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/
*
APOLOGIE
D E
LA RELIGION
CHRÉTIENNE.
1
♦•ta
LIVRES
EN FAVEUR DE LA RELIGION^
Qui Je trouvent che\ Humblot » Libraire.
JL tXXjyE^'àz la Kelîgibii» par lé P. BufHerî i vol. li i^.
2, 1. lO. f.
la Foi judificetietouc reproche ds contradidion avec la raifon*
I voK î/i-iï.. ^■ I. ^r.
La véritable Religion , par le P. L« Fcbvre , i v. ùiit. x I. x&-ft — -
Indru^tioa de M. dé Laiigces far la Religion, i vol. îa'4^. i !• 4 ^*
Gatéchifme de Montpellier en Latin , € vol. w^'» 4& i*
Ls Dévocion réconciliée avec rçfpric , i vol. i/z-xt. x !•
Catcchifme de Bourges » i vol. 1.7-4^, SI.
Apologie de la Religion contre TAuteur du Ckriftianifme dévoi-
lé , pat M. Bcrgicr , x^vol. m-i 1. ^4?
LsDcifine céfùcé par lai- même, pat M. Bergier» i vol. fn-ia.
i !•
La Cetcitude des Pteuves du Cbriftianifme, par le même, avec la
Réponfe anx Confeils raifonnables , x vol. m-ix. ^ 3 1.
La Religion Chrétienne démoacrée pat la Réfurteâîpn de J. C.
traduit de TAngloîs de Dittoa, t yo1..w-4**. 10 I,
Hiiioire de TEtablilTemenc du Chrîftianifme , cirée des feuls
Auteurs Juifs & Payens , où Ton trouve une preuve folide de
la Vérité de la Religion , par M. Bullet> i vol.m-4*. 7 1. 10 f.
Pe la Sainteté Oc d^s Devoirs de TEpifcoçat , fuivanc les Saiatc
Pères & les Canons de TEglife , 5 ^ol* ûi-ii. 9 U
^^t^Diitertation fur i^Union de la Religion , de la Morale & de^fa
^^ Politique, par ^t^arburton, 2, vol. iVti. ^ 5 1.
JPrinçipes de TEglife ou préfervarifs contte l'Héréfîe» ^at M.
RouflTcl, I vol. m- II. a I. 10 f.
Principes de Religion, ou Préfervatif contre rincrédulité , i vol.
in-ix , pârleiÂâ»e» a 1»
La Loi naturelle , fût U mêm , in-ii, z L s C.
Le Proteftanc cité au Tribunal de la parole de Dieu » c vol.
în-ii. . al. 10 f.
tValenhurch de Controverjus j i vol. w-ii. ^ % U
Cqdc de U Religigu & des Moeurs « a voK în-ci*
APOLOGIE
D E
LA RELIGION
î>'^ CHRÉTIENNE,
Contre l Auteur du Chriftianîfme dévDîM ^
se contre quelques autres Critiques.
far M. BERGIER » Doreur en Théologie , Chanoine
de TEglife de Paris, de rAcadémie des Sciences g
Belles-Leures & Arcs de Befanjon»
Jasent fi infid Aoqun wûnuatt « Cf (te argumentadonum fiiâruni
veifiiàa , fua mmtca efi fiddi ^oritmur; nohis placet Apofioli
chedire prœcepds , diccttàs ; ViDBTB NS quis vos DMCZPiAtH
fBA FUILOSOPBIAM* S»LeO, Epift. X|X , cap. &•
SECONDE ÉDITION, REVUE, CORRIGéfi
ET AUGMENTÉE.
/(Il' ' ' ■ I I ssasaaasa
TOME PREMIER.
A PARIS,
Chez H u M B L o T , Libraire , rue $• Jacques , entre I4
rue du Plâtre & celle des Noyers , près S. Ives.
fffi
rï»
,^ M. DCC. LXX.
'Avec /approbation & Prmiègç du RqU
*f
w .,
t N
" " '" l^'^' ■ ' rr
B RE F
DE N. S. P. LE PAPE CLÉMENT XlU,
A M. J^'aBbÉ 2£fiGIER.
I«k
CLEMENS PAPA XIIL
Dr LJECTÉ PlLI^
Salutsm SX Apùstolicam BsifBDi^yoirBJt*
lAEDDiTUS cftflobîs tuo ïiomme Liber îft
duovolumîna diftfibutus, quo Chrillianarfi
Religionem à nefariis libettinorufn hujus
temporis fcrîptîonîbus Jefendendaiti iufce-
pifti. Nunquàm exiftimaflèmus îïnpietatem
tb furoris fuifle déventuram , quo devenifle
ex tuo iïbro comperimus, cujus înitio fum-
nia dementîflimae DotSxinae capua exponis^
quam prîmus extulîffe vîdetur mifêrandu^
AuâoT quem refutandum aggrederis t
Cùmque hnpîî , quantumvîs Evangelicag
Doétrînae înfenfi , anteà non dîffiterentur
Chriftianae difcîplinae leges fuâ îpfarum
Sanftîtate commendari , cohorruimus ex-
titlflè nuper exitiale hooiinis monftrum »
qui eflè Reipublicse noxias » folidae moruni^
doi^inae adverfes , & humani ingenii prp-
greffibus obfiftentes , ideôque penitùs re-
pudiandas impuro ore blafpnemaverît.
Magnam tibi proptereà , Dilecte Fili ,
débet gf atiam Cbriftiana Refpublica * qui
• • •
lîbro îUo tuo homînîs , non tàm omnî rc-
ligione expertis , guàm de ingenii fui acu^"
mine fiolidè arrogantis impiam doârinam
contuderis , ejufque calumniofâs argutias »
& inania malè ubi cohasrentium atque etiam
à commun! ienfu abhorrentîum opinionuiti
-commenta refutaverîs. Vidimus Leûorem
ad duo guasdam alla Scripta tua » dudùm
édita > à te fàspiufculè amandari , qux hùc
Qondùoi pervenijQè dolendum eft y cùm fieri
non poflît quin tuam Apologiam qui lege-
lit , duo lUa fcripta deficleret* Cœterùm nos
pietatem tùam , & defendendae fandiffimae
lleligionis flagrantiilimum zelum in animo
gerimus , ac propè in oculis habemus , ti-
bique de tuo munere gratiflimum animum
-^profitemun Deum pr^camur , ut aetatem
virefque tibi fuppeditet , quô quàm diutif-
fîmè è laboribus mis fruâus decerpere pot-
iît Catholica EccIeGa ,cui quidquid tibi eft
îngenii atque dodrlnae te jàm perfpeximus
devovifle : Tibique , Dilecte Fili , pa-
terno cordis noftri affeâu , Apoftolicam
benediâioaem peramanter impertimur.
Datum Romae , apud Sanftam Marîam
Majorem , fub annulo Pifcatoris , die xxxi.
Januarii M. Dcc. Lxix, Pontificatûs noftri
anno undecimo.
M. « Archiepifcopus Chalcedonenfîs.
DiUSo Filio Bmrgiemo ^ Sacra Theolo^
giœ Do3ori.
1^. „>tih<g?^ifirf 11.1 !■! liy.
BREF
(
DE H. S. P. LE PAPE CLÉMENT Xltt,
Notre cher Fils ,
SAIUT et bénédiction APOSTOIIQtffi.
\JN Nous a remis de votre part un Livre
en deux volumes , par lequel vous ave\ pris la
défenfe de la Religion Chrétienne , contre lès
fernicieux Ecrits des Libertins de nos jours.
Nous n^euffions jamais cru que î impiété dut
envenir au point de fureur où elle efl parvenue^
&* que vous faites connaîtra par^^oxre Livre jau
commencement duquel vous txpofe^ les prin--
cipaux Articles de la DoBrine injenfée^que le
malheureux Auteur dont vous entreprenez la
réfutation yfemble avoir fouienuek premier»
JufqJàpréfent les Impies ^mcdgré leur prévenu'
tion contre laDoBrinede ÛEvanglle^vouoient
du moins que les Loix de la Morale Chrétien--
ne font recommandahles par leur fainteté ;
Nous avons étéfaifis (Fhorreur à la vue de Pé^
garemeru monjîrueux Jtun Ecrivain, quiypar
un hUfpkême inoui, a ofifoutenir que cesLoix
font pernicieufes aux Etats , contraires à la
faine Morale , oppofées aux progrès de Vefprit
humain f Qr qu^ il faut abfolument y renoncer.
aiv
Vous av^x donc tendu j hotkb cher Fils |,
unfkrvice ejfentiel àla Société CkrétUnne, de
réfuter par votre Livre la D^Srint impie j les
€alomhies artificieufesjes vaines opinions d'un
Auteur fans Religion ^ ridiculement infatué de
la fupériorité de fon génie ; opinions qui fe
contredifent ^ qui choquent Itfens commun.
Nous avons rémarqué que vous renvoye^fou'*
yent le LeHeur à deux autres Ouvrages que
yous ave\ déjà publiés Gr que nousfommesfâ-
€hés de rCaifoir pas vus : quiconque a lu votre
jipologie^ ne peut fe refufer au dejîr de voir
€€$ deux autres Ecrits. Au rejie , Nous confér-
erons dans notre caur^ Gr pour ainjî dire fous
nos y eux ^ ces témoignages de votre piété &* du
jéle dont vous êtes animé pour la défenfe de
notre fainte Religion , Gr nous vous remercions
du préfent quevous nous ave{ fait, Nous prions
Dieu qitil vous conferve la vie Gr /es forces
pour continuer d'employer vos travaux à Tm-
tilité de VEglift Catholique , à laquelle nous
r oyons que vous ave\ confacré tous vos talens
naturels G* acquis : Gt* Nous vous donnons ,
KOTRB CHPR FiLS , la Bénédiflion Apojlo^
lique avec VajfeSion d'un cœur paternel.
Donné à Rome à Sainte Marie Majeure ^
fous Vanneau du Pêcheur > ie 3 l Janvier
1 765) , la on^me année de notre Pontificat.
M« At Axdu de Chakédoiûe.
B RE F
DE N. S. P. LE PAPE CLÉMENT Xlî^,
AU MÊME.
CLEMENS PAPA XIV.
Dl LSCTE FlLIy
SALfrrSM BT AfûSXOLICAU BB}fSPlCTIÙNBMt.
X UA gratulandi officia ob Pontifîciam
nobisdelatamDignitatem, eo jucundiora
(uerunt , qxibd tuum ergà Nos » ac fanâam
hanc Apoôolicam Scdem oBfequiùm ac
obfervantiam , miflîs etiatn ad Nos llbrîs
pro tuéndâ Relîgione à te confcriptis , com-
probaAi. Has tàm luculentas » tùm fîdei ac
pietads tus fîgnificationes , tùm doârinx
indicia , perlibenter fané excepimiis , ac
magnoperè Istamur hps à te , & ad impîo-
rum repellendos impecus tàm opportunos ,
ic ad Fidelium incolumitatem tàm utiles
fufceptos eflè labores, Teque , Dilectb
FiLi , vehementer hortamur , ut quàm in-
dè , confècutum te putamus laudem > non
ut operis ac vigiliarum mercedem , fed ut
Âcitamentum potiùs ad novos hujufmodi
fubeundoK labores exîftlmes , <leque nobîs
ac Catholicâ Ecclefiâ benè-mereri pergas »
& quam recepifti à Domino ingenii facul-
tatem , eam ad illius iaudem & honorem
vindicandum adhibere nunquàm intermit-
tîs. Nos idoircô gratiffimo ergà te femper
animofuturos profitemur , nec in nobîs mi-
nora experturum te ftudia, quàm Sanâ:^
Memori» Clementis XIII » Praedecefloris
noftri , fuiflent. In cujus ergà te Pontificiae
caritatîs argumentum , Apoftolicam Bene*
.diftionem tibi^DiLECTE FiLi^ peraman*
ter imper timur,
Datum Rom« , apud Sanébm Marîam
Majorera , ftib annulo Pifcatoris , die v*
Julii M. DcC. Lxix. Pontîficatûs noftrî
tono primo.
BenedlAus S ta y.
DikBo Filio Bfrgieso ^ Prefiytero^
at^^in Sacra TheologiâDoSarL
%^*
I il ,.>rfl
BREF.
DE N. S. K LE PAVE CLÉMENT XîV.
Notre cher Fils,
Saiut bt BiNiDicTiON Apostoliqvb.
Jl^£s félicitations qm vous nous avt\ adnf-
fées fur notre élévation au Souverain Ponti*
jicat , nous ont été J^ autant plus agréables ^
que vous ave\ donné des preuves de votre fou^
milJîon Gf de votre attachement pour Nous Gr
pour le Saint Siège Apoflolique jpar les livres
Îue vous ave\ compofés pour la défenfe de la
leligion , et' que vous nous avec envoyés*
Nous avons r^u avecplaifir ces témoignages
de votre foi , de votre piété ^ de votre évs*
dition ; nous applàudijjons volontiers à des
travaux fi utiles pour repouffer Us attaques
des Incrédules Cf po^r ajj^fmir la foi des Fi*
deles. Nous vous exhortons j Nom, e ch£R
Fizs , à regarder ^honneur que ces Ouvrages
ont du vous faire y non comme la récompenjè
de vos études Cr de vos veilles , mais comme
un mo^f d'en entreprendre 'de nouveaux; à
continuer de nous rendre vosfervices & à TE-
glife Catholique ; à employer pour t honneur
& la gloire de Dieu les talens que vous en
twex reçut* Noui vout ajfurom donc qut ncms
aurons toujours pour vous unejîncere recon-
noiJJ'ance , & un attachement égal à celui de
Clémeik XIII, notre PrédéçeJ}eur defaime
mémoire ; & pour gage de notre bieTtveillamx
paternelle , nouivoiu fJonnoru, NOTRECHER
Fils , la BénédjSion ApafloUaue , avec une
Jînguliere affiHion, DoNNÂ â Rowe , à Sain-
te Marie Majeure ^fous l'anneau du PicheuTt
le y Juillet 1 765» , la première année de
notre Pontificat.
Benoît Sta^.
A notre cher Fils BERGiER*Prétre-
Doâeur en Théologie.
.1 'f^iar^ -il
AF P RO B ATI ON.
J AI lu, pat ordre de Monfeigncur le Vic&-Chan»
celier, un Manufcrit qUi a pour titre : Apologie de
la Religion Chrétienne, &c. Cet Ouvrage m'a para
folide, lumineux, & digne de la caufe qu'on y dé-
fend. A Paris , le xx Avril 176^
RIB ALLIER, Cenfeur RojaL
L
PRIVILÈGE DU RÛL
O U I s , par la grâce de Pieu , Roi de France & de
Nararre : A nos amés & féaux Confeillers^les Genj tenant
nos Cours de Parlement , Maîtres des Requêtes ordinairef
de notre Hôtel, Grand-Confeil , Prévôt de Paris , Baillis >
Sénéchaux , leurs Lieutenans Civils , & autres , nos JuOtU
ciers qu'il appartiendra ; S A I u T. Notre amc le fîeur
Bs.RO XBR, Nous a fait expofer qu*tl defireroit foire
imprimer d? dosner au Public , u^ Ouvrage de fa corn*
poficion , intitulé : Apalopt de la. Religion Chrétienne con»
ire V Auteur du Chrtfhaiâfûte dévoité * & comrt quelques
autres Critiques ; s'il Nous plaifoit lui accordet nos Lettres
de Privilège pour ce nécelTaires. A CHS CAUSES , vou«
lanc âvorablement traiter PE^ofant , Nous lui avons
pemûs (^ permettons par ces Pre fentes, de faire imprimée
ledit Ouvrage autant de fois q»Q bon iu^ femblera , ic
de le vendre,£iure vendre & débiter par coût noire Royaume
pendant le temsde (îx années conlecutives., â compter
du jour de la date des Préfentes : Faifons défenfes à tous
Imprimeurs , Libraires & autres perfonnes , de quelque
qéalité fie condition qu'elles fovent» d'en introduire d'im<»
prejlion étrangère dans aucun lieu de notre obéiflànce fi
comme aufli dMmprimer, ou faire imprimer , vendre, (aire
YC&dre , débiter ni contrefaire ledit Ouvrage, ni d'en
£iire aucun extraie , fous quelque précexce que ce puifle .
^tre , (ans la permiflion exprefle &: par écrit dudit £x«
polant, ou de ceux qui auront drok de lui» à peine dki
confifcajàon des Exemplaires contrefaits, de crois mille
livres iTamende contre chacun des concrevenans , donc
un tiers i nous , un tiers à l'Hôtel- Dieu de Paris , fie
l'autre tiers audit Expofant , ou à celui qui auta droia
de lui y fie de cous dépens? downia^e& fie îmétêd* AU
chargs que ces Préfentes (èroot enregîf^rées toucaulo^
far le Regidre rie la Communauté des Imprimeurs & Li-
braires de Paris , dans truis mois de la date dMcelles ; que
l'impreflion dudit Ouvrage fera faite, dsins cotre Royau^
me , & non ailleurs » en beau papier & beaux caraûeres»
conformément aux Réglemens de la Librairie, & notant
ment à celui du xo Avril 172.S p à peine de déchéance du
préfent Privilège î qu'avant de Texpofer en vente » le
Manufcrit qui aura fervi de copie à l'impreflion dudic
Ouvrage» fera remis dans le même état où l'Approba-
cion y aura été donnée» es mains de notre trèsH:her flc
féal Chevalier , Chancelier de France > le Sieur DE La»
MOIGKON, &c qu'il en fera enAiice remit deux Exem-
plaires dans notre Bibliothèque publique > un dans celle
de notre Château du Louvre 3 un dans celie de nôtre-
dit Sieur DE La MOIGNON » & un dans celle de notre
très-cher & féal Chevalier , Vice-Chancelier ^ Garde àes
Sceaux de France, le Sieur DE Maupeou : le tout à peine
de nullité des Préfentes. Du contenu defquelles vous
mandons & enjoignbns de faire jouir ledit JExpofant ic
fes Ayans-caufe , pleinement & p^iûblement , fans fouf^
frir qu'il leur foit fait aucun trouble ou empêchement %
Voulons que la copie des. Préfentes , qui fera impri-
mée tout au long au commencement ou â la fin dudic
Ouvrage, foit tenue fou^ duement fignifiée , & qu'aux
copies collationnées par Tun de nos Ames & féaux Con-
leillers-Secrétaires » foi foit ajoutée comme â l'original.
Commandons au premier notre Huiflier ou Sergent , fut
ee requis , de faire x pour l'exécution d'icelles , tous aâes
requis & néceflaires , fans demander autre permiifion » ic
nonobdant dameur de Haro, Charte Kormande, & Lec<«
cres à ce contraires 5 Car tel eil notre plaiiîr. Donné
i Paris le premier jour du mois de Juin , l'an dç gra*.
ce mil fept cent foixante-huit , & de notre Régne le cin^
quante - troiliême. Par le Roi en fon Confeil.
LE BEGUE.
J*aî cédé le préfent Privilège à perpétuité à M. HUM-
SLOT, Libraire, fuivant les conventions faites entre nous*
A Paris, ce 10 Juin i7^S. BERCl£R.r
Regiftfi le préfint Privilègt , tf enfemlle la ceffon , fir U
Regifirt XVU. de la Chambre Royale (f Syndicale des tî-
hraires & Imprimeun de Paris , foL 44^ j eonfbrmément àv
fUgtemfiUdt ^7^3 • A Paris, ce 2. Juillet 176%,
Briasson . Syadké
TA BLE
D ES CB^ P I T R ES
«
• ET DEis MATIERES
• ■
Contenus dans le Tome L
Réflexions fur la Préface du
Chrijlianifme dévoilé.
§. I . x: R o j ST Jingulicr de VAuteut
Page fi
$. 2. Progrès de Vincrédulité che\ le$
Philofophes , 3
S. 3 » Leurs trais fehtimens , 7
S. 4. Ih les ont puifés dans Bayle , ^
i*j. Principes qu'on doit leur oppofer ^
10
$. 6. Dangereux effets du fyftime dt
t Auteur j Q.1
$• 7. Ses contradiBici^ » 24
5. 8. Ses plaintes fur ïinutiiiti Gr fur les
' effets de la Religion , 27
5. p. Infuffifance des loix civiles pour gou-^
' verncr les hommes, 2p
S. \0. Divifton .de V Ouvrage. Autret.
Ecrits à réfuter , ^^z
TAB L E
tmmmmmÊm
CHAPITRE L
^Néçejfité se difficulté d examiner là^
Religion.
%, l. Jamais Von ri a interdit cet Eoramefi'i
$• 2. Lei plaintes des Philojophes font
faujjes , ^8
S. } . NéceJJité de f éducation Chrétienne ;
S. 4. Parallèle entre les Nations Chré^
* tiennes fr les autres ^ JJ
S. 5*. Contradiêlians du Militaire Philo-
C H AP IT R^ IL
Hifl^ire abrégée du Peuple Juif.
$• i.Moïfe riefi point un perpmnage
fabuleux , 4
§. 2. llefl V Auteur ^ Pentateuque » 6
%. 3* 1/ rCa pas pu tromper fa Nation ^
§• 4* CaraSères de vérité de fon HiJIoire »
§• y. Contradiâions des Auteurs profanes
fur les Juifs , 8p
S* 6. Sortit
BESCHAPITRES.
S. (f. Sortie d'Egypte , ^2
S. 7, Conduite de Moï/è dans le défert ;
5)5
5. 8, Conduite de la Pakjiine ^ 5)9
§. p. Suire de VHiftoirc : attente d^un
Meffîe, 105,
$* lOr ObjeSions fur les mœurs des Juifs ,
2ia
CHAPITRE ni.
Hi/loire ahrégèe du Chnfiianifme.'
S. ïr Sow. établijfement prédit ; caraSlere
de JefuS'Chrift , 122
$. 2, W^x iej Juifs fur le Mefjie ^ 128
§. 3 FiîWcj ç«'i/i ^/z.r piéliéesfur U naif-
fance de Jefus-^Chriji ,. ^3 9
§. 4. Calomnies fur fa conduite Gr fur fes
miracles j. ,134
S. ;. Sw Difciples rùmt^ point été féduits ,
J. (î. I/i Tie jont point ïmpofteurs , 1 4.2
§. 7» -<4vewx importuns de leurs ennemis ,
$. 8, Uincrédulité des Juifs ne' prouver
rien contre nous , i j^
§. p: £fl réfurrmow de Jefus-Chrif a été
publique y 15-4.
J. 1:0^ Nos dogmes- ne font point^emprun-
Jonuel^ ^ b
table;
tés des autres Nations y r Ç
ç; II.. DoBrine de S- Paul ,. . 1 55
§. 12. Apologie de fa conduite ,. 163
S. 15^. Létabliffement du Cfmiftianifme
n^ejlpas naturel^ 168:
i§. 14.. Ai/eux de V Auteur en faveur des
premiers Chrétiens ,, 17 r
S., ij^i^ Chrifiianifme ne fut point toléré^
173
f^ t^- Le^ perfécutîons fervirent à l'en-
tendre „ 180.
§^ 17.. Les Empereurs furent forcés de h
permettre, ^ 183
§• 18.. lej Chrétiens: tCont jamais ufé de
repréfailles y, 185^
5. ig^La puijfance du Sacerdoce n^ej: point
Vouvrag^ des Princes ^ -^188
S. a,o^ Le Chrifiianifme fia point caufé:
I de maux >, 1851
S» 2.I.. Il ne rend point les hommes me-
chans y. xpa^
%» 22^ U ïLÎnfpirt pdm ^O: cmauté ^.
chapitre: fv.
JD^ /(2 T&eo&gie C&rédenne;^
f I. f •. Queftiom qm la. Fbilofophie m r^out
BES CHAPITRES.
j.^ 2r ObjeSions contre U création 6* la
chute de Vhomme ,, ao j,
§• }• Sur le déluge a 2,0 S
% 4r Sur le dioix de la Nation Juive r
ao8
?. y. Dieu n''a /?^mt ahandonné la autres
peuples y aro»
5. 6r La Religion ne lui attribue paint Iw
cruauté,, 2.IX
S. 7«' 5^ morale r^efi point inconflante ^
même fur la tolérante , 2 r^i-
Çr 8. La juflke de Dieu n^efi point la^
régie de notre conduite *> 2.2 a
$• pr EMc ç/î jujiijlée par la pie devenir r
224
\* to.Surlahonte deDieu'p aarf
Si II. Sur V origine du mal r 2^'
«■MMW
C H A F r T R E V.
De la Révélations
fr X. La révélation ne bannit point ïa
raifon ,. 23 %
f. 2r EIZe ne repréfente point PUu' comme
trompeur ni cruel ^ 255?
f. 3 . 2^ camme in/i(/?i iimï jfi; conduite ,»
J. 4^ tes fnyfleres ne rendent pur Diew
plus inconnu y 24 r
TABLE
$• y.^ On iCa point fargé de nouveauji-
jnyfteres , 24-^
$• 6>. Qui font les témoins de la révéla"
tion.. a^j
Ç. 7^ De celle de Moïfé^. ^48
5. 8. Z>e ceHe ife J. C 5r}4
§. 5^. Sur les différentes efpéces de certi*
tude ^ 2j 8
CHAPITRE Vr.
Des preuves de la Révélation.
j, I. Toutes les Religions ont ^ elles les^
mêmes preuves l 261
Art L Des Miracles^
J.. a. Les miracles^ de Moïfé ne. Jhnt point
des effets naturels , 26^
ç, j. lis n^ont point été forgés après coup >.
S. 4»^ Ceux de J. C. Jbnt fuffifamment at-
tejiés. 268^
f. J. Pourquoi les Juifi ont demandé Ja
mort a 26 p
i^ &. Mahomet n a point fait de miraclesi
Incrédulité de S^Paul^ 2ji
J. 7» Les témoignages ordinaires fuffifent
pour attejler les miracles „ 2jj
S» S. Les Apkres étoiem déjntéreffés »
276
• "%
DES CHAPITRES.
Çrp. Faujfeté duJîUnce du contemporains
$. lOr La réfurreSion de J. C ejl fuffi-
famment prouvée , 282
5. II. Sur ù poj^hilité des miracles ,. 28 ^
S. 12. Lewr utilité pour perfuader y 2^6-
Akt. II. Des Prophétierr
Ç. i^. Elles ne font point fabriquées aprh
coup j 302
5. 14. Il n était pas poJjflEle de prédire U
fart des Juifs ^ 505^
î. ij^ Lei^ Prophètes n'étaient point des.
impojleursy 508*
S» 16.. Préds de quelques Prophéties ^
S. 17. Prophétie de /» C. fur le Temple z
Julienne peut la rendre fauffe. Les Peret
n^ont point abufé des Prophéties ^ 3 29
A.Rr. III. Des Martyre
S. 18* Les Martyrs ne font point martf
pmr des opinions , ni pour avoir excité
des féditions ^ 32S
5. ip. Preuves des perféoutions dans le
premier Jîècle , 332
$. 2Q»I>ani le fécond, 33^
$.2.1* £?^nj htrûifième, 34.5
J. 2:^. En quelfens les Chrétiens étaient
moiérans^ 34^
TABLE
CHAPITRE VIL
JOes Myjleres de ta Reti^om
Chrétiennes^
#r Ir J^im pmt Ttvékr det MyJïtreTp
f * 5U Quelle était ta. croyante du anciens^
Fhilofoptus? 5j8
f • 3 r AdmtttaUnt - Us un Dku fùprême ?
36t
' f • -^^ Cannoijfoient-Ux un Dkw unique ?
366
f. y.. Réprouvaient' ils Vidalâtrit ? 3 70
$* (J. £e Chrijlianifme ne donm paint
unefaujfe idét de Dieu y 375^
S. ja Sur le Myjhre de la. SainteTrinité ^
3-78
§. 8. &ir celui de VTncarnatiion ,> 381
f. p. 5ur tari^ne du mal ,> & ^wr la fa^
talité y j 8-^
CHAPITRE VII L
Autres Myjkres SC Dogmes^.
5. 1. Sur la. prédejlinaiiàn Gr P éternité
des peines r 388
f« ar La béatitude e^dle unt impofture ff
35^
DES CHAPITRES.
^ ^^ La vit à vmir étoit - e//e inconnue
aux Juifs f 5P4
$. 4, Ce dogme eft-il imitile ? 400
J» J» Sur les Anges & fur le Purgatoire »
403*
CHAPITRE IX.
I^es Rits ^ se des Cérémûnies Chrêi
tiennes^
5. I. Touf 1er peuples ont ferai la nécef-^
filé du culte extérieur y 408
%^ 2,^ Il affermit les liens de la ficiété ^
4IK
5^ 3 - Utilité des fpeBàctes àe la Religion ;
ils ne viennent point des Payent ^ 4?P'
S.- 4. Nos rits font difiérensde laThéurgie*^
42J
5. 5". Sur le Baptême y. 4^7
9. 6^ Sur la Confsffîon f 437
$. 7.. £11 Tk$ font une harrîert contre
terreur^ 44^
CHAPITRE X.
^Dts Livres f acres des Chrétiens^
%^ !• AffeStation des Philofophes de ri-
péter ks mêmes objeSions ^ . 448
T A B L E, &c.
K H T. I. Des Livres de V Ancien Teflamenf^
$v 2. De la création Gr de IçifiruSure du
monde ,. 45'*2
^5. j. Swr /^î lumière Cf fur te cieïj ^6ï
f. \. Sur Vhomme & le Paradii terreftre ,»
§. J, 5Mr la tentation & fa cAwrc d^Adam ,.
§!• (^. S«r Vaillance avec Noéyfuf Varc-'
en-ciel y fur les Anges à Sodome yfur lesr
allégories de VHiJîoire Sainte >. 482
S. 7. Siir tes voyages d^Ahrahanty 4.85"
§. 8. Conduite dTAhraham , 4pa
S. pr Circoncijionf pajfage dHîérodote^ 45^8
§. î o»' La circoncijîon vient- e^le des Egyp-.
tiens ? jop
§• ri. Mort de Aîbïfe .• Hdjloîre de. Tofué'
&• deSamfon, ^16
Art, !!• Dej Libres dumouveau Teflamenu
$• 12 Prétendues coniradlSionr de^ Evan^
giles,' \^2t
$. rj..Mir5'Mcr ié fuppojtim dansfaint
Matthieu,. J5.0>
?. 1 4* Reproches faits à faim Paul , 5*3 (S
$• I y. Cej £imj font'iU une fôurce de
dijpute ? j^40>
Fin de la Table du Tome premier^
apologie;
AFOLOGÏE
D E
CHRÉTIENNE,
Contre l'Auteur du CknJUanifme
dévoilé i & contre quelques
autres Critiques.
Kèf LEX ro NS fur la Préface &• fur
U projet de V Auteur du Chriftiatiifme
dévoilé, fur les progris fenjîbles de
rirreUgion parmi les Philofophes , fur
leurs contradiSions.
S. 1.
o 'IL y eut jamais un projet capable do
nous étonner » c'eft celui qu^a formé TAuip
teur du Livre dont nous entreprenoHS
l'examen. Depuis dix-fept cens ans que
Home h A
2. Apologie
le Chrîftîanifme eft établi , il y avoît lien
de penfer que cette Religion n'étoit plus
inconnue. Quand parmi ceux qui l'ont
profeffée il n'y auroit eu perfonne capable
d'en faifir l'elpnt 8c les principes , ou d'en
pefer les preuves , on pouvoit préfumer
du moins que dans le grand nombre des
Philofophes qui l'ont attaquée , il y a eu
des génies affez pénétrans pour en apper-
cevoir les véritables défauts. Après tant
de Livres déjà publiés pour & coijtre ,
un Ecrivain qui promet de dévoiler le
Chriftianifme , entreprend de nous con-
vaincre , que , foit paripi les feâateurs ,
foit parmi les ennemis de l'Evangile > il
ne s'eft encore trouvé perfonne qui en ait
eu une véritable idée.
Pour ne laiflèr aucun doute fur fbn
deflein , l'Auteur l'annonce clairement à
la fin de fa Préface (a). Beaucoup d!hom-
mes fans mœurs ^ dit - il j ont attaqué la
Religion ^ parce qiâtlle contrarioh leurs pen^
chans ; beaucoup de fages Pont méprifee ,
parce qu^elle leur paroijfoit ridicule j beau--
coup de perfonnes Pont regardée comme in-*
différente ^ parce qu^elles n'en ont point fenti
les vrais inconvéniens : comme Citoyen je
V attaque , parce quelle me paroit nuifiblc
iâ) Page xxvij.
delaReligion,&c. 3
au bonheur de VEtat^ ennemie des progrès de
l*t[prit humain , oppofée à la faine morale ,
dont les intérêts de la politique ne peuvent
jamais fe féparer. Si l'entreprife n'eft pas
fenfée , die eft hardie : on eft fans doute
curieux de voir comment un Ecrivain ,
dont les talens ne paroifïènt rien moins
que fublimes , a pu l'exécuter.
Comme Citoyen il attaque la Religion ;
comme Citoyen nous nous croyons obli-
ge de la défendre : l'Auteur lui-même nous
y invite en terminant fà Préface. Nous
acceptons volontiers cette efpèce de défi :
nous nous engageons à lui montrer que
le Chriftianifme eft néceflaire au bonheur
des Etats , favorable aux progrès de Tef-
prit humain, l'unique fource de la vraie
morale & de la faine politique. Les efforts
redoublés que l'on fait pour détruire le
principe de tant de biens , doivent nous
le rendre plus cher,
S. 2.
Obfervons d'abord les progrès de nos
adverfaires : autrefois plus modeftes , ils
ne portoient pas fi loin leurs prétentions.
Ils convenoient aflèz volontiers qu'entre
toutes les Religions de l'univers , le Chrif-
tianifme étoit la plus pure , la plus fage ,
la plus utile; qu'en la réduifant à la morate
Ai]
4 Apologie
précifément , il ne fe trouveroit perfonne
qui pût refufer de lui rendre hommage ;
qu'il étoit inutile de lui chercher un autre
appui dans les faits miraculeux qui ont
fervi à l'établir. Aujourd'hui l'efprit phi-
lofophique a fait des progrès ; il a décou-
vert que cette morale dont on étoit frappé ,
n'eft point ce qu'elle a paru jufqu'ici ,
qu'elle eft diredement oppofée aux lumiè-
res de la raifon , au bonheur des Etats , à
la faine politique ; que le plus grand fervice
.que l'on puiffe rendre au genre humain ,
cft de l'en débarraflèr pour jamais ; enfin
que pour rendre les homme^ fages & heu-
teux , il ne faut point de Religion.
Il y a long-temps que nous avons prévu
cette conféquence , &le point où les en-
nemis de la Religion vouloient nous con-
duire : nous devons leur fçavoir gré de
ce qu'ils ont juftifié nos prédirions. Celui
auquel nous allons répondre, n'a pas dé-
voilé le Chriftianifine , il l'a défiguré ; mais
il nous a découvert plufieurs myfteres de
la nouvelle Philofophie qu'il eu utile de
fçavoir.
i^ Il a montré les conféquences des
principes de l'incrédulité , & le terme où
ils doivent néçeflairement aboutir ; la
chaîne qu'il faut fuivre , dès que l'on aban-
donne h règle de la foi ; l'alternative o\x fe
DE LA Religion, Sec. S
trouve tout homme qui fçait raifonner ,
d'être ou Chrétien catholique , ou Pyr-
rhonien fans Religion.
Jufqu'à préfent nos plus célèbres Philo-
fophes fe bornoient à établir le Déifme
ou la Religion naturelle : ils réunifibient
toutes leurs attaques contre les preuves
de la révélation. Tous ont foutenu qu'eUe
n'étoit pas néceflàire , puifque plufieurs
Nations l'ignorent encore; qu'elle a été
inutile , puifque ceux qui la connoiflent
n'en font pas devenus plus éclairés ni plus
vertueux ; qu'elle a même été pernicieufe ,
puifqu'elle a mis la divifion parmi les
hommes.
On leur a fait voir que la même ob-
jeftion peut être tournée contre la Reli-
gion naturelle , dont ils fe déclarent les
défenfeurs; que cette Religion, fi eflèn-
tielle à l'homme , eft méconnue & défi-
gurée chez tous les peuples qui n'ont pas
été éclairés par la révélation ; qu'elle n'a
pas été afiez puiflante pour les préferver
de l'idolâtrie ni des défordres les plus ré-
voltans ; que s'ils en ont confervé quel-
qu'idée , elle ne fert qu'à les rendre plus
coupables.
L'Auteur du Chriflianifme dévoilé ^
convaincu qu'il n'y a rien à répondre à
ce parallèle , a pris le parti de franchir
A ilj
6 Apologie
le pas , de foutenir fans détour l'inutilité
de toute Religion, de n'établir les fon-
demens de* la morale & de la fociété que
fur les loix civiles. C'eft un Philofophe
poufle à bout & déconcerté» qui a fenti
que le Déifme n'étoit pas un pofte où l'on
pût tenir long- temps , qui, plus fincere ou
Elus conféquent' que les autres , profefle
autement l'Irréligion abfolue.
Il eft inutile de lui demander s'il croit
un Dieu , & ce qu'il entend fous ce nom ;
s'il V a une Providence ; fi nous avons
une ame , quelle eft fa nature & fa def-
tinée; fi on doit attendre une vie à venir :
il fait profeflîon d'ignorer toutes ces chofes
comme autant de queftions fuperflues ,
fur lefquelles même il eft dangereux de
prendre parti : nous n'avons pas befoin
de ces dogmes pour être vertueux. Les
loix civiles , notre intérêt temporel , les
peines & les récompenfes de cette vie;
voilà , félon lui , l'unique reffort capable
de rendre l'homme fage & heureux.
Il eft à préfumer que c'eft ici le der-
nier pas de la Philofophie ; elle ne fçau<-
roit aller plus loin. Fafle le Ciel que
l'abîme où elle fe plonge, effraye enfin
fes parti/ans , & les oblige de retourner
en arrière!
\
Z)£ LÀ ReLIG 10 N, &c« 7
§. 3.
2*. Le Chriftianifme dévoilé met au
grand jour le véritable efprit de nos ad-
verfâires , & les fentimens dont ils font
animés. Plufieurs avoient caché fous un
extérieur de modération le fiel de leur
cœur & la haine qu'ils ont jurée à la Reli-
gion ; celui-ci, moins circonfpeft, a parlé
le vrai langage de Timpiété , & a pris le
ton qui lui convient. Il déclame , il in-
veâive , il calomnie fans pudeur & fans
ménagement ; fon caraâere mélancolique
lui peint tout en noir. Tout ce qui a
rapport à la Religion lui eft également
odieux ; les dogmes , le culte , la morale ,
la difcipline , les Miniftres , rien n'eft épar-
gné. Les Souverains mêmes ne font pas à
couvert de fes outrages : dès qu'ils protè-
gent la Religion , ils font , félon lui > in-
dignes de gouverner les hommes. Son
Livre feroit beaucoup mieux intitulé 17r-
religion dévoilée; il nous découvre les
principes qui y conduifent , les effets qu'elle
produit , les fentimens qu'elle infpire.
Peut-on afïèz admirer combien la Phi-
lofophie s'efl perfedionnée de nos jours ,
combien de dogmes lumineux elle a dé-
couverts ? Dans la Lettre de Thrafybult '
à Leucippe , on a enfeigné l'Athéifme fans
Aiv
î Apologie
détour 5 dans le Livre de VEfprît , le Ma-
térialifine pur ; dans les EJfais Philofophi--
ques fur V entendement humain , le Scep-
ticifme unlverfel ; dans le DiSionnaire
F hUofophique , la Fatalité abfolue : le Dif-
cours fur Vlnégalité nous apprend que
l'état naturel de rhomme en celui des
brutes ; eafin le Chriflianifme dévoilé nous
fait toucher au doigt l'inutilité & le danger
d'avoir aucune Religîpn. Je ne parle point
des Ecrivains fubalternes qui ont copié ,
commenté , développé tous ces merveilleux
principes : je pafle fous filence les obfcé-
nités dont pluueurs de ces graves Auteurs
ont fouillé leur plume : aflurément la pof-
térité doit des autels à des Maîtres qui ont
fi bien inftruit le genre humain*
Tels font les monumens immortels des
fublimes découvertes de la Philofophie,
Si fes fedateurs font véritablement ja-
loux de fa gloire , ce feroit ici le cas d'en
réparer l'ignominie. Ils doivent fentir le
préjudice que lui caufent des égaremens
aulfi monftrueux : ils font obligés de ven-
ger , par les feules armes de la raifon > les
dogmes de la Religion naturelle C honteu-
fement trahis ; de montrer les reflburces
que la fociété peut trouver en eux ,• lorf-
que fes intérêts les plus chers font en
danger , de rafiurer les âmes droites qui
DE t.K Religion, &c. p
craignent que la Philofophie , en (appant
les fondemens de la Religion , ne renverfe
du même coup ceux de la vie civile.
Nos prétendus Citoyens n'en feront
rien , nous pouvons le prédire ; quiconque
attaque la Religion eft de leur parti. Qu*il
foit Athée , Sceptique , Matérialifte , Fata-
lifte , Cynique , cela eft égal ; pourvu que
le Chriftianifme périfle , tout eft bien,
C'eft l'unique point auquel afpirent les
apôtres de la Religion naturelle.
^^. Il n'eft pas difficile d'appercevoîr
que l'Auteur du Chriflianifme dévoilé a
emprunté le fyftême de Hobbes , renou-
veUé par Bayle , & qu'il a tiré de ce der-
nier la plupart des fophifmes dont il a
tâché d'étayer fon opinion. Depuis long-
temps les écrits de ce Critique téméraire
font la fource où les incrédules vont puî-
fer leur doftrinè : il n'en eft pas un feul
qui ne l'ait copié. Bayle , dans fes Pe n-
[ées fur la Comète , s'eft efibrcé de prou-
ver qu'une fociété d'Athées pourroit fub-
fifter , obferver des loix , pratiquer les
vertus fociales , fans avoir aucune con-
noiflance de la Divinité , fans aucune
Religion : il foutenoit que le Paganifme ,
loin d'avoir été un frein contre les paf-
'2p Apologie
fions , n'avoit fervi qu'à les fomenter , &
à juftifier tous les crimes. Cependant il
convenoit que la connoilïance du vrai
Dieu & la Religion chrétienne , font une
barrière très-puiflante pour réprimer tous
les vices , pour affermir les liens de la fo-
ciété & les fondemens des Etats (û). Notre
Auteur , plus hardi , prétend que la Reli-
gion chrétienne même ne peut produire
aucun bien , qu'elle eft plutôt nuifible
qu'utile à la vraie morale & à la faine
politique. Pour le prouver , il tourne con-
tr'elle toutes les objedions que Bayle avoit
faites contre l'idolâtrie ; il conclut que le
plus court & le mieux eft de bannir toute
Religion. Telle eft la progreflîon natu-
relle de l'erreur.
S. X.
Etabliflbns en peu de mots les principes
que nous avons à lui oppofer ; & que nous
développerons dans la fuite de l'Ouvrage.
l*'. Par -tout où les loix ne reçoivent
aucun appui de la Religion, & font réduites
à leur feule force coa&ive , il faut néceffai-
rement qu'elles foient féveres à l'excès , &
multipliées à l'infini; alors le Gouverne-
ment eft defpotique , & le peuple efclave.
(4) Âddidon aux Penlees dîverfes , chap. 4<
DE LA Religion, &c; ti
Ce point fera démontré par le fait & par
des obfervations tirées de VEfprit des Loix.
AinC notre Politique , en déclamant contre
le defpotifme des Souverains , & contre
rafTerviilèment des peuples fous les loix de
la Religion , travaille de toutes fes forces
à établir l'un & l'autre par les loix civiles ;
il ne fait que tranfporter à celles-ci la pré-
tendue tyrannie qu'il reproche fauilèmenc
à la Religion : première contradiftion.
2°. La Religion , loin d'affoiblir les mo-
tifs humains qui peuvent nous porter aux
vertus fociales , notre intérêt , l'amour bien
réglé de nous-mêmes , la crainte des peines
temporelles & de l'infamie , &c. les affermit
au contraire » & les appuie de tout fon
poids : elle y ajoute un motif plus fort &
plus réprimant , mais qui ne détruit pas les
autres. C'eft une abfurdité d'avancer que
fans la Religion ces motifs naturels feroient
plus puiflans. N'eft-il pas abfurde de foute-
nir que de deux poids qui entraînent l'hom-
me de concert & du même côté., fi l'on en
retranche un , l'autre fera plus efficace ?
Bayle & fon Copifte nous reprochent
continuellement que , malgré le lentiment
moral & les lumières de la raifon , malgré
l'autorité des loix civiles & l'attention de
la police , malgré le frein de la Religion &
la crainte d'une autre vie , l'homme eft
1
T2 APOIlrOGlE
toujours mécham : & par une contradic-
tion grofliere , ils foutiennent que fans ce
dernier mo6f , iTiomme peut être ver-
tueux.
3**, La néceffité de la Religion pour épu-
rer les mœurs , pour appuyer le gouverne-
ment , eft déiÀèntrée par l'expérience &
par nu fait inconteftable. Chez toutes les
Nations de l'univers qui ne font point con-
duites par ce puiflànt mobile > on ne trouve
ni moeurs pures > ni vertus fociales , ni loix
fages , ni Gouvernement modéré. L'état
de ces peuples eft ou entièrement barbare «
ou infiniment au-deiTous du nôt^'e. Les
ennemis de la Religion feroient aflez punis,
s'ils étoient réduits à vivre parmi les peuples
gui n'en ont point. Or , en fait de morale &
de politique > démentir l'expérience , c'eft
choquer le fens commun.
4*^. Il n'eft pas moins certain que c'eft la
Religion qui a policé tous les peuples autre-
fois barbares; qu'elle a précédé par-tout
l'établiilement des loix & de la fociété ; que
tous les premiers Légiflateurs ont eu re-
cours à elle pour donner la fanâion & la
force à leurs Loix. Il n'en eft aucun qui
ait penfé que les motifs purement tempo-
rels fuflent aflèz puiflàns pour affermir les
liens de la vie fociale. Vouloir maintenir
leur ouvrage , en détruîfant le fondement
DE LAReLIÔIONj&C* TJ
fur lequel ils l'ont appuyé , n'eft-ce pas
ramener le genre humain à l'état d'où ils
l'ont tiré , à la vie brutale & fauvage ?
j°. Chez les peuples , même policés ,
les loix civiles font impuiflantes fans les
mœurs : Quid van(z fine moribus leges pro"
ficknt ? difoit Horace ; & tous les fages
font répété après lui. Bâtir l'édifice de la
morale uniquement fur les loix humaines ,
c'eft prétendre que le plus foible foutien-
dra le plus fort, c'eft ôter aux Nations
corrompues tout moyen & toute efpérance
de réforme. On peut confulter là-deflîis
l'excellent chapitre des Mœurs» dans VAmi
des Hommes (a) , où le fyftème de notre
Auteur eft réfiité d'avance.
6**. Ce fyftème eft contredit par les
plus célèbres Philofophes anciens & mo-
dernes : il eft aflèz iingulier qu'un Ecri-
vain , dont Tautorité eft très-foible , pré-
tende aujourd'hui les redreflèr tous. Cicc-
ron , après avoir établi le dogme important
de la préfence d'un Dieu fcrutateur des
cœurs , s'exprime ainfi : « Peut - on nier
» que ces fentimens - là ne foient d'une
3» grande utilité, lorfqu'on voit dans com-
» bien d'occafions le ferment eft le fccau
» de nos paroles , pour combien h Reli-
■■•Ml
fa) Deuxième Parde . ch. 4 y pag. 141,
J4 Apologie
» gion entre dans la foi de nos traités »
» combien de crimes la crainte d'une pu-
» nition divine a prévenus , & combien
» eft fainte une fociété d'hommes perfuadés
» qu'ils ont au milieu d'eux, & pour juge ,
» & pour témoin , la Divinité même (a)>
» Sans la piété , dit-il encore , il n'y aura
39 ni fainteté ni Religion , & dès-lors quel
» dérangement , quel trouble parmi nous ?
3> Je doute fi d'éteindre Ja piété envers les
j> Dieux , ce ne feroit pas anéantir la bonne
» foi , la fociété civile , & la principale des
» vertus , qui eft la juftice (b) ».
Plutarque obferve qu'on ne trouvera
nulle part une ville , fans la connoiflance
d'un Dieu & d'une Religion ; il ajoute
même que l'on bâtiroit plutôt une ville en
l'air , que de fonder une République fans
aucun culte religieux (c).
Les anciens avoient plus de refpeét
pour l'idolâtrie , que les Philofophes d'au-
jourd'hui n'en ont pour la Religion la plus
iainte. Epicure ni fes fedateufs n'ont point
déclamé publiquement contre les Dieux du
Paganifme , contre leur culte , contre leurs
Miniftres. Platon convaincu de la faufleté
(a) De Legihus, 1. 1, n. 7,
(l>) De Nat. Deor. 1. i , n. i, • ^
(ç) Dans Ton Traité concre Colotès«
DE L A ReLIGI O N,&C. Ij"
de la croyance commune , ne vouloit point
que Ton entreprît de toucher à la Religion
populaire (a)* Dans Cicéron , l'Acadé-
micien Cotta déclare que fur la Religion
il faut s'en tenir aux inftruftions des Prê-
tres , fans confulter les Philofophes (t).
Le Stoïcien Balbus reconnoît que c'eft une
coutume pernicieufe & impie de difputer
contre les Dieux , foit qu'on le fafïe par
conviâion ou par amufement (c). Ces Phi-
lofophes fe trompoient dans l'application
du principe ; mais ils donnoient à ceux dd
nos jours une leçon dont ils ont mal pro*
fité. '
Quoique la plupart , entêtés des princi-
pes d'une faufle Métaphyfique , ne cruflênt
point les peines ni les récompenfes de la
vie future , tous cependant ont reconnu
la néceflîté de ce dogme pour maintenir
la Ibciété, Quand ils ont parlé comme
Légiflateurs, ils ont raifonné tout diflfé-
remment de ce qu'ils enfeignoient dans
leurs écoles (d). C'eft ainfi que la Philo-
fophie a toujours fait profeflîon de fe con-
tredire , & a fouvent rendu à la Religion
un témoignage forcé.
(a) Dans le Tirncc & TEpinomis.
[h) De Nau Deor, 1. 3 ^ n* 4*
(c) lbii»'l> 1, in fine,
Id ) Huitième DilTect. cirée de Vacburthon«
i6 Apologie
7®, Les Athées les plus décidés contre
la Religion , n'ont pas laiffé d'en avouer
Futilité , lorfqu'ils Tont regardée comme
une invention des Politiques pour retenir
les peuples dans le devoir : ils lui ont rendu
hommage , même en la calomniant. En trai-
tant la Religion de Fable , ils conviennent
que la beauté de la vertu peut faire im-
preffion tout-au-plus fur les Philofophes
& fur les hommes d'un naturel heureux ,
mais que la Religion feule peut faire agir
la plupart des autres (a). Pour tout hom-
me qui croit un Dieu , reconnoître la nécef-
iïté de la Religion , c'eft en confefler la
vérité : Dieu n'a pas pu attacher à l'erreur
l'ordre & la félicité du genre humain.
8**. Malgré la prévention de nos beaux
cfprits modernes contre la Religion , tous
n'ont pas adopté le paradoxe de Bayle à
plufieurs même l'ont réfuté, «Telle eft,
P9 dit le plus célèbre de nos Ecrivains , la
.90 foiblefle du genre humain ; & telle eft (a
» perverfité , qu'il vaut mieux fans doute
9» pour lui d'être fubjugué par toutes les
jo luperftitions poffibles , pourvu qu'elles
a» ne foient point meurtrières , que de vivre
» fans Religion. L'homme a toujours eu
» befoin d'un frein ;& quoiqu'il fût ridicule
(n) Ikîd* Fjemiere Diflert*
DE LA Religion, &c. 17
» de facrifîer aux Faunes , aux Sil vains, aux
» Naïades , il étoit bien plus utile d'adorer
» ces images fantaftiques de la Divinité »
» que de fe livrer à FÀthéifme. Un Athée
» qui feroit raifonneur , violent & puifïànt ,
» feroit un fléau auflî funefte qu'un fuperftî-
»tîeux fanguinaire Par-tout où il y
» a une fociété établie , une Religion eft
» néceflTaire. Les loix veillent fur les cri-
3> mes publics , & la Religion fur les crimes
» fecrets » (a).
Nous verrons ailleurs que l'Auteur de
?Efprn des loix établit la même vérité»
Celui à^Emile a réfuté Bayle avec encore
plus de force (h). Dans l Encyclopédie on
a examiné foigneufement la queftion , &
on l'a jugée en faveur de la Religion (c).
Dans les EJjais Philojophiques Jur Ven^
tendement humain , on traite de mauvais
Citoyens & de mauvais Politiques , tous
ceux qui travaillent à défabufer les^ommes
des préjugés de Religion (4). Mylord Bo-
lingbroke , dans une Lettre au DoSleur
Sivifi , n'en parle pas plus avantageufe-
ment (e). WooUafton reconnoit que fans
«■M
(«) Traité Tur la Tolérance, c. xo.
ih) Eniilc.rome 5 , p. i8i & fuiv.
ie) Voyez les sut, prohîté , ficîété ^ venu
ià) II' EfTai, corne i» p. 114.
£€) Mercure Helvet« Mal 17^7.1 F* f 21»
Tome L B
i8 Apologie
les habitudes religieufes , les hommes re-
nonceroiént bientôt à toute vertu , rede-
viendroient féroces & fauvages( a). « Cher-
3> chez , dit M. Hume , un peuple qui n'ait
3> point de Religion , fi vous le trouvez ,
3> loyez fur qu'il ne diffère pas beaucoup
a> des bêtes brutes (è) ». L'Auteur de la
Lettre de Thrajybule à Leucippe , après
avoir fait tous fes efforts pour établir
l' Athéifme , convient que , « les fiâions de
3> la vie à venir font néanmoins très-avan-
» tageufes au genre humain ; qiie le com-
» mun des hommes eft trop corrompu &
» trop infenfé, pour n'avoir pas befoin
» d'être conduit à la pratique des aftions
» vertueufes par l'efpoir de la rëcoms-
» penfe , & détourné des aftions crimi-
» nelles par la crainte du châtiment ( c ) ».
Dans VHomélie fur V Athéifme , on re-
connoît que fans l'opinion d'un Dieu ré-
numérateur & vengeur ^ la plupart des hom-
mes feroient des monflres(^).
p^, Bayle , lui-même , lorfqu^il étoît de
fens froid, & qu'il n'étoit plus emporté par
la vanité de défendre un fyftème infenfé,
réfutoit (es propres principes. « Si l'on ne
( <) 1 5« niflert tirée de Varbunhon, p, 173.
{h (Suvre< PhiloT. tome 5 , p. la,
ic\ Page 181.
id) Voyez ci-aptèf , tome 1 2 ^c^* ^"^ ^'^'^' ^^^
DE LA Religion, &c. ip
» joîgnoit pas , dit-il , à l'exercice de la
» vertu ces biens à venir que TEcriture
30 promet aux fidèles , on pourroit mettre
» la vertu & l'innocence au nombre des
» chofes fur lefquelles Salomon a prononcé
» fon arrêt définitif, vanité des vanités , &f
7> tout ejî inanité » (a). Il feft donc bien
décidé que dans le fyftème de TAthéifroe
& de l'Irréligion , il ne refte aucun motif
folide pour porter les hommes à la vertu,
oc Généralement parlant , dit-il encore ,
» la véritable & la principale force de la
» Religion , par rapport à la pratique de la
3> vertu , confifte à être perfuadé de l'éter-
» nité des peines & des récompenfes ; &
» ainfi en ruinant le dogme de l'iiumor-
» talité de l'ame , on caffe les meilleurs ref-
» forts de la Religion » ( fc ).
Après des aveux auflî formels , on ofe
écrire que la morale n'a pas befoin d'être
appuyée fur les peines & les récompenfes
de l'autre vie ; que par la feule force des
loix civiles , les Etats & les Nations feroient
beaucoup mieux policés que par les loix
de la Religion ; Ton n'a pas honte de re-
mettre fur la fcène un fyftème reconnu faux
par fon Auteur»
(a ) Dîâ. cttc. art. Brutus , Kem» F»
ih ) I^ii» art» SaiiwJenip Renu E.
Bij
TS-
^o Apologie
lO^ Enfin accordons à nos adverfaircs
plus qu'ils n'ont droit de prétendre, &
plus qu'ils ne prouveront jamais, l'inutî-
îité abfolue de la Religion pour appuyer
la -morale & les fondemens de la fociété ;
s'enfuit -il de -là qu'il faille détruire le
Chriftianifme ? Je foutiens qu'il s'enfuit en-
core qu'il faut le conferver. L' Athéifine ou
l'Irréligion n'eft point un état naturel à
l'homme ; pour être Athée , il faut être
ou abruti jufqu'à la flupidité , ou égaré par
une fauflè Philofophie. Dans les Etats po-
licés , le peuple n'eft ni l'un ni l'autre. S'il
n'a pas une Religion vraie , il s'en fera né-
ceÛairement une faufle ; cela eft démontré
par la conduite de toutes les Nations de l'u-
nivers. L'Auteur lui-même s'eft propofè
cette objeftion , & il n'y a rien répon-
du ( a )• Avant de conclure à la deftruâion
du Chriftianifme , il faut donc commen-
cer par prouver que c'eft la pfusmauvaife
de toutes les Religions , & nous en afiigner
une autre qu'il (oit plus avantageux de
donner au peuple.
Nous propofera-t-on le Déifme ou la
Religion de la Chine ? Mais cette Reli-
gion tant vantée , ne peut encore fatis-
faire ni le Peuple ni Içs Philofophes. A
^(0) Préface^ p.iv»
DE LâReLIGION,&C. 21
la Chine plufieurs Lettrés font Athées &c
Matérialiftes , comme chez nous ; le peuple «
fans exception , efi idolâtre (a). Ce fait
confirme ce que l'on vient d'avancer.
Que prétendent donc les ennemis du
Chriftianifme ? Qu'ils foient Athées , s'ils
le veulent , c'eft leur afiaire ; mais pour
rendre les peuples entiers femblables à
eux , il faut commencer par les abrutir.
C'eft tout le prodige que peut opérer Ja
Philofophie de nos jours.
5. 6.
Cependant notre nouveau Politique ,
dès l'entrée de fa Préface , commence par
ie couronner de fes propres mains. Un
prétendu Cenfeur qui a lu fon ouvrage »
eft forcé de convenir que tout y eft dé-
montré & inconteftable ; il eft réduit à
confeflèr , que le Chrijiianifme eft un tijfâ
itabfurdités , & le produit informe de pref-
que toutes les anciennes fuperftitions; qfxc
c'eft une Rekgicn fanguinaire , qui chantée
les Rois en tyrans , & les peuples en ef-
clave» ; qu'wn bon Chrétien ne peut avoir
aucune connoijjance de la vraie morales
quil ne peut être qu^un mifant[ope inutile
S2 Apologie
ou un fanatique turbulent (a). Ainfi dans
trois pages , ou plutôt dans trois mots , la
caufè de la Religion eA jugée fans appel ;
voilà le ton qui règne dans tout l'ouvrage.
Nous montrerons en détail la faufleté &
rabfurdité de ces déclamations qui revien--
aent à tout moment.
Il prétend néanmoins que fon Livre ne
fçauroit être dangereux pour le peuple ; le
peuple , dit-il, eft incapable de lire & de rai-
fonner ; quand mime un infenjé confeiUeroit
aux gens du peuple de voler ou d^ajajjîner ,
le gibet les avertirait de nen rien faire^
Si par hafard ilfe trouvait parmi le peu-
ple un homme capable de lire un ouvrage
fhilafophique ^ il eft certain que ce ne ferait
pas communément un fcélérat à craindre .•
d'ailleurs la vérité n'eft jamais capable de
nuire (b). L'apologie eft courte , voyons
£ elle eft fenfée.
Il s'enfuit bien clairement des princi-
pes de l'Auteur , i*^. que tout nomme
aftêz habile pour dérober fes^ forfaits à la
connoiflance du public , ou afiez fort pour
fe fouftraire à la peme du gibet , peut être
voleur & aflkflin fans conféquence ; il n'a
rien à redouiDer ni en ce n^ionde ni ea
ia) Préface, pp. ij « i^ & ly»
(i') Jbid» p* V»
!
Db la Religion, &c. 25
Fautre ; 2*^. que tous Ie$ crimes contre
lefqueis la loi civile n'a ftatué aucune
peine t ne doivent plus nous faire horreur ;
on peut fans fcrupiûe manquer à fa parole »
trahir un ami , violer la foi jurée , fé-
duire l'innocence , troubler l'union des
familles, &c. il n'y a point de fupplice
à craindre pour tout cela. Telle eft , félon
notre Cenfeur , l'édifiante morale que l'on
peut enfeigner au peuple fans aucun
danger.
Le peuple n'eft pas capable de lire un
ouvrage philofophique ; mais il eft très-
capable d'entendre le langage & les ma-
ximes du Chrijlianifme dévoilé •• que la
Religion eft un ti0u de chimères & d'ab*
furdités ; que nous voyons des Princes rem^
plis de foi entreprendre les guerres les plus
injujies ^ prodiguer inutilement le fang Gi*
les biens de leurs Sujets , arracher le pain
des mains du pauvre , permettre Cr même
ordonner le vol , les concujfîons ^ les injuf-
tices ^ que parmi les Prêtres nous voyons
régner l'orgueil , V avarice ^ la lubricité ,
ïejfprit de domination Gr de vengeance (b).
Ces déclamations mille fois répétées dans un
Livre , n'ont pas befoin de commentaire ;
fans être Philofophe, le peuple conclura
■"^'■■•^^-"«•^■■•■«■■«■■■««■■««■■iaaMMaiMMitfHaiP»
(H) Préface , pp, ix & >•
l
â4 Apologie.
aifémcnt qu'il faut courir fus aux Prêtres &
aux Princes , détruire le Sacerdoce & la
Royauté.
Un homme capable de lire un ouvrage
philofophique , n^eft pas communément un
fcélérat à craindre. S'il ne l'eft pas com-
munément , il peut du moins l'être ; parmi
les gens de Lettres il peut y avoir de mau-
vais cœurs. Dans un fiècle où tout le mon-
de fe pique de fçavoir , des connoiilànces
communes font-elles un frein bien aflliré
contre le crime? Quand le Chriftianifmt
dévoilé ne pervertiroit qu'un feul homme,
n'en eft ce pas aflez pour le profcrire &
pour faife détefter l'Auteur? "^
La vérité n^eft jamaif capable de nuire s
mais c'eft juftemcnt ce qui prouve que
le fyftème qu'on nous propofe n'eft pas la
vérité.
Si nous en croyons notre fage Critique ,
teft la Religion qui fit éclorre les defpotes
&* les tyrans ; les Rois furent appelles les
images de Dieu , ils furent abfotus comme
lui , ils créèrent le jufle & L^injujie , leurs
volontés fanSifierent fouvent Vopprejjion *
la violence* la rapine , &(r. (a) : & voilà
précîfémeat
DE LA Religion, &c. a^
précifément te defordre que l'Auteur veut
établir , en détruifànt toute Religion ; il
prétend que la volonté du Prince foit la
feule loi fuprême , qu'il n'y ait d'autres
peines à craindre que celles qu'il peut in-
fliger , d'autres récompenfes à efpérer que
celles qui dépendent de lui. N'eft - ce pas
alors que les Souverains feront abfolus
comme .Dieu , & qu'à proprement parler
ils feront les feuls Dieux de la Terre ?
Un Souverain . dit-il , à qui la fociété a
confié V autorité fuprême ^ tient dans fes
mains les grands mobiles qui agijfent fur
les hommes ; il a plus de pouvoir que les
Dieux ^ pour établir Gr réformer les mœurs.
Sa pré fend , fes récompenfes , fes menaces ,
ue disrje / un feul de fes regards peuvent
ien plus que tous les fermons des Prêtres»
Les honneurs de ce monde j les dignités , les
richejjes , agijfent bien plus fortement fur
les hommes les plus religieux , que toutes
les efpérances pompeufes de la Religion. Le
courtifan le plus dévot craint plus fon Roi
que fan Dieu (a ).
Ce langage , emprunté de Bayle ( i^ ) ,
cft un chef-d'œuvre d'abfurdité. D'un côté
l'Auteur s'élève contre le defpotifme des
î.
{«) Préface j page xx.
26 Apologie
Rois ; de l'autre H les rend . feuls arbitre^
de la deftinée des hommes : il les accufe
d'avoir créé le jufte & l'injûfte, & il né
reconnoît d'autre règle que la loi émanée
de leur autorité ^ pour diftinguer le crime
de la vertu. IlJeur reproche de s'être mis
à la place de Dieu, SciMeur attribue plus
de pouvoir qu'à Dieu: il les blâme d'abu-
fer de la Religion pour aflfervir le peuple
à leurs volontés , & il veut détruire la Re-
ligion , qui eft la (eule barrière qu'an puifl'e
oppofer à l'abus de leur pouvoir.
Cejî fu Svuv£rain ^ félon lui ,' quil ap^
fartUnt de reformer les mœurs ; elles fe-
ront bonnes , larfque le Prince fera bon &
vertueux lui-même (a). Mais fi malheùreu-
femcnt il étoit vicieux , que deviendroient
alors les mceurs , les loix , l'Etat & la àe('
tinée des peuples ? N'eft-ee pas alors que
fa volonté janHifiera t'oppreffîon ^ la vio^
lence ^ la rapine ? Si tout dépend de la
conduite & du caraâere du Souverain ,
quQl eft le garant qui nous en répondra ,
d^s qu'il n'y aura plus de Religion, &
que le Souverain .ignorera s'il y a un
Pieu ?
On reconnoît ici toute fa fegacité de
l'efprit philofophique \. il n'a de force que
f^mf
(4)Pïéfacc, pagcxxi.
DE LA Religion, &c. ±7
pour détruire : c'eft à faire des objeftions
contre la Religion qu'il triomphe. S'agit-
il d'y fubftituer vta fyftème raifonnable >
Nos fçavans Critiques tombent au premier
pas , tous leurs principes font des contra-
didiotï&4
$. 8.
Rîert de plus éloquent que les déclama-
tions de l'Auteur fur l'inutilité de la Reli-
gion. Les hommes , dit-il y mettent toujours
la Religion de côté ^ dès quelle s'oppofe
à leurs dejîrs y ils ne'^Yécoutent que lorf^
quelle favorife leurs paffîons , lorfquellé
s'accorde avec leur tempérament ^ &• avec
les idées qu ils fe font du bonheur ^1A-AqS\j^
il peint , fous les plus noires couleurs , la
conduite des Souverains & des Prêtres « de$
Grands & du Peuple ( ^ )•
FafTcMisJui pour un moment Pamertiimô
de fa cenfure ; quelle conféquence peut-il
en tirer? La Religion n'étouffe pas entière-
ment les paflîons \ donc il faut l'anéantir :
de même les loix civiles nVrêtent pas tous
les crimes ; donc il faut les fupprimer.
«Dire que la Religion n'eft pas un motif
» réprimant , parce qu'elle ne réprime p£»
» toujours , c'eft dire que les loix civiles ne
■«p
( # ) Ptéface, p. ix & Aiiy^
Cia
5? Apologie
pp font pas un motif réprimant non plus »..
Aînfî raifonne contre Bayle , TAuteur de
l'Efprit des Loix (a).
Affranchir les paflîons du joug de Ist
Religion , pour ne leur oppofer d'autre
barrière que les Loix , c'êft ôter à un ani-
mal féroce le plus fort des liens qui le re-
tiennent , pour ne lui en laifler qu'un dont
îl n'eft enchaîné qu'à moitié. Plus Iqs Loîx
font fëveres & multipliées y plus elles font
impuiffantes : le grand nombre des Loix
çft la marque certaine de là décadence des
mœurs. CorruftiJJîma Rejpublica ^ flurimct
hg&s.
Mais l'Auteur ne fe borne pas à foutenîr
que la Religion eft inutile; il prétend qu'elle
eft pçrnicîeufe ; il renouvelle contr'elle tou-
tes les calomnies de fes ennemis anciens &
modernes (b). Que s'enfuit -il encore ?
i 1°. a C'eft mal raifonner contre la Religion ,
30 dit Montefquieu > de raflembler dans un
» grand Ouvrage une longue énumération
3» dés maux qu'elle a produits , Çi l'on ne
V fait de même celle des biens qu'elle a faits,
» Si je voulois raconter tous les maux
?» qu'ont produit dans le monde les Loix;
p civiles , 1^ Monarchie > le Gouverne-:
(A) EfpFic des Loîx, livre £4^ chap. i%
i*) Frcf.p.xvij.
DELA ReliGION,&C. 2^
» ment Républicain , je dirois des chofes
oo effroyables (a)». 2^ Accordons le prin-
cipe pour un moment : toutes les Reli-
gions, fans exception, font pernicieufes;
mais en dépit de la Philofophie , J'homme
eïl invinciblement déterminé à s'en faire
une : point de vie fociale fans Religion,
Il faut donc préférer la moins mauvaife :
refufera-t-on encore ce privilège au Chrif-
tianifnie ? 3°. Nous démontrerons que ja-
mais le Chriftianifme n^a fait de mcil^
que grâces à l'Evangile , nous fommes
mieux , à tous égards ^ que les Nations infi^
délies : le plus grand malheur feroit.donc
de laîfler détruire ou alfoiblir la Religioa
parmi nous.
Notre zélé Citoyen fe plaint de ce que
l'éducation n'a aucun rapport à la politi-
que 2 il prétend que la morale religieufe
fait des nommes inutiles ou nuifibles au
monde; que c'eïïau Gouvernement & à la
Politique de former des Citoyens. U veut
donc que le Gouvernement ^ à Caide des
Loix , des récompenfes &* des peines , con-
Jirme les leçons que ïéducatiori aura don---
nées ; que le bonheur accompagne tes allions
aÊtim>i^i^i^fmmmmmtmm>miÊ0mmmmmmtmmmimi9l*
ia ) E(pric des Lobe » i* ^^> c. 1.
50 Apologie
miles & vertaeufes ; que la honte ^ le mépris^
le châtiment puniffentlt crime & le vice (a).
Beau projet en idée , digne de la Répu-
blique de Platon ! L'exécution en eft-elle
poffible fans Religion ? Jamais ce Philofo-
phe ne l'auroit penfé. Chez une Nation
Athée , s'il pouvoit y en avoir une , ceux
qui feront à la tête des affaires , auront-ils
dç3 motifs affez puiflans pour fe dévouer au
bien public , & les peuples feront-ils affez
dociles pour faire plier leurs paflîons &
leurs intérêts particuliers fous le joug de
l'autorité ? C'eft ce qu'il faudroit examiner
d'abord.
Il feroit bo^n de nous apprendre enfuîte
quels feront les fondemens d'une morale
toute politique & fans aucun rapport à la
Religion , quelles notions claires & certai-
nes Ton pourra fe former du vice & de la
vertu , quelle règle on aura pour difcerner
les bonnes loix d'avec les mauvaifes ?
Enfin il faudroit démontrer en détail la
poflîbilité d'établir des récompenfes tempo-
relles pour toutes les aftions louables , des
châtimens fenfibles pour toutes celles que
la raifon condamne : & cela eft impratica-
ble. Pour punir les crimes , il n'eft pas né-
cçflàire d'exammer l'intention qui les a fait
{a) Pséface > ïbiL
BE LA Re-LIGÏÔN, &C* ^t
commettre ; il fuffit qu'ils foient nuifibîes à
la focieté. Pour récompenfer une adion
vertueufc , il faut en connoître le motif»
c'eft ce qui en fait le mérite ; & qui peut
fonder les coeurs ? ou trouvcra-t-on un
fonds aflez riche pour récompenfer tout
ce qui paroît louable ? Aucun Légiflateuf
n'a fuivi ce plan , & aucun ne le tentera
jamais C^}.
Si l'Auteur avoit raifonné , on pourrolt
fe difpenfer de le réfuter plus au long : l'ex*
pofition feule de fon fyftème en fait fentir
l'abfurdité. Mais il né raifbnne pas , il in -
veâive ; il parcourt toutes les matières faes
en approfondir aucune; il raflemble toutes
les objedions fans les prouver ; il allègue
des faits & illes d^uife ; il cite quelques.
pafTages , & ordinairement il les falfifie ; fi
l'on fiipprimoit les répétitions , fon Livre
feroit accourci de moitié ; il feroit réduit à
quelques difficultés communes que l'on re-
trouve dans tous les Ecrits des Incrédules,
Cependant comme il attaque fur-tout la
morale du Chriftianifme & le culte exté-
rieur , ces deux points ont paru mériter une
difcuflîon particulière. Dans les deux Ou-
vrages que l'on a donnés depuis peu au Pu-
(a). Pfeiuttre DifTcriation titU dé Varburihon , p. j^
Civ
2 A POLO (5 11
flic (a) y on s'eft attaché principalement à
expofer les preuves de notre Religion; Ton
n'a parlé qu'incidemment de fa morale , de
fon culte y de fa difcipline , de fes effets : la
réfutation du Chrijlianïfmé dévoilé fervira
de fupplément &.dé fuite à cette impor-
tante matière. Lorliju'il fe préfentera des
objections que nous avons déjà réfolues
ailleurs , on nous permettra d'y renvoyer le
Leûeur.
S. lo.
r
Le Chrijiianifme dévoilé consent fcîze
chapitres. Dans le premier , l'Auteur expofe
la nécejfîté d'examiner la Religion ^ &* les
cbjiacUs que Von rencontre- dans cet exa*
jnen ; il accufe , mal-à-propos , les Souve-
rains & les Prêtres de lereaouter & de l'in-
terdire : nous ferons voir que ce reproche ,
toujours faux; ne fut jamais plus déplacé
qu'aujourd'hui. Comme il prétend que la
Religion Chrétienne eft un rejetton de Ju-
daïfme , il fait dans le fécond chapitre une
Hifioire faulfe & bizarre du peuplé Juif &
de fa Religion ; & il en juge contre toutes
les règles de la juftice & de la bonne foi.
Dans le troifième il raconte , félon fes pré-
(q)L^ Déifoie réfuté pat lui-iuéme. La cerdcii<ie des
Preuves du Chri(liaDiraie«
Di: LA Religion, &c. 53
jugés , la manière dont le Chriftianifme s^ejl
établi ; & les aveux qui lui échappent , fuffi-
fent pour démontrer que cet établiflement
eft furnaturel. Dans le quatrième', il. exa-
mine les Notions que la Religion Chré^
tienne nous donne de Dieu & .de fa con-
duite ; c'eft ce qu'il appelle , par dérifîon ,
la Mythologie Chrétienne : il défigure nptre
croyance pour la rendre odieufe & ridi-
cule» Le cinquième & le'fixième traitent dé
la révélation &* de fe's preuves^ des mira-
cles ^ des prophéties y des martyrs ^ maisfu-
perficîeHement , fans approfondir aucun de
ces.objets ; il ne propofe que des objeftions
rebattues. Dans le feptième & le huitième , il
expofe les myfteres &* les dogmes du Chrif-
tianifme avec peu d'exaditude > &-fouvent
avec peu de fincérité. Pour infpirer le mé-
pris du culte extérieur & des cérémonies de
la Religion , il les appelle dans le neuvième
la Théurgie des Chrétiens, Il renouvelle
dans le dixième la plupart des objeBions
que l'on a faites contré lés Livres faints ,*
dans le Diêliorînaire Philofophique , dans Iç
Livre de Freret , dans la Philofophie de
THiJîoire , &c. Les trois chapitres fuivans
renferment V examen , ou plutôt la cenfure
de la morale de t Evangile , d^s vertus qu'il
infpire , des devoirs fir- des pratiques quii
prefcrit j ç'eft \'miçh le plus eflfentiel ^ 9^
34 Apologie
celui fur lequel TAuteur fait paroître une
prévention plus aveugle. Il foutlent dans 1«
quatorzième , que cette morale eft direBe-
mtnt contraire à la faine politique Gr aux
intérêts de lafociété; c'eft encore une répé-
tition des calomnies de Bayle , de Fréter ,
& d'une infinité d'autres Ecrivains. Le
quinzième eft une déclamation continuelle
cotAre^YEglife Cr le Sacerdoce^ Le feizième
UBQ. récapitulation aflez inutile de ce qui a
été dit dans le corps de l'Ouvrage.
Nous fuivrons le même ordre , quoiqu'il
ne foit pas extrêmement régulier , & que
l'Auteur fe répète continuellement ; nous
conferverons même tous les titres dés cha-
pitres; nous n'omettrons rien de ce qui
peut préfenter la moindre apparence de dif-
ficulté ; mais nous fupprimerons les invec-
tives indécentes , & qui fe réfutent elles-
mêmes. S'il nous arrive quelquefois de ré-
péter les mêmes réflexions & les mêmes ré-
ponfes , ce n'ell pas à nous , mais à l'Au-
teur qu'il faut en attribuer la faute. ■ -
Oq nous blâmera peut-être d'avoir trop
fouvent infifté fur des ôbjedions -frivoles ,
fiir des fuppofîtions dénuées de preuves ;
mais dans un temps où tous les Livres écrits
contre la Religion font accueillis & lus
avec avidité, où les moindres fophifines
font vantés comme des argumens infolu-
Ï5E LÀ Religion, &c. 3T
blés , où les fyftèmes les pluis abfurdes peu"
vent faire fortune , au moins pendant quel"
ques xnomens , & féduire une infinité de
ledeurs , il nous a paru néceflàîre de ne
rien négliger. Nous aimons mieux pouffer
l'exaftitudc jufqu'à l'excès , que de donner
lieu à aucun reproche contre la caufe que
nous foutenons , & de laiflèr le moindre
nuage fur la vérité.
Il étoit impoffiblc de faire une réfuta-
tion plus courte. Pour démontrer la fauf-
feté d'une fuppofition hafardée , il faut
fouvent confulter l'Hiftoire , éclaircîr des
faits a expliquer uiï dogme , raffembler des
preuves. Si notre marche eft moins légère
que celle du Critique dont nous fuivons
les écarts, elle fera plus iur#, & conduira
plus çffiç2icement le Leftevix à h çonnoif-
fance du vrai.
Il n'eft pas moins difficile de répondre
d'une manière intéreflante à des difficul-
tés qui fe réduifent à rien , lorfqu'elles
font dépouillées du ftyle empoulé & dé-
clamateur dont elles étoient revêtues : le
Lèfteur pourra s'ennuyer d'entendre répé-
ter fans çeffe ; cela eft faux ; ï Auteur im"
pofe ; il calomnie. Mais le danger d'être
peu lu , doit - il nous engager à trahir les
intérêts de la Religion ? Ses ennemis ne
craignent peint de révolter les efprits rai^
3^ Apologie
lonnables par des attaques furieufes & in-
décentes ; aurons - nous peur de dégoûter
le Public par des apologies froides & in-
fîpides. Pourvu qu'elles foient folides &
convaincantes , on doit nous difpenfer de
les rendre agréables : des difcuflîons aufïî
férieufes ne font point faites pour amufer
les efprîts frivoles ; il faut laiflèr les pres-
tiges du ftyle aux Charlatans , qui cher-
chent à féduire.
En répondant à un Ecrivain qui s'oublîo
& s'emporte à chaque inftant , il eft dange-
reux de prendre un ton d'aigreur ; nous tâ-
cherons de l'éviter autant qu'il ferapoffible^
Au langage de la prévention & de la haine ,
nous oppoferj^ celui de l'innocence , de
Ja droiture , delà vérité. Nous nous abftien-
drons de nommer PAuteur , parce qu^il
n^eft plus, & que c'eft peut-être un nom
emprunté : nous n'en voulons point à la
perfonne, c'eft au Livre feul que nous nous
propofons de répondre.
Pour rendre l'apologie de la Religion
plus complette , nous avons fait des remar-
ques fur plufieurs Ouvrages très-conformes
pour le fond & pour le ftyle au Chrifiia-
nifme dévoilée Le DiElionnaire Philofophi-
que y la Phdofophie de PHiJîoire , le Traité
fur la Tolérance ; V Examen important de
Mjlord BoUn^brQh , le Catéckifme de
BE LA Religion, Sec. 57
Fkannête Homme , le Sermon des Cirt^
quart te , les QueJIions de Zapata , le Dfncr
du Comte de Boulainy illier s > &c. renou-
vellent les mêmes objeftions que le Livre
de Frère t & que le Chriftianifme dévoilé.
Déjà Ton avoir publié YExamen de la iîe-
ligion y attribué à Saint - Evremont , VA-
nalyfe de la ReVgion Chrétienne par Du-
marfais , & le Militaire Pkilofophe , où
l'on a dit précifément les mêmes chofes ,
où l'on a luivi le même plan & la même
méthode : voilà bien des répétitions. Nous
aurons foin de relever ces divers aggref*
feufs , autant de fois que l'occafion s'en
préfentera , & que la matière paroîtra l'e-
xiger ; mais en nous attachant toujours
principalement au texte du Cbrijiianifmc
dévoilé. •
Comme la plupart de ces Livres font
anonymes , & qu'Û eft incertain fi plufieurs
autres qui ont été publiés fous le nom de
quelques Auteurs refpedables , font vérita-
blement d^eux , on le croit moins obligé
de l«s ménager dans la réfutation,'
Il eft à propos de prévenir le Ledeur;
cju'il faut diftinguer deux Ouvrages , in-
titulés : Mélanges de Littérature , d'Hifloirs
&* de Plîilofophie ; l'un en cinq volumos
in- 12 , attribué à M, d'Alembert ; nous
jca avons cité cjuelque^ jrçflexiQUS très-juf-i
58 Apologie
tes , & ce n'eft point fur celtii - ci que
tombe notre cenfure : l'autre en quatre
volumes in- 8^, inféré dans la Colleârion
complette des Œuvres de M. de Voltaire »
& qui forme les tomes trois , quatre &
cinq de cette Colledion. Il eft fâcheux
pour la gloire de cet Ecrivain très-célè-
bre, que l'on ait fait paroître fous fon nora
des Livres pleins d'erreurs , & dont nous
avons été obligés de réfuter quelques en-
droits : fouvent il s'eft plaint lui-même
de la hardiefTe des Libraires ; en attaquatit
de5 Ecrits qu'il n'a point avoués , nous ne
croyons point manquer aux égards qui lui
font dûs.
En général nous fkifbns profeûSpn de
refpeder lès talens fupérleu|^ , dans ceux
même qui en abufent. Un Ecrit pernicieux »
dont nous montrons les erreurs , ne nous
empêche pas de rendire juftice aux Ouvra*
ges d'un autre genre qui paroiflènt être for-
ris de la même plume^ Mais les plus grands
fervîces rendus à la Littérature , ne donnent
droit à perfonne de calomnier la Religion »
ni d'enlever à la fociété le plus précieux de
tous les biens. Les Ecrivains les plus capa*
blés d'éclairer leur Cècle ne méritent plusr
nos hommages > dès qu'ils ceflent de refpec-
ter la venu. Un des objets qne nous noua,
propofons dans nos Remiarques > eft de ïes
DE LA Religion, &:c. j^
engager à faire un meilleur ufage de leurs
lumières , à fe renfermer dans les bornes de
leur talent, à ménager davantage leur répu-
tation.
A Dieu ne plaife qu'en donnant aux In-
crédules le nom de Fhilofophes , on cherche
à décréditer la vraie Philofophie : elle eft
également utile à la Religion & à la Socié-
té. Ce n'eft point décrier fart de guérir ,
que de démaïquer lés Empyriques* Lorfqiie
nous accufons les Philolophes de liberti-
nage , ou d'enfeigner une morale fauflè &
pernicieufe , nous ne prétendons pas éten-
dre ce reproche à tous fans exception :
nous reconnoiflbns avec plaifir qu'il en
eft plufieurs dont la conduite eft irré-
prochable , qui fdht profeflion d'une
Jxaâ:e probité , qui défapprouvent même
fes excès & les égar^ mens des autres* Les
BLites & les erreurs font perfonnelles ; on
le doit les attribuer qu'à ceux dont nous
dtons nommément les Ecrits. Sans haine ,
Sns partialité , fans prévention contre qui
le ce foit , nous nous bornons à l'examen
î Livres publiquement connus , fur lef-
tiels tout nomme a droit de dii:e fon avis,
ttachés d*efprit & de cœur à la Religion
kîntedont n^us entreprenons l'apologie,
tous n'avons d'autre intérêt , ni d'autre am-
îtion » que d'infpirer à nos Lefteurs. les
^o Apologie
^ntimens de refped & d'amour dont nous
femmes pénétrés pour elle.
Depuis la première édition de cet Ou-
vrage , il en a paru un nouveau fous le
titre de L ettres à Eugénie , qui a une con-
formité iînguliere avec le Chrifiianifme dé-
voilé ; le plan , le fyftème , les objeâions ,
le ftyle > font precifément les mêmes dans
ces deux Livres, Lequel a fervi de modèle
à l'autre ? C'eft ce que nous ignorons:
mais il eft certain qu'ils ont été copiés
l'un & l'autre fur la Contagion facrée , tra-
duite de l'Anglois. L'Auteur de- celui-ci,
partifan outré de l'indépendance^ a juré
ttne haine irréconciliable à toute Religion,
parce que toute Religion prefcrit l'obéif-
lance au Gouvernenj|)nt ; les vapeurs de
fa bile ne peuvent manquer de produire I
de grands effets parmi nous. Par les cita-
tions que nous aurons foin de rapprocher,
le Ledeur fera convaincu que ces deux 1
derniers Ouvrages fe trouvent réfutés par
nos réponfes ♦ avant même qu'ils ayent
paru»
îm
jCHAPITRB
i
L DE LÀ Keligioit, &C 4Ï.
•CHAPITRE PREMIER-
Ds la nécejpté d* examiner la Religion^
&* des objlacles que ton nncorure dam
jcet exameru
jLïs Dofteufs de la Religion Chrétienne
n'ont jamais prétendu interdire à perfonne
Ja liberté d'en examiner les preuves ; c'éfl:
I non-feulement un droit qu'il feroit injidle
d'ôter aux hommes , mais encore une obli-
gation qu'il eft eflentiél de leur prêcher. Le
Chriftianifme , loin d'impofer à fes Se£ta-
\ teurs le joug d'une crédulité aveugle , corn-
1 me feè ennemis l'en ont toujours accufé (4)»
leur -commande au contraire d'ctre toujours
prêts à rendreraifonàe leur e/pérarrée (fcjXa
. foi n'eu point un entêtement de fyftème*
( mais unejbumijjîan raifonndble ( c ). La mùl-
^ titude djes Ouvrages qui ont étécompofês^
liir-tout dans ces derniers fiècles , pour dé.
Telopper les principes ,les preuves, lesdog.
mesj la morale du Chriftianifme, pour tri- '
CA) Orig.. conte Cclf. 1. i , ^dit. de Canibiidg*., .p. 8,
.(.t) I Feiri, 3,15. • *i
35
^2 Apologie
pondre aux objeâions de ceux qui les ont
attaqués , font un témoignage certain de
l'efprlt.qui anime les Mipiftres de cette Re-
ligion , & du zèle fincere dont ils font péné-
trés pour l'inftruclion des peuples.
C'eft une vaine déclamation de dire que
les hommes j pour la plupart , ne tiennent à
leur Religion que par habitude ; que cette
Religion fut toujours la chofe quiU craigni-
rent le plus d' approfondir ; que jamais ils
nom daigné fe rendre compte de leur croyan->
ce (a) y Se de continuer fur c« ton dans
toute la fuite d'un chapitre.
Si ce reproche peut être vrai à Tégard
des peuples élevés dans l'infidélité, dans l'i-
dolâtrie, dans le Mahométifme , des peu-
ples qui n'ont aucune teinture des lettres ni
des fciences , il eft abfolument déplacé parmi
les Chrétiens ; il l'eft encore davantage
dans un fiècle & chez une Nation où l'étude
& les connoiflances font plus commu-
nes & ont fait plus de progrès que par-tout
ailleurs.
Jamais l'on a écrit avec autant de liber-
té , difons mieux , avec autant de licence
(^) Chrift. dévoilé , page i. Examen importanc àç My
loi-J Bolingbrokc , proëm. page i. Examen de la Religion ,
Tous Le nom de Saint- fcvremonc, chap. i. Le Militaire Phi-
lofophs, chap. 4. Première Letcfe â Eugénie > tome tf
p. 1^. Conugion facrés^ chap. 1 9 p. ii.
DE LA Religion, &c. 45
qu'aujoui-d'hui fur la Religion. Si elle étoit
mal fondée , fi les preuves en étoient douteu-
fes , il y a long-temps que Ton feroit par-
venu à les détruire , à faire voir , par des
démonfirations fans réplique , la fauflfeté de
cette Religion, coatre laquelle les Philofo-
phes réunifient tous leurs efforts, contre
laquelle leur plume diftile un fiel fi amer*
Leurs Livres font entre les mains de tout
le monde; grâces au zèle Philofophique •
ils font répandus dans toute l'Europe, Si
jamais ces matières peuvent être éclaircies,
elles le font certainement aujourd'hui : ce
n'eft plus le temps de dire qu'on n'a pas
«ncore examiné le Chriftianifme»
Après tant de difcuflîons , de raifonne-
mens , de clameurs « a-t -on réuiïi à détronv-
per l'univers , à confondre les ApologiÛes
Chrétiens î Quel a été le fuccès des Apôtres
de l'Irréligion ? Leurs viâoires font con-
nues* Ils ont féduit de jeunes imprudens ,
qui ont voulu lire les objedions contre la
foi , avant que d'en avoir étudié les preu-
ves , en qui les paflSons naiflantes ont pré-
fidé à l'examen , & ont jugé en dernier ref-
fort; ils ont aveuglé quelques leâeurs. qui
à peine iiiftruits des dogmes de leur croyan-
ce , n'ont jamais réfléchi fur les raifons qui
les établifïent; ils ont confirmé dans l'incré-
dulité des efprits déjà pervertis , en qui le
Dij
44 Apologie
/ libertinage avoir effecé depuis long-temp^
les principes de Religion, Pour ceux qui
l'ont étudiée avec foin , qui , exempts de
{)affions & de préjuge , étoicnt capables de
aire un examen impartial , quel fruit ont-
ils remporté de la lefture des Ecrits de nos
Cenfeurs? De Tindignation ou de la pitié.
Quelques - uns , moins éclairœ , ont été
éblouis d'abord ; leur foi a été ébranlée
pour quelques momens , mais ils ont été
bietlrôt détrompés par la lefture des Livres
de nos Apologiftes , & leur croyance eft
devenue plus ferme. Ce ne font donc pas
ceux qui demeurent aujourd'hui attachés à
' leur Religion qu'il faut accufer de crédu-
lité , de prévention , d'aveuglement ; ce
font plutôt ceux qui l'ont abandonnée fans
la connoître.
Il y a du moins une différence eflentielle
entre la manière d'écrire de {qs défenfeurs ,
& celle de fes ennemis. Les premiers pro-
cèdent régulièrement & de fang froid : ils
pofent des principes , ils en tirent dés con-
féquetices , ils citent des témoignages & des
monumens ; ils rapportent de bonne foi les
objedions de leurs adverfaires , & ils y ré-
pondent ; ils préfentent un fyftème lié , fui-
vi , foutenu , dont un efprit droit demeure
fatisfait. Les Critiques de la Religion s'y
prennent autrement ; ils entaûènt des diâ-
t)iE LA Religion, &c. 4^
cultes , ils les répètent , ils (c copient ; mais
ils gardent un profond filcnce fur le fond
des preuves & fur les réponfes que* Ton a
données cent fois à leurs objeàions; ils
plaifantent, ils inveâivent , mais ils ne
prouvent rien. La haine , les railleries , &
fouvent les obfcénités , leur tiennent lieu
de raifons , & font leurs plus forts argu-
Tuens^ Leurs ouvrages lus avec avidité par
les efprits fuperficiels , toujours annoncés
avec emphafe comme des produâions
neuves , comme des écrits vidorieux , aux-
quels les Théologiens ne répondront ja-
mais (a^y ne font 'Sans le fond que des re-
dites. Ce font les dépouilles de Hobbes , de
Spinofa, deBayle, ouïes extraits de quel-
ques Livres Anglois. Il n'en eft aucun où
l'on ne découvre un fond de mauvaife foi
^ de malignité : avec ce caractère , un Au-
teur eflrpeupropre à découvrir la vérité, Sc
encore moîns à la montrer aux autres.
Ce qu'il y a de fingulier , c'eft qud ces
Meilleurs prétendent tirer avantage de leur
opiniâtreté même pour s'attribuer la vic-
toire. D faut bien , difent-ils , que les ré-
ponfes des partifans de la Religion foient
infuffifantes , puifqu'on leur répète tou-
^■fl) Voyez TAvis ies'Editftu» "dls'PBxiimexi icapotuflt*
^6 A p o L o a I s
Jours Ijes mêmes objedions (a). La preuve
eft Ikns doute excellente. Pourquoi donc
n'ont-ils '^pas encore fait fur nos Livres ce
que nous faifons ici fur les leurs ? Pour-
quoi n'ont -ils pas eflayé de les réfuter
pied à pied , &: de démontrer la fauflèté ou
la foiblefle de nos raifons ? Qu'ils le faf-
fent enfin , ou qu'ils ceflent de triompher
mal-à-propos,
L'Auteur de YExamen important , pour
rendre fufpeâs tous ceux qui écrivent en
faveur de la Religion , dit que lyjprit de
psLTti Sr Cemie de Je faire raioir les préoccu^
pent (b)i fsffis doute les Philofophes font
exempts de ces défauts. Inaccelîibles aux
payions humaines , ils ne font jamais domi-
nés par Tefprit de parti ni par Tenvie de fe
faire valoir : le flyle dont ils écrivent , eft
une preuve démonftrative de la candeur de
leur ame , & de la pureté de leurs inten-
tions.
Il Aous débite la fable d'un Jean Mélier,
prétendu Curé , qui a demandé pardon à
Dieu en mourant d'avoir enfeigné le Chrif-
tianlfmè (c). L'exemple feroit unique en fon
efpèce. Mais tant de Philofophes qui ont de-
(fl) Pr itiîcrc Lettre â Eugénie , page ij.
CMPàgex.
DE LAReLIGION, &C. 47
mandé pardon à Dieu en moui-ant , d'avoir
attaqué la Religion par libertinage, qui après
avoir vécu en impies , ont voulu mourir
en chrétiens (a) y ne forment-ils pas un
violent préjugé contre la fincérité des au-
tres ? Ils font intrépides en bonne fanté ;
un accès de fièvre fuffit pour renverfer
toutes leurs démonftrations. Bayle qui de-
voir les connoîrre , en a plaifanté le pre-
mier (b).
Ces converfions , difent-ils, ne prour
vent autre, chofe que la foiblefle d'ef-
prit du malade ; il n'y a que l'impcf-
ture qui puijje fe prévaloir du témoignage
d^un mourant (c). Mais d'autres fe font
coflvenis en bonne fanté & dans toute la
force de l'âge ; fi leur changement ne con-
clut rien , qû'eft-ce que prouve la multi-
tude des infenfés que nos Philofophes fe
flattent d'avoir pervertis ? Celfons donc
de compter les lufTrages , & bornons-nous
à pefer les caifôns.
(a) L'Auicur du Cluiftianifme dévoilé cft heurcufc-
n^cnt de ' ce nombre ; c*ell un témoignage ^ue nout
joramcs charmés de pouvoir rendre à fa mémoire , &c ua
JAic que nous tenons de la propre bouche du Vicaire de
" Paroiffc gui lui a adminillré les derniers Sacremens.
( h) Répoufe au Provincial , chap. ii ;& Did. criuarc*
Ves'uyreauv. Rem. F.
{c) Douzième Letuc à Eugénie, p. i j8. Contagion U-^
ttce, c. 14, p. lûQ,
Apologue
S. 2*
L'Auteur du Chrifliamfme dévoilé de-
j)lore d'un ton pathétique le malheur du
;genre humain. Tomts Us forces ^ dit-il , fe
réimsjfentpour lui cacher la Write. ^ les Tyr/ins
la détejient et* V oppriment ^ parce qu^etle ofe
difcuter leurs titres irijujles 6r chimériques.:
le Sacerdoce la, décrie , parce qitclle met au
néant f es prétentions fajlueufts (a). Langa-
ge pompeux 3 mais qui n'eft point celui de
la ratfon. La vérité confifte donc , félon
fui , à difcuter les titres des. Souyerarns &
les prétentions du Sacer<iocc. En effets
c'eft le -double 6bjet de fon ouvrage. Les
Souverabs y font traités avec- autant d'in-
dignité que les Miniftres de là Religion ;
les droits du Trône n'y font pas plus ména-
gés que ceux de TEglife ; il s'eft propofë
^'anéantir , non-feulemeat toute Religion
quelconque , mai^ encore toute autorité &
toute fubordination. Voilà ce qu'on appelle
montrer la Write au genre Âumain.
Le Sacerdoce la décrie.: point du tout;
il invite au contraire tous ceux qui en font
capables à la rechercher 3 mais à le faire de
■•
(d) Chrift. dévoilé, p. 7. Première Lettre i Eugénie^
y. 6, Coitagion factéc, c.4, p. ^^ &£. Lattes FhiloC
4i£ Toiaiid)jp. 4.0»
bonne
i>iLAREr.iGipN, &c. 4jr
Bonne foi , à étudier la Religion dans les
fources , avant que de lire ce qui peut inf-
pirer des préventions contr'elle. Il défend
de lire les Livres* de fes ennemis , mais à
ceux qui ne font pas affez inftruits pour en
porter un jugement éclairé. Il en permet la
lefture à tous ceux que l'étude a fuffifam-
ment aguerris pour n'avoir pas à redouter
la fèduâion : il approuve tous les écrits
polémiques où les matières font difcutées
avec exaétitude & avec impartialité ; il fe
plaint même de ce que ces ouvrages ne
font pas afièz lus.
Les plaintes oppofées de. nos adverfai-
res ( a ) ne font qu'un artifice pour engager
tout le- monde à lire leurs propres quvra-
ges > & ce tour infidieux ne leur réuflit que
trop bien. Ces Livres , toujours préfentés
fous différentes formes , &c toujours les mê-
mes pour le fond , font entre les mains des
femmes & des jeunes gens. Il y a lieu d^ef-
pérer que leur multitude même fervira plus
que toute autre chofe à les. décréditer : 1^
myftere fous lequel on les communique , en
fait fouvent le plus grand mérite. Le public
fe laflèra enfin d'entendre le même lophif-
me répété par vingt échus différens. Après
avoir dévoré tant de brochures où les mé-
■Mti
(H) Examen impoi:ua&> p. 9«
Xome L £
5'o Apo^LoaiK
mes objeâioQs reviennent fans ce(ïê , on
iêra peut-être curieux de voir ce que nous
^voQsà répofldle ; & fon finira par où l'on
aioroit dû commencer. -
ït n'ëft pas vrai , du moins parmi nous ^
^çjue te commun dés hommes ?en rapporte
m^ei^lémeru à ceux que le hafard lui a don^
nés pour guides (a). Nous fixons voir dans
'Ta (uite que dans ïe fcin de TEglife Catho-
Ik^ , la docilité du commun des hommes
è l'in(WuâioB dm Pafteurs , n'eft point une
confiance aveugle i le fidèle écoute leur
voix , parce qu'ils lui montrent des titres
liHthentiques de leur miffion ; ces titres font
ée nature à juftifier& à tranquillifer la foi de
f hoéhme le plus ignorant , comme <>elte du
Chrétien le plus éclairé (i). Si le repro-
che de l'Auteur peut avoir lieu dans les
autres Communions ou parmi les Infidèles ,
jc'eft à eux feuls d'en répondre ; nous ne
fommes pas garans des défauts auxquels
flous n'avons point de p^t«
Cependant ^ ajoute-t-on , il Je trowu
dans tous lesjîêcles des hommes s qui détrom^
fés des préjugés de leurs Concitoyens , oferent
UuT montrer la vérité ; mais les Prêtres &
(a) Chrid. dévoilé , p. 9» Exjiinen important ^ p. !•
{h) Veycsia Cera^de 4cs f ceuvjet 4u Chriitiamixiiei
DE LA Religion, &c. jJ
fes Roîs fe réunirent pour leur impofer fi«
lence (a). Il eût été à propos de nous ap-^
prendre quels out été ces grands hommes ,
qui dans tous les fiècles o^t prêché la véri-
té , c'eft-à dire , rAtBéîfme & l'Irréligion.;
cette rare doârine n'efi pas ancienne parmi
nous : dans les (iècles précédens , fes Seâa*
teurs étoient moins communs qu'aujouiv
d'hui. Enfiif , malgré l'autorité des Rois &
des Prêtres , les ouvrages de ces fublimei
génies font parvenus jufqu'à nous. On a
confervé ceux de Vanini , de Pomponac©»
de Hobbes > de Spinofa & de tant d'autres
qui les ont copiés. Nous ferions en état de
les entendre , s'ils s'étoient entendus eux^
mêmes : nous fçavons de quelles preuvesnls
ont appuyé ce qu'on ofe appeller la vérité.
Ceux.d'aujourd'hui , encore moins timides,
dogmatifent aflez publiquement; leur voix
retentit dans- toute l'Europe : on peut juger
par les livres que nous examinons , com*
bien leurs raifons font redoutables. Vaine-
ment ils fe flattent d'un fuccès plus brillant
que leors prédéceflèui^ ; leurs écrits (ont un
peu plus intelligibles , fans être plus folides :
c'eft ce qui les fera méprifer encore plus
promptement. On a réfuté folidement les
iû) Chrift. dévoilé » pâg. 9* Militaire ?hîiorophe> chftp* li
page 15* Conta^ioii faccée > c. x $ > pag. 177.
Eij
SI Apologie
anciens, cela n'étoit pas fort difficile ; les
modernes feront réfutés à leur tour , & tom-
beront dans le niême oubli.
Ce n'eft point l'habitude , l'exemple , le
préjugé , la politique , Its cris impofans de
Vimpojlure , qui ont confervé jufqu'à préfent
la Religion , malgré les clameurs des Incré-
dules ; c'eft la folidité des preuves qui l'ont
établie , l'expérience désavantages qu'elle
procure , la comparaifon toujours frappante
des peuples Chrétiens avec les Nations in-
fidelles , l'abfurdité de tous les fyftèmes
qu'on a voulu lui oppofer , le foin qu'ont
toujours eu fes adverfaires de (e méprifer,
de fe haïr , de fe réfuter les uns les autres.
Parmi les prétendus Seftateurs de la vérité ,
peut-on en citer deux qui aient été parfai-
tement d'accord , & qui foient convenus
des mêmes principes ? L'Auteur de VExa-
men important paroît vouloir établir le
Déifmç ; il nou$ confeille d'adorer un Dieu
par la raiforv(û) ; celui du Ckrijiianifme
dévoilé y en laiffant indécife la queftion de
l'exiftence de Dieu , qe veut pas qu'on en
parle (b).
t (a) Page 1.
(h 1 Chap. 7, pag. loi & 103. ii Lettre â Eugénie ^
BH^ 'M' Contagion facrée ^ c, 1 5 > page 171^
ï>n LA Religion, &c. S3
Il déplore l'abus d'infpîrer aux hommes ,
dès l'enfance , les préjuges de Religion.
