous  a  aimés  juiqu'a  donner 


Ï)E  LA  ReLIGIOIî,  &C.      11^ 

fori  fils  Unique  pour  notre  falut  (a)i  Quelle 
charité  le  Chrétien  ne  doit  il  pas  avoir  pour 
fon  fèmblable ,  lorfqu'ilyvoit  le  fils  de  Diea 
prier  pour  fes  bourreaux  ?  Dieu  ne  lui  pro- 
met miféricorde  qu'à  cette  condition  :  par- 
donne^  j  &  vous  fer  ^  pardonné  (b)^ 

L'Auteur  ajoute  dans  une  note  ,  que  îe 
mort  du  fils  de  Dieu  eft  moins  une  preuve 
de  fa  bonté ,  que  de  cruauté ,  &  d'une  ven- 
geance implacable.  On  ne  peut  concevoir  ^ 
dit-il ,  qu^jin  Dieu  bon  ait  fait  mourir  un  Dieu 
innocent ,  pour  appaifer  un  Dieu  jujîe  (  c  ). 
Âflurément  on  ne  le  conçoit. pas ,  quand 
on  admet  trois  Dieux  ;  mais  un  Chrétien 
qui  croit  &  adore  un  feul  Dieu  bon  & 
jufte  >  conçoit  qu'il  s'eft  fait  homme  pour 
nous  donner  ,  par  une  viâime  ég^e  à  lui^ 
même  »  de  quoi  fatisfaire  à  fa  juftice  ,  non- 
feulement  pour  nos  péchés  j  mais  encore  pour 
ceux  de  tout  le  monde  (d).  Il  comprend  ,^v 
avec  S,  Paul ,  qtre  Dieu  étoit  en  /.  C.  pour 
fe  réconcilier  le  monde  (  e  )  :  que  dans  ce 
myftere  Dieu  a  fait  éclater ,  non  pas  1^ 
cruauté  ou  la  vengeance  d'un  juge  irrité  , 
mais  la  bonté  Êr  la  miféricorde  d'un  fauveur 


*>Mll 


id)Kom.  8, 5ï. 
{h)  Lue  6,  37. 
ic)  Chrift.  dévoilé,  p.  44^ 
.  ( d)  Joan,  2.  f  u 


'214  A? ot  oaiE 

&  iP un  père  (a).  Le  langage  du  Chrîftîa^ 
nifme  eft  toujours  contradiâoire  à  celiû  de, 
noci;e  Critiqiw, 

«•7- 

Il  prétend  que  notre  morale  ne  peut  être 
tonftante  &  certaine;  qu'elle  doit  varier 
comme  la  conduite  du  Dieu  que  nous  fai* 
Ions  proféflîon  d'adorer.  En  effet  ^  dit-il , 
€e  Dieu  n^eji  pas  toujours  injujîe  Ér  cruel  ; 
tantôt  il  exerce  fur  l*  homme  fes  fureurs  arbi-^ 
tr aires ,  Gf  tantôt  il  le  chérit  malgré  fesfau^ 
tes.  Ce  Dieu  immuable  eft  alternativement 
agité  par  V amour  Gr  la  colère  ;  par  la  ven^ 
geance  &*  la  pitié  ;  par  ta  bienveillance  &* 
le  regret.  lî  ordonne  àfon  peuple  la  fraude  j; 
le  vol  y  le  meurtre  ;  dans  £  autres  occafîoru  A 
défend  ces  mêmes  crimes.  Ce  Dieu  s^appelle 
à-la-fois ,  le  Dieu  dès  vengeances  &*  ie  Dieu 
des  miféricordes  ;  le  Dieu  des  armées  fir*  /e 
Dieu  de  la  paix ^  &c.  Cette  objeâîonpa-r 
roît  fi  (blide  à  l'Auteur ,  qu'il  la  Tépète  en- 
core dans  deux  autres  endroits^ (^h).  Elle 
eft  copiée  dans  le  Militaire  Philofopke(c).  . 
Le  leâeur  apperc€?vra  fort  aifèment  ^ 
qu'ici  l'on  n'attaque  pas  feulement  l'idûK 


Ka)  ÂiTiu  % ,  A^ 

(&)Chap.  lo,  p.  1  joçôcchap;  tr,  p.  r4tv     '  i 

(  c  )  Chap    1 , p.  19,  &  chap.  10 ,  p.  1 5S  i»  Lettre  i^>30r 
£<nie,  p.  45  &  5  i«-Comftgion  facréc  >  c  f  >  f  ;  p^*.^    -  ^  -  ^ 


DE  LA  Religion,  Se.  21Ç 
que  les  Livres  faints  nous  donnent  de  Dieu  ^ 
&  la  croyance  chrétienn/^ ,  mais  encore  la^ 
Providertce  divine  connue  par  la  raifon  ^ 
que  c'eft  le  vrai  langage  de  FAthéifme  qui 
continue  jufqîi'à  la  fin  du  chapitre  ;  que  tour 
homme  qui  croit  un  Dieu ,  eft  oblige  d'y 
répondre  avec  nous. 

N'eft-il  pas  certain  qu'il  y  a  fur  la  terrô^ 
des  hommes  malheureux  ^  fans  qu'ils  parqiP 
fent  Pavoir  mérité ,  d'autres  qui  profperent 
malgré  leurs  crimes  j  qu'il  y  a  eu  des  Na* 
tioiis  vaincues ,  écrafées ,  exterminées  par 
d'autres  i  que  la  profpérité  &  les  vidoirea 
de  certains  peuples  ont  fouvent   été  le 
fruit  de  la  fraude  >  de  la  violence ,  de  la; 
trahifon,  du  parjure?  L'Hiûoire  ancien-^ 
ne  &  moderne  en  fournijQTent  des  preuves 
continuelles.  Ou  il  y  a  une  Providence 
qui  gouverne  le  monde  ,  qui  difpofe  des: 
événemens ,  qui  difiribue   le   bien  &  le 
mal  aux  hommes ,  ou  il  n'y  en  a  point»- 
S'il  y  en  a  une,  elle  eft  refponfable ,. non*- 
feulement  de  toutes  les  injirilices  qui  coa-^ 
vrent  la  face  de  la  terre ,  mais  encore  det 
toutes  ces  alternatives  de  bonheur  &  det 
malheur  qui  arrivent  aux  hommes^  &  ;  fe^ 
Ion  le  j:aifonnement  de  notre  Auteur  ^ 
noifâ  fommes  autorifés  à  imiter  fa  con- 
duite.  Si  la  Providence  n  a  pomt  de  part 
à  ce  qui  arrive  ici  bas  y  toUt  eft  l'èâet  du 


f 


^    -"■- 


ftitf  Apologie 

haiàrd  ;  il  n'y  a  point  de  Dieu  :  c'eft  l'ar- 
gument de  tous  les  Philofophes  contre  les 
£picuriens. 

Dans  l'Iiypothèfe  d'un  Dieu  conferva- 
teur  &  fouverain  arbitre  du  monde  ,  fom- 
mes-nous  en  droit ,  malgré  tous  les  défor- 
dres  qui  y  régnent ,  de  Taccufer  de  partia- 
lité ,  d'inconftance ,  d'injuftice  ;  de  lui  re- 
procher qu'i/  e/î  alternatwement  agité  par 
t amour  &  la  colère  »  par  la  vengeance  &  la 
pitié  ;  quU  n  a  Jamais  dans  fa  conduite  cette 
uniformité  qui  caraâérift  lafagejfe;  en  un 
mot ,  de  vomir  contre  lui  tous  les  blafphè- 
mes  fortis  de  la  plume  de  notre  Auteur? 
Ils  retombent  fur  lui  feul ,  qui  ne  veut  point 
admettre  une' autre  vie  où  l'ordre  fera  ré- 
tabli &  la  Providence  juftifiée. 
^    Le  ciel  &  la  terre  peuvent  être  anéantis , 
félon  l'expreflîon  du  Prophète  ,  fans  que 
Dieu  change  pour  cela  (  ^  ).  De  toute  éter- 
nité il  a  réfolu ,  pour  chaque  moment  de 
leur  durée ,  les  divers  événemens  qui  y  arri* 
vent ,  &  fes  décrets  font  immuables  ;  il  a 
prévu  toutes  les  adions  des  créatures  intel- 
ligentes &  libres;  &  cettç  connoiilance  eft 
infaillible*  Si  quelquefois  l'Ecriture  femble 
attribuer  à  Dieu  un  changement  de  volonté 


DE  LA  Religion,  Se.    aiy 

&  de  conduite ,  elle  le  fait  pour  fe  propor- 
tionner à  notre  manière  de  concevoir;  mais 
elle  nous  enfeigne  en  même  temps  l'immu- 
tabilité de  Dieu.  Je  fuis  le  Seigneur ,  dit-il 
lui-même^  je  ne  change  jamais  (a).  Dieu 
n'ejl point  femblable  à  V homme ,  pour  mentir 
eu  pour  changer  de  volonté;  peut-il  manquer 
de  faire  ce  qu'il  a  dit  »  ou  daccêmplir  ce 
qu'il  a  promis  (b)  ?  Ses  ordres  font  ji^/les 
&•  irrévocables  ,  établis  pour  toute  téter-z 
nité  (  c  ). 

C'eft  donc  en  vain  que  l'Auteur  attribue 
à  l'inconfiance  de  la  conduite  de  Dieu ,  la 
prétendue  incertitude  de  la  morale  :  Texem- 
pie  qu'il  en  donne ,  eft  très-mal  choifi.  Juf- 
qu'ici  y  dit-il ,  les  Chrétiens  n'ont  jamais  pu. 
Convenir  entr^eux  j  s'il  étoit  plus  conforme  à 
la  volonté  de  Dieu  de  montrer  de  P indulgence 
aux  hommes ,  que  de  les  exterminer  pour  des 
opinions»  En  un  mot ,  c^fi  un  problème  pour 
eux  9  de  fç  avoir  s' il  ejîplus  expédient  d'égor^ 
ger  &  d^ajfajjîner  ceux  qui  ne  penjent  point 
comme  eux,  que  de  lesùijfer  vivre  en  paix  , 
&•  de  leur  montrer  de  l'humanité  (d).  On 
ne  peut  pas  calomnier  d'un  ton  plus  ferme  » 

fgmmtmimmmmimmmmmmmmmÊaimmmmmmmmmmmmmmmmm^''l9tUlfl^'^^''tl^lKmB 

(  a  )  ÎAalach.  5 ,  C. 
{h\  Num*  13  «  i9" 
(OP/iio,  8. 

(  d)  Chrift.  dévoilé ,  ^ .  4^.  i«  Lettre  i  Enigénie ,  p.  itf« 
ConugioD  facrée  ,  c,  2,  p,  10  5  &  c.  ^ ,  |^.  ;• 

Tome  h  ï! . 


ni8        '^    Apologie 

ni  avec  des  expreflions  plus  énergiques* 

Si  un  homme  fe  contentoit  d'avCtb  des 
opinions  fingulieres  >  fans  les  faire  connoî- 
tre ,  perfonne  ne  pourroit  les  deviner:  il  eft 
impoflîble  qu'on  ait  jamais  inquiété  qui  que 
ce  foit  pour  de  (impies  opinions.  Si  cet 
homme  fe  bornoit  à  les  dévoiler  fans  opi- 
niâtreté &  fans  pallîon ,  la  charité  chrétien- 
ne engageroit  tout  le  monde  à  le  plaindre , 
&  on  travaitleroità  l'inftruire.  Mais  lorfque 
de  prétendus  Philofophes ,  entêtés  d'opi- 
nions pernicieufes,  fe  donnent  la  licence  de 
dogmatifer  ,  d'écrire  ,  de  calomnier  d'in- 
lulter  à  la  Religion  &  à  ceux  qui  la  profef- 
fent,  comme  fait  l'Auteur  dp  Chrijlianifme 
dét^oilé;  quand  ils  travaillent  comme  lui 
à  fapper  les  fondemens  de  la  morale ,  de 
la  fubordination,  de  la  fociabilité  ;  alors  on 
doit ,  non  pas  les  aflaffiner  ou  les  égorger , 
cela  n'eft  jamais  permis ,  mai«  leur  faire  fu- 
bir  juridiquement  les  peines  f^ortées  par  les 
loix  contre  les  fanatiques  &  les  féditieux. 
Ce  font  des  Empoifonneurs  publics.  Voilà 
fur  quoi  tous  les  Chrétiens  conviennent  »  ce 
<jue  penfent  tous  les  hommes  raifonnables , 
ce  que  les  Philofophes  mêmes  avouent. 

On  enfeigne  dans  Y  Encyclopédie  que 
ce  l'Athéifme  publiquement  profefle  eft  pu» 

»  niflàble ,  fuivant  le  droit  naturel 

sD  L'homme  le  plus  tolérant  ne  difconvien- 


1 


! 


DE  LA  Religion,  &c.  215^  ^ 
»  dra  pas  que  le  Magiftrat  n'ait  droit  de  ré-  * 
»  primer  ceux  qui  ofent  profeflèr  l'Athéif- 
»  me ,  &  même  de  les  faire  périr  ,  s'il  ne 
»  peut  autrement  en  délivrer  la  fociété..,. 
»  Si  le  Magiftrat  peut  punir  ceux  qui  font 
»  du  tort  à  une  feule  perfonne  ^  il  a  fans 
»  doute  autant  de  droit  de  punir  ceux  qui 
a>  en  font  à  une  fociété,  en  niant  qu'il  y  ait 
»  un  Dieu,  ou  qu'il  fe  mêle  delà  conduite 
»  du  genre  humain  ;  pour  récompenfer  ceux 
3»  qui  travaillent  au  bien  commun ,  &  pour 
»  châtier  ceux  qui  l'attaquent  ^(a). 

Les  ridicules  outrageaos,  les  impiétés 
groflîeres ,  les  blafphèmes  contre  la  Re- 
ligion f<5nt  puniflàbles  ,  félon  l'Auteur 
d^ Emile i  pourquoi?  parce  «  qu'a,lors  on 
i>  n'attaque  pas  feulement  la  Religion ,  mais 
»  ceux  qui  la  profeflent  ;  on  les  Infulte  ;  Dn 
»  les  outrage  dans  leur  culte  ;  0^  marque 
»  un  mépris  révoltant  pour  ce  qu'ils  refpec- 
»  t«nt,  &  par  confequent  pour  eux.  De  tels 
»  outrages  doivent  être  punis  par  les  loix, 
»  parce  qu'ils  retombent  fur  les  hommes , 
3>  &  que  les  hommes  ont  droit  de  s'en  ref- 
fentir»(t). 

L'Auteur  même  du  Traité  fur  la  Tolé^ 
rance  avoue  que  le  Gouvernement  eft  en 


C  a )  Eûcyclop.  arr.  Athéifine* 

ib)  Cin<iuicmc  Lcurc  éaitc  4c  la  Montagne ,  p.  i^y* 

Tij 


520  Apologie 

droit  de  punir  les  erreurs  des  hommes,  dès 
qu'elles  troublent  la  fociété.  «  Elles  trou- 
»  blent  cette  fociété ,  dit-il ,  dès  qu'elles  inf- 
30  pirent  le  fanatifme  :  il  faut  donc  que  les 
»  nommes  commencent  par  n'être  pas  fana- 
»  tiques  pour  mériter  la  tolérance  »  (a). 
Or  y  eut'  il  jamais  un  fanatifme  mieux  ca- 
raâérifé  que  celui  qui  a  didé  le  ChriftianiJ^ 
me  dévoilé,  V Examen  important ,  le  Die-!' 
tionnaire  Philofophique ,  &:c.  &Ci  Lf s  Ayi-^ 
teurs  de  ces  Livres  rie  font-ils  pas  coupa^ 
blés  des  divers  attentats  que  l'on  reconnoît 
ici  mériter  une  punition  exemplaire  ? 

§.  S. 

Jamais  on  n'a  penfé  que  la  conduite  de 
Dieu ,  dans  le  gouvernement  de  l'Univers , 
dût  fervir  de  règle  aux  hommes,  ou  que 
les  loix  dg  la  juftice  fuflent  les  mêmes  pour 
Dieu  &  pour  nous,  a  La  juftîce  de  l'homme , 
»dit  très- bien  F  Auteur  d'Fmi/e,  eft  de 
»  rendre  à  chacun  ce  qui  lui  appartient  ;,  & 
»  la  juftice  de  Dieu ,  de  demander  compte 
»  à  chacun  de  ce  qu'il  lui  a  donné  »  (b). 
L'homme  doit  faire  à  fes  femblables  tout 
le  bien  qu'il  peut ,  parce  que  fon  pouvoir 
eft  bornç  ;  il  eft  abmrde  que  Dieu  faftè  à 
fes  créatures  tout  le  bien  poflible  9  parce 

(a)  Traité  fur  la  Tolérance,  chap,  x 8,  p.  170, 
ih)  Emile  f  iome  $  f  p.  88. 


i 


DE  LA  Religion,  &c.  12:21: 
que  fa  puifTance  eft  infinie.  Bâyle  a  fenti 
Févidence  de  ce  principe ,  &  s'en  eft  fervi 
pout  répondre  à  fes  Critiques  ;  mais  il  n^a 
pas  vu  que  ce  principe  même  fournit  la  fo- 
lution  à  toutes  fès  difficultés  fur  l'origine 
du  mal  (a).  ' 

Les  notions  que  la  raifon  &  la  foi  nous 
donnent  de  la  conduite  du  fouverain  Maî^ 
tre  de  toutes  chofes  ,  ne  peuvent  donc 
avoir  aucune  influence  fur  4a  morale  ;  cette 
morale  ne  peut  être  variable  :  elle  étoit  irré- 
vocablement fixée  pour  les  Juifs  par  leurs 
loix  ;  elle  l'eft  pour  les  Chrétiens  par  l'E- 
vangile ;  &  pour  nous  mieux  apprendre  à  la 
pratiquer ,  un  Dieu  fait  homme  eft  venu 
nous  en  donner  l'exemple. 

L'Auteur  n'eft  point  fatisfaît  de  cette 
réponfe  ;  il  eft  faux ,  félon  lui ,  que  la  juf- 
tice  de  Dieu  ne  foit  point  la  juftice  de 
l'homme.  En  effet ,  dit-il ,  les  hommes  ,  en 
attribuant  la  juftice  à  leur  Dieu^  ne  peuvent 
avoir  Vidée  de  cette  vertu ,  quen  fuppofant 
qi^elle  reffemble  ,  ^ar  fes  effets  ^  à  la  juftice 
de  leurs  femblables.  Si  Dieu  n^eft  point  juftt 
comme  les  hommes ,  nous  ne  fçavons  plus 
comment  il  Veft ,  Gr  nous  lui  attribuons  unç 


(a)  Voyez  la  Rép.  i  M,  le  Clerc,  tome  4  des  Réf.  a\i 
Provincial ,  p.  40, 


Tiij 


} 


^22  Apologie 

qualité  dont  nous  rC avons  aucune  iâét(a)' 

Ceft-à-dire ,  nous  n'avons  pas  de  la  jut 
tîce  divine  une  idée  claire  >  entière  ,  par- 
faite ,  parce  que  les  attributs  d'un  être  infini 
furpafTentnéceflairement  notre  foible  intel- 
ligence :  nous  en  avons  feulement  une  no- 
tion confufe ,  par  comparaifon  avec  la  juftice 
humaine ,-  comparaifon  qui  n'eft  pas  exaâe* 
L'idée  de  la  juftice  humaine  n'eft  point 
tirée  de  la  juftice  divine  ;  c'eft  tout  le  con- 
traire :  nous  avons  naturellement  l'idée  de 
l'égalité  ou  de  la  fubordination  qui  doit 
régner  entre  les  hommes  ;  elle  fert  à  nous 
donner  une  notion  confufe  de  la  juftice 
divine  ;  &  celle  -  ci  nous  eft  infiniment 
mieux  connue  par  la  révélation.  Dieu  nous 
avertit  que  fes  voies  Êr  fes  dejfeins  ne  font 
pas  Us  nôtres  (b)  ;  &  quand  L  G.  nous 
exhorte  dans  l'Evangile  à  être  mifericor^ 
dieux  ù*  parfaits  comme  le  père  cétifte(c)i 
on  comprend  aflèz  que  la  conformité  ne 
peut  pas  être  entière. 

Si  l'on  nous  dit  y  contfnue  le  Cenfeur  de 
la  Providence  5  que  Dieu  ne  doit  rien  à  fes 
créatures  ,  on  le  fuppofe  un  tyran  j  qui  ri  a 


(a)  Chrift.  dévQiIé,  p.  47.  Militaire  Philofophe>  6.  S, 
p.  79.  ic  Lettre  à  Eugénie >  p.  47.  Contagion  facrée  >  c.  x>, 
p.  140. 

(&)  //  55  .  8- 


DE   LA  ReLIGI  on,  &C,      223 

de  règle  que  fort  caprice  9  qui  ne  peut  dès-^ 
lors  être  le  modèle  de  notre  jujiice  j  qui  n^a 
plus  de  rapport  av^ec  nous  ,  vu  que  tous'  les 
rapports  dijoivent  être  réciproques.  Si  Dieu  ne 
doit  rien  à  fes  créatures  ^  comment  celles-ci 
peuvent-belles  lui  devoir  quelque  chofe  (a)? 

i^  C'eft  abufer  des  termes ,  que  -d'ap- 
peller  réciproques  les  rapports ,  c'eft-à-dire , 
les  devoirs  entre  Dieu  &  nous.  Il  efi  le, 
maître  de  nous  accorder  plus  ou  moins  de 
bienfaits;  niais  nous  ne  fommes  pas  les  maî- 
tres de  lui  rendre  plus  ou  moins  d'obéif- 
fance  &  d'hommage. 

2.^.  En  fuppofant  que  Dieu  ne  nous  doit 
rien  ;  fi  réellement  il  nous  fait  du  bien  , 
fommes-nous  difpenfés  de  la  reconnoif- 
fance  ?  Plus  le  bienfait  eft  gratuit ,  plus  il 
exige  de  gratitude  de  notre  part. 

3^  Je  réponds ,  avec  T Auteur  d'EmiZe , 
que  Dieu, doit  à  fes  créatures  tout  ce  qu'il 
leur  promit  en  leur  donnant  l'être.  Or  c'eft 
leur  promettre  un  bien  que  de  leur  en  donner 
l'idée ,  &  de  leur  en  faire  fentir  le  befoin  (b)é 
Mais  quand  eft-  ce  qu'il  le  leur  doit  ?  En  cette 
vie  ou  en  l'autre  ?  Le  leur  doit-il  encore , 
s'ils  abufent  des  moyens  qu'il  leur  a  donné» 
pour  le  mériter  ? 

(a)  Chrift.  dévoilé  ,  p.  47.  i«  Lettre  à  Eugénie  ,  p.  4* 
&  SI.  Contagion  facrée >  c.  1 ,  p.  i8  5  &  c.  zo,  p^  U* 
ih)  Emile  «  corne  i ,  page  76» 

Tiv 


.  I 


2^4  Apologie 

§.  p. 

Notre  Critique  prévo;jroit  la  réponfe  ,  if 
a  tâché  de  îa  prévenif .  On  ne  manquera  pas 
de  nous  dire  que  c^eji  dans  une  autre  vie  que 
la  jujiice  de  Dieu  fe  montrera  y  cela  pofé , 
nous  ne  pouvons  ï appeller  jufie  dans  celle-ci , 
où  nous  voyons  Ji  fouvent  la  vertu  opprimée  , 
&  le  vice  récompenfé.  Tant  que  les  chofes 
font  dans  cet  état ,  nous  nefommes  point  à 
portée  d'attribuer  la  jujiice  à  un  Dieu  qui  Je 
permet,  au  moins  pendant  cette  vie,  la  feule 
dont  nous  puijjions  juger  ,  des  injujîices  paf-. 
fageres  qu'on  le  fuppofe  difpoTé  à  réparer 
quelque  pur»  Mais  cettefuppofition  nejî-elle 
pas  très-gratuite  f  Etji  ce  Dieu  a  pu  confen^ 
tir  d'être  injujie  un  moment  ^  pourquoi  nous 
flatterions-nous  qu'il  ne  le  fera  point  encore 
dans  la  fuite  ?  Comment  d^ ailleurs  concilier 
une  jujiice  auffi  fujette  àfe  démentir,  avec 
l'immutabilité  de  ce  Dieu  (a)î 

Je  n'ai  rien  fupprimé  de  1  objedio'n ,  de 
peur  qu'on  ne  m'accufat  de  Favoir  affoiblie; 
elle  fe  réduit  à  ce  raifonnement  :  S'il  y  a  un 
Dieu  jufte ,  fa  jufticedoit  fe  montrer  en  cette 
vie  comme  en  l'autre  :  or  elle  ne  fe  montre 
point  dans  cette  vie  ;  donc  il  n'y  en  a  point 
d'autre  où  nous  puiffions  efpérer  que  l'or- 


MM 


(a;  Chrill»  dévoilé ,  p.  48.  4e  LuXK  i Eugénie,  p.  xxo*^ 


DE  LA  RËLrGro!ï,&c;    S.2j^ 

dre  fera  rétabli.'  Il  eft  heureux  pour  nous 
qu'on  ne  puiflè  attaquer  le  Chriftianifme  , 
fans  frapper  du  même  coup  fur  lès  vérités 
de  la  Religion  naturelle  »  fur  la  vie  à  venir  , 
fur  les  attributs  &  l'exiftenee  de  Dieu. 

Ici  nos  ennemis  mêmes  répondront  pour 
nous.  «  Tous  ceux ,  dit  Bayle ,  qui  trouvent 
»  étrange  la  profpérité  des  médians  ,  ont 
a»  très*peu  médité  fur  la  nature  de  Dieu  ;  ils 
«'Ont  réduit  les  obligations  d'une  caufe 
»  qui  gouverne  toutes  chofês  à  la  mefure 
»  d'une  Providence  tout- à- fait  fubal terne  ^ 
»  ce  qui  eft  d'un  petit  efprit.  Quoi  donc  ? 
30  il  faudroit  que  Dieu  eût  établi  des  loi^c 
3»  conformes  à  la  nature  des  caufes  libres  » 
»  mais  fi  peu  fixes ,  que  le  moindre  chagrin 
a»  qui  arriveroit  à  un  homme ,  les  boulever- 
sa feroit  entièrement  à  la  ruine  de  la  liberté 
»  humaine?  • . .  Ceux  qui  voudroient  qu'un 
39  méchant  devînt  malade ,  font  quelquefois 
»auffi  injuftes  que  ceux  qui  voudroient 
»  qu'une  pierre  qui  tombe  fur  un  verre , 
»  ne  le  cafsât  pas  »  (a).  On  pourroit  re- 
marquer que  Bayle  fe  réfute  ainfi  lui-mê* 
me  ;  mais  ce  n'eft  pas  de  quoi  il  s'agît. 

Le  principe  fur  lequel  raifonne  fon  DiC- 
cîple ,  eft  d  une  faufleté  palpable.  Si  Dieu: 
eft  jufte ,  il  ne  doit  pas  y  avoir  un  temps 


{^)  Peafées  diverfes  fuc  la  Comète»  ^  ij^u 


aiô  Apologie 

pour  le  mérite,  &  un  temps  pour  la  té^ 
compenfe;  une  vie  d'épreuve  avant  le  mo« 
ment  de  la  félicité  :  l'homme ,  au  fortir  des 
mains  de  Dieu ,  doit  être  heureux  &  l'être 
toujours  :  il  répugne  à  la  juftice  éternelle , 
que  la  vertu  demeure  un  inftant  fans  être 
couronnée.  Ce  paradoxe  n'a  pas  befoin 
d'être  réfuté. 

ce  On  diroit ,  aux  murmures  des  impatiens 
»  mortels  ,  que  Dieu  leur  doit  la  récom  * 
3>  penfe  avant  le  mérite  ,  &  qu'il  eft  obligé 
V  de  payer  leur  vertu  d'avance.  Oh  !  foyons 
3b  bons  premièrement ,  &  puis  nous  ferons 
a)  heureux.  N'exigeons  pas  le  prix  avant  la 
»  victoire ,  ni  le  falaire  avant  le  travail.  Ce 
aj  n'eft  point  dans  la  lice ,  difoit  Plutarque , 
a»  que  les  vainqueurs  des  jeux  facrés  font 
»  couronnés  ;  c'eft  après  qu'ils  l'ont  par- 
»  courue  ^  ia).  Aihfi  raifonnne  l'Auteur 
à^Emile.  Nous  empruntons  volontiers  les 
paroles  de  nos  adverfâii-es ,  pour  les  oppo- 
1er  à  leurs  femblables  :  la  vérité ,  quand  par 
hafard  ils  la  foutlennent ,  doit  faire  plus 
d'impreffion  dans  leur  bouche  que  dans  la 
nôtre. 

Il  n'eft  donc  pas  vrai  que  la  juftice  de 
Dieu  (oit  fujette  à  fe  démentir;  elle  garde 
invariablement  Tordre  qu'elle  a  établi  :  elle 

(a)  Emile ,  tome  5  »  p.  yS. 


DE  LA  ReLIGIOÎ^^  &C.       527 

veut  que  la  vertu  foit  éprouvée  fur  la  terre 
&  récpmpenfee  dans  l'autre  vie.  Sans  cet 
ordre ,  auffi  fage  qu'immuable  ,  la  condi- 
tion des  hommes  vertueux  feroit  la  plus 
malheureufe  ;  les  méchans  feroient  les  (euls 
heureux  &  les  feuls  fages  :  les  premiers  n'au- 
roient  point  d'efpérance ,  les  féconds  fe- 
roient affranchis  de  la  crainte  &  des  re- 
mords, 

En  vain  l'Auteur  fait ,  contre  la  bonté 
de  Dieu ,  la  même  difficulté  que  contre  fa 
juftice  2  elle  ett  déjà  réfolue  d'avance.  Si 
Dieu  eji  tout-puijjant  ;  s  il  eji  V Auteur  de 
t  ouus  cliofes  /  Jî  rien  ne  fe  fait  que  par  fin. 
ordre ,  comment  lui  attribuer  la  bonté ,  dans 
un  monde  otifes  créatures  fint  expofées  à  des 
maux  continuels,  à  des  maladies  cruelles  y  à 
des  révolutions  phyjîques  &*  morales  ;  enjin 
à  la  mort  ? 

Cette  objedion ,  fi  fouvent  copiée  dans 
les  écrits  de  Bayle ,  ne  porte  que  fur  une 
notion  fauffe  de  la  bonté  de  Dieu ,  &  fur 
une  comparaifon  fautive  que  l'on  en  fait 
avec  la  bonté  des  créatures  ;  comparaifon 
dont  Bayle  lui-même  a  fenti  le  défaut»  Un 
homme  ne  peut  pafler  pour  bon  envers  fes 
femblables,  à  moins  qu'il  ne  leur  fafle  tour 
le  bien  qu'il  eft  capable  de  leur  faire ,  &  le^ 


./• 


!2ii8  ÂPOLOâlfi 

plus  promptement  qu'il  eft  poffible  :  foft 
pouvoir  eft  la  mefufe  de  fes  bienfaits. 
Dieu ,  dont  la  puiflance  eft  infinie  ,  ne  peut 
être  jugé  félon  cette  règle  :  quelque  bien 
qu'il  nous  faflè ,  il  peut  toujours  nous  eu 
faire  davantage  :  jamais  fes  faveurs  n'au- 
ront de  proportion  avec  fon  pouvoir. 
Exiger  de  Dieu  qu'il  accorde  à  (es  créatu- 
res tout  le  bien  poflîble  ,  c'eft  tomber  en 
contradiftion* 

Dieu  pouvoir  exempter  l'homme^  de 
tous  maux  ;  il  pouvoir  ,  dès  le  moment 
de  fa  création ,  le  mettre  ^ns  un  état  dé 
béatitude  immuable  :  donc  s'il  eft  bon ,  il 
le  devoir.  FauflTe  conféquence*  Quelque 
malheureufe  que  l'on  fuppofe  une  créature 
fur  la  terre ,  peut-elle  fe  plaindre  avec  juf- 
tice  de  n'avoir  jamais  reçu  de  Dieu  aucun 
bienfait  ?  Si  elle  en  a  reçu ,  Dieu  a  donc  été 
bon  à  fon  égard  ,  quoiqu'il  ne  l'ait  pas  été 
autant  qu'il  auroit  pu  l'être.  Il  lui  réferve 
un  bonheur  plus  parfait  dans  une  autre  vie, 

$.  II. 

Nous  nWons  donc  pas  befoîn,  pour 
ûiettre  à  couvert  la  bonté  de  Dieu,  d^ attri- 
buer le  mal  à  un  génie  malfaifant ,  emprunté 
du  Magifine  des  Perfes ,  comme  l'Auteur 
en  accuie  les  Théologiens  (a).  Elle  eft  fuf- 

(a^Cluift  dévoilé,  p   50. 


DE  LA  Religion,  Sec.  22^  ' 
fifamment  à  couvert ,  dès  que  l'on  s'en  for- 
me une  idée  jufte  ,  &  qu'on  ne  la  confond 
plus  avec  la  bonté  impuiflànte  &  bornée 
des  créatures.  Il  eft  encore  moins  néceflaire 
de  recourir  à  une  (impie  permiiCon  du  mal; 
foit  que  Dieu  le  permette  ,  foit  qu'il  le  fafle 
en  nous  figeant  immédiatement  lui- 
même  ,  fa  conduite  eft  également  irrepré- 
henfible  :  jamais  il  ne  nous  afflige  fans  rai- 
fon  ;  &  les  peines  de  cette  vie  font  la  voie 
par  laquelle  il  nous  conduit  à  la  félicité. 
Sans  cette  perfuafion  confolante ,  les  juftes 
feroient  réduits  au  défefpoir. 

Malgré  les  déclamations  réitérées  de  no* 
tre  Cenfeur ,  il  eft  aifé  de  concilier  ai^ec  la 
bonté  de  Dieu  (f  avec  fa  fagejje  *  la  conduite 
que  lui  attribuent  les  Livres  faims  ;  &  ces 
ordres ,  que  l'on  appelle  barbares  é'fanguir 
naires.  Dieu  a  puni  févèrement  des  Na- 
tions coupables  &  infenfibles  à  fes  bienfaits  : 
elles  avoient  mérité  ce  châtiment ,  &  il  de- 
voit  fervir ,  dans  les  defleins  de  Dieu ,  à 
txpîff  leurs  crimes. 

On  nous  demande ,  très-mal-à-propos  ; 
comment  un  chrétien  peut  attribuer  la  bonté 
â  un  Dieu  qui  na  créé  le  plus  grand  nombre 
des  hommes  que  pour  les  damner  éternelle- 
ment (a)?  Il  ne  faut  pas  nous  prêter  une 

■ 

(a)  Chrift.  dévoiié,  p.  ^15  &  €.8 ,  p.  104.  4e  Lettre  ^ 
Eugénie  ^P*  107.  . 


h^o  Apologie 

.    opinion  que  nous  fejettons  comme  un  blaf- 
phème.  Jamais  un  Chrétien  Catholique  n'a 
penfé  que  Dieu  ait  créé  un  feul  homme 
pour  le  damner  ;  la  foi  nous  apprend  au 
contraire  que  Dieu  veut  Jincèremmt  fauver 
tous  les  hommes  {a)  ;  qu'il  leur  doi\ne  à  tous 
-    des  moyens  pour  faire  leur  falut  ;  que  s'ils 
en  abufent ,  c'eft  leur  faute  &  non  la  fienne. 
A  la  vérité,  nous  n'avons  pas  aflèz  de  lu- 
mières pour  connoître  ces  moyens  en  dé- 
tail ,  pour  démêler  les  voies  par  lefquelles  la 
Providence  conduit  chaque  Nation  ;  &  à 
plus  forte  raifon  ,  pour  ailîgner  les  fecours 
qu'elle  fournit  à  chacun  des  hommes  en 
/^particulier  :  c'eft  en  ce  fens  que/i  conduiti\ 
[eft  pour  nous  un  myflere  impénétrable  ;  &  il  -^ 
ne  nous  eft  point  du  tout  néceflaire  de  la 
pénétrer.  Il  nous  fuflSt  de  fçavoir  que  Dieu 
eft  le  père  de  tous  (b);  qu^il  ne  peut  faire  in-- 
juftice  à  perfonne  (c)  ;  quil  rendra  à  cha- 
cun félon  f es  œuvres  (d  )•  Ces  vérités  confo- 
îantes  ,  dont  la  raifon  ne  pouvoit  avoir    i 
qu'une  connoiflance  confufe  ,  nous  ont  été    j 
tlairement  enfeîgnées  par   la  révélation. 
Quand  elle  ne  nous  auroit  appris  rien  autre 
chofe ,  c'en  feroit  aflèz  pour  nous  rafliirer  ^ 


(d)  T.  Tim.  1  >  4. 
ih)Ephef,^y  6. 
(c)  Hebr,  6 ,  10.  Rom*  3  ,  j. 
id)  Matth.  16917. 


DE  laReligion,  &c.     23 1 

pour  flous  tranquillifer ,  pour  nous  faire  bé- 
nir cette  Providence  aimable  contre  la- 
quelle l'Auteur  a  blafphémé  dans  tous  ce 
chapitre. 


CHAPITRE    V. 

De  la  Révélation, 

§.  I. 

^  E  feroît  ici  le  lieu  de  prouver  la  nécef- 
fité  &  l'exiftence  d'une  révélation;  mais 
nous  avons  traité  ces  deux  queftions  dans 
un  autre  Ouvrage  (  ^  )  :  le  leâeur  nous  dit 
penfera  de  répéter  nos  preuves^  Avant  que 
ae  les  attaquer ,  nos  Critiques  devroient 
éclaircir  du  moins  un  fait  inconteftable.  Il 
y  a  dix-huit  cens  ans  que  tous  les  peuples 
étoient  plongés  dans  l'idolâtrie  la  plus  groC- 
fiere  :  à  l'exception  de  la  Nation  Juive ,  au- 
cune autre  n'adoroitunDieu  unique, Créa- 
teur &  fouverain  Seigneur  de  toutes  chofes. 
Son  exiftcnce  même  n'étoit  enfeignée  pu- 
l^liquement  dans  aucune  école  de  Philofb^ 
phie.  L'immortalité  de  l'ame ,  les  peines  & 
les  récompenfes  de  la  vie  à  venir ,  commu- 

——■————*■■  ■■■■■■■Il         ■  i^^mammmmmmmimmmmm 

(a)  Déifine  réfuté ^  Lettfes  &  &  )* 


â3^  Apologie 

nément  admifes  par  le  peuple,  étoîent  atta- 
quées par  les  plus  célèbres  Philofophes ,  de 
même  que  les  vérités  les  plus  efTentielles  de 
la  morale.  D'un  coin  de  la  Judée  il  fort  tout- 
à-coup  une  poignée  d'hommes  obfcurs  & 
fans  lettres ,  qui  annoncent  tous  ces  dog- 
mes comme  une  doârine  révélée  de  Dieu , 
&  qui  parviennent  à  la  répandre  ,  de  ma- 
nîçre  qu'elle  s'eft  perpétuée  jufqu'à  nous.  Si 
Dieu  n'a  eu  aucune  part  à  cette  révolution, 
comment  a-t-elle  pu  être  projettée  ,  pour- 
fui  vie  ,  exécutée  ?  Voilà  fur  quoi  des  Ecri- 
vains pleins  de  fàgacité ,  de  lumières  ,  de 
pénétration ,  de vroient  nous  înftruire  ;  au- 
cun ne  nous  a  encore  expliqué  ce  phéno- 
mène impo/tant.  L'Auteur  du  Chrijiianif- 
me  dévoilé  propofe  quelques  doutes  ;  mais 
il  n'a  pas  feulement  effleuré  la  queftion. 

Nous  convenons  avec  lui  qu'on  ne  peut , 
fans  le  fecours  de  la  raifon ,  connoître  s'il 
eft  vrai  que  la  Divinité  ait  parlé.  Mais  cPun 
autre  côtéj  dit-il ,  la  Religion  Chrétienne  ne 
profcrit  -  tlk  pas  la  raijon  ?  N^en  défend-^ 
tlle  pas  ïufage  dans  Vexamen  des  dogmes 
merveilleux  qu^elle  nous  préfente  (û  )  ?  Il  y  a 
ici  une  équivoque  puérile  ;  &  l'on  confond 

■'■  I       I     ——i————^———— —————— 

(a)  Chrift.  dévoilé,  p.  çi.  Militaire  Phîlofophe,  c.  t; 
if  Lettre  i  Eugénie,  p.  6.  Contagion  fâchée,  c.  4  »  p.  ^i  ^ 
^c.  î,p.^5. 

deux 


DE    LA  Rel1(3ÏON,&Ç.    '^3f{ 

(deux  efpèces  d'examens  très-différens  ;  l'e- 
xamen des  preuves  de  la  révélation ,  &  l'e- 
xamen des  dogmes  révélés.  La  Religion 
Chrétienne ,  loin  d'interdire  à  la  raifon  l'e- 
xamen des  preuves  de  la  révélation ,  enfei- 
gne  au  contraire  qu'il  eft  néceflaire  à  tous 
les  hommes  ;  &  c'eft  le  principe  d'où  noua 
fommes  partis  en  commençant  cet  Ouvra- 
ge. Nous  foutenons  encore  que  cet  examen 
ne  demande  ni  des  réflexions  abftraites ,  ni 
des  difcuflions  fçavantes  ;  que  les  faits  fut 
lefquels  l'exiftence  d'une  révélation  eft  ap-» 
puyée ,  font  d'une  certitude  &  d'une  noto-  ' 
riété ,  telle  que  le  plus  ignorant  des  hommes 
peut  aifément  s'en  convaincre  (  a  ). 

JDès  qu'il  eft  certain  qu'un  dogme  eft  ré- 
vélé ,  la  Religion  Chrétienne  interdit  à  la 
raifon  l'examen  de  ce  dogme;  ou  plutôt  la 
raifon  elle-même  nous  fait  fentif  que  nous 
devons  le  croire  f^ns  autre  e^tamen.  Dieu  a 
pu  nous  révéler  dés  clïofes  irtcompréhenfi- 
blés ,  mais  il  n'a  pas  pu  nous  tromper  en 
les  révélant  ;  nous  deyens  ajouter  foi  à  fa 
parole  j  malgré  toutes  les  difficultés  que 
l'on  peut  former  contre  ces  dogmes.  C'eft 
la  raifon  elle-même  qui  nous  ordonne  de 
foumettre  nos  foibles  lumières  à  la  révé- 
lation. Nous  ayons  démontré  ce  point  ef- 

(0)  Certitude  des  preuves  du  Oîiriih.  c.  1 1 ,  $.  i« 


.«t 


^54  Af^OLOGIÉ 

fentiel  dans  la  réfutation  du  Délfme  (a)i 
l'Auteur  de  V Examen  de  la  Religion  ,  attri- 
bué à  Sabt-Evreïnont,  convient  que,  quand 
la  raîfon  a  reconnu  que  Dieu  parle  j  elle  doit 
fe  taire  Gr  écouter  (h). 

Avant  de  pouvoir  juger  de  la  révélation 
divine ,  dit  notre  Auteur ,  Hfaudroit  avoir 
une  idée  jujie  de  la  Divinité  ;  mais  oà  puifer 
cette  idée  ,  Jinon  dans  la  révélation  elle- 
it  i,  mime ,  puifque  notre  raifen  ejl  trop  foible 
pour  s'élever  jufqu  à  la  connoiffanee  de  ÎEtre 
fuprême  ?  Ainjî  la  révélation  elle-même  nous 
prouvera  V autorité  de  la  révélation^  Autre 
ibphifme  dont  l'airtifice  eft  aifé  à  décou- 
vrir,' 

Avant  de  pouvoir  juger  de  la  révélation 
divine ,  il  faut  avoir  une  idée  juûe  de  la  Di- 
vinité 2  cela  eft  vrai.  Aiifli  la  raifon  feule 
nous  apprend  que  Dieu  eft  Têtre  bon ,  jufte , 
fage  i  incapable  de  nous  tromper  :  il  eft 
faux  qu'elle  foit  trop  foible  pour  s'élever 
jufques-Ià ,  &  qu'il  foit  befoin  d'une  révéla- 
tion pour  nous  donner  cette  connoiflànce. 
Selon  S.  Thomas  &  tous  les  Théologiens , 
c'eft  un  préliminaire  qui  doit  précéder  la 
foi  à  la  révélation  (c). 

(a)  Première  Lettre.   • 

.{h)  Chap.  I  z ,  p.  140.  Voyez  encore  p.  18  ^  54  >  xo4* 
ic)  upart»  £.  1  ^  an»  %  j  adprimum» 


DE  LA  RELi(?ION,  &C.      2^^. 

§•  5?* 

Selon  le  même  Critique ,  Us  Livm  qui 
àevreient  nous  éclairer  ,  Gr  auxquels  nous 
devons  foumettre  notre  raifon  ,  ne  nous  don^ 
nent  point  de  Dieu  des  idées  précifes  :  c^ejl 
un  amas  de  qualités  contradiSoires ,  &  une 
énigme  inexpliquable*  Dieu  Uii-mêmefe  peint 
comme  injujle ,  faux ,  dijfimulé,  tendant  des 
pièges  aux  hommes  jfeplaifant  à  les  féduire, 
à  les  aveugler  ^-à  les  endurcir ,  fatfant  des 
Jjgnes  pour  les  tromper ,  répandant  fur  eux 
Vefprit  de  vertige  &*  d'erreur.  Ainfi ,  dès  les 
premiers  pas  ï homme  eji  jettté  dans  la  dé- 
fiance ;  il  nefçaitjî  Dieu  veut  le  tromper  ^ 
comme  il  en  a  trompé  tant  d'autres ,  defon 
propre  aveu  (a). 

Jamais  Auteur  n'a  raifonné  avec  tant  de 
confiance  fur  des  fuppofitions  &  des  alléga- 
tions faufles.  I**.  Il  fuppofe ,  contre  la  véri- 
té ,  que  les  Livres  faints  font  deftines  à  nous 
înftruîre  fans  autre  fecours.  Le  texte  feul 
de  ces  Livres  ne  fuffit  point ,  fans  Tenfei- 
gnement  toujours  fubîîftant  de  l'Eglife , 
établie  de  Dieu  pour  nous  en  donner  le  vrai 
fens.  S'il  y  a  dans  l'Ecriture  des  expreflîons 
obfcures  »  capables  de  nous  donner  une 


ic)  Chrîft.  dévoilé,  pag.  n«  'e  Lettre  à  Etigénîe>  p.  8j. 
Lettres  Philof.  4e  Toland ,  ».^^. 

V  i; 


a^6  Apologie 

faufle  idée  des  attributs  de  Dieu  &  de  (â 
conduite  ;  outre  qu'elles  font  expliquées  par 
d'autres  paflàges  >  c'eft  de  l'Eglife  que  nous 
en  devons  recevoir  l'intelligence ,  &  l'Egli- 
iè  ne  nous  trompera  jamais. 

2.^.  11  n'eft  pas  vrai  que  Dieu  foit  f  epréfenté 
dans  les  Livres  faints^  fous  les  traits  odieux 
qu'il  plaît  à  notre  Auteur  de  raflfembler  :  ces 
Livres  nous  en  donnent  des  idées  toutes 
contraires.  Ils  nous  enfeignent  que  Dieu 
eft  non-feulement  bon  &  miféricordieux , 
mais  eflèntiellement  vrai  (  a  )}  &  félon  l'ex- 
preffion  du  Prophète ,  qu'il  eft  le  Dieu  de 
la  vérité  (  è  )  ;  qu'il  n'eft  point  femWable  à 
l'homme  ,  ni  capable  de  mentir  (c)  ;  que 
fes  arrêts  font  la  juftice  même  (d);  qu'il  eflî 
fidèle  dans  toutes  fes  paroles ,  &  faint  dans 
toutes  fes  "œuvres  (e).  J.  C.  nous  a  répété 
les  mêmes  chofes  dans  l'Evangile  ;'&  la  rai- 
fon  feule  nous  en  fait  fentir  la  vérité. 

Vainémen  t  l'Auteur  a  eflàyé  dans  une  not^ 
de  prouver  fon  aflèrtion  (/).  Dieu  ,  dit-il , 
permet  qu^  Eve  foit  féduite  par  leferpeht.  La 
queftion  eft  de  fçavoir  >  fî  Dieu  n'avoit  pas 


ia)  Exoi,  54,  6, 

{h        Pf,     iOy6, 

(  C)  Num,  1  j  ,  '  ^, 

(d)  DeuT,  3  ',4. 

(e)  Pf.  1.4,  15. 

if)  Chtia,  dévoile ,  pagç  j j. 


t)E  LA  Religion,  &c;  1^57 
donné  à  Eve  des  lumières  &  des  forcée 
iiiffifantes  pour  réfifter  à  la  fédudion ,  &  fï 
elle  n'abuia  pas  volontaîrement  de  ces  fe- 
çours.  Nous  foutenons  que  cela  fut  aînfi  ^ 
fans  quoi  Dieu  n'auroit  pas  pu  la  punif. 

Il  eft  dit  d'a:illeurs ,  que  Dieu  endurcit  le 
tœur  de  Pharaon  ;  mais  il  eft  dit  auflî  que 
ce  fut  Pharaon  lui-même  qui  endurcit  foiï 
propre  coeur ,  en  réfiftarit  aux  prodiges  que? 
Dieufaifoit  pour  le  toucher.  Nous  difons 
dé  même  qu'un  père  a  perdu  fa  famille  , 
qu'il  a  plongé  fes  enfans  dans  le  libertinage  ^ 
quand  il  ne  les  en  a  pas  empêchés. 

Dans  l'Evangile  J.  C^  eft  appelle  une 
pierre  d'achoppement  ;  &  il  n'a  été  tel  à  l'é- 
gard des  Juifs ,  que  par  leur  malice  obfti- 
née  :  J.  C.  leur  reproche  qu'i/5  ferment  les 
yeux  pour  ne  pas  voir  >  &  leurs  oreilles  pour 
ne  pas  entendre  ;  qu  ils  craignent  d^être  tou-- 
chés  &*  convertis  (a).  Tous  ces  pafTages 
doivent  donc  infpirer  à  l'homme  de  la  -dé-^ 
fiance:  non  pas  à  l'égard  de  Dieu,  mais  à 
legard  de  lui-même. 

Inutilement  encore  l'Auteur  prétend  que  "^ 
le  Chrétien  doit  être  alarmé ,  lorf qu'il  voit     ] 
hs  difpuîes  interminables  de  fes  guides  fa^ 
crés ,  qui  jamais  n'^ont  pu  s^ accorder  fur  la 
façon  à? entendre  les  oracles^ précis  d'une  Di^ 


9 


(a)  Matth,  ij  ^  ij;, 


./ 


/ 


a^S  AjpoLoGîE 

pinité  qui  seft  expliquée  (û).  Le  ,C0fpS  A^% 
Pafteurs  ne  di^ute  point  fur  les  dogmes  de 
la  foi  ;  fon  enfeignement  eft  conft^int ,  uni- 
forme, perpétuel,  univerfel.  Si  quelques 
Particuliers  ont  excité  des  difputes  &  for- 
mé des  Sedes ,  c'eft  qu'ils  ont  oublié  la  rè- 
gle que  J.  C,  a  établie  pour  maintenir  l'u- 
nité de  la  foi:  ils  ont  voulu  entendre  la  ré- 
vélation ,  non  Telon  le  fens  de  l'Eglife ,  mais 
félon  leur  propre  fens  :  leur  erreur  prouve 
que  la  règle  établie  par  J.  C.  eft  néceflaire , 
&  non  pas  qu'elle  eft  faufle  ou  douteufe. 
Les  hérétiques  font  des  hommes  qui  ont 
voulu  porter  dans  les  matières  de  Religion, 
l'efprit  pointilleux  &  opiniâtre  des  Philo- 
fophes. 
V  Eft-ce  à  ces  Meffieurs  qu'il  convient  de 
nous  reprocher  des  difputes  ?  Y  a-t-il  un 
feul  dogme  connu  par  la  lumière  naturelle, 
fur  lequel  ils  ne  difputent  entr'eux  ?  Y  en 
a^t-il  un  feul  contre  lequel  ils  n'aient  fait 
des  Livres  ?  Le  fîmple  fidèle  qu'ils  veulent 
arrachera  fesgiii^ej/icr^j ,  feroit  fans  doute 
beaucoup  plus  afluré  de  fa  créance ,  s'il 
écoutoit  les  leçons  des  ennemis  de  la  Re- 
ligion.   . 


r 

(  A  )  Chrift.  dévoile ,  p.  54.  4c Lettre  à  Eagénie,  p.  54* 
Contagion  facréc ,  c.  i ,  p.  i  j .  # 


DE   t  A  fl  E  L  I  G  ï  Ô  «,  &C.      ^\jp. 

ç.  3. 

Ce  n'eft  pas  une  petite  affaire  de  comp-^ 
ter  les  fauflètés  que  l'Auteur  accumule  pouï' 
foutenir  fon  paradoxe. 

I®.  D  eft  faux  que  Dieu  n^a  prétendu  fe 
faire  connaître  qu'à  quelques  étresfavorifés  y 
tandis  qu'il  a  voulu  rejler  caché  pour  le  rejîe 
des  mortels  ,  à  qui  pourtant  cette  révélation 
étoit  également  nécejfaire(a).  Dieu  ne  veut 
être  caché  à  perfonne  ;  il  veut  au  contraire 
que  tous  les  hommes  foient  fauves ,  &•  par^ 
viennent  à  la  connoijance  de  la  vérité  (b)é 
Il  donne  à  quelques-uns  plus  de  facilités  & 
de  fecours  pour  l'acquérir;  mais  il  n'eft  au- 
cun homme  qui  eft  foit  abfolument  privée 

2.^é  II  eft  faux  que  Dieu,  faute  defema^ 
nifefler  à  tant  de  Nations  ^  ait  caufé  ^  pendant 
une  longue  fuite  de  (îècles  ,  leur  perte  nécefi 
faire.  Dieu  n'a  jamais  manqué  de  fe  mani- 
fefter  plus  o^  moins  à  toutes  les  Nation»: 
nous  l'avons  déjà  obfervé  après  S.  Paul  (  c  )• 
Si  elles  fe  perdent ,  c'eft  leur  faute  de  n'a- 
voir pas  profité  du  degré  de  lumière  que 
Dieu  leur  avoit  donné. 

3  Ml  eft  faux  que  Dieu  punit  des  millions 

id)  Chrift.  dévoilé,  p.  54.  i»  i.cttrc  â Eugé»ic,  p.  J^« 
Contagion  facréc,  c.  1,  p.  30, 
(fc)  I.  Tim,  i,  4.  -^ 


d^liommes  pour  avoir  ignoré  des  loix  fecfet^ 
tes  quil  n*a  lui-même  publiées  quà  la  déro-' 
bée ,  dans  un  coin  obfcur  (s*  ignoré  de  ïAfie* 
Dieu  Ile  punit  point  l'ignorance  involon- 
taire ;  il  ne  damnera  aucun  homme  ,  pout 
avoir  ignoré  l'Evangile ,  à  moins  que  cet 
homme  n'ait  eu  des  moyens  de  le  con-» 
noître. 

La  juftîce ,  l'humanité  ,  la  bonne  fôî  ; 
permettent-elles  à  un  Ecrivain  d'imputet 
au  Chriftianifme  des  opinions  que  tout 
Chrétien  condamne  &  détefte  ,  que  jamais 
aucun  Théologien  Catholique  n'a  foute-* 
ïiues?  Quelle  idée  pouvons*  nous  conce- 
voir du  caradere  de  nos  ennemis ,  quand 
nous  conGdérons  leur  procédé  ?  Quel  mal 
leui*  a  fait  cette  Religion  divine ,  pour  la 
calomnier  avec  autai\t  de  fureur  ? 

Il  n'eft  doricpas  vrai  que  lorfqu'un  Chré- 
tien confulte  les  Livres  révélés ,  tout  doive 
confpirer  à  le  mettre  en  gatdô  contre  le 
Dieu  qui  lui  parle  :  il  n'eft  pas  vrai  que  fon 
Dieu ,  de  concert  avec  les  interprètes  de 
fes  prétendues  Volontés ,  femble  avoir  for- 
mé le  projet  de  redoubler  les  ténèbres  d« 
fon  ignorance  {a)i 


mimÊmmmmmattmÊmmÊiÊÊmim 


ia)  Chrift,  dévoilé,  page  55. 


S-  4» 


Comment  en  effet  l'Auteur  prouve-t-îl 
tette  prétention.  D^eu ,  dit-il.»  ria  révélé 
^ue  des  myjieres^  cefî-i-dirt^des  chofes  inao 
ceffibles  à  Nfprit  humain  ^  il  ne  s'eji  donc 
révé'é  que  pour  demeurer  inconnu.  Cette, 
objeâion  eft  répétée  trois  fols  dans  le 
cours  de  l'Ouvrage  (a> 

I®.  Il  eft  faux  que  tout  foît  myftere  dans 
la  révélation.  Elle  nous  a  fait  connoître  plus 
clairement  les  principaux  attributs  de 
Dieu ,  que  h  Philofophie  avoit  ièulemenc 
apperçus  confufément:  elle  nous,  a  convain- 
cus de  l'immortalité  de  l'ame ,  vérité  eflèn- 
tielle,  que  les  Philofophes  avoient  obfcur- 
cie  par  leurs  difputes(^)«  Elle  nous  a  en« 
feignes  une  morale  plus  pure  &  plus  par- 
faite que'celle  des  Philofophes  ;  &  loin  a  en 
faire  un  myftère ,  elle  l'a  mife  à  la  portée 
<les  fîmples  &  des  ignorans  (c). 

2?.  U  eft  faux  que  les  myfteres  mêmes  ne 
fervent  qu'à  rendre  Dieu  plus  inconnu* 
Quoique  je  ne  comprenne  point  le  fond  du 
myftere  de  l'Incarnation ,  il  me  donne  une 
grande  idée  de  la  puiffajice  >  de  la  fagefle , 


i  <tf)Chri(l. dévoilé, p.  t^>c.i$  p.  ^4«€.7;  P*  51&5S* 

(B)  Dia.  Philof.  art.  Ame, 

(  c)  Difcours  prélîm.  de TEncycIop.  Mém.  de  Litt.  tofl^t 
il?P  4»»     . 

Tomêlt  ^ 


'•^^^  Apologie 

,  téxpSè  a  douter  fi  les  trois  angie,s  d^un  trian- 
gle font  4gaux  à  ideux  xiroits  ;  encore  les 
;at^ciçns  Pyxrhonjiens  faifoîent  ils  femblant 
ide  ne  pas  en  être  fûrs.  Ces  mêmes  Gçome- 
xres  ne  laifleiat  pas  de  xlifputer  fur  d'autres 

^/queftions  Mathématiques ,  &  de  prétendre 
qu'il  y  a  des  démonftratîons  pour  &  con- 
tre :  tout  comme  les  Philofophes  difputent 
fur  l'exiftence  de Piei; ,  f^r  la  providence, 
Cyr  1.^  fpirituajité  ,  l'immortalité ,  la  liberté' 
jdç  notre  ame,  fur  la  diftinâion  du  tien  & 
du  mal  moral ,  quoique  ces  vérité  fpient 
(démontréçs^ 
.    Il  n'eft  donc  pas  furprenant  que  ces  ro^- 

.  mies  vérités,  révélées  dans  laBibU^  aient  en- 
coH  befoin  JU  commentaires ,  (jt^manient  des 
luT^ieres  d'enhaut  pour  être  crues  (^  enten^ 
dues ,  foient  piatiere  de  conteftation ,  trou- 
vent  dçs  contradide^urs.  Lçs  hommes  dii  • 
putoiçnt  avant  la  révélation  ;  ils  difputent 
il  préfent ,  ils  difputerpnt  toujours ,  parce 
qu'il  Y  aiira  toujours  des  efprits vains,  poiii- 

.  filiaux ,  opiniâtres ,  qui  pe  veulent  point  ^ 
îiçligion, 

Fi^tigué  d^^avoîr  raîfonné  une  fois  ^  î  Au- 
teur recommence  à  déclamer.  Peu  content 
(ies  mjjierçs  contenus  dans  lés  Livres  [acres ^^ 
Us  Prêtnf  df^  Çhrijlianifme  m  ont  im^^m 


t>É    tA  RïLI<5TÔÏT,&(ï.     ^f 

iè  Jîècle  en  fiècle  j  que  leuts  Difciples  fonf^ 
obligés  de  croire,  quoique  leur  fondateur  &  ' 
îêur  Dieu  n^en  ait  jamais  parlé  (a).  Tels 
font ,  félon  lui ,  les  myfteres  de  la  Triftite  >- 
de  rincarnatîon ,  Tefficacité  des  Sacreniens' , 
fur  lèfquels  J.  C.  ne  s'eft  jamais  expliqué  ; 
&  c'eft  ce  que  répètent  tous  nos  incré-* 
dules(i> 

Ils  peuvent  en  irtipofer  à  ceu:?^  qui  n'ont 
jamais  ouvert  l'Evangile.  Un  Chrétien  me-' 
dîocrement  inftruit ,  fçait  que  J.  G,  a  or- 
donné à  fes  Apôtrôs  de  baptifer  toutes  h^ 
Nations  au  nom  du  Père,  du  Fils  &*  du: 
S.  Efprit  (c).  Il  noua  a  dit>  pat  l'organe^ 
de  fon  Apôtre  S.  Jean  ,  quily  a  trois  per-* 
formes  qui  rendent  témoignage  dans  le  Ciel  > 
le  Père,  le  Verbe  &*  le  S.  Efprit  ;  Gf  que  ce^ 
trois  font  une  même  chofe  (d).  Le  même 
Apôtre  commence  fon  Evangile  par  nous 
apprendre  qu'au  commencement  le  Verbe 
étoit  eit  Dieu  >  qu^il  étoit  Dieu  y  qu^il  shfi' 
fait  chair  (c).  Voilà  ce  que  nous  croyons 
fous  le:  nom  de  Trinité  &  d'Incarnation» 


(fl)Chri{ï.  devoité ,  p.  çS. 

fft  )  Examen  important ,  c.  jy  &  57.  Examen  de Saîntw 
Evremonc  >  chap.  4.  Traicé  fur  Ja  Tolérance ,  c.  1 1  >  p.  s-y* 
£)icL  Philof.  arc.  Chrifiianifme*  EfTai  fucrHlft.  gcn.  (omp 
I ,  c.  17'  &c 

(  c  )  Matth,  xi  J  z^v 

(J)  ujoan.  î,7,* 

{t)Joan,  i, 

Xiij 


34(^  AtotOGtl 

J»  C»  a  déclaré  que  cdui  qui  croira  &  rtu^ 
$nra  le  Baptême ,  ferafaupé  (a);  que  celui 
qui  mange  fa  chair  vivra  éternellement  Çh^f 
que  les  péchés  feront  remis  à  ceux  qui  a»» 
ront  été  abfou^  par  fes  envoyés  (c)  ;  que 
Dieu  forme  entre  Us  époux  une  union  que 
les  hommes  ne  peuvent  pas  rompre  (i).  Seâ 
Apôtres  enfeignent  que  Vimpofition  de  leurs 
mains  donnoit  la  grâce  &*  le  S.  Efprit  (e)i 
que  VonBion  des  malades  leur  remet  les  pé^ 
thés  (f)é  Voilà  ce  que  nous  pro&iibns  eot 
core  fut  l'efficacité  des  Sacremeûs* 

C'eft  une  calomnie  d'avancei^  que  dans 
la  Religion  Chrétienne  toutfemble  abandon^ 
né  à  Vïmagination  ^  aus6  caprices ,  aux  déci4 
fions  arbitraires  de  fes  Minifbres  ^  qui  s^arro* 
gent  h  droit  de  forger  des  nyjieres  Gr  des 
articles  de  foi  j  fuivant  que  leurs  intérêts 
t exigent.  Quel  intérêt  peuvent  avoir  les 
Miniftres  de  la  Religion  à  forger  des  myi* 
teres ,  pour  être  oWigés  de  les  croire  eux- 
mêmes  »  comme  les  (impies  fidèles  auxquels 
ils  les  enfeignent  ?  Par  des  accufations  fem- 
blables ,  nos  adver faires  fe  couvrent  d'un 
ridicule  éternel. 


MMM» 


ia)  MarCi  16,  i€. 
ih)  Joan.  <?,  5$* 

ii)Matth,  19,6. 
ie)Aa  8,  t7,efir. 
if)JacQH7ffii* 


»1t   LA  l^ÈttétOVi  icCé^    S47 

Se  ol 

Ënfm  rAuteut  daChtijUMi/me  dévoilé 
attaque  la  certitude  de  la  i^évélàtioû  ;  & 
c'eft  par-là  qu'il  aurait  dû  commencera 
Dieu ,  nous  dit-oâ ,  a  parlée  Hy  ^  àts  ndh 
Uers  d^  années  ^  à  dts  hommzs  choifîs  qu'il  a 
rendus  fis  organes  /  mais  comment  s^ajhrer 
ùl  eji  vrai  que  ce  Dieu  ait  parlé  ^Jihon  eft 
sUn  rapportant  au  témoignage  de  ceux  mê* 
mes  qui  difint  avoir  reçu  fis  ordres  (  a  )  ?, 
L'objeâion  n'eft  pas  nouvelle. 

Nous  fbmmes  afïurés.  que  Dieu  a  parié 
par  X  C.  &  par  fes  Apôtres  >  non  pas  feu- 
lement par  leur  fimple  témoignage  ,  mais 
par  leur  témoignage  appuyé  de  miracles 
éclatanSk  Nous  fommes  certains  de  ces  mi« 
fades  par  tous  les  monumens  qui  peuvent 
fervir  àconftater  des  faits:  i^  par  ladé- 
pofition  dos  témoins,  oculaires  &  irrepro* 
thables  ;  :2i^  par  l'aveu  de  leurs  plus  grands 
ennemis  ;  3^  par  les  effets  que  ces  miracles 
ont  produits;  par  les  établillèmens  auxquels 
ils  ont  donné  lieu ,  &  qui  ûibfifteftt  encore  ; 
en  un  mot  par  la  révolution  qu'ils  ont  cau-^ 
fée  dans  l'Univers.  Le  monde  eft -il  de» 
Venu  Chrétien  tout  -  à  -  coup  ,  fans  caufe 
&  fans  motif,  par  une  infpiration  fu- 


U)  Chcift,4cvoiii«pacç  f9h 

X IV 


2Uf$  .Aï  O  £  t>  6  TB 

bite,  ou  par  un  travers  d'efprit  unrvèrfel  ? 
Il  ne  fert  de  rien  de  dire  que  ces  inter- 
prètes des  volontés  divines  font  des  hom- 
mes y  que  les  hommes  font  fujets  à  ie  tromr 
per  eux-mêmes ,  &  à  tromper  les  autres» 
Lés  4iommés  ne  fe  trompent  point  eux- 
mêmes  fur  des  faits  fenfibles»  palpables; 
publics  ,  réitérés  ;  qu'ils  ont  le  plus  grand 
intérêt  à  examiner ,  qu'il  eft  très-dangereux 
pour  eux  de  foutenir ,  fur  lefquels  leurs  en- 
nemis pourroient  incontinent  les  démentir» 
Us  ne  trompent  point  les  autres  ,  quand  it 
n'y  a  rien  à  efpérer  pour  eux  ;  quand  ils 
^expofent ,  par  la  tromperie ,  à  la  profcrip» 
tioiïyà  l'infamie,  à  la  mort;  quand  la  noto« 
riété  des  faits  rend  évidemmentla  féduâion 
impodible  ;  quand  ils  fe  montrent  d'ailleurs 
iimples,  fans  artifice ,  ennemis  de  tout  dégui- 
ièment  3  à  couvert  de  toute  paffion*  Tels  ont 
été  ceux  par  lefquels  nous  prétendons  que 
Dieu  a  parlé. 

Maïs  comment  découvrir  aujourd'hui  s^it 
eji  bien  vrai  que  Moïfe  ait  converfé  avec 
fin  Dieu  »  &  quil  ait  reçu,  de  lui  la  loi  du 
peuple  Juif^  il  y  a  quelques  milliers  d'années? 

Nous  en  fommes  certains  par  les  mirà« 
clés  que  Moïfe  a  faits  pour  prouver  fa  mif-^ 

£on  ;  &  ces  miracles  font  atteftés,  x^  pai: 


DE  LA  ReLIÔIOK,  &C.. 

toute  la  fuite  des  Livres  des  Juifs  qui  fes 
répètent,  qui  les  fuppofent,  qui  y  font  une 
allufion  continuelle  ;  THiftoire  de  Moïfe 
ne  peut  être  fauflè  ,  à  moins  que  tous  ces 
Ecrivains,  farts  exception  ;  ne  foient  autant 
d'infenfés:  2^.  par  tous  les  monuraens  ,  les 
fêtes ,  les  cérémonies ,  les  pratiques  de  la 
Religion  judaïque.  La  fête  de  Pâques  inC- 
tituée  en  mémoire  de  la  fortie  d'Egypte  y 
l'offrande  des  premiers-nés  pour  attefter  la 
mort  des  premiers-nés  des  Egyptiens;  la 
fête  des  Tabe/nacles ,  pour  rappeller  le  fé- 
jour  des  Ifraélites  dans  le  défert  ;  la  manne 
confervée  dans  le  tabernacle ,  en  témoigna- 
ge de  leur  nourriture  miraculeufe  ;  la  fête 
de  la  Pentecôte  ,  pour  faire  fouvenïr  de  la 
publication  de  la  loi  ;  le  ferpent  d'airain  , 
leçon  frappante  de  la  guérifon  des  Hé- 
breux î  les  privilèges  &  le  Sacerdoce  de  la 
tribu  de  Lévi ,  monument  perpétuel  du 
miniftere  de  Moïfe  ,  '&c.  toute  la  Reli- 
gion Juive  n'étoit  qu^une  repréfentation 
continuelle ,  &  un  Commentaire  hiftorique 
des  prodiges  du  Légiflàteur  :  fi  ces  prodi- 
ges euflent  été  fabuleux  ,  toutes  les  loix ,. 
toutes  les  pratiques  des  Juifs  feroient  autant 
d'ufages  ridicules ,  dont  on  ne  pourroit 
concevoir  l'origine  :  fi  quelqu'un  s'avifoit 
aujourd'hui  de  révoquer  en  doute  l'établit 

Cbmeat  des  Francs  dans  k$  Gaules  »  malgré: 


i;6  A  p  o  L  ô  G 1 1 

Tatteftation  formelle  du  Code  de  leuts  lobe  i 
ne  feroit-ii  pas  regardé  comme  un  infenfé  ? 
3**.  par  l'exaâitude  des  Juifs  à  obferVeir  un 
culte  gênant  &  onéreux  ^  des  cérémonies 
incommodes  &  difpendieufes ,  des  rits  fin» 
guliers  &  difiefens  de  ceux  des  autres  Na- 
tions ,  des  loix  féveres  &  qui  les  rendoient 
fouveht  odieux.  II  n'y  a  qu'un  Légiflateué 
jrevêtu  de  toute  l'autorité  Divine ,  en  état 
de  fe  faire  refpeâer  &  obéir  par  l'éclat  de 
fes  miracles  ^  qui  ait  pu  afTujettir  à  cette  ef-^ 
pèce  de  fervitude  une  Nation  auflî  intraita» 
ble  que  les  Juifs. 

Moïfe  n'eft  donc  ni  uii  entîioufiafte  *  ni 
Uiv fourbe  ^  ni  un  ambitieux ,  ni  un  men- 
teur ;  avec  un  feul  de  ces  défauts  ,  il  eût 
été^mailàcré  à  la  première  fédition» 

L'Auteur  demande^i  t^on  ptut  s'en  rap* 
porter  au  témoignage  £un  homme  >  qui  après 
avoir  fait  tant  dé  mirades  j  na  jamais  pu 
détromper .fon  peuple  de  1^ idolâtrie  ?  Mais  il 
oublie  le  portrait  qu'il  a  tracé  lui-même  de 
la  Nation  Juive  ;  il  l'a  repréfentée  comme 
un  peuple  farouche  ,  fanatique ,  fuperfti- 
tieux,  intraitable,  Eft-il  donc  étonnant 
qu'environné  de  Nations  idolâtres ,  tenté 
par  l'appât  de  leurs  fêtes  &  par  la  débauche 
qui  les  accompagftoit ,  ce  peuple  s'y  foit  li* 
vré  fi  fouvent  dans  leur  compagnie  f  On 
doit  être  bien  plus  furpri$  »  de  ce  qu'avec 


DÉ  tÀ  ftEttGiON,  &6     àft 

Un  penchant  fî  décidé  poui:  l'idolâtrie  s  où 
ait  pu  li  iratnener  âu  culte  ptefcrii  pa£ 
Moiïèé 

On  eft  indigné  de  ce  qiie  ce  Légifîateuir; 
après  avoir  fait  pafTer  quarante-fept  milld 
ïlraélites  au  fil  de  l'épee ,  a  le  froÂt  de  dé^ 
darer  qu  il  eft  le  plus  doux  des  hommes  (a)è 
i\  Doit-^on  attribuer  à  Moïfe  la  tnort  db 
Ceux  que  Dieu  a  expreflement  ordonné  de 
punir  5  tandis  que  nous  voyons  ce  Légifla- 
teur  demander  toujours  grâce  pouf  lés  cou« 
pables  ?  2^«La  hardieflè  même  avec  laquelle 
il  fe  rend  témoignage  de  fa  douceur ,  efi 
Une  preuve  qu'U  ne  ciràignoit  pas  d'être 
démenti  ;  &  dans  aucune  des  féditions  qui 
s'élevèrent  contre  lui ,  perfonne  n'ofa  Tac- 
cuier  de  cifuauték  3*".  Iveft-ce  pas  une  in- 
juftice  criatïte  de  juger  de  la  conduite  dm 
Moïfe  félon  nos  mœurs  ^  &  j>ar  celle  que 
tiendroit  aujourd'hui  unfage  Légiflateur? 

On  demande  fi  les  Livres  attribués  à 
te  Moïfe  i  qui  rapportent  tant  défaits  arri'^ 
vés  après  lui ,  font  bien  authentiques  ?  Ils  le 
font ,  &  nous  l'avons  démontré  ci -^de- 
vant (fc).  Il  eft  faux  que  ces  Livres  rap- 
portent beaucoup  de  faits  arrivés  après  I3 
mort  de  Moïfe. 


(tf )  Chrift.  dévoilé ,  p,  ^o.  piaîoAa,P^or.  art.  M(iifyi 
(&)  Chap.  2^  $•  2, 


X 


N 


*' 


a^l  k'P6t6Q\t 

Enfin ,  continue  l'Auteur  ,•  quMe  préûv6 
avons'-nous  de  fa  mifjion  yjînon  le  témoignage 
defix  cens  mille  Ifraélites  grojjiers  y  fuperfi-^ 
tieux,  ignoram  &  ifîcfédules ,  qui  furent 
peut-être  les  dupei  d!un  Légifiateur  férote  , 
toujours  prêt  à  les  exterminer  ,  ou  qui  tjl  eu- 
rent jamais  de  connoijfance  de  ce  qu^on  devoit 
écrire  par  la  fuite  fur  le  compte  de  ce  fameuse 
Légifiateur  (aJJ 

C'eft  donc  une  foible  preuve  aux  yeuK 
des  Philofophes ,  que  le  témoignage  de  fîx 
cens  mille  nommes  l  B  paroît  néanmoins 
que  ce  témoignage  pouvoit  mériter  atten- 
tion. Le  peut-être  qu'on  nous  aJlegue  ,  eft 
curieux..  Six  cens  mille  hommes  qu'on 
nous  a'  dépeints  comme  des  monflres  de 
phrénéjte^  deférocitéÇb)y  dupés  pendant 
40  ans  par  un  Légifiateur  féroce  Êr  toujours 
prêt  à  les  exterminer  :  voilà  des  mDnftresr 
bien  doux  &  bien  faciles  à  conduire  IQu'ila^ 
aient  été  toujours  prêts  à  exterminer  leur 
Légifiateur ,  cela  fe  conçoit;  mais  qu'ils  fe 
foient  laifles  fi  -patiemment  égorger  eux- 
mêmes  par  un  impofteur ,.  cela  ne  fe  com- 
prend plus. 

QuelquIgnoranSjquelque  crédu&s  qu'aient 


■•■■ 


ffl  )  CKriîl.  dévbilé,  p.  €'0.  ^^  tetiire  à  Eiigéme ,  p.  70  ; 
9l  4?  Leicre  .  p.  8ç.  Contagion  facrée^  c,  4  ,  p.  74, 
ib)  Ciiap.L^  ci  déiïus^  1.7. 


t>Ê  LA  ReLKÎIÔM,  &C.        ayj 

itê  les  Ifraélites ,  a-t-on  pu  leur  perfuader 
«qu'ils  avoient  vu  ce  qu'ils  n'avoient  pas 
vu  ;  qu'ils  ayoi^nt  fait  ce  que  Moïfe  avoit 
rêvé  ;  qu'ils  avoient  reçu  par  tradition  de 
leurs  pères  ,  ce  dont  ils  n'avoient  jamais 
oui  parler  ?  A-^t-^n  pu  les  réduire  par  des 
fables  dont  ils  fentoient  l'impoftur^,  &c  mal- 
gré leur  penchant  décidé  pour  l'idolâtrie ,  à 
4&S  loi^f  ,.à  un  culte,  à  des  moeurs  fîngulieres 
qui  les  rendoient  odieux  aux  autres  Na- 
tions ?  Du  moins  aprè.s  la  mort  de  Moïfe , 
ils  auroient  dû  y  renoncer  pour  jamais  :  ils 
y  font  demeurés  conûamment  attachés. 

Il  eft  donc  faux  que  la  miffion  de  Moïfe 
foit  feulement  prouvée  pa»  le  téipoîgnage 
.des  Ifraélites.  Elle  eft  prouvée  par  les  ef- 
fets qu'elle  a  opérés  ,  &  qui  n'ovit  pas  pu 
venir  d'une  autre  caufe  ;  par  la  fingiilarité 
des  mœurs ,  des  loix>  des  cérémonies  judaï- 
ques ;  par  la  rnultitude  de  monument  ex- 
pofés  de  toutes  parts  fous  les  yeux  des 
Juifs  qui  atteftoiçnt  Içs  miracles  de  leur  Lé^ 
giflateur. 

Il  eft  impoffible  que  ces  miracles  aient 
été  forgés  par  la  fuite ,  &  écrits  fur  le  compte 
de  Moïfe  ;  il  auroit  fallu  fuppofer  en  mê- 
pie  temps  l'ancienneté  des  ufages  relatifs 
à  ces  miracles ,  &  y  affujettir  les  Juifs  pour 
le  moment  :  &  quel  eft  le  Souverain  ,  quel 
içft  Iç  Prophète  qui  ^it  jan^ais  oféle  tçnter 


ay4  Apologîb 

Qu'un  împofteur  s'avife  aujourd'hui  de 
mettre  dans  TEvangile  que  J,  C.  après  fa 
ré(urreâion ,  a  fait  tomber  d'une  feule  pac- 
tole le  Temple  de  Jerufalem  ;  qu'en  mé^ 
moire  de  ce*miracle  l'Eglife  Chrétienne  a 
toujours  célébré  la  fête  de  la  démolition  du 
Temple  :  quel  eft  l'infenfèqui  croira  ce  pro« 
dige  »  &  qui  confentira  à  célébrer  la  fête  i 

§.  8. 

Notre  Critique  raifonne  fur  la  Religion 
Chrétienne  comme  fur  la  Religion  Juive , 
en  (e  répétant  toujours»  Quelle  prewe  nous 
donnc^t^elU  de  la  miffînn  de  Jefus-Chrijif 
Connoiffons-p*^^  fin  caraSere  &fin  tempé- 
rament? Nous  avons  déjà  dît  que  notre  Re* 
ligion  xoMt  entière ,  eft  la  preuve  de  la 
mifCon  de  J.  C«  Le  Chriftianifme  ne  s'eft 
point  établi  fans  preuve ,  fans  raifon  »  fans 
examen ,  par  un  travers  d'efprit  univerfel- 
lement  répandu  ;  quiconque  lira  l'Evangile 
fans  prévention ,  fentira  qu'il  n'a  pu  avoir 
qu'un  Dieu  pour  Auteur. 

Cette  leâbure  fuffit  de  même  pour  faire 
connoître  le  caraftere  de  J,  C;  il  s'eft  peint 
lui-même  dans  ce  Livre  ininjitable  ;  &  les 
traits  de  fa  divinité  y  brillent  de  toutes 
parts. 

Qud  degré  de  foi ,  continue  l'Auteur  ; 
pouyons-nous  ajouter  au  témoignage  dfife^ 


y 


Dj!  LA  Religion,  &c.  ^j-f 
Vifciple^  ^  qui ,  de  leur  propre  aveu  ,  furent 
des  hommes  greffiers  &-  dépourvus  defcience^ 
par  conféquentfufceptibUs  de felaijfer  éblouit 
fur  les  artifices  d'un  impùfieur  adroit  (a)? 
U  eft  fingulier  que  no5  adverftirçs  nç  fen* 
tent  p^  1^  contradidion  d^ns  laquelle  ite 
tombent.  Des  hommes  groflîers ,  dépour- 
vus  de  fçience ,  auxquels  on  daigne  à  peino 
fuppofer  le  fens-commun ,  qnt  -ils  pu  for- 
gf5  TEvangile  ?  Ou  des  hommes  capables 
d'être  Auteur^  de  ce  Livre ,  ont-ils  été  aflèz 
infenfés ,  pour  fe  perfuader  qu'ils  avoient 
vu  de  leur&yçux  guérir  des  malades,  éclai- 
rer des  aveugUs  ,  l'eflrufciter  des  morts , 
multiplier  des  pains ,  calmei  d^j  orages , 
par  une  feule  parole ,  s'il  n'en^jt  rien-? 
Ont-ils  pu  croire  fauflement  qu'ils^voient 
converfé ,  bu  &  mangé  pendant  40  ^ours 
avec  un  mort  x^îMcké  ^  &  mourir  dans 
les  fupplices  pour  attefter  ces  impoûures  > 
Un  pareil  fânatifine,  une  folie  auffi  extraor- 
dinaire eft  plus  impoffible  que  les  miracles 
mêmes. 

Que  les  Philo/ophes  fe  tournent  de  quel . 
côté  ils  voudront ,  on  les  défie  de  former 
jamais  une  fuppofition  vraifemblable.  Les 
Apôtres  pnt  été  ou  trompés  ou  trompeurs 

■  iiii.iii Il     III  I     I        ■  I  ■■    Il       I     H> 

(a)  Chrid,  dévoilé,  p.^i  ^  &  c,  ^»  p.  70*  ^eLcuieâ 
Eugénie ,  p.  79* 


F 


aj:JJ         A  p  o  L  c  G I B 

Dans  le  premier  cas ,  c'eft  J.  C,  qui  eft  l'Âu* 
ceur  de  l'impofture  :  &  quel  impofteur , 
grand  Dieu  1  qui  n'a  fait  que  du  bien  ,  qui 
n'a  prêché  que  la  vertu  /  qui  a  foufFert  en 
héros  ,  <]ui  eft  mon. en  Dieu  (a).  S'ils  ont 
été  trompeurs ,  quel  intérêt ,  quel  motif  a 
-pu  leur  foire  prendre  Jefus  pour  leur  Ido- 
le,  &  les  engager  à  inourir  pour  lui  ?  Com- 
ment dans  la  multitude  des  Difciples  qu'ils 
ont  féduits ,  ne  s'eft-il  pas  trouvé  un  (èui 
homme  afièz  éclairé  ou  aflez  charitable 
pour  les  démafquer  &  les  confondre  (b)} 
On  nous  demande  enfin  fi  le  témoignage 
A^s  perfonnes  luj^^^  inftruites  de  Jerufalem 
^    n'eût  pas  é^'^d'un  plus  grand  poids  pour  nous 
que  '  celui  de  quelques  ignorans  qui  font  oir^ 
kinaire^^nt  les  dupes  dtquiveut  ks tromper? 
Ne  i*avons-noas  donc  pas  ce  témoignage  ' 
d«s  perfonnes  les  plus  inftruites  de  Jerufe- 
lem  ?  Nous  l'avons ,  &  dans  la  conviftion 
de  ceux  qui  ont  embrafle  le  Chriftianifine,   , 
— I 

(  a  )  Nota.  Dans  une  Lettre  împrhnée  récemment ,  foos 
.  le  nom  du  plus  célèbre  de  nos  Ecrivains ,  on  a  tourné  cette 
exprcflion  en  ridicule,  ce  Comme  s'il  y  avoit ,  dit-on ,  àçs 
»»  Dieux  accoutumés  i  la  mort ,  comme  fî  on  fçavoit  com- 
*»  ment  ils  meurent ,  comme  fi  c'étoit  Dieu  qui  fût  mort  ». 
Oui,  nous  fçavons  comment  un  Dieu  meurt ,  depuis  que 
Jsfus  eft  mort.  Jefus-Chrift  eft  Dieu ,  &  J.  C.  eft  mort  ; 
c'eft  donc  une  vérité  de  foi  que  Dieu  eft  mort.  Il  eft  furpre- 
nant  qu'on  nous  donne  comme  une  exprcflion  inouic ,  la 
4oarine  même  de  nos  Catéchifmes. 
m  Voyez  ci-dciTus  chap.  j ,  5,<, 


fe  fi  L  A  R  E  L  t  G  I  O  K,  &C.       2^7 

ic  dans  la  conduite  de  ceux  qui  Fout  perfç- 
cutéé  Nicodèttie,  Jofeph  d'Arimatbiê?  ; 
Lazare  ^  Zachéç ,  le  Prince  de  Cqjhâr-^- 
naum  y  Jaïre ,  les  Prêtres  convertis  par  les: 
Apôtres,  étoient  des  hommes  înftruits  (a.)^ 
Aucun  des  chefs  de  la  Synagogue  n'a  en* 
trepris  de  convaincre  d'impofture  les  DiC- 
ciples  de  J.  G  Le  Jlencedes  Juifs  incrédules: 
n'eft-il  pas  le  plus  éloquent  de  tous  les^  té- 
moignages î 

Quand  on  répète  fans  celle  que  les  îgno^ 
r ans, font  ki dupes  de  qui  veut  les  tromper;, 
on  fait  voir  très-peu  de  connoiflancè  dur 
génie  populaire.  Le  p««çle  peut  être  peu- 
dant  quelque  temps  la  dupe  d««  pr^jmefle^ 
qu'on  lui  fait  y  mais  il  ne  l'eft  plus ,  lorfqufr 
l'effet  n'y  répond  pas.  Il  ajoute.  îbl  à  un. 
Charlatan  qui  lui  promet  de  foulager  feS' 
maux;  mais  il. ne  croit  point  un  malade, 
guéri ,  contre  le  témoignage  de  fes  yeux  ; 
l'Opérateur  prend  la  précaution  de  difpa-^ 
roître  avant  Peffet  du  remède.  Le:  peupla 
efl  aifément  dupe  ,  quand  on  le  prend  pac* 
fes  préjugés  ou  par  fon  intérêt;  mais  quand 
on  commence  par  heurter  de.  front  fes  opi- 
nions ,  &  par  luL  montrer  des  dangers ,.  il: 
n'efl  ni  fouple  ni. docile.  Nos  Philofophes 
hautains  8c  dédaigneux  regardent  ipeine  \^ 

iA)  Ccmiuifc  des  preuves  du  ChtiH  c  ^  ,  S  i* 

Tomç.L.  X 


ayS  Apologie 

peuple  comme  des  homines  :  ils  ne  le  coa-» 
noiâènt  pas  ;  s'ils  entreprenoient  de  le  con- 
duire ,  ik  deviendroient  bientôt  l'objet  de 
ies  mâ>ris»  On  ne  doit  donc  pas  nous  blâ^ 
mer,  u  >  dégoût&  des  leçons  de  ces  maîtres 
iuperbes  y  nous  nous  bornons  à  être  les  dif* 
ciples  des  ignorans  charitables  qui  fe  font 
tàçtiBés  pour  éclairer  l'UniverSt 

UAuteur  du  Militaire  Pfdhfophe  eft  é^ 
lé  plus  loin  que  celui  du  Chrijiianijme 
-^évoUé  ;  pour  détruire  par  le  fondement 
tOi&tes  tes  preuve^  <fe  la  révélation ,  il  pofe 
pour  prinp^t^é  que  des  faits  ne  peuvent  être 
établis  av^  une  parfaite  certitude  ;  que 
la  convî^-lion  qu'on  peut  en  avoir ,  n'équi- 
vaut /âmais  à  l'évidence  parfaite ,  à  la  vé«. 
rit^  claire  &  inconteftable.  Il  prétend  le 
prouver ,  parce  que  nos  fens  peuvent  nous 
tromper,  &  parce  que  tous  les  hommes 
peuvent  mentir.  Il  en  conclut  qu'il  n'y  a 
que  les  vérités  métaphyfîques  &  phyfîques 
iqui  foient  inconteftaWes ,  &  qui  arrachent 
un  aflèntiment  parfait  &  irrévocable  (a}. 
La  même  doârine  eft  enfeignée  dans  le 
Visionnaire  Philofophique  (  fc  ). 

■pu      I  )'  I— — ^Jia 

(,a  )  Militaire  Philofophc,  chap.  xi, 
(h)  Art.  Cemtudi.  Voyez  les  Addiiîona  ci-aprèj  >  ih, 
$a  du  fccoxui  volume* 


t)3B   LA   ReLICÎÏÔN,  &C*     2 fO 

Toas  tes  principes  font  démontres  faux 
içkns  laDiflèrtation  fur  la  certitude  des  faits 
ij^féré^dam'VEncyclùpédie;  le  ledeurpeut 
y  avoir  recours  ;  nous  nous  contenterons 
d'ajouter  qudques  réflexions» 

I®»  Le  Militaire  Philofopke  femble  ne 
pas  entendre  les  termes ,  quand  il  p^pce  les 
T^erités  phyjzquesau,  même  rang  que  les  ve- 
rité  métapkyjîqiies.  Celles-ci  font  fondées 
fur  révidence  &  la  connexion  nécel&ire  de 
nos*  idées  j  les  premières  portent  unique- 
ment fur  l'âtteftâtion  de  nos  feôs.  L'exif-r 
tence  &  les  propriétés  des  corps ,  par  èxem*, 
pie ,  les  loix  du  mouvoxop^nt  ^  font  des  véri-  " 
tés  phyfiques  ;  nous  n'en  fon*«^^  certains 
que  par  le  rapport  de  nos  fens  ;  fi  ce  rap- 
port eft  néceflairement  fatitif ,  il  u'y  a  plus 
de  certitude  phyfîque  dans  l'Univers». 

2.\  L'Auteur  convient  que  dans  les  ^f* 
feires  de  la  vie  ,  on  s'en  rapporte  à  dex, 
preuves  de  fait ,  parce  qiion  ne  peut  pas 
faire  autrement  ;  mais  il  eft  faux  :  qu'en 
comptant  fur  ces  preuves  ^  on  ne  préiende 
pas  rtndre  un  jugement  exempt  d'erreur.  Je 
foutiens  que  dans  les  affaires  de  la  vie,  la 
certitude  métaphyfîque  j  la  certitude^phy- 
fkjue^  &  la  certitude  morale,  font,  lur 
tout  iiomme  fenfé  ^  une  égale  imprefCon  ;, 
qu'il  y  auroit  également  de  la  folie  à  réfif- 
t^  àl'une  ou  à  l'autrei  L'ouvrier  tourment 

Yiî 


26'0  ApOLOÔlB 

té  par  la  faim  ,  &  qui  n'a  mangé  que  fe 
moitié  d'un  pain ,  eft  convaincu  par  le  fen- 
timént  intérieur  r  auffi-bien  que  par  la  clar^ 
té  de  fes  idées ,  que  là  partie  efi  moindre 
que  le  tout  :  le- laboureur  >  levé  avant  l'au-- 
rore  ,  conduit  fes  bœufs  à  la  charrue ,  fans 
être  tenté  de  douter  fi  le  foleil  viendra  éclai- 
rer fes  travaux  :  l'homme  du  peuple  reni- 
plit  les  devoirs  de  fujet ,  fans  contefter  s'il 
y  a  en  France  un  Souverain  auquel  il  doive 
payer  des  tributs  ;  il  en  eft  fûffifamment  cer- 
tain par  des  preuves  morales ,  quoiqu'il  nor 
Tait  jamais  vu.  Dans  ces  différentes  cir- 
cbaftancès ,  le^^^'^oîophe  n'agit  pas  au- 
trement cpB^^^^^  ignorant  des  hommes; 
&  s'il  fe  copdui^oit  différemment ,  il  mérî- 
teroit  d'^®  enfermée.  N'étoit>il  pas  de  la 
fageffe  i^ivine  d'établir  la  Religion  fur  les 
mêo^s  preuves  fur  lefquelles  font  fondés 
taus  les  devoirs  de  la- vie  civile ,  &  nos  in- 
térêts les  plus  chers  ^ 

3®.  Il  eft  faux  qu'en  général  les 'vérités 
métaphyfiques  arrachent  de  nous  unajfen- 
tintent  plus  parfait  &-  plus  irrévocable^  qno 
les  vérités  appuyées  fur  des  faits.  Les  véri- 
tésMe  la  Religion-naturelle,  que  le  Militaire 
Philofoph^  paroît  foutenir,  font  fans  doute: 
des  vérités  métaphyfiques  ;  il  n!y  en  a  pas: 
une  feule-  qui  ne  foit  conteflée  par  quelques, 
ÇtUpIophe.  On  a.  fait  des  Traités  expr^: 


I^E  LÀ  KlELlGXoh,  &C.      26î^ 

pour  prouver  qu'il  n'y  a  prefque  point  de.- 
vérité  métaphyfique  certaine  &  incontef- 
table  (a).  D'ailleurs  ces  vérités  ne  peuvent 
être  connues  du  plus  grand  nombre  des 
hommes  par  la  voie  du  raifonnement  ;: 
c'eft  donc  un  effet  de  la  bonté  de  Dieu  de 
les  leur  faire  connoîcre  par  une  révélatioa 
appuyée  fur  des  faits*. 


XayBîù.  Phîlof.  art.  Tout  efi  bien,  à  I*  iîn.Xcttre  dC- 
T-rafibule  à  Lcucippe,  p,  i6i  Se  171. 


•8= 


Des  preuves  de  la  Religion  Chrétienne ,  rfel 
Miracles ,.  des  Prophéties  a  àesl^^riyrs^ 

S.  1. 

X-^  Aj^s  le  chapitre  précédent  TAjuteur  iij 
Chrijlianifme  dévoilé  a  combattu  la  révéla- 
tion en  elle-même ,  &  a  fait  tous  fes  efforts 
pour  la  rendre  fufpeâe.  Il  a  prétendu  qu'elle 
eft  obfcure ,.  &  une  fource  continuelle  de 
doutes  &  de  difputes  ;  qu'elle  ne  nous  a  pas> 
fait  connoître  plus  clairement  la  nature; 
Divine  ;  que  ceux  qui  l'ont  annoncée  ne 
font  point  d'un  caraétere  propre  à  nous  fub- 
juguer.  Dans  celui-ci  il  attaque  les  fignes.. 
«Intérieurs  dont  elle,  a  éc^  dccomagnée  ^«  âC- 


â(îâ    .        AfôtùGti 

par  lefqueis  nous  jugeons  qu'elle  vient  A^ 
Dieu  t  ce  font  donc  les  titres  de  notre 
croyance  qu'il  s'agit  de  juHifier^  Sut  ces 
divers  objets  y  PAuteur  ne  montre  »  ni  plus 
d'exaâitude  >  ni  plus  de  bonne  foi  que  dans 
le  refte  de  fon  Ouvrage.  Il  raflèmble  la 
plupm  des  doutes  propof&  pair  la  foulé  d^ 
incrédules  ;  hous  retrouvons  le(S  mêmes  ob* 
jeâions  dans  les  dijfFérebs  écrits  dont  nous 
iavons  déjà  fait  mention.  Il  répète  continuel- 
lement les  mêmes  reproches  ;  il  interrompt 
fouvent  le  fil  des  matières  ;  tous  les  chapitres 
He  fon  Livre  fe  refleniblent-ur'eft  un  incon^ 
Veh^nt  pourp^>-*^^ï^^«>bligé5  de  le  fuivre 
dans  feVçc*^  Avant  d'en  venir  au  détail  ^ 
il  fait  quéiqvés  réflexions  préliminaires* 

Selon  ^1  >  1«  Chriftianifme  n'a  aucun 

âvantap^  fur  toutes  les  Religions  du  mon=^ 

de ,  itii  fe  difent  émanées  de  la  Divinitév 

VJndien  ajfurt  qut  Érama  lui  -  mêuie  ejl 

r Auteur  de  fon  culte  ;  le  Scandinave  tenait 

lefien  du  ttdoutahU  Odin.  Si  le  Juif  Csr  le 

Chrétien  ont  reçu  le  leur  de  Dieu  >  par  le 

mini/îere  de  Moïfe  &  de  Jefus ,  le  Maho^ 

métan  affurt  qu'il  a  teçu  lefien  par  fon 

Prophète  infpirédu  même  Dieu  (a). 

Il  refte  donc  à  examiner  fi  Tlndien  ,  le 
Scandinave  *  le  Mahométan   produifent 


f)E  tÀ  ÊELtGIÔ'Ni  &Ca      ±6^ 

eh  faveur  de  léulrs  Légîflateurs  les  mêmes 
preuves  que  les  Juifs  &  les  Chrétiens  allè- 
guent de  la  miffioii  fuf  naturelle  de  Moïfe 
&  de  Jefus  i  &  fi  ces  preuves  ont  les  mêmeâ 
caraâeres.  Voilà  la  quefïion  qu'un  Auteur 
exaâ  devoit'indifpenfablement  traiter  ;  il  le 
falloit ,  pour  pirocédér  eti  règle.  Celui  au- 
quel nous  répondons ,  l'a  prudemment  efquî* 
Vée  ;  on  fentbien  pourquoi* 

Qu'eft-ce  que  prouve  la  reflèmblailce  de 
prétention ^mre  les  différentes  Religions  de 
l'Uhîvers  ?  Elle  démontre  que  tous  les  peu- 
ples ont  compï^^"  ~  ^^effité  de  Tautorké 
Divine  pour  établir  une  •  jj^j^^^  ,^^;^ 

ont  rendu  hommage  au  droit  eA^iJriît  qui 
appartient  à  Dipu  de  détermir^i^  cultô 
que  nous  devons  lui  rendre,  û^pinion 
contraire  de  nos  adverfaires  choq^j^  de 
front  le  fentiment  répandu  chez  toute^^j 
Nations  qui  ont  une  Religioiu 

Toutes  les  Religions ,  dit  notre  Critique  i 
interdifint  tufage  de  la  raifon  pour  exami^ 
ner  leurs  titres  [actes.  Le  Chriûianifme  ne 
Finterdit  point}  iious  avons  prouvé  le 
contraire*  Toutes  ont  le  caraBere  de  faujfeté 
par  les  contradiSlions  palpables  dont  ellet 
font  remplies.  Nous  ofons  lui  faire  îe  défi  de 
nous  montrer  des  contradidions  palpables 
dans  notre  Religion.  Pour  toute  preuve ,  il 
répète  les  déclamations  .auxcpielles  aou$ 


3^4^  Apologïe 

avons  déjà  répondu  dans  les  chapitres  pté^ 
cédens  :  &  ce  n'efi  pas  la  dernière  fois  qu'it 
y  reviendra.- 

Il  foutient  que  la  Religion*  Chrétienne 
n'eft  point  propre  à  rendre  les  Empires 
floriilàns  ôc  puiflàns  (a):  ce  reproche  qui 
eft  ici  entièrement  déplacé ,  fera  examiné 
dans  la  fuite  (b).  Venons  à  l'objet  prin- 
cipal y  aux  (ignés  de  la  révélation» 

Article  i?remiek. 
Des  MiracUs.^ 


.  ^  v<?^;^  TAuteur,  desMiracUs.  det 
Prophéthîj^  ^^^  Martyrs  dans  touus  Ut 
Religions  *^"  ft^ondt  (  c  )•  Et  c'eft  ce  qui 
monttt»^^^  toutes  les  Religions  du  monde 
en  p-t  fenti  la  néceffité  pour  fubjuguer  les 
Jiritimes  ;  que  les  fniracles  &  les  prophéties 
lont  le  langage  qui. convient  à  la  Divinité, 
fiand  elle  veut  fe  révéler  aux  créatures. 

Il  y  a  d'ailleurs  une  différence  eflèntielle, 
&  qu'il  ne  faut  pas  perdre  de  vue ,  entre  les 
miracles  opérés  en  faveur  de  la  vraie  Reli- 
gion, &  les  prétendus  prodiges  dont  les- 


(j)  Chrift  dévoilé  ,  page  ^4, 
{h)  Chap.  14,  ci-ap.t«  $,  >. 
ic;  Page  6\y. 


MM» 


fàujûlès 


DE  LA  RSLIÇION,  &C.        ^Sf 

lauflès  voudroient  fe  faire  honneur  ;  les 
premiers  ont  été  faits  diredemeat  four 
prouver  la  miffion  d'un  homme  &  la  véri- 
té de  fa  doârine  ;  les  féconds ,  quand  on 
les  fuppoferoit  vrais  ,  ne  tiennent  à  rien  & 
ne  prouvent  rien. 

L'Auteur ,  qui  confond  tcès-mal-à-pro>' 
pos  ces  divers  prodiges ,  ne  voit  dans  tout 
cela  que  des  impofteurs  plus  rufés  &  plus 
inftriiits  que  le  vulgaire  ,  qui  le  trompent 
par  des  preftiges ,  qui  réblouiflènt  par  des 
œuvres  qu'il  croit  furnaturelles ,  parce  qu'il 
ignore  les  fecrets  de  la  nature  &  les  reffouc- 
ces  de  l'art. 

Telle  eft  fa  décifîon.  Les  miracles  de 
Moïfe  ,  les  plaies  d'Egypte  ,  le  paflàge  de 
la  mer  rouge ,  entre  les  flots  amoncelés  à 
droite  &  à  gauche  i  la  colonne  de  nuée  lu-a 
mineufe  pendant  la  nuit ,  la  mapne  du  dé-* 
fert ,  l'embrâfement  de  Sin^ï ,  les  eaux  Sor- 
ties du  rocher  >  les  féditleux  engloutis  dans 
les  entrailles  de  la  terre;  tous  ces  prodiges*, 
dont  plufieurs  étoient  journaliers ,  &^  ont 
duré  pendit  40  ans ,  étoient  des  preftiges 
ou  des  phénomènes  purement  naturels  ; 
c'eft  par  hafard  qu'ils  n'ont  pas  été  renour 
vellés  depuis  ce  temps-là. 

Il  en  eft  de  n[iême  fans  conteftation  des 
miracles  de  J.  C.  Les  Cieux  ouverts  fur  fa 
tête  à  fon  baptême  ;  les  aveugles ,  les  boi- 

Tomc  L  Z 


à66  Apologie 

teux  >  les  paralytiquçs ,  les  lépreux  guéris 
'  par  une  feule  parole  ;  les  pains  multipliés , 
les  orages  appaifés  y  les  eaux  affermies  fous 
les  pas  de  Jefus  &  de  fbn  Difciple  ;  les 
morts  refTufcités ,  font  des  effets  purement 
naturels  ou  des  tours  de  Charlatan  :  ceux 
^ui  amufent  le  peuple  aujourd'hui ,  pour- 
roient  en  faire  autant  s'ils  étoient  un  peu 
plus  habiles. 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  à  réfuter 
des  abfurdités  auflî  palpables. 

On  nous  oppofe  pour  la  féconde  fois 
que  les  miracles  de  Moïfe  ont  été  opérés 
aux  yeux  d'un  peuple. ignorant ,  crédule  , 
Hupide.  Mais  ce  peuple  ,  quelque  flupide 
qu'on  le  fuppofè  ,  avoir  des  yeux  ;  il  fufE- 
foit  d'en  avoir  pour  juger  fî  les  miracles  de 
Moïfe  étoient  vrais  ou  faux.  Falloir -il 
être  Philofophe  ,  pour  fçavoir  fî  les  Hé- 
breux vivoient  de  manne  ou  de  pain ,  fî 
l'eau  couloir  d'un  rocher  où  il  n'y  en  avoit 
point  auparavant,  fî  la  vue  du  ferpent  d'ai- 
rain guériflbit  les  morfures  venimeufes ,  fî 
on  voyoit  une  colonne  de  feu  fur  le  taber- 
nacle pendant  la  nuit, 

§.3. 

Je  puis  foupçonner ,  ajoute  l'Auteur,  que 

ces  miracles  ont  été  inférés  dans  les  Livres 

facrés  des  Hébreux  long^temps  après  la  mort 


DE  LA  Religion,  &c.     26 j 

âe  ceux  qui  auroUnt  pu  les  démentir  (a). 
Ce  foupçon  eft  abfurde ,  &  nous  l'avons 
déjà  fait  voir.  Il  faudroit  foupçonner  en 
même  temps  que  les  fêtes  &  les  cérémonies 
deftinées  à  conferver  la  mémoire  de  ces  mi- 
racles ,  font  d'une  inftitution  poftérieure  à 
Moïfe.  Il  faudra  encore  nous  apprendre 
quel  a  été  le  Légiflateur  aflez  puiflant  & 
aflez  infenfé  pour  obliger  les  Juifs  à  obfer- 
ver  des  loix  gênantes  en  mémoire  d'un 
miracle  fauflèment  imaginé,  &  dont  ce 
peuple  n'avoit  jamais  ouï  parler  :  il  faudra 
enfin  nous  expliquer  comment  une  Nation 
entière  a  pu  fe  réfoudre  à  fe  gêner  conti- 
nuellement pour  canonifer  les  rêves  d'un 
impofteur;  à  s'abftenir  de  pain  levé  pen- 
dant huit  jours  ,  fous  peine  de  mort ,  pour 
célébrer  une  pâque  on  une  délivrance  ima- 
ginaire ;  à  racheter  à  prix  d'argent  tous  les 
aînés  des  familles  ;  à  facrifier  tous  les  pre- 
miers-nés des  animaux ,  pour  attefter  fauf- 
fement  la  mort  des  enfans 'Egyptiens  ;  à 
vivre  pendant  huit  jours  fous  des  tentée 
ou  des  cabales  $  pour  fe  rappeller  la  de- 
meure prétendue  des  Hébreux  dans  le  dé- 
fert ,  &  ainfi  du  refte. 

Les  incrédules  ont  beau  faire ,  jamais  ils 
ne  rompront  la  chaîne  des  monumens  qui 


ia)  Chtift.  dévoilé ,  p,  i?^. 

Zij 


^6S  Apologib 

attellent  les  prodiges  opérés  en  faveur  4eS 
Juifs  ;  chaîne  coxnpofée  d'urie  infinité  d'an- 
neaux qu'un  impofteur  n'auroit  jamais  pu 
faire  tenir  les  uns  aux  autres.  Pour  per- 
iliader  ces  prodiges  à  un  homme  intelfi* 
gent  &  non  prévenu ,  il  ne  faut  qu'un  roi-' 
fonnement  umple  :  la  Religion  Juive  n'a 
p^  pu  s'établir  nator.çllemerit  s  donc  jMloîiTe 
#  fait  des  mir^cbs. 

S.  4. 

La  même  réponfe  détruit  encore  plus 
efficacement  les  objeftions  de  l'Auteur 
contre  les  miracles  de  J,  C«  Il  n'y  a ,  dit-il , 
qi^une  populace  ignorante  qui  puijfc  les  at- 
tejier  .•  Nous  avons  déjà  démontré  le  con- 
traire (a).  Les  Apôtres  qui  atteftent  les 
miracles  de  leur  Maître  ,  ne  font  point 
de  ces  ignorans  flupides  qui  ne  voient  ni 
n^enteodent  ;  leurs  écrits  que  nous  avons 
entre  les  mains ,  font  pleins  de  bons  fens  & 
de  fageffe.  Si  ces  prétendus  ignorans  font 
lej  Auteurs  de  l'Evangile  ^  ils  ont  été  plus 
habiles  que  tous  les  Philofophes  anciens  & 
modernes.  Leur  atteftation  efl;  confirmée 
par  Taveu  ou  par  le  filence  de  leurs  plus 
cruels  ennemis  ^  dans  des  circonftances  où 
il  étoit  de  la  dernière  importance  d'en  dé*- 

(d)  Chapûre  5  »  $•  4»  cî-deiTus* 


t)E   LA   REIilGîON,  &0        2(Jp 

niOBtrer  la  faufTeté,  &  où  rien  n'étoît  plus 
aifé ,  fi  Us  miracles  n'étoient  pas  vrais.  Ces 
mêmes  miracles  font  confiâtes  par  les  effets 
qu'ils  ont  produits ,  par  les  converfions 
qu'ils  ont  opérées,  par  notre  Religion  qu'ils 
ont  fondée,  pai^^l'Univers  entier  qu'ils  ont 
changé.  Si  ces  miracles  font  faux ,  corii- 
ment  un  feul  Juif  a-t-il  pu  fe  réfoudre  à 
changer  de  Religion ,  renoncer  à  fes  efpé- 
rances ,  fe  corriger  du  fanatifme  &  de  l'en- 
thoufiafme  que  notre  Auteur  reproche  à 
cette  Nation  ?  Quel  motif  a  pu  l'y  déter- 
miner au  préjudice  de  fon  repos  ,  de  fa 
fortune  ^  de  fa  vie  ?  Le  fophifme  continuel 
de  nos  adverfaires  eft  de  fuppofer  les  mira- 
cles de  J,  C.  rapportés  feulement  par  des 
témoins  ifolés  ,  dont  la  dépofition  ne  tient 
à  rien ,  n'eft  pas  foutenue  d'ailleurs ,  &  em- 
prunte toute  fa  force  de  la  capacité  desf 
témoins.  Cette  fuppofition  eft  fauflè  ;  il  y 
a  de  la  loauvaife  foi  à  la  renouveller  fans 
cefle. 

5.  p 

L^ Auteur  demande  comment  ilfutpojli'' 
bit  qu*un  peuple  entier ,  témoin  des  miracles 
du  MeJJîe ,  confentit  à  fa  mort ,  la  àeman-^ 
dât  mime  aveg  empreffement  ?  Il  lui  con- 
vient moins  qu'à  perionne  de  faire  cette 
queftion«  Par-tout  il  peint  Jies  Juifs  comme 

Ziij 


270  APOrOGlB 

des  monflres  de  phrenéfie  &  de  férocité  (a"), 
comme  un  peuple  aveugle  ^farouche  (b)  , 
emêtéd! une  fuperjiition  féroce  &  ridicule  (c)  , 
d'un  fanatifme  opiniâtre  ,  d^une  efpérahce 
infenfée(d)y  comme  des  féditieux  &  des 
aveugles  (e)  ;  lui  fied-  il  de  demander  en- 
fuite  comment  ce  peuptea  pu  fe  conduira 
félon  le  caradere  qu'il  lui  prête? 

Les  Juifs ,  témoins  des  miracles  du  Mef- 
'fie ,  ont  demandé  fa  mort ,  parce  que  les 
Chefs  de  la  Nation  leur  ont  perfoadé  que  fi 
on  le  lâiflbit  vivre  plus  long^temps  >  les  Ro* 
mains  viendroient  fondre  fur  Jerufalem,, 
détruiroient  la  ville  &  le  temple  ,  extermi- 
neroient  la  race  des  Juifs  (/). 

On  infifte  encore  :  Le  peuple  de  Londres 
Cf  de  Paris  fouffriroit-il  quon  mit  à  mort 
fous  fes yeux,  un  homme  qui  auroit  rejfufcité 
des  morts  ,  rendu  la  vue  aux  aveugles  ,  rc- 
drejjé  les  boiteux ,  guéri  des  paralytiques  f 
Je  réponds  d'abord  que  le  Peuple  de  Lon- 
dres &  de  Paris  n'eft  point  tel  que  l'Au- 
teur a  peint  les  Juifs.  J'ajoute  qu'à  Paris  & 
a  Londres  on  pourroit  encore  demander 

mmmmmÊmmmmmmmmmm.m  i.    ii  ■■■■  ■■— ^— — — — — ^" 

(a)  Chrill.  dévoilé  ,  page  iS,  - 

(h)  Page  II. 

(c)  Page  21.  • 

id^  Page  2 j, 

(c)  Ibid. 

<f)  Joah,  c,  1 1 ,  ^» 


•  DE  LA  Religion,  &c,  ^71 
là  mort  d'un  homme  jufté  &  qui  auroit 
fait  des  miracles ,  fi  on  fe  perfuadoit  bien 
ou  mal  que.  de  fa  mort  dépend  le  falut  de 
l'Etat.  Depuis  que  le  peuple  d'Athènes  a 
demandé  la  mort  de  Socrate ,  il  ne  faut 
s'étonner  de  rien  (a). 

C'eft  donc  très-mal  conclure  que  de  dire  : 
Si  les  Juifs  ont  demandé  la  mort  de  Jefus  > 
tous  fes  miracles  font  anéantis  pour  tout 
homme  non  prévenu.  Ces  mêmes  Juifs  qui 
ont  demandé  la  mort  de  Jefus,  s'en  font 
i-epentis ,  fe  font  convertis  en  très-grand 
nombre ,  &  ont  adoré  Jefus  comme  le 
Meffie  &  le  fils  de  Dieu.  Ils  ont  donc  rendu 
à  fes  miracles  l'hommage  le  plus  authenti- 
que. &  le  moins  fufpeâ. 

U autre  coté  ,  pourfuit  notre  Critîqye , 
ne  peut'on  pas  appofer  aux  miracles  de  Moife^ 
^inji  quâ  ceux  de. Jefus ^  ceux  que  Mahomet 
opéra  aux  yeux  detous  les  peuples  de  la  Mec^ 
que  &*  de  V Arabie  raffemblés (h), U  eft  faux, 
lelon  l'Alcoran  même ,  que  Mahomet  ait 
opéré,  aucuns  miracles;  il  eft  encore  plus 
faux  qu'il  les  ait  faits  aux  yeux  d'un  peuple 


^^m 


''  (fl)  Voyez  ia  LcÉtre  au  P.  B^rchier  fut  le  Matérialifmc,; 
(o)  Ghnil.  dévoilé,  p.  ^7.  Militaire  Philofoplie ,  c.  114 

Z  iv 


273  ApotoGii 

entier  raflembïé.  Il  déclare  lui-inéme  qtrtl 
ne  fait  point  de  miracles  ;  qu'il  eft  venu  éra** 
blir  fa  Religion  par  les  armes.  Il  eft  donc 
faux  que  reffet  des  miracles  de  Mahomet 
fftt  au  moins  de  convaincre  les  Arabes  qu*il 
étoit  un  homme  divin  :  il  les  en  a  convain- 
cus ,  en  leur  donnant  à  choifir  fa  Religion 
ou  la  mort,  a  Comment  juftifier  un  homme 
3>  qui  vous  dit  :  Crois  que  j  ai  parlé  à  F  Ange 
a»  Gabriel  j  ou  je  te  tue»  (a)? 

Il  eft  encore  plus  faux  que  les  miracles  de 
,Jefus  rHayent  convaincu  perfonne  de  fa  mip* 
fion  ;  ils  ont  convaincu  fes  Difciples  ;  ils 
ont  opéré  le  même  effet  fur  les  milliers  de 
Juifs  convertis  immédiatement  après  (k 
mort ,  &  fucceffivement  fur  tous  ceux  qui 
ont  embraffé  le  Chriftianifme* 

m 

S.  Paul  lui-même ,  dit  notre  Auteur  ,  ne 
fut  point  convaincu  par -les  miracles  dont  j 
de  fon  temps  »  il  exijîoit  tant  de  témoins  ;  il 
lui  fallut  un  nouveau  miracle  pour  convain- 
cre fon  efprit.  De  quel  droit  veut- on  donc 
nous  faire  croire  aujourd]hui  des  merveilles 
qui  riétoient  point  convaincantes ,  du  temps 
ménie  des  Apôtres;  cefl-à-dir^  *  peu  de 
temps  après  quelles  furent  opérées  î 

(  fl)  Suite  dc$  Mélanges  «le  Lîtteràt.  d'Hîft,  &  de  Phi  for. 
t.  70,  tome  5  >  p»  ijit  \oytz  iiaracà  Froiromi  ypam 
'ficundd ,  cap.  5  &  5« 


©E   LA  Rê£ÏGÏON,&C.       a7j, 

Mais  a-t-on  oublié  que  S.  Paul  lui-mênùà 
condamne  fon  incrédulité  (a)?  Il  ne  prm 
tend  donc  pas  que  les  miracles  de  J.  CX 
aient  été  infuffifans  pour  le  convaincre. 
Il  rêconnoît  qu'il  n'y  failbit  pas  aflèz  d'at- 
tention; qu'un  zèle  exceflif  de  religion  l'a- 
veugloit.  Si  après  y  avoir  penfé  plus  mûre- 
ment ,  il  n^avoit  pas  jugé  ces  miracles  eoil^ 
vaincans  &  incontefmbles ,  auroit-il  oie  les 
foutenir  en  face  des  Juifs  >  &  les  prendre 
eux-mêmes  à  témoin  de  la  vérité  &  de  la 
publicité  des  faits  ? 

D'ailleurs ,  autre  chofe  étoît  d'être  cdrt r 
vaincu  des  miracles  de  J.  C ,  autre  chofe 
d'embrafler  le  Chriftianifnïe  ;  la  conviftiort 
de  l'efprit  n'eft  que  la  première  difpoficioiii 
néceflaire  pour  rendre  hommage  à  la  véri- 
té; il  faut  encore  la  droiture  du  coeur  ;  celle- 
ci  manquoit  au  grand  nombre  des  Juifs , 
comme  elle  n:ianque  aujourd'hui  à  nos  ad- 
verfaires» 

S.  7- 

Celui  auquel  nous  répondons  >  ne  veut 
point  que ,,  pour  croire  un  miracle  ,  on  fe 
contente  des  mêmes  atteftations  que  pour 
les  autres  événemens  hiftoriques.  Un  fait 
furnaturel ,  dit-il ,  demande ,  pour  être  cru  , 


274  Apoloôib   .  . 

jles  témoignages  plus  forts  qu  un  fait  qui  n  a 
rien  contre  la  vraifemhlance  (a)*  Des  preu- 
ves ordinaires  fuffifént  pour  perfuader  que 
Jefus  eft  mort  :  elles  ne  fuffifént  plus  pour 
nous  convaincre  qu'il  eft  reflùfcité. 

Nous  avons  prouvé  dans  un  autre  Ou- 
vrage, d'après  les  Auteurs  do  V Encyclo- 
pédie ,  que  les  mêmes  preuves ,  qui  fuffifént 
pour  conftaterun  fait  naturel ,  ne  font  pas 
moins  efficaces  pour  établir  la  croyance 
d'un  miracle  (b)i  ainfi  le  principe  de  T Au- 
teur eft  abfolument  faux. 

Mais  accordons -le  pour  un  moment. 
A-t-oh  befoin ,  pour  conftater  un  fait  natu- 
rel, de  témoignages  auffi  forts,  auffi  multi- 
pliés ,  auffi  inconteftables  que  ceux  que 
nous  produifons  pour  prouver  les  miracles 
de  !•  C  ?  Le  témoignage  d'un  ou  de  deux 
Hiftoriens ,  fans  autre  monument ,  fuffit 
pour  nous  faire  croire  un  fait  naturel  :  nous 
citons  en  preuve  des  miracles  de  J.  C.  non- 
feulement  la  dépofition  unanime  &  j:onC- 
tante  de  tous  fes  difciples  ,  témoins  nom- 
breux ,  oculaires ,  irréprochables  ,  qui  ont 
répandu  leur  fang  pour  confirmer  leur  té- 
moignage ,  mais  encore  l'aveu  formel  ou  le 

(  a    Chrift.  dévoilé ,  p.  é8.  Militaire  Philofbphe ,  c.  ï  i , 

[b)  Déifme  réfute  ,  trbifièmé  Leure,  p.  144.  Rcpon(^ 
aux  Confeils  raifonnables ,  p.  6$,    *^ 


DE  LA  Religion,  &c.  Tjf 
fîlence  forcé  de  leurs  plus  grands  ennemis , 
des  Juifs ,  des  Payens ,  des  premiers  Héré- 
tiques; l'effet  que  ces  miracles  ont  produit» 
&  qui  n'a  pu  naître  d'une  autre  caufe  ;  la 
chaîne  de  monumens  que, notre  Religion 
nous  met  fous  les  yeux ,  &  qui  remontent 
jufqu'aux  événemens  dont  ils  confervent 
le  fouvenir.  Pour  quel  autre  fait  a-t-on 
jamais  exigé  cette  réunion  de  preuves  ? 

Le  même  Critique  ,  fécond  en  parado- 
xes ,  prétend  qu'en  matière  de  Religion  tous 
les  témoignages  font  fufpeds  ;  qu'un  hom* 
me  joint  fouvent  la  crédulité  la  plus  ftupide 
aux  talens  les  plus  diftingués  ;  que  le  CnriC- 
tianifme  en  fournit  des  exemples  fans  nom* 
bre  :  que  l'homme  le  plus  éclairé  voit  très- 
mal  i  lorfqu'il  eft  faifi  d'enthoufiafme ,  ou 
ivre  de  fanatifme ,  ou  féduit  par  fon  imagi- 
nation. 

Voici  ce  que  fignifie  ,  en  termes  plus 
clairs ,  cette  modefte  déclaration..  Tout 
homme  qui  a  dé  la  Religion  n'eft  plus  croya- 
ble ,  dès  qu'il  parle  en  fa  faveur  :  il  eft  tou- 
jours ,  ou  ignorant ,  ou  crédule ,  ou  fanati- 
que ,  ou  féduit  par  fon  imagination.  Il  n'eft 
dans  l'Univers  de  témoins  dignes  de  foi  que 
les  Incrédules  &  les  Athées  (<2),  Nous  devons 

(a*  Prem  ère  Lettre  i  Eugénie,  p.  ii  &  17.  Contagîoi» 
facrce,  c.  1  j  ,p.  147.  Hume >  Œuvres  PhiJof^  c  t  >p.  ^i^ 
le  240. 


47^  Afoloôie 

fçaVoîr  gré  à  ces  Meffieurs  de  leur  fincérlté; 
*  mais  de  quel  coté  eft  ici  l'ivrefle  du  fanaci(>- 
me ,  &  l'aveugle  prévention  ? 

Quand  on  admettroit  pour  uii  moment 
ce'  principe  inlçnfè ,  je  demande  encore  de 
quel  enthoufîafme  ,  de  quelle  féduâion 
polivoient  être  fîifceptibks  en  faveur  de 
J*  C ,  de  fès  Difciples ,  de  fa  doârine  ^  les 
premiers  Jui6  &  les  premiers  Payens  qui 
crurent  aux  miracles  du  Sauveur  ?  Tous 
leifrs  préjugés  »  tous  leurs  intérêts ,  toutes 
leurs  inclinations  dévoient  les  en  détour^ 
nef.  Le  préjugé  des  premiers  étoit  l'attente 
d'un  Meilie  puiflant  :  le  préjugé  des  féconds 
étoit  un  fouveraiiï  mépris  pour  les  Juifs  { 
&  il  falloit  fe  refoudre  à  adorer  un  Juif  cru^ 
cifié. 

S.  8. 

AvaDt  que  d'examiner  les  objeâions  de 
rAticeur  fur  la  poflibilité  des  miracles,  il  eil 
à  propos  de  finir  ce  qu'il  oppofe  à  leur  cer- 
titude &  au  témoignage  de  ceux  qui  nous 
les  ont  tranfmis.  Vainement  il  allègue  pour 
une  tfoifième  fois  leur  ignorance»  leur  cré- 
dulité, leur  grolSèreté  ftupide  (a):  nous 
avons  fuffifamment  réfuté  ce  reproche  (b)^ 


(a)  Chrîft.  dévoilé  *  page  70. 

{b)  Voyez  ch<  j ,  j.  8  5  le  cidelTus  $.  ^ 


>s 


DELA  REtiGlON,  &C.      277 

Ces  témoins ,  dk-  H  ^  étoientr-ils  déjinté- 
tjfés  ?  Non  ;  ils  avoimt  fans  doute  le  plus 
ijrand  intérêt  à  foUtenir  des  faits  murveiU 
eux  qui  prouvoient  la  divinité  de  leur  MaU 
rey&la  vérité  de  la  Religion  quHls  vouUient 
kabiir  (^).  A  moins  d'être  aveugle ,  peut- 
HBL  ne  pas  voir  rabfurdité  de  cette  fuppofi- 
îon  ?  Des  hommes  ignorans  >  fans  étude  « 
irés  de  la  lie  du  peuple  ,  qui  forment  le 
projet  le  plus  hardi  &  le  plus  périlleux  qui 
puiflè  entrer  dans  Tefprit  d'un  ambitieux , 
le  projet  d'établir  une  nouvelle  Religion  ; 
des  Juifs  fuj^erftitieu:»^  »  aveuglément  atta* 
chés  à  leurs  ioix ,  à  leur  culte  »  à  l'efpérance 
d'un  Libératieur  ;  qui ,  fans  raifon  «  (ans  mo* 
tifs ,  {àçs  intérêts  communs ,  forment  en- 
tr'eux  le  complot  d'anéantir  leirs  Ioix ,  de 
changer  les  idées  de  leur  Nation  !  des  Dif- 
piples  honteufement  trompés  par  un  Maître 
&natique  &  impofteur  »  qui  fe  croient  en^. 
core  intérefTés  à  fe  dévouera  fa  gloire  >  à 
foutenir  fa  divinité  aux  dépens  de  leur  repos 
&  de  leur  vie  !  Voilà  le  prodige  ridicule  , 
incroyable ,  révoltant  que  l'on  veut  fubfti- 
tuer  à  ceux  de  J.  C. 

Les  Apôtres  intérefles  à  foutenir  des 
&its  merveilleux  !  En  quoi  confiftoit  donc 

^  ■  ■      '  ■■ j        .     .j* 

<«-)  Cl\n(l.  dévoilé^  pf  70.  ^«  Lejrcreâ  Eugénie»  p.  3i 


ij^  Apologie 

cet  intérêt  ?  A  s'expofer  à  la  fureur  des 
Juifs ,  au  mépris  des  Payens ,  à  la  politique 
foupçonneute  des  Romains  ;  à  fubir  enfin 
le  même  fort  que  leur  Maître  :  voilà  tout 
ce  qu'ils  pouvoient  humainement  efpérer. 
Il  n^  a  qu'un  feul  intérêt  qui  ait  pu  les  ren- 
dre lupérieurs  à  toutes  les  craintes  humai- 
nes i  celui  de  la  vérité  &  de  la  vertu, 

§.  p. 

Ces  mêmes  faits ,  continue  l'Auteur ,  ont-- 
îls  été  confirmés  par  les  Hijloriens  contempo- 
rains f  Aucun  d'eux  rten  a  parlé  ;  &*  dans 
une  viUe  aujji  fuperftitieufe  que  Jerufalem  , 
il  ne  sefl  trouvé  ni  un  feul  Juif^  ni  un  feul 
Payen  qui  aient  entendu  parler  des  faits  les 
plus  extraorflnaires  &  les  plus  multipliés  que 
VHiftoire  ait  jamais  rapportés.  Tout  cela  eft- 
îl  vrai  ?  Nous  demandons  d'abord  à  notre 
fçavant  Critique ,  quels  font  les  Hiftoriens 
contemporains  qui  auroient  dû  parler  des 
miracles  de  J.  C  ?  Chez  les  Juifs ,  nous  ne 
connoiflbns  que  trois  Ecrivains  dans  ces 
temps-là  ;  Joféphe ,  Philon ,  &  Jufte  de  Ti- 
bériade  ,  duquel  les  Ouvrages  ont  péri. 
Nous  foutenons  que  le  premier  en  a  parlé , 
&  que  quand  il  n'en  auroit  rien  dit ,  fon  fî« 
lance  feroit  audî  éloquent  pour  nous  que 
fon  témoignage  {a).  Philon  n'eft  point  un 

»l  ■■■!■       I      III  I  — ^— — ^— é— â— 

{a)  Certitude  des  preuves  du  Chrift.  c.  i^  $.  8. 


DE  LÀ  Religion,  &c.    ^.rfg^. 

Hîftorien ,  mais  un  Philofophe  ;  il  n'a  point 
écrit  ce  qui  s'eft  pafle  de  fon  temps.  Il  a 
cependant  connu  J.  C.  &  fes  miracles. 
Anaftafe  leSinaïte,  Patriarche  d^Antioche: 
au  Cxième  fiècle ,  rapporte  d'après  Ammo- 
nius ,  Philofophe  d'Alexandrie ,  qui  vivoit 
au  troifième ,  que  Philon ,  dans  un  écrit 
contre  Mnafon ,  difciple  des  Apôtres ,  a. 
nié  la  divinité  de  !•  C  ;  mais  il  ne  nioit  pas 
ce  qu'on  racontoit  de  fon  humanité.  Il  pré- 
tendoit  que  fes  miracles  ne  fuffifoient  pas 
pour  prouver  fa  divinité ,  que  fes  fouffran— 
ces  &  fa  mort  ignominîeufe  ne  pouvoient 
convenir  à  un  Dieu  (  ^  ).  Dans  les  autres 
Ouvrages  que  les  Juifs  ont  compofés  con- 
tre J.  C.  &  dont  on  ignore  la  date  précife, 
îl§  font  formellement  convenus  de  fes  mi- 
racles Ci> 

Chez  les  Payens ,  à  Rome  ,  &  dans  toute 
la  Grèce ,  on  ignoroit  profondément  ce  qui 
fe  paflbit  dans  la  Judée.  Dès  que  les  Chré- 
tiens commencèrent  à  être  connus ,  ils  fu- 
rent calomniés  &  perfécutés  :  on  écrivit 
contr'eux  ;  mais  aucun  de  ces  Ecrivains 
n'a  ofé  s'infcrire  en  faux  contre  les  mira* 
clés  de  J.  C ,  aucun  n'a  ofé  invoquer  le  té- 


(a)  Voyez  Iç  Livre  intitulé  Odegosy  chap.  14 ,  pag«s  24 
&  1^ ,  (ians  les  Ouvrages  de  GrecréTi  tome  14* 
{h)  Qiap^  i ,  ci- devant  $..5. 


5f80  A  P  O  L  O  G  î  B 

moignage  des  Juifs  pour  en  démoncrer  Tmi* 

poftureC^)- 

D  eft  donc  abfolument.  contraire  à  la  vé* 
rîté ,  qu'il  ne  fe  foît  trouvé  ni  un  feul  Juif, 
ni  un  feul  Payen  qui  aient  entendu  parler 
de  ces  faits» 

Ce  ne  font  jamais  ^  dît  notre  Auteur  ; 
que  des  Chrétiens  qui  nous  attefient  les  mi" 
racles  iu^Chrift  (î).  Le  contraire  eft  dé- 
Biontré  ;  mais  fuppofons-le  pour  un  mo« 
melht*  Je  foutiens  que  les  Chrétiens  doivent 
être  écoutés  fur  ces  faits  ;  que  leur  tésxoi- 
gnage  £ft  irrécufable  ;  que  l'incrédulité  de 
ceux  qui  n'y  ont  pas  eu  égard  ne  conclut 
jrien.' 

Qui  font  ces  Chrétiens?  Des  Juifs  où  des 
Payens  convertis  par  les  miracles.  Ce  font 
donc  des  hommes  qui  les  ont  examinés  de 
près  ;  en  qui  l'évidence  des  faits  a  vaincu 
les  préjugés,  l'intérêt ,  la  crainte ,  le  refpeâ: 
humain:;  fur  qui  la  vérité  ^  eu  plus  de  force 
que  les  paflîons  &  que  la  répugnance  natu« 
relie  de  changer  de  Religion  ;  qui  fe.  font^ 
Ëvrés  à  la  mort  pour  foutenk  la  réalité  de 
ce  qu'ils  avoient  vu  :  eft-il  un  témpigoage 
plus  fort  ? 

Qui  font  au  contraire  ceux  qui  n'ont  pas 


<^ 


la)  Certitude  des  preuves  du  Chrift,  c.  45  &  ci^c^ut, 
C.  î .  $.  7« 

ib)  Cbtîli.  dévoilé ,  p.  74^ 

été 


DE  I.A  Religion,  &c*  281; 
été  touchés  des  miracles  ?  Des  hommes  qui 
ont  dédaigné  de  les  vérifier ,  ou  qui ,  bien 
perfuadés  de  leur  réalité ,  ont  cherché  à  les 
expliquer  bien  ou  mal ,  en  ont  méconnu  les 
conféquences  »  ne  fe  font  pas  crus  obligés 
pour  cela  de  fe  faire  Chrétiens ,  parce  qu'ils 
ont  redouté  les  fuites  d'une  démarchç  pé* 
rllleufe.  Leur  incrédulité  ou  leur  indifféren- 
ce peut-elle  affoiblir  le  témoignage  des 
premiers  ? 

Qu'eft-ce  donc  que  f  on  exige  de  nous  ; 
quand  on  nous  demande  le  témoignage 
d'Auteurs  contemporaiiis  qili  n'aient  pas 
été  Chrétiens  î  On  veut  que  nous  produî- 
£ons  des  témoins  qui  aient  rendu  hommage 
à  la  vérité ,  &  qui  y  aient  réfifté  s  qui  aient 
été  <out-à-la-fois  inftruits  &  incrédules  * 
équitables  envers  le  Chriflianifme  &  fes 
ennemis  déclarés  ;  en  un  mot  des  témoins 
qui  n'aient  pas  été  d'accord  avec  eux  -  mê- 
mes. Nous  en  avons  un  de  cette  efpèce  i 
c'eft  Joféphe  :  nos  adverfaires  le  rejecten 
comme  luppofé ,  parce  qu'il  eft  précifé- 
mént  tel  qu'ils  le  demandent.il  eft  impoflî- 
•  ble»  difent-^ils^que  Joféphe  ait  reconnu  aulli 
authentiquement  les  miracles  de  J.  C ,  & 
qu'il  ait  perfévéré  dans  le  Judaïfme.  Et  on 
perfide  à  exiger  des  témoins  qui  n'aient  pas 
été  Chrétiens  ! 


/ 


Tmi  î,  A  a 


} 


L'Auteur  du  Chriftianifme  dévoilé  trou- 
va fort  étrange  le  filence  des  Payens  fur  la  ^ 
tremblement  de  terre ,  réclipfe  de  foleil ,  & 
les  rérurreârions  qui  arrivèrent  à  la  mort  de 
J.  C.  Celui  du  Diitionnaire  Philofophique 
a  fait  la  même  obfervation  (a).  Mais  l'un 
&  l'autre  fuppofent  ce  (îlence  mal-àrpropos 
Phlégon  ,  dans  fon  Hiftoire  des  Olympia- 
des ,  à  la  quatrième  année  de  la  ccii^ ,  qui 
cft  la  dix-huitième  de  Tibère,  &  celle  de  la 
mort  de  J.  C  ;  Thallus ,  dans  fes  Hiftoires 
Syriaques ,  que  nous  n'avons  plus  ,  en  ont 
parlé  (b).  TertuUieft ,  dans  fon  Apologé- 
tique ,  prend  à  témoin  les  Sénateurs  Ro- 
mains ,  que  ces  prodiges  étoient  confignés 
dans  leurs  annales  (  c  ). 

Il  y  a  plus  ,  Chalcidius ,  Philofophe 
Payen  du  troifième  fiècle  ,  avoit  connoif- 
fance  de  nos  Evangiles  :  loin  de  les  traiter 
d'hiftoires  fabuleufês ,  comme  font  aujour- 
d'hui nos  beaux  efprits  >  il  les  appelle  une 
fainte  &*  vénérable  Hiftoire  (  ^  )  ;  il  en  cite 
l'adoration  de  Jefiis  par  les  Mages.  Il  eft  < 


(a)  Arc.  ChrijHamfme. 
ib)  Eufebe ,  ÎTi  C/in>nico«  Orîgenc  contre  CcKc^  1*  ^i 

i»  80. 

(c)Chap.  ai.  ' 

{d)  Comment,  fur  le Timée  ^  p*  1  xp^ 


DE  LA  Religion,  &c»  2^^ 
donc  abfolumeot  faux  que  les  Auteurs: 
Payens  n'aient  jamais  ouï  parler  des  faits  qui 
fervent  de  preuve  à  notre  ReUgion. 

Notre  Incrédule  voudroit  d'autres  té- 
moins de  la  réfurrection  de  J.  C.  que  fès 
Apôtres  &  fes  Difciples.  Une  apparition 
folemnelU ,  dït'i\ ,  faite  dans  une  place  pu-- 
blique,  n^ eut- elle  pas  été  plus  décijîve ,  qut 
toutes  ces  apparitionsdandefiines  faites  à  des 
hommes  intérejjés   à  former  Une  nouvelh 
Se6le  ?  Nous  ne  relèverons  pas  une  féconde 
fois  l'intérêt  prétendu  qu'avoient  les  Apô- 
tres de  former  une  nouvelle  Sede  ;  mais 
nous  foutenons  que ,  félon  la  manière  de 
penfer  &  de  raifonner  de  nos  adverfairés  » 
une  apparition  folemnelle  de  J.  C.  dans  une 
place  publique  ,  ne  féroit  pas  plus  décijïve 
pour  eux ,  que  celles  auxquelles  ils  ne  veu-* 
lent  pas  ajouter  foi.  Comment  ferionsr 
nous  certains  de  cette  a:pparition  folemnel- 
le ?  Par  des  témoignages^  Or  on  a  conv 
mencé  par  pofer  pour  principe ,  qu'en  m^ 
•tiere  de  miracles ,  tous  les  téntoign^ges  font 
fufoeds  (^).  De  quelque  maniera  que  Ife 
réiurredion  de  J.  C.  fiit  prouvée ,  les  In- 
crédules font  très  -  décidés  à  ne  la  croire? 
jamais.        .  - 

Nous  convenons  qyjtilfailoit  çwe  ce  fait, 


itf >  Voyw  ci-deflus  $r  7y 

As  i| 


£^4  Afologie 

fut  prouvé  aux  Nations  de  la  façon  la  plut 
clair t  &  la  plus  indubitahU(a)  /  auffi  pré^ 
tendons-nous  qu'il  l'a  été.  Les  témoins  qui 
le  publient  font  en  très* grand  nombre  , 
dignes  de  foi  &  irréprochables.  Ils  ont  vu, 
entendu ,  touché  ;  ils  ont  bu  >  mangé  y  con- 
verfé  avec  J.  C.  refiufcité  ;  ils  font  de  bon^ 
ne-foi ,  &  d'un  caraâere  éloigné  de  toute 
împofture ,  fans  aucun  intérêt  commun  qui 
eit  pu  les  râmir  ;  ils  atteftent  le  fait  haute- 
ment 5  publiquement  dans  le  temps  &  fur 
le  lieu  où  il  s'ef):  paile ,  en  préfence  de  leurs 
ennemis  ,  qui  n'ofent  point  les  démentir , 
quoiqu'ils  aient  le  plus  grand  intérêt  de  le 
faire ,  &  toute  l'autorité  en  main  pour  y 
parvenir.  Ces  témoins  perfuadent ,  ils  font 
crus  &  fuivis  par  des  milliers  de  profélytes 
à  portée  de  tout  voit  &  de  tout  vérifier  : 
Se  tous  perfiftent  dans  leui:  témoignage  juiP- 
qu'à  la  mort.  Exiger  quelque  choie  de  plus , 
c'eft  profeflèr  l'incrédulité  par   ofienta-! 
tion. 

Dieu  pouvoît  faire  davantage  pour  éta- 
blir la  croyance  de  la  réilirreâion  dé  fou 
fils  j  nous  l'avouons  encore  :  mais  le  devoir- 
il?  c'eft  la  queftioii.  Il  l'a  fuffifamment 
prouvée  ,  puifque  les  Nations  y  ont  cru  • 
cela  doit  réprimer  toute  plainte  ultérieure^ 

■mi  ■     ■■■ I  iiiiiiiMiiii    !■ 

(   (a)Chnft.  dévoilé,  p.;72. 


X 


BÈ  LA  RELIG10^N,&C.       2Bf 

Il  pouvoir  nous  rendre  plus  claires  &  plus 
iènfîbles  toutes  les  vérités  de  la  Religioû 
naturelle  ;  il  pouvoir  empêcher  qu'elles 
ne  fuflènt  oubliées  &  méconnues  chex 
toutes  les  Nations*  D  ne  Ta  pas  fait  v 
cela  déroge-t-il  à  leur  certitude  &  à  leur 
évidence  ?  Doit-on  conclure,  comme  notre 
Auteur  :  Dieu  ne  voulait  donc  point  que 
tout  le  monde  cr&t  en  lui  (a)  ? 

II  eft  faux  que  les  Bafilidiens  &  les  Ce-: 
rînthiens  aient  foutenu  nettement  que  Jefitf 
n'étoit  point  mort  ni  reflufcité.  S.  Epiphan« 
ne  leur  attribue  point  cette  erreur  dans  Tenr 
droit  cité  par  notre  Critique.  Les  uns  &  les 
autres  convenoient  que  Jefus  étoit  mort  & 
reflufcité ,  du  moins  en  apparence  ;  &  jamais 
ils  n'ont  accufé  les  Apôtres  d'avoir  porté 
un  faux  témoignage  (b). 

§.  II. 

Maïs  à  quoi  bon  contefter  fur  ks  preu* 
Ves  des  miracles ,  quand  on  foutient  net- 
tement qu'ils  font  impoffibles  ?  C'eft  le 
fentiment  de  nos  Philofophes  ;  &  c'eft 
par-là  fans  doute  que  l'Auteur  du  Chrif^ 
tianiCme  dévoilé  auroit  dû  entamer  U 
queuion« 


ià)  Chrift.  dévoilé,  p.  71.  x*  Lettre  à  Eugénie,  p.  7>.i 
il  h  )  Cet wude  4e«  preuves  du  ChrUt  c.  x ,  J.  i.  ^ 


/^ 


28tf  Apologïe 

Un  miracle  j  dit-il ,  ejl  une  chofe  impqffîble^ 
Dieu  ne  ferait  point  immuable  ^  s^il  changeait 
l'ordre  de  la  nature  (a).  Nous  oppoferons 
d'abord  à  cette  déciiion  l'avis  d'un  autre 
Philofophe.  «  Dieu  peut-il  faire  des  mira- 
sBcles,  demande  Jean -Jacques  Roufleau, 
a»  c'eft-à-dire  ,  peut  -  il  déroger  aux  loix 
a>  qu'il  a  établies  ?  Cette  queftion  férieufe- 
30  ment  traitée  >  dit-il ,  iêroit  impie ,  fî  elle 
V»  n'étoit  abfurde  :  ce  feroit  faire  trop  d'hon- 
V  neur  à  celui  qui  la  réfoudroit  négative* 
09  ment ,  que  de  le  punir  ;  il  (liffiroit  de  l'en« 
^  fermer.  Mais  auffi  quel  homme  a  jamais 
9  nié  que  '  Dieu  pût  faire  des  miracles  ?  Il 
9»  falloir  être  Hébreu ,  pour  demander  fî 
3»  Dieu  pouvoir  drelTer  des  tables  dans  le 
»défert(A)a>, 

L'Auteur  du  DiQionnaire  Philofophir' 
que ,  profond  Métaphyficien  ,  s'il  en  fut 
jamais ,  foutient  de  même  que  les  miracles 
font  impoflîbles  (c).  Dans  un  autre  Ou- 
vrage ,  on  nous  donne  cette  dodrine  com- 
me le  réfultat  de  ce  qu'ont  penfé  Hobbes , 
Collins ,  Bolingbroke  ;  on  pouvoit  y  ajou- 
ter Spinofa  (d).  Voilà  bien  des  gens  en- 


iv 


(a)  Chrill.  aévoilé,  pag.  ^9. 

(&)  Lettres  écrites  de  la  Montagne»  croî^ème  Lettre 

(c)  Di£fcion.  Philaf.  «t.  Miracles. 
{d}  Deuxième  Lettre  fur  \^  Miracle»,  p«  ftpt  Voje? 
encore  la  Philo roplûe  de  THift.  cv  $,}* 


BE  LA  ReLIGIOÏT,  &C.      287 

Toyés  aux  Petites-Maifons  par  Jean- Jac- 
ques Rouflèau. 

Pour  nous  qui  fommes  moins  féyeres , 
nous  écouterons  tranquillement  leurs  rai-^ 
ions» 

Un  miracle,  difent-ils,  efll  a  violation  ia 
loix  mathématiques  ,  divines  s  immuables^ 
éternelles  ;  par  cefeul  expofés  un  miracle  ejl 
une  contradiSion  dans  les  termes  (a)^  Celer 
efl  clair  ;  il  n'eft  plus  queftion  que  de  voir 
fi  l'expofé  eft  véritable. 

Un  miracle  eft  la  violation  des  loix  mathé^ 
matiques,  Qu  ces  termes  ne  font  pas  intel- 
ligibles ,  ou  ils  fignifient  que,  fi  Dieu  faifoit 
un  miracle ,  il  s'enfuivroit  que  deux  &  deux 
ne  font  pas  quatre.  L'Auteur  du  Diflion- 
naire  Philofophique ,  pour  l'honneur  de  fej 
Mitres  &  pour  le  fien,  auroit  bien  dû  mon- 
trer la  connexion  de  cette  conféquence^ 
Jufqu'à  préfent  on  avoit  penfè  qu'un  mira- 
cle étoit  la  violation  des  loix  phyjîques  ; 
mais  qu'il  fût  la  violation  des  loix  mathé- 
viatiques  ,  cela  n'étoit  encore  entré  dans  la 
tête  d'aucun  Philofophe. 

Un  miracle  eft  la  violation  des  loix  di- 
'vines*  Ceci  demande  encore  explication* 
G'eft  la  violation  dC  ces  loix  pour  quelque? 


(d)  Did.  Phil.  SLVt.  Miracles»  Deuxième  Lture  fur  iet 
>lirs^Jes ,  p.  i^n  i«  Leuce  à  Eugénie  >  p.  ^^^ 


!ftS8  Av  oLoétn 

moitiens  ,  dans  une  circonftance  éc  dara 
un  liçu  particulier ,  &  qui  n'empêche  point 
fexécutioii  de  ces  ménoes  loix  dans  le  refle 
de  l'Univers.  Quand  J.  C.  marcha  fat  les 
eaux  3  cela  ne  dérogea  point  aux  loix  de 
la  gravitation  pour  tous  les  autres  corps, 

C'eft  la  violation  des  loix  immuables  : 
imitiuables  pour  les  créatures ,  qui  ^n'y  peu* 
vetlt  rien  changer  ;  mais  non  immuables 
de  la  part  de  Dieu,  qui  en  eft  l'Auteur.  Dieu, 
Créateur  &  fouverain  Seigneur  de  l'U- 
nivers ,  n'eftil  pas  le  maître  de  l'anéantir 
quand  il  voudra  ? 

Des  loix  éternelles;  Si  on  entend  par-là 
que  Dieu  de  toute  éternité  avoir  téùAïk  d'é- 
tablir ces  loix,  cela  eft  vrai  ;  mais  il  avoit 
auffi  réfolu,  de  toute  éternité,  de  fufpendre 
l'effet  de  quelques-unes  de  ces  loix  dans 
•quelques  circonftances  particulières  qu'il 
prévoyoit  diftindemcnt.  Cette  fufpenCoû 
momentanée  ne  déroge  donc  point  i  l'im- 
mutabilité de  Dieu  :  elle  eft  >  dans  un  fens , 
auflfi  éternelle  que  la  loi  dont  elle  empêche 
FeÂfèt  pour  un  moment. 

Il  eft  étonnant  que  nos  adverfairefs  m 
puiflènt  argumenter  contre  nous  y  fans  abu^ 
1er  des  termes*  • 

Il  eji  impoffible  y  continuent  ils ,  que  VEtre 
infiniment  f âge  ait  fait  du  loix  pour  Us  Wd- 
kr.  Pour  les  violer  à  tout  moment  &  fam 

raîfon  j 


DELAREtiGtOK,  &C.      ±S0 

f^lfèn  ;  d'accord.  Mais  eft-il  impoffible  que 
llEtre  infîniaient  fage  ait  des  raifons  fiîQî- 
fant^  pour  {ufpendre ,  dans  un  cas  particu-* 
lier  »  l'exécution  d'une  loi  qu'il  a  établie 
pour  tous  les  autres  cas?  Dieu ,  en  créant 
r  Univers,  a  impofé  des  loix  aux  créatures; 
Se  Qon  à  lui*>même:  il  eft  abfurde  de  fuppo* 
fer  que  par  ces  loix  il  ait  borné  fon  pou-«. 
voin 

Dieu  m  pourrait  déranger  fa  machine 
que  pour  la  faire  mieux  alUr^  Fauffe  fup« 
pofîtion:  un  miracle  ne  dérange  rien  à  la 
machine  du  monde.  La  ré(urreâion  de 
Lazare  a-t-elle  bouleverfé  le  fyftème  phy- 
fique  de  l'Univers  J  II  eft  faux  qu'un  mira- 
cle défigure  pour  quelque  temps  t ouvrage  de: 
Dieu. 

Il  eji  impoJjibU ,  dit^on  encore  ,  que  ht 
nature  divine  travaille  pour  quelques  hommes^ 
en  particulier ,  fr  non  pai  pour  tout  le  genres 
humain  (a).  Impoffible  ?  Telle  eft  la  modeftie 
de  Meffieurs  les  Philofophes ,  &  leur  refpeâ: 
pour  la  Divinité  ;  du  haut  de  leur  Tribunal , 
ils  lui  prefcrivent  un  plan  de  coaduite  ,  Se 
décident  qu'elle  ne  peut  pas  s'en  écarter. 
Voudroient-ils  nous  apprendre  comment 
Dieu  a  pu  établir  des  loix  dont  l'exécu- 


(  (1  )  i«  Lettre  â  Eugénie ,  p.  j  5.  Conta|îon  ftètco ,  c.  i  i 

Jomel,  Bb 


iion  fe  trouve  plus  ayantageufe  à  certains 
individus  qu'à  d'autres?  Comment  en  vertu 
àe  ces  loix  un  Philofpphe  efi  né  avec  tant 
4'efprit ,  de  pénétration ,  de  fageflfe  ,  pen- 
dant que  Dbu  a  refufé  ces  dons  aux  autres 
jt^ommes  ?  Eft-il  plus  indigne  de  la  nature 
ijdiviae,  d'accorder  une  faveur  finguliere  à 
quelques  particuliers  par  une  dérogation  à 
iine  loi  générale  ,  que  par  l'exécution  de 
cette  même  loi? 

'  Bien  plus ,  dans  l'article  Bêtes ^  l'Auteur 
4u  Diàionnaire  Plîilofophique  foutieflt 
4!|ue  Dieu  eft  Pâme  des  Crûtes  »  par  confé- 
^jqent  le  principe  immédiat  de  leurs  opéra*- 
tLons«  Or ,  comme  les  .i>rutes  ne  fuivent 
pobt  dans  leurs  opérations  lesloix  géné- 
rales du  mouvement  ,  il  eft  évident  que 
pieu ,  pour  agir  en  elles ,  doit  fuivre  à 
jchaque  inftant  des  loix  particulières  qui  dé^ 
rxogent  aux  loix  générales.  Ici  il  ne  veut  pa5 
^que  Dieu  puiiTe  faire  pour  un  peuple  entier, 
ce  qu'on  fuppofe  qifil  fait  à  tout  moment 
pour  mouvoir  un  chien  ;  tant  ces  MelGeurs 
iubnt  de  cas  de  la  nature  humaine  1 

^on  leur  avis ,  il:^  abfurde  de  fuppo- 
fer  que  Dieu  n'a  pas  pu ,  par  Ces  loix  immua- 
bles, exécuoer  un  certain  deflein ,  ôc  qu'il 
eft  obligé ,  pour  l'accomplir ,  de  fiifpendre 
1^  cours  dp  ces  loix  ;  ce  feroit  en  lui  foiblef- 
fe  &  contradiâion*., 


DE  LAjREJtlGIOH,  &C*      SLCft . 

Nous  convéaoDS  que  cela  eft  abfurde 
iians  rhypothèfe  que  foutient  l'Auteur  du 
DiBionnaire   Philofophique  >   qu'il  n'y  a 
dans  l'Univers  aucun  être  libre  ;  que  toutes 
Us  créatures  obéijfent  irrévocablement  à  la 
force  que  Dieu  a  imprimée  pour  jamais  dans- 
la:  nature  ;  que  tous  les  éyénemens  font  un 
chaînon  de  la  grande  chaîne  du  defiin  ;  que 
là  liberté  d'indifférence  eft  un  mot  vuide  de 
fins ,  inventé  par  des  gens  qui  nen  avoient 
guères  (a).  Selon  cette  dodrine  lumineufe 
ae  la  fatalité  abfolue  »  il  eft  évident  qu'un 
miracle  eftjnutile  &  impoffible  ,  puifque 
tout  eft  néceifâire  &  immuable  dans  l'U- 
nivers ;  &  il  eft  fort  douteux  fi  Dieu  lui* 
même  eft  libre.  Âinfî  nos  adverfaires»  bon* 
gré  malgré  eux  »  retombent  dans  le  fy £-  , 
tème  de  Spinofa*  ^ 

Mais  dans  la  fuppofttion  plus  raifonnable 
9c  plus  vraie  de  la  liberté  de  l'homme  »  il 
n'eft  point  déterminé  par  la  force  des  loxx 
générales  à  produire  fes  aâions  réfléchies  ; 
autremeht  ce  feroit  un  pur  automate.  Dieu 
peut  j'y  déterminer  par  des  fecours  particu- 
liers ,  par  des  motifs  furnaturels ,  par  des 


'  (a>  Voyez  Tes  artkles  S^»>  Chaîne  des  éwinemens  « 
Ç«JKn,  liberté ,  Mbrocks,  &  1m  Reiaar<|Ufl  fur  rHiftoire 
générale,  n.  9  ,  p.  15  $  Elémem  de  fa  Philofophie  de 
Kewton ,  première  part*  c  4  éc  n  Mêlaiiges  de  Liu. 
a'bift.  &  de  FhiloC  tome  1  >  p.  40^;  &  tome  5  3  P- 14** 

Bbij 


H^  Apologik 

jirodlges  qui  ne  dérogent  ni  à  la  liberté  d^e 
lîbomme^  ni  z  la  fageflè  «divine.  N'eft-il 
pas  dexette  fageflè  ibuveraine  de  conduire 
.les  créatures  par  des  moyens^  conformes  à 
leur  nature  >  les  être  inanimés  ^  non  libres 
par  rimpuUîon  des  loix  néceflaires  ,  le^ 
,êtK*s  intelligens  par  des  fecojirs  p^icu^ 
liers? 

Tout. ce  que  Ton  abje<5le  contre  la  po(B- 
'biiité  des  miracles ,  ne  porte  donc  que  fur 
le  principe  faux  &  abUirde  de  la  fatalité^ 
qui  mène  droit  au  fyftème  de  Spinofa  Se  à 
.llAthéifme ,  ^  qui  eu  l'opprobre  de  la  Phi- 
lefophie  moderne.  Ainli  ep  argumentant 
«contre  la  Religion  révélée  ,  on  commence 
toujoui  s  par  jlapper  les  vérités  les  plus  efllen- 
^tlelles  de  la  Religion^  naturelle  :  ^mtite 
piiilofophique ,  à  laquelle  aucun  de  nos  adr 
vecfeîres  n!apncQre  échappé. 

Bs.diâertent  néanmoins^  voerte  de  vue  ; 
îpour  montrer  qu'un  miraclexiérangç  nécef- 
'iJairement  Pordre  de  PUnivers. 

Si  Jofué  a  arrêté  le  Toleil  ^  da  lune  ^  ii 
,émt  abfoîumtêit  nécejfaire  ^ue  le  rejie  du 
monde  pianétaire  fût  couUverfé^  La  terre  & 
k  lune  s  prêtant  dans  leur  cours ,  l'heure 
4es  marées  vA  dû  changer ,:  ces  deux  corps 
ont  dû  avoir  une  autre  diredion,  ou  touîes 
les  autres  planètes  ont  dû. s'arrêter  auflS.  I^e 
gouvernent  projeâile  &  de  gravitation 


ï>£IiAÏÎeI/Igi aN^ &c;  2^' 
ayaiit  été  fufpèndu  dans  toutes  les  planè- 
tes^ y:  il  faut  quelles  coipates  s'en  foient  ref^ 
fenties. 

De  même  f  étoile  noûvcÛequîcôritfuv-' 
fit  les  Mages  d'Orîenc,  ne  pouvoit  ctrcp 
moindre  que  notre  foleil:Cette'maflèénoi>- 
me  ,  ajoutée' à- l'étendue  tdevoit  dérangée* 
le  monde  entier. 

Enfin  le  miracre  de  la  nuiltiplkatioili  d^ 
p:à\ns  n'a  pu  fe*  faîre ,  que  Dieu  n'ait  tiré  du 
néant  quinze  mille  livres  de  matière  y 
ajoutées  à^  la?  maflè  coiîlniune.' 

Ge  font-là ,  conclut  le  Phîlbfophe ,  les 
plus  fortes  ebje(à^ns  phyfiques(a>Puif-* 
que  l'on  argumeiite  contre  nous,  félon  le- 
wftème  de  Ne^non ,  erf-il  bien  décidé 
d'abord  que  Dieu  n-'a  pas  pu  arrêter  la  terre- 
au la  lune  dans  leur  cours  ,y  fans  arrêter  d^ 
même  toutes  Tes  autres  planètes^?  Letif  di-^ 
fedion  alors  a  dû  changer  ;  mais  qu'impôt-' 
te  cette>dirë<^oii'  au'  mouvement  général^ 
die  l'Univers?  Dans  le  fyflèmede  Copernic  ,* 
Dieu  a  pu- arrêter  fe  mouvement  diurne  der 
la  terre,  fans  rien  déranger  au  mouvement 
des  corps  cékftes.* 

Sans  entrer  dans  l'eXàmen. de  toutes  ce$'^ 
fopppfitions  ftatuites ,  &  dont  la  plupart: 
fieuvetit  écr&  fau(res ,  nous  nous  contentons^ 

t^)  0eu«ièjiie  Letccc  fur  les  Miracles ,  i».  j  t  • 

Bbii^ 


de  répondre  que  celui  qui ,  d'un  fêul  aâe  de 

fa  volonté  a  fait  TUnivers  /peut  >  quand,  il  le 

juge  à  propos ,  arrêter  ou  changer  le  Hiou- 

vemeiit  d'une  partie  >  ian$  que  le  refle  de  la 

machine  fait  dérangé.  Les  Philofbplres  ne 

conçoivent  point  comment  éela  le  peut 

faire  :  eh  1  cooç(livent-41s  le  jeu  &  les  ref^ 

(brts  fecrets  de  cet  ouvrage  immenfe?  Parce 

^'iis  font  parvenus  à  calculer  fufqu'à  un 

certain  point  les  mouvemens  céleftes ,  & 

^qu'ils  ont  cm  en  appercevôir  les  rapports» . 

ils  fé  flattent  d'avoir  pénétré  dans  les  con- 

feils  de  la  Divinité ,  &  d'être  en  état  de 

prononcer  fur  ce  qu'elle  peut  ou  ne  peut 

f>as  faire.  Incapables  de  nous  expliquer  la 

ftrudure  intime  d'un  ^rain  de  fable  >  ils 

veulent  décider  de  la  conftrudion  &  de  la 

marche  du  monde  entier. 

Que  TétoUe  vue  par  ks  M^ges  ait  été 
Aéceflairenient  un  (bleil  »  c'eft  une  imag»- 
tsatioô  qu'il  feroit  ridicule  de  réfuter  i^rieu-^ 
ièment.  Le  terme  étoile  >  dans  fa  Cgnifica- 
tion  générale  >  exprime  feulement  ce  qui 
luit  y  une  lumière ,  une  crarté  ;  toute  hieur 
Semblable  à  celle  des  étoiles  fixes  a  pu  être 
appellée  de  ce  nom  ,  fans  aucun  abus  du. 
langage»  ^  - 

Que  la  multiplication  des  pains  a'ait  pti 
fe  faire  fans  une  nouvelle  création  de  ma- 
tière I  c'eft  une  autre  imagination  ptl^bi«^ 


ï>Ê  LA  RoÉTLïGtôir.&c:    içs 

£arf  e  encore  >  nf  eft-ii  pas  {rnguiier  que  des 
Philofophes  qai  rejettent  la  création  pro- 
prement dite ,  &  qui  font  profefEon  de 
iiouter  au  moins  de  Féternitéde  la  matière  v 
foutiennent  la  néceiïité  de  la  création  pour 
inultipiiet  des  pains  ? 

Nous  ne  fuivrons  point  en  détail  les  rail^ 
leries  froides  que  Fon  fait  daiis  le  DiâiôH^ 
naire  Pkilofopkique  >  &  dans  ta  Lettre  qui 
en  eft  une  copie,  fur  les  miracles  rapportés 
^ar  le$  Hiftoriens  Eccléfîaftiques  ou  par  les 
légendaires  (a)*  Notre  travail  doit  fe 
borner  à  juftifier  ceux  qui  ferv^it  de  preu- 
ves à  la  révélation. 

UAuteur  fouhaiteroît ,  pour  qu'un  mi-^ 
racle  fût  bieii  confiâtes  q.u'il  fût  fait  en  pré«- 
feoce  de  l'Académie  des  Sciences  &  de  la 
Faculté  de  Médecine.  Ain(i ,  de  par  le» 
Phtbfôphes ,  il  ef):  défendu  à  Dieu  d'opé^ 
rer  jamak  des  miracles  ailleurs ,  (bus  peine 
de  leur  cenfure;  &  fans  doute  c'eft  le  moin-' 
dre  honneur  qu'il  puifïe  leur  faire ,  que^e 
tes  confulter»  quand  it  Voudra  inftruire  les 
homme?*  • 

Selon  l'Auteur  du  Chrtflianifme  dévoilé, 
unhomtmfage  qui  verrait  un  miracle  ferait 
en  irait  de  douter  s^il  a  bien  vu  /  it  devroii 


Bbiv 


2p<f  Afolog^ii 

examnerjî^effec  extraordinaire  qu^il  ne  comk 
frendpas ,.  n^eji  pas  dd  à  quelque  caufe  natu- 
relle^ dont  il  ignoreroit  la  manierc^agir  (a)^ 
C/eik'hrdire^^  qu'un  homme  fage ,,  qui  ver- 
roit  uo  mon  rdlufciter  ^  devroit  douter 
s'il  n'eft  pas  rendu  à  la^  vie  par  quelque 
cauTe  naturelle.  La  rai(bn  &  le  bon  fcns^ 
admettront-ils  jamais  un  pareil'  doute  ? 

Nous  convenons  qu'un.mipacle  doit  être- 
examinë  sirec  beaucoup  de  foin  »  à  caufe 
des'conféquences,  &  qu'il  ne  peut  êtte  trop^ 
bien  avéré;  mais  douter  fi  là  guérifon  d^un 
aveugle  -né  >  k  réfucreâion  d'ua  homme 
mort  depuis  quatre  jours ,  la  multiplication 
de^  cinq  pains  jufqu'à  raflafiep  cinq  mille- 
iiommes ,,  la  réfurreâion  d'unjiomme  cru^ 
cifie  à  la  vue  de  tout  Jerufalem ,  font  des^ 
miracles  ou  des  efièts^aturels  ;-  c'eft  avoir 
i^enoncér  à  la  voix  de  la  raiibn^  Se  aa  fens 
sooimuoa 

$•^12. 