L'éducation ^ dit*il , nefemble avoir pour ob-
jet que déformer des Fanatiques^ des Dévots ^
des Moines^ cefi-à-dire^ des hommes nuifi-
blés ou inutiles à lafociété; on nefonge nulle
pare à former des Citoyens (a)^ Déjà il s'é*-
toit plaint dans fa Préface, de ce que Tédu-
cation de la jeunejQe efl confiée à des Prê-*-
tr6^. Il les appelle des pédagogues mercenai*
res, des âmes àbjeSles &* retrécies^ des pé dans
avilis aux yeux mêmes de ceux qui leur con*
fient leurs enfans ^ des guides ineptes Cr me*
prifahles (b). Oe&le ton poli des philofo-
phes modernes , une honnêteté littéraire qui
eft en ufage parmi eux.
A ce langage décent , modéré , fage , fi
propre à former la jeuneflè , nous oppofpns?
l'expérience. -Qui font ,. dans la fôciété >
ceux qui en rempliflènt le mieux lés char«
ges i qui en obfervent le plus fidèlement les
devoirs, qui rendent les plus importans fer-
vices 5 ceux à qui l'on a donné de bonne
heure des principes de morale & de Chrif-
•
(«) Chrift. dévoilé, pag. lo. x^c. Lettre â Eugénie, p. 7*
Contagion facrée , c. 4 , p. io| . Lettres Philofî dé Toland ,
i h) PréÊice» pag. xr«
£ 11)
^4 ATOUxstt
tianifme , ou ceux à qui Ton n'a pas daigné
apprendre s'il y a un Dieu ; ceux qui ont
4Êt^, inftruits par des Prêtres , ou ceux qui
4fm été élerés par des l^ilofephes ? Nou$
invitons ces Meflîeurs à cit6r tes prodiges
^u'a déjà opérés Péducation pEitofophique ,
ies héros & les grands hommes fourmes par
Jeurs foins. Quand Pan d'enti^'ea^ a voulu
tracer un plan d'éducation , il a coïîfenti du
moins ^u'à l'âge de vingt ans fon élève ap-
prît qu^il y a un Dieu , qoe noitô avoite une
^one , qu'il y a un autre vie : il a rendu jufti-
ce à la fainteté de la morale chrétiidnne ; il a
Sefque reconntt la Divinité de fon Auteur,
n fçait néanmoitiS quels fuccès ont eu les
kiîpruderfôqui om voulu ef&yer faméthode,
Cilte qtie pr^criroit n^tre Auteur , félon
fes principes , feroit'I^éo^ê ptàipietkite , &
^rodu&#oit de^ éSottpl^ mersreiHeux.
C'éft ufi âi^lbeur déplorable y fans dou-
te > qUe tes Prêtres foient chargés d'éle -
ver la jôunfdTé ; il y a ufi remède : le 2èle
A^ Ii¥é«éâulés 5 pour le bien public , doit
tes engager à le fôettte en u%e% Qu'ils
fècùfifsctem eux-mêmes à oétte foAâiion
péiïilble de în^ftante^ mais <)u'âs le fa^nt
gramitement fans prétentions & iàns ho-
noraires , de peur qu'on ne les appelle à
leur tôUr des pédagogues j des mercenaires ^
des pédfins avilis par V intérêt. C'eft ici le
DE LA R*i.IGfélî, &C* 75
procès des frelons contre ks abeilles } l'our»
vrage ièul peut fèrvîr à le décider.
JLeB cirçonâafices ne fcHM; .pas favôra^
blés pour diécrier les travaux tba Prêtr^s^
Lorîque le Gouv^œmeat a domié ano
fioiiiyelle forme aux écoles publiques , les
«oes ont été confiées a des Séculiers , Ie9
«icres à des Ë^défîaftiqaes : ^tteadonfi di|
moins révé&eaaeiK , pour «fçavoir 4efqueUe5
attro»t le pim ëe fuccès. Déjà , fî notis en
croyons ud Ëcrivam B0n fetîpeâ , rexfér
nence a décidé : la pfaipart des <3oIl%^ ^
l'on a -mis des laïc^ ^ ùmt déports qu dé^
«aBgés<fl>
Notre Griciqise a iènti que^ fes dédwift^
tions fur les fuœâes effets de la Rditgîoa &
de la morale chréctenne fêroieat, awes à
confondre par le parallèle des Notions qui
la proleâènt, as^c l'écat des peuples îfifidè*
les : il a eflayé de prévenir cette répooife
accablante* &i damMn.état'€hrétàmf ditril»
on voit quelquaS'wiîé , fi ton y trauve ie-
lafcience & des metun fochdzs 9 cefi -fule/i
ai fit de leurs opinùmsreligimfes » la nature ^^
toutes-Us fais quldlek.fnut^ ramàm ks bmxi^
mes à la raifon^ & les forcé de trojmlkr à
(a) Rîft. impart* dit JcAiicct |iom^ 1 -, j^. i^ii. - i
piv
5<î A ? Ô t O O I E
kur propre bonheur (a). Celaeft au mieux.
C'eft donc en dépit de la Religion , & con-
tre fes prin^pes, que lès -Nations chrétien-
nes ont de la fcience , de i'induftrie , de
l'aftivité , des mœurs douces & civilifèes ,
une politique éclairée éc fage , un Gouver-
nement tranquille & modéré : le fingulier de
ce prodige yf^eH que ces pii^cieux avanta-
ges ne fe trouvant point ailleurs.
Selon le cours ordinaire des chofes , le
contraire auroit dû arriver. Car enfin, fi, par-
roi nous , malgré une morale pernicieufe 8c
une Religion meurtrière , la nature eft en-
core aShz puiflante pour ramener les hom-
mes à la raifon , la nature dégagée de ces
obftacles doit avoir bien plus de force dans
des climats, non moins heureux. Dans la
Grèce , par exemple , autrefois le féjour des
fciences , desarts > du courage , de la liber-
té, de la politique , les peuples débarrafles
des entraves du Chriftianifme , doivent être
plus édaicés , plus laborieux , plus policés ,
plus heureux que nous ne fommes.On fçait
ce qu'il en eft.
Par une bizarrerie plus inconcevable en-
core , le Chriftianifme produit les mêmes
effets dans tous les climats , fous les glaces
* ■ '■ ' ' .' ■ '\' ■ ' ' '
<€>Chrîft. dévoilé, pag. ii. Contagion facrée > c. 5,
Di LA Religion, &c. 5^7
du Nord & dans les fables brûlans de T Afri-
que, fur les bords du Danube, & fur les ri-
ves du Gange , en Europe & en Améri-
que. Par-tout où cette Religion s'établit ,
lesjîeuples fortent de la bai-barie , de la pa-
refle , de l'ignorance , de l'efclavage , de-
viennent plus humains , plus fociables, plus
paifibles , plus heureux. Il n'y a qu'à com-
parer l'Abyffinie Chrétienne avec l'Ethio-
pie Mahométane , la Pologne , avec la Tar-.
tarie , le Paraguay avec les Sauvages voi--
fins , l'Europe entière avec le refte du
monde : par-tout les mêmes dogmes & la
même morale opèrent la même révolution.
Malgré l'évidence de ces faits , des Philofo •
phes ne rougiflent point d'écrire que le
Chriftianifme eft une Religion craelle , fa-
natique, infenfée, deftructive de la fociétéj
que pour être homme & citoyen il faut y
renoncer ; que le Chrétien j s'il était fenfé ,
ngretteroit mille fois la paifible ignorance
defes ancêtres idolâtres (a).
Tels font les panégyriques par lefquels
on fe flatte d'arracher au Chriftianifme le
voile dont ilfe couture , d'exciter contre lui
(a) Chrift dévoilé, p. j;. Examen îtnporcan(;coaclii»
fioo, p. II j 3f ruiv« "^
r8 Apologie
la haine & Texécration du genre humaîri.
Difons mieux , tels font les excès par lef-
quels l'impiété fe démafque & fe déshonore,
travaille à s'attirer l'indignation & le mé-
pris des hommes fenfés. Peut - elle iilîeox
)aftifîer la Religion fatnte que nous profef-
fons , qu'en nous montrant les travers dont
les Philofophes font capables , , dès qu'ils
ont élevé l'étendard contr'dle ? Cette Rdi-
gion divine eft afièz vengée par le ridicule
dont Ces ennemis font couverts.
L'Auteur du Militaire Philofophe , qui
fe pique de raifonner , n'a pas É^t paroîtr©
une meilleure logique dans ce qu'il a dit
fur l'examen de la Religion (a)* Il pofe
pour principe que la Religion eft à l'hom-
me une afeire perfonnelle , que fes preuves
doivent être à portée de tout le monde ,
que chacun doit les examiner par foi- même ,
que cet examen doit être défintérefle , qu'il
y faut fuivre les mêmes règles que l'on ob-
lerve dans toute autre matière , qu'on ne
doit point recufer la raifon dans l'examen
<le la Religion. Ces maximes bien enten-
dues font inconteftables ; mais l'Auteur
en tire des conféquences très-fauflès.
i^ Il conclut que la Religion , qui a
pour objet le falut des Particuliers , n'inté-
iâ) Miliuire Philolbphe > chap. i > 5 > 4 > ; > ^ & 7»
DE LA Religion, &c. yp
refle point la fociété;que Fautorité ne doit
point s'en mêler; que tout homme eft libre
d'embraJÛTer & de fuivre quelle Religion il
lui plaira (a). Mais la Religion eft -elle une
af&ire ;?areme/ir perfonnelle ? n'a-t-elle
point d*autre objet que le falut d^s Particu-
liers? n'influe- f-elle en rien fur leur con-
duite à l'égard de leurs femhlables ? L'Au-
teur lui même fe réfute en s^efforçant de
prouver que la Religion chrétienne eft
contraire aux intérêts de la fociété (t). La
Religion eft donc, de fon propre aveu,
une aflàire de fociété : dès-lors le Gouver-
nement n'a-t-il pas droit de' s'informera
les Particuliers en profeflènt une qui foit
fauflè & pérnicieufe >
2^. Les preuves de la Religion doivent
être à portée de tout le monde. L'Auteur
conclut qu'elle ne doit point être prouvée
par des faits , qu'aucun fait ne peut être in-
vinciblement prouvé, qu'il n'y a de vérités
inconteftables que les vérités phyfiques &
métaphyfiques (c). Indépendamment de
la faufleté de cette dernière propofitîon qui
fera démontrée dans la fuite , je demande fi
la difcuflîon des vérités métaphyfiques eft
m
id) Miliuire Philofophe, p. 4S ^ jo«
(h) Ihid, chap. i fie chap. xo,
U) i^ù^ c« 11^ p. xoi & lOji
6ù Apologie
plus à portée de tout le monde que rexameil
des faits?
3**. Le Militaire Philofophe foutîent
avec raifoD ,.^qu'un Miniftre de la Religion ,
- un Prédicateur doit prouver clairement l'or-*
ire & la mijpon quil a reçu de Dieu C ^ ) >
& par une contradidion groffiere , il pré-
tend qu'on n'eft obligé d'écouter ni de
croire aucun Prédicateur (i). Sur quoi
donc peut être fondée l'obligation qu'on
lui impofe de prouver fa miffion ? & peut-il
là prouver autrement que par des faits ?
4.^. Tout homme doit examiner fa Reli*
gion & en juger par foi^même(c). Et l'on
nous enfeîgne qu^il eji impo£îblé de raifort"
ner , déjuger » d^ examiner les preuves de la
Religion , ni par conféquent de s^en convain-
cre^puifquefon nom feuljuffit pour nous rap-
peller des idées terribles Gr propres à nous
faire trembler (d). Toutes les Religions , dit
V Auteur , font fondées fur la crainte (c) ; la
Religion , même naturelle, eft dans le cas,
puifqu'elle eft fondée fur l'idée d'un Dieu
rémunérateur & vengeur.
5**. L'examen de la Religion doit être
id) Militaire Philofophe , chap. 9 , p. 7$,
iè) Chap. 19, p. I45,
(c) Châp. 4,p. f I*
id) C. 19 t p. XH«
Û; îbii* p. ip«
DELA Ke L I g I O N> &C. 6i
défintérelTé (a); & Ton prétend que tout
homme qui a fucé les principes d'une Re-
ligion dès l'enfance , n eft plus capable de
Texaminer fans prévention & fans intérêt :
il faudroit étrç \ homme de la nature, ou tel
que Socrate , Lucrèce , Sénèquç ou Epi-
cure (b). Quiconque n'eft pas né Sauvage
ou Philofophe», efi hors d'état de faire cet
examen , qui çft cependant Iç dçvoir d9
tous les hommes.
Les Philofophes eux-mêmes font -ils
déCntéreffés ? Ils font , fi l'on veut , au- def-
fui des préjugés de V éducation ; rpais font-ils
inacceffibles à la vanité , à l'efprlt d'indé-
pendance , à l'entêtement de fyftème , à
l'envie de fecouer le joug pefant & incom-
mode de la Religion ? A qui donc en eft
réfervé l'examen ?
Voilà les contradiftions & Içs abfurdités
que le Militaire Pliilofopke appelle pom-
peufement dies Argumens démonftratifs ,
dont il a formé le tiflu de fon ouvrage.
Nous les difcuterons plus en détail en fui-
vant le fil des matières ; cç prétendu Philo-
fophe ne dit rien de nouveau.
Nous ne réfuterons point ici lesinveâîves
par lefquelles l'Auteur du Cliriftianifmc
ia) Milûaîre PhiJofophCi ch^p« y > p. j^»
'»/
62 Apologie
dévoilé termine fon premier chapitre , Sc
qu'il a déjà inférées dans fa Préface , ni le
portrait odieux qu'il fait des dogmes & de
la morale chrétienne (j) : on en retrouve
la copie fidelle dans le Militaire PhMofo--
phe (b). Cette difciiffion feroit prématu-
rée , puifquc les mêmes plaintes reviendront
pluOeurs fois dans la fuite. Il eft plus à pro^
pos d'examiner d'abord les* preuves , les
faits , les monumens qu'on va nous oppo-
fer. Quand nous en aurons démontré le
faux , nous ferons plus en état de rele-*
ver l'indécence & le ridicule des décla-
mations de nos adverfaires. Selon l'Auteur
du Chrijlianifme dévoilé , nous avons em-
prunté des Juifs , les notions que nous avons
de Dieu , du culte qui lui eft dû « des prin-
cipes de la morale ; il commence donc par
donner , à fa manière , l'Hiftoire de^ Juifs
& de leur Religion.
L'exaâitude & la tranquillité avec leC"
quelles nous difcuterons les objeâions > les
reproches , les principes de nos Critiques ,
prouveront contr'eux-mêmes , que nous ne
redoutons point l'examen des fondemens
de notre croyance , que nous cherchons la
vérité de bonne foi > que nous ne refufon^
(â) Chrift. dévoile, p. ii , ij & 14.
i^) Miiiukc Philorophe» c. i'& lo*
DELA ReLIOÎOK, Sec. Cj
jamais de fatûfaixe aux^difficultés qu'oa
nous propofe.
C H A P I T' R E . 1 1. -
Hijloire abrégée du Peuple Juif.
§ I.
jTSIl VÀNT qiie d'examiner fi l'Hiftoîre de$r
Juifs y telle qu'elle eu rapportée dans les
Livres faints , eft vraie ou fauflè, il y a
deux, ou trois quefUuns préliminaires à trair
ter. Moïfe eft -il un perfonnage réel ou
fabuleux ? Eft il véritablement l'Auteur du
Pentateuque ? Le Légiflateur des Juifs ,
quel qu'il foit, a-t41 voulu , .a-t-il pu imr-
pofer à fon peuple & aux autres Nations ^
en racontant des fables ?
L'Auteur du CkriJIianifme dévoilé aç
s'eft point arrêté à ces queftions ; celui de
YExamen important y a confacré le pre^-
mier , le fécond & le quatrième chapitre de
fon Livre : c'eft la répétition d^ liarticlç
Moïje inféré dans le Diâionnaire Pliilofo
phique;dts chapitres 28 & 4,0 de la Philo-
fophie de VHifloire^ de la note du cha^
pitre 1 2 du Traité fur la Tolérance , page
107 ; des Lettres fur les Miracles y & des
Quejiions de Zapata% On ne peut trop ad-r
Ç^ Apologie
mirer la fagacit^ l'érudition , la bonne foi
qui fe font remarquer dans ces diyerrs écrits ;
des objeâions répétées Cx fois, doivent être
înfolubles , far-tout quand on les a copiées
dans Spinofâ.
Nous apportons pour preuve de Texif
tence de Moïfe , i^ le témoignage de tous
les Ecrivains Juifs.' Il n'eft prefqué pas ua
feul de leurs Livres où Moïfe ne foit cité
comme Légiflateur de la Nation, Pour ne
pas fatiguer le ledeur par une longue fuite
île paflages , on le prie d'ouvrir feulement
une concordance , il y verra le nom de
Mocfe rappelle par tous les Auteurs qui ont
paru après lui : la Loi des Juifs eft conf-
tamment nommée la Loi de Moïfe. Pour
plus grande • certitude , fa généalogie étoit
confignée dans les archives publiques; on
la trouve , non-feulement dans TExode ,
dans le Lévitique , dans le Livre des Nom-
bres , mais encore dans celui des Paralipo-
menés (^). Il eft bon de fe fouvenir que la
conftitution de la République Juive dépen-
doit effentiellement de la confervapon des
généalogies.
2^. L'opinion conftante de toute la Na-
tion. Jamais aucun Juif n'a douté qqé
Moïfe n'ait, été le chef& l'unique Légif-
«HP
lateur
DE LA Religion, &c, 6^^
lateur de fon peuple. On ofe défier tous nos
fçavans Critiques tfaflSgner aucune époque
où cette opinion ait pu commencer , au-
cune raifon qui ait pu l'introduire , finon la
légiflation de Moïfe. Les Juife , fans doute ,
ont eu un Légiflateur , puifqu*ils ont eu des
loix; fi ce n'eft pas Moïfe, qui eft-ce qui
les leur a données ?
5®, Le fufFrage de tous les Ecrivains pro-
fanes qui ont parlé des Juifs & de leurs
loix ; Diodore de Sicile , Trogue Pompée
dans Juftin , Strabon , Tacite , Pline , Juvé*
na!, Lucien , Porphyre , Celfe , Julien , Ché-
réirion même , Hiftorien Egyptien , ont re-^
connu Moïfe pour Légiflateur des Juifs (a) : *
aucun des Ecrivains de l'antiquité ne s'efl
avifé de révoquer en doute fon exiftence
îii fon minlftere ; après trois mille ans il eft
un peu tard pour découvrir que c'eft une
fable.
4?. Le Sacerdoce attribué chez les Jui6
à la tribu de Lévi'& à la famille de Moïfe ,
monument perpétuel & inconteftable de fa
légiflation & de la fidélité dé fa généalogie,
5"^. Les raifons par lefquelles nous mon-
trerons cî-après que Moïfe eft véritable-
< a) Jbfephe dans fes livres contre Appîon; Eufébc âanf
ft Préparation évangclique ,1. 19 j Origenî , i. j , concrs
Ccifc; S. Cyrille,!, i , contre Julien, onc citéplulku/
.autres Hifloriens profença que nous n'avons plus,
F.
66 Apologie
ïtiènt FAuteur du Pentateuque ,. prouvent
plus certainement encore qu'il n'eft point
un perfonnage fabuleux.
Il (uffit d'indiquer fommairement toutes
tes preuves ; elles fe foutiennent mutuel-
lement , & la plupart des Apologiftes de
la Religion les ont développées plus au
long.
Leur a-t-on oppofé quelque fait pofitif ^
quelque monument certain , ou des raifon-^
nemens folides ? Non ; l'on fe conteAte de
dire que tout eft G prodigieux dans la vie
de Moïfe , qu'il paroît un perfonnage fan-
taftique ; qu'aucun Auteur profane n'a parlé
'de fes miracles ; que fon hiftoire eft copiée
fur celle du Dieu Bacchus des Arabes ; oa
s'efforce de montrer en détail que toutes fea
adions font incroyables ( ^ ).
Il eft fort aifé d'anéantir, par cette mé-
thode , toutes les hiftoîres du monde , & de
démentir tous les Ecrivains : il n'eft" pas
tefoin pour cela d'être grand Critique. La
vie de Moïfe > il eft vrai , eft une fuite con-
tinuelle de prodiges > mais fi ce Légiflateur
n'avoit pas eu le pouvoir d'en faire , il lui
eut été impoflîble de contenir & de policer
un peuple tel que les Juifs. Les Hiftoriens
profanes n'ont pas parlé de fes miracles
tfai
(aj £kamcairoporuui(yC.A,p. i^
p E LA Religion, &c. Sf
|)arce qu'au fiècle de Moïfe , aucune Nation
n'écrivoit IHiftoire , & parce que les Juifs
étoient peu connus des autres peuples;
mais ils ont du moins parlé^de fa perfonne »
de fa fortie de ^Egypte à la tête de. (a Nar
tion , ile fa Légiflation ( a ).
Il eft faux que les Arabes aient raconté
du Dieu Bacchus la fable que l'Auteur de
^Examen important a forgée ; aucun Au-
teur ancien n^en a fait mention. Hérodote
nous apprend feulement que les Arabes
àdoroient Bacchus fous le nom d'f/ro-
talt (h) y 6c non pas fdus celui de Back oa
de Mifem , comme l^a rêvé le faux Bolîng-
broke , fans citer aucun garant (r). Quand
cette fable feroit née autrefois chez les Ara-
bes , comment Efdras , que l'on fuppofe
Auteur des Livres de Moïfe , & qui étoit
né en Chaldée, feroit-îl allé emprunter tin
conte des Arabes , plutôt que tles Chai*
déens?
lïous veîT(yns cî-iprès que ce qui pàroît
incroyable dans la cofliduite de Moïfe , eft
juftement ce qui prouvé quece Légiflateur
«■■
ih) Hérodgw > 1. 3 > ««^
4c ) -La mêins chtéfc e^-répétée dans la PhibC ^ic THiâ.
%r. -xi.t ,p. MVî & 4-ipf^nîe^«cir2 fur ki ^Ikarlcs , p. ji.
JL* Auteur Ta ertipruacéc/dè ïîl. Huet, qu'il a4éfiigurc,&
'<?8^ Ap:OLOgie
étdît guîdé par des lumières fupéjrîeures à
l'humanité. -,
■ Des argumiens auffi frivoles font-ils ca-
pables de détruire les preuves pofitives que
nous avons de l'exiftence de Moïfe ?
Moïfe eft-il Auteur du Pentateuque ou
des cinq Livres qu'on lui attribue ? Nous le
foutenons & nous le prouvons , i^. par le
texte même de ces Livres qui nous l'ap-
prend. Pour contredire les archives d'une
Nation , il faut des raifons démonftratives;
nos adverfaires n'oppofent à celles des Juifs
que des. conjectures & de prétendues proba-
bilités.
2°. Par la chaîne de témoignages des
Ecrivains Juifs poftérieurs ^ tous regardent
Moïfe comme Auteur des Loix , d^s ufa-
ges religieux & politiques de leur Nations
il eft donc naturel que 'Moïfe les ai,t écrits
ou les ait fait, écrire , pour en.perpétuçr le
fouvenir & la pratique.
3**. D n'eft augun motif vraifemblable
qui ait pu engager un Ecrivain Juif à fup-
pôfer ces Livres fous le nom de Môïfe ;
& il n'eft aucune époqae'oû| cette fùp^ofi-
tion ait été poffible. Le Légiflateur. des
Juifs, quel qu'il foit;.en quelque temps
qu'il ait vécu, au lieu dQ.doQqer fes Loi^
DE LA R,ELTGION,&C^ 6^
fous fon propre nom , & de s'en faire hon-
neur , les a publiées fous le nom d'un per-
fonnage imaginaire ; contre fon intérêt ,
malgré l'amour propre naturel à tous les
hommes , il a trompé fa Nation fans aucun
motif, & la Nation entière a reçu cette opi*
nion fans aucun fondement : voilà le para*
doxe que l'on veut nous perfuader.
On conjeâure qu^Efdras forgea les contes
de VHifloire Juive au retour de la capti'-
vite Cû). Y a-t-on bien penfé , avant que
de hafarder cette fuppofition ? Elle n'eft pas
fort difficile à détruire. .
1^, Efdras attefte le contraire ; il fe
donne pour Reftaurateur , & non pas pour
Fondateur de la Religion & de la Répu-
blique Juive ; il en attribue formellement
les JLoix à Moïfe {h). Cette Religion , fans
doute ; avoit fubfifté avant Efdras : or elle
eft fondée toute entière fur le Penta-
Ceuque.
2,"". SiJEfdras étoit Auteur du Pentateu-
que & des autres Livres qui en font la fuite,
il les auroit écrits dans la langue que les
Juifs parloient au retour de la captivité ,
comme il a écrit ia propre hiftoire. Point
du tout; pour faire entendre ces Livres aux
{a ) Examen important , c. 4,. p. iç»
Kb i EJdr» i, i , c. 6 , 18. L. 1 , c. i, 7> &c»
•70 Apologie
Juifs , il fallut faire^es Paraphrafes Chaldaî*
ques qui fubfiftent encore» Premier menu-
ment qui attefte que les Livres paraphrafes
font plus anciens qu'Efdras,
3^ Plus de deux cens ans avant le re-
tour de la captivité , les Cuthéens , en-
voyés à Samarie, furent inftruits par un
-Prêtre Juif, mêlèrent le culte du vrai Dieu
& les rits de Moïfe à la Religion de leur
ancienne Patrie (^)« Ils ont confervé dès*
lors le Pentateuque en langue Hébraïque Se
«n caraâercs Hébreux qu Samaritains. Ces
caraderes font exactement conformes à
ceux des médailles ou des ficles , frappés à
Jerùfàlem fous les Rois des Juifs & avant
Ja captivité (b). Autre monument plus an-
cien qu'Efdras & que Tufage des carafteres
Chaldéens dans la Judée.
Il paflfè pour confiant qu'il y a des Juî&
ÎL la Chine qui s'y font -établis au moins
joo ans avant J. C; par conféquent avant
qu'Efdras fût au monde (c) :-ces Juifs ont
^u dès-lors le Pentateuque Hébreu , con-
forme à celui des Juifs de la Paleftirte.
TroiCème monimient dont Efdras ne peut
pas être l'Auteur.
^»m ■ ■ .1.. . iiii »m I ■ Il » ; •mmmmmÊmmàÊlk
m
. i^) 4. Heg". 17.
(h) Prolégomènes de^Valcon > à U Utç de h. Polyglotte
^Ang et, Vrolcg. j., a* i^ & jû.
4,c) £ngel , EiTai lur Ja f 0jpuJ« de rAméri^ue, c. 4, p. 171^
•
D Ê L A R E 1 1 G I O N, &C. 71
4*. Suppofens pour un moment qu'É^
dras , fans aucun motif raifonnable , aii:
voulu fuppofer les Livres de Moïfe , &
tous les autres Livres où il en eft fait men-
tion ; établir de fon chef des Loix & une
Religion fous le nom de cet ancien perfon-
nage. Lui étoit-il ppâîble de le faire?
Efdras ne commandoit point à un peuple
récemment forti dés entrailles de la terre.
Il ramenoit avec lui de Babylone des an*-
ciens d^ la Nation , des Prêtres , des Lévites »
tous munis de leur généalogie ; des hona-
mes , dont les pères avoLont vu de leur^
yeux l'ancien Temple , avoient pratiqué
les cérémonies > les loix , les ufages qui
avoient régné en Judée avant la captivité >
& qui rapportoient avec eux les vafes , les
inftrumens qui avoient fervi au culte du
Seigneur , avant la ruine dç Jerufalem (a).
Il trouva dans la Judée le grand nombre
des Juifs qui y avoient été reconduits par
2k>robabel, 73 ans auparavant , & les def-
cendans de ceux qui s'étoient enfuis à Ut
défolation dé leur Patrie. Efdras a-t-il pu
faire recevoir fous le nom de Moïfe , à ces
différens Juifs , des Loix > des Cérémonies ,
des Hiftoires , des Livres dont ils n'avoieiit
jamais ouï parler? Efàras environné des Sa.
{i^)KPt.U^Uà)i
72 Apologie
marîtaînsi ennemis jaloux & appliqués à le
traverfer , auroit-îl ofé rien cnanger à Tan-
eienne police de la Nation ? Auroit-il per-
fuadé aux chefs du peuple de renvoyer les
femmes étrangères qu'ils avoient épou-
fées , & dont ils avoient des enfans , fi la
Loi de Moïfe , anciennement connue &
refpeôée , ne l'avoit exprefférpent ordon-
né (a)?
j^, Efdras n'a pas pu fuppofer les Livres
de Moïfe , fans fuppofer les ouvrages de
tous les autres Auteurs , qiïi de fiècle en
fiècle ont écrit THiftoire des Juifs, Tous
font une allufion continuelle aux Loix , au
culte , aux mœurs établies par ce Légifla-
teur célèbre ; tous fprment une chaîne &
une fuite de faits dont les derniers ont une
lîaifon eflèntielle avec les premiers. D lui
auroit fallu fuppofer encore les généalo-
gies des différentes familles , en remontant
jufqu'au partage de la Terre promife ,
pour aflîgner à chacune les poflèffions &
les privilèges qui leur appartenoient en
Vertu de cette première diftribution. Le
plus habile fauflàire en feroit- il venu à
bout?
6". Si Efdras étoit F Auteur du Penta-
teuque , des loix , du culte , des ufages , de
la
DE LA Religion, &c. 75
la croyance que ce Livre établit , il auroit
donné à fa Nation les moeurs & la Religion
des Chaldéens , parmi lefquels il étoit né ,
& qui avoient aflervi la Judée, Rien- de
commun néanmoins entre ces deux peuples.
L'Aut«ir de V Examen imporcuni pofe pour
maxime »^|ue 'es Juifs ont tout emprunte det
autres N^mons (a). Se par une contradic*»
tion grofliere il foutient qu'ils^i'ont par içu
tirer des Ch^éenf , le dogme de l'iramorta-^
lité de l'ame (h). Efdras , le plus^roit des
impofteurs , n'a pas eu l'efprit d'inférer ce
dogme dans les Écrits qu'il a forgés fous le
nom de Moïfe , quoiqu'il ait été adopté par
^s Jui^ depuis la captivité.
Je penjè , dit ce grand Critique , que la
Juifs nejçurent lire &* écrire que pendant
leur captivité çhe^ les Chaldéens .• Je con*
jeâurt qu^Ejdras forgea tous ces contes au
retour de la captivité ^ il les écrivit en let"
très Ckaldéennes dans le jargon dit pays. Je
crois que Jérémie put contribuer beaucoup à
la compojîtion de ce Romande). .
En vérité la conjeôure eft heureufe dans
tous fes points. Les Juifs ne fçurent lire &
écrire que pendant leur captivité ; & nous
avons, encore la monnoie frappée fous les
(b)Chap. j.
( c ) ^xjimen imporuat i c. 4«
Tome L * G
74 Apologie
Rois des Juifs en caraderes Samaritains ;
conformes au Pcntateuque Samaritain:
c'eil y. n'en déplaife , au faux Bolingbroke,
l'alphabtt purement Hébreu (a),
. Efdras écrivit le Pentatcuque dans le
jwrgon du pays ; & pout le mettre dans le
jargon du pays , il fallut &ire le^^aphra*
iês Chaldaïques. "
Jérémie put contribuer beaucoup à la corn"
fofition de ce Roman; &fércniieéf oit mort
54 ans avant le retour de la captivité ,127
ans avant l'arrivée d'Efdras à Jerufalem ;
Jérémie n'alla jamais à Babylone.
Si nous tombions dans des bévues aufli
groffieres , avec quelles railleries nous fe-
rions accueillis ! Cela me paroît démontrer
que le rôle d'impofteur n' eft pas aifé à fou-
tenir,
• Que l'on place en quel temps on voudra
k pritetkiue fisppontion de llùAoire de
Moïiè , l'impoflibilité fera toujours la
ssiêmB. Sous les Rois > lorfqtie la Judée
étoit divifée^ en. deux petits. Royaumes
pre%ie toujours ennemis» pouvok-^QQ y
întEoduire une Religion & des loix cohunu--
nesyy accrâiiter des &hles , fànss'expoiè]:
à la coQcradiâion & à la réclamatioadê Vmx
(a) Je fçaîs que cette opinion eft conteâéeparde f^avans
Critiques; mais que le Ciiaidéen foie plus ancien que le Sa-r
maricain chez lc« Juiff ^ ou au consi»iire| oeia eâ;ej^«
DE LA Religion, &c. yj:
ou de l'autre parti? Le fchîfme des dix
Tribus perpétué depuis Salomon jufqu'à la
captivité , étoit donc une barrière infur-
montable contre toute efpèce d'innova-
tion, & contre le projet qu'un fourbe
auroit pu former de fçduire la Nation enr
riere par une hiftoire forgée à plaifin
Dans ce temps-là même , les Juifs avoient
fous les yeux les monumens de la légiflatioa
de Moïfe , les divers fymboles du culte
Divin qui avoient déjà fervi dans le Taber-
nacle du défert , l'arche , la verge d'Aarojn ,
les tables de la Loi » l'urne pleine de manne
qui y étoient renfermés ; la divifion des fa-
milles Sacerdotales & Lévitiques , les fêtes
que l'on célébroit, les Cantiques & les
Pfeaumes que l'on chantoit dans leTemple,
la ftruâure du Temple même , conforme à^
celle de l'ancien Tabernacle , tout rappel-
loit aux Juifs le$ inftitutions de Moïie Sc
les événemens de fon Hiftoire. Ils étoient
tranfinîs pai: tradition ; les pères dévoient
en inftruire kurs enfaas^; les Prêtres étoient
chargés de les lire au peuple ; les Prophè-
tes ne paroiflbient en public que pour en
rappeller le fouvenir ; les Rois mêmes fe
aoyoîent ofeHgés d?obferver ces loix déjà
anciennes. Au milieu d'une Nation entière,
divifée en diflferens ordres , compofée de
&miUes qui avoient divers intérêts , un im::
Gij
7^ Apologie
pofteur a-t-'iljpu, fans pouvoir, fans carac-
tère , fans mimon fumatur^lle , perfuader à
tous qu'ils avoient appris de leurs pères des
événemens dont ils n'avoient jamais ouï
parler, qu'ils ^voient r£çu de leurs aïeux
des loix dont il étoit lui-même l'Auteur ,
qu'*'ls célébroient dans leurs fêtes & leurs
cérémonies des miracles qu'il avoit lui-
même forgés ? A-t-on dans l'univers quel-
qu'exemple d'un pareil phénomène?
Sous les Juges , l'impofture n'auroit pas
«eu plus de facilité à réuflîr. Les 12 Tribus
féparées en différens quartiers de la Pales-
tine , occupoient les poffeflions qui leur
avoient été aflîgnées fous Jofué , félon les
ordres de Moïfe (a). Les familles Sacer-
dotales & Lévitiques jouiffoient de leurs pri-
vilèges en vertu des loix contenues dans le
Pentateuque. Le peuple avoit fous les yeux,
non-feulement le tabernacle &les fymboles
du culte Divin qui avoient déjà fervi dans
le défert ; mais encore les tombeaux de (es
pères , d'Abraham , d'Ifaac , de Jacob , de
Jofeph(^); il connoiflbit les lieux & les
veftiges de la demeure de ces anciens Pa-
triarches, le Chêne de Mambré , lé Puits du
Serment , le Puits du Vivant & du Voyant »
■
■*i— i— — — — — Il II ■ "■ ■ ■ ^—i«»«^— w— ^
. (a) 3oltie%c, I* 4, II» ij,io,&c.
DE LA Religion, &c. 77
Bethel , la montagne de Moria , les ruines
de Sodome & de Gomorrhe , &c, nu)nu*
mens toujours préfens de l'hiftoûre confî-
gnée dans les Livres de Moïfe ; les reftes
des Nations Chananéennes qui ilibiîftoient
au milieu des Juifs , atteftoient d'une ma-
nière authentique l'entrée de ceux-ci dans la
Paleftine au fortir du défert. Les dernières
paroles de Jofué , avant fa mort, avjient
été une répétition fommaire des évéaemeas
arrivés fous Moïfe (û).
Ainfi d'âge en âge fe fotit perpétués , à
côté des Livres de Moïfe , les monumeiis
qui en atteftoient la vérité, & qui en garan*
tiffoient les circonftances. Etoit-ce ^\x mi-^
lieu de cette multitude de témoins muets
qu'un impofteur pouvoit forger une hif-
toire de deux miltê cinq cens ans, & en
ajufter toutes les circonftances ?
L'Auteur de V Examen important a écrit
très-mal-à-pr opos , que ni Phiftoire des Juges
ni celle des Rois j ni aucun Prophète ne cite uri
feul pajfage de la Genèfi (t). Quand le fait
feroit vrai , il ne prouyeroit rien : n'eft-ce
pas allez que ces difFérens écrits faflent men-
tion de Moïfe , de fes aâions , de fes loix ,
conformément au Pentateuque ? Mais il
(a) Jofwy c. 14*
{h) Ëxamea important , c. tf ^ p. 3 5.
Giij
78 Apologie
fiiffit de les parcourir , pour être convaincu
du contraire. Il n'en eft pas un feul qui ne
&ile allufîon à quelque paflage , à quelque
événement , à quekju'ulage rapporté dans
Ja Génèfe & dans les autres Livres du Légis-
lateur des Juifs* Plufieurs Pfeaumes font un
abrégé de l'Hiftoire de Moïfe : les Parali-
pomènes reprennent la ^généalogie des Pa-
triarches depuis Adam (a) : les Prophètes
répètent fans cefle aux Juifs les loix & les
menaces de leur Légiflateur. Il èft ridicule
d'objefter que les Prophètes ne difent rien
des plaies de l'Egypte ni des miracles de
Moïfe ( A ) ; il en eu parlé dans les Pfeaumes ,
•dans 1% Sageife ydans f Eccléfiaftique , & dans
d'autres Livres : étoit-il nécelfaire de répé-
ter la même chofe dans tous les Ecrits des
Prophètes.
S. 3*
Refte donc à examiner fi Moïfe lui-
même a pu tromper fa Nation fur les évé-
laemens qu'il raconte dans fes Livres , &
dont il prend continuellement les Juifs à
témoin. Si Moïfe n'a point opéré de mira-
cles , fi tous les prodiges qu'il raconte font
dos fables , nous demandons qu'on nous
■«
(a) i Parai i.
ii) Diner du Comte de Boulalnvilliers , p. 17*
DE LA R ELIGION, &:c. 7p
explique , I^ comment il a pu tirer fon
peuple de l'Egypte ; comment il a pu s'en
faire iùivre dans un defert pendant 40 ans;
comment il a pu gouvercier cp peuple r«-
belle & indomptable , tel -qa^joa nous le
peindra bientôt ; xx)mment il a pu l'affii-
jettir à des loix pénibles & onéreufes qcd
rendoient ce peuple odieux à tous fes voi-
fins ; comment il a ofé fi fbuvent lui faire
les reproches les plus vifs & les plus amers!;
punir les féditieux avec la dernière févé« .
rite ? ^
2^^ /Comment il a eu le front d'kïfiituer
des fêtes, des cérémonies , des ufages qui
rappelloient continuellement le fouvenir
de ces miracles , & comment les Jwû ont
confenti à les obferver ?
L'Auteur de VEjfamen important ré^
pond dédaigfieufement à ce raifbnnement
d'Abadie : il demande fi Moïfe a lu fon
Pentateuque à deux millions de Juifs , s'ils
étoient <:apables de le réfuter par écrit ,
s'ils ont figné fon Hiftoire comme té-
moins («)?
Oui , ils l'ont fignée , je le foutiens , en fe
foumettant aux loix du Pentateuque ; ils
l'ont figf^ de^leur fang , en exécutant fur
eux-mêmes la circoncifion interrompue
(a) Examen important > c. z» p. ii.
Gîv
80 A PO L O G I £
dans le défert pendant 40 ans : le lieu nom^^
me Gàlgala étoit le monument qui Tappre-^
Boit à la poftérité { a ).- La -circoncifion
avoit été pratiquée avant Moïfe ; mais
après une interruption de 40 ans , il fal-
loit toute la févérité de la Loi de Moiïe
pour en faire reprendre l'ufege. Moïfe a
donc lu fon Pentateuque ^ux Juifs ; il a
fait plus , il les a forcés à îs'y foumettre & à
le conferver comme le titre de leurs con-
quêtes & de leurs efpérances. La plupart
des Juifs ne pouvolent pas écrire contre
lui, mais ils pouvaient le maflacrer ; & ils
Tauroient fait , fi c'eût été un impofteun
On nous demande encore fi les Temples
de Bacchus , d'Hercule , de Perfée prou-
vent la vérité de leurs fables ? Non , ils ne
la prouvent point , jtarce que ces Temples
ne remontent point jufqu'au fiècle où l'on
fuppofe que ces perfonnages ont vécu ; il
n'eft aucun de leurs monumens qui ne leur-
foit poftérieur de plus de 300 ans. Les fêtes
& les cérémonies Juives remontent jus-
qu'au tenips de Moïfe , & n'ont jamais été
interrompues ; tout comme nos fêtes com-
mémoratives remontent jufqu'au temps^es
Apôtres , fans aucune interruption, C'eft là
diÔérence effentielle qui (e trouve toujours
{a)Jofut,c. f*
/
/
De la Religion, &c. 8i
entre les monumens de la vraie Religion &
ceux de l'Idolâtrie , différence fur laquelle
nos adverfaires affedent vainement de fer-
mer tes yeux.
Nous voyons dans le Calendrier des
Juifs > dés fêtes , des jeûnes , des expiations ,
pour conferver la mémoire des événemens
qui ont fuivi la captivité , de ceux qui font
arrivés pendant fa durée , & de ceux qui
l'ont précédée. Les faits poflérîeurs à la cap*
tivité ne font pas douteux , ils font confir-
més par THifloire Profane ; fur ces articles
le Calendrier Hébreu efl un monument
authentique & à couvert de foupçon. Par
quelle raifen le croirons nous moins fidèle
fur les. autres points ,• dès qu'il s'accorde
avec l'Hifloire Sainte (a)?
On peut nous traiter de fous, d'imbé-
cilles , de fripons , parce que nous foutenons
ces faits ( >) > ce langage brutal , que jamais
Bolin;^broke ne fe feroit permis , ne peut
faire tort qu'au fauflaire qui a emprunté fon
nom,
Puifque nous n'écrivons que des inepties,
un Doâeur auflî redoutable devroit nous
écrafer par des démonftrations : on va voir
(â) Introduâ. â I*Ecricure Sainte j par le Père Lami i
c. I(
(fr) Examen împorrant, c. t» p. ti.
S2r Apologie
ce ()u'il nous oppofe ; il l'a pris dans Spî*
ncfa.
1°. Eft-il vraifemblable , dit -il , que
Moïfe ait fait graver le Pentateuque fur la
pierre ( ^ ) ? Non , cela n'eft pas vraifem-
blable; auffi l'Ecriture ne le-dit point. Elle
dit feulement que Moïfe fit graver fur la
pierre la Loi , c'eft-à-dire , les dix Com-
snandemens de Dieu ; ce qui eft fort difie*
rent.
a**. Il eft rapporté dans le Livre de JoJUé
quej'on écrivit le Deutérotiome fur un Autel
de pierres brutes ^ enduites de Mortier; corn-'
ment écrire tout un Livre fur du mortier ?
Voilà feulement deux faufletésfPremiére-
ment il n'eft point parlé de mortier dans le
Livre de Jofué (i). Il eft dit que Jofué
bâtit un Autel de pierres brutes , & y im-
mola des viâimes ; enfuite il eft dit que
Jofué grava le double de la Loi fur des pier-
res. C'eft donc une autre fuppofition fàufle >
de prétendre que Jofué fit graver un Livre
tout entier ; il fit graver la copie , ou la
répétition de la Loi : tel eft le fens du texte
original & de toutes les verfions.
Si l'on demande de quelle matière Moïfe
a pu fe fervir pour écrire fes Livres , on
(a) Çxamen important, c. i , p. ij.
{h) Jofue, 8, ji.
© E L A R E L I G I O N , &c; Sj
fera pleinement fatisfait , en confultant là-
deflus le fçavant Ouvrage de M. Goguet (a).
On y verra que du temps de Job , que l'on
croit anférieur à Moïfe, on écrive it déjà
fur des feuilles de plomb > & d'autres nié-
taux.
3®. L^on reprocjie à l'Auteur du Penta-
teuque des fautes innombrables de géogra-
phie , de chronologie & des contradiâions.
Nous ferons voir que toutes celles qu'on
nous objeâera dans la fuite, font ée vai-
nes fuppofitions , & que l'on ne peut en
prouver aucune.
4^. Le premier verfet du Deutéronomc
porte : voici les paroles que prononça Moïfi
au-delà du Jourdain : cependant Moïfe,
nous dît-on , ne pafli jamais le Jourdain,
Abadie avoir répondu que la prépofîtion
Hébraïque que Yon traduit par au - delà »
lignifie également au-deçà ; & c'eft aînfî
que l'a rendu la verfion Syriaque. On lui
objeâe que fa réponfe eft ridicule. Il Ifc-
loit auparavant confulter un DidionnairQ
Hébreu , pour voir fi Abadie a eu tort. Le
texte poste : voici les paroles que pronon-
ça Moïfe au pa£age du Jourdain ; & , fé-
lon les meilleurs Lexicographes , le terme
(a) Origine des Loixf des Arts & des Sciences > première
Partie, 1« i>c.^.
§4 Apologie
Hébreu exprime également au volpna^t ou
vU-à-vis ( û ). Uobjeâion eft donc absolu-
ment nuUew
y**. Le Cenfeur de Moïfe demande s'il
eft vraîfemblable que ce Légiflateur ait
donné dans le défert des préceptes aux
Rois dés Juifs « qui ne vinrent que tant
de fiècles après lui ? Je demande à mon
tour : Si Efdras eft l'Auteur du Pentateu-
que , eft-il vraifemblable qu'il ait donné
des ptéceptes aux Rois des Juifs dans un
temps où les Juifs n'avoient plus de Rois î
Moïfe étoit Prophète ; il eft donc vrai-
femblable qu'il ait prédit aux Juifs qu'un
jour ils auroient des Rois » & qu'il ait donné
des préceptes pour eux » comme pour tous
les autres Etats. «
6^. On dit que Moïfe aflîgne aux Lévi-
tes 48 villes dans un petit canton où il y
avoit à peine deux villages. La fuppofition
eft faufle. Ces 4.8 villes font affignéer aux
Ukrites dans toute l'étendue de laPaleftine»
& dans tout le pays divifé aux douze Tri-
bus C^). D'ailleurs l'Auteur de l'objeârion
paroît ignorer que le terme viUe , dans la
langue de Moïfe , exprime feulement ha^
bitation , 8( qu'il peut défigner Amplement
un hameau ou un village.
( 0 ) V. Hyie , de Riiig* Petfarum^ c z • p. 47«
(h) Jojuet Q*ii*
BE LA Religio», &c. 8;*
7*^. Comment un Ange du Seigneur
vient -il tuer tous les animaux d'Egyp-.
te ? Et comment après cela lé Roi d É-
gypte a-t-il une armée de cavalerie ? Et
comment cette cavalerie entre-t-elle dans
le fond bourbeux de la mer rouge (a) ? Ce
tt'eft pas la faute de Moïfe fî l'on rend mal
le fens de Ton texte : il y ef^ dit que la pefie
tua les animaux des Egyptiens quiétoient
dans les champs (b): ceux qui étoient ren-
fermés .dans les maifons , furent donc pré-
fervés. La cavalerie de Pharaon put entrer
dans le fond de la mer rouge , parce que Dieu ,
pour donner paflage aux Ifraélites , fit fouf-
fier un vent violent qui le deflecha (c).
8**. S'il eft vrai que TAnge du Seigneur
aie fait mourir tous les aînés des familles
Egyptiennes , pourquoi Moïfe ne penfa-
t-il point à s'emparer de ce beau pays > au
lieu de conduire deux millions d'hommes
dans un défert f C'eft que Moïfe fçavoit
que Dieu ne deftinoit point à ion peuple la
poflèflion de l'Egypte , mais celle de la
Palefline. Nous convenons que la conduite
de Moïfe n'eft point conforme aux règles
de la polidque humaine : aufli foutenons*
(«) Examen impoconc , c« x , P* i^«
S6 Apologie
nous qu'il étoit conduit par des vues fupé-
Heures & fur naturelles. ;
Nous avons cru ne devoir omettre au-
cune des objeâions du faux Bolingbroke ,
afin que le leâeur pût juger du mérite d'un
Livre qui eft annoncé comme le plus élo*
qutnt , h plus profond , le plusfott qu'on ait
encore écrit contre le fanatifme , c'eft-à-
dire , contre la Religion C ^ ) : fi cela eft ,
tous les autres font bien foibleSi
Voyons fi l'Auteur du ChriJIianifme dé-
i^oïlé raifonne mieux dans Ion Hiftoire
abrégée du Peuple Juif.
S. 4.
Pour faire l'Hiftoire d'une Nation duel-
conque , la vérité exige que l'on conlulte
les Auteurs contemporains, ou qui ont tou-
ché de plus près aux événemens qu'ils rap-
portent , qui ont fréquenté le peuple dont
ils parlent , qui ont été à portée d'en con*
noître le génie , les mœurs , le gouverne-
ment: il eft de la prudence de s'en fier
plutôt aux Hiftoriens' anciens qu'aux mo-
dernes , aux Ecrivains de la Nation qu'aux
étrangers. C'eft ainfî que l'on procède ,
3uand on veut connoître les différens peuples
e l'Univers , fur-tout les peuples anciens.
fct I > I II ■— .— *M— miX^I
ia) Avû i la téce de rCxamen împortam.
DE LA Religion, &c. 87
Eft - il queftion de peindre lés Juifs ?
Nos ad ver (aires s'y prennent difieremment.
Ils commencent par dire que ce peuple a
été inconnu aux étrangers (a); & c'eft de
ces étrangers mêmes , très-mal informés ,
qu'ils empruntent leurs narrations. Ils rejet*»
tent le témoignage de Moïfe, quoiqu'il re-*
monte à la fource des événemens ; & ils
nous- citent des Ecrivains qui ont vécu
fept ou huit cens ans a^rès lui. Rien de fi
judicieux , fans doute , que ce procédé ; rien
de plus propre à nous montrer la vérité. Ils
copient fort exaâemént dans les Livres de$
Juifs > tout ce qui peut contribuer à rendre
ce peuple odieux ; & ils n'ajoutent aucune
foi à ces mêmes Livres fur ce qui paroît fa^
vorable à la Nation. L'équité Philofophi*
que efi d'utie finguliere efpèce.
S'il y eut jamais une Hiftoire qui portât
tous les caraderes de la vérité ,. c'eft afluré-
ment celle de Moïfe. Il tenoit des Patriar-
ches » fes ancêtres s les événemens qui
a voient précédé fon fiècle ; la brièveté
avec laquelle il les raconte > fait fentir qu'il
n'a pas voulu écrire plus qu'il n'en fçavoit ;
la fimpUcité & la naïveté de fon ftyje porte
l'empreinte des mceurs de fon fîècle. Il ne
s'eft pas conireàté de citer .des faits ifolés , U
(tf}Chrift.déY0ilé2P.i^.
88 Apologie
les enchaîne par lels dates 8f par les généalo-
gies ; il en fixe le temps & le lieu précis.
S'il eût été moins inftruit , s'il eût rapporté
des fables , tout fe démentiroit dans fon
Hiftoire , à chaque inftant il fe trouverait
en défaut ou en contradiâion ; & jamais
on n'a pu le convaincre de faux mr un
feul point. Il raconte ce qui s'Wl pafle d^
fon temps , non-feulement comme témoin
oculaire , mais comme aâeur principal ; il
ne difCmule ni fes propres fautes , ni celles
de fes proches , ni les vices ni les malheurs
de fon peuple. S'il n'a .pas droit de fe
faire écouter , aucun Hiftorien ne mérite
croyance.
L'Auteur de la Phîlofgphie de VHiJloire ,
pour donner une grande idée des Annales
Chinoifes , fait remarquer que les époques
en font fixées par des obfervations aftrono-
iniques , que les Chinois ont lié l'Hiftoire
du Ciel à celle de leur Empire (a). Moïfe
a mieux pourvu à la certitude de la fienne ;
il l'a ^oitement liée à celle des Nations
connues pour lors , & à tous les monumens
répandus fur la furface de la terre. Par le
moyen des tables aftronomiques 5 on peut
faire l'hiftoire du ciel > en remontant jufqu'à
la création ; mais nous n^avons point de
MMM«PWIfMMB*M
itf) PhiloCderHiitc. it.
tables
DE L A R E L I G I O N , &C. 8p
tables qui nous apprennent ce qui eft arrivé
fur la terre depuis cette époque ; ou Moïfe
l'a fçù par une tradition authentique, ou par
révélation;
Quand on veut le contredire ; il fau-
droit du moins concilier entr'eux les divers
Ecrivains qu'on lui oppofe , ou nous ap«
prendre laquelle de ces narrations contra-
diâoires mérite plus de créance. Manéthon
& Chérémon , Hiftoriens Egyptiens , que
l'Auteur du Chriftianijme dévoilé cite avec
très-peu de fidélité , ne font point d'ac-
cord (a). Le premier liippofe que les Juifs
étoient un peuple étranger venu de l'Orient
en Egypte, qui fe rendit maître de ce Royau-
me > & qui en fut chafle les armes à la main ,
après l'avoir tenu fous le joug pendant plus
de 5 CTO ans ; c'eft ce que l'on a nommé la
Dynaftie des Rois Pafteurs, Le fécond pré-
tend que les Juifs éroient une multitude de
lépreux Egyptiens , qui furent bannis par le
Roi Aménophis, & qui chêifirent pour leur
chef un Prêtre d'Héliopolis nommé Moïfe*
Diodore de Sicile penfe comme Manéthon ,
que les Juifs étoient une nation étrangère ,
qu'ils furent chafles d'Egypte > parce qu'Us
m»
H
$)0 Apologie
avoîettt utieiEleligion dîfïerente de xxlie des
£g3^tietis {a)* Strebon donne ia même
raifoti de leur ibrtie , mais il les croit
originaires d'Egypte (i). Juflin , après
iTrogue-Pompée , dit que la ville de Damas ,
en Syrie , étoit leur première Patrie ; il
rappc^te fommairement l'Hiftoire de Jo
f^n & la fortie d'Egypte , comme elle eA
racontée dans les Livres de Moïiè (c).
tTtcite raflèmble ce que les divers Hifto-
riens avôieatéoit avam lui fur l'orlgiine des
Juifs; le^ uns les £aifoient ibrâr de l'Ifle de
Crète > les autres de la Syrie , ceux-<:i de
l'£gypte , ceux-là de l'E^iiiopîe ; enfin il
s^en tient à oe que l'on publioit de leur ban--
niflesient d'Egypte à caufè de la lèpre <i),
L'Auteur de VEâCûmen important » beau-
coup {dus éclairé que les anciens , décide
^ue Its Hébreux ^peufk tris-récent , était une
horde Arabe ( c ). AfKirément nous* voilà
bien inâruits parles Hiftoriens profanes.
Mm H y a un fait certain. Les Hébreux
parlaient une langue qui n'eft pas entiére-
inent la même qte le Syriaque ou le Phénix
; ciea , qui eft différente de l'Arabe , de TE-
(a) Fragmens de Dîodore , 1« 40 •> tome 7 » p. 24J1
i h ) Strabon ,1. i ^ , p. yti»
(c) Juftin, 1. 3^.
((f) Tacite, hi(t. 1. ç, n. i&nJ.
i € ) Chap. I y p. 1) ^ ec Dia. FiiHor. ait. Ctnèfu
DE LA Religion, &c. $^t
gyptien & ëe l'Ethiopiefî ; cette langue fub-
fiftê encoi?e , & Moïfe s'en «ft fervi pour
écrire : voilà le monument qui nous garan-
tit fa fidélité , & qui démontre que les Hé-
breux ne tiroient leur origine d'aucun des
peuples <}ue nous avons nomméi?. Il eft
étonnant qu'aucun de ces Auteurs^ dont
on vante la fagacité, n'ait fak cette obfçr-
vation.
Pour la détruire > on nous objeôe le
Pfeaume 80 , où il eft dit que le peuple de
Dieu y fartant de ÏE^pte ^ intendit parler
une langue fwi iui éteit inconnue : il parloît
donc Egyptien {a). Si on avoit confulté
le texte Hâ)reu & les Paraphrafes C3ialdaï-
ques , on auroit conclu tout te contraire. Il
y dft dit que Jofepky tn entrant en Egypte y
entendit parler une langue qui lui étoit in-
connue ; cela eftcoiA'mé par le cfcap. 4
'étt faGenèfe , îf'. 23 > où on lit que JofepI
parloit à fes frères par iTn interprète.^
Si Moïfe & fon peuple euflent été de
race Egyptienne , ce Légiflateur , fans
doute , -eut donné aux Jmfs les lôîx , la
Religion , tes mœurs de l'Egypte. Un hom-
me qui n'a eu d'autres maîtres que fes pères ,
d'aqtres idées que celles de la Nation, ne
change point tout-à-cocrp de génie , de ca-
^ A ) Défenfe de oiqh Oocld , p* z i ^*
Hij
$2 Apologie
raâere « de croyance » les hoinmçs ne devi-
nent point , ils copient. Moïfe , dans fes
Ioix> afTeôe» prefque par-tout , de détruire
les ufàges » les fuperftitions , les préjugés
des Egyptiens : cela n'edpas naturel.
S'il avoit voulu forger des fables pour
illuftrer fa Nation , il auroit prévenu Mané-
thon ;*il auroit dit que la poftérité d'Abra-
ham étoit entrée en Egypte les armes à la
main , en avoit fait la conquête , lui avoit
donné de&^Rois , & n'avoit été forcée d'en
fortir que par une guerre malheureufe.Tout
au contraire > il raconte ingénuement que la
famille de Jacob fut obligée «"par la famine ,
de quitter la Paleftine pour aller vivre en
Egypte > qu'elle fut réduite en efclavage
par les Egyptiens , qu'elle ne put fe tirer
de leurs mains que par une proteAion mi-
raculeufe du Ciel. Ce n'eft point-là le toû
d'un impofteur qui cherche à fe faire valoir.
§. 6.
Selon l'Auteur du Chriilianifme dévoi-
lé , les Hébreux , long-temps efdMVes che^
les Egyptiens 9 fwrent délivrés de leur Jirri*
tudepar un Pritre d* Héliopolis ^ qui^parfon
génie (s^ fes connoijfances fupérieures 9 Jfut
prendre de Cafcendant fur eux ( a). Conx-.
tmt-M
{/ê) Défcaic 4c nHm Ondc; page i^»
DE LAReLIGION, &C. ^^
ment ce Prêtre vint-il à bout de les dclir
vrer ? C'eft ce qu'on ne nous apprend point.
Mais puîfqu'on vouloit adopter une partie
de la narration de Chérémon , il falloit donc
commencer par réfuter Manéthon , qui
fuppofe^ non pas que les Hébreux étoient
elclaves en Egypte , mais au contraire ,
qu'ils avoient réduit l'Egypte en efclavage ,
& qu'ils en avoient chaffè les Souverains
légitimes.
Dans une note , on reproche à Moïfe
d'avoir ailàilîné un Egyptien. La Bible ne
juftifie ce crime que par la miffion extraor-
dinaire de Moîfe , miilioQ prouvée par la
fuite des événemens. On l'accufe d'avoir
épouie la fille d'un Prêtre idolâtre. Il n'eft
ait nulle part que Jethro ni fa fille fuflènt
idolâtres ; l'Hiftoire de Moïfe témoigne au
contraire que Jethro connoiilbit & adoroit
le vrai Dieu (a). On dit qu'il retourna en
£gypte pour foulever fa Nation mécon-
tente contre le Roi. Il efi queflion de fça-
voir fi une Nation étrangère , réduite en
efclavage contre le droit des gens , viole la
}ufl:ice en voulant fortir d'un pays où elle
eft opprimée. Enfin on ajoute que Moï(ê
régna très-tyrànniquement, parce que Coré,
Dathan &Abyron furent punis de s'être ré*.
514 Apologie
voltés contre luî. L'Hiftoîre dît qu'ils fu-
rent engloutis tous vivans dans les entrail-
les de la terre. Moïfe eft-il rcfponfable
d'une punition furnaturelle & miracu-
leufe?
Si nous en croyons notre Critique ,
Moïfe perfuada aux Héhrtux qù!il était Vin^
terprète des volantes de leur Dieu. ....Il ap^
puyafa mijjîan par des œuvres qui parurent
furnaturdles à des hommes ignor ans des voies
de la nature & des rejfourtes de Part (fl). Il
eût été bon de nous expliquer, i**. comment
Moïfe , après avoir féduit les Hébreux , put
vaincre les Egyptiens , & arracher d'entre
leurs mains ce peuple qu'ils retenoient dans
f efclavage , & dont ils tiroient les fcrvîces
les p lus utiles ; 2**. tjuelles fiirent ces œuvres
que les Hébreux , par ignorance , regardè-
rent comme fiimaturelles ? Toutes les eaux
du Ni! changées en fang , toute TEgypte
reîmplie d'intedes & d'anitnaux nuiflbfes,
ravagée par la grêle & la contagion » cou-
verte d'épaiflès ténèbres, ou délivrée de ces
fléaux à la parole d'un fèul homme ; tous
les premiers nés des Egyptiens mis à mort
^dans une feule nuit; les eaux de la .mer
rouge fufpendues à droit & à gauche , pour
donner paflàge à la Nation entière des Hé-
»— ^— IIWII 11. II. I II w
(a) Chrift, dévoilé > p* 17* Contagion facrée, f • 74»
D E L A R E L I G I O N , &C. pjT
breux ; une colo«ne de nuée qui marchoit
à leur tête pendant le jour , & qui deve-
noit lumineuiê pendant la nuit : (ont-ce là
des œuvres qu'un impofteur puiflè opérer
par les voies de la nature ou par leis reffour»
ces de l'art ?
•Le premier ordre que Moïfe donna aux
Hébreux de la pan de fin Dieu ,fut de roUr
leurs Maîtres quils ément fur le point de
Siuitter. C'eft la remarque de nos Gên-
eurs (a), i^. Il eft faux que les Hét^reux
ayent volé les Egyptiens : ils leur deman-
dèrent leurs meubles les plus précieux , êc
ces derniers les donnèrent fans héfiter >
pour accélérer le d^art des Hébreux , 8c
dans la crainte de périr , fi on le retardoît
plus long-temps. Les Egyptiens compre-
noient très4)iefl que lesHœrenx ne revien-
droient jamais (*)• 2?* Dieu , fouvcrain
arbitre du droit des deux peuples , étoit
le mmtre de 'donner aux Hébreux les rir
cheiles des Egyptiens , comme une jiifte
compenfation des fervices que les Hâ^reux
leur avoiem rendu pendant leur efdavage.
•5*, Si les Egyptiens regardèrent les Hé-
breux comme des fugitifs & des voleurs ,
M^ _ ■ ■ _ _ _
U) Chrift. dévoilé , p. iS.ExameA important, c. 7, p. i^
Militaire PhiJofophe, c 10^ p. 15^ & itfo, 3« Lcuic à
£agé<Bie, p. ^.
ib) Enfid. 11^ 53,
$6 ApoLoeiB
qu'eft - ce qui les empêcha de pourfuivre
cette troupe d'efclaves » de reprendre \t
butin dont elle s'étoit emparée , & de Tex-
terminer ? Voilà fur quoi Ton n'a pas jugé
à propos de nous inftruire.
5-7-
Moife , contînue-t-on , ^Jfuré de la con--
fiance des Hébreux ^ les conduifit dans un de--
fert, où pendant 40 ans il les accoutuma â
la plus aveugle ohéijfance ; il leur apprit la
fable merveiUeufe de leurs ancêtres a les céré*
montes bigarres auxquelles le Très^Haut atta^
choit fes faveurs ; il leur infpira fur-tout la
haine la plus envenimée contre Us Dieux des
autres Nations, & la cruauté la plus étudiée
contre ceux qui les adoroient : à force de car^
nage & defévérité^ il en fit des efclaves fou^
fies Jt fes volontés y prêts à féconder fes paf",
fions , prêts àfe facrifier à fes vues ambi^
tieufes. En un mot , il fit des Hébreux des
monfires de phrénéfie ér de férocité (tf).
Ce ton paflk»iné & déclamateur n'eft point
le caraâere dé la raifon ni de la vérité ; il
y a ici autant de paradoxes que de mots.
Ou Moïfe fut un homme ordinaire , réduit
aux expédiens naturels & alix feules ref-
{A) Cbrift. dévoilé ; p. 18, Miliuire Philofophe , c. »o»
page 1)^ U xtfo«
fources
DELA R € C I a I O N, &c, p7
fources de Ton génie , ou il fut le Mîoiftre
des volontés de Dieu , ariné d'un pouvoic
fuperieur à ta Qdtuf?. Pans le iècond cas il
eft juftifié ;* accufer fa conduite , c*eft s'en
prendre au Ciel xnême.
Pans le premier cas , fa md^m^e d agie
cft inconcevable» Gomment a-t-il fait fub-
fifterfon peuple, pendant. 4<Q:an$ dans ua
dérei:(.adbux, 4an^ 4^s fablg? arides & bm-i
lans » où rien ne croît , où il n'y a pas feule-
ment de Teau ? Comment ce peuple a-t-il
pu fe réfoudre à y lixivre fon conduâeur i
Comment c^s hommes féroces Se iqdopipn
tables n'ont-ils p^ abandonné au priemiei!
pj^ un çhpf infl^nsÈ^?^ Coi^a;m^t; ite l'opi-riU
pas immolé à leur déféfpoir 84a leur Cureur?!
3^ foufrleos ce fait plus incroyable que tous
les Miracles de Moïfe, : . ; -
Il en fit des efclotVès fcmples^ à fis^polontési
Mairies efplay/çsti§awiifS-4l5 çojotre Mairt ï
contre Içj danger :jÇOBtinu${l do, 1^ niort'^
Ou, Moïfe ;gc l§S/^95 ,^f^]^/ïi^(à
& des phrp^t^ws,i9|tti^ifurwtiÉ9iis la
conduite, de Dieu : il Hy, à :^as de^milieu.
Un acçèsdeiphrépéfie^e. dure pas.quaçimte
ans.. . ...;t -^i , f ,, '» _: ' ('. , •' . . >
yli'l^iir.Amitk/4kh mslf^mUi^fi de km
tfnc:^rrèiK.É;tjqûellQ{faî>teJ? Il leur , apprend
rhiftojrsrdes: preuii^s-^g^ dii: ttïdndc , U
génçalogie ds$ .P.attiÉirches dont ife defcen^
TomeL l
^►S A p o t c G I È
doient» Si jamais les Hébreuit D'en avoient
entendu parler , fi la tradition n'en fubCf-
tûit déjà pas parmi eux > comment ont*>iis .
pu le croire ? Il leur apprend l'arrivée de
leurs pères en Egypte, rHiftoire de Jofeph ,
leur propre fervitude ; fî tout cela écoit une
fiâiôn ; Morfe avoit contre lui autant de
témoins que d'auditeur^ ; il n'y avoit pas
un vieillard qui ne fôt en état de le dé*
mentir.
U leur app)*èi\d' les promeflès &ites à
Abraham & à fa pbfiérité, de mettre les Hé-
breux en poflèffion du pays des Chananéens»
NoUVelie imprudence : ou il falloit les y
Conduire fur le champ , ou il ne &lloit pas
feur en parler.
Il leur enfiigrte lès céréménks bigarres
auxquelles le Très-Haut attachait fesjayeursm
Mais plus ces cérémonies étoient bizarres »
plus les Hébreux dévoient^atoir de repu-
gnâSHre ai ^V foumé^t^ev Un -L^iflaceur
n'^trdprenu pbbt, de propos' dâibéré , de
thaâger tout^-cbil^ les ihioeUi^ » les idées ,
les ufajges de & Natioti , uniquement pour
la rendre efiâemie des autres ^peuples. Kn^
core une fois il n'y a pas de milieu ; ou
Moïfe a étécùndmt ))af dés^lDcnUei^^ fupé-
rieures à la pt^cfence hômaiûe , où il a été
le plus infenie de toti^; les hommes* AulG
ll-t-on (iécidé dans lE^fomcn important ^ qu«
DT! LA Religion^ &c. p^
l'Auteur du Peatateuque était un fou (a )•
de n'eft point-là l'idée qu'en ont eue Stra-
bon , Diodore de Sicile , le Rhéteur Lon*
gin (b), 8c que l'Auteur du Chrijiianifmt
dévoilé nous eà a donnée d'abord. Il a die
que Moïfe , par fin génie &* fes connoif^,
fances Jupériewres , fçut prendre de ïafqen^
dont fur les Hébreux : ici il le peint comme
un infènfé & un furieux » qui , à force dé
carnage & defévétité , fe propofe de for-
mer ces efclàves flupides » des monjlres dé
phrénejîe 6* de férocité. On ne peut pas (b
contredire d'une manière plus révoltante.*
Le portrait du peuple fera-t-il plus raifon-;
nable que cehii de fon chef 3^
«. S.
Tjcs Hébreux marchèrent contre leurs
voiims pour en envahir les terres 6c les poi^
(èfliohs : le Cid autorifa pour eux laf&urbe^'
rie & la cruauté i la Religion unit à Pavi-'
dite \ étouffa chej eux les cris de la nature;
Cr/ous la conduite de leurs chefs inhumains s
ils détruifirent les Nations Otananéennès avec
une barbarie qui révolte tout honirne en qui
la /i^erfiition n'a pas totalement anéanti U
ih} Traité du rublime»
I ij
^ûp Apologie
raifon (a)..Pour fentir le ridicule de cette
inveélive , plaçons-nous pour un moment
dans lesfiècles dont on nous fait l'hiftoire»
Chez tous les peuples anciens & encore à
demi-fauva^es , le droit de la guerre a été
çiruel & inhumain : il eft encore tel aujour-
d'hui chez les Sauvages de l'Amérique. Oq
ignoroit le droit raifonnable de conquête ,
qui confifte à conferver les peuples que
l'on fubjugue , pour en faire de nouréaux
fujets. Cette méthode , moins barbare de
faire la guerre „ne s'eft introduite que par
l'établiflèment des grands Empires , lorfqu'il
3'eft trouvé des Souverains jaloux d'étetûire
leur domination , & de reculer les bornes
de leurs états. Chez les peuples pollc& ,
la guerre fe fait entre une armée & une au-
tre armée ; les Citoyens n'y ont point de
part.* Dans les premiers temps , comme au-
jourd'hui chez les Sauvages , tout homme
étoit foldat, la guerre étoit entre les parti-
culiers , la fureur devenoit perfonnelle ; on
ne chercboit pas feulement à vaincre ; on
voulait piller & détruire , mettre tout à feu
&àfang.
Nous ne difconvenpns point que les Hé-
"«*"ir
(«> Ckrift. ééroUé , page 19. Kxaaien împorcaiit, 07;;
jtf & fuiv., je Lctcre à Eugénie , pag. 71, Conugion (a*
ctéci chap. 5 ,p. }^*
DE LA RËLlCStON, &C. tÔl
breiix niaient fait la guerre félon cette
cruelle méthode ; maïs les autres Nations
le conduifoient-elles différemment ? Dira-
t-on que les Hébfeux , dans la prife des
villes , ont ufé d'une barbarie plus révol-
tante que les Grecs dans le fac de Troîe &
dans les premières guerres du Péloponnèfe;
que les Généraux de Nabuchodonofor dans
la prife dq Jérufalem, que les Romains dans
l'expédition d'Epire , dans le fîége de Nu-
xnance , 'dans la ruine de Corinthe &. de
Carthage ? Soutiendra-t-on que les héros
Grecs , auxquels on avoir drefle des au-
tels , Hercule , Théfée , Achille ,• Ulyîfe ,
étoient des perfonnages^ plus humains. &
plus vertueux que les chefs de la Nation
Juive ? a Qu'eft-ce que les Cèdes héroï-
» ques , dit un Philofophe célèbre ? c'étoit
» le temps où l'on s'égorgeoit pour un
» puits & pour une citerne , comme on fait
p aujourd'hui pour une Province (a) » ?
Les'Hébreuxuferent fouvent de trahi-
fon & de fourberie ; fouvent ils violèrent
la juftice & la bonne foi ; c'étoit la maxime*
adoptée généralement chez tous les peu-
ples: Dolus an vîrtus quis in hojle requiratf
Les Grecs , les Carthaginois , les Romains
ia) Suite <les mélanges de Lntérac d*Hift. le de Philoù
c. 70jiomef ,p. 131. . '
iiij
tj02 Apoi^ogib
Blême , dans les temps les plus brillans de
Jeur République , ne furent pas plus reli-
fieux. Les Hébreux > que l'on nous peine
perfides , gardèrent cependant la foi qu'ils
avoient jurée aux Gabaonites par furpri-
f^C il); jamais ils ne traitèrent leurs efcla-
yes comme ils avoient été traités eux-
inêmes en Egypte ; jamais ils n'uTerent en-
vers les vaincus de la perfidie & des cruau**
tés que l'on peut reprocher aux Lacédémo-
niens à l'égard des Uot^ (b). Aura-t-on
toujours l'injuftice de juger les Juifs fur ua
droit des gens inconnu de leur temps, dont
aous (bmmes principalement redevables
aux lumières & à la morale de l'£van-
Çile ?
Mais » dirart-on^ chez les avtres peuples
on peut excufer les crimes par l'ignorance
& la dépravation auxquelles Dieu les avoît
abandonnés : çhe?: les Hébreux > c'eft Pieu
lui-même qui les infpire , qui les comman-
de » qui le$ autorife : voilà ce qui révolte
f efprit & la raifon*
. Èfieu pouvoir, fans doute , éclairer , coq«
vertir» réformer les Hébreux, refondre
leurs moeurs & leur caraâere , en faire des
Itiodèles de juftice & d'humanité pour les
(fl) JoJketS»
{h ) V. rOrigtae du Loix ^ 9cc> iroificov pact. U f«
DE L A REl.I^flOV, &C. lO^
£ècles où ik vivoient ; mais ce prodige ,
daas l'ordre iDora} , plus îacroyahle qufi
tous les miracles dans l'ordre phyfique ,
devoit-il entrer néceflairementxlans le plan
de la Sagefle divine f Voilà le point que
nos Phiioiophes devroieat commencer par
établir. Dieu vouloit punir lesChananéens,
peuple abominable ; il vouloit fe (ervir des
Hébreux pour les exterminer ; raccuferoosH
nous d'avoir ^ouûe trop loin la ievérité du
châtiment *? Dieu conduifcût les Hébreux
par une providence particuiiece ,,mais il les
gouvemoit fdon le génie , les mceurs , les
préjugés politiques répandus alors chez toa«
tes les Nations* Si les crimes des Hébreux
peuvent nous faire douter de cette provl^
deiûre particulière , ces mêmes crimes » & de
plus grands encore, communs à tous les
autres peuples , w paroiflèat pas moins
déroger à fa providence générale. Parce
que les hommes furent toujours méchans»
douterons*nous (i c'efi Dieu qui les a créés
6c qui gouverne le monde ?
En fécond lieu, je foutiens que la Nation
Juive, avec des mceurs pltt$ douces , n*au-
f oit pas pu fubfiAer dans le fiècle & parmi
les peuples où elleTe trouvoit. Une Nation
encore foible , environnée de peuples (au-
vages& barbares, peut-elle ôtre en fureté^
fi elle ne &it pas la g^enre comme eux « fi elle
liv
'TOf Apologie
xie le rend pas auffi redoutable envers eôx
qu'ils le font à Ton ^ard f Contre des en-
fitmis qui n& coiuiotâènt d'autre droit que
ia force > peut-eUe ufer dHiumanité^ &ns
s'expofer à être . la ^viâime ? Malgré la
douceur des mceurs françoiies , lorfqu'il a
fallu faire la guerre contre les Sauvage
iie l'Amérique , n'a-t-on pas été forcé ,
j>our les intimider , d'ufer des plus cruel-
les repréfaiUes ? Leur férocité leur eût fait
regarder la clémence ^envers les vaincus
scomme une marque de foiblefle > n^eut
iervi qu'à attirer de leur part de nouvelles
'infultes.
Dieu , en fe faiiànt connoitre au peuple
•Hébreu , le préferva du poly théifme , de l'i-
idolâtrie & des déibrdres affireux qui Tac*
«ompagrioient chez les autres Nations-, il
.lui donna des loix (âges , mais proportion-
nées à la grollîéreté & à la rudeiîe du genre
Mmain encore enfant ; c'eft la réflexion de
S.Paul (a). La Sagefle divine réfervoit
une morale plus pure , une Religion plus
fainte à des fiècles.plus heureux.
Solpn s'applaudiflbit d'avoir donné aux
'Athéniens i non pas les meilleures Loix pof^
iïbles , mais les meiUeuAs qu'ils fuflènt en
-état de fupporter. « Voilà > dit Montef-
■Il ' *" I I I ■ • ■ »< ' r —————— à———
i<2) GàUt^ 5 » 2,1. Hebr4 j^ 15,.
DE L Jl 'R Ê L i (î ION , &C. lOy
"afe quîeu , l'éponge de toutes les difficultés
» que l'on peut faire fur les Loix de
» Moïfe ( ^ ) »• A cette remarque pleine
<le bon fens , que répond le faux Boling-
•broke ? Il crie au blaiphéme. Dieu , dit-il ,
fe proportionner / &• à qui ^ à des voleurs
Juifs : Dieu être plus grojjîer qu^eux (b)!
Calmez- vous , religieux Philofophes- :
quand Solon fe proportionnoit au génie des
Athéniehs , il n'étoit pas pour çeh plus
grojjî&r queux y'û étoit plus fage qu'eux,
• Selon le Chriftianîfme dévoilé , les Hé*
hreux , ufurpateurs ^ brigands Çf meurtriers^
parvinrent enfin à s'établir dans une contrée
peu fertile , mais qu^ils trouvèrent délicieufe
au for tir de leur défert (c). Si les Hébreux
furent des ufurpateurs , ils eurent ce titre
commun avec la plupart des anciens peu-^
pies de l'univers. On n'a qu'à jetter un
coup d'ceil fur les commencemens de l'Hit
toire Grecque dans Paufanias , on y verra
les premières peuplades qui fe font for-
mées , fe chaflfer , fe détruire , fe dépofféder
mutuellement , fe faire une guerre conti-
{a) Efprit des Loix , 1. 14 , c. 2t.
(h) Examen important , c i , p. 14*
<c) Chap. 1, p. 10. }« Lçitre à Eugénie j p. 7'» Coa?
tagion facrée , c. j , p 45.
iL06 Âpoloois
nuelle (4). Si l'on confulte les Hiflorieiili
Romains » ils nous apprennent que des
troupes d'aventuriers Grecs ont abordé
«n Italie , qu'ils ont chafTé les Aborigènes ,
qu'ils fe font emparés de leurs^ terres ; que
du mélange de ces étrangers avec les natur
rels du pays , s'eft formé le peuple Latin (b).
Sans fortir de chez nous , ne devons-nous
{)as nous rappeller les eflàins de Gaa-
ois , d'Helvetiens » de Germains » qui tour-
à-tour font fortis de leurs forêts poi^* aller
dépouiller d'autres Nations» & s'établir
chez elles fépée à la main ? Faire aux Hé-
breux un crime de leurs conquêtes , c^eft
ignorer totalement l'Hiftoire de l'Univers*
Ce fut des brigands » fi l'on veut, mais alors
tous les peuples fe faifoient gloire de l'être»
2^. Il eft faux que la P^eftine , où les
Hébreux s'établirent , &t un pays peu fer^^
tile : Tacite , Jufiin , Amibien Marcellin ,
rendent témoignage du contraire : Ubtrfih
lum s dit Tacite , exiécrant fruges noftrum
^d morem , prœteroue cas baJfamum &pal'
ma (c). Aujourd'hui même , maigre la
Earefle & le peu d'induftrie des Turcs qui
abitent ce pays , on y vpit encore des caa*
tmmK
(à) V. Efprît des Lo«. 1. 14, c. ih
(J)TKc-Uve, 1. 1.
(c>T«ciK»Hm. 1. f »n. ^.
DS LA KeLIGIOK/&C. IO7
tons d'une beauté & d'une fertilité Hngor
liere.
Il n'eft pas moins faux que les Hébreux
fondèrent un état détefté de [es voijim , ô*
qui fut en tout temps V objet de leur haine &
ae leur mépris {a). Les Hébreux furent
fouvent alliés des Rois d'Egypte & de
Syrie ; outre le témoignage des Livres
Saints» Jofèphe l'a prouvé par les Hiflo*
riens même Phéniciens.
Le Sacerdoce « continue le même âih
teur » fous le nom de Théocratie » gouverna
long-temps ce peuple aveugle b" farouche.
Nouvelle fauflèté. Après la mort 4e Moïfe ,
il fut gouverné pendant quatre cens ans
par des Juges , dont la plupart n'étoienc
pas Prêtres > jufqu'à ce qu'il voulût avoir
des Rois.
U efl faux que dans le choix defon Mor
naraue , ilfe crut obligé de sUn rapporter à
un Prophète i l'éleâion fut faite malgré les
repréfentations du Prophète , & c'eft le
fort qui en décida.
Il eft faux que ïhifioire des Juifs ne nom
montre dans tous fe$ périodes que des Rois
aveuglément fournis au Sacerdoce ^ ou perpé^
tuellement en guerre avec lui , &• forcés d^
(a) Cbrift. dévoilé , p. %i.
ijf) Concr. Appîon» 1. u
^ô8 Apologie
périr fousfes coups^ Souvent les Roîs , teîti
d'être fournis aux Prêtres , les maltraitèrent
& cauferent les malheurs de la Nation ,
pour n'aVoir pas voulu écouter les Prophè-
tes. Quand ces Rois auroient eu, du refped:
pour les Prêtres , ils n'auroient fait qu'imi-
ter les Egyptiens , les Grecs , les Romains
& toutes les autres Nations.
Il ett faux que la fuptrflitïon féroce ou
ridicule du peuple Juif i ait rendu V ennemi
né du genre humain j&f en ait fait ï objet de
fin indignation Ér defes mépris. Si quelques ^
Auteurs Payens , aveugles en fait de Reli-
gion , & très-peu inftruits des loix & des
mœurs des Juifs , ont témoigné du mépris
pour eux ; d'autres plus cenfés , comme
Diodore de Sicile, Strabon, Dion CaflSus ,
en ont parlé avec eftime , parce qu'ils les
avcdent examinés de plus près'.
Je demande pardon au leâeur de ces
démentis formels que je fuis forcé de don-
ner aux Auteurs quejô réfute ; leur hardieC-
£è, en fait de fuppoutibns, m'obligera fou-
vent de retomber dans la même faute.
Dans quels monumens notre Critique a-
t-il puifé ce qu'il ajoute , que le peuple
Juif, fouvent infidèle à fin DieUj dont la
cruautés ainfi que la tyrannie defes Prêtres ,
le dégoûtèrent fréquemment , ne fut jamais
fournis à fis Princes ? Tant que le peuple
DE LA Religion, &c. lop
Juif fut fijièle à fon Dieu , il jouit d'une
profpérité conftante ; fes malheurs furent
toujours la punition de Tes infidélités. Il
y a de la folie à dire que la cruauté de Dieu '
dégoûta fouvent les Juifs de fon fervice.
Le Dieu des Juifs eft - il donc autre que le
Dieu unique & fouverainement bon que
nous adorons , & que notre Auteur femble
ne pas connoître ? Peut - on Taccufer de
cruauté fans blafphême ? Il y eut des fédii
tiens , des crimes , des calamités chez le3
Juifs ; & chez quel peugle de l'univers n'y
en a-t-il pas eu ?
Nouvelle impoftijre , d'avancer que U
Juif fut toujours la viSlime & la dupe de fis
infpirés ; Içs propres Hiftoriens dépofent
qu'il n'éprouva des infortunes , que quand •
Û ne voulut pas écouter les Prophètes,
On reproche aux Juifs d'avoir fupporté
impatiemment le joug de la domination
Romaine ; ils eurent cela de commun avec
les Grecs , . avec les Efpagnols , avec nos
sincetrçs^ Ferons-nous uu crime aux Gau-
lois y d'avoir défendu pendant dix ans leur
liberté contre toutes les forces de Rome ?
7acite lui-même avoue que la hauteur &
la tyrannie des Gouverneurs envoyés en
Judée ,. fiit la caufe des féditions fî:équente$
^ de la révolte de_s Juifs (â). *
4«) Tacûc» HiA« ï$ 4» a« 9,
s
XI2 Apologie
Nation Juive l'établiflement du Chrlftîa-
nifm^ qui en eft une fuite néceflaire. U Au-
teur du Chriflianifmt déyoilé , en attri-
buant au hafard cette révolution (inguliere,
anon feulement , déguifé > altâ-é, fupprimé
les faits, mais ilarenverie toutes lesidéesdu
fens commun»
^. 10*
Celui Aq y Ex amen important a formé
contre les Juifs des accufatipns encore plui
atroces; elles avoient déjà paru dans le Dic-
tionnaire Philojopliique ^ dans les litres
Livres que nous avons cités au conimenoe^
ment de ce chapitre. On y reproche aux
Juifs l'impudicité , les meurti;es , .les facri-
fices de fang humain , lia cfuavité dçs An»
ttopophages.
Quapd ce portrait des mœurs Juives fè-
roit auflî vrai qu'il eft infidelle , on ne yoiç
pas quelle ponféquence.il ea ppurrqit réfiil-
ter contre la vérité dé leur Hiftoire, contre
la pureté de leur Religion , contre la fagefle
de leurs Loix. Cela prouvèroît , tout au
plus , qu'ils n'agiflbient pas conformé-
ment à leur croyance ; & où font les peur
pies qui aient fuiyi dans leur, conduite les
lumières de laraiibn ? Ljes mœurs des héros
Grecs dans Homère . celles des Babylo-
jûens > des JPerfes , des jEgyptiens dans
Hérodote %
DE LA Religion, &c. nj
Hérodote , celles des Chinois dans leurs
propres Hiftoriens, ne font pas plus exem-
plaires (à ). Si l'Hiftoire de toutes les Na-
tions anciennes avoit été écrite avec autant
de fincérité & d'exaditude que celle des
Juifs, nous y verrions la même groffièreté»
les mêmes crimes, & de plus grands encore.;
C'étoîent les mœurs des premiers âges di|
monde (b). Le parallèle que nous en &i-
fons aujourd'hui avec celles que l'Evangile
% introduites parmi nous , ne doit-il pas
nous pénétrer de reconnoiflance te de reC
peâ pour une Religion qui a opéré une fî
heureufe révolution dans l'univers ?
Mais admirons l'équité de nos adverfaî*
res. Quand Hérodote raconté les défordres
affreux des Babyloniens & des Perfes , ils
s'infcrivent en faux contre fon récit (c);
ils accablent d'injures ceux qui prétendent
le juftifîer (i). Il eft cependant certain que
Strabon , Lucien , Juflin & d'autres, confir-
ment ce que dit Hérodote. Lorfqu'il eft
queftion des Juifs , on fait fonner bien haut
ces mêmes dérèglemens auxquels ils éfoient
moins fujets que les autres Nations, Si Hé-
rodote rapporte un fait qui paroifle cojt-
( a ) Voyez ci après chap. î i , $. j,
( h) Origine des Loix , &c. incrod. & I, f , c. 4.
(c) Philof. de THiit. c. 11 , p. jj,
id) Péfeoie de mon OnelQt
K
1X4 Afo^ogib
traire à l'Hiftoire Sainte, on appuie (ur Tau*
torité de cet Ecrivain , & l'on vante fan
difcernement (a); quand on a intérêt de ré"
cufer fon témoignage, on le fait palier pour
un rêveur. Venons au détail*
l^'. Il y a eu du libertinage chez les
'Juifs , cela eft inconteftable ; mais c'étoit
le crime de quelques particuliers , contre
lequel les loix rédamoient , & non pas ua
dérèglement autorifé publiquement comms
chez les autres Nations.
N'y a-t-'il pas de l'indécence & de la
mauvaifé foi à citer continuellement les
expreffipns trop naïves des. Ecrivains Hé-
breux , du Cantique de Salomon , du Pro-
phète Ezéchiel , comme une preuve de la
dépravation de leurs mœurs ? « Quand un
» peuple eft fauvage , dit un fçavaQt Magif-
3> trat, il eft fimple , & fes expreffions le font
9» aufli ; comme elles ne le choquent pas ,
9» il n'a pas befoin d'en chercher de plus
» détournées , (ignés affez certains que l'i*
m magination a corrompu la langue. Le
» peuple Hébreu étoit à demi-fauvage ; le
» livre de fes Loix traite fans détour des
so chofes naturelles que nos langues ont foin
3» de voiler : c'eft une marque que ces fa*
9» çons de parler n'ont rien de licencieux :
(fi DiAîonat JPlûlor. aa^gvçonqfiaa^
BE LA RCLIGIOM» &C 117
» car on n'autoit pas écrit un Livre de
»Loix d'une manière contraire aux
» mœurs (a) ». Il eft impoflîble , dit l'Au-
teur di Emile > d'imaginer un langage plus
modefle que celui de la Bible , {H'écifèment
parce que tout y eft dit avec naïveté. Cette
fage obfervation eft confirmée par f atten^
tion qu'ont eue les Juifs dans là (une des
fiècles , de défendre la leâ:ure de certains
Livres de l'Ecriture avant l'âge de 30 ans.
C'en eft donc aflez pour juftifiçr les
Juifs ; mais c'eft ce qui fait la condamna-
tion des Cenfêurs de l'Ecriture - Saintf •
Dans un (îècle déjà trop licencieux , peur*
on leur pardonner l'affeâation de retracer
fans çeile des taUeaux capables d'alarmer
la pudeur (b)> Se £6nt-ils gloire d^être
moins fcrupuleux que les Juifs ? Us imitent
la conduite d'un homme qui, pour prou-
ver que la pefte eft à Conftaminople » en
feroit apporter des ballots infeâés.
Que penfèr encore de l'ind^ence avec
laquelle on a répété dans cinq difierens Ot^
vcages , qu'Ezechiel fut obligé , par ordre
de Dieu , de manger des excrémens hu-
(a) Traité de la Formaûon méchan. de» tao^ue^ » tpinc
z^ n. iSy. EmilCi c. 5 j p. i2.}«
( b> Examen imporcanc» c.9 6c lo.Diâioti» Pliilor. arc.
XtuM^ P|iiJo%ybic de THift. €« 43. Queftions de 7»f»Uk t
»• 4^« Dîner du Çwnt dfllottlaiftTiilieKs 9 pa^. &5.
'ïi6 . ' /'Apologie
mains (tf)i? Ceû^iine feuflete révoltante.
Dieu eoœmaada au Prophète de brûler ces
.excrémens , & de faire cuire fon pain fous
la cendre ; il révoqua enfuitç cet ordre , &
lui commande de brûler la fiente des ani-
,maux pour le même ufage ( i ). C'eft le fens
du texte original ; toutes les anciennes cver-
fions l'ont rendu de même. Perfonne n'i-
:gnore qu'encore aujourd'hui , dans la Chal-
dée & dans l'Arménie , où le bois eft fort
rare , les pauvres qui manquent.de matières
combuftibles , fe chauflènt avec du chaume
& de la boufe de vache féchce au foleil ,
.dont l'odeur infefte tout ce qu'on cuit ( c ).
Prédire aux Juifs que pendant leur capti-
vité ils feroient réduits à cette extrémité
' facheufe , & leur en mettre l'image fous
les yeux , pour les frapper davantage ,
étoic-ce une indécence , un commandement
indigne de la Majejlé Dit/ine , un fujet' de
vomir les plaifanteries dégoûtantes dont
nos Philofophes Cyniques ont fouillé leur
plume ? . * .
On reproche à J. C. de compter au
nombre de fes ancêtres , quatre femmes
criminelles (d); mais celui qui yenoit ôter
^•*
(a) Queft. de Zapara , n. 4^.
(h. Eiech 4, n^ Il 6» : f.
\e) Mém. des Miffionj dans ie Levant, tome 5 > p. £>*
(d) ^mea iui^ octane 2 (• 7. » p« 57*
DE LA'RELtGÎON.^C. . II7
les péchés du monde , ne devoit point rou-
gir d'être né du fang des pécheurs ; s'il n'a-
voit voulu que des juftes pour fes aïeux ,
en quel lieu de l'univers auroit-il pu les
choifir ?
OL^. L'on a fait une énumératîon fort
exaâe des meurtres commis fous les Roi^
des Juifs, depuis David jufqu'à Phacée,
Roi d'Ifraël , pendant un cfpace de 300
ans ; ils font au nombre de dix-fept. On en
conclut que fi le S. Efprit a écrit cette Hif"
toire , il na pas choiji un fujet fort édi^
fiant ( tf ). Le leâieur fe fouviendra , 1°. que
plufieurs de ces meurtres ont été commis
en guerre ouverte, par des -Rois ou par des
Généraux qui avôient les armes à la main ;
& nous avons déjà obfervéque , félon l'u-
lage des anciens peuples , à la guerre point
de quartier. 2**. Que d'autres ont été or-
donnés par les Rois contre des fujets dont
ils avoient lieu de fe défier, de la part def-
quels ils craignoient une fédition ou une
révolte: jamais, fur -tout dans les anciens
Gouvernemens , on n'a contefté aux Rois
le droit de vie & de mort fur leurs fujets ;
jamais le fupplice d'un fujet criminel ou fuf-
ped ne fut nommé un ajjajjînat. 5*". Qu'en
( a ) Diâion. Philof. Hî/I^ire des Rok Juifs* £xameB io»!
f ortaAç f c« 9»
'Xi8 A^OLOcsis
confîdérant \oiis ces meurtres comme m^
tant de crimes , ils n'approchent pas de
ceux qu'on peut reprocher aux Empereurs
Romains , aux Athéniens , aux Spaniates ,
aux Chinois, aux Egyptiens, & à toutes lei
Nations connues*
Nous convenons qu'en général l'Hiftoirç
des peuples anciens n'eft pas un fujtt fort
édifiant; mais il eft fort inftruâûf : celle des
Juifs , en particulier , nous fait comprendre
à quel excès de corruption la nature hu-*
maine étoit parvenue , & le befoin qu'elle
avoir d'un Réparateur : voilà pourquoi le
S. Eiprit a voulu qu'elle fût écrite. '
3^ Dans les divers Ouvrages que nous
avons cités , l'on accmfe les Jui& d'avoir
offert à Dieu des facrifices de Êmg hu^
main (a): on a prétendu le prouver par
ce qui eft commandé > Lévit. 27, ap , tour*
chant l'Anathême , par l'exemple de
Jephté , par le fupplice des trente Rois ou
chefs des Chananéens que Jofue fit mettre
en croix , par le meurtre d'Agag*
Une accufation auffi grave demandoit
des preuves plus folides. Dans le chap. 27
du Lévitique, il eft parlé d'abord de ce qui
eft voué au Seigneur pour lui être offert; &
fa) Voyez encore Jet Mllatiget dcLittéx|tciicf Ic 4'HifU
et 4e Fhilof* ^^ dup. 6i.
il eft dit expreflement que fi c'eft un homme
dix une femme , ils ftront rachetés à prix
£ argent y c'eft ainfi que l'on rachetoit cous
les premiers nés< Au 3^« 28 » il eft parlé do
Tanathime y par lequel on dévouoit les en-*
hemis à la mort , c'eft-à dire » que l'on s'o-^
bligeoit par ferment à les ext^miner. Au
9^. 2p , il efi dit que dans ce cas on ne pour*
ra pas les racheter , mais qu'ils feront
mi3 à mort comme on l'a voué. N'efl-ce
pas abufer des termes , & tromper les leç*
teurs , que d'appeller Jacrijice une expédi-
tion militaire a laquelle on s'efl engagé psx
ferment? Quand Paul Emile , dans là guerre
d'Epire > rafa & brûla foixante-dix villes ,
emmena cent cinquante mille efclaves t
lorfquç Scipion l'Africain faccagea Car-
thage & Numance , lorfque Mummius dé*
truifît G)rinthe , ils ne furent point accufés
d'avoir offert des facrifices de fang humain»
Qu'efl-ce que les Juifs ont fait de plus? Les
Romains , avant la guerre , invoquoient
Mars & Jupiter; les Juifs faifoient des
vœux au vrai Dieu , voilà toute la diffif-
rence.
Le précepte formel du Lévitique doit
nous faire juger que quand Jephté accomplit
à l'égard de fa fille , le vœu indifcret qu'il
avoit fait > il ne la mit point à mort ; c'eût
été un crime » & U loi ne l'ordonooit point»
lao Apologie
mais qu'il la confacra au fervice du Taber-
nacle & à une virginité perpétuelle : c'eft
ainfi qu'Anne , mère de Samuel , voua fon
fils au fervice du Seigneur (a). Il n'y a
rien , dans le texte original , qui nous obli-
ge à croire que Jephté ait immolé fa fille ;
il n'étoit pai Prêtre , & les Prêtres feuls
pouvoient immoler des vidimes. Si plii-
fieurs Commentateurs ont penfé autre-
ment, leur opinion particulière ne fait pas
règle.
Le fupplice des chefs des Chananéens
ordonné par Jofué , eft une févérité mili-
taire, & non un facrifice. '
Il en eft de même de la mort d'Agag,
Samuel le tua, non pas' fur l'autel, mais
devant le tabernacle où il fe trouva pour
lors ; non pas comme une victime , mais
comme un ennemi qui avoit mérité ce trai-
tement par fa cruauté. De même , lui dit
Samuel , que ton épée a privé les mères de
leurs enfans , ainjî ta mère fer a plongée dans
le deuil par ta mort (b).
^^. C'eft une impofture encore plus
odijBufe,.de reprocher aux Juifs d'avoir
mangé de la chair humaine (c). L'on a cité
• (d) I. Reg. I.
(c ) DiGt» Philuf. arc. Antropophages» Traité fur la To-
(kaBOCj^c, Il 9 P* X i8 ac 2.x X, LcKXK X s fur les Miracles»
ea
x>B LA Religion, &C. ïzx
en preuve ces paroles d'Ezechiel , chapitre
39 3 J^^ 17 - Dites au» oifeaux, du cUl &•
aux bêtes de la camfogne c Vene\ # accourt^
à la viBime que j^ vais vous immoler fur les
montagnes d'Ifraël , pour vous en faire man»
ger la chair & boire lefang. j^. 1 8 : Fous
mangerej la chair des guerriers , vous boire^
lefàng des grands d£ la terre ^ des béliers 6*
des taureaux fir^i^i Vousferei raffafiés de
la graiffe €r enivrés dufang de la viâimt
que je vous prépare , >^» 20 : Vous aure^pour
nourriture fur ma table ^ le cheval , le cava^
lier Gr tous les guerriers , dit le Seigneur.
Pour impofer au leâeur , on a feint que ces
paroles que Dieu dit aux oifeaux & aujc
animaux carnafCers » étoient adreflees aux
JuîÊ« Enfuite » dans une note où l'on a
fait fètnblant de corriger la méprife ; on
foutient que les verfets ip & 20 peuvent
s'adrefier aux Juifs auili-bien qu'aux vau-
tours & aux loups (a), c'eft-à-dire , qu'au
lieu de rétraâer le menfonge , on l'a con-
firmé, lia leâure feule du pailàge fufEe
pour confondre la calomnie. C'eft ainfi
que nos Philoibphes intègres citent les
Livres faints » attaquent la fuperftition , font
triompher la vérité.
(4) Traité fur la TolérincÇ) p. ixS^ 211.
Tome L h
1^1 Apologie
En exhalant les vapeurs de leur bile con-
tre les Juife , en les peignant comme des
fanatiques , des barbares , des furieux , ils
nous rendent plus de fervice qu*ils ne pen-
fent. Que l'on mette ce tableau à côté de
rEvaftgile j tout homme fenfé conclura
qu'un Livre fi fage & fi fublîme , qui nous
cnfeigne un culte fi pur & fi digne de Dieu ,
une morale fi douce & fi parfaite , formé
chez une Nation fi peu fociabk , ne fçauroit
être l'ouvrage des hommes.
CHAPITRE III.
Hijlo'in ahrég^e du ChriJliaTÙfme^
^ I l'établiflcment de notre Religion étoît
un événement imptévu , dont l'Univers
n'eût été averti qu'au moment où -il eft ar-
rivé ; fi c'étoit un fait ifolé, fans aucune
liaifon avec les circonftanccs qui l'ont.pré-
paré , Se les effets quLf ont fuivi ; fi pour
•l'opérer on ayoit mis en ufage les moy eris
que la prudence humaine pouvoit 'fuggéî-
reç » nos Critiques, fement excufebles xie
l'attribuer à des caufes purement naturelles,
à la fuperftitio^ > à l'amour de la nouveauté »
DE LARkLIGION,&C. I^J
a la (eduiftion, à faveuglement des peuples.
Mais une révolution annpncée pluiïeurs fîè-
cles auparavant ^.dôht toutes le^ cîrcbnftan-
ces ont été fucceflîvement prédites , à la-
quelle une Nation entière s'attehdoit , dont j
les préparatife ont excité l'attention dé
tout l'Ûniyers > qui s'eft accomplie exac-
tement au terttps marqué >& par des moyens
contraires à toutes les vuesde la fagefle hu-
maine : une itellè révolution peut-elle être
naturelle ou feffet du hafard i Nos adver-
faires , fî prévenus en général contre lespro-
diges , devroient y penfer plus d'une fois ,
avant que à^en admettre un plus incroyable
que tous ceux qu'il$ ofênt rejetter.
i^i Comment l'opinion d'uae nouvelle
Monarchie i d'un ' nouveau règne fondé
dans la Judée > a-t-elle pu fe répandre dans
tout l'Orient (a), comme Tacite & Sué-
tone l'ont remarqué ? S'il n'y a point eu
de prophéties qui y aient donné lieu, ce
pFéjugé ancien , confiant , univerfel , s'eft-
il introduit fans aucune raifon ?
2!^. Eft-cc par dne fatalité ^veugle que
J.'G^apàniprécifémeritdans le temps où
l'on s'attendoit à voir un Envoyé de Dieu
dans.la Judée , lorfque l^autorité fôuveraine
ne fubfiftoit^ plip dan^ Ik tribu de Juda >
(d) Véx'ez chapi prétcdeftt, $»V
\
/
1:24 Apologik
félon la prédiâion de Jacob; 4^0 ans âpi^^
la reconâruâion de Jerufalem Se du Tem-
ple , félon la prophétie de Daniel ; avant la
deftrudion de ce nouveau Temple, comme
Aggée & Malachie l'avoient annonce ? £ft-
çe par un concours fortuit des événemens
que J. C. a réuni dans fa perfonne tous les
caraderes fous lefc^els les Prophètes IV
voient défîgné , çaraâeres qui fembloienc
fe contredire , mais qui fe font p^Eaitement
conciliés dans les différentes circonftances
de fà naijûfànce , de fa vie ècdetà mort ?