• 

'Après  avoir  attaqué*  la  ceititude  &  là 
poflibilité  des  miracles  ,  le  même  Critique 
foutient  qu'ils  font  inutiles^  La  vérité  &* 
ï évidence  >  dit41 ,,  rCom  pas  befoin  de  mira-- 
clés  pour  fe  faire  adopter^  Hefi-il  pas  lien 


(4).Chcift.  dévoilé, p.  0« Milittire.Phi]Qro|Uie,  eu , 


DE  LÀ  RELîGïaN,  &C»     2p7 

Jîtrjrrenànt  que  la  Divinité  trouve  plusfacib 
de  déranger  V ordre  de  la  nature ,  que  éten^ 
feigner  aux  hommes  des  vérités  daires  pro^r 
près  à  les  convaincre  r  capables  £carrachef 
leur  ajfentiment  (a)? 

il  eft  faux  en^  général  ^'ta  Térîté  &  ¥é^ 
vidence ,  en  fait  de  Religion ,  n'aient  pas 
befôin  de  miracles  pour  fe  faire  adopter.. 
Les  dogmes  principaux  de  la  Religion  na-* 
raréHe ,  l'unité  &  la  providence  de  Dieu ,  la: 
ipriritualité  r  l'immortalité  y  Ib  liberté  de 
l^ame  »  les  peines  &  les  récotm>enfes  de  lai^ 
vie  future  >  les  grands  principes  de  Ta  mo-- 
raie ,  font  des  vérités  claires  &  évMentey^ 
tous  les  peuples  cependant  les  avHb  i^ 
connues  ;  il  a  fallu ,  pour  les  leur  fair^raop-<r 
rer  imiverfèllement  >,  une  révélation  prour 
véejpar  des  miracles;  ^ 

Tout  eil  également  fatile  à  là  Divinités 
fen^  pouvoir  s^étend  fur  les  efprits  aufli-r 
bien  que*  fur*  les  corps  V  mais ,  fdon  nos  lu- 
mières naturelles^  il  eft  plus  facile-d'inter-' 
rompre  Pordre  de  l'Univers ,  que:  de  fou- 
mettre  des  efprks  opiniâtres  &  des  voIoik 
tés  rebelles  :  la  converfion  des  Payens  Ô5 
de$  Incrédules  eft  un  plus  grand  prodige 
dans  l'ordre  moral  ».qu&la  réfurreâion  d'uoi 
'  mort. 


(  ot  Chrimaivoîlé,  f.p  ;  Miliuire  FhiloToitbc  i.oJB^ 


2p8  Afologtie 

Les  miracles ,  pourfutt  F  Auteur  V  nom 
été  inventés  que  pour  prouver  aux  homma 
des  chofes  impojftbles  à  croire  ;  ainjï  ce  font 
des  chofes  incroyables  qui  fervent  de  preuve  à 
d^autres  chofes  incroyables^  Il  appuie  fur 
cette  penfè»,  &  la  répète  en  trois  ou  quatre 
manierfeSy 

Que  les  hommes  aient  inventé  fes  mirà^ 
des  >  c'eft  une  f^ilè  (uppofîtion  ;  Dieu  lui- 
même  a  jugé  à  propos  de  s'en.fefvir  pour 
inftruire  les  hommes ,  lorfque  les  autre» 
moyens  étoîent  inutiles  ,  &  fans  cela  les 
hommes  n'y  auroient  pas  penfé.  Si  des 
irs  ont  forgé  de  laux  miracles ,  ça 
utation  de  ceux  »  que  Dieu  avoir 
opéNR 

Ceâ  uft  principe  démontré  »  que  Dieu 

Ïeut  nous  révéler  des  dogmes  incompré- 
enfibles(a>.  Au  caa  qu'U  le  faife^  il  efl 
évident  que  les  miracles  font  le  moyen  le 
plus  propre  &  le  plus  frappant  dont  il;puifiè 
fe  fervir  pour  autortfer  la  prédication  de 
ces  dogmes ,  &  pour  engager  les  hommes 
i  y  croire*  L- Auteur  d'£m//e  même  en  e& 
convenu  (  i  )• 
JaGS  miracles  bien  confiâtes  &  opérés 

« 

(^)  Déifoie  téAité,  première  Lettre. 

ib)  Lettre  ccriic  de  h  Montagne ,  (soiiième  Lwicct 

^7î•    • 


nommes  n 

«pof^irs 


DE  LA  Religion, &c,  2p^ 
pour  une  fin  digne  de  Dieu ,  ne  font  don^ 
pas  incroyables  pour  les  efprits  droits  8C 
dociles  :  puifque  c'eft  la  voie  que  Dieu  a 
efficacement  employée  pour  convertir  & 
pour  éclairer  le  gei»e  humaim  Qu'y  a^t-il 
d'incroyable  à  penfer  que  Dieu,  fouveraiw 
Auteur  des  loix  de  la  Nature  \  peut ,  quand 
il  lui  plaît  »eir(iifpendre  le  cours  pour 
quelques  nwmensî    • 

Quelques  merveiUes  que  pât  faire^  un  Dieu 
lui-m^me ,.  continue  l'Auteur ^cifcj  neprou^. 
yeront  jarrmis  que  trois  ne  font  qu^un  j  qu^ùn 
itre^mmaténel&  dépourvu  £  organes  ait  pu 
parler  aux  hommes ,  &g  Ca>  Les  Apôtre» 
du  Chriftîanifîne  n'ont  jamais  prouvé  par 
leurs  miracles  que  trois  ne  font  qa'un  ^  mais* 
lis  ont  prouvé  que  trois  perfonnes  Divines- 
ont  fa  même  nature  &  (ont  un  fepl  Dieu  ç 
ciyftere  incompréhenfible ,  mais  où  l'on  ne 
montrera  jamms  qu*ity  aitcontradmiom 

Dès  que  l'on  (uppofè  qu'ua  être  imma«- 
tériel  ne  peut  parler  aux  hommes ,  on  dé-^ 
cide  par-là  même  que  Dieu  ne  peut  rien  ré- 
véler ,  que  toute- révélation  eft  impoflGble;. 
c'eft  borner  fans  raifon  &.  contre  les  lumiee 
res  du  bon  fens  la  puiflànce  de  Dieu.  Quoi- 
que dépourvu  d'organes ,  n'eft-il  pas  aflèa 


500  APOt  6  GtXjE 

ptriflant  pour  y  fuppiéer  ?  Cduiyiïtïe  Pro»^ 
phète  >  qui  a  donné  des  oreilles  à  l'homme , 
eji-^ilfourd  lui-m&me  ?  Êr  cdctiqui  a  formé 
Vctil  y  peut-il  être  af^mgle  Ca)  ?  A-t-H  eu  be- 
foin  d'orjglines  pour  créer  le  inonde  ».  pour 
former  leà  corps ,  pour  aflùjectir  la  lùatier e 
à  des  loix  confiantes?  Croit-on  bien  fërieu- 
iement  l'exiftenc^  de^Die»!  r  quand  on  rsâ^ 
fonne  de  cette  maiÀre  ? 

Selon  le  même  Auteur  ,  dire  que  Dieu: 
fmt  des  miracles  r-  c^ejî  dire  quilfe  contredit 
lui-inènte  y  qv? il  démtnt  Usjpix^Ua  prej^ 
€rites  à  la  rtaturéj  quil  rend  inutile  la  rai/on 
humaine  s  dont  on  le  fait  Auteur  (by^ou» 
avons  déjà  fait  voir  que  Dieu,  en  faifant  des 
iniracles  >  ne  fe  dément  >  ni  ne  fe  contredit* 
ïui-mfêmer  II  eft  fairx  qu'ater s  Dieu  rende 
ibucile  la  raifon  humaine  v  il  lui  apprend  ay> 
contraire  a  refpeâer  fon  Auteur  »  aïe  fou* 
mettre  à  fa  parole.  L'ordre  confiant  de  la 
nature  tj^^  point  remarié  par  les  peuplos- 
%norans  &  fiupides  :  l'interrup^on  frapr^ 
pante  de  cet  ordre  les  rend  attentifs,  &  leur 
fait  comprendre  ^'une  Intelligence  toute* 
puiflan te  y  p^éfide  (  c  ). 
.    U  n'y  a  que  des  impof&urs  qui  puiilenc; 


OiiMM«MM^M>M**«M«MM«kia*riltaM*ili^iWMMM^iM 


{h)  Chrift.  èévoilè,  p.  7c; 


T)E   Li  RlBLIGlOÎT,  &C.      ^.Ot' 

houstiirè  de  renoncer  à  l'expérience ,  &  de 

ibannîr  la  taifon  (  «3-:  cela  eft  vrai  ;  mais 

.quand  on  nous  exhorte  àrecevok  une  xc- 

iatîon  m^ouvée  ^par  dés  mirades ,  on  Joe 

filous  oblige  ni  à  renoncer  }l  l'iexpérience  • 

ni  à  bannir  la  raifou*  Tout  au  ^contraire, 

vîl  faut  coanoître  par  expérience  te  cours 

.ordinaire  de  la  -f^ature ,   pour  coii^ren-^ 

dte  qu'un  mkade  en  eft  une  excs^icinw 

En  croyant  un  dogme -révélé  &  incom-v 

•pr^henfible  ^  nous  qe  banniflbns  point  la 

jraifon,;  nous  Xuivpns  j^  Ipî  qu'^fenous 

prefcrit  elle-même ,  ,de  nous  fier  plutôt  à 

la  voix  de  Dieu  qui  fe  fait  entendre  par  des 

miracles,  qu'à  nos  fbibles  lumières  :  &,  félon 

lia  remarque  d'un  de  nos  plus  ^çélè^bres  âd* 

verfaires,  le  plus  digne  ufag^  qvi^  nouspuîi^ 

fions  faire  de  jiotire  raifon^  eà  de  nous 

anéantir  devant  Dieu  (  b). 

•f  Auteur  du  Militaires  PlHlofophe  foiUf 
tient  que  pour  prQuvcr  la  véftté  de  ia  BLe- 
Kgion ,  ce  ii'éft  pas.aflèz  qu'il  y  ait  jeu  autre^ 
fois  des  miracles  opérés ,  qu'il  faudroit  ime 
fuite  continuelle  &  aâudle  de  miracles» 
Four  dérQpntrer ,  par  e^emplt^ ,  que  de$  pa- 
roles peuvetK:  remettre  les  péchés  ^  fue  înn 
guériffe ,  dit-il  »  avec  des  paroles  un  épiUp'^, 

l 

(a)  Voyez  encore  le  Militaire  Philorophe^  c.  i«« 
<  h)  Emile  >  corne  |  >  p.  SB* 


^02  KvOliOGt^- 

tique ,  chap.  1 1 .  Voilà  précifément  ce  qu'oat 
tàit  J.  C.  ^  lâs  Apôtres  ;  mais  dequot  fer- 
viroiest  de  nouveaux  miracles  à  un  homme 
qui  enfeigne  que  des  faits  furnaturels  ne 
peuvent  jamais  avoir  une  parfaite  certitu- 
de 4  mémt  pour  ctux  qui  en  feraient  les  té^ 
moiffi  f  chap.  12.  Les  miracles  de  J«  C  & 
des  Apôtres  ,  dont  un  homme  fen^e  ne 
peut  pas  douter  ,  ferviront  de  preuveâ  la 
Religion  jufqu'à  la  $a  du  monde. 

Article    IL 

Des  Prophéties^ 

S.  13* 

Les  ennemis  de  la  révélation  ne  parjent 
pas  des  prophéties  d'une  manière  plus  rai* 
£>anable  que  des  miracles.  Ils  prétendent 
qu'il  y  a  eu  des  Prophètes  chez  toutes  les 
Nations  du  mclmde  ;  les  Juifs  ne  furent  pas 
plus  favorifés  t cet  égard  que  les  Egyptiens , 
les  Chaldéens ,  les  Tartares ,  les  Nègres,  les 
Sauvages  »  &  que  tous  les  autres  peuples  de 
la  terre  C^)«  Il  auroit  donc  été  à  propos 
de  produire  un  corps  complet  de  prophé* 
ties  recueillies  chez  les  Egyptietis  »  chez  les 
Chaldéens  ou  chez  les  Sauvages  »  que  Ton 

^1— — Ml  I  ■  I         (  _  ■  ■■ 

(4)  Chrid.  dévoilé,  ptgc  76»  Examen  imf orcaat»  c..io , 
P-47-  '    '" 


t>E  LA  Religion^  &c.  50? 
pfit  miettre  len  parallèle  avec  cellçs  dçs  Juifs* 
>Jous  verrions  fi  elles  auraient  la  même  au- 
thenticité >  fi  elles  formeroîent  une  fiiite  de 
prédirions  toujours  conformes  aux  événe- 
mens  &  à  fh^oire  de  ces  peuples,  js'il  y  en 
auroit  quelques-unes  dont  nous  puiuions 
vérifier  aujourd'iiui  l'accompliflement  » 
comme  nous  le  voyons  dans  les  prophéties 
judaïques*  C'eft  par-là  qu'il  fauclroit  jugée 
<le  leur  mérite* 

L'Auteur  du  ChriftUmifme  dévoilé  dît 
que  les  prophéties  des  Juifs  font  fort  obf- 
cures,&  de  nature  à  y  trouver  tout  ce 
qu'on  veut.  Pour  vérifier  cette  affertion , 
il  auroit  dû  eflayer  d'y  trouver  l'Hifiûire 
civile  de  notre  fièçle ,  &  de  nous  l'y^  faire 
voir  par  un  commentaire  fuivi*  Cet  ouvra- 
ge feroit  curieux.  Porphyre  penfoit  bien 
différemment  ;  lespropnéties  de  Daniel  lui 
paroiflbient  fi  claires,  qu'il  foutehoit  qu'elles 
àvoient  été  fabriquées  après  l'événement. 
L'Auteur  de  VExamen  important  paroîc 
être  de  même  avis ,  lorfqu'il  dit  que  les  Li- 
vres attribués  à  Daniel ,  à  David ,  à  Salo- 
moQ  &  à  d'autres ,  ont  été  Ëiits  dans  Aie* 
xandrie(fl). 

Si  nos  Critiques  avoîent  pris  plus/ de 
ibin  de  concilier  leurs  divers  lentimens  »  il 


(flj  Exanun  important  »  c  lo ^  p.  54. 


50f  Apologie  - 

feroh  plus  aife  de  leur  répondre  ;  mais  fer^ 
reur  ne  peut  jamais  êcre  d'accord  avec  elle- 
méme.  l^.  Si  les  prophéties  euflènt  étd  fa- 
briquées'par  les  Juifs  d'Alexandrie ,  ilsJes 
auroient  écrites  dans  le  Dialeâe  Syriaque 
qui  étoit  alors  en  ufage  paixni^eux^  au  lieu 
àc  les  écrire  en  Hébœu ,  &c  il  n'auroit  ,pas 
été  néceflaire  ide  faire  les  Earaphraf^  Chai- 
daïques.  2^.  Il  eft  déjap^léde  ces  prophé- 
ties comme  de  Livres  exifiàns  &  connus 
des  Jui&,  jdans  les  derniers  Livres  des  Rois 
&  des  Paralipomenes:  or  ceux-ci  font  plus 
anciens  que  la  fondation  .<!' Alexandrie. 
3^.  Le&  Juifs  de  cette  ville  «  inftruits  par  le 
commerce  desXjrecs^  auroient  écrit  d'une 
manière  moins  (impie .;  les  prophéties  d'I- 
faïe»  de  Jérémie  ,  £zechiel>  &des  autres, 
portent  évidemment  l'empreinte  d'un  fié- 
cle  plus  ancien  que  le  fecona  Livre  des  Mac- 
chabéiïs.  4^^  Des  fau0aires  qui  auroient 
prédit  des  événemeos  après  coup  «  auroient 
rendu  leurs  prédiâions  plus  claires,  pour 
ieur  donner  par-Ia  même  plus,  d'autorité  ; 
l'obfciHrité  qu'on  leur  reproche^ft  une  des 
preuves  de  leur  anticputé.  j^Bes  fauflaires, 
quelqu'habiles  qu'on  les  fuppofe,  n'au- 
roient  jamais  pu  lier  auffi  parfaitement  la 
chaîne  de  leurs  prédirions  avec  la  fuite  de. 
l'Hifloire  des  Juifs ,  des  Chaldéens  &  des 
Perfes ,  garder  auflî  exa<9tement  l'ordre 

chronologique  jj 


^ronologique- ,  faire  parler  les  Prophètes- 
auflî-  convenablement  aux  différentes  cir- 
conrtanees  où  ils  fe  font  trouvés.  Les  Chré»- 
tiens  &  les  Pàyèns  également  enneinis  des- 
Juifs,  àuroiertt  bientôt  découvert  la  fuppo-* 
fîtions  tout  comme  OH' a  démontré  la  fauf-^ 
feré  des  oracles  des  Sy billes.* 

Pàr-toiit  pn  affeéte-  de  repréfenter  Jes^ 
Écrivains  Juifs  comme  des  infenfés  &  com- 
me des  fanatiques  r  &  par  une  contradic*- 
tion  révoltante- ,  on  fuppofe  qu'ils  ont  éte- 
ins plus  habiles  fourbes  quUly  ait  jamais  ei^ 
dans  l'Univers. 

Onnous  objiwâe  que' lés  prophéties  aptr 
pliquées  à*  J.  wpar  les?  Chrétiens ,,  ne  j!ànr 
point  vues  dw  mtmt  œil  par  les  Jù^^  «  qui^ 
attendent  encore  ce-MeJJie  que^  l&s  prtmiers\ 
croient  arrivé  depuis^  rS  Jièble^s  Ç:a%  fiout- 
éclaireirons  ce  point ,.  quand  nous  repon-^ 
dro'ns  au  reproche  qp'-on  fait  aux»  Pères  de^ 
TEglife,  d'avoir^abufé  des  prophéties  ddî 
l?ai2:ien  TeÛament  0%^ 

L'Auteur  du  ChriJîiMifntt^  d'éifoité  ïicP 
fâ*Ouve  pas  étrange  que  Îcp  Prophètes  du  lu-r 
daïfait  aient  anrtdnd  d^  tQut  t&mpt^  à^  un^ 

(>4)  Chrift.  dévoilé,  (>«  7 7^^  . 

Tome  U  ^  ta: 


5o5  Af  O  LOCfl  K 

Nation  inquiète  &  mécontente  dé  fon /brr  , 
un  Libérateur ,.  qui  fat  pareillement  P'objet  de 
V attente  des  Romains  ^  &  de  prefque  toutes 
hs  Nations  du  monde ^  Voilà  biei|-  des  (up- 
pofitions  fauffes.  I^  Les  Juifs  ont  eu  des 
Prophètes ,  rion-feutement  dans  le  temps 
qu'ils  étoient  mécontens  de  leur  fort ,  mai^ 
forfque  leur  République  étoit  ia  ptus  ftbril^ 
ûnte  y  fous  les  règnes  de  David  &:  de  Sala* 
mon  ;  &  Moïfe  leur  avoit  promis  de  la 
part  de  Dieu  qu'ils  en  auroient  toujours* 
»°,.  Les  Prophètes  n'ont  pas  (eulemem  pré- 
dit aux  Juifs  un  Libérateur  &  un  Meflie  3» 
mais  ils  leur  6nt  fouvent  annoncé  les  plus 
grands  malheurs ,  &  d'autres  événemêns  ;. 
la  pri^de  Jerufâlem>la  captivité  de  Baby-^ 
lone  &  fa  durée  précife  r  la  ruine  de  Baby- 
lone^  celle  de  Tyr  &  de  Sidon  5  la  dévafta- 
tioa  de  l'Egypte ,  la  fucceflîori  de  quatre 
grandes  Monarchîes;r enfin  la, ruine  entière 
de  Jerufalem ,  du  Tempîe  &  de  toute  lar 
Nation,  Ce  n?étoit  pas  là  dequoi  fèduire  fes 
Juifs  par  de  vaines  efpérances,  5**.  Il  eft 
feuy  que  les  Romains  aient,  attendu  un  Li- 
bérateur comme  les  Juifs  f  s'ils  en  ont  eu^ 
quelqu'idée ,  elle  leur  %St  venue  par  les 
prophéties  mêmes  d&&  Juifs  connues  dan» 
tout  FOrieuc,.  CQiPime  nou$  l'avons  remar- 
qué d'après  Tacite  &  Suétone.  Les  pro^ 
mejÛTes  &:  l'attente  du^  Melfii^  rçtioiiYeitâe» 


î> E  LA  R  E  L  r (? i* ô  N ,  &c:^   ^oj 

thet  les  Juifs  de  fiècle  en  fiècle  depuis  le^ 
commencement  du  monde, font  un  phéno- 
mène unique  y  qui  ne.  fe  retrouve  chez 
aucune  autre  Nation  ^ 

Comment  ;  dit  notre  Auteur  ,  peut-  oit 
voir  et  Libérateur  dans  la perfonne  de  Jefus  *. 
le  d^rmSeurù'  non  le  reftaurateur  delaNa^. 
don  Hélràique  {a}?  Il  eft  faux  que  J.  C.  ait 
été  le  deftrudeur  de  fâ  Nation;  il  lui  a  prédit 
fa  deftruâion  >en  punition  de  fon  incrédu- 
lité ;  il  lui  a  fait  comprendre  que  Dieu  fe 
ferviroit  des  Romûins  pour  Texterariner  ;  il 
a  fauve  de  la  ruine  ceux  qui  ont  cru  en  lui  5 
îl  leur  à  procuré  une  délivrance  plus  impor- 
tante  encore  ,  en  les  fauvant  du  péché  &  dé 
la  damnation  éternelle» 

En  vain  Ton  ajoute  qu^il  étoït  facile  de 
prédire  k  deftruftion  &  la  dlfperfion  d*un> 
peuple  toujours  inquiet ,  turbulent ,  rebelle 
à  fes  Maîtres.  J.  C.  après  Danie!  &  tes  au- 
tres PrcM>hètes>  à  non-feulement  prédit 
cette  deftruftion  ,  mais  il  en  a  défigné  la 
caiife  y  Topiniâtretédes  Juifs  à  rejetter  leur; 
Meûie ,  il  en  a  détaillé  les  circonftançes  à 
ies  Difciples ,  &  ils  ont  profité  de  cetre  eon-» 
fioiflànce  pour  s'éloigner  de  Jerufatem& 
de  la  Judée ,  avant  k  raine  entière  de'lar 
Naition. 


U)  ÇbàX,  divoiil,  p.7t^  }*  tente  j  Eugénie ,  f,  -ji, 

Ççi) 


5o8  Apoloctie 

D  y  aeu d'autres  peuples  conquis  &dîù 
perfési  au  bout  d'un  certain  temps  ils  fe 
ibnt  touîpucs  confondus  avec  la  Niation 
conquérants.  On  dit  que.  les  Juifs  demeu-- 
pmt  dijperjes  j.parce  quUls^fçnt  infociables  ^ 
intoUrans  ^  &  a$/euglémtnt  attachés  à  leurs 
Juperfiitions  (a}.  Et  voilà  précifénEient  le 
prodige.  Ni  la  durée  des  iiècles  ^ni  le  chaot- 
gement  des  dinutts ,  ni  les  mauvais  traite- 
mens,  ni  la  facilité  de  rendre  l^ur  fort  plus 
doux  »  n'a  pu.leur  faire  changer  de  génie  ni 
de  caraâere»  A  la  Chine  &  dans  toute  l' Afîe  » 
dans  les  pays  Méridionaux  &  dans  ceux  du 
Nord ,  par-tout  ils  font  les  mêmes  :cela  eft-ii 
naturel? 

Oh  avance  fbtt  férieufement  que  L'arrde 
prophétifer  étoit  chez  les  Jui&un  vrai  mér- 
tier  ;  les  Piophètes  tenoieift  des  écoles  pu- 
bliques ,,  apprenoient  à  leurs  difisiples  à 
tromper  le  peuple  „  &  à  vivre  Lfes  dépens*. 
On  nous  apprend,  d'après  Dodwel^que  les 
Prophètes  fe  difpofoiem  à  prédire  l'avenir 
en.  DÛ  van  t  du  vin..C'étoient  de;  Jongleurs^ 
des  Muflciens  >  ils  fe  décripient  les  uns  lea^ 
autres  ;.  chacun,  traitoit  foa  rival  de  &uib. 


iA)  ChrUl.  dtvoiié  ;  £,  29*. 


iTE  LA  R.ELrG^roH,  &e;  30^ 
Prophète  (a).  Toutes  ces  anecdotes  fonttfèsr 
curieufes  ornais  ce  font  autant  d'impX)ftures*' 

On  a  oublié  fans  doute  que- David,. 
quoique^  Prophc^,,  étoit  Roi^;  qu'Ifaïe 
étoit  du^  fang  Royal  ;  Ezechiëî  &  Jérémie 
de  race  Sacerdotale  ;*que  Daniel  fut  éleva 
à  la.  plus  haute  faveur  fous  les  Rois  de  Ba^ 
bylona^  Voilà  les  principaux  Prophètes  qur 
ont  le  plus  écrit ,  &  dont  nous  avoiïs  les 
prédidions  :  il  n'y  a  pas  d'apparence  qua 
des.  personnages  aum  ne^eâables  aient 
fait  le  métier  de  Jongleurs  pour  fubfifter  aux 
ciépens  du  peuple,,  ni  qu'ils  aient  puifédans 
les  vapeurs  du  viivles  idées  fubiimes  ^/tour 
ehantes ,  majeftueufes  r^qu'ils  nous  donnent 
de  laDivinité»  de  fa  puiâance>  de  fa  juftice 
&  de  fes  deffeins.SL,  avant  d!outrager^  aufld' 
indécemment  ces  faints  hommes,  on  avoir 
pris  la  peine  de  les  lire  ^peut-être  auroit-oa 
appris  à  les  refpeâer.  Mais  nos  adverfaires 
veulent  opiniâtrement  s'avilir  eux-mêmes»^, 
en  jettant  du  ridicule^mal-àrpropos  fur  tout 
ce  qui  leur  déplaît. 

Il  y  a.  eu^  de  faux  Prophètes  chez  le» 
Juifs  ,,  cela  eik  cenain-;  mais  ces  impof- 
teurs  ont  été  bientôt  démsiq^és  ;  pteuva 


mm 


À 


(<a.)  Ctirift.  cIévoil4rP-9o.-ExaincBMfn]>orctnt,  c  lO'». 
B*'  4s^.  }c  Lcctic  i  Eugénie,  £.  S^«  Contagion  ÙLaét^  c*  44, 
B-  7  V 


cêfcaine  que  ceux  qui  ont  été  Gonffamiïleitf 
écoutés  Gonnune  envoyés  de  Dieu ,  méri- 
toient  cet  honneur  ;  loin  de  chercher  à  fér^ 
dûire  le  peuple ,  ibuVent  ils  lui  ont  fait  les 
prédîâionsles  dIus  terribles*  &  les  repro^ 
ches  les  plus  ianglans  ;.  ils  omt  parlé  aux: 
Rois  comme  aux  peuples ,  &  les  Rois  n'ont 
jamais  eu  lieu  de  ie  repentir  de  lef  avoir 
écoutés. 

Nos  grands  Critiques  foutientient  cepen-' 
dant  que  ces  Prophètes  n^étoient  rien  moins^ 
que  des  perfonnages  vertueux  ^  c'étoient  y 
di&ht-its ,  des  Prêtres  arroganS)  des  fujets 
rebelles  &  fèditieux ,  ennemis  de  l'autorité 
civile,  cabaiant  contre  les  Souverains  ,  & 
foulevant  les  peuples  comr'eux.  Samuët 
fufcite  à  Saul  un  rival  dans  la  perfontie  de 
David  's  Elie  eft  obligé  de  s'enfiiir  pour  fe 
ibuftraire  au  châtiment  dont  il  étoit  nien^ 
ce  ;  Jérémie  s'entendent  avec  les  Afiyriens 
pour  leur  livrer  fa  patrie  affiégée. 

On  avouera  du  nKMns  que  David  >  Ifaîe  , 
Daniel  &  les  douze  petits  Prophètes  y  n^é- 
loient  ni  des  Prêtres ,  m  des  fèditieux  qui  fe 
Ibient  mêlés  mal-à-propos  des  aiBûres  d'E- 
tat ,  ou  qui  aient  fbulevé  les  pépies.  Ezé- 
chiël  »  quoique  d'une  famille  Sacerdotale  y 
n'eut  rien  à  démêler  «vec  le  Gouverne-^ 
SBenc. 

Si  Samuel  étoit  l'ennemi  déclaré  de  Saiil 


j 


DE   LA  KELXatOVfy&C^     ^ït 

Se  6e  la  royauté  ,  comme  nos  adverfaireS 
affetftent  de  le  repréfenter  ,,  pourquoi  ce 
Prince  ,  après  la  mort  de  Samuel  ^  fait- il 
«voquer  fon  ombre  pour  le'  confulter  en- 
core ?  Peut-on  donner  fa  confiance  à  ua 
ennemi  déclaré  &  connu  pour  tel? 

Elie  eff  menacé  &  perfécuté  par  un  Roî- 
&  une  Reine  idolâtres  &  méchans ,  parce 
qu'ilT^eur  avoir  reproché  leurs  dérèglement 
éc  leurs  crimes  :•  on  ne  l'accufoit  ni  d'avoir 
cabale  contre  l'Etat ,  ni  d'avoir  foulevé  lel 
peuples  :  fi  Elie  étoir  coupable  d'avoîf 
jempE  fon^  miniftere  avec  courage,  que 
devons-nous  penfer  de  l'Auteur  du  Chrif^ 
îianifme  dévoilé  ^  qui  fans  miffion  &  fans 
caraftere ,  déclame  indécemment  contrer 
les  Souverains  ,.  attribue  à  leur  aveugle- 
ment &  à  leur  fauÛe  politique  tous  le$ 
inaux  des  peuples  ? 

Jérémie  étoit  d'intelligence  avec  leS^ 
AflTyriens  ;  pourquoi  donc  ce  Prophète  re-^ 
fufa:t-il  conftamment  d'aller  à  BaBylone  pro' 
firer  de  la  bienveillances  du  Roi  d'Alîy  rie  ? 
Comment  demeutart-  il  dans  la  Judée  pour 
confoler  le  refte^es  Juifs  qu'on  y  avoît 
laifles  ?  Comment  fiiivit-il  en  Egypte  ceu3t 
^}À  s'y  étoient  retirés  contre  Ion  àvi^  'i 
Voilà"  comme  ttos  Critiques  font  cxaôs  dans^ 
leurs  citations  de  FEcriture-Sainte. 

yAuceur  de  ÏUxamm  imjponant  xt$i» 


•ncorë  plus  mal  les  Prophètes;  il  neméiragâr 
dans  Tes  accufations  ni  la- bonne  foi ,  ni  la^ 
pudeur.  Dieu-,  felon^  lui ,  ordonne  au- Pro- 
phète Ofée-de  prendre  chez  lui  une-profti- 
tuée ,  &  d'en  avoirs'  des  enfans  illégiti- 
nfês  (a)t  Oii  lit  la  même  cho&  dans  le 
DiSionnaire  Philofophiquer ,  art,  E^échitl^- 
dans^  ij^ Lettre  fiir  les  Miracles (b y  y  & 
dans  le  Dîner  du  Comte  de  Boulairwil- 
lier  s  Ce).  Cèft  une  fauflètdrépitée  quatre- 
foisr 

Les  difFérens  ordres  que  Dlea  a*  donnée 
à  fes  PiTophètes ,  paroîtroient  moins  extraor- 
dinaires ,  il'  l'on  vouloit  faire  attention- au; 
génie  des  Orientaux  ,.  &  aux^  moeurs  des^ 

{premiers  âges  du'  monde.^  Pour  émouvoir 
es  hommes  ,  nous  einployons  le  raifonne- 
n^ent  Ô^les  difcours  ;  les  anciens  parloient 
a  l'imagination  ,  perfuadoient  par  des  ac^ 
tions  &  par  des  lignes  >,  le  plus  énergique 
âes  langages  v^  l'Auteur  £EmUe  J'a:  très- 
bien  renïarqué.  ce  Ce  qu'on  difoit  le-  plus 
»  vivement  nes'exprimoit  paspardesmotSr 
a»  mais  par  des  fîgnes;  on  ne  le  difoit  pas  » 
9'On  lemontioit.Trafibfle&rTarquin  cou«> 
a»  pant  des  têtes  de  pavots  ;;  Alexandre  ap 
appliquant  (on  fceau fur  Ja^boMche  de  fon 

r^  -  -  I  --       - j-    ■■     •-' — 1^— r — TT- -^— ^-i^-^ 

Lb)  Page  i7<i,- 


DE   L  A  R  E  L  I  G  I  O  N,  &C.     5I J 

»  favori  ;  Diogene  marchant  devant  Zenon, 
3>  ne  parloient-ils  pas  mieux  que  s'ils  avoient; 
»  fait  de  longs  difcours  ?  Darius,  engagé  dans 
3D  la  Scythie  avec  fon  armée  ,  reçoit  de  la 
»  part  du  Roi  des  Scythes  un  oifeau ,  une 
9  grenouille  ,  une  fouris  &  cinq  flèches* 
3»  L'AmbaiTadeur  remet  fon  préfent,  &^'en 
»  retourne  fans  rien  dire.  De  nos  jours  ce^ 
30  homme  «ut  pafle  pour  fou.  Cette  terrible 
3»  harangue  fut  entendue  »  &  Darius  n'eut 
3t>  plus  grande  hâte  que  de  regagner  fon 
»  pays  comme  il  put  y^(a).  C'eft  aînfi  que 
Dieu  faifoit  parler  aux  Juifs  par  fes  Ptch 
phètes  ;  ceux  qui  tournent  en  ridicule  cû 
procédé^  font  voir  qu'ils  ont  très-peude 
connoiflance  de  l'antiquité. 

Dieu  commande  au  Prophète  Ofée  de 
prendre  une  femme  débauchée  pour  fon 
épaufe  ;  par  conféquent  de  la  retirer  du 
céfixàre;  les  enfans  provenus  de  ce  ma- 
riage ne  font  donc  pas  illégitimes.  Si  la 
Vulgate  les  appelle  filios  fornicationum  (J?  )• 
c'eft  par  rapport  à  la  vie  paffée  de  leur  mère. 
Dieu  n'a  jamais  commandé  de  crime  à  fes 
Prophètes.  Or  la  fornication  en  étpit  un 
chez  les  Juifs ,  comme  chez  tous  les  autres 
peuples  (c).  Le.piariage  du  Prophète  étoit 

(d)  Emile»  con)ei  >  p*  zi^. 

ib)0Jce,c.u 

{Olbii   5.      . 

Tome  L  D  d 


^ 


51^  ApoLo<sriE    . 

un  tableau  frappant  de  la  conduite  du  Sei- 

j^neur  envers  les  Juifs. 

On  a  répçtc  dans  les  mêmes  ouvrages 
une  calomnie  plus  odieufe  encore  »  en  aflii- 
rant  que  Dieu  avoit  commandé  dans  la 
fuite  à  Ofée  d'avoir  commerce  avec  une 
femme  adultère.  On  a  falfifié  le  texte  ;  il 
«ft  feulement  ordonné  au  Prophète  de  té- 
moigner de  TafTeftion  à  cette  femme ,  com^ 
me  Dieu  en  témoigne  aux  enfans  d'Ifraël 
malgré  leurs  infidélité^  (  ^  )  ;  mais  il  ne  lui 
eft  point  ordonné  d'avoir  commerce  avec 
elle  :  la  manière  dont  le  Prophète  lui  parle  » 
témoigne  le  contraire.  L'adultère  étoit  dé- 
fendu par  la  loi  des  Juifs ,  fous  peine  dç 
mort. 

^  Nous  avons  montré  dans  le  Chapitre  2  ; 
§.  10 ,  la  faufleté  &  l'injuflice  des  reproches 
que  l'on  a  fait  à  Ezéchiëh 

On  a  prétendu  enfin  que  Jérémîe  avoît 
marché  nud  au  milieu  de  Jerufalem  (b^i 
Boitvelle  impofture.  1^,  C'eft  Ifaïe,  &  non 
pas  Jéfémie  qu'il  falloir  citer  (c);  2"*.  il  y 
â  de  la  mauvaife  foi  à  fuppofer  que  le  Pro« 
phète  fût  entièrement  nud.  Dieu  lui  or- 
iionne  de  paroître  au  milieu  de  Jerufalem 

(a)  Deut.  IX  ,  îi. 


(a)  ueut.  IX  ,  II. 

(h)  17*  Lettre  fur  les  Miracles  i  p..  )  7^. 

ici  Ifrïa  »  ç»  io* 


' 


T)  E  XA  Religion,  &c,  ^if 
dans  le  même  état  où  feroient  les  Egyp- 
tiens ,  lorfqa'ils  feroient  emmenés  en  efcla* 
vage  par  les  Aflyriens  :  or  il  n'éft  pas  vrai- 
femblable  que  les  AfTyriens  aient  laide  les 
efclaves  fans  aucune  couverture  ;  3*^.  dans 
les  climats  de  l'Afrique ,  où  les  deux  fexes 
ne  font  couverts  que  d'un  fimple  pagne , 
la  nudité  du  refte  du  corps  ne  fait  aucune 
impreffion  fur  Içs  fpedateurs ,  &  n'eft  point; 
regardée  comme  une  indécence. 

S.  i6* 

L'Auteur  du  Chnjliamjme  dévoilé  i 
pour  terminer  le  tableau  des  prophéties 
Judaïques  ,  les  appelle  des  rêveries  décoiH 
fues ,  un  fatras  bizarre ,  des  rapfodies  înfor- 
mes ,  ouvrages  du  fanatifme  &  du  délire , 
des  oracles  vagues ,  obfcurs ,  énigmatiques , 
comme  ceux  des  Payens ,  où  les  Juifs  ont 
trouvé  toilt  ce  qu'il  leur  a  plu,  où  l'efprit 
des  Chrétiens ,  échauffé  de  l'idée  dé  leur 
Chrift ,  a  cru  le  voir  par-tout.  On  ne  peut 
pas  s'exprimer  d'une  manière  plus  décente^ 
plus  fage ,  plus  digne  de  la  gravité  Philofo- 
phique. 

Au  lieu  de  répondre  fur  le  même  ton; 
nous  nous  bornerons  à  rapporter  quelques- 
unes  des  prophéries  les  plus  claires  &  les 
mieux  çirconftanciées ,  pour  mettre  le  Icc- 

Ddij 


1 


5i<J  Apologie 

teur  en  état  de  juger  (i  elles  méritent  les 

^ithètes  qu'on  leur  prodigue. 

Dieu  prédit  à  Abraham  (a) y  que  par  (es 
deux  enfans ,  Ifmaëi  &c  Ifaac ,  il  le  rendra 
père  d'une  infinité  de  Nations  ;  pour  gage 
<le  /a  promeile,  il  lui  ordonne  de  changer 
N  fon  nom ,  &  de  pratiquer  la  circoncifion 
dans  fa  famille  :  il  lui  promet  de  donner  aux 
dçfcendans  d'Ifaac  le  pays  desChananéens, 
&  de  bénir  toutes  les  Nations  dans  fa  pofté- 
rite.  Il  prédit  qu'Ifmaël  fera  un  homme  fier 
&  fauvage  ;  qu'il  aura  le  bras  levé  contre 
tous  ,  &  tous  contre  lui  ;  qu'il  tendra  fes 
pavillolïs  fous  les  yeux  de  fes  fireres. 

Nous  fommes  témoins  de  l'accomplifle^ 
ment  de  la  prophétie.  L'Afie  eft  encore  au- 
jourd'hui peuplée  de  Nations  qui  reconnoit 
fpnt  Ifmaëi  &  Abraham  pour  leurs  ayeux  , 
éc  la  poftérité  d'Ifaac  ef):  difpef fée  par  tout 
le  monde.  Les  Ifmaëlites  reçoivent  la  cir- 
concifion à  la  14.^  année ,  comme  elle  fut 
donnée  à  leur  père  ;  les  Juifs  la  reçoivent 
comme  Ifaac  le  huitième  jour  :  les  uns  & 
les  autres  en  confervent  l'ufage  comme  une 
marque  de  leur  origine.  La  race  dlfaàc  a 
pofledé  pendant  1400  ans  le  pays  des 
Chananéens  ;  il  eft  prouvé  par  la  généalo- 
gie du  Sauveur ,  qu'il  defcendoit  de  ce  Pa-» 


ii^)  Qtn  .16 ,  17  ^  fi^^ 


t)Ê   LA  ReLÏGIO*,  &C.      517 

tmrché  par  les  aînés ,  &  qu'il  en  réuniflbit 
tous  les  droits  dans  fa  perfonne  :  c'eft  en 
lui  &  par  lui  que  toutes  les  Nations  ont  été 
bénies. 

Jacob ,  au  lit  de  la  mort ,  prédit  à  Juda 
fon  fils ,  que  fa  fanïille  confervera  la  préé- 
minence fur  les  autres,  jufqu'à  ce  que  viei> 
ne  l'Envoyé  de  Dieu,  à  qui  tous  les  peuples 
rendront  obéiflance  (  ^  )  :  &  la  tribu  de  Juda 
a  confervé  le  premier  rang  chez  les  Jiîife 
jufqu'à  la  venue  de  J.  €•  &  à  la  prédication 
de  l'Evangile. 

Jérémie  prédît  à  la  Nation  Juive  qu'elle 
fera  tranfportée  à  Babylone  ;  que  fa  Capti- 
vité durera  70  ans  ;  qu'après  ce  temps 
écoulé  elle  reviendra  dans  fa  patrie  (t>r 
ïfaïe  qui  vivoit  plus  d'un  fiècle  auparavant, 
ajoute  que  Cyrus  fera  le  libérateur  de  cette 
Nation  ;  qu'il  fera  rebâtir  Jerufalem  &  le 
Temple  (c)  :  &  l'événement  a  vérifié  exac- 
tement là  prophétie  dans  toutes  fes  circonf 
tances. 

Le  même  Ifaïe,  plus  de  fix  cens  ans 
avant  la  ruine  de  Babylone ,  prédit  qu'elle 
ne  fera  plus  habitée  ,  &  qu'elle  ne  fe  rétar- 
blira  ppint  dans  la  fuite  des  iiècles  ;  qu'elfe 


■MtMMi*i*«^>M«K;^MMHBWMH«li9 


(  a  )  Gen.  49' 

(  h  '  Jerem.  2  c  Se  if, 

Dd  îij 


'5i8  Apologie 


que  1  oracle  elt  parfaitement  accom 
pli ,  &  qu'à  peine  on  peut  découvrir'  des 
reftes  de  cette  ville  fameufe. 

Ezéchiël  prophétife  que  l'Egypte  fera 
défolée,  &  qu'il  n'y  aura  plus  à  l'avenir  de 
Prince  qui  foit  du  pays  d'Egypte  (b).  Or 
l'Egypte  à  été  fucceiïïvement  conquife  par 
les  Perfes ,  par  les  Grecs ,  par  les  Romains, 
par  les  Turcs ,  &  a  toujours  été  fous  une 
domination  étrangère. 

Daniel  annonce  à  Nàbuchodonofor ,; 
qu'à  fa  Monarchie  fuccédera  celle  desMedes 
&  des  Perfes  ;  que  celle-ci  fera  renverfée 
par  les  Grecs  ;  que  le  premier  Roi  de  cette 
Nation  fera  plus  puiflant  que  fes  fuccef- 
feurs  ;  qu'il  fe  formera  quatre  Royaumes 
des  débris  de  fon  Empire  ;  que  ceux-ci  tom- 
beront fous  le  joug  d'une  puiflance  plus 
formidable  encore  ;  que  fous  cette  der- 
nière naîtra  le  Royaume  de  Dieu  qui  ne 
doit  jamais  finir  (c).  L'Hiftoire  nous  ap- 
prend en  effet  que  l'Empire  des  Aflyriens 
a  fait  place  à  celui  des  Medes  &  des  Perfes  ; 
que  ceux-ci  ont  été  fubjugués  par  Alexaa- 


««MM» 


ih)  Extch,  30,  ij, 

l  c)  Dan,  chap.  x  ^  7  &  &| 


©È   LA  ReLÎGÏÔN,  &C.     3ïp 

été  y  que  des  Etats  de  ce  Conquérant  fô 
font  formes  quatre  Royaumes  ;  qu'enfuite 
les  Romains  s'en  font  rendus  maîtres  >  & 
que  fous  l'Empire  d'Augufte  eft  né  le  Sau- 
veur du  monde.  Nous  avoAs  déjà  riemar- 
qué  que  cette  prophétie  fembloit  fi  claire 
au  Philofophe  Porphyre ,  qu'il  la  croyoit 
compofée  après  coup. 

Ifaïe  a  prédit  la  naiffance  du  Meflie  &  fe$ 
principales  circonftances  ;  il  a  dit  qu'il  nat- 
troit  d'une  Vierge  &  du  fang  Royal  de 
David  :  un  autre  Prophète  en  a  fixé  le  lieu 
à  Bethléem  :  d'autres  ont  annoncé  qu'il 
viendroit  pendant  la  durée  du  fécond  Tem- 
ple. Lorfquè  Jefus  eft  né ,  l'attente  de  l'a- 
vénement  prochain  d'un  Rédempteur  étoit 
/non-feulement  répandue  chez  les  Juifs* 
mais  dans  tout  l'Orient ,  comme  le  témoi- 
gnent Tacite  &  SUétone.  Les  alarmes 
d^Hérode  >  &  le  maffacre  des  Innocens  ', 
connu  des  Romains  (a)  y  en  font  un  monu- 
ment terrible. 

Le  5*3^  chapitre  d'Ifaïe  décrit  la  mort 
du  Meiïîe  avec  les  mêmes  circonftances  quô 
les  Evangéliftes  ;  on  peut  lés  confronter  :  Id 
Pairaphrafte  Chaldaïque  de  ce  Prophète  l'a 
entendu  comme  nous  de  la  mort  du  Chrift 
ou  du  Meflîe.  David  en  avoit  déjà  prédit 


(  A  )  Maccrob,  Saturn.  ^  i ,  c.  4. 

DdLv 


gao  Apologie 

toucea  les  circonftaaces  dans  le  Pfèaume 
ai.  J.  C.  lui-même,  prêt  d'expirer  fur  la 
Croix  j  prononça  les  premières  paroles  de 
ce  Pfeaume ,  pour  montrer  que  toutes  ces 
prédirions  étôient  accomplies  en  lui.  Eft- 
ce  le  bafard  qui  a  fait  faire  aux  Juifs  dans 
le  dernier  détail  tout  ce  que  leurs  Prophè- 
tes avoient  prédit  du  Meflîe  ?  Sont-ce  là 
des  prophéties  vagues  &  ohfcures ,  où  Ton 
a  trouvé  tout  ce  qu'on  a  voulu  ? 

Nos^  Cenfeurs  accufent  J.  C.  de  n'avoir 
pas  été  plus  clair  ni  plus  heureux  dans  fes 
prophéties  (a}.  Nous  rfen  citerons  qu'une 
icule.  Il  a  prédit  que  le  Temple  de  Jerufa- 
Jem  feroit  détruit  de  fond  en  comble  ,  & 
<ju'il  n'en  refteroît  pas  pierre  fur  pierre  (  è  )» 
L'Empereur  Julien ,  réfolu  de  rendre  fauffe 
cette  prophétie  ,  invita  les  Juifs  de  toutes 
les  Provinces  de  l'Empire  à  rebâtir  leur 
Temple.  Le  Gouverneur  de  la  Paleftine  » 
félon  fes  ordres ,  n'épargna  ni  foins ,  ni  dé- 
penfes  ,  ni  travaux.  A  peine  eut-on  crenfé 
les  premiers  fondemens  de  l'édifice  »  que 
des  globes  de  fea  fortis  du  feiçi  de  la  terre , 
boufèverferent  tout  le  travail ,  brûlèrent  les 

(a)  Chrift.  (i^voilé ,  pag.  8^.  Examen  imporunc,c.  i&* 
57.  |e  Lettre k  Eugénie»  p.  88, 


{a)  «^nriiT*  a(:voue ,  pag.  s ^ .  rj 

f^97*  $t  Lettre  k  Eugénie  >  p.  88, 

(  h  )  i/htlh*  i^j  2.  Luc  is  »AU 


DE  R A  R E L r G I a N ,  &:c.   5^r 

ouvriers ,  fendirent  le  lieu  inacceflîble  ,  & 
forcèrent  d'abandonner  i'entreprife.  C'eft 
Ammien  Marcellinf>  Officier  dans  la  Milice 
fous  Julien,  Auteur  contemporain ,  Hifto- 
rien  d'ailleurs  judicieux ,  qui  raconte  ce 
fait  (  fl  ).  Son  récit  eft  confirmé ,  non-feule- 
ment par  le  tcnKJÎgnage  de  plufieurs  Ecri- 
vains Eccléfiaftiques  ,  dont  quelques-uns- 
furent  témoins  oculaires  (t);  mais  encoie 
par  deux  Lettres  de  Julien  lui-même  (c). 
Jufqu'à  préfent  nos  adverfaires  n'avoient 
pas  ofé  dire  ce  qu'ils  penfoicnt  de  ce  fait 
fingulier  r  F  Auteur  des  Mélanges  de  Litté^ 
rature  ^  £Hiftoire  &*  de  Philofophie  ,  in- 
8^ ,  s'en  eft  débarrafle  fans  façon-:  il  a  don- 
né un  démenti^ formel  à  Ammien  Marcel- 
lin  &  à  tous  les  autres  ;  il  a  traité  leur  récit 
de  conte  ridicule  (d):  c'eft  airifi  que  l'oa 
crit  l'Hiftoirc  en  Philofophe. 

On  foutient  fauflement  que  J.  C.  a  pré^^ 
dit  le  Jugement  dernier  dans  le  2 1  ^  chapitre 
de  S,  Luc.  Il  y  prédit  la  ruine  de  Jerufa- 
iem  &  de  la  Nation  Juive  ;  mais  fous  les 
figures  vives  &  hardies  du  ftyle  oriental» 
On  peut  confronter  ce  chapitre  avec  la 


(4  )  Amm,  Marcelt*  L 15  >  uiiria. 

(  h  Voyez  la  DK&rtaiion  de  'Warburchon  fur  ce  fujec» 
Faris  175 4-  ^ 

(C)  Voy^Tes  preuve»  de  l*Hi&,  de  M. Bullet^  n.  104. le 
fuiv. 

(i )  Mélanges >  (ome  u  c.  4% ,  p.  54» 


3^2  Apologie 

prife  de  Babylone  dans  Ifaïe  ;  la  défaîte  iil 
Koi  d'Egypte  dans  Ezechiël  ;  la  ruine  de 
Tyr  &  de  Sidon  dans  Joël  :  on  y  verra  leis 
mêmes  images  &  les  mêmes  expreflîons. 
M.  Freret  avoit  fait  cette  objedion  ;  nous 
lui  avons  fait  voir  qu'il  fe  trompoit  (a)', 
à  quoi  fert-il  de  la  répéter  encore  C^)  ? 

Dans  VExamen  important ,  l'Auteur , 
qui  copie  Celfe  &  Julien  (c),  accufe  le» 
Chrétiens  d'avoir  tordu  le  fèns  des  prophé- 
ties, pour  perfuader  aux  Juifs  que  Jefus 
étoit  le  Meffie;  il  cite  ponr  exemple  îa 
prophétie  d' tfaïe  &  celle  de  Jàcob ,  &  it 
les  rapporte  d'une  manière  très-infidelle;  it 
afliire  que  lesChrétiens y  loin  de  convertir  les 
Juifs  s  en  furent  méprifés  &  déteflés ,  Gr  /c 
font  encore  (^).  Dans  un  autre  endroit  il  les 
blâffle  d'avoir  tourné  tout  l'ancien  Tefta- 
ment  en  allégories  du  nouveau  ;  il  prétend 
que  cette  méthode  contribua  plus  que  toute 
autre  chofe  a  la  propagation  du  Chrijlianif- 
me;  il  détruit  ainfi  d'une  main  ce  qu'il  éta- 
blit de- l'autre  (c). 

Le  plus  ancien  monument  que  nous 

{a)  Certitude cTes  preuves da  Chrîft.  c.  ri  ,  $.  lo. 

{h)  Examen  important,  c.  i^*  p.  97«  Queftions  de 
'Zapata,  n.  5).  Dîner  du  Comte  de  Boulainvilliers,  p.  &^ 
.  .    (C)  Dans  Origene ,\,i6c.2»S,  Cyrille ,  1R  b . 

(  à )  Examen  important,  c.  15  j  p*  $%  &  CuN* 

(e  j  llid%  c.  z?  9  p*  10;. 


m 

DE    LA   R  ELIGION,  &c;    -^2^ 

ayons  des  difputes  fur  les  prophéties  entre 
les  Chrétiens  &  les  Juifs ,  efl:  le  dialogue  de 
S.  Juftin  contre  Tryphon  ;  il  faut  examiner 
fî  ce  père  a  mal  expliqué  les  deux  prophé- 
ties dont  on  a  parlé ,  &  s'il  leur  a  donné  un 
fens  que  les  Juifs  aient  pu  rejetter  en  rai' 
fonnant  confèquemment. 

On  lit  dans  Ifaïe  (a)  :  Le  Prophète  dit 
à  Achai  :  demande:(  au  Seigneur  un  pro^ 
dige  dans  le  ciel  ou  fur  la  terrt,  pour  mar- 
que de  fa  protedion.  Je  n'en  ferai  rien, 
répondit  Acha^  >  Gr  je*  ne  tenterai  point  U 
Seigneur.  Ecoute\  doncgmaifon  de  David  y 
répliqua  Haïe;  neft-ce  pas  ajfei  pour  vour 
d'inquiéter  les  Prophètes  j  fans  fatiguer  en^ 
core  y  par  vos  plaintes ,  le  Seigneur  qui  les 
fait  parler?  Eh  bien ,  lui-même  vous  dort'' 
nera  unjîgne  .•  une  Vierge  (  Aima  >  cûTzce- 
vra  Ér  enfantera  un  fils  *  &*  le  nommera 
Emmanuel  i  Dieu  avec  nous.^  Ceft  ainfii 
que  la  Paraphrafe  Chaldàïque  a  rendu  les 
paroles  du  Prophète, 

S.  Juftin  &  Jes  autres  Pères  de  l'Eglife 
foùtiennent  que  cette  prédidion  n'a  été 
accomplie  que  dans  J.  C;  &  il  n'eft  pas  dif- 
ficile de  s'en  convaincre  ,  quand  on  l'exa- 
mine de  près.  i**.  Il  eft  faux  qu'^Zm^  %m-^ 


■fMH 


1»)  Jf»c.  7,f^i^ 


9^  Apolooie 

fie  indifiëreroment  une  fille  ou  une  jeune 
femme ,  comme  le  prétend  le  Critique  C  ^  )  > 
il  fignifie  une  Vierge  :  quiconque  a  la  moin- 
dre connoiflànce  de  l'Hébreu  &  du  Chai- 
déen  ,  ne  peut  Fignorer,  2^.  II  étoit  ques- 
tion de  citer  aux  Juifs  un  prodige  :  ce  n'en 
iêroit  pas  un  qu'une  femme  mariée  fût  de- 
venue mère.  5**.  C'étoit  une  tradition  conC- 
tante  parmi  les  anciens  Doâeurs  Jui& ,  que 
le  Meffie  de  voit  naître  d'une  Vierge ,  &  cpie 
le  nom  Emmanuel  eft  un  de  ceux  (bus  lef- 
quels  il  eft  défigné  dans  rEcriture  (^)« 
Quand  il  y  auroit  eu  de  l'incertitude  fur  le 
vrai  fèns  de  la  prophétie ,  les  Jui&  ne  pou- 
voient  rejetter  l'explication  qu'en  don- 
noient  les  Chrétiens ,  fans  contredire  fan* 
cienne  tradition  de  la  Synagogue  :  il  n'eft 
donc  pas  vraifemblable  que  les  Juifs  in(^ 
triiits  aient  ri  au  ne^  des  Chrétiens ,  à  moins 
qu'ils  ne  fe  (oient  moqués  d&  la  tradition  de 
leurs  propres  Doûeurs. 

La  prophétie  de  Jacob  fournît  contr'eiïx 
une  preuve  également  folide.  Il  y  aura 
toujours  à  ï avenir  un  Chef  de  la  famille  de 
Juda  t^  un  Légiflateur  de  fa  race  ^jufquà 
ï arrivée  du  Mejfie  ,  à  qui  la  Puiffancefou- 
reraine  appartient  g&r  à  qui  tous  les  peuplés 

mm^^m  .  ,  I  ■  <         ■         I    ■ 

(a)  Examen  împortMic ,  p.  9)* 

( b )  Voyez Galadn,  de  ArcâiûsCathoL  vtrk, /•  li  ^  tt^ 


D  E   LA  R  E  L  I  G  I  O  N,  &C.      32f 

doivent  obéir  {a).  C'eft  la  tradudîoo  que 
donnent  les  trofs  Paraphrafes  Chaldaï- 
ques  ,  les  Auteurs  du  Talmud  ,  &  les 
plus  fameux  Rabbins  dans  leurs  Commen-» 
taires  fur  la  Genèfe. 

Or ,  félon  la  tradition  des  Juifs ,  la  puif- 
fance  légiflative  &  judiciaire  n'a  celle  chez 
eux  qu'au  règne  d'Herode  TAfcalonite  qui 
étoit  étranger  C^).  S.  Juftin  &  les  autres 
Pères  de  l'Èglife ,  qui  en  concluent  que  le* 
Meflîe  a  dû  naître  fous  le  règne  d'Herode  • 
ont  donc  écé  foidés  fur  la  tradition  cons- 
tante de  l'Eglife  Juive.  Lorfque  les  ïlab- 
bins  des  (îècles  foivans  ont  cherché  à  dé- 
tourner le  fens  de  la  prophétie ,  &  à  en 
éluder  les  conféquences ,  il  a  fallu  qu'ils 
commençaflènt  par  contredire  l'ancienne 
croyance  de  leur  école/ 

L'jBxplication  bizarre  quç  l'Auteur  de; 
Y  Examen  important  met  dans  la  bouche 
des  Chrétiens  ;  la  réponfe  encore  plus  ridi- 
cule qu'il  prête  aux  Juifs  >  la  manière  dont 
il  tronque  &  altère  les  Prophéties ,  font  des 
iuperchefies  indignes  d'un  Philofophe. 
L'homme  le  plus  ignorant  peut  enfanter 
d^s  rêves,  &  les  attribuer  aux  Dofteurs 
Juifs  o^  Chrétiens  ;  mais  quand  un  leéteuc 


mm^^im 


'^26  Apologie 

judicieux  confulte  les  anciens  moniimens, 
£c  qu'il  voit  le  véritable  état  des  contro- 
verfes  que  l'on  a  traitées  dans  les  premiers 
iîècles ,  il  eft  fort  étonné  dç  trouver  tout 
le  contraire  de  ce  qu'écrivent  nos  Cenfeurs 
roodefnes  ;  il  rougit  d'avoir  ajouté  foi  un 
feul  moment  à  des  Critiques  aufS  infi- 
dèles. 

On  nous  dit  que  les  Chrétiens  ,  loin  de 
convertir  les  Juifs ,  en  furent  méprifés  &• 
détejiés  ;  qu^ils  renoncèrent  â  Vefpérance  d'au 
tirer  les  Juifs  à  eux ,  &*  s^aérejjerent  unique^ 
ment  aux  Gentils  (a);  autant  d'impoftu- 
res.  Du  temps  des  Apôtres  il  y  avoit  dans 
la  feule  ville  de  Jerufalem  plufieurs  milliers 
de  Juife  convertis  (b)^  On  voit,  par  les  Aéles 
des  Apôtres ,  que  les  premiers  profély  tes  du 
Chriftianifme  furent  des  Juifs.  Les  quinze- 
premiers  Evcques  de  Jerufalem  étoient 
Juifs  de  naiflànce  (c)  ;  on  ne  les  auroit  pas 
choiCs  pour  remplir  cette  place  ,  s'ils  n'a^ 
voient  pas  été  très  -  infiruits  de  la  croyance 
des  Juifs  &  de  celle  des  Chrétiens, 

Le  reproche  que  l'on  fait  aux  anciens 
Pères  de  TEglife ,  d'avoir  tourné  tout  l'An-* 


(a)  Examen  Important  >  P'  5 s** 
Ub  )  A£i,  1 1  /xo.  Voyez  Certitude  ics  ptcuvcs  du  Chcift« 

Çc)  Diâ»  FhiloC  art.  Baptêmu 


T>E  Lk  ReJC.IGION%  &C.         J^-J^ 

cîen  Teftament  en  allégories  du  Nqut^eauj^Ù! 
^encore  plus  mal  fonde.  Pour  convertir  les 
Juifs  &  pour  les  convaincre  par  leurs  écri* 
tures ,  il  falloit  les  leur  expliquer  ,  félon  la 
méthode  ufîtée  parmi  leurs  Dodeurs ,  &;  à 
laquelle  ils  étoient  accoutumés.  Or  il  eft 
certain  ,  par  les  Ouvrages  de  Philon  &  par 
les  Commentaires  des  plus  anciens  Rab- 
bins ,  que  le  goût  des  allégories  étoit  do- 
minant parmi  les  Juifs.  Quand  l'Auteur  de 
Y  Examen  important  avoue  que  cette  mé-^^ 
tlîode  contribua  plus  que  toute  autre  chofe  à 
la  propagation  du  Chrijlianifme ,  il  fe  con» 
tredit  lui-njême.  C'eft  fur-tout  à  l'égard  des 
Juifs  que  cette  méthode  dut  naturellement 
réuffir  ,  puifqu'il  étoit  félon  leur  goût  ; 
comment  donc  peut -on  avancer  que  /es 
Chrétiens  ne  purent  jamais  prévaloir  auprès 
des  Juifs  comme  auprès  des  Gentils  (a)?  S'il 
y  eut  moin3  de  Juifs  convertis  que  de  Gen- 
tils ,  c'eft  que  ^  hors  de  la  Paleftine ,  les  pre-i- 
miers  étoient  en  très  -^  petit  nombre  dans 
.'  chaque  Province  de  l'Empire,  en  comparai- 
fon  des  Gentils* 


(41;  Cxajpen  important,  p.  51. 


♦/ 


4 
% 


j28  Apox<ogib 

Article    III. 
Des  Martyrs. 
§.  i8. 

Trouverons-nous  plus  de  vérité  &  de 
bonne  foi  dans  la  manière  dont  nos  Cri- 
tiques traitent  la  preuve  tirée  des  Martyrs? 
L'Auteur  du  Chrijiianifme  dévoilé  com- 
mence par  en  donner  une  fauflè  idée  ;  & 
c'eft  l'unique  fondement  de  fes  fophifmes. 
Les  Martyrs ,  félon  lui ,  font  des  hommes 
qui  ont  fcellé  de  leur  fang  la  vérité  des  opi^ 
nions  religieufes  qu^ils  avoient  embraflees; 
&  cela  n'eft  pas  exaft.  Les  premiers  Mar- 
tyrs ou  témoins  duChriftianifme  ne  font 
point  morts  pour  attefter  la  vérité  de  leurs 
opinions  religieufes  ;  mais  pour  attefter  la 
vérité  des  faits  fur  lefquels  ces  opinions  font 
appuyées  :  différence  eflentielle ,  qui  diftin- 
gue  émincnsmeot  les  Martyrs  du  Chriftia- 
nifme ,  des  Martyrs  prétendus  de  toutes  les 
faufles  Religions. 

Quand  il  eft  queftion  de  faits  publics  i 
fefifîbles ,  palpable^,  dont  on  a  été  témoiri^ 
il  n'y  a  point  Heu  àTepthoufiafme,  au  fana- 
tiûne ,  à  l'opiniâtreté ,  à  la  vanité,  à  l'ivret 
fe  de  l'imagination ,  à  l'aliénation  d'efprit , 
ui  à  toutes  les  autres  caufes  ridicules  aux- 
quelles noore  Critique  attribue  la  conftan* 


BE  tA  Ri:ligion  ,  &c.  525^ 
'  ce  des  Martyrs.  Il  n'eft  pas  vrai  que  l'enr 
thoufiafine  pulfTe  alors  fe  communiquer  & 
*  gagner  les  fpeftateurs  par  ^admiration  ou 
par  la  pitié.  Si  le  courage  furprenant  dos 
Martyrs  a  fervi  très-fouvent  à  la  converfion 
dei  Payens ,  comme  le  mcmè  Critique  l'ar 
voue  (a);  c'eft  qu'il  les  a  engagés  à  exa- 
miner de  plus  près  une  Religion  qu'ils  per- 
fécutoient  par  un  préjugé  aveugle  ^  &  on 
ne  peut  faire  cet  examen  de  bonne  fol» 
fans  rendre  hommage  au  Chriftianifme» 
Ceft  que  d'ailleurs  ce  fpeâacle  fut  fouvetit 
accompagné  de  prodiges  éclatans ,  qui  font 
attefiés  y  non-feulement  p^  des  témoins 
oculaires  >  mads  encore  par  les  reproches 
continuels  de  magie  &  de  fortilége  que  les 
ennemis  des  Chrétiens  fe  font  obftinés  à 
leur  faire.  On  les  peut  voir  dans  Celfe  ic 
dans  Julien. 

Nqiis  avons  montré  plus  au  long  datis 
un  autre  Ouvrage  (t) ,  que  le  Chriftîanif- 
me  &  le  Judaifioe  font  les  feules  Reli- 
gions qui  aient  pu  fe  prévaloir  du  témoi- 
gnage des  Martyrs ,  par  la  nature  mèn>e 
des  preuves  fur  lefquellei  elles  font  fon-^ 
dées;  que  ce  témoignage  ne  peut  être  ad- 
mis que  quand  il  eft  queftion  de  conAatçr 

W     I  ■■  I  — — M^— ^— ii^M^MMU^— — > 

(a)Chrift.  dévoilé,  p.  8^7. 

(  2^)^  Cettkude  des  preuves  du  C&tîil*  c.  8~,  f..  (  &  ^ 

TomeL  Ee 


^ 


530  Apologie 

âes>  faits  ;  que  toutes  les  comparaifoDs  dont 
nos  adver&ires^  fe  fervent  pour  attaquer 
icette  preuve ,  pèchent  par  le  principe  :  oa 
nous  difpenfera  de  répéter. 

Comment  peuvent  -  ils  avancer  q\te  la 
confiance  des  premiers  Chrétiens  dans  les 
fupplices  dut  y  par  un  effet  naturels  former 
-des  Profélytés  (a)  ?  Ils  ne  font  point  d'ac- 
cord ayec  eux-mêmes;  Us  prétendent  que 
les  Chrétiens  devenus  les  plus  forts  par  la 
converfion  des  Empereurs  ,  perfécuterenc 
les  Payens  fans  ménagement ,  &  leur  ren- 
dirent avec  ufure  les  maux  qu'ils  en  avoient 
reçus  (b).  Le  fait  eft  certainement  faux , 
&  nous  l'avons  démontré;  mais  il  nous 
eft  permis  de  raifonner  fur  cette  fuppofî- 
tion.  Si  l'effet  naturel  des  perfècutions  eft 
de  former  des  Martyrs  &  des  Profèlytes , 
il  eft  clair  que  le  Paganifme  perfécuté  de- 
voit  reprendre  de  nouvelles  forces  ;  infpi- 
ter  à  fes  Seâateurs  la  même  conftance ,  la 
même  opiniâtreté ,  le  même  fanatifme  ,  en 
un  mot  i  que  l'on  reproche  aux  Chrétiens: 
&  l'on  a  vu  précifément  le  contraire; 

L'Auteur  du  Cliriftiànifme  dévoilé  de- 
mande ,  ji  Us  Juifs  infortunés  que  l^Inquifi^ 
tion  condamne  aux  flammes ,  ne  font  pas  des 

{ a  )  Chrift.  dévoilé  ,  p.  88.  j*  Lettre  â  Eugénie ,  p.  84^ 
{b  )  Voyez  ci-delTus  cbap.  5  ^  $.  i^. 


\ 


DE  LA  ReLI<5IÔN/  &C.      ^JtA 

Martyrs  de  leur  Religion  (a)  f  Non  certai-  | 
dément,  L'Inquiiîtion  ne  les  punit  point 
précifément  pour  leur  Religion  ;  c'eft  un 
trait  de  mauvaife  foi  de  la  part  de  nos  ad- 
verfaires  de  le  fuppofer.  Elle  les  punit  de 
ce  qu'après  avoir  fait  profellîon  extérieure 
&  publique  du  Chriftianifme  ,  ils  font  re- 
tournés au  Judaïfme  ;  elle  les  punit ,  non 
pas  comme  Juifs ,  mais  comme  déferteurs  J 
&  apoftats  de  notre  Religion.  ^ 

Enfin  le  même  Auteur  prétend  qu'il  eft 
pluCeurs  Martyrs  qui  furent  plutôt  les  vic- 
times d'un  \èle  inconfidéré  y  d^une  humeur 
turbulente ,  d^un  efprit  féditieux  j  que  d'un 
efprit  religieux  (t).  Mais  comment  peut; 
on  accorder  cette  prétention  avec  ce  qM|ii 
ajoute  immédiatement  après  :  que  YËglifi 
elle-même  riofe  point  juftifier  ceux  que  leur 
fougue  imprudente  a  quelquefois  poujfés  juf^ 
uà  troubler  P ordre  public ,  à  brifer  les  Ido* 
es  a  à  renverfer  les  Temples  du  Paganifme. 
Si  TEglife  elle-même  n'ofe  point  les  jufti- 
fier  ,  elle  eft  donc  bien  éloignée  de  leur  ac- 
corder le  titre  honorable  de  Martyrs.  Il  en 
réfulte  donc  que  ceux  qui  font  révérés 
comme  tels  ,  ne  font  point  coupables  de 
fédition  ni  d'aucun  attentat  contre  l'ordre 
public. 

(a  i  Chrill.  dévoilé ,  p.  8^. 

(&> Militaire Philorophej  c.iLo,p.  15^- 

Eeij 


i 


^^2  Apologie 

§.  ip. 

L'Auteur  de  VExamen  important  prend 
à  peu  près  la  même  voie  pour  anéantir  la 
froLve  tirée  du  témoignage  des  Martyrs. 
ïl  loLitient ,  1°.  qu*il  y  en  a  eu  très-peu,  & 
eus  les  Auteurs  profanes  n'ont  pas  daigné 
en  parler  ;  2^,  qu'ils  n'ont  pas  été  punis  à 
caufe  de  leur  Religion  ,  mais  parce  qu'ils 
étoient  intolérans  ,  féditieux  ,  fanatiques  ; 
3**.  que  les  prétendues  cruautés  exercées 
côntr'eux ,  ne  font  rien  moins  que  prou- 
vées :  d'où  l'on  donne  à  conclure  que  fi 
quelques  Chrétiens  ont  été  punis  de  mort , 
c'eft  qu'ils  Tavoient  mérité  (a)\  L'on  a 
dit  la  même  choie  dans  le  DiElionnaire  Phi-- 
î^apliique  (b)  ;  dans  la  Philo fopkie  de 
fHiJIoire  (c);  dans  le  Traité  fur  la  To^ 
lérance(d);  dans  les  Effaisfur  PHiJloire  gé^ 
nérale  (e) ;  dans  les  Atêlanges  de  Litîéra^ 
turc ,  d^HiJïoire  &•  de  l-'kilofopkie  (/)  j 
dans  le  Dîner  du  Comte  de  Boulaim^ilUers  ^ 
page  3  y  (  g  ).  Les  trois  points  dont  on  vient 


ta)  Examen  impoicanc,  ch>.  i6 ,  p.  140». 
(t  )  Art.  Martyre  &  Vtrfiamon^ 


(c)  Chap*5»»  p.  ifo 
id)  Chap.  8  &  9. 
(  e  )  Tome  i  >  ch.  7 


de  repccer  la  citation  des  mêmes  Livres?  C'efl  que  des  Ou^ 
vrages  A  admirés,  (i  vantés ,  &  regardés  aujourd'hui  comm^ 
autant  d'ocacJes  »  ne  i^auroicnc  erre  trop  bien  coBniisé. 


DE  LA  Religion, &c.    ^^J 

Reparler,,  font  donc  trois  dogiftes  imconr 
teftables  de  la  nouvelle  Philofophie. 

Si  on  peut  démontrer  le  contraire  par  le 
témoignage  polîtif  &  formel  des  A*uteura 
Payens,  que  doit -on  pcnfer  de  la  har-» 
diefle  av^ec  laquelle  nos  Adverfaires  impo- 
fènt  aux-  ignorans  fur  les  faits  les  mieu}£ 
pTOuvés  de  l'Hiftoire  ?  On  prie  le  Lefteuif 
de  fe  rappeller  ce  que  nous  avons  dit  defl 
loix  &  de  la  police  des  Roinains  fur  le  fait;: 
de  la  Religion  (a% 

Tacite  raconte  qû9  fous  fTéroir  un  in* 
cêndie  confuma  les  deux  tiers  de  la  ville . 
de  Ronre.  L'Empereur ,  accufè  d'en  être 
Tâuieur ,  voului  eft  rejetter  le^  crime- fiir  lea 
Chrétiens.  «  On  fe  faifit ,  dit  Tacite ,  de 
3>  ceux  qui  s'avouèrent  de  cette  Religion; 
3>  &  par  leur  confeflion  l'on  en  découvrit 
30  une  infinité  d'autres  (  multitudô^ ingens  )i 
3»^  ils  ne  furent  pas  tant  convamcus  du  crime 
»  d'incendie ,  que  de  la  haine  du  genre  hu- 
a>  main.  NéK)n  leur  fit  fouffrîr  les  fupplices 
a>  les  plus  cruels  :  (  quâejîtiffimis  p^enis  affe^ 
91  ciî»)  On  infultoit  à  leur  mort,  en  les 
30  couvrant  de  peaux  de  bêtes  fauvages ,  en 
3»les  fâifant  dévorer  par  des  chiens  f  on  les 
3»  attachoit  en  croix  ;  &  après  les  avoir  ens- 
30  duits  de  matières  inflammables  ><  on  les^ 


554  Apolo(Sib 

»  ^ifoit  fervir  de  flambeaux  peifdant  fa 

a>nuit»  (a). 

Suétone ,  dans  là  vie  de  Néron ,  dit  de 
même*,  que  P on  condamna  aux  fupplicts  Us 
Chrétiens  ^  efpèces  (Thommes  attachés  à  une 
fuperjlition  nouvelle  &  pemicieufe  (  k  ).  Se  - 
iièque  (c)i  Juvénal  &  fon  Commenta- 
teur  (d),  ont  décrit  ces  fupplices  de  la  mê* 
^le  manière  que  Tacite. 
.  On  prie  le  leâeur  de  remarquer  le  motif 
que  ces  Hiftoriens  allèguent  du  fupplice 
des  Chrétiens  ;  ils  ne  les  accufent  point 
d'avoir  troublé  le  repos  du  genre  humain  , 
mais  d'être  haïs  du  genre  humain  ^  d'avoir 
attaqué  les  fuperfticions  publiques  ,  mais 
'  d'être  attachés  à  une  fuperjlition  nouwelle. 
'  L'Auteur  du  Traité' fur  la  Tolérance  a 
fait  tous  fes  efforts  pour  afToiblir  cette 
preuve  ;  la  manière  dont  il  s'y  efl:  pris  eft 
curieufe.  Selon  lui  »  il  eft  impoflible  que 
les  Chrétiens  aient  été  perfécutés  fous  Né- 
ron;, l^  parce  qu'ils  étpient  confondus 
avec  les  Juifs  ;  or  les  Juifs  étoient  tolérés  z 
2^  Parce  que  les  Romains  étoient  tolérans 
par  principe  :  3^  Parce  que  Feftus  répond 
aux  Juif^  qui  accufoient  S.  Paul  pour  caufe 


(a)  Tacite,  Annal.  I«  15  >  n.  44« 
(b  )  Sué  ton.  in  Nerohc, 
i£  )  Scnec.  Epiji.  2,4* 
(djSaiyt.i, 


DE  LÀ  RELIGfibN,  &C.      ^^fl 

€e  Religion ,  que  ce  n'eji  point  la  coutume  : 
des  Romains  de  condamner  un  homme  fans 
lui  avoir  confronté  fes  àccufateurs  ^  Cr  lui 
avoir  donné  les  moyens  de  fe  défendre  / 
4.**.  Les  Romains  fouffroient  toutes  forte» 
de  cultes  ;  ils  fouf&oient  même  l'Athéifmej 
eft-il  probable  qu'ils  aient  perfécuté  les 
Chrétiens  feuls  ?  j**.  Les  Romains  recon- 
lîoiflbient  un  Dieu  fuprême  y  ont  -  ils  ptt 
punir  les  Chrétiens  pour  ce  même  dogme  ? 
6°.  Les  Titus,  les  Trajans ,  les  Antonins» 
les  Décius,  n'étoient  pas  des  barbares  :  au-* 
rôient-ils  refufé  aux  Chrétiens  feuls  une  li? 
berté  dont  jouiffoit  toute  la  terre  î 

L'Auteur  conclut  que  l'on  peut  révo^ 
•quer  en  doute  ce  que  difent  Tacite  & 
Suétone  ;  parce  qu'il  eft  difficile  de  per- 
cer dans  les  ténèbres  de  l'Hiôoirè^;  parce 
que  l'un  &  l'autre  recueilloient  les  bruit» 
populaires  ;  parce  que  lés  Hiftoriens  fe  plai-: 
lent  à  diffamer  les  Princes  (a). 

Il  a  paru  eflentiel  de  n'omettre  aucune 
lies  preuves^de  cette  Diflertation  fingulîere, 
afin  que  le  ledeur  pût  apprendre  commeiM: 
l'on  traite  l'Hiftoire  dans  les  Ouvrages  de 
nos  Philofophes,  S'il  nous  àrrivoit  de  ter- 
giverfer  >  de  conjedurer ,  de  difcourîr  ainfi 

fur  les  anciens  Hiftoriens ,  quand  on  nous 

•■         • 

(  a)  Trû(é  de  la  Tolérance ,  c.>. 


53*^  A  P  O  L  O  (?  I  E 

Jes  oppofe  5  quels  traits  de  fatyre  ne  lancô^ 

roit-on  pas  contre  nous? 

L'Auteur  dk  très-bi6n,que  c\JÎ  au  UBew 
fage  à  voir  quelle  créance  on  do'u  avoir  pouf 
les  faits  publics  j  atteftés  par  des  Auteurs  gra^ 
ves ,  nés  dans  une  Nation  éclairée  /  j'ajoute, 
for-tout  lorfque  ces  Auteurs  font  en  grand 
nombre  &  de  diiTérens  partis  ,  &  lorfque 
,  leur  témoignage  eft  confirmé  par  des  mo- 
numens  contemporains ,  difperfés  en  di£Fé< 
lerts  lieux  de  l'Univers.  Or  le  martyre  des 
.Chrétiens»  dans  le  premier  iiècle  de  l'Egli^ 
fe>  eft  actefté  par  ces  différentes  preuves 
réunies ,  quoique  nos  Hiftoriens  Philofo 
phes  aient  la  i>onne  foi  d'en  fupprimer  la 
meilleure  partie.  Donc  »  s'il  y  a  quelque 
chofe  de  certain  en  fait  d'Hiftoire  ,  c'eft  le 
martyre  des  Oirétiens  dans  le  premier 
fiècle. 

1^.  Il  n!eft  point  ici  queflion  d^anecdc^ 
te^  fecrettes  de  la  Cour  d'un  Prince  >  rap- 
portées fans  preuve  &  fur  des  bruits  popu- 
laires ;  il  s'agit  d'uâ  fait  public  dont  tout 
Rome  dut  être  témoin  »  auquel  un  affreux 
incendie  fervit  de  prétexte ,  &  dont  la  mé- 
moire dut  fe  conferver  fous  les  règnes  fui- 
vans ,  par  l'Irorreur  qu'il  infpira»  2\  Ce  ne 
font  pas  feulement  Tacite  &  Suétone ,  Au- 
teurs graves  qui  l'atteftent  ;  ce  font  encore 
ks  anciens  Auteurs  Eccléfiaftiques  ».  les 

Lettres 


DE  LA  Religion,  &c.    557 

Lettres  de  S.  Ignace  ,  de  S.  Clément ,  de 
S*  Polycarpe ,  les  Aâes  de  leur  martyre  i 
fans  parler  des  Ecrivains  du  ifiècle  fuivant  : 
tous  parlent  de  fang-^froid,  fansafFeftation» 
fans  paffion ,  des  combats  &  des  fouffran- 
ces  des  Chrétiens  du  premier  fiècle ,  pour 
encourager  ceux  du  fécond  à  fouffrir  de 
même.  3"^.  Les  tombeaux  &  les  cendres^  des 
ConfeiTeurs  de  J.  C,  ont  été  l'objet  de  la 
vénération  des  premiers  fidèles  ;  c'eft  -  là 
qu'ils  s'aflèmbloient  pour  prier  &  pour 
célébrer  les  SS,  Myfteress  l'ufage  de  mettre 
leurs  reliques  fous  l'Autel ,  eft  configné  • 
dans  le  Livre  de  l'Apocalypfe  (a)  :  la 
forme  des  anciennes  Bafiliques  en  eft  en  - . 
core  un  monument  fubfiftant.  Voilà  ce 
que  nous  mettons  à  côté  de  Tacite  &  de 
Suétone  pour  confirmer  leur  récit.  Les 
vaines  imaginations  d'un  Philofophe  dé- 
truiront-elles un  fait  abfi  attefté  ?  Il  n'en 
eft  pas  une  feule  qui  puiflè  fonder  feule* 
ment  un  foupçon. 

•  Les  Chrétiens  étaient  confondus  avec  les 
Juifs*  Faufle  fuppofition. Tacite  &  Suétone 
les  diftinguent  très-clairemont.  Les  Romains 
éteient  tolérans  par  principe  :  féconde  fauG- 
fecés^Nous  avons  démontré  le  contraire  par 


N. 


(a  )  Apoc,  6 ,  j. 

TomeL  .    Ff 


\ 

558  A'FOI-OGtE 

des  titres  inconteftables  (a).  L^s  Bsomains 
ne  cQndamncient  perfonne,  fans,  tmftnire. 
Qu'eft-ce  que  cela,  prouva  ?  Powr  être  per- 
fècuteur ,  faut-il  égorger  ks.  bouwjies  fans 
forme  de  procès  ?  Nous  çopyenoiîs  que 
l'on  feifoit  mourir  les  Girétlens  trèsr  juri- 
diquement,, quoique  trèsî-injttfte«n€©t ,  après 
conviâion  &  condatunation-»  hf^  Rpmains 
fmffr oient  tout^.  fmm  de.cube^  /  de  cukes 
&UX,  à'b  bonna  heure.;  pour  te  cuke  du 
Bieu  unique  &  *  feul  vétitable:  »  il&  n'ont 
jamais  pu  le,  fouffrir  :  ih  en  ièatoleui  trop 
bim  les  conféquenoeç.  Lts.  Roma^m.  recen- 
noijfoient  un  Dieu  fufrêm^r^Vi  pour  un 
moment,  quoique  le  &i£  foit  &ux«  Les 
Chrétiens  ne  vouLoient  adocor  qu'un  ibail 
Dieu ,  &  rejettoient  tous  le&autres  i  cela  .^A 
fort  dififérent.  Titm ,  Traçait  ^  l^Amofùns , 
frc.  netoientpas  d£s  barbares:  iln'èfl:  j«» 
queftion  de  ce  qu'ils  éioient,  maiâ  db.'ce 
qu'ils  ontfait:  nQUsexaEmnonsjeucsia(^on$, 
&  non  pas  les  titres  qu'on  .doit  leur  domi^. 
Le  Leâeur  fe  fouvieodra.  que  nous,  par- 
lons feulement  des  monumens  relatifs'  au 
premier  fiècle;  que  penferar^  t«-on  de&  vaines 
idées  du  Philofophe.,  lorxfque  nous  lai  op- 
poferons  ceux.  au.  fécond  &Ldu  troifîèfqe. 
fiècle  qu'il  a  pafTés  fous  fîlence  ? 


■■■«■ 


{a)  Chap.  3,Si,r5« 


DE  LA  RELI6I0N,  &C      ^^^ 

Au  commencement  du  fécond  Cède  < 
Pline  le  jeune  ,  Proconful  de  Bîthynîe , 
«crit  à  l'Empereur  Trajan  :^«  Je  ne  (çais 
»  fur  quoi  tombe  l'information  que  l*on  fait 
30^  contre  les  Chrétiens ^  ni  jafqu'où  l'on  doit 
apporter  leur  punition ....  £fi-ce  le  nom 
9>  feul  qu'il  faut  punir  en  eux ,  ou  font-ce 
93  les  crimes  attaches  à  ce  nom  ?  Cependant 
30  voici  la  règle  que  j'ai  fuivie  dans  les  ac-« 
aocufations  intentées  contr'eux.  Je  les  ax 
»  interrogés  sHk  étaient' Chrétiens  ;  quand 
3»  ils  l'ont  a^roué ,  &  qu'ils  ont  perfiffié 
aoune  féconde  &  une  troifième  fois',  je 
a>  les  ai  envoyés  au  fupplice  39 .  «  « .  H  re* 
connoit  que  ceux  même  qui  ont  renoncé 
au  Chriftianifme  lui  ont  protellé  qu^en 
l'embraifant  ils  ne  s'étoient  engagés  àrau- 
cun  crime ,  mais  feulement  à  adorer  J.  C. 
comme  Dieu  ^  à  pratiquer  la  piété ,  la  cha- 
rité &  la  juftice.  Pline  ajoute  qu'il  a  tâ- 
ché d'arracher  la  vérité-,  par  la  force  des- 
tourmens ,  à  des  filles  efclaves  ,  que  l'on 
difoit  etre^  attachées  au  miniftére  du  culte 
des  Chrétiens  :  «  Je  n'y-  ai  découvert , 
»  dit-il ,  qu'une  raauvaife  fuperftîtion  pouf 
3>  fée  à  l'excès  a».  Enfin  il  avertit-  TEm" 
pereur  du  très -grand,  nombre  de  per- 
onnes  de  tout  âge ,  de  toute  condition  » 

Ffij 


l 


54^  Apologie 

de  tout  fexe ,  qui  font  accufces  d'être  Cliré» 

tiens  ,  &c  (  fl  ). 

Trajan  répond  à  Pline  qu'il  a  bien  fait  ; 
qu'il  ne  faut  point  faire  de  perquifition  des 
Chrétiens;  mais  que  s'ils  font  accufés  & 
convaincus ,  il  faut  les  punir  :  conquirendi 
nonfunt ,  fi  deferantur  &  arguantur ,  pu- 
niendifunt  ;  que  s'ils  renient  le  Chriftianif- 
rae  &  Sacrifient  aux  Dieux ,  il  faut  leur  par- 
donner (b).  Voilà  comme  les  Romaies 
étoient  toléra  ns  par  principe.  On  ne  fçau- 
roit  trop  répéter  ce  témoignage  important. 

Je  confens  ,  pour  un  moment ,  que  Ton 
ferme  les  yeux  fur  tous  les .  autres  monu- 
mens  des  perfécutions  du  fécond  fiècle ,  fut 
l'Hiftoire  d'Eufebe ,  &  fur  le  témoignage 
dos  Auteurs  contemporains  dont  il  s'ap- 
puie ,  fur  les  Ades  des  Martyrs  lus  dans 
les  Ailèmblées  Chrétiennes  pour  animer 
la  foi  &  le  courage  des  fidèles  ;  fur  les  tom- 
beaux &  les  reliques  des  Confeflèurs  hono- 
rés d'un  culte  religieux  ;  fur  les  plainte  & 
les  remontrances  de  nos  anciens  Apolo- 
gi^es.  Je  demande  feulement. 

i^.  S'il  n'eft  pas  avéré  par  la  conduite 
de  Pline  &  par  la  réponfe  de  Trajan ,  que 
les  Chrétiens  étoient  mis  à  mort ,  non  pour 


•—•■ 


(4)  ?Iine ,  I.  10  ^  epî^  ^7. 


BE  LA  Religion,  &c.  341 
aucun  crime  de  fédition  ou  de  révolte , 
mais  pour  leur  Religion  précifément , '& 
que  telle  étoit  la  Jurifprudence  de  TEm- 
pire  ?  '  * 

:^^  Si  l'on  ne  peut  pas  juger  par-là  du 
nombre  des  Chrétiens  accufés  ,  convain- 
cus &  tourmentés ,  fous  les  Gouverneurs 
de  Province  moins  modérés  que  Pline ,  & 
fous  le  règne  des  Empereurs  moins  doux 
ijue  Trajan? 

3°.  S'il  n'y  a  pas  lieu  de  fe  récrier  fur  la 
bonne  foi  de  nos  Philofophes  ?  Dans  tous 
leurs  Livres  que  nous  avons  cités ,  011  il 
s'agiffoit  d'examiner  ce  qu'il  y  a  de  vrai  oii 
de  faux  dans  l'Hiftoire  des  Martyrs  ^  pas  un 
mot  de  la  Lettre  de  Pline  ni  de  la  réponfe 
de  Trajan.  Ces  deux  pièces  font- elles  au- 
thentiques ou  fuppolees  ?  Trajan  &  P^n^e 
font- ils  des  Auteurs  graves  &  inftruits ,  ou 
des  Ecrivains  fans  aveu  ?  Leurs  Lettres  font- 
elles  claires  &  pofitives ,  ou  ne  fignifient- 
elles  rien?  Silence  profond  fur  tout  cela.  On 
a  même  ofé  écrire  qu'o/ï  ne  trouve  acuun 
Edit  qui  condamne  à  la  mort  uniquement 
four  faire  profeffîon  du  Chrijlianifme.  Exa- 
men important ,  chap,  28 ,  page  16 j  (a}. 


(â)  Nota,  Dans  les  Effais  fur  THift.  ^én,  c.  7,  p»  lot , 
on  s*eft  contenté  de  dire  :  Trajan  écrit  a  Pline  :  il  ne  faut 
faire  aucune  recherche  iei  Chrétiens  :  fans  rien  ajoutée  da- 
vancaze.  Nouveau  u:aic  d*aiFeâa(ion  bien  (îni^ulier"! 

Ffuj 


34^  Apologie 

Oi  a  fiiîeux  fah  encore ,  on  a  tronqué 
im  pa&ge  d'Origène^  Ce  Père ,  dans  le 
troifiècne  Livre  contre  Celiè  (a),  dit  : 
«  On  peut  aifément  compter  ceux  qui  font 
m  morts  pour  la  Religion  Chrétienne ,  parce 
»  qu'il  en  eÔ  mort  peu  &  par  intervalles  > 
•  Ditu  nt  f^ouhmt  f^as  que  tmte  race  à?hom' 
3»  mes  jût  entièrement  détruite  »•  Dans  le 
DiUionnaire  Philofcffhiqwe  (b)  ^  Se  dans  le 
Traité  Jur  la  Tolérance  (c)  ^  on  a  fupprimé 
<es  dernières  paroles  qui  modifient  le  paf- 
fage  d'Origène  &  endét^minent  le  fens: 
on  y  a  joint  une  (^omaie ,  en  accufant 
Origcne  d'avoir  nié  un  Dieu  en  trois  per* 
fonnes  {d).  Après  ces  beaux  procédés ,  l'on 
nous  traite  de  fripons  (e)! ...  Taifons- 
4)ous  ;  laiil^ns  au  public  le  foin  de  fatri» 
juftice  de  toutes  ces  honnêtetés  littéraires. 

Celfe ,  dans  vingt  pafiages  de  Ton  Livre 
contre  les  Chrétiens  ,  leur  reproche  qu'ils 
ne  tiennent  leurs  afiëmblées  qu'en  fecret  » 
pour  éviter  les  peines  décernées  contr'eux  ; 
que  dès  qu'ils  font  pris,  ils  font  conduits  au 
iiippUce;  qu'avant  de  les  mettre  à  mort,  on  ' 
leur  fait  fouf&ir   toutes  fortes  de  tour- 


IM 


(a)  Editée  Cambridge,  p.  12^« 
(  &)  Art. Chrîfiiamfine^ 
(c)  Cbap.  y,  p.  71. 

(e)  E;tamcii  important  ^  c.  i>  p.  t  »• 


D  £  ï.  À  ^sE  L IGI  6  N  ,  &C.       343 

mens  (a).  Ôrigène  ne  le  nie  point.  Sans 
doute  Célfe  ne  parloit  pas  ainiî  .pour  fa»e 
-honneur  à  ttotfe  Religion.     * 

Il  eô  à  propos  d'obferver  qu'Origène  écri- 
vit contre  Celfe  un  an  avant  la  perfecuticm 
dé  Décte,  &  long -temps  avant  celle  de 
IKocIétien  ;  Purfe  &  l'autre  furent  plus 
cruelles  que  les  précédentes  ,  &  le  nombre 
des  Martyrs  augmenta  de^us  de  la  moitié. 
Origène ,  dans  le  paflage  cité ,  compare  le 
nombre  de  ceux  qui  font  morts  pour  la  Be- 
ligion  avec  la  mukitude  de  ceux  qiie  Dieu 
a  confervés  :  nous  convenons  que  les  pre- 
miers étoient  en  très-pfetit  ïiombre  en  com- 
^raifon  des  féconds  ;  mais  céU  ne  prouve 
'pas  qu^il  n'y  en  eût  déjà  biêaucoùp* 

§.  21. 

Nous  pouvons  apprendre  dèis  Auteuîs 
du  quatrième  (îècle ,  dé  quelle  liiânierè  les 
Chrétiens  ont  été  traités  dans  te  troifièmè. 
iibaiîius ,  Pariégyrifte  de  TEmpéreUr  Ju- 
lien ,  éfi  un  témoin  ifrécufable.  y.GeUk, 
»  dit-il,  qui  fuivoient  une  Religion  éôr- 
»  rompue  craîgnoient  beaucoup  ;  ils  s'at- 
»  tendoîent  qu'on  leur  arràcheroit  les  yeuk, 
»  qu'on  leur  couperoît  la  tête ,  qu'on  ver- 


MMMAMMMMMMIa 


(à  )  Voyez  Orfg.  contre  G«lfc,  J.  i ,  n.  i  &  41 J 1. 1.  «• 
19  «  4î  i  i.  ^ ,  n.  14  5  1.  8  ,  u.  5^  &  4j    &:c. 


344  Apologie 

»  roit  couler  des  fleuves  de  leur  fàng  ;  îh 
.  »  croy  oient  que  ce  nouveau  Maître  (  Julien  ) 
»  inventeroit  de  nouveaux  tourmens  plus 
3»  cruels  que  d'être  mutilé,  brûlé,  noyé,  en- 
»  terré  tout  vif;  car  les  Empereurs  précé-^ 
3»  dens  avaient  employé  contr^eux  ces  fines 

»  de  Jupp lices Julien  fçachant  que  le 

»  Chriftianifme  prenoit  des  accroiffemens 
»  par  le  carnage  de  fes  Seâateurs ,  ne  vou- 
as» lut  pas  employer  contr'eux  des  fupplîces 
»  qu'il  ne  pouvoit  approuver  (a)  ». 

Ce  morceau ,  dont  nos  Critiques  n'ont  « 
€u  garde  de  parler ,  fuffit  pour  juftifier  tous 
les  monumens  Eccléfiaftiques  du  troifième 
&  du  quatrième  fîècle ,  fur  le  nombre  pro* 
digieux  des  Martyrs ,  fur  la  cruauté' de  leurs 
fupplices  ,  fur  la  caufe  de  leur  condamna* 
tîon ,  fur  les  converfions  qu'opéra  leur  pa- 
tience invinciblet 

Les  Philofophes  peuvent  tourner  en  ri- 
dicule ,  tant  qu'il  leur  plaira ,  les  Ades  des 
Martyrs ,  l'Hiftoire  d'Eufebe ,  les  plaintes 
de  nosApologiftes,  les  difcours  des  Pères, 
les'  tombeaux ,  les  Autels ,  les  Eglifes  élevés 
fur  les  cendres  des  Confeflèurs.  Ils  peuvent 
nous  vanter  la  douceur  des  mœurs  Romai- 
nes ,  la  clémence  des  Empereurs  »  la  fageUe 


•■ 


(a)  L^M,  parém*  in  /bl«  n,  ^8^  fipui  Fabrk*  UtbU  Crtsci 
me  7  »  F«  ^^h 


DE  LA  Religion,  &c.  3^f 
ti  là  modération  des  loix  de  l'Empire  ;  ils 
peuvent  dire  que  S.  Laurent  rôti  fur  un 
gril ,  S,  Romain  à  qui  l'on  coupe  la  langue , 
Sainte  Félicité  &  Sainte  Perpétue  expofées 
aux  bétes  dans  le  Cirque ,  font  des  jables  de 
la  légende  dorée  (a).  A  toutes  ces  belles 
ipéculatîons ,  nous  n'avons  qu'un  mot  à 
oppofer.  Libanius  eft-il  un  Auteur  grave 
&  inftruit  ?  Avoit-il  intérêt  de  favorifer  les 
Chrétiens  qu'il  déteftoit ,  ou  d'inventer  des 
fables  pour  noircir  la  mémoire  des  Empe-^ 
reurs?  Témoin  contemporain  des  faits, 
doit-il  être  écouté  quand  il  les  raconte ,  ou 
les  vifions  Philofophiques  du  dix-huitième 
fîècle  doivent-elles  prévaloir  fur  le  témoi- 
gnage réuni  des  Auteurs  Chrétiens  &  des 
Payens  du  quatrième  ?  Nos  Philofophes  ont 
adopté  avec  empreflement  les  éloges  que 
Libanius  a  fait  de  Julien  ;  nous  les  prions 
de  nous  apprendre  s'il  eft  moins  croyable 
fur  le  martyre  des  Chrétiens. 

Ils  prétendent  que  ceux  qui  ont  été  punîs 
du  dernier  fupplice ,  l'avoient  mérité  par 
leur  conduite  léditieufe ,  turbulente ,  fana- 
tique ,  par  la  haine  dont  ils  étoient  animés 
contre  la  Religion  Payenne ,  par  leur  peu 
de  foumidion  aux  ordres  du  Souverain.  Ils 
ignorent  fans  doute  que  nous  avons  encore 

(a)  Examea  ioipoccanc  >  c.  2,^1  p.  i^t* 


: 


' 


54^  Apologie 

entre  les  mains  les  Edks  des  Empereurs  ; 
les  uns  pour  ordonner ,  les  autres  pour  faire 
ceflèr  la  perfécution  ;  les  Lettres  de  l'Empe- 
reur Julien  ,  fes  Livres  contre  le  Chriftia- 
nifme ,  les  invedives  de  Celfe  &  de  -Por- 
phyre. Aucun  de  ces  ennemis  n'a  jamais 
reproché  aux  Chrétiens  les  (éditions ,  les 
attentats ,  les  fureurs ,  dont  on  ofe  accufer 
aujourd'hui  les  Martyrs.  Les  anciens  apof- 
tats  ,  retournés  au  Paganifme ,  rendoîent 
juftice  à  la  Religion  Chrétienne  ,  parce 
qu'ils  ne  l'avoient  abandonnée  que  par  foi- 
blefle  ( a)  ;  ceux  d'aujourd'hui  vomiflent 
des  calomnies  contr'elle ,  parce  qu'ils  l'ont 
quittée  par  orgueil  &  par  efprit  d'tedépen- 
oance.  Celfe  j  en  parlant  de  nos  Martyrs  i 
ne  blâme  point  leur  confiance  (&)  S  les 
incrédules  modernes  moins  équitables, 
veulent  faire  pafler  tous  ees  Héros  pont 
des  fanatiques  &  des  féditiéux» 

Et  combien  de  fauflètés  n'a-t-on  pas 
railèmblëes  pour  flétrir  la  mémoire  des 
ConfeiTeurs  de  Jefus-Chrift  !  On  a  dit  que 
le  Centurion  Marcel  méritoit  la  moit ,  pour 
avoir  jette  fes  ornemens  militaires  en  criant 
*d'une  voix  féditieufe  :  je  ne  veux  fervir  que 
J.  C.  le  Roi  éternel  j  je  renonce  aux  Empe- 

(  a  )  Voyez  la  Lettre  de  Pline  ci-devant. 
\b)  Dam  Otiecne ,  1.  x  >  p.  8  ;  !•  69  p.  ^ti* 


\ 


DE  LA  RlLlGÏÔ-N,  &C.      547 

reurs  (ii>  On  a  malicieufement  fîipprimé 
les  paroles  qui  le  juftifieïit  :  Ji  la  condition 
des  Milkaires  ,  dit-il ,  eft  telle  quils  foieht 
obligés  dtfacHfier  aux  Dieux  ^  aux  Empe- 
reurs f  je  jette  ma  baguette  £r  fnon  ceinturon, 
je  quitte  mes  drapeaux ,  &  je  reconce  aux 
armes  (b).  Il  eft  clair  que  Marcel  ne  re- 
nonce aux  armes ,  que  parce  qu'on  le  vdU- 
loit  obliger  à  facrifien 

Oh  a  îoutenu  que  S.  Latirent  étoît  punif- 
fable  ,/pour  avoir  refufè  au  Préfet  de  Rome 
ée  contribuer  aux  charges  publiques  >  & 
pour  avoir  infulté4'Empereur,  en  amenant 
des  gueux  au  lieu  d'argent  (  c  )• 

Mais  i^»  étoitsil  queftion  d'une  charge 
publique ,  ou  d'une  exaâion  arbitraire  du 
Préfet  de  Rome?  2^.  Un  Diacre  ,  fimple 
dépofitaire  des  aumônes  des  fidèles ,  étoit- 
îl  autorifé  en  vertu  de  cet  ordre  arbitraire 
de  changer  la  deftination  de  fon  dépôt? 
3^.  Amener  à  ce  Maglftrat  la  multitude  de 
pauvres  qu'on  étoît  obligé  de  nourrir ,  pour 
le  détromper  for  les  prétendus  tréfors  de 
TEglife ,  étoit-ce  une  infulte?  4**.  Falloit-il 
lailfêr  périr  de  faim  cas  iniférables  »  pout 


(a)  Examen  îniporunc  >  c.  i^,  p.  M4*  Mélanges  ctq 
j^^jtter.  Sec  conie  5  ,  c.  <ii ,  de  DioeUden  >  p*  35» 
(h)  Aêta'MarceUî apui  Ridnart» 
(c;  E^men  imporcanc»  p.  z^j» 


348  Apologie 

latisfaire  la  cupidité  du  Préfet  de  Rome? 

On  a  décidé  magiftralement  que  le  maf- 
facre  de  la  LégionThébaîne  étoit  une  fable , 
&  qu'il  n'y  eut  jamais  de  Légion  Thébai- 
ne  (a).  Il  eft  cependant  certain  par  la  no- 
tice de  l'Empire  qu'il  y  en  avoir  au  moins 
deux  de  ce  nom  ;  l'une  appellée  DiocUtiana 
Thebxorum  ;  l'autre  ^  Maximiana  Thebao- 
rum  ;  toutes  deux  étoient  fous  les  ordres 
du  Général  de  la  Milice  qui  commandoic 
danslaXhrace  (t). 

Nous  ne  finirions  jamais  (i  nous  vour 
fions  relever  toutes  les  infidélités  de  nos 
Critiques* 

Mais  enfin ,  dira-t^on  ,  il  demeure  tou* 
jours  certain  que  les  Romains  toléroienr 
toutes  les  Religions  ;  pourquoi  donc  n'ont- 
ils  pas  voulu  fouârir  les  Chrétiens ,  finon 
parce  que  ceux-ci  vouloient  détruire  le 
Paganifme  ?  Eclairciflbns  ce  fait  important , 
il  (e  tournera  en  preuve  contre  lîos  adver- 
faires. 

Le  Paganifme  #  dont  la  maxime  étoit 
d'admettre  des  Dieux  fans  nombre  >  n'avoit 


Klk^P* 


{a)  Examen  xmporcanc,  p.  248.  Traité  fur  la  Toi.  c. ^'« 
p.  8i.  EfTais  fur  THifl.  gén.  corne  z ,  c.  7  ,  p*/io. 
ih)  Voyez  la  Notice  de  l'Empire  d'Orient^  par  Pancx* 

roic;  c.  i$  &  5i* 


DE  LA  Religion, &c.  349 
aucun  droit  ni  aucun  intérêt  de  réprouver 
les  Dieux  d'aucun  peuple;  il  de  voit  être 
permis  à  chaque  Nation  d'avoir  fes  Dieux 
propres.&  particuliers  ;  le  culte  de  l'un  ne 
dérogéoit  point  au  culte  de  l'autre  ;  les 
Payens  n'avoient  ni  Apôtres  ni  Miffion- 
niaires. 

'  Le  Judaïfme  étoit  regardé  par  les  Juîfi 
mêmes  ,  comme  une  Religion  propre  à 
leur  Nation  feule ,  &  qui  n'avoit  été  don- 
née qu'à  la  poftérité  d'Abraham  :  confé- 
quemment  les  Juifs  ne  cherchoient  point  à 
faire  des  profélytes.  Contens  de  fuivre  leur 
loi  en  liberté ,  &  de  ne  point  prendre  part 
aux  Cérémonies  Payennes ,  ils  ne  prêchoient 
point  le  Judaïfme  aux  Gentils. 

Les  Apôtres ,  chargés  par  J.  C.  de  prêcher 
l'Evangile  à  toutes  les  Nations  (a)  ^  s'an- 
noncèrent d'abord  comme  envoyés  pour 
faire  rendre  obéijfance  à  la  foi  che\  tous  les 
peuples  au  nom  de  Dieu  (h).  Ils  prouvèrent 
leur  mijjion  par  des  miracles ,  ils  prêchèrent 
par-tout  (c)  l'unité  de  Dieu ,  la  faufleté  des 
Dieux  di\  Paganifme ,  la  vanité  &  la  fu- 
perdition  de  leur  culte  :  leurs  difciples  |)ar- 
lerent  &  agirent  de  même  >  à  Rome  commç 


(a)Matth.xi ,  1$, 
(h)  Rom,  I ,  ^ 


55*0  ApojLOgie 

ailleurs  ;  &  il  n'écoit  pas  difficile  de  voir 
que  C  le  Chriftianifme  s'établiflbit ,  le  Pa- 
ganiGne  feroit  bientôt  détruit. 

Les  Payens  le  comprirent  (ans  doute  ; 
voilà  pourquoi  le  Chriftianifme  leur  fut 
odieux  »  dès  qu'il  leur  fut  connu.  Auffi  (bu- 
tenons-nous  que  cela  ne  pouvoit  pas  être 
autrement  y  ôc  que^dès  h  moment  que  Toti 
put  s'appercevoir  à  Rome  que  la  Religion 
Chrétienne  y  feifoit  quelque  progrès ,,  oa 
fa  fit  un  point  capital  de  rextecmîner. 

Si  »  en  prêchant  le  culte  d'un  feul  Dieu  à 
l'excluHonde  toux  autre  culte  5  on  pèche 
contre  la  tolérance ,  nqns^  4vo.uQns.  que  le 
Chriftianifme  efteffentiellemem  iruolér/im; 
&  il  ne  conyiem  qu'à  la  yr4ie.  ReUgîoa 
d^  Têtre, 

.  Si  annoncer  l'Evangile  à  Rome  ,en  vertu 
d'une  miiCon  fur^aturelle  autbentiquement 
prouvée.,  ç'étoit  un  trait  de  fédition,,  un 
attentat  contrejes  loix ,  un  crime  digne  de 
mort;  ileft  clair:que  tous  les- Prédic^^urs 
de  l'Evatigile  étojient  des  féditieux  que  l'on 
a  .bien  fait  d'envoyer  fur  l'échaÔaMt  Mais 
il .  faut  donc  foutenir  en  même  temps  que 
l'idolâtriç  étant  une  fois  établie  par  les 
loix  Romaines ,  Dieu  ne  pouvoit  plus  don-* 
ner  de  miflion  à  perfonne  pour  eniléfabufei; 
les  peuples. 
Mais  les  premiers  Chrétiens  ont-ils  été 


i 


DE  LA  Religion,  &c.  ^.ji 
intoîérans ,  dans  le  fens  odieyx  que  le  pré- 
teadent  nos  adverfaires  ?  Ceft-à-dire  ;,  fo 
fonwls  cru3  en  dtoh  de  troubler  le  culte ,. 
les  fêtes ,  les  cérémonies  paye^^es  ;  d'in- 
fulter  dons  les  Templçs  l«s  I)ieux ,  leurs 
Minifires.,.  leuiss  Adorateurs?  Non  afïùré- 
ment,  c^eft  uoe  Câlooin^ie  que  Id  padion 
feule  a^fu^és^  mix  eunemis  du  Chriftîar 

TÀÙXX&M 

:  Nous  convenons  qu'au  quatrième  Cèele; 
Qu  fur  ta  fin  du  troiûèime,  il  y  eut  quelques 
traits  de  zèle  trop.vif  de  la  part  de  quelques 
particuliers  ;  mais  ce  fut  après,  que  1^^  £m« 
pereurs  eurent  déjà  donné  d^s  Ëdits.en  far 
veur  de  la  Religion  Chrétieone*  Par  la  ré-  > 
v^OGationde.cesrEdîis 5  l'on. mit,  pour ainfî 
dire,  aux  prifes  les.  deux  Religionts;  les 
Chrétiens  fouvent  pouiïes ,  à  bout;  par  les 
avanies  continuelles,  des  Pâyens ,  fe  p^mi- 
rent  quelques,  reprâailles  ;  mais  il  s'en*  faut 
beaucoup:  que  ces  excès  aient  été  au0t 
grands  &  auffi  ôrequens  que  nos  adverfaires 
le  prétendait* 

Le  Chrijîianifme  ,  difent41s ,  %^oulut  écra-'  - 
fer  tûutes  les  autres  Rtligims  (a).  Si  l'on 
entend  par-là  qu0  le  Chriftianifme  k  pro- 
pofbit  de  Gonvei^tir  tous.les.peuples ,  &  de 

faire. ainfi  toquer  tous  les  autres  cultes,. 


I         .  wmmmmmmmm. 


(4)  Exainea  im^orcanc ,  c^i^»  J?«.z^». 


^^2  Apologie 

rien  n'eft  plus  vrai  :  mais  fi  l'on  veut  dire 
que  les  Cnrétiens  entreprirent  de  détruire 
tous  les  autres  cultes  par  la  violence ,  c'efi 
une  impofture. 

N'eft -il  pas  Cngulier  qu'on  nous  faflè 
une  difficulté  fur  la  tolérance  des  Romains  ? 
Les  Romains  étoient  devenus  Philofo- 
phes  (  (t)  y  ils  étoient  toléFans  comme  ceux 
d'aujourd'hui.  Ceux-ci  foufFriront  volon- 
tiers le  Paganifme,  le  Mahométifme,  la 
Religion  des  Brames ,  celle  des  Lamas , 
l'Âthéifme  même.  Pour  le  Chriftianifme , 
ils  ne  le  toléreront  jamab  :  ils  lui  ont  juré 
une  haine  éternelle;  ils  ont  réfolu  de  le 
détruire  ou  de  périr. 

Après  avoir  vu  ce  qu'ils  avoient  de  plus 
fort  a  objeder  contre  les  preuves  de  la  ré- 
vélation ,  nous  ôfons  encore  leur  deman- 
der :  Eft-il  dans  l'Univers  une  Religion  qui 
puiflè  montrer  une  fuite  de  prophéties 
auffi  authentiques  ,  auffi  claires ,  auffi  évi- 
demment vérifiées  que  celles  de  l'Ancien 
&  du  Nouveau  Teftament  ;  une  Religion 
qui  ait  été  fondée  par  des  miracles  auflî 
nombreux ,  auffi  éclatans ,  auffi  incontefia- 
blés ,  que  ceux  de  Moïfe  &  des  Prophètes  ; 
que  ceux  de  J.  C ,  des  Apôtres ,  &  des  pre- 
ipier$  Fidèles ,  dont  les  témoins  oculaires 


WÊiÊmmmmmÊmtm 


ii^)  Piâ.  FhU,  art.  Aàiits, 

aient 


I 


i 


DE  LA  Religion,  &c.  55*3 
ûîettt  répandu  leur  fang  pour  en  attefter  la 
vérité?  Qu'on  nous  la  montre ,  &  qu'on  en 
foutienne  le  parallèle  contre  le  Chriftia* 
nifme. 

Si  Dieu  a  daigné  parler  aux  hommes , 
pouvoit-il  accompagner  la  révélation  de 
îîgnes  plus  évidens ,  plus  aifés  à  reconnoî- 
tre  3  plus  infaillibles ,  plus  propres  à  rendre 
tous  les  hommes  attentifs  ?  Si  la  doftrine , 
revêtue  de  ces  fignes  extérieurs ,  préfente 
d'ailleurs ,  dans  la  fublimité  de  fes  dogmes , 
dans  la  pureté  de  fa  morale»  dans  la  fainteté 
&  l'utilité  de  fon  culte ,  toutes  les  marques 
de  la  fageflè  &  de  la  bonté  divine ,  un  et 
prit  raifonnable  peut-il  refufer  de  lui  ren- 
dre hommage?  Or  tels  font  les  caraderes 
de  la  doârine  Chrétienne*que  nous  allons 
}uftifier  contre  les  calomnies  de  fes  ennemis. 

.g  ,  ^'''ftSS^^''^     ■  '    ■'-    '  '''      s>* 

« 

CHAPITRE    Vil. 

Des  MyJIens  de  la  Religion  Chrétienne0 

i^  eus  avons  déjà  obfervé  que  quand  il  a 
plu  à  Dieu  de  fe  révéler  aux  hommes ,  il  ne 
l'a  point  fait  pour  contenter  leur  vaiiie  cu- 
riofîté ,  mais  pour  les  rendre  meilleurs  ;  c'é* 
toit  à  lui  feul  de  juger  du  degré  de  lumierç 
-  Tome  L  Gg 


55^4  Apologïb 

qui  leur  étoic  néceflaîre ,  du  nombre  &  Je 
l'efpèce  des  vérités  qu'ik  avoient  befoin  de 
•connoître  pour  remplir  Tes  deflfeins  z  nos 
vues  font  trop  bornées  pour  décider  de  ce 
qu'il  devoit  ou  ne  devoit  pss  nous  enfei- 
gner. 

La  révélation  qu'il  avoit  donnée  aux 
Juifs  renfermoit  peu  de  dogmes  ;  l'unité  de 
J)ieu ,  fa  providence  particulière  fur  fon 
peuple  »  la  création  du  monde ,  la  chute  de 
rhomme ,  la  venue  future  d'un  Médiateur, 
Ces  vérités ,  jointes  à  celles  que  les  Hébreux 
confervoîent  déjà  par  la  tradition  de  leurs 
pères  depuis  le  commencement  du  monde , 
iufiifoient  pour  les  conduire ,  &  pour  dif- 
pofer  le  genre  humain  à  une  révélation  plus 
ample.  Ceft  par  J*  C.  que  Dieu  fe  réfervoit 
4ie  nous  en  apprendre  davantage. 

Ce  divin  Maître  ne  s'eft  pas  borné  à  nous 
«nfeîgner  plus  clairement  &  plus  diftinâe- 
ment  que  Moïfe ,  tous  les  dogmes  dont 
nous  pouvons  appercevoir  la  vérité  par  h 
lumière  naturelle ,  l'unité  de  Dieu  &  fes 
principaux  attributs,  faprovidence»  la  (pi- 
ritualité ,  J'immortalité>  la  liberté  de  notre 
'ame,  les  peines  &  les  récompenfes  qui  nous 
font  réfervées  après  cette  vie  ;  il  nous  pro- 
pofé  encore  à  croire  fur  la  nature  de  Dieu, 
•for  fes  defleins ,  fur  fes  opérations  furnatu- 
XwUes  des  dognotes  incompréhenfibles  ;  trois 


DE  LA  Religion, &c;  ^ff 
perfonnes  qui  font  un  feul  Dieu ,  l'incarna- 
tion de  la  féconde  de  cts  çerfonnes ,  la  ré- 
demption du  genre  humain ,  la  providence 
particulière  de  Dieu  pour  opérer  le  falut 
des  hommes ,  l'efpèce  &  la  durée  des  pei- 
nes &  des  récompenfes  de  la  vie  future. 

II  4i'a  point  enfeigné  ces  vérités  à  la  ma- 
nière des  Philofo{Aes  ,  comme  le  fruit  de 
£es  réflexions  &  de  fon  étude ,  mais  cottïttfe 
une  dodrine  qu'il  avoit  reçue  immédia- 
tement de  Dieu  fon  père.  Il's'eft  donné 
comme  envoyé  fpécialement  du  Ciel  pottr 
f  appréfidre  eux  hommes  ;  &  il  a  prouvé 
fa  miffidn  par  des  prodiges  ;  il  a  menacé  de 
Jà  damnation  éternelle ,  ceux  qui  refufe^ 
soient  de  croire  à  fa  parole. 

Avant  que  de  parler  de  tous  ces  myfte- 
réS  où  dogmes  incompréhenfibles ,  il  y 
avoit  une  t|Ueftion  prélimînaiire  à  traiter. 
•Il  falloit  examiner  s'il  eft  indigne  de  la  fa- 
-geflfe  &  de  la  bonté  Divine ,  de  propofer 
à  l'homme  des  dogmes  qu'il  ne  peut  pas 
'Comprendre;  &  fi  l'homme,  en  vertu  des 
lumières  de  fa  raifoh  5  a  droit  de  les  rèjettet, 
L'Auteur  du  Chrijiianifme  dévoilé ,  qui  rîfc 
raifonne  janfiais  par  principes ,  a  commencé 
par  fuppofer  la  qiieftbn  décidée  en  fa  (sh 
vveur  î  &  parce  que  les  myfteres  font  incon- 
cevables ,  il  a  conclu  feinç  façon  qu^ils  font 
î&fuf  des  &  ridiculest 

Ggij 


5  j'<î  AiPOLa(?iE 

Dans  un  autre  ouvrage ,  nous  avons  dé^ 
monç-é  le  principe  contradidoire  (a)  y 
que  Dieu  peut  révéler  à  l'homme  des  my  t- 
teres  ou  des  dogmes  incompréhenfîbles  ; 
qu'alors  l'homme  ne  peut  refufer  de  lesy 
croire  ,  fans  abufer  de  fa  raifon  :  nous  n'ar 
jouterons  ici  qu'une  feule  réflexion. 

Les  Philofophes  conviennent  que  Ton 
peut  démontrer  par  la  lumière  naturelle 
des  vérités  incompréhenfîbles ,  qui  nous 
paroiiTent  âbfurdes  ,  &  que  nous  ne  pou- 
vons raifonnablement  refufer  d'admettre, 
«c  Jamais  ,  dit  l'un  d'entr'eux  ,  jamais  Prê- 
»  tre ,  dans  l'intention  d'apprivoifer  &  de 
y>  fubjuguer  notre  raifon,rebelle^  n'inventa 
a>  de  dogme  qui  choque  davantage  le  fens 
a>  commun  ,  que  le  fait  la  doctrine  d'une 
3>  étendue  divifîble  à  l'infini  >  avec  toutes 
»  fes  cônféquences  ,  telles  que  tous  les  Geo- 
a>  mètres  &  les  Métaphyficiens  les  étalent 
»  fi  pompeufement  &  avec  une  efpèce  de 
su  triomphe  (t)». 

Ces  Meflfiçurs  avouent  donc  queDîea, 
peut  nous  découvrir ,  par  la  lumière  natu- 
relle, des  vérités  qui  choquent  Ufens  commun  , 
qui  font  démontrées  par  les  Géomètres ,  & 
qu'il  feroit  ridicule  de  révoquer  en  doute.  î 


(a)  Déifine  réfuté  ,  première  Lettre. 
(t}£{riû»  Phitofophiques  fur  TEncendcmcm  humiuftj 


DE  LA  Religion, &c.     3^7 

.&  ils  nous  difenc ,  ils  nous  répètent  avec 
emphafe ,  ils  fuppofent  par-tout  que  Dieu 
ne  peut  pas  nous  révéler  ^  par  une  lumière 
furnaturelîe ,  le  myftere  de  la  Sainte  Trir 
nité ,  parce  que ,  félon  eux ,  //  choque  k 
Jens  commun ,  &  qu'il  nous  eft  impoflîble 
de  le  croire.  Ils  confentent  à  faire  tous  les 
jours  des  ades  de  foi  fur  la  divifibilité  infi- 
nie de  la  matière  ,  parce  que  c'eft  un  myf- 
tere de  la  Philofophie  ;  &  ils  n'en  veulent 
point  faire  fur  la  Trinité  des  perfonnes  en 
Dieu  ,  parce  que  c'eft  jun  myftere  de  1^ 
Religion. 

Révéler  quelque  chofe  à  quelqu^un ,  dk 
notre  Auteur  ,  cejl  /wk  découvrir  ce  qu^il 
ignorait  auparavant  :  révéler  aux  hommes 
des  myfteres  qu'ils  ne  comprennent  pas ,  cefi 
les  rendre  plus  ignorans  quils  n^étoien^  (a). 
Admirable  raifonnement  que  TAuteur  a 
déjà  répété  deux  fois  !  Les  Géomètres ,  en 
démontrant  la  divifibilité  infinie  de  la  ma- 
tière ,  vérité  incompréhenfible ,  &  dont  les 
conféquences  choquent  le  fens  commun , 
nous  ont  rendus  plus  ignorans  que  nous 
n'étions  ;  ils  auroient  mieux  fait  de  ne  ja- 
mais révéler  cette  propriété  de  la  matière  : 
nous  avons  répondu  ailleurs  à  ce  paralo^ 
gifme  (b). 


(a)  Chtift.  dévoilé  ,. page  50, 


m- 


5yS  Apologie 

Le  même  Critique  convient  que  Moïfe 
a  enfeigné  aux  Juifs  à  adorer  un  Dieu  uni- 
que; mais  j  dit-ii,  un  gtand  nombre  des 
Sages  du  Paganifme  »  faHs  le  fecâurs  de  la 
tévélmion  Judaïque ,  tC ont-ils  pas  ^éiout^ert 
vn  Dieufuprême  ,  maitte  de  tous  les  Autres 
Dieux  ?  D'ailleurs  U  defiitt ,  auquel  tous 
îei  dutres  Dieux  du  Paganifme  étoient  fui- 
ordonnés  j  n'étoit^il  pas  un  Dieu  unique  ^ 
-dont  la  nature  entière  fubijfoit  la  loifouve- 
raine  (  ^  )  ?  La  révélation  donnée  par  Moïfe  , 
&  confirm&  par  J*  G,  étoit  doncfuper- 
âue. 

Telle  eft  la  grande  obje<aion  que  Ton  a 
renouvellée  dans  tous  lés  Livres  des  nou- 
veau^ Philofophes  ;  dani  les  Mélanges  de 
'Littérature  ,  à'WJloire  &*  de  Vhilûfophie  , 
'în-8Vè;;  dans  la  Philofophie  de  PHiftoi- 
Te  (c)y  dans  le  DitHonnaire  Phtlofophi*- 
'que(d)  ;  on  y  affure  fnême  pofitivement  ; 
que  tous  les-  Philofdpkes ,  Babyloniens ,  Per-* 
fans,  Egyptiens ,  Scythes  ^  Grecs  &r  Romains^ 
admettent  un  Dieu  fuprime  y  rémunérateur 
•Èr  vengeur.  Oft  nous  apprend  encofe  que 


{a)  Chnfè.  déToHé  ,  p.  91. 
t^  )  Tome  5  ,  c.  ^i  5  6c  To?rrc  4  »  p.  f  4«* 
(r  )  Ghap.  fo  ,  p.  t^ i. 
(i)  Tome  1 ,  ace.  Aeligfoft >  j^.  t^fn 


HE  £A  Religion,  &c.  5^9 
l'unité  de  Dieu  &  la  vie  future  étoîent  ex- 
pf  eflement  enfeignées  dans  les  myfteres  (  a  )r 
On  ajoute  que  Tancienne  Religion  ou  le 
Polythéifme  n'étoit  point  contraire  à  cette 
vérité.  Dès  que  les  Payens  reconnoiffent  ua 
Dieu  fuprême ,  toutes  les  autres  divinités 
n'étoient  que  des  Dieux  intermédiaires. 
£nfin ,  pour  que  rien  ne  manque  à  Tapolo- 
gie  du  Paganifme  >  on  i>ous  enfeigne  qu'il 
n'y  eut  jamais  de  peuple  idolâtre,  j  félon  la 
force  du  terme  ;  que  les  Payens  ne  furent 
jamais  alTez  infenies  pour  regarder  une  fta^ 
tue  comme  un  Dieu  ou  comme  un  être 
animé  ;  qu'enân  les  Grecs  &  les  Roma'ms 
n'étoient  pas  plus  idolâtres  que  nous  le 
fommes  en  rendant  un  culte  aux  images  Çb)^ 
que  le  fond  de  leur  mythologie  étoit  très-rai- 
fonnable(c)* 

Ceft  donc  en  vain  que  nous  foutenons 
la  néceflité  d'une  révélation  pour  rétablir 
parmi  les  hommes  la  connoiflance  &  te 
culte  d'un  fèul  Dieu.  Voici  inconteftable- 
ment  un  des  paradoxes  de  la  nouvelle  Pbi^ 
lofophie  qu'il  eft  le  plus  important  d'exa* 
fliiner.  Cette  di&uffion  eut  été  beaucoup 


(  tf  )!Philof.  ^e  l'Hïft.  c.  i j,  p.  xii.  Dia.  Philof.  tomcn' 
arc.  Idolâtrie .  p.  éi  ;  &  art.  ReKgion ,  p.  1 3  4. 

(  h  )  Traité  iw  Ja  ToI«raB€« ,  c,  7  p.  f o.  Philof.  de  THiftr 
c.  io ,  p.  15S.  Diâ.  Vhilof.  corne  i ,  arc.  Idolâtrie  y  p.  4^« 
(c)  Suite  des  ldêiafl|es  4e  L-it^éracure»  ûr  t<».  tonte  47 


^60  APOLOGtB 

mieux  placée  dans  le  chapitre  cinquième  t 
mais  la  marche  toujours  irréguliere  de  l'Au- 
teur que  nous  fuivons,  nous  force  de  nous 
écarter  malgré  nous. 

Il  eft  fâcheux  d'abord  que  des  Ecrivains 
qui  prennent  vm  ton  (i  dogmatique  ,  ne 
foient  pas  mieux  d'accord  aveceux-méme^. 
Dans  ce  même  DiSionnaire  Pliilojophique  , 
où  l'on  juftifie  la  croyance  des  Philofbphes 
Grecs  &  Romains,  on  convient  que  les 
Sceptiques  doutoient  de  tout  ;  les  Académie 
ciens  fufpendoient  leur  jugement  fur  tout  ; 
Us  Epicuriens  étaient  perjuadés  que  la  Di- . 
rinité  ne  pouvait  fe  mêler  des  affaires  des 
hommes  ;  &*  dans  le  fond  ils  n'admettaient 
aucune  Divinité  (a).  Il  n'eft  donc  pas  aifé 
de  deviner  quels  étoient  les  Philofophes 
Grecs  &  Romains  qui  admettaient  un  Dieu 
fuprême^  rémunérateur  Ér  vengeur.  On  a}ou« 
te  même  que  le  Sénat  Romain ,  ce  qu'il  y 
avoit  alors  de  plus  grand  dans  l'Univers  , 
était  réellement  une  ajfemblée  £  Athées  du 
temps  de  Céfar  Gr  de  Ciceron  (b). 

On  nous  dit  que  l'unité  de  Dieu  &  la 
vie  future  étoient  enfeignées  dans  les  myf- 
teres  ;  mais  on  a  grand  foin  de  nous  aver- 
tir que  les  Empereurs  y  les  Grands  &  les 


(a)  Tome  x  ,  art.  Athées  »  p.  ^j» 


Philofopha 


DB  LA  Religion^  &c.      ^6i 

Çhilojbphes  navoient  nulle  foi  à  us  myf- 
teres  (a).  Et  comme  il  eft  certain  d'ailleurs 
que  les  myfteres  n'étoîent  pas  révélés  au 
commun  du  peuple  •  ce  n'eu  pas  un  petit 
embarras  de  fçavoir  où  la  croyance  d'un 
Dieu  fuprême ,  rémunérateur  &  vengeur , 
pouvoit  alors  fe  réfugier. 

Mais  le  privilège  de  nos  adver&ires  eft 
de  ie  contredire;  il  faut  chercher  la  vérité 
ailleurs  que  dans  leun  écrits, 

S.  3. 

i^.  Quand  il  eft  queftion  de  découvrir 
la  £bi  des  anciens Philofophes, l'importance 
de  la  matière  demanderoit  que  l'on  produL* 
sît  en  preuve ,  non  pas  de  vaines  conjec-^ 
tures  »  mais  des  témoignages  clairs»  précis» 
inconteftables  >  de  ces  fages  fi  vantés.  S'ils 
oat  cru  un  Dieu  fupréme,  rémunérateur  âc 
vengeur ,  il  n'eft  pas  à  préfumer  qu'ils  n'ea 
uient  jamais  parlé  dans  leurs  écrits.  Outre 
leurs,  propres  ouvrages ,  nous  avons  dans 
Diogène-Laërce ,  &  dans  d'autres  Auteurs 
le  pirécis  de  la  doârine  des  différentes  Sec* 
tes  de  Philofophes.  U  feroit  donc  très-à-pro* 
pos  de  former ,  de  leurs  divers  témoignages  p. 
une  chaîne  de  traditions  fur  le  dogme  eflen* 
tiel  d'un  Dieu  fuprême ,  rémunérateur  &ç 

(a)  S uiceies  Mélanges  de  Lisi^amrciia>8«»  tome  i  >  arc» 
Çhrijiiamfrne ,  2*  ^^9* 

Tom^L  H  h 


5<52  Apologie 

vengeur.  Comment ,  parmi  tant  dedifcîpl^ 
fi  zélés  pour  la  gloire  de  l'ancienne  PhiloCo- 
phîe  ,  ne  s'eft-il  encore  trouvé  perîonne 
qui  Tait  entreprb ,  fi  la  chofe  eft  pofiible  ? 
Le  içavant  Freret ,  fi  verfé  dans  la  conooif- 
fance  de  l'antiquité,  avoit  eflàyé  decaflèm- 
bler  quelques  traits  épars  de  la  doârine 
Philofophique  ;  il  n'a  pas  été  difficile  de  lui 
montrer  combien  la  preuve  qui  en  réfiilte 
eft  imparfaite  ,  coad»en  la  foi  des  anciens 
Philoiophes  a  toujours  été  chancelante  & 
incertaine  (a). 

2^  Si  les  Philofbphes  avoient  profefTé 
f unité  de  Dieu  d'une  manière  auffî  claire 
qu'on  le  prétend ,  eft-il  poflible  que  Cicé^ 
ron  y  qui  les  avoit  étudiés  avec  tant  de  foin , 
eût  éié  encore  fi  timide  &  fi  inéfolu  fur 
cette  grande  queâion?  Il  met  ai  problème  » 
non  pas  s'il  y  a  un  Dieu  unique  ous^ily  en  a 
plufieurs  ;  mais  s'ily  a  des  Dieux  ou  s'il  n'y  en 
û  point.  Après  avoir  pafle  enrevUe  toutes  les 
Seâes  >  il  ne  içait  àJaquelle  donner  la  préfé- 
rence ;  il  finit  par  trouver  plus  praifim^ 
hiable  le  fendnien^  des  Stoïciens  qui  déi- 
fioiônt  toute  là  n^tiK^e  (  ^  >•  Parmi  tous  ces 
Interlocuteurs ,  il  n'y  en  ai  pas  un  qui  affirme 
diftinâement  qu'il  y  a  un  Dieufi^rimc  , 


Ut)  Cccdtude  des  ptt avcs  da  Cfctift,  c.  ^,  f  i. 


DELA  Religion,  &c.    ^6y 

rémunérateur  &*  vengeur*  Il  eft  furprenant 
que  les  Philofophes  du  1 8^  fîècle  pronoiv- 
cent  fi  définitivement  fur  un  fait ,  dont  c« 
gratid  homme  paroic  n'avoir  eu  aucune 
connoi(&nce. 

On  dira  peut-être  qne  les  anciens  n'(K 
foient  pas  parler  plus  clairement  :  &  voilà 
jufiement  ce  qui  m'étonoe ,  qu'il  y  ait  eu 
tant  de  Philofophes  aflèz  hardis  pour  dire 
nettement ,  il  n'y  a  point  de  Dieu  ;  &  qu'il 
n'y  en  ait  eu  aucun  aflèz  courageu^  pouc 
dire ,  il  rHy  en  a  qu^unfeuU 

3^«  Il  eft  encore  plus  fingulier  de  voit 
nos  grands  Critiques  donner  libéralement 
aux  anciens  Philofophes,  des  lumières  que 
ces  fages  eux-mêmes  ne  s'attribuoient  pas; 
&  foutenir  l'inutilité  d'une  révélation  for-» 
naturelle ,  pendant  que  les  anciens  en  re-^ 
coanoiilbient  la  néceffité.  Platon ,  dans  le 
fécond  Alcibiade ,  ùàt  dire  à  Socrate  :  «  li 
3»  faut  attendre  que  quelqu'un  vienne  nous 
30  inflruire  de  la  manière  dont  nous  devons 
3»  nous  comporter  envers  les  Dieux  &  en^ 

39  vers  les  hommes Jufqu'alors  il  vaut 

a>  mieux  différer  l'oi&ande  des  facrifices, 
^  que  de  ne  fçavoir ,  en  les  offrant ,  fi  on 
3»  plaira  àDieu,  ou  fi  on  ne*lui  plaira  pas  »• 
Dans  le  Phédon  ,  s^rès  que  Socrate  a  dît 
ce  qu'il  penfe  fur  Pimmortaiité  de  l'ame  & 
fur  la  vie  à  venin  >  ua  de  (es  difciples  ré- 

H  h  i  j 


5<54  Apologie 

'  pond  :  a  La  connoiflance  parfaite  de  ces 
»  chofes,  dans  cette  vie ,  eft  impoilible^  ou 
»  du  moins  infiniment  difficile  • .  •  •  Le  fage 
a»  doit  donc  s'en  tenir  à  ce  qui  paroît  plus 
»  probable  »  à  moins  qu'il  n'ait  des  lumières 
4»  plus  fûres ,  ou  la  parole  de  Dieu  lui-même 
»  qui  lui  ferve  de  guide  ».  Dans  VEpino- 
wis  Platon  reconnoît  que  la  piété   eft  la 
vertu  la  plus  defirable  ;  mais  qui  fera  en 
état  de  Penfeigner^  dit- il , Jî  Dieu  ne  lui  fin 
degui4t  ?  Cicéron  ^  dans  fes  Tufculanes  (a) , 
avoue  de  même  la  foibleflTe  de  la  lumière 
naturelle ,  le  danger  prefqu'inévitable  d'être 
entraîné  par  les  erreurs  vulgaires  8c  par  I9 
corruption  générale. 

Enfin  Julien  lui-même ,  ennemi  déclaré 
de  la  révélation  Chrétienne .  convient  qu'il 
en  faut  une.  a  On  pourroit  peut-être ,  dit- 
»  il ,  regarder  comme  une  pure  intellîgen- 
a»  ce ,  &  plutôt  comme  un  Dieu  que  com- 
a>  me  un  nomme ,  celui  qui  connoît  la  na- 
aiture  de  Dieu  (b).  Si  nous  croyons  Tame 
a»  immortelle ,  ce  n'efl  point  fur  la  parole 
»  des  hommes ,  c'efl^  fur  celle  des  Dieux 
a>  mêmes  qui  peuvQAt  feuls  connoître  ces 
a»  vérités»  (c). 

Il  paroît  par  ces  aveux ,  que  les  anciens 

id)  De  nau  Deor»  t } ,  n*  i  &  £• 

(2>)  Lettre  à  Themidîus. 

(c)  Lc^te  i  Théodore  |  Pontife. 


DE  LA  RhLIGIOK,  &C.      ^6f^ 

Phllofopheâ  étoient  plus  modifies  que  ceux 
d'aujourd'hui*  Les  oremiers  avouent  l'in- 
jfuilildnce  de  la  raiion ,  pour  connoître  & 
pour  adorer  l'Etre  fuprême;  les  derniers  fe 
fâchent ,  dès  qu'on  leur  parle  de  révélation  : 
Je  ne  dais  penfer  que  par  moi"  même  &  pour 
moi-même  s  dit  impérieufement  Boling- 
broke  :  Tu  adores  un  Dieu  par  le  Pape  s  eh 
malheureux  !  adore  un  Dieu  par  ta  propre 
r ai/on  (a).  Ehl  malheureux  vous-même  i 
de  quel  front  exigez-vous  de  moi  «  ce  que 
Socrate ,  Platon  &  Cicérôn  n'ont  pu  faire  ? 
4**.  Quand  la  croyance  des  Philofophe^ 
anciens  feroit  cent  fois  plus  certaine  ^quelle 
influence  art-elle  eu  fur  la  manière  de  pen* 
fer  du  commun  des  hommes  ?  Dieu  a-t^ 
il  dû  fe  révéler  feulement  aux  Philofophes  » 
ou  au  genre  humain  ?  £lt  qu'efl-ce  que 
cette  poignée  de  Doâeurs ,  fur  la  totalité 
de  notre  efpèce  ?  S'ils  ont  été  fi  éclairés , 
pourquoi  ont-ils  réfervé  la  vérité  pour  eux- 
ieuls  ?  Le  dogme  d'un  Dieufyprême ,  rému* 
nérateur  Gr  vengeur  ^  étoît-il  afTez  peu  im- 
portant à  la  fociété ,  pour  qu'il  ne  valût  pas 
la  peine  d'être  enfeigné  en  public?  Ou  l'hu- 
manité eft-elle  trop  peu  de  chofes  aux  yeux 
du  fage ,  pour  qu'il  daigne  prendre  le  foin 
de  l'inflruire  ? 


mmm 


(  a  )  Exaaicn  imporuiu  »  Froémium  t?'\\    i,^ 

H  h  M] 


^66  Ap^oloôi» 

Dans  tov»  les  pays  du  monde ,  les  Phî- 
lofopbes  admettoient  .un  Dieu  fuprême> 
fémunératew  &  vengeur  ;  ainfi  l'ont  dé- 
cidé nos  Critiques  modernes  ;  mais  en  quel 
lieu  du  monde  art-on  vu  un  temple  érigé  à 
la  Divinité  fous  ce  titre  fublime  ?  Par-tout 
on  adoroit  Jupiter ,  &  par-tout  ce  Dieu 
prétendu  étoit  révéré  avec  les  fymboîcs  les 
^  plus  injurieux  à  la  Divinité»  avec  l'aigle  de 
Gaiwmede ,  avec  le  taureau  d'Europe,  avec 
les  ugnes  de  Junon,  fa  foeur  &  fon  époufe  : 
&  fous  ces  emblèmes  fcandaleux  »  il  rece- 
voît  l'encens  desThilofophcs ,  comme  celui 
éc  la  multitude.  Ovide ,  qui  n'étoit  certai- 
nement pas  un  Moralifte  fort  févere ,  at- 
tefte  qu'on  ne  pouvoit  pas  entrar  dans  les 
temples ,  fans  avoir  les  yeux  frappés  d'ob- 
us ot^cenes  &  fcandaleux  (a). 

5.  4. 

•  En  fuppoiknt  pour  un  moment ,  que  les 
6ages  de  toutes  les  Nations  reconnoiflbient 
un  Dieufupréme ,  fera-t-îl  plus  aifè  de  prou- 
ver qu'ils  reconnoiflbient  un  DUu  unique  ? 
Nouvelle  queftion  fur  laquelle  on  cherche  à 
nous  donner  le  change ,  &  que  Ton  décide 
«n  peut  trop  légèrement. 

l^  L'unité  de  Dieu  &  la  vie.  future 


«tati 


i4)  Ovid.  Trîfti  1*  a  I  Y*  x^o. 


DE  Zk  ReLI'SION^&C.      567 

étoient ,  dit^on ,  enfeignées  dans  les  myf^ 
t^es.  Pouc  toute  preuve  on  apporte  un  fragr 
xnent  de  vers  d'Orphée  xpa^  l'on  rédtoit 
en  fimflant  la  cérémonie  de  l'mltiatioxù 
Mais  eft;il  bien  certain  que  l'on  n'y  ait  rieii 
ài%  qfii  fûtxapable  d'obCcurcir  la  leçon  rei>- 
fermée  dans  ces  vers  ?  Cicéron  qui  avoic 
été  initié  lui-même  >  cBt  que  dans  les  m^fte** 
res  l'on  puifoit  plus  de  connoiflance  fur  la 
Phvfîque  que  fur  les  Dieux  (a )«  L'on  fçatt 
d'ailleurs  les  indécences  »  les  turpitudes  que 
le  libertinage  introduifît  bientôt  dans  cette 
cérémonie ,  &  que  les  Pères  de  l'Eglife  ont 
•reprochées  aux  Payens.  Eft-ce  done-là 
l'école  où  les  hommes  dévoient  puîfer  la 
connoi&ncede  la  DivinitéPSil'onii'y  avok 
cmfeigné  que  des  vérités  utiles  »  eft-il  à  pré> 
fômer  que  les  Empereurs  »  les  Grands  &  les 
Pbilofophes  en  euflent  conçu  le  méprit 
qu'ils  en  témoignoien t (b)} 

•2^  Quand  les  Payens  appeUoIent  Jupiter 
très'hon  &•  très^grand^  ou  kfcre  dîs  Vuwif 
&  des  J^ommei ,  pré€endoient-ils  lui  attri^ 
buer  par4à  une  lupériorité  de  nature  ivà 
les  autres  Dieux ,  ou  ièulement  une  préémi^ 
nence  de  rang  &  de  pouvoir  ?  La^  Fable  m 
THiftoire ,  le?  Légiflateurs  ni  les  Philofo- 
'^— ——  ■      iiiii       I  ■— — —    I  ,■  III     'î 

•  (a)  Dt  Nau  Deor,  1. 1  ^  n,  iio.  V»  Nouvelle  Démott^ 
traiioii  Evangéliquc  de  M  Leland ,  tome  i ,  p.  $  i. 
<h,  DiCt,  PhiJ.  arc.  ChrîJHanîTme,  p.  zi^. 

H  h  iv 


'^6S  Apologif 

phes ,  ne  nous  fourniflent  aucune  preuve 

iiéciiîve  pour  réfoudre  cette  importante 

Sieftion.  Partager  la  nature  divine  entre  le 
ieu  fuprême  &  une  foule  de  Dieux  fe- 
condaires ,  tous  éternels  comme  tui ,  &  par 
confèquent  indépendans,  n'étoit*ce  pas 
fjéellement  la  détruire  ? 

On  nous  dira  que  ces  Dieux  n'étoient 
que  des  Génies  ou  des  démons ,  des  Intelli- 
gences du  iècond  ordre ,  quoique  fupécieu- 
xes  à  rhumanité ,  bien  difierens  du  Dieu  éter- 
nel ,  fouverain  Seigneur  &  Créateur  de  tou- 
tes chofes.  Cela  eft  très-bien  ^  mais  dans 
quels  monumens  pui(êra-t-on  les  preuves 
de  cette  doârine  ?  Dans  les  écrits  des  Pla* 
toniciens  du  troisième  ou  du  quatrième 
fiècle ,  de  Plotin  ,  de  Porphyre ,  de  Julien, 
de  Jambliqae  ,  de  Maxime  de  Madaure  ; 
c'eft-à-dire ,  chez  desPhilofophes  qui ,  éclair 
rés  malgré  eux  par  PËvangile ,  par  les  le  ' 
^ns  de  r£coIe  Chrétienne  d'AIexandsie  » 
■par  les  reproches  continuels  des  Pères  de 
l'Ëglife ,  avoient  enfin  ouvert  les  yeux  fur 
le  chaos  des  opinions  de  leurs  anciens  Mai* 
très ,  s'attachoient  à  épurer  le  Paganifîne , 
&  à  en  rendre  le  fyftème  moins  révoltant. 
Mais  c'eft  dans  les  anciennes  écoles  d*A- 
thènes  qu'il  "faudroit  montrer  la  fource  de 
toutes  ces  nouvelles  imaginations ,  dans  les 
écrits  de  Zenon  „  d'Epicûre,  d'Ariftote  ou 


r 


DE  LÀ  Religion,  &c^    ^tf'jjj 

de  Platon  ;  &  c'eft  ce  qn'onr  ne  fera  jamais. 
Nos  Critiques ,  qui  ne  cherchent  qu'à  trom- 
per le  ledeur ,  lui  donnent  gravement  le 
Paganifme  moins  groffier  du  troifième  &  da 
quatrième  fiècle ,  pour  la  croyance  des  Phi- 
lofbphes  d'Athènes  &  de  Rome  ;  pour  fou- 
tenir  leur  paradoxe  ,  ils  font  un  anachro- 
nifme  de  quatre  à  cinq  cens  ans, 

3^.  Quand  il  feroit  vrai  que  chez  les 
Payens  il  y  avait  la  Religion  dti  fages  &•  , 
celle  du  vulgaire  ;  que  les  fages  abkorroient 
non-feulement  Vidolâtrie^  mais  encore  le  Po^ 
lythéifme  (a) ,  que  s'enfuivroit-il  contre 
là  néceffité  d'une  révélation  ?  Cette  pré- 
tendue religion  des  fages  >  renfermée  dans 
im  très -petit  nombre  de  têtes ,  couverte  du 
voile  impénétrable  des  myfteres,  n'étoît 
•d'aucune  utilité  pour  le  refte  du  genre  hur 
mdn  ;  les  Nations  entières  n'en  étoient 
pas  moins  plongées  dans  l'erreur  &  dans  le 
vice;  elles  n'avoient  pas  moins  befoin  d'un 
Maître  envoyé  du  Ciel ,  puifque  les  Philo- 
fophes  dédaîgnoient  de  les  infiruire.  A 
peine  l'Evangile  fut  annoncé ,  que  le  peu- 
ple le  plus  groffier  apprit  à  honoret*  un 
feul  Dieu ,  rémunérateur  ôc^rengeur  :  il  vit 
enfin  la  vérité  que  les  Philofophes  s'étoîenc 
obftinés  à  lui  cacher. 


(0)  Diâ  Pitilof.  tome  %  I  arc,  Uçlitru,  p*  ^^  &  ^9* 


570  Apologie 

4^.  Mettre  en  thèiê  qu'/Z  iCy  eut  jamais  de 
Gùui/ernement  idditre  (a)  y  parce  qu'un 
petit  nombre  de  T^ges  abhorraient  Pidold- 
trie  5  c'eft  (buteoir  qu'il  n'y  eut  jamais  de 
Gouverneoient  Chrétien»  parce  qu'un  petit 
nombre  de  prétendus  fages  eut  toujours  le 
Chrifiianifme  en  horreur. 

S.  y. 

Mais  que  dirom  nos  fçavans  Critiques  > 
il  ndus  leur  prouvons  encore  la  fauiZeté  de 
cette  troifîème  fuppofition;  fi  nous  leur  dé* 
montrons  que  les  Philofophes  mêoneâ  du 
quatrième  fiècle  étoient  encore  >  malgré 
leur  fttbtiltté ,  Polythéifi^s  &  IJMJi^ei  dans 
toute  la  rigueur  àa  teriQç  i  Juftifiieront-ils 
4e  ce  reproche  la&PhiîorQph^pios  aji^iciens, 
à  plus  forte  raifon  les  Gouveraemeos  &  les 
Nations  entières  ? 

Porphyre  afliire  gravement  que  Us  Dieux 
Ipabitirtt  dans  Uut s  fiâmes  ,  &  qyfihyfont 
continus  comme  dans  un  lieufaint  (b)n  Jam- 
blique  avoit  fait  un  ouvrage  dam  lequel  il 
montroit  fue  Us  IdoUs  étoient  divines  & 
remplies  d^unf  fubjîftance  divine  (  c  )•  Un 
Payen  dit  à  Arnobe  :  Nous  ne  croyons 
point  q^e  fairain»  l'argent ,  l'or  &  les  au- 


(a)  Diâ.«Phtlor.  a».  lioldau ,  p.  4^. 
(  b  )  Eufib.  prapar.  Evang,  /.  5  >  c.  z  ^ • 
(c)  Phoiius,  Biblioth,  cod.  iitf. 


DE  LA  Religion,  &c.  57! 
très  matières  dont  on  forme  les  (imulachres, 
foient  des  Dieux  ;  mais  nous  honorons  les 
Dieux  mêmes  dans  ces ^mulachrts ,  parc^ 
que  dès  quon  les  a  dédiés  »  ils  y  viennent  ha^ 
iiter  (a).  Maxime  de  Madaure  écrit  à 
S,  AuguÂin  ;  La  place  pMique  de  notre  piUe 
eji  habitée  par  un  grand  nombre  de  Divini- 
tés j  dont  nous  rejfentons  le  fecours  Gr  Pàffif- 
tance  (b).  Julien  s'efforce  de  prouver  ;  par 
l'autorité  de  Platon ,  que  le  Dieu  fouy erain 
ordonna  aux  Dieux  inférieurs  de  créer  les 
hommes  &  les  animaux  (c)  ;  il  reproche 
aux  Juifs  qu'ils  adorent  le  Dieu  qui  gou« 
Verne  le  monde ,  fans  vouloir  adorer  les  au?» 
très  Dieux  (d).  Celfe  feit  le  même  repro* 
che  aux  Chrétiens  dans  vingt  endroits  dé 
fon  Ouvrage  ;  il  les  blâme  d'avoir  les 
Dieux  &  les  Idoles  en  exécration  ;  il  tes  ap* 
pelle  impies  ,  parce  qu'ils  ne  peuvent  fouf» 
frir  les  Temples ,  les  Autels ,  les  Idoles  (e). 
On  peut  voir  d'autres  pafiages  des  Auteurs 
Payens  dans  VHiftoire  de  l'établij[[ement  du 
Ckrijiianifme  de  M»BuUet,  dont  nous  fai- 
fons  grand  ufage.    • 

C'eft  une  vaine  fubtilité  de  dire  que  les 


(d)  Amoh.  L  6  sn,iy ,  p.  i^S» 

<  h  )  Inter  Epift,  Augufi.  Epifi  1 6. 

(c)  S.  Cyrille  contre  Julien  ,  1. 1* 

ià)  Lettre  tfj  à  Théodore,  Poncife. 

U>  Orig,  contre  Celfe,  I.  7 ,  a*  }^  &  ^a.» 


37^  Apologie 

ancieru  m  croyaient  pas  quuneftatuef&t  une 
Divinité  ;  que  le  culte  ne  pouvait  être  rap^ 
porté  à  cette  Jlatue  »  à  cette  Idole ,  &  que 
par  conféquent  les  anciens  n^étoient  point 
idolâtres  (a),  i^  Le  fait  eft  faux  :  félon  le 
rappprt  de  Diogène-Laërce ,  le  Pliilofophe 
Stilpon  fut  chafle  d'Athènes ,  pour  avoir 
dit  que  la  Minerve  de  Phidias  n'étoit  pas 
une  Divinité  (b).  2**.  Quand  les  Chrétiens 
ont  reproché  aux  Payens  Vidoldtrie  >  ils 
n'ont  jamais  prétendu  les  accufer  de  rap  • 
porter  lein:  culte  à  une  idole  \  mais  à  la 
iaufle  Divinité  qu'ils  croyoient  préfente 
ilans  ridole.  Si  ce  crime  ne  peut  pas  être 
ttonimé  proprement  idolâtrie ,  ^el  nom 
falioit-il  lui  donner  ? 

Après  des  témoignages  (ï  fbrmeb»  il 
n'eft  pas  difficile  de  montrer  en  quoi  con* 
fiftoit  le  crime  de  l'idolâtrie  des  Payens.  Il 
confîftoit,  i^.  à  ne  rendre  aucun  cuite  reli- 
gieux au  Dieu  fupréme  »  feul  Créateur  & 
Seigneur  de  l'Univers  »  tandis  qu'ils  prodi- 
guoient  leur  encens  &  leurs  offrandes  à  ces 
Génies  ou  démons  imaginaires  qu'ils  fup- 
pofoient  répandus  dans  toute  la  nature; 
Jupiter  lui-même  étoit  évidemment  un  de 
ces  Génies  ou  Dieux  particuliers;  2°.  A  re- 


(a)  Dîa,  Philof.  art.  Idolâtres  ,  p.  jo. 
ib)  Liv,  vie- (te Scilpon. 


DELA  Religion,  &c.  ^73 
vêtir  ces  Dieux  fantaftiques  des  attriouts 
eflentiels  &  incommunicables  de  la  Divi- 
nité, tels  que  l'éternité ,  la  toute-puiflànce, 
l'immenfité  ou  la  préfence  en  tous  lieux  »  la 
connoiflance  de  toutes  chofes;  3^  A  repré- 
fenter  ces  Dieux  prétendus  fous  des  images 
&  des  emblèmes  Icandaleux  «  obfcènes ,  pro< 
près  à  corrompre  l'efprit  &  le  cœur  de  leurs 
adorateurs.  Cétoit  outrager  la  Providence 
divine ,  de  fuppofer  qu'elle  ait  pu  permet^ 
tre  toutes  les  abominations  dont  on  accu- 
foit  les  Dieux  ;  4.^.  A  mêler  dans  le  culte 
de  ces  Dieux  multipliés  à  l'infini  des  céré- 
monies infâmes  ;  l'ivrognerie ,  l'impudicité , 
la  proflitution ,  l'eiTufion  du  fang  humain  ; 
&  a  Tuppofer  que  la  Divinité  pouvoit  écou- 
ter des  vœux  criminels.  Tels  font  les  dé- 
fordres  a£5:eux  que  r£vangile  a  bannis  de 
l'Univers ,  &  dont  les  anciens  Philofophes 
ie  font  déclarés  les  défenfeurs  &  les  apolo-^ 
giftes. 

Pour  en  difculper  les  Payens ,  &  même 
les  Philofophes ,  il  faudroit  anéantir  tous 
les  monumens  de  l'Hifioire  Eccléfiaftique 
&  Profane.  Et  l'on  ofe  écrire  aujourd'hui, 
iàns  pudeur ,  qu!i2  ny  mt  jamais  £  idolâtres 
m  £  idolâtrie;  que  Us  Payens  riétoient  pas 
jihiS, idolâtres  que  nous;  qa^lefond  de  Uur 
Mythologie  étoit  très-raifonnablel  Les  Chré- 
tiens ont-ils  jamais  adoré  un  autre  être  que 


••  » 


574*  Apologie 

Dieu  î  Ont  -  ils  rendu  un  culte  religieux  à 
des  Intelligences  imaginaires  ?  Et  leur  ont' 
ils  fuppofé  les  attributs  de  la  Divinité  ?  Ont- 
ils  jamais  penfé  que  Dieu  ou  les  Saints  ha^ 
bitoient  dans  les  images  ?  Ont-ils  mêlé  dans 
leur  culte  des  fcandales  &  des  crimes  f 

On  blâme  les  Pères  de  l'Eglife  d'avoir 
pris  lesfabUs  invetitées  par  des  Poètes  ùr  par 
des  Romanciers  pour  le  fond  de  la  Religicii 
des  Gentils  (à).  Pour  prouver  qu'ils  ont  eu 
tort  3  il  auroit  fallu  dire  en  quoi  cette  Rel^- 
gion  coflfîfloit;  il  auroit  fallu  citer  au  moins 
\m  Temple  dans  TUnivers ,  où  les  Dieux  des 
Gentils  ne  fullent  pas  adoras  avec  tous  les 
fymbdes  des  fables« 

Ce  ièroit  une  dérifion  de  prétendre  ; 
avec  l'Auteur  du  Chr^ianifme  dévoilé  y 
que  le  Dejiin  était  un  Dieu  unique  ^  auquel 
tous  les  autres  Dieux  du  Paganifme  étaient 
fubordannés ,  fir  dont  la  nature  entière fubif- 
fait  la  loi  fauveraine.  Le  Deftin  étoît-il  un 
Etre  intelligent  &  libre ,  digne  de  l'adora- 
tion des  honimes  ?  C'étoit  une  loi  aveugle  > 
un  enchaînement  de  caufes  dont  le  prin^ 
cipe  étoit  inconnu  (^>  Chez  les  Poètes  le 
Deftin  étoit  enfent  de  k  Nuit,  frère  des  Par- 
ques &  de  quelques  autres  perfonnages  aui& 


mmÊÊiÊÊmm^Êim^mÊmtamtmm\, 


{Ci)  Examen  important,  p.  X17. 
<&)  Cicéron,  4zFato* 


DE   LA   ReLI<3ION,&C.       ^jf 

peu  réels.  Le  Deflfti  étoit  donc  une  ab- 
lurdité  que  plufi^urs  anciens  ont  rejettée, 
&  dont  ils  n'ont  jamais  voulu  reconnoî- 
tre  le  pouvoir  fur  les  aftions  libres  des 
hommes.   . 

S.  6. 

Maïs  peu  importe  à  nos  Ccnfeurs  quel 
Dieu  Ton  admette ,  pourvu  qu'ils  n'en  foient 
pas  incommodés.  L'Auteur  du  ChriJUanif" 
me  dévoilé  perfi&Q  àrejetter  celui  des  Juifs 
&  des  Chrétiens  :  Nous  ne  voyons  en  /Mi,dît-il', 
qu^un  defpote  biiarre^  colère  ^  rempli  de  cruauf 
té ,  àHnjuftice ,  de  partialité  ,  de  melignir 
té  y  ÊT'c  (a).  C'eft*-à-  dire,  qu'il  lui  faut  un 
Dieu  qui  ne  veille  à  rien ,  qui  ne  commandé 
rien ,  qui  ne  foit  ni  rémunérateur  ni  ven- 
geur ,  un  Dieu  tel  que  ceux  d'Epicure,  qui , 
heureux  &  renfermé  en  lui-même ,  ne  s'emh 
barraife  ni  dufbrt  nr  de  la  conduite  des  créa- 
tmrcs  ;  à  ces  conditions  l'Auteur  pourra 
peut-être  fe  réfoudre  à  reconnoître  un  Dietiv 
Nous  avons  déjà  démontré  ailleurs  la  fauflcté 
des  blafphèmes  qu'il  ofe  prononcer  contre 
la  Divinité  (  i). 

Eft^ct  connoître  la^ Divinité^  xontînucHr 


(tf )  Chnft.  dévoilé,  p.  9%*  Militaire  Phîlofophe^,  c.  lo^ 
f,  iti,  le  Lence  â  Eugénie ,  p..  4^  &  51.  Gonca^on- ûir 
crée,  c.  15  ^p.  140»  ' 

(*)Ci.deflu$,c.  ^,=5.  i&j. 


57^  Apologie 

s-il ,  que  de  dke  que  ceft  un  efprît ,  un  être 
immatériel,  jui ne  rejfemble  à  rien  de  ce  que 
lesfens  nous  font  connoître  ?  Selon  cette  rare 
doârine  >  il  faut  donc  dire  que  Dieu  ^efi 
un  corps ,  un  être  matériel  ;  comme  tous 
les  autres  corps  que  les  fens  nous  font  con- 
noître. L'Auteur  a-t-il  entrepris  de  fubfli- 
tuer  à  la  Religion ,  le  Matérialifme  de  Spi- 
noÙL? 

De  même  il  ne  veut  point  que  l'on  at- 
tribue à  Dieu  l'infinité  j  l'immenfité ,  r éter- 
nités la  toute^puiJfance\,  lafcience  de  toutes 
chofes  :  ces  attributs ,  félon  lui ,  rendent 
Dieu  plus  inconcevable.  Mais  ce  n'eft  pas 
feulement  la  Religion  qui  attribue  à  Dieu 
ces  perfedions ,  c'eft  la  raifon  &  la  Phi- 
lofophie  ;  les  plus  fages  d'entre  les  Payens 
ne  l'ont  pas  conçu  autrement.  Il  auroit  été 
fort  à  propos  que  l'Auteur  eût  daigné  nous 
apprendre  ce  qu'il  entend  fous  le  nom  de 
JDieu ,  &  quelle  idée  il- s'en  êfWbrmée  ;  il 
ne  nous  eft  pas  po^le  de  le  deviner.  Si 
Dieu  n'eft  ni  infini ,  ni  éternel ,  ni  préfent 
par-tout ,  ni  tout-puiflànt ,  ni  fouveraine- 
ment  intelligent,  qu'eft-il  donc?  Quel 
monftre  veut -on  mettre  à  la  place  de 
Dieu? 

L'Auteur  nous  reproche  peur  la  troifiè^ 
xne  ou  la  quatrième  fois ,  cpi'on  ne  peut  con* 
cilier  la  fageilè ,  la  bonté ,  b  juAice  avec  la 

conduite 


DE  LA  Religion,  &c.    ^yj 

conduite  que  nos  Livres  faints  attribuent  a 
X>ieu«  N'eât  -  il  pas  mieux  valu  ,  dit  -  il , 
laijfer  l'homme  dans  Pignorance  totale  de  la 
JDivinité^  que  de  lui  révéler  un  Dieu  rempli 
de  comradiâions  *  qui  prête  fans  cejfe  à  la 
difpute,  qui  lui  fer  t  de  prétexte  pour  troubler 
Jon  repos  f 

Avant  que  Dieu  fe  fût  révélé ,  l'homme 
Ti'étoit  pointidemeuré  pour  cela  dans  un^ 
ignorance  totale  de  la  Divinité  ;  au  défaut 
ce  la  connoiilànce  du  vrai  Dieu  »  il  s'étoit 
-fait  des  Dieux  imaginaires ,  &  une  Religion 
fauflè.  Cette  Religion  »  loin  de  contribuer 
à  fon  repos ,  étoit  au  contraire  la  fource 
d'une  frayeur  continuelle ,  foit  par  le  carac- 
tère bizarre  &  malfaifant  que  l'homme  at« 
tribuoit  à  fes  Dieux ,  foit  par  la  foi  aux 
fonges ,  aux  fortiléges  ,  aux  préfages  bons 
ou  mauvais  ;  terreurs  paniques  &  toujours 
renaiflàntes ,  dont  Cicéron  a  déploré  avec 
raifon  la  tyrannie ,  &  que  le;;  Philofophes 
€ux*roêmes  avoient  entretenues  par  leurar 
raifonnemens  &  par  leur  conduite  (  a  )• 
Nous  avons  déjà  montré  >  chap.  3  >  $.  20  , 
combien  il  eft  faux  qu'avant  la  révélatioi>^. 
le  genre  humain  ait  été  plus  tranquille ,  plus^ 
heureux ,  plus  vertueux  qu'il  ne  f  efl  autour^ 
ë'hui. 


lâ)Cîr.(ï«i>5yriiJ.i,ilafia, 

Jome  U  It 


57^  Av  ùLX)0it 

Nous  cxHivenons  que  IaKdiigion  troulle 
le  repos  ck  Pisnpie  ;  en  lai  mettant  devant 
les  yeux  un  Dieu  }ufte  y  (âge  >  tow-puiflànt, 
rémunérateur  &  vengeur  ;  die  refiiraye  au 
milieu  de  fes  crimes ,  elle  le  déchire  par  des 
remords.,  elle  répand  l'amertume  usr  fes 
plaifirs ,  elle  lui  fait  envllâger  ua  avenir 
terr&k  &  malheureux  :  voilà  ce  qu'on  ne 
lui  pardonnera  jamais ,  &  ce  qui  excite 
contr'eUe  la  haine  &  les  déclamations  des 
prétendus  Philofophes«. 

Enfin  FAuteur  en  vient  à  nos  Myt 
teres. 

Il  foutienc  (pie  le  Chriâiantfme  ne  re- 
connoît  point  le  même  Dieu  cpie  Moî&« 
Selon  lui ,  nous  adorons  ime  Divinité  tri- 
ple ,  fous  le  nom  de  Triaké ,  ou  trois  Dieux 
qui  n'en  forment  (pi'uii(a>  Ceft  une  ca- 
tomnie  réfutée  par  nos  (^téchifines.  Nous 
croyons  tr©»  Perfonnes ,  &  non  pas  trois 
Dieux  ;  une  Divinité  unique ,  &  non  pas 
une  Divinité  triple.  D  eft  de  Téqiiité  na- 
turelle de  ne  point  altérer  notare  crayanco 
I»  notre  langage.  Noias  avoaoûs  que  et 
myftere  ^  incom^âienfîble ,  &  jaxs^ 


«Ml- 


(fl  )  Chrift.  dévoilé,  page  54'  Militaire  Philofophe, 


DE  LA  RbLIGICIT.  &C»      ^p 

nous  n'entreprendrons  de  l'accorder  avec 
les  lumières  de  la  raifon  ;  mais  nous  où>m 
défier  les  Fhiloibphes  de  montrer  qu'il  ren^ 
ferme  comradiâion. 

Il  ne  feroit  pas  aifé  de  concilia  nos  CnU 

tiques  entr'eux.  L'Auteur  du  Ckriflianifi, 

mt  dévoilé  foutient  que  le  dogme  de  la 

Trinité  eSt  emprunté  de  Platon  C^)  >  celui 

^  VExojmn  imputant  montre  au  con^* 

traire  que  la  Trinité  de  Platon  étoit  d'onii 

autre  efpèce  que   la  Trinité   des  Chré^ 

tiens  (h) 'y  que  l'opbioa  de  Platon  eft  in» 

teUigifaie ,  &  que  celle  des  Chrétiens  ne 

Fefl  pas*  Le  même  ait  qfiOrigènt  fut  U 

frtmier  qui  donna  la  vogue  au  galimathiaf 

de  la  Trinité  qvfoti  àvoU  aubliée  depuis  Juj^ 

tin  (c).  Et  dans  le  Tfaité  fur  la  Tolé-^ 

nonce  ,  on  accufe  Origène  d'avoir  nié  un 

Dieu  en  trois  perfonnçs  (d)*  Nous  ioftan 

mes  difpenfés  de  c^>ondre  à  des  adverfai" 

res  qui  le  réfutent  eux-mêmes,  '- 

L'Auteur  de  VExanwi  important  iap- 

poiè  que  le  myftece  de  la  Trinité  efi  prmcî* 

paiement  fondé  (ur  un  pafiage  ini&é  spsH 

coup  danslapremieseEpitredeS»  Jean  Çe% 


(a)  Chrfft.  iéyoiléytbii,* 

(fe)  ml    • 

ii)  Chap.^,pb7i, 

mÇefri^t.7,  ^... 


gSo  Apologie 

C'eft  une  double  erreur.  La  prétendae 
falfification  de  cette  Epître  eft  uoe  caiom- 
nie  ;  &  le  myft«:e  de  la  Sainte-Trinité  eft  en- 
feigne  par  J.  C.  en  S.  Matthieu  ,  c»  2,S , 
>?•  ip.  Allex ,  enfeignei  toutts  Us  Nations , 
£f  bapdfei'lcs  au  nom  du  Père  *  du  Fils  Gr  du 
S.  Efprit. 