3^.Eft-ce par un coup de la fortune qu'il
eft né dans la Judée un homme tel que TU-
nivers n'en a jamais vu , auquel aucun autre
homme n'a jamab re0emblé i Au milieu
d'une. Nation que l'on vient de nous pein-
dre comme la plus féroce , la plus infenfée;
la plus odieufe de toutes les Nations , pa-
roît un Sage qui fixe bientôt fur lui tous les
regards* On admire la douceur & la pureté
de fes mœurs , la fîmplicité & la gravité de
fes inffaruâions « l'élévation de fes maximes ,
la fàge(fe de fès difcours , la juflefle de fes
réponfes , les* merveilles qu'il opere« Sans
ambition & fans intérêt > fans oftentation &
fans foibleilè , fans fiel & fans mépris pour
perfonne , il efl inacceflible aux pâmons hu»
maines. U déclare que fa doârine ne vient
point de lui-même , mais qu'il Ta reçue de
DE LA Religion, &c. I2j
Dieu fbn père : Il parle fans émotion & fans
vaine complaifance des myfteres qu'il doit
révéler, des contradiftions quHl doit et
fuyer, de la mort qui lui eft réfervée , de
la gloire qui lui eft promife. Il fait des
miracles 4 mais fans en chercHer l'occafîon ;
il attend qu'on les lui demande; il les opère
Eour foolagér les mtiférabress jamais pour
umilier ou pour punir fes ennemis.
. J. C, veut fe faire connoîu^ pour le
Meijie , & il commence par choquer de
front toutes les idées & tous les préjugés de
fa Nation. Elle attendoit un Rédempteur
puiilant & glorieux , & il prédit qu'il fera
mis à n)brt lui-même i elle efpéroic que fa
loi , fpn temple > fes cérémonies ieroient
éternels , & il annonce que .tout cela fera
détruit. Elle fe glbrifioit d'être le peuple
de Dieu » àl'exclufion de tous les autres;
& il lui déclare que les éurahgers feront pré*
férés dans le Royaume de Dieu. Jllle don*
noit fa confiance ailx: Pharifiens. , aux Pré \
très 4 aux Doâeiirs de la Loi ; *J. C. s'atta-
che à les^ déiriaf({U6jr &.à les confondre. Un
fe(5laire , un enthoufiafte , utl féduâeur s'y
prendroit-il de cette manière ?
Malgré l'oppofition des chefs de la Na-*
tion au fuccès de fon miniftere , il a l'affu^
tance de prédire à fes Apôtres qu'ils vien-
dront à bout d'étabiù: fon Evangile \ mai^
Liij
126 Apologie
il leur déclare qu'il ne fera connu luî^niême
pour ce qu'il eft , que quand il aura été cru^
clfié (a). 11 leur promet de leur envoyer
fôn Efprit , & c'eft la force de cet Efprit
divin qui doit tout opérer.
Ecouté & fuivi par quelques Doâeurs
plus dociles, que les autres > par quelques
hommes riches & accrédités , il ne les choifit
point pour.fes Apôtres ; il leur préfère des
pauvres , des ignorans , des pécheurs : c'eft
à ceux-ci qu'il fait efpércr la converfion de
l'Univers, & il ne leur promet d'autre ré-
compenfe en ce monde qu'une mort ktù-
blable à la iîenne.
Au moment qu'il a fixé pour fa mort »
dont il a prédit toutes, les circonftances , il
fe livre lui-même entre les mains de fes en-
nemie Il paroît devant fes Juges fans crain-
te & fans affeâation de les braver. Interro-
gé fur fa Divinit4, il la confeflè fans of-
tentation &. fans détour: il fubit.fâ condam-
nation fans murmure & (ans reproche; il
va au fuppKce avec tout le fang froid de
rinnocencè; il meurt en priant pour fes
bourreaux (i). -
(a) Joan.c, i y i^i ic c. Il , il»
•■ ( & >. Ott a écrit^âns 1« Dîner du Comte de Boulaînyîl-
lîcrs , p j I & î î , que Jeftts a fué fang & eau , àèt qu'il a
été colidamné par fes Juges. Ce n'ed pas la peine de rele-
ver le Ùdicule de ceue bévue. ^
DE LÀ Religion, &c. tzj
Il avoît promis à fes Apôtres de ref-
fufciter trois jours après; & fes Apôtres
témoignent publiquement qull a tenu pa-
role : ils le publient au milieu de Jerufa^
lem , daQs toute la Judée , dans tout le mon-
de conny ; ils foutiennent qu'il eft le ffli
de Dieu & le Sauveur des hommes ; ils peis
fuadent, & bientôt fur le témoignage conf-^
tant , uniforme , invincible de ces tânoins
oculaires , le monde fe convertit & adore
Jefus crucifié. Telle eft en abrégé l'Hiftoirc
du Chriftianifme confignée dans le Nou-
veau Teftament,
Dirart-on que cette Hiftbire eft inventée
à plaifîr ? « Ce n'cft pas ainfî que l'on înven?
» te , répondrons-nous avec PAuteur d'£-
» mile : il ferait plus inconcevable que plu-
» fleurs hommes d'accord eufièot fabriqué
30 ce Livre , qu'il ne l'eft qu'un fcul en ait
an fourni le fujet. Jamais des Auteurs Juife
» n'eulïent trouvé ce ton ni cette morale ^
j> & l'Evangile a des caractères de vérité fi
» grands, fi frappans, fi parfaitement inimi^
» tables , que l'inventeur en feroit plus
» étonnant que le héros ( a ) «• Nous ver-
rons fi nos Critiques font parvenus à' les
obfcurcir.
is) Emile» tovott | » p« i^S»
L iv
(I2i Apologie
Ce fut 9 dît TAuteur du Chriftianîfmc
dévoilé «^ au milieu de la Nation Juive ^ àifpo"
fée àfe repaître (Tefpérances &• de chimères,
^ue Je montra un nouvel infpiré , dont les
SeSateurs font parvenus à changer la face
de la terre (a). Ces paroles feules, méditées
atteatlvement, fufiifent pour confondre un
Auteur qui ne reconnoît rien de furnatu-
Tel dans TétablilTement du Chriffianifîne.
Qu'une. Nation auffi peu inftruite que la
Nation Juive , ait donné naiifance au plus
iage & au plus éclairé de tous le$L^gif-
lateurs ; que feul , fans étude , fans aucune
reffource humaine, iLait formé le projet de
changer la face de la terre ; que pour y
réuffir il ait commencé , non pas par flatter
les efpérances chimériques de fon peuple ,
mais par choquer de front toutes fes idées :
qu'il en foit venu à bout par le miniftere de
douze pauvres pêcheurs » ne font-ce pas-là
autant de circonflances abfolumpnt con-
traires au cours ordinaire de la nature , au-
tant de prodiges ?
Avant & après J. C. quelques împofteurs
ont voulu fe donner pour le Meffie , ils ont
été promptement abandonnés & méprifés;
fft) Page 14.
DE LA Religion, &c. î2^
le mauvais fuccès de leur projet n'a fervi
qu'à faire éclater davantage le furnaturel de
la miifîon de J. C«
l'Auteur de YExanlen important a fentî
tout le poids de ces obfervations ; pour en
éluder les conféquences , il a eu recours à un
expédient fîngulief ; il a donné un démenti
formel à Tacite & à Suétone. Perfonne
alors y dit-il , neparloit de l' attente du Mef--.
fie.* ..Il ejl certain que nul Juifn^efpéroit,
ne défiroity n annonçait un Mejfie du temps
d^Hérode le Grand (a). Mais toujours fidèle
à fe contredire , il avoue au même endroit
qyj^ily eut un parti , unefeSe, qui reconnut
Hérodepouf l'Envoyé de Dieu. Il fuffit d'ob-
ferver qu^L cette attente chez les Juifs &
chez les Samaritains , dans le temps donc
nous parlons , eft clairement marquée dans
plufieurs paflages de l'Evangile ; dans les
objeâions du Juif que Celfe fait difpu-
ter contre les Chrétiens ; dans celles du
Juif Tryphon , rapportées dans S, Juf-
tin ; dans ce que Jofeph raconte des faux
MeJJies qui parurent pour lors, & que l'Au-
teur du DiBionnaire Philofophique a. com-
pilé , art» Meffîe. Il eft donc bien certain
que l'on attendoit alors un Envoyé de
Dieu ; que Tacite & Suétone ne l'ont pas
m
( a ) Examen tnipoicanc > c^ u > p* f ^ de $7»
î^Ô Apologie
rêvé. Si Hérode lui-même n'avoit pas été
perfuadé de cette opinion , pourquoi au-
roit-îl fait maflacrer les innocens ? Trait de
cruauté horrible , dont un Ecrivain Ro-
main a confervé la mémoire auflî-bien que
TEvangile (a).
Il étoît fort inutile d^ nous parler des
différentes feâes obfcures & peu nombreu-
ses quife formèrent alors (b); toutes , fans
exception, furent promptement anéanties ;
le Chriftianifme feul eft parvenu à fubjuguer
le monde entier»
5. 3.
Nous ne rougîffions point de rapporter
après nos Critiques les calomnies par lef-
quelles les Juifs fe font efforcés de noircir
la naiffance & la vie du Sauveur. Ils ont
dit que Jefus étoit né de Marie féduite par
un foldat ; qu'il avoit appris la magie en
Egypte , qu'il fut un brigand & un chef de
voleun. Mais ils n'ont ofé écrire ces impof-
tures que plufîeurs (îècles après la naiffance
du Chriflianifme; ils les ont tenues fecrettes
pendant long -temps : les Livres qui les
renferment font fî remplis d'erreurs, d'ana-
chronifmes , de puérilités , que jufqu'à pré-
(a) ^acrobe» Saturnal , I. 1 , C4.
ib) Ëxamca imp ocunc » c« 1 1 » p. ^ £c ^7*
DE LA Religion, &c. 151
iênt les plus audacieux des ennemis de notre
Keligion n'avoient pas ofé en faire ufage.
On en avoit même parlé dans le DiSiow-
maire Philofophique avec le dernier mé-
pris (j).
Il étoit réfervé au faux Bolîngbroke de
nous apprendre que la vie de Jefus publiée
par les Juifs , Livre extravagant \ de fon
propre aveu , rapporte des chofes beaucoup
plus vraifemblables que nos Evangiles (b).
Nous invitons le Ledeur à voir l'extrait de
ces vies de Jefus dans l'Hiftoire de l'établiC-
fement du Chriftianifme par M. Bullet (c) ,
il jugera de leur mérite & de la fagacité du
Critique qui nous les oppofe.
En vain , pour leur donner quelqu'auto-
rité , il prétend que cette Hiftoire eft auflî
ancienne que nos Evangiles; que Celfel'a
citée au fécond fiècle. Fauflè allégation,
Celfe , à la vérité , introduit un Juif qui re-
proche à Jefus d^être né d'un adultère (d);
mais il n'y a aucune preuve qu'il ait tiré ce
reproche d'une vie de Jefus déjà écrite pat
les Juifs. Quand cela feroit vrai , nous en
tirerions le plus grand avantage , puilque les
Juifs ont reconnu formellement dans cet
(a) Dia. Philof. art. MeJjU.
(h ) Exame^mportant , c. 1 1 » p. ^o.
Ca) Page7f.
ii; Orig. concr* Celfe > !• i , édi(. Canubr. p. 14» 2 < ^ {ifi
'23^ Apoloôie
écrit la réalité des miracles de J. C.(a). Olr
la miffîon de J. C, eft prouvée par fes mira-
cles , indépendamment de Ùl naiflànce.
2,^4 II CM faux que la vie de Jefus , corn-
pofée par les Juifs , ait été corrompue dans
la fuite , que Ton y ait ajouté dts fables in/î^
pides , des miracles impertinens , & que ce
Lu/rt nous fait parvenu fort défiguré (b)*
Il nous eft parvenu tel que les Juife Tont
compôfé ; ik Pont tenu fecret tant qu'ils
ont pu , & lès Chrétiens n'en ont eu coa-
noiil^ce que dans les derniers fiècles.
Les ennemis du Chriftianifmc, non con-
tens de jetter du doute fur la conception
miraculeufe de Jefus dans le fein de Marie »
fe font encore appliqués à y répandre un ri-
dicule injurieux ; ils ont eu recours à leurs
armes ordinaires , à l'obfcénité & à la ca-
lomnie. Ils ont avancé que S. Auguftin ,
dans fon Sermon 22 , a dit , parlant de l'An-
ge: imprctgnavit Mariam per aurem (c).
C'eft une impofture; ces paroles ne fe trou-
vent point dans S. Auguftin. Ils ont accufé
Sanchez d'avoir parlé du même myftere
dans des termes qui font frémir la pu*
deur < d ). Nouvelle infidélité : Sanchez no
(a)Hm.aexM.Bullet,p.5i.
( b) Examen important, p. 6t,
ic) Dîner du Comte de Boulainvillicrs , p» |j.
( d ) Examea importaac }^ i ; p. ^j* L'Homme aux 44
#cus , p. j^.
t>K LA ReLIGION?&C. t^f
s'eft point exprimé comme ils le préten-
dent (a). Quoique fes expreflîons ne foienc
point dangereufes pour les Théologiens qui
le lifent avec un cœur chafle & dans des
vues légitimes , nous nous abfliendrons de
les rapporter : elles feroient encore un
poifon pour l'efprit pervers d^ nos Philo-
ibphes.
Nous convenons avec PAuteur du ChriJ^
ticmifint dévoilé ^ que Jéfus fut un Juifpau»
tnre qui Je prétendit ijfu du fang Royal de
David (i). La vérité de cette prétention
eft prouvée par fa généalogie authentique,
tirée des arcnives mêmes d'une Nation qui
eut toujours un foin particulier de confer-
ver les généalogies , pour pouvoir juftifier
la naiflance du Meffie , quand il paroîtroit
fur la terre. La pauvreté de Jefus , loin de
nous rendre fufpeâe fa miflion-jiêrt au con»i
traire à relever l'éclat de iès vertus : un
Sauveur qui venoit enfeigner aux hommes
le détachement des richeiles ,.devoit com-
mencer par en donner l'exemple. Un Dieu,
ami des pauvres , peut fcandalifer des Phi-
lofophes fuperbes & voluptueux ; mais €e
n'efi pas d'eux que nous di^vons apprendre
ce qui convient le mieux à la Sageifè divine.
mm
(4) Sanchec» U i , Difp. zi > n* ii«
iP) Chriit. dévoilé i p. 14.
ÂPOLOGIB
ç. 4.
Oefi une calomnie d'avancer que J. C«
ne trouva des profélytes que dam la plus igncH
rante populace; de répeter (ans ceflè que le
Chriftianifine dam fa naijfimce fat forcé
defe borner aux gem du peuple; qu Une fat
embrajfé que par les hommes les plus abjeSs
d'entre Us Juifs & les Payem (a). Nous
avons montré dans un autreOuvrage » que
J. C. eut pendant fa vie des Seâateurs dif^
tingués parmi les Juifs , des Doâeurs de la
Loi; que fesDifciples ont converti des Sça-
vans & des Philoiophes en très-grand nom-
bre (t)« Il n'eft pas néceflaire de répéter
les preuves que nous en avons données »
& que nos adverfaires n'afibibliront jamais»
Il y a encore plus de mauvaife foi dans
la manière dont l'Auteur de V Examen im^
portam a traité les mirades , la conduite
& les inftruâions de J. C ; il a fuppofé que
(es leâeurs ne connoiflbienc pas l'Evan-
gile (c).
x^. Selon lui , le premier miracle que
(a) Chridb. dévoilé, p. tf $c 19. E^niea importance
c*. J4» P* ^7- 3^ Lettre i Eugénie , p. 79* Conugion facrée»
€. i«p.5.
,il) Certitude des preuves du CbrifL a.6 ^^.u . ,
( c ) Examen important , c. 1 1 , p. 6?. Première & qaa»
sorûème Lettre fur les Misacles. Queftions de Zaptta, nxu
44> n » )^* Oîner du ConKe4« BôuliinYiUicri » pr^S»'
DE LA Religion, &c. i^y
Jefus opère , eft de fe {aire tranfporter par le
Démon fur le haut d'une montagne de Ju-
dée, d'où l'on découvre tous les Royaumes
de la terre , & où fes vétemens paroifTent
tout blancs. Il change l'eau en vin dans un
repas où tous les convives étoient déjà ivres.
Il fait fécher un figuier qui ne lui a pas don^
né* des figues dans un temps où il n'y avoit
plus de figues.
L'Auteur prétend - il nous faire entendre
que l'Evangile n'attribue point d'autres mi-
racles à J. C ? Sans doute , les boiteux , les
paralytiques > les lépreux , les aveugles -nés
guéris par une feule parole , la multiplica-
tion réitérée des pains , la tempête appaifée »
les morts refTufcites , ne font pas des mira-
cles , ou ils ne valoient pas la peine d'être
cités. -
Dans la première Lettre fur les Mira--
des , on a infinué que la plupart des préten-
dus prodiges du Sauveur étoient de fimples
paraboles ; que foa tranfport fur une mon-^.
tagne tious peint les illuuons de l'ambition ,
que le deffédiement du figuier eft une leçon
pour nous apprendre que nous devons por-
ter dans tous les temps des fruits de charité
& de juftiçe , &c. (^) '
Cette explication eft admirable fans
(«} Prciûiere Lettre fur les Miracles, p« i^.
t^6 Apolocîik
doute ; mais elle nous jette dans d'étrangeS
embarras. Il faudrohfçavoir^ i®, comment
les Evangéliftes qu'on nous a dépeints com-
me des fanatiques , comme des infenfés di-
gnes d'être mis aux Petites-Maifons (a^,
x)nt pu imaginer des leçons de morale auifi
îngénieufes ; 2^. fi la guérifon des malades ,
la réfurreâion des morts font aufli des pa«
raboles , & c^ qu'elles fignifient ; 3°. com-
ment l'Auteur de VExamen important a
pu confondre le tranfport de Je&s fur la
montagne , Matt. 4. , avec le miracle de la
Transfiguration où fes vêtemens devinrent
tout blancs » Matt* 17 ; 4^ en quel lieu il a
lu que les convives des noces de Cana
étoient déjà ivres ; J**. pourquoi il n'a pas
fait attention au motif que Jefusf fè propo-
fbit en faifant fécher le figuier , & à rinftruc-
tîon qu'il en prit occafion de faire à fes Dis-
ciples (b)} Quand on veut tourner en ridi-
cule les Évangiles , ou les entendre autre-
ment que les' Chrétiens > il faudroit dire des
chofes claires , fenfées , raifonnables , dont
tout le monde pût être fatisfait^
2^ La conduite de J, C. à laquelle (ês^
plus grands ennemis n'eurent jamais rien à
retendre « n'a pas trouvé grâce devant nos
( a) Examen împorcanri c* f f j p« ^1«
^Critiques
DE LA Ri;LIGI0k, &C. 137
Critiques modernes* Ils lui reprochent d'ê^
tre allé fouper chei des filles , d'avoir mangé
chez les Publicains , qu'il regardoit cepenr
dant comme des gens abominables» d'avoic
chafle du Temple desMarchands qui étoient;
autorifés par la Loi à y vendre des viâimes
pour les facrifices (â). v
Il eft âcheux que nos Philofophes » par
leurs foupçons ihpiftes , & par la licence de
leurs expreilîons , affeâent de nous faire
comprendre jufqu'où va le dérèglement de
leur conduite. J. C* n'a fréquenté que des
perlbanes: vertueufes« Marthe & Marie ,
fœurs de Lazare , étoient à couvert de foup-^
çon : les Juifs acharnés à calomnier J, C*
n'ont jamais attaqué la pureté de fes mœurs ;
leur haine étoit moins furieufe que celle de
nos Doâeurs anti - Chrétiens. L'Auteur
d'Hmiie , un peu plus raifonn^ble que les
autres , loin de &tre à J. C. un crime de fon
caraâere doux & fociable » l'en a loué avec
raifan(&).
Il n'eft pas vnd que le Sauveur ait regar-
dé les Publicains comme des gens abamina'^
blés ^.c'étoit un eâet de la prévention & de
l'orgueil des Pharifîens que J. C7 a toujours
condamnéSr Quand ces derniers le blâme»
(m) Examen important, c. ri , p. tfj*
((| Letcre écrite de UMOAUsne, p, 117.
Ï3^ Ap Q L O G I B
rent de manger chez les Publicaîns , il leur
répgndit avec fageflè : ie Médecin.eji nécef^
faire aux malades y & non pas à ceux qui Je
portent bien : je ne fuis pas venu appeller les
jujies à la pénitence , mais les pécheurs ( a ).
, Il eft, encore ;fau2f que les; Marchands fuf-
fent autoriféspar la Loi à commercer à l'en-
trée du Temple ; c'étoit un ufàge abufif que
J. C, étoit en droit de réformer. Lorfque
les Juifs lui demandent un miracle pour
preuve de fon autorité , il les^renyoye à £a
- réfurredion : détruifc{ ce Temple , leur dit-
il , je le rebâtirai dans trais jaurs : l'Evahgé-
lifte remarque qu'il parloit de fon: propre
corps. Mais la réponie que, ce même Evan-
géhfte attribue aux Jui&, prêté unp nou-
velle matierçà la critique. On a mis 46 ans
à bâtir ce Temple ^^ comment dans twis jours
le rebâtire^^ous (b)( Il eft bimfçLux , dit
notre Cemfeur., qu Hérodeeikmis ^6, ans â
rebâtir le Temple ;.'çela fed fait bien t^oir
que les Evangiles ont été écrits par ies gens
qui n'étoient au fait de rien*
A la vérité , Joféphe rapporte que le
Temple fut rçbâti par Hérode en huit ans;
mais depifts ce temps-là on y avbit encore
travaillé à diiFére.ntes.reprifes , fc^t poiar ter
{a) Luc. 5> M*
DE LÀ R E,L I G I O tr, &C. i 39
parer l'efFet' de quelqites incendies , foit
pour cmbelKr les difFérentes parties de cet
édifice (a). Or y depuis les travaux com-
mencés par Hérode jufqu'à la première an-
née de la prédication du Sauveur, il y a en
efiet 45 ans. L'Auteur qui a copié Tobjec-
tioîv dans Dom Calmet , auroit pu y pren-
dre la réponfe.
5**. L'Auteur des Lettres fur les mira-
cles (B) avoît paru approuver les inftruc-
tions du Sauveur & les Paraboles dont il fe
fervait pour fe faire entendre du peuple 2
ici on les tourne en ridicule , & l'on ajoute
que les Prédicateurs d'aujourd'^huî parlent
dans un autre goût. Ils n'ont peut-être pas
tort ; mais J. C avoit encore plus de fa-
gefle : un Prédicateur doit proportionner
fes inftruftions à la capacité & au génie dç
fes Auditeurs ; c'eft ce qu'a fait le fils de
Dieu , & ce qu'il a commandé de faire à (es
Difciples. Par des leçons fimples & populai-
res , ils ont converti le monde ; nos Philo-
fophes avec tous leurs raifonnemens & leur
vain étalage de (cîence , pervertiflent quel-
ques leâeurs iniprudens i jamais ils né ren-
dront les hommes meilleurs.
Par où finit l'HiJloire de Jefus? dit ûotra
la ) Joféphe Anti^. .L r> ,c. 14 ; & I lo , c. jj»
ifJb ) Fcexuiece Laçcc ûir les jMuack* , t> 1 7- ' ' *
M i j
{140 " Afologie
Critique , par taventurt qui arrive à cvix
qui veulent amufer la populace » ils finiûent
par être mis à mort. Il fe trompe ; l'Hiftoi-
re de Jefus ne finit point à fa mort , c'eft
plutôt là qu'elle commence ^ & c'eft par-là
que Jefus eft éminemment diftingué de
tous les impofteurs. Le fupplice de ceux-ci
termine ordinairement les mouvemens
qu'ils ont excités , difllpe leurs Seâateurs ,
fait évanouir leurs projets : la mort de J. C«
fiiivie de fa réfurreâion > a feryi à vérifier
fes promeflès > à confirmer fa doârine , à
lui attacher plus étroitement ies Difciples ,
à fonder fon £glife. U l'avoit prédit » &
l'événement l'a montré. Quel a pu être le
principe de cette fidélité inviolaole & in-
vincible des Seâateurs de Jefus f C'eft à
nos adverfaires de nous l'apprendre»
S. y-
Ses Difciples , dit-on » ou impofieurs au
féduits , rendirent un témoignage éclatant
de fa puiffance ; ils prétendirent que fa mif-^
Jîon avoit été prouvée par des mirades Jans.
nombre (a). Voici deux nouvelles quef^
tions à examiner. Les Difciples de J. C.
ônt-ils pu être impofieurs ou féduits ? Sont-
ils les feuls qui ayent rendu témoignage aux
ih) Cliriftt dévoilé; p. 25« |eLctCCC i Su^éiùe^f. 9i^
DE LA RbLIGIOU, &C. l^t
miracles de leur Maître ? La légèreté avec
laquelle PAuteur du Chrijiianifmç dévoilé
paflè fur ces deux articles > montre qu'il a
bien peu étudié la matière.
Si les Difciples de J. C. ont été féduits ,
c'eft fans doute par les efpérauce de leur
Nation , que l'Auteur a traitées de chimè-
res ; par l'attente où étoit le peuple Juif de
voir paroître le Meffie danà le temps que
Jefus a commencé à fe donner pour tel :
Nous efpérions , difoient41s après ià mort,
nous efpérions qu il f croit le Libérateur dUp-
raël (a). Ils fe font attacl^ à lui par les
I»-omeflès qu'il leur avoit faites de leur don^
ner les premières places dans fon Royau*
me. Mais enfin (a mort ignominieufe a dû
les détromper. Demeurer attachés à un
Maître qui les avoit abufés > qiu les avoir
expofés au mépris & à la haine de leur
Nation ; s'obftiner à prêcher faufleme^t (a
réfurreôion & ta, Divinité > malgré le ref-
fentiment qu'ils dévoient conferver contre
lui ; affronter les tourmens & la mort pour
un impofteur qui s'étoit pué de leur cré-
dulité ; ce procédé eft-il dans, la nature ?
Le cœur humain peut-il s'y prêter ? Qu'ils
ayent été féduits jufqu'à la mort de Jefus ,
on peut haiarder cette fuppofition ; mais
m wmmÊmmmmmmmmmmmmmmÊm^mmmÊÊmmimmimmmmitm^
*4^ Apologie
qu'ils ayent perfévéré dans la féduélion mal-
gré fa mort , malgré la fauflèté de fes {m*o-
meilès , malgré le danger ^quel leur pré-
dication ift expofoit 2 voilà certainement
ce qu'on ne comprendra jamais* Il faut
donc néceilairement conclure que Jefus a
effedué ce qu'il avoit promis, en fe mon-
trant reffiifcité à leurs yeux , que fes Dit-
ciples ne font ni des fourbes ni des impof-
teurs*
Ont-Hs pu l'être ? Us ne nous impofent
point d'abord fur les faits dont nos enne-
mis convienne , &c dont ils veulent tirer
avantage , fur la pauvreté de Jefus , fur l'obt
curité où il a vécu jufqu'à l'âge de trente
ans, fur fa prédication , fur là mort , fur l'i-
gnorance de la plupart de fes Sedateurs.
Des impofteurs qui n'auroient cherché qu'à
éblouir & à tromper le monde., n'auroient
pas tommencé par faire tous ces aveux^
N'importe ; ils nous impofent fur les mira-
cles prétendus de leur Maître , fer fa réfur-
reâiùn , fur fon afeeniîon dans le Ciel :
voilà ce qu'on prétend ; il faut démontrer
le contraire*
§. 6.
!*• Quel fruit peuvent-ils efpérer de la.
fable qu'ils ontîforgée? Ils l'annoncent eux-
mêmes : Jefus leiu: a prédit qu'ils feroient
DE LA Religion, &c. 14}
haïs 5 mépriféi ^ perfécutés, mis à mort pour
fan nom ( û). Un impofteur peut s'applau-
dir de (es fuccès , triompher d'avance , fe
promettre des viâoires & un fort brillant
s'il réuffit :.^ n'en a point encore vu qui
aie formé un projet périlleux pour le feul
plaifîr d'y fuccomber ôrd'en être la vie*
tiroe*
2°* Recherchent-ils quelque chofe pour
eux-mêmes ? Ils ne travaillent que pour la
gloire de leur Maître , ils ne font rien qu'en
fon nom ; ils ne s'attribuent ni les prodiges
qu'ils opèrent » ni la .do&ine qu'ils enfeir
gnent(/?). L'Âutéur d\x jChriJiianiJme dé^
voilé convient que leur ambition fe hor^
noit à ^ouvzrmr les . âmes ( c ) : c'eft-à-dirc
qu'ils confentent à demeurer pauvres > à fe
confumer de travaux , à facrifier leur. vie ,
à répandre leur iàng , ^pourvu que l'Evan-
gile âruâifie; ils le déclarent & agiflènt fur
ce plan (^J. Voilà des impofleurs bien dé*
fintéreÛes.
3^ L'impofture eft-elle compatible avec
leur caraâere, avec leur dodrine, avec
leur conduite? On leur reproche d'être
fimples,groiûSers >ignorans dans les fciences
*^v— «— — — •••^^i
'fr^ Page 30.
Ï44 Afologie
humaines » ils ne s'en défendent point. Le
projet de convertir l'Univers entre-t-il na-
turellement dans refprit des hommes de
cette efpèce f Us nç prêchent que la fîncé-
rite , la droiture , la charité >|ja douceur »
la patience ; ils font mieux , ils les prati-
quent : notre Auteur leur rendra bientôt
cette juftice (a). Des hommes fimples &
fans artifice peuvent-ils être martyrs dumen-
fonge ? Des fcélerats deviennent -ils les.
Apôtres de la vertu > Conftans & intrépi*
des , ils parlent de même parmi leurs Difcî-
pies fi^-en préfence de leurs ennemis ; 'ûs
n'évitent ni les perquifitions ni les interro-
gatoires : ils ne tremblent , ils ne fe rétrac*
tent , ils ne fe contredifent ni daps le parti»
culier , ni quand ils ibnt railèmblés ; ils prê>
chent la même chofe dans les trois parties
du monde connu ; ils font les mêmes dans
leurs courfes , dans leur patrie & chez les
étrangers , dans les prifons & (ur l'échafaut»
Quel pouvoir inconnu a pu maintenir en-
tr'eux ce concert , malgré le cho<^ de tour
tes les pafliions humaines i Le fyftème de
l'Irréligion ne peut accorder aupurd'hui
deux Philofophes : la prétendue fable du
Chriftianifme a réuni d'abord une centaine
de Prédicateurs.
" ' ■' '"^mmmmmmmmmmmmÊmmmÊmmmmmmm
à'
DE laReligioii/, &c. 14 jT
4^ L^on ne peut pas s'y prendre plus
mal-adroitement pour accréditer des fables.
Ce n'eft pas d'abord dans les pays éloignés
que les Apôtres vont publier les miracles &
la réfurreâion de leur maître. Ceft à Jeru-
falem , fous les yeux même de ceux qui
l'ont crucifié; ils les prennent à témoin des
faits, ils ofent c?n attefter la publicité; ils
n'attendent point dix ou vingt ans après
l'événement; ils prêchent cinquante jours
après la mort de J. C, au moment même ou
le concours du peuple à Jerufalem eft plus
nombreux , où les témoins raflêmblés des
diffèrenis quartiers de la Judée fç trouvent
réunis. Ils font écoutés , ils perfuadent ; huit
mille hommes fe trouvent Chrétiens après
deux prédications. Une impofture que l'on
peut démentir fur le champ , contre laquel-
le une ville entière eft en état de dépofer ;
peut-elle dans cette ville même fafcinet
i'efprit de huit mille hommes en peu de
jours ?
y**. Si les Apôtres font des împofteurs , la
conduite des Juifs eft un phénomène inex-
plicable. Comment le Confeil de Jerufa-
lem, fianimé,& fi furieux contre le Maître,
a-t-il été fi patient envers les Difciples ? U
étoit important pour ces Magîftrats de jufti-
fier leur conduite à l'égard de J. Cd'empê-r
cher Ja prédication des Apôtres, de publiât
XomeJ. N.
ï
145 Apologie
dans tout l'univers la vérité des faits , d'en-
voyer dans les Synagogues , & fur-tout à
Rome,des informations bien circonftanciées
& bien authentiques de la vie , de la fauflè
doârine » des crimes vrais ou fuppofés de
J, C, des preftiges par lefquels il avoit le-
duit le peuple , de la faufleté de fa réfurrec-
tion , de l'audace & de l'impofture de fes
Difciples. Ces Pharifiens fi zélés , ces Prê-
tres fi jaloux demeurent dans l'inaâion.
Au lieu de confondre publiquement les
nouveaux impofteurs , ils fe contentent cl«
les emprifonner pour quelques jours , de
leur faire des menaces ; ils ne détrompent
perfonne. Dans prefque toutes les villes ou
S. Paul va porter l'Evangile , il fe fait des
profélytes parmi les chefs mêmes de SynaS
gogues. Que la forcé de la vérité ait fermé
la bouche & lié les mains au Confeil des
Juifs > il n'y a rien là de merveilleux ; mais
qu'il ait vu fi tranquillement profpérer l'im-
pofture a voilà ce qu'çn ne comprendra ja-
mais.
Qu'on nous permette de le répéter : nos
adverfaires rejettent avec dédain les mira«
des de J. C. & des Apôtres , parce qu'ils
dérogent aux loix phyfiques de l'univers ,
& ils admettent fans héfiter des prodiges
plus incroyables contre l'ordre moral ^
qui n'eft pas moins l'ordre de la nature»
J
1
DE LA Religion, &c. 147
Ceft aînfi qu'ils font d'accord avec euxr
i 7-
En fécond lieu les Difcîples de J. C. fo^^
Ils les feuls qui rendent témoignage à fes
miracles i comme l'Auteur le fuppole , pour
les accufer d'impofture ? Les Juifs, malgré
leur intérêt à les contefter , en conviennent
dans les Livres mêmes qu'ils ont écrits con*
tre J« C. & que nos Critiques ont cités. Les
uns. ont dit qu'il les avoit opérés par la ma-
gie qu'il avoit apprife en Egypte ; les autres »
par la prononciation du nom ineffable de
Dieu. Les Auteurs Payens , ennemis & ca-
lomniateurs du Chriftianifme , ont fait le
même aveu dans leurs Livres ; nous l'avons
prouvé dans un autre Ouvrage (a). Nous
avons fait voir que la feule force de la vé-
rité a pu leur arracher cette confeflîon.Les
anciens hérétiques, prefque contemporains
des Apôtres , appliqués à contredire leur
doârine , encore à portée de vérifier les
faits , ont fiippofé là réalité des miracles &
de la réfurreftion de J. C , malgré l'intérêt
de leur fyftème ; nous avons produit leurs
aveux (b). Ces Seâaires n'étoient pas des
(a) Cercicude dei Preuves du Cbnft* chap* 4.
Nij
Ï48 Apologie ^
îgnorans , incapables d'examen ; c'étoît des
Philofophes payens mal convertis , qui
avoient l'ambition de fe faire des Difcîples ,
d'être à la tête d'un parti.
Là-defTu? nous demandons à nos Cen-
feurs :Des faits publics & palpables ,fouvent
réitérés , publiés fur les lieux , & dans le
temps même oà ils ont dû arriver, par des
témoins oculaires , qui n'ont pu avoir au-
cun intérêt vraifemblable de les inventer ,
& qui les ont foutenus jufqu'à la mort ;
avoués par des ennemis déclarés , Juifs ,
Payens , Hérétiques , & qui avoient tous le
plus grand intérêt de les contefter, peuvent-
ils être des impoftures? Nous invitons ,
nous prions , nous conjurons M'« les Philo-
fophes de nous donner des règles de criti-
que plus juftes , plus certaines , plus infail-
libles , pour difcerner le vrai d'avec le
faux.
Cet aveu des Auteurs payeas eft fort in-
commode ; l'Auteur des Lettres fur les Mi-^
racles a fait tout fon pofTible pour l'éluder.
Il dit a que fi quelques mauvais Philofophes ,
» en difputant contre les Chrétiens , con-
» vinrent des miracles de Jefus , c'étoient
a* des Théurgites fanatiques , qui croyoient
» à la magie , qui ne regardoient Jçms que
9> comme un Magicien , & qui, infatués des
D faux prodiges d'Apollonius de Tyane
DE LA Religion, &c. 14P
a» & de tant d'autres , admettoient ûuflî les
» faux prodiges de Jefus : que l'aveu d'un
3t> fou fait à un autre fou ^une abfurdité dite
» à des gens abfurdes , ne font pas des preu-
» ves pour les efprits bien faits. Il prétend
» que jamais les vrais Philofophes Grecs &
» Romains n'accordèrent aux Chrétiens
a> leurs miracles ; qu'ils leur difoient feule-
a> ment , fi vous vous vanter de vos prodi-
» ges , nos Dieux en ont fait cent fois da-
» vantage vos preftiges ne font qu'une
» foible imitation des nôtres ; nous avons
» été les premiers Charlatans , .& vous les
a> derniers. C'eft-là, félon lui , le réfultat de
» toutes les difputes des Payens & des Chré-
» tiens » (û). L'expédient eft des mieux
imaginé; c'eft dommage qu'il nous re-
plonge dans d'autres difficultés,
1°. Il eft fâcheux de vpir les plus célè-
bres ennemis du Chriftianifme , Julien ,
Celf« , Porphyre , Hiéroclès , traités de
mauvais Philofophes , de Théurgites fanati-
ques , de fous , de gens qui difoient des
abfurdités, Julien , fur-tout , le plus grand
homme qui ait peut-être jamais été y au ju-
gement de Bolingbroke , dont Vefprii fur
hlime avx>it embrajjé lafublime idée de Pla^
(a) Première Lettre fur les Miracles, pag. ii. Dîner du
Comtede£ouiainvilIiers^ p. 35.
Niij
'lyo Apologie
ton ( fl } , ne devoit-il pas être vin peu plu*
ménagé pour l'honneur de la Phîlofophie ?
Nous fçavons bien qu'il étoit Théurgitefa--
natique & le refte î mais fesPanégyriftes ,
fès luccefleurs , les héritiers de fa haine
contre le Chriftianifme , n'ont pa*^ bonne
jgrace de le dire.
2!^. Ceife , Epicurien par fyftème , ne
croyoit ni à la theurgie ni à la magie ; c'é*
toit donc un trai Pkilofopke.Or nous avons
Itîontré par fes propres paroles , qu'à la ré-
ferve de la réfurreâibn de J. C. dont il n'a
jamais voulu convenir , il n'a point contefté
les autres miracles (h).
5°. Les vrais PhilofojAes , félon nos
Cenfeurs , font ceux qui , perfuadés de
l'impoffibilité des miracles , les regardent
tous comme des preftiges & des tours de
Charlatan ; mais un vrai Philofophe peut-
îl fuppofer avec vraifemblance que J. C. &
fes Apôtres , Juifs groflîers , fans lettres &
fans culture , aient été des fourbes aflèz ha-
biles, des impofieurs aflèz déliés, pour du-
per le monde entier ? Des Charlatans peu-
vent employer les preftiges pour fe faire
une vaine réputation , pour gagner de l'ar«
gent , pour mener une vie licencieufe &
(J) Examen important, c. m , p. 193 & 197*
ih Cecûtttdfi «S Preuves du QÙiftiamiînc 2 c» 4 > S* xi
DE LA Religion, &c. ijx
vagabonde : que Jefus & fes Apôtres en
aient fait ufage pour inftruîre les nommes,
pour les porter à la vertu, pour faire ado-
rer Dieu , fans aucun avantage pour eux-
mêmes , aux dépens de leur repos & de lein:
vie ; nous ofons le demander aux vrais Phi-
lofophes ; cfe prodige ne £eroit-il pas plus
fingulier , plus incroyable , plus contraire
à la nature que les miracles mêmes ? Que
l'idolâtrie 4e foit établie par des impoftu-
ïQs , cela eft dans l'ordre naturel ; que le
ChriAianiûne ait la même fource > cela n'y; '
eft plus.
4.°. Parlons plus fenfément ; qui font les
vrais Philofophes fur le fait des miracles ?
Ceux qui ont raifonné & agi conféquem^
ment , qui , perfuadés de la puîflknce , de la
fageflè & de la bonté de Dieu , ont com-
pris qu'il étoit indigne de fa Providence de
permettre qu'une Religion auffi fainte que -
le Chriftianifme fût fondée fur des preftiges
& prêchée par des impôfteurs :. que fi ja-
mais les miracles ont été poffibles , conver
iiables, néceflaîres , c'étoit évidemment dans
cette circonftance j où il s'agiflbit de faire
tomber l'idolâtrie , d'inftruire & de réfor-
mer l'Univers. Ils ont jugé que les guérifons
de maladies , les. réfurredions de morts
opérées fous Jeurs yeux , non par des Char-
latans > mais par des Saints > non par often^
Niv
i
1^2 Apologie
• tation , mais par charité ; non pour amtifer tei
peuple, mais pour l'inftruire ,étoiem devrais
miracles , & non pas des preftiges ; ils y ont
cru, ils ont embrafle le Cbriftianifme , ils
l'ont profefle jufqu'à la mort. Voilà lesfeiils
Philofophes dignes d'ctre écoutés ; tous les
autres , foit anciens , foit modernes > font de
-Trains difcoureursa
Selon r Auteur du Chriftianifme dévoî-*^
le , le fsul prodige dont Jefus fut incapable ^
fut de convaincre les Juifs ^ qui loin d'être
touchés de fes œuvres bienjaifantes ^merveiU
leufes , le firent mourir par un fupplice in^
fâme (a).
Cette objeâion , déjà faite autrefois pat
Celfe& par l'Empereur Julien, doit paroître
fouverainèment ridicule fouslaplume de no-
tre Critique, i^. Après avoir déclamé contre
le fanatiûne, l'aveuglement, l'opiniâtreté des
Juifs , contre la vaine efpérance dont ils fe
flattoient de voir paroître un Monarque
puiflant , un Meflîe triomphant pour les dé-
livrer, comment peut-il être étonné que
J. C» avec tous fes miracles & toutes fes
vertus , ne foit pas venu à bout de détrom^^
êm
(c) Cbrift, dévoilé , pa^, ijL» 3« LcWC â fiugénxç, £. 7a
DE LA Religion, &c. ï^^
per toute la Nation ? Un feul Juif converti
par un Meflîe pauvre , eft un prodige ; Tin-
crédulité du plus grand nombre , & fur-
tout des chefs de la Nation > ne peut fur-; ,
prendre perfonne.
2.^. Les Philofophes , en général , ne veu-
lent point de miracles pour appuyer une doc-
trine qu'ils ne peuvent goûter; ces miracles
fuflent-ils cent fois plus évidens & mieux
prouvés , leur incrédulité eft toujours 1^
même : fi les Juifs ont penfé comme eux ,
les miracles de J. C. étoient-ils capables de
les convertir f
3**. Il eft faux que J. C. n'ait touché nî
convaincu aucun Juif. Il eut, outre I2
Apôtres & 72 Difciples déclarés , un très-
grand nombre de Sedateurs publics & fe-^
crets * quoiqu'ils ne fuflTent pas attachés à
le fuivre comme les précédens. Ses Apôtres
convertirent d'abord plufieurs milliers de
Juifs, & le nombre en augmenta de jour en
jour. Il fut condamné & mis à mort par les
chefs de la Nation , intérefles à étouffer fa
doârine par un faux zèle de Religion ; mais
la Judée étoit pleine de gens convaincus de
la faintçté & des miracles de J. C. & qui le
reconnoiflbient pour le Meflîe^ & le fils de
Dieu. Ce ne peut être que la crainte d'un
fouleven^ent général , jointe à l'évidence
des faits, qui empêcha Içs Juifs de fovii:
\
y
îy4 Apologie
contre fes Apôtres auifi violemment que
contre lui.
4.°. Enfin il étoit prédit dans les Livres
des Juifs, que le Meflîe feroit rejette par
les fiens (a) ; que fes miracles feroient at»
tritmés à la magie par les méchans ; qu'il
feroit mis à mort & qu'il reflufciteroit. Cette
tradition fubfifte encore dans les Livres de
leurs Dofteurs ( t ). Si toutes ces chofes
font arrivées comme elles étoient prédi-
te» , l'incrédulité des principaux Juifs n'eft
plus une objeâion contre nous , c'eft un*
preuve contre nos adverfaires.
Es fe réunifient pour nous objefter que
J. C, eft mort à la vut de tout JerufAlem ;
au lieu que fes Difciples afTurent qu'il eft
reflufcitéyecrcrreTîîenr; il a été vifibUpour eux
feuls , Gr invifihle pour la Nation qu^il étoit
venu éclairer Êr amener à fa doSlrine(c).
Il eft^faux que J. C. foit reflùfcité (e-
crettement ; il eft reflùfcité à la vue des fol-
dats qui gardoient fon tombeau , & il s'eft
fait voir à plus de joo Difciples raflem-
(fr) Hift. de M. BiiIIet , p. 101 & x 17.
(c) Chrift, dévoilé , p. i^. Examen impercant^ en;
p. €6, Examen de Saint - Evremont « chap. 4. Celfe dans
Orîgcnc, 1. * , pag. P3 & ^8. 3e Lcurç i Eugénie, p. /&-.
DE LA Religion, &c. lyj"
blés (a) ril a converfé familièrement avec
eux pendant 40 jours. Il n'a point été invi-
fîble pour toute la Nation , puifque cette
multitude de Difciples en faiioit partie , &
ce nombre étoit plus que fuffifant pour en
convaincre tous les efprits droits. Il n'eu
pas queftion de favoir fi J. C. a pu prouver
la réfurrection d'une manière encore plus
éclatante & plus invincible , mais s'il l'a
prouvée (uffifamment pour perfuader tout
homme raifonnable , & nous loutenons qu'il
l'a fait (b). Quand J. C. fe feroit fait voir
à tout Jerufalem en plein jour , nos adver-
faires diroient encore, comme ils le difent
déjà', que cette preuve a pu fufBre pour
ceux qui l'ont vu , mais qu'elle ne fuflSt pas
pour nous qui ne l'avons pas vu.
J. C. eft mort à la vue de tout Jerufalem ;
mais eft -il mort comme un homme ordi-
naire ? Les paroles qu'il prononça fur la
Croix , le cri qu'il jetta immédiatement
avant que d'expirer > la terre ébranlée , Iç
foleil éclipfé , les tombeaux ouverts , l'ap-^
parition des morts , étoient-îls des prodi-
ges trop foibles pour toucher des hommes
capables d'ouvrir les yeux à la lumière ?
L'Officier Romain , préfent fur le Calvaire»
(a) i,Cor, lî , tf.
ih) Yoyci'Jc Livre de Dicton»
1^6 APOLOGIE
en fût effrayé , & confefla la divinité de
J. C, PluGeurs s'en retournèrent frappant
kur poitrine & touchés de repentir (/z)^
Ceux qui perfévérerent dans leur aveugle-
ment , méritoient-ils d'être témoins de la
réfurreétion de J. C. & de voir de nou-
veaux miracles ? Le principe de nos Philo-
fophes eft fingulier : plus un homme eft en-
têté & opiniâtre , plus il réfifte à la vérité
connue , plus il fe rend indigne des grâces
du Ciel , & plus Dieu doit faire de prodiges
pour le forcer à croire, La Puiflance divine
eft-elle donc à la difcréiion des infenfés ? On
eft étonné, de l'incrédulité des Juifs ; ils
n'ont pas cru , parce qu'ils étoient Philq-
fophes (è).
Reconnoîtra-t-on le Chriftianîfme au
portrait qu'en a tracé l'Auteur qui prétend
le dévoiler ? Les difciples de J. Ç. â force
^accumuler desjuperjiitions j àHmaginer des
impojtures j dt forger dss dogmes ^ ientajfer
des myfteres j ont peu-à-peu formé unfyftème
informe £r découfu qui a été appelle le Chrif-^
îianifme (c). C'eft fon propre fyftème qui
m$mmmmim0m^f^''^f'^'^
(a) Matth. 17, tf Luc, 1^.
(h) V. Sherlok , Témoin. de la réfurr. de J. C p. ttJu
{c) Chrid. dévoilé , ^« i^.
DE LA ReLICÎION, &C. J^J
cft informe & découfu , plein de contradic-
tions & d'abfurdités : déjà nous les avons
mifes en évidence , & on les fentira encore
mieux par la fuite. Les Difciples de J. C.
n'ont point inventé de fuperftitions ; ils
ont au contraire déraciné les anciennes , au.
grand dépit de la Philofophie qui les avoit
accréditées. Ils n'ont point imaginé d'impof-
tures , ils n'en avoient'lii la volonté ni le
pouvoir ; & s'ils avoient ofé tromper , la
fourberie auroit été découverte fur le
champ. Ils n'ont point forgé de dogmes ,
ils n'étoient pas aifez habiles ; ils ont reçu
leur doârine d'un Maître envoyé de Dieu ,
& plus fage que tous les Dofteurs de l'U-
nivers.
On prétend que les Juifs & les Chrétiens
qui leur ont fuccédé^ ont puifé la plupart de
leurs notions chez les Payens , chei les
Egyptiens ^ che\ les Phéniciens , che^ les
Mages &* che^ Us Perfes j che\ les Grecs &•
les Komains (a% Cette fuppofition eft di-
reâement contradiâoire avec ce que l'on
a écrit dans le chapitre précédent 3 que les
Juifs eurent toujours la haine la plus enve^
nimée contre les Dieux des autres Nations i
& contre ceux qui les adoroient ^ que la loi
(a) Chrift. dévoilé, p.- zy. Examen important, c» t /
pag. 30. Philof. dcTHift, c. ii > p. 54 & c* 14 ^p• ^4^
Contagion facrée > c. s$ « p. i67<
tyS Apologie
de Moïfe leur fit détefter dam le cœur tou-
. tes les Nations auxquelles ils furent fucceflî-
vement fournis. Les Juifs ont-ils pu emprun-
ter leurs idées religieufes des Nations dont
ils déteftoient les Dieux & le culte , & qu'ils
haïflbient dans le coeur ?
La contradiâion fera encpre plus palpa-'
ble dans le chapitre fuivant , où l'Auteur
s'efforcera de prouver que les Juifs ont eu
de Dieu des idées bizarres & entièrement
différentes de celles des autres Nations ;
que la Théologie Chrétienne* ne reffemble
en rien à la Mythologie des Payens. Voilà
CX)mme nos habiles Ecrivains font conC-
tans dans leurs principes.
Quand ils ne prendroient pas la peine de
fe réfuter eux-mêmes , la fauffeté cle la fup-
pofîtion ne feroit pas n\oins évidente. Les
Payens adoroient plufieurs Dieux , les Juifs
n'en reconnoiffoient qu'un feul ; les Payens
étoient infatués de l'idolâtrie , les Juifs l'a-
voient en horreur. Les premiers ^dmet-
toient communément la fatalité abfolue,
les féconds crurent toujours la providence
de Dieu & la liberté de l'homme. On fup-
pofoit dans le Paganifme des récompenfes
corporelles & fenfibles après la mort , Jefus^
Chrifl nous a enfeigné que la vie à venir
fera purement fpirituelle. Sa morale eft in-
finiment fupérieure à celle des Payens^
DE laRkligiok,&c. lyp
comment la Religion qu'il nous a enfeigtiée
peut-elle être entée fur le Paganifme ?
On reproche encore aux premiers Chté* ,
tiens d'avoir emprunté plufieurs idées de 1^
Philofophie de Platon, Clette accufation ,
fi elle étoit vraie , feroit honneur à leur dif-
cernement. De tous les Philofophes an*
çiens , Platon a été le plus raifonnable.
Cicéron , bon Juge en cette matière , ne
craint point d'appeller Platon , non-feule-
ment le Prince > mais le Dieu des Philofo^
phes (a). A Dieu ne plaife cependant que
nous foyons redevables d'aucun des dog-
mes de notre Religion à la vaine Philofo-
phie des Grecs. !• C. ne l'a jamais confultée;
il avoit puifé fa dodrine dans une fourcç
plus pure ; elle eft trop fublime & trop par-
faite pour être l'ouvrage des hommes. Ses
Difciples n^ont point eu d'autre Maître que
lui ; & les Chrétiens , pour fçavoir ce qu'ils
doivent croire 3 n'ont jamais étudié d'autrç
Livre que l'Ecriture Sainte (b).
ç. II.
Nos Critiques regardent S. Paul comme
le vrai fondateur de notre Religion ; fans
{by Voyei Ja dcfenfc d€$ SS. Pcrc* accufcs de Platomf--
me, pa^ leF.Baltus.
»
t60 APOLOGIE '^
lui , dit l'Auteur du Chriftiànifme dévoilé ,'
elle nauroit pu s^étendre , par le défaut de
.lumière defes ignorans collègues. Cet Apôtre
porta fa doôlrine affaifonnée de fublime G'
de merveilleux aux peuples de la Grèce , de
VAJîe , & même aux habit ans de Rome ; il
tut des Sénateurs y parce que tout homme qui
parle à V imagination des hommes grojjîers ,
Ijes mettra dansfes intérêts (a).
Il y a feulement trois faufletés dans cette
allégation. La première , que fans les tra-
vaux de S. Paul , la Religion n'auroit pu
s'étendre : cet Apôtre n'a point prêché dans
l'Egypte , dans l'Afrique , dans la Perle ,
dans les. Indes , dans les Gaules : le Chriftia-»
nifme s'y eft néanmoins établi comme ail-
leurs , dès les premiers fiècles. La féconde •
que les collègues de S. Paul aient été des
ignorans ; ils l'étoient lorfque J. C. les prit
à fa fuite ; à cette école divine , & par la
defcente du S. Efprit , ils devinrent plus
habites que tous les fages de l'Univers. Les
écrits de S. Pierre, de S. Jean , de S. Jac-
ques , de S. Jude , ne refpirent que la fagefle
& l'intelligence des chofes de Dieu. Il eft
étonnant fans doute que ces hommes fi peu
verfés dans les fciences humaines , aient
(a) Chrifl, dévoilé ^ p. 18. Examen imporunc , c. 1 1 ^
mieux
;*
DE LA Religion, &c. i6t
mieux réuflî à éclairer les hommes que tou-
tes les pompeufes écoles de la Grèce. La
troifième , que S, Paul ait parlé à l'imagina-
tion des nommes groffiers , pour les mettre
dans fes intérêts. Nos dogmes , nos myfte-
res , nos efpérances , ne parlent point à
l'imagination , ils la révoltent plutôt. Ceft
le Paganifme qui patloit à l'imagination des
hommes. Comment une doctrine que l'on
die ajfaifonnée defublime ër de merveilleux ,
peut' elle plaire à ceux qui ne la compren-
nent point ? Il femble que nos adverfaires
s'étudient à écrire des abfurdités.
Il eft encore plus faux que S. Paul fe foît
féparé des autres Apôtres , pour être chef de
fa Se5le (a). Les écrits de S. f aul ne con-
tiennent aucun dogme contraire à la doc-
trine des autres Apôtres : il déclare lui-mê-
me qu'il étoit allé exprès à Jerufalem ,^ pour
conférer avec eux , & voir fi ion Evangiles
étoit différent du leur (t). S. Pierre , loin
d'accufer cet Apôtre d'annoncer une doc-
trine particulière , loue fa fageffe > & l'ap-
pelle fon très-cher frère ( c ).
Ceft une preuve pitoyable d'alléguer
(a) Chriftr. dévoile, p. zS, ÇxameorimpOfcanr^ ^ '<?
p. 71.
( h ) Gat. X , X.
î6^ A ? O L O G ï Ê
feulement le reproche que les Ebîonïref
faifoient à S. Paul : il eft faux que cet Apô-
tre ait eu fur la Loi de Moïfe un fentiment
différent de fes collègues. On fçait que les
Ebionites croient des Juifs à demi-Chrétiens
qui s'étoient infatués de la perpétuité pré-»
tendue de la Loi de Moïfe , qui vouloient
y foumettre les Payens convertis ; erreur
qui fut. condamnée , non - feulement par
S. Paul , mais par tous les Apôtres affem-
. blés au Concile de Jerufalem ( a ). -
Enfin c'eft une vaine imagination de
dire que les Ebionites qui rejettoient Saint
Paul , étoient les premiers Chrétiens > nous
convenons que le nom à^Ebionites ou de
Pauvres , fut donné par les Juifs à ceux d'en*
tr'eux qui embraflerent le Chrîftianifme :
mais il n'eft pas moins certain que ce nom
n'eft demeuré qu'à ceux qui s'obftinerent
à conferver le Judaïfme avec la foi en J. C.
L'Auteur du Chrijîianifme dévoilé > qui a
cité le fécond Livre d'Origène contre Cel-
fe , n'avoit qu'à confulter le cinquième ( t ),
il y auroit reconnu fon erreur ; & s'il avait
lu avec plus d'attention Eufebe qu'il nous
oppofe encore , il y auroit trouvé précifé-'
ment le contraire de ce qu'il lui fait dire Qc%
tu» f II Mil» ■■■■■> ■>!! IB^PII^Wg— —<———>
{a) AU, 15. ^
ib ) r.dit. dti'K^ambrîJge , p, 172^
DE LA R£LIGION>&C« xSj'
Trouverons - nous plus de fondement
dans les reproches que fait à S. Paul l'Au-
teur de VExamen important ? Ils font co-
piés fort exaâement dans le Diêlionnaire
Philofophique (a), i**. S. Paul écrit aux
Juifs de Rome ; la circoncijion i/ous eji pro^
fitabU y fi vous obferv^î la Ici (b) : &c ii
dit aux Galates \Ji vous vous faites circori'^
cire j J. C. ne vous fervira de rien (c) ; en-
fuite il fait circoncire fon difciple Timo^
thée.
Avec un peu d'attention , il eft aifé de
juftifier cet Apôtre, i^. Il recommande aux
Juifs la circoncifion & la pratique de la loi ,
comme utiles pour eux , même après la pu-
tlication de l'Evangile , quoique le fâlut ny
fut plus attaché , mais à la foi en J. C* En
conféquence il fe purifie dans le Temple ,
il fait circoncire fon difciple Timothée ,
parce qu'il étoit fils d'une Juive , quoique
Ion père fût Payen (^) , pour montrer.aux
Juifs qu'il n'étoit; point ennemi de la Loi
de Moïfe > comme on l'en accufôit» Dix
ia) Examen impotta&t, c* Yi y pv 71. Piâ» FbiIo£. »f
ih> Rom. *, 2j» ^ *
.ie)Gàl. f , r,
Oij
fi
.1^4 Afologik
ans après (^) , ( la date eft ici eflêntlelle >
lorfque les Juifs fe furent obftinés à foutenir
h néceffité de la circoncifion , même pour
les Payens Tnialgré la décifion des Apôtres
au Concile de Jcrufalem ,. S.Paul écrit aux
Galates, qui n'étoientpas Juifs , que s'ils fe
font circoncire , J. C. ne leur fervira de
. rien , parce qu'en voulant ajouter la circon-
cifion à la foi en J. C. c'étoit reconnoître
que la foi en J. C. ne fuffifoit pas pour être
J&uvé ; ce qui étoit une erreur. Saint Paul a
donc enfeigné par fœ écrits & par fa con-
duite , que la circoncifion n'étoit pas défen*
due aux Juifs , mais qu'elle étoit inutile aux
.Gentils ; & c'étoit la doftrine de tous les
Apôtres.
CL^^ Saint Paul dit aux Corinthiens >
qu'il avoit droit d'être nourri à leurs dé-'
pens (t). Mais il attefte en même temps
qu'il n'a jàm^s ufé de ce droit > qu'il a tou-
jours fubfifté par le travail de fes mains ,
pour n'être à charge à perfonne (c)» Il parle
des frères du Seigneur : maïs on fçait aflèz
que frère ^ dans le ftyle des Juifs , fignifîe
fouvent coufin-germain»^
3^» Il montre de la jaloufîe contre les
■*■«■■■««■■■■«■■■■■■
(a) Voyez fa CTironoI. du Ni Teffam».
{h) i.Coc. 9 » 4»
4c)IJbiiL 4 ^L^ti^ 20^ 5^41 1 ThkJP ^ ^ y \ x«Z^J{i
DE LA Religion, Sec. i6f
autres Apôtres > & il veut l'emporter fur
eux, Ceft une fauffe accufation : il fe jufti-
fie feulement contre ceux qui vouloient
rabaiflèr & avilir fon Apoftolat.
4.^. D dit qu'il a été ravi au troifième
ciel , & on ne fçait ce que c'eft que ce troi-
fième ciel. Quand on ne fçauroit pas ce ,
que c'eft , on n'eft pas autorifé pour cela à
traiter Saint Paul d'impofteur & d'impu-
dent (^). Ge ftyle emporté & groflîer n'eft
jamais excufable. Le troifième ciel eft le
ciel le plus élevé, ou le lieu le plus haut*
du ciel: l'expreffion eft très-intelligible.
y**. S. Paul ofe dire qu'il eft Citoyen
Romain, & aucun Juif ne fut Citoyen Ko^
main que fous les Decius & les Pbilippes»
Nouvelle faufleté. On fçait que le droit de
Bourgeoifie Rq-maine fe donnoit non-feu-
lement aux villes , mais encore aux particur
liers , non-feulement par récompenle , mais
encore pour de l'argent , & que l'Empe-
reur Claude le vendoit à très-vil prix (b) ;
& il n'y avoit aucune loi qui en exclût les
Jififs. Le père ou l'aïeul de S. Paul pou-
voit donc l'avoir mérité ou acheté : dans
l'un & l'autre cas , S» Paul avoit raifou de
dire qu'il étoît Citoyen Romain par le droit
de fa naHïance.
(a) Examen important, page 7X,
t66 Apologie
6^. S. Paul fut élevé aux pieds de Gama-
liel (a) ; cela fignifie donc qu'il étoit fon
domeftique. Mauvaife coiiféqaence» Cela
fignifie qu'il étoit fon difciple , & c'eft l'ex-
preffion dont fe fervoient les Juifs. Peu im-
porte que ceux-ci ^ient forgé une fable ftir
les motifs de la converfion de S. Paul , &
qu'ils Jui aient attribué une figure ignoble»
Le ièle & les travaux de cet Apôtre prou-
vent allez que fa converfion fut fincere &
miraculeufe : le mérite d'un homme ne dé*
pend point de fa figure.
7^ Peut-on fe perfuader qu'une lumière
célefte ait fait tomber de cheval Saiil en
plein midi, &c? L'Hiftoire Sainte ne dit
point que S. Paul foit tombé de cheval >
elle infinue au contraire qu'il étoit à pied >
puifque fes camarades furent obligés de le
conduire par la main (b)*
Mais à quoi bon ce miracle , pour faire
cefler la perfécution de Paul , puifque les
Chrétiens furent également perlecutés dans
la fuite ? Le miracle ne fut point opéré pour
faire cefler la perfécution , mais pour chan-
ger un perfécuteur en Apôtre , & le rendre
plus propre par-là même à perfuader les
{a) A£f, il , }..
{h) llid. Il ^ii^
DE LA Religion, &c. i6y
autres. JL»'événement a fait voir l'utilité du
miracle.
8^, S^ Paul écrit aux Corinthiens qu'il ne
pardonnera ni à ceux qui ont péché , ni à
tous les autres : il vouloit donc confon-
dre les innocens avec les coupables. La ci-
tation n'eft pas fidelle. Il leur dit qu'il ne
pardonnera point à ceux qui ont péché au-
trefois > ni à tous les autres , qui ont péché
plus récemment ; il fufHt de lire le palfage »
pour y appercevoir ce fens (a).
^°. Il dit aux Theffaloniciens : je ne per--
mets point aux femmes de parler dans fJEg/i-'
fe s èc dans la même Epître , il annonce
qu'elles doivent parler & prophétifer aveC
un voile (*> Nos Cenfeurs' de l'Ecriture
ne la lifent qu'en fommeillant , & ils nous
donnent leurs rêves pour la dodrine des
Apôtres. C'eft aux Corinthiens que Saint
Paul écrit , quand il ordonne aux femmes
de prier fr de prophétifer avec un voile (c)t
& c'eft dans la même Epître qu'il leur dé-
fend de parler dans l'Eglife , pour enfeigner
ou pour interroger ceux qui. inftruifent (d)z
fi n'y a point-là de contradiftion : on fçait
(a) %. Con 1 1 , lo 6^ 21 ; 6^c, 1 5, > a*
jih) Examen , p. yz,
(c) i.Cor. XI j ;•
fï'58 ^ Apologie
que prophétifer fignifie quelquefois louer
Dieu.
' Dans tous les reproches auxquels nous
venons de répondre, y en a-t-il un feul qui
ait Tombre de folidité , & qui puifle juftifier
l'emportement de nos adverlaires ? Qu'ils
raifonnent de travers , c'eft le privilège des
Philofophes ; mais qu'ils violent toutes les
règles de la décence & de la politeflè , cela
^'eft pardonnable à perfonne.
§. 13.'
Envain l'Auteur du Chriftianifme dé^
voilé fait tous fes efforts pour trouver des
raifons naturelles de la propagation du
Chriftianifme ; celles qu'il a imaginées , dé-
montrent au contraire que cet établiflement
eft un prodige de la Puiffance divine. En
voulant déprimer notre Religion , il en fait
le plus bel éloge : nous n'aurons befoin que
de fes propres paroles pour le réfuter. Il
part du principe , que le Chriftianifme ne
fut embrafle que par les Pauvres , par les
hommes les plus abjeBs lï entre les Juifs & les
Payens. Nous avons déjà relevé cette fauf-
feté , & il va nous fournir des preuves da
contraire.
ce Un Dieu infortuné , dit-il , vidime
» innocente de la méchanceté , ennemi des
j9 riches & des grands > dut être un objet
31 coofolani:
DE LA Religion, &c. i6$^
» confolant pour des malheureux. Des
a> mœurs aufteres , le mépris des richefles ;
» les foins défintérelfès en apparence des
3> premiers Prédicateurs de f Evangile , donc
» l'ambition fe bornoit à gouverner les
»ames, l'égalité que la Religion mettoit
» entre les hommes , la communauté de
yy biens , les fecours mutuels que fe prê-
» toient les membres de cette Sefte, furent
» des objets très-propres à exciter les defirs
» des pauvres , & à multiplier les Chrétiens,
» L'union, la concorde , l'afFedion réciprô-
3> que , continuellement recommandées aux
» premiers Chrétiens ^ durent fèduire des
» âmes honnêtes; la foumiffion auxTuiffan-
y> ces , la patience dans les foufFrances , l'in-
» digence & l'obfcurité , firent regarder la
» Seâe naiflante comme peu dangereufo
» dans un Gouvernement accoutumé à to-
» lérer toutes fortes de Sedes » ( ^ ). L'Au-
teur ajoute dans une note , que « la Reli-
» gîon Chrétienne dut fur-tout plaire aux
» efclaves qui étoient exclus des chofes fa-
» crées , & que l'on regardoit à peine com-
» me des hommes ; elle leur perfuada qu'ils
» auroîent leur tour un jour , & que dans
D l'autre vie ils feroient plus heureux que
» leurs Maîtres ».
(fl) Chrift. dévoile , p. x^. 5e Lettre à Eugénie , p H*
Èjô Apologie
Comptons d'abord , s'il eft poflîble , les
contradidions. i®. On nous aflure , on nous
répète à tout moment que le Chriftianifme
fie fut embrafle d'abord que par les gens du
peuple y par les plus abje^s (Centre les Juifs
O les Payens ; & en même temps on nous
apprend que Ton vit régner parmi les fidè-
les le mépris des richeflès , la communauté
des biens , Tégallté , ks fecours mutuels.
S'ils étoient tous des pauvres & des hom-
mes ab jeéb , quelle communauté de biens ,
quels fecours mutuels pouvoient-ils fe prê-
ter ? Avoient-ils befoin d'établir entr eux
l'égalité qui y étoit déjà ? Dès que les pau-
vres étoient fecourus , il falloit donc qu'il
y eût des riches.
a^. L'Auteur nous a dépeint S. Paul
comme le plus ambitieux Gr le plus enthou"
Jiafle des Difciples de Jefus : ici il recon-
noît que l'ambition des premiers Prédica-
teurs de l'Evangile fe bornoit à gouverner
les âmes. Admirable ambition qui les a
portés à fe facrifier pour le falut des âmes ,
fans en cfpérer aucun avantage temporel !.
Puiflè cette ambition toujours régner liir la
terre !
3°. Il convient que des mœurs aufteres,
la charité > la concorde des premiers Chré-
tiens durent féduire des âmes honnêtes : &
|;)ieatot il ^ous dira que \s& Chrétiens y en
DE LA RELi6toy>&c. lyt
adoptant le Dieu terrible des Juifs , mt en-
core enchéri fur fa cruauté ^ qifils le repré*
fentent comme le tyran le plus infenfé^ U
plus fourbe j le plus cruel que Pefprit humain
puij/e concevoir (a). Des âmes honnêtes
ont-elles jamais pu fe réfoudre à croire un
Dieu femblable » à profefler une pareille
Religion ?
4.*". Il ne porte p^s un jugement plus fo*
vorable de la morale Chrétienne ; félon lui;
elle eft incertaine , outrée , impraticable ,
fanatique , nui(ible à la fociété. Des âmes
honnêtes , loin d'érre féduites par une telle
morale, ont dû en être révoltées & en avoiç
horreur,
§. 14.
Maïs en faveur du portrait que TAuteur
a tracé du Chriflianifme naiOant , pafFons^
lui fes contradiâions ; au moins une fois
dans fon Ouvrage il lui a rendu juftice#
Cette Religion fainte , don précieux d'un
Dieu fage & bon , a été apportée fur la
terre pour la confolation des malheureux ,
des pauvres, des efclaves , de tous ceux qui
fouffrent ; c'eft-à-dire , des trob quarts du
genre humain. "Elle s'eft établie par des
mœurs aufteres ,par le mépris des richeflès.
M»i
C«)Chrift.déY0ilé,p. M»
ï72j Apologie
par la charité , par les fecours mutuels ;
par la concorde » par la foumiflîon auxPuif-
îances , par la patience dans les foufFrances,
C'eft par ces vertus qu'elle a féduit Us atties
honnêtes : elle ne pouvoit en féduire d'aU"
très. Que les Phiîofophes ne nous fédui-
fent-ils ainfi pour nous faire goûter leur
doéirine. « Ne penferons-nous jamais , s'é-
•» crioît Julien , aux moyens par Içfquels
p l'impiété ( des Chrétiens ) s'eft le plus
^ accréditée dans le monde ; je veux dire ,
m rhofpit^lité , le foin d'enterrer lç]5 morts ,
i^ une vie réglée en apparence î Us jouent
» toutes les vertus ; c'eft à nous de les prati-
» quer véritablement . . ^ • Il çft honteux
» que les impies Galil^ens , outre leurs
a» pauvres , nourriflent encore les nôtres,
3» que nous laiflbns manquer de tout (a) ».
Quel éloge dç 1^ part d'un ennemi ! Voilà
fans doqte l'apologie complette du Chrif-
tianifme contre toutes les infultes dç fes en-
oeniiis anciens & modernes.
/^ Admirons à préfent le prodige. De qui
j la Providence s'eft-elle fervie pour opérer
I cette heureufe révolution fur la terre ?
D'une poignée de Juîfe impofleur^ ou fé^
\ duits , ambitieux , enthoujîajles ; & ces maL
\ Jieureux , dignes d'être enfermés , pqt faiç
^^) tectre §, Âriàcîus , Fongfe dt Galacie^
HÈLARlÉLICÎtdN, &C. î^^
ce que les Philofophes les plus fages & lei
plus vant& n'avoient pas feulement ofé
tenter ; ils ont inftruit & fandifié les hom-
mes. Eft-çe par la fagefle de leur doélrine
qu'ils ont gagné les efprits ? Non , ils ont
prêché des myjleres abfurdes ^ empruntés des
Egyptiens i des Indiens , des Grecs; un Dieu
barbare y cruel y fourbe ^ infenfé, quife vangt
avec rage ù'fans mejure pendant taute Péter--
nité •• & ces dogmes affreux , capables de
révolter tous les hommes ou de les faire
tomber en démence , ont banni les erreurs'
& les vices dont le Paganifme a voit infedé
toutes les Nations. Ceft donc par la fain-
teté de leur morale ? encore moins; elle eft
chancelante , incertaine > outrée »■ impratica^
ble^ plus nuijîble quavantageufe au genre
humain & à la fociété^ Cette morale , qui
auroit dû n'enfanter que des crimes , a cta^
bli fur la terre le règne de la vertu.
Voilà le tiflu de rêveries & d'abfurditésF
que l'on nous donne pour l'Hiftoire abré-
gée du Chriftianifme ; c'eft ainfi qu'on par-
vient à le dévoiler. BénifFons la Providence
de la manière dont elle fait fortir la vérité
de la bouche même de nos ennemis»
L'Auteur dû Chrijlianifme dévoilé nous
apprend que cette Religion s'eft établie à ta
Pli)
174 Apologie
faveur â^icn Gouvernement accoutumé â to^
lirer tontes fortes de SeSes (a). Celui de
VExamen important foatient de même ,
qu'on regarda les Chrétiens comme unefeSe
des Juifs a 6* les Juifs étoient tolérés : aucun
Ecrivain ne parle d'eux; ^ fi Tacite en
veut bien dire un mot, ceji en les confondant
étvec les Juifs ( fc ),
On ces Meffieurs font fort mal inftruîts,
ou ils fe font un jeu de tromper les leâeurs»
Par une ancienne loi Romaine » il étoit
défendu d'adorer des Dieux particuliers »
des Dieux nouveaux , des Dieux étrangers ,
à moins que leur culte n'eût été admis par
autorité publique ( c ). Cette loi fiit rigou-
reufement exécutée dans tous les temps (d).
Un des confeils que Mécenas donnoit à
Augufte , ctdit de contraindre tout le mon-
de à honorer les Dieux de l'Empire ; de
punir par des fupplices les Auteurs desReli«
gions étrangères , afin de prévenir les con-
jurations & les fociétés particulières (e).
Cet avis fut exaâement luivi.
Immédiatement après la conquête des
Gaules » on défendit à tous ceux qui n^é^
(a) Cfarift. dévoilé , page 30.
i b) Examen importance c* 14^ p.^i , &c. zf, p.'^^»
<c) Ciaro , dt Legibus, /. 2. « n. i^.
(fi) Tite-Lîve , Décade 1V> L, 19.
DE LA Religion, &c* îff
toient pas Gaulois de fe faire initier dan»
la Religion des Druides. Environ un iièck
après , TEmpereur Claude abolit ce culic^
fuperftitieux par des JLoix pénales (a).
Tacite raconte que fous Néron , c'eft-
à-dire , trente ans feulen^ent après la mort
de J. C» on fit à Rome une fanglante exécu«
tion des Chrétiens ; & fes paroles font re-
marquables, « Néron ^ dit-il , fit périr pat
» d'af&eux fupplices ceux que le peuple ap-
9 pelloit Chrétiens , gens déteftés pour îeuts
» crimes, L'Auteur de cette Seâe cft
SB Chrift , qui , fous le règne de Tibère , fut
3> puni de mort par Ponce Pilate , Gou?*
» verneur de Judée ; cette fuperftition dan*
» geteufe , réprimée jufqu'alors , reparoif^
» foit de nouveau , non-feulement dans lat
» Judée où elle avoit pris n^Ûance , mais
V encore à Rome . • • • La multitude de fes
3> Seâateurs ne fut pas tant convaincue da
3» crime d'incendie , dont on les accufoit w
3» que de la haine du genre humain y>(b)w
Nous aurons encore occafion ailleurs d'inr
fifter fur ce paSage. Il en réfulte x^. qu^
déjà fous Néron les Chrétiens n'étoiehc
point confondus avec les Juifs , & qu'ils ne
jouiflbient point de la tolérance accordée-
mmÊ
( a ) Sué ton. in vitâ ChudiL
( b) Tacite , aonal. 1. 1^ , ii..44.
Piv
«7^ Apologie
à ces derniers ; 2®. qu'ils étoient en horrenr
aux Payens , & qu'on les chargeoit de tous
les crimes ; 3*". qu'avant ce temps-là même;
ou les avoit déjà réprimés pour leur Reli-
gion ; qu'ainfi ils ont été haïs & perfécutés
dès leur naiffance.
Suétone dit de même , que fous Néron
« l'on punit de divers fupplices les Chré-
» tiens , efpèce d'hommes d'une fuperfti-
m non nouvelle & pernicieufe » ( a ). Si on
tes avoit confondus avec les Juifs , auroit-
on regardé leur Religion comme nou-
fvelle ?
Malgré ce fait authentiquement prouvé ,
on ne cefle d'écrire que les Romains étoient
tolérans par principes ; que les Empereurs
Romains n'ont jamais été perfécuteurs ;
que le Chriftianilme ^q9l établi par la li-
berté de perlfer , & par la tolérance accor-
dée aux Juifs ; que s'ils ont été perfécutés
fous Dioclétien , ce fut pour des raifons
d'Etat, ou parce qu'ils étoient féditieux. On
l'a ainfi foutenu dans la Philofophie de
ÏHiJiôire (b) ^ dans le DiSionnaire Philo^
fophique (c) , dans les EJfais fur l'HiJioire
générale (d)y dans les Mélanges^ de Littéra*
(fl) Suérone, vie de Néron.
{h) Chap. 50, p. iço.
ic) Art. ChrijHanîfrru , Ubmé de ptnfer y Martyrt»
4 Tome I ) ch. 7.
t)E LA Religion, Sec. tjj
turc , d'HiJîoire & de Philofophie , i/i-8^
chap. 62 y dans le Dîner du Comte de Bou~
lainv illier s , page 55* , mais fur- tout dans
le Traité fur la Tolérance (a); on a même
ofè y donner un démenti formel à Tacite
& à Suétone (b) : voilà comme on traite
THiftoire en Philofophe.
On nous dit que le Goui^ernement Ro^
main sapperçut trop tard des progrès d'une
ajfociation meprifée (c) : point du tout;
Il s'en apperçut dès le moment qu'elle fe
forma ; il ne ceflà de porter contr'elle les
Edits les pins féveres , & de lui faire fentir
tout le poids de fon autorité : Tacite vient
de nous l'apprendre.
Il n'eft pas plus vrai que les Empereurs
& les Magiftrats aient pris de l'ombrage
contre le Chriftianifme,/7^j*cc que les Chré^
tiens devenus nombreux^ oferent braver les
Dieux du Paganijmejufques dans leurs TevU'
pies. La faufleté de cette prétendue caufe
des perfécutions que nos Philofophes ont
imaginée , eft aifée à démontrer. •
1^ Par le témoignage des deux Hifto-
riens que nous venons de citer , où l'on
voit que la vraie caufe de la haine que l'ont
(a) Chap. 8, p. 16 te fuîv.
(&) Page^o.
\c) Chrifl. dévoilé i p* fi»
^ijS Apologie
avoir jurée aux Chrétiens , étoit leur Reli-
gion. Nous examinerons dans le chap. 6 ,
$• ip j ce qu*on oppofe à cette preuve.
2^ Par la lettre de Pline à Trajan , &
par la réponfe de cet Empereur ( a ). Pline
déclare « qu'il ne fçait fur quoi tombe Tin-
» formation que l'on fait contre les Chré-
» tiens , fi c'eft le nom feui que l'on punit
» en eux > ou les crimes attachés à ce nom ;,
» qu'il a envoyé au fupplice tous ceux qui
» ont avoué qu'ils étoient Chrétiens & qui
a» ont perfifté : qu'il a tâché d'arracher la
» vérité par la force des tourmens , à des
» filles que l'on difoit être . employées au
» miniftere de leur culie ; qu'il n'a décou-
» vert qu'une fuperftition outrée ; que ceux
» même qui ont renoncé à cette Religion ,.
» ont afluré qu'en l'embraffant , ils ne s'é-
» toient engagés par ferment à commettre
» aucun crime ; mais au contra*u"e , à éviter
» toutes fortes de crimes ». Malgré une
apologie auflî complette , l'Empereur
répond i oc Qu'il ne faut point faire de per-
» quifition des Chrétiens ; mais que s'ils
» fon accufés & convaincus , il faut les
» punir ; que fi l'accufé nie qu'il foit Chré-
» tien , & s'il invoque les Dieux ,. il faut
a» pardonner à fon repentir ». C'eft donc ua
>i I ■ —————
(4} flinii Epifi. l xo. Epi^ 97 ^ 5^«
DE LA Religion, &c. lyp
lait avéré par le témoignage des perfécu-
te^urs mêmes , que les Chrétiens étoient
livrés aux fupplices, non pour leurs crimes»
ou pour avoir troublé Tordre public , mais
pour leur Religion feule , & qu'en y renon-
çant ils pouvoient éviter la mort.
3**. Par les Edits des Empereurs portés
contre les Chrétiens. Ces Edits ne leur re-
prochent ni révolte , ni fédition , ni atten-
tat contre le culte public de l'Empire ; la
feule raifon qui les fait profcrire & condam-
ner, eft leur refus d'adorer les Dieux (a).
^. Par les refcrîts des Princes qui ont
fait cefler de temps en temps les perfécu-
tions , d'Antonin-Ie Pieux , de Marc-Au-
rele, d'Alexandre -Severe; ils accordent
aux Chrétiens , non pas la liberté de trou-
bler l'ordre public ou l'impunité de leurs
/éditions , mais la permiffion de fuivre eti
paix leur Religion ( t ) ; & les Chrétiens
ne demandoient rien de plus.
y*^. Par les reproches des plus furieux
ennemis du Chriftianifme , de Celfe , de
Julien , de Libanius : ils ne difent point que
les Chrétiens ont été mis à mort pour avoir
infulté les Payens-, pour avoir içanqué de
fidélité aux Empereurs , mais pour leur Re-
^ ■ ■ ■ ■■ Il ■ ■ ■ I , . - 1
(a) Voyez ces Edits dans rHifl;»de Mi Sulle( > p. l;^ de
fuîv.
i8o Apolog^i fi
ligion, Libanius loue Julien d'avoir recoir-
nu l'inutilité des cruautés que l'on avoit
exercées fous les règnes précédens contre
les Chrétiens , pour les obliger à changer
de Religion (a).
Nos adverfaires ne peuvent ignorer ces
monumens qui confirment le récit de tous
les Ecrivains Eccléfiaftiques : dé quel front
peuvent-ils les contredire dans tous leurs
Livres ; afliirer hardiment qu'on ne trouve
aucun Edit qui condamne à la mêtt unique--
ment pour faire profejjion du ChriJîianiJ^.
me (b)? Nous reviendrons encore à ce
point , chap. (5, §. i8 & fuiv. parce que
c'eft un de ceux que nos Critiques ont
traité avec plus de mauvaife foi*
La force de la vérité leur arrache de
temps en temps des a'^ux dont nous de-
vons leur fçavoir gré. Les fuppUces des
Chrétiens, dit l'Auteur du Chriftianifme
dévoilé , intérejferent en leur faveur : laper-*
fécution ne fit qu augmenter h nombre de
leurs amis; enfin leur confiance dans les tour-'
mens parut Jurnaturélle & divine à ceux qui
en furent les témoins. Venthoufiafme Je
(tt) Oraîfon funèbre de Julien >dan5 Fâbrîdus, BîblîotJhÉ-
jCrccque , tome 7 , p. 18 j.
{h) £jcameA important > c. i8 , p. itf;^
DELA Religion, &c. i8i
communiqua , &* la tyrannie ne fervit qiià
procurer de nouveaux défenfeurs à la SeSle
qu^on vouloit étouffer {a). Quand nous ré-
pétons à nos adverfaires le mot de Tertul-
lien , que lefang des Martyrs a été une fe-^
mence 4e nouveaux Chrétiens ; ils rejettent
cette cxpreffion comme une idée de décla-
mateur ; lieureufement la voilà confirmée
par leur propre témoignage.
Ce même Critique ne voit cependant
rien de merveilleux dans les progrès du
Chriftianifme. Il fut la Religion du pauvre
& des ignorans ; fes idées lugubres durent
plaire aux malheureux ; les premiers Chré-
tiens demeurèrent unis , parce qu'ils étoient
, opprimés ; ils fouffrirent patiemment , parce
qu'ils ne pouvoient pas fe défendre ; leur
confiance fut invincible , parce que la ty-
rannie & la perfécution irritent l'efprit & le
rendent indomptable : voilà tout le pro^
dige(i>
Examinons - en les cîrconftances , &
voyons lî ce phénomène eft naturel.
Le Chriftianifme fut la Religion du pau-
vre ; mais il fut embrafle par ceux des ri-
ches qui eurent aflez d'humanité pour vou-
joir partager leur bien avec les pauvres. Il
< a ) Chrîfl. dcvoîlé > p. 51* |^ Lettre â Eugénie » p. t^
Q>) Ihii* p. 5 1.
1^2 Apologie
fiit prêché par des ign jrans , & ces hom-
mes , faas lettres , firent briller aux yeux du
injnde une fag^fle fupérieure à celle des
Philofophes ; ils communiquèrent à tous
les hommes la connoifldnce de Dieu que
les Sages du Paganifme avoient réfervée
pour eux feuls ; & ceux-ci confentirent
enfin à les prendre pour maîtres : bientôt
il fe forma dans Alexandrie une école de
Philofophes Chrétiens. Cette Religion con-
fola les malheureux , caradere le plus pro-
pre à nous faire fentir qu'elle eft un préfent
du Ciel, & le bienfait le plus néceflairc aux
hommes ; bien différente des hypothèfes
monftrueufes qu'on veut lui fabftituer , &
qui ne pourroient fervir qu'à défefpérer les
trois quarts du genre humain. Elle fit ré-
gner la concorde, la paix, la charité parmi
les hommes : fi elle étoit fuivie aujourd'hui
comme elle le fut pour lors , le bonheur
renaîtroit fur la terre. Elle leur infpira !a
patience , non par foiblefle , mais par ver-
tu ; les Chrétiens devenus innombrable:- , &
«n état de faire trembler l'Empire fous
Dîoclétien , fe laiflerent égorger auflî tran--
quîllement que fous Néron. Non -feule-
ment leur courage dans les tourmens fut
invincible , mais il convertit fouvent les
tyrans & les bourreaux. La perfécution peut
irriter ceux qui en font les victimes j mais
DE LA Religion, &c. i8j
fille ne fut jamais propre à infpirer à per-
fonne l'envie de s'y expofer,
Ainfi nos adverfaires font eux-mêmes
l'apologie de notre Religion ; la vertu eft
le feul artifice dont elle s'eft fervie pour
féduire les âmes honnêtes ; en connoit-on
quelqu'autre qui fe foit établie par les me-,
mes moyens ?
5. 17.
Le même Auteur , toujours fidèle à nous
fervir, contre fon. intention , prend encore
la peine de réfuter ceux qui prétendent que
le Chriftianifme eft redevable de fon éta-
bliffement aux loix &" à la violence des
Empereurs Chrétiens, Les Empereurs Ko-
mains j dit-il , devenus Chrétiens eux - mé--
mes» cejî'à-dire 9 entraînés par un torrent
devenu général , qui Us força de fe frvir
des fecours d'une SeBe puiffante ^ firent!^
monter la Religion fur le trône. Le torrent
étoit devenu général ; le Chriftianifme n'é-
toit plus alors la Religion des pauvres , des
efc^aves ,' des ignorans ; elle avoir entraîné
les riches , les fçavans , & tous les ordres de
l'Etat: enfin fans changer d'efprit ni de
conduite , elle força les Empereurs de la
faire monter fur le trône ; f ns doute il n'y
a rien encore là dj merveilleux,
X4es Empereurs 9 devet\us ChrétienSjj
184 Apologie
fentircnt tout le prix d'une Religion qui
rendoit leurs fujets plus fidèles ; ils ouvri-
rent les yeux fur les folies & les abomina-
tions du Paganifme ; ils regardèrent de mau-
vais œil ceux qui y rejlerent attachés ; ^eM-
à-peu ils en vinrent jufquâ en interdire i'e-
X£rcice ; il finit par être défendu fous peine
de mort Voilà ce que notre fage Politique
ne peut pardonner. On perfécuta fans mé-
nagement j dit-il , ceux qui s en tinrent au
culte de leurs pères. Mais puifque la perfécu-
tion irrite les efprits & rend l'homme in-
domptable , elle auroit dû faire fur les
Payens , le même effet qu'elle a voit produit
fur les Chrétiens ; 4es attacher plus forte-
ment à leur Religion , faire des Martyrs
& opérer des converfions. On ne fçait par
quelle fatalité il en arriva autrement. Les
fupplices n'avoient fervi qu'i procurer de
nouveaux défenfeurs au Chriftianifme quon
vouloit étouffer ; des loix & des menaces
fuffirent pour anéantir le Paganifme : &
l'on ne veut pas qu'il y ait rien là de mer-
veilleux !
Celfe au fecond fiècle , penfolt diffé-
remment ; il regardoit la converfion du
monde & l'établiflèment du Chriftianifme
comme impoflîbles {a). Ils l'étoient fans
■ im '^''''•mmmmmmÊmimmÊmmmimmmmmmmmÊÊÊtÊmÊmmmÊKmm
( a) Dans Orîgene > 1. S ^ p. 42 f«
doute ,'
HE LA Religion, &c. r8/
(doute , à ne confidérer l'entreprife que fé-
lon le cours de la nature ; mais après le fuc-
ces , peut -on douter qu'il ne^ foit furna--:
turel ?
$. i8.
Il eft faux que les Chrétiens aient nnda^
alors aux Payens j avec ujure^ les mau^
quils en avoient reçus , comme nos Cri -
tiques les en accufenr ( a )v L'Empirer
Romain fut rempli de féditions y mais il effr
faux qu'elles aient été caufées par le ^èlç
effréné des Souverains , Gr de ces Frétres pa^
cirques y qui peu auparavant ne vouloienc
que la douceur Gr l^indulgence : les Auteurs ,►
même Payens > rfont jamais avancé cette^
calommie. Ces féditions furent caufées pat*
des brouillerîes d'Etat , par les divers partisr^
des prétendans à l'Empire :& voilà le fo—
phifme éternel de nos adverfaires. Quanct
le Chriftiamfme fut établi , il y eut des fédiv»
rions ; donc il en fut fa caufe* : on vit naîtreî
des guerres cruelles , des prôfcriptions , .des5
meurtres jdonc la Religion en fut la four-
ce : iL y eut des fcélérats ;< donc c'étoit des»
{a) GHirift. dévoilé, p. 34. Examen important', c i^t'
f 171. EfTai fur l'Hift. Générale , tome 8 , Rematques,-
p. 60. Diâion. Philof. arc. Chriftîànîfme* Dîner du Comtes
ée Boulainviliiers , pages 3 5,& 58. Milûaicc PhiiofophC;^
«8tf Apologie
Chrétiens, N'en a voit -on point vu avant
eux ?
Nous convenons que dans plufîeurs
Villes où les Chrétiens- avoient été fou-
vent infultés & maltraités par les Payens ,
le peuple naturellement violent commit
quelques excès contre ces derniers ; jnais
il eft faux qu'il y ait été excité par les
Prêtres ou par les Evéques. Dans le temps
des perfécutions , le peuple Payen , toujours
fanatique & toujours barbare » (a) s'étoit
porté à des excès beaucoup plus odieux ;
cependant les Philofophes ne veulent pas
que l'on attribue ces cruautés aux chefs de
l'Etat: pourquoi donc ferions -nous re-
tomber les emportemens du peuple dans
les temps poftérîeurs fur les chefs de la Re-
ligion ?
Les guerres de Conftantin & de Licinius
contre Maxence , contre Maximien Her-
cule , contre Dioclétien , avoient multiplié
les faâions , nourri les haines y irrité les
efprits. Dioclétien , viâorieux , avoît dé-
folé l'Egypte par des profcriptions & par
des meurtres (b)'. Maximien n'avoit pas
été moins cruel. Conftantin & Licinius ac-
cufoient Dioclétien d'avoir favorifé Ma-
i
DE LA KELïGtO'tiy&C. iS^f
xence (a). Eft-il étonnant que quand le
parti des deux premiers eut écrafé tous les
autres , Licinius -, naturelleniettt . férofce >
ait févi contre la famille de fes compéti-
teurs , ait fait égorger leurs femmes & leurs^
enfans , fe foit vengé des Magiftrats qui
avoient exécuté leurs ordrea faoguinaires ?"
L'Auteur du Livre de la mort des Per/icur^
leurs accufe formelleffient Liçiaius d^avoir
fait maiTacrer les veuves & les enfa)^ é^
Maximin & de Galerius , d'avoir fait jetter
les corps des deux Impératrices » Tun dai^s
la Mer , l'autre dans l'Oronte (b); Se cet
Auteur n'eft contredit par aucun des Hifr
toriens Payens (c). Aujourd'hui ik)s judt
cieux Fhilofophes mettent fur le cossiptir
des Chrétiens ces horreurs ^ àow leur pkis^
monel ennemi s'eft rendu coupable. Sou$
les règnes précédens on avoit vu les même««
maflacres y les Chrétiens , Uyrés albr^ à ]^
fureur des bourreaux , en étoient-ilis les av^
teurs ? Us ont Couff^t pendant troijs^ fièeler
tous les excès. de la barbarie JRtamaine *=
& on veut à préfent les en rendre refpoo?-
fables.
" , r
( a ) AwrtL ViSior. in Diocler.
{ h De Mortth. de Perfecuu cap. ço 6» yi^-
(c) Nota. Qu'il cft Je feul Hiftoricn qjûi' ait parle &.'
CCI meuEcces, &s'<^ui'énlndi^u« le vctiuble-Auceuu
Q'n
«88 Apologie
Selon le.Chriftianifme* dévoilé , les Em-
pereurs j au politiques ou fuperjlitieux ^ com-
blèrent le Sacerdoce de largejfes 6r de bien-
faits quefouvent il méconnut ; ils établirent
fon autorité y ils refpeSlerent enfuite, comme
dit^in» le pouvoir qu'ils avoient eux-mêmes
créé ( a )• Ce n'eft ici que le commence-
ment d'une violente déclamation contre le
Clergé ; mais éclairciflbns les termes . dont
on abufe. Souvent les Empereurs confiè-
rent à des Evêques ou à des Prêtres une
-partie de ï autorité civile , & les employèrent
au Gouvernement ; c'étoit à eux de choi-
fir les dépositaires de leur puiflance. Il feroit
peut-être à fouhaiter , pour le bien de la
Religion , que fes Miniftres fe fuflent bor-
nés à leurs fondions , ils auroient excité
moins de jaloufie. Mais ce ne font point les
Empereurs qui établirent l'^autorité fpirî-
tuelle du Sacerdoce , ni fon pouvoir dans
les matières de Religion : le Sacerdoce
rient cette autorité de J, C. même : ce pou-
VQÎr vient de Dieu, Conftantin, devenu
Chrétiea.* le reconnut ainfi au-Concile de
Nicée , & on ne peut le révoquer en doute
fans contredire l'Evangile»
iA) Pajgc 54.
DE LA ReLICÎION, &C. l8p
Les Pontifes , pourfuit l'Adteur , de
venus plus puijjans que les Rois y s'arrogèrent
hientot le droit de leur commander a eux-
mêmes : c^eft la même équivoque. Dès la
naiflance du Chriftianifme ,• les Pontifes
eurent droit de faire des loix en ce qui re^
garde précifément le culte divin , mais ils ont
toujours été obligés d'obéir à leur tour aux
Souverains, en ce qui regarde la police & le
Gouvernement, & de donner les premiers à
tous les fujets l'exemple de la foumiflîon. Sr
les Pontifes , dans la fuite des fiècles , font de*
venus fouverains , ils ont réuni dans leur per-
fonne deux pouvoirs très-diftingués , & qu'il
ne faut pas confondre.
Julien lui-même reconnoît dans les Prê-
tres Payera une autorité indépendante dui
pouvoir des Princes. Il écrit à un Pontife^
de Galatie : a Dès que les Gouverneurs de*
» Province ont mis le pied dans le Temple y
«ils deviennent de fimples Particuliers y
» vous feul avez droit d'y commander ,
» puifque les Dieux Fordonnent ainfi {a) ^^
Conteftera-t-on te même droit aux Prêtres:
du Chriftianifme ?
S. 20»
Le grand fecret des incrédules y pour
«■"■■I"
(0) Lcccre à Arfacius..
'ipo , Apologie
rendre la Religion odieufe , eft de peindre
les 'Prêtres comme les auteurs de tous les
maux du monde. LUnivcrs étonnç , difent-
ils , a vu naître fous la loi de grâce des que-
relles & des, malheurs qu'il rCavoit jamais
éprouves foui les Divinités paijibles qui sé-
toient autrefois partagé fans difpute les
hommages des mortels {a). Ces pompeufes
déclamations peuvent impofer aux igno-
rans ; mais il n'eft pas néçeflaire d'être fort
verfé dans THiftoire , pour fentir combien
«Ues font faufles & ridicules.
Quoi ! fous le règne des Divinités du-
Paganifme , les hommes ont été exempts
de crimes , de diviiions » de malheurs ? Il
faut donc effacer des annales du monde »
les cQmbats fanglans des Egyptiens pour
leurs diiférens animaux diviniles ; les iacri-
ficès de fang humain ufités chçz toutes les
Nations & renouvelles par quelques-unes
Erefque tous les jours ( t) ; le cruel ufage des
abitans de laTauride^ d'immoler à Diane
tous les étrangers 5 la coutume prefqu'awfii
barbare des Lacédémoniens , de fouetter
leurs enfans jufqu'àu fang au pied des Au-
tels de cette même Divinité ; les guerres
(a) Chrîft. dévoilé, p. 35 ; & Préf. îi; & i>, Exa»e»
important, en , p. ^8; & conclufion, p. 115.
(t) Tbcodorcç, d^ Curât* Cracar. affea,l 7»
DE la-Religion, &c. ipf
facf ées , fi fameufes dans l'Hiftoire Grec--
que : les Gaulois enterrés vifs par les Ro-
mains ; les combats de Gladiateurs pour ap-
paifer le courroux du Cîel ; les Temples du
Mexique changés en boucherie de chair
humaine Ues bûchers toujours allumés chez-
les Indiens pour confumer les femmes vi-
vantes avec le corps de leur mari ; les péni-
tences barbares des Faquirs , Chinois , In-
diens , Siamois ; la dévaftation de l'A fie
pour y introduire le Mahométifme* Des
volumes entiers fuffiroient à peine pour
rapporter les cruautés dont les fauffes Reli-
gions ont été k fource > les maux qu'elles
ont caufés au genre humain , & dont le
Chriftianifme nous a délivrés.
Et l'on ofe écrire , on ofe répéter vingt
fois, fans pudeur, que cette Religion, loin de
procurer aux hommes le bonheur ^ fut pour eux
une pomme de dif corde &* le germe fécond de
leurs calamités ; que VErangile a coûté au
genre humain plus de fang que toutes ks
autres Religions du monde prifes coVieSive'-
ment. Si oa veut parler de celui que la
foreur des Payens leur a fait répandre pour
exterminer le Chriftianifme , l'exagération
paroîtra moins forte ; mais de quel front
reprochera-{-on à une Religion innocente
& pure , les maux que fes ennemis lui ont
fait foufiirir ? Où font ici les vrais çrimi-
ip:i A p o L o <? I E
nels ? font • ce les bourreaux ou les viâîmes ?
Nous avons déjà juftifié ailleurs (a) les
violences que l'on reproche au Chriftia-
nifme ; l'Auteur que nous examinons ^
nous forcera d'y revenir encore plufieurs
fois dans la fuite (b).
Déjà les Incrédules ont eu foin de fe
réfuter eux-mêmes. L'Auteur de la Conta-
gion facrée n'accufe pas feulenvent le
Chriftianifoie > mais toute Religion quel*
conque , d'avoir été la boite de Pandore , de
laquelle font fortis tous les maux du genre
humain; il décide qu'il ne peut y avoir
aucune Religion vraie , ni utile aux tom-
mes (c). Voilà donc leChriftianifme jufti-
fié : du moins il n'eft pas pire que toute
autre Religion»
$. 12,
Aucun des ennemis de notre Religion
rfavoit encore poufle la haine contr'elle
aufli loin que celui qui prétend la dévoi-
ler. Selon lui, c'eft en vain qu'elle nous
ordonne d'aimer Dieu fur toutes chofes ,.
(A) péifme réfuté, lettre dixième. Cecchude des preuves
au Chrid. c. lo.
(i^ ) Cbap. 1 1 , $. 10 ; & cbap. i f , $. 14*
( c ) Contagion facrée, Prcf.p, v, c. 2, p & 14. Voye»
encore les deux notes de M. ircrcc fut les Lettres Philof. de
Toiand» p. 81 & 1^7,
Se
DE LA ReLIGJÉOK, &C. ÏÇJ \
& le prochain <;am|i>e sous-i^mes : n<^us
rayons les Chrétiens , dit^U , dam VimpoJJi^
bilité d* aimer ce Dieu farouche &* capricieux
qu'ils adorent i^ ^m autre coté» nous les
voyons éternellement occupes à tourmenter ,'
à p^rfécuteir , â détruire leur prochain &•
leurs frer^ (a). Ce reproche lui paroît fi
bieQ fondé > qu'il le répète dix fois de
conaptje.&it.daus, fon Ouvrage. Nous y;
répondrons dans le chap» 1:2 » §• l.
Il fuffit d'obferver ici qu'il nous peint
un Dieu imaginaire 9 qu'il n'a jamais connu
celui que nous ^dorons. La foi nous le re-
présente coipme h, bonté , & la fainteté
même ; elle jaçi^ ^pprçind à . l'aimer comme
notre père,. notre bieôfait^r , notre fau- /
veur ; fans ceffe eUe nous rappelle fes "^
bienfaits ; elle étale à nos yeux le bonheur
éternel qu'il npus prépare i elle nous exhor-
te à nous jetter entre hf bras de fa miférir
corde* $i elle nous invite à craindre Ùl juf-
j:ice , ç'éft que malheureufement cette craiu^
te efl: néce(][à[re pour nous détourner du
jnal. La raifon fait feotir la jufteife de tou^
tes ces idées; la Philqfophie ancienne les
avoit entrevues , il n'y a qu'un Athée de
profeffion qi^^i puijQTe les dé^pprouver.
(4) .Chrift. dévoilé , ^. 5^., 8« lettre â Evg^nie , p. tp^
Contagion facréc , «• J > ?• 4 7»
Tome L * JRi
|îj4 ' ' ' A p- ô t ôb-i H
' Sur le portrait que l'Auteur fait ici de
la méchanceté des Chrétiens , on feroit
tenté de lui demander parmi quels peuples
il a vécu , de -quelles^ cruautés , de quels
maflacres il a été le témoin ou la vidime ?
Auroit-il vécu auffi tranquille , fi le; zèle
f eligieux étoit àuflî fougueux qu'il le repré-
fente ? Dans un fiècte où tes efprits font
calmés , Y art-îl de h prudence de renou-
veller des fouvefeirs capables de les échauf-
fer de nouveau ?
On a beau nous remontrer fans cefle , que
notre conduite -s'accotdd mal avec notre
créance ; ce malheur tré^p rëel nous eft
commun avec lès Philofèphes» Y eh a-t-il
un feul qui fuive fidèleiîiént dans la pra-
tique les belles maximes de morale qu'ils
affedent d'étaler dans leurs Livres- ? Cicé-
ron feur a déjà feit ce reproché (4). Pour
les confondre ^ 'il fùffit de leur adrôflèr la
rcponfede J. Gè àtbc Yh&îReA» :\que celui
Centre vous qui è)î Jarti péèké^jeueîupre'^
jniere pierre contré là Religion.
LaifTons donc de côté les reproches
amers & infultans qu'on nous fait ; la fu-
reur , la révoltie /les guerres ,; les meurtrels >
les perfééutiohs'ndbnt on charge les Prê-
tres : nous y reviendrons dans k fuite, Il
»— — III I wi I 1— — — — wiwpi
i a) Tv£:ul.guefi,L%9 n« zt,
DE LA Religion, &c. 195*
s'eft commis des crimes malgré la Reli-
gion ; il s'en commet malgré les loix civi'
les , malgré la vôix de la raifon , malgré les
maximes de la PhilofoDhie : donc la Rel^
gion , les loix , la raifon , la Philofophie ,
font là fource des maux du genre humain^;
Sophifme ridicule ;^n devroit avoir honte
de le renouveller.
Maïs c'eft la Religion qui à ferv^ de pré*
texte four troubler lafôciété. D'accord. Ne
l'a-t-on pas troublée fous prétexte de main-
tenir les loix , d'établir l'autorité du Gou-
vernement , de venger l'équité naturelle ,
de mettre à couvert l'intérêt des peuples ?
Faut-il pour cela retrancheir ces diffèrens
motifs , dont les paffions humaines font tou-
jours prêtes d'abufer 3 dont elles abufent
tous les jours ?
Sans doute ce font les Prêtres ou les Sec-
tateurs du Chriftianifme qui ont màflacré^
vingt-deux Empereurs Romains dans moins
d'un fiècle , qui ont caufé à la Chine vingt-
deux révolutions générales , qui ont étran-
ge dix ou douze Sultans , qui ont fi fouvènt
enfanglanté le. trône dans la Perie & dans
les Indes. A^entendre xaifonner nos içavans.
Critiques , il femble que tous le& çripie^
aient été commis ckexi les Chrétiens ; &c^ il
a'eft aucun peuple infidèle auquel on te'
Rii
îp6 Apologie
puiflè en reprocher de plus atroces & en
plus grand nombre.
' Ceft le Chriftianifme , dît-on , qui a in-
troduit dans le monde l'intolérance ; ja-
mais le Paganifme ni la Philofophie n'ont
infpiré la perfécut ion. Mais le Chriftianifme
fut perfécuté dès fa n^iflànde ; eft-ce lui
qui avoit communiqué à fes ennemis le fa-*
natifme dont il étoit la viftime ï Julien
étoit Payen & Philofophe , & il fot
perfécuteur. On n'a qu'à lire fa vie par M,
de la Bletterie (a) y (es propres ouvrages »
fes Edits contre les Chrétiens , fes Lettres
aux Pontifes du Paganifme (b). Il avoit pris
pour devife ces deux vers d'Hoinere :
To{it exmemi des Dieux doit être auflî le mien ,
' Et le Ciel me défend de lui faire du bien. ( c )
il n'avoit pas puifé cette fentence dans l'£*
vangile,
. i* 22.
. Voilà néanmoins fur quoi triomphe l'Au^^
teur du Chriftianifme dévoilé ; c'eft là-det-
fus que fon éloquence fe déploie ; à pro»
r
(a) Pag. I7Z, i8o & fuiv.
( h) Mifopogen j vie de Joviea » tome », ptV; > 1^4 » :
U) i2>îii. pàg. |t5«
DE LA ReLIGIOK, &C. ip7
prement parler , c'eft tout le fond de fon
Ouvrage : il le répète au moins dix fois. U
prétend trouver le dénouement de la con-
tradiâion entre nos mceurs & notre foi dans
l'idée que nous avons de Dieu & de fa juf-
tice. Le Chrétien , dit-il , voit fon Dieu barr-
lare , fe vengeant avec rage & fans mefure
pendant V éternité (a). Supprimons le refte
d'une inveftive que le fanatifme a (Jidée ,
& qui fait horreur. En deux mots , nous
adorons un Dieu cruel», voilà pourquoi
nous le fommes • nous-mêmes : c'eft le feul
raifoiinement que l'on puifle tirer de tout
ce chapitre.
Mais tous les Philofophes qui admettent
une Religion naturelle , croient des peines
& des récompenfes après cette vie ; ^& plu-
sieurs anciens les ont cru éternelles , auflî-
bien que nous : cette opinion les a donc
rendus auffi cruels que nous (b), ■■■ ^
En fécond lieu , fi l'idée que nous avons
de Dieu eft la caufe de nos crimes , tous le$
peuples qui en ont eu une idée différente ,
ont dû être des prodiges de douceur &
d'humanité. Or , fans parler ici des autres
cruautés anciennes ou modernes > comment
(a) Chrift. dévoile,?. J7 , 45> ij8, &c. 5« Lettre d Eu-
génie, pag. 114, /
(b ) Voyez les pafTages de Platon , de Ceffe , de Virgile.
Qnzicmc DîfTerr. tirée d'e Vaibjrchon j tome i , p. n|.
Riij
'jrpS Ai^oLOGifi
les Paycm , qui ne croyoient point au Dieu
des Juifs ni des Chrétiens , ont-ils pu traiter
ceux-ci avec tant de barbarie? Comment
parmi les peuples fauvages peut-îl y avoir
des Cannibales ? Faut-il abjurer notre Reli-
gion , pour aller manger avec ces peuples
bénins la chair de nos ennemis ?
Nous n'entreprendrons pas d'accorder >
^vec les foibles lumières de la raifon , le
dogme de réternité des peines , que notre
Auteur préfente fous des couleurs fi horri-
bles. La foi nous l'ehfeigne ; les Philofo-
phes anciens ne le trouvoient point incroya-
ble (« J.C'eft une calomnie cle l'Auteur du
Diitionnaire Philofophique , d'avancer que
plufieurs Pères de l'Eglife ne l'ont pas
cru ( i ). On raifonne très - mal quand on
veut fixer les droits d'une juftice infinie fur
les règles de la juftice humaine ; tout ce qui
eft infini furpaflè nos conceptions naturel-
les. Nous ne trouvons pas étrange que la
bonté de Dieu récompenfe pendant toute
l'éternité , une obéilTance qui n'a duré que
pendant quelques inftans : eft-il plus dîflS-
cile d'admettre qu'elle punifle une défobéif-
fance momentanée , ou plutôt la perfévé-
rance dans le crime jufqu'à la mort , par ua
(a) Voyez leurs pafTaget daoj Tçiidroû cic^«
( t ) Dift. Phil. «t. £n/cr.
DE Ll R'EILfGtofc. &C. «pj)
fupplice .qui ne finira jamais' t.Qn ne IjlamiB
point la juftice hthnaihe , quand elle punît
de mort un crime ^d'ùn inoineht , ^Jjarce
que ce n'eu point la durée de celui-ci qui
en-fait l'énormité. t'eft donc une tépiéritè
de s'élever contte la Tevélation , qua«il plie
nous enfeîgne que Dieu vengéta ce même
crime par un châtiment éternel- Ce dogme
ne fait point de peine aux hommes yet'^
tueux ; îl ne révolte que les méchans. Mais
puiïqu'îl ne fuffit pas encore pour les înti^
mider /quel frein poùrroit-on leur oppo-»
fer , fî cékiî-là leur' étoit ôté ?
La croyance de cette vérité , loin d'ih&
pîrer aux Chrétiens la cruauté , la perfécu-
tion , r«fprit féditîeux , eti feroit aii con-
traire lé meilleur préfervatif , fi' les paffions
humaines étoient capables de réfléchir. J, Ci
a menacé du feu éternel tous ceux qui mah*
quent de charité envers leurs frères (a). Le
raifonnément de TAuteur du Chrijlianifme
dévoilé eft donc fouverainement ridicule ;•
& plus îl le répète, plus il prouve fon aveu-
gle prévention.
i>->i
(tf) MflttA. 1) , 41.
^^
Riv
POO APOIiOG.iK
■ I kk^f'o'^^dd
ce APITRE IV-
De laThéologie Chrétienne ^ ou àes_ idées que
le Çhrïjîianîfme^nqùs don^e jieDieu &r de
] fa conduite. /* /. / ' ..
%J N Phîlpfophe qui veut inftruire (blide-
jpetit fes leâeux:s , np doit pas fe contentes
d'attaquer; les pj^éceodues erreurs dont le
.Chriftianifme a imbu la moitié du mondé
connu, il eft encore .obligé d'y fubftituer
am fyftème plus raifonnable , mieux lié «
dont Tefprit humain puiflè être plus fatis-
faiti Quand on fuppoferoit pour un mo-
inent , que nous ayons de la Divinité & de
la conduite des idées aufli fau(res que le
Ibutient l'Auteur du Chriftianifme dévoi-
ïé ; en montrer l'abfurdité , c'eft ne remplir
que la moitié du devoir d'un maître qui
js'eft chargé d'éclairer les hommes. Nous
lui aurions une obligation plus eflèntielle ,
s'il eût daigné nous apprendre ce que nous
devons penfer de Dieu : il noua auroit du
moins convaincu qu'il en croit un , qu'il
n'eft pas abfoluinent Athée ; & il nous laifle
là-defliis dans une facheufe incertitude. Il
jûous donne un volume entier d'objeftions ^
DE LA ReXÏ^ION, &C. 201
Ou plutôt 4e faufles aceufations contre le
Chriftianifme 5 il en conclud qu'il ne faut
point avoir de Religion : la conféquence
eft un peu dure. Mais y a-t-il un Dieu ? Eft-
ce lui qui a fait le monde l Exigent- il quel-
que chofe de nous ? Avons -nous une ame >
Sommes-nous des brutes , des automates ?
Il n'a pas jugé ces queftions aflez importan-
tes pour (e donner I9 peine d'y fatisfaire^
Quand il s'agit de propofer des doutes ,
<le former des diflficultés > d'épaiffir les ténè-
bres autour de nous , nos fçavans Critiques
ne tariflènt point , leur éloquence eft iné-
puifable : faut-il bâtir une hy pothèfe , dreffér
un fyftème de croyance ? leur PhilofopWe
eft en défaut ; s'il leur arrive de faire un
pas , ils tombent , fans pouvoir fe relever.
Le chef-d'œuvre de cette Philofophie lu-
mineufe eft de nous plonger dans un pyr-
rhonifme univerfel.
Il eft fans doute naturel à l'homme d'être
curieux fur fa propre nature , fur fon ori-
gine , fur fa deftinée. Qui fuis- je ? D'où fuis-
je venu ? Où dois- je retourner ? En dépit
de la Philofophie , ces queftions auront tou-
jours de quoi affeder vivement un être
penfant. Non-feulement nos fages Doâeurs
refufent de nous l'apprendre; ils fe fâchent
encore > quand nous cher||pns à te f^avoir
d'ailleurs*
âoi Apologie
L'impuiflance & Tincertitude de la raî*
fon humaine fur ces objets fi eflentiels]
nous font allez fentir le befoin que nou$
avions d'une lumière furnaturelle , d'une
révélation. A peine Dieu nous Ta-t-il. eu
donnée , que des Philofophes inquiets & ja-
loux ont réuni tous leurs efforts pour étein^-
«Ire cette lumière & la faire diiparoître à
nos yeux. Qu'ils fe plaifent à marcher dans
les ténèbres > c^eft leur affaire ; mais qu'ils
veulent opiniâtrement nous y entraîner
avec eux > c'eft une manie aflèz lînguliere.
Dieu , en nous donnant la révélation ^
n'a pas voulu nous apprendre tout ce qu'une
railon préfomptueufe peut defirer de fça-
voir ; il nous a fagement difpenfé le degré
de lumière néceffaire pour nous guider , &
rien davantage. Comme un père tendre Si.
attentif, il nous conduit par la main ; il fe
montre , mais au travers d'un voile , pour
ne pas bleffer nos foibles yeux. Il nous ac-
corde l'ufage de fes ouvrages , il nous en
cache les reflbrts fecrets ; il nous expofe fa
conduite , fans nous en confier les motifs i
il nous inftruit de fes deffeins , mais il fe ré-
fervç de nous en dévoiler un jour la fagcfle
& la juftice.
Cette fage économie eft juftement ce
qui révolte les Ij[||rédules ; ils veulent tout
ou rien. Dès que Dieu ne nous a pas enfew
DE LA Religion, &c. 20^
gné toutes chofes , donc il ne nous a éclai-
rés fiir aucune. Pour nous empêcher de prê-
ter Toreille à la voix du Ciel , ils nous étour*
diflènt de leurs clameurs. Ecoutons-les pour
un moment ; leur grand art eft de défigurer
les leçons de la Religion , pour fe donner le
plaifîr de les réfuter. Nous avons déjà ré*
pondu ailleurs à la plupart de leurs objec-
tions (a),
$• 2.
Selon nos Ecritures » Dieu a faît fortîr
l'Univers du néant : premier grief. La créa^
tion eft inconcevable ; rien ne fe fait de
rien ; c'«ft un axiome de l'ancienne Philo-
fophîe. D'ailleurs le mot Barah de la Ge-
nèfe fignifie feulement faire ou arranger. Le
fens que nous lui donnons aujourd'hui » eft
une invention Théologique aflèz modère
neC^^).
Puifque Tancîenne Philofophîe n'a eu^
aucune idée de la création > C l'Ecriture n'en
dit rien non plus ,. comment cette idée a-t-*
elle pu venir à l'efprit des Théologiens?
Voilà ce qu'il faudroit expliquer d'abord*
Suppofons que le terme Hébreu ne fignifie
pas toujours la création proprement dite à
■•«'>aa«m^Ba«MMiaMaBMM«MMHMaaaaaMia.
(a) Certitude des preuves du Chrîd. c. 1 1.
(b ) Chrill. dévoilé »,pag. j^. Did. Philof. art. Gtnlfi^
$« Leuce à Eugnie , £ yH^
1204 Apologie
quel eft le fens de ces paroles de Moiïé?
Dieu dit : que la lumière foit , &* la lumière
fut. Celles du Pfalmifte : Dieu a dit^^
tout a été fait ; il a comrnandé Gr tout a
été créé.^ font abfolument les mêmes* Le
langage humain peut41 fournir des expref-
lîons plus énergiques pour exprimer la créa-
tion ?
Cette création eft inconcevable ; fuppo*
•' fons-le encore. Un monde éternel , une ma-
tière éternelle , font-ils concevables? Ceux-
ci renferment contradidion ; la création
h'a rien de contradidoire. Un monde éter-
nel , une matière éternelle * feroient auffi in-
dépendans, auffi immuables que Dieu: la
toute-puiflance divine n'auroit pu rien opé-
rer fur eux. Si le dogme de la création , tel
que nous le croyons , avoit étépropofé aux
plus fages des anciens Philofopnes , ik Pau-
roient préféré aux hypothèfes abfurdes
" qu'ils ont imaginées.
On objede que, fuîvant nos Livres faints,
à peine l'homme eft-il créé , que Dieu lui
tend un piège auquel il Jç avoit fans doute
quil devoit fuccomber. Faire un commande-
ment à l'homme , c'eft donc lui tendre un
piège ? L'idée eft neuve & digne de la Phi-
îofophie moderne. L'homme a-t-il été créé
libre , fufceptible de loix & d'obéiffance ?
^ous portons en nous-mêmes la réponfe à
BK LA Religion, &c. ^of
cette queftîon. Dieu at-il fait tort à un être
libre , de lui remettre fa deftinée entre les
mains ? Nous en appelions au fens-com-
mun.
Le ferpent qui parle , qui féduit la fem*
me , eft »un nouveau monftre à des yeux
Philofophes ; mais jamais les Juifs ni les
Chrétiens ne s'y font trompés. Le démon
ou l'efprit malin emprunta cet organe ; la
première femme , prefqu'au moment de fa
création ^ n'avoit pas aflez d'expérience
pour être furprife ou effrayée de ce phéno»
mène. ' ▼
Que tout le genre humaîn ait été punî
pour la faute du premier homme , c'eft ,
lelon nos Genfeurs , une injuftice que l'on
nejpeut pas attribuer à Dieu. Ils penferoient
différemment , s'ils faifôient plus d'atten-
tion à la nature du châtiment. Dieu , à
caufe du péché du premier homme , a pu ,
fans injuftice , le dépouiller lui & fa pofté-
rité , des privilèges purement gratuits qu'il
lui avoit accordés. L'immortalité , l'em*
pire abfolu fur fes paffions , le droit à une
béatitude furnaturelle n'étoient point des
appanages néceflaires de l'humanité. Un
Roi peut dégrader de noblefle un Gentil-
homme , pour le punir ; fes enfans , quoi*
qu'innocens de la faute de leur père > en
partagent la peine , fans avoir lieu de s'ea
2o(îl Apologie
plaindre, Nous avons traité cette queftlofl
plus iau long dans un autre Ouvrage (a).
On trouve fort étrange que Dieu ait
n&yé le monde dans un déluge univerfel ,
quil fi foit repenti Savoir créé Vhomme* Il
troupe plus facile j dit-on , de noyer Êr de
détruire ïefpèce humaine ^ que de changer fin
cceur (b). Tout eft également facile à un
Dieu tout-puiflant : Ul peut , quand il lui
plaît , changer le cœur des pédieurs ; mais
il emploie pour les coiHuire , les loix » les
châtimens , les récompenfes ; parce que ce
font les moy^ens qui conviennent à la natu-
re d'un être libre & intelligent, L'Auteur
du Chriftianifine dévoilé ne fçauroit les dé*
(approuver , lui qui ne veut d'autre frein
pour\etenir les hommes , que les loix civi-
les s les peines & les récompenfes tempo-
relles. Et quel monument plus propre à
feire trembler les pécheurs de tous les fié-
clés , que les veftiges d'un déluge univerfel
répandus fur toute la face de la terre ?
Quand l'Ecriture attribue à Dieu les af-
ferions coi*porell^ , les aâions (hi les paf-
fiûns humaines , la haine , la colère , le re«
'{fl > Déifme réfaté , Lettre 7«,
ih} Chtiil. dévoilé ^ p, 40, 5« Lettte à Eugénie > p. 6Zp
DE LA Religion, &c» 207
pentir , ces expreffions ne peuvent nous in-
duire en erreur fur là nature divine. Nous
fomnaes avertis par d'autres paflages for-
mels , que Dieu eft un pur efprit , éternel ,
immuable , fouverainement parfait. Les
Livres faints font écrits en langage popu^
laire , parce qu'ils doivent parler à tous ,
aux ignorans , comme à ceux qui font plus
inftruits. Quand tous lesPhilofophes de l'U-
nivers fe réuniroîent pour nous expliquer
la nature & les opérations de Dieu , il leuc
feroit impoflîble de trouver dans le langage '
humain des expreffions propres à caradéri-
fer l'Etre infini , • & à diftinguér fes opéra^ .
tidns de celles des créatures.
On reproche à la Providence l'inutilité
du déluge. La race nouvelle recommence à
fe livrer au crime ; jamais le Tout-puiffant
ne parvient à rendre fa créature telle quil Va
defire. Farce que les hommes n'ont pas afièz
profité de3 châtimens dont Dieu a ^uni les
pécheurs , s'enfuit-il que fa juftice ne. devoit
pas -en ufer ? Plufieurs en ont été touchés
dans tous les fiècles ; & fans ces coups d'é*-
clat ) le défordre auroit été plus grand. Les
loix civiles & les fupplices n'arrêtent pas
tous les forfaits : on ne s'avife pas pour cela
de conclure à leur fuppreffion. Dieu eft in-
finiment puiflknt^ mais il eft infiniment
jufte & iage > le moindre honneur que nous
2o8 Apologie
puiflîons lui rendre , eft de croire qu'il a eu
de bonnes raifons pour faire ce qu'Û a fait,
La prédileftion de Dieu » pour le peuple
Hébreu , donne fur-tout de l'humeur à nos
.Critiques. Dieu , difent-ils , partial dans fa
tendrejfc & dans fa préférence ^ jette les
yeux fur un AJJyrien idolâtre ; c'eft Abra-
ham : il fait alliance avec lui & avec fa pof-
térité. Ceji à cette race choijie que Dieu
révèle fes volontés ; ceJi pour elle quil dé-
range cent fois Vordrequil-avoit établi dans
ïa nature ; c'e/Z pour elle quil ejl injujîe &•
quil détruit les Nations entières (a). Il y a
dans ce peu de mots trois^ ou quatre fauf-
fêtés*
: i*^, D eft faux que la bonté de. Dieu en-
vers les Hébreux foit une partialités Ce dé-
faut ne peut avoir lieu que quand il s'agit
d'exer&r la juftice. Or Dieu ne dey oit, p^r
juftice, à aucune Nation y les bienfaits un-
guliers dont il a comblé fon peuple. £n lui
accordant une providence particulière , il
n'a point cefle de veiller fur le refte de
l'Univers par fa providence générale j de
(donner à toutes les Nations des témoigna*
~' (a) Chrill. dévoilé , page 41. Examea împocranc» c* 3 »
ptge »^« 5« Leuce â Eugénie »,page 6B^
geg
t>È LA ReLIGION^, &C. 2tOp
ges de fa bonté , & des lumières fuffifantes
pour le connoître ; l'Ecriture nous l'ap-
prend (a) : & S. Cyrille avoit déjà donné
cette réponfe à Julien (&)• *
2^é 11 eft faux qu'Abraham ait été idolâ-
tre ; c'eft du moins uneAippofition qui n'eft
fondée fur aucune preuve.
5^. H eft faux que Dieu ait dérangé l'or*
dre de la nature pour les Juifs feuls : la ré-
vélation qu'il leur a donnée , les prodiges
par lefquels il l'a confirmée , dévoient fer-
vir dans les deffeins de Dieu à préparer les
voies au Cbriftianifme > & à inftruire dans
la fuite des fiècles toutes les Nations de l'U-
nivers. On ne parle point exaftement d'ail-
leurs , quand on dit que Dieu a dérangé >
pour les Hébreux , l'ordre de la nature : il
a feulement fufpendu^ pour, quelques mo-
mens le cours de certaines, caufes naturel^*
les particulières , fans que cette fufpenfioa
ait rien dérangé dans le refle du monde.
4"^. Il eft faux que. Dieu ait été iiijufl:e ;
en fe fervant des Juifs pour détruire des
Nations entières. Elles avoient mérité pat
leurs crimes d'être traitées avec cette rif
gueur : Dieu étoit le maître de choifir lei^
infirumens de fa vengeance. •
mmmmmmÊmmitÊÊmim
• ia) A$k^ 14^ fr^«
y
ara Apologie
Il eft également faux que tantôt Dieu
hait les Hébreux fans motifs , ^Que tantôt
il les aime fans plus de raifan. Toutes les
fois que Dieu les a punis , ils l'avoient mé-
rité par leur défobéidance à fes loix &
par leur idolâtrie tlibn peut en croire l'a-
veu qu'ils en font eux-mêmes dan^ leurs
propres Livres».
$. r-
A toutes ces fuppofitions fauflès , l'Au-
teur ajoute uae calomnie. Il nous fait dire
^ue Dieu , dans Vimpojfihdité où ilfe trouve.
-de ramener à lui un peuple pervers j. quil
-chérit avec opiniâtreté , lui envoie fin pro^
prefiU ; qu^ilfa trouve dans Pimpuijfance de
faruvu le genre humain fans facrifier fan
fKoprefib (a). Jamais un Chrétien n'a cru
ni enfeigné que Dieu ait été dans l'impof-
£bilité de fauver les honmies , autrement
que par l'incarnation & la mort de fonûls»
il pouvoit fans doute pardonner le péché
par pure miféricorde ; il pouvoit le punir
ieulement par des cbâtimens temporels ; il
pouvait , par des grâces puiflantes , conver-
tir & fanétifier tous les pécheurs ; il pouvoit
mettre en ufage mille autres moyens dont
DQij^ ,n'4yons p4s. feulement ridée» , Mais
i— <*—*—— i—i I ■■ ■ ■■■■—■■ ^mm^mm^m^mÊmm-mmmÊmÊm^mmmaÊ^
ia) Chtiiï. dévoilé, p.^ 41. ^e Lecire i Eiigéaic» jp» 74î
DE LA ReLIGÎON, &C. ITt
nous foutenons que celui qu'il a jçhoifi , eft
infiniment fàge , digne à^o, bonté & de f^
juftice. .iW . : ,
Enfin le Critique nous impute des blaC-
phème5 , quand il nous accufe de croire que
la Nation farorifée a été abandonnée par fan
Dieu qui rCa pu la ramener A' lui i que mal»
gré les efforts dé la D ii^inité y fes faveurs font
inutiles ;■ que le plus grand nombre deî
hommes eft dejiiné aux ckâtimenréter^
nds (a). Dieu n'a point abandonné entiè-
rement les Juifs ; il continue de veille^ fur
eux , même en les puniflànt ; & il peut les
ramènera lui quand il lui plaira^ Ses faveurs
ne font point iftutiles 'y puifqu'ùn grand
nombre rfhonvmes en jM-ôfite dans tous les
fiècles. Dieu n'a prédeftiné perfonhê ^u feii
éternel y c^eft une erireur de Calvin que nouiS
déteftans y niais il a eonnu-de toute éternité ,
qui font ceux qui s'y piorigercrttt par. leur
malice-Scieur împénîtenoeV ' - *' ^
DaDs le titre de éé chalp^tre , PAuteur
nous avoit pronris Ib Mythologie GKrétien^
ne j o'éft ^infi qu'if lùi^pîude défîgner nok
tre Gpbyai^te : n^ià'il ne hous a donné que
fa propre niytbologie yun'tiflii d'^fardîtés^
dont il çfr léfeul Auteur. Encore a-t-il f aur^
dàce'^dé dii*e «n-fe^Piflànt t «^Ze e/2 Phifioire
tfl^ehriii, iè^me;^.j^ ' ' ' — ^ -
ai2 Apologie
fid^Ue du t)Uu fur lequel le Qiriflianifint fi
jbnde : c'eft plutôt l'hiftoire fidelle des rêve-
ries & de la maimiie foi de l'Auteuré
; Il faut que notre Religion ne foit pas
audî ridicule qu'on voudroit le faire pa-
xoître , puifquç pour l'attaquer avec quel-
^u'avantage , on eft obligé d'en défigurer
tous les dogmes. Il fuffit de la montrer
telle .qu'elle eft > pour confondre fes en«
nemis^
«
D'après le tableau imaginaire que l'Âu*
teur a formé » il prend droit d'argumenter ,
ou plutôt de déclamer contre nous. Il nous
accufe de n'avoir aucune idée de nos der
voirs; de méconnoître la juflioe ; de fouler
aux pieds l'humanité ; de faire nos efforts
pour nous rendre fèmbl^bles à la Divinité
barbare que nous adorons. Sans doute. le
devoir, la juftice, l'humanité , lui ont ipf-
piré ce langage plein de bile ^iç les calom-*
Jiies dont il nous honore* r
Quelle indulgence ^ dit-il , Vkomm^ ç/? - 'i
en droit d'attendre d'un Dieu qui na pas
épargné fon prppre JiLs i Qt^eUe in4ulgcnce
ï homme Chrétien aurait-il pour fon fimbla--
hle ? Difons mieux avec S. Paul , quelle, in-
dulgence l'homme ne doit-il pas attendre
d'un Dieu qui nous a aimés juiqu'a donner
Ï)E LA ReLIGIOIî, &C. 11^
fori fils Unique pour notre falut (a)i Quelle
charité le Chrétien ne doit il pas avoir pour
fon fèmblable , lorfqu'ilyvoit le fils de Diea
prier pour fes bourreaux ? Dieu ne lui pro-
met miféricorde qu'à cette condition : par-
donne^ j & vous fer ^ pardonné (b)^
L'Auteur ajoute dans une note , que îe
mort du fils de Dieu eft moins une preuve
de fa bonté , que de cruauté , & d'une ven-
geance implacable. On ne peut concevoir ^
dit-il , qu^jin Dieu bon ait fait mourir un Dieu
innocent , pour appaifer un Dieu jujîe ( c ).
Âflurément on ne le conçoit. pas , quand
on admet trois Dieux ; mais un Chrétien
qui croit & adore un feul Dieu bon &
jufte > conçoit qu'il s'eft fait homme pour
nous donner , par une viâime ég^e à lui^
même » de quoi fatisfaire à fa juftice , non-
feulement pour nos péchés j mais encore pour
ceux de tout le monde (d). Il comprend ,^v
avec S, Paul , qtre Dieu étoit en /. C. pour
fe réconcilier le monde ( e ) : que dans ce
myftere Dieu a fait éclater , non pas 1^
cruauté ou la vengeance d'un juge irrité ,
mais la bonté Êr la miféricorde d'un fauveur
*>Mll
id)Kom. 8, 5ï.
{h) Lue 6, 37.
ic) Chrift. dévoilé, p. 44^
. ( d) Joan, 2. f u
'214 A? ot oaiE
& iP un père (a). Le langage du Chrîftîa^
nifme eft toujours contradiâoire à celiû de,
noci;e Critiqiw,
«•7-
Il prétend que notre morale ne peut être
tonftante & certaine; qu'elle doit varier
comme la conduite du Dieu que nous fai*
Ions proféflîon d'adorer. En effet ^ dit-il ,
€e Dieu n^eji pas toujours injujîe Ér cruel ;
tantôt il exerce fur l* homme fes fureurs arbi-^
tr aires , Gf tantôt il le chérit malgré fesfau^
tes. Ce Dieu immuable eft alternativement
agité par V amour Gr la colère ; par la ven^
geance &* la pitié ; par ta bienveillance &*
le regret. lî ordonne àfon peuple la fraude j;
le vol y le meurtre ; dans £ autres occafîoru A
défend ces mêmes crimes. Ce Dieu s^appelle
à-la-fois , le Dieu dès vengeances &* ie Dieu
des miféricordes ; le Dieu des armées fir* /e
Dieu de la paix ^ &c. Cette objeâîonpa-r
roît fi (blide à l'Auteur , qu'il la Tépète en-
core dans deux autres endroits^ (^h). Elle
eft copiée dans le Militaire Philofopke(c). .
Le leâeur apperc€?vra fort aifèment ^
qu'ici l'on n'attaque pas feulement l'idûK
Ka) ÂiTiu % , A^
(&)Chap. lo, p. 1 joçôcchap; tr, p. r4tv ' i
( c ) Chap 1 , p. 19, & chap. 10 , p. 1 5S i» Lettre i^>30r
£<nie, p. 45 & 5 i«-Comftgion facréc > c f > f ; p^*.^ - ^ - ^
DE LA Religion, Se. 21Ç
que les Livres faints nous donnent de Dieu ^
& la croyance chrétienn/^ , mais encore la^
Providertce divine connue par la raifon ^
que c'eft le vrai langage de FAthéifme qui
continue jufqîi'à la fin du chapitre ; que tour
homme qui croit un Dieu , eft oblige d'y
répondre avec nous.
N'eft-il pas certain qu'il y a fur la terrô^
des hommes malheureux ^ fans qu'ils parqiP
fent Pavoir mérité , d'autres qui profperent
malgré leurs crimes j qu'il y a eu des Na*
tioiis vaincues , écrafées , exterminées par
d'autres i que la profpérité & les vidoirea
de certains peuples ont fouvent été le
fruit de la fraude > de la violence , de la;
trahifon, du parjure? L'Hiûoire ancien-^
ne & moderne en fournijQTent des preuves
continuelles. Ou il y a une Providence
qui gouverne le monde , qui difpofe des:
événemens , qui difiribue le bien & le
mal aux hommes , ou il n'y en a point»-
S'il y en a une, elle eft refponfable ,. non*-
feulement de toutes les injirilices qui coa-^
vrent la face de la terre , mais encore det
toutes ces alternatives de bonheur & det
malheur qui arrivent aux hommes^ & ; fe^
Ion le j:aifonnement de notre Auteur ^
noifâ fommes autorifés à imiter fa con-
duite. Si la Providence n a pomt de part
à ce qui arrive ici bas y toUt eft l'èâet du
f
^ -"■-
ftitf Apologie
haiàrd ; il n'y a point de Dieu : c'eft l'ar-
gument de tous les Philofophes contre les
£picuriens.
Dans l'Iiypothèfe d'un Dieu conferva-
teur & fouverain arbitre du monde , fom-
mes-nous en droit , malgré tous les défor-
dres qui y régnent , de Taccufer de partia-
lité , d'inconftance , d'injuftice ; de lui re-
procher qu'i/ e/î alternatwement agité par
t amour & la colère » par la vengeance & la
pitié ; quU n a Jamais dans fa conduite cette
uniformité qui caraâérift lafagejfe; en un
mot , de vomir contre lui tous les blafphè-
mes fortis de la plume de notre Auteur?
Ils retombent fur lui feul , qui ne veut point
admettre une' autre vie où l'ordre fera ré-
tabli & la Providence juftifiée.
^ Le ciel & la terre peuvent être anéantis ,
félon l'expreflîon du Prophète , fans que
Dieu change pour cela ( ^ ). De toute éter-
nité il a réfolu , pour chaque moment de
leur durée , les divers événemens qui y arri*
vent , & fes décrets font immuables ; il a
prévu toutes les adions des créatures intel-
ligentes & libres; & cettç connoiilance eft
infaillible* Si quelquefois l'Ecriture femble
attribuer à Dieu un changement de volonté
DE LA Religion, Se. aiy
& de conduite , elle le fait pour fe propor-
tionner à notre manière de concevoir; mais
elle nous enfeigne en même temps l'immu-
tabilité de Dieu. Je fuis le Seigneur , dit-il
lui-même^ je ne change jamais (a). Dieu
n'ejl point femblable à V homme , pour mentir
eu pour changer de volonté; peut-il manquer
de faire ce qu'il a dit » ou daccêmplir ce
qu'il a promis (b) ? Ses ordres font ji^/les
&• irrévocables , établis pour toute téter-z
nité ( c ).
C'eft donc en vain que l'Auteur attribue
à l'inconfiance de la conduite de Dieu , la
prétendue incertitude de la morale : Texem-
pie qu'il en donne , eft très-mal choifi. Juf-
qu'ici y dit-il , les Chrétiens n'ont jamais pu.
Convenir entr^eux j s'il étoit plus conforme à
la volonté de Dieu de montrer de P indulgence
aux hommes , que de les exterminer pour des
opinions» En un mot , c^fi un problème pour
eux 9 de fç avoir s' il ejîplus expédient d'égor^
ger & d^ajfajjîner ceux qui ne penjent point
comme eux, que de lesùijfer vivre en paix ,
&• de leur montrer de l'humanité (d). On
ne peut pas calomnier d'un ton plus ferme »
fgmmtmimmmmimmmmmmmmmÊaimmmmmmmmmmmmmmmmm^''l9tUlfl^'^^''tl^lKmB
( a ) ÎAalach. 5 , C.
{h\ Num* 13 « i9"
(OP/iio, 8.
( d) Chrift. dévoilé , ^ . 4^. i« Lettre i Enigénie , p. itf«
ConugioD facrée , c, 2, p, 10 5 & c. ^ , |^. ;•
Tome h ï! .
ni8 '^ Apologie
ni avec des expreflions plus énergiques*
Si un homme fe contentoit d'avCtb des
opinions fingulieres > fans les faire connoî-
tre , perfonne ne pourroit les deviner: il eft
impoflîble qu'on ait jamais inquiété qui que
ce foit pour de (impies opinions. Si cet
homme fe bornoit à les dévoiler fans opi-
niâtreté & fans pallîon , la charité chrétien-
ne engageroit tout le monde à le plaindre ,
& on travaitleroità l'inftruire. Mais lorfque
de prétendus Philofophes , entêtés d'opi-
nions pernicieufes, fe donnent la licence de
dogmatifer , d'écrire , de calomnier d'in-
lulter à la Religion & à ceux qui la profef-
fent, comme fait l'Auteur dp Chrijlianifme
dét^oilé; quand ils travaillent comme lui
à fapper les fondemens de la morale , de
la fubordination, de la fociabilité ; alors on
doit , non pas les aflaffiner ou les égorger ,
cela n'eft jamais permis , mai« leur faire fu-
bir juridiquement les peines f^ortées par les
loix contre les fanatiques & les féditieux.
Ce font des Empoifonneurs publics. Voilà
fur quoi tous les Chrétiens conviennent » ce
<jue penfent tous les hommes raifonnables ,
ce que les Philofophes mêmes avouent.
On enfeigne dans Y Encyclopédie que
ce l'Athéifme publiquement profefle eft pu»
» niflàble , fuivant le droit naturel
sD L'homme le plus tolérant ne difconvien-
1
!
DE LA Religion, &c. 215^ ^
» dra pas que le Magiftrat n'ait droit de ré- *
» primer ceux qui ofent profeflèr l'Athéif-
» me , & même de les faire périr , s'il ne
» peut autrement en délivrer la fociété..,.
» Si le Magiftrat peut punir ceux qui font
» du tort à une feule perfonne ^ il a fans
» doute autant de droit de punir ceux qui
a> en font à une fociété, en niant qu'il y ait
» un Dieu, ou qu'il fe mêle delà conduite
» du genre humain ; pour récompenfer ceux
3» qui travaillent au bien commun , & pour
» châtier ceux qui l'attaquent ^(a).
Les ridicules outrageaos, les impiétés
groflîeres , les blafphèmes contre la Re-
ligion f<5nt puniflàbles , félon l'Auteur
d^ Emile i pourquoi? parce « qu'a,lors on
i> n'attaque pas feulement la Religion , mais
» ceux qui la profeflent ; on les Infulte ; Dn
» les outrage dans leur culte ; 0^ marque
» un mépris révoltant pour ce qu'ils refpec-
» t«nt, & par confequent pour eux. De tels
» outrages doivent être punis par les loix,
» parce qu'ils retombent fur les hommes ,
3> & que les hommes ont droit de s'en ref-
fentir»(t).
L'Auteur même du Traité fur la Tolé^
rance avoue que le Gouvernement eft en
C a ) Eûcyclop. arr. Athéifine*
ib) Cin<iuicmc Lcurc éaitc 4c la Montagne , p. i^y*
Tij
520 Apologie
droit de punir les erreurs des hommes, dès
qu'elles troublent la fociété. « Elles trou-
» blent cette fociété , dit-il , dès qu'elles inf-
30 pirent le fanatifme : il faut donc que les
» nommes commencent par n'être pas fana-
» tiques pour mériter la tolérance » (a).
Or y eut' il jamais un fanatifme mieux ca-
raâérifé que celui qui a didé le ChriftianiJ^
me dévoilé, V Examen important , le Die-!'
tionnaire Philofophique , &:c. &Ci Lf s Ayi-^
teurs de ces Livres rie font-ils pas coupa^
blés des divers attentats que l'on reconnoît
ici mériter une punition exemplaire ?
§. S.
Jamais on n'a penfé que la conduite de
Dieu , dans le gouvernement de l'Univers ,
dût fervir de règle aux hommes, ou que
les loix dg la juftice fuflent les mêmes pour
Dieu & pour nous, a La juftîce de l'homme ,
»dit très- bien F Auteur d'Fmi/e, eft de
» rendre à chacun ce qui lui appartient ;, &
» la juftice de Dieu , de demander compte
» à chacun de ce qu'il lui a donné » (b).
L'homme doit faire à fes femblables tout
le bien qu'il peut , parce que fon pouvoir
eft bornç ; il eft abmrde que Dieu faftè à
fes créatures tout le bien poflible 9 parce
(a) Traité fur la Tolérance, chap, x 8, p. 170,
ih) Emile f iome $ f p. 88.
i
DE LA Religion, &c. 12:21:
que fa puifTance eft infinie. Bâyle a fenti
Févidence de ce principe , & s'en eft fervi
pout répondre à fes Critiques ; mais il n^a
pas vu que ce principe même fournit la fo-
lution à toutes fès difficultés fur l'origine
du mal (a). '
Les notions que la raifon & la foi nous
donnent de la conduite du fouverain Maî^
tre de toutes chofes , ne peuvent donc
avoir aucune influence fur 4a morale ; cette
morale ne peut être variable : elle étoit irré-
vocablement fixée pour les Juifs par leurs
loix ; elle l'eft pour les Chrétiens par l'E-
vangile ; & pour nous mieux apprendre à la
pratiquer , un Dieu fait homme eft venu
nous en donner l'exemple.
L'Auteur n'eft point fatisfaît de cette
réponfe ; il eft faux , félon lui , que la juf-
tice de Dieu ne foit point la juftice de
l'homme. En effet , dit-il , les hommes , en
attribuant la juftice à leur Dieu^ ne peuvent
avoir Vidée de cette vertu , quen fuppofant
qi^elle reffemble , ^ar fes effets ^ à la juftice
de leurs femblables. Si Dieu n^eft point juftt
comme les hommes , nous ne fçavons plus
comment il Veft , Gr nous lui attribuons unç
(a) Voyez la Rép. i M, le Clerc, tome 4 des Réf. a\i
Provincial , p. 40,
Tiij
}
^22 Apologie
qualité dont nous rC avons aucune iâét(a)'
Ceft-à-dire , nous n'avons pas de la jut
tîce divine une idée claire > entière , par-
faite , parce que les attributs d'un être infini
furpafTentnéceflairement notre foible intel-
ligence : nous en avons feulement une no-
tion confufe , par comparaifon avec la juftice
humaine ,- comparaifon qui n'eft pas exaâe*
L'idée de la juftice humaine n'eft point
tirée de la juftice divine ; c'eft tout le con-
traire : nous avons naturellement l'idée de
l'égalité ou de la fubordination qui doit
régner entre les hommes ; elle fert à nous
donner une notion confufe de la juftice
divine ; & celle - ci nous eft infiniment
mieux connue par la révélation. Dieu nous
avertit que fes voies Êr fes dejfeins ne font
pas Us nôtres (b) ; & quand L G. nous
exhorte dans l'Evangile à être mifericor^
dieux ù* parfaits comme le père cétifte(c)i
on comprend aflèz que la conformité ne
peut pas être entière.
Si l'on nous dit y contfnue le Cenfeur de
la Providence 5 que Dieu ne doit rien à fes
créatures , on le fuppofe un tyran j qui ri a
(a) Chrift. dévQiIé, p. 47. Militaire Philofophe> 6. S,
p. 79. ic Lettre à Eugénie > p. 47. Contagion facrée > c. x>,
p. 140.
(&) // 55 . 8-
DE LA ReLIGI on, &C, 223
de règle que fort caprice 9 qui ne peut dès-^
lors être le modèle de notre jujiice j qui n^a
plus de rapport av^ec nous , vu que tous' les
rapports dijoivent être réciproques. Si Dieu ne
doit rien à fes créatures ^ comment celles-ci
peuvent-belles lui devoir quelque chofe (a)?
i^ C'eft abufer des termes , que -d'ap-
peller réciproques les rapports , c'eft-à-dire ,
les devoirs entre Dieu & nous. Il efi le,
maître de nous accorder plus ou moins de
bienfaits; niais nous ne fommes pas les maî-
tres de lui rendre plus ou moins d'obéif-
fance & d'hommage.
2.^. En fuppofant que Dieu ne nous doit
rien ; fi réellement il nous fait du bien ,
fommes-nous difpenfés de la reconnoif-
fance ? Plus le bienfait eft gratuit , plus il
exige de gratitude de notre part.
3^ Je réponds , avec T Auteur d'EmiZe ,
que Dieu, doit à fes créatures tout ce qu'il
leur promit en leur donnant l'être. Or c'eft
leur promettre un bien que de leur en donner
l'idée , & de leur en faire fentir le befoin (b)é
Mais quand eft- ce qu'il le leur doit ? En cette
vie ou en l'autre ? Le leur doit-il encore ,
s'ils abufent des moyens qu'il leur a donné»
pour le mériter ?
(a) Chrift. dévoilé , p. 47. i« Lettre à Eugénie , p. 4*
& SI. Contagion facrée > c. 1 , p. i8 5 & c. zo, p^ U*
ih) Emile « corne i , page 76»
Tiv
. I
2^4 Apologie
§. p.
Notre Critique prévo;jroit la réponfe , if
a tâché de îa prévenif . On ne manquera pas
de nous dire que c^eji dans une autre vie que
la jujiice de Dieu fe montrera y cela pofé ,
nous ne pouvons ï appeller jufie dans celle-ci ,
où nous voyons Ji fouvent la vertu opprimée ,
& le vice récompenfé. Tant que les chofes
font dans cet état , nous nefommes point à
portée d'attribuer la jujiice à un Dieu qui Je
permet, au moins pendant cette vie, la feule
dont nous puijjions juger , des injujîices paf-.
fageres qu'on le fuppofe difpoTé à réparer
quelque pur» Mais cettefuppofition nejî-elle
pas très-gratuite f Etji ce Dieu a pu confen^
tir d'être injujie un moment ^ pourquoi nous
flatterions-nous qu'il ne le fera point encore
dans la fuite ? Comment d^ ailleurs concilier
une jujiice auffi fujette àfe démentir, avec
l'immutabilité de ce Dieu (a)î
Je n'ai rien fupprimé de 1 objedio'n , de
peur qu'on ne m'accufat de Favoir affoiblie;
elle fe réduit à ce raifonnement : S'il y a un
Dieu jufte , fa jufticedoit fe montrer en cette
vie comme en l'autre : or elle ne fe montre
point dans cette vie ; donc il n'y en a point
d'autre où nous puiffions efpérer que l'or-
MM
(a; Chrill» dévoilé , p. 48. 4e LuXK i Eugénie, p. xxo*^
DE LA RËLrGro!ï,&c; S.2j^
dre fera rétabli.' Il eft heureux pour nous
qu'on ne puiflè attaquer le Chriftianifme ,
fans frapper du même coup fur lès vérités
de la Religion naturelle » fur la vie à venir ,
fur les attributs & l'exiftenee de Dieu.
Ici nos ennemis mêmes répondront pour
nous. « Tous ceux , dit Bayle , qui trouvent
» étrange la profpérité des médians , ont
a» très*peu médité fur la nature de Dieu ; ils
«'Ont réduit les obligations d'une caufe
» qui gouverne toutes chofês à la mefure
» d'une Providence tout- à- fait fubal terne ^
» ce qui eft d'un petit efprit. Quoi donc ?
30 il faudroit que Dieu eût établi des loi^c
3» conformes à la nature des caufes libres »
» mais fi peu fixes , que le moindre chagrin
a» qui arriveroit à un homme , les boulever-
sa feroit entièrement à la ruine de la liberté
» humaine? • . . Ceux qui voudroient qu'un
39 méchant devînt malade , font quelquefois
»auffi injuftes que ceux qui voudroient
» qu'une pierre qui tombe fur un verre ,
» ne le cafsât pas » (a). On pourroit re-
marquer que Bayle fe réfute ainfi lui-mê*
me ; mais ce n'eft pas de quoi il s'agît.
Le principe fur lequel raifonne fon DiC-
cîple , eft d une faufleté palpable. Si Dieu:
eft jufte , il ne doit pas y avoir un temps
{^) Peafées diverfes fuc la Comète» ^ ij^u
aiô Apologie
pour le mérite, & un temps pour la té^
compenfe; une vie d'épreuve avant le mo«
ment de la félicité : l'homme , au fortir des
mains de Dieu , doit être heureux & l'être
toujours : il répugne à la juftice éternelle ,
que la vertu demeure un inftant fans être
couronnée. Ce paradoxe n'a pas befoin
d'être réfuté.
ce On diroit , aux murmures des impatiens
» mortels , que Dieu leur doit la récom *
3> penfe avant le mérite , & qu'il eft obligé
V de payer leur vertu d'avance. Oh ! foyons
3b bons premièrement , & puis nous ferons
a) heureux. N'exigeons pas le prix avant la
» victoire , ni le falaire avant le travail. Ce
aj n'eft point dans la lice , difoit Plutarque ,
a» que les vainqueurs des jeux facrés font
» couronnés ; c'eft après qu'ils l'ont par-
» courue ^ ia). Aihfi raifonnne l'Auteur
à^Emile. Nous empruntons volontiers les
paroles de nos adverfâii-es , pour les oppo-
1er à leurs femblables : la vérité , quand par
hafard ils la foutlennent , doit faire plus
d'impreffion dans leur bouche que dans la
nôtre.
Il n'eft donc pas vrai que la juftice de
Dieu (oit fujette à fe démentir; elle garde
invariablement Tordre qu'elle a établi : elle
(a) Emile , tome 5 » p. yS.
DE LA ReLIGIOÎ^^ &C. 527
veut que la vertu foit éprouvée fur la terre
& récpmpenfee dans l'autre vie. Sans cet
ordre , auffi fage qu'immuable , la condi-
tion des hommes vertueux feroit la plus
malheureufe ; les méchans feroient les (euls
heureux & les feuls fages : les premiers n'au-
roient point d'efpérance , les féconds fe-
roient affranchis de la crainte & des re-
mords,
En vain l'Auteur fait , contre la bonté
de Dieu , la même difficulté que contre fa
juftice 2 elle ett déjà réfolue d'avance. Si
Dieu eji tout-puijjant ; s il eji V Auteur de
t ouus cliofes / Jî rien ne fe fait que par fin.
ordre , comment lui attribuer la bonté , dans
un monde otifes créatures fint expofées à des
maux continuels, à des maladies cruelles y à
des révolutions phyjîques &* morales ; enjin
à la mort ?
Cette objedion , fi fouvent copiée dans
les écrits de Bayle , ne porte que fur une
notion fauffe de la bonté de Dieu , & fur
une comparaifon fautive que l'on en fait
avec la bonté des créatures ; comparaifon
dont Bayle lui-même a fenti le défaut» Un
homme ne peut pafler pour bon envers fes
femblables, à moins qu'il ne leur fafle tour
le bien qu'il eft capable de leur faire , & le^
./•
!2ii8 ÂPOLOâlfi
plus promptement qu'il eft poffible : foft
pouvoir eft la mefufe de fes bienfaits.
Dieu , dont la puiflance eft infinie , ne peut
être jugé félon cette règle : quelque bien
qu'il nous faflè , il peut toujours nous eu
faire davantage : jamais fes faveurs n'au-
ront de proportion avec fon pouvoir.
Exiger de Dieu qu'il accorde à (es créatu-
res tout le bien poflîble , c'eft tomber en
contradiftion*
Dieu pouvoir exempter l'homme^ de
tous maux ; il pouvoir , dès le moment
de fa création , le mettre ^ns un état dé
béatitude immuable : donc s'il eft bon , il
le devoir. FauflTe conféquence* Quelque
malheureufe que l'on fuppofe une créature
fur la terre , peut-elle fe plaindre avec juf-
tice de n'avoir jamais reçu de Dieu aucun
bienfait ? Si elle en a reçu , Dieu a donc été
bon à fon égard , quoiqu'il ne l'ait pas été
autant qu'il auroit pu l'être. Il lui réferve
un bonheur plus parfait dans une autre vie,
$. II.
Nous nWons donc pas befoîn, pour
ûiettre à couvert la bonté de Dieu, d^ attri-
buer le mal à un génie malfaifant , emprunté
du Magifine des Perfes , comme l'Auteur
en accuie les Théologiens (a). Elle eft fuf-
(a^Cluift dévoilé, p 50.
DE LA Religion, Sec. 22^ '
fifamment à couvert , dès que l'on s'en for-
me une idée jufte , & qu'on ne la confond
plus avec la bonté impuiflànte & bornée
des créatures. Il eft encore moins néceflaire
de recourir à une (impie permiiCon du mal;
foit que Dieu le permette , foit qu'il le fafle
en nous figeant immédiatement lui-
même , fa conduite eft également irrepré-
henfible : jamais il ne nous afflige fans rai-
fon ; & les peines de cette vie font la voie
par laquelle il nous conduit à la félicité.
Sans cette perfuafion confolante , les juftes
feroient réduits au défefpoir.
Malgré les déclamations réitérées de no*
tre Cenfeur , il eft aifé de concilier ai^ec la
bonté de Dieu (f avec fa fagejje * la conduite
que lui attribuent les Livres faims ; & ces
ordres , que l'on appelle barbares é'fanguir
naires. Dieu a puni févèrement des Na-
tions coupables & infenfibles à fes bienfaits :
elles avoient mérité ce châtiment , & il de-
voit fervir , dans les defleins de Dieu , à
txpîff leurs crimes.
On nous demande , très-mal-à-propos ;
comment un chrétien peut attribuer la bonté
â un Dieu qui na créé le plus grand nombre
des hommes que pour les damner éternelle-
ment (a)? Il ne faut pas nous prêter une
■
(a) Chrift. dévoiié, p. ^15 & €.8 , p. 104. 4e Lettre ^
Eugénie ^P* 107. .
h^o Apologie
. opinion que nous fejettons comme un blaf-
phème. Jamais un Chrétien Catholique n'a
penfé que Dieu ait créé un feul homme
pour le damner ; la foi nous apprend au
contraire que Dieu veut Jincèremmt fauver
tous les hommes {a) ; qu'il leur doi\ne à tous
- des moyens pour faire leur falut ; que s'ils
en abufent , c'eft leur faute & non la fienne.
A la vérité, nous n'avons pas aflèz de lu-
mières pour connoître ces moyens en dé-
tail , pour démêler les voies par lefquelles la
Providence conduit chaque Nation ; & à
plus forte raifon , pour ailîgner les fecours
qu'elle fournit à chacun des hommes en
/^particulier : c'eft en ce fens que/i conduiti\
[eft pour nous un myflere impénétrable ; & il -^
ne nous eft point du tout néceflaire de la
pénétrer. Il nous fuflSt de fçavoir que Dieu
eft le père de tous (b); qu^il ne peut faire in--
juftice à perfonne (c) ; quil rendra à cha-
cun félon f es œuvres (d )• Ces vérités confo-
îantes , dont la raifon ne pouvoit avoir i
qu'une connoiflance confufe , nous ont été j
tlairement enfeîgnées par la révélation.
Quand elle ne nous auroit appris rien autre
chofe , c'en feroit aflèz pour nous rafliirer ^
(d) T. Tim. 1 > 4.
ih)Ephef,^y 6.
(c) Hebr, 6 , 10. Rom* 3 , j.
id) Matth. 16917.
DE laReligion, &c. 23 1
pour flous tranquillifer , pour nous faire bé-
nir cette Providence aimable contre la-
quelle l'Auteur a blafphémé dans tous ce
chapitre.
CHAPITRE V.
De la Révélation,
§. I.
^ E feroît ici le lieu de prouver la nécef-
fité & l'exiftence d'une révélation; mais
nous avons traité ces deux queftions dans
un autre Ouvrage ( ^ ) : le leâeur nous dit
penfera de répéter nos preuves^ Avant que
ae les attaquer , nos Critiques devroient
éclaircir du moins un fait inconteftable. Il
y a dix-huit cens ans que tous les peuples
étoient plongés dans l'idolâtrie la plus groC-
fiere : à l'exception de la Nation Juive , au-
cune autre n'adoroitunDieu unique, Créa-
teur & fouverain Seigneur de toutes chofes.
Son exiftcnce même n'étoit enfeignée pu-
l^liquement dans aucune école de Philofb^
phie. L'immortalité de l'ame , les peines &
les récompenfes de la vie à venir , commu-
——■————*■■ ■■■■■■■Il ■ i^^mammmmmmmimmmmm
(a) Déifine réfuté ^ Lettfes & & )*
â3^ Apologie
nément admifes par le peuple, étoîent atta-
quées par les plus célèbres Philofophes , de
même que les vérités les plus efTentielles de
la morale. D'un coin de la Judée il fort tout-
à-coup une poignée d'hommes obfcurs &
fans lettres , qui annoncent tous ces dog-
mes comme une doârine révélée de Dieu ,
& qui parviennent à la répandre , de ma-
nîçre qu'elle s'eft perpétuée jufqu'à nous. Si
Dieu n'a eu aucune part à cette révolution,
comment a-t-elle pu être projettée , pour-
fui vie , exécutée ? Voilà fur quoi des Ecri-
vains pleins de fàgacité , de lumières , de
pénétration , de vroient nous înftruire ; au-
cun ne nous a encore expliqué ce phéno-
mène impo/tant. L'Auteur du Chrijiianif-
me dévoilé propofe quelques doutes ; mais
il n'a pas feulement effleuré la queftion.
Nous convenons avec lui qu'on ne peut ,
fans le fecours de la raifon , connoître s'il
eft vrai que la Divinité ait parlé. Mais cPun
autre côtéj dit-il , la Religion Chrétienne ne
profcrit - tlk pas la raijon ? N^en défend-^
tlle pas ïufage dans Vexamen des dogmes
merveilleux qu^elle nous préfente (û ) ? Il y a
ici une équivoque puérile ; & l'on confond
■'■ I I ——i————^———— ——————
(a) Chrift. dévoilé, p. çi. Militaire Phîlofophe, c. t;
if Lettre i Eugénie, p. 6. Contagion fâchée, c. 4 » p. ^i ^
^c. î,p.^5.
deux
DE LA Rel1(3ÏON,&Ç. '^3f{
(deux efpèces d'examens très-différens ; l'e-
xamen des preuves de la révélation , & l'e-
xamen des dogmes révélés. La Religion
Chrétienne , loin d'interdire à la raifon l'e-
xamen des preuves de la révélation , enfei-
gne au contraire qu'il eft néceflaire à tous
les hommes ; & c'eft le principe d'où noua
fommes partis en commençant cet Ouvra-
ge. Nous foutenons encore que cet examen
ne demande ni des réflexions abftraites , ni
des difcuflions fçavantes ; que les faits fut
lefquels l'exiftence d'une révélation eft ap-»
puyée , font d'une certitude & d'une noto- '
riété , telle que le plus ignorant des hommes
peut aifément s'en convaincre ( a ).
JDès qu'il eft certain qu'un dogme eft ré-
vélé , la Religion Chrétienne interdit à la
raifon l'examen de ce dogme; ou plutôt la
raifon elle-même nous fait fentif que nous
devons le croire f^ns autre e^tamen. Dieu a
pu nous révéler dés clïofes irtcompréhenfi-
blés , mais il n'a pas pu nous tromper en
les révélant ; nous deyens ajouter foi à fa
parole j malgré toutes les difficultés que
l'on peut former contre ces dogmes. C'eft
la raifon elle-même qui nous ordonne de
foumettre nos foibles lumières à la révé-
lation. Nous ayons démontré ce point ef-
(0) Certitude des preuves du Oîiriih. c. 1 1 , $. i«
.«t
^54 Af^OLOGIÉ
fentiel dans la réfutation du Délfme (a)i
l'Auteur de V Examen de la Religion , attri-
bué à Sabt-Evreïnont, convient que, quand
la raîfon a reconnu que Dieu parle j elle doit
fe taire Gr écouter (h).
Avant de pouvoir juger de la révélation
divine , dit notre Auteur , Hfaudroit avoir
une idée jujie de la Divinité ; mais oà puifer
cette idée , Jinon dans la révélation elle-
it i, mime , puifque notre raifen ejl trop foible
pour s'élever jufqu à la connoiffanee de ÎEtre
fuprême ? Ainjî la révélation elle-même nous
prouvera V autorité de la révélation^ Autre
ibphifme dont l'airtifice eft aifé à décou-
vrir,'
Avant de pouvoir juger de la révélation
divine , il faut avoir une idée juûe de la Di-
vinité 2 cela eft vrai. Aiifli la raifon feule
nous apprend que Dieu eft Têtre bon , jufte ,
fage i incapable de nous tromper : il eft
faux qu'elle foit trop foible pour s'élever
jufques-Ià , & qu'il foit befoin d'une révéla-
tion pour nous donner cette connoiflànce.
Selon S. Thomas & tous les Théologiens ,
c'eft un préliminaire qui doit précéder la
foi à la révélation (c).
(a) Première Lettre. •
.{h) Chap. I z , p. 140. Voyez encore p. 18 ^ 54 > xo4*
ic) upart» £. 1 ^ an» % j adprimum»
DE LA RELi(?ION, &C. 2^^.
§• 5?*
Selon le même Critique , Us Livm qui
àevreient nous éclairer , Gr auxquels nous
devons foumettre notre raifon , ne nous don^
nent point de Dieu des idées précifes : c^ejl
un amas de qualités contradiSoires , & une
énigme inexpliquable* Dieu Uii-mêmefe peint
comme injujle , faux , dijfimulé, tendant des
pièges aux hommes jfeplaifant à les féduire,
à les aveugler ^-à les endurcir , fatfant des
Jjgnes pour les tromper , répandant fur eux
Vefprit de vertige &* d'erreur. Ainfi , dès les
premiers pas ï homme eji jettté dans la dé-
fiance ; il nefçaitjî Dieu veut le tromper ^
comme il en a trompé tant d'autres , defon
propre aveu (a).
Jamais Auteur n'a raifonné avec tant de
confiance fur des fuppofitions & des alléga-
tions faufles. I**. Il fuppofe , contre la véri-
té , que les Livres faints font deftines à nous
înftruîre fans autre fecours. Le texte feul
de ces Livres ne fuffit point , fans Tenfei-
gnement toujours fubîîftant de l'Eglife ,
établie de Dieu pour nous en donner le vrai
fens. S'il y a dans l'Ecriture des expreflîons
obfcures » capables de nous donner une
ic) Chrîft. dévoilé, pag. n« 'e Lettre à Etigénîe> p. 8j.
Lettres Philof. 4e Toland , ».^^.
V i;
a^6 Apologie
faufle idée des attributs de Dieu & de (â
conduite ; outre qu'elles font expliquées par
d'autres paflàges > c'eft de l'Eglife que nous
en devons recevoir l'intelligence , & l'Egli-
iè ne nous trompera jamais.
2.^. 11 n'eft pas vrai que Dieu foit f epréfenté
dans les Livres faints^ fous les traits odieux
qu'il plaît à notre Auteur de raflfembler : ces
Livres nous en donnent des idées toutes
contraires. Ils nous enfeignent que Dieu
eft non-feulement bon & miféricordieux ,
mais eflèntiellement vrai ( a )} & félon l'ex-
preffion du Prophète , qu'il eft le Dieu de
la vérité ( è ) ; qu'il n'eft point femWable à
l'homme , ni capable de mentir (c) ; que
fes arrêts font la juftice même (d); qu'il eflî
fidèle dans toutes fes paroles , & faint dans
toutes fes "œuvres (e). J. C. nous a répété
les mêmes chofes dans l'Evangile ;'& la rai-
fon feule nous en fait fentir la vérité.
Vainémen t l'Auteur a eflàyé dans une not^
de prouver fon aflèrtion (/). Dieu , dit-il ,
permet qu^ Eve foit féduite par leferpeht. La
queftion eft de fçavoir > fî Dieu n'avoit pas
ia) Exoi, 54, 6,
{h Pf, iOy6,
( C) Num, 1 j , ' ^,
(d) DeuT, 3 ',4.
(e) Pf. 1.4, 15.
if) Chtia, dévoile , pagç j j.
t)E LA Religion, &c; 1^57
donné à Eve des lumières & des forcée
iiiffifantes pour réfifter à la fédudion , & fï
elle n'abuia pas volontaîrement de ces fe-
çours. Nous foutenons que cela fut aînfi ^
fans quoi Dieu n'auroit pas pu la punif.
Il eft dit d'a:illeurs , que Dieu endurcit le
tœur de Pharaon ; mais il eft dit auflî que
ce fut Pharaon lui-même qui endurcit foiï
propre coeur , en réfiftarit aux prodiges que?
Dieufaifoit pour le toucher. Nous difons
dé même qu'un père a perdu fa famille ,
qu'il a plongé fes enfans dans le libertinage ^
quand il ne les en a pas empêchés.
Dans l'Evangile J. C^ eft appelle une
pierre d'achoppement ; & il n'a été tel à l'é-
gard des Juifs , que par leur malice obfti-
née : J. C. leur reproche qu'i/5 ferment les
yeux pour ne pas voir > & leurs oreilles pour
ne pas entendre ; qu ils craignent d^être tou--
chés &* convertis (a). Tous ces pafTages
doivent donc infpirer à l'homme de la -dé-^
fiance: non pas à l'égard de Dieu, mais à
legard de lui-même.
Inutilement encore l'Auteur prétend que "^
le Chrétien doit être alarmé , lorf qu'il voit ]
hs difpuîes interminables de fes guides fa^
crés , qui jamais n'^ont pu s^ accorder fur la
façon à? entendre les oracles^ précis d'une Di^
9
(a) Matth, ij ^ ij;,
./
/
a^S AjpoLoGîE
pinité qui seft expliquée (û). Le ,C0fpS A^%
Pafteurs ne di^ute point fur les dogmes de
la foi ; fon enfeignement eft conft^int , uni-
forme, perpétuel, univerfel. Si quelques
Particuliers ont excité des difputes & for-
mé des Sedes , c'eft qu'ils ont oublié la rè-
gle que J. C, a établie pour maintenir l'u-
nité de la foi: ils ont voulu entendre la ré-
vélation , non Telon le fens de l'Eglife , mais
félon leur propre fens : leur erreur prouve
que la règle établie par J. C. eft néceflaire ,
& non pas qu'elle eft faufle ou douteufe.
Les hérétiques font des hommes qui ont
voulu porter dans les matières de Religion,
l'efprit pointilleux & opiniâtre des Philo-
fophes.
V Eft-ce à ces Meffieurs qu'il convient de
nous reprocher des difputes ? Y a-t-il un
feul dogme connu par la lumière naturelle,
fur lequel ils ne difputent entr'eux ? Y en
a^t-il un feul contre lequel ils n'aient fait
des Livres ? Le fîmple fidèle qu'ils veulent
arrachera fesgiii^ej/icr^j , feroit fans doute
beaucoup plus afluré de fa créance , s'il
écoutoit les leçons des ennemis de la Re-
ligion. .
r
( A ) Chrift. dévoile , p. 54. 4c Lettre à Eagénie, p. 54*
Contagion facréc , c. i , p. i j . #
DE t A fl E L I G ï Ô «, &C. ^\jp.
ç. 3.
Ce n'eft pas une petite affaire de comp-^
ter les fauflètés que l'Auteur accumule pouï'
foutenir fon paradoxe.
I®. D eft faux que Dieu n^a prétendu fe
faire connaître qu'à quelques étresfavorifés y
tandis qu'il a voulu rejler caché pour le rejîe
des mortels , à qui pourtant cette révélation
étoit également nécejfaire(a). Dieu ne veut
être caché à perfonne ; il veut au contraire
que tous les hommes foient fauves , &• par^
viennent à la connoijance de la vérité (b)é
Il donne à quelques-uns plus de facilités &
de fecours pour l'acquérir; mais il n'eft au-
cun homme qui eft foit abfolument privée
2.^é II eft faux que Dieu, faute defema^
nifefler à tant de Nations ^ ait caufé ^ pendant
une longue fuite de (îècles , leur perte nécefi
faire. Dieu n'a jamais manqué de fe mani-
fefter plus o^ moins à toutes les Nation»:
nous l'avons déjà obfervé après S. Paul ( c )•
Si elles fe perdent , c'eft leur faute de n'a-
voir pas profité du degré de lumière que
Dieu leur avoit donné.
3 Ml eft faux que Dieu punit des millions
id) Chrift. dévoilé, p. 54. i» i.cttrc â Eugé»ic, p. J^«
Contagion facréc, c. 1, p. 30,
(fc) I. Tim, i, 4. -^
d^liommes pour avoir ignoré des loix fecfet^
tes quil n*a lui-même publiées quà la déro-'
bée , dans un coin obfcur (s* ignoré de ïAfie*
Dieu Ile punit point l'ignorance involon-
taire ; il ne damnera aucun homme , pout
avoir ignoré l'Evangile , à moins que cet
homme n'ait eu des moyens de le con-»
noître.
La juftîce , l'humanité , la bonne fôî ;
permettent-elles à un Ecrivain d'imputet
au Chriftianifme des opinions que tout
Chrétien condamne & détefte , que jamais
aucun Théologien Catholique n'a foute-*
ïiues? Quelle idée pouvons* nous conce-
voir du caradere de nos ennemis , quand
nous conGdérons leur procédé ? Quel mal
leui* a fait cette Religion divine , pour la
calomnier avec autai\t de fureur ?
Il n'eft doricpas vrai que lorfqu'un Chré-
tien confulte les Livres révélés , tout doive
confpirer à le mettre en gatdô contre le
Dieu qui lui parle : il n'eft pas vrai que fon
Dieu , de concert avec les interprètes de
fes prétendues Volontés , femble avoir for-
mé le projet de redoubler les ténèbres d«
fon ignorance {a)i
mimÊmmmmmattmÊmmÊiÊÊmim
ia) Chrift, dévoilé, page 55.
S- 4»
Comment en effet l'Auteur prouve-t-îl
tette prétention. D^eu , dit-il.» ria révélé
^ue des myjieres^ cefî-i-dirt^des chofes inao
ceffibles à Nfprit humain ^ il ne s'eji donc
révé'é que pour demeurer inconnu. Cette,
objeâion eft répétée trois fols dans le
cours de l'Ouvrage (a>
I®. Il eft faux que tout foît myftere dans
la révélation. Elle nous a fait connoître plus
clairement les principaux attributs de
Dieu , que h Philofophie avoit ièulemenc
apperçus confufément: elle nous, a convain-
cus de l'immortalité de l'ame , vérité eflèn-
tielle, que les Philofophes avoient obfcur-
cie par leurs difputes(^)« Elle nous a en«
feignes une morale plus pure & plus par-
faite que'celle des Philofophes ; & loin a en
faire un myftère , elle l'a mife à la portée
<les fîmples & des ignorans (c).
2?. U eft faux que les myfteres mêmes ne
fervent qu'à rendre Dieu plus inconnu*
Quoique je ne comprenne point le fond du
myftere de l'Incarnation , il me donne une
grande idée de la puiffajice > de la fagefle ,
i <tf)Chri(l. dévoilé, p. t^>c.i$ p. ^4«€.7; P* 51&5S*
(B) Dia. Philof. art. Ame,
( c) Difcours prélîm. de TEncycIop. Mém. de Litt. tofl^t
il?P 4»» .
Tomêlt ^
'•^^^ Apologie
, téxpSè a douter fi les trois angie,s d^un trian-
gle font 4gaux à ideux xiroits ; encore les
;at^ciçns Pyxrhonjiens faifoîent ils femblant
ide ne pas en être fûrs. Ces mêmes Gçome-
xres ne laifleiat pas de xlifputer fur d'autres
^/queftions Mathématiques , & de prétendre
qu'il y a des démonftratîons pour & con-
tre : tout comme les Philofophes difputent
fur l'exiftence de Piei; , f^r la providence,
Cyr 1.^ fpirituajité , l'immortalité , la liberté'
jdç notre ame, fur la diftinâion du tien &
du mal moral , quoique ces vérité fpient
(démontréçs^
. Il n'eft donc pas furprenant que ces ro^-
. mies vérités, révélées dans laBibU^ aient en-
coH befoin JU commentaires , (jt^manient des
luT^ieres d'enhaut pour être crues (^ enten^
dues , foient piatiere de conteftation , trou-
vent dçs contradide^urs. Lçs hommes dii •
putoiçnt avant la révélation ; ils difputent
il préfent , ils difputerpnt toujours , parce
qu'il Y aiira toujours des efprits vains, poiii-
. filiaux , opiniâtres , qui pe veulent point ^
îiçligion,
Fi^tigué d^^avoîr raîfonné une fois ^ î Au-
teur recommence à déclamer. Peu content
(ies mjjierçs contenus dans lés Livres [acres ^^
Us Prêtnf df^ Çhrijlianifme m ont im^^m
t>É tA RïLI<5TÔÏT,&(ï. ^f
iè Jîècle en fiècle j que leuts Difciples fonf^
obligés de croire, quoique leur fondateur & '
îêur Dieu n^en ait jamais parlé (a). Tels
font , félon lui , les myfteres de la Triftite >-
de rincarnatîon , Tefficacité des Sacreniens' ,
fur lèfquels J. C. ne s'eft jamais expliqué ;
& c'eft ce que répètent tous nos incré-*
dules(i>
Ils peuvent en irtipofer à ceu:?^ qui n'ont
jamais ouvert l'Evangile. Un Chrétien me-'
dîocrement inftruit , fçait que J. G, a or-
donné à fes Apôtrôs de baptifer toutes h^
Nations au nom du Père, du Fils &* du:
S. Efprit (c). Il noua a dit> pat l'organe^
de fon Apôtre S. Jean , quily a trois per-*
formes qui rendent témoignage dans le Ciel >
le Père, le Verbe &* le S. Efprit ; Gf que ce^
trois font une même chofe (d). Le même
Apôtre commence fon Evangile par nous
apprendre qu'au commencement le Verbe
étoit eit Dieu > qu^il étoit Dieu y qu^il shfi'
fait chair (c). Voilà ce que nous croyons
fous le: nom de Trinité & d'Incarnation»
(fl)Chri{ï. devoité , p. çS.
fft ) Examen important , c. jy & 57. Examen de Saîntw
Evremonc > chap. 4. Traicé fur Ja Tolérance , c. 1 1 > p. s-y*
£)icL Philof. arc. Chrifiianifme* EfTai fucrHlft. gcn. (omp
I , c. 17' &c
( c ) Matth, xi J z^v
(J) ujoan. î,7,*
{t)Joan, i,
Xiij
34(^ AtotOGtl
J» C» a déclaré que cdui qui croira & rtu^
$nra le Baptême , ferafaupé (a); que celui
qui mange fa chair vivra éternellement Çh^f
que les péchés feront remis à ceux qui a»»
ront été abfou^ par fes envoyés (c) ; que
Dieu forme entre Us époux une union que
les hommes ne peuvent pas rompre (i). Seâ
Apôtres enfeignent que Vimpofition de leurs
mains donnoit la grâce &* le S. Efprit (e)i
que VonBion des malades leur remet les pé^
thés (f)é Voilà ce que nous pro&iibns eot
core fut l'efficacité des Sacremeûs*
C'eft une calomnie d'avancei^ que dans
la Religion Chrétienne toutfemble abandon^
né à Vïmagination ^ aus6 caprices , aux déci4
fions arbitraires de fes Minifbres ^ qui s^arro*
gent h droit de forger des nyjieres Gr des
articles de foi j fuivant que leurs intérêts
t exigent. Quel intérêt peuvent avoir les
Miniftres de la Religion à forger des myi*
teres , pour être oWigés de les croire eux-
mêmes » comme les (impies fidèles auxquels
ils les enfeignent ? Par des accufations fem-
blables , nos adver faires fe couvrent d'un
ridicule éternel.
MMM»
ia) MarCi 16, i€.
ih) Joan. <?, 5$*
ii)Matth, 19,6.
ie)Aa 8, t7,efir.
if)JacQH7ffii*
»1t LA l^ÈttétOVi icCé^ S47
Se ol
Ënfm rAuteut daChtijUMi/me dévoilé
attaque la certitude de la i^évélàtioû ; &
c'eft par-là qu'il aurait dû commencera
Dieu , nous dit-oâ , a parlée Hy ^ àts ndh
Uers d^ années ^ à dts hommzs choifîs qu'il a
rendus fis organes / mais comment s^ajhrer
ùl eji vrai que ce Dieu ait parlé ^Jihon eft
sUn rapportant au témoignage de ceux mê*
mes qui difint avoir reçu fis ordres ( a ) ?,
L'objeâion n'eft pas nouvelle.
Nous fbmmes afïurés. que Dieu a parié
par X C. & par fes Apôtres > non pas feu-
lement par leur fimple témoignage , mais
par leur témoignage appuyé de miracles
éclatanSk Nous fommes certains de ces mi«
fades par tous les monumens qui peuvent
fervir àconftater des faits: i^ par ladé-
pofition dos témoins, oculaires & irrepro*
thables ; :2i^ par l'aveu de leurs plus grands
ennemis ; 3^ par les effets que ces miracles
ont produits; par les établillèmens auxquels
ils ont donné lieu , & qui ûibfifteftt encore ;
en un mot par la révolution qu'ils ont cau-^
fée dans l'Univers. Le monde eft -il de»
Venu Chrétien tout - à - coup , fans caufe
& fans motif, par une infpiration fu-
U) Chcift,4cvoiii«pacç f9h
X IV
2Uf$ .Aï O £ t> 6 TB
bite, ou par un travers d'efprit unrvèrfel ?
Il ne fert de rien de dire que ces inter-
prètes des volontés divines font des hom-
mes y que les hommes font fujets à ie tromr
per eux-mêmes , & à tromper les autres»
Lés 4iommés ne fe trompent point eux-
mêmes fur des faits fenfibles» palpables;
publics , réitérés ; qu'ils ont le plus grand
intérêt à examiner , qu'il eft très-dangereux
pour eux de foutenir , fur lefquels leurs en-
nemis pourroient incontinent les démentir»
Us ne trompent point les autres , quand it
n'y a rien à efpérer pour eux ; quand ils
^expofent , par la tromperie , à la profcrip»
tioiïyà l'infamie, à la mort; quand la noto«
riété des faits rend évidemmentla féduâion
impodible ; quand ils fe montrent d'ailleurs
iimples, fans artifice , ennemis de tout dégui-
ièment 3 à couvert de toute paffion* Tels ont
été ceux par lefquels nous prétendons que
Dieu a parlé.
Maïs comment découvrir aujourd'hui s^it
eji bien vrai que Moïfe ait converfé avec
fin Dieu » & quil ait reçu, de lui la loi du
peuple Juif^ il y a quelques milliers d'années?
Nous en fommes certains par les mirà«
clés que Moïfe a faits pour prouver fa mif-^
£on ; & ces miracles font atteftés, x^ pai:
DE LA ReLIÔIOK, &C..
toute la fuite des Livres des Juifs qui fes
répètent, qui les fuppofent, qui y font une
allufion continuelle ; THiftoire de Moïfe
ne peut être fauflè , à moins que tous ces
Ecrivains, farts exception ; ne foient autant
d'infenfés: 2^. par tous les monuraens , les
fêtes , les cérémonies , les pratiques de la
Religion judaïque. La fête de Pâques inC-
tituée en mémoire de la fortie d'Egypte y
l'offrande des premiers-nés pour attefter la
mort des premiers-nés des Egyptiens; la
fête des Tabe/nacles , pour rappeller le fé-
jour des Ifraélites dans le défert ; la manne
confervée dans le tabernacle , en témoigna-
ge de leur nourriture miraculeufe ; la fête
de la Pentecôte , pour faire fouvenïr de la
publication de la loi ; le ferpent d'airain ,
leçon frappante de la guérifon des Hé-
breux î les privilèges & le Sacerdoce de la
tribu de Lévi , monument perpétuel du
miniftere de Moïfe , '&c. toute la Reli-
gion Juive n'étoit qu^une repréfentation
continuelle , & un Commentaire hiftorique
des prodiges du Légiflàteur : fi ces prodi-
ges euflent été fabuleux , toutes les loix ,.
toutes les pratiques des Juifs feroient autant
d'ufages ridicules , dont on ne pourroit
concevoir l'origine : fi quelqu'un s'avifoit
aujourd'hui de révoquer en doute l'établit
Cbmeat des Francs dans k$ Gaules » malgré:
i;6 A p o L ô G 1 1
Tatteftation formelle du Code de leuts lobe i
ne feroit-ii pas regardé comme un infenfé ?
3**. par l'exaâitude des Juifs à obferVeir un
culte gênant & onéreux ^ des cérémonies
incommodes & difpendieufes , des rits fin»
guliers & difiefens de ceux des autres Na-
tions , des loix féveres & qui les rendoient
fouveht odieux. II n'y a qu'un Légiflateué
jrevêtu de toute l'autorité Divine , en état
de fe faire refpeâer & obéir par l'éclat de
fes miracles ^ qui ait pu afTujettir à cette ef-^
pèce de fervitude une Nation auflî intraita»
ble que les Juifs.
Moïfe n'eft donc ni uii entîioufiafte * ni
Uiv fourbe ^ ni un ambitieux , ni un men-
teur ; avec un feul de ces défauts , il eût
été^mailàcré à la première fédition»
L'Auteur demande^i t^on ptut s'en rap*
porter au témoignage £un homme > qui après
avoir fait tant dé mirades j na jamais pu
détromper .fon peuple de 1^ idolâtrie ? Mais il
oublie le portrait qu'il a tracé lui-même de
la Nation Juive ; il l'a repréfentée comme
un peuple farouche , fanatique , fuperfti-
tieux, intraitable, Eft-il donc étonnant
qu'environné de Nations idolâtres , tenté
par l'appât de leurs fêtes & par la débauche
qui les accompagftoit , ce peuple s'y foit li*
vré fi fouvent dans leur compagnie f On
doit être bien plus furpri$ » de ce qu'avec
DÉ tÀ ftEttGiON, &6 àft
Un penchant fî décidé poui: l'idolâtrie s où
ait pu li iratnener âu culte ptefcrii pa£
Moiïèé
On eft indigné de ce qiie ce Légifîateuir;
après avoir fait pafTer quarante-fept milld
ïlraélites au fil de l'épee , a le froÂt de dé^
darer qu il eft le plus doux des hommes (a)è
i\ Doit-^on attribuer à Moïfe la tnort db
Ceux que Dieu a expreflement ordonné de
punir 5 tandis que nous voyons ce Légifla-
teur demander toujours grâce pouf lés cou«
pables ? 2^«La hardieflè même avec laquelle
il fe rend témoignage de fa douceur , efi
Une preuve qu'U ne ciràignoit pas d'être
démenti ; & dans aucune des féditions qui
s'élevèrent contre lui , perfonne n'ofa Tac-
cuier de cifuauték 3*". Iveft-ce pas une in-
juftice criatïte de juger de la conduite dm
Moïfe félon nos mœurs ^ & j>ar celle que
tiendroit aujourd'hui unfage Légiflateur?
On demande fi les Livres attribués à
te Moïfe i qui rapportent tant défaits arri'^
vés après lui , font bien authentiques ? Ils le
font , & nous l'avons démontré ci -^de-
vant (fc). Il eft faux que ces Livres rap-
portent beaucoup de faits arrivés après I3
mort de Moïfe.
(tf ) Chrift. dévoilé , p, ^o. piaîoAa,P^or. art. M(iifyi
(&) Chap. 2^ $• 2,
X
N
*'
a^l k'P6t6Q\t
Enfin , continue l'Auteur ,• quMe préûv6
avons'-nous de fa mifjion yjînon le témoignage
defix cens mille Ifraélites grojjiers y fuperfi-^
tieux, ignoram & ifîcfédules , qui furent
peut-être les dupei d!un Légifiateur férote ,
toujours prêt à les exterminer , ou qui tjl eu-
rent jamais de connoijfance de ce qu^on devoit
écrire par la fuite fur le compte de ce fameuse
Légifiateur (aJJ
C'eft donc une foible preuve aux yeuK
des Philofophes , que le témoignage de fîx
cens mille nommes l B paroît néanmoins
que ce témoignage pouvoit mériter atten-
tion. Le peut-être qu'on nous aJlegue , eft
curieux.. Six cens mille hommes qu'on
nous a' dépeints comme des monflres de
phrénéjte^ deférocitéÇb)y dupés pendant
40 ans par un Légifiateur féroce Êr toujours
prêt à les exterminer : voilà des mDnftresr
bien doux & bien faciles à conduire IQu'ila^
aient été toujours prêts à exterminer leur
Légifiateur , cela fe conçoit; mais qu'ils fe
foient laifles fi -patiemment égorger eux-
mêmes par un impofteur ,. cela ne fe com-
prend plus.
QuelquIgnoranSjquelque crédu&s qu'aient
■•■■
ffl ) CKriîl. dévbilé, p. €'0. ^^ tetiire à Eiigéme , p. 70 ;
9l 4? Leicre . p. 8ç. Contagion facrée^ c, 4 , p. 74,
ib) Ciiap.L^ ci déiïus^ 1.7.
t>Ê LA ReLKÎIÔM, &C. ayj
itê les Ifraélites , a-t-on pu leur perfuader
«qu'ils avoient vu ce qu'ils n'avoient pas
vu ; qu'ils ayoi^nt fait ce que Moïfe avoit
rêvé ; qu'ils avoient reçu par tradition de
leurs pères , ce dont ils n'avoient jamais
oui parler ? A-^t-^n pu les réduire par des
fables dont ils fentoient l'impoftur^, &c mal-
gré leur penchant décidé pour l'idolâtrie , à
4&S loi^f ,.à un culte, à des moeurs fîngulieres
qui les rendoient odieux aux autres Na-
tions ? Du moins aprè.s la mort de Moïfe ,
ils auroient dû y renoncer pour jamais : ils
y font demeurés conûamment attachés.
Il eft donc faux que la miffion de Moïfe
foit feulement prouvée pa» le téipoîgnage
.des Ifraélites. Elle eft prouvée par les ef-
fets qu'elle a opérés , & qui n'ovit pas pu
venir d'une autre caufe ; par la fingiilarité
des mœurs , des loix> des cérémonies judaï-
ques ; par la rnultitude de monument ex-
pofés de toutes parts fous les yeux des
Juifs qui atteftoiçnt Içs miracles de leur Lé^
giflateur.
Il eft impoffible que ces miracles aient
été forgés par la fuite , & écrits fur le compte
de Moïfe ; il auroit fallu fuppofer en mê-
pie temps l'ancienneté des ufages relatifs
à ces miracles , & y affujettir les Juifs pour
le moment : & quel eft le Souverain , quel
içft Iç Prophète qui ^it jan^ais oféle tçnter
ay4 Apologîb
Qu'un împofteur s'avife aujourd'hui de
mettre dans TEvangile que J, C. après fa
ré(urreâion , a fait tomber d'une feule pac-
tole le Temple de Jerufalem ; qu'en mé^
moire de ce*miracle l'Eglife Chrétienne a
toujours célébré la fête de la démolition du
Temple : quel eft l'infenfèqui croira ce pro«
dige » & qui confentira à célébrer la fête i
§. 8.
Notre Critique raifonne fur la Religion
Chrétienne comme fur la Religion Juive ,
en (e répétant toujours» Quelle prewe nous
donnc^t^elU de la miffînn de Jefus-Chrijif
Connoiffons-p*^^ fin caraSere &fin tempé-
rament? Nous avons déjà dît que notre Re*
ligion xoMt entière , eft la preuve de la
mifCon de J. C« Le Chriftianifme ne s'eft
point établi fans preuve , fans raifon » fans
examen , par un travers d'efprit univerfel-
lement répandu ; quiconque lira l'Evangile
fans prévention , fentira qu'il n'a pu avoir
qu'un Dieu pour Auteur.
Cette leâbure fuffit de même pour faire
connoître le caraftere de J, C; il s'eft peint
lui-même dans ce Livre ininjitable ; & les
traits de fa divinité y brillent de toutes
parts.
Qud degré de foi , continue l'Auteur ;
pouyons-nous ajouter au témoignage dfife^
y
Dj! LA Religion, &c. ^j-f
Vifciple^ ^ qui , de leur propre aveu , furent
des hommes greffiers &- dépourvus defcience^
par conféquentfufceptibUs de felaijfer éblouit
fur les artifices d'un impùfieur adroit (a)?
U eft fingulier que no5 adverftirçs nç fen*
tent p^ 1^ contradidion d^ns laquelle ite
tombent. Des hommes groflîers , dépour-
vus de fçience , auxquels on daigne à peino
fuppofer le fens-commun , qnt -ils pu for-
gf5 TEvangile ? Ou des hommes capables
d'être Auteur^ de ce Livre , ont-ils été aflèz
infenfés , pour fe perfuader qu'ils avoient
vu de leur&yçux guérir des malades, éclai-
rer des aveugUs , l'eflrufciter des morts ,
multiplier des pains , calmei d^j orages ,
par une feule parole , s'il n'en^jt rien-?
Ont-ils pu croire fauflement qu'ils^voient
converfé , bu & mangé pendant 40 ^ours
avec un mort x^îMcké ^ & mourir dans
les fupplices pour attefter ces impoûures >
Un pareil fânatifine, une folie auffi extraor-
dinaire eft plus impoffible que les miracles
mêmes.
Que les Philo/ophes fe tournent de quel .
côté ils voudront , on les défie de former
jamais une fuppofition vraifemblable. Les
Apôtres pnt été ou trompés ou trompeurs
■ iiii.iii Il III I I ■ I ■■ Il I H>
(a) Chrid, dévoilé, p.^i ^ & c, ^» p. 70* ^eLcuieâ
Eugénie , p. 79*
F
aj:JJ A p o L c G I B
Dans le premier cas , c'eft J. C, qui eft l'Âu*
ceur de l'impofture : & quel impofteur ,
grand Dieu 1 qui n'a fait que du bien , qui
n'a prêché que la vertu / qui a foufFert en
héros , <]ui eft mon. en Dieu (a). S'ils ont
été trompeurs , quel intérêt , quel motif a
-pu leur foire prendre Jefus pour leur Ido-
le, & les engager à inourir pour lui ? Com-
ment dans la multitude des Difciples qu'ils
ont féduits , ne s'eft-il pas trouvé un (èui
homme afièz éclairé ou aflez charitable
pour les démafquer & les confondre (b)}
On nous demande enfin fi le témoignage
A^s perfonnes luj^^^ inftruites de Jerufalem
^ n'eût pas é^'^d'un plus grand poids pour nous
que ' celui de quelques ignorans qui font oir^
kinaire^^nt les dupes dtquiveut ks tromper?
Ne i*avons-noas donc pas ce témoignage '
d«s perfonnes les plus inftruites de Jerufe-
lem ? Nous l'avons , & dans la conviftion
de ceux qui ont embrafle le Chriftianifine, ,
— I
( a ) Nota. Dans une Lettre împrhnée récemment , foos
. le nom du plus célèbre de nos Ecrivains , on a tourné cette
exprcflion en ridicule, ce Comme s'il y avoit , dit-on , àçs
»» Dieux accoutumés i la mort , comme fî on fçavoit com-
*» ment ils meurent , comme fi c'étoit Dieu qui fût mort ».
Oui, nous fçavons comment un Dieu meurt , depuis que
Jsfus eft mort. Jefus-Chrift eft Dieu , & J. C. eft mort ;
c'eft donc une vérité de foi que Dieu eft mort. Il eft furpre-
nant qu'on nous donne comme une exprcflion inouic , la
4oarine même de nos Catéchifmes.
m Voyez ci-dciTus chap. j , 5,<,
fe fi L A R E L t G I O K, &C. 2^7
ic dans la conduite de ceux qui Fout perfç-
cutéé Nicodèttie, Jofeph d'Arimatbiê? ;
Lazare ^ Zachéç , le Prince de Cqjhâr-^-
naum y Jaïre , les Prêtres convertis par les:
Apôtres, étoient des hommes înftruits (a.)^
Aucun des chefs de la Synagogue n'a en*
trepris de convaincre d'impofture les DiC-
ciples de J. G Le Jlencedes Juifs incrédules:
n'eft-il pas le plus éloquent de tous les^ té-
moignages î
Quand on répète fans celle que les îgno^
r ans, font ki dupes de qui veut les tromper;,
on fait voir très-peu de connoiflancè dur
génie populaire. Le p««çle peut être peu-
dant quelque temps la dupe d«« pr^jmefle^
qu'on lui fait y mais il ne l'eft plus , lorfqufr
l'effet n'y répond pas. Il ajoute. îbl à un.
Charlatan qui lui promet de foulager feS'
maux; mais il. ne croit point un malade,
guéri , contre le témoignage de fes yeux ;
l'Opérateur prend la précaution de difpa-^
roître avant Peffet du remède. Le: peupla
efl aifément dupe , quand on le prend pac*
fes préjugés ou par fon intérêt; mais quand
on commence par heurter de. front fes opi-
nions , & par luL montrer des dangers ,. il:
n'efl ni fouple ni. docile. Nos Philofophes
hautains 8c dédaigneux regardent ipeine \^
iA) Ccmiuifc des preuves du ChtiH c ^ , S i*
Tomç.L. X
ayS Apologie
peuple comme des homines : ils ne le coa-»
noiâènt pas ; s'ils entreprenoient de le con-
duire , ik deviendroient bientôt l'objet de
ies mâ>ris» On ne doit donc pas nous blâ^
mer, u > dégoût& des leçons de ces maîtres
iuperbes y nous nous bornons à être les dif*
ciples des ignorans charitables qui fe font
tàçtiBés pour éclairer l'UniverSt
UAuteur du Militaire Pfdhfophe eft é^
lé plus loin que celui du Chrijiianijme
-^évoUé ; pour détruire par le fondement
tOi&tes tes preuve^ <fe la révélation , il pofe
pour prinp^t^é que des faits ne peuvent être
établis av^ une parfaite certitude ; que
la convî^-lion qu'on peut en avoir , n'équi-
vaut /âmais à l'évidence parfaite , à la vé«.
rit^ claire & inconteftable. Il prétend le
prouver , parce que nos fens peuvent nous
tromper, & parce que tous les hommes
peuvent mentir. Il en conclut qu'il n'y a
que les vérités métaphyfîques & phyfîques
iqui foient inconteftaWes , & qui arrachent
un aflèntiment parfait & irrévocable (a}.
La même doârine eft enfeignée dans le
Visionnaire Philofophique ( fc ).
■pu I )' I— — ^Jia
(,a ) Militaire Philofophc, chap. xi,
(h) Art. Cemtudi. Voyez les Addiiîona ci-aprèj > ih,
$a du fccoxui volume*
t)3B LA ReLICÎÏÔN, &C* 2 fO
Toas tes principes font démontres faux
içkns laDiflèrtation fur la certitude des faits
ij^féré^dam'VEncyclùpédie; le ledeurpeut
y avoir recours ; nous nous contenterons
d'ajouter qudques réflexions»
I®» Le Militaire Philofopke femble ne
pas entendre les termes , quand il p^pce les
T^erités phyjzquesau, même rang que les ve-
rité métapkyjîqiies. Celles-ci font fondées
fur révidence & la connexion nécel&ire de
nos* idées j les premières portent unique-
ment fur l'âtteftâtion de nos feôs. L'exif-r
tence & les propriétés des corps , par èxem*,
pie , les loix du mouvoxop^nt ^ font des véri- "
tés phyfiques ; nous n'en fon*«^^ certains
que par le rapport de nos fens ; fi ce rap-
port eft néceflairement fatitif , il u'y a plus
de certitude phyfîque dans l'Univers».
2.\ L'Auteur convient que dans les ^f*
feires de la vie , on s'en rapporte à dex,
preuves de fait , parce qiion ne peut pas
faire autrement ; mais il eft faux : qu'en
comptant fur ces preuves ^ on ne préiende
pas rtndre un jugement exempt d'erreur. Je
foutiens que dans les affaires de la vie, la
certitude métaphyfîque j la certitude^phy-
fkjue^ & la certitude morale, font, lur
tout iiomme fenfé ^ une égale imprefCon ;,
qu'il y auroit également de la folie à réfif-
t^ àl'une ou à l'autrei L'ouvrier tourment
Yiî
26'0 ApOLOÔlB
té par la faim , & qui n'a mangé que fe
moitié d'un pain , eft convaincu par le fen-
timént intérieur r auffi-bien que par la clar^
té de fes idées , que là partie efi moindre
que le tout : le- laboureur > levé avant l'au--
rore , conduit fes bœufs à la charrue , fans
être tenté de douter fi le foleil viendra éclai-
rer fes travaux : l'homme du peuple reni-
plit les devoirs de fujet , fans contefter s'il
y a en France un Souverain auquel il doive
payer des tributs ; il en eft fûffifamment cer-
tain par des preuves morales , quoiqu'il nor
Tait jamais vu. Dans ces différentes cir-
cbaftancès , le^^^'^oîophe n'agit pas au-
trement cpB^^^^^ ignorant des hommes;
& s'il fe copdui^oit différemment , il mérî-
teroit d'^® enfermée. N'étoit>il pas de la
fageffe i^ivine d'établir la Religion fur les
mêo^s preuves fur lefquelles font fondés
taus les devoirs de la- vie civile , & nos in-
térêts les plus chers ^
3®. Il eft faux qu'en général les 'vérités
métaphyfiques arrachent de nous unajfen-
tintent plus parfait &- plus irrévocable^ qno
les vérités appuyées fur des faits. Les véri-
tésMe la Religion-naturelle, que le Militaire
Philofoph^ paroît foutenir, font fans doute:
des vérités métaphyfiques ; il n!y en a pas:
une feule- qui ne foit conteflée par quelques,
ÇtUpIophe. On a. fait des Traités expr^:
I^E LÀ KlELlGXoh, &C. 26î^
pour prouver qu'il n'y a prefque point de.-
vérité métaphyfique certaine & incontef-
table (a). D'ailleurs ces vérités ne peuvent
être connues du plus grand nombre des
hommes par la voie du raifonnement ;:
c'eft donc un effet de la bonté de Dieu de
les leur faire connoîcre par une révélatioa
appuyée fur des faits*.
XayBîù. Phîlof. art. Tout efi bien, à I* iîn.Xcttre dC-
T-rafibule à Lcucippe, p, i6i Se 171.
•8=
Des preuves de la Religion Chrétienne , rfel
Miracles ,. des Prophéties a àesl^^riyrs^
S. 1.
X-^ Aj^s le chapitre précédent TAjuteur iij
Chrijlianifme dévoilé a combattu la révéla-
tion en elle-même , & a fait tous fes efforts
pour la rendre fufpeâe. Il a prétendu qu'elle
eft obfcure ,. & une fource continuelle de
doutes & de difputes ; qu'elle ne nous a pas>
fait connoître plus clairement la nature;
Divine ; que ceux qui l'ont annoncée ne
font point d'un caraétere propre à nous fub-
juguer. Dans celui-ci il attaque les fignes..
«Intérieurs dont elle, a éc^ dccomagnée ^« âC-
â(îâ . AfôtùGti
par lefqueis nous jugeons qu'elle vient A^
Dieu t ce font donc les titres de notre
croyance qu'il s'agit de juHifier^ Sut ces
divers objets y PAuteur ne montre » ni plus
d'exaâitude > ni plus de bonne foi que dans
le refte de fon Ouvrage. Il raflèmble la
plupm des doutes propof& pair la foulé d^
incrédules ; hous retrouvons le(S mêmes ob*
jeâions dans les dijfFérebs écrits dont nous
iavons déjà fait mention. Il répète continuel-
lement les mêmes reproches ; il interrompt
fouvent le fil des matières ; tous les chapitres
He fon Livre fe refleniblent-ur'eft un incon^
Veh^nt pourp^>-*^^ï^^«>bligé5 de le fuivre
dans feVçc*^ Avant d'en venir au détail ^
il fait quéiqvés réflexions préliminaires*
Selon ^1 > 1« Chriftianifme n'a aucun
âvantap^ fur toutes les Religions du mon=^
de , itii fe difent émanées de la Divinitév
VJndien ajfurt qut Érama lui - mêuie ejl
r Auteur de fon culte ; le Scandinave tenait
lefien du ttdoutahU Odin. Si le Juif Csr le
Chrétien ont reçu le leur de Dieu > par le
mini/îere de Moïfe & de Jefus , le Maho^
métan affurt qu'il a teçu lefien par fon
Prophète infpirédu même Dieu (a).
Il refte donc à examiner fi Tlndien , le
Scandinave * le Mahométan produifent
f)E tÀ ÊELtGIÔ'Ni &Ca ±6^
eh faveur de léulrs Légîflateurs les mêmes
preuves que les Juifs & les Chrétiens allè-
guent de la miffioii fuf naturelle de Moïfe
& de Jefus i & fi ces preuves ont les mêmeâ
caraâeres. Voilà la quefïion qu'un Auteur
exaâ devoit'indifpenfablement traiter ; il le
falloit , pour pirocédér eti règle. Celui au-
quel nous répondons , l'a prudemment efquî*
Vée ; on fentbien pourquoi*
Qu'eft-ce que prouve la reflèmblailce de
prétention ^mre les différentes Religions de
l'Uhîvers ? Elle démontre que tous les peu-
ples ont compï^^" ~ ^^effité de Tautorké
Divine pour établir une • jj^j^^^ ,^^;^
ont rendu hommage au droit eA^iJriît qui
appartient à Dipu de détermir^i^ cultô
que nous devons lui rendre, û^pinion
contraire de nos adverfaires choq^j^ de
front le fentiment répandu chez toute^^j
Nations qui ont une Religioiu
Toutes les Religions , dit notre Critique i
interdifint tufage de la raifon pour exami^
ner leurs titres [actes. Le Chriûianifme ne
Finterdit point} iious avons prouvé le
contraire* Toutes ont le caraBere de faujfeté
par les contradiSlions palpables dont ellet
font remplies. Nous ofons lui faire îe défi de
nous montrer des contradidions palpables
dans notre Religion. Pour toute preuve , il
répète les déclamations .auxcpielles aou$
3^4^ Apologïe
avons déjà répondu dans les chapitres pté^
cédens : & ce n'efi pas la dernière fois qu'it
y reviendra.-
Il foutient que la Religion* Chrétienne
n'eft point propre à rendre les Empires
floriilàns ôc puiflàns (a): ce reproche qui
eft ici entièrement déplacé , fera examiné
dans la fuite (b). Venons à l'objet prin-
cipal y aux (ignés de la révélation»
Article i?remiek.
Des MiracUs.^
. ^ v<?^;^ TAuteur, desMiracUs. det
Prophéthîj^ ^^^ Martyrs dans touus Ut
Religions *^" ft^ondt ( c )• Et c'eft ce qui
monttt»^^^ toutes les Religions du monde
en p-t fenti la néceffité pour fubjuguer les
Jiritimes ; que les fniracles & les prophéties
lont le langage qui. convient à la Divinité,
fiand elle veut fe révéler aux créatures.
Il y a d'ailleurs une différence eflèntielle,
& qu'il ne faut pas perdre de vue , entre les
miracles opérés en faveur de la vraie Reli-
gion, & les prétendus prodiges dont les-
(j) Chrift dévoilé , page ^4,
{h) Chap. 14, ci-ap.t« $, >.
ic; Page 6\y.
MM»
fàujûlès
DE LA RSLIÇION, &C. ^Sf
lauflès voudroient fe faire honneur ; les
premiers ont été faits diredemeat four
prouver la miffion d'un homme & la véri-
té de fa doârine ; les féconds , quand on
les fuppoferoit vrais , ne tiennent à rien &
ne prouvent rien.
L'Auteur , qui confond tcès-mal-à-pro>'
pos ces divers prodiges , ne voit dans tout
cela que des impofteurs plus rufés & plus
inftriiits que le vulgaire , qui le trompent
par des preftiges , qui réblouiflènt par des
œuvres qu'il croit furnaturelles , parce qu'il
ignore les fecrets de la nature & les reffouc-
ces de l'art.
Telle eft fa décifîon. Les miracles de
Moïfe , les plaies d'Egypte , le paflàge de
la mer rouge , entre les flots amoncelés à
droite & à gauche i la colonne de nuée lu-a
mineufe pendant la nuit , la mapne du dé-*
fert , l'embrâfement de Sin^ï , les eaux Sor-
ties du rocher > les féditleux engloutis dans
les entrailles de la terre; tous ces prodiges*,
dont plufieurs étoient journaliers , &^ ont
duré pendit 40 ans , étoient des preftiges
ou des phénomènes purement naturels ;
c'eft par hafard qu'ils n'ont pas été renour
vellés depuis ce temps-là.