.  D^ns  tous  les  Livres  que  les  Incrédules 
ont  en&ntés  contre  la  Religion ,  ils  ont  eu 
grand  foin  d'inculquer  &  de  répéter  fans 
celle  que  la  plupart  des  articles  de  iot  que 
nous  croyons  aujourd'hui,  étoient  inconnus 
dans  les  premiers  fiècles;  qu'ils  ont  été 
forgés  par  les  définitions  des  Conciles  »  & 
par  les  raiibnnemens  éts  Théologiens. 
C'efl  ce  qu'on  lit  dans  les  EJfaisfur  l'Hif 
taire  générale  (a  ) ,  dans  le  Traité,  fur  la 
Tolérance  (b),  dans  la  troifîème  Lettre 
fur  les  Miracles  (c)^  dans  le  Diâionnaire 
Fhilofqphique  (d),  dans  Y  Examen  impor^ 
tant  (  e  ) ,  &€.  &cw 

Pour  démontrer  la  fauflèté  de  cette  af^ 
fertion  téméraire ,  fiir  chacun  de  nos  dog* 
vi^s  en  particulier ,  il faadroit  un  Traitée^ 
iThéologie  complet  ;  &  cet  Ouvrage  eft 


ia  J  1  ome  «  ,  c  tfi ,  p.  j  74., 
(h)  Chap.   II  ,  p.  57.        % 
(£)Page4i. 

(d)  Tpme  I ,  art.  Chr'fi:cnîfmt,  p.  108' 5  5t  tome  x  »  arc« 
IRdigion,  p.  13^. 
|C)Cha^ti*^Pf<?7.C.ii,p.  n7.C,%î,j?.  »I:4|*C% 


DE  LA  ReLIGIOI^.  &C.  .     ^Sl 

ûk  il  y  a  long^temps.  On  peut  confulter 
la  Théologie  dogmatique'  des  Pères ,  par  le 
P.  Fétau ,  où  ce  fçavant  homme  a  raÛèm^ 
blé,  fur  chacun  des  articles  de  la  foi  Chré^ 
tienne  »/les  pailàges  de  l'Ecriture  Sainte , 
&  ceux  des  Pères  de  l'Eglife  qui  les  éra* 
bliflent ,  &  qui  fonnent  une  chaîne  de  tra- 
ditions  confiante,  &  indiflbluble.  Les  fup^ 
poiitions  vagues  &  frivoles  de  nos  adver^ 
fâires  ne  détruiront  pas  les  monumens  de 
Aotre  foi* 

$.  8. 

Four  tourner  en  ridicule  lemyftere  cfo 
l'Incarnation  ,  l'Auteur  du  CkriJHanifine 
dévoilé  continue  à  défigurer  notre  croyan* 
ce.  U  dit  que  la  féconde  perfonne  de  la 
Trinité ,  renonçant  à  fa  divinité ,  s'eft  re*^ 
vêtue  de  la  nature  humaine  >  &  ,  [to  une 
contradiôion  choquante»  il  reconnoîti  quel* 
ques  lignes  plus  bas ,  que,  félon  la  foi  Cfaré- 
tienae ,  un  Dieu  fait  homme  yfans  nuire  à- 
fa  divinité ,  a  pu  fouf&ir  &  mourir  (<x)«  H 
ibutient  que  ces  notions  ahfurdes  font  em* 
pruntées  des  Egyptiens,  des  Indiens ,  &  de^ 
Grecs  'r  nouvelle  contradiâion*  Il  nous  a 
fouvent  répété. que  les  Difciples  de  Jefu» 

r    -irimr-i — r-p^ 

(  A)  Chrift.  àhoWk ,  p.  $6.  6*  L^ure  à  Ciigénk>  p»^  14^ 
Çonugioa  factée  «  c^i  S  7  p*  H  u 


^$2  A  P  O  LO  G  I  E 

étoient  des  ignorans  :  &  il  fi^^ofe  qu'ils 
font  dklés  étudier  chez  les  Egyptiens  »  chez 
les  Indiens  »  chez  les  Grecs  ou  chez  les 
Chinois ,  la  doârine  qu'ils  nous  ont  en^ 
feignée.  Il  nous  a  fait  remarquer  encorfi  que 
les  Juifs  avoieot  en  horreur  la  Re^gion  des 
autres  peuples  ;;  &  il  veut  que  le  jQhrlftia- 
BÎùnc  né  en  Judée  foie  une  cc^ie  des  ikbles 
payennes. 

L'Auteur  de  l'£x^aiten  important  qui 
pofe  pour  principe  que  les  Juifs,  ont  tout 
pris  des  autres  Nations  (a) ,  ne  raifonne  pas 
plus  conféquerament.  Nos  Critiques  n^ont* 
ils  pas  banne  grâce  après  cda  de  nous  re- 
procher des  abfiirditâ  &  des  contradic*' 
tions  ? 

Toujours  ûxc  le  même  plan  »  la  réfur- 
ïeâion  de  J.  C.  eft  la  même  chok  que 
celle  de  l'Adonis  Phénicieii  ,  de  l'Ofîris 
Egyptien ,  ou  de  TAtys  de  Phirygie  (  i): 
e  était  remblime  élune  nature  fériodiqut^ 
ment  mourante  &  renaijfante*  Ainfî  les 
Apôtre  qui  ont  fouteou  qu'ils  avoient  vu 
kut  Maître  refTufcité ,  qu'ils  avoiem  con* 
verfé  »  bu  &  mangé  avec  lui  pendant  40 
jours  ,  font  ailés  che»:heir  cette  hi&oife 
«a  Phénicie  ou  en  Pi»rygi^, 


pELARELiatON,&C,      3»J 

Mais  dans  qu«Ue  fource  FAuteur  lui-^ 
même at-il  puifé l'explication  qu'il  donn« 
des  fables  d'Egypte  &  de  Phénicie  ?  Dana 
der  fiècies  où  les  peuples  étoient  encore 
plongés  dans  l'igoorance  &  dans  la  bar* 
harie  la  plus  groffiere ,  étoient-ils  aflèz  in* 
génieux  pour  repréfenter  fpus  des  emblè* 
mes  fi  myâérieuar ,  lès  opérations  de  la  na^ 
ture?Et  qui  lui  a  ditqu'Ofiris>  Adonis» 
Atys ,  fignifient  la  nature  ? 

L'Evangile  n'a  rien  de  commun  avec  les 
febles  Payennes  ;  hs  Apôtres  n'ont  eu 
d^autre  Maître  que  J.  C ,  &  ce  divin  Legif 
lateur  a  puife  fa  doârine  dam  le  fein  ^ 
Dieu  fon  père. 

L'Auteur  du  ChriJIianifme  dévùïlé  coïVf 
dut  que  ces  myôeres,  loin  de  nous  don-*- 
ner  de  nouvelles  lumières  fur  la  nature  di^ 
TÎne,  ae  fervent  qu'à  redoubler  les  nu^get 
<fxï  la  voilent  à  nos  yeux  (  a  )*  Fauâè  eon-* 
féquence  déjà  réfutée  trois  foie.  Diea  e^ 
.  incompréhenfible  par  fon  efiencé,  puif-^ 
qu'elle  efl  infinie:  les  myfteres  qui  jnçui 
font  mieux  fentir  cette  iîKompréhenfîbfr 
}ité  fervent  donc  à  nous  donner  ufie  idée 
plus  jufle  &  plus  fubiime  de  la  nature  di** 
vine.  Dieu  fera  toujours  à  nos  yeux  im 
Dm  caché  ;  &  il  oe  poit  étce  autreoienc  ; 


5^4  AFOtOOlB 

les  myfteres,  en  mortifiant  la  curioiités 
doivent  nous  rendre  plus  humbles  :  en  nous 
apprenant  ce  que  Dieu  a  fait  pour  nous , 
ils  doivent  nous  rendre  phis  reconnoif- 
fans.  Telle  eft  la  feule  lumière  dont  nous 
avons  befoin  ;  les  connoiflances  Phitofo- 
phiques  n'onc  point  fervi  à  réformer  les 
nommes ,  la  foi  feule  produit  les  vrais 

5.  p* 

Mais  comment  un  Dieu  bon  peut-'i!  per- 
mettre que  la  race  humaine  foit  malheu- 
reufe  en  ce  monde  &  en  l'autre  >  Comment 
laiffe-t-il  à  fes  créatures  une  liberté  flinefte 
dont  elles  abufent  ?  Comment  Dieu  fouve- 
rainement  heureux  peut- il  être  ofiènfe  de 
leurs  aâions  ?  Comment  Dieu  peut-il  & 
faire  homme  &  mourir  ?  Autant  de  que( 
tions  déplacées  &  ridicules  ;  on  peut  les  mul* 
tiplier  à  rinfini.  Il  n'y  en  a  qu  une  feule  à 
faire  :  Dieu  nous  a-t^il  révélé  quelque  cho- 
fe  ?  s'il  l'a  f^it ,  fi  cette  révélation  eft  évi- 
demment prouvée  ,  il  faut  la  croire. 
Un  aveugle-* né  ne  fatigue  point  ceux 
qui  ont  des  yeux  par  des  queuions  conti- 
nuelles fur  les  couleurs  &  fuc  leurs. pro- 
priétés  ;  il  les  croit  fans  lés  comprendre  : 
avons- nous  meilleure  grâce  dé  demander 
à  Dieu  comment  &  pourquoi. fl  arévçlé 
des  myiteres  i^^  Il 


DE  LA  Religion,  &ۥ    38J 

Il  eft  encore  plus  mal  de  dégoifer  notre 

croyance ,  pour  la  rendre  odieafe,  &  d'y 

mêler  de  fauflès  fuppofitions.  Nous  ti'avons 

jamais  cru  ni  enfeigné  qu'«/x  Dieu  tout^ 

puijfant  ri  a  pas  le  pouvoir  £  empêcher  le 

mal  ;   que  Dieu  ejl  jufte  *  mais  partial  ; 

qu'il  efi  clément  &  implacable  ;  qu'Û  ejljîm- 

pie  Cr  quil  fe  triple  ;  qu'il  eft  mort  faute 

de  pouvoir  fatisfaîre  autrement  à  fa  jujiice 

divine  (a)*  Ce  font-là  autant  deblafphè- 

mes  ;Sifaut  renoncer  à  la  bonne  foi,  pour 

avancer  fur  de  pareilles  imputations^  qu« 

nos  myfteres  rendent  la  Divmité  ridicule  » 

qu'ils  la  défigurent ,  qu'ils  anéantiflent  foa 

exiftence ,  qu'ils  troublent  la  raifon  des 

hommes» 

En  vain  l'on  nous  objefte  que  les  Théo- 
logiens &  les  Philofophes  ont  difputé  fur 
quelques-unes  des  preuves  de  l'exifience  de 
Dieu ,  &  que  plufieurs  ont  été  accufés  d' A- 
théifme.  Qu'importe ,  dès  que  l'accuf^tion 
étoit  calomnieufe  ?  Tous  ,  fans  exception  , 
conviennent  que  l'exiftence  de  Dieu  eft 
folidement  démontrée  par  le  fpeâacle  de 
l'Univers ,  par  la  njsceffité  d'une  première 
caufe  &  d'un  premier  moteur ,  par  la  no- 
tion d'un  Dieu  répandue  chez  tputes  les 


(fl)  Chrift. dévoilé, p.  loi.  (je  tcCUe â Eui^éme ^  p.  145. 
Contagion  facrée  >  c«  ^  j  p.  j|« 

Tome  If  K.1^ 


3^6  Apologib 

Nations  de  l'Univers ,  par  les  idées  de  veita 
que  la  nature  a  gravées  dans  nos  cœurs.  Les 
uns  font  plus  afièâés  d'une  de  ces  preuves, 
les  autres  d'une  auije  ;  mais  en  préférant 
Fune ,  ils  ne  détruifent  pas  les  autres. 

Puifque  nous  ne  concevons  pas  la  Divi- 
nité, pourquoi  en  raifonner  fans  ce£ef  Parce 
que  cela  eft  néceflàire.  Sans  la  notion  d'un 
Dieu  bon ,  jufte ,  fege,  confervateur ,  rému- 
nérateur &  vengeur ,  il  ne  peut  y  avoir  au- 
cutie  vertu  ni  aucune  fociété  folide  &  heu- 
teufe  parmi  les  hommes  ;  nous  le  démon- 
trerons dans  la  fuite  contre  les  fophifm^ 
de  l'Auteur^ 

En  parlant  de  Dieu ,  il  l'appelle  VEtrz 
nécejjaire  qui  gouverne  la  nature  par  des 
loix  immuables  ;  &  c'eft  un  des  dogmes 
irréfragables  de  la  nouvelle  Philofophie , 
l'immutabilité  des  loix  de  lanatiire ,  pour 
toutes  les  créatures  fans  diftinâion.  Point 
de  différence  entre  les  agens  néceilàires  & 
les  intelligens  libres  \  tous  les  événemens 
font  un  chaînon  ^de  la  grande  chaîne  du 
dejlin  ;  la  liberté  d'indifférence  eft  un  mot 
vuide  de  fens  inventé  par  des  gens  qui  nen 
avaient guèr es.  Lors  même  que  nous  croyons 
agir  librement ,  nous  ne  faifons  que  fuivre 
l'impulfion  des  idées  que  Dieu  nous  a  don- 
nées ,  &  qui  nous  font  venues  néceflaire- 
ment..Dieu ,  qui  eft  l'ame  de  l'Univers ,  eft» 


DE  r.A  Rejlïgiok,  &c.    ^87 

à  proprement  parler ,  le  feul  agent  ;  tous 
les  autres  font  entraînés  par  le  mouvement 
général  de  la  machine.  Ce  font  les  vieilles 
opinions  des  Stoïciens  renouvellées  dess 
Grecs  ,  &  de  ce  fyftème  il  n^  a  qu'jiia 
pas  jufqu'à  celui  de  Spioala. 

Telle  eft  néanmoins  la  Métaphyfîqud 
fublime  dont  les  principes  &  les  confe- 
qu^ncès  font  étalés  dans  tous  I^  Livres  des 
Incrédules  ;  dans  la  Pkiiofophàa.  de  L^Hif-, 
toire  (a) '9  dans  le  Traiié  fur  la  Toléran^ 
ce  (  fc  j  5  dans  les  EJfùs  fwr  CHiflàire  gêné-* 
raie  (O;  dans  les  Mélanges  d^Hi/ipire  ,  de 
Littérature  &*  de  Pkihfophie  (d) -y  àiàns  le 
DiBionnaire  FhiUfophique  (  ç  )  ;  dans  V Exa- 
men de  la  Religion ,  par  S.  Evremont  (/)  ; 
&  fans  doute  cette  doârtne  n^e  peut  man- 
quer de  contribuer  inêniment  à  la  pureté 
des  mœurs  &  mi  bien  de  la  Coeiété* 


m 


<fl)  Chap.  jj,  p.  if9. 

(  b  )  Chap.  1  )  ,  p.  X  4i« 

(  c  )  Torae  8  ,  Keraarques ,  pu*  14. 

id)  Tome  z  ,  c.  60i  p,  40^  ;  &  tome  3  ,  p.  I4tf« 

(e)  Art.  Chaîne  dis événvntm ,  Défia,  Ubertéf  9CC% 

{/)  Ch.  9>p.  116. 


Kki| 


588  Apologie 


CHAPITRE    VIII. 

Autres  Myjleres  6*  dogmes  du  Ckrif- 

tianifme. 

A-'AuTEUR  dtt  Ckrifiianifme  démU 
continue  dans  ce  chapitre  1er  méthode  qu'il 
a  fuivie  dans  le  précédent  ;  il  altère ,  D  dé- 
guife  la  foi  des  Chrétiens  pour  la  rendre 
odiéufe  ;  il  forge  des  erreurs ,  pour  avoir 
le  plaifir  de  déclamer  contr'elles.  Quoiqu'il 
foit  fort  defagréable  de  n'avoir  à  réfuter 
que  des  calomnies  »  nous  devons  cette  ré- 
paration à  la  vérité. 

N'eft-ce  pas  une  injuftice  criante  ,  d'im- 
puter pour  la  féconde  fois  au  Chrifiianif- 
me  la  prédejiinaticn  abjilue ,  l'un  des  plus 
afireux  dogmes  de  Calvin  ?  A  Dieu  ne 
plaife  qu'un  Chrétien  Catholique  s'imagi- 
ne jamais  que  Dieu  deftine  le  plus  grand 
nombre  des  hommes  aux  tourmens  éter- 
nels {a)  y  qu'il  leur  donne  le  libre  arbitre , 
afin  qu'ils  en  abafent  ;  qu'iZ  ne  leur  permet 
d'agir  que  pour  avoir  leplai/îrde  les  plonger 


(a)  Chrift.  dévoilé,  p.  X04.  Militaire  Philof»  c.  20| 


DE  LA  Religion,  &c.    589 

dans  Venfer.  Nous  déteftonsf  tous  ces  blat 

phènles  i  nous  croyons  au  contraire ,  & 

nous  confeffons  que  DUu  veut  fincèrement 

Jauver  tous  les  hommes ,  &  les  conduire  à  la 

eonnoijfance  de  la  vérité  {a)  ;  que  /.  C  ejl 

mort  pour  tous  les  hommes  »  fans  exception  (p)\ 

qu'iZ  ejl  le  Sauveur  de  tous  les  hommes ,  mais 

fur ^ tout  des  fidèles  (c);  qu'en  vertu  de 

cette  volonté  divine  &  de  la  rédemption 

de  J,  Cl  Dieu  donne  à  tous  les  hommes» 

fans  en  excepter  un  feul ,  des  moyens  plus 

ou  moins  abondans ,  plus  ou  moins  effica-^ 

ces ,  mais  toujours  fuffifans  pour  le  con** 

noître  &  pour  pratiquer  le  bien  ;  que  ces 

moyens  laiflènt  à  Thomme  l'ufage  plein  & 

entier  de  Ton  libre  arbitre.  ;  que  perfonne 

ne  peut  être  damné  que  par  fa  fautes 

Nous  croyons  l'éternité  des  peines  de 
l'enfer,  parce  que  J.  C.  nous  l'a  enfei^- 
gné  (i)  ;  &  nous  foutenons  que  ce  dogme 
ne  renferme  rien  de  contraire  à  la  juftice* 
infinie  de  Dieu.  C'eft  un  vain  fophifme  de 
dire  qu'il  n'y  a  point  de  proportion  entré 
un  péché  a'un  nioment ,  &  un  fupplice 
qui  ne  doit  jamais  finir.  Ce  n'eft  pas  préci^ 


^MÉi 


(a)  I.  Tint,  i ,  4« 
(b)i.  Cor.  5,1  y. 
(CI.  Tint,  4,  10. 
(i)  Dia.ôn.  Phîiof*  art.  Enfer yp,  187, 

Kkiij 


5PO  A^OIrOGÉS 

lément  la  durée  du  crime  qui  eu  £^t  Tenon- 
mité;  la  )uftice  bufnaine  condamne  tous  te 
jours  à  la  mort  ou  an  banniilènient  perpé- 
tuel ,  un  malfaiteur  dom  le  criaie  a  été  mo- 
mentané. 

En  vain  TAuteur  du  DiSimnairt  Philo- 
fophiqut  avance  que  plufîeurs  Pères  de 
rÈglife  ne  crurent  point  les  peines  éternel- 
les. Origène  eft  le  iêul  auquel  on  ait  re- 
proché d'avoir  donné  atteinte  fiir  cet  ob- 
jet à  la  foi  confiante  &  univerfelle  de  PEgli- 
fe  :  encore  les  preuves  de  cette  acciifàtion 
ne  Ibot-elkS  pas  fans  réplique ,  pui^u'Ori- 
gène  a  eu  de  fçavans  apologiôes.  La  coti- 
teftation  qui  s'eft  élevée  récemment  fiir  ce 
même  dogme  entre  le§  Miniftres  Prore/- 
tans  de  Suifie  ,  eft  abfolument  étrangère  à 
rEgfife  Cathloftque ,  &  ne  mérite  a\xcuTis 
attention  :  rien  de  fi  foible  &  de  plus  mal 
raifonné  que  l'Ecrit  de  Perit-Pierre  contre 
'  l'éternité  des  peines  de  l'enfer. 

Encore  une  fois,  c'eft  blafphémer  contre 
Dieu ,  de  dire  qu'il  ne  trie  Phomme  que  pour 
h  rendre  malheureux  ;  quUne  lui  donne  U 
raifort  que  pour  le  tromper  y  despenchans 
que  pour  ï  égarer^  la  Hier  té  que  pour  le  dé- 
terminer à  faire  ce  qui  doit  le  perdre  à  ja- 
mais (a).  L'horreur  que  ces  erreurs  infpi- 


■*■ 


ia) Ciinili dévoilé, p.  xoft 


ITB   LA  KELîGiaN,&C.      J^ï 

rent  ne  peut  retomber  que  fur  l'Auteur  qui 
les  a  imaginées. 

On  abufe  groffièrement  du  t^me,  quand 
on  foutiént  que  le  dogme  de  la  préàëflina* 
tion  gratuite  etoit  la  bafe  de  la  Religion 
Judaïque.  Le  choix  que  Dieu  avoit  fait 
du  peuple  Hébreu  pour  lui  donner  fa  loi^ 
n'étoit  point  une  prédeftination  abfolue  au 
falut  éternel  ;  en  elioififlànt  ce  peuple  i  il 
ne  prédeftinoit  point  les  autres  à  la  damna- 
tion  éternelle  ;  il  leur  lailïblt  des  moyens 
fuffifans  pour  le  connoître  &  pour  le  fer- 
vir  ;  il  n'y  avoit  donc  dans  ce  choix  ni  in- 
juftice ,  ni  partialité.  Lorfque  Dieu  donne 
à  un  homme  plus  d'efprit ,  plus  de  talens 
naturels ,  un  tempérament  &  un  caraftere 
plus  heureux  qu'à  un  autre ,  peut-on  faccu- 
fer  de  partialité  ou  d'injuftice  ?  Parce  qu'il 
ne  partage  point  également  fes  dons  ,  faut- 
îl  nier  la  Providence  ?  Si  Dieu  peut  fans  in- 
^ftice  mettre  de  l'inégalité  dans  les  dons 
de  la  nature ,  pourquoi  ne  pourroit-îl  pas 
&ire  de  même  dans  là  diftribution  de  fes 
bienfaits  furnaturels  ? 

L'objet  de  notre  travail  n'eft  point  de 
difcuter  les  opinions  de  ceux  que  l'Auteut 
appelle  Janféniftes  &  Moliniftes ,  &  dont  il 
cxpofe  fort  mal  les feiïtîmens  i&)\  fincè- 


IMI 


U)  Chrift.  dévoilé ,  p.  107.  ] 

Kk  iv 


^^1  Apologie 

tement  attachés  à  la  foi  de  TEglife  ,  nous 
n'adoptons  aucun  des  fyftèmes  qu'elle  a 
condamnés»  Il  eft  faux  que  les  Chrétiens 
tonféquens  foient  de  vrais  fatalijîes  ;  pour 
foutenir  cette  erreur  ,  il  faut  renoncer  à 
tous  les  principes  de  la  Religion  Chrétien- 
ne :  ce  font  les  Philofophes  qui  ont  jugé 
à  propos  de  reilufciter  de  nos  jours  la 
doArine  monftrueufe  de  la  fatalité ,  conune 
nous  l'avons  dé}a  obfervé» 

On  invente  une  nouvelle  calomnie  ,  en 
BOUS  accofant  de  croire  un  lieu  de  récom- 
penfe  &  de  félicité  pour  un  petit  nombre 
d'élus ,  qui  >  yïnj  aucun  mérite  de  leur  part  ^ 
auront  pourtant  des  droits  fur  la  bonté  de 
leur  Dieu  »  partial  pour  eux ,  cruel  pour  le 
rejle  des  humains*  Le  Chriftianifme  n'a  ja- 
mais enfeigné  que  la  récompenfe  éternelle 
dut  être  donnée  aux  élus  ^fans  aucun  mé- 
rite de  leur  part»  Une  des  vérités  que  les 
Livres  faints  répètent  le  plus  fouvent  »  eft 
que  le  bonheur  du  Ciel  eu  le  prix  des  bon- 
nes cèuvres  j  fur-tout  de  la  cnarité  envers 
le  prochain.  Quant  au  reproche  de  partia- 
lité &  de  cruauté ,  que  l'on  fait  à  Dieu , 
nous  y  avons  déjà  répondu  plus  d'une 
fois. 

L'Enfer  &  le  Paradis  n^ont  rien  de  com- 


DE  LARELtGION>&C.     ^^^^ 

mun  avec  le  Tartare  &  l'EIyTée  desPayen^» 
Ceux-d  n'admettoîent  pour  la  vie  à  venir 
que  des  (upplices  &  des  voluptés  corpo- 
relles ;  notre  Religion ,  toute  fpirituelle» 
a  corrigé  ces  idées  groflieres ,  &  n'admet 
après  cette  vie  que  des  biens  fpiritueis. 

Vainement  on  prétend  que  la  vie  à  venir 
a  été  imaginée  par  des  impofteurs  ;  une  fa<> 
ble  ne  fçauroît  être  la  croyance  de  toutes 
les  Nations  de  rUniversrLesplus  fauvages 
croyent  une  vie  des  amcs  après  celle-ci  ;  le 
cri  de  la  nature  leur  a  fait  fentir  que  Tame 
ne  meurt  point  avec  le  corps  :  l'idée  d'un 
Dieu  jufte  leur  a  perfuadé  que  nos  efpéran- 
ces  doivent  fe  porter  au-delà  du  tombeau. 
Les  FhilofopHes,  clans  leur  délire  3  ont  beau 
nous  réduire  à  la  condition  des  brutes  ;  la 
voix  de  la  confcience  >  plus  forte  que  leurs 
clameurs  >  nous  fait  fentir  la  dignité  de  no^ 
tre  nature  :  c'eft  un  fentiment  que  la  Phi^ 
lofophie  n'arrachera  jamais  du  fein  de  l'hu- 
manité. 

Nous  avons  à  foutenîr  contre  FAuteur 
du  Chrijlianifme  dévoilé ,  que  non-fcule* 
ment  k  dogme  de  la  vie  future ,  eft  diâé 
par  la  lumière  naturelle ,  mais  qu'il  eft  très- 
néceflaire  à  la  fociété.  Il  prétend  &  répète  j 

dans  tout  fon  ouvrage  ,  que  ce  dogme  eft  ) 

inutile  ,  qu'il  ne  produit  aucun  bien  :  nous  J 

répondrons  en  détail  à  toutes  les  raiioni  1 


3P4,  ArojLOGrB 

donc  il  tache  cTappuyer  ce  parack>xer 

§.  3- 

1®.  Selon  lui  X  fe  Légijlateur  des  Juifs 
leur  avait  foigneufement  caché  le  myfiere  de 
fa  vie  future  &  de  Timmoitalité  de  l'ame  ; 
il  ne  iugeoic  donc  pas  cette  connoiilance 

néceflaireC^)' 

On  s'eft  eflForcé  de  prouver  la  même 
chofe  dans  l^Traité  fur  la  Tolérance  (t); 
dans  la  Philofophic  de  Œificnre  (c)  ;  dans 
le  Diâionnairt  Pkilofophiqut  ;  dans  V Exa- 
men important  (d).  On  &it  de  fanglans 
reproches  à  MoÏÏe  d'avoir  ignoré  ce  dog- 
me eflèntiel ,  &  de  n'en  avoir  pas  fait  la 
ba(è  de  Tes  loix  (e).  Enfin  Ton  amire  que 
les  Juifs  des  fîècles  poftérieurs  ont  emprun- 
té des  Chaldéens  »  pendant  la  captivité ,  la 
doâriqe  de  la  rédirreâion  ,  du  Paradis  & 
de  l'Enfer  (/)•  S'il  y  a  donc  un  fait  conf- 
iant parmi  les  nouveaux  Philofophes ,  c'efl 
^e  les  Juifs  anciens  n'ont  connu  ni  l'im- 


(fl>  Chrift-dévoHcjpi  io8.  ^e  Lettre  à  Eugénie  >  p.  114. 
(  h  )  Chap.  H  ,  p.  1  )o  &:  fuiv.  ' 

(c)  Chap.  if  ,  p.  115. 

(d)  Tome  I ,  art.  Ame ,  p.  i^  ;  Athées ,  p.  ^ij  Enfiry 
p.  184  «  &  tome  1 ,  art.  Rdîgron ,  p.  ii6, 

ie  )  Arc.  Enfer. 

(f)  Philof.  dî  I*Hift.  c,  1 1  ,  p.  Ç4  ;  &  c,  48  ,  p.  141, 
»4  Lettre  fur  les  Miracles,  p.  i  54^  Chrift  dévoile ,  p.  tio^ 
jExanien  important, c.  3.»  p.  t^.. 


DE  LA  Religion,  &c.  jpjr 
mortalité  de  l'ame ,  ni  les  peines  &  les  ré^- 
compenfes  <le  l'autre  vie. 

Avant  de  démontrer  le  contraire,  il  eft 
bon  de  faire  quelques  obfervations. 

Dans  le  DiElionnairt  Philofophique  (a), 
&  dans^la  plupart  des  autres  Ouvrages  que- 
nous  venons  de  citer ,  on  fuppofe  que  les 
Livres  de  Moïfe  n*ont  été  écrits  qu'après 
la  captivité  de  Babylone  j  par  conféquent 
dans  un  temps  où  les  Juifs  avoient  reçu  des 
Chaldéens  le  dogme  de  la  vie  future  :  com- 
ment fe  pourroit-il  faire  que  l'Auteur  Juif 
n'eût  pas  inféré  dans  fon  Ouvrage  un  dog- 
me fî  eilentiel ,.  tandis  que  les  Traduâeurs 
Chaldéens  le  profeflènt  hautement  dans 
leur  Paraphrafe  ? 

On  fait  un  crime  à  Moïfe  de  n'avoir  pas  fait 
de  ce  dogme  la  bafe  de  (es  foix  ;  &  d'un  autre 
côté  l'on  élève  jufqu'aux  nues  les  loix ,  la 
morale ,  la  Religion  de  la  Chine ,  où  il  n'eit 
pas  plus  parlé  de  la  vie  future  que  dans  les 
loix  de  Moïfe,  On  n'a  même  pu  citer  au- 
cun des  anciens  Légiflateurs  qui  ait  fondé 
fes  loix  fur  cette  croyance • 

On  fuppofe  qu'au  fiècle  de  Moïfe  l'im- 
mortalité de  Tame ,  les  peines  &  les  récom- 
penfes  de  l'autre  vie ,  étoient  des  vérités 
connues  chez  les  autres  Nations  ;  &  l'on 


(  a)  Tome  2  ^  arc.  Moifi ,  p.  1 70, 


^g6  Apolociie 

tî'en  peut  alléguer  aucune  preuve  fii  aucun 
monument ,  qui  ne  foient  poftérieurs  de 
plus  de  700  ans  au  fiècle  de  Moïfe.  Tel!e 
eft  l'équité  &  la  fagacité  de  nos  Critiques. 
Mstis  venons  au  fait  efTentiel. 

Nous  foutenons  contr'eux ,  que  l'immor- 
talité de  l'ame  &  la  vie  à  venir  ,  étoit  usi 
dogme  ancien  &  cru  de  tout  temps  parmi 
les  Hébreux  ;  voici  nos  preuves. 

.1^  Le  foin  qu'ils  prenoient  de  donner 
à  leurs  parens  une  fépulture  honorable  »  & 
le  refpeft  qu'ils  avoient  pour  les  tombeaux 
de  leurs  ancêtres.  Le  Livre  de  la  Genèfe 
nous  en  montre  des  exemples  chez  les  plus 
anciens  Patriarches ,  Abraham ,  Jacob ,  Jo- 
feph.  Ufage  que  Cicéron  a  regardé  avec 
raifon  comme  un  témoignage  authentique 
de  la  foi  de  l'immortalité  répandue  chez 
toutes  les  Nations  (a).  Ufage  qui ,  prati- 
qué de  même  chez  les  Egyptiens  ,  eft  une 
des  plus  fortes  preuves  que  nous  ayions  de 
leur  croyance. 

2*^.  La  manière  dont  l'Ecriture  s'exprime, 
en  parlant  de  la  mort  des  Patriarches  ,  elte 
dit  qùHbfont  allés  rejoindre  leurs  parens  ou 
Içur  famille* 

3^  La  coutume  abufîve  &  fuperftitieu- 
fe  d'interroger  les  morts  pour  appren- 


mmti^ 


^a)  TufcuL  quaiji  l  16,  n,  zj. 


DE   -LA  RJPLTGION  ,  &C*        597 

dre  d'eux  l'avenir  ou  les  chofes  cachées, 
Moïfe  Tavoit  défendu  à  fon  peuple 
dans  le  Deuteronome  (  j  ) ,  &  il  en  avoit 
déjà,  parlé  dans  le  Léi/inque  (b).  Malgré 
cette  défenfe ,  Saiîl  fit  évoquer  l'ame  de 
Samuel  (  c)  ;  preuve  înconteftable  que  la 
croyance  de  1  exiftence  des  âmes  après  la 
mort ,  a  perfévéré  conftamment  cnez  les, 
Jui&  depuis  MoïTe  jufques  fous  les  Rois. 
En  vain  l'Auteur  du  Traité  fur  la  Tolérance 
a  fait  tous  fes  efforts  pour  diflîmuJer  les  çon- 
fèquences  de  cette  luperftition  ;  la  même 
pratique  rapportée  par  Homère  (d)^  &c 
copiée  dans  Virgile  ,  £ft  le  monument  le 
moins  équivoque  de  la  croyance  des  Grecs 
&  des  Romains.  Nous  fommes  encore  à 
concevoir  comment  un  ufage  qui  prouve 
quelque  chofe  chez  les  autres  peuples ,  ne 
prouve  rien  chez  les  Juifs. 

4.*^.  Le  témoignage  des  Ecrivains ,  pofté- 
rîeurs  à  Moïfe ,  qui  n'ont  eu  aucun  çpm- 
merce  avec  les  autres  peuples  ,  qui  ont 
toujours  détefté  leurs  opinions  &  leurs 
mœurs ,  qui  n'ont  pu  puiier  la  connoiflaq- 
c^  d'une  autre  vie  que  dans  la  tradition 
commune  de  leur  propre  Nation.  L'Aij- 


mmmmmmmÊÊimmimmmmmimimmmmmammmi^ 


(d)  Deut,  z8,  ix^   . 
(b)  Levit,  10,  ly. 
ic)  i.  Reg»  i8,  II. 
ii)Oiyff  L.  II. 


5p8  Apologie 

teur  de  VEccléfiafie  ,  après  avoir  feît  par- 
ler un  Incrédule  qui  décide ,  que  llwmmt 
meurt  comme  Us  bétes  »  &  qu'il  n'y  a  point 
de  différence  entreux  ,  réfute   enluite  ce 
langage  infenfé  ;  &  parlant  xie  la  mort  ^  B 
dit  :  lorfque  la  pouffïere  dont  nous  femmes 
formés  j  rentrera  dans  la  terre ,  ^  que  Uef- 
prit  retournera  à  Dieu  qui  Va  donné .-  îl 
ajoute  que  Dieu  jugera  toutes  nos  aSions , 
bonnes  ou  mauvaifes  {a). Une  preuve  que 
ce  Livre  a  été  écrit  avant  la  captivité, 
cVft  qu'il  eft  en  Hébreu  ;  &  qu'après  la 
captivité  il  a  été  traduit  en  Chaldéen.  Un 
de  nos  Philofophes  a  tâché ,  par  une  Para- 
phrafe  infidèle ,  de  perfuader  que  ce  Liivre 
eft  la  produâion  d'un  Epicurien  :  le  texte 
Hébreu  &  la  paraphrafe  Chaldaïque  »  dépo^ 
fent  de  concert  contre  la  mauvaife  foi  du 
Commentateur  Philofophe. 
-s^^.  La  leçon  que  J.  C.  fait  dans  l'Evan- 
gile aux  Sadducéens  qui  nioient  la  réfùrrec- 
tion  &  l'exiftence  des  efprits  î  il  leur  repro- 
che qu'ils  n'entfndent  point  les  Ecritures  z 
IT ave^'VOus pas  lu ,  leur  dit-il,  touchant  la, 
réfurreSion ,  ce  que  Dieu  lui-même  vous  a, 
dit  :  Je  fuis  le  Dieu  d^ Abraham^  difaac  €r 
de  Jacob  ?  Il  r^efi  point  le  Dieu  des  morts  , 
mais  le  Dieu  des  vivans  (  i  ).  Le  Sauveur 

Il      iBi     I — ■^-^^— ^— 

(h)  Matth.  Il}  ^i« 


f)ELARELIGION,  &C.    . ^^p 

Cuppofe  par  conféquent ,  que  la  vie  future 
vétoit  un  point  de  l'ancienne  croyance  des 
Juifs  ;  &  les  Sadducéens  n'ofoient  pas  ea 
,di(convenir. 

Cela  ne  prouve  pas  la  réfurreSiion ,,  re- 
prend l'Auteur  du  Chrifiianifme  àévoi-^ 
lé  (a) y  cela  prouveroit  plutôt  que  ces  Pa-^ 
triarches  ne  font  point  morfj.  EfFedivenaent, 
cela  prouve  qu'ils  ne  font  pas  morts  tout 
entiers  ;  que  leur  ame  furvit  à  leur  corps, 
&  peut  s'y  rejoindre  pour  le  refliifciter, 
lorfque  Dieu  l'ordonnera.  Les  Sadducéens 
ne  nioient  la  réfurredioii ,  que  parce  qu'ils 
ne  croyoient  point  l'ame  immortelle  ;  J.  C« 
les  attaque  par  le  principe. 

Nous  ofons  défier  tous  les  Philofophes 
de  nous  donner  des  preuves  auffi  concluan- 
tes de  la  foi  des  autres  Nations ,  même  des 
Chaldéens ,  dont  on  veut  que  les  Juifs  aient 
emprunté  la  leur. 

Mais  pourquoi  Moïfe  n'a-t-il  pas  pro-i 
fefle  plus  clairement  ce  dogme  fi  néceflai- 
re  ?  Pourquoi  n'en  a-t-il  pas  fait  la  bafe  de 
fes  loix  ?  Quand  nous  n'en  pourrions  don- 
ner aucune  raifon ,  le  fait  en  feroit-il  moins 
certain  ?  Nous  avons  déjà  obfervé  qu^au^ 
cun  des  anciens  Légiflateurs  n'a  fait  autre- 
ment. Quelle  néceffité  y  avoit-il  que  Moïfe 


(a)  page  X  00. 


400  Apologic 

profefll^t  plus  clairement  un  dogme  dont 
fon  peuple  n'avoit  jamais  douté ,  &  qu'il 
avoit  reçu  par  tradition  de  fes  pères  ?  L'Au- 
teur de  VEfprit  des  Loix  en  a  donné  une 
autre  raifon  :  Moïfe  connoillbit  le  génie  de 
fon  peuple  ;  il  craignoit  probablement  que 
le  dogme  de  la  vie  à  venir  >  plus  clairement 
énoncé  >  ne  fît  naître  chez  les  Juifs  le  même 
abus  que  chez  d'autres  peuples ,  où  il  enga- 
geoit  les  femmes ,  les  fujets ,  les  ^mîs ,  à  fe 
tuer ,  pour  aller  fervir  dans  l'autre  monde , 
<  ceux  dont  on  pleuroit  la  mort  (a). 

§•  ^ 

Les  autres  raîfons  dont  J'Àuteur  du 
Chrijiianifme  dévoilé  s'eft  fervi  pour  mon- 
trer l'inutilité  du  dogme  de  la  vie  à  venir , 
font  beaucoup  moins  importantes  ;  nous  y 
répondrons  plus  brièvement. 

Ce  dogme  ^  dît-il ,  faifoit  partie  dufecret 
qi^on  révéloit  aux  initiés  dans  les  myjleres 
ues  Grecs  ;  il  nétoit  donc  pas  connu  du  vul- 
gaire. C'étoit  fi  peu  un  fecret ,  qu'il  eft  en- 
feigné  dans  Homère ,  comme  nous  venons 
de  le  remarquer  :  &  il  n'y  a  aucune  preuve 
^u'il  fût  enfeigné  plus  clairement  dans  les 
xnyfteres. 

Ce  ne  font  point ,  pourfiiit-il ,  des  terreurs 

i  a  )  Voyez  TE  fpcû  des  Loix  9  1. 24  ^  g.  z^* 

éloignées  , 


DE  LA  Religion,  &c.    401 

Soignées  y  que  k$  pajjîons préfentes  mépnfmt 
toujours ,  ou  du  moins  renient  problémati-^ 
ques  y  qui  contiennent  les  hommes  ;  ce  font  de 
bonnes  loix  ;  cefl  une  éducation  raifonnable  ; 
ce  font  des  principes  honnîtes  (a).  Fort  bien , 
il  refte  une  queftion  à  réfoudre.  En  mét- 
rant à  part  les  terreurs  éloignées  de  la  juC- 
tîce    divine  &  de  la  vie  future ,    quelle 
force  auront  les  loix  y  l'éducation ,  les  prin*- 
c:ipes  honnêtes ,  &  fur  quoi  feront-ils  ap- 
puyés ?  Les  paffions  préfentes ,  qui  mépri- 
ient  les  terreurs  éloignées ,  braveront-elles 
moins  les  loix  civiles  dont  on  peut  éluder 
l'empire  par  le  fecret,  par  l'hypocrifie ,  par 
l'autorité,  parla  violence?  Seront -elles 
fubjuguées  par  l'éducation  qu'elles  regar- 
deront comme  un  préjugé  de  l'enfance ,  ou 
par  les  principes  nonnêtes  qui  ne  feront 
qu'une  belle  fpécularion  ? 

Si  les  Souverains  gouvernoient  avecfagejfe 
&*  avec  équité ,  ils  fC^uroient  pas  befoin  du 
dogme  des  peines  Éf  des  récompénfes  futures 
four  contenir  le  peuple.  Cela  eft  faux  ;  nous 
le  démontrerons  dans  la  fuite.  D'ailleurs 
qu'eft-çe  qui  contiendra  les  Souverains  eux- 
mêmes?  Qu'eft-ce  qui  les  obligera  de  gou- 
.  veiner  ave<^  fagelfe  &  avec  équité  ?  Ils  font 


(tf)  Chrî{i.  dévoilé ,  p.  109.  ^f  Lettre  à  Eugénie  /p.  12.^» 
Contagion  fag^ée,  (<  x  3  »  p>  .1 41^ 

Tome  L  Ll 


hommes  ;  ils  ont  des  paflions ,  &  elles  font 
d'autant  plus  redoutables  »  qu'elles  n'ont 
rien  à  craindre  des  loix  civiles.  «  Quand  il 
9>  feroit  inutile  que  les  fujets  euflent  une 
Si  Religion ,  dit  Montefquieu ,  il  ne  le  feroit 
9»  pas  que  les  Princes  en  euf&nt,  &  qu'ils 
a»  blanchîflènt  d'écume  le  (eut  frein  que 
V  ceux  qui  ne  craignent  pas  les  loix  humai- 
»  nés  puiâênt  ayoïr  y>  (a).  Ai-je peur  de  la 
loi  JuUa  »  difoit  Néron  «  en  préparant  k 
poifon  pour  Britannicus  (  &  )  ? 

Les  hommes  ,  continue  l'Auteur  ,  Jèront 
toujours  plus  frappés  des  avantages  préfem 
&  des  ckâtimens  pif  blés,  que  desplaifirs  & 
des  fuppUces  quon  leur  annonce  pour  une 
autre  viei  Miférakle  fophifrne.  La  croyance 
d'une  autre  vie  n'afibiblit  point  la  crainte 
des  châtimens  de  celle-ci  ;  au  contraire  elle 
l'augmente.  Ce  font  deux  freins  au  lieu 
d'un  ;  fi  l'on  retranche  le  premier  ,  le 
fécond  perd  plus  de  la  moitié  de  fa  force. 
On  peut  fe  procurer  l'impunité  en  ce  mon- 
de >  &  non  en  l'autre. 

La  crainte  de  Venfer  ne  retiendra  point 
des  criminels,  que  la  crainte  du  mépris,  de 
V infamie ,  du  gibet  ^  rCeJi  point  capable  de 
retenir  (c).  Soit  encote  pour  un  moment  : 

{a  )  Efprîc  Att  Loîx  >  1*  ^4  j  Ct  i» 

(  y  )  Suécon.  in  Nerone*. 

ic  )  Miiitairç  Phiiorojplie  ^  d  a  o  ^  p.  x^^ 


DELA   R'E  L  I  g  I  O  N  ,  &C     4(35* 

donc  C  l'on  ôte  la  crayité  de  l'enfer ,  la 
crainte  du  gibet  fera  plus  efficace?  Peut-on 
déraifonner  ainfi  !  Le  principe  eft  faux 
d'ailleurs.  Ceux  qui  n'ont  à  craindre  ni  le 
mépris ,  ni  l!infamie ,  ni  le  gibet ,  en  com- 
mettant un  crime  fecret ,  peuvent  être  re* 
tenus  par  la  crainte  de  l'enfer. 

Les  Nations  Chrétiennes  ne  font-tUes point 
remplies  dfi  malfaiteurs  qui  bravent  fafis 
cejfe  V enfer  ^  de  l'exiftence  duquel  ils  n'ont 
jamais  doutéf  Qu'eft-ce  que  cela  prouve^ 
Toutes  les  Nations  policées  font  pleines 
de  malfaiteurs  qui  bravent  fans  ceflê  le 
mépris,  l'infamie  &  toutes  les  loix  civiles  > 
s'enfuit-il  que  tout  cela  eft  inutile ,  &  qu'il 
faut  le  jupprimer  ?  Sans  la  crainte  de  l'en- 
fer, le  defordre  feroit  beaucoup  plus  grand  ; 
il  y  a  moins  de  malfaiteurs  che2  les  Nations 
Chrétiennes  que  chez  les  autres» 

Nous  n'avons  voulu  fupprimer  aucune 
des  raifons  de  l'Auteur ,  quelque  frivoles 
qu'elles  foient  ;  les  fophifmes  que  nous  ve* 
nons  de  voir ,  font  tout  le  fondenaent  de 
fon  ouvrage  ;  il  y  reviendra  encore ,  &  plu» 
d'une  fois, 

J.  ^ 

Ce  que  bous  croyons ,  touchant  les  An- 
ges ,  lui  paroît  fort  fingulien  Les  bons  An^ 
ges,  dii-ïl,  font  dans  l'imagination  des  Chri' 

Llij 


404  Apologie 

tiens  y  et  que  les  Nympka ,  ks  Pénates  *  tu 
un  mot  les  Dieux  fecondaires  étoient  dam 
t imagination  des-  Pénens  i  &r  ce  que  ks 
Fe'es  étoient  pour  nosfaifeurs  de  Romans  {a). 
U  iè  trompe.  Les  Payens  imaginèrent  des 
Dieux  mâles  &  femelles  pour  expliquer  les 
phénomènes  les  plus  communs  de  la  na- 
ture ;  une  Phyiique  grolfiere  leur  a  donné 
la  naifiance  (^b).  Les  Jui&  &  les  Chrétiens 
admettent  les  Anges  comme  de  puri  ejprits, 
dont  Dieu,  feul  maître  de  l'Univers ,  iè  (èrt 
pour  exécuter  (es  volontâ  dans  l'ordre  fur- 
naturel  ;  c'eft  la  révélation  feule  qui  nous 
les  a  fait  connoître.  Ils  ne  reflèmblent  en 
rien  ni  aux  Dieux  imaginaires  du  Paganif- 
me  ,  ni  aux  Fées  des  Nations  feptentrio- 
nales  qui  n'ont  jamais  exifté  que  dans  les 
Fables.  Si  jamais  les  hommes  n'avoient 
vu  de  prodiges  ni  d'opérations  furnaturel- 
]es  de  la  Divinité ,  jamais  ils  n'auroient  en 
l'idée  de  ces  Intelligences  fupérieures  à  l'hu- 
manité. 

Dan9  le  Dîner  du  Comte  de  Boulainvil- 
liers  (  c ),  on  ùàt  dire  à  Freret ,  que  la  chute 
des  Anges  eft  une  ancienne  Fable  des 


(a)Chri(l.  dévoilé,  p  m. 

ib)  Voirez  rorigîne  des  Dieux  da  Paganirme»  Djï- 
cours  prélim.  c.  4  &  Aiivt 
(OFage  ji. 


DE  LA  Religion,  &c.    40^ 

Brachmanes,  Jamais  Freret  ne  fut  aflëz 
ignorant  pour  fuppofer  que  les  Apôtres 
avoient  étudié  dans  les  Indes. 

On  accufe  fauflèment  les  Chrétiens  d'at- 
tribuer aux  mauvais  Anges  ou  efprits  ma- 
lins, la  faculté  de  faire  des  miracles  fembla- 
blés  à  ceux  du  Très-haut ,  &  une  puijfance 
qui  balance  la  Jîenne»  Nous  croyons  que 
l'empire  du  démon  eft  détruit  par  la  ré- 
demption de  J.  C  s  qu'il  n'a  aucun  pouvoir 
fur  les  corps  ni  fur  les  âmes  des  fidèles  ra« 
chetés  par  le  fang  du  Sauveur ,  &  confacrés 
à  Dieu  par  le  baptême*  II  ne  peut  rien  obé- 
rer dans  la  nature  fans  une  permiflîon  ex- 
prefle  &  particulière  de  Dieu  ;  &  jamais 
I)ieu  ne  lui  accordera  le  pouvoir  de  faire 
de  Vrais  miracles. 
:  Il  s'en  faut  donc  beaucoup  que  cette 
doârine  foit  la  même  que  celle  des  deux 
Principes^  enfeignée  chez  les  Perfes  &  chez 
les  Egyptiens,  Nous  n'en  avons  pas  befoinc 
pour  nous  rendre  raifon  des  biens  &  des 
maux  qui  nous  arrivent  ;  nous  fçavons  que 
Dieu  feul  eft  l'auteur  des  uns  &  des  autres, 
&  l'Ecriture  nous  l'apprend.  Sa  conduite  ' 
n'a  pas  befoin  de  juftification;  quand  il 
punit  les  pécheurs ,  c'eft  pour  les  corriger  ; 
quand  il  afflige  les  juftes ,  c'eft  pour  épurer 
leur  vertu.  Mais  fans  la  foi  d'une  autre  vie , 
nous  ne  comprenons  plus  rien  dans  la  ma« 


4p6  Apologie 

nîcre  d'agir  de  la  Providence.  Notre  Cri- 
tique a  tort  de  donner  fes  imaginations 
pour  autant  d'articles  dé  la  foi  Chré* 
tienne. 

Selon  lui,  le  dogme  du  Purgatoire  eji 
rijîblement  emprunté  des  rêveries  de  Pla- 
ton ;  &  c^eft  une  fource  intarrlflable  de 
richefles  entre  les  nwins  des  Prêtres  (^a). 
Il  ne  refte  plus  qu'à  prouver  que  les  Juifs 
qui  prioient  pour  les  morts  au  temps  des 
Macchabées  (b) ,  avoient  étudié  k  Philoib- 
phie  de  Platon  y  que  S.  Paul  qui  parle  des 
purifications  pour  les  morts  (c),  étoit  dif- 
ciple  de  ce  Philofophe  ;  que  J,  C.  même 
qui  fait  mentjon  des  péchés  remis  dans 
l'autre  vie  (d)  ,  étoit  Platonicien,  La  doc- 
trine des  Juifs  eft  plus  ancienne  que  celle 
de  Platon ,  &  pui(ee  dans  une  fource  plus 
pure. 

Il  n'en  faut  pas  davantage  pour  écarter 
le  reproche  tant  de  fois  répété  contre  le 
Clergé ,  d'avoir  inventé  le  Purgatoire  par 
un  motif  d'intérêt  ;  c'eft  une  calomnie  ré- 
futée par  le  texte  même  des  Livres  faints. 

On  peut  accufer  tant  qu'on  voudra  le 
Chriftianifme  d'avoir  propofé  à  fes  Sedra- 


(a)  Cfarid.  dévoilé >  p.  1 1 5«  S ^  l^x^tç  i  Eugénie , p.  1 28^ 
(h)  1,  Macchab.  i£. 
{€)  I.  Cor.  ly,  i^^ 


DE  LA  Religion,  &c.  407 
teurs des  objets  de  crainte  &  de  terreur,, 
pour  faire  trembler  les  hommes  ^  &  les 
rendre  foumis.  C'eft  Dieu  lui-même  qui 
nous  a  propofé  ces  objets ,  &  ils  font  né-  ' 
ceflaires  au  repos  &  au  maintien  de  la  fo 
ciété.  Les  âmes  juftes  &  vertueufes  ne" 
tremblent  point ,  elles  efperent  ;  c'efl  ce 
qui  les  foutient  dans  la  pratique  de  la  vertUr 
Les  méchans  doivent  trembler ,  fans  doute; 
&  dès  qu'ils  cèdent  un  moment  de  crain- 
dre ,  ils  deviennent  les  fléaux  du  genre 
humain,  La  Religion  peut  donc  être  odieu- 
fe  aux  méchans  ;  elle  les  trouble  &  les  in- 
timide ;  mais  elle  foutient ,  elle  confole , 
elle  tranquillife ,  elle  anime  les  gens  de  bien. 
Le  remords Çy  le  chagrin,  ditS.Paul,  tour- 
mentent l'ame  de  tout  homme  qui  fait  U 
mal  ■  gloire ,  honneur  &  faix  à  quiconque 
fait  lt%ien  ia). 


4oS  Afologis 


CHAPITRE    IX. 

Des  Rits  Gr  des  Cérémonies  de  la  Religion 

Chrétienne^ 

i.  X0 

JLOUR  peu  que  Ton  ait  réfléchi  fur  la 
manière  dont  les  hommes  fe  conduifent, 
on  fent  la  néceflîté  d'un  culte  extérieur, 
pour  exciter  &  pour  entretenir  dans  tous  les 
cœurs  les  fentimens  de  refpeft  &  d'anaour 
envers  la  Divinité,  L'homme  ,  toujours 
guidé  par  les  fens  ,  &  toujours  imitateur , 
n  befoin  de  l'exemple  de  fes  femblables ,  & 
il  n'eft  point  de  mobile  plus  puiflant  pour 
le  porter  au  bien.  Les  cérémonies  religieu- 
fes  font  auflî  anciennes  que  le  monde  ;  il 
n'eft  aucune  Nation  fous  le  Ciel  qui  n'ait 
été  déterminée  à  en  faire  ufage  par  l'inftinâ: 
même  de  la  nature  ;  ,c'eft  toujours  par -là 
que  les  peuples  errans  &  tauvages  ont  com- 
mencé à  fe  policer  &  à  fortir  de  la  barbarie, 
a  Avant  que  la  force  fût  établie ,  dit 
*»  l'Auteur  d^  Emile ,  les  Dieux  et  oient  les 
»  Magiftrats  du  genre  humain  ;  c'eft  parde- 
»  vaut  eux  que  les  Particuliers  fàifoient 
9  leurs  traités  >  leurs  alliances  >  pronon- 

P  çoient 


ftE  LA  Religion, &c.     405^ 

fc  çoîetit  leurs  promefles  :  la  face  de  laterre 
»>  étoit  le  Livre  où  s'en  confervoient  les 
»  archives.  Des  rochers ,  des  arbres ,  des 
»  monceaux  de  pferres ,  confacrés  par  ces 
»  aôes.  &  rendus  refpedables  aux  hommes 
v>  barbares ,  étoient  les  feuillets  de  ce  Livre 
ao  ouvert  fans  ceflè  à  tous  les  yeux.  Le 
»  puits  duSerment,  le  puits  du  Vivant  &c  du 
»  Voyant ,  le  vieux  chêne  de  Mambré ,  le 
3û  monceau  du  Témoin  ;  voilà  quels  étoient 
3ù  les  monumens ,  groffiers ,  mais  auguftes  , 
<p  de  la  fainteté  des  contrats.  Nul  n'eût  ofé 
*>  d'une  main  facrilége ,  attenter  à  ces  mo  «• 
9  numens  ;  &  la  foi  des  hommes  étoit  plus 
a»  aflliirée  par  la  garantie  de  ces  témoins 
3»  muets ,  qu'elle  ne  l'eft  aujourd'hui  par 
»  toute  la  vaine  rigueur  des  loix  y»  (a). 

Selon  la  remarîiue  du  fçavant  Auteur  de 
Y  Origine  des  Loix  y  des  Arts  ùr  des  Scien-^ 
ces  y  oc  Tétabliflement  du  culte  public  &  fo- 
3>  lemnel  eft ,  fans  contredit ,  ce  qui  a  le 
»  plus  contribué  à  contenir  &  humanifer 
SOL  les  peuples ,  à  maintenir  &  affermir  les 
»  fociétés.  L'exiftence  d'un  Etre  fuprême , 
»  arbitre  fouverain  de  toutes  choies  ,  & 
90  maître  abfolu  de  tous  les  événemens.  eft 
3>  une  des  premières  vérités  dont  toute  créa« 
3>  tare  intelligente ,  &  qui  veut  faire  ufage 


(a)  Emile ,  corne  |  ^  page  i;4t 

lomcL  '   Mia 


410  Apologie 

»  de  fa  raifon ,  fe  fent  faille  &  afièdrée.  Ceft 
»  de  ce  fentiment  inrime  qu'eft  venue  l'idée 
9  naturelle ,  de  recourir  dans  toutes  les  ca- 
a>  lamités  à  cet  Etre  tout-puiflant ,  de  l'in- 
»  voquer  dans  les  dangers  preflàns ,  &  de 
9  chercher  à  s'attirer  fa  bienveillance  &  fâ 
30  proteftion  ,  par  des  ades  extérieurs  de 
^  founriffion  &  de  refped.  La  Religion  eft 
3»  donc  antérieure  à  l'établiffement  des  fo- 
»  ciétés  civiles  ,  &  indépendante  de  toute 
3>  convention  humaine  >>  (  a  ). 

Il  n'eft  donc  pas  furprenant  de  retrou- 
ver chez  tous  les  peuples  de  l'Univers  à 
peu  près  le  même  fond  de  cérémonies; 
tous  ont  fenti  que  les  mêmes  démonftra- 
tiohs  extérieures  qui  peuvent  témoigner 
aux  hommes  le  refped ,  la  foumiflSon ,  la 
reconnoiflance ,  pouvoieht  également  faire 

Îaroître  les  mêmes  fentimens  envers  la 
)ivinité.  Il  n'a  pas  fallu  des  réflexions 
profondes  pour  comprendre  que  fe  profter- 
ner  ou  fléchir  les  genoux ,  eft  une  marque 
de  foumiflion  ;  que  par  les  ofirandes  &  les 
facrîfices ,  on  reconnoît  avoir  tout  reçu  de 
Dieu  ;  que  par  la  prière ,  on  rend  hommage 
à  fa  puiflance  ;  que  fe  laver  dans  l'eau ,  eft 
un  fymbole  de  purification  ;  qu'une  onc- 
tion d'huile  ou  de  parfum  eft  un  figne  de 


i>E  LA  Religion,  &c*    411 

guérlTon  ou  de  confécratlon  ;  que  les  repas 
communs  font  une  preuve  de  fraternité ,  & 
ainfî  du  refte. 

Ces  cérémonies  employées  au  culte  des 
fauffes  Divinités  ,  étoient  autant  de  prati- 
ques fuperftitieufes  ,  &  furent  fouvent  ao- 
compagnées  de  crimes  &  de  defordres: 
coniacrées  à  l'honneur  du  vrai  Dieu,  elles 
font  ce  qu'il  y  a  dans  la  fociété  de  plus  ref- 
peâable*  Les  tourner  en  ridicule  ,  parce 
que  la  fuperftition  les  a  fouvent  profanées  ; 
c'eft  blâmer  la  nature  de  ce  qu'elle  s'ex- 
prime par-tout  d'une  manière  uniforme; 
c'eft  comme  fi  l'on  vouloit  bannir  de  la 
fociété  le  langage  humain  ,  parce  que  les 
fourbes  s'en  fervent  fouvent  pour  mentir  Si 
pour  tromper* 

La  Religion  chrétienne ,  fîngulîèrement 
attentive  aux  befoins  de  l'homme  ,  a  pref 
crit  à  fes  Seâateurs  ,  non  -  feulement  les 
fvmboles  les  plus  énergiques ,  pouriîlever 
1  efprit  &  le  cœur  vers  la  Divinité  ;  les  pra- 
tiques les  plus  innocentes  &  les  moins  fuf- 
ceptibles  de  dégénérer  en  libertinage,  mais 
encore  les  fignes  les  plus  propres  à  établir 
une  étroite  union  entre  les  fidèles  :  tous  fes 
rits  font  pfefqu'autant  de  nouveaux  liens 
de  fociabilitéf  Lsi  morale  chrétienne  coa^ 

Mmij 


k.î2  A  P  OLCGI/R 

jignéç  4ans  FEvaugile  ,  eft  fans  doute  fa 
plug  propre  à  rendre  les  hommes  (âges  8c 
heureux  ;  nous  le  ferons  voir ,  malgré  les 
reproches  de  nos  Critiques  :  mais  cette 
morale  feront  peu  d'impreffion  fur  le  peu- 
ple ,  fi  des  cérémonies  fimples  &  expreflî- 
ves  ne  lui  en  rçtraçoiçnt  continuellemejiî 
le  fbuvenir, 

Jefus-Chrift,  la  fageflé  éternelle ,  par  les 
Sacremens  qu'il  a  inftitués  ,'a  voulu  pour- 
voir à  tous  les  befoins  de  la  vie  fpirituelle, 
ïious  donner  des  gages  de  la  vie  immortelle 
iju'il  nous  a  promife.  Elevés  par  le  Baptê- 
me à  l'augufte  qualité  d'enfans  de  Dieu, 
nous  devons  comprendre  toutes  les  obliga- 
tions que  ce  titre  facré  nous  impofe.  L'ef- 
fet de  la  Confittmation  eft  de  nous  afiferipir 
dans  la  foi  ;  fecours  nécefTaijre ,  fur  r-  tout 
pendant  les  perféçutions  des  premiers  fiè- 
rles ,  plus  néceflaire  encore  aujourd'hui 
contre  les  aflàuts  livrés  de  toutes  parts  à 
notre  Religion.  Dans  TEuchariftie,  par  un 
trait  d'amour  digne  d'un  Dieu ,  J,  C.  nous 
nourrit  de  fa  propre  chair ,  renouvelle  fins 
celle  fur  les  Autek  le  facrifiee  de  lui-même; 
quels  doivent  être  les  fentimenç  du#Chrér- 
tien  admis  à  la  participation  de  ce.  MyC- 
tere?  Le  même  Sauveur  qui  s'eft  peint  fous 
Ja  figure  d'un  Père  &  d'un  Pafteur ,  eft  vérî- 
l^lemeat  I'uq  âc  l'autre  danis  la  Fçn^tçncQ| 


c^cft-là  qu'il  reçoit  entre  fes  bras  rènfent: 
prodigue  &  la  brebis  égaifée.  Dé  combieti 
de  larmes  ceux  qui  y  tiennent'  fa  place  n& 
font-ils  pas  tous  les  jours  tànoins  &  dépo& 
taifes  ?  II  falloit  aux  mourafts  une  graea 
pour  les  fortifier ,  les  co»f6ler ,;  les  détacher 
du  monde  ,  pour  leur  adoucir  l'aôiertunlet 
du  facrificc  ;  les  prodiges  que  l'Extrême-' 
Oftdion  opère  dans  cette  cii'conftanGe  tou* 
chaftte  ,  font  ujie  preuve  continuelle  de 
fon  efiîcacité,  Miniftres  dii  Seigneur  ^  vous 
comsprenez'  toute  la  fainteté  du  caraâere 
doiit  vous  êtiBS  feyêtus  ,  tout  ee  que  vous 
devez  au^fidèfes,  dont  vous  êtes  les  Pères  & 
les  Pafteurs  :  fi  vous  pouviez  l'oublier  un  mo" 
menr,  les  remîords  fecrets  &  te  lîiépris  pu- 
blic ne  tarderpient  pas  de  vous  en  punir. 
Il  falloit  fandifiea:  la  fociété  des  époux  ;  Se 
par  des  fecours  fornaturels ,  les  reikire  ca- 
pables de  remplir  les  devaîrs ,  &  de  fuppoc- 
ter  ks  peines  de  leur  état  :  le  divin  Légif- 
Jateur  y  a  pourvu  ,  en  élevant  le  mariage  à 
la  dignité  de  Sacrement» 

Nos  adverfaires  font  peu  touchés  de  ces 
effets  fpirituels  àts  cérémonies  chrétien»* 
nés  ;  il  faut  leur  en  montrer  de  plus  fenfi-^ 
blés  >  &  qui  les  intérefleront  peut-être  dar 
vantage# 

Les  Sacremens  de  TEgEie  ne  font  pas 
feulement  des  monumens  pubfics  de  fa  fc^, 

Mmiiî 


4^4  Apologie 

Se  de  ta  doârine,  quifervent à  laconfenrer; 
&  qui  enailurent  àjamais  le  dq>ot;des  leçons 
palpaBles  qui  parlent  aux  yeux  des  hommes 
les  plus  ignorans  &  les  plus  groffiers  ;  ce 
font  eocore  des  gages  &  des  fauve  -  gardes 
du  repos  des  fidèles  &  de  leurs  intârcts  les 
plus  cbers.  On  les  connoît  impar&itement, 
quand  on  ne  les  confidere  que  du  côté  de 
leurs  effets  (pirituels  :  ces  cérémonies  con- 
tribuent plus  qu'on  ne  le  penfe  à  la  fureté 
&  à  la  tranquillité  publique.  Il  efl  aifè  de 
montrer  en  détail  à  nos  Cenfeurs  chagrins, 
qu'ils  n'ont  jamais  réfléchi^  fur  les  objets 
dont  ils  décident ,  &  qu'ils  ont  très- grand 
befoin  d'inftruâion. 

Par  le  Baptême ,  n'on-fèulement  les  en- 
fans  font  lavés  de  la  tache  originelle ,  & 
mis  au  nombre  des  fidèles  ;  mais  par  cette 
cérémonie  folemnelle ,  leur  naiilance  de- 
vient un  événement  public.  Les  précau- 
tions que  la  puiflance  féculiere  ajoute  aux 
tits  de  l'Eglife ,  fervent  encore  à  rendre 
cette  naiflance  plus  authentique  »  à  confta- 
ter  le  fort  des  enfans  &  l'obligation  des 
Pères.  A  combien  de  fruits  de  l'inconti- 
nence ,  la  néceflSté  du  Baptême  n'a-t-elle  | 
pas  fauve  la  vie  ?  L'efpèce  d'alliance  que 
contradent  les  Parrains  &  Marraines  avec 
l'enfant  baptifé  &  avec  fes  père  &  mère , 
^d  un  nouveau  nœud  qui  unit  les  familles , 


j 


r 


DE  LA  REXtÔIOUj  &C.       ^rlf 

(ouvent  elle  procure  des  reflburc^s  à  un 
enfant  abandonné. 

Rien  de  plus  eflentiel  que  lè$  engage- 
mens  par  leiquels  un  particulier  fe  dévoue 
au  fervice  de  l'Etat  ;  il  doit  porter  une 
marque*  ou  une  livrée  qui  le  caraftérife  ♦ 
qui  lui  rappelle  fes  devoirs.  Ainfi  la  Con*- 
firmation  imprime  au  Chrétien  un  fceau 
ineffaçable  ,  &  le  faitlouvenir  de  l'obliga-» 
tion  qu  il  a  contra6tée  de  profeflèr  haute- 
ment fa  foi ,  de  ne  jamais  rougir  de  fa 
Religion ,  d'édifier  fes  frères  par  la  fainteté 
de  fes  mœurs. 

On  a  compris  chez  tous  les  peuples  la 
néceffité  de  rappeller  fouvent  aux  hom- 
mes l'égalité  de  leur  origine ,  &  la  frater- 
nité qui  doit  régner  entr'eux  :  par-tout  les 
facrifices  &  les  repas  communs  ont  paru 
Je  figne  le  plus  propre  à  leur  en  retracer 
l'idée,  C!eft  dans  le  même  deflein  que 
Jefus-Ghrift  a  inftitué  l'Euchariftie  fous 
le  fymbole  de  nos  alimens  les  plus  ordi- 
naires ,  afin  que  tous  admis  à  la  même 
table  j  &  nourris  de  la  même  viftinie  ;  nous 
appriffions  à  vivre  entre  nous  comme 
enfans  du  même  pe're  j  &  membres  d'une 
feule  famille. 

Une  cérémonie  auflî  fainte ,  auflî  înte- 
reflante  pour  l'humanité ,  devoit-elle  être 
traitée  avec  autant  d'indécence  &  d'indi- 

Mmiv 


^t6  Apologib 

gnité  que  l'on  a  fait  dans  une  brochure  hû? 
primée  récemment  (a). 

A  quels  excès  le  defefpoîr  ne  (eroît-il  pas 
capable  de  porter  les  paffions  huniaines ,  fi 
après  le  crime  il  n'y  avoit  plus  ni  pardon  ni 
grâce  à  efpérer  ?  Dans  toutes  les  Religions 
l'on  a  feçti  la  néceflité  des  expiations  :  le 
Chriftianifme ,  cett^gKelîgion  h  douce  &  fî 
compatiflànte,  pouvoit-elle  en  manquer  (b)  ? 
Combien  de  crimes  la  ConfeiEon  n'arrê- 
te-t-elle  pas  tous  les  jours  ?  A  combien  de 
cœurs  déchirés  ne  rend  -  elle  pas  le  calme 
&  la  paix  ?  Nos  ennemis  l'ignorent ,  parce 
qu'ils  ont  renoncé  à  ce  remède  falutaire. 
L'Auteur  du Diêfionnaire  Philofophique  (c) 
&  celui  d! Emile  (d),  n'ont  pu  s'empêcher 
d'en  reconnoître  l'utilité.  Les  plus  fenfés 
d'entre  les  Proteftans  ne  font  point  de  dif- 
ficulté de  convenir  que  les  Réformateurs 
ont  eu  tort  de  la  fupprimer. 

Un  Chrétien  malade  pouvoit  être  aban^ 
(donné  ;  la  Religion  ,  en  confiant  aux  Prê- 
tres l'admîniftration  d'un  Sacrement  parti>- 
culier ,  les  fait  fouvenir  de  la  charité  &  des 
confolations  qu'ils  doivent  au  fidèle  dans 
cet  état.  Quel  fpeftacle  fe  renouvelle  tous 

——il—— —*■■!■     I  II         I  I    I        ■  I  I     I        W      !■■  MB 

(a)  Dîner  du  Comte  de  BoulaÎBviiJîers ,  p.  io&  45*. 
ih)  Voyez  rEfpiit  des  Loix,  1. 14,  c.  13. 
(c)  Tome  I ,  Catéchijim  du  Curé,  p»  i4Si«j, 
^é}  Emile  ^  tonc  | ,  p.  i&2«. 


CE  LA  Religion, &c. 

tes  jours  foQs  les  yeux  d'un  Curé  de  camr 
pagne  ?  Dans  une  chaumière  ouverte  de 
toutes  parts  ^  au  milieu  des  vents  &  des 
frimats ,  un  malheureux  étendu  fur  la  pail-^ 
le ,  fans  couverture ,  fans  remèdes ,  fans  ali-* 
métis  ;  une  époufe  éplorée ,  des  enfans 
éperdus ,  des  voifîns  aiHigés ,  mais  indigens. 
Le  Pafteur  eft  la  feule  reffource  :  eh  !  quel 
eft  rhomme  dont  les^  entfaitles  puiflent 
tenir  contre  ce  tableau  de  la  mifere  hu- 
maine ?  Aux  confolations  de  fon  minifte* 
re  >  il  ajoute  de  légers  fecours  :  il  obtient: 
de  la  cnarité  des  riches  ce  qu'il  ne  peut 
donner  lui-même.  L'efpérance  renaît,  fe 
malade  refpire  ;  s'il  échappe  à  la  mort ,  il 
n'oubliera  jamais  la  main  qui  l'a  fauve. 

Il  eft  du  bon  ordre  que  les  hommes  coiî-' 
facrés  au  fervice  du  public  ,  foient  rangés 
dans  une  claflè  particulière  ,  &  foient  re^ 
connoiflables  par  des  marques  extérieures  t 
chez  tous  les  peuples  policés ,  les  Magiftrats 
&  les  Militaires  ont  été  diftingués  du  reft© 
des  Citoyens  ,  auffi-bien  que  les  Miniftres 
de  la  Religion,  L'Eglife ,  pai?  le  Sacrement 
de  l'Ordre  ,  deftine  un  certain  nombre 
d'hommes  à  l'inftruâion  des  peuples  & 
aux  œuvres  de  charité  :  par  les  marques 
extérieures  de  leur  caraâere  ^  elle  leur  re* 
met  continuellement  fous  les  yeux  leurs , 
obligations  ;  un  Curé  »  dit  l'Auteur  (ÏEmU^j^ 


4î?  Ap  0  to  aiB 

eft  un  Mînîftre  de  charité  ,  comme  uû 
Magîftfat  eft  un  Miniftre  de  Juftice  (a). 
Le  même  Philofophe  juge  que  le  Clergé 
de  l'Eglife  Romaine  a  très-fagement  con- 
fervé  l'ufage  des  fignes  extérieurs  &  des 
marques  de  fon  état  (i).  Le  peuple  ,  plus 
éclairé  fur  fes  intérêts  qu'on  ne  penfe  ,  ne 
s'y  méprend  point  ;  il  n'accorde  d'eftime 
&  de  confiance  aux  Prêtres ,  qu'à  propor- 
tion des  fervices  qu'il  en  reçoit. 

S'il  y  a  dans  la  vie  fociale  un  engage- 
ment de  la  dernière  conféquence,c'eft  celui 
du  mariage  ;  il  étoit  du  bien  commun  que 
la  puiflance  Eccléfiaftique  &  l'autorité  fé- 
culiere  fe  réuniflent  pour  en  afllirer  l'au^ 
thenticité  &  les  obligations,  La  Religion , 
en  faifant  paroître  les  contraâans  aux  pieds 
des  Autels  ,  rend  leurs  fermens  plus  facrés, 
plus  frappans ,  plus  irrévocables  ;  elle  en 
adoucit  le  joug  par  les  motifs  furnaturels. 
Si,  malgré  tant  de  précautions,  il  eft  encore 
difficile  de  prévenir  les  abus  &  les  defor- 
dres  dans  le  mariage ,  que  feroit-ce  fi  on  y 
mettoit  moins  d'appareil  (  c) ? 

Qu'on  réfléchifle  un  moment  fur  les 
efièts  terribles  de  la  vengeance ,  fur  la  .mul- 
titude des  meurtres  qui  fe  commettent  chez 


mmm 


(a)  Emile,  tome  j,  p.  i/j, 

(  b)  Ihid,p,  11^. 

(c)  Voyez  TErpcic  da  Loîx,  1. 16,  c,  i%. 


DE  LA  RELrGION,  &C.     4^10 

les  Nations  barbares ,  fur  rinhumanité  avec 
laquelle  les  peuples  même  policés  fe 
jouoient  autrefois  de  la  vie  des  efclaves  , 
on  fentira  la  fagefle  du  Chriftianifme ,  qui 
a  fait  de  la  fépulture  &  des  obfèques  ua 
ipeâacle  de  Religion ,  qui ,  en  nous  ap- 
prenant à  refpeâter  les  morts  >  pourvoit  à 
la  sûreté  des  vivans. 

.L'Auteur  du  DîElionnaire  Philofophique 
a  donc  eu  tort  de  dire  que  nous  rejféc^ 
tons  plus  les  morts  que  les  vivans  (a). 
Ces  deux  fentimens  font  intimement  liés 
l'un  à  l'autre  :  celui  qui  ne  peut  envifager 
un  cadavre  qu'avec  une  efpèce  de  frayeur 
religieufe ,  n'*eft  pas  capable  d'aller  plon- 
ger de  fang-froi4  le  poignard  dans  le  feîn 
de  fon  femblable. 

Quand  on  ne  confidéreroit  îes  rîts  Ec- 
cléfiaftiques  que  du  côté  de  l'influence  qu'ils 
peuvent  avoir  dans  la  vie  civile,  on  feroit 
forcé  d'en  reconnoître  l'utilité  &  les  effets 
falutaires  ;  on  feroit  déjà  indigné  cçntre 
J'jgnorance  audacieufe  de  otux  qui  les  dé- 
crient :  on  feroit  tenté  de  punir  ces  Cen- 
feurs  téméraires  comme  ennemis  de  la 
{ociéîé(b). 


(a)  'fome  x  ,  arr.  Antropophages ,  p.  45. 

(i>;  Yoyci  le  Militaire  Philôfophe,  c  10 ,  p.  16^. 


'-  -  -  -rfh.g 


î|20  Apclo  Gi* 

L'expérience  nous  apprend  d'aîlleura 
qu'il  faut  des  fpeétacles  pour  attacher  le 
peuple  :  une  Religion  dépouillée  de  tout 
appareil  extérieur ,  ne  peut  ni  l'alfeârer  ni 
finftruire  ;  les  Proteftans  ne  s'apperçoivent 
que  trop  aujourd'hui  des  inconvéniens  d'un 
cuke  trop  décharné  (a );  &  feloala  remar- 
que judicieufc  de  ?Ami  def  Hommes,  toute 
Religion  réduite  au  pur  fpirituel ,  eft  bien- 
tôt reléguée  dans  P empire  de  la  Lune  (b). 
Au  lieu  des  nudités  £:andaleures  >  des  jeux 
&  des  danfes  de  la  Grèce  ;  au  lieu  dés  folies 
&  des  inrdécences  qui  deshonoroient  les 
fêtes  Pay ennes  ;  au  lieu  ^s  fpeâacles  tu- 
multueux &  barbares  du  Cirqiîe  &  de  l'Am- 
phithéâtre, la  Relîgîon  occupe  les  peuples 
de  cérémonies  pleines  de  gravité  &  de  dé- 
cence ,  propres  à  lui  infpirer  des  moeurs 
douces  &  pures.  Des  Philofophes  chagrins 
les  blâment  encore  ;  que  leur  importe  ,  fi 
Je  peuple  eft  fiige  ou  infenfé  >  s'il  eft  policé 
ou  abruti  ? 

Déjà  l'on  comprend  toute  Findécence 
du  langage  que  tient  l'Auteur  d\i*ChriJiia^ 
nifme  dévoilé  ^  qui  ne  rougit  point  de  corn- 


(a) Voyez  l*Efprit  des  Loi»,  J.  t-$  ,  c.  x^ 
ib)  Deuxième  pan,  c.  4^  p.  1^5  de  i^j» 


BÉ  LA  Religion,  ftc.    421 

parer  les  cérémonies  du  Cbtiâîanifme ,  à  la 
TThéurgie  des  Payens,  c'eft-à-dir^,  auK 
pratiques  fuperftitieufes  &  abfurdes ,  par 
lefquelies  certains  Philofophes ,  auflî  aveu- 
gles que  le  peuple  C^)^  prétendoient  avoir 
commerce  avec  les  efprits. qu'ils  croyoient 
répandus  dans  toute .  la  nature  ♦  &  qu'ils 
adoroient  comme  des  Dieux.  Quelle  rel^ 
tion  cescérén?onies  bizarres  avoient-elles  ^u 
biei^  de  la  fociété  ?  On  eft  indigné  d'entendre 
appeller  les  S^remens  des  cérémonies  ma- 
giques^ puériles,  ridicules.  On  a  peine  ^ 
comprendre  comment  un  Ecrivain  qui  dé- 
cide fi  impérieufement ,  pçut  être  fi  mal 
inftruit. 

Ceft  une  fauflê  idée  »  felon  ly.i ,  d^  croire 
xjue  le  Baptême  efface  le  pécKé  originel , 
puifque  les  effets  de  ce  péché  fubfiftent  tou* 
jours  ;  fçavoir  ,  l'inclination  au  mal ,  &  \% 
néceffité  de  mourir  ;  il  en  conclut  que  le 
Baptême  eft  un  myflere  impénétrable  à  h 
yaiibn ,  dont  l'^xpériçnçç  démenit  Teffica^- 
cité  (b). 

Mais  pour  f}ue  Fon  puluè  dire  avec  vérité 
que  leBaptême  efface  le  péché  originel, efjt- 
il  néçeffaire  qu'il  en  détruife  toMS  les  efîçts? 
Il  en  détruit  le  princip^al  &  le  plu^  funefte  > 


i*i»"^ 


(a)  Julien,  ï'orphyre,  Jambliquc , &c. 
P   (t)  Chrill.  dévoilé ,  page  iij.  6t  Lettre  â  Ejugénîc  , 
fige  ^7.  Conugion  facrée  >  c.  f  i  >  page  8o« 


^23t  Apologie 

qui  eft  la  damnation  éternelle  :  les  deux  au- 
tres fubfiftent ,  parce  qu'ils  font  pour  le 
Chrétien  une  occafion  d'épreuve  &  de  mé- 
rite ,  &  qu'ils  peuvent  contribuer  à  ion  ia- 
lut  éternel. 