Il en eft de n[iême fans conteftation des
miracles de J. C. Les Cieux ouverts fur fa
tête à fon baptême ; les aveugles , les boi-
Tomc L Z
à66 Apologie
teux > les paralytiquçs , les lépreux guéris
' par une feule parole ; les pains multipliés ,
les orages appaifés y les eaux affermies fous
les pas de Jefus & de fbn Difciple ; les
morts refTufcités , font des effets purement
naturels ou des tours de Charlatan : ceux
^ui amufent le peuple aujourd'hui , pour-
roient en faire autant s'ils étoient un peu
plus habiles.
Nous ne nous arrêterons pas à réfuter
des abfurdités auflî palpables.
On nous oppofe pour la féconde fois
que les miracles de Moïfe ont été opérés
aux yeux d'un peuple. ignorant , crédule ,
Hupide. Mais ce peuple , quelque flupide
qu'on le fuppofè , avoir des yeux ; il fufE-
foit d'en avoir pour juger fî les miracles de
Moïfe étoient vrais ou faux. Falloir -il
être Philofophe , pour fçavoir fî les Hé-
breux vivoient de manne ou de pain , fî
l'eau couloir d'un rocher où il n'y en avoit
point auparavant, fî la vue du ferpent d'ai-
rain guériflbit les morfures venimeufes , fî
on voyoit une colonne de feu fur le taber-
nacle pendant la nuit,
§.3.
Je puis foupçonner , ajoute l'Auteur, que
ces miracles ont été inférés dans les Livres
facrés des Hébreux long^temps après la mort
DE LA Religion, &c. 26 j
âe ceux qui auroUnt pu les démentir (a).
Ce foupçon eft abfurde , & nous l'avons
déjà fait voir. Il faudroit foupçonner en
même temps que les fêtes & les cérémonies
deftinées à conferver la mémoire de ces mi-
racles , font d'une inftitution poftérieure à
Moïfe. Il faudra encore nous apprendre
quel a été le Légiflateur aflez puiflant &
aflez infenfé pour obliger les Juifs à obfer-
ver des loix gênantes en mémoire d'un
miracle fauflèment imaginé, & dont ce
peuple n'avoit jamais ouï parler : il faudra
enfin nous expliquer comment une Nation
entière a pu fe réfoudre à fe gêner conti-
nuellement pour canonifer les rêves d'un
impofteur; à s'abftenir de pain levé pen-
dant huit jours , fous peine de mort , pour
célébrer une pâque on une délivrance ima-
ginaire ; à racheter à prix d'argent tous les
aînés des familles ; à facrifier tous les pre-
miers-nés des animaux , pour attefter fauf-
fement la mort des enfans 'Egyptiens ; à
vivre pendant huit jours fous des tentée
ou des cabales $ pour fe rappeller la de-
meure prétendue des Hébreux dans le dé-
fert , & ainfi du refte.
Les incrédules ont beau faire , jamais ils
ne rompront la chaîne des monumens qui
ia) Chtift. dévoilé , p, i?^.
Zij
^6S Apologib
attellent les prodiges opérés en faveur 4eS
Juifs ; chaîne coxnpofée d'urie infinité d'an-
neaux qu'un impofteur n'auroit jamais pu
faire tenir les uns aux autres. Pour per-
iliader ces prodiges à un homme intelfi*
gent & non prévenu , il ne faut qu'un roi-'
fonnement umple : la Religion Juive n'a
p^ pu s'établir nator.çllemerit s donc jMloîiTe
# fait des mir^cbs.
S. 4.
La même réponfe détruit encore plus
efficacement les objeftions de l'Auteur
contre les miracles de J, C« Il n'y a , dit-il ,
qi^une populace ignorante qui puijfc les at-
tejier .• Nous avons déjà démontré le con-
traire (a). Les Apôtres qui atteftent les
miracles de leur Maître , ne font point
de ces ignorans flupides qui ne voient ni
n^enteodent ; leurs écrits que nous avons
entre les mains , font pleins de bons fens &
de fageffe. Si ces prétendus ignorans font
lej Auteurs de l'Evangile ^ ils ont été plus
habiles que tous les Philofophes anciens &
modernes. Leur atteftation efl; confirmée
par Taveu ou par le filence de leurs plus
cruels ennemis ^ dans des circonftances où
il étoit de la dernière importance d'en dé*-
(d) Chapûre 5 » $• 4» cî-deiTus*
t)E LA REIilGîON, &0 2(Jp
niOBtrer la faufTeté, & où rien n'étoît plus
aifé , fi Us miracles n'étoient pas vrais. Ces
mêmes miracles font confiâtes par les effets
qu'ils ont produits , par les converfions
qu'ils ont opérées, par notre Religion qu'ils
ont fondée, pai^^l'Univers entier qu'ils ont
changé. Si ces miracles font faux , corii-
ment un feul Juif a-t-il pu fe réfoudre à
changer de Religion , renoncer à fes efpé-
rances , fe corriger du fanatifme & de l'en-
thoufiafme que notre Auteur reproche à
cette Nation ? Quel motif a pu l'y déter-
miner au préjudice de fon repos , de fa
fortune ^ de fa vie ? Le fophifme continuel
de nos adverfaires eft de fuppofer les mira-
cles de J, C. rapportés feulement par des
témoins ifolés , dont la dépofition ne tient
à rien , n'eft pas foutenue d'ailleurs , & em-
prunte toute fa force de la capacité desf
témoins. Cette fuppofition eft fauflè ; il y
a de la loauvaife foi à la renouveller fans
cefle.
5. p
L^ Auteur demande comment ilfutpojli''
bit qu*un peuple entier , témoin des miracles
du MeJJîe , confentit à fa mort , la àeman-^
dât mime aveg empreffement ? Il lui con-
vient moins qu'à perionne de faire cette
queftion« Par-tout il peint Jies Juifs comme
Ziij
270 APOrOGlB
des monflres de phrenéfie & de férocité (a"),
comme un peuple aveugle ^farouche (b) ,
emêtéd! une fuperjiition féroce & ridicule (c) ,
d'un fanatifme opiniâtre , d^une efpérahce
infenfée(d)y comme des féditieux & des
aveugles (e) ; lui fied- il de demander en-
fuite comment ce peuptea pu fe conduira
félon le caradere qu'il lui prête?
Les Juifs , témoins des miracles du Mef-
'fie , ont demandé fa mort , parce que les
Chefs de la Nation leur ont perfoadé que fi
on le lâiflbit vivre plus long^temps > les Ro*
mains viendroient fondre fur Jerufalem,,
détruiroient la ville & le temple , extermi-
neroient la race des Juifs (/).
On infifte encore : Le peuple de Londres
Cf de Paris fouffriroit-il quon mit à mort
fous fes yeux, un homme qui auroit rejfufcité
des morts , rendu la vue aux aveugles , rc-
drejjé les boiteux , guéri des paralytiques f
Je réponds d'abord que le Peuple de Lon-
dres & de Paris n'eft point tel que l'Au-
teur a peint les Juifs. J'ajoute qu'à Paris &
a Londres on pourroit encore demander
mmmmmÊmmmmmmmmmm.m i. ii ■■■■ ■■— ^— — — — — ^"
(a) Chrill. dévoilé , page iS, -
(h) Page II.
(c) Page 21. •
id^ Page 2 j,
(c) Ibid.
<f) Joah, c, 1 1 , ^»
• DE LA Religion, &c, ^71
là mort d'un homme jufté & qui auroit
fait des miracles , fi on fe perfuadoit bien
ou mal que. de fa mort dépend le falut de
l'Etat. Depuis que le peuple d'Athènes a
demandé la mort de Socrate , il ne faut
s'étonner de rien (a).
C'eft donc très-mal conclure que de dire :
Si les Juifs ont demandé la mort de Jefus >
tous fes miracles font anéantis pour tout
homme non prévenu. Ces mêmes Juifs qui
ont demandé la mort de Jefus, s'en font
i-epentis , fe font convertis en très-grand
nombre , & ont adoré Jefus comme le
Meffie & le fils de Dieu. Ils ont donc rendu
à fes miracles l'hommage le plus authenti-
que. & le moins fufpeâ.
U autre coté , pourfuit notre Critîqye ,
ne peut'on pas appofer aux miracles de Moife^
^inji quâ ceux de. Jefus ^ ceux que Mahomet
opéra aux yeux detous les peuples de la Mec^
que &* de V Arabie raffemblés (h), U eft faux,
lelon l'Alcoran même , que Mahomet ait
opéré, aucuns miracles; il eft encore plus
faux qu'il les ait faits aux yeux d'un peuple
^^m
'' (fl) Voyez ia LcÉtre au P. B^rchier fut le Matérialifmc,;
(o) Ghnil. dévoilé, p. ^7. Militaire Philofoplie , c. 114
Z iv
273 ApotoGii
entier raflembïé. Il déclare lui-inéme qtrtl
ne fait point de miracles ; qu'il eft venu éra**
blir fa Religion par les armes. Il eft donc
faux que reffet des miracles de Mahomet
fftt au moins de convaincre les Arabes qu*il
étoit un homme divin : il les en a convain-
cus , en leur donnant à choifir fa Religion
ou la mort, a Comment juftifier un homme
3> qui vous dit : Crois que j ai parlé à F Ange
a» Gabriel j ou je te tue» (a)?
Il eft encore plus faux que les miracles de
,Jefus rHayent convaincu perfonne de fa mip*
fion ; ils ont convaincu fes Difciples ; ils
ont opéré le même effet fur les milliers de
Juifs convertis immédiatement après (k
mort , & fucceffivement fur tous ceux qui
ont embraffé le Chriftianifme*
m
S. Paul lui-même , dit notre Auteur , ne
fut point convaincu par -les miracles dont j
de fon temps » il exijîoit tant de témoins ; il
lui fallut un nouveau miracle pour convain-
cre fon efprit. De quel droit veut- on donc
nous faire croire aujourd]hui des merveilles
qui riétoient point convaincantes , du temps
ménie des Apôtres; cefl-à-dir^ * peu de
temps après quelles furent opérées î
( fl) Suite dc$ Mélanges «le Lîtteràt. d'Hîft, & de Phi for.
t. 70, tome 5 > p» ijit \oytz iiaracà Froiromi ypam
'ficundd , cap. 5 & 5«
©E LA Rê£ÏGÏON,&C. a7j,
Mais a-t-on oublié que S. Paul lui-mênùà
condamne fon incrédulité (a)? Il ne prm
tend donc pas que les miracles de J. CX
aient été infuffifans pour le convaincre.
Il rêconnoît qu'il n'y failbit pas aflèz d'at-
tention; qu'un zèle exceflif de religion l'a-
veugloit. Si après y avoir penfé plus mûre-
ment , il n^avoit pas jugé ces miracles eoil^
vaincans & incontefmbles , auroit-il oie les
foutenir en face des Juifs > & les prendre
eux-mêmes à témoin de la vérité & de la
publicité des faits ?
D'ailleurs , autre chofe étoît d'être cdrt r
vaincu des miracles de J. C , autre chofe
d'embrafler le Chriftianifnïe ; la conviftiort
de l'efprit n'eft que la première difpoficioiii
néceflaire pour rendre hommage à la véri-
té; il faut encore la droiture du coeur ; celle-
ci manquoit au grand nombre des Juifs ,
comme elle n:ianque aujourd'hui à nos ad-
verfaires»
S. 7-
Celui auquel nous répondons > ne veut
point que ,, pour croire un miracle , on fe
contente des mêmes atteftations que pour
les autres événemens hiftoriques. Un fait
furnaturel , dit-il , demande , pour être cru ,
274 Apoloôib . .
jles témoignages plus forts qu un fait qui n a
rien contre la vraifemhlance (a)* Des preu-
ves ordinaires fuffifént pour perfuader que
Jefus eft mort : elles ne fuffifént plus pour
nous convaincre qu'il eft reflùfcité.
Nous avons prouvé dans un autre Ou-
vrage, d'après les Auteurs do V Encyclo-
pédie , que les mêmes preuves , qui fuffifént
pour conftaterun fait naturel , ne font pas
moins efficaces pour établir la croyance
d'un miracle (b)i ainfi le principe de T Au-
teur eft abfolument faux.
Mais accordons -le pour un moment.
A-t-oh befoin , pour conftater un fait natu-
rel, de témoignages auffi forts, auffi multi-
pliés , auffi inconteftables que ceux que
nous produifons pour prouver les miracles
de !• C ? Le témoignage d'un ou de deux
Hiftoriens , fans autre monument , fuffit
pour nous faire croire un fait naturel : nous
citons en preuve des miracles de J. C. non-
feulement la dépofition unanime & j:onC-
tante de tous fes difciples , témoins nom-
breux , oculaires , irréprochables , qui ont
répandu leur fang pour confirmer leur té-
moignage , mais encore l'aveu formel ou le
( a Chrift. dévoilé , p. é8. Militaire Philofbphe , c. ï i ,
[b) Déifme réfute , trbifièmé Leure, p. 144. Rcpon(^
aux Confeils raifonnables , p. 6$, *^
DE LA Religion, &c. Tjf
fîlence forcé de leurs plus grands ennemis ,
des Juifs , des Payens , des premiers Héré-
tiques; l'effet que ces miracles ont produit»
& qui n'a pu naître d'une autre caufe ; la
chaîne de monumens que, notre Religion
nous met fous les yeux , & qui remontent
jufqu'aux événemens dont ils confervent
le fouvenir. Pour quel autre fait a-t-on
jamais exigé cette réunion de preuves ?
Le même Critique , fécond en parado-
xes , prétend qu'en matière de Religion tous
les témoignages font fufpeds ; qu'un hom*
me joint fouvent la crédulité la plus ftupide
aux talens les plus diftingués ; que le CnriC-
tianifme en fournit des exemples fans nom*
bre : que l'homme le plus éclairé voit très-
mal i lorfqu'il eft faifi d'enthoufiafme , ou
ivre de fanatifme , ou féduit par fon imagi-
nation.
Voici ce que fignifie , en termes plus
clairs , cette modefte déclaration.. Tout
homme qui a dé la Religion n'eft plus croya-
ble , dès qu'il parle en fa faveur : il eft tou-
jours , ou ignorant , ou crédule , ou fanati-
que , ou féduit par fon imagination. Il n'eft
dans l'Univers de témoins dignes de foi que
les Incrédules & les Athées (<2), Nous devons
(a* Prem ère Lettre i Eugénie, p. ii & 17. Contagîoi»
facrce, c. 1 j ,p. 147. Hume > Œuvres PhiJof^ c t >p. ^i^
le 240.
47^ Afoloôie
fçaVoîr gré à ces Meffieurs de leur fincérlté;
* mais de quel coté eft ici l'ivrefle du fanaci(>-
me , & l'aveugle prévention ?
Quand on admettroit pour uii moment
ce' principe inlçnfè , je demande encore de
quel enthoufîafme , de quelle féduâion
polivoient être fîifceptibks en faveur de
J* C , de fès Difciples , de fa doârine ^ les
premiers Jui6 & les premiers Payens qui
crurent aux miracles du Sauveur ? Tous
leifrs préjugés » tous leurs intérêts , toutes
leurs inclinations dévoient les en détour^
nef. Le préjugé des premiers étoit l'attente
d'un Meilie puiflant : le préjugé des féconds
étoit un fouveraiiï mépris pour les Juifs {
& il falloit fe refoudre à adorer un Juif cru^
cifié.
S. 8.
AvaDt que d'examiner les objeâions de
rAticeur fur la poflibilité des miracles, il eil
à propos de finir ce qu'il oppofe à leur cer-
titude & au témoignage de ceux qui nous
les ont tranfmis. Vainement il allègue pour
une tfoifième fois leur ignorance» leur cré-
dulité, leur grolSèreté ftupide (a): nous
avons fuffifamment réfuté ce reproche (b)^
(a) Chrîft. dévoilé * page 70.
{b) Voyez ch< j , j. 8 5 le cidelTus $. ^
>s
DELA REtiGlON, &C. 277
Ces témoins , dk- H ^ étoientr-ils déjinté-
tjfés ? Non ; ils avoimt fans doute le plus
ijrand intérêt à foUtenir des faits murveiU
eux qui prouvoient la divinité de leur MaU
rey&la vérité de la Religion quHls vouUient
kabiir (^). A moins d'être aveugle , peut-
HBL ne pas voir rabfurdité de cette fuppofi-
îon ? Des hommes ignorans > fans étude «
irés de la lie du peuple , qui forment le
projet le plus hardi & le plus périlleux qui
puiflè entrer dans Tefprit d'un ambitieux ,
le projet d'établir une nouvelle Religion ;
des Juifs fuj^erftitieu:»^ » aveuglément atta*
chés à leurs ioix , à leur culte » à l'efpérance
d'un Libératieur ; qui , fans raifon « (ans mo*
tifs , {àçs intérêts communs , forment en-
tr'eux le complot d'anéantir leirs Ioix , de
changer les idées de leur Nation ! des Dif-
piples honteufement trompés par un Maître
&natique & impofteur » qui fe croient en^.
core intérefTés à fe dévouera fa gloire > à
foutenir fa divinité aux dépens de leur repos
& de leur vie ! Voilà le prodige ridicule ,
incroyable , révoltant que l'on veut fubfti-
tuer à ceux de J. C.
Les Apôtres intérefles à foutenir des
&its merveilleux ! En quoi confiftoit donc
^ ■ ■ ' ■■ j . .j*
<«-) Cl\n(l. dévoilé^ pf 70. ^« Lejrcreâ Eugénie» p. 3i
ij^ Apologie
cet intérêt ? A s'expofer à la fureur des
Juifs , au mépris des Payens , à la politique
foupçonneute des Romains ; à fubir enfin
le même fort que leur Maître : voilà tout
ce qu'ils pouvoient humainement efpérer.
Il n^ a qu'un feul intérêt qui ait pu les ren-
dre lupérieurs à toutes les craintes humai-
nes i celui de la vérité & de la vertu,
§. p.
Ces mêmes faits , continue l'Auteur , ont--
îls été confirmés par les Hijloriens contempo-
rains f Aucun d'eux rten a parlé ; &* dans
une viUe aujji fuperftitieufe que Jerufalem ,
il ne sefl trouvé ni un feul Juif^ ni un feul
Payen qui aient entendu parler des faits les
plus extraorflnaires & les plus multipliés que
VHiftoire ait jamais rapportés. Tout cela eft-
îl vrai ? Nous demandons d'abord à notre
fçavant Critique , quels font les Hiftoriens
contemporains qui auroient dû parler des
miracles de J. C ? Chez les Juifs , nous ne
connoiflbns que trois Ecrivains dans ces
temps-là ; Joféphe , Philon , & Jufte de Ti-
bériade , duquel les Ouvrages ont péri.
Nous foutenons que le premier en a parlé ,
& que quand il n'en auroit rien dit , fon fî«
lance feroit audî éloquent pour nous que
fon témoignage {a). Philon n'eft point un
»l ■■■!■ I III I — ^— — ^— é— â—
{a) Certitude des preuves du Chrift. c. i^ $. 8.
DE LÀ Religion, &c. ^.rfg^.
Hîftorien , mais un Philofophe ; il n'a point
écrit ce qui s'eft pafle de fon temps. Il a
cependant connu J. C. & fes miracles.
Anaftafe leSinaïte, Patriarche d^Antioche:
au Cxième fiècle , rapporte d'après Ammo-
nius , Philofophe d'Alexandrie , qui vivoit
au troifième , que Philon , dans un écrit
contre Mnafon , difciple des Apôtres , a.
nié la divinité de !• C ; mais il ne nioit pas
ce qu'on racontoit de fon humanité. Il pré-
tendoit que fes miracles ne fuffifoient pas
pour prouver fa divinité , que fes fouffran—
ces & fa mort ignominîeufe ne pouvoient
convenir à un Dieu ( ^ ). Dans les autres
Ouvrages que les Juifs ont compofés con-
tre J. C. & dont on ignore la date précife,
îl§ font formellement convenus de fes mi-
racles Ci>
Chez les Payens , à Rome , & dans toute
la Grèce , on ignoroit profondément ce qui
fe paflbit dans la Judée. Dès que les Chré-
tiens commencèrent à être connus , ils fu-
rent calomniés & perfécutés : on écrivit
contr'eux ; mais aucun de ces Ecrivains
n'a ofé s'infcrire en faux contre les mira*
clés de J. C , aucun n'a ofé invoquer le té-
(a) Voyez Iç Livre intitulé Odegosy chap. 14 , pag«s 24
& 1^ , (ians les Ouvrages de GrecréTi tome 14*
{h) Qiap^ i , ci- devant $..5.
5f80 A P O L O G î B
moignage des Juifs pour en démoncrer Tmi*
poftureC^)-
D eft donc abfolument. contraire à la vé*
rîté , qu'il ne fe foît trouvé ni un feul Juif,
ni un feul Payen qui aient entendu parler
de ces faits»
Ce ne font jamais ^ dît notre Auteur ;
que des Chrétiens qui nous attefient les mi"
racles iu^Chrift (î). Le contraire eft dé-
Biontré ; mais fuppofons-le pour un mo«
melht* Je foutiens que les Chrétiens doivent
être écoutés fur ces faits ; que leur tésxoi-
gnage £ft irrécufable ; que l'incrédulité de
ceux qui n'y ont pas eu égard ne conclut
jrien.'
Qui font ces Chrétiens? Des Juifs où des
Payens convertis par les miracles. Ce font
donc des hommes qui les ont examinés de
près ; en qui l'évidence des faits a vaincu
les préjugés, l'intérêt , la crainte , le refpeâ:
humain:; fur qui la vérité ^ eu plus de force
que les paflîons & que la répugnance natu«
relie de changer de Religion ; qui fe. font^
Ëvrés à la mort pour foutenk la réalité de
ce qu'ils avoient vu : eft-il un témpigoage
plus fort ?
Qui font au contraire ceux qui n'ont pas
<^
la) Certitude des preuves du Chrift, c. 45 & ci^c^ut,
C. î . $. 7«
ib) Cbtîli. dévoilé , p. 74^
été
DE I.A Religion, &c* 281;
été touchés des miracles ? Des hommes qui
ont dédaigné de les vérifier , ou qui , bien
perfuadés de leur réalité , ont cherché à les
expliquer bien ou mal , en ont méconnu les
conféquences » ne fe font pas crus obligés
pour cela de fe faire Chrétiens , parce qu'ils
ont redouté les fuites d'une démarchç pé*
rllleufe. Leur incrédulité ou leur indifféren-
ce peut-elle affoiblir le témoignage des
premiers ?
Qu'eft-ce donc que f on exige de nous ;
quand on nous demande le témoignage
d'Auteurs contemporaiiis qili n'aient pas
été Chrétiens î On veut que nous produî-
£ons des témoins qui aient rendu hommage
à la vérité , & qui y aient réfifté s qui aient
été <out-à-la-fois inftruits & incrédules *
équitables envers le Chriflianifme & fes
ennemis déclarés ; en un mot des témoins
qui n'aient pas été d'accord avec eux - mê-
mes. Nous en avons un de cette efpèce i
c'eft Joféphe : nos adverfaires le rejecten
comme luppofé , parce qu'il eft précifé-
mént tel qu'ils le demandent.il eft impoflî-
• ble» difent-^ils^que Joféphe ait reconnu aulli
authentiquement les miracles de J. C , &
qu'il ait perfévéré dans le Judaïfme. Et on
perfide à exiger des témoins qui n'aient pas
été Chrétiens !
/
Tmi î, A a
}
L'Auteur du Chriftianifme dévoilé trou-
va fort étrange le filence des Payens fur la ^
tremblement de terre , réclipfe de foleil , &
les rérurreârions qui arrivèrent à la mort de
J. C. Celui du Diitionnaire Philofophique
a fait la même obfervation (a). Mais l'un
& l'autre fuppofent ce (îlence mal-àrpropos
Phlégon , dans fon Hiftoire des Olympia-
des , à la quatrième année de la ccii^ , qui
cft la dix-huitième de Tibère, & celle de la
mort de J. C ; Thallus , dans fes Hiftoires
Syriaques , que nous n'avons plus , en ont
parlé (b). TertuUieft , dans fon Apologé-
tique , prend à témoin les Sénateurs Ro-
mains , que ces prodiges étoient confignés
dans leurs annales ( c ).
Il y a plus , Chalcidius , Philofophe
Payen du troifième fiècle , avoit connoif-
fance de nos Evangiles : loin de les traiter
d'hiftoires fabuleufês , comme font aujour-
d'hui nos beaux efprits > il les appelle une
fainte &* vénérable Hiftoire ( ^ ) ; il en cite
l'adoration de Jefiis par les Mages. Il eft <
(a) Arc. ChrijHamfme.
ib) Eufebe , ÎTi C/in>nico« Orîgenc contre CcKc^ 1* ^i
i» 80.
(c)Chap. ai. '
{d) Comment, fur le Timée ^ p* 1 xp^
DE LA Religion, &c» 2^^
donc abfolumeot faux que les Auteurs:
Payens n'aient jamais ouï parler des faits qui
fervent de preuve à notre ReUgion.
Notre Incrédule voudroit d'autres té-
moins de la réfurrection de J. C. que fès
Apôtres & fes Difciples. Une apparition
folemnelU , dït'i\ , faite dans une place pu--
blique, n^ eut- elle pas été plus décijîve , qut
toutes ces apparitionsdandefiines faites à des
hommes intérejjés à former Une nouvelh
Se6le ? Nous ne relèverons pas une féconde
fois l'intérêt prétendu qu'avoient les Apô-
tres de former une nouvelle Sede ; mais
nous foutenons que , félon la manière de
penfer & de raifonner de nos adverfairés »
une apparition folemnelle de J. C. dans une
place publique , ne féroit pas plus décijïve
pour eux , que celles auxquelles ils ne veu-*
lent pas ajouter foi. Comment ferionsr
nous certains de cette a:pparition folemnel-
le ? Par des témoignages^ Or on a conv
mencé par pofer pour principe , qu'en m^
•tiere de miracles , tous les téntoign^ges font
fufoeds (^). De quelque maniera que Ife
réiurredion de J. C. fiit prouvée , les In-
crédules font très - décidés à ne la croire?
jamais. . -
Nous convenons qyjtilfailoit çwe ce fait,
itf > Voyw ci-deflus $r 7y
As i|
£^4 Afologie
fut prouvé aux Nations de la façon la plut
clair t & la plus indubitahU(a) / auffi pré^
tendons-nous qu'il l'a été. Les témoins qui
le publient font en très* grand nombre ,
dignes de foi & irréprochables. Ils ont vu,
entendu , touché ; ils ont bu > mangé y con-
verfé avec J. C. refiufcité ; ils font de bon^
ne-foi , & d'un caraâere éloigné de toute
împofture , fans aucun intérêt commun qui
eit pu les râmir ; ils atteftent le fait haute-
ment 5 publiquement dans le temps & fur
le lieu où il s'ef): paile , en préfence de leurs
ennemis , qui n'ofent point les démentir ,
quoiqu'ils aient le plus grand intérêt de le
faire , & toute l'autorité en main pour y
parvenir. Ces témoins perfuadent , ils font
crus & fuivis par des milliers de profélytes
à portée de tout voit & de tout vérifier :
Se tous perfiftent dans leui: témoignage juiP-
qu'à la mort. Exiger quelque choie de plus ,
c'eft profeflèr l'incrédulité par ofienta-!
tion.
Dieu pouvoît faire davantage pour éta-
blir la croyance de la réilirreâion dé fou
fils j nous l'avouons encore : mais le devoir-
il? c'eft la queftioii. Il l'a fuffifamment
prouvée , puifque les Nations y ont cru •
cela doit réprimer toute plainte ultérieure^
■mi ■ ■■■ I iiiiiiiMiiii !■
( (a)Chnft. dévoilé, p.;72.
X
BÈ LA RELIG10^N,&C. 2Bf
Il pouvoir nous rendre plus claires & plus
iènfîbles toutes les vérités de la Religioû
naturelle ; il pouvoir empêcher qu'elles
ne fuflènt oubliées & méconnues chex
toutes les Nations* D ne Ta pas fait v
cela déroge-t-il à leur certitude & à leur
évidence ? Doit-on conclure, comme notre
Auteur : Dieu ne voulait donc point que
tout le monde cr&t en lui (a) ?
II eft faux que les Bafilidiens & les Ce-:
rînthiens aient foutenu nettement que Jefitf
n'étoit point mort ni reflufcité. S. Epiphan«
ne leur attribue point cette erreur dans Tenr
droit cité par notre Critique. Les uns & les
autres convenoient que Jefus étoit mort &
reflufcité , du moins en apparence ; & jamais
ils n'ont accufé les Apôtres d'avoir porté
un faux témoignage (b).
§. II.
Maïs à quoi bon contefter fur ks preu*
Ves des miracles , quand on foutient net-
tement qu'ils font impoffibles ? C'eft le
fentiment de nos Philofophes ; & c'eft
par-là fans doute que l'Auteur du Chrif^
tianiCme dévoilé auroit dû entamer U
queuion«
ià) Chrift. dévoilé, p. 71. x* Lettre à Eugénie, p. 7>.i
il h ) Cet wude 4e« preuves du ChrUt c. x , J. i. ^
/^
28tf Apologïe
Un miracle j dit-il , ejl une chofe impqffîble^
Dieu ne ferait point immuable ^ s^il changeait
l'ordre de la nature (a). Nous oppoferons
d'abord à cette déciiion l'avis d'un autre
Philofophe. « Dieu peut-il faire des mira-
sBcles, demande Jean -Jacques Roufleau,
a» c'eft-à-dire , peut - il déroger aux loix
a> qu'il a établies ? Cette queftion férieufe-
30 ment traitée > dit-il , iêroit impie , fî elle
V» n'étoit abfurde : ce feroit faire trop d'hon-
V neur à celui qui la réfoudroit négative*
09 ment , que de le punir ; il (liffiroit de l'en«
^ fermer. Mais auffi quel homme a jamais
9 nié que ' Dieu pût faire des miracles ? Il
9» falloir être Hébreu , pour demander fî
3» Dieu pouvoir drelTer des tables dans le
»défert(A)a>,
L'Auteur du DiQionnaire Philofophir'
que , profond Métaphyficien , s'il en fut
jamais , foutient de même que les miracles
font impoflîbles (c). Dans un autre Ou-
vrage , on nous donne cette dodrine com-
me le réfultat de ce qu'ont penfé Hobbes ,
Collins , Bolingbroke ; on pouvoit y ajou-
ter Spinofa (d). Voilà bien des gens en-
iv
(a) Chrill. aévoilé, pag. ^9.
(&) Lettres écrites de la Montagne» croî^ème Lettre
(c) Di£fcion. Philaf. «t. Miracles.
{d} Deuxième Lettre fur \^ Miracle», p« ftpt Voje?
encore la Philo roplûe de THift. cv $,}*
BE LA ReLIGIOÏT, &C. 287
Toyés aux Petites-Maifons par Jean- Jac-
ques Rouflèau.
Pour nous qui fommes moins féyeres ,
nous écouterons tranquillement leurs rai-^
ions»
Un miracle, difent-ils, efll a violation ia
loix mathématiques , divines s immuables^
éternelles ; par cefeul expofés un miracle ejl
une contradiSion dans les termes (a)^ Celer
efl clair ; il n'eft plus queftion que de voir
fi l'expofé eft véritable.
Un miracle eft la violation des loix mathé^
matiques, Qu ces termes ne font pas intel-
ligibles , ou ils fignifient que, fi Dieu faifoit
un miracle , il s'enfuivroit que deux & deux
ne font pas quatre. L'Auteur du Diflion-
naire Philofophique , pour l'honneur de fej
Mitres & pour le fien, auroit bien dû mon-
trer la connexion de cette conféquence^
Jufqu'à préfent on avoit penfè qu'un mira-
cle étoit la violation des loix phyjîques ;
mais qu'il fût la violation des loix mathé-
viatiques , cela n'étoit encore entré dans la
tête d'aucun Philofophe.
Un miracle eft la violation des loix di-
'vines* Ceci demande encore explication*
G'eft la violation dC ces loix pour quelque?
(d) Did. Phil. SLVt. Miracles» Deuxième Lture fur iet
>lirs^Jes , p. i^n i« Leuce à Eugénie > p. ^^^
!ftS8 Av oLoétn
moitiens , dans une circonftance éc dara
un liçu particulier , & qui n'empêche point
fexécutioii de ces ménoes loix dans le refle
de l'Univers. Quand J. C. marcha fat les
eaux 3 cela ne dérogea point aux loix de
la gravitation pour tous les autres corps,
C'eft la violation des loix immuables :
imitiuables pour les créatures , qui ^n'y peu*
vetlt rien changer ; mais non immuables
de la part de Dieu, qui en eft l'Auteur. Dieu,
Créateur & fouverain Seigneur de l'U-
nivers , n'eftil pas le maître de l'anéantir
quand il voudra ?
Des loix éternelles; Si on entend par-là
que Dieu de toute éternité avoir téùAïk d'é-
tablir ces loix, cela eft vrai ; mais il avoit
auffi réfolu, de toute éternité, de fufpendre
l'effet de quelques-unes de ces loix dans
•quelques circonftances particulières qu'il
prévoyoit diftindemcnt. Cette fufpenCoû
momentanée ne déroge donc point i l'im-
mutabilité de Dieu : elle eft > dans un fens ,
auflfi éternelle que la loi dont elle empêche
FeÂfèt pour un moment.
Il eft étonnant que nos adverfairefs m
puiflènt argumenter contre nous y fans abu^
1er des termes* •
Il eji impoffible y continuent ils , que VEtre
infiniment f âge ait fait du loix pour Us Wd-
kr. Pour les violer à tout moment & fam
raîfon j
DELAREtiGtOK, &C. ±S0
f^lfèn ; d'accord. Mais eft-il impoffible que
llEtre infîniaient fage ait des raifons fiîQî-
fant^ pour {ufpendre , dans un cas particu-*
lier » l'exécution d'une loi qu'il a établie
pour tous les autres cas? Dieu , en créant
r Univers, a impofé des loix aux créatures;
Se Qon à lui*>même: il eft abfurde de fuppo*
fer que par ces loix il ait borné fon pou-«.
voin
Dieu m pourrait déranger fa machine
que pour la faire mieux alUr^ Fauffe fup«
pofîtion: un miracle ne dérange rien à la
machine du monde. La ré(urreâion de
Lazare a-t-elle bouleverfé le fyftème phy-
fique de l'Univers J II eft faux qu'un mira-
cle défigure pour quelque temps t ouvrage de:
Dieu.
Il eji impoJjibU , dit^on encore , que ht
nature divine travaille pour quelques hommes^
en particulier , fr non pai pour tout le genres
humain (a). Impoffible ? Telle eft la modeftie
de Meffieurs les Philofophes , & leur refpeâ:
pour la Divinité ; du haut de leur Tribunal ,
ils lui prefcrivent un plan de coaduite , Se
décident qu'elle ne peut pas s'en écarter.
Voudroient-ils nous apprendre comment
Dieu a pu établir des loix dont l'exécu-
( (1 ) i« Lettre â Eugénie , p. j 5. Conta|îon ftètco , c. i i
Jomel, Bb
iion fe trouve plus ayantageufe à certains
individus qu'à d'autres? Comment en vertu
àe ces loix un Philofpphe efi né avec tant
4'efprit , de pénétration , de fageflfe , pen-
dant que Dbu a refufé ces dons aux autres
jt^ommes ? Eft-il plus indigne de la nature
ijdiviae, d'accorder une faveur finguliere à
quelques particuliers par une dérogation à
iine loi générale , que par l'exécution de
cette même loi?
' Bien plus , dans l'article Bêtes ^ l'Auteur
4u Diàionnaire Plîilofophique foutieflt
4!|ue Dieu eft Pâme des Crûtes » par confé-
^jqent le principe immédiat de leurs opéra*-
tLons« Or , comme les .i>rutes ne fuivent
pobt dans leurs opérations lesloix géné-
rales du mouvement , il eft évident que
pieu , pour agir en elles , doit fuivre à
jchaque inftant des loix particulières qui dé^
rxogent aux loix générales. Ici il ne veut pa5
^que Dieu puiiTe faire pour un peuple entier,
ce qu'on fuppofe qifil fait à tout moment
pour mouvoir un chien ; tant ces MelGeurs
iubnt de cas de la nature humaine 1
^on leur avis , il:^ abfurde de fuppo-
fer que Dieu n'a pas pu , par Ces loix immua-
bles, exécuoer un certain deflein , ôc qu'il
eft obligé , pour l'accomplir , de fiifpendre
1^ cours dp ces loix ; ce feroit en lui foiblef-
fe & contradiâion*.,
DE LAjREJtlGIOH, &C* SLCft .
Nous convéaoDS que cela eft abfurde
iians rhypothèfe que foutient l'Auteur du
DiBionnaire Philofophique > qu'il n'y a
dans l'Univers aucun être libre ; que toutes
Us créatures obéijfent irrévocablement à la
force que Dieu a imprimée pour jamais dans-
la: nature ; que tous les éyénemens font un
chaînon de la grande chaîne du defiin ; que
là liberté d'indifférence eft un mot vuide de
fins , inventé par des gens qui nen avoient
guères (a). Selon cette dodrine lumineufe
ae la fatalité abfolue » il eft évident qu'un
miracle eftjnutile & impoffible , puifque
tout eft néceifâire & immuable dans l'U-
nivers ; & il eft fort douteux fi Dieu lui*
même eft libre. Âinfî nos adverfaires» bon*
gré malgré eux » retombent dans le fy £- ,
tème de Spinofa* ^
Mais dans la fuppofttion plus raifonnable
9c plus vraie de la liberté de l'homme » il
n'eft point déterminé par la force des loxx
générales à produire fes aâions réfléchies ;
autremeht ce feroit un pur automate. Dieu
peut j'y déterminer par des fecours particu-
liers , par des motifs furnaturels , par des
' (a> Voyez Tes artkles S^»> Chaîne des éwinemens «
Ç«JKn, liberté , Mbrocks, & 1m Reiaar<|Ufl fur rHiftoire
générale, n. 9 , p. 15 $ Elémem de fa Philofophie de
Kewton , première part* c 4 éc n Mêlaiiges de Liu.
a'bift. & de FhiloC tome 1 > p. 40^; & tome 5 3 P- 14**
Bbij
H^ Apologik
jirodlges qui ne dérogent ni à la liberté d^e
lîbomme^ ni z la fageflè «divine. N'eft-il
pas dexette fageflè ibuveraine de conduire
.les créatures par des moyens^ conformes à
leur nature > les être inanimés ^ non libres
par rimpuUîon des loix néceflaires , le^
,êtK*s intelligens par des fecojirs p^icu^
liers?
Tout. ce que Ton abje<5le contre la po(B-
'biiité des miracles , ne porte donc que fur
le principe faux & abUirde de la fatalité^
qui mène droit au fyftème de Spinofa Se à
.llAthéifme , ^ qui eu l'opprobre de la Phi-
lefophie moderne. Ainli ep argumentant
«contre la Religion révélée , on commence
toujoui s par jlapper les vérités les plus efllen-
^tlelles de la Religion^ naturelle : ^mtite
piiilofophique , à laquelle aucun de nos adr
vecfeîres n!apncQre échappé.
Bs.diâertent néanmoins^ voerte de vue ;
îpour montrer qu'un miraclexiérangç nécef-
'iJairement Pordre de PUnivers.
Si Jofué a arrêté le Toleil ^ da lune ^ ii
,émt abfoîumtêit nécejfaire ^ue le rejie du
monde pianétaire fût couUverfé^ La terre &
k lune s prêtant dans leur cours , l'heure
4es marées vA dû changer ,: ces deux corps
ont dû avoir une autre diredion, ou touîes
les autres planètes ont dû. s'arrêter auflS. I^e
gouvernent projeâile & de gravitation
ï>£IiAÏÎeI/Igi aN^ &c; 2^'
ayaiit été fufpèndu dans toutes les planè-
tes^ y: il faut quelles coipates s'en foient ref^
fenties.
De même f étoile noûvcÛequîcôritfuv-'
fit les Mages d'Orîenc, ne pouvoit ctrcp
moindre que notre foleil:Cette'maflèénoi>-
me , ajoutée' à- l'étendue tdevoit dérangée*
le monde entier.
Enfin le miracre de la nuiltiplkatioili d^
p:à\ns n'a pu fe* faîre , que Dieu n'ait tiré du
néant quinze mille livres de matière y
ajoutées à^ la? maflè coiîlniune.'
Ge font-là , conclut le Phîlbfophe , les
plus fortes ebje(à^ns phyfiques(a>Puif-*
que l'on argumeiite contre nous, félon le-
wftème de Ne^non , erf-il bien décidé
d'abord que Dieu n-'a pas pu arrêter la terre-
au la lune dans leur cours ,y fans arrêter d^
même toutes Tes autres planètes^? Letif di-^
fedion alors a dû changer ; mais qu'impôt-'
te cette>dirë<^oii' au' mouvement général^
die l'Univers? Dans le fyflèmede Copernic ,*
Dieu a pu- arrêter fe mouvement diurne der
la terre, fans rien déranger au mouvement
des corps cékftes.*
Sans entrer dans l'eXàmen. de toutes ce$'^
fopppfitions ftatuites , & dont la plupart:
fieuvetit écr& fau(res , nous nous contentons^
t^) 0eu«ièjiie Letccc fur les Miracles , i». j t •
Bbii^
de répondre que celui qui , d'un fêul aâe de
fa volonté a fait TUnivers /peut > quand, il le
juge à propos , arrêter ou changer le Hiou-
vemeiit d'une partie > ian$ que le refle de la
machine fait dérangé. Les Philofbplres ne
conçoivent point comment éela le peut
faire : eh 1 cooç(livent-41s le jeu & les ref^
(brts fecrets de cet ouvrage immenfe? Parce
^'iis font parvenus à calculer fufqu'à un
certain point les mouvemens céleftes , &
^qu'ils ont cm en appercevôir les rapports» .
ils fé flattent d'avoir pénétré dans les con-
feils de la Divinité , & d'être en état de
prononcer fur ce qu'elle peut ou ne peut
f>as faire. Incapables de nous expliquer la
ftrudure intime d'un ^rain de fable > ils
veulent décider de la conftrudion & de la
marche du monde entier.
Que TétoUe vue par ks M^ges ait été
Aéceflairenient un (bleil » c'eft une imag»-
tsatioô qu'il feroit ridicule de réfuter i^rieu-^
ièment. Le terme étoile > dans fa Cgnifica-
tion générale > exprime feulement ce qui
luit y une lumière , une crarté ; toute hieur
Semblable à celle des étoiles fixes a pu être
appellée de ce nom , fans aucun abus du.
langage» ^ -
Que la multiplication des pains a'ait pti
fe faire fans une nouvelle création de ma-
tière I c'eft une autre imagination ptl^bi«^
ï>Ê LA RoÉTLïGtôir.&c: içs
£arf e encore > nf eft-ii pas {rnguiier que des
Philofophes qai rejettent la création pro-
prement dite , & qui font profefEon de
iiouter au moins de Féternitéde la matière v
foutiennent la néceiïité de la création pour
inultipiiet des pains ?
Nous ne fuivrons point en détail les rail^
leries froides que Fon fait daiis le DiâiôH^
naire Pkilofopkique > & dans ta Lettre qui
en eft une copie, fur les miracles rapportés
^ar le$ Hiftoriens Eccléfîaftiques ou par les
légendaires (a)* Notre travail doit fe
borner à juftifier ceux qui ferv^it de preu-
ves à la révélation.
UAuteur fouhaiteroît , pour qu'un mi-^
racle fût bieii confiâtes q.u'il fût fait en pré«-
feoce de l'Académie des Sciences & de la
Faculté de Médecine. Ain(i , de par le»
Phtbfôphes , il ef): défendu à Dieu d'opé^
rer jamak des miracles ailleurs , (bus peine
de leur cenfure; & fans doute c'eft le moin-'
dre honneur qu'il puifïe leur faire , que^e
tes confulter» quand it Voudra inftruire les
homme?* •
Selon l'Auteur du Chrtflianifme dévoilé,
unhomtmfage qui verrait un miracle ferait
en irait de douter s^il a bien vu / it devroii
Bbiv
2p<f Afolog^ii
examnerjî^effec extraordinaire qu^il ne comk
frendpas ,. n^eji pas dd à quelque caufe natu-
relle^ dont il ignoreroit la manierc^agir (a)^
C/eik'hrdire^^ qu'un homme fage ,, qui ver-
roit uo mon rdlufciter ^ devroit douter
s'il n'eft pas rendu à la^ vie par quelque
cauTe naturelle. La rai(bn & le bon fcns^
admettront-ils jamais un pareil' doute ?
Nous convenons qu'un.mipacle doit être-
examinë sirec beaucoup de foin » à caufe
des'conféquences, & qu'il ne peut êtte trop^
bien avéré; mais douter fi là guérifon d^un
aveugle -né > k réfucreâion d'ua homme
mort depuis quatre jours , la multiplication
de^ cinq pains jufqu'à raflafiep cinq mille-
iiommes ,, la réfurreâion d'unjiomme cru^
cifie à la vue de tout Jerufalem , font des^
miracles ou des efièts^aturels ;- c'eft avoir
i^enoncér à la voix de la raiibn^ Se aa fens
sooimuoa
$•^12.
•
'Après avoir attaqué* la ceititude & là
poflibilité des miracles , le même Critique
foutient qu'ils font inutiles^ La vérité &*
ï évidence > dit41 ,, rCom pas befoin de mira--
clés pour fe faire adopter^ Hefi-il pas lien
(4).Chcift. dévoilé, p. 0« Milittire.Phi]Qro|Uie, eu ,
DE LÀ RELîGïaN, &C» 2p7
Jîtrjrrenànt que la Divinité trouve plusfacib
de déranger V ordre de la nature , que éten^
feigner aux hommes des vérités daires pro^r
près à les convaincre r capables £carrachef
leur ajfentiment (a)?
il eft faux en^ général ^'ta Térîté & ¥é^
vidence , en fait de Religion , n'aient pas
befôin de miracles pour fe faire adopter..
Les dogmes principaux de la Religion na-*
raréHe , l'unité & la providence de Dieu , la:
ipriritualité r l'immortalité y Ib liberté de
l^ame » les peines & les récotm>enfes de lai^
vie future > les grands principes de Ta mo--
raie , font des vérités claires & évMentey^
tous les peuples cependant les avHb i^
connues ; il a fallu , pour les leur fair^raop-<r
rer imiverfèllement >, une révélation prour
véejpar des miracles; ^
Tout eil également fatile à là Divinités
fen^ pouvoir s^étend fur les efprits aufli-r
bien que* fur* les corps V mais , fdon nos lu-
mières naturelles^ il eft plus facile-d'inter-'
rompre Pordre de l'Univers , que: de fou-
mettre des efprks opiniâtres & des voIoik
tés rebelles : la converfion des Payens Ô5
de$ Incrédules eft un plus grand prodige
dans l'ordre moral ».qu&la réfurreâion d'uoi
' mort.
( ot Chrimaivoîlé, f.p ; Miliuire FhiloToitbc i.oJB^
2p8 Afologtie
Les miracles , pourfutt F Auteur V nom
été inventés que pour prouver aux homma
des chofes impojftbles à croire ; ainjï ce font
des chofes incroyables qui fervent de preuve à
d^autres chofes incroyables^ Il appuie fur
cette penfè», & la répète en trois ou quatre
manierfeSy
Que les hommes aient inventé fes mirà^
des > c'eft une f^ilè (uppofîtion ; Dieu lui-
même a jugé à propos de s'en.fefvir pour
inftruire les hommes , lorfque les autre»
moyens étoîent inutiles , & fans cela les
hommes n'y auroient pas penfé. Si des
irs ont forgé de laux miracles , ça
utation de ceux » que Dieu avoir
opéNR
Ceâ uft principe démontré » que Dieu
Ïeut nous révéler des dogmes incompré-
enfibles(a>. Au caa qu'U le faife^ il efl
évident que les miracles font le moyen le
plus propre & le plus frappant dont il;puifiè
fe fervir pour autortfer la prédication de
ces dogmes , & pour engager les hommes
i y croire* L- Auteur d'£m//e même en e&
convenu ( i )•
JaGS miracles bien confiâtes & opérés
«
(^) Déifoie téAité, première Lettre.
ib) Lettre ccriic de h Montagne , (soiiième Lwicct
^7î• •
nommes n
«pof^irs
DE LA Religion, &c, 2p^
pour une fin digne de Dieu , ne font don^
pas incroyables pour les efprits droits 8C
dociles : puifque c'eft la voie que Dieu a
efficacement employée pour convertir &
pour éclairer le gei»e humaim Qu'y a^t-il
d'incroyable à penfer que Dieu, fouveraiw
Auteur des loix de la Nature \ peut , quand
il lui plaît »eir(iifpendre le cours pour
quelques nwmensî •
Quelques merveiUes que pât faire^ un Dieu
lui-m^me ,. continue l'Auteur ^cifcj neprou^.
yeront jarrmis que trois ne font qu^un j qu^ùn
itre^mmaténel& dépourvu £ organes ait pu
parler aux hommes , &g Ca> Les Apôtre»
du Chriftîanifîne n'ont jamais prouvé par
leurs miracles que trois ne font qa'un ^ mais*
lis ont prouvé que trois perfonnes Divines-
ont fa même nature & (ont un fepl Dieu ç
ciyftere incompréhenfible , mais où l'on ne
montrera jamms qu*ity aitcontradmiom
Dès que l'on (uppofè qu'ua être imma«-
tériel ne peut parler aux hommes , on dé-^
cide par-là même que Dieu ne peut rien ré-
véler , que toute- révélation eft impoflGble;.
c'eft borner fans raifon &. contre les lumiee
res du bon fens la puiflànce de Dieu. Quoi-
que dépourvu d'organes , n'eft-il pas aflèa
500 APOt 6 GtXjE
ptriflant pour y fuppiéer ? Cduiyiïtïe Pro»^
phète > qui a donné des oreilles à l'homme ,
eji-^ilfourd lui-m&me ? Êr cdctiqui a formé
Vctil y peut-il être af^mgle Ca) ? A-t-H eu be-
foin d'orjglines pour créer le inonde ». pour
former leà corps , pour aflùjectir la lùatier e
à des loix confiantes? Croit-on bien fërieu-
iement l'exiftenc^ de^Die»! r quand on rsâ^
fonne de cette maiÀre ?
Selon le même Auteur , dire que Dieu:
fmt des miracles r- c^ejî dire quilfe contredit
lui-inènte y qv? il démtnt Usjpix^Ua prej^
€rites à la rtaturéj quil rend inutile la rai/on
humaine s dont on le fait Auteur (by^ou»
avons déjà fait voir que Dieu, en faifant des
iniracles > ne fe dément > ni ne fe contredit*
ïui-mfêmer II eft fairx qu'ater s Dieu rende
ibucile la raifon humaine v il lui apprend ay>
contraire a refpeâer fon Auteur » aïe fou*
mettre à fa parole. L'ordre confiant de la
nature tj^^ point remarié par les peuplos-
%norans & fiupides : l'interrup^on frapr^
pante de cet ordre les rend attentifs, & leur
fait comprendre ^'une Intelligence toute*
puiflan te y p^éfide ( c ).
. U n'y a que des impof&urs qui puiilenc;
OiiMM«MM^M>M**«M«MM«kia*riltaM*ili^iWMMM^iM
{h) Chrift. èévoilè, p. 7c;
T)E Li RlBLIGlOÎT, &C. ^.Ot'
houstiirè de renoncer à l'expérience , & de
ibannîr la taifon ( «3-: cela eft vrai ; mais
.quand on nous exhorte àrecevok une xc-
iatîon m^ouvée ^par dés mirades , on Joe
filous oblige ni à renoncer }l l'iexpérience •
ni à bannir la raifou* Tout au ^contraire,
vîl faut coanoître par expérience te cours
.ordinaire de la -f^ature , pour coii^ren-^
dte qu'un mkade en eft une excs^icinw
En croyant un dogme -révélé & incom-v
•pr^henfible ^ nous qe banniflbns point la
jraifon,; nous Xuivpns j^ Ipî qu'^fenous
prefcrit elle-même , ,de nous fier plutôt à
la voix de Dieu qui fe fait entendre par des
miracles, qu'à nos fbibles lumières : &, félon
lia remarque d'un de nos plus ^çélè^bres âd*
verfaires, le plus digne ufag^ qvi^ nouspuîi^
fions faire de jiotire raifon^ eà de nous
anéantir devant Dieu ( b).
•f Auteur du Militaires PlHlofophe foiUf
tient que pour prQuvcr la véftté de ia BLe-
Kgion , ce ii'éft pas.aflèz qu'il y ait jeu autre^
fois des miracles opérés , qu'il faudroit ime
fuite continuelle & aâudle de miracles»
Four dérQpntrer , par e^emplt^ , que de$ pa-
roles peuvetK: remettre les péchés ^ fue înn
guériffe , dit-il » avec des paroles un épiUp'^,
l
(a) Voyez encore le Militaire Philorophe^ c. i««
< h) Emile > corne | > p. SB*
^02 KvOliOGt^-
tique , chap. 1 1 . Voilà précifément ce qu'oat
tàit J. C. ^ lâs Apôtres ; mais dequot fer-
viroiest de nouveaux miracles à un homme
qui enfeigne que des faits furnaturels ne
peuvent jamais avoir une parfaite certitu-
de 4 mémt pour ctux qui en feraient les té^
moiffi f chap. 12. Les miracles de J« C &
des Apôtres , dont un homme fen^e ne
peut pas douter , ferviront de preuveâ la
Religion jufqu'à la $a du monde.
Article IL
Des Prophéties^
S. 13*
Les ennemis de la révélation ne parjent
pas des prophéties d'une manière plus rai*
£>anable que des miracles. Ils prétendent
qu'il y a eu des Prophètes chez toutes les
Nations du mclmde ; les Juifs ne furent pas
plus favorifés t cet égard que les Egyptiens ,
les Chaldéens , les Tartares , les Nègres, les
Sauvages » & que tous les autres peuples de
la terre C^)« Il auroit donc été à propos
de produire un corps complet de prophé*
ties recueillies chez les Egyptietis » chez les
Chaldéens ou chez les Sauvages » que Ton
^1— — Ml I ■ I ( _ ■ ■■
(4) Chrid. dévoilé, ptgc 76» Examen imf orcaat» c..io ,
P-47- ' '"
t>E LA Religion^ &c. 50?
pfit miettre len parallèle avec cellçs dçs Juifs*
>Jous verrions fi elles auraient la même au-
thenticité > fi elles formeroîent une fiiite de
prédirions toujours conformes aux événe-
mens & à fh^oire de ces peuples, js'il y en
auroit quelques-unes dont nous puiuions
vérifier aujourd'iiui l'accompliflement »
comme nous le voyons dans les prophéties
judaïques* C'eft par-là qu'il fauclroit jugée
<le leur mérite*
L'Auteur du ChriftUmifme dévoilé dît
que les prophéties des Juifs font fort obf-
cures,& de nature à y trouver tout ce
qu'on veut. Pour vérifier cette affertion ,
il auroit dû eflayer d'y trouver l'Hifiûire
civile de notre fièçle , & de nous l'y^ faire
voir par un commentaire fuivi* Cet ouvra-
ge feroit curieux. Porphyre penfoit bien
différemment ; lespropnéties de Daniel lui
paroiflbient fi claires, qu'il foutehoit qu'elles
àvoient été fabriquées après l'événement.
L'Auteur de VExamen important paroîc
être de même avis , lorfqu'il dit que les Li-
vres attribués à Daniel , à David , à Salo-
moQ & à d'autres , ont été Ëiits dans Aie*
xandrie(fl).
Si nos Critiques avoîent pris plus/ de
ibin de concilier leurs divers lentimens » il
(flj Exanun important » c lo ^ p. 54.
50f Apologie -
feroh plus aife de leur répondre ; mais fer^
reur ne peut jamais êcre d'accord avec elle-
méme. l^. Si les prophéties euflènt étd fa-
briquées'par les Juifs d'Alexandrie , ilsJes
auroient écrites dans le Dialeâe Syriaque
qui étoit alors en ufage paixni^eux^ au lieu
àc les écrire en Hébœu , &c il n'auroit ,pas
été néceflaire ide faire les Earaphraf^ Chai-
daïques. 2^. Il eft déjap^léde ces prophé-
ties comme de Livres exifiàns & connus
des Jui&, jdans les derniers Livres des Rois
& des Paralipomenes: or ceux-ci font plus
anciens que la fondation .<!' Alexandrie.
3^. Le& Juifs de cette ville « inftruits par le
commerce desXjrecs^ auroient écrit d'une
manière moins (impie .; les prophéties d'I-
faïe» de Jérémie , £zechiel> &des autres,
portent évidemment l'empreinte d'un fié-
cle plus ancien que le fecona Livre des Mac-
chabéiïs. 4^^ Des fau0aires qui auroient
prédit des événemeos après coup « auroient
rendu leurs prédiâions plus claires, pour
ieur donner par-Ia même plus, d'autorité ;
l'obfciHrité qu'on leur reproche^ft une des
preuves de leur anticputé. j^Bes fauflaires,
quelqu'habiles qu'on les fuppofe, n'au-
roient jamais pu lier auffi parfaitement la
chaîne de leurs prédirions avec la fuite de.
l'Hifloire des Juifs , des Chaldéens & des
Perfes , garder auflî exa<9tement l'ordre
chronologique jj
^ronologique- , faire parler les Prophètes-
auflî- convenablement aux différentes cir-
conrtanees où ils fe font trouvés. Les Chré»-
tiens & les Pàyèns également enneinis des-
Juifs, àuroiertt bientôt découvert la fuppo-*
fîtions tout comme OH' a démontré la fauf-^
feré des oracles des Sy billes.*
Pàr-toiit pn affeéte- de repréfenter Jes^
Écrivains Juifs comme des infenfés & com-
me des fanatiques r & par une contradic*-
tion révoltante- , on fuppofe qu'ils ont éte-
ins plus habiles fourbes quUly ait jamais ei^
dans l'Univers.
Onnous objiwâe que' lés prophéties aptr
pliquées à* J. wpar les? Chrétiens ,, ne j!ànr
point vues dw mtmt œil par les Jù^^ « qui^
attendent encore ce-MeJJie que^ l&s prtmiers\
croient arrivé depuis^ rS Jièble^s Ç:a% fiout-
éclaireirons ce point ,. quand nous repon-^
dro'ns au reproche qp'-on fait aux» Pères de^
TEglife, d'avoir^abufé des prophéties ddî
l?ai2:ien TeÛament 0%^
L'Auteur du ChriJîiMifntt^ d'éifoité ïicP
fâ*Ouve pas étrange que Îcp Prophètes du lu-r
daïfait aient anrtdnd d^ tQut t&mpt^ à^ un^
(>4) Chrift. dévoilé, (>« 7 7^^ .
Tome U ^ ta:
5o5 Af O LOCfl K
Nation inquiète & mécontente dé fon /brr ,
un Libérateur ,. qui fat pareillement P'objet de
V attente des Romains ^ & de prefque toutes
hs Nations du monde ^ Voilà biei|- des (up-
pofitions fauffes. I^ Les Juifs ont eu des
Prophètes , rion-feutement dans le temps
qu'ils étoient mécontens de leur fort , mai^
forfque leur République étoit ia ptus ftbril^
ûnte y fous les règnes de David &: de Sala*
mon ; & Moïfe leur avoit promis de la
part de Dieu qu'ils en auroient toujours*
»°,. Les Prophètes n'ont pas (eulemem pré-
dit aux Juifs un Libérateur & un Meflie 3»
mais ils leur 6nt fouvent annoncé les plus
grands malheurs , & d'autres événemêns ;.
la pri^de Jerufâlem>la captivité de Baby-^
lone & fa durée précife r la ruine de Baby-
lone^ celle de Tyr & de Sidon 5 la dévafta-
tioa de l'Egypte , la fucceflîori de quatre
grandes Monarchîes;r enfin la, ruine entière
de Jerufalem , du Tempîe & de toute lar
Nation, Ce n?étoit pas là dequoi fèduire fes
Juifs par de vaines efpérances, 5**. Il eft
feuy que les Romains aient, attendu un Li-
bérateur comme les Juifs f s'ils en ont eu^
quelqu'idée , elle leur %St venue par les
prophéties mêmes d&& Juifs connues dan»
tout FOrieuc,. CQiPime nou$ l'avons remar-
qué d'après Tacite & Suétone. Les pro^
mejÛTes &: l'attente du^ Melfii^ rçtioiiYeitâe»
î> E LA R E L r (? i* ô N , &c:^ ^oj
thet les Juifs de fiècle en fiècle depuis le^
commencement du monde, font un phéno-
mène unique y qui ne. fe retrouve chez
aucune autre Nation ^
Comment ; dit notre Auteur , peut- oit
voir et Libérateur dans la perfonne de Jefus *.
le d^rmSeurù' non le reftaurateur delaNa^.
don Hélràique {a}? Il eft faux que J. C. ait
été le deftrudeur de fâ Nation; il lui a prédit
fa deftruâion >en punition de fon incrédu-
lité ; il lui a fait comprendre que Dieu fe
ferviroit des Romûins pour Texterariner ; il
a fauve de la ruine ceux qui ont cru en lui 5
îl leur à procuré une délivrance plus impor-
tante encore , en les fauvant du péché & dé
la damnation éternelle»
En vain Ton ajoute qu^il étoït facile de
prédire k deftruftion & la dlfperfion d*un>
peuple toujours inquiet , turbulent , rebelle
à fes Maîtres. J. C. après Danie! & tes au-
tres PrcM>hètes> à non-feulement prédit
cette deftruftion , mais il en a défigné la
caiife y Topiniâtretédes Juifs à rejetter leur;
Meûie , il en a détaillé les circonftançes à
ies Difciples , & ils ont profité de cetre eon-»
fioiflànce pour s'éloigner de Jerufatem&
de la Judée , avant k raine entière de'lar
Naition.
U) ÇbàX, divoiil, p.7t^ }* tente j Eugénie , f, -ji,
Ççi)
5o8 Apoloctie
D y aeu d'autres peuples conquis &dîù
perfési au bout d'un certain temps ils fe
ibnt touîpucs confondus avec la Niation
conquérants. On dit que. les Juifs demeu--
pmt dijperjes j.parce quUls^fçnt infociables ^
intoUrans ^ & a$/euglémtnt attachés à leurs
Juperfiitions (a}. Et voilà précifénEient le
prodige. Ni la durée des iiècles ^ni le chaot-
gement des dinutts , ni les mauvais traite-
mens, ni la facilité de rendre l^ur fort plus
doux » n'a pu.leur faire changer de génie ni
de caraâere» A la Chine & dans toute l' Afîe »
dans les pays Méridionaux & dans ceux du
Nord , par-tout ils font les mêmes :cela eft-ii
naturel?
Oh avance fbtt férieufement que L'arrde
prophétifer étoit chez les Jui&un vrai mér-
tier ; les Piophètes tenoieift des écoles pu-
bliques ,, apprenoient à leurs difisiples à
tromper le peuple „ & à vivre Lfes dépens*.
On nous apprend, d'après Dodwel^que les
Prophètes fe difpofoiem à prédire l'avenir
en. DÛ van t du vin..C'étoient de; Jongleurs^
des Muflciens > ils fe décripient les uns lea^
autres ;. chacun, traitoit foa rival de &uib.
iA) ChrUl. dtvoiié ; £, 29*.
iTE LA R.ELrG^roH, &e; 30^
Prophète (a). Toutes ces anecdotes fonttfèsr
curieufes ornais ce font autant d'impX)ftures*'
On a oublié fans doute que- David,.
quoique^ Prophc^,, étoit Roi^; qu'Ifaïe
étoit du^ fang Royal ; Ezechiëî & Jérémie
de race Sacerdotale ;*que Daniel fut éleva
à la. plus haute faveur fous les Rois de Ba^
bylona^ Voilà les principaux Prophètes qur
ont le plus écrit , & dont nous avoiïs les
prédidions : il n'y a pas d'apparence qua
des. personnages aum ne^eâables aient
fait le métier de Jongleurs pour fubfifter aux
ciépens du peuple,, ni qu'ils aient puifédans
les vapeurs du viivles idées fubiimes ^/tour
ehantes , majeftueufes r^qu'ils nous donnent
de laDivinité» de fa puiâance> de fa juftice
& de fes deffeins.SL, avant d!outrager^ aufld'
indécemment ces faints hommes, on avoir
pris la peine de les lire ^peut-être auroit-oa
appris à les refpeâer. Mais nos adverfaires
veulent opiniâtrement s'avilir eux-mêmes»^,
en jettant du ridicule^mal-àrpropos fur tout
ce qui leur déplaît.
Il y a. eu^ de faux Prophètes chez le»
Juifs ,, cela eik cenain-; mais ces impof-
teurs ont été bientôt démsiq^és ; pteuva
mm
À
(<a.) Ctirift. cIévoil4rP-9o.-ExaincBMfn]>orctnt, c lO'».
B*' 4s^. }c Lcctic i Eugénie, £. S^« Contagion ÙLaét^ c* 44,
B- 7 V
cêfcaine que ceux qui ont été Gonffamiïleitf
écoutés Gonnune envoyés de Dieu , méri-
toient cet honneur ; loin de chercher à fér^
dûire le peuple , ibuVent ils lui ont fait les
prédîâionsles dIus terribles* & les repro^
ches les plus ianglans ;. ils omt parlé aux:
Rois comme aux peuples , & les Rois n'ont
jamais eu lieu de ie repentir de lef avoir
écoutés.
Nos grands Critiques foutientient cepen-'
dant que ces Prophètes n^étoient rien moins^
que des perfonnages vertueux ^ c'étoient y
di&ht-its , des Prêtres arroganS) des fujets
rebelles & fèditieux , ennemis de l'autorité
civile, cabaiant contre les Souverains , &
foulevant les peuples comr'eux. Samuët
fufcite à Saul un rival dans la perfontie de
David 's Elie eft obligé de s'enfiiir pour fe
ibuftraire au châtiment dont il étoit nien^
ce ; Jérémie s'entendent avec les Afiyriens
pour leur livrer fa patrie affiégée.
On avouera du nKMns que David > Ifaîe ,
Daniel & les douze petits Prophètes y n^é-
loient ni des Prêtres , m des fèditieux qui fe
Ibient mêlés mal-à-propos des aiBûres d'E-
tat , ou qui aient fbulevé les pépies. Ezé-
chiël » quoique d'une famille Sacerdotale y
n'eut rien à démêler «vec le Gouverne-^
SBenc.
Si Samuel étoit l'ennemi déclaré de Saiil
j
DE LA KELXatOVfy&C^ ^ït
Se 6e la royauté , comme nos adverfaireS
affetftent de le repréfenter ,, pourquoi ce
Prince , après la mort de Samuel ^ fait- il
«voquer fon ombre pour le' confulter en-
core ? Peut-on donner fa confiance à ua
ennemi déclaré & connu pour tel?
Elie eff menacé & perfécuté par un Roî-
& une Reine idolâtres & méchans , parce
qu'ilT^eur avoir reproché leurs dérèglement
éc leurs crimes :• on ne l'accufoit ni d'avoir
cabale contre l'Etat , ni d'avoir foulevé lel
peuples : fi Elie étoir coupable d'avoîf
jempE fon^ miniftere avec courage, que
devons-nous penfer de l'Auteur du Chrif^
îianifme dévoilé ^ qui fans miffion & fans
caraftere , déclame indécemment contrer
les Souverains ,. attribue à leur aveugle-
ment & à leur fauÛe politique tous le$
inaux des peuples ?
Jérémie étoit d'intelligence avec leS^
AflTyriens ; pourquoi donc ce Prophète re-^
fufa:t-il conftamment d'aller à BaBylone pro'
firer de la bienveillances du Roi d'Alîy rie ?
Comment demeutart- il dans la Judée pour
confoler le refte^es Juifs qu'on y avoît
laifles ? Comment fiiivit-il en Egypte ceu3t
^}À s'y étoient retirés contre Ion àvi^ 'i
Voilà" comme ttos Critiques font cxaôs dans^
leurs citations de FEcriture-Sainte.
yAuceur de ÏUxamm imjponant xt$i»
•ncorë plus mal les Prophètes; il neméiragâr
dans Tes accufations ni la- bonne foi , ni la^
pudeur. Dieu-, felon^ lui , ordonne au- Pro-
phète Ofée-de prendre chez lui une-profti-
tuée , & d'en avoirs' des enfans illégiti-
nfês (a)t Oii lit la même cho& dans le
DiSionnaire Philofophiquer , art, E^échitl^-
dans^ ij^ Lettre fiir les Miracles (b y y &
dans le Dîner du Comte de Boulairwil-
lier s Ce). Cèft une fauflètdrépitée quatre-
foisr
Les difFérens ordres que Dlea a* donnée
à fes PiTophètes , paroîtroient moins extraor-
dinaires , il' l'on vouloit faire attention- au;
génie des Orientaux ,. & aux^ moeurs des^
{premiers âges du' monde.^ Pour émouvoir
es hommes , nous einployons le raifonne-
n^ent Ô^les difcours ; les anciens parloient
a l'imagination , perfuadoient par des ac^
tions & par des lignes >, le plus énergique
âes langages v^ l'Auteur £EmUe J'a: très-
bien renïarqué. ce Ce qu'on difoit le- plus
» vivement nes'exprimoit paspardesmotSr
a» mais par des fîgnes; on ne le difoit pas »
9'On lemontioit.Trafibfle&rTarquin cou«>
a» pant des têtes de pavots ;; Alexandre ap
appliquant (on fceau fur Ja^boMche de fon
r^ - - I -- - j- ■■ •-' — 1^— r — TT- -^— ^-i^-^
Lb) Page i7<i,-
DE L A R E L I G I O N, &C. 5I J
» favori ; Diogene marchant devant Zenon,
3> ne parloient-ils pas mieux que s'ils avoient;
» fait de longs difcours ? Darius, engagé dans
3D la Scythie avec fon armée , reçoit de la
» part du Roi des Scythes un oifeau , une
9 grenouille , une fouris & cinq flèches*
3» L'AmbaiTadeur remet fon préfent, &^'en
» retourne fans rien dire. De nos jours ce^
30 homme «ut pafle pour fou. Cette terrible
3» harangue fut entendue » & Darius n'eut
3t> plus grande hâte que de regagner fon
» pays comme il put y^(a). C'eft aînfi que
Dieu faifoit parler aux Juifs par fes Ptch
phètes ; ceux qui tournent en ridicule cû
procédé^ font voir qu'ils ont très-peude
connoiflance de l'antiquité.
Dieu commande au Prophète Ofée de
prendre une femme débauchée pour fon
épaufe ; par conféquent de la retirer du
céfixàre; les enfans provenus de ce ma-
riage ne font donc pas illégitimes. Si la
Vulgate les appelle filios fornicationum (J? )•
c'eft par rapport à la vie paffée de leur mère.
Dieu n'a jamais commandé de crime à fes
Prophètes. Or la fornication en étpit un
chez les Juifs , comme chez tous les autres
peuples (c). Le.piariage du Prophète étoit
(d) Emile» con)ei > p* zi^.
ib)0Jce,c.u
{Olbii 5. .
Tome L D d
^
51^ ApoLo<sriE .
un tableau frappant de la conduite du Sei-
j^neur envers les Juifs.
On a répçtc dans les mêmes ouvrages
une calomnie plus odieufe encore » en aflii-
rant que Dieu avoit commandé dans la
fuite à Ofée d'avoir commerce avec une
femme adultère. On a falfifié le texte ; il
«ft feulement ordonné au Prophète de té-
moigner de TafTeftion à cette femme , com^
me Dieu en témoigne aux enfans d'Ifraël
malgré leurs infidélité^ ( ^ ) ; mais il ne lui
eft point ordonné d'avoir commerce avec
elle : la manière dont le Prophète lui parle »
témoigne le contraire. L'adultère étoit dé-
fendu par la loi des Juifs , fous peine dç
mort.
^ Nous avons montré dans le Chapitre 2 ;
§. 10 , la faufleté & l'injuflice des reproches
que l'on a fait à Ezéchiëh
On a prétendu enfin que Jérémîe avoît
marché nud au milieu de Jerufalem (b^i
Boitvelle impofture. 1^, C'eft Ifaïe, & non
pas Jéfémie qu'il falloir citer (c); 2"*. il y
â de la mauvaife foi à fuppofer que le Pro«
phète fût entièrement nud. Dieu lui or-
iionne de paroître au milieu de Jerufalem
(a) Deut. IX , îi.
(a) ueut. IX , II.
(h) 17* Lettre fur les Miracles i p.. ) 7^.
ici Ifrïa » ç» io*
'
T) E XA Religion, &c, ^if
dans le même état où feroient les Egyp-
tiens , lorfqa'ils feroient emmenés en efcla*
vage par les Aflyriens : or il n'éft pas vrai-
femblable que les AfTyriens aient laide les
efclaves fans aucune couverture ; 3*^. dans
les climats de l'Afrique , où les deux fexes
ne font couverts que d'un fimple pagne ,
la nudité du refte du corps ne fait aucune
impreffion fur Içs fpedateurs , & n'eft point;
regardée comme une indécence.
S. i6*
L'Auteur du Chnjliamjme dévoilé i
pour terminer le tableau des prophéties
Judaïques , les appelle des rêveries décoiH
fues , un fatras bizarre , des rapfodies înfor-
mes , ouvrages du fanatifme & du délire ,
des oracles vagues , obfcurs , énigmatiques ,
comme ceux des Payens , où les Juifs ont
trouvé toilt ce qu'il leur a plu, où l'efprit
des Chrétiens , échauffé de l'idée dé leur
Chrift , a cru le voir par-tout. On ne peut
pas s'exprimer d'une manière plus décente^
plus fage , plus digne de la gravité Philofo-
phique.
Au lieu de répondre fur le même ton;
nous nous bornerons à rapporter quelques-
unes des prophéries les plus claires & les
mieux çirconftanciées , pour mettre le Icc-
Ddij
1
5i<J Apologie
teur en état de juger (i elles méritent les
^ithètes qu'on leur prodigue.
Dieu prédit à Abraham (a) y que par (es
deux enfans , Ifmaëi &c Ifaac , il le rendra
père d'une infinité de Nations ; pour gage
<le /a promeile, il lui ordonne de changer
N fon nom , & de pratiquer la circoncifion
dans fa famille : il lui promet de donner aux
dçfcendans d'Ifaac le pays desChananéens,
& de bénir toutes les Nations dans fa pofté-
rite. Il prédit qu'Ifmaël fera un homme fier
& fauvage ; qu'il aura le bras levé contre
tous , & tous contre lui ; qu'il tendra fes
pavillolïs fous les yeux de fes fireres.
Nous fommes témoins de l'accomplifle^
ment de la prophétie. L'Afie eft encore au-
jourd'hui peuplée de Nations qui reconnoit
fpnt Ifmaëi & Abraham pour leurs ayeux ,
éc la poftérité d'Ifaac ef): difpef fée par tout
le monde. Les Ifmaëlites reçoivent la cir-
concifion à la 14.^ année , comme elle fut
donnée à leur père ; les Juifs la reçoivent
comme Ifaac le huitième jour : les uns &
les autres en confervent l'ufage comme une
marque de leur origine. La race dlfaàc a
pofledé pendant 1400 ans le pays des
Chananéens ; il eft prouvé par la généalo-
gie du Sauveur , qu'il defcendoit de ce Pa-»
ii^) Qtn .16 , 17 ^ fi^^
t)Ê LA ReLÏGIO*, &C. 517
tmrché par les aînés , & qu'il en réuniflbit
tous les droits dans fa perfonne : c'eft en
lui & par lui que toutes les Nations ont été
bénies.
Jacob , au lit de la mort , prédit à Juda
fon fils , que fa fanïille confervera la préé-
minence fur les autres, jufqu'à ce que viei>
ne l'Envoyé de Dieu, à qui tous les peuples
rendront obéiflance ( ^ ) : & la tribu de Juda
a confervé le premier rang chez les Jiîife
jufqu'à la venue de J. €• & à la prédication
de l'Evangile.
Jérémie prédît à la Nation Juive qu'elle
fera tranfportée à Babylone ; que fa Capti-
vité durera 70 ans ; qu'après ce temps
écoulé elle reviendra dans fa patrie (t>r
ïfaïe qui vivoit plus d'un fiècle auparavant,
ajoute que Cyrus fera le libérateur de cette
Nation ; qu'il fera rebâtir Jerufalem & le
Temple (c) : & l'événement a vérifié exac-
tement là prophétie dans toutes fes circonf
tances.
Le même Ifaïe, plus de fix cens ans
avant la ruine de Babylone , prédit qu'elle
ne fera plus habitée , & qu'elle ne fe rétar-
blira ppint dans la fuite des iiècles ; qu'elfe
■MtMMi*i*«^>M«K;^MMHBWMH«li9
( a ) Gen. 49'
( h ' Jerem. 2 c Se if,
Dd îij
'5i8 Apologie
que 1 oracle elt parfaitement accom
pli , & qu'à peine on peut découvrir' des
reftes de cette ville fameufe.
Ezéchiël prophétife que l'Egypte fera
défolée, & qu'il n'y aura plus à l'avenir de
Prince qui foit du pays d'Egypte (b). Or
l'Egypte à été fucceiïïvement conquife par
les Perfes , par les Grecs , par les Romains,
par les Turcs , & a toujours été fous une
domination étrangère.
Daniel annonce à Nàbuchodonofor ,;
qu'à fa Monarchie fuccédera celle desMedes
& des Perfes ; que celle-ci fera renverfée
par les Grecs ; que le premier Roi de cette
Nation fera plus puiflant que fes fuccef-
feurs ; qu'il fe formera quatre Royaumes
des débris de fon Empire ; que ceux-ci tom-
beront fous le joug d'une puiflance plus
formidable encore ; que fous cette der-
nière naîtra le Royaume de Dieu qui ne
doit jamais finir (c). L'Hiftoire nous ap-
prend en effet que l'Empire des Aflyriens
a fait place à celui des Medes & des Perfes ;
que ceux-ci ont été fubjugués par Alexaa-
««MM»
ih) Extch, 30, ij,
l c) Dan, chap. x ^ 7 & &|
©È LA ReLÎGÏÔN, &C. 3ïp
été y que des Etats de ce Conquérant fô
font formes quatre Royaumes ; qu'enfuite
les Romains s'en font rendus maîtres > &
que fous l'Empire d'Augufte eft né le Sau-
veur du monde. Nous avoAs déjà riemar-
qué que cette prophétie fembloit fi claire
au Philofophe Porphyre , qu'il la croyoit
compofée après coup.
Ifaïe a prédit la naiffance du Meflie & fe$
principales circonftances ; il a dit qu'il nat-
troit d'une Vierge & du fang Royal de
David : un autre Prophète en a fixé le lieu
à Bethléem : d'autres ont annoncé qu'il
viendroit pendant la durée du fécond Tem-
ple. Lorfquè Jefus eft né , l'attente de l'a-
vénement prochain d'un Rédempteur étoit
/non-feulement répandue chez les Juifs*
mais dans tout l'Orient , comme le témoi-
gnent Tacite & SUétone. Les alarmes
d^Hérode > & le maffacre des Innocens ',
connu des Romains (a) y en font un monu-
ment terrible.
Le 5*3^ chapitre d'Ifaïe décrit la mort
du Meiïîe avec les mêmes circonftances quô
les Evangéliftes ; on peut lés confronter : Id
Pairaphrafte Chaldaïque de ce Prophète l'a
entendu comme nous de la mort du Chrift
ou du Meflîe. David en avoit déjà prédit
( A ) Maccrob, Saturn. ^ i , c. 4.
DdLv
gao Apologie
toucea les circonftaaces dans le Pfèaume
ai. J. C. lui-même, prêt d'expirer fur la
Croix j prononça les premières paroles de
ce Pfeaume , pour montrer que toutes ces
prédirions étôient accomplies en lui. Eft-
ce le bafard qui a fait faire aux Juifs dans
le dernier détail tout ce que leurs Prophè-
tes avoient prédit du Meflîe ? Sont-ce là
des prophéties vagues & ohfcures , où Ton
a trouvé tout ce qu'on a voulu ?
Nos^ Cenfeurs accufent J. C. de n'avoir
pas été plus clair ni plus heureux dans fes
prophéties (a}. Nous rfen citerons qu'une
icule. Il a prédit que le Temple de Jerufa-
Jem feroit détruit de fond en comble , &
<ju'il n'en refteroît pas pierre fur pierre ( è )»
L'Empereur Julien , réfolu de rendre fauffe
cette prophétie , invita les Juifs de toutes
les Provinces de l'Empire à rebâtir leur
Temple. Le Gouverneur de la Paleftine »
félon fes ordres , n'épargna ni foins , ni dé-
penfes , ni travaux. A peine eut-on crenfé
les premiers fondemens de l'édifice » que
des globes de fea fortis du feiçi de la terre ,
boufèverferent tout le travail , brûlèrent les
(a) Chrift. (i^voilé , pag. 8^. Examen imporunc,c. i&*
57. |e Lettre k Eugénie» p. 88,
{a) «^nriiT* a(:voue , pag. s ^ . rj
f^97* $t Lettre k Eugénie > p. 88,
( h ) i/htlh* i^j 2. Luc is »AU
DE R A R E L r G I a N , &:c. 5^r
ouvriers , fendirent le lieu inacceflîble , &
forcèrent d'abandonner i'entreprife. C'eft
Ammien Marcellinf> Officier dans la Milice
fous Julien, Auteur contemporain , Hifto-
rien d'ailleurs judicieux , qui raconte ce
fait ( fl ). Son récit eft confirmé , non-feule-
ment par le tcnKJÎgnage de plufieurs Ecri-
vains Eccléfiaftiques , dont quelques-uns-
furent témoins oculaires (t); mais encoie
par deux Lettres de Julien lui-même (c).
Jufqu'à préfent nos adverfaires n'avoient
pas ofé dire ce qu'ils penfoicnt de ce fait
fingulier r F Auteur des Mélanges de Litté^
rature ^ £Hiftoire &* de Philofophie , in-
8^ , s'en eft débarrafle fans façon-: il a don-
né un démenti^ formel à Ammien Marcel-
lin & à tous les autres ; il a traité leur récit
de conte ridicule (d): c'eft airifi que l'oa
crit l'Hiftoirc en Philofophe.
On foutient fauflement que J. C. a pré^^
dit le Jugement dernier dans le 2 1 ^ chapitre
de S, Luc. Il y prédit la ruine de Jerufa-
iem & de la Nation Juive ; mais fous les
figures vives & hardies du ftyle oriental»
On peut confronter ce chapitre avec la
(4 ) Amm, Marcelt* L 15 > uiiria.
( h Voyez la DK&rtaiion de 'Warburchon fur ce fujec»
Faris 175 4- ^
(C) Voy^Tes preuve» de l*Hi&, de M. Bullet^ n. 104. le
fuiv.
(i ) Mélanges > (ome u c. 4% , p. 54»
3^2 Apologie
prife de Babylone dans Ifaïe ; la défaîte iil
Koi d'Egypte dans Ezechiël ; la ruine de
Tyr & de Sidon dans Joël : on y verra leis
mêmes images & les mêmes expreflîons.
M. Freret avoit fait cette objedion ; nous
lui avons fait voir qu'il fe trompoit (a)',
à quoi fert-il de la répéter encore C^) ?
Dans VExamen important , l'Auteur ,
qui copie Celfe & Julien (c), accufe le»
Chrétiens d'avoir tordu le fèns des prophé-
ties, pour perfuader aux Juifs que Jefus
étoit le Meffie; il cite ponr exemple îa
prophétie d' tfaïe & celle de Jàcob , & it
les rapporte d'une manière très-infidelle; it
afliire que lesChrétiens y loin de convertir les
Juifs s en furent méprifés & déteflés , Gr /c
font encore (^). Dans un autre endroit il les
blâffle d'avoir tourné tout l'ancien Tefta-
ment en allégories du nouveau ; il prétend
que cette méthode contribua plus que toute
autre chofe a la propagation du Chrijlianif-
me; il détruit ainfi d'une main ce qu'il éta-
blit de- l'autre (c).
Le plus ancien monument que nous
{a) Certitude cTes preuves da Chrîft. c. ri , $. lo.
{h) Examen important, c. i^* p. 97« Queftions de
'Zapata, n. 5). Dîner du Comte de Boulainvilliers, p. &^
. . (C) Dans Origene ,\,i6c.2»S, Cyrille , 1R b .
( à ) Examen important, c. 15 j p* $% & CuN*
(e j llid% c. z? 9 p* 10;.
m
DE LA R ELIGION, &c; -^2^
ayons des difputes fur les prophéties entre
les Chrétiens & les Juifs , efl: le dialogue de
S. Juftin contre Tryphon ; il faut examiner
fî ce père a mal expliqué les deux prophé-
ties dont on a parlé , & s'il leur a donné un
fens que les Juifs aient pu rejetter en rai'
fonnant confèquemment.
On lit dans Ifaïe (a) : Le Prophète dit
à Achai : demande:( au Seigneur un pro^
dige dans le ciel ou fur la terrt, pour mar-
que de fa protedion. Je n'en ferai rien,
répondit Acha^ > Gr je* ne tenterai point U
Seigneur. Ecoute\ doncgmaifon de David y
répliqua Haïe; neft-ce pas ajfei pour vour
d'inquiéter les Prophètes j fans fatiguer en^
core y par vos plaintes , le Seigneur qui les
fait parler? Eh bien , lui-même vous dort''
nera unjîgne .• une Vierge ( Aima > cûTzce-
vra Ér enfantera un fils * &* le nommera
Emmanuel i Dieu avec nous.^ Ceft ainfii
que la Paraphrafe Chaldàïque a rendu les
paroles du Prophète,
S. Juftin & Jes autres Pères de l'Eglife
foùtiennent que cette prédidion n'a été
accomplie que dans J. C; & il n'eft pas dif-
ficile de s'en convaincre , quand on l'exa-
mine de près. i**. Il eft faux qu'^Zm^ %m-^
■fMH
1») Jf»c. 7,f^i^
9^ Apolooie
fie indifiëreroment une fille ou une jeune
femme , comme le prétend le Critique C ^ ) >
il fignifie une Vierge : quiconque a la moin-
dre connoiflànce de l'Hébreu & du Chai-
déen , ne peut Fignorer, 2^. II étoit ques-
tion de citer aux Juifs un prodige : ce n'en
iêroit pas un qu'une femme mariée fût de-
venue mère. 5**. C'étoit une tradition conC-
tante parmi les anciens Doâeurs Jui& , que
le Meffie de voit naître d'une Vierge , & cpie
le nom Emmanuel eft un de ceux (bus lef-
quels il eft défigné dans rEcriture (^)«
Quand il y auroit eu de l'incertitude fur le
vrai fèns de la prophétie , les Jui& ne pou-
voient rejetter l'explication qu'en don-
noient les Chrétiens , fans contredire fan*
cienne tradition de la Synagogue : il n'eft
donc pas vraifemblable que les Juifs in(^
triiits aient ri au ne^ des Chrétiens , à moins
qu'ils ne fe (oient moqués d& la tradition de
leurs propres Doûeurs.
La prophétie de Jacob fournît contr'eiïx
une preuve également folide. Il y aura
toujours à ï avenir un Chef de la famille de
Juda t^ un Légiflateur de fa race ^jufquà
ï arrivée du Mejfie , à qui la Puiffancefou-
reraine appartient g&r à qui tous les peuplés
mm^^m . , I ■ < ■ I ■
(a) Examen împortMic , p. 9)*
( b ) Voyez Galadn, de ArcâiûsCathoL vtrk, /• li ^ tt^
D E LA R E L I G I O N, &C. 32f
doivent obéir {a). C'eft la tradudîoo que
donnent les trofs Paraphrafes Chaldaï-
ques , les Auteurs du Talmud , & les
plus fameux Rabbins dans leurs Commen-»
taires fur la Genèfe.
Or , félon la tradition des Juifs , la puif-
fance légiflative & judiciaire n'a celle chez
eux qu'au règne d'Herode TAfcalonite qui
étoit étranger C^). S. Juftin & les autres
Pères de l'Èglife , qui en concluent que le*
Meflîe a dû naître fous le règne d'Herode •
ont donc écé foidés fur la tradition cons-
tante de l'Eglife Juive. Lorfque les ïlab-
bins des (îècles foivans ont cherché à dé-
tourner le fens de la prophétie , & à en
éluder les conféquences , il a fallu qu'ils
commençaflènt par contredire l'ancienne
croyance de leur école/
L'jBxplication bizarre quç l'Auteur de;
Y Examen important met dans la bouche
des Chrétiens ; la réponfe encore plus ridi-
cule qu'il prête aux Juifs > la manière dont
il tronque & altère les Prophéties , font des
iuperchefies indignes d'un Philofophe.
L'homme le plus ignorant peut enfanter
d^s rêves, & les attribuer aux Dofteurs
Juifs o^ Chrétiens ; mais quand un leéteuc
mm^^im
'^26 Apologie
judicieux confulte les anciens moniimens,
£c qu'il voit le véritable état des contro-
verfes que l'on a traitées dans les premiers
iîècles , il eft fort étonné dç trouver tout
le contraire de ce qu'écrivent nos Cenfeurs
roodefnes ; il rougit d'avoir ajouté foi un
feul moment à des Critiques aufS infi-
dèles.
On nous dit que les Chrétiens , loin de
convertir les Juifs , en furent méprifés &•
détejiés ; qu^ils renoncèrent â Vefpérance d'au
tirer les Juifs à eux , &* s^aérejjerent unique^
ment aux Gentils (a); autant d'impoftu-
res. Du temps des Apôtres il y avoit dans
la feule ville de Jerufalem plufieurs milliers
de Juife convertis (b)^ On voit, par les Aéles
des Apôtres , que les premiers profély tes du
Chriftianifme furent des Juifs. Les quinze-
premiers Evcques de Jerufalem étoient
Juifs de naiflànce (c) ; on ne les auroit pas
choiCs pour remplir cette place , s'ils n'a^
voient pas été très - infiruits de la croyance
des Juifs & de celle des Chrétiens,
Le reproche que l'on fait aux anciens
Pères de TEglife , d'avoir tourné tout l'An-*
(a) Examen Important > P' 5 s**
Ub ) A£i, 1 1 /xo. Voyez Certitude ics ptcuvcs du Chcift«
Çc) Diâ» FhiloC art. Baptêmu
T>E Lk ReJC.IGION% &C. J^-J^
cîen Teftament en allégories du Nqut^eauj^Ù!
^encore plus mal fonde. Pour convertir les
Juifs & pour les convaincre par leurs écri*
tures , il falloit les leur expliquer , félon la
méthode ufîtée parmi leurs Dodeurs , &; à
laquelle ils étoient accoutumés. Or il eft
certain , par les Ouvrages de Philon & par
les Commentaires des plus anciens Rab-
bins , que le goût des allégories étoit do-
minant parmi les Juifs. Quand l'Auteur de
Y Examen important avoue que cette mé-^^
tlîode contribua plus que toute autre chofe à
la propagation du Chrijlianifme , il fe con»
tredit lui-njême. C'eft fur-tout à l'égard des
Juifs que cette méthode dut naturellement
réuffir , puifqu'il étoit félon leur goût ;
comment donc peut -on avancer que /es
Chrétiens ne purent jamais prévaloir auprès
des Juifs comme auprès des Gentils (a)? S'il
y eut moin3 de Juifs convertis que de Gen-
tils , c'eft que ^ hors de la Paleftine , les pre-i-
miers étoient en très -^ petit nombre dans
.' chaque Province de l'Empire, en comparai-
fon des Gentils*
(41; Cxajpen important, p. 51.
♦/
4
%
j28 Apox<ogib
Article III.
Des Martyrs.
§. i8.
Trouverons-nous plus de vérité & de
bonne foi dans la manière dont nos Cri-
tiques traitent la preuve tirée des Martyrs?
L'Auteur du Chrijiianifme dévoilé com-
mence par en donner une fauflè idée ; &
c'eft l'unique fondement de fes fophifmes.
Les Martyrs , félon lui , font des hommes
qui ont fcellé de leur fang la vérité des opi^
nions religieufes qu^ils avoient embraflees;
& cela n'eft pas exaft. Les premiers Mar-
tyrs ou témoins duChriftianifme ne font
point morts pour attefter la vérité de leurs
opinions religieufes ; mais pour attefter la
vérité des faits fur lefquels ces opinions font
appuyées : différence eflentielle , qui diftin-
gue émincnsmeot les Martyrs du Chriftia-
nifme , des Martyrs prétendus de toutes les
faufles Religions.
Quand il eft queftion de faits publics i
fefifîbles , palpable^, dont on a été témoiri^
il n'y a point Heu àTepthoufiafme, au fana-
tiûne , à l'opiniâtreté , à la vanité, à l'ivret
fe de l'imagination , à l'aliénation d'efprit ,
ui à toutes les autres caufes ridicules aux-
quelles noore Critique attribue la conftan*
BE tA Ri:ligion , &c. 525^
' ce des Martyrs. Il n'eft pas vrai que l'enr
thoufiafine pulfTe alors fe communiquer &
* gagner les fpeftateurs par ^admiration ou
par la pitié. Si le courage furprenant dos
Martyrs a fervi très-fouvent à la converfion
dei Payens , comme le mcmè Critique l'ar
voue (a); c'eft qu'il les a engagés à exa-
miner de plus près une Religion qu'ils per-
fécutoient par un préjugé aveugle ^ & on
ne peut faire cet examen de bonne fol»
fans rendre hommage au Chriftianifme»
Ceft que d'ailleurs ce fpeâacle fut fouvetit
accompagné de prodiges éclatans , qui font
attefiés y non-feulement p^ des témoins
oculaires > mads encore par les reproches
continuels de magie & de fortilége que les
ennemis des Chrétiens fe font obftinés à
leur faire. On les peut voir dans Celfe ic
dans Julien.
Nqiis avons montré plus au long datis
un autre Ouvrage (t) , que le Chriftîanif-
me & le Judaifioe font les feules Reli-
gions qui aient pu fe prévaloir du témoi-
gnage des Martyrs , par la nature mèn>e
des preuves fur lefquellei elles font fon-^
dées; que ce témoignage ne peut être ad-
mis que quand il eft queftion de conAatçr
W I ■■ I — — M^— ^— ii^M^MMU^— — >
(a)Chrift. dévoilé, p. 8^7.
( 2^)^ Cettkude des preuves du C&tîil* c. 8~, f.. ( & ^
TomeL Ee
^
530 Apologie
âes> faits ; que toutes les comparaifoDs dont
nos adver&ires^ fe fervent pour attaquer
icette preuve , pèchent par le principe : oa
nous difpenfera de répéter.
Comment peuvent - ils avancer q\te la
confiance des premiers Chrétiens dans les
fupplices dut y par un effet naturels former
-des Profélytés (a) ? Ils ne font point d'ac-
cord ayec eux-mêmes; Us prétendent que
les Chrétiens devenus les plus forts par la
converfion des Empereurs , perfécuterenc
les Payens fans ménagement , & leur ren-
dirent avec ufure les maux qu'ils en avoient
reçus (b). Le fait eft certainement faux ,
& nous l'avons démontré; mais il nous
eft permis de raifonner fur cette fuppofî-
tion. Si l'effet naturel des perfècutions eft
de former des Martyrs & des Profèlytes ,
il eft clair que le Paganifme perfécuté de-
voit reprendre de nouvelles forces ; infpi-
ter à fes Seâateurs la même conftance , la
même opiniâtreté , le même fanatifme , en
un mot i que l'on reproche aux Chrétiens:
& l'on a vu précifément le contraire;
L'Auteur du Cliriftiànifme dévoilé de-
mande , ji Us Juifs infortunés que l^Inquifi^
tion condamne aux flammes , ne font pas des
{ a ) Chrift. dévoilé , p. 88. j* Lettre â Eugénie , p. 84^
{b ) Voyez ci-delTus cbap. 5 ^ $. i^.
\
DE LA ReLI<5IÔN/ &C. ^JtA
Martyrs de leur Religion (a) f Non certai- |
dément, L'Inquiiîtion ne les punit point
précifément pour leur Religion ; c'eft un
trait de mauvaife foi de la part de nos ad-
verfaires de le fuppofer. Elle les punit de
ce qu'après avoir fait profellîon extérieure
& publique du Chriftianifme , ils font re-
tournés au Judaïfme ; elle les punit , non
pas comme Juifs , mais comme déferteurs J
& apoftats de notre Religion. ^
Enfin le même Auteur prétend qu'il eft
pluCeurs Martyrs qui furent plutôt les vic-
times d'un \èle inconfidéré y d^une humeur
turbulente , d^un efprit féditieux j que d'un
efprit religieux (t). Mais comment peut;
on accorder cette prétention avec ce qM|ii
ajoute immédiatement après : que YËglifi
elle-même riofe point juftifier ceux que leur
fougue imprudente a quelquefois poujfés juf^
uà troubler P ordre public , à brifer les Ido*
es a à renverfer les Temples du Paganifme.
Si TEglife elle-même n'ofe point les jufti-
fier , elle eft donc bien éloignée de leur ac-
corder le titre honorable de Martyrs. Il en
réfulte donc que ceux qui font révérés
comme tels , ne font point coupables de
fédition ni d'aucun attentat contre l'ordre
public.
(a i Chrill. dévoilé , p. 8^.
(&> Militaire Philorophej c.iLo,p. 15^-
Eeij
i
^^2 Apologie
§. ip.
L'Auteur de VExamen important prend
à peu près la même voie pour anéantir la
froLve tirée du témoignage des Martyrs.
ïl loLitient , 1°. qu*il y en a eu très-peu, &
eus les Auteurs profanes n'ont pas daigné
en parler ; 2^, qu'ils n'ont pas été punis à
caufe de leur Religion , mais parce qu'ils
étoient intolérans , féditieux , fanatiques ;
3**. que les prétendues cruautés exercées
côntr'eux , ne font rien moins que prou-
vées : d'où l'on donne à conclure que fi
quelques Chrétiens ont été punis de mort ,
c'eft qu'ils Tavoient mérité (a)\ L'on a
dit la même choie dans le DiElionnaire Phi--
î^apliique (b) ; dans la Philo fopkie de
fHiJIoire (c); dans le Traité fur la To^
lérance(d); dans les Effaisfur PHiJloire gé^
nérale (e) ; dans les Atêlanges de Litîéra^
turc , d^HiJïoire &• de l-'kilofopkie (/) j
dans le Dîner du Comte de Boulaim^ilUers ^
page 3 y ( g ). Les trois points dont on vient
ta) Examen impoicanc, ch>. i6 , p. 140».
(t ) Art. Martyre & Vtrfiamon^
(c) Chap*5»» p. ifo
id) Chap. 8 & 9.
( e ) Tome i > ch. 7
de repccer la citation des mêmes Livres? C'efl que des Ou^
vrages A admirés, (i vantés , & regardés aujourd'hui comm^
autant d'ocacJes » ne i^auroicnc erre trop bien coBniisé.
DE LA Religion, &c. ^^J
Reparler,, font donc trois dogiftes imconr
teftables de la nouvelle Philofophie.
Si on peut démontrer le contraire par le
témoignage polîtif & formel des A*uteura
Payens, que doit -on pcnfer de la har-»
diefle av^ec laquelle nos Adverfaires impo-
fènt aux- ignorans fur les faits les mieu}£
pTOuvés de l'Hiftoire ? On prie le Lefteuif
de fe rappeller ce que nous avons dit defl
loix & de la police des Roinains fur le fait;:
de la Religion (a%
Tacite raconte qû9 fous fTéroir un in*
cêndie confuma les deux tiers de la ville .
de Ronre. L'Empereur , accufè d'en être
Tâuieur , voului eft rejetter le^ crime- fiir lea
Chrétiens. « On fe faifit , dit Tacite , de
3> ceux qui s'avouèrent de cette Religion;
3> & par leur confeflion l'on en découvrit
30 une infinité d'autres ( multitudô^ ingens )i
3»^ ils ne furent pas tant convamcus du crime
» d'incendie , que de la haine du genre hu-
a> main. NéK)n leur fit fouffrîr les fupplices
a> les plus cruels : ( quâejîtiffimis p^enis affe^
91 ciî») On infultoit à leur mort, en les
30 couvrant de peaux de bêtes fauvages , en
3»les fâifant dévorer par des chiens f on les
3» attachoit en croix ; & après les avoir ens-
30 duits de matières inflammables >< on les^
554 Apolo(Sib
» ^ifoit fervir de flambeaux peifdant fa
a>nuit» (a).
Suétone , dans là vie de Néron , dit de
même*, que P on condamna aux fupplicts Us
Chrétiens ^ efpèces (Thommes attachés à une
fuperjlition nouvelle & pemicieufe ( k ). Se -
iièque (c)i Juvénal & fon Commenta-
teur (d), ont décrit ces fupplices de la mê*
^le manière que Tacite.
. On prie le leâeur de remarquer le motif
que ces Hiftoriens allèguent du fupplice
des Chrétiens ; ils ne les accufent point
d'avoir troublé le repos du genre humain ,
mais d'être haïs du genre humain ^ d'avoir
attaqué les fuperfticions publiques , mais
' d'être attachés à une fuperjlition nouwelle.
' L'Auteur du Traité' fur la Tolérance a
fait tous fes efforts pour afToiblir cette
preuve ; la manière dont il s'y efl: pris eft
curieufe. Selon lui » il eft impoflible que
les Chrétiens aient été perfécutés fous Né-
ron;, l^ parce qu'ils étpient confondus
avec les Juifs ; or les Juifs étoient tolérés z
2^ Parce que les Romains étoient tolérans
par principe : 3^ Parce que Feftus répond
aux Juif^ qui accufoient S. Paul pour caufe
(a) Tacite, Annal. I« 15 > n. 44«
(b ) Sué ton. in Nerohc,
i£ ) Scnec. Epiji. 2,4*
(djSaiyt.i,
DE LÀ RELIGfibN, &C. ^^fl
€e Religion , que ce n'eji point la coutume :
des Romains de condamner un homme fans
lui avoir confronté fes àccufateurs ^ Cr lui
avoir donné les moyens de fe défendre /
4.**. Les Romains fouffroient toutes forte»
de cultes ; ils fouf&oient même l'Athéifmej
eft-il probable qu'ils aient perfécuté les
Chrétiens feuls ? j**. Les Romains recon-
lîoiflbient un Dieu fuprême y ont - ils ptt
punir les Chrétiens pour ce même dogme ?
6°. Les Titus, les Trajans , les Antonins»
les Décius, n'étoient pas des barbares : au-*
rôient-ils refufé aux Chrétiens feuls une li?
berté dont jouiffoit toute la terre î
L'Auteur conclut que l'on peut révo^
•quer en doute ce que difent Tacite &
Suétone ; parce qu'il eft difficile de per-
cer dans les ténèbres de l'Hiôoirè^; parce
que l'un & l'autre recueilloient les bruit»
populaires ; parce que lés Hiftoriens fe plai-:
lent à diffamer les Princes (a).
Il a paru eflentiel de n'omettre aucune
lies preuves^de cette Diflertation fingulîere,
afin que le ledeur pût apprendre commeiM:
l'on traite l'Hiftoire dans les Ouvrages de
nos Philofophes, S'il nous àrrivoit de ter-
giverfer > de conjedurer , de difcourîr ainfi
fur les anciens Hiftoriens , quand on nous
•■ •
( a) Trû(é de la Tolérance , c.>.
53*^ A P O L O (? I E
Jes oppofe 5 quels traits de fatyre ne lancô^
roit-on pas contre nous?
L'Auteur dk très-bi6n,que c\JÎ au UBew
fage à voir quelle créance on do'u avoir pouf
les faits publics j atteftés par des Auteurs gra^
ves , nés dans une Nation éclairée / j'ajoute,
for-tout lorfque ces Auteurs font en grand
nombre & de diiTérens partis , & lorfque
, leur témoignage eft confirmé par des mo-
numens contemporains , difperfés en di£Fé<
lerts lieux de l'Univers. Or le martyre des
.Chrétiens» dans le premier iiècle de l'Egli^
fe> eft actefté par ces différentes preuves
réunies , quoique nos Hiftoriens Philofo
phes aient la i>onne foi d'en fupprimer la
meilleure partie. Donc » s'il y a quelque
chofe de certain en fait d'Hiftoire , c'eft le
martyre des Oirétiens dans le premier
fiècle.
1^. Il n!eft point ici queflion d^anecdc^
te^ fecrettes de la Cour d'un Prince > rap-
portées fans preuve & fur des bruits popu-
laires ; il s'agit d'uâ fait public dont tout
Rome dut être témoin » auquel un affreux
incendie fervit de prétexte , & dont la mé-
moire dut fe conferver fous les règnes fui-
vans , par l'Irorreur qu'il infpira» 2\ Ce ne
font pas feulement Tacite & Suétone , Au-
teurs graves qui l'atteftent ; ce font encore
ks anciens Auteurs Eccléfiaftiques ». les
Lettres
DE LA Religion, &c. 557
Lettres de S. Ignace , de S. Clément , de
S* Polycarpe , les Aâes de leur martyre i
fans parler des Ecrivains du ifiècle fuivant :
tous parlent de fang-^froid, fansafFeftation»
fans paffion , des combats & des fouffran-
ces des Chrétiens du premier fiècle , pour
encourager ceux du fécond à fouffrir de
même. 3"^. Les tombeaux & les cendres^ des
ConfeiTeurs de J. C, ont été l'objet de la
vénération des premiers fidèles ; c'eft - là
qu'ils s'aflèmbloient pour prier & pour
célébrer les SS, Myfteress l'ufage de mettre
leurs reliques fous l'Autel , eft configné •
dans le Livre de l'Apocalypfe (a) : la
forme des anciennes Bafiliques en eft en - .
core un monument fubfiftant. Voilà ce
que nous mettons à côté de Tacite & de
Suétone pour confirmer leur récit. Les
vaines imaginations d'un Philofophe dé-
truiront-elles un fait abfi attefté ? Il n'en
eft pas une feule qui puiflè fonder feule*
ment un foupçon.
• Les Chrétiens étaient confondus avec les
Juifs* Faufle fuppofition. Tacite & Suétone
les diftinguent très-clairemont. Les Romains
éteient tolérans par principe : féconde fauG-
fecés^Nous avons démontré le contraire par
N.
(a ) Apoc, 6 , j.
TomeL . Ff
\
558 A'FOI-OGtE
des titres inconteftables (a). L^s Bsomains
ne cQndamncient perfonne, fans, tmftnire.
Qu'eft-ce que cela, prouva ? Powr être per-
fècuteur , faut-il égorger ks. bouwjies fans
forme de procès ? Nous çopyenoiîs que
l'on feifoit mourir les Girétlens trèsr juri-
diquement,, quoique trèsî-injttfte«n€©t , après
conviâion & condatunation-» hf^ Rpmains
fmffr oient tout^. fmm de.cube^ / de cukes
&UX, à'b bonna heure.; pour te cuke du
Bieu unique & * feul vétitable: » il& n'ont
jamais pu le, fouffrir : ih en ièatoleui trop
bim les conféquenoeç. Lts. Roma^m. recen-
noijfoient un Dieu fufrêm^r^Vi pour un
moment, quoique le &i£ foit &ux« Les
Chrétiens ne vouLoient adocor qu'un ibail
Dieu , & rejettoient tous le&autres i cela .^A
fort dififérent. Titm , Traçait ^ l^Amofùns ,
frc. netoientpas d£s barbares: iln'èfl: j«»
queftion de ce qu'ils éioient, maiâ db.'ce
qu'ils ontfait: nQUsexaEmnonsjeucsia(^on$,
& non pas les titres qu'on .doit leur domi^.
Le Leâeur fe fouvieodra. que nous, par-
lons feulement des monumens relatifs' au
premier fiècle; que penferar^ t«-on de& vaines
idées du Philofophe., lorxfque nous lai op-
poferons ceux. au. fécond &Ldu troifîèfqe.
fiècle qu'il a pafTés fous fîlence ?
■■■«■
{a) Chap. 3,Si,r5«
DE LA RELI6I0N, &C ^^^
Au commencement du fécond Cède <
Pline le jeune , Proconful de Bîthynîe ,
«crit à l'Empereur Trajan :^« Je ne (çais
» fur quoi tombe l'information que l*on fait
30^ contre les Chrétiens ^ ni jafqu'où l'on doit
apporter leur punition .... £fi-ce le nom
9> feul qu'il faut punir en eux , ou font-ce
93 les crimes attaches à ce nom ? Cependant
30 voici la règle que j'ai fuivie dans les ac-«
aocufations intentées contr'eux. Je les ax
» interrogés sHk étaient' Chrétiens ; quand
3» ils l'ont a^roué , & qu'ils ont perfiffié
aoune féconde & une troifième fois', je
a> les ai envoyés au fupplice 39 . « « . H re*
connoit que ceux même qui ont renoncé
au Chriftianifme lui ont protellé qu^en
l'embraifant ils ne s'étoient engagés àrau-
cun crime , mais feulement à adorer J. C.
comme Dieu ^ à pratiquer la piété , la cha-
rité & la juftice. Pline ajoute qu'il a tâ-
ché d'arracher la vérité-, par la force des-
tourmens , à des filles efclaves , que l'on
difoit etre^ attachées au miniftére du culte
des Chrétiens : « Je n'y- ai découvert ,
» dit-il , qu'une raauvaife fuperftîtion pouf
3> fée à l'excès a». Enfin il avertit- TEm"
pereur du très -grand, nombre de per-
onnes de tout âge , de toute condition »
Ffij
l
54^ Apologie
de tout fexe , qui font accufces d'être Cliré»
tiens , &c ( fl ).
Trajan répond à Pline qu'il a bien fait ;
qu'il ne faut point faire de perquifition des
Chrétiens; mais que s'ils font accufés &
convaincus , il faut les punir : conquirendi
nonfunt , fi deferantur & arguantur , pu-
niendifunt ; que s'ils renient le Chriftianif-
rae & Sacrifient aux Dieux , il faut leur par-
donner (b). Voilà comme les Romaies
étoient toléra ns par principe. On ne fçau-
roit trop répéter ce témoignage important.
Je confens , pour un moment , que Ton
ferme les yeux fur tous les . autres monu-
mens des perfécutions du fécond fiècle , fut
l'Hiftoire d'Eufebe , & fur le témoignage
dos Auteurs contemporains dont il s'ap-
puie , fur les Ades des Martyrs lus dans
les Ailèmblées Chrétiennes pour animer
la foi & le courage des fidèles ; fur les tom-
beaux & les reliques des Confeflèurs hono-
rés d'un culte religieux ; fur les plainte &
les remontrances de nos anciens Apolo-
gi^es. Je demande feulement.
i^. S'il n'eft pas avéré par la conduite
de Pline & par la réponfe de Trajan , que
les Chrétiens étoient mis à mort , non pour
•—•■
(4) ?Iine , I. 10 ^ epî^ ^7.
BE LA Religion, &c. 341
aucun crime de fédition ou de révolte ,
mais pour leur Religion précifément , '&
que telle étoit la Jurifprudence de TEm-
pire ? ' *
:^^ Si l'on ne peut pas juger par-là du
nombre des Chrétiens accufés , convain-
cus & tourmentés , fous les Gouverneurs
de Province moins modérés que Pline , &
fous le règne des Empereurs moins doux
ijue Trajan?
3°. S'il n'y a pas lieu de fe récrier fur la
bonne foi de nos Philofophes ? Dans tous
leurs Livres que nous avons cités , 011 il
s'agiffoit d'examiner ce qu'il y a de vrai oii
de faux dans l'Hiftoire des Martyrs ^ pas un
mot de la Lettre de Pline ni de la réponfe
de Trajan. Ces deux pièces font- elles au-
thentiques ou fuppolees ? Trajan & P^n^e
font- ils des Auteurs graves & inftruits , ou
des Ecrivains fans aveu ? Leurs Lettres font-
elles claires & pofitives , ou ne fignifient-
elles rien? Silence profond fur tout cela. On
a même ofé écrire qu'o/ï ne trouve acuun
Edit qui condamne à la mort uniquement
four faire profeffîon du Chrijlianifme. Exa-
men important , chap, 28 , page 16 j (a}.
(â) Nota, Dans les Effais fur THift. ^én, c. 7, p» lot ,
on s*eft contenté de dire : Trajan écrit a Pline : il ne faut
faire aucune recherche iei Chrétiens : fans rien ajoutée da-
vancaze. Nouveau u:aic d*aiFeâa(ion bien (îni^ulier"!
Ffuj
34^ Apologie
Oi a fiiîeux fah encore , on a tronqué
im pa&ge d'Origène^ Ce Père , dans le
troifiècne Livre contre Celiè (a), dit :
« On peut aifément compter ceux qui font
m morts pour la Religion Chrétienne , parce
» qu'il en eÔ mort peu & par intervalles >
• Ditu nt f^ouhmt f^as que tmte race à?hom'
3» mes jût entièrement détruite »• Dans le
DiUionnaire Philofcffhiqwe (b) ^ Se dans le
Traité Jur la Tolérance (c) ^ on a fupprimé
<es dernières paroles qui modifient le paf-
fage d'Origène & endét^minent le fens:
on y a joint une (^omaie , en accufant
Origcne d'avoir nié un Dieu en trois per*
fonnes {d). Après ces beaux procédés , l'on
nous traite de fripons (e)! ... Taifons-
4)ous ; laiil^ns au public le foin de fatri»
juftice de toutes ces honnêtetés littéraires.
Celfe , dans vingt pafiages de Ton Livre
contre les Chrétiens , leur reproche qu'ils
ne tiennent leurs afiëmblées qu'en fecret »
pour éviter les peines décernées contr'eux ;
que dès qu'ils font pris, ils font conduits au
iiippUce; qu'avant de les mettre à mort, on '
leur fait fouf&ir toutes fortes de tour-
IM
(a) Editée Cambridge, p. 12^«
( &) Art. Chrîfiiamfine^
(c) Cbap. y, p. 71.
(e) E;tamcii important ^ c. i> p. t »•
D £ ï. À ^sE L IGI 6 N , &C. 343
mens (a). Ôrigène ne le nie point. Sans
doute Célfe ne parloit pas ainiî .pour fa»e
-honneur à ttotfe Religion. *
Il eô à propos d'obferver qu'Origène écri-
vit contre Celfe un an avant la perfecuticm
dé Décte, & long -temps avant celle de
IKocIétien ; Purfe & l'autre furent plus
cruelles que les précédentes , & le nombre
des Martyrs augmenta de^us de la moitié.
Origène , dans le paflage cité , compare le
nombre de ceux qui font morts pour la Be-
ligion avec la mukitude de ceux qiie Dieu
a confervés : nous convenons que les pre-
miers étoient en très-pfetit ïiombre en com-
^raifon des féconds ; mais céU ne prouve
'pas qu^il n'y en eût déjà biêaucoùp*
§. 21.
Nous pouvons apprendre dèis Auteuîs
du quatrième (îècle , dé quelle liiânierè les
Chrétiens ont été traités dans te troifièmè.
iibaiîius , Pariégyrifte de TEmpéreUr Ju-
lien , éfi un témoin ifrécufable. y.GeUk,
» dit-il, qui fuivoient une Religion éôr-
» rompue craîgnoient beaucoup ; ils s'at-
» tendoîent qu'on leur arràcheroit les yeuk,
» qu'on leur couperoît la tête , qu'on ver-
MMMAMMMMMMIa
(à ) Voyez Orfg. contre G«lfc, J. i , n. i & 41 J 1. 1. «•
19 « 4î i i. ^ , n. 14 5 1. 8 , u. 5^ & 4j &:c.
344 Apologie
» roit couler des fleuves de leur fàng ; îh
. » croy oient que ce nouveau Maître ( Julien )
» inventeroit de nouveaux tourmens plus
3» cruels que d'être mutilé, brûlé, noyé, en-
» terré tout vif; car les Empereurs précé-^
3» dens avaient employé contr^eux ces fines
» de Jupp lices Julien fçachant que le
» Chriftianifme prenoit des accroiffemens
» par le carnage de fes Seâateurs , ne vou-
as» lut pas employer contr'eux des fupplîces
» qu'il ne pouvoit approuver (a) ».
Ce morceau , dont nos Critiques n'ont «
€u garde de parler , fuffit pour juftifier tous
les monumens Eccléfiaftiques du troifième
& du quatrième fîècle , fur le nombre pro*
digieux des Martyrs , fur la cruauté' de leurs
fupplices , fur la caufe de leur condamna*
tîon , fur les converfions qu'opéra leur pa-
tience invinciblet
Les Philofophes peuvent tourner en ri-
dicule , tant qu'il leur plaira , les Ades des
Martyrs , l'Hiftoire d'Eufebe , les plaintes
de nosApologiftes, les difcours des Pères,
les' tombeaux , les Autels , les Eglifes élevés
fur les cendres des Confeflèurs. Ils peuvent
nous vanter la douceur des mœurs Romai-
nes , la clémence des Empereurs » la fageUe
•■
(a) L^M, parém* in /bl« n, ^8^ fipui Fabrk* UtbU Crtsci
me 7 » F« ^^h
DE LA Religion, &c. 3^f
ti là modération des loix de l'Empire ; ils
peuvent dire que S. Laurent rôti fur un
gril , S, Romain à qui l'on coupe la langue ,
Sainte Félicité & Sainte Perpétue expofées
aux bétes dans le Cirque , font des jables de
la légende dorée (a). A toutes ces belles
ipéculatîons , nous n'avons qu'un mot à
oppofer. Libanius eft-il un Auteur grave
& inftruit ? Avoit-il intérêt de favorifer les
Chrétiens qu'il déteftoit , ou d'inventer des
fables pour noircir la mémoire des Empe-^
reurs? Témoin contemporain des faits,
doit-il être écouté quand il les raconte , ou
les vifions Philofophiques du dix-huitième
fîècle doivent-elles prévaloir fur le témoi-
gnage réuni des Auteurs Chrétiens & des
Payens du quatrième ? Nos Philofophes ont
adopté avec empreflement les éloges que
Libanius a fait de Julien ; nous les prions
de nous apprendre s'il eft moins croyable
fur le martyre des Chrétiens.
Ils prétendent que ceux qui ont été punîs
du dernier fupplice , l'avoient mérité par
leur conduite léditieufe , turbulente , fana-
tique , par la haine dont ils étoient animés
contre la Religion Payenne , par leur peu
de foumidion aux ordres du Souverain. Ils
ignorent fans doute que nous avons encore
(a) Examea ioipoccanc > c. 2,^1 p. i^t*
:
'
54^ Apologie
entre les mains les Edks des Empereurs ;
les uns pour ordonner , les autres pour faire
ceflèr la perfécution ; les Lettres de l'Empe-
reur Julien , fes Livres contre le Chriftia-
nifme , les invedives de Celfe & de -Por-
phyre. Aucun de ces ennemis n'a jamais
reproché aux Chrétiens les (éditions , les
attentats , les fureurs , dont on ofe accufer
aujourd'hui les Martyrs. Les anciens apof-
tats , retournés au Paganifme , rendoîent
juftice à la Religion Chrétienne , parce
qu'ils ne l'avoient abandonnée que par foi-
blefle ( a) ; ceux d'aujourd'hui vomiflent
des calomnies contr'elle , parce qu'ils l'ont
quittée par orgueil & par efprit d'tedépen-
oance. Celfe j en parlant de nos Martyrs i
ne blâme point leur confiance (&) S les
incrédules modernes moins équitables,
veulent faire pafler tous ees Héros pont
des fanatiques & des féditiéux»
Et combien de fauflètés n'a-t-on pas
railèmblëes pour flétrir la mémoire des
ConfeiTeurs de Jefus-Chrift ! On a dit que
le Centurion Marcel méritoit la moit , pour
avoir jette fes ornemens militaires en criant
*d'une voix féditieufe : je ne veux fervir que
J. C. le Roi éternel j je renonce aux Empe-
( a ) Voyez la Lettre de Pline ci-devant.
\b) Dam Otiecne , 1. x > p. 8 ; !• 69 p. ^ti*
\
DE LA RlLlGÏÔ-N, &C. 547
reurs (ii> On a malicieufement fîipprimé
les paroles qui le juftifieïit : Ji la condition
des Milkaires , dit-il , eft telle quils foieht
obligés dtfacHfier aux Dieux ^ aux Empe-
reurs f je jette ma baguette £r fnon ceinturon,
je quitte mes drapeaux , & je reconce aux
armes (b). Il eft clair que Marcel ne re-
nonce aux armes , que parce qu'on le vdU-
loit obliger à facrifien
Oh a îoutenu que S. Latirent étoît punif-
fable ,/pour avoir refufè au Préfet de Rome
ée contribuer aux charges publiques > &
pour avoir infulté4'Empereur, en amenant
des gueux au lieu d'argent ( c )•
Mais i^» étoitsil queftion d'une charge
publique , ou d'une exaâion arbitraire du
Préfet de Rome? 2^. Un Diacre , fimple
dépofitaire des aumônes des fidèles , étoit-
îl autorifé en vertu de cet ordre arbitraire
de changer la deftination de fon dépôt?
3^. Amener à ce Maglftrat la multitude de
pauvres qu'on étoît obligé de nourrir , pour
le détromper for les prétendus tréfors de
TEglife , étoit-ce une infulte? 4**. Falloit-il
lailfêr périr de faim cas iniférables » pout
(a) Examen îniporunc > c. i^, p. M4* Mélanges ctq
j^^jtter. Sec conie 5 , c. <ii , de DioeUden > p* 35»
(h) Aêta'MarceUî apui Ridnart»
(c; E^men imporcanc» p. z^j»
348 Apologie
latisfaire la cupidité du Préfet de Rome?
On a décidé magiftralement que le maf-
facre de la LégionThébaîne étoit une fable ,
& qu'il n'y eut jamais de Légion Thébai-
ne (a). Il eft cependant certain par la no-
tice de l'Empire qu'il y en avoir au moins
deux de ce nom ; l'une appellée DiocUtiana
Thebxorum ; l'autre ^ Maximiana Thebao-
rum ; toutes deux étoient fous les ordres
du Général de la Milice qui commandoic
danslaXhrace (t).
Nous ne finirions jamais (i nous vour
fions relever toutes les infidélités de nos
Critiques*
Mais enfin , dira-t^on , il demeure tou*
jours certain que les Romains toléroienr
toutes les Religions ; pourquoi donc n'ont-
ils pas voulu fouârir les Chrétiens , finon
parce que ceux-ci vouloient détruire le
Paganifme ? Eclairciflbns ce fait important ,
il (e tournera en preuve contre lîos adver-
faires.
Le Paganifme # dont la maxime étoit
d'admettre des Dieux fans nombre > n'avoit
Klk^P*
{a) Examen xmporcanc, p. 248. Traité fur la Toi. c. ^'«
p. 8i. EfTais fur THifl. gén. corne z , c. 7 , p*/io.
ih) Voyez la Notice de l'Empire d'Orient^ par Pancx*
roic; c. i$ & 5i*
DE LA Religion, &c. 349
aucun droit ni aucun intérêt de réprouver
les Dieux d'aucun peuple; il de voit être
permis à chaque Nation d'avoir fes Dieux
propres.& particuliers ; le culte de l'un ne
dérogéoit point au culte de l'autre ; les
Payens n'avoient ni Apôtres ni Miffion-
niaires.
' Le Judaïfme étoit regardé par les Juîfi
mêmes , comme une Religion propre à
leur Nation feule , & qui n'avoit été don-
née qu'à la poftérité d'Abraham : confé-
quemment les Juifs ne cherchoient point à
faire des profélytes. Contens de fuivre leur
loi en liberté , & de ne point prendre part
aux Cérémonies Payennes , ils ne prêchoient
point le Judaïfme aux Gentils.
Les Apôtres , chargés par J. C. de prêcher
l'Evangile à toutes les Nations (a) ^ s'an-
noncèrent d'abord comme envoyés pour
faire rendre obéijfance à la foi che\ tous les
peuples au nom de Dieu (h). Ils prouvèrent
leur mijjion par des miracles , ils prêchèrent
par-tout (c) l'unité de Dieu , la faufleté des
Dieux di\ Paganifme , la vanité & la fu-
perdition de leur culte : leurs difciples |)ar-
lerent & agirent de même > à Rome commç
(a)Matth.xi , 1$,
(h) Rom, I , ^
55*0 ApojLOgie
ailleurs ; & il n'écoit pas difficile de voir
que C le Chriftianifme s'établiflbit , le Pa-
ganiGne feroit bientôt détruit.
Les Payens le comprirent (ans doute ;
voilà pourquoi le Chriftianifme leur fut
odieux » dès qu'il leur fut connu. Auffi (bu-
tenons-nous que cela ne pouvoit pas être
autrement y ôc que^dès h moment que Toti
put s'appercevoir à Rome que la Religion
Chrétienne y feifoit quelque progrès ,, oa
fa fit un point capital de rextecmîner.
Si » en prêchant le culte d'un feul Dieu à
l'excluHonde toux autre culte 5 on pèche
contre la tolérance , nqns^ 4vo.uQns. que le
Chriftianifme efteffentiellemem iruolér/im;
& il ne conyiem qu'à la yr4ie. ReUgîoa
d^ Têtre,
. Si annoncer l'Evangile à Rome ,en vertu
d'une miiCon fur^aturelle autbentiquement
prouvée., ç'étoit un trait de fédition,, un
attentat contrejes loix , un crime digne de
mort; ileft clair:que tous les- Prédic^^urs
de l'Evatigile étojient des féditieux que l'on
a .bien fait d'envoyer fur l'échaÔaMt Mais
il . faut donc foutenir en même temps que
l'idolâtriç étant une fois établie par les
loix Romaines , Dieu ne pouvoit plus don-*
ner de miflion à perfonne pour eniléfabufei;
les peuples.
Mais les premiers Chrétiens ont-ils été
i
DE LA Religion, &c. ^.ji
intoîérans , dans le fens odieyx que le pré-
teadent nos adverfaires ? Ceft-à-dire ;, fo
fonwls cru3 en dtoh de troubler le culte ,.
les fêtes , les cérémonies paye^^es ; d'in-
fulter dons les Templçs l«s I)ieux , leurs
Minifires.,. leuiss Adorateurs? Non afïùré-
ment, c^eft uoe Câlooin^ie que Id padion
feule a^fu^és^ mix eunemis du Chriftîar
TÀÙXX&M
: Nous convenons qu'au quatrième Cèele;
Qu fur ta fin du troiûèime, il y eut quelques
traits de zèle trop.vif de la part de quelques
particuliers ; mais ce fut après, que 1^^ £m«
pereurs eurent déjà donné d^s Ëdits.en far
veur de la Religion Chrétieone* Par la ré- >
v^OGationde.cesrEdîis 5 l'on. mit, pour ainfî
dire, aux prifes les. deux Religionts; les
Chrétiens fouvent pouiïes , à bout; par les
avanies continuelles, des Pâyens , fe p^mi-
rent quelques, reprâailles ; mais il s'en* faut
beaucoup: que ces excès aient été au0t
grands & auffi ôrequens que nos adverfaires
le prétendait*
Le Chrijîianifme , difent41s , %^oulut écra-' -
fer tûutes les autres Rtligims (a). Si l'on
entend par-là qu0 le Chriftianifme k pro-
pofbit de Gonvei^tir tous.les.peuples , & de
faire. ainfi toquer tous les autres cultes,.
I . wmmmmmmmm.
(4) Exainea im^orcanc , c^i^» J?«.z^».
^^2 Apologie
rien n'eft plus vrai : mais fi l'on veut dire
que les Cnrétiens entreprirent de détruire
tous les autres cultes par la violence , c'efi
une impofture.
N'eft -il pas Cngulier qu'on nous faflè
une difficulté fur la tolérance des Romains ?
Les Romains étoient devenus Philofo-
phes ( (t) y ils étoient toléFans comme ceux
d'aujourd'hui. Ceux-ci foufFriront volon-
tiers le Paganifme, le Mahométifme, la
Religion des Brames , celle des Lamas ,
l'Âthéifme même. Pour le Chriftianifme ,
ils ne le toléreront jamab : ils lui ont juré
une haine éternelle; ils ont réfolu de le
détruire ou de périr.
Après avoir vu ce qu'ils avoient de plus
fort a objeder contre les preuves de la ré-
vélation , nous ôfons encore leur deman-
der : Eft-il dans l'Univers une Religion qui
puiflè montrer une fuite de prophéties
auffi authentiques , auffi claires , auffi évi-
demment vérifiées que celles de l'Ancien
& du Nouveau Teftament ; une Religion
qui ait été fondée par des miracles auflî
nombreux , auffi éclatans , auffi incontefia-
blés , que ceux de Moïfe & des Prophètes ;
que ceux de J. C , des Apôtres , & des pre-
ipier$ Fidèles , dont les témoins oculaires
WÊiÊmmmmmÊmtm
ii^) Piâ. FhU, art. Aàiits,
aient
I
i
DE LA Religion, &c. 55*3
ûîettt répandu leur fang pour en attefter la
vérité? Qu'on nous la montre , & qu'on en
foutienne le parallèle contre le Chriftia*
nifme.
Si Dieu a daigné parler aux hommes ,
pouvoit-il accompagner la révélation de
îîgnes plus évidens , plus aifés à reconnoî-
tre 3 plus infaillibles , plus propres à rendre
tous les hommes attentifs ? Si la doftrine ,
revêtue de ces fignes extérieurs , préfente
d'ailleurs , dans la fublimité de fes dogmes ,
dans la pureté de fa morale» dans la fainteté
& l'utilité de fon culte , toutes les marques
de la fageflè & de la bonté divine , un et
prit raifonnable peut-il refufer de lui ren-
dre hommage? Or tels font les caraderes
de la doârine Chrétienne*que nous allons
}uftifier contre les calomnies de fes ennemis.
.g , ^'''ftSS^^''^ ■ ' ■'- ' ''' s>*
«
CHAPITRE Vil.
Des MyJIens de la Religion Chrétienne0
i^ eus avons déjà obfervé que quand il a
plu à Dieu de fe révéler aux hommes , il ne
l'a point fait pour contenter leur vaiiie cu-
riofîté , mais pour les rendre meilleurs ; c'é*
toit à lui feul de juger du degré de lumierç
- Tome L Gg
55^4 Apologïb
qui leur étoic néceflaîre , du nombre & Je
l'efpèce des vérités qu'ik avoient befoin de
•connoître pour remplir Tes deflfeins z nos
vues font trop bornées pour décider de ce
qu'il devoit ou ne devoit pss nous enfei-
gner.
La révélation qu'il avoit donnée aux
Juifs renfermoit peu de dogmes ; l'unité de
J)ieu , fa providence particulière fur fon
peuple » la création du monde , la chute de
rhomme , la venue future d'un Médiateur,
Ces vérités , jointes à celles que les Hébreux
confervoîent déjà par la tradition de leurs
pères depuis le commencement du monde ,
iufiifoient pour les conduire , & pour dif-
pofer le genre humain à une révélation plus
ample. Ceft par J* C. que Dieu fe réfervoit
4ie nous en apprendre davantage.
Ce divin Maître ne s'eft pas borné à nous
«nfeîgner plus clairement & plus diftinâe-
ment que Moïfe , tous les dogmes dont
nous pouvons appercevoir la vérité par h
lumière naturelle , l'unité de Dieu & fes
principaux attributs, faprovidence» la (pi-
ritualité , J'immortalité> la liberté de notre
'ame, les peines & les récompenfes qui nous
font réfervées après cette vie ; il nous pro-
pofé encore à croire fur la nature de Dieu,
•for fes defleins , fur fes opérations furnatu-
XwUes des dognotes incompréhenfibles ; trois
DE LA Religion, &c; ^ff
perfonnes qui font un feul Dieu , l'incarna-
tion de la féconde de cts çerfonnes , la ré-
demption du genre humain , la providence
particulière de Dieu pour opérer le falut
des hommes , l'efpèce & la durée des pei-
nes & des récompenfes de la vie future.
II 4i'a point enfeigné ces vérités à la ma-
nière des Philofo{Aes , comme le fruit de
£es réflexions & de fon étude , mais cottïttfe
une dodrine qu'il avoit reçue immédia-
tement de Dieu fon père. Il's'eft donné
comme envoyé fpécialement du Ciel pottr
f appréfidre eux hommes ; & il a prouvé
fa miffidn par des prodiges ; il a menacé de
Jà damnation éternelle , ceux qui refufe^
soient de croire à fa parole.
Avant que de parler de tous ces myfte-
réS où dogmes incompréhenfibles , il y
avoit une t|Ueftion prélimînaiire à traiter.
•Il falloit examiner s'il eft indigne de la fa-
-geflfe & de la bonté Divine , de propofer
à l'homme des dogmes qu'il ne peut pas
'Comprendre; & fi l'homme, en vertu des
lumières de fa raifoh 5 a droit de les rèjettet,
L'Auteur du Chrijiianifme dévoilé , qui rîfc
raifonne janfiais par principes , a commencé
par fuppofer la qiieftbn décidée en fa (sh
vveur î & parce que les myfteres font incon-
cevables , il a conclu feinç façon qu^ils font
î&fuf des & ridiculest
Ggij
5 j'<î AiPOLa(?iE
Dans un autre ouvrage , nous avons dé^
monç-é le principe contradidoire (a) y
que Dieu peut révéler à l'homme des my t-
teres ou des dogmes incompréhenfîbles ;
qu'alors l'homme ne peut refufer de lesy
croire , fans abufer de fa raifon : nous n'ar
jouterons ici qu'une feule réflexion.
Les Philofophes conviennent que Ton
peut démontrer par la lumière naturelle
des vérités incompréhenfîbles , qui nous
paroiiTent âbfurdes , & que nous ne pou-
vons raifonnablement refufer d'admettre,
«c Jamais , dit l'un d'entr'eux , jamais Prê-
» tre , dans l'intention d'apprivoifer & de
y> fubjuguer notre raifon,rebelle^ n'inventa
a> de dogme qui choque davantage le fens
a> commun , que le fait la doctrine d'une
3> étendue divifîble à l'infini > avec toutes
» fes cônféquences , telles que tous les Geo-
a> mètres & les Métaphyficiens les étalent
» fi pompeufement & avec une efpèce de
su triomphe (t)».
Ces Meflfiçurs avouent donc queDîea,
peut nous découvrir , par la lumière natu-
relle, des vérités qui choquent Ufens commun ,
qui font démontrées par les Géomètres , &
qu'il feroit ridicule de révoquer en doute. î
(a) Déifine réfuté , première Lettre.
(t}£{riû» Phitofophiques fur TEncendcmcm humiuftj
DE LA Religion, &c. 3^7
.& ils nous difenc , ils nous répètent avec
emphafe , ils fuppofent par-tout que Dieu
ne peut pas nous révéler ^ par une lumière
furnaturelîe , le myftere de la Sainte Trir
nité , parce que , félon eux , // choque k
Jens commun , & qu'il nous eft impoflîble
de le croire. Ils confentent à faire tous les
jours des ades de foi fur la divifibilité infi-
nie de la matière , parce que c'eft un myf-
tere de la Philofophie ; & ils n'en veulent
point faire fur la Trinité des perfonnes en
Dieu , parce que c'eft jun myftere de 1^
Religion.
Révéler quelque chofe à quelqu^un , dk
notre Auteur , cejl /wk découvrir ce qu^il
ignorait auparavant : révéler aux hommes
des myfteres qu'ils ne comprennent pas , cefi
les rendre plus ignorans quils n^étoien^ (a).
Admirable raifonnement que TAuteur a
déjà répété deux fois ! Les Géomètres , en
démontrant la divifibilité infinie de la ma-
tière , vérité incompréhenfible , & dont les
conféquences choquent le fens commun ,
nous ont rendus plus ignorans que nous
n'étions ; ils auroient mieux fait de ne ja-
mais révéler cette propriété de la matière :
nous avons répondu ailleurs à ce paralo^
gifme (b).
(a) Chtift. dévoilé ,. page 50,
m-
5yS Apologie
Le même Critique convient que Moïfe
a enfeigné aux Juifs à adorer un Dieu uni-
que; mais j dit-ii, un gtand nombre des
Sages du Paganifme » faHs le fecâurs de la
tévélmion Judaïque , tC ont-ils pas ^éiout^ert
vn Dieufuprême , maitte de tous les Autres
Dieux ? D'ailleurs U defiitt , auquel tous
îei dutres Dieux du Paganifme étoient fui-
ordonnés j n'étoit^il pas un Dieu unique ^
-dont la nature entière fubijfoit la loifouve-
raine ( ^ ) ? La révélation donnée par Moïfe ,
& confirm& par J* G, étoit doncfuper-
âue.
Telle eft la grande obje<aion que Ton a
renouvellée dans tous lés Livres des nou-
veau^ Philofophes ; dani les Mélanges de
'Littérature , à'WJloire &* de Vhilûfophie ,
'în-8Vè;; dans la Philofophie de PHiftoi-
Te (c)y dans le DitHonnaire Phtlofophi*-
'que(d) ; on y affure fnême pofitivement ;
que tous les- Philofdpkes , Babyloniens , Per-*
fans, Egyptiens , Scythes ^ Grecs &r Romains^
admettent un Dieu fuprime y rémunérateur
•Èr vengeur. Oft nous apprend encofe que
{a) Chnfè. déToHé , p. 91.
t^ ) Tome 5 , c. ^i 5 6c To?rrc 4 » p. f 4«*
(r ) Ghap. fo , p. t^ i.
(i) Tome 1 , ace. Aeligfoft > j^. t^fn
HE £A Religion, &c. 5^9
l'unité de Dieu & la vie future étoîent ex-
pf eflement enfeignées dans les myfteres ( a )r
On ajoute que Tancienne Religion ou le
Polythéifme n'étoit point contraire à cette
vérité. Dès que les Payens reconnoiffent ua
Dieu fuprême , toutes les autres divinités
n'étoient que des Dieux intermédiaires.
£nfin , pour que rien ne manque à Tapolo-
gie du Paganifme > on i>ous enfeigne qu'il
n'y eut jamais de peuple idolâtre, j félon la
force du terme ; que les Payens ne furent
jamais alTez infenies pour regarder une fta^
tue comme un Dieu ou comme un être
animé ; qu'enân les Grecs & les Roma'ms
n'étoient pas plus idolâtres que nous le
fommes en rendant un culte aux images Çb)^
que le fond de leur mythologie étoit très-rai-
fonnable(c)*
Ceft donc en vain que nous foutenons
la néceflité d'une révélation pour rétablir
parmi les hommes la connoiflance & te
culte d'un fèul Dieu. Voici inconteftable-
ment un des paradoxes de la nouvelle Pbi^
lofophie qu'il eft le plus important d'exa*
fliiner. Cette di&uffion eut été beaucoup
( tf )!Philof. ^e l'Hïft. c. i j, p. xii. Dia. Philof. tomcn'
arc. Idolâtrie . p. éi ; & art. ReKgion , p. 1 3 4.
( h ) Traité iw Ja ToI«raB€« , c, 7 p. f o. Philof. de THiftr
c. io , p. 15S. Diâ. Vhilof. corne i , arc. Idolâtrie y p. 4^«
(c) Suite des ldêiafl|es 4e L-it^éracure» ûr t<». tonte 47
^60 APOLOGtB
mieux placée dans le chapitre cinquième t
mais la marche toujours irréguliere de l'Au-
teur que nous fuivons, nous force de nous
écarter malgré nous.
Il eft fâcheux d'abord que des Ecrivains
qui prennent vm ton (i dogmatique , ne
foient pas mieux d'accord aveceux-méme^.
Dans ce même DiSionnaire Pliilojophique ,
où l'on juftifie la croyance des Philofbphes
Grecs & Romains, on convient que les
Sceptiques doutoient de tout ; les Académie
ciens fufpendoient leur jugement fur tout ;
Us Epicuriens étaient perjuadés que la Di- .
rinité ne pouvait fe mêler des affaires des
hommes ; &* dans le fond ils n'admettaient
aucune Divinité (a). Il n'eft donc pas aifé
de deviner quels étoient les Philofophes
Grecs & Romains qui admettaient un Dieu
fuprême^ rémunérateur Ér vengeur. On a}ou«
te même que le Sénat Romain , ce qu'il y
avoit alors de plus grand dans l'Univers ,
était réellement une ajfemblée £ Athées du
temps de Céfar Gr de Ciceron (b).
On nous dit que l'unité de Dieu & la
vie future étoient enfeignées dans les myf-
teres ; mais on a grand foin de nous aver-
tir que les Empereurs y les Grands & les
(a) Tome x , art. Athées » p. ^j»
Philofopha
DB LA Religion^ &c. ^6i
Çhilojbphes navoient nulle foi à us myf-
teres (a). Et comme il eft certain d'ailleurs
que les myfteres n'étoîent pas révélés au
commun du peuple • ce n'eu pas un petit
embarras de fçavoir où la croyance d'un
Dieu fuprême , rémunérateur & vengeur ,
pouvoit alors fe réfugier.
Mais le privilège de nos adver&ires eft
de ie contredire; il faut chercher la vérité
ailleurs que dans leun écrits,
S. 3.
i^. Quand il eft queftion de découvrir
la £bi des anciens Philofophes, l'importance
de la matière demanderoit que l'on produL*
sît en preuve , non pas de vaines conjec-^
tures » mais des témoignages clairs» précis»
inconteftables > de ces fages fi vantés. S'ils
oat cru un Dieu fupréme, rémunérateur âc
vengeur , il n'eft pas à préfumer qu'ils n'ea
uient jamais parlé dans leurs écrits. Outre
leurs, propres ouvrages , nous avons dans
Diogène-Laërce , & dans d'autres Auteurs
le pirécis de la doârine des différentes Sec*
tes de Philofophes. U feroit donc très-à-pro*
pos de former , de leurs divers témoignages p.
une chaîne de traditions fur le dogme eflen*
tiel d'un Dieu fuprême , rémunérateur &ç
(a) S uiceies Mélanges de Lisi^amrciia>8«» tome i > arc»
Çhrijiiamfrne , 2* ^^9*
Tom^L H h
5<52 Apologie
vengeur. Comment , parmi tant dedifcîpl^
fi zélés pour la gloire de l'ancienne PhiloCo-
phîe , ne s'eft-il encore trouvé perîonne
qui Tait entreprb , fi la chofe eft pofiible ?
Le içavant Freret , fi verfé dans la conooif-
fance de l'antiquité, avoit eflàyé decaflèm-
bler quelques traits épars de la doârine
Philofophique ; il n'a pas été difficile de lui
montrer combien la preuve qui en réfiilte
eft imparfaite , coad»en la foi des anciens
Philoiophes a toujours été chancelante &
incertaine (a).
2^ Si les Philofbphes avoient profefTé
f unité de Dieu d'une manière auffî claire
qu'on le prétend , eft-il poflible que Cicé^
ron y qui les avoit étudiés avec tant de foin ,
eût éié encore fi timide & fi inéfolu fur
cette grande queâion? Il met ai problème »
non pas s'il y a un Dieu unique ous^ily en a
plufieurs ; mais s'ily a des Dieux ou s'il n'y en
û point. Après avoir pafle enrevUe toutes les
Seâes > il ne içait àJaquelle donner la préfé-
rence ; il finit par trouver plus praifim^
hiable le fendnien^ des Stoïciens qui déi-
fioiônt toute là n^tiK^e ( ^ >• Parmi tous ces
Interlocuteurs , il n'y en ai pas un qui affirme
diftinâement qu'il y a un Dieufi^rimc ,
Ut) Cccdtude des ptt avcs da Cfctift, c. ^, f i.
DELA Religion, &c. ^6y
rémunérateur &* vengeur* Il eft furprenant
que les Philofophes du 1 8^ fîècle pronoiv-
cent fi définitivement fur un fait , dont c«
gratid homme paroic n'avoir eu aucune
connoi(&nce.
On dira peut-être qne les anciens n'(K
foient pas parler plus clairement : & voilà
jufiement ce qui m'étonoe , qu'il y ait eu
tant de Philofophes aflèz hardis pour dire
nettement , il n'y a point de Dieu ; & qu'il
n'y en ait eu aucun aflèz courageu^ pouc
dire , il rHy en a qu^unfeuU
3^« Il eft encore plus fingulier de voit
nos grands Critiques donner libéralement
aux anciens Philofophes, des lumières que
ces fages eux-mêmes ne s'attribuoient pas;
& foutenir l'inutilité d'une révélation for-»
naturelle , pendant que les anciens en re-^
coanoiilbient la néceffité. Platon , dans le
fécond Alcibiade , ùàt dire à Socrate : « li
3» faut attendre que quelqu'un vienne nous
30 inflruire de la manière dont nous devons
3» nous comporter envers les Dieux & en^
39 vers les hommes Jufqu'alors il vaut
a> mieux différer l'oi&ande des facrifices,
^ que de ne fçavoir , en les offrant , fi on
3» plaira àDieu, ou fi on ne*lui plaira pas »•
Dans le Phédon , s^rès que Socrate a dît
ce qu'il penfe fur Pimmortaiité de l'ame &
fur la vie à venin > ua de (es difciples ré-
H h i j
5<54 Apologie
' pond : a La connoiflance parfaite de ces
» chofes, dans cette vie , eft impoilible^ ou
» du moins infiniment difficile • . • • Le fage
a» doit donc s'en tenir à ce qui paroît plus
» probable » à moins qu'il n'ait des lumières
4» plus fûres , ou la parole de Dieu lui-même
» qui lui ferve de guide ». Dans VEpino-
wis Platon reconnoît que la piété eft la
vertu la plus defirable ; mais qui fera en
état de Penfeigner^ dit- il , Jî Dieu ne lui fin
degui4t ? Cicéron ^ dans fes Tufculanes (a) ,
avoue de même la foibleflTe de la lumière
naturelle , le danger prefqu'inévitable d'être
entraîné par les erreurs vulgaires 8c par I9
corruption générale.
Enfin Julien lui-même , ennemi déclaré
de la révélation Chrétienne . convient qu'il
en faut une. a On pourroit peut-être , dit-
» il , regarder comme une pure intellîgen-
a» ce , & plutôt comme un Dieu que com-
a> me un nomme , celui qui connoît la na-
aiture de Dieu (b). Si nous croyons Tame
a» immortelle , ce n'efl point fur la parole
» des hommes , c'efl^ fur celle des Dieux
a> mêmes qui peuvQAt feuls connoître ces
a» vérités» (c).
Il paroît par ces aveux , que les anciens
id) De nau Deor» t } , n* i & £•
(2>) Lettre à Themidîus.
(c) Lc^te i Théodore | Pontife.
DE LA RhLIGIOK, &C. ^6f^
Phllofopheâ étoient plus modifies que ceux
d'aujourd'hui* Les oremiers avouent l'in-
jfuilildnce de la raiion , pour connoître &
pour adorer l'Etre fuprême; les derniers fe
fâchent , dès qu'on leur parle de révélation :
Je ne dais penfer que par moi" même & pour
moi-même s dit impérieufement Boling-
broke : Tu adores un Dieu par le Pape s eh
malheureux ! adore un Dieu par ta propre
r ai/on (a). Ehl malheureux vous-même i
de quel front exigez-vous de moi « ce que
Socrate , Platon & Cicérôn n'ont pu faire ?
4**. Quand la croyance des Philofophe^
anciens feroit cent fois plus certaine ^quelle
influence art-elle eu fur la manière de pen*
fer du commun des hommes ? Dieu a-t^
il dû fe révéler feulement aux Philofophes »
ou au genre humain ? £lt qu'efl-ce que
cette poignée de Doâeurs , fur la totalité
de notre efpèce ? S'ils ont été fi éclairés ,
pourquoi ont-ils réfervé la vérité pour eux-
ieuls ? Le dogme d'un Dieufyprême , rému*
nérateur Gr vengeur ^ étoît-il afTez peu im-
portant à la fociété , pour qu'il ne valût pas
la peine d'être enfeigné en public? Ou l'hu-
manité eft-elle trop peu de chofes aux yeux
du fage , pour qu'il daigne prendre le foin
de l'inflruire ?
mmm
( a ) Exaaicn imporuiu » Froémium t?'\\ i,^
H h M]
^66 Ap^oloôi»
Dans tov» les pays du monde , les Phî-
lofopbes admettoient .un Dieu fuprême>
fémunératew & vengeur ; ainfi l'ont dé-
cidé nos Critiques modernes ; mais en quel
lieu du monde art-on vu un temple érigé à
la Divinité fous ce titre fublime ? Par-tout
on adoroit Jupiter , & par-tout ce Dieu
prétendu étoit révéré avec les fymboîcs les
^ plus injurieux à la Divinité» avec l'aigle de
Gaiwmede , avec le taureau d'Europe, avec
les ugnes de Junon, fa foeur & fon époufe :
& fous ces emblèmes fcandaleux » il rece-
voît l'encens desThilofophcs , comme celui
éc la multitude. Ovide , qui n'étoit certai-
nement pas un Moralifte fort févere , at-
tefte qu'on ne pouvoit pas entrar dans les
temples , fans avoir les yeux frappés d'ob-
us ot^cenes & fcandaleux (a).
5. 4.
• En fuppoiknt pour un moment , que les
6ages de toutes les Nations reconnoiflbient
un Dieufupréme , fera-t-îl plus aifè de prou-
ver qu'ils reconnoiflbient un DUu unique ?
Nouvelle queftion fur laquelle on cherche à
nous donner le change , & que Ton décide
«n peut trop légèrement.
l^ L'unité de Dieu & la vie. future
«tati
i4) Ovid. Trîfti 1* a I Y* x^o.
DE Zk ReLI'SION^&C. 567
étoient , dit^on , enfeignées dans les myf^
t^es. Pouc toute preuve on apporte un fragr
xnent de vers d'Orphée xpa^ l'on rédtoit
en fimflant la cérémonie de l'mltiatioxù
Mais eft;il bien certain que l'on n'y ait rieii
ài% qfii fûtxapable d'obCcurcir la leçon rei>-
fermée dans ces vers ? Cicéron qui avoic
été initié lui-même > cBt que dans les m^fte**
res l'on puifoit plus de connoiflance fur la
Phvfîque que fur les Dieux (a )« L'on fçatt
d'ailleurs les indécences » les turpitudes que
le libertinage introduifît bientôt dans cette
cérémonie , & que les Pères de l'Eglife ont
•reprochées aux Payens. Eft-ce done-là
l'école où les hommes dévoient puîfer la
connoi&ncede la DivinitéPSil'onii'y avok
cmfeigné que des vérités utiles » eft-il à pré>
fômer que les Empereurs » les Grands & les
Pbilofophes en euflent conçu le méprit
qu'ils en témoignoien t (b)}
•2^ Quand les Payens appeUoIent Jupiter
très'hon &• très^grand^ ou kfcre dîs Vuwif
& des J^ommei , pré€endoient-ils lui attri^
buer par4à une lupériorité de nature ivà
les autres Dieux , ou ièulement une préémi^
nence de rang & de pouvoir ? La^ Fable m
THiftoire , le? Légiflateurs ni les Philofo-
'^— —— ■ iiiii I ■— — — I ,■ III 'î
• (a) Dt Nau Deor, 1. 1 ^ n, iio. V» Nouvelle Démott^
traiioii Evangéliquc de M Leland , tome i , p. $ i.
<h, DiCt, PhiJ. arc. ChrîJHanîTme, p. zi^.
H h iv
'^6S Apologif
phes , ne nous fourniflent aucune preuve
iiéciiîve pour réfoudre cette importante
Sieftion. Partager la nature divine entre le
ieu fuprême & une foule de Dieux fe-
condaires , tous éternels comme tui , & par
confèquent indépendans, n'étoit*ce pas
fjéellement la détruire ?
On nous dira que ces Dieux n'étoient
que des Génies ou des démons , des Intelli-
gences du iècond ordre , quoique fupécieu-
xes à rhumanité , bien difierens du Dieu éter-
nel , fouverain Seigneur & Créateur de tou-
tes chofes. Cela eft très-bien ^ mais dans
quels monumens pui(êra-t-on les preuves
de cette doârine ? Dans les écrits des Pla*
toniciens du troisième ou du quatrième
fiècle , de Plotin , de Porphyre , de Julien,
de Jambliqae , de Maxime de Madaure ;
c'eft-à-dire , chez desPhilofophes qui , éclair
rés malgré eux par PËvangile , par les le '
^ns de r£coIe Chrétienne d'AIexandsie »
■par les reproches continuels des Pères de
l'Ëglife , avoient enfin ouvert les yeux fur
le chaos des opinions de leurs anciens Mai*
très , s'attachoient à épurer le Paganifîne ,
& à en rendre le fyftème moins révoltant.
Mais c'eft dans les anciennes écoles d*A-
thènes qu'il "faudroit montrer la fource de
toutes ces nouvelles imaginations , dans les
écrits de Zenon „ d'Epicûre, d'Ariftote ou
r
DE LÀ Religion, &c^ ^tf'jjj
de Platon ; & c'eft ce qn'onr ne fera jamais.
Nos Critiques , qui ne cherchent qu'à trom-
per le ledeur , lui donnent gravement le
Paganifme moins groffier du troifième & da
quatrième fiècle , pour la croyance des Phi-
lofbphes d'Athènes & de Rome ; pour fou-
tenir leur paradoxe , ils font un anachro-
nifme de quatre à cinq cens ans,
3^. Quand il feroit vrai que chez les
Payens il y avait la Religion dti fages &• ,
celle du vulgaire ; que les fages abkorroient
non-feulement Vidolâtrie^ mais encore le Po^
lythéifme (a) , que s'enfuivroit-il contre
là néceffité d'une révélation ? Cette pré-
tendue religion des fages > renfermée dans
im très -petit nombre de têtes , couverte du
voile impénétrable des myfteres, n'étoît
•d'aucune utilité pour le refte du genre hur
mdn ; les Nations entières n'en étoient
pas moins plongées dans l'erreur & dans le
vice; elles n'avoient pas moins befoin d'un
Maître envoyé du Ciel , puifque les Philo-
fophes dédaîgnoient de les infiruire. A
peine l'Evangile fut annoncé , que le peu-
ple le plus groffier apprit à honoret* un
feul Dieu , rémunérateur ôc^rengeur : il vit
enfin la vérité que les Philofophes s'étoîenc
obftinés à lui cacher.
(0) Diâ Pitilof. tome % I arc, Uçlitru, p* ^^ & ^9*
570 Apologie
4^. Mettre en thèiê qu'/Z iCy eut jamais de
Gùui/ernement idditre (a) y parce qu'un
petit nombre de T^ges abhorraient Pidold-
trie 5 c'eft (buteoir qu'il n'y eut jamais de
Gouverneoient Chrétien» parce qu'un petit
nombre de prétendus fages eut toujours le
Chrifiianifme en horreur.
S. y.
Mais que dirom nos fçavans Critiques >
il ndus leur prouvons encore la fauiZeté de
cette troifîème fuppofition; fi nous leur dé*
montrons que les Philofophes mêoneâ du
quatrième fiècle étoient encore > malgré
leur fttbtiltté , Polythéifi^s & IJMJi^ei dans
toute la rigueur àa teriQç i Juftifiieront-ils
4e ce reproche la&PhiîorQph^pios aji^iciens,
à plus forte raifon les Gouveraemeos & les
Nations entières ?
Porphyre afliire gravement que Us Dieux
Ipabitirtt dans Uut s fiâmes , & qyfihyfont
continus comme dans un lieufaint (b)n Jam-
blique avoit fait un ouvrage dam lequel il
montroit fue Us IdoUs étoient divines &
remplies d^unf fubjîftance divine ( c )• Un
Payen dit à Arnobe : Nous ne croyons
point q^e fairain» l'argent , l'or & les au-
(a) Diâ.«Phtlor. a». lioldau , p. 4^.
( b ) Eufib. prapar. Evang, /. 5 > c. z ^ •
(c) Phoiius, Biblioth, cod. iitf.
DE LA Religion, &c. 57!
très matières dont on forme les (imulachres,
foient des Dieux ; mais nous honorons les
Dieux mêmes dans ces ^mulachrts , parc^
que dès quon les a dédiés » ils y viennent ha^
iiter (a). Maxime de Madaure écrit à
S, AuguÂin ; La place pMique de notre piUe
eji habitée par un grand nombre de Divini-
tés j dont nous rejfentons le fecours Gr Pàffif-
tance (b). Julien s'efforce de prouver ; par
l'autorité de Platon , que le Dieu fouy erain
ordonna aux Dieux inférieurs de créer les
hommes & les animaux (c) ; il reproche
aux Juifs qu'ils adorent le Dieu qui gou«
Verne le monde , fans vouloir adorer les au?»
très Dieux (d). Celfe feit le même repro*
che aux Chrétiens dans vingt endroits dé
fon Ouvrage ; il les blâme d'avoir les
Dieux & les Idoles en exécration ; il tes ap*
pelle impies , parce qu'ils ne peuvent fouf»
frir les Temples , les Autels , les Idoles (e).
On peut voir d'autres pafiages des Auteurs
Payens dans VHiftoire de l'établij[[ement du
Ckrijiianifme de M»BuUet, dont nous fai-
fons grand ufage. •
C'eft une vaine fubtilité de dire que les
(d) Amoh. L 6 sn,iy , p. i^S»
< h ) Inter Epift, Augufi. Epifi 1 6.
(c) S. Cyrille contre Julien , 1. 1*
ià) Lettre tfj à Théodore, Poncife.
U> Orig, contre Celfe, I. 7 , a* }^ & ^a.»
37^ Apologie
ancieru m croyaient pas quuneftatuef&t une
Divinité ; que le culte ne pouvait être rap^
porté à cette Jlatue » à cette Idole , & que
par conféquent les anciens n^étoient point
idolâtres (a), i^ Le fait eft faux : félon le
rappprt de Diogène-Laërce , le Pliilofophe
Stilpon fut chafle d'Athènes , pour avoir
dit que la Minerve de Phidias n'étoit pas
une Divinité (b). 2**. Quand les Chrétiens
ont reproché aux Payens Vidoldtrie > ils
n'ont jamais prétendu les accufer de rap •
porter lein: culte à une idole \ mais à la
iaufle Divinité qu'ils croyoient préfente
ilans ridole. Si ce crime ne peut pas être
ttonimé proprement idolâtrie , ^el nom
falioit-il lui donner ?
Après des témoignages (ï fbrmeb» il
n'eft pas difficile de montrer en quoi con*
fiftoit le crime de l'idolâtrie des Payens. Il
confîftoit, i^. à ne rendre aucun cuite reli-
gieux au Dieu fupréme » feul Créateur &
Seigneur de l'Univers » tandis qu'ils prodi-
guoient leur encens & leurs offrandes à ces
Génies ou démons imaginaires qu'ils fup-
pofoient répandus dans toute la nature;
Jupiter lui-même étoit évidemment un de
ces Génies ou Dieux particuliers; 2°. A re-
(a) Dîa, Philof. art. Idolâtres , p. jo.
ib) Liv, vie- (te Scilpon.
DELA Religion, &c. ^73
vêtir ces Dieux fantaftiques des attriouts
eflentiels & incommunicables de la Divi-
nité, tels que l'éternité , la toute-puiflànce,
l'immenfité ou la préfence en tous lieux » la
connoiflance de toutes chofes; 3^ A repré-
fenter ces Dieux prétendus fous des images
& des emblèmes Icandaleux « obfcènes , pro<
près à corrompre l'efprit & le cœur de leurs
adorateurs. Cétoit outrager la Providence
divine , de fuppofer qu'elle ait pu permet^
tre toutes les abominations dont on accu-
foit les Dieux ; 4.^. A mêler dans le culte
de ces Dieux multipliés à l'infini des céré-
monies infâmes ; l'ivrognerie , l'impudicité ,
la proflitution , l'eiTufion du fang humain ;
& a Tuppofer que la Divinité pouvoit écou-
ter des vœux criminels. Tels font les dé-
fordres a£5:eux que r£vangile a bannis de
l'Univers , & dont les anciens Philofophes
ie font déclarés les défenfeurs & les apolo-^
giftes.
Pour en difculper les Payens , & même
les Philofophes , il faudroit anéantir tous
les monumens de l'Hifioire Eccléfiaftique
& Profane. Et l'on ofe écrire aujourd'hui,
iàns pudeur , qu!i2 ny mt jamais £ idolâtres
m £ idolâtrie; que Us Payens riétoient pas
jihiS, idolâtres que nous; qa^lefond de Uur
Mythologie étoit très-raifonnablel Les Chré-
tiens ont-ils jamais adoré un autre être que
•• »
574* Apologie
Dieu î Ont - ils rendu un culte religieux à
des Intelligences imaginaires ? Et leur ont'
ils fuppofé les attributs de la Divinité ? Ont-
ils jamais penfé que Dieu ou les Saints ha^
bitoient dans les images ? Ont-ils mêlé dans
leur culte des fcandales & des crimes f
On blâme les Pères de l'Eglife d'avoir
pris lesfabUs invetitées par des Poètes ùr par
des Romanciers pour le fond de la Religicii
des Gentils (à). Pour prouver qu'ils ont eu
tort 3 il auroit fallu dire en quoi cette Rel^-
gion coflfîfloit; il auroit fallu citer au moins
\m Temple dans TUnivers , où les Dieux des
Gentils ne fullent pas adoras avec tous les
fymbdes des fables«
Ce ièroit une dérifion de prétendre ;
avec l'Auteur du Chr^ianifme dévoilé y
que le Dejiin était un Dieu unique ^ auquel
tous les autres Dieux du Paganifme étaient
fubordannés , fir dont la nature entière fubif-
fait la loi fauveraine. Le Deftin étoît-il un
Etre intelligent & libre , digne de l'adora-
tion des honimes ? C'étoit une loi aveugle >
un enchaînement de caufes dont le prin^
cipe étoit inconnu (^> Chez les Poètes le
Deftin étoit enfent de k Nuit, frère des Par-
ques & de quelques autres perfonnages aui&
mmÊÊiÊÊmm^Êim^mÊmtamtmm\,
{Ci) Examen important, p. X17.
<&) Cicéron, 4zFato*
DE LA ReLI<3ION,&C. ^jf
peu réels. Le Deflfti étoit donc une ab-
lurdité que plufi^urs anciens ont rejettée,
& dont ils n'ont jamais voulu reconnoî-
tre le pouvoir fur les aftions libres des
hommes. .
S. 6.
Maïs peu importe à nos Ccnfeurs quel
Dieu Ton admette , pourvu qu'ils n'en foient
pas incommodés. L'Auteur du ChriJUanif"
me dévoilé perfi&Q àrejetter celui des Juifs
& des Chrétiens : Nous ne voyons en /Mi,dît-il',
qu^un defpote biiarre^ colère ^ rempli de cruauf
té , àHnjuftice , de partialité , de melignir
té y ÊT'c (a). C'eft*-à- dire, qu'il lui faut un
Dieu qui ne veille à rien , qui ne commandé
rien , qui ne foit ni rémunérateur ni ven-
geur , un Dieu tel que ceux d'Epicure, qui ,
heureux & renfermé en lui-même , ne s'emh
barraife ni dufbrt nr de la conduite des créa-
tmrcs ; à ces conditions l'Auteur pourra
peut-être fe réfoudre à reconnoître un Dietiv
Nous avons déjà démontré ailleurs la fauflcté
des blafphèmes qu'il ofe prononcer contre
la Divinité ( i).
Eft^ct connoître la^ Divinité^ xontînucHr
(tf ) Chnft. dévoilé, p. 9%* Militaire Phîlofophe^, c. lo^
f, iti, le Lence â Eugénie , p.. 4^ & 51. Gonca^on- ûir
crée, c. 15 ^p. 140» '
(*)Ci.deflu$,c. ^,=5. i&j.
57^ Apologie
s-il , que de dke que ceft un efprît , un être
immatériel, jui ne rejfemble à rien de ce que
lesfens nous font connoître ? Selon cette rare
doârine > il faut donc dire que Dieu ^efi
un corps , un être matériel ; comme tous
les autres corps que les fens nous font con-
noître. L'Auteur a-t-il entrepris de fubfli-
tuer à la Religion , le Matérialifme de Spi-
noÙL?
De même il ne veut point que l'on at-
tribue à Dieu l'infinité j l'immenfité , r éter-
nités la toute^puiJfance\, lafcience de toutes
chofes : ces attributs , félon lui , rendent
Dieu plus inconcevable. Mais ce n'eft pas
feulement la Religion qui attribue à Dieu
ces perfedions , c'eft la raifon & la Phi-
lofophie ; les plus fages d'entre les Payens
ne l'ont pas conçu autrement. Il auroit été
fort à propos que l'Auteur eût daigné nous
apprendre ce qu'il entend fous le nom de
JDieu , & quelle idée il- s'en êfWbrmée ; il
ne nous eft pas po^le de le deviner. Si
Dieu n'eft ni infini , ni éternel , ni préfent
par-tout , ni tout-puiflànt , ni fouveraine-
ment intelligent, qu'eft-il donc? Quel
monftre veut -on mettre à la place de
Dieu?
L'Auteur nous reproche peur la troifiè^
xne ou la quatrième fois , cpi'on ne peut con*
cilier la fageilè , la bonté , b juAice avec la
conduite
DE LA Religion, &c. ^yj
conduite que nos Livres faints attribuent a
X>ieu« N'eât - il pas mieux valu , dit - il ,
laijfer l'homme dans Pignorance totale de la
JDivinité^ que de lui révéler un Dieu rempli
de comradiâions * qui prête fans cejfe à la
difpute, qui lui fer t de prétexte pour troubler
Jon repos f
Avant que Dieu fe fût révélé , l'homme
Ti'étoit pointidemeuré pour cela dans un^
ignorance totale de la Divinité ; au défaut
ce la connoiilànce du vrai Dieu » il s'étoit
-fait des Dieux imaginaires , & une Religion
fauflè. Cette Religion » loin de contribuer
à fon repos , étoit au contraire la fource
d'une frayeur continuelle , foit par le carac-
tère bizarre & malfaifant que l'homme at«
tribuoit à fes Dieux , foit par la foi aux
fonges , aux fortiléges , aux préfages bons
ou mauvais ; terreurs paniques & toujours
renaiflàntes , dont Cicéron a déploré avec
raifon la tyrannie , & que le;; Philofophes
€ux*roêmes avoient entretenues par leurar
raifonnemens & par leur conduite ( a )•
Nous avons déjà montré > chap. 3 > $. 20 ,
combien il eft faux qu'avant la révélatioi>^.
le genre humain ait été plus tranquille , plus^
heureux , plus vertueux qu'il ne f efl autour^
ë'hui.
lâ)Cîr.(ï«i>5yriiJ.i,ilafia,
Jome U It
57^ Av ùLX)0it
Nous cxHivenons que IaKdiigion troulle
le repos ck Pisnpie ; en lai mettant devant
les yeux un Dieu }ufte y (âge > tow-puiflànt,
rémunérateur & vengeur ; die refiiraye au
milieu de fes crimes , elle le déchire par des
remords., elle répand l'amertume usr fes
plaifirs , elle lui fait envllâger ua avenir
terr&k & malheureux : voilà ce qu'on ne
lui pardonnera jamais , & ce qui excite
contr'eUe la haine & les déclamations des
prétendus Philofophes«.
Enfin FAuteur en vient à nos Myt
teres.
Il foutienc (pie le Chriâiantfme ne re-
connoît point le même Dieu cpie Moî&«
Selon lui , nous adorons ime Divinité tri-
ple , fous le nom de Triaké , ou trois Dieux
qui n'en forment (pi'uii(a> Ceft une ca-
tomnie réfutée par nos (^téchifines. Nous
croyons tr©» Perfonnes , & non pas trois
Dieux ; une Divinité unique , & non pas
une Divinité triple. D eft de Téqiiité na-
turelle de ne point altérer notare crayanco
I» notre langage. Noias avoaoûs que et
myftere ^ incom^âienfîble , & jaxs^
«Ml-
(fl ) Chrift. dévoilé, page 54' Militaire Philofophe,
DE LA RbLIGICIT. &C» ^p
nous n'entreprendrons de l'accorder avec
les lumières de la raifon ; mais nous où>m
défier les Fhiloibphes de montrer qu'il ren^
ferme comradiâion.
Il ne feroit pas aifé de concilia nos CnU
tiques entr'eux. L'Auteur du Ckriflianifi,
mt dévoilé foutient que le dogme de la
Trinité eSt emprunté de Platon C^) > celui
^ VExojmn imputant montre au con^*
traire que la Trinité de Platon étoit d'onii
autre efpèce que la Trinité des Chré^
tiens (h) 'y que l'opbioa de Platon eft in»
teUigifaie , & que celle des Chrétiens ne
Fefl pas* Le même ait qfiOrigènt fut U
frtmier qui donna la vogue au galimathiaf
de la Trinité qvfoti àvoU aubliée depuis Juj^
tin (c). Et dans le Tfaité fur la Tolé-^
nonce , on accufe Origène d'avoir nié un
Dieu en trois perfonnçs (d)* Nous ioftan
mes difpenfés de c^>ondre à des adverfai"
res qui le réfutent eux-mêmes, '-
L'Auteur de VExanwi important iap-
poiè que le myftece de la Trinité efi prmcî*
paiement fondé (ur un pafiage ini&é spsH
coup danslapremieseEpitredeS» Jean Çe%
(a) Chrfft. iéyoiléytbii,*
(fe) ml •
ii) Chap.^,pb7i,
mÇefri^t.7, ^...
gSo Apologie
C'eft une double erreur. La prétendae
falfification de cette Epître eft uoe caiom-
nie ; & le myft«:e de la Sainte-Trinité eft en-
feigne par J. C. en S. Matthieu , c» 2,S ,
>?• ip. Allex , enfeignei toutts Us Nations ,
£f bapdfei'lcs au nom du Père * du Fils Gr du
S. Efprit.
. D^ns tous les Livres que les Incrédules
ont en&ntés contre la Religion , ils ont eu
grand foin d'inculquer & de répéter fans
celle que la plupart des articles de iot que
nous croyons aujourd'hui, étoient inconnus
dans les premiers fiècles; qu'ils ont été
forgés par les définitions des Conciles » &
par les raiibnnemens éts Théologiens.
C'efl ce qu'on lit dans les EJfaisfur l'Hif
taire générale (a ) , dans le Traité, fur la
Tolérance (b), dans la troifîème Lettre
fur les Miracles (c)^ dans le Diâionnaire
Fhilofqphique (d), dans Y Examen impor^
tant ( e ) , &€. &cw
Pour démontrer la fauflèté de cette af^
fertion téméraire , fiir chacun de nos dog*
vi^s en particulier , il faadroit un Traitée^
iThéologie complet ; & cet Ouvrage eft
ia J 1 ome « , c tfi , p. j 74.,
(h) Chap. II , p. 57. %
(£)Page4i.
(d) Tpme I , art. Chr'fi:cnîfmt, p. 108' 5 5t tome x » arc«
IRdigion, p. 13^.
|C)Cha^ti*^Pf<?7.C.ii,p. n7.C,%î,j?. »I:4|*C%
DE LA ReLIGIOI^. &C. . ^Sl
ûk il y a long^temps. On peut confulter
la Théologie dogmatique' des Pères , par le
P. Fétau , où ce fçavant homme a raÛèm^
blé, fur chacun des articles de la foi Chré^
tienne »/les pailàges de l'Ecriture Sainte ,
& ceux des Pères de l'Eglife qui les éra*
bliflent , & qui fonnent une chaîne de tra-
ditions confiante, & indiflbluble. Les fup^
poiitions vagues & frivoles de nos adver^
fâires ne détruiront pas les monumens de
Aotre foi*
$. 8.
Four tourner en ridicule lemyftere cfo
l'Incarnation , l'Auteur du CkriJHanifine
dévoilé continue à défigurer notre croyan*
ce. U dit que la féconde perfonne de la
Trinité , renonçant à fa divinité , s'eft re*^
vêtue de la nature humaine > & , [to une
contradiôion choquante» il reconnoîti quel*
ques lignes plus bas , que, félon la foi Cfaré-
tienae , un Dieu fait homme yfans nuire à-
fa divinité , a pu fouf&ir & mourir (<x)« H
ibutient que ces notions ahfurdes font em*
pruntées des Egyptiens, des Indiens , & de^
Grecs 'r nouvelle contradiâion* Il nous a
fouvent répété. que les Difciples de Jefu»
r -irimr-i — r-p^
( A) Chrift. àhoWk , p. $6. 6* L^ure à Ciigénk> p»^ 14^
Çonugioa factée « c^i S 7 p* H u
^$2 A P O LO G I E
étoient des ignorans : & il fi^^ofe qu'ils
font dklés étudier chez les Egyptiens » chez
les Indiens » chez les Grecs ou chez les
Chinois , la doârine qu'ils nous ont en^
feignée. Il nous a fait remarquer encorfi que
les Juifs avoieot en horreur la Re^gion des
autres peuples ;; & il veut que le jQhrlftia-
BÎùnc né en Judée foie une cc^ie des ikbles
payennes.
L'Auteur de l'£x^aiten important qui
pofe pour principe que les Juifs, ont tout
pris des autres Nations (a) , ne raifonne pas
plus conféquerament. Nos Critiques n^ont*
ils pas banne grâce après cda de nous re-
procher des abfiirditâ & des contradic*'
tions ?
Toujours ûxc le même plan » la réfur-
ïeâion de J. C. eft la même chok que
celle de l'Adonis Phénicieii , de l'Ofîris
Egyptien , ou de TAtys de Phirygie ( i):
e était remblime élune nature fériodiqut^
ment mourante & renaijfante* Ainfî les
Apôtre qui ont fouteou qu'ils avoient vu
kut Maître refTufcité , qu'ils avoiem con*
verfé » bu & mangé avec lui pendant 40
jours , font ailés che»:heir cette hi&oife
«a Phénicie ou en Pi»rygi^,
pELARELiatON,&C, 3»J
Mais dans qu«Ue fource FAuteur lui-^
même at-il puifé l'explication qu'il donn«
des fables d'Egypte & de Phénicie ? Dana
der fiècies où les peuples étoient encore
plongés dans l'igoorance & dans la bar*
harie la plus groffiere , étoient-ils aflèz in*
génieux pour repréfenter fpus des emblè*
mes fi myâérieuar , lès opérations de la na^
ture?Et qui lui a ditqu'Ofiris> Adonis»
Atys , fignifient la nature ?
L'Evangile n'a rien de commun avec les
febles Payennes ; hs Apôtres n'ont eu
d^autre Maître que J. C , & ce divin Legif
lateur a puife fa doârine dam le fein ^
Dieu fon père.
L'Auteur du ChriJIianifme dévùïlé coïVf
dut que ces myôeres, loin de nous don-*-
ner de nouvelles lumières fur la nature di^
TÎne, ae fervent qu'à redoubler les nu^get
<fxï la voilent à nos yeux ( a )* Fauâè eon-*
féquence déjà réfutée trois foie. Diea e^
. incompréhenfible par fon efiencé, puif-^
qu'elle efl infinie: les myfteres qui jnçui
font mieux fentir cette iîKompréhenfîbfr
}ité fervent donc à nous donner ufie idée
plus jufle & plus fubiime de la nature di**
vine. Dieu fera toujours à nos yeux im
Dm caché ; & il oe poit étce autreoienc ;
5^4 AFOtOOlB
les myfteres, en mortifiant la curioiités
doivent nous rendre plus humbles : en nous
apprenant ce que Dieu a fait pour nous ,
ils doivent nous rendre phis reconnoif-
fans. Telle eft la feule lumière dont nous
avons befoin ; les connoiflances Phitofo-
phiques n'onc point fervi à réformer les
nommes , la foi feule produit les vrais
5. p*
Mais comment un Dieu bon peut-'i! per-
mettre que la race humaine foit malheu-
reufe en ce monde & en l'autre > Comment
laiffe-t-il à fes créatures une liberté flinefte
dont elles abufent ? Comment Dieu fouve-
rainement heureux peut- il être ofiènfe de
leurs aâions ? Comment Dieu peut-il &
faire homme & mourir ? Autant de que(
tions déplacées & ridicules ; on peut les mul*
tiplier à rinfini. Il n'y en a qu une feule à
faire : Dieu nous a-t^il révélé quelque cho-
fe ? s'il l'a f^it , fi cette révélation eft évi-
demment prouvée , il faut la croire.
Un aveugle-* né ne fatigue point ceux
qui ont des yeux par des queuions conti-
nuelles fur les couleurs & fuc leurs. pro-
priétés ; il les croit fans lés comprendre :
avons- nous meilleure grâce dé demander
à Dieu comment & pourquoi. fl arévçlé
des myiteres i^^ Il
DE LA Religion, &ۥ 38J
Il eft encore plus mal de dégoifer notre
croyance , pour la rendre odieafe, & d'y
mêler de fauflès fuppofitions. Nous ti'avons
jamais cru ni enfeigné qu'«/x Dieu tout^
puijfant ri a pas le pouvoir £ empêcher le
mal ; que Dieu ejl jufte * mais partial ;
qu'il efi clément & implacable ; qu'Û ejljîm-
pie Cr quil fe triple ; qu'il eft mort faute
de pouvoir fatisfaîre autrement à fa jujiice
divine (a)* Ce font-là autant deblafphè-
mes ;Sifaut renoncer à la bonne foi, pour
avancer fur de pareilles imputations^ qu«
nos myfteres rendent la Divmité ridicule »
qu'ils la défigurent , qu'ils anéantiflent foa
exiftence , qu'ils troublent la raifon des
hommes»
En vain l'on nous objefte que les Théo-
logiens & les Philofophes ont difputé fur
quelques-unes des preuves de l'exifience de
Dieu , & que plufieurs ont été accufés d' A-
théifme. Qu'importe , dès que l'accuf^tion
étoit calomnieufe ? Tous , fans exception ,
conviennent que l'exiftence de Dieu eft
folidement démontrée par le fpeâacle de
l'Univers , par la njsceffité d'une première
caufe & d'un premier moteur , par la no-
tion d'un Dieu répandue chez tputes les
(fl) Chrift. dévoilé, p. loi. (je tcCUe â Eui^éme ^ p. 145.
Contagion facrée > c« ^ j p. j|«
Tome If K.1^
3^6 Apologib
Nations de l'Univers , par les idées de veita
que la nature a gravées dans nos cœurs. Les
uns font plus afièâés d'une de ces preuves,
les autres d'une auije ; mais en préférant
Fune , ils ne détruifent pas les autres.
Puifque nous ne concevons pas la Divi-
nité, pourquoi en raifonner fans ce£ef Parce
que cela eft néceflàire. Sans la notion d'un
Dieu bon , jufte , fege, confervateur , rému-
nérateur & vengeur , il ne peut y avoir au-
cutie vertu ni aucune fociété folide & heu-
teufe parmi les hommes ; nous le démon-
trerons dans la fuite contre les fophifm^
de l'Auteur^
En parlant de Dieu , il l'appelle VEtrz
nécejjaire qui gouverne la nature par des
loix immuables ; & c'eft un des dogmes
irréfragables de la nouvelle Philofophie ,
l'immutabilité des loix de lanatiire , pour
toutes les créatures fans diftinâion. Point
de différence entre les agens néceilàires &
les intelligens libres \ tous les événemens
font un chaînon ^de la grande chaîne du
dejlin ; la liberté d'indifférence eft un mot
vuide de fens inventé par des gens qui nen
avaient guèr es. Lors même que nous croyons
agir librement , nous ne faifons que fuivre
l'impulfion des idées que Dieu nous a don-
nées , & qui nous font venues néceflaire-
ment..Dieu , qui eft l'ame de l'Univers , eft»
DE r.A Rejlïgiok, &c. ^87
à proprement parler , le feul agent ; tous
les autres font entraînés par le mouvement
général de la machine. Ce font les vieilles
opinions des Stoïciens renouvellées dess
Grecs , & de ce fyftème il n^ a qu'jiia
pas jufqu'à celui de Spioala.
Telle eft néanmoins la Métaphyfîqud
fublime dont les principes & les confe-
qu^ncès font étalés dans tous I^ Livres des
Incrédules ; dans la Pkiiofophàa. de L^Hif-,
toire (a) '9 dans le Traiié fur la Toléran^
ce ( fc j 5 dans les EJfùs fwr CHiflàire gêné-*
raie (O; dans les Mélanges d^Hi/ipire , de
Littérature &* de Pkihfophie (d) -y àiàns le
DiBionnaire FhiUfophique ( ç ) ; dans V Exa-
men de la Religion , par S. Evremont (/) ;
& fans doute cette doârtne n^e peut man-
quer de contribuer inêniment à la pureté
des mœurs & mi bien de la Coeiété*
m
<fl) Chap. jj, p. if9.
( b ) Chap. 1 ) , p. X 4i«
( c ) Torae 8 , Keraarques , pu* 14.
id) Tome z , c. 60i p, 40^ ; & tome 3 , p. I4tf«
(e) Art. Chaîne dis événvntm , Défia, Ubertéf 9CC%
{/) Ch. 9>p. 116.
Kki|
588 Apologie
CHAPITRE VIII.
Autres Myjleres 6* dogmes du Ckrif-
tianifme.
A-'AuTEUR dtt Ckrifiianifme démU
continue dans ce chapitre 1er méthode qu'il
a fuivie dans le précédent ; il altère , D dé-
guife la foi des Chrétiens pour la rendre
odiéufe ; il forge des erreurs , pour avoir
le plaifir de déclamer contr'elles. Quoiqu'il
foit fort defagréable de n'avoir à réfuter
que des calomnies » nous devons cette ré-
paration à la vérité.
N'eft-ce pas une injuftice criante , d'im-
puter pour la féconde fois au Chrifiianif-
me la prédejiinaticn abjilue , l'un des plus
afireux dogmes de Calvin ? A Dieu ne
plaife qu'un Chrétien Catholique s'imagi-
ne jamais que Dieu deftine le plus grand
nombre des hommes aux tourmens éter-
nels {a) y qu'il leur donne le libre arbitre ,
afin qu'ils en abafent ; qu'iZ ne leur permet
d'agir que pour avoir leplai/îrde les plonger
(a) Chrift. dévoilé, p. X04. Militaire Philof» c. 20|
DE LA Religion, &c. 589
dans Venfer. Nous déteftonsf tous ces blat
phènles i nous croyons au contraire , &
nous confeffons que DUu veut fincèrement
Jauver tous les hommes , & les conduire à la
eonnoijfance de la vérité {a) ; que /. C ejl
mort pour tous les hommes » fans exception (p)\
qu'iZ ejl le Sauveur de tous les hommes , mais
fur ^ tout des fidèles (c); qu'en vertu de
cette volonté divine & de la rédemption
de J, Cl Dieu donne à tous les hommes»
fans en excepter un feul , des moyens plus
ou moins abondans , plus ou moins effica-^
ces , mais toujours fuffifans pour le con**
noître & pour pratiquer le bien ; que ces
moyens laiflènt à Thomme l'ufage plein &
entier de Ton libre arbitre. ; que perfonne
ne peut être damné que par fa fautes
Nous croyons l'éternité des peines de
l'enfer, parce que J. C. nous l'a enfei^-
gné (i) ; & nous foutenons que ce dogme
ne renferme rien de contraire à la juftice*
infinie de Dieu. C'eft un vain fophifme de
dire qu'il n'y a point de proportion entré
un péché a'un nioment , & un fupplice
qui ne doit jamais finir. Ce n'eft pas préci^
^MÉi
(a) I. Tint, i , 4«
(b)i. Cor. 5,1 y.
(CI. Tint, 4, 10.
(i) Dia.ôn. Phîiof* art. Enfer yp, 187,
Kkiij
5PO A^OIrOGÉS
lément la durée du crime qui eu £^t Tenon-
mité; la )uftice bufnaine condamne tous te
jours à la mort ou an banniilènient perpé-
tuel , un malfaiteur dom le criaie a été mo-
mentané.
En vain TAuteur du DiSimnairt Philo-
fophiqut avance que plufîeurs Pères de
rÈglife ne crurent point les peines éternel-
les. Origène eft le iêul auquel on ait re-
proché d'avoir donné atteinte fiir cet ob-
jet à la foi confiante & univerfelle de PEgli-
fe : encore les preuves de cette acciifàtion
ne Ibot-elkS pas fans réplique , pui^u'Ori-
gène a eu de fçavans apologiôes. La coti-
teftation qui s'eft élevée récemment fiir ce
même dogme entre le§ Miniftres Prore/-
tans de Suifie , eft abfolument étrangère à
rEgfife Cathloftque , & ne mérite a\xcuTis
attention : rien de fi foible & de plus mal
raifonné que l'Ecrit de Perit-Pierre contre
' l'éternité des peines de l'enfer.
Encore une fois, c'eft blafphémer contre
Dieu , de dire qu'il ne trie Phomme que pour
h rendre malheureux ; quUne lui donne U
raifort que pour le tromper y despenchans
que pour ï égarer^ la Hier té que pour le dé-
terminer à faire ce qui doit le perdre à ja-
mais (a). L'horreur que ces erreurs infpi-
■*■
ia) Ciinili dévoilé, p. xoft
ITB LA KELîGiaN,&C. J^ï
rent ne peut retomber que fur l'Auteur qui
les a imaginées.
On abufe groffièrement du t^me, quand
on foutiént que le dogme de la préàëflina*
tion gratuite etoit la bafe de la Religion
Judaïque. Le choix que Dieu avoit fait
du peuple Hébreu pour lui donner fa loi^
n'étoit point une prédeftination abfolue au
falut éternel ; en elioififlànt ce peuple i il
ne prédeftinoit point les autres à la damna-
tion éternelle ; il leur lailïblt des moyens
fuffifans pour le connoître & pour le fer-
vir ; il n'y avoit donc dans ce choix ni in-
juftice , ni partialité. Lorfque Dieu donne
à un homme plus d'efprit , plus de talens
naturels , un tempérament & un caraftere
plus heureux qu'à un autre , peut-on faccu-
fer de partialité ou d'injuftice ? Parce qu'il
ne partage point également fes dons , faut-
îl nier la Providence ? Si Dieu peut fans in-
^ftice mettre de l'inégalité dans les dons
de la nature , pourquoi ne pourroit-îl pas
&ire de même dans là diftribution de fes
bienfaits furnaturels ?
L'objet de notre travail n'eft point de
difcuter les opinions de ceux que l'Auteut
appelle Janféniftes & Moliniftes , & dont il
cxpofe fort mal les feiïtîmens i&)\ fincè-
IMI
U) Chrift. dévoilé , p. 107. ]
Kk iv
^^1 Apologie
tement attachés à la foi de TEglife , nous
n'adoptons aucun des fyftèmes qu'elle a
condamnés» Il eft faux que les Chrétiens
tonféquens foient de vrais fatalijîes ; pour
foutenir cette erreur , il faut renoncer à
tous les principes de la Religion Chrétien-
ne : ce font les Philofophes qui ont jugé
à propos de reilufciter de nos jours la
doArine monftrueufe de la fatalité , conune
nous l'avons dé}a obfervé»
On invente une nouvelle calomnie , en
BOUS accofant de croire un lieu de récom-
penfe & de félicité pour un petit nombre
d'élus , qui > yïnj aucun mérite de leur part ^
auront pourtant des droits fur la bonté de
leur Dieu » partial pour eux , cruel pour le
rejle des humains* Le Chriftianifme n'a ja-
mais enfeigné que la récompenfe éternelle
dut être donnée aux élus ^fans aucun mé-
rite de leur part» Une des vérités que les
Livres faints répètent le plus fouvent » eft
que le bonheur du Ciel eu le prix des bon-
nes cèuvres j fur-tout de la cnarité envers
le prochain. Quant au reproche de partia-
lité & de cruauté , que l'on fait à Dieu ,
nous y avons déjà répondu plus d'une
fois.
L'Enfer & le Paradis n^ont rien de com-
DE LARELtGION>&C. ^^^^
mun avec le Tartare & l'EIyTée desPayen^»
Ceux-d n'admettoîent pour la vie à venir
que des (upplices & des voluptés corpo-
relles ; notre Religion , toute fpirituelle»
a corrigé ces idées groflieres , & n'admet
après cette vie que des biens fpiritueis.
Vainement on prétend que la vie à venir
a été imaginée par des impofteurs ; une fa<>
ble ne fçauroît être la croyance de toutes
les Nations de rUniversrLesplus fauvages
croyent une vie des amcs après celle-ci ; le
cri de la nature leur a fait fentir que Tame
ne meurt point avec le corps : l'idée d'un
Dieu jufte leur a perfuadé que nos efpéran-
ces doivent fe porter au-delà du tombeau.
Les FhilofopHes, clans leur délire 3 ont beau
nous réduire à la condition des brutes ; la
voix de la confcience > plus forte que leurs
clameurs > nous fait fentir la dignité de no^
tre nature : c'eft un fentiment que la Phi^
lofophie n'arrachera jamais du fein de l'hu-
manité.
Nous avons à foutenîr contre FAuteur
du Chrijlianifme dévoilé , que non-fcule*
ment k dogme de la vie future , eft diâé
par la lumière naturelle , mais qu'il eft très-
néceflaire à la fociété. Il prétend & répète j
dans tout fon ouvrage , que ce dogme eft )
inutile , qu'il ne produit aucun bien : nous J
répondrons en détail à toutes les raiioni 1
3P4, ArojLOGrB
donc il tache cTappuyer ce parack>xer
§. 3-
1®. Selon lui X fe Légijlateur des Juifs
leur avait foigneufement caché le myfiere de
fa vie future & de Timmoitalité de l'ame ;
il ne iugeoic donc pas cette connoiilance
néceflaireC^)'
On s'eft eflForcé de prouver la même
chofe dans l^Traité fur la Tolérance (t);
dans la Philofophic de Œificnre (c) ; dans
le Diâionnairt Pkilofophiqut ; dans V Exa-
men important (d). On &it de fanglans
reproches à MoÏÏe d'avoir ignoré ce dog-
me eflèntiel , & de n'en avoir pas fait la
ba(è de Tes loix (e). Enfin Ton amire que
les Juifs des fîècles poftérieurs ont emprun-
té des Chaldéens » pendant la captivité , la
doâriqe de la rédirreâion , du Paradis &
de l'Enfer (/)• S'il y a donc un fait conf-
iant parmi les nouveaux Philofophes , c'efl
^e les Juifs anciens n'ont connu ni l'im-
(fl> Chrift-dévoHcjpi io8. ^e Lettre à Eugénie > p. 114.
( h ) Chap. H , p. 1 )o &: fuiv. '
(c) Chap. if , p. 115.
(d) Tome I , art. Ame , p. i^ ; Athées , p. ^ij Enfiry
p. 184 « & tome 1 , art. Rdîgron , p. ii6,
ie ) Arc. Enfer.
(f) Philof. dî I*Hift. c, 1 1 , p. Ç4 ; & c, 48 , p. 141,
»4 Lettre fur les Miracles, p. i 54^ Chrift dévoile , p. tio^
jExanien important, c. 3.» p. t^..
DE LA Religion, &c. jpjr
mortalité de l'ame , ni les peines & les ré^-
compenfes <le l'autre vie.
Avant de démontrer le contraire, il eft
bon de faire quelques obfervations.
Dans le DiElionnairt Philofophique (a),
& dans^la plupart des autres Ouvrages que-
nous venons de citer , on fuppofe que les
Livres de Moïfe n*ont été écrits qu'après
la captivité de Babylone j par conféquent
dans un temps où les Juifs avoient reçu des
Chaldéens le dogme de la vie future : com-
ment fe pourroit-il faire que l'Auteur Juif
n'eût pas inféré dans fon Ouvrage un dog-
me fî eilentiel ,. tandis que les Traduâeurs
Chaldéens le profeflènt hautement dans
leur Paraphrafe ?
On fait un crime à Moïfe de n'avoir pas fait
de ce dogme la bafe de (es foix ; & d'un autre
côté l'on élève jufqu'aux nues les loix , la
morale , la Religion de la Chine , où il n'eit
pas plus parlé de la vie future que dans les
loix de Moïfe, On n'a même pu citer au-
cun des anciens Légiflateurs qui ait fondé
fes loix fur cette croyance •
On fuppofe qu'au fiècle de Moïfe l'im-
mortalité de Tame , les peines & les récom-
penfes de l'autre vie , étoient des vérités
connues chez les autres Nations ; & l'on
( a) Tome 2 ^ arc. Moifi , p. 1 70,
^g6 Apolociie
tî'en peut alléguer aucune preuve fii aucun
monument , qui ne foient poftérieurs de
plus de 700 ans au fiècle de Moïfe. Tel!e
eft l'équité & la fagacité de nos Critiques.
Mstis venons au fait efTentiel.
Nous foutenons contr'eux , que l'immor-
talité de l'ame & la vie à venir , étoit usi
dogme ancien & cru de tout temps parmi
les Hébreux ; voici nos preuves.
.1^ Le foin qu'ils prenoient de donner
à leurs parens une fépulture honorable » &
le refpeft qu'ils avoient pour les tombeaux
de leurs ancêtres. Le Livre de la Genèfe
nous en montre des exemples chez les plus
anciens Patriarches , Abraham , Jacob , Jo-
feph. Ufage que Cicéron a regardé avec
raifon comme un témoignage authentique
de la foi de l'immortalité répandue chez
toutes les Nations (a). Ufage qui , prati-
qué de même chez les Egyptiens , eft une
des plus fortes preuves que nous ayions de
leur croyance.
2*^. La manière dont l'Ecriture s'exprime,
en parlant de la mort des Patriarches , elte
dit qùHbfont allés rejoindre leurs parens ou
Içur famille*
3^ La coutume abufîve & fuperftitieu-
fe d'interroger les morts pour appren-
mmti^
^a) TufcuL quaiji l 16, n, zj.
DE -LA RJPLTGION , &C* 597
dre d'eux l'avenir ou les chofes cachées,
Moïfe Tavoit défendu à fon peuple
dans le Deuteronome ( j ) , & il en avoit
déjà, parlé dans le Léi/inque (b). Malgré
cette défenfe , Saiîl fit évoquer l'ame de
Samuel ( c) ; preuve înconteftable que la
croyance de 1 exiftence des âmes après la
mort , a perfévéré conftamment cnez les,
Jui& depuis MoïTe jufques fous les Rois.
En vain l'Auteur du Traité fur la Tolérance
a fait tous fes efforts pour diflîmuJer les çon-
fèquences de cette luperftition ; la même
pratique rapportée par Homère (d)^ &c
copiée dans Virgile , £ft le monument le
moins équivoque de la croyance des Grecs
& des Romains. Nous fommes encore à
concevoir comment un ufage qui prouve
quelque chofe chez les autres peuples , ne
prouve rien chez les Juifs.
4.*^. Le témoignage des Ecrivains , pofté-
rîeurs à Moïfe , qui n'ont eu aucun çpm-
merce avec les autres peuples , qui ont
toujours détefté leurs opinions & leurs
mœurs , qui n'ont pu puiier la connoiflaq-
c^ d'une autre vie que dans la tradition
commune de leur propre Nation. L'Aij-
mmmmmmmÊÊimmimmmmmimimmmmmammmi^
(d) Deut, z8, ix^ .
(b) Levit, 10, ly.
ic) i. Reg» i8, II.
ii)Oiyff L. II.
5p8 Apologie
teur de VEccléfiafie , après avoir feît par-
ler un Incrédule qui décide , que llwmmt
meurt comme Us bétes » & qu'il n'y a point
de différence entreux , réfute enluite ce
langage infenfé ; & parlant xie la mort ^ B
dit : lorfque la pouffïere dont nous femmes
formés j rentrera dans la terre , ^ que Uef-
prit retournera à Dieu qui Va donné .- îl
ajoute que Dieu jugera toutes nos aSions ,
bonnes ou mauvaifes {a). Une preuve que
ce Livre a été écrit avant la captivité,
cVft qu'il eft en Hébreu ; & qu'après la
captivité il a été traduit en Chaldéen. Un
de nos Philofophes a tâché , par une Para-
phrafe infidèle , de perfuader que ce Liivre
eft la produâion d'un Epicurien : le texte
Hébreu & la paraphrafe Chaldaïque » dépo^
fent de concert contre la mauvaife foi du
Commentateur Philofophe.
-s^^. La leçon que J. C. fait dans l'Evan-
gile aux Sadducéens qui nioient la réfùrrec-
tion & l'exiftence des efprits î il leur repro-
che qu'ils n'entfndent point les Ecritures z
IT ave^'VOus pas lu , leur dit-il, touchant la,
réfurreSion , ce que Dieu lui-même vous a,
dit : Je fuis le Dieu d^ Abraham^ difaac €r
de Jacob ? Il r^efi point le Dieu des morts ,
mais le Dieu des vivans ( i ). Le Sauveur
Il iBi I — ■^-^^— ^—
(h) Matth. Il} ^i«
f)ELARELIGION, &C. . ^^p
Cuppofe par conféquent , que la vie future
vétoit un point de l'ancienne croyance des
Juifs ; & les Sadducéens n'ofoient pas ea
,di(convenir.
Cela ne prouve pas la réfurreSiion ,, re-
prend l'Auteur du Chrifiianifme àévoi-^
lé (a) y cela prouveroit plutôt que ces Pa-^
triarches ne font point morfj. EfFedivenaent,
cela prouve qu'ils ne font pas morts tout
entiers ; que leur ame furvit à leur corps,
& peut s'y rejoindre pour le refliifciter,
lorfque Dieu l'ordonnera. Les Sadducéens
ne nioient la réfurredioii , que parce qu'ils
ne croyoient point l'ame immortelle ; J. C«
les attaque par le principe.
Nous ofons défier tous les Philofophes
de nous donner des preuves auffi concluan-
tes de la foi des autres Nations , même des
Chaldéens , dont on veut que les Juifs aient
emprunté la leur.
Mais pourquoi Moïfe n'a-t-il pas pro-i
fefle plus clairement ce dogme fi néceflai-
re ? Pourquoi n'en a-t-il pas fait la bafe de
fes loix ? Quand nous n'en pourrions don-
ner aucune raifon , le fait en feroit-il moins
certain ? Nous avons déjà obfervé qu^au^
cun des anciens Légiflateurs n'a fait autre-
ment. Quelle néceffité y avoit-il que Moïfe
(a) page X 00.
400 Apologic
profefll^t plus clairement un dogme dont
fon peuple n'avoit jamais douté , & qu'il
avoit reçu par tradition de fes pères ? L'Au-
teur de VEfprit des Loix en a donné une
autre raifon : Moïfe connoillbit le génie de
fon peuple ; il craignoit probablement que
le dogme de la vie à venir > plus clairement
énoncé > ne fît naître chez les Juifs le même
abus que chez d'autres peuples , où il enga-
geoit les femmes , les fujets , les ^mîs , à fe
tuer , pour aller fervir dans l'autre monde ,
< ceux dont on pleuroit la mort (a).
§• ^
Les autres raîfons dont J'Àuteur du
Chrijiianifme dévoilé s'eft fervi pour mon-
trer l'inutilité du dogme de la vie à venir ,
font beaucoup moins importantes ; nous y
répondrons plus brièvement.
Ce dogme ^ dît-il , faifoit partie dufecret
qi^on révéloit aux initiés dans les myjleres
ues Grecs ; il nétoit donc pas connu du vul-
gaire. C'étoit fi peu un fecret , qu'il eft en-
feigné dans Homère , comme nous venons
de le remarquer : & il n'y a aucune preuve
^u'il fût enfeigné plus clairement dans les
xnyfteres.
Ce ne font point , pourfiiit-il , des terreurs
i a ) Voyez TE fpcû des Loix 9 1. 24 ^ g. z^*
éloignées ,
DE LA Religion, &c. 401
Soignées y que k$ pajjîons préfentes mépnfmt
toujours , ou du moins renient problémati-^
ques y qui contiennent les hommes ; ce font de
bonnes loix ; cefl une éducation raifonnable ;
ce font des principes honnîtes (a). Fort bien ,
il refte une queftion à réfoudre. En mét-
rant à part les terreurs éloignées de la juC-
tîce divine & de la vie future , quelle
force auront les loix y l'éducation , les prin*-
c:ipes honnêtes , & fur quoi feront-ils ap-
puyés ? Les paffions préfentes , qui mépri-
ient les terreurs éloignées , braveront-elles
moins les loix civiles dont on peut éluder
l'empire par le fecret, par l'hypocrifie , par
l'autorité, parla violence? Seront -elles
fubjuguées par l'éducation qu'elles regar-
deront comme un préjugé de l'enfance , ou
par les principes nonnêtes qui ne feront
qu'une belle fpécularion ?
Si les Souverains gouvernoient avecfagejfe
&* avec équité , ils fC^uroient pas befoin du
dogme des peines Éf des récompénfes futures
four contenir le peuple. Cela eft faux ; nous
le démontrerons dans la fuite. D'ailleurs
qu'eft-çe qui contiendra les Souverains eux-
mêmes? Qu'eft-ce qui les obligera de gou-
. veiner ave<^ fagelfe & avec équité ? Ils font
(tf) Chrî{i. dévoilé , p. 109. ^f Lettre à Eugénie /p. 12.^»
Contagion fag^ée, (< x 3 » p> .1 41^
Tome L Ll
hommes ; ils ont des paflions , & elles font
d'autant plus redoutables » qu'elles n'ont
rien à craindre des loix civiles. « Quand il
9> feroit inutile que les fujets euflent une
Si Religion , dit Montefquieu , il ne le feroit
9» pas que les Princes en euf&nt, & qu'ils
a» blanchîflènt d'écume le (eut frein que
V ceux qui ne craignent pas les loix humai-
» nés puiâênt ayoïr y> (a). Ai-je peur de la
loi JuUa » difoit Néron « en préparant k
poifon pour Britannicus ( & ) ?
Les hommes , continue l'Auteur , Jèront
toujours plus frappés des avantages préfem
& des ckâtimens pif blés, que desplaifirs &
des fuppUces quon leur annonce pour une
autre viei Miférakle fophifrne. La croyance
d'une autre vie n'afibiblit point la crainte
des châtimens de celle-ci ; au contraire elle
l'augmente. Ce font deux freins au lieu
d'un ; fi l'on retranche le premier , le
fécond perd plus de la moitié de fa force.
On peut fe procurer l'impunité en ce mon-
de > & non en l'autre.
La crainte de Venfer ne retiendra point
des criminels, que la crainte du mépris, de
V infamie , du gibet ^ rCeJi point capable de
retenir (c). Soit encote pour un moment :
{a ) Efprîc Att Loîx > 1* ^4 j Ct i»
( y ) Suécon. in Nerone*.
ic ) Miiitairç Phiiorojplie ^ d a o ^ p. x^^
DELA R'E L I g I O N , &C 4(35*
donc C l'on ôte la crayité de l'enfer , la
crainte du gibet fera plus efficace? Peut-on
déraifonner ainfi ! Le principe eft faux
d'ailleurs. Ceux qui n'ont à craindre ni le
mépris , ni l!infamie , ni le gibet , en com-
mettant un crime fecret , peuvent être re*
tenus par la crainte de l'enfer.
Les Nations Chrétiennes ne font-tUes point
remplies dfi malfaiteurs qui bravent fafis
cejfe V enfer ^ de l'exiftence duquel ils n'ont
jamais doutéf Qu'eft-ce que cela prouve^
Toutes les Nations policées font pleines
de malfaiteurs qui bravent fans ceflê le
mépris, l'infamie & toutes les loix civiles >
s'enfuit-il que tout cela eft inutile , & qu'il
faut le jupprimer ? Sans la crainte de l'en-
fer, le defordre feroit beaucoup plus grand ;
il y a moins de malfaiteurs che2 les Nations
Chrétiennes que chez les autres»
Nous n'avons voulu fupprimer aucune
des raifons de l'Auteur , quelque frivoles
qu'elles foient ; les fophifmes que nous ve*
nons de voir , font tout le fondenaent de
fon ouvrage ; il y reviendra encore , & plu»
d'une fois,
J. ^
Ce que bous croyons , touchant les An-
ges , lui paroît fort fingulien Les bons An^
ges, dii-ïl, font dans l'imagination des Chri'
Llij
404 Apologie
tiens y et que les Nympka , ks Pénates * tu
un mot les Dieux fecondaires étoient dam
t imagination des- Pénens i &r ce que ks
Fe'es étoient pour nosfaifeurs de Romans {a).
U iè trompe. Les Payens imaginèrent des
Dieux mâles & femelles pour expliquer les
phénomènes les plus communs de la na-
ture ; une Phyiique grolfiere leur a donné
la naifiance (^b). Les Jui& & les Chrétiens
admettent les Anges comme de puri ejprits,
dont Dieu, feul maître de l'Univers , iè (èrt
pour exécuter (es volontâ dans l'ordre fur-
naturel ; c'eft la révélation feule qui nous
les a fait connoître. Ils ne reflèmblent en
rien ni aux Dieux imaginaires du Paganif-
me , ni aux Fées des Nations feptentrio-
nales qui n'ont jamais exifté que dans les
Fables. Si jamais les hommes n'avoient
vu de prodiges ni d'opérations furnaturel-
]es de la Divinité , jamais ils n'auroient en
l'idée de ces Intelligences fupérieures à l'hu-
manité.
Dan9 le Dîner du Comte de Boulainvil-
liers ( c ), on ùàt dire à Freret , que la chute
des Anges eft une ancienne Fable des
(a)Chri(l. dévoilé, p m.
ib) Voirez rorigîne des Dieux da Paganirme» Djï-
cours prélim. c. 4 & Aiivt
(OFage ji.
DE LA Religion, &c. 40^
Brachmanes, Jamais Freret ne fut aflëz
ignorant pour fuppofer que les Apôtres
avoient étudié dans les Indes.
On accufe fauflèment les Chrétiens d'at-
tribuer aux mauvais Anges ou efprits ma-
lins, la faculté de faire des miracles fembla-
blés à ceux du Très-haut , & une puijfance
qui balance la Jîenne» Nous croyons que
l'empire du démon eft détruit par la ré-
demption de J. C s qu'il n'a aucun pouvoir
fur les corps ni fur les âmes des fidèles ra«
chetés par le fang du Sauveur , & confacrés
à Dieu par le baptême* II ne peut rien obé-
rer dans la nature fans une permiflîon ex-
prefle & particulière de Dieu ; & jamais
I)ieu ne lui accordera le pouvoir de faire
de Vrais miracles.
: Il s'en faut donc beaucoup que cette
doârine foit la même que celle des deux
Principes^ enfeignée chez les Perfes & chez
les Egyptiens, Nous n'en avons pas befoinc
pour nous rendre raifon des biens & des
maux qui nous arrivent ; nous fçavons que
Dieu feul eft l'auteur des uns & des autres,
& l'Ecriture nous l'apprend. Sa conduite '
n'a pas befoin de juftification; quand il
punit les pécheurs , c'eft pour les corriger ;
quand il afflige les juftes , c'eft pour épurer
leur vertu. Mais fans la foi d'une autre vie ,
nous ne comprenons plus rien dans la ma«
4p6 Apologie
nîcre d'agir de la Providence. Notre Cri-
tique a tort de donner fes imaginations
pour autant d'articles dé la foi Chré*
tienne.