C'eft  une  faufleté  d'avancer  que  S*  Paul 
ne  voulut  point  faire  baptifer  les  Corin- 
thiens ;  il  ne  les  baptifa  pas  lui-même,  parce 
qu'il  s'occupoit  principalement  de  la  prédi- 
cation de  l'Evangile  (fl);  mais  il  les  fit 
baptifer  par  fes  difciples  ,  tout  comme  il 
avoit  fait  baptifer  les  Ephéfiens  (b)^ 

Qu'importe  que  l'on  ait  pratiqué  une  ef- 
pèce  de  baptême  dans  les  myfteres  de  My- 
thras  ?  Les  baptêmes  ou  les  purifications 
par  l'eau  ont  été  en  ufage  chez  tous  les 
peuples,  parce  que  c'eft  un  fymbole  éner- 
gique &  naturel  ;  mais  il  ne  peut  produire 
aucun  effet  que  parmi  les  adorateurs  du 
vrai  Dieu. 

Pour  rendre  ridicule  le  myftere  de  l'Eu- 
chariftie ,  l'Auteur  a  recours  à  fa  méthode 
ordinaire;  il  le  défigure,  &  nous  impute  une 
croyance  que  nous  déteftons.  Il  n'eft  pas 
vrai  qu'à  la  voix  redoutable  d'un  Prêtre , 
le  Dieu  xle  fUnWeirsfoit forcé  de  defcendre 
du  féjour  de  fa  gloire  ,pour  fe  changer  en 


(A)  I.  Cof>  I  ,  17, 


DE  LA  Religion,  &c.  413 
paln^  ni  que  k  pain  denenne  Dieu  ,  ni  que 
nous  adorions  ce  pain  (a).J.  C.  eft  préfent 
dans  TEuchariftie ,  fans  quitter  le  féjour  de  (a 
gloire  ;  il  n'y  eft  point  forcé  ,  puifqu'il  Ta 
voulu  ;  le  pain  n'eft  pas  Dieu ,  puifqu'il 
n'y  a  plus  de  pain.  Avant  que  d'argumen- 
ter contre  notre  foi ,  il  fer  oit  à  propos  de  * 
lire  du  moins  nos  Catéchifmes. 

On  ne  doit  pas  être  furpris  de  trouver 
une  efpèce  d'Euchariftie  chez  les  Indiens* 
chez  les  Mexicains ,  chez  les  Péruviens. 
L'ufage  a  régné  chez  tous  les  peuples  qui 
ont  eu  des  pratiques  extérieures  de  Reli-  - 
gion  ,  de  manger  eo  commun  les  viâimes 
ou  les  offrandes  que  l'on  avoit  faites  à  la 
Divinité ,  •  en  figne  d'aftions  de  grâce  ,  & 
en  témoignage  de  fraternité.  Le  Divin  Lé- 
giflateur  de$  Chrétiens  n'eft  point  allé  cher- 
cher ce  fymbole  dans  les  Indes  ou  en  Amé- 
rique ;  il  l'a  puifé  dans  la  nature  ^  &  il  en  a 
fagement  écarté  tout  ce  qui  pouvoit  dégé? 
nérer  en  abus  ou  en  libertinage* 

§•  4. 

Il  n'eft  donc  pas^vrai  qu'il  y  ait  dans  les 
cérémonies  des  Chrétiens  des  veftiges  très- 
marqués  de  h  Théurgie  ou  de  la  Magie 

(a)  Chrift.  dévoilé  ,  p  zio.  ^e  Lettre  à  Eugénie  p.  rj^f 
Contagion  ûccée  •  c*  5  »  p*  iS,  ^ 


424  Apologie 

pratiquée  clie2  les  peuples  Orientaut. 
oelon  les  idées  de  ces  peuples ,  les  Divini- 
tés imaginaires  qu'ils  adoroient ,  écoient 
forcées ,  par  le  pouvoir  magiqae  de  quel- 
ques paroles  ou  de  quelques  pratiques  ar- 
bitr^^îres  ,  à  opérer  des  merveilles.  Chez 
les  Chrétiens ,  c'eft  Dieu  lui-même ,  gai , 
par  J.  C ,  a  prefcrit  les  paroles  &  les  rits 
auxquels  il  a  daigné  attacher  fes  grâces: 
rien  n'y  eft  arbitraire ,  rien  n'y  eft  aban- 
donné au  caprice  âes  Prêtres  ou  dvppeuple. 
Ce  n'eft  point  le  Prêtre  qui  acquUrt  Le  droit 
de  commander  à  Dieu  lui-même;  c'eft  Dieu 
au  contraire  qui  commande  au  Prêtre  d'e- 
xécuter fidèlement ,  &  fans  y  rien  mettre 
du  (ien  »  les  céi^monies  dont  il  eft  le  Mi- 
niftre*  L'effet  ne  dépend  point  de  la  vo* 
lonté  du  Prêtre,  mais  de  la  volonté  de  Dieu 
&  des  dilpofitions  du  fidèle.  Lorfqu'un  Ma- 
giftrat ,  dépofitaire  de  l'autorité  royale ,  ab- 
fout  ou  condamne  un  coupable ,  inftalle  un 
Officier  public  dans  fon  emploi ,  peut-on 
dire  qu'il  force  le  Roi  de  prêter  l'autorité 
fouveraine  à  fes  Arrêts  ;  qu'il  commande  au 
Roi ,  qu'il  lui  eu  iïipéijeur  ? 

Parce  qu'un  Magiftrat  eft  obligé ,  dans 
Pexercice  de  fes  fondions ,  de  s'afTujettîr 
aux  formules  &  au  ftyle  judiciaire ,  s'enfuit- 
îl  <jue  ces  formules  iont  des  paroles  magî- 
gues ,  qui  «nt  le  pouvoir  d'altérer  les  vo- 
lontés 


dêi.aReligioi<,  &c.    42^ 
ïcmtés  du  Roi ,  de  l'obliger  à  changer  fes 
décrets  fouverains  ?  Ceft  donc  une  impu- 
tation fauflè,  une  raillerie  infipide,  de  dire 
que  chez  nous>  des  paroles  difpofées  de  cer^^ 
îaine  manière  9  peuvent  altérer  les  volontés 
de  Dieu  y  &  l'obliger  à  changer  fes  décrets 
immuables  (a).  Au  contraire >  r'efl:  par  la^ 
volonté  expreflfe  de  Dieu,  &  par  fon  décret 
immuable ,  que  certaines  paroles  ont  la 
force  de  donner  la  grâce  ;  comme  c'eft  par 
la  volonté  du  Roi  &  par  fes  décrets  fouve- 
rains ,  que  les  formes  judiciaires  ont  la  force 
de  dépouiller  un  Particulier  de  fes  emplois, 
de  fa  fortune  »  de  fon  état  »  même  de  le 
condamner  à  la  mort» 

Si  l'Auteur  étoic  mieux  inflruît ,  il  n^acr 
cuferoîl^pas  les  Minières  de  la  Religion  de 
fatiguer  les  derniers  injlans  d^un  mourante 
Les  cérémonies  de  l'Eglife  peuvent  fati- 
guer fens  doute  un  fcélérat  ou  un  hypocrite 
prêt  à  fortrr  de  ce  monde ,.  en  lui  préfentant 
ridée  d'un  Dieu  jufte  qui  doit  le  juger  ,  Se 
d'une  éternité  qui  l'attend  ;  mais  ces  céré- 
monies confolent ,,  fortifient ,  tranquilUfent 
le  Chrétien  fidèle  &  vertueux.  Ji  les  der- 1 
mande  avec  ardeur,  il  les  reçoit  avec  foi, 
ibuvent  il  fe  fent  tout  autre  après  avoijr 


4^ 

U)  cil  ri  ft»  dévoilé,  jx.  nj.  ^e  twpre  i;Eusé3iic,.j^.E 
iContagîon  facréftj  c,  j,,  g»  5^ 


^25  Apolo(?ie 

reçu  les  Sacretnens.  Oeft  alors  que  la  vue 

d'un  Dieu  mourant  fur  la  croix  ,    opère 

des  prodiges  >  &  change  le  Chrétien  en 

héros. 

Dans  quelle  fource  le  grand  Prince  ,  que 
la  France  pleure  encore ,  avoit-il  puifé  la 
fermeté  &  rhéroïfme  qu'il  a  fait  paroître 
dans  ks  derniers  momens ,  iinon  dans  fa 
foi  &  dans  les  fecours  de  la  Religion  ?  Phi- 
lofophes  audacieux  ,  Cenfeurs  vains  &  fri- 
voles ,  il  auroit  fallu  vous  rafïèmbler  tous 
autour  de  fon  lit ,  pour  vous  apprendre  ce 
que  peut  opérer  le  Chriftianifme. 

Que  peut-on  penfer  d'un  Auteur  qui 
finit  par  tourner  en  ridicule  le  Sacre  de  nos 
Rois ,  dont  le  but  eft  de  rendre  le  chef  de 
la  Nation  plus  refpeâable  aux  |r€ux  des 
peuples  ?  Eft-il  du  bien  de  la  foci&é  dW- 
foiblir  les  fentimens  de  vénération  qui  atta- 
chent les  fujets  à  la  perfonne  augufle  du 
Souverain  ?  Mais  ce  n'eft  point  le  feul  en- 
droit où  notre  Critique  ait  montré  que  1% 
Philofophie  moderne  eft  peu  propre  à  for- 
mer des  fujets  fidèles  &  de  bons  Citoyens. 
«  Dans  le  Gouvernement  ancien ,  dit  TAu- 
»teur  d^ Emile ,  l'augufie  appareil  de  la 
^  puiflànce  Royale  en  impofoit  aux  fujets« 
»  Des  marques  de  dignité  »  un  trône  »  un 
a»  fceptre ,  une  robe  de  pourpre ,  une  coït- 
PB  ronne  >  un  bandeau ,  étoient  pour  eux 


DE  LA  RFLTerON,&C.      427 

3»  des  chbfes  facrées.  Ces  fignes  fefpeftés 
»  leur  rendoient  vénérable  l'homme  qu'ils 
»  en  voyoient  orné;  fans  foldats ,  fans  me- 
»  naces ,  fi-tôt  qe'il  parloit  ,  il  étoit  obéi» 
»  Maintenant  qu'on  afFede  d'abolir  ces  fi- 
.^3  gnes ,  qu'arrive-t-il  de  ce  mépris  ?  Que  la 
»*  Majefté  Royale  s'efface  de  tous  les  coeurs; 
3>  que  les  Rois  ne  fe  font  plus  obéir  qu'à 
»  force  de  troupes,  &  que  le.refped  des 
»  fujets  n'eft  que  dans  la- crainte  du  châti- 
»  ment  »  (^).  Il  y.  a  fans  doute  de  l'exa- 
gération dans  cette  remarque  ;  mais  elle 
prouve  toujours  l'utilité  des  rits  &  des 
lymboles  extérieurs ,  pour  inftruire  ,  pour 
toucher  ,  pour  faire  agir  les  hommes.  Nous 
reviendrons  encore  à  ce  fujet  dans  le  cha- 
pitre l3^    * 

L'Auteur  du  DiBionnaire  Philofophique 
a  traité  en  particulier  des  deux  cérémonies 
de  la  Religion  Chrétienne  ,  du  Baptême  & 
de  la  Confeflîon  ;  il  eft  à  propos  d'exami- 
ner fbigneufement  ce  qu'il  en  a  dit. 

•  ■ 

$.  y. 

Sur  le  Baptême ,  il  obferve  d'abord  que 
ce  mot  grec  fignifie  immerjîon  f  il  de  voit 
ajouter  qu'il-  exprime  encote  ablution  , 
l'aftion  de  lâvét  %  le  verbe  dont  il  defçend. 


mmmm^MUmfimmmmtm 


( 0 }  Sinile,  totnè  I V  P*  ^i 5« 

Nnij 


4^ff      ^     Apologie^  . 

a  été  pris  en  ce  fens  par  Ariftophane ,.  atf 
rapport  de  Suidas»  Cette  remarque  d« 
vCrammaire  ne  fera  pas  inutile. 

Les  hommes  ^  dit-il ,  quife  conduifcnt  tow- 
jours  par  les  fens  „  imagiuerent  aifément 
que  ce  qui  ïavoit  le  corps  y.  lavait  auffi  Famé* 
Cela  n'eft  ni  vrai  ni  exad..  Les  hommes 
imaginèrent  queradion  defe  laver  le  corps,. 
étoit  un  fymbole  ou  une  figure  très-natu^ 
relie  de  la  purification  de  l'ame  ;  mais  ils 
n'ont  jamais  penfé  qu'elle  pût  opérer  cet 
effet ,  fens  une  volonté  particulière  de 
Dieu;  l'Auteur  le  reeonnoîtra  bientôt. 

Il  n'eft  pas  furprenant  que  les  ablutions 
relîgieufes  aient  été  &  foient  encore  en 
iifage  chez  prefque  touftes  les  Nations  de 
l'Univers  qui  ont  un  culte  public  ,  chez  les 
Egyptiens  &  chez  les  Hébreux ,  chez  les 
Indiens  >  chez  les  Grecs  &  chez  les  Romains^ 
parmi  les  Mahométans  comme  parmi  nou& 
,Ce  fymbole  eft  fi  naturel ,  que  tous  les  peur 
pies  l'ont  adopté  de  concert  i  il  i^'a  pas  été 
néceffaire  qu'ils  l'empruntaflent  les  uns  des 
autres  :  c'eft  une  «pratique  auffi  oficienne 
ig[ue  le  monde^ 

Che^  les  Hébreux  y  dit  le  Philofopfie; 
Jetait  une  régénération  y  cela  donnait  une 
nouvelle  ame  »  ainjî  qu^en  Egypte^  Cette  ex- 
preffion  bizarre  de  quelques  Rabbins  ne 
ydloit  pas  la  peine  d'être  répétée  i  mais^  i| 


B E  LA  R E 1 1 é I o N,  Src.    42^ 

n'y  a  rien  d'extraordinaire  à  regarder  le 
Baptême  comme  une  régénération  fpiri- 
tuelle.  C'eft  le  terme  dont  Jefus  Chrift  s'eft 
fervi. 

On  nous  fait  remarquer  que  S*  Jean  bap^. 
tifa  dans  U  Jourdain  ;  que  même  ïl  baptifx 
Jefus  y  qui  pourtant  ne  baptifa  jamais  per^ 
fonne, ,  mais  qui  daigna  cmfaerer  cett^ 
ancienne  cérémonie.  Non  -  feulement  il  1'» 
cpnfacrée ,  mais  il  Ta  prefcrite  exprefle^, 
ment.  Quiconque  rtki  pas  été  régénéré  p4xr 
Veau  î^  pat  le  S.  Efprit^  ne  peut  emrer  dam 
h  Royaume  de  I^ieu  (a}.  Celui  qui  croira  &• 
fera  baptifé ,  fera  fauve  (b).  Il  a  ordonné 
à  fes  Apôtres  d'enfeigner  toutes  les  Nations'i 
&*  de  les  boftifer  au  nom  du  Père  y  Gr  di$ 
Fils  6*  du  S.  Efprit  (c).  On  ne  doit  donc 
pas  s'étonner  que  te  Baptême  foit  de^enst 
le  premier  rit  &  le  fceau  de  la  Religiosi 
Chrétienne  ;  ainfi  J.  C»  Ta  établi  y&  s'il  n'a. 
baptifé  perfonne  >  U  a  fait  baptiièr  par  fes' 
Difeiples  (d). 

Toutjigne  ejl  indifférent  par  lui-même  i 
ifr  Dieu  attache  fa  grâce  au  Jjgne  qu'il  lui 
fiait  de  choijîr.  Cette  réflexiort  eft  très- 
jufte  y  par  conféquent  nous  devons.  attrW 


«r 


ta)  Joan»  y ,  f , 
i€)  Matt,  18,  15. 


430  Apologib 

puer  au  Baptême  tous  les  effets  qu'il  a  pld 
à  Pieu  d'y  attacher  ,  &  qu'il  a  daigné  nous 
révéler  par  Jefus-Chrift. 

Cependant ,  continue  le  Phllofophe  ,  les 
quinze  premiers  Evèques  de  Jeruf aient  furent 
tous  circoncis ,  Gr  il  n'eji  pas  Jur  quils  fuf- 
fent  baptifes.  Ils  furent  circoncis  aflîiré- 
ment ,  puifqu'ils  étoient  Juifs  de  naiflàn- 
ce  ;  X  CX  ni  fes  Apôtres  n'ont  point  défendu 
la  circoncifion  aux  Juifs  ;  mais  il  n'eft  pas 
moins  fur  qu'ils  furentj^aptifés ,  .puifque  les 
Apôtrea»  en  prêchant  aux  Juifs,  exigeoient, 
pour  première  marque  deJeur  converfion 
au  Cnriftianifme  ,  qu'ils  reçuflènt  le  Bap- 
tême ,  &  ils  les  baptifoient  en  effet  (a). 

Nous  convenons  que  Ton^abufa  de  ce 
Sacrement  dans  les  premiers  fîècles  de 
PEglife  ;  que  plufîeurs  attendoient  qu'ils 
fujQfent  dangereufement  malades ,  pour  re- 
cevoir le  Baptême  ;  mais  on  doit  avertir 
ea  même  temps  que  l'Eglife  réclama  tou- 
jours contre  cet  abus ,  &  que  les  Evêques 
ne  cédèrent  de  faire  là-défTus  les  plus  vives 
jepr^fentations.  L'Empereur  Conftantin 
donna  ce  mauvais  exemple;  &  en  cela  il  eft 
^blâmable  fans  doute  ;  mais  il  eft  contre 
l'équité  naturelle  de  le  calomnier.  Voici 
le  raifonnement  qu'on  lui  prête.  Le  Bapr 


iflMS.a,  jS^-^iv 


«■ 


Ï)E   LA  ReLIGI-ON,*&C.     45 fi 

tême  purifie  toutj  je  puis  donc  tuer  majerri' 
me  y  mon  fils  Êr  tous  mes  parens ,  après  quoi 
je  me  ferai  baptifer ,  &y  j^irai  au  Ciel:  cam- 
me  défait ,  ajoute-t-on ,  il  n^  manqua  pas. 
Voilà  Conftantin  accufé  d'avoir  fait  mou- 
rir fa  femme ,  fon  fils  &  tous  fes  parens  ;  & 
on  le  réjète  encore  dans  l'article  Chriftiu'^, 
nifme  &  aillçurs  (  «  )• 

Ce  qu'il  y  a  de  vrai ,  c'eft  que  Confta»- 
tîn  eft  criminel  d'avoir  fait  mourir  fon  fils 
Crifpus  fur  les  calomnies  de  l'Impératrice 
Faufta,  qui  accufa  fauflement  ce  jeune  Prin* 
ce  d'avoir  voulu  attenter  à  fa  pudeur.  Une 
accufation  fî  atroce  denwndoit  des  preuves 
plus  convaincantes*  que  le  fimple  témoi- 
gnage d'une  marârte.  Mais  lorfque  cette 
malheureufe  femme  eut  avoué  dans  la  fuite 
que  c'étoit  elle  au  contraire  qui  avoit  voulu 
féduire  le  Prince ,  Conftantin ,  en  la  faifant 
mourir ,  fit  un  ade  de  juftice.  C'eft  donc 
une  impojfture  odieufe ,  d'infinuer  que  Cont 
tan  tin  fit  d'abord  mourir  fa  femme ,  en- 
fuite  fon  fils  &  tous  fes  parens ,  par  un  eC- 
prit  de  cruauté.  On  fçait  au  refte ,  pourquoi 
cet  Empereur  eft  continuellement  déchiré 
par  certains  Philofophes*;  il  a  fait  ceflèr  les 
perfécutîons  contre  les  Chrétiens  ;  il  a  pro- 
feflc  notre  Religion  ;-  il  a  profcrit  Tidolâ- 


4a)  Tome  z  ;  p.  i\z^  Examen  impoctaat»  c.  2>$  >  p*  1^^ 


4?^  A  p  o  L  o  é  I  e 

trie  :  nos  Apologîftes  zélés  du  Paganlf- 
me  (a)  ne  lui  pardonneront  jamais. 

Les  Grecs  conferverent  toujours  le  Bapti- 
tne  par  immerjion  ;  la  température  du  clî- 
mac  ,  Tufage  du  bain  fréquent  chez  les 
Orientaux ,  rendent  cette  pratique  plus 
commode  qu'elle  ne  feroit  p^mi  nous. 
Les  peuples  du  Nord  s'éta^jt  convertis, 
l'on  comprit  que  le  Baptême ,  par  immer- 
fion  ,  pouvoir  être  dangereux  dans  des 
pays  froids  ,  &  faire  périr  les  enfans  ;  l'on 
y  fubftitua  l'afperfion  ou  l'infufîou  ;  mais  il 
rfeft  pas  vrai  que  cette  manière  d'admî- 
niftrer  leBaptêm«  ait  fouvent  fait  anaîhé- 
matifer  les  Latins  pat^  (Eglife  Grecque  ,  fi 
ce  n'eft  peut-être  depuis  le  fchifme  de 
celle-cL 

On  demanda ,  dit  le  Philofbphe  ^  â  Saint 
Çyprien,  Evêque  de  Cartkage ^Jî  ceux-là 
étaient  réellement  baptifés ,  qui  s^étoieut  fait 
feulement  arrofer  tout  le  corps  t  II  répond 
dans  fa  76c  Lettre  ^  que  plujîeurs  Églifes 
ne  croyaient  pas  que  ces  arrofésfuffent  Chré- 
tiens ;  que  pour  lui  ilpenfe  qu^ ils  font  Chjré^ 
tiens  :  mais  qu^ils  ont  une  grâce  ir^niment 
moindre  que  ceui  qui  ont  été  plongés  trois 
fois  fuivant  Vufage.  Il  y  a  feulement  deux 
falfifications  infîgnes  dans  ce  pafiàger  Saint 

iê)  PIO.  Fliilof,  ast,  Uoks .  IdMrkr 

jLypriexs 


DE  LA  Religion,  &c.    433 
Cyprîen  répond  précifément  îè  contraire  : 
voici  fes  paroles  tirées  de  la  Lettre  même. 
«  Comme  ces  fidèles  qui  ont  reçu  la 
»  grâce  de  J.  C.  par  l'eau  falutaire  &  par 
»  une  foi  intègre ,  font  appelles  par  qu^î- 
»  ques-uns  (  a  )  ,  non  pas  Chrétienls ,  mais 
3>  Cliniques  (  c'eft-à-dirt ,  alitas  ou  baptifés 
»  au  Ut  );  je  ne  vois  pas  d'où  l'on  prétend 
»  tirer  ce  nom  • .  * .  Mon  fentiment  eft  que 
»  l'on  doit  regarder  comme  Chrétien ,  qui- 
»  conque  a  reçu  la  grâce  divine  dans  l'Egli- 
»  fe  par  le  droit  &  le  privilège  de  la  foi ,  • .  • 
»  Dira-t-on  qu'ils  ont  reçu  la  grâce  du  Sei- 
»  gneur ,  mais  en  moindre  mefure  &  avec 
30  moins  de  dons  du  S.  Ëfprit  i  tellement 
»  qu'on  les  doive  regarder  comme  Chré- 
3>  tiens  >  mais  moins  parfaits  que  les  autres  ? 
»  Tout  au  contraire  ;  le  S.  Efprit  ri'eft 
»  point  donné  par  mefure ,  mais  il  defcend 
3»  dans  toute  fa  plénitude  fur  celui  qui  a  la 
x>  foi.  De  même  que  le  jour  luit  également 
»  pour  tous  ,  &  que  le  foleil  répand  égale- 
»  ment  ùl  lumière  fur  tous  ;  ainfi  J.  C.  vrai 
»  foleil  de  jufiice ,  diftribuè  également  dans 
»  fon  Eglife  >  la  lumière  de  la  vie  éteiv 
»  oelle  ».  Le  S.  Doâeur  ne  pouvoit  con- 
tredire d'une  manière  plus  éclatante  l'opi- 

(a)  Nota»  Que  S.  Cyprien  ne  die  pas  plupeurs  Eglifes  » 
coinnie  on  le  lui  fiic  aire* 

J0me  I.  O  o 


454  Apoilogis 

liîoQ  ridicule  qu'on  veut  lui  imputer.  Quelfe 
icroyaoce  »  quels  égards  peut  mériter  un 
jEcrivain  qui  trompe  aii£  fes  leâeurs  ? 

La  (uite  de  l'article  ne  nous  apprend 
rien  de  nouv^u.  Nous  fçavions  déjà  qo'aq- 
itrefois  les  baptifés  étoient  appelles  les  ini'^ 
jiiési  que  ceux  quite^l'étoient  pas  encore, 
Soient  iJOinmés  Catécumines ,  c'eft-à* 
4ire  dii^iples  ou  inûruits  ;  qu'oii  vouloit 

Îju'îls  produififl^nt  des  Parrains  p  pour  s'af- 
iirer  aon-ieulement  de  Iwr  fidélité  «  mais 
encore  lie  leur  conduite  9c  de  leurs  moeurs  ; 
que  dans  les  premiers  fiècles ,  les  fidèles  fii^ 
rwt  fort  attentifs  à  ne  pas  da:oavrir  aux 
Pavens  \es  rits  ni  les  dogmes  du  Chriftiar 
niune^ 

Hbos  te  fiK:ûnd  fiècte ,  (Aon  notre  Philo- 
Ibph.^ ,  l'on  commença  à  baptifer  les  en* 
lans;^  Mais  il  paroît  certain  que  cet  ufage  a 
isomnoencë  plutôt.  Lorfqu'il  eft  dit  clans  les 
Aâ:es  des  Âpotress  &  dms  les  Epîtres  de 
S.  Paul,  qu'qn  chef  de  &mille  a  été  baptifé 
avec  toute  (àmaifon  (a) ,  perfoni>e  n'eft 
excepté  >  les  enfans  y  font  cpmpris  aufli?- 
jbien  que  les  adultes. 

Selon  lui  eiK:ore ,  on  conclut  qu'il  &1- 
\ott  adminiftrer  le  Baptême  au  bout  d^ 
Imit  }ours ,  parce  que  cnes  les  Juiis  c'étpii 


«r* 


wmmfmmmm^mm 


ia)  48*  }^>  M  ^  n.  «.  Cor*  i,  if. 


15E  LA  Religion,  &c,     43f 

â.  cet  â^ge  qu'ils  étoient  circoncis.  Mais  ^' 
n'eft  pVouvé  par  aucun  monument  qu® 
«:'ait  été^iije  pratique  conftahte  de  diffé"" 
rer  ainfi  le  raptême  ,  xù  qu'oii  Tait  fai^ 
par  allufion  à  la  circoncifion.  Toutes  ce^ 
allégations  (ont  ùms  autorité.  Enfin  il  n'eft 
pas  vrai  qu'ira  troijiime .  fiitle ,  U  coutume 
l'tmporta  de  m  fe  faire  baptifer  qi^à  la 
mart.  Jamais  cette  coutume  ne  l'emporta; 
c'eft  un  aixts  contre  lequel  l'Eglifè  réclama 
toujours  •  &  qui  &x  beaucoup  moins  corn- 
inun  que  l'Auteur  ne  le  fuppole. 

.  Ceux  qui  moaraient  dans  la  première  fe^ 
moine  »  ^t-il,  étmau  damnés^  ftlon  les 
Pererde  VBgltft  la  pba  iri^reux.DéÉxms^ 
nous  encoire  de  cette  aâèrtbn.  Les  Pères 
de  l'£gU&  les  plus  rigoareux  n'ont  point 
enfeigné  at>rolument  que  les  enfans  morts 
fans  Di4>ténie  étoient  damnés ,  à  prendre 
ce  terme  dans  toute  fa  rigoear.  Ils  ont  dit 
que  ces  enfans  a'anroient  point  de  part 
à  la  béatitude  furnaturetle  qui  notis  eft  ac- 
quife  par  la  rédemptkm  <&  J.  C  ;  parce  que 
le  fruit  de  cetce  rédempckm  ne  peut  nous 
être  appliqué  qne  par  te  Bap^tne  ;  mais  au- 
cun n^a  jamais  avancé  dans  les  (lècles  dont 
nous  partons ,  que  ces  enfans  fiifiènt  cour 
damnés  au  feu  étemeh 

U  eft  abfolument  faux  que  ce  foit  Saint 
Pierre  GiryCblogue  »  au  ckiquième  fiède  » 

Ooij 


4î^  Apologie 

pu  quelqu'autre  qui  ait  imaginé  les  luymbes, 
où  font  détenus  les  enfans  morts  fans  Bap* 
terne ,  où  écoient  les  Patriarches  ,  où  J,  G 
aft  defcendu  après  ià  mort.  La  defcente  de 
J.  C.  aux  enfers  ou  aux  Ly  mbes  eft  fondée 
fur  le  texte  même  des  Livres  faints  (a).LQ 
p.  Pétau  a  montré ,  par  des  témoignages 
exprès ,  que  <p'a  été  le  fe^timent  unanime 
àd  tous  les  Pères  de  l'Eglife  depuis  les 
Apôtres  >  à  commencer  par  S.  Juftin ,  Saint 
Irenée ,  S.  Clément  d'Alexandrie  ,  Origè- 
ne ,  &c  (b)n  On  voit  par-là  quelle  créance 
mérite  P Auteur  dç  V Examen  mportant^ 
qui  afliire  pofitivement  que  S.*  Athanafe  efl 
le  premier  qui  ait  imaginé  ce  voyage  de 
J:  C.  aux  enfers  »  trois  cens  cinquante  ans 
apcàs  ;  que  cet  article  n'a  été  inféré  dans  le 
fymbolè  qu'au  cinquième  fiècle  (  ç  ).  C'eft 
ainii  que  nos  adverfaires  déshonorent  leur 
critique  »  en  avançant  au  hafard  des  faits 
démentis  par  tous  les  monumens  de  l'an- 
jiquitép  r 

L'Auteur  du.  DiSiànnaire  Philofophi" 
que  conclut  que  toute  la  difcipline ,  tou^ 
ckaut  le  Baptême»  a  dépendu  dé  iapruden-* 
ee  des  premiers  Pafleurs  quii'ont  établie,  Céb^ 
Ç&  vrai ,  quant  à  la  mauiere  4'adminifireir . 

jia)  ASi,  ?-  6»  9.  Petr,  3  Çj'  4. 
ih  )  Théol.  Dogra.  1.  15  ,  c,  x#. 


DE  LÀ  REtïGlb^f,  &c.  457 
le  Baptême  ;  ou  par  immerfion  ,  ou  par  af* 
perfioiii  ou  par  infufioirj  parce  que  cef 
différentes  manières  font  également  con>- 
prifès  fous  le  nom  de  Baptême;  fnaîs  nom 
pas  quant  à  la  matière  du  Sacrement ,  qtfi 
eft  l'eau  naturelle.  Cette  matière  ayant  été 
cxpreflement  déterminée  par  J.  C^  même  , 
jamais  les  Pafteurs  ne  fe  font  attribués  le 
pouvoir  dy  rien  changer.  On  a  confervé 
de  même  très- fcrupuleufement  la  forme  ou 
les  paroles  du  Baptême ,  parce  qu'elles  font 
de  J.  C  (a).  Si  quelques  Eglifes  protef-- 
tantes  ont  pris  la  liberté  d'y  ajouter  (fc), 
cela  ne  nous  regarde  pas. 

§.  6. 

Le  Philôfophe  ne  raifonne  pas  plus  fen- 
fément  fur  la  (Jonfeffion  que  furie  Baptême. 
Dans  le  Catéchifme  du  Curé  ^  il  avoit  dit 
que  la  Confefjion  eft  une  chofe  excellente^', 
un  frein  aux  crimes  y  inventé  dans  V  antiquité 
la^plus  reculée  ;  bientôt  il  s'eft  repenti  de 
cet  éloge  :  il  commence  l'article  ConfeJJîon^ 
par  dire  c\\ic  cefl  encore  un  proUènti  jji  la 
ConfeJJion  »  à  ne,  la  çonjidérer  su  en  politi^ 
'  que  ,  a  fait  plus  de  bien  que  de  mal.  Sans 
doute  qif  en  fage  Politique  il  en  a  fidèle^- 


mimmaÊmmmmmmmmÊmmmmmttm 


(a)  Matth0'i% ,  15. 

{h)  Y.  U  Li(ur«e  des  Eglifes  du  Pays  de  Vaud,  p.  7O1 

Ooiij 


45^  Apotc«is 

ment  détaillé  les  bons  &  les  mauvais  eftts  : 
fur  ion  rapport  nous  ferons  eo  écat  d'en 
porter  notre  jugements 

Il  n'eft  pas  prouvé  d'abord  que  l'on  fs, 
fou  confejjé  dans  les  myfttra  élfis  »  JlOt' 
fhéz  &  de  Cérès ,  comme  l'Auteur  le  pré- 
tend ;  reconnc^tre  en  général  que  l'oa  a  des 
crimes  à  expier^  ce  n'eft  pas  fè  confeflêr, 
ielon  la  fignification  ordinaire  du  terme. 
Xes  Proteftans  »  qiû  rejettent  la  Confeflion , 
ne  refufënt  pas  d'avouer  qi^ils  odt  des  pé- 
chés à  expier.  Quand  on  veut  raifomier  fo- 
lidement,  il  ne  faut  pas  commencer  par 
abufer  du  langage* 

Les  Chrétiens  adoptèrent  la  Confeffîon  dès 
les  premiers  Jîicles  de  PEglife.  Voilà  déjà 
i)n  laveu  important  i  il  s'enfuit  que  la  Con- 
feflion n'eft  pas  une  invention  moderne , 
comme  certains  Critiques  Proteftans  >  très- 
mal  inftruits  fur  ce  point  >  ont  voulu  le  per- 
fuader*  L'Auteur  pouvoit  dire  hardiment 
qu'elle  çft  ç»  ufage  dès  k  premier  ^icle  de 
tEglije  s  &  dès  le  tesaç^  des  Apotrés  > 
puilqu'il  en  eft  fait  mention  dans  leurs 
Ade$  ia)» 

Mais  il  n'eft  pas  vrai  qu'elle  foit  emprun- 
tée des  riti  de  Vmti^uité.  L'on  n'en  trouve 
aucun  veftige  avant  J*  C,  &  ce  divin  Légif- 

(a)Aêi»  1$,  i8« 


r 


DS  LA  Religion,  &c.  4^Ç 
lateùr  n^a  copié  perfonne*  Le  pouvoir  qu'il 
a  donné  à  fes  Apôtres  de  remettre  les  pé-^ 
chés  (a)  i  eft  an  privilège  uni(]ue ,  &  que 
lui  ieul  pouvoit  communiquer.  Dans  quely 
xnonumens  l'Auteur  a-t*il  découvert  que 
Jurfum  corda ,  &  i/e ,  Mijfa  eji ,  fout  des  for* 
mules  imitées  des  anciens  myfteres  de  1$ 
Religion  Payenne  ?  Cette  anecdote  eft  aÛèx 
curieufe  pour  mériter  des  preuves  ;  &  il  ef): 
fâcheux  que  THiftoire  n'en  fburniÛè  aur 
cune. 

Lefcandde  >  dit-il  t  de  la  Conf€(Jî(m  pu^ 
hlique  iiPune femme  ^  arrivé  à  Confiantinople 
au  quatrième  fièch ,  fit  abolir  la  Confejjion, 
La  Conjeffion  publique  fut  abolie  >  cela  eft 
Yrai  ;  mais  non  pas  la  Confeflion  feciette  , 
qui  ne  peut  jamais  être  un  fujet  de  fcan* 
dale  :  la  bonne  foi  demandoit  que  Von 
fit  cette  diftinâion.  La  Confeflion  publi- 
que pouvoit  être  fupprimée  »  parce  qu'elle 
n'eft  f>as  commandée ,  &  qu'il  en  poiiivoit 
naître' des  abus;  il  n'en  eft  pas  de  même  de 
la  Confeflion  fecrette  inftituée  par  Jr  C»  & 
qui  ne  peut  faire  que  du  bien.  - 

Celle-ci  »  félon  TÂuteur ,  ne  fut  admise 
dans  notre  Occident  que  versU  feptièmejiè- 
de.  L'anachfonifme  eft  un  peu  fort.  On; 
peut  voir  les  preuves  du  contraire  dans  Id 


iA)  jlfotc  i8 2  x8,  Joan,zQt  ijr 

00  W 


44^  A  P  O  L  O  G.I  B 

quatrième  Lettre  du  P.  Schefmaclier  »  Jans 
VHiJloirc  Eccléjîajlique  du  Père  Alexan- 
dre C  ^  )  >  dans  BellarBiin ,  &  dans  d'autres 
CofltroverCftes, 

II  défapprouve  la  formule  de  l^abfolu- 
tion  ;  elle  feroit ,  dit-^H ,  plus  refpeâueufe 
envers  l'Etre  (upréme ,  fi  elle  étoit  en  for- 
me de  prière ,  &  fi  le  Confeflclir  difoît  : 
Puijfe  le  Seigneur  pardonner  à  tes  fautes  & 
aux  miennes.-  i*^.  II  ignore  fans  doute  que 
rabfolution  eft   toujours   précédée  d'une 
prière  équivalente  à  celle  qu'il  imagine  : 
on  peut  le  voir  dans  tous  les  Rituels.  2^.  Le 
refpedl  envers  TEtre  fupréme  confifte  à 
faire  exaftement  ce  que  J.  C.  a  prelcrit  : 
or  Jefus-Chrift  n'a  point  dit  à  fes  Apôtres  : 
Quand  vous  prierez  Dieu  de  remettre  les 
péché§  >  il  les  remettra  ;  mais  il  leur  a  dit  : 
Les  péchés  feront  remis  à  ceux  à  qui  vous  les 
remettrex  (b).  Pour  remplir  toute  la  fignî- 
fication  de  ces  paroles  ,  l'abfolution  doit 
être  un  jugement  ou  une  fentence  de  rémif- 
fion  prononcée  au  nona  de  J.  C ,  &  c'eft 
ainfi  que  l'Eglife  le  pratique. 

Le  point  effentiel  étoit  de  pefer  les  bons 
&  les  mauvais  effets  de  laConfeflion  ;  l' Au- 
teur l'a-t-il  fait  (ans  partialité  ?  Lebienqut 
la  Confejfîon  fait ,  dit41 ,  eft  d^ avoir  quelque^ 

(a)  Hyt  Eccl  tertîîfaculi  Ùiffert*  ^i iuafl.  li 


D  B  L  A  R  E  L  i  G  I  O  N,  &C.     44I 

fois  obtenu  des  rejtiiutions  de  petits  voleurs  : 
voilà  donc  toute  fon  utilité.  Dans  le  Caté- 
chifme  du  Curé  on  avoit  du  moins  ajouté 
c[u'eZ/e  efi  encore  très-bonne  pour  engager  les 
cœurs  ulcérés  de  haine  à  pardonner  ;  mais 
nos  Critiques  en  connoiflent  peu  les  avan- 
tages. Non- feulement  elle  procure  la  répa- 
ration des  crimes  qu'ont  enfantés  la  haine , 
la  vengeance ,  l'injuftice ,  la  jaloûfie ,  l'am- 
bition ,  l'avarice ,  la  volupté  ;  mais  elle  ar- 
rête les  ravages  de  ces  paffions  fougueufes  ; 
elle  prévient  cent  fois  plus  de  mal  qu'elle 
n'en  fait  réparer.  Dans  le  fecret  du  tribu- 
nal ,  un  Confeflèur  éclairé  &  prudent  inf- 
truit  foff  pénitent  des  devoirs  qu'il  ignore 
ou  qu'il  méconnoît,  il  lui  en  montre  l'éten- 
due, lui  fuggere  les  motifs  de  les  remplir, 
lui  prefcrit  les  remèdes  contre  les  paffions , 
le  confole  dans  fes  peines ,  l'aide  à  fe  relever 
de  ks  foiblefTes ,  rétablit  danst  fon  corur  le 
calme  &  la  paix.  Pour  parler  fenfément  de 
la  Confeffion ,  il  faut  en  raifonner  par  ex- 
périence ;  &  nos  adverfaires  n'en  jugent 
que  par  fpéculation. 

Le  mal  qu'ils  attribuent  à  la  Confeffion  , 
efi  £  avoir  quelquefois ,  dans  les  troubles  des 
Etats ,  forcé  les  pénitens  à  être  rebelles  ù' 
fanguinaires  en  confcience.  L'accufation  eft 
atroce  ;  mais  les  faits  que  l'on  cite  «  ne  la 
prouvent  pointi 


4^2  Apologib 

La  Prêtres  Guelfes  refufoient  ,  dît -on, 
fabfolution  aux  Gibelins  ;  &  les  Pritra 
Gibelins  fe  gardoient  bien  éPabfiuHre  les 
Guelfes.  Les  ({ffaffins  des  Sferees,  desMédi^ 
eis ,  des  Princes  £Orange  *  des  Rois  de 
Frattcej,fe  préparèrent  aux  parricides  par  le 
Sacrement  de  ta  ConfeJJion*  SuppofoDs pour 
un  moment  tous  ces  faits  »  dont  pluuems 
font  faux  ou  hasardés  ;  &  voyons  ce  qui 
s'enfuit. 

I^.  Dans  ces  cas  là  même ,  Il  efl:  vrai  que 
h  Confeffion  n'a  pas  arrêté  ou  prévalu  le 
crime  »  mais  il  n'eft  pas  vrai  qu  elle  en  aît 
été  la  caufe,  ni  qu'elle  dk  forcé  lespénUens 
à  être  rebelles  &  fanguinaires.  Un  pén^d^nt 
ailèz  fcélérat  pour  fe  confeflêr  avec  un  hoi^ 
rible  projet  dans  l'ame ,  &  qui  n'y  renonce 
pas  en  Confeffion  »  l'auroit  exécuté  de  mê- 
me >  quand  il  ne  fe  ferok  pas  confeifê.  Il  (ê 
trouve  des  rebelles  &  des  parricides  cbez 
les  peuples  qui  ne  fe  confeflent  pas  ;  &  ils 
y  font  en  plus  grand  nombre  que  che2 
nous.  Les  Auteurs  de  la  conjuration  d' Am- 
boife  &  de  l'aiTaffinat  du  Duc  de  Guife , 
tous  Calviniftes,  ne  s'étoient  pas  préparés 
au  crime  par  la  Confeflion. 

Un  fanatique  »  perfuadé  que  le  meurtre 
qu'il  médite  eft  une  bonne  aâion ,  ne  fe 
croit  pas  obligé  de  s'en  accufer  :  mais  ce 
n'eft  point  la  Confeflion  qui  lui  donne  cette 


DE   LA  R££lGIO}l>&C.     445 

idée ,  c'eft  le  dérangement  de  fon  cerveau  ; 
fi  fa  maladie  étoit  fufceptible  de  remède^ , 
la  Confeffioa  feroit  le  plus  efficace. 

£^,  On  prouve  feulement  que  dans  Us 
troubles  dts  Etats ,  lorfque  tous  les  efprits 
font  en  convulfion  «  cas  afièz  rare  chez  tous 
les  peuples  ^  on  peut  abufer  de  la  Confef- 
fion.  Mais  dans  ces  conjonâures  malheu- 
reufes ,  on  abufe  de  même  de  tous  les  autres 
liens  de  la  fociété  pour  s'enhardir  au  crimç; 
.du  ferment ,  du  fecret  naturel  j  des  nœuds 
de  l'amitié ,  de  Tautorité  des  loix.  Dira-t- 
on pour  cela  que  c'eft  encore  un  problème^ 
fi  le  ferment  >  le  fecret,  l'amitié»  les  loix ,  à 
ne  les  confidérer  qu'en  politique  ^  ont  fait 
plus  de  bien  que  de  mal  ? 

3^,  Dans  les  troubles  les  plus  violens ,  il 
fe  trouve  toujours  des  hommes  fages  »  mo- 
dérés »  retirés  du  iponde  :  un  Confeifeur 
de  ce  caraâere  eft  toujours  en  état  de  dé- 
tourner du  crime  un  malfaiteur  qui  s'accu- 
feroit  à  \uu  Cela  eft  anrivé  dans  une  infi- 
nité de  cas ,  dont  le  fceau  inviolable  de  la 
Confeilion  nous  a^érobé  la  connoiflànce* 
Pour  un  fcélértbé^qui  abufe  de  la  Confef- 
fion ,  il  en  eft  dix  mille  pénitens  qui  en  pro- 
fitent. * 

On  nous  dit  que  Loùi$  XI  &  la  Brinvil- 
liers  fc  confeflbient  dès  qu'ils  avoient  com- 
mis un  grand  crime ,  &  fe  confelFoient  foiu 


444  Apologie 

ytnt(a).  Suppofons-le  encore.  II  s'enfiiît 
que  ni  la  crainte  de  Dieu ,  ni  la  foi  à  la  Con- 
feffion ,  n'ont  été  capables  de  changer  decix 
âmes  noires  &  livrées  au  crime.  Mais  s'en- 
fuit-il  que  fi  elles  n'avoient  pas  cru  en  Dieu 
ni  à  la  Confeffion  ,  elles  iè  (eroient  rendues 
moins  coupables  ;  que  fî  on  en  eût  fait  deux 
Athées ,  on  les  auroic  rendues  vertueuiès  ? 
L'Auteur  finit  cet  anicle  par  un  ti^t 
digne  dé  la  probité  de  ce  Critique^  Il  dit 
que  la  Bulle  de  Grégoire  XV,  du  30  Aoot 
1 62^  ,  ordonne  de  révéler  les  Confeffîons 
dans  certains  cas.  Ceft  une  impofture  & 
une  calomnie.  La  Bulle  n'ordonne  point 
au  ConfefTeur  de  révéler  la  Confeflion  du 
pénitent  dans  aucun  cas  ;  &  il  n'eft  aucun 
cas  imaginable  où  cela  pUiilè  être  permis  : 
mais  elle  ordonne  au  pénitent ,  dans  un  cas 
extrêmement  odieux  ,  de  révéler  U  crime 
du  ConfeJJeur  qui  auroit  abufé  de  fon  minif 
terdb  Cela  efl  très-difiërent.  Le  Confeflèur 
eft  obligé,  par  toutes  les  loix  divines  &  hu- 
maines ,  à  un  fecret  inviolable  dans  tous  les 
cas  envers  fon  pénitent  ;  mais  le  pénitent 
n'éft  point  obligé  à  un  filence  femblable 
envers  fon  Confeflèur.  Le  fceau  de  la  Con- 
feffion  efl  entièrement  en  faveur  du  pénî- 

(  a)  Voyez  encore  le  Dîner  du  Comte  deBouIaînvil  licc« 
f  •  50, 


DE  LA  Religion)  &c.    447 

^ent .  &  lui  donne  toute  la  fécurité  pofli- 
ble  ;  mais  il  doit  toujours  faire  trembler  le 
ConfeÏÏeur. 

La  répofïfe  du  Jéfuite  Coton  à  Henri  IV , 
afîplaudie  par  l'Auteur ,  eft  une  preuve 
contre  lui.  Rivélerk^-^vous ,  dit  le  Roi ,  la 
CohfiJJiari  dun  homme  téfolu  ' de  m' affadi- 
ntr  ?  Non ,  Sire  ;  mais  je  me  mettrais  en- 
tre vous  Qrluii  Ainfi  répondroit  tout  G>n- 
fèfleur  inftruît.  S'il  y  avoir  un  cas  imagi- 
nable, où  le  fceau  de  la  Confeifion  pût 
être  violé  y  ce  feroit  certainement  celui-là  ; 
dans  ce  cas-là  même  il  eft  inviolable.  Sans 
cela  la  Confeffion  deviendroit  inutile ,  au- 
jcun  malfaiteur  ne  voudroit  fe  confefler. 

Il  eft  probable  que  l'Auteur  du  DiSion^ 
naire  Philofophique  nç  s'étoit  pas  confefle 
lai-mêiBe  avant  d'écrire  cet  article  ;  iln'au^ 
roit  pas  calomnié  Grégoire  XV  ,  &  il  au- 
roit  mieux  parlé  de  la  Cpnfeffion. 

"  L'Auteur  du  Chrijiinnifme  dévoilé  eft  à 
peu  près  de  même  avis,  C'eft  en  vain-,  félon 
lui,  qu'on  regarde  la  Confeffion  comme  un' 
frein  utile  aux  mœurs  :  les  pays ,  dit-il ,  oà 
elle  eft  plus  fidèlement  obfervée,  ont  Us  mœurs 
les  plus  dijfohes  ;  ces  expiations  faciles  en^ 
hardiffem  au  crime  C^).  Par  conféquent, 
chez  les  Proteftans ,  qui  qnt  fupprimé  la 


/■ 


tm 


If)  Ghif,  i|  >  p.  ii4«  Contagion  faccéei^c.  ii« 


\ 


44^  Apologîk 

Confeffion ,  les  mœurs  doivent  être  beaa« 
coup  plus  pures  que  dans  l'Eglife  Romaine: 
parmi  nous  les  Incrédules ,  qui  ae  (è  coih> 
feflent  plus  i  doivent  être  Itô  plus  vertueux 
de  tous  les  hommes<  Nous  (çavons  ce  qu'il 
en  faut  penfer. 

Appelier  la  Confeffion  ,unè  expiation fa^ 
cîki  c'efi  montrer  fort  peu  de  connoii&nce 
des  difpofîtions  qu'elle  exige*  On  ignore 
fans  doute  que  la  Confeffion  eft  nulle  >  fî 
elle  n'eft  accompagnée  d'un  repentir  fin- 
cere ,  d'une  ferro^  rëfolution  d'évité  la 
rechute  &  d'^n  fuir  les  occafions  ;  d'une 
volonté  efficace  de  r^rer  les  e&ts  da 
péché ,  &  de  l'effacer  par  des  œuvres  fa- 
tiisfaâoires.  Si  cela  étott  aufli  aiÊ  dans  la 
pratique  que  dans  la  fpéculatioa ,  la  Confef^ 
iibn  deviendroit  plus   fréquence,  &  les 
mcftirs  en  vaixdroient  mieux, 

S.  ?• 

On  s'eft  fervî  encore  d^^m  «itre  artifice 
pour  faire  paroître  les  rits  extérieurs  de  la 
Religion  moinsrefpeâlables^onspréiemitt 
qu'ils  n'avoient  été  inftitués  que  dans  la  fuite 
des  temps ,  8c  fonvent  dsms  des  fièdes  peu 
éckirés  ;  que  le  Chriftimifme  des  temps 
Apoftoliqùes  étm  fort^<Mn:eilt  de  ce  qu'il 
eft  xmjouid'httK  Ceb  deoHmde  ua 
cifîèment. 


DE   LA  R  E  L  I G  r  O  ïl,  &€♦      447 

n  eft  certain  que  les  perfécutions ,  (mis 
lefquelles  TEglifea  gémi  pendant  les  troi« 

Crémiers  fièdes ,  ne  lui  laii&rent  pas  la  li- 
erté  de  pratiquer  £bn  culte  public  avec 
autant  d'&lat  que  dans  le  quatrième  ;  mais 
dès  qu'il  lui  fut  permis  de  fe  montrer  au 
grand  jour ,  elle  établit  (es  rits ,  conformé- 
ment à  la  tradition  des  trois  fiècles  précé- 
dens,  qui  remontoit  jufqu'aux  Apôtres» 
Une  preuve 0»  le  fond  de  la  liturgie,  les 
c&&ionies  cflèntiefes.  <fes  Sacremens ,  & 
tous  nos  rij|torincipau^ .  font  de  la  plus 
haute  antiquM^  c'eft  qu'il  ^  impoffibW 
4'affignfir  l'époque  précife  de  leur  inftita- 
tion. 

Dans  la  fuite  des  temps;  lorfwu'il  s'é« 
îeva  diffârentes  héréfies  ,  TEglife  &^  foin 
de  mettre  en  ufage  les  rits  &  les  formu- 
les les  plus  propres  à  énoncer  diftin6te- 
xnent  le  dogme  Catholique ,  &  à  préfet- 
ver  les  fidèles  de  l'erreur.  Ainlî  le  Trifa- 
gion ,  la  Doxologîe  à  la  fin  des  Pfeaumes, 
ïa  triple  immeruon  dans  le  Baptême  , 
furent  établis  pour  profeflèr  d'une  ma* 
xiiere  fenfiblé  les  myfieres  de  la  Trinité 
&  de  f  Incarnation.  Après  la  condamna* 
pon  de  Neftorius ,  le  culte  de  Marie ,  mtrt 
de  Dieu,  d^a  crès- ancien,  devint  plus 
Ipompeux  ;  tout  comme  l'on  a  vu ,  de^ 
pis  rhéréfie  de  CalytQ,  le  cuhe  de  l'Eu- 


448  Apologie 

chariûîc  recevoir  un  -nouvel:  éclat  dans 

toute  TEglife. 

En  vain  nos  Critiques  entêtés  ont  voulu 
faire  envifager  cette  conduite  de  TEglife , 
comme  une  preuve  des  changemens  furve- 
nus  dans  fa  foi  :  tout  au  contraire  ;  c'eft  une 
barrière  qu'elle  a  toujours  oppofée  à  Tîntro- 
dudion  des  nouveaux  dogmes.  Lorfque  les 
Reformateurs  du  1 6^  fiècle  voulurent  éta- 
blir, leur  doâxine ,  il  fallut  qu'ib  comroen- 
çaffent  par  fupprimw  tout  le  rit  ejLccrîeur 
qui  dépofoit  co»^''^"^  •  prjfcfSon  de  foi. 
muette ,  maî^^^e^gique  &  ioBTigibleà  tous. 
Ce  trait  fcul  fuffit  pour  montrer  combien  il 
eft  néceffa^re  de  conferver  les  rits  anciens  >& 
combler  il  feroit  dangereux  d'y  donner 
atteinte* 


CHAPITRE    X. 

Vcs  Livres  facrés  (Us  Chrétiens^ 

§.  If 

jTSl  considérer  le  ton  qui  règne  dans 
Je  Chrijiianifm^  dévoilé ,  on  s'attend  d'a-- 
bord  à  trouver  dans  ce  chapitre  de  nouvel- 
les difficultés  contre  les  Livres  faints ,  des 
réflexions  qui  ont  échappé  aux  autres  Cri- 
tiquas. On  eft  fort  furpris  de  ne  voir  qu'une 

répétition 


DIS    L,A  R£LIGIOK>  &C.     449 

répéfetion  très-fuperficielle  de  celles  qui 
ont  dqa  paru ,  &  qui  reparoifïènt  tous  leç 
jours  fous  de  nouveaux  titres*  On  les  a 
lues  dans  le  DiSlionnaire  Philofophique  , 
dans  la  Philofophie  de  PHiJioire^^  dans  le 
Traité  fur  la  Tolérance ,  dans  les  Lettres  fur 
les  Miracles  ,  dans  les  Quejiions  de  Zapata  ^ 
dans  V Ex  amen  de  la  Religion  attribué  ^ 
S.  Evremont ,  dans  le  Livre  de  Fréret  ^ 
dans  VAnalyfe  de  la  Religion  Chrétienne  » 
-par  pumariais  ;  dans  le  Catéchifme   i« 
l'honnétè  Homme  j  dans   le   Sermon  des 
Cinquante ,  &c.  plufieurs  font  encore  re- 
nouvellées   dans  YExamen   important  de 
Mylord  BoUngbroke.  L'Auteur  de  la  JPhi-* 
lofophie.  du  bon  Sens  en  avoit  déjà  pro- 
pofé  une  bonne  partie ,  après  les  avoir  et%- 
pruntées  de  Bayle,  Voilà  la  chaîne  de  tra^ 
dition ,  par  laquelle  les  découvertes  PhUor 
fophiques  fe  perpétuent  ;  &  elles  n'ont  pa^ 
coûté  un  grand  travail  à  ceux  que  l'on  ea 
croit  les  Auteurs.  Ils  les  ayoient  priiês  dans 
Origène ,  dans  S.  Jérôme ,  dans  S.  Auguf- 
tin.  Ils  avoient  eu  foin  de  tranfcrire  dan^ 
ce  dernier  Père,  les  vieilles  objeftions  de^ 
Manichéens,  fans  dire  un  mot  de  ce  que 
le  â.  Dodeur  avoit  répondu  à  ces  héré,- 
tiques.  Aujourd'hui  l'on  puife  dans  une 
fource  plus  facile  :  on  extrait  les  difficultés 
contre  les  Livres  faints  dans  les  Comi[af  n- 
Tome  L  P  P 


45*^  Afologib 

tatres  de  Dom  Calmet  »  en  laiflant  toujocn 

de  côté  les  réponfes.  Voilà  le  grand  art  par 

lequel  on  multiplie  les  Livres,  oa  étale  de 

f  érudition  à  peu  de  frais  ,  on  éblouit  les 

ignorans. 

Ceux  qui  ont  un  peu  lu ,  fatigués  de  ces 
répétitions  ,  ne  peuvent  revenir  de  leur 
étonnement*  Cette  charlatanerie  durera-t- 
cUe  long-temps  ?  Le  perfonnage  de  Com- 
pilateur ,  de  Copifte ,  d'Abrévîateur,  con- 
vîent'il  à  des  hommes  qui  iM'écendent  inf- 
truire  le  genre  humain  ?  Efpere-t-on  nous 
fermer  la  bouche  ,  à  force  de  répéter  les 
mêmes  objeâions  ? 

Nous  avons  inoittré  dans  un  autre  Ou- 
Trage  (a) ,  la  fource  de  l'obfcurité  des  Li- 
mres  faints  ;  la  ftérilité  &  le  laconifme  des 
anciennes  langues ,  la  (ingularité  des  moeurs 
du  premier  âge  du  monoe  >  le  génie  parti- 
culier  des  anciens  Orientaux ,  Tallufion  con- 
tinuelle de  leurs  difcours  à  des  ufages  qui  ne 
fobfiftent  plus  :  tout  cela  rapproché  de  nos 
langues ,  de  nos  moeurs  >  de  nos  coutumes , 
doit  paroître  fort  extraordinaire.  Mais 
quand  nous  ne  pourrions  pas  prendre  le 
vrai  (èns  d'une  expreffion  de  Moï(è ,  ou 
concilier  une  difficulté  de  chronologie  j 
a'enfuivroit-il  que  les  Livres  faints  ne  mé-: 


ï)È  t  A  É!eligion,  &c.    45-1 

^î(ent  aucune  créance  ?  Les  Chinois  con- 
viennent eux-mêmes  que  leurs  ançi^iis 
Livres  font  d'une  obfcurité  preCqu'impé-^ 
nétrable  ;  la  difficulté  d'entendre  ceu^  de^ 
Moïfe ,  ne  prouve  rien  autre  chofe  que  leur 
haute  antiquité. 

L'Auteur  du  ChnJIianifmt  iév^iU  com»^ 
mence ,  félon  fa  coutume  »  par  nous  impu^ 
ter  des  opinions  que  nous  n'avons  pa$;^ 
il  nous  accufe  de  croire  que  d^is  la  Bible 
il  n'y  a  pas  un  mot  qui  m  foU  infpiré  Ca}^ 
Fauflè  mppoCtion^Nous  croyons  que  Dieu^ 
a  révélé  aux  Auteurs  facrés  les  événemens- 
futurs,  qu'ils  ont  annoncée  ,  &  les  vérités: 
qu'ils  n'auroient  pas  pu  connoître  par  lat 
lumière  naturelle  5  qu'il  les  a  excités  par 
un  mouvement  de  fon  efprit  à  écrire  ce- 
que  nous  lifons  dans  leurs  Ouvrages  :  qu'il 
a  veillé  par  une  providençci  fpécial^  \  cr 
^'ils  tfjr  mclaflent  riçn  de  faux  •ni  de  cQ^p- 
traire  à  tes  deÛèins.  Mais  l'Eglife  n'a  j^m^is 
cru  que  Dieu  leur  eût  inipiré  tous  le$  mots* 
ou  toutes  les  expreilions  dont  ils  fe  {ont 
fcrvîs» 

On  ne  voit  pas  par  quelle  raifo%  il  re- 
garde l'Ancien  &  le  Nouveau  Teâameni: 
cotî!uae^unaJfemblagep€uç^mf^ikU,Q^^U' 


<a  )  Chnft«  dévoilé  >  p.  1 17^ 


452  Apologie 

oppofitîon  y  a-t-il  entre  ces  deux  parties 
de  l'Ecriture?  It  fallait,  ou  le  montrer, 
ou  ne  pas  bafarder  une  femblable  expre^ 
iion. 

Comme  les  objeâlon&que  l'on  fait  con^ 
tre  les  Livres  de  Moïfe  »  font  beaucoup 
plus  détaillées  dans  le  DiSionnaire  Philo- 
fophique  ,  que  dans  les  autres  Ouvrages  de 
nos  Critiques ,  nous  examinerons  foigneu- 
fement  les  dififérens  articles  qui  concernent 
cette  matière. 

Akticj&e    fremies» 
iPeJ  Lknra  de  t Ancien  Tefiament^ 

L'article  Genèfe  du  DiSionnain  Pliilo^ 
fophique  mérite  une  attemioa  particulière» 
C^  y  voit  un  Critique  qui  a  voulu  fe 
parer  d'une  érudition  qu'il  n'a  pas  y  qui 
parle  d'Hébreu  »  fans  fçavoir  les  premiers 
élémens  de  cette  langue  ;  de  Fhyfîque ,  en 
Phyfîcien  très- borné  ^  d'Hiftoire  ancienne  s 
en  Lit£^rateur  moderne* 

Selon  lui  >  on  traduit  mal  ces  paroles; 
^  commencement  Dieu  créa  le  ciel  &  la 
terre  :  il  n'y  a  point ,  dit-il  y  d'homme  un 
peu  inftruit  >  qui  ne  fçache  que  le  text^ 
porte  :  Au  commencement  les  Dieux  firmt  » 
ou  les  Dieux  fit  le  ciel  &  la  terres 


/ 


DE    LA   R  E  L  I  G  I  O  K  ,  &C.     4^5 

Mais  s'il  étoit  lui-même  auffi  înftruit  qu'il 
veut  le  paroître ,  il  fçauroit  qu'en  hébreu  le 
nom  plurier ,  quand  il  eft  joint  à  un  verbe 
Cngulier  ;  ne  fignifie  point  multitude  i 
qu'alors  il  eft  augmentatif,  &  défigneie 
fuperlatif.  Elohim ,  en  hébreu  ,  ne  fignifie 
donc  point  les  Dieux ,  mais  le  Très-^Haut  > 
puifqu'il  eft  joint  au  verbe  créa  qui  eft  au 
fingulier.  C'eft  aînC  qu'il  eft  conftruit  conC- 
tamment  dans  tout  ce  chapitre  &  ailleurs» 

Cette  leçon ,  dit  le  Philofophe ,  eft  bail- 
leurs conforme  à  ^ancienne  idée  des  Phérii^ 
ciens,  qui  aboient  imaginé  que  Dieu  employa 
des  Dieux  inférieurs  pour  débrouiller  le 
chaos  »  le  Chaut  Ereh.  Voilà  autant  de  fauf- 
fetés  que  de  mots.  Nous  ne  connoifTons  les 
anciennes  idées  des  Phéniciens  ,  que  par  le 
fragment  vrai  ou  iuppoie  de  Sanchonia- 
thon ,  ailèz  mal  traduit  par  Philon  de  Bî- 
blos ,  &  confervé  dans  Eufebe  ( a).  Or ,  fé- 
lon ce  fragment,  il  eft  faux,  i**.  que  Dieu 
ait  préfidé  au  débrouillement  du- chaos? 
Sanchoniathoci  n'en  dit  pas  un  mot  :  auffi 
Eufebe  lui  a-t-il  reproché  que  fa  cofmd- 
gonie  va  droit  à  l'Athéifme.  2°.  Il  eft  en- 
core plus  faux  que ,  félon  le  fragment  ; 
Dieu  ait  employé  des  Dieux  inférieurs>au 
débrouillement  du  chaos  ;  Sanchoniathon 


W  Cujc^.pr^por,  &mg.  t,  r  ^  c.  ^» 


45*4  Apologie 

iuppofe  au  contraire,  que  les  premiers 
Dieux  des  Phéniciens  furent  le  Soleil  &  les 
produâions  de  la  Terre.  3^  Chaut  Ertb  , 
vuide  ténébreux,  eft  de  l'invention  duPhi*- 
lofophe  :  Sanchoniadion  donne  pour  ièul 
principe  de  l'Univers  »  un  air  ténébreux  y  & 
non  pas  le  vwde* 

Les  PkénieUns ,  condnue  le  Critique , 
étaient  depuis  long-temps  un  peuple  puijfant  ^ 

Îui  avait  Ja  Jhéaganie ,  avant  que  les  Hé- 
reuxfefiijfent  emparés  de  quelques  villa-' 
ges  de  fin  pofs.  Nouvelle  fâuflèré  répétée 
dans  la  Philofaphie  de  CHiftairt  (a)  ,  dans 
f Examen  important  (b}.  Se  dans  l'article 
Afaïfe  (c>  .Les  Phéniciens  ne  font  deve* 
BUS  puiflans  que  par  le  commerce  mari* 
time  &  par  leurs  colonies  :or  on  défie  notre 
Philofo|die  de  montrer,  qu'avant  Pétablif^ 
lèment  des  Hébreux  dans  la  PakfHne  ,  les 
Phéniciens  euflent  déjà  &it  fur  mer  aucun 
voyage  de  long  cours.  S'ils  euflent  été  alon 
un  peuple  puiflànt,  aur(Ment-ils  laifle  con^ 
quérir  leurs  pays  par  les  Hébreux ,  que  l'on 
Aous  peint  comme  une  poignée  d'efclaves  ? 
U  prouvera  encore  moins  que  la  Théogo* 
|iie  des  Phéniciens  foit  plus  ancienne  que 


|tf}Chap.  I5,p.  tfi. 

i  b  )ExaineD  imporunt  »c.  6»  p.  ||« 

le)  Diâ.  Philoft  tome  a  ^  f •  syj» 


i 


X>C  LA  REI.IGIOK»  &c.  4y/ 
les  Livres  de  Moïfe;  Sanchoniathon  »  Au- 
teur ou  Rédaâeur  de  cette  Théogonie  »  a 
vécu  y  félon  le  fentiment  le  plus  probable  , 
au  moins  deux  cens  ans  après  Moïiè ,  & 
peuc~êcr^  beaucoup  plus  tard. 

lUJi  bien  naturel  depenfer,  ajoute  notre 
fçavant  DiflTertateur ,  que  quand  les  Hébreux 
turent  enfin  un  petit  établijfement  vers  la 
Phénicie ,  ils  commemerent  à  apprendre  la 
langue  ,  fur- tout  lorfquils  y  furent  efclaves. 
Alors  ceux  quife  mêlèrent  décrire ,  copièrent 
quelque  chofe  de  V ancienne  Théologie  de 
leurs  Maîtres  ;  t'eji  la  marche  de  Vefprit  hu- 
main. Malheureiuèment  cette  marche  pré- 
tendue ne  s'accorde  »  ni  avec  les  &its ,  ni 
avec  les  monumens  »  ni  avec  les  fuppofi- 
tions  de  notre  PhUofophe.  i"".  Les  Hébreux 
n'apprirent  point  la  langue  de  la  Phéni- 
cie après  leur  ^tabliflement  ;  ils  parloient 
leur  langue  depuis  Abraham.  Toujours  fé- 
parés  des  autres  peuflTes  «  ils  la  conferve* 
rent  fans  mélangée  L^ébreu  des  Livres 
faints ,  &  ce  qui  flous  refte  des  monumens 
Phéniciens  »  prouvent  démonftrativement 
que  le  langage  &  l'alphabet  des  deux  peu-^ 
pies  n'étoient  pas  entièrement  les  mêmes. 
a\  Dans  tous  les  Livres  des  Juifs ,  les  Cha* 
nanéens  font  regardés  comme  une  Nation 
enneftiie ,  dont  les  Jui&  déteftoient  la  Re« 
lijjbi^v  les  moeurs  >  les  ufages.  Ce  que  nom 


4:^6  A  P  O  L  O  <3  t  Ê 

en  connoiflbns  ,  eft  abfolument  différent 
de  la  croyance  &  des  mœurs  Juives  ;  Moïfe 
&  Sanchoniathon  n'ont  rien  de  commun; 
on  le  verra  par  le  détail.  3*.  Lorfque  les 
Hébreux  entrèrent  dans  la  Paleftine ,  ils  for- 
toient  de  l'Egypte  ;  notre  Auteur  lui-même 
fuppofe  qu'ils  avoient  reçu  la  circoncifipn 
&  tous  leurs  rits  des  Egyptiens  (a).  N'eût- 
il  pas  été  plus  naturel  d'en  emprunter  de 
fiiême  leur  cofmogoniè  >  que  de  la  copier 
fur  celle  des  Phéniciens  ?  4.*".  Dans  l'article 
Moïfe  notre  Critique  fuppofe  que  lePen- 
tateuque  a  été.  fait  par  Efdras  après  •  la  cap- 
tivité de  Babylone  ;  ici  il  prétend  que 
c'eft  une  copie  de  la  Théologie  Phéni- 
cienne ,  coniroofée  dans  le  temps  que  les 
Hébreux  étoient  efclaves  des  Phéniciens, 
Qu'il  accorde  ,  s'il  le  peut ,  ces  deux  fup 
pofitions. 

Dans  le  temps,  dit-îl,  où  V on  place  Mifife  » 
les  Philofophes  Phéniciens  en  fçavoient  pro^ 
babïement  ajfe^pour  regarder  la  terre  comme 
un  point ,  en  comparaifoi\^4^  la  multitude 
infinie  de  globes  que  Dieu  ^ji  placés  dans 
Vimmenfité  de  ïefpace  que  Von  nomjne  CieU 
Fort  bien.  Dans  le  temps  où  Vim  place 
Moïfe ,  c'eft-à-dire ,  plus  de  fept  cens  ans 

(a)  Voyez  encore  TËxameA  imponaxiri  cbapÂcre  5* 
pas*  i^"  ■ 

avatit 


DE   LA  ReLIOIOîI^  6cc.        ^^J 

jtvant  les  premietâs  ûbfervatioBS  âfimno- 
iniques  des  Cbaldéclns .  »  les  jPfaénkîens 
écoieiit  déjà  PJiilofo{bhes  A:  Afironoines* 
Ils  avaient  bâti  le  {rfième^de  l'Univers  auffi 
habilement  que  'Copeirnic  ;  ils  içavoient 
que  la  terre  n'eu  qu'un  point  au  milieu  des 

f  lobes  immenfes  qui  rendent  fur  nos  £êteï# 
[s  fçavoient  tout  /&  les  Hébreux  ne  fça* 
voient  xien«  Ceux-ci  ont  copié  toutes  le» 
;errêars  de  leurs  Maîtries»  &;  iis  n'ont  pas  eil^ 
i'efprit  d'en  enaprumer  aucune  vérité.  Oa 
«'a  qu'à  lire  M.  Goguet  fur  les  progrès  de 
V  Afironooiie  j  on  verra  en  quel  état  etlâ 
droit  chez  tOiU»^  bs  Nations  au  £ècle  à^ 
Maïfô.  Mais  voilà  comme  raifofinent  na9 
âdverfaâ-0S4  Ils  differtent  à  perte  de  vue  i 
confondent  toutes  les  épo^fnês  »  comredi-^ 
fenc  tous  les  naonûmeôs ,  déplacent  &  défi^ 
gurent  tous  les  faits ,  &  ne  fçavent  pa$  (ecn 
lôment  s'accorder  avec  eux-mêmes. 

Selon  ûotre  Crtciqiis  »  cette  idée  fi  An4 
cienne  ^fifauffe^  que  le  Ciel  a  été  fM 
ftfur  la  tèm^  à  prtfque  toujours  prétfalu 
thê^  le  peuple  ignùtant.  Masi  du  moins  jeUt 
ne  pfévâloit  nlus  ^hez  les  Phéniciens  qm 
étoi^ttt  déjà  niifof^phes*  En  finrond  lie^^ 
cette  idée  Dfisft  point  dans  le  Livre  àt. 
MoiSài  dti  Ht  Ifti  pcèos  :fr^uitemenc  :  il 
^t  qae  Diôû  a  fsréé  b  diel  £t  ia>  tàr/e ,  &: 
HQfi:^  <pâl:a  Im:  le  cbl  pMt  la  tebé,  U 
Tome  L  Qq 


4y8  Apojlogie 

dit  que  Dieu  a  fait  le  folçil  pour  éclairer 
pendant  Te  jour ,  .&  la  lune  pour  éclairer 
pendant  la  nuit  :  c'eft  un  bienfait  du  Créa- 
teur  propre  à  exciter  notre  reconnoifîànce. 
S'il  avoir  écrit  que  Dieu  a  fait  la  terre  pour 
pirouetter  autour  du  foleil  >  quel  fentimeot 
auroit-il  fait  naître  ? 

Suivant  le  texte  de  la  Gencfe ,  la  terre 
était  tohu  bohu  ;  les  ténèbres  étaient  fur  la 
foce  de  l'abîme  ,  &*  l'ejprit  de  Dieu  etoit 
porté  fur  les  eaux.  Tohu  bohu^  dit  notre  Au- 
teur,  ^g/zf/îe  précifément  chaos,  defordre. 
Point  du  tout.  Tohu  fignifie  profondeur, 
kohu  »  vuide  »  &  non  pas  defordre  :  chaos; 
terme  grec  »  a  le  même  fens.  Tohu  bohu , 
4it-il  encore ,  ejl  mti  de  ces  mots  imitatifs 
qu'on  troupe  dans  toutes  les  langues  ,  comme 
Jens'deJJuS'-deJjous ,  &c,  Sens-dejjuS'deffous , 
terme  imitatif  !  voilà  du  curieux.  Voudroit- 
on  nous  apprendre  comment  le  vuide  & 
le  defordre  peuvent  être  imitçs  par  le  fon 
d'un  mot  ? 

La  tçrre ,  continue-t-il ,  n'était  point  en- 
tore  formée  telle  quelle  eji  ;  la  matière  exif  \ 
toit  ^  mais  la  Puijfance  divine  nç  Pavait   , 
point  encore  arrangée^  Suivant  c^  beau 
Commentaire ,  Moïfe  ^  fuppofé  la  inatiere   1 
éternelle  ;  cependant  Moïfe  a  dit  fpr inelle- 
ment  le  contraire.  Au  çomn^ncemenf  Dieu 
créa  k  ciel&ia  terre  i  Avant  ce  momenCa 


■; 


r>E  LA  Religion  ,  &c.  4jrp 
rren  n'exîftoit  que  Dieu.  En  quel  état  fut 
d'abord  la  terre ,  à  Tinftant  qui»  fuivlt  la 
création  ?  Elle  etoit  environnée  des  eaux  ; 
elle  ne  préCèntoit  dans  toute  la  furface  du 
globe ,  qu'un  abîme  d'une  profondeur  im- 
inenfe  ,  couvert  d'épaiffes  ténèbres  :  voilà 
te  que  nous  apprend  Moïfe.  Si  le  Com-^ 
mentateur  nela  pas  entendu,  ou  n'a  pas 
voulu  l'entendre ,  ce  n'eft  pas  la  faute  de' 
l'Ecrivain  facré, 

Ltfprit  de  Dku  ,  dit  le  Philofophe ,' 
fignipe  lefouffltj  le  vent  qui  agitoit  les  eaux; 
cette  idée  tji  fuf primée  dans  les  fragmens 
de  ïAauwr  Phîénicien  Sanchoniatkon^.  Oui  ; 
mais  F  Auteur  Phénicien  l'exprime  ridicu- 
lement ;  il  fuppofe  l'air  en  mouvement  de 
toute  éternité  ,  &  fans  aucune  caufe  : 
Moïfe  ,  plus  fenfê ,  enfeîgne  que  Dieu  lui- 
même  agitoit  l'air  ,  parce  qu'il  n'y  avoit 
encore  aucune  caufe  natureHè  du  vent. 

Notre  Critique  foutient  opiniâtrement' 
^e  les  Hébreux  croyoient  la  matière  éter- 
nelle, parce  que  les  Phéniciens  étoient  dkns 
cette  opinion.  Il  rfy  a  pas  un  feul  Auteur 
dans  ï antiquité  -qui  ait  jamais  dit  qu'on  eût 
tiré  quelque  chofi  du  néant.  On  ne  trouve 
mimé  d^  toute  la  Bible  aucun  pajfûgt  ou  il 
[oit  dit  que  la  matière  ait  été  faite  de  rien. 
Que -(ignifie^ donc  ce  paflage  des  Pfeaumes 
que  le  Critique  lui-même  a* cité  :  dixit ,  O 

9V] 


y 


î 


4l6o  Apologib 

faSafunt  ?  L'argument  qu'il  fait  eft  (ingu- 
lier  :  les.  ^tres  Nations  n'ont  pas  connu  la 
création  proprement  dite  s  donc  les  Hé- 
breux n'y  penfoient  pas  non  plus,  Je  dis 
au  contraire  :  Les  Hébreux  ont  parlé  de  la 
création  dans  des  termes  tout  dilëreos  de 
ceux  desi antres  Nations; donc  ils  en  ont 
eu.  une  idée  toute  diligente.  Qu'cmi  nous 
cite  dans  les  Auteurs  profanes  quelqu'ex* 
predion  qui  approche  de  celles  de  Moïfe  » 
&  des  autr^  Ecrivains  Hébreux.  Dieu  dit  : 
ue  la  lumicrtfait,  &  la  lumière  fut»  Jl  d 
ils.  ^  tout  a  été  fait*  Vouifoufflere^ ,  Sei- 
gn&ktr  s  &  tout  far  A  créé  ie  nouvtiuu  C^efl 
moi ,  dit  h  Siignmr ,  qui  ai  créé  le  ciel  &  la 
%^^^  i  h  h^  ^^  appelles  t  &  ils  ^nt  paru  ; 
fêtais  feul  quand  )%  les  mf(dts  (a).  Il  n'cft 
point  le  queftioa  de  matière  préexifiante , 
&  il  n'en  eft  parlé  nulle  part.  Quel-eAle 
I^iloroplie ,  le  Poète  ,  l'Hiftorien  (}ui  fe 
(bit  ,âin&  exprinaé  ^ 

..L^étemité  de  la.  matière  a.  été  fopinioA 
die  tx>ute;  l'antiquité  profaae  •  nous  en  con- 
venoos  ;  m^is  cç  n'a  podnt  été  la  croyMce 
des  Hébreux  v  il  $n  réfiike,  sidgré  lajpré:- 
mention  4e  notire  Bhilofophe,  queMoïle  n'a 
den  appris  des  Autres  Nation»  »  &  qy^'il  a  eu 
un  meilleur  Maître* 


^ 


DE  LA  RELIGfïON*  &C.     46  JT 

S.  3» 

Toujours  attentif  à  rahaîfler  Moife ,  no-^ 

tre  Cenfeur  foutieut ,  après  Méffieurs  Huet 

&  le  Clerc ,  qu'il  n'y  a  rien  de  fublime  danè 

cetise  cxpreffiau  2  Ditu  dit  que  la  lumière 

fait  faite  y  &*  la  lumière  fitt  faite*  Cette  élo^ 

quence  ,  dit-  il ,  n*efi  affeSée  dans  aucune 

Hijioire  écrite  par  les  Juifs.  Lefiyle  efl  îA 

de  la  plus  grande  JîmpUtité  ^  comme  dans  li 

rejic  de  Pouvragt.  Si  un  Orateur ,  pourfahri 

connaître  la  puijfance  dé  Dieu ,  emphyoit 

feulement  cette  exprejîon  :  il  dit  ^  que  la 

lumière  foit  j  Çf  la  lumière  fut  *•  ce  ferait 

alors  du  fiélime.  Tel  efl  ce  p^tjptg^  à!'un 

¥feaume  :  Dixitj  ùrfaBafunt.  Et  voi!à  jiîf- 

tement  la  manière  dont  Moïfe  â  parlé  : 

Dieu  dit  que  la  iumere  foit ,  fi?*  la  lumière 

fut.  Telle  eft  l'expreflion  fîmple ,  maïs  fu- 

blime  de  TorigmaK  Nous  convenons  qu« 

cette  éloquence  h^eft  point  aflfeâée ,  qu'elfe 

eft  très*naturelle  :  c'cft  pour  cela  même 

qu'elle  frappe  davantage.  Le  ftyîe  eft  de 

la  plus  grande  fimplicité ,  mais  Pidée  eft 

noble  &  majeftueufe;  nous  perfuadera-t-ofl 

que  le  ftyle ,  pour  être  fublime  ^  doif  être 

ampoulé  &  peu  naturel  ? 

Il  eft  faux  que  le  pafiàge  du  Pfeaume  : 
Dixitj,  ùrfaBafunt ,  foit  un  trait  unique  ;  fl 
eft  fuivi  d'une  autre  image  qui  n'eft  pas 

Qqiij 


*  ^62  Apologie 

moins  vive  :  Statuât  ta  in  sternum  €f  in 
fxculum  fœculi  ;  prntctptum  pofuit ,  €r  non 
ffctteribit^  Dieu  qui  diâe  aux  Créatures 
une  loi  dont  elles  ne  s^écarteront  jamais  : 
ce  n'eft  point  là  une  peniee  triviate.^. 