Selon lui, le dogme du Purgatoire eji
rijîblement emprunté des rêveries de Pla-
ton ; & c^eft une fource intarrlflable de
richefles entre les nwins des Prêtres (^a).
Il ne refte plus qu'à prouver que les Juifs
qui prioient pour les morts au temps des
Macchabées (b) , avoient étudié k Philoib-
phie de Platon y que S. Paul qui parle des
purifications pour les morts (c), étoit dif-
ciple de ce Philofophe ; que J, C. même
qui fait mentjon des péchés remis dans
l'autre vie (d) , étoit Platonicien, La doc-
trine des Juifs eft plus ancienne que celle
de Platon , & pui(ee dans une fource plus
pure.
Il n'en faut pas davantage pour écarter
le reproche tant de fois répété contre le
Clergé , d'avoir inventé le Purgatoire par
un motif d'intérêt ; c'eft une calomnie ré-
futée par le texte même des Livres faints.
On peut accufer tant qu'on voudra le
Chriftianifme d'avoir propofé à fes Sedra-
(a) Cfarid. dévoilé > p. 1 1 5« S ^ l^x^tç i Eugénie , p. 1 28^
(h) 1, Macchab. i£.
{€) I. Cor. ly, i^^
DE LA Religion, &c. 407
teurs des objets de crainte & de terreur,,
pour faire trembler les hommes ^ & les
rendre foumis. C'eft Dieu lui-même qui
nous a propofé ces objets , & ils font né- '
ceflaires au repos & au maintien de la fo
ciété. Les âmes juftes & vertueufes ne"
tremblent point , elles efperent ; c'efl ce
qui les foutient dans la pratique de la vertUr
Les méchans doivent trembler , fans doute;
& dès qu'ils cèdent un moment de crain-
dre , ils deviennent les fléaux du genre
humain, La Religion peut donc être odieu-
fe aux méchans ; elle les trouble & les in-
timide ; mais elle foutient , elle confole ,
elle tranquillife , elle anime les gens de bien.
Le remords Çy le chagrin, ditS.Paul, tour-
mentent l'ame de tout homme qui fait U
mal ■ gloire , honneur & faix à quiconque
fait lt%ien ia).
4oS Afologis
CHAPITRE IX.
Des Rits Gr des Cérémonies de la Religion
Chrétienne^
i. X0
JLOUR peu que Ton ait réfléchi fur la
manière dont les hommes fe conduifent,
on fent la néceflîté d'un culte extérieur,
pour exciter & pour entretenir dans tous les
cœurs les fentimens de refpeft & d'anaour
envers la Divinité, L'homme , toujours
guidé par les fens , & toujours imitateur ,
n befoin de l'exemple de fes femblables , &
il n'eft point de mobile plus puiflant pour
le porter au bien. Les cérémonies religieu-
fes font auflî anciennes que le monde ; il
n'eft aucune Nation fous le Ciel qui n'ait
été déterminée à en faire ufage par l'inftinâ:
même de la nature ; ,c'eft toujours par -là
que les peuples errans & tauvages ont com-
mencé à fe policer & à fortir de la barbarie,
a Avant que la force fût établie , dit
*» l'Auteur d^ Emile , les Dieux et oient les
» Magiftrats du genre humain ; c'eft parde-
» vaut eux que les Particuliers fàifoient
9 leurs traités > leurs alliances > pronon-
P çoient
ftE LA Religion, &c. 405^
fc çoîetit leurs promefles : la face de laterre
»> étoit le Livre où s'en confervoient les
» archives. Des rochers , des arbres , des
» monceaux de pferres , confacrés par ces
» aôes. & rendus refpedables aux hommes
v> barbares , étoient les feuillets de ce Livre
ao ouvert fans ceflè à tous les yeux. Le
» puits duSerment, le puits du Vivant &c du
» Voyant , le vieux chêne de Mambré , le
3û monceau du Témoin ; voilà quels étoient
3ù les monumens , groffiers , mais auguftes ,
<p de la fainteté des contrats. Nul n'eût ofé
*> d'une main facrilége , attenter à ces mo «•
9 numens ; & la foi des hommes étoit plus
a» aflliirée par la garantie de ces témoins
3» muets , qu'elle ne l'eft aujourd'hui par
» toute la vaine rigueur des loix y» (a).
Selon la remarîiue du fçavant Auteur de
Y Origine des Loix y des Arts ùr des Scien-^
ces y oc Tétabliflement du culte public & fo-
3> lemnel eft , fans contredit , ce qui a le
» plus contribué à contenir & humanifer
SOL les peuples , à maintenir & affermir les
» fociétés. L'exiftence d'un Etre fuprême ,
» arbitre fouverain de toutes choies , &
90 maître abfolu de tous les événemens. eft
3> une des premières vérités dont toute créa«
3> tare intelligente , & qui veut faire ufage
(a) Emile , corne | ^ page i;4t
lomcL ' Mia
410 Apologie
» de fa raifon , fe fent faille & afièdrée. Ceft
» de ce fentiment inrime qu'eft venue l'idée
9 naturelle , de recourir dans toutes les ca-
a> lamités à cet Etre tout-puiflant , de l'in-
» voquer dans les dangers preflàns , & de
9 chercher à s'attirer fa bienveillance & fâ
30 proteftion , par des ades extérieurs de
^ founriffion & de refped. La Religion eft
3» donc antérieure à l'établiffement des fo-
» ciétés civiles , & indépendante de toute
3> convention humaine >> ( a ).
Il n'eft donc pas furprenant de retrou-
ver chez tous les peuples de l'Univers à
peu près le même fond de cérémonies;
tous ont fenti que les mêmes démonftra-
tiohs extérieures qui peuvent témoigner
aux hommes le refped , la foumiflSon , la
reconnoiflance , pouvoieht également faire
Îaroître les mêmes fentimens envers la
)ivinité. Il n'a pas fallu des réflexions
profondes pour comprendre que fe profter-
ner ou fléchir les genoux , eft une marque
de foumiflion ; que par les ofirandes & les
facrîfices , on reconnoît avoir tout reçu de
Dieu ; que par la prière , on rend hommage
à fa puiflance ; que fe laver dans l'eau , eft
un fymbole de purification ; qu'une onc-
tion d'huile ou de parfum eft un figne de
i>E LA Religion, &c* 411
guérlTon ou de confécratlon ; que les repas
communs font une preuve de fraternité , &
ainfî du refte.
Ces cérémonies employées au culte des
fauffes Divinités , étoient autant de prati-
ques fuperftitieufes , & furent fouvent ao-
compagnées de crimes & de defordres:
coniacrées à l'honneur du vrai Dieu, elles
font ce qu'il y a dans la fociété de plus ref-
peâable* Les tourner en ridicule , parce
que la fuperftition les a fouvent profanées ;
c'eft blâmer la nature de ce qu'elle s'ex-
prime par-tout d'une manière uniforme;
c'eft comme fi l'on vouloit bannir de la
fociété le langage humain , parce que les
fourbes s'en fervent fouvent pour mentir Si
pour tromper*
La Religion chrétienne , fîngulîèrement
attentive aux befoins de l'homme , a pref
crit à fes Seâateurs , non - feulement les
fvmboles les plus énergiques , pouriîlever
1 efprit & le cœur vers la Divinité ; les pra-
tiques les plus innocentes & les moins fuf-
ceptibles de dégénérer en libertinage, mais
encore les fignes les plus propres à établir
une étroite union entre les fidèles : tous fes
rits font pfefqu'autant de nouveaux liens
de fociabilitéf Lsi morale chrétienne coa^
Mmij
k.î2 A P OLCGI/R
jignéç 4ans FEvaugile , eft fans doute fa
plug propre à rendre les hommes (âges 8c
heureux ; nous le ferons voir , malgré les
reproches de nos Critiques : mais cette
morale feront peu d'impreffion fur le peu-
ple , fi des cérémonies fimples & expreflî-
ves ne lui en rçtraçoiçnt continuellemejiî
le fbuvenir,
Jefus-Chrift, la fageflé éternelle , par les
Sacremens qu'il a inftitués ,'a voulu pour-
voir à tous les befoins de la vie fpirituelle,
ïious donner des gages de la vie immortelle
iju'il nous a promife. Elevés par le Baptê-
me à l'augufte qualité d'enfans de Dieu,
nous devons comprendre toutes les obliga-
tions que ce titre facré nous impofe. L'ef-
fet de la Confittmation eft de nous afiferipir
dans la foi ; fecours nécefTaijre , fur r- tout
pendant les perféçutions des premiers fiè-
rles , plus néceflaire encore aujourd'hui
contre les aflàuts livrés de toutes parts à
notre Religion. Dans TEuchariftie, par un
trait d'amour digne d'un Dieu , J, C. nous
nourrit de fa propre chair , renouvelle fins
celle fur les Autek le facrifiee de lui-même;
quels doivent être les fentimenç du#Chrér-
tien admis à la participation de ce. MyC-
tere? Le même Sauveur qui s'eft peint fous
Ja figure d'un Père & d'un Pafteur , eft vérî-
l^lemeat I'uq âc l'autre danis la Fçn^tçncQ|
c^cft-là qu'il reçoit entre fes bras rènfent:
prodigue & la brebis égaifée. Dé combieti
de larmes ceux qui y tiennent' fa place n&
font-ils pas tous les jours tànoins & dépo&
taifes ? II falloit aux mourafts une graea
pour les fortifier , les co»f6ler ,; les détacher
du monde , pour leur adoucir l'aôiertunlet
du facrificc ; les prodiges que l'Extrême-'
Oftdion opère dans cette cii'conftanGe tou*
chaftte , font ujie preuve continuelle de
fon efiîcacité, Miniftres dii Seigneur ^ vous
comsprenez' toute la fainteté du caraâere
doiit vous êtiBS feyêtus , tout ee que vous
devez au^fidèfes, dont vous êtes les Pères &
les Pafteurs : fi vous pouviez l'oublier un mo"
menr, les remîords fecrets & te lîiépris pu-
blic ne tarderpient pas de vous en punir.
Il falloit fandifiea: la fociété des époux ; Se
par des fecours fornaturels , les reikire ca-
pables de remplir les devaîrs , & de fuppoc-
ter ks peines de leur état : le divin Légif-
Jateur y a pourvu , en élevant le mariage à
la dignité de Sacrement»
Nos adverfaires font peu touchés de ces
effets fpirituels àts cérémonies chrétien»*
nés ; il faut leur en montrer de plus fenfi-^
blés > & qui les intérefleront peut-être dar
vantage#
Les Sacremens de TEgEie ne font pas
feulement des monumens pubfics de fa fc^,
Mmiiî
4^4 Apologie
Se de ta doârine, quifervent à laconfenrer;
& qui enailurent àjamais le dq>ot;des leçons
palpaBles qui parlent aux yeux des hommes
les plus ignorans & les plus groffiers ; ce
font eocore des gages & des fauve - gardes
du repos des fidèles & de leurs intârcts les
plus cbers. On les connoît impar&itement,
quand on ne les confidere que du côté de
leurs effets (pirituels : ces cérémonies con-
tribuent plus qu'on ne le penfe à la fureté
& à la tranquillité publique. Il efl aifè de
montrer en détail à nos Cenfeurs chagrins,
qu'ils n'ont jamais réfléchi^ fur les objets
dont ils décident , & qu'ils ont très- grand
befoin d'inftruâion.
Par le Baptême , n'on-fèulement les en-
fans font lavés de la tache originelle , &
mis au nombre des fidèles ; mais par cette
cérémonie folemnelle , leur naiilance de-
vient un événement public. Les précau-
tions que la puiflance féculiere ajoute aux
tits de l'Eglife , fervent encore à rendre
cette naiflance plus authentique » à confta-
ter le fort des enfans & l'obligation des
Pères. A combien de fruits de l'inconti-
nence , la néceflSté du Baptême n'a-t-elle |
pas fauve la vie ? L'efpèce d'alliance que
contradent les Parrains & Marraines avec
l'enfant baptifé & avec fes père & mère ,
^d un nouveau nœud qui unit les familles ,
j
r
DE LA REXtÔIOUj &C. ^rlf
(ouvent elle procure des reflburc^s à un
enfant abandonné.
Rien de plus eflentiel que lè$ engage-
mens par leiquels un particulier fe dévoue
au fervice de l'Etat ; il doit porter une
marque* ou une livrée qui le caraftérife ♦
qui lui rappelle fes devoirs. Ainfi la Con*-
firmation imprime au Chrétien un fceau
ineffaçable , & le faitlouvenir de l'obliga-»
tion qu il a contra6tée de profeflèr haute-
ment fa foi , de ne jamais rougir de fa
Religion , d'édifier fes frères par la fainteté
de fes mœurs.
On a compris chez tous les peuples la
néceffité de rappeller fouvent aux hom-
mes l'égalité de leur origine , & la frater-
nité qui doit régner entr'eux : par-tout les
facrifices & les repas communs ont paru
Je figne le plus propre à leur en retracer
l'idée, C!eft dans le même deflein que
Jefus-Ghrift a inftitué l'Euchariftie fous
le fymbole de nos alimens les plus ordi-
naires , afin que tous admis à la même
table j & nourris de la même viftinie ; nous
appriffions à vivre entre nous comme
enfans du même pe're j & membres d'une
feule famille.
Une cérémonie auflî fainte , auflî înte-
reflante pour l'humanité , devoit-elle être
traitée avec autant d'indécence & d'indi-
Mmiv
^t6 Apologib
gnité que l'on a fait dans une brochure hû?
primée récemment (a).
A quels excès le defefpoîr ne (eroît-il pas
capable de porter les paffions huniaines , fi
après le crime il n'y avoit plus ni pardon ni
grâce à efpérer ? Dans toutes les Religions
l'on a feçti la néceflité des expiations : le
Chriftianifme , cett^gKelîgion h douce & fî
compatiflànte, pouvoit-elle en manquer (b) ?
Combien de crimes la ConfeiEon n'arrê-
te-t-elle pas tous les jours ? A combien de
cœurs déchirés ne rend - elle pas le calme
& la paix ? Nos ennemis l'ignorent , parce
qu'ils ont renoncé à ce remède falutaire.
L'Auteur du Diêfionnaire Philofophique (c)
& celui d! Emile (d), n'ont pu s'empêcher
d'en reconnoître l'utilité. Les plus fenfés
d'entre les Proteftans ne font point de dif-
ficulté de convenir que les Réformateurs
ont eu tort de la fupprimer.
Un Chrétien malade pouvoit être aban^
(donné ; la Religion , en confiant aux Prê-
tres l'admîniftration d'un Sacrement parti>-
culier , les fait fouvenir de la charité & des
confolations qu'ils doivent au fidèle dans
cet état. Quel fpeftacle fe renouvelle tous
——il—— —*■■!■ I II I I I ■ I I I W !■■ MB
(a) Dîner du Comte de BoulaÎBviiJîers , p. io& 45*.
ih) Voyez rEfpiit des Loix, 1. 14, c. 13.
(c) Tome I , Catéchijim du Curé, p» i4Si«j,
^é} Emile ^ tonc | , p. i&2«.
CE LA Religion, &c.
tes jours foQs les yeux d'un Curé de camr
pagne ? Dans une chaumière ouverte de
toutes parts ^ au milieu des vents & des
frimats , un malheureux étendu fur la pail-^
le , fans couverture , fans remèdes , fans ali-*
métis ; une époufe éplorée , des enfans
éperdus , des voifîns aiHigés , mais indigens.
Le Pafteur eft la feule reffource : eh ! quel
eft rhomme dont les^ entfaitles puiflent
tenir contre ce tableau de la mifere hu-
maine ? Aux confolations de fon minifte*
re > il ajoute de légers fecours : il obtient:
de la cnarité des riches ce qu'il ne peut
donner lui-même. L'efpérance renaît, fe
malade refpire ; s'il échappe à la mort , il
n'oubliera jamais la main qui l'a fauve.
Il eft du bon ordre que les hommes coiî-'
facrés au fervice du public , foient rangés
dans une claflè particulière , & foient re^
connoiflables par des marques extérieures t
chez tous les peuples policés , les Magiftrats
& les Militaires ont été diftingués du reft©
des Citoyens , auffi-bien que les Miniftres
de la Religion, L'Eglife , pai? le Sacrement
de l'Ordre , deftine un certain nombre
d'hommes à l'inftruâion des peuples &
aux œuvres de charité : par les marques
extérieures de leur caraâere ^ elle leur re*
met continuellement fous les yeux leurs ,
obligations ; un Curé » dit l'Auteur (ÏEmU^j^
4î? Ap 0 to aiB
eft un Mînîftre de charité , comme uû
Magîftfat eft un Miniftre de Juftice (a).
Le même Philofophe juge que le Clergé
de l'Eglife Romaine a très-fagement con-
fervé l'ufage des fignes extérieurs & des
marques de fon état (i). Le peuple , plus
éclairé fur fes intérêts qu'on ne penfe , ne
s'y méprend point ; il n'accorde d'eftime
& de confiance aux Prêtres , qu'à propor-
tion des fervices qu'il en reçoit.
S'il y a dans la vie fociale un engage-
ment de la dernière conféquence,c'eft celui
du mariage ; il étoit du bien commun que
la puiflance Eccléfiaftique & l'autorité fé-
culiere fe réuniflent pour en afllirer l'au^
thenticité & les obligations, La Religion ,
en faifant paroître les contraâans aux pieds
des Autels , rend leurs fermens plus facrés,
plus frappans , plus irrévocables ; elle en
adoucit le joug par les motifs furnaturels.
Si, malgré tant de précautions, il eft encore
difficile de prévenir les abus & les defor-
dres dans le mariage , que feroit-ce fi on y
mettoit moins d'appareil ( c) ?
Qu'on réfléchifle un moment fur les
efièts terribles de la vengeance , fur la .mul-
titude des meurtres qui fe commettent chez
mmm
(a) Emile, tome j, p. i/j,
( b) Ihid,p, 11^.
(c) Voyez TErpcic da Loîx, 1. 16, c, i%.
DE LA RELrGION, &C. 4^10
les Nations barbares , fur rinhumanité avec
laquelle les peuples même policés fe
jouoient autrefois de la vie des efclaves ,
on fentira la fagefle du Chriftianifme , qui
a fait de la fépulture & des obfèques ua
ipeâacle de Religion , qui , en nous ap-
prenant à refpeâter les morts > pourvoit à
la sûreté des vivans.
.L'Auteur du DîElionnaire Philofophique
a donc eu tort de dire que nous rejféc^
tons plus les morts que les vivans (a).
Ces deux fentimens font intimement liés
l'un à l'autre : celui qui ne peut envifager
un cadavre qu'avec une efpèce de frayeur
religieufe , n'*eft pas capable d'aller plon-
ger de fang-froi4 le poignard dans le feîn
de fon femblable.
Quand on ne confidéreroit îes rîts Ec-
cléfiaftiques que du côté de l'influence qu'ils
peuvent avoir dans la vie civile, on feroit
forcé d'en reconnoître l'utilité & les effets
falutaires ; on feroit déjà indigné cçntre
J'jgnorance audacieufe de otux qui les dé-
crient : on feroit tenté de punir ces Cen-
feurs téméraires comme ennemis de la
{ociéîé(b).
(a) 'fome x , arr. Antropophages , p. 45.
(i>; Yoyci le Militaire Philôfophe, c 10 , p. 16^.
'- - - -rfh.g
î|20 Apclo Gi*
L'expérience nous apprend d'aîlleura
qu'il faut des fpeétacles pour attacher le
peuple : une Religion dépouillée de tout
appareil extérieur , ne peut ni l'alfeârer ni
finftruire ; les Proteftans ne s'apperçoivent
que trop aujourd'hui des inconvéniens d'un
cuke trop décharné (a ); & feloala remar-
que judicieufc de ?Ami def Hommes, toute
Religion réduite au pur fpirituel , eft bien-
tôt reléguée dans P empire de la Lune (b).
Au lieu des nudités £:andaleures > des jeux
& des danfes de la Grèce ; au lieu dés folies
& des inrdécences qui deshonoroient les
fêtes Pay ennes ; au lieu ^s fpeâacles tu-
multueux & barbares du Cirqiîe & de l'Am-
phithéâtre, la Relîgîon occupe les peuples
de cérémonies pleines de gravité & de dé-
cence , propres à lui infpirer des moeurs
douces & pures. Des Philofophes chagrins
les blâment encore ; que leur importe , fi
Je peuple eft fiige ou infenfé > s'il eft policé
ou abruti ?
Déjà l'on comprend toute Findécence
du langage que tient l'Auteur d\i*ChriJiia^
nifme dévoilé ^ qui ne rougit point de corn-
(a) Voyez l*Efprit des Loi», J. t-$ , c. x^
ib) Deuxième pan, c. 4^ p. 1^5 de i^j»
BÉ LA Religion, ftc. 421
parer les cérémonies du Cbtiâîanifme , à la
TThéurgie des Payens, c'eft-à-dir^, auK
pratiques fuperftitieufes & abfurdes , par
lefquelies certains Philofophes , auflî aveu-
gles que le peuple C^)^ prétendoient avoir
commerce avec les efprits. qu'ils croyoient
répandus dans toute . la nature ♦ & qu'ils
adoroient comme des Dieux. Quelle rel^
tion cescérén?onies bizarres avoient-elles ^u
biei^ de la fociété ? On eft indigné d'entendre
appeller les S^remens des cérémonies ma-
giques^ puériles, ridicules. On a peine ^
comprendre comment un Ecrivain qui dé-
cide fi impérieufement , pçut être fi mal
inftruit.
Ceft une fauflê idée » felon ly.i , d^ croire
xjue le Baptême efface le pécKé originel ,
puifque les effets de ce péché fubfiftent tou*
jours ; fçavoir , l'inclination au mal , & \%
néceffité de mourir ; il en conclut que le
Baptême eft un myflere impénétrable à h
yaiibn , dont l'^xpériçnçç démenit Teffica^-
cité (b).
Mais pour f}ue Fon puluè dire avec vérité
que leBaptême efface le péché originel, efjt-
il néçeffaire qu'il en détruife toMS les efîçts?
Il en détruit le princip^al & le plu^ funefte >
i*i»"^
(a) Julien, ï'orphyre, Jambliquc , &c.
P (t) Chrill. dévoilé , page iij. 6t Lettre â Ejugénîc ,
fige ^7. Conugion facrée > c. f i > page 8o«
^23t Apologie
qui eft la damnation éternelle : les deux au-
tres fubfiftent , parce qu'ils font pour le
Chrétien une occafion d'épreuve & de mé-
rite , & qu'ils peuvent contribuer à ion ia-
lut éternel.
C'eft une faufleté d'avancer que S* Paul
ne voulut point faire baptifer les Corin-
thiens ; il ne les baptifa pas lui-même, parce
qu'il s'occupoit principalement de la prédi-
cation de l'Evangile (fl); mais il les fit
baptifer par fes difciples , tout comme il
avoit fait baptifer les Ephéfiens (b)^
Qu'importe que l'on ait pratiqué une ef-
pèce de baptême dans les myfteres de My-
thras ? Les baptêmes ou les purifications
par l'eau ont été en ufage chez tous les
peuples, parce que c'eft un fymbole éner-
gique & naturel ; mais il ne peut produire
aucun effet que parmi les adorateurs du
vrai Dieu.
Pour rendre ridicule le myftere de l'Eu-
chariftie , l'Auteur a recours à fa méthode
ordinaire; il le défigure, & nous impute une
croyance que nous déteftons. Il n'eft pas
vrai qu'à la voix redoutable d'un Prêtre ,
le Dieu xle fUnWeirsfoit forcé de defcendre
du féjour de fa gloire ,pour fe changer en
(A) I. Cof> I , 17,
DE LA Religion, &c. 413
paln^ ni que k pain denenne Dieu , ni que
nous adorions ce pain (a).J. C. eft préfent
dans TEuchariftie , fans quitter le féjour de (a
gloire ; il n'y eft point forcé , puifqu'il Ta
voulu ; le pain n'eft pas Dieu , puifqu'il
n'y a plus de pain. Avant que d'argumen-
ter contre notre foi , il fer oit à propos de *
lire du moins nos Catéchifmes.
On ne doit pas être furpris de trouver
une efpèce d'Euchariftie chez les Indiens*
chez les Mexicains , chez les Péruviens.
L'ufage a régné chez tous les peuples qui
ont eu des pratiques extérieures de Reli- -
gion , de manger eo commun les viâimes
ou les offrandes que l'on avoit faites à la
Divinité , • en figne d'aftions de grâce , &
en témoignage de fraternité. Le Divin Lé-
giflateur de$ Chrétiens n'eft point allé cher-
cher ce fymbole dans les Indes ou en Amé-
rique ; il l'a puifé dans la nature ^ & il en a
fagement écarté tout ce qui pouvoit dégé?
nérer en abus ou en libertinage*
§• 4.
Il n'eft donc pas^vrai qu'il y ait dans les
cérémonies des Chrétiens des veftiges très-
marqués de h Théurgie ou de la Magie
(a) Chrift. dévoilé , p zio. ^e Lettre à Eugénie p. rj^f
Contagion ûccée • c* 5 » p* iS, ^
424 Apologie
pratiquée clie2 les peuples Orientaut.
oelon les idées de ces peuples , les Divini-
tés imaginaires qu'ils adoroient , écoient
forcées , par le pouvoir magiqae de quel-
ques paroles ou de quelques pratiques ar-
bitr^^îres , à opérer des merveilles. Chez
les Chrétiens , c'eft Dieu lui-même , gai ,
par J. C , a prefcrit les paroles & les rits
auxquels il a daigné attacher fes grâces:
rien n'y eft arbitraire , rien n'y eft aban-
donné au caprice âes Prêtres ou dvppeuple.
Ce n'eft point le Prêtre qui acquUrt Le droit
de commander à Dieu lui-même; c'eft Dieu
au contraire qui commande au Prêtre d'e-
xécuter fidèlement , & fans y rien mettre
du (ien » les céi^monies dont il eft le Mi-
niftre* L'effet ne dépend point de la vo*
lonté du Prêtre, mais de la volonté de Dieu
& des dilpofitions du fidèle. Lorfqu'un Ma-
giftrat , dépofitaire de l'autorité royale , ab-
fout ou condamne un coupable , inftalle un
Officier public dans fon emploi , peut-on
dire qu'il force le Roi de prêter l'autorité
fouveraine à fes Arrêts ; qu'il commande au
Roi , qu'il lui eu iïipéijeur ?
Parce qu'un Magiftrat eft obligé , dans
Pexercice de fes fondions , de s'afTujettîr
aux formules & au ftyle judiciaire , s'enfuit-
îl <jue ces formules iont des paroles magî-
gues , qui «nt le pouvoir d'altérer les vo-
lontés
dêi.aReligioi<, &c. 42^
ïcmtés du Roi , de l'obliger à changer fes
décrets fouverains ? Ceft donc une impu-
tation fauflè, une raillerie infipide, de dire
que chez nous> des paroles difpofées de cer^^
îaine manière 9 peuvent altérer les volontés
de Dieu y & l'obliger à changer fes décrets
immuables (a). Au contraire > r'efl: par la^
volonté expreflfe de Dieu, & par fon décret
immuable , que certaines paroles ont la
force de donner la grâce ; comme c'eft par
la volonté du Roi & par fes décrets fouve-
rains , que les formes judiciaires ont la force
de dépouiller un Particulier de fes emplois,
de fa fortune » de fon état » même de le
condamner à la mort»
Si l'Auteur étoic mieux inflruît , il n^acr
cuferoîl^pas les Minières de la Religion de
fatiguer les derniers injlans d^un mourante
Les cérémonies de l'Eglife peuvent fati-
guer fens doute un fcélérat ou un hypocrite
prêt à fortrr de ce monde ,. en lui préfentant
ridée d'un Dieu jufte qui doit le juger , Se
d'une éternité qui l'attend ; mais ces céré-
monies confolent ,, fortifient , tranquilUfent
le Chrétien fidèle & vertueux. Ji les der- 1
mande avec ardeur, il les reçoit avec foi,
ibuvent il fe fent tout autre après avoijr
4^
U) cil ri ft» dévoilé, jx. nj. ^e twpre i;Eusé3iic,.j^.E
iContagîon facréftj c, j,, g» 5^
^25 Apolo(?ie
reçu les Sacretnens. Oeft alors que la vue
d'un Dieu mourant fur la croix , opère
des prodiges > & change le Chrétien en
héros.
Dans quelle fource le grand Prince , que
la France pleure encore , avoit-il puifé la
fermeté & rhéroïfme qu'il a fait paroître
dans ks derniers momens , iinon dans fa
foi & dans les fecours de la Religion ? Phi-
lofophes audacieux , Cenfeurs vains & fri-
voles , il auroit fallu vous rafïèmbler tous
autour de fon lit , pour vous apprendre ce
que peut opérer le Chriftianifme.
Que peut-on penfer d'un Auteur qui
finit par tourner en ridicule le Sacre de nos
Rois , dont le but eft de rendre le chef de
la Nation plus refpeâable aux |r€ux des
peuples ? Eft-il du bien de la foci&é dW-
foiblir les fentimens de vénération qui atta-
chent les fujets à la perfonne augufle du
Souverain ? Mais ce n'eft point le feul en-
droit où notre Critique ait montré que 1%
Philofophie moderne eft peu propre à for-
mer des fujets fidèles & de bons Citoyens.
« Dans le Gouvernement ancien , dit TAu-
»teur d^ Emile , l'augufie appareil de la
^ puiflànce Royale en impofoit aux fujets«
» Des marques de dignité » un trône » un
a» fceptre , une robe de pourpre , une coït-
PB ronne > un bandeau , étoient pour eux
DE LA RFLTerON,&C. 427
3» des chbfes facrées. Ces fignes fefpeftés
» leur rendoient vénérable l'homme qu'ils
» en voyoient orné; fans foldats , fans me-
» naces , fi-tôt qe'il parloit , il étoit obéi»
» Maintenant qu'on afFede d'abolir ces fi-
.^3 gnes , qu'arrive-t-il de ce mépris ? Que la
»* Majefté Royale s'efface de tous les coeurs;
3> que les Rois ne fe font plus obéir qu'à
» force de troupes, & que le.refped des
» fujets n'eft que dans la- crainte du châti-
» ment » (^). Il y. a fans doute de l'exa-
gération dans cette remarque ; mais elle
prouve toujours l'utilité des rits & des
lymboles extérieurs , pour inftruire , pour
toucher , pour faire agir les hommes. Nous
reviendrons encore à ce fujet dans le cha-
pitre l3^ *
L'Auteur du DiBionnaire Philofophique
a traité en particulier des deux cérémonies
de la Religion Chrétienne , du Baptême &
de la Confeflîon ; il eft à propos d'exami-
ner fbigneufement ce qu'il en a dit.
• ■
$. y.
Sur le Baptême , il obferve d'abord que
ce mot grec fignifie immerjîon f il de voit
ajouter qu'il- exprime encote ablution ,
l'aftion de lâvét % le verbe dont il defçend.
mmmm^MUmfimmmmtm
( 0 } Sinile, totnè I V P* ^i 5«
Nnij
4^ff ^ Apologie^ .
a été pris en ce fens par Ariftophane ,. atf
rapport de Suidas» Cette remarque d«
vCrammaire ne fera pas inutile.
Les hommes ^ dit-il , quife conduifcnt tow-
jours par les fens „ imagiuerent aifément
que ce qui ïavoit le corps y. lavait auffi Famé*
Cela n'eft ni vrai ni exad.. Les hommes
imaginèrent queradion defe laver le corps,.
étoit un fymbole ou une figure très-natu^
relie de la purification de l'ame ; mais ils
n'ont jamais penfé qu'elle pût opérer cet
effet , fens une volonté particulière de
Dieu; l'Auteur le reeonnoîtra bientôt.
Il n'eft pas furprenant que les ablutions
relîgieufes aient été & foient encore en
iifage chez prefque touftes les Nations de
l'Univers qui ont un culte public , chez les
Egyptiens & chez les Hébreux , chez les
Indiens > chez les Grecs & chez les Romains^
parmi les Mahométans comme parmi nou&
,Ce fymbole eft fi naturel , que tous les peur
pies l'ont adopté de concert i il i^'a pas été
néceffaire qu'ils l'empruntaflent les uns des
autres : c'eft une «pratique auffi oficienne
ig[ue le monde^
Che^ les Hébreux y dit le Philofopfie;
Jetait une régénération y cela donnait une
nouvelle ame » ainjî qu^en Egypte^ Cette ex-
preffion bizarre de quelques Rabbins ne
ydloit pas la peine d'être répétée i mais^ i|
B E LA R E 1 1 é I o N, Src. 42^
n'y a rien d'extraordinaire à regarder le
Baptême comme une régénération fpiri-
tuelle. C'eft le terme dont Jefus Chrift s'eft
fervi.
On nous fait remarquer que S* Jean bap^.
tifa dans U Jourdain ; que même ïl baptifx
Jefus y qui pourtant ne baptifa jamais per^
fonne, , mais qui daigna cmfaerer cett^
ancienne cérémonie. Non - feulement il 1'»
cpnfacrée , mais il Ta prefcrite exprefle^,
ment. Quiconque rtki pas été régénéré p4xr
Veau î^ pat le S. Efprit^ ne peut emrer dam
h Royaume de I^ieu (a}. Celui qui croira &•
fera baptifé , fera fauve (b). Il a ordonné
à fes Apôtres d'enfeigner toutes les Nations'i
&* de les boftifer au nom du Père y Gr di$
Fils 6* du S. Efprit (c). On ne doit donc
pas s'étonner que te Baptême foit de^enst
le premier rit & le fceau de la Religiosi
Chrétienne ; ainfi J. C» Ta établi y& s'il n'a.
baptifé perfonne > U a fait baptiièr par fes'
Difeiples (d).
Toutjigne ejl indifférent par lui-même i
ifr Dieu attache fa grâce au Jjgne qu'il lui
fiait de choijîr. Cette réflexiort eft très-
jufte y par conféquent nous devons. attrW
«r
ta) Joan» y , f ,
i€) Matt, 18, 15.
430 Apologib
puer au Baptême tous les effets qu'il a pld
à Pieu d'y attacher , & qu'il a daigné nous
révéler par Jefus-Chrift.
Cependant , continue le Phllofophe , les
quinze premiers Evèques de Jeruf aient furent
tous circoncis , Gr il n'eji pas Jur quils fuf-
fent baptifes. Ils furent circoncis aflîiré-
ment , puifqu'ils étoient Juifs de naiflàn-
ce ; X CX ni fes Apôtres n'ont point défendu
la circoncifion aux Juifs ; mais il n'eft pas
moins fur qu'ils furentj^aptifés , .puifque les
Apôtrea» en prêchant aux Juifs, exigeoient,
pour première marque deJeur converfion
au Cnriftianifme , qu'ils reçuflènt le Bap-
tême , & ils les baptifoient en effet (a).
Nous convenons que Ton^abufa de ce
Sacrement dans les premiers fîècles de
PEglife ; que plufîeurs attendoient qu'ils
fujQfent dangereufement malades , pour re-
cevoir le Baptême ; mais on doit avertir
ea même temps que l'Eglife réclama tou-
jours contre cet abus , & que les Evêques
ne cédèrent de faire là-défTus les plus vives
jepr^fentations. L'Empereur Conftantin
donna ce mauvais exemple; & en cela il eft
^blâmable fans doute ; mais il eft contre
l'équité naturelle de le calomnier. Voici
le raifonnement qu'on lui prête. Le Bapr
iflMS.a, jS^-^iv
«■
Ï)E LA ReLIGI-ON,*&C. 45 fi
tême purifie toutj je puis donc tuer majerri'
me y mon fils Êr tous mes parens , après quoi
je me ferai baptifer , &y j^irai au Ciel: cam-
me défait , ajoute-t-on , il n^ manqua pas.
Voilà Conftantin accufé d'avoir fait mou-
rir fa femme , fon fils & tous fes parens ; &
on le réjète encore dans l'article Chriftiu'^,
nifme & aillçurs ( « )•
Ce qu'il y a de vrai , c'eft que Confta»-
tîn eft criminel d'avoir fait mourir fon fils
Crifpus fur les calomnies de l'Impératrice
Faufta, qui accufa fauflement ce jeune Prin*
ce d'avoir voulu attenter à fa pudeur. Une
accufation fî atroce denwndoit des preuves
plus convaincantes* que le fimple témoi-
gnage d'une marârte. Mais lorfque cette
malheureufe femme eut avoué dans la fuite
que c'étoit elle au contraire qui avoit voulu
féduire le Prince , Conftantin , en la faifant
mourir , fit un ade de juftice. C'eft donc
une impojfture odieufe , d'infinuer que Cont
tan tin fit d'abord mourir fa femme , en-
fuite fon fils & tous fes parens , par un eC-
prit de cruauté. On fçait au refte , pourquoi
cet Empereur eft continuellement déchiré
par certains Philofophes*; il a fait ceflèr les
perfécutîons contre les Chrétiens ; il a pro-
feflc notre Religion ;- il a profcrit Tidolâ-
4a) Tome z ; p. i\z^ Examen impoctaat» c. 2>$ > p* 1^^
4?^ A p o L o é I e
trie : nos Apologîftes zélés du Paganlf-
me (a) ne lui pardonneront jamais.
Les Grecs conferverent toujours le Bapti-
tne par immerjion ; la température du clî-
mac , Tufage du bain fréquent chez les
Orientaux , rendent cette pratique plus
commode qu'elle ne feroit p^mi nous.
Les peuples du Nord s'éta^jt convertis,
l'on comprit que le Baptême , par immer-
fion , pouvoir être dangereux dans des
pays froids , & faire périr les enfans ; l'on
y fubftitua l'afperfion ou l'infufîou ; mais il
rfeft pas vrai que cette manière d'admî-
niftrer leBaptêm« ait fouvent fait anaîhé-
matifer les Latins pat^ (Eglife Grecque , fi
ce n'eft peut-être depuis le fchifme de
celle-cL
On demanda , dit le Philofbphe ^ â Saint
Çyprien, Evêque de Cartkage ^Jî ceux-là
étaient réellement baptifés , qui s^étoieut fait
feulement arrofer tout le corps t II répond
dans fa 76c Lettre ^ que plujîeurs Églifes
ne croyaient pas que ces arrofésfuffent Chré-
tiens ; que pour lui ilpenfe qu^ ils font Chjré^
tiens : mais qu^ils ont une grâce ir^niment
moindre que ceui qui ont été plongés trois
fois fuivant Vufage. Il y a feulement deux
falfifications infîgnes dans ce pafiàger Saint
iê) PIO. Fliilof, ast, Uoks . IdMrkr
jLypriexs
DE LA Religion, &c. 433
Cyprîen répond précifément îè contraire :
voici fes paroles tirées de la Lettre même.
« Comme ces fidèles qui ont reçu la
» grâce de J. C. par l'eau falutaire & par
» une foi intègre , font appelles par qu^î-
» ques-uns ( a ) , non pas Chrétienls , mais
3> Cliniques ( c'eft-à-dirt , alitas ou baptifés
» au Ut ); je ne vois pas d'où l'on prétend
» tirer ce nom • . * . Mon fentiment eft que
» l'on doit regarder comme Chrétien , qui-
» conque a reçu la grâce divine dans l'Egli-
» fe par le droit & le privilège de la foi , • . •
» Dira-t-on qu'ils ont reçu la grâce du Sei-
» gneur , mais en moindre mefure & avec
30 moins de dons du S. Ëfprit i tellement
» qu'on les doive regarder comme Chré-
3> tiens > mais moins parfaits que les autres ?
» Tout au contraire ; le S. Efprit ri'eft
» point donné par mefure , mais il defcend
3» dans toute fa plénitude fur celui qui a la
x> foi. De même que le jour luit également
» pour tous , & que le foleil répand égale-
» ment ùl lumière fur tous ; ainfi J. C. vrai
» foleil de jufiice , diftribuè également dans
» fon Eglife > la lumière de la vie éteiv
» oelle ». Le S. Doâeur ne pouvoit con-
tredire d'une manière plus éclatante l'opi-
(a) Nota» Que S. Cyprien ne die pas plupeurs Eglifes »
coinnie on le lui fiic aire*
J0me I. O o
454 Apoilogis
liîoQ ridicule qu'on veut lui imputer. Quelfe
icroyaoce » quels égards peut mériter un
jEcrivain qui trompe aii£ fes leâeurs ?
La (uite de l'article ne nous apprend
rien de nouv^u. Nous fçavions déjà qo'aq-
itrefois les baptifés étoient appelles les ini'^
jiiési que ceux quite^l'étoient pas encore,
Soient iJOinmés Catécumines , c'eft-à*
4ire dii^iples ou inûruits ; qu'oii vouloit
Îju'îls produififl^nt des Parrains p pour s'af-
iirer aon-ieulement de Iwr fidélité « mais
encore lie leur conduite 9c de leurs moeurs ;
que dans les premiers fiècles , les fidèles fii^
rwt fort attentifs à ne pas da:oavrir aux
Pavens \es rits ni les dogmes du Chriftiar
niune^
Hbos te fiK:ûnd fiècte , (Aon notre Philo-
Ibph.^ , l'on commença à baptifer les en*
lans;^ Mais il paroît certain que cet ufage a
isomnoencë plutôt. Lorfqu'il eft dit clans les
Aâ:es des Âpotress & dms les Epîtres de
S. Paul, qu'qn chef de &mille a été baptifé
avec toute (àmaifon (a) , perfoni>e n'eft
excepté > les enfans y font cpmpris aufli?-
jbien que les adultes.
Selon lui eiK:ore , on conclut qu'il &1-
\ott adminiftrer le Baptême au bout d^
Imit }ours , parce que cnes les Juiis c'étpii
«r*
wmmfmmmm^mm
ia) 48* }^> M ^ n. «. Cor* i, if.
15E LA Religion, &c, 43f
â. cet â^ge qu'ils étoient circoncis. Mais ^'
n'eft pVouvé par aucun monument qu®
«:'ait été^iije pratique conftahte de diffé""
rer ainfi le raptême , xù qu'oii Tait fai^
par allufion à la circoncifion. Toutes ce^
allégations (ont ùms autorité. Enfin il n'eft
pas vrai qu'ira troijiime . fiitle , U coutume
l'tmporta de m fe faire baptifer qi^à la
mart. Jamais cette coutume ne l'emporta;
c'eft un aixts contre lequel l'Eglifè réclama
toujours • & qui &x beaucoup moins corn-
inun que l'Auteur ne le fuppole.
. Ceux qui moaraient dans la première fe^
moine » ^t-il, étmau damnés^ ftlon les
Pererde VBgltft la pba iri^reux.DéÉxms^
nous encoire de cette aâèrtbn. Les Pères
de l'£gU& les plus rigoareux n'ont point
enfeigné at>rolument que les enfans morts
fans Di4>ténie étoient damnés , à prendre
ce terme dans toute fa rigoear. Ils ont dit
que ces enfans a'anroient point de part
à la béatitude furnaturetle qui notis eft ac-
quife par la rédemptkm <& J. C ; parce que
le fruit de cetce rédempckm ne peut nous
être appliqué qne par te Bap^tne ; mais au-
cun n^a jamais avancé dans les (lècles dont
nous partons , que ces enfans fiifiènt cour
damnés au feu étemeh
U eft abfolument faux que ce foit Saint
Pierre GiryCblogue » au ckiquième fiède »
Ooij
4î^ Apologie
pu quelqu'autre qui ait imaginé les luymbes,
où font détenus les enfans morts fans Bap*
terne , où écoient les Patriarches , où J, G
aft defcendu après ià mort. La defcente de
J. C. aux enfers ou aux Ly mbes eft fondée
fur le texte même des Livres faints (a).LQ
p. Pétau a montré , par des témoignages
exprès , que <p'a été le fe^timent unanime
àd tous les Pères de l'Eglife depuis les
Apôtres > à commencer par S. Juftin , Saint
Irenée , S. Clément d'Alexandrie , Origè-
ne , &c (b)n On voit par-là quelle créance
mérite P Auteur dç V Examen mportant^
qui afliire pofitivement que S.* Athanafe efl
le premier qui ait imaginé ce voyage de
J: C. aux enfers » trois cens cinquante ans
apcàs ; que cet article n'a été inféré dans le
fymbolè qu'au cinquième fiècle ( ç ). C'eft
ainii que nos adverfaires déshonorent leur
critique » en avançant au hafard des faits
démentis par tous les monumens de l'an-
jiquitép r
L'Auteur du. DiSiànnaire Philofophi"
que conclut que toute la difcipline , tou^
ckaut le Baptême» a dépendu dé iapruden-*
ee des premiers Pafleurs quii'ont établie, Céb^
Ç& vrai , quant à la mauiere 4'adminifireir .
jia) ASi, ?- 6» 9. Petr, 3 Çj' 4.
ih ) Théol. Dogra. 1. 15 , c, x#.
DE LÀ REtïGlb^f, &c. 457
le Baptême ; ou par immerfion , ou par af*
perfioiii ou par infufioirj parce que cef
différentes manières font également con>-
prifès fous le nom de Baptême; fnaîs nom
pas quant à la matière du Sacrement , qtfi
eft l'eau naturelle. Cette matière ayant été
cxpreflement déterminée par J. C^ même ,
jamais les Pafteurs ne fe font attribués le
pouvoir dy rien changer. On a confervé
de même très- fcrupuleufement la forme ou
les paroles du Baptême , parce qu'elles font
de J. C (a). Si quelques Eglifes protef--
tantes ont pris la liberté d'y ajouter (fc),
cela ne nous regarde pas.
§. 6.
Le Philôfophe ne raifonne pas plus fen-
fément fur la (Jonfeffion que furie Baptême.
Dans le Catéchifme du Curé ^ il avoit dit
que la Confefjion eft une chofe excellente^',
un frein aux crimes y inventé dans V antiquité
la^plus reculée ; bientôt il s'eft repenti de
cet éloge : il commence l'article ConfeJJîon^
par dire c\\ic cefl encore un proUènti jji la
ConfeJJion » à ne, la çonjidérer su en politi^
' que , a fait plus de bien que de mal. Sans
doute qif en fage Politique il en a fidèle^-
mimmaÊmmmmmmmmÊmmmmmttm
(a) Matth0'i% , 15.
{h) Y. U Li(ur«e des Eglifes du Pays de Vaud, p. 7O1
Ooiij
45^ Apotc«is
ment détaillé les bons & les mauvais eftts :
fur ion rapport nous ferons eo écat d'en
porter notre jugements
Il n'eft pas prouvé d'abord que l'on fs,
fou confejjé dans les myfttra élfis » JlOt'
fhéz & de Cérès , comme l'Auteur le pré-
tend ; reconnc^tre en général que l'oa a des
crimes à expier^ ce n'eft pas fè confeflêr,
ielon la fignification ordinaire du terme.
Xes Proteftans » qiû rejettent la Confeflion ,
ne refufënt pas d'avouer qi^ils odt des pé-
chés à expier. Quand on veut raifomier fo-
lidement, il ne faut pas commencer par
abufer du langage*
Les Chrétiens adoptèrent la Confeffîon dès
les premiers Jîicles de PEglife. Voilà déjà
i)n laveu important i il s'enfuit que la Con-
feflion n'eft pas une invention moderne ,
comme certains Critiques Proteftans > très-
mal inftruits fur ce point > ont voulu le per-
fuader* L'Auteur pouvoit dire hardiment
qu'elle çft ç» ufage dès k premier ^icle de
tEglije s & dès le tesaç^ des Apotrés >
puilqu'il en eft fait mention dans leurs
Ade$ ia)»
Mais il n'eft pas vrai qu'elle foit emprun-
tée des riti de Vmti^uité. L'on n'en trouve
aucun veftige avant J* C, & ce divin Légif-
(a)Aêi» 1$, i8«
r
DS LA Religion, &c. 4^Ç
lateùr n^a copié perfonne* Le pouvoir qu'il
a donné à fes Apôtres de remettre les pé-^
chés (a) i eft an privilège uni(]ue , & que
lui ieul pouvoit communiquer. Dans quely
xnonumens l'Auteur a-t*il découvert que
Jurfum corda , & i/e , Mijfa eji , fout des for*
mules imitées des anciens myfteres de 1$
Religion Payenne ? Cette anecdote eft aÛèx
curieufe pour mériter des preuves ; & il ef):
fâcheux que THiftoire n'en fburniÛè aur
cune.
Lefcandde > dit-il t de la Conf€(Jî(m pu^
hlique iiPune femme ^ arrivé à Confiantinople
au quatrième fièch , fit abolir la Confejjion,
La Conjeffion publique fut abolie > cela eft
Yrai ; mais non pas la Confeflion feciette ,
qui ne peut jamais être un fujet de fcan*
dale : la bonne foi demandoit que Von
fit cette diftinâion. La Confeflion publi-
que pouvoit être fupprimée » parce qu'elle
n'eft f>as commandée , & qu'il en poiiivoit
naître' des abus; il n'en eft pas de même de
la Confeflion fecrette inftituée par Jr C» &
qui ne peut faire que du bien. -
Celle-ci » félon TÂuteur , ne fut admise
dans notre Occident que versU feptièmejiè-
de. L'anachfonifme eft un peu fort. On;
peut voir les preuves du contraire dans Id
iA) jlfotc i8 2 x8, Joan,zQt ijr
00 W
44^ A P O L O G.I B
quatrième Lettre du P. Schefmaclier » Jans
VHiJloirc Eccléjîajlique du Père Alexan-
dre C ^ ) > dans BellarBiin , & dans d'autres
CofltroverCftes,
II défapprouve la formule de l^abfolu-
tion ; elle feroit , dit-^H , plus refpeâueufe
envers l'Etre (upréme , fi elle étoit en for-
me de prière , & fi le Confeflclir difoît :
Puijfe le Seigneur pardonner à tes fautes &
aux miennes.- i*^. II ignore fans doute que
rabfolution eft toujours précédée d'une
prière équivalente à celle qu'il imagine :
on peut le voir dans tous les Rituels. 2^. Le
refpedl envers TEtre fupréme confifte à
faire exaftement ce que J. C. a prelcrit :
or Jefus-Chrift n'a point dit à fes Apôtres :
Quand vous prierez Dieu de remettre les
péché§ > il les remettra ; mais il leur a dit :
Les péchés feront remis à ceux à qui vous les
remettrex (b). Pour remplir toute la fignî-
fication de ces paroles , l'abfolution doit
être un jugement ou une fentence de rémif-
fion prononcée au nona de J. C , & c'eft
ainfi que l'Eglife le pratique.
Le point effentiel étoit de pefer les bons
& les mauvais effets de laConfeflion ; l' Au-
teur l'a-t-il fait (ans partialité ? Lebienqut
la Confejfîon fait , dit41 , eft d^ avoir quelque^
(a) Hyt Eccl tertîîfaculi Ùiffert* ^i iuafl. li
D B L A R E L i G I O N, &C. 44I
fois obtenu des rejtiiutions de petits voleurs :
voilà donc toute fon utilité. Dans le Caté-
chifme du Curé on avoit du moins ajouté
c[u'eZ/e efi encore très-bonne pour engager les
cœurs ulcérés de haine à pardonner ; mais
nos Critiques en connoiflent peu les avan-
tages. Non- feulement elle procure la répa-
ration des crimes qu'ont enfantés la haine ,
la vengeance , l'injuftice , la jaloûfie , l'am-
bition , l'avarice , la volupté ; mais elle ar-
rête les ravages de ces paffions fougueufes ;
elle prévient cent fois plus de mal qu'elle
n'en fait réparer. Dans le fecret du tribu-
nal , un Confeflèur éclairé & prudent inf-
truit foff pénitent des devoirs qu'il ignore
ou qu'il méconnoît, il lui en montre l'éten-
due, lui fuggere les motifs de les remplir,
lui prefcrit les remèdes contre les paffions ,
le confole dans fes peines , l'aide à fe relever
de ks foiblefTes , rétablit danst fon corur le
calme & la paix. Pour parler fenfément de
la Confeffion , il faut en raifonner par ex-
périence ; & nos adverfaires n'en jugent
que par fpéculation.
Le mal qu'ils attribuent à la Confeffion ,
efi £ avoir quelquefois , dans les troubles des
Etats , forcé les pénitens à être rebelles ù'
fanguinaires en confcience. L'accufation eft
atroce ; mais les faits que l'on cite « ne la
prouvent pointi
4^2 Apologib
La Prêtres Guelfes refufoient , dît -on,
fabfolution aux Gibelins ; & les Pritra
Gibelins fe gardoient bien éPabfiuHre les
Guelfes. Les ({ffaffins des Sferees, desMédi^
eis , des Princes £Orange * des Rois de
Frattcej,fe préparèrent aux parricides par le
Sacrement de ta ConfeJJion* SuppofoDs pour
un moment tous ces faits » dont pluuems
font faux ou hasardés ; & voyons ce qui
s'enfuit.
I^. Dans ces cas là même , Il efl: vrai que
h Confeffion n'a pas arrêté ou prévalu le
crime » mais il n'eft pas vrai qu elle en aît
été la caufe, ni qu'elle dk forcé lespénUens
à être rebelles & fanguinaires. Un pén^d^nt
ailèz fcélérat pour fe confeflêr avec un hoi^
rible projet dans l'ame , & qui n'y renonce
pas en Confeffion » l'auroit exécuté de mê-
me > quand il ne fe ferok pas confeifê. Il (ê
trouve des rebelles & des parricides cbez
les peuples qui ne fe confeflent pas ; & ils
y font en plus grand nombre que che2
nous. Les Auteurs de la conjuration d' Am-
boife & de l'aiTaffinat du Duc de Guife ,
tous Calviniftes, ne s'étoient pas préparés
au crime par la Confeflion.
Un fanatique » perfuadé que le meurtre
qu'il médite eft une bonne aâion , ne fe
croit pas obligé de s'en accufer : mais ce
n'eft point la Confeflion qui lui donne cette
DE LA R££lGIO}l>&C. 445
idée , c'eft le dérangement de fon cerveau ;
fi fa maladie étoit fufceptible de remède^ ,
la Confeffioa feroit le plus efficace.
£^, On prouve feulement que dans Us
troubles dts Etats , lorfque tous les efprits
font en convulfion « cas afièz rare chez tous
les peuples ^ on peut abufer de la Confef-
fion. Mais dans ces conjonâures malheu-
reufes , on abufe de même de tous les autres
liens de la fociété pour s'enhardir au crimç;
.du ferment , du fecret naturel j des nœuds
de l'amitié , de Tautorité des loix. Dira-t-
on pour cela que c'eft encore un problème^
fi le ferment > le fecret, l'amitié» les loix , à
ne les confidérer qu'en politique ^ ont fait
plus de bien que de mal ?
3^, Dans les troubles les plus violens , il
fe trouve toujours des hommes fages » mo-
dérés » retirés du iponde : un Confeifeur
de ce caraâere eft toujours en état de dé-
tourner du crime un malfaiteur qui s'accu-
feroit à \uu Cela eft anrivé dans une infi-
nité de cas , dont le fceau inviolable de la
Confeilion nous a^érobé la connoiflànce*
Pour un fcélértbé^qui abufe de la Confef-
fion , il en eft dix mille pénitens qui en pro-
fitent. *
On nous dit que Loùi$ XI & la Brinvil-
liers fc confeflbient dès qu'ils avoient com-
mis un grand crime , & fe confelFoient foiu
444 Apologie
ytnt(a). Suppofons-le encore. II s'enfiiît
que ni la crainte de Dieu , ni la foi à la Con-
feffion , n'ont été capables de changer decix
âmes noires & livrées au crime. Mais s'en-
fuit-il que fi elles n'avoient pas cru en Dieu
ni à la Confeffion , elles iè (eroient rendues
moins coupables ; que fî on en eût fait deux
Athées , on les auroic rendues vertueuiès ?
L'Auteur finit cet anicle par un ti^t
digne dé la probité de ce Critique^ Il dit
que la Bulle de Grégoire XV, du 30 Aoot
1 62^ , ordonne de révéler les Confeffîons
dans certains cas. Ceft une impofture &
une calomnie. La Bulle n'ordonne point
au ConfefTeur de révéler la Confeflion du
pénitent dans aucun cas ; & il n'eft aucun
cas imaginable où cela pUiilè être permis :
mais elle ordonne au pénitent , dans un cas
extrêmement odieux , de révéler U crime
du ConfeJJeur qui auroit abufé de fon minif
terdb Cela efl très-difiërent. Le Confeflèur
eft obligé, par toutes les loix divines & hu-
maines , à un fecret inviolable dans tous les
cas envers fon pénitent ; mais le pénitent
n'éft point obligé à un filence femblable
envers fon Confeflèur. Le fceau de la Con-
feffion efl entièrement en faveur du pénî-
( a) Voyez encore le Dîner du Comte deBouIaînvil licc«
f • 50,
DE LA Religion) &c. 447
^ent . & lui donne toute la fécurité pofli-
ble ; mais il doit toujours faire trembler le
ConfeÏÏeur.
La répofïfe du Jéfuite Coton à Henri IV ,
afîplaudie par l'Auteur , eft une preuve
contre lui. Rivélerk^-^vous , dit le Roi , la
CohfiJJiari dun homme téfolu ' de m' affadi-
ntr ? Non , Sire ; mais je me mettrais en-
tre vous Qrluii Ainfi répondroit tout G>n-
fèfleur inftruît. S'il y avoir un cas imagi-
nable, où le fceau de la Confeifion pût
être violé y ce feroit certainement celui-là ;
dans ce cas-là même il eft inviolable. Sans
cela la Confeffion deviendroit inutile , au-
jcun malfaiteur ne voudroit fe confefler.
Il eft probable que l'Auteur du DiSion^
naire Philofophique nç s'étoit pas confefle
lai-mêiBe avant d'écrire cet article ; iln'au^
roit pas calomnié Grégoire XV , & il au-
roit mieux parlé de la Cpnfeffion.
" L'Auteur du Chrijiinnifme dévoilé eft à
peu près de même avis, C'eft en vain-, félon
lui, qu'on regarde la Confeffion comme un'
frein utile aux mœurs : les pays , dit-il , oà
elle eft plus fidèlement obfervée, ont Us mœurs
les plus dijfohes ; ces expiations faciles en^
hardiffem au crime C^). Par conféquent,
chez les Proteftans , qui qnt fupprimé la
/■
tm
If) Ghif, i| > p. ii4« Contagion faccéei^c. ii«
\
44^ Apologîk
Confeffion , les mœurs doivent être beaa«
coup plus pures que dans l'Eglife Romaine:
parmi nous les Incrédules , qui ae (è coih>
feflent plus i doivent être Itô plus vertueux
de tous les hommes< Nous (çavons ce qu'il
en faut penfer.
Appelier la Confeffion ,unè expiation fa^
cîki c'efi montrer fort peu de connoii&nce
des difpofîtions qu'elle exige* On ignore
fans doute que la Confeffion eft nulle > fî
elle n'eft accompagnée d'un repentir fin-
cere , d'une ferro^ rëfolution d'évité la
rechute & d'^n fuir les occafions ; d'une
volonté efficace de r^rer les e&ts da
péché , & de l'effacer par des œuvres fa-
tiisfaâoires. Si cela étott aufli aiÊ dans la
pratique que dans la fpéculatioa , la Confef^
iibn deviendroit plus fréquence, & les
mcftirs en vaixdroient mieux,
S. ?•
On s'eft fervî encore d^^m «itre artifice
pour faire paroître les rits extérieurs de la
Religion moinsrefpeâlables^onspréiemitt
qu'ils n'avoient été inftitués que dans la fuite
des temps , 8c fonvent dsms des fièdes peu
éckirés ; que le Chriftimifme des temps
Apoftoliqùes étm fort^<Mn:eilt de ce qu'il
eft xmjouid'httK Ceb deoHmde ua
cifîèment.
DE LA R E L I G r O ïl, &€♦ 447
n eft certain que les perfécutions , (mis
lefquelles TEglifea gémi pendant les troi«
Crémiers fièdes , ne lui laii&rent pas la li-
erté de pratiquer £bn culte public avec
autant d'&lat que dans le quatrième ; mais
dès qu'il lui fut permis de fe montrer au
grand jour , elle établit (es rits , conformé-
ment à la tradition des trois fiècles précé-
dens, qui remontoit jufqu'aux Apôtres»
Une preuve 0» le fond de la liturgie, les
c&&ionies cflèntiefes. <fes Sacremens , &
tous nos rij|torincipau^ . font de la plus
haute antiquM^ c'eft qu'il ^ impoffibW
4'affignfir l'époque précife de leur inftita-
tion.
Dans la fuite des temps; lorfwu'il s'é«
îeva diffârentes héréfies , TEglife &^ foin
de mettre en ufage les rits & les formu-
les les plus propres à énoncer diftin6te-
xnent le dogme Catholique , & à préfet-
ver les fidèles de l'erreur. Ainlî le Trifa-
gion , la Doxologîe à la fin des Pfeaumes,
ïa triple immeruon dans le Baptême ,
furent établis pour profeflèr d'une ma*
xiiere fenfiblé les myfieres de la Trinité
& de f Incarnation. Après la condamna*
pon de Neftorius , le culte de Marie , mtrt
de Dieu, d^a crès- ancien, devint plus
Ipompeux ; tout comme l'on a vu , de^
pis rhéréfie de CalytQ, le cuhe de l'Eu-
448 Apologie
chariûîc recevoir un -nouvel: éclat dans
toute TEglife.
En vain nos Critiques entêtés ont voulu
faire envifager cette conduite de TEglife ,
comme une preuve des changemens furve-
nus dans fa foi : tout au contraire ; c'eft une
barrière qu'elle a toujours oppofée à Tîntro-
dudion des nouveaux dogmes. Lorfque les
Reformateurs du 1 6^ fiècle voulurent éta-
blir, leur doâxine , il fallut qu'ib comroen-
çaffent par fupprimw tout le rit ejLccrîeur
qui dépofoit co»^''^"^ • prjfcfSon de foi.
muette , maî^^^e^gique & ioBTigibleà tous.
Ce trait fcul fuffit pour montrer combien il
eft néceffa^re de conferver les rits anciens >&
combler il feroit dangereux d'y donner
atteinte*
CHAPITRE X.
Vcs Livres facrés (Us Chrétiens^
§. If
jTSl considérer le ton qui règne dans
Je Chrijiianifm^ dévoilé , on s'attend d'a--
bord à trouver dans ce chapitre de nouvel-
les difficultés contre les Livres faints , des
réflexions qui ont échappé aux autres Cri-
tiquas. On eft fort furpris de ne voir qu'une
répétition
DIS L,A R£LIGIOK> &C. 449
répéfetion très-fuperficielle de celles qui
ont dqa paru , & qui reparoifïènt tous leç
jours fous de nouveaux titres* On les a
lues dans le DiSlionnaire Philofophique ,
dans la Philofophie de PHiJioire^^ dans le
Traité fur la Tolérance , dans les Lettres fur
les Miracles , dans les Quejiions de Zapata ^
dans V Ex amen de la Religion attribué ^
S. Evremont , dans le Livre de Fréret ^
dans VAnalyfe de la Religion Chrétienne »
-par pumariais ; dans le Catéchifme i«
l'honnétè Homme j dans le Sermon des
Cinquante , &c. plufieurs font encore re-
nouvellées dans YExamen important de
Mylord BoUngbroke. L'Auteur de la JPhi-*
lofophie. du bon Sens en avoit déjà pro-
pofé une bonne partie , après les avoir et%-
pruntées de Bayle, Voilà la chaîne de tra^
dition , par laquelle les découvertes PhUor
fophiques fe perpétuent ; & elles n'ont pa^
coûté un grand travail à ceux que l'on ea
croit les Auteurs. Ils les ayoient priiês dans
Origène , dans S. Jérôme , dans S. Auguf-
tin. Ils avoient eu foin de tranfcrire dan^
ce dernier Père, les vieilles objeftions de^
Manichéens, fans dire un mot de ce que
le â. Dodeur avoit répondu à ces héré,-
tiques. Aujourd'hui l'on puife dans une
fource plus facile : on extrait les difficultés
contre les Livres faints dans les Comi[af n-
Tome L P P
45*^ Afologib
tatres de Dom Calmet » en laiflant toujocn
de côté les réponfes. Voilà le grand art par
lequel on multiplie les Livres, oa étale de
f érudition à peu de frais , on éblouit les
ignorans.
Ceux qui ont un peu lu , fatigués de ces
répétitions , ne peuvent revenir de leur
étonnement* Cette charlatanerie durera-t-
cUe long-temps ? Le perfonnage de Com-
pilateur , de Copifte , d'Abrévîateur, con-
vîent'il à des hommes qui iM'écendent inf-
truire le genre humain ? Efpere-t-on nous
fermer la bouche , à force de répéter les
mêmes objeâions ?
Nous avons inoittré dans un autre Ou-
Trage (a) , la fource de l'obfcurité des Li-
mres faints ; la ftérilité & le laconifme des
anciennes langues , la (ingularité des moeurs
du premier âge du monoe > le génie parti-
culier des anciens Orientaux , Tallufion con-
tinuelle de leurs difcours à des ufages qui ne
fobfiftent plus : tout cela rapproché de nos
langues , de nos moeurs > de nos coutumes ,
doit paroître fort extraordinaire. Mais
quand nous ne pourrions pas prendre le
vrai (èns d'une expreffion de Moï(è , ou
concilier une difficulté de chronologie j
a'enfuivroit-il que les Livres faints ne mé-:
ï)È t A É!eligion, &c. 45-1
^î(ent aucune créance ? Les Chinois con-
viennent eux-mêmes que leurs ançi^iis
Livres font d'une obfcurité preCqu'impé-^
nétrable ; la difficulté d'entendre ceu^ de^
Moïfe , ne prouve rien autre chofe que leur
haute antiquité.
L'Auteur du ChnJIianifmt iév^iU com»^
mence , félon fa coutume » par nous impu^
ter des opinions que nous n'avons pa$;^
il nous accufe de croire que d^is la Bible
il n'y a pas un mot qui m foU infpiré Ca}^
Fauflè mppoCtion^Nous croyons que Dieu^
a révélé aux Auteurs facrés les événemens-
futurs, qu'ils ont annoncée , & les vérités:
qu'ils n'auroient pas pu connoître par lat
lumière naturelle 5 qu'il les a excités par
un mouvement de fon efprit à écrire ce-
que nous lifons dans leurs Ouvrages : qu'il
a veillé par une providençci fpécial^ \ cr
^'ils tfjr mclaflent riçn de faux •ni de cQ^p-
traire à tes deÛèins. Mais l'Eglife n'a j^m^is
cru que Dieu leur eût inipiré tous le$ mots*
ou toutes les expreilions dont ils fe {ont
fcrvîs»
On ne voit pas par quelle raifo% il re-
garde l'Ancien & le Nouveau Teâameni:
cotî!uae^unaJfemblagep€uç^mf^ikU,Q^^U'
<a ) Chnft« dévoilé > p. 1 17^
452 Apologie
oppofitîon y a-t-il entre ces deux parties
de l'Ecriture? It fallait, ou le montrer,
ou ne pas bafarder une femblable expre^
iion.
Comme les objeâlon&que l'on fait con^
tre les Livres de Moïfe » font beaucoup
plus détaillées dans le DiSionnaire Philo-
fophique , que dans les autres Ouvrages de
nos Critiques , nous examinerons foigneu-
fement les dififérens articles qui concernent
cette matière.
Akticj&e fremies»
iPeJ Lknra de t Ancien Tefiament^
L'article Genèfe du DiSionnain Pliilo^
fophique mérite une attemioa particulière»
C^ y voit un Critique qui a voulu fe
parer d'une érudition qu'il n'a pas y qui
parle d'Hébreu » fans fçavoir les premiers
élémens de cette langue ; de Fhyfîque , en
Phyfîcien très- borné ^ d'Hiftoire ancienne s
en Lit£^rateur moderne*
Selon lui > on traduit mal ces paroles;
^ commencement Dieu créa le ciel & la
terre : il n'y a point , dit-il y d'homme un
peu inftruit > qui ne fçache que le text^
porte : Au commencement les Dieux firmt »
ou les Dieux fit le ciel & la terres
/
DE LA R E L I G I O K , &C. 4^5
Mais s'il étoit lui-même auffi înftruit qu'il
veut le paroître , il fçauroit qu'en hébreu le
nom plurier , quand il eft joint à un verbe
Cngulier ; ne fignifie point multitude i
qu'alors il eft augmentatif, & défigneie
fuperlatif. Elohim , en hébreu , ne fignifie
donc point les Dieux , mais le Très-^Haut >
puifqu'il eft joint au verbe créa qui eft au
fingulier. C'eft aînC qu'il eft conftruit conC-
tamment dans tout ce chapitre & ailleurs»
Cette leçon , dit le Philofophe , eft bail-
leurs conforme à ^ancienne idée des Phérii^
ciens, qui aboient imaginé que Dieu employa
des Dieux inférieurs pour débrouiller le
chaos » le Chaut Ereh. Voilà autant de fauf-
fetés que de mots. Nous ne connoifTons les
anciennes idées des Phéniciens , que par le
fragment vrai ou iuppoie de Sanchonia-
thon , ailèz mal traduit par Philon de Bî-
blos , & confervé dans Eufebe ( a). Or , fé-
lon ce fragment, il eft faux, i**. que Dieu
ait préfidé au débrouillement du- chaos?
Sanchoniathoci n'en dit pas un mot : auffi
Eufebe lui a-t-il reproché que fa cofmd-
gonie va droit à l'Athéifme. 2°. Il eft en-
core plus faux que , félon le fragment ;
Dieu ait employé des Dieux inférieurs>au
débrouillement du chaos ; Sanchoniathon
W Cujc^.pr^por, &mg. t, r ^ c. ^»
45*4 Apologie
iuppofe au contraire, que les premiers
Dieux des Phéniciens furent le Soleil & les
produâions de la Terre. 3^ Chaut Ertb ,
vuide ténébreux, eft de l'invention duPhi*-
lofophe : Sanchoniadion donne pour ièul
principe de l'Univers » un air ténébreux y &
non pas le vwde*
Les PkénieUns , condnue le Critique ,
étaient depuis long-temps un peuple puijfant ^
Îui avait Ja Jhéaganie , avant que les Hé-
reuxfefiijfent emparés de quelques villa-'
ges de fin pofs. Nouvelle fâuflèré répétée
dans la Philofaphie de CHiftairt (a) , dans
f Examen important (b}. Se dans l'article
Afaïfe (c> .Les Phéniciens ne font deve*
BUS puiflans que par le commerce mari*
time & par leurs colonies :or on défie notre
Philofo|die de montrer, qu'avant Pétablif^
lèment des Hébreux dans la PakfHne , les
Phéniciens euflent déjà &it fur mer aucun
voyage de long cours. S'ils euflent été alon
un peuple puiflànt, aur(Ment-ils laifle con^
quérir leurs pays par les Hébreux , que l'on
Aous peint comme une poignée d'efclaves ?
U prouvera encore moins que la Théogo*
|iie des Phéniciens foit plus ancienne que
|tf}Chap. I5,p. tfi.
i b )ExaineD imporunt »c. 6» p. ||«
le) Diâ. Philoft tome a ^ f • syj»
i
X>C LA REI.IGIOK» &c. 4y/
les Livres de Moïfe; Sanchoniathon » Au-
teur ou Rédaâeur de cette Théogonie » a
vécu y félon le fentiment le plus probable ,
au moins deux cens ans après Moïiè , &
peuc~êcr^ beaucoup plus tard.
lUJi bien naturel depenfer, ajoute notre
fçavant DiflTertateur , que quand les Hébreux
turent enfin un petit établijfement vers la
Phénicie , ils commemerent à apprendre la
langue , fur- tout lorfquils y furent efclaves.
Alors ceux quife mêlèrent décrire , copièrent
quelque chofe de V ancienne Théologie de
leurs Maîtres ; t'eji la marche de Vefprit hu-
main. Malheureiuèment cette marche pré-
tendue ne s'accorde » ni avec les &its , ni
avec les monumens » ni avec les fuppofi-
tions de notre PhUofophe. i"". Les Hébreux
n'apprirent point la langue de la Phéni-
cie après leur ^tabliflement ; ils parloient
leur langue depuis Abraham. Toujours fé-
parés des autres peuflTes « ils la conferve*
rent fans mélangée L^ébreu des Livres
faints , & ce qui flous refte des monumens
Phéniciens » prouvent démonftrativement
que le langage & l'alphabet des deux peu-^
pies n'étoient pas entièrement les mêmes.
a\ Dans tous les Livres des Juifs , les Cha*
nanéens font regardés comme une Nation
enneftiie , dont les Jui& déteftoient la Re«
lijjbi^v les moeurs > les ufages. Ce que nom
4:^6 A P O L O <3 t Ê
en connoiflbns , eft abfolument différent
de la croyance & des mœurs Juives ; Moïfe
& Sanchoniathon n'ont rien de commun;
on le verra par le détail. 3*. Lorfque les
Hébreux entrèrent dans la Paleftine , ils for-
toient de l'Egypte ; notre Auteur lui-même
fuppofe qu'ils avoient reçu la circoncifipn
& tous leurs rits des Egyptiens (a). N'eût-
il pas été plus naturel d'en emprunter de
fiiême leur cofmogoniè > que de la copier
fur celle des Phéniciens ? 4.*". Dans l'article
Moïfe notre Critique fuppofe que lePen-
tateuque a été. fait par Efdras après • la cap-
tivité de Babylone ; ici il prétend que
c'eft une copie de la Théologie Phéni-
cienne , coniroofée dans le temps que les
Hébreux étoient efclaves des Phéniciens,
Qu'il accorde , s'il le peut , ces deux fup
pofitions.
Dans le temps, dit-îl, où V on place Mifife »
les Philofophes Phéniciens en fçavoient pro^
babïement ajfe^pour regarder la terre comme
un point , en comparaifoi\^4^ la multitude
infinie de globes que Dieu ^ji placés dans
Vimmenfité de ïefpace que Von nomjne CieU
Fort bien. Dans le temps où Vim place
Moïfe , c'eft-à-dire , plus de fept cens ans
(a) Voyez encore TËxameA imponaxiri cbapÂcre 5*
pas* i^" ■
avatit
DE LA ReLIOIOîI^ 6cc. ^^J
jtvant les premietâs ûbfervatioBS âfimno-
iniques des Cbaldéclns . » les jPfaénkîens
écoieiit déjà PJiilofo{bhes A: Afironoines*
Ils avaient bâti le {rfième^de l'Univers auffi
habilement que 'Copeirnic ; ils içavoient
que la terre n'eu qu'un point au milieu des
f lobes immenfes qui rendent fur nos £êteï#
[s fçavoient tout /& les Hébreux ne fça*
voient xien« Ceux-ci ont copié toutes le»
;errêars de leurs Maîtries» &; iis n'ont pas eil^
i'efprit d'en enaprumer aucune vérité. Oa
«'a qu'à lire M. Goguet fur les progrès de
V Afironooiie j on verra en quel état etlâ
droit chez tOiU»^ bs Nations au £ècle à^
Maïfô. Mais voilà comme raifofinent na9
âdverfaâ-0S4 Ils differtent à perte de vue i
confondent toutes les épo^fnês » comredi-^
fenc tous les naonûmeôs , déplacent & défi^
gurent tous les faits , & ne fçavent pa$ (ecn
lôment s'accorder avec eux-mêmes.
Selon ûotre Crtciqiis » cette idée fi An4
cienne ^fifauffe^ que le Ciel a été fM
ftfur la tèm^ à prtfque toujours prétfalu
thê^ le peuple ignùtant. Masi du moins jeUt
ne pfévâloit nlus ^hez les Phéniciens qm
étoi^ttt déjà niifof^phes* En finrond lie^^
cette idée Dfisft point dans le Livre àt.
MoiSài dti Ht Ifti pcèos :fr^uitemenc : il
^t qae Diôû a fsréé b diel £t ia> tàr/e , &:
HQfi:^ <pâl:a Im: le cbl pMt la tebé, U
Tome L Qq
4y8 Apojlogie
dit que Dieu a fait le folçil pour éclairer
pendant Te jour , .& la lune pour éclairer
pendant la nuit : c'eft un bienfait du Créa-
teur propre à exciter notre reconnoifîànce.
S'il avoir écrit que Dieu a fait la terre pour
pirouetter autour du foleil > quel fentimeot
auroit-il fait naître ?
Suivant le texte de la Gencfe , la terre
était tohu bohu ; les ténèbres étaient fur la
foce de l'abîme , &* l'ejprit de Dieu etoit
porté fur les eaux. Tohu bohu^ dit notre Au-
teur, ^g/zf/îe précifément chaos, defordre.
Point du tout. Tohu fignifie profondeur,
kohu » vuide » & non pas defordre : chaos;
terme grec » a le même fens. Tohu bohu ,
4it-il encore , ejl mti de ces mots imitatifs
qu'on troupe dans toutes les langues , comme
Jens'deJJuS'-deJjous , &c, Sens-dejjuS'deffous ,
terme imitatif ! voilà du curieux. Voudroit-
on nous apprendre comment le vuide &
le defordre peuvent être imitçs par le fon
d'un mot ?
La tçrre , continue-t-il , n'était point en-
tore formée telle quelle eji ; la matière exif \
toit ^ mais la Puijfance divine nç Pavait ,
point encore arrangée^ Suivant c^ beau
Commentaire , Moïfe ^ fuppofé la inatiere 1
éternelle ; cependant Moïfe a dit fpr inelle-
ment le contraire. Au çomn^ncemenf Dieu
créa k ciel&ia terre i Avant ce momenCa
■;
r>E LA Religion , &c. 4jrp
rren n'exîftoit que Dieu. En quel état fut
d'abord la terre , à Tinftant qui» fuivlt la
création ? Elle etoit environnée des eaux ;
elle ne préCèntoit dans toute la furface du
globe , qu'un abîme d'une profondeur im-
inenfe , couvert d'épaiffes ténèbres : voilà
te que nous apprend Moïfe. Si le Com-^
mentateur nela pas entendu, ou n'a pas
voulu l'entendre , ce n'eft pas la faute de'
l'Ecrivain facré,
Ltfprit de Dku , dit le Philofophe ,'
fignipe lefouffltj le vent qui agitoit les eaux;
cette idée tji fuf primée dans les fragmens
de ïAauwr Phîénicien Sanchoniatkon^. Oui ;
mais F Auteur Phénicien l'exprime ridicu-
lement ; il fuppofe l'air en mouvement de
toute éternité , & fans aucune caufe :
Moïfe , plus fenfê , enfeîgne que Dieu lui-
même agitoit l'air , parce qu'il n'y avoit
encore aucune caufe natureHè du vent.
Notre Critique foutient opiniâtrement'
^e les Hébreux croyoient la matière éter-
nelle, parce que les Phéniciens étoient dkns
cette opinion. Il rfy a pas un feul Auteur
dans ï antiquité -qui ait jamais dit qu'on eût
tiré quelque chofi du néant. On ne trouve
mimé d^ toute la Bible aucun pajfûgt ou il
[oit dit que la matière ait été faite de rien.
Que -(ignifie^ donc ce paflage des Pfeaumes
que le Critique lui-même a* cité : dixit , O
9V]
y
î
4l6o Apologib
faSafunt ? L'argument qu'il fait eft (ingu-
lier : les. ^tres Nations n'ont pas connu la
création proprement dite s donc les Hé-
breux n'y penfoient pas non plus, Je dis
au contraire : Les Hébreux ont parlé de la
création dans des termes tout dilëreos de
ceux desi antres Nations; donc ils en ont
eu. une idée toute diligente. Qu'cmi nous
cite dans les Auteurs profanes quelqu'ex*
predion qui approche de celles de Moïfe »
& des autr^ Ecrivains Hébreux. Dieu dit :
ue la lumicrtfait, & la lumière fut» Jl d
ils. ^ tout a été fait* Vouifoufflere^ , Sei-
gn&ktr s & tout far A créé ie nouvtiuu C^efl
moi , dit h Siignmr , qui ai créé le ciel & la
%^^^ i h h^ ^^ appelles t & ils ^nt paru ;
fêtais feul quand )% les mf(dts (a). Il n'cft
point le queftioa de matière préexifiante ,
& il n'en eft parlé nulle part. Quel-eAle
I^iloroplie , le Poète , l'Hiftorien (}ui fe
(bit ,âin& exprinaé ^
..L^étemité de la. matière a. été fopinioA
die tx>ute; l'antiquité profaae • nous en con-
venoos ; m^is cç n'a podnt été la croyMce
des Hébreux v il $n réfiike, sidgré lajpré:-
mention 4e notire Bhilofophe, queMoïle n'a
den appris des Autres Nation» » & qy^'il a eu
un meilleur Maître*
^
DE LA RELIGfïON* &C. 46 JT
S. 3»
Toujours attentif à rahaîfler Moife , no-^
tre Cenfeur foutieut , après Méffieurs Huet
& le Clerc , qu'il n'y a rien de fublime danè
cetise cxpreffiau 2 Ditu dit que la lumière
fait faite y &* la lumière fitt faite* Cette élo^
quence , dit- il , n*efi affeSée dans aucune
Hijioire écrite par les Juifs. Lefiyle efl îA
de la plus grande JîmpUtité ^ comme dans li
rejic de Pouvragt. Si un Orateur , pourfahri
connaître la puijfance dé Dieu , emphyoit
feulement cette exprejîon : il dit ^ que la
lumière foit j Çf la lumière fut *• ce ferait
alors du fiélime. Tel efl ce p^tjptg^ à!'un
¥feaume : Dixitj ùrfaBafunt. Et voi!à jiîf-
tement la manière dont Moïfe â parlé :
Dieu dit que la iumere foit , fi?* la lumière
fut. Telle eft l'expreflion fîmple , maïs fu-
blime de TorigmaK Nous convenons qu«
cette éloquence h^eft point aflfeâée , qu'elfe
eft très*naturelle : c'cft pour cela même
qu'elle frappe davantage. Le ftyîe eft de
la plus grande fimplicité , mais Pidée eft
noble & majeftueufe; nous perfuadera-t-ofl
que le ftyle , pour être fublime ^ doif être
ampoulé & peu naturel ?
Il eft faux que le pafiàge du Pfeaume :
Dixitj, ùrfaBafunt , foit un trait unique ; fl
eft fuivi d'une autre image qui n'eft pas
Qqiij
* ^62 Apologie
moins vive : Statuât ta in sternum €f in
fxculum fœculi ; prntctptum pofuit , €r non
ffctteribit^ Dieu qui diâe aux Créatures
une loi dont elles ne s^écarteront jamais :
ce n'eft point là une peniee triviate.^.
Tout tjl fublime dans là création /ans
doute f continue notre gsand Critique %
mais celh de la lumUn m L'eji pas plus qut
' £elle de Vherbi des champs. U n'eft pas que(
tion de.fçavoir fî ia^préation effi mblime,
mais Cl, Moïfe en a rendu l'idée d'une mar
Bière. fublime; nous foutenons qu'il l'a fait:
Dieu dit ; que cela fou , & cela fut.' voifà
k ftyle qui règne, dans tout le premier
chapitre de la Genèje^ L'e«preffion eft ré-
pétée à chaque nouvelle créature qui fort
éa néant , parce qu'il nîy ea- avoit point
d'autre qui pût aulîî-bien exprimer la- créa-
tion proprement dite. Le Rhéteur Lon^
gin , tout Payeaqu'il étoit , fiit frappé des
expreffions ae Moïfe r tout homme qui a
le goût du grand & du fuUime , .en eft a&âé
de. même*
C étoit encore ,. félon le Philôfophe , une
opinion fort ancienne y que lalumiere ne i^e-
noit pasdufpleil; on s^imaginoit quelefokil
nefervoit qu^â la pouffer plus fortement :aujji
V Auteur de la Genèjefe conforme-t-il à cette
erreur populaire. Voici deux. nouvelles inia-
ginations.. i*". U eu faux que l'opinion, qii
t)È LA Relîc^iôn, &c. AiSy
fegarde la lumière comme ua fluide diftin*
gué du foleil , foit une opinion ancienne 8c
populaire. Dans les tlémens de la PhMofo^
phie de Newton (^0 > ^'^^ dit que DefcaiV
tes eft F Auteur de ce fyftème : il ne l'âvoic
pas puifé chez le peuple ; jamais le peuplé
n'a penfé à diftinguer la lumière d'avec le
foleiL 2^é II n'eft pas prouvé qUe Moïfe ait
eu l'idée qu'on lui prête. Il fuppofe la lu-
mière créée avant le foleil; mais n'y a-t-il
dans la nature d'autre lumière que celle du
foleil ? Dans ces mêmes Elémens de Philo^
fophie (b), l'on demande : Quejl-ce donc
erifin que la madère de la lumière f Cejl le
jeu lui'^mimt .. , , Sion demande ce que cefi
que le feu ;je répondrai que c'ejî un dément
?ite je ne cannois que par fa effets } qu^
homme n^eji point fait pour Cônnoître la
nature intime des chofes. Et c'efl: précifé-
itittkt la leçon que donne Moïfé. Le terme
jour y dont .il fe fert » fignifie également le
feu & la lumière. Si Newton ne les diftin-
gue point non plus , il eft revenu à l'opi-
nion populaire > & à la doârine de Moïfe«
V homme n^eji point fait pour cônnoître la
nature intime des chofes ; & Ton s'élève
contre l'Auteur de la Genèfe , parce qu'il
■tM*«i*«fcaMa«a*i«iii^
' (û) 1. Part, cfîr r,
^ ih) Ibii, cfaap. u
Qqîy
4<?4 ArotoGiB
n'a {^$ expliqué la nature inciaie du fêa&
.4^ la lumbre.
Il eft clair qw les trois premiers verièts
Je 1^ Genèfe nous apprenoent la création
des quatre Eléa]«Q5; en premier lieu, de la
terre & de l'eau ; eo fécond lieu , de l'air :
enôn du feu on de la lumière. Qu'eft-ce que
ÇQ corps lumineux que Dieu créa avant le
Soleil , qui fervit d'abord à diffiper les té-
Bèbres % à faire fuccéd^r le jour à la nuit ?
Moïfe ne le dii point » .& cela n'étoic pas
néoeflaire > mais on l'accufe , mal-à-propos »
d'avoir tout confondu. Par m Jingulier
renverjfiment de Perdre dêicbcfes, il ne fait
créer lefçleil ùr la lune que, quatre jours après
la ^«m/ere. Qu'importe ? Dieu n'a-t-il pas
pu créer du feu » par conséquent de la lu*
miere , avant le loleil & la lune ? N'a-t-il
pas pu créer d'abord un corps lumineux
qui ait ièrvi enfuite à former lès aftres ï On
ne feut c^nçeycdr comment il y a un matin &
un fait y avant qtiil y ait un foUil* On le
peut très-bieo. Il fuific jqu'it y ait eu un autr^
corps lumîaeuic , dont.la révolution fe foie
faite en 2± heures. |/ nefi donc pas vrai
qti^il y ait là une confufion qvCil efi impcffî-^
Ue de débroitUtir^ La conmfîon eft touta
entieri? dans Je Commeataire du. Philor
fophe > & non pas dans le texte. Quand mê-
me on fuppoferoit que Moife a ainfi parlé
DE LA Religion, &c, ^6j
par anticipation ; qu'il a dit d'abord en
abrégé ce qu'il raconte enfuite plus en dé-^
tail , il ne feroit pas encore vrai qu'il y
eût là une confufion qu'il eft impoilible d«
débrouiller.
Si nous en croyons notre Philofophe ,
Vidée à^un firmament eji encore de la plus
haute antiquité. On içnaginoit que les cieux
étoîent très - folides , qu'ils étoient d'une
matière fort dure ; qu'il y avoit des réfer*
voirs d'eau dans le ciel , que ce^ réfervoirs
lie pouvoient être portés que fur une bonne
voûte , qu'elle étoit de cryftal , qu'il y avoit
des portes , des éclufes , des cataraétes , qui
s'ouvroient & fe fermoient. Telle étoit »
conclut notre Auteur , PAJiranomie Juive*
Déjà il a dit la même chofe dans Far*
tîcle Ciel (a). On l'a répété dans la Philo-
fophie de VHiJIôirg (b) ^ dans le Traité
fur la Tolérance , c, 1 3 , p. 145 , & dans les
Quejiiom de Zapata (c% L'affedation de
nos adverfaires à infifter fur un fait, eft fou*
vent un motif de plus pour en concevoir
de la défiance.
l^ Il eft faux que Moïfe ait imaginé un
firmament dur & folide , auquel les étoiles
étoient attachées , qui portoit de$ eaux ,&c.
mmmm
(À) Tome I ) p. 184
(h) Chap. 47.
4(5(5 Apolo(^ie
Le terme hébrea que Top a traduit par ^r-
mament , fignific f//?afe ou étendue .- or il
eft ridicule de faire dire à Moïfe que les
étoiles étoient attachées à l'efpace ou à l'é-
tendue.
a^ Il eft faux que Moife ait fuppo(e ce
firmament comme une voûte dure & (bli-
de , de glace ou de cryflal; jamais les Juifs
n'ont eu cette idée. Un des Interlocuteurs
du Livre de Job , ayant avancé cette pro-
pofition fauffe : que les deux font très-fali"
des^ comme s* ils étaient faits d^ airain ia)i
fur le champ Job fsût parier le Seigneur
lui-même , qui reprend ce difcoureur : Q«i
tft cet hommeAà ^ dit-il , qui prononce des
fentences en difcourant comme un igno^
rant(b)?
3^. {1 eft faux que Motfe ait placé les
eaux fup)érieures au-dei]|is de refpace où
font les étoiles : il n'y a qu'à préfenter ion
texte tel qu'il eft , pour confondreirimpol^
ture. Dieu fit une étendue ou ua efpace ^ &
ilfépara Us eaux qui étoient ai^deffims d^a^
vec celles qui étoient au - de (fus ; Gr Dieu
nomma cette étendue le cieU fi eft clair que
les eau^ fupérieures font les eaux raréfiées
& réduites en vapeur dans l'atmofphere»
DE LA Religion, &c. 4^77
Enfuîte il dit : Dieu fit deux grands lumi-'
naires ou carps lumineux , Pun peur préfir
d^r au jour * Vautre pour pméfider à la nuit ,
& les étoiles , & il les plaça dans Pétendut
du ciel pour éclairer la terre(a).îl cft évîr
dent que Moïfe n'a point fixé les bornes de
cette étendue qu'il appelle le ciel : qu'il ne
fuppofe point que les eaux fupérieures de
ratmofpnere foient aulïi élevées ou pkisf
'élevées que les aftres , ni que les étoiles
foient plus attachées au ciel que le^ foleil
& la lune. . .
4^. U eft faux que Moïfe ait parlé de
voûtes > de portes » d'éclufès y, en racontant
le déluge. Il dit que les digues du grand
abîmé ou de la mer furent rompues , &f
que Us réfervoirs ou cataraûes du ciel fu-
rent ouverts (b}. On Içait que eataroBe
iignifie chute d* eau /il rien davantage.^
Voilà comme on altéré la nafratioa de:
Moïfe» pour y trouver des erreurs-
Sur ce qu'il a dit du foleil & de la lune ^
le Cenfeur conclut , toujours la mime igno*'
tante dt la nature^ Les Juifs ne fçavoient
pas que la hine ri éclaire que par une lumière
, réfléchie^ Et dans quel endroit ont-ils en-
fei^né qu'elle éclaire par fa lumière propre f
V Auteur » continue-t-il > parle ici des étoi^
{a Gtn. 1 , 7 6c i5.
4^8 Afologis
les comme dune bagatelle , quoique elles /oient
autant de foleils dont chacun a des mondes
roulant autour de lui. Le Philofophe les
a-t-il vus , ou peut-il en donoer des preu-
ves ? Moïfe parle des étoiles fans empha*
fes > comme de tous les autres objets de la
création ; Ton reconnoit à fon Ùyle la fin-
cérité d'un Hiftorîen, qui dit ce qu'il (çait,
ikns vaine complàifance & fans ofienta*
tion.
Ce qu'il y a de remarquable , c'eft qu'en
exagérant 1 ignorance des Hébreux , l'Au-
teur du DiElionnaire Philojbphique élève
jufqu'aux nues les connoiflances aftrono-
miques des Chaldéens (a).ILeJi très-fur,
dit-il , que les Lhaldéens avoient des' idées
auffî faines que nous de ce qu'on appelle le
Ciel ; 41s avoient (îir la fabrique du monde*
le même fyftème que Copernic a renou-
velle deppis ; c'eft ce que nous apprend
Ariftarque de Samos.
Gardons-nous d'ajouter foi à ce ton af-
firmatif ; ce que Ton nous donne comme
très-fur , eft certainement tris faux. Il n'efl
pas vrai que les Chaldéens aient connu !e
fyftème de Copernic , ni que cette connoif-
lance leur foit attribuée par Ariftarque de
Samos. Au contraire > cet Aftronome., qui
I — 1^— llll ■■■!■ I II «■.II. Il II II
iâ) Arc« Ciel , p. iSi. Fhilof. de l'HiO. c. lo', p. 44,
DE LÀ Religion. &c. ^6$
a été à peu près contemporainV d'Archi-
xnède , pafle pour le premier, qui ait enfei^
gné que la terre tourne autour du foleiU
M. Goguct qui a fuivi fort exaftement lès
progrès de l'Aftronomie chez les Chai*
déens , & qm connoiiToit l'antiquité mieux
que notre Philofophe , n'a eu garde de leur
attribuer des connoiflànces qui n'ont été
acquiCes que fof t long- temps après eux.
Une autre remar(]ue à faire , c'eft que
l'Auteur du DiSionnaire Philofapkique
qui. a tiré l'article Ciel {»refque tout entier
de la Difièrtaticm de Dom Catmet » fur le
fyftèmt du monde da amiens Hébreux > pla^
cée à la tête du Livre de VEccle^afiique.i
, s cru cacher fou plagiat , en tournant co
Con^memateureo ridicule^ Ce n'eA pas la
feule fois.^'H ait ufé de ce ftratagème (a)^
Rerenons àl'artide Genife. Parce que
dit : Fmfans ï homme à nôtre image ,
tejCfitkjua ohCstyréqt^âu ne fait def im^igei
que dxs c0rpu NMeNatim ràit^iï, rCitrmÀ
gina un Dieu fans cùrps ,& ileji inqfoffij^h
de fi Itrepréfinter autremet^t.p •. • Les Juifi
crutentIHeu canfiatmnmt c^orA^ cûmmi
tous les aiitte^peuiies(b)»
M«N
(d) Art. eut des anciens i tôttic t , p. t^^.
iiyo Apologie
Puirqull eft impofllble de fe repréfènter
Dieu fans corps , nous voilà donc âuflî ré-
duits à croire Dieu corporel ; nous âifons
des images de Dieu, nous Tommes donc
auffi grodiers que les Juifs«
Nos Philofophes , qui à force d'être (pî-
rituels , font devenus Matérialises , doi-
vent penfer différemment. Suivant eux,
l'homme n'eft qu'un automate ; il eft du
moins fort incertain fi ce n'eft pas la ma-
tière qui penfe en lui : dans cette hypo-
thèfe , il eft bien clair que l'homme n'eu pas
fait à l'image de Dieu. Mais fi l'homme a
une ame intelligente & libre , capable de
vouloir , d'agir , de fe déterminer , de fe
connoître elle-même» & de connoître
Dieu, l'homme n'eft-il pas une image , du
moins imparfaite , de la Divinité ?
Les Juifs crurent Dieu conftammmt cor--
porel ; cependant ils ont cru & profefle
conftamment que Dieu eft immenfe, infini,
préfent par-tout , qu'on ne peut ni le voir ,
m le repréfenter : c'eft le langage de *tous
les Prophètes. Les Juifs ont conftamment
reproché aux autres Nations l'ufage d'ado*
rer des Dieux fous une forme corporelle.
Quand les Sadducéens commencèrent à
nier qu'il y eût de5 efprits, on les regarda
comme de faux difciples de Moïfe. Lorf-
(^e ). C« eniêigna aux Juifs que Dieu eft
DE LA Religion, &c. 471
tan pur efprit , qu'il faut l'adorer en efprit
& en vérité ; cette dodrine ne parut point
nouvelle ; on ne lui en fit jamais un crime.
Notre fçavant Critique va plus loin; il
Ibutient que tous les premiers Pères de VE-
glife crurent aujfî Dieu corporel , jufqiià et
qu'ils eujjent embrajfë les idées de Platon.
JLe même faiteft affirmé dans laplupart des
Livres que nous avons cités julqu'ici (a).
Il eft bon de fçavoir que dans l'article ChriJ^
tianifme j^ l'Auteur du Diciionnaire Philo^
Jophique a dit que les Pères de lEglife des
trois premiers Jîècles furent prefque tous f/a-
toniciens {h), S. Juftin même l'étoit avant
f^ converiion. Si donc ceux qui ont em*
Jbrafle les idées de Platon n'ont pas cru Dieu
corporel , il eft clair que dans les trois pre-
miers fiècles aucun des Pères de l'Eglife n'a
enfeigné cette errçur , puifque le Platonit
me étoit leur Philofophie. Si on eût pro*
pofé à croire un Dieu corporel aux PlatOr
niciens , jamuais Us n'auroient embrafle le
Çhriftianifme*
L'Auteur de la Philofophie du bon fens
ne s'eft pas encore arrêté-là. Il prétend qu'a-
yant S. Auguftin » non- feulement aucuo
(4) Tfaité fur la Tolérance, c. i| , p. 138. Eflài fat
VHî(i génctàîcj toiHe i , c. 1 , p 35. Mélanges de litr. &c«
7ome ^ , ic. i^, p. i5<. Examen iippoiruntg c »i ^ Aiir^
^^) Tome 4 > p. 2(0,
47^ Apoi^ogie
Père de l'Eglife , mais aucun Philofophe ,
pas même Platon , n'a cru que Dieu, ni les
Anges , ni les âmes humaines , fuflent de purs
«fprits : que jufqu'au cinquième Gècle per-
ibnne n'a eu l'idée d'un Etre immatériel ou
parfaitement fpirituel (a). Selon cette belle
ioârine , il faut fuppofer que tous les Pères
le tous les Philofophes Te font contredits à
toutes les pages de leurs i ivres. Nous con-
venons que leurs expreflions ne font pas
auflî exaâ:es que pourroient l'être celles
d'un Philofophe d'aujourd'hui ; mais pré-
tendre qu'ils n'ont eu aucune idée de la
parfaîtt jpiritudité , c'efi le paradoxe le
plus iniènfé qui ait pu entrer dans le cer-
veau d'un Philofophe.
U eft dit dans la Genèfe » que Dieu créa
mile Crfemeit , les deux premiers individus
de l'efpèce humaine ; l'Auteur du DiSion-
naire Philofopliique conclut gravement»
oue l'homme ayant été créé à l'image des
âieux (ècoildaire& , les Jui& crurent pat
conféquent , comme les Payens , que les
Dieux étoieht mâles & femeHea. L'argu-
ment eft ùens réplique. Nom diioas ic nous
«aroyons » comme les JuiËB , que f homme eft
cttéà l'image de I^ei»$ quoique nom e£-
■tanMMiMM«aMM«MMi
• fc)HéA.orit.teleiRin.^lirAMié4'Ofivet»#.«
* 7-
pcce
pr tA RjsLtcîioN, &c* 475
pèce fbît mâle & femelle , nous n'avons
jamais rêve un Dieu ou des Dieux mâles
& femelles. Jamais les Juifs n'ont admis
des Dieux fecondaîres ; Punité de Dieu
étôit le dogme fondamental de leur Relî-
On reproche à Moïfe une tranfpofitîon ;
il parle des deux fexes , avant d'avoir fart
mention de la formation dé la femme > qu'il
raconte dans le chapitre fuivant : la faute
eft grave , fans doute ; car on répète deux
fois l'accufation. Et quel eft l'ancien ïîifto-
rien auquel on ne puifle objeÔer la même
chofe ?
La création du monde en fix jours , eft
empruntée* dit- on, des Phéniciens , des
Chaldéens, des Indiens , des Perfes (a). Il
ne refte plus qu'à prouver que ces peuples
ont écrit avant Moïfe , ou que l'AutôUf de
la Genèfe. eft allé dans les Indes pour y ap-^
prendre les traditions des Indiens.
Pour rendre ridicule la defcriptioft du
Paradis terreftre , on la défigure ; on fup-*
pofe que. ce qui eft appelle dans Moïfe Id
terre de CAmj, eft l'Etniôpîe ; que le flfeuve
no mmé Phifon , eft le Phafe de Scythie : orf
conclut que ce Paradis ou Jardin avoit fepf
à httit cens Keùes de- kmgr qtt'rl contenait
' •■ ,
{a) Voyez encore l'Examen injporjant, c «, p, J4,
Tome L Rr
47Ï A p G r, G G I E
près du tiers darAfie & de TAfrique Ca>
r^ous n'entreprendrons pas une dii&rtatton
entière pour concilier la narration de Mot-
fe ; ce. point a été (uffifemment éclairci par
d'autres : on peut confulter à ce fujet Bo-
chard, M- Huet, le huitième tome duSpec-
t-adt de. la Natun.^ ou* \jsl Coneorde^ de U
Géographie par le même Auteur- -
Si nous en croyons notre Critique ,,/«
'làrdin d'Eden eft vlfibhmtnt pris des Jar-
dins d*Edm dSaana dans-VArabie heur^ufe,
f/imûux. dans toute P antiquité (i)^ L'on- a
prétendu plus haut ,. que les Hébreux , efclar
ves chez lès Phéniciens , avoient emprunté
d'eux, leurs traditions ;, mais point de tra-
dition du. Paradis terreftre ^ ni de la chute
de L'homme, chez les Phéniciens ;> l'Auteur
de taGenèfe. ^ reçu, des Indiens les fix
joiu^s de la création, il a pris l?idée duPara^
âi$ dans L'Arabie heureufe ;; fans doute il
a puifé le dogme du péché originel chpi
fes Américains 5 iLa parcouru, toute la terre».
pour raflembler dansfbn Hiftoire, leaer-^
3|eurs de tous Les peuples.-
Le plus beau caoton^deL'Arabie efi ap^
pelîé Âden ,'lieu d^^ volupté ;.ç'eft. un non^
açpellatif : il n'éft djpnc pas furprenant que:
■•«"**>iW»«^^^!N"
iA ) Qotfljoas^ de Zapata j m io«.
fi.l PhUor. de VHUl c. i y , £. 7,1^
«Ê LÀ îtîTLrcîtOK, &Cr 475^
f« Hébreux aient ncfmmé dans le même
lens £dc«, le Paradis où le premier homme
fat p^acé. Adert «ÎDt à quatre cens Ikues de
la Paleftine,,& dans le temps que laGenèfe
a été écrite , îes peuples oe connoiflbieat
que leur propre pays.^
C'eflr uft fcandale que Dïeti défende i
Fhomme de manger du- fruit de la feiente-
du bien & du ma!. Il ejl difficik , dit notre'
^Philofbphe, de concevoir ^qu*iiy ait eu un
4irhre qui enfeignât le bien & k mal ;: d'ail-^
leurs pourquoi Dkutte i^tût-ilpas que Hfhom'^
me côrtnoi£e le bien €r k mal (a) ? Dieiï
•^oidoit fans doute que l'homme connût le;
4biۉn & le ma-I moral, pour pratiquer ruit^
& éviter l'autre ; l'homme les cônnoîffoit
avant (a chute , fans-quoi it n'aurbit pas été-
capable de pécher. Mais li nTétoit pas né*-
cemire que Phoferfnrle connût » pEiir estpé^
riénc^r, k hdfite & le^egrer d'avoir foitr
le nïal r fiî cju'it pût faire k comparaifon 'de
ce fentiment avec celtii de Tiniiocence^
Voilà: ce que fou pêàié lui apprit ; &' iR
n'étoit pas. befoin p-our cela que lé- ffuîr
dont if mamg^sà-, eût la Vertti ph^^que
de faire conaôître le bien &iè mat-
Diea lui avoit dit : (iéi que w>u$ ërfmart^
geee^ v uêut mourre% ;; ^'eft^r^dire V vous?
iA) Voyiez: eacoirFliiiorr.4crHi(l.c. t*^ p* 41*'
Rxii
47^ A p o L o G I B
deviendrez fujet à 1^ mort; il n'y a point
là d'allégorie » comme le prétend TAuteur ;
& la nouvelle ej^pliçafign qu'il v^uc en
donner > eft une vaini^ imagination*
}1 ne çonçpit p^ comment Adam donna
à chacun des animaux fan p^ritdkU nom,
JLe ^érîtabU nom à^Mn animal , dic-il ^^ ferait
^H nom ^iù dejign&roit toutes Us propriétés
di fon efpèçe « ou di/t moins les principales^
JVt^uvaife définition ; il fuffit que ce nom
dçfigne U propriété la plus fenfible & la
plus propre à fair« diftinguer uq animal
d'avec un autr*. }X ^ tort d'avancer qu'i/
^*en efi ainji d(km ^^cumMi^m:' au con-
traire cela eft ainû dwa toutes les langues ,
iç for-tout en Hébreu*
11. nouç fait obferver qpç c'eft ici la pre-
mi^eice , (^ qu'Adam ^^S mmm dans ia
.Qenèf'Q ; cçla oft enc<>r^ i?ux;« Adam, eft
fe ^ç>m génériqy? d'bpmjne î Pieu s'en
ferf en diraot;/a/j^^7i5 Hiomfnf 4 noir^ image,
\Jn PhiloCophe qui ^otrepr^nd de critiquer
un te^te > d^svrpit fe mettre en étiSit de le
lire dans l'original i & cette capacité man-
ijfjLjô a>» Ce^feur de Mwfç..Q«'importe que
chez Iqs Brac|iQ>anes des Indes^ , dans le
Yeidam, le premier homme. foit jtommé
/Idimq^ & q<^e ce l^iy.re foit peut -être le
plus ancien du monde? L'Auteur de laGe-
nèfe avoit-il é^xibé ôuu îe^ Brachmanes ? Il
1
DE LA Religion, &c. 477
n'efl: pas vrai qu'eaPhenîcien Adam (îgnifie
enfant de la terre ; il fignifie le Maître ou
le principal inciividu de l'efpèce : la racine
Dam , Dom , çonferve encore cette fignî-
fiCâtion dans toutes lés langues , & Thomme
ne pouvoîtctre mieux defîgné.
Sur la tentation d'Eve par le ferpent ,
notre Critique obferve qu'il n'e/? fait dans
tout ctt articU aucune mention du diable ;
que toute cette avanture ejl phyjique & dé-^
pouillée d'allégorie. En même temps il slO
fure que c'eft une fable fondée fur l'idée
que les anciens peuples orientaux avoient
du ferpent ; une fable comme celles de
Pilpay , où l'on fait parler les animaux ;
une fable comme les métamorphofes, &c.
Celles-ci font donc auflî toutes phyfiqucs
& dépouillées d'allégorie : voilà une dé-
couverte dont les Mythologues n'avoienc
encore eu aucun foupçon.
Si Mpïfe n'a pas fait mention exprefledu
Diable, il a voit fes raifons. C'ei^ la croyan-
ce des efprits ou génies répandus dans la
nature, qui aétéches&tousles peuples l'o-
rigine de l'idolâtrie \ il eût été dangereux
<l'en parler aux Hébreux. Mais perfonne n'y
a été trompé ; les Doâeurs Juifs n'ont ja-
mais douté que le Démon n'eût emprunté
478 A]?oto<?rt
F organe du ferpent pour tenter la prert&tH
femme.
Dieu > pour la punir , Im dit ^ Je midti'
plierai vtys miferes & vos gtofftjfes ^ &c. On
ne conçoit pas , reprend notre Auteur > qut
la multiplication des grojfeffes foit une puni"
tion. Mais ce n'eft pas la faute de Moïfe,
fi Ton n'entend pas fon langage. L»e texte
fignifie naturellement : faugmenterai Us
maux dî vos grojfejfes* On a Beau dire qu«
les femmes accoutumées au travail accour
ehent très aifément , fur^tout dans les pays
chauds : jamais les fenunes ne deviennent
mères fans de grandes douleurs » & iâns
éprouver un état très-fâcheux.
La Genèfe raconte que le Seigneur fir à
nos premiers parens. des tuniques de peaur
Ce paffage prouve bien ,. dit le Philofophe ,
que les Juifs croy oient leur Dieu corporels
puifqu^ils Lui font exercer le métier de tail-
leur. La remarque eu pleine de bon ktiSm
Par la même raifon , lorfque Dieu planta le
Paradis terreftre , il & le métier de Jar-
dinier ; & quand il forma de terre le corps
de l'homme , il exerça far): de Sculpteur .r
Sans doute que celui qui d'un mot créa le
ciel &c la terres, eut beibin d'outils & de
travail pour faire un habit»
Le Seigneur dit r VoUà Adam qui- ejl ^e-
renu comme l'un de nous.- Il faut renancep'
J
© E LA R E JL I G ION , &C. 47^
fens commun ,. continue le. Cenfeur »
jp4)ur ne pas convenir que les Juifs- admirmi[
d^ahori plujîeurs Dieux. Aa contraire il;
faut avoir renoncé au fen& commun pour ~
Ie& en accufer. La paraphrafe Chaldaïque, a
ainfi rendu cepaflàge r Voilà Adam qui ejl'
le feulau monde qui cannoiffe le bien & le:
mal* Cette verfion. ne fait point violence^
au. texte ; elle prévient toute difficulté*.
Par ces mots ^femblable à nous „dit en*'
core le Pl^ilofophe ,. il eft très- vraifembla-
ble que les Juifs entendoient les Anges „
& qviLainfi ce Li^re ne fut écrit que qu^nd
ils adoptèrent la créance des Dieux infé^
rieurs.. Mais en quel temps les Jurfs regar^-
derent-iJs les Anges comme des Dieux in-
férieurs ? On ne peut pas fè contredire d'uner
manière plus palpable* L'Auteur veut d'a-s-
hovi prouver par ks paroles de Moïfe , que
les Juifs admirent plufieurs Dieux dès le&
premiers temps r enfuite il en conclut que
ce Livre, n'a été écrit que dans les Cèdes
poftérieurs , lorfque les Juifs adoptèrent la*
créance des Dieux feeondaires.. S'ils adop-
tèrent cette créance dans la fuite des fièdes ^.
2s ne l'eurent donc pas d'abord ? La vérité
cft qu'ils ne l'eurent jamais,.
Selon notre Critique , llliffoîrc de l'âge-
^innckence Zc de fa chute de l'homme:
:vient de l'idée répandue chez toua les>
480 Apologie
peuples, que les premiers temps valoîenc
mieux que les nouveaux ; on la retrouve
chez toutes les Nations , mais habillée dif-
féremment. La chute de V homme dégénéré
éjî le fondement de la Théologie de prefque
toutes les anciennes Nations (a). LeLeâeur
éclairé jugera fi une îdéefiuniverfelle eft un
préjugé fans raifon , ou fi c'eft un refte
de la tradition primitive. Les Ecrivains
profanes ont pu bâtir des fables fur cette
tradition ; mais aucun n'a ofé articuler les
faits auffi pofitivement que Moïfe ; compter
comme lui les générations , depuis le pre^
mier homme jufqu'au fiècle où Moïfe ccri-
Voit, Malgré les efforts redoublés de tous
les Incrédules , ils n'ont encore pu le con-
vaincre de faux fur un feul article ; & ils
ne lui oppofent que des conjeélures fans
fondement.
Dieu, félon laGen^yè, mît devant le
jardin de volupté un Chérubin avec un
glaive enflammé pour en garder l'entrée.
Le mot Cherub , dit nptre Philofophe , fi-
gnifie un bœuf. Là-deflTùs il tourne Moïfe
en ridicule , d'en avoir fait le portier du
Paradis terreftre (b). Kerubne ugnifie-t-il
rien autre . chofe qu^un bœuf ? C'eft ce
■ !■ ■ ■ ■ ■■■"■ ' ' ■ i ■ « ■ ■ ■' •mmÊmmmmmmmm^mmmmmmÊtimmmirm^
(a) Philof. de THift. c. 17 , p. 9-;,
(h) Que(Uons de Zapa», n. xx.
qu'a
DE LA Religion, &c. 48»
qu'il falloit examiner , avant que de rail-
ler mal-à-propos. Le texte peut très-biea
iignifier , Dieu plaça à l'entrée du Paradis
une nuée épaijjé,^ mêlée de tourbillons de
flammes , pour fermer le chemin de ï arbre
de vie* Qu'y a-t-il de ridicule dans cette
façon de parler ?
Notre Cenfeur continue à changer ,
comme il le juge à propos , la narration
de Moïfe* Les Dieux Elohim voyant que les
filles des hommes étoient belles , prirent
pour époufes celles qu^ils choijirent* C'eft
ainfi qu'il traduit. Enfuite il obferve qu'il
n'y a aucune Nation , excepté la Chine ,
où quelque Dieu ne Toit venu faire des en*
fans à des filles ; que de -là font nés les
Héros & les Géants.
i**.Il eft faux qpe Moïfe parle des Dieux.
La Vulgate même /que le Philofophe fait
femblant de fuivte > a traduit ^/ii Dei ^ les
enfans de Dieu » & non pas les Dieux,
o^^. Le Paraphrafte Chaldaïque a mieux
fentilâ force du terme, en traduifant Jz Zii
prineipum^ les enfans des grands ou des
puiflàns de la terre. 3°. Le terme de Géant s »
tiré du Grec n'a point dans les verfions de
l'Ecriture , le même fens que chez les Poè-
tes : il ne fignifie point des hommes d!une
figure monftrueuie , mais des hommes plus
. grands & plus robuftes que ceux d'aujour*
Tome L Sf
4'h\Â. Moïfe n'a donc voulu dire totrt
-ch4>Ô , finoti que les hommes du premier
âge entrent pl^s puifTans & plus forts que
,cettX de fon fiècle , &; qu'ils abuferent
tde leur force pour fe livrer au crime. La
tfn^infe tradition s'eft répandue chez les au-
tres peuples , mais ils Tont défigurée par
^(<fce$ fables*
L* Auteur renvoie à Part, Inondation ,
fovtr examiner THiftoire du déjuge ; & il
fait , <:omre cet événement , les mêmes ob-
jedionS quireparoiffent dans tous les Livres
iles Incrédules (a). Comme nous y avons
répondu ailleurs ( i ) , nous nous difpen-
ferons d'un nouvel examen. U remarque ,
•après S. Auguftin , que les Grecs , les La-
tins , ni les Orientaux n'en ont eu aucune
COnnoiffanoBj on doit donc en conclure
,que du moins Moïfe n'a pas puiie cette
fîîftoire chez les autres peuples.
Il tâche encore de tourner en dériCon
ies paroles que Dieu dit à Noé au fortijc
4e TArche : Je ferai alliance avec vous &•
fivec tous les animau,x. « Quelles ont été ,
{a) Voyez les Milangcs <k Philof. tome x , page jj ^
48. Philof. de THill. c. x. La 1%^ Leccce fur les Micaclc9o
C^ucftious de Zapaca, n. 15.
'^ (k) Certitude ées pieuvp du ChrHh ç. 1 1 1 y ;•
dîî-4r, iestrônditiQOs dp traiti ? Que tous
les animaux fe dévoreroîent les .uns les
autres; qu^ils fe ttourriroietît de notre
ùiTïg , & nous du leur; qu'après les avoir
mangés , nous nous exterminerions avec
» lag^ , Se qu'il ne î>ous «nanqueroit pl^s
» que de mangée nos fembiabïes <%orgès
» par fios mains. S'il y avait eu «m td
i» paâe , il auroitété fait avec lé Diable 3a*
Pour featir le ridicuk de cette belle tira-
xïe , il fuffit de faire attention que le terme
traduit par alliance , (îgnifie fimpkment
promeffjs^ïiieii promet à Noé de ne plus
^terminer les lioimmes ni lesaiiimàux par
un déluge univerfeJ ; te texte n^ dit riea
autre chofèvLes.plai&atçries du Commen-
tateur portent à faux , & ne fignifieht riea.
Dieu montre à Noé l'arc-en-ciel comme
tin (igoe ou un gage de fa promeile ; tnsàs
cela «e fiippofe pokft que l'arc-en-ciel n'ait
-pas exiflé auparavant, ^Quel inconvénient
y a-t-il que Dieu ait tiônflé pour gage de
fa parote un figne "aaturel , qui pouvoir pa-
roître Nouveau à tous c^ux qui n'avoient
pas vécu avant le déluge ? .
L'hiftoire odes Anges amvés à Sodôme ;
& infùltéi par les Sodomites , fournit à
Tvotre Auteiw les réflexions les plus indé-
œntes. Que des Anges ^ fpus la figure hu-
mame , aient étéexpofës à un outrage cher
Sfij
4S4 Apologis
un peuple corrompu & livré aux plus grof-
fiers déréglemens , il n*y a rien-là qui cho-
que la vraifemblance. C'eft très-mal-à"
propos que l'on veut comparer Thiftoirc
de Loth à la fable de Cy niras & de Myrrha ,
qui n'eft qu'une allégorie obfcène ; ou à
celle de Philémon & de Baucis ^ qui efi:
très-récente ; il n'y a aucun rapport entre
les unes & les autres , finon qu'elles fervent
toutes à nous rappeller les defordres qui
ont régné chez les premiers honunes. C'eft
une tradition univerfeUe , & qui n'eft que
trop bien fondée; les reftes^de l'incendie
de Sodôme , toujours fubfiftans . en font
un monument terrible , & qui devjoit
ouvrir les yeipc aux Incrédules ; les payens
nicmes en ont été frappés (a).
Il faudroit , dit- on , retraricher des Li-
vres Canoniques , toutes ces chofes încroy^
blés qui fcandalifent 4es foible^. Mais s'il
faut retrancher tout ce qui peut paroître in-
croyable ou fcandaleux à nos Philofophes ,
il faut brûler tpus les Livres ; .Dieu n'a pas
jugé à propos de les confulter » &c leur avis
ne prouve rien.
Le mcme Critique dit que quelques cé^
ïèbres Pères de l'Eglife ont eu la prudipnce
de tourner toutes ces hiftoires en allégo*
if) fcraboA; 1. 1^ ,|?. 7* J.. T«tJ« , hiil. L. y , fx, jj
DE LA REtrGïoKj'&C. ^^f
irîes. L'Auteur du Chrijiianifme dévoHè ap'
porte pour exemple S. Auguftin & Ori-
gène. (a). Ce dernier foutient qu'on ne
peut entendre l'Hiftoke de k Genèje à 1^
lettre.
Ces deux citations (ont faufles. S. Au--
guftin » dans le Livre même qu'on nou$
oppofe (t) , commence toujours par don-
ner le fens littéral de l'Hiftoire , avant que
d'avoir recours aux allégories; & il a fait un
Ouvrage entier fur le fens littéral de la
Genife : de Geneji ad litteram. Origèné dit
feulement qu'il y a plufieurs choies dan»
l'Hiftoire de la création qu'on ne doit pas
prendre à; la lettre ( c ) ; mais il n'a jamais
dit que toute cette Hiftoire étoit upe allé-^
gorie. Au contraire , if l'explique littérale-
ment lui-même dans fes Homélies fur la
Genèfe ; & c'eft du fens littéral qu'il tâche
de tirer des applications allégoriques pour
la correAion des mœurs. Il eft défagréar-
ble pour nous d'être continuellement obli-
gés de reprocher aux Philofophes leur in-:
fidélité dans les citations,
L'Hiftoire d'Abraham a fourni à TAu-
(a) Page ii8.
ih)De Genefi contri Manichœos,
sfiij
4?^ Xl? O L 6 GI E
tcur du DiSionnaire Philofophique un ar-
ticle particulier , où l'on retrouve la même
méthode & le même génie que dans tous
les autres-; une érudition très^fuperficielle,
une. critique peu judicieufe , lAie malignité
qui empoiforme tout ( «}.
Il commence par vouloir nous faire
douter de Tcxiflepce de ce Patriarche; c'e/î,
dit-il y un de ces kommesplus connus par leur
célébrité fue'par une Hifloire kkn Avérée Jl
fednf de combattre feulement les fa^fles tra^
ditions des. Arabes ; & il attaque de front
llHiftoirc de Moïlê.
Cet EcrWairt devoit être bie» inilruit
des événement qu'il raconte ; Lévi , fon
bifayçul , avoir vécu 3 3 ans avec Ii$ac >
fils a Abraham ; il n*y a qiie trois perfon-»
nés entre celui-ci & Moïfe y quoiqu'il y
ait cinq générations.
Selon les Arabes , Abraham a fondé la
Ville & le Royaume de la Mecque. Pre*
iniere fauflèté. Les Arabes croyent (eule*
ment qu'Abraham bâtit le Temple ou l'O-
ratoire de la Mecque 5 ce qui eft fort diffé-
rent. Il eft bon de fcavoir que ^Auteur
du DiSionnaire Philofophique a tiré de
celui de Bayle , art. Abraham , ce qu'il dit
(a) On lie â peu près la mêm« cboCc (UlU UFhil^C dt
VHlll» c. 16 , p. 7j.
Bfi LA KSEtdlOH, &C« 4,îf
des traditions Arabes , & qu'il l'a défiguré ^
e%i y ajoutatu du Ê&a , iaos citer aucuo
garant. /
Il oppofe les GQBcpiétea & la profpétké^
diss defcendans d'Ifmaël , à l'état d'abjéâioa'
& de mifere où font aujourd'hui ceux tf I-
iâac , les avantages que les pdremiers ont
eu fur les féconds. Et voilà )uflement ee qui
Srouve les connoiâances fupérieures de
loïfe > il peint Ifmaël comoie un homm^
farouche » aont U bras, fera /evi centre tous ^
Ér qui drejferafes tentes Jous ksyeux defes--
frères (a). L'antipathie héréditaire entre?
les deux races nous garantit qu'elles ne
£e font point accordées pour s'attribuer
^ufTement la même origine » ni pour ob*^
ierver l'ufage fingulier de la circonciiio»
comme une marque de fraternité..
Jl ne juger des chofes que par les exemples
de nos Hijloires modernes , ilferoit afje\ dif^
ficile , dit notre Auteur , qv^ Abraham eàtétê
U Père de deux Nations ft différentes. Mai^
doit-on juger du fîècle d'Abraham par nos^
Hiftoires modernes ; des anciennes mœurs ^
par nos ufages ; des temps voifins du dé^
luge, par l'état préfent des Nations ? Le fié-
de d'Homère, bien poftérleur à celui d'A-r
braham , reffemble-t-il à ce que nous
Sfiv
4^8 Afologis
voyons ? Ce caraâere original d'antiquité ,
qui fe fait fentir dans l'Hiftoire d'Abraham,
efi une preuve inconteflable de fâ vérité.
Il étoit né en Chaliét , cela eft vrai : il
étoitfils (Tun pauvre Potier y cela eft faux ;
l'Ecriture attefte le contraire. Abraham
étoit déjà fort riche à la manière de ces
temps -là, quand il fortit d'Aran.; il eft
dit qu'i/ en emporta tous fes biens €r tous
les efclaves dont il av oit fait Tacquifition (a).
Seroit-il devenu tout-à-coup fi puiflànt,
s'il fût né dans la pauvreté ? Peu de temps
après , fon neveu & lui fe trouvent obli-
gés de fe féparer; parce qu'ils étoient trop
riches pour pouvoir demeurer enfemble(2'3»
L'Auteur objeâe que , félon la Genèfe,
Abraham avoit 7J ans lorfqu'il fortit du
pays d'Aran après la mort derfon père.
Mais la Genèfe dit auffi que Tharé ayant
engendré Abraham à 70 ans ; ce Tharé
vécut jufqu'à 205 ans , & qu'Abraham ne
partit d'Aran qu'après la mort de fon père.
A ce compte il ,eft clair , par )a Genèfe
même, qu'Abraham étoit âgé de J3J'ans>
quand il quitta la Méfopotamie.
Il auroit fallu dire au moins > quand Abra-
ham quitta Aran , & non la Méfopotamie.
Il paroît certain qu'Aran n'étoit point dans
iâ) Gtn, 11 , f.
delaRelioion, &c. 489
la Méfopotamie. Tharé étoît parti de cnez
lui pour quitter le pays des ChaMéens;.il
n'eft donc pas probaole qu'il fe foit arrêté
dans ce même pays & au-^detà de l'Euphrate*
On connoît trois villes nommées Charm
ou Charcs dans les Géographes 5 l'une aut^
delà de l'Euphrate près d'Edefle ; l'autre en-
deçà & beaucoup plus.au midi près de
Palmyre ; la troinème dans la Syrie , à peu-
de diftance de Damas & dé la Paleftine ^
Si Aran eft l'une ou l'autre de ces villes ,
comme les Sçavans le foutiennent , toute
la vraifemblance eft pour la troifième (a)^
.Venons à la difficulté de Chronologie.
L'Auteur , en la copiant dans Dom Cat
inet , auroit pu y prendre la réponfe. La
Genèfe ne dit pomt expreffément que Tha-
re ait engendré Abraham à 70 ans. Le texte
porte : Tharé vécut 70 ans j&ril engendra
Mraharà , Nachor ùr Aran ( i ). Si l'on
s'arrête au fens grammatical de ces paroles »
il s'enfuivra que Tharé a eu ces trois âls la
inéme année ; ce qui eft ridicule. Quoi-
qu'Abrahan foit nommé le premier , il ne
s'enfuit pas qu'il foit l'aîné , ni qu'il foit né
à la 70^ aûnée de fpnpere.De même quand
laGen^ raconte queiVbe , âgé de joo ans^
(a) Voyez Bocharc Géogr. z. pftcc. 1. ^ > c. X4 S ^
Ginei 4e M. d'AnvHle.
4pb ApoLoaiK
engendra Sîm\ Chain & Japhet (a)» Cel«
«e fignifie point que Sem foit l'aine , ni
qu'il foit venu au monde cette année Y
puifqu'il eft prouvé d'aillçurs que Japhet
étoit l'allé des trois. Le texte pr^edent
%nifie donc feulement que Tharé com-
mença d'avoir des enfans à fa 70^ année ,
fout comme Nôé à fa /oo^. Sem & Abra-
kam font nommés les premiers , quoique
puînés , parce que ce font les tiges d'où
defcendoient les Ifraélites.
Abraham , continue l'Auteur , alla étun
fajs idolâtre dans un autre pays idolâtre ,
nommé Sichem ^ en Palejiine. Nouvelle fiKK
poiîtSon démentie par le texte même; Ce
qui eft dit de Melchifedeçb , chap, i^ , Se
d Abimelech Roi de Géraiie , chap. 2a ,
prouve évidemment qu'alors le vrai Dieu
étoic connu & adoré dans la Paleftine» Le
vrai motif de latranfmigration d'Abraham>
étoit Tordre de Dieu & l'idolâtrie intro-
duite chez les Chaldéens» Ne pouvoit-il
pas en fortîr'encore , pour aller dans un
pays moins peuplé , où il put trouver des
campagnes plus vaftes pour le pâturage de
fes troupeaux ? Il eft donc ridicule de dire
que Pefprn humain comprend à peine les
raifons cPun pareil voya^^^
— . I .M..,— Il .. .1 mmmmfmm*m»f¥m'^*'iP'9mm^mÊt
(d, G«/2. 5 » il.
DB LA Religion, &Cr 4px
La langue Chaldéenne devoit être jari
différente de celle de Sickem •• c'eft la déci^
fion du Philofophe ; mais il auroit dû , pat
prudence , ne point parler des langues an-
ciennes , donc il n*a aucune connoifTancé;
Celle des Cbaîdéens & celle des habitani
de la Paleftine , étoient pour lors deux dia*
leâes de la même langue , & ai&z fem-
blabies , pour que les deux peuples pufïènt
s'entendre ailement. Cela eft évident pa»
l'Hiftoîre de Jacob & . de Laban , & par ce
^i nous refië encore de ces deux lan-
gage».
Sichem eft éloignée de la Cbaldée de
plus de cent lieues ; &, félon notre Auteur »
il faut pafler des déferts pour y arriver^
H traite auffi mal la .Géographie que l^Hit
toire : nous en verrons plus d*une preuve.
il n'eft point néceffaire de paiTer des dé-
ferts pour arriver depuis l'Euphrate dans
la Paleftine, puifque l'on peut traverfer là
Syrie en côtoyant la mer. On fçait d'ail-
leurs que les peuples Nomades , & accou-
tumés à camper , tels qu'ctoient alors les
Patriarches , les troupes de Sauvages , les
hordes deTartares, font, fans difficulté ,
de plus longs trajets. Enfin eft- il bien cer-
tain que le pays qui eft entre l'Euphrate &
la Paleftine , ait été autrefois comme au-
jourd'hui un défert inculte & inhabitable? Si
^a étoit » l'on n'y auroit pas bâtî la ville
de Palmyre ; on ne place point les viUes
dans les déferts.
A peine Abraham eft-il arrivé dads le
petit pays montagneux de Sidiem , que la
£miine l'en fait fortir pour aller chercher
des vivres en Egypte lUy a^ dit-on , deux
cens lieues de Sichem à Memphis. La vérité
eft que > félon les Cartes , il n^y en a pas
cent ; & il o'eft point dit qu'Abraham loit
allé à Memphis* U y avoir tout au plus
40 lieues françoifes depuis le centre de la
raleftine , où étoit Sichem , jufqu'à la fron-
tière de l'£gypte ; & beaucoup nK>ins de-
puis cette frontière jufqu'à Tanis » où
règnoit Pharaon ^ félon l'opinion corn*
mune.
Il eft encore plus faux qu'Abraham eût
alors 140 ans ; il n'en avoir pas 8o. On af-
fure mal-à-propos que Sara , fon époufe ,
âgée de 6y ans > n'étoit qu'un enfant en
comparaifon de hii. Nous verrons ailleurs
qu'Abraham a'avoit que dix ans plus
qu'elle.
S* 8.
Mais ces erreurs de fait font des baga-
telles , en comparaifon du deflèin détefta-
ble que l'on prête à Abraham , de tirer
parti en Egypte de la beauté de foa épou-
»E LA Religion, &c. 4Jp^J
'fc (^). Le texte de Moïfe n'autorife point
cette calomnie. Je prévois ^ dit Abraham
a Sara , que Us Egyptiens feront frappés de
votre beauté ; dès qu'ils vous auront vue , &•
qu^ils ff auront que je fuis votre époux , ils
me mettront à mort pour vous pojfédeVm
Dites-leur^ je vous prie , que vous êtes ma
faur^ afin qu'ils mefajfent du bien par con^
Jîdération pour vous (b). Remarquons d'a-r
bord qu'Abraham n'engage point fon
iSpoufe à mentir; elle ctoit véritablement
Ûl feeuf du coté paternel > & non point
four utérine* Notre Auteur commence
par fuppofèr que c'étoit un menfoiige:
Jiiigne\ que vous étesmafzurj lui dit-il; ii
n'étoit pas befoin de femdre ^ puifque Sara
difoit la vérité. Il devoit bien plutôt lui
dire • continue le Critique ^ feignetf que
vous êtes ma fille .' alorâ Abraham auroit
menti , & c'eâ ce qu'il ne vouloit pas
faire.
Les foupçons ^ d'Abraham furent véri-
fiés; Sara arrivée en Egypte, fut enlevée
& conduite au Roi. L'Ecriture ne donne
aucun lieu d'imaginer que l'on ait attenté
à fa pudeur ; il eft dit feulement que Dieu
punit Pharaon à caufe de l'ejil&vement de
*«
la ) Voyez encore Quc(Uoas de Zapata > «• 1 5*
494 Apologie
Sara; preuve que Dieu veîUoic fur fon inno<
ceoce. Mais notre Pbilafophe a le talent
de tout empoifoaner > il tie tient pas à lui
qu'Abraham ne (oit regardé comme ua
mari criminel qui a ptoftitué fon époufe.
On lui fit en Egypte des préfens con*
fidérables ; on kii donna du bétail & des
«fdaves , principale rîcbeflè de ces temp^
là I ce qui prouve , dit l'Auteur , que VE-
gypte disAors étoit un Rcyaume trèsrfuif-
jlant Êr très r policé j par cenféquent très-
ancien. Cela prouve précifèment le con-
traire. Un Roi , qui pour toute magnifi-
cence &îtdesprâens de bétail & d'efcla-
ves, ne fera jamais regardé comme un
Souverain fort pmflânt félon nos idées ;
^ bien il faut dire qu Abmham lui-même
était un grand Monarque. Fort peu de
temps après il eft obligé de fe féparer de
fon neveu ,. à caufe de la multitude excef-
five de leurs troupeaux & de leurs efclaves;
iï fe trouve en état , avec fes feuls domef
tiques 9 de défaire une petite armée qui
avoit fait fiiir devant elle cinq'Rois avec
toutes leurs forces, On fçait ce que c'étoit
que les Rois de ces temps r là. Abraham ,
à la tête de fks trois cens hommes , auroit
peut-être fait trembler ce Roi Egyptien <
^u'on nous donne pour un Prince puiffant*
C'eft auffi une preuve finguliere de la po-
\
DE LX RctlGIO*, &C. 49^
lîce d'un Royaume que la hardieflè d enle*
uner une étrangère à caufe de fa beauté.
Voilà comme ce Royaume d'Egypte^
cefifermé alors dans le Deka» & qui ne le
comprenoit peut-être pas tout entier, fe
trou voit fi ancien , environ 2^0 ans après
la diiperfion ; tand» que l'Empire d'Aflyrie,
|)}us voifin du berceau du gemie humain ^
icommençoit à peine à éclorre.
Ainfi raifonne notre Philôfophe , auffi
fçavant Antiquaire qu'il eft bon Géogra?-
f>hQ & fidèle HiAorien. Dans la fuite des
iiècles , Memphis devint la capital^ de
i'Egypts ; donc elfe l'ctoit déjà du temps
«^Abraham* Il eft cepetKiant fort incer-
«tain fi Memphis étoit alors bâti. Homère^
i>ien poftérieur à Abraham , & qui a tant
-parlé de Thebes « n'a pas feulçment nom^-
mé Memphfô. De l'aveu de tous les ati-
cîens y l'Egypte a commencé à être habi^
!tée par la partie inférieure , ou par le Deka^
-& fon nom feul le fait comioître ; il figni»-
-fie ierrein environné d^eau* C'eft fans doute
dans cette partie qiÉAbraham arriva : ot
-Memphis n'eft point dans le Delta. N'im-
porte , on nous dit hardiment que fe Roi
qui enleva Sara étoit le Roi de Memphis ,
jauquel Abraham étoit allé offrir fa fœur.
La jeune Sara^ dit l'Auteur* avoir
j^Q ani; félon l'Ecriture ^ ^uand Dnu iui
4p^ Apologis
promit qu^ Abraham , qui en avait 1 6o > hd
ferait un enfant dans Vannée. L'Ecriture
dit formeilement qu'Abraham n'en avoic
que cent. Peut'^onfeperfuader^dk'il y quun
vieillard centenaire aura un fis. 9 & que
Sara , nonagénaire , puiffe encore erifan-
ter (a)? Abraham lui-même ne croyoit
donc pas la choie poillble , félon les lobe
de la nature , & la plaifanterie du Critique
qui appelle Sara jeune à cet âge eft fort dé-
placée. •
^râ/i^ifii,pour&it-ils qui (dwoit à vayor
ger^ alla dans le défert horrible de Cadis
avec fa femme. Il efi bon de fc fouvenîr
que ce voyage eft poftérieur de 20 ans au
premier. Ce défert, que l'on dit fi horrible,
étoit une vafle campagne fans habitation ,
mais propre au pâturage ; c'eft ce que l'E-
•criture entend fouvent fous le nom de dé^
fert; lieu par conféquent très -commode
.pour Abraham , accoutumé à camper au
milieu de fes troupeaux , & toujours ac-
compagné d'un grand nombre de domefti-
ques. Dans le Livre ëe YEccléfaJlique (b)^
Cadès eft repréfenté comme un lieu plan-
té de palmiers ; ce n'étoît donc rien moins
qu'un défert incapable de culture.
Un
DE laReligion,&c. 4P7
Un Roi de ce défert tint la même con-
duite envers Sara' que le Roi d'Egypte.
Le Père des Croyans , dit notre Auteur , -fit
le même rrtmfonge qu en Egypte j ^ donna,
fafemme pour fa peur ^ Nous avons vu que.
ce menfonge eft imaginaire; que c'eft l'Âu»-
teur iui-même qui eft coupable de la fauf--
fête dont il accufe le père des Croyans» .
U prétend que les Commentateurs ont
fait des volumes entiers pour difculper
"Abraham & concilier la Chronologie ; \l
tourne leurs ouvrages en ridicule. C'eft
une rufe à laquelle nous fommes accoutu-
més, i^. Il eft faux que l'on ait fait des
volumes entiers fur cet objet , à peine occu-
pe-t-il quelques pages dans les Commentai-
res les plus étendus. 2^. Si ces Ecrits font fi.
ridicules , comment PAuteur a-t-il pris la
peine dô les lire & d'y copier fes objec-
tions, en laiflant de côté les réponfes ? ar-^
tifice ufè , dont fe fervent tous- les pla^r
glaires.
Qu'importe que Brajn , Abram, & Bra^
ma , ayent été des noms fameux dans l'Inde
& dans la Perfeî Ram ou Bram fignifie grande
élevé > puiâànt , dans les langues Orienta»
les ; c'eft un nom appellatif qui a pu être^
donné à plufieurs perfonnes , qui a même
pu défigner la Divinité. Qu'eft-ce que celar
prouve contre i'Hiftoire du Pattiarche l
Tome L Tt
^$8 Apologie
Une des drconftances les plus remar-
quables de cette Hiftoîre , eft l'établiflè-
ment de la circondfion. L'Auteur du Dic-^
tionnaire Philojbpkique en a fait un nou-
vel article ; il prétend que les Juifs Tont
reçue des Egyptiens (a). Celfe & Julien
l'avôient dit avant lui (b). On fçalt que
Marsham a foutenu la même chofe; notre
Critique pouvoît en emprunter (es preu-
ves ; pour ne pas les aller chercher' fi
loin , il les a prifes dans la Diflertation de
Dom Calmet fur la circoncifion» Héro-
dote eft le feul Auteur qu'il oppofe aux
Livres faints ; mais il prétend que fur ce
fait , le témoignage de î'Hiftorien Grec eft
d'un graed poids.
Il faut obferver qu'Hérodote étoît con-
temporain d'ETdras ; qu'il a écrit 460 ans
avant L C. par conféquent plus de 1400 ans
après l'époque où les Livres des Hébreux
placent l'établiflcment de la circoncifîon.
Ces dates font eflentielles.
a Lorfqu'Hérodote , dit notre Auteur ,
» raconte ce que lui ont dit les Barbares
iW«
(a) Voyez encore Pbilof. de l*Hift. c, 5 , p. i^; & c 12Î
^. 1 1 o Exaraeu important , C. 5 , p. j i !
ib) Datts OtigiAe^U 1 U ^S.C/riUe^lt^o.
DE LA R E L tGiO N, &C. 455J;
9 chez leiquels il ^ voyagé 5 il raconte.
30 des fottifes, & c'eft ce que font la pli^*
p part de nos voyageurs. Audi n'exige-t-i]^
aii pas qu'on le croie > quand il parle de V^r
a» ventàre de Gigès & de Candaule , d'A-
» rion porté fur un Dauphin , de l'oraclç:
p rendu à Créfus , du cheval de iQarius V 6t
9 de cent autres fables; mais quand il parle de
3> ce quUl a vu , des coutumes des peuples'
» qu'il a examinées , de leurs antiqittéj^
» qu'il a confultées > il parle alors à , des>
9 hommes »•
Ce préambule eft leduifam ; malheureu-
fement il porte fur une faufle fuppofîtion.'
Quand Hérodote parle de l'aventure der
Gygès & de Candaula, il cite , pour appuyet
fon récit , le témoignage d'Archiloqup d^-
Paros , Auteur contemporain ; pour attef-
ter l'effet que produîfît fur Créfus l'oracle
qui Iqx fut rendu , Hérodote fait l'énuméra-
tîon des préfens dont ce Roi enrichit le-
Temple de Delphes. Eft -ce là parler en
Hiflorien qui n exige pas quon le croye f
Son Hifloire eft pleine de ces oracles pré-
tendus; par- tout le faux y eft tellemgpt'
mclé avec le vrai , ^qu'il eft très-dilficile de
les diftinguer.
Il mérite fans doute plus de créance'
quand il parle des coutumes, des peuples q,uU
a examinées i néanmoins dans la t^hilofo"^
Ttij.
yOO AÎPOL.OGÎB
pohie de VHiJloire ( a ) , \>n s'infcrît en £uix
contre ce qu'Hérodote xaconte de la prof-
titution des Babyloniennes dans le Temple
de Venus ( i ) , quoique fon récit (bit con-
firmé par le témoignage exprès de Stra-
bon (c) , & du Prophète Jérémie (4) 5 &
l'on a répondu avec beaucoup d'humeur à
un Ecrivain qui a voulu juftifier Hérodote
fur ce point (e). C'eft ainfi que tantôt
l'o§ exalte , & tantôt l'on déprime l'Hifto-
rien Grec , comme on le juge à propos.
Quand' Hérodote parle des antiquités
d'un peuple qu'il a confultées ^ il parle à des
hommes ; mais quel eft le peuple dont il
avoit confulté les antiquités au fujet de la
circbnciiion f Ce font les Egyptiens ; nous
le verrons bientôt. Or dans les Mélanges
de Littérature , d'Hifioire Êr de Philefo-
phie (f) y on décide que tout ce qu^Héra^
dote tient des Prêtres d'Egypte efi faux*
Nous voilà fans doute bien préparés à croi-
rè ce qu'Hérodote nous dira fur leur té^
moignage. '
■H
(«) Ch2p. IX, p. ^f.
{h) Herodoc. U v '» S» 199*
ic) Strabon, 1, 16,
{d) Baruc, c. tf , ;i^. 41 & 4?.
(t) Voyez la Défenfe de mon Oncle^ contre le SiiPi>Ic-
3»ent à la Philof. de THift. '
{fl Tome a. , m:-»».^c. 47 , 0. jo8.
DE LA Religion, &c, jroi
Voyons fon paflage ; notre Auteur le
rapporte avec fa fidélité ordinaire.
Il femble , dit Hérodote (a), que les ha^
hitans de la Colchiie font originaires de VE^
SyP^^ y f^^ i^ge par moi-même , plutôt que
par ouï-dire : car jai trouvé quen Colchide
on fé fouvenoit bien plus des anciens Egyp-
tiens ^ qu'on neferejfouvenoit des anciennes
coutumes de Colcos en Egypte, Il y a déjà
ici une altération légère , mais qui mérite
attaition. Le texte porte : les Calques, fe
fouvenoient bien plus des Egyptiens , que les
Egyptiens des peuples de Colcos. Il n'efl:
pomt queftioH des anciens Egyptiens , mais
des Egyptiens d'alors , ni des anciennes
coutumes de Colcos , mais de la nation des
Cplques feulement. Il n'efl pas furprenant
que les Colques enflent connoiflance des
Egyptiens , qui du temps d'Hérodote
éioient un peuple célèbre ; il n'étoit pas
néceflàire pour cela d'être originaire d'E-
gypte. Ce n'eft pas une merveille non plus
que les Egyptiens cénnuflent trcs-peu les
Colques > qui n'ont jamais été une Natîoa
confidérable. Si Hérodote fe fert du terme
rejfouvenir , c'eft conféquemment à fou opi-
nion particulière , dont nous allons exami-
ner les preuves.
ia)Hérod6«.r.i.
J02 A P O L O G r E
Cts Habicans des bords du Pont-Euxin
préundoient être une CoJonie établie par 5e-
foftris. Nouvelle falfificationt Voici ce que
dit Hérodote ^ Les Egyptiens difoient quiU
étaient perfuadét que les Calques étaient un
détachement de Varmée de Séfoftris. Ce ne
font point les Colques qui croyoient être
originaires d'Egypte ; leur témoignage mé-
riteroit queiqu'attention j ce font les Egyp-
tiens qui plaçoient chez eux le berceau des
Colques; cela eft fort différent. Jamai^^les
Colques n'avoient ouï parler de Séfoftris :
l'Hiftoire de ce prétendu Conquérant eft
une fable {a).
Mais fur quelles preuves Hérodote
a-t -il jugé que les Colques étoient une
Colonie Egyptienne ? Pour moi , dit - il ,
je le conjeRurois j non-feulement parce quili
font bafannés & qwils ont les ckeveux
frifés . • , . mais parce que les peuples
de la Colchide y d^ Egypte y & d*Ethiûpie
font les feuls fur la terre qui fe foient fait
circoncire de tout temps. Hérodote a fenti
lui-même que la reflemblance du teint Se
des cheveux ne prouvoit riea ; c'eft donc
uniquement Tufage de la circoncifion qui
ia) OnraréfutcedansIaPhilofdel'Hift. c. i8, p. 5>.8.
ans le Traite fur J
isLia fur rUifl. géu.
Dans le Traite fur la Tolérance, c. 9 , p. 71. Daos les EC-
ùiia fur TUifl. géu. corne S > c. éi« • -
DE LA ReLIGJONT, &C* JÔJ
lui a fait juger que les Colques étoient
Egyptiens d'origine.
Car , pourfuit-il , Us Phéniciens & les
Syriens de la Palejîine avouent qu^ils ont
pris la circoncijîon des Egyptiens. Les Sy^
riens qui habitent aujourd'hui les bords du
Thermodon &* du Parthenius , Êr les Ma^^,
crons leurs voijîns ^ avouent quil n^y a pas
long-temps qu^ils ont appris cet ufage det
Colques^ Comme ce font les feuls de tous les
peuples quifoient circoncis , c^ejipar^là prin-
cipalement quils font reconnus pour Egyp-
tiens d^ origine. Notre Philofophe avoit
encoreakéré quelques endroits ; je me fuis
contenté de îes rétablir fur le texte d'Hé-
rodote.
Les Syriens de la Palejîine > c'eft-a-dire ,
les Juifs , avouent qu'ils ont pris la circon^
cifîon des Egyptiens. Si cela étoit vrai , la
queftion feroit décidée : mais cet aveu eft-
il réel , eft-il même poilible-? Quoi ! les Juife
du temps d'Hérodote , peu après leur re-
tour de la captivité , auroienc avoué qu'ils
tenoient la circoncifion des Egyptiens ,
pendant que tous leurs Livres facrés atteC
toient le contraire ? Ce n'eft pas tout*
Quelques-uns de ces Syriens ou Juifs , éta-
blis fur les rives du Thewnodon , avouent
qu'ils ont appris depuis peu cet ufege des
Colques , w, lieu de l'avoir reçu de leury
yo4 Apologie
amcêtres dans laPaleftlne.où cetufage étoit
ancien ? Sent-on le ridicule de cette fuppo-
ficion ? Les Juifs , toujoivs opimâtrément
attachés à leurs u(âges , toujours prévenus
contre les rits des autres Nations , fe font
aflîijettis • la circonciiion, pour fuivre l'e-
xemple des Colques. Il paroit qu'Hérodote
connoiilbit très-peu les Juifs;
Pour fentir de quel poids éft fon témoi-
gnage , remontons à la fource qu'il nous in-
dique lui-même. Il tenoit des Egyptiens ce
qu'il raconte des anciens peuples , & ia plu-
part des fables dont il a farci fon Hiftoire.
Frappé d'une refiemblance apparente en-
tre les Colques & les Egyptiens, & fur-tout
de la circonciHan qui leur étoit commune >
il en demanda la raifon à ces derniers ; ils
ne manquèrent pas 5 félon leur coutume ,
de s'attribuer l'origine, de tout: Hérodote
les crut fur leur parole. S'il eût interrogé les
Juifs, ceux-ci l'auroient détrompé.
Mais , dira-t-on , Hérodote s'appuya en-
core d'une autre preuve ; c'eft que les Col-
ques avoient la même langue que les Egyp-
tiens. Cette nouvelle obfervatioxi achevé
de démpnrrer laJfaufleté de toute l'Hiftoire.
Il eft impoflible qu'un peuple tranfplanté
à deux cens lieues de l'Egypte depuis Sé-
foftris , ait confervé fon même langage
pendant 1200 ans, Hérodote n'entendoit
ni
DE LA Religion, &c. yoy
ni la ladgue de la Colchide , ni celle de
l'Egypte ; il n'eft pas fiirprenant qu'il fe
foit trompé fur leur identité. La langue
des Mingréliens , fuccefleurs des Colgues ,
qui eft très-connue des Sçavans , n'a aucun
rapport avec le Cophte ou l'ancien Egyp-
tien.
Qu'étoit-ce donc que ces Colques & ces
Syriens circoncis , placés fur les bords du
Pont-Euxin? Cétoit des peuplades de
Juifs chaffés de la Paleftine par Salmana-
far , & enfuite par Nabuchodonofor , qui
allèrent s'établir, les uns fur les rives du
Thermodon , les autres le long du Phafe,
On fçait qu'il y en eut qui franchirent
même le Caucafe , & pénétrèrent jufqu'à la
Chine. Leur langage , qui étoit l'Hébreu ,
avoit beaucoup d'affinité avec le Phéni-
cien & avec l'Egyptien ; il n'en falloit pas
davantage pour tromper Hérodote*
Quant à ce qu'il ajoute qu'il ignore fi
les Ethiopiens ont reçu la circoncifion des
Egyptiens , ou au contraire , parce qu'elle
eft fort ancienne chez les uns & chez les au-
tres : nous verrons que ce doute même
fert à éclaircir la quèftion. Il eft temps de
voir les preuves dont notre Philofophe fc
fert pour appuyer le récit d'Hérodote.
« A qui peut-on , dit-il , attribuer l'orî-;
» gine de la circoncifion ? Ou à la Nation
J0ms I. V v
^o6 Apologie
^ de qui cinq ou fix autres confeflènt h
7> tenir ; ou à uae autre Nation bien moins
» puiflànte , moins commerçante > moins
p> guerrière , cachée dans un coin de l'Ara*
9> bie pétrée , qui n*a jamais communiqué le
p moindre de fes ufages à aucun peuple » ?
U eft faux que cinq ou fix Nations ayenc
confefle tenir la circoncifion des Egyptiens.
Hérodote n^attribue cette prétendue con-
feflîon qu'aux Phéniciens &^ux Syriens de
Ja Paleftine ; le$ premiers n'ont jamais été
circoncis s les féconds ne pouvoient faire
cet aveu fans démentir leur Religion. Selon
Hérodote > les Syriens des rives du Ther-
modon difoient l'avoir empruntée des Col-
ques ; mais il ne dit point que les Col-
ques ayent reconnu la tenir des Egyptiens.
Les Ethiopiens n'avouoient pas non plus
qu'ils enflent pris la circonciuon en Egyp-
te , puifqu'Hérodotç convient de fon igno-
rance fur cet article. Nous verrons bien^
tôt de qui les Egyptiens l'avoîent reçue.
C'eft une imagination bizarre de nous
peindre les anciens Egyptiens comme unç
Kation plus commerçante & plus guerrière
que les Juifs. i°. L'Auteur même du Dic^
tionnaire Philofopkique a dît le contraire à
l'article ylpis ; & l'on fçaît d'ailleurs qu'ils
ont été fucceffivement fubjugués par les
A;'dbe3 » p^r les Ethiopiens > pAr Içs Perles ^
DE LA Reltgion,&c. yo7
par les Grecs , par les Romains , par les Sar-
rafins. 2®. Il eft certain que les anciens
Egyptiens ^voient la mer en horreur;
qu'ils fiirmoient leurs ports ^ux étrangers ;
que chez eux le commerce n'étoit exercé
que par les femmes ; qu*ils manquoient de
bois pour la conftru<ftion des vaiiTeaux (^ )•
Voilà pourquoi les Sçavans regardent
comme fabuleux tout ce que l'on a dit
fur les flottes & fur les armées de Séfof-
tris.
Notre Phîlofophe s'attache à prouver
que les Egyptiens n'ont pas reçu des Juifs
la cffconcifion ; cela eft certain : mais on
foutient qu'ils l'ont reçue des Ifmaélites;
en voici les preuves. 1**. Il eft conftant par
l'aveu des Hiftoriens Egyptiens , que leur
Nation a été fubjuguée par des Rois Ara-
bes , Iduméens ou Ifmaélites , qui ont été
nommés Rois paftears ; ils defcendoîent
. d'Ifmaël , iSls d'Abraham , dont la poftârlte
a confervé l'ufage de la circoncinon , &
l'obferve encore aujourd'hui. Ils ont donc
pu l'introduire en Egypte. Quand tout ce
qu'Hérodote a dit des Colques feroit vrai ,
cela ne prouveroit encore rien contre le
récit des Livres faints , ni contre la véri-
(a) Origine des Loîx, des Acti ic des Sciences , tome li
Vvij ^
^o? Apologie
(able origine de la circoncifion. 2®. fi
xi'eft pas moins certain que ces defcendans
d'Ifmaël rempliflpient TArabie & Tldu-
mée ; qu'ils oçcupoient les côt^i^ de la
Mer rouge ; qu'ils fe font répandus dans
toute l'Ethiopie & dans le refte de TAfri-
, quç , où on les retrouve encore ; que la
taute Egypte en écoit pleine ; que fouvent
ils ont été maîtres de l'Egypte , &Jui ont
<Jonné des Rois. Ces Ethiopiens Ifmaélites
ont donc pu y porter le rit de la circonci-
iion , fans qu'on en puiflè rien conclure
contre la vérité de THifloire fainte. 3°, Un^
preuve plus pofitive , c'eft que les Egyptiens
donnoient la circonciiion , non pas comme
les Juifs le huitième jour , mais comme les
Ifmaélites à la quatorzième année. S. Am-
broife attefte ce fait , & il n'eft contredit
par aucun des Auteurs plus anciens. Il çft
dit dans la Genèfe , quifma'él fut circoncis
à Page de 1^ ans résolus , &r Ifaac le hui-
tième jour de fa naijfance (a). Confèquem-
ffientîes defcendans d'Ifaac ont confe;^él'u-
£ige de donner la circoncifion le huitième
four f & l^obfervent encore : ceux d'Ifxnaël ,
idom: le monde eft rempli , n'orit pas été
Qioins fidèles à la donner ^ la quatorzième
jjinnée; Jofpphe, Ôrigène^ Porphyre, Jam-
r>
DE LÀ R É L 1 6 ï o N, &e. j;ùp
blîque & plufieurs autres en font les garant*
3-ia circoncifion des Egyptiens ne vient
donc pas des Juifs , mais des Ifmaéiiïes qui
ont été plufieurs fois leurs Goncjuérans ôc
leurs Maîtres.
S. lO.
l! nous refte à examiner les faifons pat
lefquelles on veut prouver que les Juifs ont
reçu cette pratique des Egyptiens. * Lés
* Juifs , dit notre Phik>foph« , avouent
a» qu'ils denïeurerent pendant 20 j ans en
» Egypte ; ils difent qu'ils ne fe firent point
*> circoncire pendant cet efpace de temps v.
Si cela étoit vrai , ce feroit une preuve de
plus contre TAuteur ; mais cela eft faux r
ie Livre de Jofué dit que tous ceux quifor^
tirent d? Egypte étoient circoncis (a). Sâûs
cela ils n'auroient pas pu célébrer laPâ^
que(i>.
« D eft dit , continue le Critique , dans
» le Livre de Jofué , que les Juifs furent
» circoncis dans le défert : Je vous ai délivré
ar» de ce qui faifoit votre opprobre che\ les
ja Egyptiens. Or que pouvoit être cette op-
j> probre pour des gens qui fe trouvoient
9» entre les Peuples de Phénicie > les Arabes
iVv il)
i'io Apoxogib
a> & les Egyptiens , fi ce n'eft ce cjuî les tenh
^ doit méprifdbles à ces trois Nations ?
» Comment leur ôte-t-on cet opprobre ?
' » En leur otant un peu de prépuce ; n'eft-
» ce pas là le fens naturel de ce paf&ge ^ ?
Non aflurément ;^ e'eff tout le coœraire»
Je vous ai délivré de V opprobre de V Egypte,
c'eft-à-dire , de ce qui vous rendoit fembla-
blés aux Egyptiens incirconcis. Quoi qa'en
puifle dire l'Auteur , la circoncifion n^étoir
j>oiiit encore ufitée powr lors chez les Egyp-
jiens. Plus de 300 ^ns après Jofué, les
Philiflins qui étoiem une Colonie d^Egyp-
te , font encore appelles par les Juifs » U
peuple incir^oncis.
Admirons ta foppoCtion de notre Pliilo-
fophe ; pendant ao/ ans que tes Hébreux
pnt denœuré en Egypte, ils ne fe font
point fait cirçQncire^ quoique les Egyp-
tiens le fliflent ; ils ont ainfi confervé pea-
dant tout ce temps-là , ce qui les couvroît
d'opprobre aux yeux des Egyptiens : ils
ont attendu pour s'en délivrer, 4.0 ans
après leur fortie ; & ils n'ont penfé à imiter
les Egyptiens , qu'après avoir rompu toute
communication avec eux* Cela eft-il
concevable ? En fécond lieu > il iuppofe
que les Phéniciens étoîent circoncis, ce
qui eft d'une faufleté avérée.
çc La Gmèfe , pourfuit-il , dit qu' Abra-
DE LA RêLKÎÏON, &€. fit
9> batn âvoit été circoncis auparavant ; lûais
» Abr^b^m voyagea epf Egypte , il a pu y
» apprendre cet ufage »r Autre fuppofi-
tion. Le même Livre; qui nous apprend
qu'Abraham voyagea en Egypte , nous
apprend auffi qu'il fut le premier homme
qui ait pratiqué la circoncifion ; qu'il la re-
çut 14 ans après fon retour d'Egypte j &
jamais on ne prouvera qu'elle ait été con-
mie en Egypte avant Abraham.
« De phis , ajoute notre Philofbphe , la
» circoncifion d' AtM-ahara n'eut p<;)int de
9 fuite ; fa poftérité ne fut cif concife que
» du temps de Jofué t>. Il faut que l'Auteur
n'ait jamais lu VHiftoire fainte. On vok
<lans la Genèfi (a) qae tes fils de Ja-
'cob étoient circoncis ; dans l'Exode » que
5éphora , femme de Moïfe > qui n'étoit
point Egyptienne, donna elle -^ même la
circoncifion à fon fils. (b). Dans Jofué,
que tous les Hébreux qpii étoient fort is de
l'Egypte , avoient été circoncis- ( c ). Cet
ufege fut feulement interrompu pendant
les 40 ans que le peuple paffa dans le dé-
fert; pendant tout ce tems il ne célébra
point la Pâque > parce qu'il ne le pouvoit
pas ; avant d'entrer dans la Terre promife.
■MMMMM
(a) Gm'i^%if» i%&ixu
ih) Exod. 4» ly.
(c) Jef6, 5»
Vv îv
5*12 Apologie
il fallut circoncire tous ceux qui etoîetiff
nés depuis la fortie d" Egypte , afin qu'ils
puflent la célébrer.
Le Cricique avance encore ptus faufle-
ment qu'avant Jofué , les Ifraélites , de
leur aveu même, prirent beaucoup de cou-
tumes des Egyptiens. Jamais les Ifraélites
n'ont fait cet aveu. Moïfe , dans la plupart
de lès foix , s'attache à prendre le contre-
pied des rits & des coutumes de l'Egypte.
Malgré cette attention , il n'eft pas éton-
nant qu'il fe trouve encore dans fa Reli-
gion Juive pîufieurs cérémonies ufitées
chez les Egyptiens. C'étoient des pratiques
univerfelles & communes à touis les anciens
peuples ; Moïfe ne les avoir pas plus imi-
tées des Egyptiens que des Chinois ( a )•
L'énumératîon qu'en fait notre Philofo^
phe , & qui eft répétée, dans l'Examen mt'
portant (b), eft fauffe ou hafardée dans
pluHeurs articles. Jamais 'ûjoe prouvera que
le facrifice de la vacte roufiè , la* purifica-
tion avec de l'hyfope , la cérémonie du
bouc émifikire > aient été ufités chez les
Egyptiens.
Il n'eft pas vrai non plus que les Ara-
bes ayent reçu la circoncifion de l'Egypte»
Que les Egyptiens eux - mêmes l'aient itni-
(a ) Voyez ci-dclTus t^9i i» »•
(&)Cbap. S»F« J»»
DE LA Religion, &c. 5*15
têe des Arabes ou des Ethiopiens leurs
'Vainqueurs , on le comprend ^ maïs que
dés peuples .qui n'avoient rien à craindre
ni à efpérer ,des Egyptiens , en aient em-
prunté un rit auffi ungulier que la circon-
cifîon , fans aucun motif raifonnable , on
'lie le concevra jamais.
Œ Les Egyptiens , qui dans les premiers
» temps circoncifoient les garçons & les
» filles , ceflèrent , avec le temps , de faire
» aux filles cette opération , & enfin la ref
» traignirent aux Prêtres , aux Aftrologues
u» & aux Prophètes ; c'eft ce que Clément
» d'Alexandrie & Origène nous appren-
» nent ». Nouvelle fuppofition de l'Au-
teur. Jamais on ne prouvera que dans, les
premiers temps la circoncifion ait été un
ufàge général en Egypte , ou qu'elle y ait
été plus comnuine que du temps d'Ori-
gène & de Clément d'Alexandrie. Celui-
ci nous apprend (a) que Pytagore voya-
geant en Egypte , fut obligé de fe faire cir-
concire pour être admis aux myfteres des
Prêtres Egyptiens ; preuve qu'Hérodote a
très-mal rencontré , quand il a dit que les
Egyptiens pratiquoient la circoncifion par
^n motif de propreté.
Les Latins qui ont fait tant de railleries
(a)S(com.i,if c^
*
JI4 Apologie
fiir la circoncifion des Jui& , qui ont tourné
en ridicule les fuperfHn&ns & Jes ufages bi-
zarres des Egyptiens , ne leur ont jamais
reproché cette coutume ; nouvelle preuve
qt^elte n'a été chez eux , ni confiante > ni
univerfelle* Pendant que les Juifs & les K-
maélites difperfés par-tout ont fcrupuleu-
fement confervé la circoncifîon , elle avoit
abfolument cefle en Egypte > lorfque let
Sarrafins ou les Turcs Vy ont introduite de
nouveau après leur conquête. C'a donc
toujours été la deftinée de l'Egypte d'a-
dopter les moeurs de (es nouveaux maîtres ,
& non p^ de communiquer les (îennes aux
Nations étrangères.
Enfin notre Philofophe convient que
cette cérémonie de la circoncifion paroîl*
d'abord bien étrange ; il n'eft pas peu em-
barrafle à trouver la raifon qui a pu la faire
pratiquer aux Egyptiens. « De tout temps ,
a> dit-il , les Prêtres de TOrient fe confe-
» croient à leurs divinités par des marques
» particulières Il y a grande appa-
9 rence qua les Egyptiens qui révéroient le
» Phallus y & qui en portoient l'image en
» pompe dans leurs proceffions ^imaginèrent
» d'offrir à Ifîs & Ofiris, par qui tout s'en-
» gendroit fur la terre , une partie du mem*
» bre par lequel ces Dieux avoient voulu
» que le genre humain- fe perpétuât 30*
D B L A R E L I G I O K , &C. J If
Vaine imagination. I^ Les mceurs des
Orientaux n'ont rien de commun avec
celles des Egyptiens. 2^. Hérodote , dont
on nous a vanté la fagacité , parle dans le
même Livre du Phallus porté en pompe
dans les myfteres de Bacchus & de la cir-
concifion ; mais il n'indique aucun rap-
port entre ces deux ufàges , ni avec te
culte d'Ifis & d'Ofiris ; il prétend au con-
traire que la circoncifion étoit pratiquée
par un motif de propreté ; ou , fi l'on veut ,
comme une purification. 3°. JPlutarque ,
qui a parlé dans un grand détail du culte .
d'Ifis & d'Ofiris , n'a rien dit de la circon-
cifion. 4^. Si elle avoir fait partie du culte
de ces deux Divinités , elle auroit fubfifté
ians doute autant que ce culte même ; Se
c*eft ce qui n'eft point arrivé, y**. Dans
cette fijppofition » comment les autres Na-
tions qui n'adoroient point les Dieux d'£«
gypte , auroient*elles adopté une cérémo-
nie de leur culte ? Comment les Juifs »
ennemis déclarés de l'idolâtrie Egyptienne ,
auroient-ils pratiqué un rit confacré aux
Dieux d'Egypte ? Le Critique va donc
ici direâement contre fon intention ; il
détruit d'un trait de plume tout ce qu'il
s'eft efforcé d'établir.
C'eft compaier les ténèbres à la luriiîe*
re , que d'oppofer les con|eâures &c le ré^
jitf Apologie
cit peu exaâ d'Hérodote , à la narradon
fimple, claire, circonftanciée de Moïfe.
Elle nous apprend qu'Abraham a reçu la
circoncifion comme une marque de l'al-
liance ou de la promeflè que Dieu lui a faî-
te ^ comme un gage de la fécondité prodi-
gieufe que Dieu vouloit donner à fa pofté-
rité» Il n'avoit que deux fils ; l'un eft cir-
concis dans ùl quatorzième année, le fécond
huit jours après fa naiflance. Les defcen-
dans de l'un & de l'autre continuent à por-
ter , chacm^ à leur manière , le caraâere
imprimé a leur père. Ils s'étendent d'un
bout de l'Univers à l'autre , & introduifent
ce (igné de leur origine par-tout où ils font
les maîtres : rien de G fimple , mais rien de
fi frappant. La race d'Iiaac & celle d'If-
maël , toujours rivales , toujours ennemies,
répandues fur toute la face de la terre , at-
tellent encore aujourd'hui à tout l'Univers,
leur origine commune, & la promefle &ite
à leur père plus de 1 800 ans avant J. C.
En vain l'on cherche à obfcurcîr ce pro-
dige ; il eft inconteftable , il eft unique ;
il prouve invinciblement la vérité & l'au-
thenticité des Livres de Moïfe.
§. II.
Nous avons examiné dans le fécond cha-
pitre de cet Ouvrage, les objeâions de nos
DE LA Religion, &c. s ^7
Philofophes contre l'Hiftoire & la conduite
de ce Légiflateur. L'Auteur du Chriftia--
nifme dévoilé fe plaint de ce que l'on trou-
ve dans les Ouvrages attribués à Moïfe »
une foule d*HiJioires improbables &* mer'
^eilûufes , un amas de ioix ridicules & ar^
bitraires ; enfin ï Auteur conclut gg.r y rap-
porter fa propre mort (a). Les prodiges
rapportés dans l'Hiftoire de Moïfe , peuvent
paroître improbables & fabuleux à ceux
qui ne croyent ni Dieu ni Providence; maïs
s'il y a tm Dieu fouverain arbitre de la na^
ture , qui veille fur les hommes , qui leut
intime fes volontés par des fignes capables
de frapper les plus ftupides , les merveilles
opérées en faveur des Hébreux , n'ont
plus rien d'incroyable.
Qu'y a-t-il de ridicule ou d'arbitraire
dans les Ioix de Moïfe ? Il connoifToit le
génie & les mœurs de fon peuplé , les
vices auxquels ce peuple étoit enclin ,
les abus dont il falloit les préferver , les
défordres dans lefquels il pouvoit être en-
traîné par l'exemple de fes voifins. Moïfe
a dirigé fes Ioix félon cette connoiflance.
lies payens, plus fenfés & plus équita-
bles que nos Philofophes , ont rendu hoip*
piage à la fagefle du Légiflateur des Hé^
•1/
I
f
^fi) Çhrîft< liévQilc^p» ii^i
yiS Apologie
breux (a) ', ils ont reconnu que ce n'étoît
pas un homme ordinaire.
On a cru trouver de la contradiftion en-
tre quelques-unes de fes loix : le Lévitiqut ,
dit-on , c. i8 , Tî'. i6 , défend d'époufer la
veuve de fon frère ; & le Deutéronome
l'ordonn^expreffément , c. 25* » t. y* On
n'a pas fait attention que cela n'eft ordon-
né que dans un feul cas ; c'eft lorfque le
défunt n'avoit pas laifle d'enfans. Cette loi
éroit bien antérieure à Moïfe , puifqu'elle
étoît déjà en ufkge parmi les enfans de Ja-
cob , Gen* 28. Hors ce cas unique , la dé-
fenfe du Lévidquz avoit lieu , & devoit
être obfervée. Il n'y a point là de contra-
didion (i).
La mort de Moïfe eft rapportée à la fin
du Deutéronome^ Il eft évident que ce
chapitre qui ne contient que douze verfets ,
a été écrit , non par Moïfe , mais par celui
des Hiftoriens Hébreux qui a continué les
annales de fon peuple. Ceft Efdras qui a
rangé les livres faints dans l'ordre où ils
font aujourd'hui ; le texte original n'étoit
pmnt diftingué par chapitres ni par verfets :
au lieu de placer ces douze verfets à la fin
du Deutéronome , on pouvoit les mettre à
.-- u
{A) Longin; Traité du Sublime ; Diodore de Sicile» &c.
( t } Dîner du Comte de BouiainviJJicis > p* 175 & Dic-
tionnaire PhiloC arc Md^
DE LA Religion, &c. yrp
lâ tête du Livre de Jofué , qui en eft évi-
demment la continuation ; toute la diffi-
culté feroit réfolue.
Après avoir acçufé Moïfe très-injufte-
ment, TAuteur du Chrijiianifme dévoilé
ne traite pas mieux fon luccefleur. Jofué ,
dit-il , arrête le foleil qui ne tourne point ;
Sam fon 9 V Hercule, des Juifs j a la for ce de
faire retomber un Teirpk (a). Voilà de ter-
ribles objeâions. D^autres Philofophes plus
éclairés , ont approuvé la manière de par-
ler des Livres iaints. jfc L'Ecriture , dit Tun
» d'entr'eux , a befoin de parler le langage
» de la multitude , pour fe mettre à fa por-
3» tée. Qu'un Miffionnaire tranfplanté au
» milieu des peuples fauvages » leur prêche
a> ainli l'Evangile : Je vous annonce le Dieu
» qui fait tourner autour du foleil cette terre
a» que vous habitei ; aucun des Sauvages
a» ne daignera faire attention à fon dif-
» cours »(i).
Si le Temple des Philiftins avoit été
femblable à l'Eglife de S. Pierre de Rome ,
ou à celle de S. Paul de Londres , il eft pro-
bable que Samfon n'auroit pas pu le renver-
fer. Ce Temple étoit fans doute une cabane
bâtie comme celles où les Caraïbes & au-
tres peuples Sauvages s'aiTemblent pour
m ^ ) ' III I
(a) Chrift. dévoilé, p. 119. ^
^) Mélangei de Lice» &c« de M. d'Alembert^t, 4, p« j^tt
5*20 Apologie
honorer leurs Dieux. Deux colonnes pla-
cées au milieu foutenoient toute la cnar-
pente ; quatre hommes forts & vigoureux
pourrroient ébranler de pareils édifices. En
confondant les mœurs & les ufages de tous
les fiècles , en jugeant des anciens peuples
par l'état des Nations policées , il eft aifé
de repréfenter l'Ecriture comme un amas
de contes^ indignes de lagravité de VHi/ieire
Cr de la majefté Divine , ridicules aux yeux
du bon fensy &c. Ces épithètes injurieufes
ne coûtent rien : quand il faut prouver,
la critique fe trouve fouvent en cléfaut»
'Nous ne répondrons rien aux objeâions
que Ton a faites dans YAnalyfe de la Reli-
gion Chrétienne , par du Marfab , contre la
Chronologie de l'Ecriture , ni aux repro-
ches tirés de Bayle , & fouvent répétés ,
contre la conduite de David. Ces deux
points ont été très-bien éclaircis par plu-
fieqrs de nos Apologiftes (a).
Nous avons examiné dans un autre
Ouvrage (b) ,cg que l'on a objefté con-
tre les Livres des Juges^ de YEccleJîaJîe ,
des Cantiques , de Tobie , de Judith , d'Ef-
terj nous avons répondu plus bautCc) à
«1
(a) V. la Relîg. nar, & la révélée , r. 6, diff^rt. 13 & 14*
( b ) Ceriit. des Preuves du Cbriil. c x x.
i£) Cb« 1 > $• zo.
la
>
ï>È LA Religion, &c. 5-21
la (atyre que nos Philofophes ont faite des
mœurs Juives : nous allons yoir s'ils ont
fait contre le Nouveau Teftament des dif-
ficultés plus difficiles à refoudre.
^ ArticleII,
Vîs Livres du Nouveau TefiamenU
§. I2#
L'Auteur iu Chriftianifme dévoilé parlé
de ces Livres dans fon ftyle ordinaire. Qua-
tre Hifioriens ou Fabuliftes , dit-il , ont écrit
VHiftoire merveilleufe du MeJJîe ; peu âdc-
cord fur les circonjîànces de fa vie j ils fè
contredifent quelquefois de la façon la plu)i
palpable, (a). Nous examinerons foigneu-
fement ces prétendues contradiâions. Mais
on prie le Lefteur de fe rappeller ce que
nous avons dit des Evangiles au commen-
cement du chapitre troifième ; il fentira C
ces Hiuoires peuvent être traitées de fableâ
par un homme de bon kn^
Les Evangéliftes font peii £ accord fur
les circonjiances de la vie de J. C. Suppofons-
lè pour un mon^nt. Ils font du moins d'ac-
cord fur tous les événemens principaux,
fur fa naiflànce , fa prédication ^ fes mira-
cles , fa morti fa réfurreftion , fon afcen^
^m*m
( a ) Page m. Dîner du Cortiçe de Bôulamviîlîcts, p^ f.
Tome L X x
5*22 Apologie
fijn, & fur la doârine qu'il a enieignée*
L :)rfque plufieurs Hiftoriens profanes , par*
faitement conformes fur une fuite de bits
publics, ne varient entr'euxque (ûr quel-
ques Itères circonftances du temps , du
lieu , de la manière , fe croit-on fonilé à
douter de leur narration > & à la traiter de
fable ?
Mais les Evangélifles fe contredifent. Il
eft queftion de le prouver. La généalogie
de J. C. donnée par S. Matthieu , efl: fort
différente de celle que donne S. Luc ; voilà
la grande objeôion que répètent tous nos
Philofophes (a); & par la maniera dont ils
en parlent , il femble que la difficulté foit
ians réplique ; Julien Tavoit déjà faite (^>
Un moment de réflexion fuffit pour la faire
difparoître.
S. Matthieu fe propofe de montrer que
J. C. defcendoit de David par les aïeux pa-
ternels de Jofèph , fon père félon la loi »
& par la branche aînée des defcendans de ce
Roi. S. Luc fait voir que J* C. en defcen*-
doit encore par les aïeux de Marie , & pat
la branche des puînés. Les deux généalo*
gies comparées enfemble , prouvent que
( a ) Chriflb dévoilé, p. 151. Examen important , c. X| '
p. 78. Did%. Phil. c. I , arc* Chnflianijm , p. 10^. Queft. de
Zapata, n. 50. Traité fur laToIér. c* 11, p. ^p.Deuxitme
Lettre fur les Miracles, p* M > 6( vingtième LecctCi p. tfjn
ib) DansS. Cyrilie> i.8.
DELA Religion, arc, y^j
les deux branches fe font trouvées réunie?
dans Zorobabel , & dans Marhan ou Ma*
that , bifaïeul de J. C; que ce Mathan étoit
fils d'EIéazar & gendre deLévi, tout com^
me Jofeph eft fils de Jacob & gendre d'Hé-
li; que par cofifèquent* Jofeph & Marie
étoient couCns-germains , & ont dû s'épouy
fej:; félon la loi portée xlans le <krnier cha-
pitre du Livre des Nombres. La préten-
due conttadiâion démontre que J. C. réu-
niilbit dans fa perfonne tous les droits du
fang de David & des Patriarches > & tous^
les caradeifes.dûMeifie. ^
Nous n'entrerons pokit dans les autres
âifScultâ de dà:ail que Ton peut faire fur
ces généalogies ; l'on en trouve la folution
dans Dom Calmet & dans les autres inter-
prètes. ' . "- ..
, Il eft dit daiïs S; Luc que Jei[ù$ naquit
&us leQoliveisnemeitt de£yrinus ou Cyre-
nius »: lodique l'Empereur AugDfte fit 'taire
le déncoixbrement db touir l'Empire : mai^
il n'y eut jamais xle t^l dénombrement > 8c
aucun Auteur n'en parle ; Cyrenius ne fift
Gouverneur de Syrie qUè dix an* aprôs^
f époque de :1a nâiffânce de J. Gv(ii). :•
.Nos Phitofophes qui ont cùpi^ cette^
4i
fîD-Examen important , c. r r , p. 8^ & 8^. Queftions de:
Zapata , n. >i, i H» tctu't fu-r les Hiracks , p. r » j . i
Xxij
j;2^ • Apologie
pbjeâion dans Doih Calmet , dévoient au
moins examiner ,fa réponfe r & montrer
qu'elle efl fauâe. Ce Commentateur fait
voir par plufieurs exemples , que le texte
Grec de & Luc peut être ainfi traduit à la
lettre: Ce dénombrement fut fait apant que
Cynmusfiit Gmivtmeur d^ Syrie. La pré-
tendue faute de Chronoiogîe eft donc abfo-
Jkiment nulle* On pourroit dire encore
que le dénombrement commencé fous
Quintilius Varus , & avant la naiflance de
J» C,.ne fut achevé que fois Cyrenius:
voilà pourquoi l'Evangéliflâe le lui: attribue;
il n'y a rien là d'extraordinaire;
U n'y eut jamais de tel dàiombrement;
difeat nos Critiques. Et qu'en fçavent-ils ?
C'eft qu'aucun Auteur profane n'en a par-
lé. Voilà toute ta preuve, i^. Le &it eft
faux i puifqiie l'Hiftàrien lofephe et> a par-
lé^ iK)us le montrerons aiUeurs(ix}; 2*. Com*'
bien d'autres &its. bifibriques dont la i:éaiité
n'eft avérée que par le témoignage, d'un
feul Auteur? Noi» n'avons aucune Hiftoire
exaâe & entière du règne d'Auguâe; nous
n'avons que foK peu d'Hiûorieos Romains
qui ne fotent m^utilés ; & on argumeme
fur le filence des Hiâoriens. Le dénombre^
ment dont parle S. Luc > étoit un fait fi
i«) Y. Tome 2.» xi'^fzès, aci. ÇbrUUanifm^^
delaReligion, &c. S^9
tonftant dans les premiers lîècfes , que
S, Juftin , dans fa féconde Apologie , &C
Tertullien dans fon Apologétique , ren-
voyent les Romains à leurs Archives pouf
s'en convamcre.
Les Cenfeurs du Nouveau Teftament
ont imaginé un expédient merveilleux pour
y trouver des contradiftions, Lorlqu'un
des Evangéliftes rapporte un fait dont les
autres ne parlent point , ils les accufent de
fe contredire. S. Matthieu fait voyager
Jefus en Egypte ; les autres ne difent rien
de cette fuite : l'Auteur de VExamtn im-
portant conclut que , félon un Evangélifte ,
Jefus fut élevé en Egypte ; & , félon un au-
tre > il fut toujours élevé à Bethléem (a).
S. Matthieu raconte Padoration des Mages
& le maflàcre des Innocens ; les autres gar-
dent le filence fur ces deux faits : nouvelle
contradiétion. Un des Evangéliftcs parle
de trois voyages de J. C, à Jérufalem , après
fon Baptême ; un autre fait mention d'un
feul voyage : on en conclut que le pre-
mier fait durer trois ans la mîQion de J. C ,
& le fecond feulement trois mois : ce font-
là fans doute autant de contradiAions (b),
' ( tf ) Examen imporcanr , c. i j , p. 70".
(h) Diâionn Philof. t. r , p^ u>S. QUetlSons de Zapzta »
n. 5^ *^ n» I^e"«««ie Lettre fut les Miracles ^ p 5^» Dix-
liuiticme Lettre , p. i Èj{, Vingtième Lente > p» i^ ^ r
S2B Apologie
à trois heures après midi (a). S. Matthîeiï
& S. Luc rapportent précifétnent la même
chofe (b). S, Jean dit que quand Pilate li-
vra Jefus aux Juifs pour être crucifié , il
ctoit , non pas la fixième heure , mais en-
viron lafixième heure , hora quajîfexta (c).
Il a donc marqué le temps moins diftinâe-
ment que les autres EvangéJiftes , mais il
ne les contredit pas.
Selon S. Matthieu 6* S. Marc , côntintie
PAuteur , les femmes qui après la mort de
Jefus allèrent à fon Sépulchre , ne virent
quun Ange ; félon S^ Luc &* S. Jean ^ elles
en virent deux ; ces^ Anges étoient , fuii^ant
les uns , en dehors ^ ^fuivant Vautres , en
dedans du tombeau^ La conciliation eft fort
fimple , quand on compare les divers tex-
tes des Evangéliftes. Les^faintes femmes,
en arrivant au Sépulchre , virent d'abord
un Ange aflîs en-dehors qui les invita d'y
entrer & de voir que le corps de J. C. n'y
étoît plus {dy. Elles y dépendirent, &
comme elles étoient étonnées de ne pas
le trouver , elles apperçurent deux autres
Anges placés> fun à la tête, l'autre aux
pieds , dans l'endroit où le corps de Jefus
■«Mw«aatfMMa*aMniMMÉili
i«^ 3/îare. if , f.%^ , yj & 34,
( h ) Matu 27. Luc, ij,»
{c)Joan, i^, 14.
id ) Mmth. j^-Sf Marc» 16%
«voit
DE L A R E L I G ï O N , &C. S^JSf
a voit repoie (a): Magdelaine en particu-
lier les vit de même (b)i il n'y a dans
tout cela auciine contradiâion.
D n'y en a pas davantage dans la ma-
nière dont les Evangéliftes rapportent les
divers miracles de leur Maître , & fes ap-
paritions après {a iréfurredion ; les interprè-
tes l'ont montré cent fois : leurs folutions
ne font ni étranges ni faites pour conten-
ter des aveugles ; ce font nos Critiques
qui s'aveuglent eux-mêmes , & qui tâchent
d'aveugler les autres.
Sdon & Luc , difent-ik , Jefus efl monté
au Ciel du petit village de Béthanie; Çffe^
Ion S. Matthieu , ce fut de la Galilée ( c )•
Reproche mal fondé. S. Matthieu ne parle
point de l' Afc^nfîon , c'«ft S. Marc , & il n'en
indique point le lieu (i). S. Luc dit que
Jefus conduifit fes Apôtres hors <Ie Jerufa-
lem du coté de Bëtnanie ; qu'il les bénit ,
& qu'il monta au Ciel (e). Dans les Ades
il donne à entendre que c^ fut fur k mont
des Oliviers , qui étoit entre Jerufalem 8t
Béthanie (/)• Tout cela s'accorde par-
'Zmi'mmmmamÊmmmmmmÊmmmmiiimmmÊÊÊmmmmfmmmmÊÊÊmmtmmmmm^mimÊÊm
(a) Luc. i4«
{h) Joan, lo,
{£) Que fiions ^e Zapau , n. 5<?. loe Lettre fur les Ml*:
laciez, p I5Î.
(e) Luc. 14, ço.
(/) A£i, i , 9.
TomeL Y y
J^9 APOEOGIfi
faitemeot. S. Matthieu parle d^une appa-
rition 4e J. C* à fes Pifcipks fiir une
mo.i>l^gne de Galilée « où il I^r donna
leur miffion ; mais il ne dit point que ce
foit la dernière fois <jue J^fli3^Clv:iÛ kur
S. 15*
ti' Autour .d]ii Oiriftianifme dwoUe re-
proche une erreur à S. Matthieu (b). Selon
cet Ëvangélifte ^ Jérémie a prédit que le
Ch^ift Jèroit trahi pour trente pièces d'ar-
gent i & cett^ prophétie ne fe trouve point
àm& Jérémie, Il eft vrai qu'elle eft dan$
jZacharie ; cVft donc le nom d'u^i Prophète
jnis pour un autre ; mais c'eft une erreur
de Copifte , puifque le nom du Prophète
pe fe trouve point d^s le texte Syriaque
dp S* Matthieu.
. Qn objeâe encore que S. Matthîeil . c. 2 ,
iSL dit que^ félon ks Prophètes ,1e fils de
Dieu devoit être appelle Nazaréeo , Qc que
cela nç fe trouve daos -aucun des Prophètes,
Mais il eft clair par le fixième chapitre dés
Nombres , Se par le chap. 16 , ?^. 17 , des
Juges , que Nazaréen fignifie conjacré .-
SoutiendrartrCMî férieufement que les Pro^
(a) Matth. i8 , i6.
DS LA ReLïOXON,&C* 5*31
filètes n'ont jamais dit que le Meffie feroit
confacré au Seigneur ? Ceft ce que fîgnifiç
le nom même de Melfie.
En vain le même Critique cherche dans
Theophy lade , dans S. Jérôme , dans Eraf-
me , des raifons pour juflifier la manière
indécente & emportée dont il parle des
Evangéliftes , & en général de 1 Ecriture
Sainte ; d'auffi frivoles objeâions ne mé-
ritent point que l'on s'arrête plus long-
temps à les réfoudre.
Le faux Bolingbroke , dont le ftyle eft
encore moins modéré , foutient que les
Evangiles ont été vifiblement forgés après
la prile de Jerufalem. a On en a , dit - il ,
» une preuve bien fenfible dans celui qui
a> eft attribué à Matthieu. Ce I^ivre met
y> dans la bouche de Jefus ces paroles aux
» Juifs : Vous rendre^ compte de tout lefang
M répandu depuis le jujîe Abelj jufqu^d Za-
» char ie, fils de Barack , que vous avei tué
» entre le Temple & tAuteL Or il y eut
ao pendant le fiège de Jerufalem un 2!acha-
30 rie fils de Barack, aflàffiné entre le Tem-
» pie & l'Autd , par la faâion des zélés.
» Par-là l'impoflure efl facilement décou-
» Verte » {a). La même objeftion a déjà
( «) Examen împorcanx. c. 15 > p. 79-
Yy ij
S3^ Ap OLOGIE
paru .en mêmes termes dans le DiSionnaîre
i^-ftilofophique (a) y & ce n'eft pas la derr
tiiere fois qu'on la répétera.
Suppofons tout cela pour un momeot,
^ue •s'enfuit-il ? Que TEvangile de S. Mat-
thieu n'a pas été écrit onze ans après la
•mort de J. C. comme on le croit commu-
nément , mais environ trente ans plutard*
Cela peut-ii déro^er-^en quelque chofe à la
vérité de ce qu'il contient? Les Evangifes
de S. Marc , de S. Luc , les Ades des Apô-
tres , les Epîtres de S. Pierre , & plufieurs
de celles de S. Paul , ont certainement para
plutôt,
- On fçaît que l'Evangile de S^ Matthieu
a été écrit en hébreu ou en fyriaque. Dans
cette langue le pafle fe met indifféremment
pour le futur, & le futur pour le pafle î
«n fuppofant le verbe au futur dans le paf-
fage en queftion , occidetis pour occidijiis ,
il fe trouve que J. C. faifoit aux Juifs uiie
prédiâion d'un fait particulier. La fuite du
texte demande évidemment cette explica-
tion. Il eft clair , par la fimple leâture , que
le cliap, 23 de S.Matthieu, depuis le Hr. 34,
& tout le chapitre fuivant , font une pro-^
fihétie continuelle. J. Ci prédit fans inter-
(a) Diâ« Philcf. tom. vi , gxuÇhrilHmfmei p.Ao^^
ùE LA Religion, Sec. 5:3.^
fuption le traitement que les Juifs feront à
fes Difciples , la deftrudion du Temple , les
faux Meffies qui paroîtront , la prédication;
de foti Evangile par tout le monde >. les
fléaux qui tomberont fur la nation Juive &
ta ruine entière , la multitude des faux
Prophètes que l'on verra 'r autant d'événe-
mens que Ton ne pouvoit pas prévoir par
les lumières naturelles.' Etoitril plus difficile
à J. C. d'annoncer aux Juifs le meurtre de
Zacharie , que de prédire leurs autres criâ-
mes & la punition qui en devoit retomber
for eux? Lorfque l'Evangile de S.Matthiea
fut traduit en grec , le tradufteur exprima^
par le pafle > un événement q)ui étoit alors
accompliv
Les Interprètes, de qui nos Critiques ont
emprunté cette objedion , y donnent d'au^*
très répônfes j fans les defapprouver y nous
nous en tenons à celle-ci.
a Une nouvelle preuve de fuppofîtion'
» dans l'Evangile de Sr Matthieu , c'eft ce
» paflage fameux :- S'il rJ^ écoute pas VEglife y
» qu'il foit à vos yeux comme un Payen &•'
» un Publicain. Il n'y avoit point d'Eglife
» du temps de Jefus & de Matthieu* Ce mot
av Eglife eft grec , & fignifie l'aflemblée du
3> peuple.'.r."... Il feroit ailèz comique que
» Matthieu qui avoit été Publicain , com -
» parât les Payens auxPublicaîns . . . • Qu'un
.Yyiij
5*54 Apologie
» Cnevalier Romain , chargé de recouvrer-
ai les impôts établis par le Gouvernement >
» fut regardé comme un homme abomina-
» ble ; cette idée feule eft deftmâiive de-
» toute adminiftration y>(a)^
Cette objeftîon , dont nous retranchons
les înveiHves , eft un chef-d'œuvre de cri-
tique* I ^ L'Evangile de S» Matthieu a été
écrit en hébreu ou en fyriaque , tel qu'on
le parloit à Jerufalem du tems de J. C : le
scrme dUEglife eft donc duTradudeurGrec
& non pas de TEvangélifte^ri**^ £g/i/c figni«
fie aflèmblée ; or du temps de J.^ C. & de
S. Matthieu , il y avoit déj^ Taflemblée de
iJefus & de (es Difcipleâ* 3®. S* Matthieu
avoit été Publicain » mais îî ne l'écoit plus ;
il pouvQÎt donc parler de cette profeffion ^
félon les idées populaires de fa Nation»
4*^. Les Publicaîns , chargés de lever les
impôts en Judée, n'étoient pas des Cheva-
liers Romains ; S. Matthieu qui avoit exer-
ce cette commiflîon , n'étoit certainement
pas Chevalier Romain* j*. Les Chevaliers^
Romains qui levoient les tributs du temps
de Cicéron , étoient fans doute des hom-
mes refpeélables ; mais fous les Empereurs
du fiècle fuivant , lorfqiie lejs impôts fiirene
devenus exceffifs , de quel œil regardart^ ooi
DE LA RÉÉKffO», êcéé y^./
les exadeurs , même à Rome ? 6®# Une
Nation récemment conquife » telle qae le^
Juifs , de qui ro:n exige des tributs pour la
première fois 5 a-t-elle jam^ûs vu de bonf
oeil ceux qui font chargés de les recueillir ?
On a beau dlf e que cette idée efl deftruâi-'
ve de toute adminiftration ; c'eft l'idée d^
toutes les Nations & de tous les fîècles^
7^ J. C. n'a point approuvé cette idée pai?
fes leçons ni par f» conduite ; il a payé lesf
tributs pour lui & pour fes Difcîples (a^i
il a mangé che2 les Publicains , malgré les^
reproches des Juifs ( b }.
« Une troifîème preuve qufe fes Evaiv
3B giles ont été fabriqués par des Chrétiens
» Helléniftes, c'eft que f Ancien Teftainent:
» n^y eft pre£]ue jamais eité que fuivant la
» verfîon îles Septante , verfforf înconrtue
» en Judé^. Les Apôtres ne fçavoient pal.
» plus le grec que Jefus ne Pavoit fçu.^Com-
m^ ment auroient-ils cité les Septante ? Il n'y^
» a que le miracle de la Pentecôte qui aiif
» pu enfeignèr le grec à des Juifs igno-^
» rans» (c^r
Nouveau prodige d'érudition î i**.Ileft
faux que les Êvangéliftes , fur-tout S. Mat-
thieu , n'aient cité l'Ecriture qjue fuivanf
(a) Matt, 17, i6\ A
ih) Hem , 9 , 10 & M.
{€) £xainea imposcant» c; 15 , p. Sif.
Yyîv
y ^6 Apolog ie
la ve rfion des Septante. S. Matthieu cite
l'Ecriture félon le texte hébreu ; TAuteur
à\x Chriftianifme dévoilé (a) Ta remarque
d'après S* Jerame ( ^ , & a voulu très-mal
à propos en tirer avantage* 2.^. D eft faux
que la verfion des Septante fût inconnue en
Judée ; elle étoit faite depuis 300 ans. Il y
avoit dans toutes les villes de la Grèce des
Synagogues de Juifs Helléniftes , dont la
plupart n'encendoient plus l'hébreu* Ces
Juifs venoient toutes les années à Jerufalem
a la fête de Pâques , ou à celle de la Pentecô-
te ; il eft impoflible qu'on ne connût pas en
Judée la verfion grecque dont ik fe ièr-
voient (c). 3**.. Il n'y a que le miracle de la
Pentecôte qui ait pu enfeignerle grec aux
Apôtres. Mais enfin le miracle étoit opéré,
puifque les Apôtres ont prêché & ont écrie
€n grec.
Quand on a vu jufqu'où s'étend Férudî-
tion de nos Critiques , on eft fort furpris
du ton déciiif &: impérieux avec lequel ils
propofent leurs objeâions»
On eft encore bien plus indigné de la
0ianiere dont ils traitent S. Paul ; c'eft pour
^a) Chrift. dévoile, page ir4.
{h) Bieronym, de Qft. geiu inurprtt^
i
DE LA ReLIG^ION^, &fc. J57
la féconde fois que l'Auteur du Chrijîianip
me dévoilé déclame contre cet Apôtre,
Après lui avoir reproche > fans aucunepreu-
ve , des contradidions > des erreurs , un
pompeux galimathias , il l'accufo de ne
montrer dans fes Epîtres que V cmhou^afm^
d^un forcené (a ). La Philofophie , la raifon ,
ta politeflè qui devroit régner parmi les^
gens de Lettres , autorifent fans doute ces
expreffions. Pour infiruire les hommes»
pour les détromper de leurs préjugés , c'efl:
un excellent fecret de commencer par les^
infulter & les aigrir. Quel triomphe pour
nos adverfaires , fî nous leur répondions*
fur le même ton !
Ils prétendent que S. Paul s'ed rendu,
coupable de menfonge , en aflîirant devant
le Grand Pirêtre qu'on le perfécute ^ parct
quil ejî Pharifien , &* i cc^ufe de la réfurrec^
tion des morts (b ). Ce difcours , difent - ils ,
renferme deux faufletés ; i°. parce que
S. Paul étoit Chrétien ; 2°t parce qu'il ne
s'agiflbit aucunement de la réfurre6tioa
dans les griefs dont on l'accufoit (c}i
S. Paul n'eft coupaWe ni de fauffeté nt
de menfonge* Quoiqu'il fût Chrétien , il
(a) Chrift. dévoilé, p. ijy.
. ih ) A£k. r) , d..
( ç ) Chrill. dévoilé , fi» t| t. DiOioim-PhxloA Mt. Qhn[';
pan^mc | come 1 4 p. 11 y*
n'avoit pas renoncé à la dodjine qui dîftîn-^
guoit les Pfaarifiens d'avec les Sadduceens ,
à la croyance des efprits & de la réfurrec^
tion ; il étoit donc toujours Pharifien fur
cet article important» Il s'agiflbit bien clai^
rement de ce dogme dans l'accufation for-
filée contre lui, puifqu'il étoit perfécuté
parce qu'il prêchoit la réfurreétion de J. C#
L'Auteur du DiSionnaire Phik^phi-'
que lui reproche un crime plus graver
« Paul > Chrétien , judaïfe , dit-il > afin que
» tout le m^nde f cache qu^on le calomnie ,
m quand on dit qu^il ejï Chrétien. Faul fair
a» ce qui pafle aujourd'hui parmi tous le»
9 Chrétiens pour un crime aoominable > ut>
a» crime qu'on punit par le feu en Efpagne»
» en Portugal & en Italie ^(a)\ Aînfi l'o^i
nous infinue modeftement cp^ S. Paul di&
fimuloit & trahiflcût fa Religion»
C'eft lePhilofophe lui-même qui eftcou-
pable d'impofture» & non pas S. Paul» i°. I£
falfîâe les paroles qu'il a tirées des A6bs des
Apôtres» S. Paul , en obfervant les rits Ju-
daïques , veut fe juHifîer > non pas contre
ceux qui difent qv^U ejl Chrétien y. mais
contre ceux, qui difent qu'il eji ennemi de
la loi de Moïfe ^ & qud engage tes Juifs à
y renoncer (b). Loin de diffimuler aux.
(a) Art. Ckr^Ktfm/Tne^ page 114»
DE LA Religion , Sec. S39
Juifs qu'il cft Chrétien , il leur raconte
publiquement fa converfion (^a)^ 2°. S. Paul
étoît Juif de nation, & il rfétoit pas défendu
alors aux Juifs convertis de pratiquer les
cérémonies de leur loi y pourvu qu'ils ne
les regardafTent pas comme néceflaires au
falut. Voilà ce que S. Paul a conftammenr
cnfeîgné par fes écrits & par fa conduite* Ju-
daïfer aujourd'hui y après avoir fait pro-
feflîon du Chrittianifme , c'eft une apofta-
Ce que l'on punît : judaïfer du temps de
S. Paul , e'étoit un refte de refpeâ: pour
une loi que Dieu avoit donnée aux Juifs ^
mais qui devoit être abrogée par l'Evan^
gile. Nous avons déjà juftifié ailleurs cet
Apôtre contre les calomnies de nos Crir»
tiques (t).
Il n'eft donc pas vrai que S. Paul ait changé"
à chaque inftanc d'avis & de conduite \ qu'il
aitréCftéen face à S» Pierre au Concile de
Jerufalem ; qu'il ait été tantôt favorable &
tantôt oppofé au Judaïfme ( c> S. Paul fut
fevorable auJudaîfmje>tant que les Juifs ne
s'obftinerent point à foutenir la néceflîté
. des cérémonies judaïques pour être fauve;
mais dès que. les Juifs voulurent en^ faire
( h ) Cbap. } , f. II & ri.
( c) Chrill. dévoiJc , p. i j tf. Dîaîon. Phîlbf. art. Chf^^.
pito^mc, £• a.i.7..Traicé fur la. Tolérance» c. 1 1 « p* s^»
$^0 A PO LO G TE
un dogme , & s'opiniâtrerent à y aflujettu?
les Payens convertis , S. Paul combattit
cette erreur de toutes fes forces. Il n'y
eut là-de(Iùs aucune conteftation au Concile
de Jerufalem. \ l'avis des Apôtres fut una^
nime ( ^i )• Ceft à Antioclîe que S, Paul
réfifta en' face à Céphas, dont la conduite
pouvoit autorifer la prétention des Juifs ;.
& il eft incertain fi ce Céphas étoit l'Apô-
tre 5. Pierre»
C^eftude vaine imagination dfe dire que
1* Apocalypfe de S, Jeart montre au genre
huniain la perfpeSlive prochaine du monde
prêt à périr ( b ). nn'efl: point queftion dan^
ce Livre de la fin du monde prochaine r
s'il eft inintelligible , comme le prétend
l'Auteur du Chrijiinnifme dévoilé , com-
ment peut- on fçavoir à quoi l'on doit
appliquer les prophéties qu'il renferme ?
Mais la paflîon aveugle tellement nos Cri^
tiques , qu'ils ne voyent pius leurs con-
traditions.
Enfin > c'eft une faufleté d'avancer que
les Chrétiens tfont jamais fçu à quoi s'en
tenir fur l'intelligence de la Bible ; que ce
Livre a été pour eux une pomme de dif-
^mmmmmmmÈimÊmmmmmmÊtmmmKmmmmmmmÊammmÊmtimmmaÊÊÊtm'
iH) ChdftiAniTme dévoile, p. 1$^%
DE L A R EX ï G ï O jKT , StC. S4:^
corde ; qu'il a cauCé des difputes qui ont
•enfanglanté la terre (a). Les Chrétiens,
<]ui ont l'efprit de I^r Religton , fçavent
<iu'ils doivent entendre l'Ecriture , confoi?-
mément à l'enfeignement public & univer-
fel de l'Eglife ; fi l'on s'en tenoit à cett€
règle donnée par J. C. & par fes Apôtres ,
-il n'y auroit jamais de dilputes. Ce n'eft
<ionc point l'Ecriture qui eft une pomme de
<lifcorde , c'eft l'entêtement piiilpfophique
qui a régné & qui régnera dans tous les fiè-
<:les s c'feft Porgueil qin prétend -en fçavok
p^lus que les autres ; c'eft l'ambition de
faire du bruit 8c de s'attirer des Seâateurs.
<5n a difputé , 8c l'on difpute ailleurs que
chez les Chrétiens; quand les peuples. font
trop ignorans pu trop peu attachés à leur
Religion pour dtfputer fur le dogme , ils
difputent fur leurs loix , fur leurs préten»
tions , fur leurs ufagesi. On a vu les Egyp-
tiens s'entr'égorger pour le culte d'un ani-
mal ; les Qpecs pour la poffeffion <î'un'Tem-
ple pu d'un tombeau ; les Romains pa£
goût pour un Hiftrion. Au défaut des mo^
tifs de Religion , les hommes n'ont jama'k
manqué de prétextes pour enfanglanter la
terre ; s'ils étoiipnt .capables de guérir dç
cette frénéfie , la Religion en feroit le feul
(a) Chrift. dévoilé , p. 1 58. 4* Letcce â Eugénie, p. ^^
.Contagion f;^cccc,,€. 4, p. 7;l. '
y^îS Apologie
remède. Il oe faut point s'en prendre à elle
fi la malice humaine l'a fouvent changée
en poifon ; fi , malgré les leçons de fageflè
qu'elle nous donne , nous fommes toujours
infenfés & méchans ; fans elle nous le f&
rions encore davantage.
L'Auteur de VExamen impartant s'é-
tend beaucoup fur les faux Evangiles &
fur les autres Livres qui ont été fuppof&
dans les premiers fiècles de l'Eglife. Il ne
fait que répéter ce qui a déjà été dit par
d'autres ou par lui-même (a) : nous avons
traité ce point en répondant à M. Fre-
jetCi).
Il eft aifé à nos Critiques d'avancer au
hafard que nos Livres faints font fuppo*
fés , d'étayer ce paradoxe par quelques paC-
ifàges dont ils ont grand foin d'altérer le
fens ^ mais quand il eft queftion d'afligner
l'époque de cette prétendue fuppofîtion ,
ils ne font pas peu embarrafles. Tantôt ils
jdifent que les Livres de Moï|ie ont été
écrits fous les Rois , tantôt que c'eft l'ou^
,yragè d'Efdras après la captivité de Baby-
lone (c). Nous avons montré que ces
^■1 I
(a) Examen important , c. 1 3. & fuîv PJiilof. de THlft.
<. }i , p. I u Diéiion. Philof. arc. Chrifi» p. z«.i. Première
I^etcre fur les Miracles, p. 9. Deuxième Lettre >p» 57»
(b) Certitude des preuves iu Cbrift. c. x.
(f) PhiJof. de rHift.c. z8 , p. 1 34. Traité fur la Tolé-
cance » c. 1 1 j p. xS* i6c Lettre fur les Miracles , p. 1 70,
J5E LA Religion, 8cc. 5*4^
deux hyporiièfes font auflî abfurdes l'une
xjue l'autre ( a). Quand il faut affigner Isi
date des Ëvangiles , l'embarras redouble
^ncore^ Les Epîtres de S, Paul y font une
iallufîon continuelle ; il eu impof&ble que
ces Lettres n'aient pas été écrites par l'A-
f)ôtre même aux Eglifes dont elles portent
îe titre , & qui ea ont été dépofitaires. Quel
f)arti prendre ? On raflèmbledes objeâions ;
fi elles ne font pas folides , leur multitude
an moins étourdira les ignorans; on hafarde
des conjeâures j & quoiqu'elles fe détrui-
fent , elles peuvent éblouir pour uft mo-
ment : on cherche à dérouter le leâeui:^
À le laiffer incertain de ce qu'il doit pen-
ser, pour l'amener enfin xau point de ne
rien croire. Ce fuccès eft le cnef-d'œuvre
de la Philofophie moderne,
L'Auteur de ¥ Examen important a dér
^couvert une anecdote curieufe fur la ma-
nière dont le Concile de Nicée parvint à
connoître Se à décider quels étoient les
Livres Canoniques de l'Ecriture. « Les
35 Per£S , dit-il , étoient fort embarraffés fur
» le choix des Evangiles & des autres
» Ecrits. On prit le parti de les entaffer tous
a> fur un Autel , & de prier le S. Efprit de
^ jetter à terre tous ceux qui n'étoient' pas
(fi ) Cliap. i , Ç. r.
[^44 '^ P O L O G I Ë
» légitimes. La prière fut exaucée : une
» centaine de volumes tombèrent d'eux-
» mêmes fous l'Autel. ... • Ceft ce qi^ eft
3> rapporté dans PAppendix des Aftes de
» ce Concile ; c'eft un des faits de l'Hiftoire
» Eccléfiaftique <ies mieux avérés ^ {a)*
Ce ton affirmatif doit déjà faire préfumer
^ue c'eft une fable. En effet , ce prétendu
fait , fi bien avéré , eft tiré d'un Livre inti-
tulé : Libellas Synodkus , écrit au plutôt
'<lans le p^ fiècle , yoo ans après le Concile
de Nicée , par un Auteur inconnu , igno-
rant & vifionnaire: c'eft un Ouvrage plein
d'erreurs , d'anachronifmes & de fables
puériles ^ méprifé par tous les Critiques ,
& qui n'a jamais été cité par aucun Hifto-
rien Eccléfiaftique (fc> Tels font les mo*
numens authentiques dont nos Cenfeurs
font ufage pour affoîblir l'autorité des
Concile & des Livres faints.
( 4 ) Examen important , c. 31 , p. 180. Analyre de U
Relig. Chret. par Dumarfais, p. 10.
(h) Voyez à la fin du cinquième tomcic la CoIIeâi$)il
des Conciles , par le Pcrc Hardouin.
Fin du Tome fremUrj,
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OeaddHIed using the Bookkseper process.
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TfBatment Date: JUN - 2001
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111 Thofnson Parte Oriv9
Cranbeny TownaHp. PA 16066
(724) 77»-2111