Tout  tjl  fublime  dans  là  création  /ans 
doute  f    continue  notre  gsand  Critique  % 
mais  celh  de  la  lumUn  m  L'eji  pas  plus  qut 
'  £elle  de  Vherbi  des  champs.  U  n'eft  pas  que( 
tion  de.fçavoir  fî  ia^préation  effi  mblime, 
mais  Cl,  Moïfe  en  a  rendu  l'idée  d'une  mar 
Bière. fublime;  nous  foutenons  qu'il  l'a  fait: 
Dieu  dit  ;  que  cela  fou  ,  &  cela  fut.'  voifà 
k  ftyle  qui  règne,  dans  tout  le  premier 
chapitre  de  la  Genèje^  L'e«preffion  eft  ré- 
pétée à  chaque  nouvelle  créature  qui  fort 
éa  néant ,  parce  qu'il  nîy  ea-  avoit  point 
d'autre  qui  pût  aulîî-bien  exprimer  la- créa- 
tion proprement  dite.  Le  Rhéteur  Lon^ 
gin ,  tout  Payeaqu'il  étoit ,  fiit  frappé  des 
expreffions  ae  Moïfe  r  tout  homme  qui  a 
le  goût  du  grand  &  du  fuUime ,  .en  eft  a&âé 
de.  même* 

C étoit  encore ,.  félon  le  Philôfophe ,  une 
opinion  fort  ancienne  y  que  lalumiere  ne  i^e- 
noit  pasdufpleil;  on  s^imaginoit  quelefokil 
nefervoit  qu^â  la  pouffer  plus  fortement  :aujji 
V Auteur  de  la  Genèjefe  conforme-t-il  à  cette 
erreur  populaire.  Voici  deux. nouvelles  inia- 
ginations..  i*".  U  eu  faux  que  l'opinion,  qii 


t)È  LA  Relîc^iôn,  &c.    AiSy 

fegarde  la  lumière  comme  ua  fluide  diftin* 
gué  du  foleil ,  foit  une  opinion  ancienne  8c 
populaire.  Dans  les  tlémens  de  la  PhMofo^ 
phie  de  Newton  (^0  >  ^'^^  dit  que  DefcaiV 
tes  eft  F  Auteur  de  ce  fyftème  :  il  ne  l'âvoic 
pas  puifé  chez  le  peuple  ;  jamais  le  peuplé 
n'a  penfé  à  diftinguer  la  lumière  d'avec  le 
foleiL  2^é  II  n'eft  pas  prouvé  qUe  Moïfe  ait 
eu  l'idée  qu'on  lui  prête.  Il  fuppofe  la  lu- 
mière créée  avant  le  foleil;  mais  n'y  a-t-il 
dans  la  nature  d'autre  lumière  que  celle  du 
foleil  ?  Dans  ces  mêmes  Elémens  de  Philo^ 
fophie  (b),  l'on  demande  :  Quejl-ce  donc 
erifin  que  la  madère  de  la  lumière  f  Cejl  le 
jeu  lui'^mimt .. , ,  Sion  demande  ce  que  cefi 
que  le  feu  ;je  répondrai  que  c'ejî  un  dément 

?ite  je  ne  cannois  que  par  fa  effets }  qu^ 
homme  n^eji  point  fait  pour  Cônnoître  la 
nature  intime  des  chofes.  Et  c'efl:  précifé- 
itittkt  la  leçon  que  donne  Moïfé.  Le  terme 
jour  y  dont  .il  fe  fert  »  fignifie  également  le 
feu  &  la  lumière.  Si  Newton  ne  les  diftin- 
gue  point  non  plus ,  il  eft  revenu  à  l'opi- 
nion populaire  >  &  à  la  doârine  de  Moïfe« 
V homme  n^eji  point  fait  pour  cônnoître  la 
nature  intime  des  chofes  ;  &  Ton  s'élève 
contre  l'Auteur  de  la  Genèfe ,  parce  qu'il 


■tM*«i*«fcaMa«a*i«iii^ 


'  (û)  1.  Part,  cfîr  r, 
^  ih)  Ibii,  cfaap.  u 

Qqîy 


4<?4  ArotoGiB 

n'a  {^$  expliqué  la  nature  inciaie  du  fêa& 

.4^  la  lumbre. 

Il  eft  clair  qw  les  trois  premiers  verièts 
Je  1^  Genèfe  nous  apprenoent  la  création 
des  quatre Eléa]«Q5;  en  premier  lieu,  de  la 
terre  &  de  l'eau  ;  eo  fécond  lieu ,  de  l'air  : 
enôn  du  feu  on  de  la  lumière.  Qu'eft-ce  que 
ÇQ  corps  lumineux  que  Dieu  créa  avant  le 
Soleil ,  qui  fervit  d'abord  à  diffiper  les  té- 
Bèbres  %  à  faire  fuccéd^r  le  jour  à  la  nuit  ? 
Moïfe  ne  le  dii  point  »  .&  cela  n'étoic  pas 
néoeflaire  >  mais  on  l'accufe ,  mal-à-propos  » 
d'avoir  tout  confondu.  Par  m  Jingulier 
renverjfiment  de  Perdre  dêicbcfes,  il  ne  fait 
créer  lefçleil  ùr  la  lune  que,  quatre  jours  après 
la  ^«m/ere.  Qu'importe  ?  Dieu  n'a-t-il  pas 
pu  créer  du  feu  »  par  conséquent  de  la  lu* 
miere ,  avant  le  loleil  &  la  lune  ?  N'a-t-il 
pas  pu  créer  d'abord  un  corps  lumineux 
qui  ait  ièrvi  enfuite  à  former  lès  aftres  ï  On 
ne  feut  c^nçeycdr  comment  il  y  a  un  matin  & 
un  fait  y  avant  qtiil  y  ait  un  foUil*  On  le 
peut  très-bieo.  Il  fuific  jqu'it  y  ait  eu  un  autr^ 
corps  lumîaeuic ,  dont.la  révolution  fe  foie 
faite  en  2±  heures.  |/  nefi  donc  pas  vrai 
qti^il  y  ait  là  une  confufion  qvCil  efi  impcffî-^ 
Ue  de  débroitUtir^  La  conmfîon  eft  touta 

entieri?  dans  Je  Commeataire  du.  Philor 

fophe  >  &  non  pas  dans  le  texte.  Quand  mê- 
me on  fuppoferoit  que  Moife  a  ainfi  parlé 


DE  LA  Religion,  &c,  ^6j 
par  anticipation  ;  qu'il  a  dit  d'abord  en 
abrégé  ce  qu'il  raconte  enfuite  plus  en  dé-^ 
tail ,  il  ne  feroit  pas  encore  vrai  qu'il  y 
eût  là  une  confufion  qu'il  eft  impoilible  d« 
débrouiller. 

Si  nous  en  croyons  notre  Philofophe , 
Vidée  à^un  firmament  eji  encore  de  la  plus 
haute  antiquité.  On  içnaginoit  que  les  cieux 
étoîent  très  -  folides  ,  qu'ils  étoient  d'une 
matière  fort  dure  ;  qu'il  y  avoit  des  réfer* 
voirs  d'eau  dans  le  ciel ,  que  ce^  réfervoirs 
lie  pouvoient  être  portés  que  fur  une  bonne 
voûte ,  qu'elle  étoit  de  cryftal ,  qu'il  y  avoit 
des  portes ,  des  éclufes  ,  des  cataraétes ,  qui 
s'ouvroient  &  fe  fermoient.  Telle  étoit  » 
conclut  notre  Auteur ,  PAJiranomie  Juive* 

Déjà  il  a  dit  la  même  chofe  dans  Far* 
tîcle  Ciel  (a).  On  l'a  répété  dans  la  Philo- 
fophie  de  VHiJIôirg  (b)  ^  dans  le  Traité 
fur  la  Tolérance ,  c,  1 3 ,  p.  145  ,  &  dans  les 
Quejiiom  de  Zapata  (c%  L'affedation  de 
nos  adverfaires  à  infifter  fur  un  fait,  eft  fou* 
vent  un  motif  de  plus  pour  en  concevoir 
de  la  défiance. 

l^  Il  eft  faux  que  Moïfe  ait  imaginé  un 
firmament  dur  &  folide ,  auquel  les  étoiles 
étoient  attachées ,  qui  portoit  de$  eaux  ,&c. 


mmmm 


(À)  Tome  I  )  p.  184 
(h)  Chap.  47. 


4(5(5  Apolo(^ie 

Le  terme  hébrea  que  Top  a  traduit  par ^r- 
mament  ,  fignific  f//?afe  ou  étendue .-  or  il 
eft  ridicule  de  faire  dire  à  Moïfe  que  les 
étoiles  étoient  attachées  à  l'efpace  ou  à  l'é- 
tendue. 

a^  Il  eft  faux  que  Moife  ait  fuppo(e  ce 
firmament  comme  une  voûte  dure  &  (bli- 
de ,  de  glace  ou  de  cryflal;  jamais  les  Juifs 
n'ont  eu  cette  idée.  Un  des  Interlocuteurs 
du  Livre  de  Job ,  ayant  avancé  cette  pro- 
pofition  fauffe  :  que  les  deux  font  très-fali" 
des^  comme  s*  ils  étaient  faits  d^ airain  ia)i 
fur  le  champ  Job  fsût  parier  le  Seigneur 
lui-même ,  qui  reprend  ce  difcoureur  :  Q«i 
tft  cet  hommeAà  ^  dit-il ,  qui  prononce  des 
fentences   en  difcourant   comme  un  igno^ 
rant(b)? 

3^.  {1  eft  faux  que  Motfe  ait  placé  les 
eaux  fup)érieures  au-dei]|is  de  refpace  où 
font  les  étoiles  :  il  n'y  a  qu'à  préfenter  ion 
texte  tel  qu'il  eft ,  pour  confondreirimpol^ 
ture.  Dieu  fit  une  étendue  ou  ua  efpace  ^  & 
ilfépara  Us  eaux  qui  étoient  ai^deffims  d^a^ 
vec  celles  qui  étoient  au  -  de  (fus  ;  Gr  Dieu 
nomma  cette  étendue  le  cieU  fi  eft  clair  que 
les  eau^  fupérieures  font  les  eaux  raréfiées 
&  réduites  en  vapeur  dans  l'atmofphere» 


DE  LA  Religion,  &c.  4^77 
Enfuîte  il  dit  :  Dieu  fit  deux  grands  lumi-' 
naires  ou  carps  lumineux  ,  Pun  peur  préfir 
d^r  au  jour  *  Vautre  pour  pméfider  à  la  nuit , 
&  les  étoiles  ,  &  il  les  plaça  dans  Pétendut 
du  ciel  pour  éclairer  la  terre(a).îl  cft  évîr 
dent  que  Moïfe  n'a  point  fixé  les  bornes  de 
cette  étendue  qu'il  appelle  le  ciel  :  qu'il  ne 
fuppofe  point  que  les  eaux  fupérieures  de 
ratmofpnere  foient  aulïi  élevées  ou  pkisf 
'élevées  que  les  aftres ,  ni  que  les  étoiles 
foient  plus  attachées  au  ciel  que  le^  foleil 
&  la  lune.    .  . 

4^.  U  eft  faux  que  Moïfe  ait  parlé  de 
voûtes  >  de  portes  »  d'éclufès  y,  en  racontant 
le  déluge.  Il  dit  que  les  digues  du  grand 
abîmé  ou  de  la  mer  furent  rompues ,  &f 
que  Us  réfervoirs  ou  cataraûes  du  ciel  fu- 
rent ouverts  (b}.  On  Içait  que  eataroBe 
iignifie  chute  d* eau /il  rien  davantage.^ 

Voilà  comme  on  altéré  la  nafratioa  de: 
Moïfe»  pour  y  trouver  des  erreurs- 
Sur  ce  qu'il  a  dit  du  foleil  &  de  la  lune  ^ 
le  Cenfeur  conclut ,  toujours  la  mime  igno*' 
tante  dt  la  nature^  Les  Juifs  ne  fçavoient 
pas  que  la  hine  ri  éclaire  que  par  une  lumière 
,  réfléchie^  Et  dans  quel  endroit  ont-ils  en- 
fei^né  qu'elle  éclaire  par  fa  lumière  propre  f 
V Auteur  »  continue-t-il  >  parle  ici  des  étoi^ 

{a    Gtn.  1 ,  7  6c  i5. 


4^8  Afologis 

les  comme  dune  bagatelle ,  quoique  elles /oient 
autant  de  foleils  dont  chacun  a  des  mondes 
roulant  autour  de  lui.  Le  Philofophe  les 
a-t-il  vus ,  ou  peut-il  en  donoer  des  preu- 
ves ?  Moïfe  parle  des  étoiles  fans  empha* 
fes  >  comme  de  tous  les  autres  objets  de  la 
création  ;  Ton  reconnoit  à  fon  Ùyle  la  fin- 
cérité  d'un  Hiftorîen,  qui  dit  ce  qu'il  (çait, 
ikns  vaine  complàifance  &  fans  ofienta* 
tion. 

Ce  qu'il  y  a  de  remarquable ,  c'eft  qu'en 
exagérant  1  ignorance  des  Hébreux ,  l'Au- 
teur du  DiElionnaire  Philojbphique  élève 
jufqu'aux  nues  les  connoiflances  aftrono- 
miques  des  Chaldéens  (a).ILeJi  très-fur, 
dit-il ,  que  les  Lhaldéens  avoient  des'  idées 
auffî  faines  que  nous  de  ce  qu'on  appelle  le 
Ciel  ;  41s  avoient  (îir  la  fabrique  du  monde* 
le  même  fyftème  que  Copernic  a  renou- 
velle deppis  ;  c'eft  ce  que  nous  apprend 
Ariftarque  de  Samos. 

Gardons-nous  d'ajouter  foi  à  ce  ton  af- 
firmatif  ;  ce  que  Ton  nous  donne  comme 
très-fur ,  eft  certainement  tris  faux.  Il  n'efl 
pas  vrai  que  les  Chaldéens  aient  connu  !e 
fyftème  de  Copernic ,  ni  que  cette  connoif- 
lance  leur  foit  attribuée  par  Ariftarque  de 
Samos.  Au  contraire  >  cet  Aftronome.,  qui 

I  — 1^— llll ■■■!■  I  II  «■.II.    Il        II  II 

iâ)  Arc«  Ciel ,  p.  iSi.  Fhilof.  de l'HiO.  c.  lo', p.  44, 


DE  LÀ  Religion.  &c.  ^6$ 
a  été  à  peu  près  contemporainV  d'Archi- 
xnède ,  pafle  pour  le  premier,  qui  ait  enfei^ 
gné  que  la  terre  tourne  autour  du  foleiU 
M.  Goguct  qui  a  fuivi  fort  exaftement  lès 
progrès  de  l'Aftronomie  chez  les  Chai* 
déens ,  &  qm  connoiiToit  l'antiquité  mieux 
que  notre  Philofophe ,  n'a  eu  garde  de  leur 
attribuer  des  connoiflànces  qui  n'ont  été 
acquiCes  que  fof  t  long- temps  après  eux. 

Une  autre  remar(]ue  à  faire ,  c'eft  que 
l'Auteur  du  DiSionnaire  Philofapkique 
qui. a  tiré  l'article  Ciel  {»refque  tout  entier 

de  la  Difièrtaticm  de  Dom  Catmet  »  fur  le 
fyftèmt  du  monde  da  amiens  Hébreux  >  pla^ 

cée  à  la  tête  du  Livre  de  VEccle^afiique.i 
,  s  cru  cacher  fou  plagiat ,  en  tournant  co 

Con^memateureo  ridicule^  Ce  n'eA pas  la 

feule  fois.^'H  ait  ufé  de  ce  ftratagème  (a)^ 

Rerenons  àl'artide  Genife.  Parce  que 
dit  :  Fmfans  ï homme  à  nôtre  image , 
tejCfitkjua  ohCstyréqt^âu  ne  fait  def  im^igei 
que  dxs  c0rpu  NMeNatim  ràit^iï,  rCitrmÀ 
gina  un  Dieu  fans  cùrps  ,&  ileji  inqfoffij^h 
de  fi  Itrepréfinter  autremet^t.p  •.  •  Les  Juifi 
crutentIHeu  canfiatmnmt  c^orA^  cûmmi 
tous  les  aiitte^peuiies(b)» 


M«N 


(d)  Art.  eut  des  anciens  i  tôttic  t ,  p.  t^^. 


iiyo  Apologie 

Puirqull  eft  impofllble  de  fe  repréfènter 
Dieu  fans  corps ,  nous  voilà  donc  âuflî  ré- 
duits à  croire  Dieu  corporel  ;  nous  âifons 
des  images  de  Dieu,  nous  Tommes  donc 
auffi  grodiers  que  les  Juifs« 

Nos  Philofophes ,  qui  à  force  d'être  (pî- 
rituels ,  font  devenus  Matérialises ,  doi- 
vent penfer  différemment.  Suivant  eux, 
l'homme  n'eft  qu'un  automate  ;  il  eft  du 
moins  fort  incertain  fi  ce  n'eft  pas  la  ma- 
tière qui  penfe  en  lui  :  dans  cette  hypo- 
thèfe ,  il  eft  bien  clair  que  l'homme  n'eu  pas 
fait  à  l'image  de  Dieu.  Mais  fi  l'homme  a 
une  ame  intelligente  &  libre ,  capable  de 
vouloir ,  d'agir  ,  de  fe  déterminer ,  de  fe 
connoître  elle-même»  &  de  connoître 
Dieu,  l'homme  n'eft-il  pas  une  image ,  du 
moins  imparfaite ,  de  la  Divinité  ? 

Les  Juifs  crurent  Dieu  conftammmt  cor-- 
porel  ;  cependant  ils  ont  cru  &  profefle 
conftamment  que  Dieu  eft  immenfe,  infini, 
préfent  par-tout ,  qu'on  ne  peut  ni  le  voir , 
m  le  repréfenter  :  c'eft  le  langage  de  *tous 
les  Prophètes.  Les  Juifs  ont  conftamment 
reproché  aux  autres  Nations  l'ufage  d'ado* 
rer  des  Dieux  fous  une  forme  corporelle. 
Quand  les  Sadducéens  commencèrent  à 
nier  qu'il  y  eût  de5  efprits,  on  les  regarda 
comme  de  faux  difciples  de  Moïfe.  Lorf- 
(^e  ).  C«  eniêigna  aux  Juifs  que  Dieu  eft 


DE  LA  Religion,  &c.  471 
tan  pur  efprit ,  qu'il  faut  l'adorer  en  efprit 
&  en  vérité  ;  cette  dodrine  ne  parut  point 
nouvelle  ;  on  ne  lui  en  fit  jamais  un  crime. 

Notre  fçavant  Critique  va  plus  loin;  il 
Ibutient  que  tous  les  premiers  Pères  de  VE- 
glife  crurent  aujfî  Dieu  corporel ,  jufqiià  et 
qu'ils  eujjent  embrajfë  les  idées  de  Platon. 
JLe  même  faiteft  affirmé  dans  laplupart  des 
Livres  que  nous  avons  cités  julqu'ici  (a). 
Il  eft  bon  de  fçavoir  que  dans  l'article  ChriJ^ 
tianifme  j^  l'Auteur  du  Diciionnaire  Philo^ 
Jophique  a  dit  que  les  Pères  de  lEglife  des 
trois  premiers  Jîècles  furent  prefque  tous  f/a- 
toniciens {h),  S.  Juftin même  l'étoit avant 
f^  converiion.  Si  donc  ceux  qui  ont  em* 
Jbrafle  les  idées  de  Platon  n'ont  pas  cru  Dieu 
corporel ,  il  eft  clair  que  dans  les  trois  pre- 
miers fiècles  aucun  des  Pères  de  l'Eglife  n'a 
enfeigné  cette  errçur  ,  puifque  le  Platonit 
me  étoit  leur  Philofophie.  Si  on  eût  pro* 
pofé  à  croire  un  Dieu  corporel  aux  PlatOr 
niciens ,  jamuais  Us  n'auroient  embrafle  le 
Çhriftianifme* 

L'Auteur  de  la  Philofophie  du  bon  fens 
ne  s'eft  pas  encore  arrêté-là.  Il  prétend  qu'a- 
yant S.  Auguftin  »  non-  feulement  aucuo 

(4)  Tfaité  fur  la  Tolérance,  c.  i| ,  p.  138.  Eflài  fat 
VHî(i  génctàîcj  toiHe  i ,  c.  1 ,  p  35.  Mélanges  de  litr.  &c« 
7ome  ^ ,  ic.  i^,  p.  i5<.  Examen  iippoiruntg  c  »i  ^  Aiir^ 

^^)  Tome  4 >  p.  2(0, 


47^  Apoi^ogie 

Père  de  l'Eglife ,  mais  aucun  Philofophe , 
pas  même  Platon  ,  n'a  cru  que  Dieu,  ni  les 
Anges ,  ni  les  âmes  humaines ,  fuflent  de  purs 
«fprits  :  que  jufqu'au  cinquième  Gècle  per- 
ibnne  n'a  eu  l'idée  d'un  Etre  immatériel  ou 
parfaitement  fpirituel  (a).  Selon  cette  belle 
ioârine ,  il  faut  fuppofer  que  tous  les  Pères 
le  tous  les  Philofophes  Te  font  contredits  à 
toutes  les  pages  de  leurs  i  ivres.  Nous  con- 
venons que  leurs  expreflions  ne  font  pas 
auflî  exaâ:es  que  pourroient  l'être  celles 
d'un  Philofophe  d'aujourd'hui  ;  mais  pré- 
tendre qu'ils  n'ont  eu  aucune  idée  de  la 
parfaîtt  jpiritudité ,  c'efi  le  paradoxe  le 
plus  iniènfé  qui  ait  pu  entrer  dans  le  cer- 
veau d'un  Philofophe. 

U  eft  dit  dans  la  Genèfe  »  que  Dieu  créa 
mile  Crfemeit ,  les  deux  premiers  individus 
de  l'efpèce  humaine  ;  l'Auteur  du  DiSion- 
naire  Philofopliique  conclut  gravement» 
oue  l'homme  ayant  été  créé  à  l'image  des 
âieux  (ècoildaire& ,  les  Jui&  crurent  pat 
conféquent ,  comme  les  Payens ,  que  les 
Dieux  étoieht  mâles  &  femeHea.  L'argu- 
ment eft  ùens  réplique.  Nom  diioas  ic  nous 
«aroyons  »  comme  les  JuiËB ,  que  f  homme  eft 
cttéà  l'image  de  I^ei»$  quoique  nom  e£- 


■tanMMiMM«aMM«MMi 


•  fc)HéA.orit.teleiRin.^lirAMié4'Ofivet»#.« 

*  7- 


pcce 


pr  tA  RjsLtcîioN,  &c*  475 
pèce  fbît  mâle  &  femelle  ,  nous  n'avons 
jamais  rêve  un  Dieu  ou  des  Dieux  mâles 
&  femelles.  Jamais  les  Juifs  n'ont  admis 
des  Dieux  fecondaîres  ;  Punité  de  Dieu 
étôit  le  dogme  fondamental  de  leur  Relî- 

On  reproche  à  Moïfe  une  tranfpofitîon  ; 
il  parle  des  deux  fexes ,  avant  d'avoir  fart 
mention  de  la  formation  dé  la  femme  >  qu'il 
raconte  dans  le  chapitre  fuivant  :  la  faute 
eft  grave ,  fans  doute  ;  car  on  répète  deux 
fois  l'accufation.  Et  quel  eft  l'ancien  ïîifto- 
rien  auquel  on  ne  puifle  objeÔer  la  même 
chofe  ? 

La  création  du  monde  en  fix  jours  ,  eft 
empruntée*  dit- on,  des  Phéniciens ,  des 
Chaldéens,  des  Indiens  ,  des  Perfes  (a).  Il 
ne  refte  plus  qu'à  prouver  que  ces  peuples 
ont  écrit  avant  Moïfe ,  ou  que  l'AutôUf  de 
la  Genèfe.  eft  allé  dans  les  Indes  pour  y  ap-^ 
prendre  les  traditions  des  Indiens. 

Pour  rendre  ridicule  la  defcriptioft  du 
Paradis  terreftre  ,  on  la  défigure  ;  on  fup-* 
pofe  que. ce  qui  eft  appelle  dans  Moïfe  Id 
terre  de  CAmj,  eft  l'Etniôpîe  ;  que  le  flfeuve 
no  mmé  Phifon ,  eft  le  Phafe  de  Scythie  :  orf 
conclut  que  ce  Paradis  ou  Jardin  avoit  fepf 

à  httit  cens  Keùes  de-  kmgr  qtt'rl  contenait 

'  •■ , 

{a)  Voyez  encore  l'Examen  injporjant,  c  «,  p,  J4, 

Tome  L  Rr 


47Ï  A  p  G  r,  G  G  I  E 

près  du  tiers  darAfie  &  de  TAfrique  Ca> 
r^ous  n'entreprendrons  pas  une  dii&rtatton 
entière  pour  concilier  la  narration  de  Mot- 
fe  ;  ce.  point  a  été  (uffifemment  éclairci  par 
d'autres  :  on  peut  confulter  à  ce  fujet  Bo- 
chard,  M- Huet,  le  huitième  tome  duSpec- 
t-adt  de.  la  Natun.^  ou*  \jsl  Coneorde^  de  U 
Géographie  par  le  même  Auteur-    - 

Si  nous  en  croyons  notre  Critique ,,/« 
'làrdin  d'Eden  eft  vlfibhmtnt  pris  des  Jar- 
dins  d*Edm  dSaana dans-VArabie  heur^ufe, 
f/imûux.  dans  toute  P antiquité  (i)^  L'on- a 
prétendu  plus  haut ,.  que  les  Hébreux ,  efclar 
ves  chez  lès  Phéniciens ,  avoient  emprunté 
d'eux,  leurs  traditions  ;,  mais  point  de  tra- 
dition du.  Paradis  terreftre  ^  ni  de  la  chute 
de  L'homme,  chez  les  Phéniciens  ;>  l'Auteur 
de  taGenèfe.  ^  reçu,  des  Indiens  les  fix 
joiu^s  de  la  création,  il  a  pris  l?idée  duPara^ 
âi$  dans  L'Arabie  heureufe  ;;  fans  doute  il 
a  puifé  le  dogme  du  péché  originel  chpi 
fes  Américains  5  iLa  parcouru,  toute  la  terre». 
pour  raflembler  dansfbn  Hiftoire,  leaer-^ 
3|eurs  de  tous  Les  peuples.- 

Le  plus  beau  caoton^deL'Arabie  efi  ap^ 
pelîé  Âden  ,'lieu  d^^  volupté  ;.ç'eft.  un  non^ 
açpellatif  :  il  n'éft  djpnc  pas  furprenant  que: 


■•«"**>iW»«^^^!N" 


iA  )  Qotfljoas^  de  Zapata  j  m  io«. 
fi.l  PhUor.  de  VHUl  c.  i  y  ,  £.  7,1^ 


«Ê  LÀ  îtîTLrcîtOK,  &Cr  475^ 
f«  Hébreux  aient  ncfmmé  dans  le  même 
lens  £dc«,  le  Paradis  où  le  premier  homme 
fat  p^acé.  Adert  «ÎDt  à  quatre  cens  Ikues  de 
la  Paleftine,,&  dans  le  temps  que  laGenèfe 
a  été  écrite  ,  îes  peuples  oe  connoiflbieat 
que  leur  propre  pays.^ 

C'eflr  uft  fcandale  que  Dïeti  défende  i 
Fhomme  de  manger  du-  fruit  de  la  feiente- 
du  bien  &  du  ma!.  Il  ejl  difficik  ,  dit  notre' 
^Philofbphe,  de  concevoir  ^qu*iiy  ait  eu  un 
4irhre  qui  enfeignât  le  bien  &  k  mal  ;:  d'ail-^ 
leurs  pourquoi  Dkutte  i^tût-ilpas  que  Hfhom'^ 
me  côrtnoi£e  le  bien  €r  k  mal  (a)  ?  Dieiï 
•^oidoit  fans  doute  que  l'homme  connût  le; 
4biۉn  &  le  ma-I  moral,  pour  pratiquer  ruit^ 
&  éviter  l'autre  ;  l'homme  les  cônnoîffoit 
avant  (a  chute ,  fans-quoi  it  n'aurbit  pas  été- 
capable  de  pécher.  Mais  li  nTétoit  pas  né*- 
cemire  que  Phoferfnrle  connût  »  pEiir  estpé^ 
riénc^r,  k  hdfite  &  le^egrer  d'avoir  foitr 
le  nïal  r  fiî  cju'it  pût  faire  k  comparaifon  'de 
ce  fentiment  avec  celtii  de  Tiniiocence^ 
Voilà:  ce  que  fou  pêàié  lui  apprit  ;  &'  iR 
n'étoit  pas.  befoin  p-our  cela  que  lé-  ffuîr 
dont  if  mamg^sà-,  eût  la  Vertti  ph^^que 
de  faire  conaôître  le  bien  &iè  mat- 

Diea  lui  avoit  dit  :  (iéi  que  w>u$  ërfmart^ 
geee^  v  uêut  mourre%  ;;  ^'eft^r^dire  V  vous? 

iA)  Voyiez: eacoirFliiiorr.4crHi(l.c.  t*^  p*  41*' 

Rxii 


47^  A  p  o  L  o  G  I  B 

deviendrez  fujet  à  1^  mort;  il  n'y  a  point 
là  d'allégorie  »  comme  le  prétend  TAuteur  ; 
&  la  nouvelle  ej^pliçafign  qu'il  v^uc  en 
donner  >  eft  une  vaini^  imagination* 

}1  ne  çonçpit  p^  comment  Adam  donna 
à  chacun  des  animaux  fan  p^ritdkU  nom, 
JLe  ^érîtabU  nom  à^Mn  animal ,  dic-il  ^^  ferait 
^H  nom  ^iù  dejign&roit  toutes  Us  propriétés 
di  fon  efpèçe  «  ou  di/t  moins  les  principales^ 
JVt^uvaife  définition  ;  il  fuffit  que  ce  nom 
dçfigne  U  propriété  la  plus  fenfible  &  la 
plus  propre  à  fair«  diftinguer  uq  animal 
d'avec  un  autr*.  }X  ^  tort  d'avancer  qu'i/ 
^*en  efi  ainji  d(km  ^^cumMi^m:'  au  con- 
traire cela  eft  ainû  dwa  toutes  les  langues , 
iç  for-tout  en  Hébreu* 

11.  nouç  fait  obferver  qpç  c'eft  ici  la  pre- 

mi^eice ,  (^  qu'Adam  ^^S  mmm  dans  ia 
.Qenèf'Q  ;  cçla  oft  enc<>r^  i?ux;«  Adam,  eft 
fe  ^ç>m  génériqy?  d'bpmjne  î  Pieu  s'en 
ferf  en  diraot;/a/j^^7i5  Hiomfnf  4  noir^  image, 
\Jn  PhiloCophe  qui  ^otrepr^nd  de  critiquer 
un  te^te  >  d^svrpit  fe  mettre  en  étiSit  de  le 
lire  dans  l'original  i  &  cette  capacité  man- 
ijfjLjô  a>»  Ce^feur  de  Mwfç..Q«'importe  que 
chez  Iqs  Brac|iQ>anes  des  Indes^ ,  dans  le 
Yeidam,  le  premier  homme. foit  jtommé 
/Idimq^  &  q<^e  ce  l^iy.re  foit  peut  -être  le 
plus  ancien  du  monde?  L'Auteur  de  laGe- 
nèfe  avoit-il  é^xibé  ôuu  îe^  Brachmanes  ?  Il 


1 


DE  LA  Religion,  &c.  477 
n'efl:  pas  vrai  qu'eaPhenîcien  Adam  (îgnifie 
enfant  de  la  terre  ;  il  fignifie  le  Maître  ou 
le  principal  inciividu  de  l'efpèce  :  la  racine 
Dam ,  Dom ,  çonferve  encore  cette  fignî- 
fiCâtion  dans  toutes  lés  langues ,  &  Thomme 
ne  pouvoîtctre  mieux  defîgné. 

Sur  la  tentation  d'Eve  par  le  ferpent , 
notre  Critique  obferve  qu'il  n'e/?  fait  dans 
tout  ctt  articU  aucune  mention  du  diable  ; 
que  toute  cette  avanture  ejl  phyjique  &  dé-^ 
pouillée  d'allégorie.  En  même  temps  il  slO 
fure  que  c'eft  une  fable  fondée  fur  l'idée 
que  les  anciens  peuples  orientaux  avoient 
du  ferpent  ;  une  fable  comme  celles  de 
Pilpay ,  où  l'on  fait  parler  les  animaux  ; 
une  fable  comme  les  métamorphofes,  &c. 
Celles-ci  font  donc  auflî  toutes  phyfiqucs 
&  dépouillées  d'allégorie  :  voilà  une  dé- 
couverte dont  les  Mythologues  n'avoienc 
encore  eu  aucun  foupçon. 

Si  Mpïfe  n'a  pas  fait  mention  exprefledu 
Diable,  il  a  voit  fes  raifons.  C'ei^  la  croyan- 
ce des  efprits  ou  génies  répandus  dans  la 
nature,  qui  aétéches&tousles  peuples  l'o- 
rigine de  l'idolâtrie  \  il  eût  été  dangereux 
<l'en  parler  aux  Hébreux.  Mais  perfonne  n'y 
a  été  trompé  ;  les  Doâeurs  Juifs  n'ont  ja- 
mais douté  que  le  Démon  n'eût  emprunté 


478  A]?oto<?rt 

F  organe  du  ferpent  pour  tenter  la  prert&tH 
femme. 

Dieu  >  pour  la  punir ,  Im  dit  ^  Je  midti' 
plierai  vtys  miferes  &  vos  gtofftjfes  ^  &c.  On 
ne  conçoit  pas ,  reprend  notre  Auteur  >  qut 
la  multiplication  des  grojfeffes  foit  une  puni" 
tion.  Mais  ce  n'eft  pas  la  faute  de  Moïfe, 
fi  Ton  n'entend  pas  fon  langage.  L»e  texte 
fignifie  naturellement  :  faugmenterai  Us 
maux  dî  vos  grojfejfes*  On  a  Beau  dire  qu« 
les  femmes  accoutumées  au  travail  accour 
ehent  très  aifément ,  fur^tout  dans  les  pays 
chauds  :  jamais  les  fenunes  ne  deviennent 
mères  fans  de  grandes  douleurs  »  &  iâns 
éprouver  un  état  très-fâcheux. 

La  Genèfe  raconte  que  le  Seigneur  fir  à 
nos  premiers  parens.  des  tuniques  de  peaur 
Ce  paffage  prouve  bien ,.  dit  le  Philofophe , 
que  les  Juifs  croy oient  leur  Dieu  corporels 
puifqu^ils  Lui  font  exercer  le  métier  de  tail- 
leur. La  remarque  eu  pleine  de  bon  ktiSm 
Par  la  même  raifon ,  lorfque  Dieu  planta  le 
Paradis  terreftre ,  il  &  le  métier  de  Jar- 
dinier ;  &  quand  il  forma  de  terre  le  corps 
de  l'homme ,  il  exerça  far):  de  Sculpteur .r 
Sans  doute  que  celui  qui  d'un  mot  créa  le 
ciel  &c  la  terres,  eut  beibin  d'outils  &  de 
travail  pour  faire  un  habit» 

Le  Seigneur  dit  r  VoUà  Adam  qui-  ejl  ^e- 
renu  comme  l'un  de  nous.-  Il  faut  renancep' 


J 


©  E  LA  R  E  JL  I G  ION  ,  &C.     47^ 

fens  commun ,.  continue  le.  Cenfeur  » 
jp4)ur  ne  pas  convenir  que  les  Juifs- admirmi[ 
d^ahori  plujîeurs  Dieux.  Aa  contraire  il; 
faut  avoir  renoncé  au  fen&  commun  pour  ~ 
Ie&  en  accufer.  La  paraphrafe  Chaldaïque,  a 
ainfi  rendu  cepaflàge  r  Voilà  Adam  qui  ejl' 
le  feulau  monde  qui  cannoiffe  le  bien  &  le: 
mal*  Cette  verfion.  ne  fait  point  violence^ 
au.  texte  ;  elle  prévient  toute  difficulté*. 

Par  ces  mots  ^femblable  à  nous  „dit  en*' 
core  le  Pl^ilofophe  ,.  il  eft  très- vraifembla- 
ble  que  les  Juifs  entendoient  les  Anges  „ 
&  qviLainfi  ce  Li^re  ne  fut  écrit  que  qu^nd 
ils  adoptèrent  la  créance  des  Dieux  infé^ 
rieurs..  Mais  en  quel  temps  les  Jurfs  regar^- 
derent-iJs  les  Anges  comme  des  Dieux  in- 
férieurs ?  On  ne  peut  pas  fè  contredire  d'uner 
manière  plus  palpable*  L'Auteur  veut  d'a-s- 
hovi  prouver  par  ks  paroles  de  Moïfe ,  que 
les  Juifs  admirent  plufieurs  Dieux  dès  le& 
premiers  temps  r  enfuite  il  en  conclut  que 
ce  Livre,  n'a  été  écrit  que  dans  les  Cèdes 
poftérieurs ,  lorfque  les  Juifs  adoptèrent  la* 
créance  des  Dieux  feeondaires..  S'ils  adop- 
tèrent cette  créance  dans  la  fuite  des  fièdes  ^. 
2s  ne  l'eurent  donc  pas  d'abord  ?  La  vérité 
cft  qu'ils  ne  l'eurent  jamais,. 

Selon  notre  Critique ,  llliffoîrc  de  l'âge- 
^innckence  Zc  de  fa  chute  de  l'homme: 
:vient  de  l'idée  répandue  chez  toua  les> 


480  Apologie 

peuples,  que  les  premiers  temps  valoîenc 
mieux  que  les  nouveaux  ;  on  la  retrouve 
chez  toutes  les  Nations ,  mais  habillée  dif- 
féremment. La  chute  de  V homme  dégénéré 
éjî  le  fondement  de  la  Théologie  de  prefque 
toutes  les  anciennes  Nations  (a).  LeLeâeur 
éclairé  jugera  fi  une  îdéefiuniverfelle  eft  un 
préjugé  fans  raifon ,  ou  fi  c'eft  un  refte 
de  la  tradition  primitive.  Les  Ecrivains 
profanes  ont  pu  bâtir  des  fables  fur  cette 
tradition  ;  mais  aucun  n'a  ofé  articuler  les 
faits  auffi  pofitivement  que  Moïfe  ;  compter 
comme  lui  les  générations ,  depuis  le  pre^ 
mier  homme  jufqu'au  fiècle  où  Moïfe  ccri- 
Voit,  Malgré  les  efforts  redoublés  de  tous 
les  Incrédules ,  ils  n'ont  encore  pu  le  con- 
vaincre de  faux  fur  un  feul  article  ;  &  ils 
ne  lui  oppofent  que  des  conjeélures  fans 
fondement. 

Dieu,  félon  laGen^yè,  mît  devant  le 
jardin  de  volupté  un  Chérubin  avec  un 
glaive  enflammé  pour  en  garder  l'entrée. 
Le  mot  Cherub ,  dit  nptre  Philofophe  ,  fi- 
gnifie  un  bœuf.  Là-deflTùs  il  tourne  Moïfe 
en  ridicule  ,  d'en  avoir  fait  le  portier  du 
Paradis  terreftre  (b).  Kerubne  ugnifie-t-il 
rien  autre .  chofe  qu^un  bœuf  ?  C'eft  ce 

■  !■  ■  ■  ■  ■■■"■  '      '       ■    i    ■ «  ■  ■  ■'      •mmÊmmmmmmmm^mmmmmmÊtimmmirm^ 

(a)  Philof.  de  THift.  c.  17  ,  p.  9-;, 
(h)  Que(Uons  de  Zapa»,  n.  xx. 

qu'a 


DE  LA  Religion,  &c.  48» 
qu'il  falloit  examiner ,  avant  que  de  rail- 
ler mal-à-propos.  Le  texte  peut  très-biea 
iignifier ,  Dieu  plaça  à  l'entrée  du  Paradis 
une  nuée  épaijjé,^  mêlée  de  tourbillons  de 
flammes  ,  pour  fermer  le  chemin  de  ï arbre 
de  vie*  Qu'y  a-t-il  de  ridicule  dans  cette 
façon  de  parler  ? 

Notre  Cenfeur  continue  à  changer  , 
comme  il  le  juge  à  propos  ,  la  narration 
de  Moïfe*  Les  Dieux  Elohim  voyant  que  les 
filles  des  hommes  étoient  belles ,  prirent 
pour  époufes  celles  qu^ils  choijirent*  C'eft 
ainfi  qu'il  traduit.  Enfuite  il  obferve  qu'il 
n'y  a  aucune  Nation ,  excepté  la  Chine  , 
où  quelque  Dieu  ne  Toit  venu  faire  des  en* 
fans  à  des  filles  ;  que  de -là  font  nés  les 
Héros  &  les  Géants. 

i**.Il  eft  faux  qpe  Moïfe  parle  des  Dieux. 
La  Vulgate  même  /que  le  Philofophe  fait 
femblant  de  fuivte  >  a  traduit  ^/ii  Dei  ^  les 
enfans  de  Dieu  »  &  non  pas  les  Dieux, 
o^^.  Le  Paraphrafte  Chaldaïque  a  mieux 
fentilâ  force  du  terme,  en  traduifant  Jz  Zii 
prineipum^  les  enfans  des  grands  ou  des 
puiflàns  de  la  terre.  3°.  Le  terme  de  Géant  s  » 
tiré  du  Grec  n'a  point  dans  les  verfions  de 
l'Ecriture  ,  le  même  fens  que  chez  les  Poè- 
tes :  il  ne  fignifie  point  des  hommes  d!une 
figure  monftrueuie  ,  mais  des  hommes  plus 
.  grands  &  plus  robuftes  que  ceux  d'aujour* 
Tome  L  Sf 


4'h\Â.  Moïfe  n'a  donc  voulu  dire  totrt 
-ch4>Ô ,  finoti  que  les  hommes  du  premier 
âge  entrent  pl^s  puifTans  &  plus  forts  que 
,cettX  de  fon  fiècle  ,  &;  qu'ils  abuferent 
tde  leur  force  pour  fe  livrer  au  crime.  La 
tfn^infe  tradition  s'eft  répandue  chez  les  au- 
tres peuples ,  mais  ils  Tont  défigurée  par 
^(<fce$  fables* 

L* Auteur  renvoie  à  Part,  Inondation  , 
fovtr  examiner  THiftoire  du  déjuge  ;  &  il 
fait ,  <:omre  cet  événement ,  les  mêmes  ob- 
jedionS  quireparoiffent  dans  tous  les  Livres 
iles  Incrédules  (a).  Comme  nous  y  avons 
répondu  ailleurs  (  i  )  ,  nous  nous  difpen- 
ferons  d'un  nouvel  examen.  U  remarque , 
•après  S.  Auguftin ,  que  les  Grecs  ,  les  La- 
tins ,  ni  les  Orientaux  n'en  ont  eu  aucune 
COnnoiffanoBj  on  doit  donc  en  conclure 
,que  du  moins  Moïfe  n'a  pas  puiie  cette 
fîîftoire  chez  les  autres  peuples. 

Il  tâche  encore  de  tourner  en  dériCon 
ies  paroles  que  Dieu  dit  à  Noé  au  fortijc 
4e  TArche  :  Je  ferai  alliance  avec  vous  &• 
fivec  tous  les  animau,x.  «  Quelles  ont  été , 


{a)  Voyez  les  Milangcs  <k  Philof.  tome  x ,  page  jj  ^ 
48.  Philof.  de  THill.  c.  x.  La  1%^  Leccce  fur  les  Micaclc9o 
C^ucftious  de  Zapaca,  n.  15. 
'^  (k)  Certitude  ées  pieuvp  du  ChrHh  ç.  1 1 1  y  ;• 


dîî-4r,  iestrônditiQOs  dp  traiti  ?  Que  tous 
les  animaux  fe  dévoreroîent  les  .uns  les 
autres;  qu^ils  fe  ttourriroietît  de  notre 
ùiTïg ,  &  nous  du  leur;  qu'après  les  avoir 
mangés ,  nous  nous  exterminerions  avec 
»  lag^  ,  Se  qu'il  ne  î>ous  «nanqueroit  pl^s 
»  que  de  mangée  nos  fembiabïes  <%orgès 
»  par  fios  mains.  S'il  y  avait  eu  «m  td 
i»  paâe ,  il  auroitété  fait  avec  lé  Diable  3a* 
Pour  featir  le  ridicuk  de  cette  belle  tira- 
xïe  ,  il  fuffit  de  faire  attention  que  le  terme 
traduit  par  alliance  ,  (îgnifie  fimpkment 
promeffjs^ïiieii  promet  à  Noé  de  ne  plus 
^terminer  les  lioimmes  ni  lesaiiimàux  par 
un  déluge  univerfeJ  ;  te  texte  n^  dit  riea 
autre  chofèvLes.plai&atçries  du  Commen- 
tateur portent  à  faux  ,  &  ne  fignifieht  riea. 
Dieu  montre  à  Noé  l'arc-en-ciel  comme 
tin  (igoe  ou  un  gage  de  fa  promeile  ;  tnsàs 
cela  «e  fiippofe  pokft  que  l'arc-en-ciel  n'ait 
-pas  exiflé  auparavant,  ^Quel  inconvénient 
y  a-t-il  que  Dieu  ait  tiônflé  pour  gage  de 
fa  parote  un  figne  "aaturel ,  qui  pouvoir  pa- 
roître  Nouveau  à  tous  c^ux  qui  n'avoient 
pas  vécu  avant  le  déluge  ?  . 

L'hiftoire  odes  Anges  amvés  à  Sodôme  ; 
&  infùltéi  par  les  Sodomites ,  fournit  à 
Tvotre  Auteiw  les  réflexions  les  plus  indé- 
œntes.  Que  des  Anges  ^  fpus  la  figure  hu- 
mame ,  aient  étéexpofës  à  un  outrage  cher 

Sfij 


4S4  Apologis 

un  peuple  corrompu  &  livré  aux  plus  grof- 
fiers  déréglemens ,  il  n*y  a  rien-là  qui  cho- 
que la  vraifemblance.  C'eft  très-mal-à" 
propos  que  l'on  veut  comparer  Thiftoirc 
de  Loth  à  la  fable  de  Cy niras  &  de  Myrrha , 
qui  n'eft  qu'une  allégorie  obfcène  ;  ou  à 
celle  de  Philémon  &  de  Baucis  ^  qui  efi: 
très-récente  ;  il  n'y  a  aucun  rapport  entre 
les  unes  &  les  autres  ,  finon  qu'elles  fervent 
toutes  à  nous  rappeller  les  defordres  qui 
ont  régné  chez  les  premiers  honunes.  C'eft 
une  tradition  univerfeUe ,  &  qui  n'eft  que 
trop  bien  fondée;  les  reftes^de  l'incendie 
de  Sodôme  ,  toujours  fubfiftans  .  en  font 
un  monument  terrible ,  &  qui  devjoit 
ouvrir  les  yeipc  aux  Incrédules  ;  les  payens 
nicmes  en  ont  été  frappés  (a). 

Il  faudroit ,  dit- on ,  retraricher  des  Li- 
vres Canoniques ,  toutes  ces  chofes  încroy^ 
blés  qui  fcandalifent  4es  foible^.  Mais  s'il 
faut  retrancher  tout  ce  qui  peut  paroître  in- 
croyable ou  fcandaleux  à  nos  Philofophes , 
il  faut  brûler  tpus  les  Livres  ;  .Dieu  n'a  pas 
jugé  à  propos  de  les  confulter  »  &c  leur  avis 
ne  prouve  rien. 

Le  mcme  Critique  dit  que  quelques  cé^ 
ïèbres  Pères  de  l'Eglife  ont  eu  la  prudipnce 
de  tourner  toutes  ces  hiftoires  en  allégo* 


if)  fcraboA;  1. 1^  ,|?.  7* J..  T«tJ« ,  hiil.  L.  y ,  fx,  jj 


DE  LA  REtrGïoKj'&C.       ^^f 

irîes.  L'Auteur  du  Chrijiianifme  dévoHè  ap' 
porte  pour  exemple  S.  Auguftin  &  Ori- 
gène.  (a).  Ce  dernier  foutient  qu'on  ne 
peut  entendre  l'Hiftoke  de  k  Genèje  à  1^ 
lettre. 

Ces  deux  citations  (ont  faufles.  S.  Au-- 
guftin  »  dans  le  Livre  même  qu'on  nou$ 
oppofe  (t) ,  commence  toujours  par  don- 
ner le  fens  littéral  de  l'Hiftoire  ,  avant  que 
d'avoir  recours  aux  allégories;  &  il  a  fait  un 
Ouvrage  entier  fur  le  fens  littéral  de  la 
Genife  :  de  Geneji  ad  litteram.  Origèné  dit 
feulement  qu'il  y  a  plufieurs  choies  dan» 
l'Hiftoire  de  la  création  qu'on  ne  doit  pas 
prendre  à;  la  lettre  (  c  )  ;  mais  il  n'a  jamais 
dit  que  toute  cette  Hiftoire  étoit  upe  allé-^ 
gorie.  Au  contraire ,  if  l'explique  littérale- 
ment lui-même  dans  fes  Homélies  fur  la 
Genèfe  ;  &  c'eft  du  fens  littéral  qu'il  tâche 
de  tirer  des  applications  allégoriques  pour 
la  correAion  des  mœurs.  Il  eft  défagréar- 
ble  pour  nous  d'être  continuellement  obli- 
gés de  reprocher  aux  Philofophes  leur  in-: 
fidélité  dans  les  citations, 

L'Hiftoire  d'Abraham  a  fourni  à  TAu- 


(a)  Page  ii8. 

ih)De  Genefi  contri  Manichœos, 


sfiij 


4?^  Xl?  O  L  6  GI  E 

tcur  du  DiSionnaire  Philofophique  un  ar- 
ticle particulier ,  où  l'on  retrouve  la  même 
méthode  &  le  même  génie  que  dans  tous 
les  autres-;  une  érudition  très^fuperficielle, 
une. critique  peu  judicieufe  ,  lAie  malignité 
qui  empoiforme  tout  (  «}. 

Il  commence  par  vouloir  nous  faire 
douter  de  Tcxiflepce  de  ce  Patriarche;  c'e/î, 
dit-il  y  un  de  ces  kommesplus  connus  par  leur 
célébrité  fue'par  une  Hifloire  kkn  Avérée Jl 
fednf  de  combattre  feulement  les  fa^fles  tra^ 
ditions  des.  Arabes  ;  &  il  attaque  de  front 
llHiftoirc  de  Moïlê. 

Cet  EcrWairt  devoit  être  bie»  inilruit 
des  événement  qu'il  raconte  ;  Lévi ,  fon 
bifayçul ,  avoir  vécu  3  3  ans  avec  Ii$ac  > 
fils  a  Abraham  ;  il  n*y  a  qiie  trois  perfon-» 
nés  entre  celui-ci  &  Moïfe  y  quoiqu'il  y 
ait  cinq  générations. 

Selon  les  Arabes ,  Abraham  a  fondé  la 
Ville  &  le  Royaume  de  la  Mecque.  Pre* 
iniere  fauflèté.  Les  Arabes  croyent  (eule* 
ment  qu'Abraham  bâtit  le  Temple  ou  l'O- 
ratoire de  la  Mecque  5  ce  qui  eft  fort  diffé- 
rent. Il  eft  bon  de  fcavoir  que  ^Auteur 
du  DiSionnaire  Philofophique  a  tiré  de 
celui  de  Bayle ,  art.  Abraham  ,  ce  qu'il  dit 


(a)  On  lie  â  peu  près  la  mêm«  cboCc  (UlU  UFhil^C  dt 
VHlll»  c.  16 ,  p.  7j. 


Bfi   LA  KSEtdlOH,  &C«    4,îf 

des  traditions  Arabes ,  &  qu'il  l'a  défiguré  ^ 
e%i  y  ajoutatu  du  Ê&a  ,  iaos  citer  aucuo 
garant.  / 

Il  oppofe  les  GQBcpiétea  &  la  profpétké^ 
diss  defcendans  d'Ifmaël ,  à  l'état  d'abjéâioa' 
&  de  mifere  où  font  aujourd'hui  ceux  tf  I- 
iâac ,  les  avantages  que  les  pdremiers  ont 
eu  fur  les  féconds.  Et  voilà  )uflement  ee  qui 

Srouve  les  connoiâances  fupérieures  de 
loïfe  >  il  peint  Ifmaël  comoie  un  homm^ 
farouche  »  aont  U  bras,  fera  /evi  centre  tous  ^ 
Ér  qui  drejferafes  tentes  Jous  ksyeux  defes-- 
frères  (a).  L'antipathie  héréditaire  entre? 
les  deux  races  nous  garantit  qu'elles  ne 
£e  font  point  accordées  pour  s'attribuer 
^ufTement  la  même  origine  »  ni  pour  ob*^ 
ierver  l'ufage  fingulier  de  la  circonciiio» 
comme  une  marque  de  fraternité.. 

Jl  ne  juger  des  chofes  que  par  les  exemples 
de  nos  Hijloires  modernes ,  ilferoit  afje\  dif^ 
ficile ,  dit  notre  Auteur ,  qv^ Abraham  eàtétê 
U  Père  de  deux  Nations  ft  différentes.  Mai^ 
doit-on  juger  du  fîècle  d'Abraham  par  nos^ 
Hiftoires  modernes  ;  des  anciennes  mœurs  ^ 
par  nos  ufages  ;  des  temps  voifins  du  dé^ 
luge,  par  l'état  préfent  des  Nations  ?  Le  fié- 
de  d'Homère,  bien  poftérleur  à  celui  d'A-r 
braham  ,    reffemble-t-il  à  ce  que  nous 

Sfiv 


4^8  Afologis 

voyons  ?  Ce  caraâere  original  d'antiquité , 
qui  fe  fait  fentir  dans  l'Hiftoire  d'Abraham, 
efi  une  preuve  inconteflable  de  fâ  vérité. 

Il  étoit  né  en  Chaliét ,  cela  eft  vrai  :  il 
étoitfils  (Tun  pauvre  Potier  y  cela  eft  faux  ; 
l'Ecriture  attefte  le  contraire.  Abraham 
étoit  déjà  fort  riche  à  la  manière  de  ces 
temps -là,  quand  il  fortit  d'Aran.;  il  eft 
dit  qu'i/  en  emporta  tous  fes  biens  €r  tous 
les  efclaves  dont  il  av  oit  fait  Tacquifition  (a). 
Seroit-il  devenu  tout-à-coup  fi  puiflànt, 
s'il  fût  né  dans  la  pauvreté  ?  Peu  de  temps 
après ,  fon  neveu  &  lui  fe  trouvent  obli- 
gés de  fe  féparer;  parce  qu'ils  étoient  trop 
riches  pour  pouvoir  demeurer  enfemble(2'3» 

L'Auteur  objeâe  que ,  félon  la  Genèfe, 
Abraham  avoit  7J  ans  lorfqu'il  fortit  du 
pays  d'Aran  après  la  mort  derfon  père. 
Mais  la  Genèfe  dit  auffi  que  Tharé  ayant 
engendré  Abraham  à  70  ans  ;  ce  Tharé 
vécut  jufqu'à  205  ans ,  &  qu'Abraham  ne 
partit  d'Aran  qu'après  la  mort  de  fon  père. 
A  ce  compte  il  ,eft  clair ,  par  )a  Genèfe 
même,  qu'Abraham  étoit  âgé  de  J3J'ans> 
quand  il  quitta  la  Méfopotamie. 

Il  auroit  fallu  dire  au  moins  >  quand  Abra- 
ham quitta  Aran ,  &  non  la  Méfopotamie. 
Il  paroît  certain  qu'Aran  n'étoit  point  dans 


iâ)  Gtn,  11 ,  f. 


delaRelioion,  &c.  489 
la  Méfopotamie.  Tharé  étoît  parti  de  cnez 
lui  pour  quitter  le  pays  des  ChaMéens;.il 
n'eft  donc  pas  probaole  qu'il  fe  foit  arrêté 
dans  ce  même  pays  &  au-^detà  de  l'Euphrate* 
On  connoît  trois  villes  nommées  Charm 
ou  Charcs  dans  les  Géographes  5  l'une  aut^ 
delà  de  l'Euphrate  près  d'Edefle  ;  l'autre  en- 
deçà  &  beaucoup  plus.au  midi  près  de 
Palmyre  ;  la  troinème  dans  la  Syrie ,  à  peu- 
de  diftance  de  Damas  &  dé  la  Paleftine  ^ 
Si  Aran  eft  l'une  ou  l'autre  de  ces  villes , 
comme  les  Sçavans  le  foutiennent ,  toute 
la  vraifemblance  eft  pour  la  troifième  (a)^ 
.Venons  à  la  difficulté  de  Chronologie. 

L'Auteur ,  en  la  copiant  dans  Dom  Cat 
inet ,  auroit  pu  y  prendre  la  réponfe.  La 
Genèfe  ne  dit  pomt  expreffément  que  Tha- 
re  ait  engendré  Abraham  à  70  ans.  Le  texte 
porte  :  Tharé  vécut  70  ans  j&ril  engendra 
Mraharà  ,  Nachor  ùr  Aran  (  i  ).  Si  l'on 
s'arrête  au  fens  grammatical  de  ces  paroles  » 
il  s'enfuivra  que  Tharé  a  eu  ces  trois  âls  la 
inéme  année  ;  ce  qui  eft  ridicule.  Quoi- 
qu'Abrahan  foit  nommé  le  premier ,  il  ne 
s'enfuit  pas  qu'il  foit  l'aîné ,  ni  qu'il  foit  né 
à  la  70^  aûnée  de  fpnpere.De  même  quand 
laGen^  raconte  queiVbe ,  âgé  de  joo  ans^ 


(a)  Voyez  Bocharc  Géogr.  z.  pftcc.  1.  ^  >  c.  X4  S  ^ 
Ginei  4e  M.  d'AnvHle. 


4pb  ApoLoaiK 

engendra  Sîm\  Chain  &  Japhet  (a)»  Cel« 
«e  fignifie  point  que  Sem  foit  l'aine ,  ni 
qu'il  foit  venu  au  monde  cette  année  Y 
puifqu'il  eft  prouvé  d'aillçurs  que  Japhet 
étoit  l'allé  des  trois.  Le  texte  pr^edent 
%nifie  donc  feulement  que  Tharé  com- 
mença d'avoir  des  enfans  à  fa  70^  année , 
fout  comme  Nôé  à  fa  /oo^.  Sem  &  Abra- 
kam  font  nommés  les  premiers ,  quoique 
puînés ,  parce  que  ce  font  les  tiges  d'où 
defcendoient  les  Ifraélites. 

Abraham ,  continue  l'Auteur ,  alla  étun 
fajs  idolâtre  dans  un  autre  pays  idolâtre  , 
nommé  Sichem  ^  en  Palejiine.  Nouvelle  fiKK 
poiîtSon  démentie  par  le  texte  même;  Ce 
qui  eft  dit  de  Melchifedeçb ,  chap,  i^ ,  Se 
d  Abimelech  Roi  de  Géraiie ,  chap.  2a , 
prouve  évidemment  qu'alors  le  vrai  Dieu 
étoic  connu  &  adoré  dans  la  Paleftine»  Le 
vrai  motif  de  latranfmigration  d'Abraham> 
étoit  Tordre  de  Dieu  &  l'idolâtrie  intro- 
duite chez  les  Chaldéens»  Ne  pouvoit-il 
pas  en  fortîr'encore ,  pour  aller  dans  un 
pays  moins  peuplé ,  où  il  put  trouver  des 
campagnes  plus  vaftes  pour  le  pâturage  de 
fes  troupeaux  ?  Il  eft  donc  ridicule  de  dire 
que  Pefprn  humain  comprend  à  peine  les 
raifons  cPun  pareil  voya^^^ 

—     .    I  .M..,— Il     ..         .1 mmmmfmm*m»f¥m'^*'iP'9mm^mÊt 

(d,  G«/2.  5  »   il. 


DB  LA  Religion,  &Cr  4px 
La  langue  Chaldéenne  devoit  être  jari 
différente  de  celle  de  Sickem  ••  c'eft  la  déci^ 
fion  du  Philofophe  ;  mais  il  auroit  dû ,  pat 
prudence ,  ne  point  parler  des  langues  an- 
ciennes ,  donc  il  n*a  aucune  connoifTancé; 
Celle  des  Cbaîdéens  &  celle  des  habitani 
de  la  Paleftine ,  étoient  pour  lors  deux  dia* 
leâes  de  la  même  langue ,  &  ai&z  fem- 
blabies ,  pour  que  les  deux  peuples  pufïènt 
s'entendre  ailement.  Cela  eft  évident  pa» 
l'Hiftoîre  de  Jacob  & .  de  Laban ,  &  par  ce 
^i  nous  refië  encore  de  ces  deux  lan- 
gage». 

Sichem  eft  éloignée  de  la  Cbaldée  de 
plus  de  cent  lieues  ;  &,  félon  notre  Auteur  » 
il  faut  pafler  des  déferts  pour  y  arriver^ 
H  traite  auffi  mal  la  .Géographie  que  l^Hit 
toire  :  nous  en  verrons  plus  d*une  preuve. 
il  n'eft  point  néceffaire  de  paiTer  des  dé- 
ferts pour  arriver  depuis  l'Euphrate  dans 
la  Paleftine,  puifque  l'on  peut  traverfer  là 
Syrie  en  côtoyant  la  mer.  On  fçait  d'ail- 
leurs que  les  peuples  Nomades ,  &  accou- 
tumés à  camper ,  tels  qu'ctoient  alors  les 
Patriarches ,  les  troupes  de  Sauvages  ,  les 
hordes  deTartares,  font,  fans  difficulté , 
de  plus  longs  trajets.  Enfin  eft- il  bien  cer- 
tain que  le  pays  qui  eft  entre  l'Euphrate  & 
la  Paleftine ,  ait  été  autrefois  comme  au- 
jourd'hui un  défert  inculte  &  inhabitable?  Si 


^a  étoit  »  l'on  n'y  auroit  pas  bâtî  la  ville 
de  Palmyre  ;  on  ne  place  point  les  viUes 
dans  les  déferts. 

A  peine  Abraham  eft-il  arrivé  dads  le 
petit  pays  montagneux  de  Sidiem ,  que  la 
£miine  l'en  fait  fortir  pour  aller  chercher 
des  vivres  en  Egypte  lUy  a^  dit-on ,  deux 
cens  lieues  de  Sichem  à  Memphis.  La  vérité 
eft  que  >  félon  les  Cartes ,  il  n^y  en  a  pas 
cent  ;  &  il  o'eft  point  dit  qu'Abraham  loit 
allé  à  Memphis*  U  y  avoir  tout  au  plus 
40  lieues  françoifes  depuis  le  centre  de  la 
raleftine ,  où  étoit  Sichem ,  jufqu'à  la  fron- 
tière de  l'£gypte  ;  &  beaucoup  nK>ins  de- 
puis cette  frontière  jufqu'à  Tanis  »  où 
règnoit  Pharaon  ^  félon  l'opinion  corn* 
mune. 

Il  eft  encore  plus  faux  qu'Abraham  eût 
alors  140  ans  ;  il  n'en  avoir  pas  8o.  On  af- 
fure  mal-à-propos  que  Sara ,  fon  époufe , 
âgée  de  6y  ans  >  n'étoit  qu'un  enfant  en 
comparaifon  de  hii.  Nous  verrons  ailleurs 
qu'Abraham  a'avoit  que  dix  ans  plus 
qu'elle. 

S*  8. 

Mais  ces  erreurs  de  fait  font  des  baga- 
telles ,  en  comparaifon  du  deflèin  détefta- 
ble  que  l'on  prête  à  Abraham ,  de  tirer 
parti  en  Egypte  de  la  beauté  de  foa  épou- 


»E  LA  Religion, &c.    4Jp^J 

'fc  (^).  Le  texte  de  Moïfe  n'autorife  point 

cette  calomnie.  Je  prévois  ^  dit  Abraham 

a  Sara ,  que  Us  Egyptiens  feront  frappés  de 

votre  beauté  ;  dès  qu'ils  vous  auront  vue ,  &• 

qu^ils  ff  auront  que  je  fuis  votre  époux ,  ils 

me   mettront  à  mort  pour  vous  pojfédeVm 

Dites-leur^  je  vous  prie ,  que  vous  êtes  ma 

faur^  afin  qu'ils  mefajfent  du  bien  par  con^ 

Jîdération  pour  vous  (b).  Remarquons  d'a-r 

bord    qu'Abraham     n'engage  point  fon 

iSpoufe  à  mentir;  elle  ctoit  véritablement 

Ûl  feeuf  du  coté  paternel  >  &  non  point 

four  utérine*   Notre  Auteur  commence 

par  fuppofèr  que  c'étoit  un  menfoiige: 

Jiiigne\  que  vous  étesmafzurj  lui  dit-il;  ii 

n'étoit  pas  befoin  de  femdre  ^  puifque  Sara 

difoit  la  vérité.  Il  devoit  bien  plutôt  lui 

dire  •  continue  le  Critique  ^  feignetf  que 

vous  êtes  ma  fille .'  alorâ  Abraham  auroit 

menti ,  &  c'eâ  ce  qu'il  ne  vouloit  pas 

faire. 

Les  foupçons  ^  d'Abraham  furent  véri- 
fiés; Sara  arrivée  en  Egypte,  fut  enlevée 
&  conduite  au  Roi.  L'Ecriture  ne  donne 
aucun  lieu  d'imaginer  que  l'on  ait  attenté 
à  fa  pudeur  ;  il  eft  dit  feulement  que  Dieu 
punit  Pharaon  à  caufe  de  l'ejil&vement  de 


*« 


la  )  Voyez  encore  Quc(Uoas  de  Zapata >  «•  1 5* 


494  Apologie 

Sara;  preuve  que  Dieu  veîUoic  fur  fon  inno< 
ceoce.  Mais  notre  Pbilafophe  a  le  talent 
de  tout  empoifoaner  >  il  tie  tient  pas  à  lui 
qu'Abraham  ne  (oit  regardé  comme  ua 
mari  criminel  qui  a  ptoftitué  fon  époufe. 
On  lui  fit  en  Egypte  des  préfens  con* 
fidérables  ;  on  kii  donna  du  bétail  &  des 
«fdaves ,  principale  rîcbeflè  de  ces  temp^ 
là  I  ce  qui  prouve  ,  dit  l'Auteur ,  que  VE- 
gypte  disAors  étoit  un  Rcyaume  trèsrfuif- 
jlant  Êr  très r policé  j  par  cenféquent  très- 
ancien.  Cela  prouve  précifèment  le  con- 
traire. Un  Roi ,  qui  pour  toute  magnifi- 
cence &îtdesprâens  de  bétail  &  d'efcla- 
ves,  ne  fera  jamais  regardé  comme  un 
Souverain  fort  pmflânt  félon  nos  idées  ; 
^  bien  il  faut  dire  qu  Abmham  lui-même 
était  un  grand  Monarque.  Fort  peu  de 
temps  après  il  eft  obligé  de  fe  féparer  de 
fon  neveu ,.  à  caufe  de  la  multitude  excef- 
five  de  leurs  troupeaux  &  de  leurs  efclaves; 
iï  fe  trouve  en  état ,  avec  fes  feuls  domef 
tiques  9  de  défaire  une  petite  armée  qui 
avoit  fait  fiiir  devant  elle  cinq'Rois  avec 
toutes  leurs  forces,  On  fçait  ce  que  c'étoit 
que  les  Rois  de  ces  temps  r  là.  Abraham , 
à  la  tête  de  fks  trois  cens  hommes ,  auroit 
peut-être  fait  trembler  ce  Roi  Egyptien  < 
^u'on  nous  donne  pour  un  Prince  puiffant* 
C'eft  auffi  une  preuve  finguliere  de  la  po- 


\  

DE    LX  RctlGIO*,  &C.       49^ 

lîce  d'un  Royaume  que  la  hardieflè  d  enle* 
uner  une  étrangère  à  caufe  de  fa  beauté. 
Voilà  comme  ce  Royaume  d'Egypte^ 
cefifermé  alors  dans  le  Deka»  &  qui  ne  le 
comprenoit  peut-être  pas  tout  entier,  fe 
trou  voit  fi  ancien ,  environ  2^0  ans  après 
la  diiperfion  ;  tand»  que  l'Empire  d'Aflyrie, 
|)}us  voifin  du  berceau  du  gemie  humain  ^ 
icommençoit  à  peine  à  éclorre. 

Ainfi  raifonne  notre  Philôfophe  ,  auffi 
fçavant  Antiquaire  qu'il  eft  bon  Géogra?- 
f>hQ  &  fidèle  HiAorien.  Dans  la  fuite  des 
iiècles  ,  Memphis  devint  la  capital^  de 
i'Egypts  ;  donc  elfe  l'ctoit  déjà  du  temps 
«^Abraham*  Il  eft  cepetKiant  fort  incer- 
«tain  fi  Memphis  étoit  alors  bâti.  Homère^ 
i>ien  poftérieur  à  Abraham  ,  &  qui  a  tant 
-parlé  de  Thebes  «  n'a  pas  feulçment  nom^- 

mé  Memphfô.  De  l'aveu  de  tous  les  ati- 
cîens  y  l'Egypte  a  commencé  à  être  habi^ 
!tée  par  la  partie  inférieure ,  ou  par  le  Deka^ 
-&  fon  nom  feul  le  fait  comioître  ;  il  figni»- 
-fie  ierrein  environné  d^eau*  C'eft  fans  doute 

dans  cette  partie  qiÉAbraham  arriva  :  ot 
-Memphis  n'eft  point  dans  le  Delta.  N'im- 
porte ,  on  nous  dit  hardiment  que  fe  Roi 

qui  enleva  Sara  étoit  le  Roi  de  Memphis , 

jauquel  Abraham  étoit  allé  offrir  fa  fœur. 
La  jeune    Sara^  dit  l'Auteur*    avoir 

j^Q  ani;  félon  l'Ecriture  ^  ^uand  Dnu  iui 


4p^  Apologis 

promit  qu^ Abraham ,  qui  en  avait  1 6o  >  hd 
ferait  un  enfant  dans  Vannée.  L'Ecriture 
dit  formeilement  qu'Abraham  n'en  avoic 
que  cent.  Peut'^onfeperfuader^dk'il  y  quun 
vieillard  centenaire  aura  un  fis.  9  &  que 
Sara ,  nonagénaire ,  puiffe  encore  erifan- 
ter  (a)?  Abraham  lui-même  ne  croyoit 
donc  pas  la  choie  poillble ,  félon  les  lobe 
de  la  nature ,  &  la  plaifanterie  du  Critique 
qui  appelle  Sara  jeune  à  cet  âge  eft  fort  dé- 
placée. • 

^râ/i^ifii,pour&it-ils  qui  (dwoit  à  vayor 
ger^  alla  dans  le  défert  horrible  de  Cadis 
avec  fa  femme.  Il  efi  bon  de  fc  fouvenîr 
que  ce  voyage  eft  poftérieur  de  20  ans  au 
premier.  Ce  défert,  que  l'on  dit  fi  horrible, 
étoit  une  vafle  campagne  fans  habitation , 
mais  propre  au  pâturage  ;  c'eft  ce  que  l'E- 
•criture  entend  fouvent  fous  le  nom  de  dé^ 
fert;  lieu  par  conféquent  très -commode 
.pour  Abraham ,  accoutumé  à  camper  au 
milieu  de  fes  troupeaux  ,  &  toujours  ac- 
compagné d'un  grand  nombre  de  domefti- 
ques.  Dans  le  Livre ëe  YEccléfaJlique  (b)^ 
Cadès  eft  repréfenté  comme  un  lieu  plan- 
té de  palmiers  ;  ce  n'étoît  donc  rien  moins 
qu'un  défert  incapable  de  culture. 


Un 


DE  laReligion,&c.  4P7 
Un  Roi  de  ce  défert  tint  la  même  con- 
duite envers  Sara'  que  le  Roi  d'Egypte. 
Le  Père  des  Croyans ,  dit  notre  Auteur ,  -fit 
le  même  rrtmfonge  qu  en  Egypte  j  ^  donna, 
fafemme  pour  fa  peur ^  Nous  avons  vu  que. 
ce  menfonge  eft  imaginaire;  que  c'eft  l'Âu»- 
teur  iui-même  qui  eft  coupable  de  la  fauf-- 
fête  dont  il  accufe  le  père  des  Croyans»  . 

U  prétend  que  les  Commentateurs  ont 
fait  des  volumes  entiers  pour  difculper 
"Abraham  &  concilier  la  Chronologie  ;  \l 
tourne  leurs  ouvrages  en  ridicule.  C'eft 
une  rufe  à  laquelle  nous  fommes  accoutu- 
més, i^.  Il  eft  faux  que  l'on  ait  fait  des 
volumes  entiers  fur  cet  objet ,  à  peine  occu- 
pe-t-il  quelques  pages  dans  les  Commentai- 
res les  plus  étendus.  2^.  Si  ces  Ecrits  font  fi. 
ridicules ,  comment  PAuteur  a-t-il  pris  la 
peine  dô  les  lire  &  d'y  copier  fes  objec- 
tions, en  laiflant  de  côté  les  réponfes  ?  ar-^ 
tifice  ufè ,  dont  fe  fervent  tous-  les  pla^r 
glaires. 

Qu'importe  que  Brajn ,  Abram, &  Bra^ 
ma ,  ayent  été  des  noms  fameux  dans  l'Inde 
&  dans  la  Perfeî  Ram  ou  Bram  fignifie  grande 
élevé  >  puiâànt ,  dans  les  langues  Orienta» 
les  ;  c'eft  un  nom  appellatif  qui  a  pu  être^ 
donné  à  plufieurs  perfonnes ,  qui  a  même 
pu  défigner  la  Divinité.  Qu'eft-ce  que  celar 
prouve  contre  i'Hiftoire  du  Pattiarche  l 
Tome  L  Tt 


^$8  Apologie 

Une  des  drconftances  les  plus  remar- 
quables de  cette  Hiftoîre  ,  eft  l'établiflè- 
ment  de  la  circondfion.  L'Auteur  du  Dic-^ 
tionnaire  Philojbpkique  en  a  fait  un  nou- 
vel article  ;  il  prétend  que  les  Juifs  Tont 
reçue  des  Egyptiens  (a).  Celfe  &  Julien 
l'avôient  dit  avant  lui  (b).  On  fçalt  que 
Marsham  a  foutenu  la  même  chofe;  notre 
Critique  pouvoît  en  emprunter  (es  preu- 
ves ;  pour  ne  pas  les  aller  chercher' fi 
loin  ,  il  les  a  prifes  dans  la  Diflertation  de 
Dom  Calmet  fur  la  circoncifion»  Héro- 
dote eft  le  feul  Auteur  qu'il  oppofe  aux 
Livres  faints  ;  mais  il  prétend  que  fur  ce 
fait ,  le  témoignage  de  î'Hiftorien  Grec  eft 
d'un  graed  poids. 

Il  faut  obferver  qu'Hérodote  étoît  con- 
temporain d'ETdras  ;  qu'il  a  écrit  460  ans 
avant  L  C.  par  conféquent  plus  de  1400  ans 
après  l'époque  où  les  Livres  des  Hébreux 
placent  l'établiflcment  de  la  circoncifîon. 
Ces  dates  font  eflentielles. 

a  Lorfqu'Hérodote  ,  dit  notre  Auteur , 
»  raconte  ce  que  lui  ont  dit  les  Barbares 


iW« 


(a)  Voyez  encore  Pbilof.  de  l*Hift.  c,  5  ,  p.  i^;  &  c  12Î 
^.  1 1  o  Exaraeu  important ,  C.  5  ,  p.  j  i  ! 

ib)  Datts  OtigiAe^U  1  U  ^S.C/riUe^lt^o. 


DE  LA  R  E  L  tGiO  N,  &C.     455J; 

9  chez  leiquels  il  ^  voyagé  5  il  raconte. 
30  des  fottifes,  &  c'eft  ce  que  font  la  pli^* 
p  part  de  nos  voyageurs.  Audi  n'exige-t-i]^ 
aii  pas  qu'on  le  croie  >  quand  il  parle  de  V^r 
a»  ventàre  de  Gigès  &  de  Candaule  ,  d'A- 
»  rion  porté  fur  un  Dauphin  ,  de  l'oraclç: 
p  rendu  à  Créfus ,  du  cheval  de  iQarius  V  6t 
9  de  cent  autres  fables;  mais  quand  il  parle  de 
3>  ce  quUl  a  vu ,  des  coutumes  des  peuples' 
»  qu'il  a  examinées  ,  de  leurs  antiqittéj^ 
»  qu'il  a  confultées  >  il  parle  alors  à ,  des> 
9  hommes  »• 

Ce  préambule  eft  leduifam  ;  malheureu- 
fement  il  porte  fur  une  faufle  fuppofîtion.' 
Quand  Hérodote  parle  de  l'aventure  der 
Gygès  &  de  Candaula,  il  cite ,  pour  appuyet 
fon  récit ,  le  témoignage  d'Archiloqup  d^- 
Paros ,  Auteur  contemporain  ;  pour  attef- 
ter  l'effet  que  produîfît  fur  Créfus  l'oracle 
qui  Iqx  fut  rendu ,  Hérodote  fait  l'énuméra- 
tîon  des  préfens  dont  ce  Roi  enrichit  le- 
Temple  de  Delphes.  Eft -ce  là  parler  en 
Hiflorien  qui  n  exige  pas  quon  le  croye  f 
Son  Hifloire  eft  pleine  de  ces  oracles  pré- 
tendus; par- tout  le  faux  y  eft  tellemgpt' 
mclé  avec  le  vrai ,  ^qu'il  eft  très-dilficile  de 
les  diftinguer. 

Il  mérite  fans  doute  plus  de  créance' 
quand  il  parle  des  coutumes, des  peuples  q,uU 
a  examinées  i  néanmoins  dans  la  t^hilofo"^ 

Ttij. 


yOO  AÎPOL.OGÎB 

pohie  de  VHiJloire  (  a  )  ,  \>n  s'infcrît  en  £uix 
contre  ce  qu'Hérodote  xaconte  de  la  prof- 
titution  des  Babyloniennes  dans  le  Temple 
de  Venus  (  i  ) ,  quoique  fon  récit  (bit  con- 
firmé par  le  témoignage  exprès  de  Stra- 
bon  (c) ,  &  du  Prophète  Jérémie  (4)  5  & 
l'on  a  répondu  avec  beaucoup  d'humeur  à 
un  Ecrivain  qui  a  voulu  juftifier  Hérodote 
fur  ce  point  (e).  C'eft  ainfi  que  tantôt 
l'o§  exalte ,  &  tantôt  l'on  déprime  l'Hifto- 
rien  Grec ,  comme  on  le  juge  à  propos. 

Quand'  Hérodote  parle  des  antiquités 
d'un  peuple  qu'il  a  confultées  ^  il  parle  à  des 
hommes  ;  mais  quel  eft  le  peuple  dont  il 
avoit  confulté  les  antiquités  au  fujet  de  la 
circbnciiion  f  Ce  font  les  Egyptiens  ;  nous 
le  verrons  bientôt.  Or  dans  les  Mélanges 
de  Littérature  ,  d'Hifioire  Êr  de  Philefo- 
phie  (f)  y  on  décide  que  tout  ce  qu^Héra^ 
dote  tient  des  Prêtres  d'Egypte  efi  faux* 
Nous  voilà  fans  doute  bien  préparés  à  croi- 
rè  ce  qu'Hérodote  nous  dira  fur  leur  té^ 
moignage.  ' 


■H 


(«)  Ch2p.  IX,  p.  ^f. 

{h)  Herodoc.  U  v  '»  S»  199* 

ic)  Strabon,  1,  16, 


{d)  Baruc,  c.  tf ,  ;i^.  41  &  4?. 
(t)  Voyez  la  Défenfe  de  mon  Oncle^  contre  le SiiPi>Ic- 
3»ent  à  la  Philof.  de  THift.  ' 

{fl  Tome  a. ,  m:-»».^c.  47 ,  0.  jo8. 


DE  LA  Religion, &c,     jroi 

Voyons  fon  paflage  ;  notre  Auteur  le 
rapporte  avec  fa  fidélité  ordinaire. 

Il  femble ,  dit  Hérodote  (a),  que  les  ha^ 
hitans  de  la  Colchiie  font  originaires  de  VE^ 
SyP^^  y  f^^  i^ge  par  moi-même  ,  plutôt  que 
par  ouï-dire  :  car  jai  trouvé  quen  Colchide 
on  fé  fouvenoit  bien  plus  des  anciens  Egyp- 
tiens ^  qu'on  neferejfouvenoit  des  anciennes 
coutumes  de  Colcos  en  Egypte,  Il  y  a  déjà 
ici  une  altération  légère ,  mais  qui  mérite 
attaition.  Le  texte  porte  :  les  Calques,  fe 
fouvenoient  bien  plus  des  Egyptiens  ,  que  les 
Egyptiens  des  peuples  de   Colcos.  Il  n'efl: 
pomt  queftioH  des  anciens  Egyptiens ,  mais 
des  Egyptiens  d'alors  ,  ni  des  anciennes 
coutumes  de  Colcos ,  mais  de  la  nation  des 
Cplques  feulement.  Il  n'efl  pas  furprenant 
que  les  Colques  enflent  connoiflance  des 
Egyptiens  ,   qui    du   temps   d'Hérodote 
éioient  un  peuple  célèbre  ;  il  n'étoit  pas 
néceflàire  pour  cela  d'être  originaire  d'E- 
gypte. Ce  n'eft  pas  une  merveille  non  plus 
que  les  Egyptiens  cénnuflent  trcs-peu  les 
Colques  >  qui  n'ont  jamais  été  une  Natîoa 
confidérable.  Si  Hérodote  fe  fert  du  terme 
rejfouvenir ,  c'eft  conféquemment  à  fou  opi- 
nion particulière ,  dont  nous  allons  exami- 
ner les  preuves. 


ia)Hérod6«.r.i. 


J02  A  P  O  L  O  G  r  E 

Cts  Habicans  des  bords  du  Pont-Euxin 
préundoient  être  une  CoJonie  établie  par  5e- 
foftris.  Nouvelle  falfificationt  Voici  ce  que 
dit  Hérodote  ^  Les  Egyptiens  difoient  quiU 
étaient  perfuadét  que  les  Calques  étaient  un 
détachement  de  Varmée  de  Séfoftris.  Ce  ne 
font  point  les  Colques  qui  croyoient  être 
originaires  d'Egypte  ;  leur  témoignage  mé- 
riteroit  queiqu'attention  j  ce  font  les  Egyp- 
tiens qui  plaçoient  chez  eux  le  berceau  des 
Colques;  cela eft  fort  différent.  Jamai^^les 
Colques  n'avoient  ouï  parler  de  Séfoftris  : 
l'Hiftoire  de  ce  prétendu  Conquérant  eft 
une  fable  {a). 

Mais  fur  quelles  preuves  Hérodote 
a-t  -il  jugé  que  les  Colques  étoient  une 
Colonie  Egyptienne  ?  Pour  moi ,  dit  -  il , 
je  le  conjeRurois  j  non-feulement  parce  quili 
font  bafannés  &  qwils  ont  les  ckeveux 
frifés  .  •  ,  .  mais  parce  que  les  peuples 
de  la  Colchide  y  d^ Egypte  y  &  d*Ethiûpie 
font  les  feuls  fur  la  terre  qui  fe  foient  fait 
circoncire  de  tout  temps.  Hérodote  a  fenti 
lui-même  que  la  reflemblance  du  teint  Se 
des  cheveux  ne  prouvoit  riea  ;  c'eft  donc 
uniquement  Tufage  de  la  circoncifion  qui 


ia)  OnraréfutcedansIaPhilofdel'Hift.  c.  i8,  p.  5>.8. 
ans  le  Traite  fur  J 
isLia  fur  rUifl.  géu. 


Dans  le  Traite  fur  la  Tolérance,  c.  9  ,  p.  71.  Daos  les  EC- 
ùiia  fur  TUifl.  géu.  corne  S  >  c.  éi«      •     - 


DE    LA   ReLIGJONT,  &C*      JÔJ 

lui  a  fait  juger  que  les  Colques  étoient 
Egyptiens  d'origine. 

Car  ,  pourfuit-il ,  Us  Phéniciens  &  les 
Syriens  de  la  Palejîine  avouent  qu^ils  ont 
pris  la  circoncijîon  des  Egyptiens.  Les  Sy^ 
riens  qui  habitent  aujourd'hui  les  bords  du 
Thermodon  &*  du  Parthenius ,  Êr  les  Ma^^, 
crons  leurs  voijîns  ^  avouent  quil  n^y  a  pas 
long-temps  qu^ils  ont  appris  cet  ufage  det 
Colques^  Comme  ce  font  les  feuls  de  tous  les 
peuples  quifoient  circoncis ,  c^ejipar^là prin- 
cipalement quils  font  reconnus  pour  Egyp- 
tiens d^ origine.  Notre  Philofophe  avoit 
encoreakéré  quelques  endroits  ;  je  me  fuis 
contenté  de  îes  rétablir  fur  le  texte  d'Hé- 
rodote. 

Les  Syriens  de  la  Palejîine  >  c'eft-a-dire , 
les  Juifs ,  avouent  qu'ils  ont  pris  la  circon^ 
cifîon  des  Egyptiens.  Si  cela  étoit  vrai ,  la 
queftion  feroit  décidée  :  mais  cet  aveu  eft- 
il  réel ,  eft-il  même  poilible-?  Quoi  !  les  Juife 
du  temps  d'Hérodote  ,  peu  après  leur  re- 
tour de  la  captivité ,  auroienc  avoué  qu'ils 
tenoient  la  circoncifion  des  Egyptiens , 
pendant  que  tous  leurs  Livres  facrés  atteC 
toient  le  contraire  ?  Ce  n'eft  pas  tout* 
Quelques-uns  de  ces  Syriens  ou  Juifs ,  éta- 
blis fur  les  rives  du  Thewnodon ,  avouent 
qu'ils  ont  appris  depuis  peu  cet  ufege  des 
Colques ,  w,  lieu  de  l'avoir  reçu  de  leury 


yo4  Apologie 

amcêtres  dans  laPaleftlne.où  cetufage  étoit 
ancien  ?  Sent-on  le  ridicule  de  cette  fuppo- 
ficion  ?  Les  Juifs  ,  toujoivs  opimâtrément 
attachés  à  leurs  u(âges ,  toujours  prévenus 
contre  les  rits  des  autres  Nations  ,  fe  font 
aflîijettis  •  la  circonciiion,  pour  fuivre  l'e- 
xemple des  Colques.  Il  paroit  qu'Hérodote 
connoiilbit  très-peu  les  Juifs; 

Pour  fentir  de  quel  poids  éft  fon  témoi- 
gnage ,  remontons  à  la  fource  qu'il  nous  in- 
dique lui-même.  Il  tenoit  des  Egyptiens  ce 
qu'il  raconte  des  anciens  peuples  ,  &  ia  plu- 
part des  fables  dont  il  a  farci  fon  Hiftoire. 
Frappé  d'une  refiemblance  apparente  en- 
tre les  Colques  &  les  Egyptiens,  &  fur-tout 
de  la  circonciHan  qui  leur  étoit  commune  > 
il  en  demanda  la  raifon  à  ces  derniers  ;  ils 
ne  manquèrent  pas  5  félon  leur  coutume , 
de  s'attribuer  l'origine,  de  tout:  Hérodote 
les  crut  fur  leur  parole.  S'il  eût  interrogé  les 
Juifs,  ceux-ci l'auroient détrompé. 

Mais ,  dira-t-on ,  Hérodote  s'appuya  en- 
core d'une  autre  preuve  ;  c'eft  que  les  Col- 
ques avoient  la  même  langue  que  les  Egyp- 
tiens. Cette  nouvelle  obfervatioxi  achevé 
de  démpnrrer  laJfaufleté  de  toute  l'Hiftoire. 
Il  eft  impoflible  qu'un  peuple  tranfplanté 
à  deux  cens  lieues  de  l'Egypte  depuis  Sé- 
foftris  ,  ait  confervé  fon  même  langage 
pendant  1200  ans,  Hérodote  n'entendoit 

ni 


DE  LA  Religion,  &c.  yoy 
ni  la  ladgue  de  la  Colchide ,  ni  celle  de 
l'Egypte  ;  il  n'eft  pas  fiirprenant  qu'il  fe 
foit  trompé  fur  leur  identité.  La  langue 
des  Mingréliens  ,  fuccefleurs  des  Colgues , 
qui  eft  très-connue  des  Sçavans ,  n'a  aucun 
rapport  avec  le  Cophte  ou  l'ancien  Egyp- 
tien. 

Qu'étoit-ce  donc  que  ces  Colques  &  ces 
Syriens  circoncis ,  placés  fur  les  bords  du 
Pont-Euxin?  Cétoit  des  peuplades  de 
Juifs  chaffés  de  la  Paleftine  par  Salmana- 
far  ,  &  enfuite  par  Nabuchodonofor  ,  qui 
allèrent  s'établir,  les  uns  fur  les  rives  du 
Thermodon  ,  les  autres  le  long  du  Phafe, 
On  fçait  qu'il  y  en  eut  qui  franchirent 
même  le  Caucafe ,  &  pénétrèrent  jufqu'à  la 
Chine.  Leur  langage  ,  qui  étoit  l'Hébreu  , 
avoit  beaucoup  d'affinité  avec  le  Phéni- 
cien &  avec  l'Egyptien  ;  il  n'en  falloit  pas 
davantage  pour  tromper  Hérodote* 

Quant  à  ce  qu'il  ajoute  qu'il  ignore  fi 
les  Ethiopiens  ont  reçu  la  circoncifion  des 
Egyptiens  ,  ou  au  contraire ,  parce  qu'elle 
eft  fort  ancienne  chez  les  uns  &  chez  les  au- 
tres :  nous  verrons  que  ce  doute  même 
fert  à  éclaircir  la  quèftion.  Il  eft  temps  de 
voir  les  preuves  dont  notre  Philofophe  fc 
fert  pour  appuyer  le  récit  d'Hérodote. 

«  A  qui  peut-on  ,  dit-il ,  attribuer  l'orî-; 
»  gine  de  la  circoncifion  ?  Ou  à  la  Nation 
J0ms  I.  V  v 


^o6  Apologie 

^  de  qui  cinq  ou  fix  autres  confeflènt  h 
7>  tenir  ;  ou  à  uae  autre  Nation  bien  moins 
»  puiflànte  ,  moins  commerçante  >  moins 
p>  guerrière ,  cachée  dans  un  coin  de  l'Ara* 
9>  bie  pétrée ,  qui  n*a  jamais  communiqué  le 
p  moindre  de  fes  ufages  à  aucun  peuple  »  ? 
U  eft  faux  que  cinq  ou  fix  Nations  ayenc 
confefle  tenir  la  circoncifion  des  Egyptiens. 
Hérodote  n^attribue  cette  prétendue  con- 
feflîon  qu'aux  Phéniciens  &^ux  Syriens  de 
Ja  Paleftine  ;  le$  premiers  n'ont  jamais  été 
circoncis  s  les  féconds  ne  pouvoient  faire 
cet  aveu  fans  démentir  leur  Religion.  Selon 
Hérodote  >  les  Syriens  des  rives  du  Ther- 
modon  difoient  l'avoir  empruntée  des  Col- 
ques  ;  mais  il  ne  dit  point  que  les  Col- 
ques  ayent  reconnu  la  tenir  des  Egyptiens. 
Les  Ethiopiens  n'avouoient  pas  non  plus 
qu'ils  enflent  pris  la  circonciuon  en  Egyp- 
te ,  puifqu'Hérodotç  convient  de  fon  igno- 
rance fur  cet  article.  Nous  verrons  bien^ 
tôt  de  qui  les  Egyptiens  l'avoîent  reçue. 

C'eft  une  imagination  bizarre  de  nous 
peindre  les  anciens  Egyptiens  comme  unç 
Kation  plus  commerçante  &  plus  guerrière 
que  les  Juifs.  i°.  L'Auteur  même  du  Dic^ 
tionnaire  Philofopkique  a  dît  le  contraire  à 
l'article  ylpis  ;  &  l'on  fçaît  d'ailleurs  qu'ils 
ont  été  fucceffivement  fubjugués  par  les 
A;'dbe3  »  p^r  les  Ethiopiens  >  pAr  Içs  Perles  ^ 


DE  LA  Reltgion,&c.  yo7 
par  les  Grecs ,  par  les  Romains ,  par  les  Sar- 
rafins.  2®.  Il  eft  certain  que  les  anciens 
Egyptiens  ^voient  la  mer  en  horreur; 
qu'ils  fiirmoient  leurs  ports  ^ux  étrangers  ; 
que  chez  eux  le  commerce  n'étoit  exercé 
que  par  les  femmes  ;  qu*ils  manquoient  de 
bois  pour  la  conftru<ftion  des  vaiiTeaux  (^  )• 
Voilà  pourquoi  les  Sçavans  regardent 
comme  fabuleux  tout  ce  que  l'on  a  dit 
fur  les  flottes  &  fur  les  armées  de  Séfof- 
tris. 

Notre  Phîlofophe  s'attache  à  prouver 
que  les  Egyptiens  n'ont  pas  reçu  des  Juifs 
la  cffconcifion  ;  cela  eft  certain  :  mais  on 
foutient  qu'ils  l'ont  reçue  des  Ifmaélites; 
en  voici  les  preuves.  1**.  Il  eft  conftant  par 
l'aveu  des  Hiftoriens  Egyptiens ,  que  leur 
Nation  a  été  fubjuguée  par  des  Rois  Ara- 
bes ,  Iduméens  ou  Ifmaélites  ,  qui  ont  été 
nommés  Rois  paftears  ;  ils  defcendoîent 
.  d'Ifmaël ,  iSls  d'Abraham ,  dont  la  poftârlte 
a  confervé  l'ufage  de  la  circoncinon ,  & 
l'obferve  encore  aujourd'hui.  Ils  ont  donc 
pu  l'introduire  en  Egypte.  Quand  tout  ce 
qu'Hérodote  a  dit  des  Colques  feroit  vrai , 
cela  ne  prouveroit  encore  rien  contre  le 
récit  des  Livres  faints ,  ni  contre  la  véri- 


(a)  Origine  des  Loîx,  des  Acti  ic  des  Sciences  ,  tome  li 

Vvij  ^ 


^o?  Apologie 

(able  origine  de  la  circoncifion.  2®.  fi 
xi'eft  pas  moins  certain  que  ces  defcendans 
d'Ifmaël  rempliflpient  TArabie  &  Tldu- 
mée  ;  qu'ils  oçcupoient  les  côt^i^  de  la 
Mer  rouge  ;  qu'ils  fe  font  répandus  dans 
toute  l'Ethiopie  &  dans  le  refte  de  TAfri- 
,  quç  ,  où  on  les  retrouve  encore  ;  que  la 
taute  Egypte  en  écoit  pleine  ;  que  fouvent 
ils  ont  été  maîtres  de  l'Egypte  ,  &Jui  ont 
<Jonné  des  Rois.  Ces  Ethiopiens  Ifmaélites 
ont  donc  pu  y  porter  le  rit  de  la  circonci- 
iion  ,  fans  qu'on  en  puiflè  rien  conclure 
contre  la  vérité  de  THifloire  fainte.  3°,  Un^ 
preuve  plus  pofitive ,  c'eft  que  les  Egyptiens 
donnoient  la  circonciiion ,  non  pas  comme 
les  Juifs  le  huitième  jour ,  mais  comme  les 
Ifmaélites  à  la  quatorzième  année.  S.  Am- 
broife  attefte  ce  fait ,  &  il  n'eft  contredit 
par  aucun  des  Auteurs  plus  anciens.  Il  çft 
dit  dans  la  Genèfe ,  quifma'él  fut  circoncis 
à  Page  de  1^  ans  résolus ,  &r  Ifaac  le  hui- 
tième jour  de  fa  naijfance  (a).  Confèquem- 
ffientîes  defcendans  d'Ifaac  ont  confe;^él'u- 
£ige  de  donner  la  circoncifion  le  huitième 
four  f  &  l^obfervent  encore  :  ceux  d'Ifxnaël , 
idom:  le  monde  eft  rempli ,  n'orit  pas  été 
Qioins  fidèles  à  la  donner  ^  la  quatorzième 
jjinnée;  Jofpphe,  Ôrigène^  Porphyre,  Jam- 


r> 


DE  LÀ  R É L 1 6 ï o N,  &e.    j;ùp 

blîque  &  plufieurs  autres  en  font  les  garant* 
3-ia  circoncifion  des  Egyptiens  ne  vient 
donc  pas  des  Juifs ,  mais  des  Ifmaéiiïes  qui 
ont  été  plufieurs  fois  leurs  Goncjuérans  ôc 
leurs  Maîtres. 

S.  lO. 

l!  nous  refte  à  examiner  les  faifons  pat 
lefquelles  on  veut  prouver  que  les  Juifs  ont 
reçu  cette  pratique  des  Egyptiens.  *  Lés 
*  Juifs  ,  dit  notre  Phik>foph«  ,  avouent 
a»  qu'ils  denïeurerent  pendant  20 j  ans  en 
»  Egypte  ;  ils  difent  qu'ils  ne  fe  firent  point 
*>  circoncire  pendant  cet  efpace  de  temps  v. 
Si  cela  étoit  vrai ,  ce  feroit  une  preuve  de 
plus  contre  TAuteur  ;  mais  cela  eft  faux  r 
ie  Livre  de  Jofué  dit  que  tous  ceux  quifor^ 
tirent  d? Egypte  étoient  circoncis  (a).  Sâûs 
cela  ils  n'auroient  pas  pu  célébrer  laPâ^ 
que(i>. 

«  D  eft  dit ,  continue  le  Critique ,  dans 
»  le  Livre  de  Jofué ,  que  les  Juifs  furent 
»  circoncis  dans  le  défert  :  Je  vous  ai  délivré 
ar»  de  ce  qui  faifoit  votre  opprobre  che\  les 
ja  Egyptiens.  Or  que  pouvoit  être  cette  op- 
j>  probre  pour  des  gens  qui  fe  trouvoient 
9»  entre  les  Peuples  de  Phénicie  >  les  Arabes 


iVv  il) 


i'io  Apoxogib 

a>  &  les  Egyptiens ,  fi  ce  n'eft  ce  cjuî  les  tenh 
^  doit  méprifdbles  à  ces  trois  Nations  ? 
»  Comment  leur  ôte-t-on  cet  opprobre  ? 
'  »  En  leur  otant  un  peu  de  prépuce  ;  n'eft- 
»  ce  pas  là  le  fens  naturel  de  ce  paf&ge  ^  ? 
Non  aflurément  ;^  e'eff  tout  le  coœraire» 
Je  vous  ai  délivré  de  V opprobre  de  V Egypte, 
c'eft-à-dire ,  de  ce  qui  vous  rendoit  fembla- 
blés  aux  Egyptiens  incirconcis.  Quoi  qa'en 
puifle  dire  l'Auteur ,  la  circoncifion  n^étoir 
j>oiiit  encore  ufitée  powr  lors  chez  les  Egyp- 
jiens.  Plus  de  300  ^ns  après  Jofué,  les 
Philiflins  qui  étoiem  une  Colonie  d^Egyp- 
te  ,  font  encore  appelles  par  les  Juifs  »  U 
peuple  incir^oncis. 

Admirons  ta  foppoCtion  de  notre  Pliilo- 
fophe  ;  pendant  ao/  ans  que  tes  Hébreux 
pnt  denœuré  en  Egypte,  ils  ne  fe  font 
point  fait  cirçQncire^  quoique  les  Egyp- 
tiens le  fliflent  ;  ils  ont  ainfi  confervé  pea- 
dant  tout  ce  temps-là ,  ce  qui  les  couvroît 
d'opprobre  aux  yeux  des  Egyptiens  :  ils 
ont  attendu  pour  s'en  délivrer,  4.0  ans 
après  leur  fortie  ;  &  ils  n'ont  penfé  à  imiter 
les  Egyptiens ,  qu'après  avoir  rompu  toute 
communication  avec  eux*  Cela  eft-il 
concevable  ?  En  fécond  lieu  >  il  iuppofe 
que  les  Phéniciens  étoîent  circoncis,  ce 
qui  eft  d'une  faufleté  avérée. 

çc  La  Gmèfe  ,  pourfuit-il ,  dit  qu' Abra- 


DE  LA  RêLKÎÏON,  &€.      fit 

9>  batn  âvoit  été  circoncis  auparavant  ;  lûais 
»  Abr^b^m  voyagea  epf  Egypte ,  il  a  pu  y 
»  apprendre  cet  ufage  »r  Autre  fuppofi- 
tion.  Le  même  Livre;  qui  nous  apprend 
qu'Abraham  voyagea  en  Egypte ,  nous 
apprend  auffi  qu'il  fut  le  premier  homme 
qui  ait  pratiqué  la  circoncifion  ;  qu'il  la  re- 
çut 14  ans  après  fon  retour  d'Egypte  j  & 
jamais  on  ne  prouvera  qu'elle  ait  été  con- 
mie  en  Egypte  avant  Abraham. 

«  De  phis ,  ajoute  notre  Philofbphe ,  la 
»  circoncifion  d' AtM-ahara  n'eut  p<;)int  de 
9  fuite  ;  fa  poftérité  ne  fut  cif  concife  que 
»  du  temps  de  Jofué  t>.  Il  faut  que  l'Auteur 
n'ait  jamais  lu  VHiftoire  fainte.  On  vok 
<lans  la  Genèfi  (a)  qae  tes  fils  de  Ja- 
'cob  étoient  circoncis  ;  dans  l'Exode  »  que 
5éphora  ,  femme  de  Moïfe  >  qui  n'étoit 
point  Egyptienne,  donna  elle -^ même  la 
circoncifion  à  fon  fils.  (b).  Dans  Jofué, 
que  tous  les  Hébreux  qpii  étoient  fort is  de 
l'Egypte  ,  avoient  été  circoncis-  (  c  ).  Cet 
ufege  fut  feulement  interrompu  pendant 
les  40  ans  que  le  peuple  paffa  dans  le  dé- 
fert;  pendant  tout  ce  tems  il  ne  célébra 
point  la  Pâque  >  parce  qu'il  ne  le  pouvoit 
pas  ;  avant  d'entrer  dans  la  Terre  promife. 


■MMMMM 


(a)  Gm'i^%if»  i%&ixu 
ih)  Exod.  4»  ly. 
(c)  Jef6,  5» 

Vv  îv 


5*12  Apologie 

il  fallut  circoncire  tous  ceux  qui  etoîetiff 
nés  depuis  la  fortie  d"  Egypte ,  afin  qu'ils 
puflent  la  célébrer. 

Le  Cricique  avance  encore  ptus  faufle- 
ment  qu'avant  Jofué ,  les  Ifraélites  ,  de 
leur  aveu  même,  prirent  beaucoup  de  cou- 
tumes des  Egyptiens.  Jamais  les  Ifraélites 
n'ont  fait  cet  aveu.  Moïfe  ,  dans  la  plupart 
de  lès  foix ,  s'attache  à  prendre  le  contre- 
pied  des  rits  &  des  coutumes  de  l'Egypte. 
Malgré  cette  attention ,  il  n'eft  pas  éton- 
nant qu'il  fe  trouve  encore  dans  fa  Reli- 
gion Juive  pîufieurs  cérémonies  ufitées 
chez  les  Egyptiens.  C'étoient  des  pratiques 
univerfelles  &  communes  à  touis  les  anciens 
peuples  ;  Moïfe  ne  les  avoir  pas  plus  imi- 
tées des  Egyptiens  que  des  Chinois  (  a  )• 

L'énumératîon  qu'en  fait  notre  Philofo^ 
phe ,  &  qui  eft  répétée,  dans  l'Examen  mt' 
portant  (b),  eft  fauffe  ou  hafardée  dans 
pluHeurs  articles.  Jamais  'ûjoe  prouvera  que 
le  facrifice  de  la  vacte  roufiè  ,  la*  purifica- 
tion avec  de  l'hyfope ,  la  cérémonie  du 
bouc  émifikire  >  aient  été  ufités  chez  les 
Egyptiens. 

Il  n'eft  pas  vrai  non  plus  que  les  Ara- 
bes ayent  reçu  la  circoncifion  de  l'Egypte» 
Que  les  Egyptiens  eux  -  mêmes  l'aient  itni- 

(a  )  Voyez  ci-dclTus  t^9i  i»  »• 
(&)Cbap.  S»F«  J»» 


DE  LA  Religion,  &c.  5*15 
têe  des  Arabes  ou  des  Ethiopiens  leurs 
'Vainqueurs  ,  on  le  comprend  ^  maïs  que 
dés  peuples  .qui  n'avoient  rien  à  craindre 
ni  à  efpérer  ,des  Egyptiens ,  en  aient  em- 
prunté un  rit  auffi  ungulier  que  la  circon- 
cifîon ,  fans  aucun  motif  raifonnable ,  on 
'lie  le  concevra  jamais. 

Π Les  Egyptiens ,  qui  dans  les  premiers 
»  temps  circoncifoient  les  garçons  &  les 
»  filles ,  ceflèrent ,  avec  le  temps ,  de  faire 
»  aux  filles  cette  opération ,  &  enfin  la  ref 
»  traignirent  aux  Prêtres ,  aux  Aftrologues 
u»  &  aux  Prophètes  ;  c'eft  ce  que  Clément 
»  d'Alexandrie  &  Origène  nous  appren- 
»  nent  ».  Nouvelle  fuppofition  de  l'Au- 
teur. Jamais  on  ne  prouvera  que  dans,  les 
premiers  temps  la  circoncifion  ait  été  un 
ufàge  général  en  Egypte ,  ou  qu'elle  y  ait 
été  plus  comnuine  que  du  temps  d'Ori- 
gène  &  de  Clément  d'Alexandrie.  Celui- 
ci  nous  apprend  (a)  que  Pytagore  voya- 
geant en  Egypte ,  fut  obligé  de  fe  faire  cir- 
concire pour  être  admis  aux  myfteres  des 
Prêtres  Egyptiens  ;  preuve  qu'Hérodote  a 
très-mal  rencontré ,  quand  il  a  dit  que  les 
Egyptiens  pratiquoient  la  circoncifion  par 
^n  motif  de  propreté. 
Les  Latins  qui  ont  fait  tant  de  railleries 


(a)S(com.i,if  c^ 


* 


JI4  Apologie 

fiir  la  circoncifion  des  Jui& ,  qui  ont  tourné 
en  ridicule  les  fuperfHn&ns  &  Jes  ufages  bi- 
zarres des  Egyptiens ,  ne  leur  ont  jamais 
reproché  cette  coutume  ;  nouvelle  preuve 
qt^elte  n'a  été  chez  eux ,  ni  confiante  >  ni 
univerfelle*  Pendant  que  les  Juifs  &  les  K- 
maélites  difperfés  par-tout  ont  fcrupuleu- 
fement  confervé  la  circoncifîon  ,  elle  avoit 
abfolument  cefle  en  Egypte  >  lorfque  let 
Sarrafins  ou  les  Turcs  Vy  ont  introduite  de 
nouveau  après  leur  conquête.  C'a  donc 
toujours  été  la  deftinée  de  l'Egypte  d'a- 
dopter les  moeurs  de  (es  nouveaux  maîtres , 
&  non  p^  de  communiquer  les  (îennes  aux 
Nations  étrangères. 

Enfin  notre  Philofophe  convient  que 
cette  cérémonie  de  la  circoncifion  paroîl* 
d'abord  bien  étrange  ;  il  n'eft  pas  peu  em- 
barrafle  à  trouver  la  raifon  qui  a  pu  la  faire 
pratiquer  aux  Egyptiens.  «  De  tout  temps , 
a>  dit-il ,  les  Prêtres  de  TOrient  fe  confe- 
»  croient  à  leurs  divinités  par  des  marques 

»  particulières Il  y  a  grande  appa- 

9  rence  qua  les  Egyptiens  qui  révéroient  le 
»  Phallus  y  &  qui  en  portoient  l'image  en 
»  pompe  dans  leurs  proceffions  ^imaginèrent 
»  d'offrir  à  Ifîs  &  Ofiris,  par  qui  tout  s'en- 
»  gendroit  fur  la  terre ,  une  partie  du  mem* 
»  bre  par  lequel  ces  Dieux  avoient  voulu 
»  que  le  genre  humain-  fe  perpétuât  30* 


D  B   L  A  R  E  L  I  G  I  O  K  ,  &C.     J  If 

Vaine  imagination.  I^  Les  mceurs  des 
Orientaux  n'ont   rien  de  commun  avec 
celles  des  Egyptiens.  2^.  Hérodote ,  dont 
on  nous  a  vanté  la  fagacité ,  parle  dans  le 
même  Livre  du  Phallus  porté  en  pompe 
dans  les  myfteres  de  Bacchus  &  de  la  cir- 
concifion  ;  mais  il  n'indique  aucun  rap- 
port entre  ces  deux  ufàges  ,  ni  avec  te 
culte  d'Ifis  &  d'Ofiris  ;  il  prétend  au  con- 
traire que  la  circoncifion  étoit  pratiquée 
par  un  motif  de  propreté  ;  ou ,  fi  l'on  veut , 
comme  une  purification.  3°.  JPlutarque , 
qui  a  parlé  dans  un  grand  détail  du  culte  . 
d'Ifis  &  d'Ofiris ,  n'a  rien  dit  de  la  circon- 
cifion. 4^.  Si  elle  avoir  fait  partie  du  culte 
de  ces  deux  Divinités  ,  elle  auroit  fubfifté 
ians  doute  autant  que  ce  culte  même  ;  Se 
c*eft  ce  qui  n'eft  point  arrivé,  y**.  Dans 
cette  fijppofition  »  comment  les  autres  Na- 
tions qui  n'adoroient  point  les  Dieux  d'£« 
gypte ,  auroient*elles  adopté  une  cérémo- 
nie de  leur  culte  ?  Comment  les  Juifs  » 
ennemis  déclarés  de  l'idolâtrie  Egyptienne , 
auroient-ils  pratiqué  un  rit  confacré  aux 
Dieux  d'Egypte  ?  Le   Critique  va  donc 
ici  direâement  contre  fon  intention  ;  il 
détruit  d'un  trait  de  plume  tout  ce  qu'il 
s'eft  efforcé  d'établir. 

C'eft  compaier  les  ténèbres  à  la  luriiîe* 
re ,  que  d'oppofer  les  con|eâures  &c  le  ré^ 


jitf  Apologie 

cit  peu  exaâ  d'Hérodote ,  à  la  narradon 
fimple,  claire,  circonftanciée  de  Moïfe. 
Elle  nous  apprend  qu'Abraham  a  reçu  la 
circoncifion  comme  une  marque  de  l'al- 
liance ou  de  la  promeflè  que  Dieu  lui  a  faî- 
te ^  comme  un  gage  de  la  fécondité  prodi- 
gieufe  que  Dieu  vouloit  donner  à  fa  pofté- 
rité»  Il  n'avoit  que  deux  fils  ;  l'un  eft  cir- 
concis dans  ùl  quatorzième  année,  le  fécond 
huit  jours  après  fa  naiflance.  Les  defcen- 
dans  de  l'un  &  de  l'autre  continuent  à  por- 
ter ,  chacm^  à  leur  manière ,  le  caraâere 
imprimé  a  leur  père.  Ils  s'étendent  d'un 
bout  de  l'Univers  à  l'autre ,  &  introduifent 
ce  (igné  de  leur  origine  par-tout  où  ils  font 
les  maîtres  :  rien  de  G  fimple ,  mais  rien  de 
fi  frappant.  La  race  d'Iiaac  &  celle  d'If- 
maël ,  toujours  rivales ,  toujours  ennemies, 
répandues  fur  toute  la  face  de  la  terre  ,  at- 
tellent encore  aujourd'hui  à  tout  l'Univers, 
leur  origine  commune,  &  la  promefle  &ite 
à  leur  père  plus  de  1 800  ans  avant  J.  C. 
En  vain  l'on  cherche  à  obfcurcîr  ce  pro- 
dige ;  il  eft  inconteftable  ,  il  eft  unique  ; 
il  prouve  invinciblement  la  vérité  &  l'au- 
thenticité des  Livres  de  Moïfe. 

§.  II. 

Nous  avons  examiné  dans  le  fécond  cha- 
pitre de  cet  Ouvrage,  les  objeâions  de  nos 


DE  LA  Religion,  &c.    s ^7 

Philofophes  contre  l'Hiftoire  &  la  conduite 
de  ce  Légiflateur.  L'Auteur  du  Chriftia-- 
nifme  dévoilé  fe  plaint  de  ce  que  l'on  trou- 
ve dans  les  Ouvrages  attribués  à  Moïfe  » 
une  foule  d*HiJioires  improbables  &*  mer' 
^eilûufes ,  un  amas  de  ioix  ridicules  &  ar^ 
bitraires  ;  enfin  ï Auteur  conclut  gg.r  y  rap- 
porter fa  propre  mort  (a).  Les  prodiges 
rapportés  dans  l'Hiftoire  de  Moïfe ,  peuvent 
paroître  improbables  &  fabuleux  à  ceux 
qui  ne  croyent  ni  Dieu  ni  Providence;  maïs 
s'il  y  a  tm  Dieu  fouverain  arbitre  de  la  na^ 
ture ,  qui  veille  fur  les  hommes ,  qui  leut 
intime  fes  volontés  par  des  fignes  capables 
de  frapper  les  plus  ftupides ,  les  merveilles 
opérées  en  faveur  des  Hébreux  ,  n'ont 
plus  rien  d'incroyable. 

Qu'y  a-t-il  de  ridicule  ou  d'arbitraire 
dans  les  Ioix  de  Moïfe  ?  Il  connoifToit  le 
génie  &  les  mœurs  de  fon  peuplé  ,  les 
vices  auxquels  ce  peuple  étoit  enclin , 
les  abus  dont  il  falloit  les  préferver  ,  les 
défordres  dans  lefquels  il  pouvoit  être  en- 
traîné  par  l'exemple  de  fes  voifins.  Moïfe 
a  dirigé  fes  Ioix  félon  cette  connoiflance. 
lies  payens,  plus  fenfés  &  plus  équita- 
bles que  nos  Philofophes ,  ont  rendu  hoip* 
piage  à  la  fagefle  du  Légiflateur  des  Hé^ 


•1/ 

I 
f 


^fi)  Çhrîft<  liévQilc^p»  ii^i 


yiS  Apologie 

breux  (a)  ',  ils  ont  reconnu  que  ce  n'étoît 

pas  un  homme  ordinaire. 

On  a  cru  trouver  de  la  contradiftion  en- 
tre quelques-unes  de  fes  loix  :  le  Lévitiqut , 
dit-on ,  c.  i8 ,  Tî'.  i6  ,  défend  d'époufer  la 
veuve  de  fon  frère  ;  &  le  Deutéronome 
l'ordonn^expreffément ,  c.  25*  »  t.  y*  On 
n'a  pas  fait  attention  que  cela  n'eft  ordon- 
né que  dans  un  feul  cas  ;  c'eft  lorfque  le 
défunt  n'avoit  pas  laifle  d'enfans.  Cette  loi 
éroit  bien  antérieure  à  Moïfe  ,  puifqu'elle 
étoît  déjà  en  ufkge  parmi  les  enfans  de  Ja- 
cob ,  Gen*  28.  Hors  ce  cas  unique  ,  la  dé- 
fenfe  du  Lévidquz  avoit  lieu ,  &  devoit 
être  obfervée.  Il  n'y  a  point  là  de  contra- 
didion  (i). 

La  mort  de  Moïfe  eft  rapportée  à  la  fin 
du  Deutéronome^  Il  eft  évident  que  ce 
chapitre  qui  ne  contient  que  douze  verfets , 
a  été  écrit ,  non  par  Moïfe ,  mais  par  celui 
des  Hiftoriens  Hébreux  qui  a  continué  les 
annales  de  fon  peuple.  Ceft  Efdras  qui  a 
rangé  les  livres  faints  dans  l'ordre  où  ils 
font  aujourd'hui  ;  le  texte  original  n'étoit 
pmnt  diftingué  par  chapitres  ni  par  verfets  : 
au  lieu  de  placer  ces  douze  verfets  à  la  fin 

du  Deutéronome ,  on  pouvoit  les  mettre  à 

.-- u 

{A)  Longin;  Traité  du  Sublime  ;  Diodore  de  Sicile»  &c. 
(  t }  Dîner  du  Comte  de  BouiainviJJicis  >  p*  175  &  Dic- 
tionnaire PhiloC  arc  Md^ 


DE  LA  Religion,  &c.  yrp 
lâ  tête  du  Livre  de  Jofué ,  qui  en  eft  évi- 
demment la  continuation  ;  toute  la  diffi- 
culté feroit  réfolue. 

Après  avoir  acçufé  Moïfe  très-injufte- 
ment,  TAuteur  du  Chrijiianifme  dévoilé 
ne  traite  pas  mieux  fon  luccefleur.  Jofué , 
dit-il ,  arrête  le  foleil  qui  ne  tourne  point  ; 
Sam  fon  9  V Hercule,  des  Juifs  j  a  la  for  ce  de 
faire  retomber  un  Teirpk  (a).  Voilà  de  ter- 
ribles objeâions.  D^autres  Philofophes  plus 
éclairés ,  ont  approuvé  la  manière  de  par- 
ler des  Livres  iaints.  jfc  L'Ecriture ,  dit  Tun 
»  d'entr'eux ,  a  befoin  de  parler  le  langage 
»  de  la  multitude ,  pour  fe  mettre  à  fa  por- 
3»  tée.  Qu'un  Miffionnaire  tranfplanté  au 
»  milieu  des  peuples  fauvages  »  leur  prêche 
a>  ainli  l'Evangile  :  Je  vous  annonce  le  Dieu 
»  qui  fait  tourner  autour  du  foleil  cette  terre 
a»  que  vous  habitei  ;  aucun  des  Sauvages 
a»  ne  daignera  faire  attention  à  fon  dif- 
»  cours  »(i). 

Si  le  Temple  des  Philiftins  avoit  été 
femblable  à  l'Eglife  de  S.  Pierre  de  Rome , 
ou  à  celle  de  S.  Paul  de  Londres ,  il  eft  pro- 
bable que  Samfon  n'auroit  pas  pu  le  renver- 
fer.  Ce  Temple  étoit  fans  doute  une  cabane 
bâtie  comme  celles  où  les  Caraïbes  &  au- 
tres peuples  Sauvages  s'aiTemblent  pour 

m  ^       )  '  III  I 

(a)  Chrift.  dévoilé,  p.  119.         ^ 
^)  Mélangei  de  Lice»  &c«  de  M.  d'Alembert^t,  4,  p«  j^tt 


5*20  Apologie 

honorer  leurs  Dieux.  Deux  colonnes  pla- 
cées au  milieu  foutenoient  toute  la  cnar- 
pente  ;  quatre  hommes  forts  &  vigoureux 
pourrroient  ébranler  de  pareils  édifices.  En 
confondant  les  mœurs  &  les  ufages  de  tous 
les  fiècles  ,  en  jugeant  des  anciens  peuples 
par  l'état  des  Nations  policées  ,  il  eft  aifé 
de  repréfenter  l'Ecriture  comme  un  amas 
de  contes^  indignes  de  lagravité  de  VHi/ieire 
Cr  de  la  majefté  Divine ,  ridicules  aux  yeux 
du  bon  fensy  &c.  Ces  épithètes  injurieufes 
ne  coûtent  rien  :  quand  il  faut  prouver, 
la  critique  fe  trouve  fouvent  en  cléfaut» 

'Nous  ne  répondrons  rien  aux  objeâions 
que  Ton  a  faites  dans  YAnalyfe  de  la  Reli- 
gion Chrétienne ,  par  du  Marfab ,  contre  la 
Chronologie  de  l'Ecriture ,  ni  aux  repro- 
ches tirés  de  Bayle  ,  &  fouvent  répétés , 
contre  la  conduite  de  David.  Ces  deux 
points  ont  été  très-bien  éclaircis  par  plu- 
fieqrs de  nos  Apologiftes  (a). 

Nous  avons  examiné  dans  un  autre 
Ouvrage  (b)  ,cg  que  l'on  a  objefté  con- 
tre les  Livres  des  Juges^  de  YEccleJîaJîe , 
des  Cantiques ,  de  Tobie ,  de  Judith ,  d'Ef- 
terj  nous  avons  répondu  plus  bautCc)  à 


«1 


(a)  V.  la  Relîg.  nar,  &  la  révélée ,  r.  6,  diff^rt.  13  &  14* 
(  b  )  Ceriit.  des  Preuves  du  Cbriil.  c  x  x. 
i£)  Cb«  1  >  $•  zo. 

la 


> 


ï>È  LA  Religion,  &c.     5-21 

la  (atyre  que  nos  Philofophes  ont  faite  des 
mœurs  Juives  :  nous  allons  yoir  s'ils  ont 
fait  contre  le  Nouveau  Teftament  des  dif- 
ficultés plus  difficiles  à  refoudre. 

^  ArticleII, 

Vîs  Livres  du  Nouveau  TefiamenU 

§.    I2# 

L'Auteur  iu  Chriftianifme  dévoilé  parlé 
de  ces  Livres  dans  fon  ftyle  ordinaire.  Qua- 
tre Hifioriens  ou  Fabuliftes ,  dit-il ,  ont  écrit 
VHiftoire  merveilleufe  du  MeJJîe  ;  peu  âdc- 
cord  fur  les  circonjîànces  de  fa  vie  j  ils  fè 
contredifent  quelquefois  de  la  façon  la  plu)i 
palpable,  (a).  Nous  examinerons  foigneu- 
fement  ces  prétendues  contradiâions.  Mais 
on  prie  le  Lefteur  de  fe  rappeller  ce  que 
nous  avons  dit  des  Evangiles  au  commen- 
cement du  chapitre  troifième  ;  il  fentira  C 
ces  Hiuoires  peuvent  être  traitées  de  fableâ 
par  un  homme  de  bon  kn^ 

Les  Evangéliftes  font  peii  £  accord  fur 
les  circonjiances  de  la  vie  de  J.  C.  Suppofons- 
lè  pour  un  mon^nt.  Ils  font  du  moins  d'ac- 
cord fur  tous  les  événemens  principaux, 
fur  fa  naiflànce ,  fa  prédication  ^  fes  mira- 
cles ,  fa  morti  fa  réfurreftion ,  fon  afcen^ 


^m*m 


( a  )  Page  m.  Dîner  du  Cortiçe  de  Bôulamviîlîcts,  p^  f. 

Tome  L  X  x 


5*22  Apologie 

fijn,  &  fur  la  doârine  qu'il  a  enieignée* 
L  :)rfque  plufieurs  Hiftoriens  profanes ,  par* 
faitement  conformes  fur  une  fuite  de  bits 
publics,  ne  varient  entr'euxque  (ûr  quel- 
ques Itères  circonftances  du  temps ,  du 
lieu ,  de  la  manière ,  fe  croit-on  fonilé  à 
douter  de  leur  narration  >  &  à  la  traiter  de 
fable  ? 

Mais  les  Evangélifles  fe  contredifent.  Il 
eft  queftion  de  le  prouver.  La  généalogie 
de  J.  C.  donnée  par  S.  Matthieu ,  efl:  fort 
différente  de  celle  que  donne  S.  Luc  ;  voilà 
la  grande  objeôion  que  répètent  tous  nos 
Philofophes  (a);  &  par  la  maniera  dont  ils 
en  parlent ,  il  femble  que  la  difficulté  foit 
ians  réplique  ;  Julien  Tavoit  déjà  faite  (^> 
Un  moment  de  réflexion  fuffit  pour  la  faire 
difparoître. 

S.  Matthieu  fe  propofe  de  montrer  que 
J.  C.  defcendoit  de  David  par  les  aïeux  pa- 
ternels de  Jofèph ,  fon  père  félon  la  loi  » 
&  par  la  branche  aînée  des  defcendans  de  ce 
Roi.  S.  Luc  fait  voir  que  J*  C.  en  defcen*- 
doit  encore  par  les  aïeux  de  Marie ,  &  pat 
la  branche  des  puînés.  Les  deux  généalo* 
gies  comparées  enfemble ,  prouvent  que 

(  a )  Chriflb  dévoilé,  p.  151.  Examen  important ,  c.  X|  ' 
p.  78.  Did%.  Phil.  c.  I ,  arc*  Chnflianijm ,  p.  10^.  Queft.  de 
Zapata,  n.  50. Traité  fur  laToIér.  c*  11,  p.  ^p.Deuxitme 
Lettre  fur  les  Miracles,  p*  M  >  6(  vingtième  LecctCi  p.  tfjn 

ib)  DansS.  Cyrilie>  i.8. 


DELA  Religion,  arc,  y^j 
les  deux  branches  fe  font  trouvées  réunie? 
dans  Zorobabel ,  &  dans  Marhan  ou  Ma* 
that ,  bifaïeul  de  J.  C;  que  ce  Mathan  étoit 
fils  d'EIéazar  &  gendre  deLévi,  tout  com^ 
me  Jofeph  eft  fils  de  Jacob  &  gendre  d'Hé- 
li;  que  par  cofifèquent*  Jofeph  &  Marie 
étoient  couCns-germains ,  &  ont  dû  s'épouy 
fej:;  félon  la  loi  portée  xlans  le  <krnier  cha- 
pitre du  Livre  des  Nombres.  La  préten- 
due conttadiâion  démontre  que  J.  C.  réu- 
niilbit  dans  fa  perfonne  tous  les  droits  du 
fang  de  David  &  des  Patriarches  >  &  tous^ 
les  caradeifes.dûMeifie.  ^ 

Nous  n'entrerons  pokit  dans  les  autres 
âifScultâ  de  dà:ail  que  Ton  peut  faire  fur 
ces  généalogies  ;  l'on  en  trouve  la  folution 
dans  Dom  Calmet  &  dans  les  autres  inter- 
prètes.        '  .   "-        .. 
,  Il  eft  dit  daiïs  S;  Luc  que  Jei[ù$  naquit 
&us  leQoliveisnemeitt  de£yrinus  ou  Cyre- 
nius  »:  lodique  l'Empereur  AugDfte  fit  'taire 
le  déncoixbrement  db  touir  l'Empire  :  mai^ 
il  n'y  eut  jamais  xle  t^l  dénombrement  >  8c 
aucun  Auteur  n'en  parle  ;  Cyrenius  ne  fift 
Gouverneur  de  Syrie  qUè  dix  an*  aprôs^ 
f  époque  de :1a  nâiffânce  de  J.  Gv(ii).    :• 

.Nos  Phitofophes  qui  ont  cùpi^  cette^ 


4i 


fîD-Examen  important ,  c.  r  r ,  p.  8^  &  8^.  Queftions  de: 
Zapata ,  n.  >i,  i  H»  tctu't  fu-r  les  Hiracks ,  p.  r »  j .        i 

Xxij 


j;2^  •  Apologie 
pbjeâion  dans  Doih  Calmet ,  dévoient  au 
moins  examiner  ,fa  réponfe  r  &  montrer 
qu'elle  efl  fauâe.  Ce  Commentateur  fait 
voir  par  plufieurs  exemples ,  que  le  texte 
Grec  de  &  Luc  peut  être  ainfi  traduit  à  la 
lettre:  Ce  dénombrement  fut  fait  apant  que 
Cynmusfiit  Gmivtmeur  d^  Syrie.  La  pré- 
tendue faute  de  Chronoiogîe  eft  donc  abfo- 
Jkiment  nulle*  On  pourroit  dire  encore 
que  le  dénombrement  commencé  fous 
Quintilius  Varus ,  &  avant  la  naiflance  de 
J»  C,.ne  fut  achevé  que  fois  Cyrenius: 
voilà  pourquoi  l'Evangéliflâe  le  lui:  attribue; 
il  n'y  a  rien  là  d'extraordinaire; 

U  n'y  eut  jamais  de  tel  dàiombrement; 
difeat  nos  Critiques.  Et  qu'en  fçavent-ils  ? 
C'eft  qu'aucun  Auteur  profane  n'en  a  par- 
lé. Voilà  toute  ta  preuve,  i^.  Le  &it  eft 
faux  i  puifqiie  l'Hiftàrien  lofephe  et>  a  par- 
lé^ iK)us  le  montrerons  aiUeurs(ix};  2*.  Com*' 
bien  d'autres  &its.  bifibriques  dont  la  i:éaiité 
n'eft  avérée  que  par  le  témoignage,  d'un 
feul  Auteur?  Noi»  n'avons  aucune Hiftoire 
exaâe  &  entière  du  règne  d'Auguâe;  nous 
n'avons  que  foK  peu  d'Hiûorieos  Romains 
qui  ne  fotent  m^utilés  ;  &  on  argumeme 
fur  le  filence  des  Hiâoriens.  Le  dénombre^ 
ment  dont  parle  S.  Luc  >  étoit  un  fait  fi 


i«)  Y.  Tome  2.»  xi'^fzès,  aci.  ÇbrUUanifm^^ 


delaReligion,  &c.  S^9 
tonftant  dans  les  premiers  lîècfes ,  que 
S,  Juftin ,  dans  fa  féconde  Apologie ,  &C 
Tertullien  dans  fon  Apologétique ,  ren- 
voyent  les  Romains  à  leurs  Archives  pouf 


s'en  convamcre. 


Les  Cenfeurs  du  Nouveau  Teftament 
ont  imaginé  un  expédient  merveilleux  pour 
y  trouver  des  contradiftions,  Lorlqu'un 
des  Evangéliftes  rapporte  un  fait  dont  les 
autres  ne  parlent  point ,  ils  les  accufent  de 
fe  contredire.  S.  Matthieu  fait  voyager 
Jefus  en  Egypte  ;  les  autres  ne  difent  rien 
de  cette  fuite  :  l'Auteur  de  VExamtn  im- 
portant conclut  que ,  félon  un  Evangélifte , 
Jefus  fut  élevé  en  Egypte  ;  & ,  félon  un  au- 
tre >  il  fut  toujours  élevé  à  Bethléem  (a). 
S.  Matthieu  raconte  Padoration  des  Mages 
&  le  maflàcre  des  Innocens  ;  les  autres  gar- 
dent le  filence  fur  ces  deux  faits  :  nouvelle 
contradiétion.  Un  des  Evangéliftcs  parle 
de  trois  voyages  de  J.  C,  à  Jérufalem ,  après 
fon  Baptême  ;  un  autre  fait  mention  d'un 
feul  voyage  :  on  en  conclut  que  le  pre- 
mier fait  durer  trois  ans  la  mîQion  de  J.  C , 
&  le  fecond  feulement  trois  mois  :  ce  font- 
là  fans  doute  autant  de  contradiAions  (b), 

'  (  tf  )  Examen  imporcanr ,  c.  i  j ,  p.  70". 

(h)  Diâionn  Philof.  t.  r , p^ u>S.  QUetlSons  de  Zapzta » 
n.  5^  *^  n»  I^e"«««ie  Lettre  fut  les  Miracles  ^  p  5^»  Dix- 
liuiticme  Lettre ,  p.  i  Èj{,  Vingtième  Lente >  p»  i^ ^  r 


S2B  Apologie 

à  trois  heures  après  midi  (a).  S.  Matthîeiï 
&  S.  Luc  rapportent  précifétnent  la  même 
chofe  (b).  S,  Jean  dit  que  quand  Pilate  li- 
vra Jefus  aux  Juifs  pour  être  crucifié ,  il 
ctoit ,  non  pas  la  fixième  heure  ,  mais  en- 
viron lafixième  heure ,  hora  quajîfexta  (c). 
Il  a  donc  marqué  le  temps  moins  diftinâe- 
ment  que  les  autres  EvangéJiftes  ,  mais  il 
ne  les  contredit  pas. 

Selon  S.  Matthieu  6*  S.  Marc ,  côntintie 
PAuteur  ,  les  femmes  qui  après  la  mort  de 
Jefus  allèrent  à  fon  Sépulchre  ,  ne  virent 
quun  Ange  ;  félon  S^  Luc  &*  S.  Jean  ^  elles 
en  virent  deux  ;  ces^  Anges  étoient ,  fuii^ant 
les  uns ,  en  dehors  ^  ^fuivant  Vautres  ,  en 
dedans  du  tombeau^  La  conciliation  eft  fort 
fimple ,  quand  on  compare  les  divers  tex- 
tes des  Evangéliftes.  Les^faintes  femmes, 
en  arrivant  au  Sépulchre ,  virent  d'abord 
un  Ange  aflîs  en-dehors  qui  les  invita  d'y 
entrer  &  de  voir  que  le  corps  de  J.  C.  n'y 
étoît  plus  {dy.  Elles  y  dépendirent,  & 
comme  elles  étoient  étonnées  de  ne  pas 
le  trouver ,  elles  apperçurent  deux  autres 
Anges  placés>  fun  à  la  tête,  l'autre  aux 
pieds ,  dans  l'endroit  où  le  corps  de  Jefus 


■«Mw«aatfMMa*aMniMMÉili 


i«^  3/îare.  if ,  f.%^ ,  yj  &  34, 
(  h  )  Matu  27.  Luc,  ij,» 
{c)Joan,  i^,  14. 
id  )  Mmth.  j^-Sf  Marc»  16% 

«voit 


DE    L  A  R  E  L  I  G  ï  O  N  ,  &C.     S^JSf 

a  voit  repoie  (a):  Magdelaine  en  particu- 
lier les  vit  de  même  (b)i  il  n'y  a  dans 
tout  cela  auciine  contradiâion. 

D  n'y  en  a  pas  davantage  dans  la  ma- 
nière dont  les  Evangéliftes  rapportent  les 
divers  miracles  de  leur  Maître  ,  &  fes  ap- 
paritions après  {a  iréfurredion  ;  les  interprè- 
tes l'ont  montré  cent  fois  :  leurs  folutions 
ne  font  ni  étranges  ni  faites  pour  conten- 
ter des  aveugles  ;  ce  font  nos  Critiques 
qui  s'aveuglent  eux-mêmes ,  &  qui  tâchent 
d'aveugler  les  autres. 

Sdon  &  Luc ,  difent-ik  ,  Jefus  efl  monté 
au  Ciel  du  petit  village  de  Béthanie;  Çffe^ 
Ion  S.  Matthieu  ,  ce  fut  de  la  Galilée  (  c  )• 
Reproche  mal  fondé.  S.  Matthieu  ne  parle 
point  de  l' Afc^nfîon ,  c'«ft  S.  Marc ,  &  il  n'en 
indique  point  le  lieu  (i).  S.  Luc  dit  que 
Jefus  conduifit  fes  Apôtres  hors  <Ie  Jerufa- 
lem  du  coté  de  Bëtnanie  ;  qu'il  les  bénit , 
&  qu'il  monta  au  Ciel  (e).  Dans  les  Ades 
il  donne  à  entendre  que  c^  fut  fur  k  mont 
des  Oliviers ,  qui  étoit  entre  Jerufalem  8t 
Béthanie  (/)•  Tout   cela  s'accorde  par- 

'Zmi'mmmmamÊmmmmmmÊmmmmiiimmmÊÊÊmmmmfmmmmÊÊÊmmtmmmmm^mimÊÊm 

(a)  Luc.  i4« 
{h)  Joan,  lo, 

{£)  Que  fiions  ^e  Zapau ,  n.  5<?.  loe  Lettre  fur  les  Ml*: 
laciez,  p   I5Î. 

(e)  Luc.  14,  ço. 
(/)  A£i,  i  ,  9. 

TomeL  Y  y 


J^9  APOEOGIfi 

faitemeot.  S.  Matthieu  parle  d^une  appa- 
rition 4e  J.  C*  à  fes  Pifcipks  fiir  une 
mo.i>l^gne  de  Galilée  «  où  il  I^r  donna 
leur  miffion  ;  mais  il  ne  dit  point  que  ce 
foit  la  dernière  fois  <jue  J^fli3^Clv:iÛ  kur 

S.  15* 

ti' Autour  .d]ii  Oiriftianifme  dwoUe  re- 
proche une  erreur  à  S.  Matthieu  (b). Selon 
cet  Ëvangélifte  ^  Jérémie  a  prédit  que  le 
Ch^ift  Jèroit  trahi  pour  trente  pièces  d'ar- 
gent i  &  cett^  prophétie  ne  fe  trouve  point 
àm&  Jérémie,  Il  eft  vrai  qu'elle  eft  dan$ 
jZacharie  ;  cVft  donc  le  nom  d'u^i  Prophète 
jnis  pour  un  autre  ;  mais  c'eft  une  erreur 
de  Copifte ,  puifque  le  nom  du  Prophète 
pe  fe  trouve  point  d^s  le  texte  Syriaque 
dp  S*  Matthieu. 

.  Qn  objeâe  encore  que  S.  Matthîeil .  c.  2 , 
iSL  dit  que^  félon  ks  Prophètes  ,1e  fils  de 
Dieu  devoit  être  appelle  Nazaréeo ,  Qc  que 
cela  nç  fe  trouve  daos -aucun  des  Prophètes, 
Mais  il  eft  clair  par  le  fixième  chapitre  dés 
Nombres ,  Se  par  le  chap.  16 ,  ?^.  17  ,  des 
Juges  ,  que  Nazaréen  fignifie  conjacré  .- 
SoutiendrartrCMî  férieufement  que  les  Pro^ 

(a)  Matth.  i8  ,  i6. 


DS    LA    ReLïOXON,&C*      5*31 

filètes  n'ont  jamais  dit  que  le  Meffie  feroit 
confacré  au  Seigneur  ?  Ceft  ce  que  fîgnifiç 
le  nom  même  de  Melfie. 

En  vain  le  même  Critique  cherche  dans 
Theophy  lade ,  dans  S.  Jérôme ,  dans  Eraf- 
me  ,  des  raifons  pour  juflifier  la  manière 
indécente  &  emportée  dont  il  parle  des 
Evangéliftes ,  &  en  général  de  1  Ecriture 
Sainte  ;  d'auffi  frivoles  objeâions  ne  mé- 
ritent point  que  l'on  s'arrête  plus  long- 
temps à  les  réfoudre. 

Le  faux  Bolingbroke ,  dont  le  ftyle  eft 
encore  moins  modéré  ,  foutient  que  les 
Evangiles  ont  été  vifiblement  forgés  après 
la  prile  de  Jerufalem.  a  On  en  a ,  dit  -  il , 
»  une  preuve  bien  fenfible  dans  celui  qui 
a>  eft  attribué  à  Matthieu.  Ce  I^ivre  met 
y>  dans  la  bouche  de  Jefus  ces  paroles  aux 
»  Juifs  :  Vous  rendre^  compte  de  tout  lefang 
M  répandu  depuis  le  jujîe  Abelj  jufqu^d  Za- 
»  char ie,  fils  de  Barack  ,  que  vous  avei  tué 
»  entre  le  Temple  &  tAuteL  Or  il  y  eut 
ao  pendant  le  fiège  de  Jerufalem  un  2!acha- 
30  rie  fils  de  Barack,  aflàffiné  entre  le  Tem- 
»  pie  &  l'Autd ,  par  la  faâion  des  zélés. 
»  Par-là  l'impoflure  efl  facilement  décou- 
»  Verte  »  {a).  La  même  objeftion  a  déjà 


(  «)  Examen  împorcanx.  c.  15  >  p.  79- 

Yy  ij 


S3^  Ap  OLOGIE 

paru  .en  mêmes  termes  dans  le  DiSionnaîre 
i^-ftilofophique  (a)  y  &  ce  n'eft  pas  la  derr 
tiiere  fois  qu'on  la  répétera. 

Suppofons  tout  cela  pour  un  momeot, 
^ue  •s'enfuit-il  ?  Que  TEvangile  de  S.  Mat- 
thieu n'a  pas  été  écrit  onze  ans  après  la 
•mort  de  J.  C.  comme  on  le  croit  commu- 
nément ,  mais  environ  trente  ans  plutard* 
Cela  peut-ii  déro^er-^en  quelque  chofe  à  la 
vérité  de  ce  qu'il  contient?  Les  Evangifes 
de  S.  Marc ,  de  S.  Luc ,  les  Ades  des  Apô- 
tres ,  les  Epîtres  de  S.  Pierre  ,  &  plufieurs 
de  celles  de  S.  Paul ,  ont  certainement  para 
plutôt, 

-  On  fçaît  que  l'Evangile  de  S^  Matthieu 
a  été  écrit  en  hébreu  ou  en  fyriaque.  Dans 
cette  langue  le  pafle  fe  met  indifféremment 
pour  le  futur,  &  le  futur  pour  le  pafle î 
«n  fuppofant  le  verbe  au  futur  dans  le  paf- 
fage  en  queftion  ,  occidetis  pour  occidijiis , 
il  fe  trouve  que  J.  C.  faifoit  aux  Juifs  uiie 
prédiâion  d'un  fait  particulier.  La  fuite  du 
texte  demande  évidemment  cette  explica- 
tion. Il  eft  clair ,  par  la  fimple  leâture  ,  que 
le  cliap,  23  de  S.Matthieu,  depuis  le  Hr.  34, 
&  tout  le  chapitre  fuivant ,  font  une  pro-^ 
fihétie  continuelle.  J.  Ci  prédit  fans  inter- 

(a)  Diâ«  Philcf.  tom. vi ,  gxuÇhrilHmfmei  p.Ao^^ 


ùE  LA  Religion,  Sec.  5:3.^ 
fuption  le  traitement  que  les  Juifs  feront  à 
fes  Difciples ,  la  deftrudion  du  Temple ,  les 
faux  Meffies  qui  paroîtront ,  la  prédication; 
de  foti  Evangile  par  tout  le  monde  >.  les 
fléaux  qui  tomberont  fur  la  nation  Juive  & 
ta  ruine  entière ,  la  multitude  des  faux 
Prophètes  que  l'on  verra  'r  autant  d'événe- 
mens  que  Ton  ne  pouvoit  pas  prévoir  par 
les  lumières  naturelles.'  Etoitril  plus  difficile 
à  J.  C.  d'annoncer  aux  Juifs  le  meurtre  de 
Zacharie  ,  que  de  prédire  leurs  autres  criâ- 
mes &  la  punition  qui  en  devoit  retomber 
for  eux?  Lorfque  l'Evangile  de  S.Matthiea 
fut  traduit  en  grec ,  le  tradufteur  exprima^ 
par  le  pafle  >  un  événement  q)ui  étoit  alors 
accompliv 

Les  Interprètes,  de  qui  nos  Critiques  ont 
emprunté  cette  objedion ,  y  donnent  d'au^* 
très  répônfes  j  fans  les  defapprouver  y  nous 
nous  en  tenons  à  celle-ci. 

a  Une  nouvelle  preuve  de  fuppofîtion' 
»  dans  l'Evangile  de  Sr  Matthieu ,  c'eft  ce 
»  paflage  fameux  :-  S'il  rJ^ écoute  pas  VEglife  y 
»  qu'il  foit  à  vos  yeux  comme  un  Payen  &•' 
»  un  Publicain.  Il  n'y  avoit  point  d'Eglife 
»  du  temps  de  Jefus  &  de  Matthieu*  Ce  mot 
av  Eglife  eft  grec ,  &  fignifie  l'aflemblée  du 
3>  peuple.'.r."...  Il  feroit  ailèz  comique  que 
»  Matthieu  qui  avoit  été  Publicain  ,  com  - 
»  parât  les  Payens  auxPublicaîns . . . •  Qu'un 

.Yyiij 


5*54  Apologie 

»  Cnevalier  Romain ,  chargé  de  recouvrer- 
ai les  impôts  établis  par  le  Gouvernement  > 
»  fut  regardé  comme  un  homme  abomina- 
»  ble  ;  cette  idée  feule  eft  deftmâiive  de- 
»  toute  adminiftration  y>(a)^ 

Cette  objeftîon ,  dont  nous  retranchons 
les  înveiHves ,  eft  un  chef-d'œuvre  de  cri- 
tique*  I  ^  L'Evangile  de  S»  Matthieu  a  été 
écrit  en  hébreu  ou  en  fyriaque ,  tel  qu'on 
le  parloit  à  Jerufalem  du  tems  de  J.  C  :  le 
scrme  dUEglife  eft  donc  duTradudeurGrec 
&  non  pas  de  TEvangélifte^ri**^ £g/i/c  figni« 
fie  aflèmblée  ;  or  du  temps  de  J.^  C.  &  de 
S.  Matthieu ,  il  y  avoit  déj^  Taflemblée  de 
iJefus  &  de  (es  Difcipleâ*  3®.  S*  Matthieu 
avoit  été  Publicain  »  mais  îî  ne  l'écoit  plus  ; 
il  pouvQÎt  donc  parler  de  cette  profeffion  ^ 
félon  les  idées  populaires  de  fa  Nation» 
4*^.  Les  Publicaîns ,  chargés  de  lever  les 
impôts  en  Judée,  n'étoient  pas  des  Cheva- 
liers Romains  ;  S.  Matthieu  qui  avoit  exer- 
ce  cette  commiflîon ,  n'étoit  certainement 
pas  Chevalier  Romain*  j*.  Les  Chevaliers^ 
Romains  qui  levoient  les  tributs  du  temps 
de  Cicéron ,  étoient  fans  doute  des  hom- 
mes refpeélables  ;  mais  fous  les  Empereurs 
du  fiècle  fuivant ,  lorfqiie  lejs  impôts  fiirene 
devenus  exceffifs ,  de  quel  œil  regardart^  ooi 


DE  LA  RÉÉKffO»,  êcéé     y^./ 

les  exadeurs ,  même  à  Rome  ?  6®#  Une 
Nation  récemment  conquife  »  telle  qae  le^ 
Juifs ,  de  qui  ro:n  exige  des  tributs  pour  la 
première  fois  5  a-t-elle  jam^ûs  vu  de  bonf 
oeil  ceux  qui  font  chargés  de  les  recueillir  ? 
On  a  beau  dlf e  que  cette  idée  efl  deftruâi-' 
ve  de  toute  adminiftration  ;  c'eft  l'idée  d^ 
toutes  les  Nations  &  de  tous  les  fîècles^ 
7^  J.  C.  n'a  point  approuvé  cette  idée  pai? 
fes  leçons  ni  par  f»  conduite  ;  il  a  payé  lesf 
tributs  pour  lui  &  pour  fes  Difcîples  (a^i 
il  a  mangé  che2  les  Publicains ,  malgré  les^ 
reproches  des  Juifs  (  b  }. 

«  Une  troifîème  preuve  qufe  fes  Evaiv 
3B  giles  ont  été  fabriqués  par  des  Chrétiens 
»  Helléniftes,  c'eft  que  f  Ancien  Teftainent: 
»  n^y  eft  pre£]ue  jamais  eité  que  fuivant  la 
»  verfîon  îles  Septante ,  verfforf  înconrtue 
»  en  Judé^.  Les  Apôtres  ne  fçavoient  pal. 
»  plus  le  grec  que  Jefus  ne  Pavoit  fçu.^Com- 
m^  ment  auroient-ils  cité  les  Septante  ?  Il  n'y^ 
»  a  que  le  miracle  de  la  Pentecôte  qui  aiif 
»  pu  enfeignèr  le  grec  à  des  Juifs  igno-^ 
»  rans»  (c^r 

Nouveau  prodige  d'érudition  î  i**.Ileft 
faux  que  les  Êvangéliftes ,  fur-tout  S.  Mat- 
thieu ,  n'aient  cité  l'Ecriture  qjue  fuivanf 

(a)  Matt,  17,  i6\  A 

ih)  Hem ,  9 ,  10  &  M. 
{€)  £xainea  imposcant»  c;  15 ,  p.  Sif. 

Yyîv 


y ^6  Apolog  ie 

la  ve  rfion  des  Septante.  S.  Matthieu  cite 
l'Ecriture  félon  le  texte  hébreu  ;  TAuteur 
à\x  Chriftianifme  dévoilé  (a)  Ta  remarque 
d'après  S*  Jerame  (  ^ ,  &  a  voulu  très-mal 
à  propos  en  tirer  avantage*  2.^.  D  eft  faux 
que  la  verfion  des  Septante  fût  inconnue  en 
Judée  ;  elle  étoit  faite  depuis  300  ans.  Il  y 
avoit  dans  toutes  les  villes  de  la  Grèce  des 
Synagogues  de  Juifs  Helléniftes ,  dont  la 
plupart  n'encendoient  plus  l'hébreu*  Ces 
Juifs  venoient  toutes  les  années  à  Jerufalem 
a  la  fête  de  Pâques ,  ou  à  celle  de  la  Pentecô- 
te ;  il  eft  impoflible  qu'on  ne  connût  pas  en 
Judée  la  verfion  grecque  dont  ik  fe  ièr- 
voient  (c).  3**..  Il  n'y  a  que  le  miracle  de  la 
Pentecôte  qui  ait  pu  enfeignerle  grec  aux 
Apôtres.  Mais  enfin  le  miracle  étoit  opéré, 
puifque  les  Apôtres  ont  prêché  &  ont  écrie 
€n  grec. 

Quand  on  a  vu  jufqu'où  s'étend  Férudî- 
tion  de  nos  Critiques ,  on  eft  fort  furpris 
du  ton  déciiif  &:  impérieux  avec  lequel  ils 
propofent  leurs  objeâions» 

On  eft  encore  bien  plus  indigné  de  la 
0ianiere  dont  ils  traitent  S.  Paul  ;  c'eft  pour 

^a)  Chrift.  dévoile,  page  ir4. 
{h)  Bieronym, de  Qft. geiu  inurprtt^ 


i 


DE  LA  ReLIG^ION^,  &fc.      J57 

la  féconde  fois  que  l'Auteur  du  Chrijîianip 
me  dévoilé  déclame  contre  cet  Apôtre, 
Après  lui  avoir  reproche  >  fans  aucunepreu- 
ve ,  des  contradidions  >  des  erreurs  ,  un 
pompeux  galimathias  ,  il  l'accufo  de  ne 
montrer  dans  fes  Epîtres  que  V cmhou^afm^ 
d^un  forcené  (a  ).  La  Philofophie ,  la  raifon  , 
ta  politeflè  qui  devroit  régner  parmi  les^ 
gens  de  Lettres ,  autorifent  fans  doute  ces 
expreffions.  Pour  infiruire  les  hommes» 
pour  les  détromper  de  leurs  préjugés ,  c'efl: 
un  excellent  fecret  de  commencer  par  les^ 
infulter  &  les  aigrir.  Quel  triomphe  pour 
nos  adverfaires  ,  fî  nous  leur  répondions* 
fur  le  même  ton  ! 

Ils  prétendent  que  S.  Paul  s'ed  rendu, 
coupable  de  menfonge  ,  en  aflîirant  devant 
le  Grand  Pirêtre  qu'on  le  perfécute  ^  parct 
quil  ejî  Pharifien  ,  &*  i  cc^ufe  de  la  réfurrec^ 
tion  des  morts  (b  ).  Ce  difcours ,  difent  -  ils  , 
renferme  deux  faufletés  ;  i°.  parce  que 
S.  Paul  étoit  Chrétien  ;  2°t  parce  qu'il  ne 
s'agiflbit  aucunement  de  la  réfurre6tioa 
dans  les  griefs  dont  on  l'accufoit  (c}i 

S.  Paul  n'eft  coupaWe  ni  de  fauffeté  nt 
de  menfonge*  Quoiqu'il  fût  Chrétien ,  il 


(a)  Chrift.  dévoilé,  p.  ijy. 
.  ih  )  A£k.  r)  ,  d.. 

(  ç  )  Chrill.  dévoilé ,  fi»  t|  t.  DiOioim-PhxloA  Mt.  Qhn['; 
pan^mc  |  come  1 4  p.  11  y* 


n'avoit  pas  renoncé  à  la  dodjine  qui  dîftîn-^ 
guoit  les  Pfaarifiens  d'avec  les  Sadduceens  , 
à  la  croyance  des  efprits  &  de  la  réfurrec^ 
tion  ;  il  étoit  donc  toujours  Pharifien  fur 
cet  article  important»  Il  s'agiflbit  bien  clai^ 
rement  de  ce  dogme  dans  l'accufation  for- 
filée  contre  lui,  puifqu'il  étoit  perfécuté 
parce  qu'il  prêchoit  la  réfurreétion  de  J.  C# 

L'Auteur  du  DiSionnaire  Phik^phi-' 
que  lui  reproche  un  crime  plus  graver 
«  Paul  >  Chrétien ,  judaïfe ,  dit-il  >  afin  que 
»  tout  le  m^nde  f cache  qu^on  le  calomnie  , 
m  quand  on  dit  qu^il  ejï  Chrétien.  Faul  fair 
a»  ce  qui  pafle  aujourd'hui  parmi  tous  le» 
9  Chrétiens  pour  un  crime  aoominable  >  ut> 
a»  crime  qu'on  punit  par  le  feu  en  Efpagne» 
»  en  Portugal  &  en  Italie  ^(a)\  Aînfi  l'o^i 
nous  infinue  modeftement  cp^  S.  Paul  di& 
fimuloit  &  trahiflcût  fa  Religion» 

C'eft  lePhilofophe  lui-même  qui  eftcou- 
pable  d'impofture»  &  non  pas  S.  Paul»  i°.  I£ 
falfîâe  les  paroles  qu'il  a  tirées  des  A6bs  des 
Apôtres»  S.  Paul ,  en  obfervant  les  rits  Ju- 
daïques ,  veut  fe  juHifîer  >  non  pas  contre 
ceux  qui  difent  qv^U  ejl  Chrétien  y.  mais 
contre  ceux,  qui  difent  qu'il  eji  ennemi  de 
la  loi  de  Moïfe  ^  &  qud  engage  tes  Juifs  à 
y  renoncer  (b).  Loin  de  diffimuler  aux. 

(a)  Art. Ckr^Ktfm/Tne^ page  114» 


DE  LA  Religion  ,  Sec.    S39 

Juifs  qu'il  cft  Chrétien  ,  il  leur  raconte 
publiquement  fa  converfion  (^a)^  2°.  S.  Paul 
étoît  Juif  de  nation,  &  il  rfétoit  pas  défendu 
alors  aux  Juifs  convertis  de  pratiquer  les 
cérémonies  de  leur  loi  y  pourvu  qu'ils  ne 
les  regardafTent  pas  comme  néceflaires  au 
falut.  Voilà  ce  que  S.  Paul  a  conftammenr 
cnfeîgné  par  fes  écrits  &  par  fa  conduite*  Ju- 
daïfer  aujourd'hui  y  après  avoir  fait  pro- 
feflîon  du  Chrittianifme ,  c'eft  une  apofta- 
Ce  que  l'on  punît  :  judaïfer  du  temps  de 
S.  Paul ,  e'étoit  un  refte  de  refpeâ:  pour 
une  loi  que  Dieu  avoit  donnée  aux  Juifs  ^ 
mais  qui  devoit  être  abrogée  par  l'Evan^ 
gile.  Nous  avons  déjà  juftifié  ailleurs  cet 
Apôtre  contre  les  calomnies  de  nos  Crir» 
tiques  (t). 

Il  n'eft  donc  pas  vrai  que  S.  Paul  ait  changé" 
à  chaque  inftanc  d'avis  &  de  conduite  \  qu'il 
aitréCftéen  face  à  S»  Pierre  au  Concile  de 
Jerufalem  ;  qu'il  ait  été  tantôt  favorable  & 
tantôt  oppofé  au  Judaïfme  (  c>  S.  Paul  fut 
fevorable  auJudaîfmje>tant  que  les  Juifs  ne 
s'obftinerent  point  à  foutenir  la  néceflîté 
.  des  cérémonies  judaïques  pour  être  fauve; 
mais  dès  que.  les  Juifs  voulurent  en^  faire 


(  h  )  Cbap.  }  ,  f.  II  &  ri. 

( c)  Chrill. dévoiJc ,  p.  i j tf. Dîaîon.  Phîlbf. art.  Chf^^. 
pito^mc,  £•  a.i.7..Traicé  fur  la. Tolérance»  c.  1 1  «  p*  s^» 


$^0  A  PO  LO  G  TE 

un  dogme  ,  &  s'opiniâtrerent  à  y  aflujettu? 
les  Payens  convertis  ,  S.  Paul  combattit 
cette  erreur  de  toutes  fes  forces.  Il  n'y 
eut  là-de(Iùs  aucune  conteftation  au  Concile 
de  Jerufalem.  \  l'avis  des  Apôtres  fut  una^ 
nime  (  ^i  )•  Ceft  à  Antioclîe  que  S,  Paul 
réfifta  en' face  à  Céphas,  dont  la  conduite 
pouvoit  autorifer  la  prétention  des  Juifs  ;. 
&  il  eft  incertain  fi  ce  Céphas  étoit  l'Apô- 
tre 5.  Pierre» 

C^eftude  vaine  imagination  dfe  dire  que 
1*  Apocalypfe  de  S,  Jeart  montre  au  genre 
huniain  la  perfpeSlive  prochaine  du  monde 
prêt  à  périr  (  b  ).  nn'efl:  point  queftion  dan^ 
ce  Livre  de  la  fin  du  monde  prochaine  r 
s'il  eft  inintelligible  ,  comme  le  prétend 
l'Auteur  du  Chrijiinnifme  dévoilé ,  com- 
ment peut- on  fçavoir  à  quoi  l'on  doit 
appliquer  les  prophéties  qu'il  renferme  ? 
Mais  la  paflîon  aveugle  tellement  nos  Cri^ 
tiques ,  qu'ils  ne  voyent  pius  leurs  con- 
traditions. 

Enfin  >  c'eft  une  faufleté  d'avancer  que 
les  Chrétiens  tfont  jamais  fçu  à  quoi  s'en 
tenir  fur  l'intelligence  de  la  Bible  ;  que  ce 
Livre  a  été  pour  eux  une  pomme  de  dif- 

^mmmmmmmÈimÊmmmmmmÊtmmmKmmmmmmmÊammmÊmtimmmaÊÊÊtm' 

iH)  ChdftiAniTme  dévoile,  p.  1$^% 


DE   L  A  R  EX ï  G ï O jKT ,  StC.      S4:^ 

corde  ;  qu'il  a  cauCé  des  difputes  qui  ont 
•enfanglanté  la  terre  (a).  Les  Chrétiens, 
<]ui  ont  l'efprit  de  I^r  Religton  ,  fçavent 
<iu'ils  doivent  entendre  l'Ecriture ,  confoi?- 
mément  à  l'enfeignement  public  &  univer- 
fel  de  l'Eglife  ;  fi  l'on  s'en  tenoit  à  cett€ 
règle  donnée  par  J.  C.  &  par  fes  Apôtres , 
-il  n'y  auroit  jamais  de  dilputes.  Ce  n'eft 
<ionc  point  l'Ecriture  qui  eft  une  pomme  de 
<lifcorde ,  c'eft  l'entêtement  piiilpfophique 
qui  a  régné  &  qui  régnera  dans  tous  les  fiè- 
<:les  s  c'feft  Porgueil  qin  prétend  -en  fçavok 
p^lus  que  les  autres  ;  c'eft  l'ambition  de 
faire  du  bruit  8c  de  s'attirer  des  Seâateurs. 
<5n  a  difputé ,  8c  l'on  difpute  ailleurs  que 
chez  les  Chrétiens;  quand  les  peuples. font 
trop  ignorans  pu  trop  peu  attachés  à  leur 
Religion  pour  dtfputer  fur  le  dogme  ,  ils 
difputent  fur  leurs  loix  ,  fur  leurs  préten» 
tions  ,  fur  leurs  ufagesi.  On  a  vu  les  Egyp- 
tiens s'entr'égorger  pour  le  culte  d'un  ani- 
mal ;  les  Qpecs  pour  la  poffeffion  <î'un'Tem- 
ple  pu  d'un  tombeau  ;  les  Romains  pa£ 
goût  pour  un  Hiftrion.  Au  défaut  des  mo^ 
tifs  de  Religion ,  les  hommes  n'ont  jama'k 
manqué  de  prétextes  pour  enfanglanter  la 
terre  ;  s'ils  étoiipnt  .capables  de  guérir  dç 
cette  frénéfie ,  la  Religion  en  feroit  le  feul 

(a)  Chrift.  dévoilé ,  p.  1 58. 4*  Letcce  â Eugénie,  p. ^^ 
.Contagion  f;^cccc,,€.  4, p.  7;l.  ' 


y^îS  Apologie 

remède.  Il  oe  faut  point  s'en  prendre  à  elle 
fi  la  malice  humaine  l'a  fouvent  changée 
en  poifon  ;  fi ,  malgré  les  leçons  de  fageflè 
qu'elle  nous  donne ,  nous  fommes  toujours 
infenfés  &  méchans  ;  fans  elle  nous  le  f& 
rions  encore  davantage. 

L'Auteur  de  VExamen  impartant  s'é- 
tend beaucoup  fur  les  faux  Evangiles  & 
fur  les  autres  Livres  qui  ont  été  fuppof& 
dans  les  premiers  fiècles  de  l'Eglife.  Il  ne 
fait  que  répéter  ce  qui  a  déjà  été  dit  par 
d'autres  ou  par  lui-même  (a)  :  nous  avons 
traité  ce  point  en  répondant  à  M.  Fre- 
jetCi). 

Il  eft  aifé  à  nos  Critiques  d'avancer  au 
hafard  que  nos  Livres  faints  font  fuppo* 
fés ,  d'étayer  ce  paradoxe  par  quelques  paC- 
ifàges  dont  ils  ont  grand  foin  d'altérer  le 
fens  ^  mais  quand  il  eft  queftion  d'afligner 
l'époque  de  cette  prétendue  fuppofîtion , 
ils  ne  font  pas  peu  embarrafles.  Tantôt  ils 
jdifent  que  les  Livres  de  Moï|ie  ont  été 
écrits  fous  les  Rois ,  tantôt  que  c'eft  l'ou^ 
,yragè  d'Efdras  après  la  captivité  de  Baby- 
lone  (c).  Nous  avons  montré  que  ces 
^■1       I  

(a)  Examen  important , c.  1 3. &  fuîv  PJiilof.  de THlft. 
<.  }i ,  p.  I  u  Diéiion.  Philof.  arc.  Chrifi»  p.  z«.i. Première 
I^etcre  fur  les  Miracles,  p.  9.  Deuxième  Lettre >p»  57» 

(b)  Certitude  des  preuves  iu  Cbrift.  c.  x. 

(f)  PhiJof.  de  rHift.c.  z8  ,  p.  1 34.  Traité  fur  la  Tolé- 
cance  »  c.  1 1  j  p.  xS*  i6c  Lettre  fur  les  Miracles ,  p.  1 70, 


J5E  LA  Religion,  8cc.    5*4^ 
deux  hyporiièfes  font  auflî  abfurdes  l'une 
xjue  l'autre  (  a).  Quand  il  faut  affigner  Isi 
date  des  Ëvangiles ,  l'embarras  redouble 
^ncore^  Les  Epîtres  de  S,  Paul  y  font  une 
iallufîon  continuelle  ;  il  eu  impof&ble  que 
ces  Lettres  n'aient  pas  été  écrites  par  l'A- 
f)ôtre  même  aux  Eglifes  dont  elles  portent 
îe  titre ,  &  qui  ea  ont  été  dépofitaires.  Quel 
f)arti  prendre  ?  On  raflèmbledes  objeâions  ; 
fi  elles  ne  font  pas  folides  ,  leur  multitude 
an  moins  étourdira  les  ignorans;  on  hafarde 
des  conjeâures  j  &  quoiqu'elles  fe  détrui- 
fent ,  elles  peuvent  éblouir  pour  uft  mo- 
ment :  on  cherche  à  dérouter  le  leâeui:^ 
À  le  laiffer  incertain  de  ce  qu'il  doit  pen- 
ser, pour  l'amener  enfin  xau  point  de  ne 
rien  croire.  Ce  fuccès  eft  le  cnef-d'œuvre 
de  la  Philofophie  moderne, 

L'Auteur  de  ¥  Examen  important  a  dér 
^couvert  une  anecdote  curieufe  fur  la  ma- 
nière dont  le  Concile  de  Nicée  parvint  à 
connoître  Se  à  décider  quels  étoient  les 
Livres  Canoniques  de  l'Ecriture.  «  Les 
35  Per£S ,  dit-il ,  étoient  fort  embarraffés  fur 
»  le  choix  des  Evangiles  &  des  autres 
»  Ecrits.  On  prit  le  parti  de  les  entaffer  tous 
a>  fur  un  Autel ,  &  de  prier  le  S.  Efprit  de 
^  jetter  à  terre  tous  ceux  qui  n'étoient'  pas 


(fi  )  Cliap.  i  ,  Ç.  r. 


[^44  '^  P  O  L  O  G  I  Ë 

»  légitimes.  La  prière  fut  exaucée  :  une 
»  centaine  de  volumes  tombèrent  d'eux- 
»  mêmes  fous  l'Autel. ...  •  Ceft  ce  qi^  eft 
3>  rapporté  dans  PAppendix  des  Aftes  de 
»  ce  Concile  ;  c'eft  un  des  faits  de  l'Hiftoire 
»  Eccléfiaftique  <ies  mieux  avérés  ^  {a)* 
Ce  ton  affirmatif  doit  déjà  faire  préfumer 
^ue  c'eft  une  fable.  En  effet ,  ce  prétendu 
fait ,  fi  bien  avéré ,  eft  tiré  d'un  Livre  inti- 
tulé :  Libellas  Synodkus ,  écrit  au  plutôt 
'<lans  le  p^  fiècle ,  yoo  ans  après  le  Concile 
de  Nicée ,  par  un  Auteur  inconnu ,  igno- 
rant &  vifionnaire:  c'eft  un  Ouvrage  plein 
d'erreurs  ,  d'anachronifmes  &  de  fables 
puériles  ^  méprifé  par  tous  les  Critiques  , 
&  qui  n'a  jamais  été  cité  par  aucun  Hifto- 
rien  Eccléfiaftique  (fc>  Tels  font  les  mo* 
numens  authentiques  dont  nos  Cenfeurs 
font  ufage  pour  affoîblir  l'autorité  des 
Concile  &  des  Livres  faints. 


(  4  )  Examen  important ,  c.  31  ,  p.  180.  Analyre  de  U 
Relig.  Chret.  par  Dumarfais,  p.  10. 

(h)  Voyez  à  la  fin  du  cinquième  tomcic  la  CoIIeâi$)il 
des  Conciles ,  par  le  Pcrc  Hardouin. 

Fin  du  Tome  fremUrj, 


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TfBatment  Date:    JUN        -   2001 


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111  Thofnson  Parte  Oriv9 
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